■mmmwv. ' :: iiMÉii + + + ***M»V** + *»ÏÏ2^ M + '^SA»** + + m Â33& + + LES TROIS RÈGNES DE LA NATURE REGNE ANIMAL > A II J S ? IMPRIMERIE ADMINISTRATIVE DE PAUL DUPONT, -iî>, HUE DE GttE.NELLE SAINT- IlONOUÉ. P1..W1Y. /i:l /s lio \ ' < >f //. ■■ y <<' / HISTOIRE NATURELLE DES MAMMIFÈRES AVEC L'INDICATION DE LEURS MOEURS, ET DE LEURS RAPPORTS AVEC LES ARTS, LE COMMERCE ET L'AGRICULTURE PAU M. Paul GERVAIS PROFESSEUR DE ZOOLOGIE ET D'AIN ATOM1E COMPARÉE A LA FACILTE DES SCIENCES DE MONTPELLIER. CARNIVORES, PROROSCIDIENS, JUMENTÉS, RISULQUES, ÉDENTÉS, MARSUPIAUX, MONOTRÉMES, PHOQUES, SIHÉNIRES ET CÉTACÉS. PARIS L. CURMER RUE RICHELIEU, 47 (au prkmilr). M D C C C L V. Le propriétaire-éditeur se réserve le droit de traduction et de reproduction même partielle en France ou è l'étranger. 'T """ Ï.Jr, ste-tftjT %, rr&u, - ORDRES FAMILLES, GENRES et ESPÈCES DE LV CLASSE DES MAMMIFERES ORDRE des CARNIVORES A nimanx mammifères pourvus de quatre extrémités onguiculées propres ù la locomotion ordinaire: n'ayant pas le pouce opposable aux autres doigts; armés de trois sortes de dents ainsi réparties à *~ chaque mâchoire : trois paires (F incisives , une paire de canines et un nombre variable de molaires; celles-ci diversi formes, souvent tran- chantes, et subdivisibles en fausses-molaires , carnassières et arrière- molaires. Le cerveau est toujours pourvu de circonvolution a la surface de ses hémisphères; le reste de l'organisation : appareil repro- II e PARTIE. t 2 ORDRE DES CARNIVORES. ducteur, canal intestinal, squelette, etc., est établi sur le même modèle que chez /'Ours, le Chien, le Chat, la Fouine. Le placenta est zonaire comme chez eux. La taille des Carnivores , comparée à celle des autres Mammi- fères, est , en général , moyenne, mais il y a parmi eux certaines espèces plus grandes que les autres , comme le Lion, le Tigre, etc., et d'autres plus petites , comme la Belette et certaines Mangoustes. Ces Mammifères se nourrissent principalement de chair et de sang; ce sont par excellence des Animaux de proie, quoique plusieurs d'entre eux mêlent à F occasion des substances végétales aux principes ani- maux qui font leur nourriture de prédilection. Ils sont nombreux en espèces et répandus sur toute la surface de F ancien et du nouveau continent; il y en a aussi à Madagascar , mais ils y sont moins variés qii ailleurs. On ne les rencontre pas dans F Australie : où des Carnassiers appartenant à la sous-classe des Marsupiaux sont chargés de la même fonction destructrice. Les Carnivores sont, de tous les Quadrupèdes , ceux qui sont le mieux armés : leurs fortes canines, leurs griffes acérées et souvent rétract iles, les rendent redoutables à toute la création, et leur fonction principale dans F harmonie géné- rale des êtres est incontestablement cF apporter, par le carnage, un obstacle à la trop grande multiplication des espèces herbivores. On peut diviser les Carnivores en six familles; chacune d'elles a eu des représentants dans plusieurs des faunes qui ont précédé celles qui habitent maintenant le globe. Les Mammifères dont nous avons parlé dans le premier volume de cet ouvrage ont pu être répartis aisément en plusieurs ordres distincts; mais ces ordres, au nombre de quatre, ont entre eux certains caractères communs qui devaient les faire rapprocher les uns des autres; aussi les avons -nous considérés comme formant une première grande division de la première sous-classe des Mammifères. Ce sont les Primates, que divers auteurs nomment aussi Quadrumanes, les Chéiroptères, les Insectivores et les Rongeurs. Il eu est question dans l'Introduction (1), sous la dénomination commune de Mammifères disco-placenlaires. Leur régime est assez variable; ils ont différents modes de locomotion à la surface du sol, et l'on reconnaît, dans leurs mœurs comme dans leur organisation, des particularités secondaires qui rendent leur classification assez facile. Aucun de ces premiers Mammifères n'est franchement carnassier, comme ceux qui vont faire l'objet de ce chapitre, et nous ne retrouverons dans les autres sous-classes de Mam- mifères que quelques Marsupiaux seulement aussi enclins (pie ces derniers au meurtre et à la déprédation. Les Marsupiaux Carnassiers sont les plus redoutables de tous les Mammi- (i) Tome I, page xxi. OJiDMK MES CAliMVOiîKS. 3 fores du continent australien, comme les Carnivores le sont de leur côté parmi les nombreuses espèces de Mammifères nionodelplies qui peuplent l'ancien et le nouveau continent, c'est-à- dire les deux Amériques, aussi bien que l'Europe, l'Asie, l'Afrique et plusieurs 'de leurs des. Il y a aussi des Carnivores parmi les Animaux de Madagascar, cette terre si singulière par ses productions naturelles, et qui nous ont fourni des Primates et des Insectivores si différents de ceux de l'Afrique ou de l'Asie. Les Carnassiers proprement dits sont plus particulièrement appelés Carnivores. Comme on l'a vu par la définition que nous en avons donnée plus haut, ces Animaux se distinguent des autres par un certain nombre de caractères importants, et ils ont aussi dans leur mode de placentation une disposition qui leur est propre. (Voir T. 1, p. xxi, la ligure du placenta du Chien.) Nous montrerons en traitant des Mammifères à sabots que ceux-ci sont également caractérisés par une forme spéciale du placenta, et qu'à cet égard ils constituent une troi- sième grande catégorie parmi les Mammifères nionodelplies qui ont plusieurs sortes de dents. Les Carnivores, tels que nous les déliassons, étaient déjà considérés par Linné comme (levant former un ordre à part, qu'il appelait en latin Fera-, c'est-à-dire bêtes féroces. C'est, en effet, parmi les Carnivores que se placent le Lion, le Tigre, la Panthère, les Hyènes, le Loup, le Glouton, l'Ours et tant d'autres espèces, les unes à peu près de même force, les autres beaucoup plus faibles, mais non moins sanguinaires. Celles-ci ont des instincts également meurtriers et ne sont inférieures aux précédentes que parce qu'elles attaquent des Animaux moins forts et moins capables de résistance. Comme on l'a souvent répété, les Carnivores ont pour fonction principale de s'opposer à la trop grande multiplica- tion des espèces herbivores, et ils exécutent cette sorte de pondération dans la classe des Oiseaux aussi bien que dans celle à laquelle ils appartiennent. Ce sont des Animaux de carnage, et le nom de Carnivore*, qu'on leur donne spécialement, exprime parfaitement cette disposition, puisque c'est pour obtenir la chair et le sang nécessaires à leur alimenta- tion qu'ils poursuivent et niellent à mort la plupart des autres Vertébrés. s 4 ORDRE DES CARNIVORES. Si Tordre des Primates mérite d'être étudie avec soin à cause des nombreux rapports d'organisation qui rattachent ses principales espèces à l'Homme lui-même, l'ensemble des Carnivores n'est pas moins digne de notre attention. C'est parmi les nombreuses espèce de cette catégorie que l'Homme trouve ses plus redoutables ennemis, soit qu'ils l'attaquent personnellement, soit qu'ils inquiètent ses Animaux domestiques. Dans certaines contrées de l'Amérique, les Carnivores sont encore aussi nombreux que redoutables, et en Afrique ou dans l'Inde, il y en a même de plus dangereux. M. Sykes, officier anglais et savant natu- raliste, rapporte que dans le Deccan, l'une des provinces indiennes, on a tué pendant les années 1825 à 1820, quatre cent soixante-douze Panthères; et, dans un district seulement , mille trente-deux Tigres royaux. Comparés aux espèces asiatiques et africaines, nos grands carnivores de l'Europe n'occupent plus que le second ou le troisième rang. Quant aux espèces plus petites, mais plus variées, que l'on observe dans les deux continents, elles seraient peu nuisibles si le nombre des individus dans chacune d'elles et la diversité des ruses qu'elles mettent en pratique ne leur assurait une sécurité plus complète, à beaucoup près, que celle dont jouissent encore les grandes espèces dans les lieux les plus sauvages. Par une singularité remarquable, cet ordre des Carnivores dont les espèces nous causent de si grands dommages et qui comprend la plupart des Animaux féroces, nous a fourni un serviteur aussi intelligent que dévoué, qui se montre, sur tous les points du globe, notre plus puissant auxiliaire et notre compagnon le plus affectueux. Le Chien domestique est certaine- ment le plus implacable adversaire de tous ces tyrans du règne Animal qui composent avec lui l'ordre des Mammifères carnivores, et, en même temps qu'il concourt de la manière la plus active à l'éloignement ou à l'anéantissement des espèces nuisibles, il retient sous notre domination les Animaux domestiques dont nous tirons le meilleur parti, tels que les Bœufs ou les Moutons. G. Cuvier, de Blainville et, à leur exemple, la plupart des zoologistes font des Carni- vores une simple division du grand ordre des Carnassiers dans lequel ils placent aussi les Chéiroptères, les Insectivores et les Phoques (1); mais, à part leur régime également animal, il y a entre ces diverses sortes de Quadrupèdes trop de différences imporlantes pour que l'on persiste à les rapprocher. Les Chéiroptères et les Insectivores sont de la même série que les Primates et les Rongeurs, et ils se nourrissent essentiellement d'Insectes, comme le font quelques Animaux du premier groupe. Quant aux Phoques, ils s'éloignent à la fois des Carnivores par leur forme générale, par leur cerveau, par leurs organes de reproduction et par l'uniformité de leurs dents molaires, et les afliuités que les Loutres ont avec eux, ne justifient pas leur classement parmi les Carnivores. Ainsi les Carnivores forment parmi les Monodelphes hétérodontes un groupe parfaitement distinct de tous les autres, et les espèces (pie ce groupe comprend ont à la surface du globe une fonction bien déterminée. Ce sont les mieux armés de tous les Animaux; leurs instincts les portent au meurtre comme moyen d'alimentation, et, comme ils varient leurs attaques suivant leur propre force, il est peu de Mammifères ou d'Oiseaux qui n'aient quelqu'un d'entre eux pour ennemi. Le Tigre attaque l'Homme et les plus grands Quadrupèdes; le Chat poursuit les petits Mammifères ou les Oiseaux, et toutes les autres espèces de ce grand genre des Félis qui sont intermédiaires, pour la force, au Chat domestique et au Tigre, poursuivent elles-mêmes des Animaux d'un volume proportionné au leur, et elles les égorgent avec une égale facilité. Il en est ainsi des autres Carnivores, et, en particulier, des Mustélidés. Cependant beaucoup de ces Animaux associent (1) Voir tome I, pages \m et xiv. 1) i: M s i) i: i. ' i U :}/i «!.' ORDRE" DES CARNIVORES. 5 à la chair d'autres substances, les unes d'origine animale et azotées, comme les tendons, les os, les œufs, etc., et d'autres non azotées, comme la graisse ou le miel. Quelquefois même ils se rabattent sur les fruits et sur les racines, et, dans ce cas, ils méritent à tous égards la dénomination d'Omnivores par laquelle on les désigne souvent, mais sans les séparer pour cela des autres genres du même ordre. Les dents des Carnivores, et particulièrement leurs dents mo- laires, présentent des disposi- tions appropriées à chacun de ces régimes , et les Chats et les Ours, qui constituent les deux termes extrêmes de la série de ces Mammifères au point de vue du mode d'alimentation , sont aussi les plus différents entre eux par la disposition de leurs dents molaires. Dans tous les Animaux de cet ordre il y a toujours trois sortes de dents : des incisives, des ca- nines et des molaires. Les incisives sont au nombre de trois paires à chaque mâchoire; elles sont à peu près verticales, et la paire externe est sensiblement la plus forte. Dans les Martes et genres voisins la paire intermédiaire des incisives inférieures est insérée un peu en arrière des deux autres ; elle manque même dans la Loutre marine ; d'où il résulte que la mâchoire inférieure de cette espèce ne porte que deux paires d'incisives, tandis qu'il y en a trois dans le reste des Animaux carnivores. Chaque mâchoire a une paire de canines ; ces dents sont coniques, plus ou moins acérées, plus saillantes que les autres, très-propres à percer ou à déchirer, et le plus souvent elles fournissent aux Carnivores leurs principales armes. On les nomme vulgairement Ianiaires, crocs ou crochets. Les supérieures sont implantées dans l'os maxillaire, en avant des autres dents supportées par le même os, et un petit espace vide laissé entre elles et la paire externe des incisives sert pour ainsi dire de gouttière aux canines inférieures qui croisent en avant celles de la mâchoire supérieure. Dans les Machairodes, qui sont de grandes espèces éteintes de Félis, les canines supérieures acquéraient des dimensions bien plus considé- rables que chez les Carnivores actuels, et celles de l'espèce propre à l'ancienne faune du Brésil, que de Blainville a décrite sous le nom de Smilodon, n'avaient pas moins de deux décimètres dans leur partie coronale. Les molaires des Carnivores varient notablement pour le nombre et plus encore pour la forme, suivant les espèces et les genres; aussi peut-on en tirer d'excellents caractères, et il est de toute importance de les étudier avec soin. Elles sont toujours diversiformes entre elles, et l'on peut, comme le faisait Frédéric Cuvicr, les diviser en trois catégories. Les premières, dont le nombre varie de une à quatre, sont dites avant-molaires ; elles sont, en général, pointues, et augmentent lentement en volume et en complication de la pre- mière à la dernière. Après elles vient une dent plus meurtrière, et en général aussi d'un volume plus considérable que celles qui la suivent. Dans la mâchoire inférieure du 6 ORDRE DES CARNIVORES. Chat, elle est placée la dernière, c'est-à-dire la troisième; chez le Chien, le Loup et le Renard , c'est la cinquième ou l'antépénultième ; dans le Putois , elle n'est (pie la quatrième, attendu qu'il n'y a que trois avant -molaires au lieu de quatre, et elle se trouve l'avant- dernière. Supérieurement, elle devient la troisième, c'est-à-dire la pénultième dans les Chats et les Hyènes; la quatrième chez le Chien et autres genres qui l'avoisinent ; elle est la troisième dans le Putois. Contrairement à ce que nous avons vu pour les canines, cette dent est croisée en arrière et non en avant par sa correspondante inférieure. F. Cu- vier lui a donné le nom de carnas- sière. Assez petite chez les Ours, qui sont omnivores, elle est très-forte, tran- H y K N r. T A t. H t TKl Petite tuberculeuse et earnnssière supérieure, grand, nat. grandeur naturelle. chante et comme ailée chez le Lion, le Chat et les autres Félis, et elle affecte encore des formes différentes, mais plus ou moins intermédiaires, chez les Martes, chez les Chiens, chez les Mangoustes, chez les Civettes, chez les Hyènes. Son apparence reste plus ou moins la même dans les Animaux qui se rapportent au même groupe que chacun des Carnivores que nous venons de nommer. L'étude minutieuse de cette dent a fourni de très-bons résul- tats pour la classification des genres et pour leur diagnose. Les Carnivores connus dans la nature actuelle n'ont jamais qu'une seule paire de véritables carnassières à chaque mâchoire; mais on en voit trois chez les Hyé- nodons et chez quelques autres genres qui ont appartenu aux premières faunes de la période tertiaire. Sotis ce rapport , ces anciens Carnivores ressemblaient notablement aux Marsupiaux au- straliens, dont ils avaient le ré- gime. Les Hyénodous et les Pté- rodons qui leur ressemblaient beaucoup étaient, à cette époque reculée, les plus redoutables de tous les Mammifères carnivores qui peuplaient nos contrées. C'est chez les Félis que la même dent, principalement celle de la mâchoire inférieure, est le plus franchement carnassière; elle se compose alors de deux tranchants successifs; chez les Chiens elle a, de plus, une partie tuberculeuse; d'autres fois, et en particulier chez beaucoup de Viverridés, sa partie antérieure est formée de trois pointes qui sont disposées en triangle. Son talon s'élargit encore et ses pointes s'affaissent chez les espèces les plus omnivores. En arrière de la dent carnassière sont placées les molaires de la troisième sorte ou les tuberculeuses. Celles-ci doivent leur nom à la forme habituellement émoussée de leur couronne; elles sont surtout développées chez les Animaux omnivores. Les Ours en ont deux paires très-grosses à chaque mâchoire, tandis que les Félis n'en ont qu'à la mâchoire supérieure et seulement une paire. 11 y en a une paire eu bas comme en haut chez le Putois, et deux chez la plupart des espèces de la même famille que le Chien.' Dans plusieurs genres M a i; h o i n f. in i k h 1 1: u un o ' II \ k n o i> o .n i> v, v. o r v r-: i\ r k i: n A i; v i: h < (d'îiprrs MM. île Varieu et do Laizer), 1/2 <[<> frninrt I..-2 (1- ffi-:in r i< s de S y r i k , 1/22 (1 pattes et par manière de distraction une assez grosse pièce de bois qu'il tournait et retournait dans tous les sens. A l'état libre, tOurs malais se nourrit principalement de miel, et, à cet effet, il dévaste les nids des Abeilles sain âges. 6. La dernière espèce n'est pas moins différente , sous certains rap- ports , quoiqu'elle ait y molaires dans l'âge adulte. On devra en faire aussi une section particulière, que nous nommerons T i; KM VRCTOS. u it s o n \ f: ( / rsus ornai us , F, Cuvier). 11 a le pelage lisse, asse/ luisant et noir, sauf à la face et au- dessus des yeux qui sont d'un fauve sale, et aux parties inférieures qui sont blanchâtres. C'est une espèce 1 12 \ FAMILLE DES VIVERRIDÉS. 21 assez petite , à corps long d'un mètre environ et qui se distingue par quelques caractères bien tranchés. Son crâne a une forme qui lui est propre ; ses fausses molaires sont persistantes , et son humérus est percé d'un trou suseondylien qui manque à tous les autres Ursidés. L'Ours orné vit dans les montagnes élevées du Chili , du Pérou , de la Bolivie et de la Nouvelle-Grenade. Quelques auteurs l'appellent Ours des Cordillères ; mais il y a dans la même chaîne, particulièrement au Pérou, un Ours assez différent de celui-là, dont un exem- plaire vivait il y a quelques années dans la Ménagerie du Muséum. M. Tschudi, qui a dressé une liste des Mammifères qui habitent le Pérou , y signale aussi une espèce d'Ours différente de l'Ours orné; c'est son Ursus frugilegus , dont le nom veut dire chercheur de fruits. [\ en donne la description dans son F aima peruana. FAMILLE des V1VEIUUDÉS Cette famille se compose d'espèces moins grandes que celles de la précédente, mais infini- ment plus nombreuses, et parmi lesquelles on peut établir une grande diversité de coupes génériques. Ces Animaux, qui ont tous quelques rapports dans leur forme extérieure, dans leurs habitudes et dans leur organisation, avec la Civette ou avec l'Ichneumon , sont tantôt plantigrades, tantôt, au contraire, plus ou moins digitigrades. Tous, sans exception, ont, en arrière de leurs dents carnassières, supérieurement, deux paires, et inférieurement, une paire de dents tuberculeuses; ces dents sont proportionnellement moins fortes que celles des Ours, et leur apparence est quelquefois un peu insectivore; c'est ce que l'on reconnaît à l'élévation plus grande des tubercules qui surmontent les principales d'entre elles. Certains genres de Viverridés sont plus omnivores et plus plantigrades que les autres, ce qui les a fait classer fréquemment à la suite des Ours et dans la même division sous le nom de carnassiers plantigrades. Nous en formons une seule tribu; cependant ils se res- semblent assez peu par leur apparence extérieure pour qu'on puisse les séparer, comme on l'a quelquefois proposé, en autant de tribus ou à peu près, qu'ils forment de genres : ils répondent à la plus grande partie des Subursus de Blainville. Nous les nommerons à cause de cela Subursins. D'autres Viverridés constitueront une seconde tribu sous le nom de Viver- rins et les derniers, ou les Mangoustes et les genres voisins nous en fourniront une troisième sous le nom de Mangustins, TRIBU ])ks SUBURSINS Si l'on retire des .Subursus de Blainville certaines espèces telles que le Blaireau et diverses autres que leurs caractères semblent devoir faire réunir aux Mustélidés , il reste encore cinq genres bien plus semblables aux Viverrins qu'aux Mustéliens, et dont nous parlerons ici. Ce sont les genres Kinkajou , Panda , Raton , Coati et Ictide. Genre KINKAJOU {Ccrcoleptes, Illiger). Nous commencerons l'étude de la nombreuse famille des Viverridés par ce genre, qui est fort différent des autres à plusieurs égards, et dont quelques naturalistes font une famille tout à fait isolée dans l'ordre des Carnivores, un terme de jonction entre les Primates et les Carnivores, ou même un groupe de l'ordre des Primates. Cette dernière opinion a été pendant quelque temps celle de F. Cuvier, et, bien qu'elle ait été abandonnée par son auteur, elle a été reprise par Lesson. Dans son Nouveau Tableau du règne Animal, ce dernier naturaliste fait encore du Cercolepte le dernier genre de l'ordre des Quadrumanes. 22 ORDRE DES CARNIVORES. Cependant le Cercolepte, quoique pourvu de cinq doigts à chaque extrémité, n'a le pouce opposable ni en avant ni même en arrière ; ses mamelles ne sont qu'au nombre de deux et leur position est inguinale ; enfin, il a trois paires de dents incisives à chaque mâchoire, ce qui l'éloigné encore des Quadrumanes ou Primates pour le rapprocher des Carnivores. L'ensemble de son organisation ne permet pas de douter qu'il n'appartienne au même ordre que ces derniers , et s'il a dans son habitude extérieure quelque ressemblance avec les Sajous et les Lémuridés, c'est parce qu'il vit dans des conditions analogues à celles de ces Animaux; cette ressemblance, quoique évidente, ne se montre d'ailleurs que dans les caractères tout à fait secondaires, tels que la forme arrondie de la tête, la longueur et la disposition préhensile de la queue, rallongement du corps et la nature laineuse du pelage. Le Kinkajou vit, en effet, sur les arbres, comme les Lémuridés ou les Sajous, et sa queue, à la fois velue dans toute sa longueur et en partie prenante, lui permet de se tenir plus facilement sur les branches au milieu desquelles il habite. Ses pieds courts , plantigrades , à doigts armés d'ongles crochus et comprimés, lui servent aussi à se fixer et en même temps à arrêter les Oiseaux ou les autres petits Animaux dont il se nourrit en partie. Le Kinkajou est plutôt omnivore que réellement carnassier ; aussi joint-il aux substances animales qu'il peut se procurer , du miel , des œufs , des insectes et surtout des fruits. Ses dents molaires sont même assez semblables à celles des espèces frugivores de l'ordre des Primates. Elles sont au nombre de cinq paires à chaque mâchoire ; les deux premières supérieures et les trois premières inférieures ont l'apparence de fausses molaires ; les autres sont arrondies à la mâchoire supé- rieure, ovalaires à l'inférieure, à couronne plate, et rap- pellent celles des Sajous ou des Cheiromys, Le squelette des Kinkajous présente plusieurs particularités intéres- santes dont on trouvera la description dans le grand ou- vrage de Blainville ; leurs narines sont ouvertes sur les côtés d'un petit mutle; leur langue est douce et fort extensible; leurs oreilles sont arrondies, et leurs yeux, qui ont les pupilles rondes , sont assez grands, K i nk uo i -, grand. iu:(. .--^-<*:'~' ( ., N !CV'-' »/«? d? qir.nd, FAMILLE DES VIVERRIDÉS. 23 L'espèce unique de ce genre est particulière aux régions chaudes de l'Amérique, c'est le Kinkajou Potto (Cercoleptes caudwohmlus) , petit Animal assez gracieux, de couleur fauve roussâtre, plus sombre en dessus qu'en dessous, et dont l'apparence extérieure tient à la fois de celle des Sajous et des Chats. Il passe la plus grande partie du jour roulé en boule et endormi; il grimpe avec une extrême facilité; il reçoit des naturels de la Nouvelle-Grenade le nom de Cuchumbi. Il vit aussi dans la Guyane, au Brésil et au Pérou. Sa taille est infé- rieure à celle du Chat. C'est un Animal assez doux et qui ne manque pas d'intelligence. GENRE PANDA (Ailurus, F. Cuvier). Corps assez trapu, à pelage très-fourni; pieds courts, plantigrades, pourvus d'ongles comprimés; mâchoires assez courtes ayant leur apo- physe coronoïde très-montante; dents molaires £ dont la première inférieure est caduque; les vrais molaires supérieures, fort différentes de celles des autres Carnivores, ont quatre pointes principales et de plus trois pointes externes supplémentaires ainsi qu'une quatrième interne. Les inférieures sont assez différentes; l'ensemble du système dentaire approche par sa forme de celui de quelques ongulés omnivores. Le Panda éclatant ( Ailurus fulgens, F. Cuvier), qui est l'unique espèce de ce genre, est à peu près gros comme un Chat; il se distingue extérieurement par l'élégance de son pelage qui est en même temps très-fourni. Sa couleur générale est d'un roux vif, passant au brun sur les membres, pâle à la tète et marqué d'anneaux sur la queue. \\v^ l 1 v S i) k i c l \ t a n f , 1 /6 de grand Cet Animal vit dans les monts fîimalayaSj et se tient près de la région des neiges perpé- tuelles. Son crâne, quoique d'une forme assez particulière, a cependant quelque analogie avec celle du Kinkajou, et il paraît évident que ces deux genres d'Animaux doivent être rapprochés dans la méthode naturelle. Genre RATON (Procyon, Storr). Les Bâtons sont américains comme les Kmkajous et <-omme les Coatis dont nous parlerons ensuite ; ils s'étendent même bien davantage dans 24 ORDRE DES CARNIVORES. l'Amérique septentrionale ; on en trouve même dans des parties assez froides de ce dernier continent. Ils sont plantigrades, peu grimpeurs, et leur queue n'est pas prenante. Ainsi que le corps , elle est garnie de poils bien fournis; le museau est fin sans être allongé ni mobile comme celui des Coatis; les habitudes sont essentiel- lement terrestres. Les mamelles sont au nombre de six et ventrales. Il y a sur chaque mâchoire six paires de molaires , dont les trois premières d'en haut et les quatre premières d'en bas sont des avant-molaires , leur volume va en augmentant; parmi les autres, la carnassière supérieure diffère peu des deux tuberculeuses qui la suivent, et la carnassière inférieure ressemble beaucoup à la dent placée derrière elle; cependant elle est plus forte et d'apparence plus carrée. Le régime de ces Animaux est omnivore et leur marche plantigrade. Les Ratons ont quelque analogie avec les Blaireaux dans leur genre de vie, mais ils ont les formes moins lourdes; ils ont aussi les allures plus dégagées et même élégantes. Ce sont des Mammifères faciles à apprivoiser et qui deviennent fort gras. Il n'est pas rare d'en voir entre les mains de gens dont le métier consiste à montrer quelque animal étranger; une simple chaîne ou même une corde suffit pour retenir les Ratons, car ils ne sont ni farouches ni turbulents, et, en général, ils se prêtent assez complaisamment aux volontés de leur maître aussi bien qu'à celles du public. On ne distingue avec certitude que deux espèces parmi ces Animaux. Le Raton laveur (Procyon lotor) est ainsi nommé à cause de l'habitude qu'il a de porter à l'eau pour les laver ou les détremper, les objets qui servent à sa nourriture. U a t o n c, r a m e tt , grar. à. n fit , Raton laveur, 4/0 iIp grand , FAMILLE DES VÏVERRÏDÉS. 25 C'est l'espèce de l'Amérique septentrionale. Son pelage, qui peut devenir presque entière- ment gris, est plus habituellement gris brun, avec du blanc au museau, un trait brun en travers des veux et quelques anneaux foncés sur la queue. Son corps a 0,60 et sa queue 0,25. C'est le Raccoon des Anglo-Américains. On en a séparé , comme indiquant des espèces dis- tinctes, quelques individus qui paraissent plutôt constituer de simples variétés; ce sont les Procyon nivea et Procyon psora. Le Raton crabiku (Procyon cancrivorus , G. Cuvïcr et E. Geoffroy) dont il est question dans les Suppléments de Buffon , est un peu plus fort que le précédent et moins bien vêtu. Ses poils sont en général fauves, mêlés de gris et de noir, plus pales en dessous et à la face; les anneaux de sa queue sont moins foncés. On le rencontre dans les parties chaudes de l'Amérique, au bord de la mer et près des lacs salés qui s'y rattachent, où il recherche les Crabes et en fait sa principale nourriture; c'est ce qui lui a valu son nom d'espèce. Jl appartient principalement à la Guyane et au Brésil. Genre COATI (Nasua, Storr). Le corps des Coatis est assez allongé et leur tête est étroite, prolongée en un petit mufle nu, qui a la mobilité d'un groin; leur queue est presque égale au tronc par sa longueur, non prenante et annelée; leurs yeux sont petits; leur langue est douce et extensible. Ces Animaux sont grimpeurs; leurs pieds sont plantigrades et armés d'ongles robustes; ils s'en servent pour saisir les objets qu'ils veulent porter à leur bouche; ils boivent en lappant comme la plupart des autres carnivores; l'odeur qu'ils répandent est désagréable. Leur taille est à peu près égale à celle du Chat, mais, comme le montre cette courte description, leurs formes et leurs allures sont différentes, et ils sont bien moins gracieux dans leurs mouvements. Leur robe n'a rien de remarquable; elle se compose de poils assez durs , variés en proportions diverses de roux et de brun. L'odorat est leur sens le plus perfectionné. Leur voix est un petit sifflement ou grognement assez doux, lorsqu'ils sont contents; dans la colère, c'est un cri fort aigu. Les mamelles des Coatis sont au nombre de six , et chacune de leurs portées est de quatre ou cinq petits. Le système dentaire de ces Animaux , de même que celui des Bâtons , du Panda , du Benturong et du Kinkajou, les distingue très-sûrement des Mustélidés plantigrades, tels que le Mydaus, le Blaireau, l'Arctonyx et le Taxidée, auxquels Blainville les avait associés dans son Ostéographic, sous le nom de Subursus, et il les rapproche évidemment des Vi venin s. (( Est-ce pour cette raison que Linnée, dont les erreurs ont si souvent un côté rationnel, plaçait les Coatis dans son genre Viverra, sous les noms de Viverra nasua et narka ? Nous n'oserions l'affirmer. Ce qui nous paraît évident, c'est que, malgré certaines analogies appa- rentes avec les Viverra, les Coatis et les genres voisins sont de véritables plantigrades, auxquels les naturalistes modernes ont assigné leur place réelle. » C'est ainsi que, dans un des articles du Dictionnaire universel d'Histoire naturelle, nous avions apprécié les 'affinités des Coatis, mais il nous paraît aujourd'hui moins certain encore que l'opinion de Linnée doive être abandonnée, et nous croyons indispensable de faire deux parts dans les Subursus de Blainville. Les uns, plus rapprochés des Blaireaux, doivent être reportés avec eux parmi les Mustélidés, dont ils sont les genres plantigrades et ursiformes; les autres ou les Coatis, etc., quoique n'étant pas de véritables Viverra, si l'on s'en tient à la définition actuelle des Civettes, sont bien des Animaux viverroïdes, des espèces appartenant très-probablement à ce groupe, mais plus plantigrades que ne le sont la plupart des Vi venins, et Linné avait sans doute mieux saisi leurs véritables rapports qu'on ne l'a fait depuis lui. Certains caractères de la dentition des Coatis, leur squelette manquant entièrement de clavicule, leur organe mâle soutenu par un os considérable les isolent jusqu'à un certain point des Civettes et des Genettes, mais ils ne justifient pas, comme nous l'avions nous-mêmo admis, leur association avec le Blaireau, ni leur adjonction aux Ours véritables. Linné a été moins heureux, lorsqu'il a fait du Raton une espèce du genre des Ours, car le Raton a tout autant d'affinités avec les Vïverridés (pie les Coatis. Un des principaux caractères des Viver- II e partie, 4 26 ORDRE DES CARNIVORES. ridés est d'avoir en arrière des carnassières , supérieurement deux paires et inférieurement une paire de tuberculeuses. Cette particularité ne manque ni aux Coatis , ni aux Ratons , ni aux Ictides, ni môme au Kin- kajou, et si chez ces Animaux la carnassière perd en grande partie sa forme distinctive pour ressembler à une tuberculeuse, cette disposition est en harmonie avec leur régime complètement omnivore. Cette apparence n'est d'ailleurs qu'une simple exagé- ration de ce (jue l'on observe chez les Viverrins des genres Pa- radoxure et Gynogale , ainsi que chez plusieurs autres Viverridés. Cette distinction établie , nous dirons quelques mots de la forme particulière qui caractérise les dents du genre Coati. Les incisives y sont petites; les canines fortes et assez singulières : les inférieures étant recourbées en défenses, rappellent jusqu'à un certain point celles des Sangliers, quoique moins développées; les supérieures, très- comprimées, sont surtout renforcées au collet dans leur diamètre antéro-postérieur ; il y a f molaires : les avant-molaires , peu considé- rables, ont chacune deux racines; la quatrième inférieure, que Blainville appelle principale, est dans ce cas ; la carnassière supérieure a trois pointes émoussées sur son bord externe et un gros talon interne; la deuxième tuberculeuse de la même mâchoire est moins longue que la première de la mâchoire inférieure ; enfin la tuberculeuse inférieure diffère peu de la carnassière, dont les trois pointes antérieures sont surbaissées et dont le talon postérieur est large et tuberculeux. J)i.\rs or I.kati de Colombie, grand, na!. Coatis bruns, i/ti de grand. FAMILLE DES VIVERRIDÉS. 27 On a constaté l'existence des Coatis au Mexique, à la Nouvelle-Grenade, à la Guyane, au Brésil, au Pérou, et jusque dans la vallée de la Plata. Comme la plupart des Carnivores plantigrades, ces Viverridés sont omnivores, et, suivant les circonstances, leur régime se compose d'Insectes, de Vers, de Limaçons, de fruits, de miel, d'œufs ou de petits Animaux. Leur caractère n'est pas farouche, et on les apprivoise aisément : aussi sont-ils communs dans les ménageries. Dans celle de Paris, on les tient avec les Singes, et l'habitude qu'ils ont de grimper leur donne une certaine analogie avec ces Animaux. Quoique embarrassés dans leurs mouvements, ils ne sont pas maladroits, et leur douceur jointe à leur curiosité, qui a quelque chose d'inquiet, en fait des Animaux assez intéressants à observer. MM. Quoy et Gaimard, F. Cuvier et plusieurs autres observateurs ont parlé des Coatis tels qu'ils se montrent en captivité. Azara, le prince Maximilien, etc., les ont étudiés dans leurs forets. Les auteurs admettent qu'il y en a plusieurs espèces; on trouve, en effet, dans la colo- ration des Coatis quelques différences qui sont incontestables, mais il a été impossible de reconnaître dans leur squelette aucune particularité qui justifie les distinctions proposées. Ainsi que nous l'avons dit plus haut, Linné admettait déjà deux de ces espèces, et Buffon distinguait le Coati noirâtre du Coati ordinaire. Ce Coati noirâtre est le Coati brun (A 'a sua fuse a) de F. Cuvier et de Desmarest. Le Coati roux ou Coati ordinaire (Viverra narica, L.) est aujour- d'hui le Nasua fusca. Le prince Maximilien le réunit au précédent , sous le nom commun de Coati social (Nasua sociaUs) , et il en sépare le Coati solitaire (Nasua solitaria). Quelques auteurs ont essayé d'appuyer ces distinctions sur des différences d'habitudes, mais le Coati solitaire de Maximilien de Neu-Wied , que celui-ci distingue spécifiquement de son Coati social, ne repose, d'après d'autres voyageurs, que sur des individus mâles, qui, chassés de leurs troupes , continuent à vivre éloignés des autres Animaux de leur espèce, Azara était déjà en garde contre cette cause d'erreur. Voici comment il s'exprimait : « On dit qu'il y a des Coatis qui vont seuls, et on les appelle Haegno (qui va seul) ou Mondé; mais beaucoup de personnes croient qu'ils sont d'une espèce différente de celle qu'on appelle simplement Couati. Les différences qu'elles assignent ne consistent point dans les couleurs, puisqu'elles attribuent à l'un et à l'autre les deux poils cités, ni dans les formes, ni en autre chose qu'en ce que ce Couatimondé est solitaire et déparié, et avec des dimensions plus grandes, quoique proportionnelles à celles du Couati ordinaire. Pour moi, je suis persuadé qu'il n'y a qu'une espèce de Couati, et que la différence qu'on indique dans la taille dépend de l'âge ou du sexe, comme aller seul vient de ce qu'il y a beaucoup de mâles qui, abandonnant la société, tâchent de rencontrer des femelles dans les endroits écartés. » Mais Maximilien n'admet pas cette manière de voir, même pour les Coatis des localités observées par Azara , et, comme on l'a dit plus haut, il rapporte à son Coati social les Coatis brun, roux et noirâtre, que F. Cuvier et Desmarest regardaient comme autant d'espèces à part. D'après M. Tschudi, il y aurait même cinq espèces de ces Animaux au lieu de deux, savoir : le Coati social, le Coati solitaire, le Coati leucorhynque (Nasua leucorhyncha , Tschudi), le Coati a bandes (Nasua vittata, id.) , et le Coati montagnard (Nasua montana, id.) : celui-ci vient des hautes montagnes du Pérou; le précédent n'est connu qu'en Guyane. Si les caractères assignés par M. Tschudi à ces cinq sortes de Coatis avaient réellement la valeur que leur attribue ce naturaliste, on devrait aussi distinguer comme espèce le Coati de Colombie, qui présente, comme tous les Animaux de la même contrée, quelques légères différences, lorsqu'on le compare aux espèces analogues de la Guyane et du Brésil; ce Coati de Colombie est le Nasua olivacea de M. Gray. Genre ICTIDE (Ictides , Valenciennes) . C'est avec raison que M. Valenciennes a séparé des Paradoxures, auxquels F. Cuvier les avait d'abord associés, les Viverridés du genre Jctide. Ces Animaux, que M. Temminck nomme Arctictis, ont les ongles comprimés et propres a grimper; leurs pieds sont plantigrades et leur queue est longue et prenante; leur crâne est assez différent de celui des Paradoxures et leurs molaires sont plus arrondies, assez petites, 28 ORDRE DES CARNIVORES. émoussées à la couronne et habituellement au nombre de |, Leur dentition indique un régime omnivore, et de Blainvîlle a invoqué ce caractère ainsi que plusieurs autres, parmi ceux qui distinguent les Ictides, pour associer ces Animaux à son groupe, suivant nous peu naturel, des petits Ours ou Subursus. Les Ictides sont de l'Inde insulaire Ou ank d'Ictide, 1/2 ù' tiiimû. . IJints u' ! e i.\ Civettp, grand, nat. PL. XV. DE I/INDK y 6' FAMILLE DES VIVEMUDÉS. 33 Le cou est blanc en avant, marqué de bandes noires, qui sont au nombre de trois; la tête est noire, sauf à la lèvre supérieure, qui est blanche; la crinière dorsale est plus forte que chez le Zibeth , et le pelage est en général plus dur. Le corps a environ 0,45. Les arrière- molaires de la Civette d'Afrique sont plus fortes que celles du Zibeth; ses carnassières infé- rieure et supérieure sont un peu différentes, étant plus tuberculeuses, et son humérus a un trou sus-condylien qui manque à l'espèce indienne. Civette de l'Inde (Viverra Zibetha, Linné), ha Zibeth, qu'il serait possible de séparer comme sous-genre de l'espèce africaine dont il vient d'être question , est d'une dimension un peu moindre. Sa crinière est rudimentaire et son pelage est moins touffu. Il a le corps presque généralement couvert de taches noires , petites et rondes , disposées sur un fond gris teint de brun dans quelques parties. Huit ou dix anneaux brun noir couvrent sa queue dont l'extrémité est noire, mais sur une longueur de deux pouces seulement. Il a sous les yeux une tache blanche et le museau est gris. Le devant du cou est blanc avec quatre barres noires (pt. XV). Les Zibeths ont la queue comprimée et naturellement un peu recourbée en dessous, ce qui rend sa flexion en dessus à peu près impossible. Crxne or ZiREn Xi R ki h, grand, na' On trouve des Zibeths à Sumatra, à Bornéo, à Célèbes et à Amboine; il y en a aussi sur certains points de l'Inde continentale. M. Gray considère ces derniers comme différents de ceux des îles; et, en effet, le fond de leur pelage est plus fauve et leur taille est un peu plus grande. Il leur réserve le nom de Viverra Zibetha, donnant à ceux de Sumatra, etc., le nom de Viverra Tangalunga. Genre GENETïE (Genctta, G. Guv.). Les Genettes, dont une espèce vit en Europe oîi elle est l'unique représentant de la famille des Viverridés, sont des Animaux assez analogues aux Fouines et aux Chats par leurs allures et par leurs habitudes, mais plus élancés que ceux- ci, et plus élégants que les Fouines. Leur museau est fin comme leur corps; leur pelage mou- cheté; leur queue annelée. Ils répandent une odeur musquée provenant d'un appareil sécréteur particulier placé , comme celui des Zibeths et des Civettes , sous les organes de la reproduc- tion , mais moins développé que chez ces Animaux. Leurs ongles sont à demi rétractiles , et leurs dents molaires , au nombre de f , tiennent le milieu entre celles des Viverridés insecti- vores et omnivores. Les deux tuberculeuses supérieures et la tuberculeuse inférieure y ont des dimensions médiocres; celles-là sont plus larges que longues; celle-ci est arrondie; le talon de la carnassière supérieure est antéro-interne , et celui de la carnassière inférieure placé en arrière des trois pointes du lobe antérieur. Il y a plusieurs espèces dans ce genre : elles sont de l'Europe, de l'Afrique, de l'Asie ou de quelques-unes de ses îles et même de Madagascar. Toutes vivent de proie; mais comme elles ne sont pas aussi grosses que le Chat sauvage et que leurs proportions sont moins robustes, 11 e pa?iTi:\ 5 34 ORDRE DES CARNIVORES. elles n'attaquent que de petits Animaux. Elles mangent aussi des œufs, et dans certains cas des Insectes. Leurs habitudes sont en général nocturnes. Celles qui vivent auprès des habita- tions s'y introduisent quand elles en trouvent l'occasion, et saignent les Volailles comme le font les Martes et les Putois. Leur peau, quoique moins employée que celle de ces Animaux, est cependant fort élégante, et l'on peut en faire des fourrures d'un aspect fort gracieux. Plusieurs parties de la France, principalement les environs de Perpignan, en fournissent un assez grand nombre. La Genette vulgaire (Genetta vulgaris), que Linné confondait avec quelques autres sous le nom de Viverra Genetta, est répandue dans une partie de l'Europe occidentale et méridionale, en France et en Espagne. Elle vit dans les bois ou dans les lieux arides; le fond de son pelage est gris, tandis que celui de la plupart des autres passe au fauve ou au fauve pâle. Ses taches sont pleines, assez nombreuses et d'un brun foncé, ainsi que les annelures de sa queue. Cette espèce , que Buffon n'a connue que fort tard , n'est pas rare dans certaines parties de la France, mais on ne la tue qu'accidentellement dans beaucoup d'autres, et il est un bon nombre de nos déparlements qui ne la possèdent pas du tout, tels sont plus particulièrement ceux qui sont situés au nord de la Loire (pi, XVI). Voici la liste des départements où elle nous est connue : Vienne, Deux-Sèvres, Charente-Inférieure, Gironde (dans le Médoc), Loiret (au parc de la Source, près Orléans), Rhône (auprès de Lyon; cette observation remonte à la fin du dernier siècle), Vaucluse, Haute-Loire, Aveyron, Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales, Haute-Garonne et Hautes-Pyrénées. Il y a, dans le Nord de l'Afrique, depuis la région de l'Atlas jusqu'en Egypte et, assure-t-on, dans une partie de la Turquie d'Asie, des Genettes fort semblables à celle-là, ou dont le fond du pelage est simplement un peu plus fauve. F. Cuvier a donné à celles de l'Algérie le nom spécifique de Genetta Afra. La Genette nu Sénégal (Genetta Senegalensis, F. Cuv.) n'est guère plus facile à distinguer de la nôtre. Au contraire, la coloration extérieure fournit de meilleures indications pour en séparer : La Genette d'Aryssinie (Genetta Abyssinien du I). Ruppel) ; la Genette Féline (Genetta Felina) , décrite par Thunberg, et propre à l'Afrique australe; la Genette de Fernando-Po ( Genetta Poensls , Waterhouse , ou Viverra Genettoïdes , Temminck ) ; la Genette Tigrine (Genetta Tigrina), signalée par Vormaer et Schreber, d'après des exem- plaires pris au Cap, et la Genette Pardi ne (Genetta Pardina, Is. Geoffr.), qui est de la Sénégambie. Chez ces deux dernières, qui sont d'ailleurs difficiles à séparer l'une de l'autre, les taches des flancs sont plus grandes que chez les précédentes, arrondies, et pour la plupart marquées de fauve à leur milieu. La Genette de l'Inde (Genetta Indien) , qu'on a successivement appelée Viverra Indien, V. Piaasse, V. PaUida, Genetta Malaccensis, G. Manillensis, etc., comprend plusieurs variétés, peut-être môme plusieurs espèces véritables; ce qui est plus certain, c'est qu'elle occupe une grande partie de l'Asie méridionale et plusieurs de ses îles telles que Ceylan, Java, Luçon,etc. Elle a le pelage plus foncé que celui des Genettes ordinaires, et ressemble jusqu'à un certain point au Zibeth. Ses taches sont plus petites, d'une teinte brune, ponctiformes et nombreuses sur les flancs. A mesure qu'on les examine plus près de la ligne dorsale, ces séries deviennent plus continentes, et sur le dos elles sont disposées en bandes longitudinales; on peut compter cinq de ces lignes qui sont bien évidentes , et, de chaque côté, cinq rangées de taches. La longueur totale est de 28 pouces £, dont 11 ~ pour la queue. La Genette Fossane (Viverra Fossn , Linné), qui habite Madagascar, est encore plus différente des autres espèces de ce genre par la distribution de ses couleurs; son pelage est fauve en dessus , gris fauve en dessous , marqué de taches brunes irrégulières , éparses et rares sur les flancs, allongées sur le dos ou elles forment quatre lignes longitudinales; la gorge et les lèvres sont blanchâtres; il y a quelques petites taches sur les membres; la queue IM..WI. (riïXKTTE / //,',>>„ (,■„,//« DE FUA.WK \'> FAMILLE DES YiVERHIDÉS. 35 est rousse, marquée faiblement d'anneaux noirâtres; elle est moins longue que celle des autres Genettes, et le corps est plus élevé sur jambes. La Fossane, qui pourrait devenir le tvpe d'une section particulière, est du petit nombre des Animaux appartenant à la même tribu ou à celle des Mangoustes, qui représentent à Mada- gascar, la ^nmdQ division des Mammifères carnivores. Sauf la Fossane, aucun de ces Animaux ne rentre exactement dans les genres, appartenant au même ordre, qui vivent dans l'Afrique ou dans l'Inde. Les autres Carnivores connus à Madagascar sont les suivants : Cryptoprocte, Euplère, Athylax, Galidies et Galidielis. On voit que sans être aussi différents des autres Carnivores que les Lemuridés de Madagascar le sont des autres Primates de leur propre famille, ces Animaux n'en sont pas moins très-faciles à distinguer comme espèces de ceux de l'Asie ou de l'Afrique. Genre LINSANG (Linsang , S. Muller). Les Linsang sont voisins des Genettes; mais leurs molaires ont des pointes plus relevées que celles de ces Animaux. Ce caractère, qui indique des habitudes plus insectivores, les a fait nommer également Prionodon , c'est-à-dire dents en scie. On en connaît deux espèces. Le Linsang grêlk {Linsang gracilis , Mull.) a de grandes taches sur le dos, qui se confondent avec 1 , la première rangée de celles des flancs; une seconde série de ces dernières veste parfaitement isolée; les membres sont marqués de quelques taches; la queue a huit anneaux bruns. Le fond du pelage est fauve clair. Cet Animal est de la presqu'île de Malacca. Le Linsang va r bicolore (Linsang pardicolor) ou le Prinodon pardicolor de M. Hodgson habite la région du Népaul; les taches de ses flancs ne.se confondent pas avec 36 ORDRE DES CARNIVORES. les bandes dorsales, et il y en a trois rangées au lieu de deux. Le fond du pelage est également fauve. GENRE PARADOXURE [Paradoxurw , F. Cuv.). Le nom de ces Animaux signifie qu'ils ont la queue singulière ou paradoxale ; il leur a été imposé par F. Cuvîer, après l'examen d'un exemplaire vivant chez lequel elle était constamment enroulée et maintenue du même côté, mais les Paradoxures peuvent donner à leur queue la même mobilité que les Sajous donnent à la leur; et sans être aussi prenante que celle du Kinkajou, elle jouit cependant de la possibilité de s'enrouler autour les corps; toutefois, elle n'est dénudée sur aucun point de sa longueur et elle ne sert point à saisir. A ce caractère, dont l'importance est d'ailleurs assez secondaire, les Paradoxures eu joignent plusieurs autres : leurs ongles sont crochus et à demi rétractiles; leurs dents mo- laires ont des tubercules souvent très-émoussés, et sont appropriées à un régime de plus m\ plus omnivore; enfin ils ont, entre l'anus et les organes reproducteurs, un sillon simple ou double qui représente, mais avec un développement beaucoup moindre, la poche odorante des Civettes et des Genettes. •2/3 de 51-0 ml. Ckvnf, 1-;î luvvrs in-: Y Ali \ i> o x i KK Pt Les Paradoxures vivent dans l'Inde et dans quelques-unes de ses îles. Ce sont des Animaux à peu près gros comme des Chats , mais à corps et à museau plus allongé. Ils vivent sur les arbres, font la chasse aux petits Quadrupèdes, mangent aussi des substances végétales, et leur pelage, doux au toucher, est souvent moucheté ou marqué de bandes longitudinales. Leurs espèces paraissent assez nombreuses, mais on a le plus souvent beaucoup de peine, à les définir exactement; aussi leur synonymie a-t-eile donné lieu à plus d'une confusion. MM. Temminck et Gray se sont principalement occupés de décrire exactement les Animaux de ce genre. 1. On réserve le nom de PAU VDOXUliES aux espèces qui sont un peu moins omnivores que les autres, et dont les arrière -molaires et la carnassière ont une forme appropriée à ce régime. Le Paradoxure Pougouné, que F. Cuvier appelle en latin Paradoxurus iypus, est un Animal de l'Inde continentale, principalement de l'Indouslan, ou on le nomme quelquefois Pougouné, Marie des palmiers , etc. Ruffon en a figuré un exemplaire qu'il avait vu vivant à la foire de Saint-Germain, en 1772; mais, par erreur, la planche gravée qu'il en a publiée porte le titre de Genette de France. Pallas en a décrit un autre, et, par allusion à la dispo- sition des organes génitaux , il en a nommé l'espèce Viverra hermaphrodita. Ce Paradoxure est aussi le type du genre Platyschista d'Otto et son Platyschista Pallasii; il répond sans doute aussi aux Viverra prehensilis et nigra de Blainville et de Desmarest et a quelques autres espèces nominales. FAMILLE DES VIVERR1DKS, 37 r kl » \ ! H !•: Bt;N;>\it, I/O Le Pougouné est brun jaunâtre, marqué sur le dos de trois rangées de taches obscures; il a quelques autres taches irrégulières sur les épaules et sur les cuisses; son museau est gris, mais ses oreilles, sa queue et ses pattes sont noirâtres. Il a un demi-mètre de longueur pour le corps, et un peu moins pour la queue ; sa hauteur au-dessus du col est de 0,25 environ. C'est un Animal agile, grimpeur, qui fait la chasse aux petits Quadrupèdes et aux Oiseaux; il peut aussi se nourrir d'œufs et de fruits; son caractère n'est pas très-sauvage. Le Paradoxiire ml six e. a (Paradoxurus niusanga) , qu'on nommait autrefois Y i verra mumnga, est le Putois rayé de Vlnde de Buffon et le Chat sauvage à bandes noires de Sonnera t. 11 est commun dans plusieurs des îles de la Sonde : principalement à Java, à Timor, à Bornéo , à Sumatra; on le rencontre aussi dans la presqu'île de Malacca. 11 diffère assez peu du précédent, mais assez cependant pour qu'on le regarde comme étant une espèce distincte. Le Paradoxiire préhensile de quelques auteurs, et en particulier celui d'Hardwicke, en est une variété constante, originaire de l'île de Java. Il faut en rapprocher les espèces suivantes : Paradoxur k l e u g o p e ( Paradoxurus leucopus , O'Gilby ) , de l'Inde continentale ; Par ado xu re Bond a r (Paradoxurus Bondar) , que Blainville a décrit sous le nom de Yiverra Bondar. Il est du Bengale et du Népaul. Par ado xu re des Philippines (Paradoxurus Philippensis , Temminck). Paradoxure soyeux (Paradoxurus setosus, Hombron et Jacquinot), de Géram. Paradoxiire peint (Paradoxurus stifpnaficus , Temminck), de Bornéo. Le Paradoxure doré (Paradoxurus aureus « F. fkivier) , établi sur un jeune exem- 38 ORDRE DES C A RM \ ORES. plaire qui a fait autrefois partie des collections de Séha, est Finie des espèces du même genre au sujet desquelles la science attend encore des explications. Son pelage, qui est d'un fauve doré uniforme , a peut-être été décoloré par suite de son long séjour dans l'esprit de vin , et sa patrie, qu'on suppose être Ceylan, est restée jusqu'à ce jour incertaine. M. Gray le regarde comme étant le Viverra Ccylanka de Pallas , et il le réunit en même temps au Para- doxurus Philippensis de M. Temminck ; mais cette association ne nous paraît pas démontrée. Le Paradoxure de Ceylan, que l'on voit au Musée britannique, est d'un roux plus foncé que celui décrit par F. Cuvier. 2. Le genre PAGLMA.de M. Gray ou Arnbllodon de M. Jourdau réunit quelques espèces de Paradoxures dont les dents molaires sont plus épaisses et ont leurs tubercules encore plus émoussés que celles dont nous venons de parler. Cette disposition est surtout évidente dans leur avant-dernière molaire supérieure et dans l'inférieure; quoique celle-ci réponde à la carnassière, sa forme diffère peu de celle de la vraie tuberculeuse. Le Paradoxure leucomystax (Paradoxurus leucomystax, Gray), qui répond à Y Ambliodon doré de M. Jourdan, est presque entièrement d'un brun fauve doré. Il habite les îles de Sumatra et de Bornéo. On peut aussi placer dans la même division : Le Paradoxure masqué (Paradoxurus larvatas, Gray), qui est fauve sale, avec une tache blanche sous l'œil et une bande de même couleur sur le milieu de la tête. Cette espèce habite la région himalayenne. Le Paradoxure a trois bandes {Paradoxurus trivir gains, Gray) a le pelage brun avec trois bandes noires incomplètes sur le dos. Sa face est noire. Il est de Java et de Sumatra, où il fréquente les montagnes. Le Paradoxure de Gray (Paradoxurus Grayï, Bennett) a la bande du nez moins distincte que le Masqué et le pelage gris enfumé. C'est, comme lui, un Animal du Népaul. Jl parait en même temps voisin du Paradoxure doré de F. Cuvier, et M. Temminck le réunit au Paradoxure masqué , ainsi que les Paradoxurus laniger et Nopalonsis, FAMiLLR DES VfVKïUUDKS. 39 l'. 'ne autre espèce est le P vradoxi ri: d'O'Gilby ( Paradoxurits O'GHbyt) do M, Fraser. Cette espèce est également asiatique. Genre HÉMIGALE (Hcmigalus, Jourdan). Il a de l'analogie avec les Paradoxures et avec les Linsangs, mais ses dents molaires sont presque aussi omnivores que chez les premiers de ces Animaux, tandis que celles des seconds sont très-insectivores ; les trois dernières molaires supérieures sont élargies et elles ont quelque D v. \ t s h ' il k m i r. A r. r: , grand . dm' Tihr: h ' \\ v. m i r, a t. f , I Jï do grand , ressemblance avec celles des Otocyon; la carnassière inférieure a un talon considérable, et ses pointes antérieures sont surbaissées; la tuberculeuse de la même mâchoire est proportion- nellement plus forte que chez les autres Viverridés ; la queue n'est pas prenante. L ' H É m i g a h k zébré ( Hemigahis zébra , Jourdan ) , que M. S. Mul 1er appel le Yiverra Boiei, et que M. Gray avait nommé de son côté Viverra Dcrbyi , est de la taille des Para- doxures et des Linsangs, mais plus semblable à ceux-ci par son mode de coloration. ^ati iqt lîjbiMiu. e zkbrk, I/o de grand. 4 on due des (i mini von KS. Il est fauve, avec des barres longitudina.es sur la tête et sur les côtés d, i cou ; il eu «aussi de transversales depuis l'occiput jusqu'à la croupe ; la prermere part» de sa queue est .ncom plétement annelée; le reste est brun noirâtre. Son corps a 0.42 et sa queue 0,30. Cet Animal paraît n'exister que dans l'île de Bornéo. Genre BUPLÈRE {Eupleres). M. Doyère a établi sous ce nom, mais en le rangean parmi ta Insectivores , un geuro que je regarde , avec de Blainville , comme devant e re place parmi les Carnivores viverridés. Il est digitigrade, pentadactyle, assez élance dans ses formes , quoique bas sur jambes . et pourvu d'une queue un pou plus longue que la mo.l.e du corps. v , 1 w '\$r,V^ \^>* i % ? ' 1 jrt ï$ L'Animal type de ce genre est PËuplerk de Goudot {Ëupkres Gotidotii, Doyèvc). Comme le Cryptoprocte , il est de Madagascar, et on ne le connaît de même que par un s mi! exemplaire qui n'est pas adulte. Cet exemplaire a été rapporté par M. Jules Goudot. Cl! ANE F.T DENTS î> K I. ' R T t> T ï B E DE GOl'JtOT, gmittl. TUll. Son ci âne se rapproche de celui des Genettes par In forme générale, mais il est plus ample FAMILLE DES VIVERIUDÉS. 41 dans la région occupée par le cerveau, et la face est plus effilée. On y compte, outre les incisives et les canines, en nombre ordinaire, £ molaires, mais il paraît certain qu'avec l'âge il en aurait paru une de plus à chaque mâchoire. La cinquième molaire inférieure est une carnassière assez semblable, dans ses principales particularités, à ce que l'on voit dans certains carnivores, principalement dans les Genettes, et il est probable que la dent qui vient après elle dans la mâchoire des adultes est une tuberculeuse. Les autres molaires ont également une forme assez particulière, mais qui ne contredit pas les affinités que nous attribuons à cet Animal, et qui, tout en indiquant une tendance insectivore dans le régime, ne nous semble pas autoriser, non plus que les autres caractères zoologiques , le classement de l'Euplère dans Tordre des Insectivores véritables. L'Euplère de Goudot est brun fauve en dessus, plus pâle en dessous ou même blanc cendré. I ne ligne noire transversale passe au-dessus de ses épaule-,; sa taille, lorsqu'il est adulte, doit approcher de celle du Putois. Son pelage est plus serré e| plus ou bourre. Genkk NANDINJE {Nandinia , Gray). Forme générale des Paradoxures mais plus élégante; molaires £; les deux tu- berculeuses supérieures plus petites ainsi que l'inférieure ; la carnassière inférieure a deux ailes tranchantes en avant et un lalon postérieur assez court. Ses deux ailes rappellent assez bien celles de la même dent chez les Chats, mais la seconde est plus épaisse et le talon qui la suit lui donne aussi de l'ana- logie avec celle des Mustélins. Le Î\ T a n d i n i e a d e u x m a r q v es {Nandinia binotata, Gra y) , qui a reçu aussi le nom de Paradoxure d'Hainilton , est la A , ' Dk.nts ui: Nandime, grand, nat. même espèce que M. Temminck avait plus anciennement décrite sous la désignation de Paradoxurus binotatns , dans ses Monographies de Mammo- logie. C'est un joli Animal à pelage doux, brun piqueté, à taches dorsales noires, et dont le cou est marqué par deux raies de la même couleur; sa queue est annelée. Il a la taille d'une Genette, est grimpeur, et ses ongles sont à demi rétractiles. Sa patrie est l'île de Fernando- Pô et la côte de Guinée. Genre CRYPTOPROCTE {Cryptoprocta, Bennett). M. Telfair, résidant à Maurice (fie de France) , avait reçu de la partie sud de Madagascar un Mammifère d'une espèce fort sin- gulière, qu'il envoya à la Société zoologique de Londres, et dont feu M. Bennett fit, en 1833, un genre particulier sous le nom qu'on vient de lire. Ce Cryptoprocte est un Carni- vore extérieurement assez semblable aux Félis ; ce qui est d'autant plus curieux, que nulle espèce sauvage de la famille des Chats n'a encore été signalée parmi les .Mammifères appar- tenant à la même population que lui. Ses mœurs ne paraissent pas moins sanguinaires que celles de ces Animaux, et, suivant M. Telfair, qui l'a possédé en vie pendant quelque temps, il est d'un caractère très-farouche, doué d'une force musculaire considérable, quoique de petite taille et très-léger; ses ongles sont rétractiles. Son corps long et voûté, sa queue allongée, sa tête, qui est arrondie contribuent encore à la ressemblance que nous indiquons. Jl a des glandes anales odoriférantes. Cette espèce a reçu le nom de Cryptoprocte féroce {Cryptoprocta ferox , Bennett); malheureusement on ne la connaît encore que par le seul exemplaire de M. Telfair. Quoique celui-ci soit encore jeune, il a 13 pouces de longueur pour le corps et 11 pour la queue. Sa couleur est roussatre comme celle de plusieurs espèces du genre Félis; son intestin possède un cœcum long d'un pouce et demi. Bennett, tout en reconnaissant les affinités de ce nou- veau Mammifère avec les Félis, l'a placé parmi les Viverridés, et cette opinion paraît fondée. Le Nandinie, qui reproduit quelques-unes des particularités du Cryptoprocte, nous semble même le rattacher d'une manière plus intime à l'ensemble de ces Animaux. Le crâne du jeune Cryptoprocte, que l'on possède à Londres, a 0,08. fl est un peu plus II e partie. 6 42 ORDRE DES CARNIVORES. allongé que celui d'un Chat dans sa partie faciale, ce qui tient surtout au plus grand dévelop- pement des os frontaux et des maxillaires. Sou chanfrein est plus large qu'il ne l'est habituel- lement dans les Viverrins, mais moins bombé que chez les Félis et pourvu d'une apophyse post-orbitaire assez marquée. De même que dans les Viverrins , et contrairement à ce qui a lieu chez les Mangoustes, l'apophyse orbitaire de l'os zygomatique est presque nulle. La den- tition est encore incomplète; c'est un mélange de celle de l'adulte et du jeune âge. J'en ai donné la description dans un article du Dictionnaire universel cV Histoire naturelle , t. IX, p. 435 , et elle est représentée dans YOstéographie. Les molaires de lait y sont au nombre de J- comme dans les autres Viverridés; la carnassière inférieure n'a qu'un faible talon postérieur, ce qui est en rapport avec les instincts carnassiers de cette espèce. C RYi':oiT,nrr k r k rock, 1 /" do gravi do grand . 11 en est d'autres qui ont le pelage plus OU moins roux; leurs formes sont d'ailleurs analo- gues. Plusieurs de celles-ci vivent aussi dans l'Afrique et dans l'Inde; nous citerons seulement les suivantes : Mangouste ratlamuchi (Mangusta badin, A. Smith), de l'Afrique centrale. — Mangouste de Java (Mangusta ,t avanie a , E. Geoffroy), de Java et de Sumatra. — Man- gouste criHe (Mangusta exilis , P. Gervais) , de Tourane, en Cochinchine. 5. Certaines Mangoustes ont sur le dos des bandes transversales, rappelant celles des Suricates. mais plus marquées : ce sont les Mungos de Buffon. Ces Animaux sont Africains, mais on a cru pendant quelque temps qu'ils venaient de l'Inde. Nous les connaissons en Abyssinie (Mangusta zébra, Ruppel), et au Cap (Yiverra mungos, Kœmpfer; Herpestes fasciatus , Desrnarest ; Herpestcs tœnianotus , A. Smith). Ces Vraies Mangoustes mungos ont le pelage gris tacheté; une quinzaine de bandes tran ver- salés brunes bordées de roux se voient sur leur dos et sur la base de leur queue; celle-ci est terminée de roux brun. La forme approche de celle des Suricates. 6. Les MANGUES (Crossarchus de F. Guvier) joignent aux caractères des Mangoustes qui précèdent un museau plus allongé et mobile comme un petit groin. Le Cross arque obscur (Crossarchus obscurus , F. Cuvier) est roux cannelle, plus pâle sur la face et tiqueté de roux pâle; les poils de son dos sont longs; son corps a 0,28 et sa queue 0,16. C'est un Animal d'une apparence obèse, dont le premier exemplaire connu avait été pris auprès de Sierra-Léone, sur la côte de Guinée. Il diffère encore des Mangoustes FAMILLE DES VIVERRIDES. 49 les plus ordinaires, en ce qu'il n'a, comme les Suricates, que cinq paires de molaires à chaque mâchoire. La Mangue est appelée Aevisa par les nègres de Guinée ; elle se creuse des terriers très- profonds et à plusieurs issues ; elle s'empare aussi des éminences élevées par les Termites, Son odeur est fort désagréable. M 4 Nr, ouste m rxr. os, 1/5 «1 o grand. (Voy. p.-uo 'i8./ 7. Les l'iw A (Hodgson), par lesquels nous terminerons cette longue «numération de Animaux du genre Mangouste, ne comprennent qu'une seule espèce, YUrva cancrivora ou Mesobema cancrivora de M. Hodgson, dont les dents molaires sont en nombre normal, c'est-à-dire §. Cette espèce a les poils longs, annelés de brun et de gris; son museau est en pointe; une bande blanche descend des joues sur son cou; ses pattes sont brunes. Cet Animal habite le Népaul. Les Mangustins dont il nous reste à parler sont tous de Madagascar. M. Js. Geoffroy en fait deux genres sous les noms de Gnlidie et Galidictis , et, il faut en rapprocher les Athylax, qui sont aussi du même pays. On pourrait les réunir en une seule division sous le nom de Galidies, Genre ATHYLAX {Athylax, F. Cuvier). Ce petit genre, par lequel nous commencerons l'étude des Mangustins vivant à Madagascar, paraît avoir £ molaires, mais les deux der- nières paires de ces dents manquent à l'exemplaire que l'on conserve au Muséum. L' Athylax a, comme les genres précédents, une plaque crypteuse autour de l'anus. L'espèce unique qu'on en décrit est le Vansire de Buffon {Mustela galera des Linnéens), aujourd'hui Athylax vansire (Athylax gâtera , F. Cuvier); on pourrait la considérer comme une simple espèce de Mangouste , ses doigts étant aussi en même nombre que ceux de ces Animaux; cependant son poil est plus fourni qu'il ne l'est habituellement chez les Ichneumons, à cause de la présence d'une plus grande quantité de bourre. Ce caractère assez habituel aux Animaux de Madagascar, coïncide ici avec une coloration presque entièrement brune, tiquetée de gris blanc. Les tiquetures de la queue, c'est-à-dire les anneaux clairs des poils qui la recouvrent, sont plus grandes que celles des poils du corps. Longueur du tronc 0,34; de la queue 0,10. Ce Vansire à les formes moins allongées que les Ichneumons ou les II e pahtif, 7 50 ORDRE DES CARNIVORES. Nems, et sa forme générale rappelle sensiblement celle des Galidies ordinaires qu'il dépasse cependant en dimensions. - GENRE GALIDIE (Galidia, K Geoffroy). C'est encore un genre bien peu différent de celui des Mangoustes , et dont les molaires peuvent i^^^-'-.^p «w- ^ aussi être également ré- duites à f . Les espèces qui s'y rapportent ont encore le pelage tiqueté. Ce sont des Animaux de Madagas- car. ClUNT f)F GuiltM HHANfl, 2/? (l0 £lVin1 Dims i)i C.uidii i'ih.ante, grand, nat. Galidie élégante (Galidia ployant , U. Geoffroy). \ pelage roux vif, piqueté de fauve olivacé sur la tête; pattes brunes; queue annotée de noir, Longueur du corps 0,30; de la queue 0,25. G a l i r> i e k i. É g a n te, i /5 de grand . Galidie concolore (Galidia concolor, ls. Geoffroy). Pelage roux brun, plus générale- ment tiqueté que dans l'espèce qui précède; tiquetures très-fines; queue non annelée. G a l 1 1) i é o l t v a t r e ( Galidia olivacea , ls . Geo ffroy) . Uni formément brun , piqueté de fauve clair; les tiquetures de la queue plus fortes que celles du corps; cette espèce et la précédente ont les mêmes dimensions que la Galidie élégante. GENRE GALIDICTIS (GaUdictis , ïs. Geoffroy). Diffère de tous les autres Mangustins par son système de coloration, qui se compose de longues bandes longitudinales brunes, disposées sur un fond clair non tiqueté; le crâne est néanmoins semblable à celui des autres Animaux de la même tribu, et les dents, au nombre \ , ont les mêmes caractères généraux que celles des Galidies. La Galidigtis striée (GaUdictis striata), que G. Cuvier appelait Putois strié, a été rapportée de Madagascar d'abord par Sonnerat, et plus récemment par M. Jules Goudot. Son pelage est blanc jaunâtre, varié de brun fauve sur la tête, et marqué de bandes longitudinales FAMILLE DES VIVER1UDÉS. 51 brunes dont le nombre est de six sur le dos et de huit sur les lombes ; la queue est en grande partie blanchâtre. Les oreilles sont arrondies et velues. La taille égale celle du Furet, TRE-MEL&T ru i k j-:, 1/5 de grand. M. Gray signale aussi à Madagascar une seconde espèce de ce genre, qu'il nomme (fAlidictis barrée (Gaïidictis vitlata) , et il donne à son égard quelques détails recueillis par le docteur Thompson. Ce médecin a possédé pendant six mois, à bord, cette Galidie vivante; elle était fort agile, gracieuse dans ses mouvements et complètement diurne. M. le I). Coquerel , chirurgien de la marine française, a également eu l'occasion d'observer vivantes des Gaïidictis et des Galidies , et ce qu'il a remarqué à leur sujet montre que leurs mœurs ont, comme leur organisation, beaucoup d'analogie avec celles des lehneumons. Ces Animaux vivent dans les bois, mais ils se rapprochent souvent des habitations pour surprendre les volailles, et ils entrent jusque dans les poulaillers. Les Malgaches, qui les connaissent sous le nom de Vonlsira, ont beaucoup de peine, dans certains endroits, à soustraire leurs Poules et leurs œufs à la voracité de ces petits carnassiers. Les dégâts que ceux-ci commettent sont parfois très-considérables, les Yontsircs ayant, comme nos Putois, l'habitude de saigner tous les Oiseaux qu'ils trouvent dans une basse-cour pour les abandonner de même, après en avoir bu le sang où mangé la cervelle. Ils ne sont pas à l'état sauvage dans l'île Bourbon, mais on les y porte quelquefois et on se plaît à les tenir dans les habitations. 11 est facile de les conserver dans un état à peu près com- plet de domesticité. Au rapport de M. Coquerel, rien n'est curieux comme la gentillesse de ces Animaux, et leur légèreté est réellement étonnante. Sans cesse en mouvement, ils aiment à se promener partout lorsqu'on leur accorde un peu de liberté; ils se laissent caresser un instant, mais bientôt ils glissent brusquement entre vos mains , sont sans cesse occupés à fureter et font entendre une sorte de petit gloussement analogue à celui de certaines espèces d'Oiseaux. Les Galidies et les Gaïidictis font une guerre continuelle aux Insectes de toutes sortes; ils détruisent les Rats avec autant d'adresse que pourraient faire les meilleurs Chats , et , grâce 1 à la finesse de leur corps, ils peuvent les poursuivre jusque dans leurs retraites. Quand on les nourrit bien, ils finissent par oublier leur goût pour les Poules et on les voit souvent vivre avec elles en assez bonne intelligence. Ils jouent volontiers avec les Chats et avec les Chiens qu'ils connaissent; mais si par hasard un Chien étranger a pénétré "dans la maison, ils se 52 ORDRE DES CARNIVORES. précipitent sur lui, .quelle que soit la taille, et ils lui mordent les jambes jusqu'à ce qu'il ait battu en retraite. On s'amuse souvent à donner un œuf aux Galidics. Ils commencent par le faire rouler par terre en poussant un petit cri en signe de joie et après s'en être amusés pendant quelques instants, ils cherchent à briser sa coquille pour eu manger le contenu. \fm d'en venir à bout, ils emploient un singulier procédé : après avoir roule l'œuf vers un arbre, une pierre ou tout autre corps résistant , ils se renversent sur le dos, saisissent l'œuf entre leurs quatre pattes et les détendant tout d'un coup, ils le lancent avec force, et quelquefois à une distance de plusieurs pieds contre le corps dur dont ils se sont approches. Les lialidiclis se bornent à saisir l'œuf entre leurs pattes de devant et à le frapper contre quelque objet qui leur permette d'en briser la coquille. M. Coquerel a constaté que ces espèces de Mangustins craignent beaucoup l'eau. FAMILLE des CANIDÉS La famille des Canidés comprend le Chien domestique (Canis), le Loup, le Chacal, le Renard cl beaucoup d'Animaux analogues, vivant dans des pays plus ou moins éloignés de l'Eu- rope. C'est l'une des plus intéressantes de toutes celles que comprend l'ordre si varié des Carnivores. Les espèces qui s'y rapportent sont nombreuses , toujours plus ou moins sem- blables les unes aux autres par leurs caractères fondamentaux, et répandues sur presque tous les points du globe. Ce sont des Mammifères intelligents, qui se réunissent, en général, par petites troupes pour attaquer les Animaux dont ils font leur proie, ils mangent aussi des charognes, et, dans certains cas, ils se rabattent sur les substances végétales. Ces Canidés sont des carnivores très-faciles à distinguer de tous les autres. Leur corps est élevé sur pattes ; ils sont digitigrades, et leurs doigts, pourvus de griffes non rétractiles, sont au nombre de cinq en avant et de quatre en arrière. Ils ont la queue assez longue et plus ou moins touffue; leurs sens ont de la finesse, principalement celui de l'odorat; leurs hémisphères cérébraux ont des circonvolutions assez nombreuses , séparées par des replis profonds et disposées sur un plan qui leur est propre; leur humérus n'a pas de trou sus- condylien, mais il montre constamment une perforation de la fosse olécranienne; enfin leur système dentaire a une disposition fort caractéristique. " Les incisives des Canidés ont en général un tubercule de chaque coté de la partie principale de leur couronne , et elles conservent pendant un temps plus ou moins long l'apparence d'un trèfle; les canines sont fortes et pointues, et les molaires, en général au nombre de six à la mâchoire supérieure et de sept à l'inférieure, sont ainsi réparties : f avant-molaires croissant on dimension , { carnassière et | tuberculeuses. La carnassière supérieure a son talon antéro- interne plus ou moins rudimentaire , et sa partie principale forme deux ailes tranchantes; la carnassière inférieure est également tranchante et bi-ailée dans sa moitié antérieure , dont les deux lames tranchantes répondent aux deux pointes externes de la carnassière de beaucoup d'autres Carnivores , par exemple, à celles de la Loutre, tandis que la troisième pointe qui caractérise la mémo dent chez les Carnivores est ici très-petite et accolée à la base postéro- interne de la seconde aile. La deuxième portion de la dent carnassière inférieure est émoussée, abaissée au niveau des tuberculeuses, et à peu près disposée comme elles à sa couronne; les deux paires de dents tuberculeuses de chaque mâchoire sont ovalaires ayant le grand diamètre transversal pour la mâchoire supérieure, et ovalaires à grand diamètre longitu- dinal pour la mâchoire inférieure. Le nombre et la forme générale des dents souffrent peu d'exceptions dans la sérielles Canidés; cependant, un de ces Animaux qui est propre au Brésil, et que M. Cray a désigné par le nom de Cynailique mëlanogastre , n'a, comme je m'en suis assuré, que ;; molaires, par suite de la présence d'une seule paire de tuberculeuses à chaque mâchoire. FAMILLE DES CANIDÉS. 53 Le Canis buansu et quelques espèces voisines qu'on lui a réunies génériquement sous le nom de Crions, ont bien les deux paires de tuberculeuses supérieures, mais ils n'en ont qu'une iuférieurement , ce qui leur donne £ molaires seulement, C'est une disposition inverse que l'on voit chez YOtocyon, lequel a \ molaires, ses tuberculeuses étant au nombre de trois paires en haut comme en bas. Dans les Amphicyons , genre éteint de Canidés, dont les espèces, en général plus grandes que celles d'aujourd'hui , ont habité l'Europe pendant l'époque miocène, il y avait sept paires molaires à chaque mâchoire; les tuberculeuses de ces Animaux sont en effet au nombre de |. Certaines espèces du genre des Amphicyons dépassaient sensiblement le Lion et le Tigre en grandeur. On suppose qu'elles étaient plantigrades et qu'elles avaient cinq doigts à chaque pied. Leur humérus était plus semblable à celui des Viverridés qu'à celui des Canidés, tel que nous les avons définis. Le même caractère existait aussi dans quelques espèces plus petites et d'une époque plus ancienne (époque proïeène), dont on a recueilli des débris dans les dépar- tements de Yaucluse, de la Haute-Loire et de la Seine. Celles-ci constituent dans la méthode zoologique d'autres genres , dont on trouvera la description dans ma Paléontologie française et qui ont aussi une grande analogie avec les Viverridés. Amthicïon ou Gers (dents supérieures), \j'l de grand. Les espèces actuelles de Canidés nous occuperont seules; on peut les diviser en quatre genres principaux, sous les noms de Cynhyène, Canis, Renard et Otocyon; on devra leur adjoindre aussi le genre Cynailkus } sur lequel nous ne reviendrons plus dans rénumération qui va suivre. Gkmu; C\M1YÈNE (Cynhyœna y F. Cuv.). La dentition ordinaire des Canis, c'est-à- dire ~ molaires, dont les tu- berculeuses ont les couronnes émoussées, s'observe chez un Animal africain que l'on peut aisément distinguer de toutes autres espèces de la même famille par son système digi- tal. En effet , la Cynhyène n'a que quatre doigts , aussi bien aux pieds de devant qu'à ceux de derrière. Ce genre a aussi reçu les noms de Lycaon (H. Smith) et (YHyœnoules (ls. Geoffroy). La Cynhyène peinte (Cynhyœna picta) , que Bur- chel et M. Temminck avaient d'abord décrite comme une Hyène, sous les noms d'Hyène chasseuse et d'Hyène peinte, est bien une espèce de la famille des Canidés par ses dents ainsi que par son ostéologie, et elle n'a rien de commun avec les Hyènes, si ce n'est le nombre de ses doigts. Ses allures sont celles des Loups ou des Chiens, Dentition i> y. l a C y n h y i; n i: , 3/ i do grand . 51 ORDRE DES CARNIVORES. et ses mœurs sont aussi les mômes que celles de ces Animaux. Elle vit en Afrique, depuis la Gafrerie jusqu'en Abyssinie, et même dans le Dongola; chasse réuuie par petites troupes et inquiète assez souvent les troupeaux. Sa taille approche de celle du Loup , mais sa force est certainement moindre; ses couleurs sont un mélange assez irrégulier et comme marbré de jaune, de brun et de blanc, disposés par plaques; elles ne se répètent pas symétrique- ment des deux côtés du corps. Ce défaut d'uniformité se retrouve dans un grand nombre d'autres Animaux, mais ces Animaux sont domestiques, et il semble être le résultat d'une altération maladive des bulbes pileux; cependant on Fa constaté chez toutes les Gynhyènes qui sont, au contraire, entièrement sauvages. Aux caractères que nous avons déjà énu- mérés, il faut ajouter que les Gynhyènes ont les oreilles grandes et que leur corps est assez élevé sur jambes, C y n u y f. n e î* e i n t F , \ jû ue grand . Les Animaux de cette espèce bizarre sont d'un naturel assez méchant. Burchel, prr.jnd. Des Loups semblables à ceux de France existent dans les autres États de l'Europe conti- nentale et dans le nord de l'Asie, mais il n'y en a pas en Algérie. Les naturalistes ne sont pas fixés sur la valeur des caractères propres aux Loups noirs, que l'on observe en Europe, avec les Loups ordinaires et dont la présence en France a été plusieurs fois constatée. Quelques-uns les regardent comme étant d'une espèce à part, et ils leur donnent le nom de Canis Lycaon; d'autres n'y voient qu'une variété individuelle, et ils citent à l'appui de leur opinion ce fait, d'ailleurs incontestable, que, dans les niellées de Louveteaux appartenant bien sûrement à l'espèce commune, il y a parfois des individus entièrement noirs. On a également cru qu'ils étaient le résultat d'un croisement entre le Loup et le Chien. Quoi qu'il en soit , un crâne de Loup noir des Pyrénées , que nous avons étudié , nous a paru s'éloigner un peu de celui de l'espèce commune et ressembler davantage à celui des Loups de l'Inde et de l'Amérique du Nord , qui peuvent eux-mêmes être atteints dans certains cas d'un sem- blable mélanisme. Les Loups étrangers à l'Europe ont aussi donné lieu à quelques difficultés zoologiques, car certains d'entre eux ont une telle analogie avec les nôtres, qu'il est difficile de les en distinguer nettement. Cependant tous les Loups ne sont pas dans ce cas, et l'incertitude u existe guère que pour ceux de l'Inde et pour ceux de l'Amérique septentrionale; car, s'il 11 e partie. 8 58 ORDRE DES CARNIVORES. y a en Afrique et dans l'Asie orientale des Canis, que l'on doit rapporter au même sous- genre, il est en même temps possible de démontrer que ce sont bien des Animaux d'espèces distinctes. Mais les Loups de l'Inde ont toute l'apparence extérieure des nôtres, quoique leur pelage soit moins fourni et leur taille un peu moindre; et que, du moins dans le petit nombre d'exemplaires qu'on a pu observer sous ce rapport, la deuxième molaire tuberculeuse de la mâchoire supérieure soit plus petite, ce qui indique tout au moins une race à part. Ces Loupsdel'ind e répondent au Canis pallipes du colonel Sy kes. — Le L o u p d u J a p o n [fiants hodophilax, Temm. et Schleg.) est, au contraire, plus bas sur jambes que celui de l'Europe ou de l'Inde; il a le museau plus court et sa queue est moins fournie; aussi l'a-t-on décrit comme constituant une espèce à part. ^ . . , Certains Loups de l'Amérique septentrionale semblent également pouvoir être distingues des nôtres, bien qu'il soit dans certains cas très-difficile de les en séparer par des caractères précis, et qu'on les ait souvent regardés comme n'en différant pas; ils sont même de plusieurs sortes. Dans les contrées froides de l'Amérique, leur poil est plus fourni et d'une belle teinte grisâtre, ce qui les fait rechercher comme fourrure; mais ce ne sont pas des Albinos, et ils n'ont ni le pelage entièrement blanc ni les yeux rouges, quoiqu'il y ait dans cette espèce, comme dans les autres, des individus réellement affectés d'albinisme. D'autres, au contraire, sont noirs, mais individuellement et ils ne forment pas une véritable race. Les Loups nord -américains, qui ressemblent le plus à ceux de l'Europe, ont été souvent appelés dans les ouvrages descriptifs, et en particulier dans celui de Richardson, Canis lupus occidcntalis. On a constaté leur existence sur une grande partie des Etats-Unis. D'autres ont été regardés par Say comme formant une espèce bien distincte, comme le Loup odorant (Canis nubilus) , qui est plus courageux et qui attaque même le Bison. Le Loup des prairies (fiants latrans, Say) est aussi des États-Unis, mais plus parti- culièrement de la vallée du Colombia, dans la Californie, peut-être aussi du Mexique. Il n'est pas certain, en effet, que le Caygotte des Mexicains doive en être séparé, Le Loup des prairies se laisse plus aisément distinguer du Loup d'Europe que les précédents; et de Blainville , qui a pu en étudier le crâne, l'accepte comme en étant différent. Il signale à l'appui de son opinion quelques particularités assez légères, il est vrai, mais qui ne se retrouvent ni dans les autres Loups de l'Amérique, ni dans ceux de l'Europe ou de l'Asie. M. Hamilton Smith en fait même une petite division à part, sous le nom de Lyciscus. L'Asie Mineure et r Afrique septentrionale ont aussi des Loups; ils sont également diffé- rents des nôtres. Une des plus remarquables pour la sin- gularité de ses caractères est le Loup d'Abyssinie (Canis sinus, Ruppel) , qui a les formes élancées du Lévrier et dont le crâne est encore plus allongé que celui de ces Animaux. Le Loup d'Écypte (Canis Lupaster , Hemprich et Ehrenborg) est moins grêle, et, saut' sa taille un peu inférieure, il se rapproche davantage du Loup d'Europe. Il établit à plusieurs égards la transition des véritables Loups aux Chacals. 2. Les ClJONS sont des Canis à six paires de dents molaires inférieures. On n'en a encore observé que dans l'Inde. Ils ressemblent assez aux Loups et aux Chacals par leur forme extérieure, sont in terni é- dnires aux uns et aux autres par la taille, et ont le crâne assez peu différent de celui des Chank i>ï t Canis sinus, 1/3 do grand FAMILLE DES CANIDES, 59 seconds; mais ils n'ont qu'une seule paire de molaires tubercu- leuses à la mâchoire intérieure, ce qui ne leur donne que g molaires. Ces Animaux ont été souvent con- sidérés comme des Chiens sau- vages, et l'on a supposé, mais à tort , qu'ils pourraient bien être l'origine de nos Chiens domesti- ques. Ils chassent à la manière des Chiens marrons, c'est-à-dire en s'associant plusieurs ensemble. Leur proie consiste en Lièvres, en Antilopes, en Cerfs, et, assure- t-on, en Buffles sauvages ou do- mestiques, Ils remontent assez haut dans les montagnes et appro- chent souvent des neiges perpé- tuelles; fins et rusés, ils se laissent rarement surprendre par l'Homme; ils ont leur demeure habituelle dans les ravins et dans les rochers; toutefois ils ne se terrent pas; quelques-uns vivent aussi dans les plaines. Le Cuon bu an su {Ganis primœvus , Hodgson), {Jimglee coata) vit dans l'Hindoustan. I) e s t i t i o n i) \) C r on bu a n s f , 3/ i de grand . 8fiUNICR.SC, r, r>N M \vu, 1 s ri •> 71 nn<î 60 OnDRK DES CARNIVORES, C'est un Animal plus grand que lo Chacal , mais moins fort que le Loup , plus élance que l'un et l'autre, à pelage généralement fauve roux, plus clair à la tête et glacé de noirâtre à la queue. Il paraît qu'il no faut pas en séparer comme espèce le Canis duckanensis, signalé dans leDeccan par le colonel Sykes, et l'on appelle Cuon de montagnk {Cuon alpinns) un Canis des monts Altaï, qui a aussi le même système dentaire. Il y a également des Animaux analogues dans plusieurs des îles indiennes, tels sont le Dholo et le Pariah de Ceylan, le Quoo de Sumatra, et, d'après M. Hamilton Smith, le Canis java- nicus de F, Cuvier et de Desmarest. M. Smith leur associe encore le Dingo, de la Nouvelle- Hollande, qu'il nomme Chryseus Anstraliœ; mais celui-ci a bien certainement la même dentition que le Chien domestique, Le Canis javanicas est très-probablement le môme Animal que Roie a signalé à Java sous le nom de Canis ntUlans , qu'il dit y être très-rare , et sur la détermination duquel J,-R, Fischer est resté indécis, 3. Les CHACALS {Lupulus, Rlainville), Les Chacals, sont, pour ainsi dire, des Loups de petite espèce, et qui seraient moins auda- cieux et moins à craindre que ceux qui précèdent, si l'association dans laquelle ils vivent no multipliait leurs forces, Ce sont des Animaux communs aux trois grandes divisions de l'ancien continent, mais qui paraissent occuper en Afrique une plus grande surface qu'en Asie, et surtout en Europe, si l'on ne tient compte que des Chacals ordinaires. Il faut toutefois leur associer les Corsacs ou Adives qui s'avancent davantage dans les régions froides et les Isatis qui habitent les terres les plus voisines du pôle Arctique dans l'un et dans l'autre continent, Canis Chacal {Canis aureus, Linné). Les Chacals sont des Animaux semblables aux Loups par leurs allures, mais plus petits; leur corps est haut de 3 ou 4 décimètres et long de 6 ou un peu plus; leur queue a environ 0,25. Us ont le pelage fauve plus ou moins varié de gris ou de blanchâtre aux parties inférieures et de noir sur le dos; leur museau est plus tin que celui des Chiens; les tubercules de leurs molaires sont un peu plus saillants et leurs tuberculeuses de la mâchoire supérieure sont plus semblables à celles des Loups. Chacal ut Sénégal 1/7 de «nnul, Us vivent de proie, mais ils mangent aussi des charognes. Comme ils habitent, en général, des pays oii il y a en même temps des Lions ou d'autres grands Carnivores, ils recherchent FAMILLE DES CANIDES. 61 les débris laissés par ces derniers. Les cadavres des Animaux domestiques abandonnés par l'Homme servent aussi très-fréquemment aux repas des Chacals qui les découvrent à l'odeur et viennent par petites troupes en dévorer les chairs. C'est surtout pendant la nuit qu'ils se mettent en quête , et leurs cris retentissants décèlent au loin leur présence. Les immondices qu'on rejette des camps, les débris abandonnés par les troupes en expédition attirent aussi ces Animaux. Tous les Chacals ont une grande analogie avec certaines races de Chiens domestiques, et Guldenstedt, savant naturaliste russe, qui a parcouru l'Europe orientale et une partie de l'Asie, les supposait la souche de ces derniers. Suivant la remarque de M. Nordmann, les Chiens d'Awhasie ressemblent étonnamment à des Chacals. Cependant F. Cuvier objecte à l'opinion de Guldenstedt que les Chacals a répandent une odeur si forte et si désagréable, (( qu'elle seule aurait empêché les Hommes de rapprocher d'eux ces Animaux pour en faire (t leurs compagnons et en quelque sorte leurs commensaux. » Le même auteur ajoute, avec raison, que rien n'autorise à penser que la domesticité ait pu modifier les Chacals au point de leur faire perdre cette mauvaise odeur. Ces Animaux font surtout entendre leur voix pendant la nuit. C'est une sorte de hurlement aigu dont le timbre est fort désagréable. L'un d'eux commence en disant à peu près aji sur un ton prolongé; un second reprend de même, puis un troisième, et ensuite la troupe entière crie à l'unisson. Quelques voyageurs ont trouvé ces hurlements plus semblables aux cris d'une troupe d'enfants qu'aux aboiements du Chien. On apprivoise facilement les Chacals, mais sans leur donner jamais les qualités qui distin- guent les Chiens domestiques. 11 reste toujours quelque chose de leur sauvagerie primitive, et il est impossible de leur laisser une entière liberté. J'en ai possédé un encore jeune, et par suite encore assez souple. Quand il avait faim, il était doux et caressant; mais il redevenait mauvais lorsqu'on avait satisfait son désir, et si Ton voulait le saisir ou jouer avec lui, il cherchait alors à mordre. Les enfants n'obtenaient pas plus sa confiance que les grandes personnes. J'en ai vu d'autres qui étaient plus traitables, mais qui pourtant étaient loin d'être entièrement soumis. Les Chacals sont au nombre des Animaux qui s'étendent sur une grande partie de l'ancien continent. On sait qu'il y en a dans toute l'Afrique, depuis la basse Egypte, l'Algérie et le Maroc jusqu'au cap de Bonne -Espérance; on en trouve dans une grande partie de l'Asie méridionale, mais sur le continent seulement, et il y eu a dans les parties les plus orientales de l'Europe, particulièrement en Grèce, dans la Turquie d'Europe et au Caucase. Buffon n'aurait pas hésité à les regarder comme étant tous de la même espèce, et c'est l'opinion que s'en est faite de Blainville qui envisageait l'espèce d'une manière plus large que la plupart des naturalistes et regardait souvent comme tel ce que les autres considèrent comme un sous-genre formé lui-même par la réunion de plusieurs espèces. Le Chacal de l'Afrique australe (Canis mesomelas) qui a sur le dos une sorte de manteau de poils gris et noirs, est, pour de Blainville un Canis. aurons tout aussi bien que le Canis anthus du Sénégal qui a été distingué par F. Cuvier, ou que le Chacal de l'Inde et celui de Morée. D'autres auteurs acceptent une opinion diamétralement opposée. M. H. Smith va plus loin encore puisqu'il place les Chacals dans deux divisions différentes, savoir : Les Thous, comprenant le Canis anthus ou Chacal du Sénégal, tel que F. Cuvier le décrit; le Canis variegatus, Buppel, ou Chacal de Nubie, et le Canis mesomelas; Et les Sac a lui s, qui sont : le Chacal commun (Sacalius aureus); celui de Barbarie (C. barbants de Shaw), et celui de l'Inde (Sacalius indiens) ; trois véritables Chacals dont il rap- proche, à tort, le iSyctëreule. L'espèce ou plutôt la race à laquelle M. H. Smith réserve h 1 nom de Sacalius aureus, et qui répondrait mieux que les autres au Canis aureus des auteurs, °st le Chacal d'Orient, ou le Thos des anciens. On le rencontre en Perse, dans la Bussie 62 ORDRE DES CARNIVORES. méridionale, aux environs de Smyrne, auprès do Constantinople, en Morée, etc. On le cite souvent comme une preuve de l'ancienne existence du Lion dans les mêmes contrées, le Chacal passant pour le compagnon le plus habituel de ce redoutable Carnassier. Les Grecs anciens ont connu le Chacal, et c'est de ce Carnivore qu'Aristote a parlé sous le nom de Thos, nom que Linné a transporté mal à propos à un Canis de la Guyane. Les Canis de la région du ]\il qui approchent le plus du Loup et du Chacal par leur orga- nisation, étaient intéressants à étudier, parce que leur connaissance exacte pouvait éclairer, sous certains rapports, la question si difficile de l'origine du Chien domestique, et en même temps la détermination précise des momies de ce genre, ou celle des peintures d'Animaux analogues que l'on trouve sur les monuments égyptiens. Aussi MM. Ruppel et Ehrenberg, qui ont parcouru ces contrées, ont-ils donné une attention toute particulière aux espèces de ce groupe. Dans un travail qui lui est commun avec son compagnon de voyage feu M. Hem» prich, M. Ehrenberg énumère dix espèces de Chacals et de Renards propres a l'Egypte, et il faut y ajouter la Cynhyène et le Fennec que nous avons déjà cité. L'une de ces espèces est le Loup d'Egypte (C. Lup aster) ; les autres Canis égyptiens sont plus voisins du Chacal ou du Chien domestique ordinaire; ils ont été décrits par Ehrenberg; les autres sont les suivants : Canis sacer, Hemprich et Ehrenberg; il a la taille d'un Renard ou un peu plus forte, et sa queue peu velue le fait ressembler, encore plus que le Lupaster, aux figures du Chien sacré; Canis familiaris ou le Chien domestique, sur lequel nous reviendrons ailleurs; Canis riparius, H. et E.; des côtes de l'Abyssinie, près Arkiko. C'est le Sea fox de Sait ; Canis variegatus de Cretzschmar; de la haute Egypte; Canis s a bar, H. et E.; du Dongola; Canis anubis , H. et E. ; du Fayoum. La gracilité de ses formes et la couleur noire de son pelage donnent à penser que c'est lui qui a fourni le modèle du Chien anubis représenté sur les monuments ; Canis vulpecnla , H. et E. ; du Fayoum. M. Ruppel cite en Abyssinie les Canis anthus , variegatus et mesomelas. Indépendamment du Chacal de Morée, l'Europe nourrit une espèce qui peut être rapportée au même sous-genre, quoiqu'elle soit déjà plus voisine des Renards sous certains rapports. C'est un Animal qui est essentiellement propre aux régions arctiques; on l'appelle Isatis. Le Corsac existe aussi dans une partie de la Russie, mais à vrai dire il nest pas européen. Le Canis isatis (Canis lagopus , Linné) est gris brun, un peu bleuâtre, ou tout blanc, suivant la saison; il reproduit, dans le groupe dont nous traitons, les mêmes variations que le Lièvre changeant ou l'Hermine. Ruffon l'a nommé Renard bleu ; mais ce n'est pas un vrai Renard, car il a la pupille ronde, et son crâne n'est pas très-différent de celui des Chacals. Aussi doit-il être placé auprès de ces derniers. Sa taille est un peu inférieure à la leur, et ses pieds sont plus velus; ce qui lui a valu de la part de Linné le nom de Lagopus, signifiant pied de Lièvre. Les Isatis vivent exclusivement dans les contrées boréales, aussi bien dans le nord de l'Europe que dans celui de l'Asie et de l'Amérique; ils font la chasse aux Oiseaux et aux petits Mammifères, quelquefois même aux Poissons; ils nagent bien et ont les mœurs ordi- naires aux autres Animaux de ce groupe. La couleur blanche qu'ils prennent en hiver leur permet de se soustraire plus facilement à leurs ennemis et en même temps d'être aperçus moins aisément parles Animaux qu'ils veulent saisir; leur fourrure est assez estimée. Il y a des Isatis qui restent bruns pendant toute l'année. Le Canis corsac (Canis corsac , Guldenstedt) ou Y Active, appartient à l'Asie, principale ment à la Tartane. C'est aussi un Animal moins grand que le Renard, à pelage moins fourni, gris fauve, sauf en dessous, ou il est blanc, et dont la queue est terminée de noir. Ses formes sont gracieuses, et il ressemble à un très-petit Chacal. Ses habitudes ont de l'ana- logie avec celles de l'Isatis , mais il habite des régions moins froides. FAMILLE DES CANIDÉS. 