ALBERT R. MANN LIBRARY NEW YORK STATE COLLEGES OF AGRICULTURE AND HOME ECONOMICS AT CORNELL UNIVERSITY EVERETT FRANKLIN PHILLIPS BEEKEEPING LIBRARY no LT FEES 4 CA ARE Lo de ‘ TRAITE SUR LE GOUVERNEMENT DES a MK Je déclare que je poursuivrai selon toute la rigueur des lois lés contrefacteurs et les colpor- teurs de contrefaçons de cet ouvrage. Tous les exemplairessseront revètus de ma si- gnature, : d} a à n: ï 0 d, SA AU NUE RTS RSS TRAITÉ SUR LE GOUVERNEMENT DES ABEILLES, PAR F. DESORMES, ANCIEN PROPRIÉTAIRE DABEILLES dans le département de Seine et Marne. AVEC GRAVURES. A PARIS, CHANSON , Imprimeur-Libraire , rue et maison des Csez? Mathurins, n° 10; L'AUTEUR , rue du Roï de Sicile, no 17; ET CHEZ LES MARCHANDS DE NOUVEAUTÉS, ; 1810. A MONSIEUR LE COMTE SERRURIER, Par du Royaume et MarécHAL de France. Moxsteur LE MARÉCHAL, C'est sans doute une grande témérité a moi de vous dédier une production aussi faible que celle-ci; maïs sa faiblesse méme ne me met-elle pas dans la né- cessité de luichercher un appui? Etquelle protection plus puissante , quel passeport m4 4 plus sûr puis-je lui donner que votre nom, Monsieur LE MARÉCHAL, amateur éclairé de l'Agriculture, ainsi que de tout ce qui peut tenir à l'Économie rurale ? L'Abeille, cet insecte si précieux pour le résultat de ses travaux , stadmirable par son inconcevable instinct, si curieux à suivre. dans ses étonnantes opérations ; l’Abeille, dis-je, ne peut manquer de vous offrir quelqueintérét. Daignez donc, Monsreur LE MARÉCHAL, recevoir l’hom- mage que je vous fais de ce petit Traité : c’est le fruit de trente années d'observa- tions, de recherches et d’études. Je serai trop payé de mes travaux , st vous avez la bonté de l’accueillir, et d'agréer les assurances du profond respect avec le- quel j'ai l'honneur d'étre, Monsieur LE MARÉCHAL, Votre trés-humble et très-obéissant serviteur, DESORMES. à RAA VA ARR LULU LU UT LL EE LUTTE VV INTRODUCTION: J'u fait, pendant l’espace de trente années, une étude particulière du gou- vernement des abeilles. Le désir d’être utile à eeux qui s’oc- cupent de cétte partie intéressante, et le besoin, dois-je ajouter, de me li- vrer à une culture pour laquelle j'ai ur goût bien prononcé, ont soutenu le pé- nible exercice de mes constantes obser- vations. Dig s Sans être littérateur, j'ose prendre la plume pour mettre au jour des choses vraies et intéressantes. S'il fallait néces- sairement être homme de lettres pour communiquer à la société des résultats heureux et utiles, à coup sûr celle-ci y perdrait. Il est des choses qui, pour être _ goütées, ont besoin du relief de l’élo- 1 (2) quence, comme il en est qui n'ont be- soin, pour être bien senties, que de la simplicité du langage. Guidé par la pratique, plus instruc- tive qu’une théorie établie sur des con- jectures, souvent bien loin de la vé- rité, J'ai fait cette remarque sur les différentes dissertations mises au jour par plusieurs auteurs qui ont. écrit sur. la nature des abeilles, en cherchant à m'instruire par la lecture de ces disser- tations; j'ai fait la remarque, dis-je, que très-peu ont étudié les abeilles, et que. la plupart de ces écrivains se sont .con- tentés de. puiser leurs.savans et longs traités, dans les livres. Le genre des abeilles. et la manière dont; elles sé reproduisent sont des se- crets, que l’on cherche en..vain à arra- cher à la. nature. Le talent de quelques hommes, qui en ont parlé doit. nous faire désespérer d'y parvenir jamais; au (3) reste, une telle découverte n’ajouterait rien, je crois, à l’utilité que nous pou- vons retirer des abeilles, mais satisfe- rait seulement une impatiente et vaine curiosité. Quoi qu'il en soit, je vais ex- poser quelques-unes des mille et une conjectures qui ont été hasardées sur ce sujet. Plusieurs auteurs disent que l'abeille ouvrière est mulet. Je ne sais trop qui a pu les déterminer à la juger telle; et, si ces écrivains eussent bien réfléchi, ils auraient su que le mulet est une sorte de monstre qui ne doit sa créa- tion qu’à la volonté de. l’homme. D'autres auteurs disent que l’abeille est hermaphrodite, c’est-à-dire qu'elle possède en elle-même les deux sexes indispensables à la reproduction, et ont voulu nous montrer en réalité, dans un insecte , ce dont la nature n’a offert que | (4) rarement une vaine image dans quelques individus de l’espèce humaine. ” Beaucoup prétendent que la popula- tion n’est donnée que par une seule abeille. Un savant moderne nous as- sure que la mére des mouches à miel s’accouple dans les airs; voici comme il arrange cette fable : « La reine, qui est vierge et qui veut devenir mère, s'approche des bour- E: dons, en choisit un d’entre eux, à » qui elle fait mille agaceries galantes. ÿ » Le bourdon, accablé des caresses de la » dame, cherche à l’éviter, parce qu'il » sait que, s’il satisfait les désirs de la » reine, il lui en coûtera la vie. Malgré » le ‘malheur qui le menace, il cède » enfin, alors la reime prend son vol, » le bourdoï la suit, et l'accouplement » dés deux individus se fait dans les airs. » Aussitôt que l'opération est achevée, | 8.) » le bourdon meurt; la veuve rentre » dans sa ruche, et se trouve fécondée » pour quinze ou dix-huit mois. » L'auteur qui a vu toutes ces belles choses nous assure que, vingt-quatre heures après son accouplement, la jeune reine pond des œufs, et commence tou- jours -par ceux des reines, continue la ponte des abeilles ouvrières, et finit par les œufs des bourdons. Quand cette troisième ponte est achevée, elle en re- commence une nouvelle, et continue ainsi pendant l’espace de dix-huit mois. Toutes ces fausses données, et bien d'autres encore, nous confirment dans l'opinion que les auteurs dont je veux parler n'avaient pas apporté une atten- tion assez sérieuse dans leurs recherches sur la nature des abeilles. Je suis, à cet égard, parfaitement d'accord avec le sa- yant M. l'abbé de Ia Ferrière, qui nous dit : y & Ÿ D » » » D (61) « Les sentimens sont partagés tou- Chant la génération des mouches à » miel. Les uns veulent que parmi elles il y ait mâles et femelles; les autres qu'il n’y ait ni l’un ni l'autre, et d'au- tres pensent, comme Virgile, qu’elles font leurs petits de fleurs, c’est-à-diré de cette matière onctueuse de diffé- rentes couleurs qu’elles apportent à leurs pattes. » Ceux qui disent que, parmi les abeil- les,il y a des mâles et des femelles, veulent que les femelles pondent dans chaque alvéole, ou ces petits trous des rayons, un petit œuf de la grosseur d'un grain de moutarde, qui croît ‘par la vertu d’une chaleur humide et ‘suante qui règne dans la ruche par le mouvement échauffé de toutes les mouches qui les couvrent, et forme ce qu'on appelle couvain ou jeunes mou- ches, Ils ajoutent, à ce sujet, que ÿ ÿ » ÿ (7 l'occupation des femelles consiste à pondre et à couver leurs œufs, batir les rayons et cuire le miel par la cha- leur qu’elles excitent. Ainsi, selon eux, ces sages ménagères sont occupées au dedans de la maison,et n’en sortent pas: Pour les mâles, qui sont vigou- reux, leur occupation est d'aller aux champs chercher le miel et la cire, de nettoyer la ruche,en emporter de- hors les mouches mortes et les autres irmondices, de garder l'entrée de leur ruche contre l’insulte des mou- ches étrangères et des autres insectes, Ce sentiment parait assez vraisembla- ble ; cependant il n’est véritable que par rapport aux guëpes et aux frelons, ét aux bourdons des ruches, que l’on doit regarder comme des mouches bâtardes et non pas de véritables abeilles. Il est vrai que j'ai remarqué des petits œufs transparens comme D 21 » p)] D» (8 ) desœufs decarpes attachés au fond des rayons des guépesetdes frelons;maisce n’est pas une conséquence que les abeil- les s'engendrent de même: Quelques recherches que j'aie tirées des rayons des ruches, je n’ai jamais pu trouver de ces œufs: savoir s’il y a des mâles et des femelles parmi. les abeilles, c'est ce qui ne se peut connaitre; il est seu- lement Fer, amies ne Nha » Jamais. :, Le » .» Ceux. qui. Hrétamicnts PRES n'y a parmi les mouches ni mâles ni fe: melles,c’est-à-dire qu’elles ne s’accou- plent jamais, et ne font ni œufs ni pe- tits, disent qu'il y a dans chaque ruche deux ou trois mouches plus grosses et plus longues que les autres, que l'on appelle les mères-mouches, au- trement les rois, lesquelles mères- mouches produisent elles seules, par le moyen de petits œufs, cette multi- » » (9) tude de mouches nécessaires pour for mer un essaim. Ces trois mouches, d’autres disent une seule, ont assuré- ment bien de l'ouvrage; ces mouches, dis-je, n’ont point de temps à perdre _pourengendrerhuit,dixou douze mille mouches, qui sontordinairement dans unessaim,etquandlamêmeruchejette deux ou trois fois, je laisse à juger de ‘excès de leur ouvrage. Ce sentiment paraît absurde, et ce que je dirai dans la suite servira assez à le détruire. En- fin je passe à ceux qui disent, comme Virgile, que les mouches font leurs pe- tits de fleurs. Je vais rapporter les rai- sons qui appuient leur sentiment, qui approche le plus de la vérité, mais qui cependant n’en dit pas assez. . » Les derniers enfin assurent que les jeunes mouches sont formées de cette farine onctueuse que les abeilles ap- portent à leurs paites pendant le » » » » Æ (. to ) printemps et l'été, qu'elles en em- plissent chaque alvéole ou petits trous qui sont dans les rayons, et que, les couvrant ensuite de petites pellicules, elles couvent. et il se forme des mou- ches. Ils ne s’'embarrassent pas si cette matière porte en soi la semence des mouches, ou si les mouches y jettent d'elles -mêmes cette semence avant que de couvrir cette matière. Ils n’au- raient cependant pas dû oublier cette circonstance pour paraître meilleure, plus sûre, et pour rendre leur senti- ment tout-à-fait juste; car 1l est cer- tain que les abeilles sont formées en partiede cettefarin eonctueuse qu’elles apportent à leurs pattes, comme je vais le prouver par des raisons très- claires et évidentes, et comme je le ferai voir encore plus bas. Je prie le lecteur de faire un peu attention à ce qui suit: » ÿ ëe + ÿ bu » Tout le monde sait que les mou- ches rapportent depuis le commen- cement de mars jusqu'à la fin d’oc- tobre. Celles à qui on n’a rien Ôté, et dont les ruches sont pleines en sor- tant de l'hiver, ne rapportent pas moins que celles dont les ruches sont à moitié vides. Cette matière que les mouches apportent à leurs pattes doit certainement être em- ployée à quelque usage. On ne peut pas dire que ce soit pour rétablir ou agrandir leurs rayons , puisque l’on suppose la ruche déjà pleine, à la- quelle on na pas touché. On peut dire encore moins que cette matière sert de nourriture aux mouches, puis- qu’elles ne vivent que du suc des fleurs et de miel ; ce que je prouve: parce que, si elles pouvaient vivre de cette matière, les essaims qui man- quent de miel ne mourraient pas dès Lu) qu'ils pourraient aller aux champs et rapporter à leurs pattes. L'expérience prouve le contraire, puisqu'elles meu- rent même au mois de mai; donc cette matière ne sert pas à les nour- rir, Il faut donc conclure que les mouches en remplissent leurs rayons, laquelle matière porte en soi la se- mence de la mouche, où, la recevant après avoir été échauffée, et pour mieux dire couvée, elle se forme en mouches. J'apporte encore une autre preuve : vs » Une ruche dont vous aurez tiré læ moitié du miel et de la cire au mois de mars ne commence jamais à remplir le vide, comme il est aisé de le re- marquer, que sur la fin de mai ou au commencement de juin. Il se passe plus de six semaines que les mouches ne cessent pas de rapporter ; c’est même le temps le plus abondant en C1 » » » (13) fleurs. Si cette matière qu'elles Tap: portent aux pattes n'était employée que pour rétablir la cire qu’on leur 4 Ôtée, pourquoi, aussitôt qu'elles peu- vent aller aux champs et rapporter, ne rétabliraient-elles pas peu à peu ( car je ne prétends pas dire que cela se fasse tout d’un coup), pourquoi, dis-je , ne rétabliraient-elles pas leurs rayons ? Or, il est certain qu’elles ne commencent pas avant le temps que j'ai remarqué; d'où je conclus que cette matière ne sert pas seulement aux mouches à faire la cire, mais principalement à engendrer les mou ches et à repeupler leur république, afin qu'étant en plus grand nombre, elles puissent travailler avec plus de facilité à leurs provisions. » Je crois en avoir assez dit touchant les différens sentimens de ceux qui ont écrit des mouches et de leur gé- » » (14) nération. Pour moi, qui ne me suis pas contenté de les lire , mais qui al