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4r
ABRÉGÉ
CHRO N O LO G I Q^UE
D E
L'HISTOIRE
D'ESPAGNE,
Depuis fa Fondation JHf^H^aû préfent Règne;
Par M. Des ORMEAUX,
TOME K
A P A R I S ,
Cher N.B.DucHESNE^ Libraire, rue S. Jacques^
au-defTous de la Fontaine S. Benoit^
au Temple du Goût.
m
MDCC LVIII.
■jAvec AffrolfAtion & 'Privjikgt dn Roi.
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CHRONOLOGIE DES ROIS
Contenus dans ce Volume.
CHARLES IL
XL Vil. Roî, ("Charles- Joftph-Joachîm- An- toine-Léonard ) ,né le fîx Novembre \66i « mort le premier Novembre 1700, enterré à TEfcurial ; en lui finit la Maifon d'Autriche Efpagnole. Il vécut trente-neuf ans moins fîx jours g & régna trente-cinq ans , un mois & treize jours; enterré au Panthéon de TEfcu-» riaL
Femmes. DonaMarie-LouIfed'Odéanst fille du Duc d'Orléans , frère de Louis XIV. morte en 168^ à rage de vingt- (èpt ans.
Dona Marie-Anne de Neubourg , fille de TE- ie<fteuf Palatin , morte à Guacraiafcara le feize Juillet 1740 à l'âge de folxantê & douze ans*
PHILIPPE V.
XLVIII. Roî , né à VerfaiUes le dix-neuf Dé- cembre 1685 , proclamé en vertu des droits de ion ayeule Marie-Thérefè, Roi à Madrid )^ vingt-quatre Novembre 1700,. mort le neuf
' Juillet ji 74^ f^terré ^dans l!£gÛ{ê Roy^jle da
Aij
\
Chronologie
i>amt Ildefonfe^ il vécut foixante-deux ans, ^ . ftc mois & vingt-huit jours , régna avant fbti abdication vingt -trois ans , un mois > feize ' jours» & après qu'il fut remonté fur le Thrô- ne , vingt- un ans , dix mois & neuf jours ; en tout quarante-cinq ans moins cinq jours , en»- terré dans TEglife Royale de Saint lidefonfe» Femmes. Dona Marie-Louife de Savoye , fé- conde fille de Viftor Amedée , Duc de Sa- voye , Roi de Sicile , & enfuite de Sardaigne > morte le quatorze Février 17 14 à Tâge de vingt-cinq ans, pona Ëlifabeth Farnefe , fille d'Edouard Far^ nefe , Duc de Parme & de Plaifance , née le vingt-cinq Odobre i6pz*
Enfans de la Reine Marie-LoufferGalrielle
de Savoyep
D. Louis > depuis Roi fous le nom de Louis I« "D. Philippe , 'mort jeone. ' D, Philippe-Pierre-Gabriel , mort jeune. D* Ferdinand , aujourd'hui Roi d'Efpagne.
De h ^.çine El'ifybeth Farn^fç^
D. Carlos y me le deux Janvier 1716 , Hoi des Deux Siciles & héritier préfomptif de TEipa^ ■pagne. "
D, Philippe ^^. mort jfiune^ ,
D. Philippe ,' Duc cfe Parme , de Plaifance & de Guaflalla , ni le quinze Mars 1.7 ip.
p. Louis-Àntoîne- Jacques , ci-devant Cardinal Archevêque de Séville Çc de Tolède.
.bona Marie-Anne- Vidoire, Reine de Portugal,
jpona Marie - Therefe , Dauphine de France ^
' piprçfle vîflgf^ deux juillet 174^^
DES Rois d'Espagne* y
Dona Marie Antoîne-Ferdinande, née le dîx-fept Novembre 1719 9 époufe du Duc de Savoyp.
L O U I S I.
L. Roi , né à Madrid le vingt- cinq Août 1707 $ Roi par Tabdication de Philippe V* Ton père le àix Janvier 1714 > mort le trente-iin Août de la même année à Madrid > enterré à TEfcu- rial ; il vécut dix-fept ans & fix jours» & ré- gna fept ipois & onze jours*
Femmes. Elifabeth d'Orléans, motte à taris le fêize Juin 1742 à l'âge de trente-deux ans 9 fix mois & cinq jours. * <
1*.^
FERDINANDVI.
LL Roi , né à Madrid le vingt-trois Septembre 1713, proclamé Prince des Afturies à Madrid 1725 , Roi par la mort.de Philippe V* fon pcre Je neuf Juillet 174^.
Femmes. Dona Marie de Portugal , fille de Jean» VI. Roi de Portugal , née le quatre Déeenv bre I7II,
ROIS DE PORT [/G AL,
«
ALFONSE VI.
Furieux & imbécille, régne en i^f<f,eft pri- vé de la Couronne & de fa femme par fon
^ • • •
Aiij
Chronologie &€.
ftere Kerre II. en 1667^ & cooiêrve le thre de Roi jti^o'eii 16S3 , qa'il nieiiit apiès m» règne de vâigt'fèpc ans*
PIERRE II.
•
Lui Cuccéâ^ en T ^8 3 , & meurt en 170^9 après un règne de yingt-trois ans : c'efl ce Prince qui a commencé à Ce mettre dans la dépendance de l'Angleterre par des traités de commerce & d'alliance qui ont anéanti les manu&âures % Se la culture du Portugal»
JEAN V.
Son fîklul îûccéde en 170^ , 8c meurt en 17^0 9 aprS quarante- quatre ans de règne ; grand Roi , s'il n*eût encore reflèrré les chaînes qyi attachent le Portugal à TAngleterre»
ABRÉGÉ
CHRONOLOGIQUE D E
L'HISTOIRE
D'ESPAGNE,
CHARLES II.
JA Reine, ea venu du tefta- i$gr, ment de Philippe IV. fut re- connue en cjoalité de Régen-, te. On avoir défigné pour foa confeil , avec voix feulement confitlta- tive , le Comte de Caftriglio Préûdent du Confeil de Caftille j Dom Chriftoval Crépi , Vice-Chancelier d'Arragon , le Cardinal d'Arragon , le Marquis d'Ay- Tomt f^. A iv
«1
È HiSTO IR E
tonne & le Gomte de Penneranda ; Dom Juan d'Autriche , le feul homme capable de gouverner dignement FEtat , étoit oublié ; la Reine craignoit- elle que ce Prince habile profitant de l'amour de U Nation n^ufurpât le thrône fur fon fils ? Ce n'eût pas été le premier exemple en Efpagne d'un bâtard parvenu à la Cou- ronne.
Le jgune Roi fut proclamé à Madrid le quinze Oflobre , & enfuite dans tou- tes les Villes de la Monarchie avec lesi cérémonies ordinaires ; on nomma le Cardinal d'Arragon , Archevêque de Tolède & Grand Inquifiteur , ce qui lui donnoit un pouvoir & des richefles im.- menfes i mais il ne garda pas ttWt dernière dignité que îa Reîne conféra au Père Evrard Nitard , fon Confef- feur , fon Miniftre & (on confident.. On s'apperçut bientôt à la Cour que ce Jéfuite Allemand , homme fier , géné- reux & défintéreffé n'avoit ni l'étendue d'efprit , ni les talens , ni le manège^ ni les connoiflances néceflaires pour gou- verner une vafte Monarchie. Les Grands devenus puiffans par la foibleife des deux derniers Gouvernemens & par une ml*
d' £ S P A G N £•
norité , fe déclarèrent prefque tous coihj tre Nitard , & foutinrent D. Juan d'Au- triche fon ennemi ; le Jéfuite témoigna d'abord du courage & de la grandeur d'ame iCefivous ^ difoit-il à un Grande qui me devez» dié refpeS , a moi qui ai tous les jours votre Dieu entre Us mains , & vo^ ire Reine à mes pieds. Mais les obftacles
3u'il ne put vaincre lui firent compren- re qu'il eft plus aifé de gouverner une femme dévote & bornée , qu'une Cour orageufe ^ & des Grands fiers & mutins. La Cour confentit que TAmbafladeur d'Angleterre ( Fanshau ) s'abouchât à Salvaterra avec le Comte de Caftelmel^ hor , premier Miniftre de Portugal pour conclure la paix entre les deux Couron- nes : la Reine donna d^autant plus volon- tiers les mains à cette négociation , qud l'Efpagne étoit menacée d'un ennemi bien plus redoutable que l'imbécille & furieux Alfonfe VI. Je veux parler de Louis XIV. qui vouloit faire valoir les droitsde ta Reine fonépoufe fur certai- nes Provinces des Pays-Bas que la Cou- tume & la (4) Jurilprudence da Pays^
(a) La Loi àe dévolution avoir lieu , fùr-tcuc cm Bfabanpt
lO Hl STO I RE •
■I ri—— ■ — — — — ^^— — .
tranfportoient aux filles du premier lit ,. au préjudice des mâles qui étoient venus d'un fécond mariage. Les François éta- blirent les droits de leur Reine dans de longs manifeftes. On y répondit par d'autres écrits , & on oppofa fur- tout la renonciation de Marie - Therefe ; mais quand cette renonciation n^eût pas été nulle en elle-mêrpe par rapport à la Mo- narchie , ne rétoit- elle pas vîs-à-vis de ce droit particulier ; d'ailleurs , encore une fois la dot 5 au moyen de laquelle on l'avoit forcé de renoncer, n'^ayant pas été payée , la reine rentroit fans dif- ficulté dans fes droits.
L'efpérance de profiter des trou- bles & du mécontentement que la fu- reur & les excès du Roi de Portugal ne gôuvoient manquer d'exciter dans foa .oyaume , firent tirer la négociation en. longueur de la part de TEfpagne ; la Ré- gente fe fiatta que toute l'Europe fe li^ gueroit pour arrêter Louis XIV. dans les- projets fur les Pays-Bas : c'étoit mal rai- fonner; l'Empereur n'avoit ni argent, nt troupes ; l'Angleterre & la Hollande fe- faifoient une guerre implacable , la moi- tié de TEmpire étoitdans Les intérêts da
d' Espagne. ii
Roi de France ; Louis étoit feul en Eu- rope heureux , riche & puiffant ; l*Efpa- gne ne prit pomt départ aune guerre qui s'éleva entre la Hollande & TEvêque de Munfter fur les frontières d^ Pays-Bas ; la France & le Dannemarck s'étoient déclarés pour les Etats- Généraux contre les Anglois.
On ne put réfîfter cette campagne à Schomberg qui eut plufieurs fois l'avanr tage fur les Généraux Efpagnols; au<» cun d'eux n'ofa en venir aux mains avec lui 9 & on lui laiifa tranquillement enle- ver des Villes , & ravager l'Eflramadou^ re ; le Prince de Parme , fur les fins de la campagne tailla en pièces quatre Régl-^ ments de cavalerie Pdrtujeaife.
Les Maures levèrent le fiége de Lara* che fur la côte d'Afrique , après avoir perdu deux mille hommes devant cette ' Ville défendue par deux cent cinquante Efpagnols.
La Reine Douairière de France , Anne d'Autriche étoit morte le vingt-cinq Jan- vier ; fa mémoire eft immortelle en France où elle porta k goût , la politeffe , & ce talent charmant pou* la Société qui dif- tingpe lei François de» autres Peuplesl.
Avj
12 H I S TO IRE
— •
On croit que fi cette Princefle eût vécui plus long-tems , Louis XIV. à fa confi- dération n'auroit pas attaqué les Pays- Bas Efpagnols ; la paix des Pyrénées qui /fut à la vérité l'ouvrage de Mazarin , n'a- voit été négociée que par les ordres réi- térés de cette grande Reine.
La Reine de Portugal , Louife de Guz- man , dépouillée du Gouvernement par fon fils , mourut dans un Couvent de Lis- bonne le vingt-huit Février. La Maifon de Bragance lui doit la Couronne qu'elle porte aujourd'huL La PrinceflTe dont je viens de parler, foufFrit fa difgrace avec le même courage qu'elle fit paroître à la tête des affaires. ^66 j. Le Comte de Sandvich , nouvel Am^- baffadeur d'Angleterre , fit renouer les conférences pour la paix avec le Portu- gal ; les ennemis furent repouffés de de- vant Gurumena &Albuquerque ; raais le Roi de France que la cour de Madrid eût ©û fatisfaire par la ceflîon de quelques. Villes dans les Pays-Bas , profitoit habile- ment de rétat de FEurope pour faire la conquête prefqu'entïere des: Pays-Bas.; fuivi de Turenne & de foixante mille. iu>mme9^^ il conquit Amentieres^ Bec-^
D* Espagne. ij
i>*
gués , Furnes , Charleroi , Ath , Tour- nai 9 Douai , Courcrai , Oudenarde f Aloft , Lille; il vainquit le Général Mar- fin le trente-un Août : d^ tels progrès * auxquels l'Europe n'étoit plus accoutu- mée , fufpendirent l'animofité de TAngle- terre & de la Hollande , ces deux Puif* fànces également effrayées des^ fuctès Jbrillans de I-ouîs XIV, lignèrent la paix à Breda le trente-un Juillet pour arrêter de concert la fortune de la France. La Régente ne put envoyer te moindre fe- cours d'hommes & d'argent d'ans les Pays-Bas ; eHe fé contentoit de faire dire par le Roi fon fils , lorfque les Grande venoient lui faire la cour :. défendez^-moi ^ je jms innottm.
Sur les frontières du Rouflîllon H y eut quelques hoftilités qui n'aboutirent à rien. Le Roi de France ne déclara point la guerre, regardant fon: entreprife com- me une fimple prife de poiTefiion dea Etats qui étoient dévolus a fon époufe r mais l'Êfpagne la lui déclara avec les foi:^ malités ordinaires. •
Par une révoUitiorr inouie , le Rof de Portugal fe voit enlever en même-tems» par foa frère D. Pedro & fon^ époufe- &
14 Histoire
f^ Couronne. La Reine qui étoitl^rançoi- & {a) de nation^prétendit que Ton mariage n'avoit pu être confommé par Alfonfe , * & qu'il lui étoit Ubre de fonner de nou- veaux liens y même avec le firere de fon mari. Le Roi preoôit toutes fes maîtrefles qu'il avoir eues en grand nombre pour témoins de la fauflfeté de l'accufation , & demaTidoit à faire fes preuves. Perfon- ne ne s'intéreiTa pour lui , & il fut con* traint de figner fon abdications après
auoi on le relégua aux Terceres. Ten- ant tout le tems que vécut cet imbé- cille Monarque, D. Pedro ne prit que le titre de Régent. En mil fix cent foixan- te-quinze on tranfporta Alfonfe dans une fortereflè de Portugal oii il mourut après
Ls^oir pallé huit ans. Le Chapitre de ifbonne 5 pendant la vacance au fiége, déclara nul le mariage de la Reine , & cette Princeffe , au moyen d'une difpenfe qui lui fut accordée par le Cardinal de Vendôme fon oncle , Légat à Utere en France, époufa le Régent, & conferva foiî titre dé Reine. 008. Le Roi de France ajoute aux conquê-
ifi) Elle écolt fille du Pue dé Nemottrs»
d'Espagne. if
tes de Fannée dernière celle de la Fran* che-Comté en quatorze jours ; cette Pro- vince eût pu tenir des campagnes entiè- res ; mais les armes & Tor de Louis XIV- avoient engourdi le courage & les mains de tous les Gouverneurs ; cette nouvelle* confterna la cour d& Madrid , & la forçai; enfin de figner la paix avec le Portugal ^ ce Royaume fut reconnu pour libre & indépendant y & on ôta du blafon d'Ëf- pagne les armes de Portugal ; la Ville de: Ceuta qui en mil fix cent quarante n V voit pas fufvi le torrent de la révolu- tion ; refta à TEfpagne ; tel fut le fruit honteux du defpotifme d'Olivarrès , & d'une guerre de vingt-huit ans qui ache- va d'anéantir ks forces de la-Monarchie: Efpagnole ; le Marquis de Liche , pri-^ ibnnier de guerre à Lifbonne depuis ia> bataille d^Efiremos-, négocia ce traité honteux dé concert avec l'AmbaiTadeur Anglois Sandvich.
D. Juan d'Autriche refufoit ©piniâ-^ trément Iç gouvernement des Pays Basr & fe plaignoit que là Reine ne vouloit l'y envoyer que pour lui faire perdre fa réputation , attendu qu'il ne sV trouvoit fil troupes i ni argent j depuis long<^tems:
%6 Histoire
ce Pïînce Ibaffiok avec impatience de fe voir exclus du GouTernement oà Tap-» pelloieQt fa naiflànce & (es tatens*
* L*Angleterre , la Suéde & la Hollan^ de (è bâtent de figner un traité de ligue oiJènfive & défenfive pour conferver le refte des Pays-Bas à TEfpagne ; le Che- valier Temple , Anglob, mortel ennemi de la France , fat Fauteur du traité.
Le Roi de France , pour ne pas s'at- tirer fur les bras la meilleure partie de FEurope , fit partir fes Miniftres pour Aix- la -Chapelle où l*on figna le traité qui lui aiTuroît f^s conquêtes dans le^" Pays-Bas , à condition qu'il reftitueroit la Franche- Comté.
Le Czar Alexis Michaëlowitz envoya à Madrid une célèbre ambaffade , la Mof- covie n'en avoit point encore envoyé en Efpagne. L'Ambaffadeur propora urr traité de Commerce entre les deux Na- tions. Que pouvoît-on attendre d'un pa- reil traité ? Les Mofcovites plongés dans la barbarie , ne pouvoieiit voyager en Europe , & les Efpagnols , Nation indo- lente , s'il en fut jamais , étoient-ils gens i commercer au fond du Nord ? " D. Juan, ofa blâmer tout haut la pake
d'Espagne. 17
d»>
d'Aix-là-Chapelle ; mais c'eft qu'il étoit mécontent de la Cour , car on devoit fe trouver heureux d'avoir obtenu la refti- tution de la Franche - Comté ; le Duc* d'Aremberg obtînt le Gouvernement de cette Province , qui en conféquence de fes privilèges n'avoit point eu jufqu'alors de Gouverneur , & ne payoit point d'im- pôts ; le Comte de Comerano , Vice-Roi de Sardaigne , eft aflafliné dans fon palais par les amis du Marquis d'Achi en repré- lailles de la mort de ce dernier que Ca- œerano avoit fait poignarder; on envoya dans l'Ifle le Duc de S. Germain avec un pouvoir abfolu pour punir les coupa- bles ; ce Seigneur fat obligé d'avoir re- cours aux armes , de livrer des combats» & de prendre des Villes avant que de pouvoir réduire la moitié de la oardai- gne révoltée en faveur des amis du Mar- quis d'Achi.
Les Payfans du Royaume de Valence font taillés en pièces par des troupes réglées avet lefquelles ils oferent en ve- nir aux mains* Tous ces troubles en an- nonçoient de plus grands ; Dom Juan > à la tête de plufieurs Graifds , imputoit au Père Nitard les malheurs du Royau*
l8 Hl s T O I R £
me r tfc il voulut le faire enlever ; la Reine înâruke du complot , relégua le Prince à Confuegra, & faifit fes revenus & fes penfions ; mais D. Juan fe fauva en Arra- gon , prit les armes , s'empara du châ- teau de Jacca , & menaça la Reine d'une guerre civile 9 à moins qu'elle ne ren- voyât en Alkmagne fon Confeflèur & fon Oracle* ^66$. te pdf ti At ty% Juan fe fortifia en peu de terni au point de faire trembler la Ré-
Snte* L'Afrâgon , la Catalogne , les ucs d^Ortbne & de Tlnfantado , le Mar-* quis de Liche , prefque tous les Grands^ fe déciarcrent pour !)• Juan ; ce Prince marcha droit à Madrid avec deux mille chevaux ; la Reine & fon Miniftre qui voyoient l'orage fe former depuis un an , n'eurent pas Tadreffe de le diffiper ; le Duc de l'Infantado & le Marquis de Li- che montèrent à la chambre de la Reine , & la forcèrent à confentir à l'éloigne- ment du Père Nîtard » la Reine verfa des larmes avant que de (bufcrire à cette propofition ; mais le Jéfuite partît de la Cour la nuit du vingt-cinq Février ; on lui oflfrit en vain de la part de la Reine des fommes confidérables : J^le?^ , répon-
/
d' E s P A G N E. Ip
dit-il avec grandeur , non , je fuis entré fauvre Religieux en Efpagne , fen fortirai de même. Il fe rendit à Rome oà la Reine
3ui refpedoit fa probité & fa vertu , le écora de la qualité d^Ambaffadeur d'Ef» pagne , & le fit élever quelques années après au Cardinalat.
Sur ia nouvelle de la difgrace & de l'exil de Nitard > D. Juan qui étoit aux portes de Madrid ^ fe retirai Guadala- xara ; il négocia de-là avec la Reine qu'il venoit d'humilier ; la PrinceiTe accaSlée accorda à fon redoutable ennemi ^ tout ce qu'il ofa exiger ; «D, Juan obtint des grâces pour fes amis , l'éreélion d'un nou- veau Conièil qui devoit être uniquement occupé à chercher les moyens de fouh-
fjer les Peuples, & ne demanda rien pour uij cet oubli politique & l'ardeur avec laquelle il avoit ftipulé les intérêts des Citoyens, lui gagna tous les cœurs; il n'y avoit pas un Efpagnol qui ne le fût facrifié pour ce Prince , qu'on appelloit tout haut le père de la Patrie : l'amour qu'on avoit pour lui éclata bientôt après. La Reine n'avoit cédé qu'en frémiflant , & pour conjurer l'orage qui auroit pâ fondre fur elle-même comme fur fon Mir-
22 Histoire ^
pour éclater , fentît qu'elle étoit moins en état que jamais de réfifter à une révol- te générale j remplie de la jafte crainte qu'un ennemi qu'elle avoit tant perfé- cuté , ne profitât de la faveur publi- que pour l'éloigner de la Cour , & peut*- •étre pour enlever la Couronne à fon fils, elle le hâta de conjurer l'orage par des Ibumiffions ; elle confentit par un nou- veau traité à partager avec lui le Gou- vernement de la Monarchie ; en confé- quence D. Juan fut déclaré Vicaire Gé- néral de la Couronne dansl'Arragon , la Catalogne , Valence , les Baléares j la Sardaigne ; il établit fa Cour à Sarra^ goflfe ; le Duc d'Oflbne obtint le Gou- vernement du Milanez ; le refte de la Monarchie qui comprenoit la Caftille, l'Amérique , les Pays-Bas , le Royaume de NaplÉs , demeura à la Reîne qui con- ferva la qualité de Régente , fie te nou- veau Régiment des Gardes à pied. Dom Juan lui facrifia auflî les intérêts des Peu- ples qu'il avoit paru embraffer avec tant ' d'ardeur & de ^éfintéreffement. La Rei- îie profita de ce calme paflager pour dé- fendre fous peine de mort à tous les Q- ttoyens de Madrid qu'elle haiifoit , Ôc
d'Espagne. 21
rent entrevoir qu'on fe méfioit d'eux , &c qu'on v.ouloit uir-tout infpirer au jeune Roi l'idée de régner par la terreur. Les uns lèc les aujtres fe rappelloient avec douleur le tems où leurs Rois les plu3 çuiffans de l'univers habitoient un palais acceflible à tous les Citoyens , & fe pro- /nenoient dans la Capitale , comme de^ pères de famille au milieu de leurs en- cans , fans autrje efcorte que l'amour, la tendrelfe & le refpeél de leurs Sujets 5 on plaignoît D. Juan que la Reine avoir trompe, & qu'elle alloît accabler , & enfin on eut recours à lui, comme au héros & au vengeur de la Patrie immolée par unç Reine incapable de régner , & par des Miniftres fans honneur ; D. Juan qui mal* gré fa feinte modératiQn n'afpiroit qu'à dépouiller fa belle-mere , ou ^u moins à partager ^vec elle le Gouvernement , ccout/ les plaintes des mécontens , fe joignij: à eux ', & men;aça la Reine des horreurs d'une guerre civile , fi le Régi- inent dp$ Gardes n'étoit licencié , & fur? tout fi p.n n'adouciflbit le fort des Ci- toyens opprimés j la Régente qui s'étoiç apperçue que les Grands & le Peuple B'^tfe»dpiçnt (jue Je fignal fiç p. Jij^fj
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riqiî^
d'Espagne. ay
rique de cette poignéç de brigatids'; mais Rome trouva un vengeur dans Pompée y tandis que l'Amérique en attendit un en vain d'Efpagne. Il n'eft peut-être pas inutile d'obferver que les enfans des con- quérans du nouveau Monde avoient tel- lement dégénéré de la valeur dç leurs Pères, qu'à peine deux mille Américains E/pagnols ofoient en venir auif mains avec deux cents Aventuriers. ' Là Régente fe (îgnala par une adlion qu'on n'étoit pas , ce femble , en droit aattendre d'une Princefle foible & fu- perflitieufe ; elle ofa fupprirper dans le Milanez , fans le concours du S. Siège , une multitude de petits Côûvens remplis d'hommes oififs & inutiles à TEtat. Le Pape fe plaignît , mais on l'appaifa , moyennant quelques légères fatisfac- tions; Clément Ia. étoit trop fage , trop éclairé , trop ami de l'ordre pour ne pas fentir l'abus de pareili établiffemens , & ne pas approuver leur fuppreflîon.
L'Efpagne accéda cette année au trai- té de Weumînfter conclu l'année précé- dente entre l'Angleterre , la Suéde & la JîoUaride pour lui garantir les Pays-Bas qu'on- craignoit que la France n'englou- Tome r. . B
7.6 Histoire
tît : ea recoonoiflânce des lècoursrqiiê promettoit la Suéde « la Cour s'engagea a lui payer chaque année un fûbfidc d'uo million.
L'amitié que la Régente confeirvok pour le Jéfuice Nitard qu'on vencMt de lui arracher ^ lui attira encore un nouvel aflfront ; elle avoir demandé pour lui aa Pape un chapeau de Cardinal ; mais le Confeil d'Etat l'exigea en méme-tems , & Tobtmt pour l'Abbé Portocarrcrcf; mais la Reine eut le courage de braver toutes les contradictions qu'elle eiTuyoit au fujet de cet ancien favori ^ & lui ob- tint enfin dans là fuite y comme nous l'a- vons déjà dit 5 cette dignité éminente* iCno* Cependant le cri des Peuples aban-* donnés par D. Juan effirayoit la Reine ; ils fe plaignoient qu'on les accablât d'im- pôts en pleine paix 5 & qu'on laiflat fub- Efter les abus qu'on avoit promis de fup- primer ; la Cour , pour ne pas les aigrir davantage, établit . un Confeil 9 ou une Junte 9 qui ne devoit être occupé qu'à re- trancher les dépenfes inutiles de la Cour , & à rétablir les finances ; mais il eut fal-* lu de la vigueur , du concert & de Th^ bil^té dans ceux qui compofpient ce Qou-
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veau Confeil , & il en fut de cette nou- velle inftitution comme de toutes les au- tres , elle devint inutile , ou plutôt oné- teufe ; les membres qui compofoient It Tribunal tirèrent de gros appointemens, reçurent des préfens , & fermèrent les yeux fur les brigandages des Financiers^ fur les ufurpations du Domaine Royal & fur les abus} ce Confeil & tous.les autres Confeils fouverains étoient eux mêmes des abus ; ils étoient remplis d'une foule inutile dç Magiftrats' & d'Officiers qui abfbrboient des fommes immenfes par leurs appointemens, & ne terminoient rien ; on jugera de ce que ces CMîciers coûtoîent à la Couronne, quand on fçau- ra que le feul Chancelier du Confeil des Indes Occidentales , ou de l'Amérlbue tiroit de fa charge plus de cent mille du- cats par an , & que chaque Membre jouit foit a' proportion d'un revenu confidé^ rable ; le Maître de l'Amérique ruiné en- core plus par fes courtifans , fes Finan-^ ciers & une foule de gens inutiles que par de longes guerres , ne jouiflfoit pas de plus de lept millions , toutes dépenfes faites pour loutenir l'éclat de fa Cou- ronne , & pour défendre fes Etats en tems de guerre. B îj
^S ' Histoire
Une querelle éclatante de D. Juan d'Autriche avec le Comte d'Âranda y Gouverneur de Sarragofle , & créature de la Reine , manqua de rallumer la guer- re civile ; le Prince fe plaignit que le Comte eût attenté à fes jours par le poi- fon ; il ne nommoit pas la Reine , mais il n y avoit perfonne qui ne $'apperçût qu'il la foupçonnoit d^être Fauteur fecret de ce crime ; le Comte innocent fe défendit avec çQurage ; la vérité perça , & D.Juan s'apperçut qu'il avoit été trompé par D, Antoine de Cordoue , délateur du Com- te d'Aranda : il abandonna l'impofteur au reffentiment de la Reine qui lui fit couper la tcte.
Le jeune Roi eft attaqué d'une mala- die^qui le conduit aux portes du trépas, A la nouvelle du danger d'une tête lî préçîeu(e, l'Efpagne fut dan^ les plus vi* ves allarmes ; l'Europe trembla , elle ne pouvoit regarder fans frayeur Louis XIV, jeune , vainqueur , puiflant , prêt à unir ^ fes Etats la plus vafte Monarchie dç l'Univers, Oq n'apprit par-tout la cpn- valefcence du Roi qu'avec tranfport ; ai^ refte , le retour de la fanté de Charles II, nç 6t que dilférçr les malheurs ^ Içs guçr^
I>' E s P A G N E. ±^
tes & la révolution qu'on prévoyoit à la mort du jeune Roi.
Cadix effuya cette année un ouragan 16'] qui renverfa une multitude d'Eglifes» de palais & de maifons ; un grand nombre de Citoyens périt accablé Tous les débris des bâtimens renverfés ; 60 vaiflfeaux fu- rent engloutis dans le Port ; vers le mê- me tems le feu prit à TEfcurial , confuma une partie de ce fuperbe édifice , & en- tr'autres la bibliothèque la plus précieufe & la meilleure qui fût en Efpagne.
Il femble que chaque jour de ce mal- heureux règne devoit être funefte à quel» que partie de la Monarchie ; le célèbre Morgan , à la tête de fes Flibuftiers , s'empara de Tlfle de Sainte Catherine , furprit Porto-Bello pour la féconde fois , & Panama; dans cette dernière Place il fit un butin de plufieurs millions.
Les malheurs de l'Efpagne , la foî- bleffe de la Régente , la défunion & là moUeffe des Grands & du Peuple fai- foient perdre infenfiblement aux Efpa- gnols la haute confidération dont ifs avoient joui en Europe , & fur-tout en Italie depuis près de deux fiécles ; les Papes n*avoient pfé accoirder de Bulles
B iij
30 Histoire
aux Evêques de Portugal depuis la révo- lution de mil fix cent quarante , dans la crainte de choquer la Maifon d'Autriche qu'on regardoit toujours comme l'arbi* tre de l'Italie; Clément X. ( Altieri) leur en accorda cette année malgré les intri- gues fecrettes de l'Efpagne. La Cour n'avoit renoncé qu'extérieurement à fe$ droits fur le Portugal, elle attendoit une occafion favorable , des tems plus heu- reux pour réunir une féconde fois ce Royaume à la Monarchie ; le Cointe de Gaftel-Melhor , autrefois premier Mi- nillre & favori du Roi déthrôné , paffa à Madrid dans Tefpérance d'engager la Régente à rétablir Alfonfe VI, mais Ité- rât des finances , la crainte des armes de Louis XIV. allié du Régent de Portu-
Sal , & l'inquiétude que donnoit D. Juan, ont les deffeins fecrets étôient d'ache- ver de dépouiller la Reine , ne permirent pas d'écouter .des ouvertures qui au- roient pu être fatales à la Maifon de Bra- gance.
/ Louis Xiy. négocioît alors auprès de la Reine pour la détacher de l'alliance de la Hollande dont il avoit médité la conquétç pour fe venger des obdacles
d'Espagne. 51
que cette République avoir apportés à (es fuccès en nril fix cent folxante-huît. Uéloquclice du Marquis de Villars , Am- baffadeur de France , ne perfuada point Anne d* Autriche ; Texemple de TEm- pereur 5 de k Suéde & de l'Angleterre quî avoient abandonné cette Républi- que au reflfen^iment des François , ne Pébranla point. Elle ne ceiTa jamais de fépondre à toutes les inftances de Vil- lars y que rien au monde ne lui feroit manquer de foi à fes Alliés ; cette fer- meté coûta cher à la Monarchie.
Les préparatifs immenfes de la France 1 572* înquiétoient étrangement la Régente ; elle craignoit que Louis XÏV. irrité de ce qu'elle Ji'eût pas voulu abandonner les Hollandois à fon reffentiment , ne fondît fur les Pays-Bas , & ne les enva- hît en un feule campagne. On fe hâta d'envoyer des ordres en Flandres pour fe préparer à une vigoureufe défenfe j les allarmes cefferéht , iorfqu'on apprit que Louis XIV. à la tête de cent mille hom- mes , & fuivî de fes Généraux alors les plus habiles de PUniyers , étoit entré en Hollande ;• mais la terreur fe répandit dans toutCL l'Europe ^ quand on fçur
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qu'en moins d'un mois le Rch de France avoit pris quarante Places fortes , & coi|- quis les deux tiers des fept Provinces ; qu'Amfierdam n'av<Mt été fàuvée que par Indolence d'un Officier François
2ui négligea de s'emparer des £clu« s de Muyden ; cependant le courage défefpéré des Hollandols qui , après avoir en vain oppofé au vainqueur leurs fortercfles , leurs fleuves & leurs armées , venoient d^nonder eux-mêmes ce qui leur reftoit de Pays pour arrêter le vain- queur , détermina lEfpagne à leur en- voyer les fecours qu'ils réclamoient avec înftance ; Marfin marcha avec dix ou douze mille hommes , & joignit le Prince d'Orange à qui un Pani puifTant avoit ifiamolé les de Vits , les premiers Magif- uats de la République , 6c fes ennemis ; la Hollande accoutumée à voir dans les Princes d'Orange fes Péros & fes ven- geurs, venoit d'élever à la dignité de Stadhouder Guillaume qui n'avoit que vingt-un ans. .
La puiflance énorme de Louis XIV. qui en un mois faifoit plus de mal à la Hollande que TEfpagne ne lui en avoit fait en loixante & dix ^ns de guerre , ef-
d'Espagne. ^s
fraya & étonna l'Efpaçne ; Charles- Quint n'avoit pas paru plus formidable ^ la liberté de la République Chrétien^ ne ; on fuppofoit au Roi de France une ambition plus ardî^nte & plus profonde avec plus de reffources & ae trélors, une meilleure difcipline 9 & de plus habiles Généraux, La fierté avec laquelle il parut triompher , & les conditions trop dures qu'il voulut impofer aux vaincus qui im-
floroient la paix en fupplbns , rendirent la Hollande des Alliés que l'orgueil de cette République avolt écartés pendant fa profpérité j déjà l'Eleéleur deferande- bourg , d'autres Souverains de l'Empire j& leur Chef Léopold , qui tous avoient fouhaité Thumiliation de la Hollande , & non fa deftruélion , fe déclaroient en fa- veur de la République ; déjà les Anglois mêmes qui avoient cônfpiré de concert avec les rrançoVs la ruine de la Hollande dont ils dévoient partager les dépouil- les , jaloux & inquiets des progrès rapi- des d'un Allié plus heureux qu'eux , cherchoient à fe détacher d'une ligue à l'aide de laquelle Louis XIV. auroit pu fe rendre maître de l'Europe. En attendant des fecours plus puif-
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fans , le Prince d'Orange fuivi des Efpa- gnols & de fes Hollandois , vint affiéger Voerden ; mais le Duc de Luxembourg accourut avec une armée inférieure , le vainquit , 8c lui fit lever le fiége ; l'afcen- dant que prît Pimmortel Luxembourg dans cette journée fur le Général des Hollandois , ne fè démentît jamais ; on fçait qu'il eut depuis la gloire de le vain- cre par-tout. Le Prince d'Orange , avec de nouveaux renforts , rétablit fon armée & vint alïîéger Charleroi , mais le mal- heur le fuivoit par-tout ; il fut obligé dé lever le fiége , & de fuir.
Ce Prince qui faifoit un apprentifla- ge fi malheureux de là guerre , étoit le plus heureux négociateur de fon fiécle ; îl avoit foulevé la moitié de l'Europe contre l'ennemi qu'il combattoit ; il re- çut alors de la Coiir de Madrid un hon- neur perfonnel: auquel il n'avoit guères iîeu de s'attendre ; ion Envoyé fut traité comme ceux des Ducs de Savoye &' de Lorraine, Si on eût dit à Guillaume le Taciturne profcrit & tué par les ordres de Philippe lï. que fa pofterité 8c la Ré- publique dont il étoit le fondateur ,fe- voient un fiéde après défendus ^ protêt
d'Espagmr jy
gés & honorés par rEfpa^ne , quel eût été fon étonnement f C*eft ainfî que Ui intérêts , les vues & les alliances chan- gent avec le tems & les circonftances, C'eft ainfi que les Oracles des Politiques ne font prefque toujours que des men- fbnges.
Cependant la protediôn accordée à la Hollande fut, comme nous verrons , fa* taie à TEfpagne ; il n'avoit pas tenu aux -Winiftres de Louis XIV. qu'elle ne lui «ût déjà été Funefte j quelques-uns d'eux avoient confeillé à leur Roi de donner là paix aux Hollandoîs , & d'envahir, les Pays-Bas. hé mont de cette guerre^ -eût été légitimé , & la'vîélôire certaine. li*laiftoire qui ne pardonne rien aux plus, eîands Rois , reproche cette inaftion à Loiiiè XIV. comme une de'fes plus gran- des fautes.
L^talie étc»t auflî le théâtre de la ^guêtre eBtre te Duc de Sarpye & la R^- publiqàe de Gènes ; la France protégeoit te Duc : îl falloir <jue rEfpagnè fecourût la République ; mais U en tut de cette gueçre comme d'une infinité d'autres qui lent oubliées > lorfqu'eHes n'cnt produk* d'autres éyewme» caie la mort de x^utS^'
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3^ HisToims
qncs mîIUers dlxMiiiDes ; on ne ie fou- TÎent que de celles qui ont changé la deP tinée des Etats : au refte , la paix fuccéda bientôt à la guerre par un traité conda 1 année fuivante. %6j}. La Régente (îgna un traité avec la Hollande , par lequel elle s^obligeoit de dédarer la guerre à la France toutes les fois qu'elle en feroit requife par les Etats Généraux ; la guerre fut en conféquence décbrée à b rrance , & le Prince d'O- lange no!niné Généralifnme des années Efpagnoles dans les Pays-Bas ; la Flan- dres , le Rouflîllon , lAlface Se enfuite la Sicile devinrent le théâtre de Cj^ue guerre 9 une des plus malbeureufesque rEfpagne ^t eflîi vées; l'Empereur , l'E- teéleur de Brandebourg , prefque tout l'Empire & la Hollande com^attpieot avec rEfpagne; le Roi de France,. mal* gré ce nombre infini d'ennemis , c<»iquit en perfonne Timporcante place de tJ^èC- tricht ; mais il fut obligé a'évacuer tou- tes fes conquêtes en Hollande; le Duc de Luxembourg raifembla Tannée fui- vante une armée difperfée dans quarante Places , & la ramena en l^jznce , malgré les obflac|es que tâcha ^'y apporter le
dEspagne, 37
Prince d'Orange avec une armée infini- ment fupérieure ; FEleôeur de Brande- bourg vaincu en détail , & pourfuivi par Turenne , dont l'armée étoit inférieure des deux tiers à la Tienne , avoit éii obli- gé de recevoir un traité de neutralité avec la France 9 pour ne pas expofer Tes Etats ; mais voyant la moitié de l'Euro- pe déclarée contre la France , il fe joi- gnit de nouveau aux ennemis de Louis XIV. malgré la foi du traité qu'il venoit de figner.
La Franche - Comté étoit le théâtre des troubles ; cette Province qui Tannée précédente avoit demandé & obtenu un Gouverneur Efpagnol , fe plaignoit que ce Gouverneur avoit déjà enfraint fes privilèges les plus grands qu'aucun Pays ût jamais eus; le Marquis de Difimteuxj de Vïllui&r^ Maifon de Beaufremont 5 étoit à la tête des Mécontens , & deman- doit hautement qu'on rappellât le Gou- >erneun La Cour céda , le Gouverneur fiit rappelle , &ç la Province rentra dans le devoir; la foiblefle du Gouvernement Efpagnol fi fenfible en cette occafion , eût peut-être moins déport à cette con- defcendance que la jufte crainte de voir
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la Franche-Comte fc jetter entre les bras de la France ; mws comment expliquer la conduite de la Cour , elle paroiflToit craindre que Louis XIV. ne conquît cet- te Province , & cependant elle ofa rcjet- ter les offres que ce Prince lui propofoit, de laifler la Franche-Comté neutre ; la. Keine demanda en vain aux SuiflfespaC' fage pour les troupes Efpagnoles & A1-* lemandes deftinées à la dérenfe de cette Province. Louis XIV. avoit pris les de- vants , & l'or de la France rendit les Suifles fourds aux prières de la Maifon d'Autriche. ^
Dom Pedrc , Régent de Portugal > àé^ couvrit à Liftonne une confpîration for- mée contre lui , & appuyée par TEfpa- ^ne en faveur du Roi déthrôné ; il donna ordre à fon Ambafladeur Govea de fe plaindre vivement à la Reine d*Efpagne; <jovea exécuta avec fierté les ordres de fon Maître , & employa les menaces ; mais le Peuple de Madrid ttouyz fes plaintes fi injurieufes àla Nation, qu'elle viola à fon égard le droit d« Gens ; on î'aflîégea dans fon Palais , on pSla fes ^équipages 9 oh mafTacra fes domefliques 9 &rÂaibafladeur lui-même n'évita unpa-
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Teil fort que par une prompte iaïtt ; U (oiblefTe feule du Portugal 1 empêcha dé venger tant d'outrages.
f impératrice Jmrguerite d'Autri- '
che , fœur du Roi & de la Reine de Frat\ce , mourut cette année à Tâge de vingt -trois ans; elle ne laifla qu'ufte fille , époufe de TElefteur de Bavière : de Ce mariage vint un fils unique , le Prince Eleôoral mort dans le tems que fes grandes deftinéeis , les vœux de TÈf-
Ï)agne , & les convenances de TEuropc 'appelloient au thrône de Charles IL li'Enapereur parut pénétré de la mort <le fon époufe , Princefle d'un mérite fu- périeur ; fà douleur & fes regrets furent^ tels qu'il protefta qu'il auroit abdiqué l'Empire , s 'il avoir eu un fils fur qui il p'ûtfe décharger du feirdeau du GouverJ- ïiement ; la Maifon.d*Autricheétoit alorè réduite à Charles II. & à Léopold.
Le Parlement d' A njgletérré força foii 1 6y^ Roi Charles II. Tami & le Penfionnairè de Louis XIV* de faire un trai;té de paix particulier avec la Hollande ; i'Efpagne ^ui eut beaucoup de part à cette récon- ciliation , n^oublia rien pour engager le JKoi Anglois à entrer dans la |;rande a}r
40 Histoire
liance, mais fes intrigues furent inutir les ; l*Eledeur de Cologne '&c l'Evêquç de Miinfter allié des François , fuîvirent l'exemple de FAngleterre. Le Roi de France fut réduit à fes propres forces j l'Efpagne & fes Alliés efpererent alors humilier à leur tour Louis XIV, Les fol- dats,de T Allemagne , l'argent de la Hol- lande y & fa marine qui n'avoit point fuc- combé fous les efFons de la marine An- gloife & Françpife , fortifioient encore les efpérances des Potentats ligués ; mais îl s'en fallut que le fuccès répondît aux
. jprojets; l'Efpagne fur-tout, éprouva les défaftres les plus grands , & fournit la
^matière des plus indgnes triomphes à la France. Au refte , à voirie peu d'efforts ue firent les Efpagnols pour fe défen- re, foît par une véritable impuiflance y foit plutôt par Pindolence & l'incapacité de la Reine : on n'auroit jamais cru qu'ils cuflent la guerre avec le Roi le plus re- doutable de l'Europe ; eux-mêmes n'au- roient pu fe Pimaginer , fi la conquête des Pays-Bas , celle de la Franche-Com- té, & de la Sicile prefqu'entiere , & la deftruûîon des relies de leur marine , ne leur eufTent appris que la guerre n'étoit que trop réelle.
a
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. On avoit eu quelque efpérance de la
Îliux au commencement de cette année ; es Miniftres des P.uiflances belligérantes s'étoient affemblés à Cologne pour tra- vailler aux moyens de la rétablir ; mais une adion violente de TEmpèreur qui , au mépris du droit des Gens , ofa faire en- Xetcr de Cologne le Prince Guillaume dé Furftemberg , Miniftre de TElefteur de Cologne , renverfa l'attente de l'Eu- ; r<^e. Le fier Louis XIV. demanda répa- ': fttidn de cet outrage, l'Empereur n*y répondit qu'en faifant itiftruire le procès du Miniftre de Cologne ; le Roi de Suéde dont on. avoit accepté la médiation, fe déclara en faveur du Roi ofFenfé , & oc- cupa par une puiffante divérfion les ar- mes du Dannemarck & du Brande- bourg. Cependant Louis XIV. en moins de fix fèmaines & pendant les rigueurs de rHyver avoit conquis la Franche- Com- té ; Dom François d'Alvey^a défendit avec quinze mille hommes cette Provin* ce mieux qu'elle ne Pavoit été en 1668 J mais que pquvoît-il contre cinquante mille hommes commandés par Condé & Luxembourg fous les ordres du Roi ; la Comté de fiourgoghe, cette Province
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fertile , TaccieB patrimoÎDe de la Maîfon de Bourgogne , fut enlevée pour jamais à TEfpagne ; elle étok y comme nous avons dît , exempte de tout impôt , & par con- iequent onéreufe à la Monarchie Efpa- gnole : aujourdliui qu'elle en paye de confîdérables à ion Roi , elle efl plus heu* reufe , plus peuplée & plus riche qu'elle ne Tavoit été fous la domination Autri- chienne; c'eft que les Rois de France ont fçu y faire naître les arts , le com- merce , & développer llnduflrie & le génie de fes Citoyens.
On efpéroit reparer ce défaftre dans les Pays-Bas ; le Prince d'Orange s*a- yançoit plein de confiance avec une ar^ mée formidable compofée d'Efpagnols , d'Allemands & d'Hollandois ; mais Con- dé qu'on lui avoir oppofé avec des for- ces inégales , profita bientôt d'une faute du Prince d^Crange qui , dans une mar- che lui prêta le flanc , tomba fur fon ar- riere-garde qu'il tailla entièrement en pièces. Ce grand fuccès ne coûta pas
1>lusdecent hommes au vainqueur ; il ne c regardoit que comme un achemine- liient à la deitrudion des trois armées réunies qu'il attaqua à Scncf & dans les
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Villages voifins. On combaftit de part & d'autre avec un acharnement fiiijeux. La nuit feule termina Taôron , & le fuo- cès fut indécis ; quinze mille Alliés & douze mille François relièrent fur le champ de bataille ; le Marquis d'Affen- tar , Général des Espagnols , fut pris , & mourut des bleffures reçues dans cet af- femblage de combats ; le Prince d'Oran- ge fe montra par fa valeur digne adver- faire de Conaé dans cette journée dont il ofa s'arroger l'honneur ; mais il fut obligé de lever honteufement le fiége qu'il étoit venu mettre devant Oude- narde, comme une preuve de fa préten- due viftoîre ; les Hollandois furent plus heureux au fiége dç Grave , qu'ils ne prirent pounant qu'au prix du fang de plus de dix mille hommes.
Les Allemands en Alface éprouvoient de plus grands malheurs que les Efoa-
fiois & les Hollandois dansées Pays- as ; Turenne triomphoit avec éclat dé toutes leurs forces réunies ; fa campagne regardée comme la plus fçavante &: la plus heureufe qui ait été faite par un Gé- néral moderne , conferva à fa Patrie là Lorraine , les trois Ev^chés , PAlface
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& la Franche Comté ; de foixante & dix mille Allemands qu'il combattit , ou pourfuivit avec vingt mille François , il n'en revint pas un tiers dans l'Empire ; le refte avoit été tué ou pris dans trois combats confécutife que gagna Turenne.
La guerre étoit auffi allumée fur les frontières du RouffiUon & de la Catalo- gne ; une armée Efpagnole pénétra juf- qu'ai^x environs du Perpignan , fous les ordres du Duc de S, Germain , & prit Ceret & Bellefi^arde ; mais elle fut banue près de Ceret le vingt- cinq Juin , & con- trainte d'évacuer fes conquêtes; les trou- bles qui éclatèrent alors en Sicile ne per- mirent de long'tems à la Cour d'entre- tenir une armée du côté des Pyrénées,
Meffine , jufques-là la Ville la plus fi- idele & la plus foumife de la Sicile j fati- guée de la dureté & du defpotifme des Gouverneurs Efpagnols , avoit envoyé pWifieurs Députés à la Régente pour ré- clamer {? protedlion & la coniervation de fes privilèges ; mais l'éloquence , les prières , les foumiflions des Envoyés n'ayant pu i ien obtenir de la Cour , Met fine choifit pour fon chef le Marquis de Trecaftagne ^ implora la proteétion de la
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France , èc le révolta ; la foible Reine offrit alors aux Meffinois tout ce qu'ils aboient demandé ; mais il n'étoît pla'> tems; des deux fadions qui partaeeoient la Ville , l'une appellée les Merli vou- loir qu'on acceptât les^offres de la Cour; mais l'autre appellée les Malvezzi préva- lut & introduifit les François dans la Ville ; la Sicile & les Mers voifmes de- vinrent le théâtre dç la guerre. •
Le Roi qui étoit entré dan? fa quator- zième année devoit , félon les Loix de l'Etat , être déclaré majeur, $c chargé des rênes du Gouvernement; n>ais les ordres du feu Roi qui a voit recommandé dans fôn teftament que la Reine ne quitteroit le titre de Régente que lorfque le jeune Prince auroit quinze ans accomplis j fuf- pendirent l'ufage ordinaire.
Dom Juan n'attendoit que la majo- l57J rite du Roi pour dépouiller la Reine de fon autorité, & la reléguer dans un Cou- vent ; les Grands & Id Nation étoient zélés pour fes intérêts; le Précepteur &ç
. {a) Me/fine fit battre une nouvelle Monnoye oîî. }'pn voyoic d'un côté une Aigle arec ce motj Lîhtrt tas , Ôc de l'autre un Lys ayec ces ;iioçs , Novofragraf
4(5 Histoire
le ConCefleur de Charles II. trahiflbient la Reine même à qui ils etoient redevables^ de leurs emplois , & ne ceffoient d'ex- horter leur Elevé de remettre le Gou- vernement à fon frère. Dans le tems que le Prince attendoit avec impatience à Sarragoffe TefFet de fes intrigues fecret- tes , il reçut ordre de la Reine de partir pour la Sicile , & d'arracher Meffine des mains des Françpîs ; D, Juan refufa avec hauteur cette commiffion , & demanda Qu'on eût à le reconnoître pour Infant û'Efpagne ; il ne cherchoit qu'à s'appro- cher du thrône , & à y monter dans le cas qu'il devînt vacant par la mort du jeune Roi dont la fanté étoit languiflan- te ; la propofition de D, Juan'qui fup- pofoît en lui une ambition profonde & refléchie , effraya la Reine , & fes refus l'indignèrent ; elle ne chercha qu'à le perdre ; pendant que l'un & l'autre etoient occupés de leurs funeftes querel- les, les aflfeires périclitoient; le Vice-Roi de Sicile Ferrandine ne put réduire Mef- fine après un long fiége ; il décampa au bruit des cris de joye des Meffinoîs qui reçurent avec tranfport uneefcadreFran- joife chargée dç vivres & dç munitions }
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ce fecours vint d'autant plus à propos ,
Sue les aflîégés n'avoient pas pour plus e deux jours de vivres : une flotte de quarante vaiiTeaux ou galères Efpagnols qui bloquoient Meiline , n'eut pas le cou- rage d'apporter le moindre obftacle à Tefcadre Françoife ; le Maréchal de Vi-» vonne amena encore aux Rebelles avec la même facilité un puiflant fecours ; la Cuéva , Général de la flotte , attaqua en- fin les François à la hauteur de MefTine ; mais malgré la fupériorité du nombre il fut vaincu , & perdit quatre vaiflfeaux : la Reine indignée fit en vain arrêter le Général avec fes principaux Officiers. Cette févérité ne rejidit pas le courage aux Soldats , & ceux qui fuccéderent à la Cuéva furent encore plus malheu- reux ; on découvrit en même-tems une conipiration à Palerme pour livrer la yiile aux François. Il eft confiant qu'un Général plus .aâif que Vivonne , & des Soldats plus fages , plus difciplinés que les Françoîi auroient pu réduire la Sicilç qui voloit au-devant de la domination de Louis XIV, On le proclama folem- tellement Roi de Sicile à Meflîne; & fon i^énéral prit encore Agoufla,
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Ln Catalogne cm penBc qaelqaes pc* tites Places , Se dans Les Pays Bas IX* nant , Hui Se limbourg.
Les Alliés de TEfpa^ne étoient plus heureux ', TEmperenr 2toîc enfin oppo- ië Monfecjculiî à Turenne. Ces deux grands Capitaines , après des operatioDS qui feront toujours l objet de Tadmin-. tion de b pcfîérité , étoient prêts à [en venir aux mains , quand Turenne fut tué i cette mcrt imprévue qui concerna la France , fut fuivîe de la bataille d*Al«» tenheim , dont Tun & l'autre Parti s'at- tribua la gloire ; mais MontecucuUi pafla le Khin , pourfuivit les François , & me- naça TAllace ; Cogdé digne de rempla» cer Turenne , accourut , lui fit lever les fiéges de Salerne & d Hagnenau , & ren« dit inutiles les fruits^que l'Empire s'étoit promis de la mort de Turenne.
Une autre armée de l'Empire gagna la bataille de Confarbfick , & conquit Trêves ; TEfpagne déclara la guerre a la Suéde en faveur de la caufe commua ne 9 mais elle ne lui fournit j^uères que fon nom ; elle promit der^ vubfides au Pannemarck & a TEleclear de Brande^ bourg qui , fur les délais de la Cour à
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d''E s p a g N £. 4P
les fatisfaire/e payèrent, comme nous ver* rons dans la fuite , de leurs propres mains. Le Roi prit pofleflion du Gouverne- ment le (Ix Novembre à quinze ans ; le même jour Dom Juan arriva à la Cour ; cette apparition fubite & imprévue ëtoit l'arrêt de la difgrace & de l'exil de la Reine-mere ; mais ce coup de foudre ne l'ébranla point : loin de s abandonner à la douleur , elle recueillît tout fon cou- rage , fut trouver le Roi , verfa des lar- mes , & joignant les carrefles les plus tou- chantes aux marques de fa douleur , elle vint à bout de perdre fon ennemi ; le foi- ble Charles céda moins au défefpoir de fa mère > qu'à la défiance qu'elle lui inf- pira contre un bâtard ampitieux qui ne feroit pas plutôt chargé de toute fon au- torité 9 & comblé de fes bienfaits , qu'il les tourneroit contre lui pour ne lui laiiTer que le vain titre de Roi. Dans le tems que Dom Juan recevoit de toutes parts les complimens de fes amis & de la Cour, quelle fut fa furprife quand on vint lui annoncer qu'il eût à fe retirer fur le champ à Sarra^offe ; fes amis , Jie Comte de Monterey , François Ramos » précepteur du Roi , & le Père Monte- Tome r. C
jo Histoire
negro, fon Confefifeur furent envelop- pés dans fa difgrace , & exilés ; mais l'inr.» prudence de la Reine qui ofa mettre à la tête du Gouvernement Valenzuéla , jeu- ne , pauvre » galant , bien fait , accufé par le bruit public d'être fon amant , acheva de lui aliéner le cœur des Grands & den Peuples : tous ceux qui environnoient le Roi ne fongerent qu'à détruire dans fon efprit la dénance que la Reine lui avoit infpirée contre D. Juan , dont le Parti fe fojtifia chaque jour. 1 6j6. Cependant le nouveau Miniftre n'ou-r blioit rien pour gagner le copur des Peu* pies ; fon premier foin fut d'entretenir l'a- bondance des vivres dans le Royaume^ Sç fur-tout à Madrid où ils avoient été long* tems hors dç pKx par le brigandage des Ma^ftrats prepofes à la police des grains; à cet appas , le premier de tous , il ]ow
fnoit celui des fpeétacles pour lefquels les rpagnols n'ont pas moinsde fureur qu'en avoieht çu les Grecs & les Romains , après la chute jle la République. Jamais on ne vit tant de combats de taureaux » tant de jeux de cannes , tant de fêtes ^ans le goût de b Nation : ValçnEuéla (d)
Ç(i) Yilenwih cfQit dy Rp^vime de Gtcr
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s P A G NE. 5*1
fit auifi repréfenter les Comédies qu'il avoit compofées , & tous les Citoyens eurent la liberté de les voir fans rien
nade , il avoit été Page du Duc de nnfiintado ; après la mon de (on maître 9 il fe trouva réduit à une fi grande inifere qu'il fut obligé de vivre' d'induftne ; fa figure 9 (bn efprit & un talent dif* tingué pour la Poefie lui nrent quelques amis* Il eut occafîon d'être connu du Père Nitard alors premier Miniftre, dont il devint le favori» Pour comble de bonheur , ValenzuéJa Ce fît ai- mer d'une femme de chambre Allemande , con- fidente de la Reine 9 & Tépoufa : lorfque le Père Nitard fut chaifé du Royaume 9 la Reine ne trouva à la Cour perfbnne plus dime de fà con- fiance que le jeune Valenzuéla dont elle avoit remarqué Tefprit & la figure ; elle le fit fùc- ceffivementEcuyer ordinaire > premier Ecuyer* Marquis 9 grand Ecuyer , Grand de la première Claue 9 & enfin premier Minifire. Les Grands d'Efpagne regardèrent la Grandellê conlme pfofbtuée 9 ioifque le.&vorl y fut admis ; la perte de quelques Royaumes leur eût' été snoins fênfible que la honte d'avoir un pareil camarade ; quand ilsiê rencontroient jufques chez la Reine 9* ils ne pouvoient s'empêcher de s'écrier les larmes aux yeux : Valenzuéla efi Grand à^Efpagne 9 6 Tems 9 â Mœurs ! Le fàr yori9 de fon câté 9 triomphoit publiquement des bonnes grâces de la Reine à qui chaque jour il devenoit plus cher. Dans une chalTe 9 le
Eune Roi ayant voulu tirer un cerf 9 blefla Marquis à la cuiflè ; lancine pouflla un csi
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ys Histoire
Çayer ; il donna ordre qu'on rétablît la lace Mayor » dont le feu avoir confumé tous les édifices , & qu'on bâtît deuit ponts » l'un fur les Maticanares qui coût^ un million de ducats , iSc l'autre fur H lîviere de Pardo ; fes foins çommen- çoient à être agréables au Peuple ; les Grapds qui s'en apperçurenp , crurent qu'il étoit de leur intérêt de précipite? (a ruine , avant qu'il fût plus aflFermî ; malheureufement pour la Keine & fpn Minlftre , la guerre devenoit chaque campagne plus malheureufe , & les dif- graces de celle-ci fournirent: ^ux ipé- contens un préteiçte plaufible a'açcufer Tun & l'autre de manquer de lumières 3 4e reflburces & de zélé.
On avoit obtenu de la Hollande une flotte pour chaffer les François de la Si- cile & de la Méditerrannée. Ruyter , Iç plus grand homme de Mer qu'il y eût ea Europe » la commandoit^ Qn lui accor* da la patente 4e Duc , & d*^utres l^on-
douloureux 9 6c tomba évanouie & mourante entre les bra$ dé fes femmes : cette marque tou- chante d'intérêt, certains traits hardis du Mitiit cre perHiaderent la Cour ôc la Nation que Vav lenzuéla étoit amant de la Reine. Mémoires ((f
la Cour d'E/pagne d^Mç^dmc i'4mu
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o' E s ^ A G N E. y) ..
neurs dont le rigide Républicain ne fit au- cun cas; mais on voulut Tobliger à bai(* fer pavillon devant l'Amiral Ëfpagnol ; on manqua à toutes les conditions du traité : on lui parla avec autant d'empire' & de fierté , que fi on eût été au tems heureux de Cnarles-Quint ; enfin on lui donna, tous les dé£;oûts que la petiteiTe d'efprit pouvoit luggérer à ceux qui gouvèrnoient ; cette hauteur fi déplacée ofiènfa le défenfeur de la Monarchie ; il fe plaignit à fon tour qu'on ne fournifloit à la caufe comoiune qae des vaifleaux & des galères délabrés , Se voulut s'en re- tourner dans fa Patrie ; enfin on obtint qu'il combattroit. Qui eût dit à rhîlip- pe II. que cette poignée de rebelles ca- chée dans les marais de la Hollande , de- venue un jour plus puiiTante que tousfes vafîes Etats enfemble , protégeroit le fceptre de fon arriere-petit-fils ?
Les deux flottes réunies attaquèrent ^^*^» 7 le? François à la hauteur des Ifles Stram-* ^'^^* boli ) fans que la viéloire fe déclarâtpour aucun desaeux Partis; de-là Ruyter& le Prince de Montefarchio fe préfenterent devant Agoufta d'où ils furent repouf-
fés j ils furent bientôt après vaincus par
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1^ *i XV^ÂMW^ l>»^;9id(M% un des plus hahi- AwK ^ v>^Sc« yk Mittnc qu'ait produit la t^Wv>^ ^ RvîXtcr fiK>urut dix jours après >Âe« ^*4Sm^ ^;^'U ^^xnt reloues dans le v^6^;^s k>)Miift « U (k>:te des HoUandois >!t ^'^'^ >»*^$ ^'SwjTN^^iS tilt enùeremenc }'^^' x^^Wèiç^ ji U ti^c^j? PiUrxne : dix-huic Tt??*K vjiiîÎMttx ptis oa brûles * cinq mille hom- »?s tacs , lins qu'il en coùràc un feul vj(id<^iu aux François y turent les mar- tres de la viâoire la plus grande que les Irinçois ayent jamais remportée dans la Méditerranée. jLa^Cour s'en prit félon la coutume au Général malheureux ; le Prince 4c Montefarchio fut arrêté 6c con- duit au château de Pampelune ; on fe vit obligé de donner le commandement gé- néral des reftes de la Marine à Femand Carule y foldat de fonune , faute de trouver dans les Grands le courage , l'expérience & le génie néceflàires pour ce grand emploi. A toutes ces difgraces fe joignit la défaite du Comte de Bu- quoi oui fut vaincu & tué à la tête de fept smlle Efpagnols près de Mei&ne. On eft étonné que cette fuite de vidoires n*ait pomt fait paifer la Sicile entière en- tre les mains des François y ils durent
£)^ Ë S 1^ A G N £. St
l'imputer à leur Vice -Roi Vivonne , qui, quoique rempli d'elprit & de cou- rage 9 manquoit de la fermeté néceflaire pour contenir des foldats fans difcipli- ne , & des Peuples qui fans ceffe conf- piroient contre lui; l'aftivité , & la rapi- dité d'exécution , une des plus grandes qualités d'un Général pour profiter de la viâoire , n^étoient pas non plus au nombre de fes taiens.
Le Rci de France feifoit des conque* tes pliis grandes par lui-même que Vi- vonne • il prit Condé , Bouchain & Ai- re î Calvo , Catalan de Nation , & attaché depuis les troubles de fa Patrie aux inté- rêts de la France , défendit Ma^lricht contre le Prince d'Orange qui toujour* malheureux fut obligé d'en lever le fiége.
De tous les Alliés l'Empereur fut le feul que la fortune couronna cette cam- pagne ; il enleva par les mains de fes Gé- néraux Philifbourg aux François; le Roi de Dannemarck & TEleôeur de Brande- bourg eurent les mêmes fuccès contre la Suéde , que la France contre l'Efpsgne.
La Maifornd'Autriche dut regarder tomme un grand avantage l'exaltation du Cardinal Odefcalchi qui fut élevé
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ente «mec » (earemn Fbmificat iput k fîCf& d'^Isaoccnt XL Ce Pape né à ACSan y âc 2;:treà>s C£der dans les ar- Mes dTfpagne > porta fur le Thr£ne srec bea;icw:p de verra & de définté- leflêmenr uce panhihc déddée pour Tes
£a vertu d*un décret de I2 Cour qui eojoigiioh à tous les Commsndeurs des Ordres nùlh^es de fervir en Catalo- e j ou d'y entretenir chacan trois ibl- ts i leurs dépens j on eut une ^mce i les Commandeurs fe plaignirent amère- ment ; ils prétendoient n'être obligés qu'à (ervir contre les Mufulmans » com- me fi llur qualité de Citoyen & de Che- valier n'étmt pas un double titre pour les engager à b défenfe de la Patrie ; au- cun d^eux ne fe rendit à l'armée ; la mol- lefTe \ les plaifîrs , le défaut d'émulation & les ricfacfiês avoient anéanti le courage de ces Gentilshommes autrefois fi redou- tables aux Maures ; Us foldats qu'ils en- voyèrent en leur place , mal vêtus , mal payés j la lie de la Nation , np rendirent aucuns fervices , & défeiÉbrent prefque tous ; il arriva encore que les Cheva- liers mécontens embrafferent les intérêts de D. Juan.
dEspaône. î7
Ce Prince qui fentoit fon Parti le plus fort , leva des troupes > tira le Prince de Montefarcbio de prifon , & s'approcha de Madrid ; à la nouvelle de fa marche , la Reine qu'on avoir perdue dans l'efprit de fon fils y manqua de courage & de reffources j D. Juan témoigna une mo- dération qui furprit : il confentit à re- tourner à Sarra£;o(re , à condition que l'adminiflration des affaires feroit parta- gée entre la Reine & une Junte compo- fée du Cardinal d'Arragon , du Conné- table 9 de l'Amirante Se du Duc de Mé- dîna-Celi. D« Juan n'avoit paru fi mo- déré , que parce que le Roi n'étant pas encore bien revenu des impreflîons de défiance que la Reine avoir données con- tre ce Prince , témoigna de la répugnan- ce à lui confier le gouvernement de l'E* tat ; il efpéroit que les Créatures de la Reine une fois écartées , il ne lui feroit pas difficile de détruire les préjugés du Roi.
Charles II. dont Tefpnt foible & borné 1 6'J'] ne voyoit que par les yeux de ceux qui l'environnoient , croyant s'appercevoir ue la Reine le tenoit dans une efpece e fervitude , s'enfuit fcul pendant la nuit de fon palais de Madrid , & fe reo-
Cv
1
y 8 Histoire.
dit à Buen-Retiro d'où il écrivit à la Reî- ne de ne point fortir du palais ; en vain le fit-elle conjurer de lui pennenre de le voir : on lui apprit bientôt que D. Juan étoit de retour à la Cour , & que le Roi venoit de le déclarer premier Miniftre ; l'infortunée Princefle fe vit en un mo- ment abandonnée de fes courtifans , & de Valenzuéla même qui fut fe cacher dans le vafte palab de PEfcurial : on la conduidt à Tolède o& on l'enferma dans un Couvent , ou plutôt dans «ne efpece de prifon d'où elle ne pouvoit fortir , ni parler à perfonne ; le mariage du Roi qui avoit été conclu avec l'Archiducbefle Antoinette , fille de l'Empereur , fiit rompu. Cette Princefle avoit déjà porté le titre de Reine d'Efpagne ; elle épouÊi l'Elefteur de Bavière {a) : le Précepteur
ià)Xe Comte de Montcrej n'avoît été perff* Cttté par la Keme que parce qu'il ayoît n&St ie répondre à la paffion qu'elle avoit conçue pour lui ; on rapporte que rendant un jour compte i cette Princefle d'une commiffion dont elle l'a- voit chargé , elle laîfTa tomber un papier qu'elle le pria de lire , 8c qu'il y lut cet paroles : Je foffe toute la nuit fans dormir y feule y trifie^ & formant des defirs ; mes peines jont un martjn'e ; mais un martyre où je prendsplaîjir .- Que fur Pair froid que témoigna le Conue ^ la Reipe
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d' E S p A 6 N £• yp
& le ConfefTeur du Roi furent rappelles , le Comte de Monterey pafla de l'exil au commandement de l'armée ; la révolu-* tlon fut entière , & le Peuple y. applaudit avec tranfport ; il ne pouvoit pardonner à la Reine difgraciée d'avoir dit qu'elle ne feroit point contente jufqu'à ce qu'el- le eût réduit tous les Citoyens de Ma- drid â être vêtus d'efteras ( ^ ) ; cepen* dant D. Juan ayant découvert la retraite de Valenzuéla , donna ordre à D. An- toine de Tolède de l'enlever de fon afy- ie ; celui-ci accompagné du Duc de Mé- dina - Sydonia , du marquis de Valpa-* îaifo & d'une foule de jeunes courtifans , entra dans le CouVent des Hieronîmi- tes « & trouva le malheureux favori dans
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indignée lui arracha le papier ; qu'elle paflà fut le champ de l*amour à la haine , & lui en donna tant de marques que le Ceinte fut obligé de chercher un proieâeur en la perTonne de D* Juan. Le Comte de Monterey, Héros de galan- terie) comme tous les E{i)agnols, aimoit éper- duementune jeune Ducbefle > & rien au monde n'étoît capable de l'engager à feindre pour la Reine une paffion qu^sl ne (èntoit pas. Vo^e\ les Mémoires a'Êfpagne de Madame aAunoi.
{a) L*efteras eft une efî>ece de natte de jonc fon groflè qui ferten £(pagtie de matelas, âc ' ^« Ik à la populace»
C vj
60 HiSTOI&B
nne'celliile d'où il Tenleva , & le con* duifit à Confuegra , & de-là au château de Cadix oà on l'embarqua pour les Phi- lippines aux extrémités de l'Afie ; on ne le fit point périr fur un échafaut , foie qu'on ne pût le convaincre d'aucuns cri- mes , (bit pour ne pas aigrir davantage le Pape qui , choqué qu'on eût violé Ywor jnunité Écciéfiaftique en Tarrachant du Couvent où il s'étoit réfugié , avoit ex- communié tous les Seigneurs qui eurent part à l'enlèvement , ils furent tous obli- gés d*aller la corde au col ^ en chemife au Collège Impérial où ils reçurent quel- ques coups de diicipUne du Nonce qui leva les cenfures ; au relie , Valenzuéla foutint avec fermeté une di(grace fi ac- cablante ; la Rline ne Toublia point dans fon exil. Auffi-tôt après la mort de Dom Juan , & fon retour à la Cour ^ elle en- voya un vaiifeau aux Philippines pour le ramener triomphant à la Cour , mais le Roi perfuadé par quelques Minifires en- nemis de la Reine que Valenzuéla étoit un homme dangereux , révoqua les or- dres qu'il avoit donnés en fafeveur ^ & il refia dans fon exil.
Le nouveau MiniAre ne répondit
«MAI
d^Espagns. 6t
MtetfMhi
point aux vœux & aux efpérances de la Kation y il parut plus occupé des diftinc* tions de fa place que du bonheur des Peuples ; les difgraces qu'on effuya fur- paflerent celles qu'on venoit d'éprou- ver ; la fuppreflion du Confeil des Indes dont lès Membtes abforboient des fom'- mes immenfes , ^ réforme de celui de rHafiendsr ou des finances dont la moi-* tié des offices fut éteint , n'étoient que de légers abus au prix de ceux qu'il y. avoit à détruire. La célcbre ordonnance qui prohiboit l'ufage des étoffes étran- gères & des carofles , à moins qu'on ne juftifiât qu'on avoit des revenus fuffifans
1)our de telles dépenfes , n'apporta pas e moindre obftacle au luxe qui fembloit λrendre de nouvelles foices à mefure que a mifere publique augmentoit ; le fcul moyîn d'empêcher le tranfport du nu- méraire dans les Pays étrangers , & de rendre la Nation ricne & nombreufe , eût été d'établir les manufaélures , de faire naître les arts , d'encourager le commer- ce & l'agriculture , d'exciter Tindj^Clrie & Padivité des Efpagnols ; c'eft à quoi le Miniftre ne fit pas la moindre atten- tion : la gloire âc le bonheur de r£fpa-
♦^ Histoire
g^ ràism ndfervés au règne des Bout-
CiT«»!int on comfaatuut avec un n^b^vr (é^ en Catalogne , en Sîdle , dus les Pays-Bas de fur le RÛn ; le Com- t^ de Mo£rs:ey fjit vaincu dans les plaônes dTfOuiile. £n Sicile le Général Braca* aonte perdit un gr^nd combat auprès de
*Tuomiina ; on fut obligé , hâte de Gé- néraux de donner le commandement en
. Sicile au Cardinal Porto-Carrero.
Mais c'étoît toujours dans les Pays- Bas qu'on éprouvoit les revers les plus funeues ; on perdit Valenciennes , Cam- brai & Saint-Omer ; le Prince d'Orange 3ui parut avec une armée nombreufe 'Eipagnob , d'Allemands & d'Hol- landois pour faMver cette dernière Pla- ce , fut vaincu par le Duc d'Orléans & le Maréchal de Luxembourg qui fyant laiflë une partie de leur tirmée devant Saint-Omer , vinrent au-devant du Prin- ce f & l'attaquèrent dans les plaines de Caflel où ils remponerent une viâoire complette (a) ; Luxembourg fit enfuite
(à) Cette bataille mémorable dont les Fran* ^ois durent tout le fiiccès au Maréchal de Lit- xfmboufg 9 iê livra le 1 1 Avril»
d'Espagne. 6j
kver le fiége de Cbarleroy au Prince d'Orange , & les François terminèrent cette campagne fi glorieufe pour eux par la conquête de S. Guilain.
C'étoit le tems des triomphes de la France , & de rhuoûliation de la Maifon d'Autriche ; Louis XIV. vainquit en Al* face-, & détruiiit deux armées Alleman* des par les mains du Maréchal de Créqut.
JL'ETpagne afibiblie mandioit par tou- te l'Europe des fecours pour arrêter la fortune de Louis XIV. Bernard de Sali* nas 9 un de fes Miniftres, voyant que tou* tes fes inftances étoient inutiles auprès du Roi d'Angleterre » ofa lui reprocher en face que l'argent de la France lui faifoit facrifier la liberté de l'Europe j Charles II. indigné chaiTa de fes Etat^ le Minîdre Efpagnol; mais beureufement pour TEf* pagne , toute l'Angleterre penibit com- me elle ; le Comtâ de Fuentes* qui rem- plaça Salihas , plus délié , plus adroit que fon prédéceffeur , profita de l'ému- lation des Anglois contre les François ^ cabala avec le Parlement, & contribua h faire déclarer cette Nation contre la France*
Le fèul événement quiconfola les ££>
^ HisToins'
v^cKTik de toutes lc:2rs dî%raccs , fut la fcv-^ àjL te^ d'Oran par les Maures» RieQ le prouve œimx rinieriorité du ccîxra^ À: dj: pîme des Ahkains que Kotrofibiilt^i ie prendre Oran dans fept oa kjit 6<:^s qji durèrent pris de la moiôé de ce iiccle ; cette PIsce n'auroit pas tenu v:ngt jours devant ncs trempes Européennes ; les faccès des Alliés con- tre b Suéde 3 iuccès dans lefquels la Nailbn d'Autriche n'eut aucune part > ne balancèrent point ceux de b France.
Les deux branches de la Maifon d'Au* triche manquèrent de (è brouiller ouver- tement ; l'Empereur fbuffroit avec im- patience la difgrace de la Reine fa fœur ; rinfulte que venoît de lui faire le Minil- tcre Efpagnol en rompant le mariage du Roi avec fa fille , mettoit le comble à fon refiêntiment ; mais la politique & l'inté- rêt lui apprirent à diffimuler toutes ces injures ; il confentit même à râppeller le Comte d'Harfc.cb , fon Ambafladeur & Madrid qui avoir (çu former un Pani puiifant en faveur de la Reine- Mère; le Confefleur du Roi devenu l'ennemi de Dom Juan , fut chaifé honteufement de la. Cour pour avoir eu part à cette dernière
d'Espâgnb. 6f
intrigue. L'emploi de Confeffeur don- noit une puiilance fans bornes à celui qui en étoit revêtu fous un Roi tel que Char- les II. C'efl pourquoi les Miniflres ne manquoient jamais de nommer à cette fonâion des Moines qui leur ^toient dé* voués.
La France menacée par TAngletefre ^.1^7^^ évacua la Sicile. Les Citoyens de Meffi- ne éprouvèrent la vengeance d'une Cour
3ui mit rarement la clémence au nombre e fes vertus ; mais on perdoit dans les Pays - Bas Garid , Ypres & Lcvve ; le Parlement Anglois crut alors qu'il étoit tems d'oppofer toutes les forces de la Grande-Bretagne à un Roi que le relie . de rEurope ne pouvoit arrêter. Le Roi d'Angleterre cédant aux cris & aux me- naces||ippella quelques Régiments qu'il avoit fogrnis à Louis XIV. envoya dix mille Anglois au Prince d'Orange , & fi-. gna un traité pour conferver les triftes relies des Pays Bas à la Maifon d'Autri- che , à condition que la Cour d'Efpagne lui livreroit Oftende & Nieuport pour lui fervîr d'otages ; en moins d'un fiéclé le fyftcme de l'Europe étoit changé au point que l'Angleterre , autrefois l'irré- .
(^ Hl STOtKB
cmieaàe de TETpàgne > la dé-^ iM^doÀt de coiioeR ayec la Hollande fon
tlK^uis XI\\ todSnt alor» la paix à feft m:sk«ù» > ma» à^ des conditions dont il IW' k«r iUt.pai; pensils de s^ccaner ; pen- d^fôt i^ue Icj Miniftres ETpag^cIs , Hol- kiidv>^ & AUemoinds profitoient du ter- me que le vainqueur avoit prefcrit pour examiner fes procofitions , la fuerre con- finuoit en Rouflillon & en Âlface. Dans la première de ces deux Provinces 5 le Comte de Montercy vit enlever à fes yeux Puicerda , &. reçut un échec confi- dérable. Cette difgrace fut le prétexte de l'exil du Comte dont même on inftrui- fit le procès; D. Juan qui plus d'une fois avoit éprouvé de plus grands revers dans le commandement des arn^ées , a4|bit ai* fément pardonné à un ami fes malheurs 9 mais il ne pouvoir lui pardonner l'amitié que lui portoit le jeune Roi qui paroif- foit en vouloir faire un favon ; la diffi- culté de recouvrer de Pargent , 8c le mal- heureux état des affaires forcèrent alors le Miniftere de tendre les charges , les dignités & les Vice-Royautés , autrefois le prix du mérite , de la nai{rance.& des
d'Espagne.. 6j
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fervices ; cette innovation jointe à la fierté de Dom Juan y à fon defpotifme , à la cherté des vivres , à la paix nonteufe qu'on fut obligé d'accepter , & aux in- trigues qui fans ceiTe agitoient la Cour^ commencèrent à faire regretter la Reine exilée ; cependant D. Juan fçut fe main- tenir jufqu au dernier foupir par la fupé- riorité de fon génie & de fon courage.
Le Nonce du Pape ofa interdire un Evêque , Suffragant de Tolède , pour avoir conféré les Ordres facrés dans la Métropole de Tolède , en l'abfence du Cardinal Porto-Carrero qui en étoit Ar- chevêque ; le Confeil indigné fit arra- cher les affiches de l'interdit , & le T^a- pe fe h&ta de défavouer la conduite du Nonce.
Une armée nombreufe de Maures qui affiégeoit Oran , fut attaquée tout à coup, & entièrement vaincue par la garnifon d'Oran.
Cependant les HoUandois à qui la Leio France reftituoit Maëftricht, fignerent A^"'» à Utrecht la paix avec la France , malgré les intrigues des Miniftres de la Maifon d'Autriche. L'afFoibliflement du com- Btterce , & les fommes immenfes qu'en-
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^S Hi$Toim.B
dk>aùflbit une guerre qui leur étoit devenue prd^cju'etrtngere , étoieiK de pùdans moûts fur une République de Kégockns pour abandonner" des Alliés dont ils avoàent déjà oublié les fervices $ ils reprocboient à l'Efpagne & à r£mr pereur de ne pas faire affez d'efibrts pour la caufe commune ; de tous les Princes à qui cette paix étoit odieufe » nul ne la trouva plus infupportable que le Prince d'Orange ; fans perdre de teais à de nou- velles plaintes , il feignit d^ignorer le traité y 6c marcha droit au Maréchal de Luxembourg qui , fur la nouvelle de la paix , avoit fufpendu les hoftilités. Il ne fut pas difficile au Stadhouder de fur- prendre le Général François campé aux .pones de Mons. Le Prince d*Orange emporta (a) des pofles > tailla en pièces quelques Régiments François , porta le Gcfordre dans le refle de l^rmée , & fe flatta de remporter une viâoire com- plette ; mais Luxembourg revenu de (a furprife , fît des prodiges de valeur & d^babileté 9 il rétablit Tordre dans fon
(a) Cette bataille fiit appcUée de S. Denis , nom du Village où fe ponerent les plus grands coups.
tmÊ^m
d' E S P A G N £• 69
Mi*n«i
armée , repouffa Tenneini j & rendit inu« die la perfidie ; le Prince d'Orange fe retira avec une pêne égale : cette tentair rive coût^ la vie à dix mille François y Ânglois , Ëfpagnols ou ^ollandois , fans opérer la rupture du traité que le Géné- ral HoUandois avoir en vue ; peut être même qu'une viâoire complette n'auioit &it aucun eâFet fur les Ëtats-Qénéraux p fetJgués de cette guerrç, ^
L'Ëfpagne plus épuifée 9 plus afFôiblie
que tous les Alliés enfemble , ne poifvroit
fe réfoudre à accepter une paix qui de^
voit lui coûter des Provinces entières,
La hauteur avec laquelle Louis XIV. la
prefcrivoit , ne choquoit guères moins les
Ëfpagnols que la ceilîon de la plus gran**
de partie de l'ancien patrimoine de Içurs
Rois ; mais abandonnés de la Hollande
& de l'Angleterre , il fallut enfin fubir
}es conditions prefcrites.
Les François , pourjprix de leurs vîcr toires , gardefent la Fr^ncbe-Comté , Valençiennes , Bouchaîn , Condé , Cam* brai, Ypres, Aire, Saint- Omer, Var- vick , Vamtcpn , Poperingue , Bayai , Califei , B?yeul & Maqbeuge ; la Cpur 4'Efpagne s'obligea encçrç d'obtpnir 4ft
rbkcfaâttr de Cc?k^ne CôrsK pour la kur ccmettre > &ute de qont dis s'cnga-
SÂc k leur céder CiBanaomir; Lons V.iendtt te reâoe deiès cfmqpÊxesÇM}, Four déduauBagpmoBC (ietaot de Fbces perdues ^ oa comptok fiir Macfirichc
£te la Hollande avott proisife di3s le rt de fès pertes ; nab cette Répabii- Îue fé moqoa de la feounaticxi qae la 'our lui fit de laî remettre cette Pbce » & rEfpag;oe n^olà ^ore édater là ren- gealice ; elle parut mâne s'unir plus étroitement avec la Hollande for qui elle comptoit dans le cas d'une rupture avec Louis XIV.
L'Empereur & l'Empire plus fermes que la Hollande & TEfpagne reprochè- rent it ces deux Puiflances leur déteâion , 6c coDtmuerent la guerre , mais ayec le même maOïçnr. Comment » aurefie y pou*
(a) Le Maïqnis ife-Las Balbasès • D. Pedro Ronqnlllo & M. Chrîftîo , Flamand « puèrent en qualité de Mînîftres Plénipotendaîies d*Ef' pagne ce tnké hooteax & tiécel&ÎTe ; ce qmi confbla l'Espagne » fût qn*elle ciaita a^ec ion heurcufe rivale fur le pied d*ii^ égalité par- feîce. Louis XIV* fe relâcha dlave vaine pré- éminence en fàYCur des avantages (blsdes qu*3 seiifoit^
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d'E S P A GN E. * 71
voient-ils efpérer de vaincre avec leurs, forc^ particulieresr un Prince dont ils n'avoient pu arrêter les, progrès dans le teins qu^ils étoîent unis aux EfpagnoU 6c aux Hollandois f L'armée Impériale commandée par le Duc de Lorraine > un des grands Capitaines de ce fiécle j fut détruite en déçail ^ le Brifgau conquis , 8c Je cœur de l'Empire menacé i Leopold (î^na la paix en gémiifant.
Le Roi dç Dannemarck & l'Eleâeuii^ de Brandebourg luttèrent encore quel- que tem3 ; ils ne pouvoient confentir à jreftituer , comme î'exigeoit Louis XIV. toutes leur$ conquêtes fur la Suéde ; X»uxembourg & Créqui tombèrent cha- cun de leur côté fur les Etats de Brande*» bourg ; VElefteur & le Roi de Danne»- marck furent enfin obligés dp fuivre l'exemple que venoient de leur donner des Princes plus puiflans , & de recevoir }a paix aux conditions di^ées par les François.
