VOYAGE INDES-ORIENTALES. ZLOOLOGIE. = =— IMPRIMERIE DE MADAME HUZARKD (xée VALLAT LA CHAPELLE), ÿ Rue de l’Eperon, n° 7. VOYAGE AUX INDES-ORIENTALES, PAR LE NORD DE L'EUROPE, LES PROVINCES DU CAUCASE, LA GÉORGIE ; L'ARMÉNIE ET LA PERSE, SUIVI DE DÉTAILS TOPOGRAPHIQUES , STATISTIQUES ET AUTRES SUR LE PÉGOU , LES ILES DE JAVA, DE MAURICE ET DE BOURBON , SUR LE CAP-DE-BONNE-ESPÉRANCE ET SAINTE-HÉLÈNE , PENDANT LES ANNÉES 1895, 1826, 1827, 1828 ET 1829, PUBLIÉ SOUS LES AUSPICES DE LL. EE. MM. LES MINISTRES DE LA MARINE ET DE L'INTÉRIEUR ; Par M. Cuarces BÉLANGER , Chevalier de l'Ordre royal de la Légion-d'Honneur et de l'Ordre impérial du Lion et du Soleil de Perse, Naturaliste-Directeur du Jardin royal de Pondichéry, Membre de plusieurs Sociétés savantes. Dedie au Roi. ZOOLOGIE, v Par MM. BELANGER, Isipore GEOFFROY-SAINT-HILAIRE, LESSON, VALENCIENNES, DESHAYES zr GUERIN. PARIS. ARTHUS BERTRAND, LIBRAIRE-ÉDITEUR, RUE HAUTEFEUILLE , N° 23. 1854 FE Fes e ra PC Ve FRE Cv; RAPPORT VERBAL FAIT A L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES LA PARTIE ZOOLOGIQUE DU VOYAGE AUX INDES-ORIENTALES DE M, BÉLANGER. Fe Ces ee ES PE, RAPPORT VERBAL FAIT A L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, PAR M. F. CUVIER, SUR LA PARIIE ZOOLOGIQUE DU VOYAGE AUX INDES-ORIENTALES DE M. BÉLANGER, mt QG Je viens rendre compte à l’Académie, par le rapport verbal qu’elle m'a demandé, de la partie zoologique de la relation du voyage de M. Bélanger aux Indes-Orientales , par le nord de l'Europe. Dans un premier rapport sur les résultats généraux de ce voyage, rapport qui avait été demandé par le Ministre, nous avons appris combien M. Bélanger avait su profiter des diverses situations où il s’est trouvé dans ses longues et pénibles excursions, pour enrichir l'histoire naturelle; à quel point son zèle l’a soutenu au milieu de mille dan- gers, et même sous le poids d'une maladie dont il faillit devenir la victime; tout ce que son amour de la science lui a fait entreprendre; tout ce qu’il a exécuté, en un mot, pour répondre aux espérances qu’il avait fait concevoir de ses lumières et de son activité. 2" Il s’agit aujourd’hui de la mise en œuvre de ces maté- VIII VOYAGE AUX INDES-ORIENTALES. riaux nombreux qui vous ont été signalés dans le rapport dont nous venons de parler, et de la place qu'ils sont des- tinés à occuper dans le vaste édifice de la zoologie. Cepen- dant nous croyons devoir faire remarquer, à ce sujet, que cette branche de l'histoire naturelle s’est tellement enri- chie des animaux des Indes, depuis plusieurs années, par les voyages de Duvaucel, de M. Diard , et de M. Raffles, par ceux de Leschenault, de Kuhl, de Van Hasselt, de Boié et de M. Rainwardt, qu'il y aurait une extrême in- Justice à apprécier les résultats d’un voyage nouveau dans ces contrées, moins par le nombre des objets recueillis que par leur nouveauté et leur importance. En effet, c'est à l’activité des voyageurs-naturalistes plus qu’à leur science, qu'il faut attribuer les richesses qu'ils recueil- lent; car c’est au hasard qu'ils doivent communément la découverte de ces espèces rares par leur organisation, qui conduisent à modifier les lois générales de la science : mais cette science soutient seule leur persévérance et leur courage, et c'est surtout au dévouement, que dans ce cas elle fait naître, que la reconnaissance est due; or les droits de M. Bélanger à ce sentiment, de la part des naturalistes, ne peuvent guère ètre surpassés par ceux d'aucun autre voyageur. Dans une préface, M. Bélanger trace un tableau rapide des travaux des voyageurs qui l’ont précédé ; il témoigne sa gratitude aux savans qui l’ont secondé; présente le plan d'après lequel furent conçus et exécutés ses travaux zoolo- giques ; fait un récit des obstacles que ses recherches ont rencontrés en Perse, et expose enfin l'itinéraire de ses di- verses explorations dans l'Inde. Moins versé dans la zoologie que dans la botanique, de- continent RAPPORT VERBAL. IX vant d’ailleurs se consacrer exclusivement à cette dernière branche de l’histoire naturelle, et à la partie historique de son voyage, M. Bélanger s’est associé, pour la description des animaux, à plusieurs hommes honorables qui, par leurs trayaux antérieurs, donnaient au public toutes les garan- ties de savoir et d’exactitude qu'on demande à l’histoire naturelle pour ajouter foi à ses découvertes. C'est notre confrère, M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire, qui s’est chargé de faire connaître les mammifères. Mais il ne s’est pas borné à la description des espèces nou- velles dues aux recherches de M. Bélanger, il a pris oc- casion de ce travail pour enrichir la science de beaucoup de considérations et de faits nouveaux relatifs aux mammi- fères en général. Ainsi, dans une introduction, il com- mence par indiquer quelques unes de ses vues sur les questions les plus abstraites de la zoologie; sur le rapport des animaux anciens et des animaux nouveaux; d’où, se rapprochant de son sujet spécial , il est conduit à présen- ter quelques remarques générales de géographie zoologi- que qui reposent sur la comparaison des riches matériaux rapportés par M. Bélanger, soit entre eux, soit avec ceux de diverses contrées du globe que nous ont fait connaitre d’autres voyageurs. Vient ensuite un tableau général des singes, où se trouvent rappelés les caractères génériques et spécifiques de ces animaux, soit qu'ils vivent en Afrique, soit qu'ils ne se rencontrent qu’en Asie. Pour compléter ce