63 4. L'Amérique méridionale nourrit plusieurs espèces de Canis dont la plus grande a quelque analogie avec le Loup , mais s'en éloigne cependant à différents égards, et sert de type à la division des CHRYSOCYONS de M. H. Smith. Le Loup a c ri n i è r e ( Canis jubalus , G. Cuvier ) , appelé A goura- Gouazou par Azara , Canis campestris par le prince de New-Wied et Loup rouge par d'autres auteurs. C'est un Animal élancé, ressemblant assez à un grand Lévrier, léger à la course, et dont le pelage, en général roux cannelle, s'allonge un peu en crinière sur le dessus du cou, où il prend une couleur noirâtre. Cette espèce habite les grandes plaines connues sous la dénomination de Pampas ; elle diffère notablement du Loup, du Chacal, etc., par la forme des os de son squelette; ses arrière- molaires ont aussi leur couronne un peu différente; ce qui justifie, jusqu'à un certain point, la distinction générique dont elle a été l'objet. Ce Canidé est moins hardi (pie le Loup ordinaire et moins redouté. Nous en rapprocherons quelques espèces du même continent , qui sont cependant plus petites et moins élancées. 5. M. Hamilton Smith ne fait encore une division particulière sous le nom de Dl SOCYON, mais leur nomenclature n'est guère plus élucidée que celle des Chacals ou des Loups. Tels sont : le Chien cr obier , le Chien des bois, signalé à Cajenne par Barère sous le nom de Kou- para;\e Renard gris du G. Cuvier ou YAgourachag (ïAzanx (Canis brachgteles, Blain ville), dont Auguste de Saint-Ililaire a rapporté un exemplaire au Muséum de Paris; le Colpeude Molina ; le Chien des îles Falckland, déjà mentionné par Bougainviile, etc. : tous Animaux dont la distinction en espèces est encore incertaine. Les difficultés qu'on éprouve à propos des autres groupes de Canidés se retrouvent ici dans toute leur intensité ; les Dusocyons qu'on connaît le mieux ont montré une forme de tête un peu différente de celle qui caractérise les catégories précédentes, et Je pouce, qu'ils portent, comme les autres, aux pieds de devant, est plus relevé. Ces Canidés sont aussi désignés par le nom de CllABlERS. Nous ne nous arrêterons que sur une seule de leurs espèces : Le Canis crarikr (Canis cancrivorus , Desm.) , qui est peut-être le Tlios de Linné, le Koupara de Barère, etc. ^^^hâiéî^ûùâd ( ; A N I S C, R A 131 E H , I I \ lit' gmild , 04 ORDRE DES CARNIVORES. Cet Animal a le pelage fauve cendns varié de brun et de noir en dessus; ses extrémités sont noires, ainsi que sa queue; ses nuances sont assez agréables à l'œil. On le rencontre dans la Guyane, où il chasse les Agoutis et les autres Mammifères de faibles dimensions, les Oiseaux et même les Crabes. Il mange aussi des fruits. Les individus de cette espèce se réunissent habituellement par petites troupes composées de cinq à six individus. 6. Les Nyctéreutes. Le G a n i s v i v e r r i n (Canis wverriîius, Temminck) , qui sert de type au petit genre Nyctereutes de M. Tem- minck est un Animal du Japon , assez analogue au Crabier, mais de moindre taille et à museau plus fin. Le Canis procyonoïde de M. Gray , qui a la Chine pour pays, paraît être de la même espèce. L'exiguïté des oreilles de ces Animaux leur a fait donner aussi Tépithète de brachyotes. 7. Les Chiens domestiquas. Quoique très-rapprochés, par l'ensemble de leurs ca- cams vivf.ihmn, i/3 Mn (;„„,„, 1/2 t u -mi ri d'Artois, le Chien anglais et le Chien turc. fK,{V " ,0(1 "^ Mais ces distinctions ne suffisent plus maintenant pour la nomenclature des Chiens domes- tiques connus. Les races, alors non décrites, qu'on a rapportées de divers pays et celles qu'on a obtenues par le croisement ont rendu le sujet bien plus compliqué. Nous allons essayer d'y mettre un peu plus d'ordre en tenant compte des indications données par M. Hamilton Smith dans son Histoire naturelle des Chiens, publiée à Edimbourg eu 1839, et en ajoutant encore quelques formes à celles déjà fort nombreuses qu'il a énumérées. Plusieurs de nos planches sont consacrées à la représentation des races les plus intéressantes. Après avoir lu les détails qui précèdent, on s'étonnera peu si nous ajoutons qu'il est encore impossible d'arrêter avec précision le nombre d(^ types primitifs qui paraissent avoir donné naissance aux variétés, pour ainsi dire innombrables, du Chien domestique. On ne peut pas davantage décider, d'une manière absolue, si ces types avaient la même valeur que les espèces véritables, telles que les admettent la plupart des naturalistes; s'ils répondaient seulement à ce que plusieurs auteurs appellent des sous -espèces, ou bien encore si ce sont de simples modifications d'une seule et mémo forme. Cependant cette dernière opinion est, suivant nous du moins, la moins probable. Quoiqu'il en soit, on peu! rapporter les Chiens domestiques 70 ORDRE DES CARNIVORES. actuellement connus à six catégories différentes dont nous parlerons successivement, avec M. Hamilton Smith, sous les noms de Chiens lévriers, Chiens mâtins, Chiens lachnés, Chiens de chasse. Chiens mêlés et Chiens mastiffs. J. Les CHIENS LÉVRIERS, nommés en anglais Greghounds, ont le crâne droit, allongé, sans renflement frontal bien prononcé; leur taille est élancée; leur poitrine est allongée et peu charnue ; leur ventre paraît amaigri; leur queue est longue, grêle, faiblement courbée; leurs jambes sont fines et leurs oreilles à demi tombantes se dirigent en arrière. Ces Chiens sont les plus rapides à la course et ils se plaisent dans les pays de plaines. Leur odorat es! imparfait, mais ils ont la vue bonne et c'est par elle qu'ils se guident dans leurs chasses. Leur intelligence est bornée ; ils aiment les caresses, mais témoignent peu d'attachement à leur maître. Leur coloration est moins altérée que celle de la plupart des autres Chiens et elle est, en général, uniforme, soit noire, soit fauve brunâtre, soit grise ou plus ou moins blanche; elle présente, dans certaines races, quelques zébrures; les poils sont ras ou un peu allongés. Ces Animaux sont originaires des pays chauds ou tempérés, mais seulement de l'ancien continent ; ceux qui ont le poil court supportent difficilement le froid de nos hivers. Les Lévriers à longs poils sont : le Brinjarie de l'Inde, — le Lévrier de Perse, — le Lévrier arabe, — le Lévrier de Russie et de Tar tarie (Canis hir sains de Cmelin), — le Lévrier d'Ecosse, — le lévrier d'Irlande, — le Lévrier de Grèce. Les Lévriers à poils ras sont : le Lévrier livre à longues oreilles, — - le Lévrier d'Egypte, — le Lévrier Acaba des Bédouins, — - le Lévrier noir d'Afrique , — le Lévrier d'Italie (Canin italiens, Gmelin, — et le Lévrier de Grèce (Canis grajus, Linné). M. H. Smith regarde commodes races métisses ou abâtardies, dues en partie aux Lévriers, certains Chiens bassets (répondant à peu près au G. /'. verlagus , Linné), parmi lesquels on distingue les Bassets ordinaires et les Bassets à jambes torses, - — le Chien vagabond des rues d'Egypte- — et Je Chien sans poils, appelé indifféremment Chien turc ou Chien de Guinée. 2. Les Chiens MATINS sont plus forts que les Lévriers et leurs formes sont moins grêles; en général, ils sont aussi d'une plus grande taille. Ces Chiens ont le poil court et les oreilles souvent droites ou incomplètement tombantes ; leur odorat est médiocre et leur caractère peu docile. Ce sont cependant des Animaux de bonne garde et qu'on emploie, soit pour défendre les habitations, soit pour conduire le gros bétail. Ils sont généralement hardis; on peut éga- lement les utiliser pour chasser le gros gibier. Us ont pour patrie les régions tempérées de l'hémisphère boréal dans l'ancien et dans le nouveau continent. Tels sont: le Mâtin proprement dit (C. laniarius , Linné) , — le Chien danois (G. f. danicus. Desm.; C. glaucus de quelques auteurs), — les Canis aprinus et suit lus employés pour la chasse aux Sangliers — et le Chien de garde des Turcs. — Il faut y ajouter le Mâtin de Cuba, — le Basset primitif , — le Chien de charrois employé par les Indiens de l'Amérique du nord, — le Te chichi du Mexique — et le Chien Loup des Florides. 3. Les CHIENS LACUNES, dont le nom veut dire laineux, sont remarquables par leur fourrure plus abondante que celle des Mâtins. Leurs oreilles, originairement droites et poin- tues, sont devenues tombantes dans les races les plus modifiées; leur taille est souvent élevée et leurs habitudes sont intelligentes et laborieuses. Us appartiennent aux régions des deux continents qui se rapprochent le plus du cercle arctique. Les principaux sont : le Kosha des habitants de la Sibérie (Canis f. Sibiricus, Gmelin), — le Chien des Esquimaux (C. f. Borealis, Desm.), — le Chien d'Islande (C. /. Islandicus, Cmelin), — le Chien de la rivière Mackensie (C. Lagopus, Richardson) , — le Chien de Terre- Neuve (C. Terrœ-Novw, Blumeubach) , — le Nootka du nord de l'Asie (C. Laniger, IL Smith), — le grand Chien des Alpes et des Pyrénées (Chien du mont Saint-Bernard, Chien de Ca- margue, etc.), appelé en latin C. f. Montanus, etc., — le Chien de Berger ou Chien de Brie qui est le C. f. domesticus de Linné, — et le Chien Loup (C. f. P orner anus, Linné). 1. Les CHIENS DE CHASSE ou les Hounds «les Anglais (Canes sagaces^ ont le crâne mé- FAMILLE DES CANIDÉS. 71 dioerement allongé ot leurs lignes temporales ne se réunissent pas sur la ligne médiane de manière à former une crête sagittale, ce qui laisse à tous les ^g^, au-dessus de la boîte cérébrale, une plus grande capacité en rapport avec un développement plus considérable du cerveau. Ces Chiens sont, en général, de taille moyenne, mais ils fournissent des races fort petites; leurs oreilles sont toujours longues et pendantes, ce qui est un résultat des modi- fications subies par leur type primitif. Ils ont l'odorat très-perfectionné et montrent beaucoup d'intelligence. On croit qu'ils ont d'abord appartenu aux régions tempérées de l'ancien con- finent. Les uns ont le poil ras. Le plus employé est le Chien courant (Canis /. sagax) et ses sous-races française, écossaise, etc. M. IL Smith en rapproche le Chien d'Orient, le Talbot, le Staff, le Fox hound , le Harrier, le Bcaffle, le Turnspit, le Chien de Durgos et le Chien de Dalmatie. — Le Braque (C. f. avicularius, Linné) est un animal du même groupe. D'autres, plus vulgairement connus sous les noms iYFpagneuls et de Barbets, ont le poil plus long que ceux dont il vient d'être question. Ce sont : Le Setter des Anglais {C. f. index), — le grand Épagneul (C. f. exlrarius, Linné), — le petit Epagneul (C. hispanicus, Bechstein). — Il faut en rapprocher le Springer, —le King's Charles, — le Cocker, — le Bleinheim, — le Pyrame (C, f. flammcus) , — le Chien Lion (C. f. Iconinus) , <'t d'autres variétés dites Chiens de salons ou Chiens de dames. — Le Bichon de Buffon (C. f. melitœus de Ray; C. f. melitensis, Linné) est do la même catégorie. On leur adjoint aussi le Barbet {C. /. aquaticus) , — le Criffon (C. f. sagax, Linné), — le petit Barbet (C. f, minor, Linné) — et le petit Chien blanc de Cuba (6'. vellerosus, Lesson). 5. Les Chiens mêlés (ouïes Cur dogs, IL Smith) ont la tête arrondie, le museau pointu, les yeux gros, saillants et les oreilles droites; leur taille reste au-dessous de la moyenne. Ce sont des Animaux intelligents, vigilants, mais d'un caractère difficile, et dont les différentes variétés ont été souvent abâtardies par le croisement ou par l'influence de l'Homme. Vf. IL Smith suppose qu'ils descendent de trois espèces distinctes ayant chacune une prove- nance différente ; La première, propre aux régions occidentales de l'ancien contient, aurait fourni le Chien terrier (Canis terrarius); La seconde, appartenant aux régions chaudes et tropicales de l'ancien continent, répon- drait au Chien pariah do l'Inde, — au Chien Poë des îles de l'Océan pacifique, — et au Chien de la Nouvelle-Zélande ; La troisième serait le Chien des Patagons et le Chien de la Terre de Feu, mais il rosle certains doutes à leur égard, au moins pour ce qui concerna le dernier. On pourrait rapprocher de ces Chiens, et en même temps des Mâtins, les Dingos ou Chien de V Australie, dont nous avons parlé séparément. 0. La dernière division comprend les MASTIFFS, Bull- dogs des Anglais ou Dogues et Bouledogues des naturalistes français. Ce sont les Canes nrcani de M. IL Smith. Ces Chiens ont le museau court, comme tronqué; leur crâne est élevé dans la région cérébrale, presque (, xcavé à la face; leurs sinus frontaux sont considérables; leurs lèvres sont plus ou moins pendantes; leur museau est raccourci et comme arrondi; ils ont la poitrine large; les reins torts ot la queue droite. Ce sont des Animaux d'un caractère énergique, redoutable même, tous sont originaires des grandes chaînes de montagnes, principalement de celles des régions tempérées de l'hémisphère boréal , mais uniquement de l'ancien continent. Il y en a de différentes dimensions. Voici les noms des principaux : Dogue ou Mastiff du Thibet (C. urcanus, IL Smith), — Dogue de forte race (C. f. angticus, Desm.) , _ Dogue de Sumatra (C. f. Sumatrensis, Blainv.) , — Dogue de Cuba, — Bouledogue [C. f. Molossus, Desm.). — Bull terrier, — Png-dog, — Boquet, appelé aussi Doguin, — Carlin, — Dogue de Bologne (C. f. fricator, Linné), — petit Danois (C. f. variegatus) , — Mois ou Islois, Lislois et Quatrevingts,— Chien d'AUcante (C. f. Andalusiœ), 72 ORDRE DES CARNIVORES. GENRE RENARD {Vuîpes, Brisson). Au lieu de chasser pendant le jour comme le font les Loups, lorsque rien ne les inquiète, c'est de préférence pendant la nuit que les Renards se mettent en quête de leur proie, et leurs pupilles sont en fente verticale comme celle du Chat domestique et de quelques autres espèces de Félis. Us se distinguent en outre par leur museau plus effilé, par leur front plus aplati et par la longueur un peu moindre de leur tube digestif. Us ont aussi les dents un peu différentes, quoique toujours établies sur le même modèle que celles du Loup ou du Chien domestique, et constamment réparties suivant la même formule; les échancrures latérales de leurs incisives sont moins profondes et l'usure efface plutôt les figures en forme de trèfle qu'elles représentent; les canines sont plus effiiées et les molaires , qui sont d'ailleurs moins épaisses , ont leurs tubercules plus relevés en pointes , ce qui implique un régime moins omnivore. !. Les RENARDS proprement dits. Ce groupe comprend, indépendamment du Renard ordinaire, plusieurs autres espèces dont les plus faciles à en distinguer sont le Renard d'Azara et le Renard tricolore, l'un et l'autre américains. Le Renard vulgaire (Vuîpes vulgarîs, Brisson) a le pelage fauve plus ou moins vif en dessus, blanchâtre en dessous, avec la queue touffue, longue et terminée de blanc gris ou de noir. On nomme Renard charbonnier, la variété à queue terminée de noir; elle a aussi le ventre gris brun, c'est le Vuîpes alopex de quelques auteurs. Une autre variété porte une sorte de croix brune sur le dos; elle est quelquefois indiquée sous le nom de Vuîpes crucigera, comme formant une espèce à part, mais elle ne mérite pas cette distinction, et l'on ne peut pas davantage, suivant de Rlainville, séparer le Vuîpes melanogaster (Ch, Bonaparte) signalé en Italie. HRNvnn vit, v, u ni:, 1/10 do grand. Le Renard, dont tout le monde connaît l'histoire, est encore commun en Europe. Il vit isolé, se cache une grande partie du jour dans les creux de rochers, dans quelque trou d'arbre ou ailleurs. Son repaire est souvent assez rapproché des fermes et des autres endroits ou on élève les volailles, les Lapins, etc., dont il réussit très -aisément a se rendre maître. Son adresse lui a fait une grande réputation, et, à toutes les époques, il a passé pour un modèle de ruse et de finesse. Dans quelques pays, principalement en Ecosse, sa poursuite donne lieu FAMILLE DES CANIDES. 73 à des chasses régulières, qui sont l'un des plaisirs des gens riches; mais, le plus habituelle- ment, on le prend au piège, et, par suite, avec beaucoup moins d'appareil, l'important étant de mettre un terme à ses rapines. Sa peau a peu de prix et ne peut guère servir qu'à faire des tapis ou quelques grossières fourrures. Au contraire, celle de certains Renards américains est très-estimée. Le Renard établit son domicile au milieu des bois ou dans les rochers, mais le moins loin possible des habitations rurales. Ordinairement, il choisit un terrier de Lapins, qu'il élargit à sa mesure, ou celui de quelque Rlaireau qu'il a chassé en l'infectant de son urine. Il no sort guère de cette retraite qu'au crépuscule ou pendant la nuit , et il y rentre dès que le jour commence à se montrer. Doué d'une vue excellente et d'un odorat très-fin, il ne lui est pas difficile de trouver dans ses chasses nocturnes le gîte des Animaux qui servent à sa nourriture. Souvent, il se met à l'affût pour les saisir; d'autrefois, il escalade les murailles, se fait petit et s'introduit dans les basses-cours. Il détruit beaucoup de gibier, et fait aussi une grande consommation de Poules, de Canards, de Lapins domestiques et d'autres Animaux de faibles dimensions. Quelques fruits sont aussi de son goût, les raisins, par exemple. Il mange encore des Reptiles, parfois des Insectes ou des Limaces, et, suivant les localités qu'il habite, il sait varier ses ruses et modifier son genre de vie. Les gens de la campagne lui font une guerre assidue. Les Renards ne se rencontrent pas seulement en Europe; il y a en Asie, en Afrique et dans l'Amérique septentrionale dos Animaux fort semblables, méritant le môme nom, et qu'il est le plus souvent fort difficile de séparer de nos Renards comme espèces, quoiqu'ils montrent dans leur coloration , dans leur taille et surtout dans la beauté plus ou moins grande de leur fourrure, quelques variations en rapport avec les localités qu'ils habitent. Les Renards d'Algérie ont déjà les teintes un peu différentes de ceux d'Europe; et ceux de la région du Nil ont habituellement le poil moins beau. M. Ehrenberg considère ces derniers comme étant de trois espèces différentes qu'il indique par les noms suivants : Canis niloticus (E. Geoffroy) , de l'Egypte et du Dongola; Canis famelicus (Cretzchmar) , du Dongola; Et Canis pallidus (Cretzschmar) , aussi du Dongola. 11 y a également des Renards au Sénégal; quelques auteurs en signalent même au Cap. Ceux du nord de l'Asie n'ont point été distingués des nôtres; mais, dans l'Himalaya, ils sont toujours un peu différents, ce qui les a fait séparer, sous le nom de Vulpes himalaïeus, par M. O'Giîby. L'Inde en nourrit aussi {Vulpes Bengalensis , Shaw, et Vulpes Xanthura, Gray); enfin l'on en signale jusque dans l'île de Ceylan, Il n'y en a ni aux îles de la Sonde, ni aux Philippines. MM. Temminck et Schlegel ont reconnu des peaux du Renard ordinaire dans les collections faites au Japon par M. de Siebold, Parmi les Renards de l'Amérique septentrionale, qui se rapprochent le plus de ceux de l'Europe, on doit distinguer le Renard rouge (Vulpes fui vus des auteurs) , ainsi nommé à cause de sa couleur rougeàtre. Ce Renard rouge paraît exister également dans les îles du Japon, dont la faune mammalo- gique nous montre un mélange si curieux d'Animaux européens ou nord-américains, associés à quelques espèces tout à fait particulières. Le Renard tricolore ( Vulpes cinero - argenteus ) , qu'on nomme aussi Renard véloce , est bien certainement une espèce à part. La forme lyrée de la partie frontale de son crâne fournit un bon caractère ostéologique pour le distinguer de tous les précédents , et ses cou- leurs ne sont pas non plus les mêmes. Son pelage est plus riche, et on en fait de belles fourrures. Voici comment ses couleurs sont distribuées : il a le dessus du corps gris noi- râtre et la tête gris fauve; ses oreilles et les côtés de son cou sont roux vif; sa gorge et ses joues sont blanches; sa mâchoire inférieure est noire; son ventre est fauve, et sa queue est n e partie, 10 74 ORDRE DES CARNIVORES. également fauve, mais elle est glacée de noir, et le bout en est d'un noir foncé. Cette espèce n'est point connue ailleurs que dans l'Amérique septentrionale. Rr.NARn i bicolore, 4 10 de grand. Le Renard d'Azaha (Vulpes Azarœ, Neuwie 1 ) , et quelques races ou espèces qui s'en distinguent difficilement, représentent, dans l'Amérique méridionale, le genre dont nous nous occupons, ^$îii - \ *rK H i: \ a Ri) s» ' A */ a n a , 1/10 de siriw.d . Quoique moins différent du vrai Renard par la forme de son crâne que le Renard Trico- lore, l'Azara peut aisément en être séparé, et sa physionomie extérieure n'est pas tout à FAMILLE DES CANIDES. 75 fait la même. Ses habitudes n'offrent rien de bien particulier. On le voit dans le Brésil, dans la Guyane, au Pérou, au Chili et jusqu'en Patagonie. Les Animaux qu'on en rapproche n'ont pas encore été suffisamment caractérisés, et il s'élève à leur sujet les mêmes difficultés que pour les espèces établies sur les Renards africains ou asiatiques, ou pour les différentes sortes de Chacals. On en signale aux îles Chiloë, à la Terre de Feu et aux Malouines. 2. Les FENNECS sont des Renards à longues oreilles. On n'en connaît qu'un, le Renaud Fennec (Canis Cercla, Zimmermann), espèce de petite dimension, qui est à la fois remarquable par la grandeur considérable de ses oreilles et par sa couleur générale, qui est isabelle pâle; il a une tache fauve au-devant de chaque œil; la base et le bout de sa queue sont noirs. Ce Fennec, dont quelques auteurs font, à l'exemple de Desmarest, un genre à part, est Y Animal anonyme de Buffon. C'est une curieuse espèce, qui vit en Afrique dans la région saharienne, et qui doit à ses énormes oreilles une grande finesse d'audition. On l'a signalé dans deux parties de cette vaste région , dans le Dongola et en Nubie d'une part, et d'autre part dans le Sahara barbaresque , au sud de Tunis et de Constantine. C'est Bruce qui l'a indiqué dans les dépendances méridionales de l'Algérie, et M. Zill l'y a retrouvé récemment. Ce Renard fait la chasse aux petits Animaux qui fréquentent les sables du désert, et comme sa couleur diffère peu du sol sur lequel il vit, il lui est plus facile d'échapper à la vue du gibier dont il veut s'emparer. Il est encore rare dans les collections ; cependant on l'a pos- sédé vivant à la Ménagerie de Paris. Le voyageur anglais Denham cite également le Fennec parmi les Animaux de l'Afrique centrale. )\ ! N \ M )> Y !• N \ ï I 1/5 do gr«i ml. Genre OTOCYON (Olocyon, Lichtenstein) ou le genre Agriodus de M. Hamilton Smith Il ne comprend qu'une seule espèce propre à l'Afrique australe. Cette espèce joint aux carac- tères extérieurs des Renards et des Fennecs un système dentaire assez notablement diffé- rent du leur par le nombre. Chaque mâchoire présente, en effet, trois paires de tuberculeuses 76 ORDRE DES CARNIVORES. ce qui ne se rencontre dans aucun autre Carnivore vivant, et la formule des molaires est ainsi portée à J; en outre, la carnassière inférieure a plus d'analogie avec celle de certains Viverridés qu'avec celle des Canis, ayant les trois pointes de sa partie antérieure disposées régulièrement en triangle. Le crâne est assez peu différent de celui du Renard tricolore; l'humérus est conformé comme chez les au- tres Canis, et les conques auditives sont presque aussi grandes que celles du Fennec, mais la couleur du pelage n'est pas aussi claire que chez ce dernier. L'Otocyon aux grandes oreilles {Otocyon megaloUs), dont Desmarest a., le premier, donné la description , est un Animal de l'Afrique australe; il a été découvert par Delalande dans le pays des Hotientots; il est plus haut sur jambes que les Renards; sa queue est moins longue, mais également touffue; son pelage est bien fourni et d'une couleur gris brunâtre, variée de fauve; sa taille dépasse un peu celle du Renard. plm-itios t>E l'Otocyon, grand. r»ai FAMILLE des FELIDES Le Chat que nous élevons dans nos maisons nous donne, sous un petit modèle, une représentation fort exacte de l'élégante, mais astucieuse et redoutable famille des Félis , qui comprend, indépendamment de certaines espèces fort semblables à celle que nous venons de citer ou assez peu supérieures en dimensions , les plus forts et les plus sanguinaires de tous les Animaux qui peuplent l'ancien et le nouveau continent. Le Lion, le Tigre, le Jaguar, la Panthère sont des Félis, tout aussi bien que le Chat sauvage et que les diverses races du Chat domestique. Les différences de taille qui distinguent les unes des autres toutes ces espèces de Carnivores sont en rapport avec de très-légères particularités anatomiques, et toutes ont au fond la même organisation/Seulement leurs victimes changent suivant que leur force est plus considérable, ou, au contraire, moindre; car toutes elles ont recours aux mêmes ruses pour s'en rendre maîtres; elles les mettent à mort avec la même joie, presque toujours de la même manière et leurs armes sont toutes de la même nature. Les Félis ont les membres à la fois souples et robustes , terminés par des griffes rétractiles; leur langue est garnie de papilles cor- nées qui déchirent en léchant, et leurs mâchoires, qui sont plus courtes que celles des autres Animaux du même ordre, ont des dents molaires moins nombreuses, mais plus tranchantes. Il y a presque constamment quatre paires de ces molaires à la mâchoire supérieure , et trois a l'inférieure. La carnassière supérieure est plus grande que les autres ; son bord externe paraît trilobé ; son talon interne est médiocre et placé un peu en arrière de l'extré- mité antérieure. Cette dent est suivie d'une tuberculeuse assez petite et transversale; la carnassière inférieure, quoique grande, est réduite à deux lames ou ailes en biseau, répondant aux deux pointes externes qui sont à la partie anté- rieure de celle de beaucoup d'autres Carnivores, et, le plus souvent, elle ne montre aucune Dents ol Chat domestique, grand, nat \; t i ^ v> . A (Groupe.) FAMILLE DES FELIDES. 77 trace du talon qui, d'habitude, termine en arrière la même dent et eu constitue, dans beaucoup d'autres genres du même ordre, la portion la plus volumineuse. Le canal intestinal des Félis est assez court, et leur cœcum est petit, ce qui est encore en rapport avec leur goût pour la chair. Ces Animaux ont des formes gracieuses; leur robe propre et lustrée ne le cède en éclat à celle d'aucun autre genre de la même classe; leurs sens sont bien développés, mais le plus parfait est le sens de l'ouïe. Réservés dans leur démarche, perfides dans leurs relations, les Félidés sont patients à l'excès, et moins sociables encore que la plupart des autres Carnivores. C'est surtout pendant la nuit, ou, s'il fait encore jour, dans les lieux les plus obscurs qu'ils saisissent leurs victimes. Chacun d'eux se rend isolément au point qu'il a choisi pour attendre sa proie. Celle-ci consiste généralement en Animaux herbivores d'une taille proportionnée à la propre force des Félis; aussi chaque espèce a-t-elle ses victimes de prédilection, les plus faibles s'attaquant aux Rongeurs, aux petits Singes ou aux jeunes Quadrupèdes qui commen- cent à s'éloigner de leurs parents, tandis que les plus grosses guettent les grands herbivores. La voix rauque ou retentissante- de ces carnivores effraye les autres Animaux, et leurs yeux qui brillent dans l'obscurité contribuent encore à leur donner cette puissance qui fascine; les moustaches roides et si utiles pour le tact, dont leurs lèvres supérieures sont hérissées, ajoutent aussi aux moyens d'investigation que la nature a mis à leur disposition. Mais leurs armes les plus redoutables sont leurs canines, et surtout leurs ongles rétractiles : ceux-ci sont fortement arqués, comprimés et enchâssés dans un rebord en capuchon qui les retient fixement sur la saillie cultriforme de la dernière pha- lange. Les pieds de devant ont cinq doigts ainsi armés, et ceux de derrière quatre seulement. La rétractilité em- pêche la partie terminale des griffes de s'user pendant la marche. Voici par suite do quel mécanisme : au lieu de porter à terre , comme cela a lieu chez les Chiens, les Ours, etc., la phalange onguéale se relève pendant le repos , par l'effet d'un mouvement de bascule qu'elle exécute sur l'ex- trémité de la phalange précédente , et sa partie basilaire se place latérale- ment à cette dernière, la pointe de l'ongle restant alors relevée et presque entièrement cachée sous les poils épais des pattes. C'est ainsi que le Chat fait patte de velours. Un ligament élastique, qui ne cède que sous la traction des tendons fléchisseurs des doigts, assure aux griffes cette position tant que l'Animal n'agit pas volontairement pour les étendre et les faire paraître eu les portant en avant. C'est ce qui a lieu par suite du retour forcé de la dernière phalange à la position qu'elle occupe constamment chez les espèces dont les ongles ne sont pas rétractiles. Dans ce second temps, r Animal peut lacérer à son gré les chairs sur lesquels il porte sa terrible patte, et chacun de ses ongles y trace un profond sillon qui met immédiatement la partie en sang. Les Félis ou les Chats, grands et petits, s'éloignent encore des autres Carnivores par quel- ques caractères importants, et l'on trouve jusque dans leur dentition de lait une disposition qui leur est spéciale. Ces Animaux , qui ont alors trois paires de molaires supérieures comme les autres Carnivores, n'en ont que deux intérieurement, et leur première dentition est établie conformément a la formule suivante ; 1 av. mol. 1 carn. 1 tuberc. nie. can. '; mol. , dont 1 av. mol. 1 carn. tuberc, 78 ORDRE DES CARNIVORES. On ne connaît pas moins d'une soixantaine d'espèces de Félis dans la nature actuelle. Elles sont réparties entre les deux continents, de telle sorte que toutes celles que; l'on trouve; dans le nouveau sont différentes de celles qui habitent l'ancien, et que, dans ce dernier, les Félis d'Afrique sont pour la plupart différents de ceux qui vivent dans l'Asie. Ni Ma- dagascar, ni l'Australie et les îles qui s'en rapprochent, n'ont fourni aucune espèce de Félis. Quoique établies sur un fond commun d'organisation , ces espèces sont en général très- faciles à distinguer, si l'on tient compte des particularités offertes par la coloration de leur robe; par leurs yeux, dont les pupilles sont circulaires dans certains cas, ou, au contraire, verticales dans d'autres; par leur taille, etc. Les dents, quoique fort semblables dans la majorité d'entre elles , se prêtent aussi à quelques bonnes indications caractéristiques. C'est ainsi qu'il y a des Félis qui n'ont que | molaires, au lieu de f ; au contraire, une espèce fossile en avait |; d'autres, également fossiles, étaient remarquables par l'énorme développement de leurs canines supérieures, ici cultriformes; enfin les Guépards de l'Asie ou de l'Afrique sont encore plus faciles à séparer, puisqu'ils n'ont pas les ongles rétractiles comme le reste des Félis connus. Les naturalistes ont tiré de toutes ces différences un parti avantageux pour la classification des nombreuses espèces de cette tribu; mais ils ont quelquefois multiplié un peu trop les coupes génériques dans lesquels ils les ont distribuées. N'ayant à parler ici que des espèces propres à la Faune actuelle, nous n'en admettrons que deux catégories : celle des Félis, ou espèces à ongles rétractiles, et celle des Guépards, ou espèces à ongles non rétractiles. L'étude paléontolo- gïque des Félis antédiluviens per- mettrait d'en ajouter deux autres : les Machairodes qui avaient les ca- nines supérieures cultriformes , et les Pseudélures dont la mâchoire infé- rieure portait quatre paires de mo- laires. Nous laisserons les Lynx dans le genre des véritables Félis. GENRE FÉLIS (Felis, Linné). Il comprend les espèces à ongles rétractiles. Ce sont incomparablement les plus nombreuses. Leur mode de distribution à la surface du globe permet de les partager en deux caté- gories principales, les unes étant particulières à l'ancien continent, et les autres à l'Amérique. Nous commencerons par celles de l'ancien continent. 1 . Félis de l'ancien continent. Félis Lion (Felis Léo, Linné). Le Lion est une grande espèce de Félis bien différente de toutes les autres par sa couleur fauve à peu près uniforme, par le flocon noir qui termine! le bout de sa queue, ainsi que par la crinière plus ou moins forte et quelquefois noirâtre qui recouvre sa tête et ses épaules, mais dans le sexe mâle seulement. C'est, avec le Tigre, le plus grand des Animaux de ce genre; et comme il est plus haut que lui sur jambes et moins trapu, il paraît plus majestueux. Sa crinière, la manière dont il porte sa tête, sa physio- nomie grave, son air à la fois soucieux et réfléchi, mais d'apparence plus digne que chez les autres Félis , donnent au Lion une sorte de dignité et justifient presque l'idée plus élevée que nous nous faisons de son caractère, ainsi que la place que nous lui accordons en tète des plus nobles espèces animales. Les pompeuses descriptions qu'on en a écrites de tout temps f n a >• e de M a c il A i r o d e , trouvé fossile en A uv< i rgne , 1/2 de PL. XXX fJOWE />( SÊXÛGAL FAMILLE DES FELIDES. 79 «il que Buffon a réussi à surpasser encore, ne semblent pas exagérées, et l'on se plaît à faire du Lion le plus redoutable et le plus magnanime des Animaux carnivores. Mais déjà la Lionne semble au-dessous de la dignité que nous accordons à son espèce, en ne jugeant celle-ci que d'après le sexe mâle : elle est moins belle que la Tigresse et elle en a, jusqu'à un certain point, les allures perfides; il semble qu'elle fasse tort à son mâle. A son tour, le prestige de celui-ci disparaîtra bientôt, si nous écoutons les récits des voyageurs qui ont pu observer les Lions en nature et qui les dépeignent comme de vulgaires larrons, se cachant pour surprendre leur proie, au lieu de l'attaquer de vive force, et se montrant tellement timides dans les occasions où ils devraient déployer du courage, que des femmes, des enfants même les mettent souvent en fuite, rien qu'en agitant des étoffes au-devant d'eux ou en poussant de grands cris. C'est, en effet, ce que l'on a constaté dans le nord aussi bien que dans le sud de l'Afrique, où le Lion est cependant plus redouté qu'en Asie. Mais il ne faudrait pas en conclure que ces Animaux ne sont pas à craindre, quoiqu'ils le soient évidemment moins que les Tigres ou les Panthères. Jl y a donc un peu de fantaisie, ou, pour parler d'une manière plus digne d'un auteur aussi justement respecté , il y a beaucoup de magie dans la peinture que Buffon nous a laissée du roi des Animaux. La beauté du Lion; l'effroi que son rugissement inspire aux hommes, comme à la plupart des Quadrupèdes; les dommages qui accompagnent son apparition dans une contrée, et qui semblent être un impôt proportionné à sa puissance; la difficulté avec laquelle l'Homme se soustrait à sa fureur, ou en triomphe lorsque le Lion accepte le combat qu'on lui propose ; les traits de reconnaissance qu'on rap- porte à son sujet justifient pourtant une grande partie des choses singulières qui ont été écrites à propos de ce bel Animal; mais, à toutes les époques, le merveilleux s'est associé au vrai dans cette émouvante histoire, et les modernes ont souvent remplacé, par des fables nouvelles ou par de fausses interprétations , les assertions inexactes ou mensongères qu'ils ont pu relever dans les récits des anciens. Une bonne histoire du Lion reste encore à écrire; et malgré les excellentes observations des hommes courageux qui ont affronté cette espèce jusque dans ses repaires, comme Delgorgue, le lieutenant Gérard, etc; malgré les obser- vations plus faciles, mais non moins utiles , des naturalistes ordinaires, il y a encore bien des détails à observer et, sans doute aussi, bien des préjugés à faire disparaître. LroN de l'Inde, 1/20 de grand. 80 ORDRE DES CARNIVORES. Les Lions se nourrissent surtout d'Animaux ruminants. Les Antilopes et d'autres espèces du même ordre sont leur proie favorite dans les lieux déserts; les troupeaux de Bœufs et de Moutons les attirent souvent dans les pays fréquentés par les Hommes. Il est très-rare qu'ils attaquent ces derniers. Quoiqu'ayant la pupille ronde, ils participent cependant des qua- lités qui distinguent les Animaux nocturnes, et ils sont plus audacieux et plus sûrs d'eux- mêmes pendant la nuit. Le domaine de l'Homme, dont ils s'écartent pendant le jour, leur devient familier durant les ténèbres : « Le Lion ne balance point à saisir le Cheval attaché près du maître qui dort, ou le Bœuf fixé par les cornes aux roues d'un chariot habité, souvent même en dépit des Chiens trop tardifs à aboyer. Le cri des Hommes, la détonation du fusil ne réussissent pas à le chasser; mieux vaut l'usage du long fouet, dont la mèche le châtie et l'effraye par son éclat trop voisin. Mais que l'Homme change brusquement de rôle, qu'il blesse le Lion trop confiant dans les avantages que lui offre une obscurité plus ou moins conv plète, le Lion, alors, désappointé, honteux et penaud, se retire sans plus rien oser tenter. En effet, la partie est perdue pour lui : les Bœufs, solidement fixés, sont tous debout, inca- pables d'obéir à la peur qui les presse de fuir et les livre au Lion, les Chiens aboient, prêts à réclamer le voleur, et les Hommes ne dorment plus. Que la lune se démasque un instant, ou seulement que quelques étoiles vous désignent d'un rayon le Lion, dont le plan d'attaque échoue, tirez-le hardiment; confus, il partira. Ainsi ai-je fait, à dix pas, sur un Lion d'abord, suivi peu après de sa femelle. A défaut de toute autre arme sous la main, mon fusil double, chargé du n° 5, fit gro|ner et partir l'un et l'autre, sans qu'ils osassent témoigner autrement leur colère. Dans les contrées ou, faute d'un gibier suffisant et facile, le Lion est réduit à convoiter, le jour, les troupeaux des habitants et à tenter d'en saisir quelque individu la nuit, son habitude est de faire plus d'un repas de sa proie. Pour peu que l'on prenne ses précautions et que l'Animal ait faim, il est assez aisé de l'avoir sous le coup de fusil ; il suffit de se poster à proximité des débris et d'y attendre patiemment que le maître pa- raisse. C'est d'ordinaire entre dix et onze heures de la nuit que l'espérance du chasseur se réalise: le Lion arrive lente- ment par le dessous du vent, et toute; chance favorise l'Homme, si l'Animal n'a pas croisé la ligne de ses émanations; mais pas de bruit, pas un souffle inutile; que pas une feuille ne bouge, et, blessé sans aucun soupçon, l'Animal partira s'il n'est étendu mort. Si , au contraire , le Lion a deviné la présence du chasseur, qu'il l'ait entrevu, celui-ci court les plus grands risques. Cette fois , le Lion se considère maître de ce qu'il a conquis , et , d'ordinaire , il ne souffre pas de partage. Gare à l'Homme! que tout son sang-froid lui vienne en aide, qu'il n'ait pas la malheureuse idée de tergiverser, qu'il tienne bon, qu'il s'accroupisse. Cette mesure le sauvera peut-être de l'at- taque, où le tir est si inexact et si difficile ; et si l'Animal , dans son hésitation, se présente bien à découvert, que le coup parte et rétende roide sur place, sinon le Lion sera le maître. Cependant, et c'est ici le lieu de le faire remarquer, il arrive quelquefois que, par un caprice inexplicable, généralement qualifié de générosité, le roi des Animaux ne tue pas l'Homme fÊTB i)K Lion- du ^t-niîa.'ir, de face, 1/3 de grfmd. UCVKftfc. FAMILLE DES FELIDES. 81 qu'il tient sous lui, bien qu'il eu ait été blessé le premier. Quelquefois il se contente de divers coups de dents qui brisent et broient les membres , ou d'un seul qui laboure la poitrine de quatre sillons. Il borne là sa vengeance et s'en va. J'ai connu un intrépide chasseur qui, deux fois en sept ans, avait été tenu de la sorte par un Lion blessé; la première lui avait valu deux fractures aux membres, la seconde six, sans compter les profonds stigmates laissés par les griffes sur maintes parties de son corps. In autre, du nom de Vermaes, non moins intrépide, tenu plus d'une minute par une fameuse Lionne, en fut quitte pour quatre traces profondes des canines, glorieuses cicatrices qu'il me découvrit avec un air de vive satisfac- tion. )> Ce passage est emprunté au Voyage dans V Afrique australe de Delegorgue. « Le Lion, dit encore cet intelligent voyageur, est plus pacifique et moins dangereux pour l'Homme qu'on ne se l'imagine généralement. Il arrive tous les jours que les Cafres, qui n'ont pas d'armes à feu, traversent avec leurs familles des espaces où circulent de ces Animaux, et pour ces hommes la présence du Lion n'est pas une cause d'effroi. Un ou plusieurs Lions bondissent à dix pas et se maintiennent à trente, les Cafres passent sans y prendre garde, et jamais je n'ai ouï parler d'accidents dont les Lions eussent été les auteurs sans provocation. Ces mêmes Cafres chassent-ils devant eux des lïœufs ou des Vaches, la question peut changer; je ne réponds pas des bétes à corne, non plus que des propriétaires qui voudraient les protéger. Mais ici Ton peut voir encore que le Lion ne s'adresse pas directement h l'Homme. » Tkif op. Lio\ du Senmw. do profil, 1/8 di; tn-aix!. Les Lions sont répandus dans toute l'Afrique; il y en a depuis la région de l'Atlas et depuis r Egypte jusqu'au cap de Bonne-Espérance, mais ils ne sont pas exactement semblables dans les différentes parties de ce continent. Leur crinière est plus claire ou plus noirâtre; les bouquets de poils des mâles que Ton voit aux plis des aines chez quelques races; la persistance presque constante des taches ombrées chez celle de la Sénégambie et plusieurs autres caractères encore ont engagé quelques auteurs à admettre qu'il y a diverses espèces parmi ces Animaux, comme ils l'ont aussi pensé à propos des Girafes , des Hippopotames, etc.; mais la science n'est pas encore suffisamment renseignée sur la valeur des caractères par lesquels les Mammifères que nous venons de citer et quelques autres encore diffèrent suivant les grands centres de populations qui entourent l'Afrique centrale. Cependant beaucoup d'autres genres sont, certainement représentés dans chacun de ces centres par une ou plusieurs espèces dis- n e PART! f. Ll 82 ORDRE DKS CARNIVORES. tinctes, et il y a beaucoup moins d'Animaux communs aux diverses contrées de l'Afrique qu'on ne l'avait supposé jusque dans ces derniers temps. Les caractères qui séparent comme espèces les quadrupèdes africains de ceux qui habitent l'Inde ont, en général , une importance plus grande encore. Les Éléphants, les Rhinocéros, les Antilopes, les Bœufs, les Singes, en un mot, la plupart des Animaux mammifères qui constituent la Faune de l'Inde sont différents comme espèces , souvent aussi comme sous-genres de leurs représentants africains. Cependant, il y a, parmi les Carnivores, certaines espèces qui paraissent communes aux deux continents, et, parmi ces espèces, nous désignerons principalement le Lion, quelques autres Félidés ayant de moindres dimensions, l'Hyène rayée, le Ratel, le Chacal et la Panthère. Mais on a déjà réussi à trouver entre plusieurs de ces Animaux , supposés identiques en Asie et en Afrique, certaines différences qui en font au moins des races à part, et, comme la limite entre les races naturelles et les véritables espèces est toujours fort difficile à établir, certains auteurs tranchent la difficulté en admettant, dans tous les cas, une différence spécifique. C'est aussi ce qu'ils ont fait pour les Mammifères terrestres de l'Amérique septentrionale comparés à ceux des régions arctiques de l'ancien continent. Quelque satisfaisantes que soient ces distinc- tions, il faut bien avouer cependant que, pour ce qui regarde certaines de ces espèces, comme le Castor, le Renne, le Glouton, l'Isatis, dans un cas; l'Hyène, le Chacal, la Panthère,, etc., dans l'autre, la théorie supplée à ce que les observations laissent encore à désirer, et qu'en cette occasion comme dans beaucoup d'autres, la loi à laquelle on est arrivé paraît avoir plus de crédit dans la science qu'elle n'en a peut-être de idéalité dans la nature. T. i o \ Dr R \ r B \ r< i r: , I 23 <1r> prnn<1 Pour ce qui concerne le Lion de l'Inde comparé à celui de l'Afrique, cette distinction spé- cifique peut être soutenue. Certains auteurs admettent qu'il y a un Lco cmaticus et un Léo ;if rie anus , comme il y a un Elephas asiaticus et un Elephas afrîcanus; mais l'uniformité dos caractères félins était loin de comporter des différences aussi intenses que celles qui séparent ces deux espèces de Proboscidiens; elles sont, au contraire, assez faibles pour ne justifier autre chose, aux yeux de beaucoup de naturalistes, qu'une simple distinction de race. Le l'L.W. 7 '/v/tA* no) / / / .-y ,■ ///> // **-£, T\G«M, ftOXKL \Jd\s %n*^ du Bengale. YIGM^SY,. FAMJLLE DE 8 FÉLIDÉS. 83 Lion de l'Inde, qui diffère d'ailleurs peu de celui de la Perse et de l'Arabie, a simplement les formes un peu plus courtes que celui d'Afrique; sa crinière est moins forte, parfois même presque nulle; il n'a pas de bouquets de longs poils aux plis des aines, ni aux aisselles, et le flocon terminal de sa queue est plus fort, Toutefois, la dénomination de Lion lui convient parfaitement, et s'il est facile de reconnaître que le prétendu Lion d'Amérique ou le Cou- gouar ne la mérite pas, on ne saurait la refuser à celui de l'Inde. Mais ce qui rend cette distinction moins certaine, c'est qu'il a existé autrefois dans une partie de l'Europe orientale, aujourd'hui dépendante de la Turquie, des Lions qui, peut-être, étaient intermédiaires à ceux du nord de l'Afrique et de l'Asie occidentale. Ces Lions d'Europe, qui n'étaient pas encore anéantis du temps d'Alexandre, ou qui étaient tout ou moins devenus fort rares, avaient inquiété Xénophon lors de la retraite des dix mille. On lit, en effet, dans Hérodote, que, lorsque l'armée de Xerxès traversa la Peonie, qui faisait partie de la Macé- doine, les Chameaux nombreux qui servaient au transport des bagages attirèrent les bêtes féroces, et que les Lions, descendus des montagnes pendant la nuit, attaquèrent les Cha- meaux, mais sans toucher ni aux autres bêtes de somme, ni aux Hommes. Il ne paraît pas que ces Lions se soient jamais étendus plus à l'ouest, et aucune indication paléontologique , ni archéologique, n'a prouvé, quoi qu'on en ait pu dire, qu'il y en ait eu jadis en Germanie, dans les Gaules , ou en Italie et en Espagne. On trouve bien dans les dépots fossilifères de quelques-unes de nos cavernes des ossements qu'il est encore impossible de distinguer de la Panthère, mais ceux qui sont comparables au Lion sont plus forts que ceux de cet Animal, plus analogues aux os de Tigre et de Jaguar par les proportions , et leur ensemble indique» bien évidemment une espèce à part, espèce aujourd'hui éteinte et à laquelle ne se rapporte aucun document historique. C'est le F élis spelœa des naturalistes, qui vivait précisément dans les localités européennes que nous venons de signaler comme n'ayant jamais nourri de véritables Lions. Lacépède, G. et F. Cuvier, et plus récemment divers autres naturalistes ont donné des détails plus ou moins circonstanciés sur les Lions tels qu'on les observe dans nos ménageries. On sait que les Lionnes reproduisent parfois en captivité. Lacépède a constaté que cette espèce portait cent dix jours, ce qui a été vérifié plus récemment par M. IL Bouteille sur le couple de Lions qu'il a pu étudier à Grenoble. L'éducation de ces Animaux est difficile; soit qu'on les ait pris à l'état sauvage, soit qu'ils proviennent de femelles captives, ils meurent le plus souvent à l'époque de leur seconde dentition. Les nouveau-nés se ressemblent, quel «[lie soit leur sexe : ils ont le pelage roux grisâtre, comme duveteux, et marqué d'un assez grand nombre de petites bandes transversales assez distinctes sur chaque côte du corps. A ces bandes s'ajoute une ligne noirâtre régnant tout le long de l'épine dorsale. La queue n'a pas encore de pinceau; elle est d'abord longue de six pouces et le corps de douze. La taille est celle d'un jeune Chien. A trois ans, la crinière du mâle commence à pousser et l'âge adulte paraît commencer à cinq ou six. On assure que la durée totale de la vie du Lion est de quarante ans. (PI. XXIV et XXX.) Félis Tigre (Felis Tlgrls , Linné). Le vrai Tigre ou Tigre royal, qu'il ne faut pas confondre avec les espèces mouchetées de la même tribu, telles que la Panthère, l'Once, etc., est un Animal exclusivement asiatique, qui vit dans les îles de Java et de Sumatra, dans toute l'Inde continentale, dans l'empire chinois et jusqu'en Sibérie. Quelques exemplaires arrivent jusqu'aux confins de l'Europe, et M. Nodmann rapporte qu'en 1835 un Tigre de forte taille a été tué auprès de Tiflis. Le Tigre est à peu près aussi grand que le Lion, mais il a la robe plus élégante. Le jaune fauve de son dos et de ses flancs, le blanc pur de ses joues, de sa gorge et de ses parties inférieures sont constammment relevés par des bandes noires en zébrures , qui n'ont rien d'analogue avec ce que l'on voit dans les autres Félis. La queue est longue et annelée; la tête et le dos manquent de crinière. La forme générale diffère d'ailleurs notablement de celle M ORDRE DES CARNIVORES. du Lion; la tète, plus petite et moins relevée, est plus arquée sur le iront, et l'on retrouve dans la conformation du crâne les raisons de cette particularité; les membres sont moins élevés, mais beaucoup plus robustes, et les os qui les soutiennent ont plus d'épaisseur; ce qui permet de distinguer, môme sur le squelette, les débris provenant du Tigre d'avec leurs analogues chez le Lion. La démarche est aussi différente. C'est l'élégance plutôt que la noblesse qui fait le trait distinctif du Tigre, et il y a dans ses allures une obliquité, une sorte de perfidie qui inspirent de la terreur; c'est, en effet, un Animal plus sanguinaire que le Lion , et son appétit pour le sang aussi bien que l'état de guerre qui lui est habituel le rendent extrêmement dangereux. Non-seulement le Tigre attaque les plus grands Animaux de nos troupeaux, mais il lutte avec avantage contre la plupart des espèces sauvages, et l'Éléphant serait le seul qu'il eût à redouter, si la civilisation n'avait imaginé tant d'armes meurtrières, devant lesquelles la force, les ruses et la fureur du Tigre deviennent impuis- santes. La terrible réputation qu'on a faite aux Tigres n'est donc que trop méritée , et chaque année des centaines de Malais, de Chinois et dTndous sont encore ravis et égorgés par ces Animaux. Le Tigre tue parce qu'il a besoin d'assurer sou alimentation . qui consiste presque uniquement en chair palpitante et en sang; il tue aussi pour sa propre conservation , parce qu'il n'a pas d'ennemi plus redoutable que l'Homme. Pourtant, son caractère n'est pas absolument intraitable, car, sous l'influence de la captivité et moyennant certains traitements, il peut devenir confiant et affectueux au point de se laisser caresser, quelquefois même mo- lester par les dompteurs énergiques qui ont osé rap- procher. C'est ce dont on a vu de tout temps, dans l'Inde aussi bien qu'en Europe , d'assez nombreux exemples. Les Tigres pris jeunes se prêtent mieux que les autres à ce genre d'éducation. Les femelles de cette espèce donnent à leurs petits les soins les plus empressés. Ceux-ci sont moins fauves r . rr jsi N (1 rSE Tl((!1 que les adultes et leurs bandes sont moins assurées. Quoique le Tigre diffère du Lion par ses caractères ostéologiques autant que par son apparence extérieure, et malgré les sentiments antipathiques que l'on attribue au naturel de ces deux redoutables Carnivores, on a réussi, dans une ménagerie anglaise, à eu obtenir un produit mixte. En effet, un Lion, qu'on avait placé dans la même cage qu'une Tigresse, n'a pas tardé à s'en rapprocher, et leur hybride doit être inscrit parmi les plus curieux qu'on ait encore acquis. Voici comment les journaux scientifiques de l'époque ont rapporté ce fait. Le mâle était un Lion, né en ménagerie d'un Lion de Barbarie et d'une Lionne du Sénégal, et la femelle une Tigresse originaire de Calcutta. L'un et l'autre vécurent amicalement jusqu'à l'âge de deux ans, époque à laquelle la Tigresse devint pleine, et mit bas, le 24 octobre 1824, à Windsor, deux mâles et une femelle; la mère ayant négligé ses petits, ils furent confiés à une Chienne de la race des Terriers , mais ils moururent avant un an. La seconde parturition eut lieu à Clapham, le 22 avril 1825; les petits vécurent peu de temps, bien que la mère les allaitât avec soin , ainsi que cela eut également lieu par la suite. I ne troisième portée vit le jour à Edimbourg, le 21 décembre 1826. Pour la cinquième fois, la Tigresse mit bas dans le Jardin Zoologique de Liverpool, le 19 juillet 1883. Cette fois, elle eut deux jeunes maies et une femelle, qui vivaient encore en 1836. Moins rayés que les vrais Tigres, ces hybrides l'étaient plus que ne le sont les Lionceaux , et , sous ce rapport , leur robe tenait à peu près le milieu entre celle des deux espèces dont ils descendaient. On peut les caractériser assez exactement en disant qu'ils avaient d'une manière permanente, et avec une intensité qui rappelait la coloration du Tigre , la livrée qui n'existe chez le Lion que d'une manière tran- PL. XVIII I> A Fit lOl K '/'/ PL.WI. DASIK 'y l>L\\lt. |>K I lï V\< I-. ' Variété d'Angora, FAMILLE DES FELIDES. 85 sitoire et pondant le premier Age seulement. Leur physionomie tenait également de celle des deux espèces. (PL XX.) F élis Panthère (Felis pardus . Linné). Les Panthères sont grandes et redoutables, quoique inférieures en dimensions au Lion et au Tigre. Leur pelage est en dessus d'un jaune plus ou moins vif et en dessous d'un blanc pur; leur robe est marquée d'un nombre considé- rable de taches noires plus petites sur la tète, plus fortes au dos et aux flancs, où elles sont en rose, c'est-à-dire associées circulairement au nombre de cinq ou six. Il y a de chaque côté six ou sept rangées de ces taches en rose, et quelquefois jusqu'à neuf ou dix; celles des membres sont irrégulièrement réparties, et les anneaux que forment celles de la queue ne sont pas parfaits. Les Animaux auxquels cette description convient sont plus ou moins nombreux dans les diverses contrées de l'Afrique, depuis la Barbarie jusqu'au Cap, et il y en a aussi dans la plus grande partie de l'Asie. Dans ce dernier continent, quelques Panthères arrivent jusqu'aux pays qui touchent à l'Europe. Ainsi M. Nordmann nous apprend qu'il y en a dans les provinces asiatiques qui avoisinent le Caucase. De temps en temps on en tue sur Je versant méridional de l'Alchalzyr, et ou les dit communes sur les bords de l'Araxe. Pal las assure même qu'il y en a dans le Caucase proprement dit. Leur existence en Perse ne fait aucun doute ; elles y sont même assez répandues. (PL XVIII.) L'Europe occidentale a nourri jadis des Panthères. On a trouvé leurs ossements dans plusieurs parties de la France, principalement dans les cavernes; elles y sont aujourd'hui fossiles avec les grands Ours et les Hyènes. Indépendamment des Panthères propres à l'Asie continentale, il y a aussi des Animaux de cette espèce à Java et à Sumatra. La première de ces îles fournit assez abondamment une variété mélanienne connue sous le nom de Panthère noire , qui a été décrite à tort par plusieurs auteurs comme constituant une espèce à part à laquelle on a donné, d'après Pérou, la dénomination de Felis mêlas. Toutefois, il n'est pas certain que les Animaux réunis par les naturalistes modernes sous In nom de Panthères ne constituent qu'une seule espèce , et certaines différences observées dans la coloration de ces Carnivores, soit dans leur teinte générale, soit dans le nombre de leurs taches, etc., ont fait admettre qu'ils formaient deux ou trois espèces différentes; l'une serait la vraie Panthère; une autre le Léopard (Felis Le o par dus) , et une troisième répondrait au Felis palearia de F. Cuvier. Le Léopard, qu'on décrit souvent comme distinct, n'est pas admis comme tel par tous les mammalogistes; et, jusqu'à ce jour, il a été difficile de lui assigner d'autre caractère que celui du plus grand nombre des taches en rose, ce qui paraîtra insuffisant, s'il est vrai qu'il existe des individus qui sont dans une condition intermédiaire à ces Léopards et aux véritables Panthères. Les Panthères reçoivent des fourreurs le nom de Tigre d'Afrique; mais, à vrai dire, ce ne sont pas des Tigres, et ce nom, qui ne convient pas davantage aux Jaguars ou prétendus Tigres d'Amérique, doit être réservé pour l'espèce asiatique, dont la peau est marquée de bandes noires, c'est-à-dire pour le Felis Tigris des naturalistes. Le caractère des Panthères est cruel et leur chasse offre souvent plus de dangers que celle du Lion, à cause de la facilité avec laquelle elles grimpent aux arbres pour y poursuivre leurs ennemis. Leur corps est habituellement long de 3 pieds et leur queue a une dimension un peu moindre; elles sont souples dans leurs. mouvements très-irritables et perfides dans leurs attaques. Quoiqu'elles aient les pupilles rondes, leur genre de vie est principalement nocturne, et c'est pendant l'obscurité qu'elles viennent rôder auprès des habitations ou dans les lieux où l'on tient les troupeaux. Le F élis Once (Felis Uncia. Gmel.), dont Buffon a donné une bonne description, est une espèce de Panthère propre aux régions septentrionales de l'Asie, qui se distingue de la précédente par un pelage plus fourni, plutôt gris de lin que fauve, ayant les taches en 80 OK'DHK DES CARNIVORES. rose moins nombreuses, plus fortes et d'une teinte moins intense. Nous en donnons, dans cet ouvrage, une ligure coloriée d'après le magnifique exemplaire empaillé (pie possède te Muséum de Paris. En 1830, M. Ehrenberg a publié de très-bons renseignements sur cette espèce, qu'il appelle Felis Irbis. (PL XXI.) Le Feus longibande (Felis macroscelis, Temminck) est un Félis un peu moins grand, mais encore assez fort, qui établit le passage entre les Panthères et les espèces américaines, dont nous parlerons sous le nom 'd'Ocelot. Son pelage est gris jaunâtre marqué de taches noires en rose, décomposées et allongées en bandes étroites et obliques; son corps a 0,97 et sa queue 0,86. Cet Animal n'attaque pas l'Homme, mais il cherche autant que possible à s'approcher de ses habitations, parce qu'il y trouve, au moyen des volailles et des jeunes Quadrupèdes domestiques , une nourriture plus facile. Il se tient de préférence sur les arbres , loge entre leurs branches et donne aussi la chasse aux petits Animaux d'espèce sauvage qui se trouvent à sa portée. On ne le connaît qu'à Java et à Sumatra. C'est à tort qu'on l'a comparé au véritable Tigre. Indépendamment du nom sous lequel nous l'inscrivons ici , il en porte plusieurs autres : Felis nebulosa, F. Diardi, etc. Félis serval (Felis Serval, Schreb. ). Le Serval, Chat pard ou Chat Tigre, est une espèce africaine ayant le corps long de 0,75 à peu près et la queue de 0,24. Assez élevée sur jambes, fauve, un peu foncé en dessus, blanchâtre en dessous et mouchetée sur tout le corps de taches noires, pleines, qui s'allongent en bandes étroites sur les épaules, aux bras et à la queue. Le Serval habite les lieux boisés et se rencontre au Cap, en Sénégambie, ainsi qu'en Algérie. Il y en a aussi dans les parties orientales de l'Afrique. C'est un Animal intraitable, élégant dans ses formes, qui donne la chasse aux Oiseaux et aux petits Mammifères de l'ordre des Rongeurs, ainsi qu'à certaines espèces de Singes qu'il poursuit jusque sur les arbres. Il est représenté en Asie dans la région himalayenne par le Félis viverriN (Felis viverrina , Benne tt , ou Felis viverriceps, Hodgson) , qui est "*«.•/' moins élancé et dont les taches '_.,*. t.-" .;> . " » moins foncées que celles du vrai Serval reposent sur un fond un peu plus obscur et teinté de cou- leur cannelle. L'Asie produit quelques autres , Félis d'une dimension encore moindre, et que l'on ne peut comparer sous ce rapport qu'aux Chats domestiques ordinaires. Tels sont entre autres le Cu \ r de Sumatra ( Felis Sumatra - na, Ilorstield) , dont la robe esl fort élégante ; le C h v t d e J a v a (Felis Javancnsis , Desmarest) ; le Chat du Népaul (Felis lor- gnât a , Fréd. Cuvier); le Chat r u b i g i n e u x (Felis rubiginosa , l's. Geoffroy) , et quelques autres encore. Ceux-ci sont de l'Asie continentale. Une espèce plus différente par félis de sn.ATRA, 1/9 de grand. ses caractères et qui devrait cons- PL. Wll. DE 1/ AiYIKItl^VK .MKlllino.YYLK '/. d'Amérique V i 1. 1 s pi. a \ i r. i: p s , grand . n;i FAMILLE DES FÉLIDÉS. 87 tituer uq sous -genre à elle seule, est le Félis planiceps (Folis planiceps, Vigors et Itorsfield) , de Sumatra et de Bornéo. Sa tête est plus longue que celle des autres Animaux du même genre, et sa première fausse molaire supérieure a deux racines au lieu d'une. Le Planiceps est à peu près grand comme le Chat domestique, mais il a la queue plus eourlo. Son pelage est gris ferrugineux en dessus et sur les patles, glacé de blanchâtre sur le dos; une courte bande blanche se voit de chaque coté de son nez et sous ses yeux ; ses joues sont blanches avec deux bandes rous- se.-, ; ses lèvres, sa gorge, le devant de son cou et sa poitrine sont blancs ; le venlrc es! gris blanc tacheté de roux. Nous donnerons au groupe formé par le Félis planiceps le nom d'AiLURlN. D'autres espèces ont le pelage uniforme ou à peu près ; elles conduisent des Servals aux véritables Chats et aux Lynx; Tune d'elles, Le F élis chaos (Felis Chaus, Culdensled) , est répandue dans la vallée du Nil et dans les landes boisées qui environnent la mer Caspienne ou les fleuves qui s'y jettent. Sa longueur totale est de 90 centimètres, dont 23 pour la queue seule. Son pelage est gris fauve, sauf aux parties inférieures; sa queue est terminée de noir; ses oreilles ont un petit pinceau qui j'appelle celui des Lynx. Son caractère est des plus farouches. Le Félis botté (Felis caligalà , Temminck) est un peu moindre que le Chaus , avec lequel on le confond souvent, et il a la queue plus longue. Sa couleur générale est fauve avec des teintes grises sur le dessus et blanchâtre en dessous; le bout de sa queue est noir. Ou le trouve dans toute l'Afrique, et beaucoup d'auteurs ont pensé qu'il ne fallait pas en distinguer des Félis en effet très-analogues qui habitent l'Asie méridionale; mais ceux-ci ont aussi été regardés comme étant d'une autre espèce, ils constituent le Chat à oreilles rousses de F. Cuvior; le Felis Jacquemontii de M. Is. Geoffroy, et le Felis eryllirolis décrit par M. Hodgson. Le Félis Chvt [Felis Calus. Linné) , ou le Chat sauvage de nos forets de l'Europe et du nord de l'Asie , est un peu plus gros que le Chat domestique ordinaire , plus robuste, d'une colo- ration plus régulière et plus chaudement vêtu. Il est en grande partie gris jaunâtre marqué sur le dos d'une ligne longitudinale foncée, de laquelle partent des bandes transversales en zébrures; une courte bande part de l'angle interne des yeux et traverse les joues ; les lèvres sont noires ; la ([noue est annelée de noir et son extrémité est de cette dernière couleur; les yeux ont les pupilles à contraction verticale; les oreilles sont de la couleur du corps, au lieu d'être rousses comme dans les Chats bottés. (PI. XVII.) Cette espèce s'est conservée dans un assez grand nombre de forêts; elle donne lâchasse aux Oiseaux et aux petits Mammifères, tels que les Lapins, les Rats, etc. Elle se croise assez fréquemment avec nos variétés domestiques, et c'est, assure-t-on, de ce rapprochement qu'est provenu le Chat tigré des habitations, dont les bandes latérales sont bien plus accusées que celles des exemplaires sauvages. On tue encore des Chats sauvages dans un assez grand nombre de nos départements. Le Chat sauvage de l'Algérie parait former une espèce à part, ayant une certaine analogie dans ses couleurs avec le Felis caligata, mais de taille un peu inférieure au Chat sauvage d'Europe et à poil moins fourni. M. Is. Geoffroy lui a donné, dans les collections du Muséum, le nom de Félis l y bien (Felis libyea). Le Félis cafue (Felis cafra, Desm.) n'a pas le pelage plus riche mais ses zébrures sont plus marquées; le fond de sa coloration tire davantage au gris brun, et c'est un Animal plus élevé sur pattes. Sa variété noire a été décrite à tort comme une espèce véritable sous le nom 88 ORDRE DES CARNIVORES. de Feïis obscurci, Desm. Ce Félis habite la Cafrorie et quelques autres parties de l'Afrique australe. Fi' fis cavbf., I'* a rnml < Félis Ocelot [F élis pardalis, Linné). V Ocelot est plus élégant que le Cougouar. Son pelage , gris-fauve en dessus , blanc en dessous et sur une partie de la face , est relevé par de grandes taches d'un fauve vif, bordées de noir, qui forment des bandes obliques sur les flancs; sa tète et ses pattes sont marquées de taches plus petites; les anneaux noirs de sa queue sont en grande partie incomplets. L'espèce de l'ancien monde, à laquelle celle-ci ressemble le plus, est le Longibande; mais on peut dire qu'en Amérique elle est par rapport au Jaguar ce que notre Panthère est au Tigre. Sa longueur totale surpasse un mètre et demi ; a queue y entre pour un tiers. (PL XXIIL) Comme les autres Félis, l'Ocelot est un Animal destructeur; sa force, qui est assez grande, lui permet de s'adresser plus particulièrement, dans la classe des Mammifères, aux Caviens, aux Agoutis et aux autres gros Rongeurs que les forêts et les pampas de l'Amérique méri- dionale nourrissent en si grande quantité. L'Ocelot est le type d'un petit groupe répandu dans les mêmes régions que lui, et dont les espèces, plus ou moins bien connues, ont reçu les noms suivants : Felis albescens (Pucheran) ; il a le fond du pelage plus pâle et vit aux États-Unis; Felis catenata (H. Smith) ; VLWIII or KKKSIL / .A- FAMILLE DES FELIDES, 91 Felis armillata (F. Cuv.) ; Felis macroura (Temminck), etc. — Dans le même groupe, il faut aussi comprendre les espèces suivantes, qui sont cependant plus faciles à distinguer, et dont les caractères spécifi- ques ne laissent par conséquent aucune incertitude. Félis Chati (Felis mitis , F. Cuv.). Gris jaunâtre en dessus, blanchâtre en dessous, varié de taches noires plus grandes en avant qu'en arrière, et souvent formées de deux lignes dont le milieu est un peu fauve. Taille de l'Ocelot. Patrie : le Brésil. La douceur tout à fait exceptionnelle du premier exemplaire de ce Felis qu'on a possédé, avait engagé F. Cuvier à donner à l'espèce elle-même le nom latin de Mitis, qui veut dire doux. Voici en quels termes notre auteur en parle : « Ce bel Animal a une extrême douceur; il semble aussi privé que le Chat domestique le plus familier, et sa manière de jouer est la même que celle de ce Chat. Jamais il ne fait sentir ses griffes ni ses dents; et lorsque l'on ne s'approche pas de lui avec l'empresse- ment qu'il demanderait, il s'agite fortement dans sa cage et manifeste son impatience par un petit cri bref mais doux. Des Animaux carnassiers d'un naturel aussi traitable feraient la souche d'une race que l'on rendrait facilement domestique ; aussi les qualités aimables de ce Chat font que je proposerai de le nommer, dans les Catalogues méthodiques, Felis mitis. » F élis margay (Felis tigrina :, Linné). Plus petite espèce, égalant seulement le Chat domestique et le Chat de Sumatra ; ses couleurs ont la vivacité et à peu près la disposition de celles de l'Ocelot. C'est un animal des parties chaudes de l'Amérique méridionale. F élis de Geoffroy (Felis Geoffroyii, P. Gerv. et d'Orb.). Un peu plus petit que le Chati et que l'Ocelot véritable; marqué sur tout le corps de petites taches pleines, poncti- formes , nombreuses et noirâtres qui se voient également sur la tête , sur les épaules et aux cuisses. Ces ponctuations semblent le rapprocher du Felis guigna, du Chili, que Molina n'a décrit qu'incomplètement et sur les véritables caractères duquel il est encore difficile de se prononcer. M. d'Orbigny en a rapporté plusieurs exemplaires pris sur les bords du Rio-Negro en Patagonie. L'espèce y fait surtout la chasse aux Oiseaux , principalement aux différentes espèces do Tinamous et-à l'Eudromie. D'autres Félis américains ont un système de coloration assez différent. Le Félis Jaguarondi d'Azara {Felis Jaguar ondi et Felis Darwinii) répond à peu près au Chat botté par sa taille, ses allures et l'uniformité de sa coloration; mais sa teinte est d'un roux enfumé. Il habite la Guyane, le Brésil et le Paraguay. Le Félis colocolo (Felis colocollo, Molina), du Chili, est plus singulier sous ce rap- port; il est blanchâtre, avec des taches allongées de couleur foncée sur les lianes et sur le dos. Sa taille ne dépasse pas celle de notre Chat. Le F É l i s p a g e nos ( Felis pageros , Desni. , d'après Azara) a quelque rapport avec les Lynx, et manque comme eux de la première fausse molaire supérieure. Il est gris-fauve, avec plusieurs bandes fauves disposées obliquement sur les flancs; son -— cou et ses pattes ont d'autres bandes de la même couleur; ses oreilles n'ont pas de pinceau terminal. Au Chili , oïi vit cette espèce , on la connaît sous le nom de Ifuina. C'est encore un animal de petite dimension; ses poils longs indiquent qu'il habite les endroits élevés et froids. 3. Ce n'est que dans les parties septentrionales ! v <; MîOS ' ! HMHi - de l'Amérique que vivent les vrais Lynx propres au Nouveau-Monde; tels sont : Le Félis bai (Felis ru fa , Guldenstedl), qui habite plusieurs parties des États-Lnis et de la Californie; 92 ORDRE DES CARNIVORES. 1 iiis bvi, i 12 do m and, Le Félis canadien (Felis cu/tadcnsls, E. Gooffr. ), que l'on suppose cependant exister aussi dans le nord de l'Asie et peut-être dans la Suède; Et le Félis montagnard (Felis moniana , Destn.) des États-Unis. 4. Les Lynx, dont nous voyons plusieurs espèces dans le nord de l'Amérique, sont des Félis de taille moyenne qui se distinguent des autres par leur queue courte , leur pelage très- fourni et plus ou moins uniforme, la présence presque constante de pinceaux à leurs oreilles et l'absence de la première paire de fausses molaires supérieures qui caractérise les autres Félis. Il y en a une espèce en Afrique, IcFéliscaracal (Felis caracal, Linné), un peu moins grande qu'un Chien barbet. Son pelage est roux , un peu vineux en dessus , blanc en dessous ; F f. r. i s r.Aii.Af. at, | 9 dn quand FAMILLE DES FÉLIDÉS. 93 les pinceaux et la face extérieure de ses oreilles sont noirs; l'intérieur de celles-ci est blanc. LeCaracal passe pour le pourvoyeur du Lion ; c'est un animal très-farouche, incapable d'édu- cation, que l'on prend assez souvent dans nos possessions africaines, en Nubie, en Abyssinie, et jusqu'au Gap. Il y a aussi des Caracals dans l'Inde, en Perse et en Turquie. Il est encore impossible de les distinguer sûrement de ceux de l'Afrique. Cependant un Caracal de l'Inde, dont Blainville avait pu comparer la dentition à celle du Caracal d'Algérie, portait à la deuxième molaire inférieure une racine supplémentaire qui manquait à ce dernier; mais ce n'est peut-être là qu'une particularité individuelle. Les Lynx d'Europe se divisent en trois ou quatre espèces. On trouve ces Animaux en Portugal, on Espagne, dans les Pyrénées, dans les Alpes, dans quelques parties des États germaniques et dans les montagnes de l'Europe occidentale. 11 y en a aussi, et en plus grand nombre, dans les régions boréales. Le Félis L ynx (Felis Lynx, Linné) ou le Loup-Cervier des Fourreurs est le plus répandu. 11 a le pelage plus court en été qu'en hiver , roussâtre , avec de petites mèches d'un roux brun semées par tout le corps; son dos n'a pas de bandes noires , et ses joues ont quatre ou cinq bandes ondées. Ce Lynx approche de la taille d'un Chien ordinaire. On en prend encore quelques individus dans nos départements des Alpes, de l'Isère , de la Drôme et des Basses- Alpes. En 1822, on en a tué un dans le département de la Haute-Loire, à Saint-Julien- Chapteuil ; sa peau est conservée dans le Musée de la ville du Puv. Vin is Lv nx, 1/8 de grand. Le Félis paiid (Felis pardina , Oken) atteint seulement la grosseur du Blaireau; son pelage est également moucheté; sa queue est un plus longue. C'est le Lynx de Portugal, d'Espagne, de Sardaigne, de Sicile et de Turquie. Le Félis gervier (Felis cer varia, ïemminck) atteint le volume d'un Loup, mais il est plus court; son pelage est gris, touffu et relevé de quelques taches brunes d'abord, puis ensuite noires. Il est répandu dans le nord do l'Asie, ainsi que dans les montagnes du Caucase. Ses dépouilles sont recherchées comme fourrure. Uknuiî GUÉPARD (Cjj)iaUnrus , Waglor). \pparence extérieure fort semblable à celle rf> s Panthères, quoique le corps soit plus élevé sur jambes et moins robuste; couronne des 94 ORDRE DES CARNIVORES. dents molaires plus festonnée; face plus courte; boîte crânienne plus ample; cerveau plus développé; ongles faibles, non rétractiles, portant sur le sol pendant la marche, eommo ceux des Chiens, dont les Guépards se rapprochent aussi par leur naturel doux et educablc Dans certains pavs où vivent ces Animaux, on s'en sert pour la chasse. C'est principalement contre les Antilopes qu'on les lance. C'est là ce qui leur a valu le nom de hgres clameur* qu'on leur donne quelquefois, Guk>' vu os, 1/10 de grand. Dans l'Inde et en Perse, où l'on emploie ces Animaux pour la chasse, on leur donne le nom de Chitlal et iïVouse. Tous ceux qu'on a possédés dans les ménageries européennes étaient doux et soumis, et il a presque toujours été possible de leur donner la même liberté qu'à des Chiens; ils obéissaient à leurs gardiens, se laissaient approcher, caresser môme par les personnes qui les visitaient , et montraient une égale eouiiancn pour les enfants et pour les grandes personnes. Ceux de l'Afrique avaient les mômes qualités que ceux d'Asie. La plupart des auteurs ne reconnaissent qu'une seule espèce de Guépards ; mais Hermann , dont M. Duvernoy a accepté l'opinion, admet qu'il y en a deux, l'une et l'autre fauves en dessus, à pelage moucheté, à peu près de la taille d'une petite Pan- thère, mais plus élevées sur jambes et à corps plus grêle. Ces deux espèces différeraient l'une de l'autre par quelques particularités extérieures. Le Guépard a crinière est celui que Schrebcr nommait Felis juhata. C'est aussi le Léopard à crinière de quelques auteurs : il a la robe jaune nankin, semée partout, môme sous le ventre, de taches rondes, pleines et de couleur foncée; les poils de son cou s'allon- gent en partie sous la forme d'une courte crinière. On le dit de Sumatra, mais il est plus t; ii a n e d i; ( i i û v \n î) , 1. , 3 de grand , FAMILLE DES HYENIDES. 95 probablement des parties méridionales de l'Asie continentale (1). On s'en sert pour la chasse en Perse et dans plusieurs régions de l'Inde. Le Guépard moucheté, qu'Hermann a distingué sous le nom de F élis guttata, a, suivant M. Duvernoy, les formes plus grêles , les jambes plus hautes, le pelage fauve orangé ou clair, parsemé de taches rondes et noires, excepté en dessous, où il est quelquefois d'un blanc pur et sans aucune tache , ou tout au plus marqué de taches ternes. C'est le Guépard d'Afrique. On le prend au Gap , au Sénégal , dans le Cordofan , etc. FAMILLE des HYÉNIDÉS Les Hyènes sont des Carnivores de grande taille, digitigrades, ayant des rapports avec les Mustélidés et les Félidés par leur dentition , et se nourrissant de substances animales ; on n'en fait généralement qu'un seul genre. Pour ne pas multiplier les grandes divisions de l'ordre des Carnivores , nous placerons dans la même famille que ces Animaux le genre des Protêles, qui est si différent des autres espèces du même groupe et de tous les Carnivores par l'état rudiment aire de ses dents molaires. GENRE HYÈNE (Htjœna , Storr). Les pieds ont quatre doigts , aussi bien ceux de devant que ceux de derrière ; les oreilles sont grandes et évasées; la tête est large, le cou fort, le corps robuste et la queue de médiocre longueur; les poils sont rudes, et ceux du dos s'allongent plus ou moins pour prendre l'apparence d'une crinière lâche et comme flottante. La langue a des papilles sub-aiguës et cornées; enfin les yeux ont la pupille ovalaire, circulaire à son bord inférieur et allongée au supérieur. Le cerveau des Hyènes est assez petit , et leur crâne est remarquable par l'élévation des crêtes osseuses servant à l'insertion des muscles du cou qui en relèvent la partie occipitale. Le squelette présente, entre autres caractères, la confor- mation de son humérus, assez semblable à celui des Chiens, quoique plus robuste; on re- marque aussi à sa partie inférieure une grande perforation de la fosse olécrânienne , mais il n'y a pas non plus de trou sus-condylien. Les Hyènes ont une formule dentaire analogue à celle de la plupart des Mustélidés ; niais leurs dents sont plus épaisses que celles de ces Animaux , et ils peuvent s'en servir non-seu- lement pour déchirer la chair et mâcher les tendons , mais aussi pour briser les cartilages ou même les os. Aussi les Hyènes ont-elles des instincts moins féroces que ceux des Félis et des Martes; elles recherchent les cadavres, mais elles tuent rarement. Ce sont, pour ainsi dire, les Vautours de la classe des Mammifères , comme les Félis et les Martes en sont les Aigles et les Faucons, et lors même que les Cadavres qu'elles se procurent dans leurs excursions nocturnes sont presque entièrement dépourvus de chair, les ligaments et même les os peuvent encore servir à leur alimentation ; elles les rongent avec avidité, et l'on trouve dans leurs excréments, qui sont plus solides que ceux des Chiens, presque tout le phosphate calcaire des os qu'elles ont broyés et avalés. L'instinct qui porte ainsi les Hyènes à rechercher les cadavres et les charognes en fait des êtres plus abjects que les autres Carnassiers et que l'on a voués à plus de réprobation encore. Cependant la réputation de cruauté qu'on leur a faite est loin d'être justifiée, car ces Animaux sont lâches et faciles à soumettre. Ils ont donné lieu à beaucoup d'erreurs. La conformation assez particulière de leurs organes externes de la reproduction; leur dé- marche oblique et comme claudicante ; la disproportion bien marquée de leurs membres (1) MM. Temminck et Schleg-el ne le citent pas dans leurs listes des Mammifères recueillis aux îles de la Sonde par les naturalistes néerlandais. 90 ORDRE DES CARNIVORES. (intérieurs avec les postérieurs ; la grande ouverture de leur gueule; les dents puissantes dont elle est armée, et par-dessus tout l'habitude qu'ils ont de chercher des cadavres, même des cadavres humains ayant déjà reçu la sépulture , tout a contribué à leur faire une grande réputation de férocité et à les faire passer pour plus redoutables aux êtres vivants qu'ils ne le sont réellement. Euffon , qui a détruit une partie des préjugés qu'on avait accrédités au sujet de ces Animaux , aurait aussi combattu celui qui est relatif à leur prétendue férocité, si, de son temps , les Hyènes avaient pu être observées aussi fréquemment qu'elles l'ont été de nos jours dans le nord de l'Afrique et dans les autres pays qu'elles habitent. Voici comment Buffon s'exprime dans son article relatif à l'histoire de la Hyène : « Il y a peu d'Animaux sur lesquels on ait fait autant d'histoires absurdes que sur celui-ci. Les anciens ont écrit gravement que la Hyène était mâle et femelle alternativement; que, quand elle portait, allaitait et élevait ses petits, elle demeurait femelle pendant toute l'année, mais que, l'année suivante, elle reprenait les fonctions du mâle et faisait subir à son compagnon le sort de la femelle On a dit qu'elle savait imiter la voix humaine , retenir le nom des bergers, les appeler, les charmer, les arrêter, les rendre immobiles; faire en même temps courir les bergères, leur faire oublier leur troupeau, les rendre folles d'amour, etc. Tout cela peut arriver sans l'Hyène, et je finis pour qu'on ne me fasse pas le reproche que je vais faire à Pline, qui paraît avoir pris plaisir à raconter et à compiler des fables. » Les Hyènes passent la plus grande partie du jour abritées dans des creux de rochers ou dans des tanières qu'elles savent creuser elles-mêmes. La nuit elles se mettent en quête de leur nourriture, et si elles sont servies à leur gré, elles peuvent en avaler une quantité vraiment prodigieuse. Elles mangent la chair des Animaux morts qui sont épars sur le sol. Les cadavres des grands Ruminants , des Rhinocéros ou des Éléphants fournissent pendant plusieurs jours à leur subsistance; elles y reviennent chaque soir, et lorsqu'elles les ont réduits à l'état de squelette, elles peuvent encore, grâce à la vigueur de leur dentition, s'en nourrir quelque temps. Au moment de leur sortie, elles donnent trois fois delà voix, allongeant davantage le dernier cri qu'elles répètent ensuite par intervalles. Ces sons ont quelque chose de pleureur; d'autres fois ils simulent au contraire une sorte de rire, et ce rire a quelque chose de strident et d'infernal. C'est là la source des récits auxquels Buffon fait allusion, et M. Delegorgue a entendu les Caffres lui assurer que les Hyènes imitaient les cris des jeunes Mammifères, Agneaux, Chevreaux ou Veaux, afin d'attirer à elle la mère trompée par cette ressemblance. Cependant il a constaté, comme tous ceux qui ont parcouru les régions fréquentées par les Hyènes, qu'elles n'attaquent point les gros Animaux, et qu'il leur arrive très-rarement de poursuivre ceux qui seraient le moins capables de lui résister. Ce sont des Carnassiers dont la prudence va jusqu'à la lâcheté, et qui n'ont ni l'agilité de la plupart des autres espèces du même ordre , ni leur goût pour la lutte. On peut les apprivoiser fort aisé- ment et elles deviennent parfois aussi dociles que des Chiens. Il n'y a d'Hyènes que dans l'Afrique et dans les parties méridionales de l'Asie , mais il en a existé autrefois en Europe. Plusieurs espèces assez semblables à celles d'à présent et pour ainsi dire parallèles à elles ont habité notre continent à la même époque que les grands Ours, que les grands Félis, que l'Éléphant, que le Rhinocéros à narines cloisonnées, etc., et leurs ossements sont de même répandus en plus ou moins grande abondance dans le sol diluvien des cavernes, ainsi que dans les sables et atterrissements de la même époque. On y trouve abondamment des pelottes solides (Y album grœcum; ce sont de leurs excréments composés de phosphate calcaire, et il en est fort souvent question dans les ouvrages des paléontolo- gistes sous le nom de Coprolithes. 11 a également vécu en Europe, mais à une époque plus ancienne, une autre espèce d'Hyène maintenant éteinte. Cette espèce, dont on a trouvé quelques débris dans les terrains miocènes de Cucuron (Vauciuse) , mêlés à ceux des chevaux tridactyles ou hipparions , est décrite dans ma Zoologie et Paléontologie françaises , sous le nom iïHyœna hipparionum. \V\Y.ft¥, \U\tft \ll\^m wV^iyv*^ d'Asie. FAMILLE DES HYÉNIDES. 97 Les Hyènes actuelles et celles dont on trouve les débris dans les terrains diluviens sont susceptibles d'être partagées en deux sous-genres , si l'on tient compte de la forme de leurs dents tuberculeuses. 1 . Les Crogottes (Cro- cotta, Kaup) ont la tubercu- leuse qui suit la carnassière supérieure tout à fait rudi- mentaire , et leur carnassière inférieure a son talon peu compliqué. Il n'y en a main- tenant qu'une seule espèce. L'Hyène fossile , dont les os- sements sont le plus communs dans les cavernes de l'Europe, s'en rapprochait beaucoup. L'Hyène tachetée (Hyœ- na maculata, Erxleben) est d'un brun fauve avec de gros- ses taches pleines d'un brun plus foncé sur le corps et sur la face externe des membres ; ses poils sont assez longs et peu serrés , mais ils ne for- ment qu'une faible crinière sur le cou et sur la partie an- térieure du dos. Le devant du cou est fauve sale. Cet Animal atteint la taille d'un grand Chien; il habite l'Afrique australe et intertropicale; on le rencontre jusqu'en Abyssinie. 2. Les Hyènes proprement dites ont la tuberculeuse assez grande, disposée transver- salement; leur carnassière inférieure a son talon plus fort et relevé par une ou deux petites pointes. L'Hyène brune (Hyœna fusca, E. et I. Geoffroy) a été aussi appelée Hyène velue, h cause de la longueur considérable de son pelage, qui est d'un brun plus foncé et marqué, sur le corps et sur les pattes, de larges bandes encore plus obscures. Sa face est fauve, ainsi que sa gorge ; le bas et les côtés du cou sont gris sale , ainsi que le haut de sa poitrine. Elle habite l'Afrique australe , depuis la Mozambique et la Sénégambie jusqu'au cap de Bonne-Espérance. Elle n'est pas rare aux environs de Port-Natal, Elle se tient principale- ment dans la région maritime; sa nourriture consiste presque exclusivement en débris rejetés par la mer. Dans beaucoup de localités, l'office des Hyènes tachetées est de faire disparaître les restes des Animaux qu'a tués le Lion dans les bois ou dans la plaine. Celui de l'Hyène brune est de purger le rivage des immondices que la mer y apporte à chaque marée ou après les tempêtes. Les débris de toute espèce qu'elle rejette de son sein , et parmi lesquels sont d'innombrables crustacés dont les carapaces forment en certains points des amas hauts de quatre à six pieds ; l'Hyène brune en est friande. Quoique n'ayant pas la facilité d'aller saisir sa nourriture au sein des eaux, elle est donc, en grande partie, carcinophage. Delegorgue rapporte que ses traces se croisent partout sur les sables du rivage; chaque nuit elle en fréquente les bords, circulant au milieu des débris amoncelés qu'elle inspecte avec minutie. C'est ce qui fait que les boers ou colons hollandais de la Cafrerie ne redoutent pas pour leurs bestiaux son voisinage qu'ils n e partie. 13 1 ) i. n t i t i o s un i. ' IT y v. S F. T a f. il F t k e , 3/5 de grand . 08 OIÎDIÎK DES CYKNI VOUES. considèrent comme parfaitement innocent. Cependant, au dire du même voyageur, il ne faudrait pas croire qu'elle rebutât la chair des Mammifères dont elle rencontrerait les cada- vres; elle est, à cet égard, comme la Loutre, qui, tout en se nourrissant principalement de Poissons, mange aussi d'autres Animaux, dés Quadrupèdes ou des Oiseaux, et saisit fréquem- ment des couveuses dans leurs nids; mais ses appétits ichthyophages la dominent au point de ne pas lui permettre de s'écarter du littoral. L'Hyène uaykk {llyama siriata, Zimmermann) répond au Canis llyama des Linnéens, tandis que l'Hyène tachetée est leur Canis crocuta. Elle a les poils longs, principalement sur le cou et sur le dos , où ils forment une ample crinière flottante ; sa couleur est d'un gris fauve, zébré de brun, noir sur le corps et les membres; une grande plaque noire se voit sur le devant de son cou et remonte sur les joues, où elle se décompose en ponctuations; sa poitrine et son ventre sont gris blanchâtre. ("est l'espèce propre a i:\sie méridionale, à l'Arabie et au nord de l'Afrique; elle est encore abondante dans la région du Nil et dans les États barbaresques; au Midi, elle ne remonte pas au delà du Sénégal. Sa taille est inférieure à celle de la précédente, et sa molaire tubercu- leuse plus forte, ainsi que le talon de sa carnassière inférieure. Ce double caractère est plus marqué dans l'Hyène rayée que dans l'Hyène brune. On n'a encore observé aucun signe certain qui permette de distinguer comme espèce les Hyènes rayées d'Asie de celles d'Afrique ou d'Arabie. Il vient des Hyènes rayées jusque sur les bords de la mer Noire, et il est bien possible qu'autrefois elles aient vécu dans quelques parties de la Russie méridionale et de la Turquie d'Europe; mais les Hyènes, ayant une den- tition analogue, dont on trouve des débris en Auvergne et dans les cavernes de Lunel-Viel , près Montpellier, appartenaient, à d'autres espèces. Genre PJROTÈLE {Protelcs, l's. Geoffroy). L'espèce unique de ce genre ressemble beaucoup aux Hyènes par ses caractères extérieurs ; ses proportions sont à peu près les mêmes, quoique sa taille soit sensiblement moindre; les poils de son dos sont aussi allongés en crinière, et son pelage est rayé de manière à rappeler celui de l'Hyène ordinaire, dépen- dant le Protèle a cinq doigts aux pieds de devant, tandis que les Hyènes n'en ont que quatre; ses pieds de derrière sont d'ailleurs tétradactyles comme les leurs, et il a l'humérus établi sur le même modèle que celui de ces Animaux et des Chiens, c'est-à-dire pourvu d'une perforation dans la fosse olécrânienne , mais sans trou suscondylien. Le principal caractère du Protèle consiste dans l'état tout à fait rudimentaire de ses dents molaires, qui sont au nombre de quatre paires à chaque mâchoire , fort distantes les unes des autres, et réduites chacune à un simple tubercule irrégulier et uniradiculé. Le Protèle hyénoïde {Protelcs hyamoïdes) a été signalé d'abord par G. Cuvier, qui dit dans son ouvrage sur les Ossements fossiles : « Pour ne rien négliger de ce qui peut éclairer l'histoire des Hyènes, nous devons parler ici d'un Animal fort singulier, nouvellement rapporté du Cap par M. Dcïalande, et qu'au premier coup d'œil tout le monde serait tenté de prendre pour une jeune Hyène rayée, tant il res- semble à cette espèce par les couleurs et par la crinière; mais il a cinq doigts devant, et doit plutôt appartenir à la famille des Civettes Les crânes de cette espèce que nous possédons n'ont que des dents de lait petites et usées, parce que leurs dents persistantes ont été retardées, comme il arrive souvent aux Genettes, en sorte que nous ne pouvons en donner de description caractéristique ; mais nous ne doutons pas que, dans leur état normal , elles ne ressemblent à celles des Civettes et des Genettes. Aussi croyons -nous pouvoir nommer provisoirement cet Animal Genette hyénoïde. » (T. IV, page 388, édition de 1825.) Peu de temps après la publication du grand ouvrage de G. Cuvier, M. 1s. Geoffroy a donné une description détaillée de cette Genette hyénoïde, et il a montré qu'elle devait constituer un genre à part, pour lequel il a proposé le nom aujourd'hui consacré. Le Protèle est a peu près grand comme un Chacal, mais plus semblable par son extérieur WXfc^Y. Yxk\\LY, V^awa «*\v\( déprimée, proportionnellement plus dilntée dans sa partie cérébrale que celle «les Hyènes, et dépourvue des grandes crêtes sagïf- l.de el occipitale qui caractérisent ces dernières; sa surface palatine est frès-élargie, et les deux branches de sa mâchoire infé- rieure sont notablement écartées Tune de Huître. Tous les rranes de cette espèce qu'on a pu examiner ont mon- tré la même imperfection des dents molaires que celui observé d'abord parG.Cuvieret par M. K Geoffroy, el il n'est plus permis de douter que ce ne soit bien là un des caractères propres à ce singulier Animal, même pendant son état adulte. La dentition de lait montre de son coté une forme parfaitement analogue; cependant les molaires qui la composent sont encore moins nombreuses. De Blamville a donné plusieurs figures de la dentition ,jU Protèle, ainsi que de l'ensemble du squelette. Pour lui ce Carnassier Konro Canis, c'est-à-dire de la famille des Canidés. j '< \: n i i i ! ir se rapproche du grand Le Protèle vit au cap de Bonne-Espérance et dans une grande partie de l'Afrique australe. ^ le trouve aussi à la côte Mozambique et de l'autre côté de l'Equateur, en Abyssinie et en •™^. Voici comment M. Geoffroy en a acquis la certitude. M. de Joannis, officier de la m OKDHE DES CARNIVORES. marine française, a dessiné en Nubie un Animal trouvé mort, et c'est sur eette ligure que le manne nantaise , roC onnu le Protèle. Le Protèle do Nubie, aussi bien que le savant professeur du _ Mu « d >~ transversalement comme l'Hyène d'Orient; ^^L^ Si" X-e li individus adultes tués au Cap par M. Verreaux et ai 1 même système dentaire. Le dessin que M. deJoannis a b.en voulu n» remettre reXne ou tre l'Anima, figuré d'ensemble et sa tête dessinée à part, le cote d roi de chaque es mâchoires; «a supérieure portait quatre molaires coniques , très-simples , dont les o anoures assez rapprochées .es unes des autres, la postérieure un peu plus éloignée de a p ndtième. En bas le dessin ne présente que trois molaires, soit que la postérieure fût restée cachée dans la gencive, soit qu'elle manquât réellement : deux cas que j ai constates par moi-même chez les Protèles de de Lalande. » „.„,•,„. „. On est resté jusque dans ces derniers temps sans notions sur les mœurs des Protèle , et ou ne le connaît pas encore très-bien. La singularité, unique chez les Carnivores, de leurs molaires rudimentaires , devait cependant faire supposer qu'ils mâchent encore moins leurs atoents que ne le font la plupart des Animaux du même ordre, et elle devait en même temps S IdmeL que , moins bien armés que les Félis et les Hyènes , ils ont aussi un moindre !"ùt pou a ,air ou le sang. C'est ce qu'on a constaté, et M. Geoffroy rapporte, ans 1 second travail sur ee genre, que, suivant l'observation de M. E. Verreaux, es Probes vivent en partie de la chair tendre des petits ruminants, principalement de celle de tres- jeunes Agneaux, en partie de la substance graisseuse qui entoure, comme une énorme loupe a queue des Moutons africains, et augmente d'une manière si considérable le poids de cet oUuo A propos de ce goût tout particulier des Protèles, M. Is. Geoffroy rapporte l'anecdote suivante, que nous reproduisons d'après lui, à cause de l'importance de la question qui s y trouve incidemment engagée : Lorsqu'il communiqua ses nouvelles remarques au sujet du Protèle a 1 Académie des sciences , un célèbre géologue appartenant à cette compagnie, mais dont M. Geoffroy ne nous fait pas connaître le nom, lui exprima qu'il était très-facile de concevoir le rapport qui existe entré un système dentaire aussi imparfait que celui du Protèle et l'habitude qu'a ce singulier Carnivore de poursuivre les Moutons pour se nourrir de la graisse à demi-fluide de leur queue, cet aliment n'exigeant, eu effet, aucun travail de mastication. Mais, ajoutait le même académi- cien sans aucun doute naturaliste en même temps que géologue, comment vivait le Protèle •ivan't que les soins et la culture de l'Homme eussent naturalisé (d'autres auraient dit pro- duit) dans l' Afrique australe, ces races domestiques de Moutons à grosse queue? « La réponse à cette objection est simple, dit M. Geoffroy. Le Protèle vivait alors comme il vit encore aujourd'hui; quand lui manque la proie qu'il recherche de préférence, il se rabat alors sur les jeunes ruminants, à leur défaut, sur les petits Animaux, dont il peut, mais avec plus de peine, déchirer la chair à la manière des Ours, et, sans doute aussi sur les chairs des cadavres, déjà amollies par la putréfaction. » , , . . Les Protèles sont des Animaux fouisseurs; ils se creusent des terriers a plusieurs issues, et n'en sortent guère que lorsque l'obscurité leur fait espérer l'impunité pour leurs méfaits. FAMILLE des MUSTÉL1DÉS les Carnivores qui rentrent dans le même groupe naturel que la Belette (MuMcla dos Latins) sont nombreux en espèces. Ce sont des Animaux de taille moyenne ou même petite, w on les compare à ceux des autres familles du même ordre. Ils ont des teintes plus ou nionu uniformes, en général brunes; leur pelage est doux et susceptible de donner de bonne FAMILLE DES MUSTELIDES. 