COMMON NEC ia Dre es DCRCELE UE CLIN BCE DAT LATOS NET ! RE SSE ER ES dr ; D LR SIRET FR DSPENPRUNL EI ie LES Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa http://www.archive.org/details/agricultureexp00sarc AGRICULTURE EXPÉRIMENTALE : à m1 LÉ 21 Lou s A EF : f HA AGRICULTURE / EXPÉRIMENTALE, À lufage des Agriculteurs, Fermiers € ZLaboureurs ; Par M SARCEY DE SUTIERES, Ancien Gentilbomme fervant du Roi, Ni = 4 — YVERDON, LE SR NWDCCLX V. LE! DAAGET VENTURE a : s ” M Mr: nt Te #4 L ‘ \ . ; : - z 4 . = -# ie 1 \ . Le 1 ‘ : î 21: #7 , à C è LU” 14 WTer L E T T R *E D E M. :s ÀA:K:C E Y DR SQU TL E RES: Ancien Gentilhomme fervant du Roi. A M THIERY Doëteur de VA faculté de Médecine de Paris, €? Médecin confultant du Roi, Sur plufeurs objets d'Agriculture, & prin. cipalement fur la caufe la plus fréquen.. te des maladies des beftiaux. : Ous avez défiré, Monfieur, que je donnaffe au public les obferva- tions que l'expérience ES mon goût pour PAgriculture mont fournies fur cet art. a iÿ UE LETTRE fi néceffaire. Vous me cities un beaw palage de Celfe. * Pous croyez que l'A- griculture €3 la médecine fe doivent pre ter des fesours mutuels pour la conferva- tion © Paugmentation de notre efpèce. Je me Juis rendu à vos follicitations, Monfieur, € je vais publier le refultat des faits que mont fournis plus de vingt annees d'experience, Permettez que je vous donne ici une idée générale de mon Ov. orage ; cela Juffra pour vous prouver que je n'ai négligé aucune des queftions importantes que vous m'avez faites fur les maladies des befiiaux , fur celles des * Ut alimenta fanis corporibus Agriculture , fic fnitatem ægris Medicina promittit. À. Cormel. Celfus, in Praefat. Lib. 1, de Medecina. CETTRE Vi; bles, € fur tous les moyens de faire profbérer l'Agricukure. Je commence par les maladies épide. miques des beffiaux. Je fais voir qu'en général ils n'en font affigés , que parce gu'on les conduit fouvent dans des patu- rages fur lefquels les influences de l'air , les vapeurs € les exhalaifons de la ter- re ont dépofe une forte de venin vifible, qui a plus ou moins de malignité relative- ment aux faifons, aux climats € aux circonfiances des lieux €S des tems. Les pres artificiels, tels que la luxer- ne, le fainfoin, le trefle, font plus fuf ceptibles que les autres de l'impreflion de ce venin; parce que leurs feuilles plus lar- ges, plus épailles & plus dures que cel- les des prés naturels, le confervent plus & 17 vü) REIT TRE longiems: »Conféqueinment il y a to jours des inconvéniens à. envoyer les befiaux pâturer dans ces fortes de près, férctout depuis la fin de Septembre juf= qu'à la fin de Mars: faifons où Les brouillar ds, les influences de l'air €ÿ les vapeurs de la terre font plus fréquens € plus dangereux que dans autres tems. Je démontre l'inutilité. de ces mê- nes pres artificiels, €ÿ combien ils font préjudiciables dans plufieurs provinces de ce Royaume, €3 encore plus dans le nord. © Vous trouverez dans mon ouvrage, Monfieur ‘les moyens que j'ai employes pour préferver dans tous les tems mes bef taux de toutes ces maladies, Joit par es alimers que je leur aifait donner, &3 que mont procurès d'abondantes ré LŒÆTTRE. ix coltes, Joit par Pattention que j'ai tou. jours eue de ne pas les laiffer commun. quer avec les beffiaux malades de mes voifins. Vous penfes comme moi, Mon. fieur, que la chair infeülée de ces ani- maux € les mauvais grains font la caufe d'un grand nombre de maladies malheureufement fi communes dans nos campagnes :. auf en verrez.vous des preuves convaincantes dans mon ouvrage, - J'ai fait auffi quelques découvertes fur les engrais que l’on peut fubftituer aux fumiers, jindique les moyens de les appliquer à chaque nature de terre, ES de quelle maniere j'ai fait labourer , femer € arranger: ces mêmes terres; ce qui ma toujours produit des récoltes plus abondantes qu'à tous les habitans du x LETTRE. mème pays, quoique mes terres foient inferteures aux leurs. Je parle des moyens que j'ai employes pour garantir le bled dé la briine, €S empecher l'yvraie € € awfres mauvaifes graines dÿ faire des produétiors. Je prouve que quelque mauvailes que foient nos terres, même celles de tout lé Royaume, on peut, en y employant les engrais convenables, les cultiver tou- tes, €S récolter, comme dans la Fran. ce, la Brie €3 plufieurs autres Provin- ces: façon qui m'a toujours procuré une double récolte. Je crois avoir démontre une methode Jüre pour mettre une récolte à labri des rigueurs des différentes faifons. On verra ce que j'ai fait pour garder LETTRE Xj des bleds pendant quatre à cinq années, Jans prefque aucun frais, € (ans en altérer la qualité", ni lx bonté; de forte qu'ils peuvent apres cette efpate de‘temns fervir à la femence comme ceix dune aouvelle récolte. J'indique les moyens que ÿai employés pour rendre fains €$ ame- Borer tant les prés bas que les prés hauts, fans avoir befoin dy mettre ni ju- mie , NL EMQYAiS AUÉYeS Que Ceux que la nature procure à ces fortes de pres. Jannionce tout ce que j'ai fait faire pour les différens défrichemens, fans en brüler , deffécher , ni altérer les fucs €? les fels € les produits multiplies que j'en ai ti- rés pendant plufieurs années ; fans avoir befoin d'aucuns engrais : defrichemens que J'ai fait faire prefque fans art €ÿ fans xi LETTRE frais. Pous y verrez quels font les en. grais que j'ai employés dans mon pota- ger, € qui mont produit beaucoup de toutes fortes de legumes, €ÿ meilleurs que les fumiers les plus abondans € les plus excellens n’en pourroient procurer. Enfin je publie tous les moyens dont je me Juis fervi, pour faire perdre Les Sources €. moulières qui fe trouvent quelquefois dans les terres, ainfi que. pour détruire toutes les vermines qui nangent une grande partie des récoltes, € celles dont les granges fout ordinaire sent infectées , comme les rats, fouris, saulois , charanfons. J'ai l'honneur detre, €ÿc: AGRICULTURE ._.EXPERIMENTALE. N a beaucoup écrit, on écrit encore tous les jours; & tant que la mode en durera, on ne cefle- ra fans doute d'écrire fur Agriculture. Mais pour qui toutes ces théories fa- vantes, & cés fyftèmes de cultivation fe multiplient-ils continuellement? Eft- ce pour le lboureur? Il à fà routine qu'il fuit fans jamais s’en écarter. Il ne lit point de livres: ou fi par ba- zard il jette les yeux fur quelques-uns, 14 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. fouvent il ne les entend pes, ou très- peu. Eft-ce pour l'amateur, ou pouf celui qui voudra faire valoir fes ter- res par lui-même? Quelqu’intelligence qu’on ait, fi l'on n’eft un peu labou- reur, Ceft-à-dire, fi l'on n’a point pris fur les lieux des idées juftes du labou- rage, on couit rifque de mal appli- quer ce qu’on aura lu, ou de tout gâter en cherchant à rafiner. Pour moi, abandonnant aux fpécu- latifs le foin de prefcrire du fond de leur cabinet de nouvelles loix au la- boureur, & quelquefois même à la na- ture, je ne renfermerai dans cet ou- yrage que les obfervations que plus de vingt ans de pratique & d’expérience m'ont procuré. Je n’y rapporterai que AGRICULTURE EXPB'RIMENTALE. :$ des faits dont je fuis témoin depuis 1742, que mon goût pour FAgricul- ture m'a fait reprendre Foçcupation primitive & naturelle de lhonume, c’elt- adire, depuis que je fuis devenu la- boureur ; j'ai fait valoir & j'ai: conduit une des fermes de la terre de Ville-pa- rifis, qui eft à moitié chemin de Ja route de Paris à Meaux. Je me fuis en- fuite chargé de la terre de Belle-Fon- taine , fituée vis-à-vis de Montereau Faut-Yonne, à deux lieuës de Moret en Gâtinois; & je la gouverne depuis 1759. Ainli j'ai commencé par m'inf truire en opérant moi-même avant de vouloir inftruire les autres. Tels font les titres que jai pour écrire fur la feule pratique d’un art, fur lequel tout 16 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. le monde aujourd’hui veut faire des li- vres. Mon ouvrage eft donc autant l’hif- toire de mes travaux que le réfultat de mes fuccès. #3 (D ES MALADIES DES BESTIAUX. 1% someone il COR PT RE 'Æ Des maladies des befliaux. Caufes des épidémies € contagions. Es beltiaux étant la bafe & les prin- cipaux inftrumens de l'Agriculture, j'ai cru devoir fixer d’abord l'attention de mes lecteurs fur cet objet intéreffant, & les occuper de leur confervation. Il ne faut pas chercher bien loin la cau- fe des maladies contagieufes , qui font de- puis plufieurs années tant de ravages par- mi les beftiaux. Klles ne proviennent cer- tainement que des mauvaifes pâtures, des prairies artificielles, &c. dans lefquelles on les conduit, fans examiner auparavant s’il wy à aucune rouille fur la luzerne, le fainfoin, le tréfle, & fur les autres herba- ges. Cette forte de rouille me Mataré PI U< 49 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. duite, foit par de mauvaifes vapeurs & exhalaifons de la terre, foït par les vents mal-fains que les paylans nomment roux- vents, {oit par les brouillards & lair in- feté qui pañlent fur certaines contrées. Il n'arrive que trop fouvent que les vaches qui fortent de ces pâturages, fe trouvent comme empoifonnées de cette rouille. Les unes enflent bientôt & créèvent; d’autres n’ont que la bouche & la langue malades: enfin il y en a qui ont toute la tète dou- loureule au bout de quatre ou cinq heu- res, & le mal devient quelquefois incura- ble. Les moutons d'autre part attrappent la clavelée ou le claveau. Quelques-uns de- viennent enflés, & périflent aufli-tôt. D’au- tres font attaqués par la tête: & le mal que les bergers appellent coxp-de fang , leur donne des étourdiffemens dont ils meu- * MALADIES DES BESTIAUX. 19 rent quelques jours apres. Ceux qui fup- portent le mieux le mal, font précifément les plus dangereux, parce qu’ils le com. muniquent aux autres. De-là cette conta- gion qui fe répand dans tout un pays, qui s'étend de proche en proche, & qui infecte fouvent des provinces entières, & mème tout le royaume. Il y a encore une autre maladie qui n’eft que trop commune aux moutons: c’eft la pourriture. Quoique fcette maladie ne fe communique que peu fouvent, néan- moins un troupeau en périt prefqu’en en- tier. On a la douleur de voir cet effet fu. nefte cinq ou fix mois après qu’on la conduit dans des pâturages dont les pro- duétions ne font occafionnées que par la. bondance des pluies, c’eftà-dire, les her- bes qui pouflent dans les mois de Septem. bre & d'O&tobre; & voici ce qui y dou- B 2 92 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. ve occafion. Les fermiers du Gätinois & de bien d’autres provinces font prefque tous faucher leurs avoines & les autres grains de Mars. Malgré l'attention de ce- lui qu'on emploie pour cette opération, il en fait tomber au moins la femence par la fecoufle que fa faulx donne à la tige. Pendant douze ou quinze jours que les grains reftent en javelle fur la terre, lher- be & le grain qui eft tombé pouffent; l'un & l'autre s’entrelaflent dans les javelles, de forte qu’on ne peut les arracher qu’en forcant le rateau. On en fait encore au moins égrainer la femence. Voilà donc à peu-près fix hbichets * par arpent d’avoi- ne répandus fur la terre. Les pluies tom- RÉ K Le bichet eft une mefure qui pefe environ 40 livres. Il faut fix bichets pour faire le fep- tier de Paris. MALADIES DES BESTIAUX. 27 bent enfuite. Comme la terre n’eft point Jabourée, &æqu’elle n’a prefque plus de fe- ve, les produ“tions qu’elle donne ne ti- rent de nourriture que de l’eau. Pour épar- gner les fourages fecs, on y fait aller les troupeaux de très-bonne heure. Ces ani- maux qui trouvent cette production teri- dre & délicate, en mangent , mème avec excès. Comme ce n’eft prefque que de Peau , ils fe pourriffent in{enfiblement. Des que le printemps commence, la terre de- vient en féve. Elle produit de nouvelles herbes qui renferment toute la force dont elles font fufceptibles. A peine en ont-ils mangé quelques jours, que n’en pouvant point foutenir les fucs & les fels, ils dé- périflent peu à peu, & le troupeau de- vient à rien. J'ai vu plufieurs fois cet ac- Cident , mais furtout en 1762. Un fer mier de mon canton a perdu tout fon trou- B 3 22 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. peau pour l'avoir fait conduire dans des pâturages d’où l’on avoit noyellement en- levé les avoines. S'il avoit eu l’attention de faire donner du fourage fec à {es mou- tous avant de les envoyer dans ces champs, il n’auroit perdu que les plus vieux, les plus foibles, & ceux qui étoient les plus mal-fains. Mais il les auroït tous confervés en ne les y laiflant point aller. Que ce foient les mauvaifes exhalaïfons de la terre, les brouillards, la bruine, les tems humides, & les autres influen- ces de l’air qui corrompent les pâturages, je m'en fuis bien des fois pleinement con- vaincu, fur-tout vers la fin de Février de année dernière. Comme j'étois occupé dans les champs à faire travailler des ou- vriers dans deux jours différens, je re- marquai le matin une vapeur en forme de brouillard qui s’élevoit fur 25 ou 30 ar- MALADIES DES BESTIAUX. 23 pents de nos prés, & de ceux de Flagy à trois ou quatre pieds de terre. Cette va- peur ne fut pas long-tems fans difparoi- tre & Le dépofer. J'allai dans endroit où je l'avois remarquée : jy arrachai plufieurs feuilles d'herbe, fur lefquelles je trouvai la rouille blanche dont je viens de parler. Je portai mes pas plus loin fur un champ où je n’avois point appercu le brouillard. Je n’y trouvai pas la moindre rouille. Or la preuve que cette rouille, en infectant les pâturages, caufe les maladies des bef tiaux , c’eft que les fermiers & laboureurs des villages voifins ont actuellement une partie de leurs beftiaux malades, & qu'il leur en meurt beaucoup tous les ans, tan- dis que les miens font dans le meilleur état. Les prés bas qui font négligés & dans lefquels on ne fait ni faignées ni fofés pour B 4 24 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. faire écouler les eaux qui croupiflent, font évidemment plus fujets que les autres ter- reins à ces fortes d’exhalaïifons. D'ailleurs le mauvais état où ils font, à caufe de la moufle qui épuife la fubftance du fol, où qui en arrête la végetation;s ne leur per- met pas de poufler autre chofe que de mauvaifes herbes, dont le fuc étant cor- rompu dans fon principe, infecte à la lon- gue les beftiaux qui s’en nourriffent. Ainf tant que les laboureurs & les fer- miers du Gätinoïs & des autres provin- ces négligeront la partie effentielle des pà- turages, ils auront toujours des mortali- tés ou des contagions dont fe reflentiront leurs voifins. Aufli ai-je expérimenté de- puis 1742, qu'en s’abftenant, fur-tout depuis la fin de Septembre jufqu'au mois d'Avril, d'envoyer les vaches & les mou- tons paitre dans les tems de brouillard & MALADIES DES BESTIAUX. 25 de rouille, on les préfervoit de toutes {or- tes de maladies peftilentielles. On peut pendant ces fix mois les nourrir de fou rages fecs, comme de paille de forment, ou de gros méteil pour les troupeaux; & pour les vaches de fourage d'avoine, de paille de petit méteil & de feigle, de paille au van, & de paille d'orge. En les gou- vernant de cette manière, & mème en doni- mant le matin à la fin de l'automne & pendant l’hiver aux beftiaux un peu de ces différens fourages avant que de les en- voyer aux champs , les jours qu’on peut le faire fans courir aucun rifque, non-feu- lement on les garantira de beaucoup de maladies, mais ils feront encore plus gras, & la chair en fera meilleure: car les pà- turages dans ces deux faïfons font tou- jours détrempés d’une humidité très-mal- 26 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. faine qui les pourrit, & qui, fi elle n’eft pas toujours mortelle aux beftiaux, leur eft du moins très-nuifible. L’herbe des champs & les prés hauts font moins dangereux. Il ne faut pour les fecher qu’un rayon de foleil; parce que les feuilles des herbes n'étant pas fi lar- ges ni fi épaifles que celles de la luzerne, du fainfoin, &c. retiennent moins l’hu- midité & la rouille. Au furplus il y a des pays plus fujets les uns que les autres à toutes ces fortes d’influences. L'Italie mè- me n’en eft pas exempte; & certains can- tons qui avoifinent la mer, en font prin- cipalement affectés. Aufli m’a-t-on afluré que les habitans y perdent beaucoup de bétail dans les mois de Septembre & de Novembre ; ce qui n’arriveroit jamais, fi lon n’envoyoit les beltiaux aux champs que par un beau foleil, une petite gèlée , MALADIES DES BESTIAUX. 