tableau, M. I. Geoffroy-Saint-Hilaire décrit cinq nou- velles espèces de singes indiens : ce sont les semnopithè- ques à fourrure, à capuchon et aux mains jaunes, les ma- caques roux doré et ursin. Continuant à envisager son travail sous le même point de vue, notre confrère trace XII VOYAGE AUX INDES-ORIENTALES. térêt des naturalistes, et plusieurs d’entre elles sont figurées dans l’Atlas de l'ouvrage qui renferme dix planches con- sacrées à l'ornithologie. M. Lesson, également chargé de la publication des rep- tuiles, parait s'être exclusivement renfermé, pour cette par- ie de lazoologie du voyage dans les espèces de la collec- tion de M. Bélanger ; elles sont au nombre de trente-trois, réparties entre seize genres, parmi lesquels nous trouvons un genre nouveau, voisin des trionyx, qu’il a nommé Té- traonyx, et dont le caractère est d’avoir une large palmure entre les doigts, au nombre de quatre, et tous munis d’on- gles. M. Lesson prend aussi occasion de la description de quelques espèces d'hydrophis, pour proposer la réunion de ces ophidiens en une famille qu'il nomme nauticophis ; cette famille serait subdivisée en deux tribus renfermant les cinq genres entre lesquels ces animaux ont été par- tages. Parmi les reptiles les plus remarquables dont la science est redevable aux travaux de M. Bélanger, nous avons à citer une Émyde , dédiée à ce voyageur. L'espèce qui a servi de, fondement à l'établissement du genre Tétraonyx, le tétraonyx au long cou, découverte par M. Bélanger dans l'Irrawaddi, au Pégou; un crocodile qui ne vit que dans les marais des bords du Gange; deux espèces de Gecko : le gecko à doigts libres, du Bengale, et le gecko à écailles tétraèdres, des environs de Pondichéry; le naja-kaou- thia, magnifique espèce, qui fait le sujet de la pl. 2 de l'Atlas; les couleuvres Boncorage et Korros; le micro- céphalophis au cou grêle, fiouré dans la pl. 3; le po- lyodonte annelé de noir, que M. Bélanger a trouvé à la fois sur la côte de Malabar et dans le golfe de Martaban; RAPPORT VERBAL,. XIIT les grenouilles tachée de sang, Brama et hexadactyle, appartenant au sud de l'Inde; enfin le crapaud élevé, représenté dans la pl. 7, la dernière de celles réservées à l'Erpétologie. M. Valenciennes, au savoir et au zèle duquel a été con- fiée la description des poissons, présente d’une manière abrégée quelques considérations générales sur l’ensemble de l'Ichthyologie des mers de l'Inde, et en particulier de la côte de Malabar, explorée avec tant de succès, sous ce rapport, par M. Bélanger, à qui cette science est rede- vable de nombreux et intéressans matériaux. M. Valen- ciennes n’a cependant pu décrire que dix-huit espèces de poissons, choisies parmi plus de deux cents que renfer- ment les riches collections de notre voyageur. Ces descrip- tions d'espèces sont toutes précédées de l'exposé des ca- ractères des genres auxquels elles se rapportent. Il est à regretter que M. Valenciennes n’ait pu employer les pages consacrées à ces caractères à faire connaître un plus grand nombre de poissons des collections de M. Bélanger, et sur- tout d'espèces de familles qui n'aient point encore été traitées dans l'Histoire naturelle des poissons, à laquelle , pour ces caractères génériques, il suflisait peut-être de renvoyer le lecteur. M. Deshayes, chargé des mollusques , consacre la pre- miére partie de son travail à des réflexions sommaires sur l'importance de l’étude de ces animaux, appliquées à l’His- toire chronologique du globe terrestre, texte immense qui embrasse la moitié de la Géologie, que M. Deshayes ne traite qu'accidentellement, et qu'il n’a pu développer autant que le demandait l'importance du sujet. XIV VOYAGE AUX INDES-ORIENTALES. Dans la deuxième partie, l’auteur décrit vingt et une es- pèces nouvelles de mollusques, découvertes par M. Bé- langer. Toutes ces espèces sont figurées, et parmi elles on remarque les hélices de Bélanger et demi-brune, de Pondi- chéry; le cyclostome indien, de l'ile d'Eléphanta, près de Bombay; le cyclostome orangé, de Pondichéry; le planorbe brûlé, de la côte de Malabar; la paludine du Bengale, re- cueillie sur les rives du Gange; la nérite intermédiaire et la ranelle perlée, de la côte de Malabar; le pyrule fauve et la pourpre à grandes écailles, des iles de la Sonde; la pourpre écailleuse des côtes occidentales, de l'Inde; le buc- cin de Blainville, de la côte de Malabar ; le buccin conoïde, des mers de la Sonde. M. Deshayes termine cette nomenclature raisonnée par un tableau des coquilles vivantes de l'Inde et de la Méditerra- née, et fossiles en Europe. Son but est de faire servir les analogues comparées entre les deux classes de coquilles à la solution du problème de l’ancienne communication de la Méditerranée et des mers indiennes. M, Guérin, qui a eu les insectes pour sa part dans la zoologie du voyage de M. Bélanger, fait dans le 1° chapitre une révision générale des genres et des espèces apparte- nant à la tribu des fulsorelles, et présente ses idées sur la classification de ces insectes, dont la plus grande partie ha- bite l'Inde. Le chapitre 2° est consacré à la description d’un choix d'espèces nouvelles, fruit des découvertes de M. Bélanger. Plusieurs d’entre elles viennent occuper une place importante, et jusqu’à présent laissée vide parmi leurs congénères. Nous mentionnerons particuliérement l'hololepte lisse, de la côte de Coromandel; l'oryete du RAPPORT VERBAL. XV Martaban ; la popilie tachée, de Java ; le gnome à atomes, de la côte de Coromandel ; la lamie de