ANNALES SCIENCE AGRONOMIQUE FRANÇAISE ET ÉTRANGÈRE Comité de rédaction des Annales. Rédacteur en chef : L. GRANDEAU, directeur de la Station agronomique de l'Est. Secrétaire de la rédaction : H. GRANDEAU, sous-directeur de la Station agronomique de l'Est. U. Gayon, directeur de la Station agronomique de Bordeaux. Guinon, directeur de la Station agro- nomique de Châteauroux. Margottet, recteur de l'Académie de Chambéry. Th. Schlæsing, de l'Institut, professeur à l'Institut national agronomique. E. Risler, directeur de l’Institut na- tional agronomique. A. Girard, de l’Institut, professeur au Conservatoire des arts et métiers. A. Müntz, professeur à l'Institut na- tional agronomique. A. Ronna, membre du Conseil supé- rieur de l'agriculture. Ed. Henry, professeur à l’École na- tionale forestière. E. Reuss, inspecteur des forèts à Alger. Correspondants des Annales pour l'étranger. ALLEMAGNE. L. Ebermayer, professeur à l'Univer- sité de Munich. J. Kônig, directeur de la Station agro- nomique de Münster. Fr. Nobbe, directeur de la Station agronomique de Tharand. Tollens, professeur à l'Université de Gôttingen. ANGLETERRE. R. Warington, chimiste du laboratoire de Rothamsted. Ed. Kinch, professeur de chimie agri- cole au collège royal d'agriculture de Cirencester. BELGIQUE. A. Petermann, directeur de la Station agronomique de Gembloux. CANADA. Dr Q. Trudel, à Ottava. ÉCOSSE. T. Jamieson, directeur de la Station agronomique d'Aberdeen. ESPAGNE ET PORTUGAL. Joâo Motta dâ Prego, à Lisbonne. ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE. E. W. Hilgard, professeur à l'Univer- sité de Berkeley (Californie). HOLLANDE. A. Mayer, directeur de la Station agro- nomique de Wageningen. ITALIE. A. Cossa, professeur de chimie à l'E- cole d'application des ingénieurs, à Turin. NORWÈGE ET SUÈDE. Zetterlund, directeur de la Station agronomique d'Orebro. Dr Al. Atterberg, directeur de la Sta- tion agronomique et d'essais de se- mences de Kalmar. SUISSE. E. Schultze, directeur, du laboratoire ssronnnique de l’École polytech- nique de Zurich. RUSSIE. Thoms, directeur de la Station agro- nomique de Riga. Nora.— Tous Les ouvrages adressés franco à La Rédaction seront annoncés dans Le premier fascicule qui paraîtra après leur arrivée. Il sera, en outre, public s'il y a lieu, une analyse des ouvrages dont La spécialité rentre dans le cadre des Annales (chimie, physique, géologie, minéralogie, physiologie végétale et animale, agriculture, sylviculture, technologie, etc ). Tout ce qui concerne la rédaction des Annales de la Science agronomique francaise el étrangère (manuscrits, épreuves, correspondance, etc.) devra étre adressé franco à M. Henry Grandeau, «docteur ès sciences, secrélaire de la Rédaction, 3, quai Vollaire, à Paris. ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE FRANÇAISE ET EÉTRANGERE ORGANE DES STATIONS AGRONOMIQUES ET DES LABORATOIRES AGRICOLES PUBLIÉES Sous les auspices du Ministère de l'Agriculture PAR OURS LCR AN'D-E AU DIRECTEUR DE LA STATION AGRONOMIQUE DE L'EST PROFESSEUR AU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS INSPECTEUR GÉNÉRAL DES STATIONS AGRONOMIQUES VICE-PRÉSIDENT DE LA SOCIÈTÉ NATIONALE D ENCOURAGEMENT À L'AGRICULTURE MEMBRE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AGRICULTURE DIXIÈME ANNÉE — 1893 Tome I Avec figures dans le texte et deux planches PARES BERGER - LEVRAULT ET C*, LIBRAIRES - ÉDITEURS », rue des Beaux-Arts MÊME MAISON 4 NANCY 1894 ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT PAR L. GRANDEAU et H. BALLACEY SIXIÈME PARTIE EXPÉRIENCES D’ALIMENTATION AVEC UN MÉLANGE DE FÉVEROLE ET DE PAILLE D'AVOINE Les expériences qui font l’objet de ce mémoire ont eu pour but l'étude de la valeur alimentaire de la féverole. Elles continuent la série des essais exéculés antérieurement et qui ont porté d’abord sur la ration « mélange » de la Compagnie, puis sur le foin seul, sur l’avoine seule, sur un mélange d’avoine et de paille d'avoine, enfin sur le mais consommé d’abord avec de la paille d'avoine, puis avec de la paille de blé". On à vu précédemment? que, pour entreprendre avec succès l’étude d’un aliment concentré (grain, tourteau), il est nécessaire de lui adjoindre un fourrage fibreux destiné à éviter la trop grande vacuilé de l'intestin. La paille d'avoine a été l’adjuvant de la féverole dans les expériences présentes. 1. Voir Études expérimentales sur l'alimentation du cheval de trait, 1°, 2°, 3°, 4° et 5° mémoires. (Annales de la Science agron. franc. el élrang., passim.} 2. Voir Études expérimentales sur l'alimentation du cheval de trait, 4° mé- moire. ANN. SCIENCE AGRON. — 1893, — 1, 1 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. [Qt Chevaux d'expérience. Les trois chevaux qui ont servi à ces essais sont entrés au labora- toire le 12 novembre 1889. Ce sont : Cheval n° 1. Age: 10 ans. N° matricule : 34 614, du dépôt Saint-Martin. — n°2, — Sans. — 34464, — Ségur. RTE MT EURE = 990 NN TC PATAGO La santé des chevaux a été bonne pendant Llout le cours des re- cherches, qui ont pu être ainsi exécutées sans interruplion. Toutefois le cheval n° 3 a été atteint de diarrhée persistante pen- dant plusieurs mois. Cet état, dont il ne paraissait nullement souffrir, n’a, d'ailleurs, entravé en rien les essais. En Portugal, où les chevaux sont alimentés presque exclusivement avec de la féverole pendant six mois par an, les excréments correspondant à cette alimentation sont semi-liquides. La persistance de l’état du cheval n° 5 n’a donc rien qui doive étonner. Régime de transition. Les chevaux ont reçu, à leur entrée au laboratoire, une ration composée de 9 kilogr. du mélange distribué quotidiennement dans les dépôts. Le temps qui s’est écoulé du 13 novembre au 1° décembre a été employé à les faire passer de cette alimentation à celle qu'il s'agissait d’expérimenter. Voici comment s’est effectuée cette transition : MOIS DE NOVEMBRE MÉLANGE. FÈVES. PAILLE. « Kilogé. Kilogr. Kilogr. ER ES Er reteo 40 9 » » 1GAUERLS fe 9 0,500 » 19 20e EE Eee 6 1,000 2 PA PR 5 HN Ut € 3 2,000 4 23.21 OS TRE 3 3,000 4 27, 28, 29, 30 » 4,500 6 Bien que cette période ait été assez courte, aucun des chevaux ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 3 n’eut à en souffrir ; tous trois, au contraire, augmentèrent de poids sous l'influence d’une ration trop forte pour le simple entretien. Leurs poids respeclifs étaient, le 1°" décembre 1889, premier jour des expériences : cheval n° 1, 476'6,8 ; cheval n° 2, 475 kilogr. ; cheval n° 3, 461 kilogr. Programme des expériences. Les expériences ont été conduites d’après la marche déjà adoptée pour les recherches antérieures. Eiles ont comporté trois séries ainsi réparties : 1'e série. — Expériences au manège, au pas. — Chaque cheval passe successivement, et pendant un mois, par les alternatives de repos, marche au pas, travail au manège au pas. Cette série a occupé les mois de décembre 1889, janvier et février 1890. 2° série. — Expériences au manège, au trot. — Les chevaux se retrouvent, pendant les mois de mars, avril et mai 1890, dans les mêmes situations que dans la 1"° série; la marche et le travail ont lieu à l’allure au trot. 3° série. — Expériences à la voiture. — Les six derniers mois, de juin à novembre 1890 inclusivement, ont été consacrés aux essais à la voiture. Les chevaux y sont au repos, à l’entrainement ou au travail à la voiture. Voici d’ailleurs le détail des situations de chaque cheval pendant toute la durée des expériences : MANÈGE AU PAS MANÈGE AU TROT. ——— ——— DÉCEMBRE| JANVIER FÉVRIER MARS AVRIL 1889. 1890. 1890. 1890. 1390. Cheval n° 1. .| Repos. Marche, | Travail. | Travail. | Repos. Marche. Cheval n° 2. .| Marche. | Travail. | Repos. Repos. Marche. | Travail. Cheval n° 3. .| Travail. | Repos. Marche. | Marche. | Travail. Repos. SE — — 4 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. VOITURE. JUILLET AOÛT SEPTEMBRE! OCTOBRE |NOVEMBRE 1890. 1890. 1890. 1890. 1390. Cheval n° 1. .|Entrainement.| Travail. Repos. Repos. Repos. Repos. Cheval n° 2. .| Repos. Repos. Repos. Repos. | Entrainement.| Travail. Cheval n° 3. .| Repos. Repos. | Entraînement.| Travail. Repos. Repos. Fixation des rations. En se basant sur les données résultant des expériences précédentes, les rations furent fixées ainsi qu’il suit : : PAILLI FE d'avoine. Kilogr. Kilogr. Repos”... 2-7 2Raton d'entretien nee 4,500 4 1'e série . { Marche. . . . Ration de transport au pas . ,000 4 Travail, . . . Ration de travail au pas . . 6,000 Î Les résultats de ces trois mois ayant montré que la ration d’en- tretien était sensiblement trop forte, elle fut réduite ; la ration de transport au pas était aussi un peu trop élevée ; elle fut conservée pour le transport au trot, et les trois rations devinrent : Rae PAILEE d'avoine. Kilogr. Kilogr. Repos. . . . Ration d'entretien. . . . . 4 À Pere rene . . . Ration de transport au trot . G]  Travail. . . . Ration de travail au trot . . 7 4 Pendant la dernière période les chevaux reçurent : se PAILLE FÈVES davoe. Kilogr. Kilogr. Las Tr Rationientreliens enter 4 4 3° série. . / Entrainement . : : À = , Ration de {ravail . . . . . 