On efpéroit en Efpagnç jouir long- i^jn^ tems d'une paix achetée fi cher , & fur- tout voir renaître Tprdre & Ua]?ondan- ce i mais ni l'un ni l'autre n'arriva : Doo^ ^^ai> étpit plu$ occupé à détruire les ci-
HiSTOI BE
ne ££S fitiiriT fennQKSt chaqac îciar G^fKTc ki . ^'i reobik TEat des iDag3£s fûonztfes «fi'H aïok cflnyccsde- nàs SIX Ëéck ; ï fisBgeck à icaricr le R<n orac h fené étok devenoe rncBleare <|a*ca EX r^^rok cJpf?^. E 2T€kc d^abord jccré Lfs yecx f jt i Intrîàsie de Bonogal , alors iseriâere d:z dirôiie ; mzis Tactipa- due des Pomzgais cGocie ies EfpzgGcàs , la crainre de retomber un jour ibus leur domînanon , firent échouer ce projet. L4 Cour de Lifccnne prêtera au Roi d'Ef- pagne le Duc de Savcve qui auroit vrai- fenubiablenient époufe Tlnfinte , fans la mort précipitée de la feune Princeffe ; le MLniitere d'Elpagne fit choix de la Prin- ceâe Louife d'Orléans , fille de Mon- fieur , & nièce de Louis XIV. La Cour de France reçut avec joye cette propofî-' tîon ; mais b jeune Princeflê regarda le tbrône d'Efpagne comme qn véritable axil : rétiquette , les mœurs , les coutu- mes , la mvité trifte & fombre de la Cour de Madrid 9 comparées aux agré-* mens de celle de Verfailles , lui paroi(^ foient infupportables ; elle panit de fxMÇC baignée djp larmes , éc comme
d'E.S PAGNE. 73
une viétime facrifiée à la politique (^a) ;
le Roi qui avoit conçu pour elle , à la
vue de Ion ponrait , une paffion qui ne
fe démentit jamais , fut au-devant d^elle
jufqu'à Burgos où on leur donna pour la
féconde fois la Bénédiftion nuptiale {h) ;
D. Juan n'eut pas la fatisfaélion de voir
ce mariage qui étoit fon ouvrage ; il étoit
mort à pareil jour que Philippe IV. fon
père : on foupçonna au'il avoit été em-
poifonné j mais le poilon qui , félon moi,
mit fin à fa vie , fut le chagrin dont il
étoit dévoré ; ce Prince perdoit chaque
joiïr de fon crédit. Sa difgrace étoit réfo-
lue lorfqu'il mourut : mais aucun cour^
t'fan n'avoit ofé prendre fur lui da la lui
annoncer , tant on craignoit Ics reflbur-
ces de fon génie & de fon courage.
Au refte , il étoit devenu tellement
(a) Onfçaîtque cette Princefle pleine d'efprit & de grâces afpiroit au mariage avec le Dau- phin ; fiir ùi répugnance à partir , Louis XIV. lui dit , mais je ns pourvois rien de mieux pour ma fille : ah ! répondit la Princefle 9 vous pouT" rie^ quelque ckofe de plus pour votre nièce.
(b) On ne doit pas répondre à Thorrible im- pofture de quelques ennenriis de Louis XIV. qui ont o(c avancer que la Reine partit de France inhabile à avoir des enfans»
ToTfie r. D
74 Histoire
odieux aux Grands qu'il avoit fçu conte* nir par l'exil & la terreur , qu'il n'y avoit preiqu'aucun d'eux qui ne (e fût intrigué contre lui; D. Juan d'Autriche eft le der- nier des grands hommes de TEfpagne fous la Maifbn d'Autriche ; il n'avoit que cinquante ans. Ses talensfupérieurs. Ion expérience confommée , Ion courage l'élévation de (on caraâere » Ton amour
f)our la Patrie furent inutiles à l'Efpagne es dernières années de fa vie ; il ne fut pas aiTez lonfi;-tems à la tête des affaires pour les rétablir , ou plutôt il n'y avoit qu'une révolution dans le caraftere 6c le génie de la Nation qui pût lui rendre l'é- clat dont elle avoit joui le fiécle précé^ dent. Le jour même de fa mort le jeune Roi fut prendre la Reine Douairière à To- lède , & la ramena en triomphe à la Cour ; mais Marie Anne d'Autriche n'infpira pas plus qu'auparavant à fon (ils le goû( du travail , la fermeté , le talent de ré- gner ; elle ne l'aida pas mcipe à fuppor- Ccr le poids du Gouvernement : l'un & Tautre en auroit été accablé. Le foible Roi fe livra à des Miniftres bornés, indo- Icns , fans vues , fans expérience ; il pafla Iç rc.fte de fa vie , comme les Monarqu$is
d'Espagne. 77
^^ __^ *
de rOrient, dans le tond de fon palais , au milieu des femmes , des Nains & d'u- ne multitude d'animaux , fans s'inftruire des évenemens publics de l'Europe , ni incme de ce qui fe paflbît dan$ fes vaftes Etats {a).
Après la mort de D. Juan ,'la Monar- clîie le trouva fans Pilotes ; car doit-on appeller de ce nom le Roi que nous ve- nons de peindre , & un certain Jérôme d'E^uh , Secrétaire des Dépêches uni- verielles , jeune homme fans lumières , fans courage , & qui n'avoit pour tout mérite que l'art de plaire au jeune Roi ; les afiiires languiffoient au point qu'on n'expédioit rien ; tout étoit dans un dé- fordre & une confufion extrême.
Quelque tems avant cette efpece d'a- narchie , il arriva un événement dont les fuites prouvèrent combien le Gouverne- ment étoit foible ; le Nonce Mellini avoir reçu ordre du Préfident de la Caftille
(a) Il îgnorpît jufqu'aux noms des Royaumes & des Villes qui lui étoîent fournis ; il arriva dans la guerre de 16S8 qu'il plaignit l'Empereur de la perte d'une Ville confîdérable que Louis XIV. venoît de lui enlever à lui-même dans les Pays-Bas,
Dij
■^N-^ î ? ï 5 T O l R E
^ !;\ ,\;;.^ ,i,- ,i r^cr,:c Guévarra) de hè ys,\:.s ;,^ 5 \v>i-rr iu Ciwpitre Général dç ^N\%i.-.?o. N^^^ii '^.VA* ippdlcs Clericos Mi^ ••** • ' X v+.' ii rviVcviiâirîCC de Mellini , le ^v'ivf^o.s ic s\v\Xî^vr^ i une amende de *>. i . v,^ ,\ '- > ^ V N ,\-xv : " iï cr.^ excomnttu- ■^..t ,c rv '^ic^c . &: li" fip^ donna un b\ v: ,^jT LsV-^I u C;rx^i: le -Magîftrat à Mvr?:^ r%*:\v^ coa^.rTt de ù conduite ï Ko-v.;r ; li' Koi n: j^r^ce de Tamende , & ecrivh 3;î So,i venin Ponùte pour le flé- ch'.r ; le Pape conlcntir avec atî'ez de pei- ne q.i'cn i-geàt le Prtildent en Eipagne: ure Junte extraordinaire condamna Tan- r.ce fuivante D. Juan de la Puente à pei^ dre fa charge , la première de la Monar- chie après celle de premier Miniflre , & a être exile. l68o. On a raifon de dire qu'une admi- niftration tyrannique eft encore plus favorable qu'une efpece d'anarchie ; les Miniftres étrangers , les Grands , Iqs Peuples de la Peninfule , ceux du de- hors fournis à la Couronne fe plai- gnoicnt. Enfin le cri général parvins au Thrône ; le Roi comprit qu'il fal- loit remettre les rênes de PEtat à des mains plus adroites que les fiennes ^ il
D* E S P A G N E. 77
n'avoir même différé fi long-tems , que pour mieux choifir ; enfin il fe déchar- gea du Gouvernement fur le Duc de M edina-CœU celui de tous l^s courtifans qui luiétoit le plus agréable; ce Miniftre joignoit à la lenteur & à la parefle ordi-, naires aux Efpagnols une inexpérience profonde , un efprit borné & timide ; il n'avoir de recommandable que fa naif- fànce & fa probité ; tour le Royaume le plaignit d'ofer fe charger d'un fardeau qui lurpaffoit fes foi ces ; la foiblefle & les malheurs de fon miniftere achevèrent d'ôter à TEfpagne un refte de confidéra- tion dont elle jouiffoit encore en Euro- pe : jamais Monarchie ne courut plus ra- pidement vers foîi déclin ; elle eûr été en moins de deux ou trois campagnes la proye de la France , fi Louis XIV . n'a- voir eu d'autres ennemis à combattre que les Efpagnols.
Le nouveau Miniflre fit d'abord dans la Monnoye une opération qui ruina le tiers des rarticuliers du Royaufne , & dont' les fuites appauvrirent TËfpagne de
I)lus de cinquante millions. Vers le mi- ieu du règne de Philippe IV. la rareté de Voï fie de l'argent avoir obligé le Gouver-
D iij
78 Histoire
cément à donner k la Monnoye de Billoa uce valeur prrfqaVjffi forte qu'à celle de Targent , & c» avoit porté celle de l'or & de l'argent une fois plus haut <|'je fa valeur întricfeque. Il parut tout ^À co-jp un édh qui dinûnuoit des deux tiers les efpeces d'or & d'argent , & qui fjpprimoit la Monnoye de Billon , avec ordre aux Particuliers de la porter dans certains Bureaux où l'on donneroh en échange des billets de même valeur ,
Îayables en (ix mois ; ceux qui perdoient cette opération , fe plaignirent avec ai- greur ; on fe fouleva à Tolède & à Ma- drid ; le commerce çeflà , & les denrées devinrent d'une cherté qui mit le Peuple au dtfefpoir ; cependant les Etrangers achetèrent à vil prix la monnoye de bil- lon dans laquelle il y avoit un alliage d'argent affez fort , & gagnèrent jufqu^à quinze ou vingt millions ; ils fe préva- lurent aufli du rabais de la monnoye d'or & d'argent qui étoit réduite à la moitié de fa jufte valeur , & en firent fortir du Royaume pour des fommes immenfes: bientôt , faute d'efpeces , on agit dans plufieurs Provinces d'Efpagne , comme dans les Pays 011 l'or n'a pas encore pé«
d' E s P A G N E. 7>
nétré. On échangeok denrées pour den- rées , on donnoit du drap peur des bef- tîaux , du bois pour des grâns. Oeft aînfi que par le défaut d'une £^ adnâ- niflration les Efpagnols étoient de^'enus un des Peuples le pks malfaenreur de rUnWers ; Quelques années de p'^JK, une œconomie falutaire, & de rarârt au- roient pu rétablir la Monardne gm ne fuccomboit que fous le poids des abus; car enfin les gallions de r Amérique ^ les concullions des Vice-Rois & éa Gou* verneurs fiaifoient entrer cdatjue année des tréfors dans le RcTvaame- Il efc vrai qu'il n'entroit dans les coSr& du Hcâ que la neuvième partie de ce qu'oc leraç iux les Peuples ; mais enfin ce F-s lîrcevojr tous les ans près de 1 200^0:00 ie nos livres d'aujourd huL Pourquoi prodîzaer les deux tiers de fês rerenus es uernivisi inutiles, en appoistexiiens Tjry immerf- fês ? Pourquoi îouSnx que ie refe ftt la proye àts Miniibts , tandis orX ne
(fly A la mon ce MsrouSi ot Cersj-t •wtT.-^^v mt cette aorne, le Ri f?t«. fcussinï: i '!:/ nulle piafires oi:'2 ha ^'jzrzt^jk -disétfptt "^irr^^^ pour fe arpcsîntaserE* L ?■ 2-^ :« ahr: '^isr -^rit- Grands dTijagD» çr; pîi'Tr^^'^'^-jfrTr îîiTî: ^^n-^ ^. -r prc/^ue tœs les ^sxas cî'â îtvr"--- i^*
Histoire
f)ourvoyoit ni à la paye des armées , ni à 'entretien des flottes , ni à celui de la Maifon Royale ; il arriva enfin que le Royaume fe trouva fans marine , fans ar- ciécs^ & le Roi & les Reines , pour ainfi clire 9 fans domefliques : il en étoit de Charles II. comme d'un grand Seigneur oui avec des revenus immenfes , faute d'ordre &c d'œconomie , eft fans cefle ré- duit aux expédlens pour lubfifter.
Une fimple ordonnance du Roi auroit pu rendre des efpeces au commerce , & par conféquent remédier à la mifere pu- plique. Il falloit forcer fes Sujets de por- ter à la Monnoye une partie de la prodi- gieufe quantité d'or & d'argent qui dé- coroit leurs buffets ; lui - même devoit donner Tjexemple. Je ne crois rien dire de trop (a) , en prétendant qu'il y avoit alors en Efpagne pour plus d'un milliard d'ar-
(û) Le luxe en vaiffcUe étoit tel chez les Grands 9 les Miniftres & les Financiers, que plu- fieurs d'entr'eux comptoient jufqu'à douze cents douzaines d'afliettes plates beaucoup plus pe- santes que les nôtres 9 & jufqu'à douze cents plats. Ils s'eftimoient pauvres en argenterie 9 quand ils n*avoient que huit cents douzaines d'affiettes & deux cents plats : on avoit dés échelles d'argent pour monter à ces buSèu ùtr
D Espagne. 8i
genterie ,-foit dans les Eglifes ^ foit cher les Particuliers, tandis qu'on iauroit £u peine à compter deux cents millions -d'argent monnoyé dans le commerce ; mais il eft tems de reprendre le fil de "i'Hiftoire^ ou plutôt des malheurs de TEfpagne.
En réjouilTance du mariage du Roi« * on célébra un Auto dà fè ; celui ci attira xl'autant plus de concours, qu'on n'ea avoir point vu depuis mil fix cent trente- 4leux; vingt-deux vidimes périrent dans ^4es flammes : il y ^ut plulieurs de ces malheureux prefque tous Juifs qui ie jet- ^terent d'eux-mêmes dans le feu , d'autres xjui faifoient brûler leurs liftains & puis leurs piedfi, en les avançant fur les flam- mes , & en les y tenant ^vec un courage .héroïque; foixante autres prifonniers, foit Juifs, foit Mufulmans , foit Chrétiens fu- rent condamnés au fouet , aux galères., ou à:la prHbn. Il n'y avoît guères ^ue les Juifs fans biens quifuffent punis par Tln- •quifition : ceux qui s'étoient enrichis ^ ibit par le commerce , foit par les em-
■çerbes. Ceux qui ont été en Efpagne f^avent quelles richeflès inefliiuables renferment icv
8:2 Histoire
F'
ie
plois de finances qu'ils rempliffoient alorSr
f>refqu'entierement , fe rachetoient dik eu par les grofles fommes qu'ils prodi- guoient aux Miniftres & aux Officiers da- oaint Office. Cette exécution lànglante fut fuivie d'un trembkment d^ terre qui fe fit fentir dans toute la Peninfule.Dans. ?*e p la feule Ville de Malaga on compta qiiin- Oâob. 2e Eglifes & près de deux mille maifon» renverfées j une infinité de Citoyens pé- rirent écraf^s fous les débris de leurs: . toits ; Seville , Cordoue , Jaën- foufFrirent auflî beaucoup ; TAndaloufie fe voyoit en même-tems en proye à la pefte, fféait auffi redoutable que les tremblemens.
Les Provinces du dehors étoient aufïî malheureufes que l'intérieur de la Mo^ narchie ; le Royaume de Naples fe vit ra- vagé par trois mille bandits ramaffés que? ks forces du Vice-Roi ne purent diffiper qu'après pliifieurs combats; ils avoienr fufbendii Tannée précédente leurs hoftî- Btes dans l'efpérance que le Roi i en fa*- veur de fon mariage, leur accorderoit- une amnîflie.
En Amérique lés Flibuftiers furprir rent & pillèrent Porto- Bello , ils pafle- rent ds-là aa Golfe de Darîen ^ & arcÂr-
D^'ESP A G N E. 85'
verent accompajgnés d'une troupe d'In- diens , ennemis des Efpagnols , dans la* Mer du Sud oi ils commirent des bri-
fandages afireux : ils emportèrent les auxbourgs de Panama fans éprouver la moindre réfîftance de la part des Soldats Efpagnols ; enfin, cette poignée de Cor- faires ne fe retira qu'après avoir enlevé çlufieurs millions , & s'être vue maîtref- le de la Mer du Sud pendant pluHeursr jours. La Cour irritée donna ordre au Vice-Roi du Pérou de décimer les Offi- ciers & les Soldats qui avoient fi mail gardé les Côtes.
L'Elefteur de Brandebourg , après avoir en vain demandé à la Cour leis fub- fides qu'on lui avoit promis dans la der- nière guerre , fe paya par fes mains , & £t enlever un vaifipu Efpagnol dont la: charge valoit deuxtailliôns.
Le R^H^ France , en vertu d'un ar- rêt de la Qiarabre de Metz érigée pour réunir à fa Couronne les fiefs autrefois éépendans des trois Evcchés , enleva les Villes de Verton & de S. Mard fur le re- fus du Roi de lui en faire hommage ; les Princes cFAUemagne , le Roi de Suéde 9 le Duc de Savoye n'étoient guères moins»
D vx
84 Histoire
ntaltraités par la France. Charles II. fut
obligé d'ôter de fes tiiT^s celui de Duc& deCooîtedeEourgogHe^par-toutlesvatf- féaux François faiioient baisTer pavillon à ceux de ce Prince , le Roi humilié priva pour fe venger le Marq^uis de \'illars des privilèges dont il jouiiloit à fa Cour , en
Î|ualiré d'Ambaflâdeur de France ; mais ur les menaces de Liouis XIV. on fut obligé de les lui rendre : chaque démar- che de la Cour étoit marquée au coin de la foiblelTe.
Le Duc de Veraguas, Mce-Roî de Valence, venoit decondamner à mort,& de faire exécuter un Moine , chef de ban* dits , & coupable des crimes les plus énormes ; après avoir eu néanmoins la précaution de confulter plufieurs Reli- ^eux qui tous avoient opiné à la mort du icélerat; le ConfeffAdu Roi, du même Ordre {a) que le criminel, p|^ndit que le Duc avoit violé llmmunire Jtccléfiaf- tique : en conféauence le Duc perdît fon emploi , & fut ooligé de recevoir l'abfo- lution du Nonce du Pape. Un Roi aifez foible pour facrifier un Magiftrat équita- l>le aux vains caprices de ceux qui Tenvi*
la) U t'toit Dcxninicaiiu
d'Espaone. 8y
roiinent, doit- il efpérer que ceux qui le repréfentent ', auront aflez de courage pour braver la difa-ace & la perfécution €n faveur de la juitice f •
On reçut vers la fin de cette année une nouvelle agréable , c'étoit la conclu- fion d'un traité d'alliance ofFcnfive& dé- fenfive avec l'Angleterre ; les Anglois s'obligeoient de fournir huit mille hom- mes de pied , & trente vaifleaux de guer- re toutes les fois que TEfpagne feroit at- taquée; le Roi , de (on côte , s'obligeoit à entretenir douze mille hommes y & à payer cent mille écus par mois , dans le cas qu'on attaquât les Anglois. On efpé- , roit que l'Empereur & la Hollande pren» droient part à cette alliance qui étoit for- mée contre la France ; mais ce traité ne fut d'aucune utilité pour rEfpagne j Louis XIV. neceffa de l'humilier. H pa- xut dans la fuite que le voluptueux Rot d'Angleterre, en le fignant, n'avoit eu d'autres vues que d'aflurer le commerce de fes Sujets, uharles Stuard étoit trop ami de fon repos , de fes plaîfirs & de Xouis XIV. dont il tiroit de grofles pen- sions-pour. allumer une guerre en faveur d^ Efpa^nols qu'il n'aimoitpas^
85 Histoire "
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)8l. Les Maures profitoient 4e la malheu^ reufe fituation de la Monarchie pour achever de chaffer les Elpagnols de l'Afri- que ; ils firent la conquête de la Mamoi* ra, & reflerrerent plus étroitement Oran j ils en venoient fans ceffe aux mains avec la garnifon Efpagnole ; le Marquis de la. Ajalva , Gouverneur de la Ville bloquée périt dans un de ces combats.
Le Gouverneur Efpagnol de Buenos- Ayres furprit & enleva quelques fons que les Portugais avoient confiruits dans les* IfleS S, Gabriel fituées à l'embouchurd^ du Fleuve de la Plata , qui fépare le Para- gual du Bréfîl : il y avoir près de deux «écles que les deux Couronnes fe difpu- roient ces Ifles , & interprétoient chacu- ne en leur faveur la fameufe ligne de dé- marquation du Pape Alexandre VI. Ce^ pendant les Efpagnols en avoient pref^ ue toujours eu la pofleffion ; le Régent e Portugal fit éclater fon indignation , & prépara la guerre ; la Cour d'Efpagne
Î révint Torage , en donnant à celle de jfbonne toutes les fatisfaélions que cel- le-ci avoit exigées. Toute l'Europe fut étonnée que l'Efpagne eût reçu la loi d'un petit Royaume qui venoit à peine:
i
fe fouftraîre à fbn joug ; les Miniftres: }aghols traitèrent eux-mêmes d'hom- fans jugement le Duc de Giovenazzo Lavoit conclu ce traité honteux ; mais r apparences de plaintes & de colère cm données à Thonneur de la Nation 'on croyoit flétrie, & on ne perdit pas inftant à ratifier le traité q^ue Giove* ZTQ n'avoit après tout figné qu'en ver- des inftruélions de la Cour. On négocioit encore plus malheureu* lent avec la France à qui on fut obligé céder le Comté de Chiney , dans Tel- 'ance qu'on n'en feroit plus inquiété j is dans Le même tems on apprit que mis XIV. s'étoit mis en pofleflîon le ime jour de Cafal [a) , la plus forte, icede Wtalie, & de Str albourg, Ville- ipériak j For & la force des armes con- ifoient rapidement Louis XIV. am mble de la puiflance ; la terreur étoit ik en Italie , en Elpagne &c dans TEm- e ; cependant ni l'Empereur, ni le Roi. îfpagne, ni celui d'Angleterre , ni ce-
1) Le Duc de Mantoue , Prince voluptueu»^ auroit volontiers vendu tous Tes Etats pour ir de quoi fatiisfaire à fes plaifîrs, vendit CaTal Qiii&XIV..
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S8 Hl s TOI RE
lui de Suéde > ni la Hollande 9 ni le Duc de Savoye , ni les Princes de l'Empire jaloux & impatients de ragrandifTement de Louis A IV. n'oFoient apporter lé moindre obUacle aux pro^près d'un Prin- ce qu'ils rcgardoient comme leur ennemi commun : l'Empereur avoit à combattre les Seigneurs Hongrois révoltés; le Roi d'Angleterre étoit occupé à maintenir fon autorité attaquée parlesParlemenSj à étouffer, ou à punir des con(pirations ; la Hollande p'afpiroit qu'à rétablir foa •commerce afîbibli par la dernière guer- ire ; la Suéde étoit trop foible & trop éloignée ; les Princes de l'Empire , le Duc de Savoye & l'Elpagne ne pou- ^^oient que fe plaindre en fecret : telle étoit alors la pofition des divers Poten- tats de l'Europe , & voilà ce qui mettoit Louis XIV. en état de jouer un rôle fi Irillant , rôle qui depuis a tant coûté à la France.
Cependant le Miniftere d'ETpagnerece- voit chaque jour des projets de réforme ; mais des années entières s'écouloient à les -examiner , & enfin on finiflbit par les re- jetter : on crut frapper un.grand coup ea lupprîmanc les Receveurs des Provinces
d'Espagne. 8p
dont le nombre excédoit mille ; la fup-
Î^reflîon auroit fans doute été avantageu- e , fi le Peuple eût été foulage , mais les impôts ne diminuèrent poijit , & leur perception devint feulement plus diffi- cile. Il femble qu'il y eut une certaine fatalité répandue fur tout ce qu'on en- treprenoit ; les Miniftres perdoîent le courage & Tefpérance ; le Roi qui n'é- toit point inftruit de la mifere publique ^ paflbit fon tems ou avec fes Nains , ou à la chafle , accompagné de la Rerne , en Fa- veur de qui il avoit adouci la rigueur de l'étiquette. Il arriva alors un accident à la Reine, qui fert à faire connoître le gé- nie & les mœurs deé Efpagnols ; le Roi lui avoit fait venir des chevaux d'Anda- loufie , elle en monta un vif & fringartt qui fe cabra fous elle , la Reine tomba , & fon pied fe trouva engagé dans l'é- trier, le cheval redoubla alors fes rua- des , &c traîna la Reine dans la cour du Palais avec un péril éminent pour fa vie; le Roi témoin du haut d'un balcon de ce triftefpe(Sacle,pou{roit les cris les plus douloureux , fans qu'aucun des Gardes Se des Gentilshommes dont la cour étoit remplie volât au Xecours de la Reine $
é,^
po Histoire
^^-^-M^-^i-^
carce qu'il étoit défendu à tout homme , fous peine de la vie , de toucher la Reine j & fur tout au pied ; enfip y deux Gentih- hommes plus généreux que les autres fe déterminèrent à la fauver aux dépens d^ leur propre vie ; l'un d'eux arrêta le che- val ,& l'autre dégagea le pied de Tétrier ; mais à peine lui eurent- ils rendu cet «im- portant fervice , qu'ils s'enfuirent à toute bride ; la Reine , après être revenue à elle , étonnée de ne point voir fes libéra- teurs, apprit avec furprife qu'ils avoient encouru la rigueur des Loix ; cependant elle obtint leur grâce du Roi. ^682- La Flandre, le Brabant , la Hollande & la Zélande font inondés par un débor- dement de k Mer qui caufa une perte de plus de cent millions ; à peine venoit-on de recevoir cette trifte nouvelle , qu.'oa apprit que la Ville de Tortorice en Sicile avoit été renverfée par plufieurs torrens i & que cinq vaiffeaux de la flotte des In- des fur le(quels-oh eomptoit quatorze cents perfonnes , & près de vingt mil- lions , avoient été engloutis dans les flots : la honte , la foiblefle & les mal- heurs de ce règne vengeaient avec ufure les Peuples qui , le fiécle précédent
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d'Espagne. pi
av oient eu tant à fouffirir de la vafte am- bition des Rois d'Efpagne.
La perte de vingt millions que les vaif- féaux apportoient , laiffa le Roi pref-
ue fans reflburce ; cependant îl fallpit j;
t l'argent pour réfifter au Roi de France qui fans cette fe plaignoit de l'inexécu- tion du traité de Nimegue, & qui à cha- que plainte enlevoit des Places dans les Pays-Bas. Il en falloit pour fecourir l'Empereur alors malheureux, & menacé par les Turcs : le premier Miniftre ne trouva d'autre expédient que celui de vendre la Grandefle {a) , comme il avoit déjà vendu les Goiivernemens & les Vi- ce-Royautés : Venife , dans des tems de calamité , a quelquefois vendu la No- bléffe , mais TEfpagne avoit d'autres ret '^ fources : fi on eût fait rendre gorge-à une multitude de Gouverneurs , de Magif- trats & de Financiers engraiffés du fang & desjarmes des Peuples , aux déten- teurs du domaine Royal , à une foule de concuflionnaires ^ il efl confiant que le
(a) Le Marquis de Stepa , Génois 9 acheta la dignité de Grand cinq cent vîngt-cînq mille li- vres , (|ui en vaudroient aujourd'hui huit cent siiile»
^2 Histoire
Roi auroit eu des tréfors immenfes à fa difpcfition ; mais le Duc de Medina-Cœ- ]i n'avoit pas alTez de fermeté , ni d'a- mour pour la Patrie pour braver la haine de ceux qu'il auroit tallu dépouiller ; les Grands fe contentèrent de gémir , de voir la Grandeilê jufques-là le prix de la plut haute naiflance , d^s fer\'ices &c du cou- rage auffi indignement proftituée. Que ne faifoient-ils eux-mêmes un effort en faveur de l^Etat dont ils connoifToient la malheureufe iituation ?"
Cependant l'Empereur , en recorx- noiflancedesfLCOursd'srgentqueleRoi, quoiqu'épuifé, lui fourniflfoit généreufe- ment , agit en fa faveur dans les Court étrangères* La Suéde & la Hollande , moins par amitié pour la Maifon d'Au- triche 9 que par la terreur du nom de Louis XlV. s'unirent avec TEmpereur & l'Efpagne par un traité iîgné à la Haye. Le motif principal de cette alliance , étoit la garantie des Pays-Bas Efpagnols, dans le cas que Louis XIV. continuât à les entamer ; le Roi d'Efpagne commit en même-tems leur défenfe au Marquis de Grana , Ambaffadeur de l'Empereur à Madrid p fsiute iàns doute de trouver
D^Es PAGNE. ^5
<Jans les Grands dont il étoic environné le génie & le courage néceflaires pour répouffer un ennemi tel que le Monar- que François.
Ce Prince ne fe laiflfoit intimider ni par les ligues i ni par les menaces.
Dès qu'il eut appris la conclufîon du 1^83, nouveau traité , il revendiqua le Comté d'-Aloft que fes Miniftres , difoit - il , avoient oublié d'inférer dans les articles du traité de Nimegue ; fur le refus de la cour de Madrid il fit bloquer Luxem- bourg; tandis que les Turcs appelles par fes intrigues en Autriche , amégeoient Vienne avec deux cent mille combat- tans ; l'Europe n'ofa reprocher à ce Prin- ce d'avoir voulu livrer une partie de la République Chrétienne aux Ottomans } mais elle l'accufa d'avoir conçu le projet de faire élire fon fils Roi des Romains , pour prix des fervices qu'il conaptoit ren^ are à l'Allemagne , en çhaflant lui-même l'ennemi qu'il y avoit appelle : quoi qu'il en foit, l& fort de la Maifon d'Autriche ne pouvoit êtrç plus déplorable ; l'Em- pereur fuivi de toute fa famille fuyoit de Vienne où il n'avoit guères d'efpérance de rçatref i le Roi d'Efpagne humilié par
5)4- Histoire
Louis XIV. à qui il ne pouvoit réfifter ^ languiiToit dans le fond de fon Palais.
Sur la nouvelle que le Grand Vifir étoit prêt à fe rendre maître de Vienne , Louis XIV. leva le blocus de Luxem- bourg , & exhorta les Efpagnols de voler au fecours de l'Empereur; mais dès qu'il eut appris que Léopold , par un de ces évenemens imprévus ,. & qu'on appelle le miracle de la Maifon d'Autriche , ve- noit de triompher des Turcs par les mains du Roi de Pologne & du Dde de Lor- raine , il recommença les hoftililés. Cour- trai & Dixmude furent afliégés & pris ; Luxembourg fut bombardé ; PEfpagne déclara enfin la guerre à la France , mais l'efpérance de vaincre étoit éteinte dans tous les cœurs. Comment pouvoit- on ré- fifter au plus puiifant & au plus heureux de tous les Rois , tandis qu'on ne pou- voit pas mettre à l'abri d!es infultes des Corfaires les vaiffeaux & les forterefles de l'Empire ? Un Pirate HoUandois ve- noit d'attaquer & d'emporter la Vera- Cruz où il fit un butin de dix millions : le Miniftre , pour amaffer quelques fonds, réduifit de moitié les penfions , & fixa les plus hautes à quatre mille ducats. Il per-
!>' E s ? A G y 5.
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leDcrceroîr psr tlbs-ûiéoies l=s iurO -_i , kdcks poner a^Tréfar Rzyil i-<< «te opératicn q-ji piroiûbï: £ rr:trf i Wagcr les Peuples & à siiztnên-iT .=< wons Royaux • fit trc-rlt irzin::- cUt dans f cxéc:tic2-
UDac d An'ca, itz'rji Yz:lj.zzt V. Whtau milieu des triczirhes i= tcn ^ 8c des malheurs de TE-.:: îzne ; e..e "cpréroyoit pas alors que ce ;e-ne Prir.- Oofann jour lui donner des Lcix .. êc îa xcaUir dans fon ancien éclat ; elle r.e re- pdoit fà nailTance que coxme une rrcL- j!^ de plus pour îennemi qui l'ccra- mu
AlfonfeVL Roidéthrôr^é dePortu- pl> meurt après avoir langui dix-iep t ?nscn prifon ; le Régent , l'on trere , lui foccéda fous le nom de Pierre II. La Reine de Portugal ne furvécut pas long- ttns i fon premier mari ; la Reine de France , Marie - Therefe d'Autriche , four & héritière du Roi d'Efpagne , croit >norte quelque tems auparavant , adorce ^^^ }^^ des François , comme Vont été toutes J^^»"^*»- les Reines que ce Peuple a reçues d'EU pagne.
^6 Histoire
ld84. La guerre étoît ouverte en Catalogne & dans les Pays-Bas, on follicitoit pour la foutenir des fecours en Hollande , en Angleterre & à Vienne ; les Hollandob envoyèrent garnifon dans les Places de la Flandre les plus expofées aux arities des François ; mais ils n'oferent déclarer la guerre en faveur de TEfpagne : le Roi d'Angleterre qui quelque tems aupara- vant avoit figné une ligue oflfènfive & défenfive avec la Cour de Madrid , ne permit pas feulement qu'on levât quel- ques Régimens Anglois & Irlandois pour les faire agir dans les Pays-Bas ; l'Empe- reur & les Princes , quoique pleins de reflentiment contre Louis XtV. n'a- voient garde de fecourir PEfpagne dans un tems oJi ils avoient fur les bras toutes les forces de TEmpire Ottoman, L'Efpa-
fne réduite à fes propres forces , fuccom- a dans le cours de cette campagne ; le Duc de Bournonville qui commandoit une armée fur les frontières du Rouffil-^ Ion , fut défait à Pommayor. Les Fran- çois bombardèrent Fontarabie , & aîfié* gèrent Gironne qu'ils ne purent pren* dre ; dans les Pays-Bas ils firent la con- (juête de Luxembourg , l'une des plus
forces
■•
D^ E s P A G N E. 5^7
fortes Places de l'Univers. La Républi- que de Gènes qui feule dans la défeâion générale des Alliés de l'Efpagne ^ ofa lui refter attachée , éprouva le plus terrible bombardement , & fe vit bientôt obligée d^implorer la clémence du Roi de Fran- ce ; la Hollande figna un traité de neu« trsdité I malgré les efibrts de fon Stat* houder ; enfin on fut obligé de recourir â la négociation. L'Empereur accepta en fon nom & en celui du Roi d'Efpa- gne une trêve de vingt ans (4) , au moyen de laquelle les François gardèrent Lu- xembourg & toutes les Villes dont iU s'étoieftt emparés auparavant , excepté Courtraî & JDixmude que Louis XIV» confenm de reftituer à rEfpagne ; dans ia trifte fituation où étoient réduits l'Em- pereur & le Roi , ils fe trouvèrent heu- reux de défarmer Louis XIV. au prix qu^il exigea..
En reconnoiffance des fervîces aue la i6Sj Cour venoit de recevoir de celle de Vienne, dlç permit au Pape de lever fur fes Etats d'Italie des décimes pour 1^
(d) L9 trêve fiit conclue à la Dicte de Rati^r bonne.
Tome r, E
5^8 Histoire
guerre de Hongrie » & bientôt après elle entra dans la ligue formée entre l'Empe- reur 9 la Pologne & Venifè contre les Turcs ; mais elle ne fournit guères à b caufe commune que quelques galères i quelques fommes d'argent & quelques Volontaires de la première condition,quî excitéspar une noble ardeur 9 furent com- battre lur les rives du Danube 9 alors le feul tj^éâtre de la guerre en Europe ; tout: (Ce qu'il y avoit d illuftre & de diftingUié dans les différens Eoyaumes de la Répu^ blique Chrétienoe ayoit donné l'exem-^ pie , & s'étoit rangé fous les étendardi du Duc de Lorraine 9 le plus habile Gé- néral de l'Empereur ^our apprendre I9 in,étier de la guerre* Cfe Prince prit dans tout le cours de cette euerre un afcen« idant fur les Turcs j^(ques-là inçonnii aux Chrétiens.
On apprit avec joye & Madrid la noi|« y elle que le Duc a ï ork ( Jacques H. ) étoit monté fur le thrône de la Grande Bretagne. On efpéroit avec toute l'Eu* rope détacher ce Prince de l'allia ncf ^vec Louis XIV. maisl'Efpagne & toutç VjEurope fe trompa. Jacques parut enco-
ff plus r?w ^ y 4M 4çX'Puw XJV, ^uf
P^ £ B P A G N B. pp
ne TaYolt jamais été fon prédéceiTeur ; l'attachement du nouveau Roi )t h Reli- l^on Catholique & à T^dliânce des Fran- çois , lui coûta dans la fuite trois Cou- Tonnes.
La Cour d'Efpagne étoit plus en proye aux intrigues & aux révolutions ,
Îue toutes les Cours de PEurope. Le hic de Medina-Celi , après avoir diflî« pé plufieurs cabales 9 (e vit enfin op- primé par celle aue forma le jeune Com- te d'Oropefa ( de la Maifon de Portu* £1. ) H hit ^rivé de Temoloi de premier inàfare , difgracié & exué dans fes ter- res ; on lui reprochoit les malheurs delà Monarchie ; mais quand il eût eu le génie aufli yafte qu'il Pavoit borné 5 auroit-it pu réfifiet à Loub XIV. & réformer des abus qu'on n'a pas pu fupprimer en plus d'un demi-fiécle. Le Comte d'Oropefa » fon fuccefleur ne put avec plus de fer- meté 5 de lumières & d'application ren- dre à l'Efpagne fon premier éclat ; elle éprouva au contraire de plus grands re* vers (bus (on Mniftere : chaque année de ce fiéde devoit être pour l'Efpagne un nouveau degré d'humiliation & de
£)ibleflc»
Eîj
loo Histoire
i68j5» Cepi^ndant le Peuple applaudinoit ati nouveau Miniftre ; on étoit prévenu en faveur de fon zélé & de fa capacité : Icf cpmmencemens de fon adminiftration ré- pondirent aux vœux des Peuples ; il rer eauffa d'abord la monnoîe qui avoic ét^ réduite par la plus funefte de toutes le^ opérations à la moitié de (à valeur ; il fip dans les Confeils , les offices inutiles 6c les penfions une réforme qui épargnoit chaque année cinq millions ; les denrées diminuèrent de prix , & la fituation du Royaume devint plus fupportable , inaif en meme-tems il corrompit le bien qu'il faifoit à TEtat , en permettant au Pape de faire contribuer de deux millions tous les ans le Clergé d'Efpagne en faveur dç l'Empereur ; c'étoit achever d'appauvrif le Royaume : au relie Léopold nt un di- gne ufage de l'argent qu'il reçut desEc* cléfiafiiques Espagnols & Italiens , S^ du Pape qui lui prodigua les tréfors de la Chambre EccléfiaiTique ; il conquit par les mains du Duc de Lorraine l'iniT . portante Place de Bude en Hongrie.
La joye qu'on avoit des fuccès de l'Emir pereur & du rétabliflement des afiàires jM^tériçures ; fu; tfoiiblée par une flop;?
d'E S P A G N £• lOl •
Françoife qui vint bloquer le Port do Cadix. On ne put obtenir de Louis XIV. qu'il retirât fes vaiiTeaux , qu'en comp'> tant cinq cent mille écus qu'on avoit faifî à de» Négocians François qui avoienc commercé aux Indes Occidentales con* tre les Ordonnances. On apprit en même teihs avec tranfport que le Prince d'O*- range préparoit des vengeurs à rEfpa* gne ; la haine de ce Prince contre Louis XlV. échauffée & fortifiée par celle des François réfugiés en Hollande depuis la révocation de Pédit de Nantes , embrafa bientôt en effet l'Europe du Midi au Nord : nous ne pouvons nous empêcher d'obferver. en paffant que les fuites im- prévues de la révocation de l'Edit de Nantes , affbiblir At plus la France qu'u- ne guerre de vingt ans , & la perte de dix batailles; l'Angleterre , la Hollande f l'Allemagne enrichies , peuplées , éclai- rées par lept à huit cent mille François expatriés fe trouvèrent en état de com- battre & de vaincre le grand Roi (m). L'Empereur , la Suéde ^ la Hollande ,
(a) C'efl aînfî qu'on dcfîgnoît Louis XIV.
dans une bonne partie de TEurope.
I« •< •
^ 102 Histoire
les Princes de PEmpire , le Duc de Sa* voye , le Pape ennnenû perfonnel de Louis XIV. entrèrent dans la ligue d'Âugfbourg dont le Prince d'Orange » fimple Paniculier fut l'auteur , Vzmt & le héros. Le Roi d'Angleterre , pour avoir refufe d'augtnenter le nombre des ennemis de la France , fut la première vic- time que s'immola le Prince d^Orangc. 2^87» Le Confeil de Caftille réprima cette année avec une vigueur inconnue en Ef^ pagne une entreprife de l'Archevêque de Séville qui ofa excommunier tous tes Magiftrats de l'Audience Royale de cet«^ te capitale de l'Andabufie pour avoir , fe* Ion lui , violé l'Immunité Ecclédaftique dans le jugement d'une caufe qui regar^ doit quelques Moines ^& où les MagiC* trats n'avoient confulté que l'équité ta > plus impartiale : le Prélat fe vit obligé de révoquer fes cenfures pour ne pas. s'expofer à voir fon temporel faifî ; on r^çut alors de diffifrens endroits des nouvelles qui confternerent les efprits : on apprit d'Afrique que Dom Diegue de âracamonte venoit de perdre un grand combat & la vie fous les murs d'0« ran contre les troupes de l'Empereur'
i^l^^^mmmm^mmmmtÊÊtm^miÊÊmi^tmtmÊàitmtt^Êà^tÊàtU^mltmm
ritia*»
de Maroc. Depuis deux fiëcles que ta guerre étoit éternelle furies côtes de l'an- cienne Mauritanie entre les Efpagnols & les Maures , la politique des Souverains deMaroc ne Tavoit allumée que pour arra* cher d'entré les mabs de la Manon d'Au** trVcbe les cinq ou iix Villes conquifes paf lés Efpagnols fur le Détroit , Hc fur-tout pour occuper dans une guerre étrangère & lé^time leurs Sujets légers, inconftans^ féditieuxy & avides de nouveautés , mai» la lâcheté , le défaut de difcipline , l'igno- rance des Maures les avoir empêchés ée triompher de la poignée d'Efpagnols que la Cour de Madrid leur oppofbit : cetfe année même , après la viéloire dont nous venons de parler, ils furent obFigés de le- ver honteufement le fiége de Mdila.
Un horrible tremblement de terre fe fit (êndr dans toute PAmérique Méri- dionale ie vingt Oélobre : quantité de Villes du Pérou furent abîmées , & en- tr'autres Lima dont prefque tous les Ci- toyens & les richefles furent engloutis» La feule confolatiott qui put adoucir tant de malheurs , fut la nouvelle des fuccès de l'Empereur en Hongrie. Le Duc de Lorraine & l'Elefteur & Bavière gagne-
Eiv
104 HlSTOIKE
rcnt une célèbre bataille dans les plaines de Mohats , plaines qu'avoit aucrdbîs inondé du fang des Clirétiens le £uncux Solvman. Ces viAoires qui vengecncnt b Maifon d'Autriche 5 & humilioieiit les Ottomans , affujettirent de plus en plus les Hongrois ^ ce Peuple foldat & impa- tient du joug Autrichien ; la gloire de TEmpereur , & le fruit de fes viâoires réjaillit jufqucs fur la branche aînée de fa Maifon ; les Etats d'Hongrie , par an décret folemnel 9 rendirent le thrône d'é- leâif héréditaire dans la Maifon d'Autri- che , & y appelèrent , au défaut de la branche Allemande , la branche Efpa- gnole#
Michel Molinos , Prêtre Efpagnol 5 l'un des plus célèbres & des plus Œinge- reux MyHiques que l'Efpagne ait pro- duit , fut arrêté a Rome où il défavoua & abjura fes erreurs; Tlnquifition ne Ten condamna pas moins à une prifon per- pétuelle* On a écrit que les fentimens de Quiétifme de ce Théolofi;ien étoient les mêmes que ceux d'une infinité d'autres de fon Pays qu'on n'avoitpa^.jugé à pro- pos de flétrir. Quoi qu'il en foit , ce n'eft guères qu'en Efpagne que le Quiétifme
d'Bspagne. loy
a pu naître > c'eft à- dire , dans un Payd où l'on a long-tems négligé l'étude des SS. Pères j de l'Ecriture Sainte , & de la Théologie pofitive , qui devroient faire fèuls l'objet des travaux du Clergé ^ pour s'abandonner aux chimères de l'imagi-» nation.
Le Royaume de Naples fut cette an-* née en proye au même malheur qui ve- noit d'accabler le Pérou ; le tremblement de terre commença le cinq Juin > & fe fit fentir quelques minutes pendant plu-» fieurs jours conlécutifs ; il renverfa les Villes de Benevent , d'Ariano ^ de Mira- bella j d'Âvellino ^ de Vitulano ^ de Ge- retto & deplufîeurs autres ; trente mille âmes périrent enfevelies fous les débris 4e toutes ces Villes.
Vers le même-tems l'Efpagne reçut un affront iignalé de la part de la France ; * le Vice- Amiral Papacbin avoir refufé de baifler ^ félon les ordres de la Cour ^ pa» villon devant les vaifleaux François y bientôt il fe vit attaqué & forcé après un combat de trois heures de fe fou mettre à l'humiliante cérémonie que le plus fort exigeoit ; l'intérieur de la Monarchie n'é- toit pas moins à plaindre que les Nations
Ev
jo5 Histoire
^
foumifes au dehors ; Tindigence j k bn-
Êueur ^ & b léthargie étoient à leur com- le dans la Capitale & les Provinces ; oi> fut obligé de (upprimer b moitié des im- pôts f & de remettre aux Peuples les aF» férages qu'ils dévoient au Tréfor Royalf b popufatioiz diminuoît fenfiblement ^ For éc l'argent paroiflbient bannis da commerce. L'e^érance qui feule fou- tient dans ks malheurs publics > s'étei-- gnoit y & l'on étoît à b vdlle d'une guerre dangereu(è«
Louis XI V Pavoit allumé cette guerre^, b plus fengbnte de ce fiécle pourpréve- ttir bS' effets de b ligue d'Augfbourg: dont le fecret avoit tranfpiré. Il vouloir tir*tour fe venger dé PÉmpereur qui , par une injuftice manifefte,venoit de conr tribuer à enlever l'Eleâorat de Cologne ' au Cardinal de Furftemberg , créature de b France , & cwitenir fi^ Hollandois. dont il avoit pénétré ks defleins en fa- veur du Prince d'Orange contre le Roi d'Anfifleterre ; mais Jacques II. trahi par des Miniftres infidéks , vefufa les fecours de fon v^ant Allié. Il ne fçut ni pré- voir i ni ceujurer l'orage ; fo courage 8c là têtt lui manquèrent égalesoent^ Âîafiî
d'E s p a 6 k b. 107
M ne dut s'en prendre qu'à lui-même de la perte de trois Couronnes 9 que ni la vaue ambition de fon gendre , ni les for- ces de la Hollande 5 ni les intrigues de la Maifon d'Autriche a'auroient pu lui ar- racher y s'il eût voulu ou ménager da- vantage fes Sujets , ou écouter avec plus de docilité ks généreux confeils de Louis XIV.
Déjà cent mille François^ paroiiToient fur les bords du Rhin y conquéroient Phi- lifhourg , & portoientle fer , le feu & les contributions jufques dans le milieu de l'Allemagne. Le Corps Germanique & fon Gherne purent oppofer d'armées au formidable ennemi qui leur étoit tombé fur les bras j leurs forces agiffoient en Hongrie où elles venoient de prendre Belgrade; peut-être euflent-elles pénétré jufqu'à Conftantinopte , û Léôpold n'eût ztàré fur lui les armes de la France dont la piniTante diverlîon fauva les Turcs. * Telle étoit la grandeur d'ame & la fierté de Louis XIV. que dans le tems qu'il humilîoit TEfpagne , en donnant or- dre à (es vaifleaux de faire baifler par- tout le pavillon Efpagnol, Il invîtoil Charles IL à s'unir à lui pour venger \st
Evj;
7oiS Histoire
c^t^ifv^ <fV«s^muM de$ Rois , trahie dans k If'ft^N^^K dcJ^ucsILSans doute qu'en ^^t^px pktxxwt M Roi d^Efpagne de tel- V« fiî\>i\?^tbkw^ » h France efpéroit qu'el- W (k^>i^ 4^7^u^ fit h Reine pour qui la iv^^tcvKWau koidu^cntoit chaque jour; U tk y eut i^int d'cifbrts en eâèt que ne fit cette Princefle en faveur de fa Patrie & du Roi de la Grande-Bretagne, ion oncle; mais elle avoit à combattre tous les Mi- nières Efpa^nols & les Ambafladeur^ des Allies 9 qui fans ceffe rappelloient à Char- les II. le fouvenir des injures récentes & anciennes qu'il avoit reçues des Fran- çois : on lui exagéroit la puiflance & la fierté de la ligue feule capable de le ven^ ger &c de lui faire reftituer tout ce qu'il avoit perdu , s'il fe joignoit à la multitu- de des ennemis fous leiquels Louis XIV. devoit fuccomber ; la politique , la ven- geance , l'efooir entraînoient de tems en tems le foible Roi dans les vues qu'on lui infpiroit; mais l'éloquence de fon époufe , fes carreiTes , la crainte de lui déplaire , l'injuftice qu'il y avoit à fe dé- clarer pour un ufurpateur , pour un Hé- rétique , contre un Roi légitime & Ca- tholique , le retenoient : il ne fe feroit
d' E S P A G N E. lOp
jamais vraifemblablement déclaré contre Jacques IL & la France fans la mort de la Reine qui mourut en trois jours lô douze Février à Tâge de vingt-fept ans.
Nous ne pouvons paffer foui fitence i(î8p. les foupçons qu'on conçut fur cette mort précipitée j foupçons peut-être auffi té- méraires qu'une infinité d'autres de cette nature : tout ce qu'il y a de vrai , c'eft que cette Prînceffe d'un mérite égal à ce- lui des plus grandes Reines , aimoit ten- drement fa Patrie , qu'elle avoit fur VcC' prit du Roi Pafçendant le plus décidé , au point , comme nous l'avons obfervé , que Charles IL fupprima en fa faveur prefque toute la rigueur de l'étiquette , & qu'il la preffa de faire venir à Madrid le Duc de Chartres, fon frère , pour l'ér lever dans la connoiffance des loix & des ufages d'Efpagne , & en faire fon héri- tier (4). Il n'eft pas moins vrai qu'alors le Miniftere Efpagnol étoit dévoué aux intérêts de l'Empereur , & ne refpiroir
(à) Au défaut des enfans de Marie-Thereft* d'Autriche , époufe de Louis XIV. & du Prince Eledoral de Bavière > la Couronne appartenoit en cfB&t à la Maifon d Orléans»
110 HrsTorHB
que haine pour la France. En faut-il da« vancage pour autorifer des foupçoosf Bientôt après la mort de la Reine» TEno»
Sereur domina dans le cabinet ée Mar rid ; le Roi s'unit à l'Europe eonjurëe contre la France , & porta la eomplaw fance jufqu'à accepter l'année fuivante pour epoufe Marie-Anne de Neubourg:, mie de l'Eledleur Palatin , &c iœur de rimpératrice & de la Reine de Portugal. Entre tant d'adlions hardies , injuues & fufpe^es 9 le Miniftere Efpagnol en fit une oui doit confondre à jamais certain Peuple accoutumé à n'îannoncer la guer- re que par le brigandage le plus odieux } ta guerre étoit déterminée contre la Fran- ce ; la déclaration étoit même fous preiTe > lorfque des Négocians François le pré- fenterent , & réclamèrent plafieurs mil* fions qu'ils avoient dans le commerce de TAmérique ; quoique les coffi-es du Rot fulTent vuides , on leur reflitua fans le moindre délai leurs fonds.
On avoit déjà reçu des troupes An-
fFoifes dans Us meilleures Places des aysr-Bas; on figna un traité avec les Holkndois pour le partage des contri-» bâtions qu'on devoit tirer des Pays enne*
D'EsPAGNEr lïW
E
mis ; il: en fut de ce traité , comme de tous ceux qui partagent la peau de l'our$ fens l'avoir pris ; il excita le ridicule par Ion inutilité i les contributions qu'oa avoit dévorées enre^érance n'enrichirent as les Alliés : il arriva au contraire que- s François vécurent pendant toute la: guerre dans les Provinces de leurs enne^ mis , & fur tout dans celles d'Eipagne. La guerre étoit ouverte en Catalogne, dans les Pays-Bas , furie Kki», & bien*- rôt après elle le fut fur le Pô ; les Fran- çois prirent & d'émolirent Campredon : peu s en fallut qu'a vec une guerre étran- gère la Cour n en eût une civile à foute- nir'; une grande partie de la Catalogne fe feuleva : te prétexte de la révolte étoi» Ifinfraâion prétendue des privilèges de la Province : les véritables raifons étoienc rinquiétude naturelle aux Catalans, l'en- vie de fe fouftraire à un joug légitime , en- inl'elpoir infenfé de s'ériger en Républis^ que ; la révolte devint d'autant plus dan^^ gereufe , que le chef des féditieux , ap- pelle Dom. Antoine Soter , compteit déji: fi>us fes étendards trente irilie hommes ^ & qu'il étoît sûr de recevoir des feeours; de France i mais le Duc de Villa-Uer-
ti2 Histoire
mofa & le Marquis de Cooflaiâ j cliacuii avec un corps de troupes , eurent b gloi- re £c le bonheur de vaincre Scier ^ & de di^'truire jufqu'aux femcaces de la rébel- lion. Le 27 Les Alliés ayant raflemblé en Flan- Août* dres une armée où l'on ne comptoir que quelques Régimens Efpagnols ^ vainqui- rent les François fous les murs de Val- court , fans pouvoir profiter de leur avantage pour faire quelques conquêtes Le Corps Germanique alfemblé à Ra* tifbonne , avoit déclaré Loub XIV, en- nemi du S. Empire , avec les mêmes cé- rémonies que la Diète de Spire obferva contre François L en mil cinq cent qua- fante-quatrc; cette déclaration fut fuivie de la levée d'une puiffante armée qui ne coûta rien à l'Empereur relie reprit Keifer- vert , Mayence & Bonn; la Maifon d'Au" triche triompha auffi en Hongrie où le Prince Louis de Bade lui gagna la célè- bre bataille de Nyiïa ;elle ne manqua pas aufli de mettre au nombre de fes triom-
Ehes les malheurs de la Maifon de Stuard. tt Roi d'Angleterre trahi , arrêté & re- lâché par la connivence fecrette de fon i;endre qui ne vouloit pas fouiller fes
D^ÊSPAGISTE. ÏI5
maînsdans le fang d'un Roi & d'un beau*» pere^ s'étoit fauve avec fa femme & fon fils en France. A fou dépare le Thrône fat déclaré vacant , & le Prince d'Oran- ge le remplit par le choix de la Nation f tous le nom de Guillaume III. Jacques trouva dans Louis XIV. le protefteur le plus roag^nanime ; il retourna dans l'Ir- lande oui lui étoit demeurée fidelle avec les tréiors & les armées de la France y mais le bonheur , le courage & la iprvh dence de Jacques II. étoient éclipfés: L'Europe méconnut dans le Roi d An-
Îrleterre , le célèbre Duc d'Yorck : on çak que les Anglois pouffèrent l'injufti* ce à fon égard jufqu'a lui difputer la par ternité du Prince de Galles , & à l'accu- ler d'avoir fuppofé cet enfant , pour pri- ver de la Couronne le Prince d Orange, Mais cette calomnie n'a point fait fortune dans un fîécle éclairé ; la vérité a diflîpé les nuages que l'erreur & l'impofture avoient répandus fur cette naiifance.*
La mort du Pape Innocent XI* priva IsL Maifon d'Autriche d'un Allié dont elle avoit tiré des fecours îmmenfes par l'ufage généreux qu'il fit en fa faveur des tréfors & de l'autorité du S. Siège.
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lÉiÉHMMBHlf
114 HlsToïKÈ
La Cour de Madrid corrigea cette an- née un abus qui lui fit des ennen^s de tous les Cardinaux ; chaque Royaume de la Monarchie avoit auprès du Pape ce
Îu'on appelle fadueufeœent à Rome un Cardinal proteéleur , qui coûtoit de groi^ fes penfions : on réduint tous ces préten- dus proteôeurs à un feul , qui fut te Car» dinal deMédicis.
Les fuccès des Alliés connnençoient i faire renaître la confiance des Efpa- gnols ; le Comte de Fuenialida , Gouver* neur du Milanez , ofa donner ordre aa Duc de Mantoue de rafer les fortifica* tions de Guafialla , dans la crainte que ce Duc vendu à la France ne mît Lotiii, XIV. en pofleifîon de cette Place. jid^O» La guerre deyenoit chaque campagne plus générale & plus fanglante ; mais les luccès ne répondirent point aut vaftei; efpérances que les AlFiés avoîent con* çues ; maigre les efibrts de toute TEuro» pe conjurée , les forces de la France pa^ rurent {upérieures,lbît pair Thabileté it% Généraux François » foit par la fagefle du grand Roî qui les dirigeoit : l'Italie, l'Irlande , l'Amérique & l'Océan furent ks nouveaux théâtres, oà les Chrétiens
D*Es PAGNE. llf
ennemis les uns des autres difputerent
avec le plus d'acharnement la viéloire ;
les armées agirent aufii fur les rives
de i'Efcaut , du Rhin , de la Meufe , &
tn Catalogne ; dans les Pays-Bas ks Al-
liés perdirent la célèbre bataille de Fleu-
rus contre le Maréchal de Luxembourg , Le i
alors le plus habile Capitaine de TEuro- i^httr
pe i le f eul Général digne de lui être op-
pofé étoit mort au commencement de la
campagne ; je veux parler du Duc de Lor-
lûne $ qui après avoir rendu à la Maifon
d'Autriche les fervices lesplusgrands » &c
frayé par fes venus le chemb du Thrône
des Céfars i fon petit-fils 5 François de
Lorraine » aujourd'hui Empereur ^ def*
cendit au tombeau à la fleur de fon âee ;
l'Eleâeur de Bavière qui commandoit
en Alfiice contre le Dauphin , fon beau-
frere , n'eut aucun fuccès ; mais on
étoit plus malheureux en Italie : Louis
XIV. 'Ji travers la diflimuktion du Duc
de Savoye 9 avoit pénétré la haine que
ce Prince , pouffé a bout par les Minif-^
très François , brfiloit de faire éclater»
Il veooit d'apprendre qu'il avoit déjà
contraélé des liaifons très-étroites avec
ks Cours . de Vienne & de Madrid ; en
M<i tftsTOIRE
H>tt|i?^iurOccî Ac CCS découvertes , Lonh \IV. le ipmmiji fièrement de lui remec- t(v Uf ViUc!K de Turin & de Vcrceâ t»^>>M <i^uj|{trt de \à neutralité à laquelle Vi.U>i Amrvlcc déclara vouloir le te* ^li. M, de i'ttùnM » i la tête d'une ar* •m\' lr«n\o)t'c* parût aux portes de fes t'-iAt» » <k le prctf^i de fatisfaire aux inten* iA>n$* ou uhitoi 4UX ordres duRoi; Vie* u>r- Amcdcc Te trouva dans le plus hor* riblc embarras : livrer fa Capitale , c'é* tint refTcrrcr les entraves dont il fe phi- gnoit : rcfurer de foufcrire aux condi* lions de Louis XIV. c'étoit livrer le Pié- mont Se la Savoye à une ruine certaine f attendu quH n*avoit ni troupes , ni ar* gent pour fe défendre ; il prit le. fag^ parti de s'bunûber , & d'entamer une négociation pour avoir le tems d'atten- dre d'Allemagne & de Naples les trou* pes qui voloient k fon fecours ; mais le Roi de France inftruit que le Duc ne cherclioic qu'à Tamufer & à le tromper» ordonna à Catinat de commencer les hc^ tilités ; aufTi-tôt que le Duc de Savoye eut été joint par les troupes Efpagnoles , il alla chcrcner Catinat , & l'atteignit dans le$ plaines de Stafarde qu'il rendit
mmi^mmmatÊmm^fmrvmimmf
d'Es P A G NE, 117
fameufes par fa défaite : le vainqueur Le 8 François ic rendit maître de Suze èc da Août, Carmagnole , tandis qu^un Corps de troupes de la même Nation réduifoit tou- te la Savoye*
Les Puiifances maritimes eurent part aux malheurs & à la honte de leurs Al- liés; leurs flottes combinées furent vain- Le 10 eues & diflîpées dans la Manche far celle J"^u de France qui demeura n^aîtrefle de ji'una & de Tautre Mer.
Mais le lendemain de cette défaitjs dont les fuites épou vantoient toute TEu- rope , (juîllaume III. raflura fon Para A?,'^ en gagnant la bataille décifive de la Boy- ^'^ * ne ; fon infortuné beau»-pere fut fe con^* foler en France de la perte de trois Couf* rennes dans les exercices de la plus fuf blime piété , ^ dans l'amitié de Loui§: X I V. on combattit encore pour lui en Irlande , mais enfin lorfqu'on s'ap- J>erçut qu'il avojt fait à P^eu le facrî-f fice de Tes Couronnes 9 la guerre lanr
Sait 9 & fes principaux partifans , les . deles Irlandois 9 vinrent le joindre en France » qui devint pour eux , çommç pour lui , une féconde Patrie ; Téleftion . du Roi d'Hpn|;riç à |a dignité dç Kpi des
ii8 Histoire
koff*2ir>s , confob la Maîfi>n d'Antricfae des vidoires de ùt rivale ; llieoreiix Léo- pold eût pu voir fon lêcond fils PAidô- duc Charles , Rcn d'Efpagiie 9 s^ cfic écouté les confêils des partifâBS qu^ avoit dans ce Royamne ; mais il cmt trop que la fucceffion de ChatlesU. ne poavoK lui échapper ; ce qui aida encore i k tromper , fut le crédit immenfê qoe pik d'abord en Efpagne Tépoufê quli avok donnée au Roi ; il s'en ^oit pourtant bien que Marie-Anne de Neaboars(4)Ac autant aimée & refpeâée qoe celle donc elle rempli&jt la place. hc% Efpagnols t en la voyant , regrettèrent davantage leur dernière Reine ; ils n'appercevoient • en celle-ci ni le génie 9 ni rafiàbilité , ni les grâces oui leur avoient rendu Louife d'jOrléans u chère ; ils ne pouvoient loi pardonner de recevoir comme des on*
(a) Marie- Aime de Neubourg 9 après zroSt éii long-tems détenue par les vents contraiiet fvT les c6tes d'Angleterre , arriva le vîngt'^fêpc Mars à la Coroene (ut une efiradre de vaiflêanz Angloîs & Holkndoîs ; le Roi Se toute la Cour furent au-devant d'elle jufqu'â Valladolid où le mariage fut célébré avec aflez de trîfieflê > at- cendu que le Roi avoit k ccnir plein de ùl chers LouKê d'Orléans^
d'Espagne. up
clés les décilions d'un Capucin & d'une femme de chambre qu'elle avoit emme- nés de fa Patrie , & quicompofoient tout Ion confeil dans lequel elle admettoit quelquefois le Comte de M algar , ( D. Thomas Enriquez de Cabrera ) ^ qui par-^ vint depuis à la dignité de premier Ml*^ niftre par la proteâion de la Reine. Ce qui acheva de lui aliéner les cœurs , fut ropiniâtreté avec laquelle elle foutint les intérêts de fon neveu , l'Archiduc Char- les qu'elle vouloit porter fur le thrône » au ueu d'accoutumer les Peuples à ce |eune Prince , & de l'attirer en Efpagne ; ^lle foufirit que l'Empereur , en cela plus condamnable qu'elle , l'élevât dans un mépris choquant &c injurieux pour les moeurs » les coutumes & les perfonnes des Efpagnols. Nous ne pouvons nou$ empêcher , en paflant , d'obferver que rien ne contribua plus à tranfporter dans ime maifon étrangère les vingt - deux Couronne^ qui compofoient la Monar- chie Efpagnole , oue la connoiffance «qu'eurent les Peuples, que le maître flu'on leur deftinpit ne les aimoit , ni ne fçs eilimoit.
On verira dans la fuitç que ni les ver-»
I20 Histoire
tus de ce Prince » ni les forces de l'Euro* pe , ni les fuccès les plus imprévus ne pu* rent faire changer en fa faveur les (ènd- mens d'uQe Nation trop fiere & trop gé- néreufe pour pardonner le mépris. S 6q I ^^ ^^^ Guillaume , vainqueur du mal* > ^beureux Stuard , paiTa au commencement de cette année a la Haye où il jouit de la gloire de voir les Âmbafiàdeurs de toa« • tes i:cs Têtes couronnées de l'Europe, 8c prefque tous les Souverains de TEmpire au nombre de fes counifans ; mais dans le tems que cette multitude de Princes 8c de Minières ençenfoit fes fuccès & fes talens , & qu'elle fembloit attendre de lui comme d'un Dieu la foudre qui dt* voit les venger de la France. Louis XIV. . parut devant Mons avec cent mille hom- mes : le$ m^fures néceflaires pour le fuc- cès dç cette entreprife éclatante avoient ; été concertées avec une fageife fupéricu- re ; loin de.s'attendre à une telle expé» dition , l'Europe croyoiique Louis XIV. feroit heqreux de fe tenir fur la défeiifi-^ ve , & de ne perdre que quelques PUh ces i \c Rpi Guillaume & tous les Mini& très dont il étoit environné furent mer» ve^Ueufcment déconcertés i cependant il
fe
d'Espagne. 121
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ie hâta de rafTembler fon armëe , & de la mener vers Tennemi , mais il n'approcha de Mons que pour être témoin de la pri- fe (4) ; le Maréchal de Luxembourg à qui Louis XIV. avoit confié fon armée , contint toute la campagne celle des Al- liés plus nombreufe , & la termina en' battant à Leuze avec vingt- huit efca- drons foixante & douze elcadrons An- glois , HoUandois , Allemands & Efpa- gnols foutenus d'un grand Corps d'inran- terie.
Si on ne fut pas plus heureux du côté Le if des Alpes , ce n'étoit ni faute de Gêné- Sept, taux , ni faute de troupes ; le Duc de Sa- voye , l'Eleéleur de Bavière , le Prince Eugène & le Marquis de Leganès qui , tous enfembie , commandoient l'armée compofée d'Efpagnols , d'Allemands , d'Italiens , de François réfugiés , & de Saiffes , ne purent empêcher ks François de s'emparer du Comté de Nice & du Marquilat de Saluces ; cependant le Prin- ce Eugène plus habile que tous fes Col-
(k) Mons défendue par le Prince de Bergnes capitula le neuf Avril après feize jours de tran- chée ouverte.
Tome r. F
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1^2 Histoire
Icgucs fit lever feul fur la fin de la camj pagne le ficge de Coni , & prit Carma- gnole ; les François qui avoient à corn-» battre fur les bords de la Sambre , de U J\leufe , du Rhin & du Pô étoient encore fupericurs à TEfpagne en Catalogne; Hs croient far-tout maîtres de la Mer : les ^îcux ficres Nations qui paroiffent avoir slVcrvi cet Elément , & qui l'ont compté plus d' une fois au nombre de Içurs do- maines , fuyoient par-tout devant eux ; les François profitèrent de la terreur gér ticrale pour bombarder Alicante & Bar^ colonne , tandis quç leur armée de terrç commandée par le Duc de Noailles faw (bit la conquête du Seu d'Urgel , & s ouy vroit TArragon ; le cri des Catalans & des A rragonoîs , fe fit bientôt entendre à la Cour ; on aifembla fur le champ un Confeil général pour découvrir la fourcç de la honte & de la foiblefle de la Mo- narchic , & pour chercher les moyens de s'oppofer aux François ; le Duc d'Of- fonne , un de ceux qui fut appelle à ce Confcîl , opina en vrai Efpagnol qu'il falloir qac le Roi parût à la t(:te des ar- mées pour ranimer Taudace de la Na* fipn, que fon exemple cntrainerpit }ç|
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Grands , les Chevaliers militaires & la Nobleffe qui depuis Philippe IV'. n'a- voient paru dans aucun camp ; il ofa citer Louis XIV. dont la préfence dans fei armées faifoit de chacun de Tes foldats autant de héros , mais Topinion contrai- re prévalut : quelques flatteurs foii tin- rent qu'il valoit mieux perdre la Cata- logne , & même la moitié de la Monar- chie que d'expofer la vie & la fanté du Roi ; le timide Charles fe rangea de cet avis. Quand un Peuple a le malheur d'a- voir de pareils Rois & de femblables Mi- niftres , il faut bien qu'il foit malheureux & avili. Peu après le Roi donna une nou- velle marque de foiblefle en facrifiant à la haine de la Reine le Comte d'Oropela fon favori & fon Miniftre; le Comte de Melgar depuis TAmirante , homme plus propre à conduire une intrigue de Cour
?[u'à gouverner une fi vafte Monarchie » ut élevé fur les débris du favori difgra- cié ; maïs le Roi qui ne pouvoit fe paffer d*Oropefa pour qui il avoir une véri- table tendreffe , le rappella bientôt , &c lui rendit fa confiance & la place de Pré- fident du Confeil de Caftille. Melgar qui avoit vu chaque changement de Miniftre
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lignalé par des rttorines » ne manqua pas de fuivre Texemple de fès prédécefleurs; il remit les Tribunaux, les Secrétariats» les Chambres des Comptes fur le pied où ils étoient en 1621 , mais ce qui lui attira les applaudififemens des gens de bien 9 fut la uippreilîon des Offices fur- numéraires ou héréditaires , des furvi«> vances pour une ou plufleurs vies ; cène réforme épargnoit au Roi pluiîeurs mil* lions chaque année. Dans la néceflîté de trouver des fonds pourréCfter aux Fran-, .çois , on ne pouvoit rien faire de moins onéreux pour la Nation ; cependant de 48 millions d'écus qu'on atiendoit du Pérou & du Mexique , tant pour le comp« te du Roi que pour celui des Négocians , on ne reçut que quafante millions d'é- cus ; les vaifieaux fur lefquels étoient les huit autres millions périrent dans le tra- jet.
On figna cette année un cartel avec Ifmaël Muley j Empereur de Maroc , pour l'échange des pnfonnicrs ; on s'oblir ;eoit à Jui rendre dix. Maures pour un Tpagnol ; ce cartel qui n'étoit point avantageux à la Nation , flatta au moinf f^ ymiii î Iç C^dml Pign^teUi , Nappr
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d'Espace NE. li^
iitain fuccéda à Alexandre VIII. fous le Àom d'Innocent XII. Prefoue tous les Papes étoient nés fujets de rfefpagne ; le premier foin de celui-ci dont la «témoire doit être refpeélée , fut de s'accoqamoder avec Louis XIV. qui avoit eu les plus violens démêlés avec fes prédécefleurs.
L'Empereur gagjna cette année par les mains du Prince de Bade la bataille de J^^ ^ Salankemen contre les Turcs.
De tous les millions venus Pannée l6^. précédente en Efpagne , il n'en étoit pas refté dix entre les mains du Roi > & vingt dans le Royaume : tout étoit paflfé çb^z les Nations commerçantes; le Roi fans[ argent fut obligé de fufpendre le paye- ment de toutes les penfions. Que ne les fupprimoit-il tout d un coup ? On défen- diit aufli Tufage des carroifes dorés ; mais malgré tous les projets de réforme on ne put ramaffer aflez d'argent pour; fornver une armée en Catalogne ; heureufement Que les ennemis portèrent toutes leurs forces fur le Rhin , dans les Pays-Bas & fur rOcéan. Louis XIV. ouvrit la cam- pagne par la conquête de Namur {a) ,
(a) Namur capitula le cinq Juin , & ks châ*
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126 Histoire
fans que le Roi d'Angleterre & TElec- ceur de Bavière avec plas de cent mille hommes pailent jecterle moindre fecours dans l^ Place ; ils crurent fe venger fur le Maréchal de Luxembourg retté feul chargé da commandement de raimée Françoife , & le furprirenr en efièt i SteinJcergue , mais ni le nombre , ni l'a- yantage deslieux , ni la furprife ne purent les rendre vidoricux : jamais b valeur des François & la fcience profonde de leur invincible Général ne brillèrent plus
Suc dans cette fangbnte journée ; le Koi millaume ^ comme s'il eût été de fa def- tinée d-âtre toujours vaincu par Luxem- bourg 9 fe retira battu & pourfuivi; le vainqueur vînt bombarder Charleroy.
Le malheur des Alliés les pourfuivic fur les bords du Rhin où le Duc de Wir- temberg fut vaincu & pris dans un grand combat ; mais du côté d^ Alpes la vic- toire fe rangea fous leurs étendards ; le Duc de Savoye pénétra avec une armée
teaux le trente. A cette tnfte nouvelle le Roi ci'Efpagne plaignit Guillaume à qui il croyoic que Namur appanenoit. L'année précédente il f'étoît attendri fur !e malheur de 1 Empereur à qui il croyoic que Mons étoît fournis»
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d'Espagne. ii^f
fupétieure en Dauphîné oà il mît tout à feu & à fang ; it auroit porté plus loin Tes avantages & fon relTentitnent , s'il ne fut tombé malade au milieu de la cam- pagne.
Ceft fur-tout fur l'Océan où les Alliés portèrent les coups les plus décififs j ils remportèrent près de la Hogue la plus célèbre bataille navale qui fe foit donnée dans cette guerre. Louis XIV. perdît Terapire de la Mer , & Jacques IL pour qui il avoit fait des efforts incroyables , 1 eipérance d'être rétabli fur fon Thrône.
Ces derniers fuccès ranimèrent la con- K^pj fiance des Alliés ; ils fe flattoient de ré- duire Louis XIV. aux dernières extré- mités, & de partager bientôt les dépouil- les qu'ils alloient lui arracher ; maistcette campagne ne fut pour eux qu'une longue fuites de difgraces plus accablantes les unes que les autres ; malgré la haine qu'on portoit au grand Roi , on admira fon gé- nie & fes reflburces ; on fut confondu de voir un Prince maître d'un Empire quin- ze fois moins vafle que celui des Ro- mains , mettre.de plus grandes forces fur pied.
Avant que de tracer les évenemens de
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cette campagne^nousallSns rendre comp- te de ce qui fe paffoit dans Tîntérieur de TEfpagne ; le Comte de Melgar devenu FAmirante , fut déclaré premier Minif- tre ; il eut la modération de partager avec le Connétable & le Duc de Montalto le Gouvernement fuprême de toutes les Provinces fous le titre de Vicaires Gêné- . raux avec une autorité fupérieure à celle des Vice Rois.
On ne tira pas plus d'avantages de ce nouvel arrangement que des précédens. Les malheurs fe fuivirent d auflî près •qu'auparavant j la Sicile fut défolée par le plus furieux tremblement de terre («i) qu elle eut jamais effuyé j il dura depuis le neuf Janvier jufqu'au vingt ; onze Vil- les , cent Bourgs ou Villages furent ren- verfes ou engloutis ; cent - cinquante mille âmes , c*eft-à-dire la huitième par- tie des Siciliens , périrent dans le même tems j les Indiens du Mexique fe ré- voltèrent, mirent le feu dans la Capi- tale de ce vafle Empire au palais du Vicé- Roi , & peu s'en fallut qu'ils ne le mafla- craifent : s'ils a voient eu un chef , la do-
(a) Il Ce faifoit fcntir pendant plufieurs mifiUr tes confécutives chaque jour»
d' E s P A G N E. 1 2p
minatîon Efpagnole couroit rifque' d'être détruite. On prétend que les Créoles» plus ennemis de TEfpagne que les In- diens mêmes , balancèrent s'ils fe join- droient à eux > & s'ils éliroient un Roi. On croit fans doute que le motif d'une révolte fi dangereufe etoit , de la part des Mexicains, une noble ardeur de la li- berté , un defir généreux de venger leurs ancêtres opprimés par les conquérans
3ui leur étoîent venus apporter aes fers u fonds de l'Europe : non , il s'agiflbit du droit de s'eny vrer qu'un Vice-Roi fobre & malhabile avoit interdit à la Nation , en profcrivant Tufage de certaines boîffons fortes. On réclamoit la révocation de l'arrêt les armes à la main , & on ne les mit bas que quand le Vice-Roi eut per- mis par écrit & de vive voix de perdre la raifon comme auparavant.
Cependant il falloit former une armée
1)0ur défendre la Catalogne menacée par es François ; on vendit Sabionetta dans le Milanéz au Duc de S. Pierre pour fub- venir aux dépenfes qu'exigeoit l'entre- tien de l'armée , mais l'argent qu'on en tira ne fuffifant point , le F oi fe vit obli- gé de retrancher le tiers des dépenfes de
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ijo Histoire
fa maifon & tous les appointemens des Officiers tant civils que militaires ; les Grands, les Confeillers d'Etat, îesTitu- kdos fe taxèrent eux-mêmes , & enfin^ l'armée affemblée avec tant de peine en- tra en campagne fous les ordres du Duc de Médina Sydonia ; mais elle ne put em- pêcher que le Maréchal de Noailles ne fit la conquête de Rofes ; on s-en prit à^ Le 9 ^incapacité du Général qu'on rappella , J^' & à qjui on fubftitua le Duc d'Efcalone, LesEfpagnols étoient dans le même- tems témoins des malheurs de leurs Al- liés ; ils virent de deflus leurs côtes aux environs de Lagos une efcadre Françoife {a) attaquer, enlever & détruire une flot- te marchande Angloife & HoUandoife efcortéé de quatre vaifleaux de guerre ; quatre-vingt-dix vaifleaux furent la» proye des flammes , de la Mer & du» vainqueur.
Le Roi GuiHaume , après avoir laiflï-
frendcedans les Pays-Bas Hui& le Fort icard , s'étoit retranché à Nervinde avec ibixante& dix mille hommes aux appro- ches du Maréchal! de Luxembourg^; mais
(«) Sous les ordres du Maréchal de Tourvillek.
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d' Espagne. 131
fes François ne Fen attaquèrent pas moins le vingt-neuf Juillet avec une furie dont on n'avoît jamais vu d'exemple. Les Al- liés fe défendirent de leur côté avec une efpece de fureur , &c repouflerent deux fois Fennemi; mais à une troifieme atta- que les François emportèrent les retran- chemens , & la déroute fut générale de la pan des vaincus qui perdirent vingt- deux mille hommes , ioixante & feize pièces de canons , miatre-vingt-huit dra- • peaux ou étendards j la viSoire coûta douze mille hommes aux François qui en profitèrent pour conquérir Charleroy.
Les- malheurs du Duc de Savoye éga- lèrent ceux du Roi Guillaume ; il avoit d'abord pris aux ennemis le Fort Sainte -Brigitte & bombardé Pignerol ; mais les François , fous les ordres du Maré- chal de Catinat , marchèrent à lui fur la fin de la campagne , & le rencontrèrent -le quatre Oâobre dans tes plaines de la Marfailk ^ lieux devenus i&meux par la Êinglante bataille qui s'y livra le même jour i les AHiés furent entièrement dé- faits; le Marquis de Solera qui comman- doît les Efpagnols fut tué ; le vainqueur iftndit aux Etats du Duc de Savoye ia-
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132 Histoire
cendie pour incendie ; il ravagea le Pié* mont avec la même atrocité qu'avoir fait éclater l'année précédente le Duc de Savoye en Dauphiné.
Les Allemands fe laiiTerent enlever Heidelberg , capitale du Palatinat ; le François vainqueur exerça dans la Ville prife d'aiTaut des cruautés donc le fouve- nir fait horreur.
L'Eleélrice de Bavière mourut en ac- couchant d'un fils en qui les Efpagnols & toute l'Europe crurent voir le fuccei- feur de Charles IL L'Empereur Léo- pold , père de l'Eleélrice , avoit exigé de cette PrinceiTe j en la mariant j une renon* ciatîon à Ja Couronne d'Ef pagne ; il n'y ivoit que l'ambition profonde de Léo- pold qui pût lui cacher l'abfurdité d'ua pareil aâe , quand même le Roi d'Efpa- gne eût confenti à cette prétendue renon- ciation , elle n'eût pas été valide , puis- que le droit à la fucceflion dans tout Etat héréditaire vient des Loix fondamenta- les de l'Etat , des ufages reçus , & non de la volonté ou du caprice -du Souverain qui n'eft que l'ufufruitier de la Cou- ronne. ^ ^9û^ Louis XIV. du fein de la viâoire ofim
d'£sPA6N£. 139
là paix aux mêmes conditions qu'elle fut depuis conclue à Rifw ick ; il obfervoic qu'il avoit à combattre dans les Allies étroitement unis une hydre fans ceiTe re- naifiante; fes viâoires & Tes conquête!» Pé^uifoîent , l'efpece d'hommes & l'ar- gent commençoient à diminuer fenfible- ment en France , la difette dç grains avoit été telle cette année dans foh Royaume , que Tes Sujets mouroient de faim au mi- lieu de fes triomphes; mais le Roi d'An^- gleterre , l'Empereur & le Miniftere Ef- pagnol alors dévoués à Léopold , refîi- ibietit la paix par les mêmes motifs ; iU efpéroient achever d'épuifer h France en quelques campagnes , & avoir la gloi* re de lui diâer les conditions de paix au milieu même de fa profpérité apparente ;. cette opiniâtreté ne fervit qu'à multiplier les malheurs de la République Chrétien-^ ne^ fans être utile aux chefs de la ligue..
Cependant Louis XIV. fe détermina i faire les plus grands efforts du côté des iPvrénées aans Tefpoir qu'à force de fuc- cès il détaeheroit TEfpagne de la ligue j en conféquence les François , fous les or- dres du Maréchal de Noailles , paflerent le Ter en préfence de Tarmée Efpagnole
134' Histoire
le *7 commandée par le Duc d'Efcalonne , & "'• remportèrent une grande viftoire ; de-là ils marchèrent à Palamos dont ils s'em- parèrent, & en fuite à Gironne^j qui mal- gré une forte garnifon & fes excellentes le z9 ^rtifications , le rendit lâchement en fept Juiiu* jours de tranchée ouverte j Oftafric fut forcé (4) , malgré une enceinte de fept retranchemens ; Caftel - Follit capitula quelques jours après : cette longue fuite • de dîfgraees répandit la terreur jufques JttiUet ^^^^ Madrid & les Provinces les plus * éloignées du théâtre de la guerre ; en Ar- ragon , en Navarre & ailleurs fa popu- lace dé{ê(pérée de tant de malheurs , le$ vengea indignement en faifant mainbaflê fur tous les François domiciliés depuîf. long-tems dans ces Provinces ; le Due d'Efcalonne, le plus malheureux comme le plus honnête homme d'Efpagne , ré- prima la fureur épidémique du Peuple par des exécutions fanglantes-
Le Miniftere déconcerté envoya de- mander de prompts fecours. à Londres y
(a) Au commencement Je fa campagne lei François avoient obligé quatre vaiiTeaux iH ftterxe i échouer devant Tortofe.- -
d' E s P A G N E* 135^
à h Haye & à Vienne; une flotte puif- fante fe rendit des Ports d'Angleterre & de la Hollande fur les côtes d'Efpagnc ; TAmiral Pàpachin k joignit avec huit vaiffeaux , uniques reftes de b Marine Efpagnole û floriifante fous Philippe IL (a) L'Empereur promit quinze mille Al- lemands qui fe rendirent en effet en Ca- talogne Fannée fuivante fous les ordres du Prince d'Armftad , pariht de la Rei- ne; enfin , le confentement qu'on obtint des AlKés que leur flotte hyverneroit à Cadix pour être à portée d'arrêter au Printems les progrès des François , tran- quillifà les Peuples qui craîgnoîent que la France ne conquît la moitié de l'Êf- pagne en moins d'une campagne ; cette crainte étoit d'autant mieux fondée qu'on» avoît à combattre les Maures qui ayanr raffemblé deux puiffantes armées aflîé- gcoient à la fois Ceuta & Melila J dans: une tellie fituation on n''eut pas honte- d'implorer le fecours du Roi de Portu- gal. Pierre II. confentit à fournir quel- ques Régîmens , à condition qu'iUne ft- roient employés que contre les Maures.
f j) On acheta le confentement des Allies^ cinq, cent mille écus..
X55 Histoire
Le Roi Guillaume dont l'armée étoit fupérieure à celle de France de plus de trente mille hommes , fe flatta de venger TEfpagne; mais toutes fes entreprifes fu- rent déconcertées parla fagefle du Maré- chal de Luxembourg ; enfin , fur la fin de la campagne, ayant trouvé le moyen de gagner deux jours de marche fur fon ennemi, il s'avança plein de confiance du côté desPAces maritimes de Flandres devant lefquelles fa flotte s^étoit déji rendue dans lidée de furprendre Dun- kerque& Gravelines dénuées de troupes; mais quelle fut fa furprife, quand il apper^ çut les François qui Dordoient TEfcaut ? En quatre jours ils avoient fait 40 lieues de marche (a) & pafle quatre rivières,
La feule confolation que reçurent les Alliés dans cette campagne & dans les* autres fut le mal qu*ils firent à la France en bombardant tous fes Ports de Mer fi- tués fur rCcéan. Il faut convenir qu'on n'avoit vu depuis long tems en Europe
{a) Un célèbre Orateur fàît cfîre au Prince d'Orange furpris / Je ffaiois certes que les François avoient des Iras , mais je ne me dour tcis pas qù*ils eufent des aîles. : Gallos lacertit quidem valere fciebam j alatos eSe nefciebasw
D^EsPAGNE. 137
une guerre pouffée avec plus de fureur & d^animofité.
