SECONDE NOTICE SUR LE GISEMENT LES CORPS ORGANISÉS FOSSILES DES CALCAIRES LITHOGRAPHIQUES, Dans le Jura du département de l'Ain , M. ASE ANOLLIÈRE . vo | LA DES TION DE DEUX RRPTILES QNDITS PROVENANT DE CES COUCHES, Par M. HERMANN DE MEYER. LION, IMPRIMERIE DE BARRET, Rues Pizay, 41, et Lafont , 8. Lt 1851. #3 ; 6 re SECONDE NOTICE SUR LE GISEMENT ET LES CORPS ORGANISÉS FOSSILES DES CALÇAIRES LATHOGRAPHIQUES , DANS LE JURA DU DÉPARTEMENT DE L'AIN, Pan M. Vicror THIOLLIÈRE , COMPRENANT LA DESCRIPTION DE DEUX REPTILES INÉDITS PROVENANT DE CES COUCHES, Par M. HERMANN DE MEYXER. Dans le Bugey comme en Bavière, à l’époque où les cal- caires coralliens se déposaient, la mer et son littoral étaient peuplés non-seulement de polypiers, de mollusques, d’échinides, de crustacés et de poissons, mais aussi de sauriens de genres extrémement nombreux et variés. Deux squelettes, dont l'un a été mentionné dans le postscriptum de ma précédente notice, ont été recueillis incrustés à la surface de plaques du calcaire de Cirin. Ces curieux débris de l’erpétologie jurassique, soumis à l'examen de M. Hermann de Meyer, ont été l’objet de la description qu'il m'a permis de publier ici. Ce travail mérite d'autant plus l'attention du public francais, que le savant pa- léontologiste de Francfort-sur-Mein a pu apporter dans ses appréciations une expérience et des données comparatives qu'il doit à ses études spéciales et multipliées sur les reptiles fossiles des diverses formations de l'Allemagne, et en particulier du Jura de la Souabe. J'ai regretté que des lenteurs dans l'exécution de la planche 4 FOSSILES DES CALCAIRES LITHOGRAPHIQUES DE CIRIN. dont je tenais à ce que le texte fût accompagné, ait retardé une publication qui, sans cela , aurait eu lieu un an plus tôt. Ces lenteurs sont venues de la difficulté que j'ai trouvée à déci- der nos artistes lyonnais à aborder le mode de représentation des objets d'histoire naturelle par la lithographie. Comme spécimen de ce qu'on peut obtenir aujourd'hui à Lyon, en ce genre, la figure du Sapheosaurus Thiollierei sera sans doute accueillie avec intérêt par la Société sous les auspices de laquelle je la fais paraitre. Cette estampe offre en outre la preuve de la parfaite appropriation au dessin lithographique de la pierre du Bugey. Notre industrie n'est pas seule appelée à profiter de cette circonstance , car, à mesure que l’usage des pierres de Cirin, déjà presque exclusif parmi les lithographes de Lyon et de St-Étienne, s'étendra dans les autres villes, l'exploitation des couches qui les fournissent , gagnant en ac- tivité, amènera nécessairement des découvertes paléontolo- giques plus nombreuses. A la suite de ma traduction (1) de la description des deux sauriens, par M. de Meyer, je présenterai des indications pro- visoires sur les autres fossiles recueillis à Cirin depuis 1848. C'est la continuation du catalogue commencé dans ma notice précédente. J'aurai ensuite à revenir sur la question du classement géo- logique des couches dont proviennent tous ces débris, et de celles qui, dans l'Allemagne méridionale, représentent le prolongement de l'assise de Cirin. Enfin, cette notice se terminera par des indications sur d'autres gisements de poissons fossiles situés dans le Bugey, et qui ont été découverts nouvellement, ou dont je n’ai eu con- naissance que postérieurement à la date de mon premier travail. (4) Je dois des remerciments à M. Lortet, ancien président de la Société, pour la complaisance qu’il a eue de vérilier exactitude de cette traduction. DESCRIPTION DE L'ATOPOSAURUS JOURDANE er pu SAPHEOSAURUS THIOLLIEREZ , REPTILES FOSSILES DES CALCAIRES LITHOGRAPHIQUES DU BUGEY, Par M. HERMANN DE MEYER. A TE) À CS ne — —— — I. Arorosaurus Jourpant (H. v. Meyer) (1). Le squelette se montre par le côté gauche. La portion an- térieure du tronc , la tête et l'avant-bras manquent. La queue, à partir du dernier tiers environ de sa longueur, est repliée sur elle-même , de manière à ce que l'extrémité se trouve di- rigée en avant. On voit d’ailleurs que cette queue devait avoir une cerlaine raideur. Fertèbres et côtes. — Les neuf dernières vertèbres dorsales sont visibles ; leur corps ne présente pas de convexité aux fa- cettes articulaires , et n’a pas tout-à-fait 2 millimètres de hau- teur vers les articulations; la longueur de ces vertèbres , de même que celle des premières vertèbres caudales, est de (4) Cest le petit saurien que j’annonçais dans le postscriptum de ma précédente notice ( voy. p. 65 du t, 1, 2e série des Annales des sciences physiques ot naturelles, 1849). Le nom d'espèce que M. de Meyer lui a donné est celui de M. le professeur Jourdan , directeur du Muséum d'histoire naturelle de la ville de Lyon. Dans une de ses lettres, M, de Meyer s’exprimait ainsi : « Ce petit saurien m’a vive- « mentsurpris. Comme type de squelette, c’est une toute nouvelle forme, et qui présente « par conséquent une haute importance. Des caractères que jusqu’à présent l’on croyait « propres à différencier entre eux les lézards, les crocodiles et les serpents, se trouvent « ici réunis. En sorte que l'apparition dans la science de cette petite créalure renverse « d’un seul coup les conclusions ou les règles que l'on avait déduites de l'étude des « animaux vivants de ces trois groupes... » Lettre du ÂT novembre 1849. ( Note du traducteur. ) 6 REPTILES FOSSILES DU BUGEY. 1/2 ; leurs apophyses comprises , elles ont 577 de haut. L'apophyse épineuse supérieure est plate, elle est arrondie supérieurement. Les apophyses articulaires ont une confor- mation que l’on ne connaissait encore chez aucun saurien. En effet, au-dessus de l’apophyse articulaire ordinaire , il s'en trouve une autre plus petite, et l'on a ainsi deux paires antérieures et deux paires postérieures d’apophyses articulaires à chaque vertèbre : structure caractéristique jusqu'ici des ver- tèbres de serpents. La direction que prennent les facettes de ces apophyses est plutôt horizontale chez les apophyses infé- rieures, et plutôt verticale chez les apophyses supérieures. L'apophyse épineuse qui s'étend sur presque toute la lon- sueur du corps des vertèbres dorsales est plate à sa naissance, et se rétrécit graduellement pour former la pointe à son ex- trémité extérieure. Les côtes, autant qu'on peut en juger , paraissent n'avoir qu’une seule tête, elles sont faiblement courbées , et se terminent inférieurement en pointe mousse. On voit sous le fémur gauche (près du genou) quelques petits os fins et longs (hors de place), qui montrent que l'abdomen devait être pourvu d'un appareil costal. Il n’est pas possible de rien préciser sur les vertèbres lombaires. Quant à celles du bassin , 1l ne devait guère en exister plus de deux, et je suis porté à admettre que la vertèbre qui se montre derrière la partie supérieure du fémur droit ; et qui est un peu séparée de la précédente, est bien la vertèbre sacrée postérieure. IL est à présumer que l'animal n'avait pas plus de cinquante- trois vertèbres caudales. Celles de la partie antérieure de la queue ressemblent beaucoup à celles du dos, même en ce qui concerne les apophyses soit épineuses , soit articulaires ; quant aux apophyses transverses , faiblement accusées, elles finissent par disparaître totalement à partir de la dixième vertébre cau- dale. Depuis la huitième jusqu’à la vingt-quatrième , un allon- gement presque imperceptible à licu dans le corps des vertèbres ATOPOSAURUS JOURDANI. 7 de la queue ; au-delà c’est un raccourcissement graduel qui s'y montre , en sorte que la longueur de la dernière vertèbre visi- ble n’est plus guère que d’un millimètre sur une hauteur de moitié moindre. À mesure que les vertèbres se succident d’a- vant en arrière, on voit l'apophyse épineuse se rétrécir et s’abaisser peu à peu , puis disparaître entièrement , de manière à ce que la ligne qui détermine le contour supérieur de la ver- tèbre se rapproche d'autant plus de l'horizontale, que lon avance davantage vers l'extrémité de la queue. On peut pour- tant encore discerner les doubles apophyses articulaires sur les vertèbres qui sont placées au-delà du milieu de la série caudale. L’arc inférieur des vertèbres de la queue s’articule entre les corps des deux vertèbres consécutives, sans que celles-ci présentent d’apophyses particulières pour le recevoir. Cet arc consiste en deux branches qui se réunissent inférieurement par un appendice dont je crois que la texture était plutôt cartila- gineuse qu'osseuse. Membres et bassin. — Les deux os de l’avant-bras sont à peu près égaux en longueur et en force. Le carpe diffère de celui des lézards d’une manière frappante, et rappelle , en ce qu'il n'est composé que de deux os à la première rangée, le carpe des crocodiles et le tarse des grenouilles. A la main gauche, les deux osselets sont placés l’un sous l'autre, de manière à laisser supposer qu'il n’en existait qu'un seul, si, à la main droite, on ne les voyait l’un et l'autre occuper leur place respective et naturelle. Les osselets de la seconde rangée du carpe n'ont laissé que des traces trop faibles pour qu’on puisse les compter; et en dire autre chose , sinon qu'ils étaient fort petits. Le nombre des articulations dont chacun des cinq doigts se compose, ne se rapporte pas au type des crocodiles , mais à celui des lézards, puisqu'à partir du pouce la série se formule ainsi : 2, 3044/0300 8 REPTILES FOSSILES DU BUGEY. Par contre, ce qu’on peut distinguer du bassin donne lieu de penser que la conformation n’en était pas semblable à celle des lézards. Dans cette région, on voit s'avancer de dessous l'épine dorsale un os plat et faiblement courbé en arc , que je crois être l'os des îles du côté gauche ; celui de droite est placé sur les vertèbres sacrées , et tellement confondu et comprimé avec elles, que l’on ne saurait en démêler les contours. L’os pubis est très-bien exposé ; il repose sur le côté intérieur du fémur gauche, et garde encore la position qu’il occupait durant la vie. On voit, par l’angle obtus de son extrémité articulaire, que cel os s’articulait à la fois sur l'ilium et sur l'ischion. Elargi en éventail à son extrémité opposée, 1l était marqué d'une petite échancrure à son bord inférieur. Dans l’espace compris entre le fémur et le tibia gauche, il semble qu’on aperçoit quelque trace de l’ischion, qui devait avoir la forme d'un éventail, et être pourvu d’une petite apophyse articulaire. Le fémur est encore placé dans la cavité cotyloïde. Sa lon- gueur est de 16% 1/2. La tête est limitée par le col qui est court, et sous lequel est placé immédiatement le grand tro- chanter. Les os de la jambe sont serrés l’un contre l’autre, et présentent l'apparence d’un seul os plus fort; leur longueur est de 15m 17/2. Le tarse n’a pas la forme qui appartient aux lézards, mais plutôt celle qu’on trouve chez les crocodiles. Le plus gros des osselets dont il se compose est l’astragale. Ceux de la seconde rangée semblent un peu plus développés que chez les croco- diles. L'osselet qu'on voit faire saillie à la partie externe du tarse, et avec lequel s’articule l’os métacarpien du doigt exté- rieur , est aussi un peu plus gros que dans les crocodiles, et il est pourvu d’une forte apophyse qui s'en détache et se dirige inférieurement. Le pied , comme celui du crocodile , n’a que quatre doigts, dont les premières phalanges ne diffèrent que légèrement les ATOPOSAURUS JOURDANI. 9 unes des autres pour la longueur. On ne voit pas d'ongle au doigt extérieur, de même encore qu’au crocodile (Cuv., Ossem. foss., 4° édit., t. IX, p. 208). Le nombre des articulations dont chacun des quatre doigts se compose donne la série : 2, 3, 4,4; c'est la même qu'au crocodile. Comparaison avec un autre exemplaire.— En même temps que l’exemplaire trouvé dans le Bugey, j'ai recu un autre Atoposaurus provenant des schistes lithographiques de la Ba- vière. La tête, qui ne manque pas à ce dernier échantillon, se rapporte en somme totale au type des lézards. La symphyse de la mâchoire inférieure rappelle cependant les crocodiles, et les dents, celles des gekkos. Ce singulier animal qu’on ne peut assimiler à aucun des sauriens connus, tant vivants que fossiles, et qui présente une combinaison particulière des différents types admis jusqu'à présent, devait se rapprocher des lézards par la nature de la peau. J'ai retrouvé sur l’exemplaire bavaroïis tous les caractères que présentent celui de Cirin. L’os des iles est clairement ex- posé, et le nombre des doigts qui est moins facile à reconnaitre sur le fossile du Bugey, est de toute évidence sur le premier. Le fait d’une plus grande raideur dans la partie caudale que dans la partie dorsale de la colonne vertébrale s’y reproduit aussi. Enfin, l'animal trouvé en Bavière se distingue de celui du Jura francais, par des membres dont l’ensemble est plus allongé et plus mince, et il n'est pas invraisemblable qu'il devra constituer une espèce d'Atoposaurus distincte de l'A. Jourdani. Dans ce cas, je proposerais de nommer A. Oberndorferi le fossile de Kelheim. 10 REPTILES FOSSILES DU BUGEY. IT. Sarueosaurus Taiozcieret (HI. v. Meyer ). C'est un magnifique échantillon auqnel pourtant la tête manque. Le squelette est vu par le dos , à l'exception de la queue, qui à partir de la douzième vertébre, est couchée sur le côté gauche , et se dessine par conséquent en profil. On ne distingue de la tête que l'empreinte de la partie pos- térieure, ce qui ne permet pas de s’en faire une idée suflisante. Sans la tête, la longueur du squelette est de 54 centimètres , la queue est comprise dans cette longueur pour un peu moins des deux tiers. V'ertèbres et côtes. — A en juger par la position des côtes, l'animal n’avait pas plus de quatre vertèbres cervicales, par conséquent précisément le même nombre que la plupart des sauriens lacertiformes. L'atlas et l’axis ne semblent pas différer sensiblement des autres vertèbres , ni pour les dimensions , ni pour la forme. L'apophyse épineuse supérieure est très-faible. Des côtes courtes s’attachent aux vertèbres cervicales. Ces dernières comprises , le nombre des vertèbres Jusqu'au bassin est de vingt-deux. La longueur de chacune d'elles est généralement de gnn, et celles affectent une grande uniformité. Les apophyses articulaires, fortement développées, donnent à la vertèbre une largeur d'un centimètre. L'apophyse épineuse ne consiste qu'en un cordon mince et peu élevé. Les apophyses trans- verses et le corps des vertèbres sont masquées par l'enduit pierreux (1). Il ÿ a apparence que l'animal avait, avant le bassin (2), une (4) J'ai réussi plus tard à enlever une partie de cet enduit, au moyen de lavages avec un acide, le dessin a été fait après cette opération. (Vote du traducteur.) (2) On voit aujourd’hui que la vertèbre dont il s’agit n’est pas lombaire, néanmoins les côtes de cette vertébre sont moins fortes que sur le dessin. ({ote du traducteur.) SAPHEOSAURUS THIOLLIEREI. 11 vertèbre lombaire ou dépourvue de côtes. Il semble que les côtes se terminent contre les vertèbres par une partie pointue , mais cela tient à ce que la partie la plus large de leur tête est cachée sous la pierre , et qu’on n’en voit plus à présent que le bord saillant supérieur ou postérieur (1). On peut reconnaitre sur quelques-unes des côtes qu'elles se terminent par un renfle- ment articulaire simple, et que leur coupe transversale est ovale. La disposition et l'étendue de ces os montrent que la partie postérieure du tronc était plus large que l'antérieure, dans la proportion de 3 à 2 (2). Dans l’espace que les côtes cir- conscrivent, s’allongent suivant diverses directions des frag- ments de cordons fins, arrondis et ridés en anneaux. Leur grosseur est ordinairement moindre et leur substance paraît plus blanche que celle des côtes. Je ne puis voir là des intes- tins , ni des excréments, mais je crois bien plutôt que ce sont des restes de vaisseaux ou de tendons , qui se sont contractés dans le sens de leur longueur en se desséchant, et qui ont pris ainsi une structure annelée. L'extrémité inférieure des côtes est tronquée, et se rattache au moyen d’une côte inter- médiaire, courte et forte, et dont la texture annelée fait soupconner qu’elle était cartilagineuse ; aux côtes ventrales ou abdominales ; celles-ci sont plus faibles. L'on peut aussi recon- naître que ces côtes abdominales consistent en une côte moyenne à laquelle, de chaque côté, s’en joint une autre plus (4) C’est ce qui est devenu évident après le décapage par V’acile ; voyez la planche ci-jointe. (Vote du traducteur.) (2) Comme la pression des couches qui ont recouvert l’animal en à aplati le tronc et rédnit l'épaisseur verticale à quelques millimètres, une partie de cette lame, celle qui contenait les vertèbres et côtes abdominales, s’est détachée et a été perdue. Des deux empreintes dorsales el ventrales qui sont restées sur les plaques, j'ai préséré que le dessin reproduisit celle du dos. Cette empreinte est beaucoup plus distincte , et permet bien mieux de suivre la série des vertèbres et des côtes que celle qu'a laissée la face abdominale, Mon avertissement a pour but qu’on ne s'étonne pas de trouver sur la plaque inférieure le dessin d’une partie que le moule supérieur pouvait seul présenter. (Vote du traducteur.) 12 REPTILES FOSSILES DU BUGEY. menue qui se raccordait par un court cartilage avec la côte dorsale. Vertèbres sacrées. — Le sacrum comprend deux vertèbres : L'apophyse articulaire postérieure de la vertèbre antérieure, et l’apophyse articulaire antérieure de la vertèbre postérieure sont peu développées. La première des deux vertèbres sacrées porte, de chaque côté, une forte apophyse transverse qui s’al- longe, en se dirigeant un peu vers l'avant, de manière à donner à la vertèbre entière une étendue transversale de 27%, La seconde vertèbre sacrée est munie de deux apophyses transverses (1). La branche antérieure de l’apophyse se dirigeait obliquement en avant, comme celle de Ia vertèbre précédente, et allait s’articuler avec l'os des iles (dont elle est aujourd’hui disjointe); la branche postérieure qui est moins forte, et prend sa direction plus en dehors, s’avance davantage vers l'apophyse articulaire de la première vertèbre de la queue, et paraît n'avoir pas eu d’articulation avec l'os du bassin. Vertèbres caudales.— Les apophyses épineuses des vertèbres caudales sont encore moins prononcées que celles du dos, bien que celles-ci ne consistent qu'en un cordon peu saillant. La queue est complete. Les vertèbres qui la composent vont en s’amoindrissant d'une manière insensible. Leur nombre n'est pas facile à déterminer, la partie extrême de la queue étant très-fine, un peu tordue et paraissant en outre n’avoir pas eu de vertèbres distinctes, du vivant de l'animal (2). Je (4) Je puis dire à présent que ces deux apophyses , distinctes à leurs extrémités , se réunissent , bien avant de s'implanter sur le corps de la vertèbre, en une seule lame cordiforme , voyez la planche. (Vote du traducteur.) (2) Sans doute par suite de reproduction, après brisure accidentelle. On retrouve du reste dans les vertèbres caudales du Sapheosaurus des traces de la division verticale , placée au milieu de leur longueur qui rend la queue fragile, et qui a été signalée par Cavier comme particulière aux lézards, aux iguanes , etc. A l’espèce de solution de continuité dont il s’agit, se joint le caractère de la présence des côtes à la dernière SAPHEOSAURUS THIOLLIEREI. 