8 4 { Travail. . Ces quantités ne furent pas toujours intégralement consommées et ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 5 quelquefois, pour permettre la consommation, des restes des jours précédents, les chevaux ne recevaient qu'une partie de leur ration, mais dans tous les cas on tint rigoureusement compte des quan- tités supprimées, et on trouvera plus loin, au chapitre des rations consommées, les quantilés exactes de féveroles et de paille in- gérées par chacun des chevaux dans les diverses conditions. Résultats généraux. Pa Sans entrer dans le détail des opérations, rappelons que tous les malins à la même heure on prend les poids et les Lempératures des chevaux, en même temps qu’on détermine les quantités exactes de fèces et d'urine émises pendant 24 heures. Chaque cheval reçoit, une heure après les repas, de l’eau en quantité suffisante pour qu'il boive à son gré, mais les quantités d’eau bue sont exactement déterminées. On trouvera dans les tableaux qui suivent les données relatives à l’eau consommée et aux fèces émises par les chevaux. Leurs poids et leurs températures de chaque matin y figurent également. On trouvera dans un autre chapitre les données relatives à l'urine. s TABLEAUX. 6 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL NO 1. REPOS. (Numéro matricule 34 614.) EAU BUE totale PO'DS HATRE du RATURE = ER du con- El Cheval du Décembre l'à7 h. à à 6 h. four- sommée es p.100 | totale | à Th. + du du totale. pas fèc:s. des des du du 1889: matin, | midi. soir. is jour. fèces. | feces, | Matin.| matin, > ss Gr. Gr. Gr. Gr. Gr. Gr. Gr. Gr. Kil. | Degrés " 5 250 7760 | 13010 | 1 159,2 u 12950 | 29.17] 3567 | 476,8] 38 0 " 5 150 6720 | 11870 " n 10 87 26.70| 2902 | 463,5] 37 8 " 11 900 7 040 | 15 940 1 à " 10260 | 28.32| 2906 | 465,3| 37 8 Q 13 060 6 820 | 19 890 " " 11920 | 27.50] 3278 | 467,5] 37 8 " 11050 7 820 18 870 " " 9510 | 24.92] 2370 | 468,7] 33 0 1 400 9 650 9 870 | 20 920 u " 10920 | 25.95| 2834 | 472,0] 37 9 " 8 260 5910 | 14170 1 " 10470 | 25.95| 2717 | 473,5] 37 9 3 050 8 580 7 080 | 18 710 u n 10710 | 25.87] 2771 | 472,6] 37 8 ñ 10 650 4 900 | 15 550 " u 11 27 25.77| 2904 | 470,2| 37 9 " 6 600 9 990 | 16 590 " " 10610 | 28.50] 3024 | 466,4| 37 8 2250 | 11650 4740 | 18620 n n 11440 | 27.45| 3140 | 470,0! 57 9 " 11140 7 590 | 19050 0 " 9 690 | 27.35| 2 650 1 37 9 1 770 6160 | 10020 | 17 950 " u 10 880 | 26.07| 2836 | 472,5| 37 9 H 7 950 8 960 | 16 890 " u 10930 | 26.95| 2869 | 471,7| 38 1 n 10 910 7090 | 18000 n u 11320 | 27.70] 3163 | 471,6! 38 0 Ü 10 530 7590 | 18220 u u 10500 | 27.75| 2914 | 472,1] 37 9 17 " 9 100 8 490 | 17 590 " " 10310 | 28,20! 2907 | 474,2| 38 0 18 2 S00 5 890 | 10150 | 18 840 u " 11450 | 28.85| 3303 | 476,0! 38 0 19 n 11160 5450 | 16610 " " 11070 | 28.35| 313 469,1! 37 9 20 1 590 9 230 5130 | 15 850 " u 10 820 | 27.45] 2970 | 474,0! 37 9 21 " 8 450 8 720 | 17170 " u 10 690 | 28.45| 5041 | 473,0] 58 1 22 980 | 11 600 8 010 | 20 590 " 1 8 690 | 26.607| 2318 | 472,8| 37 9 23 " 8 470 8 330 | 16 800 1 1 10 200 | 27.30| 2735 | 476,0! 35 0 24 " 10 590 4700 | 15 290 1 " 9 690 | 27.30| 2645 | 476,4| 37 9 25 n 12 450 3 840 | 16 290 " " 11 720 | 27.00| 3164 | 472,1| 37 9 26 Ù 7 610 7790 | 15 430 " u 710) 2720510241 475,0] 27 9 27 930 8 740 7 280 | 16950 M " 9 590 | 27.42] 2630 | 477,8| 38 0 | 28 " | 8640! 7060! 15700 | » c 8 350 | 27.37| 29288 | 478,5] 38 0 29 w 5 610 5 140 | 10780 " " 9700 | 27.35| 2653 | 477,4] 38 0 30 620 9 870 5 280 | 15 770 " " 9360 | 28.30| 2647 | 473,5| 55 1 31 () 6 700 | 10360 | 17 060 " " 10630 | 29.07] 3090 | 477,0| 35 0 Moyennes . | » " » [20 162,9] 4159,2| 94 322,4 | 10441 | " |2856,9| 472,7] 37 95 ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 7 ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N0 2. (Numéro matricule 34 464.) MARCHE. AU PAS. io EU EURE are tite POIDS & He Æ vtr, TIRE i #« A re en ÿ Ra des NT LT cheval Fe Décembre INatT he à à6h. four- | somméc pe 100 | totale ÿ bg ar ; F Ê uü 1889. Pre midi. Fe 5 nt De “4 7. ee matin, nan | mm | cames | commen | asc œmmmemeeress | memes | ee ommesmeumes [mcm meme mecs Gr. Gr. Gr. Gr. Gr. Gr. Gr. Gr. Kil. | Degrés 1 " 5480 | 6890! 128370 | 1215,7 n 12 780 | 29.65] 3789 | 475,0! 38 1 2 " 8810 | 7080 | 15890 " u 11620 | 26.12] 3035 | 468,6] 37 8 3 " 5980 | 7480 | 12760 u u 11480 | 27.02| 3102 | 467,8| 37 9 4 n 11920 | 6020| 17950 " " 11180 | 25.05) 3186 | 464,0] 37 9 5 " 8560 | 9330 | 17890 " u 10 660 | 27.52] 2934 | 466,0| 37 9 ô " 5940 | 6960 | 12900 Û u 11510 | 27.35] 3148 | 469,5] 37 5 7 " 11550 | 7820 | 19370 ” " 40190 | 27.52| 2784 | 466,0! 27 9 8 " 11450 | 3040 | 14490 u u 10440 | 25.90) 9704 | 468,4| 37 9 9 " 13230 | 7340 | 20570 u " 11660 | 27.02| 5151 | 467,1] 38 0 10 " 4180 | 7320 | 11500 " " 10 890 | 27.70] 3017 | 471,6] 37 9 11 0 10990 | 4000 | 14990 " " 11290 | 28.90] 39292 | 466,6] 37 8 12 " 8150 | 7650 | 15 800 " 0 10 940 | 27.90! 3 052 RNIESTES 13 " 7950 | 6820 |. 14780 " ” 10530 | 25.52| 2003 | 466,5] 37 9 14 u 9250 | 5830 | 15060 i NBA) 10910 | 27.47] 2997 | 466,2| 37 9 15 0 9150 | 3950 | 13100 " " 10 690 | 29.25] 3127 | 465,6| 38 0 16 " 8990 | 10120 | 19110 " " 10960 | 25.12] 3082 | 464,3] 38 0 | 17 " 8250 | 8270 | 16520 " mn | 10990 | 23.62] 3145 | 468,0] 37 9 ET u 8190 | 9500! 17690 " u 10 980 | 27.05) 2070 | 469,8] 38 1 19 " 5590 | 9580 | 15170 u D 10910 | 28.15] 5071 | 475,9| 37 9 20 " 8180 | 7050 | 15210 “ " 11480 | 27.65| 3174 | 469,6| 37 9 21 " 10 880 | 41 050 | 21910 1 " 10170 | 26.60! 2705 | 469,1| 37 9 22 u 5430 | 9780! 15210 Û " 11450 | 27.55] 3126 | 475,2| 27 9 23 " 4610 | 42970 | 17580 0 " 11440 | 28.30] 3938 | 474,1| 38 0 24 " 6860 | 8740 | 15 600 " Û 11190 | 28.65] 3906 | 475,0] 27 8 25 " 8520 | 6340 | 14 870 u u 11590 | 27.80| 3166 | 473,3| 38 0 L of u 1020 | 14480 | 15570 " u 10200 | 27.87| 9843 | 472,5| 37 9 ET " 1250 | S300| 9650 u " 9650 | 29.25] 9825 | 474,6] 37 8 28 1 r 8040 | 8040 u Û 10280 | 27.90] 2868 | 470,1| 38 1 29 " 14700 | 6720 | 21420 D " 9210 | 27.20! 2597 | 464,8] 38 1 30 " 4980 | 9090! 13370 " " 9 640 | 28.92] 2788 | 472,4] 37 8 31 " 3240 | 68420 | 11660 u Û 9 620 | 28.92| 27855 | 473,5] 38 0 | Moyennes . n Q u 15 419,31 1 215,7] 16 635,0 | 10 S55 g 2964,7|469,77| 37 91 [l ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE, ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N° 3. (Numéro matricule 37 999.) Décembre 1889. EAU BUE TRAVAIL AU PAS. E AU du _— 2 mm — 7 500 14 010 9 980 15 060 14190 8 $20 14 560 14 910 14 890 11 030 13 320 13 410 12 980 13 960 13 590 14 080 13 690 11 700 9 820 15 050 15 080 9 690 10110 14 870 14510 13 200 13 660 11 140 12 570 10 650 11180 à6Gh. du 12 060 10 020 13 670 7 850 8 430 8 040 12 270 6 050 10 220 7 920 13 930 13 950 11 600 13 280 10 540 7 550 13 510 11 470 15 420 13 390 12 850 15 660 14 500 14 490 9 650 14 700 12 760 7 810 12 700 14 760 12 590 four- totale, rage. 21 130 25 260 23 650 23 980 22 620 16 860 31 010 20 960 28 510 29 610 26 420 18 950 27 660 26 460 25 699,3] 1 328,6 EAU totale con- somméc par jour. 27 097,9 POIDS 15 700 12 980 11 880 12 450 13 290 12 740 13 550 12 680 11 510 12 740 13 540 12 190 12 200 13 200 12 470 13 010 11720 12 850 15 960 13 950 11 870 12 960 14 220 14 030 11 610 12 450 11 929 11 980 13 430 12 900 12 830 12 867 MATIÈRE sèche Poips| TEMPÉ- du a NCRe val totale des feces, à 7h. du matin, RATURE du cheval à7h. du 6 1 8 1 0 1 0 0 0 9 0 0 0 0 0 U 0 0 1 1 0 0 0 0 ( 0 (0 1 9 eo LI ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N0 1. = (Numéro matricule 34 614.) Janvier 1890. Moyennes . EAU BUE MARCHE AU PAS. du ————— 11 450 9 670 11210 7 630 10 600 12 920 10 270 10 020 à 6h. four- totale, rage. 13 850 14 770 15 930 22 090 16 050 22 020 21 300 15 200 16 700 19 110 21 800 20 860 18 260 24150 19 300 20 210 15 800 23 410 20 920 18 350 19 680 17270 18 770 25 540 20 0140 23 020 20 870 17 440 15 420 18 240 22 990 19 527,7] 1 321,0 EAU totale con- sommée par 20 848,7 POIDS fèces, 10 200 9 S40 11 250 10 750 10 020 11 660 10 540 11 240 10 080 11 420 9 700 10 819 19 220 9 910 11 610 10 400 11 700 10 340 11 850 10 200 10 950 11 580 9 900 10 600 11 850 9 930 12 740 10 750 10 160 10 600 11 170 10 773 MATIÈRE sèche —_—— p. 100 des fèces. — totale des feces, POIDS du cheval à 7h. du malin. TENPÉ- RATURE du cheval a7h. du malin. Degrés L=] Œ OD'1SO Pr © © © ” 5] 7 6 9 7 9 6 7 9 8 7 4 8 4 74 8 0 1 1 1 2 © 2] CE 10 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. EV : 0 . Te D € TRAVAIL AU PAS. (Numéro matricule 34 464.) EAU MATIÈRE | PorDs| TEMPE- EAU EAU RUE totale POIDS ET du | RATURE É du , des a7h cheval Janvier àTh. à àa6h. four- SOMME p.100 | totale [47% | 37 d du 22 totale. Says pas feces. des des du de 1890. midi. ge. matin. | tin = du con- cheval matin, ir. JOnrE feces. | feces,. Degrés = 18 320 11010 285 2,4| 38 20 100 12 940 | 26.45 42% 38 12 340 = 3 3: 38 11130 : 37 7 610 11150 2 3 79 >| 38 12450 24 11 550 Lu ; 37 12 350 2 11540 | 27.15 72,6| 37 2 550 9 10 160 | 25. 76 37 9 190 11 560 . 32 22 4,5| 37 10 820 )B 12 050 ù 6 790 ë 9 10 570 11310 20 48 11 260 5440 | 1388 2 11 740 4 420 3.8: 9 10 540 4410 10 780 14740 | 73: 22 9 500 11 930 3 ) 9 570 14 710 : 12 350 7 960 Ë 2 10 960 6 500 14 490 11360 3210 9e 17 140 9 460 9 540 6? 23 160 11 780 7 250 11220 3920 | 14 12 440 11310 24 50 10 760 11700 11 860 7 180 : 12 0:0 11 470 55 20 05 10 230 12630 | 44 10 82 10 490 f 6 11550 4620 | 12: 10 180 Ca © D I A Œ à C 1 ne en ne De be © LO = © EAP OD: LIL OT TOR: I al PONS SrS:. Ie D LL L=} OO = x de bn S®S © U © 19 © RO © 1 # © © © 2 1 © @ «1 Moyennes . " 19 029 | 1438,4| 20 467,4 | 11 183 3009 ALIMENTATION ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR a CHEVAL N0 3, (Numéro matricule 37 999.) DU CHEVAL DE TRAIT. 