eu la curiosité de les étudier et d’en chercher la vérité dans les expé- riences , je dis que, de même que les vers et autres insectes se forment cha- cun d’une certaine matièr2: corrom- pue et altérée propre à son espèce, ainsi les mouches se forment de cette farine onctueuse qu’elles rapportent aux pattes , laquelle matière, portant en soi ou recevant la semence des Al » mouches, sert de nourrriture à cette A » semence, comme l’œuf sert à la per- fection et à la nourriture de son germe. Savoir si cette matère dont nous par- lons porte en soi la semence des mouches, ou si elle y est jetée par les mouches en général, ou par Le roi des mouches et les mères- mouches, comme le prétendent quelques -uns, c'est ce que je n'ai pu découvrir. Je # V Ÿ CR (15) laisse ce mystère à développer à ceux qui sont meilleurs naturalistes que moi, et je me contenterai, pour salis- faire es curieux, d: dire ici comment ‘es mouches font 'eur co ivain, selon ce que j'en ai pu remarquer. Dès que la saison et les fleurs invitent les mou- ches au travail, vous les voyez sortir en abondance, et revenir les pattes garnies d’une espèce de pâte de la grosseur d’un grain de chenevi, ou un peu moins, de différentes couleurs, selon les fleurs où elles ont eu soin de la recueillir. Elles montent avec empressement dans leurs ruches, et vont sur les rayons, fourrant dans un trou les deux pattes qui sont garnies de cette farine onctueuse dont je viens de parler, d’où, après les avoir frot- tées l’une contre l’autre, pour déta- cher et y laisser cette matière, elles les retirent fort nettes. Elles font le » (16) même manége quatre ou cinq fois le jour, plus ou moins, selon que les fleurs ont d’onction, ou que le jour est chaud et sec; enfin elles ne ces- sent pas que ce trou ou alvéole ne soit plein. Comme une partie des mou- ches travaillent au même ouvrage, il y a bientôt une grande quantité de ces trous remplis; ensuite elles les couvrent d'une petite pellicule qui s'élève en bosse ou demi-globe. Elles placent toujours leur couvain sur le devant et au milieu de la ruché, comme l'endroit le plus chaud. Ce couvain reste couvert un temps incer- tain; savoir , quinze jours, trois se- maines, un mois, plus ou moins, selon la disposition de l’air et du temps; car j'ai remarqué que, lors+ qu'il y avait souvent des orages, un. temps vain, ces trous ne restaient pas plus de quinze jours scellés, au bout ÿY » » (19) desquels je voyais les mouches qui les découvraient, et les têtes des jeunes mouches qui étaient dedans remuer et sortir presqu'àa demi-corps. Avant que de sortir, les mères ont soin de leur donner à manger, pour ies for- tifier, et un jour ou deux après elles quittent leurs trous, et sortent plus grosses et mieux nourries que les mères ; car il faut remarquer que, plus les mouches vieillissent, plus elles de- viennent petités et noires. Quand les temps sont froids ou secs, ces trous restent plus long-temps à s'ouvrir, et le couvain à éclore; c’est ce qui fait que vous trouvez du couvain dans les ruches en sortant de l'hiver : parce que ce couvain, formé sur la fin de l'automne, ayant manqué de chaleur ; 1 » pendant l'hiver, ne peut éclore qu’au » D) printemps; ainsi il n’y a pas de temps : fixe ni certain pour éclore. L’expé- 2 4 Lure » rience prouve assez ce que je dis; » car on ne peut disconvenir que les » temps noirs, pluies chaudes, orages » et tonnerres, n'avancent beaucoup » les mouches pour jeter, et il est facile » de remarquer que, les premiers beaux » jours après ces sortes de temps, les » mouches ne manquent pas de Jeter. » Car, de même que , par un temps de » tonnerre, un temps corrompant, par »une humidité de l'air, la viande est » bien plutôt corrompue et engendre » des vers; ainsi les mouches , qui s’en- » gendrent par la corruption de cette » matière qu’elles apportent aux pattes, » qui porte en soi ou qui reçoit des » mouches sa semence, sont d'autant « plutôt formées que cette matière est » bientôt corrompue par la chaleur des -» mouches, jointe à un air echauffé et » corrompant. Je me sers de cette com- » paraison pour rendre mon raisonne- » ment plus sensible. (19) » Les jeunes mouches sont plus blan: » châtres sous le ventre que les vieilles, » etparaissent plus pleines dans le com: » mencement. Elles sont toutes blanches » quand elles commencent à prendre » leur forme, et peu-à-peu elles de- » viennent noires. Elles achèvent de » prendre leur véritable couleur après » qu'elles sont écloses. Peu de jours » après elles sortent au soleil, et se »Jouent devant leurs ruches ; et, lors- » qu'elles sont assez fortes, elles vontaux » champset rapportent commelesautres. » 1l y a parmile couvain une espèce » de mouches que l’on nomme bour- » dons. Elles commencent à éclore au » commencement de mai ou sur la fin » d'avril ; elles sont plus grosses, la tête ». plus ronde, et ont un bourdonnement ». plus fortet plus clair que les véritables « abeilles ; ‘elles n’ont pas d’aiguillon, » et par conséquent ne piquent point ; » elles ne vont jamais aux champs, se (26 ) contentent de voltiger autour de la ruche depuis les deux heures après midi jusqu’à quatre heures. Je nejsais pas de'quel usage elles peuvent étre, carelles restent attachées sur lesrayons sans aucune action; elles ont même au bas de la ruche leur canton séparé, etenfin les véritables abeilles les tuent toutes sur la fin de juillet ou au com: mencement d'août, c'est-à-dire après qu'elles ont jeté, ce qui m'a fait croire que, ne les tuant pas auparavant, elles étaient de quelqueutilité aux éssaims (ce que je n'ai pu remarquer). Ces sortes de mouches bâtardes ou bour- dons, qui sont autrement faites que les abeilles, se forment dans des al- véoles plus grandes que celles où ‘viennent les abeilles. :Il paraît d’a- bord une espèce de gros ver blanc ou guillot, qui, grossissant peu-à-peu ,: prend enfin da forme de ces mouches. dont on vient de parler ». (21) Voilà, mot pour mot, ce que nous dit M. de La Ferrière touchant la reproduc- ton des abeilles. J'ai, comme ce naturaliste, oncbe: à pénétrer le mystère de leur. reproduc- üon; j'ai médité les différentes observa- tions qu'il a faites, et j'en ai reconnu la justesse. Je pourrais parler des décou- vertes que j'ai faites moi-même; mais je me garderai bien de les mettre au jour: mon but est d’être utile à la société ; mais je n'ai pas l'intention de soutenir une guerre contre tous nos écrivains modernes, dont les systèmes sur la re- production des abeilles sont aussi loin de. la vraisemblance que le soleil l’est de la terre. En traitant des abeilles, je me borne à indiquer les choses utiles et indispensables à bien connaître pour re- ürer le plus grand avantage possible de leurs travaux, et on ne trouvera dans le Traité que j'offre à l'utilité générale au- cun discours inutile. Mon seul but, en (22) consacrant mon application à cet objet, intéressant sous toutes sortes de rap- ports, est de procurer au Gouvernement et aux particuliers un avantage plus con- sidérable , dont cette branche de com- merce est susceptible. Dans ma manière de gouverner les abeïlles,je change peu de chose aux principes que j'ai reçus de mes pères, et j’évite surtout de tourmen- ter ces précieux insectes. Je donne un moyen de mon invention pour extraire le miel de la cire; jindique des procé- dés pour fondre la cire brute et la raf- finer, et je joins à ces détails les plans, figures et modèles pour l'établissement d'un rucher, ainsi que l'indication des ustensiles nécessaires à l'exploitation du miel et de la cire. On les trouvera pla- cés de manière à les bien reconnaitre. VRAVUV VV VA UE LUE VENUE LUTTE LIEU LE UT LUU LES VE TRAITÉ SUR LE GOUVERNEMENT DES ABEILLES., Du Métier pour faire les Ruches. 5 faut un banc de seize pouces de hau- teur, long de trois pieds, large de huit à neuf pouces , épais de trois pouces.On fera deux mortaises dans la table du banc. Ces mortaises sont destinées à re- cevoir deux poupées, qui doivent avoir chacune neuf pouces de hauteur, un pouce et demi d'épaisseur, et deux bons pouces de largeur; ces deux poupées doivent être emmanchées dans les mor- taises, et il faut que les queues soient assez longues pour qu'on puisse y pra- tiquer des mortaises et y mettre des clefs. Les mortaises qui seront faites dans la table du banc doivent être en face l’une (24) | de l’antre,et à deux pieds six pouces de distance. Les poupées doivent avoir des fourchettes d’un pouce et demi de pro- fondeur, larges de neuf lignes. Ces four- chettes sont destinées à soutenir l'arbre quiest au centre du métier. Cetarbre doit étretourné surun tour,afin qu'il soit bien droit; on lui donne cinq à six pouces de tour, c’est-à-dire de grosseur, par le bout le plus faible, et de l’autre bout on le lais- sera carré. L'arbre doit avoir deux pieds six pouces, non compris les tourillons qui servent à le soutenir sur les pou- pées. On ajuste une roue au bout de l'arbre , qui est carré; cette roue doit avoir six pouces de diamètre sur deux pouces d'épaisseur. On fera un trou au milieu, danslequelon placeral’arbre, que l’on fera entrer avec force; plus, il faut avoir du fil de fer de dix à onze lignes de tour : il en faut dix-huit pieds pour faire un métier; ces dix-huit pieds doi- vent être coupés en huit parties égales, et redressés à froid, pour que le fil de fer conserve sa fermeté, qu'il ne man- (25) querait pas de perdre si on le mettait au feu. On aura doric soin de le bien dresser d’un bout, et de l’autre bout on lui donnera la courbure nécessaire pour former le moule de la ruche, qui doit avoir un pied de diamètre par le bas, et être fermée par le haut en forme de dôme. Du Peigne pour la Paille. | On aura un peigne dont les dents seront en fer, longues de cinq ou six pouces, éloignées les unes des autres de trois lignes, et fait en manière de petit rateau. On ne doit se servir que de la paille de seigle; toute autre paille n’est pas bonne. Quand on veut nettoyer la paille on prend l’épi par poignées, on le tient ferme dans les mains, puis on jette, la paillesur les dents du peigne, et on latire de long, ce qui arrache toutes les.feuil- les. Quand la paille est bien appropriée, ( ïe ) on aura grand soin de couper tous les épis, et de la tenir dans un endroit sec, . pour qu’elle ne DEC point de mau- _vaise Joue Des autres Outils pour faire les Ruches. Il faut avoir une aiguille de fer, de cinq pouces de longueur, percée au mi- lieu , afin de passer la ficelle qui sert à coudre la ruche; on aura aussi un con- duit en fer-blanc, large de neuf lignes par un bout, de douze lignes par l’autre, et de la longueur de trois à quatre pouces; ce conduit sert à for- mer le cordon de paille pour faire les ruches. { De la manière de fabriquer les Ruches. On prend de la paille, environ moitié de la grosseur ordinaire du cordon, et par le bout où était l'épi; ensuite on prend la ficelle, que l’on aura bien (27) cirée, et au bout de laquelle on fera un nœud, puis on la tortille à la paille, en la serrant un peu ferme, et de la longueur de sept à huit pouces, qui est à-peu-près la grosseur du collet de la ruche. On applique ce premier cor- don sur le moule; on enfile l'aiguille, et on forme le premier anneau; on tourne en cousant au fur et à mesure. -Au second tour on passe le conduit, le bout étroit du côté de la ruche, et l’on commence à ajouter un peu de paille, puis encore , au quatrième tour, il faut que le cordon ait la grosseur qu'il doit avoir. Il faut faire bien attention que les points ne soient pas écartés à plus d’un pouce les uns des autres : ce qui fait à-peu-près trente-six points dans le pourtour de la ruche. On aura soin aussi de bien serrer et bien croiser les points, afin que la ruche soit plus solide. II faut que l'aiguille soit poussée en dehors, c'est-à-dire que l'on pique l'aiguille en dedans, et qu’on la retire en dehors de la ruche. Quand elle est au point et à la (28) hauteur que l’on veut lui donner, on cesse de mettre de la paille, et le cor- don diminue insensiblement. On ar- _rête son point , on retire la ruche de dessus le moule, pour en recom- mencer une autre. * Pour ajuster le Manche de la Ruche. On prendra du bois de chêne, ou tout autre bois dur, de la grosseur convena- ble pour remplir le trou, et long de dix-huit pouces. On appointe un bout, et de l’autre on perce deux trous trans- versalement et en croix. Ces trous ser- vent à mettre deux bâtons de la gros- seur du petit doigt, qui passent des deux côtés de la ruche ,et soutiennent le iout ensemble. On mettra aussi quel- ques clous dans le premier cordon; le tout en üendra