27 ou après une forte pluie, capables de 1e- cher, d'enlever, ou de laver la rouille dé- pofée fur les herbes, & après leur avoir donné des fourages fecs des granges. Quand il court de ces maladies qui font apportées fouvent par des beftiaux étran- gers qu'on amène dans les foires pour les vendre, il faut foigneufement éviter que les autres ayent quelque communication avec eux, jufqu’à ce que l’on fe foit aflu- ré de leur fanté. Voila le moyen de les prelerver fürement de toutes maladies con- : tagieufes. C’elt une expcrience que j'ai fai- te depuis 1742, jufqu’en 17$1; tems où j'ai fait valoir par moi-mème une partie de la terre de Ville-parifis. Dans une de ces années il furvint une maladie fi con- tagieule fur les vaches, & d’un effet fi ra- pide , que lorfqu’un fermier avoit une feule de ces vaches malade, en eüût-il eu 28 AGRICULTURE EXPE'RIMENTALE. cent, 4 les perdoit toutes, fans qu'aucune pûüt échapper. J'ai vu pareil accident arri- ver à notre fermière de Grefly près de Claie. Cette fermière avoit trente vaches. Elle s’avifa dans ce tems d’acheter fix gé- nifies. Nous lui confeillâmes, M. le Prieur de Grefly & moi, de tenir ces fix gémif- fes {éparées de es autres vaches. Elle nous répondit qu’elle les avoit achetées d’un homme qui avoit de bons certificats, qui portoient que la maladie contagieufe n’étoit point dans {on pays. Nous eumes beau lui repréfenter que ces génifles pouvoient lavoir contracté par la feule communica- tion avec celles qu’elles avoient trouvées en chemin pour venir en foire, ou pour avoir pâturé dans des endroits ou d’autres vaches ou génifles attaquées de la mala- die contagieufe avoient été paître. Elle s’ob£ tina à les faire mettre dans la même éta- MALADIES DES BESTIAUX. 29 ble que fes autres vaches. Ce que nous craignions pour ces beftiaux, ne tarda point à fe manifefter. Cette fermière , ainfi que bien d’autres, perdit & fes génifles & fes vaches. Mais ce qui fait voir que ce n’eft que par la communication de ces fix génifles qu’elle voulut, malgré nos avis mettre avec {es vaches, qu’elles périrent toutes , c’eft que M. le Prieur de Grefly qui faifoit valoir fon bénéfice, & qui avoit huit on dix vaches logées à la diftance de plus de 20 toiles de celles de la fermiè- re, n'en perdit pas une. Il avoit {oin de ne les laïfler fortir que dans fa bafle-cour ; ainfi que dans {on jardin, & dans celui d'un de fes voifins où il y avoit un peu de pâturage. On ne les y laïfoit même que très-peu de tems, & feulement pour prendre l'air & boire. Elles étoient enfui- te renfermées dans leurs étables, où elles 30 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. trouvoient leurs auges garnies des nourri- tures que j'ai indiquées plus haut. Au moyen de ces precautions M. le Prieur conferva toutes {es vaches. Pendant que ce que je viens de dire fe pafloit à Grefly, Ville-parifis où je refidois n’étoit pas exempt de la maladie des va- ches, & beaucoup d’habitans & fermiers en perdoient. Jen avois une quinzaine tant au château que j'occupois, qu'a la ferme que je faifois valoir. J'obfervai de point en point tout ce que je viens de dire. Je leur fis donner pendant plus de deux mois des différentes pailles de la gran- ge, & cependant on ne les menoïit point ailleurs que dans le parc, tant pour les faire boire & leur faire prendre l'air, que pour pâturer dans les dix arpens de pré dont il eft compofe. Par cette conduite MALADIES DES BESTIAUX. 31 je ne perdis aucune vache; elles étoient au contraire dans le meilleur état. Jai à Belle-Fontaine 25. vaches, 8. che- vaux, & beaucoup de poules qui n’ont eu aucune des maladies épidémiques dont prefque tout le pays s’eft plus ou moins reflenti. Je ne repéterai point ce que j'ai dit fur la manière de gouverner les ani. maux pour les conferver toujours fains; mais je puis apporter en preuve & produi- re ici mon expérience. La principale at- tention que je recommande, après le foin de leur nourriture telle que je la leur don- ne moi-mème toujours avec fuccès fuivant les circonftances , c’eft d’émpècher qu'ils n'ayent aucune communication au moins pendant un certain tems avec d’autres ani. maux de leur efpèce. On évitera par cet. te précaution, non feulement le danger de là çontagion pour les beftiaux, mais 32 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. encore bien des maladies qui courent par- mi les hommes dans certains cantons, & quelquefois dans les petites villes. Qu’ar- rivet-il en effet des maladies que contrac- tent les animaux? C’elt que beaucoup de fermiers & habitans de la campagne fe voyant à la veille de les perdre, cherchent à les vendre à vil prix pour en tirer au moins quelque chofe. L’avidité du gain porte les bouchers de village à acheter ces animaux infectés : ils les tuent, ven- dent à grand marche les plus mauvais en- droits aux habitans du lieu, & portent le refte dans les marchés des petites villes voifines. Je laiffle à juger le défordre qu'u- ne pareille nourriture peut caufer dans le corps humain. Il eft aifé de fe convain- cre de la vérité de mon obfervation, en examinant ce qui {e pafñle pendant le cours de MALADIES DES BESTIAUX. 33 de ces maladies dans les villages & les marchés. On verra que l’on ÿ trouvé quelquefois de la viande à moïns de deux fols la livre. Ce n’elt point qu’il n’y en ait auff de très-bonne: mais comme cet- te dernière coute $. fols, les pauvres gens courent à celle qui n’eft pas fi chère, & par économie s’en empoifonnent. De-là naïiflent plufieurs de ces maladies que l’on appelle épidémiques, parce qu’elles font générales, & qu’elles attaquent tous les habitans d’une contrée qui ont mangé de la même viande, ou d’une vache infectée que le boücher aura quelquefois achetée dans le lieu mème. Il en eft de mème du pain que mangent ks pauvres payfans. Les boulangers par le mème efprit d'intérêt, au lieu d’acheter le bon grain au pris qu'il vaut, achèteng ordinairement le plus mauvais bled, & (® ; 34 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. mème celui qui eft chaufouré. () Com- me ils ont ces fortes de bled à très - bon compte, ils s'inquiètent peu du mauvais effet qu’ils peuvent produire. Ils en font du pain qu’ils vendent à un liard ou deux de moins par livre que celui des marchés. Le pauvre achete ce pain préférablement au bon, & par cette mauvaile nourriture contracte des maladies mortelles que lon peut appeller épidémiques, parce qu’elles font communes à tous ceux qui ont vécu de ja mème manière. En doit-on être furpris ? puifqu’il eft certain qu’elles n’ont d'autre {ource que la qualité dépravée du grain, dont par une malheureufe écono- mie on a voulu {e fervir. _(#) On appelle bled chaufouré, du bled qui s’eft èchauffé, foit ‘parce qu'il y a eu des ger- bes entaflées trop humides, foit parce que ces mêmes gerbes contenoient de mauvaifes herbes qui n’étoient pas affez feches quand on les à mi- fes dans les granges. MALADIES DES BESTIAUX. 3$ Plufeurs fermiers ne font point aflez attentifs à préferver leur monde, fur-tout pendant la moiflon, de cet accident. Com. munément ils gardent du bled gâté, dont ils font ufage dans le tems de leur récolté. S'ils ont quelques beftiaux qui fe pourtif- fent, ils les font manger à leurs gens. Quel avatantage retirent-ils de cette impruden- ce? C’eft que tous leurs domeftiques tom. bent malades. Leur récolte en fouffre con. fidérablement, & dépérit en partie; parce qu’alors on ne peut plus trouver d’autres ouvriers, vu que tous les gens de la cam- pagne font occupés à faire la moiflon chez d’autres perfonnes. Aufli me contentai-je de répondre à un fermier qui me difoit à Ville-parifis que j'étois heureux de n’avoir aucun domeftique malade, qu’il le feroit autant que moi quand il le voudroit bien fincérement; qu’il n’avoit qu'à me point GET 36 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. acheter de vaches malades ou pourries pour $. liv. mais donner de bon pain & de bout- ne viande à fes domeftiques , & qu’alors ils fupporteroient en bonne fanté les fati- gues de la moiïflon. Le remède à ce mal feroït d’empècher de vendre les mauvailes viandes & les mau- vais grains. Mais que faire, me dira-t-on, de ces derniers ? Qu’en faire ? En engraif fer des cochons, ou de la volaille, après Pavoir fait cuire dans l’eau , pour lui ôter par la cuiflon une partie de fa mauvaife qualité. On trouvera dans cet ouvrage des moyens fürs pour n’avoir pas de ces grains pernicieux, & pour en garder de bons, {ans frais, pendant dix années, fi on Île juge à propos. Je reviens aux befliaux. Si l'ont veut qu’un troupeau fe porte bien, que la laine & la chaïîré en foient également bonnes, it MALADIES DES BESTIAUX. 39 faut auffi avoir grand foin de ne pas lé. touffer dans une bergerie, & de ne le laif er dans fon fumier que le moins que l’on peut; car c’eft par ce défaut d'attention que la chaire & la laine des moutons con- tractent ‘une mauvaile qualité. Pourvu qüe ces animaux foient bien à couvert dans les mauvais tems & dans les faifons plu- vieufes, ils n’en font que mieux de pren- dre Pair le plus qu'il eft poffible. Quand il y a une forte rofée, ou du brouillard & de la pluie, il faut néceflairement les enfourer (*) avec de la gerbée. Il eft bon mème de leur en donner tous les jours un peu depuis le mois de Novembre qu'ils quittent le parc, avant de les envoyer RD EESMRRE OD EE MOD DONS SRE 2 CREER ee (> C'eft-è dire, donner pour nourriture des pailles de froment ou gros méteil. ’ C 3 48 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. aux champs. Outre qu'ils s’en portent beaucoup mieux, la paille qu'ils ont fo- ragée , leur fert de litière; & l'on ne peut leur en trop donner dans les deux faifons d'Automne & d'Hiver. On m'a fait une objection fur la caufe générale que jattribue aux maladies des beftiaux. Si c’étoit . dit-on , les mau- vaifes influences de l'air, & les exhalaïfons mal- faines des terreins dont le venin fe dépofe fur l'herbe des prés tant naturels qu'artificiels, qui produifent ces maladies, ne devroient-elles pas être aufli nuifibles, auff préjudiciables à l’homme ? Cela peut fans doute arriver , mais le cas eft fort rare. 1°. Parce que les exhalaïfons ter- reftres ne s'élèvent ordinairement que dans des terreins marécageux, ainfi que dans les prés hauts & artificiels; & que ces terreins font encore ceux qui attirent ou MALADIES DES BESTIAUX. 39 fur qui fe fixent les plus mauvaifes in- fluences de l'air. 2°. Parce que la terre où { trouvent les fourages dont j'ai parlé, n'étant jamais ni labourée, ni remuée ; ce qu’elle contient de vapeurs, de {el, & de fucs différens, ne pouvant en fortir qu’a- vec peine, les exhalaïfons font plus fortes, & les influences de l'air attirées par les {els & les vapeurs du fol, s’y dépofent plus aifément ; au lieu qu’une terre qui eft labourée & remuée, s’exhale & s’évapore plus aifément, fur-tout par l’action du {o- leil qui pompe plus facilement toutes les évaporations. Au furplus les hommes ne mangent point de ces herbes où eft dépofe ce venin, quoiqu'on ne puifle pas nier ab. folument, que les maladies ne foient plus fréquentes dans le pays où l’humidité {0 journe plus long-tems. C 4 4o ÂAGRICULTURE EXPE'RIMENTALE. Quant à la contagion provenante des fourages infectés par ces fortes d’exhalai- fons , elle s'étend quelquefois jufqu'aux chevaux qui fe communiquent entre eux- mêmes jufqu’aux plus fimples maladies. En 1764. au mois de Février j'achetai dèux chevaux à Chéroy. L'un d’eux avoit ce qu’on appelle en termes du pays poujole, efpèce de rhume qui rend les che: vaux aufli malades que nous le fommes ordinairement de cette incommodité; car ils touffent & jettent de tèms en tems par les narrines, comme une perfonne qui à un rhume de cerveau. Quelques jours après fix autres chevaux de ma ferme eu- rent tous la mème maladie. Heureufement elle n’eft pas dangereufe, quañd on afoin de ménager fes chevaux, & de ne pas les excéder de travail. Comme alors ils font dégoûtés, quand ils ne mangent pas bien * MALADIES DES BESTIAUX. 41 leur avoine, ilfaut leur donner un peu de bled, & les mettre à l’eau blanche; ce qu’on fait en jettant dans ce qu’ils doivent : boire deux poignées de farine de feigle. On ne doit leur donner, pendant qu'ils font dans cet état, ni foin, ni luzerne, mais feulement de la gerbée, & des me- nus de froment ou gros méteil. Cette fa- con fimple de les alimenter m'a toujours réuffi, & je me garderai bien d'en em- ployer d’autres, fur-tout de les faire fai- gner fuivant lavis très - hazardé des Au- teurs modernes. Il eft beaucoup de fourages fecs qui cau- ent aufli une infinité de maladies fort {e- rieufes aux beftiaux & aux chevaux d’une ferme. La paille de froment par exemple, celle de méteil , lorfqu’elles proviennent d'une récolte pourrie & infectée de bruïne, «de bled teint, rouillé ou niellé. L’on { 42 AGRICULTURE EXPERIMENTALE. défendra de ces inconveniens, fi l’on don- ne à propos aux terres les labours nécel- faires, les engrais convenables, & la {e- mence mile en chaux, comme je Pindi- querai plus bas. Par ces précautions la tige des bleds étant plus forte, fera ca- pable de réfifter aux vapeurs, aux exha- jaifons de la terre & aux brouillards. La récolte de 1764. fervira de preuve à ce que J'avance. Dans tout le Gâtinois il a paru des vapeurs, des exhalaifons, des brouillards , depuis le 3. Juin jufqu'au 7- du mème mois. Ils n’ont communément duré que trois heures, c’eft-à-dire, depuis $. heures du matin jufqu’a 8. Quels ra- vages n’ont-ils pas faits ? Ils ont gâté, pourri & perdu une aflez grande partie de la récolte. Pourquoi? C’eft que les terres n'ont point eu les labours qu’elles 27e à 5: » g. # fl exigcoient, ou qu'ils n'ont pas ete apple MALADIES DES BESTIAUX, 43 qués dans les faifons convenables. C’eft qu'on leur a réfufe les engrais propres à leur nature, ou qu'on n’a point chaulé eu enchaufé leur femence , de maniere qu’elle donnât des productions qui fuflent en état de réfifter aux vapeurs & exhalai- {ons de la terre, & aux influences mal- faines de lair. L'expérience a déja dé. montré ce que je viens de dire. Javois 65. arpents de bled. J'avois pris les: pré- cautions que je viens d'indiquer : auffi n’ont-ils été attaqués ni de nielle, ni de teinture, ni de bruine. On n'ya pas mème vu de faux bleds ni d’yvraie, ni d’autres mauvailes graines , pendant que les terres de mes voifins en étoient toutes remplies : ce qui prouve clairement que ma façon de mettre le bled en chaux eft æapable {eule de le préferver de toutes for. tes de maladies, d'empêcher les mauvai- 44 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. fes graines d'y croître, & de leur donner affez de force pour réfifter aux exhalai- fons & vapeurs de la terre & aux mauvai- fes influences de l'air. Ceux qui ont en- chaulé leur femence comme moi, en ont retiré les mêmes avantages. Il en réfulte encore un bénéfice confidérable. C’eft que mes récoltes font toujours plus abondantes que celles des autres, foit en grain, foit en fourage, tant pour la qualité du grain qui eft toujours fupérieure à celle de mes voifins, que par la quantité de gerbes. Jen fais fortir un & quelques -fois deux boiffaux de bled de plus par douzaine de gerbes. Or file bled qui eft la plus ro- bufte des plantes eft fujet à tant d’incon- véniens , peut-on être furpris que l’herbe _des prés artificiels les éprouve fi fouvent ? Ses feuilles font épaiñles & larges ; elles recoivent par conféquent plus de vapeurs, & MALADIES DES BESTIAUX. 4S & les gardent plus long-tems que les prés ordinaires. D'ailleurs les vapeurs qui for- tent d’une terre qui n’a point été culti- vée, {ont bien plus fortes que celles qui s’exhalent d’un {ol qui a reçu trois ou quatre labours. Quel effet ne feront-el- les donc point fur les beftiaux, fi on les y mène pâturer avant qu’elles ayent dif paru? Mais pourquoi ces exhalaifons in- fluent elles plutôt fur un terrein que {ur un autre, qui eft quelquefois à côté? La raifon en eft fimple. C’eft qu’elles ne {or« tent très-ouvent que par canton , & à proportion que les endroits font plus ou moins humides , ou que le {ol renferme une plus grande quantité de fels & de fucs. Mais, me dirat:on, fi ce font les exhalaifons de la terre, ou les influences de Vair qui gâtent le bled, les épis étant les mêmes dans toute la pièce, comment 46 ÂAGRICULTURE EXPE RIMENTALE. fe peut-il faire que dans le mème épi de bled il y ait des grains qui foient corrom- pus par les bruines où par la rouille, & qu'il y en ait de teints, tandis que d’au- tres ne font attaqués d’aucun de ces acci- dens ? Le voici. Lorfque cette vapeur de la terre s'élève à trois ou quatre pieds de hauteur en forme de brouillard, le vent la chañle à proportion de fa force. Elie s'applique fur la partie de l’épi qu’elle ren- contre d’abord, & les deux côtés n’en recoivent que tres-peu; & le derriere n’en a point du tout. Il ne doit donc pas pa- roître étonnant que les grains qui en ont été frappés en plein f{oient totalement pourris, de facon qu’ils ne donnent qu’u- ne poufhère noire qui infecte: les deux côtés de l’épi qui n’en ont recu que très- peu, parce qu’elle a pañlé obliquement, ne {ont que teints de noir ou rouillés: & ST ur L'ur se Élus MALADIES DES BESTIAUX. 