11 L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. REPOS. “LE et FAU’/BUE sub nie POIDS = ‘ere . DR RTS du con- EPA ue Janvier a7h. à a6h four- somméce ce p.100 | totale Ê ar F 1890. Dre LE = Le + jé cet es ER Gr. Gr Gr Gr. Gr. Gr Gr, Gr. 1 1960 | 8650| 4670| 14580 | 1 221,9 u 10 8:0 | 20.55] 2731 2 3810 | 12740| 5150 | 21700 D u 12 840 | 22.10| 2838 3 5110 | 8770 | 14200 | 28 080 " u 15 140 | 15.12] 29289 4 990 | 9170 | 10370 | 20 550 " " 14 140 | 15.67| 9216 5 4170 | 93C0 | 10220 | 23 690 " u 9960 | 15.80! 1 574 6 940 | 13390 | 6210 | 20 540 " u 16170 | 15.80] 2555 7 7670 | 5010 | 13800 | 26 480 " u 16490 | 17.12] 2 823 s 2970 | 8950 | 14200 | 26 120 Û Û 17960 | 15.72| 9 823 2 1150 | 9210 | 13 600 | 23960 " " 16710 | 16.27| 2719 10 1170 | 9690 | 13470 | 24330 " Û 15 630 | 15.45| 2415 11 m 9 700 | 12670 | 22570 n n 17920 | 17.15| 2953 12 " 9 750 | 12740 | 22 490 " " 15 550 | 19.55| 3 040 13 ” 6870 | 14970 | 21 840 Û D 13720 | 15.75| 2161 14 n 7 620 | 13760 | 21 380 " u 11 370 | 17.85| 2030 15 D 8870 | 135:0 | 92410 " " 15 110 | 17.67| 2670 16 =" 6590 | 13000 | 20 490 0 1 13 020 | 17.65| 2298 17 n 12240 | 7000 | 19240 " n 14 550 | 20.67! 3007 18 550 | 10220 | 13290 | 24130 " u 14190 | 47.72] 2514 19 1170 | 7200 | 13380 | 21750 Û u 14020 | 15.67| 2199 20 " 11350 | 14100 | 55430 " D 159250 | 13.80! 2105 21 D 9 660 | 13450 | 23110 u u 15460 | 14.35| 2219 22 1160 | 12200 | 13870 | 27250 " D 16530 | 15.97| 2640 23 290 | 10750 | 12970 | 24110 " u 18980 | 14.17| 2689 24 1400 | 10260 | 15780 | 27 440 u " 16610 | 13.17| 2188 25 670 | 13600 | 13050 | 27 320 " u 18570 | 13.80! 2563 26 1420 | 10770 | 12080 | 24 270 Û " 16820 | 15.27] 2570 27 7710 | 13210 | 41770 | 392 750 u u 19780 | 14.35| 283$ 28 940 | 8220 | 14540 | 23 700 " 0 189260 | 13.87| 2533 29 1610 nu 7700 | 9310 " u 12 350 | 13.40| 1652 30 4630 | 6720| 5860 | 17210 " " 12590 | 11.35| 4429 31 " 10 200 | 11150 | 21350 " u 12680 | 11.80] 1496 Moyennes . n n “| 92 881,9] 1 221,9) 94 103,8 | 154141 " | 2412 POIDS du cheval à 7h. du malin, TEMPÉ- RATURE du cheval à 7h. du matin, Degrés D CL OS ES - 2] CO © © 1 1 D OO 1 © OO OO © © OO © © EE GC 1 1 æ 12 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N9 1, (Numéro matricule 34 614.) TRAVAIL AU PAS, DATES, à 7 h. du matin. Février 1890. Gr. à midi. Gr. 10 050 12 470 10 040 7 650 13 100 9 830 19 250 12 520 12 990 11 670 11 200 9 870 12 530 12 220 12 760 10 560 13 260 12 510 12 530 14220 11 160 11 710 12 950 15 260 12 020 43 750 10 510 14 020 (0 soir, Gr. 14 570 12 030 113560 13 490 7 180 13 890 12 3550 9 570 11 560 13 260 14 220 5 790 13 650 14 160 12 050 15 720 11050 14 590 15 650 15 200 13 540 13 090 11270 11 780 11 470 3 440 14 540 9 240 (1 totale. Gr. 24 420 24 500 21 400 21 140 20 720 25 380 24580 22 090 24 550 24 930 25 420 15 660 28 390 26 380 25 410 24 580 24 310 27 700 28 390 27 440 24 700 24 800 24 290 25 040 23 490 17 190 28 990 23 260 du four- rage. Gr. 24 252,8] 1 420,0 EAU toiale con- sommée par jour. POIDS 3 fèves. Gr. 11 370 12 590 11 780 11 570 11 410 15 670 11 030 12 790 12 440 13 050 11 900 12 760 12 450 12 270 13 350 13 440 11 940 14 440 15 330 11 080 12 420 11 680 12 830 12 170 13 390 12 020 13 730 13 260 12 696 MATIÈRE sèche À p.100 | totale des des feces. | fèces. Gr. 29.27] 3328 27.22] 3497 27.35| 3 222 26.07! 3095 26.97] 3077 22.95| 3487 24.20| 92 880 28.05| 3579 23.90| 3215 25.50] 3199 24.99] 3397 24.39] 3 269- 25.02| 2987 22.92] 3310 22.20] 3403 20.50] 2249 25.17| 3126 24.22] 9 899 25.45] 3965 24.77| 3015 24.40| 3267 27.80] 3342 27.00] 3610 23.65] 34135 nm | 3177 Porps| TEMPÉ- du cheval à 0h: du malin. Kil. 480,5 479,5 480,2 478,9 479,5 480,4 RATURE du cheval à 7 b. du malin, Degrés C5 Let re be © © © © oo co Le © C2 Le 2] to Q2 1 19: © © 1 © Q2 Le 9: ©, SD Sun, © -0. © © ce C2 © © © ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 13 ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N° 2 POS (Numéro matricule 34 464.) FER EAU marière |poins| TEMPÉ- EAU BUE totale POIDS du RATURE nn" — con- ne | CHIC VAL du D F des : cheval Février . à a6h. fouet ES p.100 | totale [a7h li, _ du rage DAS fèces. des des du du = midi, C : malin. soir. Rours feces. malin. | matin, seche 1890. Degrés 11050 | 16920 9 160 | 11070 9510 | 13800 7050 | 14000 7 620 | 11 460 8290 | 14300 10 140 | 14 840 9270 | 11650 5170 | 13290 13520 | 17 670 11980 | 12 870 8640 | 12 620 13930 | 15 690 10 760 | 13 460 10010 | 11450 7990 | 14950 13 620 | 13 630 9 640 | 11190 7410 | 13 870 9 040 | 14770 8260 | 11510 7 440 7 440 5130 | 15200 6 890 | 16 550 4190 | 11500 10250 | 16460 10 860 | 12410 10 700 | 13 410 Moyennes . u 13 502,5| 1244.8| 14 747.3 14 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAI, DE TRAIT. CHEVAL N0 8. (Numéro matricule 37 999.) Février 1890, Moyennes . EAU Gr. 14 520 6 680 9 860 7 920 11 220 8 640 10 430 12 170 11 340 10 200 15 640 11010 12 S20 12 490 12 850 8 490 13 350 14 220 9 060 15 450 11 790 15 070 13 120 14 510 15 420 14370 15 400 15 410 " BUE à 6 b. du soir. 14 340 14 450 13 900 10 110 1% 110 9 960 14 680 14 170 14 110 MARCHE AU PAS. totale. 19 LS La 1 [-2 =] 25 566 1 303,2 EAU totale con- sommée par jour. Gr. 26 869,2 Marière | Porps| TEMPÉ- POIDS Sèche du: | RATURE ARE Cheval du | des a7h | cheval p.100 | totale TIR fèces. des des Fe du , feccs, | feces, | MAUR! matin, Gr Gi. Kil. | Degrés 12980 | 14.35] 1762 | 443,1| 58 2 14960 | 18.35] 2745 | 471,6| 38 0 19 880! 13.95! 2773 | 466,4| 37 9 13 300 | 25.10] 333 460,6| 37 9 45 310°] 16.77] 2567 | 456,1| 38 1 9 000 | 19.00! 1881 | 455,3| 38 0 12910 | 16.80! 2169 | 453,0| &8 0 18060 | 17.80] 3215 | 465,5] 37 8 15 760 | 15.60! 2459 | 463,1| 38 0 16550 | 17.40| 2880 | 461,0! 38 1 16 880 | 13.55| 29287 | 461,5| 37 8 13 860 | 15.80| 2193 | 463,2] 38 0 16930 | 14.60| 2472 | 467,6] 38 2 15510 | 15.50] 2373 | 464,3] 38 2 15240 | 15.15] 2309 | 464,6| 38 1 17 720 | 13.65] 2420 | 465,0] 38 1 17 500 | 14.37] 2515 | 460,2] 38 2 18 350 | 12.77| 2341 16 380 2 16 290 | 14.67] 239 20 530 | 13.60 18 970 | 13.12 16340 | 13.90| 29271 16290 | 13.30! 2 17 000 | 12. 17 400 | 12.87] 22: 21 260 | 12.80| 2566 19910 | 13.32| 2582 16 442 u 2451 | 462,0] 38 09 ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 15 ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. YAL o CRT. ; TRAVAIL AU TROT. {Numéro matricule 34 614.) EAU Marière |poips| TEMPÉ- EAU BUE totale POIDS seche du RATURE — 2 con- ee, cheval du S cheval mmé des 1 à7h ah. | à |a6h. somméc p.100 | totale [#7 lag du du totale, par feces. des des u du malin. midi. soir. Jour. feces. | feces, [Matin | parun. Gr. Gr. Gr, : P, Gr. à . | Degrés co Le] —] 13530 | 10550 | 24 0S0 13 680 11210 | 15720 | 50 460 13 250 10250 | 12560 | 23910 13 000 11310 | S520 | 22100 11 250 6500 | 13500 | 21 020 12 440 11150 | 12210 | 27 010 13 280 15 670 | 14260 | 30 720 16350 14330 | 9120 | 23 460 13 350 12 500 | 14 290 2 11450 13 280 | 11 410 12 420 13 020 | 10 760 : 13 220 14150 | 9280 497 13 710 13 670 | 13 960 £ 11 610 13 770 | 11 160 4 13 050 14 690 | 12150 | © 12 860 11970 | 10 660 ë 10 670 11260 | 13410 4 10 560 10770 | 11 640 3 0: 11 850 12 700 | 12 290 É 11 760 10590 | 9840 11780 13 490 | 11 090 6 11 510 15 640 | 12250 13 740 11020 | 13 880 Ê 12 760 13 420 | 13 250 12 610 10 600 | 13 470 4 13 160 12 090 | 13 220 ! 13 200 15 350 | 11 730 13 530 11 8S0 | 14180 11 590 15 160 | 14560 13 420 12010 | 14530 12 120 9750 | 14750 | 26950 13 000 CR J © © © © © = © © D © = = ] 2 " | 26 587,7] 1474,6| 28 062,3 | 12 662 4,8 464,1 16 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N9 2, ; - HART REPOS. (Numéro matricule 34 464.) EAU MATIÈRE |Porps| TEMPÉ- tolale POIDS du | RATURE du DATES. seche con- À «heval sommée des p. 100 : : cheval totale ET PES feces. des des du feces. | feces, malin, Gr. 5 Kil. | Degrés 11930 | 15 530 10 550 AE 480,7 3 3170 | 10750 10 0x0 | 27. 2 484,0 20 020 11570 | 25.92| 2 486,8 14 660 11 750 .62| 31: 491,2 18 650 \ 15 560 | 25.62| 3 492,6 14 020 12 620 | 25. ; 494,5 14 140 9 410 | 35. 3 490,2 13 790 14 540 | 26.: 3043 | 492,0 12 620 15 010 f 4 | 492,8 21 380 12 850 | 95.9: É 491,4 11 500 12 010 | 26. 5 1° 496,2 11 840 ! 10 050 | 26. 2 6 494,1 15 690 10 400 : ‘ 492,3 5 800 9 370 à 495,4 19 190 11670 | 95° : 486,4 14 560 11 740 S 2920 | 499,5 10 170 ».1° 493,5 10 870 5.75| 2799 | 495,8 11920 | 26.95| 3129 | 490,3 11310 | 22.85] 2584 | 493,5 15 350 .37| 2666 | 495,4 12 570 .65| 2431 | 494,5 14060 | 23.02] 39237 | 498,9 11 490 13 560 | 23. è 502,4 10 310 11 130 SM 2 | 493,1 16 720 10 990 4.62 706 | 494,8 9 560 9990 | 24.15| 29 497,7 13 950 10 270 4,5 ) 496,1 1610 | 11230 è 20 250 9 890 5.21 497,0 u 3 450 3 15 16 530 11310 5.25 490,3 4090 15 550 9 630 ; 26 | 501,8 ho ho ro to Lie] de be D À re + © [= 14 805,2] 1 220,0| 16 125,2 |11428,7 495,1 ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. LT ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N03. à É MARCHE AU TROT. (Numéro matricule 37 999.) EAU MATIÈRE | porps| IBMPÉ- EAU BUE totale POIDS du | RATURÉ con- EN PV A du ; des * cheval sommée p.100 | totale | à Th. à7h. sèche four- pan feces. des des du du Jour. feces. | fèces, | MAN. inatin, Degrés 26 110 ‘ 15 S40 29 880 17 540 27 560 17 480 28 990 17 560 26 860 17 250 29 260 20 690 29 350 19 950 25 680 17 100 35 400 20 790 36 910 20 660 14580 | 37 770 21 510 14400 | 14620 | 39140 20 420 15030 | 14820 | 35410 21 300 15010 | 14410 | 39910 21 930 44160 | 15280 | 37110 21 620 15 0$0 | 14640 | 35450 20 160 142920 | 14980 | 32770 17 850 12 740 | 14480 | 36 500 19 980 12 660 | 15390 | 34540 19 360 14 500 | 10750 | 30 850 20 440 1484 5 2 35 670 18 790 14240 | 15 02 32 410 21 620 14 810 34 800 20 140 11710 | 1475 29 300 19 180 10 190 | 1: 30 080 18 890 11720 | 1: 36 550 19 060 12 160 26 170 17 1460 15 020 ; 40 700 16 650 14 690 31 890 17 290 10 810 31 010 15 070 11 060 o {: 36 350 15 960 19 D = © © 0 1 8 1 l 0 8 9 8 7 9 9 6 8 6 0 8 0 8 S 0 8 1 9 6 32 915,5) 1317,6| 34233,1 | 19 116 1] ANN. SCIENCE AGRON. — 1893, — 1. 