101 fourrures; leur corps, rarement trapu ou à queue rudimentairc , comme par exemple chez ]os Blaireaux , est le plus souvent grêle , allongé et si délié qu'on le dit vermiforme : c'est ce qui leur permet de s'introduire par les moindres ouvertures, et d'aller chercher jusque dans leurs retraites les petits Mammifères, les Oiseaux, etc., dont ils font un grand carnage. Presque tous les Mustélidés ont des instincts très-carnassiers; quelques-uns sont cependant omnivores. Ils sont plantigrades ou digitigrades; leurs ongles ne sont pas rétractiles. C'est aussi parmi ces Animaux que l'on doit ranger les Loutres, dont le genre de vie est aquatique. Sauf ces Loutres , les Mustélidés ont généralement le cerveau peu volumineux , et les circon- volutions de leurs hémisphères ne sont pas nombreuses , quoique indiquées par des sillons bien marqués. Les Mustélidés n'ont jamais plus de cinq paires de molaires supérieures et plus de six infé- rieures. Leur carnassière a quelque analogie avec celle des Félis dans sa partie tranchante, mais elle porte, dans certains cas, une troisième pointe placée au côté interne de la pointe principale, qui est tranchante comme chez les Félis, et de plus, elle est toujours terminée en arrière par un talon aplati ou comprimé, qui, chez les espèces omnivores, acquiert un plus grand déve- loppement que chez celles dont le régime consiste plus exclusivement en substances animales. Tous ces Carnivores ont une dent tuberculeuse, soit transverse, soit carrée ; de chaque côté de la mâchoire supérieure, et une tuberculeuse arrondie à l'inférieure. Le genre Lyncodon, que nous avons établi, manque cependant de ce dernier caractère, mais il est constant chez tous les autres, et F. Cuvier, dans le savant article sur les Mammifères, qu'il a inséré dans le tome L1X du Dictionnaire des sciences naturelles, donne pour caractère, à son groupe de ses Carnivores , qui répond exactement à celui-ci , d'avoir une mâchelière tuberculeuse à chaque mâchoire. C'est là un des points par lesquels les Mustélidés se distinguent des autres fa- milles de cet ordre. Il y a trois tribus parmi ces Animaux, les Mélins (Melina), ou ceux qui sont plus voisins des Blaireaux, et sont omnivores comme eux et à peu près plantigrades; les Mustélins (Mustelina), ou les Martes, les Putois, etc., dont le corps est plus vermi- forme et le régime plus Carnivore, et les Loutrins (Lutrina) , dont le genre de vie est aquatique. Ces derniers sont, de tous les Mustélidés, ceux dont la dispersion géographique est la plus étendue, car on les trouve à peu près également dans les différentes parties des deux mondes. Les genres des autres tribus ont leurs espèces limitées à des régions plus circonscrites; cependant, il en est qui en ont simultanément dans les deux continents améri- cains et dans deux ou même trois des grandes divisions de l'ancien monde; tels sont, en par- ticulier, les Martes et surtout les Putois. La grande majorité des Mustélidés est propre à l'hémisphère boréal. TRIBU des MÉLINS Elle comprend les genres Blaireau, Taxidée , Arctonyx , Mydaus, Hêlictis et Mouffette, dont la transition vers les Ratels et les Cloutons est d'ailleurs presque insensible. Ces premiers genres de Mustélidés sont plantigrades ; leur molaire tuberculeuse de la mâchoire supérieure est toujours notablement plus grosse que celle des Mustélins ; leur régime est presque tou- jours omnivore. Genre BLAIREAU {Mêles, Linné). Il comprend uniquement le Blaireau d'Europe, niais on doit en rapprocher plusieurs autres Animaux ursiformes comme lui et également plus semblables par le fond de leur organisation aux Mustélidés qu'aux véritables Ours; tels sont le Taxidé Carcajou, qu'on a souvent pris pour une simple variété de notre Blaireau, l' Arctonyx Bali-saur , le Mydaus Méliceps , etc.; ces Animaux, et un petit nombre d'autres, présentent une singulière particularité dans la distribution de leurs couleurs. Contrairement 102 ORDRE DES CAR\l\ORES. à ce que l'on voit généralement , ils ont le dessous du. corps moins foncé que le dessus et en partie blanchâtre , ou même tout à fait blanc. Ce sont les plus plantigrades de tous les Musté- lidés, et ils ont toujours la queue assez courte, Leur corps, qui est bas en jambes, est pro- portionnellement assez robuste ; leur museau est toujours pro- longé dans sa partie nasale. Le Blaireau joint à ces carac- tères généraux une disposition spéciale des dents molaires, qui l'a fait isoler génériquement. Il a | de ces dents, dont la pre- mière paire petite et caduque; sa carnassière supérieure est assez petite et à peu près trian- gulaire; sa tuberculeuse de la même mâchoire est fort grande, relevée à sa couronne par d'é- pais tubercules et irrégulière- ment quadrilatère. La carnas- sière inférieure présente un talon fort et tuberculeux en arrière de ses trois pointes, et la tuberculeuse qui lui fait suite es arrondie, mais beaucoup plus petite quj la supérieure, iJ r 13 1. A I i( E A Blaireau de France, J/9 de grain! Le Bl ai rk au ordinaire (Melesj taxus , Schreber) est bien connu des personnes qui habitent la campagne. Quoiqu'il ne soit abondant nulle part, néanmoins il existe encore dans ÈvUilLLK DES AIL S TEL IDE S. 103 un grand nombre de lieux où les Carnivores de grande taille , les Loups, par exemple, ont depuis longtemps disparu. C'est un Animal à peu près gros comme un Chien basset, à museau assez allongé, à queue très-courte, et dont l'extérieur rappelle à certains égards relui de l'Ours. Son pelade est gris glacé de noirâtre en dessus; sa tète a trois larges bandes blancbes; les parties inférieures et les pattes sont d'un brun noirâtre. Le Hlaireau est intelligent, fin et rusé. La vie retirée qu'il mène, le soustrait facilement aux recherches de l'Homme, et comme il ne manque pas de courage, les Chiens viennent diffici- lement à bout de lui. On trouve «les Jîlaireaux dans les bois, ainsi que dans les pays rocail- leux et déserts. 11 y en a dans une grande partie de l'Europe. L'espèce est également répandue dans r\sie septentrionale. Shaw et d'autres voyageurs l'ont signalée en Harbarie, mais elle ne paraît pas y exister. L'alimentation du Hlaireau consiste en petits \nimaux de toutes sortes, en miel, en fruits, enracines; son régime est donc omnivore par excellence. La femelle met bas trois ou quatre petits, auxquels elle prépare, dans le fond de son terrier, un lit d'herbes et de mousse; elle leur choisit de préférence une nourriture animale, telle que Lapereaux, Lézards, Mulots, etc. Elle y joint, dans certains cas, du miel qu'elle prend aux bourdons. Les jeunes Jîlaireaux s'apprivoisent aisément. La chair de ces Animaux est mangeable, et leur peau sert, aux bourreliers. On en emploie aussi les poils a faire des brosses pour la barbe. Les anciens chasseurs distinguaient avec du Eouilloux deux sortes de Blaireaux européens, | os BJaircau.r Citions et les Blaireaux Cochons; mais il est bien démontré que ce ne sont pas deux espèces séparées. Les Blaireaux courent mal , et si on les aperçoit à quelque distance de leur terrier, il n'est pas très-difficile de les saisir en vie; quand ils se sont cachés dans leur trou, on peut les contraindre à en sortir, si mi hs enfume pendant quelque temps. Les lilairoaux sont moins nombreux qu'ils ne l'étaient jadis. Dans beaucoup de lieux, on trouve leurs ossements et ceux des Loups, des Loutres, de* Castors, etc., associés à ceux de quelques grandes espèces perdues qui ont peuplé nos contrées. On j, ( » U | p> s regarder comme fournissant la preuve que ceux des grands \nimaux dits antédiluviens, qui sont enfouis dans les conditions auxquelles nous faisons ici allusion, appartiennent -, la ni ème Faune que les (speees aujourd'hui existantes, et ces grands \iumau\ sont, en el'fel , plus récents que lous ceux dont nous renconlrons les débris dans l<'* dépôts tertiaires proprement dits. Ces associations paléonlologiques nous montrent donc que si la Faune européenne paraît aujourd'hui moins riche en Mammifères sauvages que <'Hlcs do l'Afrique ou de l'Inde, c'est qu'elle a déjà perdu un bon nombre de ,-eux qui la com- posaient à l'origine; les plus redoutables ont disparu les premiers. MM. Tenuninck et Schlogel décrivent, sous le nom de lir. wuk \i \\ \ki \î \ (Mehs ona- foitiHn, une seconde o^un^ du même Relire, qui est particulière au Japon. Ses couleurs sont disposées «•onnue celle du Blaireau d'Europe, mais la teinte rous- s 'dre y domine mémo en dessus, au lieu du gris brun , elles bandes claires de la tête sont roux clair, au lieu 'l'être blanches; la bande oculaire c>t aussi de cette Pilleur, au lieu d'être noirâtre; le crâne rsf à peine afférent et les habitudes sont les mêmes. Ii \nakuma habite de préférence les contrées mon- higneuses qui sont couvertes de» bois; il creuse ses ter- riers dans le sol , ne sort que de nuit pour chercher sa iumkeu- anuou nourriture ; et , lorsqu'il ne peut se procurer autant d'aliments animaux qu'il le voudrait, il se contente de substances végétales. Habituellement 11 recherche les Grenouilles, les Lézards et même les Vers de terre.. Dans son jeune Age, il est "'une teinte beaucoup plus claire que dans l'âge adulte. «k\re TW1DKE (Ta.ridea< Waterhouse). ïl a pour type le Taxtdée cabcajol 104 ORDRE DES CARNIVORES. (Mêles labradoria, Sabine) , espèce fort semblable extérieurement au Blaireau, mais qu'il est facile d'en séparer par les caractères sui- vants : la configuration de son crâne assez différente ; la plus grande force et la forme assez particulière de sa carnas- sière supérieure et celle à peu près trian- gulaire de sa tuberculeuse supérieure. Ses couleurs sont aussi un peu différentes de celles du Blaireau d'Europe , quoique distribuées suivant le même système : le dessus du corps est plus clair et la bande blanche de la partie supérieure de la tête est surtout plus étroite. Cet Animal vit dans l'Amérique septen- trionale et n'a point été retrouvé ailleurs. Buffon l'a, pendant quelque temps, con- fondu avec le Glouton , ainsi qu'avec le Kinkajou; mais si Ton a ces trois espèces sous les yeux, il est très-facile de les distinguer, 1) FI NT1 TK T v \ 1 1> k r c \ n uor, grand, nat. T a x i i) v. i; c a r.v. \ i o r . Genre ARGTON YX (Ardonyx, F. Guv.). L'espèce indienne qui s'y rapporte, est aussi tellement voisine du Blaireau , que plusieurs auteurs ont cru ou croient même encore qu'elle ne doit pas en être distinguée. Cependant l'étude de son crâne m'a montré que cette opinion n'est pas fondée. Sans justifier précisément la distinction générique de cet Animal, qu'il serait plus convenable sans doute de regarder, ainsi que le Garcajou, comme une espèce de Blaireau, ce crâne, que l'on conserve au Musée britannique, prouve bien que l'espèce esta la fois distincte du Blaireau, de l'Anakuma et du Garcajou. Toutefois, l'Animal est à peu près de même forme; sa coloration n'est pas très-différente et ses ongles indiquent également des habitudes fouisseuses; sa queue paraît un peu plus longue ; elle est peu fournie. FAMILLE DES MUSTELIDES. 105 A R i: T O N Y \ B A M - S \ l H , I ;('» (](> ftr.'HVJ. L'Arctonyx bali-saur (Arctonyx collaris, F. Cuvier) n'a encore été vu que par un petit nombre d'observateurs. Il tient dans la Faune indienne la même place que le Blaireau dans celle de l'Europe et du nord de l'Asie. Genre HÉLIGTE (Heïictis, Gray). Il existe dans les parties méridionales de l'Asie un petit genre de Mustélidés à peu près plantigrades , comme le Blaireau , mais ayant seulement les dimensions des Martes, dont la queue est assez longue et en panache, dont le museau est proéminent et dont la dernière molaire supérieure ou la tuberculeuse est moins forte que celle des,Blaireaux ou genres voisins, quoique plus considérable encore que celle des Martes. Ce sont les Hélictis de M. Gray ou Mélogales de M. Is. Geoffroy. On en signale trois espèces : L'Hélictis musquée (Heïictis moschata , Gray) ou Mélogaïe masquée (Melogale per~ sonata, Is. Geoffr.) du Pégou et de la Chine; 1' Hélictis du Népaul (Heïictis nipalensis), que M. Hodgson a d'abord décrit comme étant une espèce de Glouton et 1' Hélictis orien- tale (Heïictis orientalis) , aussi rapporté aux Gloutons par M. Horsfield, et dont M. Is. Geoffroy a fait depuis son Melogale fusca. Cette troisième espèce est particulière à l'île de Sumatra. Genre MYDAUS (Mydaus, F. Cuvier). L'Animal qu'on y place est d'un bon tiers plus petit que les Blaireaux; il a le museau plus saillant et la queue encore plus courte; ses ongles sont proportionnellement plus longs, ce qui indique des habitudes plus souterraines; enfin ses molaires, au nombre de|, sont plus petites que celles des Blaireaux et à tubercules plus émoussés. L'humérus a son extrémité inférieure percée simultanément d'un trou suscon- dylien et d'une perforation de la fosse oléerânienne, deux particularités qu'on ne trouve réunies que chez certains Marsupiaux, (Voir p. 9.) Crâne de Mydaus, 3/5 de grand, II e PARTIE Dr. \ ri mon » r W\i>vrs, grand, not, 14 100 ORDRE DES CARNIVORES. Mydaus télagon {Mydaus meliceps, F. Guvier). Il est jaune bai avec une bande blanche qui va en se rétrécissant depuis l'occiput jusqu'aux lombes et s'interrompt quelquefois vers les épaules. Cet Animal n'est connu qu'à Java et à Sumatra. M y d a u s t É l a g o n , 4 j"l de grand , GENRE MOUFFETTE {Mephitis, G. Guvier). Les Mouffettes sont encore des Mustélidés plantigrades , dont le système dentaire indique un régime presque omnivore. Elles ont f ou seulement f molaires; leur tuberculeuse supérieure est forte et à peu près carrée, et leur car- nassière inférieure pourvue en avant de trois pointes épaisses , et , en arrière , d'un gros talon à couronne mousse. Ces Animaux ont le pelage brun ou noir, sauf sur une partie des régions supérieures, où il y a du blanc qui tranche nettement avec le reste du corps; le blanc du dos est en bandes longitudinales simples ou doubles, qui commencent à l'occiput et arrivent plus ou moins près de l'origine de la queue; celle-ci égale au moins la moitié du corps en longueur; elle a ses poils disposés en panache, et l'Animal la redresse au-dessus de ses lombes avec une certaine élégance. Quelques Mouffettes ont de plus une bande blanche sur le milieu de la tête ; chez d'autres, la bande du dos est au contraire peu étendue. La taille de ces Animaux est inférieure à celle des Rlaireaux et plus rapprochée de celles des Martes , mais ils ont le corps plus court, moins vermiforme que ces dernières, et leur queue relevée leur donne une physionomie différente de celle qui distingue les Rlaireaux. On ne trouve les Mouffettes qu'en Amérique , mais il y en a depuis la baie d'Hudson jusqu'au détroit de Magellan. Leur distinction en espèces est difficile et elle a souvent embarrassé les naturalistes; on sait aujourd'hui qu'elles sont assez multipliées et qu'elles forment même plusieurs sous-genres auxquels MM. Lichtenstein , Gray et Lesson ont imposé différents noms. Il est vrai que la synonymie de ces groupes et même celle de leurs espèces respectives reste à établir d'une manière plus précise. Ces genres sont fondés sur des caractères empruntés aux pieds, à la longueur du museau , au nombre des molaires , etc. Les Mouffettes sont célèbres dans les récits des voyageurs par leur extrême puanteur. Elles ont auprès de l'anus deux glandes qui lâchent une odeur tellement fétide que nul Animal ne peut en supporter les émanations sans en être pour ainsi dire suffoqué. Lorsqu'une Moulfette FAMILLE DES MUSTÉLIDÉS. 107 est inquiétée, c'est là son principal moyen de défense, et les objets sur lequels elle a ainsi répandu son urine en restent pendant longtemps imprégnés. Les \nimaux de ce genre que l'on conserve dans les musées, principalement ceux qu'on a plongés dans l'alcool, conservent aussi ces propriétés répugnantes, et si, en les examinant, on n'a pas su éviter le contact du liquide qui les renfermait, on peut en avoir les mains infectées pour plusieurs jours. MO UFÎ ET T K CH f n H F , I/o de Kalm a parlé des Mouffettes en ces termes dans son Voyage dans VAinërique septentrionale : «En 1749, il vint un de ces Animaux près de la ferme où je logeais; c'était en hiver et pendant la nuit; les Chiens étaient éveillés et le poursuivaient. Dans le moment, il répandit une odeur si fétide qu'étant dans mon lit, je pensai être suffoqué; les Vaches beuglaient de toute leur force. Sur la fin de la même année, il se glissa une Mouffette dans notre cave; une femme, qui l'aperçut, la nuit, à ses yeux étincelants, la tua, et dans le moment la cave fut remplie d'une telle odeur, que non-seulement la femme en fut malade pendant quelques jours, mais que le pain, la viande et les autres provisions qu'on conservait dans cette cave furent telle- ment infectés, qu'on ne put en rien garder et qu'il fallut tout jeter au dehors pour ne pas empester le lieu dans lequel étaient ces objets. » D'Azara donne des détails analogues sur certaines Mouffettes du Paraguay. Nous citerons un dernier témoignage, celui de M. Aleide d'Orbigny. Une personne qui l'accompagna dans une de ses excursions , n'ayant jamais entendu parler de ces Animaux , voulut en saisir un qui se trouvait à sa portée ; mais la Mouffette le mouilla de son urine fétide , et le chass; ur malencontreux ne put s'affranchir de l'odeur qu'il portait avec lui qu'en se dépouillant de ses vêtements. La Mouffette chinche (Mephitis americana ou Mephitis chincha) , qui vit aux États- Unis , est noire avec du blanc entre les yeux , lequel s'étend en arrière de la tête et descend sur ïes côtés du corps pour mourir auprès de la queue ; il y a généralement une tache blanche aux membres de devant et une aux cuisses. On a souvent confondu avec cette espèce plusieurs de celles qui habitent l'Amérique mé- ridionale ou les parties chaudes de l'Amérique septentrionale, le Mexique, par exemple, et le loxas. Tels sont les Mephitis mesomelas , interrupla , varians et mexicana, que M. Cray en a 108 ORDRE DES CARNIVORES. distingués. Un autre, qui a reçu le nom spécifique de Mapurito, vit à la Nouvelle-Grenade, dans la province de Santa-Fé. Le Mephitis quitensis, répondant au Gulo quitensis de M. de Humboldt , habite le Pérou ; enfin nous avons donne le nom de Mephitis Feuillei à l'espèce qu'on trouve aux environs de Montevideo. La Mouffette du Chili (Mephitis Chilensis , E. Geoffr. ) , dont le nom rappelle la patrie , se re- connaît aux caractères suivants : pelage brun noirâtre ou tout à fait noir, sauf sur la grande fourche dorsale qui est blanche ainsi qu'une partie de la queue; mo- laires f . La Mouffette marron (Mephitis castanea f d'Orb. et P. Gerv.) , à laquelle appartiennent les Mouf- fettes des régions les plus australes de l'Amérique , est d'une taille inférieure à celle des autres. Nous en avons donné la description dans la partie mammalogique du Voyage de M. d'Orbigny. Mouffette du Chili. TRIBU des MUSTÉLINS Cette tribu commence par quelques espèces qui ont des formes encore assez lourdes, mais dont la dent carnassière inférieure et la tuberculeuse d'en haut sont appropriées à un régime presque entièrement Carnivore. Quand aux autres genres que nous y plaçons, ils ont des proportions plus grêles, des allures plus vives et une tendance plus décidée pour le meurtre. Quoique ces derniers Mustélidés aient presque tous des dimensions inférieures à celles du Chat domestique , ils savent se faire craindre , et leur voracité est toile qu'ils viennent souvent jusque dans les lieux habités pour y détruire les petits Mammifères ou les Oiseaux domestiques . Les premiers genres de Mustélins ressemblent tellement aux Mélins qu'il serait peut-être plus conforme aux véritables affinités de ces deux tribus de les confondre en une seule. Nous parlerons successivement des principales espèces de Mustélins sous les noms génériques de Glouton Jiatel, G alictis ou Huron, Marte, Putois, Zorille et Lyncodon. GENRE GLOUTON (Gulo, Storr). Les Animaux de ce genre doivent leur nom aux appétits voraces qui les distinguent. Ce sont les plus gros et les plus redoutables de toute la famille des Mustélidés, et l'on peut les considérer comme se rapprochant des Hyènes ou dos Félis à certains égards. Leur corps n'est pas aussi bas que celui des Blaireaux ; leur queue, également médiocre, est plus velue; leurs proportions sont plus dégagées et ils savent 1) j<: n t i t ion u G il o u t o n , grand . nat. FAMILLE DES MUSTÉLIDÉS. 109 grimper aux arbres. C'est en se tenant blottis sur quelque branche qu'ils attendent au passage les Animaux qu'ils doivent attaquer, et ces Animaux sont quelquefois des Rennes ou même des Élans. Les Gloutons les saisissent à la gorge pour les saigner, et le plus souvent ils en viennent à bout. Ces Quadrupèdes ont g molaires assez épaisses, dont les carnassières très-fortes, l'infé- rieure n'ayant en avant que les deux pointes latérales sans pointe interne semblable à celle des Blaireaux ou des Loutres. Leur taille se rapproche de celle de l'Ocelot ou du Chien de berger. La couleur de leur pelage est marron foncé avec un disque dorsal noir. ^Ct/UM^/.SC ]/iil m: grand. Il y a des Gloutons dans toute la région du cercle Arctique, on Europe et en Asie comme en Amérique; mais il reste des doutes relativement à l'identité spécifique de ceux des régions européo- asiatiques et de ceux qui sont américains. Autrefois, ils étaient plus répandus en Europe , et l'on trouve dans les cavernes de la Franconie des os qui indiquent leur existence dans ce pays à l'époque des grands Ours , des Hyènes et des grands Félis. On dit même qu'il en a été recueilli, en France, dans une des cavernes du Vivarais , mais nous n'avons pas encore eu l'occasion de vérifier cette assertion. Diverses espèces que l'on a réunies pendant quelque temps aux Gloutons ont servi plus récemment à l'établissement de genres à part. Ces Animaux habitent d'autres régions que les Gloutons proprement dits, dont en apparence l'unique espèce porte le nom de Glouton a r g t i q u e (Gnlo luscus et arcticus des auteurs) . Genre RATEL {MeUivora, F. Cuvier). A corps plus bas sur jambes et plus allongé que celui des Gloutons. Le pelage est plus clair en dessus qu'en dessous. Il n'y a que f molaires; elles sont serrées et plus épaisses encore que celles des Gloutons. Le Ratel du cap {MeUivora capensis), que Linné appelait Viverra capensis, est un peu 110 ORDRE DES CARNIVORES. moins gros que le Blaireau; blanc, un peu glacé de noir en dessus; noir en dessous et sur les côtés; la base de sa queue est blanchâtre en dessus. Les très -jeunes sujets sont entière- ment gris. II^^AS^" ^ l l\ n el du Cap, i/8 de Le Ratel est un Animal fouisseur, d'une démarche assez embarrassée», peu difficile à appri- voiser. On Famène assez souvent dans les ménageries européennes. Son nom de Mellivore rappelle combien il est friand de miel. Le Ratel de l'Inde (Mellivora Indica), vit au Bengale; il est assez peu différent de celui d'Afrique. C'est l'Animal auquel M. Hodgson donne le nom générique (YUrsitaxus. Genre GALIGTIS {Galictis, Th. Bell). Corps et queue plus allongés que chez les Ratels; molaires -f, moins fortes. Animaux américains. Ce genre a aussi reçu de M. Is. Geoffroy la dénomination de Euro. Le Galictis Grison (Galictis vittata) , que Linné appelait Viverra vittala, répond au Grisou et à la Fouine de la Guyane de Buffon. Son pelage est noirâtre, avec le dessus de la tête et du cou gris , et une bande jaunâtre qui descend de chaque côté du front jusqu'aux épaules; cette bande se confond par son bord externe avec la couleur claire du dos. Le Grison est un Animal plantigrade comme tous ceux qui précèdent. Il habite les bois d'une grande partie de l'Amérique méridionale ; ses instincts sont très-carnassiers. Le Galictis d'Allamand, que M. Bell regarde comme une espèce distincte, ne paraît pas devoir en être séparé. Le Galictis ïaïiia (Galictis barbara), ou Mustela barbara de Linné, et Taira ou Gâtera de Buffon , est plus fort que le précédent , et il a le pelage brun noir sur une plus grande étendue; cependant ses parties antérieures sont plus ou moins nuancées de gris, et une large tache claire orne souvent sa gorge et le haut de son cou. Cet Animal est fouisseur; il répand une odeur musquée. On le rencontre plus particulièrement à la Guyane et au Brésil. Sa taille dépasse celle du Grison , et son corps est plus allongé. PL. XIV. MARTE ZfftiïL/ NE / #«.>/r/„ y,/r//,s„r / DE SIBEUTK '.j 1) e nt i t i o \ i) r ta Fouine, gr nd . nat. FAMILLE DES MU8TÉLIDÉS. Uj Genre MARTE (Mustela). Ce nom est resté en propre aux Mustélidés,tels que la Fouine et la Marte ordinaire; mais il appartient réellement à la Belette, qui est le vrai Mustela des Latins et le Gale des Grecs. Les Martes auxquelles la dénomination latine de Martes conviendrait mieux , ont le corps allongé et les dents molaires au nombre de § , savoir : f avant-molaires croissantes , { carnassière et { tuberculeuse , dont la supérieure est un peu plus longue que large. Les espèces de ce genre sont agiles , elles grimpent facilement; la minceur de leur corps leur permet de s'introduire par des ouvertures ou nos Chats ne pas- seraient pas ; leurs appétits sont très-féroces. Elles attaquent les petits Quadrupèdes , les Oiseaux , les Reptiles , dévastent les nids et font de grands dégâts lorsqu'elles peuvent s'introduire dans les lieux où on élève la volaille. La Fouine a surtout cette habitude ; et comme elle se rapproche davantage des habitations, c'est un Animal très-redouté des fermiers et que l'on poursuit avec rigueur. La plus forte espèce du genre est la Marte Pékan de Ruffon {Mustela Canadensis, Linné) , qui habite l'Amérique septentrionale, principalement au voisinage des eaux; elle est presque double de la Fouine en grandeur; son pelage est brun, avec les pattes, le museau et la queue plus foncés. La Marte des Hurons (Mustela Huro, F. Cuvier), est des mômes contrées, principa- lement des environs du lac Huron. Elle est d'une belle teinte fauve isabelle, avec la tête blanchâtre. Sa fourrure est des plus gracieuses. C'est aussi aux États-Unis que vit la Marte de Pennant (Mustela Pennantii, Erxleben), espèce plus semblable à la Marte ordinaire , [et que l'on a souvent confondue avec elles. La Marte ordinaire paraît ne pas exister en Amérique. La Marte ordinaire (Mustela Martes, Linné), habite les forêts et se rapproche bien moins des lieux habités que ne le fait la Fouine. On l'observe dans une grande partie de l'Europe. Sa fourrure, douce et fournie, est d'une teinte brune assez claire; et ce qui la fait aisément distinguer, c'est la grande tache jaune pâle qui orne sa gorge et le devant de son cou. On la prend dans plusieurs parties de la France, principalement dans les bois de pins et de sapins. Sa peau est estimée. La Marte zibeline (Mustela zibellina, Linné) lui ressemble notablement pour l'ap- parence générale, mais le devant de son cou est grisâtre et son pelage est bien plus fin et plus moelleux. Elle habite plus au Nord, principalement dans l'Asie septentrionale et dans les parties de la Russie qui s'en rapprochent le plus. Comme on le sait, sa fourrure est des plus recherchées , et son exploitation forme une branche assez importante du commerce des pelleteries. On en prend surtout en Sibérie, et les Turcs, les Russes, ainsi que les Chinois en achètent les peaux à des prix très-élevés. Celles dont la couleur tire un peu sur le noir sont les plus recherchées. (PL XIV.) La Marte Fouine (Mustela Foina, Linné), que Ton nomme simplement Fouine, est- brune, avec la gorge et le devant du cou d'un blanc pur. Elle est répandue dans toute l'Europe et dans une partie de l'Asie septentrionale. Les granges , les greniers d'une grande étendue et les combles situés à peu de distance des basses-cours sont ses demeures favorites, et ce serait un Animal utile , si elle se contentait de donner la chasse aux Rats et aux Souris , mais elle détruit aussi la volaille, et elle est sous ce rapport très-dangereuse, aussi la pour- suit-on sans relâche. Quoique inférieure à celle des autres espèces , sa peau n'est cependant pas dédaignée, et on l'emploie aux mêmes usages. Il existe dans le nord de l'Inde une espèce 112 ORDRE DES CARNIVORES. voisine de la Fouine et de la Marte; c'est celle que M. Hodgson appelle Marte a gouge jaune (Mustela flavigula) , 1. Fouines, 2. Belette, 1/0 do grand, GENRE PUTOIS {Putorius, G, Cuvier). Les espèces de ce genre sont d'une moindre taille que les Martes, et c'est parmi elles que se range la Relette* le plus petit de tous les Carnivores existants. Elles sont toutes plus sanguinaires encore, et leurs dents molaires sont moins nombreuses ; on ne leur en compte que f : leur tuberculeuse d'en haut est bien plus large que longue ; leur carnassière inférieure n'a pas de pointe interne et ses deux pointes externes ressemblent plus à celles du Pélis, en même temps que son talon postérieur est plus court et plus tranchant. Il y a des Animaux de ce genre sur une grande étendue des deux continents* Le Putois fétide (Putorius fœtidus), qui répond au Vrai Putois de Ruffon, ou Mustela Putorius de Linné, est brun, avec un peu de blanc au museau. Son corps a environ 0,40 et sa queue 0,15. Il se tient dans les bois où il fait la chasse aux petits Mammifères et aux Oiseaux, ce qui ne l'empêche pas de s'introduire à l'occasion dans les poulaillers , oii il met à mort autant de pièces qu'il le peut , son habitude étant de se nourrir de sang et d'abandonner ensuite le corps des Animaux qu'il a égorgés. Le Putois répand une odeur infecte ; sa femelle met bas cinq ou six petits auxquels elle donne de bonne heure ses goûts destructeurs. Le Furet (Mustela Furo, Linné) n'est peut-être qu'une simple variété du Putois. Sa couleur jaunâtre et ses yeux roses indiquent un Animal atteint en partie d'albinisme, et ses Caractères ostéologiques paraissent en tout conformes à ceux du vrai Putois , dont il a aussi D r m n i o \* n r F- ti t o t s Hek ai i n ï > sr.ind. nat. FAMILLE DES MUSTÉLIDÊS. U3 les dimensions. On l'élève en domesticité et on utilise son caractère féroce en l'employant à la chasse des Lapins. La femelle produit jusqu'à huit ou neuf petits. Tous les auteurs disent que le Furet nous vient de l'Afrique septentrionale; mais on ne l'y voit pas à l'état sauvage non plus qu'en Espagne ou ailleurs, et sa véritable origine reste à découvrir. Le Peu ou se a {Putorius permca) de la Russie méridionale est remarquable par son pelage marron clair, marbré de jaune. Le Putois itatsi (Putorius itatsi , Temm.) vit au Japon. Sa couleur est marron clair. Le Pc toi s Vison {Putorius Vison, Linné), qui est le représentant du Putois dans l'Amérique septentrionale, donne une fourrure supérieure à celle des Putois d'Europe, et ce que l'on appelle le Vison du Poitou n'est que du Putois ordinaire. Le Vison est moins foncé que le Putois, et il n'a pas de blanc à la lèvre supérieure. On retrouve aussi les caractères dentaires du vrai Putois et du Vison et à peu près la même taille chez certains Mustélidés propres à des régions fort différentes les unes des autres : Putois du B r é si l {Putorius Brasiliensis) ; — Putois du Mexique {Putorius frœnatus) ; -— Putois nudipède {Putorius nudipes); celui-ci est de Sumatra et de Bornéo. L'Europe, le nord de l'Afrique et l'Amérique septentrionale fournissent encore d'autres espèces de Putois, mais elles sont de moindre taille : Le Putois Hermine {Putorius Ermined) , ou V Hermine et le Roselet de Buffon et de Daubenton, a le corps long de 0,25 et la queue de 0,10. L'Hermine est blanche en hiver, ou blanc un peu lavé de jaune soufré, mais le bout de sa queue reste d'un beau noir; en été fcïlo a le corps marron clair, sauf encore à l'extrémité de la queue qui est noir comme en hiver. Ce changement dans la couleur du corps se reproduit chaque année avec une grande régularité, et les Hermines de nos pays le subissent comme celles du Nord. Dans les régions n e partie. 15 114 ORDRE DES CARNIVORES. froides, les Hermines sont plus abondantes que dans l'Europe tempérée, et ce sont les haoiLts de ces contrées glacées qui se livrent surtout à la chasse et à la préparât, nd leurs fourrures. Us les poursuivent pendant la saison la plus rigoureuse, a lois que leur fourrure est plus complètement blanche, et ils en prennent ainsi de tres "^ ^ ^ On sait le bel effet que produisent les peaux réunies de ces Animaux, surtout loisqu on a placé sur leur blanche surface un certain nombre de queues, dont les ^— s noires tran- chent si nettement avec la blancheur du fond. Les fourrures faites en rentable H rm me ont conservé une valeur fort élevée, aussi les remplace-t-on le plus souvent par de a peau de Lièvre variable ou d'autres Animaux blancs, et l'on imite alors par la teinture les queues noires des vraies Hermines. C'est dans la Suède, dans la Norvège et dans le nord de 1 em- pire russe que l'on prend surtout les Hermines du commerce. Hermines b» pelage d'éth, 1/4 de grand. L'Amérique septentrionale fournit des Animaux fort semblables à l'Hermine, mais que Ton a considérés comme étant d'une espèce différente. Dans un Mémoire qu'il a publié en 1838, dans le Magazine of nalural history , le prince G. Bonaparte a distingué trois sortes de ces Mustélidés, sous le nom de M. longkavdata , Richardsonii et Cicognanii. Le Putois Boccamele (Putorius Boccamcla , Cettî.) est à peu près grand comme l'Her- mine, mais il n'a pas le bout de la queue noire. Sa couleur est fauve marron en dessus, et jaunâtre en dessous. On le trouve en Sardaigne et dans quelques parties de l'Algérie. L'Asie fournit plusieurs espèces peu différentes de celles-ci : Putonus Hodgsonii, Horsfieldii et Cathia. Le plus pqtit des Putois est la Belette de Buffon (Mustela vulgaris , de Linné). Cet Animal a tout le corps brun roussâtre en dessus et blanc en dessous. Sa longueur totale n'est que de 0,22, dont 0,040 pour la queue. S'il est moins fort que ses congénères, il n'est pas moins vorace, et les petits Oiseaux ou leurs œufs, les Rats, les Taupes, les jeunes Lapins sont l'objet de ses chasses les plus habituelles. Il produit plusieurs fois par an et met bas, a FAMILLE DES MUSTÉLIDÉS. 1(5 chacfue portée, quatre ou cinq petits. La femelle établit son nid dans les trous des arbre;, sous les pierres ou dans quelque autre lieu retiré. L'espèce de taille analogue qui habite l'Amérique septentrionale a été longtemps confondue avec notre Belette. M. Ehrenberg signale, en Egypte, une Belette qui serait également différente de la nôtre. C'est le Mustela palmala de son grand ouvrage intitulé Symbolœ physicœ. GENRE ZOBILLE (Zorilla, G. Cuv.). Joint à la formule dentaire et aux principaux caractères des Putois un mode de coloration différent. Le corps est noir et porte quelques taches blanches un peu allongées sur le dos , ainsi que des bandes longitudinales noires qui s'étendent en partie sur toute la longueur de la queue. La forme des dents est un peu diffé- rente de celles du Putois fétide. Zorille, 1/i de grand. Le Zoiulle varié (Zorilla varie gala de quelques auteurs ou le Viverra Zorilla de Linné) est encore la seule espèce de ce genre que l'on connaisse bien. Il est de la grosseur du Putois, élancé comme lui, et semblable pour le naturel. On le signala au Cap, au Sénégal, dans une grande partie de l'Afrique orientale, et même en Asie Mineure. C'est un Animal fort élégant à cause de sa coloration noire et blanche. M. Muller le désigne par le nom générique de Rhabdogale. Genre LYNCODON (Lyncodon). J'ai établi cette division pour une espèce rapportée de Patagonie par M. d'Orbigny, chez laquelle le système dentaire présente la singulière particularité de manquer de molaire tuberculeuse inférieure , tandis qu'il y en a chez tous les autres Mustélidés. Sa formule se trouve ainsi réduite pour les dents molaires à f , et répond à celle des Lynx. Le Lyncodon de Patagonie (Mustela Patagonica^ P. Gerv. et d'Orb. ) a été découvert dans la région du Rio-Negro ; c'est un Animal un peu plus petit que le Putois ou le Vison, mais supé- 0wTlîf0s\\a% UA\t\v*Y FAMILLE DES ÉLÉPHANTIDÉS. 129 par les naturalistes. Cependant on remarque entre eux plusieurs différences dont la valeur pourrait être regardée comme générique; telle est, en particulier, la forme des collines de leurs dents molaires. Quoique chez les uns et les autres, les intervalles qui séparent ces col- lines soient également comblés par de la substance osseuse nommée cément, les lobes de l'ivoire et l'émail qui les entourent sont établis sur deux modes assez différents. Dans les Eléphants de l'Inde et dans ceux qui ont autrefois vécu sur une grande partie de l'hémi- sphère boréal , les collines sont étroites, assez serrées les unes contre les autres, et, par suite do l'usure, elles apparaissent à la couronne de la dent comme des rubans transversaux plus ou moins fortement festonnés à leur pourtour qui représente une ellipse très -allongée. Dans les Éléphants propres à l'Afrique, les collines sont moins nombreuses et moins étroites, et lorsque l'usure permet de les apercevoir à la face triturante, elles se montrent au milieu du cément comme des losanges. C'est là ce qui a surtout conduit F. Cuvier à séparer générique- mont rÉléphant africain d'avec les autres, et à donner à cette nouvelle division le nom de Loxodonlc, signifiant dents à losanges. Sous ce rapport, l'Éléphant africain a plus d'analogie avec les Mastodontes; mais l'intervalle qui existe entre les collines de ses molaires est com- blé par du cément, tandis que les Mastodontes ont pour principal caractère de ne pas en avoir. I. Nous parlerons d'abord des Éléphants proprement dits ou des Proboscidiens, tels que les Eléphants asiatiques, rÉléphant fossile et plusieurs autres, qui ont les collines des molaires étroites. Quelques auteurs leur ont imposé le nom d'ÉLASMODONTES. Eléphant d'Asie (Elephas Asiaticus, Blumenbach). Les anciens auteurs, et même lîuffon, n'avaient reconnu qu'une seule espèce d'Éléphants; mais lorsqu'on a pu comparer dos Animaux africains de ce genre avec ceux que produit l'Asie, il a été facile de constater qu'ils n'offrent pas les mêmes caractères spécifiques, et nous venons de voir que, dans l'opi- nion de F. Cuvier, les différences qui séparent ces Animaux entre eux ont même une valeur générique. C'est à Blumenbach, à Pierre Camper et à G. Cuvier que l'on doit d'avoir, les premiers, fait ressortir les différences fournies par le squelette et par le système dentaire qui séparent les deux sortes d'Éléphants que nourrissent l'Asie et l'Afrique" Ces Éléphants re- présentent seuls, dans la nature actuelle, Tordre si curieux des Proboscidiens. Les Eléphants asiatiques vivent maintenant dans l'Inde continentale, principalement dans le royaume de Siam, dans l'empire des Birmans, au Bengale et dans l'Hindoustan. Il y en a aussi dans trois des grandes îles de la mer des Indes , à Ceylan , à Sumatra et à Bornéo." Leur loto ost t large, aplatie sur le devant du front, renflée au contraire sur ses côtés et comme echancrée à sa partie supérieure; leurs oreilles sont moins grandes que celles des Éléphants d'Afrique; leurs proportions sont un peu différentes; il y a aussi quelques particularités dislinctives dans la forme des os, et, comme nous l'avons déjà vu, dans celle des dents molaires. La couleur des Éléphants d'Asie est d'un gris terreux passant au brun , et leur corps n'a qu'un très-petit nombre de poils qui sont en général assez courts. Comme cela se voit aussi dans l'espèce africaine, l'épidémie est considérable, surtout par endroits, et le derme est susceptible de se dessécher rapidement ou même de se crevasser, ce qui oblige à graisser le corps de ces Animaux, lorsque l'on veut les entretenir en bonne santé. Lorsque leur peau est humide, et en particulier lorsqu'ils viennent de se baigner, on aperçoit sur plusieurs points de leur corps, principalement sur leur trompe ou à son origine, des marbrures ou des taches blanches légèrement teintées de couleur de chair. Chez quelques Éléphants, que les Malais et les Indiens estiment de préférence aux autres et auxquels ils accordent parfois les honneurs divins, i a couleur est entièrement blanc rosé : c'est le résultat d'une sorte d'albinisme. Certains peuples des bords du Gange pensent que les Éléphants blancs sont animés par les âmes des anciens rois, et les princes de Siam, du Pegû et de quelques autres contrées, mettent au nombre de leurs titres celui de possesseur de l'Éléphant blanc ; ils logent ce II e PARTIE, |7 13 o ORDRE DES FROBOSCIDIENS. respectable Animal dans leur palais et le font servir avec magnificence par de nombreux domestiques. , , Les défenses des Éléphants asiatiques sont, en général, moins fortes que celles des Eléphants africains et chez les femelles elles arrivent encore à des dimensions moindres. On appelle Mookna les mâles qui n'ont pas les défenses plus grosses que celles des femelles ; au contraire, ceux qui en ont de grandes sont appelés Dauntelah, du mot daund qui signifie dent, Cette différence n'influe pas sensiblement sur le prix des individus apprivoisés que l'on vend pour le service mais lorsque les Européens ne connaissent pas le caractère d'un Eléphant, ils aiment mieux l'acheter mookna, parce que s'il est méchant ou s'il le devient, il sera moins difficile à dompter. Il v a une infinité de variétés parmi les dauntelahs par rapport à la direction et à la courbure de leurs dents; les plus estimés sont ceux chez lesquels ces organes approchent davantage de la direction horizontale. Les Indiens ont un respect superstitieux pour les dauntelahs qui n'ont qu'une seule défense. Les Animaux de cette espèce sont les seuls qui soient maintenant employés d'une manière suivie et que l'on puisse appeler domestiques; encore ne le sont-ils pas à la manière des autres Mammifères, puisqu'ils ne se reproduisent qu'en dehors de notre influence et que tous les individus que Ton emploie sont des individus sauvages que l'on a apprivoisés. La chasse et l'asservissement des Éléphants sauvages sont les seuls moyens que l'on ait de se procurer ces Animaux. Aux Indes , on prend les Éléphants de deux manières , en troupes ou isolément. Une troupe entière doit être attaquée par un grand nombre d'Hommes armés qui se placent en cercle autour d'elle, l'effraient par le bruit des tambours ou des armes à feu, par la flamme, etc., en même temps qu'ils se prêtent mutuellement secours pour empêcher les Éléphants de fuir par tout autre côté que celui oii ils veulent les conduire. De cette manière on fait entrer toute la horde dans une enceinte préparée, entourée de larges fossés et de palissades composées d'arbres plantés profondément, soutenus par des barres transversales ou par des arcs- boutants. L'entrée de cette enceinte est garoie de feuillage et ressemble le plus possible au FAMILLE DES ÉLÉPHANTIDES. 131 sentier ordinaire d'une foret. Cependant l'Éléphant qui- est à la tête de cette bande hésite longtemps avant de s'y introduire; mais une fois qu'il s'y est décidé, tous les autres le suivent, comme on voit sur nos côtes des troupes de Dauphins donner inévitablement sur recueil où leur guide vient d'échouer. Après que la troupe des Éléphants est tombée dans le piège qu'on lui avait tendu, il s'agit de les isoler pour les dompter individuellement. Les cris des Hommes, les flambeaux, le bruit des instruments les arrêtent dans les efforts qu'ils tentent pour passer le fossé ou renverser les palissades. On leur place la nourriture sur un échafaud situé près de rentrée d'un couloir, et on les attire ainsi un à un dans ce passage qui est trop étroit pour qu'ils puissent s'y retourner. Dès que l'un d'eux est entré dans le couloir, on en ferme la porte, et l'Animal est aussitôt arrêté par des traverses qu'on lui oppose en arrière et en avant; on prend ses pieds dans des nœuds coulants, on lui enlace les jambes et on ne tarde pas à dominer sa fureur. ]l ne faut pas autant de préparatifs pour prendre les Éléphants isolés; mais de quelque manière qu'on s'en soit rendu maître, leur éducation est la même que celle des individus dont il vient d'être question. Après les avoir matés, on les livre à des gardiens, assistés de quelques valets, qui les habituent à l'esclavage par un mélange de caresses et de menaces, on les grattant avec de long bambous, en les aspergeant avec de l'eau pour les rafraîchir, en leur donnant ou leur refusant la nourriture , etc. Quelquefois on a aussi recours aux châtiments et on les frappe ou on les pique avec des bâtons garnis d'une pointe de fer. Le maître s'approche ainsi d'eux par degrés , jusqu'à ce qu'enfin l'Éléphant qui lui a été confié lui permette de monter sur son cou, région de laquelle on dirige plus facilement les mouve- ments de ces Animaux. Il faut environ six mois pour qu'ils en viennent à ce point de docilité. Cependant on ne peut jamais compter sur une parfaite réussite; car lorsqu'un Éléphant, qu'on croyait bien apprivoisé, veut s'enfuir, tous les efforts de son conducteur ne sauraient l'arrêter : les mâles, surtout ceux qu'on a pris séparément, sont toujours plus ou moins intrai- tables; aussi exigent-ils plus de sévérité que les femelles. Dans les forêts, tous les mâles ne restent pas dans la compagnie de leurs semblables; quelques-uns s'isolent des autres ou sont repoussés par eux. Lorsque les Indiens veulent s'en emparer, ils amènent avec eux des femelles dressées à cet effet, et ils attendent, dans quelque retraite voisine, l'Éléphant marron, qui est plus ardent que les autres, et va s'approcher de la femelle. Dès quil est venu, ils l'enlacent au moyen de fortes cordes et le laissent pendant quelque temps attaché à un arbre, puis ils viennent le reprendre lorsque, abattu par la faim et par la privation de sa liberté, il a en partie perdu son caractère farouche; alors il se laisse plus aisément conduire. Des observations encore assez récentes ont conduit M. Temminck à regarder, comme formant une espèce distincte des véritables Éléphants asiatiques, I'Éléphant de Sumatra (Elephas Sumatranm , Temm.), qui ressemble à l'espèce ordinaire par l'ensemble de ses caractères, mais qui présente plusieurs particularités indiquant tout au moins une race bien séparée. Les ellipses que la trituration met en évidence sur ses molaires sont moins étroites; il y en a aussi un moindre nombre; ses os inter-maxil- I aires sont plus courts et plus resserrés ; la cavité nasale est moins large; l'espace compris entre les orbites est plus étranglé, au contraire de la partie postérieure du crâne qui est plus large. dernière molaire inférieur de t/klénunt de sumatiu, . 1/4 de grand. Il y a une vertèbre dorsale de plus , c cst-a-dJre vingt en tout, et une vertèbre sacrée de moins, ce qui réduit le nombre de celles-ci à quatre au heu do cinq. M. Temminck en a vu trois squelettes, dont un jeune du sexe mâle, et deux adultes, l'un maie et l'autre femelle. J'ai également constaté la présence de vingt vertèbres 132 ORDRE DES PBOBOSC1DIENS. dorsales sur le squelette d'un Éléphant dont la peau préparée est maintenant déposée dans le palais de Sydenham , mais je n'ai pu savoir si cet Animal était réellement originaire do Sumatra, ce qui est pourtant probable. Éléphant fossile (Elephas primigenius , Blumonbach). 11 a vécu en Europe, dans le nord de l'Asie et dans une grande partie de l'Amérique méridionale, des Eléphants assez rap- prochés par leurs caractères des Elephas asiaticus , mais dont l'espèce peut néanmoins être séparée de la leur, si l'on tient compte de la forme différente de leur crâne, do la grande lon- gueur des défenses, du prolongement tubiforme de leur alvéole et de quelques autres caractères. En Europe, les Éléphants fossiles ont été contemporains des grands Bœufs, des Rhinocéros à narines cloisonnées, des Hyènes, des grands Ours, etc. L'Homme n'a gardé aucun souvenir de leur ancienne existence, et pendant longtemps leurs ossements ont été considérés comme provenant des géants humains que l'on supposait avoir existé pendant les époques dites héroïques. On a commis à-leur égard beaucoup d'autres erreurs, et, dans certaines localités, les peuples sauvages les attribuent à une grande espèce d'Animal, essentiellement souterraine, qui meurt dès qu'elle vient à la lumière. Dans l'Amérique du Nord , une fable peu différente a été imaginée à propos des ossements du Mastodonte, et les Indiens donnent à l'Animal dont ils proviennent le nom de Père aux Bœufs. Le premier Européen qui ait signalé ces derniers, en parle dans une lettre adressée, en 1712, à la Société royale de Londres. Il ne doute pas (pie ce ne soient des os humains provenant des géants dont il est fait mention dans la Genèse. Il est possible qu'il y ait plusieurs espèces parmi les Eléphants signalés dans les ouvrages des naturalistes, sous le nom cVE. primigenius. Leur extinction paraît remonter à l'époque du grand cataclysme diluvien. C'est dans les graviers qui furent alors déposés et dans les atterrissements, remontant aussi à la mémo époque, que l'on trouve leurs débris. Dans les terres gelées du Nord, ils se sont conservés avec leurs parties molles, et l'on en voit parfois des cadavres entiers, lorsque l'on fouille le sol ou que les inondations de l'été viennent à l'entamer après en avoir un peu élevé la température. La chair de ces Éléphants diluviens est si bien conservée, qu'on a pu en manger, et leur peau est encore recouverte de l'épaisse fourrure qui les préservait contre le froid des régions arctiques. Quelques-uns des ossements qui ont appartenu à ces anciens Eléphants arrivaient à une taille supérieure encore à celle des mêmes os des plus grands Éléphants actuels, et l'on peut évaluer la hauteur de certains de ces Animaux à 12 ou 15 pieds. Des terrains plus anciens que ceux dudiluvium renferment des restes d'autres espèces d'Élé- phants : il y en a en particulier dans l'Inde; quelques géologues pensent même qu'on en observe en Europe, mais cette opinion ne me paraît pas démontrée. L'une des espèces indiennes ou I'Élé puant canlsa (Elephas canesa, Gautleyet Falconer), portait des défenses aussi longues que celles de V Elephas primigenius. Elles ont 2 nl 20 sur une tête que l'on con- serve au Musée britannique. Les autres espèces sont aussi fort intéressantes à différents égards; on les a nommées Elephas namadicus, insignis , hysudricus , bombifrons et Cliftii. 2. La seconde division des Éléphants, ou le genre Loxodontl de F. Cuvier, est surtout caractérisée par la forme losangique des collines dentaires. Elle ne comprend qu'une seule espèce. Éléphant africain (Elephas a fric anus , Blumonbach). Il a la tête plus arrondie que l'Éléphant asiatique et moins large en dessus; son front n'a pas la double bosse latérale qu'on remarque chez ce dernier; ses oreilles sont beau- coup plus grandes et plus rapprochées par leur bord interne ; enfin ses dents molaires ont leurs collines d'émail disposées d'après la forme losangique et ses défenses sont en général plus fortes. On trouve cette espèce depuis le Cap de Bonne-Espé- -, . ■,*, , , „ *t i i! DliRMÈUK MOLAIRE 1NKKK. DK l/làÉNIANT AI'IUCU.N rance jusque dans la haute Egypte et au Gap vert; elle i/i grand. FAMILLE DES ELEPHANTJDES. 133 existe par conséquent en Mozambique, en Ahyssinie, en Guinée et au Sénégal. C'est elle que les Carthaginois employaient, et il paraît que les Cafres s'en servent maintenant dans quelques occasions. ^cAcS^I^'fV- K i é i» 11 A n t u A F u i y ce, 1 / iO de grand. Beaucoup de voyageurs ont parlé de la chasse aux Éléphants, et l'on trouve, dans Levaillant, des détails curieux à cet égard. La chair de ces Animaux, l'épaisseur de leur peau, la valeur considérable de leur ivoire et les dommages qu'ils occasionnent dans les lieux cultivés , sont autant de raisons qui engagent l'Homme à les attaquer, et, comme on n'en tirerait guère de services en les prenant vivants, on les poursuit avec les armes à feu et on les tue pour en obtenir les seuls bénéfices auxquels leur possession peut donner lieu. Assez récemment , le voyageur français Delegorgue a publié, au sujet de leurs mœurs, des détails nombreux empreints d'un cachet particulier, peut-être un peu trop original, mais qui paraît en garantir l'exactitude. Les récits de Delegorgue sont d'ailleurs pleins d'intérêt ; on en jugera par le passage suivant, que nous reproduisons textuellement pour lui laisser son véritable ca- ractère : ((Nous étions sur la rive de l'Om-Kouzi, oii de nombreux Éléphants avaient été vus adossés à une pente haute et longue , ça et là coupée de ravins , et quoique peu boisée. Malheureuse- ment, quoique nous fussions encore à mille pas de la troupe, nous la vîmes fuir pressée par la peur. Il est vrai qu'elle s'était débandée ; cette circonstance nous était du moins favorable , et nous promettait des avantages presque certains. Du reste, il n'était pas étonnant que la masse se fût laissé entraîner à une panique; beaucoup do femelles marchaient suivies de leurs jeunes , et dans cet état leur inquiétude est extrême. (dîne partie, à cause de la disposition du terrain, devait passer à deux cents pas de nous. Ces Animaux se rendaient à la rivière; ils avaient pour eux la pente, et furent si rapides que nous arrivâmes trop tard. Sans aucun doute, ils avaient traversé FOm-Kouzi. Nous remon- tâmes, furetant à droite et à gauche, profitant fréquemment des ravins pour marcher en écoutant. Nous sortions de l'un de ces ravins, afin de voir au loin, quand un lourd détale- 134 ORDRE DES PROBOSC1DIENS. nient se fit entendre : le bruit approchait, approchait, et la poussière! Lin escadron de ces Animaux trottait à fondre sur nous sans intention; trois de front, onze en tout. aLe premier je les vis : «Des Éléphants! Kotchobana! Boulandje! attention! Masquez- a vous, ils nous passent dessus; à bout portant, et pas peur! » Des buissons étaient là; sitôt dit, sitôt fait. Vrai Dieu! les Éléphants ne savaient rien de notre présence; mais une irrésis- tible envie, une diabolique tentative entraîne chacun de nous à allonger la tête pour voir avant de tirer. C'est si naturel do s'assurer d'abord de la position, de la distance, et puis non-seule- ment cela , mais c'est que nous les sentions arriver en droite ligne sur nous. Ces Animaux pouvaient, s'ils ne nous renversaient des pieds, nous fouetter de la trompe, et quel soufflet! Vingt-cinq pas nous séparaient d'eux, ils nous virent; mais l'impulsion trop forte ne leur permit qu'une courbe d'un grand rayon à dix pas de notre droite : ils allaient défiler, appuyant sur leur gauche, Je prends le premier, je le tire: il tombe, s'affaissant sur les genoux. Kotcho- bana s'adresse au second, qui tombe également agenouillé sur le premier, Boulandje tire : son Éléphant tombe, aussi groupé sur les deux premiers, et tous les suivants, jusqu'au onzième, s'agenouillent successivement. (( Bon Dieu! vingt fusils, quarante fusils chargés, si nous les eussions eus là! ((Attrape a (( recharger! garçons, et le reste. » Et le rire, né de cette scène grotesque, nous ôtait de la force et de la vitesse; les bras nous en tombaient. C'est qu'il leur fallut du temps pour se dépêtrer les uns des autres, tant ils étaient entassés pêle-mêle, A l'un des derniers, j'eus en- core celui d'adresser un souvenir dans le train de derrière. a Un seul restait sur place, mais debout et paraissant nous délier; nous vîmes aussitôt jju'il était démonté de l'humérus : c'était celui de Kotchobana. A quatre ou cinq reprises différentes, j'essayai de me poster de manière à l'avoir aux trois quarts; mais arrivé là, l'Éléphant, comme s'il eût eu conscience de mes desseins, me chargeait jusqu'à ce que la crainte de tomber le retînt. Je dus, pour réussir, envoyer Boulandje faire diversion de l'autre côté, et alors nia FAMILLE DES ÉLÉPHANTIDES. 135 balle dans la cervelle le fît s'affaisser mort comme un édifice auquel on enlèverait sa base. Jamais de ma vie de chasseur, et je crois bon de le dire, je n'avais été ni ne fus depuis témoin d'an fait du genre de celui que je viens de signaler; cependant je ne suis pas éloigné de croire qu'il existe chez ces Animaux , réunis en troupe , un esprit d'imitation qui tend à leur faire faire à tous ce qu'ont fait les premiers. » Genre MASTODONTE (Mastodon, G. Cuv.). Les espèces de ce genre ont toutes cessé d'exister, et leur histoire sera exposée plus longuement dans le volume de cette collection, qui sera consacrée à la Paléontologie. Elles joignent à un squelette assez semblable à celui dos Éléphants, des dents molaires en mémo nombre, mais dépourvues de cément entre leurs collines qui sont d'ailleurs moins nombreuses. Leur mâchoire supérieure portait également deux grandes incisives prolongées en défenses, et plu- sieurs Mastodontes avaient aussi une paire d'in- cisives à la mâchoire supérieure. Il y a des débris fossiles de ce genre dans les terrains miocènes et dans ceux du pliocène pro- prement dits. Le faux pliocène d'Auvergne en renferme aussi, mais il n'v en a pas dans les nnsMinF. mouthk infkuie™e de mastodonte de i/Ohto, 7 L l/'i rlo grand. dépôts diluviens, du moins en France. Ces débris sont nombreux en Europe et dans les deux Amérique. Il en a aussi été rencontré en Asie, mais point encore dans les îles indiennes. J'en ai signalé en Afrique , auprès de Constantine, et M. Owen a décrit une dent trouvée en Australie, qu'on ne peut rapporter qu'à une espèce du genre Mastodonte, ce qui est d'autant plus curieux que les autres ossements fossiles fournis jusqu'à ce jour par le même continent sont des ossements de Marsupiaux dont les espèces appartiennent aux familles aujourd'hui répandues sur le continent australien. Les Mastodontes peuvent être partagés en plusieurs sous-genres, si l'on tient compte des variations que présentent, dans la série des espèces, le nombre et la forme des collines de leurs dents molaires, rallongement plus ou moins considérable de leur maxillaire inférieur, la présence ou l'absence d'incisives à la même mâchoire, etc. Celles dont les dents ont les collines en moindre nombre et en même temps plus distinctes entre elles, conduisent au genre suivant, que nous avons proposé de placer aussi dans le même ordre. Genre DINOTHÉRIUM {Dinotherium, Kaup). Les trois ou quatre espèces éteintes qui rentrent dans ce genre, acquéraient une taille peu différente de celles des Éléphants et des Mastodontes. Leurs molaires, pour la plupart à deux collines bien distinctes, n'étaient (jivau nombre de cinq à chaque mâchoire, mais au lieu de se succéder comme celles des autres Proboscidiens, elles existaient simultanément; de plus, les incisives inférieures étaient fort développées et elles sortaient de la bouche comme les défenses des Éléphants, et se dirigeaient inférieureinent. Il reste encore beaucoup d'observations à faire sur le squelette des Dinothériums. G. Cuvier considérait ces grands Mammifères comme des Tapirs gigantesques, et d'autres auteurs les ont classés parmi les Cétacés. J'ai proposé de les placer avec les Proboscidiens, dont ils semblent en effet terminer la série; c'est la manière de voir que de Blainville a soutenue, en traitant du genre Dinotherium dans son Ostêographie. Les fossiles de ce genre qu'on a décrits ont été pour la plupart recueillis en France dans les terrains miocènes; on en signale aussi dans l'Inde. Ceux qu'on avait indiqués à la Nouvelle-Hollande ont été reconnus depuis lors pour des restes de grands Marsupiaux qu'on a appelés Notothériums. ORDRE des JUMENTÉS Animaux mammifères pourvus de quatre membres terminés par des ongles en forme de sabots, uniquement propres à la locomotion ordinaire, non bisu/ques , à doigts presque généralement impairs, plus souvent au nombre de trois que de cinq ou dun seul; leurs membres postérieurs ont le fémur pourvu d'une saillie externe placée au-dessous du grand trochanter et qui a été nommée troisième fro* chanter; leur tarse na pas r astragale en osselet, et leurs métatar- siens ou métacarpiens des troisième et quatrième doigts ne se soudent jamais en un os unique. Les dents sont de trois sortes , quelquefois bien caractérisées , d'autres fois difficiles à diviser en incisives véri- tables cl en canines pour la mâchoire inférieure; les molaires, qui en sont séparées -par une barre plus ou moins longue , montrent à la couronne des replis ou des contours plus ou moins multipliés de rémail que F usure met en évidence et dont la complication varie suivant les genres et les espèces , ce qui fournit de bons caractères pour la classification. Le nombre normal de ces dents molaires est de sept paires pour chaque mâchoire : habituellement les cinq intermé- ORDRE DES Jl MENTES. 137 diaires sont presque semblables entre elles, mais la première, lorsqu'elle existe, est plus petite que les autres ; celles de la mâchoire supérieure sont plus grosses et plus compliquées que les inférieures. LJ estomac de ces Animaux est simple; leurs intestins sont fort longs, et ils ont au moins un cœcwn, lequel est volumineux. Le cerveau montre des circonvolutions plus ou moins nombreuses à la surface de ses hémis- phères. Les mamelles ne sont jamais pectorales ; les organes reproduc- teurs rappellent la disposition que nous leur connaissons chez les Che- vaux; le placenta est polycotylédonaire, sauf dans le genre Daman; la peau est tantôt très-épaisse et presque entièrement dépourvue de poils , tantôt, au contraire , moins résistante et entièrement velue. Les Jumentés , auxquels appartiennent les Chevaux, les Tapirs, tes Rhinocéros et les Damans, sont des Animaux herbivores qui, sauf les derniers, atteignent de grandes dimensions; ils ont pour la plupart des habitudes sauvages; leur naturel est presque toujours brutal, mats sans être féroce; ils vivent généralement en troupe et se tiennent dans les forêts sombres ou humides , dans les grandes plaines ou dans les montagnes, prenant presque exclusivement pour ?iourriture des substances végétales. Les plantes fourragères ou leurs graines , les feuilles des arbres, certains fruits, des écorces ou des branches consti- tuent leur nourriture habituelle, V Europe ne possède plus une seule espèce réellement sauvage de cet ordre , mais à des époques plus ou moins reculées elle en a nourri un nombre supérieur ci celles de /'Afrique et de l'Asie réunies; quelques-unes ne sauraient même être classées dans les genres aujourd'hui existants. Les plus singuliers de tous les Jumentés antédiluviens étaient les Paléothériums et les Lophiodons. Les indications qui précèdent établissent suffisamment quels sont les caractères généraux des Mammifères dont il va être question dans ce chapitre, Ce nom de Jumentés, qui réunit les Chevaux, les Tapirs, les Rhinocéros et les Damans , est emprunté à la Bible; il a été également employé par Linné, par Storr et par quelques autres naturalistes. Il n'est point synonyme de celui de Pachydermes, puisque les auteurs modernes qui se sont servis de ce dernier rappliquent non -seulement aux Jumentés, mais encore à d'autres ongulés noa Ruminants, et qu'ils associent dans un seul et même ordre les Éléphants, les Jumentés et les Porcins, Animaux si différents les uns des autres par la conformation de leurs pieds, par leur dentition et par plusieurs autres particularités importantes. Ce n'est que dans ces derniers temps que l'on a pu saisir convenablement ces différences que les naturalistes du siècle dernier n'ont pourtant pas ignorées d'une manière complète. II e partie, 18 138 ORDRE DES JUMENTES. M. Richard Owen, qui fait aussi des Jumentés un groupe à part auquel il accorde le rang de sous-ordre, propose de donner à ces Animaux le nom de Périssodactyles , auquel nous avons dû préférer celui plus ancien et plus expressif de Jumentés. Les Mammifères ongulés auxquels ces dénominations s'appliquent sont aussi appelés Pachydermes herbivores, par opposition aux Porcins ou Pachydermes omnivores et Périssodactyles. Ce dernier nom leur a été imposé par M. Pomel. Les Jumentés ne sont pas nombreux en espèces; l'Amérique n'en a que deux, qui appar- tiennent l'une et l'autre au genre des Tapirs. L'Asie nourrit , indépendamment d'une troi- sième sorte de Tapirs, des Rhinocéros d'un sous-genre particulier et plusieurs espèces de Chevaux. L'Afrique possède deux ou trois espèces de Rhinocéros, des Chevaux à robe tigrée nommés Zèbres, et le genre des Damans, qui est aussi représenté en Syrie. Ni l'Europe actuelle, ni l'Amérique septentrionale, ni Madagascar, ni l'Australie n'ont de Jumentés sauvages, mais l'Homme a naturalisé sur tous les points du globe le Cheval et l'Ane, qui comptent parmi les espèces domestiques les plus utiles. Les Jumentés doivent être partagés en quatre familles, savoir : les Equidés, les Tapiridés. les Rhinocéridés et les Hyracidés. FAMILLE des ÉQUIDÉS Le Cheval, et quelques espèces de Mammifères fort semblables par l'ensemble de leurs caractères, telles que l'Ane, le Zèbre, etc., se distinguent nettement de tous les autres Animaux ongulés, parce qu'ils n'ont qu'un seul doigt, et, par suite, qu'un seul sabot à chacun des pieds, ce qui leur a fait donner le nom, d'ailleurs assez impropre, de Solipèdes. Cependant certains auteurs ont pensé que ce doigt, en apparence unique des Solipèdes, était formé par la soudure intime de deux autres qui restent , au contraire , indépendants et distincts dans tous les autres Animaux. Ces deux doigts répondraient aux troisième et au quatrième des Mammifères ordinaires, et, par suite, à ceux qui forment la fourche des Ru- minants. Cette manière de voir ne nous paraît pas admissible , mais il n'en est pas moins facile de retrouver dans le pied du Cheval, dont les vétérinaires ont donné des descriptions si exactes et si utiles, la trace des trois doigts principaux qui caractérisent habituellement les Jumentés vivants et fossiles. De chaque côté de la face latérale de chacun des métatarsiens ou métacarpiens, c'est-à-dire de chaque côté de ce qu'on appelle les canons, il existe une tige osseuse d'apparence styloïde. Ces tiges osseuses ou stylets , que les vétérinaires nommaient autrefois, mais à tort, des péronés, sont les métacarpiens et les métatarsiens latéraux; elles ne portent pas de doigts dans le Cheval ni dans les autres espèces actuelles du même genre (1), mais on connaît des Équidés fossiles chez lesquels chacune d'elles était terminée , aux pieds de derrière comme à ceux de devant, par un doigt, de telle sorte que les pieds de ces anciens Équidés avaient trois doigts complets comme ceux des Rhinocéros et des Jumentés fossiles auxquels on a donné le nom de Paléothériums. Les Équidés à trois doigts sont les Hipparions ou hippothériums , dont les restes sont communs dans certains lieux, en Europe et dans l'Inde. Ainsi, le nom de Solipèdes, en lui attribuant la signification d'Animal à un seul doigt, exprime plutôt l'apparence que la réalité quant aux pieds des Chevaux, des Anes et des Zèbres, et il est tout à fait impropre en ce qui concerne le pied de certaines espèces antédilu- (1) On montrait dernièrement dans les foires du midi de la France un Cheval monstrueux ayant à chaque pied une paire d'onglons supplémentaires placés de chaque coté du sabot, ce qui le faisait paraître tridactyle. FAMILLE DES ÉQUIDÉS. 139 viennes qu'il convient cependant de placer dans la même famille que nos Chevaux , bien que ceux-ci n'aient à chaque pied qu'un seul doigt complet. G'est là une des raisons qui nous ont engagé à préférer le nom d'Équidés à celui de Soli- pèdes, et à ne point séparer ces Animaux des Rhinocéros , des Damans et des genres fossiles à doigts également non bisul- ques et en nombre impair dont nous avons déjà cité les noms. Les Équidés ont d'ailleurs l'as- , A AsTitUi.uj; !) r Cn i:\.\i. k r ih il h t nockivos , 1/2 do frrnnil. tragalo établi sur le même mo- dèle que les Rhinocéros et les Tapirs, quoique plus oblique dans sa poulie, et leur fémur montre de même la saillie connue chez les Rhinocéros, les Paléothériums , etc., sous le nom de troisième trochanter. Les caractères particuliers des Équidés , considérés comme famille , consistent dans quel- ques dispositions spéciales de leur squelette ; dans la forme extérieure de la tête , qui diffère à la fois de celle des Rhinocéros, des Damans et des Tapirs, pour ressembler à celle du Cheval ordinaire ; dans la beauté des proportions qui distinguent leurs espèces , et dans le pelage habituellement lisse et couché dont tout leur corps est recouvert. Les Équidés sont des Animaux herbivores et granivores ayant l'estomac simple , le canal intestinal long, le cœcum ample. On sait qu'il leur est impossible de vomir leurs aliments, ce qui tient, comme l'a reconnu M. Magendie, à la conformation particulière de leur diaphragme. Ces Animaux, dont le Cheval et l'Ane sont les deux espèces les plus connues et les plus utiles , ont des habitudes sociables. A l'état de liberté , ils vivent réunis par bandes considé- rables sous la conduite des vieux mâles. Quoique dépourvus de la corne nasale qui fournit aux Rhinocéros une arme puissante , et malgré la moindre épaisseur de leur derme , ils savent résister à leurs ennemis. Les morsures qu'ils font avec leurs incisives et les ruades qu'ils lancent avec leurs pieds de derrière sont toujours redoutables ; ils sont d'ailleurs très-agiles , et la rapidité de leur course leur permet habituellement d'échapper au danger. Comme les autres ongulés , les jeunes chevaux sont déjà assez forts pour suivre leur mère lorsqu'ils viennent au monde. Il n'y en a qu'un pour chaque portée. Les Équidés ont pour formule dentaire : £ incisives, { canines et \ molaires, dont la première paire est toujours plus ou moins rudi- inentaire, les autres étant fortes et à peu près égales entre elles. Leurs molaires sont séparées des dents situées plus en avant par un intervalle vide auquel on donne le nom de barre ; la couche émailleuse y est enduite d'une certaine quantité de cette matière osseuse à laquelle on donne le nom de cément, aussi ne voit-on point à leur surface des excavations d'émail ana- logues à celles que présentent les molaires des Rhinocéros. Les molaires de la première paire sont habituellement caduques, ce qui réduit les dents de cette sorte à f . Les incisives des Chevaux ont, au contraire, une cavité à leur couronne , et c'est à l'inté- grité ou au contraire au degré plus ou moins avancé de l'usure de cette cavité que l'on reconnaît l'âge de ces Animaux. C'est à quinze jours que les incisives de lait commencent à pousser; à deux ans et demi que les mitoyennes sont remplacées; à trois ans et demi tes deux suivantes; à quatre ans et demi les deux latérales appelées coins. Toutes ces dents ont la cou- ronne d'abord creuse, mais la fossette qu'on y voit s'use m fur et à mesure de la détrition , et elle finit par disparaître entièrement à sept ans et demi ou huit ans : alors 1 on dit que le Cheval ne marque plus. Les figures que nous en donnons dans notre Atlas feront bien com- prendre les indications que l'on tire de cet examen. 140 ORDRE DES JUMENTÉS, Les canines sont situées au milieu de la barre; elles sont médiocres et reçoivent le nom do crochets ; les femelles on manquent habituellement, La famille des Équidés n'est représentée dans la nature actuelle que par quelques espèces du genre Equus, et ces espèces sont exclusivement propres à l'ancien continent, principale- ment à l'Afrique et à l'Asie. L'état plus ou moins complet de domesticité dans lequel sont retenus les Chevaux proprement dits et le manque presque absolu de documents histo- riques à leui; égard ne permettent pas de décider s'ils descendent de la même espèce que les Chevaux qui ont autrefois existé en l'Europe et dont les nombreux débris sont enfouis dans les couches diluviennes, dans les cavernes, etc., ou bien s'ils constituent une espèce à part que l'Homme aurait prise à l'Asie. Il est, au contraire, établi par des documents his- toriques que les Chevaux de l'Amérique , dont les bandes sont maintenant si nombreuses , ne sont autres que les descendants des Chevaux transportés par les Européens dans le Nouveau- Monde , et cela depuis la fin du quinzième siècle; il en est de même des Chevaux de l'Aus- tralie. Quelques auteurs soutiennent également que les Chevaux sauvages de la ïartarie proviennent également de Chevaux autrefois domestiques dans les même contrées. Au con-^ traire, les ânes sauvages de l'Asie sont souvent regardés comme ayant fourni tous les ânes domestiques. On recueille dans certains terrains fossilifères des deux Amériques des restes iossdes do Chevaux qui ont habité le Nouveau-Monde avant que l'Homme ne s'y fût établi; leurs espèces étaient différentes de celles des Équidés actuels. Rien de semblable n'a été constaté pour la Nouvelle-Hollande , dont les anciens Animaux n'étaient pas moins différents des nôtres que ceux qui en constituent la population actuellement vivante. GENRE ÉQUUS {Equus, Linné). Les Équus comprennent les espèces récentes de la famille des Équidés et celles, connues à l'état fossile, qui s'en rapprochent le plus. Celles-ci paraissent avoir vécu, pour la plupart du moins, à une époque moins éloignée de la nôtre i. Cheval arabe. 2. Ponky des Shetland. 3. Cheval anglais PL.XLV . CHKWM, AXCL t/S FAMILLE DES ÉQUIDÉS, 141 que les Hipparions ou Équidés à trois doigts. Les caractères principaux de ce genre consis- tent dans ses pieds monodactyles; dans la petitesse de sa fausse molaire supérieure et dans la disposition particulière des autres molaires de la même mâchoire, dont le lobe interne est réuni par un étranglement au reste de l'enveloppe d'émail qui entoure le fût de la dont, tandis que chez les Hipparions le même lobe reste isolé et conserve l'apparence d'un cercle complètement distinct, ce qui l'a fait comparer à une île, et celui des Équus à une presqu'île. Les molaires de ces Animaux étant enve- loppées de cément, la disposition que nous venons d'indiquer ne se voit bien que lorsque l'usure des dents en a entamé la couronne. Les quadrupèdes de ce genre ont le cer- veau bien développé et pourvu de nom- breuscs circonvolutions. Ils sont intelligents et vivent par troupes , plus ou moins nom- breuses, sous la conduite des mâles les plus forts et les plus courageux. Les diverses espèces du genre Equus reçoivent aussi le nom de Cheval , quoique ce nom appartienne à Tune d'entre elles seulement. On peut les distinguer, en tenant compte de la longueur de leur queue et des différences de coloration que présente leur robe, en trois sections : les Chevaux, dont le pelage est uniforme ; les Anes, qui ont le dos barré ou croisé, et les Zèbres, dont tout le corps est marqué de bandes brunes. Ceux-ci sont essentiellement africains ; les autres paraissent être à la fois originaires du nord-est de l'Afrique, de l'Europe (en tenant compte des Chevaux et des Anes fossiles dans ce continent) et d'une partie de l'Asie. Les Anes et les Zèbres ont la queue plus longue que les Chevaux ; mais chez ceux-ci elle porte des crins plus allongés. La taille n'est pas également grande chez les différents Animaux du genre Equus, mais elle est tellement variable dans l'espèce du Cheval qu'il est difficile de se fier aux caractères qu'elle fournit. Le squelette des Equus n'offre, au contraire, que d'assez faibles différences. On peut cependant, comme l'ont fait plusieurs auteurs récents, se fier à ses indications pour en établir exactement la diagnose, et c'est à tort, par exemple, que l'on signale souvent l'Ane et le Cheval comme étant absolument semblables sous le rapport ostéologique. L'étude anatomique du Cheval offre autant d'intérêt au vétérinaire qu'à l'artiste ou au savant, mais nous ne saurions nous y arrêter plus longuement, et il nous est également im- possible d'exposer ici les admirables détails de la conformation intérieure et extérieure du plus accompli des Animaux quadrupèdes. L'analyse des diverses parties qui concourent à la formation de son pied comporterait à elle seule de longues et minutieuses descriptions, et le seul examen de ses parties extérieures se prêterait à des détails non moins étendus (l). Equus Cheval {Equus CabaUus). La première et en même temps la plus précieuse des Cf. \\\ i- u du Cn r v \ i (1) Parmi les nombreux ailleurs qui en traitent, nous citerons: Pkrriek (de Bergerac), Des moyens (l'avoir les meilleurs Chevaux, et A. Hichaiid (du Cantal), De la conformation du Cheval, 142 ORDRE DES JUMENTÉS. espèces de ce beau genre est le Cheval, cet Animal, à la fois si fougueux ou si patient, si courageux et pourtant si obéissant au maître qui l'a dompté , doué de si nobles allures ou au contraire si humble dans sa démarche suivant les races auxquelles il appartient , et qui depuis un temps si reculé est associé aux différentes civilisations, chez les nations européennes comme chez les principaux peuples de l'Afrique ou de l'Asie. Le Cheval est, sans contredit, le plus parfait de tous les Animaux à démarche quadrupède ; et, quelque habitués que nous soyons à la pureté de ses formes ainsi qu'à la multiplicité de ses services, nous ne cessons pas de les admirer encore chaque fois que l'occasion s'en présente. Aussi l'étude, soit anatomique , soit purement extérieure de cette noble espèce, nous offre-t-elle un attrait tout particulier, jusque dans ses moindres détails , et s'il nous est permis d'en faire une exacte comparaison avec les Animaux de la môme classe qui s'en rapprochent le plus , nous ne tardons pas à apprécier le soin merveilleux que la nature a mis à disposer toutes les parties du Cheval , et à modifier chacune d'elles , afin d'assurer les excellentes qualités soit physiques, soit morales, qui distinguent ce magnifique Animal, et qui le rendent préférable à tous les autres, si supérieur même à ses propres congénères. Mais il en est de l'histoire du Cheval comme de celle de l'espèce humaine et des principales races domestiques. Quoiqu'elle ait été le sujet des travaux^les plus consciencieux et les plus multipliés, elle est encore bien loin d'être achevée, et dans la plupart des ouvrages qui lui ont été consacrés on a presque géné- ralement négligé de faire ressortir les traits distinctifs du Cheval , par une exacte comparaison de son espèce avec celles qui rentrent avec lui dans l'ordre naturel des Jumentés. Nous avons dit plus haut quels sont les caractères par lesquels le Cheval diffère non-seule- ment des autres Pachydermes du même groupe, aujourd'hui répandus sur le globe, mais aussi comment il est facile de le distinguer de certaines espèces éteintes qui rentrent avec lui dans la famille des Equidés , et dont l'existence dans nos contrées est bien antérieure à la sienne. Comme espèce, le Cheval est surtout caractérisé par la perfection habituelle de ses formes, par l'harmonie de ses proportions , par le développement peu considérable et par la position à la fois gracieuse et redressée de ses oreilles; par les poils longs et flottants de sa crinière cervicale dont les premières mèches passent entre les deux oreilles pour tomber élégamment en avant sur son front qui est plat et en losange ; par la couleur en général uniforme et sans zébrures de sa robe; par la présence de châtaignes ou plaques cornées à ses quatre extrémités: sur le radius pour celles de devant , et sur le tarse pour celles de derrière , et enfin par sa queue, qui est courte, bien musclée et garnie sur toute sa surface de longs poils ou crins qui tombent sur les membres postérieurs et servent à l'Animal pour chasser les mouches qui l'inquiètent. Dans son Histoire des quadrupèdes, Buffon, qui tient compte avant tout de l'utilité que nous tirons des Animaux , a placé le Cheval à la tête de tous les autres. Il nous en a laissé un portrait que tout le monde a admiré et qui rappelle , par la vigueur et la poésie des expres- sions, les versets du livre de Job (1) oii Jehovah parle de cette brillante espèce. « La plus noble conquête que l'Homme ait jamais faite est , dit Buffon , celle de ce fier et fougueux Animal , qui partage avec lui les fatigues de la guerre et la gloire des combats : aussi intrépide que son maître, le Cheval voit le péril et l'affronte; il se fait au bruit des armes, il l'aime, il le cherche et s'anime de la même ardeur; il partage aussi ses plaisirs à la chasse, aux tournois, à la course; il brille, il étincelle; mais, docile autant que courageux, il ne se laisse point emporter à son feu ; il sait réprimer ses mouvements ; non-seulement il fléchit sous la main de celui qui le guide, mais il semble consulter ses désirs, obéissant toujours aux impressions qu'il en reçoit, il se précipite, se modère ou s'arrête, et n'agit que pour y satisfaire; c'est une créature qui renonce à son être pour n'exister que par la la volonté d'un autre, qui sait même la prévenir; qui, par la promptitude et la précision de (1) Job, ch. xxxix, v. 19 à 25. PL.XIA1. (//ETAL I>i;/ï( V/tf/tO V / , ; PL. VIA II. ( /IKVAL UJIOI SIX FAMILLE DES ÉOUIDÉS. 113 ses mouvements, l'exprime et l'exécute; qui sent autant qu'on le désire et ne rend qu'autant qu'on le veut; qui, se livrant sans réserve, ne se refuse à rien, sert de toutes ses forces, s'excède et même meurt pour mieux obéir. » Buffon ajoute : « Voilà le Cheval dont les talents sont développés, dont l'art a perfectionné les qualités naturelles, qui, dès le premier âge, a été soigné et ensuite exercé, dressé au service de l'Homme. » Linné, dans le style souvent biblique de ses définitions, a également exprimé avec un rare bonheur, quoiqu'avec plus de simplicité, quelques-unes des qualités distinctives du Cheval lorsqu'il dit de lui : «Animal herbivorum, rarissime carnivorum, generosum, surperbum, fortissimum in currendo, portando, tiahendo ; aplissimum equitando; cursu furens; silvis delectatur; hinnitu sociam voeat; calcitrando pugiiat, etc. » Quoiqu'il y ait en Amérique des traces incontestables de l'ancienne existence des Chevaux aux époques oii les Éléphants, les Mastodontes et tant de grands Édentés foulaient le sol de ce double continent, c'est dans les parties du globe qui forment par leur réunion l'ancien monde qu'il est convenable de placer la patrie de nos Chevaux domestiques ; car il est hors de doute que la présence de ces derniers dans les deux Amériques n'est pas antérieure à la con- quête de ces régions par les Européens, et c'est à une date moins ancienne encore qu'ils ont été introduits en Australie; mais en est-il des Chevaux fossiles dont les débris sont si abondants en Europe et des Chevaux actuels des pays européens , comme de ceux de l'Amérique : c'est ce que les naturalistes ne sauraient établir encore , bien qu'en général ils répondent affirma- tivement à cette difficile question. Si leur opinion était fondée on devrait admettre que l'espèce véritable du Cheval ou quelques espèces très -peu différentes de celle-ci, et qu'il n'est pas tou- jours facile d'en distinguer, ont été anéanties en Europe et dans le nord de l'Afrique antérieu- rement à l'apparition de l'Homme dans ces contrées, et que les Chevaux domestiques n'y ont été amenés que plus tard , conduits par ces innombrables peuplades qui ont autrefois quitté l'Asie ou l'Europe orientale pour s'établir en occident. Le Bo3uf , qui paraît ne pas avoir été trouvé en Europe dans des conditions de fossilisation aussi anciennes que le Cheval , serait aussi, dans cette manière de voir, une espèce de provenance asiatique , et il en serait de même du Mouton, de la Chèvre, du Porc et de plusieurs autres. Cependant il n'est pas démontré que les choses se soient réellement passées ainsi , et le peu que l'histoire nous apprend au sujet du Cheval laisse subsister tous les doutes. Il y avait parmi les Chevaux fossiles plusieurs espèces, et, dans celle qui se rapproche le plus du Cheval actuel, diverses races caractérisées par des différences de taille et de proportion assez comparables à celles que nous observons aujourd'hui parmi les Chevaux domestiques; des squelettes de ces anciens Animaux nous montrent les lourdes formes des Chevaux alsaciens ou boulonnais, ce qui semble les rapprocher beaucoup des Chevaux qu'employaient les guerriers du moyen âge, et dont ils nous parlent sous le nom de palefrois et de destriers; d'autres ont l'ossature fine des Chevaux arabes, dont la race n'a cependant commencé à se répandre dans le nord-ouest de l'Europe qu'au retour des croisades , et il y en a qui sont au contraire assez petits pour rappeler les Chevaux nains des Shetlands, de l'île d'Ouessan et de la Corse, ce qui a même fait proposer de les considérer comme étant d'une espèce à part, à laquelle on a donné le nom d'Eqims minutus. Comme il est impossible de démontrer les liens de parenté qui rattachent sans doute les Chevaux actuels u ceux qui ont laissé leurs os dans les couches diluviennes, dans les cavernes, etc., on ne saurait assurer que l'Europe n'a pas été pendant un certain temps privée d'Animaux de ce genre, après en avoir nourri en plus grande abondance encore que de nos jours. Il est cependant certain que la domination du Cheval par l'Homme remonte jusqu'aux premières sociétés, et si le temps ou la civilisation en ont perfectionné les conditions, ce qui se passe sous nos yeux en Amérique et en Tartarie nous montre avec quelle facilité les premiers Chevaux rendus domestiques ont dû passer au service de notre espèce, dont ils ont tou- 144 ORDRE DES JUMENTÛS. jours été l'une des richesses les plus précieuses. Nous voyons en effet chaque jour l'Homme soumettre les Chevaux libres qui vivent dans les régions désertes, tandis que des Chevaux domestiques lui échappent pour reprendre leur liberté et peuplent bientôt des contrées entières de leurs troupes innombrables, dont nous tirons chaque jour de nouvelles montures. Non- seulement les anciens ont eu comme les modernes des Chevaux qu'ils prenaient ainsi dans les haras naturels que la nature leur offrait, mais ils ont institué do véritables haras plus ou moins semblables aux nôtres, et qui ont donné lieu dans ces époques reculées à un commerce très-important. • , , . Homère parle dans l'Iliade des nombreux haras possédés par Priam, et il attribue a hrich- tonius, l'un des ancêtres du dernier roi troyen, trois mille juments et pareil nombre de magnifiques poulains. Les bas-reliefs des monuments assyriens peuvent nous donner une idée de la beauté des anciens Chevaux de l'Asie Mineure , et nous voyons par les peintures de l'an- tique Egypte, qu'il y en avait aussi de fort beaux dans la vallée du Nil. Ce furent sans doute ces Chevaux de l'Asie Mineure et de l'Egypte qui furent employés avec le plus de succès par les Crocs , puisque les magnifiques débris des statues du Parthénon démontrent qu'à l'époque de Périclès les Athéniens possédaient des Chevaux fort élégants, et que nous savons par divers auteurs qu'on tirait de la Cappadoce et des pays voisins ceux qui couraient dans les jeux olvmpiens. La légende de Neptune donnant le Cheval à Athènes, tandis que Minerve lui pro- cure l'olivier, doit faire admettre aussi que ce précieux quadrupède avait une origine étrangère à la Grèce, puisqu'il était venu par le soin du dieu des eaux. On sait en effet que de nos jours encore les peuples donnent habituellement l'épithète de marins aux Animaux ou aux produits de toute sorte que leur apporte la navigation. Les rois de la côte do l'Asie Mineure se livraient d'ailleurs avec une grande activité au commerce des Chevaux et ils contribuèrent a répandre la belle race que nous appelons race arabe. Anciennement l'Arménie fournissait aussi des Che- vaux et des mules aux princes commerçants de Tyr et de Sydon, et la Perse se livrait avec succès à la même industrie. Cvrus avait réuni dans ses haras, sans doute en vue des grandes expéditions qu'il se proposait, 800 étalons et 16,000 juments, et les Chevaux de race persane sont encore aujourd'hui des Chevaux fort estimés. Les Numides, dont les Chevaux perfection- nèrent plus tard et à diverses époques ceux de l'Espagne et de plusieurs contrées de l'Europe méridionale, comme ils l'avaient sans doute été par ceux apportés de l'Asie Mineure, étaient également célèbres par leur beauté et par leur rapidité. Il y avait alors comme aujourd'hui, dans les pays civilisés qui entouraient la Méditerranée, des Chevaux do selle et des Chevaux de trait, mais ces derniers étaient les plus répandus, parce qu'on se servait plus souvent des chariots dans les combats que de la cavalerie proprement dite. On dit (]ue l'art de monter le Cheval fut inventé par les Scythes, aujourd'hui les Tartares. et que, lorsqu'ils vinrent en Thraco, les Grecs en furent si effrayés, qu'ils crurent que l'Homme et l'Animal ne formaient qu'un seul corps, et l'on assure mémo que c'est là l'origine de la fable des centaures. On sait d'ailleurs que les Mexicains eurent les mêmes craintes et com- mirent la même méprise lorsqu'ils virent pour la première fois les cavaliers espagnols que Cortez lança contre eux. Les Hébreux n'eurent des Chevaux que vers l'époque de David et de Salomon. Abraham. Isaac, Jacob possédaient des Anes dont il est question dans rénumération de leurs richesses, avec les Chameaux et les Moutons, mais ils ne paraissent pas avoir élevé de Chevaux, m même s'être soucié de ces Animaux. A l'époque de Moïse les israélites ne s'en servaient point, même dans les combats , et le législateur leur recommande, lorsqu'ils se rendront à la guerre, de n'avoir point peur des Chevaux ni des chariots de leurs ennemis , mais de placer leur confiance dans le dieu d'Israël : cependant il n'en fut pas toujours ainsi, et le Livre des Rois nous parle déjà de Yécuycr de Jonathas; il rapporte aussi que David, vainqueur d'Adarézar, lilsde Rohoh, roi de Soba, sur l'Euphrate, lui prit 1,700 cavaliers, mais qu'il coupa les nerfs des jambes à toits les Chevaux des chariots et n'en réserva que pour 100 chariots. FAMILLE DES ÉQLIDÉS. 145 Bientôt après, l'observation des anciennes lois dut se relâcher encore en présence des nou- veaux besoins d'une civilisation que ses rapports avec des peuples éclairés avait sensiblement perfectionnée ; aussi lisons-nous ailleurs dans le Livre des Rois , chapitre IV, verset 26 : . « Salomon avait 40,000 Chevaux pour les chariots , et 12,000 Chevaux de selle. » Et chapitre VU I , verset 26 : (( Salomon rassembla un grand nombre de chariots et de gens de Cheval ; il eut 1 ,400 chariots, 12,000 hommes de cavalerie, et il les distribua dans les villes fortes et en retint une partie pour être près de sa personne dans Jérusalem. » Le même livre nous dit la provenance de ces Chevaux et même leur valeur. Ils venaient en partie de l'Egypte et de Coa, d'oii on les amenait à un prix arrêté. Un attelage de quatre Chevaux d'Egypte coûtait à Salomon six sicles d'argent et un Cheval (sans doute un étalon) cent cinquante (1) : « et tous les rois des Hétéens et de Syrie lui vendaient aussi des Chevaux. » Ibidem , v. 29. Le Livre de Job, que nous avons déjà cité, nous montre que les anciens Arabes s'occu- paient du Cheval , mais on ne doit pas en conclure que toute la grande presqu'île asiatique à laquelle r nous donnons aujourd'hui le nom d'Arabie ait possédé naturellement cette utile espèce. Strabon dit que de son temps elle n'existait pas dans l'Arabie du Sud , comprenant une grande partie de l'Arabie heureuse, et quoique les conquêtes des Arabes modernes aient été rendues plus faciles par les excellents coursiers dont leur cavalerie s'enrichit successive- ment; ils n'avaient d'abord qu'un petit nombre de Chevaux. L'histoire rapporte même que le Prophète n'en avait que deux dans son armée lorsqu'il marcha sur la Mecque pour tirer ven- geance de ses ennemis, et sur la liste du butin dont il s'empara on voit figurer des Chameaux, des Moutons, de l'argent, des Hommes captifs, mais point encore de Chevaux. Nous n'avons que des renseignements tout à fait incomplets sur les Chevaux sauvages qui ont existé dans l'antiquité; il est même difficile de dire si ceux dont on parle n'étaient pas, comme cela a lieu pour l'Amérique actuelle, des individus domestiques redevenus libres par suite de quelque circonstance. Ainsi le Cheval réellement sauvage n'existe aujourd'hui nulle part , et il nous est encore aussi impossible d'en retrouver les traces dans les premiers temps historiques que de dire avec précision où ont vécu les premiers Bœufs, les premières Chèvres, les premiers Moutons, les premiers Porcs ou les premiers Chiens. De nos jours il y a des Chevaux libres, non-seulement en Amérique, oit ils sont devenus assez nombreux pour former dans certaines contrées des troupes de plus de 10,000 individus, mais aussi dans quelques parties de l'Afrique, du moins on l'assure, et très-positivement en Asie, depuis les environs de la mer Caspienne jusque dans le nord de la Chine. Ces chevaux errants reçoivent des Tartares le nom de Tarpans; chacune de leurs bandes vit sous la con- duite d'un chef qui est habituellement le maie le plus vigoureux. En général, ils peuvent être facilement domptés : on assure même qu'aux environs du Caucase ils descendent très-proba- blement des Chevaux qui furent abandonnés, en 1658, parce que, lors du siège ci'Azoph, on manqua de fourrage pour les nourrir. En Amérique, ils ont le même genre de vie et ils se soumettent avec une égale facilité. Pour les prendre, les Espagnols, ou même les Indiens, chassent habituellement toute une troupe, et ils la font entrer dans un enclos appelé coral; alors un cavalier vient dans l'enclos, et, au moyen du lasso ou lacet, composé de longues lanières souvent terminées par des plombs, il cherche à s'emparer des plus beaux Chevaux qu'il aperçoit en les retenant par le cou au moyen de ses liens ou de quelque nœud coulant ; d'autres hommes arrivent à son aide et retiennent attachés par les membres les Chevaux capturés , jusqu'à ce que d'habiles cavaliers les prennent, et après les avoir montés leur fassent faire au galop, et malgré leur vive résis- tance, une grande course. Ensuite ils les ramènent au coral, eUes Chevaux sont alors domptés; (1) Ou 7,7 1G francs de notre monnaie. II e PARTIE. lo 146 ORDRE DES JUMENTÉS. on peut les laisser avec ceux qui sont déjà domestiques, car ils deviennent obéissants et ne cherchent plus à s'enfuir. Au contraire, les vieux Chevaux sauvages sont presque tous in- domptables, et on ne les recherche ni pour les dresser ni pour tirer parti de leur chair. Il y a peu de différence entre ces Chevaux pris à l'état sauvage et ceux que l'on élève dans une demi liberté, en quelques parties de l'Europe et de l'Amérique, dans les haras appelés haras sauvages. Ceux de l'Europe se voient surtout en Russie, en Pologne et dans le midi de la France, soit en Camargue, soit dans les landes de Bordeaux. Nous dirons seulement quelques mots de ceux de la Camargue, dont on a peut-être exagéré la valeur. En effet, il existe dans les plaines arides et en partie marécageuses de la Camargue, et dans quelques lieux analogues, formant une grande partie de la lisière maritime des départements du Gard, de l'Hérault et de l'Aude, des Chevaux qui vivent dans un état presque complet de liberté; ils forment une race assez distincte qu'on appelle la race Camargue. Les jeunes sont noirâtres et à poils assez longs ; le poil des adultes est court et uniformément blanc dans le plus grand nombre de sujets. La taille de ces Chevaux est de 4 pieds 3 pouces à 4 pieds 6 pouces. Leur front est carré, leur chanfrein droit et leur tête assez forte; leurs membres, bien conformés, ont les paturons courts. Ces chevaux, que l'on emploie assez souvent dans le Midi pour les travaux de la campagne ou même pour la selle, ont cle la vigueur et de la sobriété. Dans les lieux déserts où l'on en conserve la race, ils vivent par petites troupes, et ce n'est qu'à l'époque de la moisson que l'on se sert de ceux dont on n'a pas fait l'éducation. On les amène sur les aires et on les fait marcher sur les gerbes qu'on y a placées , de manière à détacher le blé des épis. Ce travail de dépicage terminé , on les lâche de nouveau dans les espaces incultes qui entourent les marais salants, ou les carex et quelques autres plantes gros- sières constituent essentiellement leur nourriture. Il n'est pas douteux que ces espèces de haras naturels ne soient susceptibles d'être rendus plus productifs. Les Chevaux camargues ont le poil plus long en hiver qu'en été, ce qui leur permet de résister plus aisément au froid; on suppose qu'ils ont été abandonnés dans ces localités par les Sarrasins lorsque ceux-ci furent chassés du midi de la France. Suivant les qualités de leur race, les Chevaux sont très-diversement employés : il y a des Chevaux pour la selle, et dans la cavalerie ceux des différentes armes sont également diffé- rents. Le service de l'artillerie exige aussi une race particulière de Chevaux. Ceux des attelages élégants , ceux des Postes , ceux des Messageries , doivent aussi avoir leurs qualités propres ; et la charrue, chaque genre de charrois, le service de la ferme, etc. , comportent aussi des différences semblables. Les plus petits Chevaux , tels que ceux des Shetland , d'Ouessan , de la Corse, etc., ont chacun leur emploi comme les plus gros Chevaux dits boulonnais, alsa- ciens ou flamands, que l'on connaît aussi sous la dénomination de Chevaux de brasseurs ; enfin les Chevaux étrangers montrent encore des aptitudes spéciales comme nous le voyons par ceux du nord de l'Europe, de l'Afrique, en particulier du Maroc, de l'Arabie et de l'Asie, soit en Tartane, ou en Chine, ainsi que des deux Amériques. En Afrique et en Asie on se sert aussi de Chevaux dans les caravanes. M. Maurice Wagner, qui a eu l'occasion de les étudier entre Erzeroum et Tauris, a publié, à leur égard , quelques faits fort curieux qui nous montrent la grande analogie qui subsiste entre ces Chevaux do- mestiques et ceux qui vivent en liberté. Quoique très-enclins à la sociabilité, ils ne peuvent souffrir les Chevaux qui sont étrangers à leurs propres troupes, et, en général, ils n'ob- servent pas la moindre tolérance à l'égard de leurs confrères des autres caravanes; ils les poursuivent de leur haine. Lorsque deux caravanes campent par hasard dans le voisinage l'une de l'autre, les Chevaux qui paissent alors dans les prairies voisines se regardent d'un œil inquiet, dressent les oreilles, hennissent et trahissent bientôt l'envie qu'ils ont d'en venir a une bataille. Ce sont surtout les jeunes Chevaux et les Poulains vifs et ardents qui mani- festent ces sentiments belliqueux, et souvent ils finissent par entraîner les autres. Dans cette occasion, ils oublient totalement les règles du devoir, et la discipline sévère à laquelle on les c-VHtov d'Afrique» PL.W'XU. I) AllilOlK •// fi'// /t FAMILLE DES ÉQUIDÉS. 