47 le derrière fur lequel elle ne s’eft point ‘du tout repofée, ne doit point avoir la moindre teinture, mais être dans fon état naturel. Ce qui acheve de démontrer que le mélange de bons & de mauvais grains dans le mème épi n’a point d’autre caufe que celle que je viens d’afligner, c’eft que le bled qui eft prefque renverfé par terre. eft toujours prefqu’entierement attaqué des maladies dont il s’agit; parce qu’étant à Pabri du vent, il a recu de tous les cô- tés la vapeur & les exhalaifons. Seroit-il auff aifé d'expliquer pourquoi une pièce de bled eft quelquefois plus chargée que celle qui eft auprès , quoiqu’elle {oit de la mème nature ? Sûrement. C’eft que cette pièce n’a point été labourée ni femée dans le mème tems que l'autre; c’eft qu’on lui a donné un labour de moins, où qu’on Va fumée plus tard: le bled en eft moins 43 AGRICULTURE EXPERIMENTALE. fort, & ne peut pas réfifter aux exhalai- {ons de la terre, ou aux malignes influen. ces de l'air. Voulez-vous donc les en pré- ferver pour toujours? Suivez ma méthode pour les labours & les engrais ;' mettez-y de la femence chaulée, comme je lindi- querai bien-tôt, & vous ne courrez plus aucun rifque. Vous ferez plus: vous la mettrez à l'abri des différentes faifons, com- me je le ferai voir plus en détail dans le chapitre fuivant. Je deémontrerai égale. ment les moyens qu’on doit employer pour améliorer les prés hauts & les prés bas; de façon que le fourage qui en provient ou les pâturages qu’on y fait faire, ne nuifent en aucune façon aux animaux que lon y mene paître. C’eft donc par mes récoltes bien faines, & en empèchant la communication de mes … be. MALADIES DES BESTIAUX. 49 beltiaux avec ceux de mes voifins dans le rems des maladies épidémiques , que je les ai garantis de tout accident depuis 1742, que j'ai commence à faire valoir par moi- méme. D'où je conclus qu’il eft bien plus eflentiel de prendre ces précautions que de chercher des remèdes que l’on ne peut ja. mais déterminer avec fuccès que quand on connoît la nature & l’efpèce de maladie , qui communément eft différente , parce qu’elle n’elt pas toujours occafionnée par la même caufe ; par conféquent qu'il vaut beaucoup mieux indiquer le moyen de s’en préferver , que de mettre {on efpérance dans des remèdes très-incertains. Mais que faire, me dira-t-on, des débris de cette récolte pourrie, infectée par les maladies de bruïine, de nielle, & de beau- coup d’autres e{pèces , puifqu’en en faÿfant du pain, ils peuvent caufer aux hommes D 40 AGRICULTURE EXPE'RIMENTALE. des maladies épidémiques ; & qu’en en don- nant la paille aux animaux, ils produiront fur eux le mème effet? Il faut mettre ces bleds en chaux de la manière que je Pin- diquerai. Jettés fur la terre, ils produiront une récolte très-belle, très-faine, & tres- abondante , pour peu qu’on aït pañable- ment labouré le fol, & qu’on lait pourvu d'engrais qui lui foient analogues. À l'égard des pailles , ne vous en fervez que pour faire de la litière aux chevaux & aux vaches. Ces animaux étant ordinaire- ment liés dans leurs écuries ou étables, ne pourront y toucher; ayant d’ailleurs de meilleurs alimens , ils ne chercheront pa à manger ceux qui feront infectés. Jen appelle encore à l'expérience que jen ai faite tant à Ville-parifis qu'à Belle. fontaine. Quand j'ai commencé à faire va. leir dans ces deux endroits les bleds que les MALADIES DES BESTIAUX. st fermiers m’avoient laïflés, étoient attaqués de toutes fortes de maladies, & pleins de mauvailes graines. Avec ma facon de mettre le grain en chaux, & fans jamais changer de femence, je l'ai très-bien purifié, & jai récolté les années fuivantes de plus beau bled, en plus grande quantité, & meilleur que celui de mes voifins. On en a toujours été furpris depuis 1759 ; mais j’efpère qu’on le fera encore beaucoup plus l’année pro- Chaine , parce que j'aurai plufieurs corps de ferme compofés de différentes natures de terres, & dont le labour fera de cinq char- rues. C’eft fur une quantité de cette efpèce qu’il faut faire les expériences d’agriculture, & non fur des petites portions, qu'il eft très-aifé de rendre fertiles, fans connoître tout ce qu'il faut pour rendre toute forte de fol propre à toutes les productions. Jaurai cent dix arpens de bled à récolter D 2 $2 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. au mois de Juillet prochain fur toutes fortes de natures de terre : j'aflure d’avance que mes bleds n'auront aucune des maladies de bruïine, bled teint & rouillé; & je {uis très-certain que ceux qui n'auront pas mis leur bled en chaux comme moi, en auront plus ou moins, fuivant que les exhalai- fons , les vapeurs de la terre, & les in- fuences de Pair feront plus ou moins fortes. KAKKKKKÉ LENGRAIS. 52 C'H'A PI TRESLT Des engrais. | L y a plufeurs efpèces d'engrais. La plüpart font aflez connus , & on ne péche communément que dans la manière de les appliquer. J'en indiquerai une capable de procurer tous les avantages poflibles. Fuiers des baffes-cours. Les fumiers des bafles-cours {ont l’enz grais qu'on emploie ordinairement pour améliorer les terres ; &ils produifent tou: jours un très-bon effet, lorfqu’on ne les met que dans celles qui les éxigent; car toute forte. de fumiers ne conviennent pas, à toutes les terres. Le fumier de bergerie ; par exemple ;, le crotin de pigeon, font, bien mieux fur les terres lateufes, humi. D 3 54 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. des, froides & argilleufes, que dans tout autre fol. Les fumiers de vaches & de che- vaux conviennent aux chaudes, & à celles où il fe trouve des cailloux ou de la marne, du crayon ou du fable. Tous les funriers de bafles-cours, comme ceux de chevaux, de vaches, de moutons , de porcs, &c. mèlés enfemble font un très-bon effet dans toutes les terres, comme celles à blanc li- mon, terres franches , lateufes, noires, & terres fortes. J'en ai mème fait mettre dans des terres chaudes, cafles , glutineufes ; dans celles où il y avoit de l’argille & de laglaife. Ces différens fumiers accompagnés quelquefois de marne ou de gazons y ont produit des effets merveilleux. Mais ce à quoi il faut être tres-attentif, c’eft de les y appliquer dans les faifons convenables , de n’en mettre que la quantité qui y eft mécefläire, de la répandre également par- « ExGRAISs ‘; tout, & de la faire enterrer au premier ou au fecond labour au plus tard. Par ces me- fures, tous ces engrais ne feront qu'un corps avec la terre; & quelque diverfité de faifons qu'il arrive, ils lui feront toujours donner d’abondantes productions. Ils ne produiroient au contraire qu’un très-mau- : vais effet, fi on attendoit à les enterrer avec où peu de tems avant la femence ; car comme ces fumiers ne font prefqu’en- core que de la paille qui a fervi de litiere aux chevaux & aux vaches, fans être con- fommés , ils fe trouvent rafflemblés dans eertains endroiîts. La charrue les entraîne avec la femence, & empèche que la terre en foit par-tout également fournie. Ils rem- plifent d’ailleurs le champ de mauvaifes herbes qui font périr le peu de bled qui poufe dans les terres ainfi apprètées. Les crotins de brebis , de pigeons & de poulles D 4 $6 AGRICULTURE EXPE'RIMENTALE. font analogues à quelques terres ; mais pour qu’ils donnent la qualité dont elles ont be- foin, il ne faut les y répandre qu’apres le dernier labour. On y fait enfuite femer le bled. On enterre les uns & les autres avec la herfe, afin qu'ils ne faflent plus qu'un mème corps avec la terre. Ils la réchauf fent; & les fels & les fucs qué ces crotins procurent à la {emence , la font germer plutôt, poufer plus vite, & lui donnent la force de réfifter à l’'Hiver le plus rigou- reux. Aufli les fermiers qui attendent le mois de Mars ou d'Avril pour jetter fur la terre cet engrais , font-ils très-mal; car des que le foleil devient aflez fort pour OCCa- fionner le hâle & la fécherefle, ces crotins brülent la plante des bleds. D'ailleurs il rélulte un autre inconvénient , lorfque ces engrais, ainfi que tous les autres, ne font point répandus également par-tout : car ENGRAIS. LS certains endroits de la terre en ayant plus qu'ils n’en éxigent , ne donnent qu’une grande paille de bled veule qui ne préfente que de petits épis , & qui ne vient pas mème toujours en maturité ; parce que le bled verfe, fe pourrit, & devient lui-mè- me en fumier. Les autres engrais capables de remplacer avec avantage les fumiers de bafles-cours , font le parc, les marnes de différentes efpèces de diverfes terres neuves, les gazons des che- mins & des friches, & la manière de mettre le bled en chaux, ou comme l’on dit dans certaines Provinces, de le chauler ou de l’en- chauffer avant de le faire femer. Je les préfère aux premiers, non-feulement parce qu'ils font graîner davantage les bleds, mais encore parce qu'ils lui donnent une qualité bien fupérieure, qu'ils en fortifient la paille, & qu’ils la rendent meilleure & plus nour- $3 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. rifante. C’eft une expérience annuelle que Jai depuis 1742. jufqu’à préfent, fur un corps de Ferme, d’abord de deux, & en- fuite de trois charrues , & compofé de plu- fieurs pièces de terre de différente nature. Le difcernement avec lequel j'ai fait appli quer ces divers engrais, m'a toujours fait parfaitement réuflir. Je vais le faire con- noître ; afin que ceux qui voudront s’y con- former , puiflent en retirer les mèmes avan- tages. Comme la manière dont je fais met- tre le bled en chaux, lui procure un en- grais très-confidérable, je commence par lindiquer au Lecteur. ÂManière de mettre le bled en chaux. Jar d’abord un tonneau defoncé ou un cuvier capable de tenir à peu-près un muid d’eau. Après l’en avoir fait remplir, je fais jetter dedans environ un boifléau de crotes MANIERE DE CHAULER LE BLED. $9 de moutons , une pareille quantité de celle de pigeons & de poulles, un boifleau de bouze de vaches, autant de fiente de che- vaux, & environ un boifleau de cendres de genièvre, ou de genèt, ou de chène. Si l’on pouvoit mème former cette cendre dont je viens de parler de ces trois plantes, elle n’en feroit que meilleure. Je fais en- fuite fi bien remuer tous ces ingrédiens avec un bâton, une fourche, où tout autre inftrument , qu’enfin ils ne font plus qu’un même corps. On repéte cette opération : pendant cinq ou fix jours. Ces différens fumiers fermentent dans cet intervalle com- me du vin qui eft dans la cuve. Ce tems expiré , ce mélange fe calme, & fe con- vertit en une graïfle qui produit les effets dont je parlerai plus bas. Lorfque je veux chauler ou enchaufler la femence, je fais mettre cette eau ainfi engraiflée dans une 6o AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. chaudière de fer , ou dans un chaudron dans lequel je jette une poignée de genèt que l’on trouve dans les bois. Quand il a bouilli avec la liqueur cinq ou fix minutes , on le retire en le laiffant un peu égoutter au-deSus de la chaudière ; & après y avoir fait éteindre la quantité de chaux nécef faire, & l'avoir bien remuce avec un bâton, je fais renverfer tout ce qui eft dans la chau- dière fur le tas de bled que je veux femer : aufli-tôt deux perfonnes remuent avec des pelles le grain trois ou quatre fois. Si tout le tas eft bien mouillé, on ne doit plus y rien ajouter. Il n’en feroit pas de mème s'il reftoit des grains fecs, & qui ne fuffent point empreints de la liqueur : il faudroit en prendre dans le tonneau pour y fup- pléer. Ce bled ainfi chaulé , je le fais femer des le lendemain, fi je le juge à propos ; mais fi je differe plus longitems, & qu'ily MANIERE DE CHAULER LE BLED. 61 ait quelque humidité , j'ai foin qu’on le remue tous les jours. Par cette attention je le garde douze ou quinze jours fans qu’il fe gâte. L’engrais que le bled mis en chaux de cette façon porte avec lui, le rend d’au- tant plus propre à fructifier, que quand une terre n’auroit recu que la moitié de {on engrais ordinaire, ou qu’on n’y auroit mis que la plus mauvaife femence , elle produira davantage & de plus beau bled & de meilleure qualité, que celle qui auroit eu tous les engrais néceffaires , mais qui n’auroit reçu dans fon fein que du bled en- chauñlé de toute autre manière. Quand même on y mettroit un boifleau de femen- ce, & mème plus, de moins , par arpent, cette terre fera toujours plus couverte que les autres , lorfque les bleds feront levés. Ma femence ainfi apprètée eft préfervée dans les années {eches d’être mangée par 62 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE, les mulots, fouris, & autres vermines , qui ne dévaftent que trop fouvent celles des autres. Il en réfulte encore un autre avan- tage. C’eft que les bleds germant trois ou quatre jours avant ceux qui n’ont pas recu cet engrais, & pouflant enfuite plus vite, en font plutôt mûrs, & moins expoiés par conféquent à être gâtés par les pluies qui tombent communément vers la fin de la moiflon. Je les garantis toujours, dans toutes les terres , des maladies de bruïne, de bled teint de nieille, & de tous les au- tres accidens funeftes caufés par les brouil- lards, les vapeurs de la terre, & les mau- vaifes influences de l’air. Auf n’ai-je ja- mais ni bled bruiné, ni teint, ni rouillé, ni ce qu’on appelle niellé. Les mauvaifes graines mèmes, telles que l’yvraie & le faux bled, n’y paroïflent jamais. Je pour. rois apporter en preuve de ce que j'avance MANIERE DE CHAULER LE BLED. 63 toutes les récoltes que j'ai faites depuis 1742; mais je me borne à celle de 1764. Tous mes voifins avoient des pièces de bled dont plus de la moitié étoit gâtée , tandis que je n’en avois pas un {eul épi dans plus de 6$ arpens. Quiconque ne voudroit pas m’en croire fur ma parole , pourroit fe convaincre en venant voir ceux qui font dans mes granges de Bellefontai. ne. Il demeure donc conftant que ma facon de chauler la fernence lui procure des fels & des fucs qui la purifient & lui donnent la meilleure qualité. Chacun peut en faire ufage, puifqu’elle n’eft compofée que des matières que tout le monde peut fort aie. ment {e procurer. Mais avant de finir cet article , je crois devoir avertir qu’autrefois Jajoutois environ deux livres de fel de nitre aux ingrédiens dont je compofe l’eau de mon chaulage : je les ai retranchées de. 64 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. puis trois ans, fans que mes récoltes en ayent été altérées en la moindre chof, parce que mes terres {ont d’ailleurs pour- vues de tous les engrais convenables ; ce qui eft bien eflentiel. | Toutes lotions, leffives & lavages de bied ne peuvent qu'être nuifibles à la {e- mence. Le bled ne peut point être trem- pé dans aucune efpèce d’eau, fans qu’elle lui ôte toute la bonne qualité qu’il pour- roit avoir pour une prompte production. D'ailleurs du bled ainfi lavé & détrempé ne fera jamais totalement exempt des ma- ladies dont j'ai parlé. Plufieurs perfonnes me demanderont fans doute comment il fe peut faire que la maniere de mettre le bled en chaux em- pêche qu'il foit atteint de la bruïne, de la rouille & de la nielle ? Je ne puis leur répondre que par une comparaïfon, Il eft MANIERE DE CHAULER LE BLED. 6$ eft certain qu’une nourrice qui alaite un enfant, lui communique les bonnes ou mauvailes qualités qu’elle renferme en elle. mème. Si elle eft faine, & qu’elle ne prenne que de bonnes nourritures, fon nourriflon ne {era fujet à aucune des ma- ladies qui attaquent ceux qui fucent un lait vicié par quelque maladie. Il en eft de mème de l terre: elle eft la nourrice du grain. Si les engrais qui lui fervent d’alimens font analogues à ce qu’elle doit produire , ils y feront pañler une féve qui les fera