13 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N0 1. (Numéro matricule 34 614.) REPOS. EAU MATIÈRE |Porps| TEMPÉ- totale POIDS Seche du RATURE 0 : — | cheval + | es à : sommée p.100 | totale | à 7 hi KR Th Par fices. des des du du ere À ne jour. fèces. | fèces, | MAUR. matin. Gr. Gr. : Gr, : ; Gr. à . |Degrés 4700 | 14630 | 142 53 620 10 180 | 27. 456,6 8 200 560 | 18 760 10 570 -3 461 ,4 7 920 17 310 9 960 | 25.3: 3 463,0 5 530 3 16550 9 960 JE 463,5 19 550 9 820 .3 463,5 16 74 9710 | 26.75| 2597 | 464,3 16 430 10 090 | 26. ; 465,1 16 470 10 460 ; 2852 | 464,3 14 200 10 470 s 2740 | 466,1 15 660 8 500 ; : 465,1 18 900 11 210 ; 2 | 466,5 17 350 11 250 L 4 | 469,1 17 150 10 140 : 469,0 17 670 10 250 ; j 472,6 15 590 10 050 | 26.62 470,5 17 700 11 870 89! 5 469,4 14 740 11950 | 24.45] 2999 | 468,9 15 790 9 190 : 466,7 18 910 12 150 | 24. 467,4 16 360 10 660 : 2 886 | 464,6 18 850 9 980 ; 464,9 13 150 9 380 c 9 469,2 15 310 10 710 .05 469,4 16 350 Û 9 750 .75 469 ,1 16 030 9 850 .d: 514 | 471,5 6250 | 15940 10250 | 25.8: 547 | 473,1 10980 | 16 790 10 000 .34| 2634 | 474,3 7 660 | 14 860 10 100 .: 475,8 7850 | 17 300 10 600 | 25. 475,5 7450 | 15440 9 710 .25 4 475,9 Le] 9 0 9 0 9 9 8 9 0 8 9 0 9 9 6 9 1 9 1 9 8 9 0 0 0 0 8 9 8 eo es Moyennes . " 17 182,6] 1 094,0 5 | 10303 467,8 ERA DRE PR RE 0 ASE ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 19 ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N° 2. ; MARCHE AU TROT. (Numéro matricule 34 464.) EAU MATIÈRE |porps| TEMPE- EAU BUE totale POIDS Seche du RATURE du con- É Us CNE VAL sa i ; es cheva à6h. four- BATMIEE p. 100| totale [à 7h. AUTRE du totale. age por fèces. | des des du in Jour. feces. | feces. | Malin.| tin. © œ LE) " Re CI Gr. Gr. Gr. co co =] 5310 | 9160! 14470 12 610 | 26. 3 554 12010 | 12500 | 24 510 13 080 , 3 617 2780 | 11750 | 14530 11 030 - 3 024 " 14780 | 14780 10 450 : 2 797 13 060 | 10020 | 29 500 12 120 S 3 259 7840 | 9430 | 17270 10 370 : 2 686 9060 | 6080| 154140 11 260 3 063 10 900 | 12770 | 23670 11 730 | 27. 3 187 5360 | 3550 8 910 11 520 | 28. 3 257 11440 | 7530 | 22080 11 410 | 27. 3 157 9070 | 13570 | 22640 11 260 4 3085 9190 | 10420 | 19 610 12 130 | 24. 3 008 7660 | 12410 | 19970 11 550 | 26. 3023 7210 | 12660 | 19 870 11 310 . 3 005 11600 | 10000 | 21 600 11 560 | 25. 2 979 10560 | 14600 | 25 160 12 120 : 3 208 6850 | 14160 | 21 030 11 430 | 27. 3 088 10770 | 11370 | 22 140 12110 5 3 163 6540 | 11680 | 18 220 12 760 | 26. 3 320 9920 | S150 | 18070 10 320 | 26. 2 773 7950 | 12700 | 20 620 12 100 5 3 158 11970 | 74100 | 19070 11590 .25 | 5158 11830 | 8450 | 20 280 11 940 | 27. 3 224 13850 | 9520 12 370 | 25. 3 194 C2 009 (0209 02 O3: (0/7 09) C2 09 @Q “1 © © OO Œ@ J OC © 15010 | 12560 | 25: 10 900 | 27.25 | 2970 10960 | 8710 19 000 | 27.32 | 39278 7950 | 14810 | 2274 11 570 | 96. 3 057 9730 | 14640 | 9244 12 510 | 26. 3295 | 479,0 0 0 1 8 0 1 1 1 8 1 0 7 0 1 0 1 1 1 0 8 9 1 1 1 { 1 7 1 11270 | 14570 | 95 84 11960 | 28. 5417 | 451,4 10 720 | 12350 | 9: 12 280 | 29. 3561 | 481,6 1 je 90 #70 2 11698,3 3145,5| 487,6 < L°21 20 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N9 3. (Numéro matricule 37 999.) TRAVAIL AU TROT. DA'TES, Moyennes . A — 4 650 9 040 2 150 “ EAU BUE 7 090 15 720 14 900 15 030 15 500 14940 15 520 15 530 14 450 15 480 15 220 15 440 15 350 14 760 13 920 14 600 14 810 15 600 15 050 15 300 15 250 15 010 15 940 12 920 14 590 15 640 15 190 à 6h. du soir, 13 900 14 820 11 260 15 210 14 650 9 040 13 810 12 740 15 540 12 950 12 920 15 440 14 640 15 070 15 260 15 700 13 270 13 400 15 200 14 610 15 550 10 920 15 440 15 440 15 270 15 660 15 170 15 660 15 020 15 530 totale. 30 810 32 000 33 280 27 850 51210 51 070 DAS EAU totale du con- four- sommée par Le jour. 1363,0| 35 478,0 POIDS 17 480 17 780 17 610 15 480 14 380 12 690 12 940 15 540 15 520 14 920 15 100 12 280 15 550 12 910 11 010 13 250 15 320 15 650 11310 12 720 15 560 12 200 15 400 10 150 11530 10 450 9 800 12 270 11 950 16 910 13 621 MATIÈRE seche p-100 des feces, totale des fèces. Gr. 19 © Le pois! TEMPÉ- du cheval à 7h, du mat.n, Kil. 467,4 468,7 470,4 467,4 467,1 464,0 RATURS du cheval à 7 h. du matin. Degrés co co 19 > de de D be be © = PO D + © o2 co 19 © ©) © @ © L9 © 19 ce L°2] 19 o3 2 co [°2] — > 19 © > co @ © 19 19 [45] [°] æ © © c2 Le] 2 19 | 3 ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 21 ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N0 1. : MARCHE (Numéro matricule 34614.) AU TROT. Moyennes . 14 370 14 790 14 200 12 690 13 710 14 330 9 980 12 890 13 250 6 330 8 640 15 040 14 240 9 120 15 180 12 140 13 160 14 920 12 310 12 640 14 020 15 140 10 910 8 940 8 470 13 360 12 560 12 870 1" Fawn etes du con- four- sommée des totale. rage. D? fèces. jour. Gr. Gr. Gr. Gr. 20 900 | 1 115,7 u 15 180 92 410 Q " 13 040 18 020 " 1 15 760 26 670 " " 14 580 23 920 0 u 14 450 91 010 u u 16 500 18 270 u u 12 280 25 500 " u 11 860 22410 " u 14 290 19 090 M u 12 930 27 260 n " 12 090 22 640 " " 15 170 19 240 " u 11180 22 290 " u 11 350 22 450 " D 12 180 25 63 " " 11 910 18 990 " " 12 770 28 450 u " 13 640 27 840 " " 13 410 24 520 u " 11 880 24 380 " n 12 810 26 870 " D 15 350 28 580 " 1 12 850 26 970 " " 12 820 22 140 u " 11220 24 710 " u 11 090 15 830 " " 13 750 21 970 " " 12 150 21 890 u " 13 270 22 850 " Ù 13 590 29.290 " Q 11 740 23 105,5] 1 115,7 MATIÈRE |POIDs sèche du OO VAL p.100 | totale à Th. des des fe fèces, | feces, | Matin. Gr Kil. 26.80 3532 | 474,6 25.95| 3293 | 472,9 24.05] 8309 | 473,0 95.97| 5495 | 472,8 24.85| 3591 | 471,0 19.02| 5138 | 469,6 25.70| 3156 | 468,1 95.72| 5050 | 469,6 93.52| 3361 | 473,1 24.65| 3187 | 469,2 24.00| 2902 | 468,0 29.95| 3482 | 470,5 23.35| 2611 | 466,4 27.45] 3114 | 468,5 25.60| 3118 | 469,5 26.75| 3186 | 468,4 26.35| 3365 | 465,5 26.37| 3597 | 463,8 26.47| 3550 | 466,1 26.30! 3124 | 467,9 27.10] 3472 | 467,5 27.95| 3632 | 467,8 27.20| 3503 | 469,9 26.50| 3597 | 467,4 27.70| 3108 | 466,0 27.42| 3041 | 468,7 27.07| 3722 | 469,0 27.50| 3341 | 468,2 27.30] 3623 | 469,8 24.62| 2346 | 471,2 28.87| 3389 | 469,0 TEMPÉ- RATURE du cheval à 7 b. du. matin, C2 Let D © oo V2 (w2] CC D — PE DRAC — TR — EN YA © DT © et EC PT AE — RL =) ©2 1 DIS NSEONES EDR D IONM STONE es Le21 e 22 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N°9 2, (Numéro matricule 34 464.) CRAVATE DATES. EAU MATIÈRE |poros| TÉMPÉ- totale POIDS RATURE con- d a , cheval e I ; es e cheva four- sORmec p.100 | totale à7 h. a7h IE féces. des des du du jour. sèche du rage. feces, | fèces. | Malin. Gr. 7 650 | 14 490 11 980 13 150 | 14 490 1 13 670 14730 | 14260 14 550 14340 | 14560 13 810 12 190 | 14 670 13 210 14 160 15 240 15 600 13630 | 15350 | 33 780 14 030 15 310 | 15620 | 32 880 12 950 14710 | 15370 | 32 960 15 760 12 580 | 11610 | 27 900 15 050 10610 | 14710 | 30 650 13 910 14950 | 143950 | 34 450 14 220 12 490 | 14790 | 34 860 15 550 14790 | 15300 | 31 020 14 710 13240 | 14630 | 28 610 14 420 13710 | 144760 | 324110 13 050 12910 | 13970 | 35330 14 490 5780 | 14170 | 24 370 12 210 13170 | 14660 | 41 850 14 790 10 440 | 15 380 | 925 820 13 110 10170 | 144250 | 34 790 12 110 14 400 | 14750 | 37 140 13 470 14720 | 14990 | 30 530 12 260 15130 | 15120 | 37130 15 810 8 390 | 12 400 | 26 560 9 170 13750 | 14480 | 35480 15 160 45150 | 15160 | 20310 12 500 13 720 9 940 | 23660 10 990 12250 | 10550 | 27 220 13 320 13990 | 144230 | 30 500 13 980 12080 | 14220 | 30 530 14 680 Œ OO 1 OO OÙ d C2 RO de æ © CC © © 1 @ OO CO 19 19 © æ mm © © © YO æ © © @ © © +9 +9 © to > © 1QO æ PO pe be © Le © © © OO 1® OO + 31538 |1318,5| 32 856,5 [13630,9 = ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 23 ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHKVAL N0 3. (Numéro matricule 37 999.) REPOS. EAU MATIÈRE |Porps| TEMPE- FR E ERA EAU BUE ge totale | PoIps che du | RATURE —— du con- à PE ll cheval es ; es 7 cheva COCA "0 VRP RCE fours Jp APM mÉE p.100 | totale [aTh |, du du totale. pen fèces. des des du du midi HAGES ; matin matin. S soir. jour. feces, | fèces, *| matin, Degrés 1210 | 10730 | 11010 | 22 950 n n 6370 | 21.82] 1590 | 460,5| 38 2 2150 | 13550 | 14510 | 30210 " ” 11130 | 22.97] 2479 | 464,6| 38 1 6390 | 14430 | 14460 | 35280 " " 12110 | 18.10] 2192 | 469,3| 38 0 1 1 39230 | 10330 | 12640 | 26 200 " " 13 000 | 14.62] 1901 | 472,4| 38 1350 | 14070 | 12210 | 27 650 " n 13 500 | 15.57| 2102 | 474,0| 38 3060 | 10470 | 14470 | 28 000 " " 15030 | 15. 