147 accoutume dans ces sortes de voyages est entièrement méconnue. Un hennissement sonore appelle les plus ardents au combat, et dans l'autre camp un pareil hennissement donne aus- sitôt le signal de la défense. Les Chevaux dos deux caravanes se précipitent les uns contre les autres, écumant de rage et les naseaux frémissants; chacun cherche à saisir son adversaire dans lès flancs. Pendant ce temps, ceux qui n'ont pas pris part à la lutte se rangent en cercle et observent. 11 faut que les guides accourent et fassent siffler les lanières de leurs fouets pour rétablir l'ordre. Quand deux caravaues se rencontrent en marche, cette rivalité n'a pas lieu. Les Chevaux n'osent pas troubler l'ordre des convois; cependant quelques hennissements, et la manière dont ils dressent leurs oreilles trahissent presque toujours leurs sentiments belliqueux. La population chevaline augmente proportionnellement à la population humaine; mais, suivant les pays, elle est avec cette dernière dans un rapport variable. Le Danemark comp- tait, en 1818, 45 chevaux pour 100 habitants ; on 1825, le Hanovre en comptait 13 pour 100; la Suède, en'l832, 12 ±; la Suisse, en 1827, 12 pour 100; la Hollande, en 1806, 13; la Prusse, en 1843, 10i;"le royaume de Naples, en 1835, 10; l'Ecosse, en 1831, 10 égale- ment; la France ne vient qu'à la suite, relativement parlant : le rapport entre les habitants et les Chevaux est de 8 pour 100; mais, ainsi qu'il résulte d'un rapport fait, en 1848, par le général de Lamoricière , au nom du Conseil supérieur des Haras, elle a au-dessous d'elle la Toscane, l'Angleterre, le Wurtemberg, la Pologne, la Belgique, l'Irlande, la Saxe, Bade, la Sardaign'e, lesProvinces rhénanes, l'empire d'Autriche, la Bohême, la Hongrie, le Piémont, le royaume lombardo- vénitien , la Sicile et l'Espagne. Notre population chevaline dépasse de § celle de l'Angleterre, et à peu près du double celle de l'Autriche; on l'évalue au nombre total de 3,000,000, ce qui donne un chiffre brut supé- rieur à celui des autres États européens, sans en excepter la Prusse qui ne comptait, en 1843, que 1,564,000 Chevaux. En 1816, l'Autriche n'en avait que 1,200,000, et l'Angleterre 900,000 en 1823. La richesse chevaline de la Bussie n'est pas connue. Quoi qu'il en soit, la France est encore obligée d'acheter annuellement à l'étranger une grande quantité de Chevaux, principalement de Chevaux à deux fins, c'est-à-dire pouvant servir pour le carrosse et dans la cavalerie. Cette situation est loin d'être nouvelle, et quoique les tentatives faites par l'administration publique pour y remédier remontent à Louis XIII, et que ces tentatives aient été suivies par tous les Gouvernements qui se sont succédé depujs lors il n'a pas encore été possible de s'y soustraire. Les haras nationaux, les dépôts d'éta- lons ont cependant rendu de grands services, et leur action sur l'amélioration du Cheval, dans' certaines parties du territoire, est déjà incontestable, grâce aux soins apportés dans le choix des individus producteurs. Indépendamment des excellentes qualités que nous lui reconnaissons de son vivant, le Cheval peut après sa mort, fournir encore diverses substances utiles. La peau, la corne de ses pieds, les crins de sa queue ou de son cou, ses tendons qui servent à faire de la colle, ses os dont on retire du noir animal, et plusieurs autres de ses parties sont recueillies et employées avec fruit. On peut également citer son espèce parmi celles qui sont alimentaires. En effet, la chair du Cheval jeune et sain est un excellent manger, et celle du Cheval sauvage est encore préfé- rable; il y a dos pays où l'on mange cette dernière; d'autres, où l'on vend à la boucherie celle du Cheval domestique. En temps de guerre, on peut, à l'occasion, tirer bon parti d'un Cheval blessé que l'on abat ou de celui qui a été tué sur le coup ; en temps de famine, on a mangé du Cheva! même à Paris. Huzard, cité par Parent-Duchâtelet, dit qu'en 1793 les habitants de la capitale furent en partie nourris pendant près de trois mois avec de la viande de Cheval, et cela sans que l'on s'en aperçût. Quelques naturalistes se sont demandé comment cet ali- ment n'était pas devenu usuel, et ils en ont conclu qu'il nous restait, sous ce rapport, bien des progrès à faire. . Mais n'est-il pas convenable de leur objecter que la grande utilité du Cheval vivant justifie parfaitement l'habitude oh l'on est de ne pas l'abattre pour s'en nourrir. Et n'est-il pas prefe- 148 ORDRE DES JLMENTÉS. rable de mettre les Bœufs à l'engrais , au lieu d'y envoyer les Chevaux dont nous n'avons pas môme un nombre suffisant pour nos armées ou nos voitures , et qui d'ailleurs se prêteraient assez mal à ce genre d'exploitation. La spéculation, à laquelle on a songé ici, serait certaine- ment peu heureuse , et sans rappeler qu'aucun de ceux qui l'ont proposée aux autres ne l'a encore essayée, on peut faire remarquer qu'en Danemark et dans d'autres pays où l'on mange du Cheval , cet usage tend chaque jour à disparaître , à mesure que le placement des Chevaux vivants devient plus facile. A quelles fraudes , d'ailleurs , ne donnerait pas naissance la vente du Cheval comme aliment, et qui voudrait s'exposer, surtout dans les grandes villes, à se nourrir de la chair de tant de vieux serviteurs qui meurent à la peine, et que chacun regarde avec raison comme étant plus dignes de compassion que capables d'exciter même les plus robustes appétits. L'histoire du Cheval comporterait bien d'autres détails , mais il faudrait plus de place, pour la traiter d'une manière complète, qu'il ne nous en est accordé pour toute la classe des Mam- mifères, et nous devons, tout en reconnaissant combien ce qui précède est incomplet, terminer ici ce que nous avons à en dire. Nous ajouterons cependant quelques mots pour rappeler le classement des races et sous-races de Chevaux, tel que l'ont établi les vétérinaires. Les Chevaux peuvent être ramenés à deux types principaux : celui des Chevaux de selle et celui des Chevaux de traits. Le Cheval d'Asie Mineure , plus connu sous le nom de Cheval arabe , est le meilleur exemple que l'on puisse citer du premier type ; et le Cheval boulonnais le meilleur exemple du second. Les caractères du type arabe sont les suivants : taille moyenne , peau fine , pieds courts et soyeux, vaisseaux superficiels et apparents, formes fines, sveltes, sèches, anguleuses, quoique élégantes, tête carrée, encolure renversée, croupe saillante, ventre peu développé, extrémités longues, tendons bien détachés, sabots petits, lisses, très-durs. Les chevaux de ce type ont do la force , de l'ardeur, de l'intelligence et de la docilité ; ils sont aptes à supporter de longues abstinences, et courent avec une grande rapidité. On en rapproche les Chevaux persans, turcs, barbes, andaloux, hongrois , moldaves , anglais, limousins, navarins, auvergnats et normands , qui en possèdent le sang à des degrés divers. Les Chevaux tartares et quelques autres leur ressemblent à certains égards, mais sans en posséder toutes les qualités. Les caractères du type boulonnais sont les suivants : taille élevée, corps massif, peau épaisse, tête grosse, encolure rouée ou droite, crinière touffue, poitrail large, ventre volumineux, croupe large, avalée, double, extrémités fortes, sabots grands. Ces chevaux croissent rapide- ment, ont besoin d'une alimentation abondante, ont peu d'ardeur, mais beaucoup de force, sont peu intelligents , peuvent traîner d'énormes fardeaux , mais sont lourds à la course. On doit y rattacher les Chevaux danois, les mecklembourgeois, les anciens Chevaux d'Angleterre, les anciens napolitains, les frisons, et, en France, les normands-eotentins , ainsi que les bretons. Equus Hémione (Equus Hemionus). Les anciens, et en particulier Pline, ont fait mention de deux espèces d'Anes sauvages : l'une que Xénophon avait déjà signalée en Mésopotamie, c'est-à-dire dans la partie de la Turquie d'Asie qui est comprise entre l'Euphrate et le Tigre, recevait le nom d'Onagre ou Asinus sylvestris', l'autre était appelée Hemionos, c'est-à-dire demi-âne. Lorsque les naturalistes modernes se sont occupés, avec Pallas, des Animaux sauvages dans l'Inde et dans le Thibet, qui ont de l'analogie avec l'Ane domestique, mais qui n'ont qu'une bande longitudinale brune le long du dos , sans barre transversale sur les épaules, ils leur ont imposé également le nom à' Equus Hemionus, qu'ils vinssent du pays do Cutch, qui est situé auprès des bouches de l'Indus, ou bien du Thibet; cependant on a été conduit plus récemment à penser que les Animaux de ces deux localités étaient de deux espèces différentes. (PL XXIV.) L'espèce thibétaine répondrait seule au véritable Hemionos de Pallas, et même à celui de Pline; ce serait aussi Y Equus polyodon de M. Hodgson; elle est quelquefois désignée par pL.xwm. MU II / (' ' I) Al lîl<>\ 'K .,, ///,/ PL. XXXIV M:\ffO\K 'Or//,„.j , J{ r, A S ,>„„,, , 1M MVLVBAH 7 ;V */0*e FAMILLE DES ÉQU1DÉS. 149 un nom encore différent, celui de Kiang {Equus Kiang), rappelant la dénomination que lui donnent les Thibétains. L'espèce du pays de Cutch s'étend dans la vallée de l'Indus jusqu'au Punjab; elle remonte jusqu'en Perse et dans l'ancienne Mésopotamie. Ce serait le véritable Onagre de Xénophon et de Pline, et Y Equus Onager de Brisson et de Pallas; M. Gray l'appelle Asinus Onager. C'est cette dernière que l'on possède depuis quelques années dans plusieurs ménageries européennes, à Paris, à Londres et à Knowsley, sous le nom à'Hémione, et qui se reproduit facilement sous notre climat auquel elle s'est complètement habituée. Ce faux Hémione a le pelage ras et lustré; sa couleur est presque uniformément blanche pour les parties inférieures et internes, isabelle pour les parties supérieures et externes ; la crinière qui commence en avant des oreilles descend jusqu'au garrot ; elle est droite , courte et de couleur fauve noirâtre ; elle est continuée par une bande de même couleur qui vient se terminer en pointe sur le haut de la queue; celle- ci est de la même forme que celle de l'Ane, et les crins qui la terminent sont noirâtres. La taille et les proportions extérieures diffèrent peu de celles de l'Ane, mais l'ensemble rappelle à certains égards le Cheval, et les oreilles sont de grandeur intermédiaire. M. Is. Geoffroy a publié des détails sur les caractères de cette intéressante espèce dans les Archives du Muséum, et plus récemment M. de Quatrefages a fait connaître le jeune âge d'après des exemplaires nés à Paris. M. Dussumier, qui a donné à la Ménagerie les premiers Hémiones qu'elle ait possédés, rap- porte qu'à Bombay on se sert quelquefois des Animaux de cette espèce comme de Chevaux de selle ou de trait, et M. Is. Geoffroy les regarde comme très-susceptibles d'être employés avec avantage dans nos pays. Voici quelques-unes des indications publiées à cet égard par ce savant professeur : « Depuis que la Ménagerie du Muséum a pour la première fois réuni , grâce à deux envois de M. Dussumier, des individus des deux sexes propres à la reproduction, dix ans seulement se sont écoulés , et c'est un bien court espace de temps lorsqu'il s'agit d'une espèce qui , congénère du Cheval et de l'Ane , porte comme eux , un an environ , et dont lo . développement ne s'achève que dans la troisième année. De 1842 à 1849, nous avons néan- moins obtenu neuf produits, et si, des neuf poulains trois n'ont pu être élevés, les six autres sont parfaitement portants et ne le cèdent en rien aux individus nés dans l'état de nature. Dans ce moment même , on peut voir dans les parcs du Muséum trois femelles allaitant leurs petits; deux de ces femelles sont françaises.... Un de nos Hémiones surtout a été rendu docile au point de pouvoir être rapidement conduit, à grandes guides, de Versailles à Paris. » L'Equus ane (Equus asinus) est gris avec une bande longitudinale noirâtre, croisée sur sur les épaules par une ligne transversale de même couleur; il a quelques zébrures foncées sur les membres. Sa taille, en général inférieure à celle des Chevaux, est susceptible de s'abaisser notablement dans certaines races. Ainsi les Anes du pays des Mahrattes, dans l'Inde, ne sont pas plus gros que des Chiens de Terre-Neuve, et il y a, dans le midi de l'Eu- rope ainsi qu'en Barbarie, des Anes qui ne sont guère plus forts. D'autres dépassent, au contraire, les Chevaux de moyenne dimension, et se font remarquer par le volume dispropor- tionné de leur tête, ainsi que par leurs formes grossières; tels sont les Anes du Poitou dont le pelage est épais et de couleur noirâtre. Les diverses races de cette espèce ont toujours les oreilles plus longues que les Chevaux, et elles les portent le plus souvent couchées soit sur le côté, soit en arrière; leur voix, qu'on nomme braire, a un timbre tout à fait différent. L'Ane est depuis longtemps domestique; les Hébreux l'ont possédé avant d'avoir des Chevaux. ^ Les Phéniciens, les Égyptiens, les Romains, les Arabes s'occupaient déjà avec succès de la culture de l'Ane; mais il était alors inconnu aux pays du Nord, et Strabon nous apprend qu'il n'y en avait ni chez les Bretons ni sur le littoral de la Baltique. Ce n'est que plus tard encore que cette espèce a été introduite dans les Gaules , où on l'a amenée d'Italie par la voie des Alpes, et l'on ajoute qu'elle n'a été employée en Angleterre que sous les rois anglo-saxons ; à l'époque d'Elisabeth on regardait encore les Anes comme des Animaux étrangers à ce pays. 150 ORDRE DES JUMENTÉS. Enfin c'est à une époque tout à fait récente qu'ils ont été portés aux États-Unis, puisqu'on assure que leur introduction y est due à Washington, L'Ane est cependant un Animal facile à multiplier, qu'on nourrit aisément, et qui peut rendre beaucoup de services, quoiqu'il ait moins de qualités, moins de force et moins de docilité que le Cheval. Les chardons sont un des aliments qu'il préfère. L'Anon est gai et facile à dresser, quoiqu'il reste entêté; l'Anesse fournit un bon lait que les médecins ordonnent avec succès aux personnes affaiblies. Après sa mort l'Ane est également utile puisqu'on peut employer sa chair, dont on fait des saucissons dans beaucoup de pays, et que sa peau sert à faire du parchemin, des peaux de tambour et quelques autres préparations. Le sagri ou chagrin, que l'on tire d'Orient, est fait avec de la peau d'Ane sauvage. A n i: n v Y o i t o c . Les principales variétés de cette espèce sont Y Ane du Thibet et celui de Perse, qui diffèrent peu des Anes actuellement sauvages dans les déserts avoisinants ; — Y Ane d'Egypte, — le Djaar des Arabes, — Y Ane de Toscane, qui est grand comme un Mulet; — celui du Poitou, dont le mâle est surtout recherché comme étalon ; — Y Ane de Sicile ou du midi de l'Europe, qui a une moindre taille ; — enfin le petit Ane, que les Marhattes nomment Gndha, et dont nous avons déjà parlé. Il y a des Anes sauvages en Abyssinie et dans les grands déserts de l'Asie occi- dentale, depuis la ïartarie, jusqu'en Perse et en Syrie. Ces Animaux vivent par troupes nom- breuses, qui émigrent vers le Nord pendant l'hiver et se rapprochent en été des pays plus chauds. Les Tartares leur donnent le nom de Choulan ou Koulan; ils leur font la chasse, à cause de leur peau, qu'ils travaillent habilement, et de leur chair qui leur paraît un mets excellent. Quant ils peuvent les prendre en vie, ils les gardent pour les dresser au service domestique. Les Anes sauvages sont au nombre des Animaux que les anciens ont signalés sous le nom (Y Onagres, nom qui leur a été conservé par plusieurs naturalistes modernes. Ceux de l' Abyssinie n'ont pas entièrement les caractères de ceux d'Asie, et l'on s'est quelque- fois demandé s'ils étaient bien de la même espèce; plusieurs auteurs admettent comme plu* FAMILLE DES ÉOUIDÉS. 151 certain encore que les ossements fossiles d'Anes que l'on trouve en Europe, soit en France, soit en Angleterre, proviennent d'une espèce différente de celle des Anes domestiques. Les Zèbres ont le corps marqué de nombreuses bandes transversales perpendiculaires à la ligne du dos. Leurs membres n'ont qu'un petit nombre de zébrures. Ces Animaux sont africains. H°y en a trois espèces. M. II. Smith en fait un genre auquel il rend le nom d' Hippotigris , qui était celui d'une do leurs espèces chez les anciens. L'Équus couagga {Equus quaccha , Gmel.) doit son nom à la voix qu'il fait entendre : couaag. C'est un Animal do l'Afrique australe, et en particulier de la Cafrerie. Il est assez doux. Il en est question dans les voyageurs sous le nom de Cheval du Cap ou d'Ane isabelle. Le Couagga vit par troupes dans les plaines et se nourrit préférablement de plantes -grasses et d'une espèce particulière de mimosa. Il se mêle quelquefois aux troupeaux domestiques et se prête facilement à une certaine éducation , ce qui permet de l'employer dans quelques cir- constances. On dit qu'il est courageux et qu'il défend les bestiaux contre les Animaux féroces, principalement contre les Hyènes. Le Couagga ressemble plus à un Cheval qu'à un Ane par ses proportions et par ses allures. Il a la tête, le cou et le devant du corps zébrés de brun noirâtre; la partie inférieure de son corps, ses membres et sa queue sont blancs. (PI. XXXII.) L'Equus Daw (Equus montanus ou E. Burchellii) , est aussi de l'Afrique australe. Il est brun pâle avec le dessous du corps blanchâtre; sa tête, son corps et le haut de ses membres sont zébrés. Il n'a guère plus de 1 mètre 15 centimètres au garot. Le Daw et le Couagga sont amenés plus fréquemment dans les ménageries européennes que le véritable Zèbre'. Le Daw est susceptible d'être dressé comme les autres espèces du même genre. M. Is. Geoffroy dit, à l'égard des Animaux de cette espèce qu'on a possèdes^ Paris : « Nous n'avons que rarement attelé le Daw , mais nous l'avons fait reproduire jusqu'à la troisième génération; dès la seconde l'acclimatation était complète. J'ai vu un de nos Daws français tranquillement couché sur la neige par 16 degrés centigrades au-dessous de zéro. » W. XXXIII.) ^ Eouus Zèbre (Equus Zébra). Duffon , qui ne connaissait pas le Daw , conseillait la domes- tication du Zèbre, et Daubenton disait, dans une des séances de l'École normale, oii il était professeur : « On rfa pas encore complètement apprivoisé le Zèbre; mais nous pourrions le dompter comme l'Onagre et le Cheval sauvage , et nous aurions une nouvelle bête de somme et de trait plus forte que l'Ane, et plus belle toute nue que le Cheval le plus magnifiquement harnaché.» Eu 1761, on était parvenu à dompter assez bien deux Zèbres appartenant à la Ménagerie de Versailles pour qu'il fut possible de les monter; mais il fallait prendre beaucoup de précautions, car ils ruaient dès qu'on les touchait aux oreilles; ils étaient fort têtus et avaient la bouche très-dure. Autrefois on eu a vu quatre à Lisbonne que le roi de Portugal faisait quelquefois atteler à son carrosse. Le Zèbre est un bel Animal d'Afrique, ayant le fond du pelage blanchâtre, marque- sur la tête, le corps et la totalité dos membres, de zébrures noirâtres; une partie de sa face est rougeâtre; sa forme est toutefois plus semblable à celle de l'Ane qu'à celle du Cheval; mais la taille égale presque celle de ce dernier. On regarde le Zèbre comme étant le véritable Hippotigre des anciens, et il se pourrait «lue ce nom lui appartînt réellement; car il se rapproche plus que les autres des régions do l'Afrique, sur lesquelles les Romains ont étendu leur domination. L'histoire rapporte que IHautius, qui fut préfet de Rome, en l'an 202, envoya des centurions dans les îles de la mer Erythrée (la mer Rouge) , pour y enlever les Chevaux dits du Soleil , qui étaient semblables aux Tigres. Ou sait aujourd'hui qu'il vient des Zèbres jusqu'en Abyssinie, et le commerce qui se faisait alors, comme aujourd'hui sur la mer Rouge, a pu en procurer aux Romains. Certains auteurs disent que la même espèce se retrouve également au Congo. Remarques sur les Mulets et les Hybrides. — Les Hybrides , qu'on a obtenus par le croise- 152 ORDRE DES JUMENÏÉS. ment des diverses espèces du genre Equus , méritent l'attention du naturaliste aussi bien que celle de l'agriculteur, et nous croyons utile d'entrer, à leur égard, dans quelques détails auxquels nous ajouterons un résumé de ce que l'on sait relativement aux autres Hybrides fournis par la classe des Mammifères. L'Hybride de l'Ane mâle avec la Jument est générale- ment connu sous le nom de Mulet. C'est ce même nom que l'on étend le plus souvent aux autres Hybrides, quel que soit le genre auquel ils appartiennent. I. Nous parlerons d'abord des Hybrides fournis par le genre EQUUS. 1° Comme nous venons de le rappeler, le produit de l'Ane avec la Jument est le véritable Mulet, lorsqu'il est du sexe mâle; s'il est femelle on le nomme Mule. Le nom de Bardeau est imposé à l'Hybride obtenu par l'accouplement du Cheval avec l'Anesse. Voici la liste des autres croisements que l'on signale dans le genre de ces Animaux : 2° L'Ane avec le Zèbre femelle. On en a obtenu le produit dans la Ménagerie de Knowsley, en Angleterre, qui appartenait à lord Derby; il est représenté, dans l'ouvrage publié sur les Animaux de cette riche ménagerie sous le titre de Gleanings from the Ménagerie and aviary at Knowsley Hall (in-fol., 1850). 3° Le Zèbre avec l'Anesse. Le produit de ces deux espèces a été obtenu à la Ménagerie de Paris; il est figuré dans l'ouvrage de F. Cuvier. 4° L'Ane et le faux Hémione. Les produits ont été obtenus à la Ménagerie de Paris et dans celle de Knowsley; ceux-ci sont figurés dans l'atlas du Knowsley Ménagerie. 5° Le faux Hémione mâle et le Daw femelle. Produit obtenu à Knowsley, et figuré dans l'ouvrage précédemment cité. IL D'autres Hybrides appartiennent au genre Boeuf (Bos) ; ils sont également assez nom- breux, et quelques-uns d'entre eux ont de l'importance. On les a obtenus par le croisement des espèces dont les noms suivent : 1° Le Bœuf (Taureau ou Vache) avec le Bison de l'Amérique septentrionale. 2° Le Bœuf avec le Zébu. 3° Le Bœuf avec l'Yack. 4° L'Yack avec le Zébu. Dans certaines parties des monts Himalayas les métis de l'Yack avec le Zébu ou avec le Bœuf sont préférés aux Animaux d'espèce pure. 5° Le Zébu et le Bœuf des Jungles. D'après M. Gray, ce métis est connu dans l'Inde sous le nom de Gyal ou Gayal. III. Les espèces du genre MOUTON (Ovis) donnent aussi des produits des races hybrides, principalement les Moutons domestiques que beaucoup d'auteurs regardent, il est vrai, comme de simples races. Nous avons vu aussi le métis du Mouton domestique avec le Mouflon de Corse. IV. On en cite également dans le genre Chèvre (Capra), et parmi eux celui du Bou- quetin avec la Chèvre domestique, qui est pourtant une espèce d'un autre sous-genre. Dès 1752, Buffon avait môme obtenu des Mulets par le croisement du Bouc avec la Brebis, et par conséquent des produits résultant de l'association d'Animaux de deux genres plus diffé- rents encore que ne le sont ceux des Chèvres et des Bouquetins , ou des Moutons et des Mouflons. V. Le genre Cerf {Cervus, Linné) a fourni divers exemples d'hybridation : 1° Par l'accouplement du Cerf Pseudaxis avec l'Axis femelle; 2° Par celui du Cerf Gymnote avec la Biche de Virginie. L'un et l'autre ont été obtenus au Muséum de Paris. VI. Le genre Chien (Canis, Linné) est aussi dans ce cas. On a réuni avec succès : 1° Le Loup avec le Chien domestique, soit avec le Chien ordinaire, soit avec le Chien de la Nouvelle-Hollande ; 2° Le Chien avec le Chacal. FAMILLE DES ÉQUIDÉS. (53 VIL H en est de même dans le genre des CHATS (Felis, Linné). Le produit le plus curieux qu'on en ait tiré est l'Hybride résultant de l'accouplement du Lion avec le Tigre. Cet Hybride a été obtenu plusieurs fois en Angleterre avec le même couple d'Animaux. Nous en parlons à la page 84 de ce volume. VIII. On connaît des produits analogues parmi les RONGEURS, et j'ai vu récemment à Londres, dans le Musée Britannique, un Porc-Épic provenant du Porc-Épic ordinaire et de YAcanthion de Java ; il était né à la Ménagerie de Régents Park. IX. Enfin il y en a eu dans la famille des Singes : 1° Entre le Macaque ordinaire et le Macaque Rhésus; 2° Entre le Macaque ordinaire et le Macaque couronné. 3° Entre le Cercopithèque Grivet commun et le Macaque ordinaire. Ces trois derniers Métis ont été obtenus à la Ménagerie de Paris. Outre les Hybrides que nous venons de signaler, et ceux de quelques autres espèces appar- tenant à des genres domestiques dont nous n'avons pas parlé , comme les diverses espèces de Cochons, de Lamas ou de Chameaux, etc., on en a probablement observé plusieurs autres dont les noms ne sont pas venus à notre connaissance , et l'on pourra en augmenter encore le nombre en prenant soin de rapprocher, dans des circonstances favorables , des Animaux sau- vages pris dans un même genre ou des Animaux sauvages et leurs congénères domestiques. C'est d'ailleurs ce que l'on a continué à faire dans plusieurs grandes ménageries , et en parti- culier dans celle de Paris, où MM. Flourens et Is. Geoffroy ont entrepris de nombreux essais à cet égard. Peut-être arriverait-on aussi à quelques résultats en employant le procédé de la fécondation artificielle, ce qui a déjà été essayé avec succès Sur des Mammifères , mais seule- ment pour des Animaux de même espèce. Une des conditions principales du succès des hybri- dations est que les Animaux à réunir soient du même genre, ou tout au moins de genre très- voisin, et par suite de même tribu; il est également avantageux qu'ils ne diffèrent pas d'une manière trop considérable par leurs dimensions. En ce qui concerne le degré de ressemblance que ces Animaux, d'espèce différente , doivent avoir entre eux, on a dit avec raison que la possibilité de reproduction entre individus d'espèces distinctes n'a lieu qu'à la condition qu'ils soient du même genre, et par conséquent, on en a déduit que le genre peut être, jusqu'à un certain point, défini : la collection des espèces susceptibles de produire des Hybrides inféconds, de même que l'espèce est en général la collection des individus capables de produire entre eux des individus inféconds. Mais il y a des exceptions à cette règle, et pour ne parler ici que des Mammifères, l'union productive d'un Cercopithèque avec un Macaque, et celle mieux démontrée du Bouc avec la Brebis, nous font voir que des Animaux de genres différents, mais il est vrai de genres peu éloignés, sont parfois susceptibles de se féconder. Il n'en est pas moins vrai que la difficulté de l'hybridation augmente dans un même groupe proportionnellement à la distance qui sépare les espèces que l'on veut associer, et qu'elle s'accroît encore entre les Animaux de genres différents ; aussi n'a-t-on aucun exemple d'Hybride obtenu par le mélange de deux Animaux appartenant à deux familles distinctes, et encore moins à deux ordres. Jusqu'à preuve évidente du contraire on doit donc penser que le Jumart n'existe réelle- ment pas. Ce Jumart, dont plusieurs voyageurs ont parlé, mais que l'on ne possède dans aucun Musée, serait le produit de l'association du genre Bœuf au genre Cheval. Dans son chapitre sur la Dégénération des Animaux , Buffon rappelle ce qu'on a dit au sujet des Jumarts, mais il n'accorde à ces récits aucune espèce de valeur, et il ajoute : « En 1767 et années suivantes, dans ma terre de Buffon, le meunier avait une Jument et un Taureau qui habitaient dans la même étable, et qui avaient pris tant de passion l'un pour l'autre, que dans tous les temps où la Jument était en chaleur, le Taureau ne manquait jamais de la couvrir trois ou quatre fois par jour, dès qu'il était en liberté; ces accouplements réitérés nombre de fois pendant plusieurs années donnaient au maître de ces Animaux de n e partie. 20 154 ORDRE DES JUMENTES. grandes espérances d'en avoir le produit. Cependant, il n'en est jamais rien résulté. » Les naturalistes ont accepté l'avis de Buffon; mais il n'en est pas de même des vétérinaires, qui sont loin d'être tous convaincus. On en jugera par le passage suivant , que nous empruntons à la Zoologie vétérinaire de M. Grognier. En parlant des Jumarts, cet auteur s'exprime ainsi : « Notre maître Bourgelat les croyait possibles , nous n'osons rien décider sur ce point. Tout ce que nous savons, c'est qu'on a vu souvent des Taureaux couvrir des Cavales et des Étalons saillir des Vaches. Nous pensons que, pour avoir reconnu cent fois que ces accouple- ments avaient été stériles, on ne peut pas en conclure qu'ils n'ont jamais été féconds. Nous avons la certitude que, dans les pays où les mâles et les femelles de toutes les espèces sont pêle-mêle au pâturage , il naît quelquefois des Mulets à tête de Veau , à queue de Vache , avec des protubérances à la place des cornes, ayant le corps et les jambes faites comme dans le Cheval. » Malheureusement, les produits singuliers dont il est ici question n'ont pas été décrits avec tout le soin qu'ils méritaient, ou bien, lorsqu'ils ont pu l'être, il a été facile de reconnaître que ce n'étaient que quelques individus monstrueux, comme on en voit dans chaque espèce, et cela, sans que l'intervention d'une fécondation étrangère soit nécessaire pour en expliquer la naissance. Aussi, jusqu'à présent du moins, les doutes conservés par plusieurs vétérinaires ne reposent-ils sur aucune observation réellement authentique, et l'on ne saurait trop engager ces médecins à ne laisser échapper aucune des occasions que leur fournira leur pratique pour éclairer cette importante question. Il n'en est pas moins démontré aujourd'hui que les Jumarts n'existent point dans les pays oh on les avait signalés, en Italie, en Corse et en Algérie, par exemple, et on ne les a pas davantage observés ailleurs, comme on y observe les Mulets et les Bardeaux. Les monstres auxquels M. Grognier fait allusion ne naissent jamais viables , et les récits , plus populaires que scientifiques auxquels ils donnent habituellement lieu, ne paraissent pas plus fondés que tous ceux que l'on débite dans le peuple à la naissance de certains monstres humains, sur lesquels la tératologie possède aujourd'hui des notions si précises. Nous avons dit que les Hybrides étaient, en général, des êtres complètement stériles. C'est un fait dont on a tiré en zoologie générale un parti important, mais très-probablement exagéré, lorsqu'on a voulu y voir un moyen suffisant pour séparer entre elles les diverses espèces de chaque genre. Les difficultés que l'on rencontre à chaque pas, lorsqu'on cherche à établir la délimitation précise des espèces animales ou végétales , n'avaient point échappé à la sagacité de Buffon, et il avait cherché à en triompher aussi bien pour les Animaux domestiques que pour les Animaux sauvages. Moins bien renseigné qu'on ne l'est aujourd'hui sur les caractères des espèces véritables, et plus désireux, d'ailleurs, d'emprunter aux actes physiologiques qu'elles exécutent qu'aux particularités mêmes de leurs organes les notions dont il avait besoin, Buffon en chercha le critérium dans la reproduction elle-même. Tous les Animaux susceptibles de produire ensemble des petits féconds capables de con- tinuer leur race, sont pour lui des Animaux de même espèce, et les Animaux, qui ne peuvent pas produire entre eux ou qui ne peuvent produire que des individus stériles, sont des Animaux d'espèce différente. Tous les Moutons, tous les Chiens, tous les Chevaux, enfin tous les Animaux domestiques de même genre qui se croisent et se perpétuent, sont de la même espèce; au contraire, le Cheval et l'Ane, dont le produit est infécond, c'est-à-dire incapable d'engendrer, sont des Animaux d'espèces différentes, quoique étant du même genre. Par des motifs analogues, Buffon jugeait que le Loup et le Chien étaient des Animaux d'espèces également distinctes. Malheureusement, il en est de cette règle comme de celle qui fixe les limites des genres ; en plaçant dans chacun d'eux les espèces susceptibles de donner naissance à des produits stériles, elle souffre certaines exceptions, et ces exceptions ont été en partie connues de Buffon. La Chienne couverte par le Loup ou la Louve couverte par le Chien donnent nais- FAMILLE DES TAPIRIDÉS. 155 sance à des Animaux qui deviennent à leur tour capables de se reproduire , et , dans certains cas, on a vu des Mules mettre bas, ou de véritables Mulets saillir des Juments. Buffon cite entre autres une Mule possédée par un homme de Valence , laquelle eut successivement six Poulains par suite de son croisement avec le Cheval. Un autre cas de fécondité a aussi été observée à la Ménagerie de Paris , après l'union d'un Axis avec le Mulet obtenu de la même espèce et du Pseudaxis ; et l'on en a acquis un troi- sième dans le même établissement par le croisement du Chien avec le Mulet issu du Chien et du Chacal. M. Gray publie dans le Knowsleij Ménagerie un Hybride fécond, qui est également curieux, et qu'il appelle avec raison Hybride double (double Mule). C'est le produit d'une Jument de race poney avec un Mulet issu lui-même d'un Zèbre et d'une Anesse. Ce double Mulet a été observé à Londres. FAMILLE des TAPIRIDÉS Quatre doigts aux pieds de devant et trois à ceux de derrière; nez prolongé en une petite trompe; dents molaires dépourvues décernent, à collines plus ou moins saillantes et sans excavations à la surface de leur couronne : tels sont les principaux caractères des Tapiridés. Le Tapir du Brésil et deux autres espèces dont l'une habite aussi l'Amérique méridionale, tandis que la seconde est particulière aux régions les plus chaudes de l'Inde, sont les seuls Animaux actuels de cette famille. Ces trois espèces ne constituent qu'un seul genre. On doit en rapprocher plusieurs sortes d'Animaux éteints, dont quelques-unes ont servi à l'établisse- ment de genres particuliers. Genre TA PIB (Tapiras, Brisson). Nez prolongé en une petite trompe; queue très-courte; quatre doigts en avant, trois en arrière; deux mamelles inguinales; trois paires d'incisives à chaque mâchoire ; une paire de canines , dont les supérieures sont plus petites que les incisives externes; sept paires de molaires supérieurement et six inférieurement; les unes et les autres surmontées de collines transversales ; point de troisième colline à la dernière molaire inférieure. Dentition dv Tapir n>. r. Inde,' 1/3 de grand. 156 ORDRE DES JUMENTÉS, Les Tapirs approchent du Cheval et de l'Ane par leur forme extérieure bien plus que des Sangliers auxquels on les a souvent comparés. Cependant leur queue très -courte et sans crins, la petite trompe qui constitue leur nez, la forme comprimée de leur tête et leurs doigts plus nombreux, permettent aisément de les en distinguer, et ils paraissent en être séparés par un intervalle considérable; mais cet intervalle lui-même est en partie comblé si l'on étudie Jes espèces fossiles qui se rapprochent des Tapirs et des Chevaux , principalement celles des terrains tertiaires moyens et inférieurs. Malgré les différences incontestables qui séparent le genre Tapir de celui des Chevaux , on donne parfois aux premiers de ces Animaux le nom de Mulets sauvages ou celui de Chevaux marins, et c'est sous ces dénominations bizarres ou sous d'autres encore que dans les ména- geries ambulantes on annonce les Tapirs au public. Au Muséum de Paris , où ces Animaux sont souvent exposés aux regards des visiteurs dans le même enclos que les Éléphants, ou bien à une faible distance , beaucoup de personnes , en les voyant pour la première fois , les prennent d'abord pour les petits des Éléphants , quoique leur trompe soit rudimentaire si on la compare à celle de ces Animaux, et que leurs oreilles soient en cornets au lieu d'être en forme de larges feuilles , comme celles des Proboscidiens. La taille des Tapirs approche de celle d'un Ane ordinaire; leurs yeux sont petits et à pupille ronde; leur langue est douce; leurs narines sont percées au bout de la trompe qui constitue un de leurs caractères les plus saillants , mais qui est un boutoir proboscidiforme et non une trompe véritable servant à puiser l'eau, à frapper l'ennemi ou à saisir les objets. Les Tapirs prennent directement leur nourriture avec la gueule et pour boire ils relèvent leur trompe de manière à ne point la mouiller. Bajon, qui a résidé à Cayenne, avait cru que ces Animaux ruminent; c'était l'examen de leur estomac qui lui avait suggéré cette opinion ; mais ni les pieds ni les dents des Tapirs ne sont conformés comme ceux des Ruminants, et leur estomac lui-même est notablement différent du leur. Il a ses deux culs-de-sac latéraux assez développés et paraît triloeuié, ce qui le rapproche davantage du même organe, étudié chez le Daman ou le Pécari. Les Tapirs ont aussi l'astragale tout différent de celui des Ongulés qui ruminent; et, sous ce rapport, ils se rapprochent encore plus des Rhinocéros que des Chevaux. Quant aux affinités qu'on leur a supposées avec les Cochons et les autres espèces de la même famille, elles n'ont aucun fonde- ment, et l'examen comparatif de leur ostéologie tend encore à éloigner ces deux groupes l'un de l'autre; cependant on les a le plus souvent réunis dans la même division des Pachydermes. Les caractères de leur dentition sont également contraires à ce rapprochement. A ceux que nous avons indiqués en définissant le genre , il faut ajouter que les Tapirs, qui ont trois molaires supérieures de lait comme un grand nombre d'autres Mammifères hétérodontes , n'en ont que deux paires à la mâchoire inférieure. Les mœurs des Tapirs à l'état sauvage paraissent être brutales, mais sans être féroces. Ces Animaux occasionnent peut-être moins de dégâts que les Sangliers, et ils sont moins dange- reux pour les chasseurs. Us se tiennent en général dans les endroits chauds et sont plutôt nocturnes que diurnes ; ils passent presque tout le jour cachés dans les lieux obscurs et fourrés. La nuit, ils se mettent en marche. Leur nourriture consiste en végétaux de plusieurs sortes et en fruits, parmi lesquels on cite les melons d'eau et les courges; ils recherchent aussi les terres salées, et ils font souvent de longs trajets pour en découvrir les dépôts. Ces Mammifères ne sont pas amphibies comme on l'avait d'abord supposé, mais ils vont volontiers à l'eau; ils traversent aisément les rivières et se vautrent avec plaisir dans les marais ou les étangs. Les grandes forêts sont leur séjour habituel. Certains voyageurs disent qu'ils s'y fraient des sentiers; suivant d'autres, ils cheminent au hasard, écartant ou brisant tout ce qui leur fait obstacle; ils avancent résolument tête baissée, et la forme en carène de Jeur crâne, ainsi que la dureté de leur peau, semblent très-favorables à cette sorte de lutte. On rapporte, dit Azara , que si le Jaguar se jette sur le Tapir, celui-ci l'entraîne à travers les FAMILLE DES TAPIRIDÉS. 157 parties les plus épaisses du bois jusqu'à ce qu'il ait brisé son ennemi en le faisant passer par les espaces les plus étroits , mais cette assertion est probablement inexacte. En captivité le Tapir est doux , tranquille , assez propre et souvent assez familier, et les na- turalistes ont inscrit ce genre sur la liste des Animaux sauvages dont la domestication offrirait le moins de difficultés , et en même temps le plus d'avantages. Lorsqu'on a pris les Tapirs encore jeunes, on peut les laisser vivre au milieu des habitations. Azara n'avait pas la môme opinion ni sur la douceur des Tapirs, ni sur la convenance de leur asservissement, ce qui lui faisait dire : « Il est très-aisé de penser qu'on ne s'amuse pas à élever un Animal aussi nuisible, aussi triste, qui n'a rien d'attrayant, et dont l'unique qualité est de n'exiger ni attention ni soin. » Mais il faut avouer que ces derniers mots contredisent l'opinion que Fauteur espagnol s'était faite des Tapirs, et dans quelques lieux on cherche à les utiliser. Tapir américain (Tapirus americanus , Gmeliti). Quoique le Tapir ne dépasse pas la taille d'un Ane, c'est l'un des plus grands Animaux de l'Amérique méridionale. Le Lama et le Cerf des marais ont seuls les dimensions supérieures. Malgré cela, et bien qu'il soit commun sur tous les points où abordèrent successivement Colomb, Yespuce, Peralonzo, Nino, Pinzon et Cabrai, c'est-à-dire les premiers conquérants de l'Amérique méridionale, il paraît que son existence resta ignorée jusqu'à l'époque des expéditions qui eurent pour résultat la fondation de la colonie du D arien , dans la mer des Antilles. Toutefois le Tapir, dont la chair servait souvent à la nourriture des naturels, ne dut pas échapper longtemps à l'attention des Euro- péens qui furent très-souvent exposés à la famine, lorsqu'ils s'établirent dans ce golfe. Les premiers renseignements sur le Tapir arrivèrent en Europe vers la fin de 1500 et en 1511. L'auteur des Décades océaniques, P. Martyr, en fit usage; mais ce qu'il en rapporte est aussi exagéré que peu exact. « Cette bête, dit Martyr, égale en grosseur à un Bœuf, porte trompe d'Éléphant, et ce n'est point un Éléphant; a couleur bovine et n'est point un Bœuf; ongles chevalins et n'est point un Cheval; elle a aussi les oreilles de l'Éléphant, moins pendantes et moins larges, toutefois, mais plus larges encore que celles des autres Animaux, » PlÊPvRF Tapir américain, i / 1 5 d' grand. 158 ORDRE DES JUMENTES. Il est plus longuement et plus exactement question des Tapirs dans le Sommaire de V His- toire naturelle et générale des Indes, qui fut publié par Oviédo, en 1526. Nous emprunterons la traduction de ce qu'il a dit au savant mémoire de M. Roulin. «On trouve à la Terre-Ferme un Animal appelé par les Indiens Boeri, et auquel nos chrétiens ont donné, en raison de l'épaisseur de son cuir, le nom de Barda. Ce nom, au reste, est tout aussi impropre que celui de Tigre qu'ils donnent à VOchi. Le Boeri est de la taille d'une moyenne Mule; il a le poil d'un brun foncé et plus épais que celui du Buffle ; il n'a point de corne , et c'est tout à fait à tort que des personnes lui donnent le nom de Vache. Sa chair est bonne à'manger , quoique plus mollasse que la viande du Bœuf; mais un excellent morceau c'est le pied; seulement il faut qu'il cuise vingt-quatre heures de suite, après quoi c'est un mets qu'on peut présenter au plus délicat, et qui est de très-facile digestion. On force le Boeri avec des Chiens; mais quant ils ont fait prise, il faut que le chasseur vienne promptement à leur aide et tâche de frapper l'Animal avant qu'il ait eu le temps de gagner l'eau; car, s'il en est proche, il court s'y jeter, et, une fois là, il a bon marché des Chiens qu'il déchire à belles dents. J'en ai vu emporter d'une seule morsure la jambe ou l'épaule d'un Lévrier, ou arracher à un autre un morceau de peau long de deux empans tout comme l'eût pu faire un écorcheur : sur la terre il n'en pourrait faire autant impunément. Jusqu'à présent le cuir de ces Animaux n'est d'aucun usage pour les chrétiens , qui ne connaissent pas la manière de le préparer ; mais il est aussi épais que le cuir du Buffle. » Ce Tapir est le seul que les naturalistes aient connu jusque vers le premier quart du xix e siècle. En 1553, Gomora le signala dans la province de Cumana, sous le nom de Capa; Thevet, en 1556, l'appela Tapchire et Lery, en 1578, Tapiroussou. Ces deux dernières dénominations étaient empruntées l'une et l'autre à la langue des Indiens de Rio -Janeiro. Claude d'Abbeville emploie le mot Tapiyre usité à l'embouchure de l'Amazone, et Laet celui deMaipouri, alors vulgaire à Cayenne. Le Tapir est aussi le Tlacoxoloté du Mexique dont parle Hernandez , la Vache montagnarde de Dampier , et le Mborebi d' Azara. Sa synonymie a été faite avec le plus grand soin par M. Roulin, à qui nous avons emprunté les détails qui précèdent. Linné s'était mépris au sujet des affinités du Tapir lorsqu'il l'avait associé génériquement à l'Hippopotame en le nommant Hippopotamus terre stris , et Exleben ne fut pas plus heureux en le réunissant aux Cabiais sous la dénomination iïHydrochœrus Tapir. On rencontre les Tapirs de cette espèce dans une grande partie des terres basses qui s'é- tendent entre les Andes et l'Océan atlantique , depuis l'Orénoque jusqu'à la Plata , c'est-à-dire depuis le 12 e degré nord jusqu'au 35 e sud environ. Leur présence est également signalée au Pérou , mais il n'y en a point au Chili ni en Patagonie. Tapir Pinchaque (Tapirus P inchaque , Roulin). Cette espèce, dont on doit la décou- verte et la description à M. le D r Roulin, a été inscrite depuis lors par J.-B. Fischer, sous le nom de Tapirus Roulini dans son Synopsis mammalium, et par M. Tschudi sous le nom do Tapirus villosus dans sa Faune du Pérou. On lui donne pour caractères distinctifs : l'absence de plis latéraux sur la trompe et celle de la crête qui va du cou au garrot dans le Tapir ordi- naire; des poils longs et épais, mais non disposés en crinière à la région du cou ; la couleur noirâtre sans liséré blanc aux oreilles, et, au contraire, avec une sorte de tache blanche à l'extrémité de la mâchoire inférieure, laquelle tache remonte jusqu'au bord des lèvres; le crâne osseux plus semblable, sous certains rapports, à celui du Tapir de l'Inde qu'à celui du Tapir ordinaire. Ce Tapir habite les Andes de la Colombie et du Pérou; il est un peu plus petit que l'autre, avec lequel il paraît vivre en commun dans certaines localités. Le jeune est noirâtre et montre des traces de livrée, mais elles sont autrement disposées que dans le Tapir ordinaire. Le nom du Pinchaque est celui d'un Animal fabuleux que la légende américaine place dans PLU. ri ri it M.iïiiA ï-rf/f />«>'< ?»K SI" MAT H A A> FAMILLE DES TAPIRIDÉS. 159 une haute montagne de la Nouvelle-Grenade, et dont l'histoire repose en partie sur l'observa- tion inexacte de ce quadrupède. T v i> i ii P i s en a. or y. , 1/20 de grand, Tapir indien (Tapirus indiens, G. Cuvicr). C'est le Maïba de F. Guvier et le Tapirus malayanus du D. Horsfield. Voici en quels termes G. Guvier a signalé, il y a bientôt trente ans , la présence dans l'Inde , d'une espèce appartenant au môme genre que le Tapir améri- cain : (( La découverte de cette espèce aussi neuve que surprenante a été faite tout récemment par deux de mes élèves, MM. Diard et Duvaucel. M. Diard vit pour la première fois cet Animal à Barakpoor, près de Calcutta, où il venait d'être apporté de l'île de Sumatra au marquis de Hastings, gouverneur général de l'Inde. Les Anglais ni les Hollandais de la côte n'avaient jamais soupçonné auparavant son existence dans cette île. Notre jeune naturaliste trouva, quelque temps après, une tête du même Animal, dans le cabinet de la Société asiatique; elle avait été envoyée en 1806 de la presqu'île de Malacca par M. Farguhar, gouverneur des établissements anglais dans ce pays, où le Tapir est aussi commun que le Rhinocéros et l'Éléphant. Une description du Tapir des Indes faite par cet officier a même paru dans le recueil des Asiatic rescarches , publié à Calcutta. De leur côté, MM. Diard et Duvaucel ont pris et fait prendre de ces Animaux dans les bois de l'île de Sumatra. » Les Musulmans ne mangent pas la chair du Tapir, parce qu'ils le regardent comme une espèce de Cochon; il est noir, à l'exception des oreilles qui sont bordées de blanc, et du dessus du corps, qui est gris pâle. Le jeune est tacheté de blanc et de brun. (PL LL) Le Tapir indien vit dans la presqu'île de Malacca , à Sumatra et à Bornéo. Quoiqu'il ne soit venu à la connaissance des naturalistes européens qu'à une époque peu ancienne, il était depuis longtemps signalé dans les ouvrages des Chinois et des Japonais, et, comme l'a observé Abel Rémusat, il est même figuré dans l'Encyclopédie japonaise. M. Roulin, dans son important Mémoire pour servir à l'histoire du Tapir, a repris cette question ; il suppose que le Griffon lui-même pourrait bien ne pas avoir une autre origine. Voici comment il s'exprime à cet égard : « Ce n'est pas seulement dans le nouveau continent que l'histoire du Tapir se lie à celle 160 ORDRE DES JUMENTES. d'Animaux fabuleux. Le merveilleux Me des auteurs chinois , cet Animal à la trompe d'Élé- phant, aux yeux de Rhinocéros , aux pieds de Tigre, qui ronge le fer, le cuivre et mange les plus gros serpents; cet Animal, comme l'a très-bien jugé M. Abel Rémusat, est un Tapir; mais je ne crois pas , comme lui , que ce soit un Tapir habitant la Chine. L'histoire du Mé me paraît fondée sur quelques descriptions incomplètes du Tapir de Malacca et sur quelque représentation grossière de cet Animal. Les Chinois qui sortent de leur pays appartiennent , sans exception, à la classe la moins éclairée. On n'a donc point lieu de s'étonner qu'au retour ils mêlent dans leurs récits des erreurs et quelques mensonges L'histoire du Griffon, telle qu'on la trouve dans Élien et dans quelques autres écrivains postérieurs au temps de Ctésias , est une fusion de deux traditions ; l'une, venant de Perse , est ajustée pour servir d'explication à une image évidemment semblable (1); l'autre, plus ancienne, arrivée par la route de l'Inde , et qui pourrait bien se rapporter à la figure d'un Animal réellement existant, à celle du Tapir malais. » Tapirs fossiles. On a observé en Europe, principalement en France, des débris fossiles de plusieurs espèces de Tapirs aux environs de Montpellier, au Puy-en-Velay et à Issoire. Ces Animaux paraissent ne pas avoir été rares dans ces diverses localités. Genre LOPHIODON (Lophiodon, G. Cuvier). C'est aussi à la famille des Tapiridés qu'appartiennent certaines espèces éteintes qui ont précédé les Paléothériums en Europe, et dont les débris se rencontrent de temps en temps dans la pierre calcaire dont on se sert pour bâtir à Paris. Parmi les restes de ces Animaux qui ont été signalés dans beaucoup d'autres localités , surtout en France , on distingue différentes espèces , les unes égales en dimensions aux Tapirs, les autres plus grandes ou plus petites. Quelques particularités dans la forme des dents séparent ces Animaux des Tapirs; d'autres permettent de les partager en deux sous-genres qu'une étude comparative a permis de séparer à leur tour de quelques autres Animaux antédiluviens auxquels on a donné les noms génériques de Listriodon, Tapirulus, Coryphodon, etc. C'est surtout en France que ces anciens habitants de l'Europe ont été découverts et décrits. FAMILLE des RHINOCÉRIDÉS Cette famille comprend quelques espèces de grands Animaux ayant la peau très-dure et très-résistante, plusieurs doigts à chaque pied terminés par des sabots; les dents essentiel- lement herbivores, plus larges supérieurementqu'inférieurement, où elles ont leurs collines très- obliques ou presque longitudinales. La dernière de leurs dents inférieures n'a que deux lobes. Ces espèces ont été appelées génériquement Rhinocéros, ce qui rappelle la protubérance cornée, simple ou double, qu'ils ont sur le nez. Ces cornes sont placées, l'une et l'autre, sur la ligne médiane; ce sont des cônes pleins, plus ou moins élevés, un peu courbés en arrière , et dont la substance entièrement cornée , comme celle des ongles , semble formée de poils agglutinés. On ne trouve dans leur intérieur aucune saillie de l'os nasal ou frontal analogue à celles qui servent d'axe aux cornes des Ruminants ordinaires , et elles ne sont pas caduques comme le sont les bois des Cerfs. Le crâne ne montre d'autre trace de leur existence qu'une surface rugueuse simple ou double, suivaflt qu'il y a une ou deux cornes; elle est égale en grandeur à la base de celles-ci. On connaît des Rhinocéros fossiles manquant certainement de cornes , et quelques auteurs donnent , comme étant aussi dans ce cas , une espèce encore peu connue qui vit dans la région du Gange. De même que les Éléphants, les Rhinocéros ne vivent maintenant qu'en Afrique ou dans (!) Comme on en voit sur les monuments assyriens. FAMILLE DES RHINOGE RIDES. 161 l'Inde. Ce sont des Animaux redoutables par la brutalité de leur caractère; dépassant, en général, le Cheval et le Bœuf par leur taille; fort trapus; qui fréquentent les forêts ou les grands marécages et qui se nourrissent de substances végétales. Ils ont peu d'intelligence et semblent, par leur nature même, incapables d'être rendus réellement domestiques. L'existence de leur groupe est aussi ancienne sur le globe que celle des Proboscidiens. En même temps que l'on commence à trouver des débris de Mastodontes dans les terrains mio- cènes , on y recueille aussi, et souvent en plus grande abondance encore, des restes de Rhinocéros appartenant à des espèces qui ne diffèrent pas de celles de l'Inde actuelle d'une manière bien considérable. A l'époque où se sont formées les couches terrestres dont il vient d'être question, l'Europe possédait plusieurs espèces de ces Animaux; et dans certaines parties de la France , telles que les départements du Gers, du Loiret, de l'Allier, leurs ossements se retrouvent en grande abondance. Il y a eu aussi des Rhinocéros dans nos contrées pendant les époques pliocène et diluvienne; mais depuis lors ils y ont été détruits aussi bien qu'en Afrique, dans la région de l'Atlas, et dans une grande partie de l'Asie, principalement en Sibérie. Les Animaux de cette famille ont été le plus souvent réunis en un seul grand genre auquel on rapporte aussi les espèces antédiluviennes. Cependant il est facile de les partager en plu- sieurs catégories. Genre RHINOCÉROS {Rhinocéros , Linné). Ces énormes Animaux ont trois doigts en avant, plus rarement quatre, et trois en arrière; leur région fronto-nasale est surmontée, habituellement, par une ou deux cornes dans l'âge adulte; leur peau épaisse représente une sorte de cuirasse générale; leur queue est médiocrement longue et leur corps n'a qu'un petit nombre de poils. Les Rhinocéros ont sept paires de molaires supérieures et sept infé- rieures; ces dents n'ont pas la même forme aux deux mâchoires et elles présentent dans la série des espèces quelques différences caractéristiques surtout dans les contours de leurs collines ou dans les enfoncements, ayant l'apparence de petits puits, que forme l'émail des supérieures. IH'.nts 5tor\inKs ih- Rhinocéros de Java, 1/3 grnn=1. Les Grecs paraissent avoir possédé assez anciennement des coupes faites avec de la corne de Rhinocéros ; ces coupes étaient analogues à celles que l'on fait encore dans l'Inde et en Afrique, ou l'on croit qu'elles peuvent servir à discerner les poisons d'avec les liqueurs bienfaisantes; mais les anciens n'ont eu qu'une connaissance fort incomplète des Animaux qui produisent cette substance. Quoique le mot Rhinocéros soit d'origine grecque , il n'est pas encore em- ployé par Aristote; il est néanmoins très-probable que plusieurs des Animaux aune seule corne, auxquels on a donné plus tard le nom de Licornes, et dont il était déjà question à cette époque, ne sont que des Rhinocéros mal observés ou défigurés par la transmission des récits. Ce caractère est attribué à cinq des Animaux signalés par les anciens: l'Ane indien, le Cheval II e parti k. 2 * 162 ORDRE DES JUMENTES. unicorne, le Bœuf unicorne, le Monoeéros proprement dit et l'Orix d'Afrique. Ce dernier pourrait bien être une espèce de Ruminant du genre Antilope, mais il est possible que le Rhi- nocéros soit l'origine des quatre autres. On a beaucoup discuté au sujet de la Licorne, et sans doute elle fournira encore le sujet de nombreuses dissertations, mais nous ne nous on occuperons pas davantage; le nombre des Animaux réels, dont nous avons à parler dans cet ouvrage, est trop considérable pour que nous nous arrêtions longtemps à ceux qui sont chi- mériques, et nous répéterons, avec G. Cuvier, que la Licorne telle que l'ont refaite beau- coup d'auteurs n'existe que dans le monde des féeries ou dans le vocabulaire du blason. Quoiqu'on ait vu autrefois des Rhinocéros à Rome, du temps de Pompée et d'Auguste, ce n'est que depuis la fin du dernier siècle qu'on a commencé à bien distinguer les unes des autres les espèces de cette famille. La nature de ces Animaux avait été presque toujours mal comprise; et souvent on a rat- taché à leur histoire des récits entièrement fabuleux. Tel est celui du combat du Rhinocéros avec l'Éléphant, qui a pris naissance chez les Arabes, et que l'on rappelle ainsi dans les Mille et une Nuits : « Le Rhinocéros se bat avec l'Éléphant, le perce de sa corne par-dessous le ventre, l'enlève, et le porte sur sa tête; mais comme le sang et la graisse de l'Éléphant lui coulent sur les yeux et l'aveuglent, il tombe par terre, et, ce qui va vous étonner, le Roc (1) vient qui les enlève tous deux entre ses griffes et les emporte pour nourrir ses petits. » Suivant Chardin, les Abyssins sauraient dompter les Rhinocéros et les faire travailler comme des Rœufs. Quoique, à la rigueur, on puisse employer à divers usages quelques-uns de ces Animaux lorsqu'ils sont encore jeunes , ce qui pourtant n'a pas été constaté , et que peut-être certains d'entre eux soient plus susceptibles d'éducation que les autres , comme cela se voit dans beaucoup d'autres espèces sauvages , l'assertion de Chardin ne paraît pas fondée. Les Rhinocéros, sans être féroces à la manière des Carnivores, sont des Animaux farouches, de mœurs peu intelligentes, et que leur brutalité peut rendre très-dangereux. On tient en cage ceux des ménageries ambulantes , et dans les ménageries publiques on donne à ces Animaux un enclos pour se promener; ils sont sous la surveillance d'un homme spécial qui peut avoir quelque influence sur eux, s'en faire reconnaître et obéir, mais qui doit toujours se tenir sur ses gardes contre les changements souvent très-brusques auxquels leur caractère est sujet. La chasse des mêmes 'Animaux n'est pas sans danger; mais en Afrique comme dans l'Inde , on s'y livre avec ardeur, autant pour les éloigner des lieux cultivés que pour tirer parti de leur corne , do leur cuir, de leur chair, et même de leur squelette qui a encore une assez grande valeur pour les marchands naturalistes. Dans certaines parties de l'Afrique centrale, il s'en fait une destruction assez active, et les documents qu'on a recueillis, sous ce rapport, montrent qu'auprès des grandes colonies ils ont notablement diminué de nombre depuis une cinquantaine d'années. La plupart des chasseurs cherchent à les surprendre lorsqu'ils sont endormis. On ne les poursuit plus guère avec des flèches ni à l'arme blanche ; la plupart des peuples de l'Afrique et de l'Asie, dont les pays sont infestés par les Rhinocéros, faisant usage des armes à feu que leur procurent les Européens. Les collections ne possédaient, pendant le siècle dernier, qu'un petit nombre des pièces qui sont nécessaires aux naturalistes pour une histoire de ces Animaux ; mais il n'en est plus de même aujourd'hui. On a rapporté d'Afrique et de l'Inde un bon nombre de peaux, de sque- lettes et même de crânes, qui ont rendu facile la distinction des espèces de ce genre, et, par suite, celle des espèces fossiles. Aussi, quoiqu'il reste beaucoup à faire pour achever l'histoire des Rhinocéros, la science est-elle maintenant en possession de documents fort circonstanciés. (1) La légende du Roc pourrait bien avoir pour origine l'Épyomis, gigantesque oiseau perdu, dont on trouve les os et les œufs fossiles à Madagascar, associés à ceux d'énormes Tortues terrestres dont l'espèce est aussi entièrement éteinte. Voir à cet égard les notices dans lesquelles M. Is. Geoffroy fait connaître l'Epyornis. PL. XXXI niiiyocÈnos ni; sr.v.vr/t.i / / j r -, , /,„,„/,— : v FAMILLE DES RHINOGERIDES. 103 et les naturalistes, qui se sont occupés récemment do ce groupe, ont pu ajouter des détails fort curieux à ceux que Buffon, Camper, Pallas, G. Cuvier et de Blainville avaient recueillis. On doit distinguer les espèces actuelles de Rhinocéros en deux groupes. '- Les meilleurs caractères que l'on ait indiqués à l'appui de cette division résident dans la dispositions des dents antérieures ; ces caractères ont l'avantage de coïncider exactement avec la distribution géographique des différentes espèces. Pour no parler ici que des espèces vivantes, on constate que chez celles de l'Afrique il n'y a de dents, en avant des molaires, que pen- dant le jeune âge, et qu'elles sont petites; au contraire, dans les Rhinocéros asiatiques, i\y en a chez le°s jeunes, et aussi chez les vieux; elles sont même plus évidentes chez les seconds que chez les premiers. Des différences analogues se retrouvent chez les espèces éteintes. Chacune des divisions qu'elles ont permis d'établir a déjà reçu, en paléontologie comme en zoologie, plusieurs noms dont nous croyons inutile de rétablir ici la synonymie. I Les Rhinocéros à incisives non persistantes. Ils n'ont que des dents molaires pendant l'âge adulte , mais lorsqu'ils sont jeunes , on leur reconnaît une paire d'incisives supérieures et deux inférieures; ces dents sont beaucoup plus petites que celles des Rhinocéros de l'Inde. Le Rhinocéros a narines cloisonnées {Rhinocéros antiquitatis , Blumenbach; Rhi- nocéros tichorhinus , Fischer), qui est fossile en Europe et en Sibérie , appartient à cette- division. 11 était plus fort et plus trapu que ceux d'aujourd'hui. Ses ossements sont com- muns dans les alluvions, dans les atterrissements diluviens et dans les ca- vernes. Jl y en a beaucoup dans certaines parties de la France, et l'on en re- cueille, en particulier, dans le sol de Paris. Dans les régions du Nord , on a trouvé des Rhinocéros de cette espèce avec leurs chairs et leur peau enfouis dans les gla- ces. Nous en reproduisons ici une tête et un pied. Le Rhinocéros ca- mus {Rhinocéros simus , Burchell) a deux cornes; le nez raccourci, comme tronqué; les plis du corps peu marqués et les dents molaires assez peu différentes de celles du précédent , auquel il ressemble aussi par la forme de ses os ; cependant il n'est pas de la môme espèce. C'est un Animal encore rare dans les collections. Sa patrie est l'Afrique centrale. Le squelette qu'en possède le Muséum de Paris , et dont MM. de Blainville et Duvernoy ont donné des figures , est celui d'un exemplaire tué par le courageux voyageur Delgorgue. Les narines ne sont pas séparées, comme dans l'espèce fossile , par une cloison osseuse. Ce Rhinocéros est le Mocouf des Nègres; sa longueur totale approche, assurc-t-on, de quatre mètres. Le Rhinocéros bicorne {Rhinocéros bicomis , Linné) est plus répandu en Afrique ; on le signale dans la Nubie, dans 1' \byssinie, en Mozambique, an Sénégal et dans une grande partie 166 ORDRE DES JUMENTES. FAMILLE DES HYRACIDES Cette famille ne comprend que le seul genre des Damans, dont les espèces, toutes de petite taille, ont, dans leur organisation, une telle similitude avec les Rhinocéros, qu'il serait peut- être plus convenable de les considérer comme une simple tribu de la môme famille que ces derniers. Cependant ces Animaux ont le corps couvert de poils , ils manquent de cornes , et comme leur taille surpasse à peine celle du lièvre, on a, jusqu'à G. Cuvier, méconnu les affi- nités qui les rattachent aux Rhinocéridés. Genre DAMAN (Hyrax, Hermann). Animaux bas sur jambes, extérieurement assez semblables à des Marmottes, mais plus allongés et sans queue, ce qui leur donne aussi quelque analogie avec les Caviens, de l'ordre des Rongeurs; ayant les oreilles arrondies; le corps couvert de poils, doux au toucher, que dépassent quelques longues soies; les membres antérieurs pourvus de cinq doigts, mais dont le pouce est rudimentaire et inonguiculé; trois doigts aux pieds de derrière; les doigts antérieurs et les postérieurs courts, épais, comme tronqués; l'ongle de l'orteil interne répondant à l'indicateur des Lémuridés, allongé comme celui de ces Animaux , mais contourné sur lui-même , non appointa au sommet et ayant sa face convexe tournée en dehors; des incisives et des molaires seulement : les premières au nombre de f fortes, les supérieures prismatiques, un peu arquées et pointues chez les jeunes; les inférieures aplaties, proclives, à trois dentelures pectiniformes que l'usure fait disparaître, appropriées au régime herbivore; molaires au nombre de f , plus semblables à celles des Rhinocéros ou des Paléotheriums par leur forme , la dernière inférieure n'ayant de même que celle des Rhinocéros que deux lobes au lieu de trois. A un certain âge , il y a huit paires de molaires su- périeures. C k \ n i du D \ m k \ i/ r s \ i! i i- , -î, 5 de ï > K N T S U U M !■ M K l) AMAN Les affinités de ce genre singulier ont d'abord été méconnues. Pallas , qui avait étudié les Rhinocéros, n'a pas saisi les rapports qui unissent les Damans avec ces grands Pachydermes, et lorsqu'il en a publié la description anatomique, il a proposé de les classer parmi les Rongeurs dans le genre des Cavia. Hermann, de Strasbourg, qui les a séparés génériquement des Cabiais, n'a pas cru pour cela devoir les éloigner des Rongeurs; et c'est G. Cuvier qui a le premier entrevu et démontré leurs rapports avec les Rhinocéros. Son Mémoire sur ce sujet a paru en 1804 dans les Annales du Muséum. L'examen du système dentaire des Damans , que Pallas n'avait pu faire que sur un seul exemplaire encore jeune, et la considération du squelette dont le fémur est même pourvu, comme celui des Rhinocéros, d'un troisième trochanter, mettent hors de doute la manière de voir de G. Cuvier ; et, dans son Ostoographie du Daman, de Rlainville en a démontré toute In FAMILLE DES HYRACIDES. t67 convenance. Toutefois, M. M il ne-Edwards a fait remarquer que les Animaux de ce genre avaient un mode de placentation analogue à celui des Carnivores, c'est-à-dire zonaire, tandis que le placenta est diffus et multiple chez les autres Ongulés, dont on a pu observer le développement; mais le peu de renseignements comparatifs que Ton possède encore sur ce point au sujet des Rhinocéros, des Tapirs et des Éléphants, ne permet pas de décider quelle valeur on doit réellement attacher à cette différence. L'estomac du Daman est simple, quoique volumineux, et rien n'indique qu'il puisse ruminer, comme on l'a dit du Saphan de l'Écriture, que nous verrons tout à l'heure être le même Animal. Les observations faites sur des individus vivants paraissent concluantes à cet égard. L'intestin grêle a près de six pieds; il présente au delà du côlon un C03cum considé- rable, et, à la naissance du rectum , deux autres cœcums disposés symétriquement, comme ceux de beaucoup d'Oiseaux, et dirigés comme eux vers le côlon. La capacité de ce double appareil est considérable, et sa ressemblance, plus apparente que réelle avec l'estomac multi- loculaire des Ruminants , a pu donner l'idée que ces petits Pachydermes ruminaient. Les Damans sont herbivores, mais en captivité, ils s'accommodent à peu près de tout. Ce sont des Animaux fort doux, dont la vivacité n'a rien d'impétueux , qui font peu de bruit, et dont la vie paraît diurne. Us ne font entendre qu'un sifflement bref, et seulement lorsqu'ils sont contrariés. IIs#sont assez peu intelligents, mais ils se laissent caresser sans chercher à nuire. Leur cerveau a peu de circonvolutions. La première indication que les naturalistes aient eue du Daman est due à Prosper Alpin , savant Vénitien, qui visita la Syrie au seizième siècle; puis au théologien anglais Shaw , qui voyagea dans les mêmes contrées peu de temps après; mais des renseignements plus circonstanciés ont été donnés à leur égard par Sait et par Bruce, qui eurent occasion d'en observer une autre espèce en Abyssinie. On a aussi rencontré des Animaux de ce genre dans l'Afrique australe, principalement dans les parties orientales, et les Hollandais du Cap les désignent sous le nom de Klipdas, qui signifie Blaireau. Us en tirent une substance pharma- ceutique appelée Hyracewn. Les Damans vivent toujours dans les endroits rocailleux; ils se creusent des terriers sous les rochers; ils montent aussi sur les arbres, mais il faut que le tronc ou les branches en soient inclinés, car leurs ongles ne leur permettent pas de s'y cramponner. Il est bien démontré maintenant que c'est à une espèce du genre Daman qu'il faut attribuer ce que la Bible dit du Saphan et non au Chœrogrille, c'est-à-dire au Hérisson , comme le fait la traduction des Septante, ou au Lapin , comme l'ont accepté les traductions du même ouvrage, usitées en Allemagne, en France et en Angleterre. Il est dit au chapitre XXX, verset 26 des Proverbes : (( Saphanim, popuhis invalidas , ponant in petra domiim suam. » Ce que la Bible de Sacy traduit ainsi : a Les Lapins, cette troupe faible, qui établit sa demeure dans les roches. » Dans le chapitre XI, verset 5 du Lëvitique , le Saphan est mis au nombre des Animaux dont la chair est interdite aux Hébreux : « Il en sera de même du Saphan qui rumine, mais qui n'a pas la corne fendue : vous le réputerez impur. » Nos Bibles disent : « Le Lapin qui rumine, mais qui n'a pas la corne fendue, est impur. » Mais dans la traduction arabe de la Bible, là où nous disons Lapin, on a mis le mot Vahr , qui est un des noms vulgaires du Daman au mont Sinaï. En Syrie, les Arabes indiquent aussi le Saphan ou Vahr par le mot Ghannom Israël ou Ghannem béni Israël, c'est-à-dire Agneau des enfants d'Israël. Quoique interdite aux Hébreux, qui, peut-être, en étaient trop friands, la chair des Damans n'a rien de désagréable, et les Arabes ainsi que les chrétiens la mangent encore fréquemment. Bruce a constaté la même chose en Abyssinie, et Kolbe rapporte qu'au Cap, un enfant, qui faisait paître des troupeaux clans les rochers oii vivent les Damans , avait dressé son chien à 168 ORDRE DES JUMENTES. prendre ces Animaux, et chaque jour, grâce à son fidèle compagnon, il revenait à la bergerie chargé d'autant de Damans qu'il pouvait en porter. Au mont Sinaï, où on les estime assez, on les prend avec des pièges formés de pierres , à la manière de ceux que les enfants préparent chez nous pour attraper les Moineaux; mais la fosse doit être pavée, parce que les Damans fouissent avec une grande facilité. On emploie comme appât pour les prendre un rameau do Tamarix. Ces Animaux sont apportés de temps en temps dans les ménageries européennes. Le Daman de Syrie (Hyrax Syriacus , Schreber) est le Saphan de l'Écriture. On le trouve en Syrie, principalement au mont Sinaï. Quoique Buffon ait parlé de cette espèce sous le nom de Daman Israël, son ouvrage en signale ailleurs (t. XV, p. 105) un crâne trouvé dans les ruines de l'ancienne Sidon, comme étant celui d'un Animal inconnu aux natura- listes. C'est du môme crâne qu'il est question dans le tome VII des Suppléments de Buffon, sous le nom inexact de Loris du Bengale. V> \ m A N DE S v TU V, f I /!> de grntul, Daman du Dongola {Hyrax ruficcps , Ehrenberg). Daman d'Abyssinie (Hyrax Habessinicus, Ehrenberg), ou VAskhoki de Bruce. Daman du Cap (Hyrax Cape?isis); Marmotta Cape?isis, Kolbe,et Cavia Capensis, Pnllas. Daman des arbres (Hyrax arboreus, A. Smith). Espèce bien distincte; habitant comme la précédente l'Afrique australe. M. Peters la cite parmi les Mammifères de la côte Mozambi- que. Tous ces Animaux sont à peu près de môme grandeur , c'est-à-dire un peu plus forts que les Lièvres, dont ils diffèrent d'ailleurs par la forme, par les proportions et par les allures. Indépendamment de ces cinq espèces , qui sont propres à la Syrie ou à l'Afrique orientale, ôn en connaît Une sixième , récemment découverte dans le pays des Aschantes , sur la côte occidentale du môme continent. C'est le Daman des forêts (Hyrax sylvcstris, Temm.); les nègres lui donnent le nom à'Eiwia, imité du cri perçant et fréquemment répété dont il fait retentir les forets pendant la nuit. Durant le jour, cet Animal s'abrite dans les trous des Vieux arbres; c'est dans ces retraites que la femelle dépose ses petits. Sa taille n'est pas supérieure à celle des autres Damans. ORDRE des BISULQUES Animaux mammifères pourvus de quatre extrémités ongulées , c est-à- dire terminées par des sabots et non par de véritables ongles ou par des griffes, uniquement propres à la locomotion ordinaire; leur fémur lia pas de troisième trochanter, comme celui des Jumentés; leur astragale (un des os du tarse) est en forme d'osselet, et par conséquent semblable a celui des Moutons ou des Cochons; leurs doigts sont an nombre de quatre , quelquefois de deux, très-rarement de trois. Les deux principaux , qui répondent au troisième et au quatrième des autres Animaux , sont plus forts (pue les latéraux, subégaux entre eux , appliqués l'un contre l autre par leur face de contact et disposés de telle façon qu'ils ressemblent assez bien au doigt unique des Chevaux qu'on aurait fendu en deux par le milieu. C'est à cause de cette disposition qu'on les dit fourchus, en pince, etc., et que Von donne d ces Animaux eux-mêmes le nom de Bisulques. Les deux autres doigts, qui répondent au second et au cinquième des espèces pentadac- tyles, sont plus petits, plus ou moins re jetés en arrière ; ils manquent quelquefois tous les deux ; il ri y en a qu'un dans le Pécari à collier. Les Bisulques ont trois sortes de dents, mais qui varient nota- it PARTIR. n 170 ORDRE DES BISULQUES. blement dans leur formule, dans leur disposition et dans leur forme; ce qui est en rapport avec des différences correspondantes dans le mode d'alimentation. Le cerveau a des circonvolutions à la surface de ses hémisphères , et ces circonvolutions sont presque toujours nom- breuses. Les organes reproducteurs sont semblables à ceux des Co- chons, des Bœufs, etc.; le placenta est multiple dans la très-grande majorité des espèces. Les Bisulques, qui comprennent les Ruminants et les Porcins , sont des Animaux intelligents , presque tous grégaires , qui ont fourni à F Homme la plupart de ses Quadrupèdes domestiques, La Paléontologie nous en a fait connaître un grand nombre d'espèces , anéanties à des époques plus ou moins reculées , et dont plusieurs établissent par leurs caractères anatomiques une liaison intime entre les deux sous- ordres qui comprenne?it les Bisulques actuellement existants. Les Anoplothériums sont , de tous les genres éteints , ceux dont le nom est le mieux connu. Il y a deux catégories bien distinctes de Bisulques, les Ruminants et les Porcins. Ces deux groupes d'Animaux diffèrent beaucoup entre eux par leur régime , par la forme de leurs dents et par la conformation de leur estomac. Les premiers, qui sont essentiellement herbivores, ont la propriété de ramener à leur bouche, pour les remâcher et les insaliver plus complètement, les aliments qu'ils ont préalablement introduits dans une loge spéciale de leur estomac, connue sous le nom de panse. Les seconds n'ont pas la même facilité. Cette particularité et quelques autres peuvent servir à différencier les Ruminants des Porcins. Aussi ces Animaux ont-ils été assez généralement séparés les uns des autres par les classa cateurs, et, pour G. et F. Cuvier, ainsi que pour la plupart des autres zoologistes, ce sont des Mammifères de deux ordres différents. Les Ruminants, que Linné avait déjà distingués sous le nom de Pecora, forment l'un de ces ordres; le second est fourni par les Porcins, que l'on a associés aux Proboscidiens et aux Jumentés, sous le nom de Pachydermes , signifiant Animaux à cuir épais. C'est, en effet, un mode de classification qui semble parfaitement rationnel si Ton n'étudie pas d'une manière complète l'ensemble des Animaux qui nous occupent, et surtout si l'on ne cherche pas à établir leurs affinités avec les genres nombreux qui ont autrefois repré- senté la série des Bisulques dans nos contrées. Les Hippopotames, les sangliers et les autres Animaux de la même famille , comme les Pécaris, les Phacochères et les Babiroussas, se laissent assez difficilement, du moins au premier abord, comparer aux Ruminants, et si l'on peut déjà reconnaître certaines affinités entre eux et les Chameaux ou les Chevrotains, il semble plus difficile de saisir celles qu'ils ont en réalité avec les Bœufs ou les Cerfs. Cet embarras augmente encore si l'on passe à l'examen de quelques autres organes. Ainsi, les Porcins ont les métacarpiens et les métatarsiens des deux doigts principaux aussi nettement séparés que ceux de presque tous les autres Mammifères, tandis que chez les Ruminants ils sont réunis l'un à l'autre pour ne former en apparence qu'un seul os chargé de porter les ORDRE DES BISULQUES. 171 deux doigts de la fourche; on donne à cet os le nom de canon. L'estomac des Porcins est simple ou peu compliqué, tandis que celui des Ruminants est toujours multiloculaire , et que ces Animaux ont la propriété de ramener leurs aliments dans leur bouche pour les mâcher et les insaliver de nouveau. Les Ru- minants ont, dans la majorité des cas, la tête armée de pro- longements frontaux appelés cornes ou bois, et les Porcins manquent constamment de cor- nes. Enfin, dans la plupart des Ruminants , la formule dentaire est ou du moins elle paraît être tout à fait différente de celle des Porcins, qu'on a nommés Pachy- dermes omnivores. Dans les es- Dents du Chevrota in voit te musc, grand, nat. pèces pourvues de cornes et dans les chevrotains, la formule est en effet dans rage adulte : | incisives, V canines, f molaires, tandis que la plupart des Porcins ont : f incisives, } canines, -- molaires. Ces différences ont fait négliger les indications qu'on avait tirées autrefois de la con- formation des pieds, qui, étant à peu de chose près les mômes dans les Porcins et dans les Ruminants, avaient fait réunir ces deux groupes d'Animaux sous la dénomination de Bisulques, que nous avons cru convenable d'employer de nouveau. Certains auteurs du siècle dernier n'admettaient qu'un seul groupe naturel pour les différents Bisulques qu'ils connaissaient, En parlant du canon des Ruminants dont Fougeroux venait de découvrir la véritable composition, Condorcet rappelle que le phénomène singulier de la formation du canon par la fusion des deux os du métacarpe ou du métatarse « a lieu dans les os de la jambe de tous les Animaux à- pieds fourchus (1), si cependant on en excepte le Cochon et le Sanglier, qui sont, pour le dire en passant, les seuls de cette classe qui ne ruminent point, du moins pour les Animaux de nos contrées. » Il est remarquable que, depuis que ce passage a été écrit, on a découvert que les deux métatarsiens principaux se soudent en partie sous la forme d'un canon dans un genre de Bisulques non ruminants, les Pécaris, et que, au contraire, ils restent disjoints à tous les âges et dans toute leur longueur chez une espèce de Ruminants véritables qui appartient à la famille des Chevrotains. Les métacarpiens de ce Chevrotain sont également disjoints. De nouvelles observations ont montré que, sous d'autres rapports encore, les Porcins s'éloignent moins des Ruminants qu'on ne le croit généralement. Les Pécaris ont l'estomac plus compliqué que les Cochons et pourvu de deux renflements sur ses courbures, tandis que chez certains Ruminants, c'est-à-dire chez les Camélidés et les Chevrotains, il y a une loge de moins à l'estomac, ces Animaux n'ayant pas le feuillet bien distinct, ce qui est d'autant plus curieux qu'ils se rapprochent, par d'autres points encore, des Pachydermes omnivores. (1) Arislolc avait déjà admis ce groupe des Bisulques ou Animaux à pieds fourchus. 172 ORDRE DES BISULOUES. Quant aux cornes, on sait qu'elles ne se développent pas chez les femelles de beaucoup de Ruminants, et que, dans certains cas, les deux sexes de ces Animaux en sont même privés, comme tous les Porcins; d'ailleurs elles n'apparaissent qu'après la naissance, à mesure que le développement s'opère , et s'il était démontré qu'à certains autres égards les Pachy- dermes omnivores ne sont pour ainsi dire qu'un arrêt de développement des Ruminants eux- mêmes, on pourrait aisément admettre qu'ils sont aussi dans la même condition, quant aux prolongements frontaux. Or, nous disions tout à l'heure que leurs métacarpiens et métatar- siens principaux restent distincts, tandis que ceux des Ruminants se soudent, de bonne heure, il est vrai, mais après avoir été distincts pendant quelque temps; des observations de deux sortes, les unes paléontologiques, les autres anatomiques, montrent que la formule dentaire de ces deux groupes est, au fond, établie sur le même type, et que des modifica- tions dont la valeur est simplement générique établissent entre eux des différences qui ne nous paraissent considérables que parce que nous les comparons le plus souvent dans les deux termes extrêmes de cette longue série, chez les Bœufs, par exemple, et chez les Cochons. Une première remarque en rend déjà la différence moins considérable. Les Chameaux et les Lamas, qui sont un chaînon intermédiaire aux Bœufs et aux Cochons, mais qui tiennent cependant moins des uns que des autres, ne manquent pas, comme les premiers, d'in- cisives à la mâchoire supérieure; car ils en ont, d'après tous les auteurs, une paire bien distincte, et, d'après mes propres observations, deux paires, dont une disparaît chez les adultes, mais se voit encore chez les sujets peu avancés en âge. Ce fait permettait de penser qu'en prenant des Animaux de cette famille à une époque plus voisine de la naissance, on leur trouverait trois paires de dents incisives supérieures, comme aux Cochons (1). Les Cha- meaux nous fournissent encore une autre observation. Tandis que les auteurs admettent quatre paires d'incisives inférieures aux Ruminants ordinaires, ils ne reconnaissent aux Chameaux et aux Lamas que trois paires de ces dents à la même mâchoire et une paire de canines, mais sans faire attention que la dent qu'ils appellent canine chez les Chameaux répond à celle qu'ils nomment incisive externe chez les Bœufs (2). Ici donc la diversité n'existe encore que dans la manière dont les choses ont été interprétées, et point du tout dans la nature. Ajoutons que les Drémothériums et les Amphitragalus, qui sont d'anciens Ruminants de la tribu des Chèvre- tains, ont, comme les Sangliers, comme les Hippopotames et comme la plupart des Pachydermes omnivores de races éteintes, sept molaires inférieures. Enlin une observation minutieuse (3) a permis de retrouver pendant la vie fœtale des Ruminants, et en particulier chez le Veau et l'Agneau, trois paires de dents incisives supérieures, une paire de canines également supé- rieures , et, en avant des molaires , une paire de fausses molaires transitoires ; ce qui , joint aux dents connues chez les Ruminants adultes, donne à ces Animaux, comme aux Sangliers, -f- incisives, -f canines et -f molaires. J'ajouterai encore deux faits à ceux qui précèdent : Chez lesBisulqucs les plus inférieurs, et surtout citez ceux qui ont les premiers habité le globe, cette formule est à peu près constante , que le régime ait été herbivore , comme chez les Cainothériums, les Xiphodons et beaucoup d'autres espèces de la famille éteinte des Anoplo- (1) C'est ce que M. Owen vient de constater (Descript. Catal. of the r. Collège of surgeons; Osteolog.,T. M, p. 577. (2) J'ai exposé la manière dont on doit envisager la formule dentaire dos Ruminants et des autres Bisulques dans l'article Dents du Dict. univ. d'hist. nat., qui a paru en 1843. (5) Ces observations délicates dues à M. John Goodsir. Elle n'est vérifiable que sur des fœtus. ORDRE DES B1SLLQLES. 173 thériums, ou bien qu'il ail été omnivore, comme chez les Paléochères et les Chéropotames. Les Bisulques fossiles dans les formations tertiaires les plus anciennes sont aussi ceux qui se laissent le plus difficilement partager en Ruminants et en Omnivores, et il en est parmi eux qui sont si bien intermédiaires aux deux groupes actuels, qu'il est impossible de décider s'ils avaient ou non la possibilité de ruminer. Enfin il y a des caractères communs aux Porcins et aux Pachydermes omnivores et aux Ruminants : ces caractères sont tirés du cerveau, de la forme en osselet de l'astragale, de la disposition des organes reproduc- teurs , du mode de développement, etc., etc. Nous avons signalé les principaux dans la diagnose qui est placée en tète de ce chapitre. Quoi qu'il en soit, la série naturelle des Bisulques est aujourd'hui interrompue, et les chaînons qui la repré- sentent seuls sont affectés à deux modes d'existence bien différents, les uns étant plus ou moins omnivores, tandis que les autres sont purement herbivores. Ces derniers sont les plus nombreux en espèces. Cet ordre d'Animaux n'a aucune espèce dans l'Australie , mais ses diverses familles ont également des genres dans l'ancien et dans le nouveau continent, et souvent un même genre est à la fois représenté dans Fun et dans l'autre. Néanmoins, c'est dans l'ancien continent, particulièrement en Asie et en Afrique, (pie ces Mammifères sont le plus variés, et c'est à leurs principales familles que l'homme a emprunté ses Animaux domestiques les plus utiles. AsilUGAIES DI- Moi'TON Iï »fc COCHON , îii-and. naî. 1/2 de grand. SOUS-ORDRE des RUMINANTS Si l'on ne se préoccupe que des espèces existant maintenant sur le globe , et que l'on fasse abstraction des nombreux Bisulques qui l'ont autrefois habité, on peut facilement séparer les Ruminants d'avec les Porcins, et faire de ces deux catégories de Mammifères deux sous- ordres distincts ; mais , comme nous venons de le montrer, cette distinction cesse si l'on joint aux espèces vivantes de l'ordre des Bisulques celles qui ont vécu pendant la période tertiaire. Les Ruminants (ou les Pecora de Linné) ont les dents molaires appropriées à un régime essentiellement herbivore , et dont la couronne s'use en double croissant. Leur .estomac est multiloculaire et composé de' la panse, du bonnet, du feuillet (celui-ci manque quelquefois), et enfin de la caillette. Tous jouissent de la propriété de ruminer, et les deux métacarpiens ou métatarsiens, qui supportent leurs deux doigts principaux ou doigts de la fourche, se réu- nissent, vers l'époque de la naissance, en un seul os auquel on donne, comme au métacarpien ou métatarsien principal , mais simple, des Chevaux, la dénomination de canon. 11 existe en Amérique, et plus encore dans l'ancien continent, un grand nombre d'espèces de Ruminants ; c'est ce groupe d'Animaux qui nous a fourni nos Animaux les plus précieux. Ni Ma- dagascar ni l'Australie ne possédaient de représentants de ce sous-ordre, et ce n'est que par suite de leurs relations commerciales avec les autres parties du monde, qu'elles ont reçu ceux qu'on y voit maintenant à l'état domestique. Le sous-ordre des Ruminants peut être partagé en cinq familles, savoir : les Bovidés, appelés aussi Cératophores , ou les Ruminants pourvus de cornes à étuis; les Girajïdës, parmi lesquels on ne peut citer que la Girafe; les Cervidés ou les Cerfs; les Moschidés ou Chevrotains , et les Camélidés ou les Chameaux et les Lamas, 174 ORDRE DES BISULQUES. FAMILLE des BOVIDÉS C'est la plus nombreuse en espèces; tous les Ruminants qu'on doit y rapporter ont pour formule dentaire f incisives , ~ canine et ~ molaires. Leur canine est rapprochée des incisives et de môme forme qu'elles. Ces Animaux ont, dans le sexe mâle, et le plus souvent dans les deux sexes, des prolongements frontaux nommés cornes (1). Ces prolongements frontaux con- sistent en un axe osseux plein ou celluleux, qui est recouvert par un étui corné, dont la forme, la longueur, etc., varient habituellement suivant les genres et même suivant les espèces ou les sexes. Cette famille renferme près de deux cents espèces. En tenant compte de quelques caractères, on l'a partagée en quatre tribus, sous les noms de Bovins, Caprins, Ovins et Antilopins; ce qui répond aux anciens genres Bœuf, Chèvre, Mouton et Antilope des naturalistes qui ont suivi la méthode de Pallas. TRIBU des BOVINS. Les espèces bovines ont des dimensions supérieures à celles de la plupart des autres Rumi- nants. Leurs formes sont lourdes et robustes; leurs cornes sont insérées au-dessus de la fosse temporale; la peau des parties inférieures de leur cou est pendante sous forme de fanon. Ces Animaux ne comprennent qu'un seul véritable genre, celui des Bœufs, auquel on donne, en latin, le nom de Bos, et que l'on partage en plusieurs sous genres. GENRE BOEUF (Bos, Linné). Par la vigueur de ses espèces autant que par leur grande taille et par l'excellence de leurs qualités, ce genre est sans contredit le premier et le plus important parmi ceux qui composent la série des Bisulques ; on peut encore ajouter qu'il n'en est aucun autre dans toute la classe des Animaux mammifères qui ait, pour l'économie rurale, une plus grande importance ou qui soit la source de richesses plus considérables. La possession du Cheval comporte déjà une certaine aisance, et sa plus grande utilité est dans la guerre qui détruit souvent le bien-être; la société du Chien satisfait nos goûts plutôt que nos inté- rêts, et les principaux services qu'il nous rend par la garde du foyer ou parcelle des troupeaux seraient moins grands sans la possession du Bœuf, qui se prête à tant d'usage. C'est sur l'exploitation^ Bœuf ou des autres espèces de ce genre conquises par l'Homme, que reposent principalement les travaux de l'agriculture, et, après nous avoir donné de leur vivant des moyens de transport ou des moteurs puissants , du lait dont on fait tant de denrées indispensables , des fumiers qui ont une si grande utilité pour ja culture , ces premiers des Ruminants nous fournissent encore leur chair, leurs os , leur peau et leurs cornes. Nul autre genre de Mammifères n'a fourni autant d'espèces à la domesticité : le Buffle, l'Yack, le Zébu, etc., sont des Animaux congénères du Bœuf proprement dit, et leur asservissement remonte également aux temps les plus reculés. Il est toujours question des Bœufs dans les plus anciennes épopées chez toutes les nations de l'ancien continent , et ils ont dans plusieurs cosmogonies un rôle digne de leur utilité. On ne retrouve point à l'état sauvage les types de toutes leurs espèces; celui des Zébus est inconnu comme celui des Bœufs proprement dits, et jusqu'à ce que la paléontologie ait résolu cette difficulté , la zoologie devra se contenter sous ce rapport d'hypothèses plus ou moins probables. (1) Ce qui leur a valu le nom de Cératophores, signifiant porte-cornes, que certains auteurs, et en particulier de Blainville, préfèrent à celui de Bovidés. Ce dernier répond au mot Bos, sous lequel Linné réunissait primi- tivement tous les Ruminants à cornes véritables. FAMILLE DES BOVIDÉS. 