plus solidement. x (29) Mortier pour bauger les Ruches. Il faut deux tiers de cendre et un tiers de bouze de vache, que l’on mé- lera bien ensemble. On ajoutera de l’eau, mais trés-peu, afin d'obtenir un mortier plus ferme , qui servira à enduire et bou- cher les petits trous qui déplaisent fort aux abeilles. De l'Exposition du Rucher. Un rucher doit être placé dans un val- lon, au midi, et garanti du vent du nord par un mur ou un autre abri. La place la plus avantageuse est, sans contredit, le long d’un mur bâti entre l’orient et le midi, du côté du vent appelé sud-est, de sorte qu’à cette place il se trouve garanti du plein sud et du plein nord. On fera en sorte que le rucher soit entouré de quelques arbrisseaux; on aura l'attention de planter près de là du thym, de la lavande, et généralement (50) toutes sortes d’aromates, que les abeilles _ aiment beaucoup. Le voisinage des bois, des prairies et des petites rivières est très-bon ; mais il faut éviter de placer une ruche auprès d’un lac, d’un étang ou d’une grande rivière ; ce qui peut nuire aux abeilles , en ce que, passant sur ces nappes d’eau par un temps ora- geux, le vent les précipite dans l'eau, où elles se noient. Il faut encore qu'un rucher soit éloigné des grandes routes, parce que le roulement des voitures re- tentit dans les ruches, agite les abeilles, et les excite à dépenser beaucoup. Le voisinage des frênes est aussi fort nui- sible aux abeilles. Cet arbre attire les mouches cantharides au printemps ;elles sy fixent, et ne le quittent que quand elles en ont mangé toutes les feuilles. Or l’odeur que répand la mouche can- tharide est un poison qui fait mourir les abeilles sur-le-champ. V2. Page. AZ. = EE —— ER _ — = —— mn nr | à | Re | ESS à | | ES = | Se x Re Lt a St Mau it > 1e) | ŸS S à à SS 2 RS Ÿ vus RE = | F à RS NS | À À | | (31) k De la Construction du Rucher. Le rucher doit être construit en char- pente, ou en une légère bätisse; il doit avoir huit à neuf pieds de haut sur six de profondeur. On règle son étendue sur le nombre des ruches que l’on se propose d’y placer. On lui donne, en le construisant, laforme d’appentis, dont la pente ou l’égoût doit être par der- rière. On le couvre en planches ou en tuiles. Il faut construire deux gradins dans le rucher : le premier, à neuf ou dix pouces de terre; le second, à cinq ou six pouces au-dessus des premieres ruches, de sorte qu’en touchant les ru- ches du premier gradin on ne dérange point celles du second. On place les ruches à quelques pouces l’une de l’au- tre, de façon qu'elles ne touchent que les tabliers sur lesquels elles sont po- sées. On fera pratiquer des ouvertures dessous chaque tablier; il faut que cette ouverture soitfaiteaumilieu, et de la lar- (32) geur de quatre à cinq pouces. On ajou- _tera deux coulisseaux en dessous, et une petite planche pourouvrir et fermercette ouverture à volonté, afin de donner dé l'air aux abeilles dans les temps chauds. On ne doit pas craindre de donner de l'air aux ruches : c'est ce que je puis prouver. _ En Auvergne, et dans ‘uné grande partie du Limousin, les propriétaires de ruches les posent sur des perches assemblées en forme d’échelles, dont les bâtons sont éloignés de douze à quinze pouces et posés sur des pieux de deux à trois pieds de hauteur. Les ruches posées ainsi reçoivent assurément une trés-grande abondance d'air; cela n'em- pêche pas que lesabeilles ne travaillent, et ne forment des gâteaux de cire rem- plis de miel, qui dépassent la ruche d'un pied. À la fin de septembre on coupe tout ce qui excède la ruche. C’est de cette manière que se fait la récolte dans ces pays; c'est aussi l’usage de chà- trer les ruches, c'està-dire de couperen (33) dedans de la ruche une partie de la cire et du miel. Cette coutume est peut-être la plus détéstable que l’on puisse metire en pratique, en cé qu’en retirant une partie de leur propriété on ne peut le faire sans donner la mort à beaucoup d’abeilles ; ensuite on enlève üne grande partie du couvain, ce qui nuità la repro- duétion; de plus, le désordre que cette opération occasione, le temps qne les abeilles sont obligées d'employer pour ramasser le miel qui découle des gäteaux qui ont été mutités, toutes ces choses doivent proscrire une méthode aussi funeste. Du nombre et du genre d’ Abeilles qui composent une Ruche. Une ruche est ordinairement compo- sée de seize à dix-huit mille mouches, que je divise en trois classes. Dans la première sont les abeilles (34) ouvrières : le nombre en est de seize à dix-sept mille; dans la seconde sont les bourdons, dont le nombre est de huit à neuf cents et quelquefois mille ; la troisième classe comprend les rois, qui ne sont jamais plus de douze ou quinze. Après la sortie des essaims chaque ruche est réduite à un seul roi, les autres rois périssent au massacre des bourdons, qui a lieu dans le cours de juillet, Du Roi des Abeilles: La preuve que je puis donner de l'existence de ce roi, c’est qu’aussi long- temps qu’un essaim n’a point de roi, il ne quitte point sa ruche. Ainsi, lors- qu'une ruche se comble d’abeilles et que l’on voit de tous côtés, et même en dessous du tablier, des bourrelets de ces petits animaux, c’est le signe certain qu'ils n'ont point de chef. Il ne faut pas conclure de là qu'il n’est point né de (35) roi avec l’essaim ; mais s'ils naissent quelques jours avant que les jeunes abeilles puissent les entourer et les ga- rantir de la fureur du roi déjà existant, celui-ci, qui ne peut souffrir son sem- blable, le tue dès qu’il le voit, et, si nous avons des essaims, c’est par le soin que prennent les jeunes abeilles de cacher leur jeune roi, et que, quand l’essaim est porté au nombre suffisant, elles s’em- pressent de quitter la ruche pour sous- traire leur chef à une mort certaine. Quand les jeunes rois périssent, les abeilles abandonnent souvent la ruche au mois de septembre, ou meurent de misère dans les premier jours de l'hiver suivant; en voici la raison. La quantité des jeunes abeilles, qui monte quelquefois de trente-cinq à trente - six mille mouches quand il y a deux essaums, se réunissant au nombre ordinaire qui compose primitivement la ruche, cette réunion forme une peu- plade immense que la ruche peut à peine contenir, et de cette multitude naît un (36) désordre complet. Les jeunes abeilles, se voyant gouvernées par un roi qui n’est point né avec elles , ne reconnaissent pas son autorité, ne font rien, et mangent à mesure que les vieilles abeilles amassent ; c'est un fait que j ai souvent remarqué, et que j'ai constaté de nouveau le 15 juin 1812, à Auteuil près Paris, où jai été mandé chezM. le duc de Praslin, pour faire la récolte du miel de quinze ruches. Dans ce nombre j'en ai chassé une, que l'on m'a dit avoir quatre ans; cette ruche n’avai: point donné d’essaim cette même année. Le transvasement achevé, j'ai trouvé la ruche pleine de gâteaux de cire, deux livres de couvain qui restait à éclore, et une livre trois onces de miel; c'est ce manque de vivres qui cause des dissensions et desrévoltes, quise renou- vellent irès-souvent. Les jeunes abeilles, sans égard pour le chef, se battent à outrance contre les vieilles mouches qui veulent les chasser, ce qui cause une perte considérable dans les deux partis. Pour prévenir les effets fâcheux de cette | (37) guerre, on doit promptement les trans- vaser dans une ruche vide , où les abeilles seront forcées de travailler. En prenant ce parti, on arrête toutes leurs difficultés; elles reprennent leurs tra- vaux, et s occupent de nouveau, avec un accord parfait, du bien général. De l’Abeïlle ouvrière. L’abeille ouvrière est nommée ainsi par la raison qu’elle est seule chargée de tous les travaux. C’est cette mouche admirable qui ramassele pollen qu'elle irouve sur l’étamine des fleurs, et dont elle forme ses rayons ou gâteaux de cire. Elle ramasse le miel qu'elle distille du suc des plantes et des fleurs, et le conserve dans les alvéoles pour ses be- soins. Ce sont encore les abeilles qui nettoient la ruche, et emportent toutes les immondicesqu'elles y trouvent. Elles veillent à la sûreté de la ruche, et po- sent des sentinelles à tous les endroits | . (501) où il pourrait s’introduire quelque en- nemi de leur repos. Des Bourdons. Les bourdons sont des mouches qui différent des abeilles en ce qu'ils sont plus gros, qu'ils n'ont point d’aiguil- lon, et par cette raison ne piquent point. Quand on les prend, ils lâchent une ma- tière d'une très-mauvaise odeur. Ils sa tiennent au bas de la ruche et sur les gâteaux qui les ont vus naître, sans ja- mais se déranger de cette place, que quand les essaims sont prêts à sortir; alors ils voltigent autour de la ruche depuis deux heures jusqu’à quatre. Ils ne font rien, et ne vont jamais aux champs. Ils naissent vers le commen- cement de mai, et n'existent guère plus de deux mois; après cette époque, les abeilles les tuent, ainsi que les jeunes rois qui restent dans la ruche. (39) De ce que lon trouve dans une Ruche, et des matières que l'Abeille amasse pour construire son édifice. La premiére matière est une espèce de résine de diverses couleurs, mais le plus souvent rougeûtre (1), que les abeilles trouvent sur tous les arbres ré- sineux, et particulièrement sur les peu- pliers, qui en sont abondamment four- nis : celte gomme leur sert à enduire la ruche, et à boucher les petits trous qui leur déplaisent. Arrive-t-1l dans la ruche un ennemi dont les abeilles ne peuvent se débarrasser, elles le tuent et l’endui- sent de cette gomme qui le scelle à l'en- droit où il est. Ainsi cacheté, il se cor- rompt sans exhaler aucune mauvaise odeur. Cette gomme leur sert aussi à at- tacher leurs gâteaux de cire, La seconde matière est le pollen, dont les abeilles forment la cire, (1) Cette résine est ce que les sayans nomment ia propolis. ee La troisième matière est le miel. Il se trouve d’autres matières dans la cire; mais j'ai bien remarqué que cette ma- tière n’est autre chose que lesenveloppes dans lesquelles ont été formées les abeil- les: cesenveloppes restent attachéesdans les alvéoles. On trouveensuitela gomme, qui ne peut se fondre, et dans lesrayons une partie terreuse qui produit le mare de la cire. Ce que c'estqu'un Essaim. Au printemps, c'est-à-dire vers la fin d'avril, et quelquefois avant cette épo- que, une partie des abeilles se tient sur les gàteaux qui sont remplis de cou- vain. La chaleur tempérée de ces petits animaux, jointe à la douceur de la saï- son, échauffe cette matière; le ver se forme , grossit peu-à-peu , et, quand il commence à remplir l’alvéole, :il se métamorphose en chyrsalide et en: suite en mouche; quinze jours ou trois semaines suffisent pour faire éclore un ! (40 2 essaim, dont le nombre est de seize à dix-huit mille abeilles ; ce qui forme une nouvelle peuplade, qui, quelques jours après, quitte la mère-patrie pour s’éta- blir dans une nouvelle demeure, où ces jeunes abeilles travaillent avec la même application et la même propreté que les vieilles mouches. C’est à tort que quelques auteurs pré- tendent que les jeunes abeilles ont be- soin du secours des vieilles pour être instruites et apprendre à travailler. Cette assertion est fausse et contre le bonsens; on pourrait demander à celui qui a bâti et fait imprimer cette fable : qui a instruit les abeilles de première origine? Il se- rait sans doute fort embarrassé de ré- pondre; mais on a voulu, et l’on veut encore aujourd'hui, faire entrer du mer- veilleux dans l’histoire naturelle de l’a- beille, (#2) De la garde des Abeilles a l’époque des ÆEssaims, c'est à-dire en mai, Juin et Juillet. On ne doit confier la surveillance, c’est-à-dire la garde des ruches, qu’à des personnes raisonnables; autrement ce serait livrer les essaims à leur essor , que de s’en rapporter à des enfans; de cette négligence il résulterait une perte con- sidérable d’essaims : cela est facile à sentir. La personne chargée de veiller au départ des essaims doit s'approcher tous les soirs, à nuit close, des ruches, et bien prêter l'oreille. Si elle cn par intervalle un petit son clair, sem- blable à celui que produit un il de laiton bien tendu en le pinçant avec vitesse, c’est le signal certain du départ de l'essaim pour le lendemain ou au plus tard pour le surlendemain. Ce si- gnal se fait beaucoup mieux entendre au second essaim. (4) De la sortie des Essaims. . Le temps où les essaims sortent est depuis huit heures du matin jusqu’à quatre et cinq heures du soir. Quand le temps est couvert, chaud et lourd, que le soleil se montre et se cache par inter- valles, où après une petite pluie, on