Carcel, de Java ; la scutellaire de Reynaud, de la même contrée; le cercope verdâtre, le mégachile à ventre rouge, et lodynère mi- partie, de la côte de Cgromandel ; l'abeille zonée du même pays, où elle forme, dans l'argile la plus compacte, des ru- ches d’une construction très curieuse ; enfin l’agariste de Bélanger, de Java. La zoologie doit donc au concours de notre confrère, M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire, et à MM. Lesson, Va- lenciennes, Deshayes, Guérin, la part qu’elle prendra dans les collections faites par M. Bélanger en Perse et aux Indes. Assurément , le choix qu’il y avait à faire dans ces collec- tions, pour que l'Histoire naturelle n’en perdit rien, ne pouvait être confié en de meilleures mains ; nous croyons cependant que le premier auteur de ces travaux, celui qui en a recueilli avec tant de peine les matériaux et les do- cumens qui font le sujet de ce recueil, s’y trouve trop effacé, malgré tout ce qu'ont fait ses collaborateurs pour éviter cet effet, en donnant son nom à des espèces nou- velles de tous les ordres. Quoi qu'il en soit, la science devra à cette partie de la relation du voyage de M. Bélan- ger la connaissance de six genres nouveaux et de cent quatre - vingt-trois espèces nouvelles de la Perse et de l'Inde; et parmi ces espèces , comme parmi ces genres , il en est qui remplissent dans la science d'importantes la- cunes. Un Atlas composé de quarante planches remar- quables par leur exécution, représentant quatre-vingt- neuf des espèces les plus curieuses et les plus nouvelles décrites dans le cours de l'ouvrage, lui donnera encore XVI VOYAGE AUX INDES-ORIENTALES. plus de prix aux yeux des naturalistes. Cet Atlas vient en effet ajouter ses richesses à celles qui sont déjà publiées dans ces nombreux recueils de dessins sur l'Histoire natu- relle de l'Inde, qui ont contribué à jeter tant de lumières sur la faune de cette vaste contrée, PRÉFACE. On ne peut nier que, s’il nest pas de science sans théorie, il n’est pas non plus de science sans faits. Il faut donc convenir que le génie des savans naturalistes, auxquels l’histoire naturelle est redevable du degré d’é- lévation où elle est parvenue de nos jours, eut été impuissant, sans les matériaux im- menses rassemblés par le zèle ardent et le courage des voyageurs. La guerre avait tari pendant long-temps, pour l’histoire naturelle, les sources de ses richesses extérieures. La pacification générale lui rouvrait le monde : du sein de tous les Zoologie. b XVII VOYAGE AUX INDES-ORIENTALES. pays civilisés, on vit alors une jeunesse ar- dente s’élancer vers les climats lointains. La plupart des nations chrétiennes, et la France à leur tête, se firent un honneur d’or- donner des expéditions maritimes, et de con- tribuer à l’envi aux conquêtes de l’histoire naturelle et de la géographie.—Les voyages de circumnavigation exécutés par les capitaines Freycinet, Duperrey et d’Urville, ont rendu les plus grands services à la physique et à las- tronomie. Seuls, ils ont sufli pour faire la ré- putation, comme zoologistes, de MM. Quoy, Gaimard, et Lesson, dont les nombreux tra- vaux Ont puissamment contribué, surtout en ce qui regarde l’histoire des animaux marins, aux progrès et à l’accroissement de la science. . Ces voyages, cependant, ne nous faisaient con- naître que des archipels, et quelques points du littoral de vastes contrées, dont l’intérieur exigeait de laborieuses investigations; une méthode moins dispendieuse et plus fruc- tueuse fut en même temps conçue et mise en pratique. — Le gouvernement français s’est distingué par sa munificence à favoriser cette méthode, et ses vues ont été, jusqu’à ce jour, PRÉFACE. XIX parfaitement secondées par les habiles admi- nistrateurs qui se sont succédé aux dépar- iemens de la marine et de l’intérieur. — Chargés de missions scientifiques, de jeunes naturalistes ont été envoyés en différens pays; les services qu'ils ont rendus, ont dépassé les espérances du monde savant. Ainsi, Delalande au Cap-de-Bonne-Espé- rance et au Brésil, Diard et Duvaucel au Bengale et dans les îles de la Sonde, Lesche- nault dans la Péninsule indienne, MM. A. Saint-Hilaire au Brésil, Milbert et Lesueur aux Etats-Unis, Peley aux Antilles, d’Orbi- gny dans l'Amérique du sud , ont formé d’im- menses et riches collections, auxquelles le domaine de la zoologie doit sa rapide exten- sion. À ces voyageurs dont le zèle et les efforts étaient secondés par le pouvoir, il faut join- dre les noms de Bertero, au Chili, et de notre ami Dussumier, dans les mers de la Chine et dans l’Inde : uniquement guidés par l'amour de la science, ces hommes dévoués n’ont laissé échapper aucune occasion d’enrichir à leurs frais, l’histoire naturelle, de nouvelles obser- vations et de nouveaux faits. XX VOYAGE AUX INDES-ORIENTALES, Les étrangers ne sont point restés en arrière de ce mouvement progressif. L’Autriche, la Bavière, la Prusse et le gouvernement des Pays-Bas, ont entretenu successivement au Brésil et dans lPArchipel d'Asie, d’habiles naturalistes qui ont acquis des droits non moins incontestables à la reconnaissance publique. Nous citerons, entre autres, MM. Rainwardt, Khul, Van-Hasselt et Boié, dont les travaux ont jeté tant de lumières sur la zoologie des îles de la Sonde et particulière- ment sur celle de Java. Il faut le dire, ces brillans succès ne furent obtenus, bien souvent, qu'au prix douloureux de pertes irréparables. Dela- lande, Leschenault, ont succombé aux suites de leurs fatigues sous un climat