Les François évacuèrent dès le com- 16$ ^^ mencement de cette campagne toutes leurs conquêtes en Catalogne à l'excep- tion de Rofes , de Gironne & de Pala- mos : on joignit quelques régimens aux quinze mille Allemands queTEmpereur ayoit envoyés , & on forma une armée à la tête de laquelle le Marquis de Cafta- naga vint affiégerPalamos; mais il eut la bonté de le lever : les Généraux Efpa- gnols paroiiToient dans ce (iécle éclairé ignorer jufqu'aux élémens de l'an mili- taire i les Soldats ni les Peuples n'a voient nulle confiance en eux : ajoutons à cela la lenteur , la méfintelligence des Minif- tres , le défaut de prévoyance & d'ordre ; & on ne fera plus furpris que toutes les entreprifes de la Cour toujours mal con- certées échouaflfent. On fut obligé pour pourvoir à la folde des Allemands d'em« prunter de l'argent à douze & à quinze
I)0ur cent , & de mettre à l'enchère (^) es Vice - Royautés du Mexique & du Pérou i foible & honteufe rèffource ! Les
(a) On en tira environ trois millions de notre monnoyo»
lu
138 Histoire
Anglois & les Hollandojs firent de plus
{;rands & de plus heureux eflForts; Guil- aume III. qui n'avoit plus à combattre le Maréchal de Luxembourg que la mon enleva aux François au commencement de cette année , prit fur les Généraux qui lui fuccéderent le même afcendaot lue ce grand homme avoit toujours eu AiV lui. Il fit la conquête de Namur (a) défendue par le Maréchal de Bouflers & par une armée qui y tenoit lieu de garni- fon. Cet exploit , le plus grand qu^ait ja- mais fait le koi d'Angleterre , rétablit la confiance parmi les Alliés; cependant le Maréchal de Villeroi , fucceffeur de Lu- xembourg bombarda Bruxelles^ & s'em- para de Dixmûde & de Beinfe ; du côté~ des Alpes le Duc de6avoye força Cafal^h clef de ritalie j de capituler; il ne fe pafla lien de mémorable fur les bords du Rhki« Les Parties belligérantes fatiguées & épuifées d'une guerre fi longue & fi fan- glante commençoient à foupirer après la paix qui n'étoit éloignée que par Tambi- tion de l'Empereur & du Koi Guillaume* i6^6.. Aucun Général Efpagnol ne comman-
(a) La Ville de Namur capitula le fix Aoât» & les châteaux le cinq Septembre»
d'Espagne. 13P
dok deux campagnes confécutîves dans cette guerre. Ce changement continuel, loin d'être avantageux aux afFaifes, y por- ta d'autant plus de préjudice que le nou- veau Général faifoit toujours oublier les malheurs defeS prédécefleurs par de plus grands. Dom François deVelafcoqui ofa cette année fe charger du commandement de Parmée , fut détait près d'Oftalric par Te i le Duc de Vendôme j la fcene fut moins -ï"*"» ianglante dans les Pays-Bas & en Alfa- ce ; mais les affaires changèrent entière- ment de face en Italie par la défeéHon imprévue du Duc de Savoye; ce Prince & qui fes ennemis reprochoient de n'avoir rien de facré que fes intérêts, auffi ambi- tieux, aufll infidèle , aufli profond , auffi brave & plus grand homme que Charles Emnaanuel , fon bifayeul , figna un traité particulier avec la France le quatre Juil- let; le mariage de fa fille aînée avec le Duc de Bourgogne , la reftitution entière de fes Etats, & mônoe de Pignerol acquis foixante - quatre ans auparavant par la France, lui firent regarder ce traité com- me le plus fortuné qu'eût jamais fait fa Maifon ; les Alliés accuferent Viftor- Amedée d'avoir manqué à fa foi & à la
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reconnoitlançe; le Prince de Vaudemont, Général de FËmpereur, l'appella en duel; cependant Louis XIV. ofnrit au Roi & à l'Empereur la neutralité pour l'Italie; le Duc de Savoye appuya la proportion en menaçant fièrement de joindre fes armes à celles de Louis XIV* Sur le refus de la Maifon d'Autriche , ce Prince vint en eftet affiéger Valence à la tête de ces mê- mes François qu'il combattoit Tannée précédente ; Valence & le Milanez en- tier prêts à tomber wtre les mains des ennemis déterminèrent enfin les deux Princes à la neutralité.
Les Maures dont la moitié de l'armée avoit péri devant Ceuta vigoureufement .défendu par le Marquis de Valparaifo 1 changèrent le fiége de cette Place & ce- lui de Meiila en blocus. Au défaut des armées de terre qui n'agirent que faible- ment de part & d'autre > les flottes fe cauferent mutuellement de grandes per** tes. Il femble que la Mer fût devenue le principal théâtre de la guerre ; les Alliés continuèrent àt bombarder les Ports de Mer de France ; lesFrançois de leur côté couvrirent l'une & l'autre Mer d'Arma- teurs I & enlevèrent à leurs ennemis une
d'Espagne. 141
quantité prodigieule de vaill'eaux , ven- geance utile & glorieufe : rien ne contri- bua plus à faire accepter la paix au Roi Guillaume que les cris & les menaces des Négocians Anglois & HoUandois ruinés par cette nouvelle efpece de guerre.
Le Roi cédant aux remontrances fe* crettes de quelques-uns de fes Miniftres , établit une Junte de dousA membres ch.oifls dans les Confeils fouverains pour examiner & reftreindre le pouvoir & les bornes de la jurifdiâion du Saint Office . . accufé depuis long-tems en Efpagne & en Amérique d'avoir étendu fes droits aude- ià des vaftes conceffions accordées par les Souverains Pontifes & les Rois : mais la puiflànce du formidable tribunal avoit jet- té de trop profondes racines pour qu'on ofât les couper , il arriva après de longs examens que la Junte ne put apporter les remèdes convenables aux abus dont on fe
Îlaignoit ; une autre Junte compofée des ^réudens des Confeils de Caftille & des Finances , d'un Dominicain , Confefleur du Roi , & d'un Jéfuite , pour trouver de nouveaux fonds , fans charger les Peu- ples , ne fut pas plus utile que celle qui avoit été dertinée à i^Q^érer le ppuvpir 4e rinquifition.
14-2 Histoire
Les Rois prédéceiTeurs de Charles IL avoient été plus heureux que ceux de France à arrêter la fureur épidémî(Jue des combats finguliers , foit par la fëvé- rité des peines décernées contre lesDué- liftes , foit par l'effet du caraftere de la Nation aulu brave que la Françoife , mais moins fougueufe & moins pétulante; mais la NoBleffe Efpagnole depuis quel- ques années s'accoutumoit à braver les Loîx devenues fans force entre les mains du foible Roi ; il n'ofa punir dix Sei- gneurs ; le Duc de l'Infantado, le Comte de Lemos , Dom Manuel Sylva , les Mar- quis d'Alconchel & Dom Rodrigue de Laos d'une part, & de l'autre le Marquis deTenebron , d'Antivcros , d'Almarza , le Comte d'Amanzuélas & Dom Juan de Vélafco , qui oferent fe battre prefque fous fes yeux à Madrid le quinze Janvier; quatre de ces Seigneurs furent bleffés ; ceux qui étoient Grands d'Efpagne en furent quitte pour garder les arrêts dans leiirs palais , & les autres dans les prifons publiques : cette impunité , grâces au ca- raftere grave & circonfped de la Nation , n'eut pas de fâcheufes fuites. Telle étoit la puiâance des Grands & des titres fous
D E S P A G N E, 14}
ce malheureux règne , qu'on n'ofoit les châtier des infultes faites à la Majefté Royale & aux Loix j la Reine Marie-An- ne d'Autricbe, qu'on peut légitimement accufer des défordres des Peuples , & de la foibleiTe de la Monarchie , pour avoir élevé le Roi fon fils dans la moUeife 6c ignorance la plus honteufe , mourut le feize Mai âgé de foixante & deux ans. Il y avoit Lojig-tems qu'elle étoii lans cré- dit & fans pouvoir ; mais mérita-t-elle jar mais d'en avoir ? Sans vues, fàn<s génie » fims application y fans talent quelconque pour gouverner les hommes , comment ofa-t-âle fe charger fi long-tems du far^- jdeau de la Monarchie ? Le Koi dénué de fanté i de vigueur & de chaleur , en un mot aufll languiiTant que l'Etat , tomba dangereufement malade Le huit Septem^ bre. Il fît , dit-on , un teflament par le« quel il appelioit à la Couronne fon ne^ yeu , le Prince Eleûoral. Quoi qu'il en foit , il revint de cette maladie y mais ce ne fut que pour être en proye aux dou^ leurs & à l'inquiétude le refte de fa vie. Son premier loin à fa convalefcence fut d'élargir tous les prifonniers , excepté çeu$ qui ^toiçnt coupables des crimes les
1 44* Histoire
plus énormes. Le nombre devoit.en être ^rand dans un Royaume où à peine on iaifoit trois exécutions par an ^ & où on fe contentoit de condamner aux mines & aux galères les plus infignes fcélérats. .i5p7. Pendant qu'on négocioit à Rifv^ick fous les aufpices du Roi de Suéde dont toutes les PuiiTances avoient accepté la médiation , la guerre continuoit avec
{>lus de fureur & la même infortune pour 'Efpagne ; des Armateurs François ap- puyés par les Flibuftiers en pofleflîon ae ravager depuis cinquante ans les côtes » de l'Amérique , formèrent une des plus grandes entreprifes de cette guerre & des plus func'ftes à TEfpagne , en allant attaquer Carthagené , la clef du nouveau Monde ; l'amour de la gloire les condui- foit moins dans ces Régions éloignées que Tappas du butin : le fuccès couronna leur audace ; Carthagené tomba en leur pouvoir le neuf Mai , mais ils l'abandon* ncrent après en avoir rafé les fortifica- tions , & emporté quinze millions. Si la France eût pu conferver cette impor- tante conquête , l'Empire Efpagnol croit ébranlé en Amérique ; mais c'étoit fur- tout aux portes des Pyrénées qu'on faî-
foic
d'Espagne. 147
foit les plus grandes pertes ; les François (bus les ordres du Duc de Vendôme af- iiégerent Barcelonne 9 il ne leur man- quoit prefque plus que cette Capitale pour fe voir maîtres de la Catalogne ; le uége fut d'autant plus long & plus diffi- cile que le Prince d'Ârmftad fe jetta dans Parcelonne avec douze mille hommes » & qu'il arma tous les Habitans de la Ville ; il reçut aufli des vivres , des mu- sitions & d«s troupes , parce que les François n'ayant pas plus de dix -huit mille hommes , n'avoient pu faire la cir- convallation d'une Ville aufli vafte. Dom François Vélafco s'avançoit en même- tems vers Barcelonne avec une armée fupérieure : on s'attendoit que les Fran- çois recevroient enfin un aflfront fignalé ; mais Vélafco ayant eu l'imprudence de jiivifer fon armée en deux Corps , & de ne pas fe tenir aflez fur fes gardes j fut furpris par Vendôme le quatorze Juillet i deux heures du matin. Les deux camps furent forcés & emportés en moins d'un
Suart d'heure ; le premier foin du Vice- loi fut de fuir en chemifp j l'armée fut djflipée: en fuite de cette grande aéfion le vainqueur força Barcelonne de capi-» Tome r. G
I4(J Histoire
tuler après cinquante-deux JQurs de tran« chée ouverte ; le Royaume d'Ârragon ef&ayé de cette conquête qu'on avoic £rue impoilible , députa au Roi pour lui demander des fecours ; il fallut que le Prince moribond promit de fe rendre i SarragoiTe la campagne fuivante pout empêcher les Arragonois d'abandonnée leur patrie ; mais la paix que Ton conclût la nuit du vingt au vingt-un Septembre ï Rifwick , épargna cette expédition au Roi. Qui le croiroit? Après tant de mal» heurs 9 TETpagne depuis plus d'un fié- cle ne figna pas de traité plus avanta^ geux ; Louis aIV. lui reftitua Luxem* bourg , Charleroî , Ath que les Généi» raux François venoient de conquérir pen« dant les conférences , Mons , Courtrai » la Comté de Chjney , tout ce qu'on lui avoit cédé par la trêve de vingt ans en mil fix cent quatre-vingt quatre , tout ce qui avoit été envahi en vertu des arrêta de la Chambre de Metz , & enfin la pîu> tie de la Catalogne conquifé pendant 1«
(a) Dom Bernard de Qùîros & le Comte dd Tirimont négocièrent en qualité de MiniftrQf plénipotentiaires ce ^raké aufl; ytile <jue gfe^ rieux*
d' E s P A G N E. 147
cours de cette guerre. L'Empereur qui n'avoit ceifé de mettre en ufage tous les reiTons de la plus adroite politique pour éloigner ce traité , eut lieu d'en être utis- fait par la reftitution qu'on lui fit de Fri- bourg & du Brifgau ^ de Philifbourg , & des l3uchës de Lorraine & de Bar que le Roi de France rendit à certaines conr Citions au Duc de Lorraine , neveu de Lëopold; le Prince d'Orange , Tame de cette guerre , fut reconnu en qualité de Roi d'Angleterre par Louis XlV. qui ne facrifia pas fans peine leRoi Jacaues fon Allié au falut de l'Etat > la Loi luprôme des Souverains.
L'Europe crut voir que Louis XIV. fkcrifioit moins au repos de Tes 'Sujets tant & de fi vaftes conquêtes qu'à la po- litique ; il n'avoit jamais perdu de vue Fefpérance de mettre ds^fs fa Maifon , ou au moins de partager la Monarchie Efpagnole depuis que la feue Reine Lôui- fe d'Orléans lui avoit révélé que Char- les II* étoit incapable d'avoir jamais des enfans : or , il étoit de fes intérêts d'a- voir la paix avec l'Efpagne , & de défar- mer l'Europe au moment de la mort de Charles II. C'étoit par des motifs con-
Gij
X^S HlSTOIBE
traires que L^opold qui avoit les mêmes prétentions , avoit fait fes efibns pour éloigner la paix. Il étoit de la polîuque de ce Prince d'entretenir la haine des É£* pagnols contre les François 9 fie de voir ces deux Nations brouillées 5 quand le thrône feroit vacant. Quoi qu'il en fbit j le Roi dont la fanté défefpérée annonçoit une fin prochainç , attiroit fur lui les reif prds de toute TEurope; l'Enopereurt le Roi de France , TElefteur de Bavière , (pus les trois au npm de leurs fils. afpî«' roient à llmmenfe héritage que devoit lailTer Charles 1 1. L'Angleterre & I9 Hollande ne cherchoient qu'à le dédiH rer 9 à l'aflbiblir , & peut-être à en enle» ver quelques débris; l'Europe entier^ s'émût & s'agita pour fçavoir qui au- foit la gloire de donner des Loix \ l'Efpagne j Léopold dont la Maiibn ré* gnoit depuis deux lié^s fiir les Efpa* gnols y les croyoit trop accoutumés à toç augufte npm pour qu'ils lui préfiéraflenf un Etraiig;ef ; il fç flatta qu'avec de mé- diocres (oins aucun morceau de la vafie fucceflUon ne lui échapperoit : il envoya cette année le Comte a'Harrach en qut<* UU d'Açabaifadeur ik Madrid 9 au ))ç<|
miÊÉÊÊ^ÊàÊ^i^m
D'EsPAGKEé 1451
d'envoyer fon fils en qualité d'héritier; Harrach n'avoit d'autres inflru Aions que celles d'engager Charles IL à nonunef FA rchiduc Charles fon Légataire univer- fel 9 & à agir de concert avec la Reine entièrement livrée à la Cour de Vienne ; mais ce n'étoit pas a0*ez, il falloit ordon- ner à ce Minidre de gagner & de féduire les Grands ; en effet , quelques efforts
Sue fit la Reine , dont toutes les démar- bes ne refpiroient que l'élévation de fon neveu , il s'éleva un Parti qui prévalut llir elle : les mefures mêmes qu elle prit pourapplanir les routes du throne à l'Ar- chiduc^ déplurent à la Nation & aux Grands par la confiance qu'elle témoi- gna aux Etrangers ; les principaux Sei- fneurs ne purent voir fans frémir que la Leînè eût procuré la Vice-Royauté de Catalogne au Prince d'Armftad, le Gou* vernement du Milanez au Prince de Vau- demont : l'Elefteur de Bavière avoît déjà celui des Pays-Bas ; on craignoit que fi l'Archiduc venoit à monter fur le thro- ne 9 les Allemands n'envahiifent toutes les dignités , comme les Flamands avoient iàit fous Charles-Quint.
Au milieu de fa foibleffe Charles laif-
G** •
I/o Histoire
fcit ^iarer ie r^aas ^n icms quelques ac- ccns i * violeur , il fît condanmcr le Cernes iii Gdientss , de La Maifon de St'.v'i . à jvcir la tics ccuçée pour avoir rsfufé i' :c:eir i in ordre figîié de la main di P*C'. . q^Lii I'ex:irir à «Tianints lieaes de la Ccur . sr: puniricn i aycir appelle en due: TA xirante , premier Miniitre. L'ar- rh âe fur exécuté qu'en effgu (^^ parla procipte fuite du Ctcmre.
Dès le ccmnienceTnent de cette annfc Louis XIV', évacua taures fes conquê- tes '^^ , Se ci&it une flotte pour cb^sx les Maures qui depuis trente ans aflK» geoient Ceuta ; mais la Reine 5c les par* tifâns de TEmpereur qui alors domi- noient à la Cour , engagèrent le Roi i rejetter cette offire genéreufe , dans la crainte que la MaîTon de Bourbon ne de- vint trop chcrc aux Efpagnols. Ik s'ap- pcrceyoicnt déjà avec douleur que les Grands & la plus (aine partie de la Na-
(a) Nous ne ierotts ]>as pafTêr fous fileoce Vilévztion de Dom Raymond Je Roccafid Ar« f»f ofiofs à h dignité de Grand-AIaitie de Malte.
(b) On remplit de eamifons Hoilandoîies ft- Bavaroifrs toutes Je» Villes des Pays-Bas rdUr lu^ct pai la France»
d'E sp a gn e. ijx
tten remplis de vénération pour Louk XIV. Prince appliqué , infatigable , fage , généreux , habile , & qui venoît de don- ner à la paix de Rifwick des marques éclatantes de modération , foupiroient après un Roi de fon fang , & élevé par Tes mains. On commençoit à regarder comme facrés les droits de Marie-Thé- refe d'Autriche , & on envifageoit Louis XIV. comme feul capable par la vafte étendue de fa puiûance & de fon génie d'empêcher que la Monarchie ne fût dé- chirée & partagée ; à la tête de ce Parti étoicnt le Cardinal Porto - Carrero 6c Dom Manuel Arias. Le Prince Eleâoral en faveur de qui le Roi inclinoit , comp- rît pour chef de fes partîfans le Comt€ d'Oropefa rappelle à la plus haute fa- veur. La Reine & PAmîrante foutenoient TArchiduc: ils faifoient valoir contre un Prince François l'ancienne haine des deux Nations fondée fur deux fiécles de guerre & de rivalité , & la crain- te du foulevement général de toute l'Europe , fi la Maifon de Bourbon venoît à donner des loix à TEfpagne, Tous les efprits étoîent alors occupés de celui qui devoit fuccéder à Char-
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mmÊm
1J2 Histoire
les IL On en parloit dans tes Pay^ étrangers , à la Cour ^ à la Ville , & foas les yeux du Roi» quoiqu^il ne pût enten- dre difpofer de fon thrône fans frémir j mais il fe vit bientôt obligé , pour fatis* faire aux infiances des Grands , des Con^ feils & des Miniftres qui le conjuroient de faire choix de Théritier de la Monar- chie 9 de convoquer un grand Confeil pour terminer cette afiàire la plus impor^ tante de l'Univers ; on admit à cette aflfemblée D. Jofeph Ferez de Soto , un des célèbres Jurilconfultes de ce fiécle ^ qui opina en faveur des droits de Marie- Théréfe d'Autriche ; il foutenoit que la renonciation exigée de cette PrincefTe étoit nulle , attendu que Philippe IV. n'étant point le propriétaire , mais l'ufu- fruitîer de la Couronne , n'avoit pu dif- pofer de ce qui ne lui appartenoit pas ; que le droit de Màrie-Therèfe ne venant point d'elle , mais dérivant par elle à fa poftérité , elle n'avoit pu l'en exclure par une ceflion forcée ; que d'ailleurs la re- nonciation n'ayant point été enregiftrée aux las Cortès , elle ne pouvoit être re-
fardée comme légitime. Il ajoutoit que hilippe Ôc fes Miniflres ne l'avoient eux?
d'Espagne. ifj
mém^s regardée que comme une vaine cérémonie ; que n^ayant été ftipulée que pour empêcher les aeux premières Cou- ronnes ae rUniven d'être réunies fur une même tête y le Roi pouvoit , au dé- £uit du Duc de Bourgogne , héritier de ia Couronne de France , appeller un des frères de ce Prince , petit nls comme lui de Marie-Thérefe. On pouvoit encore dire , fuppofé la légitimité de la renon^ ciation : que la dot» au moyen de laquelle Marie - Thérefe avoit renoncé , n'ayant point été payée , fes petits- enfans ren** troient fans difficulté dans les droits de )eur ayeule ; malgré la force ^ la vérité 6c îa jufhce de ces raifons appuyées par uns éloquence vertueufe , les convenances générales de l'Europe , & le penchant particulier du Roi entraînèrent tous les uffirages en faveur du Pince Electoral V légitime héritier de Charles IL au défaut du Dauphin de France & de fes enfans i Charles fit un teftament par lequel il ap- pella te jeune Prince de Bavière , fon ne- veu à la fuccçflion univerfelle de fes Etats. Il choififToit , en cas de minorité lors de l'avènement de fon fuccefleur, Jl'Eleâeur , fon père , pour Régent de kr Monarchie* G v
1 J4 HiSTOIEB
Quoi qu'on eât pris toutes les mefu- res poiSbles pour que rien ne tranfpirât de ce choix , on le pénétra bientôt , & on le fit d'abord parvenir à l'Empereur. A cette nouvelle , ce Prince naturelle- ment grave & modéré écbta; il pouflk le reffentiment jufqu'à propofer aux princi- pales Puiflances de l'Europe de déchirer & de partager entr'elles l'héritage qui lui échappoit. Ses Miniftres durs , fiers & irréfolus fe répandirent en menaces , en injures & en plaintes contre l'a Nation Efpagnole ; l'Evêque de Lerida , alors Ambaffadeur à Vienne rendit compte en Efpagne de Timprudence des Miniftref Impériaux ; mais TAmbafladeur de TEm- pereur à Vienne , le Comte d'Harrach , puifit encore plus à fon maître par foit impétuoficé , la hauteur , & fur-tout par la faute énorme qu'il fit en fe brouillant avec la Reine à qui il reprocha un choix qu'elle n'avoit pas été maîtreffe d'empê- cher.
Cependant on admiroit Louis XIV. qui ayant d'auflî grands intérêts à ména-
{jer que l'Empereur , fe conduifoit avec a fageffe la plus retenue , & la politique h plus profonde. Il avoit eu foin d'eur
d'Espagve» ly;*
voyer à Madrid en qualité de fon Am- bafladeur , le Marquis d'Harcourt , Sei- gneur habile y déUé , éloquent ^ poli » attentif 5 qui fçut s'infinuer dans les bonnes grâces des Grands & des Minis- tres. La différence de caraftere & de con- duite des deux Minîftres François & Al- lemand contribua plus qu^on ne penfe à faire paiTer fur la tête du Duc d Anjou vingt-deux Couronnes.
Mais Louis XIV. foit pour endormir l'Europe , par rapport au deffein fecret qu'on lui a luppofé de mettre toute la Mo- narchie d'Efpagne dans fa Maifon , foit pour intimider les Efpagnols , & les for- cer à le prier à genoux de leur donner pour Roi un de fes petits fils ^ foit enfin 9 ce qu'il eft plus naturel de croire , pour arracher quelques morceaux de U fuc- cefilon , dans la crainte qu^il ne la man-
auât toute entière , avoit propofé au Roi 'Angleterre auffi inquiet que lui de l'é- vénement de la fucceffion, de la parta- ger entre ceux qui fe portoient pour hé- ritiers ; en conféquence de ces avances on -figna à la Haye un traité de partage par lequel le Prince Eleftoral étoit défi- gné Roi des Efpagnes & des Indes ; le
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1^6 Histoire
Dauphin , Roi de Naples & de Sicile , 6c de plus Souverain des Places de Tofcaiie ^ dépendantes de rEfpagne , de Final & de la Province de Guipufcoa; enfin l'Âr* chiduc devoit avoir le Milanez. A la nou- velle de ce traité qui répandit rind^;na- tion &c la terreur chez tous les Grands attachés julqu'à la fureur à l'indivifibilité de TEmpire > le Roi rendit publique le choix fecret qu'il avoit fait du Prince Eleâoral pour fon Légataire univerfèl.
X<îpp. Ce jeune Prince ne devoit pas jouir
du fruit de l'amitié du Roi & des vœux
de toute ^Europe. Il mourut à l'âge ée
fept ans ; l'Eledeur fon père crut , 6a
te 6 parut croire que cette raort n'étoit pas
F^vr, naturel* On fçait jufqu'oà fa douleur Itii fit porter fes foupçons ; cependant la mort de fon fils renverfoît le traité de partage , & détruifoit les defleins de la Cour où les intrigues ^ la confufion , les cabales augmentoîent chaque jour ; tous les Grands étoient divifés , les Peuples partagés d'intérêt & d'affec- tion î le Comte d'Oropefa gui feu! avoit la confiance du Roi, étoit également haï de ceux qui foutenoîent les intérêts de laMaifon de Bourbon j & des partilans
mrmÊÊmmmfamÊÈÊmiÊmÊmmmiÊÊimmÊÊtmimtmmÊmmmÊiiÈimmÊm^mmÊi^é
p'EspAGNs. i;7
- de celle d'Autriche ; les premiers eurent (a) recours aux reiTorts de l'artifice pour le perdre ^ & en même*tems pour enve- lopper dans fa ruine la Reine & l'Ami- rante ; ils bfînuerent au Roi qu'il étoir rnforcelé ^ & que ceux qui l'appra*^ choient le plus , pouvoient bie» avoir part au maléfice fous le poids duquel il luccomboit. Qui le croiroit f Le fbible Roi ajouta foi à une împofture auflî grot- lîere ; il permit qu'on Texorcifât j la Rei- ne , l'Amirante d'une part , & le Comte d'Oropefa n'oferent s'y oppofer , dans la crainte d'être encore plus foupçpn^és du
{)rétendu énforcellement par une popu- ace également crédule 6c fuperflitieufe ^ fùais le remède auquel on eut recours ai- grit le mal : le Roi épouvanté fie la force & de l'énergie des mots dont TEglife (e îert pour conjurer les Démons , tomba dans la mélancolie la plus noire ; bientôt il fut réduit dans un état qui auroit ex- cité la compaflîon des cruels Auteurs de
(a) Ceux qui entrèrent dans cette intrigue abominable , forent le Cardinal Porto-Carrero r Rocaberti, Grand Inquiitteur^ Dom Manuet Xrias & le Père Froylan Dias j Dominicain , Confefleur du Roi. Vo^ei les Mémoires dit Marciuis d^ Saiat Philippe-yTomèl^^
irS filSTOIKE
- ' - _
Us maux ,fi b haine &la vengeance iaif- fbient écouter la voix de la raifon ; en effet j ils ne s'en dnrent pas là rie Con- feileur gaidé par Porto-Carrero , fit en- tendre au Roi qu'il étoit à propos de con- fulter fur fon état une femme de Cangas» prétendue pofledée du Démon , & en loh* me-tems fefit donner la miflîon de la voir & de l'interroger. A fon retour ce Moine publia tant d'impoflures ^ chargea tant de perfonnes refpeébbles d'avoir malé- ficié le Roi que tous les jeunes gens indi- gnés de fa témérité fe réunirent contre lui i 6c vinrent à bout de le f^ire chaffer de la Cour ; la Reine obtint fon einploi pour un autre Dominicain , appelle Tor* rez; ainfi cette intrigue criminelle nuifit aux deifêins de ceux qui la conduifirent. Mais il n'en fut pas de même d'une au-^ tre concertée par les mêmes perfonnes contre Oropela ; elle réuffit prefqu'au- delà de leurs vœux. La récolte avoit été très-flérile en Efpagne : on manqûoit de grains , & les vivres devinrent fi chers qu j le Peuple aux abois fe fouleva à To- lède , à Burgos y & enfin dans la capita- le oïl la fédition eut de grandes fuites ; on avoit feœé avec art dans tous les quar-
d'Espagnb. If^
tiers de la Ville , que TAuteur de la di- fette étoît Oropefa , qui avoit fait tranf- porter les grains en Portugal, & qu'il s'é- toit emparé de toutes les huiles de TAn* dalouiie pour les vendre au prix que lut didteroit fon avarice. A cette nouvelle, le Peuple en fureur s'affembla , s'arma & courut au Palais , en criant du pain , vive i€ Roij meurent le traître Oropefa, & PAmî- rante contre qui on avoit aufli eu foin de l'animer. Le Roi faifi de frayeur ne fça- voit à quoi fe déterminer ; la Reine con- tre qui les féditieux laiiToient échapper des menaces & des inveâives , fut fe ca- cher ; les Courtifans fe difperferent ; un Seigneur s'avança alors , &c cria du haut d'un balcon que le Roi dormoit : il n^j a que trop long tems qu^il dort , répondit- on 9 il faut qu'il s'éveille ; enfin , Charles pâle & tremblant parut à une fenêtre 9 un de fes Courtifans dit aux féditieux qu'ils n'avoient qu'à s'adteffer à Oro- pefa : fur cette parole que les mutins in-, terpréterent , comme un abandon que leur faifoit le Roi de fon favori , ils volè- rent à fon palais , briferent les portes , pillèrent les meubles , & le cherchèrent pour le maflacrer 3 mais une prompte
V-
t6o HisToiRC:
mÊm
fuite le mit à l'abri de la mort : peni^nt cette exécution à la fin de laquelle le fou« lévement s'appaifa, le Roi (igifa l'arrêt de Feiûl d'Oropefa & de celui de TAmiran- te , ce qui acheva d'éremdre jufqa^aux étincelles dune incendie qui paroiflbit devoir tout ravager; Dom Manuel Arias fut fait Préfident du Confeil de Cafblle f Dom François Ronquillo , Corrégidor. de Madrid : tous les deux étoient amis du Cardinal Porto - Carrero devenu le maître du Gouvernement parla retraite de la Reine , qui vivement frappée de rimpreflîon du. danger qu'elle croyoit avoir couru , refufa de prendre part aux affaires , fous prétexte d'employer tous fes foins auprès du Roi dont la fanté env- piroit chaque jour ; ce malheureux Prin- ce fortit de Madrid après avoir aban* donné Padminiftration à Porto - Carre- ro ^ & ie rendit à PEfcurial , dans l'ef* pérance que la falubrité de Pair rétabli jjToit fes forces épuifées. C'eft à ce voya-
Îfe que par une fuperftition il fit ouvrir es tombeaux de la Keine fa mère y de la Reine fa première époufe , & du Prince Baltazar , fon frère aîné , dont il con- fidéra long tems les cadavres j le foi|^
d'Espagne, i6i
Charles croyoit que la vue des Morts prolongeoit les jours des Vivans : en plaignant l'ignorance de ce Roi na- turellement jufte & bon, on ne peut trop s'élever contre les malheureux qui ne diflîpoîent point les ténèbres de Ter- reur dont fon fbible elprit étoit envelop- pé, La confidence que lui fit alors la Reine de la propofition qui lui avoit été infînuée
Îar les partifans de la France d'époufer le )auphin après la mort du Roi , à condi- tion qu'elle fe joindroit à eux , redoubla l'aigreur de Charles contre les François à qui îl ne pouvoit pardonner de.difpo- fer de fon époufe & de fes Etats ; il fît faire de grandes plaintes à Verfailles fur le traité de partage , & de plus grandes encore à Londres; le Marquis de Canal- les , Ambaflfadeur auprès de Guillaume les exprima avec tant de fierté que le Roi d'Angleterre irrité , lui donna ordre de fortir de fes Etats ; on fît en Efpagne le même traitement à Mylord Sthanope, Ambaflfadeur de Guillaume. On étoit d'autant moins difpofé à la Cour de Ma- drid à ne pas ménager le Roi d'Angle- terre qu'il n'avoit nul intérêt à la fuc- cefîion , & qu'il venoit d'infulter l'Efpa-
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162 Histoire
Êie en protégeant un établiffement des cofTois dans le Golfe Darien , établiffe- ment qui par la fuite auroit pu faire per-^ dre l'Amérique aux Efpagnols ; on eut le bonheur Tannée fuivante de les chaf- fer à Taide d'une Bulle du Pape qui or- donna à toutes les Eglifes d'Amérique d'ouvrir leurs tréfors pour purger cette partie du nouveau Monde de rhéréfie.
La difettè d'efpeces étoit telle qu'on fut encore obligé de vendre la Grandef- fe ; le Comte de Caflromonte l'acheta ^atre cent mille francs ^ & le Comte Vifcomti , Italien , cent mille pièces de huit ; mais dans le même-tems le Géné^ rai de la Merci l'obtenoit pour rien à l'exemple des Généraux des ordres dé S. François & de S. Dominique.
L'Empereur fe plaignoit autant da traité de partage que la Cour de Madrid» llfemît cette année en état d'en difputer les effets par la paix qu'il accorda aux Turcs j le traité fut fîgné à Carlovits : c'eft le plus glorieux que les Chrétiens ayent jamais figné avec la Maifon Otto- mane : leCzar, la Pologne &Venife Al- liés de l'Empereur participèrent à la gloire & aux avantages de cette paix*
D^Es PAGNE. 163
Le nouveau Miniftre , à l'exemple de i^oc tous ceux qui l'avoient précédé 5 ne man- qua pas de détruire le plan de gouver- ^ nement qu'avoient pris Oropefa ou TA- * mirante ; les courtifahs applaudirent au changement , & traitèrent d'abus ce qu'ils avoient loué du tems de leur fa? veur ; au refte , on ne peut que rendre juftice à la fageffe avec laquelle on ré- voqua la loi funefte qui permettoit aux ^ Etrangers de tirer l'or & Pargent dir Royaume , moyennant un droit" dç troîi
Eour cent qu'on payoit au Roi : ce mince énéfice compenfoit-il la ruine de FE- tat qu'un pareil tranfport précipitoit ? En vertu de cette permiflîon que la néceflîté avoit arrachée depuis plufieurs années 9 Jes Etrangers avoient enlevé tout le nu- méraire d'Efpagne; mais pour fe dédom- mager des profits ruineux qu'elle per- doit , & en même-tems pour mettre la monarchie en état d'être refpeflée , 1^ Cour fufpendit le payement de toutes ies penfions , de tous les appointemens des Officiers tant civils que militaires , & des rentes conftituées fur le tréfor Royal; la Nation & le Roi lui-même ne tefpiroit que la guerre contre le Roi
'264 HlSTOIKE
d'Angleterre à qui ils ne pouvoient par- donner d'avoir par un nouveau traité de partage avec Louis XIV. déclûré la Mo- narchie ; mais faute de mcyecs pour Ibu- tenir la guerre . il fallut fe contenter " d'exhaler fa colère & fa vengeance par des plaintes ameres ficldes menaces im- puiâantes. Le partage fit bientôt après fur Pefprit des Efpagnols un efièt auquel Guilbume UI. ne s'étoit pas attendu ; ils fe confirmèrent dans Tidée d'appeller au thrône un petit-fils de Louis XIV« comme Tunique moyen de rendre nulle la mauvaife volonté du Monarque Angloîs. C'efl: ainfi que les arbitres de la defti- née d'Efpagne avoient réglé le fort des Provinces qui compofoient la Monar- chie par le nouveau traité figné à Lon^ dres le treize Mars; le partage du Prince Eledoral paflbit à l'Archiduc Charles ; le Milanez qu'on lui avoit aflîgné lors da premier traité , devoit pafler entre les mains du Duc de Lorraine , qui en échan-
Îe étoit obligé de céder au Dauphin les )uchés de Lorraine & de Bar , fon patri- moine ; la Lorraine & le Barrois joints aux Royaumes de Naples., de Sicile , deSar* daigne > aux Places d'Ëgli PrefidiideTof-
mm
d'Espagne. i6y
cane, au Marquifat de Final & à la Provin- ce de Guipufcoa confirmés au Dauphin , nuroient rendu laFrance trop redoutable^ ce qui a fait croire à pluûeurs politiques que le génie profond ciu Roi d'Angleterre en fignant ce traité , n'avoit eu pour but que d'empêcher la Maifon de Bourbon d'engloutir toute h Monarchie ^ dans J'efpérançq||e réunir enfuite toute TEu* rppe contrelle , & de lui arracher les morceaux qu'il avoit lui-même ftipulés en fa faveur. Cependant Louis XIV. n'ar voit {bufcrit à ce traité qu'à condition ique l'Empereur l'accepterpit dans le tçr- , i)ae de trois mois , & que le Prince à qui Ton defiinoit l'Efpagne & l'Amérique t pf ppurroit parvenir à b Couronne Im^ pénale, tant le fouvçnir de la vafle puifr ^nce de Charles-Quint qui avoit porté Vnn ^ l'autre fceptre , enrayoit encore 1^8 efprits ; en même- tems , cç grince, qui ne fe défioit guères moin$ de fon nouvel Allié Guillaurpe que de fes ennemis nar carels , couvroit les frontières d'Efpa- §ne & de l'Italie de fes nombreufes trou* pcs pour fe mettre en poCpIfion de fon partage Iprs dç rpuyerturç de la fqccçf^
i66 Histoire
MM
Mais l'£mpereur indigné qu'on lui die* tât des loix avec tant de hauteur , refu- fa de les recevoir ; il fe fortifioit dans fou refus fur le reifentiment que Charles II. & toute la Nation Efpagnole avoient fait éclater à la nouvelle du traité de parta- ge , & fur ce qu'il n'étoit pas pofGble de croire que le Roi d'Efpagneplein d'a- mour pour une branche aeai Maifon , avec qui il avoir vécu dans la plus étroi- te intelligence , lui préférât une Maifon étrangère qui ne paroiflbit refpirer que le moment d'envahir fon héritage : icf fuccès de la guerre contre les Turcs , cent mille hommes qu'il avoit fur .pied confirmôient TErtipereur dans l'efpéran- ce que fi fes enfans étoient appelles à la- fucceflîon entière, rien dans l'Univers ne pourroit leur en arracher une partie ; mais il s'en falloit que les Grands & les hommes éclairés de l'Efpagne penfaflfent comme lui. Le réfultat du Confeil d'E- tat où Charles II. fit encore une fois porter Taf&ire de la fucceffion , prouva combien les Efpagnols mettoient de dif- tance entre les droits & le pouvoir du Roi de France & ceux de Léopold j de (4)
jfa) Le Cardinal de Porto- Carrero , le Duc
d'Espagne. i6j.
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1 2 perfonnages illuflres confultés y 1 1. conclurent qu^il falloir appeller un Bour-^ bon; {a) un feul opina à déférer le choix du fucceflîaur du Roi sTux las Certes qui, k Pexemple de raffemblée de Cafpé en mil quatre cent dquze entendroient le$ raiibns des prétendans 3 & décerneroienc la Couronne à celui des petits - fils de Louis XIV. ou ^u fils de TEmpereur qui leur fembleroit avoir le droit le plus légi* time i mais les circonftances étoient biea différentes de celles où on avoit vu des Rois confier leur caufe à l'éloquence des. Avocats j Louis XIV. eût plaidé la fien- xie avec cent mille hommes. Cette déci- fîon du Confeil ne parut pas fuffifante au Roi ; il confulta toutes les Facultés de Théologie :, & le Droit dç fes vaïles Etats , fans qu'aucun Légifte ou Théolo- gien fût d'un autre fentiment que les Sei- gneurs confultés ; enfin , pour réfoudrç
de Médîna-Sydonja , le Comte de Fuenfâlîda» le Comte de Montijo , le Comte de San-Iôe- ran, les Marquis deMancera, d'el Frefho, 8c âe Villa Franca , les Ducs de Mohtalto , & d*Ef- calone , Se le Comte de Montdlano furent Poi;«* Alités féparément.
ij^a)^ Le Cpmte de Friglian^,
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i6S Histoire
tous fes doutes , ou plutôt pour fe forti- fier contre la tentation de faire une in* }t]flice en faveur de fon propre £ing; Charles écrivit au Pape Innocent Xli. ( Pignatelli ) ; le fouverain Pontife ~1ai répondit que n'y ayant point de doute que toute la Monarchie après lui n'^p-^
i?artînt au Dauphin , fon neveu , il £u- oit appeller le Duc d'Anjou, fécond filt du Dauphin à fa fucceffion , fous I9 réfêr* ve qu'il ne pourroit parvenir à la Cou% ronne de France , afin qu'un même Prin* ce ne réunit point fur fa tête les deux premières Couronnes de l'Univers.
Cependant malgré l'uniformité de tant de fentimens , malgré les intérêo des Peuples , néceflîtés , pour aînfi dire 9 k avoir pour Roi le Duc d'Anjou , mal*
£é les vœux & la décifion des Grands des lettrés ; malgré la fage réponfe du Pape qui fut reçue comme celle d'un oracle 5 Charles IL inclinoit pour fa. Maifon ; l'idée de voir vingt- deux Cou- ronnes tranfportées dansceUe deFrance^ rivale & ennemie de la fienne > lui arra*> choit des foupirs ; la Reine , le Çonfef*- feur du Roi , i'Inquifiteur Général , dé- VQués à TËmperçur; pénétroient les pen-
fée»
d'Espagne. i5p
fées fecrettes du Roi , & ne ceffoient de lui infinuer que la convenance générale étant fupérieure aux Loix , il pou voit comme Légiflateur fuprême déroger aux Loix. Déjà ils Favoient ébranlé & per- fuadé , déjà ils avoient arraché de lui un ordre pour envoyer le Duc de Medina- Cœli a Naples , afin d'y recevoir les troupes de l'Empereur. On négocioit au- près du Duc de Mantoue pour le porter a accepter dans fa capitale garnifon Alle- mande; on expédia par- tout des commif- fions pour armer; mais ces précautions tar- dives de la fadion Autrichienne n'eurent d'autre effet que de prolonger les efpé- rances de l'Empereur. Medina-Cœli con- vaincu qu'un Bourbon feul étoit en état de conierver la Monarchie en entier, objet de la politique de tous les Grands , éluda les ordres du Roi ; le Duc de Man- toue traita avec Louis XIV. & enfin le Cardinal Porto-Carrero qui veilloit avec autant de vigilance aux intérêtis de la Maifon de Bourbon que la Reine à ceux de l'Empereur, fçut introduire auprès du Roi de nouveaux Théologiens qui n'eu- rent pas de peine à confondre les vains raifonnemens du Confefleur & de l'In- Tome V. H
170 Histoire
quifiteur , & à détruire dans l'efprit d'un Roiju(le& mourant les mouvemens du fang en faveur de Téquité & des Loix.
Enfin , Charles II. après tant de com- bats & d'irréfolutions , difta fon fameux I^t; i teftament. (a) O Dien , s'écria-t-il en le
Oàob. fignant les larrnes aux yeux , Dieu iter^ nel , c*ejl vous qui donnez, & otez, les Em* pires. La nature , le fang & l'amitié fouf-
"-- froient de cet effort de juftice & de ma- gnanimité ; comme fa maladie empîroit chaque jour , & qu'il n'étoit plus en état d'entendre parler affaire , il confia la Ré- gence au Cardinal Porto-Carrero , & fit porter chez lui les fceaux du Royaume. Déjà , s'écrioit ce Roi infortuné , après cette efpece d'abdication 9 déjà nous ne Jommes plus rien. En vain Porto-Carrero 9 par un fentiment de modeftie , preflTa-t-il le Roi de lui affocier la Reine , Charles n'y voulut jamais confentir, danslaçrain-
(fl) Dom Antoine de UbiMa , Secrétaire Jes dépêches, fut revêtu delà qualité de Notaire » afin qu'il ne manquât rien à l'autenticité d'un pareil adc ; le Cardinal Porto-Carrero & Dom Manuel Arias en furent feuls témoins. On garda un profond /îlence , & Louis XIV# ne fut pai plus inftruit que l'Empereur*
d'E s P À GN E. 171
te qu'elle ne troublât le Royaume en fa- veur de TArchiduc ; le Roi languit enco- re jufqu'au premier Novembre qu'il ex- pira avec plus de courage qu'on ne s'é- toit attendu ; ainfî vécut , ainfî mou- rut Charles II. plus fameux dans la pos- térité paf fon teftament que par fon re-^ gne languiiTant & malheureux.
A l'inftant même de fa mort i le Cardi- nal convoqua les Grands , les Préfidens des Confeils , & les Minières en préfen- ce de qui on lut le teftament ; toute Taf- femblee fut agréablement furprife de voir que le Roi avoit foufcrit aux vœux des Peuples , en appellant à la Couronne le Duc d'Anjou , fon petit-neveu , aux droits de Marie-Thérefe. Ainfi , comme l'expliquoit le Teftateur , la Reine de France , notre fœur , n'ayant renoncé a la fucceffion qu'afin que les fceptres d'Efpagne & de France ne fuflent pas portés par la même main , nous en- trons dans les vues de Philippe IV. notre père en appellant à notre fucceffion indi- vifîble le Duc d'Anjou , & dans le cas qu'il meure fans poftérité , ou qu'il par- vienne à la Couronne de France, le Duc de Berri , fon frère , &: au défaut: de ce
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:'*'"îiv.'j . A ■•^•.jiuiic vjjjri.^ £" Autriche iu.t irvir^ i^ >ixr:e-Arc^ d'Autriche 9 ûicviîiis: £^^ ij FiTL-irre III. À: ^veula de 1 Arciiiuc . ic er£~ le D«ic ce Sat- vc"2 . crcz-î ir::i:e-r^::>£îs de ITn- tirre Ci:be:'j:î . £ J.e i* Philippe H.
L îi: t'r:mr.: ::-e Chvirles II. ait c.rlii Mcr.iîf-r .. rriVe £e Lc:is XI\\ & k Duc £e Chirres - i"c" £!> • qui dans crcre ue 11 lucc^iucn Cîvcies: précé- der , ccnxe £.5 Se reùr-Éis d'Aase c Auncr.e , tl^z 3:nee ue Fnuicre lll, L'Arcbiiuc r.'ctci: reth-fils ::ue de la ficcr.ie £ae du u.i.T.e Rcl : Nioniîeur
prc:ef:2 ccritre ce: oubli , &: Philippe V. dcr.na U2 décret qui le ccrâfirmoit dans fes droits.
En attendant l'arrivée da nouveau Roi , Charles ccnficic l'autorité fouve- raine à une Junte compolêe de la Reine 1 du Cardinal Porto -Ôarrero • de Dom Manuel Arias, du Duc de Montalco^ du Marquis de V'illa-Franca , du Comte de Montcrey , Préfidens des Confeils de Caftille , d'Arragon , d'Italie & de Flan- dres , à Plnquifiteur Général , aux Comp- tes de Benaventé & de Frigliana ; la Rei- ne à qui le Roi laiiToit une penfion de
d'Espagne, 173
feize cent mille livres , ne devoit avoir que fon fuffrage : tout devoit être décidé à la pluralité des voix ; mais Porto-Car- rero étoit en efïèt le maître , 6c le prouva en empêchant le retour du Comte d'O- ropefa , du Duc de Mont^lto , du Com- te de Monterey & du Comte de Banos , 6c des autres exilés à qui le feu Roi avoir pardonné 3 & dont il avoit même admis deux dans la Junte.
' Cependant on envoyoît à Louis XIV, la copie du teftament avec une lettre fi- gnée de la Junte qui le conjuroit d'en- voyer fur le champ fon petit fils à Ma- drid. En même-tems on ordonna des prières publiques dans toute TEfpagne pour demander à -Dieu qu'il plût faire .accepter à Louis XIV. le teftament , tant dh craignoit qu^il ne s'en tînt au traité de partage plus avantageux en apparence' aux intérêts de l'Empire François.
Mais Louis XIV. étoit trop généreux pour ne pas répondre à la confiance de tous les Ëfpagiiols ; il eft confiant que ridée d'avoir un Roi élevé dans le fein du Monarque François , &c inftruit par lui dans le grand art de gouverner , avoit contribué a l'élévation du Duc d'An-
H iij
Î74 Histoire
jou , auprès d'une Nation qui regardoit Louis XIV. comme le plus grand de tous les Rois.
Après avoir convoqué un Confeil ex- traordinaire dont le rétultat fut d'accep- ter le teftament , le Roi de France écrivit, ainfi que le nouveau Roi , à la Junte dans des termes remplis d'eftime , d'amitié & de reconnoiflance ; fur le champ on pro- clama à iMadrid le Duc d'Anjou fous le nom de Philippe V. & toute la Monar- chie s'empreffa de fuivre l'exemple de la capitale.
C'efl: ainfi que les droits du fang fon- dés fur les Loix fondamentales de l'Etat tranfmircnt la Couronne d'Efpagne dans la Maifon de Bourbon , comme elle avoit paflfc des defcendans de Raynvond de. Bourgogne dans la Maifon d'Autriche où elle refta cent quatre- vingt -fix ans fous fix Rois , Philippe I , Charles I , Philippe II , Philippe III, Philippe IV, Charles II.
Avant que de rendre compte du règne du premier des Bourbons,nous allons tra- cer les caufes de la décadence de la Mo- narchie ^ & l'état des fciences , des let- tres & des arts en Efpagne fous les Rois Autrichiens.
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d'Espagne. lyy
Une des principales caufes de la fu* nefte & rapide décadence de TEmpire Efpagnol fut la découverte de TAméri- que : de-là, comme de la boëte de Pando- re , les maux qui fondirent fur PEfpagne , tels que le renverfement des mœurs , le luxe , Pextenfion prodigiéufe des Cou- vents , la deflruflion de Tagriculture & des arts néceflaires , les longues guerres ^ rémigration perpétuelle des Efpagnols , les vices internes du Gouvernement , & tous les abus deftruéleurs de la popula- tion , & par conféquent des Empires.
La Monarchie d'Efpagne parvenue en peu d'années par les découvertes , les conquêtes & les fucceffions au degré d'é- tendue le plus vafte qui ait jamais été , fe voyoît menacée de fignes de mort , au moment même de fon triomphe ; en ou-^ vrant les mines de l'Amérique , elle s'é- toit creufée à elle-même fon tombeau ; éblouis de la prodigiéufe quantité d'or & d'argent qui inondèrent tout. à coup leur Patrie, les Efpagnols naturellement généreux , fiers , nobles , magnanimes dédaignèrent les reflourcesrde Tœcono- mie & les routes pénibles du travail qui ne conduifent ordinairement qu'à la mé-
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d'E s P A G N £. 177
les Romains à la Grèce , & Fltalie , ef- clave en partie de TEfpagne , jouit d une confidération égale à celle de fa maîtref- fe ; fes Citoyens furent plus heureux ^ fes Villes plus peuplées « mieux bâties » plus civilifées ; elle inftruifit , nourrit & défendit l'Empire dont elle recevoit des Loix ; cependant l'Efpagne prodiguoît en vains & chimériques projets Tor , fource des malheurs & le fang de fes Citoyens ; leurs vertus s'éteignoient chaque jour , & ils contraéloient des vices inconnus à leurs Pères r déjà Tadivité , Tamour du travail, la modeftie, l'émulation étoient difpa- rues ; la fierté de la Nation changée en orgueil & en un mépris outrageant pour les autres Peuples", les lui faifoit regar- der comme nés pour fervir à fa gloire , à fes plaifirs ; elle auroit cru fouiller fes mains viâorieufes & triomphantes que de les employer à la culture des terres & aux arts. Le luxe , fi fatal aux vaftes Empire^ , ravagea TEfpagne , comme il avoit ravagé Rome & la Perfe ; mais fes ravages furent d'autant plus deftruc- teurs qu'on n'avoit pas comme à Rome & dans la Perfe les reflburces de la po- pulation , de l'agriculture & des arts
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178 Histoire
pour remédier aux maux qu'il apporta» Bientôt , par une fuite néceffaire du luxe , les mœurs s'amollirent, les corps s'éner- vèrent , & il n'y eut que les Citoyens les plus riches qui oferent contrarier les doux & facrés nœuds du mariage ; les Grands traînoient à leur fuite des légions de domefiiques qui préférant une fervitu- de oifive à une liberté laborieufè , paf- foient leur vie fans être utiles à la Pa- trie , pas même en lui donnant des Ci- toyens ; ceux qu'une certaine élévation de caraftere empêchoit de prendre ce parti , fe précipitoient en foule dans les Cloîtres pour y jouir d'un fort agréa- ble fans travail &c d'une confidération qui leur feroît échappée dans le monde où ils auroieiit été obligés de vivre fans biens ; enfin , les Efpagnols nés avec une fortune honnête , vivoient dans un céli- bat fu nèfle à la Patrie , plutôt que d'être obligés de travailler à augmenter leur fortune pour élever & établir des enfans? Mais l'or & l'argent dont l'Efpagne abon- doit , devoit y attirer des Etrangers , & réparer les vuides des guerres , du célibat & de l'émigration journalière ? les Etran- gers s'y rendoient en effet en foule ,
d'E s P A GN E. , I7P
mais c'étoit pour dépouiller les Efpa- gnols de leurs richefles par le commerce , le travail & les arts , 6c difparoître en- fuite avec elles; Tlnquifition, le mépris & l'orgueil des Efpagnols, les empêchoîent de s'y établir.
Les Rois fembloient d'intelligence avec leurs Sujets pour dépeupler TEfpa- gne ; fiers de leur or , ils entreprirjent légèrement les guerres les plus longues ; c'eft fans doute fur les mines du Potofi que s'appuyoit Philippe IL quand il entreprit de réduire fous un joug de fer les Pays - Bas , de conquérir l'An- gleterre , & de déchirer la France ; c'eft fur le même appui que s'étoit fondé Philippe IV. quand il voulut aider Ferdinand IL à aflervir l'Allemagne, quand il troubla l'Europe entière. Voilà comme l'abondance, de l'or amena en Efpagne le luxe , le célibat , l'orgueil , la pareue, les guerres & la flérilité* C'eft ainfi que fa profpérité ne fut jamais qu'ap- parente , & qu'elle fut plus malheureufe que les Etats qui lui envioiçnt fon faux éclat , puifque les vrais biens , tels que la paix , l'abondance des denrées , la ferti- lité ^ la population , les arts , lui manque-
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iSo Histoire
rent. Une autre caufe de la décadence de TEmpire , fut fa vafte étendue.
Par quel art du fein de Madrid un Roi ou fon Miniftre pouvoit-il faire mouvoir un ColoiTe énorme & m?l conftitué , donc la tête étoit TEfpagne , les bras l'Italie , & les Pays-Bas , les pieds TAmérique & les Indes Orientales : comment pou- voir porter dans le degré fuffifant la cha- leur & la vie dans des parties (i éloi- gnées 3 mais la politique barbare desCon- quérans du Mexique & du Pérou par- venue depuis long-tems à affurer pour toujours le nouveau Monde à l'Efpa- gne 9 en maflacrant la plus brave & la plus nombreufe partie des Indiens , ou en la condamnant aux mines , ce qov revient au même , donnoit aux Rois la facilité de veiller aux morceaux déta- chés de leur Empire en Europe.
Oui fi pour contenir les miférables reftes des Peuples aflervis & les enfans des con- quéransqui, indignés de n'avoir aucune part au gouvernement des Pays conquis par leurs Pères, ne témoignoient guères' moins d impatience & de hainS contre leur ancienne Patrie, que les Indiens , il n'eût pas fallu confiruire des citadelles ,
d'Espagne. i8i
envoyer à grands frais des troupes, des vaifleaux , des Colonies , des Magiftrats , des Vice-Rois , des Prélats , des Moines , dont le départ continuel avec leur fuite dépeuploit le fîége de la Monarchie. De dix mille Efpagnols , les plus robufles & les plus hardis , que'chaque année l'a- varice ou l'ambition arrachoit de leurs foyers pour les extrémités de PUnivers , à peine en revenoit - il mille dans leur Patrie ; les autres périfToient par l'intem- périe de l'air , par la débauche , par le changement de climat , où s'établiflbient dans les Pays qu'ils avoient choifis pour afyle contre l'infortuné : ajoutez à cela que les Américains regardant comme leurs tyrans cette multitude de Com- mandans , de Magiflrats & de Moines qui ne s'expatrîoient que pour englou- tir leurs tréfoTS , abandonnoient la cul- ture des terres , périflbient accablés fous le joug de Toppreflion , ou fuyoient chez les Indiens libres; on jugera des ra- pines , des concuflîons & de l'avidité de ces hommes qui alloient chercher la for- tune en A mérique , quand on fçaura qu'il n'y avoit pas de Moine qui ne rapponât de fa caravanne en peu d'années qua-
X82 Hl s T O IRE
rante ou cinquante mille écus , que la proye des Gouverneurs 8c des princi- paux Magiftrats montoit à deux ou trois millions en cinq ans , & celle des Vice- Koîs dans le même efpace à fix ou huit. Que devenoient tous ces tréfors entre les mains des Particuliers f Ils paflbient au pouvoir des Nations induftrieufes oui fabrîquoient dans leurs Manufaftures les ,foyes & les laines d'Efpagne., qui culti- voient le commerce & les arts , qui al- loicnt , épargnant un travail jufte & né- ceflaire aux Payfans Efpagnols , enfemen- cer leurs champs, & les moiffonner : le ref- te décoroit avec profufion les Eglifes , ou offrait un vain fpeâacle chez les Grands qui alors fe faifoient gloire d'étaler une prodigieufe quantité d'or & d'argent fur leurs buffets , ou enfin étoit prodigué à acheter des Soldats étrangers , & à cor- rompre les Miniftres & les Grands des Puiflances voifines.
Il falloit bien avoir recours à des trou- pes étrangères, puifque l'Efpagne remplie d'or & de Moines ne pouvoit fournir au- tant de Soldats qu'il étoit néceffaire pour contenir les morceaux détachés de l'Em- pire , & fur-tout pour faire face à pref^
d' Espagne, 185
que toute l'Europe , qu'on eut à com- battre ou à la fois , ou féparément i on conftruifit à la vérité des citadelles pour tenir en bride les Royaumes de Naples & de Sicile , le Milanez , les Pays-Bas , les côtes d'Afrique ; mais à qui confier la défenfe de ces forterefles , fi ce n'étoit à des Efpagnols qui y vieilliffoient , fans avoir vu rennemie f Cpendant les levées ëtoient épuifées par toutes ces garni- rons , & à la première guerre on étoit forcé d'avoir recours à des troupes étran- gères parmi lefquelles on faifoit combat- tre huit ou dix mille Efpagnols ; encore étoit-ce un effort, quand on en réuniflfoit autant dans la même armée ; mais quel danger ne réfultoit-il pas de cette quan- tité de troupes mercenaires dont le nom- bre excédoit celui des Nationales ; loin que les Soldats Efpagnols pufTent les contenir, leur fidélité étoit quelquefois altérée par leur commerce ; fouvent ils fe révoltoient de concert , & ravagoient enfemble les Pays commis à leur défenfe. Qu'on life l'HifloireMe la Guerre des Pays-Bas , on verra qu'il n'y eut prefque point d'année qu'il ne s'élevât quelque fédition j mais les Rois ne durent fe
iS4 Histoire
prendre qu a cux-mécnes de Telprit de fé- dirion & de révolte qui s'entretint long- tems dans leurs armées ; que ne payoient- ils régulièrement la folde modique avec laquelle ils achetoient le fang de leurs Sujets & des Etrangers ? Ils ne le pou- voiert pas ; non le maître du Pérou & du Aîexique , &: iong-tems celui des Ifles qui produifent les épiceries , fource plus intariflable de tréfors que les mines de l'Amérique , ne fe trouva pas affez riche pour payer fes troupes. D'où venoit cet- te indigînce f De la trop vafte étendue de fes Etats. Tout ce qu'il pofledoit en Europe , loin de lui produire , lui coû-~ toit infiniment. Les tréfors de l'Amé- rique étoient dîfperfés , engloutis pour leur confervation ; avec un Empire dix fois moins vafte & dénué de la reflburce des mines de l'Amérique , Philippe II. auroit-il conçu le chimérique & ruineux projet de tout envahir ; les fucceffeurs auroient*ils négligé l'ordre , l'œcono- mie 9 la fcience épineufe des finances qui leur manquèrent tout à- fait, ainfi qu'à leurs MiniftresfSe feroient- ils laiffés dévo- rer par une multitude prodigieufe d Of- ficiers qui abforboient par leurs appoia-
d'Espagne, iSy
temens & leurs brigandages le plus li- quide de leurs revenus ? Auroient - ils abandonné leurs droits aliénés à vil prix^ & leurs domaines envahis à force ouverte par des ufurpateursf Auroient-ils fait con- îîfter une vaine grandeur à ne refufer au- cun de ceux qui leur demandoient des grâces & des penfions , fans d'autre titre aux bienfaits du Prince que leur inutilité & leur audace f Auroient-ils diflipé des tréfors imme'nfes pour acheter par-tout des traîtres & des efpîons ? Se feroient-ils privés par un feul trait de plume d'un million de Sujets dont ils tiroient des fer- vicés utiles & de grands tributs ? Enfin , auroient-ils porté fur l'agriculture , le commerce & les arts, l'aveugle négligen- ce que nous fommes en droit de leur re- procher ?
Qu'arrîvoit-il encore de la trop vafte étendue de la Monarchie f Une lenteur funefte dans toutes les opérations , caufe du dépérîflement de toutes les affaires. Qu'on ne dife point que cette lenteur a voit fa fource dans le caraélere de la Nation. On ne trouve aucune trace de ce défaut , & de bien d'autres chez les Efpagnols , avant l'accroiffement de leur
i86 Histoire
Empire il &IIcir bien pour ne pas être trempés nue les E ois3*alircîgT:iîî'ent àaa- ^qu'àviCL^icircGnfpecricr.jdestornia- fitts , d::sprccai;ricrs & u^e multirudedc Conieils qji ce les emptchersnc pas d'ê- tre rrompés , mais qui les empécterent de rien cxptdier. La Nadon s'accoam- ma à la conduite de h Cour , & les Ci- toyens irirent dans toutes leurs aftions autant de fiegme , de grsviré & de len- teur, q-je les Minifîres. Bien:ct même k lenteur fit toute la pclitique des Rois^ des Grands 3c des Partic-liers. Un autre dttudZ non mcins f-ineile , fur h véné- ration fùperftirieufe & fanatique des Ef- pagncls pour le ficcIe de leurs conquê- tes ; on crut ne pouvoir jâir^ais faillir en foivant les maximes adoptées par Fer- dinand V , Charles-Quîrt , & Philippe n. On parla toujours f-r le ton de fier- té & de grandeur qu'avcient pris ces Princes , ton autorifé par leurs forces , leur génie , la population , la profpérité ; on ne voulcît pas voir qu'on eût perdu les avantages qui les avoient enflés d'une jufte fîené ; en ne fentoit pas que TEfpa- f:ne depuis Philippe IL n'étoit que le fquelette 6c les oiiemens du corps ro-
d'Espagne* 187
buftè dont il avoit eu la conduite ; mais la vénération qu'on avoit pour le fiécle de Charles-Quint, ne fe bornoit pas à fuivre les maximes de fa politique j elle s'éten- doit jufques fur les ufages , les habits , le langage.
Le règne de ce grand homme eft le plus long dont il loit mention dans les Annales de l'Europe, puifqu'il ne régna pas feulement fur fes contempo- rains , mais encore près de deux fié- cles après fur leur poftérité ; l'exemple des Nations voifines qui à des ufages inu- tiles 5 gênans , dangereux en faifoient fuc- céder chaque jour de plus conformes à la nature , & de plus utiles à la Républi- ue , ne faifoit aucune impreflîon fur un euple qui mit long-tems fon orgueil à méprifer fes voifins.
Qu'il me foit encore permis de repro- cher aux Efpagnols de ce fiécle l'excès de négligence où ils portèrent l'éducation de leurs enfans , négligence fatale , fuite des défauts contrariés par les apparences d'une faufle profpérité : on ne fçauroit exprimer combien elle nuîfit à la gloire de la Nation , à l'éclat de l'Empire. J'ofe dire qu'elle fut une des principales four-
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188 Histoire
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ces de fa décadence 3 après avoir donné aux enfans uné'icgere teinture des fcien- ces qu'on apprend dans les Collèges, on les abandonnoit à leur foiàTâgede quinze ou feize ans : leur premier foin etoit d'entretenir un commerce fcanda- leux avec des courtifanes , appellées Amancebadas; le corps & l'efprît fe ref- . fentoient bientôt de ces liaîfons infâ- mes, l'un étoit fans vigueur , & l'autre fans lumières j devenus vieillards à vingt- cinq ans, quelle poftérité pouvoit-on attendre de pareils Citoyens ? Ne feroit- on pas en droit d'imputer aux Eipagnols accoutumés au libertinage , & a entre- tenir , quoique mariés , des maîtreifes la ftérilité fi reprochée à leurs femmes % car enfin leurs fécondité étoit égale à celle des autres Européennes , avant que l'or eût corrompu les mœurs : on fçait qu'il y avoit près de vingt millions d'â- mes dans la Peninfule , du tems de Fer- dinand , & plus de jooooooo fous Ju- les Céfar ; ce grand nombre de Citoyens étoit réduit à environ huit millions à la mort de Charles IL Quoi qu'il en foit , c'étoit parmi ces hommes ignorans , inappliqués , oififs , qu'on choifilfoit les
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Vice -Rois , les Gouverneurs, les Ma- giftrats , les Généraux j c'étoit du fein du vice & de la débauche qu'ils al- loient donner des Loix dans toutes les parties de TUnivers ; ^ue pouvoient attendre de pareils Miniftres , les Peu- ples condamnés à leur obéir. Quel amour pour le bien public , quelles vues utiles & réfléchies , quels projets favorables aux intérêts de Thumanité f Une gravité impofante , un orgueil profond , de l'ef- prit , de la pénétration , fi l'on veut , pouvoient-lls fuppléer à l'ignorance des Loix & des Coutumes de la Nation qu'ils gouvernoient ; aux lumières , à l'expé- rience , & fur-tout à ce tendre amour pour les hommes gui devroit caraélé- rifer ceux qui ofent le charger de les con- duire ? Mais la plupart des Vice-Rois , des Gouverneurs & des Généraux Efpa- gnols ne s'inquiétoient guères des ta- lens , pourvu qu'ils obtinffent les digni- tés i leurs unique but étoit de s'enri- chir avec excès pour venir enfuite diflî- per à Madrid dans le (ein de la volupté le fruit des travaux des Peuples. Que réful- toit-il d'une telle conduite f des fédi-
it,r K I s r o IRE
c::---î i:frr.îlles , des ccûirlors, des ré- vj.Tis • i;s c^îiipîriiicrLSj&quelciaefois
ces r'ivcLricns.
\ c.u Ics prudpales caufes de la dë- ciCcnce i'j.:: Empire, que les Efpagnols avîc b îi-c.^-r ie gtrie , de courage ^ C2 ^izii-r i 2.-::e . ie feroieté & de pa- tier.ce iir.s U ir-erre. ne purent confer- ver iir.s ion tcLi: ; il ê:ck tems qu'un BcLLrbon vint lui rendre Ion ancienne répuiatiori , Se rtveiller le fommeil lérhar- glq-e de la Narîon. On ne comptoir de- puis la piix des Pyrénées TEipagne au noâibre des Puiflances de TEurope que par habitude ; à la mort de Charles II. les Por:s renfermoient à peine dix ou douze vailTeaux délabrés , les Places for- tes érolent ruinées de vétufté , trente mille Soldats fans difcipline & fans ému- lation compofoient toutes les armées 9 les Loix étoient fans vigueur , les Peu- ples fans arts & fans induftrie , les Minif- tres fans lumières , la puilTance , Tauto* rite , la confidcration étoient entre les mains des Inquifiteurs, des Moines & de quelques Cameriftes. Madrid étoit deve- nu Tafyle des Affaflîns , des Voleurs ,
d'Es P AG N E. 15)1
des Empoifonneurs , en un mot , de tous les fcelérats qu'on y laiffoit vivre en paix , pourvu qu'ils n'euffent pas de biens, La défunion des Grands, leurs que- relles particulières , la haine des Provin- ces les unes contre les autres , les foup- çons , les inquiétudes , la crainte de l'a- venir j funeftes avant-coureurs des guer- res civiles & étrangères qui alloient fon- dre fur l'Efpagne , la ravager & la dé- membrer , voilà le tableau qu'offre l'EC» pagne au aipment qu'elle paiTa fous la domination de Philippe V.
Qu'à ce tableau on fubftitue celui qu'elle offre aujourd'hui fous le fage Roî qui la gouverne : on verra quels biens immenfes a apporté le changement de domination , la valeur, la grandeur d'ar me y la fcience de la guerre & de la Ma^ rine, La patience , la prudence , l'éléva- - tion , vertus naturelles à la Nation , af^ foupies pendant un fîécle ont' été réveil- lées , & ont répandu en Europe & en Amérique un éclat aufli lumineux que fous Charles- Quint. On a gagné avec les Bourbons des mœurs plus douces , l'a-^ oiour des fciences , la politeffe , la con-^
I>2 Hl s TO I B £
DciiVrce ij commerce, des finances & des arrs . une faine politique , une admi- niilri:::^^ admirable 5 une émubtîon in- ccnruc auparavant ^ les Peuples , réunis fous une autorité chère &refpeaable, n'oj:p>rfen: plus à la Cour des privilèges £sT:t{i^s . & le difputcnt aux Caftillans en zt!e & en fidélité ; enfin , la Monar- chie mcir.s étendue , mais plus riche » plus peuplée , affujenie aux mêmes loix, ed redevenue une des premières Puif-. lances de l'Europe. ^
De
d'Espagne, 15^3
De HEtat des Sciences . des Lettres ^ des Arts en Efpagne y fous le Gouvernement des Kx)is Autri-' c/iiens,
L'Espagne , avant le règne de Ferdi- nand & d'Ifabelle , languifToit com- me le refte de l'Europe dans les ténèbres ' tlé l'ignorance ôc de la barbarie ; oh ne connoiiToit dans ces Régions fertiles en •guerriers , en politiques & en génies éle- vés , ni Artiftes , ni Sçavans, ni Philofo- phes ; car ce feroit abufer des termes que de prodiguer ce dernier nom à une foule de Moines & d'Eccléfiaftiques remplis d'une Philofophie & d'une Théologie plus vaines & plus obfcures encore que celles qu'on enfeignoit dans les autres Uniyerfités j toutes les connoiflances fe réduifoient à la fcience de la guerre telle qu'on la pratiquoit alors , aux exercices qui y ont rapport , à une galanterie Ro- manefque & à la philofophie de l'Ecole ; la partie de l'Efpagne foumife aux Ara- bes avoit pourtant été éclairée par les Averroès, les Avicennes & d'autres per- Tme r. I
15>4 HisqroiRE
fonnages illuftres^'nîais les précieufes fe- mences de goût , d'humanité , de poli- tdFe & de philofophie qu'ils s'étoient ef- forcés de faire naître dans ces t:limats fa- vorii2s des Cieux avoîcnt péri , comme nous l'avons dit ailleurs, prefqu'en naif- fant. Les Seéles intolérables des nou- veaux Conquérans fortis de l'Afrique avaient fait fuccéder la barbarie à l'hu- manité « l'ignorahce aux connoîiTances : les vrais Arabes n'étoient plus ; en adop* tant les -mœurs , les coutMi^s, les exer- xice« 4 les jeux , les ufages , la galanterie £c une partie de la Langue des Arabes 5 les Efpagtiols ne fçurent jamais profiter de leur philofopbie &c de leurs lumières. L'Italie , riche des dépouilles de Conf- tantinople , éclairée par pes illuftres fu- gitifs échappés à la fureur des Turcs , joukTôît de la fupériorité que donne la paffeiTion des fciences & desarts, quand l'Efpagn^ gémiflbit dans Toppreflion , les guerres cîvUes , & la fervitudc des Grands kHis les foibles règnes de Jean IL & d'Henri IV. ; la partie de TEfpagne la plus éclairée & la plus polie , étoit le Royaume de Grenade dont les Peuples conferverent jufqu'à h ruine de leur Em-
s
d'Espagne, 15^7
pire les arts utiles , le commerce , Ta- gricukure , la galanterie & une certaî* ne douceur de mœurs , fruitde la prof* périté & des lumières,
Ferdinand & Ifabelle parurent enfin fur la fcene , & de la même main dont ils ré« tabliffoient l'autorité Royale, humilioient les Grands , détruifoient la domination Mufulmane , & conquéroient de nou- veaux & immenfes Royaumes ; ils répan* dirent les grâces &c les bienfaits fur ceux qui s'appliquo\ent aux fciences & aux arts ; il étoit de la deftinée de TEfpagne de devoir à ces Princes immortels fes Loix , fa gloire^ fon Empire & les fcien- ces ; le fameux Ximenès doit partager la gloire de Ferdinand ^ d'Ifabelle. Il con- tribua autant qu'eux à exciter Témula* tion , & à faire naître cette foule de Grands Jurifconfultes , de profonds Théologiens , d'excellens Humanii^es qui ont rendu ce règne célèbre ; Ferdi- nand & Ifabelle réuflirent autant que les Fondateurs de Tlnquifition pouvoient l'efpérer j ils ne s'attendoient pas fans doute que ce Tribunal terrible inftitué dans les vues d'arrêter les progrès du Jud^ïfmç & du Mahométifmp j dût nuire
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15)0 Histoire
aux progrès de refprit humain , à la véri*
• table phjlofophie, & par conféquent à l'é* clat d'un Empire leur ouvrage & leur ido- le j quels progrès lesEfpagnols n'çuflènt- ils point faits dans la philofophie & les
• f ciences qui en dérivent , avec la péné- tration pr©digieufe , la vivacité , le juge- ment folide , & la vafte mémoire qu ils pnt reçus du Ciel en partage !
Seroit-ce à llnquimion qu^il faudroit attribuer la négligence avec laquelle on a cultivé en Efpagne la peinture,Ja fculp- ture , l'architeélure & les arts agréables qui naifTent dans le fein de l'abondance êc de la profpérité ; ou bien la Naâon animée feulement de la gloire des armes & de la politique méprifa t-elle ce qui a fait la gloire a Athènes plus que la po- litique & les armes. Je crois que ce n*a été ni rinquifition , ni le' mépris de la Nation qui fut caufe que PEfpagne n'a pas compté autant de Peintres , dé Sculp- teurs , a'Architeéles que d'Hiftoriens, de Légiftes , de Théologiens Moraux 9 de Poètes & de Politiques ; mais Charles- Quint , ce Prince occupé du projet de la Monarchie univerfelle » chercha toujours à tOur;^er le ^énk des £fpa^o)s du ç^xi
d'Espagne. i^j
des conquêtes & des négociations ; ce n'eft pas qu'il n'eût du goût pour les ta- lens i apprenez. , dit-ii un jour au Marquis d'Aftorgue qui lui reprochoit les égards qu'il avoit pour les Sçavans , les Artiftes & les négocians, Apprêtiez, que la No* hlejfe me depomlle , que le commerce m^en* 7'îchit , & que la littérature & les arts m'inftruifent & m^ immort ait fent^ Je peux ^ dit-il, une autre foisià fes courtifans con- fondus dé la façon diftinguée avec laquel- le il recevoir THiftorien Guichardin , je pettx en une heure faire cent Seigneurs com^ me vous y & en vingt ans je ne pourrais faire un Hiftorien comme lui. On fçait qu'il raraaffa lui-même le pinceau de Ti- tien 3 & qu'il alla lui rendre vifite plu- fîeurs fois ; mais par une fmguiarité qu'on auroit eu peine à comprendre , fi nous n'avions expliqué ce qui le retenoit à l'égard des Espagnols , il ne prodi- gua fes bienfaits & fes grâces qu'aux Sçavans , aux Littérateur^ & aux Artif- tes Italiens; il faut avouer que. PItalie' étoit alors , par rapport à l'Efpagne , ce que TaKienne Grèce fut par rapport à la Thrace. Cependant , malgré fon indifFérence
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lp8 HlSfOIRE
politique , fon règne (iit le berceau de la Littérature & de la Poéfîe Efpagnole. "^ On fçair quels progrès rapides font les arts pour peu qu'ils foient encouragés ; fans doute que TEfpagne auroit bientôt difputé la palme du bel efprit à lltalie , û encore une fois Charles - Quint eût tourné les vues de fa nation de ce côté- là ; cependant le beau fiécle de P£Q)a- gne , le iîécle fécond en beaux gémes 9 on le compte depuis la fin de fon îCgpe jufqu'au milieu de celui de Philippe IV. C'étoit à Philippe II. avide de pinffim- ce & de gloire qu'étoitdue celle de voir fa Patrie plus éclairée : on lui doit la juf- tîce d'avoir favorifé de tout fon pouvoir les fciences , les lettres & les ans ; c*eft fous lui & fous fon fils que TEfpagne compta le peu d'excellens Artiftes Q" el- le a fournis ; c'eft le fiécle de fes meilleurs IBfloriens, de les plus profonds Léàf- tes , de fes plus célèbres Ecrivains Alce- tiques y de fes Théologiens ^ de fes plus fameux Poètes , d'une infinité d'Auteurs de petits Romans , appelles nouvelles , genre dans lequel lesElpagnols fui^affent toutes les autres Nations ; enfin , tous les plus grands hommes de l'Efpagne dans la
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Guerre , la Marine , la Politique ^ partir rent en même*tems que fes écrivams : la gloire de la Nation fe foutiht j^tfqu'i Philippe IV. qui rempli de goût pour la Poéfie y coitf ut lui-même la carrière des beaux eiprits ^ & donna ta Tragédie du Comte d'EiTex. Sous lui le Peuple coa- roit en foule aux fpeâaclesdes Caroufelv des jeux de canne , des combats de tau* reaux : mais la Cour , & tout ce qui wtA pas Peuple jouiiTcÂent à l'exemple du Rei du plaior vif & délicat de voir les pièces {ay des Lopès de Vega f des Calderoos » des Goberas & des Miquels de Cev* vantes.
Mais à fa mort les Mufes E^gnoks devmrent muettes i on ceiTa d^écrire , ou on s'écarta de la route qu'avoient tracé les bofis écrivains; il femble que l'Efpagœ eût cédé à la France , fa rivale » tous tes genres de gloire ; les commencemens du règne de Philippe V. fignalés par les com-
(a) En rendant juitice à l'imagination brit^ lante 9 à la fécondité > à la force , au géoie de ces Poètes Efpagnols , on ne prétend pas excu* ftr leurs enflures , leurs hyperboles, leur mépris pour le vrai , pour le naturel & pour les règles de la Dramatique.
liv
2CC HiîTcimi
res nercieTTT pas i^Tccsiauss à]£ rotzi&c- cc des rcrrrrca- £a fanes j âcsansSc da Gcnxmerc? ^zas éfs qss la pm ciX^ trecBcesr La^ 2 ce Pnooc b pu£Iue [Cil d'm ccrâoc achctf par uzct rrzTznx . de d^^gers & de £^y &a pKmîer €zlii hz^i. Texscpk: ée loa ka- ■Krrei areol Locis XIV. c'ciLmo les Sajets en icfikaact diflereuas Aode- BÎeSx & en récompeniâot ks taJcHS & le œérke ; Ibn fils^ le bîeii£ûfàiic FciA- und VI« joaic aajoorâliGÎ de la dbiie d'aâènnir les établîflêmens da Roiioiipe- re , de les étendxe , Se d'excîterk génie& Tiâivité de fes Sujets ; lesEfpagnoboot cefle d'avoir pour les produâioBs de leiin Toifîns j un mépris qui fut la caofe de Vir gnorance & du peu de goût qu'on 1 re- proché en général à leursEcrivainsùIs iça- vent aujourd'hui s'enrichir des dépouil- les littéraires des François , des Anglais & des Italiens en traduifant les chefs- d'œuvres qu'ont produit les plus grands génies de ces Peuples éclairés ; peut-être qu'un jour la Nation refpeâable dont je parle , effacera dans tous les genres la gloire de celles auxquelles elle ne ce-
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de ni en valeur , ni en génie , & qu'el- le furpafle peut-être en probité , en grandeur d'ame , en confiance , en amour pour fes Souverains > & en d'autres ver- tus.
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PHILIPPE V. fHrmmmi U
Courageux.
TElle étoit la fituarion de TEa- 17CO, rope , lorfque la Monarchie d'Ef- {)agne paifa dans la Maifon de Bourbon ; 'Empereur JouifToit d'une puiflance fu- périeure à celle de fes Ancêtres ; il*avoit * reculé les bornes de fes Etats , humilié les Turcs , & affujetti les Hongrois : plus de cent mille hommes accoutumés à vain- cre, & d'excellens Généraux étoient raf» femblés fous fes Aigles ; il pouvoît efpé- rer un pareil nombre de Soldats de la part des Elefteurs & des Princes de l'Em- pire, La Maifon de Brandebourg, en faveur de qui' il venoit , à l'exemple des anciens Céfars , d'ériger par un diplôme la Pruffe en Royaume , le Duc d'Hano- vre admis par fa protedion dans le Col-
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202 Hl S TOI R E
lége des Eleâeurs ^ lui promettoient tou- tes leurs forces : fes tréiors ne répoD- doient point à la vérité à fes années , mais il comptoit fur ceux des Anglois qui ne voyoient qu'en frémiflânt un pedt-fils de Louis XIV. maître de TEfpagne , de l'Amérique , de Tltalie & des rays-Bes > & les François fur le point de leur enle- ver le commerce de TUnivers. Ce Peu- ple guerrier , politique & négociant , lier de fon commerce qui englouûflbit celui de la Hollande , de fes richeflès immenfes , de ùl marine , de fa liber- té vraye ou imaginaire , excité par h rivalité , l'antipathie ^ & fîx fiécles de guerre^ oppofà fes armes à la prospéri- té de Louis XIV. moms par amitié pour la Maifon d'Autriche , que par envie con- tre les François; les Hollandois qui depuis 28 ans n^avoient prefque ceifé de combat- tre Louis XIV. étoient entraînés dans le parti de la Maifon d'Autriche par la crain- te de voir les Efpagnob foutenus des François réclamer un jour les armes à la main leurs anciens droits fur la HoUan-* de ; mais quand ik n'auroient pas eu pour motifs de vaines allarmes j auroient-ils pu refufer à Guillaume IL regs^rdé com*
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me le Roi de la Hollande & le Stadhou- der d'Angleterre de fe joindre à lui pour arrêter la fortune de la France & de l'EC- pagne ; l'ame de Guillaume dans un corps ufé , mal-fain y & qui chaque jour étoit menacé d'une prompte deftruâion , con-v fcrvoît la vigueur , la fierté, la profon- deur & les reffources à l'aide defquelles il avoit embrafé toute l'Europe , & arra* elle trois Couronnes à fon beau-pere .; il ne refpiroit que vengeance contre Louis XIV. qui Tavoit engagé à des t)-aités de partage qui venoieat d'encouri^ la cen- fure du Parlement ; la politique l'empê- cha de fe décbrer aufli-tôt que rEmpe** {)ereur y mais il ne diffêra que pour avour e tems de rafifembler des forces & des Alliés capables d'humilier la France , de de brifer le fceptre de Philippe Y.
Ultalie étoit partagée d'intérêt & d'aflfeaion; le Pape Clément XÏE. ( Ai- bani), la République de Gènes >le Duc de Mantoue inclinoient pour les Bour- bons ; mais Venife , les Diac de Savoye & de Modene faifoient des vœux pousi PEmpereiîr, fans ofer fe déclarer pour lui. Le Duc de Savoye même déterminé par la crainte & par l'intérêt prélient , les
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204 Histoire
deux feuls refforts qui foîit mouvoir la po- litique dé la plupart des Potentats , entra dans le parti de la Maifon de Bourbon ; mais dès qu'il eut obtenu le mariage de fa féconde fille avec le Roi d'Efpagne, il s'en fëpara avec éclat , & fit au grand étonnement de toute l'Europe la guerre à fon gendre à qui il n'avoit été guères moins fatal tant qu'il fut fon allié , que lorfqu'il devint fon ennemi ; le Roi de Portugal d'abord Allié des Bourbons
£ar des motifs femblables à ceux du )uc de Savoye , ceffa de Têtre par la même politique , & introduifit -dans le fein de TEfpagne le fils de l'Empereur qui lui promit de la partager avec lui.
Les Rois du Nord dechiroient àé]k . cette partie de l'Europe par une guerre . auffi cruelle & auffi funefie que celle qui défola bientôt après le Midi ; l'Immor- tel Czar Pierre 1. voulant ajouter à la gloire de Légiflateur celle de Conqué- rant , s'étoit ligué avec les Rois de ro- logne & de Dannemarck pour envahir 6c partager entr'eux une partie des Etats du Roi de Suéde , Charles XII. dont ils méprifoient la jeuneife ; la dlfcorde non feulement fecoua fon flambeau dans tou-
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te TEurope qu'elle embrafa du Tage au Volga 5 mais elle fouffla l'efprit de fédi- tion , de révblte & de confpiration en Ef- pagne , en France & en Hongrie , & les guerres inteftines fe joignirent aux étran- gères j s'il faut, pour fuivre Tufage , ap- peller étrangères des guerres qui s'éle-* vent dans lefein de la République Chré- tienne, guerres dans lefquelles on voit les Peuples d'une même Religion, d'une même origine , ayant les mêmes mœurs i les mêmes loix , le même gouverne- ment , conduits par des chefs qui fe trai- tent de frères , marcher les uns contre les autres , fe déchirer mutuellement , & porter fouvent aux extrémités de l'Uni- vers leur haine & leur fureur , comme fi l'Europe n'étoit pas un champ aiTez vafte pour la mort & la deftrudtion.
