D Le 4 AVE AATT EE MN AN RS Ce he UP O0 PO A CN et SM (RAR REA, AVR AAA VO AA Anne S Nr LA VYVEVU VE NV EVUER AVE FES RUE - LA AU" VU Y RE A4 y MAY (l Ad NS wi À REX \ NO | \ uv YY 4 V wyr ' ” s / , de MU Ÿ y AE ÿ fo APS VNNVVE RER TRE VI 2e MIAAAATE EC VERRE MESA r CAR QUE ANNEE MP 7 Wii Ne À VW NN EAN à NM NV À Ml Vvi FyM NV LIVE" RS ren | Lo | se Be ; V M TU À A ee 7 Me ES NE “in AU an Vu AR YVY PEARL À US J s 4 WW MAMAN US y EN CA \v MVNO |A VE AMC 4 AE VO el ee \Y À nt y AN SN Ve HÉECUBRE DES ACTES DE L'ACADEMIE Des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux. A BORDEAUX, IUPRIDBRIES BU LIFHOCRAPEAIS DE HENRY RFAYB, rue Sainte-Catherine, 439, ancienne rue du Cahernan, AU CU, DES ACTES DE L'ACADÈMIE DES SCIENCES , BELLES-LETTRES ET ARTS DE BORDEAUX. TREIZIÈME ANNÉE. 1851 BORDEAUX, CHEZ CHARLES PRèE, LIBRAIRE, s de Tourny PARIS , | CHEZ DERACIE, DHAARE rus du Bouloy, an. AVIS. L'Académie n'accepte point la solidarité de toutes les opinions émises dans les articles insérés au re- cueil de ses Actes. Études d'Economie eharitabie. NODOPDTT A PT eau ' à, 44 A A RS . vue (de [e) AN, TS * JO Ji à V. dd di LL SUR LE PROJET DE LOI RELATIF AUX HOPITAUX ET AUX HOSPICES, Présenté à l'Assemblée nationale par sa Commmission de l'assistance publique '; PAR L. LAMOTHE. Dans un article publié récemment par la Revue Ca- tholique *, un représentant du peuple, dont la philan- thropie et les lumières sont connues et appréciées par tous les partis, M. Armand de Melun, après avoir passé en revue les travaux effectués jusqu'à ce jour par la Commission d'assistance publique, dont il est un des membres les plus actifs, annonçait que l'Assemblée nationale avait rédigé, et confié à des rapporteurs, des projets de loi sur : 1° les hôpitaux et les hospices; 2° ! Ce travail, lu en séance de l'Académie de Bordeaux, le 6 mars 1851, doit être considéré comme la suite de celui inséré au Recueil des Actes de cette Acadé— mie, 1850, page 415. * Numéro du 15 octobre 1850. 6 les secours à domicile; 3° le service médical à la cam- pagne; 4° l'apprentissage; 5° le travail des enfants et des femmes. Ces promesses n'ont pas tardé à être sui- vies d'effet : un projet de loi sur les hôpitaux et les hospices a été inséré au Moniteur du 28 décembre der- nier. C’est ce projet que nous nous proposons d’exa- miner : nous allons rechercher si ses dispositions sont les plus propres à remédier aux vices du système ac- tuel; nous livrerons à la discussion quelques mesures nouvelles, qui, selon nous, conduiraient plus résolu- ment au but commun que poursuivent tous ceux qui s'occupent de ces matières : soulager les classes dés- héritées, de la manière qui leur soit le plus profitable. M. de Melun démontre parfaitement l'utilité des h6- pitaux. Cette démonstration est passée en ce moment à l’état de chose jugée; nous ne nous y arrêtons pas. Les hospices sont loin de réunir en leur faveur des arguments aussi puissants : ils tendent très-souvent à détruire les liens de la famille; et le rapporteur de la Commission d'assistance publique est encore ici d’ac- cord avec tous les économistes, en proclamant que, là où une famille existe, il vaut mieux donner des secours à domicile. Pour nous, le secours à domicile est aussi su- périeur au secours de l’hôpital ou de l'hospice, que la Caisse d'épargne ou la Société de Secours mutuels est süpérieure au secours à domicile. Mais on aime le bien facile à faire; l’amour-propre se complaît dans le spec- tacle d’un vaste établissement soumis à sa direction; de là, la prédominance des établissements fixes sur les services purement extérieurs. Ces inconvénients ré- 7 vèlent peut-être déjà l'insuflisance des commissions ad- ministratives sous l'influence desquelles s’est constitué l'état actuel des choses. Ce sont des motifs du même genre, et surtout la fa- cilité de la surveillance, qui expliquent la disposition très-générale de nos administrations hospitalières, à consacrer leurs économies en faveur des hospices, au lieu de les appliquer aux malades, qui, cependant, ont un plus grand besoin d'asiles spéciaux. Aujour- d’hui, les deux tiers des établissements sont habités par des infirmes et des vieillards, un tiers seulement par des malades, et cette disproportion tend à s’accroître. « Votre Commission, dit M. de Melun, n'hésite pas à se prononcer contre celte tendance; et l’un des ar- ticles de la loi proposée permet de transformer les lits d'hospice, lorsqu'ils ne sont pas affectés à des destina- tions spéciales, en pensions annuelles en faveur des vieillards ou infirmes, qui rentreraient ainsi au milieu de leurs enfants, ou pourraient être placés, comme on le voit en Suisse, en Allemagne, et quelquefois même en France, au milieu de familles honnètes qui se chargeraient, pour une faible redevance, de les soi- gner et de les entretenir. » On doit cependant, ajoute le rapporteur, faire une distinction entre les vieillards sains, et les infirmes atteints de maladies objet de dégoût. » Votre commission est d'avis qu'en dehors même des fondations spéciales, les hospices doivent directe- ment être conservés, mais que des règles plus étroites que pour les malades soient imposées aux vieillards, 8 trop disposés à compter sur cette ressource certaine. » C'est surtout dans les localités de peu d'importance, où un seul bâtiment, quelquefois les mêmes salles, ren- ferment les malades et les vieillards, que les inconvé- nients de cette usurpation des vieillards sur les malades ressortent évidents. Si les admissions ne sont pas tou— jours faites, dans ces cas, avec le discernement voulu; si les infirmes et les vieillards tendent presque partout à absorber des places qui devraient être réservées aux malades, la faute en est sans doute, en première ligne, à la nature des corps qui prononcent ces admissions; mais elle tient surtout au système qui confond les hô- pitaux avec les hospices, en les rangeant sous la même administration. De même qu'il est bien de séparer les secours à domicile des Hôtels-Dieu et des hôtels de vieillesse, pour empêcher la tendance naturelle de ces derniers à absorber les ressources des bureaux de bienfaisance, de même, et en vue de s'opposer à un résultat analogue, il faut séparer les hôtels de vieil- lesse des Hôtels-Dieu. Mais nous avions compris que le projet qui serait présenté tendrait à perpétuer la confu- sion qui existe à cet égard, en voyant rangés sous un même numéro, dans l’article cité de la Revue Cathoh- que, les hôpitaux et les hospices *. La première mesure à prendre, c’est donc de légifé- rer séparément pour chacune de ces branches d'admi- ! Le méme article porte, sous deux numéros séparés, les secours à domicile et le service médical à la campagne. Il nous semble que c’est tout un : le traite— L2 ment médical est le premier et le plus indispensable secours à donner à domicile. 9 nistration : alors la distinction se fera, les catégories s'établiront, les empiétements prendront fin. Ainsi, règle essentielle : deux administrations séparées doi- vent s'occuper, l’une de l'hôpital, l'autre de l'hospice; des budgets séparés doivent être produits, etc., ete. L'irrégularité des admissions dans les hospices tient encore à d’autres causes. Les administrations charita- bles ont été amenées à les prononcer : n'y a-t-il pas dans cette circonstance des traces d'empiétement, d’u- surpation, sur les attributions de l'autorité active? Nous croyons, nous, que, quelque soit le système ad- ministratif qui prévale dans l'avenir, pour la direction des hôpitaux et des hospices, cette direction devra rester étrangère aux ordres d'admission, et qu'elle n'aura qu'à les enregistrer et à admettre les individus auxquels ils s'appliquent, ainsi que les choses se pas- sent pour les asiles d'aliénés. L'administration hospi- talière proprement dite doit s'entendre seulement, en effet, de la direction intérieure de ces établissements ; mais elle ne saurait en franchir la porte : là expirent tous ses pouvoirs. Si les Commissions administratives en sont venues presque partout à étendre ainsi leurs attributions, c’est par suite du laisser-ailer des admi— nisiralions municipales, auxquelles revenait ce droit, et de la présence des maires à la tête de ces Commis- sions. Le maire a transmis implicitement une partie de ses prérogatives au président de la Commission , et de là à la Commission elle-même *. Cependant, cette * Cet abus a pu devenir surtout sensible pour les admissions dans les hospices 10 attribution appartient d'autant mieux aux maires des villes possédant des hospices, que non-seulement il s'agit ici de renseignements qui touchent à l’état des familles, mais que partout ces villes accordent de for- tes subventions sans lesquelles ces établissements di- minueraient singulièrement d'importance. Encore ici, il est donc bien essentiel de redresser les errements, de limiter dans de justes bornes l’action des Commis- sions administratives, et de rendre le droit d'admis- sion aux maires ou aux préfets, selon que la nature des fonds de subvention donne, à l’un ou à l’autre de ces fonctionnaires, un droit plus étendu de contrôle. La direction intérieure de vastes établissements n’était- elle donc pas déjà suffisante pour absorber toute l’at- tention d'administrateurs, surtout lorsque ceux-ci sont, d'enfants trouvés. Antérieurement à l'avis du conseil d'État du 20 juillet 1842, lorsque les orphelins étaient à la charge du service intérieur, c’est—à— dire des hospices, les Commissions administratives prononçaient les admissions de cette catégorie d'enfants. Cette forme a pu persister depuis l'avis précité, quoique les orphelins soient passés à la charge du service extérieur, c’est-à-dire quoique les frais de leur séjour à la campagne soient devenus imputables, comme pour les trouvés et les abandonnés, sur les fonds départementaux. Le droit de prononcer les admissions revenait cependant alors d'autant mieux aux préfets, qu'il s’agit du buaget départemental, et qu’il en est d’ailleurs généralement ainsi pour tous les enfants abandonnés et même pour les trouvés, qui, ayant passé l’âge du se— vrage, ne peuvent plus passer par le tour. Le seul droit qui soit resté depuis lors aux Commissions administratives pour les admissions dans les hospices d'enfants trouvés, se trouve limité, indépendamment du tour, ou du bureau d'admission qui le remplace, à l'admission des enfants d’indigents, qui, d’après l'instruction du 8 février 4823, doivent toujours être à la charge des hospices, qu'ils soient re- tenus dans un établissement, ou envoyés à la campagne; et encore ce dernier droit n’est il exercé, selon nous, ainsi que nous l’avons déjà dit, que par dé— légation du pouvoir municipal, qui subventionne le service intérieur. 11 comme dans Île régime actuel, des hommes du monde, auxquels on ne saurait, sans injustice, demander un service de tous les instants? Pour que l'instruction des demandes, sur lesquelles statueront ces fonctionnaires, soit faite dans un sens vraiment philanthropique, nous nous adresserons aux corps qui connaissent le mieux les besoins des pau- vres, aux personnes qui doivent être à chaque ins- tant en contact avec eux, aux bureaux de bienfai- sance. C’est là le lien essentiel qu'il faut établir entre les hôpitaux et hospices et les secours à domicile. Le secours à domicile étant la règle générale, et l'admis- sion à l'hôpital ou à l'hospice ne devant être que l'ex- ception, c'est aux bureaux de bienfaisance, aux mé- decins qu'ils emploient, à discerner les cas où il con- vient de faire infléchir la règle générale et de créer une exception. Quesi quelques bureaux de charité tendaient à user trop largement de ce pouvoir et à se dégager de charges qui leur incombent, le droit de statuer ré- servé aux préfets et aux maires permettrait de main- tenir chaque corps hospitalier dans ses véritables at- tributions. Il serait bien entendu d’ailleurs que, dans les cas urgents, l'admission immédiate serait effectuée, sauf à la faire valider, plus tard, par l'accomplissement des formalités, et que les hôpitaux et les hospices au- raient toujours droit de soumettre des observations. Ceci suppose, il est vrai, que les bureaux de bienfai- sance fonctionnent rigoureusement, et peut-être n'en est-il pas toujours ainsi aujourd'hui. Aussi aurions- nous jugé très-convenable de commencer la réforme 12 par celle des bureaux de bienfaisance, c’est-à-dire par le premier anneau de la chaîne, et de ne s'élever aux hôpitaux et aux hospices que ce début accompli. Quoi qu'il en soit, le projet de loi en question prouve que l’on a compris les liens nécessaires qui existent entre ces diverses administrations, puisqu'un membre du bureau de bienfaisance, élu par ce bureau, ferait partie des nouvelles commissions administratives. Nous voudrions encore augmenter celte solidarité d'intérêts entre les secours à domicile et les hôpitaux et les hos- pices, en faisant contribuer les Bureaux de bienfai- sance pour un léger secours, et seulement autant que la situation de leurs ressources le permettrait, aux frais de séjour de leurs malades ou infirmes dans l'hô- pital ou hospice. Mais le côté le plus défectueux de l’organisation actuelle, celui auquel il importe, dans l'intérêt de l’hu- manité d’abord, et aussi dans l'intérêt d’une juste ré- partition des charges publiques, d'apporter un prompt remède, c’est d'assurer à tous les citoyens une parti- cipation, sinon absolument uniforme, du moins plus égale qu'elle ne l'est aujourd’hui, aux hôpitaux et aux hospices. Ce vice n’a point échappé à la sagacité de M. de Melun : « L'habitant de la campagne, recon- naît-il, n’est pas admis à l'hôpital. » Il y a peut-être exagération dans ces paroles, ainsi. que nous le di- rons plus tard; mais il y a aussi un côté vrai; et, quel- que restreint qu'il soit, il révèle un mal assez grave pour que nous devions chercher, de toutes nos forces, à le faire disparaître. Or, le remède, la Commission 13 d'assistance publique le trouve seulement dans une plus stricte exécution de la loi du 24 vendémiaire an IE, qui veut que tout indigent soit admis dans un hôpital, sans qu'aucune question de domicile puisse être soulevée. Aujourd'hui, cette règle nous semble souverainement inique : elle fait peser sur les communautés qui ont formé des hôpitaux, et surtout sur la ville, qui com- ble presque toujours le déficit que présente le budget hospitalier, la charge de malades arrivant souvent de contrées fort éloignées, et qui sortiront de son terri-— toire en même temps que de l'hôpital. Il est vrai que, selon l'exposé des motifs d’abord, puis selon l’art. 3 du projet, « les malades et incurables indigents de communes privées d'établissements hospitaliers, pour- ront être admis aux hospices et hôpitaux de l’arron- dissement désigné par le Conseil général, suivant un prix de journée fixé annuellement par le préfet, d'a- près le prix de revient de l'exercice précédent. » Le Conseil général, sur la proposition du préfet, désignera, eu égard aux circonstances locales, les éta- blissements dans lesquels les indigents de chaque com- mune pourront être admis, et le nombre des places applicables aux circonscriptions ainsi déterminées. ( Art. À.) » Les communes qui voudraient profiter pour leurs indigents du bénéfice des art. 3 et #, en supporteront la dépense. Toutefois, le Conseil général pourra dé- terminer dans quel cas et dans quelles proportions e département viendra en aide aux communes dont les ressources sont insuflisantes. (Art. 5.) » 14 Nous aimons à penser que les Conseils généraux, composés d'hommes éclairés, seront animés de senti- ments assez généreux , de vues assez larges, pour créer autant de places dans les hôpitaux et les hospices que les budgets départementaux pourront le permettre. Mais, quant aux communes rurales, il pourra bien ne pas en être toujours de même : la latitude des budgets pourra ne pas être le seul obstacle; et il faut prévoir le cas où la générosité des sentiments ferait défaut. lei, nous ne ferons pas de la calomnie, mais de la médisance tout au plus. Des instructions déjà anciennes indi- quaient aux administrations municipales la voie que leur trace M. de Melun par l'art. 3 de son projet; une circulaire du Ministre de l'Intérieur, en date du 12 janvier 1829, engage les communes qui n’ont pas d'hos- pice et qui profitent de celui d'une commune voisine, à l'indemniser du service qu'il fait pour elle. « Elles peuvent s'entendre avec lui pour qu'il recoive leurs malades, leurs vieillards et leurs infirmes, moyennant des prix de journées fixés d'un commun accord. » Nous ne croyons pas que beaucoup de communes soient entrées dans cette voie. Mais les auteurs du projet semblent prévoir eux- mêmes l'insuffisance du moyen qu'ils indiquent; ils font appel à la charité privée : « Nous avons tout lieu d'espérer, d’après une heureuse expérience déjà fiite dans des circonstances analogues, que là où cette charge réduite serait encore trop lourde pour la caisse communale, la charité privée s'empresserait de réclamer sa part, et d'offrir un tribut placé à un si 15 haut intérêt, puisqu'une modique somme entraînant le subside du département, Fhôpital lui-même devien- drait, pour le pauvre malade, comme le germe d'un secours inespéré. » Nous n’ignorons pas combien est active et puissante la charité privée; mais c'est elle surtout qui aime à jouir du spectacle de ses bienfaits. Aussi, sera-ce plutôt pour un établissement qu’elle aura en quelque sorte sous les yeux , que couleront ses largesses. Etici la cha- rité privée et la charité communale seront d'autant plus üièdes pour le malade, que, trouvant dans l'article 1° du projet de loi un moyen facile et sûr de se déga- ger de toute charge, leur conscience se reposera tran- quille. À quoi bon, diront-elles, payer même une mo- dique somme, lorsqu'aucune condition de domicile n'est imposée pour l'admission dans l'hôpital, et qu'il suflit de frapper à la porte pour la voir s'ouvrir? Tant qu'il en sera ainsi, les grandes villes, les villes possédant un hôpital qu'elles subventionnent souvent à grand peine, se verront indûment chargées du soin de soulager les misères d'un rayon fort étendu; et elles seront impuissantes à réclamer le remboursement de leurs dépenses. Cet état d’injustice ne cessera que lors- que le secours au malade, dans les cas reconnus con- venables, aura été rendu obligatoire par la commune. Ce serait une grave erreur que voir dans ces mesures une sorte de taxe des pauvres; car 1° il ne s'agit que des pauvres malades ; 2° les charges publiques ne se- raient pas augmentées, puisque, d’après la loi du 24 vendémiaire an Il, toutes les maladies doivent être 16 secourues à l'hôpital. Le seul résultat de notre demanée serait une répartition plus équitable des charges : les communes rurales n'auraient plus le droit de frapper d'impôt les grandes villes. Le système d'admission sans renseignement, tel qu'il se pratique aujourd'hui, a les mêmes tendances que l'admission des enfants trouvés par le tour ‘; c'est l'a- néantissement de l'essor individuel. Qui garantit, en effet, aujourd'hui, que beaucoup d'individus, dont les familles pourraient rembourser à l'hôpital des prix de journées limités, ne jouissent, sans droit, du privilége de se faire traiter gratuitement , et n'imposent ainsi à la société entière une charge qu'elle ne devrait pas sup- porter? Nous voudrions voir partout disparaître ce système de la charité aveugle, et le faire remplacer par celui de la charité qui apprécie et discerne. Nous voulons bien mettre à la charge de la société les souf- frances réelles, mais non les souffrances feintes. Voilà dans quelles conditions l’action collective de la société pourra s'exercer sans affaiblir l'émulation individuelle : limite délicate, dont la détermination précise constitue un des problèmes les plus épineux de l'économie poli- tique pratique , et dont les écarts, dans un sens ou dans l'autre, ont pu exercer de puisantes influences dans ls commotions sociales. Le système dont nous demandons l'application aux hôpitaux et aux hospices, n’est autre, au surplus, que ‘ Voir les paroles de M. Valentin Smith, au sein de la Commission des en— fants trouvés, tome 1er, page 151. 17 celui qui régit le régime des aliénés. La loi du 20 juin 1838 n'est pas seulement une loi d'ordre public : on n'a pas stipulé, en 1838, comme on le faisait encore en 1791, et même sous le Code civil, sur les fous ou furieux, ou les animaux malfaisants ou féroces. Cette loi a été surtout une loi de bienfaisance et d'humanité : les paroles du ministre l'avaient assuré; l'application l'a surtout révélé. Partout le nombre des aliénés non furieux est bien supérieur à celui des furieux ; mais ici l'admission est prononcée par le préfet, après en- quête *. Nous eussions voulu pouvoir mesurer en chiffres exacts l'étendue de cette charge pour les communes rurales; mais toutes les statistiques confondent le ma- lade avec l'indigent, l'hôpital avec l'hospice; et c'est bien là, en effet, la reproduction de ce qui existe pres- que partout. Procédant cependant d'après ce qui se passe dans les grandes villes, où les maladies ( résukat de l'insalubrité et de l’immoralité produites par une trop grande agglomération d'individus) sont beaucoup plus fréquentes qu'à la campagne, nous croyons être au-dessus de la vérité en comptant un malade indigent sur cent habitants. Les prix de journée sont, en moyen- ne, de 1 fr. par jour à l'hôpital : c'est donc une dé- pense de 366 fr. par an, et sur cent habitants, à ré- partir entre le bureau de bienfaisance, la*commune et le département; et les riches dotations, que possèdent 1 Cireulaire du 5 août 1839. * Môme Cireclaire 18 déjà la plupart des hôpitaux, permettront de réduire à un taux très-bas la part de chacun. Cette dette est, à coup sùr, assez sacrée pour que, si le nombre de centi- mes accordés aujourd'hui aux communes est insuflisant, il y eùt lieu de l’augmenter ‘; mais cette aggravation de charges sera assez faible pour qu'il n'y ait pas lieu de s'en émouvoir; et, après tout, on devrait d'autant moins reculer devant ceite obligation, que, endéfinitive, ainsi que nous l'avons déjà dit, il ne s'agit pas d’une charge nouvelle sur l’ensemble de la société, mais seule- ment d'une plus exacte répartition, qui aura pour résul- tat moral de resserrer les liens qui doivent exister entre tous les habitants d'une même commune. Alors on com- mencera à comprendre les avantages des sociétés de se- cours mutuels, qui assureront les secours en cas de ma- ladie, et qui, par l'épargne de chacun, éviteront à la com- munauté de supporter ces charges. C’est ainsi que dans l'avenir, avec le progrès de la moralité, de l’instruc- tion, de l’aisance publique, l'utilité des hôpitaux et des hospices ira toujours diminuant. Voilà le point vers lequel il faut tendre; là sera le vrai progrès : la sup- pression des hôpitaux et des hospices. Mais ce moment est encore trop éloigné pour qu'on puisse se dispenser Pour presque toutes les communes rurales, lesquelles n’ont pas d'octroi, le principal article du budget des recettes consiste dans le produit des cinq cen— times ordinaires que la loi du 15 mai 1818 ( art. 31 ) impose en sus du prin— cipa! de la contribution foncière et de la contribution personnelle et mobilière, Cette disposition de la loi de 1818 est reproduite tous les ans dans la loi des finances. 19 de les améliorer , de les perfectionner, et surtout d'en procurer l'usage intelligent : tel doit être aujourd’hui le but immédiat de nos efforts. Mais ce n'est pas tout que d'assurer au malade le secours d'un hôpital : encore faut-il que cet hôpital se trouve dans un rayon assez rapproché pour que le transport du malade puisse être effectué sans danger. Cette condition sera généralement remplie, s'il existe un hospice par arrondissement. Dans très-peu de cas, il faudra les multiplier au delà et en établir dans des chefs-lieux de canton. On sait que, trop multipliés, les frais généraux d'administration, qui ne profitent qu’in- directement aux malades, augmentent dans une nota- ble proportion; d'ailleurs, dans notre projet de réor- ganisation des secours à domicile, nous avons deman- dé trois ou quatre lits de malades pour les cas urgents, dans chaque chef-lieu de canton. Quant aux hôpitaux, la proportion d'un par arrondissement a été quelque- fois dépassée et n'a pas été d'autres fois atteinte. Ainsi, 23 chefs-lieux d'arrondissement n’ont pas d'hôpitaux, et 884 cantons en possèdent. Quelques hospices de canton peuvent évidemment être transformés en bu- reaux de bienfaisance, si des legs particuliers ne sont pas une condition stricte de leur maintien; il importe aussi que, par des subventions, le gouvernement pro- voque la création d'hôpitaux dans les arrondissements qui en sont dépourvus, et vienne stimuler la charité privée, les donations, ete. Sous le rapport des fonds, l'inégalité de répartition est encore plus choquante et plus vicieuse. Quatre- 20 vingts administrations ont trente-huit millions de re- venus, et six cent soixante-neuf n'ont pas trois mil- lions : c’est encore aux subventions de l'État à cher- cher à équilibrer peu à peu ces inégalités. Le séjour dans les hospices ne constitue pas un se- cours aussi essentiel, aussi pressant que l’admission à l'hôpital. Ici, il n'est pas mal que l'entrée à l’hospice soit sollicitée pendant quelque temps, afin de faire sen- tr la nécessité de la prévoyance; mais ce but, qui est dépassé aujourd'hui en certains endroits, puisque la charité privée crée des asiles d'attente, ce but sera suffisamment rempli en limitant le nombre de places par département, et ce droit sera dévolu naturelle- ment aux Conseils généraux. C’est pour les admissions dans les hospices qu'il est surtout utile de réorganiser le service des secours à domicile. L'intervention de ces bureaux est encore ici plus nécessaire que pour les hôpitaux , où le caractère d'urgence pourra réduire quelquefois leur immixtion à une pure formalité. Quant à l’imputation de la dépense, nous voudrions que, comme pour l'hôpital, elle fût reversible sur le budget de la commune et sur celui du département. Mais comme, ici, l’urgent et l’imprévu ne peuvent avoir une aussi grande part que pour l'hôpital, et qu'il importe de resserrer les liens de solidarité, la part de la commune, dans le prix de journée à l'hospice, devra être plus forte que dans le prix de journée à l'hôpital. Ces mesures, aussi simples que faciles à exécuter, 21 nous paraissent constituer le seul et vrai moyen d'é- teindre la mendicité. Constatons d'abord que nous ne poursuivons pas ici un idéal impossible à atteindre. Voici l'opinion qu'émetlaient sur ce sujet, en 1842, un administrateur pratique et éclairé et un savant lé- giste ‘ : « Souvent on a considéré le problème de la mendicité comme insoluble; mais nous craignons qu'il n’y ait, dans le découragement de certains es- prits à cet égard, plus de paresse ou d’indifférence que de véritable réflexion. Pour leur répondre, il suffit de constater que, dans un grand nombre de localités en France, la mendicité a été complétement détruite par les efforts intelligents et fermes de l'autorité munici- pale, secondée par la charité privée. Comment cette mesure ne s'étendrait-elle pas, si le gouvernement don- nait l'impulsion, lorsque, d'ailleurs, la statistique qui se prépare prouvera à tous les ciloyens qu'avec ce que dépense la charité privée, en aumôues souvent mal placées, il y a plus de ressources qu'il n'en faut pour secourir les misères réelles? » Mais aujourd’hui ce n’est que sur quelques points isolés que la mendicité a disparu; elle existe encore en un très-grand nombre d’endroits; elle existe surtout dans les campagnes, d’où il est le plus urgent de la faire disparaître. La seule tentative sérieuse et géné- rale qui ait été faite en France appartient à Napoléon, et c'est là un de ses titres de gloire les plus sotides aux yeux des vrais amis de l'humanité. Si son ère eût été * MM. Durieu et Roche. Répertoire de l'administration et de la comp tabilité des établissements de bienfaisance. 22 plus longue, il eût vu certainement son but couronné de succès. Mais comment les dépôts qu'il avait orga- nisés sont-ils disparus? Constatons d'abord la tendance de tous ces dépôts à prendre le caractère d'hospices : c'est ce qui résulte d’une manière évidente des instructions de l’époque, et notamment des circulaires du 30 octobre 1809, du 13 mars 1812, du 6 mai 1815, etc. Il suit de là, que l'imprévoyance et le désordre ont une part beaucoup plus large que la paresse dans la mendicité. Ces dépôts étaient entretenus par des subventions communales et départementales. Les communes étaient imposées, après délibération de leurs conseils muni- paux, sur le produit net de leurs octrois. Mais toutes les tendances de la Restauration furent, déplorable erreur! pour le renversement de ces dépôts. Des or- dres avaient déjà été donnés pour faire suspendre tous les travaux de bâtiments en cours d'exécution, lorsque l'article 153 de la loi du 28 avril - 4 mai 1816 fit pré- voir la fermeture prochaine des maisons existantes, en défendant de faire à l’averir, par ordonnance, sous quelque prétexte que ce soit, aucun prélèvement, soit sur le produit net des octrois, soit sur les autres re- venus des communes; dès lors, les départements eu- rent à supporter la charge entière de ces dépôts. D'un autre côté, l'autorité supérieure, se montrant incertai- ne, achevait de les discréditer en consultant lesConseils généraux sur l'utilité de cette institution. C’en était assez pour amener leur ruine : c'est ce qui ne manqua pas d'arriver. Ce passé contient des enseignements dont nous de- 2) vons profiter pour l'avenir. Il n'y a rien à changer au système financier d'autrefois; mais il ne faut pas isoler, comme on prétendait le faire alors, les hospices des dépôts de mendicité : ces àerniers établissements doi- vent être seulement des quartiers distincts de l'hospi- ce, mais où la vie sera plus sévère, le régime plus fru- gal, etc. Partout on doit chercher à occuper les vieil- lards encore valides, à des travaux le plus possible en rapport avec leurs anciennes destinations. Et comme beaucoup d'habitants de ces maisons auront été adonnés uniquement aux travaux agricoles, il nous paraît in- dispensable qu'une ferme fasse partie de ces établisse- ments, et fonctionne à côté de quelques ateliers indus- triels. Ce programme n’est autre chose qu'un système déjà réalisé dans un grand nombre de pays étrangers, et même en France, dans la colonie d'Ostwald, près de Strasbourg. Le nouveau projet de loi laisse l'administration des hôpitaux et des hospices confiée à des commissions ad- ministratives. Nous ayons émis plusieurs fois notre opinion sur ce système, et dit que nous lui préférions celui de directeurs assistés de commissions de surveil- lance; à l'appui de notre opinion, nous avons cité les écrits de MM. de Watteville, Valentin Smith et Du- rand St-Amand *. Nous ne reviendrons pas sur ce sujet. Le projet de loi suppose le maire président , un dé- légué du préfet, un délégué de l’évêque, quatre délé- ! Actes de l’Académie de Bordeaux, 1850. p. 465; Journal des écono- mistes, t. 28, p. 224. 24 gués du Conseil municipal, un membre du Conseil gé- néral, un membre du Bureau de bienfaisance, un maire des communes rurales, un pasteur; total : onze membres. Nous avions proposé, il y a déja quelque temps, pour la Commission de surveillance, trois membres délégués du Conseil municipal, un représentant des ingénieurs et architectes, un représentant des ban— quiers ou financiers, un représentant du barreau, un représentant du corps médical; en tout, sept membres. Si notre composition varie de celle proposée par M. de Melun, c’est que nous pensions que les autres per- sonnes qu'il indique figureraient dans un Conseil su- périeur d'assistance, placé auprès du préfet, et tenant au moins une session annuelle, comme le Conseil gé- néral. Cette création, la Commission d'assistance pu- blique ne la repousse pas; « elle s’est réservée, dit son Rapporteur, d'examiner plus tard si, les lois faites et les institutions fondées, il serait opportun ou possible de les unir par un lien commun, sans les embarrasser et les perdre dans les chaînes inextricables d'une ad- ministration centralisée *. » Pour nous, cette opportunité et cette possibilité ne font pas l’objet d’un doute. Sans cette organisation, ce mot nouveau, assistance publique, reste dépourvu de sens. Terminons cet article par une observation relative à la recette et à l’'économat : le projet maintient les ‘Revue Catholique, 15 octobre 1850. 29 principes aujourd'hui en vigueur, selon lesquels, lors- que le budget est inférieur à 30,000 fr., c'est au re- ceveur municipal qu'est confiée la recette de l’hospice ou de l'hôpital, et qui dispensent d’économat sérieux les établissements dont le budget est inférieur à 10,000 fr. Ces règles s'opposent à l'établissement d’éconoinats véritables, lorsque les budgets sont dans les limites de 10,000 à 30,000 fr. La réunion des fonctions de re- ceveur et d'économe est, en effet, d'autant plus op- portune , que les établissements ont moins d’impor- tance; et si au-dessous de 30,000 fr. les établissements cessent d'avoir un receveur spécial, comme le rece- veur municipal, qui remplit alors cette tache, ne peut, à cause de ses occupations multipliées, devenir en même temps économe, il faudrait un économe spécial, dépense que le budget ne peut supporter : le secrétaire n'a pas une habitude suflisante des chiffres pour tenir cette comptabilité. S'il y a alors des registres d’écono- mat, ce sera tout; mais il n'y aura pas d'économe. C'est là ce qui se passe certainement en b'en des en- droits; mais ce n'est pas une raison pour qu'on doive renoncer aux avantages de ces institutions. Il faut, au contraire , les fortifier par un contrôle incessant, et no- tamment par celui des employés des finances et de la Cour des comptes. En définitive, voici quelles propositions résument nos vues : 26 1° Le service des hôpitaux est séparé de celui des hospices. 2° Chacun de ces établissements sera régi par un directeur nommé par le ministre de l'intérieur, et placé sous la direction du préfet; il sera assisté d'une Com- mission de surveillance. 3° Lorsque le budget d'un établissement dépassera 100,000 fr. , il y aura auprès du directeur un rece- veur et un économe distincts, nommés par le ministre des finances, selon les règles qui régissent le corps des percepteurs. Le directeur aura en outre un secrétaire. 4° Au-dessous de la limite de 100,000 et jusqu'à 50,000 fr., les fonctions de receveur et d’économe seront cumulées sur le même employé. Le directeur n'aura pas de secrétaire. 5° Au-dessous de la limite de 50,000 fr., les fonc— tions de directeur seront remplies par le médecin en chef, et les fonctions de secrétaire seront remplies par le receveur-économe. 6° La Commission de surveillance sera composée de 1° trois membres du Conseil municipal; 2° un méde- cin; 3° un architecte ou ingénieur; 4° un comptable ou financier; 5° un avocat ou notaire; tous désignés dans une réunion des hommes de leur profession. Cette Commission se renouvellera par tiers tous les deux ans. 7° Les inspecteurs généraux, l'inspecteur départe- mental, auront droit permanent d'assister, avec voix délibérative, aux séances des Commissions de leur ressort. 27 8° Les hôpitaux seront répartis de manière qu’il y en ait généralement un par arrondissement. L'état de ceux à maintenir, à créer ou à supprimer, sera arrêté par l’Assemblée nationale. 9° Il y aura un seul hospice de vieillesse par dépar- tement. 10° Le nombre des lits, dans chaque hôpital et hos- pice, sera fixé par le ministre de l'intérieur. 11° Les hôpitaux et les hospices seront entretenus : 1° à l'aide de leurs dotations; 2° à l'aide des prix de journées payés par les malades, ou par ceux qui leur doivent des aliments, aux termes de l’article 205 et 206 du Code civil; 3° à l’aide de subventions des Bu- reaux de bienfaisance; 4° à l’aide de subventions mu- nicipales; 5° à l’aide de subventions départementales; 6° à l’aide de secours de l'État. 12° Les subventions des Bureaux de bienfaisance, des communes, des départements, sont déclarées dé- penses obligatoires. 13° Sont maintenues, pour l'admission à l'hospice, les dispositions de l'article 2 de la loi du 24 vendé- miaire an Î1, qui exige un délai d'un an pour consti- tuer le domicile de secours. Aucune condition du domicile n’est imposée pour l'admission à l'hôpital. Le préfet juge, sans appel, quelle commune doit être considérée comme étant le domicile habituel des malades. 14° Les admissions à l'hôpital seront proposées par les médecins des Bureaux de bienfaisance, contrôlées par les médecins de l'établissement, et arrêtées par les 28 Bureaux de bienfaisance. Avis en sera transmis tous les jours au préfet. 15° L'admission à l'hospice sera proposée par l’ad- ministration du Bureau de bienfaisance, et arrêtée par le préfet. 16° Il ne pourra être créé de maison de santé ou d’hospice, que sur autorisation ministérielle et après production d'un plan du local, d’un exposé justificatif des ressources, d'un projet de règlement. Le deman- deur devra être docteur-médecin, ou désigner le doc- teur-médecin qui dirigera l'établissement. Il sera tenu de fournir un cautionnement, sera soumis aux ins- pections de l’autorité administrative et judiciaire , cette dernière agissant seulement sous le rapport de l'état civil des personnes. Janvier 48514. 29 UN EPISODE DE L'HISTOIRE DE L'ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS A BO0RDAAUX a PAR M. J. DELPIT. Presque personne ne se doute que la partie des étu- des historiques la plus sèche et la plus ennuyeuse, le dépouillement des archives, la lecture et le classement des parchemins poudreux, vermoulus, raccornis, peut quelquefois offrir un très-grand charme à l'esprit de l’érudit qui ne s’est pas laissé rebuter par l’aridité des premières études paléagraphiques. Il est cependant vrai que, s’il est resté dans l'âme de cet érudit quel- que étincelle de ce feu sacré qu'on nomme la poésie, ce germe comprimé peut quelquefois acquérir par la pression une telle puissance, qu'il fait trouver un plai- sir indicible dans ces arides études, et produit enfin un véritable enthousiasme pour elles. N'est-ce pas, en effet, quelque chose de magnifique- ment grand et de sublime que de pouvoir juger, en 30 quelques instants, l'existence individuelle de tous les hommes, de toutes les époques et de tous les pays; de les voir tous, célèbres ou inconnus, successivement grandir et disparaître, comme on a vu naître et mou- rir les pères de leurs pères, et les enfants de leurs enfants? Ne semble-t-il pas alors que ce rechercheur des siècles écoulés usurpe une portion du pouvoir de Dieu, en forçant tous ces êtres à comparaître devant lui pour examiner leurs actions, on peut même dire leurs pensées les plus secrètes, et les juger chacun en particulier et tous à la fois? Cette puissance de l'esprit humain est véritablement merveilleuse et immense; mais son étendue ne fait point illusion à l'historien : il sait que sa propre vie n'occupera pas plus de place que n’en ont occupé ces existences qui passent et s’ef- facent si rapidement à ses yeux; il le sait, et l'immen- sité de sa faiblesse rend plus sensible encore l’irnmen- sité du pouvoir que la science lui donne. Faible et chétif, ce n'est pas seulement la vie des hommes que son intelligence lui permet de voir ainsi paraître et fi- nir : les corporations, les empires, les religions, naïis- sent et meurent avec la même rapidité, et son esprit, s’élevant d'encore en encore, conçoit et devine la pos- sibilité de la naissance et de la chute des mondes qu'il connaît, et de ceux même dont il ne s’est pas encore aperçu. Mais pourquoi m'égarer dans de si hautes considé- rations philosophiques, à propos du récit d’un fait si simple et si minime? Beaucoup d’autres, peut-être, n'eussent pas jugé l'épisode que je vais raconter digne 31 d’être recueilli; d'autres, même, eussent rejeté dans un éternel oubli les seuls témoignages qui constatent aujourd'hui son existence. Revenons donc à de moins ambitieuses pensées. En m'occupant de l’histoire des arts à Bordeaux, avec et sous la direction de M. Lacour, cet excellent et vénérable doyen de nos artistes, j'ai trouvé, dans les papiers de l'ancienne Académie des beaux-arts de notre ville, Académie dont on peut dire que le souve- nir lui-même est oublié, l'histoire d'une espèce de duel artistique, que soutinrent, non pas deux artistes, mais deux véritables maçons, deux simples tailleurs de pierre. Ce défi fut soutenu solennellement, sinon en champ clos, du moins dans des chambres murées, avec accompagnement de gardes et sous la protection des membres de l'Académie, érigés en juges du com- bat. Les pièces qui constatent ce singulier défi nous ont été conservées à travers les révolutions d’un siè- cle où tant d’autres choses ont péri; et j'avoue qu’en les rencontrant, j'ai ressenti le même plaisir que le voyageur, qui, ennuyé de la foule et de la vue non interrompue d’une longue suite de monuments fas- tueux, repose ses yeux fatigués sur l’aimable et pit- toresque solitude d'un frais et riant paysage. Il ne faut pas croire cependant que, dans cette lutte pacifique dont je vais raconter les détails, il n'y eût d’autres intérêts en jeu que l’amour-propre de deux ouvriers isolés : deux corporations tout entières, su- bissant l'influence occulte d'un préjugé qui régna en despote pendant tous les siècles du moyen âge, et qui 32 remonte plus haut encore, avaient confié leur hon- peur aux chances de cette lutte. Les combattants n'é- taient pas seulement deux émules, mais les champions de deux corporations ennemies. La rivalité qui de temps immémorial existe entre les compagnons passants et les compagnons étrangers, se révèle plus souvent par des luttes sanglantes, indi- viduelles ou générales. Mais vers la fin de l’année 1773, les grands travaux de maçonnerie qui s'exécu- taient à Bordeaux, entre autres la construction du pa- lais archiépiscopal, qui est aujourd'hui ia mairie, ra- vivèrent ces querelles et leur donnèrent un autre as- pect. Les deux compagnonnages rivaux résolurent de faire décider de l'honneur et du talent de leur associa- tion, sinon par les armes, du moins par les mains de leurs plus habiles affiliés. Chaque société s'assembla et choisit celui de ses membres qui lui parut le plus di- gre de sortir glorieux d'un pareil défi. Celui qui eut l'honneur d’être choisi parles compagnons passants fut le sieur Roux, dit Lapensée, de Sainte-Foy; et le cham- pion des compagnons étrangers, le sieur Pierre Da- mour, dit Laréjouissance, de Tarascon. Le 28 novembre 1773, les champions élus s'assem- blèrent, escortés des principaux chefs de leur compa- gnie respective, el pour éviter tout prétexte de dis- cussion, passèrent un compromis dans lequel toutes les conditions du combat furent réglées. Voici quelles étaient les principales dispositions : Chacun des champions devait déposer dans les mains du sieur Mazarin, traiteur, la somme de 360 liv., fai- 33 sant ensemble 720 liv., pour servir de récompense et d'indemnité du temps perdu, à celui qui remporterait le prix. Pour que ce prix ne füt pas accordé à un tra- vail étudié et préparé d'avance, chacun des concur- rents s'était obligé d'exécuter deux ouvrages : l'un sur le devis proposé par son adversaire, et l'autre sur ce- lui qu'il aurait lui-même indiqué. Les deux antagonistes devaient exécuter leurstravaux dans une chambre bien fermée, les cheminées murées à six pieds de hauteur, les portes ferrées à deux serru- res, et gardés chacun par deux compagnons du parti op- posé. En cas de maladie de l'un des députés, le malade devait être gardé à ses frais par les mêmes compagnons, et même payer les journées des gardiens de son adver- versaire, S'il ne consentait pas à le laisser libre pen- dant la durée de cette interruption. Les papiers d'épu- res devaient être signés par les deux adversaires; le plâtre, gâché en présence des gardiens, ete. Aussitôt que l’un des concurrents aurait nni, il devait avertir son adversaire, et celui-ci ne pouvait plus travailler que vingt-quatre heures, que sa tâche soit finie ou non. Deux experts décideraient alors du mérite des ou- vrages; et si ces experts ne pouvaient pas s’accorder, ils en choisiraient chacun un autre. En cas de nouveau partage, les quatre experts en nommeraient un cin- quième, qui déciderait souverainement. IL était loisible aa vaincu de demander la revanche, que le gagnant ne pouvait lui refuser. Ainsi, toutes les éventualités paraissaient bien prévues ct ne pou- voir donner lieu à aucune contestation; mais il n’en fut pas ainsi. 3 34 Le compromis signé, l'argent déposé, les compa- gnons se donnèrent mutuellement un devis. Le devis de Laréjouissance consistait en ‘une cage d'escalier, dans lequel il avait rassemblé le plus de diffi- cultés possibles. Celui de Lapensée , sur le même motif, était encore plus compliqué. Il est inutile, je pense, d'entrer dans aucun détail sur des difficultés prati- ques et qui n'intéressent que les gens de l'art; qu'il nous sufise de savoir que les concurrents entrèrent en lice, et furent enfermés à double serrure dans la mai- son du sieur Maigne, rue Porte-Dijeaux , où ils furent gardés par leurs adversaires, et travaillèrent ainsi tous deux pendant plus de deux mois. Au bout de ce temps, Laréjouissance, de Tarascon, ayant terminé l'exécution du devis qu’il avait lui-même présenté, et sans s'occuper d'exécuter le devis donné par Lapensée, fit prévenir celui-ci qu'il avait fini; et conformément au compromis, Lapensée dut cesser de travailler dans les vingt-quatre heures. Il se trouva que Lapensée avait fini complétement le devis donné par Laréjouissance, et presque achevé celui qu'il avait lui-même proposé. Aux termés du compromis, la vic- toire appartenait évidemment à Lapensée; car il avait seul rempli ses engagements, et Laréjouissanse ne s’y était point conformé. La décision de l'affaire regardait plutôt des magistrats judiciaires que des hommes de l’art, et ceux-ci devaient être fort embarrassés pour se prononcer. En effet, les experts choisis ne purent s’accorder : c'étaient, pour Lapensée, de Saint-Foy, le sieur Jean Martin, dit Joli-Cœur, de Montpellier; et pour Laréjouissance, le sieur Lespérance, de Saint-Ré- 39 my, tous deux compagnons tailleurs de pierre. Con- formément aux termes du compromis, les experts s’ad- joigrirent chacun un de leurs confrères, Lapensée de Bordeaux, compagnon passant, et Cannaud, compa- gnon étranger. Les quatre arbitres ne purent pas mieux s'entendre que les deux. Dès lors, aux termes du compromis, il fallait en nommer un cinquième. Mais dans ces pré- tendues luttes pour l'honneur, dans les hautes classes comme dans les classes inférieures ; on recherche beau- coup plus souvent l'honneur de la victoire, que la vic- toire de l'honneur; et quelque soit la loyauté des moyens employés, pourvu qu'its soient suivis du suc- cès, c'est tout ce qu'on demande. Ainsi, les compa- gnons étrangers, après avoir proposé que chacun re- prit son argent et qu'il ne füt plus question de cette affaire, imaginèrent de soulever une prétention bi- zarre, et qui, si les compagnons passants s'y étaient laissés prendre, pouvait assurer la victoire à leurs ad- versaires : ils prétendirent que, dans ce cas, le cin- quième arbitre devait être choisi parmi les membres de l'Académie d'architecture de Paris, qui déciderait, non pas d'après les pièces exécutées, qu'il était impos- sible de leur envoyer, mais d'après l'envoi des épures. Or, dans ce genre de travail, Laréjouissance paraît avoir eu une certaine supériorité sur Lapensée. Celui- ci répliqua donc qu’on ne pouvait pas seulement déci- der sur les épures; qu'il fallait que le juge püût se ren- dre compte aussi du mérite de l'exécution, et surtout de la manière dont avaient été remplies les conditions 36 du traité. Les compagnons étrangers S'obstinèrent dans leurs prétentions; et, en conséquence, les compagnons passants se virent obligés d’avoir recours à des voies qui leur répugnaient, sans doute, puisqu'ils tardèrent tant à s'en servir. Le 23 février 1774, les experts des compagnons passants se rendirent chez Perrens, huis- sier, firent signifier leurs conclusions dans un acte ju- diciaire, et demandèrent la délivrance du prix. Les compagnons étrangers n’en ayant tenu aucun compte, deux jours après, Lapensée et ses experts se rendirent chez M° Baron , notaire, et firent dresser une déclara- ion publique des faits et de leur demande. Toutes ces démarches n'aboutirent à rien. Les es- prits s’échauffaient; mais leur colère ne pouvait ame- ner une solution. Les compagnons passants comprirent, enfin, qu'ils n'avaient d'autre ressource que de s’adres- ser à la justice. Mais, ici, se présentaient encore d'autres difficul- tés : à quelle juridiction devait être soumise la décision de ce singulier procès? était-ce aux juges de la Bourse, ou au Tribunal de commerce? au Présidial, ou au Par- lement? Un heureux hasard les décida à s'adresser à la juridiction municipale; mais, trop confiants dans leur bon droit, les compagnons passants s'adressant à la jus- tice, négligèrent d'avoir recours au ministère d’un avocat; de telle sorte que le magistrat municipal, d'un naturel limide et peu éclairé, s'effraya de l'exaspéra- Lion que causerait nécessairement, sur des esprits déjà fort échauffés, la condamnation de l’une ou de l’autre des parties, e! n'imagina rien de mieux, pour assurer 37 Ja tranquillité publique, que d'annuler le défi, et de laisser la victoire indécise. Ce jugement, ou ce déni de justice, contenta peu les compagnons étrangers, et beaucoup moins les com- pagnons passants. Et comme la fermentation croissait de plus en plus, soit que les compagnons passants en eussent eu d'eux-mêmes la pensée, soit que, pour éviter de plus grands troubles, on la leur ait suggérée, les compagnons passants, dis-je, s’adressèrent à un avocat, qui leur conseilla de faire appel aux jurats eux-mêmes de cette sentence de leur tribunal, et rédigea, en con- séquence, une requête, dans laquelle il représenta que la crainte de la colère des soi-disants compagnons étran- gers était tout à fait chimérique; que celle des compa- gnons passants élait au moins aussi redoutable et bien plus fondée: car ils ne pouvaient se voir enlever, de sang-froid , le prix légitime de leur victoire; voir ré- duire à la misère un jeune et habile ouvrier, sans fa- mille, sans parents, sans aucune ressource que son travail, et qui ne pourrait jamais rattraper, sur ses économies, le temps perdu et les dépenses considéra- bles qu'il avait été obligé de faire pour soutenir sa ga- geure *. Ces raisonnements pouvaient être employés, il est vrai, avec presque autant de force par leurs adversai- ! Cette requête estimait ces frais, indépendamment des 360 liv. consignées, à 240 liv. de plâtre, pierres, etc. 60 » d'outils et d'ustensiles, 540 » pour quatre-yingt-dix journées de Lapensée et de ses deux gardiens, à 2 liv. par jour. 45 » pour le loyer de l'atelier. Torar. 885 liv. 38 res que par eux-mêmes; mais, comme les compagnons passants terminaient leur requête en proposant qu'il füt nommé, par MM. les Jurats, une Commission d'ar- chitectes ou de membres de l’Académie, à la décision de laquelle ils s'engageaient à se soumettre, les jurats acceptèrent avec plaisir cet appel d'eux-mêmes à eux- mêmes; et le 4 mars 1774, le lieutenant de maire, M. Duhamel, signa le renvoi de la décision de cette consultation à l’Académie des beaux-arts. Le 6 mars 1774, l’Académie fut régulièrement sai- sie de cette affaire; elle en apprécia tout de suite l'im- portance et la gravité, et nomma immédiatement une Commission de neuf membres, pour lui en faire un rapport circonstancié. La Commission fut composée du directeur de l'Académie, M. Lafon de Ladebat; du recteur, M. Lavau; du secrétaire, M. de Lamothe; du trésorier, M. Larroque, et de MM. Bonfin, architecte ; Lartigue, id.; Lothe, id.; Chalifour, id., et Berin- zago, professeur de perspective et de décuration. Dès le lendemain, la Commission s’assembla pour prendre connaissance des pièces, et détermina la mar- che qu’elle aurait à suivre. Le jour suivant, elle se rendit à l'atelier des deux compagnons, et consacra toute cette séance à admirer, dans leur ensemble, ces deux remarquables ouvrages. Elle employa cinq autres séan- ces (le 12, 14, 16, 17 et 18 mars 1774) à l'examen, en détail, des deux pièces exécutées d'après le devis donné par Laréjouissance, et rédigea scrupuleusement un procès-verbal de chacune de ces opérations. On y voit que, parmi les commissaires, comme parmi les compagnons, la discussion fut animée et la question 39 vivement controversée. Les débats furent si vifs, que trois des commissaires ne pouvant parvenir à faire adopter leur avis, jugèrent à propos de rédiger un rapport particulier, espèce de protestation qu'ils de- mandèrent à faire insérer textuellement dans les re- gistres de l'Académie, à la suite du rapport officiel de la Commission légale. Les auteurs de ce rapport par- ticulier, que signèrent seuls MM. Lhote et Bonfin, avaient sans doute un motif secret pour en agir ainsi; mais il nous a été impossible de l'indiquer d’une ma- nière précise. Ce rapport est entièrement consacré à faire ressortir le mérite des épures et du travail exé- euté par le champion des compagnons étrangers, sans signaler aucun des défauts qu'il pouvait avoir, et il pousse la partialité jusqu’à critiquer le devis du com- pagnon passant , que leur protégé n'avait pas même entrepris d'exécuter. Quoiqu'il en soit, le 27 mars, la majorité de la Com- mission présenta son rapport à l'Académie. Les com- missaires avaient d'abord examiné le travail de Laré- jouissance , vérifié chaque épure, et notifié successive- ment les défauts et les beautés qu’ils y avaient remar- qués. Passant ensuite dans l'atelier de Lapensée, les com- missaires examinèrent son travail avec la même exac- titude, et trouvèrent, comme nous l'avons dit, qu'in- dépendamment de l'exécution du devis fourni par La- réjouissance, il avait aussi exécaté une grande partie de son propre devis. Non contents de ces vérifications, pour s'assurer da- vantage du talent des deux antagonistes, et vérifier si 40 réellement, comme l’assuraient les partisans du compa- gnon étranger, les épures du compagnon passant n'é- taient pas assez indiquées pour avoir pu lui servir, les commissaires imaginèrent de convoquer les eux ad- versaires dans les salles de l'Académie, où ils leur fi- rent exécuter séparément et sous leurs yeux, pendant trois jours de suite, divers morceaux de leurs devis, en leur fournissant, aux frais de l'Académie, tout ce dont ils pouvaient avoir besoin. C'était habilement détourner les esprits du vérita- ble point en litige, l'exécution des termes du compro- mis, et préparer ainsi les parties intéressées à accep- ter, quel qu'il fût, le jugement que l'Académie allait rendre en toute liberté, puisqu'il ne s'agissait plus des anciennes conventions, mais, pour ainsi dire, d'un nouveau Concours. Ces nouvelles épreuves ne modifièrent point le ju- gement que les commissaires avaient porté sur le tra- vail des deux concurrents; et malgré la supériorité du travail de Laréjouissance, en certaines parties, sur ce- lui de Lapensée, comme il fut constaté que, dans une des voütes exécutées d’après son propre devis, il s’é- tait tellement trompé sur la nature des coupes, qu'il eùt été impossible à sa voüte de se soutenir, les con- clusions du rapport se résumèrent à accorder la préfé- rence au travail de Lapensée, parce qu'il renfermait moins de défauts essentiels, quoique exécuté d’après le devis fourni par Laréjouissance, et que Lapensée avait exécuté presque entièrement les deux devis, tan- dis que son adversaire n’en avait exécuté qu'un seul. L'Académie, instruite par ce rapport de l’opinion Ai de MM. les Commissaires, éclairée d'ailleurs par les divers procès-verbaux dressés par chacun d'eux, et en particulier par la compilation exacte et judicieuse qu'en avait faite M. Lafon de Ladebat, directeur, com- mença par remercier ses commissaires des soins cons- ciencieux et multipliés qu'ils avaient donnés à cette affaire, et, tout bien considéré, décida : 1° Que l’un et l’autre des compagnons méritaient les plus grands éloges, soit pour le talent, soit pour l'é- mulation et le zèle dont ils avaient donné des preuves pendant les longs délais entraînés par leur travail et par l'examen de l'Académie ; 2° Que si Lapensée, de Sainte-Foy, a montré quel- que supériorité sur Laréjouissance, de Tarascon, dans le morceau qu'ils ont exécuté l'un et l'autre, cependant les épures sur lesquelles celui-ci a travaillé paraissent plus savantes que celles dont Lapensée s'est servi; 3° Qu'il ne résulte de là aucune supériorité, de la part des ccmpagnons se disant passants, sur les com- pagnons se disant étrangers; car le savoir-faire d'un particulier ne décide rien pour le talent général; qu'il convient donc, dans cette circonstance, d'encourager également les uns et les autres, en leur donnant éga- lement des éloges ; 4° Que, cependant, Lapensée, comme particulier!, mérite un prix et quelque distinction honorable, que le zèle patriotique, la générosité et la prudence de MM. les Jurats sauront déterminer, en même temps qu'ils indemniseront l’un et l’autre corps, de leurs dépenses et journées, en les obligeant de reprendre chacun l'ar- 42 gent qu'ils ont consigné, et en accordant à chacun quelque autre dédommagement ; 5° Que, pour donner aux antagonistes des témoi- gnages glorieux du cas que MM. les Jurats et l'Acadé- mie font de leurs talents, les différentes pièces que ces compagnons oni exécutées seront déposées, avec les épures, dans les salles de l'Académie, pour y être con- servées et pour servir d'encouragement aux élèves de l'école d'architecture ; 6° Qu'enfin, MM. les Jurats seront priés de faire prononcer leur jugement par l’Académie, pour encou- rager d'avantage l'étude de l'architecture, et celle du trait en particulier. En conséquence, le 13 avril 1774, l’Académie s'é- tant extraordinairement assemblée, MM. d’Arche et de Métivier, membres de l’Académie et jurats de Bor- deaux, annoncèrent qu'ils étaient chargés, de la part de MM. les Jurats, leurs confrères, de remercier vi- vement l’Académie des peines et soins qu'elle s'était donnés dans cette affaire, et que, conformément aux désirs de l'Académie, ces magistrats lui renvoyaient le soin de prononcer entre les deux concurrents, et de leur distribuer les récompenses accordées à leur zèle et à leur talent. Les deux compagnons rivaux furent introduits dans la salle des séances de l’Académie, et M. le Secrétaire, après avoir donné à chacun d'eux les éloges que méritaient leur intelligence et la perfec- tion de leurs ouvrages, leur fit la lecture des motifs du jugement qu'elle avait rendu le 27 mars dernier; puis M. d’Arche, au nom de MM. les Jurats, remit à 43 chacun d'eux les 15 louis qu'ils avaient respectivement consignés; donna en outre, à chacun d'eux, une gra- tification de 240 liv.; et, pour s'associer au jugement de l’Académie et le confirmer encore plus, accorda à chacun des concurents, comme témoignage de satis- faction et d'estime, une médaille d'argent à peu près semblable , mais d’un poids inégal. Lapensée, de Sainte-Foy, reçut la médaille d'argent de la statue équestre de la place Royale, et Laréjouissance, de Ta- rascon, une médaille d’un moins grand module. Ainsi fut terminée cette longue et difficile affaire. Elle pouvait entraîner des conséquences fâcheuses pour la tranquillité de la ville, si la prudence de l'Académie et la générosité des jurats n'avaient su la détourner de son principe, et la noyer, comme nous dirions au- jourd’hui, dans la satisfaction causée par un peu d’hon- neur et d'argent adroitement répandus. Ce jugement est un des actes qui font le plus d’hon- neur à la trop courte existence de la deuxième Aca- démie des beaux-arts ( car il y en a eu deux }, non pas seulement par la sagesse et la justice de la décision, mais parce qu'il témoigne de la haute estime dont ce corps jouissait alors auprès des magistrats municipaux et de la population tout entière. A sa voix, deux cor- porations ennemies, rivales acharnées, imposent si- lence à leur rivalité et à leur haine, et attendent avec confiance et respect la décision de son impartialité ; tandis que les magistrats de la cité, lui déléguant le plein et entier exercice de leur puissance judiciaire, acceptent et confirment avec reconnaissance le juge- ment de sa sagesse et de sa science. C’est une belle 44 et noble page de l'histoire de cette Académie, que nous espérons voir revivre un jour. Mais ce n’est pas seulement de l'existence de l’Aca- démie que j'ai voulu m'occuper; j'ai voulu surtout mettre en saillie le récit d'un fait qui montre à tous la différence qui déjà s’est opérée dans nos mœurs et et dans nos habitudes, et révèle un trait de l'histoire, beaucoup trop négligée jadis, des classes les plus nom- breuses de la société. Or, un siècle ne s’est pas encore écoulé, et déjà il n'existe plus un seul des éléments qui contribuèrent à produire le fait que nous vengns de raconter. L'Académie des beaux-arts n'existe plus, il n’y a plus de jurats; et si les compagnonnages exjs- tent encore de nom, on ne retrouve plus chez eux cet esprit de corps, cette espèce de solidarité, qui rendait responsable chacun des actes de tous, et la société tout entière des actes de chacun. Solidarité dangereuse, qu’on voudrait ressusciter, sans songer que la liberté n'a pas de plus grand ennemi, et que la science et le progrès ne doivent pas aller chercher leurs modèles dans les siècles où l'adresse de deux champions en champ clos décidait de la suprématie ou de la seryi- tude de deux peuples rivaux, des droits d’un évêque ou d'un moine, de la vertu d’une femme, et peut-être même d’une théorie scientifique. Le défi des deux compagnons dont nous venons de nous occuper, est peut-être un des derniers vesliges de ces luttes absurdes dont l'origine remonte aux pre- miers siècles de l’histoire de l’homme, et, sous ce rap- port, il justifie peut-être les considérations élevées par lesquelles j'en ai commencé le récit. 45 NIVELLEMENT BAROMÉTRIQUE DE L’AQUITAINE ( Bassin tertiaire de la Gironde et de l'Adour ); Par Vo Raulin. (Suite ) ‘. Ie PARTIE. SECTIONS DU PLATEAU CENTRAL. B. Partie septentrionale. INTRODUCTION, Lorsque nous publiâmes dans Patria, à Paris, en 1844, notre Essai d’une division de la France en ré- gions naturelles, nous instituâmes, sous le nom d’A- quitaine, une grande région, essentiellement tertiaire, s'étendant de la chaîne des Pyrénées au S., jusqu'au Plateau central et à la Presqu'île de Bretagne au N., dont elle était séparée, sur quelques points seulement, par deux petites régions, que nous désignâmes par les noms de Quercy et de Haut-Poitou. ! Voyez 10€ année, 1848, 1er trimestre. Id. 116 année, 1849, 2€ trimestre. Id. 12e année, 1850, 3e trimestre. 46 Lorsque nous rédigeâämes à Bordeaux , en 1847, l'in- troduction de notre Nivellement barométrique de l’Aqui- taine, préoccupé par des considérations géologiques, nous crûmes faire quelque chose de plus naturel en restreignant le nom d'Aquitaine à la région dans la- quelle le terrain tertiaire forme des nappes épaisses et continues, et en en distrayant le Périgord, l'Angou- mois, et la partie septentrionale de la Saintonge; les- quels, réunis au Quercy et au Poitou, nous semblaient pouvoir former une région particulière, constituée par les terrains secondaires et placée entre l’Aquitaine ter- tiaire et le Plateau central, et la Presqu'île de Breta- gne primitifs. Aujourd'hui, après avoir parcouru ce pays secon- daire, nous sommes revenu à notre première opinion établie à Paris, et nous allons même plus loin. Comme la bande qu'il forme fait suite aux pays tertiaires sans la moindre différence de niveau, ou bien s'y raccorde par des pentes extrêmement douces, et présente en outre elle-même, sur bon nombre de points, des lam- beaux isolés du terrain tertiaire, nous croyons plus naturel de la réunir tout entière à l’Aquitaine, en ne considérant le Quercy et le Haut-Poitou que comme de simples subdivisions d’une valeur égale à celle des pays combreux qui la constituent, ainsi que nous l’ex- poserons un peu plus tard. Il résulte de ce changement, que l’Aquitaine a sa surface portée à 778 myriamètres carrés, formant un peu plus de ia septième partie de la France, qui en renferme 5,276 m. 86. Elle comprend alors des por- 47 tions de trois nouveaux départements, ce qui élève le nombre de ceux-ci à dix-huit, et apporte les modifi- cations suivantes au commencement de l'énumération donnée dans l'introduction : Vendée S. ( ‘/, ); Charente O. (‘}/, ); Deux-Sèvres S. ( */, ); Dordogne S.-0. (°/,, ); Vienne S. (‘/, ); Lot O. ( ‘/,). Charente-Inférieure (entier). Tarn-et-Garonne (entier). Cette extension de l’Aquitaine vers le N. a pour résultat d'agrandir les trois premières sections seule- ment ; la deuxième et la troisième en sont prolongées un peu plus vers l'E.; mais la troisième en recoit une telle extension vers le N., que la surface se trouve triplée. Aussi, pensons-nous qu'il y a lieu de la divi- ser en trois sections, à l’aide des vallées de la Cha- rente et de la Dronne, et de porter ainsi à 11 le nom- bre des sections qui composent l’Aquitaine, en dési- gnant de la manière suivante celles que nous formons aux dépens de la première : 40 # Section au nord de la Charente: 4° ?. Section entre la Charente et la Gironde, la Dordogne et la Dronne; 1° < Section au nord-est de la Dronne et de la Dordogne. Observations barométriques correspondantes. Relativement aux trois sections démembrées de la première , au N. de la Dordogne, nous nous servons 48 des observations correspondantes, faites à Bordeaux en 1849, 1850 et 1851, par M. Abria. Pour les deux autres sections, séparées par le Lot, nous donnons la préférence aux observations faites, en 1850, à l'Observatoire de Touiouse, par M. Petit. Grandes vallées. Deux des trois sections que nous établissons aux dé- pens de la première, sont séparées l’une de l’autre par la grande vallée de la Charente; elles présentent en outre d’autres grandes vallées. Les vallées que nous avons décrites précédemment comme séparant les au- tres sections, se continuant entre elles aussi vers l'E., nécessitent un examen. Nous allons jeter un coup d'œil rapide sur chacune d'elles. La vallée de la Sèvre-Niortaise commence à 1 my- riamètre au S.-E. de Saint-Maixent, dans une grande plaine; mais bientôt des coteaux la bordent et lui lais- sent à peine 1 kilomètre de largeur. Au-dessous de Niort, elle se transforme en une plaine marécageuse de 4 à 5 kilomètres de largeur, bordée par des co- teaux très-bas et présentant des élargissements et des prolongements, dans l'intérieur, à la réunion des di- verses vallées secondaires latérales. Un peu avant Marans, elle s'ouvre à une vaste plaine circulaire, avec quelques îlots formés par de petits plateaux, qui s'étend jusqu’à Luçon, avec un diamètre de 2 myria- mètres ‘/,, et se prolonge au delà de Saint-Michel-en- Lherm, jusqu’à 1 myriamètre à l'E. du Lay devant 49 Talmont. La rivière serpente dans la partie médiane, soit de la vallée, soit de la plaine marécageuse, et elle se rend à la mer en traversant la partie méridionale de la vaste plaine de Luçon. La vallée de la Charente, qui commence dans le Pla- teau central, ïe quitte bientôt, à la traversée de la route d'Angoulême à Limoges, et se dirige au N.-N.- O. jusqu'à Charroux. Au-dessus et au-dessous de Ci- vray, elle court à l'O., puis elle revient au S. jusqu’à Mansle. Au-dessus de cette ville, sa largeur, assez uni- forme, dépasse rarement 1 kilomètre. De Mansle, la vallée va au S. à Angoulême, en faisant d'assez grands détours, et sa largeur atteint souvent 2 kilomètres. De cette ville, elle se dirige moyennement à l'O -N.- O., et sa largeur revient à 1 kilomètre, excepté au- dessus de Jarnac, où il y a un élargissement de 3 à 4 ki- lomètres. De Cognac à Saintes et jusqu’à la mer, la vallée a de 1 à 2 kilomètres de largeur; mais elle pré- sente sur beaucoap de points des élargissements de 3 à 4 kilomètres. Elle devient marécageuse à partir de Taillebourg. Jusqu'à Saintes, la rivière serpente dans la partie médiane; mais au-dessous, son cours est très- sinueux et elle court de l’une des rives à l’autre. La vallée dela Boutonne commence àChef-Boutonne, et vient s'ouvrir dans celle de la Charente à l'E. et au- dessus de Tonnay-Charente. Elle est dirigée à l'O.-N.- O. jusqu'au delà de Briou, puis au S.-0. jusqu’à Saint-Jean-d'Angély ; elle devient ensuite marécageuse et reprend vers l'O. Cette vallée se trouve dans un pays bas sur-une largeur de plusieurs kilomètres; la { 50 sienne, de { kilomètre d'abord, en acquiert 2 plas bas, et il y a des élargissements de 3-4 kilomètres à l'O. de Briou, à Dampierre-sur-Boutonne, et à Ton- nay-Boutonne. La rivière serpente dans la partie mé- diane, excepté près de ce dernier bonrg, où elle passe au pied des coteaux qui sont au N., sur la rive droite. La vallée de la Seugne commence à Chevenceaux, sur la grande route de Bordeaux à Barbezieux, court au N.-O., et va déboucher dans celle de la Charente, au- dessus de Saintes. Sa longueur ne dépasse guère 1 ki- lomètre, excepté à Léoville, dans la partie supérieure, où il y a un élargissement de 3 à 4 kilomètres. À partir de Pons, elle est marécageuse et atteint 2 à 3 kilomè- tres. La rivière coule dans la partie médiane. La vallée de la Seudre commence à Saint-Genis , court au N.-O., et va s'ouvrir à la mer, vis-à-vis de l'extré- mité méridionale de l'Ile d'Oleron; elle à une largeur, d'abord de 1 kilomètre, puis de deux, au-dessous de Gémozac, où elle devient marécageuse; ensuite, elle s'élargit rapidement jusqu’à Saujon , où elle atteint une largeur de 7 à 8 kilomètres, qu’elle conserve jusqu'au voisinage de la côte, où elle est réduite à 3 ou 4 ki- lomètres par la chaîne des dunes. La rivière occupe constamment la partie médiane, et elle se termine par un véritable bras de mer, sur une longueur de plus de 15 kilomètres. L'extension que nous donnons vers l'E., aux trois premières sections, nous oblige d'ajouter quelques mots pour décrire les parties supérieures de quelques-unes des vallées que nous avons déjà fait connaître. 51 La vallée de la Dordogne a plus de 4 kilomètres de largeur au-dessous de Bretenoux; sa largeur se réduit à 2 kilomètres jusqu’au dessous de Souillac, où elle devient une gorge profonde escarpée jusqu'à Domme. La rivière longe d'abord, au S., la plaine de Brete— noux, puis elle serpente d’un bord à l'autre. La vallée de la Vézère a une largeur qui atteint souvent 2 kilo- mètres, et, depuis Terrasson, la rivière serpente d’une rive à l’autre. La vallée de l'Isle, au-dessus de son confluent avec celle de l'Auvézère, a une largeur qui est de moins de 1 kilomètre, et la rivière serpente dans la partie mé- diane. La vallée de l'Auvézère présente les mêmes ca- ractères. La vallée de la Dronne, dans sa partie supérieure, a une largeur qui n'atteint pas 1 kilomètre, et la ri- vière coule dans la partie médiane Un de ses princi- paux affluents, celle de la Nizonne, a une largeur de 1 à 2 kilomètres, à partir de La Roche-Beaucourt; plus haut, ce n’est qu'un vallon peu considérable. La vallée du Lot, au-dessus comme au-dessous de Cahors, a une largeur qui atteint bien rarement 1 ki- lomètre. Le tableau suivant renferme les altitudes qui se rap- portent à ces différentes vallées. Localités. Altitudes. Vallée de la Sèvre-Niortaise. La rivière sous le pont de Marans (2)........................ 6m La rivière sous le pont de Niort (3)........................... 18 La rivière sous le pont d'Echiré............................... 40 La rivière sous le pont de Saint-Maixent (3)................ 70 La rivière à La Mothe-Saint-Héraye (2)...................... 73 Vallée de la Charente. La rivière sous le pont de Saintes (2)........................ 5 La rivière sous le pont de Cognac (3)......................... 12 La rivière sous le pont de Jarnac (2)......................... 47 La rivière sous le pont d'Angoulème (4)..................... 38 La rivière sous le pont de Condat, près de Ruffec..…....… 83 La rivièr@/sous 18 pont de CIVrAY.... ses seemseesoeseememen 10% La rivière sous le pont d'Alloue:....:...................... 133 La rivière sous le pont des Trois-Chènes (2).............….. 156 La rivière au Pont-de-Sigoland.................... On 180 Vallée de la Boutonne. La rivière sous le pont de Tonnay-Boutonne..…...........…. 10 La rivière sous le pont de Saint-Jean-d’Angély (2)... 1% LacivièreisousleponftiielBLiOnte.- "Fete... 58 La Beronne au bas de Melle (2)..........2.................... A11 Vallée de ia Seugne. La rivière sous le pont de Pons (3)............,.............. 18 La rivière sous le pont de Jonzac (2)........................ 28 Vallée de la Seudre. La rivière sous le pont de Saujon(2)..:............ ........ 3 La rivière entre Gémozac et Mortagne (3).................. 28 Vallée de la Dordogne. (Suite). Lapivière à Bigaroque M TL eerere metres 55 Lafivière à Castelnaud PR. tore 66 La plaine à Veyrac, au nord de Castelnaud.….............. 94 2 Lalrivière SOUS Je /pOntIAe DOMME.-......-...e. cesse. 69 La rivière sous le pont de Souillac............... css... 82 53 0 Localités. Alitudes. EEE La haute plaine au-dessus de Lanzac, au sud de Souillac.| 153 La rivière sous le pont de Gluges..................... ....... 99 Vallée de l'Isle. ( Suite). La rivière sous le pont de Corgnac, à l'est de Thiviers...| 140 Vallée de la Dronne. (Suite ). La rivière sous le pont de Ribérac..….................. ....... 50 La rivière sous le pont de Brantôme.......................…. 90 Vallée de la Nizonne. La rivière entre Montmoreau et Verteillac.................. 18 La rivière sous le pont de La Roche-Beaucourt............ 87 La rivière sous le pont de Rudeau, route de Mareuil à Lodinurés Boca ocean tonton EEE 135 La rivière sous le pont, entre Nontron et Brantôme..…… 183 Vallée de la Vézère. La rivière sous le pont de Montignac......................... 95 La rivière sous le pont de Terrasson (2)..................……. 100 Vallée du Lot. (Suite ). La plaine à Mercuès, à l'ouest de Cahors... 147 La rivière sous le pont de Gaillac, près de Cajarc..…...…… 140 Bord de la plaine au Mas-de-Joly..…......… seneSs ends seed 180 La rivière sous le pont de la Madeleine, au sud de Figeac.| 470 Bord de la haute plaine, au nord de la Madeleine... 269 Vallée du Tarn. (Suite ). La rivière sous le pont de Montauban. …...................…. T4 Vallée de l'Aveyron. (Suite ). La rivière sous le pont de Réalville. .....................,.... 86 La rivière sous le pont de Villefranche....................... 254 Eglise de Villefranche. / Ann. des long. !................... 267 o4 À son extrémité septentrionale, entre la Presqu'ile de Bretagne et le Plateau central, l’Aquitaine s'ouvre assez largement à la Neustrie, cette grande plaine du nord de la France, dans le centre de laquelle se trouve Paris. Ces deux plaines sont contiguës l’une à l’autre, sans discontinuité; il nous semble que leurs limites respectives pourraient être fixées suivant une ligne ti- réedes points de la Presqu'île de Bretagne et du Plateau central, qui sont le plus rapprochés. Une ligne, dont les extrémités seraient à Parthenay et à Confolens, nous paraît devoir être choisie avec d’autant plus de raison, que deux petites vallées partent à peu près de ces deux villes, et viennent se réunir dans un point intermé- diaire, à Vivonne: celle de la Vonne, qui prend nais- sance au N.-0., dans la Presqu'île de Bretagne; et celle du Clain, qui commence au S.-E., dans le Plateau cen- tral. La ligne, ainsi déterminée, se trouve un peu au N.-E. de celle qui sépare les bassins hydrographiques de la Loire et de la Charente, et qui est trop sinueuse pour être adoptée; aussi, une petite partie du bassin de la Vienne se trouve-t-elle comprise dans l’Aquitaine. Les altitudes qui se rapportent à cette ligne sont les suivantes : STRESS DOI NE VD CPE Localités. | Altitudes. EaWonné;-sous/le/pont del SAnmais 2er 108 La Vonne, sous le pont de Lusignan (3)..................... 9% Jonction de la Vonne et du Clain, à Vivonne...….........… 85 Le Plain à SOMMIÈrES (AE er eee eee 10% Le Clan à PTESSACT EN RE TR red TR RIRE Re 165 50 1° «. Section au N. de la Charente. Cette section est limitée, au S., par la vallée de la Charente, de la mer à Angoulême, et, à l'E. de cette ville, par une ligne allant atteindre le Plateau central à Marthon. La Presqu'île de Bretagne et le Plateau central la limitent au N. et à l'E. ; au N.-E., les vallées de la Vonne et du Clain supérieur la séparent de la Neustrie. Elle est de forme ovale, allongée de l'E.-S.-E. à l'O.-N.-0., de Confolens à l'extrémité occidentale de l'Ile de Ré. La longueur de la partie continentale, de Confoiens à La Rochelle, est de 15 myriamètres, et la plus grande largeur est de 10 myriamètres sur le mé- ridien de Cognac. Sa surface, qui va en se relevant de l'O. à l'E., est divisée en quatre parties par les vallées de la Sèvre- Niortaise, de la Boutonne et de la Cha- rente, dans sa partie supérieure. La partie située au N. de la Sèvre-Niortaise, est étroite, fort allongée de l'O. à l'E., de Talmont jus- qu’au delà de Saint-Maixent. C’est un bas plateau re- levé légèrement du S. au N., traversé par des vallées qui descendent toutes au S.-0., du haut plateau du N., et aboutissent à la mer ou à la vallée de la Sèvre. Il n’y a que peu de vallons, excepté dans l'extrémité orienta- le. Les cours d'eau qui y sont renfermés sont : lePairay, qui se jette dans la mer à Talmont ; le Lay, qui, après avoir reçu le Maillet et l'Yon sur la rive droite, et la Smagne sur la rive gauche, longe le bord occidental du marais de Lucon, et atteint la mer à l'O. de l'Ai- guillon ; le Canal-de-Fontenelle , qui commence au bord 56 de la plaine à Luçon, débouche à l'E. de l'Aiguillon. La Sèvre reçoit successivement sur la rive droite, la Li- guaire et le ruisseau de Champdeniers, au-dessus de Niort, et au-dessous l’Autise, et la Vendée qui reçoit le Mère sur la droite, lesquelles traversent des maré- cages dans leur partie inférieure. La partie entre la Sèvre-Niortaise, l'Océan, la Cha- rente et la Boutonne, est un bas plateau qui va en se relevant de l'O. à l'E. ; il y a un assez grand nombre de vallées et de larges vallons peu profonds, dirigés au N.-O., dans la partie septentrionale, et, soit à l'E., soit au S., dans la partie méridionale. Les principaux cours d’eau sont le Laubon, qui se jette dans la Sèvre au- dessus de Niort, et la Guirande et le Mignon , recevant sur sa droite la Courance, qui l’atteignent au-dessous. Aucun ruisseau n’atteint directement l'Océan. La Bou- tonne reçoit, sur la droite, la Beronne et la Belle au- dessus de Chizé, et le Tournay au-dessus de Tonnay- Boutonne. Le Gère atteint la rive droite de la Charente au-dessous de Rochefort. La partie entre la Boutonne et la Charente est un grand plateau qui va en s’abaissant du N.-E. au S.-O., où il se termine par une plaine basse, séparée de la vallée de la Charente par un dernier plateau. L'extré- mité septentrionale présente quelques vallées et vallons dirigés au N.-E., dans lesquels naissent la Dive et le Bouleur, qui, par le Clain, se rattachent au bassin hy- drographique de la Vienne; il y a cependant le ruisseau de Champnier qui va se rendre, au S.-O., dans la Cha- rente, au-dessous de Civray. La portion médiane est = ut J14 formée de erètes et de petits plateaux étroits, allongés du N.-O. au S.—E., et séparés par des vallons et de petites plaines qui ont la même direction, avec des vallons perpendiculaires. La grande plaine basse s'étend de St-Jean-d'Angély à Jarnac, dans une même direction, et il en est de même du dernier plateau, qui s'étend de Tonnay-Boutonne à Cognac. Les ruisseaux qui se rendent dans la vallée de la Boutonne sont, d'abord, la Haute Boutonne jusqu’au-dessous de Briou , plusieurs petits ruisseaux ; puis enfin la Nie, au-dessus de Saint- Jean-d'Angély. La Charente reçoit la Péruse,qui se perd avant Ruffec, où elle reparaît sous le nom de Lien; puis, au-dessous de Mansle, la Losme, augmentée du Lemps sur sa droite ; au-dessousd’Angoulême, la Nouè- re. Au-dessus et au-dessous de Cognac s'y déversent la Sonnoire, qui arrose la grande plaine, et l’Anteine, qui y recoit le Briou et quelques ruisseaux, et traverse enfin le dernier plateau. Celui-ci contient, en outre, le Coran et le Bramerit, qui se terminent au-dessus et au-dessous de Saintes. La partie située à l'E. de la Charente est fort petite, et limitée au S. par la ligne tirée d'Angoulême à Mar- thon : c’est un plateau qui va en se relevant à l'E. Dans le N. des vallées descendant à l'O. et renfermant le ruisseau de Lizant, la Lizonne, l'Argentor, et le Son qui reçoit à droite la Sonnette; tous se rendent dans la Charente, au-dessus de Mansle. Dans la portion mé- diane, les vallons sont dirigés N.-0.-S.-E., et renfer- ment la Dronue de Chasseneuil, qui se rend dans la Charente, au-dessus de Mansle. La Tardoire et le Ban- »8 diat, qui passent à La Rochefoucault et à Marthon, se perdent dans des marécages, bien avant d'atteindre cette dernière. Dans la portion au S -O., les vallons vont généralement au S -O. aboutir à la Charente, et renfermant le ruisseau de La Chignole. L'ile de Ré est un très-bas plateau, allongé de l'O.-N.- O. à l'E.-S.-E., présentant plusieurs découpures sur son bord N.-E., entouré de bas rochers sur beaucoup de points, et portant un cordon de petites dunes sur son bord S.-O. Les altitudes qui se rapportent à cette section sont réparties de la manière suivante : A. Partie au N. de la Sèvre-Niortaise. 1° Route de Talmont à Fontenay-le-Comte; 2° Route de Napoléon à Fontenay-le-Comte; 3 Route de La Châtaigneraie à Fontenay-le-Comte; 4° Route de Fontenay-le-Comte à Niort; 5° Routes et chemins de La Châtaigneraie à Niort; 6° Route de Champdeniers à Échiré, près de Niort; 7 Chemin et route de Champdeniers à St.-Maixent et Lusignan; 8° Chemin et route de Sanxais à La Mothe-Saint- Héraye; 9° Route de Sanxais à Lusignan. B. Partie entre la Sèvre-Niortaise et l'Océan, la Cha- rente et la Boutonne. 10° Ile de Ré; 11e Route de Marans à Mauzé ; 12° 13° 44° 15° 16° \ hd 18° 19° 20° 21° 22° 23° 29° 30° 31° 32. 33° 34° 35° 36° 59 Route de La Rochelle à Mauré ; Route de La Rochelle à Surgères ; Route de La Rochelle à Rockefort-sur-Mer ; Route de Niort à Rochefort-sur-Mer ; Route de Surgères à Saint-Jean-d'Angély; Route de Rochefort-sur -Mer à Tonnay-Boutonne ; Route de Niort à Saint-Jean-d'Angély ; Route de Niort à Melle. C. Partie entre la Boutonne et la Charente. Chemin de Tonnay-Boutonne à Saint-Savinien; Route de Lusignan à Melle, Saint-Jean-d’Angély et Saintes; Chemin et route de Chef-Boutonne à Cognac; Route de Melle à Civray; Route de Melle à Ruffec ; Route de Saint-Jean-d’Angély à Angoulême; Route de Saintes à Cognac; Route de Ruffec à Jarnac: Route de Jarnac à Angoulême; Route de Vivonne à Ruffec et Mansle ; Chemin de Couhé à Civray; Chemin de Sommières à Charroux. D. Partie à l'E. de la Charente. Route de Charroux à Confolens; Route de Ruffec à Confolens; Route de Mansle à Angoulême; Route de Confolens à Chasseneuil ; Route de Chabanais à Angoulême. Localités. | Altitudes. A. Partie au°N. de la Sèvre-Niortaise. 4° Route de Talmont à Fontenay-le-Comte. Le Guy- Chatenay au bas de Talmont......................... Jun Moulin de la foire, à l’est de Talmont..…....................... 20 Plateau à 5 kilomètres à l’est de Talmont.................... 38 Le ruisseau à La Guignardière................,............... 30 Eglise d'Ayrillé (2)... 54 Plateau au Petit-Plessis....................sesseee 47 Le Troussepoil à Pont-Ro'1ge......................sesssse 14 Eglise de Saint-Cyr-en-Talmondais..…......................... 40 Le Lay, sous le pont de la route.............................…. 8 Plateau au sud du bois de l'Olerie............................. 48 Placerde L'UCON eee nee ere. 16 Croisée de la route de Sainte-Hermine (3)................…. 16 Ruisseau de Sainte-Gemme-la-Plaine, sous le pont de la TOUL. ses cceneedenennenesesecvesncsemesrsosceapnesne comencse ce 6 Plateau à l’ouest de Mouzeuil...... .......................... 19 Ruisseau à l'entrée de Mouzeuil...................s...ssms k Moulin à 4 kilomètres à l’ouest de Fontenay-le-Comte..….| 52 Coteau à l’ouest de Fontenay-le-Comte (2)................…. 47 Eglise de Fontenay-le-Comte / Ann. des long. ].........…. 23 La Vendée sous le pont de Fontenay-le-Comte.............. 7 20 Route de Napoléon à Fontenay-le-Comte. Tour de la cathédrale de Napoléon { Ann. des lung. )..….. 13 L'Yon, sous le pont de la route..............................…. 42 La route devant l'Epinai............................e… 77 Plateau à l’ouest de La-Chaize-le-Vicomte...….............…. 85 Ruisseau de La-Chaize-le-Vicomte (2).....................…. 72 Bois de Buchignon......................s.sese 95 Ruisseau au bas de Bournezeau........................s...... 62 Plateau au nord-ouest de La Berlière.......................…. 75 Le Lay, sous le pont de la route............................. 10 Moulins de Simon-la-Vineuse................................... 50 Croisée de la route à Saint-Hermand.. ....................... 32 La Smagne, sous le pont de Saint-HerMINe..........osssse 17 Plateau à 2 kilomètres au sud-est de Saint-Hermine..….… 38 Eglise de St-Aubin-de-la-Plaine /Desc. géom. de la Fr... 49 Eglise de Pouillé...........................sse 50 Jonction de la route de Luçon.........................s.…..…. 52 61 Localités. Altitudes. 3° Route de La Châtaigneraie à Fontenay-le-Comte. Sommet du bourg de La Châtaigneraie.....................…. 167% Vallon à 2 kilomètres au sud-ouest de La Châtaigneraie..| 95 Plateau deyanthlelPeuxXe2 PAR A RE 9% Four à chaux du moulin des Fontaines.....................…. 84 Plateau älouestideWonvantem tome NRA nn 103 Ruisseau de Cezais, sous le pont de la route..............…. 47 Moulins au nord-est de Bourneau.......................... 112 Crète à 4 kilomètre au nord de Pissotte..….................…. 93 Moulins des Granges, au nord de Fontenay-le-Comte..…. 45 4° Route de Fontenay-le-Comte à Niort. Eglise de Saint-Michel-le-Cloucq / Desc.géom. de la Fr.).| 95 Moulin de Saint-Martin-de-Fraigneau..…...................... 40 L'’Autize, sous le pont della route... 10 Plateau au nord-ouest de Bénet..…....... ss. seoesess 4% Nalande BEROM (AE, Fraocseusee cesoconsoee eu cc au one 29 Plateau au sud de Saint-Remy...................eecee 80 5° Routes et chemins de La Châtaigneraie à Niort. Ruisseau de Breuil-Barret, sous le pont de la route... 79 Plateau à l'entrée de La Loge-Fougereuse.................…. 161 La Vendée, sous le pont de Saint-Hilaire-de-Voust..…....…. 84 Plateau‘au nord de/Marillet..…..:2 #2 mn. 120 Ruisseau sous le pont de Marillet.….......... tr ne 80 Chateau de.Faymoreau|(2)43.., 422. tante. 126 La Vendée de La Chapelle-Thireuil, sous le pont dela route.| 66 Plateau de La Forest, à 3 kilomètres au sud-ouest de LRU OSSI O E e R 85 Ruisseau à Beugné....…........: COR ee be en Penn 85 Mouhne de La TA ben tire... es code ironmnrasasonennanen< 108 Ruisseau dans Coulonges-sur-l'Autize......................…. 82 Plateau à la séparation de la route de Champdeniers.….… 103 L’Autize, sous le pont de la route... 53 Bord du plateau à Chambeutran............................. 80 Eglise de Villiers-en-Plaine. "44... 60 Plateau à l'est de Saint-Remy.…................s.....s... 9% 6° Route de Champdeniers à Echiré, près de Niort. Angle supérieur de la place de Champdeniers (2)... | 430 Localités. Alütues, 0 I ER Le ruisseau de Champdeniers, sous le pont de la route..| 78" Coteau devant La Roche-Birault.............................…. 127 Vallon de La Sonnerie.........sssssseueeteseareedonsonerstes 87 Plateau dévant Tripozeau..........................s 120 Jonction de la route de Parthenay, au nord d'Echiré...… 75 qe Chemin et route de Champdeniers à Saint-Maixent et Lusignan. Plateau à Monplaisir, à la croisée dela route de Parthenay.| 136 Plateau au sud-ouest des Loges..….............. ............... 140 Vallon de Saint-PRO]Ete ere smerrcceceseouseeseursesesec-esee 94 Plateau à Lhomelière..-2..--...r---..re RE MR DE 133 Ruisseau sous le pont d'Augé............................... 74 Plateau à La Cour-d'Augé--.-...-2....ecdoesccpoemoresrree 122 Ruisseau de Saivre, sous le pont de la route....,........... 62 Plateau à 2 kilomètres à l’ouest de Saint-Maixent..…....... 116 Maison au bord du plateau, au nord-est de St.-Maixent.| 174 Croisée d’une route, à 2 kilomètres à l’ouest de la limite des départements... 156 Plateau à 2 kilomètres à l ouest de Rouillé..,................ 170 8° Chemin et route de Sanæais à La Mothe-St.-Héraye. Ruisseau sous le pont de la route, à 2 kilomètres au sud AENSANXAIS. eee en eee eee eee seen eee 123 Bois à 2 kilomètres au nord de la route de La Rochelle...| 470 Ruisseau au bas de Pamproux (2)... de 7% Plateau à 2 kilom. au nord-est de La Mothe-Saint-Héraye.| 125 9° Route de Sanæais à Lusignan. Plateau à la séparation de la route de La Mothe-St-Héraye.| 447 Plateau à 4 kilomètre à l’ouest de Lusignan................. 142 B. Partie entre la Svre-Niortaise et l'Océan, la Cha- rente et la Boutonne. 10° Ile de Ré. Phare des Baleines / Nouvelle Carte de France ).......… 5 1 Ces cotes sont tirées de la Nouvelle Carte de France, levée par l’Etat-Major, dont quelques feuilles de la partie septentrionale de l’Aquitaine viennent de paraître. : L 63 Localités. Altitudes, Plateau au nord-ouest d’Ars-en-Ré [N. Carte de Fr.) 6m Dunes à l’ouest d’Ars-en-Ré f'id.)............................ 43 Plateau au sud de La Flotte { id... 16 11° Route de Marans à Mauzé-sur-le-Mignon. Eglise haute.de-Marans (2/4... nn ses 16 Auberge à l’ouest de Saint-Jean-de-Liversay..….. .......... 20 Signal de Courçon / Desc. yéom. de la Fr... 42 Jonction de la route à. La Laigne............2...0......0 25 12° Route de La Rochelle à Mauzé-sur-le-Mignon. La route à la sortie de La Rochelle (2)....................... 20 Plateau à l'ouest de Dompierre {3)................1.t.2. 29 Plateau à l’est du canal de La Rochelle......................…. 25 Plateau au sud-est de Longèves..…............................ 23 Ruisseanau/bas de Nuance dede eee is 10 MANTOUTPN AA HENDIÉ RES. saone cnccssenness cer cc es eiecese 32 Plateau au sud-est de La Laigne............................… 40 13° Route de La Rochelle à Surgères. Plateau de Chassagne, à l’est de La Jarrie.…...............…… 11 Plateau à l’est de Croix-Chapeau..….…...::.................. 45 Ras Dlateau tante send een 32 Plateau à 3 kilomètres à l'ouest de Surgères. …............ 68 44° Route de La Rochelle à Rochefort-sur-Mer. Croix à la séparation de la route de Surgères (2)... 20 Marais séparant les collines suivantes... 5 Coran A RenulInss. rois lisse af 19 Blateandevant.Yyes.....5. msi sé ul gtue ail io. el 46 Cou CDRFRRE eue a Sh Rae Le 13 Coteau à l'est de Vergeroux................….. 25 Moulins au nord-ouest de Rochefort-sur-Mer..…............ 17 45° Route de Niort à Rochefort-sur-Mer. Eglise de Niort { Ann. des long. )..............s.. 29 Plateau au sud-est de Bessine................. 33 Plateau à 4 kilomètre au sud-ouest de Frontenay.….….…. 38 Ruisseau à laiGonre:: 2. MARIE Ai Tale ne forage tt 25 64 oo Localités. Altitudes Coteau de LatRochénarde... eme de teeeetaneseeeseee 50% Le Mignon, sous le pont de Mauzé-sur-le-Mignon (3)... 28 Plateau au nord-est de Saint-Georges-du-Bois.............… 56 Moulin d'Aguré / Descr. gén. de la Fr.) 80 Forêt à 2 kilomètres au nord de Surgères...............…... _ 60 Ruisseau au bas de Surgères (3).............,................. 27 Plateau au nord-est de Saint-Germain-de-Marancennes..| 40 Ruisseau de Garneau, sous le pont de la route............… 10 Plateau au nord-est de Muron............. ................... 28 Coteau de: l'T te. 380 soupçonne la délicatesse; le peuple se laisse plus faci- lement persuader par le vertueux Phocion que par le séduisant Périclès. L'amour de l'humanité et l'amour de la patrie sont les sources de la grande éloquence. C'est cet amour qui sauva la France, dans la bouche de Mirabeau, d'une banqueroute certaine; c'est lui qui inspira à Vergniaud ce mémorable discours qui déclara la guerre à l'Europe; chef-d'œuvre d'inspiration et de patriotis- me, mais faute immense d'homme d'état, qui attira sur la patrie tant de funestes journées et tant d'irré- parables malheurs. Si, comme vous l'avez peint d’une manière saisis- sante, l'improvisation donne à l'orateur cette joie du commandement qui accompagne la puissance, cette satisfaction voluptueuse attachée à tout acte créateur, il est une joie plus grande, une satisfaction plus no- ble, la joie du bien qu'on produit et la satisfaction gu sacrifice qu’on s'impose : l’une satisfait l'esprit, l’au- tre satisfait l'âme ; celle-là est terrestre, celle-ci est divine. Périclès, Hortensius, César, vous avez connu la première. Illustres Girondins, si incertains dans la prospérité, si énergiques dans la défaite; et vous saints et martyrs de la primitive Église, vous avez connu la seconde. Dans la chaire, vous penchez, Monsieur, pour le dis- cours écrit. Je sais que les affaires du ciel ne doivent pas être traitées avec la hardiesse incertaine et témé- raire permise aux affaires humaines; mais plus l'ob- jet est grand, plus les détails s'effacent : c'est l'a- 336 mour pour nos frères qui nous presse, c'est leur âme à sauver qui nous sollicite, c'est Dieu à réjouir qui nous commande. Les détails doivent disparaître de- vant la sublimité du sujet, comme s'effacent du som- met d'une montagne élevée, aux yeux du voyageur, les aspérités des coteaux et les irrégularités des plaines. Mais ne trouverez -vous pas étrange, mon cher Collègue, que moi, qui suis si heureux d’être, en cette circonstance solennelle, l'interprète de la joie de l’A- cadémie, et dont l'amitié partage si complètement les sentiments de la vôtre, je vienne encore vous contre- dire? Heureusement que, dans ce vaste champ des appréciations littéraires, le caprice des opinions ne nuit en rien ni au talent qu'on estime, ni à la per- sonne qu'on aime. Quand un orateur chrétien, par de fortes études et une longue pratique de la parole, est sûr de son sujet et maître de son expression; que son âme est pleine de foi, sa pensée pleine de science, ne croyez- vous pas, qu'il peut sans crainte se laïsser empor- ter aux élans de son inspiration? Ce qu'il faut avant tout dans la chaire, c’est de toucher, d’attendrir, de subjuguer ses auditeurs. L'orateur chrétien a les passions de l'homme devant lui; il ne doit pas les prendre pour ses juges, mais les vaincre. Elles n'ont pas le droit de peser son discours; elles doivent, quand il est vainqueur, s'enfuir devant son éloquence, comme les ombres de la nuit devant les rayons du soleil. Qu'importe que l’orateur laisse échapper, par mégarde, quelques expressions que le dogme, dans sa scrupu- mn ln RE leuse rigidité, pourrait blâmer ou combattre! l'orateur n’est pas devant un concile ou devant une assemblée de docteurs. Là il devrait écrire, devant la foule il doit improviser. Les apôtres, quand ils ont converti le monde, n'écrivaient pas leurs discours. Saint Chrysos- tôme n’a écrit les siens qu'après les avoir prononcés; et Fénelon, ce type de la douceur évangélique, notait ses sermons mais ne les écrivait pas. Le grand orateur dont vous avez cité de belles et éloquentes paroles, ne fait tressaillir les voûtes de Notre-Dame qu'avec des discours improvisés ‘. Le mouvement du siècle, dites-vous, et les exigen- ces de la profession, font de l'improvisation une né- cessilé. Gardons-nous de nous laisser séduire par cet entraînement trompeur, qui promet des succès faciles mais souvent éphémères. N'oublions jamais ce vers si plein de vérité : Le temps n'épargne pas ce qu'on a fait sans lui. Distinguons, d'ailleurs, les devoirs de l'artiste des exigences de la profession. La nécessité peut contrain- dre à improviser; mais l’art, mais la pureté du lan- gage, mais la perfection du discours, mais la durée de l'œuvre, obligent presque toujours à écrire. Vous venez du reste, Monsieur et cher Collègue, d'en don- ner une preuve éclatante, et ce n’est pas aujourd'hui que nous pourrions préférer le discours improvisé au discours écrit. 1 Le P, Lacordaire, t° Le 338 Tandis que le besoin d’activité qui tourmente le siècle, et le désir de nouveauté qui nous charme, en- traînent les orateurs vers l'improvisation de la tribune et du barreau, il est une autre improvisation, qui, par une anomalie singulière, est dédaignée et oubliée, et qu'il faudrait conserver cependant, comme on gar- dait à Rome les Dieux de la famille et du foyer. Aussi est-ce avec entraînement que je joints mes regrets aux vôtres, pour déplorer avec vous la perte de la con- versation, celte improvisation toute nationale et toute française, qui nous a donné dans ce genre , sur les au- tres peuples, une supériorité sans rivale. Quelques femmes encore possèdent ce don charmant, qui de- vient plus rare de jour en jour, mais ne retiennent pour ainsi dire que par le bout de son écharpe cette aimable Muse prête à nous quitter pour ne plus reve- nir. Les femmes ont toujours été les gardiennes du noble et du beau. Quand les hommes manquent à un art ou à un sentiment, les femmes s’en emparent, le cultivent et le conservent. C’est Mme Rolland et Mme Récamier qui recueillent les lettres poursuivies ou abandonnées. Quand les Anglais humilient la couronne de France, Jeanne d'Arc la relève et lui rend son éclat; quand la patrie gémit sous un despotisme san- guinaire, Charlotte Corday se dévoue, délivre son pays et venge l'humanité. Espérons, que la conversation, réfugiée dans quel- ques esprits d'élite, refleurira en France comme au- trefois. 339 Puisque le nouveau barreau, dans la personne de son bâtonnier, vient de faire d’une manière si brillante son entrée au sein de l'Académie, afin de rappeler au nombreux auditoire que cette solennité a réuni, et de montrer aux savants étrangers qui sont venus nous ! combien nos anciens et nos maîtres visiter ce soir aimaient les lettres et avec quel succès il les culti- vaient, je ne puis résister au plaisir de lire une pièce charmante de ce Ferrère, qui fut à la fois grand ora- teur, grand écrivain et délicieux poëte. La voici : Le Grépuscule. L'ombre déjà lutte avec la lumière; Phœbé paraît, s'élève, et pâle encor, D'un œil mourant semble suivre son frère, Enseveli dans la pourpre et dans l'or. C'est ton moment, douce mélancolie : J'erre en ce bois, ce bois est ton séjour. Entretiens-moi du songe de la vie, Détrompe-moi du rêve de l'amour. seven Pilote hialois id olniens elelolslols (ee 0... « elolas ce en e)rheie og re e cale. elles ea ele ain En longs soupirs pourquoi traîner ta peine, O0 philomèle! et m'arracher des pleurs, Quand tous les ans zéphire te ramène D’autres amours dans la saison des fleurs? ‘ MM. Arthaud et Cazalis, inspecteurs généraux de l'Université. 340 Pleure sur nous, malheureux que nous sommes! Si comme toi nous connaissons l'amour : L'amour, hélas! pour les enfants des hommes, N'a qu'un printemps et n’abuse qu’un jour. Vois ces vallons que la nuit décolore, Faible mortel, et songe à tes malheurs : Ils reprendront, au lever de l'aurore, Leurs doux parfums et leurs riches couleurs. Après l'hiver, la rose printanière Refleurira; mais toi, fils de l’orgueil, Plus de printemps pour ta froide poussière, Plus de matin dans la nuit du cercueil. Enfin, M. d'Imbert de Bourdillon donne lecture des trois pièces de vers suivantes, de MM. Derbigny et Émile Deschamps, membres correspondants de l'Académie. Ge qu’on n’oublie pas. — « Grand capitaine, eh bien? te voilà vieux et seul; Car le vide se fait à l’entour des vieillesses : Mais ton esprit peuplé de tes jeunes prouesses, De drapeaux en drapeaux se distrait du linceul. » L'espérance aux vieillards sourit : dans ta mémoire Recommence avec nous ton cercle de combats, | D’escadrons terrassés, de remparts mis à bas; | Évoque les plus beaux de tes beaux jours de gloire. » — « Je ne m'en souviens pas; je me souviens d’un jour, Où j'étais, pauvre enfant, dans mon lit tout malade : 341 Ma grande sœur me vint chanter une ballade, Si douce, que le mal s’adoucit à son tour. » — « Grand politique, eh bien? destitué par l’âge, Te voilà morne et sombre à ton foyer glacé; Mais des bords du cercueil contemplant le passé, Du poids de ton néant son fracas te soulage. » Redis-nous ces Congrès, où, pesant tous les droits, Des antiques États tu changeais la fortune, Et ces luttes d'orage, où, roi de la tribune, Tu parlais de plus haut que tous les autres rois. » — «Je ne m'en souviens pas, non; mais je me rappelle Que je fus, au collége, à douze ans couronné; On appelait mon père, un père fortuné, Et ma mère s’en fut prier dans la chapelle. » — «Mon grand poëte, eh bien? voilà que tes cheveux, Rares et blanchissants, pendent sur ton épaule, Comme sur le roc nu le feuillage du saule..……. Mais ton œil d'aigle encor nous lance tous ses feux. » C’est que les souvenirs sont le brasier dans l’âtre, Qui, plus ardent, pétille au souffle des hivers. Comptons tous les lauriers moissonnés par tes vers, Comptons tous les bravos de ton peuple idolâtre. » — «Je ne m'en souviens pas. Je me souviens qu’un soir, Elle me regarda, vaguement inquiète... Un ange, une déesse, un rêve de poëtel.….. Et je l’aimai!..…. Jamais nous ne pouvions nous voir. » Ainsi, de tous les biens qui font le sort prospère, Que nous reste-t-il au départ?.... La chanson d’une sœur, le sourire d'un père, Le rapide aveu d’un regard... Émize DESCHAMPS. 342 La Bague d’or. APOLOGUE. Un père à ses trois fils partagea tous ses biens, Ne gardant qu'une bague en or. — Je la retiens Pour en faire présent, dit-il, quand viendra l'heure, A qui de vous fera l’action la meilleure. « Partez! mais à Noël, autour de l’âtre assis, Vous reviendrez joùter de merveilleux récits. » Is partirent, joyeux, pour la grande tournée, Et revinrent, tous trois, à l'époque ordonnée. Le premier dit : « Un riche étranger en chemin, Me remit un sac d'or. sans reçu de sa main. Il mourut. Je pouvais, faute d'aucune preuve, Garder tout... J'ai rendu le sac d’or à sa veuve. » Le père répondit : « Faisant cela, tu fis Une bonne action; mais ce n’était, mon fils, Qu'un devoir rigoureux de rendre cette somme; Garder le bien d’un autre, est d'un malhonnête homme. » « Un jour, dit le second, que je passais devant Un très-grand lac, je vis s'y noyer un enfant; Je m'élançai, plus prompt que la foudre qui tombe, Et je le retirai, sain et sauf, de la tombe. » « Ton action, mon fils, est fort louable aussi, Dit le père, c’est vrai; mais tu n'as fait ainsi Que suivre la leçon du Maitre à ses apôtres : « Secourez-vous, en tous périls, les uns les autres. » | Le dernier dit : « Un soir, je vis mon ennemi, | Auprès d'un précipice et tout seul, endormi; 343 Au moindre mouvement il roulait dans l’abime.….. Je le sauvai..….., dussé-je être, après, sa victime! » «Mon cher fils, répondit le père, embrasse-moi, Et donne-moi ta main, car la bague est à toi; Sauver nos ennemis est la vertu suprème : C’est le bien pour le mal, c'est imiter Dieu même. » ÉMILE DESCHAMPS. La Girouette et le Paratonnerre. Deux personnages de hauts lieux, Plus élevés qu'on ne l’est d'ordinaire, La Girouette et le Paratonnerre, Dans un séjour voisin des cieux, Sur un point culminant de la machine ronde, Laissant loin, sous leurs pieds, tout le vain bruit du monde, S’entretenaient de leur utilité, De leur valeur et de leur consistance : L'une vantant sa mobile existence, L'autre son immobilité. « Moi! rester là, comme un terme, plantée! » Disait la Girouette, à la tête éventée:; » Comme j'étais hier, être encor aujourd'hui, » Et demain, et toujours; j'y périrais d'enpuil! » Moi, que j'aspire et que je porte envie » Au tranquille bonheur dont vous semblez jouir! » Moi, que j'aille me réjouir » De la torpeur où s'endort votre viel » Non, non; l'activité, voilà mon élément; 344 » C'est là l'unique bien; je n’en connais point d'autre, » Et ne troquerais pas mon lot contre le vôtre, » Une minute seulement. » Par bonheur, Dieu merci, j'ai bien assez à faire, » Ayant les vents à gouverner. » Qui mieux que vous est là pour discerner, » Dans la variété des lois de l'atmosphère, » Ce qu’il me faut et de tête et de soins » Pour veiller à tous les besoins, » Et surtout pour les satisfaire? » Les caprices du temps, ses changements soudains, » Les bons, les mauvais jours qu’il faut que je prédise; » Car tout importe aux intérêts mondains, » Ou vent de sud, ou vent de bise. » Il n’est œil des humains, de l'aurore à la puit, » Qui ne vienne épier la chance qui me suit. » Partout où l'on me voit, partout où j'ai mon siége, » Travaux, plaisirs, se règlent sur ma foi; » Même la politique obtient beaucoup de moi. » Aussi, prompte à servir la foule qui m'assiége, » Je dis au laboureur : Demain tu peux semer; » Au pêcheur de la côte : Häte-toi de ramer; » A l'amateur d’horticulture : » Crains ce souflle glacé pour ta jeune bouture; » Au vigneron gravissant ses coteaux : » Attends, pour émonder., la fin de la gelée; » Aux faneuses de la vallée : » Vite, armez-vous de vos rateaux, » Courez, en folâtrant, éparpiller votre herbe; » Aux dandys du grand monde, ennuyés, ennuyeux : » Dispusez à l'envi, pour plaire à tous les yeux, » Vos chars et vos coursiers; Longchamps sera superbe; » Au jeune ambitieux , législateur imberbe, » Qui veut être ministre et n’est que député : » Regarde bien de quel côté » Le vent souffle; rends-toi puissant par la parole; nt tu nn » 349 » Fais foin de tout le reste et prends-moi pour boussole. » Et c’est ainsi que se passent mes jours; » Enfin je suis partout, et pour tous, et toujours : » Vous, voisin, vous savez si C’est de l’indolence. » Celui-ci rompant son silence : « Si vous avez tout dit, maintenant écoutez; » Voisine, c'est donner beaucoup trop de puissance » Aux témoignages répétés » D'une passive obéissance ; » Instrument de docilité, » OEuvre de faible intelligence, » Mème, soit dit sans manquer d'indulgence, » Presque de puérilité, » Vous croire initiée aux secrets d'Uranie, » Et prétendre à l'honneur d’une comparaison, » Ce serait abdiquer un reste de raison. » La main qui m’éleva, c'est la main du génie, » De ce savant audacieux » Envié par l'Europe à la jeune Amérique, » Qui, sachant maîtriser le fluide électrique, » Sut aussi lui tracer sa route dans les cieux. » Il posa le problème et je sus le résoudre, » Et mon utilité répond à son dessein. » Je commande au nuage et je dis à la foudre : » Éteins toi dans mon sein. » Il suffit de ces mots. Restons ce que nous sommes, » Ce qu'ont voulu pour nous les hommes: » En nous fixant aux lieux où nous sommes placés, » C'est nous faire à tous deux un destin qui leur serve. » Ne nous disputons pas, voisine, c'est assez; » Des célestes fureurs dont ils sont menacés, » Vous les avertissez ; moi, je les en préserve. » DERBIGNY Prrrpet 1" "x ré pig ar n en D 'IPTA 2: Vu sauslébatléabeia "ie soves sultys, fisior eugÿ a | NSP LE leve 2: asnéséialinnnos tysqmor 4o-iulaD + pet D tie, de Que on rssrdedb méestaidra 11h dint.sôre éco [EANE l'as à Bjr sara Do bmhozt té rnümt Dao à ,ofisio® à 4e 'H ins frusbhgeilésgstziornbdag À 4 ; cu den at Four nt Aineslhédemienss sy Cd: ES et Et aurtnt fout Bflitébebifodmentant « MN, à à de Les caprhres die vormagillintatitateiniiains D Re Le bi imite bp trbentitqutog 2 prit CS je Up Cain LE importe aybitihéripebongsénge F PA Le OT ve bérenÉtt 2391 pois ne ms üidhnl cioneuot x D FA vè ed barbares sir Danecnétih di ohne fl : o Qukhp visas à Javbiet abiasigni puraquibite fisriaë 99 a : ‘ 2» 6: av: de, pré rausinebaténinne 02 #0 4 ne ht me dy pootits nysuplibosé siveet aa omet | aq bivel & 1 Ê " " Aumu, py oréopitontrahiéfthl sesrafnosdémiiocr 100 #, EUR nacelle ul ul Tanneur « hu phobuny d'enbébaèdbtianeate emäldond sl neo D we | v À lanalenméthesh apachiberoguretilite, dors « Ÿ : L'or re Cros peboquet, éibrol ago meraleétamon nt à | it PÉTARAE nn Vipcetinnisntomraiatriontemient à 0 78 otémoz sommes tenalalugoinans pb iii (1 « Ù ë rad elende woÿiéuov too'up #9 HR È eds ion do dusiboun fier À CURE EE ; 'ppartie A otols aucétast srods paf, Mon 148") « TE h Pat * Hsinnovm sad et robe tmendgulelbs 280 a ; QE D a P pti 2 0 PR ei D Ah AU daietneaain . \ \r € e Cri À nn Aa =. i NE ioté M à ®} bhsé CIRE Q1# L GI4 sé né k ab bn 9 fer ‘ % (mt , RER. 