15 crois pourtant pouvoir affirmer que ce nombre dépassait à peine quarante , dont douze environ pour la partie confusément articulée. La longueur des vertèbres caudales va d'abord en augmentant peu à peu, et se maintient à 11" jusqu'à la vingt-troisième , puis elle décroit insensiblement jusqu'au bout. Les apophyses, soit articulaires, soit épineuses , soit trans- verses, présentent la même diminution dans leurs dimensions. Ces dernières ne sont plus visibles à partir de la quatorzième vertébre. On voit que les vertèbres caudales portent un arc inférieur ; mais cet arc, au lieu de ne s’articuler qu'avec les apophyses d'une seule et même vertèbre, comme dans les lézards, s'adapte , ainsi que chez les crocodiles, entre les apophyses articulaires des deux vertèbres contiguës, et il n'y a point d'apophyse spéciale pour recevoir cet are. On voit clairement sur les vertèbres qui se montrent par le côté, qu'il n'y existe pas de séparation entre l'arc supérieur etle corps. De même, il est facile de reconnaitre que ni l’une ni l’autre des faces articu- laires n’était convexe. Membres antérieurs. — Quant à l'appareil sterno-humé.- ral (1), l'omoplate est parfaitement exposée. C'est un os plat et quadrangulaire, mesurant 107" 1/2 de long sur un peu plus de 8 de large. Les bords antérieur et postérieur sont évidemment concaves ; au bord supérieur, terminé par une ligne droite, s'attache une pièce cartilagineuse allongée d'avant en arrière et Lerminée en pointe aux deux bouts. Les dimen- sions de ce cartilage sur-scapulaire sont de 5"" pour Îa vertèbre avant le bassin, pour éloigner le Sapheosaurns des crocodiles, un peu plus encore que n'avait dà le faire M, de Meyer, dans l’état où était le fossile lorsqu'il l’a examiné, (Vote du traducteur.) (4) La description que M, de Meyer doune de cet appareil est plus exacte que fa figure lithographiée. Plusieurs détails n’ont malheureusement pas reçu les rectilications que j'avais indiquées en m’éclairant des indications fournies par le texte. (Vote du traducteur.) 14 REPTILES FOSSILES DU BUGEY. hauteur, et d'environ trois fois autant pour la longueur. L’omo- plate ainsi composée s'articule par son bord inférieur, et suivant une ligne droite, parallèle à la suture supérieure , avec l'os coracoïdien. On ne voit de ce dernier os que la portion voisine de l'articulation (1). J'ai pu reconnaitre qu'il était percé près du bord supérieur du petit trou qui existe en ce point , chez certains lézards, F Près de ce même os, on remarque des vestiges d’une pièce plate et quelque peu déformée, qui devait être cartilagineuse et appartenir au cartilage qui , dans les lézards , réunit le sternum aux apophyses du coracoïdien. De dessous la cinquième ver- tèbre l’on voit sortir des pièces qui sont allongées en forme de côtes. Les deux antérieurs de ces os longs me semblent être les clavicules (2), et l'extrémité pointue de l'os notable- ment plus petit, qui apparait immédiatement en arrière , est sans doute l'extrémité du bord extérieur du sternum. D’après tous ces indices, l'apparcil sterno-scapulaire a dû présenter une grande conformité de structure avec celui des lézards. L'on est frappé de l’état de relîichement avec lequel les membres antérieurs pendent le long du corps, tandis que les membres postérieurs , dont le fémur et les doigts sont tendus en dehors, indiquent une convulsion qui doit avoir été le dernier mouvement de l’animal, alors que les extrémités antérieures étaient déjà privées de vie. Les membres antérieurs sont à leur place naturelle. L'hu- mérus à 34% 1/2 de long, et seulement 3"® de diamètre dans sa partie la plus mince ; mais à l'extrémité inférieure cet (4) En décapant la surface de la pierre autour de l'articulation scapulo-humérale ; j'ai mis à découvert entre les deux premières côtes le prolongement de los coracoidien, On voit qu’il a à peu près la même longueur que l’os scapulaire, et qu’il est au moins aussi large à sa partie postérieure qu’auprès de l'articulation, (Vote du traducteur.) (2) C’est ce dont on ne peut douter aujourd’hui. Le dessinateur ayant oublié les cor- reclions que je lui avais indiquées, la planche ne rend pas la forme de ces os avec la netteté qu’elle a sur la plaque. (Vote du traducteur). SAPHEOSAURUS THIOLLIERET. 15 os atteint une largeur de 10"®, Sur la tête de Particulation inférieure est placé, comme dans les monitors, le trou qui donne passage à l'artère du coude. Ce trou est très-clairement indiqué, bien que le côté de l'os où il est placé, n'ait pas, comme chez les monitors, une plus forte étendue dans sa partie extérieure ; c'est bien plutôt le côté opposé qui, à l'in- verse de ce qui existe chez les monitors , atteint un développe- ment notablement supérieur ; on y voit en outre une courte apophyse dirigée en avant. Le cubitus, qui a 227% de longueur, est plus fort que le radius , bien que la longueur de ce dernier os soit à peine un peu moindre que celle du premier. On voit les vestiges de l’apophyse de l'articulation cubitale ; mais il ne subsiste que quelques indices du carpe ; elles suflisent cependant pour qu'on soit à même dese convaincre que; parmi les petits os dont cette région se composait, aucun ne se distinguait d'une manière sensible par une différence de volume. Le nombre des pha- langes, y compris les phalanges onguéales, donne la série suivante à partir du pouce : 2..3.,.4.,5.38:(pour:les:cinq doigts), ce qui est conforme à ce que nous trouvons pour les lézards. La main se distingue pourtant de celles des lézards vivants par une plus grande uniformité entre les diverses phalanges qui composent chaque doigt. Celles des ongles ne présentent pas un développement extraordinaire. Bassin et membres postérieurs. — L'os des iles est entiè- rement à découvert, mais il a été renversé par la pression , de telle sorte qu'il se présente par la face interne. Il a 27" de long et 9" de haut, dans le voisinage de l'articulation fémo- rale, où il est quelque peu renflé. En arrière, 1l se termine en une pointe émoussée. En avant, il se superpose à l'extrémité articulaire du pubis par une apophyse pointue. L'ajustement du pubis et de l'ilium se fait sous un angle ouvert. On ne voit le pubis que par son extrémité articulaire , 16 REPTILES FOSSILES DU BUGEY, il semble que le bord postérieur en était fortement échancré, L'ischion n’est également visible que par la partie où il s’ar- ticule avec l'os des îles et le pubis , pour former la cavité ar- ticulaire qui recoit le fémur. D'après tout ce que l’on aperçoit du bassin, la conformation n'en diffère pas de celle des lézards d'une manière notable. Le bassin parait avoir été réuni principalement avec les apophyses transverses antérieures de la seconde des deux ver- tèbres sacrées , et l'os des îles présentait à ces apophyses une surface articulaire clairement développée. La tête du fémur est encore à sa place dans l'articulation iléo-fémorale , et par suite se trouve cachée sous l'os des iles ; l'on ne peut donc mesurer exactement la longueur du fémur. Cependant , cet os qui présente une légère courbure ne peut avoir moins de 45m, Le tibia et le péroné qui est plus faible, ont 32m de longueur. La rangée supérieure des os du tarse consiste , ainsi que dans le pied des lézards, en deux os aplatis dans le sens vertical, et qui sont joints ensemble. Leur face extérieure diffère un peu de celle de ces mêmes os dans le monitor. La seconde rangée devait vraisemblablement consister en trois osselets. Le nombre des phalanges, y compris celles qui portent les ongles dont tous les orteils sont pourvus , cor- respond à celui qu’on trouve chez les lézards, à chaque orteil. En voici la série en commencant par le plus gros : 2, 3, 4, 5, 4. Quant à la longueur, ces articulations diffèrent peu les unes des autres. Discussion des analogies génériques. — Quelque frappante que soit la ressemblance entre les formes de ce saurien et celles des lézards de l’époque actuelle, il ne faut cependant pas s’abuser au point de considérer cet animal comme appartenant à l'un ou à l’autre des genres encore vivants. Le groupe ooli- thique, et nommément les schistes lithographiques, renferment des formes qui présentent à un haut degré cetle particularité. SAPHEOSAURUS THIOLLIEREI. 1 Néanmoins, on ne doit pas plus identifier ces sauriens avec les lézards actuels, que les crocodiles à museau court de ces époques anciennes ; avec nos vrais gavials. Ce sont là seulement des parties parallèles entre les séries données par le développement des formes à différentes époques de la nature, et les motifs ne manquent pas pour nous empê- cher de les confondre. Ainsi , un caractère important pour les sauriens des anciennes formations, c’est que leurs vertèbres n’ont jamais la face articulaire postérieure terminée par une partie convexe. Le saurien , dont la description précède , con- firme cette loi, que j'ai eu souvent l’occasion de vérifier durant une longue suite d'années. Ce n’est pas du reste un vrai lézard , puisqu'il offre la parti- cularité dans la conformation de l'arc inférieur des vertèbres, que cet arc ne s'articule pas, comme chez les lézards, avec les apophyses d'une seule, inais bien avec celles des deux ver- tèbres contiguës, à la manière des crocodiles. De semblables différences nous étonnent d’autant plus, que nous les voyons se combiner dans la structure d’un même individu, avec des carac- tères parfaitement semblables à ceux des lézards de nos jours. C’est ainsi que le nombre des articulations qui constituent chaque doigt est ici exactement le même , et l'on pourrait être tenté de prendre cette conformité en considération toute parti- culière. Il n'y a pas lieu cependant d'y attacher tant d’im- portance ; car il est des sauriens fossiles qui, conformes en ce point aux espèces actuelles, affectent d'ailleurs une structure si différente , qu'au premier coup-d'œil on reconnaît qu'il n’est pas possible de les confondre avec aucune d'elles. Ces exemples de combinaisons de deux ou plusieurs types distincts d’organi- sation dans un seul et même individu sont réellement éton- nants : ils prêtent à l'étude des êtres éteints un attrait tout particulier. Je comprends sous le nom d'Homæo-sauriens tous les 5 18 REETILES FOSSILES DU BUGEY. sauriens fossiles qui présentent une ressemblance vraiment propre à faire illusion avec les lézards de notre époque, tout en possédant des caractères qui n’apparliennent qu'aux sau- riens des temps beaucoup plus anciens. Je n'avais reconnu jusqu'à ce jour qu'un seul genre de ces animaux. La décou- verte du plus grand des deux sauriens des calcaires litho- graphiques de Cirin m'a convaincu qu'il devait en avoir existé plusieurs. Je ne puis, en effet, réunir ce saurien avec l'Homæosaurus Maximiliani et l’'H. Neptunius (1), parce que la conformation de l’avant-bras, et, ce qui est plus important quand il s'agit de distinctions génériques , parce que la proportion des longueurs de l'avant-bras et du bras, de même que de celles de la cuisse et de la jambe ne sont plus les mêmes. Le nombre des vertèbres comprises entre la tête et la nais- sance de la queue s’accorderait, d'après les données précé- dentes, avec celui de l'Homæosaurus Neptunius; quant à l'H. Maximiliani, il ne m'a pas été possible de re- connaitre d’une manière indubitable combien de vertèbres il avait. Mais entre ce dernier saurien et le Sa pheosaurus de Cirin, d'autres modifications importantes prennent place, telles sont celles qui affectent les quatre membres. Chez l'Homæosaurus Maximiliani le bras entier est égal en longueur à la distance de la première vertèbre dorsale à celles du bassin, tandis que chez le Sapheosaurus Thiol- lierei, ce membre est relativement beaucoup plus court; les membres postérieurs eux-mêmes atteignent à peine cette lon- gueur proportionelle dans ce dernier animal, tandis qu'ils (1) L’'Homæosaurus Neptunius (H. v. Meyer) est la même espèce que le Lacerta Neptunïa (Gold.), voy. W. acta Acad. nat. cur.,t. XV, pl. 11. — L'Homæosaurus Maximiliani (H. v. Meyer) est une espèce décrite avec un ptéradocty;le, en 1847, par l’auteur, dans un mémoire publié avec figures, chez Schmerber à Francfort-sur-Mein. — Noÿez aussi le ZV. Jahrbuch de Leonhardet Bronn, Jahrg. 1847, p. 182. (Vote du traducteur.) SAPHEOSAURUS THIOLLIEREL. 19 la dépassent beaucoup chez l'Homæosaurus Maximi- liani. La longueur du bras et celle de l’avant-bras de l'Ho- mæosaurus Maximiliani sont à peine différentes ; pour le Sapheosaurus la proportion entre l’avant-bras et le bras est comme 3 est à 4 ; ce dernier saurien a en outre la jambe plus courte , par rapport à la cuisse , que l'Homæosaurus Maxi- miliani, dont les membres du reste sont remarquables par leurs os eflilés et minces. L’avant-bras du Sapheosaurus diffère de celui de l'Homæosaurus Maximiliani, non- seulement en ce que ces deux extrémités, et surtout l'infé- rieure , sont plus larges, mais encore en ce qu’elles sont bien plus développées du côté intérieur, et qu'il s’y trouve en outre une apophyse qui se dirige vers le haut. Dans le Sapheo- saurus, le petit doigt comparé au doigt le plus long est un peu moins court que dans l'Homæosaurus Maximi liani; le tarse et le bassin de ces deux animaux paraissent aussi offrir des différences. La queue du Sapheosaurus est plus longue que celle de l'H. Maximiliani. À ces dissemblances s'en ajoutaient d’autres qu'on ne peut démontrer aujourd'hui, parce que les parties sur lesquelles elles portent ne sont pas visibles , ou ne le sont que d’une manière trop incomplète. L'H. Neptunius, en ce qui concerne les rapports propor- tionels que nous venons d'examiner , se rapproche plutôt de l'H. Maximiliani; et cette conclusion est confirmée par le dessin qui accompagne le mémoire de Goldfuss. Il serait cepen- dant à désirer que ce petit saurien ; qui n’a que le septième de la longueur du Sapheosaurus, et la moitié de celle de l'Homaæosaurus Maximiliani, devint l’objet d’une des- criplion et d’une reproduction figurée plus exactes. — Franc- fort-sur-Mein , le 12 février 1850. CONTINUATION DES INDICATIONS SOMMAIRES SUR LES ESPÈCES FOSSILES D'ANIMAUX ET VÉGÉTAUX recueillies dans le gisement de Cirin (4). 1° REPTILES. 1° Atoposaurus Jourdani (H. v. Meyer), décritet figuré dans cette notice. 2° Sapheosaurus Thiollierei (H. v. Meyer}, décrit et figuré dans cette notice. 3°... Une tête aplatie et engagée par la base du crâne, appartenant à un lézard, dont la taille se rapprochait de celle du Sapheosaurus, et qui peut être de la même espèce ? Cette tête a 6 centimètres de long, sur une largeur maximum, prise à la hauteur des deux os frontaux postérieurs, de 4 cen- timètres. La partie antérieure de l'os dentaire est garnie d’une double rangée de petites dents aiguës et serrées. 4°... Fragment de squelette, peut-être encore du même saurien. L’on ne voit qu'une douzaine de vertèbres du dos , quelques côtes et une partie des deux fémurs. 2°... Os de la jambe ou du bras d'un saurien d’une taille beaucoup plus développée. Les deux têtes de cet os, long de 858", ne montrent pas distinctement les détails de leurs faces articulaires. Le diamètre du milieu du canon est de 10m, 6° Chelone? Meyeri (Thiollière). C'est un fragment qui montre, vue par la face inférieure, la moitié gauche du plas- tron entourée des pièces marginales du bouclier. Plusieurs des pièces costales s'offrent aussi au regard dans les intervalles des os du plastron. La tête, les membres et la portion antérieure du bouclier manquent totalement. Je n'ose par conséquent exprimer qu'avec doute l'opinion où je suis, que cette tortue (4) Voyez la liste par laquelle se termine ma notice de 1848. POISSONS FOSSILES DES CALCAIRES LITHOGRAPHIQUES, ETC. 21 se rapproche plus de la division des Chélonées que des autres familles. M. de Meyer, auquel je dédie l'espèce et compte fournir l’occasion d'examiner l'échantillon du fossile , pourra mieux que moi trancher la question. Dans tous les cas, la for- me est différente de celles des trois espèces de tortues que le même savant a décrites dans les mémoires du comte de Münster, et qui provenaient des schistes lithographiques de la Souabe. Les principales dimensions de la carapace devaient être : longueur 22 centimètres , largeur 20. =° POISSONS. Sélaciens. — La grande division des Sélaciens (Placoïdes) n’a Jusqu'ici fait acte de présence dans la faune ichtyologique de Cirin, que par cinq ou six individus, de divers âges , du rhinobate fossile que j'ai décrit sous le nom de 1° Spatobatis Bugesiacus (Thiol.). Ganoïdes. — J'ai indiqué précédemment plusieurs genres de ganoïdes dont l’ossification de l'axe vertébral n'est pas com- plète, et qui diffèrent par conséquent du polyptère et du lépi- sostée de l’époque actuelle, sans appartenir non plus au type des esturgeons, soit par la nature de leurs téguments, soit par leur mode de dentition. Pour mettre un peu d'ordre dans mon énumération des ganoïdes trouvés à Cirin, je commencera par les genres dépendant de cette subdivision, en énoncant d’a- bord ceux d’entre eux qui sont compris dans la famille des Pycnodontes ou qui s’en rapprochent ; puis je passerai aux genres fusiformes ; avec nageoires inférieures disposées comme chez nos malacoptérygiens abdominaux. Viendront ensuite les espèces dont le squelette paraît être tout-à-fait ossifié. Enfin, je compléterai ma liste par les poissons qui semblent fermer un groupe intermédiaire aux ganoïdes bien caractérisés des genres 22 POISSONS FOSSILES déjà indiqués , et aux poissons osseux et à écailles minces, sans émail , des eaux de notre époque. PyexonontEes. — J'ai mentionné précédemment à Cirin les 2° Microdon elegans (Ag.) et 3° M. hexagonus ? (Ag.). Il n’a pas été recueilli d'autre exemplaire du second, mais j'ai été plus heureux pour le premier. — Frappé de la ressem- blance extrème du squelette de cette espèce avec celui des Pycnodus dont il sera question tout-à-l’heure, j'ai recherché sile M. elegans présentait dans sa dentition les particula- rités qui, seules, motivent la séparation des deux genres Pycnodus et Microdon, d'après M. Agassiz (1). Je puis afirmer et fournir la preuve que non-seulement les incisives et les rangées extérieures de petites dents à couronne arrondie, chez le M. elegans, présentent la même forme générale et la même disposition que chez les Pycnodus, mais aussi que les rangées intérieures de la bouche offrent également les grosses dents à contour elliptique ou subquadrangulaire ; en sorte qu'une plaque vomérienne de cette espèce réunit des dents dont les formes difièrent entre elles tout autant, si ce n'est davantage, que celles du Pycnodus Bucklandi (Ag.), par exemple (2). Le Microdon elegans doit donc devenir le Pycnodus clegans. Il est bon de faire remarquer que l'on a pas encore donné de figure de Pappareïil dentaire complet d’un Pycnodus; les plaques palatales représentées soit dans le grand ouvrage de M, Agassiz, soit ailleurs, sont tronquées antérieurement. Il y manque non-seulement les deux grandes incisives mé- dianes , et les autres incisives, plus courtes, qui les suivent, (4) Voyez Recherches sur les poissons fossiles, 1. 