1 870 7 600 | 44740 | 24210 " m 18130 | 13.65] 2475 | 475,0| 38 : 6 520 9780 | 11650 | 27950 ” " 19 740 | 13.02] 2570 | 476,9] 37 3740 | 11780 | 13160 | 28 680 n u 17580 | 14.92] 2623 | 473,4| 38 11 850 | 10520 | 24500 " " 13750 | 15.07| 2072 | 472,6| 38 14 880 14 880 10 500 14560 14260 | 11710 | 26 760 " " 12980 | 18.70] 2427 | 474,5] 58 13 810 12 890 5 8190 11 540 10 490 13 920 12 800 14 090 6480 7 870 8 800 8 650 4 290 10 320 8 690 10 840 7760 15 050 10 980 15 150 9 860 13 950 15 480 13 310 11 800 11110 13 760 13 680 9130 10 980 7 470 10 460 7130 11560 9 050 10 560 [=] 19 Le] C2 S œ S 1 Le] - Ce] 29 1 1 © © "1 O OO C0 ED 19 © € — e CS = = L2 es o2 24 853,2] 877,4 | 25 370,6 |12790,9 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N0 1. (Numéro matricule 34614.) Moyennes . ELA D du malin, 14 149 11 370 14 760 5 410 5 870 3 560 14 320 à midi, 11970 14 870 8 970 14 440 S 010 15 160 3 140 10 530 15 350 10 570 15 840 12 660 12,210 13 8:0 6210 15 600 S 610 15 510 8 000 14 690 13 000 Gr. 11 350 14 950 11 750 13 110 9 060 14 830 11 430 15 180 7 620 15 730 5 890 15 900 14 680 15 020 14 520 15 450 12 920 15 380 13 230 14 660 10 650 10 750 15 090 7 380 16 150 13 910 15 750 11 790 15 310 8 750 I — à 6 h. du iolale. soir, 28 320 55 410 24 380 29 2S0 28 950 27 750 31 858 VOITURE. AE | EAU totale POIDS du con- four sommée par feces. rage. : Jour. Gr. Gr. Gr. u " 14410 u " 13 560 u " 11 720 " 1 11460 u u 11 390 u u 13 180 " u 10 490 1 D 12 280 u u 13 660 ï ï 9 420 u " 12110 u " 10 660 " " 14 290 u u 12 770 u D 14130 D u 9 200 u D 15 230 “ u 11710 u n 14070 u Ü 15 830 " 1" 13 290 1 1 12 470 u u 10 870 u u 11730 u u 11140 u n 12 130 u " 10 100 MATIÈRE seche —— p. 100 des fèces. (1 totale des feces. 3 091,3 POIDS du cheval à 7 h, du malin. 473,5 TEMPÉ- RATURE du | cheval a7h. du matin. Degrés C2 .* e ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 29 ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N°0 2. REPOS, (Numéro mairicule 34 464.) EAU MATIÈRE |Porns| IEMPÉ- totale POIDS du RATURE du seche du con- eee" cheval A des ae sommée p 100 cheval àa7h. four- totale à 7 h, feces. des des du du malin, ne tolale. ga ES midi. g°- jour. matin. soir. feces. | feces. matin. Gr. Gr. Gr, Gr. Gr. ds Gil. | Degrés 10940 | 25 650 12910 11900 | 25 650 11 680 9 460 | 17190 11 750 12 450 | 21 870 9 860 18 510 11 270 10 560 15 690 10 420 90 710 14 120 17 770 11110 20 360 10 960 12 820 10 960 9 310 10 240 11 720 11 050 8 660 11 490 10 280 11 250 11 420 12 060 10 950 11 060 10 590 11790 | ®:,: | 5154 | 489,8 è 9 489,5 10960! 34 10 200 | 29. 2978 | 488,2 12450! 85: 10 560 | 29.40! 3105 | 486,2 7 920 40 11170 | 29.85] 5354 | 489,9 Moyennes . ' " 15 093,3] 937,2 | 19 030,5 | 41 049 3 050,5| 489,9 26 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N0 3. (Numéro matricule 37 999.) REPOS. MATIÈRE |Poips| TEMPE- EAU E A EAU BUE 3 totale POIDS sèche du RATURE oo du con- d ———— | cheval a 5 es ; heval à à6 h. four- EOMMÉE p.100 | totale | à 7h. Fe du totale fèces. des des du du À midi : ape ; matin : soir feces. | fèces. | matin, RE NRLATCOIITE | CREME | RLES-COMNS CREER ORNE CCE Gr Gr Gr. Gr Gr. Gr. Kil. |Degrés 7 640 | 13610 | 23 460 " 13140 | 19.07] 2506 | 471,7| 38 1 8070 | 12930 | 25 120 " 15240 | 16.62] 2533 | 473,4| 38 1 10 430 | 12540 | 28 920 " 16100 | 18.07] 2909 | 478,7| 38 0 14470 | 11580 | 26 050 " 15 300 | 20.52] 3140 | 473,4] 38 1 6730 | 15510 | 26140 n 15390 | 16.55| 9547 | 475,3| 38 2 8590 | 9300 | 20 740 " 14920 | 18.65| 2783 | 474,4] 38 1 7 450 | 13380 | 29 020 m 13 950 | 17.22| 2402 | 476,3| 38 1 10 270 | 14620 | 25 550 " 13450 | 16.17] 2175 | 472,5] 38 1 10 860 | 12390 | 26 630 " 17 320 | 15.75] 2728 | 475,5| 38 2 13 250 | 11370 | 927 950 " 17510 | 16.10! 2819 | 474,9] 38 1 10 080 | 15170 | 28 510 " 17 620 | 15.60| 9749 | 474,1| 38 1 5 760 | 15610 | 925 380 " 18 680 | 15.60! 2914 | 475,6| 38 1 11850 | 5320 | 22 480 " 19 690 | 15.15] 2983 | 475,2] 38 1 15 180 9070 | 26370 " 17 140 | 15.25] 2614 | 475,5| 38 0 11 990 | 12480 | 28250 " 18 380 | 14.00] 2573 | 477,7] 38 1 16 4 880 | 14520 | 12930 | 32 330 " 20 510 | 14.12| 2S96 | 475,0| 38 1 17 8 090 6 350 | 15040 | 29 460 " 18 060 | 14.87| 2686 | 479,5] 38 0 18 3 960 8 000 | 15390 | 27 350 u 15 800 | 13.60] 24149 | 476,1 38 2 19 2930 | 11 110 | 12310 | 26 550 " 14 690 | 15.87] 2958 | 474,4] 58 3 20 u 12 100 | 15 000 | 27 1400 " 13 600 | 15.25] 2074 | 471,1| 38 3 21 1510 | 11 660 | 43960 | 27 130 " 14 620 | 16.65] 2434 | 474,2] 38 2 11 660 | 15440 | 29 650 " 17930 | 16.20] 2905 | 478,0| 38 15010 | 15010 Q 4280 | 3100 | 31890 " 977) | 15360 | 35610 ” 6490 | 14340 | 25 230 " 12 000 | 15210 | 36 600 u 10 580 | 12210 | 37 370 " 9770 | 14300 | 33890 " 7200 | 4040 | 49200 " 13240 | 16.02] 2121 | 472,7| 38 45 730 | 16.05] 2525 | 481,0] 37 19950 | 14.35] 2863 | 481,0| 38 14240 | 15.75] 2243 | 477,2] 38 20 150 | 15.50! 3123 | 480,0| 38 21190 | 14.65] 310% | 479,5] 38 20 590 | 15.92] 3278 | 485,5| 38 45490 | 15.55] 2409 | 481,9] 38 © © © © = © J à © = es 27 491,3] 882,8 | 28 374,1 | 166541 " |92648,1| 475,6| 38 ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. A ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N° 1. voi E. (Numéro matricule 34 614.) EE EAU MATIÈRE POIDS TEMPÉ- totale POIDS sèche du RATURE du DATES. con- tee Ncheyal i four- sommée des (00 | toal à 7h. cheval du , É Le p. otale à 7h, par fèces. des des du du TÉBÉE matin, jour. fèces. | fèces. matin. Degrés 15480 | 34400 10 800 : 38 10 920 | 34650 13 180 0! 38 15160 | 34320 7 170 : 38 15 170 | 32940 12 420 : 38 15940 | 33 690 13 240 | 22,50! 38 13150 | 33170 12100 | 25.2: 38 15 240 | 97 970 15 110 : 33 12140 | 35 440 12 330 15 090 | 34 960 16 420 10160 | 33 190 12 030 15 120 | 33 960 10 060 10 920 | 37 140 13 9570 15 730 | 37 800 13 500 12540 | 39 980 12 780 15 930 | 36 880 9 020 12 750 | 42 750 12 450 15 690 | 36530 8 270 13350 | 39510 k 11 510 15 690 | 38810 10 250 11210 | 36 830 12 950 15 670 | 35 600 " 9 600 8 680 | 39220 11 690 15 760 | 39 870 9 960 13 870 | 43 360 12 180 15 240 | 34 550 11 720 11870 | 37710 16010 15 120 | 38060 8 070 15 690 | 14060 | 45 320 14 780 15 640 | 15530 | 43 890 15 800 15 250 9190 | 39 860 11 690 16 060 | 15 820 | 40 860 S 170 ” | 37200,6| 1 405,4! 38 604,0 |11897,7 28 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N0 2. J REPOS. (Numéro matricule 34464.) EAU MArTièrEe | Porps| TEMPI- EAU BUE totale POIDS She du | RATURE ILE OPEN LU LORS con- Te que PRG TE a RE , des à 7h | cheval Juiület à 7h. à à 6 h. four- EOMMEE p.100 | totale [#42 |,%, du du toiale. ù par fèces. | des des du du 1890. midi. : rage. jour : matin 3 matin. soir, Jour. fèces. | feces. ‘| matin, Gr. Gr. Gr. Gr. . Fe. il. | Degrés 14950 | 14930 : 38 © 14010 | 14010 14800 | 16 870 6 970 6 970 10220 | 18 390 12 040 | 16 480 14950 | 14950 8 060 8 060 13 190 | 26190 14000 | 14090 13 500 4 9 749 15 570 -07| 2664 17 890 »0 . 2 S86 17 540 4 28: 2 980 16 920 : 2e 2 870 15 180 26, 2 703 23 660 : 2 : 2 986 15 050 23. 2 603 3 040 2 673 2 979 3 939 3 013 9 680 10 620 11 460 4 9 130 9 500 GE ! 11 540 11 650 D 3 10 810 12 890 5 10 190 12810 | 274 12 160 = Op be © D © M | 16514,5| 1 002,0! 17 516,5 |10315,5 ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 29 ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N0 3. (Numéro matricule 37 999.) Here se DR La EAU MATIÈRE |Poips TENPÉ- EAU BUE totale POIDS seche du |RATURE — D RE Re UP ES NAME con- nmdeset. Meheval |: du 4 des : cheval Juillet à7h. à à 6h. four- sommée p.100 | totale |à7 b. à7h du du totale. pa feces. | des des du EUR 1890, matin. Hus soir. a jour. fèces. | fèces, | Malin. | main, es PS, PRE CE | ms a Gr. Gr. Gre Gr. Gr. Gr. Gr. Gr. Kil. | Degrés 1 5 200 7 660 7 680 | 20 540 " “U 15880 | 15.35| 2131 | 474,9] 38 2 2 8 400 6 850 8 850 | 24100 " " 11640 | 18.77] 2179 | 476,0) 38 2 3 500 7 660 | 10160 | 23 120 " " 15 890 | 16.02] 2546 | 479,9! 38 0 4 6 360 9 560 7750 | 25670 " M 17090 | 14.82] 25353 | 481,5| 38 1 ù 5 010 6 570 50:0 | 16920 " u 16750 | 14.67] ,2457 | 479,5| 38 2 ô 8310 | 4510 | 12760 | 25 580 " M 14450 | 15.05] 2175 | 477,0] 38 1 7 11 430 | 15 430 9 220 | 36080 " " 18940 | 14.52] 2750 | 484,5| 38 2 8 b 880 » 140 6530 | 17050 " " 14400 | 16.95] 2340 | 482,5] 38 1 9 7 380 5 990 8180 | 21550 1 u 13 500 | 19.15] 2595 | 481,2| 58 2 10 6 540 6 480 5 290 | 15310 " u 13080 | 924.37] 3188 | 482,0| 38 { 11 8440 | 6750 8960 | 24150 " u 12110 | 93.45] 2840 | 482,9| 38 2 12 7 140 7 700 7 120 | 21960 Q " 10 820 | 93.15! 2505 | 487,6| 38 1 13 670 7 190 7720 | 15 580 1 " 13160 | 23.25| 50735 | 483,0] 38 1 14 6110 | 10 210 8590 | 24910 " " 16 190 | 21.47| 3476 | 485,6| 58 0 #5 9 740 8 160 5 870 | 23770 1 " 19 890 | 22.95| 2949 | 489,5| 38 2 16 10 750 7 630 6 620 | 24380 " " 9450 | 24.05| 2268 | 489,8| 58 2 17 1 690 8 520 5270 | 15480 1 Ù S 940 | 20.10| 1797 | 484,9] 58 2 18 8 160 6 060 9 450 | 23 670 " 1 14 980 | 22.971 2594 | 487,0| 58 1 19 7 270 6 400 9 420 | 25 090 1 LU 13 650 | 17.77| 2496 | 459,6] 37 9 20 4 500 4720 | 10290 | 19510 1 " 16 760 | 16.97| 2844 | 487,4| 38 1 21 8 120 8 570 5 800 | 22490 u “ 16520 | 17.95] 2965 | 486,6! 38 1 99 9 850 | 3900 6350 | 20100 “ " 15 000 | 19.55! 2953 | 486,8| 38 0 23 5 350 7 040 4750 | 17170 1 " 10 620 | 20.85| 2914 | 483,4] 38 1 94 6 520 5 900 5 590 | 18610 " M 11520 | 20.80| 2296 | 482,6| 38 1 95 4 380 7 360 7 660 | 19900 () " 9910 | 26.80| 2656 | 480,5! 38 1 26 5 910 4910 4320 | 15140 "“ " 10 930 | 26.70| 2918 | 482,7| 38 1 er 5 940 4910 4320 | 15140 “ " 111108] 25.52] 2835 | 482,7| 58 1 28 6 600 5 920 6 320 | 15 540 " " 10540 | 24.80! 