175 Tout porte à penser cependant que l'Asie est la patrie primitive du Bœuf, comme elle est aussi celle du Zébu, du Buffle, de l'Yack, etc. C'est en effet d'Asie que sont venus beaucoup de nos Animaux domestiques, mais ils sont loin d'appartenir également aux mêmes régions de ce continent, et l'Homme a certainement asservi d'autres espèces qu'il a prises dans les autres parties du monde. Boeufs domestiques {Taureau et Vaches). Aucun doute ne saurait exister sous ce rapport pour le genre des Lamas, qui est exclu-, sivement propre à l'Amérique méridionale , et il est aussi très-probable que certaines espèces de l'Afrique et de l'Europe sont pour quelque chose dans la production de nos diverses races domestiques des genres Sus, Canis, etc., dont l'Asie a aussi contribué à nous fournir diffé- rentes formes. Malheureusement les peuples ont perdu le souvenir de toutes ces acquisitions , et la paléontologie, cette archéologie de l'histoire naturelle, n'a pas encore réussi à suppléer à tous les oublis de l'histoire proprement dite, ni à démontrer toutes les erreurs des anciennes légendes. Indépendamment des espèces asiatiques du genre Bœuf, espèces qui ont presque toutes fourni des races domestiques, il en existe en Europe, en Afrique et dans l'Amérique sep* tentrionale, quatre autres qui s'en rapprochent considérablement, mais qui sont restées sauvages. Ce sont : l'Aurochs européen, dont la race est presque anéantie, le Buffle du Cap, le Bœuf brachycère de la côte occidentale d'Afrique et le Bison, dont les immenses troupeaux font la terreur des colons dans certaines parties de l'Amérique septentrionale. C'est encore au genre des Bœufs qu'appartient le Bœuf musqué de l'Amérique septentrionale, dont Blainville a fait le genre Ovibos , et il y a dans l'Inde une autre sorte de Bœuf sauvage, le Bœuf des Jungles qui a servi à la formation du sous-genre Bibos de M. Hodgson. On connaît encore d'autres Bœufs , mais à l'état fossile seulement. Le Bos primigenius des terrains diluviens de l'Europe est l'un des plus curieux parmi ces derniers, surtout à cause de 176 ORDRE DES RISULQUES. sa grande ressemblance avec les Rœufs domestiques, qu'il dépassait pourtant beaucoup par ses dimensions. G. Cuvier a pensé que ce grand Rœuf , dont les tourbières et d'autres terrains également peu anciens nous ont conservé des débris soit en Angleterre et en France, soit en Allemagne et en Italie , avait vécu à l'époque historique , et il a cru le reconnaître au lieu de l'Aurochs dans le passage suivant des Commentaires de Jules César. Jules César avait signalé dans la forêt Hercynienne (1) trois espèces particulières de grands quadrupèdes, savoir : 1° Une espèce de Rœuf ressemblant au Cerf (Bos cervi figura). Nous en traiterons sous le nom de Renne ; 2° UAlces, qui paraît être l'Élan, mais qui est mal défini; 3° Les Urus. « Ceux-ci , dit le conquérant des Gaules , sont d'une taille un peu inférieure à celle des Éléphants par l'apparence et par la couleur aussi bien que par la forme {figura) ; ils ressemblent au Taureau, leur force est grande, et il en est de même de leur vélocité. Ils n'épargnent ni l'homme ni aucune bête féroce quand il les ont aperçus. On les prend dans des fosses préparées exprès et on les assomme. Les jeunes gens s'endurcissent dans ce travail et s'exercent à ce genre de chasse , et ceux qui ont tué le plus grand nombre et qui en rapportent publiquement les cornes en témoignage de leur exploits sont en grande considération. Ces Animaux ne peuvent être ni soumis à l'Homme ni apprivoisés, même quand on les prend jeunes (parvuîi) ; l'ampleur et la configuration de leurs cornes ainsi que l'apparence de celles- ci sont fort différentes de celles des cornes de nos Rœufs. On les recherche pour en garnir les bords d'argent et on s'en sert comme de coupes dans les plus grands festins. » Dans son Mémoire sur l'ostéologie et la paléontologie des Rœufs, G. Cuvier a considéré Y II rus de Jules César comme étant d'une autre espèce que le BonasGS d'Aristote. Ce Bonase est pjur lui le véritable Aurochs, c'est-à-dire cette espèce sauvage de Bœuf que l'on trouve encore du côté du Caucase, et dont il y a en Russie, dans le gouvernement de Grodno, situé au nord de la Volhynie et à l'est de la Pologne, quelques troupeaux dont nous reparlerons plus loin. Le Ronase se distinguait par sa crinière laineuse; quant à l'Unis, c'était une espèce remarquable par la grandeur de ses cornes. L'Unis, dit G. Cuvier, portait aussi parmi le peuple le nom de Bubalus , et il ajoute : « César, en reproduisant le passage qu'on vient de lire, n'a connu que ce dernier , mais Sénèque et Pline distinguaient déjà l'un de l'autre. » Dans les passages de Sénèque et de Pline, invoqués par G. Cuvier, la Germanie est signalée comme fournissant deux sortes de Rœufs, le Bison et Y Urus; le Rison a le dos velu et l'Unis les cornes larges. Au dire de Pline, le vulgaire donnait à tort à Y Unis, qui habite ainsi que le Rison la partie de la Germanie qui touche à la Scythie, le nom de Rubalus ou bubale (sans doute notre Rubale d'aujourd'hui) , qui est un Animal d'Afrique (2) , G. Cuvier remarque, avec justesse, que cette distinction des deux sortes de Bœufs sait- (!) L/étcnduc attribuée par César à la forêt Hercynienne est immense: « Elle commence, dit-il, aux frontières de la Suisse, de Spire et de Bâle, et s'étend le long du Danube jusqu'aux confins des Daces et de la Transylvanie, de là, elle tourne sur la gauche dans des contrées éloignées de ce fleuve, et par sa vaste étendue touche aux pays de divers peuples. Il n'y a point d'Allemand ici qui dise en avoir trouvé le bout, quoique marchant soixante jours pour découvrir où elle commence. Il est certain qu'elle renferme beaucoup de bêtes sauvages (mulia gênera ferarum) qu'on ne voit point ailleurs. » (â) Le passage emprunté de Sénèque est celui-ci : Tibi dant varige pectora Tigres Tibi villosi terga Bisontes, Latisquc cornibus Uri. Voici la copie du passage de Pline : Paucissima Scythia gignit inopia fructicum; pauea contermina illi Germania, insignia tamen Boum ferorum gênera, jufoatos Bisontes exeellentique vi et velocitate Urjs, quibus imperitum vulgus Babalorum nomen imponit, eu m id gignat Africa. d'Amérique FAMILLE DES BOVIDES. 177 vages est suivie par des auteurs qui avaient vu de leurs yeux ces Animaux dans le Cirque, et il rappelle à ce propos le vers suivant de Martial : Mi eessit atrox Bubalus atque Bison. « C'est l'Aurochs, dit-il encore, qui est bien certainement le Bonase ou le Bison des an- ciens. » Cela ne fait pas de doute ; mais je ne puis croire que G. Cuvier soit dans le vrai lorsqu'il rapporte Y Unis de César au Bos primigenius des paléontologistes modernes, et qu'il dit de ce dernier : «Ce doit être là le véritable Frus des anciens, l'original de notre Bœuf domestique. » Le célèbre auteur des Recherches sur les ossements fossiles ajoute quelques lignes plus loin : (( On a vu ci-dessus que César ne place les Urus que dans la foret Hercynienne, c'est-à-dire en Allemagne, mais Servius {Ad Géorgie, lib. Il, vers 374.) dit qu'on en trouve dans les Pyrénées. Macrobe, à l'occasion du même vers, prétend qu7/n/s est un mot gaulois, et M. Goldfuss, dans son mémoire sur le Tigre ou le Lion fossile de Gaylenreuth, nous apprend que le Taureau commun s'appelle encore Ur dans plusieurs lieux de la Suisse. Il est certain qu'il y avait encore sous la première dynastie de nos rois une race de Bœufs sauvages dans les Vosges, comme le montre le Bubalus qui occasionna l'acte de cruauté du roi Contran (i), rapporté par Grégoire de Tours. » L'Urus de César est tout simplement le Bonase des anciens; il dit de lui, ce que d'autres ont écrit au sujet du Bonase, qu'on ne peut ni le rendre domestique ni même l'apprivoiser, quelque jeune qu'on le prenne : a Se cl assuescere ad homines , et mansuefieri , ne parvuli quidem excepti possunt ; » et l'usage qu'il assigne aux cornes de PUrus dans les festins est précisément celui que l'on a fait longtemps après des cornes de l'Aurochs. On trouve dans les ouvrages d'archéologie la description de quelques-unes de ces cornes d'Unis, c'est-à-dire d'Aurochs, prises parmi les plus célèbres. D'ailleurs, nul observateur n'a encore rencontré, dans aucun endroit, clés ossements du Bos primigenius susceptibles d'être attribués à des individus de cette espèce qui auraient vécu à une époque aussi récente que celle où écrivait César, et la région des Urus était bien certainement le vaste espace boisé qui s'étendait jusqu'au confins du pays des Sarmat.es, c'est-à-dire jusque dans la Russie actuelle. Or, c'est justement dans une partie de cet immense territoire que les Aurochs ont survécu. Comment expliquer, d'ailleurs, que les Bœufs domestiques soient plus petits que les Bos primigenius dont ils descendraient , et qu'il y ait entre les uns et les autres certaines différences , peu importantes , sans doute, mais qu'on peut, sans exagérer, considérer comme étant de valeur spécifique? Quant aux Frits que Séoèque distingue des Bisons ou Aurochs, dont il parle en même temps que des Tigres et auxquels il donnait de larges cornes (latisqiw cornibus Un), pourquoi ne pas y voir des Buffles , espèce de Bœuf à larges cornes qui vivait alors comme aujourd'hui dans les parties de l'Asie les plus voisines de l'Europe, et qui, dit-on, n'a été introduite en Italie que pendant le moyen âge? Ce n'est pas l'Lrus de César, je l'avoue; mais ce n'est ni la pre- mière fois ni malheureusement la dernière que deux auteurs auront appliqué le même nom à deux espèces différentes, et le Buffle mérite, mieux que le Bos primigenius, d'être qualifié d' Anima, à larges cornes. Dans Y Unis de Pline, je crois retrouver aussi le Buffle, et l'habitude qu'il attribue au vulgaire de donner à tort à cet Animal le nom de Bubalus, c'est-à-dire celui d'une espèce africaine, notre Alcélaphe Bubale, me prouve que le vrai Buffle était dès lors assez com- mun, puisque la langue populaire avait un nom pour le désigner. Les naturalistes eux-mêmes ont fait comme Yimperitwn vulgus dont parle Pline, et dans leurs catalogues méthodiques le Buffle s'appelle encore Bos bubalus. Gesner, Brisson, Linné ont fait ainsi, et le mot Buffalo n'est pas bien différent de celui de Bubalus. Le Buffle était connu en Europe avant Pline car déjà il est mentionné par Aristote. C'est son Bœuf d'Arachosie qui diffère (1), dit-il, du Bœuf (1) Un chambellan du roi, le neveu de ce chambellan et le garde-chasse furent mis à mort parce que l'on avait tué indûment un Bubalus dans une forêt royale située dans les Vosges. (1) Du Belouchistan. II e PARTIE. ^3 178 ORDRE DES BISULQUES. ordinaire comme le Sanglier diffère du Porc domestique. En rapportant au Bos primigenius VUrus de César que nous croyons être un Aurochs, on serait forcé d'admettre que cet auteur a parlé d'une espèce aujourd'hui éteinte et qu'il a ignoré l'existence de l'Aurochs qui vit encore dans une partie des régions qu'il a décrites; et, d'un autre côté, en considérant aussi comme Bos primigenius l'espèce appelée Unis par Pline , et que de son temps le peuple appelait Bu- balus, on serait conduit à admettre que l'éloquent compilateur romain n'a pas connu le Buffle ordinaire, et cependant le contraire est certain. Un massacre du Buffle à grandes cornes, c'est-à-dire de l'Arnie, avait môme été apporté à Alexandrie du temps des Ptolémées; c'est ce que nous établissons en invoquant le témoignage de G. Cuvier lui-même. Il dit à propos de Y Amie : « Cependant cette race avait déjà été indiquée par Élien, car il est difficile que ce ne fut pas d'elle que vint cette corne de Bœuf apportée des Indes à Ptolémée-Philadelplie et qui contenait trois amphores; elle l'a été même par Pline, sous le nom de Bœuf des Indes grands comme des Chameaux, à cornes longues de quatre pieds. » Nous nous croyons donc endroit d'admettre que les anciens n'ont pas connu le Bos primigenius, ut qu'il est impossible d'attribuer à cette espèce ce que César a recueilli au sujet du Bison, qu'il nomme à tort Urus. Comment croire, d'ailleurs, que ces Animaux, si sauvages qu'au dire de Jules César on ne pouvait les apprivoiser, aient pu fournir une de nos espèces domestiques. Les naturalistes ont encore été dans l'erreur lorsqu'ils ont admis que l'Aurochs était la souche sauvage de nos Bœufs domestiques , des caractères dont la valeur peut être regardée comme générique séparent ces deux sortes d'Animaux. Le genre Bos n'a pas été conservé tel que Linné l'avait établi ; il ne comprend aujourd'hui que les espèces soit purement sauvages, soit sauvages et domestiques, soit enfin uniquement domestiques, auxquels on applique vulgairement le nom de Bœufs, et les Chèvres et les moutons ainsi que les Antilopes n'en font plus partie. Voici comment on peut caractériser ce genre : Animaux herbivores de la catégorie des Bisulques ruminants, acquérant une taille consi- dérable, à formes robustes, pourvus de cornes à étuis dont l'axe osseux est celluleux; leur peau est pendante sous forme de fanon au-dessous de la partie inférieure de leur cou et entre leurs membres antérieurs ; leurs arrière-molaires sont pourvues d'une colonnette d'émail placée dans la rainure qui sépare les lobes. Ces colonnettes sont internes aux dents supérieures et externes aux dents inférieures; quoiqu'on les ait signalées comme un caractère exclusivement propre aux Bœufs, on les retrouve, ainsi que je le ferai voir, dans plusieurs espèces d'Antilopes, et il y a aussi des Animaux de ce dernier groupe qui sont pourvus d'un fanon. Cependant les Bœufs se distinguent des autres Ruminants par une forme spéciale de leur boîte cérébrale dont la fosse temporale est toujours surplombée par les cornes , ce qui n'a pas lieu chez les Antilopes. Les Bœufs ont pu être partagés en plusieurs groupes d'après la considération de la forme de leurs cornes, de celle de leur crâne, de la largeur plus ou moins grande de leurs canons, de la présence ou de l'absence de poils autour de leurs narines, de la présence ou de l'absence de papilles cornées sur leur langue , etc. Nous en décrirons toutes les espèces en les distribuant dans six sous-genres, sous les noms de : Bibos, Taureaux, Yacks, Bonases, Buffles et Ovibos. 1. Les BiBOS (genre Bibos, de M. Hodgson) sont caractérisés par leur front un peu excavé, comme caréné, entre les cornes dont la base est déprimée et plus ou moins ridée; leur garrot, qui s'élève en forme de bosse , est soutenu par le grand développement des apo- physes épineuses de leurs premières vertèbres dorsales. Il n'y en a qu'une seule espèce. Le Boeuf des Jongles (Bos frontalis, Lambert), que F. Cuvier appelle Bos sylhetanas, est une espèce sauvage entièrement rousse sur tout le tronc ; il a, en même temps, les pieds blanchâtres. Sa taille égale celle des Bœufs domestiques , mais sa forme est assez différente ; ses cornes sont arquées , ridées transversalement à leur base , qui est un peu déprimée et insérées plus haut ; la partie du front qui les sépare est comme relevée en une épaisse carène PL.LVI. iwrtifiArx- vAVHE t>r ( otkXtia PL. IA I /^'"'/'J BŒir & VACHE SI -ISSK FAMILLE DES BOVIDÉS. 179 transversale en avant de laquelle le chanfrein est exeavé. Les apophyses épineuses des ver- tèbres du dos sont très-longues, ce qui a engagé M. Hodgson à faire de cette espèce le type d'un genre à part sous le nom de Bibos. Le Bœuf des Jongles , que l'on a aussi appelé Bos Diardi, du nom de feu M. Diard, naturaliste français que nous avons déjà cité si souvent pour les Animaux qu'il a découverts dans l'Inde , habite une grande partie do l'Asie méridio- nale ; on le trouve depuis la région des Gattes jusqu'en Cochinchine. C'est un Animal dange- reux par sa brutalité, qui vit dans les forets épaisses ou dans les grands marécages, et qui se réunit par petites bandes. Au dire de M. Adolphe Delessert, qui a en rapporté un bel exem- plaire qu'on voit au Musée de Paris, le Bœuf sauvage de l'Inde est naturellement très-hardi, et il se défend aisément contre tous les Animaux féroces. Dans la presqu'île de Pondichéry, on ne le trouve qu'à la hauteur de trois à quatre mille pieds environ au-dessus du niveau de la mer, sur le penchant des montagnes. Les Anglais l'appellent Gauri-Gau, Jungli-Gau, Sylhet Catle, Gayal et Bison; en langue orientale Gau, fort peu différent du mot anglais Cow, qui signifie Vache, s'étend encore à quelques Animaux différents, tels que le Nil- Gau ou la Vache Bleue , qui est un Antilope. Les habitants de Carnatic et de Pondichéry donnent à la même espèce le nom tamoul de Câte-Yrme, signifiant Buffle des bois. Il n'est pas certain que le Bos Gour (Bos gaurus de Traill), signalé dans plusieurs provinces de l'Inde, et dont il est question dans quelques auteurs , constitue une espèce différente du Bœuf des Jongles ; dans tous les cas, cette espèce en serait très-rapprochée. M. Gray le donne cependant comme formant une espèce véritable. 2. Les Tau REAL x. Dans le langage usuel, ce nom appartient au mâle de la Vache, et l'on appelle Bœufs les Animaux de la même espèce qu'on a rendus artificiellement incapables de reproduire; mais les zoologistes, qui ont étendu le nom de Bœufs à l'ensemble des espèces bovines , nomment Taureaux le sous-genre qui comprend le Bœuf ordinaire et les espèces qui s'en rapprochent le plus. Ges Animaux ont pour caractère d'avoir le front allongé et plat , les cornes écartées à leur base, qui est arrondie, et pointues à leur extrémité; les côtes au nombre treize; le poil ras. et les mamelles sur deux rangs, *7\LP.ETHER1NCT0N^ ï*OF, vv nu S AI. KFÎ •-• 180 ORDRE DES BISULQUES, Le Roeuf domestique (Bos Taurus) , que l'Homme a répandu sur tant de points du globe, paraît être d'origine asiatique; mais on ignore de quelle région il vient précisément , et sa véritable patrie est par conséquent moins certaine que celle du Bison , qui appartient à la môme tribu que lui ou de l'Yack dont on fait une petite division particulière. Pendant sa vie le Bœuf rend à l'homme les plus grands services, et il ne lui est pas moins utile après sa mort; de tout temps, les peuples civilisés se sont appliqués à en multiplier et à en per- fectionner l'espèce, et chaque pays en fournit plusieurs variétés. Celles de France sont, en général, désignées par le nom des provinces où on les cultive; les principales sont les Bœufs de Salers ou du Cantal, ■— Limousin, — Charolais, — Nivernais, — Comtois, •— Gascon, — Normand et Flamand. La Suisse , la Hollande , la Hongrie , et surtout l'Angleterre , en pro- duisent d'autres. On distingue, parmi les variétés de ce dernier pays, les Bœufs de Devon ou du Devonshire, — ceux de Durham, — ceux de Hereford, — ceux de Sussex, — ceux de Suffolk, etc. Il y a aussi une variété particulière à l'Irlande. =HSENILLOirg Boi;ri' »K Devon. En Afrique, les Bœufs sont plus différents encore; un peu moindres que les nôtres, dans le nord de ce continent, ils sont même beaucoup plus petits au Sénégal, où vit nue race à peine supérieure à un sanglier pour les dimensions. Au contraire , il y a en Abyssinie cl dans le sud de l'Afrique des Bœufs de très-grande taille, et dont les cornes sont énormes, leur envergure, lorsqu'elles sont divergentes, ayant souvent plus de deux mètres. Ces Bœufs portent au Cap le nom de Bœufs africains. En Abyssinie, leurs cornes sont simplement lyrées; on les appelle Bœufs galla ou Bœufs sang a. Les Bœufs des anciens Égyptiens, et en particulier leur Bœuf Apis, étaient bien plus semblables aux nôtres. En Amérique les Bœufs sont très-nombreux, et, pour la plupart, ils vivent en liberté dans les vastes pampas des régions chaudes; ce sont les descendants des Bœufs domestiques que les Européens, et plus particulièrement les Espagnols, y ont portés à l'époque de la enn- IM..LIY. 1)1 KK OF 1>F\ OYS////IF shry ,/r /« '"»•< • <'<' / v FAMILLE DES BOVIDES. 181 quête. Chaque année, on les tue par myriades, ce qui n'eu diminue pas le nombre, et leurs peaux sont exportées pour l'Europe, principalement par la voie de Buenos- Ayres, Outre ces cuirs américains, le commerce européen emploie aussi les Bœufs indigènes qui sont en très-grand nombre presque partout. Ceux de la Russie sont aussi fort estimés. On évalue à 7 ou 8 millions le nombre de Taureaux, Bœufs, Vaches, Génisses ou Veaux pour la France seulement. Suivant les contrées ou on en fait l'élève, on destine les Bœufs au travail, soit au labour ou au charrois, ou bien à la boucherie, et souvent on ne les engraisse qu'après les avoir fait travailler pendant un temps plus ou moins long. Les Bœufs des contrées sèches et arides du Midi résistent mieux aux fatigues que ceux du Nord, mais ils sont inférieurs, pour leur chair, à ceux des riches pâturages de la Normandie, de la Belgique, de la Hollande ou de l'Angleterre. Le croisement de quelques variétés anglaises, principalement de celles de Durham, avec les nôtres, a déjà donné de très-bons résultats. L'âge des Bœufs se reconnaît, comme celui des Chevaux, à leurs dents, mais les carac- tères ne sont pas les mêmes. Les figures que nous en donnons fournissent à cet égard tous les renseignements désirables. Les Bœufs de la Camargue sont à peu près aussi libres que les Chevaux des mêmes marécages. On en voit de Saint-Gilles à Aiguës-Mortes et aux* embouchures du Rhône; ils sont de taille médiocre, ont les cornes assez courtes et sont de couleur noire. Quelques auteurs disent qu'ils descendent des Boeufs de race auvergnate, mais il n'y a rien de certain à cet égard. Leur rencontre est souvent dangereuse, car les femelles qui ont vêlé ne sont pas moins redoutables que les Taureaux; elles prennent beaucoup de précaution pour cacher aux Hommes qui surveillent leurs troupeaux le lieu oii elles ont déposé leur petit. Ces Hommes sont toujours armés d'un long trident et toujours à cheval; leur monture est habituellement un de ces chevaux qui vivent à demi sauvages dans les mêmes lieux que les Bœufs. 182 ORDRE DES BISULQUES, Les Taureaux de la Camargue sont recherchés pour les combats, nommés courses ou ferrades, et dont les habitants de Tarascon, de Beaucaire, d'Arles, de Saint-Gilles, d'Aiguës- Mortes, de Marsillargue , etc., sont très-curieux; mais la police a presque complètement in- terdit ces luttes. Aujourd'hui on n'en donne plus que rarement, et seulement d'une manière tout à fait accidentelle, particulièrement à l'occasion de quelque troupe espagnole en passage dans les mêmes lieux. C'est ainsi qu'en 1853, il y en a eu plusieurs représentations dans les Arènes de Nîmes. Je ne saurais en parler avec connaissance de cause, les Animaux que j'ai vus dans cette occasion (on m'a dit que j'avais manqué la bonne) étant plutôt des Veaux de deux ou trois ans que des Taureaux véritables aux regards obliques et farouches, furieux dans leurs attaques, terribles jusque dans leur défaite, tels enfui que l'on décrit ceux qui luttent en Espagne. C'est d'ailleurs dans les écrits des littérateurs plutôt que dans les récits descriptifs et froids des naturalistes qu'il faut chercher le détail de ces scènes , qui ont peut- être eu leur utilité à d'autres époques, mais qui semblent de plus en plus en opposition avec les mœurs actuelles. -^» ^4*0/?/C£. JzC~£^Z Les Bœufs de la Camargue sont assez faciles à dompter; ils peuvent même être em- ployés aux travaux agricoles pendant une partie de leur vie. On s'en sert jusqu'à l'âge de dix ou douze ans, après quoi on les laisse reposer dans les pâturages pour les vendre ensuite aux bouchers; mais leur chair est d'une qualité inférieure. Il a existé autrefois dans la Grande-Bretagne des troupeaux de Bœufs sauvages provenant, sans doute, d'individus préalablement domestiques, et il yen a encore aujourd'hui une troupe dans les parcs de Chillingham (Northumnorland), qui appartiennent à lord Tankerville. Leur destruction est sévèrement interdite. Quelques auteurs, et, en particulier, M. H. Smith, ont considéré ces Animaux comme des Aurochs {liras scoticus, M. Sm.), mais cette manière de voir n'est pas fondée. La couleur des Bœufs d'Ecosse est blanchâtre. La zootechnie et la zoologie proprement dites attendent encore une bonne classification des races bovines et une rigoureuse appréciation des modifications que la culture a fait subir à chacune d'elles. Ce travail, dont l'importance ne saurait être douteuse, devra comprendre une exposition exacte des principaux caractères de couleur, de forme générale, de conformation l'L . LUI or/;. IV .-.,. S//// .///TV FAMILLE DES BOVIDES. 183 de cornes, de taille, etc., qui distinguent chacune des races de cette utile espèce, envisagées dans leurs rapports avec les conditions d'existence et les qualités particulières à ces races, qu'on les emploie comme Animaux de trait, Animaux producteurs ou Animaux de boucherie. Tous les documents nécessaires pour ce travail sont loin d'avoir été réunis ; on en trouvera cepen- dant de fort bons dans l'ouvrage de David Low, sur les Animaux domestiques, de l'Angleterre, qui a été traduit en français par M. Royer; dans la Mammalogie de Desmarest; dans la descrip- tion du Bœuf (the Oœ), publiée en anglais par M. L. Martin; et dans les comptes rendus des concours régionaux établis en France par le ministère de l'Agriculture. A côté de ces docu- ments écrits, nous devons signaler comme également importantes les pièces ostéologiques diverses , que l'on conserve dans plusieurs collections publiques en France et à l'étranger et dont la description comparative offrirait tant d'intérêt. Le Boeuf ancien (Bos primigenhts , Bojanus). Parmi les nombreux ossements de Bœufs que l'on rencontre en fouillant les terrains meubles, il en est qui ressemblent singu- lièrement à ceux des Bœufs domestiques, mais qui indiquent des Animaux d'une taille presque double. Certains auteurs, et parmi eux G. Guvier, ont pensé que ces grands Bœufs, dont on ne voit plus les pareils à présent, étaient la souche de nos races domestiques; mais cette opinion n'a pas prévalu, un nouvel examen des squelettes fossiles ayant montré que les caractères peu nombreux, mais certains, par lesquels ils diffèrent des Bœufs ordinaires, pou- vaient être considérés comme ayant une valeur spécifique. C'est avec les restes des grands Ours, des Hyènes, des grands A js, des Eléphants et des Rhinocéros à narines cloisonnées, que les ossements des Bos primigenius ont été enfouis, et nulle part on n'en a trouvé dans des conditions qui puissent leur faire attribuer une existence historique, quoiqu'il y en ait des squelettes entiers, même dans nos tourbières. Tous n'ajouterons rien à ce que nous en avons dit plus haut, au sujet de ces anciens Bœufs, en traitant de Y Unis de Jules César. Le Boeuf zébu (Bos indiens, Linné) n'est pas une simple variété du Bœuf ordinaire, comme on le croit assez généralement, mais une espèce véritable depuis longtemps domes- tique dans l'Asie, et qui est l'un des Animaux les plus utiles des peuples indous. Le Zébu a les formes moins osseuses que le Bojuf; sa tête est plus longue; son garrot est surmonté d'une grosse bosse graisseuse , et son poil est en général blanc bleuâtre sur les parties supérieures ; son squelette, comparé à celui du Bœuf, s'en distingue en quelques points. Cet Animal paraît originaire de l'Inde continentale, mais on ne le connaît nulle part à l'état sauvage. Il est en général moins grand que notre BoBuf , et il y en a une race tout à fait curieuse par sa petitesse. Dans celle-ci, les Zébus ne sont guère plus forts qu'un Cochon ou qu'un Chien de Terre-Neuve , et cependant ils ont conservé toute la gracieuseté de forme qu'on remarque chez les autres. Il y a aussi des Zébus sans cornes , à oreilles couchées , à deux bosses , etc. Ce sont d'autres variétés dues à la culture. Les Animaux de cette espèce ont été transportés dans une grande partie de l'Asie ; il y en a aussi maintenant dans les îles de l'Inde , à Mada- gascar et sur la côte occidentale d'Afrique. Le climat de l'Europe ne leur est pas défavorable. Le Boeuf Banteng (Bos sondaïeus, Temm.), dont MM. Quoy et Gaimard ont parlé dans le voyage de Y Astrolabe sous le nom de Bœuf à fesses blatiches , est sauvage dans les îles de Java et de Bornéo. Son corps est en grande partie roux bai avec les fesses et les jambes blanches ; ses côtes sont plates et au nombre de treize paires , comme chez les précédents. 3. Les YACKS, qui répondent au genre Pœphagus de M. Gray, semblent intermédiaires aux Taureaux et aux Bisons; leurs cornes ont, à peu de chose près, la même forme que celles des premiers, mais l'implantation en est un peu différente et leur crâne est bombé en dessus comme celui des seconds; l'espace nu de leurs narines est plus petit que chez les uns et les autres , et leur queue , qui est médiocre, est terminée par des poils soyeux qui deviennent fort longs. L'espèce unique de ce sous-genre, ou F Yack, vit dans les montagnes de l'Asie centrale. Ce Boeuf Yack (Bos grunniens, Linné) est domestique dans la région des monts 1S4 ORDRE DES BISULQUES. Altaïs et Himalayas; son front est bombé entre les cornes; celles-ci sont à peu près fortes comme celles de nos Bœufs, de forme peu différente, Le pelage est plus long, plus fin et plus fourni, et leur queue est garnie de crins allongés qui rappellent ceux du Cheval et servent à faire des étendards. L'Yack est un Animal fort utile pour les habitants du Thibet et du nord de la Chine, dont il compose principalement le bétail. On l'appelle encore Changree, et Pallas en a parlé sous le nom de Bos pœphagus. Cette espèce peut être accouplée avec le Bœuf ordinaire et avec le Zébu, et les Tartares estiment beaucoup les Métis qui résultent de cette union. Ces Métis sont très-employés pour l'agriculture, et ils paraissent préférables aux Ani- maux d'espèce pure. Le Bœuf Yack est encore sauvage sur les confins de la Tartarie chinoise ; sa variété dômes- tique est un Animal indispensable aux peuples de l'Asie centrale. Quelques individus ont été apportés en Europe. On compte beaucoup sur le parti qu'il sera possible de tirer de ces Animaux dans nos contrées , surtout à cause de leurs poils longs et soyeux , et la Société zoologique d'acclimatation leur a déjà consacré plusieurs notices dans ses Bulletins. L'une de ces notices, qui est due à M. Duvernoy, donne une description détaillée des Yacks envoyés à la ménagerie de Paris, par M. de Montigny, consul de France à Chang-Haï, qui les avait tirés du Thibet. Les Y'acks ont reproduit en France. 4. Les BONASES de M. Roulin, ou le genre Bison de M. H. Smith, réunissent deux es- pèces, l'une confinée sur quelques points de l'Europe, mais qui était autrefois plus répandue dans cette partie du monde, PÇîjrto encore très-commune dans certaines contrées de l'Amé- rique septentrionale. Celle-c/i^' souvent appelée Bison ou Buffalo; l'autre, est le véritable Bison des anciens et leur Bh^^/C'est à cette espèce que se rapportent, sans doute, les documents, d'ailleurs fort incomplets, que J. César donne sur son Urus. Le caractère principal des Bisons ou Bonases est d'avoir le front plus large que les Bœufs et un peu plus bombé entre les cornes; leurs pieds sont moins larges; le nombre de leurs côtes est de quatorze ou lieu de treize, et leur fourrure est plus laineuse. Le Boeuf aurochs (Bos urus et Bos Bonasus , Linné) ou l'espèce européenne de ce sous-genre est plus grande qu'un Bœuf , et son aspect extérieur diffère notablement de celui de ce dernier. Tout son corps est garni de poils épais, grossiers et fauve-bruns. Cet Animal n'existe plus que dans deux provinces de la Russie. La foret de Bialowieza, qui est située en Russie, dans le gouvernement de Grodno, est l'un de ces asiles des Bisons européens. Des ordres extrêmement sévères ont été donnés pour empêcher la destruction de ces Animaux, et l'on ne peut s'emparer d'un seul de ces Ani- maux sans un ordre spécial de l'empereur. M. Dimitri de Dolmatoff, qui occupait le poste de maître des forêts dans ce gouvernement, fut chargé, il y a quelques années, de faire prendre un Aurochs que la reine d'Angleterre avait demandé à l'empereur pour le Jardin zoologique de Londres. Nous emprunterons le récit de cette expédition à une lettre que M. Dimitri adressa en 1848 au savant géologue anglais sirRoderick Murchison : Comme plusieurs essais constataient déjà que des Bisons adultes pris sauvages ne pou- vaient pas supporter la captivité et que le transport les fait infailliblement périr, M. Dimitri proposa d'attraper deux jeunes Veaux et de les faire ensuite allaiter auprès des maisons des gardes forestiers voisins. Ce fut le 20 juillet 1846, à l'aube du jour et assisté de trois cents traqueurs et de quatre-vingts chasseurs de cette forêt, ceux-ci armés de fusils chargés simple- ment à poudre, que l'on se mit sur les traces d'un troupeau de Bisons qui avait été exploré pendant la nuit. Les trois cents traqueurs, soutenus par cinquante des chasseurs, avaient cerné dans le plus profond silence la vallée solitaire où se trouvait le troupeau de Bisons, et leur chef, accompagné des trente chasseurs les plus déterminés, pénétra dans cette vallée, mais en n'avançant qu'avec précaution. Arrivés à la lisière qui bordait la vallée, ils aperçurent les Bisons. Ces Animaux étaient couchés sur la pente d'un coteau , ruminant avec sécurité , r.lv. J/OSS ROSE /',/, sont II e partie. 24 1 86 ORDRE DES BISULQUES. des espèces Bovines qui ont le pelage dur, peu épais, presque entièrement noir, le front bombé, élargi entre les cornes qui sont plus ou moins prismatiques, et rapprochées des orbites par leur base; leurs côtes sont plus larges et plus aplaties que celles des Bœufs; leur angue est douce. Ce sont des Animaux de l'Afrique et de l'Asie. Le Buffle ordinaire (Bos Bubalus, Brisson) est l'un des Animaux auxquels les anciens ont donné le nom d'Unis. Il est noirâtre, sauf sur le front où il y a une tache blanche dans certains individus. Son pelage est grossier, moins cependant chez les jeunes sujets que chez les adultes. Le Buffle ordinaire est un Animal d'un caractère assez calme, qui aime les endroits maréca- geux, et qui passe, en général, une grande partie du jour à demi plongé dans l'eau. L'Asie continentale est sa patrie, mais il a été rendu domestique, et l'Homme l'a porté dans plusieurs des îles indiennes, en Afrique, en Crimée, et plus récemment en Italie, principa- lement aux environs de Rome et dans le royaume de Naples. Il pourrait aussi rendre des services dans plusieurs parties de la France méridionale dont le sol est entrecoupé par de vastes marais. C'est encore une de ces espèces susceptibles de nous être véritablement utiles, dont on ne s'est point occupé assez sérieusement dans notre pays. Il y a des Buffles sauvages dans plusieurs provinces de l'Inde; mais en général, ces Buffles diffèrent, par leur espèce, de ceux dont il vient d'être question, et sont de véritables Arnies. Le Buffle arnie {Bos arnee , Shaw) est reconnaissante au grand développement de ses cornes qui ont jusqu'à six pieds d'envergures. Plusieurs auteurs l'ont regardé comme n'étant qu'une race de la même espèce que le Buffle ordinaire. Le Buffle de Cafre rie (Bos Cafer, Sparmann), qui s'étend depuis la Cafrerie jusqu'en Abyssinie, a les cornes très-élargies, très-rapprochées et très-renflées à leur base, ce qui forme au-dessus de ses yeux une sorte de coiffure protectrice à l'aide de laquelle il écarte les branchages lorsqu'il traverse quelque forêt; son pelage est noir comme celui des précédents, mais son caractère est plus redoutable. Delegorgue raconte, dans son Voyage en Afrique, comment il faillit périr victime de l'impétuosité d'un de ces Animaux qui fondit sur lui en lui donnant à peine le temps de se jeter à terre. Le Buffle brachycère {Bos brachyceros) a été reconnu par M. Gray sur l'examen d'un crâne rapporté de l'Afrique centrale par Clapperton, comme appartenant au Zamouse des nègres du Bournou. C'est une espèce bien distincte, et dont le Muséum possède maintenant un° exemplaire (peau et squelette) qu'il a reçu vivant. Cet exemplaire avait fourni à M. Gray le sujet d'une notice, et il a été signalé depuis lors par M. Roulin, dans son article Buffle du Dictionnaire universel d'Histoire naturelle. C'était une femelle que je vis à Londres, en 1842, dans la Ménagerie de Surrey, et dont, sur ma demande, M. Geoffroy s'empressa de faire l'acquisition pour la Ménagerie de Paris. Sa taille était celle d'une Vache ordinaire, mais ses formes étaient plus arrondies et plus semblables à celles du Buffle. Le corps est couvert de poils ras dont la couleur est rousse, un peu plus foncée aux jambes; le museau est brun noir; les oreilles sont grandes, elles portent plusieurs rangées de poils disposés comme des franges. Les cornes sont de médiocre dimension et arquées; elles forment ensemble une espèce de Cet Animal était d'un caractère assez doux; il avait été pris dans les vastes forêts qui avoisinent Sierra-Leone. Il est de l'espèce appelée Bush Cow ou Vache des bois, dans les établissements anglais de la côte occidentale d'Afrique. C'est sans doute de la même sorte de Buffles que Thomas Candish rencontra deux individus, en 1586, et c'est probablement aussi de la même que Bosman vit au Gabon un troupeau d'une centaine de têtes. Lorsque les nègres vont à la chasse de ces Buffles, ils ont bien soin de n'attaquer que les individus isolés, parce que dans les troupes de ces Animaux il y a toujours des individus qui cherchent à venger la mort de leurs compagnons, et qui poursuivent les chasseurs à outrance. Dans leur fureur, ces Animaux labourent le sol avec leurs cornes ; ils se ruent contre les FAMILLE DES BOVIDES. 187 arbres servant do refuge aux hommes ; parfois même ils se jettent les uns contre les autres ou sur le corps de celui des leurs qui a été abattu. Le Buffle brachycère a les côtes plates et au nombre de treize paires; on lui compte six vertèbres lombaires; ses canons ne sont pas plus larges que ceux du Buffle ou de l'Aurochs; mais ses molaires sont plus riches en cément que celles des autres Animaux du môme genre. 6. Les OVIBOS (Ovibos, Blainv.) ont pour caractère d'avoir le nez velu et sans muffle; los cornes très-larges à leur base et trôs-rapprochées l'une de l'autre sur le milieu, puis descendantes et se relevant ensuite à leur pointe ; leur queue est courte et leur pelage composé de poils longs et laineux. Une seule espèce est connue : Ovibos musqué (Ovibos moschata). C'est un animal des régions nord de l'Amérique septentrionale; il est de couleur brun foncé; sa taille est moindre que celle du Bœuf ordi- naire, et par son aspect il tient autant des Moutons que des Bœufs. Il vit par petites troupes, préfère les endroits arides et rocailleux. Sa chair a une odeur musquée. Dans les régions glacées de l'Amérique arctique , on trouve un grand nombre d'ossements d'Ovibos enfouis dans le sol avec ceux des Éléphants et de quelques autres Animaux. Des débris de cette espèce, ou d'une espèce fort voisine, ont aussi été découverts en Sibérie dans des conditions analogues; on en a fait le Bos canalkulatus. La race de ces derniers paraît s'être éteinte antérieurement à l'époque historique. MM. Ilodgson et Gray rapprochent des Ovibos, sous le nom do Burdorcas takin (Budorcas taxicola), un Animal des monts Himalayas que les collections européennes ne possèdent pas encore. Le nom du Takin est celui qu'il porte chez les Mishmis ; les Khamtis l'appellent Ken. Les cornes de ce Ruminant sont larges à la base, après quoi elles se con- tournent pour diriger ensuite leur pointe en arrière. TRIBU des CAPRINS Les Chèvres et les Bouquetins , qui en sont les représentants sauvages sans en être la souche , comme on l'a cru longtemps , forment une tribu assez distincte parmi les Ruminants (îératophores. Leurs cornes sont ascendantes, curvilignes, en général grandes et divergentes; la coupe en est prismatique ou elliptique, et leur face antérieure est souvent noueuse; leur base repose sur une saillie des os du front , mais le chanfrein est droit au lieu d'être busqué comme chez les Moutons. Les poils sont durs ou soyeux ; ceux du menton s'allongent et forment, surtout chez les mâles , une sorte de barbe qui est l'un des caractères de ce groupe; les narines sont rarement entourées par un mufle; la queue est courte, le corps est peu chargé de graisse, et les pieds sont plus trapus que ceux des Moutons, ce qui se traduit ostéologiquement par une largeur plus grande des canons. Les mamelles sont presque con- stamment au nombre de deux. Il n'y a ni fanon, ni poches inguinales, ni glandes interdigi- tales. La langue n'a point de papilles cornées. Les Chèvres et les Bouquetins sont des Animaux actifs , remuants , inquiets , qui sont habi- tuellement gais et pétulants dans leur jeune âge. Aimant la société de leurs semblables ou celle de quelques autres espèces d'Animaux, ils deviennent cependant soucieux en vieillissant, surtout dans le sexe mâle. Les individus de ce sexe répandent une odeur forte et désagréable. Les montagnes sont leur séjour habituel, et les rochers les plus escarpés sont ceux qui leur plaisent de préférence. Leurs espèces sont essentiellement propres à l'ancien continent ; il y en a également dans l'Europe , dans l'Asie et en Afrique. Celles que l'Homme élève en domes- ticité ont été acclimatées en Amérique et dans l'Australie. Ces Herbivores sont utiles à cause de leur chair, de leur lait et de leur poil. On s'en sert quelquefois comme Animaux de trait, mais d'une façon purement accessoire. 188 ORDRE DES BISULQUES. On peut distinguer les Hircins en trois genres sous les noms de Kémas, Bouquetin et Chèvre, Genre KÉMAS (Kemas, O'Gilby). Ce genre diffère des deux suivants, parce que ses narines sont percées dans un espace nu et muqueux, c'est-à-dire dans un véritable mufle. Les cornes sont courtes. Il y a deux espèces do Kémas, toutes les deux propres aux montagnes de l'Asie. Le Kémas warryato (Kemas holocrius, O'Gilby) appartient aux Nil-Ghemes qui sont situés dans l'Hindoustan. Le Kémas jharal (Kemas jemlaicus), que M. Hoclgson a appelé Capra qmdrimammis , parce que la femelle est en effet pourvu de quatre mamelles, habite les régions élevées du Népaul , dans des endroits presque inaccessibles. Il y vit par troupes assez nombreuses. Ses cornes sont moins longues que sa tête, placées à son sommet et fortes à leur base. GENRE BOUQUETIN (Ibex, Pallas). Les Bouquetins ont le museau entièrement velu. Leurs cornes, habituellement noueuses et peu divergentes, sont soutenues par des axes osseux, dont tout l'intérieur est celluleux. Ces Animaux sont sauvages, et leur chasse est souvent rendue dangereuse par l'escar- pement ou l'élévation des lieux qu'ils habitent. Leur nom vient des deux mots Bouc estain, signifiant Bouc de roches. Ils se nourrissent de graminées et des feuilles de différents autres végétaux, mais lorsque la mauvaise saison est venue, ils se rabattent sur les écorces et sur les jeunes branches des arbres, Il -. ^ *' v \_^~?V- -- r > <•/} Le Bouquetin des Alpes (Ibex Alpinus) est plus grand que le Bouc; il a les cornes plus fortes, à nodosités médiocrement développées. Cette espèce, qui s'étendait autrefois sur presque toutes les grandes montagnes des Alpes, et même dans les Apennins, s'il faut en croire une indication donnée par Varron , est maintenant confinée sur quelques points dos Alpes savoisiennes , au delà du Mont-Blanc; elle y serait même détruite avant peu de temps, si le gouvernement piémontais n'en avait sévèrement interdit la chasse. Elle vivait aussi, il n'y a pas encore très-longtemps , dans les Alpes du Danphiné. Le Bouquetin des Pyrénées (Ibex Pyrenaica) en a été distingué comme espèce par PL. XXXIX. noi 01 i:t/\ />t s/r ii /< >/v •./• //s^/Y/r-».'/ FAMILLE DES BOVIDÉS. 189 M. Schinz. H commence à devenir très-rare, et on ne le prend plus guère que sur les hautes montagnes des Pyrénées espagnoles. t Les cavernes des Cévenncs, et quelques dépôts de même âge qu'on a observes dans les montagnes du Velay et de la Limagne, ont fourni des ossements de Bouquetins dont l'espèce habitait autrefois ces régions. Une troisième espèce, actuellement vivante en Europe, est le Bouquetin espagnol (Ibex Hispanicus), dont on doit l'observation à M. Schimper. Ce Bouquetin est particulier aux montagnes du Midi de l'Espagne; les individus observés par ce savant naturaliste ont été pris dans la Sierra Nevada. Le Caucase nourrit aussi des Bouquetins ayant quelque analogie avec ceux des Alpes, mais qui doivent en être séparés comme espèce. Ces Bouquetins du Caucase ont reçu le nom latin de Capra Caucasica (Guldenstedt). Il y a aussi dos Animaux de ce genre dans l'île de Crète. Les Bouquetins de Sibérie sont encore d'une espèce différente {Ibex Sibiricus ou Pallasii); et il en est de même de ceux de l'Himalaya {Ibex Himalayanus) . La même remarque s'applique à ceux d'Afrique. Ces Ruminants n'ont été observés sur ce continent que dans la Nubie et l'Abyssinie. Ils y sont de deux espèces : le Bouquetin Beden {Ibex Nubiams) , dont la première description est due à F. Cuvier, et le Bouquetin \ alie (Ibex Valie) Celui-ci a été découvert en Abyssinie par le D. Ruppel , et décrit par lui dans son ouvrage sur la Zoologie de ce pays. Le Beden est assez commun dans les montagnes ■lo la Haute-Egypte; il vit également en Syrie. (PL XXXIX). Ses cornes sont grandes, peu arquées et marquées on avant de grosses nodosités transversales. GENRE CHÈVRE (Capra). La Chèvre et son mâle, auquel on donne le nom de Bouc, ont les cornes prismatiques à bord tranchant, sans nodosités à leur face antérieure, et tou- jours plus ou moins divergentes, surtout dans le sexe mâle; les éminences osseuses qui en forment l'axe sont en grande partie pleines; leur base seule est creusée par une grande ^cÎst à ce genre que l'on rapporte l'espèce encore problématique à laquelle on donne le nom de Chèvre égague (Capra wgagrus de G. et F. Cuvier). Suivant le premier de ces naturalistes, il existerait dans quelques points des Alpes, et au contraire dans les Pyrénées, =uivant le second , des Égagres fort semblables à ceux du Caucase et de 1 Asie occidentale , et ces É-agres des grandes montagnes de l'Europe centrale et orientale seraient la souche primitive^ toutes les races de Chèvres domestiques. Mais ce n'est là qu'une pure supposition car il n'est pas certain que les prétendus Égagres sauvages ne soient pas eux-mêmes des Bou- quetins Quant aux Chèvres domestiques, on sait que ce sont des animaux abondants en Europe, en \sie et en Afrique, mais dont les nombreuses races n'ont pas encore été décrites compara- tivement et dont il est encore impossible d'établir une bonne définition. Il ne me parait pas douteux cependant qu'on ne parvienne à reconnaître parmi elles plusieurs espèces,tant les caractères qui distinguent certaines de ces prétendues variétés ont réellement d importance. Comme nous l'avons fait pour les autres genres d'Animaux domestiques, nous nous bor- nerons à donner ici la liste des principales races de Chèvres. Ce sont : Pour l'Europe, la Chèvre ordinaire, la Chèvre des Pyrénées et la Chèvre sans cornes d Es- pagne. ., r , , , Pour l'Asie, la Chèvre d'Angora (1), si estimée pour la finesse de son poil; la Chèvre de Cachemire et la Chèvre du Thibet qui ne sont pas moins précieuses. Pour l'Afrique, la Chèvre de la haute Egypte à front très-busqué et à oreilles plates et tombantes, la Chèvre de Juda, la Chèvre mambrine et la Chèvre naine. Plusieurs de ces races (1) Ou a commencé, depuis une trentaine d'année*, l'acclimatation des Chèvres d'Angora et de Cachemire; autrefois on apportait en France de fortes cargaisons du poil des premières; vers 1786, les fables d Amiens en employaient annuellement quatre ou cinq mille balles. 190 ORDRE DES BISULQUES. ont été portées dans les autres parties du monde, et, dans quelques îles, des Chèvres abandon- nées autrefois par les navigateurs ont repris la vie sauvage et se sont perpétuées en dehors de l'influence de l'Homme, ce qui n'a été constaté nulle part pour le Mouton. TRIBU des OVINS Les espèces ovines, dont les Moutons (Ovis) et les Mouflons font partie, ont des formes plus arrondies que les Caprins, mais elles n'ont pas do barbe sous le menton; leur chanfrein est busqué, leur front est aplati, et leurs cornes, qui naissent en arrière des orbites, prennent une disposition obliquement récurrente. Ces Ruminants ont un larmier et des poches inter- digitales ; les jambes sont plus grêles que celles des Chèvres ou des Bouquetins. La dentition des Moutons et des autres Animaux de la môme tribu est, quand au nombre, à la formule et aux caractères morphologiques, entièrement semblable à celle des Chèvres et de la plupart des Antilopes. Leurs arrières-molaires n'ont pas les colonnettes d'émail qui se montrent chez quelques espèces appartenant à ce dernier groupe ou chez les Bœufs. Cette tribu peut être partagée, comme celle qui précède, en deux catégories, dont l'une comprend des Animaux domestiques , que l'on regarde très-probablement à tort comme ne constituant qu'une seule espèce, et dont l'autre réunit diverses espèces sauvages. Ainsi qu'on l'a souvent fait à propos des Bœufs et des Chèvres, on a regardé ces dernières, et plus particulièrement l'une d'elles, comme étant l'origine de nombreuses races domestiques que les habitants de l'ancien continent possèdent depuis un temps immémorial; mais ici encore, cette opinion a dû être abandonnée. Non-seulement les Moutons ne sauraient être considérés VI. X MOf / £() Y l/f s i/o. V /////// /////,/ m: t'oitsK /■>. L.LVIil. ItKUF.li i (HU)SSH QIEIE K MOI TOX O/W/Y UHK. FAMILLE DES BOVIDÉS. 191 comme des Mouflons tranformés par la domesticité; mais, ainsi que je l'ai fait voir dans un autre ouvrage, ils ne doivent môme pas être classés dans le même genre quo ces derniers, car ils en diffèrent autant que les Chèvres diffèrent des Bouquetins, ou les Bœufs proprement dits des Aurochs. Genre MOUFLON (Musimon). MM. Hodgson et Gray donnent à ce genre le nom de Caprovis, que nous n'avons pas cru devoir employer, parce qu'il implique une ressemblance avec les Chèvres, qui n'existe réellement pas. Les Mouflons diffèrent des Moutons domes- tiques par la brièveté de leur queue, par l'épaisseur et la rudesse de leur poil, et par la présence de larges cellules dans tout l'intérieur des axes osseux qui supportent les étuis de leurs cornes. Les Mouflons sont , comme les Bouquetins , des Animaux de montagnes ; ils sont répandus sur une plus grande surface; il en existe non-seulement dans l'ancien continent, mais aussi dans l'Amérique septentrionale. Mouflon musmon (Miisimon musmcn) . Le Mouflon (PL XL.) est un Animal des montagnes de la Corse et de la Sardaigne, où on l'appelle Muffoli et Mufione. On dit qu'il existe aussi en Chypre et à Candie; il est de la taille d'un Mouton ordinaire, mais plus robuste, sans véritable laine, roux vineux sur une grande partie de son corps, blanc sale en dessous et sur les jambes. Le mâle a les cornes assez fortes , ridées transversalement par les stries d'accroisse- ment, à simple courbure, déjetées en dehors et comme tranchantes à leur extrémité. Cet Animal s'apprivoise aisément, a un caractère peu différent de celui des Moutons, quoique plus turbulent, et s'accouple quelquefois avec eux. Les espèces asiatiques du même genre, sont le Musimon Vignci, distingué par M. Blyth, et qui vit au Thibet; le Musimon orientalis , qui est d'Arménie; le Musimon nahoor (Pseudois nahura, Hodgson), particulier au Népaul, et le Musimon argali, que l'on prend dans la Sibérie et au Kamtschatka. Celui-ci devient grand comme un Ane; ses cornes décrivent un cercle presque complet , mais elles ont leur extrémité rejetée en dehors. Son pelage est brun fauve avec du blanc aux quatre pieds. Le Mouflon de montagne (Musimon mont anus) ou YOvis montana d'E. Geoffroy, est remarquable par la grosseur de ses cornes. Il habite les montagnes Rocheuses et la Californie, Mouflon de montagne, 1/21 de grand. 192 ORDRE DES B1SULQUES. L'espèce africaine est encore plus remarquable par la crinière qui recouvre ses épaules et par les poils allongés en manchettes qui tombent de ses poignets; son pelage est roux: fauve. Il a pour patrie le nord de l'Afrique, depuis les confins de l'Egypte jusqu'à la région de l'Atlas. C'est le Feschtal des monts Aurès, et le Mouflon a manchettes (Musimon tragelaphus) des naturalistes français. Genre MOUTON (Oins). Les Moutons sont des Animaux domestiques, qu'on ne connaît nulle part à l'état sauvage. Leurs caractères principaux consistent dans la longueur plus grande de leur queue, qui descend habituellement jusqu'au talon, et dans la nature pleine des axes osseux de leurs cornes, qui sont plus écartées à leur base et plus en spirale que celles des Mouflons. Certains Moutons manquent de cornes , même dans le sexe mâle. Beaucoup d'auteurs sont d'accord pour rapporter à une seule espèce tous les Moutons domestiques, quels qu'en soient l'apparence extérieure, les proportions et môme les caractères ostéologiques ; mais il est plusieurs des prétendues races supposées issues de cette espèce unique , qui paraissent devoir être séparées comme constituant des espèces véritables. Toutefois , on ne saurait établir dès à présent une classification définitive de ces Animaux , et les mélanges auxquels ils ont donné lieu en rendent la distinction on ne peut plus difficile, et il nous est encore impossible de distinguer ici les caractères réellement naturels de ceux qui sont adventifs , c'est-à-dire acquis sous l'influence de la domesticité. Toutefois , le Mouton à longues jambes et le Mouton à tête noire se laissent plus aisément séparer de nos Moutons ordinaires que le reste des autres Animaux du même genre. Le Mouton a longues jambes (Ovis longipes , Desm.) a déjà été décrit par plusieurs auteurs. C'est le Mouton du Fezzan des voyageurs qui ont visité l'Algérie , et le Morvan de Buffon, etc. Sa taille supérieure à celle des autres Moutons, et mieux encore la longueur de ses jambes, son chanfrein arqué et l'épaisse crinière qui recouvre les parties supérieures de son corps, le font aisément reconnaître. Ce Mouton a été naturalisé dans plusieurs parties de l'Europe. Son croisement avec le Mouton commun a donné, suivant Desmarest, le Mouton flandrin et le Mouton du Texel, dont la laine a un certain degré de finesse et beaucoup de longueur, et dont les Brebis donnent constamment plusieurs Agneaux chaque année. Le Mouton a tête noire (Ovis melanocephala , Gêné) n'est pas moins distinct, mais ses caractères sont pour ainsi dire opposés à ceux du Morvan; il a à peu près les proportions de nos Moutons ordinaires, sa tête est sans corne, son pelage manque de duvet laineux et son cou est pourvu d'un rudiment de fanon, qui rappelle, jusqu'à un certain point, celui des Bœufs. Le corps est blanc et la tête noire. Cet Animal est domestique sur la côte occidentale d'Afrique. La Ménagerie de Paris a reçu, parles soins de M. Dussumier, les exemplaires de cette espèce qu'elle a possédés; ils provenaient de l'Abyssinie. Ces Moutons ont la queue très-large, ce qui tient à l'accumulation sur cette partie d'une quantité considé- rable de graisse. On nomme depuis longtemps Mouton a large queue (Ovis laticaudata , Ray) une race ou espèce ayant aussi la queue très-ehargée de graisse et la laine assez grossière. Ces Animaux sont fort répandus en Afrique, à Madagascar et dans l'Inde. On en élève depuis quelque temps dans le midi de la France , où ils ont été apportés de Barbarie. M. H. Mares a publié , à l'égard de ces derniers , une notice dans les Bulletins de la Société d'agriculture de l'Hérault. Il y a aussi de ces Moutons dans la Russie méridionale, et c'est aux races ovines de la même catégorie qu'appartiennent Y Ovis steatopyga de Pallas, Y Ovis aries macrocercus de Schreber et d'autres encore. (PL LVIII.) On a quelquefois regardé comme étant encore une espèce distincte Le Mouton mérinos (Ovis hispanica, Linné) qui a des formes arrondies, la tête large en arrière du chanfrein, et les cornes grosses, contournées sur les côtes en une spirale en général très-régulière. FAMILLE DES BOVIDES. 193 Cette qualité de Moutons a été mêlée à nos Moutons ordinaires, qu'elle a notablement améliorés. C'est elle qui forme la très-grande majorité des troupeaux espagnols, qui sont transhumants , c'est-à-dire que l'on fait voyager par troupeaux considérables, en ayant soin de les conduire en été dans les montagnes élevées, principalement dans celles du royaume de Léon et des Asturies,et, en hiver, dans les plaines de la Nouvelle-Castille et de l'Estramadure. Les Moutons qu'on élève aussi en grand nombre dans le midi de la France sont soumis à un régime analogue , et , aux approches de l'hiver, on éloigne des montagnes des Alpes, des Cévennes ou des Pyrénées, leurs nombreux troupeaux, pour les ramener dans les plaines de la Provence ou du Languedoc. Moutons d e F n \ n c e , Fcus-rûce <1<> la Charmoiso. Béliers de vingt-deux mois, dessinés quatre mois avant la tonte. L'histoire industrielle du mouton ne le cède point en intérêt à son histoire zoologique. A toutes les époques, en effet, les Animaux domestiques du genre qui nous occupe ont été l'une des sources les plus productives du bien-être des nations. Autrefois, les peuples pasteurs apportaient, comme ils le font encore de nos jours, le plus grand soin dans l'élève des Moutons, que leur laine, leur chair, le lait des Brebis, et même le fumier qu'ils déposent dans les endroits oit on les fait paître, rendent également précieux. Envisagés comme Ani- maux de boucherie, les Moutons occupent aujourd'hui une place importante dans les produits commerciaux qui constituent une grande partie de la richesse de certains pays, et leur laine donne lieu à des transactions sans nombre. On l'apporte de fort loin dans plusieurs de nos villes , ou elle subit la première opération du lavage ; puis on la livre à différentes industries manufacturières qui en transforment la plus grande partie en tissus si variés et d'un usage si général. Le port Juvénal, situé sur le Lez, auprès de Montpellier, reçoit depuis plusieurs siècles une grande partie des laines produites dans la région méditerranéenne. C'est là que s'en fait le lavage, et les terrains environnants doivent à ce lavage un nombre assez II e partie. *'° 194 ORDRE DES BISL'LQUES. considérable de végétaux étrangers au Languedoc qui s'y sont développés au moyen des graines restées adhérentes à ces laines (1) et qui ont des provenances si diverses. On s'est beaucoup occupé, depuis une soixantaine d'années, de l'amélioration de nos Moutons indigènes. Daubenton a donné des indications précises sur les règles qu'il importait de suivre dans ces essais, et son livre (2) sur ce sujet, quoique publié pour la première fois en 1782, peut encore être consulté avec fruit. Daubenton s'est principalement appliqué à améliorer nos races de Moutons à l'aide des Mérinos , et , depuis lors , on a fait concourir au môme but les Moutons de race anglaise. On trouve dans un ouvrage de Carlier, publié en 1770, une énumération assez complète de races françaises telles qu'elles étaient avant ces perfectionnements, provoqués en partie par Daubenton et continués depuis lors avec intelligence par un grand nombre d'éleveurs. Carlier distingue trois races mères parmi nos anciens Moutons, savoir : la flamande, la picarde et la bocagère, auxquelles M. Lullin ajoute la race provençale. La race flamande est la plus grande et la plus forte de celles anciennement obtenues en France; elle atteint de quatre pieds et demi à cinq pieds de longueur, et fournit des Moutons gras dont le poids va de 90 à 130 livres. Elle ne convient qu'aux pâturages gras et frais de la meilleure qualité. Aussi peut-elle prospérer en Flandre, en Normandie et dans les marais du Poitou. On a remarqué qu'elle peut être croisée plus avantageusement que toutes les autres avec les races de Dishley et du Texel. La race picarde n'atteint guère que 1,10 de longueur, et, dans les individus les plus gras, 30 kilos. Elle est répandue dans les plaines de la Picardie, de la Brie et de la Beauce. On peut lui rapporter toutes nos anciennes sous-races à laine grosse dont la corpulence est inférieure à celle de la race flamande. Son croisement avec les Mérinos a produit d'excellentes races métisses de forte dimension, abondantes en chair, à toison fine et pesante, s'engrais- sant plus aisément que les Mérinos de pur sang , et qui donnent de 30 à 40 kilos de chair et 5 kilos de graisse en suint. La race bocagère ou des Moutons buisquins ne dépasse pas 0,75 en longueur; sa chair est excellente et sa laine plus fine que celle des autres. Elle occupe tous nos pays des Landes et surtout les régions du centre de la France. Une partie de la Normandie , la Champagne , la Bourgogne, l'Anjou, la Bretagne, la Sologne, la Touraine, etc., en sont également pourvus, ainsi que le Midi et l'Est. La race provençale s'étend depuis le littoral français de la Méditerranée jusque dans le Dauphiné, dans une partie de l'Auvergne et dans le Toulonais. Elle est, en partie, assujettie aux habitudes transhumantes. Ses principales divisions sont les Moutons de Camargue, du Roussillon, ceux du Languedoc, auxquels appartiennent les troupeaux des Causse, dans le Rouergue, et ceux du Larzac, dont le lait sert à la fabrica- tion du fromage de Roquefort. En tenant compte des qualités de la laine, MM. Pommier et Bella divisaient, il y a peu d'années, les Moutons qu'on élève actuellement en France en neuf catégories dont nous croyons utile de donner aussi l'énumération : 1° Mérinos très-fins (analogues au type de Naz), environ 6 à 8,000 têtes. Poids en suint, 3 livres; carcasse grasse, 16 kilos. Prix : de 4 à 5 francs le kilogramme de laine. Ce prix tend à baisser sans cesse. Au lavage, cette laine rend 38 pour 100. (1) Les recherches de de Candolle et de Delille, et celles de MM. Dunal, Saint-Hilaire, Moquin, Touchy, Godron, etc., ont déjà permis de recueillir près de trois cents de ces espèces étrangères à la Flore de Mont- pellier. Certaines d'entre elles paraissent définitivement acclimatées; d'autres ne se sont montrées que pendant un temps assez court, une ou quelques années au plus. Il en est dont la véritable patrie est encore ignorée et que Ton ne connaît que par des échantillons aussi recueillis accidentellement auprès du port Juvénal. M. Godron, actuellement professeur à la Faculté des sciences de Nancy, a publié, dans les Mémoires de l'Académie de Montpellier, la description de ces nombreuses espèces de plantes exotiques. Il en compte 372. (2) Instruction pour les bergers et pour les propriétaires de troupeaux. r \l M9\ M" WÏAAMW^ >\\^v\^OS FAMILLE DES BOVIDES. 195 2° Mérinos fins. Toison plus tassée; carcasse grasse, 18 kilogr. La toison, de 3 kilogr. en suint, rend 30 pour 100. Prix de la laine, de 2 à 3 fr. le kilogr. — 150 à 200,000 toisons. 3° Mérinos ordinaires (type de Rambouillet), De 5 à 600,000 toisons traités d'une ma- nière ordinaire; carcasse grasse, 20 kilogr. ; toison, 3 kilogr. et demi. Prix de la laine, 2 fr. à 2 fr. 50 c. ; tendant à baisser. 4° Premiers métis de Beance et de Brie. Toisons à 4 kilogr., rendant 30 à 32 pour 100; carcasse grasse, 22 kilogr. Prix de la laine, 2 francs, rarement plus, et souvent moins. On comptait deux millions de toisons. Ce chiffre s'accroît d'année en année. 5° Bons métis. 2,600,000 à 3,000,000 de toisons; la toison pèse 4 kilogr. et rend 33 pour 100. Se trouve en Champagne et en Bourgogne. Prix de la laine, 1 fr. à 1 fr. 90 c. Poids de la carcasse grasse , 20 kilogr. 6° Gros métis ou bonne entre fine. 2,500,000 à 3,000,000. Laine plus longue, convenant au peigne. Toison , de 3 kilogr. et demi, rendant 35 pour 100. Prix de la laine, 1 fr. 70 c. à 1 fr. 80; carcasse grasse, 20 kilogr, Le nord et le centre de la France les fournissent princi- palement. 7° Indigène fine. Comprenant les Moutons narbonnais, roussillonnais , du Borry et de Champagne, évalués à 10,000 de toisons. La toison pèse à peine 3 kilogr. en suint, et rend 40 pour 100 au plus. Prix de la laine, 1 fr. 70 c. 1 fr. 60; carcasse, 13 kilogr. 8° Laine longue pour le peigne, provenant de races indigènes pour améliorer le système do culture. Moutons de Flandre, d'Artois, d'une partie de la Normandie. Environ 8,000,000 de toisons. Chaque toison pèse 3 kilogr. environ et rend 40 à 45 pour 100. Prix : 1 fr. 80 c. à 1 fr. 85 c. le kilogr, ; carcasse grasse, 22 kilogr, 9° Laine longue, quoique moins longue que les précédentes , provenant des mêmes races, mais dlndividus plus chétifs , et dont les troupeaux habitent des pays moins fertiles ou moins bien cultivés. Moutons nivcrnais, de Sologne, du Gatinais et du Poitou; environ 9,000,000 de toisons. La toison pèse 1 kilogr. et demi; elle rend 40 à 42 pour 100. Prix de la laine : 1 fr. 50 c. 1 fr, 60 le kilogr. ; carcasse grasse, 15 kilogr. à peine. Mouton de France, sous-race d'Aubrjc. ORDRE DES BISULQUES. Ces indications exigent comme complément une énumération des différentes qualités que l'on reconnaît à la laine d'une môme toison , suivant les points du corps qu'elle recouvre : 10 Aux parties latérales des épaules et aux hanches se trouvent les laines de première qualité, dites mère laine ; 2° Vient ensuite celle du dos et celle du garrot aux reins ; 30 Celle de la croupe, plus fine, mais de moindre longueur, ce qui la fait passer après; 4° De la croupe à la queue existe une laine plus longue, mais moins fine ; 50 Sur le garrot , la laine est grossière, dure et tortillée, ce qui la fait mettre à part; 6° Sur le haut du cou , elle est moins belle que sur les côtés ; 70 Au toupet , elle est grossière ; 8° Elle est, au contraire , fine et longue sur les côtés du cou, et ne le cède guère qu'aux meilleures parties ; 90 Au delà de la hanche , et jusqu'à la fesse , elle est grossière et jarreuse ; 10° Elle est assez belle, fine et frisée depuis le genou jusqu'à la partie antérieure de l'épaule ; 11° La laine la plus grossière recouvre la région qui s'étend du jarret a la cuisse ; 12° Au ventre et à r entre-cuisse , la laine est fine, mais embrouillée et salie ; 13° On met à part la laine jaunie par l'urine ; 14° Il en est de môme des parties gâtées par le fumier. Nous terminerons cet article en donnant quelques détails sur les races ovines de l'Espagne et de l'Angleterre dont l'influence sur les nôtres est chaque jour plus évidente. 11 y a en Espagne deux natures différentes de betes à laine, les Transhumantes ou voya- geuses, et les Estantes ou sédentaires. Aux premières se rapportent : lo La race Léonèse ou Ségovienne , avec ses divisions dites de Negrette s de Montarco , de Péralès, de Turbieta, de Femando-Nunez et de Ylnfantado ; 2° La race Soriane ou de Soria. Les secondes ou estantes comprennent la race Churras, qui est bien inférieure aux précé- dentes , ainsi qu'un certain nombre d'Animaux réformés fournis par celle-ci. Les races anglaises (1) sont de deux sortes : lo Celles qui manquent de cornes, divisées, d'après leurs caractères et leur pays, en Dishley, Kent, Lincoln, dont la réunion aux Dishley fournit les Lincoln-Dishleg , Devon ou Moutons du Devonshire , Devonshire-Nats , Dartmoor-Nats , Shetland , Hereford ou Ryeland , Cheviot, Herdwick et Dunehaed, auxquels il faut ajouter la race d'Irlande; 2° Celles qui sont pourvues do cornes; elles se partagent en : Exmoor, Dorsetshirc, Norfolk et Heath. On en trouvera les caractères détaillés, ainsi que ceux des races espagnoles et françaises, dans l'article relatif aux betes ovines du nouveau Dictionnaire d'agriculture théorique et pratique, qui a paru à Paris sous le titre de Cours complet d'agriculture. L'Inde fournit encore quelques Moutons assez différents do ceux dont nous venons de parler, et il y en a aussi en Afrique. Leur classification est trop incertaine pour que nous insistions davantage à leur égard. D'ailleurs, leur importance comme botes à laine ou comme Animaux de boucherie est peu considérable, si on les compare à ceux dont nous avons parle. Ces Moutons, de race étrangère, donnent également des Métis quand on les associe à ceux de nos pays. (1) Les Moutons que les Anglais ont transporté en Australie y ont prospéré d'une manière remarquable, e! 'on tire déjà de cette partie du monde des laines qui font, sur certains marchés, une redoutable concurrence aux laines européennes et africaines. FAMILLE DES BOVIDÉS. 197 TRIBU des ANTILOPÏNS La tribu des Antilopes, ou, pour employer un nom plus conforme à la nomenclature actuelle, quoique moins connu, la tribu des Antilopins réunit un grand nombre d'espèces, près de cent, dont aucune n'a été rendue domestique, et qui vivent pour la plupart en Afrique; cependant l'Asie, l'Europe même et l'Amérique septentrionale on fournissent quelques-unes. Ces Animaux sont variés dans leurs couleurs, dans leurs formes et dans leurs dimensions; ils ne montrent pas moins de différences dans les caractères que présentent l'apparence do leurs cornes. Plusieurs autres do leurs organes principaux sont également diversiformes, et il est très- difficile de définir avec précision le groupe qu'ils constituent; dans certains cas, on éprouve même quelque embarras pour les séparer des autres Gératophoros attendu qu'il en est parmi eux qui ont do l'analogie avec les Bœufs, d'autres avec les Chèvres ou les Moutons, et qu'il y en a même qui ressemblent, jusqu'à un certain point, aux Cbovrotains, ou bien encore aux Cerfs. C'est ainsi que l'Antilope à fourches, type du genre Dicranocère , a été associée pendant quelque temps aux Cervidés, et que le Pudu de Molina , qui appartient pourtant à la famille de ces derniers, a été pris pour une Antilope. Un examen plus approfondi a levé toutes ces incertitudes. Linné n'avait pas fait des Antilopes un groupe à part. C'est Pallas qui a sépare ces Animaux des Chèvres, des Moutons et des Bœufs, mais il n'est pas le premier qui ait eu cette idée, car il y a un genre Gazella dans le Règne animal de Brisson, ouvrage publié en 1752, et, par conséquent, bien avant le travail de Pallas, qui date de 1767. Mais comme les caractères des Antilopes sont loin d'être uniformes, il est très-difficile d'en formuler une définition qui s'applique au groupe entier de ces Animaux. On pour- rait même dire que, depuis Pallas, les naturalistes ont appelé Antilopes les Bummants pourvus de cornes à étuis (soit dans le sexe mâle, soit dans l'un et l'autre sexe), qui ne se laissent classer exactement ni avec les Bœufs, ni avec les Moutons, m avec les Chèvres, quelques rapports qu'ils puissent avoir à certains égards avec les Animaux de ces différents genres, mais sans qu'il ait été possible de démontrer que l'ensemble de ces espèces d Anti- lopes constitue réellement un groupe naturel. Quelques mammalogistes en ont mémo modifie la circonscription, et M. Gray réunit à la tribu des Bovins plusieurs ruminants qui sont des Antilopes pour d'autres classificateurs. Les Antilopes sont des Ruminants cératophores , dont le système dentaire ne diffère point, pour la formule, de celui des autres genres de la même famille , et affecte même dans ses dispositions secondaires des particularités analogues à celles qui distinguent ces autres genres. Ainsi, il y a des Antilopes manquant de colonnette accessoire à leurs dents molaires; la plupart sont même dans co cas, et si l'on veut les distinguer les unes des autres par l'examen des mêmes organes, il faut tenir compte des différences de proportions qu'ils présentent, ou re- courir à celles dos incisives. Au contraire, d'autres espèces ont leurs vraies molaires pourvues de la colonnette que l'on donne constamment dans les ouvrages de zoologie, comme étant un caractère exclusivement propre aux Bœufs. On a donc affirmé à tort que les Antilopes ne possédaient jamais cette particularité de l'émail, qui se voit toujours sur les vraies molaires dos Bœufs, et qui manque sur celles des Chèvres ou des Moutons. J'en ai constaté la présence chez les Antilopes chevaline, Sing-Sing, Canna, Kob, etc., c'est-à-dire chez des espèces de plusieurs des genres de la tribu des Antilopins. Une disposition plus constante, mais qui rapproche jusqu'à un certain point les Antilopes des Chèvres et des Moutons domestiques, a été reconnue dans l'axe osseux qui supporte la corne de ces Animaux. Au heu d'être entière- ment celluleux comme chez les Bœufs, les Mouflons et les Bouquetins, il est compact et Plein, et présente seulement une excavation colluleuse à sa base, ce qui rapproche les Anti- lopes des Moutons et des Chèvres. 198 ORDRE DES BISULQUES. Le crâne ne montre rien de bien particulier; il permet, cependant, par la position relative de la fosse temporale et des cornes, de séparer les Antilopes des Bœufs, même celles qui ressemblent le plus à ces derniers, comme le Gnou, l'Anoa dépressicorne et quelques autres. Il y a d'ailleurs plusieurs formes du crâne chez les Antilopes ; celui du Bubale , qui est si allongé, diffère beaucoup de celui des autres; toutefois, il présente en avant et au-dessus de la fosse orbitaire une dépression, qu'on retrouve non-seulement chez le Gaama, mais encore chez l'Antilope de Sumatra, chez le Nanguer, chez le Saïga et chez un petit nombre d'autres. Le Pasang, l'Addax, l'Antilope Chevaline, le Canna, le Gnou, etc., manquent de ce caractère, et il en est de môme du Mbill, de l'Oryx et du Guib, avec cette différence, qu'il existe alors un espace vide interosseux, comparable à celui des Cerfs ou des Chèvres, au point de jonction des quatre os frontal , lacrymal, nasal et maxillaire supérieur. La tête osseuse du Chamois, celle du Dicranocère, celle de l'Antilope de Sumatra et celle de l'Anoa sont très-différentes les unes des autres , et, si on leur compare celles dos autres espèces , on reconnaît qu'elle en est également fort différente, et que l'on peut en tirer de très-bonnes indications pour la distribution naturelle des nombreux Ruminants de cette tribu. Ces caractères ostéologiques des Antilopes sont en rapport avec les principales particula- rités extérieures de ces Animaux, et lorsqu'on leur aura donné toute l'attention qu'ils méri- tent, ils rendront plus naturelle la classification de ces Animaux. Nous avons dit que la taille des Antilopes variait beaucoup suivant les espèces. Il y a , en effet, des Animaux de ce groupe qui approchent des Bœufs et dépassent les Zèbus dans leurs dimensions, et d'autres qui n'ont , au contraire, que la grandeur des Chevrotains ou celle des Lièvres; leur stature peut même être encore moindre. Cependant, la plupart des espèces sont comparables à des Chèvres ou à des Moutons. En général, leurs proportions sont fines en même temps que leur pelage est élégant. Ces gracieux Animaux sont essentiellement herbivores comme tous les autres Ruminants. Ils vivent presque tous dans les grandes plaines, mais il y en a aussi dans les lieux boisés, et quelques-uns se tiennent dans les montagnes. La plupart se réunissent par troupes , et bien qu'ils soient la proie habituelle des grands Carnivores , ils savent lutter contre eux , en se réunissant en cercle et en présentant à l'ennemi leurs cornes, avec lesquelles ils font des blessures fort souvent dangereuses. C'est aussi à coups de cornes que les mâles se battent entre eux pour la possession des femelles. La jolie robe des Antilopes, la délicatesse habituelle de leurs formes et la beauté de leurs yeux ont rendu célèbres plusieurs de leurs espèces. La chair de quelques-uns de ces Animaux est excellente. On arrive assez facilement à classer ces Ruminants , si l'on tient compte de la longueur relative de leur queue, de la distribution de leurs couleurs, de la disposition spéciale des poils en certains endroits de leur corps, ce qui constitue des crinières, des brosses, des bouquets, etc., ou bien encore si l'on a égard au nombre de leurs mamelles, qui est de deux ou de quatre; à la présence ou à l'absence des poches sécrétrices qu'ils ont aux aines ou entre les doigts, à la présence ou à l'absence d'un fanon, etc. Toutes ces dispositions sont fixes dans chaque espèce, mais elles changent d'une espèce à une autre; cependant les caractères que l'on tire des cornes, des dents ou de la forme du crâne, permettent d'arriver à une classification rigoureuse des nombreux Animaux de ce groupe, et les indications qu'on en a obtenues jusqu'ici ont déjà fourni d'assez bons résultats. Malheureusement les zoologistes modernes ont un peu trop multiplié les coupes génériques qu'ils ont proposées; et dans son dernier travail sur les Antilopes, M. Gray ne compte pas moins de trente-trois genres d'antilopins. Quoiqu'une étude sérieuse des caractères * de ces Animaux ne tarde pas à démontrer qu'il est possible de distinguer parmi eux un nombre assez considérable de genres bien circonscrits, nous n'accepterons pas ici toutes les dénominations nouvelles qu'on a impo- sées à ces groupes , et nous nous bornerons à l'admission des suivants : FAMILLE DES BOVIDÉS. 199 Alcélaphe, Connochète, Strepsicère, Anoa, Portax, Tragélaphe, Oryx, Gazelle, Capricorne, Dicranocère, Chamois, Saïga et Céphalophe. 11 eût été facile d'en augmenter le nombre, tant les espèces de cette tribu présentent de différences lorsqu'on les examine avec soin ; mais nous avons craint d'effrayer le lecteur en acceptant ici toutes les dénominations qui ont été proposées dans ces derniers temps. C'est pour la même raison que nous avons souvent laissé aux espèces de ces différents groupes le nom générique (Y Antilope, qui est seul employé par Pallas, de Blainville, Desmarest, F. Cuvier et autres auteurs non moins recommandables. On trouvera de plus amples détails sur la classification et la synonymie des Antilopins dans les excellents ouvrages ou mémoires de Blainville, et de MM. Lichtenstein, Hamilton Smith, O'Gilby, Sundevall, Gray, etc. M. Gray a donné de très-bonnes figures d'Antilopes dans son bel atlas des Mammifères, qui ont vécu à la ménagerie de Knowsley, et il a pro- posé sa nouvelle classification de cette tribu dans un volume de son catalogue des Mammi- fères du Musée britannique publié en 1853. Le Chamois des Alpes et des Pyrénées est avec le Saïga de la Bussie le seul représentant européen de la tribu des Antilopes, mais on a reconnu qu'il a existé antérieurement sur le même continent plusieurs autres espèces de cette tribu; on en trouve les débris dans les terrains pliocènes et miocènes. Les unes avaient des dimensions moyennes; d'autres appro- chaient de la taille des plus grandes espèces actuelles. C'est à cette dernière catégorie qu'ap- partiennent les Antilope boodon et A. recticorne ou Cordieri, dont j'ai fait connaître ailleurs les principaux caractères. Genre ALCÉLAPHE {Alcelaphus) . Cornes épaisses, à double courbure, lyrées, en partie annelées mais sans arêtes , existant dans les deux sexes , placées sur le sommet de la tête qui est très-allongée et comme verticale; des larmiers; point de brosse; des pores ingui- naux; queue assez longue terminée par un flocon de longs poils; deux mamelles seulement; un demi-mufle. Cette division générique répond, mais en partie seulement, aux Alcélaphes de Blainville, aux Bubalides de M. Lichtenstein et aux Bubalus de M. IL Smith; les deux grandes espèces qui y rentrent ont une physionomie toute particulière ; toutes deux sont africaines. Alcélaphe bubale {Alcelaphus bubalis). C'est le Boubalos (pou&xXo;) d'Oppien, la Vache de Barbarie de Perrault , et le Bubale de Buffon {Antilope Bubalis , Pallas) ; ses cornes sont noires ainsi que les longs poils qui terminent sa queue ; son pelage est d'un fauve roussâtre à peu près uniforme ; sa taille approche de celle du Cerf. Le Bubale vit dans le nord de l'Afrique, principalement dans les plaines du nord-ouest. Il est connu au Maroc, dans quelques parties des provinces françaises de l'Algérie, et princi- palement dans le pays des Hennenschas, où on l'appelle Beug-el-Ouach; il s'étend de là jusqu'aux confins de l'Egypte. L'allongement de sa tête lui donne une physionomie tout à fait singulière, et ses cornes, qui simulent les deux branches d'une fourche, le rendent souvent redoutable. Il combat comme les Taureaux, en baissant la tête; cependant on en voit des individus très-dociles; et, d'après Shaw, les jeunes se mêlent quelquefois aux troupeaux domestiques et ils ne les quittent pas en devenant adultes. On pourrait tirer quelque parti de cette espèce. L'Alcélaphe Caama {Alcelaphus caama) , qu'on a longtemps confondu avec le Bubale, est l'Antilope Caama de G. Cuvier et de Blainville. La courbure de ses cornes est moins anguleuse; son pelage est plus foncé et varié de noir en plusieurs points; ses fesses sont blanchâtres. Il habite l'Afrique australe , où on le rencontre réuni par troupes plus nombreuses que celles des Bubales; il court avec la même vitesse qu'un Cheval. Genre CONNOCHËTE {Connochœtes , Lichtenstein). Apparence bovine; mufle élargi, dénudé; un fanon; queue longue, floconneuse; cornes existant dans les deux sexes, épatées à leur base , descendant ensuite obliquement en avant pour se redresser brusquement. Le Connochète Gnou {Connochœtes Gnu) paraît être le Catoblépas de Pline. Buffon 200 ORDRE DES RISULQUES. l'appelle Gnou et les linnéens le nomment Antilope Gnu. C'est une grande espèce que l'on prendrait plutôt pour un Buffle voisin de celui du Cap , mais qui est moins forte et moins trapue. Cette ressemblance est encore augmentée par l'épaississement basilaire que montrent ses cornes; quant aux proportions de son corps elles ont une certaine analogie avec celles d'un poney. Son pelage est brun marqué obscurément de zébrures sur les flancs; les poils de son cou forment une crinière longitudinale redressée et elle a une barbe assez forte ; la queue à des poils blanchâtres. Cette espèce vit dans l'Afrique méridionale; elle se réunit par troupes, est très-légère à la course et conserve des habitudes sauvages. Pline dit du Catoblépas qu'il tient toujours la tête penchée vers la terre, afin de ne point détruire la race humaine, car tous ceux qui voient ses yeux expirent aussitôt; mais, comme on le pense bien, cela n'est pas plus vrai du Gnou que des autres Animaux. LeCoNNOCHÈTEGoRGON (Connochœtes Gorgon) , que M. H. Smith a distingué, vit aussi dans l'Afrique méridionale; il a le pelage un peu zébré; de longs poils non redressés se voient au-dessous du nez, et sa taille est un peu plus forte. On lui réunit le Kokoon [An- tilope Taurina de Burchell) , qui vit en Abyssinie. Genre STREPSICÈRE (Strepsiceros , H. Smith). La peau de la partie inférieure du cou forme un fanon pendant comme celui des Bœufs; le mufle est nu et les cornes sont grandes, fortes, redressées, à triple courbure, annelées intérieurement et marquées dans toute leur longueur d'une forte arête. Le Stbepsicère Coudou, dont le nom s'écrit Coiidu et Koodoo en hollandais ou en anglais, est une grande espèce propre à l'Afrique méridionale, qui vit surtout dans les bois où elle se fraye aisément un chemin à l'aide de ses cornes robustes, dont la forme spirale peut être comparée à celle d'un tire -bouchon. C'est le Condoma de Buffon et de Daubenton. Oréas çais-na, 1/I2e de la grandeur. l'L.XWTlll. dosez ip//e de demi y /;- y /i',v /'<'<" CM' m: HO\.\E KSIMUIAM'K FAMILLE DES BOVIDÉS. 201 Les ORÉAS de M. Gray atteignent également de grandes dimensions et vivent aussi en Afrique. Leurs cornes sont droites et parcourues, dans une partie de leur longueur, par un bourrelet spiral; ils ont un véritable fanon. Tels sont I'Oréas canna (Antilope oreas, Pallas), qu'on a souvent appelé Élan du Cap, et I'Oréas de Derby ou Boselaphe de Derby, distingué du précédent par M. Gray, et figuré sur notre planche XXXVIII. Genre ANOA (Anoa, H. Smith). Les cornes sont assez épaisses, médiocrement allongées, déprimées, robustes, insérées au bord de la crête frontale et dirigées en arrière en ligne droite; elles existent dans les deux sexes; il y a quatre mamelles; le crâne diffère notablement de celui des espèces des autres genres. L'Anoa dépressicorne (Anoa depressicornis, IL Sm.) ou Y Antilope depressicornis, que l'on a quelquefois rangé parmi les Bœufs, habite l'île Célèbes, où les naturels le nomment Sapi-Outan , c'est-à-dire Vache des bois. Sa couleur est habituellement noirâtre, quelquefois brun clair ou brun cannelle; sa taille est celle d'un petit Ane; ses formes sont assez épaisses. 11 se tient dans les forêts. Son caractère est sauvage, et, comme beaucoup d'Antilopes , il peut occasionner des blessures fort dangereuses lorsqu'il frappe avec ses cornes. Genre PORTAX (Portax, II. Smith). L'espèce qui sert de type à ce genre s'éloigne encore des Antilopes ordinaires pour ressembler aux Bœufs sous certains rapports, et elle est au nombre de celles qui acquièrent aussi une grande taille. C'est le Nyl-Gau des Indiens, déno- mination qui signifie la Vache bleue. De Blainville la réunissait aux Connochètes sous le nom de Boselaphus , qui rappelle des affinités simultanées avec les Bœufs et avec les Cerfs. M. Gray lui laisse le nom de Portaœ , que nous emploierons. En voici la caractéristique : pro- portion du corps assez élancé; tête allongée mais retenue dans la position horizontale; un mufle ; des larmiers ; quatre mamelles ; des cornes chez le mâle seulement , petites , un peu re- courbées en avant, ayant un prolongement triangulaire et tuberculeux à leur base antérieure qui simule un commencement d'andouiller. Le Portax Nyl-Gau (Portax picta) est le Nyl-Gau ou Bœuf bleu du Guzerate décrit dans Buffon et dans la plupart des auteurs ; c'est aussi Y Antilope pictaeX Y A. tragocamelus de Gmelin ; quelques naturalistes croient qu'il répond à Yllippélaphe d'Aristote. Ce bel Animal est de la taille d'un Cerf; son pelage est gris noir avec du blanc aux lèvres, sous le cou, entre les jambes de derrière ainsi qu'à la seconde phalange, et avec un fort bouquet de poils sétiformes sur le milieu du cou dans le sexe mâle; la femelle est brun fauve. Le Nyl-Gau habite l'Inde et remonte jusqu'aux montagnes du Cachemyre. C'est un Animal courageux et difficile à dompter. Au dire des voyageurs, lorsqu'il attaque son ennemi, il se jette sur les genoux, avance en conservant cette position, puis, se redressant avec rapidité, il s'élance en avant et fond ainsi sur l'Homme ou sur les Animaux. On ne connaît avec certitude qu'une seule espèce de Portax. Elle s'est reproduite dans les ménageries anglaises. Genre TRAGÉLAPHE (Tragelaphus , Blainville). Les Tragélaphes sont des Antilopes n'ayant de cornes que chez les mâles, comprimées, spirales, pourvues d'une arête saillante sur leur spire ; leur queue est médiocre et garnie de poils assez longs mais non floconneux. C'est à ce groupe qu'appartiennent les Antilope eurycerus, O'Gilby (de Guinée); A. Angasii, Gray (de Port -Natal); A. Décida, Buppel (d'Abyssinie); A. sylvatica, Sparmann (de Cafrerie), et A . scripta. Cette dernière espèce est 1' Antilope Guib actuellement Tragelaphus scriptus. C'est un gracieux Animal, de la taille d'un Daim et dont le pelage fauve marron en dessus est marqué de bandes transverses de couleur blanche sur les flancs et de taches rondes sur les cuisses. Le Guib habite la Sénégambie. On le rencontre par grandes troupes dans les forêts et dans les plaines. n e partie. 26 202 ORDRE DES BISULQUES. Antilope Guib, 1/10 do grond. On en a rapproché, mais d'une manière provisoire seulement, 1' Antilope zébrée (Anti- lope zcbrata, E. Robert et P. Gerv.) , appelée A. Zébra par M. Gray , et A. Doria par M. O'Gilby. Cette espèce n'est connue que par quelques peaux obtenues de l'intérieur de l'Afrique par le commerce du Sénégal. Ces peaux, auxquelles manquent la tête et les pieds, indiquent un Animal à peu près grand comme la Dorcade ou Gorine; leur couleur est fauve dorée et elles présentent sur la région dorso-lombairc dix ou onze bandes transversales brunes, à peu près disposées comme celles du Thylacyne de la Nouvelle-Hollande. Feu M. Bennett a le premier signalé ces peaux, mais sans leur donner de nom spécifique. Genre ORYX (Oryx, B\amv.). LesOryx, tels que Blainville les définissait, sont de grandes espèces d'Antilopes à cornes très-allongées , pointues , droites ou à simple courbure postérieure, annelées, mais sans arête; ils manquent quelquefois de larmiers, n'ont pas de brosses, et pas de pores inguinaux; leur mufle est plus ou moins incomplet; leur queue assez longue est terminée par un bouquet de poils plus ou moins considérable; ils n'ont que deux mamelles. On les a partagés en plusieurs catégories que beaucoup d'auteurs actuels regardent comme autant de genres distincts. 1. LesSiNG-SiNGS, nommés Kobus par M. Gray, mais qu'il ne faut pas confondre avec le Kob de Ruffon, ni avec leKoba de quelques autres, ont les cornes allongées, plutôt droites et divergentes que lyrées, fortement annelées dans la plus grande partie de leur étendue et n'existant que chez les mâles. On en connaît deux espèces. Le Sing-Sing a croissant (Antilope ellipsiprymna de M. O'Gilby), qui est presque grand comme un Cheval, à pelage rude, fauve brun, marqué d'une bande blanchâtre oblique sur chaque fesse. Il habite les parties australes de l'Afrique, oïi il vit par petites troupes au bord des rivières. C'est un Animal timide malgré sa grande taille; sa chair est estimée. Lé Sing-Sing defassa (Antilope defassa, Ruppel) , que M. O'Gilby a nommé Antilope FAMILLE DES BOVIDÉS. 203 Sing-Sing et Laurillard Antilope onctueuse, habite la Gambie et i'Abyssinie. Il est un peu plus petit que le précédent, brun avec un peu de blanc au-dessus des yeux, aux lèvres , à la gorge et sous la queue; ses poils sont assez longs, et le plus souvent imprégnés d'une matière huileuse qui suinte de la peau. Un exemplaire de cette espèce vivait, il y a quelques années, à la Ménagerie du Muséum. Plusieurs auteurs en ont parlé sous le nom de Kob ou Goba, que Buffon appliquait à une autre espèce, mais qui est donné par les nègres de la Guinée à plu- sieurs sortes d'Antilopes. Les cornes du Sing-Sing délassa sont droites et notablement diver- gentes. 2. Les EGOCÈRES (OEpocerus, Desm.) ont les cornes grandes, fortes, pointues, mais à peine divergentes, annelées, sauf à la pointe, et à simple courbure postérieure; les poils de leur dos s'allongent en crinière. Telle est I'Égocère leucophe (Antilope leucophœa de Pallas) , aussi appelée Antilope chevaline, Antilope bleue et grande Antilope du Sénégal, Elle dépasse encore les^Sing-Sings. Son pelage est gris fauve nuancé de cannelle, plus long sous la gorge et à la crinière que sur la croupe et les flancs; il y a du blanchâtre en avant de l'œil et aux lèvres. C'est un Animal de la Guinée et de la Sénégambie, et l'un de ceux que les nègres iolofs appellent Kob ou Koba; les Français du Sénégal le connaissent sous le nom de Vache brune. Il vit par petites troupes , aime les monticules et court avec une grande rapidité. L'GEgocère noir (OEgocerus niger , Marris) habite les régions australes de l'Afrique. Son pelage est brun bai tirant au noirâtre; il a plus de blanc aux yeux et à la lèvre que le précédent; sa crinière est plus forte et le blanc de ses parties inférieures plus net. 3. Les ORYX proprement dits (genre Oryx , H. Smith , O'Gilby, Gray , etc.) ont les cornes plus allongées et plus grêles, moins fortement annelées à leur base et se dirigeant directement en haut comme de longues piques ou en arrière en suivant une courbe peu arquée. C'est aux premiers de ces Animaux que divers auteurs laissent en propre le nom de Gazelle , qu'on a souvent étendu à divers autres Antilopes. L'Oryx Algazelle (Orgx Gazella ou Bezoartica) est aussi appelé Pasan , Chamois du Cap, etc.) ; il est presque grand comme un Cheval; est en partie roux fauve, en partie blanc et porte sur le chanfrein une grande tache roux cannelle entourée de blanchâtre; ses cornes sont droites; les poils de sa queue descendent jusqu'aux talons. Il habite l'Afrique australe ou il recherche les lieux escarpés; il vit par paires et non par troupes. VAniilope beisa, que M. Buppel a trouvée en Abyssinie, est fort voisine de la Gazelle. L'Oryx leucoryx (Orgx leucorgx des auteurs) a les cornes arquées, mais ses couleurs sont peu différentes. Il est propre à l'Afrique intertropicale et les collections en possèdent des individus qui viennent de Sénégambie et de Nubie, il ne paraît pas qu'il se trouve en Perse, comme on l'avait dit, non plus que dans l'Inde. GENRE GAZELLE (Gazella, Blainv.). Les Gazelles, qu'il ne faut pas confondre avec r Algazelle, sont des Antilopes à formes gracieuses, à membres très-fins, n'ayant point de mufle et dont les dimensions restent en général inférieures à colles des Chamois. Elles ont des larmiers, des brosses et des pores inguinaux; leur queue est courte; leurs mamelles sont au nombre de deux; leur couleur est fauve ou isabelle sur lo dos , séparée de celle du ventre qui est blanche par une bande brune ou noirâtre ; leurs cornes, plus fortes chez les mâles que chez les femelles , sont à double courbure , lyrées et sans arêtes ; les narines sont habituellement entourées de poils. 1° Les Gazelles proprement^ dites sont les espèces do ce genre qu'on voit le plus habituellement dans les ménageries et dans les parcs où leur gentillesse les fait rechercher. La Gazelle dorgâde (Gazella dorcas) ou la Gazelle de Buffon, dont la Corme du même auteur est la femelle, et son Kevel, le jeune âge, est cette jolie espèce qui habite une grande partie de l'Afrique septentrionale, dans les grandes plaines et dans la région saharienne. Elle y vit par troupes assez nombreuses et se retrouve aussi en Arabie. Ses variétés ou des 204 ORDRE DES BISULQUES. espèces plus ou moins voisines s'étendent jusqu'au Sénégal et en Nubie. 11 y a aussi dans l'Inde des Antilopes qui lui ressemblent beaucoup, mais dont la bande latérale est moins distincte et la taille un peu supérieure : ce sont les Antilope Hazenna, Is. Geoffr. , et A. Bennettii, dont M. Gray fait le genre Tragops. 2° D'autres sont encore un peu plus fortes : Telles sont la Gazelle de Soemmering (d'Abyssinie et du Sennaar); la Gazelle aux pieds noirs ou Pallah (du Sénégal) ; la Gazell e Jairon ou Antilope subgiitturosa, de Guldenstedt (répandue depuis les frontières de la Chine jusqu'au lac Baïkal et aux environs de la mer Caspienne) , etc. 3° Il y en a de plus hautes sur jambes et à cou plus long, marqué, en avant, d'une bande transversale blanche , et n'ayant de cornes que dans le sexe mâle. Celles-ci répondent aux Dama de Bennett. Telle est,* en particulier, la Gazelle nanguer de Buffon (Antilope Dama de Pallas), dont les variétés vivent au Maroc, au Sénégal, dans la Nubie et dans le Cordofan. C'est à cette jolie division qu'il faut attribuer le Mohr de Bennett, qui vit dans les parties méridionales du Maroc. La Gazelle euchore (Antilope euchore de Forster) s'en rapproche sans se confondre avec elle. C'est un animal propre à l'Afrique australe. Il en est de même de la Gazelle pallah ou Booye hoc des Hollandais du Cap, qui est aussi l'objet d'une subdivision particulière. 4° Les DAMALIS, séparées des Gazelles de Blainville par M. IL Smith, ont les cornes lyrées, subcylindriques, et un petit espace nu et muqueux auprès des narines. Tels sont Y Antilope lunala de Burchell (du sud de l'Afrique); Y Antilope korrigum ou Senegalcnsis (de Sénégambie) ; Y Antilope Pygarga (du sud de l'Afrique), et Y Antilope albi- frons de Burchell (vivant dans la môme contrée). 5° Les Addax peuvent aussi être rapprochés des Gazelles; mais ils ont les cornes plus longues et de forme spirale , et de plus leurs sabots ont une apparence très-différente de celle des autres Antilopes , et comparable à ce que l'on voit chez les Bennes (Tarandus) , ce qui a engagé M. Pucheran a donner au sous-genre des Addax le nom de Tarandipèdc. L'unique espèce est I'Antilope Addax (Antilope Addax, Licht.) qui appartient au nord- est de l'xVfrique. Genre CAPRICORNE (Capricornis , O'Gilby). Ce genre, réuni à celui des Nemorlwdus de M. Hamilton Smith, comprend des espèces ayant, comme les Antilocapres , de l'analogie avec les Chèvres, mais qui joignent à cela une forme de crâne très-différente. Leur tête osseuse est lourde, solide et peu comparable à colle de la plupart des autres Antilopes; leurs cornes, qui n'existent que chez les mâles, sont courtes, assez grêles, annelées à leur base, penchées en arrière et recourbées à leur extrémité. Les membres de ces Animaux sont robustes , et leurs narines n'ont point de mufle. Le Capricorne c o m b i n g ( Capricornis Sumatrensis) répond à Y Antilope Siimatrcnsis de Shaw. C'est un Animal de la taille d'une Chèvre, de couleur noire avec une crinière entre les épaules. Il est de Sumatra seulement. Le Capricorne thar (Capricornis thar ou Bubalina de MM. O'Gilby et Hodgson) habite les montagnes du Népaul. Il n'a qu'une faible crinière; son pelage est brun, surtout aux parties supérieures. Le Capricorne frisé (Capricornis crispa), que M. Temminck a, le premier, décrit sous le nom à' Antilope crispa , représente au Japon le groupe des Antilopes. On ne peut guère éloigner des Capricornes le Goral du Népaul (Antilope Gorai ?, Hardwicke) ou Bouquetin du Népaul de Fr. Cuvier, qui a des cornes dans les deux sexes. Son port rappelle aussi celui des Chèvres , et jusqu'à un certain point celui du Chamois. Son pelage est brun fauve, teinté de roux. FAMILLE DES BOVIDES. 