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RER mm | mm mm : 168,63 | 766,08 | 765,37 1502 302 65,4% | 66,30 67,57 416,3 5,2 69,46 68,27 67,18 16,8 5,9 65,32 63,24 62,48 15,4 9,0 60,18 57,74 57,53 14,9 6,6 56,64 55,39 55,74 45,6 4,0 55,54 53,54 53,03 17,4 6,1 52,86 52,25 54,30 16,2 5,6 55,07 55,30 57,38 15,9 3,0 58,85 57,98 57,68 16,3 4,2 55,74 53,45 52,70 18,4 5,5 53,26 53,22 53,87 19,9 8,4 54,73 54,70 54,72 29,4 11,2 54,25 53,66 34,77 21,8 12,3 56,54 56,34 » 24,4 11,8 » » » » » » » » 23,4 13,6 62,03 60,86 62,25 25,0 13,0 » 59,44 56,92 24,2 15,4 54,98 54,83 55,42 23,8 1%,0 » 56,76 54,82 22,1 14,8 82,87 52,56 57,40 23,9 15,9 57,29 | 656,45 | 59,9% | 20,0 11,3 57,36 | 50,88 | 49,76 | 16,5 11,0 55,10 | :59,44 | 61,65 | 15,7 9,4 60,85 57,26 55,22 AUS 7,4 49,88 50,86 54,09 12,0 10,2 54,67 55,82 56,45 12,6 5,0 60,08 62,42 62,95 13,3 5,3 62,52 64,60 59,52 414,4 6,8 do LA A PE SR MOYENNES | du 4er au 40! 760,84 | 759,64 | 759,89 | 45099 5028 du {4 au 20| 55,93 55,77 55,76 | 22,54 14,69 du 24 au 30| 56,73 56,37 57,18 | 46,78 9,74 Moy. générale. | 757,82 | 157,25 | 157,61 | 48,44 8,89 Température moyenne du mois.. 1397. Pluie dans le mois... 94mm 350 MAI 1851. JOURS * BAROMÈTRE A 0°. | TEMPÉRATURE. EE Re. 7 h. du m. | 2h. dus. | 9 h. dus. | Maxima. | Minima. CERN ES CEE SEE Dm MERE NEED NC mm mm mm DU MOS. 1 764,02 | 764,38 | 774,74 | 41504 805 2 57,98 | 56,33 | 60,41 43,7 78 3 62,04 64,4% | 60,42 | 15,4 8,4 k 54,04 |‘ 852,77 |: 56,40 15,9 8,3 5 59,02 | 59,60 | 60,60 | 44,1 6,8 6 60,63 60,73 | 64,97 | 44,4 5,6 7 62,59 | 62,14 | 62,22 | 45,4 4,8 8 60,05 | 57,13 | 56,79 | 46,8 5,1 9 54,54 52,38 | 34,97 | 20,1 8,4 10 54,38 » | 53,30 | 49,0 10,1 44 52,30 | 53,40 | 55,16 | 18,9 10,8 12 58,87 | 64,55 | 63,70 | 46,8 10,5 13 63,62 | 64,97 | 65,47 | 11,4 10,8 14 65,82 | 64,92 | 64,53 | 43,3 7,9 15 63,56 | 63,52 | 65,14 | 17,0 9,0 16 64,87 | 64,27 | 65,07 18,2 10,3 17 64,87 |" 63,63 |"°65,32 | 18,4 7,8 18 65,27 | 65,17 |: 65,67 | 20,0 8,0 19 66,16 | 66,49 | 67,89 | 48,3 13,0 20 | 69,94 70,04 | "74,97 18,6 10,8 21 74,40 | 70,31 69,56 21,0 9,8 22 68,34 | 66,96 | 66,35 | 23,7 414,8 23 66,35 | 64,56 | 64,53 | 24,9 12,8 24 65,45 | 64,80 | 65,64 |. 26,9 14,8 25 66,40 | 64,70 | 63,30 24,6 13,4 26 62,10 | 60,25 | 60,07 | 23,7 12,5 27 59,82 | 60,42 | 62,30 | 49,2 14,0 28 63,25 63,85 | 65,30 19,5 12,0 29 67,34 | 66,96 | 67,80 |! 24,7 10,0 30 68,64 | 67.09 | 66,87 | 23,3 | 407 31 66,16 | 65,43 | 64,40 | 24,8 43,5 MOYENNES | | du 4er au 40! 758,62 | 758,21 | 758,58 | 16°02 7038 | du 44 au 20| 63,46 | 63,80 | 64,92 | 147,66 9,89 | du 24 au 31! 65,96 | 65,00 | 65,10 | 23,03 | 42,03 | Moy. générale.| 762,68 | 762,34 | 762,86 | 48,90 | 9,77 | Température moyenne du mois.. 1493. Pluie dans le mois... 49mm, | 301 JUIN 1951. JOURS BAROMÈTRE A 0e. TEMPÉRATURE. —— done. aum VAR dus. | 9 h. dus. | Maxima. Minima. 1 764,25 163,02 764,73 26°3 Ai 2 62,23 61,49 61,49 28,6 45,1 3 60,59 58,21 58,05 28,6 14,7 k 58,97 60,31 61,51 23,9 15,6 5 61,717 64,61 63,35 29,9 14,5 6 64,98 64,35 66,39 23,5 12,3 7 68,69 69,08 70,03 23,0 14,9 8 70,60 70,52 70,67 22,4 M4,7 9 69,56 67,53 65,52 24,5 45, 8 10 62,88 64,9% 62,88 24,8 16,0 A1 64,02 64,04 63,65 22 13,0 12 61,65 59,27 64,21 30,1 42,9 5 64,55 |! 66,50 67,38 23,3 47,6 1% 67,54 67,20 68,28 2002 14,5 45 68,95 67,89 68,56 23,2 12,0 16 69,53 69,84 70,51 23,9 12,5 17 74,82 12,49 13,44 23,8 16,6 18 72,90 12,29 74,6% 23,6 12,9 49 70,44 67.09 65,42 27,9 44,0 20 63,53 61,81 61,22 342 24,2 21 61,96 60,44 60,37 30,1 20,0 22 60,56 61,73 65,27 24,9 18,2 23 67,85 68,44 69,16 24,4 13,5 24 69 34 68,66 69,01 23,0 42,7 25 69,11 67,09 65,99 26,3 13,4 26 64,6% : 62,97 62,46 29,4 17,0 27 62,43 ; 59,98 60,46 31,8 47,5 28 60,77 59,03 59,38 33,1 19,2 29 60,46 60,20 60,74 33,0 19,3 30 62,28 62,53 64,45 30,4 19,4 MOYENNES x | 1 du 4er au 40! 764,45 763,81 164,19 24018 14°50 du 44 au 20 67,46 67,84 67,140 25,24 44,72 du 21 au 30 63,87 - 63,44 63,73 28,04 17,02 Moy. générale.| 765,26 164,92 765,01 26, 82. 45,41 || Température moyenne du mois... 2006, Pluie dans le mois... 1Qmm re el Ps | saone | See , 5 d # rm à L « ou mn = sert ë HE LA STE EE # Je 2 2 + 588 sé Fi Hit a ë RE à me. chant | +ague h i ob,ÿo0 tea RE | rhéag 2 7 /, à 772 7 RO TONER RCE M Echatte di rlurs 4 LR de Echelle ces cuuyrés Ce TPE TE Coupe Ji BC. iles Le Jeu Nate. ee re. é s —— Se K wuù = 3 Coupe sur HI x 7 Coupe sur AZ PQ CA TKKK S € ; ” LÀ loupe déne Lust NON à ré LS 1e dus ile N 7 2 | dem: gran dust - \ NN DU BOUDDHISME ET DE SON ACTION CIVILISATRICE EN ORIENT: Par M. DUBOUL ( Zust-Alhert ). Notre intention ne saurait être, on le comprend bien, d'exposer complétement en quelques pages les dogmes et les pratiques d'une des plus grandes reli- gions qui aient paru et qui existent aujourd'hui dans le monde. L'histoire du Bouddhisme est encore à faire ; mais chaque jour de patients explorateurs en prépa- rent les immenses matériaux. Notre but, dans cette rapide étude, est surtout de donner en peu de mots une idée de la doctrine dont Bouddha a été le fonda- teur, et de résumer succinctement les recherches dont elle a été l'objet dans quelques travaux contemporains. Quant à l'appréciation des faits acquis, nous la ferons aussi complète que possible, en nous plaçant, bien en- tendu, au point de vue de nos opinions, de nos con- victions personnelles. À notre avis, les restrictions et les formules hypocrites portent ane égale atteinte à la dignité de l'écrivain et à la dignité de l'histoire. Nous devons à nos lecteurs tout ce que nous savons, ou du moins tout ce que nous croyons savoir de vérités. 23 394 Les livres et la prédication du Bouddhisme. Bouddha, dont les prédications firent une révolu- tion immense dans une grande partie de l'Asie, vivait, selon M. Abel Rémusat, mille ans environ avant Jé6- sus-Christ. M. E. Burnouf donne les détails suivants sur les li- vres sacrés du Bouddhisme, et sur le caractère qui distingue l’enseignement de son fondateur : « Lorsque vers le cinquième siècle de notre ère, — dit-il, — les brähmanes reconquirent dans l'Inde l’as- cendant que leur disputaient les bouddhistes, depuis près de dix siècles, une violente persécution força ces derniers de se retirer au Nord, dans le Népäl et dans le Thibet. Cachés dans les vallées de l'Himmälaya, ils y gardèrent le dépôt de leurs livres sacrés, qui de là furent portés chez les tribus de l'Asie centrale, et y propagèrent leur croyance. Au zèle du prosélytisme qui répandait les livres, s'associa le respect du passé, qui les conservait sans altération; et quand ces livres parurent en Europe, on vit avec étonnement ceux que nous apportaient les Mongols et les Chinois parler le même langage que ceux qu'on venait d'exhumer des monastères du Népäl. Ces grands voyages à travers l'Asie, ce séjour prolongé chez tant de peuples et de tribus diverses, n'avaient rien changé au fonds ni à la forme de la doctrine : dogme, métaphysique, morale 309 et discipline, tout était resté parfaitement indien. Un fait unique avait eu lieu : une littérature tout entière avait été traduite en plus de six langues différentes ‘. » « Cette littérature, — ajoute M. Burnouf, — est aujourd'hui entre nos mains, et nous pouvons l’étu- dier sous ses traits primitifs et dans sa langue origi- nale. Les ouvrages qui y occupent la première place sont les discours et les enseignements de Boudéha. Rédigés, en général, dans un langage très-simple, ces traités portent la trace visible de leur origine. Ce sont des dialogues relatifs à la morale et à la métaphysique, où le Bouddha remplit le rôle de maître. Loin de pré- senter sa pensée sous cette forme concise, familière à l'enseignement brâähmanique, il la développe avec des répétitions et une diffusion, fatigantes sans doute, mais qui donnent à son enseignement le caractère d'une véritable prédication. Il y a un abîme entre cette mé- thode et celle des brâhmanes, Au lieu d'un enseigne- ment mystérieux, confié presque en secret à un petit nombre d'adeptes ; au lieu de ces formules dont l'obs- curité étudiée semble aussi bien faite pour décourager la pénétration du disciple que pour l'exercer, les dis- cours de Bouddha nous montrent autour de lui un nombreux auditoire, et, dans son langage, ce besoin de se faire comprendre, qui a des paroles pour toutes les intelligences, et qui, par ses perpétuelles répéti- tions, ne laisse aucune excuse aux esprits les moins attentifs, aux mémoires les plus rebelles. Cette diffé- ! E. Burnouf. Considérations sur l'Origine du Bouddhisme. 306 rence profonde est dans l'essence même du Bouddhis- me, doctrine dont le prosélytisme est le trait distinc- tif; mais le prosélytisme lui-même n’est qu'un effet de ce sentiment de bienveillance et de charité univer- selle qui anime le Bouddha, et qui est à la fois la cause et le but de la mission qu'il se donne sur la terre ‘. » Trois faits nous frappent ici et sont dignes de toute notre attention : le respect dont les livres sacrés du Bouddhisme ont été l'objet, respect qui les a préser- vés de toute altération; l’ardeur de prosélytisme qui distingue cette doctrine et qui se révèle dans la forme essentiellement populaire de son enseignement ; enfin, les persécutions qui la poursuivent dès sa naissance et s'efforcent de l'étoulfer à tout prix. Nous venons de voir les livres bouddhistes traduits en plusieurs langues; après avoir voyagé au travers d'une foule de peuplades plus ou moins barbares, ils sont retrouvés intacts, respectés, tels qu'ils étaient sortis en un mot des mains de leurs auteurs. M. E. Burnouf a raison de dire que ce fait est unique dans l'histoire. Les livres sacrés de plusieurs autres religions, ceux du Christianisme, par exemple, n'ont pas joui de ce singulier privilège. Au troisième siècle de notre ère, Celse s'attaque vivement aux Évangiles et leur repro- che de nombreuses contradictions. Que lui répond le savant Origène, qui défend la doctrine de Jésus? Nie- til ces contradictions sur lesquelles Celse appuie sa ? E. Burnouf, dans le travail déjà cité. 357 controverse? Non; il ne songe pas même à le faire; seulement, il s'efforce de les expliquer en les attri- buant aux vicissitudes subies par les livres saints, à ceux qui ont mêlé de fausses doctrines aux divins en- seignements de Jésus. Au quatrième siècle, saint Jé- rôme est obligé d'avouer que les divers évangiles en circulation sont remplis de changements, d’altérations, d’additions sans nombre; il tance à ce sujet la malice ou l'ignorance des copistes et des traducteurs. Il pa- raîit même que certains chrétiens avaient réuni tous les évangiles en un seul, tandis que d’autres écrivaient sur les exemplaires leur appartenant tout ce dont leur opinion persunnelle et leur esprit de parti pouvaient se prévaloir. Enfin, au commencement du sixième siècle, un empereur grec, Anastase, est obligé de faire réviser et corriger sévèrement ces évangiles, qui avaient été déjà, qui devaient être encore révisés et corrigés tant de fois. Il paraît, d’ailleurs, qu'ils avaient grand besoin d’être revus et amendés lorsque l'empereur Anastase chargea quelques savants de cette tâche si délicate; car, dit l'évêque saint Victor, dans l'état où ils étaient alors, ils semblaient avoir été composés et rédigés par des évangélistes idiots. Le mot est dur; mais c'est un saint évêque qui parle ainsi. Après ce profond respect que les livres bouddhistes ont inspiré et qui les a préservés de toute altération, il est une chose qui frappe : c'est la rapidité avec la- quelle les doctrines qu'ils enseignent se sont répan- dues, ont rayonné à des distances infinies, attirant à 358 elles les intelligences les plus rebelles, les esprits les plus étroits et les moins cultivés. Toutefois, en y re- gardant de près, on s'explique ce rayonnement sym- pathique, cette attraction toute puissante qu'exercè- rent sur les masses, et dès leur apparition, les dogines religieux, les préceptes moraux de Bouddha. En effet, comme le législateur des chrétiens, Boud- dha sait faire descendre les vérités les plus hautes au niveau des plus humbles intelligences. Il appelle à lui les pauvres, les esclaves, les opprimés de ce monde, toutes les existences déclassées que la société officielle rejetait impitoyablement de son sein ; et lorsqu'on s’é- tonne de le voir s'arrêter au milieu des souffrances et des misères auxquelles la caste privilégiée des bräh- manes refusait tout moyen de salut, il répond par ces admirables paroles : Ma loi est une loi de grâce pour tous. Puis, avec une infatigable sollicitude, il se met à instruire le peuple, à l'éclairer par des dis- cours où éclate cette onctueuse simplicité de lan-— gage, qui est comme la marque des cœurs aimants. — Nous verrons tout à l'heure qu'il était impossi- ble qu'une pareille doctrine, prêchée avec une in- comparable effusion de charité, ne fit pas les pro- grès les plus rapides. Nous trouvons dans un livre religieux des boud- dhistes, découvert au Népäl, et intitulé : Le Lotus blanc-de la bonne loi, un très-curieux fragment, qui, sous une forme pittoresque, donne une idée de l’en- seignement de Bouddha. — C'est le maître lui-même qui parle ou qu’on fait parler dans les lignes que nous 399 allons transcrire, en nous servant de la traduction de M. Eugène Burnouf : « Moi qui suis le roi de la loi, moi qui suis né dans le monde et qui dompte l'existence, j'expose la loi aux créatures, après avoir reconnu leurs inclinations. » Je proportionne mon langage au sujet et aux for- ces de chacun; et je redresse une doctrine par une explication contraire. » C'est comme si un nuage, s’élevant au-dessus de l'univers, le couvrait dans sa totalité, en cachant toute la terre. » Rempli d’eau, entouré d'une guirlande d'éclairs, ce grand nuage, qui retentit du bruit de la foudre, répand la joie chez toutes les créatures. » Arrêtant les rayons du soleil, rafraîchissant la sphère du monde, descendant assez près de terre pour qu'on le touche de la main, il laisse tomber ses eaux de toutes parts. » C'est ainsi que, répandant d’une manière uniforme une masse immense d’eau, et resplendissant des éclairs qui s’échappent de ses flancs, il réjouit la terre. » Et les plantes médicinales qui ont poussé à la sur- face de cette terre, les herbes, les buissons, les rois des forêts, les arbres et les grands arbres; » Les diverses semences et tout ce qui forme la verdure; tous les végétaux qui se trouvent dans les montagnes, dans les cavernes et dans les bosquets; » Les herbes, en un mot, les buissons et les arbres, ce nuage les remplit de joie; il répand la joie sur la terre altérée, et il humecte les herbes médicinales. 360 » Or, cetie eau tout homogène qu'a répandue Île nuage, les herbes et les buissons la pompent chacun selon sa force et selon son objet. » Et les diverses espèces d'arbres, ainsi que les grands arbres, les petits et les moyens, tous boivent cette eau, chacun selon son âge et sa force; ils la boi- vent et croissent chacun selon le besoin qu'il en a. » Pompant l’eau du néage par leur tronc, par leur tige, par leur écorce, par leurs branches, par leurs rameaux, par leurs feuilles, les grandes plantes mé- dicinales poussent des fleurs et des fruits. » Chacune selon sa force, suivant sa destination , et conformément à la nature du germe d'où elle sort, produit un fruit distinct; et cependant c'est une eau homogène que celle qui est tombée du nuage. » De même le Bouddha vient âu monde, semblable au nuage qui couvre l'univers; et à peine le chef du monde est-il né, qu’il parle et qu'il enseigne aux créa- tures la véritable doctrine. » Je suis l'être sans supérieur, qui est nê ici, dans le moude, pour le sauver. » C’est avec une seule et même voix que j'expose la loi... ; car cette loi est uniforme; l'inégalité n'y trou- ve pas place, non plus que l'affection ou la haine. » Convertissez-vous; jamais il n’y a en moi ni pré- férence, ni aversion pour qui que ce soit; c'est la même loi que j'expose pour les êtres, la même pour l'un comme pour l'autre. » Exclusivement occupé de cette œuvre, j'expose la loi; soit que je marche, que je reste debout, que 361 je sois couché sur mon lit ou assis sur un siége, ja- mais je n'éprouve de fatigue. » Je remplis de joie tout l'univers, semblable à un nuage qui verse partout une eau homogène, toujours également bien disposé pour les hommes ressectables comme pour les hommes les plus bas, pour les hom- mes vertueux comme pour les méchants; » Pour les hommes perdus comme pour ceux qui ont une conduite régulière; pour ceux qui suivent des doctrines hétérodoxes et de fausses opinions, com- me pour ceux dont les opinions et les doctrines sont saines et parfaites. » Eufin, j'expose la loi aux petits comme aux in- telligences supérieures, et à ceux dont les organes ont une puissance surnaturelle; inaccessible à la fatigue, je répands partout d'une manière convenable la pluie de la loi ‘. » On le voit, la doctrine qu'enseignait Bouddha, la loi nouvelle qu'il préchait au monde, s’adressaient à tous les hommes indistinctement; aux méchants pour les convertir, pour les rendre bons; aux bons pour les rendre meilleurs. Il ne repoussail , il ne rejetait personne; il avait des paroles de miséricorde et de consolation pour tous. Il compare lui-même son ensei- gnement à un immense nuage dont la pluie bienfai- sante se répand en tout lieu. Ce n'est pas seulement le chêne géant dont les vastes rameaux sont vivifiés et rafraîchis par la céleste ondée; l'imperceptible brin ! Extrait du Lotus blanc de la bonne loi, traduction de M. E. Burnouf. 362 d'herbe qui s'élève à peine au-dessus du sol, le germe invisible qui se développe mystérieusement dans les flancs de la terre, reçoivent aussi leur goutte d’eac. Ce fragment des prédications de Bouddha nous mon- tre encore avec quel soin, quelle sollicitude vraiment paternelle le réformateur indien s'efforce de faire com- prendre sa doctrine, — cette doctrine de grâce et de salut qui s'adresse à tous Aucun détail ne lui semble inutile, aucune répétition ne lui coûte. Parmi ceux qui se pressent autour de lui, il y a, sans doute, des intelligences heureusement douées, des esprits péné- trants auxquels il suffit de montrer la vérité pour qu'ils la saisissent. Mais, il y a aussi, et en bien plus grand nombre, des êtres dont l'ignorance est profonde; pour ces derniers, il faut être diffus et prodiguer les expli- cations, les commentaires, les développements. Ce n'est pas du premier coup que la vérité pénètre leurs âmes; pour qu'ils saisissent un rayon au passage, il est nécessaire que des flots de lumière leur arrivent de toutes parts. Bouddha s’entourait de parias, de malheureux, que le régime des castes retenait fatalement sous le joug de l’oppression la plus abrutissante. Loin de s'adresser de préférence aux grands de la terre, qui l’eussent impitoyablement repoussé, c'est aux petits, c'est aux souffrants, à ceux qui avaient quelque chose à deman- der, qu'il annonçait surtout sa doctrine. Le but qu'il poursuivait était évident : c'était la diffusion de la lu- mière morale jusque dans ces profondeurs de la so— ciété, où l’on rencontre tant de créatures humaines 363 qui vivent comme des animaux, sans avoir la cons- cience bien rette de leurs droits et de leurs devoirs; sans apercevoir autour d'elles d'autre horizon que ce- lui d'une étroite et desséchante réalité. La conséquence logique de ce grand précepte de charité, de fraternité universelle, prêché dans l'Inde par Bouddha, près de mille ans avant d'avoir été prêché dans la Judée par Jésus, c'était l'accession progressive des classes les plus nombreuses et les plus déshéritées, à cette vie de l'âme, à cette existence intellectuelle qui jette seule- inent sur elles, de temps à autre, quelques rares et fugitives lueurs. Bouddha forçait donc les portes de ces impénétrables sancluaires où une caste jalouse entassait toutes sortes de voiles et de nuages autour de quelques pures et consolantes vérités. Il voulait que ces vérités fussent le patrimoine de tous, et non plus sculement un pri- vilége accordé à quelques-uns; qu'au lieu de les étouf- fer ou de les endormir sous la pression d’un brutal despotisme, on cherchät à les développer, à les faire épanouir dans tous les cœurs, où elles ont de secrè- tes, mais indestructibles racines. L'égoïsme, l'igno- rance et la misère avaient immobilisé, pétrifié les mas- ses; le dogme de la charité universelle était la verge magique qui devait, en les frappant, en faire jaillir de limpides eaux. Pour arriver au souverain bien et au suprême bon- heur; pour s'affranchir de la loi de la transmigralion , c'est-à-dire pour qu'au sortir de ce monde l'âme fût im- médiatement réunie au grand Être, sans passer par les épreuves d’une nouvelle série d'existences, il fallait, 364 — suivant Bouddha, — pratiquer sans relâche ce qu'il appelait les six perfections transcendantes ; en d’autres termes : l'aumône, la morale, la science, l'énergie, la palience el la charité. Le Christ voulait que la main droite ignorât ce que donne la main gauche; Bouddha recommandait de ca- cher soigneusement ses bonnes œuvres; de se défendre contre l'orgueil ; d'éviter en toutes choses le faste et l'os- tentation. Nous venons de voir qu'il compare sa doctrine à l’eau qui s'insinue sans bruit jusque dans le sein de la terre, où elle trouve toujours- quelque racine à ra- fraîchir, quelque germe à féconder. De même, la cha- rité doit s'exercer loin des regards. En se répandant avec bruit, en plein air et au grand jour, elle perd le mystère qui fait son principal charme; elle ressem- ble alors à ces essences exquises dont le parfum s’éva- pore lorsqu'on Jes fait passer, sans précaution, d'un vase dans un autre. k On a beaucoup reproché à la doctrine de Bouddha de conduire directement au panthéisme. Cette réunion immédiate de l’âme humaine à l'âme du grand Être, état que poursuivent par tant de sublimes efforts et de pratiques puériles les disciples du réformateur indien, n'est pas autre chose, en effet, que le panthéisme tel que le concoivent et le définissent de nos jours les philosophes du clergé catholique. Aussi, le Boud- dhisme a-t-il été énergiquement et surtout violemment attaqué par quelques-uns de nos théologiens modernes ; par ceux, entre autres, qui ont pris à tâche de con- tester à l'esprit humain toute initiative, tout mouve- ment, tout progrès antérieurement à Jésus. On sait 369 qu’un des travers de cette fougueuse école néo-ultra- mogtaine est de voir le panthéisme partout, et d’en poursuivre jusqu’à l'ombre par des arguments dont la logique et la charité chrétienne ne constituent pas le principal mérite. Le Bouddhisme , qui paraît avoir réellement pour dernier mot le panthéisme, s'offrait donc naturellement à l'ardeur agressive de la théologie contemporaine. Il est inutile de dire qu'elle ne l’a pas épargné et qu'elle lui a porté les plus rudes coups. Pourtant, en cédant moins aveuglément à lesprit de parti; avec un peu plus de calme, d’études et de boune foi, on se serait épargné sur ce point bien des déclamations et des injustices. Sans doute, Bouddha proclame que la réunion de l'âme humaine à l'âme de Dieu est le but que doivent se proposer et poursuivre tous les hommes; il la promet comme la suprême ré- compense de ceux qui auront suivi les prescriptions de sa doctrine Mais voyez bien quelles conditions il y met : Avant que nous soyons absorbés dans le sein de l’esprit créaieur, il faut que nous ayons été parfaits sous le rapport de l'aumône, de la morale, de la science, de l'énergie, de la patience, enfin, de la charité. Or, celte perfection n'est-elle pas au-dessus de notre na- ture? Ne peut-on pas considérer dès lors la réunion au grand Être, promise par Bouddha, comme un état de félicité idéale vers lequel il pousse ses disciples, quoiqu'il sache bien qu'ils n'y atteindront jamais? La récompense exagérée, chimérique qu'il leur annonce, ne s'explique-t-elle pas d’ailleurs par la grandeur et la difficulté de la tâche qu'il impose à leur courage, à leur bonne volonté? IL. Diffusion de la doctrine de Bouddha; — son caractère distinctif. Si nous ne savons pas au juste quelle était la véri- table condition de Bouddha; si nous ne pouvons pas dire en quel siècle il est né; s’il nous est aussi impos- sible de débrouiller les nombreuses légendes dont il est le héros que de voir parfaitement clair dans les mysti- ques profondeurs de ses dogmes, la science a du moins acquis, touchant sa doctrine morale, des données aussi positives que fécondes. Nous savons que plusieurs siè- cles avant le Christianisme il a prêché l'égalité, la fra- ternité, la charité, dans ses plus ardentes effusions; qu'il a brisé les barrières des castes ; que son enseigne- mentS’adressait aux masses, et revêlait, pour leur être plus sympathique, un caractère plein d'onction, d'ad- mirable simplicité. Nous savons enfin que ia doctrine de Bouddha ne tarda pas à devenir populaire, et nous allons voir bientôt qu'elle a été un des plus énergiques éléments de civilisation dont l'histoire ait enregistré les conquêtes. C'est là le côté vraiment important d'une religion quelconque. Plaçcons-nous en face de toute doctrine phi- Josophique ou religieuse, et demandons-lui ce qu’elle a fait pour les hommes au milieu desquels on l’a en- seignée. Les a-t-elle éclairés? les a-t-elle rendu meil- leurs? s’est-elle adressée à tous ou à quelques-uns seu- lement? sous son influence, la société a-t-elle fait 367 quelque pas décisif dans cette grande voie du progrès, où tant d'obstacles, de préjugés et de ténèbres s'oppo- sent à sa marche? Voilà ce qu'il importe de savoir, et voilà ce que nous avons le droit de demander au Bouddhisme. Quant aux subtilités de la théologie et de la métaphysique, nous ne croyons pas qu'elles soient de nature à élucider une question d'histoire aussi capitale que celle dont nous nous occupons ici. Nous venons de considérer : Le caractère de la littérature que le Bouddhisme a inspirée ; Le respect dont ses livres sacrés ont été constam- ment l'objet; respect qui, nous avons dû insister sur ce point, les a préservés de toute altération , au milieu des vissicitudes qu'ils ont essuyées en tant de lieux ; Enfin, l’ardeur de prosélytisme qui distingue cette doctrine, et se révèle, ainsi que nous l'avons montré en citant un curieux fragment d'un livre bouddhiste, dans la forme essentiellement populaire et sympathi- que de son enseignement. Maintenant, nous abordons d'autres questions qui sont de la plus haute importance, et sur lesquelles nous croyons devoir nous arrêter avec soin. Quelle a été la diffusion du Bouddhisme? Dans quelles contrées s'est-il surtout fixé? Quelles sont les causes qui peuvent avoir favorisé son développement? Quels sont les obstacles qu'on lui a opposés, et quelle a été enfin son influence sur la marche de la civilisa- tion en Orient? Chacun de ces points est digne d'un sérieux examen. 368 Dans sa Notice sur un voyage dans la Tartarie, dans l'Afghanistan et dans l'Inde, exécuté à la fin du qua- trième siècle de notre ère, par plusieurs Samanéens de la Chine, M. Abel Résumat s'exprime ainsi : « L'histoire atteste qu'on n'a guère reculé dns la carrière du perfectionnement religieux. Le Samanéis- me, ou la religion de Bouddha, offre une preuve de cette vérité. Les nations qui l'ont embrassée n'avaient rien de mieux à faire. Cette doctrine a policé les no- mades du Nord, donné une littérature aux pâtres du Thibet; exercé, aiguisé l'esprit scolastique et pointil- leux des Indiens et des Chinoïs Il y a des pays d'Asie qui lui doivent toute leur culture intellectuelie, depuis l'alphabet jusqu'à la métaphysique. Aussi son histoire, qu'on recherche maintenant avec beaucoup de curio- sité, est-elle en même temps celle de la marche de l'esprit humain dans de vastes régions où l'on n'aurait jamais senti le besoin d’avoir des lettres, si l’on n'a- vail eu à transcrire du sanscrit ou du chinois, d’in- nombrables volumes de théologie, et plus de fables et de légendes que jamais Rome, la Grèce et l'Égypte n’en purent enfanter..….…. » S'il est intéressant d'étudier les fastes de cette re- ligion célèbre, à cause de l'influence qu’elle a exercée sur l’état social en Asie, il n'est pas moins utile de marquer son itinéraire, et, s'il est permis de parler ainsi, d'en tracer le tableau géographique. Il est né dans le nord de l'Inde il y a deux miile huit cents ans; de là, il s'est répandu dans toutes les directions, a été successivement adopté dans la Perse orientale, dans la 309 Tartarie, à Ceylan, à la Chine, au Thibet, chez ies Mongols. Plusieurs nations l'ont reçu chez elles par l'entremise de zélés missionnaires, qui (raversaient Îles déserts dans la vue de répandre au loin leurs croyan- ces. D'autres l’ont envoyé chercher par de pieux pèle- rins, en des contrées où on le savait depuis longtemps en honneur. Si l’on avait des relations de ces divers voyages, on posséderait d'utiles renseignements sur de vastes pays très-peu connus; on apprendrait des noms de villes et de peuplades; on saurait quelque chose de la division politique des États de la Haute- Asie à des époques anciennes, et de leur situation so- ciale. On se formerait enfin une juste idée des rapports qui liaient les uns aux autres des peuples éloignés; et ce dernier point surtout a de l’importance; car on est chez nous enclin à supposer que les nations que nous ne connaissons pas ne se connaissaient pas entre elles, qu’eiles ont tout ignoré durant le long espace de temps où nous avons nous -mêmes ignoré leur existence. Nous n'apprenons jamais sans étonnement que des Orientaux aient pu nous précéder en quelque chose, et qu'ils aient, par exemple, su faire le tour de l'Asie longtemps avant que nous eussions doublé le cap de Bonne-Espérance. » Voici, d'après M. J.-J. Ampère, l'iinéraire suivi par la propagande bouddbiste. Nous nous servons ici des propres expressions de cet écrivain : « Le Bouddhisme est né dans le centre de l'Inde, dans la province appelée autrefois Magadah, mainte- nant Béhar. Persécuté par les brâähmanes, il se réfu- 24 370 gia à Ceylan, qui devint son sanctuaire. (Sixième siè- cle avant J.-C.) » Il a passé de Ceylan (en 553) dans l'Inde ulté- rieure, chez les Birmans, dans le Pégu, à Siam, en même temps qu’il pénétrait aussi à Java. « Ainsi, la religion persécutée allait s'étendant au sud et à lorient de son berceau; elle ne tarda pas à se répandre dans un pays immense où elle est devenue la foi du plus grand nombre, en Chine. Près de qua- tre siècles avant J.-C. quelques livres bouddhistes y avaient pénétré, el avaient été traduits en chinois. Mais ce ne fut qu'à la fin du cinquième siècle de no- tre ère, que le vingt-huitième patriarche bouddhiste, Bodhi-Dharma, transporta de l'Inde avec lui le centre de la religion dont il était le chef dans l'empire du milieu. Cette époque coïncide avec la grande persécu- tion da Bouddhisme dans l'Inde. » Le Bouddhisme s'empara de presque toute la Haute-Asie. Il s'étendit à l’est, sur la Chine; au nord, sur le Thibet, et à l’ouest, sur la Perse; enfin, chez les diverses nations tartares ‘. » Les rapides progrès du Bouddhisme dans l'Inde et dans la Chine s'expliquent aisément. Pour le premier de ces deux grands pays, il était une doctrine de salut et de régénération complète; il apportait au second une morale dont les rapports avec celle de Confucius sont quelquefois frappants. Il se présentait donc aux Chinois comme une continuation, comme un dévelop- J.-J, Ampère. De la Chine et des travau d'Abel Rémusat. 371 pement de la doctrine enseignée par le plus célèbre de leurs philosophes. Il faut bien se pénétrer de la constitution sociale des Indiens. Il n’est pas de pays où les inégalités soient plus choquantes, plus scandaleases; où quelques hom- mes, investis d'odieux priviléges, se soient plus ef- frontément arrogé le droit d'exploiter les masses, de les tenir systématiquement plongées dans la misère et dans l’abjection. Tout ce que l’on peut imaginer de douleurs et d’iniquités se rencontre dans l’histoire, fort peu connue du reste, de ces populations innombra- bles, sur lesquelles la théocratie a fait peser de si bonne beure son joug de fer. On y aperçoit une caste de prêtres, avide de richesses et d’honneurs, insatia- ble dans son ambition et dans son appétit des biens terrestres, qui considère le peuple comme un trou- peau dont elle absorbe impunément toute la substance, et dont elle se réserve l'éternelle propriété. Rien de plus incontestable que ce fait; il est écrit à chaque page dans les ouvrages historiques, philoso- phiques et religieux de linde. EL! est un livre célèbre, qu'on appelle les Lois de Manou ; c'est un code de lois révélées, s'appliquant à toutes les classes, à toutes les conditions sociales. Eh bien! voici ce qu'on y rencon- tre entre autres dispositions d'une révoltante immora- lité. Nous nous servons ici de la traduction de Loise- leur Deslongchamps. L'écrivain sacré nous raconte que le souverain Mai- tre créa d'abord de sa bouche les brd'manes ou prêtres; de son bras, les Æchatriyas ou guerriers; de sa cuisse, 372 les vaisyas ou commerçants; enfin, de son pied, les soudras où prolétaires. Il ajoute ceci : « Pour la conservation de cette création entière, l'Ëtre souverainement glorieux assigna des occupa- tions différentes à ceux qu'il avait produits de sa bou- che, de son bras, de sa cuisse et de son pied. » il donna en partage, aux brähmanes, l’étude et l’enseignement des védas, l'accomplissement du sa- crifice, la direction des sacrifices offerts par d’autres, le droit de donner et celui de recevoir. » Il imposa pour devoir au kchatrya, de protéger le peuple, d'exercer la charité, de sacrifier, de lire les livres sacrés, et de ne pas s’abandonner aux plaisirs des sens. » Soigner les bestiaux, Gonner l’aumône, sacrifier, éludier les livres saints, faire commerce, prêter à in- térêt, labourer la terre, sont les fonctions allouées au vaisya. » Mais le souverain Maître n’assigna au soudra qu'un seul office, celui de servir les classes précéden- tes, sans déprécier leur mérite. » Ainsi, la plus grande partie du peuple est condam- née, sans aucune espèce de compensation, à la servi- tude la plus abrutissante ct la plus complète. Il ne lui est pas permis de chercher à se rendre la divinité fa- vorable par les modestes sacrifices qu'elle pourrait lui offrir; d'étudier les livres saints; de faire le commer- ce; de soigner les bestiaux qui lui donneraient leur laine, leur lait et leur chair; de labourer, d’ensemen- cer le morceau de terre d'où elle pourrait tirer sa 313 nourriture de tous les jours. Non; et le législateur inspiré ne laisse aucun doute à cet égard : « Un soudra, — dit-il, — acheté ou non acheté, doit remplir des fonctions serviles; car il a été créé pour le service des brähmanes par l'Étre existant par lui-même. » Un soudra, bien qu’affranchi par son maître, n’est pas délivré de l’état de servitude; car, cet état lui étant naturel, qui pourrait l'en exempter? » Pour le brähmane ou prêtre, voici en quels termes en parle le législateur : « Par son origine, qu'il tire du membre le plus no- ble, parce qu'il est né le premier, parce qu'il possède les saintes écritures, le brâähmane est de droit le sei- gneur de toute cette création... L'intelligence gou- verne dans la personne du brâhmane..…. Tout ce que le monde renferme est en quelque sorte la propriété du brâähmane; par sa primogéniture et par sa naissance éminente, il a droit à tout ce qui existe... Un bräh- mane parvenu au terme des écritures sacrées est le roi de cet univers... Instruit ou ignorant, un brâh- mane est une puissante divinité... Le brähmane est le seigneur de toutes les classes. » Le législateur met ainsi le prêtre au-dessus de tout; mais comme il comprend que la puissance sacerdotale ne pourrait pas arriver à ses fins, c'est-à-dire à la do- mination absolue, sans le secours de la puissance mi- litaire, il demande formellement l’union des brâhma- nes et des guerriers : « Les brâhmanes, — dit-il, — sont déclarés la base, 374 et les kchatryas le sommet du système des lois .... Les kchatryas ne peuvent pas prospérer sans les brâähma- nes; les brâhmanes ne peuvent pas s'élever sans les kchatryas. En s'unissant, la classe sacerdotale et la classe militaire s'élèvent dans ce monde et dans l’au- tre. » Mais dans cette union entre les deux castes, si for- tement recommandée par les Lois de Manou, c’est, bien entendu, le prêtre qui a la suprématie et la haute- main. I! possède la société lout entière, depuis la base jusqu'au sommet, depuis le soudra, dont il a fait son esclave, jusqu'au roi, dont il fait l'instrument aveugle de ses volontés. La puissance militaire est compléte- ment à son service; il la domine et la dirige, tout comme l'Église catholique dominait et dirigeait au moyen âge le bras séculier. On se rappelle ces très- curieuses paroles du pape Boniface VIT : « L'Église est une; mais elle a deux glaives, l’un spirituel, l’autre temporel. Le premier est tenu par l'Église et par la main des prêtres; le second pour l'Église et par la main des rois, mais selon la volonté du pontife ‘. » Eh bien! ces idées, ces prétentions que plusieurs papes ont formulées avec une singulière hauteur de langage, étaient celles des brähmanes. Ceux-ci tenaient également compte de la puissance séculière, mais à la condition qu'elle fût partout et toujours à leur ser- vice. Il fallait qu’elle leur obéit aveuglément; qu'elle ! preuves du différend de Boniface VIII et de Philippe-le-Bel , p. 54. 375 frappât sans hésitation ceux qu’ils lui ordonneraient de frapper. Le guerrier tenait le glaive dans sa main; mais c'était le prêtre qui dirigeait la main et le bras, par conséquent le glaive: Tout subissait le pouvoir despotique exercé par la caste privilégiée; tout s'in- clinait avec effroi devant elle; et de peur qu'en exer- çant son intelligence le peuple ne finit par connaître, par revendiquer hautement ses droits, elle chercha à éteindre toute lumière sous le boisseau; elle condamna ce peuple à végéter dans l'abratissement de la misère et de l'ignorance, lui défendant même comme un crime la lecture des Védas ou livres sacrés. Le Brâähmanisme s’enveloppait donc de mystères et de ténèbres. Il enseignait ses dogmes non pas aux pauvres, aux souffrants, aux déshérités, mais bien aux heureux de ce monde; il ne voulait pas qu'un seul rayon de vérité brillät dans la sombre nuit de l'eselave; qu'une seule miette du pain de vie tombât dans la bouche des masses affamées. Par les formules d’une obscurité étudiée qu'il affectait d'employer, il avait rendu son symbole inaccessible à l'intelligence du peuple, dont il s’efforçait de comprimer tous les ressorts et d'étouffer tous les élans. Il se servait de la science non pas comme d'un instrument de civilisation et de progrès, mais comme d'un moyen à l'aide du- quel il pouvait consolider le despotisme de quelques privilégiés, en perpétuant l'esclavage du plus grand nombre. C'est dans cette société, dont le Brâähmanisme avait fait un véritable enfer pour le peuple, que Bouddha vint enseigner sa doctrine; s'adressant parliculière- 316 ment aux pauvres; instruisant avec une tendre sollici- tude l’esclave et le paria; mettant, à force d’onction, de charité et d'ingénieuses paraboles, son enseigne- ment à la portée de tous. Ainsi que nous l'avons dit au commencement de cette étude, il se plaça au sein de la foule; il lui parla un langage qu'elle devait faci- lement comprendre; il répandit à pleines mains sur elle tout ce qu'il put réunir de consolations et de vé- rités. Le Brâähmanisme enveloppait le sanctuaire d’im- pénétrables voiles. Bouddha, au contraire, déchirait ces voiles et ouvrait à deux battants la porte du sanc- luaire, afin que tout ce qu'il y avait de rayons se ré- pandit sur la foule des humbles, des souffrants et des affamés. Le Bouddhisme n'a pas seulement prêché; il à de plus réalisé l'égalité parmi les nations du Thibet, de l'A va et de Siam. Chez les Singhalais, — comme le re- marque M. E. Burnouf, — « il a aboli l'hérédité du sacerdoce, et le monopole des choses religieuses est sorti des mains d'une caste privilégiée. Le corps chargé d'enseigner la loi ne s'est plus recruté par la naissance ; il a été remplacé par une assemblée de religieux, voués au célibat, qui sortent indistinctement de toutes les classes, de tous les rangs de la société. Le religieux bouddhiste, enfin, tient tout de l'enseignement; il a remplacé le brâähmane, qui ne devait rien qu’à la nais- sance, et dont la caste égoïste, privilégiée, se réser- vait le monopole exclusif de la science et de la reli- gion ‘. » Considérations sur l'origine du Bouddhisme. 371 M. J.-J. Ampère n'est pas moins explicite dans les quelques pages de sa savante Notice sur M. Abel Ré- musat, consacrées au Bouddhisme : « Cetie religion, — dit-il, — a proclamé la première l'égalité des hommes devant Dieu. Née dans l'Inde, pays de caste et d'exclusion, elle a foulé aux pieds la distinction des castes, elle a dit que tous les peuples étaient appelés. Persécuté par les brâhmes, le Boud- dhisme a eu la gloire du martyre; il a scellé sa foi à l'humanité de son sang. A peine est-il une vertu chré- tienne qu'il n'ait prêchée : le détachement des sens, l'humilité, la mortification, la charité. Sa morale a des accents lendres et pénétrants, où l'on croit reconnai- tre la douceur de la parole évangélique ‘. » M. Ampère dit encore dans cette même Notice : « La troisième religion de la Chine, celle qui dans le pays compte le plus grand nombre de croyants, est une religion étrangère, la religion de Bouddha, née dans l’Inde, dont on savait à peine le nom en Europe il y a un demi-siècle, qui compte près de trois mille ans d'antiquité, près de trois cent millions de secta- teurs, et ne le cède peut-être qu’au Christianisme pour la pureté de sa morale et l'étendue de son action bien- faisante sur la civilisation du genre humain ?. » Nous trouvons dans le Voyage autour du monde, pu- blié sous la direction de Dumont-d'Urville, l'apprécia- tion suivante de la morale enseignée par les disciples de Bouddha : | De la Chine et des travaux d'Abel Rémusat , $ VI: S V. ? De La Chine et des travaux d'Abel Rémusat $ 378 « La morale du Bouddhisme est pure, simple et pratique. On enseigne au peuple de faire l'aumône, de méditer sur l'instabilité des fortunes humaines, ce vivre d'une manière profitable aux autres et à soi, d'aimer son prochain comme soi-même. Les prédica- tions bouddhistes ne sont que le développement de ces maximes ‘. » En considérant le caractère de cette doctrine à la- quelle nous devons, d’après un écrivain catholique, « une grande révolution à la fois religieuse et politi- que, une des plus impoïtantes qui aient sillonné le globe et qui y aient laissé les traces les plus profon- des * » nous sommes frappé des vérités qu’elle ensei- gnait, il y a déjà trois mille ans, à la foule esclave, abrutie à force d'ignorance et de misère. Pour les bouddhistes, la raison est souveraine; et la raison n'acceptant ni les castes, ni les priviléges dont certains individus s'investissent , dans le seul but d'exploiter leurs semblables, proclame hautement la démocratie politique et religieuse, sans entraves et sans limites, la fraternité universelle, l'égalité absolue de tous les hommes devant Dieu. Là où d’absurdes, de révoltantes distinctions sociales, uniquement basées sur les hasards de la naissance ou de la fortune, ont décrété l'anarchie et la guerre en créant des classes nécessairement ennemies, des oppressurs et des oppri- més, des privilégiés possesseurs de la richesse et du Tome Ier, ch. XIII, p. 90, 91. ? M. l'abbé Bourgeat. 379 pouvoir, de la lumière comme de l'espace, et des pa- rias fatalement condamnés à la servitude et à la honte, le Bouddhisme, réalisant un progrès d’une incalcula- ble portée, prêche, dans un langage éminemment po- pulaire, une religion de mansuétude et d'amcur, une doctrine de liberté et d'égalité dont la conséquence devait être une prochaine transformation sociale. En même temps qu'il purifie Îles autels souillés, en pros- crivant les sacrifices humains, en interdisant tout ho- locauste sanglant , il fait du sacerdoce, privilége héré- ditaire d’une caste ambitieuse et toute puissante, une carrière ouverte au mérite, à la vocation personnelle de quiconque s’y sent appelé. Il va chercher le paria jusque dans sa fange, pour l'instruire, pour le mora- liser, pour en faire le prêtre du dieu nouveau. Dans l'échelle sociale, œuvre de l’égoïsme et de l'impiété, il n'y a pas un degré si bas qu'il ne puisse y verser un de ses rayons, y tendre la main à quelque infortune, y prêcher ce grand dogme de l'égalité, qui devrait être la vérité la plus élémentaire, comme elle est la plus lumineuse, la plus incontestable, la plus divine de toutes. Tel est le caractère distinctif du Bouddhisme: et ce caractère personne ne le lui conteste; on le lui recon- naît dans des ouvrages écrits à des points de vue tout à fait différents, par des hommes appartenant à des opinions diamétralement opposées ‘. * Voir, sur le Bouddhisme, entre autres ouvrages, les Mélanges posthumes d'histoire et de littérature orientale, d'Abe] Rémusat; l’Introduction à l'his- 380 Bouddha s'écriait au milieu de cette foule de prolé- taires dont sa légende nous le montre entouré et qui le suivait partout, l'écoutant avec une sorte d'avidité religieuse, comme plus tard les prolétaires de la Judée devaient suivre et écouter Jésus : « Les brähmanes prétendent avoir seuls le droit de lire les Védas, livres sacrés, et moi je vous dis que tous doivent les lire et les interpréter suivant leur in- telligence; comme les bräbmanes peuvent porter les armes, faire le commerce, cultiver la terre, si telle est leur vocation. » Les brähmanes vous disent : Restez à votre place; et moi je vous dis : Cherchez votre place. » Nobles et généreuses paroles, grands et féconds pré- ceptes qui semaient à eux seuls, dans le chaos du vieux monde asiatique, les germes d’un monde nouveau, les semences désormais indestructibles d’une émancipation religieuse, politique et sociale ! C'était la prédication évangélique déjà devinée, et même devancée par une imposante application. C'é- tait le précepte de Jésus : « Cherchez, et vous trou- verez; frappez, et il vous sera ouvert. » C'était le précepte de saint Paul : « Éprouvez tout, et approu- vez ce qui est bon *. » C'était, enfin, le jour de la délivrance, annoncé aux toire du Bouddhisme indien, par E. Burnouf; le Cours sur l'histoire de la philosophie, par M. l'abbé Bourgeat, onzième leçon, dans l’Université catho— lique. 1 1re Épître aux Thessaloniciens, ch. V, v. 21. 381 pauvres d'esprit, aux parias, aux esclaves de la so- ciété antique, — foule éperdue et frémissante, qui ne cessait de secouer ses fers et d'interroger tous les points de l'horizon pour y épier un premier signe de salut, un premier rayon de justice et de liberté. IL. Les conséquences du Bouddhisme par rapport à l'esclavage. « On a beaucoup répété, — dit M. Guizot, — que l'abolition de l'esclavage dans le monde moderne était due complétement au Christianisme. Je crois que c’est trop dire. L'esclavage a subsisté longtemps au sein de la société chrétienne, sans qu'elle s’en soit fort éton- née, ni fort irritée. Il a fallu une multitude de causes, un grand développement d’autres idées, d’autres prin- cipes de civilisation pour abolir cette iniquité des ini- quités *. » Histoire de la civilisation en Europe, 6e leçon, p. 173. Dans le même ouvrage, 1re leçon, p. 18, M. Guizot dit encore : « Le Christianisme, je ne dis pas seulement au moment de son apparition, mais dans les premiers siècles de son existence, le Christianisme ne s’est nullement adressé à l’état social; il a aunoncé hautement qu'il n’y toucherait pas; il a ordonné à l’esclave d’obéir au maïtre; il n’a attaqué aucun des grands maux, des grandes injustices de la s0— ciété d'alors. Qui niera pourtant que le Christianisme n'ait été dès lors une grande crise de la civilisation? etc., ete. » 382 Ainsi M. Guizot, qui signale d’ailleurs les efforts de l'Église catholique employant son influence à res- treindre cette hideuse plaie de l'humanité, reconnait en même temps que l'abolition de l’esclavage ne doit pas être attribuée à la seule action du Christianisme, ce qu'on a cependant soutenu, ce qu’on soutient en- core dans une foule de livres. Cette assertion du sa- vant professeur est très-juste; mais nous reconnais- sons qu'en pareil cas une affirmation, quelle que soit l'autorité de celui qui la formule, n’est pas suffisante. Nous allons donc, en nous appuyant sur des faits et sans sortir du sujet qui nous occupe, en rendre la vé- rité incontestable, évidente pour tous. D'un autre côté, nous examinerons l'assertion de ceux qui prétendent que, dans l'antiquité, aucune voix ne s’est élevée pour attaquer l'esclavage, aucune philosophie ne s'est rencontrée pour flétrir cette mons- trueuse iniquité. D'abord, quant à la prétention de ceux qui attri- buent entièrement au Christianisme l'abolition de l’es- clavage, il est facile de démontrer, l’histoire en main, qu’elle n'a aucune espèce de fondement, qu'elle est, au contraire, formellement repoussée par les faits. Nul doute que dans une société où l'Évangile s'in- carnerait complétement dans les institutions, où le Christianisme primitif serait mis en pratique dans ses conséquences logiques, l'esclavage ne füt considéré comme la plus immorale des injustices et des fo- lies, comme la plus audacieuse négation des lois di- vines inscrites dans la conscience. Mais une pareille 383 . société n'a pas encore été réalisée ici-bas, et l’idéal évangélique rayonne à peine pour quelques âmes généreuses et croyantes, du fond des ténèbres et à travers les nuages de l'avenir. Les premiers chré- tiens ne comptaient pas d'esclaves dans leur fraternelle association, qu'ils avaient modelée, en partie, sur la communauté essénienne. Ils étaient tous libres et se considéraient comme égaux. Malheureusement, cet état d’une société qui était alors dans toute la pureté de sa foi, dans toute la ferveur de son enthousiasme, et qu'inspirait, que sanctifiait, pour ainsi dire, le sou- venir encore vivant du maître, ne fut pas de longue durée. Les successeurs des apôtres ne persévérèrent pas dans la voie que ceux-ci avaient suivie. L'Église eut bientôt ses serfs, ses esclaves, à l'exemple du monde païen, dont elle avait pris à tâche de faire la conquête; et non-seulement, comme l’observe M. Guizot, elle ne se montra ni fort étonnée, ni fort irritée, en pré sence de cette grande injustice, mais elle ne la fit pas cesser dans son propre sein, et la voix de ses repré- sentants officiels s'est plus d'une fois élevée pour es- sayer de justifier cette confiscation de l'homme par l'homme, ce crime odieux contre lequel la raison et le cœur protestent avec une égale autorité. Il ne faut pas oublier qu'en plein dix-septième siè- cle il se trouvait un chrétien, un docteur de l'Église, un évêque comme Bossuet pour plaider la cause de l'esclavage et pour écrire des paroles comme celles-ci : « Condamner l'esclavage, ce serait entrer dans les sentiments que M. Jurieu lui-même appelle outrés, 384 c'est-à-dire dans les sentiments de tous ceux qui trou- vent toute guerre injuste : ce serait non-sculement condamner le droit des gens où la servitude est ad- mise, comme il paraît par toutes les lois; mais ce se- rait condamner le Saint-Esprit, qui ordonne aux es- claves, par la bouche de saint Paul, de demeurer en leur état, et n'oblige point leurs maîtres à les affran- chir ‘. » Et comme si ce n’était pas assez de ces impitoyables paroles, Bossuet déclare hautement, dans le même écrit, que, chez les chrétiens, le maître fait la loi telle qu'il veut, et l'esclave la reçoit telle qu'on veut la lui donner….; qu'aucun bien, qu'aucun droit ne peut s'at- tacher à lui; qu'il n'a ni voix, ni jugement, ni action, ni force, qu'autant que son maître le permet. Enfin, il ne faut pas oublier que les derniers serfs affranchis à la fin du dix-huitième siècle l'ont été grâce aux efforts dè la philosophie, surmontant l'énergique résistance des corporations religieuses auxquelles ces serfs appartenaient, et que la révolution de 1848 à trouvé l'esclavage debout dans nos colonies. Le Christianisme, tel qu'il s'est historiquement dé- veloppé sous l'influence des causes étrangères qui ont agi sur lui, et tout à fait en dehors des essais d’associa- tion fraternelle tentés dans les premiers temps par quelques milliers de fidèles, n'attaquait pas directe ment l'esclavage, mais il le sapait, à coup sûr, d’une manière indirecte, et voici, ce nous semble, comment. 1 Bossuet. Cinquième avertissement aux protestants, $ L. 385 La doctrine de Jésus formait, de l'aveu même de ses plus illustres apologistes et de ses premiers histo- riens, la synthèse des grandes vérités éparses ‘ dans ! « Je viens de passer en revue les opinions de presque tous les philosophes, dont le plus beau titre de gloire est d’avoir, sous des noms divers, reconnu un seul Dieu; d’où il résulte, pour tout homme qui pense, que les chrétiens d'au+ jourd'hui sont des philosophes, ou que les philosophes d'autrefois étaient des chrétiens. » — ( Minucius Félix. — Octavius, XX; édition de l'abbé de Ge— noude, 2e série, p. 362.) Lactance est plus explicite encore : « Si quelqu'un, — dit-il, — avait ramassé les vérités qui sont répandues parmi les diverses sectes des philosophes, et qu’il en eût formé un corps de doc— trines, il ne se trouverait pas éloigné de notre sentiment... » Il est clair qu'il n’y a point de vérité ni de mystère, dans notre religion, que les philosophes n'aient soutenus et qu'ils n’aient en quelque sorte touchés. Mais ils n’ont pu soutenir les vérités qu'ils avaient découvertes, parce qu’ils n’en avaient pas formé un corps, comme nous l'avons fait. » — (Institutions di— vines, liv. VIL, ch. VII; traduction de Drouet de Maupertuy, p. 685 de l’édi— tion Buchon. }) D'après l'historien ecclésiastique Eusèbe : « Les liens qui réunissaient les chré- tiens en corps étaient les principes éternels professés de tous temps par les hom— mes sages et vertueux, ét que, lorsqu'on veut y lire, chacun trouve gravés au fond de son cœur. » — ( Histoire ecclésiastique, liv. Ier, ch. IV.) « La chose même, — dit saint Augustin, — qu'on appelle aujourd’hui Reli- gion chrétienne, existait chez les anciens, et n’a jamais cessé d'exister depuis l'origine du genre humain, jusqu'a ce que Jésus— Christ lui—même, étant venu en la chair, on a commencé à appeler chrétienne la vraie religion qui existait au- paravant. » — ( Rétract., liv. 167, ch, XIII, n° 3.) Il me serait facile de multiplier les citations sur le même sujet, mais je me borne à enregistrer l’aveu suivant de Chateaubriand : « Le Christianisme, — dit-il, — est la synthèse de l’idée religieuse; il en a réuni les rayons... » — ( Études historiques, 5e Étude, IIIe Part., p. 386.) M. de Lamennais a consacré une grande partie de son Essai sur l'Indiffe— rence à recueillir toutes les croyances fondamentales de l'humanité sur Dieu et sur l'univers. 11 trouve partout, même aux époques les plus reculées, l’idée de l'unité de Dieu et de ses attribuls essentiels, les dogmes de la divinité, de la créa- tion, de l’immortalité de l'âme, des peines et des récompenses dans une vie à venir etc. 'etc.:.. Indiens, Chinois, Perses, Égyptiens, Grecs, Romains, 25 380 les divers systèmes philosophiques de l'antiquité. En réunissant, en associant, en quelque sorte, ces idées, ces dogmes disséminés dans les livres et dans les éco- les des philosophes, elle leur donnait, par cela seul, une force d’impulsion et d'expansion qu'ils n'avaient pas eue jusque-là. Elle les revêtait, en outre, d’une formule sympathique capable d’agir efficacement sur la foule. Isolés, ils pouvaient échouer contre l'indiffé- rence et le sommeil des cœurs; unis, ils devaient tout vaincre ou tout ébranler.- Le Christianisme, avec son caractère à la fois syn- tous les peuples connus sont interrogés par M. de Lamennais, qui rencontre dans leurs symboles des croyances communes à tous les hommes, malgré de très-no— tables différences dans les mœurs, dans les institutions, dans les climats. Cette thèse a été reproduite plus récemment par M. l'abbé Combalot, dont les Éléments de philosophie catholique ne sont presque toujours qu’un écho bien affaibli des premières opinions de M. de Lamennais. Voilà donc un aveu formel fait par des hommes très— haut placés, le premier par son admirable talent, le second par le rang qu'il occupe dans la hiérarchie ecclésiastique. IIS reconnaissent, ils proclament, et les principaux représentants de l’école catholique moderne proclament avec eux, que, bien antérieurement à Jésus, le symbole religieux et moral de l'humanité renfermait déjà La totalité des grands dogmes qui devaient constituer plus tard le Christianisme. Ils trouvent dans cet antique symbole jusqu’au péché originel, jusqu’à la transmission de la faute qui aurait été commise par nos premiers parents, jusqu’à l'attente universelle d’un rédempteur. Pour expliquer ce fait, qui dérange notablement, ou plutôt qui détruit toute l'économie de leur système, les représentants actuels de l’école catholique attri— buent l’origine de ces croyances fondamentales et universelles à une première ré- vélation dont l'homme aurait été l’objet de la part de son créateur, et dont la tra- dition aurait conservé les points essentiels. On conçoit que je n’aie pas à m'oc— cuper de cette hypothèse. Le fait qu'on s'efforce d'expliquer à son aide, — fait qu’on accepte, qu’on proclame même, — voilà ce qu'il m'importait uniquement ici de mettre en lumière, et de corroborer par les imposants témoignages aux— quels j'ai dû faire appel. — { Note de l'auteur. ] 387 thétique et populaire; avec ses prédications qui ne s'a- dressaient pas seulement à quelques initiés, à quelques écoles isolées, mais à la foule, mais au plus grand nombre, remuait donc les âmes à une singulière pro- fondeur, et venait les tirer de leur léthargie pour les convier à la discussion, à l'exercice de la vie morale, au libre développement de toutes leurs facultés. C’est dire, en d’autres termes, qu'il instruisait les masses; qu'en ouvrant sans cesse à leurs regards de nouveaux et plus larges horizons, il préparait, il rendait inévi- table, par leur émancipation intellectuelle, leur affran- chissement social et politique. « Les armes, — dit Chateaubriand, — délivrent ceux qui les portent ‘. » C'est très-vrai. Or, en ins- truisant les masses, en faisant rayonner les vérités dont il avait composé son symbole jusque dans ces épaisses ténèbres où les pauvres d’esprit sont plongés, en éveillant sur tous les points et sur toutes les ques- tions la curiosité des âmes, inquiètes et avides de con- naître, le Christianisme habituait les esclaves à réflé- chir, à s'interroger eux-mêmes, à se demander si leurs chaînes étaient fatalement, nécessairement rivées à leurs membres, et s’il n'y avait aucun moyen de les secouer ou de les briser. Il les armait, pour ainsi dire, du sentiment de leur abjection imméritée, de la cons- cience de leurs droits méconnus, d’une sourde mais indomptable aspiration vers la liberté. Ainsi, il les mettait à même de s'affranchir progressivement, et de ! Dans la préface des Études historiques 388 marcher à travers les siècles à la conquête lente, mais assurée, d'une pleine, d'une complète émancipation. Le Christianisme a été une conséquence logique, un résultat nécessaire de l'évolution naturelle et pro- gressive de l'humanité. C'est ce que nous avons essayé de démontrer dans un Mémoire que nous avons eu l'honneur de soumettre à l'Académie, et qui figure dans ie Recueil de ses Actes ‘ . Ilest donc tout simple qu'il n'ait eu qu'à agrandir une voie déjà tracée, qu’à féconder des germes déjà semés, qu'à poursuivre avec plus d'ensemble et d’ardeur des progrès dont la réali- sation avait été déjà entrevue et la conquête depuis longtemps tentée. Nous ne devons donc pas nous éton- ner en voyant qu'il est préparé, annoncé d'avance par tous les pressentiments et par toutes les aspirations, par toutes les tendances et par tous les efforts des peu- ples. Ce n'est pas seulement le Bouddhisme qui, mille ans avant Jésus, révolutionne tout l'Orient, renver- sant, au nom de l'égalité, qu'il proclame, d’antiques, d'odieux priviléges, et devenant le centre d'une iné- puisable prédication mise à la portée de tous. Une in- quiétude féconde travaille partout les intelligences, qui sont comme affamées de lumière et de vérité; un instinct mystérieux agite les masses et les soulève com- me pour les pousser en avant. En s’instruisant, elles s'arment pour s'affranchir. C’est une fermentation gé- nérale. Dans les flancs du vieux monde qui s'en va, ! progrès et diffusion de la philosophie ancienne ; étude historique insérée dans le Recueil des Actes de L'Académie , année 1848. 389 on sent tressaillir les germes de vie qui travaillent au long et laborieux enfantement du monde nouveau. Nous voyons l'instruction primaire gratuite organi- sée en Chine dès la plus haute antiquité, et nous pou- vons enregistrer à ce sujet le témoignage très-explicite d’un écrivain chinois, Tchou-Hi : « Après l'extinction des trois premières dynasties, — dit-il, — les institutions qu’elles avaient fondées s'étendirent graduellement. Ainsi, il arriva par la suite que, dans les palais des rois comme dans les grandes villes et mêrve jusque dans les plus petits villages, il n’y avait aucun lieu où on ne se livrât à l'étude. Dès que les jeunes gens avaient atteint l’âge de huit ans, qu'ils fussent les fils des rois, des princes, ou de la foule du peuple, ils entraient tous à la petite école, et là on leur enseignait à arroser, à balayer, à répon- dre promptement et avec soumission à ceux qui les appelaient ou les interrogeaient; à entrer et à sortir selon les règles de la bienséance; à recevoir les hôtes avec politesse et à les reconduire de même. On leur enseignait aussi les usages du monde et des cérémo- nies, la musique, l'art de lancer la flèche, de diriger les chars, ainsi que celui d'écrire et de compter. » Lorsqu'ils avaient atteint l'âge de quinze ans, alors, depuis l'héritier présomptif de la dignité impé- riale et tous les autres fils de l'empereur, jusqu'aux fils des princes, des premiers ministres, des gouver- neurs de province, des lettrés ou docteurs de l'empire promus à des dignités, ainsi que tous ceux d’entre les enfants du peuple qui brillaient par des talents supé- 390 rieurs, entraient à la grande école, et on leur ensei- gnait les moyens de pénétrer et d'approfondir les prin- cipes des choses, de rectifier les mouvements de leurs cœurs, de se corriger, de se perfectionner eux-mêmes, et de gouverner les hommes. » On ne demandait aucun salaire aux enfants du peuple, et on n’exigeait rien d'eux que ce dont ils avaient besoin pour vivre journellement. C’est pour- quoi, dans ces âges passés, il n’y avait aucun homme qui ne se livrät à l'étude ‘. » Assurément, ce grand mouvement civilisateur passa par bien des vicissitudes, et les écoles de la Chine, par exemple, ne furent pas toujours aussi florissantes- qu’à l’époque dont l'écrivain que nous venons de citer a tracé le curieux tableau. Il y eut là, comme dans l’histoire de tout progrès, bien des hésitations, bien des luttes, bien des obstacles à surmonter. Avant de riompher des ténèbres qui cherchaient à l'éteindre, la lumière fut plus d'une fois obscurcie. Il ÿ eut même des moments où elle sembla avoir complétement dis- paru. Mais comme, en définitive, le monde lui appar- tient, elle parvint à se débarrasser peu à peu des voi- les et des nuages sous lesquels on s’elforçait de l'é- touffer. Le travail immense qui, dès cette époque, pousse ! Préface du commentaire sur le Ta Hio ou la Grande Etude, de Confucius, par le docteur Tchou-Hi, dans ies Quatre livres de philosophie morale et po— litique de La Chine; traduction de G. Pauthier, édition Charpentier, p. 4. 391 le peuple à étendre son horizon intellectuel, étonne et scandalise les représentants de la philosophie officielle. Ceux qui prétendent se réserver l'instruction comme un privilége, et faire de la science le monopole de quel- ques individus, n'ont pas assez d'indignation et de sarcasmes pour en accabler ces prolétaires, ces vits ar- tisans qui s'efforcent d'attirer quelques lueurs dans la nuit dont ils sont enveloppés. Écoutez Platon : « La philosophie, — dit-il, — délaissée par ses pro- pres enfants, les voit remplacés par des enfants sup- posés qui la déshonorent..... Des hommes de néant, voyant la place vide, et éblouis par les noms distin- gués et les titres qui la décorent, quittent volontiers une profession obscure, où leurs petits talents avaient brillé peut-être de quelque éclat, et se jettent dans les bras de la philosophie, semblables à ces criminels échappés de leur prison, qui vont se réfugier dans les temples. Car la philosophie, malgré l’état d'abandon où elle est réduite, conserve encore sur les autres arts un ascendant, une supériorité, qui la font rechercher par ces naturels qui n'étaient point faits pour elle, par ces vils artisans dont un travail servile a déformé, ct dont il a en même temps dégradé l’âme. A les voir, ne dirait-on pas un esclave chauve et de petite taille, sorti depuis peu de la forge et des entraves, qui à amassé quelque argent, et qui, après s'être nettoyé au bain, et revêtu d’un habit neuf, va épouser la fille de son maître, que la pauvreté et Fabandon où elle est réduisent à cette cruelle extrémité? Quels enfants naî- tront d'un pareil mariage? Sans doute des enfants con- trefaits et abâtardis. De même, quelles productions sortiront du commerce de ces âmes basses avec la phi- losophie? Des pensées frivoles, des sophismes, des opinions dépourvues de vérité, de bon sens et de so- lidité *. » Platon avait beau dire; l'impulsion était donnée, le mouvement émancipateur ne pouvait plus être arrêté. Ces vils artisans comprenaient enfin qu'ils avaient droit à la vie de l'intelligence comme à la vie du corps, et qu’on leur avait trop lontemps disputé leur place au soleil. Les esclaves, et c’est là un grand fait qu'on n'a pas assez remarqué, s'emparent peu à peu de la s0- ciété qui les écrase et qu'ils font vivre. Ils sont par- tout ; ils accompagnent aux écoles les fils des patri- ciens, et ils portent leurs cahiers. Ils sont les inter- prètes des philasophes et des historiens, des roman- ciers el des poètes. Une de leurs occupations consiste à lire à haute voix à leurs maîtres toutes les pro- ductions en vogue, depuis les traités de métaphysique * jusqu'aux fables frivoles que récitaient les odalisques dans les harems de l'Orient. Es deviennent bientôt les bibliothécaires des riches romains, qui les emploient encôre à la copie soit des manuscrits rares, soit du compte rendu des délibérations du sénat. Mais pour copier exactement ces livres, dont plusieurs roulaient sur les questions les plus abstraites, pour les lire de manière à les rendre intelligibles à leurs auditeurs, ‘ Platon. République , liv. VI, traduction de Grou, p. 249-50. ? Piaton, Théétlèle. 393 il fallait bien qu'ils les comprissent eux-mêmes, qu'ils en pénétrassent le sens caché, qu'ils saisissent le véri- table mouvement de chaque période, de chaque phrase, la véritable inflexion de chaque mot. Tout cela exigeait évidemment de leur part de la réflexion, de longues études préparatoires, une grande culture intellectuelle, en un mot. Ils trouvaient donc dans l'exercice de leurs fonctions quotidiennes, dans leurs travaux habituels, mille moyens de s’instruire, en développant, en forti- fiant leur intelligence. La philosophie et l’histoire, la poésie et la musique ne pouvaient que réchauffer leurs cœurs et qu'émanciper leur pensée, par l'incessant con- tact, sous la vivifiante influence de leurs chefs-d'œuvre. De là, sans doute, les grands écrivains, les grands penseurs, les grands capitaines, qui de cette foule op- primée surgissaient parfois avec une auréole au front : un Térence, un Épictète, un Spartacus. Mais, s’il y avait des philosophes qui justifiaient le principe de l'esclavage, comme Bossuet devait le jus- üfier plus tard; s’il y avait des hommes assez égoïstes pour condamner, pour flétrir, à l'exemple de Platon, les efforts tentés par d'autres hommes dans le but de s'affranchir au moyen de l'instruction et du travail, il y en avait aussi qui sympathisaient avec ces légiti- mes tendances, et plaidaient hautement la cause de la justice, de la vérité méconnues. Voici un passage d’A- ristote, d’une portée infinie, à notre avis, et qui cons- tate formellement le fait que nous venons de men- tionner. D'après cet auteur, des sages « soutiennent que le pouvoir du maître sur l’esclave est contre nature : « La 394 loi, — disent-ils, — établit seule la différence entre l'homme libre et l’esclave. Or, la nature fait les hom- mes égaux : donc l'esclavage est une injustice, attendu qu'il est le résultat de la violence ‘.....….. Il est atroce, — ajoutent-ils, — de se voir esclave et soumis aux caprices d'autrui, parce qu'on a trouvé des hommes plus puissants et plus forts *. » Il va sans dire qu'Aristote essaie de réfuter l’opi- nion des sages dont il parle; mais ses efforts ne font que confirmer de la manière la plus éclatante le fait sur lequel nous avons cru utile d'insister. Ils prou- vent, en effet, que les idées de ces sages s'étaient ré- paudues, qu'elles avaient eu du retentissement; qu’au point de vue où ils s'étaient placés elles étaient à crain- dre, et qu'il.n'était plus possible de ne pas en tenir compte, de se borner à y opposer un systématique et dédaiïgneux silence. La doctrine de Jésus, qui attaquait l'esclavage d’une manière indirecte, mais très - efficace, en favorisant, en développant l'immense mouvement d'émancipation intellectuelle auquel les masses obéissaient depuis plu- sieurs siècles, devait, on le comprendra sans peine, soulever contre elle toutes les égoïstes passions, tou- tes les brutales fureurs du gouvernement romain. Autant eile rencontrait de sympathie chez les oppri- més, aulant les oppresseurs lui témoignaient de défiance et de haine. On persécutait, on traquait partout les chrétiens comme de véritables bêtes fauves. On les * Politique. Liv. Ier, ch. IT, p. 9; traduction de Champagne. ? Mème ouvrage. Liv Ler, ch. IV, p. 15. 395 traitait de brandons de discorde, de perturbateurs du repos public, d'ennemis des dieux et des hommes. Ces mots reviennent à chaque page dans les écrits du temps, et les Pères, les historiens de l'Église, les re- lèvent parfois avec un irrésistible accent d'indignation. Les fonctionnaires, les représentants officiels, les écri- vains de la société païenne, dont ces épithètes consti- tuent invariablement la logique; tous ces opulents patriciens qui s’accommodaient si bien de la prostitu- tion et de l'esclavage, de l’athéisme et de l'usure, fai- saient ainsi grand vacarme contre les disciples de Jé- sus, qu'ils accusaient de vouloir détruire la religion, et toutes les institutions sociales ‘. Nous insistons sur ces faits, parce qu'ils fournissent le sujet d’un très-curieux rapprochement entre l’ac- cueil que les grands personnages de la société romaine firent à la doctrine de Jésus, et l'accueil que les bräh- manes et les guerriers firent en Asie à la doctrine de Bouddha. Le caractère de cette dernière réforme en explique ! « La religion chrétienne, aussitôt qu’elle fut dominante, devint persécu— trice, comme auparavant elle avait été persécutée. Toute l'intolérance, toute la cruauté que l’on reproche si justement aux empereurs paiens, se retrouve avec les mêmes caractères dans les actes émanés de leurs successeurs chrétiens contre les sectateurs de l’ancienne religion. Les sacrifices furent défendus sous peine de mort et de la confiscation des biens; les temples furent démolis; la belle et sa— vante Hypatie fut assassinée dans sa chaire; et si quelquefois le prince voulut conserver, comme œuvre d'art, les monuments du polythéisme, le zèle des moi— nes transgressa ses ordres, et ameuta contre ces restes vdieux une multitude igno- rante et barbare. » —— ( Histoire du Droit romain, ou Introduction histori— que à l'étude de cette législation; par Ch. Giraud, ancien professeur à la Faculté d'Aix, ministre de l'instruction publique en 1851, p. 342.) 396 naturellement les progrès et la diffusion rapides, sur- tout en ce qui concerne l'Inde. Tous ceux qui avaient à se plaindre de quelque injustice, tous les malheu- reux, tous les déshérités, et nous savons combien le nombre en était grand dans la société dont les brâäh- manes étaient les souverains maîtres, s’empressèrent autour d'un homme qui venait leur faire entendre, au sein de leur ignorance et de leur misère, des paroles d'espoir, de sympathie et de salut. D'un autre côté, on n’est pas étonné de voir les cas- tes privilégiées faire cause commune et se liguer étroi- tement contre le Bouddhisme. Menacées dans leurs priviléges et dans le despotisme qu'elles exercent im- punément, elles s'alarment, et, de la crainte, passent bientôt à la fureur. La religion invoque le glaive; l'homme de l'idée fait appel à l’homme de la force, et l'épée sortant alors du fourreau, le massacre com- mence, impitoyable et sur une vaste échelle. « Depuis la mer du midi jusqu’au pied de l'Himalaya couvert de neige, que celui qui épargnera les femmes ou les en- fants des bouddhistes soit livré à la mort! » Tel était le cri de guerre des persécuteurs de la doctrine nou- velle; 1l leur était inspiré par les mêmes passions, les mêmes'"haines dont plus tard devaient s'inspirer et ce concile qui promettait des indulgences aux bourreaux des hérétiques ‘, et ce trop fameux légat d’un pape, s’é- criant, quelques heures avant le sac de Béziers : « Tuez- les tous; Dieu reconnaîtra bien ceux qui sont à lui *! » ! Concile général de Latran, année 1215, ch. II. * César d'Heisterbach, moine de Citeaux, liv. V, C. XXI. 397 Mais, comme il arrive toujours en pareilles circons- lances, la persécution fut impuissante et le courage des martyrs lassa la fureur des bourreaux. Il n’y a pas de glaive, pour aussi bien trempé qu'il soit d’ailleurs, qui ne s'ébrèche ou ne se brise en frappant sur cette force vivace, indestructible, qu'on appelle une idée. Le Bouddhisme, poursuivi par des ennemis aussi puis- sants qu'implacables, ne s’'amoindrit pas, ne se replia pas sur lui-même pour leur échapper. Lorsqu'il sur- nagea du milieu des flots de sang dans lesquels on avait essayé de le noyer, il prit, au contraire, un élan plus énergique, un essor plus irrésistible et plus ra- pide. Enfin, il fit de tels progrès et il devint bientôt si fort, que, sous son influence civilisatrice et pour obéir au premier de ses préceptes par lequel il est or- donné de ne pas tuer, de respecter la vie de tous les êtres, l'empereur chinois Wou-ty décréta, au sixième siècle de notre ère, l'abolition de la peine de mort. Re Soôpnafuit ira, 25q". | noitlaspenbeaunle gesai tbe 4of aol mbimagen pair deniémimoiius-atise lésragonieh sb Mpacis has “1 Mme io: die ship nores) os oapiianeutt = | Abtiitécinérett dico énemialee gb di saesEier front itel Les cran gi, OOLEUTTE UUS hodedhialinel map sq hRbton slurainmdg réide éoennient SÉE sblomeet A han RER batés iassts a ès DEEE EUSETEETCCSEET CS shui ln ddl 98 aitioe Lopaé hole phil - 14 trie Tama Jnaqia LE pt de PFliniloys coûter D hi, dis reberi qui -doatreurs las fm eu ir À | daère ds housdaéhiohsr soit à le moi {51e Pr * Ars Je guerre des enr Dents êr tdairiue- met" à He, ue fade & FA LS re, 5. FA cr Va EM CT 1 NE D LR La Er bé ENT 4 da tatin ax Parent" À ; D 2 Lt ee Cr x Samar Pegra ON ul ren D LEA pe: Dtiquile Mess 2e ut het ln Digeerss: Tete 02 Den ee Mn cn 1e à débat outre ol Bent SNS | lose 4 MORE A Hiiheten , pré 19 1W 1e 415 k° PAT dep d'hénleternal rte Mt ua rt Air 7, 16. RAI + 4 ‘1 399 NOTICE BIBLIOTHÈQUE PUBLIQUE DE LA VILLE DE RORDEAUX ( SECONDE PARTIE ) PAR M. G. BRUNET. Nous avons déjà inséré, dans le Recueil des Actes de l'Académie (1848, p. 367-394), une notice sur la Bibliothèque publique de notre ville. Nous passions successivement en revue les diverses branches des con- naissances humaines, en indiquant quels sont, pour chacune d'elles, les ouvrages les plus importants mis à la disposition des hommes studieux qui résident à Bor- deaux. Ce travail, imparfait sans doute, l’est devenu en- core davantage, et nous nous en félicitons. Gräce à l'active et intelligente sollicitude de son infatigable conservateur, la Bibliothèque voit ses richesses s’ac- croître rapidement; des occasions habilement saisies 400 lui amènent des ouvrages précieux, et lui assignent, de plus en plus, la première place parmi les établisse- ments de ce genre qui se trouvent en France (hors de l'enceinte de Paris, biea entendu). Une notice de M. Delas, imprimée en tête du Cata- logue supplémentaire ( partie de l'Histoire, 1851), fait connaître bien des ouvrages d'une haute importance scicntifique que nous n’ayions pu mentionner, et de- puis l’impression de cette Notice elle-même, de nou- veaux trésors sont venus grossir encore nos inventai- res de la façon la plus heureuse. Parmi ces acquisitions récentes, nous nous bornerons à signaler le Voyage pittoresque en Autriche, par le comte Alexandre de Laborde, 1821, 3 vol. in-fol., 160 planches; les Ta- bleaux pittoresques de la Suisse, par de Zurlauben et J.-B. de Laborde, 1780, 4 vol. in-fol., 278 planches; le bel ouvrage de D.-B. de Malpière, sur la Chine, 1826-39, 2 vol. in-4°, 180 planches; le Traité de Mariette sur les pierres gravées, 1750, 2 vol. in-fol., ouvrage fort estimé et dont les planches sont gravées avec un goût exquis; l'ouvrage d'Alken : National sports of Great Britain, comprised in 50 coloured pla- tes; fol. Citons aussi les voyages de Melling, à Constantinople et sur les rives du Bos- phore, 2 vol. avec 52 pl. très-grand in-fol. ; de Dupré, à Athènes et à Constantinople, 1825, in- fol., 40 pl. col; de Waldeck, dans l'Yucatan, 1838, in-fol. L'histoire naturelle s’est enrichie d'importantes pu- blications de Levaillant : AO1 Histoire naturelle des oiseaux d'Afrique, 6 magnifi- ques vol. pap. vélin, avec les pl. doubles, noires et col. ; Histoire naturelle des perroquets, 2 vol. in-fol. ; Histoire d'oiseaux rares de l’ Amérique et des Indes, in-fol. Il n'entre pas dans notre plan de prolonger cette énumération. Dirigeant aujourd'hui nos recherches d'un autre côté, nous nous proposons de signaler quelques livres cités par les bibliographes comme re- marquables sous le rapport de la rareté, de la singu- larité, du haut prix qu'y attachent les amateurs. Ils se trouvent en grand nombre dans la Bibliothèque de Bordeaux, mais ils y sont comme noyés au milieu d’une multitude de volumes de moindre intérêt et de mince valeur. Les signaler tous serait une tâche dé- mesurée; nous nous en tiendrons à un petit nombre, et nous attachant aux Belles- Lettres, une des parties qui a sans doute le plus d’attrait pour le public, nous aborderons d’abord la POÉSIE FRANÇAISE. Signalons en premier lieu les Œuvres d'Alain Char- tier, in-4° gothique, et l'édition donnée par Galliot Dupré en 1529. Le Manuel du Libraire constate que celle-ci est très- recherchée, ct il en cite diverses adjudications depuis 49 jusqu’à 120 fr.; mais des ventes plus récentes ont montré combien la faveur du poëte qu'embrassa pu- bliquement Marguerite d'Écosse, avait fait de progrès parmi les bibliophiles. Un exemplaire , richement relié par Bauzonnet, s’est payé 450 fr. à la vente Caïlhava, en 1845; il s’est revendu 320 fr. à la vente 26 402 Aimé-Martin, en 1847, n° 369; un autre, 551 fr., vente Saint-Morys en 1849, n° 636. Les Soirées littéraires de Coupé renferment (t. XV, p. 468- 180) une notice sur Alain Chartier et ses ouvrages. Voir aussi une Étude bibliographique et littéraire par G. Mancel, 1849, la Bibliothèque françoise de Goujet, IX, 455-177, et les au- teurs auxquels renvoie un laborieux bibliographe allemand, J.- C.-Th. Graesse, dans son Lehrbuch einer literürgeschichte, t. II, 2° sect p. 1447. Nous mentionnerons successivement : Le Labyrinthe de fortune, par Jean Bouchet; Poi- tiers, 1522, in-4°. Consulter, à l'égard de ce trop fécond écrivain, les Mémoires de Nicéron, t. XXVII, p. 4; la Bibliothèque françoise de Gou- jet, t. XI, p. 242-329. Les Marquerites de la Marguerite des princesses; Pa- ris, 1554, in-16. Sous ce titre plein de recherche, on rencontre le recueil des compositions poétiques de la sœur de Fran- çois [°, Marguerite de Valois, épouse d'Henri d'Al- bret, roi de Navarre, et grand'mère d'Henri IV. Cette seconde édition est moins précieuse que celle de 1547, dont quelques exemplaires se sont payés, en vente publique, de 206 à 300 fr., et qui a même at- teint le prix énorme de 629 fr. chez M. de C., en 1847. L'édition de notre Bibliothèque est recomman- . dée au Manuel, comme jolie et rare; elle est montée jusqu'à 140 fr., vente Aimé Martin. On trouve, dans ces Marguerites, des compositions de piété, un poëme intitulé : Le Miroir de l’âme pécheresse; diverses co- médies dans le genre des anciens mystères ('’Adoration des 403 rois mages, le Massacre des Innocents ); quelques compositions -sur des sujets plus profanes : des épitres, de petites comédies allégoriques très-peu divertissantes. La prolixité est le grand dé- faut de la reine de Navarre; mais parfois elle montre de la grâce et de la facilité. Nous renvoyons, d’ailleurs, à l’'Analecta biblion de M. Du Rou- re; Paris, 4838, I, 353-362, et à la Bibliothèque poétique de M. Violet-Leduc; 1843, 1, 185-490. Les Annales poétiques (rédi- gées par Sautereau de Marsy et Imbert ; 1776-1778 ) renferment (&. II) un choix des vers de Marguerite. Nous passons rapidement sur Du Bellay, Remi Bel- leau, Tahureau, Saint-Gelais, Ronsard, et sur bien d'autres poëtes du seizième siècle, que nous trouvons à la Bibliothèque de Bordeaux, et qui furent dignes d'attention sous le rapport littéraire; ils n’offrent pas une aussi grande importance bibliographique. Nous nous arrêterons un peu plus devant les Mimes de J -A. de Baïf; nous en rencontrons deux éditions, 1597 et 1619, rares l’une et l’autre. M. Nodier, qui parle avec détails des essais tentés par Baïf pour la réforme de l'orthographe, dit que les Mimes sont le plus joli des ouvrages de cet écrivain ingéuieux. ( Mélanges d'une petite bibliothèque; 1898, p. 260.) Quoique secrétaire d'Henri IX, il était Uibé- ral, même d’un genre un peu hardi. Voici un de ses vers : Quicorque fait bien il est roy. Il y a de la concision et du sens dans les adages qu'il range sous forme de sixains. Transcrivons-en quelques-uns pris au hasard : . 404 Aux loups ne faut la rage apprendre. Où le grain bon, bonnes les pailles. En laict se cognoy bien la mouche. Au poisson à nager ne monstre. Chicheté perd plus que largesse. Affaires naissent de rien faire. La plupart des proverbes vulgaires qui avaient cours à la fin du seizième siècle se trouvent mêlés à beaucoup de maximes mo- rales. Malheureusement, ainsi que le remarque M. G. Duplessis ( Bibliographie parémiologique, 1848, p. 459), tout cela est distribué d’une manière confuse. Un choix des poésies de Baïf se rencontre dans le Recueil des plus belles pièces des poëtes françois, 1752, 1, 269-302, et dans les Annales poétiques, t. NII, p. 79-236. Voir aussi Violet- Leduc, I, 304. Nous ne pouvons laisser de côté les Poëmes de Pierre de Brach, Bourdelois; Bourdeaux, 1576, in-4°. Ce volume, peu commun, s’est payé jusqu’à 58 fr., vente Nodier, en 1844. M. Violet-Leduc, 1, 332, en fait un grand éloge : « C'était un écrivain correct, un versificateur élégant et harmonicux, bien supérieur sous ce rapport aux poëles ses contemporains. Le premier des trois livres qui composent ses œuvres est intitulé l’Aimée. Il y a dans ce recueil d’élégies, d’odes et de sonnets, de la tendresse, du naturel et de la grâce : Parle de moi, pense toujours en moi, Comme j'aurai tout mon penser en toi. Qu'il te souvienne, hélas! qu'il te souvienne, Que je suis tien, et que, quoi qu’il advienne, Jamais l'amour d’un autre amour vainqueur Ne te pourra déplacer de mon cœur. 405 Le second livre des Poèmes contient l' Hymne de Bour- deaux, composition assez longue, qui roule sur l'ori- gine de notre ville, sur ses antiquités, sur les hommes célèbres qu'elle a produits. Dans les Mélanges qui for- _ment le troisième livre ‘, on remarque un Voyage en Gascogne, « où de Brach donne l'essor à un talent descriptif très-distingué. » ( Violet-Leduc. ) En continuant notre revue rapide, nous signalerons succinctement : Élégies et épigrammes de 3. Doublet, Paris, 1559, in-4°. « Ces poésies ont du mérite et se trouvent difficile- ment. » { Manuel du Libraire.) Nous ne les rencon- trons sur les catalogues d'aucune des grandes Bibliothè- ques modernes, vendues à Paris depuis une trentaine d'années. Les élégies sont au nombre de vingt-six; on y distingue une imitation de l'Amour mouillé d'Anacréon, ode que La Fontaine a imitée d’une façon charmante; que Moore ( ode 33) a traduite en anglais avec beaucoup de bonheur. C’est la 3° de la belle édition grecque de Gail, an VIT, de la traduction en prose par Mouton- net de Clairfond, 4778, p. 49, in-8°. Satyres de Dulorens, Paris, 1647. In-4°. ! De Brach s’est exercé sur le Tasse. Sa version des quatre chants de la Jé— rusalem délivrée présente cette singularité, que le traducteur n’a point songé à suivre l’ordre du poëme italien ; il commence par le 16€ chant, arrive au 4°, passe ensuite au 126, et termine par le second, qu’il met en vers de dix syllabes, tandis que, jusqu'alors, il avait fait usage de l’alexandrin. Malgré notre partia— lité en faveur des écrits d’un compatriote, nous conviendrons que cette traduction est des plus médiocres. Notre Bibliothèque publique la possède; mais il lui man- que, pour compléter les œuvres de Pierre de Brach, l'Aminte, mise en français, et imprimée à Bordeaux en 1584, in-12. 406 Cette édition contient vingt-six satires et diffère beaucoup de celle de 1624. Ce livre rare est loin d'é- tre sans mérite; Boileau le connaissait bien, car il y a pris le sujet de plusieurs de ses satires, et il en a imi- té divers traits. Voir Violet-Leduc, I, 485-489. Œuvres de Saint-Amand, 1642. In-4°. On connaît la verve passablement grossière, mais fort originale, de ce représentant d’une école littéraire que la venue du siècle de Louis XIV frappa de mort. Quelques mots, très-propres à offenser les oreilles pu- diques, sont dans ce gros volume écrits en caractères grecs, singularité que je n'ai rencontrée nulle part. Renvoyons, au sujet de Saint-Amand, à une notice de M. Philarète Chasles, Revue des Deux-Mondes, 1. H, de 1839. La Madelaine au désert de la Sainte-Baume, par le P. Pierre de Saint-Louis, Lyon, 1694, in-12. L'extrême bizarrerie de ce poëme, qui n'est pas d’ailleurs sans quelque mérite, lui a valu une sorte de célébrité. Jamais, selon Charles Nodier ( Catalogue, 1844, n° 481), l’abus de la métaphore, de l’allégorie et du jeu de mots, n’a été poussé plus loin; et, « sous le point de vue littéraire, ce singulier ouvrage doit être conservé comme type de l'extravagance poétique. La palme du ridicule, si chaudement disputée en Fran- ce, était, depuis près de deux cents ans, aux mains du P. Pierre de Saint-Louis; mais nous sommes, grâce au ciel, en train de le surpasser. » Voir Théophile Gautier, France littéraire, t. XV (1834 }); Violet-Leduc, I, 540-543. Nous laissons de côté une multitude de poëtes très- 407 oubliés et bien dignes de l'être; mais nous devons une mention succincte à quelques belles éditions des clas- siques français, telles que : Les Fables de La Fontaine, 1755, 4 vol. in-fol., avec les gravures d'Oudry ‘; Les Œuvres de Boileau, édition d'Amsterdam, 1718, in-4°, et 1729, in-fol. ; beaux volumes ornés de gra- vures de Bernard Picart. Voir, au sujet de ces éditions, la Notice bibliographique, en tête de l'édition de Boileau, donnée par M. Berriat Saint-Prix, 4824, I, cLxxI. Dans la section des Cantiques et Chansons, nous rencontrons divers volumes rares : Cantiques du premier advènement de Jésu-Christ, par le comte d'Alsinois ( masque de N. Denisot}), Paris, 1558, avec les airs notés. Des exemplaires de ce livre rare ont été adjugés à 72 fr., vente Nodier; 61 fr., Taylor, et en 4849, 445 fr., Buvignier. Quelques amateurs en ont fait faire au Mans, en 14847, une réimpression très-soignée et tirée à un fort petit nombre. Voir, sur Denisot, une notice de M. Rathery, dans le Bulletin du Bibliophile, 9° série, p. 435-453. Thrésor de musique, d'Orlande de Lassus, 1594, 6 vol. Cent soixante-six chansons, à 4, 5 ou 6 voix, se trouvent dans ce recueil, aussi rare que recherché. La notice de M. Delmotte (Valenciennes, 1836 ), sur ce célè- bre musicien flamand, indique de lui cent quatre-vingt- quatorze * Les dessins originaux, au nombre de deux cent soixante—dix—sept, sont offerts au prix de 5,000 fr. sur le catalogue de fonds de la maison Debure, en 1840. 408 ouvrages. Voir un article de M. Castil-Blaze, Revue de Paris, juillet 1838. Parnasse séraphique du père Martial de Brives, Lyon, 1660. Recueil peu commun, où l’on trouve d’assez beaux vers. { Man. du Libr.) M. Violet-Leduc, I, 493-499, en donne des extraits. . La classe, devenue bien rare et vivement recher- chée, des anciens livres écrits en patois, nous offre plusieurs volumes intéressants. Nous tenons à men- tionner, avec quelques détails, Lou Gentilhoume gas- coun d'Ader, Tolose, 1610. Ce poëme allégorique, destiné à célébrer les hauts faits d'Henri IV, est un des monuments les plus cu- rieux de cet ancien dialecte gascon, que Montaigne, bon juge en pareille matière, trouvait « singulière- ment beau, sec, bref, signifiant, masle et militaire plus qu'aultre. » Dans ses récits de bataille, Ader a déployé toutes les ressources de ce langage « nerveux et pertinent. » Il prodigue les onomatopées ; il écrit avec une rapidité entraînante et avec feu. Ce livre curieux est si peu connu, que nous ne nous ferons point scrupule de chercher à en donner une idée au moyen de quelques citations. Voici comment le poëte retrace le tumulte du camp des Gascons, lorsque l'approche de l'ennemi y jette : l'alarme : Atau ben tout d’un cob, arretrounish l’allarme, Lou fanfare escaubat, lou furious arm’ arm’ arme Lou brounent toupoutoun é per touts lous estrems 409 Yn marmut estoufat, vn terre-trum de gens. Ane, pren, baille, dau, achibal, boute cère Ten, gite, sarre, pren, tourne, crideu, apére. S'aouets à nopces bist cantaire 6 debisant Dab la gorre au berret, l’'esturbat Paisant, La poume et la cerbiete au cap de l’aguillade Trepeja d’aouant touts en teste d’vë balade Atau are aquest jour bésets apareillat ; A la teste deu camp lou Gascoun reguaillat, Ardurous, brabejant, qu’an d'un mascle couratge De paraule é faiçoun, atise lou couratge Deu souldat resoulut au coumbat d’aquet jour. Aci ba, aci tourne, 6 da mante un tour Cride, ben, cour, apres, pregue, apére, coumande, Dequie qu'amassade ei toute sa leste bande. Passons à la relation du combat : Roune-roune toun-toun, bire souldats en targue Are gare-tarare , à la cargue, à la cargue, Doune, doune dessus, agrape-arrape-atrap. Beséts courre lou gros coume lous Cas chip 6 chap Esquissen vn sangla de coulére 6 d’arrauge Pics, pousses, tracs, patacs, noui ya degun quei auge Aci n’a plus pietat, tout à houec, tout à sang Chic chac, suou cos, suou bras, sus la teste, suou flanc. Tue, dau é coumbat, bat à bat, truque ataque Acarne-care-acar, bute-lute, mailluque Cames, brasses 6 caps, coum ausets en estiu Bolen ensus, embat, en ta terre, en ta Diu A mort, à houec, à sang, bire, saube qui pousque, E hugi tout atau qu'a sent Andriu la mousque. Asset cour, asset huch, asset pren lou camin L'aute s’escoun detras l’abatut arrousin 410 Asset saute eu barat, l'aute grape la tute, Asset vbhert de pics, coum de traucs une hlatite Cride moun Diu helas au darré badaillo Asset guigne vn tut d'arbe, eu bousquet, eu maillo, Aquet pregue mon Diu, l’aute cride la bite, Asset premet é iure uë rançoun nou petite. En fait de patois des autres provinces, nous trou- vons les fameux ANoëis bourquignons de La Monnoie (Dijon, 1701), édition rare, et la première où les deux parties sont réunies. Elle s'est payée jusqu’à 50 fr., vente Nodier. Voir les Recherches de M. Peignot, Dijon, 1831 (M. Raynouard leur a consacré un article dans le Journal des Savants, avril 1832), complétées en 1832 par de Nouvelles Recherches. Con- sultez aussi un article de M. Sainte-Beuve, inséré dans la Revue des Deux-Mondes, et reproduit à la suite du Tableau de la poésie française, 1843, p. 463-476. La poésie étrangère, au milieu de bien des lacunes inévitables, présente des ouvrages intéressants au point de vue bibliographique. A côté de quelques recueils curieux de vers italiens du seizième siècle, nous VOyOns : Dante, La Divina comedia, Venise, 1536. In-4°. Volume rare, avec des figures sur bois, mais qui « lascia molto a desiderare por quello ch'è esecuzione tipografica. » (Colomb de Batines; Bibliografia dan- tesca, Prato, 1845, I, 81.) La traduction de Grangier, Paris, 1597, 3 vol., se trouve aussi dans notre Bibliothèque. Faite vers pour vers et mot pour mot, elle est souvent peu intelligible. Lorsque le sens résiste aux efforts du traducteur, il fourre tout simplement le passage italien 411 dans ses vers, et il continue. ( Revue des Deux-Mondes, nov. 1840, p. 457.) Ses notes valent mieux ; elles sont souvent instruc- tives et utiles, selon M. Artaud. Cecho Ascolano (Fr. Stabili) Libro dicto l’Acerba, Venetiis, 1487, in-4°. Cet ouvrage, peu connu aujourd'hui, et sans doute très-peu lu, n’est point dénué de beautés poétiques; mais toutes les anciennes éditions sont détestables, et le texte est altéré à chaque vers. C'est une espèce d’en- cyclopédie. Le dernier livre, consacré à la théologie, n’a pas été achevé; il ne contient que le premier cha- pitre et un fragment du second. Cecho indique, d'une manière assez claire, la circulation du sang. Son li- vre, rempli de faits curieux, est digne de l'attention des savants. Consultez Nicéron, XXX, 466, et l'Histoire des Sciences ma- thématiques en Italie; par G. Libri, I, 494-200. Voir aussi au catalogue Libri, Paris, 4847, la note du n° 404%, p. 154. Rime di Petrarca, 1546, Figliuoli di Aldo, édition assez belle et très-correcte. La traduction française des Triomphes, Paris, J. Petit, in-f, vers 4520, que nous avons aussi, présente un frontispice très- singulier; on y voit des scènes bizarres empruntées au récit des Faictz merueilleux de Virgile; légende célèbre au moyen âge, et à l'égard de laquelle il faut recourir à une dissertation latine de M. Francisque-Michel. ( Paris, 4846, 8°, 79 p.) Poesie de Baffo; Londra, 1789. Volume difficile à trouver, mais qui ne contient qu’une faible partie des écrits de ce rimeur, beaucoup trop hardi. Une autre édition, bien plus complète, à été mise au jour en 4'vol. Voir, au sujet de Baffo, 412 quelques lignes de Ginguené, dans la Biographie uni- verselle, t. TT, et la Revue des Deux-Mondes, 1° juin 1839, t. XVIIT, 697. N’omettons pas les belles éditions in-folio, publiées à Pise vers 1806 : de Dante, de la Gerusalemme libe- rata, de l'Aminta, des Rime de Pétrarque, des Stanze de Politien. Cette collection, ornée de portraits admi- rablement gravés, offre des chefs-d’œuvre d'exécution typographique. L’Arioste, Tassoni et Boccace, forment six autres volumes que nous ne possédons pas. Quelques mots au sujet du THÉATRE. Nous signalerons, sans nous y arrêter, les tragédies de Louis Desmazures, de Billard, de Montchrestien, de Nancel, de Prévost; nous ne passerons pas sous si- lence le rare et curieux recueil des Comédies de Pierre de Larivey *. Diverses compositions dramatiques isolées méritent Vendu 163 fr., Soleinne; 205 fr., Aimé—Martin. M. Sainte — Beuve y signale « des saillies vives et franches, une verve rapide, abondante, qui tient à la fois de Plaute et de Rabelais. ( Tableau de la Poésie francaise, p. 222.) Il a fait observer depuis ( dans un article sur les Poésies de François Ier, Jour— nal des Savants, mai 1847), qu'une des pièces de Larivey, la Veuve, est prise tout entière, sauf quelques suppressions, de la Vedova de Nicolo Buona— parte, imprimée à Florence en 1568. ( Grâce à une éclatante renommée con— temporaine, le nom très-oublié de cet auteur dramatique sortit un instant du néant; sa pièce fut réiinprimée à Paris en 1803. Voir l’Analecta biblion, t. 11, p. 12-16.) Les Tromperies sont une traduction littérale des Inganni de N. Secchi. La Bibliothèque du théâtre francois (1768), 1, 224-939, et les frères - Parfait, Histoire du Théâtre françois (1734), III, 395-426, ont analysé ces compositions singulières. Des particularités bibliographiques sont consignées au Moniteur de la Librairie, n9 15 ( 15 août 1842 ), et au Bulletin du Bi bliophile, 1847, p. 354. A13 une mention toute spéciale : d'abord se présente le Mistère de la Passion, joué à Angiers moult triunpham- ment en 1486, Paris, 1590, in-fol. Cet exemplaire d’un livre très-rare ‘est malheureu- sement en mauvais état. Pour peu que sa condition fût meilleure, il figurerait parmi les volumes les plus pré- cieux de notre Bibliothèque. ( Un exemplaire s'est payé 735 fr., vente du prince d’Essling, en 1846, n° 112.) Il y a de longs détails, sur ce mystère célèbre, dans l'impor- tant ouvrage de M. Paulin Paris, sur les manuscrits françois de la Bibliothèque nationale, t. VI, p. 280-311. La Bibliothèque du théâtre français, 1, 60-62, en donne une analyse succincte sans aucune citation; mais il est reproduit, presque en entier, dans la publication de M. Louis Paris, sur les Toiles peintes de Rheims, t. I, p. 1-58k. Abraham sacrifiant, tragédie (par Théodore de Bèze), 1551. Voir les Mélanges d'une grande bibliothèque, t. G., p. 429. Cette tragédie est un véritable mystère celqué sur une œuvre bien plus ancienne, avec cette versification nette et facile, mais froide et sèche, que Th. de Bèze avait empruntée au style de Calvin '. La Comédie du Pape malade; par Thrasibule Phé- nice (Th. de Bèze), 1584. Bel exemplaire, provenant de l’opulente bibliothè- que du duc de La Vallière, vendue en 1784. Il fut payé 72 fr. Voir la Bibliothèque du théâtre français, III, 268-273; le Bulletin du bibliophile belge, 1847, t. V, p. #22. " M. Fauriel ( Chants populaires de la Grèce moderne , 1, 21 ) indique un drame grec dont le sujet est le sacrifice d'Abraham, et qu'il dit rempli de traits du pathétique le plus naïf. 414 Le Marchand converti, traduit du latin de Naogeor- gus ( par J. Crespin), 1594. On connaît diverses éditions de cette comédie; elle est du nombre de celles que les presses genevoises mi- rent au jour dans les intérêts de la Réforme; toutes sont devenues rares. Voir la Bibliothèque du théâtre français, 1, 264-268. La Magicienne estrangère, Rouen, 1517. Pièce de trente-deux pages, très-rare; elle attaque la maréchale d'Ancre, après sa fin tragique, avec un acharnement cruel. L'auteur conserve assez de pudeur pour ne pas se nommer ; mais on croit que c’est l’his- toriographe Pierre Matthieu. Le caractère de l’infortunée Galinaï est bien tracé: Voir la Bi- bliothèque du théâtre français, M, 275; le Catalogue So- leinne, 4844, n° 3730. Boniface, ou le pédant, comédie en prose, imitée du Candelaio de Giordano Bruno, Paris, 1633. Volume rare, qui s’est vendu 45 et 54 fr. aux ven- tes Soleinne et Aimé-Martin. L'imitateur français a adouci quelques libertés du texte italien. Une analyse de cette pièce se rencontre dans le Conservateur; septembre 14757, p. 229-237. Voir aussi le Bulletin du Biblio phile belge, t. IE, p. 402, et l'important ouvrage de M. Barthol- mess sur Giordano Bruno, 4847, t. II, p. 64-68. Le théâtre étranger est assez bien représenté dans notre Bibliothèque; inscrivons en passant les Comé- dies de Perez de Montalvan, Valencia, 1652, in-4° :. Voir, au sujet de Montalvan, Ticknor, History of spanish literature, I1, 300, et Schenk, Histoire {en allemand) de L'Art dramatique en Espagne. Deux comédies de cet auteur se trouvent dans le t. IV du Tesoro del teatro es— AS Nous avons la quatrième partie seulement ( Madrid, 1672) des comédies de Caldéron. La Bibliothèque universelle des romans, 55 vol., est un ouvrage utile et curieux qu’il ne faut pas juger sur son titre. On y trouve des analyses détaillées d’une foule d'anciens ouvrages devenus très-rares pour la plupart, et qui exigeraient d'ailleurs de tout lecteur beaucoup de loisir, beaucoup de patience. Indépendamment de l'édition en petit format de ce volumineux recueil, la Bibliothèque possède la belle édition in-4° entreprise aux frais du duc de Villa-Hermosa, et dont il n’a paru que trois volumes imprimés chez Didot. (Voir, au su- jet de cette publication, le Catalogue de M. Renouard, IT, 179.) ; | Les romans grecs, qu'une ingénieuse notice de M. Villemain a si bien fait connaître ‘, se trouvent ici en éditions un peu surannées, à l'exception du Chariton, publié par d'Orville, Amsterdam, 1750, in-4°. Ce beau volume grec renferme 788 pages de notes pour 144 pa- ges de texte. Un helléniste du premier ordre, M. Bois- sonade, en a fait ressortir le mérite : « Les digressions immenses de d'Orville contiennent des trésors de cri- tique; c'est une mine d'observations et de corrections sur la plupart des auteurs grecs. L'utilité de ce livre pañol, Paris, Baudry, 1838. Le Journal étranger, mai 1756, a donné un extrait de la Deshonra honrasa. Le recueil de ces comédies se compose de vingt- quatre pièces; mais d’autres, du même auteur, sont dispersées dans des collec— tions imprimées en Espagne au dix-septième siècle. ! Voir aussi une curieuse notice dans le Foreign quarterly Review, n° 9, novembre 1829, p. 108-141. 416 est telle, qu'il n’y a pas de philologue qui ne l'ait ou ne doive l'avoir, qu'il a fallu le réimprimer, et qu'il faudra le réimprimer encore. » ( Biogr. univ., art. Longus. ) Nous ne sommes pas tout à fait dépourvus de ces romans de chevalerie devenus si rares, et que quel- ques bibliophiles couvrent d’or, mais qu'ils n'ont pas le courage de lire. Signalons d’abord l’Arbre des batailles, par Honoré Bonhor, Lyon, sans date, in-4°, et renvoyons à l'égard de ce livre au mémoire de l'abbé Sallier (dans les Mémoires de l’Acad. des Inscript., t. XVII, p. 369 }; aux Mélanges d'une grande bibliothèque, t. C, à la Bi- bliothèque curieuse de David Clément, t. V, p. 80, etc. ‘. Indiquons en passant l'Histoire des faicts d'armes du plus que victorieux Méliadus *, 1584; les Prouesses du redouté Mabrian; l'Histoire de Huon de Bordeaux *; l'Histoire de trois fils de roys *; Milles et Amys *. Une * « Cet ouvrage ne justifie aucunement le succès qu'il obtint; l’auteur, qui n'avait été ni juge ni militaire, ne connaissait pas la matière qu'il traitait, » { A. Beugnot, préface des Assises de Jérusalem. ) Il en existe une traduction provençale que cite M. Raynouard dans son Lexique roman. + ? Voir la Bibliothèque des romans, février 1776, juillet 1778; les Melan- ges d'une grande bibliothèque, t. XIV, p. 14; Dunlop, History of fiction, tu, vetc: 3 Voir la Bibliothèque des romans, avril 1778, t. 11, p. 7-163. Le comte de Tressan à donné de ce roman, l’un des plus curietx de sa classe, un abrégé spirituel, imprimé plusieurs fois, et beaucoup plus agréable à lire que le texte original, dont il est bien loin de présenter une idée exacte. ‘ Il existe de nombreuses éditions de ce roman. Les Mélanges d'une grande bibliothèque , t. K, en offrent une analyse fort détaillée. * On trouvera de savantes recherches sur cette légende dans le Théâtre du 417 histoire en 5 vol. in-fol. de cette race des Amadis qu'idolâtrait Don Quichotte, n’a peut-être pas une fois été ouverte depuis un siècle; les jours de la chevalerie sont passés. Dans la série des Contes et Nouvelles, nous ne pas- serons pas sous silence l'Esté de Poissenot (Voir les Mélanges d'une grande bibliothèque, t. V); les curieu- ses Soirées de Bouchet; les Contes d'Eutrapel, Rennes, 1544; très-bel exemplaire, revêtu d’une ancienne re- liure en maroquin, lavé et réglé. On entend par réglé, les livres ornés à chaque page de petites lignes rouges, genre d'ornement qui est tombé en désuétude de- puis le dix-septième siècle et qui ne manque pas d'élégance. Les livres réglés sont presque toujours des exemplaires de choix d'ouvrages recommandables à quelque titre, et qui devaient cette décoration aux soins affectueux de leur propriétaire. Ils sont, avec raison, recherchés des amateurs. La Bibliothèque en pos- sède un certain nombre d'exemplaires; mais il serait trop long de les énumérer. L'attention dés connaisseurs peut aussi se porter sur une traduction imprimée en caractères gothiques du Caméron de Boccace (Paris, 1541), et dont le style naïf reproduit, non sans bonheur, les récits du célè- bre Florentin. On verra avec intérêt la seconde édition de Don Quichotte, Valencia, 1605. ( La 1re édition, qui parut à Madrid la même année, est un livre des moyen âge, publié par MM. Francisque-Michel et Monmerqué, 1839, p 294. Voir aussi l’Essai de Loiseleur ; Desfngehamps, sur les Fables indiennes , p. 166; la Bibliothèque des romans, décembre 1778; Du Roure, Analecta bi- blion, 1, 120; E. Du Méril, Histoire de la poésie scandinave, p. 328; le- travail de M. A. Keiler, sur lc Roman des Sept Sages, p. CCXXXITI—-CCXLV, CC, - 27 A18 plas précieux. L'une et l’autre sont d'autant plus in- téressantes, qu’elles donnent le texte primitif de ce chef-d'œuvre, avant les corrections et changements considérables que Cervantes introduisit dans l'édition de 1608.) N'oublions pas l'édition originale des Lettres portu- gaises, Paris, 1669. (Voir la Biographie universelle, au Supplément, art. Alcofarada.) La classe si recherchée aujourd'hui des Facéties, nous présente bien des livres curieux, et, il faut l’a- vouer, plus recherchés qu’utiles. Laissant de côté deux précieuses éditions de Rabe- lais ‘, nous ne nous arrêterons que sur quatre ouvra- ges divers : Formulaire des contrats passés par-devant Bredin, notaire royal, Lyon, 1594. « Livre curieux et fort recherché. L'édition de 1594 est la plus ancienne et la plus rare. » / Manuel du Libraire.) M s’est quelquefois payé 100 fr. et plus dans les ventes. (Voir les Archives historiques du Rhône, t. LT, V et VI; la Biogr. univ., XLVI, 585, etc. ) Le Carabinage et Matoiserie soldatesque , Paris, 1616. L'auteur s'est caché sous le nom de Drachir d’A- morny, anagramme de Richard Dromany *; il est si ! Leyde, 1663, 2 vol. in-12; édition elzevirienne très-bien imprimée, mais très—peu correcte. « Chef—d’œuvre typographique un peu déparé par l’insigni— fiance des notes qui le terminent. » ( Rendhard. ) Amsterdam , 1741, 3 vol. in- 40 Javre d'une belle exécution, avec de jolies gravures de Bernard Picart, et de très-amples commentaires. ? Semblable artifice est très- fréquent chez les anciens auteurs. Voici quelques 419 peu connu d'ailleurs, qu'on peut dire de lui qu'en se nommant , il serait resté parfaitement anonyme. Son livre s'est payé 62 fr., vente Nodier, en 1844. (Voir le Bulletin du bibliophile belge; 1. 