ne doit pas perdre de vue la ruche, car c’est _le moment que les abeilles choisissent pour partir. On juge que le départ va s'effectuer lorsqu'on ne voit pas d'a- beilles autour de la ruche; elles sont toutes rentrées en dedans comme pour prendre conseil. Quelques minutes après qu’élles sont rentrées, elles ressortent avec une vi- tesse et une précipitation extraordinai- res ;il fautattendre qu'elles soient toutes sorties. L’essaim se compose d’une si grande quantilé d'abeilles, que le jour est, pour ainsi dire, rente dans les endroits où elles passent. On aura, sui- vant la coutume la plus ancienne, une (44) poêle de fer, une bèche, ou autres US- tensiles en fer, sur lesquels on frappera pour produire une espèce de carillon. Ce bruit arrête l'essaim, et semble le fixer ; alors on cesse le carillon , qui de- vient inutile (1). Si l’essaim en sortant de la ruche s'élève trop , on jettera, au moyen d'une seringue et d'un seau d’eau , dont on se sera précautionné, de l’eau en l'air et au-dessus de l’essaim, ce qui le fera s’abaisser. On peut aussi prendre de la terre fine et la jeter en l'air, ee qui produira le même effet. Des Essaims en général. Dans les grands ruchers il n’est pas rare de voir deux, trois et même quatre ruches jeter leur essaim au même mo- (1) J'adopte cet ancien usage, qui ne peut nuire aux abeilles, quoique je sois convaincu qu'il n'a été imaginé que pour donner avis aux voisins du départ des essaims, et se conserver le droit de les suivre partout où ils pour- raient se porter. : (45) ment. S'ils se réunissent et s’attachent au même arbre et à la même branche, le parti qu'il faut prendre est de les recueillir dans une grande nappe. On posera aussitôt sur la nappe autant de ruches que lon soupçonnera qu'il y a d’essaims, et on fera passer, avec une latte ou un morceau de bois mince , une partie d’abeilles dans chacune de ces ruches. Les abeilles qui restent sur la nappe vont d'elles - mêmes s'établir dans la ruche qui leur plait. Mais s’il n'y a que deux essaims (ce qui est facile à remarquer, en ce que l’essaim est beaucoup plus gros, et qu'il forme deux culs de lampe), on peut s’éviter la peine de les séparer, en pre- nant pour les recevoir le plus grand panier que l’on ait. Les abeilles forment ordinairement un gâteau au milieu de la ruche, et, quand ceite cloison est achevée , elles vivent dans une union parfaite. ” Il arrive quelquefois, malgré les soins que l'on peut prendre, que les essaims (46) s'attachent très-haut, par exemple , au bout d’une branche à laquelle on ne peut atteindre; dans ce cas on attachera une corde à la branche, et le plus pres de l’essaim qu'il sera possible : il faut que la corde soit assez longue pour qu’un bout touche à terre. On prendra ensuite une longue perche, à laquelle on aura attaché un petit panier que l’on présentera sous l’essaim ; une personne placée au bas de l'arbre secouera la branche par le moyen de la corde; deux ou trois personnes seront placées sur - l'arbre pour recevoir la perche et le pa- nier,et, de main en main, sans se déran- ger, le dernier déposera l’essaim dans la ruche qui aura été placée au bas del'arbre. Si cette opération ne peut se faire, et qu'il n ï ait pas moyen de se saisir dé l'es-. saim , le dernier parti à prendre est d’at- tacher une corde, comme je l'ai déjà dit, et de secouer la branche à petits coups ou de frapper doucement sur la branche , pour forcer l’essaim à quitter cette place et à se fixer ailleurs. Si, au (47) départ d’un essaim, il s'échappe en mé- me temps deux, trois et même quatre rois , l'essaim se divise en autant de pe- lotons qu’il y aura de rois : il faut réu- nir le tout dans une même ruche de la manière suivante, On prendra le peloton qui parait le plus gros, puis les autres pe- lotons; quand cette réunion est faite, les ruis se battent jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un, et quelquefois ils se tuent tous ; c'est ce qui est cause que ces sortes d’es- saims réussissent rarement. Heureuse- ment que ces accidens n'arrivent jamais qu'au second ou troisième essaim. Quand un essaim sort de la ruche par un grand vent, pour se garantir il'se pose à terre, et tient souvent un trés- grand espace; il est facile de prendre ces sortes d’essaims. On pose la ruche au gros de l’essaim , et les abeilles viennent d’elles-mêmes s'établir dans la ruche. Les essaims s'arrêtent et s’attachent par- tout ; on ne peut savoir d'avance le lieu qu'ils choisiront. J'en ai vu s'attacher à des murs, d’autres au pignon des mai- (48) sons, d’autres dans des trous, et enfin dans des troncs d’arbres, ce qui donne beaucoup de peine pour s’en rendre maitre. Je laisse à l'intelligence de mes lecteurs de trouver les moyens de se les approprier. On aura grand soin de ne pas laisser les essaims trop long-temps attachés à l'arbre ou à la branche, afin qu'ils se fa- tiguent moins. Précautions qu'il faut prendre pour recueillir les Essains. On passera la ruche que l’on destine à recevoir l’essaim au feu de paille, c’est- à-dire que l’on allume une bonne poi- gnée de paillé en tenant la ruche au dessus de la flamme; on tourne la ruche avec vitesse, afin que le feu n'y prenne point. Cinq minutes après on frotte le dedans de la ruche avec du bon miel, pour allécher les abeilles qui doivent y fixer leur demeure; ensuite on aura une (49) pete nappe blanche de lessive, que l'on étendra sous l'arbre. On placera sur !a nappe deux bâtons de cinq à six pouces de tour, de manière que les bords du panier posent sur les deux bâtons, et laissent assez de jour pour que les abeil- les puissent entrer dans la ruche et en sortir. Pour recevoir les mouches on présentera le panier dessous l’essaim, et * le plus près de la branche qu'il sera pos- sible ; on secouera la branche pour faire tomber les abeilles dans la ruche et les détacher de la branche ; ensuite on pla- cera la ruche dans sa position naturelle sur les deux bâtons quisont sur la nappe: alors on prendra une perche de la lon- gueur convenable, que l’on aura fen- due par le bout pour y faire entrer du chiffon. On mettra le feu au chiffon, en ayant soin qu'il ne flambe point, mais qu'il fume beaucoup. On dirigera la fu- mée à l'endroit où l’essaim est arrêté, _ce qui fera fuir les mouches qui seraient restées, et les forcera à gagner la ruche qui est sous l'arbre. 5 (50) Le même soir, à la nuit close, on en- lèvera la ruche bien doucement; on ôtera les deux bâtons, puis on reposera laruche sur lanappe, que l’on relèvera autour de la ruche en l’attachant avec une ficelle. On transportera la ruche le plus douce- ment possible, et sans secousse , jusqu'à l'endroit qu'on lui destinera : alors on retirera la nappe. On aura soin de ne pas placer un essaim à côté de la ruche d’où il est sorti; il faudra, au contraire, l'éloigner autant qu’il sera possible. Si le lendemain, ou quelques jours après que l’on aura pris l’essaim, il venait à pleuvoir, etque ce temps durât plusieurs jours, il faudra donner à à manger à l’es- saim, soit du bon miel , soit 4e sirop que j'indiquerai ARE ne De la manière dont les Abeilles COI- mencent leurs {TAVaux. La première occupation de l’essaim est de nettoyer et de gommer la ruche (5:) qu'on lui a donnée. Pendant qu’une par. tie des abeilles s'occupe de ce soin, les autres ramassent la cire et le miel, et commencent à former des gâteaux au haut de la ruche; elles continuent ainsi jusqu’en bas. Observons pourtant que la ruche étant plus étroite du haut que du bas, elles ajoutent un gâteau à mesure quelles descendent, ce qui fait que les gâteaux de droite et de gauche sont toujours plus jaunes que ceux du milieu , étant plus nouveaux. Ces rayons ou gâteaux sont formés de cette pous- sière que les abeilles recueillent sur les fleurs; elles construisent, à l’aide de leurs mandibules, des cellules dans lesquelles elles déposent et renferment le miel, qu’elles conservent avec grand soin pour l'hiver. Il est très-peu de fleurs que les abeil- les n'aiment pas; mais celles qu’elles ai- ment beaucoup sont les fleurs de lu- zerne, de sarrasin, de trèfle, de sain- foin, de thym, de serpolet , et générale- ment de tous les aromates. Les fleurs.des (52) arbres leur conviennent beaucoup aus- si; néanmoins les meilleures pour elles sont celles du marseau, de l’accacia, du tilleul. Ces fleurs ne sont, à la vérité, que passagères ; mais les mouches n'en con- naissent pas moins le prix. Te Observations. Je me crois fondé, d’après mes re- cherches et les remarques que j'ai faites dans différentes saisons, à croire que les abeilles ne récoltent le pollen que sur les fleurs dont elles forment leurs rayons ou gâteaux de cire,et qu'elles distillent le miel de différens végétaux qui sont pourvus de cette substance gommeuse et sucrée; ce qui est très-facile à remar- quer dans différentes parties de ces vé- gétaux, à l'aide de la rosée qui fait ou- -wrir les pores des branches et des feuilles qui contiennent cette substance, qui est l'essence unique du miel. Je pourrais donner plusieurs preuves à l'appui de ce que j'avance ; mais je me (53) bornérai à la citation d’une séule. Il est facile de remarquer, surtout à la sève d'août, en examinant bien la feuille de tilleul, qu’elle est imbibée d’une subs- tance mielleuse. On peut se convaincre de cette vérité; en la touchant elle s’at- tache aux doigts, et, si on la pose sur la langue, on sent aussitôt le goût du su- cre qu’elle contient. Je suis loin d'affirmer qué les abeilles ne récoltent pas le miel sur les fleurs; il se trouve partout : les roses , les lis, en un mot toutes les plantes sont pourvues d'une substance plus ou moins sucrée, La rosée salutaire et bienfaisante que le ciel répand sur la terre imbibe les plantes, et donne à cette substance la facilité de se dilater au dehors des branches et des feuillés qui la renferment. La rosée qui s'insinue dans le calice des fleurs s’y conserve, en raison de la profondeur de ce calice et de l'ombrage des feuilles, qui empéchent que le soleil ne la repompe; mais, tout en convenant (54) de cela, je n’en conserve pas moins Îa certitude que les abeïlles ne retirent pas le miel uniquement des fleurs, sui- vant l'opinion commune. Dans mon département, et dans un rayon de soixante lieues de Paris, les abeilles ne récoltent le miel que dans les premiers jours d'avril et jusqu’à la mi-septembre ; ce qu’elles trouvent avant et après cette époque suffit à peine à leur nourriture, et, si les matinées de septembre sont froides, elles commen- cent à vivre sur leurs provisions. Précautions qu'il faut prendre pour se garantir des Piqüres des Abeilles. Quand on est attaqué par une ou plu- sieurs abeilles, il ne faut point s'enfuir ni chercher à se défendre en gesticulant ou en les chassant avec un mouchoir ou tout autre objet, ce qui n’est bon qu’à les irriter, et est toujours la cause que l'on est piqué. Si l'on marche, il faut (55) s'arrêter et rester immobile, se couvrir la figure d’un mouchoir; car on sait que c’est toujours aux yeux que les abeilles visent pour nous blesser. Dans des opé- rations où l’on est forcé d’agir de vio- lence on peut se masquer et mettre de gros gants de laine; on peut de même se garantir des piqûres des abeilles en pre- nant une bonne poignée de maronte où camomille puante(r), et en s’en frottant les mainset la figure, et même les habits. Les abeilles, tout irritées qu’elles sont, ne pouvant souffrir cette odeur, fuient au loin. Si on ne peut se procurer de la maronte, la feuille de sureau pilée peutla remplacer et produit le même effet. Si un essaim tenait à rester où 1l se se: rait fixé, il faudrait employer ce moyen pour obliger les abeilles à quitter l’ar- bre: en mettant de la maronte ou de la feuille de sureau pilée à la branche, on est bien sûr que les abeilles fuiront cette place pour n’y revenir jamais. (1) Cette plante croit ordinairement dans les blés et les avoines ; elle se trouve quelquefois dans les jardins. ( 56 ) JL NX Remède pour apaisef la douleur causée par la Piqüre des Abeilles. On emploie plusieurs remèdes ; mais les plus simples et les plus faciles à trou- ver sont, je crois , les meilleurs. L’ex- périence m'a prouvé que la feuille de persil ou celle de cassis est très-bonne. Quand on est piqué par une ou plu- sieurs abeilles, onretire l’aiguillon le plus promptement possible , et l’on presse la plaie, afin de faire sortir une petite séro- sité, qui estle venin que l'abeille laisse avec son aiguillon. Cette opération faite , onimbibe la plaie ou la piqüre avec le jus de la feuille, que l’on aura pilée avec ses doigts seulement. Le lait de vache est trés-bon , et même le lait de femme; on peut en imbiber un petit linge ou compresse, et l'appliquer sur la piqüre , ce qui l’empêchera d’enfler. 