205 C'est encore un Animal des montagnes; il vit dans la partie des Himalayas qui limite le Népaul. M. O'Gilby en fait son genre Kemas, et M. Gray celui de Ncmorhcdus dont le nom est emprunté à la classification de M. IL Smith. Genre ANTILOGAPRE (AntUocapra) . Les Antiiocapres de Blainvillc, dont M. Gray transporte le nom aux Dicranocères pour les appeler Mazames , ont le pelage soyeux des Chèvres, et ils manquent de mufle ainsi que de sinus lacrymaux; leurs cornes ont quelque rapport avec celles du Chamois; mais elles sont plus couchées en arrière et moins régulière- ment courbées en hameçon au sommet. L'Antilocapre d'Amérique {AntUocapra Americana, Blainv.) appartient aux régions de l'Amérique septentrionale qui s'étendent depuis l'Océan Pacifique jusqu'au lac des Bois, près le lac Supérieur; mais il se tient de préférence dans les Montagnes-Rocheuses. On Ta aussi appelé Capra lanigera ou Ovis monlana, parce qu'il tient des Moutons ou des Chèvres tout autant que des Antilopes. Genre DICRANOCËRE (Dicranocerus, H. Smith). Remarquable entre toutes les divisions de la tribu des Antilopes, parce que ses cornes ont on avant, sur le milieu de leur longueur un véritable andouiller, comparable à ceux des cerfs , de nature cornée comme le reste de l'étui, mais dont Taxe osseux intérieur ne montre pas de traces. La curieuse espèce qui sert de type à ce genre est du petit nombre des Antilopes qui vivent en Amérique ; ses cornes, séparées à leur base par une forte dépression et surplombant les yeux, constituent un caractère qui rapproche le Dicranocère du Chamois, Son andouiller l'a fait prendre quelquefois pour un Cerf. Le D I C R A N C È II E A F U R C II E {Dicranocerus furcifer), que de Blainvillea appelé pendant quelque temps Cervus hamatus, et Rafi- nesque Cervus bifurcalus , est V Antilope furcifer des auteurs, et leur Antilope palmata. Cet Animal, véritablement re- marquable , est plus fort que le Chevreuil , et il en a le pelage rude , mais cependant avec une teinte plus pâle, qui passe au blan- châtre sur les joues , au cou , au ventre et à la face interne des jambes. Les femelles n'ont pas de cornes , et chez les jeunes mâles il n'y a pas encore d'andouiller ; l'axe osseux de la corne ne se di- vise pas comme son étui. Le Dicranocère vit dans les Mon- tagnes-Rocheuses et dans l'Amé- rique centrale. L'Animal à cornes fourchues , que j'ai signalé à l'état fossile dans lé département du Gers, sous le nom d'Antilope dicho- toma, est un Cerf du sous-genre éteint des Dicrocères et point un Antilope comme je l'avais admis lorsque j'en ai publié la description. Il appartient au terrain miocène. Genre CHAMOIS (Rupicapra, Blainv.). A pour caractère principal ses cornes lisses, placées immédiatement au-dessus des orbites, montantes, recourbées en arrière, et comme en hameçon à leur sommet; elles existent dans les deux sexes, et y sont à peu près de môme Crâne de Dicranocère a fourche, \\\ de grand. 206 ORDRE DES BISULQtES. forme. Les mamelles sont au nombre de deux seulement; la queue est courte; il y a des pores inguinaux, mais les larmiers et les brosses manquent. Le Chamois d'Europe (lîupicapra Europœa) ou V Antilope Rupicapra de Pallas, est le Chamois et l'Isard des auteurs français. Sa longueur totale dépasse un mètre, et sa hauteur, au train de devant, est de quatre-vingt-dix centimètres environ; son pelage est grossier, assez long; il varie pour la couleur suivant les saisons. Au printemps, il est gris cendré sur la plus grande partie du corps; en été, il passe au fauve clair, et il devient brun en hiver; une bande oblique , dont la teinte est obscure, passe sur chaque œil. Les jeunes ont une livrée encore différente. Les formes du Chamois sont plus fines que celles de la Chèvre. Cet Animal vit sur les Pyrénées et les Alpes, ainsi que sur quelques points élevés de la Grèce. On le rencontre par petites bandes. Il est très-agile , et il passe facilement de rochers en rochers , ce qui rend sa chasse difficile et même périlleuse. Les Chiens ne sauraient y être employés , et le plus souvent on se borne à tirer le Chamois de loin, ce qui réussit habituelle- ment si l'on a pu occuper quelque rocher dominant ceux oii il gambade. C'est surtout le matin et le soir qu'il apparaît; sa voix est une sorte de bêlement fort bas, semblable à celui d'une Chèvre enrouée; mais lorsqu'il est inquiété, il pousse un sifflement qui retentit au loin, et qui donne à la petite troupe le signal d'une retraite, immédiate. Cependant, lorsque le Chamois est pressé de trop près, il lui arrive parfois de se ruer sur les hommes pour les précipiter au bas des rochers. Les mâles se tiennent habituellement isolés , sauf pendant le temps des amours; mais les femelles passent presque toute l'année réunies. Elles se séparent cepen- dant au moment de la parturition qui a lieu en mars ou en avril. Chaque portée est d'un petit, rarement de deux, On dit que le Chamois vit de vingt à trente ans. Sa chair est estimée comme aliment, et sa peau ainsi que ses cornes, que les touristes recherchent, engagent encore à lui donner la chasse, Chamois d'Ei Rorr, < / 1 7 d? prn:c\ Quelques différences légères qu'on a remarquées entre le Chamois des Alpes ou Y Isard et celui des Pyrénées ont fait regarder ces Animaux comme formant deux espèces distinctes, que le prince Ch. Bonaparte accepte dans son catalogue des Mammifères européens , sous le AMTiLont: ni:s i\i)i;s / S',-?,-,;-, S„//r,.. FAMILLE DES BOVIDÉS. 207 nom de Rupicapra Alpina et Rupicapra Pyrenaïca. On ne leur a pas comparé les Chamois de l'Europe orientale. Genre PANTHOLOPS (Panthoîops , Hodgson). Il ne comprend qu'une espèce : Le Pàntholops Chiru (Pantholops Hodgsonii, Gray) qui a de l'analogie avec le Chamois pour la taille et les proportions, mais dont les cornes ont à peu près deux pieds de haut. Elles sont en grande partie droites , faiblement recourbées en avant, à leur sommet, et annelées en avant sur les deux tiers inférieurs. Le pelage de cette espèce est épais, fauve sale, d'une nuance assez pâle; la face est d'un roux brunâtre. Cet Animal vit au Thibet, sur les pentes des Himalayas ; il se défend hardiment contre les chasseurs ou les Animaux féroces. C'est sur l'examen de quelques exemplaires du Chiru, chez lesquels une des cornes avait été cassée, que repose dans le môme pays la croyance aux Licornes. Abel a, le premier, parlé du Chiru, en 1827, sous le nom (Y Antilope Hodgsonii. GENRE SAÏGA (Saïga, Gray). Nous étendrons ce nom aux espèces d' Antilopins que de Blainville plaçait dans sa division des Antilopes proprement dit (Antilope, Blainv.), c'est-à- dire aux Antilopes et aux Saïga de M. Gray. Elles ont les cornes spirales, à double ou triple courbure, annelées, sans arête, n'existant que chez les mâles. Ces Antilopes n'ont pas de mufle, mais elles possèdent un larmier, et leur tête osseuse montre une large fossette en avant du cercle orbitaire. Elles ont les poils du carpe disposés en manière de brosse, sont pourvues des pores inguinaux, et ont deux mamelles seu- lement. Leur queue est courte et sans flocon. Le Saïga de Tartarie (Saïga Tartarica) ou le Capra Tartarica de Linné, est le même Animal que le Colus de Strabon. Il vit dans l'Asie septentrionale, principalement dans la région des monts Altaïs, et s'étend jusque sur les frontières de l'Europe. Du temps de Pallas, le Saïga était encore répandu dans l'Ukraine, quoiqu'il y fût encore rare. Il est intermédiaire au Chevreuil et au Daim pour la taille ; son corps est fauve en dessus et blanc en dessous. Ses cornes sont de couleur claire. Ses habitudes sont sociables et nomades; sa chair est désagréable. On assure que, lorsque des Saïgas veulent boire, ils plongent leur museau entier dans l'eau et que c'est par leurs narines qu'ils prennent la plus grande partie du liquide qui leur est nécessaire. Ce fait est déjà signalé dans Strabon. M. Laurillard a rappelé dans les termes suivants les principales observations auxquelles les Animaux de cette espèce ont donné lieu : (( Les Saïgas ont la vue courte , mais leur odorat est si fin qu'ils éventent l'ennemi de très- loin. Ils se rassemblent pour voyager en troupeaux de plusieurs milliers. Pendant que la troupe dort, quelques-uns des mâles font la garde ; ce sont aussi les mâles qui défendent les petits contre les attaques des Loups et des Renards. Les femelles mettent bas un seul petit au printemps. Dans la saison du rut, au mois de novembre, les mâles sentent fortement le musc. La chair du Saïga se mange en hiver, mais elle est rejetée en été, parce qu'alors on trouve sous la peau de cet Animal une quantité considérable de larves d'une espèce d' œstre. On élève aisément les Saïgas en domesticité lorsqu'on les prend jeunes. Ceux qui ont été ainsi apprivoisés courent librement au dehors sans se joindre aux individus sauvages, et ils reviennent à la voix de leur maître auquel ils ne manquent pas de faire quelques caresses. » Le Saïga des Indes (Saïga Cervicapra ou le Capra Cervicapra de Linné et Y Antilope cervicapra de Pallas) est fauve sur le dos et blanc sur le ventre, avec une ligne brune sur les flancs. Sa patrie est l'Inde. Il est représenté sur notre planche LX. On place encore'dans ce genre Y Antilope goitreuse (Antilope gutturosa, Pall.), du plateau central de l'Asie. Elle habite principalement le Thibet. M. Hodgson en fait son genre Pro- capra, dans lequel il place aussi le Ragoa ou Goa des Thibétains, sous le nom de Procapra picticauda. M. Gray a adopté cette division. 208 ORDRE DES BISULQUES. C'est auprès des Saïga que nous rangerons les espèces types des genres Peba, Eleotragus et Adenota de MM. H. Smith et Gray. Voici quelques détails à leur égard : 1° Les PEB A comprennent Fàntilope Chevreuil (Antilope Capreolus, Lient.), qui porto au Cap le nom de Reh Bok, sous lequel il est signalé dans le Voyage de Sparmann. Ses cornes sont droites, minces, parallèles entre elles; son pelage est laineux et gris roussâtre. Il vit par troupes et s'apprivoise facilement; sa chair n'est pas estimée. 2° Les ÉLEOTRAGUES réunissent deux espèces : L'Antilope Éleotrague (Antilope Eleotragus, Schreb.), appelé aussi A. arundinacea et .4. Delalande. Son front est assez élevé; ses cornes, dirigées en arrière, sont pointues, et la concavité de leur courbure est antérieure; son pelage est laineux, cendré en dessus et blanc en dessous; elle vit en Cafrerie et dans d'autres parties do l'Afrique australe. C'est le Roode Rhebok et le Kleine Rietbok des colons hollandais. Il aime les endroits ou il y a de l'eau. L'Antilope n agor (Antilope reduhea, Pallas) , aussi nommé A. Reversa, a les cornes assez courtes , penchées en arrière , et à concavité antérieure ; son pelage est entièrement fauve. Il est de la Sénégambie et de l'Abyssinie. Les exemplaires pris dans ce dernier pays correspon- dent à Y Antilope Boher de M. Ruppel. ■3° Les ADÉNOTES ont pour type TAntilope Kob (Antilope Kob) dont Buffon a parlé le premier, oui* petite Vache brune des habitants du Sénégal. Cette espèce, longtemps incomplè- tement connue, a été revue et décrite avec soin par M. Fraser; elle est de la taille du Daim et du Guib. Elle se tient sur les bords de la Gambie et du Sénégal, à plus de cinquante lieues de l'embouchure de ces deux fleuves. Cette espèce se rattache par certains caractères aux Gazelles, dont nous avons parlé plus haut. Genre CÉPHALOPHE (Cephalophas, H. Smith). Il comprend des Antilopes africaines, et quelques espèces asiatiques dont les cornes sont petites , droites ou couchées en arrière, peu ou point annelées, et qui ont un mufle, c'est-à-dire un espace nu et glanduleux autour des narines ; leurs couleurs sont brunes, en général uniformes; leur poil est court et cas- sant, leur taille est moyenne ou petite. Ce sont des Animaux qui vivent par troupes ; leur crâne , qui est plat eu bombé entre les cornes , présente en avant du cercle orbitaire une grande fossette oîi est placé le larmier ; la peau qui recouvre leur occiput porte des poils en général plus longs que ceux du reste de la tète et formant une petite houppe ; c'est ce qui a fait donner à ces Animaux le nom de Cephalophus, signifiant tète huppée. M. Temminck dit que les Céphalophes véritables ont les forets et les buissons pour demeure habituelle, qu'ils ne vivent point en grandes troupes , mais par paires ou isolément, et qu'ils abandonnent rarement les lieux ombragés. On pourra grouper autour de ces Animaux plusieurs des genres établis par les auteurs. 1. Les TÉTRACÈRES (Tetracems , Leach) n'ont de cornes que dans les mâles, et elles sont assez petites; mais ils en ont deux paires au lieu d'une, ce qui leur donne en tout quatre cornes. C'est à cette particularité qu'ils doivent leur nom générique de Tëlracères. Le Tétracère Tchickara (Antilope quadricornis , Blainville) est une espèce de l'Inde qui s'étend jusqu'au Népaul. Sa taille est à peu près celle de la Gazelle Dorcade, mais avec des proportions un peu moins élégantes ; son pelage est de couleur baie, sauf aux parties in- férieures qui sont blanchâtres. Les exemplaires de cette espèce que la Ménagerie a possédés avaient été rapportés du Malabar par M. Dussumier. On a supposé qu'il y avait dans l'Inde plusieurs espèces d'Antilopes tétracères. Ce caractère d'avoir le front armé de quatre cornes se retrouve , mais associé à des formes notablement différentes chez un Animal fossile de l'Inde qui acquérait des proportions gigantesques. C'est le Sivatherium giganteum de MM. Cautley et Falconer , énorme Ruminant presque aussi gros que les Éléphants. 3. D'autres, ou les OtiREBlA de M. Laurillard et les Calotragus de M. Temminck, ont FAMILLE DES BOVIDÉS. 209 donné lieu à rétablissement des genres Neotragus, Nesotragus, Oreotragus, Calotragus, Sco- pophorus, etc., etc. Une de leurs plus jolies espèces est le Céphalophe de Salt (Antilope Saltiana, Blainville), de moitié plus petit qu'un Chevreuil et ayant presque tout le pelage élégamment tiqueté de gris. Elle vit en Abyssinie. Le Nesotragus moschatus de M. Duben est aussi fort petit. On a constaté qu'il habite non- seulement dans l'île de Zanzibar, mais aussi la terre de Mozambique, où M. Peters Ta retrouvé auprès de Teta. Le Céphalophe Stein-boc des Hollandais du Cap (Antilope tragulus, Forster); le Céphalophe ourébi (Antilope scoparia, Schreber), et quelques autres appartiennent aussi à l'Afrique, principalement à l'Afrique australe ou à TAbyssinie. 3. Parmi les plus petites espèces ou les Nanotragus de M. Sundevall, nous citerons le pré- tendu Chevrotain pygmée de Buffon ou Moschus pygmœus des auteurs, qui répond à FAnti- lope s p ini g ère de M. Temminck; il n'est pas plus gros qu'un Lapin. On en voit un exemplaire fort jeune dans les galeries zoologiques du Muséum de Paris. Son corps n'a que huit pouces de long, et sa hauteur est à peu près égale. Dans l'âge adulte, ce gracieux Antilope devient cependant un peu plus fort; son front porte alors deux petites cornes qu'on a comparées à deux épines. C'est un Animal de la côte de Guinée. On le dit extrêmement vif et très-bon sauteur ; il paraît jusqu'ici fort rare. Pendant un séjour de dix ans à la côte de Guinée, M. Pel, le zélé voyageur hollandais auquel on doit des collections si précieuses pour la Mammalogie, n'a pu s'en procurer que trois individus, quoique M. Temminck lui eût recommandé cette espèce d'une manière toute particulière. Il les a trouvés sur les confins du pays des Ashantes. Les adultes ont 0,44 de long; ils sont hauts de 0,25 seulement au train de devant et de 0,28 à celui de derrière. Ces petits Buminants habitent les forets ; ils abandonnent rarement les fourrés les plus épais dans lesquels ils vivent par paires ou isolément. M. Pel a constaté que leur agilité est remarquable. Au moindre bruit ils partent de leur re- traite et ils s'élancent par bonds à des distances ou à des hauteurs considérables. On suppose que c'est de la même espèce que Bosman a parlé sous le nom de très-petit Cerf, dans son livre sur la Guinée, et dont il dit : « Ce sont des Animaux très-jolis, portant de petites cornes noires; dont les pieds, passablement longs, sont si extraordinairement minces qu'ils ne dépassent pas en grosseur le tuyau d'une plume; l'on en fait des cure-pipes. » 4. Les GRIMMES (Grimmia, Laurillard) , ou les Céphalophes de M. Temminck, comprennent près de dix-huit espèces toutes africaines et dont voici les noms tels que ce dernier naturaliste les donne dans ses Esquisses zoologiques sur les côtes de la Guinée : Cephalophus sylvicultrix , mer gens, coronatus , altifrons, Campbelliœ, ocularis, Madoqua, Pluto, Natalensis, O'Gilbyi, dorsalis, Rufilatus , Maxwelli, pygmœa, melanorrhœus , punc- lulatus, Whitefieldi et Quadriscopa. Ces deux dernières espèces restent douteuses. Nous décrirons seulement parmi les précédentes : Le Céphalophe grimme (Antilope Grimmia, Pallas, F. Cuvier, etc.) qui a le chanfrein et la ligne dorsale noirâtres , la queue terminée de noir et les membres gris ; ses cornes sont très-courtes , coniques , droites et à anneaux nuancés de gris fauve. Cette espèce, qui n'a guère que 0,45 de hauteur, mesurée au train de devant, habite la Guinée, n e partie, 27 210 ORDRE DES BISULQUES. FAMILLE des GIR4FIDÉS Les Girafes forment plutôt une famille naturelle qu'un simple genre parmi les Ruminants, car, malgré les affinités qui les relient aux Cerfs et aux Antilopes, on ne saurait les associer ni aux uns ni aux autres de ces Animaux. Le principal caractère qui les en distingue n'est pas tant la singularité de leur forme extérieure que la nature de leurs cornes, qui ont leur axe osseux fourni par une épiphyse osseuse appliquée sur l'os frontal et sont recouvertes par une peau velue. Ces cornes répondent, pour ainsi dire, à la partie du bois des Cerfs, qui est infé- rieure à la meule, ou à la portion pédonculaire. Il n'y a dans ce groupe qu'un seul genre , et jusqu'ici on n'a pas pu démontrer dans ce genre plus d'une espèce. C'est la Girafe d'Afrique. D'autres Girafes , mais qui ne sont connues que par des restes fossiles , ont été signalées dans l'Inde par MM. Cautley et Falconer, et en Europe par MM. Agassiz et Duvernoy. Genre GIRAFE (Camelopardalis, Linné). Voici les caractères de ce genre : la tête est allongée ; la langue et les lèvres sont très-mobiles ; il n'y a point de mufle entre les narines ; les yeux sont très-gros ; le cou est fort long ; le tronc, fort élevé sur jambes, est plus haut en avant qu'en arrière; les pieds n'ont que deux doigts chacun, sans ergots, même rudimentaires, pour représenter les deuxième et quatrième doigts; les dents sont au nombre de trente-deux, comme chez les Ruminants qui ont des cornes à étuis. Il n'y a ni incisives ni canines supé- rieures; les canines inférieures ont la même direction que les incisives; leur forme et celle des molaires sont assez particulières ; cependant elles ont quelque analogie avec celles des Élans. PL XLII. Girafe d'Afrique (Camelopardalis Giraffa). Ce gigantesque Animal se distingue de tous les autres par ses formes élancées et par la beauté de sa robe; celle-ci est marquée, en dessus et sur le cou , de grandes taches fauves pleines répandues sur un fond fauve pâle,^qui passe au blanchâtre en dessous et sur les jambes ; sa taille s'élève jusqu'à dix-huit et même vingt pieds ; le tronc est court à proportion et très-incliné sur la ligne dorsale ; le cou, fort long, porte élégamment la tête, qui est effilée sans être disgracieuse; la bouche, qui a de longues lèvres mobiles, laisse fréquemment sortir la langue qui est noirâtre et allongée, et dont l'Animal promène la pointe sur ses lèvres ou sur ses narines ; il s'en sert aussi pour ar- racher presque jusqu'au sommet des arbres, les feuilles qui constituent une grande partie de sa nourriture. Quelques longs poils affectés sans doute à une grande sensibilité tactile sont épars sur la lèvre supérieure et sur l'inférieure. On voit sur le milieu du front, en avant des yeux et des deux cornes principales, une saillie osseuse, plus développée chez les vieux mâles que chez les femelles, portant quelquefois des poils en brosse comme ceux des cornes principales, et que l'on regarde avec raison comme constituant une troisième corne, différente des deux autres par sa moindre élévation, par le plus grand élargissement de sa base et par sa position entièrement médiane; mais la corne médiane se distingue encore en ce qu'elle n'a pas comme celles-ci de point spécial d'ossification et qu'elle représente plutôt une apophyse en forme d'exostose qu'une véritable épiphyse. Les cornes paires ont huit à dix pouces de longueur environ. Les oreilles sont membraneuses , en cornet et rejetées en arrière. Un petite crinière règne depuis l'occiput jusqu'au garrot, qui est rendu saillant par le grand développement des apophyses épineuses; la queue descend jusqu'au calcanéum ou talon et se termine par un flocon de crins noirâtres. Comme nous l'avons déjà dit, les jambes sont fort longues, aussi le tronc est-il fort élevé. C'est surtout dans leurs canons, ainsi que dans les avant-bras et les tibias, qu'elles ont leur plus grand développement. La peau est épaisse; elle peut être em- ployée à différents usages. PL. XI FAMILLE DES GIRAFIDÉS. 2H Le canal intestinal de cette grande et curieuse espèce de Mammifère est fort allongé. On a compté environ quarante-huit mètres de longueur pour l'intestin grêle et vingt-huit pour le gros intestin de la Girafe qui est morte à Paris en 1845. Cette Girafe était celle que le pacha d'Egypte avait envoyée à Charles X en 1826. Dans les ménageries , on nourrit les Animaux de cette espèce à peu près comme tous les autres Ruminants ; on leur donne du blé, du maïs, des carottes et du fourrage. Ils aiment beaucoup les feuilles de certains arbres. On a dit qu'ils ne buvaient pas, mais c'est une erreur. Dans la vie sauvage, quelques espèces de mimosas fournissent la base essentielle de leur alimentation. Les Girafes ne se tiennent pas complètement dans le désert, mais sur la limite des forêts qui le bordent. On les y voit par petites troupes de cinq ou six. En général elles ne fuient pas à la vue de l'Homme; cependant, si on les approche de manière à les inquiéter, elles s'éloignent avec rapidité , et bientôt elles se sont soustraites au danger par la vitesse de leur course ; leurs principaux ennemis sont les Lions, mais elles savent habituellement les distancer, et lorsqu'elles n'ont pas réussi à le faire, elles les frappent avec les pieds de devant et parvien- nent fort souvent à leur échapper. On ne peut guère prendre en vie que des Girafes jeunes, et l'on recherche de préférence celles qui tettent encore. Les Animaux de cette espèce sont loin d'être rares dans plusieurs parties de l'Afrique, soit en Cafrerie ou au Sénégal, soit du côté de l'Abyssinie et de la Nubie. On sait qu'ils existent aussi dans les régions centrales du même continent. Les anciens ont connu ces curieux Ruminants. L'Hippardion ou Cheval-Pard d'Aristote est la Girafe mal définie, faute d'observations exactes. 11 en est peut-être de même du Zemer cité par Moïse dans le chapitre XIV du Deutéronome, De leur côté, les Égyptiens ont laissé dans leurs peintures ou dans leurs bas-reliefs des figures très-reconnaissables de la Girafe, et qui ne permettent pas de douter qu'ils n'aient vu des exemplaires vivants de cette espèce, Agatharchide , parmi les Européens, a fourni l'un des premiers une indication précise de la Girafe, lorsqu'il a dit que «chez les Troglodytes habite l'Animal que les Grecs ont nommé Chameau-Léopard, nom composé, qui exprime la double nature de ce quadrupède; il a la peau variée du Léopard , l'extérieur du Chameau, et il est d'une grandeur démesurée. Son cou est assez long pour qu'il puisse brouter le sommet des arbres. » Pline, Oppien et Héliodore parlent aussi de la Girafe, et les Romains l'ont possédée vivante dans leurs cirques. César en fit paraître en l'an 45 avant Jésus-Christ. Depuis cette époque jusqu'au règne de Gordien III, on en montra plusieurs, mais on en ignore le nombre. On assure que Philippe, successeur de Gordien, en eut dix à la fois. Vingt-six ans après, en 274, Adrien en fit également voir à son triomphe. Il en vint aussi en Europe pendant le moyen âge et pendant la renaissance, mais plus rarement. Le Soudan d'Égvpte envoya à l'empereur Frédéric II une Girafe, dont il est question dans les écrits d'Albert le Grand; le sultan Riba en offrit une à Minfroi, fils naturel du même empereur, et le pacha d'Egypte en donna une autre à Laurent de Médicis : depuis lors il n'en vint plus que pendant le dix-neuvième siècle. Ruffon n'avait pu observer en nature les Animaux de ce genre , mais les collections faites en Afrique par les voyageurs, pendant la fin du dernier siècle ou pendant le commencement do celui-ci, ont permis à ses successeurs de se faire une idée plus exacte des Girafes. Plus récemment, on a amené vivants divers exemplaires de cette belle espèce, et on a même réussi à les faire reproduire plusieurs fois dans la ménagerie de Regent's-Park , à Londres. On peut également citer quelques Girafes appartenant à des particuliers, et que l'on a fait voir dans plusieurs villes d'Europe; quelques-unes ont même fait après leur mort le sujet de divers Mémoires publiés par les naturalistes qui ont eu la bonne fortune de les disséquer (1). Main- Ci) Voir entre autres le Mémoire de MM. Joly et Lavocal , intitulé : Recherches historiques et zoologiques, VMtomiques et paléontologiques sur la Girafe; Strasbourg 1845. 2(2 ' ORDRE DES BISULQUES. tenant on voit des Girafes vivantes dans les jardins zoologiques do Londres, de Liverpool, de Paris et d'Anvers. Deux des Girafes du Jardin de Londres, l'une appelé Guib- Allah, c'était le mâle, et l'autre nommée Zaïda, se réunirent pour la première fois le 18 mars 1838, et une seconde fois le 1 er avril de la même année. Le mâle faisait alors entendre un cri faible d'un timbre guttural. Plusieurs mois s'étant écoulés sans que la femelle donnât des signes de grossesse, on doutait que la fécondation eut eu lieu, mais bientôt son ventre commença à se gonfler, et l'on aperçut du côté gauche les premiers mouvements du foetus; cependant, comme uji an après le dernier rapprochement, la parturition n'avait point encore eu lieu et que le développement de l'abdomen n'avait pas continué d'une manière bien sensible , on doutait de nouveau , lorsque des signes extérieurs d'une parturition prochaine se manifestèrent dans les premiers jours de juin 1839. Enfin, le 13 juin du même mois, c'est-à-dire après 444 jours de gestation, Zaïda mit bas un petit : c'était un mâle. Au bout d'une minute, il fit sa première inspiration, accompagnée d'un frémissement spasmodique de tout le corps; il prit une pose à sa convenance, continua à respirer d'une manière très-régulière, et une demi-heure après, il fit des efforts pour se lever. D'abord, il se mit sur ses genoux de devant, puis il marcha bientôt, quoique vacillant un peu; il tourna autour de sa mère. Celle-ci ne l'accueillit point comme on l'espérait, et tout ce qu'on put obtenir d'elle, ce fut un regard d'étonnement pour le jeune importun, qui lui resta dès lors tout à fait étranger; aussi, ne tarda-t-il pas à devenir malade, et le 28 juin, il mourut. A sa naissance, la jeune Girafe du Jardin zoologique de Londres mesurait déjà 6 pieds 10 pouces (mesures anglaises), depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, et elle avait plus de 5 pieds de hauteur. La queue avait 1 pied 5 pouces de long; la tête était moins effilée que celle des adultes, et les membres étaient proportionnellement moins grands. Son cou était aussi moins long, mais ses couleurs étaient à peu près les mêmes. Guib-Allah et Zaïda ayant été rapprochés de nouveau , une seconde fécondation eut lieu le 26 mars 1840, et 431 jours après , une seconde Girafe naquit dans le même établissement : c'était encore un mâle. La mère à laquelle on laissa supporter sans l'aider tout le travail de de la parturition, eut pour son petit la tendresse qu'on espérait d'elle; le jeune Animal prit bientôt des forces, il continua à vivre, et on l'a envoyée plus tard au Jardin zoologique do Dublin. A une semaine, il avait déjà 6 pieds de haut; à trois semaines, il mangeait les mêmes aliments que sa mère, et il ruminait avec une égale facilité. En 1844 , Zaïda produisit pour la troisième fois; en 1846, pour la quatrième; en 1849, pour la cinquième, et en 1853, pour la sixième. Son dernier rejeton, qui est maintenant adulte, a été cédé au Jardin zoologique d'Anvers, oii on lui a donné une compagne, que l'on supposait pleine au mois de septem- bre dernier. FAMILLE des CERVIDÉS Les Cervidés ou l'ensemble des espèces que nous désignons par le nom de Cerfs ont,, pour principal caractère, la forme particulière de leurs prolongements frontaux. Ce sont des saillies apophysaires qui prennent un développement plus ou moins considérable, suivant les espèces, et dont la partie osseuse est pleine dans toute son étendue, et simplement recouverte dans les premiers temps de son développement par une peau velue. Ces bois n'existent ordinairement que chez les mâles; cependant, les femelles des Rennes en portent également. Us ne man- quent dans aucun des Cervidés, mais leur développement varie suivant l'âge, et ils n'ont ni la même forme, ni la même complication dans les différentes espèces. Dans le Cerf ordinaire, ils commencent par une simple pointe, à laquelle on donne le nom de hère ou dague. Celte •& 4^/T^^^^ v\ Y \\ \ V \u V Ca\\\vAo\vay*UvV\* ^'wwW^ d' Afrique. FAMILLE DES CERVIDES. 213 dague n'a aucune division; elle surmonte la partie basilaire de l'apophyse osseuse de l'os frontal dont elle est séparée par un cercle de petites excroissances osseuses, qu'on appelle la meule , ou, en terme de chasseurs, le cercle de pierrures. Lorsque la dague a été entièrement solidifiée par le dépôt du phosphate de chaux qui en forme l'élément encroûtant, elle perle bientôt, c'est-à-dire qu'elle se dépouille de la peau qui la recouvrait, et celle-ci s'en va par lambeaux. Le bois ainsi mis à nu reste pendant quelque temps sur la tète de l'Animal , puis il tombe par suite d'une sorte de carie sèche provoquée par l'étranglement de ses vaisseaux dans les pierrures de la meule. Quand le Cerf est arrivé à sa troisième année, ses daguets deviennent de véritables bois, par suite de l'apparition des andouillers , qui sont des divisions de la perche ou tige principale, les unes placées auprès de sa base, les autres plus rappro- ]iées de son sommet. Pendant plusieurs années , qui sont celles oii l'Animal a le plus de force, le bois subit toujours sa chute périodique, et il reparaît régulièrement avec quelque an- douiller de plus, ou tout au moins avec des andouillers plus forts. La tige commune de ces ramifications s'appelle le merrain. Les points de naissance des embranchements ou les empaumures peuvent être ronds, ce qui a lieu pour les vrais Cerfs, ou aplatis, caractère qui est distinctif des Daims; les andouillers varient en nombre, suivant les espèces. La direction des bois est également différente; leurs empaumures n'ont pas le même caractère, etc. Ce sont là autant de particularités qui per- mettent de distinguer non-seulement les âges dans chaque espèce, mais aussi les espèces différentes et même les genres particuliers dont se compose cette nombreuse famille. On peut diviser les Cervidés en quatre genres principaux, sous les noms de Renne, à 1 Élan, de Cerf et de Cervule. Ces quatre genres ne sont pas également riches en espèces; celui des Cerfs en comprend un plus grand nombre que les autres; elles sont réparties entre >s quatre parties du monde : l'Amérique, l'Asie, l'Europe et l'Afrique. Cette dernière n'en possède que dans ses parties les plus septentrionales. Les Cervidés vivent dans les forêts, dans les grandes plaines, quelquefois aussi dans des contrées montagneuses. Il y en a dans les régions les plus chaudes du globe aussi bien que dans les plus froides. Une seule de leurs espèces, le Renne, a été rendue domestique; les autres, qui sont restées entièrement sauvages, donnent lieu à des chasses très-suivies et l'on a déjà réussi à acclimater plusieurs d'entre elles dans des pays plus ou moins éloignés de ceux qui les produisent naturellement. La beauté de ces Animaux , l'excellence de leur chair et la singularité de leurs mœurs les rendent également intéressants. Notre pays possède encore, outre le Chevreuil , le Cerf Élaphe et le Daim. Beaucoup d'autres Cervidés l'ont habité anté- rieurement à l'époque historique ; de ce nombre sont le Renne et l'Élan aujourd'hui confinés dans les régions du Nord. Durant la période diluvienne l'Europe était bien plus riche qu'au- jourd'hui en espèces de la famille des Cerfs ; il y en avait également beaucoup pendant l'époque antérieure (1), et la faune miocène en comptait aussi plusieurs. Genre RENNE (Tarandus). Parmi les nouvelles coupes génériques auxquelles le démem- brement de l'ancien genre Cervus de Linné a donné lieiï,4'unc des plus faciles à caractériser est sans contredit celle des Rennes. Par exception à\èe mai a lieu chez les autres Animaux de la même famille, les bois existent ici chez les deux sKxes* te pédoncule en est très-court, et leurs rameaux, qui sont considérables, sont de forme aplatie; le plus inférieur se dirige en avant au-dessus du nez comme une espèce de soc. Le crâne, au lieu d'être allongé, grêle et longue- ment ouvert dans sa partie faciale comme celui des Élans, est, au contraire, plus complète- ment clos que chez ceux-ci, et son orifice nasal présente une forme assez particulière; les os des canons ont leur face postérieure très-fortement canaliculée en forme de gouttière; la mâchoire supérieure est souvent pourvue d'une petite canine, surtout chez les mâles. Les (1) Leurs ossements sont très-nombreux dans les terrains ponceux des environs cVlssoire, où MM. Croizet et Bravard ont pu en recueillir de magnifiques collections aujourd'hui déposées dans les Muséums de Paris et de Londres. 214 ORDRE DES BISULQUES. Rennes ont le pourtour des narines garnies de poils comme le reste de la face; leurs pieds sont forts et leurs sabots sont plus épatés que ceux des autres Cerfs. Ces Animaux sont exclusivement propres aux régions les plus froides de l'hémisphère boréal. Leurs nombreuses troupes habitent le nord de l'Europe et de l'Asie, aussi bien que le nord de l'Amérique, et leur espèce, qui paraît être unique, est le Renne rangifer (Tarandus rangifer). {PI XL1II.) Le Renne a le pelage assez rude , brun grisâtre ; sa hauteur est de 0,90 au garrot. En Amérique, on l'appelle Caribou, Les lichens forment sa principale nourriture. C'est un Animal très-facile à apprivoiser , et que les Lapons , les Samoyèdes et les autres peuples des mêmes régions élèvent en domesticité. Il leur sert comme bête de somme et comme bête de trait ; sa chair fournit un bon aliment; sa peau donne une fourrure estimée; son cuir est excellent; ses bois peuvent être travaillés, et leur forme se prête à plus d'usages que celle des Cerfs ordinaires; enfin, il n'est peut-être pas une seule de ses parties, qui ne puisse être utilisée, et son lait fournit aussi un excellent aliment. Lorsque le Renne marche, il fait souvent entendre un bruit qui ressemble à un claquement, et qui se produit dans ses piedsde der- rière. Je crois que ce bruit est dû aux tendons des muscles fléchisseurs, qui cinglent, pour ainsi dire, dans la gouttière postérieure du canon. Parmi les ossements qui sont enfouis dans le sol de la France , on en trouve qui ont bien certainement appartenu au Renne, et qui prouvent que cette espèce s'étendait autrefois jusque dans nos contrées. Guettard en a depuis longtemps signalé aux environs d'Élampes; la caverne de Brengues, qui est située dans le département du Lot, abonde en débris analogues, qui y sont associés à ceux des Rhinocéros et de plusieurs autres espèces , sur lesquelles G. Cuvier, et plus récemment le docteur Puel , ont fourni des détails intéressants. MM. Des- noyers et Constant Prévost en ont également signalé parmi les fossiles que Ton trouve auprès de Montmorency ; il y en a dans le département de la Côte-d'Or ; enfin, on rencontre encore des ossements fossiles de Rennes en Auvergne, et, au dire des paléontologistes de ce pays, quel- ques-uns y auraient été travaillés parla main de l'Homme, ce qui a fait supposer qu'à l'époque celtique, le Renne était au nombre des Animaux utiles qu'on élevait dans cette partie de l'Europe. D'autres bois de Rennes fossiles, qui ont été signalés dans les environs de Pézénas, indiquent une espèce bien plus grande, n'ayant pas l'andouiller basilaire que l'on voit à la plupart des bois du Renne ordinaire; je l'ai nommée Tarandus martialis. Genre ÉLAN (Alces). Dans ce genre comme dans tous ceux qui vont suivre, les bois ne se développent que chez les individus mâles, mais ils acquièrent des proportions très- considérables. Ils sont terminés chacun par une vaste empaumure, habituellement divisée en deux parties inégales, dont la plus forte ou la supérieure porte à son bord externe plusieurs digitations. Malgré leur grand développement, les bois des Élans se renouvellent chaque année; il y en a dont le poids est de 30 kilogrammes, et quelques mois suffisent à la pro- duction de leur énorme masse. La tête est longue et la région nasale^est fort développée; on n'y voit point de partie nue ou de mufle; le crâne n'est ni aussi fort, ni aussi trapu en avant qu'on pourrait le supposer, et la face est même si grêle et si allongée, que sous ce rapport la tête osseuse de l'Elan est plus semblable à celle de la Girafe qu'à celle du Renne ou des Cerfs ordinaires. Les dents se rapprochent aussi par leur forme de celles des Girafes. Les Élans ont le cou assez court, et leurs formes sont robustes. Ce sont les plus grands de tous les Cervidés. Leur espèce, considérée comme unique, est nommée Élan ou Elk en Europe, et Orignal dans l'Amérique du Nord; sa hauteur aux épaules n'a pas moins de 1,70, et sa longueur totale arrive à 2,30, ou même à 2,50. Quelques auteurs récents la nomment en latin Alces Malchis; c'est le Cervus Alces de Linné. Cet Animal est devenu rare; on ne le voit plus guère (lue dans la Suède ou la Russie. Il s'étendait autrefois sur une plus grande sur- PL WXVI D'IU IJOI'K PLXXXYH. > v AZ./.1 //, >rrf,> „/,;,J / M CM N AI» V y > t CY/YvY YAA\>W£ (tovuft tUv\A\u*.\ d'Europe, PL.YUII. /a:\\/; / /^/ V/l/ />„>„„,/„,, l>K LAPON IK "/ * OF FAMILLE DES CERVIDÉS. 215 face, mais la civilisation l'a chassé des forêts qu'il habitait alors. Dans le nord de l'Asie et de l'Amérique, il existe encore des Élans en assez grand nombre (PL XXXVII). GENRE CERF (Cervus). Après qu'on a séparé le Renne, l'Élan, ainsi que les Cervules ou Muntjacs, dont nous parlerons plus loin, il reste encore dans la famille des Cervidés un nombre très -considérable d'espèces assez semblables entre elles par leurs proportions , ayant toutes les narines entourées par un espace nu ou véritable mufle. Ces espèces dont les mœurs et les allures rappellent celles de notre Cerf d'Europe ou de nos Chevreuils , sont répandues dans les diverses parties de l'ancien et du nouveau continent , mais il n'y en a en Afrique que dans les régions les plus septentrionales. Elles diffèrent entre elles par la forme ou la complication de leurs bois, qui sont plats ou arrondis, et pourvus d'andouillers plus ou moins nombreux; leur queue est tout à fait rudimentaire ou au contraire un peu plus allongée; leur pelage varie non-seulement dans ses nuances, mais aussi dans son mode de coloration. Ainsi, il y a des espèces ayant la robe uniforme à tous les âges ; d'autres qui sont au contraire mou- chetées de blanc sur un fond fauve pendant toute leur vie, et d'autres encore chez lesquelles ces taches blanches n'existent que dans la jeunesse. Les saisons apportent aussi quelques variations dans leur mode de coloration. Chez aucune des espèces du genre Cerf, les femelles ne sont pourvues de bois. Quoique ces prolongements varient dans leur apparence extérieure suivant l'âge des sujets mâles que l'on étudie, on peut en tirer de très-bons caractères pour la division de ces Animaux en sections. Nous parlerons d'abord des Cerfs qui ont les bois les plus aplatis et les plus compliqués, et nous terminerons par ceux chez lesquels ils restent pendant toute la vie à l'état de daguets , c'est-à-dire simples et sans andouillers. Ces espèces nous montrent, mais dans une condition permanente, un caractère, qui est au contraire passager et de premier âge chez celles qui ont les bois rameux. Chacune des petites subdivisions que l'on a établies dans le genre des Cerfs réunit, en général, des espèces propres à une même circonscription géographique. 1. Les DAIMS (genre Dama, H. Smith) ont un andouiller basilaire appointi et un nombre variable d'andouillers sur la longueur de la perche , ceux du sommet étant réunis en une cmpaumure unique et aplatie ; leur pelage est moucheté à tous les âges; leur queue est assez longue. Cerf Daim (Cervus Dama). Le Daim vit dans plusieurs parties de l'Europe, mais principalement dans l'Europe méridionale; il est également connu à l'état de liberté en Sardaigne et, en Algérie, dans les bois des environs de la Calle. Dans plusieurs grands parcs on en conserve artificiellement l'espèce, car c'est un des Animaux qui servent aux grandes chasses. Sa hauteur au garot atteint à peu près un mètre; sa couleur est d'un fauve vif en des- sus ; le dessus de sa queue est noir; ses mouchetures sont d'un blanc vif en été (PL XXXVI); en hiver elles paraissent à peine. 11 y a des Daims de couleur noirâtre, et d'autres qui sont presque entièrement blancs. Ce sont là de simples variétés. Des bois plus grands que ceux du Daim, mais de même forme, ont été recueillis dans les couches superficielles du sol sur plusieurs points de la France , principalement auprès d'Abbeville. Les paléontologistes les ont décrits comme indiquant une espèce à part sous le nom de Cervus somonensis. D'autres bien plus grands encore , à empaumures terminales très-élargies , ayant jusqu'à 2,50 d'envergure, sont enfouis en grande abondance dans les tourbières de l'Irlande, et l'on trouve souvent avec eux des crânes et des squelettes qui proviennent de la même espèce. Plusieurs musées en possèdent des exemplaires parfaitement complets. Ces Daims a bois gigantesques ne vivent plus dans aucun pays. Il en est question dans les ouvrages des naturalistes sous les noms de Cervus giganteus, megaceros, ou hibemicus. 2. On peut classer auprès des Daims , mais dans une division particulière que M. Hodgson nomme Recurvus, le Cerf de Duvaucel (Cervus Duvaucelii, G. Cuvier). Il a simplement une ligne plus claire sur le dos, et, de chaque côté de cette ligne , des petits points de même 216 ORDRE DES BISULQUES. teinte. Son bois manque d'andouiller médian , et il n'a pas la large empaumure supérieure du Daim. Ce Cerf vit dans l'Inde, particulièrement au Népaul, où on le nomme Bahraya. Il se tient auprès des fleuves ou dans les îles qui sont situées sur leur cours. 3. Les É LAPEES ont, comme les autres groupes de Cerfs dont il nous reste à parler, les bois arrondis. Leur caractère particulier consiste dans la présence d'un andouiller basilaire, simple ou double, et d'un nombre variable d'andouillers sur la longueur de la perche, qui est, en général , divisée à son sommet en une fourche à trois branches. Le Cerf Wapiti (Cervus canadensis, Brisson) n'a pas moins de 1,50 au garrot, et d'un mètre pour la longueur des bois. Ceux-ci ont un double andouiller basilaire. Le Wapiti ressemble beaucoup à notre Cerf d'Europe, mais il est de plus grande taille. L'Amérique septentrionale est sa patrie. Il est difficile de séparer du Wapiti comme espèce certains Cerfs également très-grands dont les bois et les squelettes sont fossiles dans plusieurs parties de l'Europe et particulièrement en France. Le Cerf élaphe (Cervus elaphus , Linné) , ou le Cerf de l'Europe, est rarement aussi grand; cependant il acquiert de fortes dimensions dans les grandes forêts de l'Allemagne et de la Russie, et son bois est quelquefois pourvu d'un plus grand nombre d'andouillers que ne le comporte la dénomination de dix cors, c'est-à-dire à dix cornichons ou andouillers qu'on lui donne lorsqu'il est parfaitement adulte. On trouvera dans l'ouvrage de Buffon tous les renseignements nécessaires relativement à cette belle espèce de Ruminants, et, comme nous l'avons déjà fait pour plusieurs autres, nous y renverrons le lecteur, afin de pouvoir nous étendre un peu plus sur les Animaux dont le célèbre naturaliste français n'a pas pu traiter. Le Cerf de Corse (Cervus cor sic anus ou médit erraneus) et le Cerf de Barbarie (Cervus Barbarus) sont bien voisins de l'ÉIaphe, mais ils n'ont ordinairement qu'un seul andouiller basilaire. Le premier est d'une taille moindre que le second. Celui-ci n'a encore été observé que dans les forêts du pays de Tunis et en Algérie dans le cercle de Bone , dans celui de la Calle et auprès de Tébessa. Il y est assez commun pour que ses bois donnent lieu à un commerce d'exportation ayant quelque importance. Ces deux Animaux ont été décrits par plusieurs auteurs plus longuement que nous ne pou- vons le faire ici. Le Cerf de Wallich (Cervus Wallichii, G. Cuvier) représente le Cerf Élaphe dans les plaines du Népaul, et il y en a une autre espèce dans celles du Thibet. Celle-ci est le Cervus a/finis qui a été décrit par M. Hogdson. Le Cerf sika (Cervus sika , Temminck et Schlegel) est aussi un Animal de ce groupe, mais il a pour patrie le Japon. 4. Les PANOLIES (Panolia, Gray), dont il n'y a qu'une seule espèce, sont remar- quables par la forme de leur bois, dont l'andouiller basilaire se dirige en avant en ligne courbe, et dont la perche, inégalement trifurquée à son extrémité, se porte, au contraire, dans le sens opposé, et ne se recourbe un peu en avant qu'après un [trajet assez long. On voit au-dessus du point d'insertion de l'andouiller basilaire le rudiment d'un second andouiller doublant celui-ci. Le Cerf sungnai (Cervus frontalis , Mac Clelland) appartient aux régions boisées de l'Inde, dans le voisinage des monts Himalaya. Il a à peu près les dimensions de notre Cerf d'Europe. Cette espèce a reçu plusieurs autres dénominations. 3. Les Axis (Axis, Blainville, H. Smith, etc.) ont le bois pourvu d'un andouiller plus ou moins basilaire , simple , et d'un second andouiller tantôt antéro-interne , tantôt postérieur et rapproché du sommet de la perche qu'il bifurque. Les Axis véritables ont le pelage moucheté à tous les âges. Cerf axis (Cervus axis). Cette jolie espèce approche du Daim pour la taille; elle vit dans l'Inde, principalement dans la région du Gange. Elle se reproduit facilement dans les n. ma m. FAMILLE DES CERVIDÉS. 217 parcs et les ménageries de l'Europe, et Ton peut la considérer comme acclimatée dans nos contrées. Nous en donnons la figure sur notre planche XLVIII. Le Cerf pseudaxis (Cervus pseudaœis, P. Gervais) s'en rapproche pour la taille et l'élégance , mais il a déjà les parties inférieures fauves, et ses taches blanches, qui sont moins marquées en été que celles de l'Axis, deviennent fauve clair et très-peu apparentes en hiver. Dans cette saison, les poils de la région inférieure de son cou s'allongent. On ne sait pas au juste quelle est la patrie de cette espèce encore rare dans les collections, mais il est probable qu'elle habite l'Archipel indien, peut-être les îles Philippines ou quelque archipel peu éloigné. b. Les Rusa (Rusa, H. Smith, Hogdson, etc.) n'ont pas le pelage moucheté, ou bien ils ne l'ont que d'une manière obscure, et quelquefois dans le jeune âge seulement. Leurs bois sont en général plus épais et plus rugueux. Le Cerf d'Aristote (Cervus Aristotelis , G. Cuvier) est de la taille du Cerf ordinaire ; les poils de la partie inférieure de son cou prennent une apparence de crinière, surtout dans le sexe mâle. C'est un Animal de l'Inde que l'on a parfaitement réussi à acclimater en Europe. Il multiplie depuis assez longtemps dans la ménagerie de Paris. D'autres espèces de la même sous-division sont : Le Cerf hippélaphe (Cervus hippelaphus , G. Cuvier), qui est aussi de l'Inde conti- nentale. Le Cerf samboe (Cervus equinus, G. Cuvier) qui appartient aux îles de Sumatra et de Bornéo. Le Cerf des Philippines (Cervus Philippinus, Quoy et Gaimard). Le Cerf de Péron (Cervus Peronii, G. Cuvier), qui a les bois plus semblables à ceux de l'Axis pour les proportions, mais qui est de moindre taille. Il habite l'île de Timor. Le Cerf Cochon (Cervus Porcinus, Zimmerman). Celui-ci est à peu près grand comme le Chevreuil , mais il est plus semblable à l'Axis par ses bois. Il appartient à l'Inde conti- nentale. On peut en voir au Muséum une nombreuse famille parfaitement acclimatée et qui donne chaque année de nouveaux produits. Le Cerf Cochon pourrait être répandu dans les grands domaines, oîi il fournirait un nouveau gibier aussi précieux que le Chevreuil. Au Bengale, on le tient en captivité pour l'engraisser. M. Sundevall fait de cette espèce une division générique à part sous le nom tVHyelaphus. 6. Les CARIACOUS (Cariacus, Gray; Mazama, Sundevall) sont des Cerfs américains ayant la queue plus longue que les Cerfs ordinaires, et chez lesquels les bois sont lyres, à concavité antérieure et pourvus d'un andouiller interne subbasilaire, ainsi que de deux ou trois andouillers sur la partie moyenne et postérieure de leur perche. a. Les uns ont les bois assez grands , arrondis et médiocrement épais : Cerf de Virginie (Cervus virginianus , Gmelin) ou le Cariacou de Buffon et le Cerf de la Louisiane de G. Cuvier. Il est grand comme l'Axis, aussi gracieux dans ses formes et également facile à acclimater dans nos contrées; son pelage est jaune cannelle en été et gris olivacé en hiver. Ce Cerf habite les parties tempérées de l'Amérique septentrionale. On en distingue plusieurs espèces propres aux régions qui sont situées plus au midi. M. Pucheran leur a consacré plusieurs paragraphes de son mémoire sur les Cerfs. J'ai appelé Cerf de Goudot (Cervus Goudotii) une espèce plus distincte, mais que je ne connais encore que par un seul bois rapporté de la Nouvelle-Grenade par M. Justin Goudot. b. D'autres Cariacous ont les bois moins grands et beaucoup plus épais. Tel est le Cerf du Mexique (Cervus Mexicanus , Gmelin). 7. Les BLASTOCÈRES (Blastocerus , Wagler, etc.) forment un petit groupe particulier à l'Amérique méridionale , dont les cornes sont droites , à trois branches , sans andouiller basilaire; ils ont la queue assez longue; leurs faons n'ont pas de livrée. Cerf Gou azou-Poucou (Cervus paludosus, Desm,, d'après Azara). Il est presque grand 11 e partie. 28 218 ORDRE DES BISULQUES. comme le Cerf de Corse , roux fauve avec du blanc aux orbites, auprès du mufle, au ventre et sous la queue ; ses pieds sont noirâtres. C'est un Animal du Brésil et de la Guyane. Cerf Gouazouti (Cervus campestris , F. Cuv., d'après Azara). Il est grisâtre, inférieur en dimensions au précédent et il a le bois moins fort et à andouillers plus grêles. On le rencontre dans les grandes plaines de l'Amérique méridionale, depuis l'Orénoque jusqu'en Patagonie. Les Diglochis (Diglochis, P. Gerv.) n'ont qu'un seul andouiller qui est basilaire. On doit provisoirement leur associer : Le Cerf épineux {Cervus spinosus, P. Gerv.). Petite espèce de la Guyane qui n'est encore connue que par son bois assez court , rugueux et comme épineux à sa surface. Elle a les caractères des Diglochis , en ce sens que sa perche ne porte qu'un seul andouiller, mais elle est de la Guyane , et notre sous-genre Diglochis repose essentiellement sur une espèce à bois non épineux qui est fossile dans les environs de Montpellier. Le Cerf épineux n'est d'ailleurs connu que d'une manière fort imparfaite, et il devra être comparé attentive- ment aux jeunes du Gouzouti. 8. Les Chevreuils (Capreolus) sont plus petits que les Élaphes et les Daims et de taille égale ou inférieure aux Axis. Ils ont le pelage uniforme dans l'âge adulte, point de trace extérieure de queue, et les poils de leur région fessière sont susceptibles de se redresser et de s'étaler par suite des contractions du muscle peaussier; leurs bois sont droits, petits, mar- qués d'aspérités assez nombreuses à leur surface et pourvus de deux andouillers , dont un antérieur inséré un peu au-dessus de leur partie moyenne , et l'autre postérieur placé plus haut encore et dirigé en arrière , tandis que l'extrémité de la perche reste à peu près droite. On connaît présentement deux espèces dans ce genre : elles sont de l'Europe ou des parties de l'Asie qui s'en rapprochent le plus. Quelques espèces fossiles également européennes devront en être rapprochées. Le Chevreuil d'Europe (Cervus capreolus, Linné) a 1,15 de longueur et à peu près de 0,75 de hauteur au train de devant; son poil est dur, cassant, gris brun teinté de fauve avec du blanchâtre sur ceux de la région des fesses. (PL XLI.) Le Chevreuil habite les forêts. Il est répandu dans une grande partie de l'Europe et dans certaines régions de l'Asie tempérée. C'est un Animal vif, intelligent , gracieux dans ses allures et dont la chasse est très-agréable. Il vit par petites troupes. Sa femelle est connue sous le nom de Chevrette, son faon a une livrée comme celui du Cerf. L'espèce de Chevreuil a déjà disparu dans quelques parties de la France , principalement dans les régions qui avoisinent la Méditerranée, où l'on constate son ancienne existence par les os qu'elle a laissés dans le sol. Le Chevreuil ahu (Cervus pygargus , Pallas) est un peu plus grand; il présente quelques caractères qui ne permettent pas de douter, comme M. Brandt et d'autres auteurs l'ont fait voir dans ces derniers temps , que ce ne soit bien un Animal différent de notre Che- vreuil, quoique Pallas l'ait regardé comme une simple variété de ce dernier. Il vit dans les contrées froides de la Tartarie et s'étend au nord jusqu'en Sibérie et à l'est jusqu'au Volga. Mon collègue à la Faculté de Montpellier, M. Marcel de Serres, a décrit, sous le nom de Cervus Tournalii , un Chevreuil plus grand encore , connu d'après un bois fossile trouvé dans la caverne de Bize (Aude). Le Cervus solilhacus , autre espèce éteinte découverte à Polignac, près le Puy en Velay, par M. Félix Robert, était plus grand encore. Au contrairo, le Cervus cusanus de; MM. Croizet et Jobert, qui est fossile au Puy et dans la Limagne, et le Cervus Cauvieri de M. de Christol (fossile à Montpellier) , différaient moins du Chevreuil sous le même rapport. 9. Les GuÉMULS comprennent deux espèces seulement. C'est la chaîne des Andes qui les a fournies. Ces espèces, assez singulières, servent de type à la division Furcifer de M. Sun- dervall. Ce sont des Cerfs de moyenne taille, à queue courte, à poil cassant comme celui des Chevreuils , mais dont les bois ont le pédoncule très-court et sont divisés au-dessus de la vu. i»i:lA(;i<; i> i:té,fiia\< i; / // FAMILLE DES CERVIDES. 219 meule en une fourche à deux branches subégales; ils diffèrent principalement des Chevreuils par l'absence du second andouiller. Ces deux espèces sont : Le Cerf des Andes (Cervus antisensis, d'Orb.), qui habite les Andes de la Bolivie. Le Cerf Guémul (Cervus chilensis, Gay et P. Gerv. ), que Molina avait signalé comme un Cheval à pieds fourchus , sous le nom (YEquus bisidcm. On trouvera quelques nouveaux détails sur les caractères zoologiques de ces deux espèces dans les grands ouvrages déjà cités de MM. d'Orbigny et Gay; ils y sont consignés dans la partie mammalogique que j'ai rédigée avec eux, Cerf Guémul (jeune) , s/16 de grand, 10. Les DAGUETS ou le genre des Subulo de M. H. Smith et celui des Coassus de M. Gray. Le caractère principal des espèces auxquelles de Blainville appliquait le nom de Daguets réside dans la simplicité de leurs cornes , qui sont petites , sans andouiller et tout à fait semblables au premier bois des autres Cerfs. Ces Animaux ferment la série des espèces américaines, et en môme temps ils terminent le genre qui nous occupe. Ils sont à peu près gros comme des Chevreuils, quelquefois, au contraire, plus petits. Ce sont des Animaux exclusivement américains. Le Cerf Gouazou-Bira {Cervus ncmorivagus , F. Cuv.) est une espèce de Daguet. Il a le pelage d'un brun gris en dessus et blanchâtre en dessous. 11 habite les bois du Paraguay, du Brésil, de la Guyane, etc. Ce Cerf vit solitaire, principalement dans les endroits humides; il vient aussi dans les régions maritimes. Parmi les espèces qui rentrent dans la même division, nous citerons IcCerfroux (Cervus rufus), ou la Biche rouge de Buffon; le Cerf rufin (Cervus rufinus de MM. Bourcier et Pucheran), qui habite la république de l'Equateur, et le Cerf pudu (Cervus pudu) , sur lequel M. Gay et moi avons publié quelques renseignements. Celui-ci avait été classé par Molina avec les Moutons, et par de Blainville avec les Antilopes. C'est aussi le Cervus humilis de Bennett, Il vit dans les vallées du Chili. Genre CEBVULE (Cervulus, Blainv.). Les Animaux de ce genre ont à peu près la 220 ORDRE DES BISULQUES. même taille que le Chevreuil, mais leurs formes sont plus fines encore; leur pelage est plus lisse et ils ressemblent presque autant aux Antilopes du genre Céphalophe qu'aux Cervidés ordinaires; toutefois, leur organisation générale les rattache à la famille de ces derniers, et dans le sexe mâle ils ont aussi des bois. Ceux-ci ont une forme toute spéciale; ils sont assez petits, recourbés en dedans à leur sommet, comme en hameçon et pourvus à leur base interne d'un seul andouiller, qui est aussi de petite dimension; leur pédoncule, c'est-à-dire le support osseux qui est inférieur à la meule, est long, en grande partie visible à l'extérieur et recouvert d'une peau velue. Ce pédoncule ne tombe point lors de la chute du véritable bois qui le surmonte. Il y a sur le front , au bord interne de chacun des pédoncules et à leur naissance chez les mâles, ou chez les femelles au point correspondant, un repli longitudinal de la peau. Une autre particularité des Animaux de ce genre consiste dans le grand développement que prennent les dents canines supérieures dans les individus mâles; elles s'allongent et sont visibles extérieurement comme celle des Chevrotains à musc. Elles ont aussi la môme desti- nation, et pendant le temps du rut les Cervules s'en servent lorsqu'ils se battent entre eux pour la possession des femelles. Ces Animaux sont particuliers à l'Inde. Leur nez est nu, et par conséquent disposé en mufle. Ils ont des formes très-gracieuses et constituent un bon gibier. Gervule muntjag {Cervulus muntjac, Blainv.). Il a le pelage d'un roux marron brillant. Bornéo , Sumatra et Java sont les seuls lieux où on le trouve. Le C eh vu le musqué (Cervulus moschatus, Blainville) le représente dans l'Inde continentale ainsi qu'à Ceylan, et le Cebvule de reevese (Cervulus Reevesii, O'Gilby) en Chine. FAMILLE des MOSCHIDÉS Les Chevrotains ou la famille actuelle des Moschidés ont été souvent rapprochés des Chameaux, parce que ce sont avec eux les seuls Ruminants qui restent constamment dépourvus de cornes; mais l'ensemble de leur organisation les rattache bien plus intimement aux petites espèces de Cerfs ou d'Antilopes. Leur formule dentaire est la même que chez ces dernières, si ce n'est qu'ils ont, comme les Cervules, de vraies canines supérieures sortant fréquemment de la bouche et qui leur servent à se battre. Ces Animaux sont de taille moyenne ou même petite. Us sont fort gracieux dans leurs formes, légers à la course et sauvages dans leurs mœurs. Leurs espèces sont asiatiques, sauf l'une d'elles qui vit en Guinée; elles ne sont pas nombreuses. On ne voit pas très-souvent les Chevrotains dans nos ménageries, et tous les individus qu'on en a possédés y ont en général vécu fort peu. L'étude anatomique de ces Animaux a donné lieu à l'observation de plusieurs particularités intéressantes dont les unes n'ont pu être vérifiées sur les diverses espèces connues, et dont les autres sont propres à une espèce seule- ment, ou du moins n'ont pas encore été constatées chez les autres. Le cerveau du Chevrotain do Java ne montre pas à la surface de ses hémisphères autant de circonvolutions que celui des autres Ruminants. En est-il de même chez tous les autres Animaux de cette famille? c'est ce qu'on n'a pas encore établi. Nous donnons ici une figure du Cerveau des Chevrotains javanais, et en regard celle du cerveau d'un mouton ordinaire dont les nombreuses circonvo- lutions reproduisent la disposition qui caractérise tous les autres Ruminants. Autre particularité : les fœtus de Chevrotains dont on a pu observer les membranes avaient, comme les Damans et comme les Carnivores , le placenta zonaire , tandis que celui de tous les autres ongulés est polycotylédonaire. Cerveaux de Ciievbotain et de Mouton, 2/3 de grand. FAMILLE DES MOSCHIDÉS. 221 Disons aussi que l'estomac de ces Animaux manque de la partie nommée feuillet chez les Ruminants qui précèdent. Enfin , le Ghevrotain d'Afrique ou le genre Hyœmos- chus se distingue non- seulement des autres Animaux de sa famille, mais aussi de tout le reste des Ruminants connus , parce que les métacarpiens ou métatarsiens , qui portent ses doigts principaux aux pieds de devant et à ceux de derrière , restent entièrement séparés pen- dant toute la vie au lieu de se souder l'un à l'autre, de manière à constituer un os unique, tel que celui appelé canon chez tous les Ruminants connus. Sous ce dernier rapport , le pied du Chevrotain d'Afrique est tout à fait conformé comme celui des Cochons et des Risulques, si nombreux à l'état fossile, qui constituent la famille éteinte des Anoplothériums. Les Animaux qui fournissent le musc rentrent dans la famille des Chevrotains dont ils sont en même temps les plus grandes espèces. Leur genre n'est pas le seul qu'on ait établi parmi les Moschidés, et sans parler ici de ceux qu'on ne connaît qu'à l'état fossile, comme les Amphitragulus , etc. , il y en a deux autres, dont l'un est proprç à l'Asie méridionale ou à ses îles, et dont l'autre est particulier à l'Afrique intertropicale. Voici les noms des trois genres de Moschidés distingués par les naturalistes modernes d'après l'observation des espèces asiatiques ou africaines actuellement existantes : Moschus, Tragulus et Hyœmoschiis. GENRE CHEVROTAIN (Moschus). Pelage dur, cassant, assez comparable à celui du Chevreuil; gorge et face postérieure des tarses velus; une glande odoriférante (produisant la substance nommée musc) existe près des organes génitaux chez les mâles; les jeunes diffèrent des adultes par leur coloration, qui présente une livrée de taches ponctiformes. La dent canine des mâles est fort longue et elle sort de la bouche comme celle des Muntjacs. Ces Ruminants vivent dans l'Asie continentale : en Sibérie , dans les monts Allais , en Chine et jusque dans les parties de l'Inde qui sont les plus rapprochées des monts Himalayas. Par leur taille et leurs allures , ils rappellent les Cervules et les Daguets. On en distingue quatre espèces assez voisines les unes des autres pour qu'on les donne , dans quelques ouvrages , comme n'étant que des variétés du même: Animal , ce sont : le Chevro- tain de Sibérie (Moschus Sibiricus , Pallas) , de la Sibérie, des monts Allais et de la Mongolie; le Chevrotain porte musc (Moschus moschi- férus, Linné), du Thibet et du Népaul ; le Ghevrotain a ventre blanc (Moschus leucogaster, Hodgson) , du Népaul, et le Chevrotain a ventre jaune (Moschus chrysor gosier, Hodgson), également du Népaul. :■•■■■ Chanf. de Chevrotain porte-mcsc , 1/3 de grand. 222 ORDRE DES BISULQUES. Voici quelques-uns des détails qu'on a recueillis au sujet des Chevrotains ; nous les em- pruntons à la Zoologie médicale de MM. Brandt et Ratzebourg : Les Chevrotains sont timides et fuient la présence de l'Homme; ils vivent habituellement isolés, se tenant sur les rochers escarpés, dans les vallées des montagnes couvertes de bois épineux et auprès des glaciers. En hiver, ils cherchent des localités moins froides. A l'époque du rut , plusieurs se réunissent ensemble , mais les mâles se battent pour la possession des femelles, et ils se font de fortes blessures au moyen de leurs canines. Le rapprochement des sexes a lieu en novembre et en décembre. Ces Animaux sont alors très-gras. Les femelles mettent bas en mai ou en juin; elles ont un ou deux petits. Leur nourriture est exclusivement végétale : en Sibérie, ce sont des plantes marécageuses, des feuilles d'arbutus, de rhododen- dron Savuricum , de vaccinium vitis idea ; au Thibet , elle consiste en herbes plus savou- reuses , et le musc y est d'une qualité différente. On prend ces Animaux avec des pièges ou des lacets ; dans quelques lieux on les tue à coups de flèches. C'est ce que font les Tongouses. qui emploient pour les appeler un morceau d'écorce d'arbre avec lequel ils imitent la voix des petits. Cette chasse ne s'en fait ni au printemps ni en été. Au Thibet, il faut une permission du gouvernement pour s'y livrer. Les exemplaires pris en hiver, à l'époque des amours, sont plus beaux en poils, et leur poche odorante est mieux garnie. La substance qu'elle renferme est connue de tout le monde par son odeur spéciale, odeur qui est à la fois si subtile et si persistante. Le musc sert non-seulement pour la parfumerie, mais il est aussi employé en médecine, principalement comme anti-spasmodique. Lorsqu'on a tué un Chevrotain, on lui enlève avec soin sa matière odorante, et après l'avoir dépouillé proprement, on mange sa chair, qui passe pour excellente. Genre TRAGULE (Tragulus, Gray). L'espèce unique de ce genre et celle qui forme le groupe suivant n'ont point de poche odorante, et leurs canines sont toujours beaucoup moins fortes, même chez les mâles, que celle des Chevrotains; leurs poils sont couchés et lisses. Le Tragule meminna (Tragulus meminna) , autrefois nommé Moschus meminna, habite les régions chaudes de l'Inde et l'île de" Ceylan. Il est plus petit que les vrais Chevro- tains, fauve brun en dessus, un peu tiqueté, marqué de mouchetures fauves et barré de blanc sur la gorge et le devant du cou. Le Tragule de Stanley (Tragulus Stanley anus , Gray) n'a été encore observé que dans l'île de Ceylan. Le Tragule Napu (Tragulus Javanicus > Pallas) est de Java et de Sumatra. Le Tragule Kanchil (Tragulus pygmœus) , que Linné appelait aussi Moschus pygmœus, vit aussi à Java. Il est à peine gros comme un Agouti , mais il a des formes bien semblables à celles des autres Ruminants de cette famille ou des plus petites espèces d'Antilopes. Il est fauve brun en dessus ; le blanc de sa gorge se trifurque en descendant au-devant du cou ; ses jambes sont rousses. Genre HYÉMOSQUE (Hyœmoschus, Gray). Il comprend l'espèce ayant les métacarpiens et les métatarsiens des doigts médians divisés. Cette espèce a aussi le crâne d'une forme un peu différente de celui des Chevrotains à musc et des Tragules. Sa taille est intermédiaire à celle des Animaux compris dans chacun de ces genres, et ses canines sont faibles. L'Hyémosque aquatique (Hyœmoschus aquaticus) a une livrée comme le Meminna; le devant de son cou est marqué de blanc disposé longitudinalement ; sa poitrine est blanche ; une grande raie longitudinale blanche existe sur chaque flanc; au-dessous d'elle on en voit deux autres irrégulières, et au-dessus quelques ponctuations blanches. Cette disposition est plus marquée chez les jeunes sujets que chez les vieux. L'Animal dont il est ici question habite la côte occidentale d'Afrique , principalement la Guinée. Il se tient dans les endroits aquatiques. Il est déjà signalé dans l'ouvrage de Bosman, mais les collections européennes ne le possèdent en nature que depuis quelques années seule- ment. L'étude de son squelette a offert un intérêt tout particulier à cause de la ressemblance FAMILLE DES CAMÉLIDÉS. 223 de son pied avec celui des Cochons et des nombreux ongulés fossiles qui ont habité l'Europe pendant les époques éocène , proïcène et miocène ; il relie intimement ces divers Animaux aux Ruminants, et comble, sous ce rapport, la distance qui paraît les en séparer dans les classifications zoologiques où l'on ne tient compte que des espèces actuelles. FAMILLE des CAMÉLIDÉS Les Camélidés comprennent non-seulement le Chameau et le Dromadaire , c'est-à-dire le genre Camehts de la nomenclature actuelle , mais aussi les Animaux américains , appartenant à la chaîne des Andes, dont on a fait le genre des Lamas et que l'on nomme en latin Auchenias. Il est peu de groupes de Mammifères dont l'étude offre un aussi grand intérêt, soit qu'on en étudie l'organisation, soit qu'on les envisage au point de vue des qualités physiologiques. Les Camélidés appartiennent à cette catégorie d'Animaux pour lesquelles la domesticité semble être la condition naturelle, et les services qu'ils peuvent nous rendre sont si divers, qu'on les considérerait comme les premiers de tous les Animaux domestiques, si chacune de leurs qua- lités ne se retrouvait avec plus de développement dans quelques-unes des autres espèces que l'Homme s'est associées. Les Chameaux et les Lamas ont des mœurs douces, des goûts so- ciables, un naturel calme et docile, au moins dans le sexe femelle, et une grande sobriété; ils servent comme bêtes de somme ou de trait et comme monture ; leur peau est garnie d'une épaisse toison dont on fait d'excellentes étoffes pour vêtements, des tissus grossiers pour les tentes ou des cordages; leur cuir se prête à diverses sortes de préparations; et en même temps que ce sont des Animaux de boucherie , leurs femelles donnent un lait excellent , qui remplace avantageusement celui de la Vache ou de la Brebis dans un grand nombre de pays. Les Chameaux appartiennent à l'ancien continent et les Lamas au nouveau. Ces utiles quadrupèdes diffèrent entre eux par leur taille et par quelques particularités secondaires, dont la valeur peut être regardée comme générique; les premiers ont sur le dos une ou deux loupes graisseuses , tandis que les seconds en sont dépourvus ; leur squelette et leur dentition se distinguent aussi par quelques signes assez faciles à saisir, mais ils ont au fond la même organisation, et leurs caractères généraux permettent de les séparer aisément de tous les autres Ruminants; aussi, les donne-t-on dans toutes les classifications comme constituant un groupe parfaitement naturel. Leur front manque des prolongements qui constituent les bois ou les cornes dans la plupart des Animaux du même sous-ordre ; leurs pieds n'ont que deux doigts chacun, et ces doigts ont une apparence moins fourchue que ceux des Ruminants ordinaires ; leurs dents encore appropriées au régime végétal et s'usant à la couronne en doubles croissants , sont distribuées d'après une formule qui leur est spéciale. Ainsi , la mâ- choire supérieure conserve à tous les âges et dans toutes les espèces une paire d'incisives en crochets, qui manque aux autres Ruminants, et répond à la troisième incisive des Mammifères monodelphes, que nous avons appelés Hétérodontes. Dans les jeunes sujets, on voit en avant d'elles une paire d'incisives bien plus petites, mais à peu près de même forme. Cette deuxième paire d'incisives tombe de bonne heure; j'ai cependant constaté sa présence chez les Cha- meaux (1), aussi bien que chez les Lamas, et j'ai admis comme probable que les sujets naissants ou peut-être les fœtus de ces Animaux montreraient trois paires d'incisives supé- rieures ; cette troisième paire d'incisives devant tomber encore plus tôt que la seconde. La première est seule persistante. Derrière celle-ci, on voit de chaque côté une canine, et il y a, derrière cette canine et à une petite distance d'elle, une première fausse -molaire isolée, (1) Article Dents du Dictionnaire universel d'histoire naturelle. 224 ORDRE DES BISULQUES. assez faible et en crochet, placée entre le premier et le second tiers de la longueur de la barre. La série des molaires contigùes ne commence que plus loin , après l'étranglement de la région faciale. Elle comprend cinq paires de dents : deux avant-molaires et trois arrière- molaires. Inférieurement la canine, c'est-à-dire la quatrième paire de dents, est nettement séparée des trois paires d'incisives, et, cependant, cette paire de dents répond bien à celle qu'on nomme à tort la quatrième incisive chez les Bœufs, les Moutons, etc. Les molaires de la môme mâchoire sont au nombre de six pour chaque côté, du moins, chez les Chameaux; la première fausse- molaire est encore caniniforme comme sa correspondante supérieure, et elle est de même isolée ; des cinq autres paires de molaires qui sont en série continue et terminent en arrière le bord dentaire de la mâchoire, deux sont des avant-molaires et trois des arrière- molaires. La première de ces deux avant-molaires est petite et caduque. Cette modification apportée par l'âge et celles dont nous avons parlé à propos des incisives, expliquent comment les Chameaux adultes ont, comme les Lamas, la formule dentaire £ incisives, { canine et f ou f molaires. Les Camélidés ruminent, mais ce sont de tous les Animaux du même sous-ordre ceux qui se rapprochent le plus des Mammifères non ruminants, mais à doigts également pairs, que la plupart des naturalistes ont associés aux Jumentés , sous le nom commun de Pachydermes. C'est surtout avec certains genres éteints appartenant à cette catégorie , qu'ils montrent de l'analogie. Malgré la disposition toute spéciale, et pour ainsi dire élémentaire ou typique de leur système de dentition, les Anoplothériums, qui les ont précédés à la surface du globe, ont avec eux des rapports qui n'ont échappé ni à G. Cuvier, ni à de Blainville, mais dont on n'avait point encore tenu un compte suffisant dans la classification. Cependant, les Anoplothériums avaient un métatarsien et un métacarpien séparés pour chaque doigt, tandis qu'aux pieds des Chameaux et des Lamas les deux os qui supportent les deux doigts se réunissent en un canon unique, comparable à celui des Ruminants à cornes. Toutefois, on doit faire remarquer que le canon des Camélidés conserve à sa partie inférieure des traces encore évidentes de la séparation primitive de ses deux éléments constitutifs. L'estomac des Chameaux et des Lamas n'a point de feuillet comme celui des Ruminants ordinaires, ou bien il n'en a qu'un rudimentaire. Quant à la cinquième poche, signalée dans beaucoup de livres comme caractérisant les premiers de ces Animaux , elle consiste simple- ment dans quelques excavations cellulaires appliquées contre les parois de leur panse. Ces excavations constituent des réservoirs à eau, et leur ensemble mérite assez bien ce nom de réservoir. Elles sont d'un grand secours aux Chameaux pendant leurs longues traversées au milieu des pays déserts. Par une exception tout à fait singulière , les Camélidés ont les globules du sang elliptiques comme ceux des Vertébrés ovipares , tandis que ceux des autres Mammifères sont discoïdes circulaires comme ceux de l'Homme (1), Cette curieuse observation est due à M. le docteur Mandl. Parlons d'abord des Chameaux, c'est-à-dire des Camélidés qui sont originaires de l'ancien monde. GENRE CHAMEAU {Cameïus). Le Chameau et le Dromadaire sont des Ruminants de grande taille, ayant le dessus de la tête large, les orbites saillantes, la face étroite et busquée, la lèvre supérieure fendue, les narines allongées et sans mufle, le cou long, mais recourbe. Leur dos est surmonté d'une ou de deux loupes graisseuses en forme de bosses , et leur queue est de longueur moyenne. Ils portent des callosités à la poitrine, aux coudes et aux poignets, ainsi qu'à la rotule et au talon; leurs mamelles sont au nombre de quatre. Ces Animaux sont assez élevés sur jambes. Ils appuient sur le sol non seulement par l'extre- (l) Il y a cependant certains Cerfs qui sont dans le môme cas que les Camélidés, E "# d'Asie. FAMILLE DES CAMÉLIDÉS. 225 mité de leur sabot, comme le font les Chevaux, les Cerfs ou les Bœufs, mais par toute la face inférieure de leurs deux doigts, et celle-ci est garnie d'une semelle calleuse. Cette dispo- sition leur permet de marcher avec plus d'assurance dans les endroits sablonneux, où le pied des autres Animaux entrerait dans le sol , et elle les rend alors préférables comme Animaux de transport; leur marche est au contraire difficile sur un sol argileux, quand la pluie en a détrempé la surface. Pourtant, bien que les plaines sablonneuses du désert ou des steppes leur soient plus commodes, ils peuvent être également employés clans les pays de montagnes, et en Algérie comme dans l'Asie Mineure, on les y utilise fréquemment, quoiqu'ils soient alors dans des conditions moins avantageuses, et que, dans ce cas, les Mulets leur soient pré- férables. La conformation extérieure des Chameaux a quelque chose d'étrange, ou même de disgra- cieux, lorsqu'on la compare à celle des Chevaux et des Bœufs, et, au premier abord, on les croirait moins favorisés par la nature» Leurs lèvres épaisses ajoutent encore à la singularité de leur physionomie , en même temps que leur bosse leur donne une apparence difforme ; toutefois, on passe aisément sur ces prétendus défauts, en raison des services qu'ils rendent ot des difficultés dont ils triomphent; on s'en rend même compte, si on les envisage à un point de vue plus scientifique. Bientôt, en effet, on voit que tout a été prévu par la Nature pour leur rendre possible le séjour des endroits les plus arides et pour assurer leur existence au sein des contrées les plus stériles. Sous un ciel brûlant et dans une atmosphère desséchée, leur santé n'éprouve point d'altération sensible et leur marche est assurée, même au milieu des sables mouvants. La singularité apparente de leurs allures est en harmonie avec ce genre de voyages; les loges ou petites anses de leur panse leur permettent de supporter pendant un temps considérable la privation d'eau, et la graisse qui s'accumule sur leur dos ou dans d'autres parties de leur corps rend leur sobriété plus facile, puisque c'est aux dépens de cette substance que l'alimentation générale de leur corps s'entretient, et que les Chameaux, lors- II e partît 29 226 ORDRE DES BISULQUËS. qu'ils ne trouvent autour d'eux qu'une nourriture insuffisante, utilisent par la combustion respiratoire cette partie de leur propre substance. Aussi, les longs voyages que ces Animaux accomplissent dans le désert occasionnent -ils un amaigrissement extrême de toutes leurs parties, et plus spécialement de leurs loupes dorsales, et leur corps se décharné peu à peu; mais si , après leur arrivée dans les oasis ou dans les villes , une abondante boisson leur est offerte, ils peuvent en quelques heures reprendre une meilleure apparence, leurs tissus re- couvrant, grâce à cette imbibition, toute la quantité de substance aqueuse qu'ils avaient perdue par la fatigue du voyage. Cette transformation est quelquefois assez rapide pour rendre ces Animaux méconnaissables pour leurs propres conducteurs , car elle a fait disparaître l'espèce d'émaciation générale que l'atmosphère avait occasionnée dans le corps des Chameaux. Néan- moins , il faut à ces Animaux plusieurs semaines d'une alimentation régulière et abondante pour redevenir aussi gras qu'ils l'étaient au moment de leur départ , et ce n'est qu'à cette condition qu'ils reprennent la faculté si précieuse qu'ils avaient de résister aux fatigues; aussi les gens des caravanes, qui veulent accomplir plus sûrement et plus rapidement leurs voyages, changent-ils en route ou avant leur retour les Chameaux amaigris par une longue traversée, contre d'autres qui ont eu le temps de se refaire par un repos suffisant et une nourriture abondante. Une abstinence trop prolongée et une fatigue excessive feraient périr les Chameaux, et, dans les caravanes, beaucoup de ces Animaux restent en route victimes des privations exagérées auxquelles on les a soumis. Des deux espèces propres à ce genre, celle qui est la plus répandue et la plus célèbre, est ie Chameau-Dromadaire (Camelus Dromedarius) , qui n'a sur le dos qu'une seule bosse. Cet Animal, dont Pline a parlé sous le nom de Camelus Arabiœ, vient en effet de l'Arabie et des parties de l'Asie qui s'en rapprochent le plus. Son poil est doux, laineux et médiocrement long sur presque tout le corps, mais il est plus fourni et plus allongé sur la bosse, le cou et les membres. Sa couleur ordinaire est d'un gris roussâtre plus ou moins foncé ; dans quelques cas, elle est plus claire ou bien encore presque Isabelle dans d'autres sujets. FAMILLE DES CAMELIDES. 227 On reconnaît trois variétés dans l'espèce du Dromadaire; la première est celle du Droma- daire brun ou du Caucase, qui est plus forte que les autres, dont elle se distingue par son corps plus robuste et sa couleur tout à fait semblable à celle du Chameau bactrien. On l'emploie pour le transport des fardeaux les plus pesants; il peut faire dix lieues par jour et porter plus de douze cents livres. La seconde variété est répandue en Egypte ; elle est plus grande que les autres; son corps est garni de poils uniformément gris et courts. La troisième est désignée sous le nom de Dromadaire blanc; elle est en effet de cette couleur pendant le jeune âge, mais elle devient ensuite gris roussatre ; sa tète , sa bosse et ses jambes antérieures sont couvertes de longs poils ainsi que son cou. Le Dromadaire est aujourd'hui répandu dans presque toute l'Afrique, et on l'élève aussi dans une partie de l'Asie proprement dite; c'est surtout dans les pays arides qu'on cherche à le répandre. C'est à tort qu'on l'a supposé originaire de l'Afrique, mais cette partie du monde est celle où il rend le plus de services. Conduit d'abord en Egypte par les Hébreux, il ne paraît pas y avoir prospéré, et, suivant Desmoulins, ce ne fut que vers la lin du 111 e siècle, ou vers le commencement du iv e , que les Arabes, après avoir passé l'isthme de Suez, le répandirent dans les régions situées à l'est de l'Egypte. Desmoulins dit à tort qu'il n'y avait pas de Cha- meaux dans la vallée du Nil pendant l'époque romaine, puisque Galion nous apprend que, de son temps, des chars attelés de Dromadaires étaient en usage à Alexandrie. Après l'époque de Bélisaire, il arriva en Afrique des hordes nombreuses de Dromadaires, mais il paraît bien constaté que les Carthaginois n'ont pas possédé ce Mammifère. Ce fut dans l'Asie Mineure, sous la conduite de Lucullus et dans la guerre contre Mithridate, que les Romains combat- tirent pour la première fois des cavaliers montés sur des Chameaux ; ils n'en transportèrent pas dans leurs possessions africaines. RL mu. \,-\ù t" PiHor OF S SOUS-ORDRE DES PORCINS. 231 Larlet; Xiphodon, G. Cuv; Dichodon, Owen; Dichobune, G. Cuv. ; Aphelotherium , P. Gerv. ; Cainotherium , Bravard , ou Oplotherium , de Laizer et de Parieu , et Microtherium , H. de Meyer. Ce dernier genre comprend aussi comme subdivisions les Hyœgulus , Pomel, et les Zooligns , Aymard. Les Hyopotamins étaient très-voisins des Anoplothéïins , mais leur dentition était plus omnivore, tels étaient les genres Anthracotherium , G. Cuv. ; Hyopotamus, Owen et Bothrio- don, Aymard. Les Chéropotamins se rapprochaient des Sangliers sous plusieurs rapports : Entelodoii, Aymard; Ghœropotamus , G. Cuv.; Hyracotherium , Owen. Enfin on doit rapprocher encore plus de la famille des Sangliers le genre également éteint des Palœochœrus , Pomel, qui est très-probablement le même que celui des Chœromorus, Lartet. Ce n'est qu'en attendant des renseignements plus complets qu'on rapporte au même groupe les genres dont les noms suivent : Acotherulum, P. Gerv. ; Cebochœrus , P. Gerv. ; Adapis, G. Cuv. ; Microchœrus , S. Wood, et Heterohyus, P. Gerv. Tous les Animaux , soit vivants , soit fossiles , du sous-ordre des Porcins , sont pourvus de trois sortes de dents. Ils n'ont ni cornes ni bois , et leurs pieds , qui sont bisulques , ont l'as- tragale à peu près conformé , comme celui des Cochons , et par conséquent en osselet. On sait par les espèces actuelles de cette catégorie que leur estomac est simple ou peu compliqué et incapable de rumination. Cependant il est difficile d'assurer que tous les Anoplothéridés aient été réellement privés de la possibilité de ruminer. Les Animaux présentement vivants de ce sous-ordre rentrent dans les genres Hippopotame, Phacochère, Sanglier, Babironssa et Pécari, qui diffèrent tellement entre eux qu'ils pour- raient devenir le type d'autant de tribus distinctes. De ces cinq genres de Porcins, celui des Sangliers fournit seul une de ses espèces à l'Eu- rope actuelle. Genre HIPPOPOTAME [Hippopotamus) . Animaux de taille gigantesque, à corps lourd, allongé, très-obèse, bas sur jambes, n'ayant que quelques poils rares et isolés. Leur tête est volumineuse, surtout dans sa partie faciale, dont la forme est très-différente de celle des autres Mammifères et leur bouche est extrêmement grande. Ils ont à chaque pied quatre doigts, de forme assez épatée, reproduisant le type palmipède parmi les bisulques. Leurs oreilles sont en cornet ; leurs yeux médiocres et placés à la face supérieure ; leurs narines également supérieures, situées sur le devant de la masse du museau et entourées d'un appareil musculaire, qui leur permet de se fermer hermétiquement lorsque ces Animaux veulent plonger. La queue est courte et garnie de quelques soies roides. Les Hippopotames sont des Animaux singuliers qu'on appellerait difformes, s'ils n'étaient, comme le sont d'ailleurs toutes les productions de la nature, parfaitement appropriés dans leur conformation aux conditions d'existence qui leur ont été dévolues; lourds et embarrassés sur le sol où leur propre masse les fatigue , ils deviennent plus agiles dans l'eau où ils perdent par le flottage une quantité notable de leur propre poids; aussi aiment-ils à nager et a plonger, et ils passent une grande partie de leur vie dans la vase des marais ou dans le cours des fleuves, ne laissant voir lorsqu'ils nagent que la face supérieure de leur tête, depuis les oreilles ou l'occiput jusqu'aux orifices des narines, ce qui leur permet de voir autour d'eux, d'entendre les moindres bruits et de pouvoir respirer. Lorsqu'ils sont au repos ou qu'ils ont besoin de se cacher, ils ne montrent guère, dans la majorité des cas, une plus grande surface. eu beaucoup d'analogie avec celui des Pécaris. C'est ce que j'ai constaté avec M. Darreste, zoologiste distingué, qiu a étudié ay ec beaucoup de soin la conformation extérieure du cerveau chez les principaux groupes de la classe des Mammifères. 232 ORDRE DES RISULQUES. Pendant que les Hippopotames nagent, l'air de leur respiration lance au dehors, sous forme de petits jets irréguliers, une partie de l'eau qui tend à s'introduire dans leurs na- seaux. A terre, ils sont plus singuliers encore, à cause de leurs formes obèses et de la nudité de leur peau. Leur corps est en général brun, sauf aux jointures, autour des yeux, aux aines, etc., où il est plus ou moins rosé. De nombreuses gouttelettes suintent, comme des perles, de la surface de la peau ; c'est ce que P. Gilles avait déjà indiqué, et c'est ce que l'on voit très-bien sur les deux Hippopotames qu'on a amenés en Europe pour les faire voir à Londres et à Paris : la couleur de cette sécrétion est cannelle clair. Ils ouvrent de temps en temps leur gueule, surtout lorsqu'ils veulent bâiller. Cet immense orifice a un aspect tout particulier; sa lèvre supérieure est grossièrement épaissie en avant, et elle descend bien au-dessous du niveau qui la limite à la région maxillaire latérale, ou c'est au contraire la lèvre intérieure qui remonte au-dessus de la ligne qu'elle atteint en avant. La bouche est ainsi fendue jusqu'au delà des yeux , qui sont cependant fort reculés , et lorsque les grandes canines inférieures, ainsi que les grosses pointes des incisives se sont développées, cette espèce d'antre armé et fortifié de toutes parts a quelque chose de réellement effrayant; il est prudent de s'en tenir éloigné, quoique l'Hippopotame ne soit pas du tout un Animal féroce. Lorsque la bouche se ferme , la lèvre supérieure descend en avant et sur les côtés comme une énorme lippe qui recouvre l'extrémité de la mâchoire inférieure et en cache en partie la lèvre; mais sur les côtés, c'est cette dernière qui remonte. Entre les arcades zygomatiques et l'élargissement qui supporte les canines la tête est comme étranglée. Les yeux sont saillants et rappellent ceux d'une tête de veau préparée pour la boucherie, ressemblance que la nudité de l'Hippopotame rend plus frappante encore. Lorsque l'Animal fiente il agite latéralement sa petite queue avec rapidité, comme il le ferait dans l'eau pour délayer ses excréments; son cou est plissé; l'ensemble de son corps ressemble extérieurement à un immense sac de graisse. Pour s'emparer des Hippopotames, il faut les prendre fort jeunes et encore à la mamelle. Ceux que l'on possède ont été ainsi enlevés à leur mère, et il a fallu les nourrir d'abord avec du lait, dont ils consommaient une grande quantité. Les pommes de terre, des fruits de diverses sortes, les fourrages, etc., servent maintenant à leur alimentation ordinaire. Ces Animaux aiment à se vautrer et à se baigner, et, sans cette dernière habitude, pour laquelle on leur donne d'ailleurs toutes les facilités possibles, ils seraient fort sales; car leurs goûts sont si sordides qu'ils semblent prendre plaisir à mâcher jusqu'à leurs propres excréments. Dans les grandes rivières de l'Afrique, on les poursuit pour obtenir leur peau, qui est très- épaisse et qui sert à faire des boucliers, ainsi que divers autres instruments. On estime aussi leur chair, surtout celle des jeunes, et l'ivoire de leurs dents a une valeur assez grande. La graisse des Hippopotames passe pour un mets exquis. Les perfectionnements des armes à feu ont rendu la chasse de ces gigantesques Quadrupèdes, comme d'ailleurs celle de la plupart des autres Animaux, beaucoup plus facile qu'elle ne l'était autrefois. On surprend l'Hippopotame de deux manières différentes : d'abord la nuit , à sa sortie du fleuve, quand il broute les roseaux ou qu'il vient paître dans les plaines voisines ; on l'attend alors à l'affût ou bien on le cherche dans les pâturages ; d'autres fois on l'attaque de jour, dans le fleuve même , et on l'y fusille lorsqu'il vient à la surface respirer. « Une embarcation est excellente pour une manœuvre de ce genre, dit Delegorgue : elle porte les Hommes du centre de la troupe, et, précisément au-dessus d'elle, de fortes assagayes, solidement fixées à de longues gaules, sont employées par les chasseurs à sonder le fond, à tâter et piquer les Animaux , qui s'étonnent d'être attaqués jusque dans les profondeurs creusées par eux-mêmes. Ils déguerpiront à coup sûr, mais gare au canot dans les brusques mouvements que font les amphibies qui s'agitent! Quelquefois ils le soulèvent et le chavirent; souvent ils saisissent de leurs dents les deux bordages à la fois et les brisent ; on y court la chance de devoir se sauver à la nage après avoir perdu ses fusils, chose infiniment regrettable, comme celle d'être saisi PL. LU. ////'Poportj/i jei \e A ifr vf mouille / />//t/tf l>E CIIINK '/ ■■? SOUS-ORDRE DES PORCINS. 239 Quelques bonnes observations qui viennent à l'appui de cotte manière de voir, et l'examen comparatif des Cochons do Siam ou de la Nouvelle-Guinée avec ceux de nos races européennes semble la mettre hors de doute. Dans l'état actuel de nos connaissances, il est encore impossible de retrouver avec certitude l'origine des principales races de Cochons, et nous avons cru inutile d'énumérer ces dernières sous" un titre différent de celui qui comprend les vrais Sangliers ou les Cochons sauvages. Il importe cependant de rappeler d'abord que, dans certaines parties de l'Amérique, où les Cochons, abandonnés à eux-mêmes , sont redeveuus sauvages, leur poil et leurs allures sont maintenant fort analogues à ceux des Sangliers. Il est également vrai que, dans plusieurs parties de l'Europe ou de l'Asie , la différence entre les individus sauvages et ceux qui sont tenus en domesticité est beaucoup moindre qu'on ne le croirait, et que certains Cochons ont les soies abondantes comme les Sangliers et l'apparence presque aussi sauvage. Leur prin- cipale différence consiste en ce qu'ils sont entièrement noirs, c'est-à-dire atteints de mé- lanisme, tandis que la plupart des Cochons qu'on élève dans les porcheries pour les vendre dans les grandes villes sont décolorés et presque albinos, et qu'ils ont les oreilles tom- bantes , ce qui est aussi une autre sorte d'altération due à la domesticité. Et pourtant tous les Cochons domestiques sont aptes à reproduire entre eux , ce qui est une preuve, entre cent, que la génération féconde n'est pas, comme le croyait Buffon, le critérium véritable de la communauté d'espèce. Il en est probablement des Cochons do- mestiques et plus particulièrement de certaines de leurs races, comme de certains arbres fruitiers sur lesquels l'Homme a agi. Les caractères par lesquels ils s'éloignent de leur type primitif sont dus à l'influence de la domestication; ils peuvent être considérés comme en constituant de véritables altérations tératologiques. A notre avis, c'est ce qu'on ne saurait mettre hors de doute pour les Cochons à jambes courtes, et pour ceux dont le poil ou la peau sont décolorées en entier ou par parties, dont la graisse se développe surabondamment sous l'influence d'un certain régime et dont les oreilles sont tombantes. Ce ne sont là des Animaux tels que la nature nous les donne, et, aux yeux des zoologistes, les caractères exceptionnels qu'ils nous présentent sont plutôt des altérations pathologiques que de véritables perfection- nements; mais le cultivateur trouve son intérêt à les perpétuer ou même à les acerottre encore et nous les voyons augmenter en intensité proportionnellement aux influences dont il dispose Cependant ce n'est pas là de la variabilité illimitée, car si ces altérations se perpé- tuent ainsi dans les Animaux que l'on cultive, nous les voyons s'éteindre lorsque les condi- tions exceptionnelles auxquelles on les avait soumis ont cessé. La même chose s'observe dans les Moutons, dans les Bœufs, dans les Chiens et dans plusieurs autres genres; mais nulle part nous ne voyons ces modifications acquérir une valeur réellement spécifique, car l'influence de l'Homme ne saurait aliéner les droits de la nature. En France on distingue comme races ou variétés principales celles de Champagne, de Normandie, du Poitou et du Périgord. En Angleterre, les anciennes races sont également diverses; elles portent aussi le nom des pays où on les élève: Yorkshire, Sussex Essex, Hampshire, etc. Il en est question avec détail dans l'ouvrage de M. David Low et dans les publications ordonnées par le ministère de l'agriculture. D'autres races s'observent dans la région méditerranéenne. Telles sont celles d Espagne , de Parme, de Naples, de Malte et de Turquie. L'Asie en fournit encore d'autres et en particulier : Le Cochon de Siam ou Porc chinois, qui dérive certainement d'une autre souche que les nôtres et se divise lui-même en plusieurs races et sous-races. Son corps, long d'un peu plus d'un mètre , a les poils assez abondants et noirs, ainsi que la peau. (PL L.) L'examen des nombreux avantages que l'Homme lire des Animaux domestiques de ce genre est plutôt du ressort de l'économie rurale que de celui de la zoologie proprement dite, et il ne saurait nous occuper longuement dans cet ouvrage. 