2614 | 485,4) 58 1 99 5 580 7 040 4750 | 17170 ( u 10 680 | 24.52| 2619 485,5| 58 0 20 6 310 8 960 6 93 29 200 2 " 11 000 | 26.57| 2923 | 454,0| 37 9 31 6 450 8450 8420 | 23350 # u 10 340 | 28.37| 2933 | 484,2| 38 1 Moyennes . w u u |o1o8t,6| 945,4 | 22027,0 [12097,4] “ |2655,9| 480,7] 58 1 De PER EP EEE ER LORS 7 | PR ER RP EE COR ER Ren PE PEER LERTREES ER | 30 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N0 1, REPOS. (Numéro matricule 34 614.) : EAU MATIÈRE TEMPÉ- 2ent EAU BUE * MH. Érétate Seche BATURE Ni 0 du con- ARR AT Er du : cheval Août à Th. à à6h. foue A1) SCORE p. 100 | totale à7h ar 1890. ES CE Co nn ef ET el Ve RATE qu matin. soir. 50 feces. | feces. matin, Gr. Gr. Gr. Gr. Gr. Gr. Degré 1 15 600 | 15100 | 15 180 | 45 880 " " 10 150 38 5 2 6760 | 6790 | 13470 | 27 020 " D 10 700 38 1 3 2070 | 13460 | 12 380 | 27 910 u m 14 420 38 1 4 780 | 11 500 | 10 650 | 23 230 " " 13 260 38 0 5 960 | 12 280 7 910 | 21 150 " " 13 000 1 6 "“ 10 830 | 14 890 | 25 720 " u 11 350 1 7 870 9 180 | 14 420 | 24 470 u " 12 520 0 8 " 7450 | 13020 | 20470 " " 11490 0 9 u 11 470 | 11 360 | 22 830 n " 12 570 0 10 " 6370 | 14640 | 21010 " " 10 600 0 11 1 890 | 11710 7 340 | 20 940 " " 11 340 0 12 " 11 650 | 11 070 | 22720 " " 12 330 1 13 " 8460 | 10650 | 19110 » ' 12 560 0 14 " 6570 | 14310 | 20 880 " u 11 860 1 15 " 14 180 | 12 280 | 26 460 " " 11 820 0 16 u 9 820 | 11 250 | 21 070 " u 11 800 1 17 M 8 360 | 12 420 | 20 780 " u 11 060 0 18 " 5 920 | 15 020 | 20 940 " " 11 920 0 19 Q 9 840 9 540 | 19 380 " " 10 110 0 20 n 9 350 | 12 380 | 21 730 " " 12 060 0 21 " 11000 | 11 490 | 22 490 " " 10 630 S 0 22 u 4300 | 15160 | 19 460 " u 10 620 0 23 " 8950| 6380 | 15 330 " Ü 11 620 0 24 " 6070 | 13840 | 19910 " u 10 980 1 29 Q 8 220 9 090 | 17 310 1 " 12 080 0 26 0 5200 | 12 620 | 17 820 " " 10 390 0 97 u 8100 | g1360 | 9460 " " 11110 0 28 " 7230 | 14010 | 21 240 " " 11 810 1 29 " 5 920 | 12 140 | 18 060 " " 10 580 1 :0 n 4 840 | 10 280 | 15 120 " " 10 750 û 51 " 6100 | 12810 | 18910 " " 10 820 0 Moyennes . “ " " 29 196,8] 982,8 | 23 179,6 |11558,7 ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 31 ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N9 2. REPOS (Numéro matricule 34 464.) EAU MATIÈRE | Porps| TEMPÉ- EU EU totale | pois lache du | RATURE cheval du A — — ——— con- j ——— be Pe be be co oo - S = — ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. | 33 ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N9 1. É REPOS. (Numéro matricule 34 614.) EAU MATIÈRE |Porns| TEMPÉ- totale éche du RATCRE con- du o cheval Septembre | à 7 h. a6h, | SA |" some p.100 | totale [a7h. | des des du du feces. | feces. | Matin. a — | CHEVAl ee Degrés 38 14 180 12 400 1 0 0 0 0 1 1 2 810 10 720 0 11 430 11 100 0 11 620 ; 11 130 1 15 370 ; 10 480 1 15 300 10 680 1 13 940 è 10 970 . 468,5 0 11 860 | 15 750 8 7;0 ; 333 | 467,4 0 13070 | 18790 10 230 .: 467,4 0 14640 | 25 210 12 180 L 25 471,0 0 14 650 | 30 560 13 320 | 24.87 468,9 1 7000! 17350 10 410 | 26. 2766 | 467,8 0 8910 | 17170 11 230 | 26. 2 469,5 1 10480 | 6550 | 17030 9 200 | 25. 1 | 468,3 0 7 840 | 10980 | 18 820 12 550 ë 2 467,9 1 8080 | 9700! 17780 11 720 © 469,9 0 6340 | 11240 | 17 580 11150 | 25.62 469,2 0 6050! 7420 | 13470 9750 5 2834 | 471,5 1 9380 | 7180 | 16560 10 300 Ë 469,7 1 10 220 | 14150 | 24370 11960 : LE 469,4 0 9910 | 10 950 | 23 650 10 720 4 466,5 1 6990 | 8580| 15570 9 260 . 468,3 1 9440 | 8840| 41S 280 10 150 : 469,6 1 6910 | 12090 | 19000 11110 . 22 | 470,5 1 Moyennes . u "| 18 848,8] 4 010,6! 19 858,9 |11071,3 3000,9| 467,8| 38 05 ANN. SCIENCE AGRON. — 1893. — 1. 3 34 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N° 2, (Numéro matricule 34 464.) Septembre 1890. Moyennes . REPOS. EAU BUE EAU du © à7h. matin. à midi, à 6 h. du soir. four- totale, rage. 11 510 9 970 8 030 " 4 000 3 370 3 480 9 000 4 300 10 550 5 290 10 250 2 320 " Gr. 12 860 10 040 6 140 8 850 14 990 13 170 13 680 " 9 260 13 710 14440 13 830 11 500 5 750 11 660 13 110 13 020 4 390 8 750 7 440 15 460 12 270 4930 13 040 6710 11380 9 360 5 590 10 590 12 090 " Gr. Gr. 15 630 14 460 6 900 20 240 14 990 15 980 15 360 13 270 18 590 17 820 14 440 13 830 16310 13 730 21 150 15 110 13 020 15 900 18 720 15 470 13 460 1627 8 300 16 520 15 710 15 680 19 910 11140 20 810 14 410 993,6 15 388,7] 993,6 EAU totale POIDS con- à sommée Se par jour. 9 680 10 880 8 920 9 460 10 910 10 510 11220 10010 9 460 12 300 7 670 8 790 9 580 10 480 11 060 9 990 9 250 10 160 10 730 9 360 11 020 9510 10 440 9 520 10 960 10 160 8 230 10 520 11560 7 900 16 382,3 |10016,5 MATIÈRE sèche ne p.100 des feces. totale des feces. TEMPÉ- RATURE du cheval à7h. du malin. Degrés 37 9 37 38 38 38 38 38 37 37 9 0 0 1 0 0 9 9 9 0 9 0 0 1 1 9 1 Q 1 0 9 1 9 0 9 9 9 0 1 98 ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 30 ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N0 3. (Numéro matricule /37 999.) DATES. Septembre 1890. Moyennes . apon. du matin. 15 860 15 550 7 830 15 480 9 770 8 620 13 690 15 140 9 750 15 660 13 400 15 420 12 650 30 770 33 570 36 010 33 680 26 270 38 950 31 510 32 710 32 620 26 660 32 980 35 620 37 360 26 370 34 440 39 150 31 560 36 340 36 170 30 950 36 890 34 520 30 200 38 190 32 420 36 280 31 230 40 680 32 810 39 160 54 202,3 VOITURE. EAU totale POIDS du con- , des sommée 10 320 10 140 8 500 10 530 11 350 5 950 8 950 6 930 10 710 6 800 9 590 8 280 11 530 7 980 10 000 9 190 9 740 8 630 9 510 9257 MATIÈRE sèche p.100 des totale des fèces. | fèces. POIDS du cheval à7h, du matin. TEMPÉ- RATURE du cheval à7h., du matin, Degrés 38 1 38 1 38 1 38 1 38 2 38 1 38 3 37 9 38 1 1 2 38 12 36 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL.DE TRAIT. CHEVAL N° 1. (Numéro matricule 34 614.) REPOS. EAU MaTière | Porps| TEMPÉ- totale POIDS Peche du RATURE con- té havah [RL sommée Fe p.100 | uotale | à 7h. sen par feces. des des du du t 1890. jour. feces. | fèces. | Matin. | patin. Octobre Gr. Kil. |Degrés 5210 | 9820 | 15030 11 480 | 98.! 471,5| 38 #710| 7270 | 12980 10 550 | 27.6: 471,4| 38 6260 | 10040 | 46 300 10 520 | 29. 470,5| 38 6200 | 6940 | 13140 9 650 | 27. 470,9| 37 39%0-| 11 900 | 15 850 9 860 | 25. 467,1| 38 8440 |‘10 450 | 18 590 11 760 | 25. 168,9] 38 7470 | 12280 | 19 750 11 620 | 25. 469,6| 38 9440 | 8340 | 17 780 19 530 | 96.: 470,9| 38 14610 | 10110 | 94 720 11 840 | 94. 468,7 11490 | 5620 | 17410 13910 | 27.15 475,9 8 790 | 13340 | 92130 13 950 | 27.9: 476,2 10 250 | 10770 | 21 020 11 520 | 98. 477,6 6 600 | 11220 | 17 820 10 610 | 29.32 478,8 7490 | 7580| 15070 12 690 | 29.95 476,8 10440 | 8160 | 18600 19 760 | 27.: 476,4 9930 | 8520 | 18450 19 000 | 26. 476,1 11 040 | 10 850 | 21 890 14530 | 28. 478,4 8010 | 9280 | 17:290 12250 | 26. 480,4 2950 | 8080 | 12330 11 170 | 27. 471,0 11430 | 7950 | 19400 9 350 | 28.5 479,5 6430 | 9440 | 15870 11 410 | 99. 473,1 8790 | S370| 17160 19 870 | 30.72 473,3 1860 | 8070| 12930 | à 10 900 | 31. 470,7 8870 | 7610 | 16480 11 280 | 26.67 469,1 6540 | 7020| 13560 10 820 | 20. 469,4 9760 | 7870 | 17630 10 960 | 28. 468,9 6390 | 9380 | 15770 19 170 | 30.52 473,5 2680 | 7180| 9860 10 770 | 33. 474,4 6090 | 8520 | 14610 11 400 | 29.5 468,3 11 460 | 11450 | 22510 13510 | 29. 471,0 6680 | 11140 | 17820 10 960 | 30.9: 478,3 © © 1 OO CO À ©) © ad [=] he ble ee D ele te le te © OO NI QG OO # CO 19 be Moyennes . u ” |17072,6| 1078 | 18450,6 [11635,5 473,1 ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 37 ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N0 2, VOITURE (Numéro matricule 34 464.) x —— EAU MarTièree |porps| TSMPE- totale POIDS Seche du RATURE d cheval + 1 ; es $ cheva Octobre | à7 b. PPREe p.100 | totale | * fe à7h. du ; A AE des du du fèces, | fèces. | Matin. con- a 1890. malin. 14 630 | 17420 2 500 | 17330 13 550 | 34 640 8240 | 21910 13570 | 21 990 10960 | 16770 14150 | 28710 8 440 | 27 280 13 540 | 15 060 | ° 30 990 9 520 12200 | 7050 | 24020 9 020 11 800 | 14720 | 26 520 9 660 3 620 | 11820 | 25150 9 700 13 500 | 14550 | 31340 11 660 1 13710 | 17 440 9 010 12 970 | 13030 | 36 650 10 520 8970 | 8700 | 24220 9 360 13510 | 13980 | 27490 12 470 9 900 | 9780 | 30 980 10 920 10 170 | 15060 | 25 230 7 860 9360 | 11190 | 33 550 11 540 10 700 | 14870 | 25 570 10 160 10760 | 6430 | 29340 11 150 15 360 | 14690 | 30 050 8 320 10290 | 10850 | 28 410 11 390 10 240 | 14980 | 26 900 10 460 9750 | 10220 | 32 270 12 710 11 800 | 14590 | 26 390 8 180 8720 | S750 | 25 560 9 440 12 660 | 13830 | 26490" 10 480 8480 | 9010! 27790 12 180 10290 | 15140 | 25430 9 190 " n | 26575,1| 1364,0| 27 939,1 | 10 208 38 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N0 3, REPOS. (Numéro matricule 37 999.) As EAU Marrère |pPoips| TEMPi- RADÉBUR totale | PoIps roche du | RATURE PMR AIRERL > PRE du con- ne heaven À ñ des 4 cheval Octobre ah: à 6h, four- PDU p.100 | totale | à7h. a7h du du totale, par feces. des des du Fe 3 rage. : ; matin. Jour feces. | fèces, | Maun. Gr. Gr. x IT. Gr. 11710 | 25 540 9 110 4330 | 14090 6 250 13 600 | 20 920 8 580 11090 | 18 920 8 840 12020 | 15410 9 840 9180 | 17 560 9 960 11 470 | 20450 10 610 6670 | 15550 11 290 13280 | 17 530 8 160 9 300 | 16630 9 320 6570 | 16040 10 800 7570 | 16710’ 11 210 5990 | 16 330 10 250 13 620 2 830 | 16450 9 100 12 030 6180 | 18210 10 210 10 920 9 900 | 20 820 12 190 8 620 | 10 860 | 19 480 13 580 8150 | 12610 | 20 760 13 850 4 920 | 11 580 | 16 500 11 050 8 360 2 700 | 11 060 10 500 10 350 570 | 17 920 10 320 9 410 90 | 18 160 12 150 8 340 | 11920 | 20 260 9 12 780 3160 | 13720 | 16 880 10 730 3890 | 9160 | 13 050 14 070 9 590 8330 | 17 920 11 940 7 090 5 940 | 13 030 11 250 7 410 7080 | 16370 12 640 | 21. GE 470 ,0 8 780 6980 | 15 760 . 