1, p. 439.) exemples pris au hasard : Guillaume Regnault, auteur dramatique, tourna son nom en : Ung à lui m'ellut à gré. Pierre Duval, qui publia en 1543 un volume de poésies intitulé : Le Puy du souverain amour tenu par la déesse Pallas , se désigna sous le masque de : Vrai prélude. Un livret patois, curieux et rare, les Dialogues de trois vignerons du pays du Maine, Rouen, 1630, publiés sous le nom de Soussnor, sont de Roussone À une époque bien moins éloignée : l'auteur du Dictionnaire des Athées, Sylvain Maréchal, donna son Livre échappé au déluge, 1784, comme l’œuvre de S. Ar. Lamech. Un magistrat bordelais, Florimond de Rémond ( ou Rœæmovnd ), plaça une singulière devise, formée des lettres de son nom capricieusement interverties, sur le titre de plusieurs livres qu'il fit imprimer chez Millanges; entre autres : l’Erreur populaire de la papesse Jeanne, 1594, et la Couronne du soldat, traduite de Tertullien : AEVONMVR RDMNOVEA. Nous regrettons de ne pouvoir ici parler avec quelques détails des artifices qu'ont employés divers auteurs, nour voiler des idées qu’ils ne voulaient pas met- tre à la portée de tous lecteurs. Le sieur Papillon de Lasphrise, dans ses OEuvres poétiques, 1604, insère un sonnet qui débute ainsi : Sel semad ed al ruoc, euqleuq ertua erocne. C’est inintelligible ; mais si vous apprenez que chaque mot est écrit à rebours, le mystère est dévoilé; vous lisez : Les dames de la cour, quelque autre encore. Nous avons vu des livres imprimés sous la rubrique de Sirap ( Paris ); et un éditeur de livres facétieux, le bibliophile Caron ( auquel nous avons consacré un court article dans le Supplément au Dictionnaire de la Conversation, t. LVI, p 180), publia un de ses écrits, désavoués par le bon goût, comme édité à Emeluogna, et comme étant l’œuvre de Sarg-1dram. 420 Les Œuvres de Bruscambille, Lyon, 1634. C'est à un auteur nommé Deslauriers que revient le mérite d’avoir composé ces facéties, débitées en plein vent sur les tréteaux de la foire et dans les carrefours de Paris au commencement du dix - septième siècle. Parmi beaucoup de £aillies au plus gros sel, parmi force sottises, on rencontre des traits heureux. Il en est qui ont eu l’honneur de suggérer quelques vers à La Fontaine. { Voir l'Analecta biblion, 1, 152. ). Gæœomenphionis satirican, 1628. Volume rare, à l'égard duquel il faut consulter le Manuel du Libraire, A, 343, et surtout un article de M. Chasles, dans le Journal des Débats, {°° avril 1838. Ce judicieux critique signale ce « livre, complétement ignoré, comme renfermant les plus curieux renseigne- ments sur le Paris d'alors. Il n'y a pas d'ouvrage con- temporain qui décrive les mœurs aussi nettement, aussi complétement, avec un mouvement plus vif et plus curieux. » Les recueils épistolaires latins, français, italiens, sont nombreux dans la Bibliothèque. Ils n’ont pas une haute valeur dans le commerce; mais ils se recom- mandent aux hommes qui s'occupent d'études histori-. ques. On peut y faire une ample moisson de faits nou- veaux où peu connus. Ces collections, bien rarement compulsées, révèlent mainte anecdote littéraire. L’his- toire politique y saisira les causes cachées de beaucoup d’évéments dont les historiographes ne font connaître que la partie extérieure et officielle. La LINGUISTIQUE nous offre entre autres nom- 421 breuses publications, à côté de l'important ouvrage de Balbi ( Atlas ethnographique du globe, 1826 ‘ ), le vo- lume dû à J. Chamberlayne : Oratio dominica in di- versas linguas versa. Amsterdam, 1715, in-4°. Édition meilleure et plus ample que celle de Londres, 4700. + Le recueil publié en 4805 par M. Marcel, et qui présente l'Orai- son dominicale en cent-cinquante langues, est supérieur à celui de Chamberlayne; mais, exécuté lui-même avec quelque préci- pitation, il laisse encore à désirer une œuvre plus parfaite. Her— vas a réuni le Pater en trois cent-vingt langues; Adelung et Va- ter ont porté ce nombre à cinq cents *. Nous avons les dictionnaires arabes de Giggeus et de Golius (un peu arriérés l’un et l’autre; il nous fau- drait le Lexicon arabico-latinum de G.-W. Freytag, Leipzick, 1830-37, 4 vol. in-4° ). N'oublions pas les grammairiens latins recueillis par Putschius, 1605; collection recherchée, quoique fautive, et devenue presque introuvable. Voici encore quelques auteurs qu'on est loin de rencontrer souvent : Trippault : Celt.-hellénisme, ou Étymologie des mots français tirés du grec, 1581. Un exemplaire s'est payé 50 fr. chez Nodier, qui indique ce livre « comme bien fait, mais insuflisant aujourd'hui. » ‘ Voir, au sujet de ce livre, un article de M. Abel Rémusat, dans le Journal des Savants, mai 1827; les Nouvelles Annales des Voyages, t. XXX; le Fo- reigr quarterly review, novembre 1827, et une notice de M. de Hammer, dans les Wiener lahrbucher, t. XXXVII. ? Les progrès de l'ethnographie permettraient aujourd'hui de faire bien mieux que ces divers auteurs; les matériaux sont devenus abondants. Nous trouvons, par exemple, l’Oraison dominicale en dialecte beloutschi dans le Journal asia- tique, août 1833. 422 Pelletier : Dialogue de l'ortografe francese, 1555. 55 Fr., vente Nodier. Pelletier, tout comme Baïf et autres écrivains du seizième siècle, voulut en vain réformer l'orthographe. Il inséra, sans succès, ses in- novalions dans le recueil de ses poésies, imprimées en 1555. Une notice étendue sur cet auteur remarquable, se lit dans le Bulletin du Bibliophile, 8 série, p. 283- 208; elle est due à un bibliophile zélé, M. de Clin- champ. Rambaut : Déclaration des abus que l'on commet en escrivant, 1578. C’est un des moins communs des livres de cette classe. L'auteur fit fondre des caractères d’une forme toute nouvelle; il était maître d'école à Marseille. Ra- dical en néographie, il débute par la suppression de l'alphabet, et lui en substitue un nouveau composé tout d’une pièce, pour cel usage. La lexicographie présente, entre autres trésors, le Dictionnaire basque, latin et espagnol, de Larramendi, 1745 (2 vol. in-fol. ); le Dictionnaire chinois de J. de Guignes, 1813, et le Dictionnaire caraïbe du père Ray- mond Breton, 1665 :. Quelques mots encore au sujet d’un livret curieux ? Volume rare et recherché , qui s’est payé de 45 à 95 fr. dans quelques ven- tes. « Il contient sur les usages, les mœurs et les productions du pays, une mul- titude de détails pleins d'intérêt, exposés dans ce style familier et naïf dont les relations des missionnaires offrent tant de charmants modèles. » Ainsi s'exprime M. Nodier. Observons, en passant, que, d’après ce dictionnaire et par une sin- gularité dont quelques autres idiomes de l'Amérique offrent l'exemple ( Voir Balbi, Introduction à l'Atlas etnographique , 1826, p. 41), la langue que parlent les femmes est tout à fait différente de celle en usage parmi les hommes. 423 et des moins communs que possède la Bibliothèque, et que, d'après notre indication, le savant auteur du Manuel du Libraire a jugé digne de figurer parmi les écrits qu'il signale comme précieux. Il s’agit de l'Interprète, ou traduction du français, espagnol et basque, par Voltoire, Lyon, s. d. (vers 1610). Nous avons donné, en 1845, une réimpression des proverbes basques que contient ce volume; ils se joignent nécessairement aux autres proverbes basques bien plus nombreux qu'a recueillis Oihenarten 1656, et dont M. Francisque-Michel a fait paraître une édition nouvelle, en y joignant une introduction bibliographi- que, résultat de longues recherches, et des notes fort savantes. (1847, petit in-8° de plus de 400 pages; à Paris, chez Franck.) Voltoire, auteur fort peu connu, a publié en 1607, à Toulouse, un volume intitulé : Le Marchand traic- tant des propriétez du commerce. Ce livre, que la Bi- bliothèque n’a pu encore se procurer, offre un intérêt que son titre ne fait point soupçonner. Il renferme ce que l’auteur appelle les moutets gascouns, c'est-à-dire six cent - seize proverbes très-curieux. Un littérateur studieux, M. G. Duplessis, les à reproduits dans sa Bibliographie parémiologique, 1846, p. 444; mais ce livre n'étant pas lui-même très-répandu, nous croyons pouvoir reproduire ici six de ces moulets : A pay amassado, hil gouspilladou ‘. Qui poq semee, poq coelira. Aita bilsaleari feme barreiari, Oihenart, 15. 424 Lou mau ben acaouat à sen ba a pé. Plus hé lou qui bo, qué lou qui pot. Un cogneis lou maesté dup lou bailet, Qué se couche dap lous cans, se lieue dap pivats . Nous serons forcés de passer rapidement sur le ca- talogue relatif à l'HISTOIRE ; notre travai! deviendrait immense, si nous voulions signaler tout ce qu'il ren- ferme en fait de livres rares et précieux. Nous men- tionnerons à peine trois éditions de la Géographie de Ptolémée, 1605, 1618, et la version latine de 1535, due à Michel Servet.ENousftrouvons le recueil des Na- vigationi et viaggi, formé par Ramusio; éditions de 1563-74, 65. (L'édition de 1563 est préférable aux réimpressions de 1588 et de 1613; le t. TI à reparu en 1583 avec des additions, ainsi que Île t. IT en 1606. Voir la Bibliotheca grenviliana, p. 593.) Les anciennes£ relations de voyages sont d'autant plus curieuses, qu’elles ont été écrites par des hom- mes presque tous naïfs et sincères, et qui ont eu Île précieux avantage de voir des pays éloignés dans leur état primitif, avant les changements de toute nature qu'ont amenés les visites souvent funestes des peuples de l’ancien monde. Entre autres livres de ce genre, indiquons la Navigation du capitaine Frobisher en ! Divers proverbes et dictons gascons, d’après un manuscritide la Bibliothè— que d’Auch, se trouvent dans l'édition du Parterre gascoun de G. Bedout, Auch, 1850, p. 74-84. Ce Parterre parut pour la première fois à Bordeaux, en 1652, chez Pierre du Coq; mais le} texte original est devenu d’une rareté excessive. La Bibliothèque” de Bordeaux a dû se contenter de la réimpression. 425 1577 (il en existe diverses éditions anglaises ct lati- nes. Voir la Biblioth. grenvil., p. 259. ); les voyages des hollandais Van Noort, Leveer et Linschotan, ainsi que l'Itinerarium Portugallensium in Indiam, 1508; livre rare et d’un prix élevé, que Camus a décrit dans son Mémoire sur la collection des grands et des petits voyages, 1802, p. 342. C'est encore à la géographie qu'il faut placer le Cours des principaux fleuves de l'Europe; volume com- posé par Louis XV, alors âgé de dix ans environ. Il est accompagné d'un joli portrait, et il fut tiré à un très-petit nombre d'exemplaires qui ne furent point livrés au commerce. . Un tout autre intérêt s'attache au volume de Chas- tillon, Topographie française, 1655, in-fol. Cet ouvrage précieux et très-recherché conserve seul l’image de maint château détruit sous Richelieu, de maint édifice qui ne subsiste plus depuis longtemps. Le texte, sauf la table, n’a ja- mais paru. Chastillon vivait sous le règne d'Henri IV. Des édi- teurs, propriétaires des planches, en tirèrent, en 4641, en 1648, en 4655, de nouvelles épreuves, en y joignant d’autres vues. ( Consulter un article de M. Ch .Grouet dans l'Écho du monde sa- vant, octobre 4842, et la Revue de Rouen, novembre 1844.) Le célèbre voyageur italien Marco-Polo, se trouve représenté par une traduction française, Paris, 1556, qui est loin d'être commune *. ‘ Renvoyons à cet égard à un article de M. Delecluze, dans la Revue des Deux-Mondes, 1re sème, t. VII; un autre se trouve dans le Quarterly Review, t. XXI. N'oublions pas les recherches de M. Paulia Paris, insérées dans les Nouvelles Annales des Voyages, novembre 1850, et dans le journal l'Institut , n° 181, juillet 1851. 426 Entre autres ouvrages qui se recommandent d'eux- mêmes à l'attention des connaisseurs, nous mention- nerons : Les Chroniques de Saint-Denys, Paris, 1493, 3 vol. in-fol. : Ouvrage important, quoique mêlé de beaucoup de fables. De beaux exemplaires se sont vendus de 400 à 600 fr. Il y a d’ailleurs diverses éditions. Voir la Collection de Dissertations sur l'his- toire de France, éditée par M. Leber, t. XV, p. 409; un mé- moire de M. Lacabane, Bibliothèque de l'École des Chartes, t. Il; P. Paris, Manuscrits français de la Bibliothèque du roi, t. 1, p. 94; Thierry, Lettres sur l'histoire de France. (Tous ces ouvrages, ainsi que la plupart de ceux auxquels nous ren - voyons dans le cours de cette notice, se trouvent à la Bibliothè- que. ) Mis Dicœarchia Henrici II, 1556. Ce livre, quoiqu'avec un titre latin, est en français. L'auteur, R. Spifame, avocat au parlement de Paris, y a consigné deux cent-neuf édits supposés. « Au milieu de ces productions bizar- res, dit M. Dupin, dans ses Notices sur les livres de droit, il se trouve des dispositions très-sensées, qui depuis ont été con- verties en lois et qui ont reçu leur exécution. » Les arrêts pro- phétiques de Spifame semblaient, sous le règne d'Henri Il, de singulières nouveautés. (Voir pour plus amples détails, un travail de Secousse, Mém. de l'Acad. des Inscript., t. XXWII, p. 274; Barbier, Dictionnaire des Anonymes, n° 20200; Leber, De la Liberté de la presse depuis François Ie", p. 34, et Catalogue, n° 3916.) Un exemplaire de la Dicæarchia s'est élevé à 420 fr., vente Aimé-Martin. Recueil et Discours du voyage du roi Charles IX, par A. Jouan, Paris, 1566. Ce livret curieux est fort rare; il renferme des détails sur l’en- 427 trée et le séjour du monarque à Bordeaux, « Le 3 avril, le Roy alla coucher et disner à Toars, qui est un petit chasteau à une lieue de Bordeaux, auquel lieu ilséjourna six jours, pendant les- quels l’entrée se préparoit; et quand elle fut preste, le Roy partit pour äller disser à Frands, qui est une belle petite maison ‘ , et après disner, s’en alla embarquer sur la Garonne... » L'espace nous manque pour signaler ici divers écrits contre Henri II, contre Catherine de Médicis, pour et contre les Guise, ou relatifs à Henri IV, ainsi qu'au maréchal d'Ancre. Tous sont recherchés des bibliophi- les, qui rencontrent bien rarement l'occasion de les placer dans leurs armoires. L'édition originale des Mémoires de Sully, 1638, imprimée au château et sous les yeux de ce grand mi- nistre, ne doit pas être passée sous silence; elle donne cet ouvrage précieux pour l’histoire sous la forme singulière qu’il eut d’abord et dont on'ne connaît guère d’autres exemples (les secrétaires de Sully lui racon- tent tous les évènements auxquels il a pris part). Des éditions plus récentes (1745, 1788, 1814) offrent ce vaste travail d’une manière plus agréable pour le lec- teur; mais on préfèrera toujours l'œuvre primitive et sans retranchements. Des détails étendus sur le texte original et sur les réimpres- sions se trouvent dans le Bulletin de la Société de l'histoire de France, 1845, n° 3, p. 87. Une quarantaine de volumes de Mazarinades renfer- ment une partie seulement des innombrables pam- phlets qu'enfanta la Fronde. H s’en trouve de très-sin- Le château de Frands, commune de Bègles, aujourd'hui la propriété de M. Charles Balaresque. 428 guliers, de très-impertinents, en vers comme en pro- se. Comme modèles d’un genre qui ne doit point ser- vir de modèle, on distinguera le Tarif du prix dont on est convenu dans une assemblée de notables, pour ré- compenser ceux qui délivreront la France du Mazarin ‘; l'Imprécation contre l'engin de Mazarin, etc. Ajou- tons que tout ce qui concerne cette portion de la bi- bliographie a été débrouillé avec autant de patience que de clarté par M. C. Moreau, lequel, mettant de l'ordre dans un chaos jusqu'alors inexploré, vient de publier, sous les auspices de la Société de l'Histoire de France, un catalogue raisonné des Mazarinades en 3 vol. in-8. C'est un sujet sur lequel il n’y a plus dé- sormais à revenir. L’archéologie est représentée d’une manière remar- quable à la Bibliothèque; les publications les plus pré- cieuses, anciennes et modernes, sont enregistrées sur nos catalogues. La numismatique offre les importants ouvrages de Pellerin, de Spanheim, d'Eckhel, de Vail- lant, de MM. Cousinery, de Sauley, etc. Un volume d’ailleurs difficile à rencontrer (R. Streinnii Gentium et familiarum romanarum Stemmata, Paris, 1559, fol. ), a fait partie de la bibliothèque de Montaigne; la si- gnature du philosophe est au bas du frontispice *. Quant aux médailles gauloises et du moyen âge, indé- pendamment des savants ouvrages de MM. Lelewel et Le parlement mit en effet à prix da tôte du cardinal, ce qui provoqua les remontrances du clergé. ( Voir la Bibliothèque de l'École des Chartes, 1r° série, t. V, p. 600.) ? Nous avons, dans notre première notice, signalé, p. 385, cinq ouvrages que possède la Bibliothèque et qui portent la signature de Montaigne. Deux autres 429, Duchalais, nous rencontrons le curieux trazail dé MM. Leber et Rigollot, sur les Monnaies des évêques des innocents et des fous. N'oublions pas trois livres précieux, relatifs aux monnaies anglo-françaises. Les Iustrations, d'Ainslie, 1830, ont été complétées récemment par un supplé- ment publié à Londres, et qui porte à cent-trente-trois pièces différentes le nombre des monnaies en or, en argent et en cuivre frappées à Bordeaux, à Bayonne, à La Rochelle, etc., lorsque la Guienne était sous la domination des souverains britanniques. Le catalogue des monnaies de ce genre que possède le Musée bri- tannique se trouve aussi à la Bibliothèque. Ces trois volumes, ornés de planches très-bien exécutées, épui- sent à peu près un sujet fort intéressant. Ajoutons que quelques-unes des monnaies qu'ils décrivent sont tel- volumes ont été découverts depuis; nous les avons fait connaître à M. Payen, de Paris, qui s’occupe, avec un zèle infatigable, de tout ce qui concerne l’auteur des Essais. Il les a mentionnés dans ses très-curieux Nouveaux Docûments sur Mon- taigne, Paris, 1850, in-80. Ce livre était imprimé lorsque l'existence de trois nouveaux volumes, signés de Montaigne, est venue se révéler encore. ( Le Strein- nius ci-dessus; l’Aretino, Historia universale, 1561; Villani, la Prima parte delle Historie universali, 1859. ) C’est donc en tout, y compris le volume des Essais, et sauf découverte ultérieure, onze volumes avec la signature de Montai- gne conservés à la Bibliothèque. M. Payen a constaté l’existence, dans diverses bibliothèques, de dix-neuf autres volumes portant pareille signature. De ces trente volumes, un seul, à ce qu’il paraît (le César, que possède M. Parison ), est accompagné d’une de ces annotations que le philosophe mettait sur ses livres ( l'adiouste au bout le iuyement que i'en ai retiré en gros, liv. II, ch. X; les jugements portés sur Guichardin, Commines et Du Bellay, sont transcrits tout au Jong.) Ces livres n’ont certainement point tous été détruits; ils promettent de bien vives jouissances à celui qui sera assez heureux pour les découvrir. La li— brairie de l'immortel philosophe se composait de plus de mille volumes ( entre au- tres, une centaine de volumes de lettres d'auteurs italiens ). On voit qu'il reste encore à,cet égard ample champ aux investigations des bibliophiles. 430 lement précieuses, qu'à la vente du cabinet d’Ainslie elles ont été adjugées de 200 à 300 fr. Une d'entre elles s’est même élevée jusqu’à 600 fr. Une importante série de grands ouvrages, ornés de gravures, fournit de bien précieuses ressources pour l'étude des monuments figurés de l'antiquité. Signa- lons, entre autres travaûüx de ce genre, ceux de Gvri, de Bartoli, de Raoul-Rochette, de Mazois, de Passeri. La section de l'histoire littéraire montre, parmi bien des publications précieuses, le recueil complet des travaux des diverses Académies de Paris avant 1789, et ceux de l’Institut, ainsi que les savants mémoires de l’Académie des sciences de Berlin et de celle de Saint-Pétershourg. Les hommes studieux qui s’occupent de bibliogra- phie se féliciteront de pouvoir consulter les ouvrages de Debure, de Barbier, de Peignot, de Quérard; ils feuilletteront peut-être la Bibliotheca rabbinica de Bar- tolocci, vaste recueil de passages étranges empruntés à des auteurs accessibles seulement au très-petit nom- bre de personnes qui savent l'hébreu. En fait de journaux littéraires, nous mentionnerons : Le Journal des Savants, qui, depuis son origine jus- qu'à nos jours, forme une imposante série de 150 vol. in-4°. Le Journal de Trévoux, où d'importants travaux historiques gisent enfouis. La Revue encyclopédique, la Revue de Paris, la Re- vue des Deux-Mondes, la Revue française (1828-30 ), que recommande la collaboration de MM. Guizot, de Broglie, etc. 431 La France littéraire et la Revue nouvelle. Le Journal asiatique ( malheureusement il n’est pas complet }, la Bibliothèque de l'École des chartes. Les catalogues de Bibliothèques publiques ou de bi- bliothèques particulières dispersées après la mort de leurs propriétaires forment une portion importante de la bibliographie. Nous avons, en ce genre, ce que le siè- cle dernier a produit de mieux : les catalogues Boze, Dubois, d'Estrées, Girardot de Préfond, Rothelin, etc. Si nous passons à des inventaires plus modernes, nous mettrons a main sur le catalogue de la bibliothèque for- mée par M. Leber, et cédée à la ville de Rouen; réunion curieuse d'une foule de livres peu communs ( relatifs surtout à l’histoire de France ); des notes multipliées en font ressortir le mérite et en signalent les particu- larités, Pareil travail distingue le catalogue L. { des plus riches pour la littérature italienne) et celui de Sil- vestre de Sacy, d’une importance sans égale pour la lit- térature orientale. Les dictionnaires de Bayle et de Moréri, les éditions originales des Vies de Plutarque en latin (1470) et en grec ( 1517 ), sont à citer dans la section consacrée à la Biographie. La THÉOLOGIE se trouve naturellement représen- tée par une foule d'ouvrages, dans une Bibliothèque où sont venus se fondre les collections d'un grand nombre de communautés religieuses. Une multitude d'éditions hébraïques, grecques ou latines de la Bible, de livres de controverse ou de mysticité, de vieux sermonnaires, de publications li- turgiques, ne saurait fournir ample récolte au biblio- 432 graphe dont l'attention se dirige vers les volumes ra res el précieux. Signalons toutefois : Psalierium in lingua œthiopica, Romæ, 1513, fol. Premier livre imprimé en caractères éthiopiens. Novum Testamentum, characteribus et linqua syra, Viennæ, 1555, in-4°. Édition précieuse et très-rare. (Voir de longs détails au cata” logue Silvestre de Sacy, t. I. n° 705 et p. 416.) Le Nouveau Testament, Bordeaux, 1686, in-8°. Édition qui fut supprimée et qui est devenue très-rare. Elle donna lieu à une vive conttoverse, et deux passages ( Actes, ch. XII; fr Épitre aux Corinthiens, ch. IT) furent signalés comme interpolés. Un évêque anglican, Kidder, en fit l’objet d’une dissertation, qu'un docteur d'Oxford, Cotton, a publiée de rechef en 1827, avec des additions. Des exemplaires de cette édi- tion sont signalés comme précieux dans la Bibliotheca Grenvi- liana, et dans le catalogue ( n° 4773) des livres du duc de Sus- sex, vendus en 1844. Pseaumes de David, viratz en rhytme gascon, par Pey de Garros, Tolosa, 1565. Ce volume, très-dificile à se procurer aujourd'hui (il s’en est payé un exemplaire 65 fr. à la vente Nodier), renferme cin- quante-neuf pseaumes, traduits assez fidèlement en vers de di- verses mesures. La grande rareté des livrets publiés au seizième siècle en idiome gascon, justifierait ici quelques extraits de cet ouvrage peu COnDu; nous y renonçons à regret. A l'égard des travaux de divers artistes au sujet des livres saints, nous rencontrons les Zcones du célèbre Hol- bein, 1543 (92 gravures sur bois très - bien dessi- nées; le mérite de chacune d'elles est discuté dans l'écrit de Fr. von Rumobr : Hans Holbein der jungere, Leipzig, 1836, p. 60 et suiv.), et la Physique sacrée de Scheuchzer, 1732, 8 vol. in-fol. ; livre orné de sept 4133 cent-vingt planches exécutées avec luxe et indispensa- bles aux naturalistes. (Voir ce qu'en dit la Biographie universelle, XLI, 118.) Nous aurious tort d'omettre une édition, entièrement en hébreu, du Talmud, Venise, 10 vol. in-fol. ‘; la Mis hna, Amsterdam, 1698, 6 vol. in-fol. (code li- turgique cet civil des Israélites), et le rare recueil mis au jour par de Knorr à Rosenberg, sous le titre de Kaballa denudata. ( Une note détaillée sur cet ouvrage se lit au catalogue Silvestre de Sacy, n° 306.) Un très-gros volume du catalogue imprimé de la Bi- bliothèque est consacré aux SCIENCES ET ARTS. Nous devons forcément nous en tenir à signaler un bien petit nombre des ouvrages importants et devenus rares qui se rencontrent parmi tant de volumes. Un coup d'œil jeté sur la section relative à la musique nous fait apercevoir les musiciens grecs, recueillis par Meibomius, Amsterdam, 1752, 2 vol. in-4° *; le sa- Cet immense recueil de traditions rabbiniques est loin d’être sans intérêt pour l’histoire de la marche de l'esprit humain; mais il n’a jamais été mis en entier à la portée des personnes qui ignorent la langue hébraïque. En 1842, il a paru à Berlin le premier volume d’une traduction allemande avec commentaires ; mais cette publication trop vaste, qui devait former 28 in-fol., n’a pas été con- tinuée. Quelques notices se trouvent dans la Revue de Paris, t. XL, dans la Revue encyclopédique, avril et mai 1823; dans le Bulletin du bibliophile, 1844, p. 944-952. ? Il est peu d’études qui soient aussi hérissées de difficultés que celle des théo- ries musicales des anciens Grecs; indiquons, à ceux qui veulent aborder ces pro- blèmes, un travail très—-étendu de M. Vincent, dans les Notices et Extraits des manuscrits, t. XVI, ainsi qu'un article on the enharmonic of the ancients dans le Westminster Review, avril 1832, p. 429-478. Les recherches de Rousier, Paris, 1774; de Gironi, Milan, 1822; de Carcano, Rome, 1843, doivent aussi être signalées. 28 434 vant recueil de Gerbert, sur la musique d'église au moyen âge, 1774, 2 vol. in-4°, ainsi que plusieurs écrivains du seizième siècle, tels que Glareanus, Gaf- furi et Zarlino, dont les écrits sont l'objet d’une re- cherche passionnée. N'omettons point le Solitaire second, ou Prose de la musique, par Pontus de Tyard, Lyon, 1555. Cet ouvrage lrès-rare est peu connu; un exemplaire s’est adjugé à 175 fr., vente Caïlhava, en 1845, n° 174. Le Manuel du Libraire se borne à signaler vaguement une édition de 1552. Le titre assez bizarre de ce livre indique une production antérieure, qui vit le jour à Lyon en 1542 : Solitaire premier, ou Prose de muse. Une édition de Paris, 1575, non citée au Manuel, s’est vendue 70 fr., vente Buvignier, en 1849, n° 517. A l'égard de l’auteur, renvoyons à Papillon, Bibliothèque des auteurs de Bourgogne, t. I, p. 333; Nicéron, t. XXI, p. 292; Goujet, t. XIV, p. 34; Violet-Leduc, p. 333; il existe une notice spéciale de Marin, Neuf- châtel, 1784, in-8°. Entre autres ouvrages concernant les arts gymnas- tiques, nous découvrons : Les Dialoques d'Archange Tuccaro, 1599, sur l'Exer- cice de sauter et voltiger en l'air, volame curieux et peu commun, accompagné de figures en bois, et dé- dié à Charles IX. Le napolitain Tuccaro avait eu l'hon- neur de servir, pour les exercices corporels, de maf- tre à ce monarque. Le Ballarino de F. Caroso, 1581, contient les pré- ceptes de l'art de la danse, avec un grand nombre de figures bien exécutées et intéressantes pour l'étude 435 des costumes. La musique notée accompagne chaque air de danse à la mode au seïzième siècle, en France, en Îtalie et en Espagne, et chaque danse est dédiée, à l’aide d'un sonnet, à une des dames les plus illustres de cette époque. Un bel exemplaire s’est payé 113 fr., vente Libri, n° 2959. La classe des sciences mathématiques est fort éten- due; tout bibliographe y distinguera bien vite : Les Raisons des forces mouvantes, par Salomon de Caus, Francfort, 1615, in-fol. Ouvrage très-rare et fort important pour l'invention de la ma- chine à vapeur. ( Voir le Journal des Savants, sept. 1844. Opera mathematica Petri de Fermat, 1679, in-fol. Fermat, conseiller au parlement de Toulouse, est l'un des plus illustres géomètres, un des penseurs les plus profonds que la France ait enfantés; sa gloire n’a guère cependant dépassé le seuil des Académies; ses études abstraites ne pouvaient rendre populaire un nom devenu immortel, La Biographie universelle lui a consacré un article très-remarquable. M. Renouvier en a donné un autre dans l'Encyclopédie nouvelle. Des détails fort développés et pleins d'intérêt se rencon- trent dans la Revue des Deux- Mondes, 15 mai 1845, et dans le Journal des Savants, septembre 1839, mai 1841, novembre 1845. Mention est due aux ouvrages de Denys Papin ( Ha- nière d'amollir les os, 1688; Manière pour lever l'eau par la force du feu, 1707); on y trouve, pour la pre- mière fois, l'emploi de la vapeur indiqué avec préci- sion. Un de ces livrets s’est payé jusqu'à 50 fr., vente Aimé-Martin. (Voir la Biograp. univ., XXXIT, 458.) 436 L'Astronomie peut revendiquer sur nos catalogues les compositions historiques de Bailly, de Delambre , de Lalande; diverses éditions de la xire- de Ptolé- mée et sa traduction française par l'abbé Halma *; les œuvres de Galilée, 1618, 3 vol. in-4°; les divers écrits de Copernic, de Tycho-Brahé et de Képler, ct d'im - portantes publications récentes. A côté de l’Optique nous rencontrons les Leçons de perspective d'Androuet du Cerceau, Paris, 1576, in- fol. *; et la Perspective de Salomon de Caus, Londres, 1612, in-fol. La Philosophie, la Métaphysique, la Logiqne, sont représentées par une foule d'ouvrages, écrits en grande partie en latin, et provenant des anciennes congréga- ! Delambre extrait des anciens traités sur l'astronomie et la géographie, les documents qu’ils contiennert, et il en donne de savantes et judicieuses analyses. Il présente ainsi une importante réunion de matériaux; mais il ne fait point une histoire complète de l'astronomie, Il s'en faut que toutes les sources de cette his- toire soient encore explorées ou même indiquées; il en est beaucoup qui se trou- vent éparses dans une foule d'ouvrages dont l’objet spécial n’est pas l'astronomie. M. Libri a jugé sévèrement les travaux de Delambre, que M. Martin, dans son édition du Timée de Platon (t II, p. 424), nous semble avoir appréciés avec plus de justice, et que M. Biot, dans le Journal des Savants, septembre 1818 et avril 1819, a regardés comme dignes d’éloge. * Halma était bon mathématicien; mais il n’était pas assez fort sur le grec pour aborder les difficultés que présente l’auteur qu'il avait choisi. Le texte qu'il donne offre bien des fautes. Consulter un judicieux travail de M. Letronne, in— séré dans le Journal des Savants, et reproduit dans le Bulletin des Sciences historiques de M. de Férussac, t. XVII et XVIII. * Les ouvrages de ce célèbre architecte sont très-recherchés et ils ne se trou- vent pas facilement. Ils ont été décrits avec détail par un amateur, qui n'avait épargné ni dépenses, ni soins pour en former une collection presque complète. ( Voir le Catalogue de la bibliothèque de M. Vivenel , Paris, 1840, in-80. Beau volume exécuté avec luxe, et qui, tiré à petit nombre, n’est pas entré dans le commerce. }) 437 tions religieuses. Nous ne nous y arrêlerons pas, quoi- qu'il nous fût facile d'y remarquer d'intéressantes ra- relés. Nous laisserons de côté ce qui concerne les sciences occultes; il n'y a là que matériaux pour tracer l’his- toire des aberrations de l'esprit humain, histoire très- vaste et bien loin de toucher à son terme. Par égard pour leur singularité, nous mentionnerons cependant les Discours de Le Loyer, sur les Spectres et Appari- tions, et l'ouvrage d'un conseiller au parlement de Bordeaux , Pierre de Lancre : L'Incrédulité et mes- créance du sortilége pleinement convaincue, 1622, 40 *. Si nous passons à la Morale, nous signalerons, in- dépendamment des huit éditions différentes des Œu- vres morales de Plutarque, traduites par Amyot, une traduction faite par un Bordelais, Arnauld Ferron, d’un traité de Plutarque ( Eroticus, Lugduni, 1557, in-8° ); volume que recommande un frontispice orné de figures en bois, gravées avec finesse et tout à fait dans le genre de ces dessins burlesques et énigmati- ques qui composent le recueil des Songes de Pantagruel. Il n'est sans doute pas de bibliothèque qui ne con- tienne les Caractères de La Bruyère; mais il en est 1! Nous avons parlé ailleurs de ce livre affreusement ridicule. L'auteur s’y vante, dans toute l’ingénuité de son âme, on peut dire dans toute la pureté de sa cons- cience, d’avoir fait mettre à mort un nombre considérable de sorciers et de sor— cières. Il avait déjà publié un autre ouvrage, dicté par le même zèle, contre le diable et contre ses suppôts : Tableau de l'Inconstance des mauvais anges , 1613. Le tout remplit près de 1500 pages, et mérite de tenir place dans une bibliothèque bordelaise, puisque d'étranges arrêts rendus par notre parlement y sont consignés. 438 peu qui réunissent (rois des diverses éditions données du vivant de l’auteur. Elles sont remarquables par le travail continuel auquel le Théophraste français sou- mettait son livre. La première édition est compléte- ment transformée dans la dernière; il est difficile d'y reconnaître le même ouvrage; à peine trouve-t-on quelques paragraphes de cette édition à la place qu'ils occupaient primitivement : tous ont recu des correc- tions et des augmentations tellement considérables, que l'ouvrage primitif est méconnaissable, M. Walc- kenaer, dans son excellente édition des Caractères (Paris, 1845 }, a traité cette question (p.25-39 et 627-644) avec une exactitude que nous voudrions voir appliquer à chacun de nos auteurs classiques; ce serait pour la bibliographie et pour l'histoire littéraire une circonstance heureuse. Diverses éditions grecques et latines des Réflexions morales de Marc-Aurèle, et leur traduction par Dacier et par Joly, ne sont pas à dédaigner. Ce n’est guère que par la version de Joly que l’on connaît l'œu- vre de Marc-Aurèle; mais ce traducteur a eu l’idée de distribuer les pensées du vertueux empereur dans un ordre qui lui a paru édifiant : d'abord celles qui se rapportent à telle vertu, puis cel- les qui se rapportent à telle autre. Le fait est que Marc-Aurèle a laissé un journal où, sans aucun ordre systématique , il déposait ses pensées. Une nouvelle traduction sérieuse devrait leur resti- tuer leur caractère véritable. L'Histoire naturelle est une des parties les plus in- téressantes de la Bibliothèque. Nous avons déjà men- tionné quelques belles publications modernes ; nous renvoyons au Catalogue pour beaucoup d'autres que nous ne pouvons signaler ici. Fidèle à notre plan, 439 nous ne ferons qu'indiquer quelques raretés, telles que : Historia naturalis Poloniæ, par G. Rzaczynski, 1721, avec l'Auctuarium, qui, publié plus de vingt ans après le premier volume, se trouve très-difficilement et for- me un tome de 504 pages. Prodigiorum chronicon, par C. Lycosthène, 1557, in-fol.; vaste recueil de faits qui sont loin de mériter tous une confiance entière, mais qu'il ne faut pas re- jeter en masse, et qui méritent souvent l'attention d'un naturaiiste judicieux. La collection bien complète des volumineux écrits d'Aldovrande, sur les animaux de tout genre; compila- tions sans critique, mais où se déploie une lecture im- mense et qui peut tenir lieu d'une bibliothèque des plus considérables. Les Sciences médicales nous offrent de nombreuses éditions d'Hippocrate et de Galien (celle des Aphoris- mes, Lyon, 1543, revue par Rabelais, mérite d'être distinguée ). Les Medici antiqui omnes, Venise, 1547, in-fol., publiés par les Alde, forment un beau volume fort recherché. D'anciens docteurs, tels qu'Oribase, Ae- tius, Actuarius, Avicenne, etc., sont bien en arrière du niveau des connaissances actuelles ; mais leurs écrits ont de la valeur aux yeux du bibliographe. Les Disputationes medicæ de P. Garcia Carrero, 1528, in - fol., sont dignes de mention comme étant un des plus anciens volumes imprimés à Bordeaux. À cet égard, nous ferons remarquer que l’histoire des débuts de la typographie bordelaise est encore enve- loppée de ténèbres. Le savant auteur du Manuel du 440 Libraire avait indiqué comme le premier livre publié dans notre ville, un petit poëme d'Eustorg de Beau- lieu : Les Gestes des solliciteurs, in-4°, 10 feuillets, 1529, imprimé par Lehan Guyart, demeurant devant l'esglyse Saincte-Coulombe; mais huit années avant, en 1520, Gaspard Philippe, auquel Guyart succéda, avait mis sous presse une prolixe Summa questionum medi- cinalium, composée par Gabriel de Taregua ‘. Il n'est pas à croire que l'imprimerie ait débuté à Bordeaux par un volume in-fol. de 239 feuillets; d'autres pro- ductions moins étendues ont existé sans doute; des recherches persévérantes en amèneront peut-être la découverte. Parmi les plus anciens livres publiés à Bordeaux et exécutés chez Guyart *, nous citerons les Constitutiones de l’archevèque Jean de Foix, 4524 ( n° 30327 du catalogue ), et les Coutumes générales de la ville de Bourdeaulæ, 1528, 22 feuillets, impri- mées sur peau-vélin (n° 29680). M. Van-Praët, qui a dressé en neuf volumes la liste de tous les livres sur vélin qu’il a pu décou- vrir, ne connaissait point celui-ci. Il est à remarquer qu’il existe un volume imprimé à La Réole trois ans avant la date de la plus ancienne production typographique de Bordeaux : c’est un petit vocabulaire grammatical en latin, composé et imprimé par Jean Maurus Constantin, 4547, in-4 (n° 43128). Notons en passant ! Voir, au sujét de ce médecin et de ses ouvrages, une notice de M. Jules Delpit, dans les Actes de l'Académie de Bordeaux, 1848. Le Manuel du Libraire, t. 11, p. 467, a reproduit la marque de Guyart : un chène auquel est attaché un écusson où se trouve le monogramme de cet impri- meur ; à droite et à gauche deux gros poissons couronnés. Cette marque se trouve sur un opuscule en vers de Gringore, in-89, 8 feuillets; et un autre opuscule du même poëte, que possède la Bibliothèque nationale (exemplaire du cat. Rothelin, n° 2225 ), porce au bas du verso du quatrième feuilet les armes de Bordeaux. On peut donc revendiquer pour notre ville ces deux livrets rarissimes et sans date d'impression. AAA que, dès 4530, il sortait des presses de Claude Garnier, à Bazas, un autre in-4° de Jean Dibarola, intitulé : Opus quod Baptista Salvatoris nuncupatur. Parmi les singularités médicales, nous trouvons les savants et bizarres ouvrages de Schurig /Ginæcologia, Parthenoloqia, Syllepsilogia, ete. ); le traité de Meilbo- mius, De flagrorum usu, que des traductions moder- nes ont fait trop connaître; le livre de Laurent Jou- bert, sur l’Essance et mervelheus effais du ris ‘; le Royal syrop de pommes, par G. Droyn, 1613, livre fort rare, où la science médicale sert de thème à des observalions criliques souvent très-fines et toujours curieuses, sur les usages et les ridicules de l'époque. (Voir le Bulletin du Bibliophile, 1846, p. 956, et Vio- let- Leduc, t. IT, p. 168.) Diverses éditions des Pré- ceptes de l'École de Salerne pourraient nous arrêter un instant. On compte près de deux cents éditions de cet ouvrage célèbre, qui résume l'esprit des maîtres de la science au moyen âge. Si on le juge en vue du progrès accompli depuis cinq ou six siècles, on n'y verra qu’un fatras de diététique, un lambeau de galé- nisme cousu aux recettes de la polypharmacie arabe; mais, sous cette couche, plus d’un axiome de salubre hygiène se révèle comme une réminiscence hippocra- Un exemplaire de ce livre curieux, que son orthographe étrange fait remar— quer, s’est payé 50 fr., vente Nodier, en 1844. Nous en avons donné un extrait dans le Journal de l'Amateur des livres, t. I, p. 65. D’autres auteurs ont traité le même sujet : désignons entre autres A.—L. Politien, Dialogus de risu, 1606; Poinsinet de Sivry, Traité des causes physiques et morales du rire , 1768; Roy, Truité medico-phylosophique sur le rire, 1814; H. Hutcheson, Réflexions upon Laughter, 1750; le Discours académique du ris, prononcé en l'Académie de Philaréte ( vers 1630 }, etc. 442 tique. La meilleure édition est celle qu'a donnée A. Croke, Oxford, 1830, avec une introduction, des no- tes et une vieille version anglaise. Le Bulletin de Fé- russac ( Sc. hist., XVII, 125-198 ) en a rendu compte. Nous craignons d'aborder la partie des Beaux-Arts ; elle nous entraînerait trop loin. Vitruve, Philibert de L'Orme, Serlio, Scamozzi, Palladio, Blondel, et bien d'autres architectes célèbres, sont dignement repré- sentés dans la Bibliothèque. Les amateurs qui veulent étudier la vie des peintres, n'ont qu'à ouvrir D'Argenville et Descamps. Divers Musées, Galeries et recueils de gravures, livres très-dispendieux, que possèdent bien rarement les collections particulières, jettent de l'éclat sur no- tre catalogue. Arrivons au dernier volume de l'inventaire imprimé, à celui qui concerne la JURISPRUDENCE. Nous se rons ici très-laconique; à peine mentionnerons-nous l'Esprit-des- Lois, édition originale, 1748, 2 vol, 4° (elle mérite d’être comparée avec celle de 1749 ); la collection des Lois maritimes, due à M. Pardessus ; l'Histoire du Droit romain de M. de Savigny; l'His- toire du Droit bizantin, par M. Montreuil. Une multitude d’écrits relatifs au droit romain et à la jurisprudence moderne n'offrent rien qui sorte de la classe des livres ordinaires; mais le bibliophile verra avec plaisir les Fors et costumas de Bearn, et les As- sises du royaume de Jérusalem. Les Playdoyez de plusieurs fameux advocats du par- lement de Bordeaux , recueillis par Gilbert Vernoy, 1616, 4°, méritent de l'attention à cause de la singu 443 larité de quelques-unes des affaires qui ont été débat- tues , il y a deux siècles et demi, par les prédécesseurs des Ferrère, des Ravez, des Lainé. Si nous voulions, à propos de ce recueil, donner une idée des étranges questions que traitaient d’an— ciens jurisconsultes, nous étonnerions peut-être nos lecteurs : J. Nicoïai, à Francfort, écrivait sur l'usage, l'abus et les droits des éperons { De Calcarium usu et abusu, necnon juribus illorum ); Lynck s’occupait des droits civils des monstres; Dreyer envisageait ce qui concerne le supplice d’être enterré tout vif; Forcatel publiait son Cupido jurisperitus; Schulz examinait si, dans des circonstances bien critiques, l'anthropopha- gie est excusable; Speller publiait l'apologie de Ponce Pilate, et Thomasius fabriquait un gros volume de jure cideæ somnum et somnia; H. Verduyn recherchait si la résurrection d'un mort annule le testament qu'il a fait avant de décéder, et il pensait que les héritiers devaient restituer au moins la moitié de la succession; la polygamie trouvait des défenseurs dont le zèle pro- voquait de chaleureuses controverses ‘; Struve prenait ! Le plus zélé de ces polygames en théorie fut le Suédois J. Lyser, qui publia, en 1676, un livre remarquable en ce qu'il a neuf titres différents; au verso de chacun d'eux se trouve une dédicace adressée à l’un des rois de l'Europe. Cet écrit reparut frès augmenté en 1682, sous le titre de Polygamia triumphatrix. L'An- glais Madan soutint la même doctrine. Un moineitalien, qui, au scizième siècle, embrassa les principes de la Rélorme, Bernardin Ochin, appuya la polygamie dans des écrits que Théodore de Rèze réfuta en détail dans son Zractatio in qua Ochini apostulæ argumenta refutantur, Genève, 1581. (Voir l'article Ochin, dansle Dictionnaire de Bayle et les Questions illustres, où Bibliothèque de livres sin- guliers en droit , par J.-M. Dufour, Paris, 1813, p. 81. Il existe un livre très- peu connu de D. Gorzia, De Polygamia et polyviria, Palerme, 1638. 444 pour but de ses discussions le dommage causé par les rats; Hermg discutait toutes les questions légales que soulève l'homicide de Caïn; Friese envisageait sous tous les points de vue les crimes que peuvent com-— mettre des gens endormis. À qui reviennent les tré— sors trouvés par l'intervention du diible? tel était le problème que se posait Fortsch. Nous pourrions énu- mérer, entre autres traités de ce genre, le De barba Prognosticon juridicum de Pagenstecher; la disserta- tion de Claver, De jure canum; celle de Telmann, De jure circa nuditatem; celle de Harprecht, De eo quod justum est circa nivem; celle d'Hoffmann, De die ac nocle nuptiah; mais cette digression a déjà pris trop de place, et nous avons des motifs pour passer sous silence nombre de dissertations consacrées à des su- jets extrêmement scabreax. Nous terminons ici cette notice, qui paraîtra sans doute fort longue; elle ne mentionne toutefois qu’une très-faible portion des livres rares et curieux que pos- sède la Bibliothèque de Bordeaux; il en est bien d’au- tres dignes d'une mention honorable; mais lors même que nous aurions eu plus d'espace, nous n’en aurions point parlé, afin de laisser aux amateurs le soin de les découvrir eux-mêmes dans les catalogues imprimés; car les catalogues aussi ont des lecteurs, et les indif- férents ne se doutent pas de l'avidité avec laquelle un bibliophile parcourt une liste de livres. 445 NOTICE LITTÉRAIRE ET HISTORIQUE SUR S. SIDOINE APOLLINAIRE; © Par ML. l'Abbé CIROT DE LA VILLE. Je me propose, dans cette Notice, de considérer Sidoine Apollinaire comme auteur et historien soit de la France en général, soit de l'Aquitaine en particu- lier. Néanmoins, je ne puis passer sous silence son premier titre. L'Église l'a mis au nombre de ses saints, de ces bienfaiteurs de l'humanité, de ces amis de Dieu et des hommes qui ont fait du bien à tous, partout, et qui ont laissé une mémoire à jamais vénérée. Étu- diant à Lyon, où il était né d’une famille illustre, prince du sénat et patrice de Rome, évêque de Clermont, il brilla plus encore par ses vertus que par ses dignités. Sa constance dans la disgrâce lui gagna l'estime de l'empereur Majorien, d'abord son persécuteur, et plus 446 tard d'Alaric, qui le tira de prison pour le rétablir sur son siége. Sa sagesse en fit l’oracle de son siècle, le conseiller de ses contemporains les plus célèbres, qui l’arrachaient, par leur correspondance aussi vaste que l'univers connu, comme il s’en plaint lui-même, à Dieu et à la retaite : Nec multùm Domino vacat vel ipsi Düm responsa petit subactus orbis. (Lib. VII, Epist. IX.) Sa charité l’appauvrit et lui donna pour famille, pen- dant de cruels fléaux , les pauvres de l'Auvergne et de la Bourgogne. Son uom est toujours à Clermont le sym- bole du dévouement, le signe de la protection céleste. Comme auteur, Sidoine Apollinaire n'est pas non plus sans mérite. On s'étonne que dans neuf livres de lettres et un recueil de petits poëmes dont les panégy- riques des empereurs Avit, Majorien et Anthémius sont les plus étendus, il ait pu condenser tant d’éru- dition, des faits si nombreux et des notions si variées sur les diverses branches de la science. A voir la fa- cilité avec laquelle il multiplie les allusions à des pas- sages d'Homère, de Virgile, de Cicéron, de Démos- thène, d'Hérodote, de Térence, de saint Jean Chry- sostôme, des livres saints, on juge sa connaissance approfondie de la littérature sacrée et profane. Ses vers révèlent de l'esprit et une grande sensibilité de cœur. La pensée en est ingénieuse et délicate, le style vif, serré et agréable. Il excelle surtout dans les des- 447 criplions que son imagination brillante se plait à en- richir. En voici un exemple, tiré de son poëme sur Narbonne. Après avoir décrit cette ville et exprimé sa reconnaissance pour es soins dont son exil y avait été entouré, il parle ainsi de la maison de Consentius, homme de lettres, qui lui avait donné l'hospitalité : « O délicieuse maison! doux pénates! où, chose dif- ficile et si souvent opposée, habitaient ensemble la li- berté et le respect. Repas, fables, lectures amusantes, moments de gaieté ou d'étude, bons mots, heures de se réunir, compagnie, tout était en commun : c'était pour nous comme une maison de Dieu digne de notre culte... » O dulcis Domus! o pii penates! Quos res difficilis, sibique discors, Libertas simul excolit pudorque. O convivia ! fabellæ, libelli Risus, serietas, dicacitates, Occursus, comitatus unus idem! Seu delubra Dei colenda nobis..…. (Carm., XXIII. } Je pourrais citer encore, entre autres, la descrip- tion si pleine de grâces et de charmes, tirée d’une let- tre à Ecdicius, son parent, comte et patrice des Gau- les, qu'il voulait rappeler en Auvergne, sa patrie. Avant de passer à d’autres motifs, il invoque, sous forme de prétérition, les touchants souvenirs de son jeune âge : « Je ne parle pas de ces motifs d’attache- ment pour la patrie communs à tous les hommes et qui ont cependant tant de puissance sur nos affections. 448 Je ne vous parle pas de ces prairies que vos premiers pas ont foulé, de ces fleuves que vous traversiez à la nage, de ces bois que vous parcouriez dans vos chas- ses. Je ne veux pas vous rappeler ces premiers jeux auxquels vous vous y êtes livré : la balle, le cornet, la chasse à l’épervier ou au chien, les courses à che- val, l'arc. » ( Liv. HT, Ép. IL.) Les incontestables beautés répandues dans les écrits de Sidoine lui ont valu de nombreux et éclatants élo- ges. Gennade reconnaît en lui un talent éminent soit dans la poésie, soit dans la prose. Claude Mamert l'ap- pelle un des premiers orateurs de son temps pour l'é- loquence et l’érudition. Il fut comparé aux poëtes les plus goütés. On ne peut nier, néanmoins, que le mauvais goût ail pénétré dans ses écrits. A côté de pensées nobles et élevées, avec un raisonnement solide, on trouve souvent des antithèses trop fréquentes, des métapho- res trop hardies, et même des jeux de mots. Mais faut-il l’en accuser? « Dans notre siècle, dit-il, le monde, vieilli et épuisé de forces, offre peu d'hom- mes célèbres dans les lettres et les arts, et encore ce peu d'hommes offrent-ils peu d'œuvres admirables et dignes de souvenir. » (Liv. VIII, Ép. VI.) Sidoine subit aussi l'influence de son siècle dans l'emploi d'expressions qui attestent la dégénérescence de la langue latine; mais il fut le premier à en gémir et à chercher des remèdes à ce mal. « Nous pleurons, disait-il, la langue latine détruite et perdue, à moins que quelques hommes habiles ne la purifient de la 449 rouille de tant d'expressions barbares. » (Liv. IT, Ép. X.) Il ne négligea rien lui-même pour ramener les lettres à un état meilleur. Bienveillant et généreux envers les jeunes gens qui se livraient à l'étude, il porta jusqu'à une noble passion son amour pour les bons ouvrages. En voici une preuve rare et pleine d'un piquant intérêt : Riocat, évêque breton, pendant les ravages que fai- saient dans toutes les contrées les hordes barbares, était venu à Clermont demander à Sidoine une douce hospitalité. Il la reconnaissait en communiquant à son hôte la collection d'ouvrages précieux qu'il avait for- mée. Après deux mois de séjour, Riocat déjà parti, Sidoine apprend que l'évêque breton possède encore un ouvrage de Fauste de Riez qui a échappé à sa con- naissance. « Aussitôt, raconte-t-il lui-même, je me mets à sa poursuite, comme le tigre à qui on enlève ses petits. J’atteins mon hôte; j'arrête les chevaux, j'attache les brides, je me jette à ses pieds, je dé- fais les paquets, je trouve le volume désiré; je le lis, j'en fais des extraits, prenant le meilleur dans un ou- vrage où tout était bon. Il me fut même possible, dans cette marche par monts et par vaux, d'en dic- ter un abrégé au plus rapide des seribes, qui expri- maient par des signes ce qu'ils n'avaient pas le temps de reproduire par des lettres. » Après cela, les deux amis se séparèrent en s'embrassant et en versant des larmes de regret et de joie. ( Liv. IX, Ep. IX.) Ce seul trait ne suffit-t-il pas pour justifier le titre que Claude Mamert à décerné à Sidoine, en l’appe- 29 450 lant le réparateur des lettres : Veteris eloquentiæ repa- ratorem? ( Sismondi; Præf. in op. S. Sidonti. ) Au milieu de ces citations et d’autres qui se pré- sentent en foule à l'attention du lecteur de bon goût, j'oublierais facilement que mon but principal n’est pas de chercher dans les œuvres de Sidoine Appollinaire ce qui appartient à la littérature, mais ce qui appar- tient à l'histoire. Pour s'expliquer les richesses qu'elles renferment sous ce rapport, il faut remarquer que Sidoine a vécu dans l'intimité des grands hommes de son temps, prin- ces, évêques, magistrats. Aussi est-il difficile de trou- ver des détails plus exacts et plus minutieux sur les hommes et sur les faits que ceux dont surabondent ses lettres. Qui à jamais mieux tracé au physique et au moral le portrait de Théodoric, premier roi des Ostro- goths? Qui à mieux dit comment Dieu, arbitre et sou- veraine raison de toutes choses, avait uni en ce prince, à une nature complète, une prospérité constante et des qualités si supérieures, qu’elles ont échappé à l'envie; à un visage où tout est noble, gracieux, régulier, soi- gné, depuis le front et les cheveux jusqu’au menton et à la barbe; à un port plein de majesté, un esprit et un cœur riches de dons; une administration intelli- gente el active; une vie pleine où toutes les heures sont comptées; une gravité qui ne se perd jamais et laisse néanmoins place, pendant les jeux, à la liberté et à l'aisance? ( L. III, Ép. IL.) Avec ces traits et ces couleurs, un peintre habile ne ferait-il pas le tableau parlant de Théodorie? 451 Ailleurs, Sidoine fait la description de l'entrée de Si- gismond, allant épouser la fille du roi des Visigoths, dans une de nos villes des Gaules, probablement de Lyon. Son cortége, son armure, ses vêlements et sa personne, tout est représenté avec la précision du ré- cit d’un témoin oculaire. ( L. IV, Ép. XX.) Ici il re- trace les ravages excrcés par Riothame, roi des Bre- tons, et le presse avec énergie de rendre justice à un homme de la campagne, à qui ses soldats avaient enlevé ses esclaves. (L. II, Ép. IX.) Là il raconte la déli- vrance de Clermont; comment Ecdicius, fils de l’em- pereur Avitus, accompagné seulement de vingt-deux cavaliers, passe au milieu de plusieurs milliers de Goths; comment, au bruit de son nom et à sa pré- sence, frappés de stupeur, sans réfléchir ni à leur grand nombre, ni au petit nombre de leurs ennemis, ils se dispersent sans combat, et restent morts sur le champ de bataille quand ils tentent de revenir à la charge. (L. HT, Ep. IL. ) Il enregistre les grandes en- treprises, les œuvres dignes de louanges. Ainsi, sa muse l'inspire pour nous laisser la description de l'é- glise que saint Patient fait bâtir à Lyon, où l’on voit des lambris dorés, des incrustations de marbres et des mosaïques, de nombreuses galeries soutenues par des colonnes de marbre des Pyrénées : Fulmentis aquita- nicis superba. ( L. 11, Ép. X.) Il conserve à la posté- rité les souvenirs de charité du même évêque de Lyon, qui préserva des horreurs de la famine Arles, Riez, Avignon, Reims, Albi, Valence, et beaucoup d’autres villes. « Nous avons vu, s'écriait-il, les chemins trop 452 étroits pour vos convois de vivres, nous avons vu les nombreux magasins qu'à vous seul vous aviez établis sur les bords de la Saône et du Rhône... Toute l'A- quitaine célèbre votre gloire. » (L. VI, Ép. XIL.) Si la France entière peut revendiquer Sidoine Apol- linaire comme son historien, l'Aquitaine surtout a droit de propriété sur lui. Elle lui doit le récit de ses mal- heurs, et le secret de la lacune qu'offre sen histoire au cinquième siècle. Evaric, avec ses Goths, l'avait envahie comme un torrent destructeur. « Cruel et im- pie comme Pharaon et comme Assur, ce roi, écrit Si- doine à l’évêque Basile, ce roi qui a la puissance des armes, toute l'énergie de l'âme et la force de l’âge, n'obéit qu'à la seule erreur d'attribuer le succès de ses desseins et de ses entreprises, à son zèle pour une hérésie qu'il croit vraie, tandis qu’il ne tend qu’à une prospérité terrestre. Je m'empresse donc de vous ap- prendre, ce qu'on ne remarque pas assez, le triste état du catholicisme dans nos contrées, afin que vous vous hâtiez d'y apporter un remède éclatant. Bordeaux, Périgeux, Rhodez, Limoges, Mende, Eause, Bazas, Comminges, Auch, et un grand nombre d'autres vil- les, sont privées de leurs évêques, mis à mort et lais- sés sans successeurs dans l'épiscopat par lequel puis- sent se réparer tes pertes des autres ordres ecclésias- tiques. Toutes ces cités offrent, sur une surface im- mense de pays, le spectacle des ruines de leur culte... Il n’y a plus d'administration pastorale ni dans les dio- cèses, ni dans les paroises désolées. Vous verriez, dans les églises, les toitures et les charpentes enlevées, les 453 portes arrachées de leurs gonds, les ouvertures obs- truées par les ronces et les épines. Vous verriez, 6 douleur! les troupeaux paissant non-seulement dans les sanctuaires abandonnés, mais même sur les autels recouverts par l’herbe. Et ce n'est pas seulement dans les paroisses de campagne qu’on voit cette solitude, dans les villes même il n’y a presque plus d'assemblées chrétiennes... Je passe sous silence vos collègues Cro- cus ( de Nîmes ) et Simplicius, chassés de leurs cathé- drales, et frappés de la peine différente d'un même exil... » (L. VII, Ép. VI.) Sidoine a ses épitres élégiaques sur les calamités publiques ; mais il a aussi ses épîtres descriptives des hommes, des lieux et des mœurs. Telle est celle où il peint « la cité des Vasates, assise, non sur le gazon, mais sur un sable léger que les vents emportent : « Non cespiti imposita sed pulveri, » et les détails d'un voyage de cette ville à Bordeaux. On y voit les chemins cou- verts d'un sable fin porté par les vents des Pyrénées; le port de Langon; la barque, qui, à l'aide de la ma- rée montante, doit aller y recueillir les voyageurs. Là on entend le cri cadencé des rameurs rangés sur leurs bancs, et des timoniers environnés de leurs pavillons; là on trouve un matelas pour lit, une table fixée sur des cailioux à double couleur, un treillis d’osier pour se mettre à l'abri du serein d'hiver; enfin, le dé qui rejaillit des cornets divoire pour tromper les heu- res de la traversée. A l’arrivée, on promet au voya- geur un repas où figureront les huitres et les lima- cons; où le poisson de l’ Adour fera affront aux müles 454 de la Garonne, et les écrevisses de mer de Bayonne, à la vile troupe des moules. { L. VIII, Ép. XIL.) Dans une autre lettre, à l'hospitalité si aimable que saint Gallicin offrait dans sa demeure épiscoçale, Si- doine oppose le tableau des auberges dégoûtantes de Bordeaux, où l'odeur désagréable des cuisines enfu- mées et du saucisson farci de laurier et de serpolet, où les nuages de vapeur des marmites se mélent aux bruits des verres. Là, les chants enroués des convives, les pleurs comiques des bouffons, qui lui font appré— cier davantage le bonheur de descendre chez un ami, et d'inspirer sa muse par la chanson joyeuse d'un hôte bien aviné : Tunc, tunc carmina digniora vobis Vinosi hospitis excitus camœna. (Lib. VII, Ép. XI.) C'est, en effet, à l'amitié de Sidoine pour la famille sénaloriale de Paulinus Pontius, qu'il venait visiter à Bordeaux et à Bourg, que nous devons un petit poëme descriptif de cette dernière petite ville. Le poëte \ peint d'abord la jonction de la Garonne et de la Dor- dogne, le combat des eaux des deux fleuves avec les eaux de la mer qui les repousse avec mépris : Spernit et expedit undas; et ensuite le triomphe de notre fleuve orgueilleux, qui, gonflé par les pleines lunes, s’approprie les eaux et les rivages de l'océan : 455 Turgescit et ipse Oceano, propriasque facit sibi littora ripas. « Entre ces fleuves, continue le poëte, mais plus près de l’un d'eux, s'élève dans les airs une montagne remarquable par le château qui la domine, mais plus encore par les maîtres qui y commandent, ct par le grand nombre d'esclaves qui leur sont soumis. Le chef de cette famille, Paulinus Pontius, pendant la domi- nation des Romains, l’environnera de hautes murailles et ses tours hardies fendront les airs : Ambiet altis Mænibus, et celsæ transmittent aera turres. Que sur leurs sommets soient assises, brillantes d’un même éclat, la force et la beauté. Je vois déjà ton avenir, Ô Bourg! » Sous cette forme prophétique, le poëte décrit ces murs que la nature a créés, ces rochers que les ma- chines n'ont pas travaillé ni ne pourront ébranler; ce palais, ces thermes qui semblent surgir du fleuve : Domus de flumine surgunt Splendentesque sedent per propugnacula thermæ. Que j'aimerais à entendre nos poëtes de l'Académie, interprètes de Sidoine, mettre sous nos yeux ces co- lonnes, ces marbres accumulés à Bourg, qu'il préfère à ceux de Paros et de Caryste; ces murs richement incrustés, ces toits dorés, et la double galerie qui voit 456 l'aurore, le midi et le couchant, et ne perd aucun moment de la course du soleil; ces peintures si pleines de vie dans le spectacle d'armées taillées en pièces et de chevaux mutilés : Occisis vivit pictura quadrigis! Comme ils rendraient avec bonheur la vaste cons- truction des greniers et l'abondance des moissons qu'ils renferment; ia commodité des thermes et l’art ingé- nieux qui a emprisonné dans de larges canaux les eaux du fleuve, pour les porter de côté et d'autre dans de secrets réservoirs : Patulisque canalibus actus, Circumfert clausum cava per divortia flumen! Qu'il y a de charmes dans ces détails intérieurs : le logis d'hiver, le bon feu, les calorifères, le salon de broderie pour l'épouse de Léonce, la salle de festin précédée de sa galerie, le lac artificiel placé à son en- trée et où on a le plaisir de voir nager les petits pois- sons, le lit d'hiver, enfin! Puis, au dehors, on trouve des bois, l’église et une fontaine que le poëte choisit pour sa Castalie. (Carm. XXIIT. } A ces souvenirs locaux, conservés par Sidoine, vien- nent se joindre ceux des hommes de lettres qui se glo- rifièrent de son amitié. Ainsi, il loue l'éloquence mâle et la rhétorique habile d'Alcime (L. V, Ép. X;— L. VII, Ép. XI ); l'abondance de Delphidius (L. V, Ép. X ); les talents et la beile voix de Sévérian; la poésie 457 épique soit grecque, soit latine, de Léon, qu'il appelle un nouveau Pindare et le roi du Parnasse ( L. IX, Ép. XIII). C'est avec eux qu'il aimait à converser, à faire des vers, et à lire quelques bons ouvrages pen- dant que le roi du festin préparait la sauce de sau- mure et de vinaigre. ( L. IX, Ep. XIII.) Mais de tous ces auteurs bordelais, aucun ne lui était aussi cher que le poëte Lampridius. Leur amitié, leur correspondance, leurs caractères, nous rappellent Ausone et saint Paulin. Ils s'écrivaient souvent pour faire échange entre eux de pièces de vers. Ils se visi- taient mutuellement et dans l'intimité d'une conversa- tion joviale : Ut inter amicos joca. Lampridius don- nait à Sidoine le surnom d'Apollon; Sidoine l'appelait son Orphée. Lampridius donnait des leçons publiques à Bordeaux, et ne brillait pas moins dans l’art oratoire que dans la poésie : Lampridius..….… Declamans gemini sub pondere styli Coram discipulis Burdegalensibus. (L. IX, Ép. XIII. ) Sa mort tragique fut accompagnée de circonstances tout à fait singulières. Son génie ne le défendit pasd’une crédulité aveugle aux prédictions des astrolabes. Une comète d’'heureux augure signala l’année de sa nais- sance; mais, à son périhélie, Mars, Mercure et Sa- turne parurent incandescents. Des astronomes d'Afri- que, qu'il consulta de nouveau sur l'époque de sa mort, interrogèrent son astre, et lui déterminèrent la 458 durée et la fin malheureuse de ses jours. Leurs obser- vations, ou plutôt leurs téméraires conjectures, se réalisèrent néanmoins. Lampridius fut frappé au temps et de la manière qui lui avaient été annoncés. Assiégé dans sa maison, il fut étranglé par ses propres servi teurs. Le cadavre ne laissa aucun doute sur le genre de mort : la peau était livide, les yeux sortaient de la tête, et sur le visage on remarquait les traces de la violence et de la douleur. Aussitôt après la mort, les assassins, pour la faire attribuer à une hémorragie, tournèrent le cadavre la face contre le pavé. Sidoine fut très-sensible à cette mort sinistre. C'est dans la même lettre où il la raconte qu'il fait l'éloge de son ami : « Je l'aimais beaucoup, dit-il, quoiqu'il ne füt pas exempt de quelques erreurs, et quil mêlât à ses vertus des traits qui les déparaient. Faible dans le conseil, il était très-fidèle à la foi donnée. Sans pré- cautions, parce qu'il était confiant, il était toujours en sécurité, parce qu'il n'avait jamais l’idée du mal. Nul ne lui était ennemi au point de lui arracher une malé- diction; mais nul n'était assez son ami pour échapper à sa critique. Il était difficile à aborder et pourtant d'un aspect engageant. Avec lui, il y avait à suppor- ter; mais ce support n'était pas difficile. Du reste, considéré comme auteur, il est profond, harmonieux, châtié. Ses poëmes sont tendres et délicats, variés dans leurs mesures; il s’y montre ingénieux et habile à faire le vers... Dans la discussion, il est puissant contre ses adversaires; dans la satyre, il est mordant et ne laisse rien passer; dans le genre tragique, terri- 459 ble tout à la fois et pathétique; dans la comédie, de bon ton et varié dans ses caractères; dans la chanson, heureux en bons mots et plein de sentiment... » A ce portrait, il faut joindre une lettre de Sidoine à Lampridius, la seule qui nous reste de leur corres- pondance. Elle fut écrite après un voyage à Bordeaux, où l’évêque de Clermont n'avait pas trouvé son ami. Ici encore on croit entendre saint Paulin, s’excusant auprès d'Ausone de mépriser la fabuleuse divinité des muses et les décevanies fictions des poëtes, pour les inspirations chrétiennes et les beautés du ciel : « Lors- que je suis arrivé à Bordeaux, votre messager m'a présenté votre lettre pleine des fleurs de la poésie, et dans laquelle, en me reprochant mon silence, vous me demandez des vers par des vers... La sollicitude pastorale ne me permet plus de me partager entre la poésie et l’action. Je suis homme de travail et vous de loisir; je mène une vie d’exilé, et vous faites le ci- toyen : Ego laboriosum, agis ipse felicem. Ago adhuc exulem; agis ipse jam civem. » Je m'arrête, Messieurs, pour ne pas abuser de vo- tre attention. Je ne prétendais pas d’ailleurs signaler, dans les œuvres de Sidoine Apollinaire, tout ce qui justifie ses titres à l'admiration, à la reconnaissance, ou à l'intérêt de la postérité. Je voulais seulement montrer que, parmi nous, il a droit de cité. Et ne l’a- vez-vous pas trouvé Bordelais par la fidélité des sou- venirs, par l'activité de l'esprit, par l'enjouement du caractère, unis à la sensibilité généreuse du cœur? hs 4 thitts ar A Et: thon es tres = NE PRET NE id SONT NA 51 _ « TE Bon } ruée ef arte L EU ue : r, ‘anr 1 x P. En Le à dontrin diaurs :Hlsé ; RO AIME TISTE 2 1081} NOT PSS dé HO nf dt to YEN EP Eu LRU Le) ‘1h & HA) m4 IR © À (MAIPE EUVOIT ‘Fa! | ñi » EEMOTT 2 L “ “vitre }1 gi Ta to mÉr Pro PT M ITU 86 AE « ar + si , Di 4 DOTE ETAIENT TON Cam YA EAT } LL LC PU HS RÉ esge Ad) UT L'ASIE HUB ICPAINE ATUANRS TIOTS MOTMAOINN ETE da yrs QU ET mnt “aise NE UNIT, je nr ni VOTTONIT SU ONE" Caen C4 Lit d e L PRES SES UT FOREUN| ALLAA 1} VOMNTOIT SOU VOTIUT TANT T7 APrIL (: à + L e ‘ = ; F 1 to antenne “ i Et : Art ft 1) : ‘ ° : À h L 4 sr! "HE ET . et af } OP EN MNT y FIV vhs à : | at Ni : ] Or 90 É FINS mn HAUNINTI EE ‘ _ U + | 21 TER 0 L'EUTT | J { | L jf vu è ‘ Q ! 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Si l’on se reporte à des temps plus reculés, on trouvera la Colombe volante d’Architas, qui recevait son mouvement d’un gaz, ou au moins de l'air, raréfié par la chaleur, renfermé dans son intérieur, comme dans les premières Montgol- fières, et qui l’enlevait. ( Revue des Deux-Mondes, 1850, t. VI, p. 973.) 462 transporter à travers les airs. On en était si convaincu dans son diocèse de Lyon, qu'on lui amena un jour un homme et une femme qu'on avait vu tomber du ciel. » ( Hist. littéraire, par J.-J. Ampère, 1839, L. IT, p.133.) | « Agobard , né en 779, fut nommé évêque de Lyon en 816; il combattit la croyance bizarre, qui paraît avoir eu une grande vogue dans le pays qu'il habitait : on prétendait que certains hommes, appelés Tempes- tarit, soulevaient des tempêtes, pour pouvoir vendre ensuite les objets frappés par la grêle, à des acheteurs mystérieux qui arrivaient à travers les airs. Un jour furent amenés devant Agobard, trois personnes que l'on voulait tuer parce qu'on les avait vues tomber du ciel. Peut-être ne faut-il pas chercher d'autre origine à notre expression tomber des nues. Il y a quelques rapports entre les folles croyances condamnées par Agobard, et les voyages aériens des sorciers Lapons. » ( Hist. litt. citée, 1840, t. II, p. 178-179.) Agobard ne se borna pas à combattre seulement la croyance bizarre qui avait une grande vogue dans le Lyonnais; il s'attacha aussi, dans le Liber adversus le- gem Gundobaldi, et le Liber de divinis sententiis, à s'élever avec force contre les combats et les épreuves judiciaires usités au moyen âge. L'homme et la femme qu’on avait vu tomber du ciel, n'étaient-ils pas deux malheureux qui étaient tombés, par accident, de leur chambre placée à un étage élevé? ou plutôt encore, ne serait-il pas possible qu'au commencement du neuvième siècle, ou même 463 antérieurement, une expérience aérostatique ait déjà été tentée, el qu'un mari et sa femme se soient placés dans une nacelle pour parcourir, dans les airs, un es- pace plus ou moins étendu? À cette époque, on con- naissait la différence des pesanteurs spécifiques, et le nom d'aura levatitia, air plus léger, ne laisse aucun doute sur la possibilité de s’en servir pour s'élever dans les airs. La Colombe volante d'Architas était connue, et la fable d'Icare ne serait-elle pas fondée sur une expérience aérostatique faite très-anciennement ? L'histoire de Weland le forgeron, appartenant à cette race des Aborigènes de la Scandinavie, anté- rieurs aux Scandinaves proprement dits, rappelle un trait analogue. Ce Weland est un Finois qui excelle à travailler les métaux, et surtout à fabriquer des ar- mes. Sa destinée a quelques rapports avec celle de Dédale : de même il exerce son art dans une île, il est victime des persécutions d’un roi, et il s'envole à travers les airs. ( Hist. litt. citée, p. 158-159.) La croyance où l'on était au moyen âge de pouvoir s'élever dans les airs avait, sans doute, sa source dans un phénomène dont chacun de nous à pu être témoin : il arrive fréquemment dans les songes de se sentir transporté dans les airs avec une rapidité pareille à celle du vol des oiseaux. Dans cet état, le corps paraît n'avoir aucun poids, et des espaces plus ou moins étendus sont parcourus avec une promptitude que la pensée peut seule concevoir. Il n'est peut-être per- sonne qui n'ait éprouvé quelquefois un pareil effet dans son sommeil. Or, la réminiscence d’un pareil ef- 464 fet a pu donner naissance à la croyance de la possibi- lité de traverser les airs, et d'aller, au sabbat, enfour- ché sur un manche à balai. Ce ne serait pas la seule espèce de rêve qui aurait été convertie en réalité dans l'histoire; Montaigne avait déjà dit dans ses Essais, liv. I, ch. XX : « On attribue à la seule puissance de l'imagination les stigmates et la propriété de s’élever au-dessus du sol. » (Voyez Encyclopédie moderne, édi- tée par Didot, le mot EXTASE. } « Simon le magicien ‘ annonça qu'il s’élèverait en l'air devant l'empereur. Les spectateurs accoururent en foule pour voir cette parodie de l'ascension du Christ; mais parmi eux se trouva encore saint Pierre, qui déconcerta une seconde fois l’aéronaute sacrilége. Simon tomba du faîte de la tour d’où il avait prétendu prendre son vol, soit qu'une corde de sa machine cas- sàt, soit, pour traduire littéralement la légende, qu'il füt abandonné par les démons qui lui prêtaient leurs aîles invisibles. C’est littéralement aussi que cet épi- sode a été rendu par le peintre Vanni, dont le tableau, reproduit en mosaïque, orne un des autels de Saint- Pierre de Rome, » ( Revue britannique, 1851, t. II, p. 217.) | « Léonard de Vinci, chargé de faire des choses mer- veilleuses pour célébrer l'entrée de Louis XII à Milan, en confectionna un grand nombre, parmi lesquelles se trouvaient des oiseaux de cire, vides, qui s’envolaient Simon le magicien mourut de sa chute, le jour où il voulut s'élancer dans les airs sur un char de feu, qui rappelle les ballons. 465 au moyen de l'air introduit avec soin, et dont les yeux en vif argent semblaient naturels. » ( Les Arts au moyen àge, par M. Du Sommerard, 1838, p. 348.) Il paraît que Léonard de Vinci se rappelait la Co- lombe d'Architas, qu'il voulait en prouver la réalité, en même temps que la possibilité de s'élever dans les airs. Ne serait-ce pas par plaisanterie contre la possibi- lité de s'élever dans les airs, que Cyrano, de Berge- rac, emploie pour la réaliser la ceinture des coquilles d'œufs remplies de rosée? « L’évaporation de la rosée, dit-il, devait l'enlever jusqu’à la lune, à limitation de l'Hippogriffe qui y transporta Astolphe, au dire de l'Arioste (Roland furieux), Hippogriffe ‘, dont l’auteur a puisé l'idée dans la lecture du conte des Mille et une Nuits, intitulé : Histoire du cheval enchanté. » (Voyez les Mille et une Nuits, édit. de J. Janin, 1839, t. HI, p. 281, et le Tapis enchanté, p. 321-331.) Le P. Barthélemy de Gusmao *, au Brésil, entre- voit la facilité de s'élever dans les airs, au moyen d'un ballon de toile, dont le poids sera moindre que celui de l'air qu'il déplacera. Le jésuite part pour Lisbonne; il a saisi la portée de sa découverte; il s’offre de s'é- lever dans les airs avec son aérostat. L'inquisition por- tugaise s'effraie de cette innovation et condamne ce savant au cachot, dont les pères de l'Institut parvien- * Le Cheval enchanté et l'Hippogriffle ne sont qu'une répétition de ce qui con- cerne Pégase, ? ]1 fit effectivement un ballon. (‘Voyez Biographie univ. , t. XIX, p. 218.) 30 466 nent à le faire évader. Gusmao se retira en Espagne, où il mourut en 1724. Avant lui, un autre jésuite, François Lana Terzi ‘, né le 13 décembre 1631, avait, dans le chapitre IV de son Prodromo di alaure inven- zione nuove, parlé de la Barque volante, qu'il avait ré- vée. ( Histoire de la Compagnie de Jésus, par Créti- neau-Joly, 1845, 1. IV. p. 318-319. ) En 1775, M. De la Folie publia Le Philosophe sans prétention, ouvrage à la tête duquel se trouve une gravure représentant le Char volant décrit p. 25-34. Ce Char volant rappelle soit celui que Peiresc alla voir à Scheveling, qui allait sur le rivage à pleines voiles, comme un vaisseau sur la mer, et sur lequel il monta à sa grande satisfaction ( Vie de Peiresc, par Requien, p. 94 ); soit celui de l'abbé Desforges, chanoine d’É- tampes, sur lequel Grimm donne une courte notice dans sa Correspondance littéraire, 1772, juillet, p.308. Il est donc bien démontré que le moyen de s'élever dans l'atmosphère est connu depuis longtemps; et le récit d’Agobar, mentionné plus haut, rappelle le fait suivant, consigné dans le Panorama des nouveautés parisiennes, 1825, t. IV, p. 320. Ce récit est relatif à la « chute de cinq petits chiens, au milieu de la pro- cession, sur la grande place de Darmstadt. On criait au miracle, et les commentaires sur les aérolithes, sur les phénomènes célestes, allaient leur train. Au bout de trois jours, on vit entrer à Darmstadt le physicien Kaluzer, avec les débris d'un ballon d'essai qu'il avait ! Voyez Hiograph'e universellel, t. XXII, p. 311-314. 467 lesté d’une douzaine de petits chiens, et qu'il avait lancé du village de Kien, à sept lieues de Darmstadt. Le bourgmestre qui l'interrogea, publia une procla- mation pour éclairer les kabitants; mais il y x encore beaucoup d'individus qui croient plutôt aux chiens tombés du ciel, qu'aux aérostats. » On se rappelle à Dijon l'expérience du premier bal- lon, monté par MM. Guyton-Morveau et l'abbé Ber- trand. Ce ballon, emporté par le vent, se dirigea du côté d’Auxonne. Des paysans, qui travaillaient dans les champs, éprouvèrent un effroi, qui fut à peine dis- sipé par l'apparition des deux physiciens qui sortirent de la nacelle; tant il est vrai que les phénomènes les plus simples inspirent de la terreur aux individus qui ne peuvent pas s’en rendre raison. der ete ni #5 08 SAeoi teint nan jrnbne-T:os aan aaeqUEn “tps éd (eq Gimme Une col. fofice dona he One roopémteimeghitie hr ê 33% joiltat, 13044 H.6st dote bite oo nr ee de inoten ide éloreh “Aoeer-É Mrseph ane etcetaad: depuis lobgtewns; et le! réth_d hgubar, pliant : rrppele je dit Dar arnh es OBAENEÉ en n: Faper mins dre Bou ratés sépemes HR 4 EN a PM A TE 6er rolatil à é senle %z cg foñtirebiet", ait bien da ls pe f Fes Ga pr Le price de Thernidlode. 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Ils peuvent, selon la loi qui les régit, épurer ou corrompre les cœurs, former ou pervertir le goüt, procurer à la bienfaisance publique d’utiles ressour- ces, ou imposer aux contribuables des charges oné- reuses. Des intérêts considérables et de nature très- diverse sont engagés dans leur exploitation. ( Vivien. Revue des Deux-Mondes , tome VI, page 377.) (Suite ".) Du 21 avril 1832, au 20 avril 1874. — SoLomÉ (Louis-Jacques). Nous sommes arrivés, après de trop nombreuses catastrophes, en face d’un nom auquel la for.une à * Voyez 11° année, 3e trimestre 1849, page 469 470 été favorable, d'une gestion qui est parvenue régu- lièrement à son terme. Par ces motifs et par d'autres encore, nous devons porter une attention particulière à l'étude de cette ad- ministration. La salle du Grand-Théâtre ayant subi d'importantes restaurations, votées par le Conseil de la ville le 27 mars 1832, et qui déterminèreut une dépense de 140 à 150,000 fr., le nouveau directeur, successeur de tous les droits et engagements de Constant, admis corame el le 20 août par M. le Maire, et autorisé par le ministre le 30 juin, ne put commencer ses deux années de gestion que le 20 octobre courant. Le cautionnement fut de 40,000 fr., dont 30,000 garantis par M. Benazet, de Paris. Sur la demande du directeur, le Conseil municipal (17 janvier 1833) con- sentit à ce que ce cautionnement fût prélevé sur les premiers mois de la subvention, à partir du 20 octo- bre 1832. Ces deux années furent fructueuses pour l'adminis- tration théâtrale. Y eut-il dans ce résultat, bonheur ou savoir- faire? Il est difficile de pénétrer fort avant dans la pre- mière de ces causes; mais ce qu’on ne peut dénier, c'est la capacité avérée, la spécialité éprouvée de M. Solomé, dans l'œuvre et pour l’œuvre qu'il avait en- treprise : on ne peut réussir qu'à ce prix. Ce direc— teur avait été plusieurs années régisseur général du théâtre du Grand-Opéra ( ancienne Académie royale de 471 musique}, directeur de la scène à la Comédie fran- çaise, au Grand-Opéra et à l'Opéra comique : aussi dé- ploya-t-il, dans la direction de nos théâtres, avec le se- cours peut-être de quelques conseils {l'opinion publi- que désignait son prédécesseur, M. Baignol), une grande habileté, soit pour la marche générale, soit spécialement pour le choix des pièces, l’art de les monter, l'arrangement des spectacles quotidiens; en- fin, les détails si importants de la mise en scène... Ces qualités se montrèrent dans le charmant ballet de La Sylphide, V'opéra de Robert-le-Diable, qui eut tant de succès, et encore dans celui de Guillaume-Tell, qui fut accueilli comme devait l’être un des principaux chefs-d'œuvre musicaux de notre époque. Le public, par sa présence, qui révélait sa satisfac- tion, récompensa les labeurs d’un homme pratique. Dans les douze premiers mois, le montant des re- cettes sur les dépenses des deux théâtres fut de 20,336 fr. (Voyez Archives municipales, carton des théâtres, n° 18, et le Rapport fait au Conseil dans sa séance du 31 mai 1833.) Solomé n'avait pas pu réaliser quelques brillantes espérantes qui lui avaient été offertes avec la direction théâtrale. Ainsi, on l'avait entretenu d'un projet de Cercle commercial établi dans les salles du Concert et des Grands-Hommes. Cinq cents signatures d'abonnés, à 300 fr., approuvaient cette importante création, à la- quelle l'autorité municipale ne voulut pas donner son approbation, par des motifs que lui suggéra la crainte 472 de fournir un nouvel aliment à la passion du jeu. (Lettre de M. Solomé, août 1832; Prospectus de l'an- née théâtrale 1832-33.) Il resta avec le désir d'établir plus tard, dans l’an- cien foyer et la salle des Grands-Hommes, un vaste ca- binet de lecture et un salon de conversation pour les abonnés, où les artistes pourraient se rendre dans la journée. Il ne put réaliser que les modifications dont il vient d’être parlé tout à l'heure, qu'il voulait éten- dre encore et sur lesquelles nous reviendrons plus tard, dans le chapitre concernant notre Grand-Théâtre. Il avait augmenté le prix des abonnements, ainsi que celui du parterre et des secondes; mais, par con- tre, il avait diminué celui du paradis et de l'amphi- théâtre des secondes. ( Prospectus du Grand-Théâtre de Bordeaux, 1832-33.) Les 4 et 24 avril 1834, il obtint la mainlevée de son cautionnement au Mont-de-Piété, et rentra dans cette somme en deux remboursements. Arrivé au bout d'une deuxième année, moins heu- reuse que la première, Solomé ne voulut pas garder davantage la direction théâtrale. L'autorité municipale fit tous ses efforts pour le retenir : elle imagina même, pour servir les intérêts de ce directeur, une combinai- son mixte, dans laquelle celui-ci recevait 28,000 fr. d'allocation annuelle, si les dépenses s'équilibraient avec les recettes. Dans l'hypothèse où celles-ci le céderaient aux au- tres, la diminution de l'allocation du directeur devrait être d’un cinquième des pertes obtenues. 473 Ainsi, l'allocation devait s’abaisser au chiffre de 27,000 fr. avec 5,000 fr. de pertes; 26,000 fr. — 10,000 fr. — 24,000 fr. — 20,000 fr. — 20,000 fr. — 40,000 fr. — Un caissier nommé par la ville aurait arrêté les comptes chaque mois ; il y aurait eu aussi un comité de surveillance composé de trois conseillers munici- paux, mais ne pouvant enchaîner en rien la liberté du directeur : jamais la caisse de la ville n'aurait pu dépasser une subvention de 100,000 fr. Tout fut vain : Solomé ne consentit pas à la prolon- gation de son bail; il quitta Bordeaux pour aller pren- dre la direction de la scène de Rouen. Il fit plus encore (et au delà peut-être de ce qui était convenable) : il engagea pour Rouen l'élite des acteurs de la troupe de Bordeaux, dont il se fit sui- vre. Nous avons vu qu'il fut moins favorisé par le sort dans cette ville que dans la nôtre (voyez Actes de l'Académie, 9° année, page 182), et qu'il ne parvint au bout de son exploitation qu'avec beaucoup de dif- ficultés et qu'en redoublant d'efforts : tout autre direc- teur y aurait succombé. Que cet exemple serve à établir aux yeux de tous cette incontestable vérité; savoir : que, sans des étu- des particulières et une expérience acquise, jointes à des qualités qu'on pourrait nommer diplomatiques, il y a témérité et grand danger à se charger d'une di- rection théâtrale. Ce qui est incontestable, c'est que l'intérêt pécuniaire et l'honneur commercial en souf- frent toujours, et que souvent l’un et l’autre y périssent 474 Du 21 avril 1854, au 20 juillet 1856. — MM. Philippe et Claude RoBiLLoN. — Vingt-sept mois de gestion. L'examen des circonstances qui ont marqué la di- rection de ces frères Robillon, fait naître un senti- ment douloureux. La vacance de l'entreprise théâtrale à Bordeaux sus- cita, comme toujours, l'ambition de beaucoup de com- pétiteurs : Bernard Vestris (de Paris), Duval ( deTou- louse ), Arnaud Léon (maître de ballet à Lyon), Wal- ter (de Rouen ), et Lafeuillade. Qui le croirait? Constant se remit sur les rangs... Solomé aussi adressa de Rouen des propositions inacceptables : n'avoir qu'un seul théâtre pendant les six mois d'été, les Variétés; n’y faire jouer que le vau- deville. Dans les six mois d'hiver, n'avoir que le Grand- Théâtre, et n'y représenter que trois genres, à son choix. Recevoir 70,000 fr. dans la première combinaison, et 110,000 fr. pour n’exclure aucun genre de la scène du Grand-Théâtre. Au milieu de ces prétentions multipliées, l'autorité municipale accorda l'exploitation théâtrale, pour trois années, aux frères Robillon, le 17 décembre 1833. La remise du Grand-Théâtre leur fut faite oflicielle- ment par M. l'Adjoint de Maire, accompagné du se— crétaire de la ville, en présence du représentant de leur prédécesseur, le 21 avril 1834. On put constater 475 alors le bon état d'entretien de tout ce qui se rattachait au Grand-Théâtre, à son mobilier, à ses décors, dont plusieurs de ces derniers étaient restaurés, et deux neufs. Le fardeau que ces nouveaux directeurs assumaient sur eux avait été rendu encore plus lourd par les éven- tualités du moment; le remplacement difficile et coù- teux de la plupart des principaux artistes de notre scène, qui avaient suivi M. Solomé; l'obligation de tenir fermée jusqu’au 21 juin la salle des Varités, pour fait de réparations et de nouvelles distributions (voyez Prospectus de l'exercice de l'année 1834 ); et enfin, les modifications apportées par le Conseil de la ville dans les clauses du cahier des charges pour les théâtres. ( Délibération du 11 octobre 1833.) L’allocation annuelle fut réduite à 70,000 fr., soit 210,000 fr., pour être versés en plusieurs termes dans les trois années. Ainsi, d’après le texte même du bail passé le 17 dé- cembre 1833, et approuvé par le ministre le 95 avril 1841 : 1 semestre de 1834... 75,000 fr. 2 idem tdés.e 25,000 fr. dans l’année... 1835.,. 70,000 fr. Idem 1836... 40,000 fr. TOTAÉHVA :: 210,000 fr. De plus : par délibération du Conseil (16 décembre 1833), 30,000 fr. furent accordés pour la première année, à titre d'avance, sur l'indemnité de la troi- 476 sième année de la gestion, et furent versés le 11 avril 1834. Pour asseoir leur cautionnement et pour garantir leurs obligations, les frères Robillon engagèrent cinq maisons situées à Bordeaux et appartenant à l’un d'eux. D’après un rapport de M. le maire Brun, du 9 juil- let 1836, les recettes brutes aux deux théâtres s’éle- vèrent en 1835 (chiffre exact des hospices ), à 698,340 fr. 70 c. Balance égale entre les recettes et les dépenses du Grand-Théâtre. Bénéfice sur les recettes des Variétés, 17,445 fr. 11 c.; lequel, l'année suivante, descendit à 7,154 fr. Pénétrons maintenant dans les événements qui mar- quèrent ie cours de cette direction, par la lecture d'un passage du Prospectus du 16 avril 1835. où se trouve consigné un aveu pénible, dont les termes, pleins de franchise, font naître l'intérêt et renferment des en- seignements trop négligés : « Trompés dans tous nos calculs, dans toutes nos espérances (ont écrit les frères Robillon), nous avons été obligés d'adopter un système bien préjudiciable à nos intérêts, peut-être même blâmable (oui; n'im- porte.…...), s'il n'avait pas été exigé par la nécessité. » Nous avons appelé comme auxiliaire les artistes distingués de Paris...….; nous avons de la sorte offert à nos abonnés une compensation relative à la privation des ouvrages nouveaux pendant l'année. » Par ce système, nous avons atteint le taux le plus élevé des recettes de tous nos prédécesseurs. Le décime 477 prélevé pour les indigents à produit une somme aussi forte que celle de la subvention municipale; mais nos frais ont encore été plus élevés. 110,000 fr. ont été donnés aux artistes étrangers en représentation. (Ar- nal, Allan, Lafon, Philippe, Déjazet, Cholet, Mmes Prévot, Allan, Cinti-Damoreau, Taglioni, Falcon.) » Nous ajouterons les spectacles de Bosco, aux Varié- tés, et de l'éléphant ÆKiouny au Grand-Théâtre. Cette direction avait été autorisée par M. le Minis- tre à n’exercer qu'une année (1834-35); mais elle passa outre, et voulut tenir jusqu'au terme qu’elle avait assigné. Elle fit monter des ouvrages importants, entre au— tres les opéras du Cheval de bronze, de La Prison d'E- dimbourg, de Marquerite d'Anjou (reprise), etc. , ete. ; surtout ceux de Gustave IE (représenté en 1835), et La Juive ( mais qui fut jouée sous une autre adminis- tration ). Pour ce dernier ouvrage, qui réclamait tout l'éclat possible, la direction ne voulut rien épargner, et fit venir de Paris, à grands frais, les premiers artistes dé- coratcurs, MM. Séchan, Despléchin, Feuchère et Dia- terle. Elle tira les armures des ateliers de M. Granger. Ces dernières dépenses, faites largement et en grande partie à crédit, achevèrent, dans l’année 1836, la ruine des frères Robillon. Cette ruine se préparait, pour ainsi dire, depuis les premiers mois de leur gestion, sous l'influence de quelques graves causes d’incurie. L'installation de l'opéra de Gustave LIL vint ajouter 478 à ces causes cachées. Les recettes que devait faire cet opéra furent retardées : d'abord par le mauvais vou- loir de la première chanteuse Bellemont (voyez Pros- pectus de l'année 1835 ) ; l'année suivante, par la fuite de la première chanteuse Mme Pouilley, qui laissa son emploi vacant. { Prospectus de 1836.) Pour conjurer un malheur qu'ils augmentaient tou- jours, et d’une manière comme forcée, en se mettant davantage à découvert, les directeurs réclamèrent et obtinrent des avances du Conseil de la ville : 17,500 fr., le 17 septembre 1835, 20,000 fr. (prêt sur contrat d'obligation }, le 26 avril 1836. Philippe Robillon demanda avec les plus vives ct suppliantes instances { lettres du 26 juillet 1836) qu'on lui abandonnät les 30,000 fr. qui devaient lui être remboursés dans la troisième année de sa gestion. Cette demande fut vaine. Quelques jours après, vers la fin de juillet, la direction des théâtres ne pouvait plus faire face à ses nombreux engagements. Les artistes, sous la conduite de Constant, proposè- rent à la ville de continuer l'exploitation jusqu’au 21 avril 1837. De ces deux frères, l'un ( Philippe Robillon ) eut une destinée bien digne d'inspirer la compassion la plus vraie : après avoir été, pendant vingt-cinq ans, comme premier danseur comique, l'acteur chéri du public, dont ses facéties gaies et spirituelles avaient 479 si longtemps dissipé l'ennui et provoqué le rire, il élait arrivé, par sa modeste aisance, à soutenir sa fa- mille. C'est alors qu'il fut poussé à prendre la gestion des théâtres, en compagnie de son frère. Celui-ci avait été plus de vingt ans directeur du théâtre de Versailles. Ces deux frères, on le sait déjà, étaient impropres à remplir les laborieuses et difficiles fonctions de di- recteur. Ils ne surent opposer à une fortune contraire, ni tactique habile, ni efforts prévoyants (les Noverre et les Dauberval sont rares ). Leur union fraternelle ne résista pas même à tant de chocs funestes..... Nous voyons Philippe Robillon se présenter seul la troisième année. ( Prospectus du 16 avril 1836.) Son frère l’abandonna donc à lui- même, pour aller prendre la direction du théâtre d'Or- léans. Philippe Robillon employa ses dernières ressources à monter La Juive. Il espérait, et avec raison, que cet opéra, dont la réussite était assurée, d'abord à cause de ses beautés musicales, puis à cause du luxe et de la magnificence des décors, l’indemniserait de ses per- tes antérieures... Il ne put pas attendre la réalisation certaine de cet espoir, et sa chute fit passer dans la caisse d’un autre toutes les recettes qu'il se voyait sur le point de recueillir. Une fois en faillite, comme il se trouvait débiteur de la ville pour 20,000 fr. prêtés sur contrat d'obli- gation, Ga obtint la saisie de ses quelques propriétés 480 { sur lesquelles reposait encore une partie de son cau- tionnement ), et on l'en dépouilla. La ville n’en souf- frit pas moins la perte d’une somme liquidée de 59,699 fr#967c Réduit alors à la plus extrême misère, et retiré dans un faubourg de Bordeaux, une maladie douloureuse, jointe au chagrin, le conduisirent bientôt au tombeau. Avant sa mort, il put apprendre le succès des re- présentations de La Juive, dû en partie aux brillants décors que sa direction malheureuse avait été obligée de vendre au prix coûtant, pour satisfaire quelques créanciers. Du 21 juillet 1856 au 20 avril 1859. — M. SoLOMÉ (2° direction ) ; 21 mois de gestion. Après le désastre de Robillon, nous voyons reparaî- tre, pour le remplacer, les mêmes hommes qui lui avaient disputé la direction des théâtres. Leur nombre s'était encore augmenté de M. M... , de Bordeaux, soutenu par une commandite, et présentant Robillon pour directeur de la scène { lettres à M. le Maire, des 16 et 17 juillet 1836 ), et même des propriétaires du Théâtre-Français, réclamant le droit de faire jouer dans leur local, sous leur direction particulière, ce qui était contraire aux premières lois de la législation sur la matière. M. Solomé n'ayant pas été heureux ({ comme nous l'avons dit) dans l'exploitation du théâtre de Rouen, 481 n’osait pas, dans des circonstances pleines de dangers, venir prendre la direction de celui de Bordeaux. Quelqu'un lui aplanit le chemin, en demandant en son nom celte direction, en se faisant son bailleur de fonds, en ne réclamant de lui que la place de régis- seur, et en se chargeant secrètement de la haute direc- tion de l’entreprise. Cet homme, qui poussa M. Solo- mé en avant, fut Baignol. Ce dernier semblait né pour les combinaisons commerciales aventureuses, et cher- chait par son habileté à rattraper, dans les chances aléa- toires, ce qu'elles lui avaient fait perdre. ( Lettres de Baigno!, à M. le Maire, du 5 juillet 1836, sollicitant l’adjudication pour dix ans; puis du lendemain, 6 juil- let, réduisant ses propositions à l'obtention du privi- lége pour six ans, à partir de l’année théâtrale 1837.) Les artistes, quelques jours après (le 10 juillet), proposèrent de faire marcher l'administration Robil- lon jusqu'au 20 avril 1837. Ce fut dans un pareil état de choses que lautorité municipale et M. Solomé, en vinrent à un arrange- ment. Le 31 juillet 1836, il avait pris la suite, sauf quel- ques légères modifications, des arrangements contrac- tés par Robillon, avec les propriétaires de la salle des Variétés. Le 12 août suivant, il passa un bail avec la ville, par lequel il accepta : 1° La continuation de l'entreprise de son prédéces- seur, finissant au 20 avril 1837; 29 La direction théâtrale pour trois années consécu- 31 482 tives, du 21 avril 1837, jusqu'au 21 avril 1840. (Ap- probation du préfet, le 9 décembre suivant. ) Principales charges imposées au directeur, par ce bail du 12 août 1836. Exploitation complète, au Grand-Théâtre, de tous les genres : haute comédie; comédie de genre, tragé- die, drame, grand opéra, opéra comique, ballet d’ac- tion. Orchestre, de plus de quarante musiciens, avec deux chefs. Troupe complète aussi au théâtre secondaire, pour représenter le vaudeville, le mélodrame, la pantomime. Tous les jours spectacle aux deux théâtres; un seul relâche par semaine. Un cautionnement de 50,000 fr., représenté par une inscription départementale de 2,500 fr. de rente n° 6652, acquise au nom de la ville. ( Lettre de M. So- lomé au maire, du 12 décembre 1836. ) Principaux bénéfices du directeur. Depuis le 12 août 1836 ( pour neuf mois ), alloca- tion d'une somme de 40,000 fr., payable par 12° échu, et d’une somme de 30,000 fr. à titre de sub- vention, soldée en deux époques rapprochées. Depuis le 21 avril 1837, pour chacune des années, subvention de 80,000 fr., payable par 12° échu. Il obtint encore la jouissance des appartements de la direction et de ceux affectés au Cercle de la Comé- 183 die, réservés jusqu'alors par la ville, mais à la charge par lui de payer les contributions relatives à cette por- tion du bâtiment. On lui accorda aussi la faculté de louer, à son profit, les appartements du Cercle de la Comédie, pour l'usage auquel ils sont affectés. La Salle du Concert fut expressément exclue de la jouissance du Grand-Théâtre; seulement il fut stipulé que, par exception, pour deux ou trois bals du carna- val, elle serait utilisée par le directeur, avec l'autori- sation du maire. Le droit fut tuujours réservé, à M. Solomé, d’éta- blir dans la Salle des Grands-Hommes son cabinet de lecture projeté. M. Solomé se basait, pour appuyer cette création, sur le grand nombre de cercles et cafés établis depuis trente ans, et dont la fréquentation était passée dans les habitudes de tant de personnes. Il pensait ainsi ap- peler au théâtre beaucoup d'oisifs. Il y voyait, entre autres avantages, celui de donner en quelque sorte un refuge aux abonnés ne trouvant plus de plaisir à un spectacle souvent répété. Son évaluation faisait mon- ter à 20,000 fr. les résultats heureux que devrait en ressentir l'administration théâtrale. Le directeur, pendant tout le cours de sa gestion, préleva avant tout, pour lui-même, une somme de 1,000 fr. par mois. { Rapport du contrôleur, M. Lan- dais, 11 mars 1838. ) 600 Fr. par mois étaient accordés, comme honorai- res, à Baignol. Ces émoluments ne devaient figurer que sur les comptes des neuf premiers mois; mais on A84 les trouve reproduits pendant toute la gestion. En mars 1838, ils s’élevaient à 6,999 fr. { Rapports du contrôleur, M. Landais, des 14 jaillet et 11 décembre 1837.) M. Solomé avait été autorisé (Lettres à M. le Maire, des 13 et 17 avril 1837) à faire bâtir une salle secon- daire partout où bon lui semblerait, et son choix s'é- tait fixé sur le terrain obtenu par lui du carré des Quinconces, allées d'Orléans. Ce projet, qui n'avait existé que lors des différends soulevés à propos de la location du Théâtre — Français, n'eut aucune suite, quoiqu'il eùt été approuvé. Le Grand -Théâtre lui fut livré le 20 décembre 1836, avec les formes accoutumées, et par les magis- trats et délégués ordinaires. Indépendamment des avantages rapportés ci - des- sus, et qui ressortaient du bail passé entre M. Solomé et M. le maire Brun, il recut encore des marques non équivoques de la bienveillance du Conseil municipal. Le 31 août 1837, le Conseil lui avança 18,000 fr. sur les subventions des trois prochains mois, et le 22 janvier 1838, même avance d'une pareille somme lui fut faite sur les six mois prochains. L'autorité supérieure s’empressa toujours de sanc- tionner ces actes de généreuse protection. ( 11 Sep- tembre 1837, 27 janvier 1838. ) Cependant, le 17 juin 1837, l'autorité municipale jugea utile d'établir un contrôle pour examiner la comptabilité : elle appela M. Landais à ces nouvelles fonctions. Tous les mois, M. Landais était chargé de 485 faire un Rapport sur l’état financier des théâtres, de vérifier toutes les pièces de la comptabilité, et de faire connaître le chiffre exact des recettes, des dépenses, et leur équilibre respectif; c’est ce qui eut lieu à par- tir du 14 juillet 1837, date du premier rapport de M. Landais. Vingt et un mois s'écoulèrent, pendant lesquels M. Solomé mit encore toutes les ressources de son expé- rience et de son talent spécial dans l'art de diriger la scène , et Baignol, tout le développement de son active et intelligente coopération. Ainsi, quelques abus de la précédente administration furent réformés : on cessa de délivrer des billets avant l'ouverture des bureaux; le système d'entrées aux secondes fut aboli; une plus grande surveillance fut exercée par rapport aux ma- gasins des costumes. Dans les premiers neuf mois de la direction Solomé, malgré l'état incomplet des troupes, les rigucurs d'un long hiver et une épidémie générale (la grippe ), on parvint à monter vingt-trois nouveautés : onze dra- mes, comédies ou vaudevilles; huit opéras, quatre ballets. (Voyez Prospectus des théâtres, 15 avril 1837.) Le 31 juillet, Solomé fut autorisé par le maire à louer les décors et les costumes de La Juive, à qui de droit ({ MM. Granger et N., à Paris). Plus de deux mois s'étaient écoulés entre cette autorisation et la de- mande qui en avait été faite ( 12 juin). Dans l'automne de cette année 1837, on représenta ce grand opéra /{ La Juive). Le directeur s'occupa très- 486 activement, en 1838, de monter l'opéra des Huguenots ; il y réussit. Il fit aussi jouer en représentation M. Chollet et Mlle Prévost. ( Prospectus des théâtres, du 18 avril 1838.) Ce fut vers le milieu de l'année théâtrale 1837 que M. Solomé poussa son cri d'alarme, si l’on peut ainsi parler. Il réclama, à Paris, l’appui du banquier des jeux, Benazet ( août 1837); il sollicita, mais en vain, pour qu'on lui accordât trois relâches par semaine, au Grand-Théâtre; il fit plus tard un appel heureux à la bienveillance du Conseil municipal (janvier 1838 ). Enfin, il demanda à M. le Maire son remplacement. « Je tombe, dit-il, sous une lutte flagrante que me font les artistes. » ( Lettre du 23 avril 1838.) - Malgré son activité accoutumée pour exploiter le reste des avantages que les théâtres pouvaient offrir encore, ce directeur ne put résister aux embarras tou- jours plus accumulés de sa position. Il partit pour Paris, afin d'aller chercher une dan- seuse. Îl ne revint pas, et ne fit passer aucun or- dre::i:. Insuffisance absolue de la caisse pour le paye- ment de la fin du mois. Le caissier prévint le maire de cette situation fà- cheuse. (29 mai 1838.) Nomination, par le Conseil municipal, d’une commission spéciale, prise dans son sein, pour vérifier les faits et présenter les moyens à prendre. Retour de M. Solomé à Bordeaux. Il avoua qu'il était à découvert d’une somme de 26,422 fr. 17 e.; cette somme, peu de jours après, s'élevait à 43,506 fr. 18 c 487 Il sollicita avec instance la résiliation de son bail pour avril 1839, et le remboursement de son caution- nement par 11°, jusqu'à cette époque. Cette demande fut accueillie par le Conseil de la ville et M. le Préfet. (9, 15 et 27 juin 1838.) La vente des 2,500 fr. de rente, acquise au nom de la ville, fut opérée, et le remboursement, comme il était convenu, en fut fait à M. Solomé, sur le vu d’une attestation officielle (lettres du maire et du préfet, des 4 et 10 août 1837; arrêté municipal du 28 avril 1838 }, cons- tatant que ce directeur avait rempli, dans ces deux années, les obligations imposées en ce qui concernait les décors et les costumes. Notes approximatives sur le buget théâtral sous Solomé. Dans les six premiers mois de 1836 et dans les cinq premiers de 1837, le directeur a touché, d’après les données exactes du Bureau central : DIR NOUIS 6 LS ee ee eos as 263,919 fr. Cinq MOIS.de 18937... crorro ue 219,556 » HATAR nn AE 483,475 fr. Comprise l'allocation municipale. 70,000 » Total. hou 553,475 fr. Du 21 avril 1837, au 21 janvier 1838, mois d'août et de septembre exceptés, les recettes aux deux théâ- 488 tres, d’après les rapports de M. Landais, contrôleur de la comptabilité théâtrale, appuyés des pièces ( Ar- chives de la ville, carton des théâtres, n° 20), ont éternel te. conan sut. d 312,318 fr. Subvention de la ville.............. 