De tous les Monarques de l'Europe ,' celui leul que les Chrétiens auroient pu attaquer légitimement afin de revendi- quer fur lui les immenfes ufurpations ac- cumulées par fes ancêtres , le Grand Sei- gneur , refta tranquille ; il falloir que les' vidoires de Léopold l'euflfent étrange-' ment afFoibli , puifque lui-même ne pro- fita pas de la folie des Chrétiens pour re-
2otf Histoire .
conquérir ce qiLÎl venoic de leur céder par le traité de Carloviis.
Un Roi de (à Reli^on qui n'étoit ni fi puiflant , ni fi ambitieux , Ifmaël , Empe- reur de Maroc , heureux politique , le plus barbare des hommes , profita mieux de là fureur des Européens , il fe joignit aux ennemb de TEfpagne » & lui enleva Oran : s'il eût cédé aux infiances des Anglois qui le prêtèrent d'envoyer i l'Archiduc une armée Mufiilmane »
Îuelle eût été la defiinée de l'ETpagne f >es Maures égalem^t ennemb àçs deux £artis auroient au moins renouvelle ks orreurs & les ravages auxquels cet- te contrée a été fi long-tems en proye de la part de leurs Ancêtres ; peut- être en auroient -iis arraché quelques Provinces > mais heureufement que le ty« xan de Maroc fe contenta d'entretenir les efpérances des ennemis del'Efpagne» en leur fournifTant des vivres & des mu- nitions.
Contre ce déluge d'ennemir déclarés ou prêts à fe dédarer , PEfpagne ne comptoit d'Allié que Louis X]V« nais il n'étoit pas (ans vraifemblance que cet Allié accoutumé depuis long-tems à bta^
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ver toute l'Europe , & à la vaincre , pût encore efpérer la vidoire ; il avoit trois cent mille hommes fur pied , il com- mandoit à la Nation la plus fidelle ^ la plus foumife y la plus belliqueufe & la plus riche de l'Europe ; fes Sujets ne ref- piroient que fa grandeur ; la terreur de fon nom contenoit la Savoye , le Portugal , la Hollande & l'Angleterre même j l'impétueux Léopold ofa feul lui faire tête , mais c'eft qu'il comptoir' fur les fecours de toute l'Europe , & fur la trahifon de la plupart des Sujets de Philippe V. Louis XIV. pénétrait aufli bien que lui les deffeins fecrets des prin- cipaux Peuples de l'Europe , il aùroit pu dès lors commencer la guerre y & l'accs^- bler ; mais devenu auili équitable & aufOi modéré qu'on l'avoir accufé de l'avoir été peu au milieu de fon règne ; il crai- gnoit de palTer pour l'infraâeur de la' paix , & l'auteur des maux qu*il pré- voyoir ; il donna les mains à une négo- ciation qui fut précédée de la reconnoii- fance du Duc d'Anjou » en qualité de Roi d'Efpagne , par l'Angleterre & la Hollande. Le Pape , les Rois de Suéde , de Dannemarck ^ de Pologne ^ le nou-
^o8 Histoire
veau Roi dePrufle, celui de Portugal, Je Duc de Savoye , la République de Venife , toute l'Europe enfin , excepté TEmpercur , avoient donné l'exemple.
Cependant Philippe V. accompagné des Ducs de Bourgogne & de Berri , fes frères , étoit en marche pour fe rendre dans fes Etats , une foule prodigicufe d'Efpagnols , & fur-tout de Caftillans en- traînés par les fentimens d'amour & de vénération que la Nature a gravés dans le cœur de cette Nation pour fes Rois , étoit accourue*en France pour jouir du plaifir de le voir. Ils furent témoins des adieux tendres & touchans de Louis XIV. & de Philippe V. Ils entendirent les dernières paroles que le Roi de France adreffa à celui d'Efpagnè en l'embraf^ fant ; // ri^j a plus de Pjrhéts ^ mon fils y ik ces paroles arrachèrent des larmes de joye à tous les fpeftateurs : dès-lors les deux Peuples fe regardèrent comme frè- res j on fe rappelloit de part & d'au- tre avec tranfport les tems heureux où la France & la Caftille liées par l'allian- . cela plus étroite , ne côYifpîroient qu'à leur bonheur mutuel ; on béniflToit le jeune Roi par qui ces nœuds (i précieux: '
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D* E S P A G N E. 20p
l«tari»*M«^ift
étoient refferrés : Philippe rencontra fur fa route le Connétable de Caftille qui lui préfenta les hommages de la Nation , & qui de-là fe rendit à Paris en qualité d'Ambafladeur extraordinaire pour ex- primer à Louis XIV. la reconnoiffanc^p de TEfpagne fur Taugufte préfent qu'il lui avoit Fait en lui donnant fon petit- ffls 9 & en facrifîant les avantages llipu- lés pour lui dans le traité de partage ; . Paris reçut le Connétable avec des hon- neurs inouïs.
Philippe arrivé fur les bords de la Bi- Ï70I daflba, congédia fagement tous les Fran- çois qui l'accompagnoient , excepté le Duc aHarcourt qui le fuivif en qualité d'Ambafladeur de France, & entra en Efpagne le vingt-deux Janvier ; fon pre-» mier foin fut de confirmer la Junte ju(- qu'à fon arrivée à Madrid ; il donna or-?* are en même-tems à la Reine Douairière de fe retirer à Tolède en lui confirmant fa penfion de feize cent mille livres ; le Grand Inquifîteur , le Confeffeur du feu Roi , & le Comte d'Oropefa s'étoient, trop fignalés contre fes intérêts pour ne , pas encourir fa difgrace : ils furent relé- gués en diflPérens endroits j pendant qu'on
ftio Histoire
Eréparok tout pour fon entrée à Madrid » i Koi fe retira à Baen - Retiro d'où il fe rendit le quatorze Avril dans la Capi- tût oîk il fut reçu en triomphe : depuis pxufieurs fiécles on n'avoit vu une pa- leilie affluence de Peuple dans: aucune Villcf d*Efpagne j plus de fotxante per- fonnes furent étounëes dans la foule ^ les Efpagnols ne pouvoient le la&r de vdir & d'admirer un Roi jeune , beau , bien- fait » vigoureux y modéré , bienfaifàm » & déjà adoré par fa piété , fon ^ppll* cation , fes largefles & fa noble attabi- lité ; il ne tarda pas à récompenfer laNa* tion de fes vœux & de fon amour en tra*' vaillant à fon bonheur ; il réforma avec le fecours du Cardinal Porto-Qurero , de Dom Manuel Arias , Préfident du Confeil de Caftille & du Duc d'Har- courti qui feuls compofoient foaConfëil fecret, une infinité d'abus. Les guerres & les malheurs qui les fuivent , fufpendi* rent dans la fuite les eflPets de fon amour pour les Peuples , & Pempécherent de les rendre aufli heureux qu'ils le méritoient ; mais les Peuples ne s'en prirent qu'aux cîrconftances ; ils applaudirent alors à la fupprefllon des offices dépendans des
D'EsPAÔNEé 21 1
Confeîls de THazienda & des In^es^dont le nombre étoit,malgré les réformes , pro- digieux ; on ne fut pas moins fatisfait de celle de toutes les charges civiles & mili^ taires dont les titulaires étoient fans foric^ tion ; Fabus des charges étoit parvenu à un tel excès fous les derniers Rois , qu^il eût été difficile de trouver un Citoyen qui ne fût pourva de quelqu'une j il eo-^ joignit auffi à tous les poflefleurs de Corn.- manderies d'Indiens en Amérique > d'y palTer pour en avoir foin j faute de quoi elles feroient réunies à la Couronne après leur mort. Mais le décret que Philippe donna en faveur des Ducs & Pairs de France ii qui il accordoit le traitement de Grands y en conféquence de Tordon* nance de Louis XI V. qui déféroit aux Grands d'Efpagne les mêmes honneurs à fa Cour qu aux Ducs & Pairs > blelTa» dit-on , la nerté des Seigneurs Efpagnoïs* Ces arrangemens furent fuivis de plu« fieurs autres ; on confirma à l^Eleâeur de Bavière le Gouvernement général des tays-Bas ; ce Prince le méritoit à plus d'un titre. Il venoît de figner un traité d'alliance ofFenfive & défenfive avec les deux Couronnes , dans lequel fon frère ,
irfÉiMkMB
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TElefteur de Cologne , entra ; il avoir rendu l'impottant fervice d'introduire dans toutes les Places fortes des Pays- Bas des garnirons Françoifes ; on admira' à cette occafion la délicateflfe de Louis XIV, qui ne voulut pas faire arrêter dix- huit bataillons HoUandois à qui on avoit confié la garde de ces fortereiTes à la paix de Rifwick , quoiqu'il fçût que là Hol- lande étoit fur le point de le déclarer contre lui ; le Prince de Vaudemont re* çut par rapport au Gouvernement du Milanez la même grâce que TEleôeur de Bavière ; mais la Cour ne jugea pas à "
f)ropos d'étendre fes faveurs jufques fur e Prince d'Armftad qui demandoit avec ardeur la confirmation delà Vice-Royau- té de Catalogne ; elle fe défioit fans rai- fon de ce Prince brave & adoré des Ca- talans , qui en partant jura tout haut fur le Port ae Barcelone , qu'il reviendroit bientôt avec un autre Roi,
Cependant Philippe figna » de concert avec Ion ayeul , un traité d'alliance oflfen- fîve & défenfîve avec le Roi de Portu- gal , le Duc de Mantoue & le Duc de Sa- voye : ce dernier Prince n'y avoit donné
d'Espagne, 213
les tnaios cj^mq pour faire fa féconde fille Reine d'Elpagne ; le mariage ^e la Prin- ceffe Marie-Louife-Gabrielle de Savoye avec Philippe fut célébré le onze Sep- tembre à Turin ; de-là elle fe rendit à Fi- guieres en Catalogne oà le Roi Tatten-r doit : cette Princefle , jeune , belle , douce, pleine d'efprit Se de couragg^» régna toujours fur le cœur dç Ion époux & fur celui de fes Sujets ; l'Efpagne ne lui a jamais reproché que de s'être trop livrée à fa Camerera Mayor , la Prinr ceife des Urfins , Fr^nçoife , & de Td- luftre Maifon de la Trémouille ; cette femme née avec la plus belle figure , de grands talens & une v^fte ambition , fut açcufée d'avoir abufé du crédit #noui qu'elle eut fur l'efprit du Roi & de la Reine.
Le Roi ne s'étoit pas rendu en Ca-- talogne feulement pour fon mariage ; il y étoit venu donner aux Catalans la fatisfa6tioQ de préfider à leurs Etats : on lui fit préfent d'un don mtv^ quatre millions & demi ; le Roi coi & augmenta les privilégç* ^ ce ; il combla de grâces^ |e^ Ciit^anç 5 msds lob qu
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^14 Histoire
excita iTent la reconnoi£[ânce & rattache- ment de ce Peuple inquiet , indocile ^ impatient du joug , aviae de nouveautés & de (éditions, ils firent un efièt tout con- traire ; les Catalans crurent qu^ ne les ménageoittant qu'à caufe qu'Û lestedou- toît« Dès-lors ils ne mirent plus de hcr- nés à leurs demandes & à leurs plaintes ; bailleurs , c^étoit affez que le Roi fiât cher auxCaflillans pour qu'ils eu&nt de l'averiîon pour lui , tant eft grande la liaine & l'antipathie qui ont toujours dl- TÎfé ces deux Peuples : qu'on le doo- ne bien de garde de croire que ce bt par attachement pour la Mailon d'Au- triche qu'ils reçurent à genoux l'Ârcid*- duc ; u ce Prince eut été appelle au throne d'Efpagne , ils auroient foute^ avec la même confiance Ton rival , & as- roient de mcme prodigué pour lui leurs tréfors & leur fang.
L'efprit de fédition qui germent déjà en Catalogne , étrât entretenu par les jb^ trigues fecrettes de quelaues Grands 9 ^ fur- tout de l'Amirante de CafiiUe , que raufiérité du Gouvernement de P0H9- Carrero 6c d'Arias révoltoit moins que ^ l'epnui Çc la douhur de n'avoir mtcsM ^
d'Espagne. 217
part à la faveur ; & U étoit encouragé par la nouvelle qu'on reçut d'une ligue conclue entre l'Empereur , TAngleterrt & la Hollande.
La coflclufion de cette ligue avoit été précipitée en conféquence des avis fe- crets que l'Amirante envoyoît au Duc Moles , Ambaflàdeur d*Efpagne à Vien* ne , & traître dans Famé comme fon cor- refpondant ; il lui avoit fait entendre que iaCatalogne,domtous les Peuples étoient mécontens , ne refpiroit que la révolte ; ces nouvelles portées de Vienne à Lon- dres., firent Tefièt qu'on avoit prévu ; le parti généreux que prit Louis XIV. de reconnoîtrc le Prince de Galles en qua-^ lité de Roi d' A ngleterre 9 à la mort de Jac* ques IL fon père , contribua aufli à U ligue ; les Anglois indignés contre Louis XIV. qui fembloit leur reprocher d'à» voir abjuré leur Roi légitime , entrèrent dans toutes les vues de Guillaume per- fbnnellement iirité , & prodiguèrent leurs tréfbrs & leur iàng pour une quer relie qui leur étoit étrangère : peut-cître craignoient-ils auffi qu'en la'mnt Phi* lippe V. s'affermir fur le thrône d^Efpa- ^ne, il nefe joignît un jourâ^oviisXIV,
2i6 Histoire
pour rétablir les Stuarts dans leur héri* tage ; l'objet principal de la lioie n'étoit alors que d'enlever l'Italie à rhilippe V. mais la profpérité inouie dont les armes des Alliés furent accompagnées , les fît changer dans la fuite de vues: ils portèrent leurs efforts jufqu'à précipiter Philippe du thrône , &c jufqu'à accabler la France , comme fi ce n'eût pas été forger des fers à l'Europe , que de rendre la Maifon d'Autriche plus puiffante qu'elle ne l'a- voit été fous Charles-Quint,
Les fuccès de l'Empereur en Italie où il avoit envoyé une armée, fans déclarer la guerre , étonnèrent l'Europe ; l'Ef» pagne s'étoit attendue à une rupture pro- chaine fur la réponfe de l'Empereur au Duc Moles qui lui ayant demandé au nom de Philippe l'invefliture du Milanez , . re- çut pour toute réponfe que non-feulement le Milanez, mais toute la Monarchie lui appartenoit, fur les bruits fourds que les partifans de l'Empereur femoient eA Efpa- • gne , que le teflament de Charles IL avoit ?té fuppofé ou fuggéré par Porto-Carré^ ro , & que Charles mourant l'avoit fîgnë fans aucune connoiffance ; on a vu qu'il n'y en eut jamais dç plus authentiqué.
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d'E s P A G N E. 2.x J
Mais on n'avoir pas prévu les iuccès du Prince Eugène ; ce Général , l*un des plus grands de ce fiécle,n'avoit que trente mille hommes > il eut à combattre foi- xante mille François , Efpagnols & Ita- liens commandés tout à la fois ^ ou fuc- ceflivement par le Duc de Savoye, le Prince de Vaudemont , les Maréchaux de Catinat & de Villeroi ; on lui laiflfa pafler quatre rivières , & occuper une grande étendue de terrein , fans le com- battre ; on l'attaqua enfuite téméraire- ment à Carpi & à Chiari où l'on fut bat- tu ; la fcience de la guerre , le courage & Taudace ne turent pas les feules arme; auxquelles on attribua les viâoires du Général de l'Empereur. La vérité de l'Hiftoire^e permet pas de diffimuler que le Duc de Savoye anaché par des liens fi étroits aux Bourbons 5 fut accufé de trahir la caufe de fes gendres , & Tar- mée dont il étoit leGéneraliffime ; la mê- me vérité nous oblige â rapporter que ce même Prince combattoit avec la valeur la plus héroïque dans toutes les occa- fions ; peu s^en fallut que les avantages du Prince Eugène ne fuflent décififs , & a'ientraînaflent la perte de l'Italie ; déjà Tome F. K
3i8 Histoire
les partifans de la Maifon d'Autriche à Naples 9 éblouis de la rapidité du vain» queur dçs Alpes , confpiroient pour lui livrer la Capijtale ; la confpiration , quoip que découverte! éclata le vingt -aeux Septembre ; on combattit dan$ toutes les rues , mais enfin le Duc de Médina* Cœli , Vice-Roi , vint à bout avec le fçi- cours du Duc de Popoli , de vaincre lei conjurés dont les chefs périrent les ar** mes à la main , ou fur les éçbafauts. 1702^ ^^ danger qu'avoit encouru Naples^^ détermina le Roi à s'y rendre i fon défi- fein , après y avoir affermi fon pouvoir , étoit de pafler en Lombardie , dans Teft
f gérance de chafTer les Allemands d'Ita- ie : il confia pendant fon abfence la Ré- gence k la Rçine 9 afliftée d'une Junte compofëe du Cardinal Porto-Carrero 8ç de fix autres Seigneurs ; fes bien&its an- noncèrent fà préfence dans la Capitale du Royaume oh il fut reçu en triomphe depuis Charles-Quint. Les NapoUtains si'avoient jamais joui de la douce fatis^ faéBon de voir leur Roi , mais leur joye n'eut point de bornes , quand ils enten- dirent de la bouche de Philippe qu'il leur
remettoii: fbpt k b^it. n^illjupnji c^u'ijk if^.
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voient au tréfor Royal , & quils fe vi- rent comblés de fes grâces & ae fes bien*» faits ; le Peuple (ignala fa reconnoilTance en lui élevant une ftatue équeflre : U par<(x cic comblé de vœux & de bénédiétions.
On dit que l'allegreâe publique fu€ troublée par quelques fcélérats qui conf* pirerent contre les jours du Roi : on arrê- ta pluiieurs de ceux qu'on foupçonnoit> mais (bit que les indices de l'attentat ne parurent pas fuififans 9 foit plutôt que le Roi ne voulût écouter que la voix de ta clémence ^ ils furent élargis , & l'aâàire refta enfevelie dans un profond oubli.
Cependant Philippe étoit déjj^ à Gênes oà il reçut les Ambafiadeurs de toutes les FuifTances de l'Italie ^ & la vifite du Duc de Savoye qui fe retira mécontent pour n'avoir pas obtenu le traitement qu'il cf- péroic; tel eft le fuccés de la plupart des entrevues des Princes ; de Grands inté- rêts les raflemblent quelquefois , une for- malité négligée 9 un vab cérémonial , des prétentions frivoles les défuniiTent à ja- mais ; de Gènes Philippe fe rendit à Mi- lan au milieu des fêtes & de la joye que & préfence faîfcut naître firas fes pas 9 mais il CQ'Paràt bîeiM^ nmm fi» fendre Jk l'armée
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220 Histoire
où il arriva le 26 Juillet dans le tems. qu'elle combattoit auprès de Santa- Vit- toria un Corps de cinq mille Allemands; quoique l'aélion fût mr fa fin , Philippe trouva encore le tepns d'y fignaler fa va- leur ; les ennemis furent défaits ; c'étoit le Duc de Vendôme , Général fameux par fes exploits dans la dernière guerre ^n Catalogne , qui. commandoit alors l'armée ; Louis XIV. l'avoit fubititué ai| Maréchal de Villeroi , enlevé dane Cré- mone furprife par le Prince Eugène dès le commencement de THyver. On fçait que les fruits de l'audace , de l'habileté éc du projet le mieux concerté fe réduifi- rent à la prife du Maréchal , & que les Allemands furent ehaflés de Crémone par la garnifon après un combat de onze heures. Vendôme avoit rappelle la vic- toire fous les étendards des deux Cou- ronnes ; la levée du blocus de Mantoue & la conquête de Caftig^ione £ûfoieiit efpérer de nouveaux fuccès y lorfque le Roi parut à l'ar noée dont il augmenta le courage ; le plan de ce Prince "' " " • profiter de les fuccès pour cl Allemands d'Italie, il avoit d^ji lé le Duc de ModcM».
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d'Espagne. 221.
reur, de fes Etats , & il réfolut d'en venir, à une bataille générale pour accabler le Prince Eugène ; en conféquence il atta- qua ce Prince le quinze Août dans les plaines de Luzara; la viéloire balança long-tems > enfin elle, fe déclara pour le Roi qui fit des prodiges de valeur; en vain le Prince Eugène par un fentimenc trop au-deflbus d'un Héros fe l'attribua- t-lL La preuve que le Roi fut vainqueur ^ c'eft qu'il prit le lendemain Luzara à di(^ crétion j & quelques jours après Guaftal- la. Il eft confiant qu'il auroit rempli fes projets 3 & forcé les ennemis de s'enfuir en Allemagne > fi les fâcheufes nouvelles reçues de l'Efpagne ne l'avoient oblige de brufquer fon retour à Madrid.
L'Empereur , l'Angleterre & la Hol- lande , en conféquence d'un traité fîgné à Londres j avoient déclaré la guerre aux deux Couronnes ; l'Angleterre devoir fournir les deux tiers des armemens ma- ritimes 9 & la Hollande l'autre tiers ; le tiers des armées de terre devoit être compofé d'Anglob , ou de troupes à leur
Kj mab la Maifon d'Autriche , quel- " (fuccès de la guerre , promet- iàfes Alliés les frais de leurs •• • iij
ai
à Histoire
dépenfes au traité de paix ; dans le cas
Sue la fortune favorisât leurs armes , on evoit déthrôner le Roi ; démembrer la Monarchie , donner l'Efpagne & les In* des à l'Archiduc , l'Italie à l'Empereur , les Pays-Bas à la Hollande; tous les Pons de Mer dont s'empareroient les Anglois f dévoient leur refter , avec le commerce exclufif de l'Amérique ; mais nulle de ces Fuiflances n'efpéroit dans le fond de fî grands avantages : on cherchoit à éblouir les Peuples qui portoient le fardeau de la guerre ; Guillaume III. l'auteur de ce traité , Timplacable ennemi de Louis XIV. n'eut pas la confolation de voir les fuccès qui dévoient humilier la France; il mourut le dix neuf Mats à l'âge de cinquante-deux ans ; l'année précédente le Parlement d'Angleterre avoit cxhéré- dé à jamais par un aéle authentique les Stuarts , en appellant , au défaut de Guillaume III. & d'Anne Stuart , Prin- cefle de Dannemarck , la Maiibn d'Ha- novre aux thrônes de la Grande*Breta- fne : cet afte étoit funefle à la Maifon de avoye plus proche héritière des Stuarts que la Maifon de Brunfwick ; le fils de Jacques II. connu fous le nom de Pré?
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tendant , & le Duc de Savoye étoient Catholiques : voilà le motif de leur ex* clufion à des Couronnes qui avoient tou* jours été héréditaires.
Anne Stuart fuccéda à Guillaume III. dans les projets duquel elle entra avec ardeur ; cependant la guerre devint gét nérale , on combattit dans les Pays-Bas^ en Alface^ en Italie , dans le fein de l'Empire & fur les Côtes d'Efpagne que les Anglois & les Hollandois attaque-* fent avec des forces redoutables : leuri
Î)remiers efforts tombèrent fur FAnda- oufie dont TAmirante les avoir enga* ;é de tenter la conquête ; ils prirent lainte-Marie , petit Port où ils exercè- rent les plus af&eufes profanations , mais aucun Efpagnol ne fe joignît à eux com- ' me leur avoît fait efpérer TAmirante ! la Noblefle , lés Citoyens & les Mili- ces accourus en foule fous les éten- dards du Marquis de Villadarias , forcè- rent les ennemis de fe rembarquer'; la jeune Reine , à la première nouvelle de l'invafion de TAndaloufie , voulut ven- dre fes pierreries ^ & voler elle mCme au fecours de la Province : mais on apprit bientôt que le Duc d'Ormond , Gcné-
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224 Histoire
rai des Anglois & des HoUandois , avoit tourné du côté de la Galice j & qu'il avoit réparé fa difgrace en Andaloùfie par le plus brillant fuccès. Les galions de TA- mérique efcoxtés par vingt -trois vaif- féaux de guerre hfpagnols & François fe virent attaqués le vingt -trois Septem- bre par quatre - vingt vaiifeaux ennenûs dans le fort de Vigo ; après un combat opiniâtre il fallut céder , les vaiifeaux de Pefcorte furent bruits ou enlevés , un butin de douze millions tomba entre les rtiains du vainqueur; la Marine Efpa- gnole acheva d être anéantie ; à peine refta-t-il un vailfeau au Roi , & l'on fut obligé d'employer des vaiffeaux Frai>: çois pour le commerce de rAmérique.
A ce malheur il faut ajouter celui de la défeélion de l'A mirante de Caftîlle dont l'exemple devint contagieux ; ce Seigneur puiifant par fa naiuance« fon créait > fes richélfes & fes alliances avdt été nommé pour l'Ambaflade de France, fa fierté , révoltée d'un emploi auquel de- puis long-tems on n^appelloit que des Seigneurs moins diftingués que lui , lui fournit un prétexte de fuite ; maïs la dou- leur de n'avoir pas la principale part à la
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confiance d'un Roi qu'il avoir voulu écarter du thrône , l'entraîna feule dans la révolte , il choifitpour afyie Lilbonne, Le Marquis de la Corzana , & le Duc Moles ,Ambafladeur à Vienne , levèrent en même-tems le mafque , & fe déclare- vtent pour la Maifon d'Autriche, Il fal- loir à Philippe de l'argent pour réfifter aux ennemis publics* & fecretsquî s'ële- voient de toutes parts pour lui arracher la Couronne. Etablir de nouveaux im- pôts , c'étoit foulever une partie de l'Ef- pagne déjà mécontente ; il réfolut de réu- nir au domaine les droits de la Couronne ufurpés depuis Henri III. mais faute de trouver en Efpagne un homme profond dans la partie des finances , partie fi né*» celfaire a la grandeur des Rois & au bon- heur des Peuples , il appella de France M. Orri , d'un génie yafte , d'un travail infatigable & d^une intelligence fupé- rieure : ce Miniftre déclaré Surintendant Général débrouilla bientôt cette partie de l'adminiftration , vrai cahos depuis Philippe II. Le Roi , par un décret plein de clémence , rétablit cette année dans leur Patrie & leurs bîena les Meffifloîf bannb 6c dép wîUéa dcpÀr*** .troubles
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de Sicile en mil fix cent foixante & quinzcr j-^5^ Louis XIV. foutenoit la guerre avec ^ '^* un mélange de bons & de mauvais fuc- ces ; il ne put empêcher que le eëfcbre Marlboroug n'enlevât Venlo , Ruremon- de , Stevenlvert & la citadelle de Liège > & que le Roi des Romains ne conquît Keyfervert & Landau ; mais Villars ven- gea ces pertes par la vidoîre de Fride- lingue ; TEleôeur de Bavière , par des fuccès plus décifîfs : l'Allemagne étoit remplie de terreur, les Bavarois Tat- taquoient d'un côté tandis que le Prin- ce Ragotzki , avec une arrnée d'Hon- grois révoljés, portoit le fer & le feu jufques: fous les murs de Vienne j l'Em- pereur qui s'étoit flatté de fuccès rapi- des & faciles , trembloit déjà dans fa Ca- Î>itale : il n'avoit pas prévu qu'en vou- ant renverfer le thrône d'Efpagne , le fien feroit ébranlé, peut-être auroit-iï été contraint de fuir encore une fois de fa Capitale fans la défeélion imprévue du Duc de Savoye j l'Eleéleur de Baviè- re , vainqueur d'une armée Impériale à Faflau , avoit été joint par les^ François fous les ordres du Maréchal de Villàr» qui , chemin faifant s'était emparé dit
d'Espagne, 227
Fort de Kell ; le Duc de Vendôme étoic en même-tems parti pour joindre l'Elec- teur par le Tirol; ces Généraux réunis dévoient enfuite marcher à Vienne : ce
f)rojet hardi & fage pouvoit terminer a guerre ;* comment l'Empereur dénué de troupes & d'argent àuroit-il réfifté à trois armées conduites par d'excellens ^Généraux & à Ragotzki , mais ce qu*on appelle le miracle d'Autriche , combat- tit encore une fois pour Léopold ; TE- leâeur de Bavière ne put fe rendre maî- tre des paflages du Tirol , & le Duc de Vendôme fut rappelle dans le Piémont par la défeôion imprévue du Duc de Savoye ; cependant l'Eleâeur de Baviè- re retourné dans fes Etats , vainquit l'armée Autrichienne dans les plaines d'Hocftet le vingtSeptembre;maisim- roédiatenvent après ce fuccès il fut alfez malheureux pour demander & obtenir le rappel de Villars qui lui avoir confer- vé fes Etats , & qui venoit de l'aider à vaincre ; Villars & la victoire dîfparu- rent en même-tems de fon armée.
L'Alface fut le théâtre des plus grands fuccès pour la France » le l^uc de Bour- gogne empora la fortereflTe de BriiTack ,
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228 Histoire
le Maréchal de Tallard fit lever lé fiége de Traerbach aux ennemis , remporta une vidoire complette auprès de Spire , & reconquit Landau.
Dans les Pays-Bas le Maréchal de Vil- leroi fe rendit maître de Tongres , le Ma- réchal de BoufBers & le Marquis de Bed- mar défirent les Alliés au combat d'Ec- keren ; mais Marlboroug conquît Bonn &Huy.
En Italie , le Duc de Vendôme défer- ma & arrêta cinq ou fix mille hommes des troupes de Savoye , & fondit fiir le Piémont qu'il ravagea , tandis que le Prince de Vaudemont prenoit la forte- refle de Berfello , le dernier afyle duDuc de Modene ; Tltalie en proye à trqîs ou quatre armées , éprouva encore de nou- veaux malheurs j la Ville d'Aquila aa Royaume de Naples fut détruite par un tremblement de terre qui coûta la yie i fept mille perfonnes. Le Pape fenfible aux maux de la République Chrétienne invita les PuiiTances belligérantes à lui rendre la paix, L'Empereur plus preflë que les Bourbons , la rejettoit avec fier- té ; il ne vouloit point de paix y à moins qu'elle ne procurât une Couronne à fon
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fécond fils à qui lui ôc le Roi des Ro- mains tranfporterent authentiquement cette année leurs droits au thrône d'Ef- pagne ; l'Archiduc fut fur le champ proclamé Roi à Vienne fous le nom de Charles III. l'Angleterre , la Hollande , le Portugal , les Rois dePrufle, de Polo- gne , de Dannemarck , le Duc de Sa* voye & plufîeurs Princes de l'Empire qui pour lors entrèrent dans la grande alliance, le reconnurent en cette qualité : le jeune Prince partit de Vienne , pafla à la Haye & de-là à Londres pour fe rendre en Portugal dont le Roi, à l'exem- ple du Duc de Savoye , s'étoit détaché de l'alliance des deux Couronnes ; la dé- fection de Pierre !!• celle de Viftor- Amedée furent h véritable caufe des malheurs que l'un & l'autre Roi éprou- vèrent dans cette guerre ; le premier in- troduifit par fes Etats les ennemis juf^ ques dans le fein de la Monarchie , & le maître des Alpes par fa vigoureufe réfif- tance opéra en faveur des Alliés une di- verfion qui les fit triompher ailleurs.
Les deux Rois regardèrent comme une viéloire aufli glorieufe que celles dont nous venons de parler ^ l'inutilité
2^o Histoire
des effbrts des Puiffances maritimes pour tenter une invafion en Efpagne , à Na- ples & dans les Ifles de la Méditerranée j ils fe confumerent en dépenfes incroya- bles , & équipèrent cent cinquante vaif* féaux de guerre , mais ce terrible appa- reil ne promena fur l'une & l'autre Mer qu'un vain fpeftacle , & fe retira fans avoir même pu empêcher la prife d'une infinité de vaiffeaux marchands par les Armateurs François.
Mais la profpérité des deux Rois n'ë- toit qu'apparente , l'efprit de révolte & de fédition fouffloit dans les Provinces de l'un & de l'autre ; les Payfans Calvi- niftes des Cevenes & du Bas-.Langjuedoc il connus fous le nom de Fanatiques & & de Camifards , furent les premiers i prendre les armes ; ils reçurent des mu- nitions & de l'argent des Alliés à qui cette diverfîon fut avantageufe.
Cependant Philippe V. pour fe ven- ger du défaftre de Vigo, fe faifit de qua- tre millions fur les effets de l'Amérique , appartenans aux Négocians Anglois & Hollandois. A la nouvelle du traité du Roi de Portugal avec l'Archiduc qui lui avoit promis l'Eflramadoure 6c la Gali-
d'Espagne. ^231
ce , rindignation des Caftillans ne put fe contenir ; ils ne pouvoient entendre fans douleur qu'un Roi de Portugal osât déchirer leur Monarchie , & contribuer à leur donner un Roi : toute la Nation applaudit à la Cour qui , en décbrant la
fuerre à ce Prince , ne le mita que de )uc de Bragance. L'arrêt qui condam- noit l'A mirante de Caflille à perdre la tê- te en effigie, ne fit pas moins de plaifir à cette Nation fidelle; c'étoit aux intrigues de l'Amirante qu'on attrîbuoit l'inconf- tance des Portugais; mais les changemens du Minîftere , & le crédit des François excitoient le chagrin & les murmures ; ce n'eft pas qu'on plaignît le Cardinal Por- to-Garrero & D. Manuel Arias dépouil- lés cette année de leurs emplois : leur hu-' meur fombre , auftere , fiere & impérieufe avoir déplu à la Nation , mais on ne voyoit qu'avec déplaîfir te Cardinal d'Ei- trées dominer à la Cour , & tout le pou- voir entre les mains de la Princefle des Urïîns d'autant plus haïe & plus enviée qu'elle jouiffoit de la faveur avec fafte 8c avec orgueil ; elle n'honoroit de fa con- fiance que M. Orrî, un des premiers hommes de l'Europe ; à la vérité pour la
2^2 Histoire
partie des finances , mais peu propre à gouverner une Nation dont le caraftere , les Loix & les ufages lui étoient pref- qu'inconnus. 1704. Ce Miniftre accoutumé à la fplen- deur de la cour de France , voulut donner le même éclat à celle de Madrid : l'ancienne garde des Rois d'Efpagne ne répondoit ni à leur grandeur , ni à la ma- jeué du thrône : il confeilla au Roi d'é- tablir quatre Compagnies de Gardes du Corps {a) dont deux Efpagnoles , une Italienne ) & une Flamande , compofées. chacune de deux cents Gentilshommes jeunes & bienfaits ; à cette garde à che- val le Roi joignit une garde à pied ^ en créant deux Régimens compofés, le pre- mier de trois mille Efpagnols , & le fé- cond de trois mille Wallons ; mais Orri ne s'apperçut pas que par cette innova- tion il bleflbit la délicateffe des Caftil- lans accoutumés à voir leur Roi fe pro- mener au milieu de Madrid fans pompe & prefque fans Gardes , comme un père de famille au milieu de fes enfans '; fi l'at- tachement opiniâtre des Efpagnols à Tan-
(û) Le Comte de Lemos , le Duc Je Sefla > le Duc de PopoH & le Prince de Trerclaès Tilli en furent les quatre premiers Capitaines»
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cienne étiquette de la Cour , leur fit regarder de mauvais œil le changement ^ dont Orri fut Tauteur, ils furent au moins forcés d'applaudir à la fagefle & au fuccès des mefures quil prit pour augmenter les forces du Royaume , fans fouler les Peuples , heureux effet du ré- tabiiflement des finances : le Roi , par fei foins comptoit déjii fous Tes étendards quatre-vingt mille hommes ^ dont dix mille dans les Pays>Bas & en Alface» autant dans le Milanez , vingt mille dif- perfés dans le Royaume de Naples , eu Sicile 5 en Sardaigne ^ fur les côtes de Tofcanè , & environ quarante mille eii Efpagne : mais ce nombre ne fuffifant pas pour conferver le Corps de la Monar- chie attaqué de toutes parts , on créa cent Régimens de Milice 9 de cinq cents hommes chacun , & on obtint de la France un fecours de vingt mille hom- mes qui fe ^endiren^en Efpagne fous les ordres du Duc de Berwick , fils naturel duRoi Jacques IL (^)
UArchiduc étoit enfin arrivé à Lif^ bonne fur une flotte formidable , &
(a) Ceft alors qu'on frappa cette médaille curieufè ; Charles lll. Roi Catholique par la grâce des Hérétiques.
iî34 Histoire
fuivisjde huit mille Angloîs ; Tappro- . che de ce rival ne fit qu'animer le cou- rage du Roi qui s'avança fur les fron- tières du Portugal pour le recevoir à la tête de trente mille hommes; l'Archidut lie parut pas ; la campagne du Roi fut brillante par la conquête de dix ou douze J?laces , & entr'autres par celle de la for- tereffe de Portalegre , par là défaîte de fix mille Portugais , & par la prife de dfai mille ennemis , & enfin par le ravage de la meilleure partie du Portugal j le Roi Pierre trembla pour fa Capitale , il n'é^ toit pas à fe repentir de s'être engagé dans cette guerre ; la fierté & le mépris des Généraux Angloîs , Fautorîté qu'ils s'arrogeoient dans fa Capitale où ils agif» foient en Souverains , le révoltoîent en vain. Ilfalloit ufer de diflîmulation à l'é- gard de ces terribles Alliés; la douleur de s'être livré à leur difcrétion , Tinquié- tude , la crainte de fuccomber fous les efforts de Philippe , conduifircnt peu à peu l'infortuné Roi à une mélancolie noire & profonde dont la fuite fut l'éga- rement a'efprit {a) : mais l'Eté étant ar-
(a) Mémoires du Marquis de Saint Philippe,
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rivé , faifon où il n'eu pas permis de faire la guère en Efpagne , attendu l'excès des chaleurs , le Roi fe retira , & établit fon armée en quartier de rafraichiflement.
La flotte ennemie Ibrtie du Port. de Lilbonne parut fur les côtes de Catalo- gne & à la vue de Barcelone qu'une conf- f)iration des principaux Habitans devoit ui livrer ; mais le Vice-Roi, Dom Fran- çois de Vélafco donna de fi bons ordres, les conjurés furent fi déconcertés d'ap- prendre que les Anglois ne leur ame- noient ni TArchiduc , ni les vingt mille hommes promis,qu'ils n'oferent lever Té- tendard de la révolte : au lieu d'arrêter les conjurés , & de livrer les principaux d'entr'eun aux fupplices*, Vélafco inf- truit de la confpiration , prit le parti de diflîmuler, foit qu'il n'eût pas aflez de " courage pour faire tête aux clameurs de la populace , foit qu'il ne voulût pas ai- grir les efprits dans de (i fâcbeules cir- confiances ; mais les conjurés imputè- rent à foiblefle & à crainte les effets de la modération & de la fageffe de Vélafco , ils fe confirmèrent dans le deffein de li - vrer leur Patrie à PArchiduc pour ne ja- mais être recherchés par la Cour d'un cri-
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2^6 Histoire
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me que fon Miniftre avoir pénétré ; des côtes de Catalogne , les Alliés voguèrent à celles de Cadix que des Citoyens per- fides dévoient leur livrer , mais les traî- tres furent contenus par le courage du Gouverneur ; ces mauvais fuccès dimi- nuoient les vafles efpérances des enne- mis; leurs Généraux fe voyant fur le poitit de faire une campagne aufii rui* neufe & aufli inutile que la dernière , s'en pre noient les uns aux autres : la difcorde etoit fur le point d'éclater parmi eux j lorfque le mauvais génie de TEfpagne, les confeils de TAroirante , & peut-être le hafard les conduifîrent devant Gibral- tar où il n'y avoit ni garnifon , ni vivres , tï\ munitions : aux premières bombes les Citoyens effrayés demandèrent à capi- tuler , & fortirent tous de la Place où les Angloîs proclamèrent leur Reine Anne ^ malgré le Prince deDarmftadqui foutint en vain les intérêts de TArchiduc. Les Anglois oppoferent à fes plaintes Tani- cle du traite de la grande alliance par le- quel il étoit ftipule qu'outre le coipmer- ce exclufif de PAmérique les Anglois refteroient en pofteflîon des Ports dont ils pourroient fe faifir j c'eft aïnfi que Gi-
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D* E S P A G N-lï, 257
braltar, la clef du Royaume, tomba entra les mains d'un Peuple à qui la forcç & H juftice n'ont pu Tarracher , ils Tont rendis imprenable ; les fuites de cette conquête perdue fi honteufement par les Ëlpa-*-
Piols , auroient pu coûter le thrône k hîlippe» fi les Alliés ^uffent fiiivi }e con- feil de l'Aipirante qui les ^chortoit à porter la guerre dans TAndaloufîe , vafte & fertile Province dontia réduéHon ^nr traînott celle de Madrid & des deux Cal- tilles qui ne fubfiftoient que par elle ; il £ redit que fi on fuivoit le confèil de )arm{lad , qui s'ôpiniatroit à s'emparer de la Catalogne & de l'Arragon , les CaC- tillans refuferoient de rceevpir pn Roi de la main d'un Peuple qu'ils déteftent : la prédiftion de l' Amjrante fut un véritable oracle : heureufement que l'horreur 8ç le mépris qui fuivent les traîtres empêr cherent l'Archiduc & les Anglois de fe rendre à la fagefle dç fes raifons. On re- mit à la can^pagne fuivante rinvaHon dp ia Catalo^è > & on fe préfènta devant Ceuta , an^ de fe faifir du détroit : mais l'Evêque dé cette Ville , Dom Vidal Ma- rin , Prélat célèbre par fa piété , fon cou- rage & fon f oBtOur pour U Patrie ^ r^ndif
2^0
Histoire
Philippe profita de la retrait flotte des Alliés pour aflîéger tar, dont il femble qu'on ne n l'importance , que depuis qu'el
fierdue ; le Marquis de Villada a tête de l'armée deflinée d'abc tre le Portugal , fe [jréfenta dev braitar qui n'ctoit ni fc tifiée , ni viilonnée comme elle l'a été dep
fiGuvoit la réduire en peu de tem es fautes énormes du Général, rance des Ingénieurs , la lenteu Nation,prolongerent trop le Hége levé à la vue d'une nouvelle floi gloife , à laquelle le Baron de Foi bloquoit le Port avec quelques Vï François , ne put réfifter.
Cette difgrace , & l'agitation nuelle de la Cour qui changea pi fois de face dans le cours de cette portoient la terreur & le découraj dans tous les efprits j & fortilÎL Parti des mécontens. Au Cardin: trées , auteur de la difgrace de Carrero & de Dom Manuel Arii fubflitué l'Abbé d'Etrées , nev Cardinal , qui de concert avec 1 f effe des UrfiiM l'avoit perdu par
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d'E.S PAGNE. 24.1
trigues auprès des deux Rois ; mais la PrinceflTe ne s'étoit fervie de TAbbé que comme d'un inftrument pour éloigner te Cardinal : elle rendit bientôt TAbbé odieux au Roi & à la Reine ; enfin Louis XIV. inftruit de la toute-puiflfance , des intrigues éternelles, & de l'excès de la haine des Grands contre la favorite , la rappella elle-même eh France, & le Duc de Graramont & le DùcMe Montellano furent mis à la tête du Minifterc. *
En rappellant la Princeffe des Urfins , le Roi de France ne cherchoit qu'à plaire aux Efpagpols , & à leur ôter le moin- dre prétexte de mécontentement; U s'ap- ùercevoït qu'il n'y a voit que l'amitié de la Nation Efpagnole qui pût conferver le thrône à fon petit-fils depuis fur-tout u'il venoit d'éprouver en Allemagne la iigrace b plus accablante en perdant la bataille fi connue fous le nom de Blea- héliïl ou d^Hochftet : perfohne n'ignbre
3 ue cette bataille fi fatale à la grandeur es Bourbons , fut livrée le treize Août ^ que les fuites de c« défaftre entraînèrent la Iperte de l'Allemagne , la ruine des Eleifteurs de Bavière & de Cologne dont les Etats furent conquis & pillés par Tome r. L
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24:Z ' ' Histoire
l'Empereur^ & (ju'enfîn des rives àl^, Danube la guerre fut tranfportée fur celles (Hu Rhin ourles vainqueur); prirent la fortçrefle At Landau , les VÂlli^s de Traerbach & de Trêves. Tant de fiiccèi ihefpérés flattèrent les Alliés de refpë- rance d'accabler bientôt la France ; mai$ JLouis Xiy. avoit de3 reiTources incon^ fiues ou înjuftement noépriféeç^
Dans ce tems-là même la fortune le fayorifoit en Italie où Ig Duc de Ven- dôme battit confécutivement les. Alle- mands à Stradelja & à Caftel-Novo ; i} eft vrai cjue malgré fes avantages il ne t^ut pas empêcher lajonâion de 1 habile Star rembprg a ve<: le Duc de Savoye ^qui corn* mençoit à être réduit aux plus déplort- râbles extrémitéjs ; m^is Vendôme n'ea conquit pas moins Révéré 5 Verceil ^ y vree , &c le Duc de la Feuilla4e , la Sa- voye Se Suze ; l'Italie vit encore le Due delà Mirandole^ un defe^ Souverain^i dé- jthrôné par les^urmes i^es Impériaux i il paiTa auprès de Philippe en fa^yeur de qui il avoit fait un (î grand facrifice ; le D^c àc Mantoue dont les Etats étoîent Iç théâtre de la guerre , fe rendit à Paris »
i^ le Dw àf Mpdepe dépoûUé de» fîçM
d' E s P A G N E. 24.J
par les François , fe fauva à Vienne.
La fortune étaloit alors dans le Nord un fpeâacle qui fait encore mieux fèntir le néant des grandeurs humaines que les malheurs des Princes dont nous venons de parler. Charles XII. né pour changer la face de l'Univers , fi à des vertus plus qu'humaines il n'eût joint l'inflexibilité de la hauteur & de la haine , vainqueur des Danois > des Rafles & des Saxons , brifa le fceptre du Roi de Pologne ; Augufte digne d'un meilleur fort , eut la dou' leur de voir concourir la meilleure partie de la Pologne avec {on ennemi pour pla- cer fur foi) tbrône Staniflas Leckzinsfcî , fbn Sujet i la vérité > mais un des hommes de ce iiéde le plus digne d'une Cou- ronne.
La cour d'Efpagne fiit encore cette 1707. année le théâtre des intrigues & des ré- voluâons ; il n'y en avoir point en Euro- pe de plus orageufes : la Reine qui aimoic uniquement la Princefle des Urfins » était ea proye à la douleur depuis que Louis XIV. 1 avoit arrachée de les bras. Ses inf- tances & fes larmes attendrirent le Rqi dcFrance qui la lui rendit, à condition ^ueja Princeffe n' '
244 Histoire
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dération » & rendroic rAmbafladeur de France $ dépofitaire de toute l'adminif- tration;ia Reine & le Roiraçurent avee deà tranfports de joye & de tendreft cette femme c[ui leyr étoit fi. chère : fi
Î^réfènce fut l'arrêt de la dii^race & dç 'exil de fes ennemis ; le Duc de Gram- mont dont le cara^ere contraftoit pa^ [ faitêment avec celui de la favorite , fut | rappelle en France* M. Ameloi lui fuc- céda , &l la Princeffe partagea avec lui de bonne- foi le pouvoir & Tautorité ; le Duc de Montellano fut privé de h Pïéfi- 4çnce du Confeil de Caftille , & rem- placé par Dom François Ronquillo; fc IWiniftere des Dépêches univerfelles foi confié conjointement au Marquis de Me- jorada , & à Dom Jofeph Grimaldi qui dès lors parvint auprès du Roi à une fa- veur qu'il conferva jufqu'à la mort : cette révolution continuelle dans le Minifiere faifoît des Miniftres difgraçîés , de leurs parens & de leurs amis,autant de mécon- cens ; le retour de la Princeffe des y^ fins , le pouvoir attribué aux François , la prifon du Marquis de Leganès qui ar« jfêté fur quelques foupçons fe vit tranf- po#té en Françç 5.ennn l'innovation q\K
D^ E s P A G N E. 245"
k Roi dans un tems où la Majefté Roya- le n'étoic pas à l'abri des entreprifes 8c des infultes, jugea à propos de faire,pour une plus grande sûreté de fa perfonne, en attribuant dans fa Chapelle un tabouret en avant du banc des Grands, à fon Capi- taîne des Gardes du Corps en quartier ^ aigrirent les Grands ; ils ne pouvoient fur^tout fouffrir qu'aucun fujet du Roi ap- prochât de fa penbnne plus près qu'eux; ils fe plaignirent fièrement qu'on don- Qoit atteinte aux privilèges de la Gran- defle ; le Comte de Lémos & le Duc de Seifa^Grands enj[iiêmetems& Capitaines des Gardes » abandonnèrent leur orillant emploi pour foutenir les privilèges de la Grandeife ; mais les murmures & les ca* baies ne firent aucune impreffion fur Pef- prit )Sta RoL U confèrva à fes Capitaines le traitement qu'il leur avoit accordé.
Cette fuite de divifîons , d'intrigues & de cfaangemens contribuoit aux fuc* -ces des ennemis ; les CaAillans & les Grands » fans cefler d'être fidèles , ne Ibutenoient pas avec les efibrts qu'on itoit en droit d'attendre de leur magna - n mtté 3 l'Etat au Gouvernement duquel ils fe phigooient de n'avcûr aucune part ;
sut6 Histoire
ils voyoient avec plaifir tout le fardeau de la guerre tomber fur ks François, dé- pofitaires de la confiance du Roi ; Tin- diiFérence marquée des Grands fut la caufe de la perte de trois Royaumes ; elle auroit pu entraîner la ruine entière de la Monarchie , fi la Cour de TArchiduc n'eût été en proye aux mêmes dîvifions & aux mêmes intrigues ; les Allemands > les Anglois y les Éfpagnols déferteurs j les Portugais vivoient dans k plus étraiy- ge diflenfion ; ks premiers youloknt qu'on entamât la conquête del-Efpagne par la Catalogne ; TAmirante & (es amis> par l'Andaloufie : les Portugais refu- ibient de rien hafarder ; mais la maladie duJRoi Pierre ayant fait paiTer entre les mains du Prince de Bréfil la Rén&ce du Royaume, ce Prince entra dans; toutes les vues des Allemands ; les Andois s'y prêtèrent avec peine : quant à l'Ami- rante , à peine daignoit-on Técouter^ l'Archiduc, avec une franchifetGerma- fiique ,^ ne le déûmoit que fous lenom de premier traître i les Généraux Anglois ne le nommoient jamais fans ajouter quel-
?u'épithete outrageante à fon nom: k euple Pinfultoit dans les rues j digne
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d'Espagne. 247
falaire de la trahifon : il mourut bientôt après d'ennui & de défefpoir ; mort trop douce pour Fauteur des maux aux- quels fa Patrie fut en proye.
Cependant les armées agiffoîent dé part & d'autre fur les frontières de Por- tugal, en Andaloufie & en Catalogne : les ennemis prirent en Eftramadoure Sal- vatiérra , Valence , Alcantara & Albu- querque ; ils profitoient du malheur ar* rivé aux Espagnols & aux François en Andaloufie où dès le commencement de Pannée ils aToient été obligés de lever le fiége de Gibraltar ; la caule de ce défaf^ tre , comme de la plupart de ceux qui .arrivèrent , fut la foibiefle de la Marine Frariçoife ; Louis XIV. avoit envoyé le Baron de Pointis avec vingt vaiiieaux tloqudr le Port de Gibraltar , mais bien- tôt rointîs attaqué par cinquante vaif- fearâ Angloiisr^ leur céda h viftoîre; les ennemis' profitèrent de fa fuite pout jetterdes fecourtfdans. fa Place j le Ma- réchal de Teflé , obligé de lever le fiége , répara fa difèràce vers la fin de la cam- pâme , . en forçant le» ennemis qui lui etoientïtipérieurs de lever bonieùiement lefiége de Batfojoaù '- '
0^6 Histoire
Hs voyoient avec plaifir tout le fardeau de la guerre tomber fur ks François , dé- pofitaires de la confiance du Roi ; Tin-» différence marquée des Grands fut la caufe de la perte de trois Royaumes ; elle auroit pu entraîner la ruine entière de la Monarchie ^ fi la Cour de rArchidue n'eût été en proye aux mêmes divifions & aux mêmes intrigues ; les Allemands > les Anglois , les Éfpagnols défeneurs 3 les Portugais vivoient dans k pluff étran^ ge diflenfion y ks premiers roaloient qu'on èntaiiiâtla conquête de P£(î>agne par la Catalogne ; TAmirante & Tes amîs> par TAndaloufie : les Portugais refii- ibient de rien hafarder ; mais la maladie du JRoi Pierre ayant fait paiTer entre les mains du Prince de Bréfii la Régence da Royaume , ce Prince entra dans- tontes les vues des Allemands ; les Andois s'y prêtèrent avec peine : quant à FAmi- rante, à peine daignoit-pn Técouterj l'Archiduc 9 avec unç franchiiè 'Germa- nique^ ne le défîmoit que fous le nom de premier traître ï les Généraux Ax^lois ne le nommoient jamais fans ajouter quel-
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d'Espagne. 247
Salaire de la trahifon : il mourut bientôt après d'ennui & de défefpoùr '; mort trop douce pour Fauteur des maux aux- quels fà Patrie fut en proye.
Cependant les armées agiffoîent dé part & d'autre fur les frontières de Por- tugal ^ en Andalousie & en Catalogne : les ennemis prirent en Efiràmadoure Sal- vatîeita y Valence , Alcantara & Albu- querque j ils profitoient du malheur ar^ rivé aux Efpagnols & aux François en Andaloufie où dès le commencement de Pannée ils aToient été obligés de lever le fiége* de Gibraltar ; la caule de ce défaf^ tre y comme de la plupart de ceux qui .arrivèrent. > fut la foibieife de la Marine Frariçoife ; Louis XIV. avoit envoyé le £aron de Pointis avec vingt vaifTeaux tloqudr lé Port de Gibraltar , mais bien- tôt rointi^ attaqué par cinquante vaif- fearà Aiiglplusf / leur céda îa viéloîre; fes ehiiemis^ profitèrent de fa fuite pout jietterdes fei^kirtfdanç fa Pfilce j le Ma*- iréchal de Teffé , obligé dè^ lever le fiége , répara fa dif^ràcé vers là fin de la cam- pante,, en forçant les ennemis qui lui ctoiéntïûpérîeurs de lever honteùieraent Iefié|;e de B»(fejois; ^- •-'
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548 Histoire
Mais FArcbiduc fut plus heureux que Hs Portugais : U s'embaraua fur une ftot- te Angloiiè^ ayant fous .lui le Prince 4^ Darmuad & Mylord Peterborough,,avec douze mille hommes de troupes réglées , fon deffein étoit de profiter d'une hqu- velle conjuration tramée en fa faveur, par les Catalans ; fa fortune furp^i^s^ Tes efr {)érances : i^ débarqua^ chemin f^ifaQtjiur les côte; de Valenpe un çertaifi-jB^^tp-) homme obfcur> hardi & nôirpjdfs.na^f^ crimes ; ce perfonnage fuivi d'uft^ipoi- gnée de bandits fupprima de foiiautefi}:é tous les impôts^ & proclama ^('.A^^^C Roi d'£fpagne ; la iuppreffi9^;4es.i9Qr pots i appas groflier. & uié^ aug^^f l^e^eur le fe laiâe toujours prendre sl'^i^Qttr de* a nouveauté » la haine contre Jes Caftil^ lans entraînèrent bientôt touçe-Ja Prp* vince dans la révolte,; dans cet;e défecr tion générâjle.i^ ^^n^y ^ept, qy^: la .^laSba de Borgia ,; u^e ç(^ d^qx .y iPçs ic^ue^
3uesGentà8b< eles ; la vue encore plus rapides en Catalogne ; les conjurés lui livjrerent y,dès qu')y^ari|it>le# forterèiles de jLérida & àfi iTortoîè ; il s'avança etiluite ^YUt;|3arce|onfie>
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d'Espagne, 249
idont il ne daîj^na pas faire le fîége dans les formes ; eipérant à chaque infiant que les traîtres, fupérieurs en nombre & £n audace aux Sujets fidèles du Roi légitime ,lui ouvriroient les portes ; mais ils itoient contœus moins à la vérité par la préfence du Vice-Roi 9 homme ibible , que par celle du Duc de Popoli qui par hafard fe trouvoit à Barcelonne avec fa compagnie des Gardes Italiennes & avec les Marquis d'Aytocme & de Riibourg, braves Se fidèles Officiers ; Pe- terborough qui n'avxflt pas été de l'avis de ceue entrepr lie ^ impatient de la voir traîner en longueur , donnoit déjà ordre à fes Anglois de iè rembarquer « ktrfqu'il apprit que le Prince de DarmÂad , fort -rival ; -venoit d'être tué devant le Fort Montjoui : à cette vouvelle il changea toutàc-oup de fentiment; il preiTa avec ardeur, la conqoête d'une JPlace dont pei;- fonne ne devoit partagea avec lui la gloi- re; bientôt il fe logea fuï la brèche , uii ennemi puii&nt& acharné au dehors^des traîtres au-dedans ; les cris & les mena- ces du Peuple étonnent le Vic«-Rcti, & l'obligent à capitùlei: , mais tandis q«x^j| cooÊare avec le vainqueur , il appren^
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que les traîtres ouvroient les portes àtHÇ ennemis^ que les AUemaculs fe précipitant enfouie les uns fur les'autres> s'étbienr faifîs des principaux poftes , ôc que de-Ur ils portoient dans toutes les rues Le fer 6c le feut; Peterboroughpréfent à ce récita s'avança lui-même dans la ViUe pour Ïtl fauver de la fureur de fes propres Sot- dats y il arracha la Ducheile de Popoli d'entre les mains des Allemands ^ les chaflTa de la Ville o4 il rétablit Tordre , & cnfuite fè rendit oà le Vice-Roi Tatten- doitpour (ignerla capkulation. Auflî-tôt
3ue L Archiduc fut entré dans la Capitale e la Catalogne ^ on le proclama Roi. Ses, iiouveaux Sujets (ignalerent leur zèle en & faveur par les plus indignes extrava-
gances ; ils mirent en pièces les fia tues dit .oi , & brûlèrent parla main du bourreau les nouveaux privilèges dont \ï les avoir honorés; dèsqueBarcelonnefutprife, it y eut deux Rois dans l'£fpagne,deux Ca- fiitales , deux Cours , deuk FisuplespLus acharnés Pu n contre 1 autre aue ceux qui venoicnt les détruire. La vérité del'Hif^ toife ne permet pas de diffimuler que dians toutes les ProvinceS'infeâéês de là jpëtfidîe & de la rébeUiûii> IttMoiMfttt
. . . i.. . . .. . ' ■ ■■! ■ ■■ ■ . '
ks Eçcléficidiques du fecoAd O'rdrç , ex* cepté les Jéfuites Se les Bénédiâîns , qui feuls réfterent. fidiéles. au Roi légitime, fignalérent les premiers leur fureur & leur haineiqu'ils furent les principaux auteurs, des maux auxquels leur Patrie fut en p.roye; on découvrit alors > & on ^touâk une nouvelle confpiration tramée par des Moines , pour livrer Gtenade aux AUe- Qiands.
Les fuccès de la France adoucirent îz douleur que conçut Philippe de tant de pertes ; le Maréchal : de Villars ,- après avoir éteint la révolte des Cevenes , avoit été rendu aux armées ^ & la viâoire le fuivoit par-tout : d'abord il détruifit par f on habileté le magnifique projet de Mari- boroug , de pénétrer dans le cœur de la France pai! la Lorraine ; de- là Villars fut en AUace anéantir les efforts des enne- mis fur cette Province; la fortune ne hr vorifa âutun Parti dans les Pays-Bas ^ mais en Italie ce ne fut qu'une fuite de vidèoires fous Vendôme : il livra une fan"-^ glante bataille le feize Août au Prince Eugène ài^rès deÇaflano , le vainquit y Se ôu^ au iUuc de Sayoye tôut^efpoir dt iceodra j. ee Prince fuccomboît de jour
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04^ HiSTOIRB
en jour fous k poids de fes malheurs 9 fims perdre le courage par lequel les mnas hommes fe fignafent jufqu^iux derniers momens.
Verrue , Villef ranche , Nice , Chîvas^ Montméiian furent réduits par les Fran- çois & les Efpagnois; il ne reftoit guères à l^or-Amedée que Turin fous les mors de laquelle Place il paroiflfoit vouloir s'en^ fevelir ; les Potentats voifins , efirayés du fort du Duc j craignant ou feimant de craindre pour la liberté de ritaUe , pré* paroient déjà une ligue pour arrêter les progrès des deux Rois ; mais ces mêmes Pbtentats , quelques années après , lorf- que les forces de la France eurent été oétruites dans les plaines de Turin , lors- que TEmpereur Jofeph les accabloitfous le poids des contributions & du defpotif^ me , n'oferent jamais fiaire un digne ef- fort en faveur de leur Patrie.
Léopold, cet Empereur fi heureux
Î)ar fes Généraux & fes Alliés, n'eut pas a fatisfaâion de voir les fuccès de ion fils ; il mourut le (ix Maij laiflant letbrô* ne à Jofeph , jeune Prince plein d'acdeiUTt dlmpétuoHté Se d'ambition ; tel jBÎêrs jours de fon regtie furent a
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à la vengeance 6c à la rigueur ; il mit de fon autorité privtîe les Eleileurs de Ba-r- viere&deCologneau Bande l'Empire,- & traita les Sujets du premier avec unô- ~ "tareté qui les réduifit au défefpoîr.
k-Les viiïloires de laFrance , les fecours I70<î. fe-'les promeifes de Louis XIV. ranime- "reni l'efpérance de Philippe ; les Fran- çois n'avoient pas encore fait depuis le commencement de la guerre de fi prodi- gieux efforts que ceux qui cette année eurent un Ct trifte fuccès : il s'agiiToit dé chaffer les Allemands del'Efpagne Ôc de ^^Itatie , & de forcer la Hollande par HBlielque viéloire éclatante à fe détacher ^Pn la grande alliance ; mais la fortune ^TTafait de toute part le grand cœur de Louis XIV. Jamais année ne fut fi funef- te aux Bourbons que celle oïl nous tou- illons.
a guerre civile & étrangère exerçoic :uneftes ravages en Catalogne , en Ar- gon, dans le Royaume de Valence, en ttramadoure &c en Gallice; le Roi fe mit j-même à iatcte d'une armée pour péné- r en Catalogne ; il avoit fous Icr or- s le Mariichal de Teffé , & environ |gt mille hommes î il fe 6i précéder
^^4 Histoire ,
par unç ^mnUlie en f^v^ut des, Catalans; «. ^î n'opéra auwn eff^t fttrVefpfit d« ce- reupk inflexible. Après un^ç çoutç^çéflW bie^ le Roi parvint acuc portes'djs fiàzsçer' lonne qu'il aflîégeà dans le3 formes ?.l'Ar-- -chiduc était renfermé dans ia- Vaille ,* & la guerre finiflbît> s'it<tpmbQit enfre 1q9> mains du Roi; cet tib|ét > digne Irait; d& h viâoire animoit égalen^nç 1^ Catsin tans.& lesjfvoupe&^e'JPjùtippe; maisrceln les- Cl prirent le deiÈis : déjà le Fort- Montjôuî évacué par les en>Demis , an«^ nonçoit ta prompte reddition de.Bacce^: lonne; ;dé)a les rebelles; tenoient invefti te Palais dîe TArcbiduc » afin qu'il ne pût rfe fautrer par Mer, & qu'il parta- geât avec eux le fort qui les attend oit ;: plufieurs Catalanis propofoiént d'arrêter ce Prince , & dtile livrer au. Roi Philip-, pe , afin de mériter leur grâce par une nouvelle perfidie i quand tout à couple Comte de Toaloufe qutbloquoit lePod aivec la Àbtte de France, débarque ppé- cîpitammëhtles^ vivres & les miinitions ^ & prend le large pour ne paa êtreiObKgé. deGonibattrt^ une flotte tvoi^'lblsii&pe- rieum à la fienhé. A ce bnifque d^P^^Etiàb^ Atjàvb>vaejàc$ABglois:i l'aiiniéè du Rù^
d'Espagne. j^y;:
eft faifie de frayeur. En vaia Philippe propofe-t-il de dormer un nouvel» atout à la Ville j il n'apperçoit fur tous'^Ui vi- fages que Tinipreffion de la terreur : cé- dant alors à fa mauv^e fortune ^ il aban- donna , en frémiffant , la proye qu'il fai- fiffoit , & ordonna Ja retraite qui fut ac- compagnée des plus funefles circoxiflan- cesj les vivres, les munitions , Fartîlle- rie , les malades & les blefifés tombèrent entre les mains des Anglois , vainqueurs: iàns tirer l'épée ; le Roi dirigea fa fuite vers le Roumibn , parce que les Payfana de Catalogne revotes, ceux de FArra^ on chancelans^, auroient pu te couper ['avec la Caftiile , & le mettre dans la^ Blême fituation dont les Anglois venoient de tirer Ion rivaL Ce jour j(i funefte étoit l-onziemeMai : une édipfe de Soleil cou- vrit pendant trois beures la terre des plus- ëpaifTes ténèbres , Teflroi augmenta d^ns toute l'armée ; le Soldat aecufoit le Ciel d*être d'intelligence avec l'enne toi pour le perdre ; les animaux fembloient parti-. ciper à Thoireur commune ; le cheval du Roi , épouvanté r sVrêta plufieurs £ob ;mais enfin ^ le courage d-e Fhilippq> (anaontd, tous ces ohfiacles': il franchiti
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tij6 Histoire
les Pyrénées , & arriva à Perpignan d'où si prit la pofte pour rentrer dans fes Etats par bJNavarre.
Dans le tenxs qu'il étdt à Perpignan s le Maréchal de TefTé le prefla en vain de profiter de fon féjour en France pcMir fe rendre à Verfailies , & pour conférer avec fon ayeul ; le Roi répondit à toutes les inftances du MaFéchal , qu^it ne ver-^ mt> jamais Paris , Se qu^il mourroit en Efpagne. Philippe craignoit que Louis XI V. accablé , ne l'engageât à abandon- ^onner PEfpagne & TAmérique , & à le contenter aes Etats de la Monarchie en Italie , de la Sicile & de la Sardaigne, que les ennemis confentoient de lui laifler ; il Cçavoit qu'un Parti puiflant à la cour de France écoit d'avis d'accepter la paix ; les Efpagnols ponoient rinjuftice juf- qu'à accufer Tefle de s'erre laifTé gagner par ce Parti , ,&de n'avoir Ipas montré au fiégje de fiarcélonne. le même zélé ic la même aélivité qu'il avoic fait pa- roître en d^autres occafions ; mais l'u« ^iûque & véritable caufe de cette difgrace
(a) Quoi qu'il enfcrît de cette tïneqdote , les ei<!fnemf$ augmentèrent bieti dans la Àiite -lèiix» ftétentxonsA leur dux^^ ..:...>
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d' E s P A G N È. 25'7.
vîht de ce que l'un & l'autre Roi n'a-, voient pas une marine capable de faire tête à celle des ennemis.
Cependant ^ Philippe , en rentrant à Madrid , apprit las plus fâcheufes nou- velles; l'Archiduc & Peterborough avec vingt mille hommes, s'étoient avancés dans TArra^on , & Pavoient réduit plus par la trabifon des principaux Officiers 9 ^ les. intrigues des Moines, que par laT jforc^ des armes ;• il ne reCbît plus au Roi dans ce Royauoïe que laifortérefle de Xaça 9 ep. Catalogne celle de Rofes , & dans la Province de Valence , Penifcola; ma'^:un orage plustexrible.le menaçok di^ côté du Portugal : quarante mille'Ànt gjpis & Portugais, fous lés ordres die Gallowai & de las Minas^ ,• entroient, en £ftramadoure ppur pénétrer à Madrid, & achever de dépouiller ce Monarque ;:Bar- wî^H pourfpivi avec dix mille hommes ij aprè^ avoir vu prendre à fesyeux Alcan- tara floAt la garnifpn Efpagnole de yooo hommes, fut faite priÇpnniere de ruerrc ; Ciud^dB^odrigo ,Salamanque &Te pofte dfEfpirar; avertirent le Roi du danjger doAA ^t<^ xtfin^K^^^^ Capitale* •J^tliitteftvFhaippe aflcmbla un
2^8 Histoire
^rand Confeil dans lequel l'Âmbafia*- deur François , Amelot , le conjura de fe fauver en Navarre , aux pones de fa Pa- trie ; pluûeurs Grands t'exhortoieilt à fe rendre en Aiidaloufie où il aurcic k temè de rafTembler une armée ', & d'attendre des fecours de France ; mais Philippe prit un pani digne de fon courage eii fé déterminamt à combaftcre & à s'eliféteUf fous les débris de fofi thirône. Son départ &t précédé d'un Débret par lequel 3 transféroit la^Riise & t«Mis les triblihaitit i Burgos , lapflant aufurplus à tous ceux qui n^voient point d'emploi à là Cour i m à l'armée , deî«boUif leurs âfrlei-cft^ Yoadfoient ; prefque tous les urânâsf té* moins des adieux tendre$;&: touc]iâi10s;dfi h jeune Reiftei& dû Roi ne 'pureht *^^ nir leurs larmes à la vue des malheur^ de oe;te famille fugitive 3 lai Cou^r'tî'avbit pas: encore thisrl^'f^ds- keM^iieltfsÉi^i çie x^ueiques^Sei^ètfrsi i^ttafctiés^'è V^Ar^ chiduc Mciïv\ptt(t â Géi^ltewâi i'^cifeHiw danstaj;apitaletrbahÂ<^t)ééi GàttoW^^ Se (oh Çollè^rue 9 au lieu dc/pourJTiîivre k Kcif& de lé chaiTer^ la nouvélteCaf- tille, dont la conquête eMyatRoit fà ruîn^ cmiere y mitchcfii S^MadHd^ itls ehtf^nt
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d'Espagne. ^5p
en triomphe le vingc-cinq Juin ; mais ils lurent fur les vifa^es de tous les Ci- toyens la haine , la tùreur & la vengean* ce ; les CaftiUans ne pouvoienc diifimuler Texcès de leur douleur , en voyant les Portugais à peine libres du joug & des fers EÎpagnols donner un Roi à TEfpa- gne ; les vainqueurs s'apperçurent bientôt qu'ils n'avoientde Madrid que les mur$, lorfqu'ils firent proclamer Koi rArchi* duc; aucun Citoyen ne répondit aux crift àt leurs Soldats , ou touscrioient , viveU Roi Philippe. Les Pay fans des environs, les Bourgeois , fur le toir aflbmmoient tous Içs Soldats qu'ils rencontroient ; les Mé* decîns empoifonnoient lei mataâes de leurs hôpitaux 3 & les courtifanes pra4 diguant à ceux qui feporcoieht bieitieun
f>erfides carreites 5 répandoîent .exprès es maladies , la douleur & la mort dans leurs, armées-; enfin Pinaâion dans laquelle les Généraux la tinrent % ache- va de -la ruiner ii cependant T Archi- duc alôr^iSariragoCe y ignptoit ^'i) Fë^ \ç màttte de Afadrid ; PhiHppe', s'e- tant faifi des paffages <[ui conauifent de VArragon en CaUille^ arrêtoit tous les
sl6o Histoire
couriers ; mais enfin , cette nouvelle par- vint à fes oreilles , & il s'avança fur le champ pour fe joindre à GalloVai : la nou- velle de fbn approche jointe à la défec- tioiï du, Comte de Santa-Cruz Ca) qui lu vra Carthagene & les galères aux enne<* mis 9 ôt à l'ignorance oà étoît le Roi dé Textrême attachement de la Capitale à fes intérêts , le jetterent dans la plus étrange perplexité; Comment efperer faite Face à x deux armées avec moins de dix milb hommes découragés par 'les mauvaifes nouvelles qu'on recevôit cha-
3ue jour ? Comment arrêter le torrent e la défeétion f Amelot croyant Philippe ebfolument déthrôné, fe jetta à fes ge-; ©oux pour ie conjurer de fuir en Nayar^ rc 5 & de-là en France ; k bruit cpurac fur le champ dans l'arnriée que Philippe» las de lutter contre la fortune , abandon- coit la Couronne à fon heureux rival ; il
.il.?' • • . . I
• (à) Un frère' da Comté > Atthiâhcie Jo^ie.fDJieîn, d'horreur pour •IViâÎQfinbonwâ'^ ble iu Comte de Santa- Cniz 9 alla pseitdw à la Paroifiè leregStre des Baptêmes» & arnicha la fcvLiïîé où le nom de fon mre étoit îhfcrit, afin % difoit-il qu*il ne reftât parmi leshommft aucu^ ne trace d'un homme auifi méprifable*
d'Espagne. 261
n'en falioit pas tant dans de fi trifles cir* confiances pour achever d'abattre le cou- rage de la poignée de Soldats qui refloit au Roi : Philippe inflrult du fêcbeux efiet de ee faux bruit , fort de fa tente , aflem* ble Tannée , la barangae , & jure qu'il périra à la tête de fon dernier efcadron 9 plutôt que d'abandonner fes fidèles Caf^^ tillans ; ces derniers mots l'attendrirent ^ & lui arrachèrent des larmes :'on ne lui répondit qu'avec des cris de joye mélét de pleurs; chacun lui jura à fon tour qu'il verfera jufqu'à la dernière goutte de fon fang pour lui conferver un fceptre dont fa grandeur d'ame le rend fi digne ; peut- être que la harangue du Roi lui fauva la Couronne ; dès-lors les ETpagnols furent métamorphofes en d'autres hommes ; les défertîons ceflerent,on adcourut de toutes les Provinces à l'armée , forts ou foibles ; les Soldats attaquèrent les détachement ennemis , & les détruifirent ï le bruit de cette heureufe révolution fe répandit dans tout le Royaume , & infpira aux Evéques & aux Curés un courage héroïque : les Evêques de Murcie , d'Orihuéla & de Calahorra marchèrent à la tête de tjue^ ^ues Régimens dé Chanoines > de.Moi^
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262 Histoire
nés , de Prêtres , de Gentïshommes & de Payfans mélis enfemble ; les Curés fe faiipient fuivre de leurs Paroiffiens , 8c foadoient en déterminés fur les Portugais^ les Allemands & les Anglois; cet enthou-* (iafme de courage & de fidélité fe com^ muniqua jufqu'aux femmes & aux enfans^ qui en plufieurs endroits combattirent pour, le Roi & la Patrie. ' G^Uowai & las Minas,quî voyoîent avec douleur leur armée diminuée de plus de moitié depuis leur funefte féjour à Ma*^ drid , révacuerent alors , 8c s'avancèrent au-devant deiTArchiduc; auffi-tôt le Rpi fe pofta entre leur armée & Madrid ; à la vue du .premier détachement des troupes Caftilianes p Madrid retentit des cris de vive le Roi. Tolède & Salaman- que n'avoient pas attendu la préfence des troupes pour fe déclarer contre un enne^ mji auquel leurs forces ne leur avoient *p9S permis d'abord de réfîfter. Le Rpi nç put empêcher la jonâibn des deux ar- mées ennemies ; mais il ne les en pour- fuivit pas avec moins de courage» ù leur enleva Alcala dans lequet ils avoient f^enfermé leurs magafisis 6c leurs hôpl* (iauxs4'Ari:hiduc $'eiifuîti.£btn lour dans
p' E S P A G N E. 26 J
le Royaume de Valence , & acheva de perdre foA armée .par une retraite rui-
nçîrfe, ,' ' '
^ Cependant ïMipp^* iir pouvant fe r&- fufer z\x%: vœux &c a l'impatience de la Capital^ qui demandoit à grands cris fa préfençe , fe rendit à Madrid : Paffluence du Peuple, la jpyç* les tranfports d'à- nxour & de tendreflè qu'on Jui prodigua ne fe peuvent exprimer. Le Peuple mit en pièces un Tailleu/ qui feul 3 lors dé la proielamation de l'Archiduc , avoit crié » vive le Roi Charles j de-ià il fut mettre le feu aux maifbns de ceux qu^il foupçon*^ noit d'avoir appelle le^ Généraux de l'Archiduc j le: retour de la fortune dé Philippe fut funefte au Duc de l'Infanta- do , ;au Patriarche des Indes , à Mendo^ ftt y ancien Inquifîteur géniéral , au Comte de Lémon qui , croyant Philippe accablé & déthrôp/i avoiç^ptêtéifermçm à ion rival : iU'furent arrêtés âc.difperi^sieli diâtreiKés prifoos ; le Cbmtç d^Oktxpéf Ùl f le Duc de Najera , les Comtes df Haro & de Ga}yez redoutant un fort plus fâcheux, fuivirent l'Archiduc qui étoit )e premier à fe moquer.de leur trjihifojlV On.fù$> (juelp ;C;>rdinalPorto-e;>!rpef0'^
^iriMdtaaAriHIiMkdBaMB
2^4 Histoire
entraîné par le tourbillon général , dë- flaentit Ton ancien zélé , en recoiinoîSanc lui-même l'Archiduc ; mais Philippe lui pardonna çn jconfidéjraiion de fa vieil* leiTe , & par reconnoiiTance pouY iês' âtt* ciens fervices. Le Roi n'ùia pas de la même clémence à l'égardi de la Reine Douairière qui fignala parades traniports prématurés la joyç de voir enfin ion ne"* veu fur le thiiône où fès intriguas n'a- yôiént pu l'appèller ; elle fut rdéguée jk Bayonne ; U Roi fupprima en niéme jCems les Dames du Palais <3ui n'avoient pas eu le courage de fuivre la Reine.
rM« Orxi /facrifié à la haine de quelques Grands , refta à Paris oiïi le Roi Pavoit enYoyé'avaht l'învafion de la Caftijle fol- liciter de puiffans fecours ; les Efpagnols nefentirent pas .la perte que la Patrie fai- (oitxn ce François dont le génie puiflant avioii débcoâillé les finai|css : celles tom* JbereDt biëncdc dans'leur'ancieii chaos » & leRoi , priyé de fes ferv]ce;s>& vit dans rimpuiifance d'entretenir les icént trente mille homoies où ce Miniftre avoit fait monter les:focces dii Royaume-; la Mo* Darcbte d-Arrâgon pafioit rapidement ^Otrcies mains >de.rArchicbz07 plu» les
Caftillans
d' E s P A G N E. 26^
CaftUlans témoîgnoîent de tendrefle &c d'attachement à Philippe » plus les Arra- gonois & les Provinces attachées ancien- nement à leur Monarchie paroiiTpient de Î'our en jour dévoués à l'Archiduc. Les [fies de Majorque , de Minorque , à l'ex- ception du Fort Saint Philippe , Ivica- Fromentera tombèrent entre fes mains* Mais Philippe faifoit bien d'autres per- tesi au-dehors ; la bataille de Ramillies livrée & perdue le fix Mai par les Fran- çois 9 eut des fuites plus funeftes encore que celle d'Hochftet : la poftérité fera long'tems à comprendre comment la cour de Verfailles abandonna prefque tous les Pays-Bas Efpagnols , & vingt forteref- fes capables d'arrêter pendant pluficurs campagnes les vainqueurs. La perte des Pays-Bas entraîna celle d'Italie ; Louis XlV. au lieu d'oppofer Villars à Mari* boroug , rappella Vendôme (a) que la viâoire avoit toujours couronné en Ita- lie. Pour foutenir la fortune de la Fran-^
(a) Ce grand homme avoit g«ignc cette an- née le dix-neuf Avril la bataille de CalcinacQ fur le General Reventlau ; il ne reftoît plus au Duc de Savoye que Turin dont les François faî- fàient.lé ficge.
Tome F. M
a66 Histoire
ce fiir les frontières de Flandres » qu'ar- riva-t-U f Le Duc d'Orléans fubititué à Vendôme en Italie j fut entièrement dé- fait dans fes lignes devant Turin le fent Septembre ; le Fiémont , le Miianez , le Modenois 9 le Mantouafi , le Montferrac^ la Savoye ^ & depuis le Royaume de Na«- ples & la Sardaîgfie tombèrent entre les mains du Prince Eugène , vainqueur; le» véritable^ caufes de ce revers ilnôui , fo- rent les ordres imprudens diâés à Ver^ failles d'attendre les Allemands dans les lignes ^ au lieu de marcher droit à Voi^ Bemi M comme le Duc d'Orléans en avoit ouvert l'avis : les François animés par le courage de ce Prince & par la (iipér riorifé de fbn armée auroient vaincu ; le Comte de Mçdavi remporta 9 deux jours après le déf^ftre de Turin , une viâoirc complette & inutile dans les plaines de Caftig^one ; le Duc de Vicndôme ne rappi^a pioinit b fonune dansTarmée dç Flandres j ^ U% Françds fk craienc en droit d'imputer cet enchaînement éton-> oant de difgraces au mauvais dioîx des Généraux 9 & à l'incapacité des Min&Er très.
Au rede , touîs XIV . ac FWnppc If*
d' E s P À G N E. 26y
n'étoîent pas les feuls Rois humiliés en Europe ; Augufte , Roi de Pologne , éprouvoit de plus grands revers. Il le vit obligé pour conferver TEledlorat, fon pa« trimoine , & le vain titre de Roi , d'abdi- querla Couronne de Pologne , ôcde re- connoitre l'heureux rival que les viâoi- res de Charles XH.avoit couronné; il ne tenoit alors qu'au Roi de Suéde de donner la paix à la République Chré- tienne ; la Af aifon de Bourbon fembloit être en droit de l'attendre d'un vain- queur qui avoit reçu d'elle des fubfîdes , & dont le père avoit trouvé un Allié fi mamanlme dans la perfonne de Louis XI V. à la paix de Nimegue ; mais au ti- tre de pacificateur del'Éirope , Tlmpé- tueux Charles préféra d'en être le def- truAeur : la haine ^ la vengeance , un amour infenfé de la gloire le conduifî- rent dans les forêts de la RulTie , ou dès- lors la fortune^ ou plutôt la Providence l'abandonna pour n avoir pas voulu être l'inilrument du bonheur des Peuples ; fes malheurs égalèrent, fa profpérité : cette guerre lui coûta enfin la vie , & il laKÎa en mourant une réputation plus grande que bellet
Un
26S Histoire
1 707, Une fuite fi accablante de difgraces pré- cédée ou fuivie de la défection des Cata* lans j des Arragonois & des Valenciens , de la trahifon de pluficurs Efpagnols di& tingués par leur naiitânce ou leurs em- plois , commençoit à faire naître dans le cœur de Louis XIV. des fentimens de défiance contre les Efpagnols , & fur- tout contre les Grands qui ne lui paroif- foient pas aiTez zélés pour les intérêts de Philippe ; avant aue de faire de nouveaux cfibrts pour conlerver à fon petit-fils un thrône attaqué par tant d'ennemis fecret$ & publics , il fit préifentir les Grands pour Içavoir jufqu'à quel point il devoit compter fur leur attachement à leur Roi; mais il n'y eut aucun des Grands qui ne jurât entre les mains de l'Ambafladeur François de périr plutôt que d'obéir à un autre Roi ; tous les Caflillans firent écla« ter les mêmes fentimens. C'eft en efièt à fe Peuple généreux ^ confiant & magna-^ nime que la branche de Bourbon £Ô>a- gnole doit tous les tbrônes qu'elle occo* pe ; le Clergé donna deux millions d'év fcus , |e Mexique un million dea les feules Villes de Séville 9 de Gi jde Cprdoue {Se dp Jaeo eotretitifei}
d' E s P A G K Ê.