12 160 | 29, 26 468,4 9350| 7340 | 16 690 13 980 | 22.45! 31: 469,5 31 12 870 8 250 | 91 120 14 250 | 22.4 468,6 S OO SL mm OO nm © = © = © = D 7 Le Moyennes . u ” |17499,5| 1 006,9! 18 429,4 |10994,2 464,6 — ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 39 ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N0 1. (Numéro matricule 34 464.) REPOS. EAU MATIÈRE | Porps| TEMPE- EAU BURK totale POIDS HA du RATURE con- ane | cheval du cheval Novembre à 6 h. : à7h. du totale, te feces. des des nu du NPaD 4 Jour, feces, | fèces. | MAUR. patin, : des . 7 sommée p.100 | totale àTh. par Degrés 7 530 | 11 190 9 10 270 | 50. ; 5| 37 9 13180 | 8080 | 212 11 110 8850 | 9850 | 18 9 520 9440 | 5900! 153 10 520 9200 | 3760 | 12 10 150 8080 | 9420 11 850 129270 | 9190 | 21460 11 270 9950 | 5450 | 15400 11 970 6 300 | 11680 | 17980 13 250 19 440 | 11530 | 23 970 15 170 4310 | 9590 | 15900 12 150 6790 | 7930 | 14720 13 710 6970 | 9300 | 16270 13 520 11650 | 7760 | 19410 11 900 7650 | 8970 | 16620 13 730 9 010 | 13570 | 22 580 11 180 12 500 22 930 10 950 12 460 10 240 10 070 ÿ 4: 10 890 11 550 9 910 11 780 2, 9 920 10 190 3 10 770 5 890 | 12 5 12 450 12 200 É 12 150 10 140 8 370 9 950 8 930 11 910 9 910 9 360 | 15 880 10 970 D À NI QD NJ A © 1 Moyemes , mn. |17760,7| 1153,2| 18 915,9 111218,7 L 40 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N° 2. (Numéro matricule 34 464.) VORRE PASS EAU BUE Re bre POIDS < an 7 ane sl tes du con- = PRO TE RAM cheva Rent è ; des = : cheval Novembre Là 7 à a6h. four- | sommée p.100 | totale [à7h. |, du du totale. par fèces, des des du du 1890. PE NUE soir. pe jour. feces. | fèces. | Matin. | marin Gr Gr Gr Gr Gr. Gr Gr Gr Kil. |Degrés 1 11 890 | 16 260 9 740 | 31 890 | 1552,9 " 11730 | 29,45] 3454 | 474,5| 37 9 2 1 13 550 | 12 750 | 96 280 " " 7960 | 29.32] 9334 | 475,9 1 3 10 090 9 100 9 970 | 29 160 " " 114910 | 30.00! 3573 | 477,1 " 4 1 13 090 | 14400 | 27 490 " " 11410 | 27.77| 3169 | 476,6] 38 0 5 11340 | 10 150 9 320 | 30 810 n " 10580! 28.57| 3023 | 472,6| 38 0 6 5 569 | 12110 | 13360 | 31 030 1 “ 11570 | 29.05| 3361 | 479,6| 38 0 1( 15 350 | 10 320 | 10 150 | 33 800 Ÿ # 12 030 | 28.47| 34925 | 474,1| 38 0 8 5 460 | 11990 | 15550 | 33 000 u # 11160 | 28.57| 3188 | 478,5| 38 0 9 12 680 7860 | 12470 | 23010 1 “ 11100 | 29.62| 3 288 278,6 37 9 10 1 13 570 | 13 480 | 27050 1 # 9360 | 30.67| 2871 | 471,8] 37 9 11 3 680 7 460 | 12 210 | 22 750 u “ 11 940 | 25.17| 3005 | 472,4| 58 0 12 3 890 | 12 770 | 14 820 | 31 480 " # 11590 | 27.90] 3934 | 476,5] 38 0 13 13 570 9 940 | 11850 | 35 360 “ 1 13 670 | 23.95] 39274 | 473,1| 37 9 14 n 14 670 | 13550 | 28 220 “ F 9980 | 24.70! 2465 | 472,0| 37 9 15 14 510 2 120 | 14380 | 31010 u “ 11 100 | 25.97| 92883 | 474,2| 37 9 16 10 890 | 14 710 | 15210 | 40 810 " " 10 100 | 25.97| 2583 | 474,3] 37 8 17 12 550 | 11510 | 12700 | 36 760 # u 12900 | 24.40] 3148 | 469,6] 37 9 °l,48 2 990 | 14420 | 15 040 | 32 450 " “ 14 110 | 28.12] 3124 | 472,0] 37 8 19 10 910 | 10 190 | 12880 | 33 980 u “ 11260 | 26.20| 2950 | 465,0| 37 9 20 > 860 | 13990 | 14120 | 33970 " " 11350 | 26.17] 297 473,9] 38 0 21 11 890 | 10180 | 11050 | 33 120 " " 12330 | 25.67! 3165 | 465,4] 37 9 22 690 | 14 890 | 14490 | 30 070 Q “ 10340 | 27.15| 2807 | 465,8| 37 9 23 15 980 | 11 300 | 11210 | 36490 " " 10610 | 26.92! 2556 | 465,5| 37 9 24 4210 | 15 410 | 15210 | 34 830 1 " 10 670 | 27.80| 2966 | 468,0] 37 9 25 11 590 7430 | 10 140 | 29 460 1 1 10 650 | 26.47| 2819 | 467,0| 37 8 26 4540 | 13020 | 15270 | 32 830 Ÿ " 12 900 | 27.32] 3524 | 468,5| 37 9 27 13 080 7210 | 10190 | 30 480 1 u 11140 | 29.50] 3286 | 467,3| 37 8 28 3 280 9210 | 14600 | 27 090 " “ 11430 | 25.37] 3248 | 469,6] 37 8 29 10 780 9 980 9170 | 29 930 " " 11650 | 29.47] 3433 | 464,6| 37 8 30 1 14 400 | 14370 | 28 770 " # 10290 | 28.22] 2904 | 464,7| 37 9 Moyennes . " u n 31 446 | 1552,9| 32 998,9 | 11 194 mn | 3077,5| 471,5] 37 9 ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 41 ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR L'ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL N0 8. (Numéro matricule 37 999.) REPOS, EAU MATIÈRE POIDs| TEMPE- EAU BUE e totale | Porps sèche du | RATURE "TE —_— 2 con- re —, cheval du ; des ne cheval Novembre & a à 6 h. sommée P. 100 totale à7Th. à Th. % du totale. pa fèces. | des des du du 1890: in. © ; jour. feces. | fèces. | matin. |ouin, Degrés 38,0 13 360 15 230 12 940 13 280 14510 7150 12 390 4 690 14 080 5 920 14 000 7 520 13 080 7 650 ; 9 210 7 220 12 320 8 070 19 100 7 270 10 080 7 090 2 15 210 7070 19 160 6260 90 : 13 500 7 860 8 380 9 280 6 450 6 880 .7 530 4 330 5 440 9 430 3 880 17: 10 930 6 720 12 640 8 050 11 680 1° ra 19 19 ] = O2 1O += 19 to CO LO CAPES OS Se SN SM et ot otS) Se © Croce. otre cieus o Moyennes . " 26 | 1153,2| 19 179,9 |12741,7 42 ANNALES DE LA SGIENCE AGRONOMIQUE. RATIONS CONSOMMÉES. On a vu précédemment que les chevaux ne consommaient pas toujours entièrement les rations qui avaient été fixées. On trouvera dans le tableau suivant, en même temps que la teneur en eau des fourrages, les quantités réellement ingérées. TAUX p. 100 d’eau a À À — — — de la de la féverole.| paille. CERTES Ze a nl SNS CRE Kilogr. | Kilogr. | Kilogr. | Kilogr. | Kilogr. Décembre 1839. . . . . à .28 4,000 | 5,000 | 4,000 | 6,000! | 4,000! Janvier 1890 . 74 8.35 | 5,0 4,060 | 6,000 | 4,000 | 4,056 4,064 Février 1890 . 68 .98 4,000 | 4,500 | 4,000 | 5,000 Mars 1890 : .80 3,290 | 4,000 | 4,000 | 5,000 Avril 1890 2 .04 | 4 4,000 | 5,000 | 4,000 | 7,000 Mai 1890 2 2 4,000 ,000 | 3,710 | 3,742 Juin 1390 2. .12:) 8 2,683 ,000 | 4,000 | 4,000 Juillet 1890 À 2.30 | 7 8,226 ,000 | 4,000 | 4,000 Août 1890 : 2.00 4,000 | 4,000 | 4,000 | 7,129 Septembre 1890 . . . . : .05 4,000 ,000 | 4,000 | 7,467 Octobre 1890 4 202 4,000 ,164 | 3,065 4 4,000 Novembre 1890. . . . .| 43. 5.07 4,000 | 8,000 | 3,000 | 4,000 CHEVAL N° 1. | CHEVAL x0 2. CHEVAL N° 3. Féverole| Paille, [Féverole| Paille, |Féverole.| Paille. 4. Le cheval nv 3 a laissé en janvier 5k:,920 de restes contenant 19.63 p. 100 d’eau. Nous avons tenu compte de ces restes dans le calcul des coeflivients de digestibilité. De ces données, il est facile de tirer les quantités de matière sèche de la féverole et de la paille consommées chaque jour par les chevaux. Le tableau suivant donne ces quantités. CHEVAL N° 1. CITEVAL N° 2. CHEVAL N° 3. Re RE PER “ Æ Féverole.| Paille. [Féverole,| Paille, |Féverole.| Paille. Décembre 1889. . . . 39 3348,8 | 4435,5 | 3 348,8 | 5 322,6 Janvier 1890 44 D | 3266,0 | 5 295,6 3 579,8 Février 1890 5 299,2 | 3 280,8 | 3 974,4 28 4 416,0 Mars 1590 6 111,0 | 2704,4 | 3 492,0 | 3: 4 365,0 Avril 1890 3 507,6 | 3398,4 | 4384,5 | 3 398 6 138,3 TA 1900 ER MER EE CEE 4 399,5 | 3484,8 | 6 159,3 | 3 2: 3 292,6 Juin 1890 21 2651,31 3507,6 | 3 55: 3 507,6 Juillet 1590 TRAIT QUO EE 2 827,3 | 3 492,4! 3 505 3 492,4 Août 1890 3497,9 | 3590,0 | 3 497,2 6 232,9 Septembre 1590 3 604 3518,0 | 3 438,4! 3518,0 | 6 512,0 Ogtobre 1890!L. % ATEN MER 5 5 443,9 | 6956,6 | 2 638,4 | 3478,8 Novembre 1890 3 249, 3397,2 | 6 899,92] 2 547,9 | 3 449,6 ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 43 COMPOSITION CENTÉSIMALE DE LA MATIÈRE SÈCHE DES FÉVEROLES ET DES PAILLES CONSOMMÉES. Le tableau suivant donne la composition centésimale de la matière sèche des féveroles et des pailles consommées : CELLULOSE saccha- rifiable. CENDRES, GRAISSE. INDÉTER- brute, PROTÉINE. Féverole. Décembre 1889 Janvier 1590 Février 1890 Mars 1890 Avril 1890 Mai 1890 Juin 1890 Juillet 1890 Août 1890 Septembre 1890 Octobre 1890 S ES à © RES or # OO OT QT D OO 1 nJ CE Or CE 1 Fe RC Co en De be bi be pe be be De be De je Ë t NI © Or À OF QE OX CS CS Décembre 1889 Janvier 1890 Février 1890 Mars 1890 Avril 1890 Mai 1890 Juin 1890 | Juillet 1890 PACAEAIROQN EN RER MERS R NUE | Septembre 1890. | Octobre 1890 | Novembre 1890 = Co = © Fe & CC co CO + + C0 Qt LEO M O0 @ © QT © OÙ mn 1 1 PNCAAE RS . DS à ss 19 pe 10 = ICO re + 19 +9 RO LO +9 RO 19 FO HO FD +9 19 ie). Le tes Ve EEE le dev LO © 19 rs | 1 l {. L'amidon a été dosé par le procédé au chlorure de zine, imaginé par A, Leclerc. (V. Annales de la Science agronomique, t. 1, 1859.) Cette méthode, applicable sans inconvénients aux grains, donne, dans les fourrages fibreux, des chiffres trop forts par suite de l’attaque, par le chlorure de zinc, des parties les plus solubles de la cellulose, Ce fait, qui explique les chiffres élevés d'amidon dosés dans la paille et dans les feces, a eu pour conséquence que les nombres obtenus pour les coellicients de digestibilité de l'amidon sont un peu trop faibles. COMPOSITION CENTÉSIMALE DE LA MATIÈRE SÈCHE DES FÈCES. Chaque jour, une partie des fèces émises était séchée à 108 degrés dans le vide ; on prélevait, sur la matière sèche ainsi obtenue, une 44 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. fraction constante de la matière sèche totale rendue, et ces prélève- ments servaient à composer les échantillons moyens mensuels dont la composition suit : \ à CELLULOSE À S ë ë : pa re AIT ES a & a A A ê le] a 3 2% 3 brute. er © Ë = à 3 e) rifiable, < (Si cm H Cheval n° 4. Décembre 1889-71... 