11, 2e part., p. 205. (2) Voÿ. Loc. cit., pl. 12°, f, 45 à 47. DES CALCAIRES LITHOGRAPHIQUES DU BUGEY. 23 mais encore les pelites dents en pavé qui garnissent à l’inté- rieur celte portion antérieure des mâchoires. Je n'ai pas besoin de dire que les profils restitués du Pycnodus et du Microdon, dessinés d'après les pre- mières recherches de M. Agassiz (1), ne sont pas exacts sous ce rapport. Il restera à vérifier si les autres espèces de Microdon de M. Agassiz ne sont également que des Pycnodus. Je passe à deux autres formes fossiles fort voisines des pré- cédentes, mais d’espèces qui n'étaient point encore connues. J'en ai sous les yeux les squelettes exposés par le flanc sur les plaques calcaires où ils reposent. De pareils squelettes de Pycnodus sont fort rares : il n’en avait pas encore été trouvé, à ce qu'il paraît, dans les terrains jurassiques de la France , ni de l'Allemagne, ni de l'Angleterre (2), bien que les dents de ces poissons broyeurs se rencontrent avec quel- que abondance dans un certain nombre de localités du Jura. Je donne au premier le nom de 4° Pyenodus Sauvanausi (Fhiol.) (3). C’est une grande espèce, de 63 centimètres de longueur totale, sur une hauteur de 40, prise du bout de la dorsale à celui de l'anale. Le contour du corps est presque circu- laire, mais cependant un peu plus allongé que celui du P. elegans. La tête est énorme, car de la nuque à l'extré- mité de la mâchoire inférieure , il y a 24 centimètres de dis- tance; elle est réduite à une épaisseur si faible, qu'il est évident qu'elle était cartilagineuse. Les mächoires et leurs larges et fortes dents ont seules résisté à la compression. Deux grandes incisives dont le tranchant est oblique, occupent le (4) Voys Loc. cit., t. 1, tabl. G. 2) Sauf maintenant les squelettes du P, elegans. (3) En mémoire du g ologue aussi modeste que zélé dont je regrette tous les jours la perte, 24 POISSONS FOSSILES devant de la bouche, soit en haut, soit en bas, puis à droite et à gauche se montrent deux autres incisives beaucoup plus courtes et plus étroites. En arrière, s'étend la rangée exté- rieure des dents en pavé, qui sont en partie cachées dans la pierre. On ne voit pas du tout les rangées intérieures. Quant à la charpente osseuse du corps, elle est aussi par- faitement visible, sauf la région abdominale, que le serait une préparation anatomique ; mais pour le moment , il me paraît suflisant de renvoyer à la description du P. platessus, par M. Agassiz (1), jusqu'à ce que je puisse publier, avec le dessin de ce bel échantillon, des détails qui seront alors plus facilement intelligibles. 59 Pycnodus Itieri (Thiol.) (2). Cette espèce rappelle avec évidence le P, platessus du Monte-Bolca que j'ai cité tout-à-l’heure, mais elle est plus grande de moitié. La longueur est de 40 centimètres, la hauteur en avant de la dorsale, n’est que de 10 centimètres, et de 18 de l'extrémité de cette nageoire à celle de l’anale. Malgré la forme bien plus allongée du corps, l’on retrouve dans le P. Itieri, tonte la structure de squelette du P. Sauvanausi et du P. platessus. Les dents sont beaucoup plus petites, mais elles offrent les incisives très-saillantes en avant de la longue série des dents en pavés, comme chez l'espèce pré- cédente. Ni sur cet échantillon, ni sur ceux que je viens de citer , je n'ai pu trouver de trace d'écailles. D’après ces squelettes , il paraît bien que les Pycnodus n'avaient pas de nageoires ven- trales, mais seulement des pectorales , et que celles-ci étaient peu développées. À aucune nageoire ne se montrent des ful- (4) Voy. Loc. cit., t. IT, 2° part,, p. 185 et pl. 72. (2) L’on doit à M, Jules Itier de trop bonnes recherches géologiques sur le Bugey , pour qu’il ne me semble pas tout-à-fait à propos de placer ici le nom de ce savant amateur , avec celui de feu Sauvanau, son ami et le mien. DES CALCAIRES LITHOGRAPHIQUES DU BUGEY. 29 cres. Le lobe inférieur de la caudale est toujours formé d'un nombre de rayons un peu plus grand que celui du lobe supé- rieur, alors même que l'extrémité de la colonne vertébrale ne se relève pas vers ce dernier lobe. Je vois cette dernière circonstance sur le P. Sauvanausi. L'on pourrait croire, d’après le texte de la caractéristique du genre Pycnodus, qu'a donnée le savant paléontologiste de Neuchatel (1), que le squelette avait de véritables corps de vertebres osseux. Ce serait une erreur : l'axe du corps n'ofire qu'un espace vide , parfaitement visible sur les squelettes qui se montrent de flanc. Il était rempli sans doute autrefois par un cordon gélatineux semblable à celui des esturgeons , seu- lement les apophyses sont moins bien ossifiées et moins bien articulées entre elles chez l’esturgeon , que chez les Pycno- dus et les Microdon. Les Pycnodontes sont donc presque osseux , Landis que les esturgeons sont presque cartilagineux. Plusieurs des sauroïdes de M. Agassiz, ses Caturus, par exemple, sont sous le rapport de l’ossification du squelette, absolument dans le même cas que les Pycnodontes. Il est du reste un degré d'ossification des vertèbres de pois- sons qui est encore un peu plus avancé, et dont je trouve l’exem- ple parmi les pièces recueillies dans le même gisement. C'est celui où le corps de la vertèbre a déjà un cylindre extérieur osseux, mais où il est occupé à l'intérieur par la corde gélati- neuse. Une plaque des calcaires de Cirin me montre une série de ces vertèbres à corps creux, dont l'arc supérieur n'était pas encore assez completement soudé avec l'arc inférieur, pour que ces demi-anneaux ne se soient pas disjoints sans fracture , par l'effet d'une pression oblique ; aujourd'hui juxtà-posés, ils s'offrent au regard à la surface de la plaque, alternativement par leur face concave ou interne, et par leur face convexe ou (D) « Les vertèbres du Pycnodus sont courtes et massives » ( Recherches et6;; CU, 2° partie , p. 183). 4 26 POISSONS FOSSILES externe. Il est évident que, sans l'accident de la pression , ces vertèbres vues de profil, ne pourraient pas se distinguer de vertèbres à corps entièrement osseux. Je reviendrai sur ce sujet à propos des Lepidotus. 6° Undina striolaris (Münster). J'ai cité celte sin- gulière espèce dans ma précédente notice. Je n’en ai pas obtenu de nouveaux fragments depuis lors. Les aflinités de la famille de laquelle dépendent les Undina, avec les autres groupes de ganoïdes ; ne sont pas assez sûrement établies pour qu’on ne me permette pas de placer à la suite des Pycnodontes, la mention de ce Célacanthe. J'arrive à présent à la division la plus nombreuse des pois- sons Jurassiques où du moins de ceux de Cirin. Elle comprend les genres qui ont encore les écailles osseuses et émaillées , et le squelette presque entièrement ossifié, comme les pré- cédents, mais dont les rayons antérieurs d’une ou plusieurs nageoires sont garnis de fulcres (pairs ou impairs), et dont le corps est plutôt fusiforme que plat. La dentition est varia- ble (1). Les nageoires inférieures n’offrant pas de différences sufl- santes, ce sera par les modifications de la dorsale que je me guiderai dans mon ordre d'énumération. Ainsi, des genres où la nageoire s'étend sans discontinuité de la nuque à la queue, je passerai à ceux à deux dorsales disjointes, pour terminer par les espèces qui n’en possèdent plus qu'une, placée sur le mi- lieu ou sur la partie postérieure du dos. L'on voudra m’excuser si je place peut-être dans ce grand groupe quelques espèces dont le squelette est Lout-à-fait osseux, (1) Je réunis ainsi des Sauroïdes avec des Lépidoïdes de la classification de M. Agassiz, et des Lepidotini avec des Monostichii de celle de M, Giebel. DES CALCAIRES LITHOGRAPHIQUES DU BUGEY. 27 mais le manque de données précises ou exactes sur ce point rend mon triage diflicile , dans plusieurs cas. 1° Macrosemius rostratus (Agassiz). Un second exemplaire de ce poisson a été recueilli à Cirin depuis 1848 ; il conserve encore une partie de ses écailles. Je puis distinguer les dentelures fines de leur bord postérieur , ainsi que l'onglet du bord supérieur que recouvre l'écaille qui vient au-dessus. Ces écailles, sur la région moyenne, sont plus hautes que larges. Les deux exemplaires de Cirin ont la même taille que les deux qui ont été cités ou figurés par M. Agassiz. 8° Macrosemius Helenæ (Thiol.). Les dimensions de cette espèce nouvelle sont de moitié moindres que celles du M. rostratus; elle n'a que 6 cen- timètres de long sur 18" de hauteur maximum , mesurée un peu en arrière de la ceinture thoracique. La forme générale du corps, celle de la tête, des dents et des écailles, sont sem- blables à ce que l’on voit dans l'espèce précédente. La dorsale occupe aussi toute la longueur du dos, sans interruption, mais les rayons en sont plas courts, plus fins, toute proportion gardée avec les autres parties, et ils sont couchés en arrière au lieu d'être redressés comme sur le M. rostratus ; ils ne sont pas non plus bifurqués à leur extrémité supérieure. Je ne puis supposer que le M. Helenæ fasse un double emploi avec le M. brevirostris, que M. Agassiz men- tionne sans en donner la moindre description, car la tête et la bouche sont aussi développées que dans le M. rostratus. Mais si l’on démontrait que la dorsale n'atteint pas la hauteur et ne présente pas les autres caractères de celle du M. ros- tratus, uniquement par la raison que l'individu est beaucoup plus jeune, ce qui peut être vrai à la rigueur, je serais le pre- mier à supprimer le nom spécifique par lequel j'ai cru devoir distinguer mon nouveau fossile. 28 POISSONS FOSSILES 99 Disticholepis Fourneti (Thiol.). Ce nouveau genre se distingue du précédent par deux particularités. La première ; c’est que les rayons de la dorsale au lieu d'être très-uniformes, suivant l'expression de M. Agas- siz , sont très-différents de l'avant à l'arrière de cette nageoire. Au premier coup-d’œil, on dirait la dorsale de quelque sciène ou autre acanthoptérygien voisin. Cependant, comme tous les rayons sont articulés, au moins à partir de la moitié de leur longueur, cette ressemblance ne repose que sur la circon- stance que les rayons de l'avant sont beaucoup plus grèles et moins forts que ceux de l'arrière de la nageoire. Ces derniers sont composés de sept ou huit tiges ou filets réunis en faisceau, tandis que les rayons antérieurs ne sont que doubles. Le diamètre des uns est de 4"®, celui des autres de 2" seulement , etc. L'autre particularité générique, du Disticholepis, c'est que le dos est revêtu , sur sa moitié postérieure, d’écailles beaucoup plus petites que celles du reste du corps, par suite de l'intercalation de séries supplémentaires entre les séries nor- males qui vont, comme à l'ordinaire, sans interruption du dos au ventre. Les rangées accessoires ne descendent pas même jusqu’à la ligne latérale. Les écailles du flanc ont ainsi quatre fois environ l'aire des écailles du dos. Du reste, les unes et les autres sont du même type : elles sont épaisses, rhombot- dales, striées transversalement, et finement dentelées sur le bord postérieur. Les vertèbres ne sont pas à découvert , mais je pense d’après le peu de saillie que présente sur leur trajet le corps du pois- son, réduit d’ailleurs par la compression à l'épaisseur de quel- ques millimètres seulement, que les vertèbres ne devaient pas être complètement ossifiées. Quant aux autres caractères, ils sont à peu près les mêmes que chez le genre Macrosemius. Je dois seulement faire remarquer que le seul exemplaire qui ait DES CALCAIRES LITHOGRAPHIQUES DU BUGEY. 29 été trouvé du Disticholepis Fourneti, atteint une taille plus que double de celle du M. rostratus. Il a 28 centimè. tres de longueur totale au lieu de 12. Je suis heureux d’attacher le nom de mon savant maïtre et excellent ami, M. Fournet , à celte nouvelle espèce. 10° Notagogus Imi montis (1) (Thiol.). Je doute que les différences dans les dimensions rela- tives des deux nageoires dorsales ; d'après lesquelles M. Agas- siz établit la séparation entre ses Propterus et ses No- tagogus, aient assez de précision et de constance pour suflire à la distinction des deux genres (Ag.) (2). Ainsi, la nouvelle espèce a évidemment sa première dorsale plus haute que la seconde, et par conséquent il semble que je de- vrais placer ce petit poisson parmi les Propterus; cependant Ja nageoire dont il s’agit n’est pas plus développée que la cor- respondante surle N. Zietenii (Ag.) (3), etil m'est per- mis de supposer, d’après le N. [mi montis , que la seconde dorsale du N. Zietenii que M. Agassiz n'a pu voir, n’était pas aussi haute que la dorsale antérieure. Quoi qu’il en soit de la valeur de la coupe générique dont il s'agit, le fait que l'espèce de Cirin n'a pas sa première dor- sale plus développée que celle qui se trouvait dans la collec- tion de l'auteur des Pétrifications du Wurtemberg, m'au- torise à faire de la première un Notagogus. Les contours de la tête, du corps et de la caudale, ainsi que leurs dimen- sions , sont semblables à ceux du N. Pentlandi (4), mais les dorsales ne sont plus les mêmes. Les écailles n’ont pas non plus leur bord postérieur arrondi ; comme dans l'espèce de (4) De la montagne d’Innimond ( in imo monte), sur laquelle le hameau de Cirin est situé. (2) Voy. Loc. ch., t, 11, 17° part., p. 295. (3) Voy. Loc. cit., t. Il, pl. 49 , fig. 4, (4) Voy. Loc. cit., pl. 49, fig. 2. 30 POISSONS FOSSILES Torre d'Orlando , mais ce bord est droit, à peine émoussé aux deux angles ; en outre, il est dentelé assez profondément. Les écailles ne sont donc pas non plus conformes à celles du N. Zietenii. Quant au N. denticulatus(1), il diffère du N. Imi montis en ce qu'il aurait des dents en brosse aux deux man- dibules, tandis que l'on voit sur mon échantillon, que la mä- choire inférieure porte des dents fortes et coniques. Du reste , l'intérieur de Ja bouche est aussi garni de dents en brosse. Sauf sa dentition, l'espèce de Cirin me paraît se rapprocher beau- coup de celle de Kelheim. Il y a des fulcres aux premiers rayons des ventrales, des anales , de la caudale et de la dorsale antérieure. La pectorale, qui n’en a pas, est large et composée de quatorze rayons à peu près également forts , mais dont la longueur décroit du dehors au dedans. 11° Leprdotus notopterus? (Ag.) L'exemplaire d’après lequel a été dessinée la figure que M. Agassiz a publiée de cette espèce (2), était en trop mau- vais état; pour que je puisse établir une comparaison bien positive avec l'échantillon que j'ai sous les yeux. Cependant, le texte de la description atténue beaucoup mes doutes, du moins en ce qui touche aux caractères que M. Agassiz considère comme les plus importants (3). C’est ainsi que je vois les fulcres de la dorsale surpasser en dimension ceux des autres nageoires ; que la caudale est plutôt fourchue que seulement échancrée ; que la pectorale est plus forte , a des rayons plus allongés et plus nombreux, et en mème temps des fulcres plus petits que la dorsale ; que la sur- face des écailles est lisse, avec des bords entiers ; que les (4) Ag.; Loo..cit., pl. 30, fig. 4. (@) Voy. Loo.cit., t, IL, pl: 55. (5) Voy. Loc. cit., t. II, 4re part., p. 257. DES CALCAIRES LITHOGRAPHIQUES DU BUGEYe 31 écailles des flancs, plus hautes que longues, diffèrent par là de celles du ventre ; que les dents ont leur couronne arrondie , et qu'elles sont plus petites à la rangée externe que dans l'inté- rieur de la bouche ; que l'orbite est très-grande , l’opercule beaucoup plus haut que large, et qu'enfin il n'existe pas de granulations à la surface des os de la tête. Voilà bien des points de conformité. Mais les proportions de l’ensemble du corps sont plus al: longées snr mon échantillon que sur celui de sir Phil. Egerton et du lord Cole; ilest vrai que les mutilations et les plisse- ments transversaux que l’exemplaire des deux nobles collecteurs paraît avoir subis avant ou après la fossilisation , peuvent expli- quer la différence dont il s'agit, dans le rapport de la longueur à la hauteur du contour. Quoi qu'il en soit, le poisson de Cirin a 40 centimètres de long , du bout du museau à l'extré- mité du lobe supérieur de la caudale, et une hauteur maxi- mum, mesurée un peu en arrière de la ceinture thoracique, de 11 centimètres seulement. 12° Lepidotus.... Autre espèce indéterminée. D'après d'importants fragments qui appartiennent évidem- ment au genre , je vois qu'il existait aussi à Cirin une seconde espèce d’une taille un peu plus ramassée et à écailles un peu plus grandes que celles de la précédente. En outre, les écailles voisines à la fois de la ceinture thoracique et de l’insertion des pectorales, portent quelques grosses dentelures à leur bord postérieur , sans cesser d'être lisses à leur surface. Les pre- miers fulcres de la dorsale , les seuls qui se voient encore , sont extrèmement forts et longs, tandis que l’anale n’en a que de beaucoup moins développés ; ceux de la caudale ne sont pas visibles. La partie antérieure de la tête manque également, mais les pièces operculaires existent et sont plus larges, semblent plus épaisses que chez l'espèce précédente. Des gra- nulations apparaissent sur l'os temporal et sur le mastoïdien..… 32 POISSONS FOSSILES En voilà assez pour me croire fondé à ne pas attribuer au L. notopterus les débris dont il s’agit; néanmoins je n'oserais décider si ces débris se rapportent ou ne se rappor- tent pas à quelqu'une des autres espèces à demi décrites par M. Agassiz. Dans le doute, au lieu de compliquer la nomen- clature , je préfère attendre que les découvertes que je pour- suis à Cirin me permettent d’être plus explicite. Je ne balance pas à ranger les deux poissons qui viennent d'être indiqués parmi ceux dont les vertèbres sont incomplète- ment ossifiées , bien que je n’aie pas encore eu l’occasion d'en étudier le squelette. M. Agassiz croit avoir été plus heureux pour une autre espèce du même genre, à laquelle il attribue des vertèbres qui auraient beaucoup d’analogie avec celles des Ichtyosaures et des Plésiosaures (1); tandis que M. Quenstedt, qui s'est livré à une étude soigneuse du L. Elvensis (L. gigas, Agassiz), dont les fragments ne sont pas rares dans les schistes à posidonies du lias de l'Albe wurtember- geoise (2), déclare n'avoir pu arriver à se faire une idée bien parfaite des vertèbres de ce Lepidotus. Cependant, il pense que leur forme différait de celle que M. Agassiz attribue à son L. minor, en ce que leur corps était fortement comprimé et surmonté d’une partie en lame , se projetant en avant, sous une direction oblique (3). Comme l’on ne peut admettre que dans un même genre, le type des vertèbres change d’une es- pèce à l’autre , il est clair que les deux, ou du moins l’un des deux habiles observateurs s’est trompé sur leur forme. Quant à l'opinion que l’axe vertébral n’était point complète- ment osseux, clle repose sur les faits que voici. Les poissons que l’on recueille dans la carrière de Cirin se présentent cou- chés ordinairement sur le flanc, et appliqués à la surface du (4) Voy. Loc. cit., t, Il, 4re part., p. 269 , et pl. 29°, Lepidotus minor, (2) Uber lepidotus im lias E Wurtembergs , Tubinge, 1847, (5) Voy. Loc, cit., p, 23 et p'. 