dévorant; Havet, Godefroy, Duvaucel, ont péri victi- mes de la contagion, de lâches assassins, ou de blessures faites par des animaux féroces. Enfin, Bertero a trouvé, selon toute apparence, son tombeau dans les flots de Océan. — On ne peut donc s'étonner qu'après cette immense réunion d'efforts, la zoologie, qui comptait, à l’époque de la paix, 19,555 espèces, se soit PRÉFACE. pen 6: accrue de 309,602 animaux nouveaux pen- dant les quinze années qui l’ont suivie (1). Le tableau que je viens de tracer, loin de me décourager, au moment d'entreprendre le long et intéressant voyage qui devait me con- duire parterre à extrémité de la Péninsule in- dienne, ne fit questimuler plus vivement l’ar- deur de mon zèle; car la grandeur des difficul- tés ajoutait à l'éclat de la tâche qui m'était im- posée. Mais comme la zoologie n’avait point été le but spécial de mes études scientifiques, je ré- clamai de plusieurs des professeurs du mu- séum, qui daignaient m’honorer de leur bien- veillance, tous les renseignemens propres à donner une bonne direction à mes travaux. Je suis heureux de leur exprimer ici toute ma gratitude, pour les conseils qu’ils m'ont pro- digués , et dont, peut-être, J'ai profité avec quelques succès. Parti de Paris le 9 janvier 1825 (2), jetraver- (1) Voyez —Sur la connaissance des rapports numériques des animaux distribués sur le globe; par Rodolphe Wacnen, professeur de Zoologie , à Erlang. — Isis. — vol. 17, page 162. — 1833. (2) Les personnes qui n'auraient souscrit qu'à la zoologie de ma pu blication me sauront gré , sans doute, de leur donner ici l'itinéraire de mes voyages : c’est, selon moi, le complément indispensable de ce recueil. XXE VOYAGE AUX INDES-ORIENTALES. sai P'Allemagne, la Pologne, la Russie méri- dionale, la Géorgie et les provinces persanes sous la domination russe; pénétrant ensuite dans la Perse proprement dite, Jen explorai, du nord au sud, la partie occidentale; puis w’embarquant à Bouchir, je fis une très courte relache à Mascate. De ce port, je me rendis à Bombay, je visitai l’île d'Elephanta, et melivrai pendant trois mois sur la côte de Malabar, à des recherches très fructueuses; puis fran- chissant les Gâtes occidentales, je traversai la Péninsule, en decà du Gange par le Maïssour, et j’arrivai à Pondichéry à la fin de mars 1826, après un voyage de quatorze mois. La rigueur de la saison!, et obligation d’at- teindre le Caucase avant la fonte des neiges, ne me permirent pas de mettre à profit ma traversée de l’Europe, et mon passage au milieu de ces montagnes, dont l’exploration eût été pour la science d’un si haut intérêt. De Tiflis, devant continuer à cheval et à petites journées notre voyage, jusqu’au golfe Persique, je m'attendais à trouver enfin la possibilité d’entreprendre avec fruit mes recherches zoologiques. Mais la neige cou- PRÉFACE. XXHH1 vrait encore une partie de la Perse septen- trionale. Suivant d’ailleurs une caravane qui marchait tout le jour, partant de bonne heure et arrivant tard aux lieux de station, il m'était difficile de me livrer à la chasse ou à la pêche. Je n’avais pas même le loisir de préparer convenablement le peu d’objets que J'avais recueillis : aussi l’intensité de la chaleur me fit perdre plusieurs belles espèces d'oiseaux, et de rongeurs, que Cuvier m'avait surtout recommandés. L'intérêt spécial que cet illustre naturaliste portait à l’ichthyologie l'avait engagé à insister fortement auprès de moi sur lutilité de re- cueillir les poissons des lacs et des rivières de la Perse. Mais le défaut de pente qui se fait remarquer sur le plateaude cette contrée, s’op- posant à ce que les eaux, produit de la fonte des neiges, puissent se réunir en assez grande quantité pour se rendre à la mer, ou former dans les plaines des lacs considérables, on ne rencontre ordinairement dans ce pays que des torrens impétueux, entraînant dans leur rapidite des galets énormes, et des lacs saturés de sel, où les poissons et les mollusques ne XXIV VOYAGE AUX INDES-ORIENTALES. peuvent vivre. — Il eût fallu, pour satisfaire aux désirs de Cuvier, séjourner à Érivan, sur les bords de l'Araxe, et du Kizil-Ouzen, et pouvoir me décharger sur des aides intelli- gens d’une partie des pénibles travaux de préparation, qui absorbaient un temps que mes autres devoirs de voyageur réclamaient impérieusement. Malheureusement, je n'étais pas libre de régler l’ordre du voyage; je dus, en conséquence, me borner à de stériles re- grets. À ces inconvéniens se Joignirent bien- tôt des maladies affreuses, suites des fatigues et des privations que nous avions à supporter, et qui augmenterent les difficultés de ma posi- tion. En dépit de toutes ces entraves, J'étais par- venu à rassembler quelques oiseaux, des rep- tiles, des crustacées, des insectes, et plusieurs coquilles terrestres d’un grand intérêt. Jene fus pas même assez heureux pour conserver ces lé- gers fruits de mes travaux : les caisses qui les contenaient furent submergées et brisées, au passage d’un torrent dans le sud de la Perse. Je ne pus sauver qu'un seul mammifére, le sper- mophile concolor, décrit et figuré dans le PRÉFACE. XXV cours de cet ouvrage; un guépier, et le tetrao paradoxus de Pallas. Cest ainsique se trouve expliqué pour le lecteur le silence presque ab- solu de ce recueil sur la zoologie d’une contrée peu connue, etsous cerapportsidigne d'intérêt. J'avais traversé toute la Perse depuis Érivan jusqu’à Bouchir, en passant par Tauris, Téhé- rän, Ispahân, et Shiràz; javais observé les points les plus curieux de cette intéressante contrée. Mais ayant à combattre des obstacles de toute nature, et à supporter les misères du voyage le plus pénible, jarrivai sur les bords du golfe Persique, dansuntelétatdesouffrance, qu'ilme fut absolument impossible de m’occu- per d'histoire naturelle : je négligeai donc en- tièrement l’ichthyologie de ce golfe, si impor- tante à connaître.