2(rp
ze mille hommes à leurs dépens ; ia No- bleflcipeu guerrière Ions lesRois précé- dens, combattit dans toutes les Provin- ces, & l'Inquifition fit enfin en faveur du Roi Se de la Patrie le plus digne ufage de fon pouvoir , en ordonnant fous peine d'excommunication à tous les Penitens de dénoncer à fon terrible Tribunal tous les Confefleurs qui leur infinueroient de manquer de foi au Roi : on ne fçauroit croire combien ce décret affermit la Cou- ronne fur la tête de Philippe donc plu- fieurs Moines vendus à l'Archiduc, n o- ferent plus attaquer en fecret les droits légitimes & facrés ; à la vue de ce con- cert unanime Peterboroug écrivit à Lon- dres que toutes les forces de l'Europe réunies enfemble n'étoient pas capables de déthrôner Philippe. Cet Angloisavoit raifon , fur-tout depuis que la groifefle de la (a) Reine , en mettant le comble k la joye publique , avoit refferré les liens qui tenoient les Caflillans attachi/s à un Bourbon ; les ennemis fentoient quel ) alloît porter àl'Arcliiduc la n.iif- ! d'un enlanr Ae Philippe fur une
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JB,,,
270 Histoire
Narion qui aimé Tes Rois jufqu'à l'idolâ* trie ; pour prévenir , s'ils pouvaient » les fuites qu'ils prévoyoient y ils fe hâtè- rent de répandre le bruit que la ffrotkSt de la Reine étoit feinte ; mais Philippe qui avoit fous les yeux l'exemple de Jac- ques II. à qui on avoit difpute la naiflân- ce du Prince de Galles , nt évanouir les doutes que Timpoifaire & la calomnie fe* rooient en appellant dans l'apparteinent de la Reine , au moment qu'elle accou- choit le Cardinal Porto - Carrero 9 les Confeillers d'Etat , les Préfidens des Confeils , le Nonce du Pape & les Da- mes de la Cour ; la Reine mit au monde le vingt -cinq Août le Prince Louis qui dès ce moment jufqu'à fa mort fut 1 a- mour & les délices de TEfpagne. Sa naîiTance avoit été précédée des
S las grands fuccès ; le Marquis de Bay > lamand , Général de l'armée d'Eftra- madoure enleva aux Portugais Ciudad*- Rodrigo , & le Duc d'Oifone , Serpa : la principale armée étoit deftinée au Duc d'Orléans qui reçut à Madrid le traite- ment d'Infant ; en attendant la préfence de ce Prince y elle agiflbit dans le Royau- me de Valence fous les ordres du Mare-
d'Espagne. 271
chai de Barvpick; Bafv/ick faHbit des ^ progrès rapides y quand il apprit que Tar- ' mée des Alliés commandée par Mylerd Gallovsi {a) èc le Mar<î[ûîs de las Minas prelToîtv'^oureufemem lé fiége de Villé- na , il accourut au fècôUf s- de la Place j déterminé à rifquer une bataille pour la fauver ; Gallowai , It féUl Génér&l des Alliés qui n'eût point gagné dé batsùUè , étoit impatient dé colnbàtti^ 9c de fe &-
fnaler par quelque vi^ftoire éclatante : ans ce defiein il vôloit au-devam de Barvrick , lorfqu'îl le rencontra dan^ les plaines d'Almanfa qui ne dévoient pas Être moins fameufes dans Thiftoire que celles d'Hochftet; les deux armées ert vîrt- rent aux mains le vingt -cinq Avril, on fit de part & d'autre des prodiges de Va- leur , la viâoire balança long-tems , elle parut même vouloir fe ranger fous les étendards des Alliés ; mais Barwick aidé du Marquis d'Avarey & du Chevalier d'Asfeld', qui après le Général eurent la
(a) Le Comte de Gallowai > Général des An* glois 9 étoit un Gentilhomme François connu Tong-^ms fous le nom de Mnrquis de Ruvigny. Penonnc n'ignore que le Général des Fraïkr fois^Baiwick, étoit Anglois*
M iv
272 Histoire
principale part à la gloire de cette ac- tion , la força de fe déclarer pour lui ; de trente- cinq mille Anglois, Allemands, Portugais & HoUandois dont étoit com- pofce l'armée ennemie, à peine s'enfauva- t-il fix mille , le reile fut tué ou pris avec Fartillerie , les bagages, & 112 dra- peaux ou étendards 3 Gallowai blelTé au vifage de deux coups de fabre eut peine à fe fauver à Tortole : c'eft la viâoire la plus complette & la plus décifîve que les François & les Efpagnols ayent rempor- tée dans cette guerre.
Le Duc d'Orléans qui arrivai l'armée le lendemain de la bataille, profita en grand Capitaine d'une viâoire à laquelle n n'eut aucune part ; il fournit prefque en les parcourant les Royaumes de Va* lence (^) & d'Arragon dont les privilè- ges furent fupprimés, lesHabitans punis
(a) Il n'y eut dans cette belle contrée que les Villes de Xativa , d' Al cira & d'Alcoi qui o(è- rent (ê défendre ; le défefpoir tînt lieu de cou- rage aux Citoyens de ces Villes dont la première fut prifè d'afTaut, brûlée & détruite iufqu'aux fon- demens : on fema du (êl fur le foi qu elle occu- poit j & on éleva une pyramide qui infinùfoit la poflérité du nom de cette Ville , de fbn crime & de Ton châtiment. Philippe V. la rebâtît depuif # & Tappelia de fon nom 9 PhilippcTille: Ici Ci-
d' E s P A G N E. ^75.
par d'énormes contributions ,&. fournis aux loix de la Caftille ; le Confeîl d'Ar- ragon établi par Ferdinand V. fut caffé , & fa jurifdidion attribuée à celui de Caf- tille ; le Roi régna enfin dans un Pays où fes prédéceiTeurs n'avoient jamais eu. qu'une autorité précaire. . \.
Cependant le Duc d'Orléans ayoit déjà pénétré en Catalogne où il conquit* la fortereffe de Lerida^ l'écueil des. plus grands Capitaines; le Duc de Noailles reiferroit de fon côté l'Archiduc à qui il enleva la Cerdagne ; le Comte de Villars reconquit auflî Minorque.
Il ne falloir pas moins que toutes ces
toyens d'Alcîra & d'Alcoi forent mafïâcrés pour la plupart y alnfî que ceux de Xativa : CPt exeni'* pie terrible ne fit prefqu'aucune impreflion fur les Valenciens qui prefque tous fournirent au vriinqueur un prétexte légitime d'nbufer de la viftoire en témoignant un arachement opiniâ- tre & inutile à TArchiduc ; le Chevalier d'Ac- feld , qui commanda long- tems dans ce Royjfi:- me^ défendit aux Habicans le port des armes avec tant de févérité qu'un feul couteau entraîna plufieurs centaines d'hommes au fuppfice ; ceite fertile & délicieufp contréo « dévaftrc par le bri- gandage, l'avarice & la cruauté, offrit iong-tenn 'le fpeôncle le plus affi-eux» 11 frinl-'lc* que les Caftillans & les François ne l'cufr'-nt rcconqui- fes que pour en foire une vaff''^'- H^-iV-.
^74 Histoire
viâoires pour adoucir râmertume d^ I^ perte du Koyaume de Naples moins conr quis par la force des armes que livré par la trahifon.
Les Princes de Montefarcho , d'AveU lino , de Bariati & le Duc de Monteléoa étoient à la tête de la conjuration ; ih in-^ finuërent d'abord aux Napolitains que Philippe avoit cédé le Royaume de m* pies a la France : auffi-tôt ce Peuple de- manda à grands cris au Vice-Roi de ren- voyer fept à huit mille François dont le courage auroit confervé le Royaume ; le Duc (TEfcalonne , Vice-Roî , craignant un foulévement général , céda aux inf- tances du Royaume , & fit partir le& François ; ce fut la feule faute qu'il eut à fe reprocher ^ mais les François ne fu- rent pas plutôt partis que les Conjurés écrivirent aux Miniftres de ^Empereur de fe préfenter ; le Comte de Thaiin , c4- tet)re parla défenfe de Turin , parut avec neufn^lte hommes fans vivres , fanianil- lerk : àfon approche Naples lui ouvrit fè»
Îortésr, & ies lâches Citoyens coururent riferlia f|atue qu'ils a voient érigée A F^ lippe en reconnoiflance de fes $iien£iits s "^ k fcoyaunie eotier enti^né par rcMON* J|
d'Espagne. 2J^
pie de la Capitale , fuîvit en moins de deux mois le torrent de la révolution ; dans cette défeâion c;énérale il nV eut d*hommes de qualité ndeles que lesDucs de fiifaccia , de Caftillon , d'Atri & le Prince de Cellamare j Atri s'enfuît à Rome j & les trois autres fuivirent Efca- lonne dans Gayette , mais Efcalonne eut la douleur de voir Gayette emportée d'aflfaut f & de tomber lui-même entre tes mains des ennemis qui le conduifîrent ï Naples où ils lui firent les traitemens les
{)1 ;s injuftes & les plus barbares; on vou- oit à force de cruautés ébranler fa coni^ tance , & le forcer d'etnbraflTer le parti de FArchiduc ; mais ce Seigneur éter- nellement mémorable par (a grandeur d'ame , fon équité & la vafte étendue de fes connoiffances , conferva au milieu des infultes de la populace auicquelles on FexpoTa , toute la dignité d'un héros , & H ne revint de tant d'indignités que de la honte & de ta confufion ï Tbaiin«
L'Empereur ufa de la viflroire en Ita- lie avec auffi peu de modératioti qu'il en avoit ofé en Bavière; il réunit à PÈmpire le Mîbnez , aprë* en avoir détaché t'A- lé«mdria, la LomeBme & ta Valfefia tn
Mvi
27^ Histoire
faveur du Duc de Savoye à qui ces fier* tUes contrées avoient été promifes lors de fon acceflion à la grande alliance ; mais il lui manqua de foi à l'égard du Yh^
Î;evenaique qui lui avoît été aufli defiiné. 1 confiiqua le Mantouan & le Montfer- rac fur le Duc de Mantoue , Allié des deux Couronnes , il dépouilla quelques autres Princes de leurs Etats , impofa de «roffes contributions fur toutes les Puif- lances d'Italie neutres ; enfin , il fit revi- vre fur cette délicieufe partie de l'Euro- pe les anciens droits de l'Empire regar^ aés comme éteints depuis Charles-Quint*. iVenife , Gènes , le Grand Duc de Tof- cane , le Duc de Parme n'eurent pas le courage de combattre en faveur de la li- berté commune.
Dans cet accablement univerfel le feul Clément XII. ofâ tenter de fe faifîr de la balance entre les Maifons d'Autriche & de jBourbon , mais il y avoit long- tems que la balance de l'Europe étoit échappée à la Cour de Rome ; elle ne tarda pas à ctre brifée entre les foiblcs mains du Pape. Il auroit fallu le coa- cours de tous les Potentats Italiens pour chaâer les Allemands. Le Pape,. après
D' E s P A G N E.
277
avoir levé avec le fecours des Cardinaux & des Prélats une armée que la terreur dunoai AUemanddifnpa avantque d'être formée , fe vît l'année fuivante obligé de fe foumetcre aux conditions dures que lui impofa l'Empereur : l'une des plus uiflcs pour le Pape, celle qui lui coûta le plus fut de reconnoîire l'Archiduc en qua- lité de Roi d'Efpagne , c'e'l-à dire d'un Pays où ilpoffédoit à peine la Catalogne. Pendant ce tems-ià le Duc deSavoye fuivi du Prince Eugène entroit en Pro- vence , & faifoit le fiége de Toulon dont "» conquête eût porté un coup mortel à 'Empire François; déjà laCourdeVer- iiles allarmée envoyoit à la défenfe de ■ Provence les Ducs de Bourgogne & de Terri, loriqu'elle appritque le Maréchal fcTefle avoit fait échouerle projet des en- "îi&lesavoi: chSesdc la Provence. I On a écrit , & rien n'empêcbe de le aroire , que le Duc de Savoye , Prince iélié & plus politique que les Anglois & les ilollandois , ne voulut point pren- dre Toulon pour ne pas trop aftoiblir lc« a baUn-
pdel'F
i.pCcfecr d'itrc ptriiur qui Dc
Histoire
mettoit point de bornes à fon ambition. La politique des prédéceflfeurs du Duc avoit toujours été de contribuer à foute- nîr entre les deux Maifons Téquilibre dont dépendoient leur sûreté éc leur agrandiuement. La feule idée de voir la France trop fupérieure au commence- ment de la guerre, avoit précipité Vic- tor-Amedée dans le parti des Alliés.
La fortune favorifa encore la France dans les Pays-Bas où Vendôme arrêta les progrès de Marlboroug , & en Alle- magne dont Villars mit la moitié à con- tribution , après avoir forcé les lignes de Stolophen.
Ces careffes de la fortune n'étoîcnt que des pièges ; en vain tes deux Rois entreprirent-ils de h fixer en leur faveur 1708. par des efforts ru iMux : leurs projets ma- gnifiques de chad^r les ennemis de TEf- pagne , de reconquérir les Pays-Bas Ef-
Î>agnols , & d'établir le Prétendant fur es thiônes de fbn père , ou du moins fur celui de l'Ecoffe , échouèrent. La*Provî- dence avoit déterminé que rEmpire de Louis XIV.& celui dePfcilîppe V-feroîent- ébranlés; elle fema l'efprit de vertige 8c it diAiorde parmî^ les. Généraux y & coBh
d'E s P A G N E.
27?
fondit Us defleins le mieux concertés.
Les évenemens arrivés en Efpagne fu- rent à la vérité mêles de bons & de mau- vais fuccès , mais le contre-coup des dît grâces de la France retomboit fur l'Ef- pagne ; plus la France étoic affôiblie , & plus on devoir craindre de voir la Mo-' narchie Efpagnole dtmembrée.
Philippe perdit la Sardaigne , commf il avoit perdu l'année précédente le Royaume de Naples , c'eft-à-éire par la rrahifon & la perfidie ; il n'y eut de Seigneurs fidehs dans cette lue dont la pofleiîîon avoit coûté tant de fang & de tréfors aux anciens Rois d'Arragcm , que le Marquis de la Jamaïque , Vice-Roi, l'iliuftre Mailbn de Ma(oni.'s, le Comte del Caftillo &c Dom Vincent Bocallar fi célèbre depuis fous le nom du A'arquis de S. Philippe. La perte de Minorque eut des fuites plus fîcheufes pour la Mo- narchie; à l'approche de deux mille Ma- telots Anglois qui fe préfentereut de- vant Port-Mahon : une terreur panique fe faifit de Don Diegue d'Avila , Gou- verneur C") du '^°'î' ^" Philippe » & le
(a) D'AvïT». ttttfu i lui, conçi't tam il« JoMieat S it )Uf*|.4i) l'f f: !ii IiP|/ qu'il fc Çti-
a8o Histoire
communiqua à fept ou huit cents Fran-- çois qui rendirent la Place ; en vain les Mîniftres de TArchiduc preflerent-ils les A nglois de fe deflaifir de PIfle Minor- que entre leurs mains : le Port-Aîahon , le plus beau , le plus vafte & le plus sûr de la Méditerranée étoit trop à la bien- féance des Anglois : ils oppoferent les articles du traité de la grande alliance ; Minorque leur refta donc avec l'Empi- re de la Méditerranée jufgu'en 1776, eue ces Infulaires ayant fait , fans la déclarer , une guerre aufli injufle que cruelle à la France , Louis XV. conquit ar les mains du Maréchal de Richelieu e Fort S. Philippe devenu fous la domi- nation Angloife la plus forte Place de l'Europe ; cet exploit à peine crû des contemporains ne feroit pas regardé comme vraifemblable par la pofléri- té , fi THifloire de Louis X V. fenile en prodiges n'ofFroit quelques années auparavant la prîfe de Berg-op-Zoom. Les Maures dans le même-tems s'empa- rèrent d'Oran , cette conquête du Car- dinal Ximenès y fi utile à l'Efpagne f dont elle éloignoît les Afrîquaîns. Les Grands ne voyoient qu'avec une cfpeci(
r,
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de fureur la Monarchie démembrée pièce à pièce ; ils remarquoient avec douleur que de Tavant-mur de la Monarchie con- fiftant dans les Royaumes de Naples , de Sicile , de Sardaigne , dans le Milanez , dans les côtes de l'ancienne Mauritanie , dans les Pays-Bas, il ne reftoit plus que la Sicile que le courage du Marquis de los Balbarès , fon Vîce-Roi , & la pré- fence de fept à huit mille François fau- verent cette année d'une invafion, & dans les Pays-Bas Luxembourg , Namur^ Mons , Charleroi & Nieuport ; la meil- leure partie de la Catalogne étoit entre les mains de l'Archiduc ; ils imputoient . cette longue fuite de difgraces à la Prin- cefle des Urfins & à rAmbaffadeur Fran- çois Amelot revêtu du pouvoir de pre- mier Miniftre. Il eft confiant que ces deux perfonnes donnèrent lieu cette an- née aux plaintes des Efpagnols , en met- tant en ufage tous les reiiorts de la plus artificieufe politique pour faire recevoir un afiront fignalé au Duc d'Orléans » Prince trop fîer & trop élevé pour plier fous eux ; il aflîégeoit la forte Place de Tortofe défendue par les débris de Tar- mic vaincue à Almanfa : le Duc eut
i82 Histoire
plus d'obftacles à vaincre dans cette con* quête de la part du Mîniftre & de la fa" vorite que de celle de l'habile Starem- berg que TArchiduc lui avoit oppofézfans Findigne jaloufie de ces deux puiflans en- nemis 9 le Duc d'Orléans auroit chaffé l'Archiduc de la Catalogne.
Le Chevalier d'Asfeld reprit les Vfl- les de Dénia & d'Alicante après des fié-
fes fort meurtriers j au milieu des cm- arras de cette guerre cruelle , Philippe cherchant à adoucir la trifle fîtuation des Peuples , conclut un traité avec le Roi de Portugal pour empêcher les hoflilités contre les Laboureurs & les Vignerons de Tune & de Tautre frontière j r Archi- duc refferra les nœuds qui l'attachoient avec le même Prince,en lui donnant pour époufe fa fœur , TArchiducheffe Marie- Antoinette. Lui-même époufa à Barce- lonne la Princeffe de Brunfwick Wolfen- buttel.
Les Ducs de Bourgogne & de Vendô- me ouvrirent la campagne dans les Pays- Bas par la réduction de Gand , de Bru- ges & de Plaflendal ; mais la perte du combat d'Oudenarde, celle de la Ville de Lille que le Prince Eugène acheta au
d'Espagne. 283
prix du fang de trente mille hommes ; k déroute de Plaflèndal ^ & la levée du (iége de Bruxelles fuivirent bientôt ces pre- miers fuccès ; revers d'autant plus af- freux qu'ils n'arrivèrent que par la dif- corde & les fautes des Généraux.
Le troifîeme projet de Louis XIV. n'eut pas plus de fuccès que ceux dont nous venons de parler. L'Êcoffe mécon- tente de la Reine Anne , qui en unifiant fon Parlement à celui d'Angleterre , avoit réduit ce Royaume ^ l'un des plus anciens de l'Europe ^ à la condition d'une
Î)rovince de l'Angleterre , avoit appelle on Roi légitime le Prétendant ; ce Prin- ce s'embarqua en vain fur une flotte de France pour fe rendre aux vœux des Ecoflbis ; les Anglois maîtres de la Mer donnèrent de fi bons ordres que Jacques m. n'ofa pas même tenter un débarque- ment ; les François fe retirèrent à la vue des Anglois dont le nombre des vaif- ftaux excédoit le leur de plus de la moi- tié. Cette difgrace eut donc encore fa fource comme la plupart des précéden- tes dans l'infériorité des forces navales de Louis XIV. La France toucboit à fa ruine > Louis ^7^S^'
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-284 Histoire
XIV. dont le grand cœur avoit réfifté jufqu'alors , attendri fur la trifte fitua- tion de fcs Sujets ^ demanda enfin la paix prefqu'en fuppliant. Perfonne n'ignore avec quelle nerté les Alliés reçurent les Miniffrcs de France , avec quelle dureté ils diderent les conditions, au prix def* quelles il devoit acheter une paix igno- minieufe ; on fçait qu'ils oferent exiger qu'il déthrônât lui-même le Roi fon pe- tit-fils ; Louis XIV. fe réduifit en vain à demander comme une grâce qu'on laiffît à ce Prince qui régnoit depuis neuf ans, les Etats que TElpagne avoit autrefois poflfédés en Italie ; fur le refus des Minif- tres HoUandois qui , dans cette négo- ciation jouèrent le perfonnage le plus odieux, Louis XIV, préféra de périr fous les débris de fon thrône plutôt que de faire une guerre impie à fon propre fang : la guerre recommença avec plus de fureur , & la même infortune pour les François & les Efpagnols.
Cependant le bruit de la négociation de la France avec la Hollande répandu en Efpagne , nuifit aux intérêts de Phi- lippe : les Peuples croyant être abandon* nés par les François , & même par leur
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Roi , fentirent réveiller contre les pre- miers la vieille haine plutôt affoupie qu'é* teinte ; le Duc de Medina-Cœli ofa pro- pofer au Roi de fe joindre lui-même aux ennemis de la France qui , à ce prix lui laifferoient TEfpagne & TAmérique : mais Philippe qui rendoit à fa Patrie les fentimens qu'elle avoit pour lui , répon- dit avec inaignatîon , Non , fe ne tirerai jamais Cépèe contre une Nation a qui après Dieu je dois le throne* Le Duc d'Orléans alors en Efpagne inftruit par la voix pu- blique que Louis XIV. alloit abandon- ner fon petit-fils , fongea à faire valoir fes juftes droits fur TEfpagne qui lui ap- partenoit , au défaut des enfans du Dau- phin ; 11 croyoitavec fondement que les Anglois & les Hollandois verroient la Couronne d'Efpagne avec moins dé ré-
{)ugnance fur fa tête que fur celle de Phi-? ippe dont le Roi de France difpofoit trop à leur gré. Il étoit naturel de croire que les Eipagnols pleins de refpeâ pour le génie , la valeur , l'élévation , rattàbir lite & les grands talens de ce Prince leur défenfeur , le foutiendroient de toutes leurs forces ; enfin Philippe V. & Louis XIV. forcéis de renoncer a un thrâne que l'Europe enticrç difputoit au prçmiçr ,
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2.S6 Histoire
ne devoient-iis pas fe confoler que le pre- mier Prince de leur fang profitât de leur infortune f Déjà le Duc d'Orléans avoit ris des mefures pour difputer à rArchi- uc la couronne au moment qu'elle échap*
Çeroit à Philippe V.lorfque laPrincefle des Jrfins les pénétra , & les préfenta aux deux Rois lous la forme de la plus odieuf e confpiration : deux Agens du Prince ap« pelles Flotte & Renaut furent arrêtés; trois Seigneurs Efpagnols 9 amis du Duc 9 cffuyerent le même lort , & ne furent re- lâchés que lorfqu'ils eurent fait connoî- tre leur innocence ; Louis XIV. ne par- donna qu'avec une peiné extrême à fbo neveu le defir ambitieux y mais peut-être légitime , de parvenir à un thrône dont il étoit digne , & qu'il ne recherchoit après tout qu'au défaut de fon petit-fils; la dif- grace de M. Amelot que le Roi accorda aux cris des Grands , fuivit cette aâàire qui fit le plus grand éclat dans l'Europe ^ malgré la fageflè avec laquelle Louli XIV. s'efibrça de l'enfevelir dans le plai profond oubli.
Dès que le traité du Pape avec TEai- p*reur eut été rendu public, l^article par le^uçl le Spuyeraîa Pootife tççQUDçiffok
d' E s P A G N E. 287
rchiduc en qualité de Roi d'Efpagne^ uilla les deux Cours. Philippe rap* .a de Rome fon AmbaiTadeur , le Duc fceda , renvoya le Nonce Zondodar- & fit fermer a Madrid le Tribunal de Nonciature fi utile & fi lucratif au iiége ; le Pape , de Ton côtéf refufa des lies à TArchevêque de Sarragoflc , md Inquifiteur , nommé Archevêque Tolède en la place du Cardinal Porto- rrero que la mort enleva cette année; ;:hofes demeurèrent fur le même pied brouillerie entre les deux Princes juC- à la fin de la guerre : Philippe n'en t à cette extrémité contre le Pape que Igré lui , &c pour venger l'atteinte que iment fembloit avoir donnée à fes its en reconnoiflant ceux de fon rî- : il n'ignoroit pas que )e Souverain nife confervoit pour lui les mêmes cimens de tendreté qu'il avoit fait iter tant de fois ; qu'il n'avoit donné titre de Roi d'Êpagne à TArchir : 9 qu'après s'être vu abandonné de s les Potentats de l'Italie , & réduit di&rétion de rEmppreur , & qu'ep- 11 avoit fHpulé que ce n'étoit qu'une K 6)rmaiité qu^ nç po^ypi; çaufer de
2.^8 Histoire
préjudice aux droits de Philippe. C'eft ainfi que la Politique force quelquefois les Princes d'agir contre leurs propres in- clinations.
Le Marquis de Baî gagna cette, année en Eftramadoure la célèbre bataille de la Gudina dans laquelle les Anglois & les Portugais perdirent fix mille hom- mes ; la vicSoire ne fut due qu'à la cava- lerie Efpagnole qui s'abandonnant à tou- te Timpétuofité de fon courage , fondit fur Pennemi , & le mit en déroute : fi Tar- deur de cette cavalerie lui eût permis d'attendre l'infanterie , il ne feroit peut- être pas échappé deux mille hommes de toute l'armée ennemie. On découvrit dans le même-tems , & on diflipa une confpiration tramée pour livrer la Sicile à l'Archiduc. Dans tout le cours de cet- te guerre les confpirations furent pref- que les feules armes qui réuffirent aux ennemis de l'Efpagne ; les Efpagnols ga«" gnerent prefque toutes les batailles $ ex- cepté celle ae Sarragoflfe ; le Maréchal de Befons & le Comte d'Aguilar com- mandoient la principale armée du Roi en Catalogne , mais il femble que la diC- corde eûcpaffé dipTairnjiée deFlandics
en
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en celle d'Efpagne : la défunion des Gé- néraux , leur querelle , l'antipathie des François & des Efpagnols qui fouvent en venoient aux mains , mirent l'armée dans un tel défordre que fi Staremberg fe fût préfenté, il Tauroit vaincue & diflîpée» fans tirer l'épée ; mais Staremberg réduit à des troupes diminuées & afïbiblies , fe trouva heureux qu'on ne l'attaquât pas lui-même , & qu'on lui laiflat prendre Ba- laguier; peut - être auroit-il fait de plus grands progrès fans la réfolution du Roi qui fut lui-même commander l'armée pour prévenir les fuites fâcheufes de la divifion de fes Généraux ; Louis XIV. rappella d'Efpagne tous les François 9 excepté douze mille pour défendre fes Etats entamés par la prife de Tournai ; la perte de cette Place fut fuivie de celle de la bataille de Malplaquet que Mari- borough & Eugène, ces Généraux pro- digues du fang humain , achetèrent par la vie de trente mille hommes ; Mons tomba enfuite entre les mains du vain- queur.
La viâoire de Rumersheim gagnée par le Comte du Bourgs fauva à la Fran- ce la Haute Alface & laFranche-Com-
Tome F. N
2ÇO Histoire
té ; Berwick défendit le Dauphiné.
L'Hyver le plus grand dont il foît mention dans les faftes humains , la fa- mine , les maladies , les ravages & les défaftres de cette guerre fi longue , mi- rent cette année le comble aux malheurs de la France , de TEfpagne &c de toute la République Chrétienne,
La face du Nord changea ; le Roi de Suéde , perdit en moins de deux heures la bataille de Pultawa dans l'Ukraine & avec elle le fruit de neuf ans de vîdoires &: de conquêtes , toute fon armée & la confidération dontil jouiflbit en EuropCt Tandis qu'il alloit , pour éviter de tom- ber entre les mains du Czar fon vain- queur , préfenter aux Turcs & aux Tar- tares un Roi fugitif & vaincu, le Roi de Pannemarck , le Roi de Pologne déthrô- né , le Roi de Pruffe , l'Eleéleur d'Ha- novre s'unirent fucceffivement aux Ruf- fes , tombèrent fur fes Etats , & détrui- •firent toutes fes reflburces. J710. Chaque campagne afFoibliffoît- Louis XIV. dont les reflources épuifées ne lui laifferent plus entrevoir que Ie$ plus ter^- ribles malheurs; pour les prévenir, il en- voya à la Haye ion Miniftrc Torci avec
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d'Espagne. api
ordre d'obtenir la paix à quelque prix ue ce fut. On ouvrit à Gertruydenberg es conférences qui n'aboutirent à rien par les artifices du Prince Eugène , de Marlboroug & d'Heinfius. On propofa des conditions plus dures que l'année précédente ; Louis XIV, fe loumettoit à toutes , excepté à celle de déthrôner fon petit- fils dans le court efpace de deux ■mois. Cette paix , au refte n'étoit qu'un pîége pour achever d'accabler les Fran- çois ; (^) les Triumvirs , auteurs de ces loix barbares & dénaturées, qui ne comp- toient pour rien le fang & le malheur des hommes , pourvu qu'ils confervaffent la puiffance & le crédit , vouloient préci- piter du thrône l'ayeul & le petit-fils , démembrer & partager leur Empire : toute la France applaudit àLouis iCIV, qui lui fit part des juftes motifis qui l'em- pi3choient d'accepter une paix illufoire plus funefle que la guerre même.
Cependant il ne défefpéroit pas de détacher la Hollande du parti des Alliés »
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(a) Eugène, Marlborough & Heinfius,maitref en quelque forte de rEmpire,derAnglcrcrre& de Ja Hollande , formoient une efpece de Trium- virat.
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^5^2 Histoire
en lui offrant tous les Pays-Bas & le com- merce exclufif de ^Amérique ; mais le Duc de Médina- Cœli revêtu du pouvoir de premier Miniftre depuis que TAm- bafTadeur Amelot avoit été rappelle en France , trahit les deux Rois ; il apprit à la Cour d'Angleterre le fecret de la ^négociation , & la Reine Anne la fit échouer : Philippe ne tarda pas à être inf- truit de la perfidie de fon Miniftre qui fut arrêté , conduit à la tour de Ségovie» jugé &c condamné à mort; mais le Roi n'écoutant que fa clémence , ne permit pas qu'on exécutât l'arrêt ; le Duc mou- rut l'année fuivante à Fontarabie où il avoit été transféré : l'Empereur , fur la nouvelle du procès & de la Sentence qui condamnoit le Duc à perdre la tête , me- naça d'ufer de reprélailles à l'égard du Duc d'Efcalonne , comme s'il y avoit quelque rapport entre un Seigneur pris les armes à la main pour fon Roi & fa Patrie , & un premier Miniftre convain-^ eu de la plus lâche trahifon.
Philippe abandonné par Louis XlVt n'eut recours qu'à fes propres reflburces pour fe conferver le thrône j d'abord il rappella de Flandres & d'Alface quel-
d' E s P A e N E, 25>3
ques Régimens Efpagnols qui y fer- voient depuis le commencement de la guerre ^ afin de remplacer les François qui tous fortirent d'Efpagne. Il envoya enfuite des Commilfaires dans toutes les Provinces dépendantes de rancien Royaume de Caftille , chargés de prodi- guer les privilèges, les grâces & les hon- neurs pour ceux qui s'enrôleroient , ou qui contribueroient volontairement aux mis de la guerre. On ne fçauroit expri- mer combien cet expédient puiflant fur une Nation fenfible à la gloire & aux dif- tindtions , fut utile à Philippe qui par-là trouva les movens d'avoir deux armées coniidérables fur pied , Tune en Catalo- gne, & l'autre en Eftramadoure , fans compter deux Corps en Gailice 8c en Andaloufie; Tefpérance de vaincre re- naiilbit de toutes parts : le Royaume de Naples , le Milanez , la Sardaigne déjà fatigués du defpotifme & de l'avarice des Allemands foupiroient après la domina* tion Efpagnole , & ne demandoient que la préfence d'une efcadre de cette Na- tion , ou d'un Corps d'armée pour faire main-baffe fur les Allemands ; mais faute d'argent & de marine 9 on ne pouvoit
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^5)4 Histoire
qu'entretenir ces Peuples dans leur bon- ne'volonté j on fe prêta cependant aux defîrs des Sardes ; mais la trahifon d\i Duc d'Ucéda fit manquer cette expédi- tiop , dont le fuccès étoit infaillible : cet- te année devoit être fignalée par de plus grands malheurs; le Koi , après avoir laiflé la Reine à Madrid en qualité de Ré- gente , s'étoit rendu à l'armée de Cata- Ic^e , mais battu à Almenara le vingt- fept Juillet, à Penalva le quinze Août», pourfuivi jufqu'à SarragoiTe par Starcm- berg , n'ayant aucune confiance dans les talens des Généraux qui fervoient (bus lui 9 il rappella d'Eftramadoure le Mar- quis de Bay , qui déjà avoir pris Miranda de Duero , & lui confia le commande- ment de l'armée. La manœuvre du nou- veau Général qui refufa la bataille ^.quand il pouvoit efpérer de vaincre j & qui l'ac- cepta le vingt Août fous les murs de Sar- ragoiTe y quand il n'y avoit aucun moyen de la gagner , fit les plus funeflie&impref- fions fur les Efpagnols ; les Officiers cru < rent appercevoir qu'on facrifioit l'armée de concen avec la France > pour fournir à Philippe un prétexte honnête d'aban- donner r£fpagne i les Soldats frappés da
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même foupçon injufte & injurieux à la grandeur a'ame cfcs deux Rois , ne ren- dirent pas le moindre combat , l'armée fe diflîpa , & la déroute fut complette , quoi- qu'on n'eût pas perdu trois mille gom- mes dans l'aâion ; l'Archiduc vainqueur entra triomphant à Sarragofle , & mar-* cha à Madrid , fans écouter Staremberg qui l'exhortoit à conquérir la Navarre , , & à prendre des quartiers fur les fron- tières de Caflille , afin de couper tout efpoir de fecours à fon rivai ; mais le Deftin des Empires ne permit pas que ce- lui d'Ëfpagne fuccombât : aux nouvelles de l'approche de l'Archiduc, les tribu- naux turent transférés à Valladolid ; la Roi 9 la Reine fuivis de trente mille Ci- toyens s'enfuirent une féconde fois de la Capitale; de -là, la Reine fut avec le Prince des Afturies chercher un afyle jut ques dans le fond, de la Navarre , pouff être à portée de fauver fon fils en Fran- ce ; pendant ce tems-là le Marquis de Bay raflembloir à Soria dans la vieîllb Caftille , les débris de l'armée ; le 0uc de Noailles attaquoit la Catalogne avea une armée de quatorze mille hoi & Philippe qui attribuoit toutes f<
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grâces à l'incapacité de fes Généraux , dont aucun n'étoit en état de faire tête à Staremberg , demanda à Louis XIV. pour tout fecours le Duc de Vendôme avec qui' il avoit vaincu à Luzara : fa de- mande appuyée par trente Grands, qui écrivirent au Roi de France qu'ils pérî- roient jufqu'au dernier , plutôt que d'a- bandonner fon petit-fils , toucha Louis XIV. qui ordonna à Vendôme de partir. Les François & toute l'Europe ne pou- voient croire qu'un feul homme rétabli- roit un thrône auili ébranlé que celui d'Efpagne.
Cependant l'Archiduc , fuivi de tren- te mille hommes , étoit entré dans la Capitale d'Efpagne où il fe fit procla- mer j mais il n'apperçut chez tous les Ci- toyens de Madrid que la même haine dont ils avoient donné tant de preuves à fes Généraux quatre ans auparavant : Fhorreur pubUque excitée par les profa* nations » les facriiéges & le brigan- dage des Anglois & des HoUandois fe joignant à la tendrefle particulière qu'on portoit au Roi , fit fentir à l'Ar- chiduc que les viâoires & la force ne pouvoient rien fur une Nation pleine
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degénéroiité , de conilance & de fidé- lité. La folitude de la Ville , la triftefle , & l'audace de la plupart des Citoyens qui fe reriroienc d^ms leurs maifons; quand ils l'appercevoicnt dans les rues ,■ ou qui ofoient faire retentir à fes oreilles les cris de vive le Roi Philippe , étonnè- rent ce Prince qui dès-lors défefpéra de régner jamais fur lesCaftiUans ; il appre- noit que chaque jour on lui tuoic des Soldais en trahifon , que les Chirurgiens de Madrid empoifonnoient les playes de ceux que leurs bleffures forçoient de dé- pofer dans les hôpitaux. La dilette , les maladies , la débauche , les Partis Caftil- lans dtiruifoient fenfiblement fon ar- mée : l'Archiduc lui-même manqua d'ê- tre enlevé dans les Bois du Pardo , en pre- nant le plaifir de la chaffe. L'armée Por- tugaife qui devoit le joindre à Madrid * fut arrêtée par le Marquis de Bay , maî- tre des paiTages ; le Duc de NoaiUes af- fiégeoit Gironne , & Philippe fe trouvoit déjà à la tcte d'une armée de trente mille hommes que le Comte d'Aguiiar te Dom _galtharar Pai'.niio , Marquis de Caftcl- " stalens,
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iurla Patrie,,
Nv
Histoire
avoient aflemblés en jo jours dans la Cal- tille ravagée. Le Duc de Vendôme fe por- ta avec cette armée au Pont d'Almaras. Toutes ces nouvelles reçues en même- tems à Madrid , jetterent TArchiduc dans b plus étrange perplexité. Il affem- bla un grand Confeil dont le réfultat fut de fortir de Madrid ; les Catalans , les Portugais , les Allemands demandoient à- grands cris qu'on livrât cette Capitale au pillage & à l'incendie pour punir fes Citoyens de leur zélé pour PniHppe > Sthanhope , le généreux othanbope s op-
£ofa feul à cette indigne violence ; Eh ! îen , s'écria TArchiduc dont la colère & la honte avoient fans doute altéré la clé- mence naturelle, eh ! bien , puifque nous nt -pouvons la piller y abandonnons ^la^ £it même-tems il s'enfuit à Barcelonne avec deux mille chevaux , laiiTant la conduire d'une armée diminuée & découragée ii des Généraux divifés & jaloux les uns des autres. Tout le fruit qu'il retira «fe cette expédition fi malheureufe , fat d'ê- tre reconnu par le Comte de Pafana 9 le Bue d Hijar , le Marquis de la Laguna ,. & quelques autres Gentilshommes' ^ue ce Pflnce > exmenûde laperfidie , appeîMI
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loit lui-même des MijerabUs , ÎSthanhc- pe des traîtres , & Staremberg, des nou* veaux Chrétiens. Mais fi quelq[Ues Sei- gneurs flétrirent leur vertu & leur naiC- iànce > en manquant de foi au Roi & à la Patrie , tous les autres fignalerent leur confiance & leur fermeté ; on admira fur-toùt les Marquis de Mancera & del Frefno qui, à l'âge de plus de cent ans ne pouvant fuivre Philippe , étoient ref- tés dans la Capitale ; ils refuferent de rendre un hommage paffager à l'Archi- duc : Non , s'écria Mancera que TAr*- chiduc faifoit prefler vivement de lui donner cette fatisfaftion : Non , je ne ter^ nirai pas ma gloire à (âge ou je fais par^' venu; je remporterai entière au tombeau^
Cependant Parmée ennemie partoit de Madrid , chargée d'infultes & d'im^ précations ; elle évacua en même-tems Tolède dont elle réduifit en cendres TAlcazar , ouvrage fuperbe de Charles- Quint. Philippe rentr?4 dans Madrid le trois Décembre, ai\ milieu des tranf- ports de joye qui i;enoient de la démen- ce ; mais il s'arracha bientôt aux fêtes auc fon retour t voit préparées pour pour- wivfc les eaar.nois ; il arriva a Tarmée le
N v]
îjoo Histoire
jour même que le Général Sthanhope fut enlevé dans Brihuega avec cinq mille An- glois qui faifoient rarriere-garde de l'ar- mée ennemie ; Staremberg accourut au fecours de Sthanhope, fut vaincu le len- demain dans les plaines de Villa- Viciofa oh le Roi fit des prodiges de valeur : Thabileté avec laquelle Staremberg dif- puta la viéloire ; fa retraite admirable lui acquirent autant de gloire qu'à Vendôme: mais fon armée étoit détruite , à peine fauva-t-il fix mille hommes; le butin im- menfe , fruit du pillage des Eglifes , les bagages , l'artillerie tombèrent entre les mains du Roi qui entra en triomphe dans Sarragofle avec Vendôme que les Peu- ples faluoient par-tout du nom de libé- rateur de la Patrie.
La France ne devoir recouvrer la vic- toire qu'au moment de fa ruine ; elle per- dit dans les Pays-Bas Douai , Bethune , S. Venant & Aire ; la conquête de ces Places coûta des armées & des tréfors aux Alliés ; mais les perfonnages qui compofoient le Triumvirat dont nous avons parlé, ne comptoient pour rien le fang des hommes, les malheursdela Rér ;i 71 1 • publique Chrétienne , pourvu qu'ils p^^
d' E s ]? A <î N E. "fîOÏ
longeaflent une guerre qui les enrichiflbitf les combloit de gloire , & leur donnoic le principal crédit dans leur Patrie.
La Reine d'Angleterre ouvrit enfin les yeux fur la conduite & les vues de Marl- borough ; peut-être les auroit-elle fermés plus long-tems fans une intrigue de Cour ménagée par les Toris , l'un des deux Partis qui divifent la Grande-Bretagne ; les Toris ne voyoient pas fans douleur les Vighs dont Marlborough étoit le chef> dominer depuis long-tems à la Cour, envahir tous les emplois, & fur- tout écarter du thrône le Prétendant frè- re de la Reine ; une nouvelle favorite qu'on donna à Anne , la dégoûta de Mi- ladi Marlboroug , qui jufqu'alors avoit eu la confiance intime de la Reine , au point que cette Prîncefle lui paroiflbit entièrement foumife : la fierté & la ven- geance de la Ducheffe de Marlborough achevèrent d'aigrir & de révolter Anne qui lui donna ordre de fe retirer ; les To- ris profitèrent de la diffi^race de la favo- rite pour faire comprendre à la Reine que le feul moyen de rétablir fon frcrc , ét</it de conclure avec les deux Rois une yAx nourroitlui être que gloricur;. La A qui la nature & le fang {/arloiciit
i-tti»
302 Histoire
pour fan malheureux frère , & pour fa fa- ' mille , goûta ces raifons, renvoya les Créatures de Marlboroiigh , fans ofer encore le priver lui-même du comman- dement des armées , & prépara la paix en fecret. Elle fut encore confirmée dans fa fage réfolution par la mort précipitée de l'Empereur Jofeph qui mourut le dix- fept Avril , ne laifTant que deux filles; par cette mort , l'Archiduc paryint à l'Empire auquel il fut élu le douze Oélo- bre, aux thrones de Bohême , d'Horigrie,_ aux Provinces héréditaires & au Mila- nez. Si aux Pays Bas , au Royaume de Naples , à la Sardaigne qu'il poffédoit déjà , il eût joint l'Efpagne , P Améri- que & la Sicile , que devenoit cette ba- lance en faveur de qui l'Angleterre ve- Boit de prodiguer plus d'un milliard? L'exemple de CharlesrQuint qui , avec une puîflance moins vafte , avoit fait trembler plus d'une fois l'Europe pour fa liberté , étoit trop récent pour ne pas frapper ta Reine & les Anglois que leur Iiaine contre la France , ou d'autres paf- fions n'aveugloient point. Anne , effrayée du danger auquel Timprudence , Pim- pétuofité & Penthoufialme de fa Nationt pour la Maifbn d'Autriche avoîent coor
d'E s PA GN E.
30?
, riuit la République Chrétienne , fe hâia ^ç ligner avec Louis XIV. les prélimi- Bnires de la paix qui alTuroient Tuffagnâ' 6c l'Amérique à Philippe V.
Ce Prince perdit le Dauphin (on pcre, qu'une mort préci]: it(!e enleva aux vœux des François ; les regrets de Philippe fu- rent d'autant pluj amers que le Dauphin avoit toujours eu pour lui la tendreue la. plus grande. Cependant la guerre contî- loitavec fuccès ; le Duc de Noailles- mquit dûs le mois de Janvier Gironne^ lalgré les obftades les plus étonnansr tte conquête à jamais mémorable le luvrit de gloire , & lui valut la Gran- kSs ; en Elîramadoure , le Marquis de Bay ne put empêcher que les Por- tugais ne fe rendinent maîtres de Mi- randa de Duero ; il vengea cette per- te en bombardant Elvas ; mais le» François, fous les ordres du brave du Gué Trouin , vengèrent mieux l'Efpa- gae en prenant Rio- Janeiro au Bréfil o{l' Us cauferent une perte de vingt -cÎD<)i millions à la Ccloni; ?aTiugaife.
LeDuci' fefiiGtd. i cjcs par !■.■
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^04 Histoire
?'
10
donne. Staremberg échoua devant Ter* tofe. Tous ces avantages affermirent moins la Couronne fur la tête de Philippe que la retraite de TArchiduc , fon rival , oui alla recueillir Timmenfe fucceflion de ton frère , le départ de ce Prince ne ra- lentit point la fombre & aveugle fureur des Catalans contre Philippe. L'Archi- duc leur avoit laiiTé pour otages fon époufe & fon Général Staremberg ; il fut reconnu dans fon paffage en qualité de Roi d'Efpagne par tous les Potentats de l'Italie.
Marlborough conquit Bouchain en Flandres, ce fut la dernière conquête de ce Général dont les exploits furent fi far tais à la Maifon de Bourbon. ^Ji2. Cette Maifon fi infortunée depuis dix ans y touchoit enfin à la paix ; en vain l'Empereur , à la nouvelle d'un congrès indiqué à Utrecht , fit-il éclater fon in- dignation ; en vain en voya-t- il le Prince Eugène en Angleterre pour ranimer la haine nationale contre laFratice;la mort du Dauphin & de fon fils aîné , le Duc de Bretagne qui ne laiflbit plus entre le thrône de France , & le Koi Philippe qu'un enfant de deux ans ,foible & mou- rant^ auroit pu faire plus d'imprellion
Mil
d'EspacxNE. 505
fur la Reine Anne , que les intrigues & l'éloquence du Prince Eugène : mais An- ne ne refpiroit que la paix ; elle ordonna au Duc d'Ormond qui avoit remplacé Marlborough dans le commandement de fes troupes en Flandres , de fe féparer de l'armée des Alliés: Ormond fe retira en efFet après la prife du Quefnoi, &c fit pu- blier une fulpenfion d'armes de deux mois avec les François.
Cependant la retraite des Anglois ne fauvoit pas la France ; les François dé- couragés , fans argent , fans troupes , fans reflburces quelconques ne préfageoient que de nouveaux malheurs & la chute de leur Empire. Le Prince Eugène , fuivi de cent mille hommes de vieilles & excel- lentes troupes , fier de dix ans de viéloi- res , ébloui de l'efpérance de ne partager avec perfonne la conquête du plus an- cien & du plus puiffant Royaume de l'Europe , marcha devant Landrecies , dont la prife lui ouvroit le chemin de Pa- ris ; Louis XIV, âgé de foîxante- qua- torze ans , n'avoit a autre reflburce que celle de raifembler fa Nobleile , & d'aller à fa tcte chercher la mort oii la vîftoire : mais la Providence veilloit à fa conferva-
'%u
^06 Histoire
tion & à celle de fes Sujets, C'étoit de- vant Landrecies que dévoient aboutir les fuccès de fes ennemis ; pendant qu'Eu- gène preflbit vivement cette Place , le Maréchal de Villars qu'on lui avoit op- pofé avec une armée infiniment infé- rieure , profita de l'imprudente fécu- rité des ennemis qui avoient poflé un
fros Corps de troupes dans le camp de )enain trop éloigné de la grande armée : il l'attaqua brufquement le vingt-quatre Juillet , & le détruifit ; de-là il emporta le pofte de Marchiennes où étoient ren- fermés les magafins des Alliés ; Eugène leva le fiége , & ne put empêcher que S. Amand , Douai , le Quefnoi & Boa* chain ne tombaifent entre les mains de Villars qui fit trente mille prifonniers dans toutes ces conquêtes : jamais Géné- rât ne vainquit avec plus d'éclat , plus de rapidité & plus de fruit pour la Pa- trie : la voîx publique , h reconnoiffance & la Poftérité lui alignèrent fa place i côté des Camilles^ des Dunois 6c des Vendomes.
Ce libéï^teur de l'Efpagne n^étoit plus , il avoit terminé fa carrière à Vina- ros3 Philippe V. lui donna ^ en pleurant^
p' E S P A G N E. 307
la fépulture à PEfcurial au milieu des Rois fes prédécefleurs ; mais il n*avoit pas attendu la mort de ce grand homme pour faire éclater à fon égard Jes fenti- mens de fa reconnoilTance & de fon ami- tié ; Vendôme fut pendant fa vie décoré du titre & des honneurs de premier Prin- ce du Sang d'Efpagne,
La guerre devenue moins vive en Es- pagne i fut mêlée de bons & de mauvais fuccès ; le Marquis de Bay leva le fiégé de Campo-Mayor j les Impériaux s'em- parèrent de prefque toutes^ les Places des côtes de Tofcane ; mais le Comte de Brancas (ignala contr'eux fa confiance & fa valeur dans Gironne qu'ils bloquèrent pendant huit mois ; ils ne furent pas plus heureux dans leurs entreprifes fur Vénafque, Cervéra & Rofes.
La Reine Anne devenue l'arbitre de l'Europe , donna pour alternative à Phi- lippe de garder rEfpagne de l'Améri- que , en renonçant au thrône de fes Pè- res , ou de les échanger contre les Etats du Duc de Savoye , en confervant fes droits fur la France. L'honneur , la re- connoiffance guidèrent le Roi dans fon eboix^ & l'événement Ta juûifié j il pré-
308 Histoire
féra à refpérance incertaine de régner dans fa Patrie la pofTeflion paifible de l'Efpagne & de rÂmérique. Sa renon- ciation fut reçue aux l^ts Cônes , & celle des Ducs de Berrî 8c d'Orléans au tbrô- ne d'Efpagne, enregiftrée en même tems au Parlement de Paris. 7^3* Le Duc d'Oflbnne, le Comte de Ber- geik & le Marquis de Monteléon , Plé- nipotentiaires du Roi 3 ne furent admis au congrès d'Utrecht que lorfque Philippe eut été reconnu par les Alliés en qualité de Roi d'Efpagne. Louis XlV.fijgna aux conditions que tout le monde fçait , la
faix avec l'Angleterre , la Savoye , le ortugal & la Hollande ; l'Efpagne figna la fienne avec l'Angleterre le treize Juil- let : les principaux articles de ce traité qui en contient vingt-fix , font favorables aux Anglois à qui , outre la cefGon de Gibraltar &c de Minorque , on permet- toit la traite des Nègres dans les Colo- nies Efpagnoles ; l'Efpagne leur cédoit le commerce exclufif de l'Amérique 1 commerce qui , entre les mains des Fraor * çois depuis mil fept cent , leur avoit ^mIM des fommes prodigieufes ; fans cette ref-"^ fource j Louis XIV. n'eût pu continuel.
d'Espagnec ^op
fi long-tems une guerre fi funefte ; enfin , Philippe reconnoiflbit la fucceffion éta- blie en faveur de la Maifon de Brunf- wick-Hanovre par Vzâe du Parlement d'Angleterre de 1701.
Le même jour , les Miniftres d'ETpa- gne fignerent avec ceux de Savoye un traité par lequel Philippe V. cédoit l'Ifle de Sicile au Duc de Savoye : ce facrifîce fut plus fenfible à la Nation que les avan^ tagçs accordés aux Anglois. On n'avoit
fas oublié que le Duc de Savoye étoît auteur des malheurs , fous le poids des- quels l'une & l'autre Couronne avoient couru rifque de fuccomber; mais la Rei- ne Anne avoir exigé un Royaume pour ce Prince , & la Reine Anne diéta des loix à toutes les Puiffances dans ce fa- meuxtraitéi Philippe,avant que d'évacuer la Sicile , impofa au Duc de Savoye des conditions qui le réduifoient prefqu'à l'état de Vaffal ; il l'obligea de conferver tous les privilèges de l'Ifle ; de fouffirir à Palerme un tribunal indépendant au fu- jet des biens confifqués , dont Philippe fe réfervoit la difpofition ; d'être éter- nellement l'Allié de l'EfpagnCjfans quoi ja ceffion épit QuUe j & la Sicile dévo-
310 Histoire
lue de plein droit à la Couronne ; elle de voit aufli retourner à TEfpagne à Fex- tinâion des hoirs mâles du Duc. Il n'y eut point de refforts que ne firent arir les Siciliens pour ne pas changer de do- mination ; mais les convenances de l'Eu- rope , & la volonté des Anglois l'empor- tèrent fur leurs vœux. On Içait par com- bien d'inquiétudes & de chagrins Vidor- Amedée acheta unthrône oul'Efpagne, l'Empereur , le Pape & les Siciliens ne le virent affis qu'avec beaucoup de chagrin & d'impatience, Philippe confentoit de plus que le Duc de Savoy e & la poflérité fuflent appelles à la Monarchie d'Efpa- gne , au défaut de la fienne.
Le traité de l'Efpagne avec la Hol- lande ne fut figné que le vingt-fix Juin mil fept cent quatorze. Ce traité n'avoit été différé que par la vafte ambition de la Princefle des Urfins qui, afpirant à ctre Souveraine , avoit obtenu du Roi , qu'il ne conclueroit point avec la Hol- lande que cette République n'eût remis à la Princefle un domaine confîdérable . dans les Pays-Bas dont çlle jouiroît ertM toute fouveraineté. On fc moqua à Paris , à Londres > à Vienne & à la Haye des
d' Espagne, 311
prétentions fuperbes de la favorite ; les HoUandois répondirent qu'étant fimples dépofitaires des Places qui forment leurs barrières , ils ne pouvoient difpofer d'un bien que le confenteînent de l'Europe avoit tranfporté à l'Empereur : Philippe, las de lutter contre les obftacles , aban- donna les intérêts de la Princeffe , & la paix fut fîgnée fur le pied de celle de Munfter, Celle avec le Portugal fut en- core plus différée , puifqu'on ne la figna Îue le fix Février mil fept cent quinze, ie Roi Jean , au premier bruit des pré- liminaires de l'Angleterre avec la Mai- fon de Bou Aon , s'étoit hâté d'entamer une négociation avec PEfpagne , au ref- fentiment de oui il craignoit d'être aban- donné ; mais lur l'aiTurance que la Reine Anne lui donna dç le faire comprendre dans le traité général , il renonça à un traité particulier : on fe reftitua de part Se d'autre ce qu'on s'étoît enlevé , & le Portugal céda la Colonie du S. Sacrer ment , moyennant un équivalent.
Il n'y eut qu'avec l'Empereur qu^on ne put accorder avec Philippe ; celui-ci réclamoit toute l'Italie , & Charles l'El- p;a|;ne & les Indes s m^is au nioyen du
512 Hl S T O I R E
traité d évacuation de la Catalogne 9 & de la neutralité de l'Italie , figné^ le qua- torze Mars à Utrecht , toute TEurope crut avoir lié les mains à l'un & à l'autre rival. Ces deux Princes ne laifferent pas que de s'inquiéter l'un & l'autre , & enfin de fe faire la guerre jufqu'en mil fept cent vingt-cinq , que le HoUandois Ri- perda vint à bout de les réunir par un traité à la conclufion duquel la politique des plus habiles Miniftres étoit venue fc brifer : c'eft ainfî qu'après un violent ora- ge , la foudre gronde encore de tems en tcms dans les airs.
Mais Philippe , en renonçant à Teipé- rance de parvenir à la Couronne de fes Pères & à cinq ou fîx Provinces, Tavant- mur de fa Monarchie , eut la confolation de voir le thrône affermi pour jamais dans fa poflérité mafculine par la loi la plus fage que les las Cor tes ayent jamais promulguée : cette loi folemnelle & fondamentale régie que les Princes def- cendans de Philippe en quelque degré qu'ils foient , parviendront à la Couron- ne avant les Princeffes , fuflent-elles fil- les du Roi régnant. Toute l'Efpagne ap-"* plaudit à une loi qui la délivre de h
craint»
/
D'Es P A GN E.
513
S'être foumife à un Prince étrai»- J, lant qu'elle aura des defcendans bilippe : fi les anciens Rois d'Efpa- euflent eu les yeux auflî ouverts que ippe fur les véritables intértts de pofttrité, f /i) toutes les Provinces ^tiennes d'Efpagne n'auroient guè- ;u d'autres Rois que leurs Citoyens. Cependant il n'y avoit qu'une par- le l'Europe qui eût mis bas les a/- par le traitfS d'Utrecht ; Loub '. & TEmpereur n'avoienr pu s'ac- .er j ce dernier Prince (évacua la tlogoe î l'Impératrice & Starcm- [, en s'cmbarquant pour l'Italie,
Ient Iblemnellement aux Catabns ppereur ne les abandonneroic ja- B qu'il ne figneroit jamais de pair nippe ne leur h'itCk la liberté, •l'autre les exhorta k fe défendre courage, & les flatta de refp(:ran- les plus puillans fecours ; pour leur
3'4-
Histoire
faire voir que ces promefîes n'étoîeïif ' point illufoires , on leur laîlTa une infi- nité de Soldats Se d'Officiers , des Ingd- nieurs & des munitions prodigteufes ; Barcelonne éblouie par refpérancc de 11 liberté , fe livra aux trani'ports les plus fanatiques : elle eut l'audace de dccla- - rer la guerre aux deux Rois, d'envoyer des Emiflaires à Marfeîlles pour foUiciter cette Ville fidelle à fuivre fon pcrnidcor exemple ; elle dépécha jufqu'à Confiante' nople des députés foiliciter la protedion du Grand Seigneur à qui cette prétendas République offroit un tribut confidén- ble; les Généraux de Philippe qui s'avau* çoient pour recevoir Barcelone , furent (étonne's d'encrer dans une terre ennenùe & femée de pièges ; le plat Pays de 11 Catalogne , Cardone , les Iflcs de Wi* jorque 8c d'Ivîca fuiyirent l'exemple de la Capitale. Il fallut recommencer la guerre , livrer de furieux combats , &
farter le fer èc le feu dans cette rîclie rovince pour la Ibumettre : le Marquis de Thodi & le Comte de Montcmar ft (Ignalercnr par d'éclatans exploits dans cette trille èc fanglante cxpL-dîtion i cd-
d' E s P A G N E .
i^s
le Duc de Popoli , après des obfla- étonnans , vint à bout de bloquer : Ville fi obtlinée.
es perces que Barcelone fit cette pagne f & celles de l'Empereur en ce contre les François , ne faifoienc ugmenter l'inflexibilité naturelle des alatrt J ils apprirent , lâns être ef- ■ es, que le Maréchal deViUars, par vii51oire& rapides &c des conquêtes jrtantes avoir enfin forcé l'Empe- à accepter la paix. Us étoîent confir- dans leur révolte par les fréquens fe- rs qu'Us cecevoienc des Ports de l'Ita- par un nouveau foulevemeni des Pay- di! la Province , par l'inquiétude de! agonois & des Valenciens qui cher- ient à fecouer te joue légitime ; enfin , :cMnptoieBi fis ou huit mille hommes Toupes réglées , douze mille Mique- & quarante mille Citoyens armes &
ppe dont les forces montoicnt i
Ue hommes, à trente viiifleaiix de
Câtini ; le eùoix de Louis XIV . t
«ir 1= Si^r^cisl M B.,-'ici ; le
gl,-
terr
temiaDi tes i^uafanc-' .
duifii: !.;l-tnîiiTie i;- .
fcsr
iirfûhes: cer-2\ i!le - lous les rebelles Se ■ s'y étoieni jettes ; d. d^Erpagne, Us Prétr. prirent les «nses , : Compagnies, 2c 6rer.i: ^. de tous 1» Citoycrts leur paons combatiirem^^
Jom U coni
d' E s F A G N E.
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Radiers ; cette nouvelle Milice s'ar- fra toute l'amoritt dans la Ville , elle ma un Conleil fous le nom deCon- :nce , uniquement compoft de Supé- irs des Communautfïs, de Chanoines ic Curt-s. Ce Confdl qu'on peut ap- IcrdcTang, jugeoit fans appel & mi- iremear tous les Citoyens t.|ui, arreo- ( fur le fort de leurs femmes , de leurs ins& de leur Patrie, partoteni de ca- ilacion , & les envoyolc fur le champ mort ; une Compagnie de Matamors , d'aflafilns , dignes Miniftrcs du bri- dage Se du fanatifrae , exécatoit furie mp les arrêts des Tyrans {d). Cependant Barwick , après ioixante- ours de tranchée ouverte , & au prix fang de vingt mille hommes , ("toit i-enu â faire une brèche confidérablc; /^in fomma-t-il alors la Ville : la fu- ' & le défeTpcir des Moines firent re- r ces offres; il commanda l alTiiut ura quarante-huit heures , & coûta |£x mille hommes ; mais il empor- tai 1 du nm% Ae Tinif , P.-irïe, 4a 'lA^Vent pai plui d'iiorrcurque fcncfle Wge.
O iij
I
Histoire ta la Jiatle- Ville i les Catalans arl reni alors le drapeau blanc , ôc de ciercnt fiiîretiieni la confervation de. priviWges; pour toute réponfe, Bac indigné , donna ordre qu'on mît le la Ville , on ne l'éteignit que lorfqi rebelles eurent promis de livrer le Monrjoui, le Château de Cardoiwi autres portes qu'Us occupoient ; le queur leur promit la vie Se les bien Bsrwick entra en con{ju{:ranc Barcelone , ion premier foin fut de arrêter foîxante des principaux cbi la r(^bcllion , parmi IcCqucU on i toit desMoini:s, dt faire brûler i main du Bourreau les drapeaux , H bes des Magiftrats de \» dcputaiioi les autres (ignés du crime & de laf lion ; la Ville & la Province furen v^es i jamais de leurs privilèges funi traitées en Pays de conquC-tc , & H fès aux loix de la Callillc ; les Rois : qui jufqu'alors elle avoit été inuû même dangereufe , ont tiré de cetti vince des fecoiirs proportionna forces 8c à fcs richefl'es : jufte & 15, fruit de tant de tréfors & de fanj gués pour ta r^diju^e.
o'E
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Jip
BariiFick , dont le nom fera éternelle- mem cher à l'Eipagne & à la France , ' ,t reçu à Madrid , comme les Confuh Té- toiencàHrome, après avoir terminé par U vjâoirc les guerres les plus difficiles ; Iç Roi Se la Nation fïgnalerent envers lui ,eur rcconnoiffance ; la Reine ne lut pas i^nioin de la réduction de la Cataio- elle étoit morte le quatorze Fiî- vrier à l'âge de vingt-cinq ans, & à la ircille de jouir paifiblement d'un thrône lir lequel elle n'avoît connu que les al- larmes, l'inquiétude , la fatigue & les difgraces; fon courage Se ion beurcufe fécondité ce contribuèrent pas peu à foutenir U fermeté d'un époux dont eU. le avoir partagé les malheurs en Hé- joïne, en y remédiant en Reine : elle compta au nombre de fes plus grande» infortunes, ct-ilede voir.par un exemple inouï , fon pcre uni avec fes ennemis pour ïui arracher la Couronne ; les Caftillans donnèrent des larmes i, fa mort , mais Phi- lippe en fut accablé au point que ne pou- vant plus fouffVir la vue du palais qui DC lui ofÎToir pliis la Reine , il fc retira [vec fes cnrans& la PrincL-ITe des Urlîni I THÔiel du Duc de MédinaCœli ovi U Oiv
320
Histoire
v^cut prefqu'en particulier , le déchar- geant des foitis du Gouvernement fur le Cardinal del Giudice : comme l'Hôtel de Médina -Cœli ne pouvoit contenir toute la Cour , il fut obligé d'y joindre le Couvent des Capucins , & d'afiîgner à CCS Religieux une autre habitation; ta piiîté des Efpagnols Tut effarouchëc de cette émigr^ition : ce n'étoii qu'un cri h Madrid contre la Princefl'e des Urlinï accufée d'entretenir le Roi dans fa dou- leur & dans la retraite; elle feule l'ap- frochoit, mangeoitavec lui; bientôt on accufa de porter fes vues jufques fur le thrône d'Efpagne ; elle avoit le crédit) la puiiTance &: le fafte de la Reine , il ne lui en manquoit que le nom. De beaux refies , un efprlt fin & délicat , des ma- nières inftnuantes , un manège adroit , un parti puiiTant , l'habitude , des raifons de
folitique & de religion fennJesavec art , intérêt des Princes , enfans duRci, qui dévoient trouver en elle une autre merc> l'exemple de Madame de Maintenon ne pouvoienr-ils pas porter Philippe jeuoe , ardent , robuue & fcrupuleux a ^Oufer une femme dont lafocieté faifoit toute (à confolatioD ? Quoi qu'il en fo'
ment confondit les efptrances de la Pnn- ' rcflc i clic devoir bientôt , par une dif- ^rjcc cclatanie > éprouver combien peu OQ doit compter fur U &vcur Si la tor-
d' E s P A G K E.
3=1 .
Cependant M. Orri rappelle ih l'an- pée dernière en Efpagnc par fâ protec- irice , rétablit pour h féconde fois l'or- dre dans les finances , il pouffa les reve- us du Roi iuf^u'à cent millions , & Ic lit en état a cmrercnir cent mille hom- mes de troupes rigides , & une armée navale, fans (]iic le PeupL- fût foulé par ie nouveaux tribLUs. Cette révolution fi ■vantageufe 3U Prince & k l'Etat , fut due au courage avec lequel il acheva de nïunir au dotnnine tcut ce qui en avoit été ofurpé. 11 fit dts réformes utiles , & Tcndhl'iifpagnt r;(peflable: lesDéten- lenra du domaine Royal , les Officiers fdoniil avoit écbiré les concuffions , les 'FînftDCiers dont il réprima le brigandage £c l'avidité , tous ces êtres enfin inutiles è ta RépubI q^ie qui , (ans les avoir mé- méi , ne fublillent que des bienfaits du Prince , fc réunirent contre lui ; mais ieur claiseuT n'eût été qu'un vaîn fort iqui fc fcroU perdu dans les airs , û Oni Ov
332
Histoire
n'eût entrepris de reformer toutes les au- tres parties de radrainiitration , te s'il ne fc fût attribué le pouvoir de premier Mi- nîftre cheï une Nation dont il ne con- noifTolt pas aficz le caradere , les loix Sc Icsufages. Il porta , au lieu de la nfforme • b confjlîon dans les Confeîls; U détrui* fit l'aflcien Tyllême du Gouvernement; bientôt lesEfpagnols ne fe reconnurenc plus dans leur propre Patrie j ce change- ment qui devoit être amené par degrés , fut précipité brufquement. Orri devint de jour en jour odieux à un Peuple à qui U voulut infpirer tout d'un coup une 4C-- nvité qui ne lui étoit pas naturelle ; le Confeif de Caftille reçut ordre de s'aC- fêmbler depuis fept heures du matin ju^ <ju'i midi , Se le foir depuis (luatre juC qu'à fcpt pour l'expédition plus rapide des affaires ; au lieu d'un Prdfident , oQ lui en donna cinq ; trois à celui des In- des , quatre à celui de l'Hazicnda , Cita comptcrun Contrôleur Général.
Orri étendit fes vues jufqucs fur l'ia>- muniié Eccléfiaftique tlont il voulu: ré- former les abus pon.'- idiciable ii l'autoriri: i JciMonaftere», le* l'.
l
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des afyles pour les voleurs , pour les aC- fafTins 6c les autres fcélérats ; la juftice gémiffoit en vain d'un établiffement qui d'abord avoit été falutaire pour des homr mes plus, malheureux que coupables » mais qui devenoît funeile à la sûreté des Citoyens par Timpunité.
Orri etoit loutenu par le Père Robi- net y Jéfuite , Confefleur de Philippe , ar Macanas,Procureur Général du Con* eil de Caftille , par la Princefle des Ur- fins , & par le Roi même dont le cœur droit & vertueux ne recherchoit que le plus grand bien ; mais le mémoire pré- ienté à ce fujet au Confeil de Caftille 9 & dont Macanas étoit l'auteur , déplut à l'Inquifition qui le condamna , & qui en- veloppa dans la même condamnation Bar- clai & le Préfident Talon , célèbres Jii- rifconfulres qui avoient écrit en France , & conformément aux principes & aux libertés de TEglife Gallicane ; le décret de rinquifitîon fut figné à Marli dans le palais même du Roi de France par le Cardinal del Giudice , Grand Inquifi- teur , & alors Ambaffadcur ex^raurdi- içaire auprès de Louis XIV. F/j Hoi fut du décret de rinquirit'î^r> : Orri
C-' vi
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Histoire
n'eut pas de peine à lui perfuader j éioit également injurieux à lut &.)' ayeul par la flétrifllire qu'il imprini fon Procureur Général Macanaz , Préfident Talon.
Philippe irrité, difgracîa le Cardinal del Gîudice , & voulue )e dépouiller de b dignité de Grand Jrnjuifiteur , mais ie Pape s"y oppofa , & llnquilitiotï que te Hoi tScha d'engager ^ t'upprimcr fon décret , répondit que le Roi cioit te maî- tre de la fupprimer, mais qu'il ne pou- voît lui ôter les vafles conceffions doni les Papes & les Rois fes prédécelTêuTS l'avoient favorifée , tant qu'elle fubfif- teroit.
On ne fçavoit quelle feroit Tiffue de cette affaire qui rempliflbit la Cour Si. h Ville de confufion , d'intrigues &c de ca- bales, lorfqu'un homme inconnu en£f- pagne ouvrit une vove qui ch^ingea h lace de la Cour & du Gouvernement , & qui en même-tems termina cciie gran- de affaire. Cet homme dont le génie . f au- dace & la fortune ont étonné l'Un' éiok l'Abbé Alberoni, Sis d'u Italien : il poiTtdoit une Cure a FlailaDce j fa Patrie t 'o>i^
d' E s P A G M F.
noitre du Uuc uc v tiidi^mc , Otiicral des François ,&d(. s Ëlp:^gnols en Italie , "Il qui il devint utile par la corroîiTancc ïxa&e des lieux où étoit le tliÉiurc de la i guerre, & cher par l'enjoueincni de fcn | araflere ; le Duc fe l'attacha , & l'cra- lena eti France & en Lrpagne où il rcHa I Çrès la mort de fon proteâeur; Albcr * fflni s'éttnt apperçu que la Princefle des 1 [Jrfinsavoit perdu lefp^rance d'^foufcr jPJùIippe , lui propofa le msrtage de ce I prince avec Elilabcth Farrcfc , Wrt-
: de Parme , de Plaifance & de la ] ï'ofcarje , qu'il lui dépeignit cotriine une ] rinC'.0e fans efprît , fans talens , fans i mbition , & fur qui elle regncroit avec [ D Fmpire abfolu ; fa prupoSiion plut à i 1 favorice, & encore plus au Poi qui I l'ayant jamais perdu l'cff trancc de réu- nira la Monarchie les Etats d'It^ilie , ju- 1 gea que cette sllience lui en l'acilitcroit \ le moyen i il demanda fur le cfaimp U | FriDcefTe; ceptndsni Madame dcj Ur- fins apprit bientôt qu'ElJfabeth ^toit un g^nie fup^iîcur , une aiTiC lîcre & ] ^dc fon ictr.t la plus % entreprenante ■, elle
eReioe o'^toit foiDcJ
femme à fe laiCcr gouverner , & elle ne perdit pas un moment pour faire éctîoucr le. mariage; m^is il n'étoit plus tcms , U avoit déjà été célébré à Parme par Pro- cureur j Si la nouvelle Reine accouroit il grandes journées en Efpagne ; clic s'a- boucha fur fa route à Bayonne avec I» TËiive de Charles II. fa tame qui lui ren- dît compte de la Gtuation de ]a Cour d'Efpagnc , & qui lui peignit le caraâere de la PrinceiTe fous d^s traiis qui la ré* volterent contre la favorite ; la Reine avoit déjà reçu des leçons de l'Abbé AI- beroni qui , décoré de la quaUté de Cotn- te par le Duc de Parme , la fuîvoic en Efpagne , & du Cardinal del Giudice qui avoit eu li; fecret d'obtenir quelques audiences d'elle ; ces trois perfonnes fi- rent entendre à Elifabeth qu'elle ne re- gneroit en Efpagne avec éclat , qu'elle n'y feroit confidérée , refpeftée & ado- fée qu'autant q'j elle chafferoîi une fiivo- rite fiere , ambitîeufe &c accoutumée à régner; cependant le Poî, fuivi de toute là Cour, s'avança jufqu'à Guadalaxara
tour recevoir la Reine; la rrinccHe de» 'rfins pouffa jufqu'à Xadraouc oà elle Joigaû EUfabttb j mais aprcs
d'Espagne. 327
rs complimens , ayant ofé blâmer la ne d'avoir marche pendant une nuit [y ver , & lui reprccbant qu'elle n'é- pas coëiFée à la mode ; Utfoft iirra^ cette fille de ma, préjence , s'écria fie- ent la Reine , & qu^on la condHifcfar le mp hofs dn Royaume (^a). A ces mots »arut d'Efpagne une favorite qui àvoit n'y ceffer de régner qu'en ceflant de •e; avec elle tombèrent fes créatures ; î fut renvoyé en France , Macanaz fuit en Béarn pour ne pas être la vic- ; du redoutable Tribunal qu'il avoit iré ; le Père d'Aubenton , Jcfuite nçois , plus agréable aux Efpagnols 9. iplaça aans 1 important emploi de ifefleur , le Père Robinet ; llnquifi- I triompha , le Cardinal delGiudice pelle avec honneur , fut fait Gouvcr- r du Prince des Afturies , & eut la icipale part au Miniftere ; mais Albe- i devenu le favori & l'oracle de la Rei- ne lui fit confier le Miniftere que ime un dépôt : il (e le réfervoit à lui- ne ; enfin , la forme du Gouverne-
) Il eft vraifcmblable que la Reine avoît fecrettement obtenu la difgrace iîc la Frin- dcs Ufiins»
322
HriTC i»E
axât le éa Coaiàs îx sajbae le mtoK pied «4 dfe ^he x^ks
Ccng févonooMî la^Bdcvooci
réobliffcaeiK de r Aod^c Ra^sÉc A Madrrd ioArii^ fin* le BÊBe ^bJ ft avec la mimes vôcs qae rAodnôr
Fnnçmfi: pcjr perfeétionef' b 1 ■"g^ de la Patrie ; le Kw voslos sarcler ia Ici tnccs de fon ayeul q^e & cmce . b prcrteâion 3Ccotd£e i 1res , aux srrt & >ux icicoces , n'occ gi& rcs moifts immortal'ifé que ies riâoCRS. La fdCe 6c l'AfiEleiËrre chacgea en- core plus (juc celle aETp^^cpârU otoa de U Rcini.- Anne ; 1« efpenncej \cpô- mes de la Maifon de Smart turent enfe* relies dans le m»3me rombe i m ■-" r <-'.-': PrincclTe, rEle^îieur de Br_ vre, GeorM, fut itonné de ■- le ihrâne des A nglois ; Ge( r nu par les trois Kovaurocs de Brciai^nc & pzr louic I
louis XIV. & Phili
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«ompa les efptJfincéÉ'ri
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d'Es P AGN E. 339
des Vighs qui Texhortoiem à rompre le traité d'Utrecht, & à recommencer U guère contre la Maifon de Bourbon.
Le Roi furprii au commencement de '7 cette annt'e toute l'Europe par un décret dont le (lyle n'eil gutres ordinaire aux Souverains ; d'abord il dtjGvouoit l'an- dcn Minidere , & prioit les ConCciU àc i repréTenter ce qu'ils jugeroient con- ipablc au bien de la Religion & de l'Er- t, ajoutant que les Minières dont U avoit été environné, pouvoicnt l'avoir trompé & engagé à des dL-marches con- traires aux avantages de la Patrie & de la Religion ; cet aveu rare & magnani- me ,uouva des cenfeurs; on accufâ le Cardinal del Giudice d'avoir abufé de U candeur & de la droiture du Roi en lui faiCant fignerun décret dans lequel il Im- moloit la dignité Royale à fon orgueil ; Alberoni rendit en m£rae-tems ce Car- dinal odieux à La Reine , en lui înrmuant qu'ii inrpiroit contre iW-^ & conire fcs "ncnt .rof- I; la 'lk:;i i'n'AVjU'i dont 1 îz failir en entrant ca HX-
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Hl s T O I B E
pagne , n'eut pas de peine à perdre le Cardinal dont la difgrace échta l'année ftiivante.
La guerre n'avoir point été cntk're- ment terminée par la conquête de Bar- celone; les CaflillansavoieDtînfpirélftir fureur aux Majorquains & aux Iviciens ijui d'ailleurs fe voyoient ibutenus par un Corps de troupes Autrichiennes, & par l'eipérance d'une nouvelle révolte en Catalogne. Il y avoir en efi-et une con- juration prtte à éclater dans cetie P/o* vince , mais elle fut découverte ; Mara- gas Se quelques autres chefs, fameux par leurs crimes dans la dernière rébellion , convaincus d'être entrés dans la conjura- tion, reçurent enfin fur l'échafaut ta iufle récompenle de leur audace , & le Clie- valier d'Asfeld réduifir Majorque 6;îvi* ca en moins de quinKs jours : le Roi per- mit aux Impériaux qm di!fendoicnt ces Tfles de fe retirer en Sardsignc.
L'opiniâtreté de l'Empereur à lui djf- puter une Couronne que le confeme- meni de l'Europe avoit affermie fur fk tête , remplifibit Philippe d'indignadon ; il n'ignoroit pas que ce rival (e flatioit toujours de refpérancc de le détbrôHÉrj
qu'il fe faifoit traiter de Majcfit Impé- riale Ôc Catholique par tous les Souve- rains de l'Allemagne & de l'Italie ; qu'il crt'oit des Grands d'Efpagne, des Che- valiers de la loifon d'Or; qu'il venoic d'établir à Vienne un Tribunal fous le nom de Confeil d'Efpagne , compofé du Duc dUzeda , de l'Archevcque de Va- lence &; des autres traîtres à leur Patrie ; qu'il confifquoit les biens de ceux qui , dans les Pays-Bas & en Italie, étoient dc- meurtîs fidèles au Roi ; que contre la foi du traité de Bade il retenoic les Etats des Ducs de la Mirandole Se de Guaftalle, desPrincesdeCaftigiione&deSabJonet- ta .alliés del'Efpagne; & qu'enfin Louis XlV.avcit fait de vains efforts pour en- gager Charles VI. à reconnoître Pbilip- ~ enqualité deRoi d'EPpagne, jufqu'i "arantir l'Italie , & à lui onrir de ins fecours contre les Turcs avec qui il ctoit à la veille d'avoir la guerre ; toutes CCS confidt-rations dtierniiiirrcne le Roi i pri'vcnir l'Empereur , & à lui
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Histoire
Savoye , parce qu'il étoit las des menaccâ de la Cour de Vienne qui ne pouvoit Id pardonner d'avoir accepté la Sicile ; \i Pape , le Grand DucMeTofcane , le DtK de Parme , les Républiques de Gènes Se de Lucques, parce qu'ils étoient acca» bk's de contributions , & traitas pïet qu'en Sujets psr Charles Vl. qui failoîl revivre les anciens droiis de l£ttipirc fu) l'Italie. Le Royaume de Naples , l'Ifl I de Sardaigne , le Milanez rendoicnc pu I bliquement les bras aux ËfpBgnolt) dot ils cbérillbient autant la dominaiion: qu'ils detefioienr celle des Allemands' Alberoni prétendoit qu'à la vue de 1 première efcadre Efpagnole , tous ce Peuples proclameroient de nouveau Pbï lippe qui fe verroit maître de l'Italie fans combattre ; l'Empereur qui n'igna roii ni les fentimens des Potentats la liens , ni la haine des Peuples qui II étoient fournis j ne lailToit pas que d'Étr inquiet fur l'avenir; l'Empire de l'Italï lui étoit d'autant plus cher qu'il le tt gardoit comme fon Potofi „ & qu'il ç tiroit, foit par les impôts ordinaires , (u par tes taxes impofées fur les Souverain] foie par les conhfcanons , des revenus id
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njenfes ; c'eft pourquoi l'Empereur re- cherchoit des Alliés à quelque prix que ce fût pour fe le conferver ; il faifit loc- cafion de s'appuyer des Vénitiens atta- ques par les Turcs dans la Morée , en leur offrant toutes fes forces , à condition qu'ils lui garantiroi«nt fes Etats d'Italie ; le Pape fut dès-lors moins contraire aux intérêts de l'Empereur dont Pheureule & puifTante diverfion en Hongrie garan- tit l'Italie d'une invafion ; mais Alberonî regardoit cette guerre qui alloit occuper toutes les forces de l'Empereur , comme un moyen de plus qu'onroit la fortune pour vaincre; au refte> quand Charles VI. n'auroit pas eu fur les bras autant d'en* neanis fecrets & publics, Philippe ne l'en auroit pas moins attaqué avec fuccès ; FEfpagne que toute l'Europe croyoit af- foiblie & ruinée pour long-tems , n'avoir jamais été fi puinante : près de cent mille hommes de vieilles troupes, foixantc ou foixante & dix vaiffeaux de guerre , des tréfors , un Gouvernement ferme &c vi-
Soureux , la Nation aguerrie , le génie 'Alberoni vont bientôt lui fi\irc jouer fiir la fcene de l'Univers l'un des princi- paux rôles p les Etats de l'I^-a^ic- fcrMîcur
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Histoire
retournes rapidement fous la domina- tion Efpagnole , fi la France , TAnde- terre & la Hollande qui intervinrent dans la querelle , n'euflent di(£lé aux deux ri- vaux des conditions que PEfpagne nç reçut qu'en frémiflfant.
Sur ces entrefaites mourut Louis XIV. le Roi le plus Roi qui ait jamais été j fon fceptre pafla entre les mains de fon arriè- re petit-fils , Louis XV. âgé de cinq ans & demi. On fçait que , fans avoir égard au teftament de Louis XIV. le Parle- ment de Paris déféra la Régence entière & abfolue au Duc d'Orléans. Philippe , ou plutôt Alberoni fous fon nom , l'auroit réclamée , s'il n'eût craint de bleifer la jaloufie de l'Angleterre & de la Hollan- de qui n'auroient pas vu d'un œil tran- quille les TÙncs des deux Royaumes dans la mcme main ; d'ailleurs c'eût été four- nir à l'Empereur & aux ennemis fecrets de TEfpa^ne & de la France un prétexte légitime de guerre, attendu que fi le Roi eût obtenu comme premier Prince du Sang la Régence , il auroit révoqué indi- reftement la renonciation folemnelle que toute l'Europe avoit exigée de lui fur le fceptre de fes Pères. Philippe ne fit donc
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pas la raoindre démarche pour être révé- la de la qualité de Régent ; mais il vou- luit que le Duc d'Ork'ans regardât fou défilïenient comme un véritable facrifl- ce , & que par reconnoîllancc U entrât dans toutes les vues. Nous verrons que le Duc d'Orléans j loin de s'y prêter, fut le principal auteur de la ruine des projets d'Alberoni : ce n'eft pas que ce Prince réconcilié avec Philippe V. l'an- née précédente par les foins de Louis XI V - fût infenfible aux intérêts de l'Ef- pagne ; mais c'ell que les intérêts de la France ëpuifée d'hommes & d'argent , accablée de dettes , dénuée d'Alliés , lui Ploient plus chers que ceux de Philippe V. c'eft qu'en effet la paix étoit nécef- faire aux François pour fermer les playçs de la dernière guerre.
En attendant l'inftant d'éclater, Al- beroni crut qu'il étoit de la politique d'endormir l'Empereur & toute TEuro- pe fur les defleins fecrets de l'Efpagne. II afpîroit À la dignité de Cardinal à la- quelle le Pape ne l'auroit jamais nommé p |_^Ueût app.-i . - -I' ' '' '■""■.■ 'jralb- ' r la )?■ >i n'en
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tromper le Sooveraio Pcntile : d'abunl il paru: entrer dans tous Iesint<îr5ts de la Cour de Rome i il obcini du Roi qu'il rcndroic au Nonce AHrovandi la cid & les papiers de la Nonciature que Vale- iQHnnl |etta fur l'Autel, quand il eut ordre de fortir d'Efpagne en i/Oj. En mtînie tcms il fit cfperer à 0(!meat qu'on termincroit â fa fatisiàdion la négo- ciation ouverte entre les deux Cours fur les abus de la Daterie dont i'Efpagnc gc* raiiToit depuis long-tcms , & fur l'im- roenfe Jurifdiiîîion que s'artribuoic en Ef-
f ligne le Tribunal de la Nonciature ()iu ui-mi-me éroit le plus grand des abus; mais ce qui toucha le plus le Pape , fu- rent les efcadres envoyées par les con- fcils d'Aiberoni au fecours de l'Italie me- nacée par les Turcs ; ils avoîcnt conquis la canipagrc précédente toute laMor^i ils afliégcoicnt Corfou avec une vnt^c redoutable j fitleurfioitemaîtreffe deU Mer, fermoir toute efpérance aux affié- gés ; le célèbre Général Schulctobourg aéfendoit à la vérité Corfou , mai ^■*—
I (Cuvent le courage &c l'habileté c a faim & lafoif : il i eau dans la Placf j fon défcoTc
avoit m vivra
fur le poinc de capituler ; de là les Turcï i. indolent fur l'Italie , lorfque Dom Bal- [iiafar Guévarra forti des Porcs d'Efpa- ^■iie avec cinq gjlercs & (ix vaïlTeauK de j^tietre, parut fuivi d'une flotte de plus de cent voiles ; à ion afpe(5l les Turcs s'enfuirent, cédant lâchement la victoi- re , fans combattre , & le iiége fut levé le vingt-quatre Août. La terreur pani^ que des ennemis fut l'effet d'un heureux l'ratagême ;Guévarra,avoit amené avec lui tous les vaifleaux Marchands qu'il ren- contra fur fa route , 6c au moment de fa ionflion avec la flotte Vénitienne , les Turcs qui obfervoient & comptoient fcs vailTeaux effrayés de la fupériorité du nombre , ne fe crurent en sûreté que lorfqu'ils eurent regagné leurs Ports.
L'Empereur triomphoit des mêmes ennemis en Hongrie par les mains du Prince Eugène qui lui gagna le cinq Août la bataille de Petervaradin dans la-
Îielle le Grand Vifir & trente mille urcs pc"'- ■ I ■ ■■ '\c-l^ le vain- queur ma- : qu'il foumic , & ri'D^i'-' ' l'-i'i Andrlno-
^^S Hl s TO IRE
& donnoit des amis fecrets à rEfpagne ; Charles négocioit alors avec le Roi de Sicile pour rengager à lui céder cete Ifle, moyennant un équivalent dans le Mila* nez : mais que les vues des politiques font bornées. L'Empereur ne devoir pas jouir long-tems de cette Ifle qu'il obtint , ni même du Royaume de Naples : la Provi* dence deftinoit l'un & l'autre fceptre i un jeune Prince qui naîflbit alors en Ef- pagne ; c'eft D. Carlos , aujourd'hui Roi des deux Siciles , &c héritier préfomptif de TEfpa^ne.