2, fig. 42. DES GALCAIRES LITHOGRAPHIQUES DU BUGEY. 33 calcaire compacte auquel ils adhèrent, sans que leurs contours cessent d'être distincts. On voit que, promptement recouverts par le sédiment limoneux qui les a préservés de toute disloca- tion, leur corps a ensuite été amené par une pression lente et graduelle à ne former qu’une lame dont l'épaisseur ne dé- passe pas un demi-centimètre. Quand les écailles sont minces, comme chez les Caturus, elles laissent sallir, sans se rom- pre , le relief des côtes et des apophyses, ce qui démontre que l'effet de la pression se répartissait entre les parties compri- mées, suivant leur degré de résistance. La couche écailleuse qui recouvre les deux Lepidotus, étant plus épaisse que celle des Caturus, l’on ne peut pas s'étonner qu’elle ne se soit pas modelée sur les moindres arêtes du squelette, mais cette en- veloppe ne devrait-elle pas traduire au dehors, ne füt-ce que par un bourrelet plus ou moins saillant, la ligne de la série des vertèbres, si celles-ci avaient été formées d'une substance réellement osseuse et massive? En effet, j'ai sous les yeux un fragment d’un autre poisson fossile provenant du même gise- ment, sur lequel la colonne vertébrale conserve un relief plus marqué qu'il n’est nécessaire de le supposer, pour qu'il se füt fait sentir au travers des écailles de Lepidotus, si les vertèbres osseuses dont je parle eussent appartenu à un poisson de ce genre, tandis que ni la face latérale exposée sur les plaques de mes deux Lepidotus, ni le profil des bri- sures qui montre leur épaisseur, ne me fournit l'indication d’un renflement correspondant au trajet des vertèbres. 13° Pholidophorus micronyx? (Ag.) (1). 14°et 15° Pholidophorus...? (autres espèces). Ce genre est loin d'être aussi abondamment représenté dans les couches de Cirin que dans celles de Solenhofen , de Kelheim, etc. ; cependant j'ai sous les yeux quatre exemplaires qui sont suscep- (4) Voy. Loc. cit., t. H, pl. 42. 34 POISSONS FOSSILES tibles d'être déterminés, et qui doivent appartenir à trois espèces différentes. Mais je n'oserais , avec le seul secours de l'ouvrage de M. Agassiz, essayer d'arriver à une distribution sérieuse de ces petits poissons entre les espèces désignées et décrites par le savant ichtyologiste de Neufchâtel. Les Pholidophorus, par leurs fortes écailles rhomboï- dales et par leurs petites dents, sont voisins des Lepidotus, tandis que par leur squelette intérieur, par la forme générale du corps et par la position des nageoires, ils se rapprochent beaucoup des Caturus. Ces derniers rapports étant bien plus marqués que les premiers, ils fournissent, à mon sens, un point d'appui à l'opinion des zoologistes qui ont regardé comme artificielle la séparation entre les Sauroïdes et les Lé- pidoïdes , que M. Agassiz avait proposée. 160 Caturus latus (Münster) (1. J'ai recueilli de cette espèce un exemplaire qui, par la simi- litude des dimensions aussi bien que des autres caractères ; ne me laisse pas de doute sur la détermination spécifique que j'en ai fait. 17°C, furcatus (Ag.) (2). Sans vouloir défendre la validité de la séparation de cette espèce d'avec la précédente, comme J'ai obtenu depuis 1848 des exemplaires qui se rap- portent bien à la description et à la figure qu'en donne M. Agassiz, je mentionne simplement cette identité. Je suis d’ailleurs très-porté à admettre des passages entre cette forme et la précédente, et l’un des termes moyens est représenté par l'exemplaire que je citais dans mon premier travailsous le n. 2. 18° C.elongatus (Ag.) (3). Je n’ai rien à ajouter pour celte forme de Caturus très-allongée et à tête forte, à l'indi- cation que j'en ai déjà donnée , si ce n'est que depuis lors , un (4) Voy. Loc. cit.,t. II, pl. 56. (2) Voy. Loc. cit.,t, II, pl. 56%, (5) Voy. Loe, cit, t, IN, 2e part., p. 118. DES CALCAIRES LITHOGRAPHIQUES DU BUGEY. 35 autre exemplaire de Cirin est venu me montrer des proportions un peu plus courtes et des dents moins fortes. Je ne ferai point de celui-ci une espèce distincte ; parce que les autres caractères et notamment ceux fournis par les nageoires restent les mêmes. Quand j'ai dit que la colonne vertébrale du Caturus elon- gatus était robuste, je n'ai parlé que des saillies que présen- tent les têtes des côtes et des apophyses épineuses, car pas plus sur celles-ci que sur les autres espèces du genre, je n'ai trouvé de traces du corps des vertèbres. Certainement, l'axe n'était en grande partie qu'une corde gélatineuse. 199 €. velifer (Thiol.). J'ai sous les yeux , pour établir cette nouvelle espèce , deux exemplaires d'une rare conservation. Voici les caractères qui la distinguent des autres : Un peu moins élancée que le C. elongatus, elle l’est plus que le C. furcatus; le pédicule de la queue est en particu- lier plus étranglé que chez ce dernier. La tête est forte, mais cependant elle est moins haute que le corps, mesuréc en arrière de la ceinture thoracique. A part les pectorales, qui ne sont pas plus grandes que celles du C. elongatus, les autres nageoires, et surtout la dorsale, atteignent des dimensions remarquables. Celle-ci s'élève, en forme de voile latine, un peu en avant de l’espace correspondant à celui qu'occupent les ventrales. La longueur des grands rayons de l'avant de la nageoire excède notablement le diamètre dorso-ventral du poisson ; ainsi, sur un individu de 10 centimètres de hauteur cette longueur est de 13. A ce développement correspond celui de la caudale dont le lobe inférieur a des rayons qui, mésurés sur le même exemplaire, atteignent 16 centimètres, à partir de l'extrémité de l'axe vertébral. La longueur totale du poisson, depuis le bout du museau jusqu'à l'échancrure qui sépare les deux lobes de la queue, est de 45 centimètres. L'autre exemplaire a quelques centimèlres de moins. 36 POISSONS FOSSILES Sur le pédicule de la queue, au pied des premiers fulcres du rayon supérieur , il existe un os mince et plat qui est aigu par son extrémité antérieure, élargi, arrondi et échancré en cœur à l'autre bout, comme pour laisser passer les fulcres. Le milieu de la largeur de cet os est marqué d’un pli saillant ou d’une faible carène , indiquant la ligne dorsale. Je ne crois pas devoir l’assimiler aux grandes écailles qui précèdent les premiers rayons de quelques-unes des nageoires de certains Lepidotus: d'abord , le système tégumentaire des Caturus est trop peu développé pour qu'on lui attribue de semblables excentricités en plus ; tandis que chez les Lepidotus, ces écailles anor- males sont d'accord avec l'épaisseur et l'étendue des autres éléments osseux du système dermique , et notamment avec la vigueur des fulcres. Les fulcres existent aussi, ilest vrai, chez le C. velifer et même à toutes les nageoires, mais ils sont fins et allongés. En second lieu , si cet os en palette n'était que la transformation d’une écaille , il porterait sans doute les granu- lations et l'émail dont la surface de celles-ci est recouverte chez le même poisson. Enfin, les écailles les plus voisines entre lesquelles l'os dérangé par la pression a glissé en dehors , ne présentent pas de modification indiquant le passage de leur for- me ordinaire à celle de cet os particulier ; il me paraît donc cer- tain que ce n'est point un élément da squelette dermique pro- prement dit. Je n'ai pu voir cet os ni sur le C. furcatus, ni sur le C. elongatus, mais seulement sur le C. velifer. Les écailles de cette espèce de Caturus sont bien exposées sur mes deux échantillons. Elles sont très-minces sur leurs bords, un peu moins à leur centre. Leur contour est rhomboïdal ; seulement vers la région moyenne du corps, elles sont plus larges au milieu de leur hauteur que vers leurs bords supé- ricur et inférieur, ce qui tend à les rendre hexagonales. En dessus, elles sont semées de petites saillies granuleuses ou de goutelettes irrégulières qui, plus marquées au centre de chaque écaille, s'effacent peu à peu en divergeant vers les DES CALCAIRES LITHOGRAPHIQUES DU BUGEY. 31 bords. En dessous , elles sont lisses et portent un onglet articu- laire, qui est bien marqué sur celles de l'avant et du milieu des flancs, et qui n'existe plus aux écailles voisines de la queue. Je compte cinquante-deux séries dorso-ventrales sur l’un des deux échantillons , plus deux ou trois autres séries très-courtes sur l'extrémité de l’axe vertébral. La ligne latérale est tracée nettement par un sillon qui ne s'écarte pas beaucoup de cet axe. Comme j'ai retrouvé la même forme d'écaille sur un frag- ment de Caturus, qui n'appartient pas au v elifer, je suis porté à supposer qu'elle est caractéristique du genre. Il y a donc lieu de vérifier si ceux des Pholidophorus auxquels M. Agassiz attribue des écailles granulées ne seraient pas de jeunes Caturus. 200 Caturus Driani (Thiol.). C'est l'espèce inédite que j'indiquais sous le n. 4 de ma première liste, sans oser en déterminer le genre. À cette époque je n'avais pas encore eu l'occasion de me convaincre de toute l'étendue dans laquelle varient les formes et méme la position de la dorsale chez les Caturus. Je ne puis aujourd'hui admettre comme base d’une coupe générique , la circonstance que cette nageoire est placée encore un peu plus en avant des ventrales , qu'elle ne l'est déjà chez le C. velifer; lorsque d’ailleurs aucune autre modification un peu apparente n'existe dans le reste du corps. Ce qui achève de différencier cette espèce de la précédente, c'est que la caudale n’est pas plus grande que chez le C. furcatus; tandis que la dorsale , les ventrales et les pectorales l'étant bien davantage , il n'est pas possible non plus de supposer que ce ne soit 1à qu'une variété de cette dernitre. Ce que je disais des proportions des vertèbres ne doit s'en- tendre que de leurs apophyses, car, je le répète, pas plus pour celui-ci que pour les autres Gaturus trouvés à Cirin , le corps des vertèbres n'existe. 38 POISSONS FOSSILES Je dédie ce poisson à M. Drian, qui en avait recueilli les débris bien avant que je ne me fusse attaché à l'étude de la faune ichtyologique du gisement d'où ils proviennent. Les Caturus constituent le genre qui jusqu'ici est le plus nombreux en espèces dans ces couches , car outre les cinq espèces que je viens de passer en revue, je connais encore des fragments qui en indiquent d'autres, dont il serait préma- turé de s'occuper dès à présent. | 21° Amblysemius Bellovacinus (Thiol.). Le genre dont il s'agit a été distingué du précédent, par M. Agassiz, en ce que la forme en est plus élancée, les ver- tèbres moins massives ct les apophyses épineuses plus gréles, et que la dorsale est la plus large des nageoires. Le savant auteur ajoute que bien que la caudale soit fourchue et très-régulière , l'extrémité de la colonne vertébrale est fortement relevée ; mais cecin'est pas une particularité générique, car chez plu- sieurs Caturus je vois la même inflexion. Sauf ce que l'expres- sion de vertèbres massives a d'impropre pour des poissons dont la série apophysaire supérieure est séparée de l'inférieure par une corde dorsale continue, et trop peu consistante pour avoir laissé aucune trace sur la pierre, Ja courte caractéristique qui vient d’être transcrite me suflit parfaitement pour ne confondre avec aucun des Caturus ‘que je connais, l'échantillon d'Amblysemius que les calcaires lithographiques du ugey m'ont fourni. C'est un petit poisson de la taille de 20 centimètres de long, sur 4 1/2 de hauteur, prise en arrière des pectorales et en avant de la dorsale. La tête est plus déprimée et plus allongée que chez le GC. latus, elle a un peu plus de 5 centimètres dans ce sens, sur un peu moins de 4 de haut vers la nuque. La queue ne diffère pas de celle de l'espèce de Caturus que je viens de nommer ; les autres nageoires présentent la même si- militude. La gueule est au moins aussi fendue, et elle est armée DES CALCAIRES LITHOGRAPHIQUES DU BUGEY. 39 de grosses dents coniques fort aiguës, plus espacées et plus fortes sur le milieu des os mandibulaires que vers l'arrière et vers l’a- vant. L'orbite, de même que chez les Caturus, est placée au- dessus du milieu de la longueur des mâchoires, et elle n’est pas entourée des os en voussoirs qu'on trouve chez d’autres genres, tels que les Le pidotus. — Je n'ai pas encore vu les écailles. — Quant au squelette apophysaire , les osselets qui le compo- sent correspondent par leur nombre et par leur position relative à ceux des Caturus, mais ainsi que l'a dit M. Agassiz, ils sont considérablement plus fins. Toutes les apophyses épineuses sont courtes et fortement inclinées en arrière; les côtes for- ment avec l'axe vertébral un angle beaucoup moins aigu que les apophyses du post-abdomen et du dos. N’arrivera-t-on pas à trouver des exemplaires dont la char- pente présentera un degré de force intermédiaire entre celui des Amblysemius et celui des Caturus? Et ne sera-t-on pas alors, par conséquent, dans l'impossibilité d'attribuer ces exemplaires à l’un plutôt qu'à l’autre genre ? C’est une question que je suis amené par les faits déjà arrivés à ma connaissance, à poser dès à présent, sans oser encore y répondre par une aflirmation. D'ailleurs, je ne considérerais pas les exemples d'un passage, fussent-ils parfaitement évidents, comme une ob- jection péremptoire contre l'établissement du genre Ambl y- semius, car l'étude de la paléontologie m'a amené à ne pas croire aux limitations trop absolues entre les genres, comme entre les espèces , et même entre les faunes fossiles qui se sont succédé. Il faut seulement que les géologues et les paléonto- logistes soient avertis de ces exemples. D'après l'ordre d'énumération que j'ai adopté, je dois main- tenant passer aux genres de poissons abdominaux , fusiformes, 40 POISSONS FOSSILES à écailles ganoïdiques, c’est-à-dire osseuses, émaillées et rhom- boïdales , mais qui diffèrent des genres précédents, en ce que le squelette est complètement ossifié. Ces genres se rappro- chent donc beaucoup du Lépisostée et du Polyptère de l’époque actuelle. J'ai déjà montré à propos des Caturus et des Lepidotus, que cette section des Ganoïdes n'était pas aussi nombreuse à l'époque jurassique que l’on serait porté à le croire, d'après les données fournies par M. Agassiz. J'ajoute que, même pour les deux seuls genres qui peuvent s’y rapporter, parmi les fossiles de Cirin, je nai pas pu vérifier par moi-même si l'axe vertébral était complètement osseux. C’est par déférence pour les énoncés de l'illustre auteur , que je n'ai pas placé ces deux genres dans la section précédente. 22° Ophiopsis macrodus (Thiol.). Poisson allongé dont la tête ne prend que le cinquième de la longueur totale, et dont la hauteur maximum mesurée en arrière de la ceinture thoracique est égale à la longueur de la tête. Le rétrécissement du corps en avant de la queue réduit cette hauteur de près de la moitié. Par sa taille, toute d'une venue , de même que par la disposition et la forme de ses écailles, l'O. macrodus ressemble assez à certains Pholidophorus; mais il s’en éloigne par sa dentilion qui est plutôt celle d'un Caturus. En effet, les dents sont coni- ques , aiguës , fortes et espacées, surtout vers le milieu de la longueur de la mâchoire inférieure. Déjà l'on pouvait croire, d'après les dents de l'O. procerus (1), que le genre eût mieux été à sa place parmi les Sauroïdes que parmi les Lépi- doïdes de M. Agassiz. L'espèce nouvelle confirme tout-à-fait (4) Pid. loc. cit., LM, Jre part., p. 289 ct pl. 48, DES CALCAIRES LITHOGRAPHIQUES DU BUGEY. 41 celte opinion, ou plutôt elle prouve que la séparation entre les deux groupes n’a rien de fixe et de certain. Les Ophiopsis me paraissent représenter le passage entre les Eugnathus et les Pholidophorus, sauf le doute où je suis sur Île degré d'ossification de l’épine dorsale des deux premiers genres (1). Les écailles sont fortes, rhomboïdales, lisses ou très-légèrement dentelées en arrière, à peu près aussi hautes que longues, excepté en approchant du ventre et particulière- ment des pectorales, région où elles diminuent beaucoup de hauteur. Mais la longueur reste constante, ce qui est cause que les séries obliques suivant lesquelles les écailles sont dis- posées, ne sont pas sinueuses ; mais droites. Je compte qua- rante-quatre rangées dorso-ventrales entre la ceinture thoraci- que et la naissance des rayons du milieu de la caudale. D’autres séries fractionnaires au nombre de huit, couvrent la base du lobe supérieur. La dorsale occupe l'étendue correspondant aux séries 19 à 38, en partant de la tête. Elle a, de même que la caudale et les ventrales, des fulcres à son premier rayon ; l’anale et les pectorales en étaient peut-être également munies, mais ces dernières nageoires ne sont pas bien exposées. Tout au plus voit-on que Îles pectorales étaient plus développées que les ventrales et que l’anale, mais sans cesser d'être médiocres ainsi que la dorsale ; quant à la caudale, elle est analogue à celle des Pholidophorus. L'espèce nouvelle , établie d’après un exemplaire complet , qui est bien conservé, et dont la longueur est de 18 centimè- tres sur 35% de hauteur , me paraît différer de l'O. proce- rus en ce que les dents en sont beaucoup plus fortes et la dorsale bien moins vigoureuse. Les écailles de l'O. macrodus ne sont pas, non plus, aussi uniformes que celles de l'espèce de (4) 1 me semble peu convenable de placer les Ophiopsis près des Thrissopes et des Leptolepis, comme a eru devoir le faire M. Giebel (Fauna der Vorwelt, t. 1, 3° part. ). 6 42 POISSONS FOSSILES Solenhofen. L'épine dorsale est cachée sous les téguments, mais elle forme un bourrelet saillant , et se relève à son extré- mité vers le lobe supérieur de la queue. 