—Atteint d’une hépatite, je débarquai à Bombay dans une situation non moins alarmante; Je restai pendant deux mois luttant contre la mort dans cette ville, où devait succomber, sept ans plus tard, victime de la même maladie, l’infortuné Jacquemont. Vers letroisième mois, Je retrou- vai assez de forces pour entreprendre quel- ques excursions. Elles me procurérent un XXVI VOYAGE AUX INDES-ORIENTALES. certain nombre de coquilles marines et ter- restres, dont plusieurs sont nouvelles pour la science; entre autres, le cyclostome indien, de ’iled’Eléphanta. A la côte Malabar, ma santé, devenue meil- leure, me permit de profiter du séjour que mon compagnon de voyage fut contraint d’y faire, pour explorer avec soin ce pays dans une éten- due de vingt-cinq lieues. Je vis enfin mon zèle et mes efforts couronnés de succès. Quelques mammifères, quaranteespèces d'oiseaux, douze reptiles, plus de cent trente espèces de pois- sons, dix crustacées, soixante espèces de mol- lusques, forment l’ensemble de mes collections zoologiques sur cette côte. Forcé de traverser assez rapidement la chaîne des Gâtes occidentales, et la Péninsule indienne, cette partie de mon voyage fut en- core dépourvue d’utilité pour la zoologie. J’ar- rivai donc à Pondichéry, sans autres résultats, à cet égard , que ceux que j'avais obtenus en Perse, à Bombay et à la côte Malabar. — Mes collections pouvaient être certainement plus considérables, néanmoins leur importance pourlascience n’en est pasmoins constatée. En PRÉFACE. XXVII effet, les quadrumanes leur doivent lac- croissement d’une espèce remarquable, le semnopithèque à capuchon, les repiiles , plusieurs espèces intéressantes, entre au- tres le polyodonte annelé de noir, et le mi- crocéphalophis au cou grêle, type d’un genre nouveau créé par M. Lesson. Quant aux pois- sons, la plupart, entièrement nouveaux, ont eurichi l’ichthyologie de nombreuses espè- ces, et notamment les familles des per- coïdes, des scienoïdes, des scombéroïdes, des cyprinoïdes, des siluroïdes, des clupéoi- des, etc., etc. Enfin, je ne mentionnerai pas les charmantes espèces de mollusques décrites par M. Deshayes dans ce recueil, et que la science doit à cette première période de mes voyages. Établi à Pondichéry, qui devenait ainsi pour moi le centre de mes travaux zoologi- ques dans l’Inde, je dus espérer qu'ils au- raient, à l'avenir, plus de suite et de succès. Malgré les riches collections de Lesche- nault à la côte Coromandel , je crus utile de réunir de nouveau tous les animaux de cette XXVII VOYAGE AUX INDES-ORIENTALES. côte; Je poussal mes excursions, Jusque dans la chaîne des Gâtes orientales, de facon à explorer presque entièrement le Carnate. Le jardin de naturalisation que j'avais été chargé de créer, ne réclamant plus ni mes soins, ni ma surveillance directe, exigeant même que Je fisse de nouveaux voyages pour remplir lobjet de sa création, je me rendis au Bengale. Je m’attachai surtout à rassem- bler les poissonsdu Gange,etceux des marais et des étangs qui avoisinent ce fleuve. J’y for- mai aussi une collection intéressante de rep- ules et d'oiseaux , à laquelle je joignis quel- ques mammifères et des mollusques. Du Bengale, entrant dans le golfe du Marta- ban, et pénétrant dans le fleuve de lIrrawaddi, ou grand fleuve des Birmans, je visitai le Pégou, cette vice-royauté soumise à l’empe- reur d’Ava. Ce pays n'avait encore été exploré par au- cun naturaliste français, et le docteur Wallich, envoyé par la compagnie des Indes, ne sy était livré qu'à des recherches botaniques. Je trouvais dans celte circonstance de puissans motifs pour redoubler de zèle, et donner à mes PRÉFACE. XXIX collectionszoologiquestoutelextension qu'elles méritaient. Les poissons de lIrrawaddi et de ses embranchemens; les reptiles qui habitent ce fleuve, et les forêts arrosées par ses eaux; les mammifères et les oiseaux qui les peu- plent; les insectes, les mollusques, rien ne fut négligé. Jamais je ne sentis plus vivement le désir d'utiliser chaque instant, je prévoyais l'intérêt dont tous ces objets seraient pour la science. En effet ce pays uni au conti- nent de l'Inde, et rapproché de lArchipel d'Asie peuplé par la race malaise, offre à la fois, dans les formes et les couleurs de ses ani- maux, des rapports frappans avec ces deux contrées. Je consacrai donc le jour à réunir toutes les espèces d'animaux qui pouvaient s'offrir à mes investigations, et la nuit à coor- donner tous les documens relatifs à leur his- toire. De retour à Pondichéry, après avoir mis en ordre les matériaux que J'avais recueillis au Bengale et au Pégou , et les avoir adressés au Muséum, jentrepris, malgré le misérable état de ma santé , un nouveau voyage aux îles de la Sonde. Le détroit de ce nom, une partie de XXX VOYAGE AUX INDES-ORIENTALES, la côte orientale de Java, les districts de Ban- tam et de Buitenzorg dans cette île, furent les lieux principaux soumis à mes recherches. Mes travaux, dirigés par les conseils de M. Diard, savant naturaliste, donnèrent les plus heu- reux résultats. Malgré les collections si pré- cieuses de ce savant, et celles de Duvaucel, de Khul, Van-Hasselt