fructifier avec abondance, & qui lui donneront une qualité propre à la met- tre à l’abri de toute forte de maladies. Les pailles qui {ont comme les membres du bled, feront , pour ainfi dire, bien orga- nifées ; elles auront plus de fucs & de nerf; elles feront bien meilleures pour la E 66 AGRICULTURE EXPERIMENTALE. nourriture des animaux. N'ayant aucune partie plus foible que l'autre, aucune ma- ladie ne pourra les affecter dans aucun en- droit: on ne trouvera donc plus, en {ui- vant ma méthode de fumer les terres & de chauler le bled, des épis à moitié gâtés. Ils feront tous également fains, parce que k nourriture que je donne à la paille, lui proeure une conititution qui la met en état de rélifter aux rigueurs de toutes les faifons. L'étude du laboureur doit donc être principalement de veiller à ce que fes dif. férentes terres {oient pourvues d’engrais analogues aux productions qu'il veut en retirer , que le bled {oit bien purifié & for- fé, par le chaulage, afin qu’il foit en état de recevoir une fve vigoureufe qui le mette à l'abri des vapeurs ou exhalai- {ons pernicieufes qui peuvent {ortir de l& PA RC 67 terre qui le nourrit, & des malignes in- fluences de l'air dont il eft environné, & qui font toujours plus ou moins fortes, felon que les faïlons de PAutomne ou de l’'Hiver, du Printems ou de l'Eté, font plus ou moins feches, ou plus ou moins humides. FA RC. Je ne trouve point d’engrais qui puifle aller de pair avec le parc. On peut le jetter fur toutes les terres, de quelque na- ture qu’elles foient. Il n’eft queftion que d'etre attentif à à ne l'y appliquer que dans le tems. qui Jeu. convient, Vous. y reuf- firez toujours , fi dans les terres franches, à blanc ere litules, (*) froides & 3 CF) Il y a trois fortes de terres lateufes. Les premières ne font appellées lateufes que parce En 68 MGRICULTURE EXPE RIMENTALE, autres terres fortes, vous y mettez le pare avant d'y femer le bled. Il n’en {eroit pas de mème, fi vous fuiviez cet ufage pour ls terres noires, creufes, veules , meubles & légères. Il faut, pour en tirer tout l'avantage poflible, ne les faire par quer qu'après qu'elles font enfemencées. Vous leur donnerez du corps par cette attention & de la confiftence. Votre bled fera moins expofé à verfer: fi vous agi£ fiez autrement, la paille en_feroit fans qu après u une. gro pluie elles Re ee: f fort, que l’on peut y marcher à pied fec: Les fecon- des font lateufes & humides. Elles font ainf nommées, parce qu’elles fe battent auîli. Et les troifièmes font nommées lateufes, froides & humides, parce qu’elles fe battent de même; mais ces deux dernières confervent les eaux plus Jongtems, ce qui eft caufe que- Pon doit les faire labourer en planche un -peu plus bombées que les premières, avec des fang-fues qui les traverfent pour en faire écouler les eaux. PARC. 69 nerf & fans force. Elle ne pourroit par conféquent fe foutenir, quand il furvien- droit des mauvais tems. Dans les terres chaudes de toutes natu- res n’appliquez le parc qu'après la récolte du bled, c’eft-à-dire, fur le chaume ; mais ayez grand foin de le faire enterrer fur le champ. Après l’'Hiver le parc aura jetté tout fon feu, & fera changé en graifle ; de forte qu’en lui faifant encore donner un labour en Février ou en Mars, il vous procurera une abondante récolte d'avoine, d'orge, de bled de Mars, ou de tout au- tre menu grain: & quand ces terres feront en jJachères, fi vous les fumez à moitié de ce qu’elles devroient l'être dans toute autre circonftance , vous recueillerez beau- coup de très-bon bled l’année fuivante. Ïl en réfultera encore un plus grand avan- E 3 #o AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. tage. Car comme les terres dont il eft ici queftion, font pour l'ordinaire remplies de toutes fortes de mauvaifes racines ou‘ graines, telles que la bouglande, le mil- lereau, la rougeole, les chailliés, les char- dons de toute efpèce, &c. le parc, appli- qué comme je viens de le dire , fera périr & détruira toutes les graines & racines de ces plantes fi nuifibles au bled. Il don- nera de plus à ce dernier de la qualité, il en fortifiera la tige, & la rendra plus ‘en état de fupporter les différentes ri- gueurs des faïfons. J'en continuerai l'an. née prochaine l'expérience {ur plufieurs corps de ferme d'environ cinq charrues, où il fe trouve des terres de toutes fortes de natures: & l’on verra que cet engrais peut fe multiplier veaucoup plus qu’on ne le croit communément; parce que je démontrerai par des faits, que l’on peut MARNES. 74 parquer dans prefque toutes les faifons, pourvu qu'on ait foin de faire rentrer le troupeau dans la bergerie, ou fous un hangard quand le temps eft humide, quand il neige, ou quand les brouillards font trop épais ou trop fréquens. On {ent bien que les petites gelées ne font point com- prifes dans cette exception; car l’on peut faire parquer alors: le troupeau s’en por- tera beaucoup mieux, & les laines & les chaires en feront meilleures. M ARNES. Les marnes de toute efpèce peuvent s'appliquer à toutes fortes de terreins, de quelque nature qu’ils foient. J'en excepte feulement ceux qui font chauds par eux- mèmes , & qui portent déja dans leur fein de la marne, des cailloux, du crayon ou E 4 #2 AGRICULTURE EXPE'RIMENTALE. du fable. Mais une chofe à laquelle il faut être très-attentif, c’eft de ne mettre dans les terres à qui cet engrais convient, que la quantité qu'éxige leur degré d'humidité. La marne franche qui eft en partie verte & grafle, eft bonne dans les terres for- tes, lateufes, glutineufes, cafles, glaifeu- fes & argilleufes. Elle rechauffe le ter- rein , elle l’ameublit, elle donne de la qua- lité au grain & le multiplie; elle rend la paille plus forte, & d’une nourriture plus agréable aux animaux. Les autres mar- nes font plus ou moins bonnes ; mais el- les ont toutes la propriété d’exciter la vé- gétation, de faire grainer le bled, & de Jui donner de la qualité. On peut conclure de ce que je viens de dire , que les décombres des maifons , telles que la chaux , le plâtre & autres efpèces , font très - bien dans les terres ar- VESCES. 73 gilleufes & imbibées d’eau. Ces fortes d’en. grais les deffèchent, & les empêchent de produire de mauvaifes plantes, telles fur- tout qu’une efpèce de marguerite, appel- lée chailliés, qui a une fi mauvaife odeur qu’elle infete les granges & la paille des récoltes. Nc S CAE à Il eft un autre engrais qu’on peut aïfe- ment fe procurer. Il confifte à femer en vefce la quantité d’arpens deterre que l’on veut mettre en bled. Des qu’elle eft pouf. fée en herbe à une certaine hauteur, on la fait enterrer avec la charrue. Cet en- grais donnera au moins une abondante récolte en bled, & autant en Mars. Ce. pendant comme il eft un peu difpendieux, je ne le confeille que dans le cas où lon 74 AGRICULTURE EXPE'RIMENTALE. ne pourroit pas s’en procurer d’autres à moins de frais. J'en dis autant des ga- doues, récurages d’abreuvoirs, de fofles, d’étangs, de marais, & de tous les fu- miers artificiels, fur-tout dont les uns ne font communément que de très-mauvais engrais , & les autres ne peuvent être que momentanés. En effet, à quoi bon avoir recours aux artificiels, puifque ceux que jindique, & que tous les fermiers ont chez eux, font plus que fuffifans , lor£ qu’on fait les appliquer à propos à chaque efpèce de terre pour les en pourvoir tou- tes, & qu'ils font d’une nature excellente, tant pour procurer une récolte faine & abondante, que pour la rendre fupérieure en qualité foit en grain, foit en paille & fourage? Au refte, j'ai expérimenté moi mème qu’en cultivant mes terres, comme je le décrirai plus bas, & en leur procu- VESCES. nn fant les engrais tels que je les détaille ici, elles me procurent des pailles & des fou- rages pour engraifler par {ol d’une charrue quinze ou dix-huit arpens de plus qu’on a coûtume de faire. Je vais plus loin, & je ne fais aucune difficulté d'avancer que» quand même je me trouverois dans un pays où les différens engrais dont il eft ici queftion, manqueroïent abfolument , je maurois pas encore befoin de recourir à l'artifice pour nen procurer; parce que le parc, le fumier des bafles-cours employés à propos, & accompagnés de ma facon de faire labourer & de chauler la femen- ce, me donneroient feuls les plus belles récoltes. D’où je conclus que les prairies artificielles font par-tout au moins inutiles, pour ne rien dire de plus. 76 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. TERRES NEUVES. . On peut encore tirer un bon parti des terres neuves. J'appelle ainfi les terres que l’on peut prendre dans celles qui font franches, à blanc limon, latteules, graf fes enfin dans toute forte de bon fond. Pour y parvenir, on fera d’abord enfoncer dans le premier labour la charrue de deux ou trois pouces feulement plus qu'a lor- dinaire, pour faire remonter {ur Yancien {ol celui qui eft au- deflous. Cette terre neuve étant bien mélée par les trois la- bours fuivans avec celle qui commencoit à s’épuifer , donnera des productions de la meilleure qualité. Cependant, avant de commencer cette opération, il faut s’aflu- rer s’il ni auroïît point par-deflous la terre qu'on à coûtume de labourer des veines de terre rouge, du crayon ou du tuf; par- TERRES NEUVES. 77 ce que, fi on ramenoit par-deflus ce mauvais {0l, on gâteroïit l’ancien pour long-tems. (Comme les bons fonds d'ail. leurs font rarement par-tout égaux, il eft à propos, avant de faire enfoncer la char. rue, de fonder avec une bècffe ou tout autre outil , dans plufieurs endroits la piè. ce que l’on veut améliorer de cette façon. Dans fix cents arpens ou environ que je fais valoir, il n’y en a guère que qua- rante qui foient fufceptibles de cet expé- dient; mais il s’en trouve d’autres où je puis former l’engrais complet, c'eft-à-dire, où je fais enlever un pied de terre plus ou moins de ces bons fonds pour la tranfs porter fur des terres pleines de cailloux , de fable, de crayon ou de marne. Poux éviter la dépenfe, je la fais charrier de proche en proche, de façon qu’un bon cheval fuffit pour trainer le tombereau, 78 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. En agiflant ainfi, je me donne en mème tems un double engrais. Le premier, par- ce qu’en elevant un pied de terre de cet excellent fond , il devient naturellement une terre neuve qui peut rapporter {ept à huit récoltes de fuite fans avoir befoin d'autre engrais. Le fecond , parce que cette bonne terre que je fais porter dans un mauvais {ol , le rend bon pour tor- jours » & procure au moins trois récoltes, fans qu'il {oit befoin de le fumer. Auff plufieurs de mes terres que jai ainfi arran- gées, & qui ne rapportoient autrefois que de mauvais feigle, donnent -elles aujour- d'hui de très-bon méteil. La terre, le gazon que je fais enlever des chemins, des friches, & des autres endroits où il s’en trouve, produifent en- core un très-bon effet dans les champs où Ten RE ss NEUVES 7 il y a du caillou, du fable, du crayon & de la marne. Le mème tombereau qui tranfporte ces terres ou ces gazons dans les terres que je veux améliorer, charrient dans les chemins les cailloux que on y ramafñle : par ce moyen on rend la terre caillouteufe , & les chemins plus pratiqua- bles. Au refte je ne confeille ces trans- ports de terre neuve, de gazons, &c. que dans le tems de gelée ou très ec. Outre que Von fait plus de voyages alors, & avec moins de chevaux & de peines, c’eft qu'il net pas poffble de labourer , ni de faire d’autres ouvrages d'Agriculture, Non-feulement tous ces différens engrais procurent aux terres des {els & des fucs qui les fécondent, ils fervent de plus à ameublir le fol. Pour en convaincte tous les cultivateurs, je vais leur décrire ce que 82 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. j'ai fait pour rendre meubles les terres for- tes , glaifeufles, cafles, glutineufes, &c. Ils favent tous par expérience que ces for- tes de terres font très-diffciles à labourer, parce qu’elles tiennent à la charrue, & qu’elles s’enlèvent par quartiers. Aufli en aije trouvé une quantité en friche à Bel- le- fontaine. Pour faciliter la culture de celles qui étoient les plus cafles & les plus fournies de glaifes, j'y ai fait mettre des _marnes, des gazons, & différents fumiers des bañles-cours. Dès qu’ils ont été bien mèlés par deux labours avec le fol, le troifième s’eft fait fans peine; & après leur avoir fait donner le quatrieme pour femer, la terre étoit fi ameublie, que les dents de la herfe y entroient tout entières. Par le moyen de ces trois engrais cette terre a été fournie de fels & de fucs fuf ffans , FE TERRES NEUVES. 8x fans, au moins pour trois xécoltes de fite, fans en exiger d'autre. D'ailleurs elle en fera pour toujours de meilleure na. ture, plus facile à cultiver ; & deux che- vaux, fans {e fatiguer , fouffiront pour la labourer , tandis qu'auparavant trois pou- voient à peine en venir à bout. Le char- retier ou valet de charrue en fera auf beaucoup plus à fon aife: il ne fera plus contraint de fe cramponner, pour ainfi dire, fur la charrue pour la retenir, ou d'en ôter continuellement tout ce qui s’y attachoit. Dans certaines terres glailes, la marne & les différens fumiers des baf- _ fes-cours fufñfent pour produire les mè- mes effets; & dans les grafles, les fortes, la marne feule les y opére. 82 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. CH A PTARE NE Des Labours ES de la femence. € gg rom que foit cette par- tie de la cultivation, on ne s’y ap- plique pas avec aflez de foin dans la pl. part des provinees du royaume. On y fuit prefque partout les anciennes routines , ans examiner fi elles conviennent ou non àux terres que l’on veut faire valoir. I n’eft cependant qu’une façon de s’y pren- dre dans tous les pays de la France, pour en tirer tous les avantages poffbles. J'en ai parcouru prefque toutes les provinces ; & après en avoir bien examiné les diffé- rentes terres”, j'en ai trouvé beaucoup qui £ refembloient par leur nature, & dont le {ol étoit le mème: d’où jai con- clu qu’on pouvoit par-tout les Jabourer de 45% NN LABOURS ET SEMENCES. ! 83 ja même manière. Nous voyons cepen- dant tout le contraire. Dans le Gâtinois, par exemple, les fermiers font indiftin- étement labourer toutes leurs terres en fil- ions, & enterrer la femence avec la char- rue. On fuit le mème ufage dans une gran- de partie de la Brie. Dans certains can- ons de la France on les met en planche; & dans la Picardie & dans une autre par- tie du Royaume on les laboure à plat, avec une charrue à tourne-oreille, c’eft-à-dire, qu’elles font également unies par toute la pièce. Mais quels inconvéniens ne réfui- tent-ils pas de faire labourer de diverfes manières , non-feulement les terres de mè- me nature, mais encore celles d’une na- ture différente? D'abord la coûtume de mettre les terres en fillons eft très-préju- diciable à la récolte. En effet les raies qui terminent les fillons des côtés, & qui font F 2 &4 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. perdre un fixième du terrein, n’ont point de femence; parce que la charrue la re- jette à droite & à gauche, fans la difper- fer également. Quand d’ailleurs il s’y en trouveroit, elle ne viendroïit que très-dif ficilement en maturité, foit parce que les raies étant très-profondes elle y eft trop enterrée, foit parce que les eaux des pluies, -y féjournant trop long-tems pendant lPhi- ver, la pourriffent & l’empéchent de pouf fer. Qu’arrive-til encore d’un autre côté ? C’elt que pour l'ordinaire les raies de ces fillons {ont tellement remplies de mauvai- {es herbes ou de mauvaifes plantes, qu’el- les étouflent très -fouvent le bled à droite & à gauche; de forte qu'il n’y a prefque de récolte à faire que fur le haut des fil- lons. Les inconvéniens fe multiplient , fi on feme ces fortes de terres à la charrue 5 parce que, pour enterrer la femence , el- * TABOURS ET SEMENCES. 8ç le ne doit prendre de terre que ce qu'il en faut pour la couvrir : on ne donne par conféquent alors tout au plus qu'un demi-labour. Comment le’ deflous pour: roit-il fufifamment s’ameublir ? De-l vient que la racine du bled y trouvant trop de réfiffance, ne s'étend & ne sépatte pas aflez pour produire un épi parfait, & les eaux des pluies ne pouvant y pénétrer qu’a la —ongué, ‘reltent trop long-tems, foit fur Ja füperficie , 1oït entre deux terres. D'ailleurs la charrue, en renverlant la ter- se fur la femence, ne la:couvre Jamais toutentière, parce qu’elle tombe aflez fou: Véñit en motte, & toujours fort inégas Aement:"Il y en a donc beaucoup de per- du.’ Auf faut-il au moins-un bichet de grain de ‘plus pour la femence d'un ar. péntsquefi on femoit,. comme, jg le mar. aueraisdans la fuite. Ce eft pas tout. U F 3 86 AGRICULTURE EXPE RIMÉNTALE. y a communément beaucoup d'herbes dans les bleds femés à la charrue: on ne peut donc pas les enlever quand on le juge a propos. Il faut laiffer farier ces herbes quel. quefois pendant fept à huit ‘jours. Des pluies furviennent dans cet intervalle, & le grain germe. Nous en avons un exem- ple bien récent dans la récolte de l’année derniere. Cet accident eft arrivé à beau- coup de bleds dans le Gâtinois & ailleurs. Les miens ne l'ont jamais éprouvé depuis 1742. & Pourquoi? Parce qu’ils font fans herbes, toujours mûrs avant ceux des au- tres; & que quand le tems n’eft pas dé. cidé au beau, je les fais enlever à mefure qu’on les fcie. En 1764. tous mes bleds étoient entrés dans mes granges le 31 du mois de Juillet; tandis que mes voifins en avoient encore en javelle, &mème fur pied le 22 du mois fuivant. Quelles fu- , LABOURS ET SEMENCES. . S7 | de ; rent les fuites de cette lenteur à faire ra- mafñler leurs bleds ? Les plus funeftes. Ceux qui étoient encore fur pied, ont été en partie égrainés ; parce que la pluie ayant fait renfler le grain, la maille s’eft ou- verte, & au premier vent ce grain eft tombé par terre. D'un autre côté ceux qui étoient en javelle, ont été en partie germés. Voilà donc une récolte prefque perdue. Les pailles & les fourages en ont 6.6 gâtés; parce que les laboureurs { font aheurtés à fuivre les anciens ufages, & qu'ils ont pas été aflez vigilans. Tant il eft vrai que l'activité ft prefque l'ame de lAgricuiture. | Au refte , comme ces fillons font étroits & fort hauts, & les deux dermieres raies de chaque côté avant celles qui féparent ces fillons prefque droites, la terre fe trou- ve tellement en pente, qu’étant ameublie, F 4 88 AGRICULTURE EXPE'RIMENTALE. par la gelée, elle retombe prefque d'elle: mème dans les grandés faiés qui féparent jes fillons. Ce qui ne peut artivér, fins que le peu de bled qui e trouve dans les deux dernières raies qui achèvent de f6r- mer le filon, étant dans la mème pente, ne foit déchauflé. Manquant alors de nour- rituré, il ne poufle pas, ou très-peu. Sur- vient-il d’un autre côte de fortes pluies ? Les fillons étant extrèmement bombés & étroits, ces pluies entraînent dans les gran | des raiés tous les {els & les fucs des en- grais qui ont été mis dans les terres ainfi labourées; & pour peu que le fol foit en pente, & que les raies, comme il eft af fez ordinaire, fuivent cette pente, ils font rapidement entrainés dans les terres qui font plus bañles; parce que les raies tien- nent lieu d'autant de fangfues qui ne fer- vent qu'a énerver & déchaufer le {ol, en ÉABOURS ET SEMENÇCÉS. 89 “le privant de ce qu’il a de plus le befoin pour nourrir là fémence qu’on lt a con- _fiée. Enfin quand on enterre la femence avec la charrue, of eft obligé, pour com- “mencet le filon, d'élever le plus qu'on peut les deux premières raies, & de les appliquer Pune contre Pautre: on rejette, en agiffant ainfi, la plus grande partie de là femence fur lendos des fillons. De-hR vient que cetté partie eft fouvent plus gar- nie qu’elle ne dévroit l'être; & les au- tres raies allant toujours en defcendant , celles qui font dans le bas n’en ont pâs ufifamment. Inconvénient que l'on évi- tera toujours en fémant lés bleds à la her- £e, furtout quand la terre eft bien amieu- blie par de bons labouts égaux, & par des engrais convenäbles à fa nature. On verra toujours par expérience que des tet- res labourées en planches plus ou moins 30 AGRICULTURE EXPF’RIMENTALE. bombées, fuivant que le terrein eft {ec ou humide & femé à la herfe, non-feu- lement feront garanties de tous les acci- dens, maïs encore qu’il n’y aura aucunes lacunes, la femence étant par-tout égale- ment répandue & mieux rangée, que fi on s'étoit fervi de femoirs à bras, de charrues à trémille, ou de tout autre inf. trument, qui d’ailleurs augmentent la dé- penfe plus du double, fans compter que ny ayant rien de particulier dans ma mé- thode, les fermiers n’en font point effa- rouchés, puifqu’on n’y fait ufage que de la charrue & de la herfe. Ainfi il eft très- facile de faire valoir toutes les terres du Royaume, fans rouleau ni brife-mottes, la herfe pouvant mieux faire les opéra- tions qu’on leur attribue, mais qui ne font jamais nécefaires, quand on a donné de bons labours à fes terres, & qu’on les a LABOURS ET SEMENCES. : 9H fournies d’engrais qui leur font analogues. Au refte, quand il s’y trouveroit quelques mottes , le terrein étant bien ameubli, la charrue & la herfe feroient plus que fufh. fantes pour les réduire en pouffière. Les terres franches à blanc limon, les terres lateufes de toute efpèce, les terres fortes, noires , chaudes & courtes, que Von laboure indiftinétement en fillons dans le Gâtinois, font toutes labourées à plat dans la Picardie. Aufli ai-je eu, il n’y a pas long-tems , la douleur de voir dans les granges de cette dernière Province toutes les gerbes remplies d’herbes , & les pailles noires qui fentoient le relent. Comment en auroit-il pu être autrement ? Dans les Hivers de 1763. & 1764. les eaux ont fait unitrop long f{éjour dans ces terres, faute d'écoulement ; & elles n’ont pu filtrer dans d’autres, parce que leur {ol étoit trop dur, 92 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. atténdu que pour femer on n’avoit em- ployé que la charrue pour enterrer la {e- mence ; ce qui n’avoit donné qu’un demi- labour au fol. On a beau tirer des! raies dans ces fortes de terreins labourés à plat 3: J'ai fait voit à M. Pannellier Seigneur dAn- nel entre Compiégne & Noyon, qui fait. valoir fa Terre , & qui mérite par les {oins qu'il {e donne pour ÿ réuffir, d’être mis au nombre des vrais amateurs :de l'Agri- culture, qu'après la plüie confidérable du 13 Odobre deirtier ik y avoit des ravines & des fliques d’eau dans beaucoup de {es terres qui étoient enfémencées. Il ne na point été difficile de Ii faire comprendre: que lés raies tirées aveé la ehatrue iétoient d'aucune utilité, puifque les eaux reltoient äans les pièces. Les terres lateufes d’ailleurs étoient fi battues , qu'on pouvoit y mar- cher d’un pied auf fec ;ique’ fi on avoit LABOURS ET SEMENCES. : 93 pafñlé par un chemin bien ferré. Dans les terres lateufes, froides & humides, & les terres noires meubles , les eaux y reftoient entre deux terres ; en {orte qu’en comptant d'y marcher quatre jours après la pluie du 13 Octobre, on y enfoncoit d’un bon de. mi-pied. Quant aux terres de la mème efpèce qui fe trouvoient fur des pentes, & qui étoient labourées de la même facon, les eaux n’étant retenues ni par les fillons, ni par les raies des planches , ni écoulées par les fangfues , les ont déchauflées , y ont fait des ravines , & entrainé les fumiers , ainfi qu’une partie des femences , dans les prés qui étoient au bas. Eft-il {urprenant, après ce défaftre , de voir les champs rem- plis d’herbes , de mauvailes graines , & les récoltes gâtées , les granges par conféquent infectées de la mauvaife odeur des foura- ges? Le Laboureur qui ne fait Le plus fou. 94 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. vent que fuivre {à routine, en attribue la caufe au tems & àla faïlon; maïs le véri- table amateur dit: Il faut que je n’aye pas opéré avec aflez d’attention ; car l’Agricul- re eft une étude, & non un fecret impé- nétrable. Ainfi raifonna M. Pannellier ; & jacquiefcai fans peine à ce qu’il me dit, puïifque ce n’eft que par létude, les obfervations , les expériences réitérées, & la pratique , que j'ai acquis les con” noiflances qui lui paroiflent fi utiles & fi néceflaires. Mais comment faire, me demandera- t-on peut-être, pour empêcher qu’on ne fuive plus les anciennes routines de l’Agri- culture? Comment faire ? Je viens de le dire. Renvoyer à l'expérience tous les La- -boureurs. Elle leur apprendra 1°. que toutes dortes de terres doivent être labourées en planches. Le fermier y gagnera au moins LABOURS ET SEMENCES. 95 un cinquième de terrein : car s’il le labou- roit en fillons , les grandes raies n’auroient aucune femence. Si au contraire il failoit donner {es labours à plat, fon terrein étant uni par-tout ne peut que refter tel qu’il eft naturellement. Il n’en eft pas ainfi de ma façon de faire labourer. Chaque planche étant bombée, en procure une augmenta- tion confidérable : car par le mefurage que j'en ai fait faire dernièrement, j'ai trouvé que je gagnois huit à dix arpens fur cent que je mets en bled. 2°. Que la charrue & la herfe fufhfent feules pour les rendre fer- tiles. 3°. Qu'il faut au moins donner qua- tre bons labours également foncés à toutes les terres dans le tems convenable, avant de les femer à la herfe : 4°. qu'il faut faire le premier labour à celles qui doivent être miles en jachères , le plus qu’on le peut pendant l’Hiver , & y faire charrier & en. 96 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. terrer dans cette faifon tous les fumiers. dont elles peuvent avoir befoin. Il réfultera de cette pratique plufieurs avantages con- fidérables. D’abord le {ol étant ouvert re- cevra bien plus aifément les fels & la graifle que les influences de Pair, les brouillards, les tems gras de l’Hiver & la neige fur-tout y dépofent toujours , felon cet axiomé , Nix que cadit , opimat s#erram. Elle pro- duit encore d’autres effets. Jointe à la gè- lée, elle fait périr les mauvaifes herbes & les D ar , & la charrue pénétre enfuité plus aifément la terre; parce que rien ne lameublit mieux que de la labourer & de la fumer dans cette faifon. Quant au {e- cond labour , il eft très-important de le faire avant les grandes chaleurs ; parce que le tems de hâle & le foleil ardent en enle- veroient les fels & les fucs. Qui eft-ce qui ignore qu'ils en déffèchent & pompent juf qu'aux LABOURS ET SEMENCES. 97 qu'aux eaux qui s’y trouvent. Ne labou- rez donc dans cette faifon rigoureufe que quand de mauvaifes herbes, plantes, ou racines ont pouffé dans votre champ; car il féroit trop dangereux de les laiffer mon. ter à un certain point, puifqu’elles ne peu. vent le faire qu'aux dépens des fels & des fucs qui doivent nourrir le bled; & que d’ailleurs fi elles montoient en graine, elles Pen rempliroïient totalement. Néanmoins lorfqw’on eft contraint de labourer dans cette faïifon, autant qu’on le peut , il faut profiter des tems couverts & fombres. Le beau tems, le hâle, le foleil qui leur fuc- cède , déffècheront les mauvaifes herbes que la charrue aura déterrées & renverfces , & les feront périr. Le troifième labour , pour les terres def tinées à mettre en froment , doit être com- mencé à la fin d’Août, ou au commence. G 98 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. ment de Septembre ; car pour celles qui doivent être enfemencées en feigle , il faut les préparer pour les faire femer le 1, ou le 20 du mois de Septembre. On doit alors leur donner le quatrième labour auf profond que les précédens. À mefure que la charrue retourne la terre, on en fait la femaille que l’on enterre à la herfe, après en avoir chaulé ou enchauflé la femence , comme je lai marqué au commencement du Chapitre précédent. Il eft certain qu’en fuivant ma méthode, la femence fe répan- dra par-tout plus exactement , & qu'elle fournira le champ , de facon qu’on n'y. appercevra aucune lacune. Ce qui n'arrive pas toujours avec des femoirs à bras, ja charrue à tremille, ou avec toute autre machine à laquelle on voudroit donner cours. Bien entendu que celui qui femera , obferve attentivement de proportionner la EP Ge £ LaBoURs ET SEMENCESs. 9% quantité de femence qu’il convient de don- “er à chaque nature de terre; c’eft-a-dire, que plus uneterre {era bonne, forte, fran. “che, &c. plus il lui faudra de femence ; plus elle fera légère, médiocre, ou mauvaife, moins il faudra lui en diftribuer. Par cet article, comme fur bien d’autres, je me trouverai en contradiction avec un Auteur moderne qui vient d'annoncer au Labou- reur , que plus une terre eft bonne & forte, moins il lui faut de femence : plus elle eft légère, médiocre ou mauvaile, plus elle en a befoin. Peut-on , avec tant d'années d'expérience que l’on dit avoir, enfeigner des principes auf faux fur l'Agriculture ? Vérité conftante dont j'ai acquis la preuve par une infinité d'expériences. Il eft d’au- tant plus avantageux de s'attacher à mes principes, qu’ils font fondès fur une pra- tique réitérée de plus de vingt années, & Ft G 2 100 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. qu’ils n’occafionneront aucuns frais extra. ordinaires. Car encore un coup avec la charrue & la herfe feulement je me pro- curerai toujours une récolte plus belle & plus abondante, que ceux qui font des dé. penfes pour fe fournir de tous les inftru- mens que l’on invente journellement , fous le prétexte fpécieux de contribuer à la per. fection de l'Agriculture. Cependant j'ai des terres de toutes les efpèces. Dans les unes on trouve du fable , du crayon , de la marne ; dans les autres des cailloux , un peu d’argille & de la glaife. Celles-ci font chaudes, courtes , cafles , & glutineufes : celles-là font fortes, lateufes , bonnes, hu- mides & froides. J'en ai de meubles, de noires, de franches, & mème quelques ar- pens en blanc limon. Toutes ces {ortes de terres, en leur faifant donner quatre la. bours d’égale profondeur, relativement à LABOURS ET SEMENCES. IOI leur différente qualité, en planche un peu bombée , felon que le terrein eft plus ou moins humide, ne gardent jamais l’eau. Aufli n’y ena-t-il point eu ni en 1763., ni en 1764. quelqu’humides qu’ayent été les Hivers de ces deux années. Il eft vrai que dans celles qui étoient les plus humi- des, j'en ai fait écouler les eaux par des fangfues dans des foflés où elles ne pouvoient nuire:ce qui fait qu’il n’y a pas un brin d’her- be dans mes gerbes de larécolte de l’année dernière ; & quelque gelée qu’il eût pu venir, elle n’auroit jamais endommagé mes bleds. Il n’en eût pas été de mème de ceux de mes voifins qui font reftés en grande par- tie ‘dans l’eau pendant un tems confidéra- ble, quoique dans des terreins bien moins bas que les miens, la gelée les auroit af furément coupés en grande partie par la racine. Si les terres que j'ai vues en Pi G 3 102 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. cardie avoient été labourées en planche & femées à la herfe avec la femence chaulée ou enchauflée , comme je l'ai dit plus haut, & que les plus humides euflent été tra- verfées par des fangfues de mème que cel: les qui fe trouvoient dans les pentes, la grande pluie du 13. Octobre dernier n’y auroit point fait de degât, foïît en les battant trop, {oit en furnagéant fur la fuperficie ; foit en reftant entre deux terres, {oit en- fn en degradant celles qui étoient en pente. Ces dernieres doivent toujours ètre labourées. en travers, & jamais en fuivant la pente; afin que les eaux qui tombent, puiflent s’écouler dans les raies de chaque planche,, & delà {e décharger dans les fangfues que lon multiplie à proportion du befoin que peut en avoit le terrein qui doit étre enfemencé, en les dirigeant tou- jours vers l'endroit où l’on yeut qu'elles + LABOURS ET SEMENCES. 103 conduifent les eaux, fans caufer aucun “dommage. J'ai conftamment fuivi cette marche avec fuccès, comme je le ferai “voir, lorfque je parlerai des moulières. L'on a dû remarquer que par ma facon de cultiver, de fumer la terre, & de mettre la femence en chaux, je garantis mes bleds «des ravages de la glace, des mauvaifes herbes & graines. Je fais plus. Je le -mets encore à l'abri des fécherefles les plus Srandes & des vents impétueux. En effet mes bleds ne {ouffrant en: aucune facon spendant, l’'Hiver, quelque rigoureux qu’il .puifle être, :doivent être beaux & forts au Printems:, Aufli fuis-je obligé quelque- «fois .d'enyfaire.ôter-en partie les -fanes, ou sde les faite manger par:les beftiaux. Des sbleds. de cette efpèce , :& même de moins #orts,, ne; peuvent .