210 ORDRE DES MSULQUES. Le Cochon n'est pas seulement utile après sa mort. Dans quelques circonstances, il peut aussi rendre quelques services de son vivant. M. Grognier en rappelle plusieurs exemples dans sa Zoologie vétérinaire. Dans le Périgord, on emploie les Cochons à la recherche des truffes' En normandie on les attache souvent au pied des pommiers qu'ils cultivent en fouillant la terre tout autour. Dans certaines parties de l'Ecosse, principalement dans le Murray-Shire le Porc travaille comme bête de trait, et il n'est pas rare d'y voir un petit Cheval, un Ane et un Cochon attelés a la même charrue. M. Grognier a vu en France de pareils attelages, et il rap- pelle qu une loi les avait défendus au peuple juif. En Amérique on lâche les Cochons contre les Serpents venimeux dont ils font leur proie. On arrache aux Cochons vivants des soies pour faire des brosses, des vergettes et des pinceaux. Enfin le fumier de Cochon, quoique peu houblon" aUSSi S ° n Utilité; daM ' e N ° rd ° U rempl0ie P rinci P alement dans les champs de Nous ne rappellerons qu'un seul point de l'histoire économique du Cochon; ce point est rela if a 1 interdiction que plusieurs législateurs ont faite de l'usage de sa chair. Il n'est pas douteux que, dans les pays chauds, et, pendant l'été, dans les pavs tempérés, la chair de cette espèce ne doive être mangée avec précaution, et que les parties" envahies par les Hyda- ules, soit Echinocoques, soit Cysticerques , ne doivent être rejetées avec beaucoup de soin car une cuisson incomplète et les diverses préparations qu'on lui fait subir ne réussissent pas toujours a lu, enlever ses propriétés malfaisantes; et elle peut devenir dans beaucoup de cas une cause d'infection vermineuse. Lorsque les Hydatides du genre Cysticerque abondent dans la viande des Porcs, on doit donc rejeter constamment toutes les parties de ces Animaux qui sont atteintes de la maladie 1 ydatiquo, nommée ladrerie, car les recherches qu'on a faites au sujet des Entozoaires dans ces derniers temps ont mis hors de doute la transformation des Cysticerques en Vers solitaires. Le nt n rr, û e ; ces rs es de Larves se continue *»* ies ^ *» *<»— & *» ZTl 1 P i H ° mme n ' 6St P ° i!lt à rabri de ,eurs ™«*»- C ' est co que des expé- riences toutes récentes paraissent avoir mis hors de doute. one^mÏ T- Ia ( CUiSS ° n fl6S ViandeS iDfeCtées " e man q«»ait P«s d « faire périr les Cysticer- clW T D T T 8 , Ce, ' tain qU ' e " e 9giSSe 9USsi bien Sur les œufs d ' ou ^ssent les Ténias, erver eu • ,Tmv S r T ^ ^ ^ qUG fUméeS ' CeUX " ci doirent ^s- probablement con- bTauonun J ™'?' su PP° si,i0 " semb 'e confirmée par ce fait, d'ailleurs constaté par uuelesT ' T"' T 6S CharCUtiCTS S ° nt P1US «q-emment attaqués du ver solitaire que les gens appartenant aux autres professions JZ R X B . AB . IR ? U88A (^™, F. Cuvier). Les incisives sont au nombre de i et elessoZt de ,- h les i canines sont ^ndes, en forme de défenses, recourbées en Mut; co,X J • r° UC , ! l6S su P érieures P™tent ^tte particularité que leur alvéole se e au, t' t l qU r , ieU de , deSCendre ' elIeS remontent le l0 "S des ge^ives et percent la peau, c ôtél T n 1 nMmeS SemblG,lt SOrUr COmme une P aire de coraes ^ chaque dont t sni v' 1!apP /,° Chees des ^^ieures, elles simulent alors quatre cornes curvilignes Jitjr,^ Chez les mâIes Cultes, plus de la moitié d'un arc de cercle et meurtrissent souvent la peau du front par leur extrémité recourbée rindrL e Trouve q n U t e ^ l" g r" re ^'^ *** VAvbml ^ ^ d ^ Uel Pli " e « d " '• «» a » S lacune d u7em Lf >• ^ d ° nt '° b ° Ut ° ir GSt ^ * deUX deuts «^urbées, longues C ZLt co„Z t % T M PM *"" ^ ™ fr ° nt • COmme ,es ^ unes T «" » connu ce 'Z n le .. B, *T" sa ne vit ^™* "<* Moluques, et que les anciens n'ont pas Cu parer co'n ^f* ^^ ^ Ce SOit bien du Barbiro — que Pline ait ett es P e naloTe! * ""^ ^ <*"* ép °^ Ue d ^ à *»d crânes de ve 1 usau>n pi ~ " """.T ' °" Prépare enCOre P our le co ™ ce ' «roie.it pu par- * 7£ leme t fou r "7* ^ *' "^ ! ^ ^ M ^ ^ cette «W**** soit réellement fondée, et comme la phrase de Pline pourrait à la rigueur s'appliquer aux SOUS-ORDRE DES PORCINS. 241 Sangliers, peut-être mieux encore aux Phacochères, qui sont, il est vrai, des Animaux éthio- piens, il paraît préférable de ne rien affirmer à cet égard. On dit aussi que cette espèce es| ^ le Tetracère ou Animal à quatre cornes d'Élien, mais ce n'est qu'au xvi e siècle que les îles j habitées par les Babiroussas ont été fréquentées par les Européens, et ce n'est aussi qu'à cette époque que ces Animaux ont été mentionnés exactement dans les ouvrages d'histoire naturelle. Le nom qu'ils y ont conservé est celui que leur donnent les Malais. Babi-Roussa veut dire Cochon-Cerf, c'est-à-dire Cochon ayant des cornes qui rappellent celles des Cerfs ou lloassa. Les localités où on les trouve sont la grande île de Célèbesct celle de Ba3roë aux Mo- luques. C'est à tort qu'on les a indiqués dans d'autres lieux. Cette espèce, qu'on doit appeler Babiroussa oriental {Babiroussa orient alis) , est YAper orientalis de Brisson et le Sus Babiroussa de Linné. Son apparence extérieure est celle des Cochons, mais elle est moins trapue; ses formes sont arrondies; son corps est d'un brun sale , parsemé de poils assez rares sortant de petits tubercules qui contribuent à donner à la peau la rudesse qui la distingue. MM. Quoy et (iaimard ont rapporté à Paris, au retour de leur voyage de circumnavigation à bord de Y Astrolabe, une paire de Babiroussas dont on a pu obtenir un petit. Les moeurs de ces Animaux ressemblent assez à celles des Sangliers, et ils ont comme eux le régime omnivore. Aux Moluques , on les tient dans un état de demi-domesticité ; leur chair est fort estimée. Plusieurs auteurs ont étudié les Babiroussas avec soin. Nous citerons particulièrement MM. Quoy et Gaimard, F. Cuvier, M. Boulin et M. Vrolick. GENRE PÉCARI (Dicotyles, G. Cuvier). Les Pécaris sont des Porcins des contrées chaudes de l'Amérique , qu'il est facile de distinguer génériquement des autres Animaux du même sou s- ordre. I irt do gran.l. Ils ont le corps couvert de soies assez dures, en partie annelées de deux couleurs, et l'on voit sur leur dos une glande odorante assez grosse que plusieurs auteurs ont regardée, à tort, t'omiiio un second ombilic. C'est à cette erreur que G. Cuvier a fait allusion lorsqu'il a donné à ces Animaux le nom latin de Dkotyles* signifiant double nombril, II e PARTIE, 242 ORDRE DES BISULQUES. Les Pécaris ont la queue tout à fait rudimentaire ; et leur dents sont en moindre nombre que celle des Sangliers : comme ils n'ont que deux paires d'incisives supérieures, et qu'ils manquent de la première avant molaire isolée des Sangliers, leur formule dentaire se trouve établie ainsi qu'il suit : f incisives, { canines, f molaires. Une autre particularité distinctive de ces Animaux mérite aussi d'être signalée : c'est le commencement de soudure qui réunit la moitié supérieure des métatarsiens de leurs doigts principaux, aux pieds de derrière, et tend à les faire ressembler au canon des Ruminants. Ce sont des Animaux propres aux régions chaudes de l'Amérique, qui vivent réunis par troupes plus ou moins considérables. Leur taille est moindre que celle des Sangliers, et ils ont aussi les dents canines beaucoup moins fortes. Il est facile d'apprivoiser ces Porcins, et dans beaucoup de lieux on en retient dans un état de demi-domesticité. Ils multiplient même en France, et il serait possible de les acclimater en Europe plus complètement qu'on ne l'a fait jusqu'à ce jour. Ils forment deux espèces différentes. Le P é c a r i a lèvres blanches {Dicotyles labiales) , ou le Tagnicati d' Azara , se distingue parla couleur blanchâtre de sa mâchoire inférieure; il n'a que trois doigts aux pieds de der- rière par suite de l'avortement constant du doigt latéral interne. Le Pécari a collier (Dicotyles torquatus, F. Cuv.) répond au Sus tajassu de Linné. Il a une espèce de collier plus clair que le reste du cou, et ses pieds de derrière ont quatre doigts comme ceux de tous les autres Porcins. C'est le Tajassou de Daubenton et le Taytëtou d' Azara. Les terrains superficiels du Brésil et de Buénos-Ayres renferment des débris fossiles indi- quant plusieurs espèces de Pécaris, dont une, plus grande que celles d'aujourd'hui, a reçu le nom de Dicotyles major. Des Animaux analogues ont aussi existé dans l'Amérique septentrio- nale. Toutefois, MM. Le Conte et Leidy les regardent comme devant former des genres à part auxquels ils donnent le nom de Platygonus, Hyops, Protocheirus et Eachœrus. On en trouve les débris dans la région des Illinois. ORDRE des ÉDENTÉS Animaux mammifères pourvus de quatre extrémités propres à la marche, mais habituellement terminées par des ongles très- forts et pouvant principalement servir à fouiller te sol ou à grimper. Leurs dents, lorsqu'elles existent, sont établies d'après le type Homodonte, c'est-à-dire toutes sensiblement de même forme et uniradiculées ; les os intermaxillaires en manquent à peu près constamment, et la partie antérieure des mâchoires est toujours édentée sur une étendue assez considérable. Les téguments présentent, dans certains groupes, des particularités tout à fait insolites, telles qu'un endurcissement osseux d'une portion considérable de la peau ou son recouvrement au moyen d'écaillés onguiformes entuilées les unes sur les autres. Le squelette, les orifices postérieurs, plusieurs viscères sont évidem- ment dans une condition d'infériorité par rapport à ceux des Mam- mifères dits Hétérodontes , et l'on doit considérer les Edentés comme les moins parfaits de tous les Mammifères répandus dans l'ancien continent, où ils sont d'ailleurs rares. Quoique l'on fasse simplement de ces Animaux un ordre, ils mériteraient d'être considérés comme une sous-classe véritable, et F on pourrait établir plusieurs ordres distincts 244 ORDRE DES ÉDENTÉS. ou tout au moins plusieurs sou s -ordres avec les familles, d'ailleurs peu nombreuses et peu riches en espèces que F on distingue parmi eux, Ces Quadrupèdes sont connus sous les noms de Paresseux, de Tatous. ^Orycléropes, de Fourmiliers et de Pangolins; ils ont des formes bizarres, une démarche lente et un naturel très-peu intelligent. Aucune de leurs familles n'est commune aux deux continents, cl ton n'en trouve aucune espèce en Australie. La Paléontologie ?ious a fait connaître un certain nombre ctEdentés dont la race est main- tenant anéantie et qui, pour la plupart, acquéraient des dimensions considérables. Plusieurs de ces anciens Animaux arrivaient à la taille du Bœuf ou à celle du Rhinocéros , et il y en avait dont la grandeur approchait même de celle des Eléphants. Ce sont les Mégathériums, les Mylodons, les Scélidothériums, les Glyptoclons et et autres encore. Ces anciennes et gigantesques espèces tf Edentés ont principalement vécu dans t Amérique, et c'est aussi dans ce continent que vivent la plupart des Edentés actuels. L'Europe en a également possédé une espèce, qu'on avait d'abord considérée, mais à tort, comme un grand Pangolin, et dont on a fait depuis le genre Macrothérium. L'ordre ou plutôt la sous-classe des Mammifères édentés constitue la seconde des grandes divisions dans lesquelles on peut distribuer les Animaux mammifères , et cette division, tout en étant moins nombreuse que les autres en espèces, n'en est pas moins caractérisée par des dispositions bien tranchées. Tout, dans la structure des Édentés, indique qu'ils sont infé- rieurs aux Mammifères que nous avons appelés Hétérodontes, quoiqu'ils habitent comme eux l'ancien et le nouveau continents, et ils se rapprochent même des Vertébrés ovipares par quel- ques-uns de leurs principaux traits. C'est là ce qui explique plusieurs des particularités que Ton remarque chez ces Animaux, et ce qui les isole à la fois des autres Mammifères placen- taires et des Marsupiaux, dont les nombreuses espèces peuplent essentiellement l'Australie. Linné donnait aux Édentés le nom de Bkutes (Bruta), et il les caractérisait, comme presque tous les zoologistes l'ont fait depuis, par l'absence de dents incisives : Dentés pri- mores utrinque niilli, disait l'auteur du Systema naturœ. Cependant F. Cuvier a constaté que, chez les Tatous du genre Encoubert, il y a une paire de dents réellement implantées dans l'os intermaxillaire, et, par conséquent, une paire d'incisives. La caractère indiqué par Linné n'est donc point absolu. D'ailleurs, lors même qu'il le serait, il n'aurait pas pour cela plus de valeur, tandis qu'il n'en est pas de même de ceux que l'on peut tirer de la composi- tion du système dentaire et des autres particularités anatomiques qu'une étude approfondie fait découvrir dans les genres qui constituent le groupe naturel des Édentés. Quelques auteurs ont continué à donner à l'ensemble de ces Animaux le nom de Brutes, mais toutefois en ayant bien soin d'en éloigner trois genres (pie Linné avait placés dans le même ordre, parce qu'il les croyait également dépourvus d'incisives. Ce sont les Rhino- céros, les Éléphants et les Trichechus, parmi lesquels Linné classait le Lamantin et le Dugong en même temps que le Morse. Non-seulement ces trois genres ne sont pas dépourvus ORDRE DES ÉDENTÉS. 245 de dents incisives, du moins à la mâchoire supérieure, mais ils n'ont, dans l'ensemble de leurs caractères, aucun rapport avec les Édentés. Vicq d'Azyr et Blumcnbacli ont, les pre- miers, apporté cette indispensable rectification à l'ancienne classification des Brutes. En 4792, Vica facilité des mouvements de flexion dans la r Jion dorso-tom aire , celles qui les suivent sont de nouveau soudées les unes avec les autres, et p.u , oiiscquo.it mnob.es; elles servent à garantir la croupe sur laquelle elles se moulent; c'est la ce qui ZL "leur ensemble une apparence assez différente de celles du boucher tboracique. Les Zs d'une même zone sont loin d'avoir, pendant la vie des Tatous, <«»™^W°»™ eur voyons chez les exemplaires desséchés que l'on conserve dans nos collée. ons, et, on mèmltemps les bandes intermédiaires et imbriquées permettent à la carapace de se mouvoir ™ eZper plus ou moins complètement le corps, qui est alors susceptible de se rouler et d I enveioppei pm_ Cloporte. La substance de chacun des arceaux en boule comme celui d un lleiisson ou u un ^ A i imiP K Pr « intérieur et .... , • -> /.i^cii,»n/. nt il mi est de même des boucueis anieneui ei dermiques jouit d'une certaine élasticité, et n en est ue postérieur ; aussi , beaucoup d'espèces ont-elles la pro- ^?2£5^>. priété de s'aplatir, de telle sorte qu'elles s'appliquent x ^^\/^^k contre le sol et semblent comme écrasées. Elles ont y^ ^^ ^K alors une ressemblance curieuse avec de gros Cloportes , ^ jj JL \> ne qui justifie le nom d' Armadillcs qu'on leur donne dans i^^^^^^^^Êss^ plusieurs pays. Indépendamment du squelette cutané qui \X^ JÊF S/ recouvre leur crâne et tout le dessus de leur corps, les X 5 ^^ W sÇ/ Tatous ont aussi la queue plus ou moins protégée par ^^Jà^y des pièces analogues, mais qui sont alors des cercles com- plets, et entourent les vertèbres , comme si elles étaient ymlm CA0Bit , DE TlT0 ,, g.™,.. n.t. logées dans un véritable étui. Les Tatous ont reçu dans Juments les classifications des noms qui rappellent la disposition s, particulière ae leuis tournent... 252 ORDRE DES ÉDENTÉS. F. Cuvier les nomme Dorahophores , c'est-à-dire porte -cuirasse, et Wagler Cingulata, par allusion aux bandelettes osseuses qui les recouvrent. L'apparence extérieure des Tatous est certainement fort étrange , et l'on ne peut nier qu'il n'aient, dans leur physionomie générale, une certaine analogie avec la classe des Reptiles; mais l'ensemble de leurs caractères et leur conformation intérieure les rattachent de tout point à l'ensemble des Mammifères, et s'ils sont inférieurs à plusieurs égards aux Quadrupèdes dont nous avons déjà parlé, ils n'en doivent pas moins être rangés dans la même classe. D'ail- leurs cette infériorité leur est commune avec les autres Édentés, et comme eux, ils diffèrent notablement de tous les autres Mammifères par leurs caractères secondaires; celui de leur carapace est certainement le plus curieux de tous. Semblables à la plupart des Animaux de leur classe, les Tatous ont des oreilles externes, pourvues d'une conque assez étendue, et ils ont, comme tous les autres Mammifères, des mamelles pour la sécrétion du lait, dont ils se servent aussi pour la nourriture de leurs petits. Ces mamelles sont abdominales; leur nombre est tantôt de deux, tantôt, au contraire, de quatre. Les narines de ces Animaux ne sont pas percées dans un espace garni de glandes; la peau qui les entoure est nue, mais leurs cavités olfactives sont étendues, et les Tatous paraissent doués d'une grande finesse d'odorat. Leurs yeux sont petits et à pupilles circu- laires; enfin , ils ont les doigts plus ou moins inégaux, habituellement au nombre de cinq, en arrière comme en avant, quelquefois de quatre seulement en avant, et garnis d'ongles, souvent très-robustes, arqués, ce qui leur permet de fouiller le sol avec la plus grande facilité. ^L'examen anatomique des mêmes Animaux a donné lieu à plusieurs remarques dignes d'être signalées. Leurs mâchoires, qui sont grêles et plus ou moins allongées, sont toujours garnies de dents, mais ces dents varient pour la forme et pour le nombre, suivant les diffé- rents genres. J'ai pu constater leur mode de remplacement, dont aucun auteur n'avait encore parlé, et qui diffère beaucoup de celui des autres Mammifères. Dans le Cachicame, le seul Tatou que j'aie encore observé sous ce rapport, les molaires de lait, qui sont au nombre de sept en haut et en bas, sont moins arrondies que celles de la seconde dentition, et leur racine se dédouble en un chevron, dont les deux branches peuvent se séparer l'une de l'autre par suite de l'usure de la partie coronale. Les dents de remplacement poussent immédiatement au-dessous de celles de lait, qu'elles chassent comme des coins, en se plaçant entre les deux branches de leur racine. C'est un mode de remplacement bien plus semblable à celui des Crocodiles qu'à celui des Mammifères hétérodontes. J'en reproduis la figure à la page 254 du présent volume. La langue des Tatous est douce et de forme conique; leur estomac, à peu près globuleux, est assez grand ; leur intestin est rarement pourvu d'un cœcum. Leur squelette proprement dit, est également assez particulier, mais nous ne saurions insister ici sur les caractères nombreux qui le distinguent. On en trouvera la des- cription et une bonne figure dans l'ouvrage de G. Cuvier sur les ossements fossiles. Les Tatous ont le cerveau lisse, mais encore assez volumineux; cependant, ce sont des Animaux sans intelligence. Ils vivent dans les bois ou dans les grandes plaines de l'Amérique méridionale, et se nourrissent de substances animales, principalement de cadavres et d'insectes. Ils sont peu actifs, n'ont aucune méchanceté et peuvent être facilement retenus en captivité. On m'a assuré qu'une de leurs espèces avait reproduit en Belgique, dans le Jardin zoologiquo d'An- vers. Aucune espèce de Tatous n'est étrangère à l'Amérique méridionale, et la taille de celles que l'on y connaît est, en général, assez petite. FAMILLE DES DASYPIDÉS. 253 La plus forte de toutes, ou le Tatou Géant, surpasse de beaucoup les autres; cependant, son corps n'a guère qu'un mètre de longueur; le Chlamyphore , qui est au contraire le plus petit, a tout au plus le volume d'un Hamster. Buffon avait réuni dans un seul groupe les différentes espèces do Tatous qu'il connaissait, et c'est à cet ensemble d'espèces que Linné a donné le nom générique de Dasypus \ mais les principes différents qui dirigent les naturalistes actuels et une connaissance plus complète des caractères des Tatous ont fait établir plusieurs genres parmi ces Animaux, et les Dasypus sont devenus la famille des Dasypidés. Ces genres sont ceux des Priodonte, Cabassou, En- coubert, Cachicame, Apar et Chlamyphore. Le nombre total des espèces comprises dans ces différents genres ne s'élève pas au-dessus de quinze. On pourrait les partager en deux tribus, suivant qu'elles ont la queue conique et longue, ou au contraire courte et en massue. Le Chla- myphore, qui est dans ce dernier cas, ressemble sous ce rapport à quelques-unes des grandes espèces appartenant à la même famille qui ont autrefois peuplé l'Amérique. Genre PRIODONTE (Priodontes, F. Cuvier). Les ongles des Priodontes sont très-forts et leurs doigts très-inégaux aux pieds de devant; leur dos présente douze ou treize bandes mobiles entre les deux parties fixes de la carapace qui recouvrent le tronc en dessus; leur queue égale à peu près la moitié du corps en longueur, et leurs dents sont en plus grand nombre que chez les espèces des autres genres. On en compte vingt-cinq paires supérieurement et vingt- quatre inférieurement ; aucune des premières n'est insérée dans l'os intermaxillaire; toutes sont peti tes et sensibl ement compri- p nI0D0NIE G « a s t , 2/5 ae çrana. niées , surtout en avant. Aucun autre Édenté n'en présente un nombre aussi considérable. Priodonte géant (Priodontes gigas). Azara le nomme grand Tatou, et G. Cuvier Tatou géant. Il a le corps long de 1 mètre environ et la queue de 0,30. On le rencontre au Pérou , dans quelques parties du Brésil et dans la région de l'Amazone. C'est le plus grand de tous les Tatous actuellement existants. Genre ENCOUBERT (Euphractus, Wagler). La cuirasse des Encouberts montre, entre sa partie thoracique et sa partie fessière, cinq ou six bandes mobiles; les oreilles sont grandes; la tète est plate et assez élargie; les ongles de devant sont forts, moins inégaux; la queue est moins longue que le corps, mais encore assez allongée, et les dents qui sont cylindriques sont au nombre de neuf paires à la mâchoire supérieure et de dix à l'inférieure. La première paire des dents supérieures est implantée dans l'os intermaxillaire et elle doit être considérée comme une dent incisive. L'Encoubert poyou (Euphractus sexcinctus) est l'une des "espèces^de cette famille qui ont été connues de Buffon. La disposition et la mobilité de sa carapace lui permettent de s'aplatir d'une manière vraiment singulière, et quand il repose, principalement lorsqu'il s'est étendu au soleil, il ressemble à un très-gros Cloporte. Il est répandu au Paraguay et dans la région de la Plata. Sa taille approche vie celle de la Marmotte, mais il est' encore plus bas sur jambes, et d'ailleurs sa forme ne rappelle en rien celle du Rongeur auquel nous le com- parons pour ses dimensions. On peut rapporter au genre Encoubert le Tatou pi cm y d' Azara (Dasypus minutus , flesm.), qui appartient à la Patagonie, et le Tatou velu (Dasypus villosus, Desm.), espèce propre à la région de la Plata. Ces deux Tatous ont été décrits pour la première fois par Azara , dans son ouvrage sur les Mammifères du Paraguay. 254 ORDRE DES ÉDENTÉS. Encoubert Poyou, 1/ï de grand. (Voyez p. 253.) Genre CABAS S OU (Xenurus, Wagler). L'espèce qui lui sert de type ressemble beau- coup à l'Encoubert par sa taille et par ses caractères extérieurs, mais elle a un plus grand nombre de bandes mobiles entre la partie thoracique et la partie fessière du bouclier; ces bandes sont en général au nombre de douze. D'autre part, elle n'a aucune dent insérée dans l'os intermaxillaire, et sa formule dentaire est la même que celle des Apars ou des Cachicames. La longueur de sa queue, ainsi que la disposition de ses doigts antérieurs, permet de la distinguer des Apars; la forme de ses doigts, la brièveté de sa tête et la forme quadrilatère de ses écailles la séparent aussi très-nettement des Cachicames, C'est le Cabassou tatou a y (Xenurus tatouay) ou le Tatou à douze bandes (Dasypus unicinctiis, Linné). Buffon et Azara en ont parlé. Sa couleur générale est brunâtre; son corps est long de 0,05 et sa queue de 0,18; les écailles de cette dernière sont moins fortes que celles des autres Dasypidés; les ongles antérieurs sont forts, mais inégaux; le médius, qui est le plus gros de tous, a 0,45 de long; les oreilles sont grandes. Ce Tatou habite principalement la Guyane et le Brésil. Genre CACHICAME (Cachicama). Le genre Cachicame de G. Cuvier, que M. Is. Geof- froy nomme en latin Cachicama, comprend des Tatous dont la forme générale a quelques rapports avec celles des Apars, mais dont la tête est plus longue. Les oreilles grandes; le bouclier dorsal et celui des lombes marqués de deux sortes de tubercules subcirculaires, les uns plus grands et les autres plus petits , placés entre les pré- cédentes; les bandes mobiles, au nombre de sept ou de neuf et la queue à peu près aussi longue que le tronc ; les membres anté- rieurs n'ayant que quatre doigts, dont les deux intermédiaires plus forts et à peu près égaux; les dents au nombre de sept ou huit à Chaque mâchoire; tOUteS Celles 1> E , T , nE rw....r. 1S .F, grnn.l. mt. , montât \" mn\» ** remplace FAMILLE DES DASYPIDÉS. 255 d'en haut étant implantées dans les os maxillaires et à une assez grande distance des inci- sives : voilà quels sont les caractères de ce genre. Il comprend : Le Cachicame noir (Cacldcama novem-cinda) ou le Dasypus novem - cinctus et le D septem-cinctus des auteurs; on le nomme aussi Péba. Il a huit ou neuf bandes mobiles; est généralement noirâtre; son corps est long de 0,40 et sa queue de 0,30. C'est une espèce assez répandue au Brésil , à la Guyane et jusqu'au Paraguay. Elle est fort habile à creuser la terre. . , M. Burmeister en sépare le Dasypus uroceras, qui est du Brésil. On doit en rapprocher le Tatou mulet d'Azara {Dasypus hybridus, Desm.) , qui a la queue un peu moins longue à proportion, dont la taille est un peu moindre et qui n'a que cinq, six ou au plus sept bandes mobiles. Celui-ci se trouve au Paraguay et dans quelques autres contrées voisines. F. Cuvier réunissait les Cachicames et les Apars dans un seul genre, auquel il donnait le nom de Tatusie {Talusia) , mais il est convenable de le séparer. Genre APAR (Tolypeutes, Illiger). Chez les Apars les plaques osseuses qui protègent la tête forment un premier bouclier bien circonscrit; la tôle elle-même est assez allongée; il y a aussi un bouclier sur le dos et un bouclier sur la croupe, formés l'un et l'autre d'un certain nombre de plaques osseuses polygonales dépendant do la peau et recouvertes chacune par une lame épidermique de même forme; la surface extérieure est garnie de tubercules ômoussés plus ou moins visibles , selon l'espèce, et encadrés par une sorte do rebord ; entre le bouclier dorsal et celui de la croupe sont trois bandes imbriquées, mobiles et formées chacune par une rangée de plaques rectangulaires, également tuberculeuses à leur face externe et dont le grand diamètre est longitudinal. Cette disposition, qui est très-apparente a la face interne de ces plaques, est dissimulée extérieurement , par l'imbrication des bandes et par l'épaississement de leur partie antérieur; la queue est courte et garnie de gros tubercules «ranuleux à leur surface; le doigt médian, qui est court et épais, a son ongle très-fort et falciforme; l'index a ses phalanges plus allongées , mais son ongle est moins grand; l'annu- laire est court, mais encore assez fort; le pouce est faible et il n'y a pas toujours de doigt auriculaire. Les dents sont cylindriques, sauf les inférieures, qui sont plutôt ovalaires et plus petites que les autres; on en compte en tout huit ou neuf paires à chaque mâchoire; les supérieures sont toutes implantées dans l'os maxillaire. Les Apars sont des Tatous de moyenne taille dont la carapace est moins aplatie que celle des autres et qui jouissent à un haut degré de la propriété de se rouler en boule lorsqu on les attaque : leur nom de Tolypeutes rappelle précisément cette particularité. On eu signale deux espèces. , T . , L ' A p a r d e B u f f o n {Toli/peutes tricindus) , ou le Dasypus tricinctus de Linné. 11 a le Dou - clier de couleur ambrée; ses doigts antérieurs sont au nombre de cinq et chacune des écailles de son dos et de sa croupe est marginée; les poils de la région inférieure de son corps sont blanchâtres; sa queue est courte, aplatie et triangulaire. Cette espèce habite le Brésil. Sa taille est à pou près celle d'un Hérisson. L'Apah a queue conique (Tolypeutes eonurus, Is. Geoffroy), ou le Mataco d Azara, vit dans le Tucuman et dans les pampas du Paraguay. Sa carapace est noirâtre ; le sillon marginal de ses écailles est moins profond; il parait n'avoir que trois doigts antérieurs et sa queue est courte et de forme conique. Genre CHLAMYPHORE (Chlamyphorus , Harlan). Le plus petit des Tatous est aussi celui dont la carapace montre la composition la plus simple. Le dessus de sa tête et de son corps est recouvert de bandes transversales, à peu près uniformes, quoique moins larges au-dessus de la boîte crânienne. Ces bandes, qui sont elles-mêmes formées de plaques plus petites, sont en tout au nombre de vingt-quatre; après elles et sur la région fessière est un bouclier vertical résultant de la réunion de cinq rangées concentriques de compartiments en polvgoues irréguliers; un demi-cercle de poils assez forts sépare le bouclier des fesses de la 256 ORDRE DES ÉDENTÉS. dernière bande lombaire ; la queue est aplatie et à peu près en spatule ; elle tombe verticalement en arrière de l'Animal ; la partie épidermique des plaques dorsales du Chlamyphore se détache facilement, et ce n'est pas sans quelque étonne-mont qu'on voit au-dessous d'elle une couche de poils doux , assez longs et presque en tout semblables à ceux des régions inférieures du corps. Il y a là une particularité dont nous ne saurions encore nous rendre compte , mais qui paraît en rapport avec l'infériorité organique du Chlamyphore, comparé aux autres Animaux de la môme famille, et en môme temps avec quelque circonstance de son genre de vie. Ce Tatou a cinq doigts en avant et cinq en arrière; ceux de devant ont des ongles forts, subégaux, et par conséquent moins disproportionnés entre eux que ne le sont ceux des espèces propres aux autres genres; ses dents sont petites et au nombre de dix paires à chaque mâchoire. Le Chlamyphore tronqué (Chlamyphorus truncatus, Harlan) a la carapace de couleur pâle et les poils gris blanchâtres. Son corps n'a que 0,13 en longueur et sa queue 0,32 seu- lement. Il habite la province de Mendoza, qui appartient à la région des Andes et avoisine le Chili. II passe une grande partie de sa vie sous terre , ce qui le fait comparer aux Taupes. La femelle porte ses petits sous son manteau écailleux. Un exemplaire de cette curieuse es- pèce a été donné au Muséum de Paris par le savant botaniste, M. Cl. (ïay, dont nous avons déjà cité les travaux relatifs à l'histoire naturelle du Chili. FAMILLE des ORYCTÉROPIDÉS L'Afrique nourrit dans ses parties australes et intertropicales un genre d'Édentés dont les affinités ont été d'abord assez mal interprétées par les naturalistes. Pallas n'ayant pu en observer qu'un jeune exemplaire, avait pensé que c'était un Fourmilier véritable, congénère de ceux de l'Amérique; et , en 1764 , il en avait appelé l'espèce Myrmecophaga afra. En 1784, Cmelin, qui cite le mémoire de Pallas, donne au môme Animal le nom de Myrmecophaga capensis, c'est-à-dire Fourmilier du Cap. Quelques renseignements avaient alors été recueillis sur les mœurs de ces prétendus Fourmiliers, par le voyageur hollandais Kolbe, qui les appelle Cochons de terre, comme le font d'ailleurs les colons hollandais du sud de l'Afrique. Wos- maer, compatriote de Kolbe, qui aimait à critiquer Buffon, cita le Fourmilier du Cap comme faisant exception à la loi formulée par ce dernier, relativement à la distribution géographique des Mammifères dans les deux continents , ce qui lui valut cette réponse de Buffon : « Nous avons dit et répété souvent qu'aucune espèce des Animaux de l'Afrique ne s'est trouvée dans l'Amérique méridionale, et que réciproquement aucun des Animaux de cette partie de l'Amé- rique ne s'est trouvé dans l'ancien continent, L'Animal dont il est ici question a pu induire en erreur des observateurs peu attentifs, tels que M. Wosmaer; mais on va voir par sa des- cription et par la comparaison de sa figure avec celle des Fourmiliers d'Amérique, qu'il est d'une espèce différente; qu'il n'a guère d'autres rapports avec eux que d'être de môme privé de dents et d'avoir une langue assez longue pour l'introduire dans les fourmilières. » (Buffon ', Suppl. à l'Hist. nat., t. VI). Il suffisait d'ailleurs que l'espèce de ce prétendu Fourmilier ne fût pas la même que celle des Fourmiliers américains pour qu'on ne la citât pas comme faisant exception à la règle posée par Buffon, et Gmelin, aussi bien que Pallas, reconnaissaient cette différence spécifique. Mais c'était encore trop peu accorder; car un nouvel examen montra que le Fourmilier africain était beaucoup plus différent de ses congénères supposés qu'on ne l'avait admis. P. Camper ayant eu l'occasion d'étudier un crâne de cet Animal , vit qu'il était pourvu de dents , tandis que les véritables Fourmiliers en manquent. Le Mémoire que Camper rédigea à cet égard fut FAMILLE DES ORYCÏÉROPIDÉS. 257 adressé à Pallas, qui le fit paraître parmi ceux de l'Académie de Saint-Pétersbourg pour l'année 1780. En 1795 , E. Geoffroy apprécia plus exactement encore les différences qui sépa- rent le Cochon de terre des Fourmiliers véritables, lorsqu'il, le sépara génériquement de ces derniers sous le nom d'Oryctérope. Ces différences ont même une assez grande intensité pour justifier la formation d'une famille particulière d'Édentés, dont l'Oryctérope est encore le seul genre connu. GENRE ORYCTÉROPE (Orycteropus , E. Geoffroy). Le tronc est allongé, ainsi que la tête et la queue. Les oreilles sont droites , grandes et en cornet. Le corps est bas sur jambes et les ongles sont propres à fouir. Il y a quatre doigts aux pieds de devant et cinq à ceux de derrière; les deux antérieurs externes et les deux latéraux des pieds de derrière sont un peu plus courts que les autres : aucun doigt n'a sa phalange onguéale bifide. Le crâne est allongé sans être grêle; sa forme est subcylindrique; il est pourvu d'une arcade zygomatique complète. La mâchoire inférieure est grêle, mais son apophyse coronoïde et son condyle sont assez élevés. A ces caractères et à ceux que l'on pourrait tirer de la forme du squelette , il faut ajouter la conformation singulière des dents des Oryctéropes. Il y en a sept paires à la mâchoire supérieure et six à l'inférieure ; la première de celles d'en haut est très-petite , un peu écartée des autres et caduque; celles qui suivent vont en grossissant jusqu'à Pavant-dernière ; la cinquième et la sixième de la série totale sont les plus grosses de toutes ; la dernière est à peu près égale à la quatrième. Les dents inférieures vont aussi en croissant jusqu'à l'avant- dernière; la sixième est intermédiaire pour son volume à la troisième et à la quatrième. Les deux plus grosses dents supérieures et inférieures ont une rainure bilatérale très-évidente, comme si leur fût résultait de la fusion partielle de deux cylindres distincts. En outre, la structure des dents des Oryctéropes est tout à fait spéciale. Leur tissu est moins dur que celui des dents de la plupart des autres Mammifères, et il n'est pas recouvert d'émail. La surface triturante est aplatie, et la portion radiculaire, qui reste constamment indivise, est percée sur sa face inférieure d'une multitude de petits trous qui donnent à l'ensemble de la dent l'aspect d'un petit cylindre de jonc. Les premiers auteurs qui ont observé cette disposition curieuse ont émis l'idée que les dents des Oryctéropes pouvaient être considérées comme formées par- la réunion d'une multitude de petits corpuscules dentaires associés les uns aux autres, ce qui en ferait des dents pour ainsi dire composées. En effet, l'observation microscopique a montré que le bulbe s'y divise en une multitude de filaments qui se dirigent verticalement comme les éléments divers d'un même faisceau et que les tubes creux en représentent la portion non ossifiée. Les parties coronales de la dent sont plus denses , parce que ces petits bulbes y sont plus complètement osseux, et dans une coupe transversale assez mince pour être examinée par transparence sous le microscope, on voit très-bien cette disposition, dont MM. Richard Owen et Duvernoy ont publié de bonnes figures. Dans la coupe de certaines dents , il existe entre les bulbes élémentaires une quantité plus ou moins grande de matière cémenteuse , et la disposition des éléments anatomiques dans lesquels la dent est ainsi décomposée affecte alors une apparence assez différente. (Voyez la figure, page 243.) Le squelette des Oryctéropes a été décrit par G. Cuvier, et, en 1837, M. H. -F. Jœger a donné, sur leur splanchnologie , quelques détails qu'on trouvera consignés dans sa thèse inaugurale soutenue, à Stuttgard, sous la présidence de M. Rapp. Les Oryctéropes n'existent point ailleurs qu'en Afrique. Quoiqu'ils soient fort gros, et que leur corps ait plus de 1 mètre de long, sans compter la queue, ils sont insectivores. Ce sont tes Fourmis qui fournissent surtout à leur alimentation; mais, comme elles sont fort abon- dantes dans les pays où vivent ces étranges Mammifères, ils peuvent se les procurer en quantité suffisante; aussi se tiennent-ils de préférence dans les plaines, parce que les grandes fourmi- lières y sont en plus grand nombre. Celles-ci forment des monticules qui simulent des dômes °u des meules épars çà et là sur le sol. Ces lieux sont solitaires et arides , et l'Oryctérope, rçui jouit d'une grande facilité pour fouiller le sol avec ses pattes, s'y établit des abris souter- II e PARTIE. 33 258 ORDRE DES ÉDENTÉS. rains. « La terre , dit Kolbe, sert de demeure à cet Animal ; il s'y creuse une grotte , ouvrage qu'il fait avec beaucoup de vivacité et de promptitude, et s'il a seulement la tête ou les pieds de devant dans la terre, il s'y cramponne si bien que l'Homme le plus robuste ne saurait l'en arracher. Lorsqu'il a faim , il va chercher une fourmillière ; dès qu'il a fait cette bonne trou- vaille, il regarde autour de lui pour voir si tout est tranquille et s'il n'y a point de danger. Il ne mange jamais sans avoir pris cette précaution; alors il se couche en plaçant son groin tout près de la fourmilière; il tire la langue tant qu'il peut, les Fourmis montent dessus en foule, et, dès qu'elle en est bien couverte, il la retire et les gobe toutes : ce jeu recommence plusieurs fois et jusqu'à ce qu'il soit rassasié. Afin de lui procurer plus aisément cette nour- riture, la nature toute sage a fait en sorte que la partie supérieure de cette langue, qui doit recevoir les Fourmis , est toujours couverte et comme enduite d'une manière visqueuse et gluante, qui empêche ces faibles Animaux de s'en retourner lorsqu'une fois leurs jambes y sont empêtrées : c'est là sa manière de manger. Il a la chair de fort bon goût et très-saine. Les Européens et les Hottentots vont souvent à la chasse de ces Animaux. Rien n'est plus facile que de les tuer; il ne faut que leur donner un petit coup de bâton sur la tête. » Cepen- dant, au dire de Leveillant, la chair des Oryctéropes est si fort imprégnée de l'odeur musquée des Fourmis qu'il n'a pu en manger. On n'avait d'abord observé les Animaux de ce genre que dans les régions de l'Afrique qui avoisinent le cap de Bonne-Espérance ; mais Lesson en a reçu plus récemment un exemplaire pris en Sénégambie; M. d'Abbadie en a trouvé en Abyssinie, et MM. Hodenborg et d'Arnaud en ont rapporté en Europe des exemplaires pris dans la région du Nil blanc. Tous ces Oryctéropes ont les mêmes mœurs, la même taille et les mêmes caractères généraux; ils diffèrent cependant les uns des autres par quelques particularités mais qui sont tout à fait secondaires. Telles sont une coloration plus ou moins foncée et des proportions un peu diffé- rentes du crâne et des os des membres. Les auteurs qui en ont étudié la peau et les ossements, tels que MM. Lesson , Sundevall et Duvernoy , croient pouvoir y distinguer trois espèces : la première propre à l'Afrique australe et plus anciennement connue (Orycteropus capensis) ; la seconde particulière à la Sénégambie {Orycteropus senegalcnsis , Lesson), et la troisième du Nil blanc ainsi que de l'Abyssinie [Orycteropus œlhiopicus, Sundevall). L'examen comparatif d'un plus grand nombre d'Oryctéropes permettra seul de décider de la valeur des caractères par lesquels ces trois espèces supposées diffèrent entre elles , et jusqu'à ce que cet examen ait pu être fait, il semble convenable de suspendre tout jugement à leur égard. FAMILLE des MYRMÉCOPHAGIDÉS Les Édentés qui rentrent dans cette famille sont plus généralement connus sous le nom de Fourmiliers , et Ruffon a réuni à leur sujet de nombreux documents. Ils comprennent trois espèces servant actuellement de types aux trois genres différents des Myrmécophages , des Tamanduas et des Myrmidons. Leur caractère commun le plus remarquable est de manquer de dents aux deux mâchoires; leur langue est filiforme et très-extensible; leurs doigts sont garnis d'ongles fouisseurs qui constituent en même temps leur principal moyen de défense, ho nombre de ces organes n'est pas le même dans les différentes espèces , et la forme générale du corps présente aussi des différences notables , dont on s'est servi pour rendre plus parfaite la caractéristique des genres dans lesquels on les divise. Ces Animaux sont presque entièrement dépourvus d'intelligence. On ne les trouve que dans les contrées les plus chaudes de l'Amé- rique. On ne possède point encore à leur égard tous les renseignements désirables. (lENUE MYRMÉCOPÏT AGE (Myrmecophaga). La physionomie des Fourmiliers do ce FAMILLE DES M YRMÉCOPHAGIDÉS. 259 odire est des plus singulières. Leurs poils qui sont longs et rudes au toucher se développent sur la queue en manière de panache ou de crinière; leur corps est comprimé et haut sur jambes, et, ce qui ajoute à leur bizarrerie, ils ont la tête allongée comme une sorte de tube terminé à son extrémité par la bouche, qui apparaît sous la forme d'une petite fente par laquelle sort de temps en temps la langue ; celle-ci est fort longue et fort mince. Les oreilles sont droites, ovales et velues. Les yeux placés sur les côtés et fort loin de l'extrémité du rostre sont de grandeur moyenne'; enfin la démarche est grave et les doigts sont fléchis, ce qui oblige ces Animaux à porter sur le sol par la face dorsale de leurs phalanges. Il y a cinq doigts en avant et autant en arrière ; les premiers sont inégaux entre eux. L'unique espèce de ce genre se tient à terre ; elle surpasse notablement les autres en gran- deur. C'est le Mïrmécophage tamanoir ( Myrcophaga jubata , L. ) , appelé aussi grand Fourmilier. M Y II MlicOTH A (i E i A so ip, 1/8 de grau.1. Sa couleur générale est gris brun varié do noir sur le devant du cou et sur les épaules, où il y a une bande noirâtre qui remonte obliquement le long des flancs; la partie inférieure des avant-bras présente antérieurement une demi-manchette noire; les pattes de derrière sont en grande partie noirâtres. Les poils de la ligne médio-dorsale s'allongent et ceux de la queue, qui sont encore plus développés, donnent à cette dernière l'apparence d'un grand éventail, apparence que sa disposition comprimée rend encore plus évidente. Les allures des Tamanoirs sont fort différentes do celles des autres Animaux et leur taille est considérable. Quelques exemplaires ont près de 1 mètre et demi pour le tronc et la tête, et de 1 mètre pour la queue. Deux \nimaux de cette espèce ont été amenés vivants en Angleterre, où j'ai pu les voir à la Ménagerie de Hegent's parck. M. 11. Owen, qui a eu la possibilité d'en faire depuis lors la dissection, s'occupe en ce moment de rédiger les nombreuses observations d'anatomie que cette étude lui a permis de recueillir. Ces Fourmiliers étaient essentiellement nourris avec du pain trempé dans du lait; mais on a constaté qu'ils aimaient aussi le sang, et on les a vus mettre en pièces pour en sucer les chairs un Lapin qui leur avait été livre. L'Amérique intertropicale est la patrie de ces grands Fourmiliers. 260 ORDRE DES ÉDENTÉS. G. Cuvier a donné, dans son ouvrage sur les ossements fossiles et dans ses Leçons d'anatomie comparée, des détails sur leur ostéologie et sur quelques-uns de leurs viscères, Leur crâne allongé est dépourvu d'arcade zygomatique , comme celui des autres Myrmccopha- gidés. A l'état de liberté, les Tamanoirs vivent solitaires. Ils ne sont pas absolument dépourvus do la faculté de grimper. Leur femelle n'a qu'un seul petit à chaque portée. On assure qu'ils savent fort bien se défendre à l'aide de leurs fortes griffes, et qu'ils peuvent résister aux Ocelots et aux plus grands Félis du Nouveau-Monde. Genre T AMAN DU A [Tamandua), Ce nom est emprunté au grand ouvrage du naturaliste hollandais Séba ; il est à la fois la dénomination vulgaire et générique du second Fourmilier. Celui-ci a pour caractères principaux son système digital, à peu près semblable à celui du Tamanoir, mais avec une tête moins allongée, une queue en partie nue et un pelage moins épais; sa queue est préhensile sans l'être autant que celle du Myrmidon, qui diffère d'ailleurs du Tamandua et du Tamanoir par le moindre nombre de ses doigts. On n'a encore démontré l'existence que d'une seule espèce de Tamandua , le Tamandua tétradactyle {Taman- dua tetradactyla) ; mais cette espèce renferme plusieurs variétés , et Desmarest en distingue même complètement le Fourmilier à queue annelëe du Brésil. Les Tamanduas sont longs d'environ 1 mètre, dont moitié pour le corps et la tête, moitié pour la queue. Us grimpent aux arbres pour y chercher les insectes, et principalement les Fourmis. On assure qu'ils mangent aussi le miel des Abeilles sauvages. Ces Animaux vivent dans les forêts de plusieurs régions de l'Amérique intertropicale. Genre MYRMIDON [Myrmidon, Wagler). Ce genre aussi nommé Didactyïcs par F. Cuvier, Dionyx par M. Is. Geoffroy, et Cyclothure par M. Gray, a pour type une espèce essentiellement arboricole, moins grande à beaucoup près que celles des genres précédents et dont les caractères sont faciles à saisir. Sa tête, fort courte si on la compare à celle du Tamandua, et surtout du Tamanoir, est plus dilatée dans sa partie cérébrale, et sa face a presque l'apparence d'un bec; sa langue est aussi moins longue; son corps est ramassé; sa poitrine est protégée par des côtes fort élargies et imbriquées; ses doigts sont au nombre de deux en avant et de quatre en arrière; ceux de devant sont à beaucoup près les plus forts; sa queue est plus longue que le reste du corps ; elle est forte à la base et dénudée en dessous dans une partie considérable de sa portion terminale. Le Myrmidon didactyle [Myrmidon didactylus) , auquel Buffon réservait plus parti- culièrement le nom de Fourmilier, vit principalement à la Guyane et au Brésil. C'est un Animal à peu près grand comme un Surmulot, mais à corps plus trapu, dont le pelage est doux au toucher et d'un blond jaunâtre assez brillant relevé par des teintes roussâtres; une ligne rousse plus foncée longe le dos chez certains individus et manque chez d'autres. On a quelquefois distingué deux espèces de ces Fourmiliers , mais il n'a pas encore été possible de démontrer la vérité de cette opinion. Le Myrmidon didactyle passe une grande partie de sa vie sur les arbres ; sa marche est lente et silencieuse; son régime consiste essentiellement en Fourmis et autres insectes qu'il attrape avec sa langue , dont la surface est recouverte par un enduit visqueux. Sa femelle no fait qu'un petit, qu'elle dépose dans un nid, dont le creux d'un arbre et quelques feuilles constituent les éléments. Ses mamelles sont au nombre de quatre. L'intestin de ce petit Mammifère présente un caractère que nous ne devons pas oublier de signaler; sa séparation en intestin grêle et en gros intestin est indiquée par la présence de deux cœcums pairs qui rappellent ceux de beaucoup d'oiseaux. FAMILLE DES MAN1DÉS. 26» FAMILLE des MAN1DÉS Les Pangolins ou les Manis de Linné sont, sans contredit, ceux de tous les Mammifères qui diffèrent le plus des autres par leur apparence extérieure. Le dessus et les côtés de leur corps, la surface entière de leur queue et leurs quatre membres sont protégés par de nom- breuses écailles cornées, implantées dans le derme à la manière de nos ongles, et dont les séries sont imbriquées comme les tuiles ou les ardoises qui recouvrent les toits. C'est le seul exemple d'un semblable mode de téguments que l'on puisse signaler dans la classe des Mammifères, et même dans tout l'embranchement des Animaux vertébrés , car l'écaillure des tarses chez les Oiseaux ou celle du corps des Reptiles ordinaires et les écailles des Poissons ont une structure tout autre. L'aspect extérieur des Pangolins rap- pelle, cependant, celui de quelques Reptiles, et ces Am- Tktp ku p«««">. 1/2 Desm.). De Java, de Sumatra, de Bornéo et de Célèbes. 3. Une autre espèce du premier sous-genre a vingt et une séries d'écaillés dorsales , c'est le Pangolin Guy (MamisGuy). M. Focillon, qui en donne les caractères, le dit d'Afrique, mais sans désigner la partie de ce continent d'où il a été envoyé. II. Les autres Pangolins ont toujours la queue plus longue que le corps ; on leur a quel- quefois réservé le nom de Phalagins. Ils sont de trois espèces différentes. 1. L'une n'a que onze séries d'écaillés dorsales : Pangolin a longue queue {Manis longicaudata). C'est le Phatagin de Buffon. La Sénégambie est sa patrie. 2. Les deux autres ont dix-neuf à vingt-une séries d'écaillés dorsales, ce sont . Le Pangolin triguspidé {Manis triempis, Sundev.) ; de Guinée; Et le Pangolin tridenté {Manis tridentata, Focillon); de Mozambique. ORDRE des MARSUPIAUX Animaux mammifères, pourvus de quatre extrémités onguiculées propres à la locomotion terrestre, ayant de l'analogie, par l'ensemble de leurs caractères extérieurs, avec certaines familles de la grande catégorie des Mammifères hétérodontes , et étant également pourvus de plusieurs sortes de dents, lesquelles sont aussi appropriées à des régimes fort différents les uns des autres ; ils sont surtout caractérisés par une dis- position tout à fait particulière des organes reproducteurs dans l un et dans r autre sexe, ainsi que par la débilité extrême dans laquelle sont encore leurs petits lorsqu'ils viennent au monde. Aussi les femelles les fixent-elles à leurs mamelles immédiatement après la parturitwn, et ils y restent adhérents jusqu'à ce qu'ils aient acquis le développement que les autres Mammifères ont à leur naissance. Les mamelles sont entourées le plus souvent d'un repli cutané en forme de poche ou de bourse rmarsupium), ce quia valu aux Animaux de ce groupe le nom sous lequel nous en parlons. Les Marsupiaux ont, en avant de ta symphyse pubienne, une paire d'os accessoires qu'on a nommes os marsupiaux ; hum fœtus manquent de placenta. 264 ORDRE DES MARSUPIAUX. L'ancien continent ne nourrit aucune espèce de Mammifères de la sous-classe des Marsupiaux; mais elles entrent, pour une proportion considérable, dans la Faune australienne qui possède les divers grou- pes des Phascolomes, des Kanguroos, des Phalangers, des Dasyures, des Myrmécobies, etc. Les Sarigues, qui sont aussi des Quadrupèdes marsupiaux, sont particulières d'Amérique. L'ordre ou, pour mieux dire, la sous-classe des Marsupiaux, présente encore quelques caractères importants, indépendamment de ceux que nous avons énumérés dans le résumé qui précède; ces caractères résident dans le squelette de ces Animaux aussi bien que dans leurs principaux viscères. Parmi ceux que l'on tire de leurs parties solides , nous citerons surtout la forme de l'astragale, qui n'est comparable à celle du même os dans aucun des autres groupes de Mammifères. Les Marsupiaux ont tous la clavicule fort développée ; leur péroné va rejoindre la partie inférieure du fémur, comme cela se voit souvent dans les deux ordres des Insectivores et des Édentés. Quant à leurs os marsupiaux , ils varient un peu dans leur forme suivant les principaux groupes , mais ils sont toujours trôs-déve- loppés, si ce n'est cependant chez les Thylacynes, où ils n'existent, au contraire, qu'à l'état de rudiment. Ces os, qui ne se retrouvent que chez les Monotrèmes, fournissent une des principales particula- rités caractéristiques des Animaux qui nous occupent. On peut ajou- ter que dans tous les Marsupiaux, l'ouverture du canal lacrymal est située plus en dehors que chez les Mammifères monodelphes, et que le condyle de la mâchoire est transversal, quel que soit d'ailleurs le régime alimentaire. Enfin, c'est aussi un caractère commun à tous ces Animaux que d'avoir l'apophyse angulaire de la même mâchoire rejetée en dedans ; toutefois, le genre auquel nous avons donné le nom de Tarsipède fait exception sous ce rap- port, et ressemble davantage aux Monotrèmes. Toutes ces particularités, jointes à celles que nous avons déjà signalées, ne permettent guère de démembrer le groupe naturel des Marsupiaux pour en répartir les différentes familles entre les principaux ordres de Mammifères ordinaires , comme l'avait proposé F. Cuvier et comme M. Meigen a essayé plus récemment de le faire. Malgré les différences secondaires qui les distinguent les uns des autres, les Marsupiaux sont inséparables, comme le sont, de leur côté, les Mammifères hétérodontes auxquels ils semblent correspondre. Les Dasyures répètent, dans la série des Quadrupèdes implacenlaires, la fonction et la forme des Carnivores ; les Phalangers y représentent les Lémuridés et les Potorous, lesÉrinacéidés; les Wombats empruntent certains caractères aux grosses espèces de Rongeurs, et les Kanguroos ont dans leur régime, et même dans quelques-uns de leurs organes, une analogie incon- testable avec les Ruminants. Ces différences dans le régime, dans les mœurs, en comportent d'autres dans les proportions du corps , dans la disposition du système dentaire, dans la conformation des intestins et même dans le cerveau. Aussi les Marsupiaux sont -ils loin d'offrir, dans la disposition de ces organes, l'uniformité qu'on leur avait d'abord sup- posée. A S T a A G A L E DE T H y L A C I N E , grand, nat. Bassin de M\rsi pi vi. , 3/4 de gmn', ORDRE DES MARSUPIAUX. 265 Il suffira, pour être convaincu à cet égard, de comparer le cerveau, assez riche en circon- volutions, d'une des grandes espèces de Kanguroos avec le même organe chez le Sarcophile ou chez la Sarigue, Animaux chez lesquels il est bien moins volumineux, reste lisse à la surface de ses hémisphères , et semble pour ainsi dire frappé d'une dégradation telle que nul autre Mammifère ne se montre inférieur à ces derniers des Marsupiaux. C k r. v v. a u de \Y o m g a t , grand . mt. Cerveau de Kanguiïoo ckasi, grand naî. Ceiive\u du SuteoriïiLE, grand, nat. Une différence correspondante existe dans les facultés intellec- tuelles de ces Animaux de cette intéressante série , dont les prin- cipaux groupes sont parfois aussi dissemblables entre eux que ceux dont nous avons parlé en traitant des placentaires hétérodontes. Jusqu'à ce jour, on n'a pas tenu, dans la classification de ces Animaux, un compte suffi ant des indications fournies par cjs diverses particularités , et l'on a placé au premier rang les Sari- gues et les Dasyures , deux groupes qui nous paraissent , au con- traire, bien inférieurs aux Phascolomes, aux Kanguroos et môme aux Phalangers. Dans rénumération qui va suivre, nous avons essayé de mieux conserver les rapports hiérarchiques, qui sont aussi très-évidents dans cette sous-classe que dans celles qui précèdent. C'est pour arriver à ce résultat, que nous avons réparti les huit familles de la catégorie des Marsupiaux dans cinq groupes qui méri- teraient parfaitement le nom d'ordres, et que nous en avons établi la série de la manière suivante. 1° les Phascolomes , comprenant les Phascolomydés ; â° les Syndactyles, divisés en Macropodés ou Kanguroos, Phalangidés, Tarsipédidés et Péramélidés ; 3° les Dasyures, dont la seule famille est celle des Dasyuridés ; 4° les Myrmécobies ou la famille unique des Myrmécobidés ; 5° les Sarigues, comprenant les seuls Didelphidés. Les espèces de la sous-classe des Marsupiaux habitent principalement l'Australie , dont elles forment en grande partie la population mammifère, et elles y répètent, pour ainsi dire, parallèlement les principales familles de la grande sous-classe des Mammifères hétérodontes qui fournissent tant d'espèces à l'ancien et au nouveau mondes. On en trouve aussi quel- ques-unes à la nouvelle Guinée et aux îles Molluques, où elles sont associées à un nombre plus ou moins considérable de Mammifères ordinaires. Une famille de Marsupiaux, celle des Sarigues, qui a souvent donné son nom latin de Didelphes (Didelphis) à l'ensemble du groupe lui-même, est particulière h l'Amérique. O A II e PARTIK. ol 266 ORDRE DES MARSUPIAUX. Plusieurs espèces de Marsupiaux ordinaires propres à l'Australie, et plus particulièrement les Kanguroos, sont susceptibles d'être acclimatées avec avantage dans les autres parties du monde, et déjà quelques-unes d'entre elles se multiplient dans les régions tempérées de l'Europe. L'Europe, l'Asie et ses principales îles, l'Afrique et Madagascar sont entièrement dé- pourvues de Mammifères marsupiaux; mais l'Europe en a possédé, pendant les premiers temps de la période tertiaire, plusieurs espèces qui semblent avoir été intermédiaires, par leur organisation, aux Sarigues américaines et aux Phascogalcs australiens. L'Australie, au- jourd'hui si riche en Animaux de ce groupe, a été habitée autrefois par des Marsupiaux qui différaient par leurs espèces de ceux de la Faune actuelle, mais qui appartenaient aux mômes familles. Quelques-uns, cependant, étaient plus grands et paraissent avoir eu des proportions assez semblables à celles des Monodelphes ongulés. Ces grands Marsupiaux ha- bitaient l'Australie pendant le temps où l'Amérique était peuplée de ces gigantesques Éden tés, et où l'Europe nourrissait des Éléphants, des Rhinocéros tichorines, des grands Ours et de tant d'autres espèces de la série des Placentaires hétérodontes appartenant aux différents ordres dont les espèces habitent encore l'Europe ou les autres parties de l'ancien continent. La plupart des naturalistes regardent aussi comme des Marsupiaux les petits Mammifères de famille éteinte, nommés Amphithères , dont on a trouvé quelques débris clans les couches moyennes des terrains jurassiques, ce qui reporte leur existence au milieu de la période secondaire ; mais ils n'ont réellement pas démontré jusqu'à présent que ces anciens Mammi- fères étaient des Marsupiaux. Stonesfield, en Angleterre, est la seule localité où l'on ait en™ core rencontré les restes de ces singuliers Animaux. MARSUPIAUX AUSTRALIENS I. LES PHASCOLOMES. Le genre des Phascolômcs ou Wombats, qui forme à lui seul cette première ca Marsupiaux, diffère de tous les autres Mammifères de la môme sous-classe en dentition est établie d'après la même formule que celle des Chei^ romys et des Rongeurs. On ne lui reconnaît, en effet, que deux sortes de dents , des incisives au nombre de { pour chaque côté , et | molaires , tandis que les au- tres Marsupiaux ont, en général, des canines aux deux mâchoires, et toujours plus de deux incisives supérieures. Les molaires des Phascolomes sont en outre sépa- rées des incisives par une barre, c'est-à-dire par un espace vide. Ces Animaux ont cinq doigts on avant comme en arrière, et ces tégorie des ce que sa ^^ FAMILLE DES PII ASCOLOMYDÉS. 267 fiuq doigts sont armés d'ongles propres à fouir; le pouce de leurs pieds do^ derrière n'est point' opposable, et le second et le troisième de leurs orteils no sont ni grêles, m reunis sous la peau, comme chez les Syndaetyles dont nous parlerons ensuite. FAMILLE des PHASCOLOMYDÉS GFNiiu P1RSCOLOME (Phnsvolomtja, E. Geoffr.). Outre les caractères que nous vouons de signaler, le genre des Phascolomes se distingue encore par ses formes trapues , par sa loto large, par son corps épais et dépourvu de queue, et par ses - molaires, dont la première pour chaque mâchoire est plus petite que les autres. Ces Animaux sont fouisseurs; ils mangent des substances végétales, principalement des 'Teur" caractère est doux, et la facilité avec laquelle ou peut le nourrir a fait penser à quelques naturalistes qu'on pourrait les rendre domestiques. On les rencontre a la Nouvelle Hollande et en Tasmanie. L'unique espèce qu'on en ait distinguée jusque dans ces derniers temps a .1 aboul signalée par le voyageur anglais Flinders. et bientôt après par Pérou et Lesueur. "c'est le Phascolomk wombat (Phascolomys wombat). M <. il 11 , 1/;! lie •; nd. M U Oweuen établit maintenant deux autres, d'après quelques différences ostéologiqur-, et il' les nomme Phascolome a front iabge (Phascolomys latifrom) et Phascolomk pi ATïniiiNF (Phascolomys plalyrhina). Ces deux nouvelles espèces sont fondées sur lexa- men des exemplaires pris à la Nouvelle-Hollande ; le vrai Wombat est de la Tasmame. 268 ORDRE DES MARSUPIAUX. II. LES SYNDACTYLES. Les Marsupiaux syndactyles doivent leur nom à la disposition tout à fait particulière des second et troisième doigts de leurs pieds de derrière, qui sont plus grêles, en général, plus courts que le quatrième, ont leurs métatarsiens et leurs deux premières phalanges accolées l'une à l'autre, et sont réunis sous une peau commune jusqu'à leur phalange onguéale. Celle-ci porte à chaque doigt un ongle assez petit, qui s'applique contre l'ongle de l'autre doigt, ce qui rappelle jusqu'à un certain point, mais sous un volume très-réduit, les deux sabots intermédiaires des Bisulques. Les Syndactyles à cinq doigts postérieurs ont le pouce des pieds de derrière opposable ; d'autres Animaux du même ordre n'ont que quatre doigts, ou même trois aux mêmes pieds; mais, en général , tous eu ont cinq à leurs membres de devant. La plupart des Syndactyles sont herbivores ou frugivores ; quelques-uns vivent d'insectes ; ce sont les plus petits ; ceux qui sont herbivores ou frugivores atteignent souvent des dimen- sions assez grandes. Beaucoup vivent à terre et sont sauteurs; d'autres grimpent et passent la plus grande partie de leur vie sur les arbres ou sur les arbustes. Tous ces Animaux sont essentiellement austra- liens, mais on trouve déjà quelques-unes de leurs espèces à la Nouvelle-Guinée, et même dans certaines îles de la Malaisie , dépendant du groupe des Moluques. Us se partagent en quatre familles , nommées Macropodés , Phalangidés, Tarsipédidés et Pér amélidés. FAMILLE des MACROPODÉS Les Kanguroos ou Marsupiaux macropodés constituent une nombreuse série d'espèces , les unes fort grandes, les autres, au contraire, moyennes, ou même petites. Il y a des Kan- guroos hauts de cinq pieds, ce sont les plus grands de ceux qui existent maintenant; d'autres, en nombre plus considérable, n'ont guère qu'un mètre de haut, et parmi ceux qui ont uni' moindre taille , on en cite dont le volume est à peine supérieur à celui des Rats , ce qui les a fait nommer Kanguroos-Rats. On connaît, en tout, près de cinquante espèces de ces Animaux, qui sont l'Australie, sauf trois seulement; celles-ci appartiennent à la Nouvelle- Guinée. Les Animaux éo cette famille ont une physionomie fort singulière, et qui permet difficile- ment de les comparer à quelqu'un des groupes do Mammifères monodelphes. Cependant, leur pelage, la forme de leur tête et le grand allongement de leurs membres postérieurs les feraient, jusqu'à un certain point, rapprocher des Lapins; mais la disproportion de leurs membres est encore plus grande, et leur queue est fort longue. C'est, pour ainsi dire, an nouveau membre, et, dans la marche aussi bien que dans l'action de sauter, elle leur est d'un gvand secours. Lorsque les Kanguroos vont lentement, ils s'appuient alternativement d'une part sur leur queue et sur leurs pattes antérieures, et d'autre part sur leurs pattes postérieures: Les antérieures ne leur servent point dans la course. Us vont alors par sauts et par bonds à la manière des Gerboises, et ne portent que sur leurs pieds de derrière, qu'ils détendent avec vigueur, tout en tenant la queue roide, de manière à faire contre-poids à la partie anté- rieure de leur corps, contre laquelle ils retirent leurs pattes de devant. Ainsi, les Kanguroos sont encore mieux disposés pour le saut que ne le sont les Lièvres ou les Lapins, et leur FAMILLE DES MACROPODÉS. 269 train de derrière est proportionnellement plus fort que celui de ces Animaux Ils diffèrent n or des Léporidés paï plusieurs particularités extérieures, telles que la disposi Uon de» Zi ïs de derrière, au nombre de quatre, mais dont les deux internes sont .yndactyles, et externe moins fort que celui qui le précède. L'ongle puissant de ce demie.- « ; une arme redoutable, à l'aide de laquelle les mâles se battent souvent entre eux. Les femelles ont une P °Mtour™cnt e ,'ces Animaux diffèrent encore plus des Léporidés, même par les caractères nui les distinguent de tous les autres Marsupiaux. Ils ont une certaine analogie avec les Ondulés; leurs dents molaires rappellent celles des Tapirs, et leur régime, qui est herbivore, a en même temps de l'analogie avec celui de ces Animaux et celui des Ruminants. f CR '/ /•/'"'' f(t''f>>tt/f'<>/ \vk^G\n\00 G^kWY \>\awo\nvs t^awkuA de la Nouvelle-Hollande. FAMILLE DES MACROPODÉS. 271 On en connaît quatre espèces, savoir : A „ rlIP00 Le Kanguroo a bandes (Macropus fascialus), de Péron et Lesueur; - le k ™roo L # P onoiDE,deM.Gould;-le Kanguroo a lunettes (Macropus consptscillatus) , da mAme zoologiste, - et son Kanguroo velu (Macropus hirsutus). 4. Les Halmatures de F. Cuvier, ont le nez dénudé en avant, sous forme de mufle, us se tiennent de préférence dans les lieux garnis d'arbrisseaux. 11 y en a près de vingt espèces , dont plusieurs fort grandes. Voici les différents noms sous lesquels les mieux connues ont été décrites et la mention des auteurs qui en parlent : Macropus antilopinus , Gould;- Macr. isabelhnus, id. ; - M. ro- bmtus> id . ; _ m. rufus, Desm., ou le M. -langer, de MM. Quoy et Gaimard, dont M. Is. Geoffroy fait son genre Gerboïdes; - M. agilis , Gould; - M. Parryi, Beunett; - M Irma. Jourdan; - M. Greyi. Gray; - M. ruficollis, Desm.; - M. ualabalus, Lesson et Gaïm[ -^M.Eugenii,Desm.--M. Tethidis, F. Guv.; - M. Parma, Gould; - M. doi- mlis Gray . __ M. Derbianus, Gray; - M. Billardieri, Desm., ou Kanguroo de la Billai- rftfr*', dont nous donnons ici le squelette (page 270); - M. brachyurus , Quoy et Ganrmrd 5 Les HETBROPES de M. Jourdan, ou Pétrogales de M. Gray, ont le nez également dénudé; leurs pieds de derrière sont moins longs et leur queue est garnie de longs poils , surtout à son extrémité. Il y en a cinq espèces différentes, qui vivent toutes sur les rochers : Macropus pemcillatus, Gray, sans doute identique wwVHeteropus albogulans de M. Jourdan ; -tf. /ieniK*, Gould; -M. inornalus, Gould; -M. braehyolis, Gould ; - M. concinnus Gould ;-M. Brunit. J.-B. Fischer. Ce dernier vit à la Nouvelle-Guinée; c est le seul vrai Kanguroo qui soit étranger à la Nouvelle-Hollande ou à la Tasmanie. Le Brun en a parle dès 1718, dans son Voyage aux Indes orientales. Genre DENDROLAGUE (Den- • drolagus, S. Muller). Les deux es- pèces de ce genre sont, comme celle dont nous venons de parler , des Animaux de la Nouvelle-Guinée. Elles diffèrent des Kanguroos véritables par le plus grand développement de leurs membres antérieurs, qui sont presque aussi forts que ceux de der- rière, et sont pourvus d'ongles puis- sants ; ce qui permet à ces Animaux de grimper aux arbres. Leur nez est couvert de poils, et leur mâchoire supérieure a une paire de petites dents canines. Ces deux espèces ont reçu les noms de Dendrolagus ur sinus et Inustus. Genre POTOROO (Hypsiprymnus, Illiger). Une dizaine d'espèces de Macropodes, avant les proportions des Kanguroos véritables, mais qui sont toutes de faibles dimensions, se distinguent des autres Animaux de la môme famille, parce que leur mâchoire supérieure porte une paire de petites canines comme celle des Dendrolagues ; leur première paire d'inci- sives supérieures descend notablement au-dessous du niveau des deux autres; leur première molaire d'en haut est comprimée et fortement sillonnée sur ses deux fa^cs, enfin, leurs arrière-molaires décroissent sensiblement de volume à partir de la première. On les désigne habituellement par le nom de Kanguroos-Rats, qui leur a été donné par allusion à leur petite taille; toutes sont australiennes. Desmarest les a aussi appelées en latin Potorous. v. r e i> F, V) F. nbko i v G u F. , 4/2 de grand . 272 ORDRE DES MARSUPIAUX. 1 . La première de ces espèces a le nez fort long , presque entièrement couvert de poils , et les tarses fort longs ; c'est le POTOROO ROUSSATRE {Hypsiprymnus rufescens , Gray; //. melanotis, Gould) ; de la Nouvelle-Galles de Sud. 2. Plusieurs autres de ces Kanguroos à canines ont été réunis par M. Gray sous le nom commun de DETTONGIA ; ils ont le nez dénudé et les tarses encore fort longs. Ce sont les Hypsiprymnus cuniculus, O'Gilby; — H. Grayi , Gould; — //. Gaimardi, Lesson ou H, penicillatus, Gray; — H. penicillatus , Gould. 3. Les POTOROOS de M. Waterhouse ont la tête plus longue, les tarses plus courts, la queue peu velue et en partie écailleuse; le nez est nu. Le plus anciennement connu est le Potoroomurin {Hypsiprymnus mûrirais) ou le Macropus minutus de Shaw; on le trouve principalement à la Nouvelle-Galles du Sud. Deux autres plus récemment décrits sont YH. Gilbertii, Gould, du détroit du Roi-Georges, et 17/. platyops, Gould, de l'Australie occidentale. FAMILLE des PHALANGIDÉS Autant qu'il est possible de comparer les Mammifères de l'Australie à ceux des autres contrées du globe, on peut dire que les Phalangidés tiennent sur ce continent la place des Primates, et, en particulier, celle des Lémuridés. Gomme la plupart de ces derniers, les Phalangidés, mieux connus sous le nom de Phalangers, que Daubenton a donné à l'une de leurs espèces , sont aussi des Animaux frugivores qui habitent les régions boisées , où ils se font remarquer par la vivacité de leurs mouvements ; leurs proportions ne le cèdent pas en élégance, et leurs membres postérieurs sont aussi pourvus d'un pouce opposable. Les Phalan- gers ne sont pas moins variés en espèces que les Primates de Madagascar, et les plus petits d'entre eux joignent, comme les derniers de ceux que nous avons signalés parmi ces Animaux, beaucoup d'insectes aux fruits qui forment leur nourriture habituelle. Les plus gros Pha- langidés, au contraire, sont presque exclusivement frugivores, et, à cet égard encore, il y a entre eux et les plus grosses espèces de Lémuridés une analogie incontestable. Les plus grands de tous les Phalangers ont à peu près le volume des Makis et des Indris; les plus petits sont encore inférieurs aux Gheirogales et au Microcèbe. Indépendamment de leurs pouces postérieurs opposables aux autres doigts, les Phalangers sont caractérisés entre tous les Marsupiaux Syndactyles par leurs membres à peu près égaux et disposés pour grimper. Leur formule dentaire ne différerait pas de celle des Kanguroos et autres Macropidés, s'ils n'avaient, en général, l'espace répondant à la barre de ces derniers occupé , à l'une et à l'autre mâchoire , par plusieurs dents , dont les supérieures sont canini- formes et les inférieures plus ou moins gemmiformes. Il y a trois tribus dans la famille des Phalangers : Les Phascolarctins, comprenant le seul Phascolarcte Koala; les Phalangistins ou les Phalan- gers à queue prenante, et les Petauristins ou Phalangers volants. Les Phalangistins sont les seuls Phalangidés qui ne soient pas confinés dans le continent australien; il y en a aussi à la Nouvelle-Guinée, à la Nouvelle-Zélande et dans quelques-unes des îles Moluques ainsi qu'à Célèbes. Y 01 0^00 ftkY ^\hy^Y\\\fc\\Yv* mmus\ de la Nouvelle-Hollande. . ) de la Nouvelle-Hollande. FAMILLE DES PHALANGIDES. 273 Cran f de Koala, de profil et de face de grand. TRIBU des PHASCOLARCTINS Cette tribu n'est composée que d'un seul genre, qui n'a lui-même qu'une seule espèce. Genre PHASGOLARGTE (Phascolarctos, Blainv.). Les Phascolarctes, aussi nommés Koalas, sont des Animaux d'une apparence très -singulière, à corps court et sans queue, à tête grosse, à poils laineux, plus longs et comme frisés sur les oreilles. Leurs pattes, qui sont assez courtes, ont cinq doigts en avant comme en arrière , armés par des ongles forts, sauf aux pouces de derrière , et qui leur servent surtout à grimper. Les pouces despattes postérieures sont gros, opposables et sans ongles ; les deux doigts suivants sont syndactyles; les paumes et les plantes sont nues. Les dents sont fort singulières ; il y a trois paires d'incisives supérieures et une paire d'in- cisives inférieures. Celle-ci dif- fère peu de celle des Phalan- gers; la canine supérieure est petite ; il n'y en a pas inférieu- rement; les molaires , qui sont précédées par une barre assez considérable, sont au nombre de | ; les quatre dernières ont leur couronne garnie de quatre tubercules prismatiques, plus larges supérieurement que in- férieurement. Le crâne a une forme assez singulière , ainsi qu'on pourra en juger par les figures que nous en donnons sur cette page. Le Phascolarcte koala (Phascolarctos cinereus), que M. Goldfuss a nommé générique- ment Lipurus, est un de ces Animaux australiens qui ne se laissent exactement comparer à aucun de ceux qui peuplent les deux grands continents , mais il semble reproduire parmi les Marsupiaux certaines particularités propres aux Damans et aux Loris, quoique ses dents diffèrent notablement de celles de ces Animaux. Il est grimpeur, vit de feuilles et de fruits, et atteint jusqu'à 0,60 en longueur. Ses formes sont trapues et son extérieur est étrange. Sa cou- leur dominante est le gris varié de roux clair ou de blanchâtre; son large museau est souvent en partie dénudé. #Hft^ Dents de P h a s c o i . \ 1$ c i e. II e partie. 35 274 ORDRE DES MARSUPIAUX. TRIBU des PHALANGISTINS Les Phalangistins ou Phalangers sont des Animaux à queue longue et prenante, dont les membres ne soutiennent pas de membranes aliformes. Le pouce de leurs pieds de derrière est opposable et onguiculé. Leurs vraies molaires ont la couronne formée par deux collines transverses; leur canine supérieure est suivie d'une première fausse-molaire isolée, et leur mâchoire inférieure présente, entre l'incisive proclive et la première grosse molaire, une ou deux paires de dents gemmiformes. Ils vivent sur les arbres, et se nourrissent principalement de substances végétale ou d'Insectes. Les îles de la Malaisie en fournissent quelques espèces , mais la plupart de ces Animaux appartiennent à la Faune australienne. On peut les partager en quatre genres, sous les noms de Phalanger ou Couscous, Tricho- sure, Pseudochire et Dromicie. GENRE PHALANGER (Phalangista , G. Cuvier, d'après Daubenton). Lacépède l'ap- pelle Cous-cous. Ces Animaux ont la queue velue à sa base seulement, et, au contraire, nue et écailleuse dans le reste de sa longueur; leurs oreilles sont courtes, et leurs pupilles verticales. Leurs mœurs sont nocturnes ; comme ils ont pour patrie certaines îles de la Malaisie, on les a connus avant les Phalangers australiens. L'espèce type de ce genre est le P h a l a n g e r m a c u l é (Phalangista maculata , E. Geof fr. ) , qui rit aux îles Moluques, et particulièrement à Amboine, où il porte le nom de Cous-cous. On le cite également à la Nouvelle-Guinée. Son pelage est blanchâtre tacheté de brun et de noirâtre. A côté se placent : le Phalanger roux (Ph. cavifrons) , d' Amboine, de Banda et de la Nouvelle-Irlande; —le Phalanger a croupion doré, d' Amboine, de Géram et de la Nouvelle-Guinée, — et le Phalanger oursin, de Gélèbes. Phalanger, f /f> de grand. Ces Phalangers, dont Linné confondait les deux premières espèces sous le nom de Didelphis orientalis, avaient déjà été signalés au seizième siècle par Lécluse, comme étant des Animaux propres à l'archipel des Indes, et d'autres auteurs avaient confirmé cette assertion. Cepen- FAMILLE DES PHALANGIDÉS. 275 dant, Buffon commit l'erreur de les décrire comme étant Américains; et ce ne fut que fort tard qu'il connut leur véritable provenance. Suivant Pallas et Desmoulins, les anciens n'au- raient pas ignoré l'existence de ces Marsupiaux, et c'est d'eux que Plutarque aurait parlé, lorsqu'il dit, dans son Traité de V amour des parents pour leurs enfants : « Fixez votre atten- tion sur ces Chats, qui, après avoir produit leurs petits vivants, les cachent de nouveau dans leur ventre, d'où ils les laissent sortir pour aller chercher leur nourriture, et les y repren- nent ensuite, pour qu'ils dorment en repos. » Ce passage semble en effet ne laisser aucun doute. Cependant tous les naturalistes n'acceptent pas avec Pallas et Desmoulins, qu'on doive y reconnaître les Phalangers , car on n'a pas la preuve certaine que les îles Molusques aient été connues à une époque aussi reculée. On pourra lire, sur ce sujet à la fois inté- ressant pour l'histoire des voyages et pour celle de la zoologie, un long article sans signature inséré dans le Magasin pittoresque pour l'année 1847. L'érudition qui distingue cet intéres- sant article nous fait supposer qu'il est dû à la plume exercée de M. Roulin. Genre TPJCHOSURE (Trichosurus , Lesson). La queue est velue dans toute sa lon- gueur, sauf sur sa face inférieure et dans un espace assez étroit; les oreilles sont plus ou moias'grandes; la pupille est ronde, et les doigts antérieurs ont la disposition ordinaire. Les Trichosures sont des Phalangers exclusivement australiens. On en a déjà décrit trois espèces : Le Tiuchosure Renard {Trichosurus vulpinus), plus généralement connu sous le nom de Phalanger Renard. Il est un peu moins fort que le Renard , et ressemble beaucoup moins à ce Carnivore qu'à un gros Galago. Aussi, Shaw qui en fait à tort deux espèces, donne-t-il à la seconde le nom de Didelphis lemurina, Son pelage, qui est doux et presque laineux, est gris brun en dessus, et gris jaunâtre en dessous. Son corps a 0,40, et sa queue plus de 0,30. On le trouve à la Nouvelle- Galles ainsi que sur les côtes nord et occidentales du continent australien. Les auteurs citent plusieurs autres espèces de Trichosures, mais M. Waterhouse nen admet que deux, savoir : le Phalanger canin de M. O'Gilby et le Phalanger xanthope du même auteur. Genre PSEUDOCHIRE (Pseudochirus , O'Gilby). Les Pseudochires sont des Pha- langers joignant au système dentaire, à la queue et aux pupilles rondes des Trichosures, une* disposition assez particulière des doigts antérieurs, qui sont partagés en deux paquets opposables l'un à l'autre. Le pouce et l'indicateur sont d'un côté et les trois autres doigts sont de l'autre. . , Cinq espèces sont signalées; quatre habitent l'Australie et une la Nouvelle-Guinée. Celle de ce dernier pavs a reçu de MM. Hombron et Jacquinot le nom de Phalanger grison- nant; les autres, ou celles de l'Australie, sont les Phalangers de Cook, de Bougain- vtlle, Viverrin et Nudicaude. Le Phalanger de Cook a été découvert pendant le troisième voyage du célèbre navigateur anglais dont il porte le nom. Le Phalanger de Bougainville , qui n'en diffère peut-être pas, a été établi par G. Cuvier sur l'examen d'un exemplaire rapporté parles naturalistes de l'expédition de Bougainville. Genre DROMICIE (Dromicia, Gray). Le Phalanger nain des auteurs et deux autres espèces ont été séparés génériquement des Phalangers des deux genres précédents à cause de leur queue plus semblable à celle des Couscous ou Phalangers malaisiens. Ils ont en outre les oreilles bien plus grandes que ceux-ci, et leurs doigts ont de petits ongles. Leur mâchoire inférieure présente aussi une molaire de plus entre la grande incisive et les molaires ordi- naires. Ces jolis Phalangers sont particuliers à l'Australie ; ils ont de l'analogie avec les plus petites Sarigues et vivent dans des conditions analogues. Le Dromicie nain (Dromicia nana) a été comparé à un Loir, ce qui lui a valu, de la part de quelques auteurs, le nom spécifique de gliroide; son pelage est gris en dessus et 276 ORDRE DES MARSUPIAUX. blanchâtre en dessous. C'est le Phalangista nana ou gliriformis de quelques auteurs. On ne le trouve qu'en Tasmanie. LeDROMiciE mignon (Dromicia continua , Gould) appartient au Nord de la Nouvelle- Hollande, et se rencontre depuis la Nouvelle- Galles jusqu'à la rivière des Cygnes. Le Dromigie de Neill (Dromicia Neillii, Waterhouse) est plus particulièrement des environs du port du Roi-Georges. TRIBU des PÉTAURISTINS Les Pétauristes (Petanrina , Ch. Bonaparte) sont des Phalangers qui se distinguent de ceux dont nous avons déjà parlé par la présence de membranes latérales analogues à celles des Écureuils volants (Ptéromys et Sciuroptères). Leur queue n'est pas toujours prenante, mais leurs ongles sont constamment crochus. Leurs mœurs ont beaucoup do rapport avec celles des Sciuridés auxquels nous venons de les comparer. Us jouissent, comme eux, de la faculté de s'élancer à de grandes distances , avec autant de légèreté que s'ils voltigeaient. On en a distingué trois genres répondant aux Petaurus de Shaw; ce sont les Pétauristes, les Bélidés et les Acrobates. Leurs molaires sont plus petites que celles des Phalangers et plus tuberculeuses; le nombre de leurs dents intermédiaires est sujet à quelques variations. GENRE PÉTAURISTE (Petaurus, F. Cuvier). Les Pétauristes, qui sont les plus grands Animaux de cette tribu, atteignent ou surpassent même en dimensions les plus grands Pté- romys. Leur corps'peut mesurer jusqu'à 0,45 et leur queue 0,55. Leur fourrure est fort belle et susceptible d'être utilement employée. Leur membrane aliforme va du carpe aux genoux. Leurs oreilles sont grandes, membraneuses et velues en dehors, Leur museau est assez fin et il se termine par un petit mufle. L'espèce la plus remarquable et la mieux connue est le Pétauriste taguanoide (Petaurus taguanoide s , Desm.) de la Nouvelle-Galles du Sud. Son corps est noir en dessus et sa membrane variée de gris ; la base de sa queue est brun cendré. Genre BÉLIDÉ (Belideus, Waterhouse). Les oreilles sont longues et nues ; la membrane latérale s'étend antérieurement jusqu'au petit doigt ; il y a quatre paires de molaires genimi- formes inférieures , ce qui porte le nombre total des dents à neuf paires pour cette mâchoire. B i. l i n k sci u i! in, 1 /5 de grand. FAMILLE DES TARS1PÉDIDÉS. 277 Le Bélidé sciurin (Belideus sciureus ou Didelphis sciurea de Shaw) est cendré perlé avec du brun sur la ligne dorsale , sur la membrane et au bout de la queue; il est gris jau- nâtre en dessous et sa membrane est frangée de poils blanchâtres. Par le corps, par la taille et par le port il rappelle le Sciuroptère polatouche (t. I, p. 302). On doit distinguer comme espèce à part, le Bélidé austral {Petaimis australis de Shaw), qui répond au Pétauriste à ventre jaune de Desmarest. Sa taille est un peu plus grande et il a pour patrie la Nouvelle -Galles du Sud. Le Pétauriste à grande queue de Shaw et de Desmarest, plus difficile à caractériser, est moins certainement une espèce distincte. Deux autres espèces, du même genre, ont été nommées Belideus breviceps par M. Water- house et Belideus ariel par M. Gould. Genre ACROBATE {Acrobates, Desm.). Les Acrobates ou Voltigeurs sont beaucoup plus petits que les Béiidés. En effet, l'unique espèce qu'on en cite encore n'est guère plus grande que le Muscardin (T. I, p. 375), dont elle aurait l'apparence extérieure sans les courtes membranes aliformes que l'on voit sur ses flancs. Sa mâchoire supérieure porte en tout dix paires de dents et l'inférieure huit; il n'y a que deux paires inférieures de dents gemmiformes; mais les deux avant -molaires qui les suivent ont la partie antérieure de leur couronne en pointe aiguë un peu curviligne ; les canines supé- ' rieures sont assez fortes. Ces Animaux sont en grande partie insectivores. Ils sont au nombre des plus petits Mammifères de l'Australie , et leur régime, ainsi que leur dentition, peu- vent être comparés à ceux de nos Musaraignes. L'Acrobate pygmée (Acrobates pygmœus) est le Didelphis pygmœa de Shaw. Il a le pelage doux au tou- cher, brun roussâtre en dessus et blanc en dessous ; sa queue est largement distique, elle a 7 centimètres de long; le corps est de la même longueur. L'Acrobate pygmée est de la Nouvelle-Galles du Sud. Dents de l'Acrobate pygmée, 1/1 de grand Acrobate pygmée, grand r.nt. FAMILLE DES TARSIPÉDÏDES Les Tarsipédidés sont de petits Marsupiaux qui présentent une combinaison de caractères assez remarquable. Ils ont le second et le troisième orteils comme les autres Syndactyles; le pouce de leurs pieds de derrière est opposable et sans ongle ; leurs autres doigts, aussi bien ceux de derrière que ceux de devant, sont arrondis et protégés par des ongles courts et aplatis qui rap- pellent ceux des Primates. Leur système dentaire paraît fort irrégulier. On ne saurait en donner encore la formule, à cause de la chute précoce de la plu- part des dents qui le composent; cependant la ^^ ^ TAB8ipÈ0Ef 3/| mâchoire inférieure porte une paire de longues dents incisives cultriformes et projetées en avant; la face est allongée; le maxillaire inférieur dif- fère notablement par sa forme de celui des autres Marsupiaux , pour ressembler a la fois a ce que l'on voit chez certains Édentés et chez les Monotrèmes. Cette famille ne comprend qu'un seul genre. Genre TARSIPÈDE {Tarsipes, P. Gerv. et J. Verreaux). La seule espèce connue est 278 ORDRE DES MARSUPIAUX. T\nsii'ÈDK rostre, 2/3 do grand notre Tarsipède ros- tre (Tarsipes rostratus), joli petit Animal des bords de la rivière des Cygnes , qui vit sur les arbrisseaux, où il chasse les insectes et suce le nectar des fleurs. Sa langue est fort longue et préhensile; sa tête est prolongée en forme de rostre; sa queue est un peu prenante. Le Tarsipède rostre est à peme gros comme une Souris; sa démarche est fort élégante. Il n'est plus très-rare dans les collec- tions. M. Waterhouse, qui en a reçu un exemplaire entier, a complété, par ^ ..,.,..».„„ ..won. i., -;« u« çiwww, L quelques détails anatomiqiies, la description que nous en avions donné le premier. FAMILLE des PÉRAMÉLIDÉS Les espèces de la famille des Péramélidés sont caractérisées par la forme toujours allongée de leur tête , par leurs ongles grands , propres à fouir , par leurs doigts inégaux , toujours en nombre inférieur à cinq, et par leurs dents nombreuses; ils ont constamment cinq paires d'incisives supérieures et quatre inférieures. Ces Animaux n'acquièrent que de faibles dimen- sions. Ils vivent en grande partie d'insectes et peuvent être comparés, sous plusieurs rapports, aux Érinaeéidés. Leurs poils sont quelquefois rudes, surtout sur le dos , mais ils ne sont jamais réellement épineux. On peut les partager en trois genres, sous le nom de Chéropus , Péragale et Péramèie. Genre CHÉROPUS (Chœropus, O'Gilby). On y place une espèce de petit Marsupial , originaire du sud de l'Australie , qui présente plusieurs caractères assez singuliers. Son museau est pointu et terminé par un petit mufle ; ses oreilles sont grandes et en cornet ; sa queue est un peu moins longue que son corps , grêle et garnie de poils; enfin ses pieds sont longs et grêles, les antérieurs ne montrant que deux doigts; ceux-ci ont une certaine analogie avec ceux des Monodelphes bisulques, et sont supportés par des métacarpiens fort longs; ils répondent aux deux plus grands doigts de la patte des Péramèles ; mais leurs ongles sont plus courts que ceux de ces Animaux. Un petit tubercule onguiculé qui se voità la base externe du P,E,)S Da (:i,ÉBOl ' us > * rond - Mt - métacarpe représente leur troisième doigt; le pied de derrière a quatre doigts comme celui FAMILLE DES PÉRIMALIDÉS. 279 des Péramèles, mais l'un d'eux est beaucoup plus long que les autres, et c'est sur ce doigt que l'Animal s'appuie lorsqu'il marche. A son côté interne sont les deux petits doigts syndactyles, et sur son côté externe un autre doigt rudimentaire répondant à l'orteil externe des Péra- mèles, mais beaucoup plus court que lui. Le Cher o pus cas tan ote {Chœropus castanotis, Gray'), que M. O'Gilby avait d'abord nommé Chœropus ecaudatus, d'après un exemplaire mutilé, a le corps long de 0,22 et la queue de 0,13; son pelage, qui est assez doux, est en général cendré, lavé de fauve par endroits; le bout de sa queue est plus claire. Ses dents sont au nombre de quarante-huit, comme celles des Péramélidés , mais un peu différentes par la forme ; le crâne montre aussi une apparence qui lui est propre. Les naturalistes anglais appellent aussi cet Animal Pig footed Perameles , c'est-à-dire Péramèle à pieds de Cochon. GENRE PÉRAGALE {Peragalea, Gray). On n'en a également observé qu'une espèce que la forme assez particulière de ses dents molaires, la grandeur de ses oreilles, la finesse de son pelage et sa queue velue permettent de distinguer aisément des vrais Péramèles , auxquels on l'avait d'abord associée. C'est le Pérag al e lagotis (Peragalealagolis, Gray, d'après Reid) que les colons anglais de la côte ouest de la Nouvelle-Hollande nomment Native rabbit , c'est-à-dire Lapin indigène, quoiqu'il n'ait avec le Lapin qu'une ressemblance fort éloignée. GENRE PÉRAMÈLE (Perameles , E. Geoffr.). De même que les Péragales, les Péramèles ont les trois doigts intermédiaires des pattes de devant bien développés et fortement ongui- culés Leurs pieds de derrière en ont quatre, savoir : les deux doigts syndactyles qui sont les moins forts, le quatrième orteil, qui est le plus gros, et le cinquième dont la grandeur est intermédiaire : il n'y a pas de trace extérieure du pouce. Ce -enre renferme plusieurs espèces propres à la Tasmanie, à la Nouvelle-Hollande, et même\ la Nouvelle-Guinée. On leur a donné les noms de Perameles macroura, obesula, nasuta, Gunnii, fasciata, myosuros , Bougainvillii , arenaria et Doreyana. La dernière appartient seule à la Nouvelle-Guinée; toutes ont une certaine analogie exté- rieure avec les Rats, malgré l'allongement plus grand de leur tête, la disposition assez curieuse de leurs pattes et la longueur moindre de leur queue. IV. LES DASYURES Les Dasyures sont des Marsupiaux essentiellement carnassiers, et que l'on peut comparer aux Carnivores de la sous-classe des Monodelphes hétérodontes. Ils ont des dents de trois sortes, et leurs incisives ainsi que leurs molaires sont plus nombreuses que celles de la plupart des autres Marsupiaux; ces dents ont aussi une formule différente de celle qui caractérise ces derniers, leur forme rappelant plus ou moins celle des Carnivores. Les Dasyures n'ont pas le second et le troisième orteils réunis sous la peau; beaucoup d'entre eux manquent de pouce aux pieds de derrière; d'autres n'en ont qu'un rudiment; cependant chez quelques-uns d'entre eux le même doigt est, assure-t-on, bien développé et opposable. Les espèces de ce quatrième ordre ne constituent qu'une seule famille, à laquelle on a donné le nom de Dasyuridés. Leurs différents genres sont ceux des Thylacynes, des Sarcophiles, des Dasyures, des Phascogales etdesAntéchines. Ce sont des Animaux exclusivement australiens ; cependant leur dernier genre fournit aussi une espèce à la Nouvelle-Guinée. Dans cette série, comme dans la plupart de celles que nous avons étudiées jusqu'ici, les premières espèces ont une taille plus considérable , les dernières sont , au contraire , beaucoup moindres ; celles-ci ont aussi 280 ORDRE DES MARSUPIAUX. I I des caractères moins accusés, et l'ensemble de leur organisation est évidemment moins parfait, comparativement à ce que l'on voit chez les premières espèces du groupe. FAMILLE des DASYURIDÉS Genre THYLACYNE (Thylacynus , Temminck). Il existe en Tasmanie un Animai carnassier, presque aussi grand qu'un Loup, et dont les formes extérieures ne diffèrent pas assez de celles de ce dernier , pour qu'on ne puisse au premier abord le prendre pour une espèce de la famille des Canidés; mais ce Carnassier, qui a aussi les appétits du Loup, et qui inquiète de même les troupeaux des colons, appartient, comme la plupart des Mammifères de l'Australie, à la sous-classe des Marsupiaux. Il a aussi beaucoup d'analogie, dans plusieurs de ses caractères ostéologiques,avec les genres éteints des Hyénodons et des Ptérodons; mais ceux-ci sont bien des Monodelphes, et c'est parmi les Carnivores proprement dits qu'ils doi- vent être classés. Les Anglais établis dans l'île de Van-Diémen donnent au Thylacyne le nom de Zébra Wolf ou Loup zébré, parce qu'il a, en effet, la plus grande partie de la région dorsale et la base de la queue marquées de lignes transversales brunes , ayant l'apparence des zébrures. Ce Carnassier est aussi leur Dog-headed-opossum c'est-à-dire le Marsupial à tête de Chien. A cause de sa couleur autant que pour exprimer la férocité qui le caractérise, quel- ques-uns l'appellent encore Tigre, Hyène, etc, Squelette de Thylacine, Harrisen a le premier donné la description dans le tome IV des Transactions linnéennes, sous la dénomination de Didelphe cynocéphale. Plus récemment, MM. Temminck et Gray ont pensé avec raison que l'on devait établir un genre à part pour y placer cette espèce : c'est le genre Thylacyne du premier de ces naturalistes et le genre Peracyon du second. Gomparable aux autres Marsupiaux par l'ensemble de ses caractères anatomiques , cet Animal est cependant facile à distinguer génériquement ; d'abord, il est de grande taille, et son extérieur rappelle celui du Loup , quoiqu'il ait la tête un peu plus longue et la queue garnie de poils plus courts; celle-ci est en même temps un peu déprimée. En outre les dents du Thylacine sont au nombre de 46 , et assez notablement espacées entre elles. En voici la formule : | incisives, {canine, * molaires (dont f avant-molaires, § canines, -J tuberculeuse). La figure ci-jointe nous dispensera de nous étendre sur la forme particulière à chacune de ces dents. FAMILLE DES DÀSYURIDÉS. 281 Dents u u Thyl a c y n f. , grand . lia t. Le Thylacyne est digitigrade ; il a cinq doigts en avant et quatre en arrière ; ses os marsu- piaux sont tout à fait rudimentaires. L'unique espèce de ce genre ou le Thylacyne cynocéphale (Thylacynus cynocepha- lus), habite la Tasmanie; son pelage est brun fauve, plus clair aux parties inférieures, plus foncé aux supérieures. Les bandes noirâtres de son dos sont au nombre d'une vingtaine. ^. 0Fl . -S Thylacyne cynocéphale, 1/10 de grand. GENRE SARCOPHILE {Sarcophilus, F. Cuv.). Tête large; corps trapu ; queue médiocre ; dents plus serrées et plus épaisses que celles des Thylacynes, seulement au nombre de 42. Tels sont les principaux traits distinctifs du genre auquel F. Guvier a imposé ce nom , et que II e PARTIE. 36 282 ORDRE DES MARSUPIAUX. M. Gray a depuis lors appelé Diabohis. Ce genre ne comprend qu'une seule espèce qu'on pourrait comparer au Glouton , mais qui a la queue un peu plus longue , et dont les parties antérieures sont sensiblement plus robustes que les postérieures. Cette espèce est vigoureuse, itroce et d'une sauvagerie qui approche de la stupidité. Aussi est-elle redoutée des colons, quoique sa taille soit bien moindre que celle du Thylacyne. C'est à cause de son caractère farouche qu'on lui a donné le nom de Diable (Devil), dont M. Gray a tiré le mot générique do Diabolus. La dénomination de Sarcophile signifie vorace de chair et rappelle que les appétits carnassiers de ce Marsupial sont, en effet, très-prononcés. Le Sarcophile oursin (Sarcophihis ursinus) , qu'Harris appelait Didelphis ursina, vit en Tasmanie. Il est en grande partie noir, avec un demi-collier blanc et un anneau de la même couleur à la base de la queue. Ses pattes, ses oreilles et son museau sont presque nus et d'une couleur de chair un peu rougeâtre. C'est un Animal absolument inéducable, qui détruit beaucoup de gibier et qui attaque aussi les volailles, parfois même les jeunes Animaux domestiques de la classe des Mammifères. GENRE DASYURE (Dasyurus, E. Geoffr.). Les Dasyures sont, pour ainsi dire, des Marsupiaux Vivenidts, tant ler^s mœurs, leur apoarence extérieure et plusieurs traits importants de leur organisation rappellent les Carnivores monodelphes que l'on connaît sous les noms de Geneties, de Paradoxures et de Mangoustes. Us ont le museau effilé; un petit mufle nu; des vibrisses nombreuses; le pelade fourni, doux et généralement moucheté; la queue assez longue, bien garnie, mais non préhensile; cinq doigts en avant et en arrière, mais avec le pouce postérieur tout à fait rudimentaire. Leurs mâchoires sont armées de 42 dents, et il n'y a que | molaires. Ces Animaux ont la taille des Genettes et le corps presque aussi effilé; ils ont aussi les mêmes mœi^s; mais, comme la plupart des Marsupiaux, ils sont mohs intelligents que les Monodelphes dont ils tiennent la place en Australe. lifilà Dasyure Vivkrrin, 1/0 de grand. On en distingue plusieurs espèces, qui toutes sont exclusivement de la Nouvelle-Hollande ou de la Tasmanie. FAMILLE DES DASYURIDÉS. 