230 Eugnathus præœlongus (Thiol.). Mes doutes , relativement à l'ossification totale des vertèbres des poissons de ce genre ; sont plus grands encore que pour le genre précédent. J'ai sous les yeux des fragments de trois in- dividus appartenant peut-être à trois espèces distinctes, et sur aucun de ces débris, bien que la moitié du corps au moins y soit exposée , les vertèbres ne sont à découvert. Elles ne se tra- duisent au dehors que par un léger renflement dans l’épaisseur de la lame à laquelle le poisson est réduit. Cette épaisseur n'étant que de 2°" au plus sur le trajet des vertèbres, et les écailles qui forment la croûte de la lame n'étant nullement brisées ni dérangées. par l'effet de la pression, il est bien dif: ficile de ne pas admettre que l’épine dorsale était formée en grande partie d'une substance molle, chez les Eugnathus, de même que chez les Lepidotus, comme nous l'avons déjà vu pour ceux-ci. Aussi me demandai-je si les vertèbres de l'E. chirotes (Agassiz) (1) étaient osseuses à l’intérieur, et même si le poisson ainsi dénommé appartient bien au genre ? ILest évident, dans tous les cas, que l'E. prœlongus, d'une part , ne peut être placé ailleurs qu’à côté des E. Philpotiæ et orthostomus (Agassiz) (2), et de l’autre, qu'il ne fait point double emploi avec la seule espèce que l’on connaisse dans le Jura supérieur ou moyen, l'E. microlepidotus (Agassiz). En effet, bien que celui-ci n’ait point encore été décrit , ni figuré , l’on sait que ses écailles sont beaucoup plus petiles proporlionnellement que dans les autres espèces (3) ; (4) Pid. loc. cit., t, IL, pl. 57b. (2) Vid. loc. cit., t. I, pl. #7. (5) Wid. loc. cit., t. IL, re part,, p. 42 (Urœus microlepidotus) , et 2° part., p. 104. DES CALCAIRES LITHOGRAPHIQUES DU BUGEYe 43 or, les écailles du prœæœlongus ont le même développement que chez les espèces que j'ai citées tout-à-l'heure. Les caractères génériques et spécifiques suivants prouvent l’affinité de la nou- velle espèce avec celles qui ont été établies par M. Agassiz. Le corps est élancé ; sans la tête qui manque, il a une lon gueur de 36 centimètres, la queue comprise ; et une hauteur de 6 centimètres seulement, mesurée près de la nuque, se réduisant à trois près de la queue. La dorsale est placée au- dessus de l'espace qui sépare les ventrales de l'anale ; elle est composée d'une douzaine de rayons dont les quatre premiers sont rapprochés, et les suivants plus écartés les uns des autres. La caudale est fourchue et inéquilobe ; Fextrémité de la colonne vertébrale se relevant fortement vers le lobe supérieur. Les rayons du milieu se dichotomisent près de leur base, les autres restent indivis sur leur longueur presque entière. Des fulcres un peu plus développés au bord supérieur qu'au bord inférieur, garnissent les premiers rayons des deux lobes de cette nageoire. La dorsale et l’anale ont aussi des fulcres, mais je n'en vois point aux ventrales, qui sont petites et formées de quatre à cinq rayons seulement. Je ne puis rien dire des pec- torales qui manquent. L’anale est assez développée , elle se compose de huit à neuf rayons, et elle occupe une position moins éloignée des ventrales que de la caudale. Les écailles sont fortes, rhomboïdales, à peu près aussi hautes que longues sur le milieu des flancs, où elles sont le plus grandes, déjà moins hautes sur le dos, mais beaucoup moins encore sur la région abdominale où leur longueur est au moins triple de leur hauteur. Leur face externe porte des stries irrégulières, à peu près parallèles aux côtés supérieur et inférieur , et se terminant en dentelures fines sur le bord pos- téricur. La face interne est lisse, quant aux écailles du dos et des côtés, mais marquée de granulations pour celles du ventre. Je n'ai pas pu voir d’onglet en tenon qui s’allongeit 44 POISSONS FOSSILES d'une écaille sous l’autre, mais l'articulation s'opère en feuil- lure, c’est-à-dire par lamincissement des bords entiers des deux plaques qui se recouvrent dans une même série dorso- ventrale. Le nombre de ces séries est de plus soixante-quatre , entre la naissance des rayons du milieu de la caudale et la cein- ture thoracique. Leur direction n'est presque pas sinueuse. Ce poisson devait ressembler beaucoup à l'E. orthosto- mius (Agassiz), mais il avait une taille plus allongée, et des écailles dont les stries superficielles , au lieu de partir du cen- tre pour diverger en éventail jusqu’au bord postérieur, s'éten- daient, comme je l'ai déjà dit, longitudinalement de l'avant à l'arrière. Près de la queue, les écailles de l'E. prœlongus n'offrent pas une forme différente de celles de la région anté- rieure, contrairement à ce que M. Agassiz a remarqué sur PE; orthostomus (1). Telle est l'espèce d'Eugnathus dont le gisement a fourni les fragments les moins incomplets. J'attendrai le résultat des recherches qui s’y feront ultérieurement , pour décrire les autres débris du genre que j'ai encore sous les yeux. Il me reste maintenant à parler des espèces qui non-seule- ment par leur squelette complètement osseux, mais encore par leurs écailles minces, arrondies et imbriquées, semblent se rapprocher d'une manière plus marquée des Malacoptérygiens abdominaux de la faune actuelle, qu'aucun des genres juras- siques dont il a déjà été question dans cette notice. Je n'ai pas besoin de rappeler que je m'occupe exclusivement ici des pois- sons fossiles de Cirin, et non de l’ensemble de l'ichtyologie jurassique ; cependant , qu’il me soit permis de remarquer que (1) Fid. lvo. cit., t. IT, 2° part., p. 99. DES CALCAIRES LITHOGRAPHIQUES DU BUGEY. 45 le groupe que je viens de circonscrire, comprend une portion considérable des Sauroïdes de M. Agassiz, et qu'il tend à s’ac- croître encore , soit par l'addition des Oxygonius (Agassiz) , des Ceramurus (Egerton) (1), des Tharsis (Giebel) (2), et de mon Oligopleurus, soit par le démembrement pro- bable du genre Thrissops. Il y a lieu de voir aussi quels sont ceux des Lépidoïdes qui, par leurs écailles minces , arrondies et imbriquées , et par leur axe vertébral ossifié, doivent s’éloi- ner des autres genres de cette famille, et venir prendre place à côté des Megalurus et des Thrissops, alors même que ces espèces auraient des dents en brosse ou peu aiguës , car la dentition, prise isolément , ne peut pas prévaloir, au moins dans une certaine mesure , sur les caractères réunis de l'ossi- fication du squelette et du mode de squammation. M. Giebel a placé presque tous les genres dont il s’agit dans une famille qu'il nomme les Amiadæ (3). M. Heckel a déjà fait remarquer le peu de convenance de prendre pour type d'une famille d'animaux fossiles, une espèce connue seule- ment dans la faune vivante (4). J'ajouterai que l'assimilation de l'Amia caloa avec les genres fossiles est purement hypothc- tique , puisqu'elle repose sur la structure anatomique de cer- lains viscères dont la fossilisation n’a pas conservé la trace. D'ailleurs, si l’on admet que les caractères assignés par _ M. Agassiz à ses Ganoïdes , doivent être abandonnés pour ceux que M. J. Muller y substitue (5), pourquoi ne pas abandonner aussi la supposition que tout ce qui n'appartient pas aux Placoïdes, dans l'ichtyologie du Jura et des époques anté- rieures, doit appartenir aux Ganoïdes ? — Les géologues ne (L) Brodie, Fossil insects, p. 15 et pl. 4. (2) Fauna der Vorwelt, 1.1, 3° abth., p. 145. (5) Zid, ©‘. 1, 3° abth., p. 141. (4) Beitr., zur Kenntniss der foss. Fische Osterreichs, 1" abtb, p. 4. (5) Ueber den Bau... der Ganoiden, Berlin, 1846, 46 POISSONS FOSSILES sauraient assez signaler les exemples où l'on voit la doctrine des renouvellements brusques et complets entre des faunes consécutives , entrainer les paléontologistes qui la soutiennent, à se perdre dans le cercle vicieux de la détermination des fos- siles par le gisement et du gisement par les fossiles. 249 Oligopleurus esocinus (Thiol.). Sous le rapport des proportions du corps, de la conforma- üon du squelette et du contour des écailles, ce nouveau genre se rapproche des Megalurus (Agassiz) (1). Il en diffère cepen- dant dans une mesure qui me semble excéder celle d'une sim- ple coupure spécifique. Ainsi la dorsale est plus reculée et a moins d’étendue d'avant en arrière. La caudale, bien plus fournie, n’est pas arrondie , mais échancrée postérieurement ; en outre, celte nageoire est hétérocerque ou très-près de l’être. Les côtes sont si faibles, si courtes, qu'à peine les peut-on dis- tinguer : de là le nom générique. Enfin, les écailles grandes , minces et arrondies, comme celles du Megalurus lepido- tus (2), au lieu d'être marquées de lignes concentriques , sont couvertes de très-fines hâchures dirigées d'avant en arrière ; et qui ne s’effacent que sur le bord postérieur de l’é- caille ; ce bord, lisse et brillant , forme la languette. Vue à la loupe, la face interne des écailles est également burinée de hâchures serrées, un peu moins régulières que celles de la surface extérieure, mais qu'aucune partie lisse n’interrompt. Fien ne me semble prouver que la substance de ces écailles füt osseuse. Elle n'est recouverte d’une couche d'émail que tout au plus sur le bord postérieur. Quant aux rapports généraux du genre Oligopleurus, (3) Agassiz, Recherches etc., 1, I, 2e part., p. 145, (2) Pid, loc, cit., t, I, 2e part,, p. 446 et pl, 54e, DES CALCAIRES LITHOGRAPHIQUES DU BUGEY. 4 il appartient avec les Megalurus à un groupe intermédiaire aux deux familles des Caturus et des Thrissops, et qui se compose de genres à vertèbres complètement ossifiées, et à écailles minces, arrondies en arrière, comme chez les Thrissops (1), mais en même temps avec un système apo- physaire qui n’a rien de clupéoide, puisqu'il présente les osselets internes généralement forts et courts des Caturus. J'étudie ces détails et ceux qui vont suivre sur deux exem- plaires dont l’un, en particulier, est complet et bien exposé sur double plaque. Le poisson a 45 centimètres de longueur to- tale , sur laquelle la tête en prend 10, et la queue 8 , en par- tant du milieu du rétrécissement extérieur de son pédicule. Sur ce même pédicule, la hauteur du corps est de 5 cent., mais elle est de 12 sur la verticale des ventrales. On voit que cette espèce n'avait pas la taille plus élancée qu'une alose ou une carpe, ou parmi les espèces coralliennes, que les Lepido- tus et les Megalurus. Les vertèbres sont évidemment tout-à-fait ossifiées, plus hautes que longues, surtout près de la tête, fortement renflées sur leurs bords qui s'unissent étroitement à ceux des vertèbres voisines, dépourvues des saillies et dépressions qui ornent celles des Thrissops, et au nombre de soixante-deux à soixante-qua- tre, dont vingt-deux à vingt-quatre pour la queue. Remontant très-haut dans le lobe supérieur de la caudale, la colonne dor- sale y diminue rapidement de volume, et se perd en s’eflilant entre les rayons qui vont former l'angle supérieur de la na- gcoire. Tous les rayons qui atteignent le bord postérieur de la caudale ont donc leur origine sous les vertèbres. Si l'on con- vestait que ce fut là une queue hétérocerque, dans toute la rigueur du mot, je crois qu'un grand nombre des poissons fossiles auxquels on a jusqu'ici attribué l'hétérocercie, pour- raient être , sous ce rapport, l'objet des mêmes objections que (4) Le type des Thrissops est pour moi le T. formosus (Agassiz). 48 POISSONS FOSSILES l'Oligopleurus. Du reste, le contour de la caudale est à peu près symétrique par rapport à une ligne qui, du fond de l'échancrure , irait passer au milieu des flancs. La dorsale est opposée à l’anale, et non pas aux ventrales comme chez les Megalurus. L'une et l’autre nageoire impaires sont composées d'environ douze rayons, qui décroissent d'avant en arrière avec assez de rapidité, et commencent à se dicho- tomiser non loin de leur base. Il existe de petits fulcres aux premiers rayons de la dorsale, de même qu'aux rayons supé- rieur et inférieur de la caudale. Ils sont très-faibles. Je n'en vois pas à l’anale, ni aux nageoires paires , 1l est vrai que les unes et les autres sont moins observables sur les échantillons. Les ventrales sont placées à égale distance de l'anale et des pectorales, et, comme celles-ci, elles n'ont pas un développe- ment qui soit relativement plus considérable que celui des autres nageoires. L'ensemble de ces appendices indique un médiocre nageur. J'ai dit que les côtes étaient extrèmement petites et faibles. Les apophyses épineuses sont, ainsi que chez les Caturus, portées sur de petits boutons ou apophyses articulaires, et se rejettent en arrière ; elles sont droites , fortes et courtes. Entre leurs extrémités supérieures prennent naissance des apophyses musculaires, inermes, qui sont un peu plus longues que les épineuses, mais qui sont pourtant loin d'atteindre le dos; en. sorte que celui-ci ne devait présenter qu'une épaisse masse mus- culeuse, jusqu’à l’origine de la dorsale. Les osselets sur-épineux qui portent les rayons de la dorsale sont longs et cylindriques. Leur tête d’articulation ne présente qu'un faible renflement. Les quatre premiers de ces osselets s'intercalent inférieurement entre les dernières apophyses musculaires; puis celles-ci dis- paraissent, et en même temps les apophyses épineuses se re- dressent, se renforcent et s’allongent un peu , pour recevoir entre elles les extrémités inférieures des huit ou neuf derniers osselets sur-épineux, DES CALCAIRES LITROGRAPHIQUES DU PUGEY. 49 L'appareil apophysaire de l'anale est symétrique avec celui de la dorsale, il correspond à des apophyses épineuses infé- rieures bien développées, qui succèdent aux vestiges de côtes de la région abdominale, et qui, après avoir recu entre elles les extrémités supérieures des osselets sur lesquels s'articule l’anale, conservent une forme et une direction semblables à celles des névrapophyses, jusqu'à ce qu’à l'approche de la caudale, elles deviennent plus fortes et plus droites, et recoi- vent entre elles les rayons du lobe inférieur de la queue. La disposition de ces rayons offre une irrégularité qui tient à la rencontre oblique des deux axes de symétrie bi-latérale, suivant lesquels sont ordonnés , d’une part les apophyses des vertèbres , et de l'autre les rayons eux-mêmes de la nageoire. Les rayons correspondant à l'extrémité des apophyses inférieures des vertèbres qui remontent au-dessus de l'échancrure de la queue, ne suivent pas la même direction que ces apophyses, mais croisent leur extrémité, en se recourbant pour se rejeter vers le haut. On peut se faire une idée de ce mode d'implantation oblique, en jetant un coup-d'œil sur la figure du squelette du Lépidostée (1), où les osselets sur-épineux qui portent la dor- sale présentent aussi une direction transversale à celle des apophyses épineuses sur lesquelles ils sont posés. La tête de ce poisson se rapproche pour la forme générale de celle d’un brochet ; le maxillaire supérieur et l'os dentaire inférieur sont larges et forts, surtout le premier ; on voit que le museau devait être déprimé ct arrondi en avant. Les dents manquent en grande partie à l'exemplaire , ou bien, comme chez certains Thrissops, elles ne devaient pas se montrer au dehors. Dans l'intérieur de la bouche, il en existe de fines et pointues. La boîte du crâne est moins déprimée que chez le brochet, le frontal fait un angle d'environ 25° avec le sphé- noïde principal. L'orbite cest grande et placée haut et en (1) Jid, loc. cit., t. I, pl. A, 7 50 POISSONS FOSSILES arrière. L'opercule est moins large que chez les Thrissops , il est échancré supérieurement, et les deux premières vertèbres se montrent à découvert par cette échancrure, les deux sui- vantes sont recouvertes par la ceinture thoracique. Le sous- opercule est bien développé relativement à la pièce opercu- laire, l'os du pré-opercule est assez étroit et très-mince, Tous ces os sont lisses à l'extérieur, Il en est de même de la cein- ture thoracique qui a cela de particulier, que la partie sur- scapulaire en est aussi large que la claviculaire, et qu'elle décrit un coude assez brusque vers l'angle postérieur et infé- rieur du sous-opercule. 259 Megalurus Idanicus (1) (Thiol.). La conformation du squelette de ce poisson est à peu près semblable à celle du précédent. Les écailles ne diffèrent pas non plus, Mais la tête n'est plus la mème, et la dorsale , au lieu de correspondre à l’anale , est placée au-dessus des ven- trales. Je ne puis rien dire de la caudale parce qu’elle manque à mon unique exemplaire. Le corps a la forme peu élancée du M. lepidotus (2), la taille est un peu moindre : la longueur est de 25 centimètres sans Ja queue ; la hauteur en avant de la dorsale de 9. La tête a 7 centimètres de long sur 6 de haut. Elle se rapproche du type des Caturus. La dentition est aussi celle de ce genre , cependant, les dents placées sur l'arrière des mâchoires sont plutôt cylindriques que coniques ; elles sont serrées et nom- breuses. L'ensemble et les détails du corps des vertèbres ont les plus grands rapports avec ceux des T hrissops, mais les apophyses et sur-apophyses sont conformes à celles que j'ai décrites chez l'Oligopleurus, et par suite analogues à celles des Caturus. Les côtes, encore faibles, ont un développe- ment d'un degré intermédiaire à celles des deux genres. (4) D'Zdanus, Ain. (2) id. loc. cit., t. IX, pl. 54°. DES CALCAIRES LITHOGRAPHIQUES DU BUGEY. 51 La nagcoire du dos , portée sur environ vingt osselets sur- épineux, se compose de rayons serrés, qui sont indivis à l'avant et doubles au-delà du huit ou neuvième, Ils décroissent rapidement en hauteur d'avant en arrière. Le premier et le se- cond sont très-courts , les quatrième et cinquième sont les plus longs ; ils ne commencent à s'articuler , puis à se dichotomiser qu'à la moitié de leur hauteur. La décroissance graduelle chez les autres s'opère plutôt au dépens de la portion rigide que du fouet de chaque rayon , en sorte que les plus courts sont à peu près totalement mous. Sauf les fulcres dont elle est munie, et la position plus avancée qu’elle occupe , cette nageoire présente plus de ressemblance avec celle d’un Thrissops qu'avec celle d'un Caturus. C’est l'inverse pour l’anale qui , n'étant formée que d'environ dix rayons , et aussi éloignée et distincte de la caudale que des ventrales, offre par là plas d’analogie avec Panale d'un Caturus. Il en est de même pour les ventrales. De peuts fulcres sont visibles à l'avant de ces trois nageoires, mais je ne puis en retrouver de trace sur les pectorales ; il est vrai que celles-ci sont en mauvais état. Leurs débris montrent cependant des rayons relativement beaucoup plus longs que ceux des pré- cédentes, il est probable qu'elles étaient plus développées dans ce sens qu'en celui de la largeur, comme aux Thrissops. Lesécailles, très-minces, arrondies en arrière et recouvertes antérieurement par les précédentes, sont marquées de très-fines stries transversales et de quelques lignes concentriques d’ac- croissement. Je doute qu’elles aient été revêtues d'émail, mais je n'ai pas de certitude sur ce point. 26° Thrissops salmoneus (Agassiz) ? J'attends toujours l’occasion d’être renseigné positivement sur les caractères de cette espèce non décrite, ni figurée , pour supprimer mon point de doute. Depuis 1848, j'ai recueilli des exemplaires de la plus belle conservation du poisson , le 52 POISSONS FOSSILES moins rare de tous ceux de Cirin, auquel j'attribue la dénomi- nation ci-dessus. 27° Thrissops formosus (Agassiz) (1) ? Ici mon incertitude tient à ce que l’unique exemplaire que Je connais est privé de tête, et n’a pas la caudale tout-à-fait aussi développée que sur le dessin de M. Agassiz. 