80,000 » Abonnement de1837, jusqu’à avril Set aumer. Lmneses ser 08,332:» FoTAËRE.LmI0Io: 917,650 fr. Le montant du déficit des recettes sur les dépenses de l’entreprise, du 29 juillet 1836 jusqu’au 20 janvier 1838, atteignit le chiffre de 73,016 fr. ( Rapport du contrôleur, 11 mars 1838. ) Le bail de M. Solomé, du 12 août 1836, fut résilié à partir du 21 avril 1839. Les artistes, pour empêcher des complications mal- heureuses, firent l'abandon de quinze jours échus de leurs appointements. Du 1° mai 1859, au 20 juillet courant [80 jours }. — M. R. B., directeur privilégié, et N. D., directeur associé. L'histoire de cette direction, depuis son origine jusqu'à son déroûment, fut une suite de combinaisons qui n'aboutirent qu'à un échec. — Quoique pressé d'arriver au terme de ce travail, il nous paraît cepen- dant utile de jeter un coup d'œil sur cette courte ad- ministration. Dès que l’intention manifestée par M. Solomé, d’a- 489 bandonner la gestion des théâtres de Bordeaux, fut répandue dans le public, au milieu de l’année 1837, un mouvement actif, quoique non apparent d'abord, s’opéra dans tous les esprits désireux de remplacer ce directeur. A la date du 2 janvier 1838, une lettre, partie de Dijon, arrivait à M. le Ministre de l'intérieur, sollici- tant de lui la direction théâtrale de Bordeaux, non vacante encore officiellement. M. le Ministre renvoya le 4 du même mois cette lettre à M. le Préfet de la Gironde, qui la transmit qua- tre jours après au maire de la ville, M. David Johnston. Elle avait été écrite par un directeur privilégié du département de la Côte-d'Or ( 8 arrondissement théà- tral), qui, ayant délaissé cet emploi, se trouvait à Paris. Comme ce candidat leur était presque inconnu, les autorités municipales de Bordeaux eurent recours à la voie des informations. Voici ce qu'on apprit par la correspondance du mi- nistre, du préfet de la Seine et de plusieurs maires des départements : M. B. était un ancien régisseur de l'Opéra-Comique de Paris; directeur, depuis vingt-cinq ans, aux théâtres de Reims, de Nantes et de Dijon. A Nantes, il avait fait preuve de capacité, sa mora- lité était certifiée; mais il n'avait pu maintenir les re- celtes au niveau des dépenses, et avait été contraint d'abandonner ses fonctions. ( Renseignements fournis par une lettre de M. Rambuteau. ) A Dijon, il avait exercé pendant huit ans. 490 En juin 1838, il quitta son exploitation, après avoir passé, avec deux de ses acteurs, un arrangement se- cret, par lequel, moyennant une somme de 9,000 fr. , il les substituait en son lieu et place, et mettait à leur charge tout ce qui pourrait advenir. Qu'en résulta-t-il? Que quelques bonnes recettes ayant été opérées par la troupe, à la suite de voyages dans le département et représentations à Dijon, ces receltes furent un peu plus tard saisies en totalité par les créanciers du directeur. ( Lettre du préfet de la Côte-d'Or au ministre de l'intérieur. — 3 Novembre 1838. ) Conçoit-on la préoccupation des magistrats munici- paux, et les motifs qui les entraînaient, pour avoir, dans un pareil état de choses bien avéré, passé un traité, touchant la äirection théâtrale de Bordeaux, avec cet ex-directeur de Dijon? Les termes si reconnaissants de la longue et pres- que obséquieuse correspondance de ce dernier avec M. le Maire de Bordeaux semblaient prouver l'appui qu'il avait trouvé dans des recommandations particu- lières. Toutes ces circonstances pouvaient renforcer l'opinion assez répandue, qu’il n’était que l’agent des deux directeurs précédents, Baiïgnol et M. Solomé. Le traité accorda l'administration des théâtres, avec toutes leurs dépendances, à M. B., pour trois années, à partir du 21 avril 1839. (Délibération du Conseil municipal, le 2 novembre 1838. Date du traité, 21 novembre. Envoi au préfet, le 12 février 1839. Ap- probation, le lendemain 13 février. ) A91 Subvention... 80,000 fr. Cautionnement... 50,000 » dont 10,000 fr. versés dans les huit jours qui suivront le traité. ( Délibération du 15 novembre 1838. ) Cette dernière clause ne s’exécuta pas ainsi que cela avail été convenu; il y eut beaucoup de retard. Ce di- recteur partit de Bordeaux le 14 décembre suivant, sans avoir rien fourni de son cautionnement, en priant le maire de lui garder le secret, et il présenta, de Pa- ris, un bailleur de fonds, M. **, qui s'engagea à ver- ser 30,000 fr. pour le cautionnement. Les informa- tious prises sur la position financière de ce bailleur de fonds furent loin d’être satisfaisantes. (Lettre du 8 janvier 1839 de MM. Delessert et Blot, négociants à Paris. ) On doit encore éprouver une sorte de surprise, en retrouvant, dans cette occurrence, tant de patience et de longanimité de la part de M, le Maire! Enfin, après des demandes réitérées et des réponses évasives échangées de Bordeaux à Paris entre M. le Maire et M. le Directeur, l'époque même d'entrer en jouissance { fin d'avril) étant arrivée, M. * prêta au directeur les 50,000 fr. de cautionnement, qui fu- rent versés à la caisse du Mont-de-Piété. Cette diréction s'ouvrit en promettant les représen- tations de plusieurs acteurs de la capitale. Le bailleur de fonds fut le caissier de cette ad- ministralion. Il mit tous ses soins à rentrer dans la somme qu'il avait prêtée pour le cautionnement, et il 492 préleva les deux premiers douzièmes de la subvention. ( Lettre du directeur, juillet 1839.) Les augures sous lesquels s'était présentée l'exploi- tation présageaient trop quel serait son sort. Un mois s'était à peine écoulé, que le péril était menaçant. Le directeur réclama de la ville, mais en vain, une subvention anticipée de 30,000 fr., ou au moins de 18,000 fr., sans laquelle il ne pouvait tenir. (8 Juin 1339.) Alors il embrassa une nouvelle ressource. Le 9 juin 1839, il fit acte de cession de tous ses droits sur le Théâtre-Français, à M. D., qui occupait les premiers rôles dans la troupe des Variétés, et il se l'adjoignit à titre de directeur associé. Débiteur de M. D. d'une somme de 9,600 fr. , il voulait seulement (si l'on s’en rapporte à son dire ) s'acquitter en lui cédant les recettes des Variétés, sur lesquelles aucun de ses autres créanciers ne pourrait plus avoir de droits. Pour l'accomplissement de cette combinaison, à la- quelle s'opposait virtuellement son bail avec la ville, il devait encore trouver avec qui compter. Le 8 juillet, les artistes protestèrent contre cet acte de cession, entre les mains de l'autorité. Le directeur demanda la résiliation de son bail, le 13 juillet 1839, après avoir reçu le même jour un refus formel du maire, de se créer une espèce d'allocation d'avance, en augmentant le nombre des jours de re- lâche. Cette résiliation fut admise le 18 juillet, par arrêté 493 municipal, et approuvée le lendemain 19, par M. le Préfet. Le directeur perdit la plus grande partie de son cautionnement. Cette administration avait souscrit pour cinquante abonnements doubles au Grand-Théâtre et au Théâtre- Français, moyennant le prix de 400 fr. { Voyez car- ton des théâtres, n° 21, Archives muicipales. } Du 22 juillet 1859, au 50 avril 1840 [neuf mois ). — M. Léon ( Antoine-Arnaud), et les sept artistes réunis, MM. FLreury, RAGUENOT, D'HÉRON ( Gustave ), BOUCHER, PAGE, DAUMONT, Sept candidats inacceptables pour la direction va- cante s'étaient présentés. Les artistes des deux troupes s'entendirent alors pour continuer, à leurs risques et périls, une exploi- tation qui les faisait vivre. Leur demande fut accep- tée, et le bail, qui continuait les charges du précé- dent, fut passé le 19 juillet, et approuvé par le Con- seil municipal et parM. le Préfet, le 22 et le 28 cou- rant. Les artistes recevaient 6,670 fr. 66 c. tous les mois échus (art. 11), une subvention de 30,000 fr. (art. 12), payée en trois époques : 15,000 fr. en commençant l'entreprise; 10,000 fr. le 21 août; 5,000 fr. le 21 septembre. Leur camarade, M. Léon, se mit à leur tête, et fut 494 reconnu par l'autorité comme seul chef et administra- teur de l'exploitation. Quelques changements administratifs s'opérèrent. La nomination du caissier fut soumise à l'agrément de M. le Maire. La caisse fut établie dans le local de la direction. Elle fut confectionnée avec deux serrures et deux clés; l'une de celles-ci demeurant au pouvoir du caissier; l'autre, entre les mains du contrôleur, choisi et nommé par M. le Maire. Cette association artistique parcourut prudemment et consciencieusement sa carrière; elle appela sur no- tre scène, en juillet, août 1839, et en mars 1840, trois arlistes en renom, qui prélevèrent sur les recettes une somme de 9,778 fr., soit : Achard, 3,000 fr. ; Déja- zet, 4,500 fr., et Chollet, 2,278 fr. Extrait du Budget des artistes réunis du 21 juillet au 20 octobre 1859. RECETTES : Grand-Théâtre....…. 174,476f 49c — MALI TÉS rentre res 52,293 43 DÉPENSES : Grand-Théâtre..……. 144,762 27 — Variétés FR 53,543 49 BÉNÉFICES du Grand-Théâtre… 29,514 15 Déricir des Variétés... 1,250 6 BÉNÉFICES NETS de l'administration. 28,264! 9e Le 19 août 1839, la recette brute, au Grand-ThéÀ-. tre, s’éleva à 4,669 fr. 40 c. { Bordereau signé par le secrétaire des hospices, Pelauque. ) 495 Du 1° mai 1840, au 6 avril 1845. — MM. Léon, régis- seur, FLeury et C°. (2° Entreprise. ) Encouragé par une première épreuve dont il était heureusement sorti, M. Léon, après avoir terminé les neuf mois de l’année théaträle 1839-10 avec les artistes réunis, voulut continuer pour lui-même, en s’adjoignant MM. Raguenot et Fleury. Les artistes lui promirent le concours le plus sympathique. En vertu de la délibération du Conseil municipal (18 novembre 1839), son bail fut passé pour trois ans avec M. le Maire ( 29 du mois courant ), et le pri- vilége lui fut accordé le 9 janvier 1840. ( Signé Du- chatel, ministre.) Le cahier des charges fut toujours le mème. Les payements de la subvention de 90,000 fr. furent ainsi distribués : 10,000 fr. à la fin de chacun des mois de mai, juin, juillet, août, septembre, et 5,714 fr. à la fin des autres mois. 20,000 fr. de cautionnement. Un arrêté du 22 novembre 1839 fit connaître la no- minalion officielle du contrôleur des théâtres, M. Lan- dais. Un autre arrêté, du 23 mai 1840, nomma le caissier, M. Romain Pratviel Bureau de supplément établi sous le pérystile. Un redoublement d'activité caractérisa cette direc- üon, pour laquelle fut instituée une place de chef d'administration d'abord aux appointements de 5,000 fr., puis de 4,800 fr. 496 Ces efforts n'étaient pas inutiles, puisque l’année se montrait malheureuse pour les directions de pla- sieurs grandes villes : Bruxelles, La Haye, Le Hävre, Rouen, Marseille, Lille, Strasbourg, Lyon, Tou- Jouse, etc. Ces efforts portèrent sur les représentations des Huquenots, pièce admirée sur notre théâtre, comme sur tous ceux de la France et de l'Europe, et sur cel- les de la Favorite, montée avec luxe et succès sur no- tre scène en 1842. Dans le cours de cette même an- née, on prépara l'opéra des Martyrs. On représenta, mais sans décors nouveaux, la Reine de Chypre. Cette direction retint dans la troupe des artistes tous ceux affectionnés du public et qu’il lui fut possible d'engager : ainsi, la première basse, M. Boucher; le premier ténor, M. Valgalier. Ce fut une combinaison, comme toujours, très-ha- sardeuse, pour ne pas dire davantage, mais qui prou- vait dans l'administration son vif désir d'activer le mouvement théâtral, que celle d'appeler sur la scène bordelaise les artistes renommés de Paris. Ainsi, le public de notre ville put applaudir MMmes Leplus (Jenny Colon), Prévost, Taigny, Fitz-James; MM. Taigny, Levassor, Poultier, Chollet, Serda. Il put admirer Duprez (juin 1840) et Rachel (juillet 1841 ). La ville voulant donner à nos deux salles de specta- cle l'éclairage au gaz, la direction théâtrale entra pour moitié dans le montant du prix réclamé par l’entre- prise du gaz (novembre 1842 ). 497 Voici le chiffre de cette dépense : GRAND-THÉATRE. — Du 1° mai 1842, au 18 avril 1843. — Pour 283 représenta- tions avec 410 soirées de bal, donnant en moyenne 58 fr. 7 ©... Do ecênee ee. 16,434f 65° VARIÉTÉS. — Du 17 mai 1842, au 25 mars 1845.— Concurremment avec l'éclairage à l'huile, pour 284 représentations don- nant en moyenne 23 fr. 32 c............... 6,623 65 23,058f 30c !, Tous ces actes de la direction de M. Léon méritent des éloges; mais ils ne purent l'empêcher de subir le sort de ses prédécesseurs. Plusieurs circonstances, qui peuvent être regardées comme ayant agi activement, étaient de nature à faire présager ce dénoûment, qui cependant, il faut le cons- tater, n'arriva et ne fut précipité que par une cause inattendue et particulière. Je mentionnerai : 1° L'habitude qui fut prise, dès 1840, de demander à l'autorité une augmentatiou du prix des places aux deux théâtres, pour toute représentation plus ou moins exceptionnelle. Demande qui, à tort, fut toujours ac- cordée. On comprend cette demande faite et accueillie pour ! Dans la deuxième année où cet éclairage fut établi (1843-44), quoiqu'il eût été complété par le gaz aux Variétés, et, de plus, que les représentations aux deux théâtres eussent été plus nombreuses, le prix en fut diminué. Ainsi, Pour 323 représentations, au Grand—Théâtre, avec 5 bals (donnant en moyenne 54 fr. 23 ec.) : 47,317 fr. 70 ce. ; Pour 307 représentations aux Variétés ( donnant en moyenne 49 fr. 66 C-)L: 15,246 fr. 32 498 les représentations de Duprez et de Rachel, quoique encore aurait-il fallu qu'elle fût renfermée dans des limites convenables, ce qui n'eut peut-être pas lieu à l'occasion de ces deux artistes éminents; mais pour des acteurs ordinaires en passage, el même après des circonstances qui ne s'appuyaient pas sur ce motif, c'était un abus fächeux de toute manière, et préju- diciable surtout à l'administration théâtrale qui le sol- licitait, puisqu'il tendait à éloigner les classes les plus nombreuses de la société, el à paralyser le goût du spectacle. 20 Une autre habitude de l’administration théâtrale, qui parut non moins fâcheuse aux autorités municipa- les, fat celle de réclamations presque mensuelles ( jan- vier, mars, avril, mai, décembre 1841; janvier, février 1843), concernant les sommes subventionnelles ou ex- ceptionnelles, dont on sollicitait du Conseil de la ville le payement anticipé d’un mois sur un autre mois. Ces réclamations furent aussi, à tort, trop souvent écou- tées. Ii n’en fut pas pourtant ainsi de celle qui sollicitait la fermeture de la salle des Variétés pendant einq mois d'été (20 janvier 1841) : elle fut refusée, comme ca- tégoriquement contraire au bail passé entre la ville et le directeur; ni de celle encore, prétendant ne pas payer la moitié du prix de certains costumes (année 1840- At), etes décors, costumes et réparations du théà- tre (année 1841-42). Le directeur s'y étant engagé formellement dans son bail, M. le Maire le menaça de prélever et retenir cette somme due, sur la sub— vention annuelle. 499 3° Enfin, je noterai l’arrangement du directeur, qui, en outre de sa place rétribuée (8,000 fr. }, s'était at- tribué les fonctions de maître des ballets, aux appoin- tements de 7,000 fr., restreints par lui, après obser- vations, à 5,000 fr. { Voyez le Prospectus de la di- rection des théâtres de Bordeaux, années 1840-41, 1841-42, 1812-43.) Cette gestion de M. Léon et C° (2° Entreprise ) est celle qui, depuis onze années ( 1832 ), a vécu le plus longtemps, c’est-à-dire {rente-cing mois et six jours. On peut dire qu'elle échoua en entrant au port. Les acteurs, afin de parcourir les vingt-quatre jours qui séparaient du terme de l’année théâirale, s’unirent par un acte sous seing privé. De son côté, M. Léon fit des promesses pour tout ce qu'on lui proposa. Lui et son fils, peintre décorateur de l’entreprise, s’engagèrent à payer les appoints dus à la fin de cette même année. La ville resta en possession des armu- res de La Juive, qu'on lui réclama en avril 1843, com- me ayant été cédées à l'aide d'un contrat de vente, par M. Léon fils. Cette chute de la direction fut déterminée par quel- ques-uns des artistes sociétaires, et surtout, dit-on, par le premier ténor sérieux , qui ne voulut accorder aucun délai pour toucher ses appointements. (Voyez cartons des théâtres, n° 22, Archives municipales.) 500 Extrait du Budget de la gestion Léon et C° { 2° Entreprise ). Année 1840-41. GRAND-THÉATRE. — Dépenses..................…. 600,786f 22c — REGEHICS Eee cosessesmese 570,070 47 — Déficit partiel... 30,715 75 VARIÉTÉS. — Recettes..........s.esecesreee .. 203,882 50 — DÉPENSES Serre ee 202,708 3 — Bénéfice partiel.................... 1,474 47 DÉPENSES. — Grand-Théâtre...................… 600,786t 22c — M'ATIÉLOS Ines c2rcne trees 202,108 3 TOTALE es erescssonc etes ese 803,494f 25c RECETTES. — Grand-Théâtre... 570,070f 47° 113,982 97 1x Variétés... … 203,882 de LE DÉFIGIT ToTAL de l'année. 29,544f 28c Année 1841-43. GRAND-THÉATRE. — Recettes............,..,..... 582,486° 46° — DÉPERSES R..-re-sec..ee 578,456 30 — Bénéfice partiel... 4,030 16 NARIÉTÉSS—= ReCettesS. Re. rs erenoneeteseeecsen e 195,377 35 — Dépenses RSR eee 182,820 33 — Bénéfice partiel..................... 12,557 2 RECETTES. — Grand-Théâtre ..................... 582,486 46°C — MATICLOS Sc... nee. detceeceeecurates 195,377 35 MOMAR secs cemeopeemmmeremree 171,863! 84c DÉPENSES. — Grand-Théâtre.. 578,456! 30c 764,280 63: ps Variétés... 182,824 A : BÉNÉFICE de toute l'année... 46,583f 18° »01 Annee 1942-43. GRAND-THÉATRE. — Recettes.................... 460,284f 22c — DÉPENSES ere 451,530 28 — Bénéfice partiel... 8,750 94 VARIÉTÉS. — Recettes .......,...... ess noce ose 203,290 5 _— Dépenses... ssossseno nes ones 198,057 48 — BÉNÉCE partiel............sss.ere 5,232 57 RECETTES. — Grand-Théâtre...:................. 460,2841f 22c — VATIOLÉS. 2er seconccess tr Se 2 203,290 5 TOTAL eee ceesecc cod ee 663,571f 27° É SES. — Grand-Théâtre... 451,530f 28c DÉPENSE Gr r | 649,587 76 — VATIGRÉS es enese see 198,057 48 BéNérices de toute l’année.. 413,983f 54c Cette direction a manqué devant 60,000 fr. envi- ron. ( Relevé des comptes de l'administration théâtrale fait par M. Landais, contrôleur.) Direction théâtrale de Bordeaux. — Du 1° mai 1845, au 10 juin 1844 ( 13 mois el 10 jours de gestion ). C'est encore un artiste dramatique qui devint direc- teur. Celui-ci avait joué les premiers rôles à la Comé- die française, et plus tard sur le théâtre de Bordeaux. Il avait professé avec succès un cours de déclamation. Jamais directeur ne commença sous de meilleurs auspices, et ne fut poussé par pius de recommanda- 902 tions honorables; plusieurs avocats de Bordeaux l'ap- puyaient surtout d’une sympathie très prononcée : c’est principalement à ces appuis, qu'il dut d’avoir été pré- féré à ses huit compétiteurs. Son bail avec le maire fut passé le 17 novembre 1842, et approuvé par le ministre le 12 décembre de la même année; il lui assurait l'exploitation des deux théâtres de Bordeaux pendant trois années. Le Conseil de la ville (9 novembre 1842) se relà- cha beaucoup pour lui de la rigueur de son cahier des charges. Subvention............: 90,000 fr. Cautionnement........ 30,000 fr. Son traitement s'éleva au chiffre de 1,000 fr. par mois, le plus élevé qu’on ait vu jusqu'alors. Dans sa séance du 9 juin 1843, le Conseil munici- pal vota, sur sa demande, une somme de 6,000 fr. pour réparation des décors, des costumes du ves- taire, pour augmentation des instruments de musi- que et l'établissement d’un faux plancher servant à élever l'orchestre. Trois jours après, il sollicita l’au- torisation de louer d’autres instruments, ainsi que quelques parties de l'orchestre. Ce directeur avait fait de grandes promesses dans lesquelles l'autorité avait foi, surtout concernant un nouveau genre de peinture appliqué aux décors. Déjà il avait développé ses vues d'administration dans plu- sieurs brochures, principalement dans un Mémoire étendu, présenté à M. le Maire, le 16 septembre 1842, 503 où il disait, avec raison, qu'il fallait un artisie pour di- recteur; qu'on devait repousser toutes ces entreprises d'agents, trafiqueurs et intermédiaires entre les acteurs et les directeurs; enfin, qu'il fallait un répertoire étendu et varié, des acteurs arrêtés à l'avance par les soins du directeur, et deux troupes unies, comme à Rouen, Bruxelles, Marseille, Toulouse, etc. Il ne ré- clamait que le pouvoir de réaliser ces réformes. Son Prospectus, de 1843-44, fit connaître que les premiers emplois de sa troupe élaient doublés, les chœurs augmentés, l'orchestre complété. Il put avec vérité écrire, dans son Prospectus de l’année suivante, 1844-45 : « Ma troupe, telle que j'ai pu la former, était je crois la plus complète que Bordeaux ait jus- qu'à présent possédée; me serait-il permis d'ajouter qu'elle était supérieure à celles de tous les théâtres de province? » Ce surcroit du personvel d'artistes augmentait le budget annuel de 45,400 fr. Le directeur voulait mettre en pratique un système d'abonnements dits facultatifs, dont voici l'aperçu : Une stalle numérotée était réservée à celui qui avait une carte d'abonnement. Cette carte, selon le prix de six catégories décroissantes, permettait d'assister au spectacle tous les jours, ou tous les jours pairs, ou impairs, ou à deux, trois, quatre ou cinq jours d'in- tervalle. L'autorité municipale fut aussi très-favorable à plu- sieurs des réclamations que lui adressa ce directeur. Elle favorisa la réduction de 3,060 fr. sur le prix 504 de la fourniture des affiches, dans la nouvelle adjudi- cation passée avec le mandataire de l’imprimeur habi- tuel (Mme Duviella ), et, en outre, prit note, peur plus tard, d'autres réformes importantes * sur ce même chapitre du budget théâtral. Elle l'autorisa de plus, mais après quelques hésita- tions, à vendre au bureau, à neuf heures, des billets à moitié prix. C'était une innovation importée d’An- gleterre, qui, sous quelques rapports, pourrait être avantageuse. Cette décision fut prise sur le vu des chiffres : 1° de quatre soirées, dans lesquelles ces re- celtes tardives avaient produit en moyenne 165 fr. 50 c., somme qui, ajoutée à une moyenne des recet- tes faites à l'ouverture des bureaux, avait produit un total de 1,100 fr. 50 c.; 2° de plusieurs recettes opé- rées (de juillet à décembre), et qui descendirent à une minuité telle que 6, 21, 22, 45, 52, 56 fr. au Grand-Thétre, et 3, 4, 11, 15, 20 fr. au théâtre des Variétés. ù Cette même autorité municipale ne fut pas long- temps sans acquérir la preuve que ce directeur n'avait promis beaucoup de réformes que dans le but d'obte- nir le privilége; mais qu'en étant une fois possesseur, il lui était à peu près impossible de tenir ce qu'il avait promis. Dès le début de cette administration, plusieurs prin- cipaux articles du cahier des charges avaiert été né- < Ces réformes portaient sur la grandeur des afiches et sur l'annonce des relâches faite sur l’afiche de la veille. 505 gligés. En septembre 1843, elle n'avait pas encore fait choix d’un peintre décorateur et n'avait pas com- plété le personnel de la troupe. M. l'Adjoint du maire chargé de la surveillance des théâtres signala ces infractions ( 4 août ); celles-ci prirent fin. M. Ernest Cicéri fut présenté comme peintre décorateur, le 12 novembre suivant. Seule- ment, et contre la lettre de l'art. 35 du cahier des charges, le chiffre du traitement de ce peintre, et en- core de quelques autres emplois ( avis donné le 12 oc- tobre par le contrôleur de la ville), reçurent une aug- mentalion. Le 30 avril 1843, le directeur réclama, mais vai- nement, de n’ouvrir la scène que du 8 au 10 du mois suivant. Il ne put obtenir aussi (6 février 1842) d'établir, daus le foyer du public, des tables de jeu, pour y faire des parties de cartes. Bientôt il demanda qu'on lui permit d'augmenter le prix des places, ce qui lui fut refusé, sauf quelques rares exceplions. Il sollicita encore, contre l’article formel du cahier des charges, sur la location des costumes, ainsi que d'autres objets, pour la représentation du Postillon de Longjumeau. (16 Juin 1843.) Le refus le mettrait, di- sait-il, dans l'impossibilité de marcher trois jours. Cette location, accordée provisoirement et toujours exceptionnellement par M. le Maire (16 juin), lui fut définitivement refusée. (20 Juin. ) La bienveillance de M. le Maire lui permit, en ou- 906 tre, le 7 septembre 1843, de faire l'emprunt, pour six représentations, de la partition de musique de Ri- chard Cœur de lion, telle qu'elle avait été écrite par Grétry. Personne, après avoir eu connaissance des détails précédents, ne sera surpris d'apprendre que cette di- reclion laissa les décors et les costumes comme par le passé, ne montra ni activité, ni désir de bien remplir ses engagements; fut injuste et emportée avec les artis- tes; s'oublia même quelquefois envers l'autorité mu- nicipale; laissa pénétrer des abus, et mit en œuvre des errements administratifs les moins exécutables. C'est dans cet état de choses que s’ouvrit la deuxième année de sa gestion. Le directeur avait promis de faire connaître les partitions italiennes de Bélisaire, Don Pasquale, Ro- bert d'Evreux; de plus, les opéras français La Part du Diable, La Syrène. Toutes ces pièces ne furent point représentées : les grands opéras des Martyrs et Anne de Boulen parurent seulement sur notre scène et ob- ünrent du succès. Charles VI fat aussi représenté. — Qu'il me soit permis, à cette occasion, de relater quelques-unes des circonstances qui entourèrent l'apparition de cette pièce sur le théâtre de Bordeaux. Cet opéra, comme on le sait, avait réussi sur la scène parisienne; il offrait la réunion de grandes beau- tés musicales et d'un libretto poétique, réunion qui doit toujours être remarquée et qui fait présager le uccès. Le directeur, malgré de pressantes sollicita- 507 tions, refusa longtemps de monter cet ouvrage. Enfin, il s’y décida, prépara les décors et les autres détails de la mise en scène ‘ La première représentation eut lieu; mais quel jour? l'un des derniers de l’année théâtrale, le mercredi de la Semaine sainte, jour où si peu de personnes vont au théâtre, et où même celui- ci ne peut être ouvert que par une permission spé- ciale *. La première chanteuse contralto, Mme Widemann, adressa par ce rôle ses adieux au public. Cette forte chanteuse était chef d'emploi avec MMmes Elian et Catinka Heinefeter; M. Juclier oc- cupait les premiers rôles dans la comédie, et Mme Elisa Bellon était première danseuse. Eu entrant dans la seconde année de sa gestion { mai 1844), le directeur ne modifia aucun des erre- ments défectueux qui l'avaient dirigé dans la première. Il annonçait beaucoup de pièces qu'il ne pouvait re- présenter : ainsi Le Diable amoureux, ballet; La Chaste ! Le 23 mars 1844, M. le Maire accorda l'autorisation réclamée, de louer des armures pour cette représentation. Ces armures, disait—on, étaient d’un prix élevé, et appartenaient à M. Le— febvre, de Gand. On promettait en compensation de fournir au magasin plusieurs décors et costumés. fl paraîtrait, d’après des renseignements connus plus tard, que ces armures étaient Ja propriété du directeur, et que leur location avait été feinte afin d'échapper à la rigueur de l’art. 10 du cahier des charges. ? L'art. 18 du cahier des charges prescrit la fermeture da théâtre les quatre derniers jours de la Semaine sainte. La permission de jouer Charles VI, le mercredi saint, fut réclamée plusieurs fois à l'autorité, et refusée le 3 mars et le 1er avril 1844; mais, enfin, elle fut obtenue. Les magistrats municipaux durent, plus tard, éprouver quelque regret d’avoir fait fléchir une clause du cahier des charges aussi constimmeat exécutée. 508 Suzanne, Linda di Chamount, et plusieurs reprises im- portantes, Norma, La Caverne, Marguerite d'Anjou , Anne de Boulen. ( Prospectus des années 1844-45. ) Le 12 avril précédent, il avait sollicité, mais en vain, du Conseil de la ville, une somme de 10,000 fr. en remise de son cautionnement, ou bien en avance sur les deux premiers mois de la subvention. Il réi- téra sa demande en mai suivant, et obtint l'avance d'un mois de cette subvention. Il fit pour les deux théâtres des abonnements au rabais si l'on payait comptant ‘, mais sur lesquels on ne peut rien savoir de précis; une liste établie dans le mois de mai 1844, en porte le nombre à cent quatre- vingt-quatre; or, il est à présumer qu'ils étaient con- clus à des conditions diverses. La plupart furent ac- quittés. Trente-quatre personnes refusèrent de payer, alléguant qu'elles avaient été placées sur la liste sans leur consentement. Ce directeur en appela de nouveau à ses actionnai- res de 1843 *; puis, en dernier lieu (juin), au Con- seil municipal, pour l'avance d’une autre somme de ‘ Il faut expliquer ces mots, au rabais * une des précédentes directions avait établi des abonnements aux deux théâtres pour 400 fr. La direction qui nous oc- cupe fut pius loin dans cette mauvaise voie : elle fit de doubles abonnements au prix de 500 fr. pour homme et 300 fr. pour femme; elle finit par les sous— erire à ce dernier chiffre, pourvu qu'ils fussent acquittés immédiatement (c’est imprimé ). 3 Vingt-sept noms d'actionnaires figuraient sur la liste primitive de 1843— &%, représentant, par des actions de 2,500 fr., la somme de 67,000 fr. En 1844, la plupart de ces noms ne se rencontrèrent plus que parmi les abonnés ordinaires, et même quelques=uns avaient été inscrits par erreur parmi les abonnés. 509 10,000 fr. sur sa subvention annuelle. Ses espérances échouèrent. Déjà, le 8 avril et le 11 mai, les artistes lui avaient signifié, par écrit, qu'ils cesseraient le lendemain même de jouer, si leurs appointements, payables mois par mois, n'étaient pas complétés. Dans cette position insoutenable, le directeur dis parut en déposant le bilan de sa faillite. Les artistes réunis firent marcher le spectacle du 10 juin au 31 janvier, en recevant de la ville 250 fr. par jour. Leurs commissaires furent MM. Roger, Juclier et Viette. Qu'on me permette de le demander : Les malheurs de ce dernier directeur doivent-ils donc étonner? Aperçu sur le budget de l'administration théâtrale, du 1° mai 1845, au 10 juin 1844. Année 1843-44, DÉPENSES. — Grand-Théâtre..........,................ 621,050 43c — MATIÉIOS SR Pere tend asese si ice ee e 198,386 32 Toraz des Dépenses. .…. 819,436! 75c RECETTES dans lesquelles n’est pas compris le pro- duit des actionnaires. — Grand-Théâtre......…. 440,672 60c _ VATIOIOS 2.2 esse 206,625 05 — SUDYENLION ere csa cs ee « 90,000 » ToraL des Recettes... 737,297 65 DÉETCITEEN teens sc ces 82,439f 40° (Compte rendu de M. Landais, contrôleur de la comptabilité des théâtres.) 010 Mai 1844, et 10 jours du mois de juin. Voici quelques autres renseignements recueiliis sur les recettes qui ont été faites depuis le 30 avril 1844 : Abonnements.............…. CHASSE ce DO RCE 30,142f Variétés (recettes des ).......... onddss sd... t44,207 Grand-Théâtre (recettes du }................…. 111,919 Belval ( spectacle de curiosité )................... 195 HOTATSS --c--e--se ses 09,523! Subvention avancée ( mois de juin ).............. 10,000 TOTAL... Sais ee ste er 69,523f Direciion du 1° août.1844, au mois de mars 1845 (9 mois de gestion ). Le directeur n'était pas dans les conditions néces- saires pour diriger une grande exploitation théâtrale, quoique plusieurs personnes importantes l’eussent re- commandé vivement à la confiance des autorités, com- me pouvant régénérer les théâtres de Bordeaux. Il ai- mait avec passion tout ce qui se rapportait au théâtre. La modération de son caractère, sa bienveillance et sa probité, lui avaient fait croire qu'il pouvait réussir. Il fut admis aux mêmes conditions, à peu près, que son prédécesseur. Son cautionnement ne fut que de 20,000 fr. Une année ne s élait pas écoulée, qu'il était forcé de déposer un bilan, dont le passif présentait une somme de près de 115,000 fr. oii Que dire de cette direction? Elle maintint convenablement, dans la formation de la troupe des artistes de notre Grand-Théâtre, les trois genres dignes de la scène bordelaise; mais ne monta que de rares nouveautés, et n'imprima que bien peu de mouvement aux représentations théâtra- les. Mme Hébert tenait l'emploi de première chan- teuse. ( Prospectus de 1814-45 et 1845-16. ) Pendant sa durée, une guerre persistante fut faite aux entrées de faveur par l'autorité municipale; celle- ci resta invariable dans son refus d'élever le prix des places, queiles que fussent les éventualités, Elle ne se relächa que pour les abonnements au mois, en faveur de quelques femmes d'employés. On peut dire que cette direction montra de la fai- blesse, et n’écouta que trop de conseils. Produit des abonnements aux deux théâtres : Grand-Théâtre........... 97,148" 66° sÊT SIA TRE ERA el LOS ES) ToTAL. ...... 61,419! 66° Recettes aux bureaux... 419.525f 03c Direction du 28 juin 1845, au 21 octobre 1846 (près de 16 mois de gestion. ) Après quelques mois de gestion par les artistes, le . . ; » EL nouveau directeur fut nommé. Résumons son adminis- tration : 10,000 fr. de cautionnement; concessions im- 512 portantes obtenues sur le personnel des artistes ( Pros- pectus 1845-46); réduction du contrôle de la ville; efforts vains et réitérés pour élever le prix des places; augmentation considérable des entrées de faveur; sup- pression, par l'autorité, de la loge particulière de M. le Commissaire central ( 2 août 1845 ); deux re- présentations du baryton Baroilhet, dans lesquelles le prix des places fut porté à 3, 6 et 7 fr.; Mile Elian était première chanteuse légère. On monta La Syrène. Ce directeur, après avoir assez bien débuté, rentra dans de fâcheux errements et fut contraint, le 21 oc- tobre 1846, de se démettre de fonctions trop lourdes pour lui. Sa faillite fut prononcée quelques jours après. Il avait fait d'abonnements : pour le Grand Théâtre... 91,301° 22° pour les Variétés... 5,222 50 TOTAT 96,523! 72c Recettes aux bureaux... 729,734! 53° Les artistes firent de nouveau marcher les théâtres sous la conduite de M. Mazzur, jusqu'au renouvelle- ment de l’année 1846-47. Nous arrivons ici à un changement important dans le mode de direction théâtrale. ACADÉMIE DEN SCLENCEN, BELLEN-LETTREN ET ARTS DE BORDEAUX. PROCÈS-VERBAL. Séance publique du 20 novembre 1851, pour l’Installation de M. le docteur À. Burauer et de M. le comte ne PEYRONNET. Présidence de M. GOUT DESMARTRES, La grande salle de l'Académie est de bonne heure remplie par un public très-nombreux, con- tenant l'élite de la population bordelaise, la plupart des autorités de la ville, et beaucoup de dames. L'Académie éprouve le regret de n’avoir pu re- cevoir dans son enceinte, trop étroite, toutes les personnes qui se sont présentées à cette solennité littéraire. Elle est entrée en séance à huit heures précises. Ont signé au registre et étaient présents : MM. Gour DesmarrTres, président; D'IMBERT DE BourniLLon, vice-président; E. DÉGRANGES, secré- taire général; FAURÉ, trésorier; G. BRUNET, archi- viste; Léo Drouyx, secrétaire; Darrieux, Ch. DEs 33 14 Mouais, PEriT-LaAFiTTE, Membres du conseil d'ad- ministration ; et GoriN, LATERRADE, BurGuEr, Henry Brocnon, LamorTue, Costes, Léon Marcuanr, Du RAND, E. Ginrrac, H. MaAGonry, ABRIA, DE PEY— RONNET, GAUTIER, CIROT DE LA VILLE, LANCELIN, GrATELOUP, BLATEYROU, J. Decrir, DABas, RUELLE, membres de l’Académie. M. le Président invite M. le Préfet, membre ho- noraire de l'Académie, et M. Gautier aîné, maire de Bordeaux et membre résidant, à prendre place à ses côtés; il délègue MM. Costes et d'Imbert de Bourdillon pour aller chercher les récipiendaires et les introduire dans la salle. La parole est donnée à M. A. Burguet, qui s'ex- prime en ces termes : MONSIEUR LE PRÉSIDENT, MESSIEURS, Heureux! trois fois heureux, celui qui sait revêtir sa parole des charmes de l’éloquence ou des grâces de la poésie : il embellit, à pareil jour, les sentiments qu'il veut exprimer; il jette sur tout ce qu'il dit un attrait qui flatte et entraîne les esprits cultivés. Les muses seules l'ont doué de ce don précieux, et il ne l’a mérité qu’en fréquentant leurs autels. Hélas! je ne sau- rais y prétendre, moi, simple disciple d'Hippocrate, qui 515 ne parcourus jamais les sentiers du sacré vallon, ni les sentiers de la double colline; maintenant, il est trop tard pour que je songe à porter mes offrandes au dieu de l'Hélicon. Je le comprends, mes chers Collè- gues, votre indulgence est mon seul appui, mon uni- que refuge; accordez-la moi, je vous en supplie. Puisqu'il m'est prescrit, dans cette séance solennelle, de vous remercier de l'honneur que vous m'avez fait en appelant parmi vous, ne mesurez pas ma recon- naissance à la valeur de mon langage; car il ne vous la peindrait jamais ni aussi vive, ni aussi profonde que je la ressens. Il me reste un autre devoir à remplir : je dois payer mon tribut académique ; veuillez donc m’entendre quel- ques instants. Mais si le premier hommage que je rends à vos statuts vous rappelait un peu le culte dans lequel j'ai été élevé, pardonnez-le moi; je ne puis être que médecin, même auprès de vous, qui cultivez avec tant d'éclat les sciences, les arts et les belles-lettres. L'idée de convier tous les peuples à un concours industriel, aurait paru, à une époque peu éloignée, le rêve d’une imagination ardente, ou la conception d’une politique astucieuse. De nos jours, la foi populaire l’a accueillie, la croyant utile aux intérêts de tous, et en moins de deux ans cette idée a été réalisée. A la voix de quelques hommes généreux, chacun a voulu comp- ter dans cette manifestation mémorable; chacun a voulu y paraître avec ses insignes particuliers, nobles con- quêtes du travail et de l'intelligence. À jour fixe, Lon- 516 dres a reçu, des régions les plus lointaines, les riches- ses industrielles de cent peuples divers. La pirogue du sauvage, la joncque chinoise, les magnifiques tissus du Thibet, n'ont pas été plus tard au rendez-vous que les produits de l’industrie française, ou ceux de l'in- dustrie allemande. Ces merveilles du génie de l’homme se sont trouvées réunies pour la première fois, et le Palais de cristal a paru comme une création qu'on au- rait reléguée, il y a vingt ans, parmi les récits men- songers des contes orientaux. Les populations, pleines d'enthousiasme, ont accouru de toute part, et l'Angleterre a subi une véritable in- vasion. Mais toute pacifique de sa nature, celle-ci ne devait coûter aucune larme à l'humanité; elle devait, au contraire, la consoler des malheurs passés, en lui présageant un temps plus heureux encore, où les peu- ples marcheront intimement unis dans la voie des amé- liorations sociales. Car il est certain, Messieurs, que les progrès qu'a révélés l'exposition de Londres, ne sont pas les der- niers que l'humanité fera : chaque siècle doit étendre l'héritage qu'il reçoit. Si nous pouvions, dans cent ans d'ici, nous retrouver dans cette ville que nous voyons si grande et si somptueuse; dans cette salle, où de no- bles cœurs ont proclamé tant de fois notre perfectibi- lité, nous paraîtrions probablement fort arriérés aux hommes d'alors, et nous verrions bien des choses qui nous sont inconnues aujourd'hui. Eh! pourquoi n'en serait-il pas ainsi? Nous-mêmes, quant aux progrès, n'avons- nous pas laissé bien loin derrière nous ceux 917 qui nous ont précédés? El y avait, sans doute, dans le quinzième siècle, des hommes qui croyaient que nul progrès n’était possible après l'invention de l’im- primerie et de la boussole ; n’étaient-ils pas dans une grande erreur? Eux, se sont arrêtés, il est vrai; mais l'esprit bumain a continué sa marche à travers les siè- cles, ajoutant chaque jour de nouvelles découvertes à celles qu'il a déjà faites. Deux d'entre elles, la vapeur et l'électricité, appartiennent à la période où nous sommes. L'une fixe le temps, efface les distances; lau- tre, rapide comme l'éclair dont elle émane, transmet la pensée. Désormais, les procédés de Guttemberg sont trop lents; le télégraphe lui-même n'a plus assez d’a- gilité : on veut, avec le fluide électrique, correspon- dre d'un bout de l'Europe à l'autre, plus facilement qu'en ne le peut aujourd'hui à quelques kilomètres. Si la vapeur a rendu les relations commerciales plus promptes, les rapports intellectuels plus faciles, en suppléant à des millions de bras, elle a encore intro- duit dans l'économie domestique une foule de ressour- ces qui augmentent pour tous le bien-être et l’aisance. Des machines, animées par ce puissant moteur, façon- nent le bois et le fer, et fournissent à bon marché les meubles, les ustensiles et les outils; d'autres tissent la laine et le coton, et chacun peut avoir des vêtements mieux appropriés aux saisons. Îl en résulte des habi- tudes d'ordre, de soins, de propreté, qui améliorent les mœurs autant qu’elles conservent la santé. Grâce à la vapeur, la misère elle-même a quitté ses haillons, el nos yeux ne sont plus frappés des tableaux déchi- rants qu'elle offrait autrefois. 18 Certes, ce sont là de grandes améliorations appor- tées à la vie des hommes; et si nous regardions un peu en arrière, nous verrions combien sont injustes ces esprits chagrins qui ne louent que le passé, en en- viant le sort de nos pères Mais ces sortes d’esprits ne sont jamais de leur époque; ils médiraient de l'avenir et du passé s'ils y vivaient, comme ils médisent du présent; car ils sont trop aveugles pour reconnaître dans le progrès les efforts que fait l'intelligence hu- maine pour accomplir les destinées que Dieu lui à tra- cées. Cependant, Messieurs, dans ce champ sans limites, l’homme avance péniblement à travers des obstacles et des dangers sans cesse renaissan(s; ses forces s’épui- sent dans une lutte continuelle, et les conquêtes que fait la civilisation recèlent trop souvent pour lui des causes de maladie et d'infirmité; trop souvent aussi, sa vie est le premier enjeu qui paie le triomphe de ses entreprises. Néanmoins, malgré de si rudes condi- tions, malgré des épreuves si douloureuses pour l'in- dividualité, la société elle-même n'est point atteinte; elle grandit, elle se développe, aidée et soutenue par l'hygiène publique. Initiés les premiers à l’étude de cette science, le médecin et le chimiste en propagent les préceptes; ils les appliquent à la vie privée ainsi qu’à la vie collec üive, à l’industrie, aux arts, à toutes les institutions sociales. Ils vont dans l'atelier de l'artisan suivre l'ou- vrier dans son travail, étudier les méthodes et les procédés qu'il adopte, interroger toutes les cireons- lances qui peuvent nuire à sa santé, (outes celles qui 519 peuvent porter au loin linsalubrité. Ils corrigent les procédés vicieux, les méthodes dangereuses; ils com- battent les préjugés et la routine, ces ennemis éternels de toute amélioration utile. A celui qui respire les émanations subtiles et dangereuses du plomb, ils don- nent un masque ingénieusement conçu qui purifie l'air qui le traverse; ils ajoutent à l'eau quelques gouttes d'un acide, qui, en se combinant avec le métal, le change en un sel tout à fait inoffensif. D'autres fois, ils neutralisent par la chaux des gaz qui tuent l'hom-— me quand il les respire quelques instants. Ils savent, par des moyens divers, arrêter la décomposition des corps, et faire qu'on en supporte sans péril le voisi- nage et le contact. En indiquant certaines dispositions dans l’état des matières fabriquées, ils amènent un air frais et vivifiant dans l'atelier où l’on croyait néces- saire une températäre humide et toujours élevée. Ail- leurs, ils trouvent l'atmosphère chargée de corpuscu- les irritants qui fatiguent la poitrine, provoquent des hémorragies et des maladies plus graves encore, qui amènent fatalement le chômage et la misère. Eh bien! là encore, par une heureuse application de leur science tutélaire, ils font que l'ouvrier y vit plus à son aise. Tantôt par des ventilateurs habilement calculés, ils chassent au dehors la poussière malfaisante; tantôt, par des foyers toujours ardents, ils l’attirent et la con- sument. Si de pareils services, rendus à la classe ouvrière, frappent par leur importance, il en est d'autres, Mes- sieurs, qui montrent jusqu'où va le courage d’un sa vant animé de l'amour de ses semblables. 920 Les ouvriers qui travaillent dans les mines sont en- tourés de dangers de toute sorte; ils n'ont pas seule- ment à redouter les éboulements et l’inondation, ils peuvent encore être asphyxiés par les gaz que produi- sent, en se décomposant, les débris d’un ancien mon- de; ils peuvent être engloutis par la détonation de ces gaz, qui s'enflamment à la lampe du mineur, seule lu- mière qui pénètre dans cette nuit profonde. Ce der- nier accident a produit bien des catastrophes; il en produirait toujours, si, à ce phénomène si grand, si terrible, un homme de génie n'était venu opposer un fait bien simple qui se passe journellement sous nos yeux. Davy, chimiste anglais, presque aussi intrépide que Gay-Lussac et Biot, qui allèrent à plus de 7,000 mètres dans les airs faire des recherches scientifiques; Davy descend dans une mine pour essayer lui-même une lampe qu'il a inventée, et après avoir bravé tous les hasards d’une telle expérience, il revient de ce voyage souterrain avec la certitude qu'il a mis les mi- neurs à l'abri de l'explosion des gaz. C'est bien un dévouement non moins sublime à la cause humanitaire qui soutint Parent-Duchatelet dans ses longues et pénibles études. Ce médecin illustre avait fait de l'hygiène publique un véritable apostolat. On le vit porter ses utiles enseignements jusque dans les égoûts de Paris; il y passait des heures entières à observer les mœurs et les habitudes des ouvriers, dans le but de prévenir leurs maladies. Mais là ne s’arrêtè- rent pas les élans de cette âme généreuse : doué d'une force morale peu commune, préoccupé seulement de la sainteté des motifs qui le dirigeaient, Parent-Du- »21 châtelet osa pénétrer dans ces lieux où la santé de l'âme est plus exposée que celle du corps; il y péné- tra comme les apôtres du christianisme vont dans les bagnes, éveiller des remords et prêcher la vertu. Il y observa les mœurs d'une population bien étrange, et les renseignements qu'il recueillit ont donné aux me- sures sanitaires plus de précision, plus de force, con- tre un fléau qui flétrit l'espèce humaine. Si l'industrie n’était pas guidée par la science, elle réaliserait l'existence de ces monstres que l'antiquité accusait de se nourrir de victimes humaines. Naguère encore elle employait les bras débiles des plus jeunes enfants. Privés d'air, de lumière, des jeux dans les- quels la vie trouve à cet âge les éléments de son acti- vité, en contact avec les souillures de toutes les pas- sions, ces pauvres enfants s'étiolaient, perdaient leur santé, se trouvaient façconnés de bonne heure pour suivre les plus mauvais exemples. La médecine la pre- mière a plaidé la cause de ces infortunés; sa voix a été entendue, et le législateur les a placés sous la vo- lonté protectrice de la loi. Aujourd'hui, l'enfant ne doit son concours aux labeurs de l'homme, qu'à un âge déterminé; la somme et la durée de son travail sont fixées, et des heures sont données à son éduca- tion physique, morale, intellectuelle. Ainsi, avec le temps, car les progrès de l'humanité ne se calculent pas à la minute, l’industrie aura des ouvriers plus robustes, plus intelligents, plus moraux, parce que désormais ils participeront à ce banquet fraternel où tout concourt à éclairer l'esprit, à purifier le cœur. “522 Oui, Messieurs, les progrès de l'intelligence amélio-- rent l’homme au physique et au moral : croyons-le tous, et la patrie sera consolée de beaucoup de maux. Des hommes intelligents peuvent être des êtres dégra- dés; mais quand un peuple a les moyens d'élever son esprit et sa raison, il honore davantage les bonnes mœurs et accorde plus de prix à la vertu. Ce n’est pas seulement l'industrie qui appelle les études de l'hygiène; toutes nos institutions les récla- ment; car partout où se montre l’idée civilisatrice, elle impose des réformes qui fassent régner l’ordre et l'harmonie. Mais ici, Messieurs, la médecine n'est le plus-sou- vent que l’auxiliaire de l'administration publique. Quand il s’agit de dessécher des marais, de diriger des cours d’eau, de prévenir les débordements d'un fleuve qui laissent toujours après eux les germes de cruelles épidémies; quand il s’agit de creuser des ca- naux, de niveler une ville, d'élargir des quartiers où la population languit dans des rues sombres et humi- des; vous le comprenez, ces travaux, que l'hygiène publique conseille, exigent de puissants moyens, de grandes ressources. Eh bien! il faut le reconnaître, depuis trente ans, l'administration a employé tous les moyens, toutes les ressources qu'elle possédait, à pro- curer au pays ces immenses bienfaits. Voyez autour de nous, dans notre département, de belles routes, des canaux, des ponts, qui, en rendant les communica- tions faciles, ont apporté partout l'abondance et la fer- tilité; des digues encaissant nos rivières, des cours 523 d'eau rendus navigables. Dans les villes secondaires, dans les bourgs, dans les plus petits villages, le sol est raffermi, les maisons sont micux bâties, et par- tout s'élèvent des monuments consacrés à l'utilité pu- blique. Mais nulle part, Messieurs, les lois de l'hy- giène n'ont été appliquées avec plus de grandeur et de magnificence qu’à Bordeaux. Deux quartiers, dont l’un est couvert de riches maisons, ont remplacé deux forts et leurs douves infectes; un troisième quartier, plus vaste que les premiers, est assis sur un marais dont les émanations ne viennent plus désoler le voisi- rage; de larges et belles chaussées, en renvoyant les eaux, atténuent les causes d'humidité; des canaux sil- lonnent la ville dans tous les sens; des rues, en grand nombre, sont alignées, nivelées, et largement ouver- tes à l'air et à la lumière Ajoutons à tant de grandes choses faites en faveur de la salubrité publique, plu- sieurs monuments du premier ordre : un pont, que l'Europe nous envie; un hôpital, un palais-de-justice, des écoles communales, des bains publics, un entre- pôt, un quai vertical, et deux phares qui illuminent notre Garonne majestueuse, notre port, que les aigles romaines saluèrent avec admiration! Voilà, Messieurs, ce que nous devons au génie de quelques hommes inspirés par l'hygiène publique; voilà ce que nous devons au zèle, au patriotisme de nos magistrats. Cependant, de tels bienfaits ne sont pas le partage exclusif d’une ville, d'un département : la France, le monde entier, y participent. Partout, en effet, une impulsion irrésistible entraîne vers l'a- 524 mélioration de la vie morale et de la vie matérielle : tous les peuples marchent dans cette voie, les plus barbares s'y acheminent. L’Arabe nous dispute encore le sol de l'Afrique; mais quand il voit nos soldats fer- tiliser cette terre qu'ils ont arrosée de leur sang, re- lever les ruines que la barbarie y a faites, protéger la vie de l'homme par d'immenses travaux, il comprend que nous apportons dans la conquête un autre prin- cipe que celui de l'esclavage et de la dévastation. Moins passionné peut être pour la vie errante et con- templative, il s’essaie lui-même à celle dont nous lui donnons l'exemple; déjà il met moins de répugnance dans ses relations avec nous; les tribus se rapprochent ; et qui sait si, dans un avenir que nul ne peut calculer, ces populations jusqu'ici réfractaires à notre civilisa- tion, ne sont pas destinées à la porter elles-mêmes au centre de ce vaste continent, où apparaissent de temps en temps les pèlerins de l'idée progressive? Car cette idée ne s'arrête jamais : tantôt elle s’insi- nue peu à peu comme le filet d'eau qui perce le rocher; tantôt, mieux que la flamme, mieux que le fleuve qui déborde, elle renverse brusquement les obstacles qu’on lui oppose. C'est devant elle que se sont abaissées les murailles de la Chine, plutôt que devant le canon de l'Angleterre réclamant les droits de son commerce; c’est elle que la France a déposée sur quelques îles de l'Océanie; et quand le temps sera venu, les vents, en agitant notre drapeau, en emporteront les germes jus- qu'aux extrémités de ce nouveau monde. Lorsque la civilisation aura ainsi uni, enlacé tous 925 les peuples, l'hygiène publique osera peut-être con- fondre leurs efforts pour détruire les foyers des gran- des épidémies. Dans les Delta du Gange et du Nil, comme sur les plages de l'Amérique, il se fait une immense décomposition de matière organique : de sa- vants médecias lui attribuent l'origine du choléra, de la peste et de la fièvre jaune. Si cette opinion méritait un jour plus de crédit qu'elle n’a pu en acquérir jus- qu’à présent, la postérité pourrait peut-être éteindre ces fléaux qui sèment le deuil dans l'univers. Mais arrêtons-nous, Messieurs; en cherchant à tra- vers les temps les destinées de l'hygiène publique, craignons d’affaiblir l'importance que nous lui avons reconnue dans la société moderne; elle offre assez de questions qui nous touchent de plus près, pour que nous ne devions pas chercher ailleurs un aliment à nos méditations. Les écoles, les hôpitaux, les prisons, les établissements de bienfaisance, l'organisation des secours publics, la vie physique et morale des popu- lations soit agricoles, soit industrielles, ce sont-là au- tant de sujets qui se rattachent aux problèmes les plus ardus de l’économie sociale. D'autres en traiteront la partie philosophique Quant à la médecine, elle accepte avec confiance la part qui lui échoit; elle laccepte, parce qu'elle croit que la divine Sagesse ne refuse ja- mois un rayon de lumière à celui qu'anime un dévoue- ment profond et sincère aux progrès de l'humanité. Après M. Burguet, M. de Peyronnet prononce le discours suivant : 526 MONSIEUR LE PRÉSIDENT, 7 MESSIEURS, Ce n’est pas une médiocre faveur, pour un solitaire retranché du monde, d’être admis inopinément dans une société savante et renommée, et d'acquérir le droit de s'asseoir au lieu même où s’est assis Montesquieu. S'il est jaloux de l'estime des hommes, qu'y a-t-il de plus propre à flatter ce sentiment généreux? S'il est passionné pour les arts, qu’imaginerait-on de plus fa- vorable à ses nobles goûts? Sa joie pourrait être moindre, je l'avoue, s’il avait des titres où l’orgueil de ses amis püt se complaire et que leur confiance osàt invoquer. Il pourrait dire, en rappelant ses travaux : Ce prix est grand, mais il m'était dû; cette récompense est précieuse, mais je l'avais méritée. Malheureusement, ce langage ne m'est pas permis; ilest trop superbe pour moi. Que pourrais-je citer, Messieurs, et quels travaux oserais-je soumettre à vo- tre justice? À peine quelques ébauches inachevées, fruit stérile et laborieux de l'adversité; quelques pro- ductions imparfaites, conçues dans les tristes jours de l'abaissement et de l'affliction; quelques essais presque inconnus dont je n'invoquerais qu'en rougissant les succès modestes. Il est vrai que Dieu m'avait envoyé des épreuves, et m'avait donné en même temps quelque constance pour les surmonter; et vous, esprits judicieux et im- 927 parliaux, vous avez jugé que cette persévérance calme et invariable pouvait être la marque d’une intelligence clairvoyante et vive, et que la foi au devoir, quand elle est sincère et profonde, méritait les encourage- ments et l'approbation des gens de bien. Vous avez bien fait, Messieurs, mon orgueil osera bien vous le dire; les bonnes actions valent encore mieux que les bons livres, et si j'ai eu l'avantage d’en faire quelqu'une qui méritât ce titre, je ne me crois plus indigne de l’insigne grâce que vous m'avez accor- dée. Honneur à vous pour cet acte de bienveillance réfléchie et d’indulgence équitable! Oui, c’est bien là comme il en faut agir avec les hommes d'honneur et de sens; c'est bien de cette façon qu'il faut leur faire sentir les retours de la justice et de la vérité. Ainsi j'en aurai vu, grâce à l'indépendance de vo- tre esprit et à la générosité de votre cœur, j'en aurai vu, de ces rares jours, qui se lèvent si lentement et si difficilement sous le ciel orageux de la vie; jours de restitution, de réparation, de consolation, où la cons- cience publique, émue et désabusée, crie au proscrit vengé qu'elle appelle : Revenez à nous, vous qui avez été éprouvé; car vous êies de notre tribu, et vous avez souffert vertueusement. Mais pourquoi m'en étonnerais-je? Que pouvait-on attendre de vous, Messieurs, que toute indulgence et toute générosité? Que pouvait-on craindre d’une cité qui a vu tant de jours et qui a acquis tant de gloire; où l'esprit est si pénétrant, le jugement si sûr, le gé- nie si vif et si étendu? Elle a produit trop d'hommes vaillants, trop d'hommes ingénieux, trop d'hommes 228 au cœur noble et amt du bien; il était naturel d'espé- rer qu'une vie droite, ferme, honnête, dévouée au culte du devoir et de la paix publique, obtiendrait à son {our quelque part de l'intérêt que les esprits sages ne refusent guère à ceux qui se sont soumis à ces jus- tes et difficiles sacrifices. Vous ne vous récrierez pas, Messieurs, je l'espère, et ne vous révolterez pas contre cet éloge que je fais de notre pays. Cet éloge n'est pas des temps modernes, et il n’est pas mon ouvrage. Il y a eu des rois que j'ai aimés; je ne les flattai, de ma vie. J'aime la cité où fut mon berceau; je la servirais et ne la flatterais pas. Serait-ce une flatterie, que de répéter, après quatorze cents ans, l'hommage que lui rendait déjà, dans ces temps reculés, l'un des plus glorieux enfants de cette contrée? Je parle d'Ausone, Messieurs; Ausone, re- nommé d'abord pour ses lecons de grammaire; plus célèbre bientôt par ses poésies; à qui l’empereur Va- lentinien confia l'éducation de son fils et le consulat ; à qui Gralien, parvenu au trône, donna, à son tour, l'office de préfet du prétoire en Italie, et l'office de préfet du prétoire dans les Gaules. Ne trouverez-vous pas, Messieurs, le panégyriste assez illustre et assez digne de foi? Je ne vous redirai point cette apologie dans la langue que parlait l'auteur; souffrez que je préfère un moment la nôtre. Votre suffrage, je le dis sans détour, pourrait ne pas suffire à ma vanité. J'aime mieux courir les hasards d’une traduction malhabile et défectueuse, et ne pas perdre l'approbation, si j'ose y prétendre, de la plus belle et plus indulgente por- tion de cette assemblée. Écoutez donc, Messieurs, en 529 quels termes parlaient de votre cité les personnages les plus éclairés de l'empire, dans le siècle même où le roi des Francs, vainqueur de Syagrius et d’Alaric, pénétrait et s'arrêtait enfin dans les Gaules. Bonpeaux. (Traduction d'Ausone :.) J'accuse, en rougissant, mon coupable silence. Quoi! mon luth dédaigneux doute encor et balance! Et quand son nom si pur jette un éclat si grand, Je ne l'ai pas encor placée au premier rang! Qui m'arrête? à ma ville! Ô ma belle patrie! Que Bacchus illustra, que Neptune a chérie ; Par tes fleuves fameuse, et fameuse encor plus Par tes généreux fils, que la gloire a connus; Par tes faciles mœurs, par tes pieux usages, Ton peuple ingénieux, ton sénat et tes sages. Craignais-je, hélas! d'offrir, dans ma témérité, A ta gloire encor faible un prix non mérité? Loin, cette crainte impie! Aux bords du Rhin barbare, Le soc va-t-il, pour moi, fouiller la roche avare? Ou l'Hémus, fils de l'Ourse, indigent et glacé, Voit-il mon toit frémir , sur ses flancs nus, placé? Non. Bordeaux m'a nourri; cette terre facile, A mon agile enfance, ouvrit un riche asile. ? Impia, jamdudum condemno silentia , quod te, O patria, insignem Baccho, fluviisque, virisque, Moribus, ingeniisque hominum, procerumque senatu , Non inter primas memorem : quasi conscius urbis, Exiguæ immeritas dubitem contingere laudes. Non pudor hine nobis. Nec enim mihi barbara Rheni, Ora, nec Arctoo domus est glacialis in Hæmo. Burdigala est natale solum : clementia cœli, 34 530 Là, flotte un air plus doux, et le jour radieux Couvre de feux plus purs ces champs aimés des dieux. Là règne un long printemps, et les brumes timides À peine osent glisser sur les sillons humides. Le fleuve, soulevant ses flots irrésolus, Gronde, et des vastes mers imite les reflus; Et la jeune cité, de riches murs parée, Étale, avec orgueil, leur enceinte carrée. Les formidables tours, dans les airs s'élevant, Montent , ouvrent la nue et fatiguent le vent. Vois l’ordre des maisons, l'aspect joyeux des rues, Ces places, tout à coup, devant nous apparues, Fières de leur beauté, jalouses de leur nom, Heureuses de garder leur glorieux renom; Et ces portes, enfin, d’un riche airain couvertes, Vers les champs embaumés, vers les chemins ouvertes. Au cœur de la cité, vois l'immense bassin Courbé sous les vaisseaux qui dorment dans son sein. Vois la riche fontaine ; arrête, enfant, ta vue Sur les marbres si beaux, dont Paros l’a pourvue. Rivale de l’Euripe, elle en a les fureurs. Quelle ombre , de la nuit redoublant les horreurs, Quand sous ses flots grordants la roche crie et s'ouvre, De ses voiles profonds l'enveloppe et la couvre! Quels bruits, quand, retombant par ses douze canaux, A leur soif indocile elle apporte ses eaux! Mitis ubi, et riguæ larga indulgentia terræ ; Ver longum, brumæque breves, jugæ frondeæ subsunt. Fervent æquoreos imitata fluenta meatus. Quadrua murorum species, sic turribus altis, Ardua ut aërias intrent fastigia nubes. Distinctas interne vias mirere, domorum Dispositum , et latas nomen servare plateas. Tum respondentes directa in compita portas; Per mediumque urbis fontani fluminis alveum, Quem pater Oceanus refluo quum impleverit æstu, Adlabi totum spectabis classibus æquor. 931 Que tu voudrais, grand roi du vaillant peuple Mèdel Voir, dans tes camps poudreux , quand la soif les possède ; Quand du fleuve épuisé les sources vont tarir, Sous tes pas frémissants ces fraîches eaux courir! Et quand tu vas dormir dans tes cités lointaines, Regrettant la douceur de nos riches fontaines, Oh! que d’un cœur joyeux, sage roi, tu saurais, De vos antiques mœurs négligeant les décrets, Faire avec toi porter, dans les cuves de jaspe, Cette eau, pour l’eau puisée aux bords du froid Choaspe! Salut! ruisseau fécond , dont le berceau caché, Échappe aux yeux surpris qui l'ont en vain cherché; Source bruyante et vive, agile, intarissable, Qui bondis sans repos sur ta couche de sable! Salut! brillantes eaux, cristal étincelant, Frais, abondant, limpide et toujours ruisselant ! Oh! de mon doux pays secourable génie, Qui rends au corps usé sa vigueur rajeunie, Va, monte, ose franchir le seuil brûlant des cieux ; Va, nymphe heureuse, ajoute au chœur sacré des dieux! Quid memorem Pario contectum marmore fontem, Euripi fervere freto? Quanta umbra profundi ! Quantus in amne tumor! Quanto ruit agmine præceps ! Margine contenti, bis sena per ostia cursus, In numeros populi non unquam exhaustus ad usus ! Hurfc cuperes, rex Mede, tuis contingere castris, Flumina consumpto quum defecere meatu , Hujus fontis aquas peregrinas ferre per urbes, Unum per eunctas solitus portare Choaspem ! Salve, fons ignote ortu, sacer, alme, perennis, Vitree, glauce, profunde, sonore, illimis, opace ; Salve, urbis genius, medico potabilis baustu ; Divona Celtarum lingua , fons addite divis, 532 Ainsi chantait le poëte Ausone; ainsi célébrait-il la jeune gloire de sa riante et gracieuse cité; ainsi éta- lait-il les pompes de la poésie dans cette industrieuse province des Gaules, où la fortune de César avait bien pu imposer la victoire et la domination des Romains, mais non l'oubli des arts et le dégoût des exercices de l'esprit. Et pendant ce temps, pendant que Bor- deaux enivré, s’enorgueillissait des succès de ses en- fants et de leur génie, aux limites orientales de l’em- pire se levait, en rugissant, le monstre affreux de la barbarie ; le pied des Vandales foulait la glorieuse terre de Carthage, et le farouche Attila frappait avec ses Huns aux portes de Rome. Bientôt parut saint Paulin, nouvel ornement de cette heureuse contrée, doué de grandes richesses et de plus grandes vertus; studieux, ingénieux et religieux; ver- sé dans les lettres saintes, exercé aux merveilleux ar- tifices de la poésie, habile dans tous les arts de l’es- prit; qui fut lélève, l'ami, le conseiller, le rival d'Au- sone, et qui ne l’emporta sur lui, cependant, ni pour la correction, ni pour l'élégance, quoique Ausone lui-même n’eüt guère que la douteuse correction de son siècle. Il ne l’emporta que par l'amour de la foi chrétienne et par les œuvres de la charité. Ce fut lui, Messieurs, ce fut ce poëte aimable et facile qui, dégoûté du mon- de, de ses fausses voluptés et de ses stériles richesses, donna, en ce siècle, le plus mémorable exemple de vraie et efficace fraternité; lui qui, soumis sans réserve aux saintes doctrines du Christ, vendit généreusement ses 233 innombrables domaines, et en distribua Île prix aux malheureux qui gémissaient dans la pauvreté. Plaise au Dieu des pauvres, que la fraternité politique, dont on nous distribue avec tant de profusion les enseigne- ments stériles, atteigne à son tour ce haut degré de sincérité et de perfection! Voilà donc déjà deux esprits éminents, deux per- sonnages illustres par les dignités, par la science, par la richesse, par les travaux de l'esprit, dont la renom- mée a percé l'ombre des siècles, et qui marquent leur place au premier rang dans cette longue famille ’'hom- mes supérieurs, qui seront éternellement l'orgueil et l'amour de notre pays. Et dans quel temps, Messieurs, ces merveilles, dans quels lieux, et au milieu de quel peuple? Ce n'était point dans la ville des Grecs, indus- trieuse et polie, ni dans la cité des Romains, toute redoutable et toute puissante : c'était chez vous, loin de ces foyers éclatants où l’on eût pu croire que s’en- tretenait et se concentrait alors la lumière; c'était chez un peuple agreste et guerrier, c'était chez les Aqui- lains. En serez-vous étonnés, Messieurs? Je me persuade que non. Vous êtes trop justes envers votre pays et envers vous- mêmes, pour ne pas avouer que, sur ce sol généreux, peuvent mürir les fruits les plus rares, et que rien de beau, ni de grand, n’est impossible à des hommes nourris de l'air chaud et fécond que l'on y respire. Vous n'avez pas oublié sûrement les exhor- talions que faisait Montesquieu à vos devanciers : « Qu'on se défasse surtout, disait ce grand homme, 234 de ce préjugé, que la province n’est point en état de perfectionner les sciences, et que ce n’est que dans les capitales qu’elles peuvent fleurir ‘. » Quand Rousseau, vaste esprit, penseur léméraire, écrivain puissant, voulut faire l'essai de ses paradoxes et de son génie, ce fut à une Académie de province qu'il vint deman- der des couronnes. C’est que les capitales des empires sont comme les empires eux-mêmes : elles ont leur âge, elles ont leur mesure de prééminence et de domination. Il y a des temps où leur influence utile, nécessaire, féconde, s'exerce avec l'assentiment général sur toutes les cho- ses qui sont du domaine de l'inteiligence et da goût. Il y à d'autres temps, où cette influence, moins favo- rable et plus disputée, s’amoindrit successivement et paraît près de s’effacer. Rome maîtresse, comme la nomme Bossuet; Rome, capitale du monde, a connu ces vicissitudes. La ville d’Auguste gouvernait les in- telligences comme les intérêts des peuples de la terre. Bientôt, quand ses armées victorieuses curent porté aux quatre parts du globe ses arts, ses mœurs et sa langue; quand ses capitaines, avides de la gloire et de la puissance, se créèrent des empires nouveaux au sein de l'empire, et arrêtèrent leurs légions rebelles dans ces colonies souveraines, le joug de Rome étant ébranlé, la prééminence de son savoir ne larda guère d'être contestée. Des écoles rivales s'ouvrirent à Rho- des, à Cordoue, à Lyon, à Bordeaux, à Alexandrie ; F Discours de rentrée, Lo novembre 1717 939 et quand vint le lemps où le malheur de Rome éleva Néron sur le trône, les plus habiles statuaires du monde n'étaient plus en Grèce ni en Italie : ils étaient, Messieurs, dans les Gaules, et ce fut dans cette pro- vince que le farouche empereur dut aller chercher l’ar- tiste célèbre par qui fut exécutée la statue colossale que son orgueil s'était magnanimement décernée. Elle s'achevait; mais la justice du ciel éclata. Ce règne af- freux eut son dernier jour; la tête du parricide ne déshonora plus le chef-d'œuvre. Merveilleux con- traste! celle du Soleil prit sa place. Au commencement, quand le peuple naît et se for- me, quand la société politique s'organise, quand la langue elle-même sort de ses langes, il faut se félici- ter s'il s'élève une ville plus populeuse, plus active, plus adonnée aux exercices de l'esprit, dont on puisse recueillir les leçons et imiter les exemples. Alors, s'il y a une cour qui se fasse l'arbitre de la politesse et du beau langage; si l'on a des corps savants pour ouvrir aux jeunes générations les routes de la vérité; si l'on a construit des théâtres où le peuple ému vienne ap- plaudir les merveilles des Sophocle et des Euripide, des Corneille et des Racine, goûter et étudier l’art sur- naturel des Roscius , des Baron, des Lekain, des Talma, des Lafont, des Lecouvreur, des Contat, des Mars, on écoute, on est attentif, on s’abandonne; on ne songe point à se dérober à l'empire de l'expérience et du génie. Mais si les temps se sont accomplis; si les ténèbres se sont faites; si les cours se sont dispersées au souffle 530 des révolutions et des catastrophes ; si les corps sa- vants se troublent et se divisent; si les Corneille et les Racine se taisent ; s’il survient des hommes d'un génie hardi, à qui l'espoir d’une vaine et pernicieuse supériorité suggère des systèmes faux, dont ils veu- lent à tout prix faire prévaloir les combinaisons; si les théâtres flétris n’étalent plus que des spectacles contrai- res aux bonnes mœurs et aux bonnes règles, quels en- seignements peut-on recevoir d’une population qui dé- génère, d’une cité qui décline, d'une école qui se dé- grade el qui se dément? D'un autre côté, s'il s’est éle- vé dans ce lieu des tribunes publiques, favorables et nécessaires, il est vrai, à la liberté, mais où se repro- duisent assidûment , dans tous les idiomes et dans tou- tes les formes, les doctrines les plus incertaines et les plus diverses, quels désordres ne s'établiront point à la faveur de ces hardicsses et de ces négligences? quels désordres dans les règles de la syntaxe, dans la signi- fication des mots, dans la prononciation même, et dans les intonations du langage? Comment les esprits déli- cats consentiraient-ils à suivre longtemps de pareils guides et de si dangereux modèles? Ne préfèreront-ils pas méditer, étudier, imiter les livres d’un temps meil- leur, devenus abondants et presque vulgaires? Ne sera- t-il pas naturel qu'ils s’attachent à ces vieux maîtres, et qu'ils désavouent une autorité capricieuse, qui ne peut plus imposer de frein à personne, puisqu'elle les a tous rejetés? Ainsi se déplacent les influences; ainsi les cités elles- mêmes changent de rang; ainsi la vôtre s'élève, Mes- 537 sieurs, et acquiert de jour en jour plus d'importance et d'autorité. Vous recueillez les fruits abondants et féconds d'un progrès qmi fut lent, mais irrésistible, et dont les commencements se cachent dans un loin- tain reculé. Quand saint Paulin s’éteignit, chargé d’an- nées et de glorieuses actions, sa mort ouvrit une grande place, qui demeura longtemps inutile et inoc- cupée. Les ténèbres s’étendaient rapidement sur la face de l'Europe; l'ignorance inclinait sur nous son sceptre de plomb. La piété elle-même, s’'égarant dans les erreurs de son zèle, conspirait innocemment con- tre la science ‘. Les livres de Rome et d'Athènes, trop empreints du dangereux esprit de l'idolâtrie, étaient rejetés et abandonnés. L'oubli flétrissait les chefs-d'œuvre du génie humain; la barbarie régnait. Au lieu du culte des lettres, celui de la guerre; au lieu des progrès de l'esprit, les progrès de la destruc- tion. Chez nous, les querelles jalouses des rois, et avec elles, les Visigoths, les Vascons, les Saxons, les Alle- mands, les Sarrasins, les Normands. Loin de nous, les Huns, les Hérules, les Vandales, les Goths, les Bulgares. La ruine, la servitude, la mort, étaient toute notre science. Les siècles passaient et étouffaient de leur souflle ce que le monde ébranlé gardait encore de lumières et d'intelligence. Mais les temps prévus arrivaient : le culte volup- tueux des califes étendait ses conquêtes; Constantino- ple tombait; les arts désolés fuyaient devant le glaive * Voyez. la lettre de Grégoire-le-Grand, à Didier, évêque de Vienne. 538 sanglant des Arabes; François [°, roi spirituel et vail- lant, les accueillait et leur ouvrait un asile; Charles montait sur le trône; Montaigne était né. Quel orgueil pour la France, Messieurs! quelle for- tune pour les lettres! quel honneur pour cette pro- vince! Un homme impatient de tout frein, qui rompt celui de la langue même, et la perfectionne et la re- nouvelle; un esprit ami de la philosophie, qui la com- bat, l'étreint, la confond, et crée de ses mains une philosophie inconnue; un génie enrichi de la sagesse des temps passés, qui la corrige et la désavoue; un censeur de l'avenir, qui prophétise ses erreurs et les favorise en les révélant. Cette philosophie était douce, facile, indulgente, accommodée à notre faiblesse : elle était étendue plu- tôt que profonde, générale, non universelle; com- plète, mais dans le seul objet qu'elle s'était proposé. De la vie elle-même elle découvre parfaitement ce qu'il en faut voir; du monde où l'on est elle enseigne merveilleusement ce qu'on en doit prendre; du bon- beur humain elle en donne de très-profitables leçons ; mais hors de là, ne lui demandez plus rien. C'est une sagesse toute de la terre, qui enseigne à vivre et même à mourir; mais qui s'arrête à la tombe et y reste oi- sive et silencieuse. Vous y retrouvez une forte et pro- fonde empreinte des plus généreuses doctrines de l'an- tiquité; celle du catholicisme y est à peine. Vous vous croiriez à l’Académie ou au Portique : vous entendez Socrate et Platon; vous écoutez Sénéque et Plutarque; vous attendez le chrétien. On ne dirait point qu'il soit 939 rien survenu dans le monde depuis Zénon, ni que ta science de Dieu ait fait le moindre progrès. Ce n'est pas qu'entraîné par tant d'exemples fameux, Montaigne se soit laissé aller aux nouvelles opinions qui désolaient alors notre France : « Ni dans la foi re- ligieuse, ni dans les devoirs politiques, il ne faillit, ni ne chancela. » Montaigne l’a dit, et il l'a prouvé. Nourri de l'étude des anciens, nourri et rassasié de leurs doctrines, l'habitude de les contredire lui donna les allures d’un frondeur dédaigneux et d'un sceptique obstiné. Son esprit est plein de leur esprit; sa pensée est tout empreinte de leur pensée. Il parle contre eux, et parle par eux. De quoi est-il occupé? que d'eux seuls. De quoi sa raison est-elle chargée? que de leurs erreurs et de leurs folies. Ne vous méprenez donc pas et ne confondez pas; c'est des théorèmes de leur phi- losophie qu'il a dit : Que sais-je? Ce n’est pas des sain- tes vérités de la foi chrétienne, ni des théories politi- ques de son siècle et de son pays. O Pascal! abaisse l'orgucil de ton dur génie; ta rude sentence a toutes les apparences d'une injustice ou d'une méprise *, Le livre de Montaigne est un prodigieux livre, pro- digieux de savoir, de sagacité, de justesse, de naï- veté, de grâces et de naturel. Personne n’a parlé plus éloquemment que lui, de la mort; personne, sans en excepter Cicéron, n'a parlé de l'amitié si vivement, « Avec tant de délicatesse dans l'organe du goût, il ne put pas aimer Montaigne, mais il l'estimait plus qu'il ne eroyait on qu'il n’osait se l'avouer; et il est aussi vraisemblable que sans Montaigne on nw’eût pas eu Pascal, qu'il l'est que sans Corneille on n'eût pas eu Racine. » (Mannonrez; Élém. de litt.) 940 si exactement, si profondément. Il a découvert, dans cette affection si douce à l'homme et si consolante, des choses secrètes et comme nouvelles, qui avaient échappé à l'expérience et au génie des siècles passés. Et pourtant, il s’est rencontré des critiques assez mal- heureux pour rester froids devant ces choses si belles, et pour en faire même un absurde et injurieux repro- che au caractère si droit et si loyal de Montaigne. Pardonnons-leur : ils n'éprouveront jamais ces exqui- ses émotions qu'ils osent blâmer; leur punition sera assez dure. Ce livre est un livre étrange et unique, dans sa forme comme dans son sujet. C’est l'étude exacte et universelle de l’homme, faite pourtant sur un seul modèle, sur l’auteur lui-même; c'est le portrait de tous en un seul portrait, toutes les physionomies d'homme dans la même image. Montaigne se peint, et tire de cette peinture des traits variés et profonds, qui reproduisent toutes les figures de la race humaine. C'est un livre simple ct divers, différent de lui-même et toujours semblable; partout, même ton, même fa- con, même allure, même langage, même gravité, même licence. C'est de l'uniformité qui ne se laisse pas reconnaître, et qui toutefois ne se cache point. C'est de la diversité presque déréglée, et qui vient se ranger d'elle-même à la plus exacte uniformité. Fami- lier, naturel, facile, abondant; qui pénètre en vous sans que vous songiez à vous en défendre; qui vous persuade, sans que vous ayez seulement l'idée de con- tester avec lui; qui vous entraîne où il veut, sans que oAi vous délibériez jamais pour le suivre. Est-ce done qu'il vous subjugue et qu'il vous impose? Nullement. Est-ce qu'il vous ploie et contraint l'esprit par la puissance de ses convictions? Au contraire; il ne dé- cide point, il expose; il ne professe point la vérité, il la cherche; il n’affirme rien, il examine et il délibère. C'est un disciple qui ne vous enseigne quelque chose, que parce qu'il vous étudie. Il apprend de vous, com- me vous de lui. C’est votre commensal, votre fami- lier, votre frère. Il ne vous écrit pas, il vous parle; il ne vous parle pas, il jase avec vous. L’apprêt lui glacerait et étoufferait ses paroles; il n’en a aucun. Le soin de bien dire l'empêcherait même de dire; il ne prend d'autre soin que de n’en pas prendre. Aussi, d'un peu regrettables digressions rompent-elles trop fréquemment le fil de sa trame; aussi, de trop libres et trop immodestes détails choquent- ils quelquefois les esprits délicats et chastes. Ce livre a charmé nos pères, et il a pour nous un charme de plus : la naï- veté de son vieux langage, qui donne à la pensée elle- même eneore plus de naïveté. Montaigne, enfin, s'éteignit sans laisser de rivaux ni de successeurs. Mais le temps fit un pas, et il vint un siècle de grands esprits, de grands écrivains, de grands capitaines et de grands princes; et après lui un siècle nouveau, moins grave et moins grand, mais spi- rituel, laborieux, avide de bruit et de renommée, fa- meux par le débordement des mœurs et le déréglement des esprits : le siècle du Régent, du roi Louis XV, et de Voltaire. C'était la, c'était dans cette société 042 désordonnée que Montesquieu devait prendre place; Montesquieu , génie élevé, étendu, vigoureux, fécond; homme du passé, homme du présent; qui embrassait d'une affection vive et raisonnée les institutions que les siècles nous avaient transmises, et ne laissait pas en même temps, par une inconséquence superbe, d'en pénétrer, d'en dévoiler, d'en mettre à nu les imper- fections; qui s'attachait de toutes les forces de son es- prit, aux vieilles formes de la société monarchique, et de toutes les forces de son esprit aussi, en ébran- lait tour à tour les ruineux fondements; qui parlait d'une étonnante habileté la langue des grâces, et d’une souplesse non moins merveilleuse, la langue austère des sages; qui fouillait, déroulait, expliquait, d'un art infaillible, les archives du monde. Esprit divers et toujours fécond, qui peignit des plus chaudes cou- leurs, dans ses Lettres Persannes, le siècle ingénieux, frondeur, tristement sceptique, dont il fut le disciple, dont il euüt été le guide et le maître; qui dessina d'un crayon ferme ei fidèle, dans le livre immortel de la Décadence, Rome naissant, croissant, régnant, décli- nant, succombant; qui reproduisit merveilleusement, dans le Temple de Gnide, la grâce suave et la délicieuse fraicheur de la poésie grecque, et découvrit enfin, dans l'Esprit des Lois, la pensée, le but, les desseins, les éléments, de tous les gouvernements de la terre. On lui reprocha, il est vrai, des omissions, des obs- curités ‘, des formes de composition brèves et sèches. 1 J.-J, Rousseau; Contrat social , liv. III, chap. IV. 543 Mais s'il a mérité quelque censure, peut-être est-ce surtout celle-ci, que peu d'écrivains auront encourue, d’avoir prodigué les richesses étincelantes de l'esprit dans une œuvre de science et de génie. Ce que je lui reprocherais plus volontiers, moi, son admirateur et son humble élève, ce sont les principes qu'il impose, si absolus, si positifs, si impérieux; ce sont les vérités spécieuses et systématiques, qu'il con- duit quelquefois, à force de les étendre, jusqu’à n’être plus que le contraire de la vérité; ce sont les propo- sitions contraires, il faut le croire, à ses sentiments et à ses vraies doctrines, et qu'il développe cependant avec tant d'autorité et de complaisance. Si l'honneur est le principe de la monarchie, pour- quoi les Romains ont-ils vu la monarchie de Tibère, de Néron, d'Hélicgabale? Pourquoi les Anglais ont-ils souffert celle de Richard HI et d'Henri VIN? Les Es- pagnols, celle de Philippe I? Les Français, celle de Louis XI? Les Danois, celle de Christian? Si la vertu est le principe des Républiques, vous in- terdisez donc cette forme de gouvernement aux na- tions qui ont vieilli, et à qui leur grandeur elle-même a ôté leur irréparable vertu? S'il est vrai que la différence des climats ait une in- fluence si étendue sur la forme du gouvernement et sur le caractère des lois civiles, pourquoi avons-nous vécu tant de siècles sous la monarchie, ou pourquoi vivrions-nous aujourd'hui sous la République? Le cli- mat de la France a-t-il changé? Pourquoi la Grèce, qui a fleuri si glorieusement sous les lois de Soion et de D44 Lycurgue, a-t-elle rampé de si longs siècles sous la verge sanglante des Osmanlis? La Grèce avait-elle changé de climat? Si l'autorité sans frein et sans contrepoids est si fa- vorable à la paix des peuples, philosophe, pourquoi écris-lu tes livres? Lisez le livre d'Arsace et d'Isménie, et méditez cette étrange et séduisante peinture de la puissance absolue; lisez et étonnez-vous, mais admirez. Lisez le Dialoque de Sylla et d'Eucrate, et mesurez, si la chose est en votre pouvoir, l'étonnante force de ce génie, qui pé- nètre si avant dans l'âme profonde de Sylla, et en ar- rache avec tant de force et de süreté, le secret de sa domination farouche et de sa dédaigneuse abdication. Ce génie a marché du mouvement et du progrès de la vie : au commencement, la frivolité et la licence; à la fin, la sagesse et la gravité; pour premier essai, les Lettres Persanes; pour dernier effort, l'Esprit des Lois. Ces formidables écrivains ébranlaient le monde; les passions s’allumaient à la brülante clarté des lumières qu'ils versaient à flots sur leurs pas; l'ère sanglante des révolutions s'annonçait : quels hommes, quels amis des lettres cette immense convulsion va-t-elle faire sortir de vos rangs? Voici d'abord un homme étonnant et qui n’eut point de modèle; étonnant par l'humilité de sa vie et par l'élévation de son esprit : voici Vergniaud, vive intelligence, âme vouée au culte de la science et des arts; grand et incomparable orateur; ardent, bril- lant, éclatant; qui subjugait et qui entraînait; en qui, 945 par une douloureuse fatalité, la force du cœur n'éga- lait pas, tant s'en faut, celle de l'esprit; partagé en- tre des souvenirs qu'il caressait et qu'il chérissait, et des espérances douteuses que son esprit flottant n'o- sait qu'à peine embrasser; trois fois malheureux et trois fois coupable; qui se racheta un moment de la mort par une lamentable complicité; qui néanmoins avait de l'inspiration et du génie, et dont je n'aurai pas la lâächeté d’omettre le nom; car il aima et servit les arts; et dans les tumultueux débats du barreau, dans les sanglantes discordes de la politique, il se re- posait quelquefois et se délassait de sa gloire par d'in- génieuses compositions et d’aimables vers. Que sont devenus ces précicux amusement(s du génie? Aux mains de qui sont (tombés les fuseaux d'Hercule? La barbarie de ces temps funestes a tout dévoré; il n'est resté que le témoignage fidèle et circonspect de quel- ques contemporains judicieux et sages, de qui j'ai re- cueilli, dans mes jeunes années, les véridiques récits que je viens de vous répéter. Voici Ferrère, à son tour; Ferrère mon ami, mon guide et mon maître. Homme incomparable par la géné- rosité de son cœur; homme admirable par les riches facultés de son esprit; en qui surabondaient la force el la vie; écrivain fécond, animé, pénétrant, rapide ; qui, dans la prose, se ressouvenait quelquefois d'être poëte, et dans la poésie, n'oubliait jamais la raison, la méthode, l'exactitude, l’enchaînement, qui font le charme et l'excellence de Ja prose; grand au barreau, dans ce barreau fameux dont l'éloge m'est interdit, 39 46 et n'est plus, hélas! interdit qu'à moi; justement re- nommé pour l'inimitabie facilité de sa poésie; grand et supérieur dans tous les exercices de l'esprit, un seul peut-être excepté, et qui, repoussé de la politique par le caprice du sort et par la marche du temps, l'é- tait encore plus, si je lose dire, par la simplicité de ses goûts, et par l'heureuse et dangereuse mobilité de son caractère. Voici un homme éminent et renommé entre tous les autres; gracieux et ingénieux plus que tous; qui fut mon adversaire, et cependant mon ami; à qui la nature avait tellement prodigué l'intelligence et l’es- prit, qu'on n’a pu dire de personne plus que de lui : qu'il en avait plusieurs; si brillant, si vif, si léger dans le vaudeville, et en même temps si juste, si gra- ve, si élevé, si merveilleusement lucide dans les dis- sertations de la jurisprudence et de la politique; es- prit net et droit, que j'ai aimé, que j'ai servi, que j'ai tour à tour à tour loué et blâmé dans les actes de ca vie publique, mais en qui nous avons tous unani- mement et uniformément applaudi l’homme de talent et l'homme d'esprit, l’orateur dominant et le versifi- cateur plein de naturel et de grâce. Oublierai-je le marquis de Saint-Marc, l’élégant au- teur d’'Adèle de Ponthieu, le familier de Voltaire; l’or- nement, l’orgueil, les délices de cette Académie; qui aima et encouragea ma jeunesse, el mit dans mon sein cet amour des vers si doux et si vif, d’où sortirent pour moi, dans mes mauvais jours, de si abondantes sources de consolations? 947 Oublierai-je Edmond Géraud, mon contemporain, mon compagnon, mon émule; homme d'exactitude et de droiture; ami des saines doctrines et des sages rè- gles ; fidèle disciple des bons écrivains et des vrais mo- dèles; sévère, élégant, correct; qui honora sa vie par des compositions universellement approuvées, et la consacra, avant de la voir s’éteindre, par un acte écla- tant de sagesse, de bon jugement, de foi religieuse; qui eut cet avantage, digne d'envie, que sa triste mort fut pleurée et célébrée, en des vers doux et touchants, par un homme éclairé, spirituel, modeste, écrivain selon son esprit, poëte selon son goût et selon son cœur. Oublierai-je le comte de Marcellus, si généreux, si droit, si loyal, si digne d'estime pour ses travaux et pour sa science; si digne d'admiration pour ses incom- parables vertus; qui, né riche et noble, fut l'ami du peuple et la Providence du pauvre; qui, tourmenté d'une passion immodérée pour la poésie, ne laima que dans son caractère antique, ne la voulut que reli- gieuse et animée de l'esprit de Dieu; fidèle ami de ma vie, qui me suivit et me servit dans la puissance, me suivit et me servit encore dans l’adversité; qui, rappelé prématurément de la terre, y vivra néanmoins de longs et glorieux jours, loué des gens de goût, bo- noré et regretté des esprits fidèles, béni et célébré par les malheureux. Oublierai-je Lorrando? oublierai-je Mèzes et Pascal Buhan, ces esprits charmants, ces poëtes aimables; ces écrivains amis de la vérité, de l'élégance, de la grâce? Oublierai-je Delaville, qui eut tant de succès au 048 théâtre, et qui les avait si bien mérités? Oublierai-je Ravez et Lainé, nobles âmes, robustes esprits, intelli- gences fermes et invariables, princes et chefs parmi leurs égaux; en qui, malheureusement, l'amour sé- vère et jaloux de la législation, dominait et réduisait à l'oisiveté le goût des lettres? Oublierai-je Fonfrède?.. Non, Messieurs; je n'oublie rien, si ce n'est le mal, que j'oublie, en échange, pleinement et absolument. Je n'oublie aucun nom, aucun service, aucune gloire. Je rends de vives et solennelles actions de grâces à tous les hommes des temps nouveaux et des temps passés, qui ont contribué, par leurs travaux et par leurs suc- cès, à l'illustration, à l'éclat, à la grandeur de notre généreuse cité. Ces grandes figures sont du domaine des arts; elles sont, si je l’ose dire, comme leur ali- ment, leur sujet, leur étude. Les arts, que leur gloire entretient, cultivent à leur tour leur mémoire et leur renommée. Mais elles sont aussi du domaine de la mort; la mort, roi universel! Tout ce qui a été cessera d'être; toute gloire humaine s'éteint. Le champ de la politi- que et de l'industrie, aussi bien que le champ des sciences et des lettres, est jonché d'illustres ruines. Entendez-vous, Messieurs, les chants douloureux qui retentissent dans vos basiliques? Ce ne sont pas les cris de la mort : ce sont les cris qu’elle nous arrache. Une femme était venue au milieu de vous, une reine s'était arrêtée dans votre cité et l'avait aimée. Ange de paix, servante des pauvres, envoyé de la charité et de la miséricorde, les bienfaits tombaient de ses EE DR 549 mains, corame les consolations tombaient de son âme. Les peuples de ce temps mirent en elle leur orgueil et leur espérance, et elle a pu prononcer cette touchante parole, qui ne sera pas oubliée : « C’est là, c’est dans votre ville que se se sont passés les seuls jours de ma vie que je puisse nommer heureux. » Et, cependant, elle est tombée; car les temps s’ac- complissent dans l’adversité comme dans les jours de joie et de gloire. Elle est tombée, et de sa bonté, de sa charité, de son courage, de ses malheurs même, si grands qu'ils fussent, il ne reste plus que des souve- nirs. Oh! mon pays, embrasse et garde la noble et judi- cieuse religion de la reconnaissance et des souvenirs; cultive les arts, qui les entretiennent et les perpétuent, qui rectifient le goût et fortifient les intelligences ; qui échauffent et fécondent, au cœur de l'homme, les sen- timents élevés et les résolutions magnanimes! Rends, par la culture des facultés de l'esprit, ton peuple plus poli, plus industrieux, plus intelligent, afin qu'il com- prenne le mécanisme du monde et qu'il ose regarder les splendeurs de Dieu! Entretiens en lui l'estime et le goût des lettres, qui chasseront de son esprit les ap- pétits farouches, et mettront à la place l'amour réflé- chi de la société, c’est-à-dire de l’ordre, qui la pro- tége, et de la paix, qui en fait la vraie douceur! M. le Président répond ainsi aux deux récr piendaires : 550 MESSIEURS, Quelles expressions assez vives pourraient rendre la joie de l'Académie, témoin de vos succès? quelles pa- roles seraient assez éloquentes pour peindre l’enthou- siasme que vous avez produit sur ce brillant auditoire, accouru pour vous entendre, vous, Monsieur, en as- sociant la médecine aux progrès de la civilisation, et en déroulant à nos regards les merveilles des temps modernes et les espérances de l'avenir; vous, Mon- sieur, en nous rappelant, avec cette sûreté de juge- ment et cette hauteur de pensée dont sont remplis vos ouvrages, les nombreuses illustrations de notre belle cé? Honneur à vous, Messieurs, vous avez su, l'un et l'autre, donner à cette fête un attrait nouveau, une pompe inaccoutumée ! Secrétaire général de la Société de médecine, vice- Président du Consei! d'hygiène publique, praticien habile, philosophe, écrivain, qui, mieux que vous, Monsieur, était capable de nous entretenir de cette partie de la médecine qui n’est pas l'art de quérir, mais celui de préserver? art moins répandu que le pre- mier et pourtant plus utile; car, comme le dit judi- cieusement Sénèque : « Il est préférable de soutenir ce- lui qui chancelle, que de le relever quand il est tombé. » Pluris est labantem sustinere, quam lapsum erigere. L’antiquité, et surtout les peuples d'Orient, ont connu et pratiqué l'hygiène privée; peu se sont occu- pés de l'hygiène publique. Les soins et la propreté du 55f corps semblent seuls attirer l'attention de leurs légis- lateurs et de leurs sages. On introduit, jusque dans les préceptes divins, la défense de ce qui peut nuire et l'obligation de ce qui corserve et fortifie. Moïse probibe l'usage de certains aliments, prescrit certai- nes pratiques conseillées par le climat; Mahomet in- terdit le vin aux sectateurs du Coran; Lycurgue, au contraire, ce législateur illustre, mais barbare, or- donne que les enfants, à leur naissance, soient plon- gés dans cette liqueur, afin de ne donner à Sparte que des soldats courageux et forts. C'est surtout à Rome, vous le savez, que l'hygiène fut universellement pratiquée. Le bain, les exercices du gymnase, l'habitude de traiter debout les affaires publiques et privées, faisaient que le citoyen romain se préoccupait autant du soin de son corps et de sa maison, que l'édile de la propreté et des embellisse- ments de la cité; car Rome fut une des rares villes de l'antiquité qui connut l'hygiène publique, si on en ex- cepte cependant ces peuples de l'Inde, dont l’histoire garde à peine souvenir, mais dont les gigantesques monuments attestent une civilisation avancée, qui s’est engloutie sous les lois inflexibles du temps. Aussi, que de fois des épidémies terribles n’ont-elles pas mois- sonné des populations entières ! L'Europe, malgré l'exemple de Rome et les précep- tes d'Hippocrate, négligea longtemps l'hygiène publi- que et privée. Ce ne fut guère qu'au dix-huitime siè- cle que le célèbre professeur Hallé répandit cette scien- ce, qui depuis à fait de si rapides progrès. Les villes 952 se sont assainies, les marais se sont desséchés, les rues se sont espacées, et l'hygiène publique, s’alliant aux beaux-arts et à la chimie, a purifié les ateliers, creusé des canaux, élevé des aquedues, et construit des mo- numents qui font l'orgueil des villes et l'admiration des étrangers. Il convenait à vous plus qu’à tout autre, Monsieur, de nous parler de cette heureuse alliance : vous chez qui le culte des beaux-arts est un culte de famille, et qui voyez encore un des vôtres diriger avec tant de distinction les édifices de la ville, et bâir des châteaux dont seraient jaloux les architectes du moyen âge. Je n'ai pu résister aux nobles paroles que vous avez prononcées sur l'Exposition de Londres, où toutes les nations de la terre se sont livrées cette grande, cette sublime, cette féconde bataille, qui n'a coûté à l'hu- manité ni larmes, ni sang, et d’où sortira un jour l'u- nion des peuples et la paix du monde. Je suis entré avec vous dans ce palais de cristal, qui s’est élevé, selon votre judicieuse expression, comme une création que l'on aurait reléquée, il y a vingt ans, parmi les ré- cits mensongers des contes orientaux. Je me suis pris d'enthousiasme pour ces merveilles que vous entre- voyez dans l'avenir, et j'ai dit, comme vous : « Salut à cette guerre pacifique de l'industrie; la guerre san- giante, la guerre qui détruit, a trop longtemps régné. Ne bâtons pas la destruction qui nous enveloppe et qui nous presse. Assez de sang! assez de ruines! ne son- geons plus qu’à relever et à construire! » Si le quinzième siècle inventa la boussole et Fimpri- 598 merie, le nôtre, ainsi que vous l'avez fait remarquer, a découvert la vapeur et l'électricité : forces nouvelles, merveilleux moyens, qui franchissent les mers et les continents, et prêtent un concours, jusqu'à ce jour inconnu, aux transactions commerciales et à l'hygiène publique. Rendre la vie meilleure, moins triste, plus aisée, est un moyen puissant de moralisation; moins on souf- fre et plus on est disposé à écouter les bonnes inspira- tions de la conscience. La misère est une mauvaise conseillère : elle pervertit souvent les plus généreux instincts de l'âme. Mais ne pensez-vous pas que les économistes et les hommes d'État de notre époque se préoccupent trop des intérêts matériels de la vie, et ne songent pas assez aux saintes croyances qui sou- tiennent dans l’adversité et donnent, à toutes les dou- leurs, des consolations et des espérances? Certes, l'hygiène publique rend d'éminents services à l'huma- nité : c’est à elle que l'enfance doit un travail plus lé- ger et plus en harmonie avec ses forces; c’est elle qui fait moins périlleuse et moins rude la tâche de l’ou- vrier; c'est elle qui inspira Davy, descendant, au pé- ril de sa vie, daus les entrailles de la terre, et Gay- Lussac, s’élevant dans les airs à des hauteurs inexplo- rées avant lui. Oui, vous avez raison, ces nobles es- sais, ces sublimes découvertes, méritent l'éternelle reconnaissance des peuples. Mais l'hygiène publique, croyez-le, mon cher Collègue, serait incomplète et souvent stérile, si elle n'était accompagnée de la foi, feu sacré qui nourrit l’âme, qui aide à supporter les 094 misères de la vie, et rend le tombeau consolant et ré- parateur. Comment ne pas applaudir aussi, dans votre brillant discours, l’idée civilisatrice abattant les murailles de la Chine et allant porter le progrès jusque dans les îles de l'Océanie? Comment ne pas vous suivre et se lais- ser emporter, avec vous, vers les horizons sans fin de l’avenir? Cependant, que le présent et l'avenir ne nous fassent point oublier le passé. Que serions-nous, sans lui? la vertu, l'honneur, l'amour de la patrie, le gé- nie, ne sont pas exclusivement de notre époque. Qui fut plus grand homme de guerre que Turenne et Condé? plus universel que Voltaire? plus puissant que Bossuet ? plus éloquent que Mirabeau? plus savant que Cuvier? plus magnifique qne Louis XIV? plus harmonieux que Racine, et plus tendre que Fénélon? Ne soyons pas des fils ingrats; et si nous caressons avec enthousiasme l'avenir dans le berceau de nos en- fants, agenouillons-nous avec respect et reconnais- sance devant la tombe de nos pères !...... Comment n'en serait-il pas ainsi, aujourd'hui surtout que notre illustre Collègue vient de nous entretenir du glorieux passé de notre ville? Avec quel charme, en effet, avec quelle satisfaction orgueilleuse, n'avons-nous pas parcouru, Monsieur, cette galerie des aïeux, que vous nous avez montrée si resplendissante et si riche! Depuis Ausone, dont vous avez traduit les vers, jusqu'a Edmond Géraud, de La Ville et Lorrando, aimables poëtes, fidèles disci- 299 ples des bons écrivains et des vieux modèles ; — depuis Montaigne, ce génie enrichi de la sagesse des temps passés, que vous avez si parfaitement compris et dont vous dérobez souvent, dans votre style, la verve et la manière, jusqu à Ferrère, ce roi du barreau, qui, dans la prose, se souvenait quelquefois d'être poète, et dans la poésie n'oubliait jamais la raison; dont le talent supérieur avait deviné le vôtre, qui vous aimait et vous appelait son fils; — depuis Montesquieu, cette gloire qui domine toutes les autres, que vous admi- rez, mais dont voas relevez habilement quelques exa- gérations et quelques erreurs, jusqu'à Vergniaud, ce grand et splendide orateur, qui racheta ses fautes ou ses faiblesses par une mort héroïque et glorieuse; — depuis Martignac, dont l'esprit égalait le cœur, et dont la raison égalait l'esprit, jusqu’à Ravez et Lainé, ces intelligences fermes et invariables, que Bordeaux comp- te, avec fierté, parmi ses plus solides renommées; — depuis le marquis de Saint-Marc, jusqu’à Henri Fon- frède, esprit supérieur, cœur généreux, qui, lui aussi, aima et cultiva la poésie. Dans l'abondance et l'embarras du choix, vous n’a- vez pu rappeler que les sommités de nos illustrations; permettez-moi d'en prendre quelques autres dans cette longue famille d'hommes supérieurs qui seront éternel- lement l'orgueil et l'amour de notre pays. Et, d'abord , placons le président Dupaty, les Desèze, les Brochon, les Garat, et de Saget, l'ami et le rival de Ravez. L'auteur de Wathilde et de Malvina, qui, dans son 996 temps, eut un succès si complet, et qu'avec plaisir on lit encore aujourd’hui, était fille d'un négociant de Bordeaux; Berquin, qui fut le charme et l'ami de no- tre enfance; Gradis, dont les gens de goût apprécient les poésies et les contes orientaux; Cailleau, qui fut couronné par une Académie célèbre et qui fut notre collègue, étaient aussi Bordelais. Et si, quittant la ga- lerie des lettres, nous passons dans celle des sciences et des beaux-arts, nous trouvons Brémontier, dont le génie arrêta sur leurs rivages les flots envahissants ; Deschamps et Louis, qui, quoique nés loin de Bor- deaux, l’habitèrent longtemps et le dotèrent de deux monuments sans rivaux. Dans les beaux-arts, nous trouvons Beck et Garat : le premier, compositeur applaudi de l'Allemagne; le second, esprit délicat, chanteur incomparable, qui, après avoir émerveillé la promenade de Tourny, alla recueillir les bravos enthousiastes des capitales de l'Eu- rope; Rode, enfin, qui n’eut que Paganini pour supé- rieur el pour maître. Il est un autre nom, qui s’est trouvé longtemps à côté de ceux que vous avez cités, qui ne peut en être séparé, que tout le monde, en ce moment, a sur les lèvres; que beaucoup d'amis ont dans leur cœur; que seul il vous était permis d'oublier; que je prononce avec affection et que l'Académie revendique avec or- gueil : c’est le vôtre, Monsieur ; je le rends à la gale- rie de nos illustrations bordelaises. Quelle vie fut plus remplie que la vôtre! Au bar- reau, le rival des Lainé, des Ravez et des Martignac; 997 dans la magistrature, l'exemple et l'exactitude des ma- gistrats; à la chancellerie de France, garde des sceaux modèle, aimant l'administration de la justice, lui don- nant un nouveau lustre, et sachant résister au souve- rain lui-même pour refuser un poste qui n’était pas dû, ou pour obtenir une grâce qu'une mère éplorée sollicitait. Quand arrivèrent les jours de l’adversité, vous rap- pelant vos premiers goûts et vos premiers succès, vous demaandâtes des consolations aux lettres. Ce fut dans la captivité ou dans la retraite que vous composâtes ces ouvrages d'histoire ou de poésie, qui vous ouvrent aujourd'hui les portes de l’Académie, et qui ont ajouté un nouveau lustre à votre nom. Votre Histoire des Francs suffirait seule, Monsieur, pour fonder une solide renommée. Vous avez su, dans cet ouvrage, jeter une vive clarté sur le commence- ment si obscur de la monarchie française. La loi sali- que, les ripuaires, les capitulaires de Charlemagne, les traités de paix et d'alliance, sont expliqués par vous avec une précision, une vérité, que peu d'écri- vains avaient atteint jusqu à ce jour. Vous nous mon- trez, avec une sagacité remarquable, la double ten- dance de la réunion et du partage, qui durant tant de siècles s’est manifestée dans notre pays, et s’est enfin éteinte dans la grande unité française. La description de vos batailles, les portraits des principaux person- nages de ces temps reculés, sont écrits avec une vi- gueur, avec une netteté, avec une chaleur d’expres- sion au-dessus de tout éloge. La traduction en vers du 558 livre de Job est une œvre digne de son modèle. La douleur de ce grand éprouvé de la Bible, est rendue avec une exactitude à laquelle un talent supérieur peut seul arriver. Que dirai-je de ces poésies, que trop rarement vous montrez en public? du Progrès, si sagement pensé et si spirituellement écrit? des Parleurs? du Temps? ce beau petit poëme où je lis ces vers : Vieillir! mais j'ai vécu : c’est mon juste partage; C’est la dernière part de ce riche héritage; C’est le rivage ami, c’est l'abri, c’est le port, Et la mort mène à Dieu, comme l’âge à la mort. L'enfance ouvre la vie et touche à la vieillesse; La mort même est mêlée aux jours que Dieu nous laisse : Nous mourrons de la vie. Eh bien! c'est notre sort : La vie est la mort même ; elle y rentre, elle en sort. La mort, qui la divise et ne peut la réduire, Éteint pour rallumer, détruit pour reproduire, Sans cesse renouant les fils qu’elle a brisés. D’autres germes naîtront des germes divisés; Et du feu que la mort dans ses flancs nus recèle, Se nourrit chaque jour la vie universelle. Je ne puis m'empêcher de reproduire ici quelques strophes que vous adressa, à propos de votre poëme du Temps, un délicieux poëte, Jules de Rességuier, dont l'affection ne vous manqua jamais, que vous ho- norez de votre amitié et qui m'honore de la sienne; il vous disait : 999 Le temps! tu l'as chanté sur ta lyre d'ivoire, Et le temps, à son tour, consacre ta mémoire; Et comme il jette un lustre aux murs du Parthénon, Il jette un lustre sur ta gloire, Sur tes écris et sur ton nom. Le temps, dans le chemin où te conduit ton ange, Pour te laisser passer avec respect se range. Le temps, ce grand marcheur, pour toi suspend ses pas; Le temps détruit tout, le temps change, Et le temps ne te change pas. C’est toujours, dans ton air, noblesse et courtoisie; Toujours, dans tes écrits, l'expression choisie; Toujours, dans tes propos, le trait brillant et prompt, Sur tes lèvres, la poésie Et la jeunesse sur ton front. Ce que tu recueillis des ans et de l’orage, C'est d’avoir dans l'épreuve affermi ton courage ; C’est d'être resté fixe en des partis flottants; Enfin , d’être aimé davantage Et d’avoir aimé plus longtemps. Après le Temps, vous avez publié les Visions, qui peignent en vers vigoureux et grandioses les beautés de la nature et les harmonies des mondes; et l’épitre au Travail, d'où j'extrais ce remarquable passage : Dieu donne à tous leur tâche et sa force à chacun; Il aide nos efforts et n’en rejette aucun. Non, le travail n’est pas un fruit de sa colère : C’est le plus riche don de sa main tutélaire. 060 Et quand ce bien splendide à l'homme était donné, Dieu s’apaisait, mon fils, l'homme était pardonné. C'est le gage éclatant de sa miséricorde. Incline-toi, bénis la faveur qu'il accorde. Folle brebis, que Dieu retrancha du bercail, Homme, qu'aurais tu fait de toi sans le travail? Qu’eüt fait dans son repos ta pensée inactive? Qu'aurait fait ta raison dans sa longueur oisive ? Qu'eût essayé ta force? Et le Maître divin Qui du bien dans ton âme à mis l’heureux levain, Eût-il souffert, enfant, que son scuffle inutile Sollicität sans fruit ta pensée infertile? Que ton cœur languissant, sans joie et sans souhait, Ft de rèves grossiers l'imbécile jouet? Et que ta vie, enfin, sans soins et sans affaire, N'ayant rien à vouloir et n'ayant rien à faire, Ignorant l'espérance, ignorant les plaisirs, S'usât stupidement en d’éternels loisirs ? Et maintenant, Monsieur, àqui mieux qu'avous pour- raient s'adresser ces paroles : Le prix que j'obtiens m'é- tait dû; la récompense qu'on me donne, je l'avais méritée? Comme certains sages de l'antiquité, loin du bruit du monde et des luttes politiques, retiré dans votre verte solitude, vous avez appelé les Muses, ces fidèles compagnes du poëte, et les Muses vous ont charmé et vous ont consolé. Soyez honoré, Monsieur, pour cette rare sagesse, pour ce noble goût. Aussi, vous, qui dans les bons comme dans les mauvais jours n'oubliez personne, vous n'avez pas été oublié : de nouveaux emis, hommes de dévouement et de cœur, attirés près de vous par l'amour des lettres, se sont réunis à vos 561 amis d'autrefois; ils vous ont vu, ils vous ont connu, ils vous ont aimé... Ma tâche, si aimable mais si difficile, est terminée, mes chers Collègues. Je n'ai pu vous offrir qu’une froide et incomplète analyse de vos discours et de vos œuvres; mais, en revanche, me faisant l'interprète de tous, je vous dirai : Heureux l'auditoire qui vous à entendu! heureuse la cité dont vous avez tour à tour rappelé la beauté et la gloire! plus heureuse encore la Compagnie qui vous a ouvert ses portes et vous recoit aujourd'hui dans son sein! M. d'Imbert de Bourdillon termine cette séance par la lecture de la pièce de vers suivante, qu'il a composée : La Quête La quête est un tyran dont rien ne nous délivre : Nous avons beau nous récrier : Quand pour celui qui souffre ou n’a pas de quoi vivre, Une femme vient nous prier, Résister est bien difficile. Puis, dites-moi quelle est la ville, Je n’excepte aucune cité, Où, plus que parmi nous, germe et croît plantureuse, Au profit de la pauvreté, Celte semence généreuse, Ge sang du Christ, la Charité? 