et Boié, j'eus le bonheur de voir les miennes enrichir les diverses classes de la zoologie, d’un grand nombre d'animaux nouveaux. Mes collections étaient d'autant plus intéressantes, qu’elles pouvaient servir de type de comparaison et de rapprochement avec celles du Pégou, et éclaircir ainsi des doutes d’une haute importance pour la géogra- phie zoologique. Aux îles de la Sonde, commeau Pégou, dans l'Inde, et l’Asie septentrionale, mes observa- tionssur les races humaines furent suiviesavec persévérance; et lorsque, revenu de ce der- nier voyage à Pondichéry, le soin de ma santé me força décidément à retourner en France, je continuai mes études, aux îles de France et de Bourbon, etau Cap-de-Bonne-Es- pérance, sur ces mélanges de races éthiopien- PRÉFACE. XXXI t nes, cafres et neptuniennes que lon observe dans ces différens pays. Je laissai, à mon ami Dussumier, que je rencontrai dans la première de ces deux îles, le soin de recueillir tous les poissons, les moyens qu'il avait à sa disposition le mettant plus à même que moi de servir puissam- ment lichthyologie : je me bornai à réunir des mollusques. Du Cap - de - Bonne - Es - pérance, je rapportai un petit nombre d’oi- seaux , qui renfermait plusieurs espèces nouvelles. J’étais loin de m'’attendre à cette bonne fortune, Delalande et les frères Verreaux ayant, pour ainsi dire, épuisé la mine féconde que présente cette contrée, surtout dans le cercle peu étendu qu'il m'était possible d’ex- plorer. Après cet exposé rapide de monitinéraire, si lon jette un coup-d’œil général sur l’en- semble de mes travaux zoologiques, pendant ces deux périodes de mes voyages, on trou- ve pour résultat : 25 mammifères; 240 oi- seaux ; 60 reptiles; 250 poissons; 300 mol- lusques; 500 insectes, et 10 crustacées : sur lesquels il a été reconnu plus de 360 es- XXXII VOYAGE AUX INDES—ORIENTALES. pèces nouvelles ou genres nouveaux. Les pois- sons et les insectes en composant le plus grand nombre, il ne nous a été possible de publier que la totalité de celles qui appartien- nent aux autres classes. « Ce qui ajoute au mérite decescollections, » dit Cuvier dans son rapport (1), « c’est que l’auteur a eu soin de recueillir exactement les nomenclatures locales, et beaucoup de notes sur les habitudes des animaux, sur les lheux qu’ils fréquentent , sur les substances dont ils se nourrissent, et sur lusage qu’en font les indigènes, soit dans les arts, soit pour leur nourriture. » Cette phrase est une preuve suflisante de ma persévérance à suivre le plan que je m'étais tracé, et doit convaincre le lecteur du zèle infatigable que j'ai apporté dans cet accomplissement d’une partie des de- voirs que Je m'étais imposés. « Car, si l’on a égard, » dit plus haut le même rapporteur, « à la difficulté de faire des collections zoologi- ques dans un pays où l’on trouve si peu de res- sources , et où les préjugés du peuple lempé- (x) Rapport fait à l’Académie des Sciences, par le baron G. Cuvirn.— Annales maritimes et coloniales, décembre 1829. PRÉFACE. XXXHIT chent souvent de vouloir toucher les corps des animaux, elles méritent peut-être plus de re- connaissance de la part des naturalistes.» Je m'étais également attaché à réunir tous les faits et les matériaux capables de jeter de nouvelles Jlumières sur l’histoire des races humaines, que ces longs voyages devaient me mettre à même d'observer : je savais en effet que plus d’une foisdes naturalistes avaient pris de simples variétés de races pour de véritables espèces d’hommes. Je pensai que l'étude de linfluence des zones climatériques sur les nuances de la coloration et de la physionomie humaine, lobservation des positions géogra- phiques, et des rapports des peuples entre eux, pourraient m'aider eflicacement à rap- porter ces variétés diverses à- une origine plus vraie et plus certaine. Je cherchai donc à recueillir toutes les notions histori- ques et géographiques indispensables au but que je me proposais. J’employai tous mes efforts à rassembler des crânes, à prendre des profils, et à faire exécuter une suite de des- sins, aussi complets que possible, des espèces ou des races désignées par notre ami Bory, Zoologie, L XXXIV VOYAGE AUX INDES-ORIENTALES. sous les noms de scythique, caucasique, arabe, arabe-maure , hindoue , sinique , malaise, neptunienne , éthiopienne, etc. Je me sers de ces distinctions pour mieux me faire comprendre, quoique je sois loin de partager, à tous égards, les opinions et l’ingé- nieux système de division adoptés par le sa- vant colonel. Ces dessins ne laissent rien à désirer, surtout pour lespèce hindoue qui peuple ce continent si vaste, où Jai re- cueilli le plus grand nombre des faits destinés à servir de base aux considérations nouvelles que j'aurai à présenter sur l’espèce humaine. Si les matériaux réunis par le voyageur lui donnent des titres à la reconnaissance des amis des sciences, c’est particulièrement lors- qu'il saitles mettre en œuvre, et qu'il ne laisse pointenfouisdanslescollections desobjets dont l’histoire est souvent nécessaire à léclaireis- sement de questions douteuses.—ÏIl me restait, en un mot, après la grande tâche que javais accomplie, une tâche non moins impor- tante, mais plus diflicile à remplir ; il me restait à publier les immenses résul- tats zoologiques de mes voyages. Le gou- PRÉFACE. XXXV vernement, auquel je me plais à exprimer ici toute ma gratitude, ayant bien voulu encou- rager cette publication, il me fut possible de réaliser mon vœu le plus ardent. Mais il s'agissait de savoir quelle place occu- perait la zoologie dans ce grand ouvrage.