6,55 ) 7 Des soins à prendre, à la fin de l'hiver, - pour là conservation des Abeilles. Il arrive souvent qu’à la fin del’hiver les abeilles sont au dépourvu et sans vivres. Cette crise peut occasioner la perte de plusieurs ruches; on doit donc se hâter de venir à leur secours de la manière que je vais indiquer. D Manière de faire le Sirop. Onemploiera le meilleur vin possible, à la mesure de quatre bouteilles; on y ajoutera deux livres de sucre et une livre de miel superfin; on mettra le tout ensemble dans une casserole bien propre, que l’on posera sur un feu de charbon, pour le faire bouillir et ré- duire en sirop. Quand il sera bien confectionné , on le retirera du feu ; on ajoutera un poisson d’eau-de-vie ; on laissera refroidir le sirop , pour le mettre en bouteilles, que l’on placera au frais, ( 58 ) et que l’on couvrira d’un simple papier, de peur que le sirop ne moisisse. On peut faire de ce sirop la quantité que l'on voudra, en gardant les pro-" portions. Si on ne peut avoir du sucre, on peut également le faire avec du miel, en mettant une livre de miel par bou- teille de vin. Er 5 De la manière de se servir du Sirop, et de l'administrer pour nourrir, forti- fier et purger les Abeilles pendant leurs maladies. Quandles abeillesmanquentdevivres, on leur donne de ce sirop. Quand elles sont attaquées de la dyssenterie, la seule maladie que je leur connaisse , et qui leur arrive souvent au commencement du printemps, on leur donne encore de ce sirop, qui les nourrit et les purge en même temps , et qui leur est très-sa- lutaire. On renverse la ruche du haut en bas, et on fait couler sept à huit cuillerées de sirop sur les gâteaux, (59) en penchant la ruche de droite et de gauche pour faire entrer le sirop dans les alvéoles, afin que les abeilles le retrouvent au besoin pour se nourrir. On se servira du même moyen pour les essaims que le mauvais temps em- pécherait de sortir. On aura soin de ne donner à manger aux abeilles que le soir, et on mettra deux ou trois jours d'intervalle. De l'Ordre que l’on doit établir pour gouverner un Rucher. Le premier essaim que lon place dans un rucher , ainsi que tous ceux des- ünés à le suivre , doivent être cons- tatés. Je suppose que ce premier essaim soit du 1° mai 1811; cette date sera mise sur une petite planchette coupée carrément , et dont chaque côté aura deux pouces. Cette planchette, qui doit être d’un bois sur lequel on puisse écrire, sera percée par le haut et sus- pendue à la ruche au moyen d'une ficelle. On aura aussi un registre, que l'on tiendra avec ordre; et cette règle ( 60 ) bién établie l’année suivante, où aurä soin de remarquer la ruche qui donnera son essaim , et on écrira Sur son re- gistre : La ruche du 1*%* mai 18171 @ donné son essaim le . . .... 1812. Si cetté ruche donne un second essaim, on l'enregistre de même ; et si, quel- ques jours après qu’ellé aura donné son second éssaim , on craint qu’elle en donne un troisième , on retournera la ruche, le devant derrière ; on bouchera l'entrée qui se trouvera par derrière , et on posera deux petits tuileaux par- devant, pour que les abeilles puissent entrer et sortir, et continuer leurs tra- vaux, Ce dérangément empêche là ruche de donner un troisième essaim , qui vient toujours trop tard, et meurt de misère dans les premiers jours de l'hiver. On voit, par mon procédé, que je suis loin de partager l'opinion de nos auteurs modernes ; qui poussent l’am- bition jusqu’à vouloir que l’on ait quatre : et cinq essaims par ruche dans une an- née. Il en est même qui n’ont pas hé- sité de vanter , par la voie de l’impres- (61) sion, cette découverte meurtrière pour la race des abeilles. J'en appelle à tous les propriétaires d’abeilles, qui convien- dront avec moi que, quand une ruche donne quatre essaims dans l’année, il faut la regarder comme perdue, ainsi quie Les trois derniers essaims qu'elle aura donnés. Heureusement qu'il est très-peu d'exemples d’une pareille fé- condité. Des Avantages que peuvent produire les Abeilles. En 1780 les ruches grasses, achetées au mois d'août, n'étaient vendues que 16 à 18 fr. au plus; depuis cette époque les prix ont souvent varié et augmenté, L'insouciance inconcevahle des proprié- taires ruraux et des cultivateurs en est en partie la cause. En fixant aujour- d'hui l'attention sur la difficulté de se procurer le sucre, vu son haut prix, on sent que le miel , dont on est forcé de faire usage , hausse de prix, vu la grande consommation qui s'en fait, et ; { 62 ) l’on cesse d’être surpris qu'en Tori le prix des ruches ait monté jusqu’à 72 et même 80 francs. Lorsqu'on aura acquis la conviction qu’il est possible , avec une faible dé- pense, de retirer un trés-grand avan- tage de cette branche de commerce, on sera tout étonné de l'imsouciance des gens de la campagne à ce sujet. Il faut donc chercher à leur ouvrir les yeux sur leur propre intérêt, qu’ils ne négli- geront jamais quand ils auront la cer- titude du succès ; et, à cet égard, les habitans des villes leur ressemblent. EXEMPLE. J'établis un rucher pour contenir cent ruches; j'évalue les dépenses de cette construction à la somme de. . 4oofr. Ensuite l’aequisition de cin- quante ruches, à raison de 30 fr.; c'est supposer que les ruches grasses ont valu 6o fr. au temps de la récolte; ainsi cinquante ruches, à 30 fr., fe- ront la somme de. . .. . . . 1500 (65) & contre. . . ; ï Il faut joindre à ces deux som- mes le transport desdites ru- ches achetées. chez différens particuliers, qui coûtera plus ou moins, suivant la distance plus ou moins éloignée; je mets cette dépense à fr. par ru- che, ci. JE suppose encore que Loh fasse fabriquer les ruches chez soi; chaque ruche, revêtue de sa capote et du tablier, revient à 5fr.; ce qui fera, pour cin- quante ruches, la somme de, Les dépenses monteront donc à la somme totale de. . . © 19oofr, Sa 250 2200 Il faut considérer que cette dépense est pour l'établissement du rucher, qui peut durer cinquante ans, en faisant au besoin les réparations nécessaires. Les ruches peuvent durer quinze et vingt ans, en prenant des soins pour les con- server. Les dépenses annuelles montent ( C4) à proportion des essaims qu’on obtient. Pour donner un résumé net des dé- penses et des bénéfices, je vais porter les produits et les dépenses pour chaque année , pendant le cours de cinq ans _ seulement, PRODUIT , NOMBRE x DÉPENSE ANNÉES. M 2 à 5fr. des ruches. À RAISON PAR RUCUE, de 5o fr, 17€ année, 100 5000 fr. 2200 fr. 2° année. 200 10,000 500 3° année. 400 20,000 1000 4° année, 800 40,000 2000 5e année. 1600 80,000 4000 On pourrait pousser cette multiplica- tion de ruches à un tel point que l’ex- ploitation en deviendrait impraticable; et, pour prouver à mes lecteurs que je n'ai point l'intention de les induire en erreur, je me bornerai au nombre N° 3. Page. 65. ÈS SRE © RE AE ASS Ÿ AS NS DNS DD SE 1 i 4 (65 ) de cent ruches, qui, tous frais payés, peuvent donner tous les ans 2500 francs de revenu. Dans eet aperçu on remarque aisé- mentquelesdépensessontirèsmodiques en raison du revenu. Si la dépense d’un rucher parait trop considérable , on peut, en observant la situation que j'ai donnée, adosser les ruches couvertes de capotes à un mur, comme il est indiqué sur le plan N°3. Quoiqu’une ruche donne quelque- fois deux essaims, je ne spécule ce- pendant les avantages que sur un seul , à cause des accidens qui peuvent survenir, et par-là je balance la perte par le gain qui est toujours au-dessus ; et, comme je l'ai démontré plus loin, dès la première année je me trouve possesseur de cent ruches: je puis alors en vendre cinquante, qui, à raison de bo francs chacune, feront bien la somme de 2500 francs. On pourra avec raison m'objecter que toutes les années ne sont point favorables 6 ( 66) aux abeilles, que la mortalité en em- porte souvent la moitié; cela est vrai: mais je répondrai que si les abeilles pé- rissent, c’esi souvent par le peu de soin que l’on prend d'elles , et plus souvent encore parce qu'on veut les conduire suivant les nouvelles méthodes, en leur donnant des ruches de deux pièces, qui contrarient et gênent leurs travaux, et hâtent leur dépérissement. Pour conser- ver les abeilles , on ne doit que veiller à leur tranquillité, les tourmenter le moins possible, et s’en reposer presque entière: ment sur l’admirable instinct qu'elles ont recu de la nature. CRE Des Ruches de diverses inventions. Plusieurs naturalistes ont voulu sou- mettre les abeilles à leurs fantaisies, en leur donnant des ruches en bois, en plâtre ou en terre cuite. De ioutes ces inventions il n’y a que fa ruche pyra- midale, que j'ai perfectionnée en 1802, ( 67 et déposée au Muséum d'Histoire natu- relle (1), qui puisse être mise en usage, et qui, à dire vrai, n’est bonne que pour ceux qui font des abeilles un objet d'a- musement et de curiosité. L'expérience de plusieurs années m’a prouvé que ces ruches ne donnent que irès-rarement des essaims,par la raison que les abeilles, avant toujours de la place pour travail- ler, conservent les essaims qui leur de- viennent d’une grande utilité pour leur aider à remplir cette ruche sans fin. Ce- pendant, pour satisfaire les personnes qui ont adopté cette ruche, je vais don- ner quelques détails sur son origine, (x) Je soussigné, professeur de culture au Muséam d'Histoire naturelle de Paris, certifieque M. DEsormes m'a remis , le & avril 1802, pour la collection des ustensiles de culture de l’économie rurale de l’etablissement, un modèle de ruche pyramidale, qui se divise en trois étages, munie de sou support et de son couvercle; le tout fait en bois de peuplier, et dans la proportion d'an quart de grandear naturelle, et que ce modèle sert à l'instruction publique. Fait au Muséum, le 13 septembre 1813. Signé TuouIs , professeur: Ce. la manière dont elle était construité ; et faire connaître les changemens que j'y ai faits. , EE el De la Ruche pyramidale. La ruche pyramidale fut inventée, enr 1760, par M. Palteau, qui n’a, pour ainsi dire, qu'ébauché cette ruche. Dans Fo- rigine elle n'avait point de séparation ; etses trois boîtes n’en formaient qu'une, dont la supérieure était couverte d’une planche. Quand on voulait faire la ré- colte, on était forcé de couper transver- salement tous les gâteaux de cire, ce qui causait un dérangement total et occa- sionait une perte considérable d’abe- es. Pour remédier-à cet inconvénient j'ai imaginé de mettre un fond à chacuné des boites, et j'en ai réduit la dimension à une grandeur moyenne. (69 ) Construction de la Rucke prramidale. ll faut du bois très-sec, soit peuplier ou tilleul, que les planches soient épais” ses de douze à quinze lignes, larges de dix pouces et longues de quatorze ou quinze pieds:ce sera pour faire le corps d'une ruche, qui est composée de trois boîtes. Chaque boîte doit avoir un pied deux pouces sur les quatre faces et dix pouces de hauteur, et être assemblée à queue d’aronde; ces trois boîtes doi- vent être faites sur le même plan et parfaitement semblables. Il faut que cha- que boîte ait un fond de quatre ou cinq lignes d'épaisseur, dans lequel on fera une ouverture de trois pouces,ronde ou carrée.On posera des tringles de quinze ou dix-huit lignes au haut et en dehors de chaque boîte; il faut que ces trin- gles soient posées à moitié bois,afin que les boîtes, étant mises les unes sur les autres , puissent se tenir sans se déran- ger, Chaque boite doit être percéeau bas; (30) éette ouverture doit avoir deux bons pouces de longueur sur un pouce de hauteur. On percera deux trous trans- versalement au milieu de chaque boîte, et de grandeur à passer le bout du pe- tit doigt. On y fera entrer un bâton, qu'on laissera dépasser de deux pouces des deux côtés de la boïte; ce bäton sert à soutenir les travaux des abeilles , et en même temps facilite pour enlever et pla- cer la boite. Le tablier, pour poser les boites, doit être fait du même bois; on peut le faire cependant en plâtre : le tout doit être exécuté conformément au - modele N° 4. Manière de se servir de la Ruche pyra- midale. On a soin de boucher le trou qui est au fond de la boite avec une petite plan- chette faite exprès, et que l’on fixera avec deux vis, afin de pouvoir, au mo- ment de la récolte, retirer cette plan- chette sans aucune secousse, Alors on 72 lae. 7: (ions recoit l’essaim dans la boîte de la ma- niére accoutumée, et dans le cours du jour on place le tablier, et l’on pose une boîte