28° Thrissops cephalus (Agassiz) (2) ? J'ai recueilli plusieurs squelettes de très-petits Thrissops à grosses Lêles, qui sans doute appartiennent à celte espèce, Il se présente encore à Cirin une quatrième forme de Thrissops, laquelle est très-voisine du Salmoneus, et qui pourrait ètre le T. mesogaster (3)? Tous ces poissons ont la dorsale plus reculée que l’anale , et des écailles très-minces, arrondies en arrière, plus hautes que larges (je ne connais cependant pas de visu celles du T. for- mosus). Point de fulcres. Les rayons principaux de la cau- dale sont partagés , dans leur longueur, par des articulations dont la direction, près de la base du rayon, est transversale comme à l'ordinaire , mais qui devient oblique et scalariforme un peu plus loin. J’ignore comment cette circonstance à échappé à M. Heckel, qui l'a crue particulière à son nouveau genre Chirocentritcs (4). Les Thrissops des calcaires lithographiques de la Bavière différeraient-ils sur ce point de ceux du Jura, de l'Ain? J'ai peine à Le croire. J’ajouterai que chez ces derniers, les quatre premiers rayons des pectorales sont larges, minces et non articulés, ce qui, avec le fait de leur longueur plus grande que celle des rayons articulés dont ils sont suivis, donne à la nageoire un caraclère acan- thoptérygien. (4) Voy. Agassiz, Recherches etc., t, 1, 2 part., p. 124 et pl. 63°. (2) id. loc. cit.,t. 1, 2e part., p. 125 et pl. 61. (5) Vid. loc. cit., t. I, 2e part., p. 128. (4) Beïtrege zur Kenntniss der fossilen Fische Osterreichs LE, DUR r. DES CALCAIRES LITHOGRAPHIQUES DU BUGEY, 53 J'ai dit qu'il me paraissait nécessaire de démembrer le genre Thrissops de M. Agassiz. En effet, le squelette du T. intermedius (Münster) (1) est trop différent de celui du T. formosus pour qu'on laisse les deux formes en un seul genre. Je doute aussi que le T. micropodius (2), dont le squelette n'est pas connu , il est vrai, mais dont les écailles sont rhomboïdales, et qui a des fulcres aux premiers rayons de ses nagcoires, puisse être considéré comme congénère du T. formosus. 29° Leptolepis sprattiformis (Agassiz) (3). 30° Leptolepis...... Autre espèce. La caractéristique de ce genre, telle qu'elle ressort de la description qu'en a donnée M. Agassiz, ne permet guère de distinguer les squelettes des espèces qui en dépendent, de ceux des Thrissops, si ce n’est à l’aide de la position de la dor- sale qui est opposée aux ventrales. Du moins, c’est d’après cette seule différence que, privé d’ailleurs du secours de piè ces de comparaison surement déterminées , je crois pouvoir attri- buer à des Leptolepis deux des formes fossiles recueillies avec les précédentes. La seconde , que je ne cherche pas à dénommer, est plus grande que le L, sprattiformis ; sa longueur est de 16 centimètres. 31° Belonostomus tenuirostris (Agassiz) (4). D'après un fragment recueilli par M. Drian , j'avais attribué le poisson duquel il devait dépendre , au B. sphyrænoïdes (Agassiz) (5), mais j'ai obtenu depuis deux exemplaires où la tête est complète. Or, la mâchoire supérieure est sensiblement plus allongée que l’inférieure ; cette particularité qui distingue (4) Fid. loc. cit., t. I, 2m6 part., p. 127 et pl. 66. (2) Zbid., p. 127 et pl. 65. (3) Ibid., p. 150 et pl. 64°. (4) Jbid., p. 143. (5) Zuid., p. 440 et pl. 47°, 54 POISSONS FOSSILES le B. tenuirostris , espèce d’ailleurs très-voisine, m'engage à admettre que le premier échantillon que j'avais connu doit également être attribué à celle-ci. 32° Belonostomus Mrinsteri (Agassiz) (1). Cette espèce de taille plus grande que la précédente , est conforme, du reste, à la figure et à la description contenue dans les Recherches sur Les poissons fossiles. Mon exemplaire auquel il manque l'extrémité de la mâchoire supérieure , mon- tre, par contre, toute la partie postérieure du corps qui man- quait à celui qui a été figuré. Il a 33 centimètres de long sur un peu moins de 3 de hauteur. Les nageoires dorsales, cau- dales , anales et ventrales, sont très-petites et très-grêles. Les vertèbres ; au nombre de soixante-douze à soixante-quinze, sont en général un peu plus hautes que longues, et portent des apophyses courtes , droites et dirigées en arrière. Les écailles de ces Belonostomus sont minces, lisses, non articulées entre elles, ni rhomboïdales; elles rentrent donc dans les conditions du groupe où je place le genre. Comme il m'est permis d'espérer que j'aurai plus tard l'oc- casion d’ajouter de nouveaux matériaux à la statistique paléon- tologique du gisement, je ne décrirai pas aujourd’hui plusieurs fragments incomplets d’autres espèces soit inédites , soit déjà signalées ailleurs. Je crois pouvoir affirmer que le nombre de celles des poissons de Cirin qui me sont actuellement connues, peut être porté de trente-deux à trente-six. Si l’on fait atten- tion que ces trente-six espèces ne proviennent que d'une seule carrière, dont le front d'exploitation n'a pas 10 mètres de longueur, sur une hauteur moindre , et que les recherches n'y datent que de quelques années , on partagera sans doute la conviction où je suis, que les calcaires lithographiques du (4) Väd, loc, cit., t, I, 2 part,, p. 141 et pl. 47°. DES CALCAIRES LITHOGRAPHIQUES DU BUGEY. 55 Bugey ne le cèdent nullement à ceux de la Bavière en richesse ichtyologiqne. D’après M. Giebel (1), ces derniers auraient fourni cent vingt-deux espèces de poissons ; mais leur exploi- tation a lieu dans des carrières nombreuses , et depuis des siècles. L'on verra du reste, un peu plus loin, que ce ne sont point seulement les calcaires lithographiques qui , dans le département de l'Ain , renferment abondamment des débris de poissons, Une circonstance parait très-remarquable dans la composi- tion de cette faune ichtyologique de Cirin, c’est la multiplicité des formes par rapport au nombre des individus. A part les Thrissops, je n'ai obtenu de chaque espèce que quelques exemplaires , souvent un ou deux seulement, et pourtant j'ai lieu de penser que tout ce qui a été trouvé depuis quatre ans m'a passé sous les yeux. Je résume les faits les plus saillants de l'étude que je viens de faire sur les poissons trouvés à Cirin : 4° La connaissance de trois nouveaux genres fossiles : Spathobatis, Disticholepis ct Oligopleurus. 2° Celle de dix espèces inédites de genres déjà connus : Pycnodus Sauvanausi, Pycnodus Itieri, Macrosemius Helen, Notagogus Imimontis, Caturus velifer, Caturus Driani, Amblysemius bellicianus, Ophiopsis macrodus, Eugnathus prœlongus, Megalurus esocinus. (1) Fauna der Vorwelt, 1.1, 5" abth., p. 403. 56 FOSSILES DES CALCAIRES 30 La rectification des données que l’on avait sur la denti- tion du Microdon elegans et la découverte de squelettes complets de Pycnodus dans le Jura de l'Europe centrale. Quant à ma tentative de montrer que l’on pourrait utiliser un peu plus qu'on ne l’a fait, pour les poissons jurassiques ; la considération du degré d'ossification de l'axe vertébral, lorsqu'il s'agit de grouper les genres entre eux, je la soumets au juge- ment des hommes plus compétents que moi, et je conviens que c'est de leur assentiment seul qu'elle pourra recevoir quel- que valeur, même à mes propres yeux. 3° CRUSTACÉS. Eryon speciosus (Münster), £. Cuviert (Desmarets). Jusqu'à présent c’est par un unique exemplaire de ce déca- pode que se trouve représentée, dans nos calcaires lithographi- ques, la classe des crustacés, si nombreuse dans ceux de la Bavière. Toujours est-il que la présence de l'espèce dont il s'agit, ajoute un trait de plus à la ressemblance paléontolo- gique des deux assises, Mon échantillon offre les grandes dimensions sous les- quelles l'E. speciosus à été représenté par le comte de Münster (1). A° MOLLUSQUES. Ammonites biplex? (Sow.). Empreintes en mauvais état de deux individus. Exogyra virgula (Goldf.), variété citée dans ma notice de 1848. 5° RADIAIRES, Quelques baguettes d'oursin ont été trouvées : leur surface (1) Beitr, sur Petrefacten-Kunde , heft I, taf. 1 , fig. À et 2. LITHOGRAPHIQUES DU BUGEY. 57 est trop fruste pour permettre de reconnaitre si elle était ornée de stries ou de granulations, mais leur forme aciculaire se rapproche plus de celle des piquants du Diadema pseudo-diadema (Agassiz), que de toule autre à moi connue. — L'on trouve parfois appliqués à la surface des plaques de calcaire provenant de Cirin des corps allongés , cylindriques , cannelés transversalement, et dont les divers modes de cour- bure indiquent une grande flexibilité. L'on dirait des lombrics. Mais ces corps vermiformes sont composés d'une série de pelits disques circulaires et minces qui, bien que moins étroitement appliqués les uns contre les autres que ne le sont les trochites des encrines et des comatules , indiquent pourtant une struc- ture qui jusqu'ici n'a d'exemple que dans les Crinoïdes. Cha- que articulation est perforée d’une ouverture centrale arrondie, de laquelle partent environ seize stries rayonnant sur chacune des deux faces internes ; la tranche extérieure est ornée d'aspé- rités ou de festons correspondant aux stries des facettes articu- laires. Entre ces petits disques osseux ou cornés , il a du exister une couche de tissu musculaire , lâche, qui était relativement plus épaisse que celle que l'on connait chez les Crinoïdes vivants, et qui permettait aux mouvements des articulations d'atteindre la même étendue et la même souplesse que ceux des segments d'une annélide. L'idée d'attribuer ces fragments à un genre de comatule plutôt qu'à une annélide, trouve d'un autre côté son appui dans la découverte déjà ancienne de plusieurs stellérides parmi les fossiles des calcaires lithographiques de la Bavière. Pourtant l'absence de tentacules et de pinnules latérales , celle de tout canal le long des bras, éloignent ces débris de ceux d'une comatule, et quant aux ophiures , elles s’en distinguent par d’autres détails de structure, d’une manière encore plus mar- quée. Enfin, l'extrême flexibilité qui permet à ces corps de se 8 58 FOSSILES DES GALCAIRES LITHOGRAPHIQUES DU BUGEY. pelotonner sur eux-mêmes ; me porte à ne pas les considérer comme des tiges d’encrine. Au lieu de me répandre en conjectures sur la position précise à assigner à ces fossiles parmi les autres formes animales, je crois devoir m'en re- mettre aux recherches ultérieures dont le gisement de Cirin sera l'objet, pour obtenir des données plus décisives , et sus- pendre en attendant mon jugement à cet égard. PLANTES. 1° Zamia Feneonis (Ad. Brong.). — Empreintes assez abondantes soit à Cirin , soit à Morestel, 2° Lycopodites..., inédit. Cette plante, par son port et son mode de ramification , rappelle vivement le Lycopodium cernuum vivant. Il est à regretter que la croûte calcaire qui l’a recouverte empêche de distinguer les feuilles dont la tige et les rameaux doivent être revêtus. 3° Lycopodites… Autre espèce plus petite, à moins que ce ne soit un individu jeune de la précédente ; cependant les ra- meaux ne montrent pas la tendance à se recourber par leur extrémité que l’on remarque dans celle-là. On distingue bien les feuilles en forme d'écailles qui enveloppent tige et ra- meaux. 49 Pachypteris.…. Espèce voisine du P. ovata (Ad. Brong.), mais les pinnules sont alternantes. La taille est un peu plus grande. L’empreinte des pinnules profondément marquée sur la pierre, tandis que celle du rachis est très-légère , et l’ab- sence de nervures indiquent bien un Pachypteris (1). (1) Dans l’énumération qui précède, les noms des espèces qui n'avaient pas été mentionnés dans ma notice de 4848 , sont imprimés en caractères italiques. Enraru : p. 146, ligne 41, au lieu de Æmbiysemius Bellovacinus , lisez Amblyse- mius Bellicianus (de Belley). CONTINUATION DE LA DISCUSSION EUR LE NIVEAU GÉOLOGIQUE DES GISEMENTS DE NSOLENHOFEN ET DE CIRIN. Ces gisements ne font pas partie des assises oxfordiennes , mais de celles du groupe corallien. Plus de vingt espèces de reptiles, poissons et crustacés, qui n'étaient connues que dans les schistes lithographiques de la Bavière , ont été retrouvés, d’après ce qui précède, dans les calcaires de Cirin, et si l’on ajoute à cette remarquable conformité paléontologique, celle des caractères extérieurs et des usages de Ja roche elle-même, il ne sera plus possible de conserver de doute sur l'exactitude de Ja conclusion à laquelle j'étais arrivé en 1848, que Cirin et Solenhofen sont deux gisements d'âge et de formation identiques. De cette donnée j'avais dès lors tiré la déduction que Solen- hofen ne pouvait être rapporté à l'étage portlandien ; je désire aujourd'hui m'en servir encore pour réfuter une autre opinion plus nouvellement émise , d’après laquelle ce gisement ,; ainsi que ceux de Kelheim, d'Eichstedt, de Pappenheim , etc., se- raient compris dans l’oxfordien supérieur et non dans le corallien, comme je l'avais pensé. J'ignore si cette opinion appartient à M. A. d'Orbigny, mais jen trouve la première manifestation dans le Prodrôme et dans le Cours de paléonto- logie que publie ce savant (4). À un paléontologiste aussi habile, je me garderai bien d'opposer aucun argument tiré des caractères et des aflinités (4) Voy. Prodréme de paléontologie , t. 1, p. 547 et p. 581, où les Céphalopodes et les Stellérides de Solenhofen sont rapportés à l’étage oxfordien de l'auteur. — Voyez aussi le tableau n° 4 du Cours de paléontologie , pour les poissons du Jura, 60 NIVEAU GÉOLOGIQUE zoologiques des espèces dont il forme ses faunes oxfordiennes et coralliennes. Lorsque je vois M. Agassiz , en s’appuyant sur ces mêmes aflinités , arriver à placer les fossiles de Solenhofen trois étages plus haut que celui où les range M. d'Orbigny, je ne saurais avoir la prétention d'obtenir un résultat moins con- testable, si je ne quittais pas cette route peu sûre pour me placer sur le terrain de l'observation des faits de stratification. Or, tous les géologues qui ont écrit sur le Jura du sud de l'Allemagne, assignent au coral-rag représenté par des cal- caires, des dolomies et des schistes, un rôle important dans la constitution de lAlbe da Wurtemberg et de la Bavière. M. d'Orbigny admet aussi (1) qu'une partie du Jura blanc de M. de Buch et de M. Quenstedt appartient à l'étage corallien , tel qu'il l'entend. Mais si les schistes de Solenhofen sont oxfor- diens ; ils devraient être recouverts par les roches de cet étage supérieur, tandis qu'il est de toute noloriété (2) que ce sont au contraire les schistes qui recouvrent généralement les assises à polypicrs, à nérinées et à dicérates. Tout au plus peut-on supposer, avec quelques auteurs, que les schistes ne sont qu'un des faciès de ces mêmes assises coralliennes de l'Albe CS} (4) Voy. Paléontologie française, Terrains jurassiques, t. 1 , p. 609 et 6i0. (?) Je ne citerai que les témoignages les plus récents : Zeitschrift der Deutschen geolog. Gesellschaft, t. 1, p. 425, 431, ctc. Heuz , Die geolog. verhaeltnisse Wurtembergs , p. 106 à 108. Scuwor, Petrefacten Buch, la coupe figurée du Jura de l’Albe. V. Kuirstein, Beitr. sur geolog. Kenntiss dur oesllichen Ælpen, p. 8 et suiv., et pl. I. Quexsreor, Floetzgebirge Wurtembergs, p. 456, 502 et 535, (5) Voy. Fraas, V’ersuch einer Vergleichung der Deutschen Juras, etc., Neues Jabrbuch 1850, p. 170 et suiv. En me faisaut l'honneur de citer ma notice sur les Terrains jurassiques de la partie méridionale du bassin du Rhône (Bulletin de la Soc. géol., nov. 1847), M. Fraas me prète deux observations dont je dois décliner la responsabilité. L’ane (vid. loc. eit., p. 447), c’est que les couches du lias à gryphées manqueraient dans tout le midi de la France; l’autre (loc. cit., p. 178 ), que la ferebratula diphya (aujourd’hui coupée en deux espèces, par M. A. d’Orbigny), existerait non-seuleinent dans les formations néocomiennes et oxfordienn:s, mais encore dans le lias. — Les calcaires à vraies DES COUCHES DE SOLENHOFEN ET DE CIRIN. G1 C'est sans doute encore faute d'avoir consulté les nombreuses descriptions du Jura de l'Albe qui ont été publiées par les géo- logues du Wurtemberg, que M. A. d'Orbigny sépare le gise- ment des nérinées à Nattheim, de celui où l'on recueille les polypiers astréides (1), et qu'il place les nérinées et les dicérates dans son étage corallien , tandis que les polypiers restent dans l'étage oxfordien avec les schistes à poissons. Jus- qu'à ce que l'auteur du Prodrôme ait fait connaitre quelles sont les observations géologiques qui renversent sur ce point celles de MM. Quenstedt, Schmidt, Hehl, Fraas, etc., il me sera permis de ne regarder que comme une pure anticipation systématique, le mode de répartition des couches et des fossiles de Nattheim auquel il s’est arrêté. Je maintiens donc le dou- ble fait de la réunion des nérinées, des dicérates et des poly- piers dans la méme assise, et du niveau de ce gisement sous celui des schistes lithographiques et des calcaires équivalents. En résumé, de deux choses l’une : ou l'étage corallien de M: d'Orbigny n'existe pas dans le sud de l'Allemagne, ou cet étage y doit comprendre les schistes à poissons fossiles. Dans l'une comme dans l'autre alternative , l'auteur aura à modifier profondément les faunes qu'il attribuait à ses divisions coral- lienne et oxfordienne , et dans la première hypothèse , sa faune corallienne deviendra trop insignifiante pour caractériser un étage réellement distinct. Qaitlons à présent la question de classement , et comparons les circonstances sous l'empire desquelles se montre le groupe gryphées arquées sont beaucoup plus rares dans les Cévennes qu'on ne l'a cru, mais comme ils sout très-développés le long des Alpes (à Digne), je n’ai pas prétendu que leur absence fût un des caractères du Jura méditerranéen. — Je n’ai jamais trouvé de terebratula diphya, ni diphyoides dans le lias; c’est aux ammonites du groupe des hétérophylles que s’applique l'observation, confirmée depuis par M. Baÿle ( Bulletin de de la Soc. géol., mars 4849 ), que les gisements s’étendent du lias à la craie. (1) Voy. Prodréme de paléontologie , 1. 1, p. 584 et suiv. pour les polypiers, et t. 11, p. 2 et suiv. pour les nérinées de Nattheim. 62 NIVEAU GÉOLOGIQUE corallien de l'Albe, avec celles qui affectent le même groupe dans le Jura de l'Ain. D'une part, nous savons que les cou- ches à polypiers, nérinées et dicérates , sont inférieures aux schistes lithographiques de la Bavière , et d'un autre côlé , l’on a pu voir par la coupe que j'ai donnée, dans ma précédente notice, pour l'étage jurassique moyen du Bugey, que dans cette partie de la France, ainsi qu'en d’autres contrées, c'était l'inverse qui avait lieu. Faut-il attribuer maintenant cette in- terversion dans les rapports des deux assises à ce qu’elles ne seraient que deux faciès différents d'une seule et même forma- tion ? Je répugne beaucoup à admettre cette explication, parce que lorsque deux dépôts ne présentent ni les mêmes caractères physiques, ni les mêmes fossiles, je ne vois pas quelles preu- ves l’on peut faire valoir pour les identifier. Ces dépôts , fussent-ils , dans Les deux localités qu’on compare , immédiate- ment précédés et suivis de formations respectivement synchro- niques , leur parallélisme n’en restera pas moins douteux, car ils peuvent n'être que des lambeaux discontinus de deux assises intermédiaires et successives, dont faute d’affleurements favo- rables , on ne connaît pas les rapports de superposition. Sans nier qu’en théorie on doive admettre la possibilité qu'une assise subisse dans son prolongement horizontal une transformation complète qui soit inhérente aux circonstances du dépôt, Je crois qu'en fait on n’en trouve guère d'exemple. Tandis qu'il est beaucoup moins rare qu'on ne le croit communément d'avoir à constater des hiatus , des suppressions de membres, particulièrement à l’intérieur de la série des formations juras- siques. Mais en même temps, si le géologue a lieu de s'étonner de ces défauts de continuité que rien ne lui fait prévoir, il n'a pas moins souvent l’occasion d'admirer la persistance des ca- ractères distinctifs avec lesquels telle assise supprimée, par- fois sur une longue étendue , lui apparaît de nouveau et vient reprendre le rang précis qu’elle avait laissé vide. DES COUCHES DE SOLENHOFEN ET DE CIRIN. 