—De- vais-je, à l’exemplede Pallasetde plusieurs voya- geurs, fondant mes travaux scientifiques dans ma relation historique, me borner à présen- ter dans un appendice la description des ani- maux nouveaux découverts dans le cours de mes voyages ? — On ne peut se dissimuler que, pour la généralité des lectgurs , les faits ou les noms scientifiques placés dans une nar- ration, y jettent toujours une sorte de sé- cheresse qui détourne l'intérêt, surtout lors- que l’objet n’est pas d’une utilité bien po- sitive pour lhumanité, et ne se rattache directement en rien à l’histoire du peuple ou du pays dont on parle : d’ailleurs, cet appen- dice devait être considérable. — Je erus plus convenable de lisoler en un corps d’ou- vrage, et de le mettre ainsi à la portée des zoologistes, pour qui seuls il était d’une 1m- portance réelle. XXXVI VOYAGE AUX INDES-ORIENTALES, Indépendamiment de la description des es- pèces nouvelles, il entrait dans le plan que Javais concu pour la rédaction de ce re- cueil, de faire précéder chaque classe d’ani- maux de réflexions sommaires sur leur dis- tribution géographique, et de placer en tête de cette partie zoologique des considérations préliminaires sur l’homme, sur les races et variétés de races humaines que javais eu l’occasion de décrire. Ges considérations eus- sent contenu le résumé de mes observations et de mes études. C'était la part que je m’é- tais réservée dans cette division de mon ou- vrage. Mais limité par lexiguité de mon ca- dre, dont les bornes étroites ont même été dépassées, je n’ai pu, à mon grand regret, réaliser ce projet : je me propose d’en faire plus tard l’objet d’un recueil spécial, où cette matière sera traitée avec toute l’extension qu’elle mérite. Moins versé dans la zoologie que dans la botanique, et devant me consacrer exclusive- ment à cette dernière branche de l’histoire naturelle, ainsi qu’à la relation historique de mon voyage, je ne pus me dispenser de re- PRÉFACE. XXXVII mettre en d’autres mains les élémens de cette partie de ma publication.—Je ne sollicitai pas en vain la collaboration de plusieurs hom- mes distingués dans les sciences. Nommer MM. Isid.-Geoffroy Saint-Hilaire, Lesson, Va- lenciennes, Deshayes et Guérin, c’estdirequele savoir et l'exactitude ont présidé à la rédaction de chacune des classes de la zoologiedontils ont bien voulu se charger.—Ces savans naturalis- tes, en suivant le plan qui me semblait le plus convenable dans l’intérêt des zoologistes, ont donné à leurs considérations ou réflexions pré- liminaires une étendue qui les a peut-être entraînés hors des bornes que de semblables articles doivent comporter : toutefois ces con- sidérations renferment tant de faits et d'i- déesnouvelles quele lecteur regretterait qu'une plus grande sobriété de l’écrivain leur en eût dérobé la connaissance. M. Isidore, surtout, a Joint, au travail qui lui était confié, un mémoire remarquable sur les singes de l’an- cien monde, qui sera consulté par tous les zoologistes ; les réflexions sommaires de M. Lesson ne seront pas lues avec moins d’in- térêt.— Il est à regretter seulement que lich- XXX VIII VOYAGE AUX INDES-ORIENTALES,. thyologie, la partie la plus considérable de mes collections, et celle qui renfermait Le plus d'objets nouveaux, ait dû être réduite à des limites aussi restreintes.Mais elle eût demandé à elle seule un volume plus considérable que toute ma zoologie. Espérons que M. Valen- ciennes, continuateur zélé de la grande his- toire naturelle des poissons qu'il a com- mencéeavecCuvier, fera bientôt connaître aux ichthyologues cette foule d'espèces que J'ai re- cueillies dans Les fleuves del’Inde et de l'empire Birman, et dont il n’a pu mentionner une seule dans le travail dontilétait chargé.—La même réflexion s'applique aux insectes. Ce qui n’a pu être publié dans notre ouvrage vien- dra prendre place dans les recueils périodi- ques qui se publient en France, et surtout à Paris. Quoi qu’il en soit, notre zoologie renferme la description de 180 espèces ou genres entie- rement nouveaux pour la science; plusieurs travaux importans sur diverses familles qui appartiennent au continent de l'Inde, et des notions entièrement neuves sur la zoographie. Cet ouvrage ne peut manquer d’intéresser PRÉFACE. XXXIX vivement les zoologistes, qui, sans doute, par- tageront la reconnaissance que je témoigne hautement à mes savans collaborateurs, pour le talent avec lequel ils ont exécuté cette par- tie importante de mon voyage aux Indes. C6, Delanger à Fr re ! es FÉES Res +0 8 LP ES Sére s CES F2 2 VD re Sue ZOOPIHNYTES. & L Par R.-P. LESSON, CHEVALIER DE LA LEGION-D HONNEUR , PROFESSEUR DE BOTANIQUE À L'ÉCOLE DE MÉDECINE DU PORT DE ROCHEFORT, MEMBRE CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE ROYALE DE MRDECINE, AUTEUR DE LA ZOOLOGIE DU VOYAGE AUTOUR DU MONDE, ETC., ETC LP > VI 4 14 PES dl ee af é : Zoolosie “ * ne VOYAGE AUX INDES-ORIENTALES, PENDANT LES ANNÉES 1825—1899. L@ie 18 ce 0@08000606 000808000600 000œ060 0080060800 08006060660209 08 0® ZOOLOGIE. ZOOPHYTES. ne SC ne LA TUBASTRÉE ÉCARLATE. Tubastræa coccinea, Lxss., PL A, @.N. Ce polypier retrace assez bien la disposition de cer- taines caryophyllées fascinules, et ne s’éloigne de la famille des actinolithes que par le petit nombre des divisions brachiales de l'animal. Cette tubastrée se com- pose de cylindriques assez courts , enchässés par leur base dans une pâte commune, encroütante, gravitant vers la forme arrondie , c’est à dire que les tubes, tou- jours courts lorsqu'ils sont distincts , très souvent en- châssés jusqu’à leur terminaison ouverte, affectent une grande tendance à former des roches libres , semi- arrondies, ou, lorsque leur base est attachée, des têtes 33. 