être;saltérés par aucune “cherefe ; parce que la-terre en étant par | G 4 LE 104 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. < 2 faitement couverte , elle conferve d'autant plus facilement fon humide, qu’il s’y re- nouvelle tous les jours par le fecours ou des vapeurs qui fortent de fon ein, ou de la rofée qui tombe aflez réguliérement tant le foir que le matin. Effet dont ne peut {e reflentir un champ qui n’eft pas bien couvert par ce qu’il a produit pen- dant l’'Hiver. Les miens en éprouvent en- core d’autres. Tout le monce fait quel dommage c’eft pour un Fermier que {es bleds foient verfés. Pour peu que les pluies continuent , ils pourriflent ou ils germent. De-à vient que les pailles en {ont noires. - gâtées, & ont {ouvent une fi mauvaïfe odeur , qu’elles ne peuvent {ervir qu’à fai. re de la litière. D'ailleurs le grain ne mürit que très-difficilement ; fouvent mè. me il n'en vient pas-2 ce point, & il y en à beaucoup moins que dans une récol. .LABOURS ET SEMENCES. 10$ __ tetqui refte toujours droite. Pour fe pré- _ferver de ce funefte revers, le laboureur -doit voir par la nature de la terre quels _-engrais il convient de lui appliquer, pour donner de la force & du nerf à la paille. Les marnes, le parc, les différentes terres | neuves & la facon dont je fais chauler ou _enchauflet ma femence, m'ont jufqu’à pré- ent, tant à Ville-parifis, qu’à Belle - fon- taine, empêché d’avoir des bleds vertés , ‘quoiqu’ils fufleut toujours plus grands & plus garnis que ceux de mes voifins. Il ‘eft vrai que les ouragans & les tempêtes des deux dernières années en ont fait pliér beaucoup: mais dès le lendemain ils {e font trouvés relevés, & fe font foutenus enfuite comme s’ils n’avoient éprouvé au. eune fecoufle. Ce qui achève de démon- trer que les engrais ont contribué à les ré- tablir dans leur premier état, c’elt que 106 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. ceux qui n'avoient eu que des fumiers de bafles-cours, {ont reftés par terre. Les récoltes dont les terres & la femence font apprètées , comme je l’enfeigne, {ont donc a l'abri de toutes les rigueurs des diffé. rentes faïons, je veux dire de la pluie, de la gelée, de la fecherefle, & des vents les plus confidérables. Voyons mainte. nant quels {ont les labours, & comment on doit les donner pour difpofer les ter- res à recevoir les avoines, les bleds de Mars, & les autres menus grains. Voici ce que j'ai conftamment fait, & qui ma toujours procuré jufqu’à préfent la récolte la plus abondante. Je fais donner les la- bours aux terres à mettre en Mars fitôt que les bleds font enfemencés, afin qu’el. les puiflent avoir recu un labour avant, ou tout aûù plütard pendant le commen. cement de-lHiver. -Sile tems eft favora. ” LABOURS ET SEMENCES. 107 ble, je fais donner le fecond labour le 10. où le 1 s. de Février. On jette tout de fuite la femence pour profiter des avanta- ges du Proverbe qui porte que /es avoines de Février rempliffent le grenier. En effet, jai toujours expérimenté depuis 1742., que je n'ai jamais eu d’avoines plus grai- nées, de meilleure qualité, & plus abon- dantes -en bon fourage que celles qui avoient été femées dans ce mois. Et s’il nveft arrivé d’en avoir quelquefois plufieurs arpens de gelées, jen ai toujours été bien dédommagé ; car le troifième:labour - que J'ai fait donner alors, joint au petit engrais que le grain gelé avoit procuré à la terre, y ont fi bien fait, que ces arpens n’ont \ toujours donné douze à quinze -bichets plus que ceux dont la femence n’avoit point été altérée par la gelée, Ainfi par le moyen d’un labour eftimé 4. liv. & de 108 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. trois bichets d'avoine que j'ai fait ajouter, & que j'évalue à 3. liv. jai retiré le mon- tant de 12. à 15. liv. Il demeure donc pour conftant que je n'ai rien perdu en faifant de nouveau femer mes terres. Au refte l’accident de la gelée n’eft pas annuel ; car il ne m'eft arrivé que deux fois depuis cinq ans que je fais valoir à Belle-fontaine. Je ne borne cependant pas mes foins à ce que je viens de décrire. Dès que ges avoines font hautes de quatre à cinq pouces, je les fais toutes herfer par un tems un peu {ec de deux ou trois dents, {lon que la difpofition du fol léxige, ou qu’il y à trop de plante. (Cette opération en enlève le {uperflu , arrache les mau- vaifes herbes, donne une facon à la terre, Pameublit, & lui procure une efpèce de binement; en forte que , s’il furvientune pluie, la plante fe relève; fe perche, & LABOURS ET SEMENCES. 109 pouffle des franches bien plus belles, que celles qui n’ont point eu cette façon. Je la fais aufli donner quelquefois par un tems fec dans le Printems à mes bleds qui ont été les derniers femés; parce que les rigueurs de l’'Hiver les ont empêchés de fe fortifier. Outre les avantages dont je viens de faire la peinture , je garnis leur pied de terre, en forte qu’on les voit poufler à vue d'œil, &. très-fouvent ils deviennent auffi beaux que les premiers femés. Ordinairement même, quand ils ne font pas bien forts, je fais pañler def. fus au mois d’Avril la herfe à l'envers, ce que l’on appelle, en terme de laboureur, faire poudrer les bleds. Par cette façon on égrafe les petites mottes que l’Hiver a formées, ce qui renchaufle le pied & la racine des bleds. Que l’on ne cherche donc plus de nouveaux inftruments pour Y10 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. eur donner au Printems de nouveaux la- bours, puifqu’on peut faire beaucoup plus avantageufement avec la charrue & la herfe feules toutes les operations de l’Agricultu- re. En eflet, en ne faifant ufage que de la dernière en 1764, j'ai fauvé toute ma récolte de Mars, tandis que les {écherefles ont prefque fait périr une bonne partie de celle des autres. Pendant que les pluies étoient fufpendues, j'ai fait deux fois her- fer mes avoines pour defceller le fol, a. meublir, & donner du jeu 2 la plante , qui feroient prefque toutes péries fans cette précaution, tant la terre étoit endurcie & maftiquée. Les pluies font tombées aprés ces deux facons, & mes avoines ont pouf- fe avec tant de célérité, & font devenues fi fortes, mème dans les plus mauvailes terres, que les gens du pays & les étran- gers qui {ont .venus chez moi, en ont. LaBouURs ET SEMENCES If ête dans le plus grand étonnement. Je prends encore d’autres mefures pour re- cueillir tous les fruits des {oins que je me fuis donnés. Au lieu de faire faucher mes avoines, je les fais toutes {cier. J'e- vite par ce moyen les pertes qu’oc- cafionne le fauchage , qui font plus grandes qu’on ne le penfe communément. Je fais par expérience qu’en les faifant faucher , on perd d’abord au moins la {e- mence. D'un autre côté, comme on ne peut pas les retourner pour les faire javel- ler également par-tout, une aflez grande partie tombe avec la paille quand on les vanne. De plus étant collées par terre, depuis qu’on les fauche jufqu’à ce qu’on les ramañle, elles germent quelquefois, & l'herbe dans cet intervalle, ou lavoine mème qui eft tombée venant à poufler, elles s’entrelaflent dans les ondains: on 112 AGRICULTURE EXPERIMENTALE, eft par conféquent obligé de forcer le ra- teau pour les en arracher; ce que l’on ne peut faire, fans qu’il en tombe encore au. moins une femence, & toujours la plus belle & la plus mûre. Pour moi, fans qu'il m'en coûte beaucoup plus, je me fuis toujours mis , non-feulement à labri de toutes ces pertes, mais jai donné en- core à mes avoines une qualité fi fupé- rieure à celle des autres, que je les vends toujours au marehé de montereau trois ou quatre fols par bichet plus que les au- tres. Tels {ont les avantages que l’on re- tire de ma facon de labourer les terres, de les fumer, de mettre en chaux la 1e. mence, & de faire la récolte. Quiconque voudra s’y conformer, tirera un très-bon parti de fes terres, mème les plus mauvai. fes, foit pour l'abondance des pailles, foit pour la quantité & la qualité des grains, foit Moyens DE CONSER. LES BLEDS. 113 foit pour la fanté des hommes & des ani- maux domeftiques. + ID — GHAPITRE IV. Moyens de conferver fans rifques ES fans frais les bleds pendant plufieurs an- nées. Ans m'arrèter à combattre les diffé- & rens fyftèmes que l’on a propoles jufqu’à préfent fur la néceflité de confer- ver pendant long-tems les bleds fains & faufs, je me contenterai d'indiquer un moyen für pour y réuflir. Je le préfente avec d'autant plus de confiance, qu'il … n'éxige aucuns frais, & que j'en ai fait l'expérience avec fuccès. Il eft fort fimple. Le voici. Quand le bled eft battu, on le laifle dans fa paille, H 114 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. c’eft-à-dire, dans la paille au vent. A me- fure qu’on le bat, on le met decôté, {oit dans un coin de la grange, foït danstout autre endroit un peu fec; & dès qu'on a rentré dans la grange des gerbes de bled de la nouvellerécolte, autant qu'il en faut pour former trois lits, & les avoir bien entaflées, on fait jetter deflus le bled qu’on a gardé dans fa menue paille, environ lépaifleur de deux où trois pouces. Cette opération faite, on forme de nouveau deux lits de gerbes, {ur lefquelles on répand la mème quantité de bled dans fa menue pait- le , & l’on continue de la forte à propor- tion de la quantité qu’on veut en garder. Ce grain ainfi mèlé avec la nouvelle ré- colte s'y façonne, fue de nouveau, fe ré- génère, pour ainfi dire, dans le tas, y acquiert une qualité qu'il n’avoit Pre & jamais 1l ne s’y gâtera, pourvu que R MOYENS DE CONSER. LES BLEDS. 11 nt. dt nt Dati nouvelle récolte {oit faine & bien feche, Ce bled, quoique gardé pendant cinq ou fix ans, peut fervir de femence, comme je l'ai expérimenté en 1746. Il eft d'ail. leurs plus en füreté dans cet endroit que dans tout autre; car il n’eft pas poffble que les rats, les fouris, ou les autres ver- “ mines puiflent y entrer, tant il eft ferré | “dans le tas, foit par fa pefanteur natu- … elle, foit par celle des gerbes dont on le | couvre. L'air même n'y peut pénétrer. Il n'y a donc qu’à gagner à cette facon de conferver le bled, puifqu’elle le bonifie; & je ne puis mieux comparer le grain ainfi gardé, qu’au bon vin vieux, qui eft d'autant plus excellent qu’il a plus d’an- nées. Auff le bled de fix ans {era-t-il tou- jours meilleur que celui de la nouvelle ré- _çolte, & même de deux ou trois ans. En faifant vanner le bled, fur-tout avec, H 2 316 ÂGRICULTURE EXPE RIMENTALE. le moulin dont on fe fert en Picardie, on peut encore le conferver dans le gre- nier fain & fauf pendant deux ou trois ans, pourvu que la récolte en aït été bien faine & feche. On ne peut trop recom- mander lufage de cet inftrument. IL fait tout à la fois quatre opérations par le feui fecours d’un jeune homme de douze à quinze ans. Il jette environ 18 pouces derrière lui la menue paille; la pouffière & les mauvaïifes graines tombent à travers un grillage de fer fur lequel le bled fe fa- conne: dans le deflous du moulin font les balles, ou comme l’on dit ailleurs les ottons; & le bled bien nettoyé & bien purifié tombe dans le devant. Il eft, {e- lon moi, la plus utile & la plus necef faire machine qu’on ait jamais inventée pour lavantage de l’Agriculture. Elle eft bien moins fatiguante que le van. Elle CE Re + LM MOYENS DE CONSER. LES BLEDS. 117 épargne les mains d'œuvre, & met le bled d’une feule opération dans l’état où il doit être à quelque ufage qu’on le deftine. Les deux moyens que je viens de propofer pour garder fans aucuns frais des bleds pendant plufieurs années, ne fuffiront-ils pas, fans en employer d’autres, prefque toujours difpendieux, quelquefois mème peu fùrs ? _ On trouve ce moulin à Paris chez un Menuifier rue des Prouvaires. Le prix mo- dique qu’il coute, donne à tout les fer- miers la facilité de { le procurer. Celui _ qui les vend, en à fait qui font auffi très- utiles pour vanner les avoines. En en fai- fant ufage, il n’y refte ni poufñière, n. mauvaifes graines qui font fi pernicieufes aux chevaux. | L IIS AGRICULTURE EXPE RIMENTALE, CHAPITRE W Moyens d'ameliorer les prés bas € les prés hauts. Ls font aflez fimples & en petit nom- “% bre pour lesiprés hauts. Le princi- pal eft de ne pas les fumer. Ces fortes de {ols ont affez de fels & de fucs pour n’a- voir befoin d'aucun engrais. Qui ne fait pas qu’en les faifant labourer pour x {- mer du grain, ils rapportent fept ou huit récoltes de fuite fans en éxiger aucuns? Je l'ai plufieurs fois éprouvé depuis 1742. Preuve bien évidente que les prés hauts fe fufffent à eux-mèmes pour leurs pro- duéctions. Suppofé néanmoins que la récol-…. te füt plus abondante en conféquence du fumier qu'on y auroit mis, on n’en te- à ‘ nt Te pd TE À ce rue ne Ge MOYENS D'AMELIORER LES PRES, 119 tireroit pas de plus grands avantages ; “parce que cet engrais donnant un fort mau- * vais goût à l'herbe qu’elle conferve pen- dant deux ou trois années, Îles animaux ny veulent pas toucher, & en foulent aux pieds les trois quarts; ou s'ils en mangent, plufieurs en font malades, quand * engrais que lon a employé eft d’une mau- vaife nature: tels que le font , par exem- ple, ceux de gadoue, de balayeure de cuifine, & autres femblables. Il eft vrai que quelquefois ces engrais font périr la moufñle qui, en empéchant les productions de bonnes herbes, n’en occafionnent que de mauvaïñes. Mais il y a un moyen plus für pour la détruire, fans aucun incon- vénient. C’eit d'y bien faire pañler pen- idant l’hiver, dans les tems fur-tout qui font couverts de neige, une herfe à dents de fer, jufqu'à ce que toute la moufñle foit H 4 120 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. arrachée. Par cette opération, non-feu- lement vous l’enleverez tout entière, mais vous la mélerez encore avec la terre que les taupes ont ramenée fur le fol, avec la neige, & avec tous les excrémens des beftiaux qui y auront auparavant pâturé. Ce mèlange formera un engrais bien plus analogue à la nature de vos prés, & vous ne craindrez pas d'en éprouver aucune mauvaife fuite. Après les gelées, & quand lherbe commencera à poufler, vous ferez pañler plufieurs herfes à l’envers fur ce {ol. Vous ameublirez par ce moyen tous les engrais, & vous rechauflerez le pied de l'herbe. Non-feulement elle en produira beaucoup plus, mais elle fera encore d’une meilleure qualité ; & vous rendrez par là utile à vos près ce qui leur auroit éte nuifible, fi vous l'eufliez laiflé dans l’état où il étoit auparavant. Néanmoins fi vos ben — Moyens D’AME LIORER LES PRES, 121 prés hauts éxigeoient abfolument quel. qu'autre engrais, vous fe pourriez pas leur en donner de meilleur que le parc: il détruira toutes les mauvaifes herbes, les racines, la moufle, & tout ce qui pourroit nuire aux bonnes produétions ; & s’il eft appliqué à propos, il n’en fera faire que de très-faines & très-abondantes : avantage que ne procureront jamais dans cette partie tous les fumiers de bañes-cours & les autres engrais. On peut arranger de même les prés bas & les marais qui font trop humides. Ils. ne donnent ordinairement que de lherbe aigre & rouillée ; parce que les eaux y crou- piflent & s’y corrompent. La rouille s’y attache mème quelquefois fi fortement , qu'on ne peut l'en détacher en la faifant faner pour en faire du foin. Aufli les che- vaux ne veulent - ils point en manger la 122 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. plûpart du tems ; & fi les vaches s’en nour- tiflent , elle les brûle, ou elle les pourrit avec le tems. Il arrive mème aflez ordinai- rement que plus elles en mangent, plus ciles veulent en manger; parce que cette forte de nourriture leur pañle auffi facile- ment qu'un remède. Comme elle ne 1e journe pas dans le corps, ces animaux ne donnent prefque point de lait, maigriflent infenfiblement, & dépeériflent à vue d'œil. Elle eft aufli nuifible aux autres beftiaux- Pour prévenir ces effets funeftes , faites au- tour & à travers de vos prés bas & marais des fofés aflez grands pour en épuiler les eaux. La terre que vous en retirerez , pour- ra non-feulement étre jettée & répandue ur les prairies mèmes, mais encore ètre traniportée fur les terres propres à ètre miles en labours, & qui n’en {ont point oïignées. Elle leur fera beaucoup plus de CE NI Tr, ce Le MOYENS D'AME’LIORER LES PRES. 123 bien, & les Fo: pour plus de tems que tous les fumiers de quelque efpèce qu’ils puiflent ètre. Ces opérations faites > On pourra les herfer de la manière que je Pat enfeignée en parlant des prés hauts. L’herbe a changé de nature dans les prés bas où Jai pris cette précaution, & depuis trois ans elle y eft plus abondante & meilleure. . Les voitures y pafñlent, comme par-tout ailleurs , tandis qu'auparavant elles ne pou- voient y entrer fans que les roues y enfon- caflent jufqu'au moyeu. Aufli