dessus. Le soir on rapporte la boite dans laquelle on a recu l'essaim , et on la pose sur celle qui est en place,” ce qui met la ruche aux deux tiers, puis on la couvre de son chapiteau : c'est ainsi que se termine cette première opération. A la fin du mois de mars de l’année suivante on ôte le chapiteau, et on en- lève les deux boîtes ensemble de dessus le tablier, puis on passe la troisième par-dessus, ce qui met la ruche au com- plet. On aura soin de remettre le chapi- teau, et de boucher l'entrée quise trouve en haut de la ruche avec un fiége ou un morceau de bois. Procédé pour faire la récolte de la Ruche pyrramidale. Cette récolte se fait quand on le veut ; mais le mieux est de la faire vers la fin (72) de juillet : on choisit un beau jour à l’heure de midi. On commence par ôter le liége qui bouche l'entrée du haut, en- suite on passe une lame tranchante par l'entrée que bouche le liége, et lon coupe les gâteaux qui communiquent de l’une à l’autre boîte; ensuite on Ôte le chapiteau, on retire les vis, et on enlève la petite planchette. On frappe deux ou trois petits coups sur la boiïie d’en bas, pour attirer les abeilles de ce côté; une minute après on enleve la boite, on pose aussitôt la planchette sur le trou qui est au fond de la boite; on replace les vis et le chapiteau, on emporte la boite que l’on vient d’ôter, et dans laquelle il ne se trouve que du miel et de la cire : s'il arrive qu'il s’y trouve quelques abeilles, par le moyen d'un peu de fumée on parvient facile- ment à les chasser en passant la boite au-dessus. Le même soir on enlève les deux boites, et l’on passe celle que l’on a vidée par dessous : on continue de même tous les ans. (7) Depuis plusieurs années quelques au: teurs ont écrit sur les abeilles, et, pour rendre leur système tout-à-fait neuf, se sont imaginé de faire des ruches cou- pées, c'est-à-dire des ruches de deux pièces. La partie inférieure a un pied de hauteur sur la même largeur; le chapi- teau qui fait le couronnement de cette ruche a quatre où cinq pouces, ce qui donne seize ou dix-sept pouces de hau- teur en totalité. Je ne prendrai point la peine de décrier cette ruche; l’expé- rience n’a déjà que trop appris à ceux qui en ont fait usage qu’elle n’est bonne qu'à mettre au feu. Ce que je dis là n'est point l'effet de la prévention. et, si la chose en valait la peine, je donne- rais vingt preuves de ce que j’avance. En définitif, cette ruche est la plus mi- sérable invention qu’on ait pu faire, puisqu'elle contraint l'abeille à travail- ler en raison inverse de la marche que lui indique.la nature. Ayant toujours fait mon-occupationdes abeilles, j'ai cher- ché les moyens de ürer, le plus grand, 4 (74 ) avantage possible de leurs travaux, et j'ai acquis la certitude que les ruches de forme ancienne, et faites en paille, sont les meilleures, en ce qu’elles sont plus fraiches en été et plus chaudes en hiver; convaincu de cette vérité, j'engage les propriétaires d’abeilles à s’en servir de préférence à toute autre. J'ai remarqué que les ruches trop grandes et trop évasées sont très-désa- vantageuses; elles découragent les abeil- les, qui renoncent au travail, désertent la ruche, ou se laissent mourir de mi- sère, Pour remédier à cet inconvénient, J'ai imaginé un moule ou calibre de moyenne grandeur, sur lequel je fabri- que des ruches bien plus parfaites que celles qui ont été faites jusqu’à présent, J'indiqueles moyens de fabrication, p.26. Je sais qu'il y a en France des cantons où le commerce de la cire et du miel est suivi avec succès; mais ce succès peut s'étendre infiniment si l’on s'attache à mon procédé, et en établissant des ru- ches sur tous les points et dans tous les (56 ) départemens. Alors le commerce de la cire et du miel s’accroitrait considéra- blement, et,comme ce n'est que d’après l'expérience bien suivie de mes procé- dés que j'ai donné, page 64, le résultat du bénéfice annuel que peut produire un seul rucher de cent ruches, et que l’on a vu combien ce bénéfice pourrait encore s'étendre, je pense que mes pro- cédés ne sont point indignes de l’atten- tion du Gouvernement: car tout ce qui tend à augmenter les revenus de l'Etat, iout en procurant des avantages aux particuliers, me parait mériter accueil et protection. Du Laboratoire, et des Ustensiles né- cessaires pour la récolte du Miel et de la Cire. On doit choisir un local qui ait au moins trente pieds de longueur sur une largeur proportionnée,et qui soit éclairé d’une ou deux croisées fermant bien, ainsi que la porte, afin que les abeilles (ie ) ne s'y introduisent point. On placera dans le milieu du laboratoire un poële en briques, quiserviraenmème temps de fourneau pour fondre la cire. On fera faire deux gouttières de dix ou douze pieds de longueur, en bois de chène, larges par le haut de quinze à dix-huit pouces, de la profondeur de sept à huit pouces, et deux claies en menuiserie ou en osier, dont les brins soient écartés de six lignes au plus. Ces claies doivent être soutenues, de distance en distance, par des tasseaux entrés d’un pouce dans des gouttüères, faits en chanfrein ou talut des deux côtés; ils doivent porter des deux bouts sur les joues des gouttières, et être fixés avec des clous. Il faut que ces gout- tières soient creusées dans des pièces de bois, pour que le miel ne se perde pas; faute de cette ressource , on prendra des planches de quinze à dix-huit lignes, et d'un bois bien sec, que l’on joindra bien, Il faut donner une pente de neuf ou dix pouces aux goutueres, afin que le miel puisse couler plus promptemept; GumA) le bout le plus haut des gouttières doit être fermé, et les gouttières seront po- sées sur des pieds, conformément au modele. On aura quatre seaux de faïence ou de terre vernie, de grandeur à tenir dix ou douze litres. Trois de ces seaux se trou- vent occupés de suite ; deux dessous les gouttières et un dessous la presse dont je parlerai tout-à-l’heure ; le quatrième doit être mis en réserve, pour changer au besoin. On aura trois tamis clairs en crin ; il faut qu'ils n’entrent pas de plus d'un pouce dans les seaux. Le miel qui découle des gouttières tombe sur le ta- mis, lequel retient les parties de cire qut pourraientse trouvermélées aveclemiel. On fera faire ou on achètera une presse ou pressoir d'une force conve- nable. La mai du pressoir doit être car< ré-long ; la caisse doit avoir la même for- me : mais elle doit être plus étroite et plus courte de quatre pouces. Cette caisse doit être faite en bois dur em- manché:et assemblé à queue d’aronde; (hi 0) elle doit avoir dix ou onze pouces de profondeur, et être cerclée de deux bons cercles de fer de trois lignes d'épaisseur et dix-huit lignes de largeur. Cette caisse doit être percée detrous en biais, de trois ou quatre lignes de diamètre. On don- nera la pente des trous en dehors, pour qu'il ne reste rien dans l’épaisseur du bois; on percera la caisse en quinconce: il faut que ces trous soient faits à dix- huit lignes les uns des autres. On ne per- cera pas le cercle de fer qui est en haut de la caisse; mais on fera pratiquer des trous dans le cercle du bas. Le pressoir et la caisse serviront au miel et à la cire. Il faut un panier rond, aussi large du bas que du haut, de dix-huit pouces de diamètre sur deux pieds de hauteur; une jalle de deux pieds de diamètre sur un pied au plus de hauteur; deux trin- gles en bois de chêne, assez fortes pour soutenir le panier, que l’on posera sur les tringles déj* placées sur la jale. On aura aussi plusieurs baquets L D min Le ES " OMR TENE EE ar (79 ) de la largeur que l’on voudra, mais qui puissent passer dessous la hanche du pressoir. On fera faire une chaudière qui emboîtera bien dans le fourneau ; 1l ne faut pas qu’elle contienne plus de vingt kilog. On aura aussi plusieurs toiles en crin, bien frappées, pour faire le marc de la cire et du miel, en obser- vant que les toiles qui auront servi à la cire ne pourront plus servir au miel. On aura encore un couteau courbé, pour défaire les rayons de cire, et grat- ter les ruches, afin qu'il ne reste rien. Il faut avoir une plane à queue, sem- blable à relle dant se servent les ton- neliers, pour gratter les pieds des pa- niers de cire. (Voyez le plan n° 5.) # Manière de faire les Cartes soufrées. : On se sert d’une assiette de terre ver-, nie , dans laquelle on met du soufre à canon, que l’on fait fondre sur un four- neau. Quand le soufre est bien fondu, ( 80 ) on y trempe des morceaux de linge, coupés de trois pouces en'carré. On tient la carte par l’un: des coins; quand elle est bien imbibée des deux côtés, le coin qu'on ent dans'les doigts sert à être mis au bâton qui la tient pour être brülée. De la Récolte sans perte d' Abeilles. La récolte doit se faire du 19° au 15 juillet, et après que les ruches ont donné leur essaim. Dans le Midielle sefaitbien plus tard, attendu que les abeilles trou- vent dans ces contrées, qui semblent faites pour elles, des ressources inépui- sables. Au surplus, chaque départe- ‘ment ayant sa température, c’est aux habitans à fixer eux-mêmes l’époque de leur récolte, époque qui, quoique plus ou moins reculée, ne change rien à la manière que j indique de panvenner les abeilles. 1 FRA É (82) Manière de transvaser ou chasser les Abeilles dune Ruche dans une autre. À la nuit tout-à-fait close on enlève la ruche que l’on veut chasser, pour là poser (le haut en bas) dans une petite barrique défoncée d’un bout, ousur une machine faite exprès. (J’ayez le plan, n° 6.) On pose cette machine à une petite distance du rucher, afin de rendre le travail plus facile. Laruche posée ,comme je l’ai dit, le haut en bas , on la recouvre aussitôt d’une autre ruche vide, et on les enveloppe ensemble avec une nappe, que l'on à soin d'assujettir avec une forte ficelle, qu'il faut bien serrer, de crainte qu’elle ne se dérange quand tout est bien arrangé : on frappe sur la ruche du bas pour faire remonter les abeilles dans la ruche qui est au dessus, et on continue de frapper pendant eu- viron trois quarts d'heure. Ensuite on (8) détache la ficelle, on enlève la nappe qui enveloppe les deux ruches; une personne prend la ruche de dessus, et la porte à la place qu'occupait l’autre. Celle-ci doit être retirée par une seconde personne, et posée sur-le-champ au dessus d’un trou fait d'avance dans la terre. On y aura allumé deux cartes soufrées ; on rapprochera la terre au- tour de la ruche, pour concentrer la vapeur du soufre, qui, dans dix ou quinze minutes, fera périr le peu d'a- beilles qui seraient restées dans la ru- che. En suivant cette méthode on n’a jamais de vieilles ruches, ce qui est - facile à sentir, puisqu’en chassant les méres-ruches on les met au niveau des derniers essaims, ce qui fait qu’on ob- tient toujours de belle cire et d’excel- lent miel. J'ajouterai encore que les abeilles engendrées dans de nouvelles alvéoles sont toujours plus vives, plus actives et plus laborieuses que celles qui naissent dans les anciennes. (85) Manière d'extraire le Miel de la Cire. Les ruches apportées au laboratoire doivent être bien secouées, pour faire tomber les mouches mortes qui pour- raient y être restées. On retourne la ruche du haut en bas, et l’on passe les mains entre les deux gâteaux du milieu, en appuyant de droite et de gauche pour rompre l’un des deüx. On retire le gâteau rompu, eton examine bien s’il ne renferme pas ce que le vulgaire ap- pelle le faux miel (1), ce qui est facile à connaitre. Ce soi-disant miel est rou- geàtre et farineux, d'un goût désagréa- ble, d’une odeur extrêmement mau- vaise, et gäte, par cette raison, le bon miel. On doit ôter aussi le couvain etla (1) J'ai bien examiné la substance que l'on a regardée jusqu'à présent comme faux miel, et je me suis convaincu que ce n’estautre chose que du pollen qui s'échauffe, se é à ; corrompt, et prend alors le mauvais goût et l'odeur désagréable que l’on a remarqués. ( 84 ) cire dans laquelle on ne voit pas de miel. Le gâteau ainsi nettoyé, on le dé- cachète d’un côté, puis on le pose du côté décacheté sur là claie qui est pla- cée sur la gouttière; on continue de même jusqu'à la fin. La gouttière gar- nie, on allume le feu dans le poële, pour échauffer le laboratoire au degré des vers à sole, et trois ou quatre ‘heures après on retourne les gâteaux, après avoir fait comme la première fois. Quand les gâteaux sont bien égouttés des deux côtés, on les relève de dessus les gouttières pour les porter au panier placé sur la jalle. On brise bien les gà- eaux pour faire sortir le miel, et, après les avoir bien broyés avec les mains, on les laisse