283 Ce sont le Dasyure viverrin ou leDidelphb viverrina de Shaw et le Dasyurus Maugei de E. Geoffroy; Le Dasyure macroure, E. Geoffroy, aussi nommé Viverra maculata par Shaw et Dasyurus maculatus par M. Waterhouse ; Le Dasyure de Geoffroy [D. Geoffroyi, Gould); Le Dasyure hallux {Dasyurus hallucatus , Gould). Celui-ci doit son nom d'espèce au plus grand développement de son pouce postérieur. GENRE PHASCOGALE {Phascogale , E. Geoffr.). Les Phascogales sont de petits Dasyuridés plus insectivores que carnivores, chez lesque's la première paire des insiaves est plus forte que les autres, et dont les molaires ont les pointes plus saillautes; leur dernière molaire supérieure est petite et transversale. Ils ont cinq doigts à chaque pied, et leurs pouces postérieurs sont sans on^le et presque aussi opposables que ceux des Sarigues. Ces petite Marsupiaux ont huit mamelles disposées en cercle, et leur queue, qui est plus longue que le corps est garnie, dans sa seconde moilié, de longs poils en pinceau. Ils sont grimpeurs; leurs formes, qui sont élégantes, rappellent celles des Loirs, des Octodontes et des Ptilocerques. On en a décrit deux espèces : „.,,,. . .„ , ,, Le Phascogale taf a {Phascogale penicillata) , qui répond au Didelphis pemcillata de Shaw est de la Nouvelle-Galles, ainsi que du sud et de la côte ouest de l'Australie. Il a le pelage brun cendré en dessus et gris cendré en dessous , et a les deux tiers de la queue noire. Son°corps a 0,08 et sa queue 0,21. C'est la première espèce. L'autre espèce est le Phascogale calure Phascogale calura, Gould; de la cote ouest de l'Australie, Elle est de la taille du Lérot; son pelage est moins foncé en dessus que celui du Tafa et plus jaunâtre en dessous; sa queue est rousse à la base et noire dans le reste de son étendue ; son pinceau est moins fourni. ' GENRE ANTÉCHINE {Antechinus, Mac-Leay). Ce genre a ete établi pour recevoir les petits Dasyuridés qui ont la queue moins longue que le corps, non pénicillée et simplement conique. L'un des premiers décrits a d'abord été considéré comme un Insectivore mono- ^«»^> > de a côte ouest; - A. minimus ou le Dasyurus mmimus, E. Geonroy; de la Tasmanie, - A. X. Waterhouse ; du sud de l'Australie, et peut-être de la ^'^-/'^^ Grav de la Tasmanie ;--i. murinus, Waterhouse; de la Nouvelle-Galles ; - A. macrourus Se' PoÏZ „n., Gou.d; de la même contrée; - A ^f^^^ l'ouest et du sud de l'Australie; - A. mêlas ou le Phascogale mêla,, S. Muller, de la Nouvelle-Guinée, 284 ORDRE DES MARSUPIAUX. V. LES MYRMÉCOBIES On ne leur connaît encore qu'une seule espèce, type de la famille des MYRMÉCOBIDÉS et du genre Myrmécobie. C'est un petit Animal un peu plus grand comme une Hermine, mais de formes moins fines, et rappelant sensiblement certaines espèces de Dasyures par l'allonge- ment de son museau. Son principal caractère est emprunté à la forme singulière et au grand nombre de ses dents, qui sont appropriées au régime insectivore. C'est aussi un type australien, et qui se laisse difficilement comparer, à cause de ses nombreuses particularités anatomiques, à ceux qui caractérisent les autres Faunes. On peut, cependant, lui trouver, sous quelques rapports, une certaine analogie avec le Tupaïas et avec les Mangoustes, quoi- que l'ensemble de ses caractères le classe parmi les Animaux Marsupiaux et môme assez près des Dasyures. Genre MYRMÉCOBIE (Myrmecobius , Waterhouse) . Extérieurement, ce genre se reconnaît à l'allongement de sa face, à ses oreilles assez grandes, à sa queue moyennement longue, velue et non préhensile, à ses doigts armés de fortes griffes, au nombre de cinq en avant et de quatre en arrière. Les orteils indicateur et médian ne sont pas réunis entre eux comme chez les Syndactyles. Il y a une poche abdominale dans le sexe femelle ; la langue est extensible. Intérieurement, le Myrmécobie présente des os marsupiaux, une forme assez particulier du squelette, où l'on remarque quelque analogie avec les Édentés, et un système dentaire tout à fait différent de celui des autres Mammifères par l'apparence et par le nombre. Il a en tout 52 dents, c'est-à-dire plus qu'aucun autre Mammifère terrestre, le Priodonte excepté, et elles sont ainsi réparties pour chaque côté des mâchoires : | incisives, ~ canine, f molaires (dont f avant-molaires et | arrière-molaires). Ces dents sont petites, sauf les canines et les arrière-molaires, et surmontées à leur cou- ronne par plusieurs tubercules émoussés. Le Myrmécobie a bandes (Myrmecobius fasciatus , Waterh.) a le corps long de 0,25 et la crueue de 0,20; il est roux tiqueté en dessus avec du brun sur les lombes et à la queue, et six ou sept bandes transversales d'un blanc jaunâtre sur le dos et la croupe; ses pattes sont fauves et son ventre blanchâtre. Son apparence est élégante. Il a été découvert, il y a une quinzaine d'années, dans les environs de la rivière des Cygnes. Les lieux où il y a le plus de fourmilières sont ceux qu'il préfère ; c'est un Animal fouisseur. Dans le jeune âge, il est plus pâle, et ses bandes sont à peine marquées. MARSUPIAUX AMÉRICAINS Il nous reste à parler des Marsupiaux américains. Leurs caractères ne sont pas moins tranchés que ceux des groupes précédents. Ce sont des Animaux grimpeurs, ayant l'appa- rence extérieure des Carnivores, et chez lesquels les orteils ont la forme ordinaire, si ce n'est que le pouce est séparé des autres , inonguiculé et complètement opposable. Leur queue est, en général, longue, dénudée et prenante; leurs dents sont de trois sortes, au nombre de 50 , et réparties suivant la formule suivante : f incisives, } canine, } molaires (dont f avant-molaires et f arrière-molaires). Les quatre arrière-molaires supérieures et inférieures ont une assez grande analogie avec es dents carnassières de certains Mammifères carnivores; et les inférieures, en particulier, sont formées de deux parties, l'une, antérieure, est tricuspide, l'autre, postérieure, en forme de talon Il n'y a qu'un seul ordre et qu'une seule famille parmi ces Marsupiaux. Cette famille a reçu 1 e nom de Didelphidés. FAMILLE DES D1DELPHIDÉS. 285 FAMILLE des DIDELPHIDÉS La plupart des auteurs n'y reconnaissent qu'un seul genre, celui des Sarigues ou Didelphis de Linné et de Shaw, dont il faut, d'ailleurs, exclure toutes les espèces australiennes, que Shaw et d'autres zoologistes plus récents ont quelquefois considérées comme des Didelphis. C'est ce genre qui a donné son nom à l'ensemble dos Marsupiaux, que l'on appelle en effet, dans beaucoup d'ouvrages zoologiques, les Mammifères Didelphes. MM. E. et Is. Geoffroy ont proposé de par- tager les Didelpbidés en quatre genres , d'après la considération de quelques particularités secondaires que nous allons énumérer; ces genres sont ceux des Sarigues, des Chiro- necies , des Micourés et des Hémiures. Genre SARIGUE (Didelphis). Les Sa- rigues véritables ont les mamelles envelop- pées d'une poclie abdominale, comme la plupart des Marsupiaux ; ce sont les plus grands des Didelphidés ; mais leur taille, même dans les plus fortes espèces, n'excède pas celle d'un Chat domestique, et, en général, dents DE la suugoe cBABiEB, grand, nat. elle est moins élevée. Leur queue est longue, écailleuse et préhensile; leurs pieds de der- rière ne sont pas palmés , et les tubercules de leurs vraies molaires supérieures ne sont pas très-saillants; la partie antérieure de leurs vraies molaires d'en bas est tricuspide; leur deuxième avant-molaire inférieure a sa couronne plus élevée que les deux autres. Saiugwe oposswm, 1/4 de grand. Ces Animaux sont nocturnes; ils so tiennent sur les arbres où ils mangent «les fruits, «les 286 ORDRE DES MARSUPIAUX. œufs , ainsi que des Insectes , des Mollusques et d'autres petits Animaux. Il y en a plusieurs espèces. C'est à l'une de ces espèces, commune au Brésil, que Florian, dans sa char- mante fable de la Mère , V Enfant et la Sarigue , a recours pour montrer que L'asile le plus sûr est le sein d'une mère. La Sarigue des Illinois, dite aussi à longs poils ou à oreilles bicolores (Didelphis Virginianades nomenclateurs) , est l'espèce qui s'étend le plus au Nord; on la trouve, en effet, dans une grande partie des États-Unis. Son pelage est assez grossier, blanc jaunâtre sale avec du brun aux pattes; quelques soies brunes sortent du milieu des poils pâles et comme en bourre qui recouvrent le dos et les flancs ; les oreilles sont de deux couleurs. C'est l'une des plus grosses espèces du genre; ses dimensions approchent de celles du Chat. Tête et tronc 0,40 environ; queue à peu près égale. Chez le Sarigue crabier (Didelphis cancrivora, Linné), la couleur brune est plus prononcée, mais la taille est à peu près la même. Cette Sarigue vit dans l'Amérique méri- dionale : au Brésil et à la Guyane principalement. Elle se nourrit surtout de Crabes. Des espèces appartenant au même genre , habitent encore les mêmes contrées , et il y en a jusqu'au Paraguay; telle est en particulier la Sarigue d' A zara (Didetyhis Azarœ), dont il est question dans l'Histoire des Quadrupèdes du Paraguay, sous le nom de Mie ouré premier ; — telles sont encore la Sarigue gayopollin (Didelphis philander , Linné); — la Sarigue opossum (Didelphis opossum, Linné), et plusieurs autres. Sarigue gayopollin, 1/2 de grand. Genre CHIRONECTE (Chironectes , Illiger). Ce genre ne comprend qu'une espèce , qui est de petite taille, est pourvu d'une poche abdominale dans le sexe femelle, a la queue longue et nue , et se distingue des autres Didelphidés par les larges palmatures qui sont entre ses doigts postérieurs , ce qui lui permet de nager à la manière des Loutres. Buffon a même pris cette espèce pour une Loutre véritable , et il en parle sous le nom de petite Loutre de la Guyane; c'est aujourd'hui le Chironecte Oyapock (Chironectes variegatus). On le rencontre au Brésil et dans la FAMILLE DES DIDELPHIDÉS. 287 Guyane, particulièrement dans la région de l'Oyapock; sa taille est un peu inférieure à celle du Surmulot; c'est le Luira marina de Zimmermann, et le Didelphis palmata de quelques autres zoologistes. Genre MICOURÉ (Micoureus, Is. Geoffroy). Il a été établi pour les Dideîphidés qui ont la queue longue et prenante comme les Sarigues véritables, mais dont les femelles n'ont pas de poche abdominale; un double repli longitudinal de la peau du ventre sert à protéger les petits pendant la gestation mammaire, lorsque les jeunes sont plus forts, sans cependant l'être assez pour se passer de leur mère. Ils se placent sur son dos et attachent leur queue à la sienne. Ce sont des espèces assez petites; leur régime est essentiellement insectivore. Les principales sont : Le Micouré laineux d'Azara (Micoureus laniger), du Paraguay; — le Micouré a grosse queue (Micoureus crassicaudalus), également décrit par Azara; — le Micouré a longue queue (Micoureus griseus); —le Micouré de M é ri an {Micoureus dorsigerus); — le Micouré mûri n (Micoureus rnurinus); — le Micouré élégant (Micoureus elegans , décrit par Waterhouse). Cette dernière espèce habite le Chili; les autres sont principalement de la Guvane et du Brésil; il y en a aussi dans la Nouvelle-Grenade, et même en Californie. Genre HÉMIURE (Hemiurus, Is. Geoffr.). On y place des espèces moins nombreuses que les précédentes, également petites, et dont le caractère principal consiste dans la brièveté de leur q-ieue. On en cite trois, toutes propres aux régions chaudes de l'Amé- rique : , L'Hémiure tristrié (Hemiurus tristriatus) qui est la prétendue Musaraigne du Brésil de Buffon; — I'Hémiure tricolore (Hemiurus tricolor) qui est son Touan, — etl'HÉ- miure brachyure (Hemiurus brachyurus) qui répond au Short tailed Opossum ou Sarigue à queue courte de Pennant. Celui-ci est non-seulement de la Guyane et du Brésil , mais encore de la région de la Plata. Hémiure touan, 1/2 (k« graud. ORDRE des MONOTRÈMES animaux mammifères pourvus de quatre extrémités onguiculées, servant à la locomotion ordinaire en même temps qu'à fouir ou à nager; dont les lèvres sont cornées ; qui manquent de conques auditives , et qui ont les ouvertures viscérales postérieures, c'est-à-dire les orifices des or- ganes de la reproduction, de Turination et de la défécation versant leur produit au dehors par un seul et même orifice qui constitue un véritable cloaque comparable à celui des Oiseaux ; dont les mamelles n'ont pas de tétines; qui ont les os de l'épaule plus semblables à ceux des Oiseaux ou des Reptiles sauriens qu'à ceux des autres Mammifères ; dont le bassin est pourvu d'os marsupiaux comme celui des Didelphes; qui manquent d'utérus proprement dit; qui produisent des ovules plus volumineux que ceux des autres Mammifères, et dont les fœtus , quoique dépourvus de placenta, se développant dans les oviductes, ce qui rend leur génération très -peu différente de celle des Vertébrés ovo-vivipares. Il n'y a que deux formes de Monotrèmes, /'Échidné et /'Ornitho- rhynque ; /'im et l'autre habitent les terres Australes. Ce sont des Animaux inférieurs aux autres Mammifères par l'ensemble de leur organisation, et qui doivent occuper le dernier rang dans cette classe. ORDRE DES MONOTRÈMES. 289 Ils établissent en quelque sorte la transition des Marsupiaux ou des Edentés aux Oiseaux et aux Sauriens , et si on les envisage de cette manière, on peut se rendre compte de la plupart des singularités qui les distinguent. On ne connaît que depuis la fin du dernier siècle les deux Animaux si bizarres dont E. Geoffroy a fait le groupe des Monotrèmes, groupe que G. Cuvier réunit aux Édentés ; que divers auteurs élèvent au rang d'ordre distinct , et dont il serait sans doute plus convenable de faire une sous-classe à part, comme l'avait proposé de Blainville. L'Échidné fut d'abord signalé par le D r Shaw dans une livraison de ses Naturalisas miscellany, publiée en 4790; Pennant en parla d'après lui dans la 3* édition de son Histoire des Quadrupèdes. Shaw et Pennant font de cet Animal une espèce de Fourmillier à laquelle ils donnent le nom de Myr- mecophagaaculeata, pour rappeler qu'elle a le corps couvert de piquants. Blumenbach publia quelques années après la description de rOrnitliorhynque dont il avait reçu un exemplaire de sir Joseph Banks; il a cherché à exprimer, par les noms qu'il lui a imposés, l'analogie que le bec de cet Animal présente avec celui d'un Oiseau, soit un Canard, soit une Spatule. En môme temps, Shaw le décrivait aussi; il l'appelait Platypus anatinus, exprimant ainsi la forme aplatie et en nageoires des quatre pattes, et la ressemblance du bec avec celui d'un Canard. G. Cuvier a, le premier, proposé de séparer génériquement l'Échidné d'avec les Four- milliers, et c'est lui qui lui a imposé le nom sous lequel on le connaît généralement aujour- d'hui, quoiqu'il appartienne réellement à la Vipère. Éverard Home, qui a pu, l'un des premiers, dis- séquer l'Ornithorynque et l'Échidné , a fait res- sortir les diverses analogies que ces deux Animaux ont entre eux, et, depuis lors, de Blainville, E. Geoffroy, G. Cuvier, Meckel , M. Richard Owen et plusieurs autres anatomistes, ont ajouté de nom- breuses remarques à celles dont les Monolrèmes avaient d'abord été l'objet. Aussi la classification de ces Animaux , qui était restée incertaine à ce point qu'on les avait momentanément réunis aux Oiseaux ou qu'on en avait fait une classe à part, est-elle aujourd'hui bien établie, et il en est de même des points principaux de leur physiologie, dont la singularité avait d'abord tant embarrassé les naturalistes. Les Monotrèmes ne sont pas dépourvus de ma- melles , comme on l'a cru longtemps ; ils ont sur les flancs un grand nombre de tubes sous-cutanés dont les orifices viennent s'ouvrir de chaque côté dans une surface peu étendue et qui sont les canaux sécréteurs du lait; la différence par rapport aux autres Mammifères consiste principalement en ce que ces tubes ne se réunissent pas sur une seule saillie commune en forme de mamelon. C'est au moyen du liquide fourni par ces organes que les Thain de derrière de l'Ormthobhynque FEMELLF, montrant les mamelles, l'orifice du cloaque et les cavités du talon où s'implantent les ergots des mâles, 1/2 de g. II e PARTIE. 37 290 ORDRE DES MONOÏRÈMES. Echidnés et les Ornithorynques nourrissent d'abord leurs petits, et ceux-ci naissent vivants, comme ceux des Mammifères, après avoir rompu leurs enveloppes fœtales, qui sont molles de même que celles des Animaux de la même classe, et non calcaires, comme chez les Oiseaux. C'est ce qu'ont démontré les dernières observations dont les Monotrômes ont été l'objet, et l'opinion qui les regardait comme étant véritablement Ovipares n'a plus aujour- d'hui aucun partisan. Toutefois, le mode de développement des Monotrèmes est fort diffé- rent de celui des Mammifères monodelphes et il ne ressemble pas davantage à celui des Marsupiaux : il a au contraire une incontestable analogie avec celui des Reptiles ovo-vivipares. Il résulte des observations de M. J. Verreaux, que les jeunes Ornithorhynques hument le lait que leurs mères répandent autour d'elles, et qui surnage facilement; cette manœuvre, dît-il, est d'autant plus facile à distinguer qu'on voit alors le bec des jeunes Ornithorhynques se mouvoir avec une grande célérité (1). Indépendamment des dispositions tout à fait exceptionnelles qui servent à les caractériser comme sous-classe, les deux genres d'Animaux dont nous allons traiter, montrent un grand nombre de particularités secondaires, dont une étude détaillée pourrait seule faire ressortir tout l'intérêt; mais sur lesquelles nous ne saurions nous étendre ici. Parmi celles que présente leur squelette, il en est deux qui méritent cependant d'être men- tionnées. Ces Animaux ont des os marsupiaux très-développés et tout à fait comparables à ceux des Didelphes, quoiqu'ils n'aient ni la bourse ni le mode de gestation de ces derniers. En second lieu , leur épaule est établie sur un modèle fort peu différent de celui des Sauriens, c'est-à-dire des Reptiles du même ordre que le Lézard, l'Iguane et le Varan. Epaule ft steristm d'Écfudnk et d'Obnuhoriiynque, grand, nat. Ils sont les seuls de tous les Mammifères qui présentent cette particularité. Dans l'Échidné, comme dans i'Ornithorhynque , le sternum se prolonge en avant en une sorte de manche qui se divise plus antérieurement encore en deux branches transversales comparables à celles d'un T. C'est sur les branches de cet os en T que sont appliquées les clavicules ou fourchettes, (l) Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. xxvi, p. 22 4; 1818. FAMILLE DES ÉCHIDNIDES. dont l'extrémité externe va rejoindre l'omoplate. Celle- ci , réunie à un os qui s'y soude plus tard complète- ment, du moins chez FÉchidné, fournit, de concert avec ce nouvel os, la cavité glénoïde qui reçoit la tête de l'humérus. Ce nouvel os est l'analogue du cara- coïdien ou préiskion des Oiseaux et des Sauriens; il est lui-même surmonté à son bord interne par une autre pièce qui s'appuie d'un côté sur lui et de l'autre sur l'os en T dont nous avons déjà parlé. Quelques auteurs donnent à cette autre pièce le nom d'Épicoracoïdien. Chacun des deux genres de la sous-classe des Mono- trèmes doit être regardée comme constituant une famille distincte, on devrait même dire un ordre particulier. Nous en parlerons sous les noms d'Echidnidés et d'Or- nithorhynchidés qui leur ont été imposés par les natu- ralistes nomenclateurs. 291 in u'Eciiidné, grand . na t. , FAMILLE des ÉCHIDNIDES Elle ne comprend que le seul genre Echidné , qui a le corps épineux , le bec allongé , les mâchoires dépourvues de dents et les pieds disposés pour fouir. Genre ECHIDNÉ (Echidna, G. Cuvier). Corps assez court, à queue rudiment-aire couvert en dessus de piquants plus forts que ceux des Hérissons et entremêlés de poils simples plus ou moins abondants , suivant les saisons ; tête prolongée en un rostre pourvu d'un bec corné; bouche petite , terminale ; langue longue , extensible ; pieds à cinq doigts pourvus d'ongles robustes propres à fouiller le sol ; les mâles ont aux pieds de derrière un ergot corné qui sert d'orifice à une glande sécrétice ; le cerveau est assez volumineux et ses hémisphères ont des circon- volutions qui manquent au contraire à ceux de l'Ornitho- rhynque. L' Echidné épineux (Echidna hystrix) ouïe Myrme- cophaga aculeata de Shaw, est un peu plus gros qu'un Hérisson. Il a le museau beaucoup plus long et les pi- quants bien plus forts. C'est de même un Animal fouis- seur, qui vit dans les endroits sablonneux, où il recherche les insectes. Plusieurs auteurs en distinguent deux espèces qu'ils caractérisent par l'abondance ou la rareté des poils existants entre les piquants du dos ; ils les nomment Hystrix aculeata et Hystrix sctosa. Le premier serait l'Echidné du continent australien , et le second celui de la Tasmanie. Mais cette distinction n'a pas été généralement admise, et d'autres naturalistes ne voient, dans les différences que les Échidnés présentent sous ce rapport, qu'un simple effet des change- ments de saison; suivant eux, le poil de ces Animaux est beaucoup plus abondant pendant l'hiver qu'en été, et il cache alors presque entièrement leurs piquants. Cerveau d'Échidnk, grand, nat. 292 ORDRE DES MONOTRËMES. É c h i d n k épineux, 1/1 de grand FAMILLE des ORNITHORHYNCHIDES Le genre Ornithorynque diffère des Echidnidés par la forme de sa tête , par ses pieds propres à la natation, par quelques particularités ostéologiques et par sa queue large et déprimée. Son corps n'est pas recouvert de piquants et son bec est élargi et largement ouvert. Comme nous F avons déjà fait remarquer, on devrait en faire un ordre au lieu d'une simple famille , si l'on acceptait que le groupe des Monotrèmes constitue lui-même une sous-classe. GENRE ORNITHORHYNQUE (Ornithorynchus , Blumenbach). Les mâchoires ont une paire de grosses dents cornées , situées à la place habituellement occupée par les molaires , et de chaque côté de la région incisive on voit une autre callosité également cornée, dont la forme est étroite et allongée; le bec est plat et large, ce qui l'a fait comparer à celui d'un Canard ; le corps est terminé par une queue élargie, aplatie en dessous qui concourt à faciliter la natation; les pieds de devant ont cinq doigts comme les postérieurs et leurs ongles sont également forts; la membrane qui réunit les doigts de devant dépasse notablement les ongles, ce qui étend encore la surface natatoire; le talon des mâles porte un ergot corné comme celui des Echidnés. Ornithorhynque paradoxal (Ornithorhynchus paradoxus , Blumenbach, ou Platypus anatinus, Shaw) : tel est le nom de l'unique espèce que l'on puisse encore admettre avec certitude dans ce genre, quoiqu'on en ait signalé plusieurs. Cet Animal est aquatique; il se tient dans les lacs et dans les rivières de la Nouvelle-Hollande ainsi que de la Tasmanie; nage avec facilité; vient assez souvent à terre; niche sur le bord des eaux, dans des terriers qu'il sait se creuser, et fait sa principale nourriture de larves aquatiques, de mollusques ou de vers. Les Anglais établis en Australie appellent les Qrnithorhynques des Taupes de rivières {Water mole). FAMILLE DES ORNITHORHYNCHIDU.S. 293 Obnitiiouhvnqvf v a h a » o x a l , 1/4 de grand. u l Verreaux qui a voyagé on Tasmauie, dit, au sujet do ce genre singulier do Mammifères : v , «TauSrAui que l'Ornithorhynque n'est pas entièrement nocturne , comme «Je ^ sdffl ™f n d r^ e 7c h lsses j'en ai observé plusieurs nageant par les plus fortes Z ^^êZ^Z^eî^L n'a lieu que Lsque l'Animal a des petits, et que, chaleurs e do to cepenoV q ^ ^ ^.^ . ^ ^^ ^ sfi néanmoins i semble prend e ^ ^ e[ 8w {em ^n;^^ «^ ies rivières ' rorni " y r W Ses anses où les eaux refoulées par les courants sont plus calmes et plus tran- Sel P Î?se pS Cbotte, parmi les p.als ou à plonger pour aller chercher dans la vase ses aliments. J'ai observé qu'il ne pouvait cependant rester longtemps sans venir respirer l'air nécessaire à ses poumons. Enfin, j'ai vérifié par les individus que j'ai eu en ma possession, qu'ils étaient d'une in- telligence bien supé- rieure à beaucoup d'au- tres Animaux. » L'Ornithortiynque a cependant le cerveau moins développé que l'Echidné, d'où il fau- drait conclure que ce dernier l'emporte en- ^^ ,„„,„,. et po.t*..™... »* .•o.mt.o.h,,.».. ma,, core sur lui sous le ,, 3 , k . grmid . mémo rapport. 294 ORDRE DES MONOTRÈMES. M. J. Verreaux a aussi examiné quelles pouvaient être la fonction de l'ergot ou éperon corné, dont le talon des Monotrèmes est armé, et il a constaté que cet organe sert à faciliter l'accou- plement. De son côté, M. Stannius a fait une nouvelle étude anatomique du même appareil, qui est sans analogie chez les autres Mammifères. On avait cru pendant longtemps que la sécrétion qui en émane était venimeuse, il n'en est rien. La glande qui produit cette liqueur est située le long de la cuisse chez l'Ornithorhynque, et dans la région poplitée chez l'Echidné, où elle est beaucoup plus petite. Un conduit excréteur sous-cutané, large et à parois épaisses, s'étend le long de la jambe en arrrière, et aboutit à l'éperon, vers lequel il s'élargit en une vésicule servant de poche de dépôt à l'humeur sécrétée, puis il se rétrécit et se termine dans une fente dont l'éperon est pourvu. Les femelles jeunes ont un rudiment de cet organe, mais il disparaît bientôt, ORDRE des PHOQUES Animaux mammifères marins pourvus de quatre extrémités raccourcies, comme empêtrées et disposées en nageoires ; à corps allongé, presque fust \ forme, couvert de poils rudes habituellement courts et couchés; ayant de fortes moustaches, les yeux très-gros et les oreilles externes rudimentaires ou nulles; dont les mâchoires sont armées de trois sortes de dents , savoir : des incisives en nombre variable, des canines plus ou moins développées, et des molaires, peu nombreuses, à peu près semblables entre elles; cerveau pourvu de circonvolutions, ayant ses lobes olfactifs semblables à ceux des Singes. Les espèces de cet ordre ne sont pas très-nombreuses; cependant elles sont répandues sur presque tous les points de l'Océan, principa- lement à peu de distance des continents ou autour des archipels; elles se distinguent les unes des autres par des caractères assez tranchés, ce qui a permis d'établir parmi elles différents genres et plusieurs familles ou tribus. Elles nagent avec facilité et plongent également très-bien; ce genre de locomotion leur est rendu facile par les sinus considérables qui dilatent une partie de leur système veineux et leur permettent de retenir leur respiration pendant un temps assez long ; elles sont intel- ligentes et vivent généralement par troupes plus ou moins nom- breuses ; leur régime, qui est animal, consiste principalement en 296 ORDRE DES PHOQUES. Poissons, en Mollusques, en Crabes, etc. Quelques-unes y joignent en plus ou moins grande abondance des principes végétaux ; le Morse est particulièrement dans ce cas. Les Phoques viennent souvent à terre } mais ils y sont tous plus ou moins embarrassés dans leurs mou- vements. Quelques auteurs associent ces Animaux aux Mammifères carni- vores et les classent dans le même ordre] cependant la forme des Phoques , leur mode de locomotion et leur structure interne s'accor- dent pour les faire éloigner des Carnassiers terrestres. Les Phoques, que nous plaçons les premiers parmi les Mammifères marins, sont de tous ces Animaux ceux qui sont le moins modifiés dans l'ensemble de leur organisme, et pourtant ils s'éloignent déjà des Mammifères terrestres à ce point qu'on ne saurait les réunir à aucun des groupes établis parmi ces derniers sans enfreindre d'une manière évidente les règles de la classification naturelle. Les Sirénides, qui viendront ensuite; les Cétacés, parlés- quels nous terminerons cet ouvrage, semblent s'éloigner encore plus des Mammifères qua- drupèdes , et si nous avions à traiter de l'ordre éteint des Zeiïglodontes, nous constaterions encore d*e nouvelles différences. Cependant, les Mammifères marins, c'est-à-dire les différents genres dont on a fait les trois ordre des Phoques, des Sirénides et des Cétacés, se rattachent, par la conformation de leur cerveau et par leur développement placentaire, aux Mammifères monodelphes; et c'est parmi ces Animaux, entre les Hétérodontes et les Homodontes, qu'il faudrait sans doute les ranger, si l'on ne tenait compte que de ce double caractère; mais la classification des Animaux en série linéaire ne saurait rendre compte de leurs différentes affinités, et quoi- que, dans le discours, nous soyons obligés de nous y confirmer, tous les naturalistes savent bien que les principales classes du règne Animal sont souvent composées de séries multi- ples, plus ou moins correspondantes, ou, comme on le dit aujourd'hui, paralléliques entre elles; aussi bien, dans beaucoup de cas, la subordination hiérarchique que nous en établis- sons n'est-elle pas absolument exempte de tout artifice ni même de quelque arbitraire. L'ordre suivant lequel nous avons subordonné les cinq sous-classes de Mammifères est celui qui nous a paru se prêter le mieux aux considérations géographiques et paléontologiques , tout en concordant avec celles que fournissent l'organisation et les mœurs; c'est ce qui nous a fait préférer cet ordre à tout autre. Mais, comme on le pense bien, nous n'admet- tons nullement que les Mammifères marins, quoique placés ici après les Édentés, les Mar- supiaux et même les Monotrèmes , soient inférieurs en organisation aux espèces non moins singulières dont chacune de ces trois catégories est composée, car, nous le répétons, ils se rattachent aux Monodelphes hétérodontes par un grand nombre de caractères, bien qu'ils s'en éloignent par leur forme et qu'ils leur soient en même temps inférieurs sous plusieurs rapports. Les Phoques sont des Animaux aquatiques qui passent dans l'eau une bien plus grande partie de leur vie que les Castors, les Loutres ou les autres Mammifères nageurs dont nous avons eu l'occasion de parler jusqu'à présent ; ils sont donc essentiellement marins, particu- larité que le genre Enhydre, delà tribu des Loutres, nous avait seule présentée. Ce sont des de la Méditerranée (côte. d'Afrique. ) ORDRE DES PHOQUES. 297 Animaux carnassiers, mais qui diffèrent notablement de ceux que nous avons décrits en parlant de l'ordre des Carnivores. Leurs espèces sont distribuées avec une régularité remar- quable entre les grands bassins maritimes qui recouvrent la plus grande partie de la surface du globe; elles y vivent de substances animales , principalement de Poissons, de Crabes ou de Mollusques nus, et elles se font remarquer par la facilité avec laquelle elles plongent et se meuvent au sein des eaux. Tout, dans leur organisation, est approprié à ce mode d'exis- tence ; leur corps, en fuseau, est terminé en avant par une tête plus ou moins arrondie, et, en arrière, par une petite queue flanquée de deux nageoires verticales qui sont formées par les pattes de derrière; leurs doigts sont allongés, surtout les latéraux pour les membres postérieurs , et dirigés dans le même sens que le corps ; leurs pattes de devant sont égale- ment raccourcies et disposées en forme de nageoires ; aussi ne peuvent-elles servir que très- imparfaitement à la locomotion terrestre, et le plus souvent , lorsque les Phoques veulent se traîner sur le rivage, ils avan- cent au moyen des ondulations de leur corps et en appliquant leurs membres de devant contre leurs flancs. Cependant les Otaries ou les Phoques k oreilles sont moins empêtrés que les autres; ils ont le cou plus allongé, et leur tête est plus mobile ; leurs pattes leur permettent aussi de marcher un peu, quoique péniblement, et ils peuvent se servir de celles de devant pour relever au dessus du sol la partie antérieure de leur corps , ce que ne sau- raient faire les Phoques de nos régions. Les Phoques ont le cerveau assez volu- mineux et pourvu de nombreuses circon- volutions à la surface de ses hémisphères. Leurs lobes olfactifs sont grêles et ressem- blent à ceux de l'Homme et des Singes. Les Animaux de cet ordre sont tous fort intelligents, et quelques-uns se laissent appri- voiser avec assez de facilité. On a même réussi à conserver pendant plusieurs années, en captivité, des Phoques, particulièrement ceux qu'on avait péchés* dans la Méditerranée ou sur les côtes occidentales de l'Europe; mais il faut avoir soin de tenir à leur disposition de l'eau en quantité suffisante pour leur permettre de nager, et surtout de les nourrir de Poissons qui soient frais et de leur goût. Leur douceur et leur obéissance sont parfois remar- quables; elles contribuent, ainsi que l'élégance des évolutions qu'ils exécutent dans leur bassin , à les rendre véritablement curieux. Aussi en amène-t-on assez souvent dans les ménageries ou dans les foires, et on les y montre toujours avec succès. Leur cri, qui rap- pelle certains mots usités dans toutes les langues, et, en particulier, les syllabes pa-pa, font dire aux gens qui exhibent des Phoques que ces Animaux peuvent apprendre à parler. Les habitudes sociales des Mammifères qui rentrent dans cet Ordre, leur incontestable intelligence et leurs formes bizarres ont de tout temps appelé sur eux l'attention des Hom- mes, aussi les Grecs et les Romains ont-ils imaginé h leur égard un grand nombre de fables. Qu'il nous suffise de rappeler celle qui fait garder par Protée les troupeaux de Neptune. Elle II e PARTIE. 3 ** Tf.rvevu de Phoque Stemmatope, 2/3 de grand. 298 ORDRE DES PHOQUES. repose plus particulièrement sur l'observation imparfaite de ces Mammifères dont les bandes nombreuses se jouent dans certaines eaux, viennent ramper sur les plages désertes ou s'ar- rêtent sur les rochers à fleur d'eau pour y recevoir l'action bienfaisante des rayons solaires. Quelques naturalistes modernes ont pensé que cette fiction pourrait devenir une réalité, et qu'il ne serait pas impossible à l'Homme d'assujettir à sa puissance même ces fugitifs habi- tants de la mer. F. Cuvier, qui a fait des études si sérieuses sur la domesticité des Ani- maux, a écrit à cet égard une phrase que nous ne salirions nous dispenser de reproduire ici. « On peut s'étonner, dit-il en pariant des Phoques, que les peuples pécheurs ne les aient pas dressés à la pêche, comme les peuples chasseurs ont dressé le Chien à la chasse. » Les Phoques sont aujourd'hui moins communs dans la Méditerranée qu'ils ne l'étaient sans doute à l'époque des Grecs et des Romains ; mais il y en a cependant encore en assez grande quantité dans la mer Adriatique, dans les eaux de l'Archipel et sur certains points de la côte d'Afrique. Ils appartiennent à l'espèce type du genre Pelage, qui ne se trouve pas dans l'Océan. Très-rares dans les régions intertropicalcs , les autres Animaux du même ordre de- viennent plus nombreux et plus variés en espèces à mesure qu'on se rapproche davantage des régions polaires; mais, comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire, ils sont diffé- rents pour l'un et l'autre hémisphère. Dans certains parages , ils sont assez nombreux pour qu'on puisse les prendre avec facilité, soit lorsqu'ils nagent, soit lorsqu'ils viennent à terre afin de s'y reposer ou d'y allaiter leurs petits. Leur chasse donne lieu à une branche assez importante de l'industrie maritime à cause de l'huile, des pelleteries, des cuirs et, dans cer- tains cas, de l'ivoire que l'on tire de plusieurs d'entre eux. Les Américains, les Anglais cl ies Scandinaves sont les peuples qui se livrent avec le plus de succès à ce genre de chasse. Nous diviserons les espèces de cet ordre en trois familles, en tenant compte de leurs caractères extérieurs et intérieurs. Ce sont les Morses ou Trichëchidés , les Phoques pro- prement dits ou Phocidés, et les Phoques à oreilles ou les Otaridés. FAMILLE des TRICHËCHIDÉS Le Morse, dont Linné a fait le type de son genre Trichechus, forme, à lui seul, la première famille des Phoques, celle des Trichëchidés. Ses caractères principaux justifient suffisamment cette distinction. Le Morse a la forme générale des autres Phoques; mais sa face est plus courte, son museau est élargi, ses molaires ont une apparence différente des leurs. Dans l'âge adulte, il manque d'incisives inférieures, et il n'en a qu'une seule paire supérieurement. Enfin ses canines supérieures sont fortes, allongées, et elles sortent de Ta bouche comme deux puissantes défenses. Genre MOPiSE (Trichechus, Linné). Quoique les Morses adultes aient pour formule dentaire | incisives , \ canines , et f molaires , on peut , en examinant des Animaux de ce genre, dans un âge moins avancé, leur reconnaître une dentition plus semblable, quant au nombre, à celle que nous verrons chez les Phoques proprement dits, Ainsi, quelques crânes de Morses, conservés depuis assez longtemps dans les collections anatomiques, montrent une seconde paire d'incisives supérieures, placée en dedans de celle que l'on voit le plus habituel- lement, et plus petite qu'elle. Chez des sujets plus jeunes encore, on voit même, à peu de distance de la suture médiane des os incisifs , les deux alvéoles d'une troisième paire de ces dents, ou encore les dents elles-mêmes. En outre, M. Rapp a constaté qu'il y avait aussi dans le premier âge des races de trois paires d'incisives inférieures. Enfin on trouve, en arrière des FAMILLE DES TR1CHÉCHIDÉS. 299 molaires persistantes, supérieurement, l'alvéole d'une cinquième molaire, et, inférieurcment , celle d'une quatrième. La canine inférieure ne diffère guère des dents molaires par sa forme. Celles- ci sont uniradieulées , grosses , mais décroissantes d'arrière en avant et tou- jours émoussées à leur couronne. Le Morse, qui se sert de ses grandes canines pour arracher les herbes ma- rines et racler le sol submergé afin d'y chercher les Crustacés , les Oursins et les autres Animaux invertébrés dont il fait sa nourriture habituelle , trouve aussi dans ces énormes dents une arme puissante qui lui permet de lutter contre ses ennemis. Cet Animal , que les naturalistes nomment M o use C h eval- m a r i n (Trichechns rosmarus, L.)> est très- fort, et il atteint un poids considérable. Sa longueur totale va jusqu'à vingt pieds , et sa circonférence en a dix ou douze au point le plus épais du corps. Il a le poil ras, assez rare et de couleur fauve roussâtre. Il vit dans les régions arctiques, oii il se tient par troupes plus ou moins nombreuses, au milieu des glaces, ou plus ou moins près des rivages. Il est facile de le tuer, et les pêcheurs du Nord en font une'^rando destruction, Cependant lorsqu'on le poursuit au large il faut prendre beaucoup de précautions, car il arrive souvent que toute une troupe de Morses se jette sur les embar- cations, et F équipage de celles-ci court alors grand risque d'être submergé. M»>:i^i . 1, i ^' g'''™' 1 31 o ii s e C h e v A h - 5i \ u i n I 33 tie yraïul . 300 ORDRE DES PHOQUES. Le Morse est la seule espèce qu'on ait décrite dans ce genre remarquable. Ni les Grecs ni les Romains ne l'ont connue , et ce n'est que pendant le moyen âge que les naturalistes de l'Europe centrale ont obtenu des notions un peu certaines à son égard. Voici en quels termes M. Pouchet rappelle, dans son intéressant ouvrage sur Albert-le-Grand et son époque, ce que les naturalistes du moyen âge avaient recueilli au sujet de cette grande espèce de Mammifères : «Ou doit à Albert-le-Grand d'avoir enrichi l'histoire naturelle du Morse de détails peu connus avant lui, et il a en outre contribué à en retrancher quelques erreurs. Chez les peuples du nord de l'Europe, la peau de cet Animal était précieuse pour la navigation; on la coupait en lanières dont on confectionnait des câbles d'une extrême force pour la marine. Il est sou- vent parlé de ceux-ci dans les Sagas Scandinaves parce que l'on s'en servait au moyen âge, soit pour ancrer, soit pour lier étroitement ensemble les frêles bâtiments sur lesquels on com- battait alors. Us avaient une telle renommée que le commerce s'en était étendu jusque sur les marchés de Cologne , et l'on y attachait tant de prix , qu'à cette époque on en faisait parfois hommage aux souverains eux-mêmes. Mais nonobstant l'importance qu'avaient acquise les produits du Morse à l'époque d'Albert, on n'avait encore que de fort étranges notions sur cet Animal. Quoique les Fennes le chassassent, non-seulement pour la confection de leurs câbles, mais encore pour en extraire de l'huile et des défenses, ces hommes, à demi-sauvages, ne l'avaient que fort grossièrement observé. On voit, en effet, dans le périple d'Other, que ses compatriotes prenaient les Morses pour une Raleine velue, et avec des pieds, ce qui les leur avait fait nommer Cetus cquinus. » Dernièrement on a réussi à conduire jusqu'à Londres un Morse vivant, mais il n'y a mal- heureusement vécu que pendant quelques jours. On le nourrissait avec des Crabes. FAMILLE des PHOCIDÉS Les Phocidés ou Phoques ordinaires constituent plusieurs genres qui diffèrent à la fois des Morses, parce que leurs canines supérieures n'ont pas la forme de défenses, et des Otaires, parce qu'ils manquent des oreilles externes ou conques auditives qui caractérisent ces dernières. Il y en a des espèces dans les mers des deux hémisphères; mais, en général, elles sont de genres différents dans l'un et dans l'autre. Toutes ont des dents incisives aux deux mâchoires, quoiqu'elles n'en aient pas toujours le même nombre. Les particularités qu'elles présentent , sous ce rapport, permettent de les diviser en trois tribus qui sont celles des Stemmatopins , des Pélagins, et des Callocéphalins, dénommées chacune d'après l'un de ses principaux genres. TRIBU des STEMMATOPINS Elle se partage en deux genres : les Macrorhines et les Stcmmatopes, qui ont pour caractère commun de ne porter que deux paires de dents incisives à la mâchoire supérieure, et une seu- lement à l'inférieure ; ces Phoques ont les molaires à une seule racine; leurs membranes inter- digitales s'étendent au delà des ongles sous la forme de lobes arrondis : c'est ce dernier carac- tère qu'exprime le nom de Stemmatope imposé par F. Cuvier à l'un de leurs genres. Genre MACRORHINE (Macrorhinus, F. Cuv.). Ce genre, que M. Gray appelle Morunga, repose sur une seule espèce vivant dans les mers australes, ainsi que dans le grand océan Pacifique : c'est V Éléphant marin des navigateurs. Ce nom lui a été donné à cause du FAMILLE DES PHOCIDES. 301 prolongement des narines du mâle qui forment une sorte de petite trompe mobile. Ce Phoque devient très-gros, et comme il varie beaucoup avec l'âge, les naturalistes ont cru quelquefois y reconnaître plusieurs espèces différentes. Ses canines ont leur racine très-forte et très-longue proportionnellement à leur couronne. Le Macroiuiine a trompe (Macrorhinus proboscideus) est à la fois le Phoca leonina de Linné, le Phoca elephantina de Molina et le Phoca proboscidea de Pérou et Lesueur. Il atteint jusqu'à dix mètres. Lent et embarrassé lorsqu'il est à terre, ce Phoque est au contraire très-vif et très-agile dans l'eau. La femelle a pour cri une sorte de mugissement qui rappelle celui du Bœuf; le mâle produit un bruit plus rauque et que l'on a comparé à celui d'un homme qui se gargariserait. La chair de ces Animaux est bonne à manger; leur peau et leur huile peuvent aussi être utilisées. On les prend dans les environs du cap de Bonne-Espérance, sur les côtes de l'Amérique du Sud, et particulièrement sur celles du Chili et de la Patagonie, aux îles Malouines , et dans les parages de la Nouvelle-Hollande ; ils ne sont pas sédentaires. MM. Quoy et Gaimard rapportent que, pendant le naufrage de YUranie (capitaine Freycinet), qui exécutait alors un voyage de circumnavigation, l'équipage s'empara d'un de ces Phoques dont la chair contribua, pendant plusieurs jours, à l'alimentation de cent vingt hommes. GENRE STEMMATOPE (Stemmatopus , F. Cuvier). Les dents sont moins fortes que dans le genre précédent, surtout dans leur partie radiculaire; le crâne a une forme un peu différente et qui est aussi moins variable suivant les âges ; le nez des mâles ne se prolonge pas en trompe, mais il apparaît au-dessus de lui une sorte de grosse ampoule en forme décrète ou de casque, dont le développement est surtout considérable pendant la saison des amours; les molaires ont leur couronne raccourcie, faiblement crénelée sur son bord triturant. MM. Nilsson et Gray nomment ce genre Cystophora, ce qui signifie porte-vessie et fait allu- sion à la caroncule nasale des individus mâles. L'espèce encore unique qu'on y range est souvent appelée Phoque à crête ou Phoque à capuchon. On l'a longtemps confondue avec le Macrorhine sous le nom de Lion marin, et c'est en particulier le Phoca leonina d'O. Fabricius. Cette espèce est maintenant Le Stemmatope a capuchon {Stemmatopus cristatus). Sa longueur totale est de sept ou huit pieds dans l'âge adulte; ses couleurs varient un peu avec l'âge. ~\^f Stemmatope a capuchon, 1/30 de grand. 302 ORDRE DES PHOQUES. On la trouve surtout dans les régions polaires , au Groenland, en Islande et en Norwége; mais elle vient quelquefois jusque sur les côtes de la Grande-Bretagne. En 1843, on a pris, à l'île d'Oleron, un Phoque encore assez jeune qui appartient au Phoque à crête ou tout au moins à une espèce très-voisine, mais certainement du même genre. J'en ai donné la des- cription et la figure dans ma Zoologie française. La figure a été reproduite dans ce livre à la page 295. Le Phoque à crête n'est pas rare sur certains points du littoral des États-Unis. TRIBU des PÉLAGINS On doit y placer, à côté du Phoque moine de la Méditerranée, qui forme le genre Pelage de F. Cuvier, les Phoques des mers australes dont on a fait les genres Sténorhynque, Lobodon, Leptonyx et Ommatophoque. Tous ont pour principal caractère d'avoir deux paires de dents incisives à chaque mâchoire. Nos terrains tertiaires en ont fourni un autre genre , celui des Pristiphoques, dont nous dirons aussi quelques mots. Genre PELAGE (Pelagius, F. Cuv.). L'espèce type de ce genre a les incisives échancrées transversalement ; les molaires au nombre de cinq paires à chaque mâchoire et trilobées à la couronne; mais ces lobes sont surbaissés , sauf celui du milieu, et ils s'effacent plus ou moins avec l'âge; la tête est médiocrement allongée et le crâne a par suite une longueur peu con- sidérable. Le Pé l ag e moin e (Pelagius monachus) , dont Buffon parle sous le nom de Phoque à ventre blanc, et que Hermann a décrit sous celui de Phoca monachus, est la seule espèce de Phoques que nourrisse la Méditerranée. Cet Animal est encore assez commun sur certaines côtes, principalement sur celles qui sont hérissées de rochers à fleur d'eau; il aime aussi les archipels. C'est lui que les anciens ont connu, et il joue un certain rôle dans la mythologie. Aristote, qui en parle au point de vue de l'histoire naturelle, lui donne le nom de Phoque, d'où vient la dénomination actuelle de Phoque, étendue par les naturalistes modernes à tous les Animaux du même ordre. Le Phoque moine atteint jusqu'à deux mètres de longueur. Le genre PRISTIPHOQUE (Pristiphoca, P. Gerv.) a pour type une espèce éteinte , dont on a découvert quelques rares débris dans les sables marins pliocènes de Montpellier. Il tient le milieu par quelques-uns de ses caractères entre les Pelages de la Méditerranée ef les Sténorhynques des mers australes. C'est le seul Phoque fossile auquel il est encore possible d'assigner avec certitude un rang dans la classification naturelle. Genre STÉNORHYNQUE {Stenorhyn- chus, F. Cuv.). Incisives pointues; molaires à trois denticules surélevés , surtout l'intermé- diaire , et nettement séparés ; crâne allongé ; ongles petits , surtout aux membres posté- rieurs. Ces caractères s'observent dans une espèce de Phoque propre aux mers australes , que de Blainville a le premier décrite sous le nom de Phoca leptonyx , et qui est maintenant Le Sténorhynque a petits ongles (Stenorhynchus leptonyx). On la prend au cap Horn, aux îles Malouines, sur les côtes de la Nouvelle-Hollande, dans les parages de la Nouvelle-Zélande , etc. -diié-Mi Dents du Sténorhynque à 1/3 de grand. PETITS ONGUS. FAMILLE DES PHOCIDKS. 303 s, no d<> ffv; Ce Phoque acquiert trois mètres de longueur. GENRE LOBODON {Lobodon , Gray). Il ne diffère guère du précédent que par la forme de ses dents molaires, qui ont, pour la plupart, cinq denticules en tout, un en avant du denticule principal et trois en arrière, ceux-ci superposés les uns aux autres. On n'en connaît également qu'une seule espèce. Le Lobodon carcinophage (Lobodon carcinophaga) , découvert dans les mers aus- trales par l'expédition au pôle sud que commandait Dumont-Durville. MM. Hombron et Jacquinot , qui étaient au nombre des médecins faisant partie de l'expédition , ont publie, il y a plusieurs années, de bonnes figures de ce Phoque sous le nom de carcinophaga. Ils en avaient pris l'espèce sur les glaces entre les îles Sandwich et les Powels, à 150 lieues de chacun de ces deux archipels. Plus récemment, M. Owen a décrit le môme Phoque en l'appelant Sténo- rhynchus serridens, dénominations qui expriment à la fois les affinités des Lobodons avec le genre Stliénorynque et la forme en scie de leurs dents. Genres LEPTONYX et OMMATOPHOQUE (Leptonyx et Ommatophoca, Gray). Les riches collections du Musée britannique, à Londres, renferment des débris de deux autres espèces de Phoques propres aux mers du sud; l'une, qui répond au Léopard marin (Sea Léopard) du navigateur Weddel, est le type du genre Leptonyx, et prend elle-même le nom de Leptonyx Wcddellii; l'autre est Y Ommatophoca Rossiu Les molaires de ces deux genres de Phoques ont la couronne encore moins denticulée que celles du Pelage moine; leur crâne est à peu près aussi raccourci que chez ce dernier, mais la mâchoire inférieure est moins forte. A A Sh A A- MOT, AIRES INFÉRIEURES DE LûBODON, 12 de «rond. 304 ORDRE DES PHOQUES. TRIBU des CALLOCÉPHALINS Presque toutes les espèces de cette tribu appartiennent à la mer polaire arctique et aux régions boréales de l'Océan atlantique. Elles ont constamment trois paires d'incisives supé- rieures et deux paires inférieures. Nous les diviserons en Callocéphales et Halichères. Genre GALLOGÉPHALE {Callocephalus, F. Guvier). Tête subarrondie; dents de grandeur moyenne ; molaires biradiculées , sauf celles de la première paire, découpées à la couronne par plusieurs dents en festons, inégales, de faible dimension, plus nombreuses inférieurement que supérieurement; membrane interdigitale ne dépassant pas les ongles. Ce sont les espèces de Phoques qui atteignent les moindres dimensions, On en connaît plusieurs espèces, toutes propres aux régions boréales, à l'Océan atlantique et à l'Océan glacial arctique. Il y en a une dans la mer Caspienne, et l'on assure que le lac Raikal en nourrit une autre. M. Gray en cite également une aux Antilles, mais elle est encore bien douteuse. Les Phoques de ce genre reçoi- vent souvent le nom de Veaux marins, qui appartient plus particulièrement à l'un d'entre eux. Le Callocéphale Veau-marin (Cal- locephalus vilulinus ou Phoca vitulina de Linné). C'est le Phoque que l'on prend ha- bituellement sur nos côtes de l'Océan et de la Manche. Il a les soies des moustaches ondulées et le pelage gris jaunâtre, passant au brun en dessus. Il y en a des troupes dans la baie de la Somme. D'apïôs M. Nord- mann, la même espèce ou une autre très-voisine existerait dans la mer Noire On prend accidentellement sur nos côtes le Phoque marbré (Phoca discolâr), qui n'est peut-être qu'une variété du précédent, et le Phoque léporin (Phoca leporlna de Lepéehin). M L A I R R S I) U C A L L C K P H A T. F. V E A V 2/3 de grand. IÛ7ÉÈ, Il , ' , ,J l'\$ "^SSL™^ Pi! 001' E V. \ !! !'; ! FAMILLE DES OTARIDÉS. 305 Le Phoque de la Caspienne (Callocephalus caspicus) , sur lequel M. Nilsson a donné de nouveaux détails , était considéré par Pallas comme une simple variété du Veau marin. Parmi les autres espèces du môme genre , nous citerons le G a l l o c é v h a l e g r o e n l a n d a i s (Phoca groënlandica , Mull.) et le Gallocéphale barbu (Phoca barbata. Fabrieius), qui sont des mers du Nord. Une espèce de Phoque regardée comme étant aussi un Gallocéphale vit dans les mers du Japon. Il en est déjà question dans les écrits de Pallas, et récemment M. Schlegel l'a de nouveau décrite. C'est le Phoca nummalaria. GENRE HALIGHÈRE (Halichœrus, Nilsson). Tête renflée à la région frontale; museau élargi; dents assez fortes; les molaires à couronne aiguë et à racine unique, sauf aux deux dernières paires supérieures et à la dernière inférieure. Ce genre pourrait devenir le type d'une tribu distincte. L'H ali chère gris (Halichœrus gryphus , ou le Phoca gryphus d'O. Fabrieius) , est à peu près de la taille du Phoque commun. Il vit dans l'Océan atlantique boréal et ne s'avance pas au delà des côtes de l'Islande. Son crâne ressemble déjà un peu à celui des Otaries. MM. Hornschuch et Schelling admettent trois espèces boréales dans le genre Hilichère, et , suivant M. Peale , il y en aurait une autre dans les mers australes ; c'est son Halichœrus antarcticus. Ges indications ont encore besoin d'être vérifiées, FAMILLE des OTARIDES Les Otaries sont des Phoques pourvus d'une petite oreille externe, tandis que les Morses et les Phocidés sont toujours dépourvus de cet organe. Elles sont, en outre, faciles à distin- guer du reste des Animaux du môme ordre, par leurs poils en général plus fournis; par leurs membres moins empêtrés, ce qui leur permet des mouvements plus faciles, lorsqu'elles sont à terre; par la condition rudimentaire ou par l'absence des ongles; par les prolonge- ments en lanières que forment leurs palmatures au delà des doigts; enfin, par la disposition tout à fait particulière de leur crâne, qui est allongé, rétréci entre les yeux, élargi au chanfrein , raccourci dans la région nasale , et en forme de gouttière prolongée dans sa partie palatine. Leurs dents sont établies sur un modèle assez particulier : il y a f insicives , dont les externes supérieures habituellement caniniformes ; les canines proprement dites sont fortes, et ont leur partie radiculaire très-développée ; les molaires sont uniradiculées , habituellement au nombre de f , et à couronne cuspidée. Les Otaries sont des Animaux ichthyophages, qui s'éloignent peu des côtes, et passent sur les plages plus de temps que les autres espèces du môme ordre. Quoiqu'ils soient moins embarrassés à terre que les Phoques proprement dits ou les Morses, il est cependant facile de les approcher, et c'est en général à coups de bâtons qu'on les abat. Leur peau et leur huile les font également rechercher. Ges Animaux deviennent quelquefois assez grands : il y en a dont la longueur totale est de huit ou dix pieds; d'autres ne sont guère plus gros que nos Phoques de la Manche. Leur famille est essentiellement propre aux mers australes, mais le grand océan Pacifique, qui a les caractères fauniques des régions maritimes australes, en nourrit jusqu'au Japon et à la mer de Berhing. Dans l'océan Atlantique, les Otaries ne dépassent guère les parages du °ap de Bonne-Espérance ou de la Patagonie. Cependant, M. Valenciennes possède le crâne d'un Animal de cette famille , qui a été trouvé sur la plage dans le département des Landes, n e partie, 39 306 ORDRE DES PHOQUES. Ce crâne provient-il d'un individu mort dans les environs et que les courants y auraient apporté ou bien a-t-il été pris dans le sud et rejeté sur nos côtes par quelque navire? C'est ce qu'il a été impossible de décider. On conserve dans les collections de Paris et de Londres , qui sont les plus riches en objets de cette nature, des pièces démontrant l'existence de huit ou dix espèces. Elles ont été rapportées du cap de Bonne-Espérance , des ' côtes de l'Amérique méridionale ou de la Nouvelle-Hollande, et de la mer du Japon. F. Cuvier avait proposé d'en faire deux genres, sous les noms d'Otaries ou Platyrhynques et é'Arctocéphales. GENRE OTARIE (Otaria, Péron; Platyrhynchus , F. Cuv.). Insicives pointues; molaires pourvues d'une saillie épineuse en avant de la pointe principale; région cérébrale assez élevée; museau élargi. L'Otarie a. crinière (Otaria jubata) , appelée aussi Lion marin (Otaria leonina, Péron), a le pelage de couleur fauve , développé en forme de crinière sur les parties antérieures du corps dans le sexe mâle. Dans cette espèce , les mâles sont polygames ; les femelles n'ont qu'un seul petit à chaque portée. Ces Phoques sont indolents; on les dit susceptibles de s'attacher à l'homme; ils fréquentent les grandes plages désertes de l'Amérique méridionale , depuis le Pérou et l'embouchure de la Plata jusqu'au cap Horn. Une des îles situées à l'embouchure de la Plata doit son nom de Lobos à la grande quantité d'Otaries ou Loups de mer qu'on y tue chaque année, prin- cipalement en octobre et en novembre. Les animaux de cette espèce sont plus communs encore sur les côtes de la Patagonie,et on les y voyait, il y a peu d'années, en si grand nombre pres- que partout, que les Américains ayant été obligés de renoncer à poursuivre les espèces du nord qui étaient devenues rares, se dirigèrent en 1821, vers ces parages, et réussirent parfai- tement dans leur nouvelle entreprise. On évalue à quinze ou vingt mille le nombre de peaux d'Otaries qu'un seul de leurs navires, mouillé à l'embouchure du Rio-Négro, put se procurer pendant un séjour de deux mois. Les naturels eux-mêmes qui n'avaient jusqu'alors donné que peu d'attention à ces animaux, se mirent à les poursuivre, et ils contribuèrent à en diminuer l'espèce dans plusieurs localités. En général, les Lions marins vivent par petites troupes, presque toutes composées de femelles. Ces troupes sont conduites par un mâle vigoureux qui dispute leur possession aux autres individus de son sexe. Les mâles moins forts ou plus vieux restent isolés jusqu'à ce qu'ils aient réussi à se procurer un semblable entourage. Ces animaux, comme tous ceux de la même famille, passent beaucoup plus de temps hors de l'eau que les autres Phoques, et quoiqu'ils soient moins empêtrés qu'eux, il est cependant très-facile de les atteindre. On les tue à coup de lances, à coup de barres, ou simplement à coup de bâtons. Leurs peaux sont salées immédiatement, et c'est après les avoir ainsi prépa- rées qu'on les charge sur les navires. L'Otarie de Steller (Otaria Stelteri), sur laquelle MM. Temminck et Schlegel ont publié de nouvelles données dans leur Faune japonaise, appartient, au contraire, aux régions boréales du grand Océan, et on la rencontre depuis les côtes de la Californie jusqu'au Japon. Il paraît qu'elle remonte vers le Sud jusqu'au Chili et au Pérou , et qu'il faut lui réunir les Otaria Chilensis et Lamarii de M. J. Muller. GENRE ARCTOCÉPHALE (Arctocephalus , F. Cuv.). Ce genre, dont le nom veut dire tête d'Ours, comprend des Otaridés qui ont les incisives, sauf les deux externes supérieures, échancrées transversalement à leur couronne, et dont les molaires sont pourvues d'une saillie basilaire en arrière aussi bien qu'en avant; leur tête osseuse a, comme celle des Otaries, une certaine ressemblance avec celle des Ours , mais leur museau est un plus allongé. On en distingue plusieurs espèces, parmi lesquelles nous citerons : L'Arctocéphale Ours marin (Arctocephalus ur sinus ou Phoca ursina, Linné), du Nord do l'Océan Pacifique , et particulièrement du Kamtschatka ; FAMILLE DES OTARIDÉS. 307 L'Arctocéphale des Falkland (Arct. FalcMandicus ou Phoca Falklcmdica deShaw); L'Arctocéphale cendré (Arct. einereus), signalé par Péron et Lesueur sur les côtes de l'Australie, et revu par MM. Quoy et Gaimard; VOtaria piailla, rapporté du Gap par M. de Lalande, en diffère peu. Enfin, ÏAuctocéphale austral (Arct. australis, Quoy et Gaimard), aussi de la Nou- velle-Hollande, ARCTOCÉIMlkLK 0\J1>J MARIN. ORDRE des SIRÉNIDES Animaux mammifères vivant presque exclusivement dans l'eau; ayant le corps à peu près pisci forme et la queue élargie en une forte rame nota, toire, qui diffère, d'ailleurs, de celle des Poissons en ce qu'elle est transversale et qu'elle n'est soutenue par aucune partie dure autre que les os des vertèbres coccijgiennes; les os pelviens rudimentaires et cos- ti formes ; point de membres postérieurs ; les membres antérieurs en forme de rames, servant à la natation ; les mamelles rapprochées des aisselles; point de conques auditives; des dents de deux sortes : incisives et molaires. Les Sirénides vivent habituellement dans les eaux marines, mais on en trouve dans certaines eaux douces; ils sont herbivores, se tien- nent à peu de distance des cotes et dans les endroits où l'eau a peu de profondeur; leurs espèces sont peu nombreuses. La nature actuelle n'en possède que de trois genres. Ce sont les Rytines, les Dugongs et les Lamantins. Un quatrième genre ne réunit que des espèces éteintes. Nous en parlerons sous la dénomination cfHalithérium. Les Mammifères dont nous nous occupons dans ce chapitre, peuvent être cités comme l'un des exemples les plus frappants de l'admirable variété avec laquelle la Nature, tout en restant Mêle aux grandes lois d'unité qui la régissent, a su modifier dans ses détails chacun des principaux types de l'organisation animale, pour arriver à la création des différentes espèces qui peuplent le globe. C'est là ce qui lui a permis de donner à chacune d'elles un ensemble de caractères a la fois approprié aux conditions physiques au sein desquelles elle devait fonction- ner, et au rang qu'elle occupe dans la sério des êtres créés. Comme- les Cétacés les Sirénides ont l'apparence extérieure des Poissons, et ils sont presque aussi complètement aquatiques que ces derniers. C'est dans l'eau qu'ils accomplissent toutes leurs fonctions, celle de la nutrition comme celles de la sensibilité ou de la reproduction, et tout, dans leurs organes profonds, aussi bien que dans les parties les plus superficielles de leur corps, est PoiZT rn Ce 7 d . e , d ' existeilce - Ce P<^»t ** «ont bien éloignés de ressembler aux tassons ven ables et si l'on veut examiner attentivement l'ensemble de leurs particularités, on reconnaît bientôt que ce sont des Mammifères, qu'ils ont les principaux traits distinctifs des Animaux de cette classe, et que leur apparence extérieure, c'est-à-dire leur faciès, les rapproche seule des Posons, tandis que leurs véritables caractères doivent les en faire éloigner Une étude détaillée des organes des Sirénides a même fait penser à de Blainvillo THZTTri- nt , ê ! r ° n "° Cfe à VaU dCS gr0U t ,es dont "«os avens déjà traités; us e ni Tr \' lGS rtUllit e " W SGUl 6t mÔœe ° rdl ' e "oc les Proboscidiens. sous le nom de Gratngrades; ce sont ses Gravigrades aquatiques, tandis que les Probes, o soldions les unes avec les autres ; ORDRE DES S1RÉNIDES. 309 sont ses Gravigrades terrestres. Il y a, en effet, entre eux et les Mammifères à trompe, à peu près les mêmes rapports qu'entre les Phoques et les Carnivores , mais dans l'un comme dans l'autre cas, ces incontestables analogies ne justifient pas suffisamment la réunion dans un même ordre d'Animaux, dont les uns passent leur existence à la surface du sol, et dont les autres sont appropriés à la vie maritime. En effet, la plupart des particularités par lesquels les Phoques et les Sirénides ressemblent aux Carnivores ou aux Proboscidiens ont subi chez eux certaines modifications, qui trahissent une incontestable infériorité des premiers de ces Animaux par rapport aux seconds, et il est facile de constater que, sous presque tous les autres rapports, les Sirénides, qui vivent constamment dans l'eau, sont aussi très-différents des Proboscidiens, et qu'ils s'en éloignent par des caractères fort importants. Le nom de Sirenia, qu'IIJiger a imposé dès 1811 au groupe des Sirénides, rappelle l'opinion émise par plusieurs naturalistes de la renaissance ou plus récents, que les fables imaginées par les anciens au sujet de [leurs Sirènes , reposent sur une notion incomplète de ces Animaux. En effet, quoique les Sirénides manquent à la Méditerranée et aux autres mers qui baignent l'Europe, ils peuvent bien avoir été connus dans l'antiquité, puisqu'il y en a des espèces au Sénégal, dans la mer Rouge et dans la mer des Indes; mais, en réalité, rien dans ces Animaux ne confirme ce que Ton a autrefois écrit au sujet des Sirènes de la Mythologie, et on ne voit ni chez eux , ni chez les espèces d'aucune autre classe , ces associations bizarres de particularités hétérogènes, empruntées par l'ignorance à des êtres si différents les uns des autres, et si arbitrairement associées que dans les Sirènes de la mythologie, ou dans tant d'autres êtres fantastiques que les artistes se plaisent encore, on ne sait trop pourquoi, à reproduire dans leurs compositions. Chez les Animaux, tels que la nature nous les présente, toutes les parties sont en harmonie elles sont toutes dans une corrélation parfaite et elles semblent se commander réciproquement, telle modification importante pré- sentée par l'une d'elles comportant des changements analogues dans toutes les autres. Il en est si bien ainsi, que, dans certains cas, nous pouvons conclura de l'existence de telle particularité à celle de telle autre, et que le plus souvent, nos prévisions se réalisent, Le pied du Bœuf ne saurait se trouver attaché au corps d'un Lion, et la queue d'un Poisson ou les membres d'un Pho- que ont mauvaise grâce et contrarient le goût si on les associe aux formes plus pures et si parfaites qui distinguent l'espèce humaine. De toutes les particularités que présentent les Sirénides, il n'en est peut-être pas une seule qui puisse laisser confondre ces Animaux avec ceux des autres groupes, et toutes sont si bien en rapport, qu'on a peine à les supposer possible ailleurs, bien qu'en réalité les parties qui nous les présentent soient formées des mêmes éléments que chez les autres mammifères. Si l'on ne peut, à l'exemple de Blainville, associer les Sirénides aux Proboscidiens ni aux autres Ongulés , il n'est pas plus con- venable de les réunir aux Morses , comme le voulait Linné , ou aux Cétacés, comme l'a fait G. Cuvier; ce sont bien des Animaux d'un ordre particulier. Les trois groupes qu'ils constituent aujourd'hui, sont assez différents entre eux , pour qu'il soit possible d'en faire autant de tribus séparées ; mais comme ils ne forment qu'un seul genre cha- cun, nous nous bornerons à les étudier dans leurs caractères génériques sans insister sur les principes de leur classification. Genre RYTINE (Rylina, Illiger). Nommé plus récemment Stellère (Stellerus) par C K A N E i) K K V T I N A . 310 ORDRE DES SIRENIDES. G. Cuvier. Il comprend une espèce propre à l'océan Pacifique boréal , qui a pour principaux caractères : son corps allongé, sa queue échancrée; ses nageoires petites et inonguiculées; sa tête également petite, allongée, garnie sur les lèvres de soies en forme de pointes courtes et grossières ; ses mâchoires , qui sont en outre dépourvues de dents , au moins dans l'âge adulte, et sa région incisive garnie de fortes plaques cornées. C'est le Rytine boréal (Rytina borealis ou Stellerus borealis), que Steller a fait connaître en détail dans un Mémoire publié en 1751, parmi ceux de l'Académie de Saint- Pétersbourg. M. Brandt a donné, en 1846, de nouveaux renseignements sur le môme Animal; ils sont insérés dans la même collection. Quelques auteurs disent que cette espèce est mainte- nant anéantie; mais il est très-probable qu'il n'en est point ainsi. Elle est cependant devenue si rare, que les voyageurs n'ont pu s'en procurer aucun exemplaire depuis le voyage de Steller. Le Rytine arrive à 22 ou 24 pieds de long. ïi\ TIN A H Oit, U I- , {/'}() Ut Dents de Dugong jeune, 1/2 deyraud. Genre DUGONG (Halichore, Illiger). Les Dugongs ont le corps moins allongé et la queue moins échancrée; ils manquent également d'ongles, au moins dans l'état sous lequel nous les connaissons ; leur museau est obtus, aplati et garni d'une grande quantité de soies courtes et rudes; leur bouche est presque inférieure, et leur crâne est remarquable par le grand développement des os intermaxillaires , qui sont presque à angle droit avec les maxillaires et la ligne du front. Ils logent une poire de fortes dents inci- sives ayant près de deux décimètres de long, mais dont on ne voit que la pointe, la plus grande partie de ces dents restant cachée dans les alvéoles. La face palatine des os intermaxillaires porte contre une grande plaque cornée qui recouvre la face antérieure de la symphyse , très-grande et très-forte , de la mâ- choire inférieure. Sous cette plaque existent quatre paires d'alvéoles, dont plusieurs, plus particu- lièrement celles d'en bas, logent chacune une dent grêle , qui n'apparaît jamais au dehors. Ces dents incisives sont, aussi bien que celles de la mâchoire supérieure , séparées des molaires par un intervalle considérable. On a constaté la pré- sence de cinq paires de molaires , mais elles n'existent pas simultanément, et dans l'âge adulte, leur nombre est réduit à deux pour chacune des mâchoires. Ces dents sont toutes à une seule racine , et leur fût est plus ou moins en forme de colonne ; les postérieures sont les plus grosses; leur aspect rappelle assez bien celui des molaires de certains Édentés. Le Dugong marin {Halichore Dugung), qui est le Trichecns Dugong des Linnéeus, est S U 11 F A G E M E N T N N I È R E DU flUGONO, la plaque qui la recouvre et deux des dents qu'on y trouve ORDRE DES SIRÉNIDES. 311 souvent regardé comme l'unique espèce de ce genre; il vit principalement dans les mers du -rand archipel indien, depuis Singapoore et Sumatra jusqu'aux Philippines et a la Nouvel e- Guinée. 11 est commun dans le détroit de Torrès, qui sépare cette terre de la Nouvelle- Hollande, et fréquente aussi plusieurs des côtes de cette dernière. On le rencontre encore dans la mer Rouge, et quelques auteurs le considèrent comme étant le Taschasch de 1 Ecriture, dont la peau fut employée à la construction du tabernacle. Les Arabes modernes l'appellent Naaua, ce qui, d'après M, Botta, signifie Charnelle do mer. Suivant M. Rappel, le Dugong de la mer Rouge formerait une espèce différente de celui des Indes, et qu'il le nomme Hahchore tabernacuH M Ehrenberg admet, dans la môme mer, l'existence de deux espèces distinctes de ces Animaux, ce sont ses Halichore Hempn- chii et Lottum. D'après M. Owen , le Dugong de la Nouvelle-Hollande serait aussi d'une espèce à part : Halichore Australie. C'est là ce qui a engagé quelques auteurs à nommer Halichore Indicus, l'espèce qu'on regarde comme particulière à l'ar- chipel indien. Ces espèces supposées de Dugongs diffèrent à peine les unes des autres. Ce sont des Animaux marins qui fréquentent les récifs, ou ils recherchent les plantes marines. On les recherche pour leur peau et à cause de leur chair qui peut servir d'aliment. Les Dugongs sont remarquables entre tous les Mammifères par la conformation de leur cœur dont les deux ventricules ont leur pointe distincte. Dans les ouvrages d'anatomie comparée, on cite avec raison cette particularité comme une preuve que le cœur des Animaux supérieurs résulte lui-même de l'accollement de deux cœurs primitivement distincts, dont l'un sert de centre d'impulsion au sang rouge, tandis que l'autre préside à la circulation du sang noir. GENRE HALÎTHÉR1UM ( Halitherium , Kaup, ou Pugmcodon du même auteur; Halianassa de M. H. de Meyer, et Metaxythcriwn de M. Chris» CRANE PRESQUE ENTIER D'UN HALITÉBIUM, trouvé à Montpellier, u , en effet, le véritable Marsouin. Cette espèce va jusque dans la mer d Azo f fnre NÉOMÉRIS (Neomeris, Gray). Etabli pour une espèce qui ne diffeie guère de id pr Snte "abseL de nageoire dorsa.e. G. Cuvier, qui - f^l^TZ indication la plaçait parmi les Delphinaptères , mais en ajoutant toutefois quelle a île tes dents comprimées du Marsouin, et il l'appelait Delpknm P>™ f; C'est maintenant le Néoméms Phocéno.de (*o»«»4 petit ^ fréquente les parages du cap de Bonne-Espérance, ou il a été découvert par M. D us «; S lui réumï ou tout au moins lui associer génériquement ^ Delplnnaptere mêlas , décrit par M. Temminck, d'après des exemplaires pris dans la mer du Japon. FAMILLE des BALÉNIDÉS Les Baleines proprement dites, qui ont donné leur nom à cette famille, et les 'Rorqual», ,ppSs aTssi fausses Baleines ou Baleines à ventre plissé , à cause des larges nd es en forme T* ^nnetoes ou de plis qui sillonnent longitudinalement la partie inférieure de leur corp n des Ce cl gigantesques, dont les espèces, sans doute plus nombreuses qtfon ne le o at autrefois, sont réparties entre les principales mers. Leurs troupes sont surtou nom ZsesTans les régions polaires et dans quelques parages encore peu fréquente du grand X C'est à que les baleiniers vont aujourd'hui leur donner la chasse. Autrefois on St ces énormes Mammifères dans les mers des régions tempérées de l'Europe auss bien an t ïtd terranéo que sur nos côtes de l'Océan ou sur celles de l'Angleterre, et s'il al "1 teslteurs qui ont écrit sur ce sujet, non-seulement on y prenait ^des Borqua s s'y montrent, en effet, de temps en temps, même de nos jours ; mais on y capturait auss! des Baleines franches, c'est-à-dire des Baleines proprement dites. ™Z Me parle'd'une Baleine de cette espèce qui aurait été prise autrefois ; sur les cotes d la Corse et on lit dans beaucoup d'ouvrages que, jusqu'au xii« siècle, il y en avait assez ,„s le golf de Gascogne pour qu'on en fît régulièrement la pêche Les Basques s y adon- naient avec succès, eue ne fut que plus tard que l'on fut obligé de poursuivre ces Am- 328 ORDRE DES CÉTACÉS. maux sur les côtes de l'Espagne ou dans des parages plus éloignés. Linné dit à propos de son Balœna myslicetus , qui est la Baleine franche : Captura jam Isidori et Vincentii tempore notissima, teste Guilielmo Britone , poeta sœculi duodecimi ; eo tempore ad littora Galliœ lucrosa et vulgata. Divers écrivains rapportent qu'à l'époque de l'invasion des Normands en France, les Baleines se montraient encore en grand nombre dans la Manche. Ce qui se passe ailleurs sous nos yeux, et la nécessité dans laquelle sont aujourd'hui les Baleiniers d'abandonner successivement les lieux où ils péchaient précédemment à me- sure que les Baleines diminuent ou se déplacent , nous fait comprendre comment les pre- miers progrès de la navigation ont dû chasser de la Méditer- ranée et des côtes occidentale^ de l'Europe les grands Cétacés qui y pullulaient autrefois , ou tout au moins en diminuer considérablement le nombre. Cependant ce que les recher- ches des naturalistes modernes nous ont appris au sujet de la distribution géographique des grands Cétacés , nous porte également à supposer que les Baleines que l'on chassait autrefois si près de nous appartenaient plutôt au genre des Rorquals, qui se montre encore dans les mômes eaux, qu'à celui des Ba- leines franches que nous n'y voyons jamais venir, et dont les espèces atlantiques sont confinées dans les régions arctiques ou antarctiques de cette mer. Les anciens historiens, et, après eux, les chroniqueurs du moyen âge, n'apportaient pas dans leurs citations la précision zoologique que la science moderne aurait seule pu leur permettre , et l'on doit croire que , sous des noms qu'on a depuis lors traduits par celui de Baleine, ils ont surtout entendu parler des Rorquals, dont la pèche, sans être aussi productive que celle des Baleines franches, donne cependant de bons résultats. Sans doute aussi ont-ils désigné par le même nom les autres grands Cétacés, tels que les Cachalots, les Hypéroodons , les Ziphius, les Épau- lards, etc., Animaux qui donnent de l'huile comme les Baleines, et que le vulgaire désigne le plus souvent de la même manière lorsqu'il s'en fait quelque capture importante ou quelque échouage, Ainsi que je l'ai fait remarquer ailleurs, c'est probablement dans ce sens collectif, qu'il est dit dans les chroniqueurs qu'on mangeait de la Baleine dans les monastères du littoral ; que les églises de Saint-Bertin et de Saint-Omer prélevaient un droit pour chaque Baleine ; que l'ab- baye de Caen avait la dîme sur les Baleines prises à Dives et l'église de Coutances, sur les langues de Baleines amenées à Merri. De nos jours , la pêche des Baleines véritables a déjà , dans le Nord , beaucoup moins d'importance qu'elle n'en avait il y a cent ans, ces Animaux y devenant de plus en plus rares et s'étant retirés dans les parages glacés du pôle boréal, au delà de l'Islande, au Groenland et jusqu'au Spitzberg. Aussi les armateurs européens et américains ont-ils dirigé leurs expéditions vers le Sud ou dans les régions boréales du grand Océan. La côte ouest d'Afrique, la baie de Lagoa, l'embouchure de la Plata, les côtes de la Patagonie, la Ci» a ne u'cN Fours m lUriiNr, grand, i;at. ; vu m dessus et en dessous. du Mord. FAMILLE DES BALÉNIDÉS. 329 Nouvelle-Hollande, Van Diemen , la Nouvelle-Zélande et les îles Sandwich sont les princi- pales régions dont les baleiniers des deux mondes fréquentent les parages, et, sur certains points, le massacre qu'ils font chaque année de ces Animaux se fait déjà sentir. C'est ainsi que l'ancien armacao de Sainte-Catherine, qui avait été monté pour fondre et recevoir 1 huile de cinq cents Baleines par an, n'en procure plus, dans le môme temps, qu'un nombre infiniment moindre. D'autres établissements ont même dû être abandonnés, et les besoins de la pêche conduisent souvent les baleiniers et les pêcheurs de Cacha- lots ou de Phoques jusque sur les côtes du Japon , ainsi que vers les îles Kourilles et Aloutiennes. Les Baleines et les Rorquals diffèrent des autres Cétacés par plu- sieurs caractères importants. Ces Animaux , dont la taille ne le cède point à celle des plus grands Cachalots, ont la tête volumineuse, mais de forme plus ou moins arquée , et ils ne fournissent point de blanc de Baleine ; leur bouche est très-grande, et l'ouverture en est consi- dérable. On y voit une langue énorme, comme adipeuse, et, de chaque côté de la mâchoire supérieure , est insérée une rangée de corps lamelleux , plus ou moins allongés, de nature cornée, qui fournissent la substance employée dans les arts sous le nom de baleine. Les deux moitiés de la mâchoire inférieure ne sont pas réunis par une sym- physe ; elles n'ont pas de dents apparentes dans l'âge adulte, mais on a constaté que , dans leur très-jeune âge, elles en avaient dont les ru- diments disparaissent bientôt, Etienne Geoffroy et M. Eschricht ont fait à cet égard de curieuses observations. La peau des Balénidés est nue ou du moins elle ne présente que quelques poils fort rares , lesquels n'existent même habituellement que chez les jeunes sujets. Elle est séparée des muscles par une couche plus ou moins épaisse de substance graisseuse qui est l'un des princi- paux produits que l'on cherche à se procurer en chassant ces gigan- tesques Cétacés. Malgré leur immense taille , les Baleines ne se nourrissent que d'Animaux très -petits, mais dont il y a des bancs fort étendus dans les parages qu'elles fréquentent. Ce sont des Mollusques nus, et parti- culièrement des Clios, des Pneumodermes, etc., ou bien de très-petits Crustacés , tels que les Cétochiles , et une foule d'autres êtres fort petits, mais extrêmement nombreux. L'extrême difficulté que présentent la préparation et surtout le transport des Baleines a rendu presque impossible l'étude de leurs différentes espèces; aussi doit-on peu s'étonner que, malgré la grande destruction que l'on en fait chaque année, ces Animaux soient assez incomplètement connus des anatomistes. Cependant, il a été possible d'arriver à quelques résultats précis au moyen d'une étude comparative de leur ostéologie, et M. Van Beneden a constaté que leurs caisses auditives, qui ne sont pas très-rares dans 'les collections et qu'il est facile aux baleiniers de rapporter, peuvent à elles seules fournir de très-bonnes indications. C'est une remarque d'autant plus intéressante qu'elle peut également nous guider pour la distinction des Balénidés fossiles dont certains terrains, tels que le crag, renferment des caisses auditives en assez grand nombre. Plusieurs musées possèdent aussi des crânes ou des squelettes entiers de ces gigantesques Animaux. Les descriptions que Pallas, G. Cuvier, Rudolphi, M. Eschricht et d'autres natura- listes en ont données, ont fait faire des progrès incontestables à la Cétologie. Il y a deux genres parmi les Balénidés , les Baleines véritables et les Rorquals. Genre BALEINE (Balœna). Le nom générique de Baleines est resté aux espèces qui 42 II e PARTIE. Mu onr TMi'mrvnr it dims DE TRÊS-JEl-NE BALEINE. Les dents sont grossies. 330 ORDRE DES CÉTACÉS. ont la tête très-grosse, très-arquée, le dos sans nageoire, les fanons très-grands et le dessous du corps non plissé. Ces Animaux ont une couche de graisse bien plus épaisse que celle des Rorquals et ils sont plus estimés qu'eux; comme ils sont moins agiles, ils sont aussi moins dangereux pour les pêcheurs. On en distingue plusieurs espèces. La Baleine franche {Balœna mysticetus, Linné) vit dans les parties boréales de l'océan Atlantique et dans la mer Glaciale. On en sépare maintenant les espèces suivantes, dont la première est seule bien connue des zoologistes : Baleine australe {B. australis, Klein). G. Cuvier en a donné une bonne description ostéologique, d'après un exemplaire rapporté du cap de Bonne-Espérance par Delalande. — Baleine antarctique {B. antarctica ou antipodarum, Gray), de la Nouvelle-Zélande. — Baleine du Japon (B. Japonica, Lacépède), décrite de nouveau par MM. Temminck et Schlegel sous le nom de B. australis. — Baleine marginée (£. marginata, Gray), de la côte ouest de l'Australie. GENRE RORQUAL {Rorqualus, F. Cuvier) . Les Rorquals, qui répondent aux Baleinoptères de Lacépède, ne sont pas seulement caractérisés par la présence d'une nageoire plus ou moins grande sur le dos et par les rides de la partie inférieure de leur corps ; la brièveté de leurs fanons, la grosseur moindre de leur tête, dont le crâne est moins arqué et plus large, peu- vent, ainsi que divers autres caractères ostéologiques , les faire aisément distinguer des Ba- leines : ils ont, en outre, l'atlas séparé de l'axis, tandis que chez ces dernières ces deux vertè- bres sont soudées entre elles. 1. Il y a des Rorquals qui ont la nageoire dorsale basse et les pectorales très-longues; ce sont les Kyphobaleines de M. Eschricht et les Mégaptères de M. Gray. Nous en avons une espèce dans l'océan Atlantique boréal. C'est le Rorqual képorkak {Rorqualus longimanus) , que Rudolphi a décrit d'après un exemplaire échoué à l'embouchure de la Meuse : c'est encore le Balœna boops d'O. Fabricius, mais point celui de Linné. Cette espèce se tient principalement dans les mers de l'Islande et du Groenland; elle ne se montre qu'accidentellement sur les rivages de l'Europe tempérée. Elle est représentée dans le Sud par le Rorqual du Cap {Rorqualus Poeskop), dont G. Cuvier a décrit le squelette. M. Gray en sépare comme espèces le Megaptera amerîcana des îles Bermudes et le Megap- tera kuzera du Japon. D'après M. Pucheran, il faudrait aussi regarder comme étant une espèce distincte le Ba~ leinoptère noueux de MM. Hombrone et Jacquinot, qu'il appelle Balœnoptera Astrolabiœ. 2. D'autres Rorquals ont les mains ou nageoires pectorales plus courtes et la nageoire du dos plus haute. M. Eschrischt les appelle Ptérobaleines; M. Gray en fait deux genres sous le nom de Baleinoptera et de Physalus. Il y en a aussi plusieurs espèces, mais elles ne sont pas encore nettement caractérisées. La plus connue est le Rorqual rostre {Rorqualus rostratus ou Balœna rostrata de Muller) ; c'est le Balœna musculus de Linné , et , sans doute , le Mysticetus d'Aristote. Des Rorquals de cette espèce échouent de temps en temps sur nos côtes de l'Océan et de la Méditerranée. Voici quelques indications à cet égard : Le crâne du Rorqual de la Méditerranée qui a été représenté par G. Cuvier {Oss. foss., t. V, partie 1, pi. 26, fig. 5), est celui d'un exemplaire échoué, en 1797, à l'île Sainte-Marguerite, vis-à-vis Cannes (Var). — On regarde comme n'en différant pas spécifiquement le Rorqual que la mer jeta, en 1828, sur la côte de Saint- Cyprien (Pyrénées-Orientales), et dont M. Companyo, de Perpignan, a publié la description. Ce Cétacé a été nommé Balœnoptera Aragous, par MM. Farines et Carcassonne; son squelette est conservé au Musée de Lyon. — Un Cétacé de même sorte a été pris dans les madragues de Saint-Tropez (Var), il y a une quinzaine d'années. Ces Rorquals de la Méditerranée sont de l'espèce nommée B. antiquorum par J.-B. Fischer; leur crâne est facile à distinguer de FAMILLE DES RALÉNIDES. 331 celui du Rorqual du Nord par quelques bons caractères; cependant on trouve dans l'Océan des Rorquals qui ne s'en éloignent que peu ou point sous le môme rapport : c'est ce que montrent deux crânes conservés dans les galeries du Muséum de Paris; l'un est celui d'un Cétacé échoué à Rayonne, l'autre est celui d'un Cétacé échoué en face d'Abbeville. M. Van Beneden attribue môme au Rorqualus antiquorum une caisse auditive rapportée d'Islande par MM. Gaimard et E. Robert. On a donné le nom de Jubartes, ou celui de Rorqualus rostratus et aculo rostratus, à d'au- tres Cétacés, peut-être identiques avec les précédents, qui ont été observés plusieurs fois sur nos côtes occidentales , mais dont on n'a pas toujours fait connaître avec assez de détails les caractères ostéologiques. Voici quelques indications à leur égard : Un Rorqual semblable à ceux de la Méditerranée et long de quatre-vingt-six pieds échoua près d'Ostende (Belgique) en 1827, et son squelette fut montré à Paris en 1828; il a été décrit par MM. Van der Linden, Dubar, Van Rréda, etc.— Un autre échoua en août 1829, près de Cayeux (Somme). — Un troisième, à Saint- Valéry ; c'est celui dont a parlé le D. Ravin (Ann. des se. nul., 1826) ; son squelette est au Musée de Rouen. — En janvier 1842, nous accom- pagnâmes M. de Rlainville à Rerg (Pas-de-Calais) pour observer un Rorqual mort que les pécheurs de cette localité avaient rencontré flottant à peu de distance en mer. — En 1845, un autre Cétacé du môme genre a été rejeté sur la côte de Saint-Malo. — Celui dont on voit la peau bourrée dans une des cours du Muséum de Paris échoua auprès du Havre en 1847. — On en cite encore trois autres : un auprès de Nantes, un autre dans la baie de Noirmoutiers, et un troisième sur les côtes de la Charente-Inférieure. M. Lesson a parlé de ce dernier dans le tome XII des actes de la Société linnéenne de Rordeaux. Le Rorqual mineur (Rorqualus minor, Knox et Jardine), qui habite, comme le précé- dent, les mers du Nord, ne paraît pas se montrer sur nos côtes, et on ne l'a pas encore vu plus 'au Sud que sur celles d'Ecosse ou de Hollande. Il ne dépasse pas vingt-cinq ou trente pieds de long. Il a également moins de vertèbres que le Jubarte. Les mers du Sud et celles du Japon nourrissent d'autres espèces de Rorquals à mains moins longues que le Poeskop, mais on n'en possède pas encore la nomenclature exacte. fin . Boi i i do(.i t, 1/13 de grand Chats i TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LA DEUXIÈME PARTIE Pnge ? . ORDRE DES CARNIVORES.... 1 FAMILLE DES URSIDKS 10 Genre Ours ^- — Hyénarctos H — Thalarctos 17 — Prochilus 18 — Hélarctos 1$ — Trémarctos 20 II e partie. Pugos. FAMILLE DES VlVERRIDÉS . . . 21 Tribu des Subursins M- Genre Kinkajou ...... ^. — Panda 23 — Raton . , . , 23 — Coati 25 — Ictide 27 Tribu des Viverrins. 29 43 338 TABLE DES Pages. Genre Cynogale , 29 — Civette 30 — Genette 33 — Linsang 35 — Paradoxure 36 — Paguma 38 — Hémigale 39 — Euplère , . . 40 — Nandinie 41 — Cryptoprocte id. — Bassaris 42 Tribu des Mangustins. * 43 Genre Suricate 44 — Bdëogale id. — Cynictis id. — Mangouste 45 — Athylax. . , 49 — Galidie 50 — Galidictis 50 Famille des Canidés 52 Genre Cynhyène 53 — Canis , , 54 — Renard. 72 — Otocyon 75 Famille des Félidés 76 Genre Félis 78 — Guépard 93 Famile des Hyénidés 95 Genre Hyène id. — Protèle 98 Famille des Mustélidés. ... 100 Tribu des Mélins 101 Genre Blaireau. id. • — Taxidée 103 — Arctonyx 104 — Hëlicte 105 — Mydans id. — Mouffette 106 Tribu des Mustéhns. . . . . . . 108 Genre Glouton , id, — Ratel 109 — Galkiis 110 MATIÈRES. Pages, Genre Marte 111 — Putois 112 — Zorille , 115 — Lyncodon ici. Tribu des Loutrins 116 — Loutre 117 — Lataxie 118 — Leptonix 118 — Aonyx id. — Ptéronure 119 — Enhydre id. ORDRE DES PROBOSCIDJENS. 120 Famille des Éléphantidés. id. Genre Éléphant 128 — Mastodonte 135 — Dinothérium 135 ORDRE DES JUMENTÉS 136 Famille des Équidés 138 Genre Equus 140 Remarques sur les Mulets et les autres Hybrides 151 Famille des Tapiridés 155 Genre Tapir id. — Lophiodon e . . . 160 Famille des Rhinocéridés. id. Genre Rhinocéros 161 Famille des Hyragidés 166 Genre Daman 167 ORDRE DES BISULQUES 169 h SOUS -ORDRE DES RUMI- NANTS 173 Famille des Bovidés 174 Tribu des Bovins ...,., id. Genre Bœuf. id. Tribu des C aprins 187 Genre K entas 188 — Bouquetin id. — Chèvre 189 Tribu des Ovins , . . 190 TABLE DES Pages. Genre Mouflon 191 — Mouton 192 Tribu des Antilopins 197 Genre Alcélaphe. 199 — Connochète id. — ~ Strepsicère 200 — Anoa 201 — Porlax ici. — Tragélaphe id. — Oryx 202 ~ Gazelle 203 — Capricorne 204 — Anlilocapre 205 — Dicranocère id. — Chamois id. — Pantholops 207 — Saïga id. — Céphalophe 208 Famille des Girafidés. , . . . 210 Genre Girafe id. Famille des Cervidés, 212 Genre Renne 213 — Élan 214 — Cerf. 215 — Cervnïe 219 Famille des Moschidés. ... 220 Genre Chevrotain 221 — Tragule 222 — Hyémosque id. Famille des Camélidés 223 Genre Chameau 224 — Lama 229 H. SOUS-ORDRE DES PORCINS 230 Énumération de ses genres éteints . . 230 Genre Hippopotame 231 — Phacochère 234 — Sanglier 235 — Babiroussa . . , . .... 240 -- Pécari . 241 ORDRE DES ÉDENTÉS 243 Famille des Bradypidés. . . 247 MATIERES. 339 Pages. Genre Cholèpe 248 — Bradype 249 Famille des Dasypidés 251 Genre Priodonte 253 — Encouberl id. — Cabassou 254 ■ — Cachicame 254 — Apar 255 -— Chlamyphore id. Famille des Oryctéropidés 256 Genre Oryctérope 257 Famille des Myrmécopha- GIDÉS 258 Genre Myrmêcophage id. — Tamandua 260 — Myrmidon id. FAMILLE DES MAN1DÉS 261 Genre Pangolin 261 ORDRE DES MARSUPIAUX.... 263 {.MARSUPIAUX AUSTRALIENS 266 I. I^es IMiascoloiiics 266 FAMILLE DES Pli ASCOLOM YDÉS 267 Genre Phascolome 267 II. IjCS Syndaetyles 268 FAMILLE DES MACROPODÉS. , id. Genre Kanguroo 270 — Potoroo, 271 Famille des Phalajngidés. . 272 Tribu des Phasgolarctins. . 273 Genre Phascolarcte id. Tribu des P h a l a n g i s t i n s . . . 274 Genre Phalange t\ . id. Tvichosuve 275 ■ — Pseudochire id. — Dromicie id. Tribu des Pétauristins 276 Genre Petauriste id. — Bélidé . .......... id. — Acrobate 211 340 TABLE DES Pages. FAMILLE DES TARSIPÉDIDÉS. 277 Genre Tarsipède id. FAMILLE DES PÉRAMÉLIDÉS. . 278 Genre Chéropus id. — Péragale 279 — Péramèle 279 III. Ijcs Dasyures id. FAMILLE DES D ASYU I1IDÉS . . . 280 Genre Thylacyne . Id. — Sarcophile 281 — Dasyure 282 — Phascogale 283 — Antéchine id. IV. I^es Myriiiécobies 284 Famille des Myrmécobidés id. Genre Myrmëeobie id. II. MARSUPIAUX AMÉRICAINS id. Famille des Didelpiiidés. . 285 Genre Sarigue e . . . id. — Chironecte. . . . < 286 — Micouré 287 — Hëmiure id. ORDRE DES MONOTRÈMES. . . . 288 Famille dbs Éciiidnidés 291 Genre Echidnë id. FAMILLE DES ORNITIïORIIYN- GHIDÉS 292 Genre Ornithorhynque . , . . , id. MAIlIHFÈitES MARINS. ORDRE DES PHOQUES 295 FAMILLE DES TRICHÉCIIIDÉS. 298 Genre Morse id. FAMILLE DES PlIOCIDÉS 300 •Tribu des Stemmatopins. . . . id. Genre Macrorhine id. — Stemmalope 301 MATIERES. Tages. Tribu des Pélagins 302 Genre Pelage. id. — Pristiphoque . . id. — Sténorhynque id. — Lobodon. 303 — leptonyx ....... 303 — Ommatophoque id. Tribu des Callocéphalins.. 304 Genre Çallocéphale id. — Halichère 305 FAMILLE DES OTARIDÉS. . . . . . id. Genre Otarie 306 — Arctocëphale 306 ORDRE DES SIRÉNIDES 308 Genre Rytine . , 309 — Dugong 310 — Ilalithérium 311 — Lamantin 312 ORDRE DES CÉTACÉS.... 314 Famille des Piiysétérides. 315 Genre Cachalot. ,<.....,., 316 — Kogia ....,......,, 317 Famille des Zipiiidés — ... 318 Genre Hyper vodon 318 — Ziphius 319 — Bérardie id. — Dioplodon , 320 — Mcsoplodon 321 Famille des Delphinidés. . id. Tribu des Platanistins . . . . id. Genre Platanisle id. — Inia 322 — Stënodelphis id. Tribu des Delpiiinins. id. Genre Lagénorhynque 323 — Dclphinaptère id. ~~ Tursiops id. — DelpHnorhynque id. — Dauphin 324 TABLE DES MATIERES. Tagos. Tribu des Orcins 325 Genre Orque id. — Globicéphale id. — Grampus 326 — Béluga ■ . ùl. Tribu des Monodontins . . . . id. — Genre Narval id. 341 Pages.' 326 Tribu des Phocénins Genre Pliocène 327 — Ne' orné ris id, FAMILLE DES BALÉNIDÉS id. Genre Baleine id» — Borqual 330 INDEX, 333 K I' A G N E u r. C h i r: x t î n i\ r k h CLASSEMENT DES GRAVURES DE LA DEUXIÈME PARTIE Coloriée. Lion (PL XXIV.), en regard du titre. — Ours des Asturies. (PI. XIII.) • • • • vl Noire. Ours brun 14 — Ours jongleur • * 8 Coloriée. Zibeth. (PL XV.) • 32 — Genette. (PL XVI.). 34 Noire. Chiens de ferme ^ 4 — Lion, Jaguar, Tigre et Antilope ' 6 Coloriée. Lionne du Sénégal. (PL XXX.) . . . : # ' 8 OA Noire. Lionne . • Coloriée. Tigre royal. (PL XX.) 84 Noire. Tigre royal • u l — Tigresse ' • u ' t Coloriée. Panthère d'Afrique. (PL XVIII.) < • «• "*• — Once. (PL XXI.) • 86 — Chat sauvage. (PL XVII.) • M* Noire. Chats domestiques "*• Coloriée. Jaguar. (PL XXII.) • • • - 88 Noire. Jaguar chassant ? ~* — Jaguar et Serpent • • ♦ • *«• *. I. 344 Coloriée. Noire. Coloriée. Noire. Coloriée. Noire. Coloriée. Noire. Coloriée. Noire. Coloriée. Noire. Coloriée. Noire. Coloriée. Noire. Coloriée. Noire. Coloriée. Noire. CLASSEMENT DES GRAVURES. Ocelot. (PL XXIII.) i#4* 90 Hyène rayée d'Asie 96 Hyène rayée d'Algérie 98 Marte zibeline. (PL XIV.) 111 Enhydre 118 Éléphant des Indes ; 128 Cheval anglais. (PL XLV.) 140 Cheval percheron. (PL XLVI.) 142 Cheval limousin. (PL XLVII.) 144 Zèbre 146 Couagga. (PL XXXII.) ici. Dauw. (PL XXXIII.) 148 Hémione. (PL XXXIV.) ici. Tapir. (PL LI.) ', 158 Rhinocéros. (PL XXXI.) 162 Rhinocéros unicorne 1 64 Rison , 176 Taureau et Vache du Cotentin. (PL LVI.) 178 Rœuf et Vache suisses. (PL LVII.) . ici. Duke of Devonshire. (PL LIV.) 180 Océan. (PL LUI.) 182 Moss rose. (PL LV.) 184 Bouquetin du Sinaï. (PL XXXIX.) • 188 Moufflon musmon. (PL XL.) 190 Bélier à grosse queue. (PL LVIII.) 192 Réliers mérinos , 194 Bosélaphe de Derby. (PL XXXVIII.) 200 Antilope des Indes. (PL LX.) 206 Girafe. (PL XLII.) 210 Girafe . 212 Renne. (PL XLIII.) 214 Élan. (PL XXXVII.) ici. Cerf Élaphe ici. Daim. (PL XXXVI.) ici. Axis. (PL XLVIII.) 216 Chevreuil. (PL XLI.) 218 Chameau à deux bosses 224 Lama 228 Lama alpaca. (PL XXXV.) 230 Hippopotame. (PL LU.) 232 Hippopotame .... 234 Sanglier commun 236 Cochon domestique. (PL L.) 238 Kanguroo dorsal. (PL XLIV.) 270 Kanguroo géant ici. Potoroo rat 272 Koala , 273 Phoque , 296 Baleine franche 328 NERAL BOOKBINDING CO. 3 a U.ITY CONTROL MARK 013 6111 ^fiAft^" #0 AJA^ c&£5*t< ^SAH*** H M