63 Sans attacher à mes observations personnelles plus d'impor- tance qu'elles n’en méritent, je pense donc que les cas de discon- tinuité sont bien plus fréquents que ceux du double faciès d'une assise, et que lorsqu'il s'agit de choisir entre les deux modes d'explication, il est par conséquent beaucoup plus prudent d'adopter le premier (1). (4) Ainsi, les schistes à possidonies du lias supérieur si bien caractérisés dans le Wurtemberg, et qui sont encore assez développés dans la Bourgogne et la Franche- Comté, manquent lout-à-fait à la Verpillère (Isère) et au Mont-d’Or lyonnais. Dans ces dernières localités, on voit le minerai de fer (à Æmmonites jurensis, A, opalinus , A. radians , etc.) , reposer directement sur les calcaires noduleux, ferrugineux et à plicatules du lias moyen (aux environs de la Yerpillère ces calcaires sont connus sous le nom de couches-mélange). Plus au sud , les schistes reparaissent, non pas cependant déjà à Privas, comme le veulent les savants auteurs de la carte géologique de la France; car là, au contraire, les marnes du lias moyen ont en outre presque totalement disparu , mais aux environs d’Alais et surtout de Mende, où ils sont puissants. Par contre , les calcaires noduleux et ferrugineux manquent le long des Cévennes et parti- culièrement à Mende; tandis qu'à Villefranche-d’Aveyron, il m’a semblé que le lias moyen, y compris celte assise à très-grandes gryphées , occupait tout l’espace qui sépare le choin bâtard (infrà lias ou muschelkalk ), des calcaires qui correspondent à ceux de Couzon ( calcaire & entroques , calcaire lædonien }. Ainsi, dans le Wurtemberg, l’oolithe inférieure à belemnites giganteus (Jura brun 5) est recouverte sans nul intermédiaire, par le minerai oolithique kellowien (se). Comment ne pas conclure avec M. Quenstedt et M. Fraas que la grande oolithe est supprimée ? Ainsi, dans les Cévennes, on voit pir mainte coupe, qu'il n’existe point d'intervalle entre les calcaires ou les grès calcarifères jaunes, qui représentent le calcaire à entro- ques où lœdonien, et le minerai de fer de la Voulte ou même les marnes oxfordiennes. Voilà donc l’élage jurassique inférieur presque en entier qui ne se retrouve plus dans une grande partie de la France. MM. Dufresnoy et E. de Beaumont, qui contes- tent le fait, donnent eux-mèmes une coupe prise à Anduze, où le calcaire oxfordien de la Porte de France reposerait sur les marnes du lias ( Æxplication de la carte géo- logique , t. Il, p. 747). D'ailleurs, les deux savants auteurs partent d’un principe à priori que renversent et mes citations et les observations de tous les géologues qui se sont appliqués à suivre un terrain sédimentaire et à en observer les modifications, au travers de plusieurs contrées, savoir qu’il ne peut pas exister d'hiatus ou de suppres- sion à l’intérieur d’un étage !! De même , si nous examinons à son tour l’élage moyen, nous verrons qu'aux environs de Belley les marnes oxfordiennes inférieures ; à petites ammonites ( argiles de Dives, ornaten thone), se montrent avec un beau développement entre les calcaires à spon- giaires qui les recouvrent, et l’oolithe ferrugineuse de Kellovay, Tandis que sur la rive sarde du Rhône, à quelques lieues de là, la même oolithe ferrugincuse de Chanas et du col du Mont-du-Chat se soude directement par en haut au calcaire à spongiaires qui 64 NIVEAU GÉOLOGIQUE Appliquant ces données à la mise en parallèle de la série corallienne du Bugey avec celle de l’Albe de la Souabe , j'étais depuis long-temps convaincu que les deux séries ne différaient entre elles que parce qu'elles étaient incomplètes lune par rapport à l’autre , nonobstant le développement magnifique des parties existantes dans chaque contrée. En même temps, Je ne voyais pas de probabilité à ce que les calcaires lithographiques des deux pays ne se correspondissent pas avec exactitude, sur- tout à cause de la similitude et de la composition exceptionnelle de leurs faunes ; c'était donc pour les zônes coralligènes que j'arrivais à admettre qu'il devait y avoir une récurrence dans l'échelle théorique générale du terrain, et suppression alter- native de l’une des deux zônes dans la coupe particulière à chaque région. Des deux calcaires à polypiers , nérinées, dicé- rates, etc., le plus récent devait être celui qui existe dans notre Jura , le plus ancien dans celui de PAlbe. Il manquait à mes suppositions la sanction essentielle d'une observation qui eüt constaté, sur un point quelconque de l'an- cien bassin de la mer de l'époque corallienne, la présence simultanée des deux zônes à coraux, et du calcaire lithogra- phique intercalé entre elles. Cette observation vient d’être est lui-même réduit à un ou deux bancs peu épais. Les marnes ont donc complètement disparu. Il faut seulement ne pas confondre avec ces marnes inférieures l’assise marneuse et schisteuse qui recouvre le calcaire à spongiaires, aussi bien sur la rive gauche que sur la rive droite du Rhône, et qui représente probablement les bancs calcaires régu- lièrement stratifiés (Jura blanc) de M. Quenstedt. L'auteur que je viens de citer rapporte (Floetsgobirge ; p. 498) que l’absence de ces mèmes marnes à ammonites ornatus et de celles à terebratula impressa, ui a paru également frappante aux environs d’Aurau (Suisse), par suite du contact du Jura brun supérieur avec les calcaires à spongiaires. M. E. Royer et M. Cotteau, de leur côté, ont signalé la superposition immédiate du terrain à chailles à la grande oolithe , sur les bords de l'Yonne, près de Châtel-Censoir. Dans tous ces exemples et dans bien d’au- tres que je crois superflu de citer, il est manifeste qu'il y a suppression et non trans- formation d’une assise en une autre. Je ne connais pas un seul fait aussi clairement établi que ceux-là , à l'appui du synchronisme de deux assises dont les caractères paz léontologiques et minéralogiques soient différents. DES COUCHES DE SOLENHOFEN ET DE CIRIN. 65 faite par M. Gustave Cotteau, à Châtel-Censoir dans l'Yenne (1). Là , il paraît que le terrain à chailles de l'oxfordien supérieur, suivant les uns, ou de la base du corallien , d’après les autres , est recouvert directement par une assise à polypiers , nérinées et dicérates , au-dessus de laquelle s'élève le calcaire lithogra- phique et sur celui-ci une seconde assise à polypiers, nérinées et dicérates. Une partie des espèces fossiles du coral-rag infé- rieur se retrouvent dans le supérieur, bien que les deux massifs présentent des différences paléontologiques tranchées. Il faut attendre maintenant que M. Cotteau publie le travail spécial qu'il a annoncé, pour savoir comment les espèces coralliennes et oxfordiennes se distribueront entre les deux niveaux, et jus- qu'à quel point ces faunes partielles concorderont avec celles de Nattheim d'une part, et d’Oyonnax de lautre. Pour le moment, M. Cotteau ne cite qu'un petit nombre d'espèces de son coral-rag inférieur ; ce sont des nérinées et des dicérates (2) qui ont été comprises par l’auteur du Prodrôme dans ses listes de la faune corallienne , quoique les faits de superposition que révèle la géologie du Jura de l'Yonne, aussi bien que du Jura de la Souabe, montrent que les couches où ont commencé à paraître ces nérinées et ces dicérates , s'étaient déposées même avant celles des calcaires lithographiques, qne M. A. d'Orbi- gny place encore dans son étage oxfordien. C’est ainsi que pour arriver à la construction d'une stratigra- phie paléontologique universelle, il ne suffit pas d’avoir sous les yeux des fossiles de toutes les localités, mais qu'il est néces- saire d'avoir étudié les gisements d'où ils proviennent, et les rapports de superposition que ces gisements ont entre eux. (41) Voy. Études sur les Echinides fossiles du département de l'Fonne , par M. Gus- lave Cotleau , p. 9T et suiv. (2) Voici ces espèces : Verinea Visurgis, IV. Defrancii, IN. Maureausiana (d'Orb.), IV. Robinalda (id.), Æ, canaliculata (id.), NV. Cottaldina (id.), Cassiope (id.), A. Callirhoe (id.); Diceras arietina , D, sinistra. 9 GG NIVEAU GÉOLOGIQUE DES COUCHES DE SOLENHOFEN , ETC. J'ajouterai, à propos du mode de division suivi par M. d'Or- bigny, que cette étude, pour être satisfaisante, ne peut avoir lieu qu'en procédant assise par assise et non étage par étage. Carun élage , c’est une abstraction toujours discutable, parce qu'elle peut toujours être supposée ne représenter que des observations incomplètes, tandis qu'une assise, c’est un fait naturel, simple, distinct, indépendant de tout système, mais dont tout système de classement doit partir. Ainsi, présenter pêle-mêle, sous pré- texte qu'on les range dans un même étage , les trois faunes si différentes des calcaires à spongiaires, des calcaires à polypiers du coral-rag inférieur, et des calcaires lithographiques, au lieu de consacrer à chacune de ces assises une liste spéciale , n'est-ce pas substituer une synthèse contestable et contestée à l'exposition des véritables éléments de la stratigraphie paléon- tologique dont le géologue a besoin? W. Smith avait déjà découvert et caractérisé vingt assises dans le Jura de l’Angle- terre, lorsque Conybeare proposa de les répartir entre ses quatre groupes. Pendant que les géologues s'efforcent de com- pléter , en l’étendant à la surface entière du globe, la liste de Smith, ne serait-il pas convenable que les paléontologistes vinssent mettre en regard de la série de ces divisions du sol , l'inventaire des formes fossiles que renferme chacune d’elles ? Je ne puis pas insister davantage ici sur une question aussi générale ; et je résume la discussion qui précède, en disant que ni les faits observés en Allemagne, ni même ceux qui sont déjà constatés en France, ne nous autorisent à placer dans le groupe oxfordien les calcaires lithographiques à poissons fos- siles des deux pays, mais que ces couches doivent être consi- dérées comme appartenant au groupe corallien. AUTRES GISEMENTS DE POISSONS FOSSILES DANS LE BUGEY. SCHISTES BITUMINEUX D'ORBAGNOUX. En 1849, M. Drian qui, plusieurs années auparavant , m'avait déjà, le premier , signalé les poissons de CGirin, me communiqua d’autres débris d'animaux de la même classe , tout récemment recueillis par lui dans des fouilles qui se fai- saient alors sur des schistes bitumineux, afileurant près du petit lac d'Armaillé , situé à l'est de Belley, dans la commune de St-Germain-les-Paroisses. Je connaissais les couches atta- quées , leur position géologique, ainsi que la localité spéciale d'où les fossiles provenaient; mais le fait de la présence des poissons dans ces schistes était entièrement nouveau pour moi, et je m'empressai de le communiquer comme tel à la Société d'agriculture et des sciences naturelles de Lyon, de la part de M. Drian. Les fouilles auxquelles la découverte de ces poissons était due , avaient pour objet l'huile bitumineuse contenue dans les schistes, huile qui provient évidemment des végétaux dont on y voit les innombrables débris (1). Je fus amené par la re- cherche de quelques renseignements industriels qui me furent demandés à cette occasion, à relire un travail qui avait été publié par M. Itier, sur les gisements de bitume ou d’asphalte du Jura (2). Cette lecture m'apprit que dès l’année 1838, l'auteur avait reconnu parmi Îles autres fossiles organiques selirés des schistes d'Orbagnoux, près de Seyssel, divers genres de poissons. Je dois donc réparer ici le tort involontaire que (1) Ces fouilles ont été abandonnées ou suspendues peu de temps après leur ou- verture, (2) Mémoires sur les roches asphaltiques de la chaîne du Jura, par M. Jules lier , lu à la Société de statistique de l'Isère, le 5 janvicr 1859. 68 POISSONS FOSSILES jaicu, en 1848, de nc pas citer les résultats que, bien antérieurement, M. Itier avait obtenus, en ce qui concerne l'ichtyologie fossile du Jura de l'Ain. Il est évident que si la découverte des poissons dans le gisement du lac d'Armaillé, par M. Drian, est indépendante de celle que M. Itier avait faite dans les schistes d'Orbagnoux, ce n’en est pas moins à M. Itier que revient le mérite d'avoir su, le premier, reconnaitre le fait paléontologique de la présence de nombreux vestiges de pois- sons dans l’assise des schistes bitumineux dont je vais parler, Niveau géologique des schistes & poissons fossiles. — Les schistes bitumineux d'Orbagnoux et du lac d’Armaillé, dépendent d'une assise qui est placée directement sous les calcaires lithographiques de Cirin , et en forme pour ainsi dire le prélude. Malgré la différence de coloration, il y a entre les deux assises une parenté étroite, fondée sur des analogies soit de composition , soit de texture et de structure , soit de carac- tères paléontologiques. Le bitume existe en effet dans le cal- caire lithographique, l'odeur y décèle sa présence sous le choc du marteau; les lits de ce calcaire ne sont souvent que de minces feuillets, et par contre, parmi les schistes bitumineux de l'assise inférieure, s'intercalent parfois des bancs peu épais, il est vrai, de calcaire compacte ct homogène. On verra plus loin qu'une partie des espèces de plantes et d'animaux qui se trouvent dans les schistes , ont continué à se déposer dans les calcaires. D'un autre côté , je ne vois aucun indice que les deux formalions soient, en d’autres pays, séparées par une assise in- termédiaire : aussi, dans la coupe théorique de l'étage jurassi- que moyen que j'ai donnée en 1848, me suis-je cru autorisé à les réunir sous le n° 5, Les strates sur lesquelles reposent les schistes bitumineux sont loin d'offrir avec ceux-ci les apparences d’une parenté semblable. Ce sont des calcaires qui me semblent, sinon correspondre exac- tement, du moins posséder beaucoup de rapports avec ceux du DES SCHISTES BITUMINEUX DU BUGEY. 69 terrain à chailles de la Haute-Saône; mais il n'y a pas iden- tité, Je le reconnais. Généralement la proportion de silice est 5 faune des calcatres à spongiaires, avec un surcroît de crinoïdes et d’échinodermes. Je considère ces calcaires comme formant ici le toit du groupe oxfordien, et c’est entre leur sommet et Ia base des schistes que doivent, dans lAlbe , s'être déposés les calcaires de la zône inférieure à polypiers, nérinces et dicérates. Au-dessous viennent les calcaires et marnes de l’oxfordien su- périeur, et plus bas encore les bancs à spongiaires qui recou- moindre ici, et les fossiles reproduisent en grande partie la vrent, à leur tour, les marnes oxfordiennes inférieures, paral- lèles aux argiles de Dives. M. Itier avait d'abord rangé dans l'étage kimméridien les schistes d'Orbagnoux ; mais je vois par une correction faite de sa main, sur un exemplaire du Mémoire que j'ai cité, qu'il reconnut plus tard la convenance de les placer dans l'étage moyen , au voisinage du niveau du terrain à chailles. Telle est aussi l'opinion qu'avait manifestée M. Elie de Beaumont, d’z- près une citation que je trouve dans un travail de M. Ber- thier, inséré au t. XIII des Annales des Mines, 3° série. Description de l'assise. — Ainsi superposée aux calcaires qui sont à peu près, dans nos contrées, l'équivalent du terrain à chailles, et passant aux calcaires lithographiques qui la re- couvrent, l'assise des schistes d'Orbagnoux , avec son carac- ière bitumineux et ses fossiles, occupe une étendue de plus de 30 kilomètres du nord au sud, entre St-Germain et la gorge d'Orbagnoux ; mais elle doit se prolonger encore bien au-delà vers le nord, si l’on admet, avec M. Itier, que les gisements asphaltiques de la chaîne du Jura sont tous liés, par l'origine de leur bitume, aux schistes dont il s’agit ; car les exploitations de Travers, dans le val de ce nom , sont à 120 kilomètres d'Or- bagnoux, et, dans l'intervalle, plusieurs affleurements de roches imprégnées raccordent ces deux stations. Quant à la largeur 70 POISSONS FOSSILES transversale occupée par l'assise , elle est donnée, de part et d'autre du Mont-Colombier, par la distance du méridien de Musiège, près de Frangy (Savoie), à celui de Cormoranche (Bugey) : environ 30 kilomètres. La puissance verticale que montre l’assise des schistes près du lac d’Armaillé et d'Orbagnoux, ainsi que dans le Val- Romey, correspond, du reste, avec ce vaste développement horizontal ; car elle dépasse 20 mètres ; mais d'une localité à l'autre , il y a de grandes variations dans la hauteur non-seule- ment de l'assise , mais encore de la partie qui est bitumineuse. La formation porte tous les caractères d'un dépôt d'estuaire, c’est-à-dire formé dans des eaux calmes et peu profondes. L'élément bitumineux, et les détritus de plantes qui l'ont fourni , paraissent ne pas avoir été apportés par des courants, mais provenir de la décomposition sur place de la végétation qui couvrait la surface des eaux. En effet, les minces couches dont les schistes sont composés se superposent avec régularité et avec une épaisseur constante pour chacune d'elles. Leur texture est fine et homogène, et quoique la proportion de la matière bitumineuse soit très-variable de l’un à l’autre de ces feuillets, elle est disséminée avec beaucoup d'égalité, à en juger du moins par celle de la teinte, sur les divers points d’un même feuillet, Les lits où la substance calcaire et siliceuse prédomine beaucoup, offrent un grain aussi serré et aussi fin que celui des calcaires lithographiques ; le peu de bitume qui s'y trouve leur donne seulement une plus grande ténacité et une cassure plutôt esquilleuse que conchoïde. Il me semble donc à peu près démontré que l’assise doit sa schistosité à des alternatives fréquentes d’abondance et de rareté du détritus végétal, et de hausse et de baisse dans le niveau des eaux , sous lesquelles la macération de ce détritus s’opérait, en se combinant avec le dépôt du carbonate calcaire et de la silice. Peut-être chacun de ces feuillets bitumineux, qui DES SCHISTES BITUMINEUX DU BUGEY. 