510 VOYAGE AUX INDES-ORIENTALES. subglobuleuses. Ces tubes sont distans, séparés par des sillons plus ou moins profonds , parfois rapprochés, ac- colés et même soudés, arrondis sur leur surface libre , qui est très finement striée de cannelures verticales. Chaque tube est complétement ouvert au sommet en cellule ronde unique, creusée en soucoupe conico- concave , formée de six ou huit grandes lamelles, et de six ou huit plus petites, ou, en les comptant toutes, de douze à six loges. Ces lamelles rayonnantes , par- tant du fond de la tige, sont verticales , étroites , et se terminent au rebord ou cercle marginal mince, sans le dépasser , bien distinctes en cela de celles des caryo- phyllées , et surtout leur bord étant en biseau et nul- lement relevé en bourrelet. Les stries verticales qui masquent la surface externe des cylindres de ce polypier sont guillochées , c’est à dire très rapprochées , très fines et comme porchées ; les lamelles des cellules terminales sont étroites et abou- tissent à l’axe basal du cylindre. Une épaisse enveloppe charnue, colorée en rouge de sang des plus éclatans, enveloppe toute la matière calcaire, qui est friable , cel- luleuse, où du moins peu compacte. Cette teinte bril- lante disparaît aussitôt que ces polypes, sortis de l’eau, viennent à mourir , et passe au noir. Chaque cellule est donc tapissée d’un repli de cette membrane animalisée rutilante, et se trouve occupée par un polype attaché à ses parois par la base, de forme arrondie , court, terminé par une petite aire sub-hémisphéri- que, percée d’un trou exactement rond et bordée de huit ZOOLOGIE. 517 bras simples, alongés, médiocres , filiformes, libres dans toute leur étendue, excepté à leur base , légère- ment arrondis, et un peu renflés à leur terminaison. Ces polypes sont en entier, d’un jaune très brillant , et les huit bras sont étendus dans les cloisons qu'ils dé- passent un peu. La tubastrée écarlate forme comme des sortes de tètes globuleuses fréquemment supportées par des par- ties dépouillées qui ont dû être les premières formées, et dont les animaux ont péri par des causes accidentel- les. Nous la croyons trés rare, car nous n’en trouvämes que quelques échantillons maigres, sur l’immense récif qui se découvre à marée basse, à l'entrée de la baie de Benla , et qui sert de ceinture à Berabora , l’une des iles de l’archipel de la Société. LE SARCOPHYTE LOBULÉ. Sarcophyton lobulatum, Less., PL. IX, + &.\. Les sarcophytes sont des animaux polypes à huit bras simples, arrondis , grêles, libres, excepté à la base, où ils sont enchàssés dans une membrane perforée au milieu, couronnant un corps membraneux, cylindrique, extensible, à huit côtes verticales très marquées, aboutissant aux huit bras. Ce corps est rarement exsertile, et le plus habituellement caché dans une cellule arrondie, bordée de huit points correspondant aux huit côtes longitudinales du po- lype; les cellules sans nombre qui logent les polypes 518 VOYAGE AUX INDES-ORIENTALES. sont toutes rapprochées, placées à distanee les unes des autres dans une masse charnue , molle, de nature gélatinoso-musculeuse, abondamment lubrifiée par un enduit muqueux, de consistance mucilagineuse, masse attachée aux rochers par un pédieule court, s’évasant en simulant un large champignon dont le chapeau serait plane et ondulé, avec la circonférence très diver- sement lobée et lobulée. Ce disque agariciforme est peu épais, à rebord arrondi, et notre dessin le représente avec exactitude, mais réduit de moitié. La masse charnue du sarcophyte lobulé est olivätre sur toutes ses parties. Le cercle de points qu’on remar- que sur le pourtour de chaque cellule est noir. Les bras du polype sont d’un jaune d’or vif, le corps est rou- geatre et les huit côtes longitudinales sont d’un rouge brun foncé. Ces dernières seraient-elles les ovaires ?… Cette espèce forme très fréquemment de larges touftes à 2 pieds et plus sous l’eau, sur les récifs de corail du port Praslin à la Nouvelle-Irlande. Ayant cru reconnaitre parmi les zoophytes rapportés des iles de la Sonde par M. Bélanger des individus très voisins de notre tubastrée et de notre sarcophyte, dont nous eussions peut-être constaté l'identité sans leur mauvais état de conservation, nous avons pensé qu'il était utile de décrire et figurer dans ce recueil deux animaux polypes , dignes de fixer l’attention des naturalistes voyageurs dans les contrées explorées par M. Bélanger. FIN. ZOOLOGIE. 519 INDEX DES ZOOPHYTES FIGURES. PLANCHE Tr, La Tusasrrke ÉCARLATE. T'ubastræa coccinea, Less. Dessinée de grandeur naturelle. PLANCHE I. Le SARCOPHYTE LOBULÉ. Sarcophyton lobulatum, Less. Dessiné de demi-grandeur naturelle. Fig. A. Polype vu de face. Fig. B. Le même, vu de profil. Foy. aux rules Orientales Zoophuytes TUBASTREE , ECARLATE. A. Le l'olype vu de profil. % (Tubastræa coccinea, Less.) Nouv. IRLANDE de meme: reple. Cle meme vw de face. M J Ph , de eémaond Wougect ; ) Voy. aux Indes Orientales Zooplastes PL. Lé SARCOPHVYTE LOBULE. ( Sarcophyton lobulatum, Less.) ROCHERS DU PORT PRASLIN A LA NOUV. IRLANDE. À. l'arnumal vw de face avec les huw bras. W. le meme vwde profit Puble par Arus Bertrand Lessons et Prétre pur. De l'onp% de Remond . Mougeot rculp