562 L'ardente charité qui, d'une aile discrète, S'abat sur toutes les douleurs, Calme bien des sanglots, adoucit bien des pleurs; De ce pauvre honteux devine la retraite ; Pénètre, mais timidement, Dans le grenier de l'indigence, Et se courbe résolument Sur le grabat de la souffrance. Voilà la charité! Des heureux de la terre Elle vient humblement réclamer quelque don, Pour alimenter notre frère, Un orphelin dans l'abandon, Cette veuve dans la misère. A la voir suppliante et la rougeur au front, Craignant d'être importune et, partant, de déplaire, Ne dirait-on pas qu’elle espère, Moins une aumône qu'un pardon? Voilà la charité! C’est quand elle soupire Que sa puissance s’affermit, Et que son bienfaisant empire S'étend sur tout ce qui respire, Tout ce qui pleure et qui gémit. Telle on la pratiquait du vivant de nos pères : ‘Les temps, assurément, ne sont pas plus prospères, Mais le siècle a fait des progrès; Et, semblable au géant dont les pas sont énormes, La quête, sous vingt noms et sous diverses formes, Du possible en ce genre a franchi les degrés. : De nos jours , en effet, bien plus ingénieuse, Plus féconde en ses résultats, Dans ses expédients vraiment prodigieuse, D'un impôt de plaisirs elle frappe, rieuse, Tous les rangs et tous les États. 563 Voyez comme elle multiplie Les pieux réseaux qu’elle tend ! Voyez combien elle comprend Que sa tâche est inaccomplie Tant qu'il reste un être souffrant! Prenant l'homme avant sa naissance, Le protégeant dans son enfance; Et, dans son âge mur, par d’utiles secours, Par l’à-propos de l’assistance, D'un travail commencé facilitant le cours ; Puis, le soignant vieillard ; enfin, quand il succombe, À cette œuvre de bien mettant le dernier sceau, Et lui procurant une tombe, Comme elle avait fait son berceau. Pour opérer de tels miracles Et pour surmonter les obstacies Qui s’élevaient de toutes parts, Il fallait réveiller la molle indifférence, De l’égoïsme froid abattre les remparts, Intéresser l’orgueil à ce succès immense ; Au dandy, même au fat, couler quelques regards : La quête a fait cela sous les traits de la femme. Je le dis du fond de mon âme : Les femmes ont décidément Du bon l’admirable magie, Du plus absolu dévoûment L'intelligence et l'énergie. La charité, c’est là leur fard! Elle saisit leur chair, serpente dans leurs veines, Brille au bord de leurs yeux , nage dans leur regard; C’est par elle qu’elles sont reines. Aussi, bien rarement manquent-elles le but, 564 Fidèles à cette maxime : Que c’est à nous, Messieurs, à payer le tribut, Et qu'ici-bas leur attribut Consiste à percevoir la’ dime. Auxiliaire tout puissant De l'État qui répand l'assistance publique, Mais qui ne peut suffire à ce fardeau pesant, La femme, avec un zèle intrépide, incessant, Se dévoue à la tâche et devient héroïque. De la Providence et du ciel Succursale vivante, en bonne ménagère Elle préside, ou bien s’ingère, Sans caractère officiel, Aux établissements que fonde et que surveille La charité privée; elle est comme l'abeille Qui butine et viendrait y déposer son miel, Hospice des Vieïülards, Charité Maternelle, Associations, saintes Communautés, Asiles du malheur par l’'aumône dotés, Elle couvre tout de son aile. Le pays souffre-t-il du ravage des eaux? La peste, l'incendie, ou bien d’autres fléaux, Au sein de nos foyers que la terreur domine, Portent-ils tour à tour la mort ou la ruine? Enfin, par un concours de cruels accidents, Voit-on sombrer l esquif de pêcheurs imprudents? La quête à domicile aussitôt s'organise ; Avec empressement un chacun se cotise : La souscription s'ouvre, on marche de concert; On s'inscrit pour un bal et puis pour un concert; On danse, on chante, on rit, on s’agite ou l'on cause; Et, pendant ce temps-là, l'infortuné repose : Il sait que ces plaisirs, mêlés d’un seul regret, Sont escomplés pour lui, dans son seul intérêt; 565 Il sait que l’ouvrier s'appliquant à bien faire, Par de nobles sueurs y double son salaire : Ah! je n’ai pas encor dansé la mazourka, Mais je prends, à ce prix, des leçons de polka! Secourir le malheur n’est pas l’objet unique : La quête revêt quelquefois Un caractère politique. On souscrit pour la République, Ou pour le descendant des Rois. Dans une telle circonstance, Chacun a son drapeau, sa foi, sa conscience , Son intérêt aussi qui souvent est sa loi. Les enfants du général Foy Sont traités comme fils de France ; Et des cœurs dévoués peuvent, avec de l'or, Au royal exilé restituer Chambord. Pour ma part je consigne, au livre de mémoire, Sans croire déserter mon bord, Et l'offrande au principe et l'offrande à la gloire. Ah! de nos jours, courbé sur le bord du chemin, On ne t’aurait pas vu, Bélisaire, Ô grand homme, A l'éternelle honte et du prince et de Rome, Mendiant, ton casque à la main! On n’eût pas entendu cette voix militaire Suppliante, elle qui naguère Glaçait l'ennemi frémissant ; Et l'aveugle oublié dire à chaque passant : « Donnez l’obole à Bélisaire! » Du noble, du grand et du beau, Le Français, que l’on dit inconstant et frivole Qu'on me passe cette parole, A le flair. Aux lueurs d’un sinistre flambeau S'il encense une fausse idole, , 206. S'il s'égare, bientôt il la brise. Au tombeau Il reprend les grandeurs par la mort abattues, Les fait revivre en marbre et traduire en airain. Plus je vois qu'au Génie il dresse des statues, Plus je me dis : Sur ce terrain, L'invasion, la barbarie, Ne peuvent mordre, el la Patrie Est sûre de son lendemain. Place à la grande Cavalcade! Laissez lentement s’avancer Cette sublime mascarade! La quête en grand va commencer. A la tête de la parade, Les auteurs du déguisement, Font figurer des Preux qui, jadis, proprement Allongeaient aux Anglais de fiers coups d’estocade. Ils ont trouvé probablement, Diogènes nouveaux , au clair de leurs lanternes, Des grands hommes du jour les figures trop ternes, Et dès lors se sont adressés Tout simplement aux temps passés. Ces temps avaient du bon. Parmi ceux qu'on exhume, Choisissant des héros, d'illustres trépassés, Ils en ont endossé l’armure ou le costume; Et, s’affublant ainsi d’une gloire posthume, Aux regards du public ils se sont prélassés. Place! élargissez l'avenue! Du moment solennel voici l'heure venue. Des fenêtres, des toits, des arbres, des balcons, La grêle de l'aumône, étincelante et drue, Comme une neige épaisse aux milliers de flocons, Tombe et ruisselle dans la rue. Allons, démenez-vous, délicieux farauds, Mousquetaires charmants, enfarinés Picrrots, 967 Établis sans brevet Receveurs des finances, Dans vos chapeaux de feutre évasés et profonds, Appelez, provoquez, engloutissez les fonds, Et prodiguez les révérences! C’est le peuple qui donne à plus pauvre que lui : Dans ses mains, il est vrai, l'argent n’a pas relui; Mais le cuivre qu'il a, joyeux il l'abandonne ; Dépèchez, et videz la tonne Où le manœuuvre et l'artisan, Et de nos environs le simple paysan, Ont versé leur modeste aumône!.….. De ces milliers d’oblations, Calculez le chiffre, il étonne! Peuple, en t'associant aux bonnes actions, Tu fais du bon socialisme; Diminuer le paupérisme, En portant en commun nos cotisations Au pauvre, à l’affligé nos consolations; Voilà le seul vrai communisme! Revenons maintenant, pour ne plus la quitter, A notre quête féminine, A la manière un peu féline Dont la femme se sert pour mieux nous exploiter. Je constate d’abord, je luis dois cet hommage, Qu'en luttant avec elle, et jouant au plus fin, Elle a sur nous cet avantage, Que les moyens à son usage Sont justifiés par la fin. Puis, cette guerre sainte e{ qui n’a pas de trève, A pour nous du piquant : nous nous plaisons au jeu Où les Dames rusent un peu; En mordant à l’appât, nous en aimons la sève; Enfin, nous nous disons tout bas : Si la femme ne rusait pas, Serait-elle donc fille d'Éve ? 208 Aplomb, mesure, dignité, Grâce, à-propos, vivacité, Brilleut dans sa riposte, et cela nous enchaine : D'un mot elle est toujours certaine De mâter notre vanité. Un exemple, entre cent, vaut, je pense, la peine, Tout vieux qu'il est, d'être cité. Une dame quêtait; elle était jeune et belle. Le cardinal de Richelieu Vers elle dirigeait le feu de sa prunelle; Il avait déposé, n'importe dans quel lieu, Tous les signes de sa puissance; En costume laïque, en simple chevalier, Il s'avançait avec aisance, Libre de sa grandeur et d’un air familier. Qui porte éperons et moustache, Est toujours, avec son panache, Moins cardinal que cavalier. La charmante quêteuse avait touché son âme; I lui remet de l'or, et, d’un ton louangeur : « Pour vos beaux yeux, ma belle dame! » « Et pour les pauvres, Monseigneur ? » Répond - elle aussitôt , sans perdre contenance. Alors, faisant la révérence, Sa main mignonne elle avança, Et la bourse de l'Éminence, Ma foi, tout entière y passa. Après cette anecdote, il me revient en tête Un trait qui ne lui cède en rien; Il est récent et la vaut bien. Il s'agit aussi d’une quête; Le narré n'en sera pas long : 069 Une Dame, dans un salon, Circulait en plaçant ses billets à la ronde; Et, du peigne entraîné, sa chevelure blonde, Épaisse, s'échappait, soyeuse et vagabonde, Pareille à celle d’Apollon. Un lion, dans un coin, dévorait en extase Ce merveilleux trésor, objet de tous ses vœux. « Je paierais de mon or, dit-il avec emphase, » Une mèche de ces cheveux! » La Dame se retourne, et puis, avec prestesse, Sous les yeux du lion un moment éblouis, Elle abat une boucle, et sa bouche traitresse Lui coule ces deux mots par tout le cercle ouïs : « De mes cheveux, Monsieur, vous vouliez une tresse: » Acceptez-la, tenez : c’est cinquante louis. » Le lion fut tenté de faire la grimace; Mais comment se donner un honteux démenti Aux yeux de ses amis qui le clouaient sur place ? Aussi crut-il devoir, c'était le bon parti, S'exécuter de bonne grâce. Or, comme tôt ou tard, quelquefois ici-bas Les sacrifices vrais prospèrent, Les beaux cheveux blonds repoussèrent ; L'argent seul ne repoussa pas. Quelques mots, maintenant, touchant ces loteries De nos sucs généreux à chaque instant nourries. Pour elles n’est point fait notre Code pénal ; Le Préfet les approuve et tout devient légal. Déjà la Patronesse , au maintien respectable, De mille objets divers a surchargé sa table; Le prix est toujours fixe; et la jeune beauté Qui préside à la vente au plus haut l’a coté. On ne marchande pas auprès de tant de charmes, Et vingt fois l'acheteur est passé par les armes. 570 J'ai vu, de leur pitié, ces martyrs, ces héros, En chiffres fabuleux payer de vrais zéros; J'ai vu des jeunes gens, que des pères avares Forçaient de la régie à fumer les cigares, De blonds panatellas aussitôt consumés Qu'’au feu de deux beaux yeux ils avaient allumés, Acheter à prix fou quelque feuille odorante, Et d’un mois, en un soir, aliéner la rente. Pour moi, qui, maintes fois, pour faire mon salut, En chrétien charitable ai payé mon tribut, Je me tiens, je l'avoue, à l'écart, un peu roide, Comme un chat échaudé qui redoute l’eau froide. Modeste en mes secours comme en tous mes moyens, De billets à vingt sous pour moi, puis pour les miens, Je prends une série, et me mets en campagne Dans l’espoir d’un bon lot : car quelquefois on gagne. Mais de la carte, hélas! connaissez le dessous; Il cache toujours quelque piége; Et je n'ai jusqu'ici gagné pour mes vingt sous, Qu'un mauvais almanach de Liége. Or, n’en soyez pas étonnés : Car, en général, les quèteuses Sont de fort grandes prometteuses; Et puis, lorsqu’encor fascinés Par leurs yeux agaçants et leurs mines menteuses, Vous réslamez les dons qu’on vous a destinés, Vous n’obtenez de ces moqueuses Qu'éclats de rire à votre nez. Aussi, dans mon dépit, je me sauve aux églises. J'entre : aux portes déjà les Dames se sont mises; Et je vois dans leurs traits la résolution De forcer le fidèle à contribution. Il est vrai qu’à l'entrée où le peuple se roule, On peut, à la rigueur, s'esquiver dans la foule; o71 Mais, après la prière, il faut pourtant sortir : De tous côtés alors on se voit investir. Les quêteuses, d'accord, font bonne et sûre garde ; Un suisse les appuie avec sa hallebarde; Et comme, en fin de compte, il faut passer par à, Vous évitez Carybde et tombez en Scilla. Cependant au sermon déjà l'heure m'appelle, Et du vaste hôpital je gagne la Chapelle. On parle d'un illustre et saint prédicateur : Je veux le voir, l'entendre , et du grand orateur Ne perdre pas un geste, une seule parole; Dès le seuil j'aperçois resplendir son étole; Je m’élance, et soudain apparait contre un mur Un plateau dont le sens n’a pour moi rien d'obseur : Une âme charitable, au surplus, me l'explique. Le tarif est formel, il porte, sans réplique, Qu'on ne peut aborder les chaises ou les bancs, Sans laisser au plateau sa pièce de cinq francs. Mais, moyennant l'impôt qui pèse sur ces siéges, Quelques pauvres goutteux se rendront à Baréges! J'acquitte avec bonheur le prix de ma rançon, Et le sermon ouï, je cours à la prison. Les quêteuses y sont encore en embuscade, Aussi fermes qu'un pied-cormier ; Du premier coup sur ce damier L'on est échec et mat et l’on bat la chamade : Un escamoteur de muscade Y serait pris tout le premier. De cavaliers, d’ailleurs, assez bien escortées, Entre-les deux guichets ces dames sont plantées. Là, pour le pauvre prisonnier, Des femmes, des enfants, du bon peuple aumônier Elles sondent le cœur, inépuisable source : 572 Le cœur, on ne peut le nier, Tient par quelque fibre à la bourse; Il faudrait être sans ressource, Pour ne pas offrir son denier. On le donne et le ciel l'accepte; Aussi n'est-ce pas sans raison Que je formule ce précepte : Payez, Messieurs, payez pour entrer en prison; Mais ne confez pas aux reclus des cellules, Qu'on a, sur le fronton, profondément sculpté, Ce mot en lettres majuscules, Ge mot doux et cruel à la fois : Liberté! Pour ma part, grâce au ciel, me voilà dans la rue; Je sais qu’à la brebis tout récemment tondue Le Seigneur mesure le vent, Et j'espère qu'enfn, délivré de la quête, Je pourrai m'abstenir de dire trop souvent : Ma foi, néant à la requête. Mais à peine ai-je fait quelques pas en avant, Que des dames, par moi justement vénérées, Font appel à ma charité Pour des femmes qu'avec quelque sévérité La justice frappa; puis, qu’elle a libérées. « Si vous avez la cruauté » De nous refuser ce service, » Disent-elles, Monsieur, nous ne répondons pas » De ne point les revoir tomber, à chaque pas, » Ou dans le vol ou dans le vice. » Que répondre, Seigneur, et comment repousser Des motifs de cette importance! Prendrai-je sur ma conscience Tous ces futurs méfaits qu'on vient de retracer? Non, le mieux est, je crois, de prendre dans ma bourse, Et d'éviter aussi, par une prompte course, Toute quête qui peut encor la menacer. 973 J'y puise donc, salue et pars comme une flèche, Quand, auprès du local où sont les Facultés, Et courant comme moi, de jeunes éventés Me font tomber dans une crêche. Ai-je besoin, Messieurs, d'ajouter maintenant, Qu'autour de moi chacun s'empresse, Et que la dame patronesse Me sollicite adroitement Pour une œuvre à laquelle, oh! bien assurément, Tout galant homme s'intéresse. Je m'incline à ce compliment : L'insinuation est bonne en rhétorique, J'en connais la figure; et pour toute répiique Je solde mon impôt. Puis, comme il se fait tard, A travers cette rue où le nom de Bouffard Est inscrit, je maugrée, en style académique, Contre la patronesse et son peuple moutard. J'arrive cependant à la place Dauphine, Sans me croire sauvé je me sens au grand air, Je l’aspire à pleine poitrine, Et lentement je m'achemine Vers le beau jardin de Coudert. Par mon nom, cette fois, j'entends que l’on m'appelle : Une pieuse demoiselle Me rejoint et m’expose, en termes chaleureux, Qu'il faut venir en aide à tous les malheureux ; Sur quoi j'approuve fort sa pensée et son zèle. Avec certains frissons je l’attendais venir : Elle, va droit au but, sans que rien l’embarrasse, Et me presse de subvenir Aux besoins renaissants des servantes sans place. Quoi! par un bon repas, d'un doux repos suivi, Nourrir des serviteurs qui ne m'ont pas servi, 974 Lui dis-je, mais la chose est au moins singulière! « De cent piques, Monsieur, vous êtes en arrière; » Mon œuvre est politique, en voici le détail; » C’est clair comme le jour; écoutez : au lieu d'ail, » Je nourris de bon bœuf la fille inoccupée, » ILest vrai : mais jamais, ou je suis bien trompée, » Elle ne votera pour le droit au travail. » Ma foi, cette raison me paraît décisive, Repris-je, et maintenant ce n’est plus un rébus. Tenez, graissez le pain et colorez l'eau vive Des servantes in partibus. Cela dit, et Damour apercevant l'allée, J'y pénètre : au détour une dame voilée, Devant laquelle, avec respect, Je me courbe en passant, s'arrête à mon aspect. Allons, pensai-je alors, en regardant ma montre, Allons, encore une rencontre; Dans ces lieux c’est un peu suspect. « Si vous alliez trouver ma demande indiserète, « Me dit avec beaucoup de grâce et de douceur » La dame aux traits voilés; mais, on sait votre cœur » Ardent à soulager toute peine secrète! » C'est le mois de Marie, et pendant tout ce mois, » Où les fleurs, les champs et les bois » Exhalent leurs parfums; tristes, anéanties, » Soumises à la règle, à de sévères lois, » Vivent les filles repenties. » Elles travaillent tant, elles gagnent si peu! » Contribuez au nom de Dieu, » À nourrir au bercail ces brebis égarées, » Mais par la pénitence à présent épurées. » Faut-il maintenant ajouter Qu'à ces mots je sentis une bien vive peine, Que je fus près de sangloter, 979 Et qu'en songeant à Madeleine Je donnai, donnai sans compter. Vous me croyez au port après tant de bordées : Détrompez-vous; d’un seul coup-d’æil Je vois que chez Coudert les portes sont gardées : Mon désir d'admirer ses belles orchydées M'en fait pourtant franchir le seuil, Et j'y cours rafraîchir mon sang et mes idées, Sombres comme en un jour de deuil. À l'aspect d’un beau lys, à l'odeur d’une rose, Ou de la violette, humble fleur des amants, Le cœur s’épanouit et l'esprit se repose. Tout à coup, les dragons charmants De ce jardin des Hespérides, S’attachant à mes pas sur les sables arides, M'arrachent aux douceurs de ces heureux moments. À payer le tribut leur regard me convie : Il serait bien fin le renard, Eüi-il rompu les chiens mille fois en sa vie, Qui pourrait éviter, quand sa piste est suivie, D'être pris à ce traquenard? Aussi je m'exécute, et battant en retraite, Je me retire et ne fuis point : Car les quêteuses sont terribles à ce point, Que si je me mettais en tête De fuir, pou: mieux leur échapper, Vite elles se mettraient en quête, Je pense, pour me rattraper. Je fais quelques circuits d’une manière habile : J'évite avec soin d'approcher De certains quartiers de la ville, Où l'on pourrait encor me suivre et m'accrocher, Et me glisse au milieu des marais Relleville. Là, je vois scintiller et briller au lointain, 976 Comme l'étoile du matin, Une lumière vagabonde. Je m'approche; on chante une ronde Autour d'un autel enfantin. Un vif essaim de jeunes filles, Dont quelques-unes sont, ma foi, Jà grandelettes et gentilles, Accourent au-devant de moi. Bientôt j'aperçois leur sourire, Et l’escadron est si joli, Que tout bas je me prends à dire : Ad me venite parvuli. Elles n’y manquent pas : aussi fines qu’agiles, Semblables au renard caressant le corbeau, De leurs petites mains me tendant leurs sébiles : « Vous avez l'air si bon! Ce Monsieur est si beau! » Disent-elles. Enfin, fausse ou bien ingénue, Leur flatterie a du succès, Me chatouille, puis s’insinue, Et puis aux demandeurs fait gagner le procès. Si bien, qu'après avoir payé ma bienvenue, Messieurs, il arrive cela, Qu'un sou par ci, deux sous par là, Aux quêteuses en herbe abandonnant mes pièces, Je retourne au logis, assez léger d'espèces, Mais plus content; et puis... voilà. Et maintenant, pourquoi dans ces lieux que décore L’élite de notre cité, Vous priveriez-vous donc de satisfaire encore Cette rage de charité Qui vous possède et vous dévore? Allons, continuons comme on a commencé, Et qu'ici le présent corresponde au passé, Des beaux vers aujourd'hui le public idolâtre, 971 Ne laisserait jamais, non jamais, n'est-ce pas? Mourir à l'hôpital Gilbert et Malfilâtre. Permettez donc et sans débats, Messieurs, d'improviser la quête Pour le poëte pauvre, à moi pauvre poëte. Chaque homme également n’est point avantagé : L'un fait, autre reçoit l’'aumône; Mais, croyez-moi, celui qui donne Est encor le mieux partagé. Et puis, voyez-vous, je confesse Que les voyant ici dans l’antre du lion, À certaine quêteuse, à mainte patronesse, Je voudrais appliquer la loi du talion. Des lettres, des beaux-arts, charmante protectrice. Une Muse *, qu'ici l’on nomme en ce moment, Recueillerait vos dons, et, dans son dévouement, En serait la dispensatrice. Certes, les gens lettrés dont elle est bienfaitrice, .… Y gagneraient tous doublement. Qu'on ne m'objecte pas que rien ne m’autorise A cet acte, à ce fait sans précédent légal : Quand Cheverus quêtait dans la salle de bal, Citait-on contre lui les Olim de l'Eglise ? Il nous faut du nouveau, c’est une vérité; Or, ce nouveau je le provoque, Et, de mon chef, je vous convoque A ce congrès de charité. N'avez-vous rien sur vous? eh bien! donnez en gage, Vous, des bagues, beaux amoureux! Vous, vos anneaux de mariage Pour vous unir aux malheureux! * Madame M... - méeLissave 36* 978 Et maintenant, veillez, gardes, à cette porte; Et, d'après mon Commandement, Faites que personne ne sorte Sans mon exprès consentement. Mais, tout autour de moi, plus d’un morne Aristarque, Blâme tacitement l'affaire où je m'embarque : Le front tout soucieux et le sourcil froncé, Des antiques censeurs ils ont l'air courroucé. Peut-être pensent-ils que leur nouveau collègue Ferait mieux de se taire ou de devenir bègue.…… Peut être, impatients, s’apprètent-ils bientôt A fulminer sur moi la honte d’un véto, Et, m'arrètant tout court au plus beau de mon rôle, Vont-ils, en se levant, me couper la parole? Ah! pour l'honneur du corps, qu’il ne soit jamais dit Que l'élan de mon cœur vous l'avez interdit ; Je le reprends. Jamais en pleine Académie La quête n'étendra sa sainte épidémie, Prises, sans soupçonner la glu de mes billets, Les dames, en riant, vont rompre mes filets : Vos soins, contre lesquels je proteste et m'indigne, Vos scrupules, vos peurs, vont ravir à ma ligne Ces poissons confiants qui nageaient dans mes eaux; Et peut-être déjà qu’au lieu de ses bravos, Ce public inconstant, mouvant comme la vague, Prépare cet arrêt : « Le poëte extravaguel » Ou bien va s’écrier, sortant de sa stupeur : « J'en suis quitte, ce soir, grâce à Dieu! pour la peur. » VABLEAU UÉTADADLORIQUE 3 PAR M. ABRIA. * "4 PA ii A sn 4 AA rUES Ce ei) Re reprends. DEFÉETS ana dtte étre es paraben nt pres, unie dupe Ja He ge as à "4 | rs Aa, HD te COR Nés ait , darén texiea FREE T A À POEX | de séripier. Loi pére C00k-A y IE A | 7". Ce pie co fants v HRLTARS ARE US ; Dan core M génie dé qu'ife Font ep MAN n Ke F A3 C0 Ge pps re mm Gone vague ES en TR Prâpats ces snsdl Le LA pate saiçraguet à PAM : Es bis va Naniet, strié Vécen php dr L F qhe® voie goes, rer NACAMEPR ven) *. À ' , PENTA pe TABLEAU MÉTÉOROLOGIQUE. JUILLET 1854. JOURS BAROMÈTRE À 0e. TEMPÉRATURE. DU MOIS Rs ner mine Re S Th.dum.|2h.dus. | 9h.dus.| Maxima. MINIMA, 1 65,04 » 64,84 | 2492 2 63,26 64,39 61,31 2k,k 3 57,68 57,55 59,30 22,5 4 60,35 61,23 61,25 23,5 3 60,66 59,96 60,86 26,5 6 62,17 64,33 61,83 28,7 7 62,33 61,78 62,16 29,6 8 61,38 61,83 61,77 23,2 9 60,88 60,08 60,76 22,3 10 60,57 641,84 63,76 23,0 fi 66,69 67,89 68,44 23,8 12 66,94 64,21 62,91 26,9 13 60,41 58,83 58,78 28,8 1% 60,145 60,61 64,94 25,0 15 63,96 | 63,91 | 62,96 | 24,4 16 59,42 57,64 57,62 24,8 17 57,25 57,47 64,19 24,8 18 59,95 62,28 65,35 » 19 65,10 63,18 62,43 25,8 20 61,60 60,06 63,50 32,2 21 64,21 60,90 60,75 29,41 29 64,25 60,43 59,23 28,6 23 55,43 56,48 58,08 25,8 2% 57,57 56,68 55,73 24,3 25 55,47 53,45 55,25 25,9 26 » 58,00 62,65 22,7 7 64,61 54,88 63,77 26,3 28 64,71 59,20 59,75 29,7 29 62,00 60,63 64,40 2%, 30 64,48 61,00 | 64,75 29,4 31 63,00 63,68 64,97 22,0 MOYENNES | FA du 4er au 40] 64,43 60,77 64,78 | 24079 du 414 au 26| 62,09 64,57 62,48 | 26,28 du 24 au 34! 60,66 59,70 60,33 | 25,59 Moy. Moy ghnérate:] 61,39 60,68 64,53 | 25,55 Température moyenne du mois. 2102. Pluie dans le mois... 69mm 582 AOÛT 1854. TEMPÉRATURE. JOURS BAROMÈTRE A 0e. DU MOIS. | — 7 h. du m. | 2 Lu. du s. | 9 h. dus. | Maxima. Minima. | EE Pr D REG E - A 64,51 65,24 66,0% 2405 41595 2 66,00 66,03 65,83 26,8 47,8 3 64,65 63,00 » 30 5 16,5 A 61,75 60,11 59,96 31,2 18,3 5 58,83 57,98 57,93 38,2 18,3 6 59,22 59,91 59,75 29,1 21,5 7 60,20 60,82 64,06 28,2 19,6 8 61,42 62,40 63,51 26,0 18,2 9 63,16 62,35 63,16 27,8 16,3 10 62,86 62,20 62,66 28,8 17,0 41 63,31 62,84 63,16 30,0 47,6 12 62,66 64,05 60,20 34,2 18,0 43 62,55 62,22 63,34 34,8 21,0 1% 63,50 62,53 63,05 29,0 20,0 15 63,45 63,52 64,05 29,3 18,k 16 65,24 65,40 65,13 28,5 18,2 17 64,93 64,42 65,74 29,3 18,6 18 66,30 66,23 67,40 29,3 18,0 19 67,69 67,27 67,42 27,8 16,3 20 67,42 65,59 65,24 29,0 45,0 21 65,32 63,45 63,22 30,0 16,3 22 62,68 60,61 60,24 32,3 46,0 23 60,19 60,35 » 32,3 17,0 24 | 63,41 62,95 64,00 17,6 47,1 25 66,29 66,47 66,57 26,1 16,0 26 67,27 67,07 66,12 2, 14,0 27 69,33 68,38 67,27 28,0 414,8 28 62,61 60,32 61,30 25,6 15,8 29 64,41 | 58,179 61,70 18,4 14,6 30 65,00 66,66 68,19 20,5 9,6 31 68,80 | 69,08 69,65 { 22.5 10,5 MOYENNES | du 4er au 101::62,26 | 62,00° 62,21 28°61 47090 du 44 au 20! 64,70 64,11 6%,47 29,82 48,11 du 21 au 31 64,75 |! 64,04 64,83 27,07 16,17 Moy. généale.| 63,90 | 63,37 63,84 | 28,50 17,39 Température moyenne du mois.. 2300. Pluie dans le mois... 8mm 583 SEPTEMBRE 18554. JOURS BAROMÈTRE A 0e. TEMPÉRATURE. = — Re Er 7 h. du m. | 2 h.dus. | 9 h. du s. | Maxima. Minima, DU MOIS. MOYENNES 1 69,66 » 67,67 2204 2 67,46 65,41 65,39 25,0 3 64,05 62,36 61,98 26,5 4 61,75 60,91 60,73 25,3 5 60,76 58,32 60,30 26,2 6 61,75 64,45 63,05 2,9 7 65,10 65 93 67,66 20,8 8 68,06 67,31 67,71 24,1 9 66,93 65,63 65,73 92,5 410 65,63 66,78 66,86 24,6 A1 68,32 | ° 67,45 67,63 DE 412 67,48 65,91 65,18 26,2. 15 65,09 65,00 65,00 26,3 1% 65,31 65,40 66,26 27,2 45 67,72 67,00 67,87 26,7 16 67,62 66,12 65,7% 24,9 A7 62,05 62,48 63,14 24,5 18 64,17 63,77 63,46 2k,k 9,4 19 62,19 61,47 62,49 18,0 9,3 20 63,12 62,90 64,17 19,4 10,6 21 63,43 62,77 63,51 19,3 10,3 22 63,37 63,35 65,20 29,4 9,0 23 64,78 64,26 64,69 22,5 10,9 24 6% 40 62,61 62,42 2975 10,8 25, 61,03 59,26 59,83 22,5 10,0 26 59,88 |! 60,27 60,50 18,0 8,4 27 60,48 | 60,43 59,58 18,5 je) 28 5747 58,80 60,30 17,4 9,0 29 58,40 55.88 54,26 49,1 8,3 30 52,36 53,32 54,43 19,5 12,0 | du 4er au 40 65,08 62,71 64,74 2360 12°78 du 44 au 20 65,44 64,75 | 65,06 | 24,30 12,13 du 24 au 30 60,53 | 60,06 60,44 | 20,14 9,60 | 62,86 | 63,40 | 22,68 11,50 Température moyenne du mois... 4701, Pluie dans le mois... 26mm Moy. générale. 63,07 Es: Lee 21 $ 4. SQSsT, LPS Aves 10 ad os On A er. À EE D nt ge nor mien LA ut ÉRÉES LEE L HR HAE ANT FA] é x F [CE LA : rt Re ? 2.76: { ie jen h 44 4: 1 | pr 4 seus & ee Et … Su ÉrA EE dE mir QE Be A nr) Îr SEr Sy ENsz Lx AE ER € ve 2 ex 22 E [a em + we" 235 |. = Es ni AT LILI | D 'OPRECRLT T ED = ñ “petit Le AC MREREG |: Gc U on L i | à: DAILUE L'AIR LOT MENT ESRI ALMA Rs, 68,0 À: «ui, 09E RTE À: TN GA D. 14 4, 40.04 ba 1 D C7 LICE _ AUTRE — EE a it DISCOURS DE M. GOUT DESMARTRES, PRÉSIDENT DE L'ACADÉMIE, prononcé à l'ouverture de la séance publique, le 30 décembre 1851. MESSIEURS, C'est aujourd'hui que s'achève votre année académi- que; c'est en distribuant des encouragements et des couronnes que vous terminez vos travaux. Heureuse fin! j'ose vous le dire, qui témoigne de votre sollici- tude pour les nobles fruits de l'intelligence, et qui prouve, par le nombre de vos lauréats, combien on recherche vos suffrages et apprécie vos récompenses. Vos Statuts m'obligent à prendre le premier la pa- role, et à ouvrir votre séance par un distours. Per- meltez-moi, sinon de déroger à cel usage, an moins 37 586 de le modifier, autant qu'il est permis à un Président, dépositaire de vos traditions et gardien fidèle de la loi. Je n'irai point chercher, Messieurs, dans les décou- vertes de la science, dans les formes variées de la lit- térature, dans l’histoire si curieuse mais encore si incomplète des beaux-arts, le sujet de mon discours; jaime mieux causer avec vous de l'année qui vient de s'écouler, et examiner rapidement les progrès que l'Académie a pu faire et ceux qu’elle doit s’efforcer d'accomplir encore. Le passé, vous le savez, est sou- vent un excellent conseil pour l'avenir. Grâce à votre zèle, Messieurs, grâce à vos travaux, grâce surtout aux hommes éminents qui sont venus s'asseoir au milieu de vous, l'Académie de Bordeaux, nous pouvons le proclamer sans orgueil, mais avec confiance, a repris le rang qui lui était dû, c'est-à- dire celui du premier corps scientifique et littéraire de la province. Les réceptions publiques, que des es- prits sages mais {rop timorés redoutaient, ont dépassé nos espérances. Un public d'élite a constamment ré- pondu à notre appel, et ses encouragements n'ont ja- mais manqué à vos récipiendaires. Je saisis l'occasion solennelle de le remercier de son empressement et de ses sympathies. La salle de nos séances, naguère {rop vaste, est de- venue trop étroite, el l'Académie doit ne rien négliger pour obtenir un local plus en harmonie avec son im- portance et avec ses nouveaux besoins. Je laisse cette mission au digne successeur qui va me remplacer à ce fauteuil : à lui l'honneur d'achever ce qui est com- 587 mencé; à lui de vous diriger, Messieurs, dans la voie où vous êtes entrés, et où nul n'était plus que lui ca- pable de vous conduire. Espérons que l'autorité mu- nicipale, qui compte à sa tête un de vos collègues les plus estimés, secondera Îles efforts de votre nouveau Président, et aidera l'Académie dans ses projets d'a- mélioration et de progrès. La presse, qui pendant quelque temps nous avait oubliés, a rendu compte de nos séances, et nous lui devons de la gratitude pour l'empressement qu'elle a mis à nous mentionner dans ses colonnes. Malgré nos modestes travaux, Messieurs, l’action de l’Académie n’a pas été sans résultat. Une Société des beaux-arts s'est formée, une expo- sition de peinture a étè créée, et de jeunes hommes, épris des nobles spéculations de Pintelligence, ont donné au public des plaisirs utiles; aux artistes, des admirateurs et des secours. L'idée d'un Congrès scientifique, dont une Société amie a pris l'iniliative, se prépare en ce moment. Les diverses Sociétés savantes de Bordeaux se sont réu- nies dans votre local habituel; elles ont fait l'honneur à votre Président de le placer à leur tête, et malgré le peu de courtoisie du Congrès d'Orléans, elles es- pèrent parvenir, en 1853, à doter Bordeaux d’une de ces so'ennités scientifiques et liltéraires qui laissent dans une ville de longues traces et de féconds sou- venirs. Avec quelques efforts, avec un nouveau zèle el de nouveaux travaux, notre cité, si admirée des étrangers, si spirituelle, si éloquente même, mais 588 presque entièrement occupée des entreprises indus- trielles et des intérêts matériels, deviendra ce qu'elle doit être, une des villes les plus scientifiques et les plus littéraires de France : rien ne lui manquera alors pour être la reine du Midi. Mais au milieu de cette satisfaction qui réjouit l’A- cadémie, en vous déroulant ce tableau de notre passé et de nos espérances, il est un devoir que nous de- vons remplir. Toute joie, en ce monde, est mêlée d’a- mertume; et tandis que notre Compagnie s'enrichis- sait de nouveaux collègues, elle pleurait sur des per- tes cruelles, dont vous parlera mieux que moi, la plu- me éloquente de votre Secrétaire général.. Donnons des larmes à leur mémoire. Et maintenant, Messieurs, permettez-moi de saisir l'occasion publique qui se présente, de vous remer- cier de la doubie élection dont vous m'avez honoré, et des marques de sympathie que vous -m'avez cons- tamment accordées. Mes faibles efforts ont fait peu pour l'Académie; mais mon dévouement pour elle a été sans bornes. Heureux si ce dévouement laisse une trace dans votre cœur et un souvenir dans votre estime! 89 CONAPNE RENDU: TRAVAUX DE L'ACADÉMIE Des Sciences, Belles- Lettres et Arts de Bordeaux, pendant l’année 1850-51, (lu en séance publique du 30 décembre 1851 ); Par M. E. DÉGRANGES, Secrétaire général. MESSIEURS, L'art. 5 de votre Règlement prescrit au Secrétaire général de présenter chaque année, en Assemblée pu- blique, le Précis des travaux de l'Académie. Je me soumets à ce devoir, tracé par la raison et la sagesse de vos usages, et vais m'occuper des travaux que vous avez entrepris et achevés depuis le 12 dé- cembre 1850, jusqu’au 30 décembre 1851. 990 TRAVAUX DES MEMBRES RÉSIDANTS. L'Académie, dans le cours de cette année, a redou- blé de zèle et d’assiduité; nos procès-verbaux en font foi, aussi bien ceux des séances générales ordinaires, au nombre de vingt-trois, que ceux des séances pu- bliques, dans lesquelles vous avez voulu faire appré- cier les talents des nouveaux membres que s'adjoignait Ja Compagnie. Le gardien fidèle de vos Statuts, votre Comité d'ad- ministration, a dignement accompli la mission qui lui était confée. Lectures. D'après l'art. 19 de votre Règlement, quinze d'en tre vous, Messieurs, ont lu, en Assemblée générale, des travaux inédits. Je dois sommairement vous les rappeler. M. Charles Des Moulins. — Deux Mémoires, dont l’un ‘ est très-riche en connaissances puisées dans les sciences naturelles, et surtout dans la botanique (lu le 29 décembre 1850 ); et dont l’autre expose quelques idées sur le travail académique ; réflexions pratiques ! Mémoire pour combattre cette opinion, que L'homme primitif, sortant des mains du Créateur, n'était pas de couleur blanche. Ce travail, de M. Des Moulins, a été fait à l’occasion d’une Note sur ce sujet, adressée à l'Académie par M. Marcel de Serres, correspondant. ( Voyez Actes de l'Académie, 13° année [ 1851], p. 153.) 591 pleines de justesse et applicables à la Compagnie. { Lu le 15 mai 1851.) M. Jules Delpit — Un Épisode de l'histoire de lAca- démie des Beaux-Arts à Bordeaux (6 février 1851 ). Ce fut à l'occasion d'un défi entre deux compagnons maçons, agissant au nom de leurs corporations. que ce fait eut lieu en 1773. Notre Coliègue, versé dans les secrets des temps passés, vous l'a raconté avec tout l'intérêt que cette lutte pacifique est.capable d’inspirer. { Voy. Actes de l’Académie, 13° année, p. 29.) M. Laterrade. — Mémoire intitulé : Des Plantes de nos dunes’ (6 mars 1851). Cest l’œuvre d’un labo- rieux botaniste et d'un infatigable herborisateur. (Voy. Actes de l'Académie, 13° année, p. 293.) M. Abria. — Mémoire ayant pour titre : Solution dans le cas des amplitudes de grandeur quelconque du problème relatif au mouvement d'un pendule simple, dans un milieu dont la résistance est proportionnelle à la vitesse (G mars 1851 ). Ce sujet, de haute physi- que, est digne du doyen de la Faculté des sciences de Bordeaux. M. Lamothe. — Observations sur un projet de loi relatif aux hôpitaux et aux hospices (6 mars 1851 ). Noire Collègue développe plusieur réformes admi- nistralives qui paraissent nécessaires el qui Lémoignent d’un esprit observateur et éclairé. ( Voy. Actes de l'A- cadémie , 13° année, p. 5.) M. Durand. — Notice sur les ruines d'anciens mo- numents militaires situés sur la rive droite de la jalle Saint-Médard, près Bordeaux (20 mars 1851.) 592 Trois restes d'anciennes fortifications qui paraissent être les débris d’un camp de l’époque gallo-romaine, ont été étudiés avec le plus grand soin par l’auteur, qui, à celte occasion, est entré dans des détails inté- ressants sur la manière dont les Romains formaient leurs campements. { Voy. Actes de l'Académie, 13° an- née, p. 221.) M. Gintrac. — Fragment d'un ouvrage médical iné- dit : Dynamique vitale (20 mars 1851 ). Exposition didactique et approfondie de phénomè- nes physiologiques concernant la force vitale. M. Manès. — Considérations sur le desséchement des marais, et en particulier de ceux de la Gironde, à l'oc- casion d’un travail de M. Chapelle ( de la Charente ), sur ce sujet (20 mars 1851 ). On trouve réunies dans ce Mémoire les connais- sances pratiques ct scientifiques à l’aide desquelles on peut élabiir d'importantes dispositions pour dé- truire la stagnation des eaux dans certains points du département, et pour affaiblir les causes d'insalubrité. M. Léo Drouyn. — Album de paysages, dont il est l'auteur (15 mai 1351 ). Le dessin et la gravure ont mérité des éloges. M. Saugcon. — Fragment historique sur Attila (15 juillet 1851 ). Ce morceau d'histoire retrace avec des traits éner- giques la physionomie du dévastateur des nations. M. Cirot de la Ville. — Notice biographique et lit-- téraire sur Sidoine Apollinaire (17 juillet 1851 ). Cette étude sur la vie d'un homme qui joignit aux 593 talents du littérateur les hautes fonctions de l'Église, renferme des détails de goût et d’une érudition bien choisie. ( Voy. Actes de l'Académie, 13° année, p. 445.) M. Daboul. — Mémoire sur le Bouddhisme , et de son action civilisatrice en Orient; suite d'un précédent travail sur le même sujet {17 juillet 1851 ). Ce morceau philosophique contient de nombreuses recherches et se fait remarquer par la portée des ap- préciations. (Voy. Actes de l'Académie, 13° année, p. 353.) M. Gustave Brunet. — Plusieurs extraits d’une tra- duction de l’Essai des erreurs populaires chez les an- ciens, par Giacomo Leopardi (29 juillet 1851 ). Cet écrivain, un des plus remarquables qu'ait pro- duit l'Italie, est mort il y a quelques années à la fleur de l’âge. Poëte et érudit, il sut réunir des qualités précieuses qu'il est rare de trouver rassemblées chez le même penseur. Le sujet curieux de son livre est exposé avec un luxe d’éradition qui atteste des recher- ches immenses, et avec une maturité de jugement qui tire admirablement parti de tous les matériaux réunis avec tant de peine. Notre Collègue, M. Gustave Brunet, a entrepris de faire passer dans notre langue cet écrit presque ignoré en France ; il a voulu, en même temps, s'attacher à compléter à certains égards les recherches de Leo- pardi, à l'aide des secours qu'offrent des publications françaises, dans lesquelles le savant Italien n'avait pu puiser. Il vous à donné lecture de quelques fragments de ce travail, et vous a fait connaître quels étaient 594 chez les Grecs et les Romains la croyance relative aux Centaures, et quelles étaient les superstitions à l'égard de l'éternument ; superstitions dont on retrouve la trace à presque loutes les époques et chez des nations placées à des distances immenses de temps et de climat les unes des autres, M. d'Imbert de Bourdillon. — La Quéte, pièce de poésie ( 20 novembre 1851 ). Cette pièce a obtenu, en Assemblée publique, de nombreux applaudissements. COMMISSION SPÉCIALE. Je ne mentionne pas ici les Commissions qui se sont réunies à l’occasion des diverses questions de prix; elles sont les plus importantes, mais nous les retrou- verons dans le paragraphe destiné aux Concours. La Commission qui nous occupe maintenant, com- posée de deux membres de l'Académie, M. Gout Des martres, Président, et M. Raulin, l’un de vos Secré- taires, fut nommée au scrutin secret pour représen- ter la Compagnie dans la réunion des délégués des So- ciétés savantes de Bordeaux, à l'occasion du Congrès scientifique de France. (9 Janvier 1851.) Cette Assemblée des délégués des Corps savants de la ville, vous rendit un hommage qui a excité votre vive reconnaissance, et que vous voulez reconnaître publiquement : elle nomma votre Président pour diri- ger ses délibérations. 595 Par suite de celles-ci, une lettre fut écrite au Con- grès scientifique, en séance à Orléans { sept. 1851), pour le prier, au nom des Sociétés savantes de notre ville, de vouloir bien fixer dans Bordeaux sa 21: ses- sion pour 1853. La nomination des Secrétaires généraux pour les six sections du Congrès, souleva une discussion qui aboutit aux concessions respectives suivantes : La nomination de deux Secrétaires généraux , fut laissée au choix des représentants de l'Institut des Pro- vinces, dans les départements du midi et dé l’ouest de la France ; IL fut procédé, par la voie du scrutin secret, à la nomination des quatre autres Secrétaires généraux. A ces conditions bien spécifiées, le Congrès scien- tifique devait avoir lieu à Bordeaux. L'Académie éprouvera sans doute quelque surprise, en apprenant qu'aucune réponse n'a été faite à la let- tre écrite au Congrès, par le Président de la réunion des délégués des Sociétés savantes de Bordeaux, et enfin, en lisant ces quelques mots consignés au pro- cès-verbal de la séance du Congrès, à Orléans ( 19 sep- tembre 1851 ) : «Il a été décidé, hier soir, que la prochaine session du Congrès scientifique de France ( la 19°), aura lieu à Toulouse; Arras est désigné comme siége de la 20° session. » Je ne me permettrai pas, Messieurs, d'interpréter les pensées que cet épisode de notre année académique a dù faire naître en vous : mon silence aura plus de force que ma parole. 996 Une seule réponse était digne des Sociétés savantes de notre ville, et il vous appartenait d'en prendre l'i- niliative : c'était la résolution de créer par elles-mêmes un Congrès pour 1853, dans lequel seraient appelés principalement les éléments scientifiques et littéraires de toutes les parties méridionnales de la France. RAPPORTS AVEC LES AUTORITÉS. L'Académie prie les autorités d'agréer l'expression publique de sa reconnaissance, pour les preuves de bienveillance qu'elle a reçues de leur part dans le cours de cette année. M. le Micistre de l’Instruction publique Jui à ac- cordé de nouveau une allocation de 300 fr., comme faisant paraître une publication. M, le Préfet a bien voulu continuer de lui envoyer les volumes des brevets d'invention tombés dans le domaine public. Il l’a consultée, pour connaître la disposition des différents sols du département, et la Compagnie s'est empressée de répondre à celte marque de confiance. Le Conseil général du département et le Conseil mu- nicipal de Bordeaux vous ont continué leurs encoura- gements. Grâces leur en soient rendues, ainsi qu'aux magistrats qui vous ont prêté leur appui. Enfin, n'oublions pas en ce jour la presse borde- laise, qui a témoigné de ses sympathies pour vos tra- vaux, et a acquis également des droits à votre gra- titude. ot de] 1 TRAVAUX DES MEMBRES CORRESPONDANTS. Ces travaux, depuis votre dernier Compte rendu, n'ont pas élé aussi nombreux que vous l'auriez désire. Cependant, quelques-uns de vos correspondants ont ré- pondu aux vœux scientifiques et littéraires que vous exprimez si souvent, et que vous cherchez à faire naf- tre et entretenir dans les esprits. MM. Marcel de Serres, Vallot, Cazenave (de Lu- bersac }, vous ont envoyé des Mémoires manuscrits MM. de Vivens, Vallot, Eusèbe Castaigne, Bordes, vous ont adressé des ouvrages imprimés. Les Mémoi- res manuscrits sont au nombre de trois, les Mémoires imprimés au nombre de quatre. Ouvrages manuscrits. Note en réponse au Mémoire de M. Lacour, sur l'o- rigine, chez un peuple noir et africain. de la lanque hébraïque et du monothéisme hébreu; par M. Marcel de Serres, professeur à la Facalt£ des sciences de Mont- pellier. (Reçu le 7 novembre 1850; Rapport de M. Charles Des Moulins, dans la séance du 29 décembre 1850.) Notre membre correspondant nous avait envoyé, en 1848 , un Mémoire sur l'ancienneté des races humai- nes, qui fut imprimé dans les Actes de l'Académie. 98 L'auteur y développa l'opinion généralement admise, que ces races dérivent toutes d'une souche unique, qui est la race blanche, la plus supérieure et la plus perfectionnée au physique et au moral. Il soutint, comme preuve incontestable, que toutes les races unies sont fécondes; mais que dans leur réunion, il en est une qui les absorbe toutes, imprime tellement son ca- ractère au méfis qui en provient, que ce caractère devient dominant. Qu'ainsi donc, c’est vers la race blanche caucasique que les tribus humaines tendent à remonter lorsqu'elles se mélent les unes aux autres. En 1850, un des Membres honoraires, dont l’A- cadémie estime le plus le nom, le caractère et les ta- lents héréditaires, M. Lacour, vous communiqua un travail également inséré dans votre publication tri- mestrielle. Dans ce travail, M. Lacour à cherché à établir : que l'homme était originairement noir ; que tout dans la nature était coloré, et qu'il n'y avait rien d’ex- térieur de blanc, si ce n'est qu'accidentellement ou par l'industrie des hommes. Dans ses opinions, le blanc ne s'y rencontre pas naturellement, à moins que ce ne soit sur de très-minimes parties; la lumière elle-même se refuse à reproduire pure la couleur blanche. C'est pour l'examen de ces diverses propositions que M. Marcel de Serres a repris la plume, et vous a transmis le Mémoire que je mentionne maintenant. « Puissent ces observations, dit M. Marcel de Ser- res, en terminant, avoir dissipé les doutes qui s'étaient formés dans l'esprit d'un homme dont personne n'ap- précie plus que nous les travaux. Nous ne pouvons 999 nous éclairer que par la discussion; et un esprit de l’ordre de celui de M. Lacour ne saurait en repousser les avantages, lors même qu'elle pourrait être con- traire à ses idées. En effet, les hommes qui, comme lui, cherchent la vérité de bonne foi, ne peuvent qu'ap- plaudir aux efforts de ceux qui tendent à la faire briller de tout son éclat. » Donnons, Messieurs, nos remerciments et nos élo- ges à M. Marcel de Serres, pour avoir rendu un aussi juste hommage à un des Membres honoraires de l'A- cadémie de Bordeaux, qui mérite à tant de titres l’af- fection respectueuse de ses coliègues. C'est ainsi que la discussion des sujets philosophi- ques peut s'exercer avec fruit. Sur l'origine des ballons ou aérostats; par M. Vallot, Secrétaire de la Commission départementale des anti- quités de la Côte-d'Or. (Reçu le 5 juin; Rapport de M. Abria, dans la séance du 17 juillet 1851.) Cette Note à pour objet de prouver que le moyen de s'élever dans l'atmosphère est connu depuis long- temps. Les nombreuses recherches, les essais auda- cieux accomplis de nos jours sur ce sujet, donnent un nouvel intérêt au travail de notre correspondant. Les raisons apportées par M. Vallot à l'appui de ses asser- tions, indiquent une érudition très-étendue sur le point qu'il traite. Revue scientifique. — Observations sur les éclipses, et principalement sur celle du 28 juillet A811; par M. 600 de Cazenave, de Lubersac. (Reçu le 17 juillet; Rapport de M. Abria, dans la séance du 29 juillet 1851.) Ce travail renferme les qualités d'un esprit frappé par les grands phénomènes de la nature, et qui cher- che à les approfondir par de sérieuses études. Quelques-unes des idées scientifiques de l’auteur ont soulevé de fortes objections ; elles se rapportent aux modifications que la lumière émanée du soleil doit éprouver dans le voisinage d’un autre satellite, et à l'influence que l'éclipse peut exercer sur l'élévation de température à la surface du globe. Mémoires imprimés. Un dernier mot touchant deux questions importantes ; savoir : 1° les abords, la rade et le port de Bordeaux; 2° le chemin de fer de Bordeaux à Toulouse; par M. de Vivens, ancien ingénieur des ponts et chaussées. (Reçu le 1% mai; Rapport de M. Manès, dans la séance du 7 août suivant.) Cet honorable ingénieur, retiré à Clairac, son pays natal, consacre une vieillesse, pleine de force et de savoir, à réaliser, au profit du département de la Gi- ronde, les améliorations et les réformes qui ont occu- pé loute sa vie; il vient d'adresser cette année, au gouvernement, à nos législateurs et en même temps au public, des propositions dont le but principal re- viendrait toujours à faire sentir l'urgente nécessité de 601 désencombrer les passes du lit de la Garonne infé- rieure. En effet, il voudrait relier ensemble, Paris, Bordeaux, l'Océan et la Méditerranée. Ces nouvelles propositions seraient l’établissement d'un chemin de fer d'Agen à Bordeaux, achevant ainsi la communication rapide entre Bordeaux et Toulouse, où arrive le canal du Languedoc, en utilisant les tra- vaux du canal latéral à la Garonne. Elles s'éloignent, en ce dernier point, du projet qui a ant occupé la presse bordelaise et d’autres écrivains de notre ville, celui de M. Tarbé des Sablons, par exemple, parce que ce dernier plan impose l'obligation de détruire la partie du canal déjà en pleine activité de service, pour établir une voie de fer dans tout l'espace entre les deux villes, Bordeaux et Toulouse, ce que ue ferait jamais, d'après M. Vivens, le Gouvernement. Notre correspondant apporte à la défense des idées qu'il propose plusieurs considérations spécieuses, mais qui néanmoins attestent de ses connaissances pratiques et de l'excellence des motifs qui le dirigent. M. Manès, rapporteur de la brochure qui nous oc- cupe, après avoir résumé le projet de M. Tarbé des Sablons, dans l'examen sommaire de ces trois para- graphes : 1° La supériorité des chemins de fer sur les canaux ; 2° La possibilité d'exécuter un chemin de fer de Bor- deaux à Toulouse, en utilisant les travaux du canal, et de suppléer au canal par la Garonne améliorée; 3° L'impossibilité de l'établissement du chemin de fer après l'achèvement du canal à la Garonne; 6U2 Termine ainsi son œuvre analytique : « La proposition de substituer un chemin de fer au canal latéral de Toulouse à Bordeaux ne peut êire ac- cueillie; le tracé de ce canal n'est pas celui qui con- vient à un chemin de fer; les travaux à faire pour cette substitution apporteraient peu d'économie et ren- draient le pays malsain. » Le canal doit être achevé dans le plus bref délai possible, dans l'intérêt du commerce en général et des populations de la Garonne en particulier ; » Il importe que cet achèvement ait lieu aux frais de l'État, plutôt qu'à l’aide d'une compagnie, qui, pour une somme d'environ 18 millions, deviendrait, pendant un grand nombre d'années, maîtresse de cette belle voie; » L'achèvement du canal latéral n'empêchera point l'établissement du chemin de fer de Bordeaux à Tou- louse, qui äura d'autres intérêts à servir, et il sera facile à l'État d'engager une compagnie sérieuse à se charger de la construction de ce chemin, s'il ne veut ou ne peui l'entreprendre lui-même. » Cette conclusion, de M. Manès, devient, sur la ques- tion si importante soulevée par notre honorable cor- respondant M. de Vivens, le dernier mot de l'Acadé- mie, qui se traduit ainsi : laisser subsister ce qui a été fondé d’utile, et créer ce qui est avantageux à l'inté- rêt général. Supplément à l'ichtyologie française, et tableau qéné- ral des poissons d'eau douce de la France; par M. Val- 693 lot, docteur-médecin, ancien Secrétaire de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon. { Rapport de M. le docteur Grateloup, dans la séance du 12 juin 1854. ) L'exactitude avec laquelle M. Vallot acquitte an- puellement le tribut que l'Académie réclame de ses Membres résidants et correspondants, est toujours le sujet de vos éloges. Après vous avoir adressé une œuvre maruscrite, celle dont je vous entretenais tout à l'heure, F'auteur vous à fait hommage d'une publication imprimée; c'est un digne et savant complément de l'ouvrage remarquable qui marqua si honorablement sa place (en 1838) parmi les naturalistes de notre pays, dont les travaux ont contribué à faire connaître les poissons d’eau douce de la France. Trois brochures imprimées de M. Eusèbe Castai- gne : 1° Discours nouveau sur la mode. ( Reçu le 3 juillet 1851; Rapport de M. d'Imbert de Bourdillon, dans la séance du 13 juillet 1851. ) Le Discours nouveau sur la mode, pièce de poésie de 436 vers environ, parut en 1613 sous le voile de l’ano- nyme , el eut une très-grande vogue. Celle pièce était devenue tellement rare de nos jours, qu'on pouvait la regarder comme n'existant plus. Notre correspondant, dans ses recherches bibliographiques, l'a retrouvée et ressuscitée pour ainsi dire, en la faisant réimpri- mer et en la répandant. Ce morceau de poésie est cu- ricux; il nous révèle, dans les fréquents et bizarres 604 changements que subissaient les anciens costumes de nos pères, quelques secrets des mœurs qui animaient ces époques éloignées. Cette édition contient des notes curieuses et des ré- flexions intéressantes sur le siècle où remonte le texte. Quelques obscurités historiques et grammaticales de celui-ci sont éclaircies par une érudition pleine de sagacilé. 2° Lettre à M. S. Houdart, membre correspondant de l'Académie de médecine, auteur des Études histori- ques et critiques sur la vie et la doctrine d'Hippocrate, et sur l'état de la médecine avant lui. — Sosander, vé- térinaire, frère d'Hippocrate. — Étymologie et symbo- lisme du nom d'Hippocrate. (Reçu le 29 juillet 1851; Rapport de M. Costes, le 18 décembre 1851.) Le sujet qu'elle traite serait très-intéressant pour un bibliophile tel que Théophile Jacob. Un moine et chro- niqueur grec, postérieur de plus de quinze cents ans à Hippocrate, a écrit que celui-ci avait un frère nommé So- sander, exerçant la médecine des chevaux et de tous les animaux domestiques. Tel est le fait de parenté qu'il faut éclairer. M. Eusèbe Castaigne reproduit le texte où le chroniqueur a puisé : c’est an épigramme de l’antho- logie grecque. On voit bien, dans cette pièce, que l’au- teur y qualifie, et d'une manière exacte, Hippocrate de médecin des hommes, et Sosander, de médecin des chevaux ; mais on n'y retrouve rien qui ait quelque rapport à leur parenté. Il est donc impossible de sa- voir si ce compilateur est ou non dans l'erreur, et l'on est forcé d'en rester à de pures suppositions plus ou moins croyables. Voilà où en arrive la question. C2 605 Puis vient le commentaire sur étymologie du nom de Sosander et d'Hippocrate ; enfin, quelques réflexions sur les idées symboliques des peuples anciens. Le nom d'Hippocrate est formé de hippos, cheval, et krate6, dominer, commander. Le cheval était dans l'antiquité, et il est resté dans beaucoup d’allégories modernes, le principal symbole de la mort imminente et du dernier voyage. Le nom seul du père de la mé- decine paraïssait dans cette acception dompter le cheval de la mort, ou lui commander de s'éloigner au plus vite. Notre correspondant à su montrer dans ce sujet ausi futile, son intelligence parfaite de l'antiquité grec- que et latine. 3° Rapport sur un projet de publication des docu- ments relatifs à l'histoire de l'Angoumoïs. ( Recu le 6 novembre 1851; Rapport de M. J. Delpit, le 18 dé- cembre 1851 ) C'était à l’auteur d'un Essai d'une bibliothèque histo- rique de l'Angoumois, qu'il appartenait, afin de provo- quer des recherches sévères et profondes sur l'histoire de son pays, de tracer l'ordre à suivre pour réunir, dans un seul corps d'ouvrage, les textes et originaux déjà imprimés ou inédits, enfouis dans les archives et les bibliothèques. La publication serait faite en deux parties : La première, composée d'ouvrages déjà imprimés (rerum engolismensium scriptores ) ; La deuxième ne contiendrait que des ouvrages iné- dits, pièces justificatives destinées à contrôler ler faits et à combler les lacunes / Historiæ engolismensis ins- trumenta ). 606 La première partie, la seule dont il s'agit pour le moment, fournirait la matière d’un volume in-S8e. M. Eusèbe Castaigne reproduit, dans l’ordre que pourrait recevoir leur impression, la liste raisonnée des écrits fondamentaux, des appendices et annota- tions qui composeraient ce recueil. Un pareil travail ne peut être que le produit d'une vaste instruction sur les richesses locales. Ce livre, fait remarquer en finissant notre corres- pondant, serait formé par trois indices : le premier (index geographicus ), pour les noms de lieux ; le deu- xième {index onomasticus), pour les noms des per- sonnes, et le troisième /’index rerum), pour les faits principaux mentionnés dans ces histoires. L'Académié ne peut qu'applaudir à un semblable projet de publication, et l’encourager de tous ses vœux ; elle a pensé de plus, qu'en annonçant dans ses Actes l'espérance d'une prochaine réimpression des vieux chroniqueurs et écrivains de l'Angoumois, di- rigée par l’érudit bibliothécaire &e la ville d’Angou- lême, elle satisferait les personnes qui recherchent des documents historiques sur les anciennes provinces de la France. Cris de querre et Chant d'amour, volume de noésie par M. Adolphe Bordes, de Pont-l'Évêque. ( Reçu le 1% mai; Rapport de M. Duboul, dans la séance da 15 mai suivanl. ) Ces pièces de poésie traitent divers sujets histori- ques et élégiaques, ou bien sont consacrees à de pu- res fantaisies d'imagination. 607 L'Académie comprend et approuve les agréables dé- lassements que procurent les muses; aimer les vers et cultiver leur étude n'appartient qu'à une organisation sensible et privilégiée. Je n'entrerai pas dans l'appréciation de plusieurs formes de rhythmes dont M. Bordes a tenté des essais plus ou mois heureux; je me bornerai seulement, pour fournir une preuve du style poétique de l'auteur, à citer ces quelques vers, qui ne manquent, a dit le Rapporteur, mi de grâce, ni de fraîcheur, et respirent le calme et la mélancolie du spectacle qu'ils ont pour objet de reproduire. Ces vers ouvrent le prologue : Le soir était venu, suave, plein de charmes, Entr'ouvrant par degrés le trésor de ses larmes; Et le grillon aux champs, le merle au fond des bois, Restaient sans frisson d'aile, aussi bien que sans Voix. Saturé de parfums, de la plaine aux montagnes, : Du brin de serpolet à l’épi des campagnes, Tout remontait vers Dieu par un muet accord. Furtive et cristalline au penchant du franc-bord, Suivant son fil de jonc incliné vers la route, La source, à bruit compté, se perdait goutte à goutte ; Tandis que le soleil, à son plus bas niveau, De vapeurs en vapeurs glissant par les clairières, Jusqu'au pied du vieux chêne, aux franges des bruyères, Suspendait, plein d'amour, son chatoyant réseau... 608 RAPPORTS FAITS DANS LE SEIN DE L'ACADÉMIE PAR DES MEMBRES RÉSIDANTS, sur les ouvrages reçus par l'Académie, du 12 décembre 1850, jusqu'au 50 décembre 1851 ". Recherches sur la marche et les effets du choléra asiatique à Rochefort; par M A. Lefèvre. ( Reçu le 12 décembre 1830; Rapporteurs, MM. Marchant et E. Dégranges. ) Cette brochure fait connaître les qualités remarqua- bles du médecin observateur et de l'écrivain; elle a 72 pages d'impression in-8°, avec un plan de la ville de Rochefort, où est indiquée la marche du choléra, et plusieurs tab eaux synoptiques destinés à grouper des détails sur la maladie et à les rendre plus clairs. L'ouvrage embrasse les trois épidémies de choléra de 1832, 1834 et 1839, qui sont résumées dans un pa- rallèle entre les divers points scientifiques soulevés par l'invasion de la maladie; sa durée, son développe- ment dans tel ou tel quartier; sa marche; le sexe, l'âge des personnes atteintes ; la question de la conta- gion et celte du traitement. Cette étude médicale, faite avec un talent remar- quable, n’ajoute cependant rien à ce qu'on savait déjà sur le choléra-morbus; elle met seulement en évidence * Ces ouvrages sont au nombre de quarante-un imprimés, en volumes in-80, in-12 et brochures plus ou moins volumineuses, et de treize Mémoires manus- crits. 609 quelques faits qu'il est toujours utile de signaler et de joindre à ceux qu'on à déjà recueillis. Ainsi, l'épidémie est arrivée du nord de la France, qu'elle avait envahi primitivement. Elle a d'abord frappé simultanément, dans quelques points de la ville et des faubourgs, des individus iso- lés n'ayant pas de communication entre eux. Elle à ensuite paru concentrer son action sur cer- tains quartiers assez étendus, d'où elle a gagné et s'est fixée dans le second foyer moins vaste, et enfin dans le troisième plus limité. Au sein des faubourgs, elle a sévi sur les rues diri- gées du nord-est au sud-est; elle s’est montrée aussi, mais en les épargnant, dans les rues dirigées du nord au sud. On a remarqué qu’elle paraissait progresser du nord- est au sud-ouest. Les centres principaux de l'épidémie sont composés par des foyers partiels constitués par l’agglomération de plusieurs maisons; celles-ci sont placées sous des causes permanentes d'insalubrité : elles sont humides, sans lumière, sans ventilation, en contre-bas du sol, sans écoulement des eaux ménagères, qui croupissent dans des égouts; elles sont encore incommodées par une mauvaise disposition des lieux d'aisance. Ces constatations viennent servir d'appui aux idées de l'infection. C'est surtout dans l'hôpital de la marine qu'on à vu se caractériser, dans quelques salles, cette tendance à la formation de véritable foyer où îes symptômes cholériques se sont développés. (Salle 8, entre autres de l'hôpital, sur 37 hommes entrés dans 610 la première huitaine d'août 1849, pour diverses mala- dies, 25 sont devenus cholériques et 15 sont morts.) Le séjour préliminaire dans cet établissement a été une des principales prédispositions pour contracter la maladie. Les femmes ont proportionnellement été plus attein- tes par la maladie, que les hommes ( sans qu’on puisse assigner une cause appréciable à ce résultat ); les en- fants, plus que les adultes, et le chiffre de leur mor- talité relative a été plus élevé. Les professions n'ont paru exercer aucune causalité marquée et directe sur le développement et la marche des symptômes épidémiques. La mauvaise alimentation, celle consistant principa- lement dans l'absence presque absolue de soupe et de viande, et dans l’usage de poisson salé, fumé; de co- quillages; de salade verte, préparée avec huile de noix el vinaigre de melons; de mauvais fruits, etc., a paru exercer une prédisposition fâcheuse. IL faut constater les mêmes effets pour les habitudes de débauche et d’intempérance. Les impressions morales, surtout celles de la crainte, n'ont pas semblé agir activement sur la production de la maladie; on a même recueilli plusieurs exemples négalifs. 1 Un grand nombre d'états maladifs de différentes na- tures : intermittents, éruplüifs, organiques, trauma- tiques même; l'infection syphilitique, n'ont pas empè- ché, par leurs désordres spéciaux, l'invasion plus ou moins rapide des symptômes du choléra. L'étude du mode de propagation n'a pas donné la 611 prédominance à l'idée de contagion; au contraire, les faits ont été de nature à repousser cette idée; toute- fois, sans avoir à ce sujet une certitude complète. Ce qui a combattu l'idée de la contagion, c'est (en dehors de la localité seule de l'hôpital militaire ) l'im- munité qui a existé dans le Bagne, parmi les gardiens, les garçons d’amphithéâtre, les personnes faisant le service des sépultures; dans la Prison civile, l'Hôpital civil, les Casernes, les régiments d'artillerie et d'in- fanterine de marine; l'hospice des Orphelines, habité par de jeunes et vieilles femmes; ie Collége et les au- tres pensions de la ville. Ces nombreux faits n'ont trouvé qu’une exception : elle s'est rencontrée dans le 72° régiment de ligne, habitant la même caserne que l'infanterie de la ma- rine, et qui a eu 40 hommes frappés par !e choléra, dont 25 ont succombé. La durée de l'épidémie n’a pas excédé deux mois. Après ce laps de temps, l’innocuité absolue a reparu comme auparavant dans tous les foyers où avait régné la maladie, quoique les causes locales restassent tou- jours les mêmes. Ni les personnes, ni les objets en contact avec les lieux infectés, n’ont transmis la maladie. La mortalité moyenne, dans les trois épidémies, à été des deux tiers des individus atteints. Les moyens de traitement, quoique variés, dans les {rois épidémies, n’ont obtenu, comme toujours, d’au- tre résultat, que de constater leur commune impuis- sance. 612 Le remède à cette formidabie affection n’est pas en- core trouvé. M. Quoy, deuxième médecin en chef, a expérimenté les injections salines dans les veines. Cette médication hardie n’a pas eu d'efficacité; elle a prouvé seulement qu'elle ne présentait pas les dangers qu'on aurait pu lui attribuer. Tel est sommairement l'ouvrage de M. A. Lefèvre, déjà honorablement connu par d’autres publications estimées à juste titre. M. Léon Marchant, auquel vous avez remis l'exa- men de cette brochure, se propose d'établir, sur les observations et les détails qui y sont savamment coor- donnés, une question médicale toute dè doctrine. Le travail de M. Lefèvre servira à démontrer les consé- quences pratiques résultant de cette synthèse Des preu- ves scientifiques ne peuvent être mieux choisies et mé- riter plus de croyance. Sur des expériences d'optique concernant le système de Newton sur la lumière; par M. A. Maizières; Reims. ( Reçu le 12 décembre 1850; Rapport de M. Abria, fait le 5 juin 1851.) Sur le vaisseau aérien; par le même auteur. ( Reçu le 22 janvier 1851; Rapport de M. Abria, le 5 juin 1851.) De. la Législation sur les brevets d'invention; par le même auteur. {Reçu le 5 juin 1851; Rapport de M. Durand, le 12 juin 1851.) L'auteur de ces brochures, ancien oflicier de l'U- 613 niversité, membre correspondant de l'Académie de Reims, a parcouru une longue carrière scientifique, en s'occupant toujours de questions d'un haut intérêt. Dans son honorable vieillesse, il n’a pas délaissé les habitudes de ses années de virilité; on peut même ajou- ter qu'il les a conservées presque avec la même force. Il aime à répandre les idées qu'il croit utiles, et celte disposition généreuse prouve en sa faveur. C'est ainsi que vous avez reçu, avec beaucoup d’au- tres Sociétés savantes sans doute, les fruits de ses tra- vaux et de ses longues méditations. L'âge y a imprimé ensemble ses qualités et ses défauts. L'Académie lui doit et lui adresse des remerciments pour le souvenir scientifique qu'il jui a donné; elle à fait analyser ces trois ouvrages, el a reconnu, au milieu de nombreu- ses preuves de savoir : 1° Que les objections adressées à la théorie des on- dulations de la lumière n'étaient pas fondées, et qu’au- contraire la science exacte les renversait; 2° Quant à ce qui concerne la direction des ballons, sujet que nous retrouverons dans une autre partie de ce Compte rendu, la question est seulement posée : c'est l'emploi d'une machine à vapeur; mais, après avoir exposé trop orgueilleusement des calculs vrais en eux mêmes, el applicables seulement à des situations données, des faits considérés d’une manière isolée, l’au- teur n'indique absolument aucun moyen d'exécution ; 3° Dans les réformes sur la Législation des brevets d'invention, que l'auteur à présentées comme matériaux préparatoires de la future loi du pouvoir gouverne- 614 mental, on retrouve sur ce sujet important les vœux généreux d'un esprit éclairé, qui a été frappé par les nombreux abus touchant au développement et à la conservation de la richesse inventionnelle, Ces utiles modifications à la loi qui régit mainte— pant cette matière, sont contenues dans un projet de vingt-deux articles. La racine des abus y est nette- ment touchée dans la demande : 1° D'un mouvement progressif au sein des Lycées communaux, par la création de trois cours nu agricul- ture, d'industrie et de commerce; 2 D'une école normale, pour préparer cet ensei- gnement ; et pour le faire surveiller par des inspec- teurs ; de concours pour la rédaction de livres élé- mentaires; de récompenses aux élèves; 3° De l'institution d’un jury départemental, conve- nablement établi, pour que son personnel se renou- velle sans l'affaiblir ou le détruire, avec ses membres justement rétribués; jury qui exercera sur tous les faits de son ressort une exacte surveillance; 4° La création d'un livre des inventions par dépar- tement, et d'un grand livre des richesses invention- nelles pour toute la France; 5° Enfin, d'une caisse populaire, d’abord établie par un emprunt, puis ensuite alimentée par la vente des produits inventionnels et devant servir plus tard aux frais de l'enseignement. Quoi qu'il en soit des tentatives philanthropiques tentées maintenant à la tribune anglaise, pour amélio- rer les dispositions législatives qui ont trait aux pro- 615 duits inventionnels, l'Académie a le regret de croire que les espérances de M. Maizières, partagées par elle-même, n'ont pas encore atteint l'époque de leur réalisation. Arithmétique élémentaire; par Perrière, de Bor- deaux. (Recu le 12 décembre 1850; Rapport de M. Blatairou , le 12 novembre 1851.) | Cet ouvrage d'un professeur estimable, qui l'a of- fert à l'Académie avec l’expression écrite de la défé- rence la plus parfaite, renferme deux parties, l'une imprimée en 1846 ( arithmétique élémentaire ); l’au- tre-en 1850 ( règles d'intérêts et d'escompte ), et for- me un volume in-8° de 268 pages. Il commence par des notions préliminaires sur la numération des nombres entiers et fractionnaires ; l'exposition du système métrique; les quatre premiè- res opérations de l’arithmétique sur les nombres en- tiers et les fractions; l'extraction des racines carrées et cubiques des mêmes nombres; la théorie des rap- ports et des proportions, elc. Il termine par la démonstration d’un grand nombre de procédés employés par les commerçants. pour cal- culer les intérêts et les escomptes, pour déterminer l'échéance moyenne des divers effets, l'époque à la- quelle on doit payer le solde d'un effet sur lequel on a fait diverses avances, etc. Enfin, par l'exposition de nombreux détails sur la manière de dresser les comptes courants simples et les comptes conrants d'intérêts. 616 Le mérite d'un travail sur un sujet si souvent (raité, ne consiste pas à présenter des considérations nouvel- les. Ce qui en constitue le véritable mérite, comme dans l'ouvrage de M. Aug. Perrière, c’est l'exactitude et la précision des définitions, l'ordre et l'enchaîne- ment des idées, la simplicité et la clarté de l’exposi- lion; et, sôus ce rapport, le livre dont nous présen- tons la sommaire analyse est très-remarquable. L'Académie remercie l'auteur, de l'hommage qu'il lui à fait de son livre; elle pense que cette œuvre at- tcindra le double but proposé; savoir : faire connaître les éléments de l'aritkmétique, et aussi former, par l'étude de cette science, l'esprit des enfants à des ha- bitudes logiques. Notice historique sur la famille des Andron de Bourg ou Lanssac ; Notice historique sur les seigneurs de Lanssac (Bourg ; Gironde. — Hl° Partie) de Saint-Gelais de Lésignan de Lanssac (1510-17); par M. Grellet-Balguerie ( Re- çues le 23 janvier 1851; Rapport de M. J. Delpit, fait le 1° mai 1851.) ( Un troisième Mémoire, sur les Rudel, de Blaye, avait été envoyé par l'Académie, le 6 février 1851, par le même auteur, qui l'a retiré quelque temps après pour y opérer des modifications. ) Ces deux Mémoires sont manuscrits et ont entre eux des connexions très-étroites. L'auteur dit lui-même qu'il n'a pas eu la prétention de donner la généalogie complète de ectte ancienne 617 famille..…..; mais il n’a voulu que recueillir et mettre en ordre quelques notes. Il faut reconnaître qu'il a atteint son but, grâce à beaucoup de patience et de zèle, et, de plus, à un amour véritablement remarquable des études sérieu- ses. Il a été encore plus loin : toutes les fois que l'oc- casion s'en est présentée, il a abordé les questions historiques pleines d’un haut intérêt. Nous devons dire cependant à M. Grellet-Balguerie, en toute franchise, qu'au sujet de l'origine du nom des Andron, il s’est livré à des conjectures ingénieu- ses, sans doute, mais trop hasardées, et qui ne peu- vent être expliquées par des renseignements histori- ques connus : c'est une tendance à l'erreur, inhérente aux études archéologiques et historiques. Les étymo- logies, pour devenir utiles, doivent être examinées avec le plus grand soin, n'être nullement forcées, et être justifiées par des citations placées d’une manière convenable, n’embarrassant pas la marche du récit. Je terminerai par la reproduction du passage du Rapport de M. J. Delpit : « Ce Mémoire (le second ) est plus complet que le précédent. Les patientes investigations du jeune ar- chéologue ont été chercher, dans cet immense amas de documents que l'existence du seizième siècle nous a laissés, une foule de renseignements qui paraissaient sans intérêt, mais d'où il a fait surgir quelques gran- des figures qui y étaient pour ainsi dire enfouies et perdues. » M. Grellet-Balgucrie n’a pas négligé de traiter 39 618 les questions historiques qui se rattachaient plus ou moins à son sujet : ainsi, à propos des prétentions des Saint-Gelais à la seigneurie de la terre de Lésignan , il a donné quelques notes carieuses sur l'histoire de Mélusine; plus loin, il nous a montré la ligue, pre- nant naissance à Bourg. » Rrfutation abrégée des erreurs et fausses assertions émises par Gibbon. Brochure philosophique de M. de Paravey, membre da corps du génie, des ponts et chaussées; l'un des fondateurs de la Société Asiatique de France. ( Reçu le 23 janvier 1851 ; Rapport de M. Ch. Des Moulins, le 6 mars suivant. ) Sur divers systèmes relatifs à l'histoire des végétaux. Brochure imprimée; par le même auteur. ( Extrait des Actes de la Société linnéenne, 1" livr. du 10 juin 1851.) ( Reçu le 3 juillet.) Le premier de ces Mémoires, emprunté en partie, pour le fond , à un auteur anglais ( Watson), offre une biographie partielle de Gibbon, et une appréciation de plusieurs phases de ses opinions philosophiques et re- ligieuses. C'est un sujet purement de controverse re- ligieuse, qui ne se trouve lié à aucune question scien- tifique ou morale. On doit signaler l'euchaînement logique avec lequel ce travail est conduit; les qualités estimables de l'écri- vain et de l'érudit s'y révèlent à chaque ligne. La seconde communication nous a fait connaître que des livres de sciences réputés chinois, et donnés pour tels par des Chinois eux-mêmes, leur ont été appor- 619 tés de l'Occident, et que Fun d'eux figure un druide assis sous un chêne. Un autre document, plus important, traite de l’ori- gine végétale du succin, que l’auteur place parmi les résines fossiles, et de cette circonstance, que les li- vres Chinois rangent les truffes comestibles dans les champignons, ainsi que nous le faisons nous-même. Enfin, le dernier document se rapporte à l’un des arbres qui donne le succin, et à l'étymologie du nom de cette substance en Arabe. Ces notes, tracées par M. de Paravey, témoignent d'un grand savoir et d'une connaissance approfondie des langues orientales. Ce jugement est encore confir- mé, et d'une manière même surabondante pour la Com- pagnie, par les autres envois que nous a fait cet auteur : 4° D'un catalogue de ses ouvrages; 20 D'une table sommaire des matières contenues dans un volume paru en 1826, et portant pour titre : Essai sur l'origine unique et hiéroglyphique des chiffres et des lettres de tous les peuples, précédé d'un coup d'œil rapide sur l'histoire du monde; 3° D'une brochure intitulée : Note sur le patriarche Abel, retrouvé dans les livres sacrés des Indous, et cité sous le nom de Vrihaspati. Recueil de poésies à l'usage des jeunes personnes; par M. J.-P. Worms, chef d'institution à Bordeaux. (Reçu le 23 janvier 1851; Rapport de M. Duboul, fait le 10 avril 1851.) L'Académie recommande ce volume de poésie, con- 620 tenant plus de 250 pages, à l'attention des institutri- ces et des maîtres qui se vouent à l'éducation des jeu- nes demoiselles. C'est une suite de tableaux naïfs et ingénieux, dans lesquels l’auteur a fait entrer les en- seignements les plus capables d'exercer une heureuse influence sur ses élèves. Dans ce langage vraiment pa- ternel et si convenable pour la forme, il les instruit et les moralise en les intéressant. Plusieurs brochures de M. William Stewart : 1° Causes des explosions des chaudières à vapeur et des moyens de les prévenir ; 2% Moyens de prévenir les accidents des chemins de fer ; 30 Recherches sur la cause des dégradations des ponts de la métropole; des moyens employés pour y remédier, et moyen nouveau pour les prévenir ; 4 Proposition pour écarter les inconvénients des eaux ménagères et des lieux d'aisances; 5° Localité proposée pour la construction du monu- ment destiné à l'Exposition de toutes les nations de 1851. ( Reçus le 6 mars 1851; Rapport de M. Manès, fait ie 1° mai suivant.) Les travaux de M. Stewart ont toujours mérité la reconnaissance des bommes qui s'intéressent à lhu- manité; ses travaux n'ont pour but que des choses d'utilité générale. On doit remarquer dans les brochures mentionnées aujourd'hui, et comme tenant le premier rang par sa haute importance, celle qui s'occupe des causes d'ex- 621 plosion des chaudières à vapeur, et des moyens de pré- venir ces explosions. Après avoir reporté ses souvenirs sur Îles nombreu- ses inventions mécaniques industrielles de plasieurs genres, trouvées par M. Stewart depuis 1824 jusqu'en 1847, et en lisant les détails de ses nouvelles recher- ches, l’Académie a acquis la preuve incontestable des ressources que possède l'imagination de cet ingénieur, et du désir constant dont il est animé pour le progrès des arts utiles. L'Académie ne doit pas oublier que M. Stewart a toujours pris part à l'examen des grandes questions intéressant notre pays. Excursion agricole et scientifique dans l'Anjou; par M. Ch. Laterrade. ( Recu le 20 mars 1851; Rapport de M. Saugeon, le 20 avril suivant.) La valeur d’un écrit ne dépend pas de son étendue. Cette juste réflexion peut être appliquée en ce moment et à l'occasion de l’opuscule intéressant de M. Ch. La- terrade. Vous avez suivi l’auteur au milieu des campagnes de l'Anjou, les comparant avec les nôtres, pour ce qui concerne la nature du sol, les amendements employés, la réalisation plus ou moins prompte des produits, l'aisance des cultivateurs, l'emploi des machines à bat- tre, l'élève du bétail, la production du miel, etc. , etc. Vous avez aussi parcouru avec lui, la houblonnière, les pépinières d'Angers, le jardin des plantes de cette ville, ainsi que celui de la ville de Nantes; enfin, les 622 pittoresques et périlleusesardoisièresdu grand carreau. Cette brochure peut être résumée en ces mots : va- leur de pensées et de style. Maladie du raisin et de la pomme de terre en Suisse, en 1851. Mémoire manuscrit de M. Ch. Laterrade. (Reçu le 6 novembre 1851; Rapport de M. Ch. Des Moulins, le 13 du même mois. ) Si nous ne faisons que mentionner ici ce Mémoire, dont l'impression à été votée par l'Académie, et qui d'ailleurs est renfermé dans ce 4° trimestre de nos Actes ( voyez plus bas), c'est que nous avons reconnu le vérité de cette phrase du Rapporteur : « S'il est vrai de dire que ce travail est malaisé à analyser, à réduire, c'est parce que ce travail est tout substance. » Éloge académique de M. le docteur Blanche; par M. le docteur Vingtrinier. ( Reçu le 20 mars 1851; Rapport de M. Dégranges, le 1° mai 1851.) Cet éloge a été lu dans le sein de l’Académie des Sciences, Lettres et Arts de Rouen, le 3 août 1849. IL est destiné à payer un tribut de regrets et de haute estime à la mémoire d'un savant médecin de Rouen, honoré pendant sa vie des distinctions les plus flatteuses, de la part de ses confrères et de ses conci- toyens, et qui en était digne sous tous les rapports. Ce savant était M. le docteur Blanche, médecin en chef de l'Hospice général de la Maison de détention et de l'Asile des aliénés, et professeur à l'École de médecine de Rouen; lequel avait, pour ainsi dire, 623 fondé dans cette ville la plupart @les établissements qu'il dirigeait. Ainsi, dans son enseignement particulier à l'Hôtct- Dieu, depuis l’année 1810, et qui était désigné par le nom d'École Blanche, il avait commencé par établir ses cours d'études médicales aussi complètes que pos- sible, et par là, pour ainsi dire, il fut le créateur de l'École de médecine de Rouen, fondée en 1822. Dans la Maison de détention, dont la population était de sept à huit cents individus, il avait obtenu d'en consacrer un quartier au traitement des fous, ser- vice dans lequel il importa les idées et appliqua les préceptes des Pinel et des Esquirol. C'est cette inno- vation, développée avec succès, qui suggéra la pensée d'établir un Asile pablic d’aliénés. De cette école du docteur Blanche, sont sortis des élèves distingués, et entre autres, celui qui fait con- naître tous ces détails, le docteur Vingtrinier, digne successeur de son maître dans l’étude des aliénations mentales, et dans la direction médicale de la Maison de détention de Rouen. L'auteur de cétte brochure à compris qu'un éloge académique ne devait pas se borner à de simples traits biographiques, mais mentionner et faire connaître, en outre, les principaux ouvrages de celui dont on re- produit la vie; c'est pourquoi il a analysé les princi- pales productions de la plume du docteur Blanche, comme son Discours sur les songes , envisagés dans leurs rapports avec les maladies (1818 }; ses Mémoires 1 sur une épidémie de fièvre typhoïde qui frappa la Mai- 624 son de détention ( 818 ), et sur une Épidémie varioli- que observée à l'Hospice général (1838 ); son Compte rendu de la Société Philharmonique du Calvados, ou- vrage contenant des détails historiques sur l’Influence morale de la musique ( 1829 ); enfin, ses Voyages en Suisse en 1829 et 1832. L'auteur de cet éloge mentionne d'une manière toute spéciale, et je crois également devoir mention- ner auprès de vous, deux opinions du docteur Blan- che, qu’il a constamment soutenues, et deux fois d'une manière solennelle, en 1828 et 1842, à l’Académie de Rouen : La première de ces opinions, à laquelle le docteur Vingtrinier vient encore donner l'appui de son expé- rience éclairée, dans quelques pages vigoureusement pensées, et qui pour ma part me paräissent contenir la vérité, c'est que les aberrations mentales peuvent se circonscrire dans le cercle étroit de quelques idées fausses, ou mème d’une seule. Une seule idée fausse, folle, peut conduire à l’aliénation des facultés intel- lectuelies générales et de la liberté morale. D'où il est arrivé, qu'une idée monomantaque a pu conduire quel- ques individus à des actes meurtriers. La seconde opinion du docteur Blanche touche aux faits magnétiques. Si sa croyance sur ces observations n'alla jamais aussi loin que celle des autres magnéti- seurs, elle parvint néanmoins à ce résultat, que ces faits méritent beaucoup de circonspection dans le juge- ment. De plus, que le magnétisme devait être employé dans plusieurs cas de maladie du système nerveux. 625 M. le docteur Vingtrinier paraît s'abandonner à cet ordre d'idées, dans lequel l’Académie de Bordeaux ne peut entrer. Je finirai cette analyse de la brochure intéressante et pleine de détails instructifs de M. Vingtrinier, en faisant connaître qu'un monument a été élevé, dans l'Hôtel - Dieu de Rouen, à la mémoire du docteur Blanche, par les soins réunis et reconnaissants des ad- ministrateurs des hospices, de la municipalité et de l'Académie de cette ville. C'est la récompense que devrait obtenir toute vie honorable et laborieuse, consacrée à secourir l’hu- manilé. Montrer quelles modifications, dans les mœurs publi- ques et privées, paraissent être le plus favorables aux progrès de l'agriculture et à la moralité comme au bien- être des populations agricoles { anonyme ). ( Reçu le 6 mars 1851; Rapport de M. Petit-Lafitte, le 7 août 1851.) Cette brochure de 77 pages, sans nom d’auteur, imprimée à Reims, est plutôt un Mémoire de politique que d'agriculture et d'économie sociale; aussi nous contentons-nous de le mentionner, en ajoutant que ce sont des théories pour lesquelles il faudrait créer une société toute spéciale. Le bande Garibaldiane a San-Marino, racconto sto- rico del capitano Oreste Brizi Arestino, chevalier de plusieurs ordres civils et militaires, décoré d'un grand 626 nombre de médailles, et consulteur militaire de la république de Saint-Marin. ( Reçu le 20 mars 1851 ; Rapport de M. Duboul, fait le 15 mai 1851. ) Cette brochure italienne, de 25 pages de texte, avec 18 pages de notes, est arrivée sans aucun autre inter- médiaire à l'Académie; elle portait seulement l'hom- mage plein de déférence de l'auteur pour la Compa- gnie, hommage écrit de sa main°et accompagné de ses nombreux titres académiques. Cet ouvrage fait connaître les événements qui se passèrent aux frontières de la république de Saint- Marin, le 31 juillet 1849, alors que les bandes en dé- route de Garibaldi s'y présentèrent. Tout le monde sait que la république de Saint-Ma- rin, bâtie sur un rocher, et dont l'existence remonte au troisième ou au quatrième siècle, s’est toujours maintenue dans une ligne de conduite conforme à la pensée de son fondateur, et exerce encore de nos jours l’entière liberté de ses actes au sein de l'Italie autrichienne et papale. L'auteur décrit avec une exactitude parfaite l'aspect des troupes de Garibaldi, dont l'effectif était de 1,500 fantassins et de 300 chevaux; il trace d’une manière saisissante la position embarrassente et périlleuse où se trouva dans ce moment la république de Saint- Marin, placée, pour ainsi dire, sous l’épée de l'Au- triche, de Rome et de la France, et qui sut néan- moins, grâce à celle présence d'esprit, à ce tact et à ce rare bon sens dont elle avait déjà donné tant de preuves dans sa longue et curieuse histoire, conserver 627 et servir ses sympathies politiques sans compromettre son présent el son avenir. Dans ce curieux épisode des ne de Garibaldi à Saint-Marin, M. le capitaine Oreste Brizi, consulteur militaire de la république, fait connaître toute l’ac- tivité, le courage hardi et prudent tout à la fois de sa patrie, dont il défend la conduite avec chaleur. Cette brochure a de l'intérêt; le style en est soigné, sinon tout à fait exempt de ce défaut d’enflures si commun de tout temps, et surtout depuis quelques années, à la littérature italienne. La critique histori- que en esi digne, impartiale et modérée. S'il apprécie quelquefois sévèrement, du moins il le fait avec une retenue pleine de bon goût et sans jamais injurier ses adversaires. Ces qualités doivent le faire consulter avec con- fiance par toutes les personnes qui voudront connaître en détail la terminaison de la campagne de Garibaldi en 1849. Réponse au journal La Presse, sur la maladie des pommes de terre; par M. Leroy Mabille. (Reçu le 10 avril 1851; Rapport de M. Laterrade, le 29 juillet 1851.) Ce travail a paru le 10 mars dernier, à Boulogne-- sur-Mer. M. Leroy Mabille s'élève contre l'opinion de M. Payen, qui prétend que le précieux tubercule échappe à la maladie s’il est planté en automne, parce qu’alors la pomme de terre est mûre avant l'époque où se dé- 628 veloppe ordinairement l’affection morbide. Il attribue, au contraire, la maladie dont il s’agit, à la dégénéra- tion de la pomme de terre. Cette opinion est partagée, depuis longtemps, par notre honorable Rapporteur, M. Laterrade, qui admet toutefois d'autres causes de cette dégénération, que celle citée comme étant unique, par l’auteur de la Note. Détermination de la figure connue sous le nom d'As- cia, que l'on voit sculptée sur les tombeaux anciens ; examen de la cause pour laquelle on l'y trouve repré- sentée quelquefois ; par M. H. Ripault, docteur en mé- decine, à Dijon. ( Reçu le 20 mars 1851; Rapport de M. Durand, fait le 12 juin 1851.) On retrouve sculptée sur les tombeaux anciens, dans certaines parties de la France, la figure d’une espèce d'instrument désigné sous le nom d’Ascia, et dont l'emblème et les usages sont encore le sujet des opinions les plus diverses de la part des archéologues: M. Ripault, docteur médecin de Dijon, a fait con- naître une pierre tranchante, trouvée dans un tom- beau près de restes humains, et pouvant servir, d'a- près lui, dans des temps reculés, à des usages chirur- gicaux où au moins à l’ouverture des corps. D’après ces données plus ou moins probables, il ne balance pas à vouloir établir, à la suite de considérations éten- dues, que toutes ces figures dites Ascia, représentent des instruments ayant celte même destination. Cette opinion ne sera admise que bien difficilement par la grande majorité des hommes spéciaux sur ce 629 sujet. L'Académie continue à croire que l'espèce d'ins- trument, en silex aiguisé, dont l’image se retrouve sculptée sur quelques picrres tumulaires de nos con- trées gauloises, est encore un point douteux, énigma- tique, de recherches que la brochure de M. Ripault n'a pas élucidé. Sur les nouveaux engrais concentrés du commerce ( publication de la Societé centrale d'Agriculture de la Seine-Inférieure ). ( Reçu le 1% mai 1851; Rapport de M. Fauré, 7 août 1851.) Cette brochure in-12, de 77 pages, contient plu- sieurs Rapports de M. Girardin, professeur de chimie à Rouen, adressés à la Société centrale d'Agriculture de la Seine-Inférieure, dans lesquels il signale avec énergie les nombreuses déceptions auxquels sont ex- posés les cultivateurs trop confiants; il les prémunit contre {ant d'annonces mensongères qui inondent de- puis quelque temps les départements agricoles, pour préconiser l'emploi des engrais pulvérulents, pâteux, liquides ; annonces qui induisent en erreur par leurs promesses exagérées M. Girardin appelle sur ce fait la vigilance de M. le Ministre de l'Agriculture et du Commerce, afin de ré- glementer au plus tôt cette industrie, qui a pris un trop fâcheux développement. L'Académie ne peut que joindre ses efforts à ceux de la Société centrale d'Agriculture de la Seine-Infé- rieure, en appuyant auprès de M. le Ministre, des ré- clamations qui deviennent aussi les siennes, car le 630 département de la Gironde n'est pas oublié par les nombreux fabricants d'engrais. De la propriété pendant l'époque féodale; par M. Les- carret, avocat, à Bordeaux. ( Brochure in-8°, reçue le 17 mai 1851; Rapport de M. Saugeon, fait le 19 juin 1851.) Quoique la ressemblance entre des époques histori- ques, éloignées les unes des autres, ne soit jamais par- faite, cependant, par de nombreuses analogies, le passé peut éclairer le présent. Les études sur ce sujet présentent donc une grande utilité: et quand bien même leurs conclusions n'offri- raient pas la perfection désirable, elles auraient néan- moins l'immense avantage d'habituer l'esprit à se com- plaire dans un examen appréciateur des faits, au lieu de le nourrir des contes et des romans, qui ont bercé l'enfance des populations, et qui, sous d’autres for- mes, voudraient encore amuser leur vieillesse: Ces réflexions ont animé M. Lescarret, en le con- duisant à porter ses investigations sur un des éléments constitutifs de la nation française, la propriété féodale. Unissant, dans une heureuse combinaison, les idées émises par les historiens modernes qui font l'orne- ment de notre époque, avec un grand nombre d'aper- çus ingénieux tirés de son propre fonds, l’auteur trace les causes principales des fluctuations entre l’exten- sion du pouvoir royal et l'émancipation des commur- nes, ainsi que les luttes pleines d'un sympathique in- térêt entre le travail et la conquête, l'un reprenant, 631 par une action insensthle mais continue, tout ce que le vainqueur s'était attribué par la violence. I arrive enfin, avec tous les politiques qui ressentent les élans d'un sage patriotisme, à reconnaître la fin du régime féodal dans la révolution de 89. Il résume en ces ter- mes les conquêtes de cette célèbre époque : « Li- berté de l'individu au nom de la liberté humaine; af- franchissement de ia propriété au nom du droit; té- mérité d'affirmer qu'il n'y a rien au delà, comme aussi témérité de vouloir pénétrer avec certitude les obscu- rités de l'avenir. » Cet ouvrage est écrit avec correction et clarté, sans prolixité comme sans emphase, et sans que le style soit tourmenté pour produire des effets inattendus. M. Lescarret n'a qu'à marcher dans la route qu'il vient de s'ouvrir, l'Académie est assurée qu’il y trou- vera des succès; elle mentionne honorablement cet ou- vrage, parmi ceux qui ont paru dans le département durant le cours de l’année, et remercie l’auteur de l'hommage qu'il lui en a fait. Quelques mots sur le Concours régionnal d'Agricul- ture de Toulouse (1851). (Reçu le 15 mai 1851; Rapport de M. Petit-Lafitte, le 12 juin 1851.) M. Ernest Conduché, aide-naturaliste au Jardin des Plantes de Toulouse, a écrit cette brochure de 24 pa- ges in-12, qui vous est parvenue sans aucune lettre d'envoi. Est-ce par les soins de l’auteur? par ceux de la Société d'Agriculture de la Haute-Garonne? Ici, le doute fait toujours naître un regret. 632 La propagation de ce Compte rendu est une chose d'utilité générale, car elle fait connaître des faits im- portants. L'Angleterre, la première, a eu l'idée de cette créa- tion féconde et populaire, de réunir dans un même centre les animaux reproducteurs, les instruments, les machines et les produits agricoles. La Belgique et la France ont suivi cet exemple; mais celle-ci ne devait pas se borner à ces quelques exhibitions brillantes, mais isolées : elle devait créer des Concours par régions ou circonscriptions de plu- sieurs départements; c'est là ce que réclamait le Con- seil général d'agriculture, et ce qu'il a obtenu du Gou- vernement. En octobre 1850, le premier Concours régionnal avait lieu à Versailles; celui de la troisième région, qui nous occupe en ce moment, a eu lieu à Toulouse en 1851 : le Conseil municipai de cette ville a voté 8,000 fr. pour subvenir aux dépenses. Le succès de cette exhibition toulousaine , surtout pour ce qui concerne les animaux reproducteurs, a dépassé toutes les espérances, et a lutté viciorieuse- ment avec celui de Versailles. Les producteurs et les éleveurs y ont répondu avec une spontanéité et un un zèle pleins de bonne foi; et, en conduisant leurs animaux non préparés, ils ont donné les plus favorables augures pour l'élevage per- fectionné. as Il est à espérer que ces Concours régionnaux s’éta- bliront dans les principaux centres de la France, et | 633 qu'on en retirera tous les avantages possibles, en les dirigeant d’après les enseignements de l'économie do- mestique et de l'hygiène. Le Rapporteur de l'Académie insiste sur cette der- nière considération, consignée par M. Ernest Condu- ché, et qui mérite, en effet, une grande attention; à savoir : que, dans le croisement et l'élevage des races bovine et chevaline, il ne faut pas procéder sans prin- eipes, ni aller à l'encontre des habitudes et des be- soins de la localité ‘que l’on habite. Dans les contrées du Nord, où la race bovine n’est pas utilisée aux travaux de la charrue, le croisement Durrham doit chercher à la développer et à l'utiliser pour le lait et la viande. Ces animaux ne conviennent principalement que comme propres à l'engraissement ; aussi cet élevage, pour être tenté avec succès, néces - site-t-il avant tout une nourriture abondante pour les bestiaux. Les pays où les pâturages sont maigres doi- vent donc renoncer à ces croisements Durrham. Dans le Nord aussi, où les chevaux de la race du pays sont employés au labour, il faut maintenir leur race et ne croiser que pour les chevaux de luxe. Dans les contrées où les circonstances sont opposées, l’agriculture doit modifier sa conduite d’après ces dif- férences. Dans notre région du Midi, où les bœufs seuls, et sans le secours des chevaux, servent au labour et aux charrois, on doit se rappeler, avant de changer la race bovine du pays par le croisement Durrham, que cette race, après avoir fourni très utilement un travail pé- 10 634 nible, peut être mise à l’engrais et servir à la consom- maliou; seulement, il est de toute nécessité de recon- naître que jamais cette viande ne supportera la com- paraison avec celle des races croisées du Nord. De là, comme c'est évident, des indications difé- rentes el variables. L'Académie a pensé, sur la demande de son Rap- porieur, que ces questions importantes d'économie domestique et d'agriculture pratique méritaient d’être posées et fixées d'une manière particulière, et qu'il était urgent d'en faire un sujet pour son Concours de 1852. La Commission chargée du soin de préparer le choix de la question des prix, inscrira celle-ci dans son programme. Finissons cette analyse en disant que déjà ces ques- tions ont été soulevées par M. Chrétien ( de Noville }, Secrétaire-adjoint de la Société centrale d'Agriculture de Nancy, dans son Rapport sur l'Exposition des bes- liaux, du 3 mai 1850. ( Vey. Le Bon cultivateur, ca- hiers d'avril, mai et juin 1851, p. 166.) Observations microscopiques sur la mite du blé; par MM. Lagreze-Fossal et R.-J. Montané, pharmaciens à Moissac. ( Reçu le 15 mai 1851; Rapport de MM. Fauré et Petit-Lafitte, le 7 août suivant. ) Cette communication scientifique est digne d'intérêt sous plusieurs rapports. L'an dernier (en juin 1850 ), la cale de débarquement du quai de la Monnaie, à Bordeaux, fut mise en émoi à la suite d’une affection éruptive générale, qu'éprouvèrent subitement une 635 vingtaine de portefaix , occupés au déchargement d'un bateau rempli de blé en sacs. Cette éruption, accompagnée de démangeaisons très- vives, de phlyctènes considérables, affectait principa- lement les bras, le cou et les épaules de ces hommes, et enfin tous les endroits que les sacs avaient tou- chés, Grande fut la rumeur; il ne s'agissait de rien moins que de jeter la cargaison à l'eau, ce blé devant être empoisonné... Pareilles circonstances se pro- duisaient à la cale de Moissac. Ce blé venait de chez un propriétaire du canton de Valence, qui l'avait récolté en 1845, et l'avait gardé d'abord dans un grenier situé sous le toit, puis dans une orangerie, Où il commença à chauffer de septem- bre 1849 à juin 1850. I ne fut ni pelleté ni ventilé, el c'est ainsi qu'il fut expédié à Moissac et à Bordeaux. Notre collègue, M. Fauré, fut chargé par l'autorité de l'examen de ce blé, et du soin de rechercher et d'indiquer la cause de cet accident. Il s'aperçut bien- tôt que ce blé était couvert d’une poussière très-tenue, provenant d'une espèce de duvet à petits brins fins et aigus, produisant sur la peau le même effet que celui des orties, et qu'il contenait en outre une grande quantité de mites qui ne lui parurent pas devoir être étrangères aux phénomènes remarqués. Pendant que l'autorité faisait procéder à l'examen de ces blés, à Bordeaux, des recherches pareilles élaient rêclamées par les magistrats de Moissac. Ce furent surtout MM. Montané et Lagreze- Fossat qui y répondirent en s'aidant du microscope. 636 Ces auteurs attribuèrent à la mite seule du blé les effets qui viennent d'être mentionnés, et c’est ce petit insecte qui fait le sujet de leur brochure, et qu'ils pensent être une espèce nouvelle. Is en décrivent avec le plus grand soin les caractères anatomiques; ils font remarquer qu'il ne mulliplie en grande quantité que par le concours de plusieurs circonstances qui sont in- connues. Une expérience a prouvé que les démangeai- sons que ces miles font éprouver, n'arrivent que les jours de forte chaleur. Enfin, le blé dont elles s’em- parent, une fois nettoyé, peut servir à la confection d'un pain fort bon et fort beau, et qu'on peut man- ger impunément : c'est le résultat de l'expérience qui en a été faite. Ils ont, en outre, consigné ces descrip- tions dans des planches qui permettent de voir l'insecte sous divers états; ils lui ont assigné le nom d'’acarus tritici; et enfin ils indiquent les agents qui le lais- sent vivre el ceux qui le tuent plus ou moins vite ou immédiatement, comme l’ammoniaque du commerce. Sur la cuscute, plante parasite, qui attaque le lin, le trèfle et la luxerne; Mémoire traduit de l'italien de A. Benvenuti, par le docteur Ch. Herpin, docteur-mé- decin , à Metz. (Reçu le 15 mai 1851; Rapport de M. A. Petit-Lafitte, le 12 juin 1851.) Cette brochure s'occupe d’un point d’agronomie pratique extrêmement important, qui fut signalé d'une manière spéciale à l'attention générale, en 1819, par la Société centrale et nationale d'Agriculture. Ce con- cours n'avait pas donné de résultat satisfaisant en 1827. 637 Ce sujet fut retiré, et quelques mentions bhonorables furent décernées aux auteurs qui l'avaient étudié. En 1847, un Mémoire parut à Modène, de M. Ben- venuli; c'est celui qu'a traduit M. Herpin, avec exac- titude et élégance. On y retrouve tout ce que la science possède sur les caractères anatomiques et physiologiques de cette plante parasite, ainsi que sur son existence, et la ma- nière dont eile étend sa végétation. Mais quant aux moyens de la détruire, d'empêcher ou de limiter ses ravages, l'auteur italien, pas plus que son traducteur, n'assigne un moyen particulier et s’éloignant des ba- nalités qu'on rencontre dans tous les livres; car on ne peut qualifier autrement-la combustion des mauvaises herbes dans quelques points des prairies. Le remède pour détruire la cuscute est donc encore à trouver! Destruction économique de la lucite et du charanson vivant renfermé dans l'intérieur des grains. Brochure imprimée; par M. Ch. Herpin, docteur en médecine, à Metz. ( Reçu le 15 mai 1851; Rapport fait par MM. Fauré et Petit-Lafitte, le 7 août 1851.) Ce travail à mérité une médaille d’or à son auteur, de la part de la Société centrale d'Agriculture de Paris, en 1850. Après avoir indiqué les nombreux dégats commis par ces insectes, non à l’état parfait, mais lorsqu'ils ne sont encore que larves, l’auteur signale, soit les diverses expériences qui ont été tentées avant lui, soit celles qu'il a faites lui-même. 638 Il en résulte qu'à l'aide du tarrare mùû à une grande vitesse, il est parvenu à détruire complétement par la force du courant d'air, et surtout par les chocs brus- ques et répétés qu'il fait subir aux grains de blé, les larves ou les chrysalides de charanson ou de lucite que ceux-ci renferment, et qui sont instantanément broyés. Historical Sketch of logic, by Robert Blakey, pro- fessor of logic and metaphysiq quemis college Belfast (Irlande ). Un volume in-12. { Reçu le 15 mai 1851 ; Rapport de M. G. Brunet, le 23 août 1851.) L'Académie a remarqué d’une manière toute spé- ciale le livre de M. Robert Blakey, professeur de mé- taphysique et de logique au collége de la Reine, à Belfast ( Irlande }). C’est sans contredit une production des plus sérieu- ses et qui marche en tête de foutes celles que la Com- pagnie a reçues. Ce volume de550 pages, portant l'hom- mage autographe de l'auteur pour l'Académie, est inti- tulé : Esquisse historique de la logique, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours. Ce travail présente un relevé aussi savant que judicieux de tous les progrès et développements qu'a successivement offerts l'art de rai- sonner. Un éloge généralement exprimé ne convient pas à un pareil ouvrage; il faut en donner une ana- lyse succincte, en indiguant le plan, la marche et la division de l'ouvrage. L'auteur procède par chapitre; il s'exprime en éru- dit et en critique qui connaît parfaitement le fort et le faible de son sujet; parle des philosophes qui ont vécu entre l'école de Pythagore et celle de Zénon et des 639 anciens Grecs; de Platon, d'Aristote, dont il suit l'in- flucence sur l'art de raisonner jusqu'aux premiers siè- cles de notre ère, et de là jusqu'à Charlemagne; des écrivains Arabes et Juifs existant depuis le neuvième jusqu'au treizième siècles; de la période scolastique; des travaux de Bacon, de Descartes, de Hobbes, de Gassendi et de Locke; enfin, de tous les autres pen- seurs qui sont venus depuis Locke jasqu'à la fin du dix-huitième siècle et jusqu’à nos jours, dans les dif- férentes régions de l'Europe et de l'Amérique. M. Blakey n'a point oublié dans sa route les hom- mes qui se sont occupés de l'art de raisonner, dans l'Orient et les Indes, et il conduit ainsi son lecteur dans une sphère d'idées explorées par lui, et dont l'accès ne lui a été possible qu'après des études per- sévérantes dans des langues bien difficiles. Pour apprécier les efforts infatigables de ce profes- seur; pour ne rien omettre d’essenliel, nous dirons qu’à la fin de son volume, il a formé une liste alpha- bétique des ouvrages afférents à son sujet, et qu'il a consultés, signalés et analysés. Leur nombre s'élève à 1,100 ou 1,200 productions différentes, écrites dans une foule d’idiomes divers, et dont les noms des au- teurs sont pour la plupart inconnus. L'Académie peut juger qu'il n'existe aucun ouvrage connu qui traite le même sujet que M. Blakey, avec autant de lucidité, d’éradition et de talent. Elle pense qu'il mérite immédiatement les honneurs d'une tra- duction complète dans notre langue, afin qu'il soit mis à la portée des personnes trop rares qui se livrent à des études aussi instructives. 