étoit-on obligé d'en tranfporter à bras une bonne partie des productions. Les beltiaux y vont auf{h plus aifément, & y trouvent une nour- riture plus bienfaifante. Ce n’eft donc point à former des prai- ries artificielles, en général fi nuifibles aux beftiaux, qu’il faut s'occuper, mais à ren- dre fertiles celles qui fubfiftent déja Je 124 AGRICULTURE EXPERIMENTALE. conviendrai volontiers que, l’Auteur de Ja Nature n’a pas créé inutilement la luzerne, le tréfle, &c. mais cela ne doit pas empé- cher d’avoir attention de me mettre ces fortes de graines que dans les pays où les vapeurs & les exhalaïfons de la terre & les influences de l’air ne font point aflez fortes pour les rendre nuïifibles aux animaux , & dans les terres où elles viennent avec plaifir. Quelqu'un ignore-t-il que la luzerne de Provence eft plus eftimée que celle des autres climats ? Au refte, il eft aflez inu- tile de mettre, dans quelque contrée que ce foit, en prairies artificielles, des terres propres à rapporter du bled & du bon fou- rage; puifqu’en mettant en bon état les prairies naturelles , elles font plus que fuf. ffantes pour pourvoir à la nourriture des beftiaux , & que d’ailleurs on peut faire valoir dans toute forte de pays tel corps MOYENS D’AME’LIORER LES PRES. 124 de Ferme que l’on voudra , fans aucune prairie artificielle. Les animaux étant alors plus fainement nourris s’en porteront beau« coup mieux. DRAP IT RELSVE Comsment on peut faire , prefque fans frais, les défrichemens. Ous les défrichemens, de quelque nature qu’ils foient, ne doivent être faits qu'avec la charrue dans les mois d'Otto. bre, de Novembre, de Décembre, ou de _ Janvier. Etant retournés dans cette faifon, le gazon fe pourrit pendant l’'Hiver; & la terre, en s’ameubliffant, devient propre à bien enterrer la femence qu'on y jettera dans le mois de Février ou de Mars , felon le tems qu’il fait dans l’un ou l’autre de ces deux mois : car s'il eft beau dans le 126 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE! premier , on ne doit point héfiter d’enfe- _ mencer les défrichemens. Pleins de {els & de fucs que la neige, les brouillards , les vapeurs de la terre, & les influences de Pair y ont dépolés , ils font bien plus pro- pres à la production , que fi on les eût faits pendant l'Eté ; parce qu’alors les fucs & les fels qu’ils auroient renfermés fe feroient évaporés , ou auroient été defléchés & brü- lés par la grande chaleur & les ardeurs du foleil. Il eft aifé de juger par ces effets fu- neftes, combien la méthode de ceux qui enfeignent qu’il faut brüler le gazon , doit être pernicieufe ; & combien il eft eflen- tiel de ne la pas laïfler accréditer. Tout ce que l’on peut donc faire dans cette faifon , c’eft de mettre les défrichemens qu’on doit faire, en état de recevoir la charrue à la fin de PAutomne, ou au commencement & pendant l’Hiver : je veux dire qu’il fau tÆCDEÆErFRICHEMENS: 127 Le en faire arracher toutes les racines, & ôter tous les obftacles qui pourroient arrèter Ja chartue, Cette opération {e fait ou au pro- fit de celui qu’on emploie , & alors on ne lui donne point d’autre falaire; ou au pro. fit du propriétaire. Si on prend ce dernier parti, quoiqu’alors on paye l’ouvrier, on y gagne quelquefois par la quantité de ra- cines & de bois qu’on en retire. Il eft vrai qu'il fe trouve des défrichemens où il en coûte beaucoup plus, parce qu’il {e ren- contre des roches ou pierres, dont on ne peut retirer aucun avantage ; mais l’on en eft bien dédommagé par les récoltes réité- rées qu'ils procurent. Après la première récolte de ces défri. chemens, qui eft toujours aflez bonne, Je les fais labourer dans la mème faifon que la première fois ; parce qu’indépendamment des avantages dont j'ai déja parlé, le gazon 123 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. qui eft pourri , de même que les petites racines qui font reftées dans cette terre, forment un engrais qui procure trois ou quatre récoltes de fui dans les terres mé- diocres : dans les bonnes & les mauvais prés que l’on défriche, fix, fept ou huit, fuivant la nature du {ol, fans avoir befoin d'aucun amandement. La première {emence qu’on doit mettre dans les défrichemens , eft celle d’avoine. C’eft la feule qui vienne plus facilement dans les terres que l’on commence à mettre en culture ; & ce grain fe plait même dans la friche. Car pour y femer du bled, il faut attendre que la terre n’ait plus les {els &les fucs néceflaires pour {a production. Autrement les bons terreins n'étant pas fuffifamment ufes par les menus grains, les bleds venant à verfer , la pailleen feroit gâtée, peut-être mème pourtie, & les épis ” très-peu CS DEFRICHEMENS 129 très-peu garnis de grains. D'ailleurs le foi wétant pas encore bien ameubli, cette plante qui ne fe plait pas dans les défriche- mens, n'y feroit fa production que très. difficilement. fai fait défricher de mauvais prés : j'en ai déja tiré cinq récoltes de fuite d'avoine. Je compte encore en faire deux ; & après la feptième, y faire donner fur le champ un labour , le fecond en Septem. bre, & le troifième en Octobre , pour les enfemencer en bled froment. Ce feront donc huit récoltes de fuite que j'en aurai tirées fans y avoir mis aucun engrais, & j'efpère encore en avoir l’année fuivante, après deux bons labours d'Hiver, une abondan- te récolte d’avoine , qui fera la neuvième. “Quelqu'un me dira fins doute: Pour- quoi ne faites-vous donner qu’un labour À ces terres nouvellement défrichées pen- dant ces fept premières récoltes, & cela I 130 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. toujours pendant l'Hiver. Il eft aifé de fatisfaire ceux qui n’en fentent pas la rai- fon. Ceft pour en ménager les {els & les fucs ; parce que rien dans cette faïfon ne peut les altérer. C’eft encore le mème motif qui m'engage à ne les faire enfon- cer que peu à peu; parce qu’en ramenant fur ce fol dans les deux ou trois premières années un peu de terre neuve, j'ai une récolte plus abondante en paille & en grain. Ceux-là fe trompent donc bien groffière- ment qui prétendent qu'il faut renvoyer les défrichemens à un autre tems, & at- tendre que les autres terres foient dans toute leur valeur ; car rien n’eft plus avan- / . 1 . tageux pour exécuter la derniere opération, que de faire défricher. Les fourages abon- dans qu’on en retirera, feront très-utiles pour fumer les autres terres qui feront en jachère, J'ofe donc affurer que tout doit DE’ FRICHEMENS. 131 porter à y travailler fans relâche. Le Gou- vernement en {ent bien la néceflité depuis quelque tems puifqu’il {econde la bonne volonté de ceux qui ont le courage de les entreprendre. On raïifonne encore aflez mal, lorfqu’on dit qu’il faut enfoncer les terres d’un pied ou de neuf pouces. (Car outre qu'on n’y réufliroit pas, mème à force de tirage dans prefque toute forte de fol, ceux fur lefquels lPopération pour roit s’exécuter, pourroient bien ne pas procurer une feule bonne récolte. Les défrichemens qui font enclavés dans les terres qui {ont en culture, font encore plus néceflaires : car il fervent de retraite à toutes fortes de vermines, qui mangent & dévorent dans certaines années toutes les récoltes des terres qui les avoifinent : tels font les mulots, les fouris, & les grQs 132 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. vers qui produifent les hannetons. On y trouve mème, en les faifant défricher, jufqu’à des nids de lézards & de couleu- vres. Le feul moyen de détruire tous ces infectes , eft de mettre les terres en va- leur. Voici comment je m'y fuis pris pour cultiver celles qui étoient en friche, à cau- fe des roches dont elles étoient remplies. Jen ai fait enlever les moins grofles. Jai fait enterrer les autres en les faifant tom- ber dans de grands trous ou foflés que je faifois creufer auprès, je les ai fait enfuite couvrir de terre, de mème que celles qui n’étoient que {ur la fuperficie du {ol ; afin de pouvoir labourer par-tout, fans que la charrue fût arrêtée ou brifée. J'ai rétiré un double avantage de cette opération 1°. Jai rendu toute ma terre labourable- 2°, En la faifant creufer, j'ai trouvé de LA DE FRICHEMENS. 133 très-bonne marne que l’on tiroit :f€ment , puïlqu’elle n’étoit qu’à un pied en terre : Jen ai fait tranfporter {ur le mème {ol où je l’avois trouvée, & qui en avoit befoin, de mème que dans d’autres terres qui en - étoient proche; & élles m'ont procuré en 1764. des récoltes plus belles & plus abondantes que celles où je n’avois fait mettre que des fumiers de bafle - cour. Quant à celles ou les pierres n’étoient pas plus grofles à peu près que des moëllons, & deémoindre grofleur, je me fuis bor- né à les faire voiturer dans les chemins, en faifans ramener dans ces mèmes terres de la marne, du gazon, ou de la terre neuve: » Je n’ai plus été expofe à voir mes charrues brifées : mes chevaux & mes char- retiers en ont beaucoup moins de mal, & elles n’ont plus étouffé ni brulé la plante du grain, comme elles auroïent fait, lor£ 13 324 AGRICULTURE EXPE'RIMENTALE, au’elles auroient été échauffées par l’ardeur du foleil. On sy prend autrement pour rendre fertiles les terres incultes qui font aupres des bois. Il eft également intérefant & pour les terres, & pour les bois, qu'ils loient {éparés par de bons foflés profonds; à pied droit le plus qu’on le peut. D’abord la terre ou la marne qu’on en retire, peut fervir d'engrais, en la faifant répandre fur le fol; & les racines du bois & les ron- ces ne pouvant plus s'étendre daud cette terre , elles n’en épuifent plus ni les fucs, ni les fels ; & l'ombre du bois étant plus éloignée, ne peut plus nuire à la récolte. On empêche de plus par cette précaution les vermines d'aller manger le bled; & fi on ne fe garantit pas tout-à-fait des lapins, il eft très-certain qu’on diminue beaucoup le dégàt qu’ils iroient y faire. D'un autre DEFRICHEMENS. 13$ côté le bois ayant plus d'air, en profite beaucoup mieux , & les beftiaux ne peu: vent plus s’y glifler pour le dégrader. Ces fortes de foffes font auffi très-utiles le long des chemins & voiries, fur - tout lorfqu'ils font fréquentés par les beftiaux que l’on méné aux foires: Jen ai fait l'expérience dans la terre de Belle-fontaine: Outre que j'ai rendu ces chemins plus pra- tiquables, c’eft que j'ai encore garanti les grains des ravages des beftiaux que l’on eonduit à la foire de Flagi. Jai empèché la récolte d’être renverfée par les aux qui tomboient, dans les tems d’orages, des montagnes & buttes dont mes terres font environnées. J'ai détourne les fources qui en fubmergeoient une partie; & en met- tant les chemins dans leur largeur nécef- faire, Jai gagné plufieurs arpens de terre qui m’étoient auparavant que des friches, 1 4 36 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. & d'aucun rapport. C’eft donc à tort qu’un Auteur moderne s'élève indiftinéte- ment contre les foflés: car s'ils peuvent être inutiles dans quelques circonftances » ils font tres-avantageux dans bien d’au- tres. Je ne dis rien ici des terres qu’on ne peut cultiver à caufe des moulieres qui les inondent; je me referve à en par- ler , lorfque je traiterai cette matiere en particulier dans le Chapitre fuivant. NZ Ca) Des SOURCES ET:MOULIERES. 137 CHAPITRE VIL Des Sources €ÿ Moulières. L paroît aflez inutile de chercher à fai- re connoître combien il eft effentiel de faire perdre les fources & moulières , qui fe trouvent dans des terres propres à ètre mifsen culture. Qui eft-ce qui ne fait pas que les grains qui font dans des terres où l’eau féjourne trop pendant l'Hi- ver, font expofés où a pourrir, ou à être coupés par la racine, lorfqu’il furvient de fortes gelées; La terre ne produit, apres ces accidens, que de mauvaifes herbes ou plantes qui y gâtent & corrompent dans les granges, la plüûpart du tems, le peu de bled ou d’autres grains qu’on a recueil- lis. Il eft donc de la dernière conféquen- ce de ne rien négliger pour faire perdre 138 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. les eaux dans toutes les terres deftinées à ètre miles en labours. J'ai déja fait entre- voir qu'il n’y a aucune nature de terre qui ne foit fufceptible de cette opération; & on y reuflira toujours, foit en les la- bourant, comme je l'ai dit plus haut, en planches plus ou moins bombées, & en leur faïfant donner quatre bons labours d’égale profondeur. En y femant endui- te les grains à la here, après y avoir mis les engrais convenables , &. avoir bien ameubli le fol, les aux s’y fiL treront toujours aïfement ; {ur tout , fi lon a foin, quand elles font trop abon- dantes, d'y faire des fangfues qui traver. {ent les planches. Les moulieres ne font occafionnées que parce que le {ol de deflous eft fort pefant, cafle, glutineux, ou glaifeux. [L'eau ne pouvant y pénétrer refte fur la fuperficie Des Sources ET MOULIERES. 139 ou entre deux terres. On lui facilitera fûrement le pañlage, fi on commence à faire conduire dans ces fortes de fols deux ou trois tomberaux de marne de plus que dans les autres terres. Il faut enfuite y faire voiturer du gazon ou des terres neu- ves, dés endroits un peu fablonneux , & différens fumiers mèlés de bañle-cour. Ces trois engrais avec les quatre labours que Yai fait donner à ces terres, les ont tel- lement ameublies , que deux chevaux ne fatiguent plus à y tirer la charrue, que s'ils étoient dans les terres franches, tan- dis qu'auparavant trois fufffoient à peine. En retournant cette terre, la charrue en enlevoit des parties qui pelvient jufqu’à $0. ou 60. liv. & elle s’en remplifloit de façon , que le charrètier étoit continuelle. ment obligé de la recurer. Aufli quoique 140 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. . Hiver ait été fort humide en 1764. ny cftil pas refté une feule goutte d’eau. Je n’ai rien à ajouter à ce que jai dit. ailleurs des fources que j'ai détournées par le moyen des foflés que j'ai fait creufer , & que jai fait conduire tant par es fang- fues, que par de petits foffés, foit dans mon potager, foit dans d’autres endroits : ainfi je me contenterai d'indiquer les moyens dont je me fuis fervi pour faire perdre dans la terre mème les différentes fources qui en inondoient des portions. Je me fuis d’abord attaché à decouvrir d’où venoient ces fortes de fources; & après n'etre bien affuré de l'endroit où elles com- mencoient, j'ai fait faire des fangfues un peu larges jufqu’au champ où il y avoit de ja terre meuble, & remuée par les taupes. Voyant que l'eau sy perdoit à mefure -Des SourCEs ET MOULIERES. 1:41 qu’elle y arrivoit, j'ai fait faire dans cette pièce un petit puifart.- Je lai fait remplir | jufqu’à un pied au-deflous du {ol , de pier- res qu'on avoit ramañlées dans le champ mème. Jen ai aufh fait mettre dans la fangfue un peu large, qui y conduifoit l’eau depuis la fource. J'ai fait enfuite couvrir de terre & le puifart & la fangfue. Je n'ai ceflé depuis 1760. de faire labourer par deflus tous ces endroits, & jamais il n’a paru depuis fur la terre une feule goutte d’eau. Quand les fources avoifinent les en- droits où l’eau peut ètre néceflaire , alors le puifart devient inutile. On {e contente de faire un petit foflé depuis la fource juf qu’au lieu où on veut la faire écouler. On remplit le fofé de pierres que l’on couvre enfuite de terre , {ur laquelle on fait pañler Ja charrue. Par ces mefures je n’ai plus aucune friche occafionnée par les fources 142 AGRICULTURE EXPE'RIMENTALE. ou les moulières, & je fais labourer en planches par-tout où il y en avoit, comme dans les terres qui ont toujours été en valeur. Quant à celles qui étoient incultes, par- ce que le fol en étoit brûlant, trop rempli de crayon, de marne, -de fable , ou de cailloux , je n’ai employé, pour les rendre propres à la production, que de bonnes terres lateufes , d’autres froides & humides \ & des gazons que j'ai fait prendre dans des champs où il fe trouvoit , quelquefois trois , quatre , & même cinq pieds de profondeur de cetteterre, ou dans les chemins. Fy ai auffi fait voiturer de bonne terre noire , & des recurages de foffés, en ne faifant ces | _ranfports que de proche en proche : jai fait perdre les moulières qui y étoient , en y mettant du gazon’ & différens fumiers; & après les avoir fait labourer en planches / SOURCES ET MOULIERES. 143 un peu bombées, j'y ai pratiqué quelques fangfues. Ces fortes de terreins ne font guère fujets aux moulières que pendant l'Hiver ; mais on les épuifera toujours par les moyens que je viens d'indiquer. 