égoutter jusqu’au lende- main. Alors où prend une quantité suffisante de cette cire miellée pour en faire un marc, après avoir bien arrangé la toile en erin, dont jai déjà parlé Pre 70; La première pression faite , on des- - serre le pressoir, on remue le marc, . gt on le resserre de nouveau. Quand on croit le marc assez pressé , on le retire pour le porter devant Le rucher, ainsi que les ruches qui ont été dépouillées ; les abeilles y trouvent encore de quoi porter à leur ruche. Par ma méthode d'extraire le miel de la cire on obtient trois qualités de miel que l’on aura soin de séparer. Sur cinquante kilogrammes on en retire à-peu-près quarante de première qualité, et dix de seconde et de troisième. Je laisse aux lecteurs à juger si cette méthode , que j'ai toujours mise en usage, n'est pas préférable à toutes celles que l’on peutemployer. D'ailleurs, pour faire connaitre combien mon pro- cédé pour extraire le miel de la cire diffère de tous ceux qui sont en usage, je vais rapporter différentes manières dont plusieurs personnes, ennemies de leur véritable intérêt, ont usé jusqu’à présent. Ceux qui ne connaissent pas cette manutention s'imaginent que tout ce que renferme une ruche est bon miel, écrasent tout Ce qui se trouye ( 86 ) dans cette ruche, sans faire attention au couvain, au faux miel et aux mou- ches mortes qui se rencontrent dans la cire. Ils ne réfléchissent pas au tort qu'ils se font à eux-mêmes par une aussi mauvaise méthode , qui ne peut être que l'effet de la paresse ou de l’igno- rance. D'autres jettent tout ce mélange dans un panier , et broyent le tout ensemble. Ceux-ci passent le miel de suite à la presse ; ceux-là mettent les gâteaux de cire , garnis de miel , dans des chaudiè- res, ensuite sur le feu, et retirent ainsi, tant bien que mal, le miel d'avec la cire. Par cette détestable méthode ils font entrer dans le miel une infinité de parties hétérogènes qui le rendent mu- cilagineux , et le disposent à s’aigrir. D'après d'aussi mauvais procédés , doit-on s'étonner de la mauvaise qua- lité des miels, lorsqu'on voit que les trois quarts des personnes qui se mélent de faire les récoltes n’ont pas même les notions premiéres et indispensables C8) pour entreprendre le commerce du miel? De cette ignorance résulte une mauvaise confection qui rend le miel désagréable au goût , et même perni- cieux à la santé. Ce que j'avance ici ne serait pas difficile à constater dans les mois de juin, juillet et août ; car, dans ces mois, le miel recueilli par tous ces mauvais procédés se corrompt et se gâte toujours, Moyen pour purifier le Miel, et le convertir en Sirop. Prenez douze livres de miel, quatre livres d’eau , quinze onces de craie mise en poudre , dix onces de charbon pilé, lavé et séché; ajoutez trente blancs d'œufs battus dans deux livres d'eau. Il faut mettre les douze livres de miel, les quatre livres d’eau et la craie dans une bassine de cuivre bien propre et bien plus grande qu'il ne faut pour tenir ce qu'on se propose d'y mettre. On place la bassine sur un feu de char- (88) bon, et on fait bouillir cette compo- sition pendant trois ou quatre minuies ; ensuite on jette le charbon pilé dans le sirop, que l’on remue avec une cuiller. On continue l’ébullition pendant trois ou quatre auires minutes, puis on jette les blancs d'œufs; on remue et mêle bien le tout ensemble, et on le retire du feu. On laisse refroidir le sirop pen- dant un quart d'heure , et on le passe dans une étamine. On aura le soin de remettre sur l’étamine la première partie qui coule, parce qu’elle emporte tou- jours avec elle une partie de charbon. En prenant cette précaution, le sirop se trouve débarrassé, et a acquis le degré de cuisson qui convient pont le con- server. Cette première opération terminée , il reste une portion de sirop.sur l’éta- mine qui tient au charbon, au blanc d'œuf et à la craie ; on en obtient le départ en jetant de l’eau bouillante sur cette matière, jusqu'à ce, qu'il n’y ait plus de sucre. Alors on met! toutes ces (89) eaux dans la bassine , et on les fait ré- duire jusqu’à ce qu’elles aient acquis la consistance de sirop , qui devient un peu roux et a le goût de sucre d’orge. On ne doit point le mêler avec le pre- mier sirop. Marñière de faire Hydromel. Prenez cinq livres de miel pour cin- quante livres d’eau ; ajoutez une pincée de graine de genièvre; faites bouillir et réduire cette quantité à-peu-près au tiers. On aura soin, pendant l’ébulli- tion, de bien écumer cette liqueur, puis on la verse par la bonde dans un tonneau. On recommence de même, comme on a fait précédemment, jusqu’à ce que le tonneau soit plein jusqu’à la bonde , que l’on bouche légérement , afin que la liqueur se repose et se cla- rifie. Quatre à cinq jours après on peut commencer à faire usage de cette bois- son, qui est très-bonne, stomachique et pectorale. L'hydromel enivre ceux 8 (54) qui en boivent avec excès. On peut doubler, tripler même la dose du miel, ce qui donnera un hydromel bien plus fort et bien meilleur , et qui se conser- vera plus long-temps. CRT, De la Fonte de la Cire. - Pour procéder à la fonte de la cire brute , il faut casser ou couper le marc du miel , après l’avoir mis tremper dans l’eau pendant deux ou trois jours , ce qui donne une grande facilité à le cou- per ou à l’émietter. On le lave bien, afin qu’il ne reste point de miel, puis - on prend un tamis et deux bâtons que lon pose sur la jale dans laquelle est la cire trempée; on prend une partie de cette cire , que l’on étale sur le tamis pour la faire égoutter. Toutes ces dis- positions prises, on verse dans la chau- dière dont j'ai parlé , page 79, environ six à sept litres d’eau, que l’on faitchauf- fer et bouillir sut le fourneau ; ensuite (gr) on jette à-peu-prés trois livres de cire en gâteaux, en observant de ne jeter que peu-à-peu ; et lorsqu'il sera bien amorti, on y jettera la cire du tamis. On remuera le tout avec un bâton, jusqu'à ce que la cire soit entièrement fondue, et qu’elle paraisse jaune sur le marc ; puis on laisse bouillir deux à trois bouillons , on retire le bâton ;, on ne la perd pas un moment de vue, et dès qu’elle s’élève on retire la chau- dière pour la verser dans la mai de la presse, dans laquelle on aura mis une toile arrêtée aux quatre coins , afin qu'elle ne se dérange point ; alors on secoue la toile en la tirant et la lächant successivement, jusqu’à ce que le marc puisse être serré. Cinq à six minutes doivent suffire , et, sans cette célérité , on courrait risque de perdre la moitié de la cire, ou on serait abligé de re- commencer l'opération. Il n'est pas be- soin de dire que le pressoir doit se trouver muni d'un baquet pour rece- voir l’eau, ainsi que la cire qui sort (92,7 du marc qui est pressé. L'eau dans fa- quelle on a mis tremper la cire fait une espèce d'hydromel qui, à la vérité, n’est pas très-bon, mais que l’on peut pourtant boire, et qui d’ailleurs est fort propre à engraisser les porcs. Le marc de la cire, quand il est sec, produit un feu très-vif qui répand une odeur assez agréable. Manière de purifier la Cire. Quand toutes les fontes de la cire brute sont terminées, on retire les pains de cire qui sont dans les baquets; on les lave , puis on les laisse sécher, pour être ensuite cassés en morceaux, de la grosseur à-peu-près d’une pomme d’a- pi. On nettoie bien la chaudière, dans laquelle on mettra sept à huit litres d’eau et dix kilogrammes de cire en morceaux, que l'on fera fondre à petit feu | et en la remuant avec un mor- ceau de bois bien propre. Quand toute la cire est bien fondue , on la laisse (93 } faire un bouillon ; on retire la chau- diere , et on la couvre avec une vieille couverture. Un quart d'heure après on la découvre , et on écume bien tout ce qui se trouve dans la cire. On la re- couvre encore , puis on la découvre une seconde fois , etavec la pointe d’un couteau on dégage le tour de la chau- dière , afin que le pain de cire ne se fende point. Quand ce dégagement est fait, on recouvre encore la chaudière, qu'on laissera couverte pendant deux à trois heures ; alors on retire la con- verture. Trois à quatre heures après on versera un seau d'eau froide sur. la cire, ce qui fera surnager le pain , que l'on retirera de la chaudière pour le laisser refroidir. Quand il est froid , on étend une serviette neuve et de grosse toile sur une table ; on retourne le pain dessus la serviette, et on en gratte le pied avec la plane dont j'ai parlé. On enlève tout le gris que l’on y remar- que , et qu'il faut mettre à part pour être jeté dans les fontes de cire brute. ( 94) Aussitôt que les grattures commen- ceront à devenir jaunes, on les remet- tra dans la nouvelle fonte de cire raffi- née ; on continuera de même jusqu’à la dernière. Si on avait une quantité de gratture grise et d’écume de cire, on pourrait en faire une fonte exprès, ce qui serait plus sage que de la laïsser , comme on le fait, pour ainsi dire, à l'abandon, en attendant la fonte de l’année suivante. Des soins qu'il faut avoir pour gouverner les Abeilles pendant les douze mois de l’année. 1T MOIS. MARS. C'est dans le cours de ce mois que les abeilles reprennent leurs travaux. On doit, ce qui est trés-important, les débarrasser dès le premier jour de tout leur affublement d'hiver, approprier, épousseter, gratter les tabliers sur les- quels les ruches sont posées, Il est inu- \ (95 ) tile de dire qu’on en a retiré Ïa cire moulinée et moisie. Il faut rafraichir et couper avec le couteau les gâteaux qui sont inégaux, et remettre chaque ruche à sa place, en examinant bien celles qui sont faibles, pour leur donner du miel ou du sirop dont j'ai parlé. Le nettoyage achevé, on profitera d’un beau jour pour placer devant les ruches de petites assiettes remplies de sirop. On aura soin de mettre sur le sirop de petits brins de bois ou de paille, afin que les mouches ne sy embarrassent point les ailes ou les pattes. On aura l'attention de placer les assiettes à dix heures, et de les relever le soir. Il ne faut point prodiguer ce sirop ; il suffira d’en présenter deux fois aux abeilles , en mettant deux ou trois jours d'inter- valle. La propriété de ce sirop est de purger les abeilles qui sont malades, et de les retirer de l’engourdissement au- quel elles sont sujettes pendant l'hiver; quand elles en ont pris, elles redevien- nent vives, actives, et reprennent leurs ( 96 ) {travaux avec cette assiduité et cette ar- deur qui leur sont si naturelles. 2° MOIS. AVRIL. Dans ce mois la chaleur commence déjà à se faire sentir, et les essaims com- mencent aussi à se former. On se gar- dera bien de soulever les ruches,, et même d'y toucher. Si les amateurs d’a- beilles voulaient se persuader que rien n’est plus nuisible à ces insectes que de lestourmenter, de quelque manière que ce soit, non-seulement ils se garderaïent bien de remuer ou de déranger les ru- ches, mais ils s’abstiendraient même de les approcher de plus de vingt pas, car le moindre bruit inquiète les abeilles, et nuit par conséquent aux travaux. Les personnes qui se sont spécialement oc- cupées de cette partie de l'économie rurale savent fort bien cela, et ont grand soin , aussitôt qu'elles ont achevé le nettoiement, de laisser les abeilles en paix et de ne point les troubler dans leurs occupations. (56) Il faut pourtant excepter de cette ri- gueur les ruches qui renferment des mouches malades. La nourriture est né- cessaire pour leur rendre la santé, et il faut leur donner du miel ou du sirop dont je viens de parler. 3° mors. MAT. Il arrive quelquefois que l’on a des essaims dans les derniers jours d'avril il faut donc, dès les premiers jours de mai, mettre toute son attention à sur- veiller les ruches pour le départ des essaims, et les faire garder par des per- sonnes raisonnables. . 4° mors. JUIN. Pendant ce mois il faut continuer la garde. Si les ruches sont éloignées d’une petite rivière ou d'un ruisseau, il de- vient nécessaire que le rucher soit pourvu d'eau. On aura soin d’avoir un ou deux baquets de huit à neuf pouces de profondeur ; on y mettra un peu de terre et quelques racines de cresson de 9 ( 98 ) fontaine ou autres plantes aquatiques, pour l'empêcher de se corrompre. 5e MoIs. JUILLET. La garde des abeilles se continue jus- qu’à la fin de ce mois. La récolte se fait du 1* au 15, de la manière indiquée page 8r, où l’on voit que ce n’est pas une règle générale de la faire au mois de juillet. 