UEurope fut cette année témoin d*un nouveau malheur arrivé à la Maifon de Stuart ; le Prétendant étoit paffé en Ecofle où un puiiTant Parti vouloir lui mettre fur la tête la Couronne de ce Royaume la Patrie & l'ancien héritage de ia Maifon ; mais le malheur de fes an- cêtres l'y fuivit ; fes malheureux amis fo- rent vaincus ; quelaues-uns tombèrent entre les mains des Ânglois qui leur fi- rent expier fur un écharaut leur anache* ment héroïque au fang de leurs RoiSf La fortune ne s'eft pas encore déi à l'égard de cette Maifon fugitive ^^ ne ceiTe de perfécutcn
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.e traité de la triple alliance entre la ^7'7' ice , l'Angleterre & la Hollande fi- le quatre Janvier à la Haye , & rendu lie , furprit l'Europe qui ne s'atten- pas que les François & les Anglois ;nt être unis par les liens les plus its : le but de cette alliance étoic îirer la paix & la tranquillité au i de l'Europe qu'on prévoyoit de- bientôt être déchiré par la querelle loi d'Efpagne & de l'Empereur ; Al- mi ne pardonna jamais au Duc d'Or- i de s'être arraché à l'alliance de }agne ; il comptoit {ur les fecours François^ & fur la neutralité des fances maritimes , lorfqu'il attaque- l'Empereur ; mais le traité ne lui fie t changer de vues , il fe contenta de loUvrir d'un voile impénétrable , & léditer en filence les moyens dont il rroît fe fervir pour £e venger du Ré- : & du Roi d'Angleterre. iZ nouvelle qu'il reçue de fa pro- ion au Cardinalat , & les fecours D obtint duQergé que le Pape auto- par uncBulle à accorder de puiffans ides au Roi , afin , difoit le Pape tou- s trompé parAibcroni, de mettre le
340 Histoire
Roi en état de protéger Venife , lui firent bientôt lever le mafque ; l'injure faite J TEfpagne en la perfonne de Dom Jofeph Molinez, Inquifiteur général , arrêté lorfr qu'il traverfoit le Milanez , fur la foi d'un paiTeport , fournit au Roi un motif plau- iible de recommencer la guerre.
Une flotte confidérable partît des Ports d'Efpagne fous les ordres du Mar-
3uis de Leyde {a) , &c débarqua en Sar- aigne lyooo hommes à la tête def* quels ce Général réduifit Tlfle en moins de deux mois ; les Sardes combatnrent pour lui , & il n'en coûta pour cette con- quête que fîx cents hommes prefque tous emportés par la malignité du climat ; toute l'Europe n'apprit cette expédition que par le fuccès ; cinq perfonnes feules avoient été initiées au lecrét , le Roi , la Reine > Alberoni » le Duc de Popoli» D. Jofeph Patinho , Miniftre de la' Mari- ne ; le Marquis de Leyde ignoroit lui- même oh il alloit porter les armes de fon maître. Il ne le fçut qu'à une certaioe hauteur oh il lui fut permis d'ouVrir prdres de la Cour ; l Empereur étoît
00 Jean Fran^pif .de V^w» ». : • •
d'E s P A G N E.
comble de la gloire par la vtctuirt; tx. ia prife de Belgrade , lorfqu'il apprit avec toute l'Europe qu'il venoit de perdre un Royaume , il en auroit perdu deux fi Leyde fut parti plutôt , & qu'il eut eu le tems de marcher de la Saidaîgne à Na- ples dégarni de troupes , & rempli des panifans de l'Efpagne ; Alberoni perdit un tems précieux à attendre le chapeau de Cardinal , faute énorme, mais la feule peut-être que cet homme profond ait eu à Te reprocher.
La Marine Efpagnole tricrophoït alors par-tout ; D. Alfonfe-Philippe d'Andra- do fe faifit de vingt vailïeaux de Pirates dans les Mers du Mexique fur lefgueb ilyavoit plufieurs millions de piaftres : fix autres auQi riches que les précédens furent enlevés au Porc d'Arica dans le Péi'ou ; deux vaiffeaux Algériens furent fia à ta hauteur de Majorque, deux vail- ÎBux de guerre d'Oftende à celle de "igo : l'Ifle de Crabe , Colonie Angloi- fe, dit dévadée ik ruinée par les EÏpa- gnols de Porco-Rico que les Anglois ■ " ■ ' th fermeté Hc la vigueur iqué au dct- ' noient cas
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54?
Hl ST O IRE
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moins dans l'intérieur du Royaume qu'au dehors ; on écartoit les Grands des em-
£lois & de la faveur , on les humilioit ; îs Ordres militaires fe fentirent de la foumiflion qu'on vouloit infpirer aux dif- férentes claiTes des Citoyens ; ils furent obligés de recevoir la vifitc des Commif- faires que le Roi , en qualité de Grand- Maître , leur nomma : en même-tems tou- tes les Univerfités de Catalogne furent fupprimées , & leurs revenus appliqués à celle que Philippe établit à Cervera la feule Ville de la Province qui lui eût été fidelle. Le Tribunal de la Contraâion ou du commerce deTAmériquefut tranf- féré deSéville à Cadix ; enfin, on établit le militaire fur le même pied qu'il eft en France , en déclarant l'emploi de Colo- nel incompatible avec celui d'Officier général. 171 8, Le Pape furieux d'avoir été (î long- tems le jouet de la politique d'AIberoni, Paccufa dans un difcours prononcé en plein Confiftoire d*ctre l'auteur d'une
{guerre dont l'incendie alloit embrafèr 'Italie , & lui refufa publiquement dct^ Bulles pour le riche Archevêché de Sé'll ville auquel le Roi l'avoit nommé ; TEob
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pereur exigeoit plus , ïl demandoil au Pape qu'il le dépouillât de la dignité de Cardinal ; l'Empereur étoit foutenu par le Cardinal dëlGiudice, qui après avoir été honoré de la confiance de Pbijippe i venoit de fe jetter entre les bias de la Mai- Ibn d'Autriche , moins par inclinatioo que pour fe metire à i'abri des perftcu- tions d'Alberoni qui , non content de l'a- voir fait dépouiller de fes emplois , & renvoyer d'Êfpagne , lui avoit ordonné au nom du Roi a'orer de deifus fon pa- lais les armes d'Efpagne; mais le Sacré Collège voyant Alberoni appuyé de tou- te la proteélion d'un grand Roi, fe fec- tant d'ailleurs intéreffc à ne pas lailTer in- troduire un exemple qui auroit pu deve- nir un jour fatal à chac:in des membres qui le compofent , s'oppofa au rcffenti- ment de Clément. Ce Pape foubeea (â colère , en écrivant au Roi un Bref dans ieauel il lui rappelloît combien U étoit inaîgoe d'un Roi Catholique d'attaquer ' -1 Prince Chrétien occupé à combattre ennemi de la Religion; ce Bret conçu en termes très vifs ne parvînt pas cnirç ^^^~*~ 'ai Roi ; cependant l'Auditeur terrera , après avoir prouflé
I
344. Histoire
contre le refus des Bulles fait à Âlbero*- m,fortit de Rome, emmenant avec lui le Cardinal Aquaviva , protefteur de l'Ef- pagne, & de tous les Efpagnols ; en même tems on donna ordre au Nonce Aldro- vandi de fortir d'Efpagne , & on ferma pour la féconde fois le Tribunal de la TJonciature ; enfin , TEfpagne fourint avec plus de force que jamais la Mojiar- chie Ipirituelle de Sicile que le Pape vou- loir lupprimer , tandis que PIfle étoit entre les mains d'un Prince peu redouta- ble par fes forces; mais ce n'étoit pas ■pour les intérêts du Duc de Savoye ■qu'Alberoni travailloit en s'oppofant i Pabolition de la Monarchie fpirituelle; c'étoit pour Philippe à qui il comptoit donner cette Ifle dans le cours de cette campagne j déjà le Miniftre fur qui le Roi s'étoit déchargé du fardeau du Gou- vernement , avoit , à Paide de Dom Jo- feph Patinho , le Colbert & le Louvois d'Efpagne , préparé une flotte de cin- quante vaîfTeaux de guerre , de dix ga- lères & une armée ae trente- cinq mîHe hommes de vieilles & excellentes trou- pes de débarquement,avec des munitions immenfes ; FEurope n*avoit pasr vu de-
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|}u\s la flotte de Philippe II. furnommée V invincible , un fi terrible armement : c'eft alors qu'on connut combien les der- niers Rois Autrichiens avoient été éloi^ ânes de tirer du courage des Efpagnols , e leur amour pour la gloire > & de leurs richefles , toutes les reiTourcespoilibles» Le Marquis de Leyde chargé de cette expédition y dont la connoiÛànce fut dé- robée au Public avec le mêmeXecret que celle de Sardaigne , débarqua le premier Juillet à quatre lieues de Palerme ; ni l'Empereur , ni le Pape y ni les Siciliens , ni leurRoî même , Viftor-Amedée, donc la haute pénétration étoit rarement en dé&ut, n'avoient prévu cet orage ; Albe- roni avoit propofé à ce Prince mécon- tent de l'Empereur de céder fon Ifle à Philippe qui , en échange j promettoit de l'aider à conquérir le M3anez ; Viélor- Amedée étoit naturellement porté à ac- cepter cette oiFre tant pour fe venger de l'Empereur, que pour n'avoir plus à lut- ter contre le Pape & contre les Siciliens qui déteftoîent la domination , & parce u*en effet le Milanez étoit autrement à 1 bienféance que la Sicile ; il fe défioit d^Âlberoni> qui de £bn côté n'a voit guè-
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34^ Histoire
res de confiance en lui ; ces deux habiles & profonds Politiaues avoient railbn l'un & l'autre;mais Viûor-Amédée trom- pé j ie trouva dans le plus extrême em- barras; il n'avoit que 7000 hommes dans rifle, qui > aux approches desEfpagnols» fe difperferent dans la citadelle de Meffi- ne , dans Syracufe , Melazzo & Trapa- ni ; les galères s'enfuirent à Malte : ce* pendant l'Empereur l'accufoit d'agir de connivence avec l'Eipagne ; la France , l'Angleterre & la Hollande avoient le même foupçon. Il n'y eut que le parti que prit Viâor-Amedée de réclamer la proteâion de l'Empereur, & de rece- voir des feçours de fa part , qui fit con- noître à toute l'Europe que ce Prince ^voît été trompé par Àlberoni.
A la nouvelle de l'invaiion de la Sici- le, l'Empereur fe hâta de conclure une trêve de vingt ans avec les Turcs , & de faire pafler cinquante mille hommes en Italie : en même-tems il accéda au traité de la triple alliance , à condition qu'il au- roit la oicile en échange de la Sardaî- gne qu'on tranfportoit au Duc de Sa*- voye ; que les Etats de Tofcane j & celui il fur- tout de Parme ^feroîent réputés fieis
d' E s P A G N E,
3i7
de l'Empire ; à ce prix il s'engaseoit à
jecannoitre enfin fon rival en qualiié'de
^upi d'Efpagne & des Indes , & à dopner
toveftiture de laTofcane & de Parme à
tom Carlos , héritier de ces Princîpau-
s par la Reîne fa mère, fous la réierve
velles ne feroient jamais réunies à l'Ef^
igne ', il confentoit aulTi que l'Efpagnè
: le même droit de réverfion iur la
^daigne qu'elle avoir eu fur la Sicile;
■s François & les Anglois s'oblîgeoienc
i engager l'Efpagne à accéder à ce trair
té ,& à reconnoitre l'Empereur en qua-
Iké de Roi de Naples & de Sicile , de
^^c de Milan , de Souverain des Pays-
;& fur le refus de l'Efpagne ils de-
Kent joindre leurs forces à celles de
mpereur.-
Kjl n'y eut qu'un cri en Efpagne con- pce iraité & contre le Duc a OrWjji» mC de livrer TEfpagne à la difcrétjoo ( ennemis de la Maifoa de Bouibon. p Prince étoit en bute à la Cfllomaîe & aux fgupçons les plus înjuftcs Se les plus oumgeans en Efpagne & mcme ca france ; nuis Alberoaî , fans avoir ce- cvaines plaintes , creufoii en fr- ^nfcipice dam lequel il voulçnf
I
348 Histoire
le précipiter lui & fon Allie le Roi d'An- gleterre.
Cependant une flotte puiiTante par- toit des Ports de l'Angleterre fous les ordres de l'Amiral Bings , nsoins pour porter des fecours à FJEmpereur, que pour détruire la Marine d'Ëfpagne qui déjà excitoit les ombrages & la ]alou(ie des Anglois ; depuis la conquête de Mi- horque , ce Peuple qui jouiffoit de l'Em- pire de Tune & de l'autre Mer, étoit ré- lolu d'employer indifRreimnent l'intri- gue , la rufe , Pinjuflice & la force pour te le conferver ; on voit que la politique des Anglois ne s'efl pas encore démen* tie ; à peine daignent-ils déguifer fous quelques couleurs fpécieufes leurs vaftes prétentions & leurs brigandages. Rome marchoit moins à découvert à la conquê- te de l'Univers , que Londres à celle dit commerce unîverfel. Bings commença
f)ar tranfporter en Sicile vingt mille Al- emands , & enfuite , fuivant les ordres fecrets de fa Cour , il trompa les Géné- raux Efpagnols fous des apparences de neutralité , & dans le tems qu'ih fe dé- voient le moins de lui , il les attaqua^jlM onze Août j il s'attendoit à une yiftoif^
d'Espagne. 54^
facile ; les Efpagnols étoîent furpris & afFoiblis par te détachement de Tefcadre de Guévarra envoyé à Malte pour répé- ter les galères de Sicile qui avoient été chercher un afyle fous le pavillon de rOrdre de S. Jean de Jérufalem (^) ; ce- pendant les. Efpagnols firent des prodi- ges de valeur ; mais enfin , la perfidie , la fcience de la Marme, la fupériorité des manœuvres l'emportèrent fur te courage dénué de tous ces avantages ; les Efpa- gnols furent vaincus ^ ils perdirent fix mille hommes, vingt -trois vaiifeaux ^ une galiote à bombes & un brûlot ; la plus grande partie de ces vaifleaux tom- ba entre les mains des ennemis , & l'au'- tre fut brûlée. Bkigs comblé de joye d'a- voir détruit en moins de fix heures lés forces maritimes de TEfpagne à qui il né refioit pks que des galères & quinze vaHP féaux de ligne , envoya avec un fang froid qui tenjoit de rbfulte un Ofiîciec
(a) Le Grand-Maître (fe Malte Ferelîos, pour
se point commettre fon Ordre , ni avec le Roi
■i avec l'Empereur , ni avec le Duc de Savoyc »
S^Dondît à Guévarra qu'il Jivreroit les ga'.crcs à
* »• Princes qui , après la guerre > rcflcroit
la Sicile,.
^yo Histoire
au Marquis 4e Leyde pour s'excui^r de fa viftoire , comme d'une afiàirè in^pré- vùe à laquelle lesEfpagnols avoient aon- né lieu en tirant les premiers; PAmiral Anglois vouloit fans doute enlever toute la flotte 9 fans effuyer un coup de canon. Loin d'être découragé par une fi ter- rible cataftrophe , Alberoni n'en pour* fuivit qu'avec plus de fierté fes deiTeins publics & fecrets ; il fit féqueftrer tous les eflFets des Négocians Anglois en Ef-
{)agne & en Amérique jufqu'à ce que eur Nation reflituâç les vaiiTeaux dont elle venoit de s'emparer au combat du onze Août ; en même-tems il écriviî au Marquis de Leyde de continuer avec plus de vifi;ueur la conquête de la Sicile; elle étoit devenue plus difiîcile depuis le défaftre de la flotte ; les forces des Alle- mands égaloient celles des Efpagnols; ils receyoient d'ailleurs chaque jour de nouveaux renfons , des vivres & des munitions de l'Italie par l'Amiral Bings » maître de la Mer ; les £f pagrrols n'avoicnt pour eux que leur courage & Tamitié des Peuples : mais avec ces fecours ils dé- truifirent le quinze Octobre à Melazza un Corps de huit mille Allemands com-
d'Espagne» ^-i
mandés par le Général Veteranî qui fut fait priibnnier.
Il eft tems d'expofer les defleins pro- fonds du Cardinal Alberoni i fon plan p le plus vaile que refprit humain ait con- çu y conduit avec un fecret impénétra- ble, ménagé avec Tadrefle la plus déliée , devoît en même-tems venger , agrandir & délivrer TEfpagne de fes ennemis.
La France , l'Angleterre & la Hon- grie dévoient en même - tems être en proye à des guerres civiles allumées par les mains du Miniftre d'Efpagne ; mais la Providence veilloit au falut des trois Empires menacés. Le Parti puiflant qui s'étoit obligé en France d'arrêter le Ré- gent 9 d'anembler lès Etats-Généraux ^ lie déférer la Régence à Philippe V, qui maître des deux .Royaumes auroit lait larembler à fon tour l'Europe , n'at- tendoit plus que les derniers ordres de Madrid pour pa^er à l'exécution de ce jdeflein , lorfque la conjuration fut dé- couverte par les moyens que (a) per&n^
(a) On ^alt que le Secrétaire du Prince âer Celkmare fréquentoit un lieu de dcbauche dont- le principal perfonnage étoit connu fous le nom: de IsL Fillon. Cette fille > efpioniic du Rcgem>
3^2 Histoire
ne n'ignore ; le Duc d'Orléans étonné du nombre , de la qualité & du mérite des conjurés, tomba dans l'abattement: il fut fur le point d'abdiquer le malheu- reux pouvoir qui lui attiroît tant d'en- nemis ; mais rappellanr bientôt toute la fermeté de fon ame, il fit arrêter le Prin- ce Cellamare , AmbafTadeur d'Efpagne en France , & le principal infiniment des deflfeins d'Alberoni , & quelque tems après déclara la guerre à l'Êfpagne.
Ce Prince délivré avec tant de bon* heur des pièges que Taudace & la ven* geance lui avoient préparés , éclaira de près les démarches de fon dangereux en^ nemi ; fon génie devoit prévaloir fur ce- lui d'Alberoni : la conjuration- tramée contre le Roi d'Angleterre parvint bien- tôt à ià connoitfance : des Rois entroienc dans les delTeins d'Alberoni ; ces Roi»> les plus grands de leurs fîécles étoieot Je
.ayant obfervé fur le vifage du Secrétaire desîn- quiénides , des nuages de trifteflcf ., détacha une de Ces plus joHes filles pour lut tirer (on (êcrer: cette fille fit boire avec excès le Secrétaire , qui bientôt s'endormit ; elle profita de fon'fonr meîl pour lui dérober des papiers qu'elle porta à la Fillon qui en ayant connu toute Timpoi- tsuace i les envoya fiir le champau Régenu
Wt0'
D* E s P A G N E. 3/5
Czar Pierre I. & Charles XII. qui depuis vingt ans rempli (Toient le Nord de leurs combats , & TUnivers de leurs noms : déjà par les foins d'Alberoni ces Prince» fi inflexibles dans leur haine s'étoient ré- conciliés en fecret ; l'un & l'autre avoient à fe plaindre du Roi d^ Angleterre qui re- tenoit à Charles des Provinces entières , & qui avoit donné au Czar des fujets de mécontentement qu'un Prince ne par- donne guères ; réunis par leur haine & par la politique d'Alberoni , ils dévoient, a l'aide du Parti puiflant que conferve la Maifon de Stuart dans les trois Jfles, ré- tablir le Prétendant fur le thrône de fes ancêtres, & tomber enfuiteYur les Etats de l'Empereur contre qui ils avoient épouféla haine d'Alberoni, pendant que le Prince Ragotski encouragé par l'ar- gent & par les promefles du Miniftre EC- pagnol , exciteroît une guerre civile en Hongrie avec le fecours des Turcs. At- taqué par des guerres étrangères & civi' les, l'Empereur eût été obligé de céder , fans combattre , l'Italie aux Efpagnoîs ; mais Georges inflruit de la conjuration , la diffipa , en faifant arrêter à Londres fie à la Haye le Baron de Goërts 3 & k Com-
374 Histoire
te de Gyllembourg , l'un premier Minif- tre , & Tautre ÂmbafTadeur de Char- les XII.
Ce Prince alla lui même fe faire tuer devant une fortereffe de la Norvège que
Fridcric- f^ mort a iUuftrée ; Alberonî perdit pv cet accident refpérance d'une diverfion contre l'Empereur ; les Turcs à qui le Prince Eugène étoit trop fatal ^ n'olerenc . recommencer une guerre funefte , & Ra- gotski né fut pas aflez téméraire pour braver feul les forces de l'Empereur.
Tel fut le fuccès des entreprifes d*un homme né pour ébranler l'Univers; l'Eu- rope les admira en frémiflant ; le Roi d'Angleterfe & le Duc d'Orléans pour- fuivirent en lui, non le Miniftre d'un Roi avec qui ils étoient brouillés , mais leur ennemi perfonnel; cependant Alberoni» loin de fe laifTer abattre par des revers qu'il n'avoit pas prévus , fuivît avec cou- rage le projet de dûhrôner George» 8c d'exciter une f;uerre civile en France.
17 15. Déjà le Prétendant, accompagné du Duc d'Ormond , étoit arrivé en Efpagne pour monter la flotte qui devoit le con- duire en Angleterre ; mais Alberoni ne jugea pas à propos d'expofer la perfomie
mm
d'Es P A GN E. 5fC*
de ce Prince ; le feul Duc d'Ormond s'em- barqua fur la flotte à la vue de laquelle les mëcontens d'Ecofle , d'Irlande & d'An- gleterre dévoient prendre les armes , mais la flotte eut la même deftinée que toutes celles que rEfpagne a préparées contre les Anglois ; elle fut difperjlée par la tem- pête > il n'y eut que quelques vaifTeaux de tranfport qui abordèrent en Ecoflei 5 & débarquèrent un Régiment Efpagnol auquel il y eut environ deux mille Ecof- Xois qui fe joignirent , mais ce foible Corps fut bientôt battu & diiSpé : en Angleterre & en Irlande on attendoit le Prétendant & le Duc d'Ormond pour éclater ; le Prétendant ne vint point j & le Duc d'Ormond ne put aborder.
L'autre flotte deftinée à exciter une guerre civile en France ; & à foutcnir lur-tout un foulevement général en Bre- tagne , n'ofa fe rendre fur les côtes de cette Province ; le Régent étoit fur fes gardes , il avoit fait arrêter & exécuter quelcjues Gentilshommes Bretons con- vaincus de s'être laiflé féduire pas l'or d'Alberoni.
Mais le Régent firappoît des coups plus sûrs & plus mortels 3 déjà le Mâic-
^$6 Histoire .
chai de Barwick , cet illuftre défenfeur de PEfpagne , approcboit de» Pyrénées avec une armée rormîdable : fi on a ja*- mais regardé comme civiles {a) les gue^ r es qui s'élèvent entre les Princes Chré^ tientf, c'eft fur-tout celle dont nous par^ loDÂ entre deux Rois d'une même Jvfai- fon , entre deux Peuples unis jufqu'alon par l'alliance la plus étroite & par les mê- mes intérêts 9 Barwick avoit à combattre fon filsle Duc de Lyria , l'un des prenûen Officiers Généraux de l'armée Ëfpagno- le 9 à qui il écrivit pour l'aâFermir oansuA . devoir bien cruel.
On ne pouvoit croire qu'on fût en ^erre : les Efpagnols avoient pour Louis XV. la même tendreffe que ks François ; les François refpeâoîent en Philippe V. le fang de leurs Rois , un héros dont ils avoient partagé les bu- riers , & dont ils avoient affermi la Cou- ronne ; l'Europe , & fur-tout l'Angle- terre n'avoient point foi à cette guerre
(a) On regardoit fî bien en France cette ex- pédition comme ime efpece de guerre civile que le Maréchal de Villars refufà de Ct charger du commandement : le feul objet du Régeu étoit d'obtenir Texpuliion dWlberoni.
d'Es P A G N E.
îf?
ï regardoient comme ilmulée; Gcor- nvoya Sthanhope pour Otre témoin opérations des François ; mais quel Biphe pour les fiers Ànglois de voir yiiSoîres rapides des François , un ■ Bourbon affbibli par le dépofitaire ■Ebrcesda chef des Bourbons; la con- me du Port du PaiVage , celle de San- gna don: les magafins furent briile's ec feize vaiffeaux de guerre encore fur t.'Chantters ; enfin la rédudlion de Fon- n^ie Se de S. Sébaflien , les clefs de "' lagne.
i Anglois joignirent bientôt leurs es mains à celles des François pour tir les miférables reiles de la Mari- pagnole ;ils emportèrent le Ponde d'où ils emmenèrent fix vaiffeaux , avoir eu la précaution de brûler nitions aflemblées dans cette Ville , ;inées à l'expédirion d'Ecoffe. Roi s'étoîr avancé jpfques^ans la ■e > conduifant lui-même une divî- fpn armée : la Reine Ôi Alberonî livoieni , chacun à la tête d'un Corps ' " ' ■ 'contre
3j'8 Histoire
que pour les attirer fous fes drapeaux ; mais ni la prcfence de ce Prince , ni les déclarations répandues dans le camp des François dans lefquelles le Roi prenoit la qualité de Régent de France » & les invitoit à pafler à fon fervice , ne firent dans Tarmée de Barwick l'effet auquel Alberoni s'étoit attendu ; les Officiers & les Soldats François combattirent en fou- pirant , mais ils combattirent ; cette vai- ne tentative & les nouvelles qu'on reçut de Sicile commencèrent à indlfpofer le Roi contre Alberoni , auteur de la guer- re & des difgraces qui là fuivoient ; le Comte de Merci avoir débarqué dans cette Ifle avec une nouvelle- arnmée de dix-huit mille hommes j le premier foin de ce Général qui n'ignoroit pas com- bien la domination Efpagnole étoit cherc aux Siciliens , fut de promettre folemnel-* lementla fuppreffion de tous les impôts pendant quatorze ans', à cotidirion qu'ils reconnoîtroient rÉm|:lereur en qualité de Roi de Sicile ; mais toutes ces pro- mefféS ne produifirent aucun firuk fur i'efprit des Habitans ; il conçut alors que le feul moyen de les réduire y étoit la force i en ccnféquence il marcha aux £f-
4'
\
d'Espagne. ^yp
pagnols qui, à fon approche, avoient levé le fiége de Melazzo , & s'étoient retran- chés dans le pofte de Franca- Villa ; les £fpagnols attaqués le dix-neu£Juin firent des prodiges de valeur , repoulférent les Allemands dont ils tuèrent plus de fisc mille , & bleflerent le Général : cet échec n'empêcha pas Merci infiniment fupé- rieur de réduire la Ville & la citadelle de Meflîne.
Tant de pertes arrivées coup fur coup , la crainte de voir les ennemis percer dans le coeur de la Monarchie , & Paccabler des mêmes maux fous lefquels elle avoit manqué de fuccomber , dégoûtèrent en- tièrement le Roi &c la Reme même du Miniftre ; mais ce qui acheva de le per« dre , fut le parti que prit le Duc d'Or- léans qui n'employoit qu'à regret la for* ce contre l'Efpagne , de combattre AJ- beroni avec fes propres armes , c'çfl-à- dire , avec les intrigues ; il fit agir le Perc d'Aubenton qui infinua à Philippe au'il n'y avoit éfe paix à efpérer que lorfqu^Al- beroni auroit été cbaflié ; (e Marquis Scotti envoyé de Parmç conjuroît de fon côté la Reine au nom de fon ma'rr» (i'abdo4onner up Miiitflr^ m
^6o Histoire
Philippe & Elifabeth cédèrent enfin , & facrinerent Alberoni au falut de l'Etat: on lui donna ordre de fortir d*Efpagne en huit jours , & de fe retirer en Italie) les courtifans applaudirent à la chute de cet homme extraordinaire dont ils blâ- moient l'audace ^ la fierté , l'inquiétude & les projets : mais quels vœux , quek hommages ne lui auroient Us pas ojfiFertSi fi la fortune , qui feule lui manqua , eut couronné fes entreprifes. Dans l'efpace de quelques années de miniflere j Albe- roni rendit à la Monarchie une partie de ion ancien éclat; la multitude & la gran- deur de fes defleins n'occupèrent pas tel- lement fon génie , qui d'un coup d'ail embraffoit tous les genres de l'adminif- t ration , qu'il ne trouvât le moyen de drefl'er des réglemens favorables à l'a- griculture ) aux arts & au commerce^ il établit des manufaélures , & n'oublia rien pour infpirer aux Efpagnols l'aélivité Se l'amour du travail , tandis qu'au dehors il s'efForçoit de leur rendre Taficienne ré- putation de valeur & de puifTance pcr»- due depuis la paix des Pyrénées,
Telle étoit la fituation de ce Mîniftre i foa départ de TEfpagne , qu'il ne pour- voit
4MM.
d'Espagne. 361
■ »^^—— ^— ■ — ■— *ii<piw— 1— .—^
voit compter fur aucun afyle dans l'Eu- rope dont il avoit offenfé tous les Souve- r..ins; Rome y la retraite ordbaire d'un Cardinal » lui étoit interdite ; le Pape ^ fon plus cruel ennemi,menaçoit tout haut de lui faire fon procès j la Cour d'Efpa- gne fe joignit à fes ennemis mêmes 9 & le perfécuta ; le Cardinal plein de gran- deur d'àme oublia les injures de Philip- pe pour ne fe fouvenir que de fes bien- faits y il foutint toujours avec zélé les in- térêts d^une Nation chez qui il avoit trou- vé la grandeur & la fortune* II erra 4'a* bord quelques années fous un nom in- connu dans la Ligurie & le Milanez oili TEmpereur daigna le fouffirir. Les Gé- nois l'arrêtèrent à la prière du Pape & de Philippe y. mais bientôt ils s'en repen- tirent y & lui donnèrent la liberté. Les Cardinaux refuferent au Pape de con- courir à fon procès , & de le dépouiller du chapeau de Cardinal : enfin Alberoni cefla aêtre perfécuté à la mort de Clé- ment XL II parut de nouveau fur là fcenç de l'Univers dont il fut fur le pciM àe remplir la première place (d) •
' (a) Il ne lui manqua dans iliA i* ve quepeu de voix pour être Papet Tome r»
I
*^*w
3^2 Histoire
feul ambitieux de notre iiécle fi fécond en fortunes extraordinaires qui fe foit re- levé après une chute éclatante : le Baron de Goërts , premier Miniftr^jde^&iéd^ eut la tête coupée à Stockholm ^ fur l'ac- cufation vague d'avoir calomnié la Na- tion auprès de Charles XII« Menzicoff mourut relégué en Sibérie ; Law dans l'indigence en Italie p & Ripperda dans l'opprobre , en Afrique.
La difgrace d' Alberoni étoit uq grand acheminement vers la paix ; les Marquis de Bedmar & de Grimaldo ^ & le Fere d'Aubenton qui fuccéderent à (on auto* rite y ne cefToient d'y exhorter le Roi qui enfin , après de longs combats & une ré- fiflance opiniâtre , accéda au traité de la triple alliance , & abandonna tous fes intérêts au Duc d'Orléans qui j flatté de l'expulfion d' Alberoni , & qe la confian- ce de Philippe , parut toujours flepuis fincérement attaché à l'£fpagne ; fon premier foin fut de négocier auprès de Georgç I. pour l'engager à reftttuer à Philippe V. Gibraltar fie MinoCq^Ti îl a^voit déjà tiré du Roi di'Angkt^riîtltVyi des Princes les plus fages ^.les p|î$lBCH dérés de foq. Wde , . ime.
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d'Espagne. 565
thentique. de readre des places fur lelV quelles les Angloîs n'ont d'autre droit que ceux que donnent la force & Tufiirr pation ; mais le Parlement d'Angleterre auflî ambitieux & auiïi éclairé fur fes in- térêts 9 que le Sénat d=e Rome» pénétra la négociation , ât la fit échouer ; r£mpire de la Mer ou la forcé , l'artifice 5 les cir- conftances l'avoient conduit , lui étoit trop cher pour fe mettre au hafard de le perdre.
Cependant , en vertu de fon acceflîon à la triple alliance, la .Cour évacua la Sardaigne y & rappella de la Sicile le Marquis de Leyde ; il étoit tems que ce Général reçût les ordres du Roi ; l'armée £fpagnole & l'armée Impériale rangées ^n bataille ) n'attendoient plus que le (i- -^alxia combat dont la SicHe de voit être le prix : le Marquis de Leyde ramena en Efpagne vingt - quatre mille. homYnes -ou on deftina fecrêttement à une expédi* tion en Afrique ; mais les préparatié im- menfes de cette entreprife dont l'Europe -ignorent l'objet^ répandisens de nouveau
-fOJàesleîNàttonsîvQiliiie&lla France & ^ AinâetsnttQi'^* ' ^mt raifurées pat
554 H I s TO I.R E
i'acceffion du Roi au traité de la -triple alliance, & par le confentement qu'il avoit apporte au congrès de Cambrai dans lequel les PuifTances Chrétiennes •étoient convenues de terminer toutes les guerres qui avoient agité l'Europe depuisJe traité d'Utrecht , & de préve- nir celles dont les intérêts de rSipagne & de la Maifon d'Autriche menaçbiem ritàlie au fujet de la fucceifion de Panne & de Tofcane.
: Le Duc d'Orléans avoit des fujets de crainte d'autaiit mieus fondés qu'il nV Voit pas encore reftkuéles conquêtes de la campagne précédemcL» .que Sk Frao: ce en proye au fyftêmé de Lav ^ k h
Ïefte , 6c aux difputes nées audijet delà iulle Unigenitns , étoit remplie, de fflé^ contens jqui tendoient les bras aux £|p^ .'gnols. • . . . • À ::'-
George I. n'avoit guères .'moânf dln? • quiétude 9 lé Parlement l'àvoit ifôt-man*- quer de parole par rapport i la reftitu* '. lion de Gibraltar & de Minorauc ; U étoit .'toujours /en. bute au.. Çactî duiPtéten- dflint fortifié d'uhelitfimtfl d^AbglbisIrQÎ- :jiés:parla Compa^ie du Sud.. liÇ Fm- 'tugai i avec de momdircinatfhw;^*i9
Ê
D^Es PAGNE. 5^7
ar une mort honteufe leurs aflaiTins^ on e contenta de les condamner à de grofles amendes. '
Dans le même-tems on brûloit à Ma^* drid (ix hommes & fix femmes trop opi- niâtrement attachés à la Loi de Moyie > ou aux dogmes de Mahomet ; c'efl le premier At^to dà fè que Philippe V. eût permis depuis vingt ans qu il regnoit. Ilfutfuivi^ dune maladie épidémique au Pérou qui emporta trois cent mille In- diens en moins de trois mois. Le congrès . de Brunf^ick rétablit cette année la paix dans le Nord de l'Europe.
Il ne tenoit pas à Philippe que le Midi 1*721 -ne jouît du même bonheur ; il avoît rem- pli toutes les conditions auxquelles il 8*étoit fournis en accédant au traité de la triple alliance , fans qu'aucune des Puif- fances qu'il avoit combattues eflFeéluât celles auxquelles elle s'étoit enga- ge ; l'Empereur continuoit de pren- le titre de Roi d'Efpagne , il venoit en cette qualité d'obtenir pour le Père Cifuengos , le feulJéfuite Éfpagnol qui ' eût fuivi fon parti , un chapeau de Car- dinal , en même-tems que Philippe en ob- tenoit un pour D. Carlos Borgia , Patriar-
Qiv
^66 Histoire
rcs fur qui il emporte une viftoire com- plette j leur artillerie , leur camp tomb^ rent entre fes maïns ; lei Maure» ', pour venger leur défàftre-, fe préfenterem à lui le neuf Décembre; mais ils furent vaincus j ils efluyerent la même difgracc le vingt-un du même mois ; Leyde deve- nu redoutable par des viûoîres fi rapi- des , fe préjparoit'àlS<:dnai|€te de toutes les côtes aAfnd[vLé' , loriqu^il reçut de la Cour des ordrei qui rarrêterent au milieu de fa carrière ; Philippe n'avcrit donné de tels ordres que poiir prévenir une nouvelle guerreen Europe ; les An- glois jaloux de fes progrès^ , craignant que la conquête dés Places du Détroit n'entraînât la perte de leur commerce en Afrique , fe hâtoient déjà de porter des fccours aux Maures , & menaçoicnt Phi- lippe de faire une puiflante diverfîon en leur faveur.
Leyde ramena fon . armée en-Sipagne moins diminuée par le fer des ennemis que par le brigandaj?e de Mumdonnài- res qui coûta la vie a quatre mille Sol- dats par la mauvaife qualité des vivres qu'on leur diflribua ; au lieu de venger les défenfeurs de la Patrie y en jpufftlfilî}
p^Esi^AQNE. ^6y
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par une mort honteufe leurs affaflins, on le contenta de les condamner à de grofles amendes. '
Dans lemême-tems on brûloir à Ma* drid fix hommes & fix femmes trop opi- niâtrement attachés à la Loi de Moyie > ou aux dogmes de Mahomet ; c*eft le premier Auto dà fè que Philippe V. eût permis depuis vingt ans qu'il regnoit.
Il fut faivi> d*une maladie épidémique au Pérou qui emporta trois cent mille In- diens en moins de trois mois. Le congrès . de Brunfo^ick rétablit cette année la paix dans le Nord de PEurope.
Il ne tenoit pas à Philippe que le Midi 1 72 1 . -ne jouît du même bonheur j il avoir rem- pli toutes les conditions auxquelles il s'étoit foumis en accédant au traité de la triple alliance , fans qu'aucune des Puif- fances qu'il avoit combattues eflFeéluât celles auxquelles elle s'étoit enga- gée ; l'Empereur continuoît de pren- dre le titre de Roi d'Efpagne , il venoit en cette qualité d'obtenir pour le Père Cifi?engos , le feul Jéfuite Èfpagnol qui eût fuivi fon parti , un chapeau de Car- dinal 9 en même-tems que Philippe en ob- tenoît un pour D. Carlos Borgia y Patriar-
Qiv
^tf 8 Histoire
cbe des Indes 5 l'inveftiture & l'expeâa* tiye des Duchés de Tofcane & de rarme en faveur de l'Infant D. Carlos , n'arri- yoit point de Vienne; l'Empereur ne ref- tituoit ni le Mantouan , ni le Montferrat ni Sabionetta ^ ni la Mirandole y ni dont il avoit dépouillé les Souverains ^ alliés de l'Efpa^ne : on s'adreil'a à la France & à rAngleterre ; mais George & le Rëgent remettoient au congrès de Cambrai la décifion de totis ces difFérendsscependant le congrès ne s'ouvroit point , la poliû» que des principales PuifTances de l'Eu- rope ne tendoit qu'à le différer j l'Empe- reur , parce qu'il craignoit qu'on ne l'o- bligeât à modérer la fierté avec laquelle îl traitoit les Souverains de l'Italie j le Roi d'Angleterre , par complaifancepour l'Enapereur dont il attendoit l'invefliture des Duchés de Bremen & de Verden ac- quis fur la Suéde ; & enfin le Régent i parce qu'il vouloit auparavant que Afef- demoifelles de Montpenfier & de Beau* jolois fes filles époulaffent 9 comme on enétoit convenu l'année précédente t le Prince des Afturics & Dom Carlos ;'è ce prix Louis XV. de voit époufer Wn- fante d'Efpagne. us
TI*EsP A GN É.
Le Miniiiere voulant abColument terr miner un état aufli incertain que celui du Roi, (igna une convention aveci'An- gletecre par bquelle , fans parler de la ■ ■xâEIitutiondeMinorque & de Gibraltar, 1 confinnoit le traité de l'Afliento , & 1 fe refîituoit mutuellcmjent ce qu'on îtmt enlevé de part & d'autre , mais la flitution tut îmagiRaire de la part des jiglois : ils avoîent en confëquence de tieurs wincipes qui tendent à détruire toute Marine étrangère brûlé ou gâté,, au point qu'il fut împofîîble d'en tirçr aucun fervice , les vaiûeaux pris au com- hzx de Sidle , & au Poin de Vigo.
On foufcrivit en même-tems aux dé- _;£rs du Régent ; l'Infante qui n'avoit pas flcore quatre ans , palTa en France pour tre élevée fous les yeux de Louis XY. BÛ alors en avoit douze ; MademoifcUc c Montpenfier époufa le Prince deiiAf- iries , èc Mademoilelle de Beaujoloi» BÎvit bientôt après fa fœur en Efpagne.
Le Roi ordonne p^r un édit picjn àc fagBfleitou^le» mendians de fp rcndie
370 .HïSToiny
cravaillef ;-mdis on employé les autres aux ouvrages publics & aux manufac* tures.
On céWbra cBCore cette- année un Atitf^ àkf-l dans lequel cinq AaËklHnrètax convaincus d'avoifjudaïië > furent livrés aux flammes'.
Lé Pape Clëment XI. mourut le dix* neuf Mars après un long & malheureux Pontificat : la fîtuation de ce Pape fut prefqu^ toujours cruelte , en voulant mé- nager également 'It^Maifons de Boup» bon & d Autriche qui tomibat|;i(»ent pour VEmpire d'Italie y il les ofiènfâ prdfque toujours ; la foibleile de fon caraâere doux , modéré > pacifique , modefte , & ià qualité de père commun , I^empêche* rent defe décider emietfflientpour hiixe de ces deux Maifons ;i e'efl de hii qu^eii dUbit qu'il n'y avoit jamais ea. dd rapt plus femblable à i§. Pierre y' panée qa^
I)rbmettoit , fe retraftoit > & pleurdt ; e Cardinal Michel-Ange CoDti lui fuG- céda fous le nom d'Innocent XIIL L'Empereur fit donner l'excluiiosi M Cardinat Paulùcci qu'il . re^farîôiC': Mm* mé un partifan trop zélé de t^£f{9a[|^. 1 722* Les Mâures^^ d^pliis pius 9à%jk^ fA\
d'E s P A G NE.
.J7f
paroient une invafion en Andaloufîepour venger les défaftres qu'ils avoient eiluyés trois ans auparavant; leurs forces croient formidables; l'Afrique entière fembloit s'ébranler pour fe iranfporcer en Ef- pagne : l'Andaloufie menacée étoit rem- plie de terreur, lorfque la tempête qui tant de fois avoic été fatale aux arme- mens de l'Efpagne , le fut cette fois à celui de fes ennemis ; la flotte des Barba- res fut dirperfée& détruite. T AufTi-tôt que le Roi eut été délivré de la Waînte de voir l'Efpagne inondée par les piifulmans, il promit un fecoursde 12 bùffeaax de guerre & de fix mîUe hom- Bes de débarquement à l'Ordre de MzU [inquiété par les Turcs , à conditîop hie l'Empereur permettroitque leS^aif- aux d'Elpagne reiicheroîent dans fe^ prts d'Italie ; Charles VI. eut pcwie i mfentirà cette demande, & il laccom- jna de tant de conditions, de réfcrve
de défiance qu'on voyoit combien il
redoutoi: jufqu'à l'ombre des Efpagrioh en Italie; on reçut enfin de Vienne J'aélc chéiâe Parme Scie
572 Histoire
ii'exemptoit pas Dom Carlos d'aller prê- ter ferment de fidélité à Vienne j ennn il étoit fi peu conforme au traité de la tri- ple alliance 9 il parut fi injurieux , que la .Gour le rejetta.
Le chagrin , les -infirmités , la mé- lancolie , la retraite aufi:ere dû Roi i fan éloignement extrême pour la focié- té 9 avoient afFoibli fes forces , au point qu!il ne pouvoit plus abfolument vaquer aux affaires ; le Duc d'Orléans le voyant en ce trifte état , lui propofa d'abdiquer la Couronne en faveur du Prince des Afiuries ; Philippe reçut ce cohfeil avec avidité ; mais la Reine & le Père d'Au- benton s'y oppoferent avec tant d'élo-
SVience que le Roi n'ofa palTer outre; la .elnê^ ne L'abandonna plus , tant pour l'empêcher de fuivre le penchant qui Je cônduifoit à la retraite , eue pour vdllet â.iàfanté; le Marquis de Grimaldo& le Fere d'Aubenton furent feuls chargés du détail des afiàires ; mais les forces de pe&.d^ux hommes n'étoient pas pjroppr- tîonaées a l'énorme fardeau qui leitf Ctoi^ Jboipdfé ; les Mlniflres précéaéns - avoîéift eu le (ecours du Conleil d'Etat fi célç< Vc aiitirefois & compofé des Gràndà qui
d' Espagne. 573
avoient vieilli dans les Vice-Royautés , les AmbalTades &l le commandement des armées : ce Confeil regardé comme le Sénat de la Nation étoit anéanti; à peine comptoit-on dans la Monarchie; trois Seigneurs revêtus de la dignité de Confeiller d'Etat : les Grands étoieiit écanés avec foin de l'adminiUratlon des aflfeires ; on les humiliait chaque jom avec d'autant plus de raifon que fous les derniers Rois Autrichiens , ils avoient abufé de leur autorité : Philippe vouloît qu'ils fuflent les premiers de la Nation, te non des Rois.
La mort du Père d'Aubenion , Jéfuïte François, le Confeffeur, le Min ifireôil'o- racle de Philippe qui feul avoit trouvé le moyen de guérir les fcrupules éternels , les irréfolutions & l'extrême défiance que le Roi avoit de lui-même , confirma Philippe qui ne trouva dans le Père Ber- raudez, fucceffeurde d'Aubenton , ni les mêmes talens, ni les mêmesfecours, dans le deifein d'abdiquer la couronne ; maïs U renfermoit en lui-même fà réfolution juC- qu'à ce que k Prince des Aflurieseût ac- quis plus d'expérience ;"'"■■ •
^74 HistoirTe
ce fe diftingua par fon application ^ fon intelligence, des vertus & des talensfu- périeurs à fon âge. Le Roi étoit d'autant plus fenfible au mérite naiflant de foD fils qu'il fe voyait par-là dans la fitua- tion de fuir dans la retraite plutôt qu'il ne Tavoit efpéré j peut- être auroit - il paiTé à l'exécution de fon defifein cette ^née 9 fî la retraite délicieufe qu'il fe préparoit à Balfaïm , plus connu fous le nom de S. Ildefonfe, ou il faîfoit conilrui- it un palais , une Eglife , de vaftes & ma- gnifiques jardins , eût été prête. 723. Cependant rien n'avançoit au traité de Cambrai; la France & l'Angleterre ' médiatrices entre l'Efpagne & l'Empe- reur , ne pouvoient obtenir de ce dernier ^u'il reilituât les Etats dont nous avons parlé : l'Empereur de fon c6té exigeoit que Philippe rendît à l'Arragon & à k Ca^ talogne leurs privilèges, qu'il renonçât i l'Ordre de la Toifon d'Or, attendu qu'il ne poiTédoit pas un feu! Village desftats quiavoient appartenu aux anciens IXici dfe Bourijogne , Inftituteurs de cet Ordre célèbre .
La mort du Duc d'Orléans, auflî mat tre de la France depuis la majorité de
d'Espagne. 37^
î
Louis XV. qu'il Tayoît été pendant 1^ minorité, ne changea rien au fyftême ap- parent des affaires de PEurope ; le Duc de Bourbon ^ui lui fliccéda dans l'biii*^ loi de premier Miniftre , parut fuGéëde*-
toutes les vues* de fon prëdéceffeurV& avoir péùr TEfpagne les mêmes égards -J mais il travailloît en fecret à renvoyelr rinfante qui de neuf à dix aAs ne pouvoit donner d^béritiers au Roi de France pour Ipî faire épouferunePrinceiTe capable de retçplîr à cet égard les vœux des Fran- çois & de toute l'Europe , dont l'intérêt èxîgeoît que Louis X V, eût un fils.
La mort du Grand Duc de Tofcane Côme IIL approcha Dom Carlos dé I^éritage des Médicîs qu'on regardoit 'cbitiine ur^ dépôt entrt les mains & Jean* *]l&àfibii y Sis de Çètàé; Gaflon afiR>ibfi "par les débauches dé Û jeuneffe , & p^ Axii genre, de vie bifarré , ne pouvoft eé? pérer d'enfans j ni de longs jours.
Le Pape que TEmpereur & le confen- tement ^i^FÈurope aépouiHoît du droit dç'Suieraîncté.fur les Duchés de Parme & de Plaifance , droit dont fes prédécef- feurs jouiflbient depuis près de deux fie- cUs^ fe hâta de donner Tinvediture des
37^ Pis TOI RE
deux Duchés à Dom Carlos pour'con- ferver fes droits»
Le Portugal étoit alors en proye ji une mfiladie épidémique oui emporta Qua- . rante mille perfonnes dans la feule Ville deLifbonne : on attribua cette maladie à la malignité de Tair qui ne fut rafraicU -dans la Peninfule par aucune pluye ; cet- te fëcherefle extraordinaire brûla la ré- colte ; rEfpagne parugea avec le Pprta- gai ce dernier fléau : fans l'induâneiifc avidité des Négocians Italiens qui ik iàr terent d'apporter dans les Ports des deux Royaumes les bleds de France , de Sicile & d'Afrique , le Royaume eût été ca proye à la plus horrible famine^
Ce malheur public fut fuivi d'un (K- iaftre particulier^ qui. coûta la vie à plu- sieurs perfonnes de h plushaute difluic*' tion; il s'éleva le quinze Septembre i JMadrid & aux environs un orage teni- blemêlé d'une pluye fi abondante &fi continuelle que la campagne fubmergée préfenroit Timage de la Mer ; une mai- lon de plaifance dans laquelle le Duc de Ja Mirandoie donnoit une fêre à plufieurs perfonnes de la Cour fut inondée ; laDu- chefle fon époufe ^ le Marquis de Caflel-
D^ESPAGNE. 377
Rodrigo 5 Capitaine général , D. Tibère Carafine , & d'autres perfonnes confidéra- bles lurent noyées dans cette efpece de déluge.
La face de l'Efpagne changea tout à coup au commencement de cette année ^7^4 par un événement qui étonna TEurope , & confondit les politiques. Cet évene-^ ment fi imprévu , & dont THiftoire four- nit peu d'exemples , fut l'abdication du Roi rendue publique par un décret .da< dix Janvier ; les uns admirèrent cette réfolutîon , d'autres la blâmèrent : elle doit être regardée comme héroïque dans un Prince qui n'avoit pas quarante ans, & qui à peme tranquille pofleffeur d'un tnrône qui lui avoit coûté tant de tra- vaux , d'inquiétudes & d'allarmes , s'en dépouilloit avec tant de grandeur d'ame qu'il fit même un vœu folemnel de n'y jamais remonter.
Ceux qui fe piquent de démêler le motif fecret des aâions des Rois, ont prétendu que Philippe n'abdiqua que pour fe rendre habile à fucc^aer à la Couronne de France , dans le cas que J^ouis XV. dont le tempérament n'étoit pas encore formé , vînt à mourir ; ils ap-
^
Hl STO ^AB
puyoient leur fentiment fur le caraâere de la Reine dont l'élévation , l'amour
de la gloire , le génie aâif ne lui au- roient point permis de paffer à une vie privée , fi elle n'eût eu la perfpeéHve qu'ils donnent \ Philippe; mais outre que ce Prince auroit pu échapper à la vi^lance de la Reine > on lui fuppofe bien peu de lumières , ainfi qu'a fon époufe j s'il n'eût pas apperçu les obfia- clés qui s'oppofoient à une e(pérance fi vaine. L'Europe en feu pour empêcher Louis XIV. d'établir en fa perfonne une branche de la Maifon de Bourbon fur le thrône d'Efpagne , les torrens de fanjf qu'il avoir fallu verfer ^ le danger immi- nent des deux Peuples prêts a fuccom- ber, la divifion fanglante de la Monar* chie Efpagnole , la querelle avec l'Em- pereur qui n'étoit pas encore ternoînée ; tous ces terribles objets étoient trop pré- fens à Philippe pour facrifier une Coq- ronne à l'efpoir incertain d'un héritage auquel il avoit renoncé.
L'unique motif de l'abdication de Phi- lippe fut , comme nous l'avons infinuéi la perfuafion du néant des grandeurs hu« maines > une confcience timorée » Teonui
d'Espagne* 375^
des aiïkires , l'amour du repos , le foin de fon falut qu'il croyoit plus fiacile dans la retraite que fur un thrône femé d'é- cueils. Le premier foin de tt Roi fi pieux fut de faire parvenir à l'Empereur Charles VI. fon abdication ; en affurant ce Prince , fon rival & fon ennemi qull -alloit demander à Dieu pour lui ufi fils qui pût être un jour à fon exemple le dé- tenteur des Chrétiens contre les Turcs.
Charles-Quint , après un rejçne plus brillant & non moins tumultueux j abdi- qua la même Couronne; Charles étonna .davantage , parce qu'il avoit fait éclater pendant quarante ans l'ambition la plus vafie 9 parce que les honneurs ^ l'éclat f les viéteires , l'autorité avoient toujours paru avoir les attraits les plus touchans pour ce Prince plein de génie , d'adlivité & d'ardeur. Avec autant de courage , >e avoit toujours témoigné plus de tic , de défintéreflement & d'éloî- .gnemerit des affaires.
Au refle il y a à certains égards de la fimilitude dans l'une & Tautre abdica^* tîon; Charles & Philippe dtoient tous les deux étrangers à TEfpagne : tous deux épuifés par les travaux de la gUcfm
380 Histoire
les foins , les inquiétudes du rOouverne- ment & par une vieillefTe prématurée 9 avoient un fils adoré des Ëlp^gnols. Ne voulurent-ils pas Tun & Tautre récom- penfer une Nation fidelle^ géncreufe, at- tachée, en lui donnant pour Roi l'objet de fon amour & de fes déUces f L'éclat
3a'un facrifice inoui devoit lui donner ans la pofiéricé , peut avoir influé éins la réfolution d^un Prince auili paffiofr né pour la gloire que Charles- Qùint; au lieu que Philippe ne fîit guidé dans la Tienne que par le dégoût des gran- deurs humaines : mais ce qu'on n^auroit S eut être pas attendu de deux Princes 'un caraélere fi différent , c'eft que Charles vécut en Moine dans fa retraite, & Philippe en Prince.
La ledure de Tade touchant par le- quel Philippe reeonçoit à la fleur de fon âge à tant de Couronnes , fit fondre en larmes le Prince en faveur de qui il faifoit un tel facrifice; les Grands, quoique prévenus contre Philippe qui les avoir humiliés , ne purent s empê- cher d'adnyrer Théroïfme & la piété de fa réfolution : avant que de partir pour Smt Jldefonfe , le .Koi duliibua \g%
d'Espagne. 381
prîncîpflittx emplois de la Monarchie à ceux qu'il en crût le plus dignes i & pour fiippleér à Pinexpériénce d'un jeune Roi 9 il lui forma un Confeil privé compofé du Alarquls de Mirabal , Préfident du Con- seil de Caftille j de l'Archevêque de To- kde (4») , du Grand Inquifiteur (^) ,'4es Marquis de Leyde > de V alero ^ du Com- te de Sari* Ifte van del Puerto , & de Dâ Michel -François Guerra: il fè réferva une penflon de trois millions qui y après fa mort , deyoit pafler fur la tête de la I^eine ; ea.-^iSgna uoe de fept cent cin* quante mille livres à chacun des Infants y éc une de deux cent cinquante mille aux Infantes. Après tous ces arrangemens 9 Philippe partît enfin pour la retraite , après laquelle il avoit tant foupiré 9 fuivi de la Reine , de la Princefle de Ro- beque, de la Marquifè de lasNielvas^ des Marquis de Grimaldo &; de Valoufe* Les gens fenfés regardoïent fon ab'- dication comme nulle 3 attendu qu'au- cun Roi ne peut rompre le contrat mu- tuel qui eft entre fon Peuple & lui »
(a) Dom Dîegue d'Aftorgue y Cefpides.
(b) Dom Juan de Camargo , Evêque de Pamr pelune«
38o
Hl s T O I RE
leâ foins , les inquiétudes du. Gouverné- ment & par une vieillefle prétnaturée , avoient un fils adoré des Êlpagnols. Ne voulurent-ils pas l'un & TaTitre récom- penfer une Nation fidelle, généreufe, at- tachée, en lui donnant pour Roi l'objet de fon amour & de fes déUces f L'écUt
Sa'un facrifîce inoui devoit lui donner ans la pofiéricé , peut avoir influé éans U réfolution d'un Prince auffi pailîofr né pour la gloire que Charles^- Quint; au lieu que Philippe ne fîit guidé dans la Tienne que par le dégoût des gran- deurs humaines : mais ce qu'on n^auroit S eut être pas attendu de deux Pnnces 'un caraélere fi différent , c'eft que Chsrles vécut en Moine dans fa retraite» & Philippe en Prince.
La leéiure de Taéle touchant par le- .quel Philippe reeonçoit à la fleur de fon âge à tant de Couronnes , fit fondre en larmes le Prince en faveur de qui il faifoit un tel facrifîce ; les iGranos^ quoique prévenus contre Philippe qui les avoir humiliés , ne purent s empê' cher d'adnyrer ThéroiTme & la piété de fa réfolution : avant que de partir pour $mt iUdefonfe , le .Koi diftnbua \s%
d'Es:P JLGNEf. jSt
principflSttX emplois de la Monarchie à ceux qu'il eo criitle plus dignes i & pour fuppleér à l'inexpérience d'un jeune Roi y U lui jbrma un Confeil privé compofé du> Marquis de Mirabal , Préiîdent du Con-, feil de Cailille j de l'Archevêque de Tq* kdé (4) , du Grand Inquifiteur (^) ,-des Marquis de iieyde , de V alero , du Com-^ te de Sari-làevan del Puerto , & de Dé Michel - François Guerra : il fe réferva une penflon de trois millions qui , après fa mort » deyoit pafler fur la tête de la I^eîne;.ef^:9i5gnauôe de.fept cent cin*« quante mille livres à chacun 4e$ Infants >« & une de deux cent cinquante mille aux Infantes. Après tous ces arrangemens » Philippe panit enfin pour la retraite ^ après laquelle il avoit tant foupiré 9 fuivi de la Reine , de' la Princefle de Ro- beque » de la Marquife dt las Nielvas , des Marquis de Grimaldp âç'de Valoufe* Les gens fenfés regardbÎN^nt fon ab- dication comme nulle 1 attendu qu'au- cun Roi ne peut rompre le contrat mu- tuel qui eft entre fon Peuple & lui ,
(a) Dom Dîegue d'Aftorgue y Cefpides.
(b) Dom Juan de Camargo , Evêque de Pamr pelune*
^82 Histoire
qu'en vertu du cônfentement du Peu-i pie : or j les las Cartes qui en Ef^agne re- préfentent le Peuple , n'avoienc ëté ni convoquées, ni aiTemblées, niconfultëes} elles n'avoient pas enfin reçu la renoncia- tion que leur cônfentement feul pfouvoit légitimer ; cependant le nouveau Roi fut proclamé à Madrid & dans toutes les Villes de la Monarchie avec des tranf- ports de joye éclatans ; les Efpagnols ja- loux de l'amitié de leur maître » ne pou* voient s'empêcher d'applaudir à un Roi dont ils ne^artageoient le cœur avec au* cune autre Nation.
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d'Espagne. " 585
LOUIS !• furnommé le Sien^aimé.
LOUIS fignala les premiers jours j ^24 de fon règne en comblant de grâces & de bienfaits tous ceux qui l'appro- choient ; mais la générofité de ce jeune Prince fut telle aue le Confeil fe vit ré- duit à en modérer l'excès. Le tréfor Royal étoi endetté de quinze millions , parce que depuis la paix d'Utrecht olti n'avoit ceffé d'entretenir cent mille hom- mes & une flotte ,à^ quarante vaiflèaux ; les Marquis'de Mirabal & de Leyde ofe^ rent alors propofer de retrancher la moi- tié de la penfion de Pex-Roi , & fur-tout de fecouer le joug de fa dépendance ; Louis pleifi de reconnôiifance & de ten-? drefle , i?ejwtft ayec indignation un con- feil dont il'fei¥:<»t toute Tingratitude j il «ima nmitiféélvàît fa dépenfe particu- lière y & lireiferra. de lui-même les nœuds; qui le tenotént attachés à S. Udefonfè ^ en ne feifant rien d'important fans con- fulter un père qu'il regardoit comme fon ' oracle; Philippe > de la retraite ^ çon^up ibit , à l'aide de là Reine & du IVlarqivij jdb Grimaldo , la Monarçhiç dont le Oçûs
Histoire
HMH*
vernement ne changea point de face.
L'avènement de Louis fut célébré i l'exemple de ceux de fes prédéceffeurs i par un Auto dàfè, regardé en Efpagne par la pompe , Tappareil & les cérémo- nies qui l'accompagnent , comme une fê- te, comme un facrifice fait à la.Divinité| tandis que toute l'Europe n'y voit que le fupplice aflfreux de quelques malheu- reux, cinq viâimes périrent dans les flam- mes î fpeftacle pea digne d'un Roi & d'une Nation fi relpeélables.
Cependant le Roi marchant fur les traces de Philippe qui n'avoit ceffé de prodiguer Içs grâces aux Militaires j ordonna par un décret que les -Capi- taines Généraux & les Lieutenans Gé- néraux auroient à la Cour les mêmes entrées que les Grands ; on vouloit fai- re renaître en Efpagne les vertus guer- fieres , & tourner la Noblêfle oifîve du côté de la guerre ; c'efl dans ces vues que Philippe V. avoir toujours préféré pour les vice - Royautés & les Gou- v.ernemens généraux les Militaires aux Grands & aux courtifans qui n'avoient de inérite qu'un grand- nom & de gran* 4es richefles | les Officiers ' fubaltdmes
Itrouyerent
d'Espagne, ^Sf
trouvèrent aufli dans le nouveau Roi, comme dans Ton père , le bienfaiteur le plus généreux.
Le Cardinal de Belluga , cet Evêque de Murcie qui avoit combattu avec tant de courage pour la querelle de Philippe V. procéda cette année en vertu d'une Bulle du Pape , & du confentement du Roi à la réforme du Clergé d'Efpagne devenu méconnoiflfabk par la licence des guerres civiles ; Innocent 'XII F, de qui le zélé Belluga avoit obtenu la Bulle ^ n'étoit plus. Le Cardinal des Urdns , le plus vertueux Prélat de la République Chrétienne , lui avoit fuccédé fous le nom de Benoît XIIL
Onreçut enfin de Vienne les lettres d'in- veftiture de Florence & de Parme avec les claufes les plus étendues & les plus favorables ; elles s'étendoient non-feule- ment à Dom Carlos , mais à tous fes fre-* tes du mêm^ lit , & à leur poftérité maf- culine ; cependant on n*o{a envoyer D. Carlos en Italie avec les fix. mille Suif- fes ( ^ ) dont l'Empereur avoit permit qu'il fût accompagné ; on n'olâ rn^me
(d) On n'avoît jamais voul^ Carlos fût accompagné d'un I Tom£ r.
388 Histoire
rent à touç les politiques que la Fi & rEfpagne étoient à la veille d'une tare ; la Reine régnante jeune & pi de feu avoit foulé aux pieds les loiife res de l'étiquette qui condamnent bl Souveraines d'Efpagne à une retraiteaot tere & à des ufages très-gênans ; leKoi donna ordre qu'on renfermât cette FA* ceiTe dans Ton appartement oh elle Bl pouvoit voir que la Comteflè d'Akanûn Ta Camarera-Mayor & quelques auuts Dames très-graves : la publicité de cette efpece de châtiment fit ejSèt fur Yégà de la jeune Reine qui enfin fe fournit ans ufages de la Nation chez qui elle rcgnà^ Le Roi qui l'aimoit avec tendreflè» lehâa de lui faire perdre le fouvenir de cette mortification par fes careiTes lie par fes complaifances ; mais il chaffa du^^hh une Dame d'honneur & plufîeurs (îame- riftes, dont les confeils avoient porté la jeune Reine à méprifer l'Etiquette.
Le Roi ne furvécut pas long-tems à cet événement dont on parla beaucoup en Europe , il mourut le trente-un Août entre les bras de la Reine , d'une petite vérole maligne ; il n'avoit que dix-fept ans &c fix jours; il n'y avoit pas huitmoil
d'Espagne. 387
tendue comme inconteftable , fut delà* voué de fon maître , & rappelle à la fol^ licitation des Rois de France & d'An- ^leterre.
Sur ces entrefaîtes , le Maréchal de Teffé arriva à Madrid chargé de la né- gociation la plus délicate ; il s'agiflbit de faire confentir la Cour à rappeller de VerfaîUes l'Infente traitée en France comme Reine depuis trois ans ; mais le Maréchal échoua , le Roi Philippe & fon ^poufe ne pouvoieot feulement foutenir
. l'idée de voir le. thrône de France occu- pé par une autre Frinceife que par leur fille.
Il eft confiant encore une fois que le Duc de Bourbon , auteur du confeil de renvoyer Tln&nte , ne £iifoit que céder âux vœux de b. France & de toute TEu- rope , dont Fintérêt étoit de voir un fils à Louis XV* Ce Prince n'en pouvoic eC- pérer de huit ans de PInfante qui pour ïors n'en avoit que fix : à quels orages la
[République Chrétienne ne devoit-elle
Sas s'attendre , fi la mort eût enlevé le Lûi de France avant qu'il eût un fils ? , Cette négociation dont le fecret traD& j>îra, & un incident Cngulier perfuade-.
388 Histoire
rent à touç les politiques que la France & TËfpagne étoient à la veille d'une rup* tare ; la Reine régnante jeune & pleine de feu avoit foulé aux pieds les loix ièvé- tes de l'étiquette qui condamnent les Souveraines d'Efpagne à une retraite aof- tere & à des ufages très-gênans ; le Roi donna ordre qu'on renfermât cette Prilh ceiTe dans Ton appartement oh elle oc pouvok voir que la Comtefle d'Akamin Ta Camarera-Mayor & quelques autres Dames très-graves : la publicité de cette efpece de châtiment fit efièt fur refpiit de la jeune Reine qui. enfin fe (bumit am ufages de la Nation chez qui elle refipou Le Roi qui l'aimoit avec tendreflè^ lehâta de lui faire perdre le fouvenir de cette mortification par fes carefies Ôc par fes complaifaBces ; mais il chài& du palah une Dame d'honneur & plufieurs Canx^ rides , dont les confeils avoient porté b jeune Reine à méprifer l'Etiquette.
Le Roi ne furvécut pas long-tems à cet événement dont on parla beaucoup en Europe , il mourut le trente-un Août entre les bras de la Reine 9 d'une petite vérole maligne ; il n'avoit que dix-fept ans &c Cm jours i il n'y avoir pas huit moii
D*Es P A GN Erf 585;^
qu'il portoit une couronne dont il étoit fi digne r^m^is PEfpagne ne fut plusfen- fible à la mort d'aucun de fes Rois ; elle croyoît voir en lui fon Titus. Louis L avoit en eâPet- ta* beauté du corps & de l'ame , le génie , la douceur , la libéra- lité , la clémence & les vertus de cet Empereur Romain. Il regrettoit comme lui un jour écoulé fans avoir fait des heu- reux : avant que d'expirer ^ il fit un aâe de rétroceflioD de la Couronne en faveur de fon père à qui il ne recommanda que la Reine fon époufe , qui avoit eu le cou- rage de ne pas l'abandonner un inflanc pendant fa maladie , & qui alors confu-* Diée du même poifon ^ étoit mourante
R il j
3jpO HlSTOIJlE
Interrègne de fept jours.
PHILIPPE fut tout ce tems fans vouloir remonter iur k thrône ; il oppofoit fon vœu aux fuppliques & aux inuances des confcils ^ aux déflrs de la Nation & aux prières du Maréchal de Tefifé qui le conjura en vain au nom du Roi de France (on neveu » de fe rendre aux befoins de fes Sujets & à ceux de Tes enfans qui , pendant la longue minorité de Ferdinand , pourroîent perdre Théri- tage des Médicis & des Farnefès. L'élo- quence du Nonce du Pape fut aufli inu- tile que celle de Teffé auprès d'un Prin- ce véritablement détrompé de Téclat & de la grandeur : les larmes , la douleur & les raifons de la Reine ne firent pa$ plus d'effet ; enfin la décilion d'une aP- lemblée de Théologiens qui déclara que le vœu étoit nul de toute nullité , & que le Roî donnoit atteinte à la juftice en s'o- piniâtrant à l'obferver ; les menaces du refus de l'abfolution que lui faifoit fon Confefleur , forcèrent Philippe de facri- fier fon goût pour la retraite 3 il déclara
V^K SP A tf I^ E^ 5pl
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par un décret du fix Septembre qulï confentoit à remonter fur le thrône com- me Roi & Seigneur naturel , à condition de le remettre à fon fik aîné, quand il lui* auroît trouvé Page & rexpérienec n^- cefiaires , «i moins , ajoutoit:il, (jhc cjnel'^ que raifon importante ne mien empêche^ Eli même - tems il convoqua les Us^ Corte$ pour faire reconnoître Tlnfant Ferdir- nançt en qualité de Prince de^s Afturies. Les las Cortes n'avoient point été con- voquées fous le dernier règne contre Tu- fage obfervé depiiîs la fondation de la Monarchie , de les aifembler à chaque avènement , pour rendre hommage au nouveau Roi. On s'étoit contenté , afin d'épargner les frais immenfes qu^entraî- n^nt ces fortes d'affemblées , d'exïgef des Villes qui ont droit d^ députer un sde par lequel elles reconnoinoient le Ivoi , & lui prétoient ferment de fidélitCr
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5P2 Histoire
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PHILIPPE V.
LE premier foin du Roi y apFès avoir > fuivant l'ufage , palTé quarante joun dans la retraite , fut de fe rendre à l'Ef- curial où tous les Grands vinrent lui bai- fer la main. Il difgracia le Marquis' de Mirabal qui avoit donné au feu Roî le confeil de diminuer la' penfion qu'il s^ toit réfçrvée dans fa retraite^ & de fecooer le joug de la Cour de S. Ildefonfe ; l'E- vêque de Siguença remplaça Mirabal dans la Préfidence du Confeil de CaflU- k ; le Marquis de Leyde , Préfident du Confeil de guerre , & le plus grand Ca- pitaine d^Efpagne qui ayoit appuyé le fentiment de Mirabal, ne fut pas traité fi durement; le Roi fe contenta de lui dire, Aïarqîtis de Leyde j je n aurais jamais cr» cela de vous.'^ mais ce reproche percale cœur du Marquis qui fe rappellant alors la confiance & les bienfaits de Philippe, défefpére de lui avoir manqué j tomba malade , & mourut de douleur.
Le Roi exila en même-tems pla- ceurs jeunes Seigneurs qui avoient fait ciaîtrc au feu Roi le goût des exercl-
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D- Espagne. * 35)3
ces violens auxquels il fe livra trop , & j[u'on regarda comme la caufe de fa mort» tl n'épargna pas plus ceux qui avoient eu la complaifance de l'accompagner , loif- qu'ii fortoit la nuit fans fuite &: à pied pour (è promener dans les rues de Ma- drid f & pour fatiaiiire une vaine curio- fité.
Cependant les las Certes aflemblées^ dans FEglife des Hiéronimites 5 procla- mèrent le vingt-cinq Novembre Tlnfant Ferdinand , Pnnce des Afluries.
La Gour fouffroit avec impatience lai72j*, lenteur &: l'indécifion du congrès de Cambrai , l-étabtifTement de Dom Car- Ibs lui paroiiToic fort incertain , &: la paix orès-éloignée ; mais l'arbitre des Royau- mes en avoit deftiné un en Italie au Prince £fpagnol-9 de fixé à Tannée que nous par- couions la fin d'une querelle qui depuis ^y ansagitoit la République Chrétienne ; îl-fe (èrvit pour réconcilier le Roi & TEmi* pereur. de rinftrumwt qu'on auroit cru le moins-propre à une fi grande afiàire.
Il y avoir alors à Madrid un Hollan- dais iconnu fous le nom de Baron de Rip-^ Enrda ; cet^omme avoit d'abord paru i' iCour ^Efpagnes^rès le t faite d'U*-
R v
^P4. HtSTOIKB
trecht, en qualité d'Envoyé d'Hollande r fa commîflion remplie , il retourna dans, fa Patrie d'où après avoir mis ordre à fes aifàires , il revint en Efpagnq dans Tef-
{)érance d'y faire une grande fortune j 'exemple,* d'Alberoni , de Law & de- plufieurs autres parvoiius dans des. Pays étrangers au comble de ^élévation , ani- moitRiperda : la Cour dont les vues: commençoient à embrafler le commerce fi employa en effet cet Etranger pour éta- blir des manufaélures de drap ; elle lui donna avec de gros appointemens l'em- ploi de Direéleur Général de ces.nou-^ veaux EtabliiTemens ; Rippcrda abjurai alors la Religion réformée , fe fit natura- lifer Efpagnol , &c fe maria dans fa nou- velle PatriCé Cet homme hardi , intri^i^ gant fens génie , & qui n'avoit d'au- tres connoiuances que celles du commer- ce, pénétra bientôt le dégoût de la Copp* fur la médiation de la France Se de l'An- gleterre qui ne paroiiToient pas aifez a^ dentés pour lés intérêts de rE^agne;il< oâritauRoi d'amener l'Empereur à un: traité particulier par le canal du Prince . Eugène dont il étoit connu depuis lônç- iem& Philippe, reçut avec avldué. lés oS^
d'Es P ÀGN £.
39f
de rAventurier , qui déguifé & ca^ dans un des Fauxbourgà de Vienne en eflFet le bonheur de conclure feul. paix, à la conclufipn de laquelle* ient échoué depuis treize ans les meil-*-, es têtes de l'Europe. >e traité figné le trente Avril ne con* >it rien de contraire à celui de Lon-ï i ; Philippe renonçoit aux Royaumes Naples & de Sicile , aux Pays-£as> lU Milanez , & l'Empereur à l'Efpa- & aux Jndes ; tous les deux fe garan-^ ient mutuellement Pordre de iuccef-i établi dans leur Maifon , fçavoir l%i le%las Cortes de mil fept cent treize ^i exclut du thrône d'Efpagne les filles rendues de Philippe, tant qu'il y aura: mâles iiTus de lui , & la fameufe Prag-^; ique-Sanâion de Charles VI. par la^^ Uc il appelle à la fucceflion indivifif; le fbs vaftes Etats fes filles , & à leur» L«t celles de l'Empereur Jofepfa , &} ti celles de l'Empereur Léopold. li*Empereur & le Roi con fer voient = u^ lejLir mort les titres qu'ils avaient: , mais leurs fucce0eurs ne devoienti :er que ceux des Etats dont.ils^leil dt fédfembntjeo poffiiffioojidbes^dBài»
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^P4 HtSTOIKB
trecht , en qualité d'Envoyé d'Hollande: fa commîflion remplie , il retourna dans fa Patrie d'où après avoir mis ordre à fes aiFaires , il revint en Efpagne dans l'ef-
{)érance d'y faire une grande fortune; 'exemple.» d'Alberoni , de Law & de plufieurs autres parvQlius dans des Pays étrangers au comble de l'élévation , ani- moit Riperda : la Cour dont les vues- commençoientà embralTer le commerce 9. employa en effet cet Etranger pour éta- blir des manufaélures de drap ; elle lui donna avec de gros appointemens l'em- ploi de Direéleur Général de ces nou- veaux EtabliiTemens ; Rippcrda abjura, alors la Religion réformée , fe fit natura- lifer Efpagnol , &c fe maria dans fa nou-- velle Patrie. Cet homme hardi , intri^ gant &ns génie , & qui n'avcùt d'au- tres connoifiances que celles du commer- ce, pénétra bientôt le dégoût de la Cofir- fur la médiation de la France & dé TAn* gleterre qui ne paroiifoient pas aflèz s^r* dentespour lès intérêts de VEl^j^^gpei il^ oâritauRoi d'amener Pfjnpereurà uns traité particulier par le canal du Prince'^ Eugène dont il étoit connu diepuis lônç lems^.Fhilippe. reçut avec avidité. Ic3ufl£
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D' E S P À G N £. jpjf^
Ir fres de rAventurier , qui déguifé & ca- u ché dans un des Fauxbourgs de Vienne eut en effet le bonheur de conclure feul- une paix, à la conclufipn de laquelle, aboient échoué depuis treize ans les meil< léures têtes de l'Europe. ■ Ce traité figné le trente Avril ne con* tenoit rien de contraire à celui de Lon-' dres ; Philippe renonçoit aux Royaumer de Naples & de Sicile, aux Pays^£as> &xau Milanez , & l'Empereur à l'Efpa-* gne & aux Jndes ; tous les deux le garan-' nfibient mutuellement Tordre de iuccef-i iion établi dans leur Maifon , fçavoir ia^ loi des las Cortés de mil fept cent treize ,;
3ui exclut du thrône d^Efpagne les filles efcendues de Philippe, tant qu'il y aura*. des mâles iiTus delui,& lafameufe Prag-^ roatique-Sanâion de Charles VI. par la^: quelle il appelle à la fucceffion indivifif^ ble'de (es vaftes Etats fes filles , & si leur; dé&ut celles de l'Empereur Jofepfa , &: enfin celles de l'Empereur Léopold.
L'Empereur & le Roi con fer voient- Jiifqu^ leur mort les titres qu'ils avaient; pris , mais leurs fucce0eurs ne dévoient: porter que ceux des Etats dont.ilsvieil xKÛsnt féeUembn^eo poffiiffioojiles'djBàio
Rvi
5 c;6 Histoire
Princes confentoient à une amnîftie gé- nérale & refpedive pourleurs Sujets qui dès lors furent rétablis dans la poflbflion des biens que les uns avoient perdus par amitié pour Philippe , & les autres par attachement pour Charles; TEmpereuP
Eromettoit un décret d'expeftative pour L fucceflîon aux Duchés de Tofcane & de Parme , & l'inveftiture dans la forme-
Su'exîgeoit Philippe; mais Philippe aban^ onnôit la proteftioa des- Princes d*Ita* lie déthrônés ; il donnoit un niilliôn-d'é- cus , & s'engag^oit à défendre de toutes-- fbs forces la Compagnie de comnierce que ^Empereur avoit établie à Oft^nde*. Tels furent les principaux articles de* ce fameux traité qui mit fin à une guerre- qui ébranloit la République Chréuenne* depuis tant d'années ; Philippe eut enfin* k iatisfaâion d'être reconnu Roid'Efpa- gne par un rival qui plus d'une fois avoir été prêt à le renverfer du thrône : mais: c'eft prefque le feul avantage qu'il re* tira d un traité dont l'Empereur- paroît avoir didlé les conditions. Toute i Eu- xope aflemblée dépuis plufieur» années; it Cambrai pour cette grande afiàire? «fétoit encore convenue de rie».j lufe-
D*^E s r r
^ cnfuke dt i: . rivù-il deux foi^ ô1u.-l w.tii; u.uî >ei:on vint pounsntàboutcci^- fUlippc à une négociation, nuit
il exîgeoit pour cnlUnùru'iTc U ;: du Duc de Bourbon , ilon ait~ ûnUlre , la négociamn Uhotti « iDce fe ligua avec l'AnKlctentfit cpar un traité (igné i Hanovre j, ;jnles intérêts ctoient doncç
I te f\(lême d'une aUiaoer A ■* France &c. t'Ëfpagu, ~
<:«, auquel étoim '^ -lis for la fin def< ,
tt en France , w Hliftcre Erp'
5p8 Histoire
rupture occafionnée par le renvoi de rinfante f
Le reflentiment du Roi fut tel à cet- te nouvelle qu'il fit fortir de fes Etats FAbbé de Livri , Miniftre de Fran- ce» & tous les Confuls François; Mar demoifelle de Beaujolois deflinée à Don Carlos y & la Keine , veuve de Louis L qui depuis la mort de fon époux ne pou- vant foutenir la vue dû Palais & le iejour de TEfpagne » avoit obtenu de retouiner dans fa Patrie , furent renvoyées ; la Cour fit entendre à cette dernière qu'elle oe devoit plus compter fur la penuon de Sx cent mille livres qui lui avoit été aifi* ghée ; Philippe oraonna à fes Miniflres de n'avoir aucune communication data les Cours étrangères , avec ceux deFran- ce , & en même-tems figna (/i) un traité de ligue ofiènfive & défenfive avec la Cour de Vienne dans lequel la Ruffie cfr tra ; enfin , ce ne fut que l'impuiffancc qui empêcha le Roi de poner fa ven- geance a de plus grandes extrémités. En vain le Roi de France qui venoit d'é* poufer là Princefle Marie Leczinski ,
(à) Ce traité fut précédé d'un traité de com- «icrçe avec la Cour de Vienne*. .
d'E s F a g N Ei 5P5'
Slle de Staniflas, Roide Pologne dë- ^né^ enfuite de la chute de Charles; !. écrivit- il deux fois à fon oncle pour aimer : on vint pourtant à tout aen- er Philippe à une négociation , mais; une il exîgeoit pour préliminaire la« race du Duc de Bou Aon , alçrs pre- r Miniftre , la négociation échoua y. iTraneefe ligua avec l'Angleterre &. rufle par un traité fîgné à Hanovre ;. '^ritables intérêts étoient donc con- luSk Le fyftême d'une alliance étroite, e la France & l'Efpagne, fj^ftême t fage , auquel étoit revenu le Duo rléans ^u^la fin de fa vie y n'étoit pas. Qnnu en France , mais la paillon éga- le Miniftere Ëfpagnol ; enfin la rai-v , l!intérêt des Peuples diflîperent ceè: ^9 8c on retourna de part & d'aun aux juftes fentimens qu'exigent les; I du rang.
lependànt il s'élevoit dans Tintérieur v loyaume ^ & fur-tout dans les Pro- \ es d- Arragon & de Valence des fédU i dangereufes ; les Arragonois & les ;
f. Cette digne Reine occupe encore aujour- le thr6oe oà la Providence Ta appellée ». Ait Tornement f^rla piété 9 fes vertus Sc^ iniérefi*.
5p8 Histoire
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rupture occafionnée par le renvoi de rinfante f
Le reflentiment du Roi fut tel à cet- te nouvelle qu'il fit fortir de fes Etats FAbbé de Dvri , Miniftrc de Fran- ce, & tous les Confuls François; Aïa- demoifelle de Beaujolois deflinée à Dom^ Carlos , & la Reine , veuve de Louis L qui depuis la mort de fon époux ne pou* vant foutenir la vue dû Palais & le féjour de TEfpagne , avoit obtenu de retourner dans fa Patrie , furent renvoyées ; la Cour fit entendre à cette dernière qu'elle oe Revoit plus compter fur la penuon de fii cent mille livres qui lui avoit été afli'
friée ; Philippe ordonna à fes Mîniftres t n'avoir aucune communication daitf les Cours étrangères , avec ceux deFran- ce , & en même-tems figna {d) un traite de ligue ofiènfive & défenfive avec la Cour de Vienne dans lequel la Ruflievn- tra ; enfin , ce ne fut que PimpuiiSince qui empêcha le Roi de poner (a ven- geance a de plus grandes extrémités. En vain le Roi de France qui venoit d'é- poufer là Princefle Marie Leczinski ,
(fl) Ce traité fut précédé d*un traité de coin- ai^rçe avec la Cour de Vienne*, , ,
D*'E s P A G N E. 5P5'
{h) fille de Staniflas , Roi de Pologne dé-- thrôné, enfuite de la chute de Charles; Xn. écrivit-il deux fois à fon oncle pour le calmer : on vint pourtant à bout d*en-; gager Philippe à une négociation , mais; comme il exigeoit pour préliminaire la» difgrace du Duc de Bou Aon , alors pre- mier Miniftre > la négociation échoua ,. & laTranee fe ligua avec l'Angleterre &. la Prufle par un traité figné à Hanovre ;. les véritables intérêts étoient donc con^ fondus. Le fyftême d'une alliance étroite, entre la France & l'Efpagne, ^ftême vrai 9 fage , auquel étoit revenu le Duo d'Orléans fu^la fin de fa vie , h'étoit pas. roéconnu en France , mais la paflîon éga- roit le Miniftere Efpagnol ; enfin la rai-r fûn , l!intérêt des Peuples diffiperent ceè: nuages. Se on retourna de part & d'aun tre aux juftes fentimens qu'exigent les; liens du lang.
Cependant il.s'élevoit dans l'intérieur. \ du Royaume ^ & fùr^tour dans les Pro^ \ vinces d'Arragon & de Valence desfédiT dons dangereufes ; les Arragonois & les;
(fl). Cette digne Reine occupe encore aujour- d'hui le thrône oà la Providence l'a appellée , . & en fait l'ornement par fa piété , fes vertus & fesJumierefi*.
400 H r s T o I RE
Valenciens avoient toujours efpéré que FEmpereur ne figneroit de paix qu'il nt leur eût au préalable obtenir là re(litu« tion de leurs privilèges ; la plupart voyant leurs efjpérances trompées , parurent ne point vouloir furvivre à des droits auxquels ils tiennent autant qu'à la vie ; Hs prirent les atmes^ mais Taélivité , la vigilance & la fermeté de la- Reine qur feule alors gouvernoit la Monarchie , les réduifit l^ientôt à implorer là clémence du Roi.