277 a af 144 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. CHAPITRE VHL des Potagers. | N s’imagine aflez ordinairement que pour rendre les potagers fertiles, il faut leur donner beaucoup d’eau, & leur procurer une grande quantité de fumier. C’eft une erreur, car les {ols des jardins font à peu-près femblables à ceux des ter- res propres à être labourées, c’eft-à-dire , bons, médiocres ou mauvais: ce qui eft occafionné par l'embarras où lon fe trou- ve fouvent de ne pouvoir choifir la na- ture de la terre que l’on voudroit mettre en potager, attendu qu’on eft obligé de prendre celle qui eft la plus commode & la plus à portée du Château ou de la mai- {on qu'on veut habiter, comme on a fait au POTAGERS. 14$ au Château de Belle-Fontaine. Le jardin de cette terre ne contient guères que deux arpens. Quand j'en ai pris poñleflion en 1759, plus de la moitié étoit un fol caffe glutineux & plein de glaife. Auf cite partie étoit-elle alors en friche. Je l'ai ar« rangée de la même facon que les terres _ labourables qui étoient de la mème natu- re, à l'exception de la marne que je nai point fait entrer dans les engrais que jy ai mis. Je me fuis contenté d’y faire tran£ porter pendant la gelée, ou dans d’autres tems qu'on ne pouvoit pas faire d’autres travaux, du bon gazon un peu fablon- neux , de la terre neuve noire qui étoit fous les fumiers de bafle-cour, de la ter- re lateufe, froide & humide, avec du fu- mier bien confommé. Par le moyen de ces différents engrais, le fol du jardin s’eft Le 146 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. trouvé fi ameubli, ‘que les pois, les fe- ves, & les autres légumes font venus en abondance, y ont beaucoup grainé, & ont eu un bien meilleur goût que tous ceux qui ne venoient auparavant dans la partie qui étoit cultivée, qu’a force de fu- mier & d’eau. On comprendroit difficile- ment, fans l'expérience, comoien ces dif- férens engrais empèchent la terre de fe fe. cher ; ce qui eft bien eflentiel, dans les en- droits où l’eau eft rare en été. Que je connois de jardins dont le terrein eft rem- pli de gravier, de cailloux & de fable! Ceux qui les poffèdent, font des dépenles confiderables pour y conduire des eaux & des fumiers de toute efpèce. Les mains d'œuvre y {ont multipliées à l'excès pour arrofer. Mais que réfulte-t-il de ces arro- femens trop fréquens? Une perte prefque POTAGERS. x4» totale de ces fumiers; car Veau pañan: au travers de ces fols, comme dans une fontaine fablée, quelquefois même avec plus de précipitation, en entraînent dans les fonds tous les {els & tous les fucs. Tout devient alors infructueux pour le propriétaire, & l'argent immenfe qu’il a dépenté, & les travaux & les peines du jardinier. Au lieu qu'il fe feroit épargné les frais & la peine, s’il avoit fait tranf porter dans {on potager des terres neu. ves, du gazon, & un peu de fumier ana logue à la terre qu’il vouloit mettre en état de produire. Jen fais de même, proportion gardée, pour les arbres fruitiers. Quand je veux en planter contre quelque mur, je fais faire une tranchée & bien défoncer le ter- rein, je la remplis enfuite des mèmes en- K 2 148 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. grais, après quoi on y met les arbres. Les pèchers que jai fait planter de la forte, ont plus profité en deux ans, que ceux qui avoient été mis en terre fix ans au- paravant dans le mème {ol, maïs fans avoir pris les mèmes précautions que je viens d'indiquer. On retirera les mèmes avan- tages, fi on plante de la mêmie facon les pommiers & les poiriers, & les autres arbres à fruit dans les plattes-bandes du jardin. Les fruits en feront bien meilleurs, & en plus grande quantité, que fi on ny mettoit que des fumiers de bañle-cour, qui ne fervent fouvent qu’à brüler le {ol qu’on enfemence ou qu’on plante, fuivant les différentes natures de la terre. On doit auffi mettre un peu de marne dans de bons fonds , comme dans les terres for- tes. franches, à blanc limon, noires, MOT A GENS 149 meubles, lateules , froides & humides. Car en vain diroit-on que la marne faifant, pour ainfi dire, produire la terre malgré elle, elle épuife en peu d’années tous les fels & tous les fucs qu’elle renferme, ou les defleche, de facon qu’on ne peut plus tien en tirer. J'ai l’expérience du contrai- re depuis 1740. J'en ai fait marner juf. qu'à deux fois qui rapportent conftam- ment de très-bonnes récoltes; & je fuis certain qu’elles ne diminueront jamais, par- ce que jaurai foin d’en entretenir les {els & les fucs par les différens fumiers des bafles-cours, par les différentes terres neu- ves que Jai déja défignées, ou par tout autre engrais analogue. Au relte, il pa- roit que ceux qui font le raïfonnement que je combats, ne favent pas qu'il y a diverfes fortes de marnes. Les unes {ont K 3 tso AGRICULTURE EXPERIMENTALE. très-crafles , les autres le font moins, & d’autres qui font fi feches, qu’elles n’ont que les fels néceffaires pour exciter ou pro- voquer la végétation de la terre. Ces der- nières néanmoins mélées avec différens fumiers de bafle-cour, & des autres en- grais dont j'ai parlé, donneront de très- bonnes productions , foit en légumes, foit en fruits, foit en grains. Ces différen- tes productions feront même plus de gar- de, que celles que l’on aura recueillies dans d’autres terres qui n’auront pas été pré- parées comme je l’enfeigne. D’où vient cela? C’eft qu’elles auront une meilleure qualité; j'excepte cependant de ces engrais les fumiers des bergeries, les crotins de pigeon, & le parc; parce qu’ils opèrent, à peu dé chofe près, les mèmes effets que la marne. POTAGERS. 15I Ï y à un autre moyen de faire du fu. mier, qui convient encore beaucoup mieux . aux potagers & aux vignes, que tous les fumiers de bafles-cours, qui ne brûlera jamais comme ces derniers le font quel- quefois, ni les plantes, ni les fruits. Hi confifte à faire un lit de bonne terre de quatre à cinq pouces d’épaifleur , long & large d'environ deux toifes plus ou moins. On fait deflus un lit de fumiers différents de trois à quatre pouces de hauteur. On continue de mème jufqu’a ce que le tas Loit élevé à quatre ou cinq pieds. On ar- rofe enfuite cette terre & ce fumier avec de l’eau de mares, ou de celle que lon prend dans d’autres endroits où il s’en trouve qui y croupiflent, jufqu'a ce qu'ils ne faffent plus qu’un feul corps enter! & qu’on puifle le couper avec la beche KE ..4 7 T$2 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. Tranfportés apres cela dans un potager ou dans des vignes, ils produiront tou- jours beaucoup plus d'effet que tous les fumiers des bafles-cours; & lengrais en durera bien plus long-tems. Aufl ai-je vû des vignerons qui avoient ainfi fumé leurs vignes, avoir une pleine vendange, tan- dis que les autres, au milieu defquels ils fe trouvoient, n’avoient qu’une demi-an- née tout au plus. KKKKKEEX d'aimdtiiils GRANGES. 153 a . D'FAPETERME Des précautions qw'on doit prendre pour mettre en furete les grains dus les £LTANgeS. 6 point eu jufqu’à préfent oc- cafion de parler de ce que l’on doit faire pour garantir dans les granges les grains qu’on y renferme, des différentes vermines qui les y dévorent annuellement , je crois devoir indiquer ici les moyens dont Jai fait ufage pour y réuflir. Ils font des plus naturels , quand les granges font {oli- dement bâties , & d’une matière un peu plus dure que celle qu’on emploie aflez or- dinairement en Picardie. Quel eft en effet ja caufe du dégât qu’y font les rats, les fouris , & les charanfons ? Il n’y en a point 154 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. d’autres , la plüpart du tems', que la négli- gence du Fermier ou du Propriétaire. En- trés dans leur grange, qu'y voyez-vous ? Une infnité de trous dans Paire , dans les travées , & dans les murs, qui font autant de forts inacceflibles dans lefquels fe reti- rent toutes ces vermines pour {e mettre à Pabri des pourfuites qu’on pourroit en faire. Lorfque je fuis entré dans la Ferme de Belle- fontaine, j'ai trouvé les granges dans ce trifte état. Les rats & les fouris y avoient formé des efpèces de terriers, dans lefquels ils faifoient leurs petits. Ils en {or- toient par bande pour aller dévorer la ré- colte, &y tranfporter leurs provifions. Je fuis enfin venu à bout de les détruire, & voici de la manière que je m’y fuis pris. Jai fait enlever de l'aire & de toutes les travées au moins un pied de terre, que Von a conduite dans les jachères. À peine GRANGES. 155 pourroit-on croire combien nous avons fait périr de rats, de fouris , de charanfons dans cette opération. Les mèmes tombe- reaux qui tranfportoient les terres dans les champs , en rapportoient des pierres & des cailloux pour remplir les creux qu’on avoit faits dans la grange. Après les avoir fait bien arranger à plat, on a jetté deflus de la chaux mélée avec du fable. Cet efpèce de maftic a lié enfemble les pierres & les cailloux. On a bouché enfuite bien f{oi- gneufement avec la compofition tous les trous des murs. J'y fais depuis ce tems bien entafler mes récoltes fans la moindre perte, tandis qu'elle avoit été très-conf- dérable pour le Fermier en 1758: car il y avoit dans les fouterrains que les vermines avoient formés , plus de quarante bichets de bled qu’elles avoient mangés , & au moins plein un tombereau de charanfons, 156 AGRICULTURE EXPE’RIMENTALE. que j'ai fait brûler. Tous les fourages de la grange étoient infectés par l’ordure de tou- tes ces vermines. Pour faire périr les charanfons à Ville- parifis , J'ai fait enduire de chaux vive les murs, les travées, & l’aire de la grange, & j'en fuis venu à bout. Quand il =’y en a point une trop grande abondance , il n’eft queltion que de bien nettoyer la gran- ge : couper après cela quelques gerbes de bled de la récolte qu’on eft fur le point de commencer , & les étendre le long des murs. Dès le lendemain tous les charan- ons y feront raflemblés. On prend pour- lors un drap fur lequel on fecoue chaque serbe. Tous les charanfons tombent deffus. L'on porte le drap dans la cour où les pou- les mangent cette vermine avec avidité. On place enfuite ces gerbes dans la grange conme la premiere fois. Vous n’aurez pas GRANGES. 157 réitéré cette opération quatre à cinq fois, qu'il ny aura plus de charanfons. On croît aflez communément que cet infecte fait plus de bien que de mal, quand on entafle le bled trop humide, qu’elle lempèche d’y germer ; qu'il eft mème plus aïfe à battre. je n’ai jamais fait cette expérience, parce que dans aucun tems je ne me fuis mis dans le cas de faire une récolte qui pût germer dans la grange ; ce qui eft de très-grande conféquence : car il eft très-certain que du bled germé & chaufouré ne peut que nuire à la fanté de ceux qui mangent le pain qu’on en fait, & que les pailles qui fen- tent le relant , caufent des maladies aux animaux qu’on en nourrit. Pour bien entafler les avoines dans les granges , il faut les délier, & les étendre également fur le tas. On les garantit par 158 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. cette façon de les arranger , des vermines qui ne peuvent y pénétrer. Le grain y acquiert une qualité qu’il ne peut avoir quand on le laifle en gerbe, & il entre dans une feule travée ce qui en rempliroit deux ; car les gerbes n’ayant point aflez de lon- gueur pour pouvoir les joindre aufli exa- ctement que le bled, il {e trouve dans tous les rangs des vuides dans lefquels fe gliflent les rats, les fouris qui y font un dégât con- fidérable. De tout ceci il réfulte qu'il. ne faut que de l'attention pour bien cultiver les terres , en connoître la nature , les engrais qui leur font propres, & les faïfons pour les tra- vailler à propos. On retirera de ces con- noiffances de très-grands avantages. Les fermiers , qui la plüpart du tems {e ruinent dans les terres dont ils fe chargent, s’y GRANGES. 159 enrichiront indubitablement. Animés par Pefpoir d’un gain qui ne pourra leur echap- per , ils fe porteront avec plus d’ardeur au travail qu'ils auront foin de multiplier à proportion qu'ils verront que les peines qu'ils fe donneront , ne feront pas tout-à- fait ftériles. Après tout ce que l’on vient de voir, comment pouvoit - on aflurer l’année der- nière que tout étoit dit. fur Agriculture, & qu’il falloit fe méfier de ce que devoient avancer les Auteurs qui donneroient dans la fuite leurs productions fur cette matiere ? Pour moi, je penle qu'il vaut beaucoup mieux fe méfier de ces Auteurs qui s’an- noncent avec tant d'années d’expérience , & qui n’apportent en preuve de ce qu’ils débitent, que les expériences des autres, ou qui les veulent critiquer avant d’avoir 166 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. lü les Ouvrages qu’ils doivent donner fur l'Agriculture. Quoique par ma Lettre du ro Avril 1764, je n’aie point annoncé l’article fui- vant, je crois devoir le placer ici à caufe de Putilité qu'on en retirera pour lAgri- culture. de DE LA MAIN D'OEUVRE. 161 Re CHA PTTRE De la main d'œuvre. IEX de plus néceffaire ; fur-tout pen- dant la moiflon ; que la main d’œu- vré. Si on ne multiplie, pour ainfi dire, alors les bras, rarement les ouvrages font conduits à leur perfection. Les récoltes font {ouvent perdues en partie ou dépérif ent; & les terres qu'on doit difpofer pour recevoir la femence, font négligées. Très- fouvent mème les vignes en fouffrent. IL {eroit néanmoins aifé d'éviter ces inconvé. Mens ; car au lieu d'occuper tant de mon- dela garde ou à la levée des dimes & des champarts qui font fi onéreux au public, il faudroit donner en argent ou en grains aux gros Décimateurs & aux Seigneurs, à peu Jprès la valeur de ce qui doit leur L 162 AGRICULTURE EXPE RIMENTALE. revenir, tous frais faits. Dans cette hypo- thèfe combien de perfonnes ne pourroient- elles pas ètre employées plus utilement ?- Car dans une Cure à peu-près de 1200 iv. où le Curé a la dime, il lui faut trois cal- vaniers , un charretier, une charette , & deux chevaux. Il faut au Seigneur ou Fer- mier un homme qui aille marquer les ger- bes qu'il veut avoir. Voilà donc au moins cinq perfonnes qui travailleroient au bien général, s'ils n'’étoient pas à celui de deux particuliers. | Les gros Décimateurs au refte & les Sei- gneurs gagneroient à cet arrangement , puif- qu'ils n’auroient plus à craindre aucune intempérie de l'air , & qu’ils éviteroient les embarras & la groffe dépenfe que leur donne ordinairement le tems de la moïflon. Le Laboureur y trouveroit auf {on comp- te; car fans faire aucuns frais de plus, ils DE LA MAIN D'OEUVRE. 162 profiteroient de la dépenfe que les Seigneurs & les gros Décimateurs font obligés de faire pour recueillir ce qu’ils ont droit de percevoir. D’un autre côté le fermier ne craignant plus de voir dans fon champ’des étrangers avides de ce qu’il y a de meilleur , & de ce qu’il a eu tant de peine à faire produire, {e livreroit au travail avec plus d'ardeur & de zèle, & feroit difpenté de payer une perfonne pour veiller à ce qu’on ne lui enlève rien au-delà de ce qu'il doit. FIN. Approbation du Cenfeur Royal. Y’Ai là per ordre de Monfeigneur le Vice-Chan- Ÿ celier un Manufcrit intitulé , Agriculture expé= rimentale , par M. Sarcey Defuticres , @ÿc. & il m'a paru que fon deflein de chercher plutôt à perfectionner les anciennes pratiques qu’à en in- venter de nouvelles, étoit rempli de la manière Ja plus fatisfaifante, & étoit celui dont or pouvoit {e promettre le plus d'utilité. À Paris c; 26 Fé- vrier 1765. ROUSSELET. mé = 5e dome à LT = ne (N à (ON PLEASE DC 5 OR SLIP£ RSITY OF 2 4 mt 9 02 pu RE RRER sn n apr NET Sont 70S RES ï : FETES ere eet ç = k 7 ecrit AMIS) PS CIN ET TÈT PT DÉNPTTNT * TLC 3 : DENAES LANAMNINH EEE de dpt pe ge ha dt éd nm ÉRRÉES È DES ES : RES enr sers : Ses: HN —— SEEN Etre pet RÉCENT se pe FR k ÿ | : : us s ; : HER RE ATEN RS TEPE TEEN ir HS AREETE HE ; r # ne Lee Loi el : DRE TO MINOOE : s MINOR rest rate nes SEE STE IN NN OP UERNR HR EU) PEER Ne) RER es PERS a 228 D TRI TE SPP ENEE ee RE RCE HNNNT ETS 7 ” À k RATE) ? HR Are ruelee DSRRAARRERS È ETS Rae RON SRE Has RENE IONMMNPORTEIENT SRE be DEDUUE £ DEN MNEN EEE + 1 OCR LRNT MNT ANS SE EU ERA SEMESTRE LE CS SE pr unes tt RES MR eme : se on snpds ts Een a ar NITIONS 2 L À * Do MCE KES erbtes tres EE LIOSTATRER AREA RAR ENS DATE à Sr SE ue 6 +IPAN ROUEN : sa + , + HRRSADENEnEUNS DRE RSS PS ES RAR SE OMS DEA U eg la los dat DER CREER ER L de à rite = ; ns ee 4 pots ve Ant LT TEA CREER EEE Spice Le SNS EE