640 En attendant que ce vœu soit réalisé, elle procla- mera, autant qu'il dépend d'elle, l'importance et l'uti- lité de ce bel ouvrage, dont elle s’enorgueillit d’avoir reçu l'hommage de la part du professeur Blakey. De la nature de l’homme et des moyens d'améliorer sa condition; par A. Signoret, docteur-médecin, mem- bre de la Légion d'honneur. Un volume petit in-12. (Recu le 19 juin 1851; Rapport de M. Duboul, le 7 août 1851.) L'auteur, en fort bons termes et dans un très-pur langage, expose, dès sa première page, les principa- les idées de son œuvre. Quoi qu'il ait pu arriver d'améliorations providen- tielles en tous genres, les sociétés d'aujourd'hui ne sont pas plus heureuses ni moins corrompues que cel- les d'autrefois. Tous les maux viennent spécialement du désaccord de l'homme avec ses semblables, et le plus grand ên- nemi de l’homme, c’est l'homme. On peut donc affirmer que la condition de l'homme ici-bas est sinon entièrement , au mois en grande par- tie son ouvrage; d'où il suit que, pour améliorer son état, il n'aurait qu'à changer sa conduite. Celle-ci tient à son caractère, à sa manière d'être et de sentir. Est-il possible de modifier ses tendances, lesquelles tiennent de deux ordres d'éléments : les modificateurs naturels et les modificateurs moraux, c'est-à-dire les institutions, les lois, les mœurs? Tout vient prouver ce qui précède, et surtout cette pensée de M. Signoret, GA citée par le Rapporteur : L'homme s'agile, parce qu'il sent que son élat n'est point en harmonie avec sa double nature intellectuelle et morale. C'est en vain que quelques philosophes le condam- nent d'avoir ses inquiétudes, ses aspirations conti- nuelles vers une amélioration de jour en jour progres- sive. Il serait tout aussi juste, tout aussi convenable, dit avec une énergique élégance votre Rapporteur, de « condamner l'oiseau captif, parce qu'il jette dans l’es- pace des regards de douloureuse envie, et qu'il frappe les barreaux de sa cage dans l’espoir de les briser avec ses ailes, que Dieu a faites pour être libres. » Pour quiconque pense comme M. Signoret, que l’homme est perfectible, et que cette perfectibilité qui le caractérise réside dans les facultés de l'âme, le re- mède paraît trouvé : c'est l'éducation, dans toute la portée et la grandeur de ce mot; l'éducation de l'en- fance commencée par la mère, l'éducation virile en- tretenue par les sociétés et le Gouvernement. Voilà la question la plus grave dont les sociétés puissent se préoccuper, et pour laquelle on montre malheureuse- ment une si grande indifférence. On fonde des con- cours, on institue des prix pour la propagation des espèces végétale el animale; mais pour l'homme, rien. Il faut donc, pour que l'âme prenne la forme qu'on désire lui donner, et par conséquent pour qu’elle se redresse dans un sens convenable, il faut la mettre de bonne heure dans ie milieu propice. La première éducation murale de l'enfance appar- tient, nous venons de le dire, à la mère; celle de toute 642 la vie appartient aux institutions et aux mesures lé- gales, qui ne devraient jamais contrarier les lois de la nalure. L'enseignement de la jeunesse doit être surveillé par la société, prescrit et dirigé par le Gouverne- ment. L'instruction primaire doit être gratuite; les insti- tuteurs rétribués par la société. Le mariage doit être encouragé au détriment du célibat par tous les moyens possibles et comme favorable aux bonnes mœurs ; il doit être indissoluble. La société doit chercher un remède à cette situa- tion de l’homme qui n'a ni pain, ni travail, et auquel elle interdit de demander l'aumône. Un précédent utile, c'est la colonisation en Algérie, que l’on devrait tenter même sur le sol de la France; car l'agriculture est essentiellement moralisatrice; elle adoucit les mœurs. Pour cela, chaque département, arrondissement et commune , au lieu de dépenser en aumônes infruc- tueuses l'argent voté par leur Conseil, devraient l’em- ployer à louer des terres, qu'on partagerait entre les plus nécessiteux ; et l'on verrait ces colons chercher bientôt, par leur travail et leurs économies, à devenir propriétaires du sol loué, et renoncer à aller encom- brer les villes manufacturières. Tel est le tableau sommaire du plan général d'édu- cation de M. Signoret. L'Académie ne peut qu'applaudir au ton rempli de mesure et de convenance qui règne dans l'ouvrage de 643 M. Signoret et caractérise constamment sa discussion. Son livre fait réfléchir; il est le fruit de beaucoup de méditations sérieuses, de pensées philosophiques et de sages vues sociales. Peut-être, comme dans tout ce qui anime ici-bas les esprits généreux, y entre-t-il de l'illusion !...… Bulletin de la Société d'Histoire naturelle du départe- ment de la Moselle; volume in-8°, avec planches. ( Reçu le 3 juillet 1851; Rapport de M. Ch. Des Moulins, le 29 juillet 1851.) Ce recueil contient neuf articles, qu'un intérêt vé- ritable doit faire signaler par l'Académie; ils sont consacrés : 1° A la géologie et l'archéologie du département de la Moselle. Dans l'un de ses paragraphes se trouve consigné un fait que l'Académie doit relever , c’est la découverte, près d'Épinal (Vosges), de haches en pierre, disposées en cercle formant une sorte d'auréole, et offrant "beaucoup de rapport avec le gisement d'ins- truments gaulois trouvé dans la commune de Saint- Germain-d’Eteuil (Bas-Médoc), qui consistait en trente coins de bronze semblables entre eux, rangés concen- triquement à 60 centimètres de profondeur, et au mi- lieu desquels étaient placées deux petites hachettes, dont la description a été faite par M. Pellet aîné, et offerte à l'Académie ( année 1847 ), qui a récompensé ce Mémoire par une médaille. 2° Plusieurs travaux d'histoire naturelle : entre au- tres, un catalogue des animaux vertébrés de la Mo- 644 selle, et un supplément au catalogue des molusques terrestres et fluviatiles du même département. Dans un travail fort intéressant pour les malacolo- gistes, et même pour les simples conquiliologistes, concernant l'ampullaria effusa de la Martinique, sont étudiées les mœurs et les habitudes de ces molusques, soil en liberté, soit en captivité. On y trouve soulevée une question de physiologie, qui a besoin encore d'être éclaircie par des observations nombreuses : elle a rap- port à l'excoriation de la coquille, que l'auteur, M. de Saulcy, lieutenant de vaisseau, explique par cette re- marque : l’eau dans laquelle les ampullaires vivent, n'offrant pas assez de calcaire pour l'accroissement du test, elles sont obligées d'en prendre sur l'enveloppe calcaire des voisines, dans des embrassements mor- tels , ajoute ce naturaliste. Nous osons dire que plusieurs espèces fluviatiles, comme les limnées, les planorbes, et surtout les mu- lettes, offrent ces excoriations, qui ne peuvent, d’a- près nous, être rapportées raisonnablement à cet or- dre de causes. Qu'on nous permette de rappeler ce fait, en présence de l'hypothèse sur les ampullaires. Mémoire manuscrit sur la théorie de l'opposition de sens des grandeurs enfermant l'interprétation des quan- tités imaginaires; par M. Baudement, régent de ma- thématiques au collége de Bergerac. (Reçu le 5 juin 1851; Rapport de MM. Abria et Manès, le 7 août 1851.) L'Académie, pour assurer la juste indépendance de 645 ses opinions, a résolu de faire marcher avant tous les sentiments d'estime et de bienveillance qui lui sont les plus chers, celui de la vérité, qui n’en altère au- cun autre. Ainsi va-t-elle agir envers l’auteur recom- mandable qui a sollicité sa décision. M. Baudement, professeur de mathémathiques au collége de Bergerac, vous a adressé un long Mémoire algébrique sur lequel il désire avoir votre jugement. Dans ce Mémoire, l'auteur veut prouver que les quan- tités imaginaires, {ant algébriques que transcendantes, disparaissent dans la théorie d'opposition de sens des grandeurs; que les expressions dites imaginaires doi- vent cesser de l'être, pour représenter des grandeurs réelles, comme toutes les autres expressions analyti- ques, et que les erreurs commises à cet égard pro- viennent de ce qu'on a fait d'une règle de signes pro- pres au calcul numérique des quantités, une règle pour déterminer le sens de ces quantités, sans s’aper- cevoir qu'elle n'aurait pas la même signification dans les deux cas ; qu’elle n'était nullement faite pour ce double emploi. M. Baudement a la prétention d’exclure des mathé- matiques les symboles imaginaires qui s'y sont ainsi introduits, en remontant à leur origine, et en mon- trant la lacune dans la théorie d'opposition de sens des grandeurs dont elles lui paraissent évidemment dépendre. L'Académie ne peut pas adopter les recherches de cet auteur. Il lui paraît partir, pour établir cette dou- ble règle, d'hypothèses contradictoires et qui le con- 646 duisent à des résultats erronés. Les conséquences qu'il en tire sont donc inexactes. La Compagnie regrette infiniment que M. Baude- ment ait consacré à ce sujet l’érudition si grande qu'il possède. | 1° Notes manuscrites sur un projet d'appareil ayant pour but de faire connaître aux navires l'approche des bas-fonds, d'une manière infaillible, sans qu'il soit néces- saire de jeter la sonde; par M. Auguste Gaïeta (de Bourges ), ancien membre de l'Université. ( Reçues le 3 juillet 1851; Rapport de M. Abria, le 7 juillet 1851.) 20 Autre Note manuscrite sur la théorie de la lu- mière, par vibralion où émission; dissertation, par le même. ( Reçue le 17 juillet 1851; Rapport de M. Abria, fait le 29 juillet 1851.) 3° Quelques autres Notes manuscrites sur des points de physique; par le même. De l'influence que le laiton et l'acier qui entrent dans la construction des pendules, peuvent, à cause de leur élat magnétique, exercer sur la marche de ces instru- ments, De l'utilité qu'on pourrait retirer à bord, du tangage du navire ( présenté à l'Académie des Sciences de l'Ins- titut ). Des Observations sur la question de la lumière, en réponse aux objections du deuxième Rapport de l'Aca- démie de Bordeaux. Des Explications de quelques phénomènes de l'opti- GAT que jusqu'ici ineæpliqués. ( Reçues le 7 août 1851; Rapport de M. Abria, le 4 décembre 1851.) Première Note. Voici le résumé de ce projet et l'opinion qu'en a porté l'Académie : Ce moyen consiste à attacher aux navires, soit à l'arrière, soit à l'avant, soit sur l’un des côtés, une chaîne portant une sphère creuse à son extrémité in- férieure, et d'une longueur déterminée par la profon- deur à laquelle le pilote aurait intérêt à connaître les bas-fonds. Cette chaîne serait fixée par la partie supé- ricure à l'extrémité d'une lame élastique qui aurait ainsi une flexion variable avec la vitesse du navire; mais cette flexion pourrait être calculée de telle sorte, que, dans son état maximum, l'extrémité de la lame se trouverait à une très-pelite distance d’un bouton métallique, disposé de manière à déterminer, dans son contact avec la lame, l'établissement d'un courant vol- taïque, propre à faire partir, comme ceci a lieu dans les télégranhes électriques, par exemple, la détente d'une sonnerie. La chaîne, par son extrémité infé- rieure, venant à recontrer le bas-fonds, exercerait sur la lame une plus grande traction, le contact mé- tallique s’établirait entre le bout de la lame et le bou- ton placé en regard, et le bruit de la sonnette averti- rait le pilote. Le moyen indiqué par M. Gaïeta est certainement 648 exact en théorie; mais avant de se prononcer d’une manière définitive, 1l serait nécessaire de le soumettre à l'épreuve de l'expérience. Les variations de vitesse du bâtiment pourraient, par exemple, déterminer dans la lame élastique des oscillations qui établiraient le con- tact, lors même que l'extrémité de la chaîne ne trai- nerait pas sur un bas-fonds. Si, pour obvier à ces in- convénients, on écartait le bouton métallique corres- pondant de la lame, ne pourrait-il pas se faire que l'augmentation de flexion déterminée par la résistance du bas-fonds fût insuffisante pour établir ensuite le contact? Deuxième Note: M. Gaïcta présente quelques objections à l'hypo- thèse généralement adoptée aujourd'hui pour l’expli- cation des phénomènes de la lumière. Votre Rapporteur s'est exprimé de la sorte sur ce sujet : « Les objections se réduisent à deux principales; nous allons les faire connaître à l'Académie et y ré- pondre. » 1° — On admet que la chaleur et la lumière sont les proprietés d'un fluide unique; personne n’a songé à appliquer la théorie des vibrations à la chaleur : l'ex- plication adoptée pour les phénomènes de l'optique est donc fautive elle-même. — » Il nous suflira, pour détruire ce raisonnement, de faire remarquer que toutes les conséquences qu'on 649 a déduites dans ces derniers temps de la théorie ondu- latoire appliquée aux faits calorifiques sont parfaite- ment vérifiées; de sorte qu'aujourd'hui, cette théo- rie explique avec un égal bonheur les phénomènes op- tiques et les phénomènes calorifiques. Nous conseil- ons à M. Gaïeta de revoir les divers Mémoires sur la chaleur, publiés depuis dix années, el notamment dans l'ouvrage publié dernièrement par M. Melloni, le cha- pitre qui a pour titre : Identité des agents de la lu- mière et de la chaleur. » 2° De ce que l'éther a une densité très-faible, M. Gaïeta conclut que la vitesse de propagation de la lu- mière ne peut pas être, comme on l'a observé, de 31,000 myriam. environ par seconde; car, dit-il, on a trouvé que le son se propage plus vite dans le bois que dans l’eau, plus vite dans l’eau que dans l'air, quoique les premiers milieux soient plus denses que les derniers. » M. Gaïeta a oublié de remarquer que cette vitesse est proportionnelle à la racine carrée du rapport de l'élasticité à la densité; de sorte que, pour lever la difficulté qu'il signale, il suffit d'admettre que l'élasti-- cité de l’éther est suffisamment grande par rapport à sa densité, ce qui ne présente rien d'inadmissible. » En résumé, si l'on examine avec soin la théorie des ondulations lumineuses, on ne peut qu'être con- vaincu de sa vérité. Cette théorie offre, sans doute, quelques points qui échappent à l’explication; mais les diverses objections qui lui ont été faites, et dont plusieurs sont bien plus graves que celles formulées par M. Gaïeta, n'ont servi qu'à la fortifier. 11 650 » Chacun peut se convaincre de cette vérité, en scrutant profondément ce difficile sujet. » Æroisième Nole. Nous croyons devoir y répondre par l'extrait du Rapport de M. Abria, fait le 4 décembre 1851 : » Dans la Note qu'il avait présentée sur cette ques- tion, M. Gaïeta s'appuyait sur ce que le système de l'émission étant adopté pour l'explication des phéno- mènes de la chaleur, et ceux-ci ayant la plus grande analogie avec les phénomènes de la lumière, la même explication devait être adoptée pour les deux ordres de faits. Nous sommes loin de contester cette analogie ; mais nous ferons observer que la théorie de la lumière étant beaucoup plus avancée que celle de la chaleur, c’est elle qui doit servir de guide dans cette question. D'ailleurs, l'hypothèse de l'émanation n’est pas, comme le suppose M. Gaïeta, exclusivement adoptée pour l'ex- plication des phénomènes de la chaleur. Aussi, la con- clusion que nous tirons de cette analogie est-elle opposée à celle de M. Gaïeta, et croyons-nous qu'il faut adopter la théorie ondulatoire pour l'explication des phénomè- nes calorifiques. Nous avions ajouté, dans notre Rap- port, que les découvertes les plus récentes dans la théorie de la chaleur conduisent aux mêmes consé- quences. M. Gaïela ne s’est pas tenu pour convaincu. Il ignore, dit-il, les travaux auxquels nous avons fait allusion; et, s'appuyant sur ce que dans les Traités de 651 physique on emploie les expressions de calorique dé gagé, calorique absorbé, il maintient ses premières con- clusions. » Sans entrer dans ane discussion détaillée, que les raisons apportées par M. Gaïeta n'exigent pas, nous le croyons, nous ferons observer simplement que les expressions citées plus haut n'impliquent rien sur la nature de l'agent ; qu'elles peuvent signifier aussi bien une force vive, qui est le sens qu'on leur attribue dans la théorie des ondes, que quantité de matière, qui est l’acception dans laquelle on les prend quand on adopte le système de l'émission, et qu'on emploie ces expres- sions précisément pour qu'elles ne présupposent au- cune idée théorique. » Quant aux travaux dont nous avons parlé, nous ue pouvons que renvoyer M. Gaïeta aux divers Mé- moire$ sur la chaleur, publiés dans les Annales de Chi- mie et de Physique, el notamment à ceux de MM. La Provostaye et Desains. Que M. Gaïeta essaie d’expli- quer les phénomènes calorifiques analogues à ceux conous en optique sous le nom de polorisation colorée, et il se convaincra, nous l’espérons, de la vérité de la doctrine ondulatoire. » Nous dirons ensuite, pour terminer, que ce physi- cien, instruit et laborieux d’ailleurs, devrait renoncer à la marche ordinaire qu'il paraît avoir adoptée pour ses communications : c'est-à-dire, qu'au lieu de se bor- ner à énoncer simplement le fait, il ferait mieux de le soumettre, devant ses lecteurs, à de nombreuses vé- rifications, en indiquant le mode d'expérience qu’il a 652 employé, et les précautions qu'il a prises pour éviter les causes d'erreurs. L'Académie le remercie de s'être mis en rapport avec elle. Découverte d'une machine développant une nouvelle force motrice; par M. Marty, de Saint-Loubès, près Bordeaux. ( Reçu le 12 juin 1851; Rapport de MM. Manès et Abria, fait le 7 août 1851. ) Le travail manuscrit dont il s'agit est l'œuvre d’un ouvrier, employé, de 1826 à 1840, comme fournis- seur de chaussures sur les paquebots de la Méditerra- née. Sa position mérite tout l'intérêt de l’Académie, puisque c'est à la nature seule, sans aucun secours scientifique , qu'il doit l'intelligence dont il a fait preuve. Ayant vu attentivement fonctionner plusieurs modes de locomotion, il les a comparés entre eux, ap- préciés avec justesse, et de ses méditations est sortie l’idée qu’il vous a soumise Écoutons le Rapporteur : « Cette machine se compose d’une voiture dont la caisse repose sur quatre roues mobiles et sur une voie de fer. Un homme, dont les pieds placés sur une ma- nivelle montent et descendent alternativement, donne par son poids l'impulsion et en règle à la main la di- rection. Sa force se communique par un triple engre- nage et par une chaîne à la Vaucanson; et des arcs- boutants qui tombent d’une manière inclinée sur le sol, frappent celui-ci énergiquement, se plient pour se relever et retomber encore d'une manière successive. Les roues de la voiture sont alors poussées en avant par 653 la direction de leffet de ces arcs-boutants. Le sieur Marty pense que cette voiture devra rouler beaucoup plus aisément et plus vite proportionnellement que ne le font les locomotives actuellement en usage. » L'Académie n'a pas l'intention de décourager un goût naturel ct d'heureuses prédispositions pour les sciences physiques; mais la mission qu'elle remplit lui impose le devoir de faire remarquer à l’auteur que ce n'est pas une nouvelle force motrice qu'il a décou- verte, mais seulement une machine de forme nou- velle; de plus, qu'il y a inexactitude de penser que les frottements et autres résistances passives ne feront pas éprouver à cette force des pertes réelles et sensibles, et de ne pas se ressouvenir que l'on perd généralement en vitesse ce que l'on gagne en puissance. Elle reconnaît, cependant, que l’idée de prendre dans le sol le point d'appui de la force motrice desti- née à la locomotion, peut, dans quelques cas, être susceptible d’une application heureuse. Le mérite de M. Marty est de l'avoir conçue, ignorant sans doute qu'elle a été émise à l'origine des chemins de fer, et qu'on s'en était servi depuis pour quelques usages. L'Académie adresse ses remerciments à l’auteur, pour le penchant qui le porte à s'occuper de questions devant servir à l'intérêt général, et pour ses disposi- tions remarquables touchant la mécanique. Note sur une nouvelle espèce de pachyderme fossile du genre lop'iodon; par M. le docteur Noulet. ( Reçue le 29 juillet 1851; Rapport de M. Ch. Des Moulins, fait le 7 août 1851.) 654 Je ne peux mieux faire que d'emprunter à notre honorable Rapporteur le passage suivant : « C'est une mâchoire inférieure de grand mammi- fère, trouvée à Lautrac, département du Tarn. M. Nou- let, M. Lartet que ses découvertes de mammifères fos- siles, à Sansan (Gers), ont fait si avantageusement con- naître, et le célèbre paléontologiste du Muséum de Paris, M. Laurillard, se sont accordés tous les trois à rapporter ce beau fragment au genre lophiodon. » Les lophiodons sont des pachydermes éteints, dont le système dentaire est complet, et qui sont voisins, sous ce rapport, des tapirs et des paléothériums. Ce genre, établi par Cuvier, renferme un nombre assez considérable d'espèces, caractérisées par des dents et diverses portions du squelette. M. de Blainville avait proposé la réunion en une seule, de six ou sept de ces espèces. » M. Noulet, qai regarde cette opinion comme trop absolue, en propose encore une nouvelle espèce ( lo- phiodon lautricense), dont son travail a pour but de fixer le diagnostic pour le fossile donné, par M. de Foucaud, à la ville de Toulouse::» Quadrature du cercle; par M. Berquaud (de Paris ). ( Reçu le 9 juin 1851; Rapport de M. Abria, du 17 juillet 1851.) Malgré le titre de ce Mémoire manuscrit, devant lequel les Sociétés scientifiques , par convenance et par habitude, ne s'arrêtent plus et qu'elles laissent à l'écart, l’Académie a voulu néanmoins savoir si le Mémoire de M. Berquaud ne contenait pas dans son 655 ensemble quelques détails nouveaux où intéressants; elle l’a renvoyé à l'examen d'un Rapporteur. Celui-ci s'est exprimé en ces termes; il ne nous est pas permis de rien enlever à leur sévérité : « La Note de M. Berquaud renferme des calculs numériques qui ne sont même pas effectués à un de- gré d'approximation déterminé; de sorte que l’auteur attribue les inégalités des résultats numériques que l'on obtient, quand on résout par des méthodes diver- ses les problèmes dans lesquels entre le rapport de la circonférence au diamètre, à la différence des métho- des, tandis qu'elles dépendent réellement du degré d’approximation avec lequel on emploie ce rapport. » Traité des gallicismes; par M. B. Hirigoyen, avec cette épigraphe : La véritable élégance, le caractère propre et incommunicable d’une lan- gue, consiste dans les idiotismes. (BERNARD JULIEN. Dictionnaire de la Conversation.) ( Reçu le 8 juin 1851; Rapport de MM. Saugeon et Ch. Des Moulins, le 16 juillet 1851.) Le sujet de ce Mémoire manuscrit en 43 pages n’est pas neuf. Presque tous les auteurs de grammaire ont consacré quelques pages aux idiotismes en général et aux gallicismes en particulier... , et cependant on ne connaît pas de Traité spécial sur cette matière. C'est à regretter; car un ouvrage pareil serait d’une utilité générale, et formerait un excellent complément d’é6- 656 tudes sur l'analyse grammaticale et l'analyse logique. Écoutons ce que disent les Rapporteurs : « Dans notre opinion, il y a un idiotisme toutes les fois que l'expression échappe à l'analyse grammaticale et à l’analyse logique, ce double eriterium par lequel doit passer tout ce qui est du domaine de la grammaire générale. | » L'idiotisme devient un gallicisme quand il appar- tient spécialement à la langue française. » L'ouvrage de M. Hirigoyen est fait avec beancoup de soin, et écrit avec autant d'élégance que le sujet en peut admettre. L'auteur joint à la connaissance spé- ciale de la grammaire, le sentiment du style, ce qui est infiniment rare, et ce qui le met à même de rendre très- sensible l’idée abstraite qu’il veut expliquer. On y reconnaît néanmoins quelques lacunes et quelques inexactitudes. Ne faudrait-il pas expliquer les idiotismes et d'où ils viennent, et d'une manière spéciale indiquer les vrais gallicismes? Ce serait d’une utilité pratique se- condaire, mais cela offrirait un juste attrait à la cu- riosité philologique. Quelques citations ne sont pas expliquées assez clai- rement; quelques idiotismes signalés n’en sont pas. Les pléonasmes, les ellipses, les inversions, les si- lapsus, peuvent trouver place dans les idiotismes; car, pour faire exception à la construction la plus natu- relle, les formes qui appartiennent à toutes les lan- gues sont du ressort de la grammaire générale. C’est en vain qu'on veut forcer tous les idiotismes 657 à devenir des gallicismes. « Nous en avons rencontré, disent les Rapporteurs, qui résisteraient vigourcuse- ment à cette naturalisation obligés. » L'Académie a accordé à l’auteur une marque dis- tinctive de son approbation. Mémoire sur les aires des polygones et sur le volume des polyèdres; par M. Cornelius Keogh. (Reçu le 6 no- vembre 1851; Rapport de MM. Abria et Manès, le 27 novembre suivant. ) Au sujet de ce travail de mathématiques, je ne puis mieux faire qu'emprunter au Rapport de M. Abria, dont voici quelques termes : « Ce Mémoire se com- pose de diverses formules de géométrie : 1 qui ex- priment le produit des surfaces de deux polygones, situés dans un même plan ou dans des plans parallè- les; 2° qui font connaître le produit des volumes de deux polyèdres. » L'auteur à basé ses Don sur des formules de trigonométrie qui sont elles-mêmes fort remarqua- bles; l’une d'elles, relative au quadrilatère sphérique, est nouvelle. Bien que les formules rédigées de M. Keogh ne doi- vent recevoir aucune application pratique immédiate, elles méritent de fixer l'attention des géomètres, et indiquent dans l'auteur des connaissances approfon- dies en mathémathiques pures. L'Académie a voté pour cet auteur une distinction flatteuse. 658 OEdipe à Colonne, tragédie de Sophocle, traduite en vers français, avec notes ct rapprochements litté- raires; par M. J.-B. Bernot, membre de l'Université, professeur de Deuxième au Collége de Langres. (Reçu le 6 novembre 1851; Rapport de M. Dabas, fait le 27 novembre 1851.) Si l’on doit reconnaître, dans l'analyse qui précède cette traduction et dans les notes qui la suivent, un esprit versé dans la connaissance des langues ancien- nes, on ne peut s'empêcher d'être frappé du danger qu’il y a de vouloir reproduire en vers français un des admirables chefs-d'œuvre de la littérature grecqne. L'Académie a fait cette réflexion, en prenant con- naissance du travail de versification de M. Bernot. Soirées de l’ouvrier ; lecture à une Société de Se— cours mutuels, par M. Hippolyte Violeau. (Reçu le 26 août; Rapport de M. Blatairou, le 4 décembre 1851.) C’est un de vos correspondants, M. de Blossac, qui a été chargé, par l’auteur de ce livre, de vous en faire hommage. Ce livre lui a été dédié. M. Hippolyte Violeau s'est trouvé toute sa vie en contact avec des ouvriers, et s’est occupé d'améliorer une situation à laquelle il avait appartenu lui-même. C’est dans ce but qu'il a écrit son livre, destiné d'a- bord à un Société d'ouvriers de Morlaix, puis livré à l'impression. Nous en donnerors une idée, en citant les titres des principaux chapitres qui le composent. Il traite prin- 659 cipalement du Bonheur, du Travail, de l'Économie, de l’Intempérance, des Plaisirs, de la Famille, de l'Amitié, de la Charité, de l'Orgueil, de la Patience, enfin, de la Religion. Ce livre est écrit dans un style simple, sans em- phase, sans exagéralion aucune; il est rempli d'ex- cellents conseils et de récits pleins d'intérêt (ce sont les paroles du Rapporteur ). L'Académie, en donnant ses éloges à M. Hippolyte Violeau , signale son ouvrage à l'attention de toutes les personnes qui s'occupent de l'amélioration morale des ouvriers. Herborisation sur la côte occidentale d'Afrique, pen- dant les années 1845-46-47-48; par M. Edelestan Jardin, aide commissaire, membre de la Société na- tionale de Cherbourg. ( Reçu le 6 novembre; Rapport de M. Ch. Des Moulins, le 4 décembre 1851.) Cette brochure de 19 pages n'offrirait d'intérêt di- rect qu'à une Société spéciale de botanique ou d’horti- culture. Elle renferme des indications précieuses sur le climat qu'habitent naturellement, ou que peuvent supporter, grâce à la culture, certaines plantes ali- mentaires, médicinales ou d'agrément. Il faut remar- quer, cependant, que les catalogues qu'elle contient sont uniquement provisoires, puisqu'ils renferment en grande partie des noms génériques seulement, ou même des noms de familles. Les déterminations spé- cifiques des plantes récoltées par M. Jardin n'ont pas encore été faites. 660 Tel qu'il est, ce document pourraît servir à M. le directeur du Jardin des Plantes de notre ville, attendu qu'on y cultive fréquemment des végétaux dont la pa- trie n’est que très-vaguement connue. OUVRAGES OFFERTS A L'ACADÉMIE PAR DES MEMBRES RÉSIDANTS ET PAR DIVERS AUTEURS. Brevets d'invention tombés dans le domaine public, É ExXIT, EXXNE REX XIV: Description des machines et procédés pour lesquels des brevets ont été pris sous le régime de la loi du 5 juillet 1844, ©. IV et V. Catalogue des brevets d'invention du 1° janvier au 31 décembre 1850. Rapport sur les moyens de propager dans les campa- gnes les notions les plus utiles de l'horticulture; par M. Bailly de Merlieu. Société de Secours mutuels (V'Alliance ); Discours de l'abbé Neveux; Règlement de ladite Société. Rouen ( Seine-Inférieure ). Congrès scientifique de France, 18 session. Pro- gramme des questions. Application de l'électro-magnétisme dans la locomo- tion sur les chemins de fer; par MM. Amberger, Jean Niklès et Cassal. Bulletin bibliographique des Sociétés savantes des dé- 661 partements; Institut des provinces de France, n° 5, novembre 1851. Essai. sur l'Hôtel-de-Ville de Bordeaux; par M. La- mothe. Lettre de la Société des Antiquaires de Picardie, sur une demande faite au ministre, d’un Concours entre les publications des Sociétés Historiques et Archéologqi- ques. Réponse de l'Académie adoptant le Concours, sauf cette réserve, que ce même Concours sera appli- cable à toutes les Sociétés savantes autorisées par l'État. Rapport de M. Des Moulins, sur la maladie du rai- sin, fait au Congrès d'Orléans; offert par l’auteur à l'Académie. Discours de M. Des Moulins, à la séance publique de la Société Linnéenne. ( 4 Novembre 1851.) Une brochure sur les erythrea et cyclamen de la Gironde, offerte par le même auteur. Rapport de MM. Rayer, Soubeyran et Bouillaud, sur la digitaline. Des Aérostats; — Navigation aérienne; — Chemin aérostatique; — Aérostats captifs. (Brochure impri- mée; par M. Prosper Meller. ) L'Académie remercie M. Meller de l'hommage qu'il lui a fait d’un ouvrage, produit de longs et opiniâtres travaux, entrepris dans le but de réaliser une idée scientifique dont les résultats seraient si importants. Compte rendu de la ÂT° session du Congrès scientifi- que de France, tenu à Nancy en septembre 1849, offert par les Secrétaires du Congrès. 662 La Lumière, journal non politique, un numéro. Societé centrale des Architectes : Rapport sur l'as- sainissement des habitations insalubres, offert par les auteurs à l’Académie, qui leur a exprimé par écrit ses remerciments. Congrès des déléqués des Sociétés savantes des dépar- tements, 2 session, au Luxembourg, une brochure, 1851. LISTE DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES QUI ONT ADRESSÉ LEURS PUBLICATIONS A L'ACADÉMIE DE BORDEAUX, DANS L'ANNÉE. Il résulte du relevé de cette liste, que l'Académie a été en relation cette année avec trente-quatre dépar- tements et quatre nations, soit avec cinquante-trois Sociétés savantes françaises, et dix Sociétés savantes étrangères. | Aisne. — Annales agricoles, scientifiques et indus- trielles de la Société Académique de Saint - Quentin, t. VIII ( travaux de 1850). Allier. — Bulletin de la Société d'Émulation du dé- partement de l'Allier { Sciences, Arts et Belles-Lettres). Moulins. 1° vol., depuis août 1846, jusqu’à septem- bre 1850. Idem année 1851. Idem juillet 1851. Ce volume renferme plusieurs . 663 articles qui ne peuvent être passés sous silence; ainsi : 1° le travail sur Homère, où est exposé le système de Wolf, qui consiste à présenter les poëmes homériques comme un recueil de légendes, chants nationaux, frag- ments épars, réunis et mis en ordre par les soins d’un ou plusieurs arrangeurs; 2 les Réflexions sur l'esprit et le caractère de Pindare; 3° enfin, une étude histo- rique de M. Rossew-Saint-Hilaire, intitulé ; Des Juifs et de l'Inquisition en Espagne. Aveyron. — Mémoires de la Société des Lettres, Sciences et Arts de l'Aveyron, publiés à Rhodez, t. V, VI et VIF, soit années 1844, 45, 46, 47, 48, A9 et 50. Citons principalement : Recherches sur l'histoire, la nature et l'origine des aërolithes; par M. Ad. Boisse. Tableau chronologique et biographique des cardinaux, archevéques et évêques originaires de l’ancienne province du Rouerque; par M. Bousquet, curé de Busseins. Calvados. — Extraits de la Société d'Agriculture et de Commerce de Caen , année 1850. On trouve entre au- tres, la Biographie du général Decaen, par M. L.-E. Gautier; et deux Mémoires remarquables, sur la sève descendante, par M. Durand; Du Sommeil, par M. A. Charma, professeur à la Faculté des lettres. Mémoires de l’Académie des Sciences, Arts et Belles- Lettres de Caen. Charente. — Annales de la Société d'Agriculture, Arts et Commerce de la Charente, publiées à Angoulème. T. XXXI, septembre, octobre, novembre, décembre; tu. XXXIT, janvier, février, mars 1849; avril 1850. Elles renferment un important Mémoire sur les marais 664 ’ et leur desséchement, par M. le docteur A. Chapelle. Bulletin de la Société Archéologique et Historique de la Charente, publié à Angoulême, ann. 1850, 2 sem. Côte-d'Or. — Mémoires de l'Académie des Sciences, Belles- Lettres et Arts de Dijon, année 1850. Eure. — Travaux de la Société libre d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Evreux, t. VII, an- nées 1848 et 49. On peut y noter une Sfatistique des usages locaux du département de l'Eure; un discours remarquable sur cette question : Quelle idée s'est-on faite du travail aux diverses époques de l'histoire? Finistère. — Annuaire de Brest et du Finistère, an- née 1851, publié par la Société d'Émulation de Brest. L'Océan, journal de Brest, n° 1027. ( Remerciments à M. le Rédacteur. ) Gard. — Mémoires de l'Académie du Gard, années 1849, 50 et 51. Ces deux volumes contiennent plu- sieurs travaux intéressants, sur la littérature, les scien- ces et la poésie; on s'arrête avec plaisir sur cette élé- gie grecque, par J. Reboul : Après un Naufrage. Sorti pour rafraîchir aux brises de l'aurore Les fatigues d’un front que votre feu dévore, Et reposer mes sens au réveil radieux De celui qui conduit vos chœurs mélodieux, O Muses! n'est-ce point un funeste présage Que ces restes laissés par une nuit d'orage? 665 Jeune vierge, comment ton visage si doux N'a-t-il pas de l’abime apaisé le courroux ? Quel soin t'aventura sur l'élément perfide? L'amour t’amenait-il au rivage de Gnide? Ou, pour ton père atteint de symptômes mortels, Allais-tu d'Épidaure invoquer les autels? - Je te vois sur ces bords, sans vie, abandonnée, Et peut-être, à douleur ! ta mère in‘ortunée, Aux lares paternels demandant ton retour, Cherche, à force de vœux, d’en avancer le jour! Que de larmes suivront la nouvelle fatale! Je ne sais ni ton nom, ni ta ville natale. Que puis-je? Si vers toi les dieux m'ont envoyé, O malheureuse enfant, si digne de pitié! Le Rhapsode, bornant sa funèbre obligeance, Pour la première fois maudit son indigence. Hélas! je n’ai point d’or pour t’offrir un bûcher; Mais, au fond de ce sable avant de te cacher, De tes cheveux d’ébène, où l'onde encor ruisselle, Je veux faire à ma lyre une corde nouvelle, Afin que, désormais, en vibrant sous mes doigts, Ton triste souvenir se marie à ma voix, Et qu’à défaut du jour, que je ne puis te rendre, Quelque chose de toi vive et se fasse entendre! Garonne ( Haute ). Recueil de l'Académie des Jeux floraux, année 1850. Mémoire de l'Académie nationale des Sciences, Ins- criptions et Belles-Lettres de Toulouse, 4 série, 1. I. Gironde. — L'Ami des Champs, journal d’agricul- ture et de botanique, publié par M. Laterrade père; ann. 1850 et 51. Annales de la Société d'Agriculture de la Gironde, 3° et 4° trimestres 1850, 1° et 2° trim. 1851. 42 666 Journal d'Éducation physique, morale et intellec- tuelle; par M. Clouzet aîné. Publications de l'année 1850-51. Cet auteur, professeur de belles-lettres à Bordeaux, de grammaire à l'École des adultes, de- puis sa fondation (1839), plusieurs fois lauréat de l'Académie, a pour but, d'après les expressions de votre Rapporteur, de moraliser, d'instruire, d'être utile, positif et pratique; enfin, d'opposer une œu- vre instructive et sérieuse aux publications légères et romanesques de l'époque. Ce programme, d’un ou- vrage destiné à être mis à la fois dans les mains des parents, des professeurs ét des élèves des déux sexes, a été convenablement rempli. Annales de la Société d'Horticulture de la Gironde, 1er et 2 trimestres 1851. Actes de la Societé Linnéenne de Bordeaux, t. XVII, 2e série; t. VIF, 1" livraison, 10 juin 1851 ; t. XVII, 3 livraison, 15 octobre 1851. Hérault. — Mémoires de la Section des Sciences de l'Académie des Sciences et Lettres de Montpellier, fasci- cule de 1850, t. I. Parmi ces divers Mémoires, il en est trois qui doivent être signalés : l'un de M. Marcel de Serres, les deux autres de M. Gervais. Le premier auteur décrit le bassin houiller de Graissessac, qui a été étudié il y a quelques années, avec beaucoup de soins, par M. Garella, ingénieur des mines. Il termine par une partie qui avait été complétement négligée jusqu'ici : c'est une liste des végétaux fossiles qui y ont été trouvés, laquelle permettra de comparer dans l'Europe occidentale la végétation de lun des bassins 667 les plus méridionaux, avec ceux d'Édimbourg, qui sont les plus septentrionaux. Le deuxième auteur ajoute quelques nouvelles in- : dications à plusieurs des sept faunes successives des mammifères fossiles, qu'il croit avoir reconnues dans les étages tertiaires des terrains de la France; il dé- montre ensuite, par des pièces recueillies dans ces dernières années aux environs de Constantine, l'exis- tence d'un mastodonte encore indéterminé ; comme aussi, par d'autres ossements trouvés à Cherchell et à Guelma, celle d’un éléphant, identique avec l'éléphant d'Afrique, et entièrement différente de l'espèce fossile européenne. Société Archéologique de Béziers. ( Séance publique du 21 mai 1851. ) Programme du Concours. Indre-et-Loire. — Recueil des travaux de la Société médicale de Tours, 3° et 4° trimestres 1850. Isère — Œuvres de l'Académie Delphinale de Gre- noble, vol. 1850, depuis la p. 337, jusqu'à la p. 448. Idem depuis la p. 449, jasqu'à 576. Cette publica- tion contient le fragment de traduction française com- plète d’une des grandes épopées indiennes, Le Rämü- yana, Va à l'Académie Delphinale, par M. Parisot. Landes. — Annales de la Société Économique d'a- griculture, commerce, arts et manufactures, n° XLV, 1% trim. 1851. Loire-Inférieure. — Annales de la Société Académi- que de Nantes et du département de la Loire-Inférieure, L XXI, 1€. EI de la 3 série, 1850. Loire (Haute). — Annales de la Société d'Agricul- 668 ture, Sciences, Arts et Commerce du Puy, t. XV, 1x semestre 1850. Loiret. — Circulaire de M. A. Buzonnières, secré- taire général du Congrès scientifique de France, pour la 18° session, à Orléans, septembre 1851. Bulletin de la Société Archéologique de l'Orléanas, 2e et 3° trimestres 1851, n° 5. Maine-et-Loire. — Bulletin de la Société indus- trielle, 21° année, 2€ série, t. 1er, 1850. Marne. — Travaux de l'Académie de Reims , 1850 - 51; 1° trim. d'octobre 1850; 1° et 22 trim. 1851-52, de janv. et d'avril. Le cahier d'octobre renferme des observations médicales pleines d'intérêt et de savoir, par M. le docteur Landouzi. Séance publique de la Société d'Agriculture, Com- merce, Sciences et Arts du département de la Marne. Châlons, année 1850. Meurthe. — Mémoires de la Société des. Sciences, Belles-Lettres et Arts de Nancy, année 1850. Le Bon Cultivateur, recueil agronomique, publié par la Société centrale d'Agriculture de Nancy, juillet, août, septembre, octobre, novembre 1850; janvier, février mars, avril, mai, juin, juillet, août et septembre 1851. Moselle. — Bulletin de la Société d'Histoire natu- relle de la Moselle, à Metz, 6° cahier. Communications très-intéressantes. Nord. — Mémoires de la Société de Douai, ann. 1851. Programme des prix de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de Valenciennes, année 1851. Mémoires de la Société nationale des Sciences, de l’A- 669 griculture et des Arts de Lille, année 1849. Recueil de plus de 800 pages, où se trouvent d'importants tra- vaux scientifiques et littéraires. Oise. — Bulletin de l'Athénée de Beauvaisis, à Beau- vais, 2 semestre 1850. Pas-de-Calais. — Société d'Agriculture, des Sciences et des Arts de Boulogne-sur-Mer , séance semestrielle du 22 mars 1851. Mémoire de la Société d'Agriculture, du Commerce, des Sciences et des Arts de Calais, années 1844 à 1851. Puy-de-Dôme. — Annales scientifiques, littéraires et industrielles d'Auvergne, publiées par l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Clermont-Ferrand, t. XXIVe, de janvier à juin 1851. Pyrénées-Orientales. — Société Agricole, Scientifi- que et Littéraire des Pyrénées-Orientales. Imprimé à Perpignan; 8° vol. Rhin (Haut). — Bulletin de la Société Industrielle de Mulhouse, n°5 111, 112, 113, 114. Sarthe. — Bulletin de la Société d'Agriculture , Sciences et Arts de la Sarthe ( Le Mans), 2° série, 3° et 4° trimestres 1850-51. Idem 2° série, 1° trimestre 1851. Seine. — Bulletin bibliographique des Sociétés savan- tes des départements ( Annuaire de l'Institut des provin- ces, pour l'année 1851). Journal des travaux de l'Académie Nationale, Agri- cole, Manufacturière et Commerciale, novembre et dé- cembre 1850, 21° année, toutes les publications de l'année 1851. | 670 Il faut signaler dans trois numéros, novembre et décembre 1850, et janvier 1851, un Rapport sur la statistique des forces productives de l'agriculture dans le département du Nord, comparées à celles de la France entière, par M. Marc Jodot; puis un Projet d'établis- sement d'une statistique permanente dans toutes les com- munes de la France, par M. Hallez-d'Arros. Société de la Morale chrétienne, toutes les publica- tions de 1850-51. Annales de la Societé Libre des Beaux-Arts, t. VIT, trois années 1848, 49 et 50. Recueil de documents et de Mémoires relatifs à l'é- tude spéciale des sceaux du moyen âge et des autres époques, publié par la Société de Phragistique( Bulletin mensuel, 1" année). ( Reçu le 16 juin 1851; Rapport de M. Delpit, le 7 août 1851.) Cette Société de Phragistique existe à Paris depuis trois ans, mais nous n'avions encore reçu aucune de ses publications. Le plan et le but de ce Bulletin sont ainsi expliqués : 1° Enregistrer les notes bibliographiques, les légen- des, observations relatives à l’étude et à la connais- sance des sceaux ; donner des types en creux, et même la reproduction identique en métal de ces types et de simples empreintes; 20 Se servir des sceaux pour remonter dans les re- lations de la vie civile, du progrès et des institutions qu'ils supposent; les envisager comme exposants ou témoignages des plus anciens usages. La Compagnie ne peut approuver l’art. 11 des sta- 671 tuts de cette Société, donnant aux seuls souscripleurs la faculté d'acquérir tous les sceaux, épreuves métal- liques parus ou en publication. Cette mesure restrictive parait presque incompali- ble avec l'appel adressé à tous les hommes spéciaux en connaissances historiques du moyen âge; de plus, elle est peu conforme aux véritables habitudes philo- sophiques, qui sont de répandre généreusement la science. Obéissant cependant au désir constant qui la porte à se rapprocher des Societés dont les travaux peuvent être utiles à la science, l'Académie de Bordeaux lirait avec plaisir les publications de la Société de Sphra- gistique, et lui offrirait en échange l'envoi de ses Actes. Journal d'Éducation populaire { Bulietin de la So- ciété d'Instruction élémentaire ). Bulletin de la Société d'Instruction élémentaire (jour- nal d'éducation populaire ). Palais de Cristal, journal des progrès de l’industrie universelle, n° 11. Seine—Inférieure. — Bulletin de la Société d'Ému- lation de Rouen, année 1850-51. Extrait des travaux de la Société centrale d'Agricul- ture, 3° trimestre 1850, 1® trimestre 1851. Bulletin des travaux de la Société Libre des pharma- ciens de Rouen, 1850. Les auteurs s'occupent prinei- palement, dans ce recueil, des intérêts professionnels. Recueil des publications de la Société Havraise, d'é- tudes diverses, de la 15, 16, 172 année (1847 à 1850). L'échange des Actes avec les publications de cette So- ciété a été voté. 672 Somme. — Société des Antiquaires de la Picardie { Bulletin de la}, publié à Amiens, ann. 1851. 1.2.3. Mémoires de l'Académie des Sciences, Agriculture, Commerce, Belles- Lettres et Arts, publiés à Amiens, années 1850-51, 1° semestre. Yonne. — Bulletin de la Société des Sciences histo- riques et naturelles de l'Yonne, n°5 2, 3, 4, 1850, 4° vol. Ce Bulletin contient plusieurs Mémoires impor- tants d'archéologie, des Notices historiques sur la ville de l'Yonnne; sur la Bibliothèque, les écrivains, les cathédrales d'Auxerre; deux Mémoires sur les échi- nides fossiles du département, el une Note sur un champignon nouveau. Sociétés étrangères. Amérique ( États-Unis). — La Société Smithson- nienne, établie à Washington (États-Unis ), a adressé à l'Académie plusieurs de ses publications. Cette So- ciété doit son origine à la générosité d’un Anglais, qui disposa, en mourant, d'une fortune considérable pour contribuer aux progrès des sciences utiles. Les revenus des sommes qu'il a léguées servent à former des collections artistiques et scientifiques, à provoquer les recherches des savants, à publier des Mémoires et des ouvrages importants. Nous avons reçu dans un premier envoi ( mars 1851 ) : 1° Les Statuts et Règlement de l'Institution, à Was- hington ; 673 20 Les Comptes rendus annuels de la Société, 1850; 3° Un volume in-4° enrichi de planches, et consa- cré aux monuments archévlogiques des anciennes na- tions indiennes qui occupaient primitivement le ter- ritoire des États-Unis. Dans un second envoi (6 novembre 1851 ), quatorze ouvrages, parmi lesquels on remarque : 1° Une note sur la planète Neptune (celle que M. Leverrier a découverte ); 20 Des documents publiés par le gouvernement Amé- ricain, relatifs à la population, à l’agriculture, etc., des États Unis: 3° Un très-bel in-4°, intitulé : Renseignements historiques et statistiques sur l'his- toire, l'état et l'avenir des tribus indiennes des États- Unis. Rédigés d'après les documents réunis par le gouvernement Américain, ces renseignements ont été mis en ordre par M. Schoolcraft, et personne, micux que lui, n'est en mesure de nous éclairer sur l'état actuel des tribus indigènes parmi lesquelles il a voyagé plusieurs années. On lui doit l'importante découverte, faite en 1832, du lac Itarca, qui n'est rien moins que la source du Mississipi, inconnue jusqu'à ce jour. Les mœurs, les ressources, l’état intellectuel, l'organisa- tion politique et morale des Indiens, se trouvent donc peintes en parfaite connaissance de cause dans ce Mé- moire. La géographie physique est décrite avec non moins de soin. On remarquera la reproduction d'un grand nombre de ces grossières peintures, laissées sur les rochers par ces mêmes tribus, inscriptions qui, 674 pour être un peu supérieures à celles des sauvages de la Sibérie, n'en prouvent pas moins l'état à peu près barbare des tribus indigènes à l'époque de la décou- verte de l'Amérique. La diminution rapide des indi- gènes est un triste phénomène; la population entière indienne ne dépasse guère 380,000 âmes, réparties sur des territoires immenses. L'histoire, l'organisa- tion, l’état actuel de ces tribus, les nombreux objets qui ont appartenu à des races éteintes et que les anti- quaires américains recueillent avec empressement , tout cela est exposé, par M. Schoolcraft, d'après ses propres observations, d'une manière précieuse, mais trop étendue pour qu'un extrait même nous en soit possible. N'oublions pas de constater que des gravures, parfois coloriées avec soin, ajoutent à l'importance du texte. L'Académie a fait parvenir à la Société Smithson- nienne les quatre derniers volumes de ses Actes, et continuera l'envoi de ses publications, heureuse de donner ses plus sympathiques encouragements à des hommes qui se dévouent avec autant d'ardeur à la cause des progrès scientifiques. — G. BruxeT, Rapp. Angleterre. — Annales statistiques de Londres, sept numéros des cahiers. Voici quelques extraits de l'analyse qu’en à présen- tée M. Darrieux : « En 1846, la Chambre de Commerce du Bengale demanda le tableau statistique des terres livrées à la culture du sucre, dans le Bengale et dans les provin- 675 ces du nord-ouest. Cette demande avait pour but de faire constater les moyens productifs du sol de l'Inde, afin d'étendre la culture du sucre, et d'obtenir que, sur les marchés de l'Angleterre, il n'y eût plus de diffé rence sur le prix, entre le sucre dû au travail de l’es- clave étranger et-celui obtenu par les soins de l'homme libre, mais salarié. » John Barton traite de la subdivision du sol sur le bien-être moral et physique du peuple de l'Angleterre et du paÿs de Gailes, et tend à prouver que la pro- priété grande ou petite soumet toujours celui qui la possède à l'observation des lois de son pays, puisqu'il est vrai que dans le nombre des personnes traduites en Cour d'assises, il y en a très-peu qui aient quelque chose à perdre. » À ce propos, on cile ce passage de M. de Sismon- di : « Quiconque, dit cet auteur, désire juger du bon- heur d’une société de paysans propriélaires, doit étu- dier la Suisse. Là il verra comment une nombreuse population peut être maintenue dans une grande ai- sance en cultivant le sol de ses propres mains; il ap- prendra comment l'indépendance du caractère résulte de l'indépendance des circonstances. S'il traverse le souriant Emmenthol ou les vallées éloignées du canton de Berne, il verra avec admiration les maisons même des plus pauvres paysans très-vastes, closes, à l'abri des intempéries, solidement bâties et ornées même de sculpture. Dans l'intérieur il trouvera tout parfaite- ment en ordre, un ameublement toujours propre, les armoires pleines de linge, une spacieuse laiterie, bien 676 aérée, bien ordonnée. Sous le même toit il trouvera une ample provision de blé, de viande salée, de fro- mage et de combustible. Dans les étables il verra les plus beaux troupeaux de l'Europe et les mieux soi- gnés; le jardin couvert de fleurs; les deux sexes chau- dement et proprement habillés. Toute la population empreinte de cette apparence de vigueur et de santé, de cette beauté de traits dévoilant le caractère distine- tif d'une race qui, à travers les générations, est restée à l'abri de la débilitante influence du vice et de la mi- sère. Que d’autres pays se vantent de leurs richesses, la Suisse peut avec orgueil montrer ses paysans. » » À celle citation l’auteur du Mémoire ajoute : Il paraît que l'Angleterre était autrefois peuplée par une race de paysans semblables à ceux que l'on voit main- tenant en Suisse: ce qui est prouvé par une série d'ac- tes, comprenant dans leurs dates le temps écoulé de- puis le règne d'Édouard INT, jusqu’à celui de Henri VIE. « Maintenant c’est la Norwége qui se rapproche le plus de la Suisse, sous le rapport du nombre des pay- sans propriélaires. » - — « Le cahier du mois de mai 1850 contient un ta- bleaa du prix du blé en France, depuis 1778 jusques en 1847. On voit là que depuis 1778 jusques en 1793, le prix le pius bas a été de 12 fr. 62 cent. l'hectoli- tre, en 1780, et le plus élevé à 35 fr. en 1793; » Que de 1797 jusques en 1814, le prix le plus bas a été de 15 fr. 17 cent. en 1819, et le plus élevé de 24 fr. 39 cent. en 1801; 677 » Que depuis 1815 jusques en 1830, le prix le plus bas a été de 14 fr. 81 cent. en 1826, et le plus élevé de 36 fr. 16 cent. en 1817; » Et qu'enfin le prix le plus bas depuis 1831 jus- qu'en 1847, a été de 14 fr. 72 cent. en 1834, el que le plus élevé a été de 29 fr. 34 cent. en 1847. » Ce tableau du prix pour chaque année, est suivi de beaucoup d'autres sur l'importation et l'exportation du blé, et notamment sur la quantité de grains de toute espèce consommée annuellement en France. Pendant les dernières années, cette quantité a été telle qu'en la supposant également répartie, elle s'est élevée à 3 hec- tolitres pour chaque habitant, et sur ces 3 hectolitres plus de la moitié consiste en froment. » Tous les documents pour ce travail ont été puisés dans les Archives statistiques du ministère des travaux publics, dans l'Annuaire de l’économie politique et de statistique, dans le Dictionnaire du commerce, et dans la Statistique de la France. Ce n’est donc qu'un résu- mé auquel le temps et la patience ont seuls présidé. » — « Le cahier du mois de mai renferme un autre travail empreint d'un intérêt général, surtout pendant que les riches et inépuisables mines de la Californie ne cessent de ranimer chez tous les peuples l'ardente soif de l'or. » C’est sans doute ce qu'a compris M. Danson, avo- cat, en lisant, dans la séance de la Société Statistique de Londres, du 16 décembre dernier, ur Mémoire sur- chargé de chiffres et de détails, tendant à constater quelle est la quantité d’or et d'argent qui est supposée 678 être passée de l'Amérique en Europe jusqu'à l'époque actuelle, depuis la découverte du nouveau monde. » Ce qui a compliqué ce travail, c’est la distinction du produit des mines des différentes parties de l'Amé- rique, quant à leur quantité respective d'or ou d’ar- gent. » Ce Mémoire comprend deux parties : la première embrasse la période écoulée depuis 1492 jusqu’à la fin de 1803, Et la seconde celle écoulée depuis cette dernière époque jusqu’à la fin de 1848. » Le tout est précédé de cette petite Introduction : « Personne n'ignore que l'Essai politique sur Île royaume de la nouvelle Espagne, publié au commen- cement de ce siècle par le baron de Humboldt, est la plus haute autorité à invoquer à l'appui du sujet dont nous allons nous occuper. » Dans cet ouvrage se trouvent réunis les calculs et toutes les données pouvant, alors, concourir à faire apprécier la quantité d'or et d'argent reçue de l'Amé- rique jusqu'à la fin de l’année 1803. » Le talent de l'écrivain, même alors distingué, ses études de l'exploitation des mines qu'il avait person- nellement explorées dans les différentes colonies espa- gnoles, furent les précieuses bases sur lesquelles vin- rent s'appuyer ses calculs approximatifs et tout le poids de sa haute autorité. Aussi ses appréciations ont-elles fait mettre de côté, comme erronnées, celles des écri- vains antérieurs sur le même sujet. » C'est ainsi que depuis, l'on a contracté l'habitude 679 d'accepter les tableaux dressés par ce savant, sans s'in- quiéter des moyens par lui employés pour les com- poser. » Je me permettrai cependant de suivre une mar- che différente, avec l'espérance que celte manière d’a- gir ne me fera pas considérer comme portant atteinte au respect dû par moi au baron de Humboldt; mais aussi en ne perdant pas de vue que ce qui doit l'em- porter sur la déférence due à l'intégrité de la science, c’est l'obligation par nous contractée d'ajouter à ses progrès. » » Tel est le début de ce Mémoire dont la fin est con- çue en ces lermes : « De ces tableaux et des résultats qui ont été déjà présentés dans cet écrit, nous obtenons la conclusion ci-après : Résultat général. — » La quantité d'or et d'argent qui paraîl avoir été envoyée cn Europe, dans la pé- riode écoulée depuis 1492 jusqu'à la fin de 1803, s’é- lève, en livres sterling, à.......…. ...14499097,475 » Et dans la seconde période, de 1804 à 1808, à... so EURE 0 900,919,020 » Ce qui forme un total, en livres CORNE, RNENAMRE. PPer, PC AUT T2 ……. 1,483,577,020 » Celle récapitulation générale pourra ne pas être très-appréciée, si l'on examine de près les détails im- parfaits sur lesquels elle repose; mais à l’aide de re- cherches plus étendues, et en puisant à de nouvelles sources, j'ose espérer de pouvoir répandre, avant peu, 680 une plus éclatante lumière sur un sujet dont le présent écrit n’est qu'un premier aperçu. » Belgique ( Bruxelles ). — Bulletins de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, t. XVI, I Partie, 1849; t. XVII, 1e Par- tie, 1850; t. XVII, II Partie, 1850; 1. XVIII, Ir° Partie, 1851. Ces quatre volumes sont riches de nom- breux Mémoires scientifiques et littéraires eL ornés de planches. Annuaire de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Belgique, 1850-51, 16° et 17° années. Catalogue des livres de la bibliothèque de l’Académie royale des Sciences, des Belles-Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, vol. de 258 pages. Gand. — Rapport sur l'état et les travaux de la So- ciété royale des Beaux-Arts et Littérature de Gand. Liége. — Rapport sur les travaux de la Sociéte Li- bre d'Émulation pour l'encouragement des lettres, des sciences, des arts, à Liége, année 1850. Procès-verbal de la séance publique de la même Société d'Émulation, tenue le 29 décembre 1850. Wurtemberg (Tubingue). — M. A. Keller, profes- seur à l'Université de Tubingue, et conservateur de la Bibliothèque de cette ville, a fait hommage à l'Acadé- mie de plusieurs opuscules qu’il a édités; quatre volu- mes de poésies allemandes : Jeu d'un empereur et d'un abbé, dialogue en vers; Poésies d'A. Holzwart, écrivain du treizième siècle; Poëme sur la Passion, en ancien dialecte flamand, d'après un manuscrit de la Bibliothèque de Tubingue; 681 Chansons de Guillaume IX, duc d'Aquitaine (en langue romane. Les recherches de ce genre ont valu à M. Keller la réputation d'un érudit de premier ordre. Ses travaux sur la collection connue sous le nom de Gestes des Ro- mains, et sur le roman des Sept Sages, en vieux vers fsançais, l'ont placé parmi les maîtres de la science. Dans le nombre des brochures envoyées, il en est une qui a pour nous un intérêt spécial, puisqu'elle repro- duit les compositions d'un prince qui régna sur nos contrées, et qui figure parmi les plus anciens trouba- dours. Guillaume IX, comte de Poitiers et duc d’Aqui- taine, naquit en 1071 et cultiva les lettres avec suc- cès; inconstant et volage, il resta du moins fidèle à la poésie. Voici en quels termes naïfs s’exprime un an- cien biographe des troubadours : « Lo coms de Peitieus si fo uns dels maiors cortes del mon, e dels maiors trichadors de dompnas; e bons cavalliers d’armas, et larcs de dompneiar. E saup ben trobar e cantar : et auet lone temps per lo mon per enganar las domnas. » Il reste neuf pièces de vers de ce Don Juan du on- zième siècle; elles étaient disséminées dans divers ou- vrages d'un prix élevé ou d'un usage peu répandu, tels que le Choix de Poésies des troubadours, publié par Raynouard, 6 vol. in-8°, et le Parnasse occitanien, dû à M. de Rochegunde. En réunissant pour la pre- mière fois tout ce qui nous est parvenu deGuillaumelX, en donnant un style épuré, établi avec soin d'après la collation des divers manuscrits, M. Keller à rendu à 13 682 la vieille littérature du midi de la France un service réel, d'autant plus méritoire que nous n'avions pas le droit de l’attendre de la part d’un docteur wurtember- geois. Ce n'est pas d’ailleurs la première fois que le biblio- thécaire de Tubingue a communiqué à notre Académie les résultats de ses savantes investigations Nous lui avons, de notre côté, adressé en retour un exemplaire de la collection de nos Actes. Nous vous proposons, en lui adressant des remercîments, auxquels il a cer- tes bien des droits, de lui continuer l'envoi de nos travaux. — G. BRUNET, Rapp. Russie. — Mémoires de la Société Impériale d'archéo- logie et de numismatique de Saint-Pétersbourg, cinq an- nées; cahiers 9, 10 et 11, et supplément; 1847-1851. Ceite réunion de Mémoires écrits en allemand ou en français, est d’une haute importance pour les person- nes qui se livrent à l'étude de l'antiquité. La numisma- tique tient la première place dans les recherches de la Société Impériale; on y remarque des notices sur les monnaies des arsacides, des princes de Bithynie; des médailles romaines, asiatiques; des monnaies de Dant- zike, etc. Des gravures soignées ajoutent à l'impor- tance d'un style qui nous semble témoigner d'une éru- dition solide et d’une exactitude sévère. Une liste rai- sonnée de toutes les publications relatives à la numis- matique ayant vu le jour dans l'année, offre aux tra- vailleurs des secours importants. Parmi les Mémoires relatifs à l'archéologie, nous 683 remarquons une dissertation sur la chersonèse tauri- que, sur ses médailles et monnaies, et sur les riches collections de pierres gravées et d'objets antiques con- servées à Saint-Pétersbourg. Une connaissance appro- fondie des auteurs anciens et des théories mythologi- ques se montre dans les notes, souvent étendues, qui suivent la description de chaque objet. Ajoutons que les études spéciales à la France ont à faire leur profit de ces investigations qui nous arrivent des extrémités du nord. Des articles de M, de Reiche, sur des mon- naies mérovingiennes inconnues jusqu’à présent, éclair- cissent une des portions les plus obscures de notre his- toire métallique nationale. Les principaux rédacteurs des Mémoires de la Société Impériale d'archéologie, sont MM. de Koehne, Vossbery, Sabatier, Soret, Sabé- lieff, noms avantageusement connus dans le monde sa- yant. ADMISSION DES MEMBRES RÉSIDANTS ET CORRESPONDANTS. Membres résidants. L'Académie a continué, cette année, d'ajouter, à la liste des membres distingués qu'elle a admis dans son sein, plusieurs noms que recommandaient d’im- portants travaux et leur juste réputation. Ainsi, vous avez admis membres résidants : MM. le docteur Costes ( 6 février 1851 ), Henry Brochon (20 684 mars 1851), de Peyronnet et l'abbé Blatairou (19 juin), Ruelle et Justin Dupuy (29 juillet ). M. Costes vous avail envoyé une analyse compara- tive et philosophique du système du célèbre Broussais. Cet ouvrage a été couronné par la Société de médecine de Caen. M. Henry Brochon vous avait offert, dans un recueil de ses plaidoyers, la discussion éclairée et chaleureuse de hautes questions de droit. M. de Peyronnet vous avait fait parvenir sa remar- quable Histoire des Francs, et sa traduction heureuse du Livre de Job. ( M. l'abbé Blatairou, ses leçons érudites de philoso- phie *. M. E. Ruelle, ses importants travaux de recherches et d'appréciation sur le moyen dge et sur l'Histoire de France. Enfin, M. J. Dupuy vous avait fait remettre une de ces œuvres de critique morale et littéraire, où l'on trouve la force de la raison unie à la grâce de l'esprit. Membres correspondants. Vous avez favorablement accueilli six demandes qui vous ont été faites pour obtenir le titre de membre correspondant; ce sont celles de : 1° M. Adolphe Magen, pharmacien à Agen, mem- 1 Institutiones philosophicæ ad usum seminarium, 3 vol. in—12. 685 bre du jury médical du Lot-et-Garonne. Ce chimiste vous a donné les preuves de ses connaissances prati- ques, dans un Rapport sur les productions manufactu- rières de M. de Saint- Amans ( à Lamarque, près d’A- gen ), et de son jugement éclairé, dans l'examen qu'il a fait d’une brillante et difficile question de chimie molléculaire et atomistique, de la science moderne dans ses rapports avec la théorie de la transmutation des corps. 20 M. Jules Thurmann, ancien directeur de l’École normale du Jura bernois, admis sur la présentation d'un très-remarquable ouvrage, en 2 vol., intitulé : Essai de phytostatique appliqué à la chaîne du Jura et aux contrées voisines. Dans cette œuvre, où se trouve le savoir du géolo- gue et du botaniste, on distingue tout spécialement les études consciencieuses sur la dispersion des plantes à la surface du globe, envisagée surtout quant à l’in- fluence des roches sous-jacentes. ( Rapport de M. Pe- tit-Lafitte, le 20 mars; admission, le 10 avril suivant). 3 M. De Le Bidart de Thumaide, secrétaire général de la Société libre d'Émulation de la ville de Liège, et substitut près le tribunal de 1" instance de la même ville; auteur de deux ouvrages couronnés par des So- ciétés savantes de la Belgique; l'un, sur les améliora- tions que réclame la législation pharmaceutique belge, l’autre, sur les vices de la législation pénale belge. Une véritable science en jurisprudence criminelle et admi- nistrative se joint, dans ces deux écrits, à des con- naissances variées en philosophie, en morale et en lit- 686 térature. ( Rapport de MM. Fauré et Darrieux, le 1° mai 1851 ; admission, le 15 du même mois. ) 4° M. Gassies, naturaliste à Agen, que son Catalo- que sur les mollusques terrestres et d'eau douce de l’A- genais, range parmi les observateurs et les conchy- liologistes français les plus estimés. ( Rapport de M. Ch. Des Moulins, le 15 mai; admission, le 5 juin sui- vant. ) | 5° M. Derbigny, directeur de l'enregistrement et des domaines, à Arras, qui, dans la fable /’Aigle et la Poule, envoyée à l’Académie et servant d'appui à sa demande, vous a fait revoir l'esprit et l'élégance que vous aviez appréciés souvent dans plusieurs autres de ses compo- sitions du même genre. ( Rapport de M. Gout Desrar- ires, le 12 juin; admission, le 19 juin suivant.) 6° Enfin, M.H. Feuilleret, professeur d'histoire au Collége de Saintes, dont la plume a tracé l'histoire concise et animée de l'expédition de Louis IX, en Saintonge, et le fait d'armes de Taillebourg (en 1242). Production élégante, dont le plan est bien conçu, dont les faits sont racontés sans longueur, sans confusion, et partout avec intérêt. ( Rapport de M. Ch. Des Mou- lins, le 4 décembre ; admission, le 18 du même mois.) NÉCROLOGIE. La mort a frappé rudement sur la Compagnie; des noms recommandables ont disparu de la liste de vos 687 membres correspondants : ainsi, MM. Ranques, doc- teur-médecin à Orléans; Raffeneau de Lisle, profes- seur de botanique à Montpellier; François-Victor M6- rat, à Paris, trésorier honoraire de l’Académie de Mé- decine ‘ ; Chaigne, docteur-médecin à Bordeaux, vo- tre ancien membre résidant; Hameau, à La Teste, docteur en médecine. Ces pertes ont été douloureuse- ment ressenties par vous; elles ont atteint les sciences naturelles et médicales, en leur enlevant plusieurs hommes d'intelligence, de pratique et de savoir. L'Académie déplore encore la mort de deux mem- bres honoraires : Billaudel, qui a occupé avec tant de distinction et de dévouement les emplois supérieurs de la Compagnie, et les fonctions plus élevées de la représentation municipale, départementale et légis- lative; Bourges, que vous aviez aussi revêtu de toutes vos plus hautes dignités, et qui dans sa carrière médi- cale, militaire et civile, a laissé des souvenirs si ho- norables. Plus tard, Messieurs, l'éloge de ces deux collègues sera prononcé dans vos séances publiques, et vous pourrez ainsi payer à leur mémoire un juste tribut de regret, d'affection et de respectueuse estime. © Nous devons remercier la famille du docteur Mérat, de nous avoir fait part de la mort de notre correspondant, Nous lui avons répondu à ce sujet, et avec d'autant plus d’empressement, que cette correspondance, entièrement inusitée dans ces tristes circonstances, n’en est pas moins une chose très-convenable et qu'on ne peut que réclamer vivement. 688 CONCOURS. Un grand nombre de concurrents ont répondu cette année à l'appel que vous aviez fait au nom de l’agri- culture, de la littérature, des beaux-arts et de la poésie. Vous êtes heureux de remercier aujourd’hui publi- quement {ous ceux qui se sont présentés dans la car- rière. Votre plus beau jour est celui où vous récom- pensez les vainqueurs, et faites connaître, à l’aide de vos publications, le mérite des ouvrages couronnés. Agriculture. Vous avez reçu, en réponse au IT de votre Pro- gramme, trois volumineux Mémoires, dont un com- prend plusieurs cahiers. Le vœu de l'Académie n’a pas été rempli. Qu'avait-elle réclamé? Un ouvrage en plu- sieurs petits livres, dans lesquels les rudiments de l’art agricole, principalement applicables à la Gironde, se- raient mis à la portée des enfants de la campagne. Elle à reçu trois ouvrages, dont deux seulement ont fixé son attention. L'un présente la forme réclamée par le Programme, c'est-à-dire celle de dialoques ou entretiens, en treize soirées, d'un père avec deux de ses enfants. Il à le mérite d’un style simple, précis et clair; il a 689 également celui de bien grouper les détails sur l'agri- culture de la Gironde. La manière dont il fait com- prendre l'origine et la composition des terres culti- vées est ingénieuse; ses dissertations sur les méthodes agricoles proprement dites sont intéressantes et té- moignent de la connaissance de nos usages et des ré- formes que nous réclamons. Malgré ces mérites, il est néanmoins grand nombre de passages, dans ces dialogues, qui ne pourront pas être compris par les élèves auxquels on les destine. Le but n'a donc pas été entièrement atteint. L'autre travail qui vous a été envoyé s'occupe de tout ce qui touche en général à l'agriculture; c'est presque un Traité spécial ex professo sur ce vaste su- jet; mais il ne traite nullement de l’agriculture de no- tre département. Cette œuvre, ainsi qu'il vient d’être dit, est fort étendue : elle comporte quatre cahiers, ou mieux, quatre volumes; elle révèle un auteur ins- truit. Les plus remarquables qualités se rencontrent spécialement dans le 3° cahier, consacré aux animaux domestiques employés dans l’économie rurale. La Com- mission l’a signalé à votre attention et à vos éloges, en relevant cependant l'oubli qu'il a commis sur les races bovines particulières à nos contrées de la Gi- ronde. En conséquence, la Compagnie n’a pas décerné le prix; mais pour reconnaître les labeurs et les qualités des concurrents, ainsi que plusieurs sages réflexions et préceples émis par eux et rentrant dans le cercle de notre concours local, elle a accordé une médaille 690 d'argent, grand module, au Mémoire n° 3, et une médaille petit module, à la partie du n° 1° qui traite des animaux domestiques. ( Un extrait de ce Rapport sera imprimé dans le 1° trim. des Actes pour 1852. } Éloge du cardinal de Cheverus. Quatre éloges vous sont parvenus; vous n’avez à vous occuper que de deux. Dans ces deux composi- tions encore, les formes, les développements et les rapprochements littéraires qui caractérisent l'éloge aca- démique n'ayant pas été adoptés par les auteurs, et ceux-ci s'étant bornés au champ un peu stérile de la biographie, vous avez pensé, pour être justes, ne de- voir accorder qu'une 1° et une 2° mention honora- ble aux éloges n° 3 et n° 1. L'Académie remet cet éloge au Concours pour 1852, espérant que les concurrents se rappelleront les ob- servations qui viennent d'être consignées. ( Voyez le Rapport du Concours, dans le 4° trimestre (1851 ) de nos Actes. Beaux-Arts. La question que vous aviez proposée au $ V de vo- tre Programme a suscité l’émulation de cinq compéti- teurs. 1 L'Académie croit que la question n’a pas été résolue complétement, surtout dans son point le plus impor- tant : le côté pratique et celui des réformes à opérer 691 pour assurer l'avenir de l’art. Elle n'a pas cru que le prix dût être donné; mais elle a voulu néanmoins ré- compeuser d'une manière distinguée les auteurs qui avaient fourni des preuves réelles de capacité. Un des Mémoires, le n° 3, était imprimé, et avait été détaché d'un ouvrage ayant quelque rapport avec la question de l’Académie. Vous l'avez exclu du Concours, malgré les qualités incontestables qui s’y révélaient; mais la première de toutes n'est-elle pas, Messieurs, le res- pect des usages et le sentiment des convenances? Le Mémoire n° 5 à reçu la première médaille d’ar- gent, grand module. Le Mémoire n° 1%, la deuxième médaille d'argent, petit module. Le Mémoire n° 4, la troisième médaille d'argent, petit module. Enfin, le Mémoire n° 2 a obtenu une mention ho- norable. (Voyez le Rapport sur ce remarquable Concours, Actes de l'Académie, 4° trimestre 1851.) Poésie. Cette lutte à été animée et digne d'éloges : vingt- sept pièces de poésie y ont figuré; quelques-unes avec succès. Quatre d’entre elles ont été l'objet de vos ré- compenses; ce sont, dans l'ordre de leur mérite, les n°‘ 11,2, 4 et 16. 692 Vous avez décerné : Au n° 11, une médaille d’or; Au n° 2, une médaille d'argent, petit module; Au n° 4, une mention honorable; Au n° 16, une citation honorable. ( Voyez pour les détails de ce poétique combat, Ac- tes de l’Académie, Æ° trimestre. ) ENCOURAGEMENTS ACCORDÉS PAR L'ACADÉMIE. Messieurs, indépendamment des Concours qu'elle avait ouverts, et qui lui ont procuré, comme vous ve- nez de l'entendre, la satisfaction de récompenser des hommes qui avaient travaillé pour elle, le zèle sympa- .thique dont tant de personnes ont été animées cette année en faveur de vos travaux, ainsi que le $ VIII de votre Programme, vous ont encore fourni l'occa- sion d'ajouter de nouvelles couronnes à celles que vous avez distribués. Ces couronnes ont pour but d’encou- rager tous les auteurs qui appliquent leur temps et leurs facultés à des sujets utiles où qui peuvent jeter quelque éclat sur notre ville ou notre département. 1° M. BB. Hirigoyen père vous a envoyé un Traité spécial sur les gallicismes, ouvrage manuscrit en qua- rante-trois pages, qui manquait aux études grammati- cales et que celles-ci réclamaient. L'Académie, considérant que celte œuvre possède un mérite sérieux et réel; qu'il est fait avec soin et écril avec élégance; qu'il serait très-facile d'en faire 693 disparaître les principales imperfections, et’ qu'alors il deviendrait d’une utilité pratique, a voté une mé- daille d'encouragement, petit module, à l’auteur, et l'insertion de l'ouvrage dans ses Actes, la publicité étant le meilleur moyen de justifier ses éloges. 20 M. Cornelius Keogh, ancien professeur, est l’au- teur d'un Mémoire manuscrit sur les aires des polygo- nes, el et sur le volume des polyèdres. Ce travail, de mathématiques pures, a une haute portée scientifique; il contient une démonstration nou- velle, et doit fixer par son savoir l'attention des géo- mètres. L'Académie a décerné une médaille d'argent, grand module, au Mémoire de M. Cornelius Keogh. 3 M. Charles Hubert, notre compatriote, a offert à l'Académie le premier manuscrit d'ure comédie en cinq actes et en vers, ayant pour titre : Les Usuriers. L'Académie, flattée de cette preuve de déférence, commence par remercier l’auteur, et par lui dire que son œuvre a obtenu l'accueil le plus sympathique. Mais, de plus, reconnaissant le mérite incontestable du style, et aussi l'importance d’un sujet de haute cri- tique morale, traité avec tant de soin et de travail, l’Académie a voulu encourager cette composition litté- raire, par une médaille d'argent, grand module; elle engage néanmoins l’auteur, à réduire et à modifier quelques parties de son œuvre. ( Le Rapport sur cet ouvrage dramatique sera inséré dans le 1° trimestre 1852.) Droit de priorité reconnu par l'Académie, à propos 694 d’un Mémoire de M. Sansas, relatif à l’époque de l'or- ganisation de l’ancienne municipalité bordelaise. Ce Mémoire, présenté par l’auteur à la Compagnie le 18 décembre 1845, et qui fut renvoyé à une Com- mission composée de MM. Rabanis, Lamothe et Coq, examinait l'origine de notre municipalité, et démon- trait-que J. Delurbe la faisait remonter à l’année 1172, et Dom Devienne à 1235. Il prouvait que ces deux auteurs s'étaient (rompés sur la signification des ter- mes employés dans une charte d’un roi d'Angleterre, du nom de Henri, que Delurbe avait cru être Henri IT, et que Dom Devienne, avec plus de raison, avait re- connu pour être Henri HI Enfin, il établissait que l'un et l'autre n’avaient pas compris le véritable sens de cette charte; qu'une foule d’autres documents attes- taient l'existence d'une commune à Bordeaux anté- rieurement à 1235 et à 1172, et par conséquent ren- versaient toutes les théories bâties la-dessus par nos historiens bordelais. Messieurs, arrivé au terme de cette année académi- que, je vous ai prié de jeter vos regards en arrière; vous avez pu suivre votre marche dans le vaste champ des sciences et des lettres; vous avez pu y voir se grouper vos nombreux travaux, et y reconnaître le point de la route où d'honorables collègues se sont joints à vous, où d’autres vous ont quitté pour tou- jours. En considérant votre passé, vous pouvez, il me semble, tourner avec assurance vos regards vers l'avenir. 695 PROGRAMME QUESRMIONS MODS AU CONCOURS PAR L'ACADÉMIE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS, pour l'année 1852. Séance publique du 30 décembre 1851. I" PARTIE. RESULTAT DU CONCOURS DE 1851. L'Académie est heureuse de proclamer que de nom- breux concurrents ont travaillé sur les questions qu'elle avait mises au Concours pour 1851. Trois Mémoires ont répondu au $ IT du Programme de 1850 ( question d'agriculture ); Quatre au $ IV (éloge du cardinal de Cheverus ); Cinq au $ V (des révolutions et de l'avenir de l'art ); Vingt-sept pièces de poésie au VIII; Trois ouvrages en dehors des conditions du Con- cours ont encore mérité des récompenses. 696 Il en résulte que quatre questions seules du Pro- gramme de 1850 subsistent encore. L'Académie a décidé qu'elle les prorogeait jusqu’en 1852. Elle espère que ces questions seront traitées d'ici à la fin du prochain Concours. $ Ler. POESIE. Les pièces de poésie reçues par l'Académie ont pour titre : N° 1. — Un Message. Dieu a donné ordre à ses anges, et aussitôt les anges s’approchèrent de lui et le servirent. (Évangile. ) N° 2. — Quelques pièces extraites d'un Recueil iné- dit, ayant pour titre : Souvenirs et Réveries. Mentula conatur pinplæum scandere montem Musæ furcillis præcipitem ejiciunt. (CATUL., cap. V.) N° 3. — Six fables en vers : Le Singe et la Chan- delle; La Linotte; Le Renard plaidant; L'Écolier et son Maître; Les Deux perdrix; Le Ver luisant. L'esprit humain est tellement né pour la vé- rité, qu'il veut toujours en voir l'image, même dans les fictions. (NogL et CHAPSAL. ) 697 N° 4. — Incertitude et Réverie. Je suis l'enfant de l'air, un sylphe, moins qu’un rêve. L'esprit que la lumière à la rosée enlève, Diaphane habitant de l'invisible éther. { Victor Huco; Les Sylphes, ballade. ) N° 5. — L'Ange du printemps. De tous ceux qui furent précipités, nul ne possédait un extérieur aussi séduisant, des mœurs plus douces et plus affables. (MizTow; Paradis perdu. ) N° 6. — Près d'un berceau. Enfant, rêve encore; Dors, ô mes amours, Ta jeune âme ignore Où s’en vont tes jours. ( Victor Hu@o. ) N°7. — A Sa Majesté Louis-Philippe, roi des Fran- çais, supplique. : Qualis facies et quanta digna tabellà. N° 8. — La Rosée d'automne, élégie. Un pictura poesis. N°9. — Méditation; Au grand Bé. Un pictura poesis. N° 10. — À mon ami H. M. Jouissons du présent sans craindre l'avenir, Et du bonheur passé gardons le souvenir, 41 698 N° 11. — Le Chant de Samson. Et apprehendens ambas columnas, quibus innitebatur domus alteramque earum dexterà, et alteram levà tenens. Ait : moriatur anima mea cum Phi- listium. Concussisque fortiter colum- nis, cecidit domus super omnes prin- cipes et cæteram multidudinem quæ ibi erat. (Liber judicum, cap. XVI, v. 29,et 30.) N° 12. — Les Deux Anges. 1° Partie : Le Mauvais Ange. Toutes deux dignes de louanges Arrivaient après d’heureux jours, L'une sur les ailes des anges, L'autre dans les bras des amours. (BÉRANGER. ) N° 13. — À Mme Émile. O la plus belle des maîtresses... (PARNY. ) N° 14. — À Lauretzia.. Dès que la nuit sur nos demeures Planera plus obscurément. (PARNY.) N° 15. — L'âne, la martre, les trois buses, le ciron, les deux chameaux et le castor, fable. Et ne laisse aux plaideurs, Que le sac et les quilies. (LA FONTAINE. ) N° 16. — Les Pâques carlovingiennes, poëme. Charlemagne, c’est toi... (Victor Huco, Hernani.) 699 N° 17. — Le Cardinal de Cheverus, épître à mon fils. In memorià æternà erit justus. N° 18. — Le Comte de Leicester, tragédie en cinq actes el en vers. Craignez d’un vain plaisir les trompeuses amorces, Et consultez longtemps votre esprit et vos forces. (BoiLEAU; Art poétique.) L’erdeur de mon imagination, ma timidité, la solitude, firent qu’au lieu de me jeter au dehors, je je me repliai sur moi-même : faute d'objet réel, j'é- voquai, par la puissance de mes vagues désirs, un fantôme, qui ne me quitta plus. ( CHATEAUBRIAND.) N° 19. — Consolation du cœur, poésie {sans épi graphe ). N° 20. — Le Scepticisme. Credo. N° 21. — L'Oubli. Pourquoi donc oublier toujours? N° 22. — Les Enfants de la terre. La chanson répondait : France; Les gardes laissaient passer. ( BÉRANGER. } N°23. — Méditations : joie et tristesse. Aussi, que de tristes pensées, Aussi, que de cordes brisées Pendent à ma lire, déjà! { Victor HuGo. }) 700 N° 24. — La Résurrection | Le bon Dieu me dit : Chante, de Grégoire. Chante pauvre petit. ( BÉRANGER. ) N° 25. — Mon pays. Idem. N° 26. — C’est elle. Idem. N° 27. — Trois Fables extraites d'un recueil iné- dit : Le Basset; Le Pot au feu; Les Deux coqs et Le Dindon ( sans épigraphe ). Il y a eu cette année, comme on vient de le voir, abondance de pièces de poésie dans tous les gen- res et même dans les plus opposés, comme la chan- son, l'ode, la fuble, la tragédie, l'élégie, le poème lyri- que. L'Académie a trouvé, avec joie, du talent dans quelques-unes, de la grâce, de l'imagination et des dis- positions poétiques dans quelques autres. Une seule s’est révélée par d’énergiques et remar- quables beautés de style et de pensée. La pièce Le Message doit être citée. Le plan, c’est un voyage de l’ange Azaël autour de la terre; imita- tion vague de Lamartine. L'auteur a lu beaucoup de vers et le nombre lui est resté dans l'oreille; il sait trouver la rime, pour laquelle il paraît passionné. Les locutions sont en général prosaïques; cependant il a de la grâce, surtout dans le style descriptif. Et des oiseaux du ciel la douce mélodie Se mêlait dans les airs à la brise attiédie....……. sit aialolatels is e oo) ee, e à © ea» ae tote) s'allie ta vista 701 Et l'ombre des grands bois... Du rossignol caché balançait les refreins. La pièce qui a pour titre Le Sommeil du petit Sa- voyard, est une composition pleine de sensibilité et de charme : c'est un ressouvenir des délicieuses élégies savoyardes de Guiraud. Il serait facile d'en faire dis- paraître quelques taches bien légères. Il existe dans cette pièce, moins pourtant que dans les six autres envoyées par le même auteur, une cer- laine obscurité dans la pensée; c’est là le défaut le plus habituel et le plus sérieux d’un talent réel qui ne ré- clame que du travail. L'Académie accorde à cet auteur une médaille d'ar- gent petit module. Incertitude et Réverie, pièce dans le genre élégia- que, renferme de l'harmonie, de la grâce mystique, du sentiment religieux. On y remarque une brillante stance : Éclair de son rayon, souffle de sa parole, Reflet de sa pensée, ombre de sa splendeur... L'auteur a obtenu une mention honorable. L'Académie a décidé que la pièce des Pâques car- lovingiennes méritait une citation; c’est une vieille lé- gende, rimée par quelqu'un qui à l'habitude de la ver- sification. Le sujet par lui-même est obscur; il ya quelques bons vers, tels que celui-là : De la voile qui part voit palpiter le pli. 702 L'Oubli, et Le Scepticisme, sont deux méditations évidemment du même auteur, où l'on remarque du mouvement, du nombre et des images. Il y a du poëte dans ces deux pièces, mais pas assez d'étude. On en acquiert la preuve, en reconnaissant des fautes qu'un peu d'attention n'aurait pas laissé subsister. La première de ces pièces renferme une idée philosophi- que élevée qui n’a pas été développée. Le Cardinal de Cheverus. Dans cette épître, où l'au- teur raconte la vie du saint prélat, sont. exprimés les conseils les plus graves et les plus tendres qu'un père puisse jamais adresser à son fils; mais l'homme ins- truit ne fait pas le poëte, et quelques vers heureux, trouvés par le cœur, ne peuvent racheter le prosaïsme d’un grand nombre d’autres. Dans la pièce ayant pour titre À Sa Majesté Louis- Philippe, il y a beaucoup d'esprit et de talent poéti- que : c'est la supplique d'un captif demandant sa li- berté. Quelques vers sont si vrais, si saisissants, qu'ils font naître une profonde émotion : Je ne suis pas meilleur et je deviendrai pire. Le trait final est spirituellement triste : Car j'ai dans la campagne un ami qui m'attend ; Il m’écrit que bientôt l'herbe deviendra douce ; Qu’'ensemble au fond des bois nous ririons sur la mousse. S'il me voyait venir, il serait si content! Prince, de ma prison veuillez donc que je sorte. Que mon dernier soupir franchise au moins la porte. 703 Les muses touchèrent le monarque. Le règlement de l'Académie est malheureusement plus inflexible; il la force, quoiqu'’elle reconnaisse le véritable mérite de ces vers, à les placer hors du Concours, comme n'étant pas inédits. Enfin, l’Académie a décerné une médaille d’or à la pièce intitulée Le Chant de Samson Il y avait longtemps qu'elle n'avait trouvé l'occa- sion de donner une récompense aussi élevée dans ses Concours de poésie; elle se félicite donc de pou- voir couronner d’une palme semblable la muse d’un compatriote. Ce poëme développe une idée dramatique, un fonds de sentiments mâles, où se confondent la passion na- tionale et la passion religieuse. On y rencontre par- tout un esprit nourri des fortes images de la poésie antique, sacrée et profane. Tous les points n'en sont pas peut-être irréprochables; mais le mouvement y déborde, et l'apostrophe de Samson est surtout d’une verve, d’un éclat et d’une vigueur qu'on ne saurait trop louer : c'est le prophète, annonçant la foudre. S IL. SCIENCES, BEAUX-ARTS, LITTÉRATURE: CONCOURS D’AGRICULTURE. Le Mémoire n° 3 a emprunté la forme de dialogues entre un père et ses enfants. Dans tréize soirées, sont 704 développés, avec précision et clarté, les détails sur l’agriculture du département de la Gironde, et sur les diverses méthodes agricoles qu’il convient d'y em- ployer. Ces enseignements, dans plusieurs points, sont trop élevés pour des enfants. L'Académie lui a décerné une médaille d'argent grand module. L'ouvrage portant le n° 1 n’a pas été fait en vue de l'agriculture de la Gironde, ni pour répondre au Pro- gramme de l'Académie. La médaille d'argent petit module, accordée à son auteur, ne récompense donc spécialement que l'ins- truction étendue et pratique renfermée dans le 3° ca- hier, concernant les animaux domestiques. CONCOURS SUR LA QUESTION DES BEAUX=-ARTS. Ce Concours a été remarquable par les efforts scien- tifiques et artistiques avec lesquels quatre concurrents ont soutenu. La question, néanmoins, n'a pas été complétement résolue. Le Mémoire n° 5 ayant traité d’une manière très- convenable la partie historique, a surtout le mérite d'avoir présenté un projet pratique sagement déve- loppé, pour l'établissement d'institutions sur lesquelles pourra s'asseoir l'avenir de l’art. Une médaille d’ar- gent grand module a récompensé ce travail. _Le Mémoire n° 1 s’est beaucoup étendu sur l'his- toire des révolutions de l’art, et paraît ne s'être pas préoccupé de rechercher les réformes capables d'en 705 prévenir le retour; il a obtenu une médaille d'argent petit module. Le n° 4, d’une manière trop succincte, a touché quelques idées importantes de réforme et d’améliora- tion pour les arts; il à fait preuve de raison pratique, et a entrevu, pour ainsi dire, ce que le n° 5 a détaillé avec soin. L'Académie lui accorde une médaille d'argent petit module. | Une mention honorable indique au n° 2 que l’on a tenu compte de quelques passages vigoureusement pensés et bien écrits. CONCOURS SUR L'ÉLOGE DU CARDINAL DE CHEVERUS. Les intentions de l'Académie n'ont pas été remplies. C'était un éloge académique qu'elle demandait sur les vertus et les talents de ce prélat, bien plus qu'une bio- graphie. Les n° 3 et 1 offrent néanmoins des qualités trop réelles de style et de pensée, pour ne pas être distin- gués d'une manière flatteuse. Ils ont obtenu une première et une deuxième men- tion honorable. 6 II. PRIX DÉCERNÉS PAR L'ACADEMIE EN 1851. CONCOURS D’'AGRICULTURE. L'Académie accorde : 1° Une médaille d'argent grand module à M. Hip- 706 polyte Duluc, de Bordeaux, médecin vétérinaire, au- teur du Mémoire intitulé : Enseignements agricoles, en treize soirées. 20 Une médaille d'argent petit module, à M. Benja- min Véret, de Doullens, vétérinaire, ex-chirurg'en mi- litaire, pour le 3 cahier de son Précis d’Agronomie pratique, traitant des animaux domestiques. CONCOURS POUR L’'ÉLOGE DU CARDINAL DE CHEVERUS. 3° Une première mention honorable, à M. B. Cas- tanié, de Bordeaux, sous-chef de division à la Pré- fecture de Bordeaux, auteur du Mémoire n° 3. 4° Une deuxième mention honorable, à M. l'abbé Hirigoyen, de Bordeaux, vicaire de l’église St-Pierre. CONCOURS SUR LES RÉVOLUTIONS ET L'AVENIR DE L'ART. 5° Une médaille d'argent grand module, à M. Lau- rent Matheron, de Bordeaux, directeur de l'hospice St-Jean, pour le Mémoire n° 5. 6° Une médaille d'argent petit module, à M. Arba- nère, ancien maire de Tonneins, pour le Mémoire n° 1. 7° Une médaille d'argent petit module, à M. Maxi- me Sütaine, de Reims, pour le Mémoire n° 4. 8° Une mention honorable, à M. Eugène-Benjamin Le Bœuf, de Nantes, pour le Mémoire n° 2. CONCOURS DE POÉSIE. 9° Une médaille d’or, à M. L. Bénigne-Huyet, de 707 Bordeaux, professeur et homme de lettres, auteur du Chant de Samson. 10° Une médaille d'argent petit module, à M. Eug. Burgade, de Libourne, bibliothécaire de cette ville, auteur du chant élégiaque, intitulé : Sommeil du petit Savoyard. 11e Une mention honorable, à M. Paul Hirigoyen, pour la pièce intitulée fncertitude et Réverie. ENCOURAGEMENTS, 12° Une médaille d'argent petit module, à M. B. Hirigoyen père, de Bordeaux, professeur de gram- maire et de littérature, auteur d'un ouvrage manus- crit, ayant pour titre : Traité des gallicismes , et pré- sentant une utilité pratique. 13° Une médaille d'argent grand module, à M. Cor- nélius Keogh, de Bordeaux, ancien professeur, auteur d’un Mémoire de mathématiques pures sur les ares des polyqones et le volume des polyèdres, dans lequel on trouve une démonstration nouvelle et savante. 14° Une médaille d'argent grand module, à M.Char- les Hubert, de Bordeaux, auteur d'une comédie en cinq actes et en vers, ayant pour titre : Les Usuriers , comme encouragement donné à une œuvre sérieuse et morale, qui à besoin encore de corrections, mais qui est le fruit de longues veilles et où se rencontrent un grand nombre de vers heureux. 708 II PARTIE. CONCOURS OUVERT POUR 1852. L'Académie a conservé une partie de son Programme de l’année dernière ; elle y a ajouté des questions nou- velles. $ II. ÉCONOMIE RURALE. Le département de la Gironde possède en espèce bovine des races très-justement remarquables à plu- sieurs points de vue. Une longue expérience et les résultats des concours tenus à Bordeaux, en 1849, 1850 et 1851, l'ont suffisamment démontré. Déjà, depuis longtemps, plusieurs agronomes, mé- connaissant peut-être ces dons précieux d'une nature généreuse, ont cru devoir tenter le croisement de ces races avec des sujets de races étrangères. L'Académie, dans la crainte de voir, en l’absence de toute appréciation préalable, ces tentatives produire des résultats désavantageux pour nos contrées, met au concours la question qui suit : « Faire une appréciation complète de la valeur de chacune des races bovines de la Gironde, au point de vue des différents emplois auxquels on les applique, et signaler les précautions qui devraient être prises, les mesures même qui pourraient être adoptées par l'administration, à l'exemple de ce qui se fait en Bel- gique et en Suisse, pour assurer la conservation de 709 ces races dans toute leur pureté, ou leur meilleur mode de croisemeut sous le double rapport du travail et de l'engraissement. » La récompense sera une médaille de 300 fr. Le prix des denrées nécessaires à l'existence mérite de plus en plus l’attention du gouvernement; l'étude du passé peut jeter d'utiles lumières sur ce que récla ment les besoins du présent; aussi l’Académie a-t-elle mis au Concours la question suivante : « Faire l'exposé complet, l'appréciation et fa criti- que de l’ensemble des statuts, règlements et arrêts, qui régissaient, sous l'ancienne municipalité bordelaise, les boissons, les subsistances, et principalement les vins, les blés, les farines, le pain et les viandes. » Prix prorogé en 1852, une médaille d’or de la va- leur de 300 fr. $ IV. PHILOSOPHIE; — LEGISLATION. La loi ne frappe point par vengeance, mais pour dé- fendre la société attaquée ; elle se propose aussi de ramener dans le chemin de l'honnêteté et de la mo- rale, ceux qui l'ont abandonné. La loi doit sauvegarder l'intérêt de la société ; elle doit également, tout en étant sévère, être juste, hu- maine , el conséquente avec ses immuables principes. Tous ces résultats sont-ils obtenus pour ce qui con- 710 cerne les condamnés libérés? Lorsque le temps de leur peine est terminé, quelle est leur position dans la so- ciété, où ils sont revenus? Cette position, tout le monde l'apprécie, elle accuse peut-être nos institutions! L'Académie a souvent réfléchi sur le sorti de cette classe d'hommes auxquels on n'apporte aucun moyen de travail ni assistance d'aucun genre, partant aucune modification amélioratrice, et qu’on est obligé de frapper plus terriblement encore s'ils récidivent dans le crime. Ces graves corisidérations ont engagé vivement l’A- cadémie à appeler l'attention des philanthropes et des légistes, sur la question suivante : « Résumer la législation relative aux condamnés li- bérés ; » La comparer avec les législations étrangères, et particulièrement avec la législation anglaise. » Indiquer les réformes propres à sauvegarder l’in- térêt de la société, tout en favorisant l'amélioration de l'individu. » La récompense à décerner sera une médaille d'or de 300 fr. S VI. PHYSIQUE. L'un des membres de l’ancienne Académie de Bor- deaux , de Romas, sans avoir connaissance des travaux de Franklin, a fait, vers la même époque, des expérien- ces importantes sur l'électricité atmosphérique. L’A- 711 cadémie, voulant rendre à la mémoire de notre com- patriote l’honneur qui lui est dû, met son éloge au Concours: elle décernera en 1852 une médaille de 300 fr. à la meilleure dissertation sur les travaux de cet éminent physicieu. $ VIL. LITTERATURE. Le barreau bordelais a jeté un vif éclat dans la pé- riode de trente-cinq ans qui s’est écoulée entre 1780 et 1815. Des biographies particulières ont fait connai- tre quelques-uns des hommes qui se sont distingués dans cette carrière par leur éloquence ou leur pro- fonde érudition. L'Académie a pensé que le tableau bistorique du barrean et des principaux avocats ou jurisconsultes qui y ont pris une place éminente, of- frirait un grand intérêt. En conséquence, elle décer- nera, en 1852, une médaille d’or de la valeur de 500 fr. à l’auteur du meilleur Mémoire sur la question suivante : « Étude générale du barreau de Bordeaux depuis 1780 jusqu’en 1815, et appréciation des principaux jurisconsultes ou orateurs qui s’y sont distingués. » Éloge du cardinal de Cheverus. Ce nom seul révèle assez les sentiments qui ont guidé l’Académie dans le choix d'un pareil sujet, qui est remis au Concours pour 1852. 712 L'Académie n’a point en vue, en persistant sur cette question, d'obtenir des Notices biographiques plus complètes que celles qui lui ont été présentées; elle désire seulement, ainsi qu'il faut le comprendre par le mot éloge dont elle s'est servie, une appréciation littéraire et académique des vertus, de l'esprit, du style, de l’éloquence, de l'ancien archevêque de Bor- deaux, et de l'influence qu'ont exercée ses éminentes qualités pendant une trop courte carrière; enfin, elle espère que les auteurs placeront ces développements-en face de ceux qu'ont fait naître la vie et les travaux évangéliques d’autres prélats célèbres. Le prix reste toujours une médaille d'or de 300 fr. La poésie lyrique, cette expression libre et vive de toutes les affections de l'âme, la plus haute expression de l'inspiration poétique, compte en France d'assez nombreux représentants, et beaucoup d'essais remar- quables, mais peu de chefs-d'œuvre. Quoique nousayons eu deux Pindares français, Ronsard et Lebrun, et que J.-B. Rousseau ait été appelé le Grand et le Prince de la poésie française, quoique nous puissions nous glo- rilier encore de plusieurs autres lyriques d'un incon- testable talent, il est certain que nous sommes restés, en ce genre, beaucoup au-dessous des anciens, parti culièrement des Grecs, et qu’un seul de nos poètes est parvenu, comme l'a dit Chénier, au sommet de l'art : c’est le plas parfait de nos tragiques, c’est Racine dans ses chœurs d'Esther et d’Athalie. D'où nous vient cette infériorité que nous n'avons pas toujours assez sentie? 713 Qu'a-t-il manqué à nos lyriques, et jusqu'où leur génie a-t-il atteint? Quelles sont en général les sources de l'inspiration lyrique, et les causes qui la produisent, la conservent ou la tarissent? L'Académie, désirant proposer ce sujet d’études à nos littérateurs, résume la question dans les termes suivants : « Tracer l'histoire de la poésie lyrique française, en comparant notre génie lyrique avec celui des anciens, et en indiquant les causes de leur différence. » La récompense sera une médaille d’or de 300 fr. $ VU. ENCOURAGEMENTS DIVERS. L'Académie continuera d'accorder des récompenses proportionnées au mérite des poésies qui lui seront adressées. Déjà, depuis plusieurs années, elle a pensé qu'il était convenable de laisser au poëte le choix du sujet à traiter. Cependant elle accordera toujours une attention toute particulière à celles de ces poésies qui se rattacheront, soit à quelques circonstances de la localité, soit à quelques faits particuliers de l'histoire du pays. Les observations météorologiques qui se font depuis quelques années sur divers points de la France, et qui ont acquis assez d'extension pour devenir l'objet d'une publication spéciale {Annuaire météorologique) ont paru à l’Académie devoir être favorisées d'une manière par- 15 714 ticulière : des médailles d'encouragement seront dé- cernées aux auteurs d'observations barométriques , thérmométriques et udométriques faites au moins pen- dant une année entière sur un point du département, avec des instruments soigneusement comparés. La construction de voies nouvelles va déterminer, dans le département de la Gironde, de grands travaux de terrassement. L'Académie, mue par le.désir de fa- voriser le progrès des sciences géologiques et zoologi- ques, et surtout dans le but de compléter la faune an- tédiluvienne du bassin de la Gironde, décernera des encouragements spéciaux aux personnes qui recueille- ront et lui adresseront des ossements fossiles, ou, du moins, qui lui en transmettront des descriptions dé- taillées accompagnées de figures. L'Académie décernera, dans sa séance publique de 1852, ainsi qu'elle l'a fait dans ses séances antérieures, des méaailles d'encouragement aux agriculteurs et aux artistes qui lui auront communiqué des travaux utiles, ou aux industriels qui auront formé des établissements nouveaux à Bordeaux ou dans le département. Elle promet surtout de récompenser spécialement celui qui aura fait établir un four coulant, ou à feu continu, de la contenance de 15 mètres cubes, pour la fabrication de la chaux, et qui livrera cette substance à l’agriculture à un prix inférieur à celui de 3 fr. la barrique, ou de 12 fr. le mètre cube. De semblables marques de distinction pourront être accordées aux recherches archéologiques, aux écrits qui feront connaître la vie et les travaux des hommes 715 les plus remarquables du département de la Gironde, aux communications qui seront faites à l’Académie, d'objets d'arts, de médailles, d'inscriptions; enfin, à tous les documents scientifiques quelconques qui pré- senteront de l'intérêt et de l'utilité. CONDITIONS GENERALES. La séance publique annuelle aura lieu dans le cou- rant de décembre 1852. Les Mémoires, écrits très-lisiblement en français ou en latin, seront reçus, francs de port, jusqu'au 15 oc- tobre 1852, à l'hôtel du Musée, rue Saint-Domini- que, 1, ou chez le secrétaire général, rue Sainte-Ca- therine, 25. Tous doivent porter une sentence, et, dans un billet cacheté renfermant cette même sentence, le nom de l'auteur et son adresse. Les billets ne seront ouverts que lorsque les ouvra- ges auront été jugés dignes du prix ou d’une récom- pense académique. Sont dispensées de cette formalité les personnes qui aspirent aux médailles d'encouragement, et les con- currents aux prix qui exigent ou des recherches loca- les, ou des procès-verbaux d'expériences qu'ils au- raient faites eux-mêmes. Art. 29 du Règlement de l'Académie. Les manuscrits 716 envoyés au concours doivent rester aux archives tels qu'ils ont été cotés et parafés par le Président et le Se- crétaire, et ne peuvent, dans aucun cas, être dépla- cés. Toutefois, l’Académie ne s'arroge aucun droit sur le Mémoire lui-même, qui demeure toujours la pro- priété de l’auteur; il peut en disposer à son gré, sans qu'il soit nécessaire de demander aucune aatorisalion à cet égard. (En se faisant connaître, l'auteur d'un manuscrit peut obtenir l'autorisation d'en faire prendre copie sur place.) Art. 30. Les Mémoires couronnés par l'Académie ne peuvent être publiés par les auteurs sans le consen- tement formel de la Compagnie, qui ne l’accordera qu’autant qu’elle aura la certitude que l'ouvrage im- primé sera en tout conforme au Mémoire manuscrit couronné par elle et déposé aux archives. Cet article et l’article précédent seront insérés dans le Programme. Les étrangers gt les régnicoles sont également admis à concourir, même ceux qui appartiennent à l’Aca- démie à titre de membres correspondants. GOUT DESMARTRES, Président. E. DÉGRANGES, Secrétaire général. AA MALADIE DU RAÏSIN ET DE LA POMME DE TERRE EN QUISSE, EN (85i, Par M. Cu. LATERRADE. Dès l’année 1847, les journaux d'Outre-Manche nous annonçèrent que les raisins cultivés dans les ser— res anglaises se trouvaient atteints d’une maladie sin- gulière, encore inconnue en Europe, et importée, di- sait-on, du Nouveau-Monde. En 1850, la maladie traversa la Manche, vint se fixer de ce côté-ci de la mer, puis remonta la Seine jusqu’à Paris, où celle sé- vit cruellement sur les treilles ct sur les cultures forcées des environs de la capitale. Ea 1851, les progrès sont bien plus effrayants : c’est, à l'étranger, le Piémont, le Tessin, Zürich; à l’intérieur, le Beaujolais, le Mà- connais, la Bourgogne, la Drôme, qui jettent un cri d'alarme ; la Drôme surtout, ne pouvant dérober au 718 fléau ses chers produits de l'Ermitage. Tout le monde a compris dès lors la nécessité d'étudier un mal qui menace, chaque année, d'amoindrir davantage l’une des principales ressources de notre pays. Je n'ai point l'intention de faire ici l'historique de la maladie du raisin, encore moins de décider si cette maladie est occasionnée par le développement d’un oï- dium, ou, comme le prétend M. Robineau-Desvoidy, par un détestable acarus observé déjà par Linné et par- faitement décrit par M. Raspail. J'ai pensé seulement qu'il pouvait être utile d'observer la maladie dans des contrées différentes, et mes affaires m'ayant appelé cette année dans la Suisse, je me suis rendu à Zürich afin d'examiner par moi-même les ravages du mal et de pouvoir en faire un rapport à l’Académie de Bor- deaux. Mes observations ont été recueillies sur plu- sieurs points du canton de Zürich, du 15 au 20 sep- tembre 1851: Dans la Suisse, la maladie s’est d’abord manifestée sur l'écorce des branches, qui s’est couverte de taches rousses, puis presque noires; ces laches ont traversé l'épiderme et atteint le tissu cellulaire, sans cependant pénétrer jusqu'au liber. Bientôt après l'apparition des taches de l'écorce, une poussière blanche, assez sem- blabie à un léger duvet (sans doute l'oïdium Tuckeri), a recouvert les pédoncules, puis les grains. A cette poussière blanchâtre a succédé sur le grain une tache pareille à celles qui avaient été d'abord remarquées sur l'écorce; cette tache, fauve, noirâtre, semblait ne devoir atteindre que l'épicarpe, sans rien lui faire per- 719 dre de sa transparence ordinaire; mais bientôt la ta- che se rembrunit, prend de la consistance, forme une sorte de callosité assez dure au toucher et se creuse un chemin vers le centre de la baie. Alors le grain cesse d’être rond; il est irrégulier, tronqué; il semble ayoir été endommagé, creusé par la grêle, et la baie est réduite du quart et quelquefois du tiers de son vo- lume. Quant aux feuilles, elles sont dans un état assez satisfaisant; quelques-unes ont leurs nervures princi- pales attaquées; cependant le limbe est rarement taché et le parenchyme généralement sain. Dans le Tessin, comme à Zürich, ce sont surtout les vignes les plus soignées, les plus fumées, qui sont le plus fortement attaquées. Les autres n’offrent qu'un très-petit nombre d'individus sérieusement atteints. L'une des premières questions qui s'offre à l'esprit, en présence de cette maladie, est évidemment celle-ci : Le raisin ainsi attaqué est-il impropre à la consomma- tion ? Le Conseil de salubrité de Lyon s’est livré à cet égard à une étude approfondie, et il résulte de ses in- vestigations et de ses expériences consciencieuses, que le raisin ainsi attaqué peut être sans danger livré à la consommation ou employé à la fabrication du vin. C'est donc à tort que le savant M. Robineau a proposé d'ap- peler empoisonnement de la vigne, l’état morbide qui nous occupe. Mais s'il est vrai, comme je le crois, que le raisin ainsi attaqué soit sans danger pour la santé, il me pa- raît également incontestable que le vin fait avec de tels raisins perdra beaucoup , en quantité d'abord, eten qualité ensuite. En quantité, car le raisin malade n’ar- 720 rive que rarement à une complète maturité et devra, par conséquent, être repoussé de la cuve; le volume de la baie a d’ailleurs subi une diminution sensible ; en qualité, car le vigneron économe voudra toujours employer la partie la plus müre du raisin malade, et il fera de mauvais vin, chargé d'acide, manquant de sucre, et, par suite, d'alcool, enfin manquant de couleur, puisque le principe colorant est tout entier dans là pellicule et que la pellicule se (rouve surtout altérée. Après avoir signalé le mal, il serait consolant de pouvoir indiquer le remède. L'Académie d'économie rurale de Turin assure que plusieurs cultivateurs ont obtenu d’heureux résultats d'un lavage fait avec une dissolution de chaux et de potasse (ou de cendre), pré- cédé d’un effeuillage suffisant. Elle croit aussi que des vapeurs sulfureuses produiraient un excellent effet *. Sans doute, un tel procédé ne serait guère applicable à nos grandes cultures; néanmoins, on pourrait en faire l'essai en France, si les vignes de nos premiers crüs étaient attaquées. Dans tous les cas, nous sommes loin de penser comme M. Robineau, qu'il est inutile de chercher à opposer un remède quelconque à une sem- blable maladie. ?. Mais avant de rechercher des moyens curatifs ou préservatifs, il serait utile de déterminer la cause réelle du ma! qu'il s’agit de combattre. Cette cause ne peut rationneilement être trouvée ni dans l’acarus, ni dans ? Wachster, von Weinfeldin, 4 sept. 1851. * Académie des Sciences, séance du 22 sept. 1851. 