L'Europe applaudïffoit aFors au- Pa- pe Benoît XIIi. qui fie éclater le véri' table efprit de TEglife dans lé Concile National de Latran où il fit rendre uir décret par lequel il eft ordonné qpe Pin*- quifîtion foit en Efpagne , foit en Portu- gal ne pourra faire le procès' aux maK heureux, détenus dans fes prifons'» qu'a- près leur avoir communiqué' les che6 d'accufation pour lefquels ils^font arrê- tés , afin qu'ils y puiflent répondre parle miniftere aun Avocat j un autre décret aufli' fage ordonne que lé S, Office ne pourra procéder à Fexécution dos crimi- nels , qu'après que leurs • arrêts auront été examinés & confirmés dans, le Cout feil du Roi-
d'Espagne^ 401
I/Efpagne perdit cette année un Allié qui fut l'ornement de fon fiécle & de fa Patrie ; on voit que je veux parler du Czar Pierre le Grand en qui les Rufles; eurent à regretter kur père , kur légifla- teur ; tranchons le mot , leur créateur» Perfonne n'ignore que ce Prince immor- tel dans Tefpace de quelques années trou- blées par les guerres , opéra des prodi- ges qu'on ne feroit en droit d'attendre Sue de phifîeurs fîecks ; il introduiiit ans fes vaftes Etats les fciences^ les arts , le commerce y k marine > la fociété > ks vertus & l'amour de la gloire. D'un Peu- ple barbare & inconnu > il ât une NatioB guerrière , éclairée , puiflante & refpec- table ; malheureux en ce qu'il lui fallut ouelquefois acheter le bonheur de fes oujets par l'eflFufion du fang le plus pré- cieux (a) : la Czarine Catherine , fon époufe dont l'hiftoire paroîtroit un Ro- man à la Poftérité , fi la Ruffie & TUni- vers pouvoient ceffer de retentir de faa
(a) Elîfabeth Petrowna » héntiere du thrâite» des talens &. des vues du Czar Pierre I. fon-j gouverne aujourd'hui la RufGe avec une mence dons Ces prédécefleurs ne J faille d'exemple,. *
402 ÏÏISXOIRE
nom , de fon génie & de fa gloire y fuccéda au Czar fon époux en vertu du choix de ce Prince autorifé par une déclaration des Etats de TEmpire qui en faveur des tra- vaux & des bienfaits de Pierre, lui permet- toientdechoifirfonfucceffeur.La Czari- ne entra feion les vues de fon époux dans Talliance de Philippe V. & de Charles VI Cependant TËfpagne s'applaudifloit de jour en jour du traité de Vienne; déji on parloit du mariage de Tlnfant Dom Carlos avec rArchiducheffe Marie-Thé- ■refe , héritière de l'Empereur; les Minif très de ce Prince comblés de faveurs & de diflinétiôns à la Cour de Madrid» avoient fuccédé à l'autorité dont les Am- baffadeurs de France avoient été fi long- tems en poffeffion ; Louis XIV. ne fe fut jamais douté d^une telle métamor- phofe : Ripperda , l'auteur du traité par- vînt au faîte de la grandeur ; on le fit Duc & Grand ; on lui confia le détail de la guerre , de la marine , des finances Se des Indes ; il avoit le pouvoir de premier Miniftre; Dom Jean-Baptifte Orendain, Secrétaire d'Etat , qui feul avec Ripper- da avoit eu le fecret de la négociation , fut revêtu d'un titre de Caftille fous. le
> nt 11. ■ ■ i>
d'Espagne. 403
corn de Marquis de la Paz , tant la Cour chériffoit une paix dont l'avantage étoir cependant demeuré à Charles VI.
Mais on s'apperçut bientôt qu'on avoit accablé Ripperda d'un fardeau trop au- deffus de les forces ; fon incapacité , fource du trouble & du dérangement des affaires , éclata bientôt. Le Roi le fa- crifia au bonheur d'un Peuple dont il ignoroit les loix & les ufages ; il fut éloi- gné tout à coup des affaires & de la Cour : cette difgrace acheva de lui faire perdre la tête déjà affbiblie par fon élé- vation rapide ; il fut chercher un afyle chez l'Ambafladeur Anglois Sthanhope d'où le Roi , en vertu d'un décret du Confeil de Caftille qui déclare qu'aux cun Miniftre étranger ne peut ufer de fes privilèges pour fbuftraire aux pourfuites îàvL Roi un Miniftre chargé du fccret de l'Etat , le fit enlever. Sthanhope pro- teffa contre cette prétendue infraâion du droit des gens ; il întérefla les Minif- tres étrangers dans fa querelle , & partit d'Efpagne ; mais on le laifla protcfier 6c partir ; Ripperda fut conduit au château- de Ségovie , & le Confeil de Caftille inf- uuifit fon procès i leRoî <^;
40^ Histoire
aflàire à fon Confeii privé : le prifonnier fe fauva deux ans après de Ségovie , & s'enfuit à la Cour de Maroc où il efpéroifi faire la même fortune qu'en Efpagne; mais les Barbares le prirent pour ce qu'il étoit , c'eft-à-dire pour ubp Aventurier fans génie & fans takns : à peine dai« gnerent - ils lui confier quelque légeï commandement dans leurs troupes ;. la tête de Ripperda fe dérangea tout-à-&ii ; il voulut 9 ait-on , établir une nouvelle Religion; on le traita comme un infenfêi & il mourut bientêrt après dans rindi- gence & Topprobre.
Cependant le Rôr rétabEt les anciens Miniftres dans les emplois dont il les avoir privés en faveur de cet Etranger , Se annonça dans toute l'Efpagne par un décret conçu dans les termes les plus tendres & les plus touchans qu'il n'avoir recherché la paix avec tant d'ardeur que pour travailler avec fuccès au bonheur d^un Peuple dont je ne feux y. difbit ie Roi , trop exalter h z.éle y les fervices y U fidélité & le courage. En conféquence de ce décret , le Roi en donna un autre pour que les loix du Royaume fuilent obfer- vees avec exaélitude : il. invitoit^ en cas
d'Espagne. 40;*
de déni de juftice , le moindre de fes Su- jets à s'adrefler à lui-même ou à fes prin* cipaux Miniftres ^ & menaçoit de toute ion indignation & des châtimens les plus rigoureux les Juges prévaricateurs ; en même tems U enjoignit aux Tribunaux d'expédier promptement les procès ci- vils & criminels qui quelquefois n'étoient pas terminés dans le > cours d'un fiecie | & d'envoyer chaque mois à la Cour un état des procès jugés , afin qu'elle £çût de quelle manière la juftice etoit admi- niftrée ; le Roi afli^ina au0i des appoinr temens fixes aux Miniftres fubalrernes Se aux Magift rats , afin de les empêcher de connnucr leurs brigandages & leur3 con* cuflîon;.
A ces foins (î capables d'affurer la tranquillité des Peuples , dont une juftice impartiale eft le viritable fondement y il ajouta ceux de l'enrichir en invitant les Etrangers fous l^^PPas des récompenfes à venir établir en Èipagne des manufac- tures de fils , de toiles & de papiers fins : on rechercha aufti à encourager celles qui étoient déjà établies , en ordonnant aux Efpagnols de ne faire ufage que desfoyes ^ 4cs drap$ fabriqués dan$ le Royaume i
4c5 Histoire
mais lancienne habitude , la néceffitc {a) même prévalurent fur ce règlement ; dans le même temps parut une ordon- nance qui hauflbit d'un huitième les ef- peces d'or , & d'un neuvième celles d'ar* gent , afin d'en empccher le fréquent tranfport dans les Pays étrangers ; cène ordonnance fut précédée d'une autre qui ordonnoit aux Officiers du Roi de ven- dre le fel aux Séculiers au même prix qu'aux Eccléfiaftiques &c aux Commu- nautés Religieufes jufqu'alors favorifés. Les dignités de Connétable & d'Ami- rante fi long-tems héréditaires dans la Maifons de Velafco & d'Henriquez fo- rent fupprimées ; enfin , le Roi rétablit par des ordonnances très-fages la difci- pline dans les armées de terre y ôc dansU marinje;il porta fon attention jqfqu'â or- donner par des édits pleins d'une juftc févérité a tous fes Sujets , de fe compor* ter dans les Eglifes avec le refpedè pro- fond dû à la Divinité (h). C'eft ainfî quff
(a) Parce que les fabriques â*E{p^gnt ne four- fiîfToient point afTez de dmps & de iSyes » & que les ouvrages des manufaâures de France! & <i* Angleterre remportoicnt par la bonié 6c !• goût. . ■
(b) Rien n^approche du £candale qui rcgnoi^ ]
d' E s P A G N E. 407
îa fagefle de Philippe re;médioit à tou. s les abus gliffés dans les défordres d'une lon- gue guerre ; il couronna fes bienfaits en fondant à Ségovîe un Monaftere de TOr*» Are de TAnnonciade , dam lequel il n'y a qjrfe des Dames nobles qui peuvent en- trer ; leur nombre eft fixé à trente , & on les reçoit fans dot , & en établîflant un Collège ou Séminaire Royal pour l'édu*- cation gratuite de la jeune Nobleffe.
L'Empereur , plein de reflentiment i7a7#
contre les Anglois qui depuis long-tems
avoient recours au^ menaces & aux in*
trigues pour le forcer de fupprimer la
Compagnie de commerce d^Oftende f
ne cherchoit qu'à faire naître entr'eux &
l'Efpagne une guerre ouverte ; il infinua
par le canal de (on AmbaiTadeur le Comte
de Kognifeck plus puiflant à la Cour de
" Madrid que les Miniftres Efpagnols mt f
mes , d'entreprendre le fiége de Gibral-
j car : mais il ne fourniflbit que de vains
. ^onfeils pour cette expédition dont Kog-
nifçç){. exa^éroit la facilité. Quelques Géi»
I jàzns les Eglîfes regardées comme des prome- I ïindes ou des rendez-vous publics , par une foule ^ 4e jeunes geiis de Tiin & de Tautre fcxc»
m-
4o8 Histoire
céraux Eipagnols ne fe laiflbient point éblouir par l'éloquence du Miniftre Al- lemand ; ils regardoient Gibraltar com- me imprenable , tant que TEfpagne ne feroit pas maîtrefle de la Mer : l'un d'eux, le Marquis de Villadarias qui vin^-troii ans auparavant avoit été chargé du fiége de cette forterefle , choifi par le Rd pour commander l'armée qui avoit ordre de partir , ofa prédire au Roi que TETpa* gne recevroit un nouvel af&ont devant cette Place , & en conféquence refu/à le commandement. Il aima mieux perdre toutes fes dignités , & fouflfHr Pexil que de voir encore une fois la gloire de la Nation flétrie entre fes mains ; la.prédic* tion qu'il avoit eu le courage de fairf # fut un véritable oracle ; après quatre mois de tranchée ouverte , le Comte de las Torrès qui commandoit à ce fiége > fe vit obligé de le lever avec beaucoup de honte.
Cependant la face de la Cour de France changea par la difgrace du Duc de Bourbon ; TEvêque de Fréjus fi con- nu depuis fous le nom de Cardinal de Fleuri , fuccéda à fa faveur & à fa puif- fance; ce Minifire modefte ^ adroit, pai-
fible.
D* E s P A G N E. 409
K
fible , liumain , défintéreffé & timide , fit toujours de la paix le principal objet de fa politique ; il chercha à rendre fon maî- tre l'arbitre de l'Europe , non par la for- ce des armes y mais par la négociation : fon premier foin fut de rétablir entre Louis XV. & Philippe V. la concorde étrangement altérée depuis quelques an- nées ; il chercha enfuite à concilier tou- tes les Puiffances Chrétiennes partagées en deux grands Panis prêts à en venir aux mains depuis les traités de Vienne & d'Hanovre : le fuccès répondit à fes vœux : l'Efpagne , l'Empereur , la Ruf- fie d'une part ; la France , l'Angleterre 9 la Hollande , la Prufle de l'autre figne- * rent à Paris des articles préliminaires ten- dans au rétabliflement de la concorde ; les intérêts refpeélifs dévoient être dif- cutés à fond ^ & réglés dans un congrès qu'on indiqua à Soiifons.
Le Roi d'Angleterre ne fut pas té- moin du congrès ; il mourut le vingt- deux Juin y & eut pour fucceifeur ion fils George IL fans que le Prétendant pûç apporter le moindre obftacle à cette fucceuion.
La mon de Fraa(<»s j Duc de Parme , Tome r. S
fa mort comme très-prochaine. 1 728. Pendant qu'on négocioit à Soi le Roi envoya en qualité de IV Plénipotentiaires le Duc de Bc ville , le Marquis de Sainte-Croi: Ignace Barrenochea ; le Baron i &c D. Antoine deSartines, Inten Catalogne , conclurent en quj Commiflaires d'Efpagne avec ae ihiffaires François un traité pour ge des Déferteurs des deuic Nati
Î)our terminer les dîfférens fur 'occafîon des lignes que h Cour drid avoit fait tracer en mil fe vingt-un fur les frontières pour j la communication de la maladie gîeufe qui ravageoit le Midi de la '. Le Roi envoya cette année en d'Ambaflfadeur à Peteribourg Iç !
d'Espagne. 411
La Cour cherchoit par toutes fortes de moyens à étendre & à favorifer cette précieufe partie de Tadminiflration ; elle accorda des lettres de noblelTe à tous les Négocians de la Province de Guipuf- coa qui voudroicnt s'intérefler dans une . Compagnie de Commerce dont le but I étoit la culture du fucre & du cacao . à la côte des Caraques. 1 72^.
I Les Cours de Madrid & de Lifbonne r fe rendirent au commencement de cette ^ année fur les bords de la rivière de Caya, - qui fépare l'Eftramadoure de TAlentejo , pour l'échange des deux Infantes , dont L ie mariage avoit été conclu & célébré Tannée précédente entre les héritiers des deux Monarchies. Les deux Rois eurent i,^ trois entrevues.
!* Delà la Cour d'Efpagne paUkàCadix ^ oii elle vît arriver les galions de l'Amé- ^ rique chargés de vingt millions de piaf- y très ; elle revint enfuite à Séville où elle , conclut un traité avec la France & TAn- s «leterre , la Hollande y accéda dans la r îuîte ; Philippe V. abandonna la protec- I TÎon de la Compagnie d'Oftenae ; la ; France , l'Angleterre & la Hollande , en f ^econnc^âanœ , Im^gammrcnt de la ma-
m^f^mm^H0
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412 Histoire
niere la plus forte &c la plus fblemnelle , les Duchés de- Tofcane , de Parme & iî Plaifance. Par ce traité appelle de paiX) d'union , d'amitié àc d'alliance défenfi- ve } Philippe brifa les liens qui l'avoiem mis pendant .quatre ans dans la dépe» dance de la Cour de Vienne ; dès lors k congrès de SoiiTons devint inutile j & ceffa : le Roi dans fon voyage d'Aih daloufie , confidérant l'importance da Port de Sainte Marie , de l'ifle de Léoa ,& de la Ville de San-Lucar de Ban> meda appartenans aux Ducs de Méêir na-Céli , d'Arcos 8c de Médina-Sydonia* les acheta de ces Ducs , 6c les réunit i la Couronne , moyennant des équivalens. f 730. De Séville , la Cour fe renait à Grena- de , l'un des plus délicieux féjours de rEfpagne ; c*eft-là qu'elle apprit la mort de Benoît XIII. auquel fucceda le Car- dinal Corfini fous le nom de Clément XIII.
Viélor-Amedée qui depuis cinquante ' ans rempliflbit le thrône avec la réputa- tion du plus profond politique de l'Eu- rope , abdiqua la Couronne en fiaveur de fon fils Charles-Emmanuel , & auffi-tôt 9prè$ époufa dans fa retraite la ComteHb
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<le S. Sébaftien ; mais il s'en fallut qu'il foutînt la vie privée avec la même ma-
Snanimité que Philippe V. qui lui avoit onné l'exemple d'abdiquer; inquiet ^ vif , agiflant , accoutumé aux aâ^i- res, à la pompe & à l'éclat, ViÔor- Amedée s'ennuya bientôt d'une retraite pour laquelle il n'étoit pas né ; il fit des efibrts pour recouvrer un tbrône dont il a voit fait le facrifice; mais fes efforts le conduifirent dans une prifon où il mourut deux ans après. On dit que Charles-Em- manuel n'étoit pas éloigné de rendre . la Couronne à fon père , mais que fes Sujets s*y. oppofereht : quoi qu'il en foit , cet événement qui n'influa en rien fur les af- £iires de l'Italie , coûta l'exil à un ordre célèbre qui avoit paru embraffer les inté- rêts du père contre le fils.
Cette année fut fatale à bien des Têtes couronnées ; le jeune Czar Pierre 1 1. mourut & fut renujlacé fur le thrône de Rullie par Anne Iwanowna , DucheflTe Douairière de Couriande ; Frédéric IV. Roi de Dannemarck termina auiTi fa car- rière 9 & eut pour fucceffeur fon fils Chriftian VI.
Adunet III. Empereur de Conflanti-
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viiople fe laifTa dépouiller du thrône par nn miférable appelle Patrona ; ion ne^ Mahmoud fut tiré du ferrail par les fédi- tièux pour occuper le thrône vacant par h dépofitîon d^Âchmet : le premier ioin du nouvel Empereur fut de facrifier i la vengeance publique & à fa sûreté pam- culiere Taudacieux Patrona fouillé de mille crimes.
L'Ifle de Corfe fatiguée du Gouvct- îiement Républicain , le révolta con- tre Gènes , & fe choifit pour Roi un Aventurier Allemand , connu fous le nom de Baron de Neuhof ; la Rép- blique implora la proteftion de TEm- pereur qui lui donna des fecours^ mais foit que les Génois regardaiïènt ces fe- cours comme inutiles, foit qu'ils crai- gniffent que l'Empereur ne les leur fît payer trop cher , ils firent fuccéder la proteélion de la France à celle de TEm- pire ; les François leurs fournirent en ef- fet cette Ifle par la force des armes. TOI, L'objet qui depuis feize ans rempBf- foit la politique , les vues j les négocia- tions & les traités de prefque toute l'Eu- rope ; Théritage des Farnèfes & des Mé- dicis étoit enfin prêt à tomber entre Us
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Ï)'ËSPAGNE. 41 5*
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mains de D. Carlos ; le Duc de Parme , Antoine Farnèfe, mourut au commen- cement de l'année ; ce Prince s'étoh marié par les confeBs de l'Empereur : fa veuve feigmt, de concert avec la Coinr de Vienne une groffefle : c'étok pour donner à la Cour de Vienne un prétex- te plaufible de s'emparer des Etats du Duc ; Charles VI. fit en effet paflTer des rroupes à Parme &' à Plaifance au nom de la Ducheife xîe Parme ; mais en mê- me-tems il déclara à toute FEurope qu'il étoit prêt , fuppofé que la Duchefle de Parme n'accouchât pas d'un fils , de re- mettre les deux Duchés à Dom Carlos > à condition que ce Prince fe rendroit enr Italie fans armée ; l'Empereur , malgré toutes fes promeffes & tous les traités , ne pouvoit foutenir l'idée de voir des troupes Efpagnoles en Italie ; il femble qu'il prévoyoit que cette Nation alloit lui enlever la meilleure partie de ce qu'il poffédoit dans ce beau Pays , mais enfin voyant qu'il ne pouvoit s'opiniâtrer à garder le thrône des Famèfcs , fans atti- rer fur lui avec les armes d'Efpagne cel- les de la France , de l'Angleterre & de la Hollande garantes du traité de Sévil-
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le : il fe détermina à lâcher fa proyc , cène fut pourtant qu'après avoir obtenu des Anglois qu'ils lui garantiroient fes Etats d'Italie ^ a cette condition il permit à D. Carlos de fe rendre à Parme , accompa- gné de fix mille EfpagnoFs , &c facrifia la Compagnie des Indes d'Oftende ; quel- ques mois après Philippe figna avec l'An- gleterre un traité par lequel , moyennant la confirmation de tous les avantages qu'il av oit accordés dans le commerce de l'Amérique aux Anglois; ce Peuple s'o- bligeoit à tranfporter les troupes d'Efpa- gne en Italie , & à mettre Dom Carlos en pofleffion de Parme & de Plaifance; en méme-tems le Grand Duc de Tofca- ne perfuadé par le Père Anfelme , Do* micain & Miniftre d'Efpagne à Floren- ce , promit de reconnoître Dom Carlos en qualité de Grand Prince de Tofcane» & de fon héritier; mais il ftipula que l'E- Ie(flrîce Palatine fa fœur conferveroit \^ Régence de la Tofcane jufqu'à ce que Dom Carlos eût atteint l'âge de dix-huit ans , & que ce Prince feroît chargé des dettes & des penfions de l'Etat,
A la faveur de tous ces traités , l'In- fant pafla en Italie , fuivi de fix mille El-
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pagnols & du Comte de San Iftevan p fon Gouverneur, qui étoit en même-tems Général de l'armée , & Miniftre pléni- potentiaire de la Couronne en Italie j quatorze vaifleaux de guerre Anglois prirent ce Prince à Antibes , & le io»* duifirent à Livourne ; Dom Carlos nVut pas été plutôt reconnu Grand Prince de ïofcane à Florence , qu'il alla tenir fa Cour à Parme évacuée par les troupes Impériales , au moment que la Ducheffe Douairière de Parme eut déclaré que fa. grofTeâe étoit fimulée. . Cependant le Pape , pour conferver les droits de Suzeraineté fur les Duchés de Parme & de Plaifance , faifoit afficher dans les Vilks de cet Etat qu^elles euf- fent à ne point reconnoître d'autre Sou- verain que lui ; mais cette démarche da S. Père etoit une formalité dont TEffia- gne ne lui fçut aucun mauvais gré; L'intelligence des deux Cours en fut û peu altérée que celle de Madrid obtint du Pape le dixième des revenus du Cler- gé pour l'aider à une expédition qu'elle médîtoit en Afrique. La grâce du Péi fe ctoit d'autant plus confidérable qu^ trc ks groffes contributions qu'elle
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porta dans les coflres du Roi ^ elle ne de- voir cefler qu'avec la guerre , oui depuis cft devenue éternelle contre les Mau- res. Il eft vrai qu'elle perd en vivacité ce qu'elle gagne en durée , elle fe réduit ii quelques efcarmouches.
L'expédition que la Cour mëditoit , étoit la conquête d'Oran ; Philippe n'a- voir pas oublié que cette Place impor- tante avoit été perdue fous fon règne; il n'avoit jamais perdu de vue le deflein de la réunir à la Couronne; mais les trou- bles perpétuels de fon règne , l'inquié- tude que l'Empereur ne ceiTa de lui don- ner; les démêlés avec la France , l'An- gleterre & la Hollande ne lui a voient pas encore permis d'exécuter cette réfolu- tioh utile & glorieufe : voyant enfin que Dom Carlos étoit établi en Italie , il ré- fblut de ne pas différer plus long-temi une conquête qu'un fimple Citoyen avdt eu le courage d'entreprendre : un an au- paravant Muiey Hamet, prétendant à l» Couronne de Maroc , étoit paflfé à Ma- drid pour implorer la proteflion du Roi à qui il promettoit de rendre Oran , Tan-
{fer & d'autres Places , au cas qu'il vou- ut employer la force de fes armes pour
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rétablir fur le thrône de Maroc , la Cour écouta le Prince Maure , mais elle ne jugea pas à propos d'agir en fa faveur ; le malheureux fuccès de Tentreprife de Se- baftien , Roi de Portugal , étoit trop ré- cent pour que l'Efpagne fc mêlât des af- faires de ces Barbares.
Cependant l'armée , les vaiffeaux , les vivres & les munitions deftinés pour Texpédition d*Oran étoient déjà prôts^, que l'Europe en ignoroit Pobjet ; TEm- pereur n^étoit pas fans inquiétude , mais^ il cefla de craindre quand il apprit que Porage étoit allé fondre fur l'Afrique : quarante - cinq tant vaiffeaux de guerre que frégates , galères & galiotcs efcor- toient cinq cents navires Marchanda irhargés de vingt -cinq mille hommes; le Comte de Montemar , Général de Parmée defcendit en Afrique le vingts huit Juin aux environs d^Oran , & deux jours après attaqua dans la plaine de Ma^ «arquivir Parmee des Maures forte de quarante mille hommes, fur laquelle H remporta une victoire complette : de-là H" fut* âlïBéger en même-tems Mazarqui»- V ir & Oran que défendoît une gamifon de dix ixûUe hoffit ' ^^^fnu'autant
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de Bourgeois ; la Ville & la Forterefle furent prifes après trois jours d'atta- que ; Montemar laifla dans cette conquê- te huit mille hommes fous les ordres du Marquis de San^ta-Cruz^ & fut jouir de £bn triomphe à Madrid , n'ayant pas em- ployé un mois à une expédition fi écla- tante ; Dom Jofeph Patinho , Mimflrc de la Marine 9 partagea la gloire de cette conquête avec Montemar : Paétivité , la prévoyance & l'ordre de ce Miniftre coa- tribuerent pour le moins autant à la vie- • toire que la valeur & les talejis du Gé- néral.
Mais les Maures, revenus de leur ter- reur y afliégeoient à leur tour avec deux Îuiffantes armées , Ceuta & Oran. Le )uc de Saint Blas , Grand d'Efpa- gne , enveloppé avec un détachement confidérable , fut pris & paCé au fil. de répée avec tous ceux qui l'accompa- gnoient ; le* Comte de Cecil vengea ce dcfaftre en taillant en pièces un Coips de troupes ennemies , & en leur enle- vant un convoi de mille chameaux; la garnifon de Ceuta , après avoir reçu dea renforts , fît une fortie générale le dix^ fept Oélobre fur les auiégeans qti'elle
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vainquît & chafla de leur camp ; le Mar- quis de Santa-Cruz ne fe défendoit pas avec moins de valeur & de fuccès dans Oran; Tarmée qui Fattaquoît , compo- fée de Félite des.Maures, étoit très-nom- breufe ; d'abord il lui tua dix mille hom- mes dans les commencemens du flége > le quatorze Odobre il fortit de là Place avec trois bataillons j. combattit dix huit mille ennemis ', & ne rentra dans Oran qu'après leur avoir tué trois mille hom- mes , & nettoyé la tranchée ; le vingt- trois du même mois le brave Gouver- neui-fit une nouvelle fortie dans laquelle il attaqua tous les pofles des afllégeans i le combat fut long & fanglant ; le Mar- quis fut tué avec Meffieurs de Valdeca- gnas & Pînel; les Efpagnols , après des- ■^prodiges de valeur, epuifés d'une aftiooi qui duroit depuis douze heures-, rentrè- rent dans la Place ; mais à peine avoient- fls pris quelques heures de repos que POlEcier Général qui avoit rempli la place du Marquis ae Santa-Crux , les ramena au combat; les Maures qui ne s'attcndoicnt pas à une attaque fi bruf- que & fi iin|)rc vue, furent chaffés de touaî feuri pofl.fi ^ Ôc mis en fuite , après
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avoir perdu dix mille hommes.
Tous ces revers ne laflbient point l'o- piniâtreté des Barbares auxquels TEm- pereur de Maroc envoyoit chaque jour de nouvelles troupes ; les Efpagnols fe- tigués de fe voir inveftis par des ennemis tant de fois vaincus , les attaquèrent le fîx Février , & les battirent ; mais la vic- toire ne fut pas afifez décifive pour les obliger à fe retirer : il fallut encore en venir aux mains avec eux le vingt Avril ; les Maures furent plus maltraités que dans la précédente aâion ; mais quoi- qu'ils eunent perdu trois mille hommes 9 loin de fe décourager , ils s'approchè- rent de plus près de la Place ; enfin le Marquis de iWiromefnil , Colonel Fratt- çois au fervice d'Efpagne, étant ford d'Oran le dix Juin, les attaqua avec tant d'ordre & de valeur qu'il remporta fnr eux une viftoire fignalée : maïs un coup de moufquet tiré au hafard , bleifa mor- tellement le vainqueur dans le feîn de la victoire j il mourut deux jours après ; les Maures concernés de cette dernière dé- faite , levèrent le blocus d'Oran , & re- noncèrent à Tefpérahce de reprendre cette Ville importante*
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La Cour , après un féjour de quatre ans en A nda^Hifie ) retourna à Aranjuès ; c'eft-là que le Roi perdit le Marquis de Grimaldo ; la douceur , la piété , la beau- té de l'ame , les vertus , les talens de ce Miniftre le rendirent dignes de la faveur dont Philippe l'honora jufqu^au dernier jour de fa vie. I7Î?«
Cependant l'Europe dont le reposfl'a- voit été troublé depuis le traité d'U- trecht que par des guerres auffi-tôt étein- tes qu'eclofes , fe vit déchirée par la que- Telle qui s'éleva entre l'Empereur , li Maifon de Bourbon & le Roi de Sar- daigne ; le fuccès en fut fatal à l'Empe- pereur qui en moins de deux ans fe trou- va déchu du comble du bonheur & de la puiifance. Depuis long-tems on pré- voyoît que tôt ou tard Charles VI. & Thilippe V. rg:ommenceroient la guer- re : leurs anciennes divisions avoient plu- tôt été aflbupies qu'éteintes par les trai- tés de Vienne & de Séville ; depuis que Dom Carlos étoit établi en Italie , l'Em- pereur ne pouvoit diffimuler les inquié* tudes &les allarmes que la préfencc des Efpagnols lui caufoit ; il ne doutoit pasr qu'à la faveur de la première guerre qu'il
424 Histoire
auroit fur les bras, TEfpagne ne lui enlevât ce (ju'il poffédc^ en Italie ; avec d'autant plus de rapiditë que le Peuples de Naples & de Sicile lui ten- doient continuellement les mains. Phi- lippe , de fon côté i, ne regardoit point comme folide l'établifTement de fon fils en Italie , tant que l'Empereur pcffédc* roit la plus belle partie de ce Pays , & conferveroit la Suzerenaité de Pautre; il n^avoit confenti à reconnoître TEid' pereur en qualité de Roi de Naples & de Sicile que malgré lui, & Pefpérancc de réunir à la Alonarchie deux Cou- ronnes qui lui avoient été foumifes pen- dant plus de deux fiécles , ou du moins de les faire paiTer fur la tête de quelqu'un de fes fils , n'étoit point éteinte dans fon cœur. Il comptoit fur Talliance du Roi de Sardaigne dont jcrop refferréc par les Alpes , ne pouvoir être rem- plie que par la conquête du Milaner^ outre les anciennes prétentions de ^ Maifon fur cette belle & fertile Provin- ce ; Charles-Emmanuel n'avoit pas ou- blié que la Cour de Vienne avoit man- qué à la pron>efle qu'elle avoit faite à Vie* tor-Amedée du Vigevenafque , lorfque
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ce Prince expofantfes Etats au plus grand danger, étoit entré dans la grande allian- ce j il fe fouvenoit de Tinjure de l'Em- pereur régnant qui ayoit forcé Viftor- Amedée d'échanger la Sicile contre la Sardaigne; enfin la Cour de Turin ne cherchoit qu'une occafion de fe venger' & de s'agrandir,
Philippe V. & Charles-Emmanuel réu- nis n'étoient pas affez puiflans pour enlever l'Italie au Prince le plus redou- table de l'Europe ; le concours de la France étoit néceffaire pour le fuccès de cette expédition ; mais le Miniftre qui là gouvernoit , circonfpeél , pacifique & iage refufa toujours d'entrer dans les vues ambitîeufes de la Cour de Madrid i le Cardinal Fleuri auroït vraifemblable- ment toujours perfifté dans fon fyflcme d'écarter la guerre de l'Europe , & de terminer par la voye des Négociations coûtes les querelles qui s'éîevent entre les Potentats Chrétiens , fi l'Empereur n'eût forcé par l'abus de fa puiffance &c 3ar une injure fanglante , la France de fe prêter aux defirs de TEfpagne , & de lui iéclarer à lui-mcme la guerre.
Le Roi de Pologne Frederic-Augufle
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ëtoit mort le premier Février à la veillrf de rendre le thrône de Pologne hérédir» taire dans fa Mailon ; les Puiflances voi- (înes , l'Empereur & le Roi de Pruflfe , loin de fe prêter aux defleins d^Augufte, avoient déjà préparé une ligue pour lui arracher une féconde fois la Couron- ne de Pologne , .& pour la donner aa Prince Emmanuel de Portugal ; mais la mort de ce Roi les fit changer de deffein : le premier fur-tout devint auffi favorable au fils qu'il avoit été fur le point d'être funefte au père.
Cependant les Polonois alfemblés en dîette , avoient appelle à la Couron- ne par Péledion la plus légitime Staniflas Leczinski , beau-Pere du Roi de France qui déjà élu en mil fept cent quatre par les foins de Charles XII. s'étoit vu pré- cipité du thrône en même-tems que Té- toile de fon proteéleur avoit pâli : Sta- niflas y fi digne de commander à des hom- mes ,vîvoit alors en France dans le feîn de la retraite ; il accourut bientôt pour prendre pofleflîon d'une Couronne que les vœux unanimeis des Polonois lui def- tinoient depuis long-tems , mais la fo^ tune trahit encore une fois fà grandeame ;
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il fe vit accablé par les forces fupérieures de l'Empereur & de la Ruflle qui firent élire par une petite partie des Palatins le fils de Frédéric- A ugufte; Staniflas qui ne peuvent recevoir de la France trop éloignée , & de la Pologne divifée que ûc foibles fecours , fut contraint de fuir à Dantzick où bientôt ilfe vitaffiégé par le Général Munich à la tête d'une puiflâme armée de Rufles & de Saxons ; trois ba* taillons François envoyés à fon fecours furent pris par les ennemis ^ & ce Prince après quatre mois de fiége 9 fe fauva dé* guifé la veille que Dantzick capitula ; perfonne n'ignore à combien de dangers la vie de ce Héros fut expoÊe dans la fuite ; mais la Providence qui le réfer •- voit pour faire le bonheur de$ Lorrains^ le iàuva de tous les pièges Ib&és fur ù route.
A la nouvelle d'une telle opjprcft^rf; p Louis XV\ humilié dans la perlonne de fon beao-pere , fe hâta et (îgner un traité de ligne o&nfive Se défenf.ve avec \%C- pa^- & la Sardî'i^'î*: orr.rt î'hii.^f*: -r; le Marécfai de Mll<r$ p^r.îr ivtf, uit arasée, jcigrit le nLai're c^. A. y,, , O. coo^uk a»'ec l:d le Mil^ntz ^ .; y,^/-;-
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chai de Barwick à la tête d'une armée Françoife prit le Fort de Rell ; TEfpa- gne , de fon côté envoyoit une armée de trente mille hommes en Italie fous les or* dres du vainqueur d'Oran ; la rapidité de ces mouvemens ne fut point arrêtée par les Puiffances maritimes , qui con- vaincues de la modération & de l'équité de Louis XV. lui laiiferent démêler fa querelle avec l'Empereur ; leurs vœux l^creis tendoient à voir la fierté de Char- les VI. humiliée ; mais les fuccès des Al- j liés furpaflerent leurs defirs. ^^'^*- En effet TEfpagne n'eut pas DÏutôt dé^ claré la guerre , que Tlnfant Dom Car- los marcha vers le Royaume de Naples, ayant fous fes ordres Montemar & trente mille hommes ; il entra dans ce Royau- me le vingt-neuf Mars, fa marche fut un véritable triomphe , ce Prince reflem- bloit moins à un Conquérant qu'à un Roi qui prenoit pofleflion pour la pre- mière fois de fes Etats ; chaque jour il xecevoit les Députés de quelques Villes qui venoient lui rendre hommage; enfin , la révolution fut aufli rapide & aufli en- tière qu'en mil fept cent huit ; le Comte de Viicojntî , Vice-Roi de Naples , avoit
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Îourtant une fois plus de troupes que le )uc d'Efcalonne : mais quel obllacle pouvoit-îl aDporter aux vœux d'un Peu- ple fatigué de la dominaticn Allemande ? Après avoir balancé quelque tems fur Tu- tàg^ qpTil devoit faire de les forces , Vif- comti en jetta la plus grande partie dans Gayette , Capoue , Bayes Se les châteaux de Kaples , & tint la campagne avec le reftc qui pouvoit monter à dix mille hommes en anendant des fecours du Duc de Wurtemberg qui commandoit une ar- mée de foixante mille hommes en Lcm- hardie ; mais Dom Carlos ne lui donna pas le tems de les recevoir. Aufli-tôt Cîrtl eut appris le projet auquel s^etoit détermine l'ennemi ; il partagea fôn année en trçis Corps dont deux fu- rent deftinés pour faire en même-tems les ééges de Gayette & de Capoue ; il le réferva à lui - même le troifîeme pour combattre Vifcomti , mais l'impatience de la Ville de Naples qui appellolt ce jeune Prince à grands cris , ne lui per- mir pas de fatistaire fa noble ardeur ; ii. fê vit obl5iv;é de fe rendre aux xosajL- des N;ipolituitK^ qiû le reçurent le dix avec dc$ .)('pbudifleffiens vùq}^ i
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plufieurs le proclamoient déjà Roi.
Cependant Montemar pourluivoit Vif- comti en la place de Dom Carlos ; il l'at- teignit bientôt dans le camp de Bitonto où il s'étoit retranché ; le Général Efpa- gnol l'attaqua fur le champ, & le força après un combat de trois heures : à peine échappa- t-il deux mille ennemis au fer du vainqueur ^ ou à la prifon : les dra« peaux, les étendards , Tartillerie , les ba- gages , la caiife militaire tombèrent en- tre fes mains : cette viétoîre remportée le vingt^cinq Mai décida à jamais de la deftinée du Royaume de Naples qui re- tomba entre les mains des Efpagnols vingt- (îx ans après qu'il leur eut été eiîlevé.
Dès que Philippe eut appris les fuccès de fon fils , il lui envoya un diplôme par lequel il le créoit Roi de Naples ; les Na- politains qui depuis plus de deux fiécles n'a voient joui de la gloire & de la fatis- faélion d'obéir à un Roi particulier , pro- clamèrent Dom Carlos avec des tranf- -ports proportionnés au bienfait de î'Ef- pagne. En même-tems Philippe fit écla- ter fa reconnoiflance à Tégard de' Mon- semar entre les mains de qui les armtes £f*
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pagDoles zvokm tnooapke 9 3 le créa Grand d'EfpagDe & Dec de Bkonto , iCDOiivdlaDC en fâ £i¥ear la ccatazic ^onta£c établie chez les Romains de dcmner asKGéoénmx le fiiniom de lears casxgnctts & de lears riSUmes : ecfia » pQor fTîTTBâfer k fbarenîr d'une acbtf33 qm leadocr im Royasme à la MaHbn a'EIpagse , 3 & âner (ar le diansp de tairiBif de Biscmo 32X)e pfnamîde trian- ^^alsr* de KpsrssiTt ji^os de hs::2ze:2T^ csaœ d'^fisiMÉSi^es & d'sïiciîpôcc.s tn
Ut* ^ b T^âioâse dôs des CJszéâeis; les Grecs B^én^pDâcar q:« des troçitcj de bsDs 9 rFh -zp^ ii tenu rcaaist a fcs coo- fnrr»^ . £t bic=:x:5r f erir* k focrreiiîr ce
dr^g::^^ tk iîa CocTCoae pSuT f {ra sâi^^ d s'^^TTUfca Z3LX apg)^F;a;?iH&a*îrs & six pV'y? £^ la OyÂraikf poor ife iCJiLeds- ixrt Grrer-f qz^il pri i âSsnéiaa ; ila ^B!:xâ%bai ALcacÎEBie -3^ <(j::acrs scikiaDGiif- mes - -aaabs e» îbm TOiLTcér ; j* C::œ:3
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Pendant ce tems-là le vainqueur de Bitonto étoit paflTé en Sicile avec vingt mille hommes ; à fon approche le Mar- quis de Saftago , Vice-Roi de Tlfle , jetta toutes fes troupes dans Meflîne > Syracu- fe & Trapani , & s'enfuit à Malte fur les galères de Naples ; lé Duc de Montemar reçut à Palerme au nom de Dom Carlos les hommages de Tlfle , & de-là fut affli- ger ces trois Places à la dëfenfe defqùel- les les Autrichiens avoient confacré tou- tes leurs forces ; toutes trois fe défendi- rent avec vigueur , & fur tout Mefline que le Prince de Lobkowits, fon Gouver* neur , ne rendit que Tannéç fuivante à D. Carlos,
Dom Gabriel d'Alderette, Chef d'Ef- cadre , vainquit une armée navale Algé- rienne: il prit deux vaiffeaux ; les flottes du Pérou & du Mexique apportèrent dans les Ports d'Efpagne plus de cent vingt millions , dont la moitié appartc- noit au.Rdî.
Toutes ces profpérités furent trou- blées par l'incendie du palais de Madrid, ' arrive le vingt-cinq Décembre; un nom- bre prodigieux de tableaux des plus granas maîtres ^ de riches meubles furent
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la proye de Tincendiç; mais ce qu'on re- gretta le plus fut la meilleure partie des archives de la Couronne , & fur-tout celles qui regardent l'Amérique.
Les fuccès des Allies étoient auffi ra- pides & auflii décififs que ceux de Dom Carlos ; le Marquis de Maillebois qui s'étoit infiniment diftingué dans la con-j , Guête du Milanez , Tacheva par la pri- te de Tortone ; il vainquit dans un combat livré à Colorno les ennemis ; ce-
f>endant fes fuccès n'empêchèrent point e Duc de Wirtemberg , Général de l'Em- pereur de pafler le Pô , & de refferrer étroitement les Alliés ; le Maréchal de Villars que fa vieillefle & fes infirmités ce permettoient plus d'agir avec la mê- me aftivité qu'autrefois , quitta le com- mandement de l'armée , & vint mourir à Turin dans la même chambre où il étoit né quatre-vingt-trois ans auparavant ; les François , fous les ordres des Maré- chaux de Coigni & de Broglio fuivirent les Autrichiens commandés par le Com- te de Merci , & les atteignirent aupn^ de Parme ; ce fut fous les murs de cette Ville que fe livra le vingt- neuf Juin 1^ bataille qui en porte k nom ; W Tome F. T
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brave , habile & malheureux comme tous ceux qui ont porté fon nom , la perdit avec la vie ; les vaincus laiflerent dix mille hommes fur le champ de bataille / & Guaftalle fut pris le cinq Juillet à dif- crétion par le Roi de Sardaigne qui n'a- voit pu fe rendre à Tarmée alliée qu€ le lendemain de la vidoire.
Tous ces avantages furent fuivîs d'u- ne difgrace à laquelle on n'auroit pas dû s'attendre ; l'armée Autrichienne vain- cue paffa la Sechia le quinze Septembre i furprit le Maréchal de Broglie dans fon camp , lui enleva plufieurs quartiers 5 lui fit 3000 prifonniers , & Tobligea de fuir dans le plus étrange défordre ; mais ce Général ne tarda pas à réparer iz fau- te ; quatre jours après il contribua infi- niment au gain de la bataille que le Roi de Sardaigne & le Maréchal de Coigni remportèrent à la vue de Guaftalle fur iç Comte deKognifeck.
Kognifeck vaincu fit lever le fiége de la Mirandole ^ux vainqueurs; mais les fuccès des Alliés étoient trop décififs pour ofer fe flatter de co^ferver l'Italie.
Les François combattoient avec au- tant de valeur ^de fortune fur hs rive$
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du Rhin qu'au delà des Alpes ; le Maré- chal de Barwick força les lignes d'Ettin- gue le quatre^Mai , & fut aflîéger Phi- Ulbourg ; le Prince Eugène , après avoir quelque tems refté dans rinaélion à Heil- bron , vint à Vifethal reconnoître le camp des François , ce grand homme devenu auffi circonfpeél qu'il avoit paru autre- fois plein de feu & d'audace ne profita point de la pofition du camp des Fran- çois,dontles rctranchemens à peine ébau" chés lui ofFroient une vidloire facile Se décifive ; le moment précieux de vaincre n'ayant point été faiu, il falloit que Phi- lifbourg fuccombât ; la mort déroba à Barwick la gloire de cette conquête ; il fut tué le douze Juin. Le vainqueur d' A 1- manfa & de Barcelone , auffi illuftre par fa probité , fa grandeur d ame , fon dé*- fintéreflement & fa piété que par fcs ta- lens & fes exploits , . laififa dans fes fih de '.dignes héritiers de fa vertu ; Taîné de tous établi en Efpagne y & connu foLS le titre de Duc de Liria , prit le nom de BarvTick , 6c le foutint dignement ; il mourut quelques années après ï la fleur de fon âge à Naples où il étôit Ambafl* deur extraordinaire d'Efpagi
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Le Maréchal d'Asfeldt , fucceffeur .de Barwick prit Philifbourg le dix-huit Juillet , conquête à jamais mémorable par les obftacle^ étonnans que les Fran- çois eurent à vaincre de la part des inon- dations du Rkin. lyjj, UEfpagne envifageoit dans tous fes fuccès la gloire de chaffer pour jamais les Allemands de Tltalie ; c*eft dans ces vues qu'après avoir envoyé à Dom Car- los un diplôme par lequel il le conftituoif: Roi de Sicile , Philippe donna ordre au Duc de Montemar de pafler avec trente mille hommes en Lombardie. Pendant que Dom Carlos achevoit de conquérir la Sicile , & fe failbit couronner Roi à Palerme , Montemar , d'un côté , le Roi de Sardaigne & le Maréchal de Noailles • de i'autre , pourfuivoient dans toute la Lombardie les Généraux Autrichiens ; Kognifeck £è faiîva dans le Trentin , abandonnant l'Italie où TEmpereur ne poffédoit plus que Mantoue , la Miran- dole & les côtes de Tofcanç (^îi) ; ces der- nières Places lui furent bientôt enlevées
4
(a) Il faut obferver que TEfpagnç conferv^, toujours fiir les cotes de Tolcane Porto-tp,^ j^one Se ^uel^ue^ autves po:Qe^ . v . ^
d' E S P A G N E. 43'^
1— — 1
par k Marquis de la Mina ; le Général Maceda prit la Mirandole ; l'Empereur accablé par cette longue fuite de difgra- ces , avoit lieu de fe repentir d'avoir don- né un Royaume à la Maifon de Saxe. L'I- talie dont il tiroit prefque tous fes tré- fors perdue en moins de deux ans ^ Phi- lifbourg, le rempart de l'Empire, em- . porté 5 les armées Impériales ruinées , les finances épuifées ne lui laiflbient plus en» trevoir de reflburces : dans cette extré- mité ce Prince eut recours à la médiation des Puiflances maritimes , afin d'obtenir
{:ar leur canal une paix nécefTaire , ou 'appui de leurs armes.
L'Angleterre &c la Hollande qui n*a- voient pas vu fans une fecrette joye , les commencemens de cette guerre, dans l'efpérance que la fîené de l'Empereur feroit humiliée, ne s'étoient pas atten- dues aux vidloires rapides de la Maifon de Bourbon, Elles rie pouvoient plus dit Cmuler l'inquiétude qu'elles en conce- voient ; leur ancienne jaloufie contre la France fe réveilla, j elles firent enten- dre à Louis XV. qu'il £iUoic donner la paix à l'Empereur , ou s'attendre , fqr un refus , à les voir qw^^' '*' ' '-
438 Histoire
le du Prince vaincu ; le Roi de Fran- ce qui ne s'eft jamais écarté de la mo^ dération & de l'équité qui convien- nent à un Prince Chrétien , prêta To- reille à des propofitions fi conformes^ à l'hamanité de fcs fentimens ; d'ailleurs , due pouvoit-il efpérer de mieux que de* dï&Qt la paix au milieu de fes triom- phes ?
Les articles préliminaires furent bien- tôt fignés ; en conféquence il y eut une fufpenfion d'armes qui conduifit à la paix dont nous rendrons cdmpte , après avoir expofé les démêlés de l'Êrpagne avec le Portugal & la Cour de Rome.
La jaloufie , l'ancienne rivalité des Caftillans & des Portugais , les diméJés inévitables entre deux Puîflances voifi- nes en Europe ^. en Amérique, les con- teftations nées au fujet des limites du Paraguai & du Bréfil , qui n'ont jamais été déterminées d'une manière fixe , enfin l'opiniâtreté des deux Cours à ne rien céder de leurs prétentions , menaçoient d'une prochaine & fanglante rupture ; le Roi de Portugal dont les forces ne peu- Vent foutehir aucune comparaifon avec celles d'Efpagne, prévoyant d'ailleurs
d'Espagne. 45P
qu'une multitude de François accoutu- més à chercher la guerre dans les Pays étrangers y quand leur Patrie jouit de la paix, viendroient fe ranger fous les éten- darts d'un Roi Bourbon , eut recours à fes tréfors pour enlever à fon ennemi des bras toujours prêts à le fervir ; il donna un décret par laquelle il ofitoit la paye double aux Officiers & aux Soldats r ran- çois qui prendroient du fervîce en Ponu- gai ; mais là politique du Roi Jean fut vai- ne & inutile : les nuages qui annonçoient un prompt & violent orage , fe diflipe- rent par la médiation de l'Angleterre ; on fe rapprocha de part & d'autre 9 6c on fît ce que fouvent les Princes ne font qu'après avoir perdu leur plus brillante jeunefle & leurs tréfors.
La querelle avec la Cour de Rome eut fa fource dans l'indifcipline de b popu«- lace Romaine. Quelques Ofiîiciers Efpa- gnols faifoient des recrues dans Rome f regardée conune la Patrie commune de toutes les Nations Catholiques ; mais le Peuple fe fouleva contre ces Officiers , & en maflacra plusieurs ; le Gouverne- ment ferma les yeux fur cet attentat 9 ce qui furprit d'autant plus ^" ^ -^'Ef-
440 Histoire
pagne , que depuis long-tems elle n'a- voit été fi étroitement unie avec le Saint Siège ; Clément XII. venoit d'envoyer le chapeau de Cardinal à l'Infant Dom Louis {a) âgé de dix ans , avec une Bulle qui le conftituoit Adminiftrateur des Ar- chevêchés de Tolède & de Séville dont les revenus joints enfemble , montent à près de deux millions : en reconnoiflance de ce bienfait , le Roi avoit permis qu'on ouvrît le Tribunal de la Nonciature fer- mé depuis près de vingt ans ; Philippe in- digné , donna ordre au Cardinal Aqua- viva> Proteéleur d'Efpagne de deman- der en en fon nom une latisfaélion pro- portionnée à Pinfulte ; le Pape la refufa : llir ce refus le Tribunal de la Nonciature fut de nouveau fermé ; l'entrée de l'Ef- îpagne fut interdite au Nonce Valenti Gonzaga qui s'y rendoit à grandes jour- nées ; & enfin le Duc de Momemar re- çut ordre d'envoyer des troupes à Ro- me. A la nouvelle de la marche des Ef- pagnols , le Pape effrayé acquiefça à tou» tes les demandes d'Aquaviva , & donna
(a) Ce Prince a depuis renvoyé le chapeau « & renoncé à ces deux Archevêchés fur le(^ucîs il conferve de groITes penfions.
D'£ 5 F A GN E. 441
la ratis&élton exigée ; en conféquence les chofes furent rétablies fur L'anciea pied ; la gloire de fupprîiner pour jamais le Tribunal de la Nonciature avec l'aerd- ment du S. Siège , étoit réfervée i Fer- dinand VI.
Les Rois d'Efpagne & de Sardaigne 175e. accédèrent au commencement de cette année aux articles préliminaires iîgnëf entre la France Se l'Empereur; Louis XV. fe chargea pendant route la négociation jufqu'au traité de paix qui fut Cgné à Vienne le dix.huit Novembte 1731* des intérêts de fes deux AUiés : Voici les principaux articles de celte paix qui changea la face de l'Italie.
L'Empereur céda à Dom Carlos lef Boyaumes de Naples Se de Sicile, & les côtes de TolcanCa & Donv Carlos donna à ce Prince pout équivalent tes Duchés de Parme & de Flaifaa* ce ; U Fraece reftitua le Mantouaa , le JMontferrat , le Milanez , fes conq^uê- tes fur le Fhin-, & garantit U Fragfnatk* que de Charles VI. en faveur de u fille ainée qui venoit d'époufcr le Duc de Lorraine Ôc de Bar ; mais ce dernier Prin- ce céda, c^idcux Duchés à la France >
442 Histoire
— — * -
rufufruit réfervé à Staniflas avec le titre de Roi ; le Duc de Lorraine obtint l'expedlative de la Tofcane , en dédom- magement de fon patrimoine.
Enfin TEmpereur détacha du Milanez en faveur du Roi de Sardaigne le Tor- tonois & ie Novarrois»
L'Efpagne & le Roi de Sardaigne dont la valeur avoit fi fort contribué aux vic- toires de la Maifon de Bourbon , mur- murèrent long-tems d'un traité dont ik n'avoient pas recueilli tous les avanta- ges qu'ils avoient efpérés j la Cour de Madrid ne regardoit comme un digne fruit de la viéloire la ceflîon des Royau- mes de Naples & de Sicile qu'autant qu'elle auroit confervé la Tofcane y Par- me & Plaîfance. Charles- Emmanuel ne pouvoît fe confoler de n'avoir dans les dépouilles de l'Empereur d'autre part queleVigevenafque; il avoit efpéré^ainé que l'Efpagne , que l'Empereur perdroit tous fes Etats de l'Italie , & que le Mi- lanez entier , le Mantouan & le Mont- ierrat deviendroient fon partage.
Mais la France plus modérée n*a{pî- roît ni pour elle , ni pour fes Alliés à cfe telles prétentions s fon but n'avoit été
"que de venger le Roi Stanillas, Se d'ob- îenir quelques Provinces pour les Al- liés : l'acquifitîon de la Lorraine &i du Barrois fut plutôc un efièt des conve- nances générales de l'Europe que de fon ambition; il faltoic dédommager le Roi deJPologne de la perte d'un Royaume; û Louis XV. eût infiflé fur de plus grands avantages, la guerre fût devenue géné- rale, & le fuccès en eût pu être tel que les Alliés auroient été moins favorifés qu'ils le furent par le traité de Vienne. Nous ne pouvons nous empccber d'obferver que de tous les Princes de l'Empire engagés dans cette guerre par Charles VL le feu! qui n'y prit point de parc , fut l'Eleéteur de Bavière qui n'en- voya pas même fon contingent ; ce mé- nagement fage Se politique , joint auic fervices de fon père, value à t'Eleéleur l'amitié de la Maifon de Bourbon qui de- puis l'éleva à l'Empire.
Le traité de Vienne n'affermidbit pas tellement la paix en Europe que les Po- litiqu ' "
plante & \ venoit d'être '
I
444 Histoire
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verte ; c'étoît pour la prévemr que les Puiflfances maritimes négocièrent la te- nue d'un cortgrès; mais les Princes pré- tendans à Théritage de Charles VI, l'Em- pereur lui-nvême & la France n'y voulue rent point confentir.
L'Efpagne rappella fes troupes d'Ita- Be , après avoir fait préfetit au Roi de Naples de huit Régimens & de huit vaif- feaux de guerre.
Dom Jofepb Patinho , Marquis de CaC tellar , le plus grand homme qu'ait eu? l'Efpagne depuis le Cardinal Xinaenès , mourut cette année ; ce Miniftre qui fat tout à la fois le Colbêrt & le Louvois de l'Efpagne , avoit lé département des af- faires étrangères, celui de ta Guerre , de la Marine & des Indes , la Surintendant ce de tous les revenus de la Couronne & !e Gouvernement de lafalle des millions; tous ces emplois auxquels feul il fuffi^ foit , furent partagés après fa mort entre plufieurs Miniftres éclairés ; une aftivité prodigieufe , la plus vafte prévoyance > le jugement le plusfolide & le plus luipî- îveux , Tefprit de détail ^ de reflburces & de combinaifons , le fecret , 1 ordre , la fenxieté > U grandeur d^ame , le. àé&skr-
I
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téreflèmenc, l'amour le plus ardent pour la Patrie forraoieni le caraflere du Mar- quis de Caftellar- On ne fçait à qui du Roi ou de ta Nation il fut le plus chef par les fuccès &c la glowe de fon minillc- re ; le Peuple arrola Ion tombeau de fcs
i larmes , & le Roi qui pendant fa vie l'a- Sfoit honoré de la Grandefl'e & de la Toifon d"Or , lui fit faire de magnifiquei obféques aux dépens du tr(;(or Royal ; digne & jufte récompenfe des vertus ici plus fublimes, des talens Us plus tmi- .aens , & des plus grands fervices rendus "" la Patrie.
A ce Minière immortel fuccéda dans lyjj Tadminiflration de la guerre le G(înéral entre les mains de qui les armes de Vd Nation avoient toujours triomphé. On voit que je veux parler du Duc de Mon- temar ,qui à fon retour d'Italie fut tait JWiniflre de la Guerre , ayant fous fcs or- dres un Secrétaire d'Etat.
Cependant le Roi profiroitde la paix
lour faire rebâtir te palais de Madrid , Si
iformer Us abus; entre pluHcurs
" ir publia ,
fi.
446 Histoire
n'acquitte les droits d^amortilfement , la proportion de l'argent à l'or n'étant point exaéle : un édit porta l'écu de dix- huit réaies vingt- huit Maravedis, à vingt réaies ; les loix fomptuaires furent auffi révoquées , parce qu'elles gênoient le commerce , & anéantiffoient les Manu- faélures , fan« quelles Citoyens paruffent en retirer quelqu'utilité.
Dans le même-tems le Roi ordonna un camp de dix mille hommes auprès de Ségovie lous le commandement du Mar- quis de Caftel-Fuene > afin de donner à farCour une image de la guerre.
Le Grand Duc de Tofcane, Jean-Gaf- ton de Médicis , mourut cette année ; en lui finit la célèbre Maifon de Médicis dont tous les Princes furent à Tenvi les protedleurs les plus magnifiques & les plus éclairés des fciences & des arts; elle avoit régné environ deux fîecles dans la Tofcane; en vertu des convenanc-es de l'Europe , le Duc de Lorraine lui fuc- céda fans difficulté ; il n'en fut pas de même des biens allodiaux de cette Mai- fon dont le Roi de Naples lui difputa la poiTefiion.
Les extrémités de l'Europe étoiene
D^ESPAGNE. 447
)rs déchirées par une guerre cruelle i s'éleva entre les Rufles d'une part , I Turcs & les Tartares de l'autre ; la iffie voloit de vidloire en viftoire , lorf- e l'Empereur fe joignit à elle ; Charles at que le moment d'accabler les Turcs )it arrivé; il leur déclara la guerre dans fpérance de fe dédommager à leurs dé- ns de ce qu'il venoit de perdre contre Maifon de Bourbon ; mais le fuccès >mpa fes efpérances ; cette guerre ne
pour lui qu'une fuite d'infortunes ôc lumiliations ; TEurope ne vit pas fans prife Charles VI. qui comme Léo- Id fon père avoit eu la fupériorité la is décidée fur les Mufulnâans y n'é- )uver que des défaftres ; c'eft que le nqueur de Belgrade , par les mains de i le père & le fils avoient toujours )mphé , n'exiftoit plus. Le Sud de l'Europe n'étoit pas encore 173^' :ifié , puifque le traité de Vienne ne
figné cette année que le dix-huit No- abre ; & déjà il étoit menacé d'une ivelle guerre : PEfpagne & TAngle- re avoient au fujet du commerce de mérique des intérêts qu'il eût été fa- : de concilier j û cette dernière Puii^
448 Histoire -
fance eût voulu fe prêter à un accomnio- dément équitable; maisdans la négocia- tion qui fut entamée à ce fujet , & fuivie très- loin , elle ne cberchoit qu*à endor- mir TEfpagne , &c à lui enlever l'Em- pire de TAmérique.
Les traités d' Utrecht & de Séville f outre la traite des Nègres , accordoit aux Anglois le pouvoir d*envoyer chaque année en Amérique un valfleau chargé de marchandifes ; les Anglois n'en fai- foient paroître à la vérité qu'on , mais il étoit Kiivi de loin par plufîeurs autres qui , à melure qu'il débitoit fa cargai- fon , lui envoyoient de nouveaux effets.. Par ce moyen & par celui du commer- ce ctandeftin & illicite que ce Peuple avoit établi fur les côtes dé FAméri^ que , il avoit trouvé le fècret de four- nir feul les Colonies Efpagnoles de^ denrées de l'Europe, & d'attirer à lui le commerce de l'Amérique ; la Foire de Pananw , la pbs riche de l'Univers , dans laquelle les Négocians Efpagnols: échan- gentpour de l'or & de l'argent Les mar- chandifes de tous les Européens , étoit tombée^ tels étoient les griefides Efgar gaols«.
d' E s P A G N E. 44P
Les Anglois , de leur côté , fe plai- gnoient que dans ces Mers éloignées les vaifleaux Elpagnols exerçoient contr'eux les plus affreux brigandages ; que fous le vain prétexta de contrebande , ils vifi- toîent leurs navires , confilquoient les marchandifes , & jettoient dans d'obfcu- res prifons , les Marchands & les Mate- lots de leur Nation. Un de ces derniers, dans le tems qu^on en étoit encore aux voyes de conciliation , échappé des fers des Efpagnols , fe préfenta au Parlement de Londres , exagéra les cruautés pré« tendues dont il accufoit les E^agnols d^être coupables envers les Anglois , & réclama la vengeance de la Nation ; la populace de Londres prit feu y demanda la guerre à grands cris , 6c le Sénat de la Nation entra dans les vues du Peuple , non pour venger des infultcs imaginai- res , mais pour enlever l'Amérique qu'il ne voyoit qu'avec douleur entre les mains de TEfpagne , depuis que la vigilance des Efpagnols empechoit les Anglois de pro- fiter (euls des tréforsdu nftuvcau Monde.
Cependant la Cour de Londres 9 pour avoir le tems de faire fe$ préparatifs , & pour furprendre 1'/ xt , jugea à '
4^0 Histoire
jrof es d entretenir la négociation : il v eut mcme des articles préliminaiies u* gnts Ôc une convention arrêtée au com- mencement de Tannée fuivante au Pardo. Pendant ce tems-là le Roi des deux Siciies époufoit la Princefle aînée de Sa- xe, inftituoit l'Ordre de S. Janvier, & recevoit du Pape Pinveftiture du Royau- me de Naples. ^139* ^^^ ^^ convention du Pardo, le Roi s'étoit obligé de donner aux Anglois en- viron cent mille livres fterlings pour les dédommager de la perte de Icur^ vaift féaux confifqués : en même-tems il nom- ma des Minières pour conclure avec ceux de George II. lie traité définitif; mais quelle fut fa furprife lorfqu^il apprit que le Parlement Anglois,fi femblableau Sénat de Carthage , avoit cenfuré la con- vention du Pafdo , & qu'il avoit donné ordre qu'on faisît tous les vaiffeaux Es- pagnols ! Les Anglois n'avoient levé le mafque que lorfqu'ils jugèrent que deux flottes envoyées en Amérique , & l'efca- dre qui cruifoît fur les côtes d'Efpagne , dévoient avoir enlevé quelques Villes ou les galions du nouveau Monde. L'Ami- ral Vernon s'étoit en effet rendu maître
d'Espagne. 45-1
de la torterelie de Porto-Bello dont le Gouverneur fut punî pour ne s'être pas défendu en homme de cœur ; la décL;rar tion de guerre de l'Angleterre ne prccé- da la prife de Porto-Belio que de cinq fe- inaines ; la Cour d'£f pagne ne tarda pas à ufér derepréfailles;d abord elle ordonna à tous les Anglois établis en Ëfpagne d'en fonir dans le terme de huit jours, fous peiné d'être arrêtés & traités en prlfon- niers de guerre ; enfuite parut une ordon- nance qui défendoit fous peine de mort d'introduire en Efpagne &c en Amérique des marchandifes du crû , ou des fabri- ques d'Angleterre ; la même peine étoit décernée contre ceux qui en vendroient aux Anglois du crû de 1 Ëfpagne ou des Indes! Cette Loi (a) doit être regardée comme trop févere : pourquoi faire un crime d'Etat de ce qui n'eft qu'une vio- lation de police f En même-tems les Ar- mateurs fe mirent en mouvement , & en- levèrent en moins de fix femaines près de cinquante vailTeaux aux ennemis ; mais les prifes des Efpagnols, quoique ♦rès-nombreufes dans le cours de cette guerre , ne peuvent entrer en comparai-
(a) E/prit des Loix j Ckap. xiii.
4jr2 Histoire
fon avec celles que les Anglois leur ont faites , finon pour le nombre , du moins pour la richeue.
L^Efpagne n'avoît pas feulement à trembler pour TAmérique de la part des Anglois : un ennemi domeftique d'autant plus à craindre qu'on ne s'en défioit pas , manqua d'enlever le Pérou , la plus riche partie du domaine Efpagnol ; cet ennend appelle Cordoua fe prétendoit iffu des anciens Yncas ; il avoit attiré dans fes in- térêts les principaux Péruviens : le deffein de Cordoua étoit de maifacrer les Efpa- gnols , & de rétablir l'Empire de fes an- cêtres ; mais la conjuration fut décou- verte, & Cordoua expira dans lesfupplL- ces avec les autres conjurés.
Les côtes de Catalogne, de Valence, de Murcie & de Grenade furent en proye aux brigandages des Corfaires de Barbarie qui firent plufieurs defcen- tes , & emmenèrent une infinité de Ci- toyens en efclavage : ce défaftre fut at- tribué à la négligence des Capitaines des vaiflfeaux deftinés à la défenfe de ces cô- tes , & on les punit avec moins de fé vé- rité qu'ils ne méritoîent.
L'alliance avec la France fut reflerréc
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osne s^ rjifl^at ixé des tndrres & des
«peiKiiEt les A&glcâs qpù ne croTXÔcot 1 740^1 acheter trop cber b coaqicre de TA- aaénq^e . érorîDoîent TEarope par b tor- ^ & le n,>inbre de leurs armemens ; TA- jBsnl Vemon . célèbre par U cooquêM
■ p — — — ■
45*^ Histoire
facile de Porto-Bello , fe préfenta devant Carthagene qu'il bombarda; il fit la con- quête du Fort de Chagre ; le Général Ogleihorpe entroit de Ion côté dans la Floride qu'il croyoît foumettre rapide- ment.
Toutes les Nations de rEurope înté- reffées dans le commerce de l'Amérique tie redoutoient guères moins le fuccès des armes Angloifes que l'Efpagne même, tandis qu'elles faifoient des vœux fecrets en faveur desEfpagnols ; le Roi de Fran- ce envoyoit deux efcadres fous les ordres des Marquis d'Antin & de la Roche- Alard qui continrent les Anglois: leurs av?nt?.ges fe réduifirent à la prife de quelques Forts & au pillage de quelques vaifleaux ; l'expédition d'Oglethorpe dans la Floride échoua : il ne put pren- dre en trente huit jours de tranchée ou- verte le Fort de S. Auguftin vaillamment défendu par Dom Manuel Montiano.
Une puiflante efcadre partit des Ports d'Efpagne pour tenter une diverfion dans la Jamaïque , & le Pape , afin de mettre le Fol en état de défendre l'Amérique contre les dangereux ennemis qui en ten- toknt la jcojnquête > lui accorda pour cinq
d'E s p a g n e. 4<rr
ans les décimes du Clergé de c^s Kegions éloi^ées. On peut dire que jamais lOr- dre Eccléfiaftique ne contribua dans au- cun Etat avec plus de zèle aux befolns de la Patrie., que le Clergé de PAmé- rique.
Mais loin que les fecours de la France & l'aftivité des Efpagnols déconcertafr fent les Anglois , chaque jour ils faifoient de nouveaux efforts pour s'emparer au moins de quelques Places capables de les dédommager de leurs frais immenfes i ils tenvoyerent jufqu'à cent vingt -, quatre vaiiTeaux de toute grandeur , & environ trente mille hommes à TAmiral Vernon* Nous verrons bientôt quel fuccès eut cet armtment , le plus puiUant qui ait jamais vogué fur les Mers de l'Amérique. Ce»- . pendant , pour fe venger des François , ils infultoient par -tout où ils étoient .les plus forts le pavillon de cette Nation , ils portèrent depuis à fon égard le mépris du droit des gens jufqu'à brûler les ga- lères d'Efpagne réfugiées dans un Port de Provence.
, La mort fît cette année une ample moîfTon de Têtes couronnées ; la Reine Ppgtairiçre > veu^ye de Charles II. mour
4j5 Histoire
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rut le feize Juillet à Guadalaxara où de- puis quelques années elle vivoit dans la retraite.
Le Pape Clément XII. avoît payé le tribut à la Nature quelques mois aupa- ravant cette Princefle ; il eut pour (uc- cefleur le Cardinal Profper Lambertini, l'un des plus grands hommes de ce(iecl& Ce Pontife vertueux , éclairé , bienfai- fant & modéré vient d'être enlevé à la Képublique Chrétienne dont il faifoit les délices.
Frédéric-Guillaume, Roi de Pruffci qui doit être regardé comme leFonda- teur de la puiflance de fa Maifdf^ mou- rut le trente-un Mai , laiflant dans foa ■fils Frédéric II. un fuccefleur qui a eâàcé tous fes ancêtres : l'Europe retentit de- puis dix-huit an^ des talens , des vidoî- res & de la vafte ambition de ce Prince.
La mort de l'Empereur Charles VI. en qui finit la poftérité mafculine de l'au^ guftë Maifon d'Autriche qui a domié ftize Empereurs à rAllemafi;ne , & «fix Rois à TLfpagne, fut fatale a l'Europe, dans le fein de laquelle elle alluma la guerre la plus fanglante.
La Czarine Anne Iw^nowiia n^ fur-
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4^8 Histoire
^.^.^^ Il ■ I ■ If I I III I 111
prévoyant , plein de ce courage & de ce zélé pour la Patrie qui ont fi fort diftin- gué les Grecs & les Romains des autres Kations , veilloit à la sûreté du boule-*^ vardde T Amérique; quoiqu'il vît pref- que tous les Forts qui dérendent Car- thagene réduits en poudre > ou enleva par rennemî , quoiqu'il n'attendît au- cuns fecours de TEurope ) il ne défd- péra jamais du falut de ui Place ; il étoit déterminé à s'enfevelir fous Tes ruines plutôt que de la rendre à un Peuple qui pouvoir s'en fervir pour enlever le nou- veau Monde à fa Patrie : il fçut faire
f)airer fa fierté & fa grandeur d'ame dans e cœur des Soldats de fa garnifon, & jufques dans celui des Citoyens & des Nègres mêmes qui tous combattirent en Héros ; Vernon fut repoufle le vingt. Avril à l'affaut du Fort S. Lazare devant lequel il perdit quinze cents hommes ; pendant ce tems-la le brave Gouverneur fît une fortie qui coûta plus de cinq cent$ hommes à l'ennemi , & qui rendit libre la communication de la Ville à la Mer, Peu après les maladies fe répandirent- dans l'armée & fur la flotte de Vernon ^ui s'emfuw en frémiflknt devoir mapqu^
D* E S P A G N E. 4.5-^
Ùl proye ; ce fiége qui dura deux mois , coûta dix mille hommes & des fommes immenfes aux Anglois : PEurope & T A- mérique applaudirent au courage d'Efla- ba que le Roi , le plus reconnoiflant des Princes , éleva aux dignités de Capitaine Général , & de Vice-Roi du Pérou»
Cependant l'Europe étoit en proye aux mouvemens les plus corivulfits de- puis la mort de Charles VI. On négo- cîoit , & on fe préparoit de toute part à la guerre ; Charles ^ comme nous l'avons bbfervé, a voit travaillé toute fa vie à af- forer la pofleflîon indivifible de tous fes Etats à la fille Marie-Thérefe ; les deux Archiduchefles , filles de l'Empereur Jo- feph n'avoient été mariées , l'une au Roi de Pologne , Eledeur de Saxe , & l'autre à TElefteur de Bavière , qu'après avoir renoncé folemnellenient à l'héritage de la Maifon d'Autriche ; l'Eleéleur de Saxe avant que d'être élevé au thrône par les armes de l'Empereur & delà Ruflîe^avoit
faranti la loi domeftique de Charles. Ce' rince avoit tiré de la France & de pres- que tous les Potentats Chrétiens la même garantie ; mais Louis XV. & les autres Rois pouvoient ils anéantir les prétçn-,
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460 Histoire
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tioDs des Princes intéreifés à la fucçeflion de la Maifon d^ Autriche.
L'Eleâeur de Bayiere la réclamoh prefqu'éntiere , non en vertu des droite de fgn époufe , mais fondé fur une Prag- ipatique longrtems antérieure à celle dç Charles VI. L'Empereur Ferdinand L ftrere de Charles-Quint avoit ftatué par cette Pragmatique , qu'au défaut de fa poftéirité mafculine , tout le patrimoine de la Maifon d'Autriche , c^u-à-dire les Provinces héréditaires , la Hongrie & la Bohême pafTeroient à fa fille aînée Anne 4' Autriche , époufe du Duc de Bavière} pr i FEleéleur étoit defcendu d'Anne, & C' eft en cette qualité qu'il fe portoit pour héritier de Charles VI. Ç'eft ainfi que les paâes de famille font fouvent desfeT fnences de guerre & de difcorde.
Philippe V. répétoit aufli tout Phérîr icage de l'Empereur en qualité d'héritier de Cl^arles Quint & de Philippe III. Il établiflbitfon droit, peut-être le mieux fondé de tous,fur les claufes ftipulées danff Tafte par lequel Charles-Quint céda les Provinces héréditaires à fon frère Ferdi- nand; Charles s'étoit réfervé à lui ou ^
6 ppftérin.é foit o^^ifçuline , fok féoûnine ,
d'Espagne, 461
la réveriion aux Provinces cédées en cas que la poftérité mâle de Ferdinand vînt à s'éteindre : à ce titre , le Roi ajoutoîc celui que lui donne le paéle de famille entre le Roi d'Efpagne Philippe III. & Ferdinand II. Le premier de ces Princes, unique héritier par fa mère de la Hon- grie , de la Bohême &c des Provinces hé- réditaires , ne les trapfponoit à Ferdi- nand qu'à condition que la poftérité maf- culine de Ferdinand venant à s'éteindre, les Etats cédés reviendroient à la bran- che d'Efpagne , & que les filles de Phi- lippe III feroient préférées à celles qui feroient iflues de Ferdinand II.
Dans le fond PEfpagne n'efpéroit point foute la fucceffion de Châties VI mais elle vouloit en dédommagement la Lombar- die ; elle exigeoit fur-tout que la Rei- ne d'Hongrie cefsât de prendre parmi fes titres celui de Grand-Maître de la Toi- fon d'or ; le Comte de Montijo , Minif- tre d'Efpagne à Francfort , pour appuyer de concert avec la France l'éledion de TEleôeur de Bavière à la dignité Impé- riale , préfenta à la Dicte le mémoire les droits de Philippe V. "étoient déduit!
Le Roi de Pologne fe mit auflTi ^
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Hl s TO IR E
nombre des prétendans à la fucceflîon de rhéritage de la Maifon d'Autriche, en vertu des dtoîts de la Reine fon épour fe qu'il vouloit faire revivre.
JLe Roi de Pruffe & le Roi de Sardav- gne , fur des titres moins fpécieux , afpi- roit le premier à la Siléfie , & le fécond ^li Milanez.
La France ne.demandoit rien pour elle , elle refufa même les Pays-Bas que la Reine lui offrit pour prix de fes fe- cours ; Louis XV. vouloit jouir de la gloire de faire un Empereur , & de dé- membrer en faveur de TEleéleur de Ba- vière l'héritage d'une Maifon rivale & «nnemie.
Contre ce déluge d'ennemis prêts à fondre fur elh , la Reine d'Hongrie comptoît pour Alliés la Ruffie , l'Angle- terre & la Hollande ; mais la première de ces Puiflances étoit engagée dans une guerre avec la Suéde , guerre ménagée par la politique dé la France pour occu» per les forces d'un Allié qui feul pou- voit plus que tous les autres en faveur de la Reine d'Hongrie; le Roi d'Angleter- re , dont TEleftorat étoit menacé par les François , fe hâta de iig:ner avec
JT?
d' £.5 PAGNE. 46^
Louis XV. un traité par lequel il s'enga- geait à ne fournir aucuns fecours à Ma^ rie-Thérefe ^ & à ne point traverfer Té- leâion de PEledeur de Bavière à l'Em- pire ; mais le danger ne fut pas plutôt pafle , que George II. oublia ce traité ^ & qu'il devint le plus zélé des Alliés de la Reine d'Hongrie ; la Hollande n'étoit
Î>as aflfez puiflânte pour braver (bule les brces de la France en faveur de la Cour de Vienne ; elle n'auroit même pris au- cune part dans ceue querelle làns les in- trigues des Anglois.
Au dé£iut de ces Alliés fur lefquels die avoir compté , la Reine tenta d'a- cheter l'alliance des Rois de Pruflfe & de Sardaigne , elle ne réuffit qu'auprès de ce dernier dont les fecours & la valeur lui conferverent l'Italie ; pour Frédéric, loin de répondre aux empre&mens de la Reine , il fiit le preimer à prendre les ar- mes contre elle. Ses fuccès encouragè- rent tous les ennemis de b Maifon d'Au- triche àr venir partager avec lui les dé- pouilles.
Après de vaines & infrudhieules 1 gociations , les Rois de France , d'Efj gne, de Naples, de Pologne, IT'
Vi
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4.54 Histoire
de Bavière fondirent de toutes parts fut les Etats de la Reme d^Hongrie , dans refpérance de les conquérir , de les dé- membrer , & de ne lui laiffer que le Royaume dont elle portoit le nom.
C'en écoit fait de Vimmenfe fucceflîon de la Maifon d'Autriche , elle devenoit la proye de cette foule d'ennemis , fi Ma- rie-Tnérefe n'eût trouvé dans la gran- deur de fon courage & de Ton génie des reflburces qui l'égaleront dans l'efprit de la poftérité aux Sémiramis , aux Zéno* bies & aux Elifabeths. Jamais ce qu'on appelle le Miracle de la Maifon d'Autri- che ne parut avec plus d'éclat que dans cette guêtre ; d'abord les Hongrois , ce Peuple fier & indocile dont les fréquen- tes rébellions avoient coûté aux Empe- reurs des torrens defang, & rempli Vien- ne de terreur , changèrent en faveur d'u- ne Reîne jeune , aimable , & qui fembloit opprimée > au point qu'ils prodiguèrent avec joye leurs biens & leur vie pour la défendre : ce fentiment de zélé & d'en- thoufiafme pafla des Hongrois aux autres Sujets de la Reine , & les rendit invinci- bles ; les premiers malheurs^ que Marie- Thérefe éprouva , trouvèrent dans £es
d' £ s P A G K £. Ji6f
S-ijers autant de grandeur , de fermeré & de confiance que chez la Reine mê- me; & lorfque la fortune ^par des évene- mens imprévus , eut confondu les pro- jets des Alliés j les Hongrois fécondè- rent ceux de la Reine , en prenant avec le même courage qu'elle une guerre qui fit plus d'une fois trembler la France.
Il £rut avouer que les fautes que les Alliés eurent à fe reprocher , ne contri- buèrent pas peu auxfuccès des ennemis; le R(H de Pologne agit foiblement , l'E* ledeur de Bavière manqua d'adivité j de bonheur , de Généraux habiles ^ Se peut- être de fidèles.
La France dirigée par le Cardinal de Fleuri devenu plus timide & plus irrélo- lu , à mefure qu'il yieilliflbit^ le contenta par ménagement pour la République Germanique d'envoyer fuccefliveneoc en Bohême & en Bavière diâerens Ccrps qui , après des prodiges de valeur & de confiance , après des fuccès mêmes tu- rent anéantis par la faim , le froid & la miière plus que par le fer des ennemis ; quelle autre deftinée pou voient efptsor ks François à trois cents lieues de l^ur .Patrie ^ &l dans des Régions où ils corn;- •
^66 Histoire
toient autant d'ennemis que d'habitans.
L^Efpagne n'eut point de fautes à fe reprocher , elle n'eut même qu'à s'ap- plaudir du courage , de la confiance hé- roïque , de l'excellente difcipline de fe$ troupes & de l habileté defes Généraux: cependant fes fuccès né répondirent point à fes efpérances , parce que la France fut long-tems à vouloir qu'elle refpeélât l'Italie , parce que les Anglois>. maîtres de la Méditerranée , empêchoient que les munition^, les recrues, lesconvoiSv deftinés à l'armée arrivaifentà tems , pai^ ce que le Roi de Naples fe vit forcé d'em- braffer pendant quelque tems la neutra- lité i & enfin parce qu'on eut à combat- tre le ihaître des Alpes , Pun des plu^ *grands Capitaines de l'Europe.
De tous les Alliés , le feu! Roi de Pruf fe fat heureux & vamqueur , lui feul fit la guerre en politiauc ; il profita de Pal- iiance & des fubfiaes de Ëi France , & la iàcrifîa quand fes intérêts l'exigèrent , fè fbfvant de la jaloufie des IVfaifons de Bourbon & d'Autriche pour établir dan» lé fein de ^Allemagne une Puiflance for- BHdable»
Marie-Tliérelè courû&née par des fucr
«rfp
d' E s P A G N £• 467
ces cm'elle n'avoit pas prévus , n'ayant plus a combattre les Rois de Prufle & de Pologne , comptant pour fes Alliés TAn- gleterre , la Hollande & la Savoye , fut éblouie à fon tour par la profpérité ; à la
Eerfuafion des Anglois elle refufa à la *rance & à l'Empereur Charles VII. une paix équitable : fon projet étoit de déthrôner Cbaries, d'humilier Louis XV# & d'enlever à la Maîfon de Bourbon les Royaumes de Naples, de Sicile , la Lor- raine , le Barrois &; T Alface*
Le Roi de France parut alors i la tête de fes armées où il fixa la viâoire ; mais après quatre ans de conquêtes & de triompf^s , ce Prince n'écoutant que la voix de la modération & de l'humanité Gui le diftinguent entre tous les Rois de fon fiécie , dionna h paix à l'Europe; plus grand , plus cher à U République Chré- tienne par le facrifice de fes conquêtes» que par (es conquêtes mêmes.
TeUes font rori|;ine , les progrès , 1er Ticiffitudes & ta nn d'une guerre qu'il s'agit de tracer en peu de mots.
Le Roi de Prufle fe mit le premier en mouvement , conquit h Siléfie , & vain^ quit les Autrichiens le fetze Avril dai» ks plaines de Molwits- V vî
^ -» .
468 Histoire
Les fuecès de ce Prince excitèrent l'é- mulation de TElefteur de Bavière à qui la ' France & le Roi de Pologne fournirent des troupes qui, jointes à fes Bavarois, for- moient une armée confidérable ; la Bohê- me prefqu'entiere , & Prague furent con*- . quîfes ; l'Eleâeur fe hâta de fe faire cou- ronner Roi de fa nouvelle conquête : la- Haute Autriche tomba fous fon pouvoir j Vienne fut menacée , & la Reine con- trainte de chercher avec fon fils un afyle dans la Hongrie..
L^Efpagne augmentoît le nombre des; ennemis de la Reine en Italie ; déjà le J)uc de Montcmar étoit pafle à Naples: avec une armée qui devoit être fortHîée par celle de Dom Carlos : on comptoir pour Allié k Duc de Modene ; Mônte- "" mar avoir ordre de la Cour de traverfer PEtat Eccléfiaftique , de fondre fur la Xombardie , & de la conquérir, fans don- ner le tems à la Reine accablée en Alle- magne de fe reconnoître ; mais le Roi de Sardaîgne veilloit au falut delaLon)bar» die ; ce Prince déthrôna le Duc. de Mo- dene , & anéantit les eflfbrts de Monte* mar qui fe trouva trop foible pour riC- <jUQr une bataille».