6* mors. AOUT. On doit, pendant ce mois, laisser les ruches toutà-fait tranquilles. Te MOIS. SEPTEMBRE. Dans ce mois les ruches se trouvent débarrassées du couvain; c'est aussi à cette époque qu’elles sont parfaitement grasses. On peut, dans les premiers jours , étouffer les abeilles dont on veut se débarrasser, pour en retirer la cire et le miel, quoique cette coutume prati- quée dans bien des provinces ne soit pas du tout la mienne. ( 99 ) - On doit examiner avec soin toutes ses ruches, et surtout les derniers essaims; si dans cette recherche on en trouve de faibles, qui n'aient pas eu le temps d’a- masser suffisamment pour passer l’hiver, on y suppléera de la manière suivante, et avant que les mouches soient en- gourdies. On mettra dans une assiette à-peu-près deux à trois livres de miel superfin; on la posera dessous la ruche faible, en la recouvrant, comme je l’ai déjà dit, avec de petits brins de paille, ou une toile de crin, afin que les mouches ne s’em- barrassent point les pattes. Cette assiette doit être posée le soir, après le coucher du soleil. Deux à trois jours suffisent pour que les abeilles aient déposé dans les alvéoles tout ce quecontient l'assiette, On continuera de leur donner du miel jusqu'à ce que l'on juge quelles en auront assez pour passer l'hiver; on sera bien sûr, en prenant cette précau- tion , que les mouches ne périront pas. On n'est pas obligé de leur donner à { 100 manger durant l'hiver , ce qui souvent devient inutile, car l’engourdissement oùelles se trouvent fait qu’elles meurent à côté de la nourriture qu'on leur a portée. 8° MOIS. | OCTOBRE. Dans ce mois, comme dans tout le cours de l’année , on doit veiller à la conservation et à la sûreté des abeilles, et les débarrasser, autant que l'on peut, detous leurs ennemis quisont assez nom- ‘breux ; mais le plus redoutable que je connaisse est un petit papillon de la famille des phalènes; on le nomme aussi la teigne-bédaude à tête blanche ; sa couleur est d’un blanc sale, et, quand il déploie ses ailes , il peut couvrir un espace de neuf à dix lignes. Cet insecte se tient caché, pendant le jour, sous les capotes des ruches et sous les tabliers ; la nuit il quitte cette retraite, et saisit le moment favorable pours’introduire dans les ruches. On ne doit pas négliger de lui faire la chasse, au moins une fois (Tor) tous les huit jours; si on l’apercevait voltiger le soir, il serait bon dé redou- bI r de vigilance , et d’en faire la chasse plus souvent et de la manière que je vais indiquer. On fait cette chasse le matin; pour cela on lève la capote, on regarde autour de la ruche, sous le tablier, et partout où le papillon pourrait se cacher ; par un temps de pluie on peut faire cette re- cherche en plein jour; on peut encore la faire aux flambeaux. On aura un ou plusieurs lampions, dans lesquels on mettra une mèchetrois fois grossecomme celle d’une chandelle, «et imbibée d’es- sence de thérébentine; on mettra un peu de terre glaise dans le lampion, pour soutenir la mèche; on le remplit ensuiteavec de l'huile ou du suif; le soir, à la nuit close, on allume les lampions que l’on aura posés à cinq ou six pieds des ruches : tous les papillons viendront infailliblement se brüler à la flamme des lampions. Je crois devoir dire à ceux qui pourraient l'ignorer , que ce papillon ( res engendre un insecte appelé vulgaire- ment arturon ; c'est une espèce de ver d'abord très-petit, mais qui en vieillis- sant devient fort gros. J'en ai vu qui avaient jusqu’à quatre lignes de tour, et quatorze de longueur ; ce ver destructeur mange la cire et le miel, et laisse après lui une espèce de toison filandreuse,que l’on nomme avec raison la teigne ; car, lorsqu'une fois une ruche est attaquée de cette peste, il est très- difficile de la sauver. Si on s’aperçoit de l'existence de ce ver au commencement ou dans le cours de l'hiver , le plus sage parti est d’étouffer les abeilles, pour ne point tout perdre, et de jeter ensuite la ruche au feu; mais, si on s'aperçoit de ce malheur au commencement de la belle saison, on transvase les abeilles dans une autre ruche, de la manière indiquée page 81. Si la saison est avancée, on pourra encore conserver les abeilles en les fai- sant passer dans une autre ruche, dans laquelle on aura attaché quelques bons ( 1103 à gâteaux de cire remplis de miel; ce qui leur aidera à passer l'hiver. Il existe encore pour les abeilles une ennemie, non moins perfide que le pa- pillon dont je viens de parler, mais plus facile à détruire. Cette ennemie est la souris, qui saisit le moment où les abeil- les sont engourdies pour pénétrer dans la ruche. Pour parer à cela il faudra fer- mer l’entrée des ruches avec une petite plaque de fer-blanc, de tôle, de plomb ou même de bois; ces plaques seront percées de plusieurs trous,de grandeur à laisser passer une abeille. On aura donc soin, dans le cours de ce mois, de tenir fermées toutes les en- trées des ruches ; et, comme je viens de le dire, si on négligeait cette précau- tion, la souris ne manquerait pas de s’'introduire dans les ruches, et de les dévaster entièrement; en outre, l'odeur que répand cet animal est un poison mortel pour les abeilles. Les araignées sont encore leurs enne- mies ; il faut avoir soin de les détruire. Cioû ) Je connais plusieurs espèces d'oiseaux qui font la guerre aux mouches à miel: ce sont les hirondelles, les moineaux francs, et surtout les mésanges. ‘Cet oiseau a la malice de venir frapper la ruche avec son, bec, pour faire sortir les abeilles, et les avaler à mesure qu’elles sortent; mais il est facile de le prendre en lui tendant des piéges. Les fourmis incommodent beaucoup les abeilles; il faut avoir grand soin de les en débarrasser. Lorsqu'on en aper- çoit on doit s’occuper de chercher leur fourmilière, sur laquelle on versera de l'eau bouillante; cette opération les fera périr en grande partie, et on la renou- vellera jusqu'à ce qu'elles soient toutes détruites. Si on ne peut découvrir la retraite des fourmis, il faudra envelop- per le bas des pieux qui soutiennent le tablier, avec de la laine ou du coton non filé, ce qui empêchera les fourmis de monter dans les ruches. Les guêpes se mélent aussi de tour- menter les abeilles; mais le mal qu’elles ( 108 ) leur font n’est rien en comparaison de celui que le frelon leur cause; je le re- garde comme le loup des mouches à miel. Il ressemble à la guëêpe ; mais il lui est bien supérieur en force. Il porte dans ses mandibules un poids de deux onces, et prend son vol, chargé d’un poids d'une once. Il fait, en volant, un bruit que l'on entend à cinquante toises. Cette mouche monstrueuse cherche à péné- trer dans la ruche, y prend l'abeille qui lui convient, l'emporte, et en fait sa proie. | 9° MOIS: NOVEMBRE. On doit, dans ce mois, avoir soin de tenir les ruches bien couvertes, et ob- server si la souris ne rôde point pour tâcher de s’introduire dans les ruches. C'est aussi le temps de fabriquer les ruches pour la campagne prochaine. cnrs 10° MOIS. DÉCEMBRE. On se conduit dans ce mois de la même manière que dans le précédent. ( 106 ) HE MOIS. JANVIER. On suivra encore, pendant le cours de ce mois, la même marche que dans les deux mois précédens. 12° MOIS. __ FÉVRIER. Lorsqu'on achète de nouvelles ru- ches, ou lorsqu'on veut transporter les anciennes dans un autre local, si l’on n'est point à portée d’une rivière pour faire ce transport, et si la distance est trop grande pour qu’on puisse les por- ter à la main, on sera forcé de se ser- vir d’une charrette. Il faut avoir l’atten- tion de placer les ruches, le haut en bas, dans la charrette et de les couvrir d’une enveloppe, qu'il faudra attacher avec soin pour que les mouches ne sortent point. Avec cette précaution les gäteaux ne se détacheront pas, ce qui ne man- querait pas d'arriver si on plaçait sur la charrette les ruches dans leur position naturelle. ( 107 ) MANRAAARAA AA A IARNAN IA AAA AAA AA A ANA AAA AS CONCLUSION. Ceux qui se livrent par une spécula- tion de commerce à l'exploitation d'un ou de plusieurs ruchers, ceux qui ne s'occupent des abeilles que par un motif d'amusement et en même temps d'uti- lité domestique , peuvent être assurés que la méthode indiquée dans ce Traité, tant pour gouverner ces insecles que pour recueillir le miel et la cire, est la meilleure que l'on puisse suivre pour obtenir un succès complet, puisqu'elle est le résultat de nombreuses expérien- ces et d’une longue pratique. Sans vouloir fronder personne, je fe- rai seulement observer, ainsi que je l'ai déjà dit dans le cours de cet ouvrage,que toutes les ruches de nouvelle invention, et surtout celles qui sont faites de deux pièces, ne peuvent être considérées que comme des objets de pure fantaisie ou de simple curiosité ; qu’elles contrarient, ( 108 ) gènent et entravent les abeilles dans leurs travaux; qu'elles accélèrent leur destruction, et que par conséquent elles diminuent considérablement les avan- tages que l’on peut retirer de ces pré- cieux insectes. On doit donc s’en tenir aux ruches de forme ancienne; ce sont les seules qui conviennent aux abeilles. J’insiste sur ce point, parce que je le re- garde comme étant d’une grande impor- tance. On a dù remarquer aussi que mes procédés sont simples et ont tou- jours un but principal, celui de tour- menter le moins possible les abeilles, qui, conduites et dirigées par la nature et un instinct qu'on ne saurait trop ad- mirer, sont bien plus habiles que nous, connaissent bien mieux ce qui leur con- vient, et ne réussissent jamais mieux dans leurs travaux que quand nous les abandonnons à-peu-près à elles-mêmes. Si cette dissertation est lue avec at- tention, si les moyens d'exploitation que j'indique, et qui n'ont été fournis par une longue étude et trente années d’ex- ( 109 ) PIRE . f Q r Et) périence, ne sont point dédaigués, ] ose assurer que le commerce du miel et dela cire pourra s'étendre à un tel point que la France non-seulement ne sera plus dans la nécessité de s’en procurer chez l'étranger, mais qu’elle pourra même en SET; faire l'exportation. FIN. BV VUS VU AAA AVR RAA VA RAA UV AY AV RAA aa ua TABLE DES MATIÈRES. meer EP. se se es + page I Du métier pour faire les ruches. . . . . . 23 Du peigne pour la paille... . . . ..... 25 Des autres outils pour faire les ruches. . . 26 De la manière de fabriquer les ruches. . . zdern. Pour ajuster le manche de la ruche. . . . . 28 Mortier pour bauger les ruches. . . . . . . 29 De l'exposition (duenener 1 00e . idem. De Ta construction du rucher. : : - . . . _ 31 Du nombre et du genre des abeilles qui composent une ruche:…. . . - .. . . . -_ 33 Du roi des abeilles EE RES De labeille ouvrière CNT M ES Des Dourdons. Ar. Em NET De ce que l’on trouve dans une ruche et des matières que l’abeille amasse pour cons- truire son édiicen... 01 CES SS Ce que c'est qu'un esann. 2. 0er De la garde des abeilles à l’époque des es- SAUMSHR es PA PES à LAN PEUR 42 TABLE DES MATIÈRES. De la sortie des essaims. . : . . . .. page 13 Des essaims en général. Genres nepoe AU Précautions qu'il faut prendre pour re- cueillir iles essais, 5. 0 8 De la manière dont les abeilles commencent leurs trame (0.606. 20.0 Observations, Let. 0 Te NP Pour se garantir des piqûres des abeilles. . D Remeède pour apaiser la douleur causée par la piqure dés abeilles, . 1.1... . "0 36 Des soins à prendre à la fin de l'hiver pour la conservation des abeilles. . . . . . . b7 Manière de faire le sirop. . . . . . . . . . idem. De la manière de se servir du sirop et de l’ad- ministrer pour nourrir, fortifier et pur- ger les abeilles pendant leurs maladies. . 58 De l’ordre que l’on doit établir pour gou- VÉLNEL (HN TUBES + =. «nee LU ND) Des avantages que peuvent produire les D eus PM nes a einer ee OL Des ruches de diverses inventions. « « « .. «+ 66 De la ruche pyramidale. . . + . + + + + +: 68 Construction de la ruche pyramidale. . . . 69 Manière de se servir de la ruche pyramidale. 70 sd TABLE DES MATIÈRES. Procédé pour faire la récolte de la ruche pyramidale.. . . . . . . . . . . . page Du laboratoire et des ustensiles nécessaires pour la récolte du miel etdela cire... Manière de faire les cartes soufrées. . . . . De la récolte sans perte d’abeilles. . . . . . Manière de transvaser ou chasser les abeilles d’une ruche dans une autre. . . . , . . Manière d'extraire le miel de la cire. :4. Moyen pour purifier le miel , et le conver- LP OT SORA 2 had ee à del dl 08 Manière de faire l'hydromel. ef yuhnrs L Be la-fonte-de la cire. 2.978.090 Fe Manière de purifer la cire. . .. . .. Des soins qu’il’faut avoir pour gouverner les abeilles pendant les douze mois de l’an- La MECS TS Ve Fsiteile ve lerte Me ET 6h64 Se RES Conclüsions, 4000 one En Aie FIN DE LA TABLE. 71 94 107 DE L'IMPRIMERIE DE CHANSON.