721 l’oïdium. On à parlé des influences atmosphériques ; c’est là, toujours, la grande raison de ceux qui n'en ont pas d’autres à indiquer. On a aussi invoqué la bi- zarrerie de l'atmosphère pour rendre compte de l’alté- ration morbide de la pomme de terre; mais les derniè- res années qui se sont écoulées ont offert des tempé- ratures diverses, des accidents météorologiques très- variés; cependant, sous l'influence de ces agents atmos- phériques divers, le même phénomène ne s'est-il pas constamment reproduit? Il ne faut done pas tout attri- buer au temps. Pour moi, je suis porté à penser que certaines plantes, la pomme de terre et la vigne entre autres. sont arrivées, en Europe, à une période de dé- générescence occasionnée surtout par des fumiers trop abondants et composés d'éléments plus propres à acti- ver les phénomènes vitaux de l'organisation végétale, qu'à favoriser, dans une sage mesure, son développe- ment naturel. En d’autres termes, le règne végétal subit, ainsi que les animaux, ainsi que l'homme lui- même, les conséquences de la civilisation. N’est-il pas vrai, qu'à force de soins et de jouissances de toutes sortes, le genre humain s’abâtardit physiquement ? N'est-il pas vrai que les animaux domestiques sont as- sujettis à plus de maux que les espèces sauvages? On ne saurait soutenir le contraire. Toutes les fois qu'un être organisé s'éloigne de la nature, c’est au détriment de ses facultés physiques. Le savant et l'homme du monde, qui font du jour la nait et qui prolongent in- définiment leurs veillées, lun sur ses livres, l’autre sur ses cartes, s’usent également. Appliquons ce principe au règne végétal. Groit-on 722 qu'en voulant, bon gré, mal gré, faire croître du rai- sin partout, on ne s'éloigne pas de la nature? Est-ce que, par exemple, la vigne a été faite pour vivre au delà de la Manche, sous l'influence de-froids brouil!ards, elle qui veut des collines aérées et un chaud soleil ? Je sais que là-bas vous lui faites des appartements parfaite- ment réchauffés, que vous la défendez de la brume etdes fortes gelées. Misères que tout cela; elle n’a pas froid, mais elle manque d'air, mais elle étouffe dans vos ser- res, et elle doit y contracter des maladies qui lui seraient inconnues dans un milieu plus favorable. Ailleurs, ce n'est pas le climat qu’elle a pour adversaire, c'est l’a- vidité du cultivateur, c'est l'aurt sacra fames. Elle a beau donner, cette bonne vigne, il faut toujours qu'elle donne davantage, et pour arriver à lui faire produire le plus possible, on invente toutes sortes de condi- ments, d'engrais, d'amendements. Et on s’étonne qu'elle s’épuise ! Et on ne voit pas que ces fumures abondan- tes, non-seulement nuisent à la plante et au sol qui la porte, mais encore développent souvent dans le sein de la terre de redoutables ennemis! Encore quelques an- nées et la courtilière obligera peut-être nos maraîchers d'Eysines, du Taillant et de Blanquefort à abandonner leurs cultures jadis belles et lucratives. Qu'est-ce donc qui a introduit ou du moins multiplié à l'infini l’insecte dévastateur dans ces communes, si ce n'est un fumier trop abondant ‘? Ces considérations paraîtront peut-être de quelque poids à l'Académie, si elle se rappelle que !. Une sorte d'enquête à laquelle je me suis livré, avec plusieurs de mes col- lègues de la Société d'Agriculture, sur les vastes propriétés de MM. Lemotheux et de Bryas, ne me permet aucun doute à cet égard. la maladie du raisin s’est toujours montrée jusqu'à pré: sent en proportion directe avec les soins prodigués à la vigne. C’est dans les serres, c’est sur les treilles, c'est au milieu des cultures forcées que la maladie a sévi avec le plus de rigueur. Que conclure de là ? Faut-il renoncer à modifier la sature du sol sur lequel on opère? Non, sans doute. Mais, de l'emploi judicieux de certains amendements dont l'efficacité s'appuie sur une longue et sage expé- rience, à l'usage immodéré de produits bruyamment débités par de célèbres industriels, il y a loin encore, heureusement. Disons aussi que les meilleurs amende- ments, les fumiers les plus salutaires ne doivent pas être prodigués; que le cultivateur ne doit pas forcer sa vigne, comme il le fait trop souvent; disons, enfin, qu'il serait sage de ne cultiver un végétal que dans le terrain, sous le climat et à une exposition qui lui con- viennent, et non point hors de toutes les conditions exigées par la nature de ce végétal. Cette opinion, je crois l'avoir émise le premier en France, dans les journaux de Bordeaux, lors de l'ap- parition de la maladie des pommes de terre. Aujour- d'hui, quelques faits semblent venir la confirmer. La Suisse, que je viens de parcourir dans presque toute son étendue, n’a pas à se féliciter de sa dernière récol- te de pommes de terre. Presque partout la maladie a atteint le quart, quelquefois la moitié des tubercules. Un de mes amis, habitaat le canton de Thurgovie, fa- tigué d'engraisser à grands frais un sol qui ne lui don- nait depuis quelques années que de tristes produits, 724 s’est avisé de n’accorder à ses pommes de terre aucune espèce d'engrais. Quel a été son étonnement quand il a vu sa récolte dépasser en quantité et er qualité celles de tous ses voisins; pas un des tubercules cultivés sans engrais ne se {rouvait atteint de la contagion. Ce n'est pas là un fait isolé. Peu de jours après avoir cons- taté les résultats obtenus par mon honorable ami, je lisais dans un journal allemand, que je traduis littéra- lement : « On nous écrit de diverses contrées que les pommes de terre cultivées dans un terrain qui n'avait reçu aucun engrais, el plantées un peu tardivement, ont donné des tubercules très-bons et en abondance. Déjà cette expérience avait été faite l'année dernière et les années précédentes. On doit espérer que les agri- culteurs emploieront désormaisun remède qui leur coû- te si peu ‘». ( Altnau | Thurgovie ], 44 octobre 4851.) 1 St-Galler Zeitung, 14 sept. 1851. EXTRAIT du RAPPORT DE M. Cu. DES MOULINS SUR LE MÉMOIRE DE M. CH. LATERRADE. I. — Une lettre que j'ai reçue, le mois dernier, de M. Ch. Laterrade, m'avait porté à croire qu'il avait constaté la présence de l’Acarus ou Sarcople sur les vignes malades de la Suisse, et j'avais cité ce fait dans ma correspondance avec divers naturalistes. Or, M. Ch. Laterrade, dans son Mémoire, se tait sur cette circons- tance importante, d’où je dois conclure que j'avais mal saisi le sens de la phrase contenue dans sa lettre. Il dit seulement à l'Académie qu'il ne prétend pas décider si la maladie est occasionnée par un Oidium, «ou, comme le prétend M. Robineau-Desvoidy, par un détestable Acarus observé déjà par Linné et parfaitement décrit par M. Raspail. » Le Mémoire qui vous est offert, Messieurs, est daté du 14 octobre dernier. Le Rapport de la commission 726 d'Orléans avait été publié, pour la première fois, dans la Guienne de l’avant-veille : M. Ch. Laterrade n'en avait donc pas encore connaissance. Or, dans la phrase que je viens de citer, il parle de l’Acarus et de M. Robineau-Desvoidy : vous pourriez me demander com- ment cela se fait. Je vais répondre, et je vous prie, Messieurs, de ne voir dans ce que je vais dire, rien qui ait pour but de venger une gloriole personnelle, mais l'accomplis- sement du devoir qu'il y a pour moi de rétablir les droits de la commission d'Orléans, commission qui n'existe plus comme telle, commission dont les mem- bres dispersés maintenant sont rentrés dans leur iso- lement, mais commission dont j'ai eu l'honneur d'être l'organe et dont je demeure le seul représentant à Bordeaux. M. Robineau-Desvoidy est un entomologiste très- habile et très-connu, qui habite la Bourgogne, et qui, présent au Congrès d'Orléans, fit partie de la commis- sion, dont je ne veux point cacher qu'il fut l'un des membres les plus actifs et les plus utiles. Il n’esi pas difficile de comprendre l'importance qu'y prit son rôle, puisqu'on avait constaté l'apparition, sur la vigne ma- lade, d’un animal de la série entomologique. Toute la partie zoologique du Rapport fut donc, comme de juste, rédigée principalement sous son ins- piration, d’après ses observations, qui rectifièrent par- fois les nôtres; et lorsqu'il se rencontra quelque dis- sidence dans les appréciations, le rapporteur ne manqua pas d'en faire mention. 727 La rédaction du Rapport fut arrêtée dans le sein de la commission et signée par ses membres, le 17 sep- tembre au matin. M. Robineau passa le reste de la journée et celle du lendemain dans les serres du Jar- din des Plantes d'Orléans, où il fit à ce sujet des dé- couvertes nombreuses, inattendues, importantes (cel- les, par exemple, de l'Acarus sur des végétaux exo- tiques de familles diverses). Il examina aussi les cul- tures de divers pépinitristes, el y reconnut un Acarus _sur les pommes de terre malades. Le 19, il lut à la section des sciences naturelles une esquisse de Mémoire dans lequel il relatait ses décou- vertes des deux jours précédents. Le docteur Chauf- ton, auteur de la communication première des raisins malades, au Congrès, s'étonna et se plaignit d’être à peine nommé une fois dans ce Mémoire : les travaux de la commission dont M. Robineau avait fait partie, étaient passés sous silence d’une manière absolue ; M. Robineau figurait seul, comme ayant lout vu, tout fait, tout découvert. Le 21, il partit pour Paris, où il lut, le 22, à l'Aca- démie des Sciences, le Mémoire en question. Le feuil- leton scientifique du Journal des Débats du mercredi 24 septembre, rédigé par M. Léon Foucault, donna une analyse fort étendue de ce travail, et je n'y trouve au- cune réparation des omissions que je viens de signaler relativement au docteur Chaufton et aux travaux de la commission. Les membres qui la composaient n'iront pas proba- blement plus que moi courir après M. Robineau-Des- 728 voidy pour se plaindre à lui de son amour pour la solitude. Quant au secrétaire de la commission, il ne se croit pas pour cela réduit à ses propres forces, c’est à dire à sa propre faiblesse. Revenu à Bordeaux, il s'y retrouve au milieu de ses collègues de l’Académie et de la Société Linnéenne, à portée des autres observa- teurs que comptent les Sociétés d'Agriculture, d'Hor- ticulture et le Conseil de Salubrité; et il peut se pro- mettre qu'il sortira de là, et d'ailleurs encore, parmi nos concitoyens, assez de botanistes, d’entomologistes, de chimistes, d'agriculteurs et de physiciens, pour que l'étude de cette grave question puisse faire, dans le Bordelais, quelques pas utiles. Un mot encore au sujet de M. Robineau-Desvoidy : il pense qu'il est inutile de chercher à opposer un re- mède quelconque à une semblable maladie, et M. Ch. Laterrade, comme on l'a vu, est loin de penser comme lui. Sans doute, en sa qualité de savant entomologiste, M. Robineau peut craindre qu'on ne réussisse trop bien à détruire un acaridien curieux et rare jusqu'ici; mais, comme propriétaire bourguignon, il doit désirer la guérison de la vigne, qu'il regarde comme une victime immolée par cet ennemi microscopique. Si le premier de ces sentiments l'emporte en lui sur le second, il faut qu'il soit doué d'un stoïcisme scientifique bien rare ct que ne partageront sûrement pas les Bordelais, naturalistes ou non. Je ne donnerai aucun détail sur le feuilleton des Dé- bats, auquel je viens de faire allusion, parce que je ne dois faire usage, dans ce Rapport, que de documents 729 non encore publiés. Celui dont je parle à déjà reçu une seconde et plus durable publicité dans les comp- tes rendus de l’Académie des Sciences (séance du 22 septembre 1851). I. — Dans plusieurs passages de son Mémoire, M. Ch. Laterrade revient sur cette allégation, que les vignes les plus soignées, les plus fumées, sont aussi les plus violemment attaquées par le fléau. J'accepte vo- lontiers l'expression soignées, parce qu'elle est géné- rale et embrasse tout : il est probable qu'elle est ap- pliquée avec une parfaite justesse. Mais il n’en est pas tout à fait de même, à mon sens, du mot fumées, parce qu'il ne tombe pas d'àa-plomb sur la totalité des treilles, qui sont très-violemment attaquées et dont un très-grand nombre ne reçoivent jamais de fumure, planté qu'est leur cep au pied d’un mur, entre les pa- vés d’une cour ou d’une rue. Celles-là sont soignées , certainement , et quelquefois outre mesure, sous le rapport de la taille, de l'exposition, de l'abri contre la gelée; elles peuvent être quelquefois étouffées à l'é- gal des cultures en serre; mais elles ne sont pas fu- mées. UT — Ma troisième réflexion à trait à un objet bien plus important peut-être dans l’etude de la question qui nous occupe. D'après les observations qu'il à faites en Suisse, M. Ch. Laterrade place l'apparition de F'Oïdium entre celle des taches de l'écorce et la reproduction de ces mêmes taches sur la peau du grain; de telle sorte que, selon lui, le développement du champignon pré- 46 730 cède la déformation du grain, l’épaississement et le fendillement de sa peau, la déperdition enfin de son jus. La commission d'Orléans, au contraire, a trouvé le développement du champignon consécutif à ces trois | phénomènes. C'est là du moins ce que ma mémoire me rappelle et ce que les termes du Rapport semblent con- firmer. Cependant, cette succession chronologique n’a pas été constatée d’une manière absolue : l'opinion des commissaires n’accorde à l'Oidium qu'un rôle consécu- tif aux désordres produits par l'altération de la peau ; mais ils demandent si cette altération n'aurait pas pour cause immédiatement efficiente ce même Oidium, c’est- à-dire les prodromes de son développement, ou si l’on veut, l'incabation de ses sporules dans l'épaisseur de la peau. Or, la divergence qui se manifeste entre M. Ch. Laterrade et la commission, au sujet de l'ordre d’appa- rition des phénomènes, semblerait indiquer une sorte d'indépendance de l'Oïdium développé extérieurement , à l'égard des taches épaississantes de la peau. Je recommande instamment ce point délicat à l'at- tention des observateurs futurs : il se peut qu'il en jaillisse quelques inductions lumineuses. J'ai terminé la tâche qui m'était commandée par l’Académie, mais non celle que je crois devoir m'im- poser dans l'intérêt de l'étude du fléau. Et d'abord, je dois compte d’une démarche que j'ai faite, et dont objet était de répandre une bonne nou- 731 velle aujourd’hui bien connue. Le 20 octobre dernier, en adressant à M. le Préfet de la Gironde un exem- plaire du Rapport d'Orléans, je donnais à ce magistrat l'assurance que le fléau n'avait point paru dans notre département, bien que le Conseil d'hygiène publique eût conçu quelques craintes à cet égard. Muni de do- cuments reçus tout récemment du Médoc, muni sur- tout du résultat de l'examen que j'avais fait de raisins de Bordeaux, de Bouliac, de Floirac et des deux loca- lités suspectes (Podensac et Preignac), j'avais pu me former une conviction suffisamment éclairée par la comparaison des grains pourris du Bordelais, avec les pièces authentiques étudiées à Orléans. L'excellent ré- sultat des vendanges du département a sanctionné la justesse de cette conviction. En second lieu, ma correspondance avec M. Jullien- Crosnier, l'un des quatre administrateurs du Jardin des Plantes d'Orléans et membre de la commission, m'a fourni récemment quelques faits nouveaux et que je dois vous faire connaître. Ce savant botaniste m'écrit, sous la date du 29 oc- tobre : « L'acaridien {Sarcopte) observé sur les vignes ma- lades, se développe toujours pendant les grandes sé- cheresses de l'été, et particulièrement sur les Haricots et les Volubilis {Phaseolus et Ipomæa). Ha pu établir sa demeure sur la vigne, après avoir épuisé les sucs des plantes que je viens de nommer. Une remarque faite depuis peu a permis de constater que presque toutes les treilles les plus altaquées avaient leurs ceps 732 entourés, à la base, de Haricots ou de Volubilis. Même dans les vignes en plein champ, les paysans de l'Or- léanais sont dans l'habitude de semer des haricots sur sur le bout des pouées (terme employé par nos vigne- rons pour désigner une sorte d’ados en terre, au bas duquel on plante la vigne). » M. Jullien ajoute que presque toutes les feuilles d'arbres ou d'arbustes qu'il a examinées depuis l'époque du Congrès, sont atta- quées par l'Oidium ou par quelque fongosité parasite et d'un aspect analogue. Dans une autre lettre de M. Jullien, en date du 2 novembre, il est dit que quelques horticulteurs d'Or- léans viennent de trouver les feuilles des Chrysanthè- mes-pompons altaquées par un Oidium, mais qu'on n’a pas encore constaté s'il est de même espèce que celui de la vigne. M. Jullien a trouvé aussi, dans Pline, livre 17 / Morbi arborum), une phrase qu'on pourrait appliquer à la maladie, et qui semblerait indiquer, par conséquent, que ce fléau n'est pas nouveau pour l'Eu- rope. Pline dit : Est etiamnum peculiare ohivis et witi- bus {araneum vocant), quum veluti telæ involvunt fruc- tum, et absumunt. M. Jullien ajoute : « Si la toile d'a- raignée qui entoure et fait périr les raisins et les olives n’est pas produite par l'Oidium, elle est alors le résul. tat des fils de l'Acarus telarius Linn. Ce seraient là de nouveaux faits à examiner el à vérifier; mais il est bien lard actuellement pour le faire avec certitude cette année, car les Acarus et l'Oidium sont presque dé- traits. » Aussi, ne devons-nous pas espérer de trouver lou- 733 tes les lumières désirables dans l'examen d'un bocal de raisins et de feuilles malades, que J'espère recevoir bientôt de M. Jullien : ces pièces pathologiques ont été recucillies dans une saison trop avancée. Il en sera de même (par une autre raison) de l'échantillon authen- tique qui existe à Bordeaux, et qui, recueilli au mois d'août, est desséché et contracté à un point qui ren- dra malaisé l'examen physiologique du champignon. Cet échantillon, provenant des treilles du Jardin des Plantes de Paris, a été donné par MM. les administra- teurs du Muséum à M. le comte de Kercado, membre correspondant de notre Académie. Comparé avec les échantillons d'Orléans, il fournira du moins la preuve de l'identité ou de la différence que pourraient présen- ter les altérations qu'on observerait, l'an prochain, sur des raisins bordelais. Mais, tant qu'on n'aura pas la triste certitude du développement spontané de la ma- ladie à Bordeaux, je pense qu'il faudra s'abstenir ri- goureusement d'ouvrir les bocaux cachetés où sont renfermées ces pièces pathologiques, afin d'éviter la dis- sémination si déplorablement facile des semences du champignon. L tj] “ttit "hot je, Lt if ne Lip ue Wr- LIFE M oui #3 & era ME .0 sit h “he “Ho, ro arrq ji à HUE BEN LA PET L 1 Jr +20 C4 HE VE saHugndes : Cr RUE ali 11e 1q J'a Gi Ennh ue Mas pt 4. mt “Ai ii vives Legs emgis crleseyhos : NEA eq eu A: Ho tp 4) ‘4 dé Siobdymnl units: ab ï 6 lb Qu ue PIC que lv: ub, huis pi ME ge Je ang cat SN ino02 HTe. FES Rte ai4y ugbr In 1120 DET Te 0 ei nf qi Nb ir ! #8 M agné iq an à cr 2 S “ph -amie ne" 1h tu, Han mio! pb je oi pairhdde qi F 3 \ 2 p F: ;! A Ci Hoi ; 2 LA 739 RAPPORT SUR LE CONCOURS DE POESIE Pour l'Année 185] ; Par M. DUBOUL (Just-Alherc ) ‘. MESSIEURS, Permettez-moi d'abord de constater que votre Rap- porteur se trouve placé cette année dans une situation toute particulière et singulièrement difficile, je ne crains pas de l'avouer. Jusqu'à présent, ceux de nos honorables collègues chargés de rédiger des Rapports sur nos Concours poéliques, ne se sont trouvés en pré- sence que d’un petit nombre de pièces, bientôt lues, bientôt appréciées. L'objet de leur examen étant ex- Commission composée de MM. de Bourdillon, Saugeon, H. Brochon, Ch. Des Moulins, E. Dégranges; Luboul, rapporteur. 736 trêmement limité, la matière de leur travail très-promp- tement épuisée , il s’ensuivait qu'il leur était permis de se livrer à des considérations générales, à des aper- çus faits pour instruire et pour intéresser à la fois. Comme les dieux d'Homère , ils pouvaient parcourir librement l'espace, et, donnant carrière à leur imagi- nation, cueillir çà et là assez de fleurs pour parer la nudité d'un simple el monotone procès-verbal. Cette année, il n’en est pas ainsi : la matière abonde; la lice à peine ouverte, les combattants s'y sont préci- pités en grand nombre. L'Académie a reçu vingt-sept pièces de vers, et parmi ces vingt-sepl pièces figure une {ragédie en cinq actes. Ainsi, j'avais raison de vous le dire en commençant : votre Rapporteur, gêné par le manque de temps et par le manque d'espace, se trouve en quelque sorte emprisonné dans son sujet. Il ne peut se livrer qu'avec une extrême réserve à quelques considérations générales, à de rares excur- sions autour de l'arène que vous avez ouverte et où se pressent tant d'impatients joûteurs. Il est réduit à rédiger un procès-verbal dans toute l'acception du mot, el c'est un procès-verbal qu'il vient vous offrir. Ce n'est pas à lui qu'il faut en vouloir, après tout, si, dans la longue énumération qu'il va poursuivre devant vous, il ne lui est pas donné de se reposer quelques instants à l'ombre, de faire un peu l'école buisson- nière, ce qui n'est pas sans charme, même pour un académicien. Votre Commission, Messieurs, a très-minutieuse- ment examiné les vingt-sept pièces de vers qui lui ont 737 été soumises, et ce n'est certes pas sa faute si elle n’a pas eu plus d’éloges à distribuer aux concurrents, plus de récompenses à demander pour leurs œuvres. Quel- ques lignes vont me suflire, je l'espère, pour expli- quer les résultats de son examen. La pièce portant le n° 1 est intitulée : Un Message. Elle est d'une versification assez facile, mais extrême- ment négligée; elle renferme beaucoup de rimes in- suffisantes, d'images forcées et d'incorrections de lan- gage. Par exemple, Dieu dit à Azaël, l’un de ses anges : Va : retiens ce que font les enfants de la terre, Et puis tu reviendras, au bruit de mon tonnerre, Rapporter à mes pieds la chose que ton cœur Aura jugé le don le plus doux au Seigneur! La grammaire exige aura jugée. Voici des strophes de remplissage : Il voit dans les plaines, Des beautés sereines, Des âmes de feu; De chastes planètes, A toute heure prètes Aux désirs de Dieu! Il frappe de l'aile La race immnrtelle Des impurs démons; Sa toute-puissance Bannit cette engeance Aux cimes des monts! Evidemment, ces vers ne se recommandent ni par 738 l'heureux choix des mots, ni par l'abondance et le na- turel de la rime, ni par la fermeté de la touche; néan- moins, la facilité et la grâce de quelques passages pu- rement descriptifs nous ont semblé devoir mériter une citation à l'auteur de cette pièce. Votre Commission a cru devoir accorder une men- tion honorable à M. Pau! Hirigoyen, pour sa médita- tion intitulée . Incertitude et Réverie (n° 4), dont nous allons vous donner lecture. Ce sont des vers en général faibles et décolorés, mais où l'on rencontre quelque sentiment de la mélodie. L'Ange du Prin- temps (n° 5), par fe même auteur, reproduit tous les défauts de la pièce précédente, sans en offrir d’ailleurs les qualités. Incertitude et Réverie. Je suis l'enfant de l'air, un sylphe, moins qu’un rêve, L'esprit que la lumière à la rosée enlève, Diaphane habitant de l’invisible éther. ( Victor HuGo. Le Sylphe , ballade. ) Bel ange aux ailes d’or, à la blanche couronne, Toi qui viens de ma lyre éveiller la douceur, Oh! dis : quel est ton nom, pour que je te le donne Uni dans ma prière à celui du Seigneur! Esu ce messager, frère de l'Espérance, Qui va dans son exil visiter le proscrit, Ou sur le vieux grabat, témoin de la souffrance, Donner soutien au cœur et repos à l'esprit? 739 Semblable à la colombe, aux jours de la tempête, Sur l'océan des pleurs planes-tu dans ton vol, Et de l'arbre naissant, en signe de conquête, Portes-tu le rameau dont s’ombrageait le sol? Sèmes-tu sur tes pas, aux champs de la lumière, Ces étoiles d'argent, myriades de feu, Sphères de l'infini qui roulent en poussière, Qu'interroge le cœur et qu'épèlent nos yeux ? Es-tu l'ange de paix qui, repliant son aile, Vient se poser le soir à l'ombre du tombeau, Et d’un frère qui dort, ami toujours fidèle, Des fleurs de son gazon éloigne le corbeau ? Ton nom est-il celui que l'enfant dans son rêve Prononce souriant ; nom plus doux que le miel, Plus doux que le parfum que le zéphir soulève Des roses du printemps, et qui remonte au ciel? Ta voix a chatouillé mon oreille surprise; Il me semblait ouïr de mystiques accents : Telle dans ses cheveux on sent passer la brise Aux rivages fleuris où s'exhale l’encens. Alors, obéissant à quelque doux mystère, J'ai chanté. Le poëte est l'écho de ta voix ; Et si ton vol léger vient eflleurer la terre, Les âmes et les cœurs tressaillent à la fois! O Puissance d’en haut infinie et sublime! Noble Inspiration, étincelle de feu, Comme l'aigle géant tu planes sur la cime, Et vas te reposer près du trône de Dieu! Éclair de son rayon, souflle de sa parole, 740 Reflet de sa pensée, ombre de sa splendeur, Voix dans l'air qui gémit et qui chante ou console, Et dont le seul cantique est le nom du Seigneur! Je te sens, je te sens! tu m'animes, m'éclaires; Je vois les cieux ouverts, Je lis dans l'avenir; Mes lèvres ont parlé; mes chants et mes prières Ne savent qu'annoncer, ne savent que bénir! Des prophètes divins j'aperçois l’auréole, Sur mon front qui s'incline elle vient se poser, Et j'éprouve en mon cœur, alors qu’elle s'envole, Une extase plus douce encor qu’un doux baiser! Et pensif, je regarde au loin, dans tout l'espace; Je cherche, mais en vain, le rève évanoui : Hélas! il s'est enfui ne laissant plus de trace Que l'éclair dans la nue à notre œil éblouil! Mais d’un luth inspiré le suave murmure Longtemps en mon esprit chante un hymne d'amour : . Ainsi dans le printemps, hymne de la nature, S'exhalent à la nuit tous les parfums du jour. Bel ange aux ailes d’or, à la blanche couronne, Toi qui viens de ma lyre éveiller la douceur, Oh! dis : quel est ton nom, pour que je te le donne. Uni dans ma prière à celui du Seigneur | Parmi les pièces portant le n° 2, extraites d'un re- cueil inédit ayant pour titre : Souvenirs et Réveries, votre Commission a remarqué le Sommeil du petit Sa- voyard, dont je vais également vous donner lecture. Ce morceau, écrit avec beaucoup de sentiment, ren- 741 ferme plusieurs détails gracieux, sur lesquels je ne crois pas qu'il soit utile d’insister, puisque vous allez être en mesure de les apprécier vous-mêmes. Le Sommeil du Petit Savoyard. À Mgr Durucn , ancien évêque d'Alger. Paisible, il reposait l'enfant de la Savoie; Il dormait au soleil, à la borne adossé; Et, retenant sa vielle, un vieux ruban de soie Flottait, autour du cou négligemment passé. Sur ses lèvres, un doux sourire Semblait à chaque instant redire Qu'un soupir du pays s’agitait dans son sein. Près de lui la sébile échappait à sa main. Tandis que de ses traits l'innocence rayonne, Un crucifix d'argent sur son cœur a brillé..……. L'œil humide aussitôt j'ai laissé mon aumône; Mais je ne l'ai pas réveillé. Il rêve... ; il a revu le châlet, la montagne, Le clair ruisseau qui passe et fuit, Le troupeau qui bondit dans la verte campagne, Et d'un soleil mourant la pourpre qui reluit. Il entend de l’airain l'onde pure et sonore, Expirant aux forêts dans un air embaumé; Il revoit les pleurs de l'aurore, La ronce qui pétille au foyer tant aimé, Et la vieille grand'mère agenouillée encore Devant le vieux Christ enfumé. 742 Abl vers le pauvre enfant couché près de sa vielle, Si le bon Dieu conduit vos pas, Des biens qu'il a donnés laissez une parcelle, Mettez un petit sou dans la simple escarcelle ; Passez... , ne le réveillez pas. IT. Du chène séculaire il contemple la cime Balançant son feuillage au souffle matinal ; L’astre pâle des nuits qui s’élance, sublime, Et les molles clartés ruisselant de l'abime Du grand lac frémissant révèlent le cristal. Il entend au lointain le bruit de la cascade, La harpe éolienne aux sombres jours d'hiver; Du pont sur le torrent il a revu l’arcade Qu'embrasse en son contour un lierre toujours vert. Il ramène au printemps le vol de l'hirondelle, Ces mille bruits confus qui passent dans les cieux ; Le nid des passereaux à l'antique chapelle, De l’onde à l'horizon le cours silencieux. Il voit au vent de nord la nature flétrie, Le coteau dépouillé dont frissonne le flanc, La neige qui floconne et jette un linceul blanc : Il rit... ; c'est encor la patrie. Patrie au front brillant qui vis nos premiers jours, Les souvenirs du cœur t’embellissent toujours! Ah! vers le pauvre enfant couché près de sa vielle, Si le bon Dieu conduit vos pas, Des biens qu’il a donnés laissez une parcelle, Mettez un petit sou dans la simple escarcelle ; Passez....., ne le réveillez pas. IIT. Il entend le bonheur, sylphe qui dès enfance 743 Étend ses ailes d'or, aux flots d'azur s’élance, Orne le firmament de limpide clarté; Aux plaines d'avenir il fuit et so balance, Scintille entre le songe et la réalité. Exilé, dors encor, et qu'un aimable rêve De ton cœur innocent dans ton sommeil s'élève, D'espoir et de patrie en son vol parfumé. Pour l'enfant sans soutien qui laisse la Savoie, Ses vallons, sa montagne et sa mère et sa joie, Le flambeau du bonheur pâlit, meurt consumé. Ah! vers le pauvre enfant couché près de sa vielle, Si le bon Dieu conduit vos pas, Des biens qu'il a donnés laissez une parcelle, Mettez un petit sou dans la simple escarcelle ; Passez... , ne le réveillez pas... Il y a bien quelques taches dans celte pièce; mais, en somme, elle est charmante, facilement écrite et bien sentie; aussi votre Commission a-1-—elle pensé qu'une médaille d'argent, petit module, devait être accordée à M. Eugène Burgade, auteur de cet agréa- ble morcean. Que vous dirai-je des six fables qui portent le n° 3? Mon Dieu, Messieurs, fort peu de chose, en vérité. Sans se rappeler, mal à propos, Lafontaine et Florian, sans s'exposer à se faire taxer d'exigence, il est per- mis de trouver ces six fables extrémement banales et faibles. Il est fâcheux que l'auteur ne se soit pas ef- forcé de nous donner des rimes moins plates et des hémistiches moins rebattus. A part ce détestable vers : Oh! alors, oh! alors, enfant, malheur à toi! 744 et des incorrections, des négligences qu'il eùt été. fa- cile d'éviter, la pièce n° 6, intitulée : Près d'un ber- ceau , est d’une facture assez heureuse. En voici quel- ques strophes, qui permeltent de bien augurer de Î a- venir poétique de l’auteur, à la condition qu'il tra- vaillera avec un peu plus de soin et de sévérité pour lui-même : Dans ta couche d’osier arrondie en arceaux, Sous ce tissu léger qui te garde et te voile, Sous ce ciel sans soleil, dans ta nuit sans étoile, Sous ce court horizon que bornent deux rideaux ; Aux doux balancements de ta couche tremblante, Dors en paix, cher enfant; des plaines de l’azur, Un ange descendu, sur ton front vierge et pur, Jette les doux reflets de ton âme innocente. Repose ; le silence, assis à ton chevet, Protége ton sommeil; la céleste phalange, D'un doux songe embellit, mon pauvre petit ange, Ton repos sans remords, sans espoir, sans regret. Sur ta bouche je vois errer un doux sourire : Partout tu vois des fleurs, des fruits beaux et vermeils ; Dans un ciel toujours pur, des milliers de soleils, Et le cristal des eaux où ton âme se mire. Sous ce titre : À Louis-Philippe [°', roi des Fran- çais, supplique (n°7), une pièce très - remarquable vous a été remise; mais celte pièce ayant été publiée dans divers recueils, notre Règlement ne nous per- mettait pas de l'accepter pour le Concours. Je dois dire que nous l'en avons écartée avec d'autant plus de regret, qu’elle réunit deux qualités bien rares : la vérité du sentiment et la franchise de l'expression. La Rose d'Automne, élégie, et le Grand-Bé, médi- tation, qui, sous les 4° 8 et 9, sont l'œuvre du même auteur, n'offrent rien, soit au point de vue de l'inspi- ration, soit sous le rapport de la facture, qui soit di- gne d'être remarqué. C’est l'ut pictura poësis d'Horace qui sert d'épigraphe à ces deux morceaux; malheu- reusement, les vers qui les composent ne brillent ni par l’éclat du coloris, ni par la pureté du dessin. Sans vouloir décourager l'auteur, nous sommes obligé, pour remplir consciencieusement notre tâche, de relever le prosaïsme et la faiblesse de son élégie, ainsi que de sa méditation. L'Epitre à mon ami H.... M. (n° 10), offre le mé- rite d'une versification assez coulante, dans les pre- mières pages surtout. Du reste, l’auteur ne paraît pas avoir suffisamment laissé mürir ses idées, qui se pré- sentent parfois dans une sorte de confusion, et man- quent d’enchaînement logique. Avec un peu plus de travail et de réflexion, il pourrait traiter convenable- ment le sujet qu'il a choisi, et qu'il n'a fait qu'indiquer. Cette épître, qui roule sur des idées philosophiques fécondes en développements, atteste d’ailleurs une cer- taine vivacité d'esprit, traduite par d’heureuses ima— ges et par quelques vers bien tournés. Du n° 12 au n° 15, nous trouvons quatre pièces, dont un fragment épique, deux épîtres amoureuses et une fable. Nous allons apprécier dans leur ensem- ble ces diverses productions d’une même plume. Ce qui nous frappe tout d’abord, c'est la confusion, 17 746 l'incohérence des idées, le relâchement du style, la vulgarité des images. On rencontre là, et en grand nombre, des expressions comme celles-ci : L'émail de tes dents; Les roses de ta fraîcheur ;.Le corail de tes lèvres; Savourer les richesses de tes appas, etc., etc. Puis ce sont des fautes de français et des fautes de quantité sur lesquelles nous ne passerions pas facile- ment, si, peur dédommager de nos critiques l'auteur de ces pièces, nous avions la satisfaction de pouvoir lui offrir une mention honorable. Les Pâques Carlovingiennes, tel est le titre du n° 16, fournissent le sujet d’une légende qui est l’œuvre d’un versificateur exercé. On y reconnaît une touche ferme, hardie; on y remarque avec plaisir des fragments qui révèlent un écrivain de mérite. Aussi, votre Commis- sion n'eût pas hésité à vous demander une mention honorable pour l'auteur de cette légende, sans l’obs- curité qui la dépare et en rend certains passages pres- que inintelligibles; elle se borne donc, à regret, à si- gnaler les strophes suivantes, où se manifestent d'in- contestables qualités de facture : Extrait de la pièce intitulée : s Les Pâques Garlovingiennes. Le printemps a dompté la nature rebelle. L’arbuste en fleur verdit; l'air est doux, la mer belle : L’étang brille; son sein; miroir d’azur poli, De la voile, qui part, voit palpiter le pli. 147 A la brise, aux rumeurs sonores de la grève, Un aveugle, un vieillard, est insensible..…; il rêve. Comme ces murs noircis, dont le faite est broyé, Ce vieillard, triste et nu, montre un front foudroyé. Une molle fraicheur, lentement exhalée, D'Orbieu, clair et profond, signale la vallée : Sous les rocs, dans les bois, l’eau paisible, qui fuit, Ruban moiré, scintille et se perd dans la nuit. Noble espoir des héros, que son aspect enflamme, Au centre ombreux du val, se dresse l’oriflamme, Et, tels que des épis flottant sur les sillons, Ondulent, à ses pieds, de riches pavillons. li est des figures auxquelles la poésie re devrait toucher que lorsqu'elle se sent capable de les repro- duire avec une fidélité scrupuleuse, sinon avec éclat : telle est la figure du cardinal de Cheverus, dont la charité, si pleine de touchantes effusions, a laissé parmi nous d'impérissables souvenirs. Nous regrettons donc bien vivement que l’auteur de l'Epitre à mon fils, qui porte le n° 17 et roule sur les vertus évan- géliques du digne prélat, n'ait tiré d’un pareil sujet qu'un bien médiocre parti. Sans doute, ses intentions étaient bonnes, mais cela ne suffit pas en poésie; car, quel est le poète qui n’ait pas de bonnes, d'excellen- tes intentions? Comme l'enfer, le Parnasse en est pavé. Cette épître a surtout un grand défaut : c’est d’être prosaïque , de manquer essentiellement d’allure et d'a- nimation. Je n'en citerai que quelques vers relatifs au 748 cardinal de Cheverus alors qu'il était évêque de Bos- ton, et un passage sur l'éducation maternelle : Chez lui, l'on ne voyait rien de marbre, ni d’or, Au fond de son palais; quel palais! quelques chaises; Et comme on en voulait porter de moins mauvaises, Il disait, en riant : « Oh! non, n’en portez pas; » Le reste, étant moins beau, serait dans l'embarras : » Notre Seigneur Jésus logeait dans une étable. » Une pauvre commode, une méchante table, Un lit... , ils sont meilleurs dans le moindre hôpital, Formaient l’ameublement du futur cardinal! Le secret d’être heureux, c’est avoir ici-bas Quelqu'un qui, dans la vie, accompagne vos pas; Vous pousse vers le bien, près du mal vous retienne : C'est l'éducation par la mère chrétienne; C'est la vertu. Celui dont toute la cité Redit, après sa mort, l’ardente charité; Le vertueux prélat, Cheverus, le saint prêtre, Bénit jusqu’à sa mort celle qui le fit naître. Sa mèrel.... On aurait dit, alors qu'il en parlait, Qu'une céleste fleur sur ses lèvres naissait! La dix-huitième pièce est une tragédie en cinq ac- tes et en vers, qui à pour litre : Le Comte de Leicester. L'Académie à pour habitude de se montrer très- indulgente dans les critiques qu'elle adresse aux au- teurs des pièces qu'elle ne peut pas récompenser. Elle puise les motifs d’une telle conduite, dans le senti- ment des égards qu'on doit toujours aux vaincus, ou, 749 pour éviter l'emploi d’un mot que ne comportent guère nos luttes pacifiques, à ceux que les résultats du Con- cours n'ont pas favorisés; mais ici, Messieurs, et alors qu'il ne lui est pas possible de mettre en doute la con- fiance excessive que paraît avoir en ses propres forces l’auteur du Comte de Leicester, le devoir de votre Com- mission lui est impérieusement tracé. Il est indispen- sable qu'elle fasse entendre, sans tergiversations et sans équivoque, une critique beaucoup moins sévère que juste. De cette critique sortira peut-être un de ces averlissements salutaires que les esprits droits trou- vent toujours le moyen de mettre à profit. Notre auteur a pris pour épigraphe de son œuvre ces deux vers de l'Art poétique de Boileau : Craignez d’un vain plaisir les trompeuses amorces, Et consultez longtemps votre esprit et vos forces. Mais, pourrait-on lui dire, puisque vous connaissez si bien, puisque vous invoquez mêmé cet excellent préceple, pourquoi ne pas vous y conformer? Pour- quoi le rappeler, tout comme si vous n’aviez eu l'in- tention que de railler et de condamner d'avance votre tragédie? Oui, sans doute, en admettant qu'on puisse éprouver quelque plaisir à composer des vers où la rime et la raison ne vivent pas dans une cordiale en- tente; — à tirer, tantôt à droite, tantôt à gauche, les ficelles qui font mouvoir des personnages ayant tout juste l'animation et la souplesse de mouvements qu'on rencontre dans une galerie de figures de cire, on doit 190 consulter longtemps son esprit et ses forces. Horace l'a- vait dit bien avant Boileau, et le sens commun l'avait dit bien avant Horace. Pourquoi donc ne l'avoir pas fait? Il est difficile de prendre au sérieux la prétendue tragédie dont votre Commission a dü lire les cinq ac- tes. Ce n’est qu'un tissu d'inversions, de périphrases incompréhensibles, de métaphores surannées, de ri- mes banales ou insuffisantes, de locutions aussi pré- tentieuses que vides. C'est le joug de l'hyménée; l'i- mage d'une flamme qui éveille un amour; un œil orqueil- leux qui dit ses derniers adieux; une princesse qui s’é- crie, en s'adressant à sa confidente : Soutiens ma di- gnité! ce dont elle paraît, au reste, avoir grand besoin. Dans le seul premier acte, larme rime sept fois avec alarme où arme, et flamme également sept fois avec âme. Cette dernière rime se reproduit quatre fois rien que dans la première scène. Je ne fais celte observation que pour montrer com- bien les procédés de l'auteur sont monotones. Il ne se lasse pas de recourir aux mêmes rimes, de tourner autour des mêmes périodes, de reproduire à satiété les mêmes expressions. Ses personnages, condamnés à subir les longues tirades qu'ils s'adressent récipro- quement, s'interrompent avec une persistance qui té- moigne éioquemment de leur ennui. Aussi trouve-t-on, dans les cinq actes composant cette étrange pièce, ces mots (l’interrompant) entre parenthèses, répétés vingt- cinq fois. Je tiens à vous offrir d'ailleurs un échantillon de 751 cette tragédie. Il est bien entendu que je le prends au hasard. Il serait facile de trouver dans les cinq actes du Comte de Leicester quelque chose de plus signifi- catif, de plus caractéristique; mais, je le répète, je ne choisis pas. SCÈNE le du second acte. HERMINIE, VARNEY, confident de Leicester. HERMINIE. Chevalier, n'ayant pu rencontrer votre maître, Je vous ai fait mander pour vous faire connaître Ce qu’à d’autres qu'à lui je n’avrais confié, Si je n’eusse connu votre ardente amitié Et votre dévoüment pour le célèbre comte : Vous savez que déjà dans le peuple on raconte Qu'Élisabeth en lui veut choisir un époux. Eh bien! oui, chevalier; elle l’apprit à nous. Que votre maître donc redouble ses services ; Que les yeux de la reine encore plus propices Voient en lui courtisan et valeureux vainqueur; Que d’un plus humble hommage il brigue sa faveur Ici je vais rester; allez lui faire entendre Tout ce que maintenant je viens de vous apprendre; Surtout, ne manquez pas de l’avertir aussi Que si jusqu’à présent il a seul réussi A monter presque seul en cette haute place, Il en verrait déchoir sa trop heureuse audace, Si ma main loin de lui voulait se retirer, Si pour lui désormais je cessais d'implorer, 752 VARNEY. Ah! madame, que n'ai-je une voix éloquente Pour louer dignement l'action bienfaisante Dont vous savez marquer votre aimable poavoir! Ou plutôt à vos pieds que ne puis-je ici voir Celui dont vos faveurs assurent la fortane! Mais, princesse, souffrez qu'une voix plus commune Vous offre les respects de ce noble seigneur ; Qu'à cette heure... HERMINIE (l’interrompant ). Il suffit : déjà souvent, ailleurs, Leicester a montré juste reconnaissance Pour ce qu'a fait pour lui notre faible assistance VARNEY. Me permettriez-vous, en n’obéissänt pas, Madame, à vos côtés de retenir mes pas? Pendant quelques instants d'occuper votre oreille? Puisque votre bonté sar notre destin veille, Apprenez un secret, qui vous fera frémir Pour Leicester lui-même et son sort à venir! Princesse, s’il était découvert à la reine, Quels seraient les transports de sa puissante haine! Si du comte à vos yeux la célèbre grandeur Put mériter de vous un regard protecteur, Ah! madame, veuillez détourner la tempête Qui surtout aujourd’hui va menacer sa tête! HERMINIE. Expliquez-vous, enfin : quelques grands ennemis Menacent-ils le trône à Leicester promis? Contre lui? *VARNEY ( l'interrompant ). Son plus grand ennemi, c’est lui-mème ! 753 Ta main n'est plus à toi, Dudley, 2i ton cœur mème! Oui, princesse, apprenez (comble de son malheur!) Qu'en accordant sa main il a donné son cœur. Je passe le n° 19 : votre Commission pense que cette élégie n'est digne sous aucun rapport d'un sérieux examen. Sous les n°° 20 et 21, deux méditations s'offrent à nous : la première, intitulée L'Oubli; la seconde, Le Scepticisme. Ces deux pièces sont facilement, mais un peu trop négligemment écrites. De plus, l'inspiration en est faible et vague; cependant, on peut y noter quelques vers assez mélodieux. Les Enfants de la Terre (n° 22), tel est le titre d'une chanson où l'idée ne se montre qu'enveloppée d'épais nuages, et dont la forme laisse beaucoup à désirer. L'auteur devrait lire Béranger, pour tâcher d’appren- dre comment il est possible de faire des vers chez les- quels la profondeur des pensées n'exelut pas la limpi- dité du style. Il y a dans la méditation intitulée Joie et Tristesse (n°23), de la mélancolie et quelquefois du sentiment. Malheureusement, aucune originalité ne se trahit dans cette pièce, où l'on s'efforce visiblement d'imiter la manière de Victor Hugo. et cela sans succès d'ailleurs. De la facilité, l'habitude de la versification, du mou- vement et de l’entrain dans certains passages, ne sau- raient racheter tout ce qu’il y a de faible, d'incohé- rent et de monotone dans les trois chansons que nous avons lues sous les n°° 24, 25 et 26. La dernière sur- 754 tout est d'une insignifiance et d'une vulgarité, soit de pensée, soit de forme, qui accusent un manque ab- solu de méditation et de travail. Trois fables, qui ont pour titre, la première, Le Basset; la seconde, Le Pot au feu, et la troisième, Les Deux Cogs et le Dindon, sont réunies sous le n° 27. Elles ont cela de commun, qu'elles offrent chacune quelques vers passables, mais qu'on y chercherait inutilement la moindre suite dans les idées. L'auteur paraît n'avoir pas de but, ou du moins il ne semble viser qu'à lancer de temps à autre un trait plus ou moins émoussé. C'est un grand défaut, surtout dans la fable, où la fantaisie n'exclut pas le plan, où il n’est pas impossible de plaire et d'instruire à la fois. On nous dira que si ce n'est pas impossible, c’est assuré- ment très-difficile. Nous l’accordons; mais quand on ne se sent pas la force de lutter sans trop de désavan- tage contre les difficultés d'un sujet, pourquoi ne pas laisser cette tâche à ceux qui peuvent convenablement la remplir? Qui donc, après tout, est obligé de com- poser des fables, des tragédies ou des chansons? J'ai réservé la meilleure pièce du Concours pour vous en entretenir un peu longuement à la fin de ce Rapport. Cette pièce, qui porte le n° 11 et qui est in- Uitulée Le Chant de Samson, a pour auteur M. Béni- gne Huyet. C'est à l'unanimité que votre Commission ‘a jugée digne de la médaille d'or, petit module. Le Chant de Samson. Et apprehendens ambas columnas, quibus innitebatur domus, alteramque earum dex— ter, et alteram lævà tenens, Ait : moriatur anima mea cum Philistiim. Concussisque fortiter columnis, cecidit do— mus super omnes principes et cæteram multi- tudinem quæ ibi erat. ( Liber Judicum, cap. XVI, v. 29 et 30.) Assiégés par Tite dans Jérusalem, et préts à succomber, les Israëlites se réunissent en conseil. Simon, fils de Gioras, un des chefs, prend la parole et les engage à s'ensevelir avec lui, plutôt que de se rendre, sous les ruines de la ville; trouvant une analogie entre leur situation et celle de Samson, autrefois juge d'Israël, il leur rappelle son épisode. SIMON. Échansons, apportez amphore sur amphore. Du vin! du vin! versez toujours , versez encore : Le vin aux combattants donne une âme de feu; Lorsque nous avons bu, la bataille est un jeu. Par ce vif aiguillon les phalanges poussées, Sur les pieux et les dards se penchent plus pressées. Que les fils de Jacob alors paraissent beaux , Quand ils vont, hérissés comme les grands troupeaux De tigres, de lions luttant sur les collines, Recevoir les Romains sur leurs mâles poitrines! (Simon se dirige vers un groupe. ) LE GROUPE. Vains efforts, c'en est fait! Oui, nous verrons bientôt 756 Sous le bélier de fer, gigantesque marteau, Éclater tous nos murs. SIMON. : — O Solyme, Ô ma mère! Elle périra donc? LE GROUPE. Eh! que faire? SIMON, Que faire? Tant que mon cœur battra, tant que dans cette main Frémira mon épée, et que le nom romain Sur ma langue de feu trouvera l’anathème, J'espèrerai. LE GROUPE. Demain sera le jour suprême Peut-être, et ta vertu... — Demain, nous mourrons tous! — Demain! SIMON. S'il faut périr, soit. Mais les derniers coups Que nous leur porterons , laisseront des empreintes. Oh! plus près cette fois, avec quelles étreintes Nous tiendrons l'ennemi dans nos bras étouffants ! La victoire n’a pas ces plaisirs, mes enfants. LE GROUPE. — Ce ne sont pas des dieux enfin, ce sont des hommes, Et leurs yeux ont pu voir déjà ce que nous sommes, Moins forts, mais plus vaillants. SIMON. Je ne compterai pas Ceux qu'aux pieds de nos murs j'ai couchés sous mon bras. 757 Rappelez-vous ce jour où , défendant nos portes, L'huile ardente, la poix pleuvaient sur les cohortes; Sous vos yeux égarés, comme une mer sans frein S’élevaient, blanchissaient les boucliers d'airain; Ce jour, je vis pâlir les plus mâles visages : Or, ma voix d’un seul mot ranimant les courages, Nous fimes reculer ces flots envahissants ; Mais encor plus épais, encor plus menaçants, Les boucliers croissaient, s’enflaient sous notre audace ; Le soleil enflammant cette mouvante masse, En faisait rejaillir l'éclat jusques aux cieux ; Ce lac incandescent éblouissait vos yeux. Eh! bien, moi, presque seul à ce poste terrible, Tout près de disparaître au fond du gouffre horrible, Je soutins cet orage, et jusques à la nuit, Un tourbillon de sang, de flammes et de bruit M'enveloppa. La nuit sur nous baissa ses voiles Et je luttais encore aux clartés des étoiles. (Simon se dirige vers un autre groupe. — 4 un des siens plongé dans le désespoir : ) SIMON. Allons, réveille-toi, mon ami. Voudrais-tu Au fond de cette coupe oublier ta vertu ? L'ISRAÉLITE (d'une voix avinée.) J'avais deux fils, j'avais une fille charmante. UN AUTRE. Toujours sur ses enfants sa douleur se lamente. On les venge! L'ISRAÉLITE. Ma fille! à cœur trop exalté! Voulut dernièrement combattre à mon côté. Hardie autant que belle, à la première place, Au milieu des plus forts, elle luttait d'audace. 758 Hélas! je ne vis point un romain, un géant, Sur ma fille tomber , pareil au loup béant. Comme il la dominait de son énorme taille, Il la prit dans ses bras au sein de la bataille; A son cheval fougueux l'attacha , fendit l'air. Je. Mais tout disparut pour moi dans un éclair. SIMON. Viens, nous te vengerons! TOUS. A boire! SIMON. La patrie Demande notre sang. TOUS. Eh! bien, mère chérie, Tu l’auras tout entier. SIMON. Jurons tous à Sion, Jurons tous de vouloir l’extermination Plutôt que l'esclavage! (Tous ies bras se tendent vers Simon. ] SIMON. Il faut que l’Idumée Entraîne dans sa mort la tyrannique armée. Flétrissons les lauriers sur le front des Romains; Que Tite, autre Varus, sous de nouveaux Germains, Pâture des vautours et des corbeaux immondes, Tombe et gise enfoui dans nos gorges profondes ! Que visitant un jour ces pâles régions, Rome s’écrié encor : « Rends-moi mes légions. » 759 TOUS. Maudit! trois fois maudit ! SIMON. Si nous mourons, qu'il meure Et que sa dernière heure arrive avant notre heurel Que ses chars de victoire, arrêtés dans leur vol, Renversés, mutilés, enclavés dans le sol, Racontent sa défaite en laissant sur la plage L'éternel souvenir d'un immense naufrage! TOUS. S'ils brülent notre temple, il sera le flambeau Allumé sur ce camp ; devenu leur tombeau. SIMON. Écoutez, écoutez l'hymne qui sur ma lyre Descend en frémissant et que Sion m'inspire. Mon œil roule du feu; ma voix, comme les eaux Du Jourdain, quand il courbe et froisse ses roseaux, Gronde dans ma poitrine, et ma tête enflammée Ne peut plus contenir la poésie armée. Il est tombé Samson! dans quel gouffre de maux! On l’attelle à la meule avec des animaux! O dégradation! Cercle d’ignominie, Où tourne du captif l’éternelle agoniet Mais qui plonge ce fer dans sa prunelle? horreur! Il n’a pas éclaté par des cris de fureur, Par des cris de souffrance; il a courbé la tête, Silence formidable où couve la tempête! Car le jour va venir; il est venu le jour. Oui, voilà le banquet à l'immense contour, Le banquot de l’orgie où trois mille convives Élèvent vers Dagon leurs coupes convulsives. 760 Ils chantent « Gloire au Dieu, gloire au Dieu souverain! C'est lui qui du géant brisa le bras d’airain. Nos moissons désormais tombent sous les faucilles, Et nous voyons grandir nos fils avec nos filles. Le monstre est terrassé ! qu'on l'amène en ces lieux Pour que de ses douleurs nous repaissions n0s yeux. » Voilà que tout à coup, au milieu de la salle, Se dresse de Samson la taille colossale. A l’aspect de ce front d'où les yeux jaillissant Dans leur vide ont laissé deux noirs caillots de sang, De ce corps où le plomb des noueuses lanières Par le bras des bourreaux a creusé des ornières, Le banquet triomphant hurle un hymne insensé. Lui, du regard de l’âme il a tout embrassé : Plus ferme qu'un rocher qu’assiègent les tempêtes, Il se prépare au choc de ces trois mille têtes. O tumulte! à chaos! le peuple philistin Dépouille les autels, la salle, le festin, Et tout devient une arme : urne aux divins arômes, Amphore aux larges flancs que soulèvent deux hommes, Cratère où l’on a bu teus les vins d'Orient, Candélabre ouvragé par un ciseau riant, Glaive, vase, trépied, torche du sacrifice, Jusqu’aux flancs des taureaux où lisait l'aruspice. La tromhe monstrueuse éclate’, et, submergé, Le géant disparaît et ne s'est pas vengé, Quand s'élève une voix : « Ménagez mieux la fête, » Dit-elle, mes amis : nous n'avons qu’une tête. » Songez quelle victime ! Et ne vaut-il pas mieux : » Que l'esclave courbé s’humilie à nos yeux? » Notre vengeance est là; qu’on lui donne une lyre: » Prêtons l'oreille aux chants que la douleur inspire, » À cette voix que vont étouffer les sanglots, » Aux pleurs du désespoir qui vont couler à flots. » 701 Et d'admiration la salle est transportée. On se range, on se tait, la lyre est apportée. Être grand, être fort, ètre supérieur, Et se sentir brisé! combat intérieur! Tout à coup un éclair traverse sa pensée, L'Esprit est là. C'est lui, tremblez, troupe insensée. « C’est l'heure, a dit l'Esprit, de la rébellion. » À mon souflle puissant, crinière du lion, » Ainsi que des flots noirs fais bondir tes sept tresses. » Mugissez, éclatez, colères vengeresses! » « — Merci Seigneur, » dit-il, en répondant tout bas A l'Esprit qui l'anime : « ils n’échapperont pas. » Puis, sentantie retour de ses forces connues Et flattant de ses mains les tresses revenues, Il souriait, sourire incompris d’Ascalon! «— Quand commencera-t-il? — Ce prélude est bien long. » — fl médite. — Il a honte. — Il souffre. — Je m'ennuie. » «— Les colonnes, enfant, pour que mon corps s'appuie. » Là, je pourrai jouer, chanter plus aisément. » Et ses deux mains palpaient, palpaient. Aveuglement ! Ils ne comprennent pas pourquoi ses mains crispées Frémissent au contact des colunnes palpées. Il a seul le secret de ses transports. — « C’est bien, » Je suis libre à présent! Les voilà , je les tien! Il chante. Un souvenir vient accab'er son âme; Sa bouche a dit un nom, c’est le nom d’une femme. « Trahi par ce qu’on aime! » Au souvenir récent, Deux larmes ont coulé, toutes rouges de sang. « Pardon, mon Dieu, pardon de mes erreurs passées. » Les ai-je, réponds-moi, par mes maux effacées ? » Et son front se courba, mais sous le repentir : L'homme coupable offrait à Dieu l'homme martyr. Immense rire! on crut à des larmes de rage; 15 762 Mais il laissa passer le torrent de l’outrage. Puis, l'Esprit l’agitant, la strophe s’irrita, Et comme le clairon, terrible, elle éclata : Le lion de Jacob , ardente sentinelle, Effrayait Ascalon de ses rugissements; Gaza baissait la tête au feu de sa prunelle; Etam ‘, s’il bondissait, se couvrait d’ossements. Un jour, son œil se ferme et le sommeil l’enchaine. Sommeil fatal! Vers lui, ténébreux et rampant, Afin de l'enlacer dars ses nœuds de serpent, Le cou gonflé, Dagon se traîne. Que fais-tu, Benjamin ? où se cache Issachar? D'épouvante, à son tour, leur âme est donc frappée? Gad, pousse tes chevaux; Nephtali, sur ton char; Embrasez la fournaise où se forge l'épée... Sous mes pieds le sol tremble et j'entends le combat, L'hymne de la victoire et les clameurs funèbres. L'impuissant défenseur pour franchir ses ténèbres S'élance. Il retombe, il s’abat. Dalila ! tes ciseaux! Vois-tu cet or qui brille? ( Avec ironie. ) Tes frères de Sorec se montrent généreux. ( Avec force. ] L’épi languit et meurt touché par la faucille, Le chêne qu’on émonde en est plus vigoureux. ( Avec un sourire terrible. ] L'automne est arrivé; que ma vendange est belle! Bien! la grappe s’entasse au pressoir élargi; Victoire! car voilà que sous mon pied rougi Le sang de ma vigne ruisselle. ‘ Caverne où se réfugiait Samson pour échapper aux Philistins. 763 Nous voulons aujourd'hui, s'écriaient mes bourreaux, Rire de ses douleurs et de ses larmes vaines. Jmprudents! vous versez le sang de vos taureaux Et vous laissez le mien bouillonner dans mes veines? ( Avec une ironie Singulière. ji Vous avez une meule? Ah! j'ai ma meule aussi. Vous ne comprenez pas, pauvres d'intelligence! ( Avec fureur. ) Vous êtes le froment promis à ma vengeance, Ma meule tourne. La voici. Et, ses deux bras autour de la double colonne, Il rugit. Dans la salle un rire tourbillonne, Éclatant, éternel, lorsque l'on voit son cou Se gonfler et ses nerfs tressaillir : « Il est fou! » Comme un vent orageux s’engouffrant dans un orme, L'Esprit a secoué la chevelure énorme. A flots coule sa vie en ce robuste corps. Un affreux craquement à ces premiers efforts Vient de répondre. O ciel! la vote est lézardée! Dans les cerveaux épais a pénétré l’idée. Au souflle martelé qui fait battre ses flancs, A l'aspect de ses yeux encore ruisselants, De ses muscles de fer, des tresses insensées Hérissant sur son cou leurs vagues courroucées, Tout le banquet se lève, et, muet de terreur, Pantelant, du sépulcre offre la pâle horreur. Puis, l’effroi rejetant les têtes en acrière Comme un frèle roseau courbe la salle entière, Entrainant à la fois, parmi d'horribles cris, Tous les grands vases d'or, magnifiques débris : Ainsi, lorsqu’à grand bruit l'ouragan ia traverse, Sur les monts ébranlés la forêt se renverse. Tous s'efforcent de fuir, tous se sentent liés; 764 Les regards éperdus autour des deux piliers Montent jusqu’à la voüte. Elle s’ouvre. Les pierres En ruissellent à flots. Tous ferment les paupières. 0 fracas! à ruine! El Samson rugissant S’abime avec Dagon dans un fleuve de sang. Vous l'avez entendu, le chant de la victoire. À vous, fils d'Israël, même sort, même gloire. Que les peuples soumis jalousent nos destins. ( La main vers le camp. ) Samson respire en vous; voilà les Philistins. (On se lève et on court aux armes. ) Ici, nous sommes heureux de ie constater, nous avons affaire à un poète. Sans doute, on rencontre çà et là dans son œuvre des exclamations oiseuses, des expressions beaucoup trop emphatiques et redondan- tes; mais à côté, ou plutôt par-dessus ces défauts et de manière à les racheter en partie, des coups de pin- ceau pleins de hardiesse et de vigueur, des passages où la chaleur des tons semble le disputer à la fermeté da dessin, vous éblouissent, exercent sur vous comme une sorte d'influence magnétique. Il ne s’agit plus d’ins- piration factice, mais d'inspiration sérieuse. L'auteur puise à pleines mains dans la Bible, et son imagina- tion, comme une vérilable serre-chaude, fait éclore ces fleurs splendides qui ne s’épanouissent d'ordinaire qu'aux rayons des soleils d'Orient. Dans cette scène lyrique, le drame abende et coule, pour ainsi dire, à larges flots. C’est le mouvement, la 765 vie, la passion, tels qu'ils se montrent, se manifes- tent, éclatent dans la nature. Vous vous rappelez certainement, Messieurs, les quelques vers-qui terminent l’admirable élégie d’An- dré Chénier, intitulée : L'Aveugle. Le poète fait le ré- cit des combats qui ensanglantèrent le banquet de no- ces de Pirithoüs, où plutôt il les reproduit en traits de feu : Le quadrupède Hélops fuit : l’agile Crantor, Le bras levé, l’atteint; Eurynome larrète. D'un érable noueux il va fendre sa tête, Lorsque le fils d'Égée, invincible, sanglant, L'apercoit, à l'autel prend un chène brülant, Sur sa croupe indomptée, avec un cri terrible, S'élance, va saisir sa chevelure horrible, L'entraine; et quand sa bouche, ouverte avec effort, Crie, il y plonge ensemble et la flamme et la mort. L’autel est dépouillé; tous vont s’armer de flammes, Et le bois porte au loin des hurlements de femmes ; L'ongle frappant la terre et les guerriers meurtris, Et les vases brisés et l'injure et les cris Il est permis de dire que la poésie rivalise ici avec la peinture, avec la vie elle-même. Parmi les tableaux de batailles dus à nos plus grands maîtres et justement salués du nom de chefs-d’œuvre, il n'en est pas où l’on rencontre plus de mouvement, plus de fougue, plus de saisissante vérité, que dans cet éblouissant passage. Eh bien! écoutez maintenant l'auteur du Chant de Sam- son, el vous allez voir comment il a su s'inspirer de 766 cette poésie mâle, ardente et pittoresque, dont André Chénier possédait si bien les secrets : O tumulte! à chaos! îe peuple philistin Dépouille les autels, la salle, le festin, Et tout devient une arme : urne aux divins aromes, Amphore aux larges flancs que soulèvent deux hommes, Cratère où l'on a bu tous les vins d'Orient, Candélabre ouvragé par un ciseau riant, Glaive, vase, trépied, torche du sacrifice, Jusqu'aux flancs des faureaux où lisait l’aruspice. La trombe monstrueuse éclate, et, submergé, Le géant disparaît et ne s’est pas vengé.….. C'est le cas de répéter ut pictura poësis..…...; mais l'auteur du Chant de Samson a mieux aimé le prouver que le redire, et il a eu raison de se croire assez fort pour cela. En résumé, Messieurs, sur les vingt-sept pièces de vers qui ont été adressées à l'Académie, trois seule- ment lui ont paru mériter une récompense. Deux ont été jugées dignes d'une médaille; une autre d'une mention honorable, et ce n’est assurément pas notre faute si, sur tant d’appelés, nous ne pouvons procla- mer les noms que d’un très-petit nombre d'élus. TRAITÉ DES GALLICISMES ; Par M. B. HIRIGOYEN. La véritable élégance, le caractère propre et incommunicable d’une langue, consiste dans ses idiotismes. BERNARD JULIEN, Dictionn. de La conv. Je ne connais point de Traité spécial des idiotismes français, où Gallicismes. J'ai vainement parcouru de grandes bibliothèques publiques et privées. « C’est un ouvrage à faire, » m'a dit le Directeur de l’une des premières. Jose, Messieurs, l'entreprendre. C'est dire à mes Juges que tout ce qui va suivre est le produit de mes observations sur la Langue, de mes réflexions consciencieuses, de mes recherches inces- santes dans le domaine du vrai. Puissé-je y avoir pénétré! 768 J'aborde sans présomption, mais non sans espéran- ce, un sujet qui d’abord semble aride, mais qui à bien son côté agréable. Étudier les gallicismes, c'est étudier le peuple, c'est mettre en évidence l'âme et le carac- tère des Français, c'est creuser dans leur esprit pour y trouver les causes de ces irrégularités qui constituent ce qu'on nomme /diotismes : tout cela m'a offert de douces jouissances. — J’entre maintenant en malière. L'analyse grammaticale bien entendue n'a pas seu- lement pour but de faire connaître la nature des mots, d'en préciser la forme et les fonctions, de signaler les rapports qui les unissent, de découvrir ainsi l’analogie d'une phrase avec la pensée qu'on à voulu exprimer. Elle doit encore tendre à nous initier à toutes les ressources de la Langue. Si, par l'analyse, nous reconnaissons la vérité {j'en- tends, par ce mot, la pensée elle-même ou la propo-— sihion, quelle qu'elle soit), par l'analyse aussi nous sommes à portée de reconnaître le caractère et le génie d’une langue, en raison du caractère et du génie de la nation qui la parle. Lorsqu'une langue est parvenue à son état fixe, c'est le moment de la juger. Telle est la nôtre, depuis notre grand siècle litté- raire. Les modifications, les additions, les réversions qu'on a voulu lui faire subir, loin d’altérer le fond de son 769 essence, en confirment au contraire le caractère pro- pre. En la faisant rétrograder, on a mis ce caractère en une plus grande évidence; en la faisant avancer dans une voie étrangère, on a froissé le goût de la nation. La langue des Racine, des Pascal, des Fénelon, des Bernardin de Saint-Pierre, reste la même, et sera à jamais celle des Français. C'est peut-être moins dans le discours régulier que se montrent Île caractère d'un peuple et les ressources de sa langue, que dans Îles idiotismes dont elle est semée. La nôtre en offre une assez grande quantité. La plupart, sans doute, ne sont pas analysables; on ne peut les expliquer qu'en prenant une autre tour- nure, c'est-à-dire en les détruisant pour les soumettre à une construction régulière, conséquemment en sa- crifiant l'originalité de l'expression, partant le génie qui l'a inspirée, en d’autres termes, le caroctère na- tional. | Mais cette construction irrégulière a un principe. En en proclämant par trop l'irrégularité, n'est-ce pas jeter de la défaveur sur le langage; n'est-ce pas nous éloigner du caractère même qui en fait le mérite : pré- cision, exactitude, justesse, toutes qualités qui assu- rent l’universalité de notre langue, et l'ont rendue eu- ropéenne ? On a bientôt dit : « C’est un idiotisme, ne nous don- nons pas le soin de l’analyser; bornons-nous à lui donner un équivalent. » C'est tout juste s'arrêter au sens d'une phrase, sans 770 s'occuper de l'expression, sans considération pour l’es- prit de l’idiome. Dès-là cependant que le gallicisme est une manière de s'exprimer exclusivement propre à la langue fran- çaise , cette manière a un motif qu'il n’est pas indiffé- rent de chercher à reconnaître, si l'on est jaloux d’en- seigner consciencieusement la langue. On peut, j y consens, ne le pas toujours découvrir : on doit penser au moins qu'il existe, el ne pas renon- cer à le trouver. D'où provient la régularité de construction? C'est lœuvre de l'esprit, c'est le produit de la raison, qui a su mettre de la conformité dans l’arrangement des mots avec la filiation des idées. ga D'où provient l'irrégularité admise toutefois par la coutume et autorisée par l'usage? Du caractère et du génie d'un peuple. Le professeur se bornera-t-il à démontrer, à expli- quer les lois du langage? Ne verra-t-il que ces lois dans son enseignement? En fera-t-il un pur objet de méca- nisme, et restera-t-il froid pour le motif caché qui le détermine? — L'enseignement est facile en ce sens. Si, dans l'analyse grammaticale d’une phrase régu- lière, il importe quelquefois de signaler le génie de la construction, combien n'est-il pas plus important de faire ressortir celai du gallicisme, qui, malgré son ir- régularité, ne laisse pas d'être toujours admis et a cours dans la conversation ! Je conjure Messieurs de l'Académie de ne pas se méprendre sur mon intention. Je ne prétends pas ana- 771 lyser grammaticalement nos gallicismes : mon but est d'en expliquer l'origine, d’en faire ressortir l'esprit, de signaler { autant qu’il sera en moi ) la vue intellec- tuelle qui les à fait naître. — Qu'on me permette d’a- bord de relever une observation qui a été faite sur les gallicismes. « Gardons-nous, a-t-on dit, d'appeler ainsi des fa- cons de parler irrégulières communes en français, qui ne sont autres que des latinismes ou des idiotismes de quelque autre langue, » Je ne dirai pas qu'on ait eu l'intention de ravir à la langue l'originalité qui la distingue; mais l'observation me semble au moins inutile. Toutle monde convient que les langues sont en quel- que sorte filles les unes des autres; que toutes à leur naissance ont fait des emprunts, et qu'en tout temps même elles s'approprient ce qui est à leur convenance. Ainsi nous avons des latinismes, des idiotismes, nul n'en doute. Et pourquoi les avons-nous? Parce qu'ils nous ont plu, qu'ils étaient conformes à notre esprit, qu'ils se prêtaient à énoncer nos vues, qu'ils étaient nôtres avant même que nous les missions en usage. D'où vient que notre goût repousse telle ou telle tournure adoptée chez les peuples voisins? — D'où vient que nous accueillons quelques-unes de leurs ex- pressions, et qu’ils s'emparent de quelques-unes des nôtres? Or, seion moi, tel latinisme introduit chez nous doit prendre le nem de gallicisme, pour les motifs que j'ai 712 déduits. C'est du reste nous arrêter à une ARE con- sidération. J'ose plutôt jeter un coup-d'œil sur l'en- semble de nos gallicismes, pour déduire la preuve qu'ils ont leur part de justesse et de conformité avec notre génie, autant que les régles elles-mêmes de syntaxe. Ab hoc et ab hâc. — Je ne donne point cette locu- tion adverbiale, empruntée du latin, comme un galli- cisme ou un idiotisme proprement dit, puisque rien, dans cette locution, n’est contraire aux régles de la grammaire : hoc et häâc sont régimes de ab. — Mais cette locution latine est devenue toute française; pour- quoi? parce que sa rapidité monosyllabique convient parfaitement au caractère vif des Français, exprime très-heureusement le désordre, la déraison, la confu- sion. Parler ab hoc et ab hâc, parler sans méthode de tout et sur tout, sur ceci, sur cela. On voit peint dans tous ces petits mots, dans la répétition de ab, le ver- biage du parleur. — D'où je conclus que les mots la- tins sont devenus français. La plupart de ceux qui les emploient, sans savoir la langue latine, savent ce qu'ils signifient, et les comprennent fort bien dans la bouche des autres. Eten ce sens je fais le vœu que cette locution passe à l'état de mots français, et que l'Académie, dans une nouvelle édition de son Dictionnaire, la consacre com- me adverbe composé. Les mots Toast, Budget, el une 773 foule d'autres, empruntés de l'anglais, ont déjà pris rang dans notre vocabulaire; ab hoc et ab hâc ayant un sens pour tout le monde, l'acquisition est devenue propriété réelle. AngecrTiF. — L'utile, l'honnête, le juste. — Cer- tains adjectifs sont quelquefois pris substantivement, soil par élégance, soit pour la rapidité de l'expression : « Heureux qui, dans ses vers, sait, d’une voix légère, Passer du grave au doux, du plaisant au sévère! » De même l'adjectif figure souvent comme adverbe, et toujours par un entraînement de concision, d'élégance, de force. Nous disons : Cette actrice chante faux, pour dire : sur un ton faux. — A parle très-haut, pour : d'une voix très-haute. — Cette fois au moins il parle juste, pour : avec justesse. Nos grammaires, je le sais, nous disent tout cela didactiquement. Je le signale, de mon côté, pour la part que le goût et le caractère français revendiquent dans ces expressions. ALLER , S'EN ALLER.— Je m'en vais; c'est-à-dire Je sors d'ici, de ce lieu. Le verbe «aller est neutre, con- séquemment le pronom me n'en est point régime di- rect. Mais il est évident que aller a ici le sens de trans- porter, actif. Or, la locution signifie : Je transporte ma personne de ce lieu dans un autre; je porte mes pas au dehors. — Voilà comment, d'une manière plus brève, le verbe aller est devenu pronominal, 774 J'allais sortir, lorsque le facteur m'a remis une lettre; pour : J'étais sur le point de sortir, lorsque, etc. Il en de même du verbe aller, en parlant d’une ac- tion future, comme de venir par rapport à une action passée : rapidité, concision, énergie. Allumer du feu... le feu. — On a condamné mal à propos celte expression, en objectant que le feu étant déjà allumé, n’a pas besoin de l'être. Ce n’est pas en- trer dans le sens de la métaphore. Le feu est mis ici pour le bois, qui le produit; c'est l'effet pris pour la cause. Et d'ailleurs allumer a ici le sens de faire. Il est bien plus bref de dire : Al/lumer du feu, que: Chauffer, embraser le bois pour avoir du feu. Avoir BEAU. — Vous avez beau faire et beau di- IHBodrdos vous avez beau vous tourmenter, etc. Qu'est-ce qu'avoir beau? — Cherchons alors -ce qu'on veut dire : C’est inutilement que vous dites, que vous agissez, que vous vous tourmentez. — Fort bien; mais sur quoi est fondé ce mot beau? Vous fe- riez, vous diriez les plus belles choses du monde... quoi que vous fassiez de beau... vous vous tour- menteriez au plus haul point, à un point capable d'ex- citer l'admiration. Je ne vois pas qu'on puisse justifier autrement cette expression, de bien vieille date sans doute, et qui, par sa brièveté, résume néanmoins une foule d'idées. Ex avoir 4... — A qui en a-t-il? pour : Contre qui est-il en humeur, en colère? 7175 Le verbe avoir est là comme régissant un substan- üf sous-entendu dans la pensée de celui qui parle : Contre qui a-t-il du ressentiment, de l'humeur ; — à qui adresse-t-il des reproches ? Avoir, impersonnel. — //y a des gens (des person- nes) qui ne peuvent souffrir nulle contrariété. Selon beaucoup de grammairiens, cet y est là une particule explétive, c'est-à-dire qui n’ajoute rien au sens. Je le veux; mais avec avoir pris impersonnellement, cet y fait disparaître une grande équivoque; et, je ré- pète, avec avoir seulement; car nous ne l'employons pas avec l’impersonnel étre; nous dirons : Jl est des gens qui ne peuvent souffrir nulle contrariété. L'ab- sence de l'y n'ôte rien au sens complet de la phrase. Comment donc avec avoir employé impersonnelle- ment, fait-il disparaître une équivoque? C’est que avoir étant par lui-même un verbe actif, si nous supprimons l’y lorsque nous faisons ce verbe impersonnel, le pronom yague ?/ reprend sa nature de vrai remplaçant, et a l'air, dans ce cas, de rappeler l’idée d’un individu quelconque. Rendons cela facile par un exemple : Autre chose est dire : /l y a des jardins en ville, ou dire : /! a des jardins en ville. La première phrase signifie : Des jardins sont en ville; on trouve des jardins en ville. Par la seconde : /{ (Pierre ou Paul) possède des jardins en ville. Certes la signification des deux phrases est essen- tiellement différente. 776 Or, l’équivoque disparaît par l'adjonction de e au verbe avoir pris impersonnellement, Donc la particule y est de rigueur; elle n’est pas seulement explélive, mais indispensable, pour que la locution soit l'expression de la pensée et n'implique aucun doute sur la vue d'esprit. CE. — Le pronom ce est un véritable gallicisme dans une foule de circonstances où l’on tient à donner toute la certitude possible à ce qu'on exprime. Il se joint alors au verbe étre, et un pronou relatif lie cette lo- cution à une phrase qui suit. C’est mor, c'est lui, c’est vous, qui, ele. — C'est lui qui dans le temps pro- posa telle mesure, pour dire : 17 proposa dans le temps telle mesure. — Qui ne voit ici qu'on a l’inten- tion d'appuyer sur la désignation de la personne? La locution vient en aide à la vue d'esprit : Cet homme est celui qui, ete. On le désigne deux fois. C’est ce dont je vous parlais ; c'est ce que je disais. — On ne peut s'empêcher de reconnaître, dans ces locutions, la grande part qu'on se fait à soi-même par rapport à l’objet mis en discussion; la vanité s'y mon- tre, ou an moins un sentimeut quelconque déterminé par l'objet du propos. — Et tout cela est naturel; la locution y répond. [ls (nos soldats) ne savent ce que c'est que de fuir. — Oui, sans doute, tous ces monosyllabes nuisent sin- gulièrement à l'élégance; mais que d'énergie en com- pensation! Ce que c'est, à quel point, quelle honte... I semble d'ailleurs que le mot fuir ne vienne à la suite de plusieurs autres que parce que l'idée est odieuse IT par elle-même, ou parce que tous les monosyllabes qui précèdent font opposition, par la lenteur de l'ensemble, avec la fuite. EL je dis que tout cela est dans le génie du peuple, partant dans la langue qu’il parle. C’est se moquer que d'agir ainsi. — Cette locution répond très-bien au sentiment qui la détermine. Il y a là inversion : Agir ainsi, ou une telle conduite est une moquerie. Voilà l'ordre régulier des idées; mais faisons la part du sentiment qu'excite la conduite. Il se manifeste au commencement de la phrase; la régu- larité disparait pour faire place à une émotion, à la manière dont est jugée une conduite pareille. C’est sur vous que tombera le bläme. — Inversion encore : Le blûme tombera sur vous. — Mais consul- tons la vue d'esprit : vous est ici l'objet du blâme, et l’on veut bien le certifier. L'inversion est un coup de pinceau. Ce qu'il y a de plaisant, c'est que votre ami à réussi sans s'y altendre. — Autre tournure qui ca- ractérise l'événement, qui peint la joie dont la réus- site est le motif. C'est à lui que je dois les biens que je possède, pour : Je lui dois les biens que je possède. — Je le demande : Y a-t-il la même énergie dans cette seconde phrase, la même intention de faire ressortir le bien- fait? Par c'est à lui que, on appuie fortement sur l'i- dée que l'on veut exprimer, et de plus la reconnais- sance en jatilit. C'est la soif de l'or où l'ambition qui précipite la plupart des hommes à leur perte; pour : La soif de 49 778 ; l'or ou l'ambition précipite, ete. — C'est. qui evns- titue le gallicisme. — Cette locution, si généralement employée dans la langue familière, naît évidemment de la certitude qu'on veut communiquer de la propo- sition qu'on avance. On semble, par elle, insister sur la vérité de son jugement. Là se montre toute la force de son asserlion. J'applique ce que je viens de dire à la locution : C'est... de. C'est de lui que j'attends ou ma gloire ou ma hon- te. — 1] est indubitable que la vue principale de l'es- prit se rapporte à lui, qui est mis en plus grande évi- dence par le gallicisme C’est de lui que. Les monosyl- labes y figurent sans doute; maïs si, dans plusieurs cas, la rapidité de la phrase est un trait caractéristique, dans beaucoup d’autres la longueur en est un d’éner- gie. Le Français n'est pas moins verbeux dans certai- nes circonstances, que vif et précipité dans l’occasion. Écoutez-le exprimant sa douleur : il ne dit jamais as- sez, il se répète cent fois, tant il veut faire partager son émotion. — Il en est de même lorsqu'il veut con- vaincre; l'abondance des mots vient à son aide. Devoir. — 11 doit partir incessamment pour la campagne. — Ce verbe marque ici l'intention : [7 se propose de partir, il compte partir. — Selon le projet qu'on a formé, c'est une delte qu'on a contractée. Nous devons tous mourir. — C’est pour nous une obligation. Son voyage doit être de quinze jours au plus. — TH Selon la plus large supputation de temps, il est tenu à voyager, à être absent durant quinze jours. Dans ces diverses acceptions du verbe Devoir, pré- domine l'idée d'une obligation volontaire ou forcée. Dire. — Sans DIRE. — /l va sans dire que nous aurons encore des gelées ; pour : Il est incontestable que, ete. — Sans dire présente une ellipse : sans dire aucun motif, sans chercher à démontrer, sans donner aucune preuve. — Cette expression abrégée peint l’as- surance où l'on est de la réalisation de la chose. On se croit si peu obligé de déduire les motifs de son opi- ‘nion, qu'on n'achève pas même la locution incidente Sans dire. Si le cœur vous en dit, pour : Si la chose vous est agréable, vous convient. — Le mot cœur figure dans ce gallicisme, comme étant la partie où l'émotion a lieu , où le désir s’agite; et c’est à lui qu'on en appelle pour faire agréer l'invitation qu'on adresse, pour l'au- toriser, pour la justifier. Donner. — Ce verbe, dont la signification la plus usuelle n'offre aucune incertitude, aucun doute à tous les esprits, est un véritable gallicisme en plusieurs cir- const:nces, mais généralement adopté et à la portée de chacun. D'où vient cette intelligence générale de certains mots, cette compréhension universelle de plusieurs expressions dont l'acception accidentelle paraît si éloi- gnée de leur signification ordinaire? C'est que les gal- licismes sont en général l'œuvre du peuple, qu'ils n'ont lieu le plus souvent que dans le discours familier, et 780 qu'ils se sont perpétués sans altération, parce qu'ils répondent exactement aux besoins divers qui les ont produits. Le gallicisme est évidemment né d'une construction interne régulière. Une vue principale d'esprit, un be- soin de rapidité, de force, d'énergie, d'élégance même parfois, a dénaturé cette construction, l’a amoindrie, l'a modifiée selon les cas, en sorte que le sens éclate, sans la régularité exigible. Mais on aurait tort de pen- ser que la filiation exacte des idées n'ait pas lieu dans l'esprit du peuple comme dans celui des lettrés. Le peuple ne s'arrête pas, il est vrai, à cette filiation, ‘ non plus que le grand nombre de ceux qui parlent; on ne soupçonne pas combien d'opérations intellectuelles se font dans le jugement, à notre insu, avant l’expres- sion d'une pensée. Toujours est-il qu'elles ont lieu; et il faut convenir qu'en fait de gallicismes, la coutume, la transmission , l’usage, ont la plus grande part à l’in- telligence du fond. On s'en sert, parce qu'ils satisfont au besoin de rendre une pensée. S'ils eussent présenté la moindre obsecurité, dès les premiers temps on les eût rejetés; que dis-je? on ne les eût pas même con- cus. Donc, nous héritons de l'ouvrage de nos pères, sans travailler à l'expliquer : il nous suffit que l'héritage nous convienne. N Donner dans le piège. — Xci, donner signifie tom- ber. — Quelle différence entre faire un don et une chu- te! Comment donc se sert-on de l'un pour exprimer l'autre? — De même : Donner dans un ridicule; — donner dans la de- 781 pense; — donner dans la dévotion, ete. — C'est que donner, dans ces divers cas, signifie s’abandonner à ; donner son esprit à... Donner du pied, ou mettre le pied dans le piège. Et dans ce dernier exemple, donner a d'autant plus d'énergie, qu’il peint la mol- lesse de celui qui est trompé. 77 a donné dans le pan- neau; celte locution suppose de la faiblesse. Lorsqu'on donne, c’est que le plus souvent on se laisse aller à une demande. Cette maison donne d'un côté dans une rue, et de l'autre dans une impasse. — On peut expliquer ce gallicisme de deux manières; ou : cette maison donne entrée d'un côté, etc.; ou bien : cette maison est si- tuée d'un côté, ete. — Dans ce dernier cas, donner signifie : présente sa situahion, la donne en vue aux passants. — J'ose assurer qu'on ne peut interpréter différemment cette locution. Le soleil donne dans mon appartement. — On ne peut se méprendre : le soleil donne sa clarté, darde ses rayons. Quelle image que ce gallicisme! Le verbe est rendu neutre, comme si l’on voulait dire : Le so- leil est dans mon appartement. Donner dans l'œil à une demoiselle. — C'est ins- pirer de l'amour à une éemoiselle par l'impression qu'on a faite sur elle. L'æœil est un organe qui reçoit; l’âme éprouve le sen- timent par la perception de la vue; l'œil est frappé avant tout; lamour se communique à lui tout d'abord: concevez l'énergie de cette expression ! Tel vin donne dans la tête. — Ce qui signifie : 782 porle à la tête. Or, que porte-t-il? le trouble. I le donve, il le communique, il l'occasionne. Ce convive a donné sur tous les plats. — Pour di- re : a tâté de tous les plats. I n'a pas choisi, il a don- né son assentiment à tous, il est {ombé sur chacun. Du... De... Des.::. — Je les signale ici, non com- me indiquant les divers rapports qu'exprime la prépo- sition de, ou répondant au génitif du latin, mais pris dans un sens partilif. Je voudrais ne pas faire de fautes. — C'est-à-dire : Je voudrais ne faire aucune faute. J'ai commis des erreurs. — C'est-à-dire : J'ai com- mis plusieurs erreurs, quelques erreurs. Je lui ai versé du café. — C'est-à-dire : Je lui ai versé une portion de café. Il est évident que des est un pluriel opposé à un. Un présente, au singulier, un rapport indéfini : Un gros oiseau traverse l'air ; des pluriel présente le même rapport : De gros oiseaux, des oiseaux traversent l'air. Or, lorsque des, dans une phrase affirmative, est placé devant un substantif, el qu'on le peut tourner par quelques, ou plusieurs, ou certains, des n’est plus mis pour de les, mais c’est un véritable adjectif indéfini. — Si la phrase est négative, lorsqu'on peut tourner de par aucun, c'est également un adjectif in- défini : Je n'ai point de raisons à vous opposer; je n'ai aucune raison à vous opposer. ÊTRE. — Cet homme est sur sa bouche. — C'est-à- dire : est friand ou gourmand. 783 Dans le premier cas, on a l'intention de dire : Cet homme est délicat sur les mets. W y a là métonymie: le contenant est pris pour le contenu. — Le gallicisme est bref et expressif. Il ne l'est pas moins, si l’on veut dire qu'il est goulu : Cet homme est peu délicat sur les mets. A les dévore tous également; ou bien : Cet homme est intrépide sur l'article de la bouche, ïl est tout à sa bouche. On conçoit que l’un et l’autre sens sont reconnus d'après certaines circonstances qui précèdent, et qui les font accueillir selon l'intention de celui qui parle. Il'en sera de cet ouvrage comme de beaucoup d'au- tres : il fera nombre dans la boutique du libraire. — Cet en, qui constitue le gallicisme avec l'impersonnel être, n'est pas une rédondance comme on le pourrait croire. Que signifie {7 en sera de cet ouvrage dans l'intention de celui qui parle? Zl sera du sort ( du des- tin) de cet ouvrage, comme, ete. Il n'est pas jusqu'à des enfants de dix à douze ans qui n'aient un cigare à la bouche; pour : Des en- fants de dix à douze ans ont même un cigare à la bouche. — Cette dernière phrase, toute régulière qu'elle est, ne fait pas ressortir la généralité de la cou- tume, encore moins la pitié qu’en inspire l'abus, com- me : {l n'est pas jusqu'aux enfants, etc. C'est pres- que ne faire aucune exclusion, dire d'une manière ab- solue : Tous les individus mâles ont le cigare à la bouche. Je répète que les régles du langage satisfont à toutes 784 les vues d'esprit, se prêtent à l'expression de toutes les pensées. Mais elles ne donnent pas toujours à cette expression la couleur dont elle est susceptible; il y manque l'originalité, le trait moral qui provoque et caractérise la pensée : le gallicisme s'offre naturelle ment à l'esprit, et constitue à lui ceul le tableau. Il en est de l'honneur comme de la neige, qui ne peut jamais reprendre sa pureté ni son éclat, dès qu'elle les a perdus. — Cet en, m'’a-t-on dit est in- explicable. Consaltons, m'a-t-on ajouté, ce qu’en dit l'Académie. En voici les expressions, au mot En : « En se met quelquefois sans relation à aucune chose ni exprimée, ni sous-entendue, mais seulement par une certaine rédondance, que l'usage autorise. [len est de cela comme de la plupart des choses du mon- de. — En venir aux mains, auæ coups, aux inju- res. » Dire que le mot En se met quelquefois sans relation à aucune chose ni exprimée, ni sous-entendue, c’est avouer, par le mot quelquefois, qu'il peut arriver que ce mot En a parfois relation à un mot sous-entendu. Mais le premier exemple que donne l'Académie, ne laisse aucun doute sur sa décision par rapport à la phrase que j'ai citée en tête de cet article; car cet exemple offre le même sens que le mien. Or, je liens à prouver que le mot En, dans l'une et dans l'autre phrase, a relation à une idée, j'entends à un substantif. Quel est-11? 1° Le verbe est impersonnel. Le mot vague 2/ (su- 785 jet apparent) n'est là que pour caractériser cette im- personnalité. C'est le mot Æn qui est sujet véritable. Et comment le serait-il s’il ne: signifiait rien, s'il n’é- tait là que par rédondance? — Mais c’est que réelle- ment il signifie quelque chose; on le peut très-bien suppléer; et s'il est difficile pour le plus grand nombre d'en donner une explication, j'ose assurer que chacun adopter la mienne. Voici celle que je propose : Il'en est de l'honneur comme de la neige, ete. La nature de l'honneur est comme celle de la nei- ge, etc. — Voilà un gallicisme expliqué; je ne crois . pas torturer le sens de la phrase : L'essence de l'hon- neur ressemble à la qualité, à la nature, à l'essence de la neige. 2° En venir aux mains, aux coups, aux injures. — Cet en peut encore très-bien s'expliquer. A mes yeux c'est un pronom : Venir d'un élat calme aux coups, aux injures. 1 y a gradation indiquée par le gallicisme lui-même. EuPHontE. — L, T, S, du, des, son, toutes. — Nos lettres euphoniques, nos contractions, ne sont pas moins gallicismes, et gallicismes où se montre la délicatesse de l'oreille française. Non, répliqua-{-il aussitôt. — Vas-y; si l'on veut; portes-en la peine, ete. — Répliqua il, va y, porte en, si on, choqueraient essentiellement l'oreille; les lettres euphoniques placées entre les deux voyelles font disparaître la mauvaise consonnance. Chacun a son opinion. — Elles sont foutes déconte- nancées. — Il y à gallicismes dans ces phrases; aussi 786 les signalé-je, quoique la grammaire en fasse deux ex- ceplions à deux règles, et qu’elles soient connues de tous les étudiants. Opinion est du genre féminin; donc absolument il faudrait : Chacun a sa opinion. Quelle oreille française admettrait cet hiatus? Toutes devant un adjectif, et pouvant se tourner par tout-à-fait, entièrement, quoique, est adverbe. Mais est-il un français qui pt dire : Elles sont tout décon- tenancées? — On le pourrait, si l'adjectif commencait par une voyelle : Elles sont encore tout endormies; on en reconnaît facilement la raison. Or, sur quoi repose le gallicisme, pourquoi a-t:il lieu? Dans les deux cas, c’est l'euphonie, c’est l'oreille qui les a fait naître ; elle a soumis la règle, elle l'a fait plier à son besoin; elle a exigé qu'on franchit le prin- cipe, et qu'on sacrifiât à sa délicatesse. — Voilà l'élé- gance française, on ne saurait dire susceptibilité. Je dirai en passant que nos élisions sont autant de sacrifices à l'oreille : l'amitié, l’orgueil, qu'il, qu'elle, j'ai, s'entr'ouvrir, entr'acle, etc. Faire. — Ce verbe peut être pris dans une foule d’acceptions, et donne lieu conséquemment à beaucoup de figures, parmi lesquelles on remarque plusieurs gal- licismes. La plupart de ceux-ci d'ailleurs renferment des métaphores, parce que, selon la remarque de Le Batteux , la langue du peuple, tout irrégulière qu'elle est, fourmille d'images; ainsi : 787 Faire le bec à quelqu'un, pour : l'instruire de ce qu'il doit dire et répondre; — lui faire la leçon ; — lui apprendre à parler, de même qu'on instruit un oiseau. Comme le bec est l'organe d'où sort la voix du bipède, on le prend ici pour la voix elle même; et faire l'un c'est diriger l'autre. Se laisser faire. — C'est-à-dire se laisser faire ce qu'on veut. — S'abandonner mollement à la volonté des autres. — Cette locution est elliptique. N'avoir que faire de quelqu'un ou de quelque cho- se. — C’est dire : N’en avoir pas besoin; ou : n’en pas faire cas. Il y a dans cette phrase gallicisme et ellipse en mé- me temps. Je n'ai que faire de sa protection. Ce que est le mot indispensable pour peindre le sentiment de dédain, le rejet que l’on fait de la protection. On peut l'expliquer de cette manière : Je n'ai nul cas que je veuille faire de sa protection ; ce qui revient à dire : Je ne fais nul cas de sa protection , je n’en veux point. On n'a que faire de ce brouillon; pour : On n'a rien à tirer de ce brouillon; — on n'en peut rien faire; — on n'a nul besoin de lui. — L'expression de dédain est encore parfaitement rendue par le ne que et le verbe faire, qui donnent l'idée d’une nullité com- plète d'action de la part de l'individu. [Une fit qu'entrer et sortir ; pour : Il entra et sor- hit presque aussitôt. — Fort bien; mais selon le gal- licisme, on veut préciser les deux actions presque si- multanées ; le verbe faire se présente, et dans sa for- me brève les résume. 788 Ilne fait que chanter tout le long du jour ; pour : Il chante sans cesse toute la journée. — Par le gl- licisme, la vue de l'esprit tombe plutôt sur l’action in- cessante que sur l'objet de l'action, sur le chant lui- même. Il ne fait que de sortir. — Il ne fait que sortir. — Par l’un on veut dire : 2 vient de sortir à l'ins- tant; — par l’autre : [l sort sans cesse. Dans l’un et l’autre cas, il y a action; or, le verbe faire exprime action. C’est donc comme si l’on disait : Son action continuelle est de sortir; ou bien : Sa der- nière action toute prochaine est d'être sorti. De toute manière, l'emploi du verbe faire est dé- montré pour la justesse. Il fait cher vivre dans cette ville; pour : Les vi- vres sont chers dans cette ville, ou on vit chèrement dans cette ville. — I est bon d’observer.que l'emploi de la forme impersonnelle est d’un très-grand usage dans le style populaire; ce qui s'explique de deux ma- nières : 1° par l’irrégularité elle-même qui caractérise le style familier; 2° parce que l'état ou l’action frappe sensiblement l'esprit : On vit chèrement; — il fait chaud (le temps est chaud, est fait chaud ). Il est, en outre, plus bref d'employer vaguement le mot #/, qui dit beaucoup sans ne rien dire, et qui ré- pond plus directement à la vue générale, comme le mot on dans une foule de cas. Il fait de l'orage, pour : l'orage a lieu. — Il fait du tonnerre, pour : le tonnerre gronde. — Ces deux explications n'ont pas la tournure originale du galli- 789 cisme; et l'originalité constitue précisément le génie populaire. L'élat présent est orageux ; — le tonnerre se fail entendre; constructions régulières qui n'offrent rien de saillant, de caractéristique. Combien faites-vous ce drap? pour : Quel est le prix de ce drap? — Vous le faites trop cher ; pour : : Vous le vendez trop cher. — Le marchand ne fait pas le drap, il fait le prix trop élevé. Ici le verbe faire a le sens de proposer, de demander, d'exiger. — L'a- cheteur, en disant : Combien faites-vous ce drap? en- tend dire au marchand : Quel prix demandez-vous ? Il s'est fait faire un bel ameublement; pour : On lui a fait, sur sa demande, un bel ameublement ; ou : {1 a commandé qu'on hui fil, ete. — Le gallicis- me rend plus brièvement la pensée. Cette blessure le fait souffrir beaucoup dans les temps humides. — ......… le rend souffrant; — lui fait, lui occasionne une grande souffrance. Faites faire le compte au plus tôt; pour : Ordon- nez qu'on fasse le compte au plus tôt. On voit du reste combien ce verbe faire, suivi d’un infinitif, se prête à la rapidité de la pensée. Il dépense plus d'argent qu'il n'a jamais fait dans sa jeunesse; pour : ….... qu'il n'en a dépensé ja- mais... — Et comme dépenser est une action, on se sert de faire pour dépenser. Faire de la terre le fossé. — Ce gallicisme est très- commun; on s'en sert pour exprimer ce que fait un libertin , un prodigue, qui, au moyen d'emprunts suc- cessifs, rembourse les uns par les autres, et finit par se ruiner. 790 On s'en sert encore pour signifier qu'on tire d'une chose de quoi pourvoir à l'entretien, à l’agrandisse- ment, au perfectionnement de cette chose même. Cette figure est d’une justesse remarquable. Don- nons-en une explication nette et précise, car elle sem- ble d’abord n'offrir aucun sens. Un fossé n’est autre chose qu'une fosse creusée en long pour clore un jardin , un lieu quelconque, ou pour l'écoulement des eaux. Comment parvient-on à le faire? En tirant la terre selon la longueur et la profondeur qu'on a déterminées. — Cette terre est jetée à droite et à gauche du terrain, et le fossé se dessine jusqu'à ce que la dimension projetée soit complétement ob tenue. N'est-il pas vrai de dire que la terre qu'on à tirée, a fait, a constitué le fossé? De même, le libertin emprunte pour rembourser un premier emprunt; l'un sert à l'autre : il se creuse ain- si un abîme par le moyen qu'il emploie pour éloigner sa chute. Tirer d'une chose le moyen de lui donner une autre apparence, c'est la terre qui, relevée des deux côtés, présente un creux en terre. SE FAIRE. — Cela se fait tous les jours; pour : se pratique tous les jours. — Non que la chose se fasse elle-même, mais elle est faite. — On lui attribue l'ac- tion, elle est agissante; il y a plus d'énergie à présen- ter un sens actif. Fazzom. — Jl s’en faut de beaucoup que leur nom- bre soit complet. — C'est l'exemple que donne l'Aca- 791 démie elle-même, après avoir dit que, dans le sens de manquer, le verbe impersonnel Falloir ne s'emploie qu'avec la particule en et le pronom de la 3° personne. Si le mot en est une particule, il ne signifie rien : ce n'est plus alors qu’un mot introduit par l'usage, pour former une locution plus pleine, plus arrondie, plus agréable à l'oreille. Mais, selon que je l'ai déjà établi dans une autre cir- constancé, je crois qu'il est possible de donner une signification à ce mot, qu'on le peut considérer comme un pronom, tenant réellement lieu d'un substantif, et que le gallicisme offre un sens évident qu'il est très- facile de démontrer. Supposons qu'il s'agisse de soldats dans la phrase; — que veut dire : {1 s'en faut de beaucoup? — Beau- coup de soldats manquent, pour que le nombre en soit complet. En est ici mis pour soldats. Ce serait plutôt le mot se qui serait là par rédon- dance. Encore peut-on le faire rapporter à en comme explétive : Beaucoup d'eux, de soldats manquent; ou bien : 11 se manque beaucoup de soldats. L'explication de en est au moins démontrée. Quand moi seul il faudrait l'entreprendre. — Voilà certes une manière de s'exprimer des plus irré- gulières, et fort en usage dans le discours familier. Le peuple généralement n'est rien moins que versé dans la connaissance précise de nos lois de syntaxe; it dit comme il sait; mais ce qu'il dit, il l'exprime avec énergie. La phrase ci-dessus revient à celle-ci : Quand moi seul je devrais l'entreprendre. Mais je devrais 792 n'a pas la force de 1 faudrait, il serait de rigueur, il y aurait nécessilé. Et pais ce moi seul au commencement de la phrase peint très-bien l'exclusion de toat autre, et la confiance qu'on à en soi-même. Ces deux jeunes gens sont ce qu'il faut qu'ils soient pour avancer dans le monde; pour : Ces deux jeu- nes gens sont tels qu'ils doivent être pour avancer dans le monde. — Le verbe impersonnel falloir em- porte avec lui une idée de nécessité absolue qui justi- fie ici le gallicisme. Force, dans le sens de beaucoup, pris adverbiale- ment, es{ un gallicisme; ce mot précède toujours un substantif. De même que nous disons : /7 faudrait forcer de dépenses pour oblenir ce résultat, nous pouvons dire: Il faudrait force dépenses, des dépenses énormes, etc. — Les ouvriers ont forcé de travail, c'est dire : ont fait force travail. Dans tous ces cas on le pourrait ab- solument considérer comme adjectif. Le mot force à par lui-même une grande significa- tion ; il donne l'idée d’une puissance supérieure. Aussi a-{-il été adopté pour qualifier le substantif qui le suit, lorsqu'on veut en donner une grande idée. Beaucoup de est trop long; force étant plus bref et accompagnant immédiatement le substantif, est aussi plus énergique. Ne cessons de voir, dans ces locutions familières, une inspiralion {oute naturelle provenant du caractère propre du vulgaire qui les emploie. Inversion. — Interrogation. — Lorsque nous di- sons : /{ les a trempées, ses mains cruelles, dans le 793 sang de Sichée, époux de Didon, sa sœur. — Il est certain qu'il y a là gallicisme; car la construction ré- gulière est : {l a trempé ses mains cruelles dans le sang, etc. — Le pronom les est donc en pléonasme de mains. On dira : un latinisme transporté dans la lan- gue française, comme dans la phrase qui suit : Cette prospérité dont je jours, c'est à vous que j'en suis redevable; pour : C’est à vous que je suis rede vable de la prospérité dont je jouis. Nous avons vu que l'oreille impose sa loi; le bon goût impose aussi la sienne; non seulement le bon goût, mais un besoin d'énergie, la nécessité de recourir à un moyen qui se prêtät au sentiment; el celte énergie, ce sentiment, cette oreille, ce bon goût, nous appartien- nent si essentiellement, que nous avons saisi tout ce - qui peut y satisfaire, en sorte que les emprunts en sont eux-mêmes la preuve. Les aurions-nous faits s'ils n'eussent été à notre convenance? Nos phrases interrogatives présentent également des gallicismes : Le courrier est-il arrivé? — Que nous présage cet évènement? — Peut-on se fier à lui? — Comment est mort cet homme puissant qui sauvait le peuple d'Israël? Des particules, en latin, marquent l'interrogation (an, ne, nonne ). W a bien fallu que nous la fissions reconnaître par un moyen sensible. Or, nous prenons le contraire de la phrase expositive où se montre la régularité française; nous ne pouvions mieux faire pour distinguer l'énoncé d'une proposition établie dans notre esprit, d'une question que nous adressons. C'est 50 794 ainsi que nous plaçons le sujet après le verbe : Que nous présage cel évènement? — Comment est mort cet homme puissant? — Ou, si le sujet figure avant le. verbe, nous mettons après celui-ci un pronom en pléonasme qui reproduit le sujet : Votre père arrive- ra-t-il bientôt? — Cette nouvelle est-elle bien vraie? Les portefaix de Constantinople portent, dit-on, des fardeaux de neuf cents livres pesant; au heu de dire : .…..... des fardeaux pesant neuf cents livres, ou du poids de neuf cents livres. — L'inversion a licu pour énoncer tout de suite le poids lui-même. Le mot pesant, à la fin de la phrase, n'est pas absolument utile : il ne l'était donc pas de l’exprimer avant celui qu'il importait bien plus de faire connaître. (Article oublié au verbe Falloir. ) Les gens comme il faut. — Que veut-on signifier par cet impersonnel? Les gens distingués, d'un rang élevé, d’une classe au-dessus de l'ordinaire. Comme il faut peut être rendu par : comme on doit être pour être distingué. — Le gallicisme offre de plus l'idée : qui sont comme on doit être pour être distin- gué. — C'est là précisément le fond exact de cette lo- cution populaire : Les gens comme il faut. Ne pas laisser de... que de... — Tout bourru qu'il est, / ne laisse pas d’être, ou que d'être bien- faisant. — Brièvement parlant, cela veut dire : Zl est néanmoins bienfaisant. Mais la longueur du gallicisme fait ressortir davan- 795 tage la qualité qu'il énonce. 7! ne laisse pas d'être présente l’idée : 11 n’est pas dépourvu de l'avantage d’être bienfaisant; — 1! ne laisse pas sa part de bien- faisance à d'autres; — Il ne se croit pas quitte de bienfaisance envers son prochain. Tout pauvre qu'il est, 1/ ne laisse pas de reconnai- tre que la propriété est une des bases de la société. — Nous pourrions dire : [2 reconnait néañmoins..……., mais le gallicisme fait plus ressortir la concession mo- rale que fait le pauvre, le principe de droiture qui le dirige. Ox. — Le qu'en dira-t-on. — Un je ne sais quoi. — Ces deux locutions sont prises l'une et l'autre subs- tantivement. Toutes les deux rendent parfaitement l'idée. Je me moque du qu’en dira-t-on. — Qu'on dise ce que l’on voudra, je m'en moque. — Quoi que l'on dise, ça m'est égal. Un je ne sais quoi. Ce gallicisme offre de l'énergie, en ce qu'il est un aveu d'ignorance, et que c'est pré- cisément cette impossibilité de définir sa pensée, qu'il exprime tout franchement. — Il y a dans cette çer- sonne un 7e ne sais quoi qui vous saisit. Les deux locutions ont un mérite de précision re- marquable. La première rappelle toutes les demandes respectives qui se font mutuellement dans le publie : Qu'en dites-vous? — qu'en pensez-vous? — qu'en augurez-vous? etc. Or, ce public est représenté par on. — Qu'en dira-t-on résume tous les propos. On ne dit rien. — On est un sot. — On, en effet, 796 pronom indéfini, ne précise personne, n'énonce qu'un rapport vague et sans autorité. Peut-il mériter qu’on s’y arrête? Peut-on ne pas le considérer comme une sottise? La locution me semble très-fondée, et expri- me sentencieusement le dédain. SE PLAIRE. — Je me plais dans ce domaine; pour: Ce domaine m'est agréable, me plaît. — Se plaire signifie, dans le sens le plus absolu : {rouver son agré- ment. C'est moins la chose qui plaît à la personne, que la personne qui se plaît à elle-même dans la chose. — Telle est l'explication du gallicisme. S'EN PRENDRE A. — 11 s'en prend à tout le monde; pour : 1 accuse tout le monde; — il s'irrite contre tout le monde; — il prend de l'humeur contre tout le monde, à cause de....., etc. — Le verbe prendre a ici la signification de : prendre tout le monde à par- tie. C'est, je crois, l'interprétation la plus natureile. Je ne m'en prends point à vous de ce mauvais suc- cès; pour : Je ne vous impute pas cette mauvaise is- sue; — je ne vous prends pas, Je ne vous considère pas comme l'artisan de ce revers. SE PORTER. — Je me porte fort bien. — Ce qui veut dire au propre : Je porte fort bien mon corps, pour exprimer que ma santé est fort bonne. Et comme, en élat de malaise ou de maladie, le corps est mal porté par les jambes, que celles-ci fléchissent, le verbe por- ter est pris mélaphoriquement. Que. — Ce monosyllabe constitue une foule de gal- licismes. Donnons-en quelques exemples. 797 Il ne dit que des sottises. — Ce qui signifie : Il ne dit rien autre chose que des sottises; ou tout ce qu'il dit est sothises. — Le ne que du gallicisme exprime l'exclusion de toute autre chose que des sottises. Je ne demande que justice. — De même ici on fait très-bien ressortir l'unique objet que l'on réclame (justice ), à l'exclusion de tout autre. : Je n'irai pas que tout ne soit prêt. — Cela veut dire : Je n’irai pas avant que tout soit prêt; ou : Je n'irai que lorsque tout sera prêt. — La phrase ellip-- tique est bien plus rapide, plus énergique ou décisive même que les autres, où figurent tous les mots. Par- tout se retrouve, dans nos locutions irrégulières, le caractère de la nation. C'est une grande imprudence que de se fier aux apparences; pour : C'est une grande imprudence lors- qu'on se fie, ete. — On voit que le mot que, dans la phrase citée, est là pour lier deux phrases, la seconde étant représentée par un verbe à l'infinit{f /de se fier.) Je prétends justifier ce gallicisme : 1° par la rapi- dité de l'expression ( lorsque est plus long, plus exact, moins pittoresque }; 2 par l'emploi du mode in/finitif, toujours plus élégant que le verbe à un mode person- nel. D'où résulte qu'il y a dans le gallicisme rapidité et élégance, qualités éminemment réunies chez le peu- ple français. La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles Et me laisse crier. Ce gallicisme se reproduit bien souvent dans un sens exclamatif : Malheureux que je suis! — Imprudent 798 que j'étais! I est évident que cette locution dit plus que la construction régulière : Que je suis malheu- reux! — Que j'étais imprudent! 1° On commence par le mot sur lequel on veut faire tomber la vue d'’es- prit; 2° le temps où l’état a lieu tombe à la fin de la phrase, et contribue ainsi à l'intérêt que l’on veut ins- pirer. Si je veux analyser grammaticalement cette phrase, et voir plus que de la rédonüance dans le mot que, je dirai : Malheureux combien je suis, pour : Combien je suis malheureux! 