D* E s P A G N E. 4651
De tous les Alliés de la Maifon de Bourbon , la Suéde feule fut malheureu- fe contre la Ruffie devenue la Puiflance la plus redoutable du Nord ; la révolu- tion arrivée le cinq Décembre à PeterG bourg ne changea rien au fyftême poil- rique de cet Empire ; la Suéde n'en re- cueillit aucun fruit»
Cette révolution , l'une des plus cele^ bres de nos jours , fut Touvrage d'une nuit relie ne coûta pas une goutte defang a la Nation ; Tordre public & le calme de ia Ville Impériale n'en furent pas même altérés ; la Princeffé Elifabeth , fous le inafque des jeux & des grâces diflîmur loit la douleur de voir Théritage de fes. pères entre des mains étrangères , & le defifein qu'elle méditoit de le leur enle- ver ; Tair ferein & riant de la PrinceiTe en- impofa à la Régente y qui loin de prêter Toreille aux foupçons qu'on lui faifoit jiaître contre Elilabeth , lui en fit même confidence dès la nuit même. Elifabetlr sûre des iéudmens des Rufles oui ne voyoîênt qu'avec indignation la nlle de Pierre I. écartée du thrône , fortit avec ièsamis , fe rendit aux cafernes , haraiir ^;iia ks foldats y & les dctermLna à la fuL-
i;
470 HiSTO IRB
vre : fon premier foin , après avoir blo-
Iué le palais , & défarmé la garde y fut e monter dans Tappartement du Czar^ qu'elle arrêta elle-même avec ta Régente & toute fa famille. Pendant ce tems-là un détachement de Grenadiers fe faifif- foit des Miniflres & àe% Généraux par les confeîls de qui la feiie Czarine avoit exclu Elifabeth du thrène. Sur les fix beures du matin la^ nouvelle Impéra- trice, affembla tous les Ordres de l'E- tat, leur expofa fon droit à la Cou- ronne^, & leur rendit compte de la ré- volution ; tous applaudirent àr fon cou* rage , à l'équité de fa caufe & à fesfuc- cès ; tous h proclamèrent avec tranf- ports : le jour même Peterflbourg jouit a un cahne aufli profond que s'il n'eût jété queftion que de l'exil d'un Miaiflrey la Czarine renvoya quelque tems après k Maifon de Bevem en Allemagne» 174^ En faveur de la naiffance de laPrin»^ celTe Elifabeth , fille de l'Infant D. Phir lippe , née le dernier jour de l'année pré^ cedente , la Cour accorda une amnifUe aux Déserteurs , à conditios qu'ils mé- jriteroient leur grâce , en fervdnt fix an& I^s Àngloisavoient cfpéré fe déd^isir
d'Espagne. 471
ager de leur défâftre devant Cartha- me par la conquête de l'Ifle de Cuba ; iûs après avoir demeuré fix mois dans tte Ifle , & y avoir conftruit un Fort ,
furent obligés de l'évacuer ; les Efpa* lols plus heureux portèrent le fer & le Il dans la nouvelle Géorgie qu'ils dé- jifirent. Tous ces fuccès rendoient FAngteter-
moins redoutable > & mettoient la Dur en état de conquérir en Italie un ibliiTement pour Dom PhiËppe ; ce ûice panit cette année d'Efpagne avec le nouvelle armée commandée fous Tes: dres par le Comte de Glymes , traver- les Provinces Méridionales de France y parvint aux portes de la Savoye ; te :ours des François lui eût été néceiTai-
pour vaincre , mais le Cardmal de euri étoit tellement porté à laifler jouir talie de la neutralité , qu'il avoit lonc;- ns réfufé à la Cour d.'Elpagne le paiÏ2^
par la France ; D. Philippe fe faifît de Savoye dénuée de troupes & de forte-^ Tes ; il fe préparoit à franchir les Alpes^ fqu'il apprît que £e Rordé Saidi -'^ noit fonare fur lui avec une- zmU rieures alors il fut obligé defe rc]
4-72 Histoire
fur le Dauphiné ; la Cour de MaJrid fut d'autant plus affligée de cette retrai- te qu'elle avoit efpéré que le Duc de Montemar à la tête des Efpagjiols & des Napolitains , occuperoit par une puiflan- te diverfion le Roi deSardaigne , & que Dom Philippe pénétreroit ailement dans le Piémont ; mais le Duc de Montemar^ loin de remplir les objets qu'on s'étoit propofés , avoit4aiffé , comme nous avons dit , déthr&ner le Duc de Modene , & n'a- voit pas paffé Boulogne d'où il s'étoit enr fui dans le Royaume de Naples à TapproK che des Autrichiens ; la Cour indignée contre Montemar qu'elle accufoit d'être devenu lent , timide & circonfpeél , lui fubftitua le Comte de Gages*
Ces nouvelles fâcheufes caufêrent moins d'inquiétude que celles qu'on ap- prit de Naples; les Anglois dominoient dans laMéditerranée.DXaulos avoit d'au- tant moins lieu de rien ci'aindre de leur part , que dès le commencement de la rup- ture de l'Efpagne & de l'Angleterre il avoit, facrifiantfes plus chers intérets,em' braffé la neutralité entre fon père & eux; cependant on vit bientôt paroître devant Naples la flotte d^Angléterce qui fe difpo-
D* E S P A G N E. 475
foità bombarder la Ville. Naples fut rem- plie de terreur , on ne fçavoit à quoi (c réfoudre , lorfqu'un Capitaine Anglois fe préfenta au Roi , ôc lui fignifia qu^il eût a ligner fur le champ la neutralité avec la Reine d'Hongrie , ou à voir fa Capir taie réduite en cendres. Dom Carlos fe vît obligé de recevoir les ordres de cette fiere Nation ; trifte effet de la néceflité^ la capitulation fut fîgnée , les troupes Napolitaines fe féparerent des Efpagno- les qui , devenues trop foibles , n'ofèrent rien entreprendre.
La France gouvernée par le Cardinal de Fleuri n'avoit pris de part à cette guerre , comme nous l'avons obfervé , que pour faire PElefteur de Bavière Emr pereur , & pour lui faire obtenir quelque morceau de la fucceffion de Charles Vl* le premier objet étoit rempli , le fécond ne le fut jamais.
L'Elefteur de Bavière élu à Francfort le vingt- quatre Février {a) fous le nom de Charles VII. trouva fur le thrône Im- périal l'infortune & Thumiliation. La
(a) La Reîtie d'Hongrie avoît conféré dans cette éledion le fiiffrnge de Bohême au Grand Duc Ton époux qui ne le put faire valoir»
474 Histoire
veille même de fon éleélion , Kevenhul- 1er , aux talens de gui la Reine dut fes plus grands fuccès , força dix mille Fran- çois a fortir de Lîntz , à condition de ne porter les armes d'un an contre la Cour de Vienne; de-là le vainqueur marcha dans la Bavière qu'il fournit rapidement; mais ces difgrkces étoient réparées par la conquête d'Egra,& par la fuite de Keven- huiler qui 3 à l'approche d'une nouvelle armée Françoife, avoir évacué la Ba- . viere :"toùt annonçoit de nouveau fuc- cès; l'Autriche étoit encore menacée, lorfque la défedion imprévue du Roi de Prufle caufa dans les affaires une révolu- tion dont l'Empereur & la France furent les viélimes. Frédéric , après avoir con-
2uis la Moravie > & gagné la bataille de )zailau , conclut par la médiation de l'Angleterre une paix particulière avec la' Reine d'Hongrie : par ce traité fîgné it Breflau la Reine céda la plus belle par- tie de la Siléfie & le Comté de Glatz 1 mais délivrée de l'ennemi qui lui avoit fait le plus de mal , elle fe trouva en état d'accabler l'Empereur & les François qui peu après furent abandonnés par le Roi de Pologne,
d' E s P A G N E. 47^
Toutes les forces Autrichiennes fe réunirent alors y & vinrent fondre en Bohême fur les François qui n'y avoient guères plus de trente mille hommes com- mandés par le Maréchal de Broglio ; ce Général qui venoit de gagner le combat de Sahai , fe retira par la plus belle des retraites à Prague ^ mais plufîeurs Corps François difperfés dans la Bohême s avoient été coupés , enlevés ou détruits > l'armée réduite à vingt- cinq mille hom- mes fe vit bientôt amégée dans Prague par quatre- vingt mille Autnchiens ; les François avoient à luner contre la faim f h contenir les Citoyens de Prague , & à défendre une Ville vafle & peu fortifiée : dans cette pofitîon leurs Généraux ofiri- rent de l'évacuer avec toute la Bohême ; mais la Reine , à la perfuafion des An- glois , exigea que les Maréchaux de Brc- glie & deBelle-Ifle fe rendiffent prifon- niers de guerre avec toute leur armée ; il n'y eut pas un François qui n'aimât mieux périr que de fubirdes conditions fi hon- teufes : jamais les troupes de cette Nation ne fignalerent davantage leur courage & leur confiance aue dan^ '^^ ' ble:ilsétoientroutei
Histoire
deux Maréchaux & de l'élite de la No- blefle Françoife j enfin ces braves Sol- dats eurent le fort qu'ils mëritoient ; les Autrichiens changèrent le fiége de Pra- gue en blocus aux approches d'une armée commandée par le Maréchal de Maille- bois , & le Maréchal de Belle- Ifle fauva Tarmée par une retraite comparable à celle des dix huit mille , & il n'y eut pas jufqu'aux convalefcens reftés dajis Pra- gue qui 5 fous les ordres de l'intrépide Chevèrt , n'obtinrent une capitulation honorable.
i Le Marquis de la Enfenada fut rap- pelle d'auprès de D. Philippe pour être fait Secrétaire del Delpafcho Univer- fal 9 & Surintendant Général des finan- ces , ce qui lui donnoit prelque le pou- yoir de premier Miniftre.
Les foins de la guerre qui devenoit de jour en jour plus vive, n'empêchèrent point Philippe d'établir une école de Ma- rine à Balbao.
Les efforts des Anglois contre l'Amé- rique devenoient chaque année plus foi- blés & plus malheureux ; leur Général Knowles échoua dans une entreprife fur les Caraques ^ il regut un échec devatt
1«
d'E s P A G N E.
477
t
^Bli Ville de Guerra ; peu apus il clTuya le
même affront devant PortoCavallo ; une
autre crcadre de cette Nation débarqua
des troupes dans Tlfle de Gomcra , mail
^tfUes furent vaincues àc pourfuivic» jui-
^Kues dans leurs vaiJi'eaux par les Milîcef
■e ride.
^^ L'expédition de l'Amiral Anfon fur les côtes du Pérou fut plus hcurcufê ; il détruiGt la Ville de Payta , & enleva une infinité de vaifleaux rjcbcment charg^'i-
L'Amiral Matth^us, qui depuis unan . infeftoit la Méditerrant^e avec une t'otca redoutable , étoit plus funcflc aux EJpa* gnols , en arrêtant leurs progrèi en Ita- Se où on ne pouvoit envoyer ni renforts * | BÏ convois, fans les cxpofer au dannr de tooaber encre les mains des Anglois $ i un convoi immenfe forti du Port de Bar- j celone trompa pourtant la vigilance d« j Matthéus , & fc rendit à G^nei o(i il nç j fut pas plutôt ar/ivé que le» Anglois ac- 1 courus a fa pourfuitc , fe prcjjarçrcnt i 1 le brûler dans te Port même , au méprit | du droit des gens ik de la neutralité aon j
jouifliMi la K6
e de (j<
478 Histoire
pot jufqu'à la fin de la guerre les muni* tions Elpagnoles.
Cependant le Comte de Gages (igna* ioit en Italie Ton habileté fans parvenir i des fuccès qui feuls pou voient dédomma* ger TEfpagne des frais de cette guerre : il fe mit en mouvement au milieu des rin
fLieurs de THy ver, paflâ le Panaro le cinq évrier , s'empara de Buondeno où étoit un magafîn des Autrichiens 9 & trois jours après attaqua le Comte de Thaun à Campo-Santo ; le combat fut fànglant & opiniâtre, & la viâoire refta indécife : s'il y eut de l'avantage , il fut du côté des Efpagnols qui enlevèrent huit étendards & un drapeau. Cependant le Comte de Gages ayant , faute de fubfiflances , re-
f>aflé le ranaro le lendemain de l'adtion i es Autrichiens regardèrent fa retraite comme un aveu de leur victoire.
Le refie de la campagne fe pafla fans évenemens ; le principal théâtijs de la guerre étoit l'Allemagne. C'efl des fuc- cès de la France & de l'Empereur que dépendoient les progrès des Efpagnols en Italie.
Louis XV. après la mort du Cardinal de Fleuri arrivée le dix-neuf Février j
d'Es P A GN E.
47?
avoit pris lui-tDcme entre fes mains les rênes de l'Etat, Se le gouvernoit par des maximes plus fermes & plus vigouri-u- fes. A la nouvelle que le Roi d'Angle- terre marcfaoît au fecours de la Reine d'Hongrie avec une puiffante armée com- pofée d'Angtois , d'Hanovriens & d'Hef- fois, ii en envoya une aufT! nombreufe fous les ordres du Maréchal de Noailtes ; ce Général , de l'aveu de toute l'Europe , fit une manoeuvre digne de Turenne, pour Éaire périr les Anglois par la faim , ou pour les forcer à fe rendre prîfonniers de guerre ; le Maréchal étoit prêt à jouir du fruit de fes travaux ; déjà les An- glois , en proye à la difette , décampoient de leur pofte d'Afchaffenbourg pour ga- gner Hanau ; le Général François qui avoit prévu ce mouvement , avoit telle- ment difpofé fes forces , &c s'étoit pré- valu de la fituation des lieux avec tant d'art , que des trois colonnes de l'armée Angloife, la première compofée de dou- ze mille hommes, ayant à ia lêce leRtâ* d'Angleterre, ne poiaroit manquer d'è tre enlevée. La gue^ cet exploit ; mais l^BJ iropétuofué t "
4S0 Histoire
des François dans tous les fîëcles déro- bèrent au Maréchal de Noailles la viftoire la plus éclatante. Le Duc de Gratnmonti Lieutenant Général de l'armée Françoife > avoit reçu ordre du Général de fe faifîr du Village d'Ettingue , & de n'en fortif pour attaquer Pennemi , que quand le Maréchal Pen feroifavertir. Mais à peine arrivé à ce pofte , Grammont emponé par le defir fougueux de combattre , & de fe fignaler , paffa un ravin , & attaqua l'ennemi; le Maréchal dç Noailles ap^ prit avec doulem: la malheureufe manœu- vre du Duc , mais la bataille étoit enga- gée , &c il falloit faire tous fes efforts pour la gagner : le terrein qui , fans la témé- rité de Grammont , eût été favorable aux François , leur devint contraire ; leur ar- tillerie qui feule auroit fuffi ppur fou- droyer Pennemi l leur fut inutile j enfin , après des efforts prodigieux ne pouvant percer les trois lignes fur lefquelles étoient rangés les ennemis , ils cédèrent le champ de bataille , & repafferent le Mein. Le Roi d'Angleterre dont la perte étoit égale à celle des François , fe hât^ de gagner Hanau en bénîffant le Ciel de ji*avoir tiré du plus grand dang;er $iiique|. U ait jamais été expofé. Pendant
p'Es P A G NE. 481
Pendant ce tems-là le Prince Char-^- les, battoit en détail les François & les Bavarois , par la méfîntelîigence de leuts Généraux , pour la "défenfe de la Bavière , prenoit Ingolftadj for- terefle qui lui fut rendue lâchement , Se Egra, la feule Place qui reftoit eix Bohêr Hie à TEmpereur. Après avoir dépouillé, ce Prince , il avoit pénétré julques for les bords du Rhin , à la tête d'une armée de quatre-vingt mille hommes, avec lefquels il menaçoit la France. Le théâtre de la guerre tranfporté en moins de deux ans des rives de la Moldaw & du Danube aux firoatieres de l'Al- face 9 le gain de la bataille d^Ettingue ,, une armée formidable d'Anglois & d'HoUandois aux portes de la: Flandre Françoife dégarnie de troupes; tous ces objets diminuoîent la confiance desFran- çois ; Louis Xy. & ^Empereur deman-r. derent la paix à des conditions équita-. Iles ; mais la Reîne. :p<^ru.adée , par les Àn^Ioîs, fit la faute de la refufer, elle n'alpiroît pas à moins .qu'à dépouiller la Maifon de Bourbon des Royaumes de Tïaples & de Sicile 9 de la Lorraine y du Barroîs , de FAlface « de la Fra;iche- Tome /^ X
482 Histoire
Comté & des trois Evêchés : quant à l'Empereur, elle confentoit de traiter avec lui , à condition qu'il lui céderoit la Bavière , fon patrimoine , en dédom- magement de laquelle elle lui offroit quelques Provinces dans les Pays-Bas ou en Italie ; elle exigeoit de plus que fon époux le Grand Duc , ou fon fils l'Archiduc feroit élevé à la dignité de Roi des Romains , & que le Confeil Au- lique & les archives de FEmpire refte* roient à Vienne. Après avoir en vain of- fert de fe réduire à la neutralité , TEm** pereur aima mieux combattre que d*ac- liepter des conditions fi dures : il étoic encouragé par Pexemple de Louis XV. qui ne cfae;rcka plus que dans fon cou«> rage & dans celui des. François TeTpé'- rance d^une paîx gldrieufe & équitable.
Dès^Iors la guerre changea de face , le Prince Charles perdit une partie dç fon arratée en tentant lé paffage du Rhin ; les AHiés 4^ la Reine négligèrent 4'arir dans les Pays-Bas , & la compagne wî- fante Louis XV. alla lui-même les y at> taquçr avec dfts ïuçcès déçififs.
Cependant h Reine s'attachoit par la
fin des tpités un Alfié qui ne lui fut $^
MM
d'Espagne. 483
res moins utile que les Anglois , je veux
Sarler du Roi de Sardaigne entre qui , le Loi d'Angl^nterre & la^eine , il y eut un traité d'alliance fi^é à Worms ; la Reine cédoit au premier de ces Princes la par- tie du Vigevenafoue refiée à Charles VI* après le rraité de Vienne , le Payeiàn eti^ deçà du Pô , Plûfance âc le Flaifuitio jufqu'à la rivière de Nura; le Comté d'AngUera ,& enfin le Marquifat deFi- naL Cette dernière ceillon parut d'au- tant plus f jrprenante , que la Reme dif- pdbit d'un bien qui ne lai appartenoic point : le Marquifat de Final étoit entre les mains des Génois qui Favoîent acheté fix millions du feu Empereur : cène in« judiK augmenta le nombre des ennemie -ic VsL Cour de Vienne ; Gènes £e jetta en- tre ks bras de la Maifbn de Bourbon poÉor confèrver par fa proteâion un Etat ^ont elle étoit en pofieifion. A tous ces avantages reçus de la Reine d'Hongrie , ( avantages dcmt cette Princefle efpéroic fe dédommager aux dépens de b Maifcn de Bontboo9]rHS«:é9Sardai^e en joignk: irai]ffî^. < JUf^^^^ de la part dcsAnrfoisî^ i comp-
ter un inl Ile
4S4 Histoire
livres fterlings , '&; d'entretenir une puif- iante ^cadre dans la Méditerranée. Nous jie pouvons noi» empêcher d*obferver que ce Peuple > dans le même tems , don*- noit un (ublide de cinq cent mille livres ilerlings à la Cour de Vienne ; qu'il en donna un autre de deux x:ent mille au Roi de Pologne , Eléiîleur de Saxe ; la Czarine , fur la fin de la guerre , en tira -un de trois cent mille ; o^autres Princes de l'Empire en reçurent de proportion- -nés aux forces qu'ils entretinrent. On ne peut évaluer ies millions que cette guef" xt a coûté aux Anglois : pour prix de tant de tréfors prodigués fi inutilement , ils obtinrent de la Reine Oftende & Nieu- port , objet oui remplîflbit leur ambition <}epuifs plus -d'un flecie; mabils ne joui- rent pas de la confolatîon^de les cûii£in> ver ; la France les leur enleva , & il ne leur revint de cette guerre devemic gé- «nérale par leur politique que la honte & ie regret de s'y être ruinés.
La Suéde vaincue par la Ruffie , figna à Abo le vingt-fept Juin un traité diâté ar la Clarine. Ge traité afibiblit encone es Suédois qui cédèrent 'quelques-unes lip Içurs Provinces. au vainqueur >; -ief
f.
Suédois fe foumirehi auffi à élire pour fuccefleut à leurs couronnes Ftt^dcric- AdolphedeHoUîein protégé par la Cza- rine ; ce Prince remplit aiijoud'bui le, thrône de Suéde.
Louis XV. aprî^s avoir CQ vaîndcman- Ï744' dé la paix à la Keinc d'Hongrie, qui ani- mée par les Anglois, ne vouloir la lui ac- corder qu'à d€s conditions iiiifnilianieï, déclara la guerre à cette Princefle. C'ell ainfi que la France qui d'abord n'a- voit été qu'auxiliaire dans cette fameu- fe querelle, devint partie principale; dans le mcnje-ienrs parut de la part de Louis X.V. une déclaration contre les Anglois qui, depuis quelques années, n'avoient ceffé dinfiilcer le pavillon François , & de chercher par toute l'Eu- rope des ennemis à la France ; ce fuc alors que l'alliance de l'Efpagne & de la France fut reflerrée.fous les aufpiccs les plus ht^ureux. Quelque; tems auparavant î^s deux Cours avpîent fornié le projet de difpuier l'Empire de la Méditerranée aux Angloii, de fuccès rital . joignit fur les j d'Lfpagne çpp'
^S6 Histoire
^ I — — — *— ^ III —^1— I I ■ ■ ■ ■ ■■
Jofeph Navarro ;on attaqua les Angloij le vingt- deux Février à la hauteur de Toulon ; mais il en fut de cette bataille comme de prefque toutes celles qui fe Mvrent fur mer, elle ne fut rien moins que décifive : les Efpagnols firent des prodiges de valeur , ils ne furent pas fé- condés par les François , dont il n'y eut ?u'un feul vaiffeau commandé par le Chevalier de Court , leur Général ,. qui combattit j 8e qui faiiva le yaiffeau Éf- pagnol le 5. Philippe ; quoique les An- glois euflent pris un vaiueau , ils furent plus maltraites que les Efpagnols ; ils fe retirèrent à P^rt-Mahon ,' & l'avantage refta indécis j rAmital'Matthéus , pour n-'avôir pas.vaincu ,, fut rappelle, & fon procès inftruît; maî? Tobjet des Alliés ne fut point rempli , les Anglois dont les forces navales étoient fujtérieures à cel- les des deux Couronnes , demeurèrent les maîtres de la^MëHiterranée : de^Utlet avantages que les;' chnehïîs obtinrent en Italie.' '■ '■ :'*■'
Pendant^ ce téms^^là une armée Fran- çoife commandée par le Prince de Conti fe joignit eti' Provence à celle de D. Phi- lippe î ces deuxPnficcf pafferçnt le Vat
d'Es P AG N E. 487
le premier Avril , prirent Nice , taillè- rent en pièces dix mille Piémontois r((- tranchés à Montalbati & à VillefrandjCj, s'emparèrent de ces deux Places : vingc raille ennemis pris avec le Comte delà Suze , leur General j & cent fepi piccta de canon , & 1?. conquLte du CoiEtC ce Nice furent Us fruits de cette belle & rapide expédition; apr^s avoir accorda quelques jours de repcs à feur arroge vic- lorieufe , les deux Généraux fe remirent en campagne , forcèrent le dix-huit Juil- let les retranchemens des Pi<:niontoisdan« la vallée de Sture., & s'emparèrent du Cbkeau-Daupbin ; delà ilsmarcbercnt au Fort de Démont qu'ils emportèrent le dix-fept Août , non fans avoir perdu beaucoup ; mais on ne pouvoit pénétrer dans ritalie qu'en ne fe fur rendu maître de cette chaîne de forcerelles que la na- ture & Tart faifoient regarder comm« imprenables ; à peine la viéloire eut elle ouvert le pallage des Alpes que tes Alliât fe répandirent dans la plaine du Fiémoni « & s'attachèrent au fiége de Coni , la plus forte Place du Roi de Satdaigne ; loin d'être déconcen^dccudîf^ceSiChar- IfS ■ Emmatiiicl
488 Histoire
'combinée > & Tàttaqua le treiue Septem- 'Bre 5 lefocçès né répondit ni à fon cou- Tslgé , ni à fon haKleté , il Fut repouflé aprfes avoir pètdu cinq jïiille hommes; mais au défaut de ïes Soldats , les élé- mèns. combattirent pour lui ; les vain- queurs rebutés par les pluyes , le froid & les autres obftacles de la faifon , levèrent le fiége de Coni le 22 Odobre ; le Mar- quîs-de Ofteflar termina la campagne du t:ôté des' Alpes^par la conquête d'Oneille* Pendant çétems-là te Duc de Modè- le & le Comte de Gages , dont Tarmée ëtoit inférieure à celle de la Reine d'Hon-
friè , commandée par le Prince de Lob- owits , évacuèrent l'Etat Eccléfiaftxr que , & fe replièrent fur les frontières du Royaume de Naples oii ils furent pour- fuivis par les ennemis qui mirent à con- tribution la Province de l'Abruzze : c'é- toit violer la neutralité à laquelle le Roî de Naples s'étoit foumis deux ans aupa- ravant; mais le projet des Autrichiens ne fe réduifoit pas à lever quelques vaines contributions : ils n'afpiroieht pas à moins au'i déthrôner Dom Carlos ; ce Prince dont la Couronne devênok-^^hancelante for fa tête j pour peu qu'il n'eût pas pris
d' E S P À G K B. 480
•iVné génér<;ufe rtfolution, fe dctcrmina à repoufler la force par la force ; bientôt il joignit avec fes troupes Tarmée Efpa- gnole , s'aipança vers Lotkowits , &c le pourfuivit à fon tour jufqu'aux environs de Rome ; il dtfit le vingt-fept Mai à Veletrifept à huit mille Alfem?nd&, & cfrmpa dars ce porte jufqu'afu onze Août
3ue le Prince de Lobkovvits le furprit; 'abord les Autrichiens remporrercm: •l'es plus grands avantages: msiis le Roi'^ 'à Taide du Comte de Gages , ayant r^*ta- bli l'ordre dans fon armée qui m dc< pro- diges de valeur 3 repoufla l'ennemi & de- meura maître du champ de bataille au •prix du fang d'environ cinq mille hom- mes : aprts s'être vu arr3cher une victoire dont il avoit» déjà goûté les prémices, •Lobkowirs , dont la peite égaloit au inoins celle du Roi , retourna à fon c^mp u'il ne quitta que le trente-un Câobre* e- Comte de Gages le pourluivit juf- ques dans le Milanez , & lui enleva huit cents hommes dans Kocera.
Le chef des Bourbons fe fi^nalcît par des fuccts plus décii^fs d?ns les Piiys- Bas ; ce Prince s-étoit déterminé à com- xnandeï lui-mcme la princijcij de fcs tr-
=.'^.
î
:^<fo Histoire
méeSf a6n de pouiTer la fi;uerre avec plus de vigueur ; déjà fa préfence & fon cou- ra^ avoient ramené la viéloire fous fe^ jéteodards ; tl avoit coiK]4iis Men^n ^ îYpres ,. k Fort de la Rnoques & Fur- ^ ties ; il marcfaoii à de nouvelles conquê- tes > torfqull! apprit que;k Prince Char- les avoit furpris la vigilance de, fes Géné- raux en Alface , qu'il avoit paffé le Rbin.» & qu^il inondoit cette. Province de fe^ trpupes ; il vola auâi-tôt à ta défenfe de l'Aliace menacée , mai5^ il fut arrêté dan]^ & COucTe par une maladie dangereufê qui le.conduilie ai^x portes du tombeau^ A la nouvelle du dang^er de Loub XV. FEf-
Sagoe parut aufli enrayée que b France ont elle partagea la épuleur^elle apprit& . célébra avec les mêmesVanfports de joye fa convalefcence (<«). Il y Tptrrif Madrid- pendant trois jours 6c trois^^ nuits eùùCér' .cutifs des fêtes publiques : jamais les ££-
Eagnols ne firent plus pour aucun de îurs Rois.
(a) <^vi eût ofé prévoir qu*un monSare^ tre!z# uns après , ^itenteroit à la vie d'un Roi fi cher à Ces Sujets & à fes Alliés f Cromwel meurt dlaot fon lit; HçnriIV»£c Louis XV» (ont aflà^
d'E s P AGN £. |
4ii I B |
fin J
m
Cependant les Généraux! ran^ois fau- voient l'Alface , & furçoient le Prince Charles à repaOer le Rhin ; à ptine rt^ta- bli , Louis XV. fit voir combien il ttoit digne de l'amour &. de la vént^ration de fes Sujets & de fes Alliés , en prenant lui* jnême Fribourg , malgré les rigucurï.fic les obftacles de l'Hyver; pendant çeac «cpédition le Comte de CÎermont l'çmr para de l'Auiricbe antérieure.
Le Maréchal de Saxe qui depuis s' ctl acquis la réputation d'un des plus habikv Généraux de ce fiecle , conlerva avec une armée inférieure les conquêtes de Louis XV. dans les Pays-Bas ; cette campagne l'eût immortalifé , indépea- dantoient de fcs autres exploits.
La joye que répandirent en Ëfpagne & enPrance les fuccts de cette c;iin pagne* ' X augmentée par la nouvelle gu.rre in-
fline qui s'cUva en Allemagne ; dcpui&
bataille d'Ettingue, 1 empereur accablé s'éioit tenu à une erpece de neuimlité pendant laquelle il n omit rien pour ob- tenir la paix di: la Çw ^ V(ean« ; naît
"eine n ' ' ' ' '
45>2 Histoire
delà Bavière , fon patrimoine , en dédom- magement dé laquelle elle lui propofoit. quelques Provinces dans les Pays-Bas ou. en Italie , & qu'il cônfentît à réle(îtion du- Grand DuctieTofcaneà la dignité de Roi- dtS'Romains. La dureté desloix qu'on im- pofoit au chef'de l'Empire., & Air-tout le* traité de Worms par lequel il fe croyoit? menacé ^ révoltoient le Roi de Pruffe ; il* réfolut de profiter des fuccès de la Mai^ en de Bi>urbon pour achever d'accabler- là Reînej dîabord il oppofa au traité de- Worms un nouveau traité qu'il ftgna k Francfort le :27 Juin avec l'Empereur,rE- feâeiir Palatin & le Landgrave de Hefle- Caffel ; le but de c^ traité étoît de préve- nir les effets de celui de Worms , & de rétabUr l'Empereur dans fon patrimoi- ne ; lé. fuccès de cette nouvelle guerre du Roi de Pruffe furpaffa celui de la pré- cédente; il entra dans la Bohême a la: tête de quatre-vingt mille hommes-, 8c prit Prague dans laquelle il fit prifonnie- ré une armée de feize mille bommesw
A la faveur des viéloires des Rois dé France & de Pruffe , TEmpereurrecon- quit la Bavière ; alors la Re:ÏHe d'Hon^ grie fe trouva dans une fituatîon • prèf-.
il lycheulc que celle où elleétoic 3 ans auparavant. Telles ont été Itsviçîf- fitudes de celte longue & fanglante guefJ re : jamais la fortune ne balança davan-^ tage , elle ne fe lafla point de favorifer alternativement les deux Partis, fans le fixer dans aucun. Le Roi de Pologne fournit une-armée de quarante mille hom- mes à la Reine ; cette diverfion fut moins utile à cette Princefle que la mort de l'Empereur Charles VJI. arrivée au com- 1 745*. (nencemcnt de l'année où nous entrons. Cet événement plaça fbus de plus heu- Le xi. reux aufpices la Maifon de Lorraine A u- Fi-vt. triche fur le thrôtie de l'Empire, thrône qui svoit été pour Charles V It .. pour fes Sujets &: pour Tes Alliés la fource de» plus accablantes dîlgraces. L'Hiftoïre fournit peu d'exemple? aulïi frappana et l'illufion des grandeurs & de la fortune « que celui de ce Prince accablé de mala- dies , trahi, malheureux &nu}urani, à I3 veille d'un meilleur fort. Le premier foiir du jeune Elefleur de Bavière ntal confeil- lë par fes Généraux & par fes Mintftrcs , fut d'abandonner h Se de figncr uni
1— i— — ■— M^— ■^— —» ^— — i— —■— —^^i^— — ■^■^—
4^4 Hl s TOTR E
. Il ———I I ■■ I ^— — ^M— — M<
tentions de fa Maifon fur la fucceflîon de Charles VI. &c pronût fa voix pour Pé- leélion du Grand Duc de Tofcane à l'Empire.
Cependant les deux branches de t» Maifon de Bourbon , après avoir reiferré les nœuds du fang 6c de l'alliance par le mariage de l'Infante Marie-Thérefe avec le Dauphin , formoient les magnifiques projets d'enlever la Lombardle & les Pays-Bas à la Reine d'Hongrie : la con- quête de la Lombardie dépendoit de la réunion de toutes les forces Efpagnoles» Françojfes & Napolitaines ; mais quels obftacles ne falloit-il pas vaincre avant d'exécuter un pareil prpjetf Une étendue de plus de cent lieues ^ des fonereifes y des montagnes , des fleuves & des ar* mées confidé râbles étoient les barrières
?ui féparoient le Comte de Gageis , de D» hilippe 9 barrières fans doute infurmon* tables , s'il y en avoit pour le génie , le courage & la confiance ! Le Comte^ de Gages arrêté au milieu de l'Etat Ecclé* fiauique par le Prince de Lobkowîtsn'euli
Sas plutôt reçu les ordres de la Cour de ladrid pour fe ioindre à Dom Philippe qui étoit aux porcis du Piémont , qu'il
d'Espagve. j|35p
pot avec râgi dnq iiMlk bbœmes , œ- le^e fept cccts Aoinciu^i» près de Ri- floitoi , pa& le Pasaro , pourfuk le Piincc as, LfobJLOwks , s*eoùpare du Fort de JMosQce-Alf oniê ^ & après avoir dtMiD^le ciaasge a TenDeoû , tourne- tout à coup :TCfs k Grand Ihicfaé de Tofcane qvyfl iS3¥€iiê rapidei&eot , aisfi que la Répit- bfique de Lucques; de-U il fraDcfaîtL'^j' pCDski par les teins les plus a£reux , & avec les rnéna^ travaux qu'Aonibal ^ les iklpes; fonibe iîir cinq ou £x luiUe Croa- tes que Lc4>]u3vnts avoh ecTcyts pour l^qèiiéter daos cette marche admizable » Ac ks taîUe en pièces. Enfin , il arrive ^ns la Ligurie ; la République de Gènes ^i?i n'anendok que Êi piéi^nce pour fe déclarer en £ai veur des Bourbons , rendk ak)rs public fe txaité d'Âranjuès par le* ^xiel elk s'étok engagée de fortifier Par* oée Eipagnole d'un Corps de dix nûUe liomnaes , & d' xm train confidérable d'ar- cllesie ; à ces conditions Philippe V. loi avoit affigqé un fLbfide d'environ dkKîze cem milk livres , & ce Pxinc^ «rantifloit avec Lolk XV- fie Dcm Cafr ks les Etsis de b République , ^. fptcîaf lement le Mârcuifai de Final dont la coa->
'fervariori lui mettoit le^ arnies à la mainr-
L'Infant ne tarda pas à joindre le
Gomte de Gages ; il comptoît alors fous
ip^ ordres une armée de foixante & dht
Tûflle Efjpagnols , François , Napolitains:
^ Génois çbnimandés par k Duc de
^fedene, l'é Mkrechal dé Mailleboii &
IfiTComte de GsrgeB, LieS VÛes du Prince
*Aoient d'attirer l'ènnemià une batsfilfe
dont le fuccès luV livroit toute k Lom-
^ardie; mais le Roi de Sarrdaîgne & W
'Généraux Autrichiens Vévitoient avec:
beaucoup de foin ; ils' oppofoient aux^
Alliés les fleuves, les rivières & lesfor-
téreffes auprès defquelles ik câmpoient
idans-des portes inacceffiblês ; cependant
Dom Philippe dont les forces étoient fur-
Çérieures i Vempara de Serravalîe , de 'ortone, d'Acqiii , de Pavie, pafla fe "Tanaro en préfence de Farmée ennemie, 4ih vainquit auprès de BafTignana , 9c Vempara i. enfuite de cette viôoire, d'A- lexandrie j de Valence , de Cafal & d*Af- ti; dès qu'it eurpaffé le Teflîn , Milan lui; ttivoya fes defsj en conféquénce du pri- vilège qiï'c4le i de fe rendre' à la première "armée qui a paifé ce fleuve ; le Prince s*y rendit, fe m prêter ferment de fidélit^v
f
D'E s P A G N E.
497
par le Sénat , & de-Ià fut s'emparer de Plaifance & de Parme; dens le mfme tems le Comte de Lautrec («) gagna le combat de JoiTeau dans lequel il tailla en pièces fîx mille Rémontoîs. LesAnglois vengèrent fur les Génois les difgraces de leurs Alliés; ils bombardc-renc Gènes, Final , Savone , San-Remo , ÔC prirent la Bafiie en Corfe.
I^e Roi de Sardaigne effrayé de la ra-
f'idité de ces fuccès , négocioit déjà avec s vainqueur ; mais la nouvelle du traité de Drcfde le rafinra ; il rompit la négo* ciation , & combattit avec une nouvelle arrîcur pour la Reine d'Hongrie qui dé- livrée du Roi de Pruffe, enyoya à la dé- fenfe de l'Italie fes meilleures troupes.
Dans le courr efpace de la nouvelle guerre allumée dans le fein de l'Allema- gne , le Roi de Pruffe avoir gagné les ba- tailles de Friedherg , de Praudmis & de Keffeldorfs , contjuis & dépouille la Saxe & la Loface; c'cfl dans h Capitale , & !e palâisméme de 1 i- ■ -L-urdc
Saxe qu'il diclalcs , faix;
y confentit â rend: , à M-
I i
4-^8 Histoire
mma
connoître le Grand Duc de Tofcane en qualité d'Empereur , à foufcrire à Taâï- vite de la voix Eleélorale de Bohême : mais il obtint la confirmation de la cei* iion de la Siléfie & du Comté de Glatz , une indemnité pour PEledeur Palatin « fon Allié , & plufieurs millions que la Saxe lui compta ; Tapproche d'une ar- mée Rufle qui venoit fondre fur (ç% Etats , le juftifîa auprès de la Maifon de Bourbon de ce traité particulier,
Louis XV. fuivi du Dauphin qui s'ar« tacha des bras^ de fon époufe pour voler à la gloire fur les traces de fon augufte père ^ eâàca dans les Pays-Bas les ex* ploits de les Généraux en Italie : il ou* vrit la campagne par le flége de Tour- nai ; le Duc de Cumberland , à la tête d'une armée d^Anglois , d'Autrichiens & d'Hollandois > accourut bientôt pour le lui foire lever ; mais le Roi de France ayant laiifé une partie de fon armée de- vant Tournai , tut avec l'autre au-de-» vant de l'ennemi qui l'attaqua le onze Mai dans les plaines de Fontenoi : la vic- toire qui d'abord avoit paru vouloir fe ranger fous les étendards des Anglois» fe déclara enfin pour les François^; Cuai-
berUnd fe retira après avoir yeria plus de quinze mille hommes , mais cette iner- te e(i légère en comparaifun du celles aui (iiivireot; la journée deFontenoï ;ie wo- queur prit Tournai , Gand auprès de laquelle Place ftx mille Angloii furent taillés en nièces i Oudenârde , Brades » Dendertnonde , hc enfin Oftcndc Se Nicu- port donc la conquête fut un coup de foudre pour les Angbts qui l'ctoienc flattés que ces deux Forts leur reilcrotvnt en récompenfe de leurs ctTorts en faveur de la Reine d'Hongrie ; Oflende dont la rédudion dans le fiecle précédent avoit coûté aux Erpagnolt quatre-v'mgt mille hommes i trois ans , trcis mcU & uott jours de rems , n'en coûta que huit de irancbée ouverte aux François comcjin- dés par le Comte de Lo^endai , Ôc moin* de mille hommes. Cette campagne , la plus belle & la plus fortunée ^ue la Fran- ce ait faite depuis celle de m;l iix cenc foixance & douze , fut terminée par U prife d'Aib.
Le Prince Edouard , fils aîné du Pré- tcnâant aux Couronnes de la Grande- Bretagne , conoAnnnUE TÎAoiret de la , Wailbn de Bourbi
«
coo Histoire
If I III I I II ■ ■
verfion qu'il fit en Eeoffe ; ce Prince , l' un des Héros de notre fiécle, n'eat pas plutôt paru dans l'ancien patrimoine* de ia Mafc ion avec fept Gentilshommes y qtf ii'ie vit reconnu & fuivi pap les Montjagnards Ecoiïbis, plus redoutables par leur zélé & leur courage que par leur nombre & leur difciplinei Edouard , à kur tête , fit voir par des exploits à peine croyables 4:ombien il étoit digne du thrône de fes ancêtres ; il s'empara d'Edimbourg , ré- duifit prefijue toute TEcoffe , remporta plufieurs vidoîres, pénétra en Angle- terre , &c fit trembler la Maifon de Brunt wick-Hanovre qui eut recours à la Hol- lande dont elle reçut un fecours de fix mille hommes. /
Les feuls évenemens heureux qui cont- rôlèrent la Reine d'Hongrie & le Roi d'Angleterre d'une telie fuite de difgra- ces , Turent l'éleétion du Grand Due de Tofcane à la Couronne Impériale ; le traité de Drefde qui pacifia l'Allema- gne , & enfin la conquête que firent les Angloîs dé l'importante Place de Louif- bourg fur la France.
Les Rufles furent fur te point de fe néler à la querelle qui déchiroit laRépur
d'Espagne, /oi
blique Chrétienne : nous avons obfervé que le plus grand motif qui détermina le Roi de Pruffe à donner les mains à la né- gociation offerte par le Roi d'Angleter- re , fat rapproche d'une armée de la Cza- rine qui accouroitau fecoursdelaSaxe & de r Autriche.
. Au lieu de profiter , à l'exemple de fes ancêtres , des guerres fanglantes des Chrétiens pour s'agrandir, le Grand Sei- * gneur Mahmoud , Tun des meilleurs Prin- ces de la Maifon Ottomane , eut la gé-^ nérofité d'offrir fa médiation aux Poten- tats divifésj mais ni les uns, ni les au- tres n'eurent garde de l'accepter : cette .guerre devoit encore coûter des torrens * -de fang.
. On croyoît toucher à la conquête de la 1 74^- 'Lômbardie & duPiémontj de-là on comp- toir porter la guerre dans l'Autriche par le Trehtin , & forcer l'Impératrice Reine à recevoir Les conditions que lui impo- ferpient les Rois Bourbons , lorfqu'eçi 43ioins d'un jan la face des affaires chan- igea au point qu'on fe trouva heureux de dauvér h Provence de l'iwraflbifJte •aietaîs ; la caufede cette révolution" • fîx^ attribuée au |;éiiièiJelaRei"'' '^
5-02 Histoire
grie f & aux talens du Roi de Sardaigne & du Comte de Browne. Marie-Thérefe lie s'étoit hâtée de fou fcrireau traité de Drefde que pour défendre avec plus de fuccès fes Etats de l'Italie dont elle tiroit la meilleure partie de fes revenus ; leur falut la toachoit davantage que celui des Pays - Bas conquis en partie par Louis X V • & défendus par les Ânglois & les HoUandois plus intéreifés qu'elle à em- pêcher le vainqueur de les réduire fous fa puiffance. L'événement juftifia la fk« geut de la Reine.
C'eft au Roi de Sardaigne , qui a tou- jours fait pencher la balance dans les guerres de l'Italie du côté du Parti qu'il a embraffé , que la Reine dut principa- lement les fuccès rapides & décififs de cette campagne; ce Prince ayant à peine dix à douze mille hommes, força le cinq Mars par une manoeuvre admirable fîx â fept mille François dans Aftl à fe rendre
f)rîfonniers de guerre : quelquetems après e Comte de Browne , digne de comoat- tre avec le Roi de Sardaigne , s'empara de Guaftaila que le Marquis d^Cafiellar Bvoit pris un mois auparavant ; Cailetlar wcpuni trop, itatd ^ fiscours ^e fa con-
d' E 5 P A G N E. 5*05
quête, reçut un échec conCdérable » & fe réfugia à Parme où bientôt le Comte de Rrovne vint Finveftir ; déjà le château étoit pris , & le Général Au*- trichien defiinoit à Caflellar & à cio<| mille Efpagnols qu'il conmiandoit , le inême fort qu^aux François d'Afii ; mais le Marquis & les Efpagnols aimeront mieux périr que de recevoir de telles ioîx du vainqueur ; ils fortirent de Par^ me la bayonnette au bout du fiifil , fe fi- rent jour à travers Tannée ennemie qui lespourfuivit, & fou tinrent un combat dç vingt heures ; ils ne fe repoferent qu'a- près une marche de «vingt-fept heures ; enfin , après une retraite de fix jours pen** dant laquelle ils eurent fans ceile à com- battre l'armée ennemie , ils arrivèrent à Plaifance : cette aétion admirée des en- nemis mêmes valut au Marquis de Ca& tellar la dignité de Capitaine Général.
Cependant Parme , Cafal , Novi & Valence que le Maréchal de Maillebois ne put fecourir , tombèrent entre les mains des ennemis. Lex:ombac de CocJa- gno dans lequel le Marquis dePîgnati défit fix mille Autrichiens > & autres avantages n'ét(^ent pas s
J04 Histoire
I _ II" ■ I I I • l^l^M^M^— ^P^l II ■■
ats "pour rétablir les affaires , qui chaque jour devenoient-plus défefpérées j déjà l'Infant , après s'être vu maître de toute la'Lonibardie, & avoir fait contribuer jufqu'aux portes de Turin j étoit harcelé Se çefferré dans le Plaifantin j il prit le parti d'évacuer Milan , Alexandrie , & â'appeller auprès de lui le Maréchal de Maillebois dans l'intention de fe replier dans la Ligurie ; mab les ennemis , maî- tres de la campagne , Cupérieurs par le nombre & par la viéloire , lui coupoient la communicatioade cette Province &lui -enlevoient fes convois j leurs vues étoienc de le forcer lui & fon armée à fe rendre fans combattre : jamais fituation ne fut plus déplorable que celle de ce Prince ; il réfolut de s'en tirer par fon cou- rage y il attaqua le feize Juin aux envi- rons de Plaifance l'armée ennemie re- tranchée dans un pofte avantageux, mais après des prodiges de valeur les Efpa- gnols & les François furent repouffés avec perte de plu$ dje fix mille hommes ; cette défaite réduifit l'Infant à ide plus grandes extrémités; il ne lui refloit d'au- tre voye de fàlut que de pafler le Pô & k Xûioo i jmai^ coAnuent: ofer nenter ce
paflage
f
d'Es pagne. yoy
paifage en prélènce de deux armées fu- périeuresi il le tenta pourtant, & Texc- cuta le dix Août après un fanglant com- bat dans lequel il perdit fix mille hom- mes. Cette perte doit être regardée com- me légère , puifque par cet exploit , l'un des plus beaux de <:ette guerre il eut la gloire de repouffer l'ennemi , & de fau- ver les débris d'une armée réduite à pei- ne à vingt mille hommes.
La révolution de laLombardie ne par« vint point aux oreilles de Philippe V. Ce Princfe accablé d'infirmités ^toit mort le neuf Juillet à deux heures après midi.
La piété , la candeur , la bonté , la mo- dération y l'équité , la tendreffe pour fes Sujets , le courage le plus héroïque , la fermeté formoient le caraélerç de rhilip- pe V. Les di(graces auxquelles il oppofa tant de grandeur d'ame , le facrifice de la Couronne à la fleur de fon âge , la fa- gefle des loix & des réglemens qu'il don-» na à l'Efpagne , fes nombreux étaljlîfle- mens en faveur du commerce , des fcien- ces & des arts , le rétabliflement de la Marine &: de la difcipline miliuire , les viéloires enfin de la Nation redevenue fous fes aufpices guerrière ^ puiiTante ôc Terne r.
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aâive , rendront à jamais fon nom cher & vénérable aux Eipajgnois.
Auflî-tôt après la mort du Roi on ou- vrît un teftament qu'il avoit fait vingt- deux ans auparavant j il lalflcHt la jouif- fance de S. Ildçfotife à la Reine fon épou- le i avec une penfion de dix huit cent mille livres^ indépendamment de celle de feize cent mille attribuée en Efpagne aux Reines Douairières j il ordonnoit de plus que cette Princefle auroit la liberté de relier en Efpagne , ou de fe retirer fdaiïs les Pays étrangers. Elifabeth de*^ meura en Elpagne ^ & fixa fon féjour à S. Ild^forife : c'eft dans lé fçin d'une re- traite fi délicieufe que cette Reine donc le génie , l'élévation , la fermeté & Ici travaux ont étonné PEurope , ne s'oç^ cupe plus que à\x foin de fairip des heu*
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FERDINAND V I. fur^omme
le Sagc-» ' - 1 •
LE nouveau Roî âgéd*^nviron trente- ^1^^ trois ans , commença Ton règne avec la bienfaîfance de Titus ^ & la fagefie de Marc-Aurele; il donna ordre qu'on ou- vrît les prifons à tous ceux qui y étoiant détenus pour des crimes qui ne les ren- doient pas dignes. de mort , & iî; publier une amniftie en faveur des Dëferteurs & des Contrebandiers , à condition qu'ils fe rendroient en Efpagne dans le terme de fîx mois. A ces bienfaits Ferdinand en ajouta de plus grands , en aflignant deux jours de là femaine pour recevoir lui- même les requêtes & les remontrances de fes Sujets ; ( ces jours - là mêmes ce Prince affable & populaire donne des au- diences particulières aux Citoyens pour peu qu'Us foient connus , ) & en choiHf* lant pour premier Minifire Dom Jofeph de Carvajal y Lancaftre.X.'Efpac;ne don- ne encore des larmes à b mort de ce Mi« lûibe qne fia lonwres^ fon di:fint^rcfT^'- — ^V * ^Àxéf ia fagelTc , fon zclc
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pour laFàtrîe» fcs travaux en faveur di^ pien public, &f, l'univerfalité des cpn- noiffançes gu'il avoit acquifes par rëtu<ie des lettres feront toujours regarder comr pie un des plus grands hommes de ce fie- cle ; le premier foin du premier Miiaift'rç fat d'engager le Roi à donner un décret par lequel il déclara qu^il rempUroit les engagement de fon prédécpffeur avec les Alliés.
*
Il eft tems de reprendre le fil des éver nemens , ou plutôt àcs di%races de Yh |:alie.
Dom Philippe ne fe fut pas plutôt dé- livré par fon courage du danger auquel il étoit expofé , qu^il fe retira dans la Li-- gurie où il fut pourfuivi par toutes les forces des ennemis ; Novi , Serravalle , Gayi , Voltaggio furent réduits par le Roi de Sardaigne ; t)ientôt ce Prince pé- nétra dans l'intérieur des Etats de Gênes par la vallée 4e Bormida , tandis que le Comte de Browne forçoit le paffage im-
f)raticable avant lui de la Bochetta. A 'approche de deux.armées dont la moinr dre étoit fupérieure à la fienne -, Dom Philippe abandonna les terres de la Ré- publique i §c fe bâta d^ fe réfu|;ier Ji An*»
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D^ÊS PAGNE. JOj?
tibes. C'eft ainfi que la Lombardie fut perdue avec autant de rapidité qu'elle a voit été conquife : à cette perte il faut ajouter celle d^l^la Ligurie qui par la rer traite des François & des Efpagnols' , d-cvint la proye des Autrichiens & des Piéraontois.
La Cour d'Efpagne étonnée de cette fuite de revers, rappella le Comte de Gages & le Marquis de Caftellar aux- quels elle fubditua le Marquis de la Mi« na ; le Roi de France fuivit Texenoplc de Ferdinand > en faifant paffer le comman- dement de fes troupes- des mains du Ma- réchal de Maillebois en celles du Maré- chal de BelleJfle.
Cependant Gênes^ dénuée de troupes, & abandonnée au reiTentiment des enne-* mis , fe rendit à difcrétion au Comte de Browne ; en méme-tems elle envoya quelques Sénateurs implorer la clémence de la Cour de Vienne , mais ils ne trou- vèrent qu'un vainqueur irrité fen la per-* fonne de l'Impératrice Reine : cette Prin-^ ceiTe chargea du foin de fa vengeance le Marquk de Botta qui s'acquitta de fcs ordres avec une inflexibilité qui ajouta encore aux malheurs des Génois ;
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^)0 Histoire
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d'abord 3 exigea vingt-quatre millions de contributions ^ dont huit lui furent payés fiiip-lc cbaing ; il ordonna qu'on lui rendîi les di^mans que la Reine avoit engagés aux Génois pour des fommes très-confîdérables; qu'on lui livrât la Ville & le château de Gavi , & qu'enfir> la République habillât à fes dépens trente mille Soldats Autrichiens. En vain le Sé- nat àe Gênes enyoya-t-it à Londres & à la Haye fupplier le Roi George & les Etats Généraux -de lètir dbtenir quel- ques adouciffemens à cesloix féveres. Gênes trouva tous les cdfeurs fermés à la compaffion ; pour comble de malheur Fi- nal dont la confervation avoit attiré fur la République un fi terrible orage , Sa- vohe fe rendirent au Roi de Sardaîgne ; Tortone , la feule Place qui refta aux Bourbons dans toute la Lombàrdie , fu- bit le même fort.
Fiere de tant de vidloires , la Reîne balança fî elle erileveroit les deux Sîciles à Dom Carlos , ou fi elle fonderoit fur la. Provence ; fî. le projet de déthrôner Dom Carlos eût été rempli , c'eft alors que cette Princeffe eût régné avec un empire abfolu e^ Italie; deux puiffans^
d'Espagne. fit
motifs l'empêchèrent de tenter cette ex-^ pédition , le premier , parce que les Ait:^ glois inauiets des préparatifs de la FraiH ce 9 n'oierent défi;arnir leurs côtes % & HQ purent envoyer devant Naples une flotte capable de féconder Tentreprifè des Au- trichiens ) le fécond fut ta reconnoiiTance dueau«Eoi de Pologne qui^ pour prix de s'être facrifié l'année précédente eo faveur de la Reine , la conjura de ne point attaquer le Roi, fon gendre*
Marie - Thérefe fe détermina donc è une invafion en Provence , fans que l'exemple de Charles-Quint , l'exemple plus récent du Duc de Savoye qui avoienc perdu leurs armées en tentant la conque* te de cette Province , pût la détourner de fa réCblution ; le Comte de Bro^ne reçut ordre de paffer le Var j ce Général exécuta cette entreprife , il paiTa cette rivière , fe répandit en Provence , & y occupa plufieurs poftes^ • Mais la viâoîre (4) qui ne varia jamaif davantage que dans cette guerre , devoit bientôt abandonner la Reine ; ce fut la
(a) Le feul Louîs XV. en perfonne , & le Roî (fe Pruilè furent confiamment heureux & vain- queurs»
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JI2 Hl S T O I I^E
révolution à jamais furprenante de Gênes qui mit la première digue au torrent des profpéritéî de cette Princeffe rie hafard, ou plutôt l^abus de la viâoire , & Famour de la liberté donnèrent lieu à cet évene- njent dont les fuites auroient pu être fata- les à Gênes , fans le courage de fes Ci- toyens & la puiflanttî proteâion-des Rois Bourbons.
Sur le refus magnanîirfe que^ le Sénat fidèle aux traités avec l'Efpagne , la France & Naples fit de joindre les armes à celles de la Reine contre la Maifon de Bourbon , le Marquis de Botta croyant avoir un prétexte plaufible de ruiner fans retour une Puiffance fi conftamment unie aux ennemis dô fa Souveraine , accabloit de plus en'plus lés Génois : chaque jour éclairoit un nouveau trait d'oppreflSon , indépendamment des contributions , Fartillerîe , les munitions , l'argent & les fubfiftances étoient arrachés aux mal- heureux Citoyens de Gênes ; les Grands gardoient un morne & profond filence , & le Peuple fe contentoit de gémir , lors- que tout à coup il paffa des larmes & de U douleur à la fureur Ôc à la vengean^ ce 5 le Marquis de Botta avoit donné oc'*
dre, qu'on, enfcvât, quelques mortieirç pour les envoyer en Provence au Comtç de Browne ; comme ces mortiers efcor^ tés par quelques Officiers Allemands étoient conduits par une rue affe^ étroite , il arriva un accident à- l'iaffut fur lequel étob pofé l'un d'eux, Ja popu- lace du quartier s'aiTembla auflitôt , les uns pour contenter une vaini curiQfîîé , les autres pour aider à le rétablir; un Officier Allemand remarquant qu'un Ouvrier ne fe portoit pas avec aflez de zélé au travail > lui appliqua quelques coups de canne, /afin de réveille? fon ar- deur ; mais lés coups de canne furenjE payés fur le champ par un coup de cour teau ; ce coup fembla être le fignal de la révolte ; le Peuple furieux fond fur les Officiers Allemandis , les égorge ; la fu- reur devient épidémique ,. & le çompiu- nique de rue en rue ; on enfonce les bou- tiques- des Armuriers , celles de l'Arfe- nal pour fe faifir des premières armes^ que le hafard offre j on maffacre fans quartier les Autrichiens, le carnage dure toute la nuit & le jour fuivant ; le Sénat éperdu , effrayé d'une révolte qui al- ïoit fournir au vainqueur une raifon fpc-
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cieufe ][)our détnjirfe Gênes ' , s^oppofa. ivec'vigùeur à 'Peiriportement da Peu- ple ; îl' fit même pendre q^uel^ues Ci- toyens des plus mutins ; mais enfin , vqyant que ni les prières ^ ni la fé vérité tie p'oiivoîent contenir le Peuple , qu'il ne refoiroit.'qbe la liberté , le Sénat fe joi- ^it à lui, & fe conduifit le refte de la
§■ uerrè cbidiîïe' celui de Rome du tems ''Annibal ; après un combat de cinq jours, le Marquis de Botta fut chaffé de Gênes , laiffant dans les murs de cette Ville trois mille hommes tués, ou pris,foa artillerie & tous les équipais de fon ar- ïnée j lesPayfans falfis du même enthou- fiafme que les Bourgeois fondirent de leur côté fur les troupes Autrichiennes à qui on avoit donné des quartiers dans le plat Pays, & en firent encore une plus grande boucherie que le Peuple de Gênes,
Les François n'éprouvoîent point cet- te alternative de fuccès dans les Pays- Bas, ils ouvroient & terminoîent la camr pagne par des viftoires & des conquêtes; éclatantes; dès fe vingt de Février le Maréchal de Saxe avoit pris paf une ma- nœuvré admirable Bruxelles^. & une a&-
DliSPAGNE. 5'TJ
-hiée entière qui lui tenoit lieu de gàrnï- fon; l'éclat de cette expédition ajouta encore à la haute idée qu'on avoit con- çue de ce grand homme : peu après ■Louis XV. marcha dans les Pays-Bas , conquit Louvain , M a Unes , Anvers, Mons , mais il fut rappelle à Verfailles au milieu de fes conquêtes par la mort
déplorable de la Dauphine qui ne furvé-
■cut que de treize jours au Roi d'E.fpa- gne , fon père. Elle venoit d'accoucher
"d'une Princeffe qui a vécu peu d'années. Si les talens «fminens , les vertus , la jeu- ncffe & les grâces mettoient à l'abri du tombeau , la Dauphine eût été immor- telle ; la France & l'Efpagne donnèrent des larmes à la mort de cette digne Princefle. On fçait que la douleur de fon augufle époux n'eut point de bornes, Le Maréchal de Saxe i le. Comte de, Ciermonc , le Prince de Conti verç geoient le deuil de la France fur les en- nemis auxquels ils enlevèrent Saint Gui- îain , Charleroy Se Napnn ï ettte Ç^i^' ■pagne fut teri Raucoux que 11 ïe on7e OftoT ' Lorraine.
I
fi5 Histoire
tes François firent quarante mille prifoor aiers.
^ Les François. , dans- les Indes Oriem- talts , enlevèrent Madras aux Anglois.; ks HoUandois de Batavia tentèrent fur k côte Méridionale du Mexique une enr treprifé qui n'ieut aucun fucces. Le pre- , KÛer die ces Peuples iè confola de toutes; fes difgraces par le fuccè&de la ^erre contre le Prince Edouard, Ce Héros., après avoir gagné plufieucs batailles, ac- cablé par les forces fupérieures de TAn- |;leterre &. de la Hollande y pourfuivi par* le Duc de Cumberland jufqu'aupii^S'des .montagnes d*Ecofre,.fe déternaina à lir vrer bataille le ftize Avril ; les deux acr^ mées en vinrent a^ux mains dans la plaine de CuUoden ; l'infortuné Stuart,fi digne de la vi<ftoire par fon courage & l'équité, de fa caufç , fut vaincu décifivement ; ion Parti fut diffipé & détruit, fes amis pris les armes à la njain arroferent de leur . lang les échafauts de Londres; lui même . erra long:tems dans les montagnes & les forêts gEcofle, déguifé, profcrit, ex- pofé à la faim , à la foif & à des maux înouis ; après avoir été mille fois fur le jpQiat d'être livré à fes cruels ennemis i
d'^Espagne. 517
le gçnîe qui veille au làlut des Rois le tira de ces aâreux dangers pour le conr duire en France.
Le Pérou qui rarement éprouve le fléau des. gjiierres cruelles qui défolent FEurope , fut en proye cette année à uti fléau plus redoutable ; un horrible trem- blement de terre fe fit fentir le vingt-fix Oélobre k dix heures & demie du folr^ fur-tout à Lima & dans les environs : il dura cinq minutes ; les édifices publics & particuliers furent renverfés , &c acca- blèrent fix mille hommes fous leurs dé- bris; quatre -vingt mille Citoyens au- roient ea k niéme fort , s'ils ne s'étoient hâtés de chercher un afyle dans le fein de la campagne ; treize vaiiTeaux qui. étoient dans le Port furent engloutis, & fix autres jettes fort loin dans les ter- res , une Ville voifine fubmergée par les eaux de la Mer^ difparut avec fix mille âmes qui Thabitoient. Les infortunés Ci- toyens de Lima trouvèrent le père le plus ienfible dans le Roi qui., à lafreu ' nouvelle de leurs défaflres , « •qu'on leur donnât tpus ^* gjnables; & qu'on réédif
Quûiq^ue toutes les Pl
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518 Histoire
tiehncs épuifées euflent convenu dès rannée dernière d'envoyer des Miniftres à Bréda , dans le deflèin de terminer la querelle qui depuis tant d^années déehi- loit l'Europe; quoiqu'on eût fubftitué à- Bréda trop voifine du théâtre de la guerre , Aix-la-Chapelle ,1e Roi de Por- tugal qui n'en regardoit pas moins la paix comme fort éloignée entre des Poten- tats dont les intérêts étoient difficiles à concilier, entreprit de rétablir par un traité particulier la concorde entre TEf- pagne & l^Angleterrc auxquelks il oUrît fa médiation j mais Ferdinand ne voulut jamais féparer fa caufe d'avec celle de fcs Alliés ; il prévoyoit que les fuccès de Louis XV. vaincroient les obftacles qui s'élevoient chaque jour dans la négocia- tion ; d'ailleurs les ai&ires commençoient à fe rétablir en Provence & en Italie.
Les Autrichiens ne purent prendre Antibes avec le fecours de la flotte An- gloife qui la bombarda ; le Comte de Maulevrier & le Marquis deTaubin for- cèrent le vingt-un Janvier dans Cartel- lanehuit mille Autrichiens après un com- bat de trois heures ; M. de Chevert re- prit les Ifles Sainte Marguerite 6c Saiat
Honorât ; enfin k Maréchal de Bdlc- Me & le Marquis de la Mina forcèrent le Comte de Browne de repaflcr le Var avec une armée afibiblie , Se prefque ruinée.
Pendant ce tems-là Gènes afliégée par une armée de foixante mille hommes fe défendoit arec courage , à Faide des foi* blés fecours que les Rois de France , d'Efpagne Se de Naples faifoient couler dans la Ville , malgré la* vigilance de la flotte Angloife qui la bloquoit* Mais Gênes épuifée d'argent , dénuée de vivres & de Soldats, auroit enfin fuccombé r ans la préfence du Duc de BouiBers qui par fon courage , fon aftivité & fes talens^ ranima les efpérances de b République ;. tous les Citoyens , les femmes , les en- fans 5 les Religieux , les Eccléfîaftiques: phins du courage que leur infpira le Duc. de Boufflers , devinrent Soldats.
Deux régimens de ces derniers » l'ai» de huit cents hommes , l'autre de fix cents firent le même fervice que lesGn^ nadiers ; après plufieurs combats kf ai nemis s'appercevant que Gênes était d "venue invincible fous les aufpxes do Général Franç^xis ^ & f^achan: r-t le
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J20 Histoire
Maréchal defielle-Ifle^ après avoir à fon tour pafiK le Var y s'étoit emparé da Comté de Nice , de Montalban & de Villefranche , qye llnfant avoit pris le , château de Vintimille , & qu'il menaçoit k Piémont , levèrent ie fiége le trois JuiU let ; le Duc de Boufilers ne jouît point de fi^n triomphe i il mourut la veille de h retraite des ennemis^ à la fleur de fon âge , & confumé par les travaux & les fatigues d'un fiége qui Ta immortalifé; les Génois arroferent de leurs larmes le tombeau de leur libérateur , & fignale'- rent leur reconnoiflance envers lui , en infcrivant fes enfans dans le livre d'orj le premier foin du Sénat fut d'envoyer fes plus illuftres membres , à Verfailles, à Madrid & à Naples pour remercier les Rois Bourbons d'avoir conferv^ la liber- té à Gênes.
On s'atrendoit à voir bientôt les ar- mes de France & d'Efpagne dans le fein du Piémont ; mais, dans cett^ guerre , comme nous Tavons obfervé y les plus belles efpérances furent^ pr^fque tou- jours détruites par des revers imprévus; le Maréchal de Belle-lfle avoit détacha une partie de fon armée fous les ordres»
d'Espagne. y^i
da Clie\^lier fon frercpour pénétrer en IHemoQC du côté du Fort aEidles; il fidjoit» avant que de réufCr dans ce pro- jet battre les Piémontois qui avoîent un camp retranclié fur la montagne appel- lée rAfiîette; mais ces difficultés n'étoo- noient point le chevalier de Belle-Iile , fameux par fcn courage , iês talens & fes eiEpIoîrs ; il s*avânça versTememi le dix- neuf Juillet dans l'efp-érarce de le for- cer; mais il ignoroitque le Roi de Sar- daigr.e eut fortifié la veille ce camp de fâ préferce & de FtEre de fes troupes- Les François repoufles trois fois avec un hor- rible carnage , 4îarciffoient rebutés ; leur Général, l'un des lioinme$Iei*plusintré- pides de FEurope , fc lâifit alors d'un drapeau j rampa la montagne , & le planta fur le premier retranchement 5 mais dans llnftant même il tomba percé de pluEeurs coup^ monels ; c'eft ainfi qu'au lieu du bâton de Maréchal de France » Tobjet de ià noble ambition qull cherchoit dans le combat , il trouvf b mort & la deftruclion de (on armée.
Cette défaite ramena les Autrichiens devant Gtnes à qui h France & TEfpa- g::e vendent de noiumcr pour dcfen-
522 Histoire
feurs le Duc de Richelieu & le Marquis d'Ahumada.
Louis XV. entra cette campagne dans la Flandre HoUandoife ; les Etats Géné- raux preffés par un ennemi fi redouta- ble , eurent recours aux reflburces qu'ik n'employent que dan« les plus preflantes extrémités ; ils élurent pour Stathouder le Prince deNaffau Dîeft , gendre du Roi d'Angleterre ; mais le nouveau Stathou- der avec tous fes Alliés ne mit point d'obf" tacles aux fuccès du vainqueur ; il ne put empêcher que le Fort de TEclufe , le Sas de Gand , le Fon Philippe , Huft , Axel forterefles dont la moindre arrêtoit au- trefois des armées un mois entier y ne tombaffent toutes en moins de trois le- maines entre les mains du Roi de France.
Les Alliés effrayés de ces profpérités fî rapides eurent recours à la proteftion de la Czarine qui, moyennant un fub- fîde de trois cent mille livres flerlin» leur promit uçe armée de quarante mille ftommes ; mais avant que les Ruffes euC- fent franchi Pefpace iramenfe qui efl en- tre leur Empire & la Hollande , les Hol- landois ne devoient-ils pas craindre que
d'Espagne. ^2J
leur Patrie ne fût la proye du conqué- rant.
En eflfet, Louis XV. avoit déjà gagné fur le Duc de Cumbérland la bataille de Laufeldt j douze mille hommes tués ou
Îris, & parmi ces derniers le Général *igonier qui fe facrifia pour donner le tems au Duc de Cumbérland de fe fau- ver , (îgnalerent cette viéloire qui coûta beaucoup aux François. Berg-op-Zoom , la clef de la Hollande devant laquelle âvoient échoué le Duc de Parme & Am- broife Spinola , les plus grands Capi- taines de leur fiecle , fut prife d'aC- fàut le feize Septembre par le Comte de Lovcndal; on a peine encore aujour- d'hui à comprendre cet exploit , le plus grand de cette guerre j à peine le tiers de Berg-op'Zoom étoif-il invefti , une ar- mée puiflante campoit à fes portes , la garnifon très-nombreufe étoit rafraîchie tous les vingt-quatre heures ; enfin une multitude prodigieufe de mines rendoit les approches prefqu'impofllbles : il n'y a que les François capables de vaincre tant û'obftacleis. '-
Les Efpagnols& les Français fi '"♦ étoicnt au0i malheurei
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^24 Histoire
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reux lur terre; les deux Nations réunies , ne pouvoient alors , malfi;rë leurs efforts, oppofer une Marine égale à celle des An- gjois î les reftes de celle de France fii^ rent anéantis par la pert« d'une efcadre qui, après un furieux combat près du Cap de Finiftere , tomba le quatorze Juin entre les mains de ^Amiral Anfon qui l'attaqua avec un nombre de vaif- féaux fupérieurs de plus de la moitié; ce ^ défafire tut fuivi d'un nouveau malheur, fix vaiffeaux de guerre de la même Na- tion furent enkvés le vingt-trois Ofto* bre ; le commerce de la France étoit dé- truit , à peine r^ftoit-ii à cette Puifl%ice un feul vaiffeau ; les*Provincés Méridio- nales fouffiroient infiniment de la difette des bleds.
Les Efpagnols partageoient ces dif^ grâces; le vailTeau le Glorieux commandé par Dom Pedre de la Cerda , après deux combats qui épuiferent toutes fes mu- nitions contre deux vaiflèaux & deux frégates Angl'oifes , fut pris ; mais cette vidoire coûta aux ennemis un vaifleau que le Glorieux fît périr dans le premier de ces combats.
Quelque tems après l'Amiral Know*
!d'Esp.agne, ^2f
les attaqua ^umç eicadre £lpagnoie , prit un des vaiiTeaux qui la compofoient ^ en coula un a fond ^ & força les autres de chercher leur falut dans J^ fuite : ces avantages joints aux prifes faites fur les Efpagnolc , & évaluées à plus de fblxan- jte millions de piaftres y éloignoient les Anglois de la paix.
11 ne falloit pas moins que toutes les 1 748, viâoires de Louis XV. pour les y déter- miner ; dès l'ouverture de la campagne le Maréchal de Saxe, après avoir trompé l'ennemi par les plus belles marches ^ vint mettre le fiége devant Ma^ftricht ; la perte de cette rbce ne laiflbit plus de rempart à la -Hollande ; il falloit fouf- crire aux conditions de la paix oiFertes par la France , ou s'attendre à voir bien- tôt Louis X!,V. la diôer dans Amfter^ dam ; la Hollande confternée menaça l'Angleterre d'un traité particulier ; en- fin les An^ois touchés du danger de leurs Alliés confentirent à la paix avant même que Maëftricht capitulât. Il y eut des articles préliminaires dgnés le trente Avril entre la France d'une part , l'An* ^eterre & la HoUandç de Vwtvçi ç:ç%
le
^26 HiSTOIRJi
mêmes Peuples convinrent aufli entr*eux d'une fufpenCon d'armes , fans confulter leurs Alliés : mais quelle Puiflance dans l'Europe eût pu continuer cette fîinefte guerre , lorfque la France & PAnglc- terre étoient d'accord f
Cependant on continùoit de combat- tre en Amérique , en Afie & en Italie.
Dom Alfonfe d'Arcos Moreno fauva ^ar fa valeur l'Ifle de Cuba attaquée par [es Anglois , & coula un de leur$ va^- feaux à fond.
Une entreprife non moins importante de ce Peuple fur Pondichery n'eut pas plus de fuccès.
Enfin en Italie le Duc de Richelieu & le Marquis d'Ahumada fe fignalerert tout l'Hy ver par des fuccès qui ne furent rien moins que décififs ; Gênes étoit tou- ^ jours menacée , mais le huit Juin., après avoir battu les ennemis près de Borgo- Novo 3 le Duc de Richelieu apprh: ^^ar un exprès qu'il reçut du Comte de Browne , que la Reine (à maîtreflfe avoît accédé aux articles préliminaires du tren- te Avril ; l'Efpagne , Naples , le Roi de Sardaigne , la République de Gênes , le
d'E s P A GN E. J27
Duc de Modene y avoient aufli accédé.
Ainfi fut terminée cette longue & fu- nefte guerre dans laquelle les Efpagnols de l'aveu de toute ^Europe fe fignale* f ent par des prodiges de valeur , de çonC- tance & de diftipline militaire.
Le traité définitif de la paix fm figné à Aix la- Chapelle le dix-huît Odlobre ; il contient vingt- quatre articles dont les traités de Weftpnalie , de Madrid , de Nimegue , de Kifwîck , d'Utreçht , de Bade , de Londres & de Vienne font la bafe.
Toutes les Puiffances fe reftituerent de part & d'autre ce qu'elles s'étoient enlevé depuis le commencement de la guerre , tant en Europe qu'en Afrique & aux Indes Orientales.
La Reine d'Hongrie céda à l'Infant Dom Philippe les Duchés de Parme , de Plaifance & de Guaftalle , à conditioa que fi ce Prince vient à mourk fans en- ÏFans mâles , ou que lui & fa poftérité parviennent aux thrônes d'Efpagne oi* de Napies, ces Duchés feront reverfi- Hesà la Reine.
JLp Grand Duc de Tofcane fut rceon-^
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pj de toute ItiiwP'i' Loi*
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jaS HisTo mis
îîu en qualité d'Empereur par les PuiC finrces qui ne lui avoient pas encore ac- cordé ce titre.
La Pragmatique-Sandtbn de Charles VI. qui aflure à PImpératrice Reine la (jiccefGon indivifible de tous les Etats de la Maifon d'Autriche , fut garantie par toute l'Europe , excepté la Siléfie & le Comté de Glatz céxlés au Roi de Prufle ; les Duchés de Parme & de Plaifknce accordés à Dom Philippe j Se ce que la •Reine av oit démembré du Milanez en faveur du Roi de Sardaigne par le traité de Worms.
Louis XV. dont les viftoires avoient amené la paix , facrifia généreufement toutes fcs conquêtes , comme il l'avoit promis à toute rEurope par des déclara* tions folemnelles ; il conlentit même à la deftrudion des fortifications de Dunker- que du côté de la Mer ; mais par ce fa- crifice il obtint pour Gênes & le Duc de Modene fes Alliés la refUtution dje. tous les Etats qui leur avoient été'enlevésj un établiflement en faveur de £bn gen- dre Dom Philippe en Italie , & la garan- tk de toute TEuTJope pour les Duchés de
Lorraine
d'Espagne. ^2^
Lorraine & de Bar qu'il avoit acquis par le traité de Vienne ; fans doute que ce Prince couronné tant de fois par la vic- aire eût pu prétendre à de plus grands avantages (^) ; mais il aimoit mieux voir l'Europe heureufe par la paix , que fou- mife à fon empire par la force des armes.- Le traité de. l'Aflîento pour la traite des Nègres figné avec l'Angleterre en- mil fept cent treize , fut confirmé pour quatre ans pendant lequel tems la Com- pagnie Angloife de la Mer du Sud peut envoyer aux Colonies Efpagnoles uif vaiffeau chargé de marchandifes. . Telles furent les principaux articles du tmitë. qui mit fin a cette guerre dont' fes:pl?y«s faignent encore^ il ne fut quef* tftQÀAÛ-dans le traité , ni dans les articles' préliminaires, de la Grande-Maîtrifede la* Toifon d'Or que s'attribuoit Tlmpéra- tfice Reine ; le Plénipotentiaire d'Efpa-
SRe protefta le vingt Novembre au fujet u filence gardé à cet égard ; le Pape prbt^fta. pour conferver (es droits fur la Sufserainet^ des Duchés de Parme & de
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(a) Maluit Europam ejje paciferam quamfuam^ Eçnamici^^ Bello Italico. TomeXlII.
Tome r. Z
f^o Histoire
Wl^î^njzèi d autres Puiflances proteue* §eA^ ç^^cQrefvdyanx Tufage. Jamais TEu- ^op^ Qe vjit fô$ Roîs & fignaler dayaR« ^^e <|i>f i^ns cetf^e guivre. Les Rois d^ if apjçs , 4e SîHrdaigae , d'Anglçtprre , i'£mp&F€ur jçoip^uifir^t eu3c ^ même^ j[^urs troupes.
Mais cei^x devant qui l'éclat dUparoît ^nt rin^pératrice Re^ne (jui à Quelque; llér^eix^^emeAs près » içut contervcr le fr^fte hjéritage d^ Ç^Q pete > & mettre 1^ Çq^ros^nç Impérial^ £ir la tête de ib9 4ppux s FrinçeflTe 4gale par la iupério« f ité de fpn génie , la j^andeur & la fer-» ipneté de font aov^ & ^s aââons immor- ftelles QUi^ pli^ grands Rois de l'Hiftoire Ancienne & Moderne; Charles-Qqipt i^ elle font les d^ux Héros 4^ U.M^î£o% j^'Autriçhe :
Le Kqi de Pruile qui gagt^ cinq ba- jtaille^ , cpnquît des Provinces , éclaira €^s Sujets , & joignit à la gloire de coa^ nju^raïKi celle de légiflateur ; ■
Le Rai defrance enfin qui neteetiff ii^yi^fU^re t^nt quM combattit >i.&.qui couronna fes exploits par une paix ea ;oêm<^tems- équitable &c glorieùfe.
Il nouent pas à ce Prince jufte , mof
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D* E s P A G N E. f^t
déré & bientaiiant qae toute l'Europe^ ne jouiâe encore de cette paix ; les An- glois l'ont troublée par des brigandage^ ÎQOuîs : une pc^tîque hijûfte & craellb lenr a perfuade d'anéantir k marine de ta Fratlce , afin d'attarer à cnx le eon^ merce & les ricbe&s de VUnivers ^ [u'eft-il arrivé ? Les Maîfons de Bour- bon & d'Autriche fi long-tems rivale* & divifées fc font réunies par un ttzixé fi^lemnel pour réprimer la fierté d'u» Peuple qui n'a établi fa puiâance qu'àlâ^ fiaveur des querelles qu'il a fait naître de^ puis un fiede entré les Cours (£â VerÊiilk les & de Vienne.
Un Roi dont la Tafte aiûbîtîoi! Ae ï^ cède point à celle des Angloîs , encou^ ragé par leurs promefles y a de nouveau ramené la gufcrre & toutes fès horreurs' dans le fein de l'Allemagne ; la Ruffie & la Suéde fe font jointes à l'Empire & à là France pour venger la cauiè commune des Rois , trahie en la perfonne du R<^ de Pologne, Elcfteur dfe Sa» , dépouillé de fes Etats par un Prince avec qui il étoit en paix. La guerre eft devettuc gé* . nérale par les intrigues des Angîois $ msà& q.uels avantages ont-ils retirés deÉ
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y ^2 Histoire *
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malheurs de l'Europe & de leurs brigand \ dagesf Déjà Louis XV. leur a enlevé Port-Mahon ; TAmérique fume encore du fang de leurs Citoyens vaincus, & tous l96 gens de bien reprochent au Mi** niftere de Londres Tes injuilices , fon an> iition effrénée , fes fautes énormes , & le fang d'un des plus grands hommes de l'Angleterre immolé à la fureur & à l'or- gueil de la populace de Londres.
L'Efpagne n'a point encore pris part à cette guerre. Uniquement occupé du Jbonheur de fes Sujets , Ferdinand VL fait fuccéder le règne de Salomon à ce- lui de David ; les Peuples délivrés des monopoles des Financiers , les manufac- lures.en tout genre établies , fuivies , protégées avec éclat , Textinélian du tri- bunal de la Nonciature , la réforme du Clergé régulier , l'accroiffement de la marine , de l'agriculture 8c du commer- ce j les tréfors prodigués à creufer dans toutes les Provinces de vaftes réfervoirs pour conferver les eaux , & les porter par de longs canaux dans les terres , re- mède unique aux féchereffes qui défo- Icnt l'Efpagne , les fecours généreufe- ment accordés aux Portugais accablée
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D^K s P A G N Er / J5
par les défaftrès arrivés en mirfept cent cinquante -cinq , prefque tous les abus corrigés , la profpérité de l'Etat établie fur des fondemens inébranlables ;, voili les exploits par où Ferdinand VI. mar- che à l'Immortalité fur les traces d'Au<- gufte , de Titus, de Marc-Aurele > &: de Louis XIV. fon bifayeuL
FIN.
APPROBATION.
1[ 'a I 16 par VÔtirc dt Monfeîgpeirf le Gha»- J ceiïef , un Manufcrk qdi a pour titre : Abrégé Chronologique de l'Hiftoire ttEJpàgne ; je n'y ai rien trouvé qui doive en ertipeAer rhnpreffion^ & j*aî cm q«c le Public lirbit awc plâl/îr un Ou- vrage dans lequel l'Auteur a peifrt d'uAe manière forte âc ihtcrefîantc les principaux- évenemcw d'une Hiftoire très- célèbre. A Paris , ce 4 Août
LA PALME.. P R IVILE'GE DV ROL
LO U I s , par la grâce de Dieu , Roi de France à de Navarre , A: nos Ames & féaux Confeillers Ici Gens tfenans nos Cours de Parlement j Maîtres des R^ quêtes ordinaires de notre Hôtel , grand - Confeil , PrevÂt de Paris, B'aillifs , Sénéchaux , leurs Lieutenani Civils , & autres nos Jufliciers qu'il appartiendra » 9Ai:t7T , Notre bien amé NlCOlAS - BoKAVENXUKr DUCHHSNE , Libraire à Paris , Nous a fait expofer quHl défîreroit ^ire imprimer & donner au Public des Ou- vrages qui ont pour titres^ Hiftoîre de la République dé Venife; Abrégé Chronologique de l*Hifioire d'Ejpa^ne; Mémoires fur la Chevalerie , s'il Nous plaifoit lui ac* corder nés Lettres de Privilège pour ce néceflfaires : A CES CAUSES , voulant favorablement traiter TEx*
Sofant , Nous lui avons permis &. permettons par ces 'réfentes de fàiit imprimer & -réimprimer lefdics Oif vrages auunt de fois que bon lui femblera ^ & de let vendre^ faire vendre St débiter par tout notre Royaume fendant le tem» de fîx années coniécutives , à compter du jour dé la date des Préfentes. Faifons défenfes à tous Imprimeurs , Libraires , & autres perfonnes , de çttlque ^ualiti&^condition ^*eUc« Ibient i d'en intt^
jl^ire d'iaprciRpa 6ifMi%ért dan» aiicofi {len de notre -çbéifTance ; comme aMiïi d'imprimer ou faire imprimer^» ' .yendre , /aire vendre , débiter ni contrefaire lefdits ^Ouvrages , ni d'en faire aiycun extrait ,. fous quelque préte^e que ce puiffe ptre , fanf la, permiffioo expreflê & par écrit dudlt Êxpofant , ou de ceuic qui auronjp droit de- lui , j^^ pci^e de coofifcation des exemplaire^ çoqrr^fâits , de trois mille livres d'amende contre char «un des contrevenans « dont -un tiers ^ Nous , un tiert ii'Hotel-Dieu de Paris, êc l'autre tiers audit Expo^- i^t 4 ou à celui qui aura droit de lui , ^ de tous dé» f>ens , dommages & intérêts ; à jla charge que ces Pr^ lentes feroi\f enregiftrées tout au long fur le Regiftre >de la Communauté des Libraires & Imprimeurs de Par iris , dans^ois mpi$ dç ^a date d'icelles : Que l'impreC^ ^on dudît Qfiyragfe fera faite dans notre Royaume , d: Jion ailleurs , en .bon papier & beaux caraâeres , con- /ormément à. la feuille imprimée attachée pour modèle fous le contre-fçel des Préfentes ; que l'Impétrant fe conformera en tout aux Reglemens de la Librairie , die notamment à celui du i o Avril < 7 2 5 ; qu'avant de les ex- ^ofer en vente , le Manuf(;rît ou Imprimé qui aura feryi jâù copie à l'impre£Fîon dcfdits Ouvrages , fera remit ,<dans ïe même état où l'Approbation y aura été donnée > ^ mains de notre très-cher & fëal Chevalier , Chance^ lier de France , le fîeur PE Lamoi<3NON , & qu'il eo /era enfuite remis deux Exemplaires dé chacun d^ms no^ icre Bibliothèque publique^un d^s celle de notre Chiteay Au Louvre , un dans celle de notredit très-cher de féal Chevalier, Chancelier de France, le Sieur DE LAMX)Ir iCviOH , le tout ^ peine de nullité des Préfentes : du coq^ jcenu defquelles vous mandons de enjoignons de faire jouir ledit Expofant & fes ayant caufe , pleinement ^ saifiblement , fans fouffrir qu'il leur (bit fait aucun trouble ou empêchement. Voulons que la copie des Préfentes , qui fera impHmée au commencement ou jL |a fin defdits Ouvrages , foit tenue pour dikement figni« jfiée , & qu'aux copies collationnées par l'un de «of i^més & féîïux ConfeiUers-Secrétaircs , foi foit ajouté^* /comme à l'Original. Commandons au premier jçiotre Huiffier , ou Sergent fur ce requis , de faire pour l» ;cution d'icelles tous Aftes requis Se nécerTairet, ^en»ander autre pcrmi/Tion , ^ nonobftaiit çUi^e^
Haro , Charte Normande , ^ tttxtt» à ce oontnhec; Car tel eft notre pùiiir. Donne' à Verfailles le 4leuxiéme )our du mois de Septembre ^ l'an de Grâce mil fepc cent cinquante-huit « À de notre Règne le qoa* : xante-qu^eme* Par le lloi en ^on Confeil.
LE BEGUE.
Hegîfiré fur k Bfgîfire XIF. de la Chambre Royak
ies Libraires 6» Imprimeurs de Paris , N*» 392* FoL
345* conformément aux anciens Réglemens » confirmés
par celui du li Février 1723» A Paris le 5 Septembr$
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