71 n'ont souvent qu'un demi-millimttre d'épaisseur, représente- t-il le produit d’une période annuelle ou d’une saison ? A l'état frais, ces schistes semblent pouvoir offrir des ma- tériaux applicables aux constructions , et, en effet , ceux d'Or- bagnoux sont de temps à autre exploités dans ce but; mais l'exposition prolongée au grand air et au soleil amène bientôt l'évaporation d’une partie du bitume ; la roche s’effleurit alors, prend une couleur blanchâtre, se fendille et se désagrége. L'aspect qu'elle revêt ainsi devient tellement différent de celui qu'elle avait au moment de l'extraction, que je suis porté à croire que, si l'assise qui fournit celte roche n'a pas été re- trouvée dans d’autres parties du Jura, il faut en attribuer en partie la cause au changement que l'action atmosphérique apporte dans son faciès superficiel , et qui la rend bientôt mé- connaissable. Les tentatives d'application des schistes bitumineux aux mêmes usages industriels que le calcaire néocomien asphaltisé de Pyrimont, n'ont pas été jusqu'ici suivies de succès ; le bitu- me des schistes diffère par ses propriétés, et par les proportions de ses éléments, de celui du calcaire néocomien, ct tous deux diffè- rent de celui dont la molasse de Pyrimont est imprégnée ; mais on retire des schistes une huile susceptible d'être employée à l'éclairage. La proportion de matière bitumineuse a varié de 12à 15 p. 0/0 dans trois échantillons analysés par M. Itier. D'après l'inspection des localités, je partage l'opinion de ce savant, sur la date récente où s'est opérée l’imbibition soit du calcaire néocomien, soit de la molasse , par du bitume provenant des schistes de gisements voisins et placés à un ni- veau plus élevé sur quelques points des rives du Rhône, aux environs de Seyssel. Seulement , au lieu de supposer que ce soit un soulèvement qui ait exprimé le bitume devenu liquide sous son action, je préférerais admettre l'hypothèse de sources minérales et peut-être thermales se chargeant d’asphalte en 12 POISSONS FOSSILES traversant les schistes, ou bien encore celle de l'accumulation accidentelle de débris de ces schistes et de leur décomposition dans le fond des vallées, sous les eaux de lacs qui auraient couvert les lieux mêmes où les roches sous-jacentes se mon- trent imbibées aujourd'hui. Toujours est-il que la circonstance du rapprochement de ces trois natures de gisement rend aussi facile qu'instructive l'étude et la constatation des faits, qui montrent que le bitume est chez les uns contemporain de la formation, tandis qu'il n'est chez les autres qu'un accident postérieur, non-seulement à la consolidation de la roche, mais encore au relief actuel de Ja contrée. Fossiles. — C'est sur les plans des joints de stratification des schistes d'Orbagnoux et du lac d’Armaillé, que l’on trouve les empreintes si abondantes de plantes et de poissons, se détachant, pour l'ordinaire, en brun ou en noir sur un fond gris ou jau- nâtre. Il y a assez de ressemblance , sous le rapport de la cou- leur, entre les échantillons qui ont été recueillis près du lac d'Armaillé et ceux qui proviennent soit du Monte-Bolca , soit des environs d'Aix en Provence. Certainement l'on n'aurait pas la pensée de les placer dans le même étage que les poissons fossiles de Cixin, si l’on ne tenait pas compte des données stra- tigraphiques ct paléontologiques qui rapprochent les deux gisements. Porssoxs. — Voici d'abord quels sont ceux des animaux de celte classe que les recherches faites sur le gisement du lac d'Armaillé , par M. Drian.et par moi, m'ont permis de re- connaitre et que je conserve dans ma collection: Aspidorhinchus.… Sans entrer dans la discussion des caractères à l'aide desquels M. Agassiz a séparé ce genre du Belonosto- mus ; Caractères qui me semblent douteux, je rapporte à un Aspidorhinchus très voisin de l'acutirostris (Ag., Rech. pois. foss. ,t. IE. , pl. 46), des fragments de trois exemplaires , à l'an desquels la tête seule manque. Ce dernier échantillon DES SCHISTES BITUMINEUX DU BUGEY. 73 mesure 30 centimètres de longueur, depuis la ceinture tho- racique jusqu'à l'extrémité de fa queue , et 45 millimètres de hauteur, prise sur les nageoires ventrales. Les deux autres exemplaires devaient avoir des dimensions un peu moindres. La taille moyenne de cette espèce semblerait donc rester au- dessous de celle de l4. acutirostris, et ce fait, Joint à celui de l'impossibilité où je suis de comparer les têtes, me force à ne pas proposer ici une détermination plus précise. D'ailleurs la transformation de la substance des écailles en bitume a été suivie de fendillements et de brisures qui en rendent Pétude difficile sur mes échantillons, et ce n’est point sans quelque doute que j'admets que la surface de ces écailles était dépour-- vue de stries et autres ornements. Thrissops… Deux de mes exemplaires sont de la taille du T. salmoneus (Agassiz). On peut s'en faire une idée approxi- mative en jetant un coup d'œil sur les figures de l'ouvrage de Knorr ( Lapides diluoii testes) t. I. , pl, XXVIT, fig. 1, ct pl. XX VIH, fig. 4. Un troisième échantillon indique un pois- son, dont le squelette un peu plus robuste et les dimensions plus développées qu'aux deux premiers, se rapprochaient davantage du T. formosus, mais sans coïncider pourtant d’une manitre exacte avec la figure qu'a donnée M. Agassiz de cette espèce. Pholidophorus OU Lepidotus... Je ne puis apprécier, sur l’exem- plaire très-fruste que je crois appartenir à l’un de ces deux genres ,; que le contour général du corps et la forme des écailles. Celles-ci, qui sont disposées en séries dorso-ventrales sinueuses , bien marquées et assez écartées les unes des autres, sont grandes , rhomboïdales et épaisses. Leur surface est ornée de granulations serrées , disposées en lignes irrégulières, mais presque paralleles entre elles. Ni les nageoires , ni la tête ne sont suffisamment conservées pour fournir matière à des con- clusions moins vagues. Ce poisson, dont la forme ressemble à celle d'une carpe , devait avoir 45 centimètres de longueur Lotalc, sur 12 de hauteur dans le milieu du corps. . 74 POISSONS FOSSILES Passons maintenant aux indications que l’on doit à M. Ier sur les poissons qu'il avait observés dans les mêmes schistes bitumineux, dès avant 1839. Cette date n'a pas permis des dénominations génériques précises ; je vois cependant que le savant amateur avait reconnu l'existence de la famille des Pycnodontes ; d’après un individa dont les dents en pavé étaient disposées sur cinq rangées, celle du milieu composée de dents ovoides , très-allongées transversalement, et les quatre autres de dents cylindriques aplaties. Ce sont bien À, en effet, les caractères de la dentition des Pycnodus ; mais il ne n'est pas aussi facile de décider à quels genres il faut attribuer les prétendus palæothrissum et poissons à pectorales pédicu- lées , voisins du chironecte, que M. Itier annonçait également. Telles sont les données sur la partie ichthyologique de la faune de ces schistes qui me sont connues; avant d'en tirer aucune conclusion , il convient de passer en revue les autres formes organiques dont les débris accompagnent ceux des ani- maux vertébrés, Crustacés. — Une empreinte en mauvais état de conserva- tion décèle un de ces petits décapodes analogues à ceux de So- lenhofen, pour lesquels le comte de Münster avait formé le genre Gilyphæa, ct que M. de Meyer a rangés ensuite dans la subdivision de ses Euryma. Mollusques. — C'est dans les schistes bitumineux coralliens du Bugey que M. Itier avait trouvé l’exemplaire de lAcan- thothentis prisca Ol speciosa (Münster), qui a été figuré dans la Paléontologie française de M. A. d'Orbigny, sous le nom de Kelæno sagittata. Ce genre de céphalopode loliginé n’est point le seul qui existe à la fois dans notre formation bitumineuse et dans les schistes calcaires du Jura supérieur de la Bavière: j'ai recueilli près du lac d'Armaillé une empreinte d'une partie de l'osselet dorsal d'un Teudopsis ou d'un autre genre très-voisin. Ammonites biplex (Sow,). — M. Itier avait reconnu , et j'ai eu DES SCHISTES PBITUMINEUX DU PUGEY. 75 aussi l’occasion de reconnaitre la présence de cette ammonite dans la formation qui nous occupe. — Jusqu'à présent, par contre , nulle trace d’Aptychus n'y a été signalée, non plus que dans nos calcaires lithographiques. Conchifères. — Très-rares à ce niveau ; je n’y connais qu'une toute petite huître, mince, plate et à contour ovale, qui n'a rien de caractéristique. M. Itier ÿ avait trouvé la variété d'Exc- gyra virgula que J'ai citée dans les calcaires lithographiques de Morestel et de Cirin, Pranres.— La liste suivante, que j'emprunte à l'opuscule de M. Itier, a été dressée d'après les déterminations du savant au- teur de l'Histoire des Fégélaux fossiles. Je remarque pour- tant que, dans la liste des végétaux de l'époque oolithique que M. Ad. Brongniart a insérée dans le t. XIIL du Dictionnaire universel d'histoire naturelle (1849), trois de ces espèces seulement sont accompagnées de la citation d'une localité des schistes du Bugey : ce sont les Zamites Feneonis , Otozamites latifolia et Brachyphyilum gracile (D). Sphenopteris Williamsonis (Brong.). Carpolithes.…. Hymenophyllites macrophyllus (Gæpp.). Tiges de cicadées.... Pecopteris..…..? Thuytes cupressiformis (Sternb.), Filicites ( Zamites?) lanceolatus (Schl.). T. expansus (Sternb.) Otozamites latifolia (Br.in Diet. univ. d’h.n.). T. Lorteti (Brong.). O, lagotis ou hastatus (Brong.). Cupressites Ullmanni (Bronn,) ? Zamites Feneonis (Brong.). Brachyphyllum mammillare (Brong.), De ces végétaux , les plus nombreux en individus sont les Cycadées , puis les Thuytes , et cela, aussi bien à Morestel, (4) M, Ad. Brongniart remarque (/oe, cit.) que les plantes de la période oolithique trou- vées en Angleterre n’appartiennent pas en général aux mêmes espèces ; ni parfois aux rièmes genres , que celle des gisements situés en France, L’explication est facile : toutes les principales localités anglaises appartiennent à l'étage inférieur du Jura, tandis que toutes celles de la France dépendent de l’étage moyen. C’est également à cette dernière division qu'il faut rapporter, sinon la Lotalité , du moins la grande majorité des gisements de l'Allemagne , en ce qui concerne la flore de la mème période. 76 POISSONS FOSSILES DES SCHISTES BITUMINEUX ; ETC. localité type pour la flore des calcaires lithographiques , que dans les schistes bitumineux. Les brachyphyllum et hymeno- phyllites macrophyllus ne sont pas rares non plus dans les deux assises. C’est encore par deux espèces de Thuytes, el en outre, par l'Hym macrophyllus, par le Brachyphyllum mammillare et par le Sphenopteris Williamsonis, que la végétation fossile du Jura anglais s’unit à celle du nôtre. Les rapports avec Solenhofen deman- dent de nouvelles études ; cependant, comme une partie des Caulerpites de ce gisement sont des Thuytes pour M. Brongniart, on entrevoit déjà la liaison ; il serait surprenant que les Cyca- dées n'y eussent pas laissé de traces. Quoi qu'il en soit, nous pouvons conclure de lexamen que nous venons de faire des restes soit de végétaux, soit d'ani- maux , reconnus Jusqu'à présent dans les schistes bitumineux du Bugey, que les rapports paléontologiques entre cette forma- tion et celle des calcaires lithographiques du même pays, con- firment la conclusion que nous fournissait déjà la reconnais- sance de la superposition immédiate et du passage insensible d'une de ces assises à l’autre. Deux planches sont jointes à cette notice ; elles représentent : la première, les deux reptiles décrits par M. H, de Meyer, et la seconde , le Spathobatis bugesiacus à l’état jeune, dont la description sommaire a été donnée daus une note précédente, ERRATA. Pag. 38, lig. 10 , au lieu de Æmblysemius bellovacinus , lisez : Amblysemius bellicianus. Pag. 55, dernière ligne, au lieu de Megalurus esocinus , lisez : Megalurus idanicus. (Extrait des Ænnales de la Société nationale d'agriculture, d'histoire naturelle et des arts utiles de Lyon. — 1850.) LyYox. — Imp. de Barre, rue Pizay, 11. Extrait des Comptes-Rendus des séances de l Académie des Sciences , Belles-Leitres et Arts de Lyon (séance du 9 décembre 1854) , SERVANT DE RÉSUMÉ :r w COROLLAIRE A LA NOTICE PRÉCÉDENTE. M. Thiollière fait hommage de sa nouvelle notice sur les gisements à poissons fossiles du Jura du Bugey ; il rappelle à l’Académie qu’il exprimait l'espoir, dans un premier travail publié il y a deux ans, que les recherches auxquelles il s’occupait de donner suite, lui permet- traient de dresser plus tard une liste supplémentaire des espèces ani- males et végétales renfermées dans les calcaires lithographiques ex- ploités à Cirin. Cette attente n’a pas été déçue ; car, pour ne parler que des poissons, le nombre des espèces que l’auteur a reconnues s'élève aujourd’hui à environ 36. En outre M. Thiollière signale un autre ni- veau géologique , dans le même étage du terrain jurassique et dans la même contrée, où se trouvent également, et avec assez d’abondance, des restes de poissons fossiles : en sorte que le Jura du Bugey devient, pour l’étude de l’Ichthyologie des terrains secondaires, une station tout-à-fait privilégiée, et dont l'intérêt paléontologique doit bientôt égaler celui qui s'attache depuis longtemps aux schistes lithographi- ques du Jura de la Bavière. Comme près de la moitié des poissons trouvés à Cirin appartiennent à des espèces, et presque tous à des genres identiques ou très-voisins des genres et espèces reconnus à Solenhofen ou dans les autres lieux d'extraction situés au même niveau dans l’Albe de Franconie, l’on 78 RÉSUMÉ ET COROLLAIRE ne peut pas conserver le moindre doute sur l'identité d’âge et de for- mation des couches qui renferment ces fossiles. IL en résulte pour le géologue lg connaissance d’un horizon géognostique commun aux deux extrémités du Jura, et dont la position , parmi les assises supé- rieures de la série existant dans les deux pays , à cela de particulière- ment utile, que les caractères physiques de chacune de ces assises ne sont ni assez stables, ni assez tranchés, pour offrir un moyen sür d'établir l’ordre de superposition, et par conséquent le raccordement détaillé des subdivisions du jura blanc supérieur des bords du Danube, avec celles da groupe corallien des rives de PAin et du Rhône. L'auteur maintient en effet que les gisements à poissons fossiles dont il s’agit appartiennent à la subdivision du coral rag et non pas à celle du calcaire de Portland , ni à celle de POxford-clay. Sous le rapport zoologique , l’examen des poissons trouvés à Cirin a amené M. Thiollière à reconnaitre que plusieurs familles présen- taient dans leur ostéologie des circonstances qui n’ont pas été signalées. Ainsi les Pycnodontes etles Caturus n’auraient pas de corps de vertèbres vraiment ossifiés. Des squelettes bien conservés des genres Pycnodus, Microdon et Gyrodus (*) offrent un intervalle aujourd’hui vide, et occupé autrefois par une corde gélatineuse continue , s’étendant de la tête à la queue , entre les rangées parfaitement intactes des côtes et des apophyses épineuses. Chez les Caturus, des prolongements en formes de languettes tendent à réunir la base des côtes à celle des apophyses épineuses , mais ces languettes ne sont ni assez larges , ni assez longues pour recouvrir la corde centrale ; chez d’autres genres, le corps de la vertèbre est représenté par deux demi-anneaux, l’un supérieur, l’autre inférieur ; enfin , il en est où le cordon gélatineux est totalement enfermé dans des anneaux osseux complets. Ces divers degrés d’ossification de l’axe vertébral ne se sont présentés jusqu’à {1) Comme ce n’est que depuis la rédaction de la Notice précédente qu'il a été recueilli à Cirin un échantillon bien déterminable de Gyrodus macrophthalmus (Agassiz) , ce genre n'avait pas été cité dans la liste que j'ai donnée des poissons de ce gisement. Il est du reste assez nombreux en espèces et en individus dans la faune des calcaires lithographiques de la Bavière, pour que j'eusse été fort surpris de n’en point trouver de traces dans ceux du Bugey. — (Wote de l'Auteur.) DE LA NOTICE PRÉCÉDENTE. 19 présent, en ce qui concerne la période jurassique, que chez des poissons à écailles osseuses, épaisses et émaillées; les poissons à écailles minces et arrondies , telles que celles des Leptolepis, des vrais Thrissops, des Megalurus , des Belonostomus, etc. , qui vivaïent à la même époque, ont des vertèbres osseuses et pleines. À ces observations, ajoute M. Thiollière, je puis aujourd’hui don- ner un complément qu’elles n'avaient pas lorsque ma notice a été écrite. Il me paraît infiniment probable que c’est seulement pendant la période du dépôt du terrain jurassique que les poissons à vertèbres complètement ossifiées ont commencé à se montrer. Pour arriver à cette conclusion, je pars du fait que l’on n’a pas trouvé dans les cou- ches anciennes un seul exemple évident de la combinaison de sem- blables vertèbres avec des écailles osseuses et émaillées , telle que nous la voyons réalisée aujourd’hui chez le Lépisostée et les Polyptères. Je n’admets pas comme exactes, sous ce rapport, les descriptions que éminent auteur des Recherches sur les poissons fossiles a données des divers genres de Pycnodontes , des Caturus , etc. Mais j’adopte, par contre, la déclaration que le même naturaliste a placée et développée dans l'introduction de son ouvrage sur les poissons fossiles du vieux grès rouge, savoir que les poissons de ce terrain ont une corde dorsale et parfois des apophyses, mais qu’ils w’ont point de corps de vertèbres. Maintenant, si l’on remonte des terrains paléozoï- ques aux formations jurassiques, l’on voit que les familles de poissons signalées dans les couches qui appartiennent à la portion intermédiaire de la série, dépendent ou des Placoïdes, c’est-à-dire des Chondroptéry- giens , ou des Ganoïdes à écailles osseuses, épaisses et émaillées. L’on sait, du reste , aujourd’hui, par des observations directes , que les Palæoniseus , les Cœlacanthes et les Pycnodontes, principaux Ga- noïdes des eaux de ces époques, n’ont pas de véritables vertèbres osseuses. Je ne saurais rester en doute qu’au sujet d’un très-petit nombre de poissons que M. Agassiz place dans les Sauroïdes de sa méthode , et dont il faudrait voir le squelette. Mais, quoi qu’il en soit, comme je ne prétends pas poser un fait absolu , et qu'ici, comme dans les questions de classification en his- toire naturelle ; c’est la généralité qui importe , je crois pouvoir dire que les eaux des formations houillières, permiennes et triasiques n'ont, 80 RÉSUMÉ ET COROLLAIRE DE LA NOTICE PRÉCÉDENTE. pas plus que les couches antérieurement déposées, été peuplées de Ganoïdes ostéo-rachidés. Il faut remonter aux couches du lias pour que des genres dont la colonne vertébrale est aussi complète- ment solidifiée , dans toutes les parties, que celle de nos Clupes et de nos Cyprins vivants, se produisent avec évidence parmi les Ga- noïdes chondro-rachidés et typiques , dont les couches plus anciennes nous ayaient déjà révélé les principaux caractères. Comme cesgenres plus récents ont par les téguments, de même que par le squelette in- terne, de très-grands rapports d'organisation avec nos Malacoptéry- giens abdominaux , je crois qu’il est plus convenable de ne pas les séparer de ces derniers, que de les laisser parmi les Ganoïdes de M. Agassiz, et je les considère en conséquence comme des Téléostés jurassiques. Il n’est pas plus difficile, du reste, d'admettre l'apparition des poissons osseux ordinaires que celle des mammifères, dès cette époque : or l’on ne peut plus douter aujourd’hui de la détermination soit des ossements , soit de l’âge des couches de Stonesfield , après les recherches de M. Owen et de M. Fitton, Lyon.—Imp. Dumoulin et Ronet, rue Centrale, 20. 27 CAstle Le: 1? 7 Le. crlértts Lithographie Secrctent el q a Sapheosaurus OT ( f les 1. A : Mir r Centra/ AL 2 ln) “à Le NS + Pa te À ï ÿ t + LA - j de L : c Fr à PPT EL CEDEX LT" CISTOEES k - Era ï *& ‘ Æ PRONUPA Ris ŒYILILIV EL) Spathobatis Judgestacus. (Gluofliere ) —— /ndividu jeune’ [a L / ” [2 41 coléitibe Lg iihhgt ns Crise tain