1 y a‘dans le gallicisme, le su- prême avantage de voir figurer en tête le mot princi- pal. Je dirai encore que, par le gallicisme, la vraie situation morale est mieux rendue. Par : Malheureux que je suis! Imprudent que j'étais! on s’affaisse en quelque sorte sur soi-même, on s'abandonne tout en- tier à la réflexion; tandis que par : Que je suis mal- heureux! Que j'étais imprudent! on s'écrie, on fait une exclamation, après laquelle l'émotion semble s'é- vaporer. Nos pères éprouvaient comme nous de grandes émo- tions; leur esprit s’exaltait comme le nôtre, leur cœur était susceptible des mêmes sentiments; il les exha- laient avec toute l'énergie, toute la rapidité qu'on peut supposer chez des âmes fortes et un peu plus près que nous de la nature. Combien d’ellipses ils nous ont trans- mises! que de locutions en apparence irrégulières ils employaient. et qui néanmoins étaient chez eux le pro- duit d’une filiation très-régulière d'idées, mais dont ils supprimaient une partie dans le discours, pour ar- 799 river plus tôt à l'expression du sentiment qu'ils éprou- vaient, ou de la pensée-mère qu'ils voulaient exposer! Si j'étais que de vous. — Voilà une locution des plus familières. Que signifie-t-elle? Si j'étais celui que vous êtes; en d’autres termes : Si j'étais à votre pla- ce. Le mot de est là de remplissage; la locution sans lui peut fort bien s’analyser. — Pourquoi s’y trouve- t-il? Remarquons que le peuple ne se pique pas de cor- rection dans son langage ; mais il n'a pas moins de dé- licatesse dans l'oreille. Si j'étais que vous ne remplis- sait pas assez la sienne; il y ajoute de, sans autre mo- tif que la rondeur de la phrase. — Et puis, il y a dans celte tournure générale, un ton de commisération, d'intérêt, de bienveillance, qui rend très-bien le ca- ractère de la classe inférieure. Ilne dit rien que de vrai dans sa défense. — Ce qui signifie : Il ne dit rien qui ne soit vrai, etc. — Je ne vois là rien de surprenant; pour : Je ne vois là rien qui soit surprenant, ou qui surprenne. — On pourrait dire que, dans ces locutions, l'adjectif est pris substantivement, partant régime de la préposition de. Mais sans recourir à cet expédient grammatical, voyons ici un moyen bref de s'exprimer; de même que nous avons créé des conjonctions qui, prises isolément, ne signifient rien par elles-mêmes, mais qui, entre deux propositions, expriment des rapports que, sans elles, il faudrait rendre par des phrases entières. — Le de, dans les cas qui précèdent, tient la place du verbe étre, de même que, très-souvent, un verbe à l'infinitif tient la place de l'indicatif ou du subjonctif. On ne travaille 800 aujourd'hui que pour manger du pain; c'est-à-dire : pour qu'on puisse manger du pain, ou pour qu'on mange du pain. Ajoutons enfin que les monosyllabes que, qui, de, etc., dans la langue, y ont fait primitivement une in- vasion tellement générale, qu’il à fallu les régulariser en y ajoutant des sens de convention. Le peuple y a trouvé son compte; les bons auteurs s’en sont emparés plus ou moins. Qu'est-ce que cela? pour : Quelle chose est cela? — Qui est-ce qui a débité cette nouvelle? pour : Quelle personne a débité, etc. — Dans l'une et dans l'autre locution, il y à rédondance du pronom démons- tratif ce, et du pronom relatif qui. C'est appuyer for- tement et sur la chose et sur la personne; c’est faire ressortir l'importance que l’on met à connaître l'une et l'autre. — Je ne veux pas, sans doute, m'exagérer le caractère d'un gallicisme, et prétendre le justifier par une explication forcée; mais lorsqu'on met en re- gard la construction régulière, il est impossible de ne pas être frappé de la différence. Que si. — Que non. — La Fontaine a très-heu- reusement employé ces deux locutions, très-usitées même de nos jours dans le style populaire. On la reçut à bras ouverts, { la discorde.) Elle et que-si, que-non. ( Son frère.) Le fabuliste en à fait deux noms propres, lesquels caractérisent parfaitement deux disputeurs. L'un dit que si, l'autre dit que non; c'est le fond de tout pro- cès. L'énergie de l'expression saute aux yeux. 801 Qui répété. — Ils coururent aux armes et 5e saisi- rent, qui d'une épée, qui d’une pique, qui d'une hal- lebarde. — Voilà encore du style familier, un véritable gallicisme. Ces trois qui sont autant de pronoms rela- tifs, qui se rapportent au sujet t/s, dont ils fout le dé- tail : lesquels se saisirent les uns d'une épée, les autres d'une pique, les autres d’une hallebarde. On voit la rapidité de l’action dans la rapidité de l'ex- pression. Ils se dispersèrent qui d'un côté, qui d'un autre. — Ce second exemple ne fait pas moins ressortir le mérite du gallicisme, qui répond si bien à l'intention. On regrette presque que les exigences de la grammaire ne permettent pas de l'introduire dans le style au-des- sus du familier. Pourquoi faut-il que le génie de la nion se réfugie dans le langage le plus usuel, du moins en partie et si souvent? SE SERVIR DE... — 1 se sert de mon paraphue ; pour : Îl fait usage de mon parapluie. C'est dire en- core : Il a pris mon parapluie à son service.— Cette locution fait ressortir cette idée, que la personne se read à elle-même service en prenant mon parapluie, et qu’elle même en fait l'emploi. Venir. — {lvient de mourir ; — il va venir ; pour: Il est mort presque à l'instant; il viendra tout-à- l'heure, dans quelques minutes. — Certainement il vient, dans le premier exemple, n'a pas le sens du verbe venir ; un moribond, un mourant ne vient pas. 802 Il faut y attacher le sens d'un complément adverbial “par rapport au verbe mourir, sens de temps présent en quelque sorte, de même que il vient offre l'idée d'une venue. Second exemple : {! va venir. De même que il va exprime l’action d'aller présentement, il va venir exprime l'action de venir comme très-prochaine, si elle n’est présente. Ces deux locutions sont également énergiques, et rendent fort bien les pensées. Il vient d'arriver un fâcheux accident. — Sans doute, un accident ne vient pas; mais il est ici per- sonnifié. — Et puis on veut dire : Un fâcheux acci- dent est arrivé tout-à-l'heure, presque à l'instant.— Le verbe 2/ vient rend tout seul cette idée de temps, el d’une manière plus frappante. ÿ D'où vient, dis-je à Narbal, que les Phéniciens se sont rendus maîtres du commerce de toutes les na- hons? — Voilà une phrase où, par rapport au galli- cisme, il est assez difficile de donner une explication qui, sans altérer le sens, présente une parfaite régu- larité grammaticale. Je crois néanmoins y être parvenu. Il y a gallicisme, paisqu'il y a un verbe impersonnel. Quel en est le sujet? — Le pronom vague il est sous-entendu. Mais quel est le sujet réel? — Évidemment lout ce qui suit : que les Phéniciens se sont rendus, etc. .Mais quoi! une phrase ainsi composée! Ne serait-il pas possible d'en présenter le sens par un substantif qui fût véritablement sujet de vient? 803 Et c’est là la difficulté. — Je tourne ainsi la phrase: D'où vient, dis-je à Narbal, le monopole commercial acquis par les Phéniciens sur toutes les nations? La phrase n'est rien moins qu'élégante, sans doute ; mais elle rend la pensée et explique le gallicisme. En général, je suis de l'opinion que la plupart de nos locutions irrégulières sont fondées ; qu'elles ne sont pas l'œuvre du caprice, qu'une vue particulière d'es- prit les détermine, et que lorsque l'usage les a consa- crées malgré leur irrégularité, c'est par rapport à leur concision, à leur conformité avec le caractère natio- nal, à l'originalité de l'expression. Voica. — Voilà ce qu'on devrait observer avant de commencer l'affaire; pour : Il faudrait observer cela avant de, ete. — Il y a plus d'énergie dans le gallicisme, en ce que la chose déjà exprimée y est dé- signée avant tout, et que le mot voilà fixe l'attention particulièrement sur cette chose. Voilà comme je m'en suis tiré; pour : Je m'en suis tiré de cette manière. — Al est clair qu'enorgueilli du moyen qu'on a employé, on le désigne encore, quoi- qu'on l'ait déjà fait connaître. Je ne rapporterai certainement pas toutes les cir- constances où l'en emploie Voici, Voilà, non plus que tous les autres gallicismes. Je me borne à quelques exemples, qui suffisent à prouver que dans leur em- ploi, quels qu'ils soient, il y a une intention implici- tement renfermée; et sans prétendre, comme je l'ai déjà dit, analyser grammaticalement ce qui échappe 804 à toute analyse, j'ai cherché au moins à faire ressortir la vue d’esprit qui a présidé au gallicisme. Encore deux exemples et j'ai fini. Voilà qu'il s'est mis dans un fameux pétrin. — Il y a là gallicisme et figure en même temps. Cette phrase signifie : [2 s'est jeté dans un grand embarras. Voilà que est tout simplement une forme, mais ne laisse pas que d'être pittoresque, en ce sens que, don- nant plus de longueur à la phrase, elle peint l'impres- sion qu’on éprouve de la situation où s’est placé l’in- dividu. Me voilà bien avancé! pour : Je suis bien avancé. — Le gallicisme constitue une sorte de phrase excla- mative, ce qui toujours est plus expressif qu'une phra- se exposilive. — Et puis le moi frappe en tête; or, c'est sur lui qu'on veut faire tomber la vue d'esprit. Le désappointement est littéralement rendu par ces deux mots : Me voilà. Nora. — La syllepse est une irrégularité, elle est donc un idiotisme. La plupart se dispersèrent à l'ap- proche de nos gens. — C'est avee le nom pluriel sous- entendu { des ennemis ) que le verbe s'accorde. Je crains qu'il ne sache pas faire ma commission. — Ce ne pas introduit dans la phrase peint la crainte où l’on est que la chose ne soit pas faite. De même : J'empécherai bien qu'il n'y aille. Si l'on disait : J'empécherai qu'il y aille, la volonté, le désir qu'il n'y aille pas, ne serait pas aussi fortement exprimé. 805 RAPPORT SUR LE Concours de l'Éloge de M. le Cardinal de Cheverus: Par M. DARRIEUX ‘. MESSIEURS, Votre dernier programme a proposé l'éloge du car- dinal de Cheverus pour sujet d'un prix à donner par l’Académie, en 1851. Les hommes d'intelligence, et surtout ceux qui, par leur vocation, doivent s'inspirer de la vie du saint Ar- chevêque à la mémoire duquel Bordeaux a voué un culte de respectueuse affection, étaient présumés de- voir saisir l'occasion de répondre avec empressement ! La Commission était composée de MM. G. Brunet, Costes, Cirot, Blateyrou et Darrieux. 806 à un appel dicté par la reconnaissance, et il n'en a pas été ainsi : quatre éloges seulement vous ont été en- voyés. Sans rechercher la cause de cette silencieuse réserve, nous rappellerons une des réflexions déjà faites au sein de l’Académie et vers lesquelles nous sommes encore ramenés par ces quelques lignes de l’un des concur- rents. «Lorsque la vie d'un homme a été un long et sublime dévouement à ses semblables, et qu’elle s'est écoulée et éteinte dans les rudes et pénibles travaux de l'épis- copat, dans la pratique de la vertu, et que cette vertu s'est élevée jusqu'à la sainteté, le seul éloge digne d'une telle existence, c’est de la raconter. » Tel est le début du Mémoire portant pour épigra- phe : Sa mémoire et son nom seront toujours bénis. Aucun des membres présents à la séance dans la- quelle on proposa de mettre au concours l'éloge du cardinal de Cheverus, pour en faire l’objet d’un prix, n'a sans doute oublié les observations auxquelles cette proposition donna lieu. On rappela d'abord que ce sujet avait été traité d'une manière si complète et si supérieure, que l'on ne pou- vait rencontrer que des imitateurs. Puis on fit observer que l’éloge d'un homme de bien, c'étail sa vie, c'était le narré des faits, l'encadrement des actes composant toute son existence, et que, par conséquent, les faits ne pouvant varier, le prix serait 807 décerné à celui qui, dans la manière de les dérouler, de les enchaîner, de les décrire, apporterait le plus de talent dans cet ensemble, composant le tableau; non le talent qui s'écarte de la vérité pour étonner, toucher ou séduire, mais celui qui, pour se maintenir à la hau- teur d'un tel sujet, a besoin de puiser ses ressources dans les inspirations d'une âme vouée au culte du bien, les vertus ne trouvant d'écho que dans le cœur de ce- lui qui les pratique. Ce sont là les premières considérations en présence desquelles certains hommes, qui n’ont pas encore es- sayé leurs forces et doutent de leurs moyens, peu- vent avoir vu fléchir leur résolution et naître leur dé- couragement. Il est naturel, en effet, de présumer que c’est la crainte, ou des réminiscences auxquelles il n’est pas toujours facile de se soustraire, ou d'une comparaison aussi inévitable qu'imposante, qui a dû concourir à faire réduire ainsi le nombre des Mémoires envoyés au concours et par vous soumis à l'examen d’une com- misssion dont je ne suis ici que le faible organe. En son nom aussi, et comine pour lempérer le re- gret dont l'expression précède, nous nous empressons de reconnaître que, s'il en est de l'attention comme de la lumière, si sa puissance est en rapport de sa con- centralion, moins nous aurons eu à soumettre à notre jugement, plus vous devez trouver de rectitude dans nos appréciations et de vérité dans notre justice. C'est également avec le désir d'atteindre ce double but, de répondre à votre juste attente, que votre com- 808 mission.a essayé de remplir la tâche qui lui était im- posée, pour savoir quel est celui des Mémoires envoyés au concours qui a le mieux satisfait aux conditions du programme de l'Académie; en un mot, quel est celui des concurrents qui doit l'emporter, sous le rapport de l'élévation des pensées, de la justesse des réflexions, du coloris ou de l'éclat du style; car, pour les faits, ils sont identiquement les mêmes; ils sont retracés par les quatre auteurs dans le même ordre : tous quatre saisissent M. de Cheverus à sa naissance, à Mayenne, en 1768, et, avec eux, on le suit au collége de Louis- le-Grand, puis au séminaire, sous les oratoriens. Ordonné prêtre à l'âge de 23 ans, on le voit bien- tôt obligé de s'exiler en Angleterre, d'où il ne part, en 1796, que pour aller exercer son saint ministère au milieu des peuplades sauvages de l'Amérique. Là, pendant 27 ans, il donne un libre essor à toutes ses vertus, à son inépuisable charité; et alors qu'il n'avait plus d’eutre patrie que le Nouveau-Monde, la France le rappelle, le réclame; elle l’arrache à ses habitudes de dévouement, à ses liens d'amitié, en lui imposant de nouvelles obligations, d'abord comme évêque de Montauban, en 1824, et ensuite comme Archevêque de Bordeaux, en 1826. Tel est le cadre dans lequel les auteurs des Mémoi- res se sont religieusement renfermés. Voyons quel est celui qui l'a le mieux rempli. Mais d'abord, pour déblayer le terrain et ne pas perdre de vue la gravité du sujet qui nous occupe, nous nous dispenserons de reproduire devant l'Acadé- 809 mie les observations critiques auxquelles a donné lieu, au sein de la Commission, le Mémoire inscrit sous le numéro 4, et portant pour épigraphe : Aristides mor- tuus est pauper. F En agissant avec celte réserve, dictée par la loi que nous nous sommes imposée de ne blesser aucun amour- propre, on voudra bien ne pas attribuer au dédain un silence qui tient de la modération. Puis, si nous parcourons l'éloge inscrit sous le nu- méro 2, avec cette épigraphe : Deus Charitas est, nous suivons la marche ascendante, nous entrons dans la voie du progrès, sans néanmoins arriver encore à ce qui est bien. En effet, cet écrit est vraisemblablement un des premiers ouvrages de son auteur. Ilest, sans aucun doute, supérieur à celui qui vient d'être élagué du concours; mais il appartient à une plume non encore assez exercée, peu préoccupée da mot propre, et faiblement empreinte du souvenir des grands maîtres. On y rencontre l’apprêt du début, la raideur de l'écrivain visant à l'effet, et il nous a paru tellement distancé par les deux autres Mémoires, que nous avons cru devoir réserver notre examen détaillé pour ceux-ci. A Celui inscrit sous le numéro 1, et désigné par cette épigraphe : Dilectus Deo et hominibus cujus memoria in benedictione est, est l'œuvre d’un homme qui a l'ha- bitude d'écrire, et justifie en même temps l'adage : Pectus est quod disertum facit. Abondant quelquefois jusqu'à la prolfxité, tant il 5] 810 est difficile d'être riche sans ostentation, son style est assez soutenu, ses pensées sont déduites avec ordre, enchaînées avec facilité, ses réflexions justes, ses rap- prochements heureux et ses éloges toujours donnés avec discernement. Voici un des passages venant à l'appui de ce premier aperçu : « Cheverus, ce prêtre si pieux ct si chargé de soins, ce chrétien toujours occupé à soulager ou au moins à partager les peines d'autrui, cet homme pour lequel n'était étranger rien de ce qui en touchait un autre ‘; Cheverus qui dans sa charité aussi ardente que sin- cère embrassait généralement tous ses frères; Che- verus qui se voyait aimé de tous ceux qui le connais- saient, Cheverus éprouvait le besoin d’un intime ami: c'est que son cœur était aussi tendre qu'il était grand, c'est qu'il y avait de la place en son âme pour toutes les affections naturelles et pures, et il les ressentait toutes profondément. Cheverus avait besoin d'amis, et lorsque tant d’autres en ont cherché en vain un seul durant le cours d’une longue carrière, Cheverus en eut toujours plusieurs, et non pas seulement depuis qu'il fut arrivé aux honneurs; mais depuis son enfance jusqu'à ses derniers moments, il en eut de véritables, et la raison peut s’en déduire en deux mots : il aimait et il était aimable. » A côté de ce passage, on peut encore citer les quel- ques lignes ci-après. pour donner une idée non-seule- Ÿ Homo sum, bumani nihil à me slienum puto. 811 ’ ment du ton toujours assez digne, mais encore des convictions religieuses de l’auteur. « Toutefois, qu'on ne croie pas que sa tolérance fût cette toïérance philosophique qui s'applique aux doc- trines aussi bien qu'aux personnes, et qui est bien près de se confondre avec l'indifférence dogmatique; loin, bien loin une telle injure de la mémoire vénérée d’un des plus saints pontifes de nos jours! M. de Cheverus avait une science trop vaste et trop solide, un esprit trop juste et trop étendu, pour n'être pas profondément convaincu qu'on ne peut être, ainsi que l'a dit Féne- lon, raisonnablement chrétien sans être catholique, de même que l’on ne peut être raisonnablement déiste sans être chrétien. C'était une trop belle âme, je ne dis pas pour sacrifier, mais pour déguiser jamais ses convictions, et il était (trop pénétré du sentiment de ses devoirs, pour ne pas saisir, au contraire, (outes les occasions d'enseigner, de prouver, de défendre les vérités sacrées dont le dépôt lui avait été confié, de dissiper les préjugés qui les obscurcissaient et de com- battre les erreurs opposées. » On pourrait croire qu'après tout ce qu'il y a de fa- vorable dans cette analyse, qu'après être entré dans ces détails et avoir eu recours à des citations fiour y . trouver l’appui nécessaire aux éloges donnés, nous de- vons finir comme nous avons commencé ; mais ce serait là une attente vaine, et nous serions contrarié d'avoir fait naître une pareille déception. Obligé de suivre l’auteur dans toutes les parties de son œuvre pour le louer dans ce qui est bien, nous 812 n’hésiterons pas à remplir notre mission dans ce qu'elle a de plus pénible, de mettre en saillie des taches qui sont plus qu'une ombre au tableau et font malheureu- sement contraster les dernières pâges du Mémoire avec son début. Ainsi se présente un manque de lact, une espèce d'oubli de certaines convenances à observer par les écrivains, obligés par leur sujet de ne heurter aucune des opinions mises en présence par les partis politi- ques. Ce secret sentiment d'une sage réserve fait naître le regret que l'éloge du cardinal de Cheverus ait concou- ru à réveiller d'hostiles susceptibilités, au moment où l'on retrace, avec bonheur, tous les bienfaits répandus par un saint apôtre à l'aide d’une vertu compagne de la charité, la tolérance. On regrette d'autant plus ce premier oubli, qu'au lieu de rester isolé, il semble en amener un autre. En effet, à peine l'auteur ici a-t-il laissé fléchir son jugement, qu'il s'écarte aussitôt de l'une des règles du goùt, par une comparaison peu digne : « La révolution de juillet, dit-il, enleva à l'Arche- vêque de Bordeaux 22,000 fr. de rente; à Cheverus, qui estimait l'argent comme la boue. » Et enlin, l’auteur, accidentellement placé en dehors des premières inspirations qui, jusque-là, l’avaient si bien guidé, lermine son travail par cette phrase dont le sens échappe à l'analyse. « L'admiraiion et les louanges de l'Académie de Bor- deaux sont très-cerlainement, en elles mêmes, incapa- 813 bles d'émouvoir agréablement l'âme de Cheverus; mais peut-être n'est-elle pas absolument indifférente aux sentiments de tendre et respectueuse affection que ne cesseront jamais de lui porter les membres qui com- posent cette honorable compagnie. » Il ÿ a là quelque chose qui tient de l'énigme. Nous n'en chercherons pas le mot; et si, sans nous arrêter à ces imperfections, nous répétons que ce Mémoire est l'œuvre d'un homme dont l'esprit a de la portée, nous saurons reconnaître aussi, que pour qu'un ouvrage soit un tout homogène, à peu près à l'abri d'une sage cri- tique, on ne doit jamais perdre de vue la loi des con- venances, loi aussi impérative que celle du goût, re- posant l'une et l’autre sur la plus précicuse des facultés, le jugement. Si maintenant, nous ouvrons le Mémoire inscrit sous le numéro 3, et dont l'épigraphe déjà citée est celle-ci : Sa mémoire et son nom seront toujours bénis, nous ne trouvons plus ni la même chaleur, ni la même abon- dance, ni la même action; en un mot, plus d’entrai- nement, mais aussi plus d'écart. Ici l’auteur s'identifie avec son sujet. Il comprend mieux que ses concurrents la tâche qui lui est imposée. Il n'ignore nullement que la vie du juste, loin d'être un combat, n'est que dévouement, et que sous l’ins- piration de la foi, c’est avec moins d'imagination que de sagesse, que doit être retracée l’existence de l’hom- me de bien. Il l'a compris, et il remplit sa mission avec le calme qui s’unit à la noblesse, avec une élégance toujours empreinte de correction. 814 Ce sont là, en effet, les qualités qui se rencontrent à un haut degré dans le style de ce dernier Mémoire, soumis à notre appréciation. Sans doute, le style n’est que la forme; mais lors- qu'il rappelle si bien l'onctueuse et attachante parole du ministre de Dieu, du saint apôtre doué de l’art de plaire sans recherche, et de toucher sans effort, c’est le cas de répéter avec Montaigne : « Quand je vois ces braves formes de s'expliquer, si visves et si profondes, je ne dis pas que c’est bien dire, je dis que c'est bien penser. » Cette vérité peut s'appliquer parfois au Mémoire que nous examinons, el en tête duquel, avant l'entrée en malière, se treuvent, à titre d'introduction, les ré- flexions ci-après, sur l’état actuel de la société : « Au milieu des préoccupations qui nous agitent et des luttes ardentes qui nous divisent, c'est une étude féconde en enseignements que celle de cette existence si pleine de dévouement, de tolérance et de charité. « Une des erreurs de notre époque, c’est de croire à l’infaillibilité de nos opinions et de nos doctrines. De là, cet ardent désir d'innover, de tout réglementer ; aux maux qui dévorent la société, chacun, pour la guérir, indique le remède, mais nul ne veut l'expéri- menter sur lui-même. Et cependant, si chacun de nous modérait ses désirs, modifiait ses goûts, refrénait ses passions, le mal que nous déplorons tous disparaîtrait partout, dans les inteliigences et dans les faits. « Ce qui manque à notre société, ce ne sont pas les théories, elle n'en a que trop, ce sont des actes. 815 «M. de Cheverus pensait avec raison que le meilleur précepte, c'est l'exemple. Il ne se bornait pas à ensei- gner la religion, à expliquer les douceurs ineffables de la charité, le calme que donne à l'âme l'humilité, et les satisfactions que procurent le travail et l'étude : il le prouvait bien mieux encore par son exemple que par sa parole. 1! écrivait peu, mais il agissait beau coup. » Nous rapprocherons de ce début le récit des derniers moments du cardinal: « Le jour de la Pentecôte, il publia les Statuts de son diocèse. Ce fut là le dernier acte de son adminis- tralion et comme le testament de sa vie apostolique. « C'est au milieu de ses travaux que le saint prélat ressentit les premières atteintes du mal qui devait bien- tôt le conduire au tombeau. Après une visite qu'il fit à l'église St-Martial, il éprouva une défaillance : Je suis frappé de mort, s'écria-t-il; et, en effet, le 19 juillet 1836, au milieu des prières et des regrets de toute la population bordelaise et de l'Église universelle, l'âme du grand cardinal s’envolait vers Dieu. «A ses obsèques, protestants, israélites suivaient ses dépouilles mortelles, et cette communauté de douleurs rappelait admirablement la tolérance et la charité dont lui-même avait donné pendant sa vie de si douces le- cons et de si remarquables exemples. « Naguère encore, lorsque les cendres du cardinal de Cheverus ont été transportées, de l’humble tombeau où il avait voulu reposer, dans le magnifique monu- ment élevé à sa mémoire par la reconnaissance borde- 816 laise, et sur lequel un habile ciseau a retracé les traits de celui que nous vénérons, quel concours immense de population ne venait-il pas encore écouter les leçons du tombeau, et de ses profondeurs, une voix s'écriail : Diligamus nos invicem! Sublime précepte de charité dont le saint archevêque avait fait sa règle de conduite avaut d'en faire la devise de ses armes. » Rapprochement heureux, vérité bien saisie; et en- core pourrait-on dire, qu'ici le mot règle ne rend pas toute la pensée de l’auteur, car se faire une règle, c'est s'imposer un devoir, c'est se soumettre à une obli- gation, c'est reconnaître la loi de la nécessité et pren- dre l'engagement de lui obéir, pendant que l'amour évangélique du cardinal de Cheverus pour tous ses frères était le besoin naturel de son âme, religieuse- ment soumise à un entraînement dégagé de toute con- traine. Précher cet amour par son exemple, par sa parole, par la constance de son dévouement, par l'entière ab- négation de lui-même, c'était sa vie et non sa loi. Préoccupé du sort de la société, il voulait en ban- nir le principe de tous les maux, l’égoïsme, et y ré- pandre le sentiment religieux, cause première de tout ce qui est bien. Ii se dirigea vers l'un et l'autre but, en ne suivant d'autre impulsiou que celle de son cœur, en aimant son prochain comme lui-même, et pénétré de cette vérité que l'on ne peut aimer sans devenir meilleur, C'est ce qui ressort très-bien de l'éloge que nous ve- nons d'analyser, et à la suite duquel sont groupées des 817 réflexions philosophiques, conséquences d’aperçus gé- néraux, tendant à fixer le lecteur sur l’ensemble des vertus pratiquées par le cardinal de Cheverus, et qui font de son existence une vie modèle. Cette existence si digne, si bien remplie, est résu- mée avec une touchante vérité dans le passage sui- vant ” « Le caractère distinctif de la vie de M. de Cheve- rus, sa vertu la plus féconde, celle qui fera toujours chérir et bénir sa mémoire, c’est son immense charité. « Inspirée par la foi, le plus puissant levier des grands et nobles sentiments qui existent dans le cœur humain, elle fut comme le principe dont elle émanait, sans limites et sans bornes. Il puisa dans cette vertu vivifiante cet ardent amour de l'humanité qui ne con- näaissail pas d'obstacles, qui bravait tous les dangers pour aller évangéliser les peuplades sauvages ou ar- racber aux flots et à l'épidémie les hommes confiés à sa vigilance pastorale. I! ne se bornait pas à se dépouil- ler de ce qu’il possédait en faveur de celui qui en avait besoin : c’eût été là une bienfaisance facile mais stérile; il donnait, en se faisant plus humble que celui qui re- cevait. L'aumône qu'il laissait tomber dans la main de celui dont il avait deviné les besoins, il l'accompagnait de si douces, de si consolantes paroles, qu'elle n'avait rien d'humiliant : c'était un frère qui en secourait un autre. Pour avoir droit à ses secours, il n'était pas né- cessaire d'appartenir à la religion dont il était le mi- nistre vénéré; il suffisait d'être malheureux. Il ne re- cherchait pas les grands, les heureux du monde; mais 818 les pauvres, au contraire, étaient l’objet de toutes ses préférences, car c'était, comme Fénelon, au milieu d'eux qu'il aimait à se trouver... » Soit qu'on considère M. de Cheverus comme sim- ple vicaire de Mayenne, comme missionnaire ou comme prince de l'Église, son humilité est toujours la même. » Les plus humbles fonctions du ministère, il tient à honneur de les remplir, et Montauban l’a entendu chaque dimanche enseigner le catéchisme. L'humiiité est fille de la charité. Il n'est donc pas étonnant que cette fleur des cieux entoure de parfums si suaves la vie entière da saint prélat. » Sévère pour lui-même, mais indulgent pour le prochain; plein de tolérance pour les personnes, mais impitoyable de logique pour les fausses doctrines, il sut, en respectant beaucoup les autres, faire respec- ter en lui le caractère sacré dont il était revêtu, non- seulement par les hommes qui partageaient sa foi, mais par ceux qui appartenaient à des religions diffé- rentes. Le témoignage rendu par le docteur Channing, que nous avons rapporté, restera comme un éternel hommäge au caractère du prêtre catholique. La tolé- rance pour les personnes n'est-elle pas un des plus beaux attributs de la charité? » Ce qui manque à notre société, c'est celte vertu. Jamais, à aucune autre époque, elle ne fut plus né- cessaire, et cependant, moins que jamais elle ne se trouva dans les cœurs. Avec elle, tout est possible ; mais lorsqu'elle nous abandonne, tout devient irritant et dangereux. La vie du cardinal est un long exemple 819 de la pratique de cette vertu, et c'est à elle qu'il a dû les sympathies si vives que lui ont accordées les popu- lations, si différentes de caractères et de mœurs, au milieu desquelles il a vécu. Rappelons-nous constam- ment ses admirables paroles : « J'ai rencontré des hom- mes bons, obligeants, aimables, dans toutes les sectes religieuses et dans tous les rangs politiques. » » Dans les hautes fonctions publiques auxquelles il fut élevé, il apporta toujours un esprit sage, ferme et conciliant. Si sous les gouvernements qui se sont suc- cédé en France, il jouit constamment d’une haute et légitime influence, c'est qu'il pratiqua toujours ce prin- cipe, reçu de tout temps dans l'Église, de respecter le gouvernement établi, et d'entretenir avec lui, au- tant que possible, des rapports de bonne intelligence. Il pensait, avec raison, que Jésus-Christ n’a pas donné mission à son Église de défendre ou de protéger tels ou tels intérêts politiques, mais de travailler à main- tenir la foi dont il lui a confié le dépôt; « sans autre ambition, ajoutait-il, que celle de faire en liberté le bien le plus utile, le plus nécessaire, c'est-à-dire de précher la religion, qui réprime les passions désorganisatrices, corrige les vices et forme les hommes à la vertu. » Ces dernières lignes et quelques pages dans le mê- me sens, forment le complément d’une œuvre en état de lutter, non sans quelque avantage et à des titres diffé- rents, avec celle dont l'examen précède; mais toutes deux ne nous ont paru satisfaire qa'en partie aux exi- gences de votre programme, et cela, parce que ce qui avait été prévu s’est réalisé. On reconnaît sans peine, en . 820 effet, que tous les concurrents ont subi l'impression d’un ouvrage dont ils avaient à craindre la comparaison et doni aucun d'eux n'a pu éviter le souvenir *. Mais en outre @e ce reproche, également mérité par les deux derniers Mémoires, les seuls qui aient paru dignes de l'attention de votre commission et qui se sont le plus rapproché du bat sans l’atteindre, nous dirons que leurs auteurs sont restés trop soumis aux stériles formes d’un récit biographiqne, pendant que leur ta- lent, qui ne peut être mis en doute, aurait pu prendre un libre essor et entrer dans une voie plus large, pour obtenir un résultat plus heureux, s'ils avaient suivi la marche déjà tracée par les éloges couronrés par l'Aca- démie française au commencement de ce siècle, et qui, comme tous les modèles en littérature, doivent être étudiés dans l'intérêt du jugement et du goût, et non pour y puiser un caractère de servile imitation. A ces observations générales, nous ajouterons cel- les-ci, d’un ordre plus secondaire : Nous dirons d'abord que les concurrents auraient dû développer avec plus de soin tout ce qu'il y avait d'onction sympathique, d’attachante simplicité dans le caractère comme dans la parole du cardinal de Che- verus. Que sous ce double rapport, et pour conserver à l'6- loge tous les détails qui en font ressortir la vérité, il élait nécessaire de suivre l'orateur chrétien hors de la chaire pour le retrouver dans le monde, où sa conver- 4 Vie du cardinal de Cheverus, par M. Hamon. 821 sation facile, instructive, attachante, était toujours em- preinte d'un bienveillant abandon, expression natu- relle de sa modestie, pour cacher sa supériorité. En second lieu, que lorsqu'il s'agit de retracer toute la vie si bien remplie d'un saint archevêque, passer sous silence ses Mandements, séparer ainsi l’homme de ses écrits, laisser dans l'oubli l'expression vivante de sa pensée, c'est non-seulement ne pas avoir com- pris l’ensemble de la tâche que l'on s’est imposée, mais encore avoir méconnu ou considéré comme erroné ce- lui de nos adages littéraires qui reçoit la plus fréquente application. Et enfin, nous exprimerons le regret de ce que ces éloges offrent une autre lacune qu'il était facile de com- bler : celle qui laisse une si noble existence sans aucun rapprochement avec la vie de quelques prélats célèbres, soit de l'antiquité, tel que saint Jean-Chrysostôme, soit des temps modernes, tel que Fénelon. Il y avait là, bien qu'à travers les siècles, une succession d'exemples de vertus, se présentant comme conséquences naturelles de sentiments aussi dignes, rehaussés par les mêmes avantages : Ainsi, chez ces trois pères de l'Église, ani- més du même zèle, guidés par la même charité, se rencontrent le même genre d’éloquence, la même faci- lité, la même abondance présidant chez tous les trois à la picuse mission, si fidèlement remplie, d'éclairer pour convaincre et de convertir sans jamais persécuter. D'après ces considérations, et attendu, notamment, ainsi qu'on l'a déjà exprimé, qu'aucun des auteurs ne s'est assez préoccupé de l'obligation imposée par le pro- 822 gramme de l'Académie, et qui, en demandant un élo- ge n’a pu avoir l'intention de renfermer le concours dans les étroites limites d'une biographie; Votre commission pense que le prix ne doit être ac- cordé à aucun des concurrents, et a l'honneur de pro- poser à l’Académie : 1° De voter deux mentions honorables, la première pour l’auteur du Mémoire n° 3, la seconde pour l’au- teur du Mémoire n° 1; 2 Et de proroger jusqu'en 1852 le concours ouvert pour l’éloge du cardinal de Cheverus. Séance générale du 20 novembre 1851. 823 RAPPORT SUR LES MÉMOIRES ENVOYÉES AU CONCOURS DE 1850, en réponse à cette question : « Quelles ont été les causes des révolutions que les beaux-arts ont subies depuis l'antiquité jusqu'à nos jours, et quels sont les enseignements qu'il faut en tirer pour assurer l'avenir de l'art? » Par M. J. DELPIT :. MESSIEURS, Avant d'apprécier en particulier les cinq Mémoires que l'Académie 4 reçus, nous croyons devoir faire pré- céder notre jugement de quelques considérations gé- nérales. Les Académies, en accordant des récompenses aux Mémoires qui leur sont envoyés, en font un éloge gé- ‘ Commission composée de MM Burguet, Gorin, Durand, Drouyn, et Del- pit, rapporteur. 824 néral et indéterminé, mais ne perdent pas le droit de critiquer ce qu’elles y découvrent de défectueux. Loin de là, c’est un devoir pour elles de le signaler. Sans celte précaution, une Société pourrait se trouver so- lidaire des assertions contraires à sa manière de voir. Les ouvrages les plus parfaits ne sont jamais sans dé- fauts, et très-souvent des anerçus ingénieux sont ap- puyés d’assertions hasardées, peu solides ou même gro- tesques. Faut-il, lorsque le bien l'emporte sur le mal, ne pas récompenser le bien pour ne pas encourir la responsabilité du mal? 11 nous a semblé que l'Acadé- mie avait un meilleur moyen, et nous nous en som- mes servis. Remarquons encore, avant d'entrer en matière, que presque tous les concurrents ont compris que, dans la question mise au Concours par l'Académie, il ne s'agissait que des arts du dessin, et que ceux qui ont cru devoir parler de la musique, l'ont fait de manière à prouver qu'il n'y a pour ainsi dire aucun rapport entre les causes du développement de l’art musical et celui des arts plastiques. Sur les cinq Mémoires reçus, l'un d'eux, le n° 3, signé X. Y. Z., nous a paru devoir être mis hors de Concours. Ce Mémoire ‘est imprimé ; il ne répond qu'imparfaitement et par hasard aux questious du Pro- gramme. L'auteur comprendra aisément qu'il ne suf- fil pas d'enlever le titre et la signature à un Mémoire déjà publié, pour le rendre nouveau et l'entourer de ce voile de l’anonyme que les règlements de toutes les Académies prescrivent dans cette circonstance. Ainsi, 825 quel que soit le mérite des pensées et du style de ce re- marquable travail, l'Académie ne violera pas un se- cret qui n'a été fait que pour elle. Le Mémoire inscrit sous le n° 2 et portant cette épi- graphe : Le beau est la splendeur du vrai, se distingue par des qualités remarquables d'appréciations et de style; mais la tâche d'un Rapporteur chargé d'analyser un pareil Mémoire, devient très-difficile lorsqu'un écri- vain, doué d'ailleurs de qualités éminentes, s’est laissé entraîner par son imagination jusqu'à faire un travail suivi pour développer le système suivant de l’origine des arts : « L'homme chercha à imiter {a forme de la nature. Or, la nature n’est autre chose qu'un temple immense que Dieu s'est construit. L'homme voulant exprimer sa conception de l'œuvre de Dieu, éleva donc des temples, qui sont la représentation la plus élevée de la puissance créatrice de l'esprit humain. » L'auteur développant cette idée, qui n’a pas le mé- rite de la nouveauté, nous fait voir l'origine des arts dans l’éreclion d’un temple. Dans un temple chrétien, par exemple, les différents principes du Christianisme trouvent chacun leur représentation. La vie d'inquié- tudes et d’angoisses est représentée par la solitude et l'ombre qui règne dans le temple. L'aspiration perpé- tuelle vers une vie éternelle, par ces flèches qui s'é- lancent vers l'immensité. Le mouvement universel qui emporte les planètes dans l’espace, par la danse jointe aux anciennes cérémonies religieuses pour figurer les mouvements qu'on supposait exister dans l'univers. Le temple achevé, la conception de l'univers nette- 52 826 ment exprimée (par l'invention de la musique et des cloches), « L'homme, après avoir satisfait au côté mo- ral de sa nature, éprouva le besoin de sacrifier quelque peu au côté physique; de là, la naissance de l'architec- ture civile. » Il est inutile de dire à quels écarts extrêmes a dû se laisser aller l'imagination d'un écrivain, tirant les conséquences de pareilles données. Nous nous borne- rons à citer quelques exemples, pour montrer comment une sorte d'enthousiasme poétique étouffe trop souvent chez cet auteur la logique et l'érudition, et ne laisse sortir de sa voix que des sons harmonieux, mais vides. Incontestablement, le moyen âge a infligé aux arts un caractère particulier : l’auteur trouve que celui des arts qui résume le mieux cette grande époque, est la peinture, où toutes les aspirations des artistes pouvaient à grands flots s'épancher sur la toile. Notez que l'épo- que dont parle l'auteur est circonscrite, par lui, entre le sixième siècle et le douzième, et qu'il est douteux que jamais la peinture sur toile ait été employée dans cette période. Dans un autre passage, nous (rouyons une nouvelle preuve de cette érudition viciée : « L'art, dit-il, après avoir jeté quelque éclat sous Constantin, mourut en- fin sous Septime Sévère. » Or, Septime Sévère vivait plus d’un siècle avant Constantin. L'auteur nous apprend aussi que longtemps avant la naissance du Christianisme, les sculptures des temples étaient la représentation, entre autres choses, des ré- volutions souterraines qui ont accidenté la surface du 827 globe. Voilà donc les sculpteurs anciens plus savants en géologie que tous les naturalistes, jusqu’à Cuvier, puisqu'ils représentaient emblématiquement les révo- lutions géologiques que la science moderne s’imagine avoir découvertes. L'auteur change la signification des mots même les plus usuels. Pour nous tous, à l'époque de la Ré- volution française, Louis David fut le chef d'une école dont l'influence dure encore, et qui modifia profondé- ment non-seulement les arts du dessin, mais même les goûts et les mœurs de la nation. D'après notre Mémoire : « David et quelques autres essayèrent de créer une nouvelle école; mais ils ne purent y réussir. » Si, pour réponse à la première partie de la question, l’auteur nous a donné les développements d’une pensée si singulièrement hasardée , nous ne devons pas nous étonner de trouver quelque chose de neuf et d'inattendu dans ses réponses à la seconde partie de la question du Programme. On y trouve , en effet, que l’état actuel des beaux-arts présente un affaissement incontestable (ail- leurs, nous avions vu que notre époque était le mo- ment marqué par le doigt de Dieu pour être la fin de tous les peuples ); mais que lorsque la société, menacée d'une régénération complète, serait destinée à prendre une autre forme, personne n'aurait le droit de s’en plaindre, car elle a duré aussi longtemps que toutes les autres dont il est fait mention dans l’histoire. I! y a des sauvages qui lorsque leurs pères sont assez vieux, les tuent. L'auteur pense un peu comme eux ; il n'aime pas les constitutions trop vivaces. Dès lors, la religion 828 n'étant plus comme autrefois une idée dominante, mais seulement une conséquence de l'état social, 2! faut quelle soit régénérée. Cette régénération ne se fera peut- être pas trop attendre. Pour l’accélérer, facilitons par tous les moyens possibles ces symptômes favorables, et faisons rendre à ce sentiment tout ce qu'il contient de bon et d'avantageux. Ces moyens, quelque efficaces qu'ils puissent être, ne nous paraissent pas d’une application assez facile pour avoir résolu la question mise au Concours; mais néanmoins , rendant hommage aux vues larges qui sont développées dans ce Mémoire et au style brillant dans lequel elles sont souvent exprimées, l’Académie a cru devoir accorder une mention honorable à son auteur, M. Eugène-Benjamin Le Bœuf, de Nantes. Le Mémoire portant le n° 4 est écrit de la main d'un artiste où d'un homme familier avec la pratique des arts. La précision et la clarté du style, jointes à un sens droit, et un choix souvent heureux d'expressions et d'images, constituent un ensemble de qualités qui porteraient volontiers l'Académie à adjuger le prix à son auteur, si la première partie de la question posée avait été mieux étudiée, et surtout si, par une diver- gence fâcheuse, la clarté qui distingue le style n'avait pas trop souvent disparu dans l'enchaînement des rai- sonnements et des faits. L'espèce de prestige dont se revêt la poésie, et qui fait que tant de bons et briflants esprits prennent des paroles harmonieuses pour des raisonnements con- cluants, exerce dans ce Mémoire une influence remar- 829 quable. Ainsi, après avoir tracé les révolutions de l’art polythéiste, l'auteur, enthousiasmé par le spectacle des révolutions causées par l'arrivée du monothéisme chré- tien, voit se former aussitôt une espèce d'art religieux ou chrétien, et dans cet art chrétien il confond les créations du bas-empire, celles du moyen âge et celles de la renaissance. Or, quel rapport peut-il y avoir en- tre ces Madelaines et ces vierges du Titien, de Ra- phaël, du Corrége, dans lesquelles on reconnaît aisé- ment les traits de beautés célèbres par des vertus peu célestes, et qui, pour nous servir des expressions même de l’auteur, respirant trop souvent un amour charnel, semblent plus préoccupées de faire des pé- cheurs que de les convertir? Quel rapport y a-t-il en- tre ces séduisantes et terrestres créations, et les créa- tions disgracieuses et mystiques du moyen âge ? Quelquefois aussi la confusion s’introduit jusque dans la signification des mots employés : ainsi, l'au- teur confond la foi chrétienne avec la foi dans l'avenir de l'art, comme si un païen ne pouvait pas croire à l'avenir de l’art sans avoir la foi catholique. Ce sont des taches qu’on rencontre avec peine dans un travail d’ailleurs aussi lucide et aussi remarquable ; mais l’auteur est artiste ou poëte, et les artistes comme les poëles sont sujets à se laisser entraîner par l'en- thousiasme. Aucuns prétendent même que, sans cet entraînement, il ne peut y avoir ni poésie ni art. Nous n'avons pas à nous en occuper ici; mais nous di- rons qu'à part ces légers défauts, inhérents sans doute à la nature même de l'esprit de l’auteur, les idées sont 830 claires, nettement exprimées, frappées au coin d'une saine pratique, et que tout son travail est semé d’aper- çus nouveaux et souvent heureux. Nous pouvons citer comme exemple, et sous toute réserve, le parallèle de l'art antique et de l’art religieux : « Il ne restait plus rien de l'art antique : l’art religieux avait désormais prévalu. Faisons observer toutefois, comme une chose digne de remarque, que les mêmes destinées sem- blaient être réservées à tous deux. Le premier avait grandi et atteint sa perfection au milieu des guerres intestines des républiques grecques; le second se dé- veloppa et s'éleva à son apogée, malgré les troubles incessants et les divisions des républiques d'Italie. Les guerres de voisinage n'avaient pas arrêté leurs progrès, la guerre étrangère les frappa mortellement tous les deux. » Ailleurs, un rapprochement ingénieux fait senür d'un mot la différence de la considération des artistes dans la Grèce et dans Rome. Démétrius assiégait Rho- des; un artiste peignait tranquillement dans les fau - bourgs de la ville, et comme le général macédonien en témoignait son étonnement : « Je sais bien, répondit Protogène, que Démétrius ne fait pas la guerre aux beaux-arts. » Quelque temps après, dans une ile voi- sine, un artiste philosophe continuait, lui aussi, ses travaux au milieu du tumulte des armes; mais les en- nemis étaient des Romains : Archimède fut massacré. Pour achever de faire connaître la manière de pen- ser et d'écrire de l’auteur, nous transcrirons encore le passage où il apprécie l'influence de l’école de Da- 831 vid sur les arts : & La politique déteignit sur l’art, qui, si on en excepte quelques œuvres d'un mérite incon- testable, n'eut que médiocrement à s’applaudir de cette invasion dans son domaine. Il y gagna cependant, il faut le reconaître, un salutaire retour à des études plus sérieuses, à une sévérité de lignes que les exi- gences du nouveau système rendaient indispensables. L'Académie de convention succéda aux bergers et aux guerriers de fantaisie; des héros, dont la correction anatomique eût défié l'œil le plus exercé, se battirent, revêtus du fourreau de leur glaive ou de la hampe de leur javelot. La peinture devint symétrique, régu— lière, compassée peut-être; mais elle se fit savante aussi, et-si celte science nuisit parfois au naturel et à la vérité, elle s'opposa en même temps, comme une digue puissante, aux envahissements de l'ignorance, aux vaniteuses prétentions de la nullité. Ce fut la der- nière fois que la peinture reconnut des lois et s’astrei- gnit aux exigences de l’enseignement. » Cette dernière phrase fait pressentir que dans la se- conde partie de son travail, en réponse à la deuxième question posée par le Programme, l'auteur se mon- tre très — parcimorieux dans les moyens qu'il pro- pose pour donner une vie nouvelle à la culture des arts. On peut dire, en effet, qu'il se borne à discuter l'opportunité des expositions annuelles, et à proposer la création d’une espèce d’Université pour les beaux- arts, dont nous reparlerons fout à l'heure; mais tous les conseils qu'il donne sont inspirés par cette pensée, que ce qui manque principalement à nos artistes, c'est 832 la foi dans l'avenir, la persévérance dans l'étude, et le respect pour l'art, qui ne saurait s'accommoder des façons cavalières avec lesquelles il est traité. L'Académie accorde une médaille d'argent petit module à M. Maxime Sutaine, de Reims, auteur du Mémoire reçu sous le n° 4. L'épigraphe et la forme du Mémoire reçu sous le n° {, prouvent que l'auteur a parfaitement compris la portée et le sens de la question mise au Concours. Les deux parties distinctes du Programme sont traitées avec soin. L'auteur a beaucoup lu, beaucoup étudié, et paraît doué d’un esprit qui ne manque ni de portée ni de justesse. Malheureusement, une grande inégalité de style n'empêche pas d’apercevoir une égale inégalité dans le fond même du travail. Le système de l’auteur est basé sur cette idée prin- cipale : « Les beaux-arts constatent par leur degré de culture le degré de perfectionnement social. » Or, cette base, juste sous certains rapports, doit être fausse sous certains autres, sans quoi il faudrait admettre que si nous sommes plus civilisés que les Grecs, nos artistes sont supérieurs à ceux du siècle de Périclès; et que si nous croyons Raphaël et Michel-Ange supérieurs aux artistes de nos jours, nous sommes moins civili- sés qu'on ne l'était au temps de François Er. Nous pouvons peut-être aussi reprocher à l'auteur d'adopter trop légèrement les assertions les plus ha- sardées des écrivains les plus systématiques, même lorsqu'elles se contredisent, et sans jamais citer la source où il les à puisées. 833 L'auteur, après avoir examiné séparément l'histoire des arts chez les différents peuples de l'antiquité, an- nonce qu'on ne peut espérer avoir quelques données uti- les qu'en observant simultanément un groupe de nations contiquës , et, dans le fait, l'histoire de l’art moderne est examinée par lui dans son ensemble. De telle sorte que la première ou la seconde partie de ce travail est exécutée, d’après l’auteur lui-même, dans un système vicieux. Davs cette seconde partie, le style de l'auteur sem- ble s'améliorer autant que le système est changé, et si l'on y trouve encore quelques rapprochements sin- guliers, on y rencontre aussi une foule de réflexions pleines de force et de vérité. Pour donner une idée du style de l'auteur, nous pouvons citer le passage où il apprécie l'influence sur les arts du règne trop vanté de Louis-le-Grand : « Louis XIV ne fit aucune grande action en personne; mais il les inspira toutes. Il fut pour toutes ces grandes âmes qui l’entouraient, com- me le soleil pour la nature. Tous les germes précieux préparés par les siècles, existaient; il les anima tous de sa puissante et glorieuse excitation, et leur exis- tence simultanée fut une heureuse circonstance qui o 6 FA concourut encore au développement de tous ces nies, en les forçant à une émulation réciproque. » L'impression du mouvement général de retour aux formes des arts dans l'antiquité, fut aussi éprou- vée par Louis XIV. Mais leur imitation, poussée par lui à l'extrême, plaça, par le fait de la puissance ab- solue dans le monarque, les beaux-arts en France dans 831 une position fausse, antinationale, antichrétienne, et suspendit leurs véritables progrès. » Les fêtes dramatiques et chorégraphiques de Ver- sailles, où le roi se montrait sous le costume d’une des divinités du paganisme, suivi de l'élite de ses courtisans travestis de même, n'avaient aucun rapport avec nos institutions, nos besoins moraux, notre vie nationale. La galanterie, dans Louis XIV, vicia les beaux-arts. » L’appréciation de l'influence de la Révoiution fran- çaise sur les arts, manque peut-être de justesse sous cerlains rapports; cependant il y a beaucoup de vrai dans ce que l’auteur dit de l'ignorance des masses en fait d'art, et du pernicieux effet que produit sur les artistes la recherche des juges les moins éclairés. La conclusion principale de ce Mémoire est un peu vague. Pour assurer l'avenir de l'art, il faut, dit l'au- teur, un gouvernement juste, fort et glorieux. Heu- reusement, on trouve à la suite quelques conseils aussi justes, mais d’une application plus facile. L'auteur veut entre autres que, dans les écoles, on ne se borne pas à enseigner aux élèves la partie maté- rielle de l’art; que nos musées soient placés dans un ordre plus utile; que nos constructions publiques ces- sent d'être élevées avec une mesquinerie qui semble dire à la nation qu’on n’a pas de foi dans son avenir, etc., ete. Nous reviendrons plus tard sur ce sujet. Qu'il nous suffise de dire ici que l'Académie à ac- cordé une médaille d'argent petit module à l’auteur de ce Mémoire, M. Arbanère, de Tonneins. 835 L'auteur du Mémoire reçu sous le n° 5, possède, comme écrivain, des qualités remarquables; mais il ne s'est pas rendu un compte bien exact de l'utilité de la première partie de la question posée par l’Acadé- mie. Passant sous silence l'histoire de l'art dans l'É- gypte et dans tout l'Orient, il semble admettre, comme ses concurrents, que l'histoire de l'art chez les Grecs n'a éprouvé aucune espèce de révolution, et l’examine comme un tout formé en un instant et d'une seule pièce. Poussant l'abstraction encore plus loin, il saute bardiment par-dessus l'histoire de l'art chez les Ro- mains, et arrive d'un bond, de l'histoire des anciens Grecs à celle du moyen âge. L'époque de la Renais- sance est trailée avec la même brièveté. Üne notice biographique sur Michel-Ange allonge ce chapitre, mais n'en change pas la nature. C'était donc une con- viction bien formée chez l’auteur, que la première partie de la question posée par l'Académie ne pouvait pas être convenablement traitée, et il était impossible de nous le dire avec plus de finesse et de ménagement. Cependant, sans user de représailles, ne pourrions- nous pas faire remarquer à l’auteur que, pour éviter que les réponses des concurrents à la seconde partie de la question du Programme ne fussent trop exclu- sivement des théories chimériques, lancées, comme il le dit lui-même, sur la mer périlleuse et perfide des utopies , l'Académie avait demandé que les concurrents étudiassent d’abord les révolutions de l'histoire des arts et leurs causes. Le fruit des recherches de l'auteur, ses différents plans et projets n'auraient certainement 836 “rien perdu de leur force à s'appuyer de cette expé- rience; mais quelquefois le génie devine ce que l’ex- périence seule peut révéler à d’autres. Et comme nous ne sommes aujourd'hui ni des Égyptiens, ni des Grecs; que nos penchants et nos mœurs ne sont identiques ni avec ceux du moyen âge, ni avec ceux de l'antiquité, des préceptes conçus en dehors des enseignements de l'histoire peuvent néanmoins produire d'excellents ré- sultats. Examinons donc la seconde partie de ce Mé- moire indépendamment de la première. Cette seconde partie est subdivisée en deux sections. La première se compose de considérations générales, écrites à grands traits, ornées d'images saisissantes, etc. On est d’abord charmé de leur éclat; cependant, comme quelquefois elles ne sont pas appuyées sur l'é- tude de l’histoire, la moindre réflexion fait crouler cet échafaudage. Ainsi, après avoir brillamment résumé les conditions favorables dans lesquelles nous nous trouvons pour que les arts se manifestent plus écla- tants que jamais, l'auteur s’éerie : « Avec la foi vient l'unité, avec l'unité la force, avec la force la beauté. » Belles paroles, certes; mais sur quoi repose l'éclat de ces grands mots? S'il fut une époque de foi, une épo- que d'unité dans l'art, c’est celle du moyen âge, et ce- pendant elle ne produisit pas la beauté, s'il faut s’en rapporter au jugement sévère que l'auteur lui-même porte sur les ouvrages de cette époque. L'étude de la première partie de la question du Programme de l'A- cadémie n’était peut-être pas tout à fait aussi inutile que l’auteur du Mémoire a pu le penser. 837 Quoi qu'il en soit, ce qui a surtout frappé l'Acadé- mie et qui constitue à ses yeux le principal mérite de ce Mémoire, c’est l’ensemble des moyens que l’auteur a coordonnés et propose d'adopter pour faire progres- ser les arts. Presque tous ces moyens concernent l'é- ducation des artistes; et réunis à ceux indiqués par l’auteur du Mémoire n° 4, ils présentent un ensemble de dispositions dont l'application pourrait avoir les plus heureux résultats. Nous aïlons les examiner en détail; mais constatons d’abord que si l'Académie n’a pas cru, pour les raisons ci-dessus spécifiées, accor- der le prix à l’auteur de ce Mémoire, M. Laurent Ma- theron, de Bordeaux, elle le remercie néanmoins d'être entré aussi complétement dans les vues qu’elle s'était proposées, et lui décerne une première médaille d’ar- gent grand module. Ce jugement exprimé et les récompenses données, l’Académie s'est demandé si tout devait être fini au- tour de l’importante question quelle avait mise au Con- cours. Il lui a semblé que la science pouvait retirer quelques fruits de l'examen des Mémoires analysés, et qu'il serait utile à tous, peut-être aux concurrents eux-mêmes, de trouver réunis en un seul corps les différents moyens qui avaient été proposés pour déve- lopper et assurer la culture des beaux-arts. Ce travail, que l’Académie entreprend, ne présentera sans doute rien de complet; car nous n'avons pas voulu, en y ajoutant nos propres réflexions, essayer de nous em- parer de l’œuvre d'autrui et nous l'approprier. L'Aca- démie, sans se substituer aux concurrents, en publiant 838 lear œuvre et non la sienne, a pensé qu'il pouvait être utile aux hommes spéciaux de connaître l'ensemble des diverses richesses produites par la question mise au Concours, et que les Académies laissent ordinaire- ment ensevelies dans la poussière de leurs archives. Elle à donc entrepris un travail inusité, mais utile; en voici le résuliat : Les moyens proposés par les divers concurrents peuvent se diviser en deux classes : ceux que nous appellerons généraux ou indéfinis, et ceux plus res- treints et plus applicables que nous nommerons parti- culiers. Occupons-nous d'abord des moyens que nous ran- geons dans la première classe, et plaçons-y les conseils donnés par les auteurs des Mémoires n° 1 et n°5, qui semblent s'être accordés pour reconnaître qu'il existe une connexion intime entre l'état des arts et celui de la dignité de la nation, et proposent en conséquence, pour que les arts puissent prendre un nouvel essor, que la société embrasse enfin une foi politique, et qu'un gouvernement juste, fort, glorieux, soit confié à des hommes d'honneur, de moralité, de dévouement et d'intelligence. Tout le monde applaudira comme l’Académie à des conseils aussi sages, et dont l'application seule pré- sente peut-être quelques difficultés. Tous applaudiront aussi à l’auteur du Mémoire n° 2, qui propose de créer un nouvel idéal vers lequel puissent tendre les aspira- tions des artistes; mais il n’en sera peut-être pas de même quand le même auteur conseille, pour assurer 839 l'avenir de l’art et faire cesser les agitations politiques, de favoriser les symptômes qui semblent présager la for- mation d'une religion nouvelle. Lorsque notre société croulant sur sa base aura fait place à celle qui doit la remplacer, comme le dit l’auteur, la question des arts sera résolue. Mais comme dans cette hypothèse il ne serait plas question de l'humble Académie au nom de lequelle nous avons l'honneur de parler, et que tous les corps répugnent à leur destruction, sans nous pro- noncer sur la facilité, l'a-propos et l'efficacité du pro- cédé, nous ne croyons pas que l'Académie puisse user de son influence pour recommander l'emploi de ce moyen. Deux Mémoires, les n%® 4 et 5. se sont accordés pour reconnaître que le plus grand développement des arts en Grèce, en Italie, etc., coïncide avec l’époque des guerres civiles. C'est encore un moyen dont l'Aca- démie n'ose guère recommander l'emploi. Passons à l'examen des moyens particuliers et plus facilement applicables. Parmi ceux-ci, l'un des plus importants et celui qui mérite le plus d'attirer l'attention des hommes qui s'occupent de cette matière, est celui qui concerne l'éducation des artistes. Chose remarquable, trois con- currents sur cinq, les n° 1, 4 et 5, ont été frappés de la même pensée, et celte coïncidence augmente la va- leur du moyen, en même temps que la diversité des imaginations développe, coordonne et complète l’idée entrevue en commun. Selon M. Arbanère, l'art étant une émanation de l'âme, pour lui donner des sectateurs dignes de son 810 culte, nos écoles actuelles des beaux-arts ne présen- tent pas un ensemble d'enseignement assez élevé; on se borne à y enseigner aux élèves les moyens techni- ques : il faut y apprendre en même temps les autres parties de l’enseignement nécessaires à la culture des arts, surtout l’histoire et la connaissance des poëtes. Il faut qu'une œuvre d'art puisse satisfaire non-seule- ment l'instinct du vulgaire, mais encore le goût plus épuré du penseur et de l'homme instruit. L'auteur du Mémoire n° 4, M. Maxime Sataine, va plus loin. Reprenant une idée déjà formulée à diver- ses époques, il demande qu'on organise l'enseignement des arts à l'instar de celui des lettres, et qu'il y ait des bacheliers et des docteurs ès arts, comme nous avons des bacheliers et des docteurs ès sciences et ès lettres. L'Académie, sans s'arrêter à l'objection qu'on ne man- quera pas de lui faire, que, dans la culture des scien- ces et des lettres, l'expérience semble démontrer que les plus grands succès ne sont pas dus à des institu- tions analogues; qu'Homère, Pindare, Aristote, n'é- taient pas plus bacheliers ès lettres, que Raphaël, Apelles ou Rubens n'étaient bacheliers ès arts; l’Aca- démie, disons-nous, pense que ce projet mérite d'ê- tre pris en sérieuse considération, et d'autant plus, que M. Laurent Matheron, Mémoire n° 5, développe et complète la même idée, et montre dans tout son jour l'insuffisance de l'éducation donnée jusqu'ici aux artistes, surtout en province, d'où ils passent, sans transition, des essais informes exécutés sous les yeux d'un professeur habituellement incapable, à l'ensei- gnement transcendant de l'école à Paris. Mais laissons- 811 le expliquer et développer lui-même son système : « La France a centralisé à Paris, d'une manière ab- solue, l'éducation des artistes. La capitale leur donne surabondamment tous les moyens de s’instruire : éco- les, cours publics, musées, bibliothèques, etc.; tan- dis que la province n’a pour ainsi dire aucun aliment à fournir à leurs premières études. Il s'ensuit qu'il n'y a pas de transition entre les essais informes faits sous les yeux du professeur, souvent incapable, de la pro- vince, et les leçons (ranscendantes de Paris. Ces jeu- nes adeptes passent quelques années à la capitale, tra- vaillant où et quand bon leur semble; puis ils revien- nent dans leurs provinces, pratiquer, à l'admiration de leurs grands parents, le portrait et la nature morte; car ils méprisent, disent-ils alors, les ouvrages de style et n'en veulent pas faire. Cette éducation pèche par son point de départ et par ses moyens. » Dans toute la France, les sciences et les lettres sont enseignées dans les Facultés par des professeurs attachés au corps universitaire; de là cette unité re- marquable qui fait la force de l'Université. Pourquoi dédaigne-t-on les arts à ce point, de ne pas procéder de la même manière pour l'enseignement qui leur est propre? Au lieu de ces écoles imparfaites que les mu- nicipalités subventionnent dans quelques localités, et qui n'ont aucun lien entre elles, pourquoi l'Institut, par exemple, n’aurait-il pas, à l'instar des Facultés, des écoles soumises à son autorité et à son contrôle ‘? * I y a une erreur de fait; mais le raisonnement n'en est pas moins juste 53 842 » En plaçant une de ces écoles nationales dans cha- que chef-lieu de département, et avec l'aide des mu- nicipalités, qui Supprimeraient alors leurs écoles in- suffisantes, celle importante innovation n'occasionne- rait certainement pas une grande dépense. Dirigées par plusieurs professeurs dépendants de lInstitut, ces écoles démontreraient le dessin, la géométrie, la pers- pective, l'anatomie, la peinture, la chimie, la gra- vure, la sculpture et l'architecture. Les élèves y se- raient admis gratuitement, guidés vers la spécialité pour laquelle ils annonceraient le plus d'aptitude, et enfin ils seraient appelés, tous les ans, à des concours et des distributions de prix. » Les arts vivent d’'honneurs, disaient les Grecs, et c'est très-vrai. Nous voudrions que l'on donnât toute la solennité possible à ces fêtes, où l'on poserait sur la tête des élèves leurs premières couronnes. Les ap- plaudissements de la foule allument l’enthousiasme et l'émulation dans les jeunes âmes, el leur préparent de nouvelles forces pour de nouveaux travaux. » Une sévère équité doit présider aux moindres ju- gements en fait d'arts. Des récompenses, difficilement mais justement accordées, doubleraient leur valeur. Après une année d'épreuves, un élève montrerait-il une complète inaptitude pour les beaux-arts? rayé de l'école et rendu à l'industrie, il deviendrait un habile ouvrier, au lieu de rester un artiste médiocre. » Des encouragements gradués suivraient l'élève dans tous ses progrès, jusqu’au moment où il lui se- rait permis de prétendre à la dernière récompense, 843 l'envoi à Paris, aux frais de l’école. Connaissant tous les éléments de son art, l'anatomie, le dessin, ia géo- métrie, la peinture, l'élève ÿ passerait deux ans pour étudier les grands maîtres. Par conséquent, chaque école n'aurait jamais en même temps, et au plus, que deux pensionnaires à Paris. Placés sous l'autorité de l'Institut, ces jeunes pensionnaires verraient s'étendre sur eux sa paternelle influence; tandis que les pen- sionnaires envoyés actuellement à Paris par les com- munes y vivent dans une entière et funeste indépen- dance. » Les études élémentaires dans les écoles départe- mentales seraient lentes et approfondies. On rappelle- rait aux élèves que les Grecs entraient chez leurs maf- tres pour dix ans au moins d'apprentissage. L'anatomie serait la base de leurs études; la chimie leur appren- drait le secret de dérober leurs œuvres aux atteintes du temps... » Bien d’autres études nous sembleraient utiles aux artistes.....; mais nous nous contentons d'indiquer ici - une idée, laissant à d’autres le soin de lui donner tout le développement dont elle est susceptible. » À l'expiration de ces deux années de pension, l'élève recouvrerait son entière liberté. Également versé dans les connaissances théoriques et dans la pra- üque de son art, il pourrait alors essayer de voler de ses propres ailes. La carrière lui serait ouverte; à lui de s’y distinguer et de mériter d’autres lauriers ct d'autres récompenses. Le prix de Rome se présente- rait à sa légitime ambition. » 844 L'Académie s'associe d'autant plus volontiers aux vœux exprimés dans ces trois Mémoires, et les re- commande avec d'autant plus d'insistance à l'attention des directeurs des beaux-arts, que cette question n’est pas nouvelle pour nos légcislateurs. Ainsi, l’art. 101 du projet des lois relatives à la constitution de l'an HE, portait qu'il serait créé dans chaque département des écoles centrales, dans lesquelles il ÿ aurait un profes- seur pour les arts du dessin, un professeur de la théo- rie générale des beaux-arts, etc. Et sans rechercher dans l'immense arsenal du Bulletin des Lois et les au- tres recueils d'ordonnances, celles qui peuvent con- cerner les arts, contentons-nous de rappeler que lors- que le génie éminemment organisateur. du grand Col- bert fonda l'Académie royale de Peinture et de Sculp- ture, sous la direction de Lebrun, il comprit qu'il était possible d'obtenir de très-grands avantages de la créa- tion, dans les provinces, d'écoles académiques affiliées à celle de Paris et régies par elle. Peu de personnes se doutent, même à Bordeaux, que notre ville eut l'honneur de posséder une des premières écoles acadé- miques émanées de celle de Paris, et que les titres de cette école, providentiellement conservés par l'homme qui, depuis quarante ans, a le plus contribué aux tra- vaux de l'Académie, et est devenu le doyen de nos collègues et de nos artistes, M. Lacour, vont bientôt lui être restitués; de telle sorte que si l'organisation proposée par les concurrents est jamais mise à exécu- tion, Bordeaux aura eu l'honneur, à deux siècles de distance, d’avoir fait l'essai des premières écoles aca- 845 démiques, el d'avoir provoqué la création des premières Facultés des arts. Les autres moyens proposés se rattachent tous d’une manière plus ou moins directe à cette question prin- cipale, l'éducation des artistes. Ainsi, les auteurs des n°% 1 et 5 demandent avec instance que nos musées et nos collections d'objets d’art cessent d’être classés, comme ils l'ont été jus- qu'ici, d'après la dimension des toiles, sans chronolo- gie, sans géographie et sans philosophie, de manière à fatiguer l'attention et à ne laisser dans l'esprit que le chaos, au lieu des utiles enseignements qu'une bonne classification pourrait leur faire produire. Les élèves instruits et glorieusement passés par tous les degrés de l’Université des Beaux-Arts, n’ont-ils droit à aucune protection du gouvernement? M. Lau- rent Matheron propose de leur accorder, au concours, _les commandes des villes et communautés sur lesquelles le gouvernement exerce une direction: leurs titres ar- tistiques tiendraient lieu, en quelque sorte, des cau- tionnements exigés dans les adjudications ordinaires. Quant aux nombreuses places que nécessiterait la créa- üion de cette nouvelle hiérarchie des beaux-arts, elles seraient naturellement dévolues à ces artistes breve- tés, comme les grades dans l’armée, les places dans la magistrature, dans l'Université, etc., sont réservées aux hommes qui en ont été reconnus dignes dans des examens spéciaux. Il ne suflit pas qu'un gouvernement qui veut réelle- ment protéger les arts, donne les places ou les com- 846 mandes à ees hommes capables. MM. Arbanère et Ma- theron font remarquer avec raison, que les monuments publics, dans le plus obscur village comme dans la plus grande ville, ne doivent pas être abandonnés à l'insouciance, au mauvais goût, ou même à l'igno- rance d'un fonctionnaire que le hasard ou le caprice ont placé temporairement, mais sans contrôle, à la tête d’une administration quelconque. Il faut donc sor- tir de ce système d’égoïsme et de mesquinerie qui fait élever les monuments comme s'ils ne devaient durer qu'un jour. C'est contribuer à la dignité morale d'un peuple , que de lui rappeler sans cesse la postérité. Les commandes publiques inspirent aux auteurs des Mémoires n° 1, 2 et 5, la pensée que notre époque présente des types assez beaux pour être reproduits, et que le gouvernement doit tendre à remplacer les représentations étrangères à notre religion et à nos mœurs, par les représentations de nos grands hommes; car cette expression de la reconnaissance publique ren- drait féconds en talents et en vertus le présent et l'a- venir, Sans entrer dans le fond de Îa question, et sans combattre tout à fait ce système, l'Académie se borne à faire remarquer que depuis longtemps déjà le gou- vernement ne fait élever des statues, ni de Vénus, ni de Diane, ni de Jupiter; que les questions de morale ou de politique sont distinctes des questions d'art, et qu'il fallait d'abord démontrer que la mesure proposée pouvait être propre à développer le goût des arts et à former de grands artistes. Parmi les questions importantes relatives à ce but, 847 l'Académie a vu avec peine que la question des expo- silions n'a pas été particulièrement étudiée. L'auteur du Mémoire n° 2 se contente de dire qu'il faudrait donner plus d'extension à nos expositions, les rendre plus générales, et surtout en bannir un esprit d'exclu- sion trop visible dans le choix des ouvrages couron- nés. L'auteur du Mémoire n° 4 combat la périodicité trop fréquente des expositions à Paris; mais il ne fixe aucun terme à leur éloignement et ne parle pas des expositions en province, sujet important et multiple, intimement lié à la grande question de la décentrali- sation, qui, dans la politique comme dans les arts, partagera longtemps les meilleurs esprits. Tout en regrettant que les concurrents n'aient pas jugé à propos de traiter à fond cette question, l'Aca- démie s'associe avec plaisir au vœu formulé par l'au- teur-du n° 5, qui pense que les récompenses accordées après les expositions ne sauraient l'être avec trop de solennité et d'éclat, et que décernées au nom de l'État ou d'une ville, elles auraient toujours plus d'impor- tance et de prix que données au nom de quelques par- ticuliers, quelque généreux et considérés qu'ils puis- sent être. Tel est le résumé à peu près complet des divers moyens proposés par les concurrents pour donner une nouvelle impulsion à la culture des arts. Puaisse-t-il, quelque incomplet qu'il soit, attirer l'attention des hommes spéciaux, et les conduire à l'adoption de me- sures utiles, ou du moins à la publication d’un travail plus complet sur cette matière. ‘an 4 | AN À: PPSTS ‘4 a da it » : . PF 1 ee er son 1 en ul reE LEE? md one: L si ‘ 4 HS vi \ >. AL È Al F n i d'es p Col p Fr SRE 9 LAC in ab £ $# ae Ma de tk] 1 abus de »- Le 5 Kpyre + A8 ae na: vré ++ PE E- 849 DES OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES Faites à la Faculté des Sciences de Bordeaux, du 1° décembre 1850 au 50 novembre 1851, Par MI. SHSERIA. Nous avons placé, à la suite des observations baromé- triques et thermométriques du dernier trimestre de 1851, quelques tableaux qui résument les observations de l'an- née météorologique commençant au 1° décembre 1850 et finissant au 30 novembre 1851. Nous avons cru qu'il ne serait pas sans intérêt de résumer, soit les observations contenues dans les tableaux trimestriels, soit celles, as- sez nombreuses, qui n'ont pu y trouver place. Le résumé annuel des données météorologiques permet de mieux sai- sir les variations que présente, d'une année à l'autre, l'é- tat moyen de l'atmosphère. Notre intention étant d'en pu- blier de semblables chaque année, nous allons entrer rapi- dement dans les explications nécessaires pour en donner une intelligence complète. Le Tableau 1 présente, comme les années précédentes , 850 les résu'tats moyens des observations barométriques et thermométriques. Les températures moyennes de l'année et des diverses saisons qui se déduisent des huit années d'observations que nous avons faites à la Faculté, diffèrent très-peu de celles qui sont inscrites dans le tableau cor- respondant de 1850 : ainsi, les températures moyennes annuelle et saisonnières, peuvent être considérées comme déterminées avec une assez grande exactitude. Dans le Tableau II se trouvent consignés les résultats des observations hygrométriques faites à sept heures du matin, midi, deux heures et neuf heures du soir. Les colonnes intitulées T donnent la valeur de la tension de la vapeur d’eau en millimètres de mercure. Les colonnes intitulées H fort connaître l'état hygrométrique en cen- tièmes de celui qui correspond à l’état de saturation , c’est- à-dire le rapport entre la quantité de vapeur réellement renfermée dans l'air et celle qui y serait contenue si ce fluide était saturé. L'examen des valeurs minima de l'état hygrométrique en mai, juin, juillet, août et septembre, démontre que la sécheresse atteint assez souvent, dans nos climats, un degré très-élevé. Ces observations ont été fai- tes avec le psychromètre, qui se prête mieux que l'hygro- mètre condenseur à des observations répétées, et surtout à celles de nuit. Le même tableau donne les résultats des observations pluviométriques. On remarquera que la quantité d’eau qui est tombée en 1851 est inférieure de près d'un quart à la quantité moyenne. La diminution porte principalement sur l'été et sur l'automne. Dans la première de ces deux saisons, la quantité de pluie a été réduite de moitié, et dans la deuxième d'un quart. Nous avons fait placer en décembre 1850, sur la terrasse 851 de la Faculté des Sciences, un appareil propre à faire con- naître la direction du vent à toutes les heures du jour et de la nuit. Il consiste en une girouette très-sensible, mo- bile autour d'un axe vertical qui traverse le toit d’une guérite dans laquelle est renfermé un appareil d'horlogerie qui donne un mouvement continu de translation, dans le sens horizontal, à une bande de papier verticale. L’axe de la girouette porte une roue dentée horizontale, qui en- grène une roue dentée verticale d’un égal nombre de dents. Celle-ci porte un crayon qui est maintenu constamment appuyé contre le papier, à l’aide d’un ressort. Il résulte de celte disposition, que le crayon décrit une circonférence de cercle quand la girouette en décrit une elle-même; de sorte que si le crayon se trouve au haut de sa course quand le vent souffle du nord, par exemple, et si le mouvement de la girouette du nord vers l’est entraîne le crayon vers la droite, la position du crayon fait connaître immédiate ment le point de l'horizon d'où vient le vent. Le erayon décrit une ligne droite dans les temps cames, et des arcs de cercle plus ou moins grands quand le vent souffle avec plus ou moins d'intensité. La position moyenne du milieu des arcs permet de décider sans difficulté auquel des seize rumbs appartient le vent dominant. On suppose ordinairement, dans la discussion des ob- servations météorologiques, que tous les vents ont souflé avec la même vitesse. Cette hypothèse peut être adoptée quand on embrasse un grand nombre d'observations; mais il est bien préférable de tenir compte de la vitesse du vent. Pour arriver à la détermination de cet élément, j'ai fait adapter à la girouette un anémomètre dont les indications sont recueillies par un moyen particulier, et permettent de calculer les vitesses moyennes du vent d'heureen heure, 852 ce qui est très-suffisant pour les besoins de la météorolo- gie. Je me suis servi des résultats fournis par cet appa- reil pour calculer la direction et la vitesse des vents résul- tants; mais je ne considère les nombres auxquels je suis arrivé que comme approchés. L'appareil que j'ai employé doit être remplacé par un autre plus parfait, construit sur le même principe, et qui, je l'espère, sera bientôt achevé. Je me suis borné à insérer dans le Tableau III la di- rection et la vitesse du vent, calculées de mois en mois. La résultante ainsi obtenue est presque toujours dirigée ( sauf pour le mois de septembre) de l’ouest à l'est, s'in- clinant plus où moins du côté du nord ou du côté du sud. On remarquera aussi que dans un seul mois, celui de fé- vrier, la vitesse moyenne est presque nulle; mais les ré- sultantes mensuelles et saisonnières ne le sont pas en gé- néral; de sorte qu'il existe un courant constant dirigé du sud-ouest vers le nord-est, avec une vitesse moyenne sensible, quoique très-faible. A l’aide de ces observations continues, j'ai pu calculer l'influence des vents sur la hauteur barométrique, la ten- sion de la vapeur d’eau et la quantité de pluie. Je me suis contenté, pour chacun de ces phénomènes, de prendre la moyenne générale des valeurs se rapportant à un même vent, indépendamment de l'heure à laquelle les observa- tions ont été faites. Comme la hauteur du baromètre et la tension de la vapeur d'eau ne varient pas en général de quantités considérables dans le cours d’une même jour- née, la marche que j'ai suivie ne présente pas d'inconvé- nients; mais il n’en est plus de même pour la température et l'humidité relative. Il aurait fallu nécessairement, pour ces deux ordres de phénomènes, prendre les valeurs cor- respondantes à une même heure de la journée, et le nom- 853 bre des observations est encore trop peu considérable pour étudier ainsi la question. Le registre sur lequel sont consignées les observations du vent, renferme les directions intermédiaires aux huit vents principaux; mais en formant le Tableau IV, qui renferme les résultats de l'influence du vent sur la pres- sion, l'humidité et la quantité de pluie, J'ai réuni à chaque vent les nombres correspondants au vent qui précède et au vent qui suit celui que l'on considère. Pour les vents du nord, par exemple, j'ai pris les observations corres- pondantes à ceux de N., N.-N.-0., N.-N -E. Au lieu d'inscrire dans le Tableau IV les valeurs abso- lues de la pression barométrique et de la force élastique de la vapeur d’eau correspondante à chaque vent, j'ai in- diqué pour chacun d'eux l'excès ou l’abaissement de la valeur correspondante au-dessus ou au-dessous de la moyenne générale. On voit ainsi d’un coup d'œil que la pression barométrique atteint son maximum avec les vents du N.-E., son minimum avec ceux du sud, et que la pression correspondante aux vents d'ouest diffère peu de la moyenne générale. La tension de la vapeur d'eau at- teint au contraire son minimum par les vents de N.-E., et son maximum par ceux d'ouest. La dernière ligne horizontale du même tableau fait con- naître les quantités d’eau qui sont tombées sous l’influence de chaque vent. On remarquera que les trois quarts de la quantité totale de pluie accompagnent les vents du sud et de l'ouest. Enfin, le Tableau V renferme le résumé des observa- tions relatives à l'état du ciel. La marche que je suis pour étudier cette partie des phénomènes météorologiques me permet de présenter, avec quelque certitude, les conelu- 854 sions auxquelles je suis arrivé. Concevons une courbe dont les abscisses soient proportionnelles au temps, et dont les ordonnées représentent le nombre de dixièmes que renfer- me la portion découverte de la surface céleste; la forme de cette ligne, que l'on peut appeler courbe de sérénité, rap- pelle immédiatement l’état général du ciel. Ainsi, quand le ciel est entièrement serein ou couvert, cette courbe est une ligne droite parallèle à l'axe des abscisses, mais dont la position dans chacun de ces cas est différente; l'or donnée étant nulle dans le dernier, à son maximum au contraire dans le dernier. Quand la portion découverte de la surface céleste varie dans le cours d'une même jour- née, ce qui est le cas le plus ordinaire, la courbe de séré- nité a une forme également variable, s’élevant quand le ciel se découvre, s’ahaissant quand il se couvre. Le regis- tre sur lequel j'inscris chaque jour les courbes de séré- nité, renferme, à côté de chaque ordonnée, les signes in- dicateurs des phénomènes, tels que pluie, grêle, forme des nuages, elc., survenus aux mêmes heures, etc. Ce mode de représentation me paraît très-net. J'ai considéré dans le résamé, comme jours généralement beaux, ceux pour lesquels la donnée moyenne de la courbe de sérénité, pen- dant le jour, égale ou dépasse la moitié de celle qui répond à l'état de sérénité complète. TABLEAU MÉTÉOROLOGIQUE. OCTOBRE 1851. JOURS BAROMÈTRE À 0e. TEMPÉRATURE. DU MOIS, SE o ET TR OR Th.dum. | 2 h.dus. | 9 h.dus. | Maxima. MINIMA. (| 51,00 46,43 2 53,43 54,28 3 57,37 58,87 4 58,35 58,70 5 61,75 62,175 6 65,26 65,04 7 64,30 63,63 8 63,80 64,02 9 64,70 65,38 40 67,80 69,41 A1 68,93 67,40 42 69,55 69,67 13 69,45 67,19 1% 65,86 64,65 45 58,15 53,25 16 55,40 » 47 58,56 59,84 18 65,02 64,84 49 66,50 65,58 20 63,63 61,09 24 59,71 58,24 29 60,89 61,06 233 64,70 65,00 2% 66,417 66,14 25 64,67 63,50 26 62,55 641,92 27 63,00 62,35 28 63,04 64,34 29 54,12 50,04 30 47,62 47,10 31 » 49,8% MOYENNES du 4er au 40! 60,75 60,85 du 44 au 20 6%,07 63,72 du 24 au 31! 60,68 58,78 Moy. générale. 61,83 61,12 Température moyenne du mois.. 4307. mm 50,44 2203 1193 56,30 17,3 10,6 60,77 16,3 9,0 60,29 19,0 13,5 65,4% 18,5 13,0 64,95 49,3 41,0 63,88 18,4 13,6 65,55 18,4 15,6 65,73 18,2 14,6 69,45 19,0 15,0 68,50 21,6 10,4 69,92 23,0 9,8 67,03 22,5 9,2 63,30 46,7 13,2 53,93 20,9 11,8 57,00 14,0 10,5 63,52 13,3 7hS 66,55 13,0 7,0 66,08 14,6 6,0 60,60 1%,8 TA 59,69 18,0 651 62,90 22,0 5,0 65,53 21,6 10,2 66,31 20,0 10,4 63,69 15,9 8,4 62,66 44,4 8,6 63,10 17,8 5,9 59,85 16,8 6,0 50,26 43,0 Yi » 9,7 4,8 » 43,1 Dr 62,28 | 48067 42972 63,64 | 17,44 9,28 64,55 | 16,57 7,34 62,49 | 47,56 9,78 Pluie dans le mois... 80mm 856 NOVEMBRE 15514. mm MOYENNES du 4er au 40] 60,24 58,65 du 44 au 20] 60,37 60,27 du 24 au 30| 61,25 61,6% Moy. générale. 60,614 60,19 JOURS BAROMEÈTRE A 0e, TEMPÉRATURE. DU MOIS. | — | le ET ln Th. du m. | 2 h.dus. RARES LOUE. Aus 9 h. du s. | Maxima. Minima, A » 4 76 » NI A%°1 ? » 53,45 » 14,4 3 » 62,54 » 114,0 L » 63,05 60,86 10,3 5 63,76 64,98 67,02 8,6 6 64,65 64,50 59,26 8,7 7 57,81 56,80 56,84 9,8 8 56,16 57,27 59,47 9,4 9 60,02 58.42 59,62 8,8 410 58,87 53,09 54,63 8,7 11 54,99 56,37 58,51 1,8 12 61,94 63,56 66,86 7,6 3 66,94 66,93 66,52 8,6 1% 64,74 62,73 63,09 8,6 45 63,25 64,12 60,86 5,4 16 60,46 59,96 59,66 6,8 17 58,32 57,47 60,89 6,9 18 59,07 59,39 61,26 4,8 19 61,80 60,46 56,76 6,6 20 52,18 54,69 64,53 9,3 24 66,11 67,71 65,37 1,8 22 62,71 63,81 65,15 9,4 23 66,23 64,96 65,19 8,2 2% 59 79 53,94 55,85 412,1 25 55,91 56,21 55,13 41,4 26 54,58 | 55,73 59,19 14,1 60,38 | 59,07 62,71 6,7 65,62 8,0 67,47 4,6 30 -65,61 63,55 | 63,71 2,4 27 28 64,51 64,67 29 63,7 66,79 Température moyenne du mois... 506, Pluie dans le mois... + = + © GoNta 19 =} co 1 - #1 ile Se à - CR - >=OOCN1I CNNUOS >= —— PLFAE= HNNDO—= 1 © où CE CE D - + oO WNOoOCN owners oo ocw coco s 80mm Le 857 DECEMBRE 1851. JOURS ae ce À 0e. TEMPÉRATURE. DU MOIS. an le Re 7 h. du m. «| 2 L. du s. | 9 h.dus. | Maxima. Minima. | 63,85 63,66 66,73 5°6 200 2 67,87 68,20 69,78 5,0 —2,0 3 74,44 10,67 » 5,7 2,5 A » 69,43 70,49 6,1 3,8 5 74,45 71,43 | 72,67 1,9 2,2 6 74,67 70,82 71,03 m7 0,5 ÿl 10,78 |: 68,87 68,91 8,2 —1,6 8 70,50 74,03 73,01 71 0,0 9 713,40 72,22 70,88 10,6 3,0 10 68,9% 68,13 69,85 11,2 4,4 A1 72,98 74,82 TA T2 8,2 2,8 12 69,97 69,56 70,71 5,9 FAT? 43 70,9% 70,68 74,8% 4,7 1,0 1% 72,4% 72,35 12,88 6,4 4,0 15 13,43 | 72,77 | 73,59 4,6 3,5 16 12,53 74,18 70,48 5,1 2,0 17 69,43 66,73 67,58 4,5 0,2 18 67,69 67,36 67,89 8,0 1,6 19 69,43 69,140 70,07 5,9 0,5 20 70,10 62,49 68,20 159 —1,0 21 63,00 59,59 58,57 8,4 1,0 22 - 62,81 62,83 60,7% 10,5 5,2 23 64,78 65,19 65,02 10,6 5,2 2% 65,00 | 65,30 65,97 3,2 0,5 25 66,45 66,11 67,59 LL 0,3 26 69,00 69,43 74,05 4,0 —2,4 27 70,73 69,90 70,53 4,6 —2,2 28 67,76 » 64,96 2,0 —1,0 29 66,94 66,67 68,26 2,4 — 4,0 30 67,21 66,30 66,66 5,7 —1,6 31 66,49 64,00 62,60 7,3 0,0 MOYENNES du 4er au 40| 69,89 69,45 70,0% 7057 A018 du 41 au 20|. 70,83 70,00 70,50 6,06 1,68 du 21 au 31 66,35 65,50 65,63 5,46 # 0,40 Moy. générale.| 69,02 68,32 68,72 6,36 0,99 Température moyenne du mois. 307. Pluie dans le mois... 21mm, 858 ‘LS8+ 44 SNOILVAUASAO SAG ANNSH sel ee Rs ae g L LU ‘ Li ‘ ‘ 4 € ‘ ‘ « nn sn SCIE PAR EE rc‘oe ler‘og [geo ÎeL‘eg |ro'eo |[0G 29 |8G &9 | 9 GT | FE 0'£& T'EI *"""oquuy Se) TS De . AU te . 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R Sap SHITLNYNÔ ANÜTHLINONMIXH IVIS,T A NOISNAL VI Ha anbujowuoist 1819,1 9P 79 SHNAULXA SHAAIVA SANAULXA SHAATVA MEASASERE SNWON SAENNHAON SHNATVA ‘II QAVA'IAVL ‘VS8I 4 SNOILVAYASAO SA ANASAA 860 RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS DE 1851. TABLEAU Ill. Direction, vitesse du vent, calculées de mois en mois d’a- près les observations continues failes à la Faculté des Sciences. VITESSE MOYENNE DT) DU VENT RÉSULTANT MOIS. à DE LA RÉSULTANTE. ir dede: par par seconde. heure. m. kil. 1850. Décembre. ....... N. 1600. 0,18 0,648 1851. Janvier. .. S. 1600. 0,33 1,188 — Février... .. N. 6200. 0,04 0,144 Mans eee S. 1900. 0,29 0,954 = JNiinoeoueen tee S. 470 0. 0,31 1,116 M re N. 3900. 0,25 0,900 en LT AOC S S. 790 O. 0,15 0,540 MIEL ER eee. N. 9000. 0,34 1,224 Te OR N. 520 0. 0,22 0,792 — Septembre... N. 640 E. 0,18 0,648 — Octobre........…. S. 200 0. 0,27 0,972 — Novembre. . ..... N. 6600. 0,19 0,684 HiVO LE nbencenraenuennnes S. 310 0. 0,12 0,432 Printemps. .............. S. 5800. 0,149 0,684 PE rene eee N. 820 O. 0,23 0,828 ATLOMNÉ =. ele toec ce ae S° 0,10 0,360 0,540 ‘sJuepuodsar109 SJU9A Sap aouony —UL,] SNOS S99qu07 quos mb sagquenb sor iuaurdxa surof-19 Ssaiquou Sal ‘OOT 484 o91uosaidar JueJ9 aQuuE | SUEP 9QUO} Mb nvt9,p 21810} agauenb eT 69 ‘m8 ‘(°Sqo pcc'T)ore1gu9$ auuafou UOISUAT, *SUOEAIISEO [99 ‘T 2P aJ{ns91 9112 {80 ‘m9 L 159 9[PAQUYS aUuYOU ET ‘SNOLIVAHISIO &I 7 890 —|88 "1 +109 ‘7 +|rc'1 +|09 0 —|8%' 0 —|F7S 0 —|SL'T— LO‘T +100 1+|18 "0 +|c6‘+ —|log'e —|r8 1 —|08‘0 +|c8'‘e + ‘oue) | "ON ‘0 "0—'S ‘S ‘a—'S ac "HN “amd 9p opquonb 0) 39 nova ep amodna 0j op uoisuoy D) ‘onbiunuounq uowssaud D} 4ns squoa Sap aouamluz "AI QVA'IAVL ‘YS8Y A4 SNOILVAXASAO SA ANNSAA 862 RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS DE 1851. TABLEAU V. NOMBRE DE JOURS 212 )%)8|È53)5S SSSR = = = 8 lo s=| = Se |go| S |STIS Fi & |= æ |%& 1850. Décembre| 5 » 1 7 3 3 9 5 OBTINT 1851. Janvier. 8 » » 2 » » 3 1 SON IULS — Février...| 4 1 ACT > » 5 3 1 | 12 | 12 — Mars. 13 3 4 5 1 1 1 » 6 520 = Pb 11 » 3 » 4 3 » 3 3 CM D 9) 0 Mai... 13 il A » 2 » 2 4 2 6 | 19 — Juin... 4 » » » ?) 4 a 8 2 11 — Juillet....| 14 » » 4 3 » 2 4 FAITS == AD oocs 5 » » » 3 1 A 2 2 Ph VE LOS — Septembre! 6 » » » » » 6 8 METEO — Octobre..| 11 » > » » » 6 6 8 | 10 — Novembre! 15 » » 9 » » 5 » 8 9 | 13 HIVEL eee see 17 1 2 | 20 3 SIT 9 AIS 2418Ss Printemps. ......| 317 4 8 5 7 4 3 RMI ISTEN)ESE Btétrirseenree 1825 » » » 9 8 4 12 720 PA Automne......... 32 » » 9 » 2340) lin Ego LE EG TL TEST) 109 5 10 34 19! 15 41 49 | 46 107| 170 863 TABLEAU DES MEMBRES DE L'ACADÉMIE DE BORDEAUX . arrété au 30 avril 1852. Membres Honoraires. MM. BRYAS (DE), ancien maire de Bordeaux. CURÉ (Gusrave), ancien maire de Bordeaux. D'HAUSSEZ (LE BaroN ), ancien préfet de la Gironde. DUGASTAING, ancien membre résidant, docteur médecin. DUFOUR-DUBERGIER , ancien maire de Bordeaux. JOHNSTON | Davin ), ancien maire de Bordeaux. LACOSTE (ne), ancien préfet de la Gironde. LACOUR, ancien membre résidant, correspondant de l’Ins- titut. NEVEUX , ancien préfet de la Gironde. PREISSAC (Le coute DE ), ancien préfet de la Gironde. SERS (LE BARON ), ancien préfet de la Gironde. YZARD, ancien membre résidant, ancien conseiller à la Cour d’appei de Bordeaux. GUESTIER union (P.-F.) %, négociant, ancien mem- bre résidant. HAUSSMANN, préfet de la Gironde. 861 Membres Hésidants. . MM. LATERRADE, direct’ du Jardin des Plantes. . GINTRAC %, professeur à l'École préparatoire de médecine, rue du Parlement Ste-Catherine, 22. + GRATELOUP, docteur en médecine, rue Monba- zon, 19. . DARRIEUX, notaire, fossés de l’Intendance, 95. - DURAND, architecte, rue Michel, 6. . DES MOULINS (CuarLes), propriétaire, rue de Gour- gues, 9. + MARCHANT (Léon), docteur en médecine, rue Porte-Dijeaux. + LANCELIN %, professeur de l'Ecole de marine, cours de Tourny, 38. .- GUICHENET, médecin vétérinaire, r. d'Orléans, 16. . FAURÉ, pharmacien , fossés Bourgogne, 9. + PETIT-LAFITTE, professeur à la chaire d’agricul- ture de Bordeaux, rue Henri IV. . DÉGRANGES (E.), docteur en médecine , rue Ste- Catherine, 95. .- RABANIS %, professeur d'histoire à la Faculté des Lettres, rue du Champ de Mars, 1%. + GOUT DESMARTRES % , avocat, chemin de Saint- Genès, 161. + BRUNET ( Gusrave ), facade des Chartrons, 81. + ABRIA %#, professeur de physique et doyen de la Faculté des Sciences, quai de Bacalan , 15. + MAGONTY, professeur de chimie, rue Margaux , 21. LAMOTHE ( Léonce DE ), inspecteur des établisse- ments de bienfaisance, rue Servandony, 8. 1843. 1846. 1847. 1847. 1848. 1848. 1849. 1850. 1850. 1850 1850. 1850. 1850. 1851. 1851. 1851. 1851. 1851. 86 MM. GAUTIER aié #, maire de Bordeaux, rue Dutrouilh, 18. MANÈS % , ingénieur des mines, ruelle du Cossu. SAUGEON, professeur de belles-lettres, rue du Champs de Mars, 12. RAULIN, professeur de botanique, de minéralogie et de géologie, à la Faculté des sciences, rue du Manége, 1. DELPIT, littérateur, cours d’Albret, 42. DUBOUL { Jusr-AL8err ), littérateur, rue de Sau- geon. BAUDRIMONT, professeur de chimie à la Faculté des Sciences. LÉO DROUYN, peintre et graveur, rue de Gasc, 143. IMBERT DE ROURDILLON %#, conseiller à la Cour d'appel de Bordeaux, cours d’Albret, 88. GORIN, artiste peintre, rue Esprit-des-Lois, 1. BURGUET ( AuGusre ), docteur en médecine, rue Fondaudège, 67. DABAS, professeur de littérature ancienne et doyen de la Faculté des Lettres, allées d'Amour, 22. CIROT DE LA VILLE, chanoine honoraire, pro- fesseur d'Écriture sainte à la Faculté de Théolo- gie, rue Capdeville, 12. COSTES, professeur à l'École préparatoire de Me- decine, rue du Parlement-Ste-Catherine, 12. BROCHON ( Hexry }, avocat, rue Margaux, 22. PEYRONNET ( Le comte DE ) X, cours Tournon, 3. BLATAIROU, chanoine honoraire, doyen de la Fa- culté de Théologie de Bordeaux, rue de la Misé- ricorde , 4. RUELLE %#, recteur de l’Académie de Bordeaux, rue Capdevitle, 46. 866 1851. MM. DUPUY (Jusrn), homme de lettres, rue De- vise-Sainte-Catherine, 12. 1852. DONNET (FerpINAnD) #, cardinal, archevêque de Bordeaux, rue de Cheverus. 1852. DE GÈRES ( Juzes ), homme de lettres, place Dau- phine. Membres Correspondants. MM. ARBANERE, correspondant de l’Institut, à Tonneins. AYMARD ( AuGusre ), au Puy. BALBI ( AbRiEn }, littérateur, à Paris. BAREYRE, médecin vétérinaire, à Agen. BARRAU, professeur de rhétorique, à Niort. BASCLE DE LAGRÈZE ( Gusrave ), procureur de la Ré- publique, à Pau. BEAULIEU, antiquaire, rue du Cherche-Midi, 13, à Paris. BLOSSAC (DE), ancien magistrat, à Saintes ( Charente- Inférieure ). BONNET DE LESCURE, officier du génie maritime , à Ro- chefort. BORDES, conservateur des hypothèques, à Pont-Lévêque (Calvados ). BOUCHEREAU 3æuxe #, correspondant agricole, à Car- bonnieux. BOUCHER DE PERTHES, directeur des contributions di- rectes, à Abbeville. BOUCHERIE %# , ancien membre résidant, docteur en mé- decine, à Paris. BOUILLET (Jean-Baptiste), naturaliste, à Clermont- Ferrand, département du Puy-de-Dôme. 867 MM. BRONDEAU (Louis pe), naturaliste, à Estillac, près d'Agen. BOURRAN (E. ne), littérateur, à Bruxelles. CUISINE ( pe LA), conseiller à la Cour d'appel de Dijon. CAPDEVILLE-LILLET, propriétaire, à Barsac. CASTAIGNE ( Eusèse ), bibliothécaire, à Angoulême. CAVALLERO (J.-B.), avocat à Valence ( Espagne). CAVENTOU, chimiste, rue de Gaillon, 18, à Paris. CAZADE, correspondant agricole, à Montagoudin, près de La Réole. CAZEAUX, propriétaire, correspondant agricole, à Béliet. CAZENAVE DE LUBERSAC, propriétaire. CAZENOVE DE PRADINES, à Marmande. CHAPUIS DE MONTLA VILLE ( LE BARON }, littérateur, rue de Rivoli, à Paris. CHASSAY (L'assé Épouarp), professeur de philosophie au Grand-Séminaire de Bayeux. CHEVALIER, pharmacien-chimiste, quai Saint-Michel, 95, à Paris. COLLEGNO (ne), ancien membre résidant, à Turin (Pié- mont ). CONTENCIN (og), ancien membre résidant, à Paris. COQ (Paur ), ancien membre résidant, rédacteur en chef de la Semaine, à Paris. COTARD, homme de lettres, à Pons, département de la Charente-Inférieure. COUERBE, chimiste, à Verteuil, en Médoc, arrondisse- ment de Lesparre. D'ABRAHAMSON, homme de lettres, à Copenhague. DAGUT, astronome, à Rennes. DARMAILHAC, correspondant agricole, à Pauillac. DELAPYLAIE, naturaliste, à Fougères, département d'Il- le-et-Vilaine. 868 MM. DE LE BIDART DE THUMAIDE , magistrat, secrétaire général de la Société libre d'Émulation , à Liège. DEMOGEOT, ancien membre résidant, professeur de rhé- torique au Lycée de L:-le-Grand, rue Serpente, à Paris. DÉPIOT-BACHAN, correspondant agricole, à Saucats. DERBIGNY, directeur de l’£Enregistrement, à Arras. DESCHAMPS (E. }, littérateur, à Paris. DROUOT, ancien membre résidant, ingénieur des mines. à Châlons-sur-Saône. DUBROCA, médecin, à Barsac. DU BURGUET, maire d'Allemans, près de Ribérac, dépar- tement de la Dordogne. DUFAU rizs, directeur de l'Institution des Jeunes-Aveu- gles, à Paris. DUMEGE,, ancien ingénieur militaire, à Toulouse. DUPIERRIS, médecin, à la Nouvelle-Orléans. DUPLAN, ancien capitaine d'artillerie, à Castelmoron, dé- partement de la Haute-Garonne. DUVIVIER ( Axrowy ), archéologue, à Nevers. EYSENBACH, archiviste du département de la Nièvre. FABRE, médecin, à Villeneuve-sur-Lot. FEUILLERET, professeur d'histoire au Collége de Saintes. GAVARRET, professeur à la Faculté de Médecine de Paris. GIMET DE JOULAN, homme de lettres, à Nérac. GINDRE ({ Jures ), ingénieur des mines, à Bayonne. GASSIES , naturaliste, à Agen. GIRARDIN (J.), chimiste, à Rouen. GOURGUES (Le couTe pe ), à Lanquais, département de la Dordogne. GRIMAUD, avocat, à Grenoble. GRAGNON-LACOSTE, ancien notaire, à Ste-Croix -du- Mont. GROSSE ( L'ansé ), curé de Freminville, près de Nancy. 869 MM. GUADET, sous-directeur de l’Institution des Jeunes- Aveugles, à Paris. GUILLAND, capitaine d'artillerie, à Belley. GUILLON , médecin, correspondant agricole, à Rauzan. HAYS, sous-commissaire de marine, chef de comptoir à Mahé. HEYER, docteur médecin, à Pondichéry. HOMBRES-FIRMAS (LE BARON D’), homme de lettres, à Alais, département du Gard. HEMSKEERCH, avocat, à Amsterdam. JASMIN, littérateur, à Agen. JAURIAS (DE ), docteur médecin, correspondant agriccle, à Libourne. JOUBERT, correspondant agricole, à Paris. KEENE, ingénieur civil, à Saint-Léon, près de Bayonne. KERCADO (LE couTE pe), correspondant agricole, à Gra- dignan. LAFERRIÈRE, avocat, ancien professeur à la Faculté de Droit de Rennes, inspecteur général de l’enseignement supérieur pour le droit. LAGATINERIE ( DE )}, commissaire de la marine, à Cherbourg. LANET (ÉvouarD ), ancien membre résidant. LAPOUYADE, archéologue, président du tribunal de pre- mière instance, à La Réole. LAURENT, essayeur à l'hôtel des monnaies, à Paris. LEGUAI, docteur médecin, correspondant agricole, à Saint- Aubin, canton de Saint-André de Cubzac. LEMONNIER (Cu.), ancien membre résidant, directeur du contentieux, administration du chemin de fer du nord, à Paris. LERMIER, ancien membre résidant, directeur des pou- dres et salpêtres, en retraite, à Dijon. 870 MM. LEROY (FerpiNanb), ancien membre résidant, rue de Varennes, à Paris, LEVERRIER, membre de l'Institut, à Paris. LEVI (Arvarez), professeur d'histoire et de littre, à Paris. LEVY, professeur de chimie, à Rouen. LIMOUSIN-LAMOTHE, pharmacien , à Alby. MAGEN, membre du jury médical du Lot-et-Garonne, pharmacien, à Agen. MALAURIE, curé de Montpont. MALLE, professeur agrégé de la Faculté de médecine de Strasbourg. MARCEL DE SERRES, naturaliste, à Montpellier. MARTIN, docteur médecin, à la Paz. METIVIER (LE core DE ), archéologue, à Nérac. MICHAUD, chef de bataillon au 10° régiment de ligne. MICHELOT, ancien officier du génie, ancien chef d’insti- tution, à Paris. MICHON (1’a88é ), chanoine honoraire, à la Valette, près Angoulême. MILLER (L'assé), curé de Lagon et de l'ile de Carney, près de Libourne. MONNIER , homme de lettres, à Toulouse. MOREAU ({ César }, homme de lettres, à Paris. MOREAU DE JONNES, naturaliste-géographe , membre de l'Institut de France, à Paris. NAYRAL (Macrome), liérateur, juge de paix, à Cas- tres, département du Tarn. PAYAN, docteur médecin, à Aix. PÉCOUL , ancien représentant du peuple, président de la Société d'agriculture et d'économie rurale de la Marti- nique. PERNET, directeur du Collége de Salins. PERREY, professeur à la Faculté de Dijon. 871 MM. PIERQUIN DE GEMBLOUX , inspecteur de l'Univer- sité, à Bourges. PUYBUSQUE ( An. ne), littérateur, rue Bourgogne, 40, à Paris. RAFN (Cn.-CuréTiex ), professeur de philosophie, à Co- penhague. REUME (AuGusre pe ), à Bruxelles. RICHARD (Davi ), ancien membre résidant, directeur de l’Asile des aliénés de Stephensfeld (Bas-Rhin }. RIFAUD (J.), homme de lettres, à Paris. ROBINET, professeur du cours d'industrie séricicole, rue Jacob, 48, à Paris. ROOSMALEN (pe), professeur de littérature, rue du Jar- dinet, 11, à Paris. ROUX-FERRANT, homme de lettres. SAINT-DIZIER , professeur d'histoire, à Bergerac. SAMAZEUIL, avocat, à Nérac. SAUVEROCHE , maitre de pension , à Saint-André de Cub- zac, département de la Gironde. SÉDAIL, ancien membre résidant, litlérateur, rue de la Nation, 10, à Montmartre. SIGOYER (Anroxix DE), ancien membre résidant, homme de lettres. SILVELA , jurisconsulte, à Madrid. SISMONDA ( EuGëxe }, docteur médecin, à Turin. SOYER-WILLEMET, naturaliste, à Nancy. TARRY, médecin, à Agen. THURMANN , ancien directeur de l’École normale du Jura bernois, à Porrentruy (Suisse, canton de Berne ). TUPPER, naturaliste, à Paris. VALADE-GABEL, ancien membre résidant, professeur à l’Institut des Sourds-Muets, rue de l'Ouest, 93, à Paris. VALAT, ancien membre résidant, recteur à Rhodez. 872 MM. VALERNES ( LE vicomte ne), homme de lettres, à Apt, département de Vaucluse. VALLOT, médecin, à Dijon. VANHUFFEL, jurisconsulte, rue Méhul, 1, à Paris. VAUVILLIERS , inspecteur divisionn. des ponts et chaus- sées., rue Duphot, 23, à Paris. VINGTRINIER , médecin des prisons de Rouen. VIVENS (LE COMTE DE), propriétaire, à Clairac. WATEVILLE (Le Baron DE), inspecteur des établissements de bienfaisance de la ville de Paris, rue du Faubourg Saint-Honoré, 14, à Paris. OFFICIERS DE L'ACADÉMIE DE BORDEAUX, pour l'année 1852 MESSIEURS IMBERT DE BOURDILLON, Président BROCHON (Henry }, Vice-Président. É. DÉGRANGES, Secrétaire général. COSTES. SE CIROT DE LA VILLE. | Secrétaires-adjoints HATIRÉ ere. Trésorier. GCABRUNET 7 Archiviste. DARRIEUX, PETIT-LAFITTE, Membres du Conseil d'ad- DABAS, ministralion. GOUT DESMARTRES, 54* : 71 AIS Sy Rae itimeon del, peipé en De LE # MATE FAP US Moon | des MEGAN uge de ui WU Ie Por ue la Pre rar EU a AEORSE | 4 ! | ( dr vs … LAS axe ee " fe : is | : DC 8 Gi # 53 SET 0, OS aa That 0 M, À . 875 TABLE DES MATIÈRES DE LA TREIZIÈME ANNÉE. Études d’Économie charitable. — Observations sur le projet de loi relatif aux hôpitaux et aux hospices, présenté à l’Assemblée nationale par sa Commis- sion de l'assistance publique; par M. L. Lamothe... Un Épisode de l'histoire de l’Académie des beaux-arts aNBordeaux Dar MU Dent. ee e.t Nivellement barométrique de l’Aquitaine ( Bassin ter- tiaire de la Gironde et de l'Adour ); par M. V°' Raulin Procès-verbal de la séance publique du 3 avril 1851, pour l'installation de deux nouveaux membres... Discours de M. Dabas, récipiendaire............... Discours de M. Costes, récipiendaire.............. Réponse de M. Gout Desmartres, Président, aux ré- CIDIORTAE mess © Tant vaut l'homme, tant vaut l'épée, poésie; par M. Cazenove de Pradines, membre correspondant... Le Bourgeois de Naples, poésie; par {e meme ...... Tableau météorologique; par M. Abria............ Rapport sur un Mémoire de M. Marcel de Serres, cor- Pages. Cr 876 respondant de l'Académie à Montpellier ; par M. Ch. Des MoURNSE EE 2 RER Me Rene ere 153 Observations philologiques sur l'origine du mono- théisme hébreu; par M. l'abbé Cirot de la Ville... 211 Notice sur les ruines d'anciens monuments militaires situés sur la rive droite de la Jalle de Saint-Médard, près Bordeaux ; par M. G.-J. Durand........... 221 Résumé des observations faites jusqu’à ce jour sur les explosions de chaudières à vapeur, leurs effets, leurs causes, et les moyens de les prévenir; pré- cédé de considérations sur les divers genres de chaudières mis en usage, et les divers moyens de sûreté qui y ont été appliqués; par M. Manès..... 235 Des plantes de nos dunes; par M. J.-F. Laterrade.. 293 Procès-verbal de la séance publique du 26 juin 1851, pour l'installation d’un nouveau membre. ........ 305 Discours de M. Henry Brochon, récipiendaire. .. ... 306 Réponse de M. Gout Desmartres, Président, au réci- 2 PE (D ENT de et à er émbge, JE eo po AE on 327 Ce qu'on n'oublie pas, poésie; par M. Émile Des- CROSS AQU a D ere een de Me CORSA Ce 340 La Bague d'or, poésie; par lé méme............... 342 La Girouette et le Paratonnerre, poésie; par M. Der- (TLC A parent sen ap md nn à D 343 Tableau météorologique; par M. Abria............. 349 Du Bouddhisme et de son action civilisatrice en Orient ; par MDMboul TUSE-AIDENT A RRNERRRER ER 393 Notice sur la Bibliothèque publique de la ville de Bor- deaux ( seconde partie }: par M. G. Brunet... .... 399 Notice littéraire et historique sur saint Sidoine Apol- linaire; par M. l'abbé Cirot de la Ville....,...... h45 Sur l'origine des ballons ou aérostats; par M. Vallot. 461 Mémoire à consulter sur l'état général des théâtres en 877 province, et sur celui de Bordeaux en particulier ; par M. É. Dégranges (suite).................. 469 Procès-verbal de la séance publique du 20 novembre 1851, pour l'installation de deux nouveaux mem- Bros trees oser im oh hiuktaer vob 464 513 Discours de M. le docteur Burguet, récipiendaire.... 51% Discours de M. le comte de Peyronnet, récipiendaire. 526 Réponse de M. Gout Desmartres, Président, aux deux LÉPIRENUANES SE Ne saloteie aie» es mfas ses nee 990 La Quête, poésie; par M. d’Imbert de Bourdillon.... 561 Tableau météorologique ; par M. Abria............. o81 Discours de M. Gout Desmartres, Président de l'Aca- démie, prononcé à l'ouverture de la séance publi- que, le 30 décembre 1854... ............. 585 Compte rendu des travaux de l'Académie, pendant l'année 1830-51; par M. É. Dégranges, Secrétaire DÉMÉPA ee nee Rise à acio ee ses cie se mises se 589 Programme des questions mises au Concours par l'A- cadémie, pour l’année 1852................... 695 Maladie du raisin et de la pomme de terre en Suisse, en 1851; par M. Ch. Laterrade................. gl tr Extrait du Rapport de M. Ch. Des Moulins, sur le Mémoire de M. Ch. Laterrade.................. 725 Rapport sur le Concours de poésie pour l'année 1851; par M. Duboul [Just-Albert).................. 735 Traité des gallicismes ; par M. B. Hirigoyen........ 767 Rapport sur le Concours de l'Éloge de M. le cardinal de Cheverus; par M. Darrieuæ................ 805 Rapport sur les Mémoires envoyés au Concours de 1850, en réponse à cette question : « Quelles ont été les causes des révolutions que les beaux-arts ont subies depuis l'antiquité jusqu’à nos jours, et quels sont les enseignements qu'il faut en tirer pour as- 878 surer l'avenir de l’art? » par M. J. Delpit........ 823 Résumé des observations météorologiques faites à la Faculté des Sciences de Bordeaux, du 1: décembre 1850 au 30 novembre 1851; par M. Abria........ 849 Tableau des membres de l’'Académie.............. 863 Officiers -del'Académie zh tr ia ee RE 873 ERRATA. Page 637, ligne 48, au lieu de : la lucite, lisez : l'alucite. Page 638, ligne 5, au lieu de : lucite, lisez : l'alucite. é FRERES Ne: ren mr derione gene Wu Te Pa te dei : . 26 À da AL ne ol ne Pre | 104 ER de CE L L DAT # - Fe , ’ 4 ae rs “L te un és N° ts LA LR À y Un Séves LPC IN PV PE sn Fe AM ÉANO NN " AA 3Y w A | re AMEN VY MUSÉE CX ren vs 6 PAS REEAE TASER NO fu LU, PP PSERREE MUVALAE Louve AE Avr Nm VÉVUUESE RE LES USE Fe #) y Ur V ill Rue" prete HE M ; VV MM | Vin MY Je vi RSR Etes ME de né sh VV JV J ot SENS k te si SES SSI VEN YE QU 9 SE ; V4 NU NAN MAY Via” : A M'A NE V MA } S\ LENS bd VE; À CAEN j=\ ‘À A 4 des EE ñs À A MEME PIERRE Me PAPE RU SM LEARN LV AA 7 tv EL ‘ 1 Û RARE Te NAT TT SE MA ” PLUS w | MANES ER PET $ WT SEA ve D. eme EEE EN Éd UT ARR MANU ENT V UUVEY Viwie AE À ' A) | ML AAA RARE VU Vi Me a ne VEN DE VS SU UE EN ST SU ÿ PHASE VUE An MAMAN nee Le on MN Y v M av Vi ÿ | \l TES M peu à À PM 1% endnaivonl eee ANUUCUNIE NV LS NS EEE LA ANA V REA AE à , AA à â à : Ma EU NM WA RER EÙ MW \ AATIF À Se: : CS VE de av FN ANT ones MM ve APE on Ve # \\o LE 4 É W! 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