12.00 | 27.56 13.90 | 4.00 1 4.80 | 11.51 26.23 Janvier ASS0PM EC CE 40.95 | 28.66 | 11.00 | 3.53 " 5.19 13.29 | 27.38 Révrier 1890 MAIRE 11.86 | 26.97 | 13.26 | 4.82 1 5.19 14.34 | 24.26 MaTemeg0 EME C A ERA 11.24 | 24.81 12.98 | 7.00 " 4.98 | 15.44 | 23.55 Avr Bon Ge LUE CARRE 10.28 | 26.38 | 15.63 | 5.67 | » | 5.40 | 11.90 | 24.74 MANS 90 MEET CP UE 8.85 97,69 14.34 3.33 u 4.43 12.70 | 28.66 JUL SION EMEA ERNEST 8.73 | 26.74 |° 11.95 | 4.36 " 4.42 16.56 | 27.24 Jutllet lS90 427 ANT E 10.30 | 28.38 11.86 | 3.85 " 4.70 15.95 | 24.96 NOÉ 1000 ane ele bee hill OA) 29.02 13 97 4.92 1 4.65 12.24 | 94.78 Septembre 1590. . 1. . . - 9.78 95.69 12.50 6 9.54 Q 4.60 12.47 | 32.49 Ovrobre 18908 1: rPoumr ere 9.95 27.36 1727 4.84 ” 4.95 42.40: | 29:7 Novembre 1890 .:. . . -/. . 9.38 27.83 15.86 4.20 1 5.18 13.07 24.48 Cheval n° 2. Décembre 1889 . . . . . .. 12.65 | 30.04 | 12.53 | 5.46 | » | 4.04 | 9.05 | 24.43 Janvier 1890 . . . . . . . . 11,60 { 30.00 À 11.78 | 4.00 " 5.15 | 10.67 | 6.80 Février 1890..." + + + | 10.31 | 928.72 | 14.90 | 4.51 " 5.320/44-4701025 07 Mars 1890 2m RE ERe 10.83 | 31.94 14.17 6.31 " 4.63 8.94 | 23.18 AVANAMSTONEE PNR 11.05 | 29.57 14.32 | 4.40 1 5.08 | 10.62 | 24.96 Mai 8902 IA MT te 9.923 29.62 15.02 3.61 " 4.67 14.09 23.76 JUAN SOON died moe ol. 7.76 31.28 14.40 3.83 " 4.25 9.20 | 29.28 Jet SD ALMA ER ER 8.50 | 32.09 13.92 4.30 Q 4.36 8.82 28.01 AO SIO. Me msi arte e 9,71 31.40 17.85 3.73 “ 4.32 10.30 | 22.69 Septembre 1890. . . . . . . 9.24 || 28.08 | 11.20 | 2.32 " 4.12 9.95 | 35.09 OCt0DrE MSIE RS CC 9.96 29.05 16.72 3.41 " 5.07 13.33 | 22.46 Novembre 1890 .. . . . . . . 9.89 | 28.55 | 15.29 | 3.42 " 5.80 | 14.00 | 23.55 Cheval n° 3. Décembre 1889 . . . . . . .| 15.20 | 29.46 | 11.44 | 5.87 " 5.08 10.30 | 22.65 Janvier 1890 . .. . ...:..: 111916109724 40.31 2.68 " 4.53 9.37 | 30.71 Février 1890,. . . . . . . . 13.87 | 26.92 | 16.37 | 5.44 u 4.76 | 11.48 | 21.16 Mars 1890-P-° 5m are 10.70 | 29.94 12.78 | 4.55 ” 4.09 9.86 | 28.08 AVTIUUTBSOOL MENU ENNT, AN. 13.76 26.00 15.25 | 4.98 " 6.15 14.00 19.83 MAL ALSOD ER SE TARN RE 9.36 | 29.7 13.73 | 3.78 " 4.57 11:04 27.78 Juin 1890 rame 9.47 30.72 14.54 | 4.26 " 4.26 9.67 27.08 Juillet. 1890, m0 1 A0: 06 110TO0EES 13.92 | 3.41 " 4.16 11.10 27.27 Août 1890771 12.20 | 28.05 16.02 | 3.82 " 5-52#240:04 19.35 Septembre 1890 . . . . . . . 13.64 22.40 10.03 | 3.85 " 4.28 19.61 26.19 Octobre 1890 |. . , . . . . | 11.34 123.82 | 45.66 14.47 5 è Novembre LSJOTM US 10.15 | 29.66 | 15.28 | 4.70 ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 45 COMPOSITION DES RATIONS INGÉRÉES ET DES FÈCES RENDUES. — QUANTITÉS DE PRINCIPES IMMÉDIATS DIGÉRÉES. — COEFFICIENTS DE DIGESTIBILITÉ. On trouvera, dans la série des tableaux qui suivent, la composition des rations ingérées par les chevaux dans chacune des situations qu’ils ont occupées, ainsi que la composition des fèces correspondant à ces rations, et, par soustraction, les quantités de principes qui ont été digérées. Avec ces données, il a été facile de déterminer les coefficients de digestibilité des différents principes, coefficients qui figurent également dans ces tableaux. Comme dans les recherches précédentes, nous avons négligé les données relatives aux matières minérales, données que les condi- tions des expériences ne nous permettent pas de recueillir exacte- ment. On remarquera aussi que, dans presque tous les cas, les quantités de matières grasses rendues dans Les fèces sont supérieures à celles qui ont été ingérées. Les coefficients de digestibilité de la graisse n’ont, pour celte raison, pas pu être déterminés; ils eussent presque ioujours été négatifs. Cette anomalie s'explique aisément si on con- sidère, d’une part, que la féverole et la paille contenant très peu de matières grasses, la ration en était presque dépourvue, et que, d’autre part, les sucs intestinaux, la bile notamment, apportent aux résidus de la digestion des quantités non négligeables de graisses qui se sont trouvées, pour le cas présent, supérieures à celles que les chevaux ont digérées. Ceci constaté, voici les coefficients de digestibilité des autres principes. TABLEAUX. 46 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Coefficients de digestibilité. CELLULOSE ,. INDÉTERMINÉS. TT " — saccha- organique. de décembre 1589. MATIÈRE CENDRES MATIÈRE AMIDUN. GRAISSE. brute, PROTÉINE. rifiable. Cheval n° 1. 3756,5| 269,5 3 162,5] 4 060,6 A ingéré Ë 6918,8| 1330,1| 714,8 A rendu 2514,11 787,%| 397,1 A digéré. . . . .|4483,9 Coefficients de di- gestibilité . . .| 61.08 63.66 | 40.80 | 44.44 : 100.00 Cheval n° 2. — Marche au pas. 4173,8| 299,4] 245,8 3 162,3] 1 060,6 A rendu A digéré. . . . . 4746,4| 459,4 ANA Coefficients de di- gestibilité . . . é f 21 d 93.00 | 100.00 Cheval n°3. — Travail au manège au pas. 5 008,6! 359,3| 2 247,2 3 162,3] 1 060,6 8 170,9] 1 419,9 2634,1| 915,1 A digéré. . . . .| 556 504,8] 43, 2 541,6 1 394,7 Coefficients de di- gestibilité . . .| 64. ' : } ; 81.34 | 33.22 ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 47 CELLULOSE saccha- y MATIÈRE organique. INDÉTERMINÉS,. CENDRES. MATIÈRE de janvier 1890. brute. GRAISSE PROTÉINE. rifiable. | 992,9 | 4190,1 163,3 | 3 102,7 7 679,0| 386,2 2 840,0| 311,0 A digéré É Ge 85 2 159,4 Coefficients de di- gestibilité . . . : 95.56 | 100.00 A ingéré A rendu A digéré Coefficients de di- gestibilité . . . Cheval n° 3. 3399,0| 275,6 3152,4| 1 025,4 ASTECL- AU (0 0e 6 551,4] 1 501,0 A laissé É 142,2 34,6 A ingéré 6 409,2] 1 266,4 A rendu 2118,7| 657,0 609,4 Coeñfticients de di- gestibilité . . .| 64. 65.38 | 48.12 48 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. CELLULOSE TT, Es saccha- de février 1890. ent MATIÈRE CENDRES. MATIÈRE organique GRAISSE PROTÉINE. rifiable, INDÉTERMINÉS, Cheval n° 4. — Travail 5009,8| : : 2 1 607,8 148,6 A ingéré. A rendu A digéré Coefficients de di- gestibilité . . . Cheval n° 2. Fèves 0... .:.13974,4 3 757,0 Paille, . . AE 3 3 049,2 A digéré : 4 ,9| 412,3 | 185 1 063,4 Coefficients de di- gestibilité . . . à g 10 4. $ 78.51 Cheval n° au pas. 4174,4| 925 260,5 |2025,8| 16: 1 339,8 3 049,2 3| 5 136,2| 134 148,6 7 293,6 2172,0| 297,2 / 1 488,4[1097,0 2 411,0 2 3: 116,7 | 9281,4| 518,6 Adigéré 204.11. L 4 2 2 038,7| 297,2 1207,0| 578,4 Coefficients de di- gestibilité . . . 70.77 45.388 51.45 | 93.86 | 100.00 81.09 | 52.72 de mars 1890. A digéré Coefïicients de di- gestibilité . . Fèves. . . Paille À ingéré A rendu. A digéré. . . . . Coefficients de di- gestibilité . . . À ingéré A rendu A digéré Coefficients de di- gestibilité . . MATIÈRE ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CELLULOSE EE À saccha- rifiable. AMIDON GRAISSE. brute, CENDRES. organique 67.08 | 39.86 Cheval n° 2. — Repos. 3286,7| 198,0 118,6 59.66 | 30.26 4108,3| 247,5 2 929,5 7 037,8 2 440,7 4 897,1 69.58 ‘ : 95.34 | 100.00 ANN. SCIENCE AGRON. — 1893. — 1. PROTÉINE. 1 314,0 236,4 1 077,6 49 INDÉTERMINÉS. 50 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. = El CELLULOSE : . E] #4 M OIS a Ê ARE ee z à z Æ © 2 Be à — — [°) a mi < A 5 8 m x HS A = A D H A & x 2 E g É < E d'avrll 1890, 4 A EE de PE de LAS 4 à ° £ s S © rute, : 4 D me À rifiable. M z Cheval n° 4. Fêves. . . . . .|3507,6| 196,8 |3340,8| 185,9] 162,0 | 1 642,3] 134,3 | 49,1 | 994,8] 149,4 Paille. . . . . .|3398,4| 994,3 | 3 474,1] 1 049,1] 597,1 | 992,2! 73,1 | 90,24 | 143,411068,8 Aingéré, . . .. 6 484,9] 1 235,0 207,4 | 139,5 Arendu. , . . .| 2710,7| 278,6 | 2482,1) 715,1| 423,7 153,7 " 146,4 322,6| 670,6 ‘A digéré. . . . .|4195,3] " |4052,8] 519,9] 265,4 | 1710,8| 207,4 | v 815,6] 540,6 Coefficients de di- gestibilité , . .| 60.75 " 62.50 | 42.10 | 38.K1 | 91.75 | 100.00 " 71.65 | 44.63 au trot. Fèves. . . . . .|4384,5| 246,0 | 4138,5| 232,4] 202,6 |2052,8] 167,9 | 61,4 | 1243,4| 178,0 Paille. . . , . .|3598,4| 294,3 | 374,1] 1 049,1 527,1 | 992,2! 73,1 | 90,4 | 143,411068,8 A ingéré. . 3 7 312,6] 1 281,5 240,0 | 151,8 Arendu. . , . .|3445,5| 347,6 |2797,9| 920,1| 450,4 | 138,4] 159,8 | 334,1] 785,1 A digéré. , , . .| 4637,4 Coefficients de di- gestibilité , . .| 59.58 " 61.74 | 27.42 | 38.97 | 93.92 | 100.00 " 75.90 | 37.03 Cheval n° 3. — Travail au manëge au trot. Fèves. . . « « .| 6138,3| 344,4 | 5 703,9] 325,3] 283,6 | 9 874,0] 255,1 | 85,9 | 1 740,8| 249,2 Paille, Aingéré. . , . .| 8970,0| 531,3 | 8438,7| 1 199,4 A rendu, . . . .|2556,6| 351,8 | 2904,8] 664,7| 389, 197,3] 158,0 | 357,9] 507,0 A digéré. . . . .|[6413,4| " |6953,9] 534,7] 332,0 | 2 932,9) 296,0 | " |4502,4| 632,7 Coefhcients de di- gestibilité 73.87 | 44.58 | 46.05 | 95.85 | 100.00 " 80.76 | 55.51 ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 91 : ä a : 4 CELLULOSE : : A ‘a a pis a Z% LA a = 2 A n A el | 2 A > a [°] e n Len] =: H M '°E [e] o H “a ca = ä HS saccha- d = < = 5) de mai 1890, < 4 À a F4 © ‘a à a s © | brute. |. < D 4 à © rifiable, mn z La EE TRE CREER CROSS EPS EE Cheval n° 4. — Marche au trot. Fèves . . . , . .| 4399,5| 158,8 | 4240,7| 331,3| 242,8 | 2063,4| 209,4 49,7 | 1152,7| 191,4 Paule” {5 "1." 3484,3| 214,3 | 3270,5| 1153,1| 662,1 | 187,8] 59,6 | 980,9 | 148,5| 978,5 Aingéré. . . . . 7 884,3] 373,1 | 7 511,2] 1484,4| 904,9 | 2251,2| 969,0 | 130,6 | 1301,2/1169,9 A rendu. . . .. 3314,0| 293,3 | 3020,7| 917,6| 475,2 | 110,4] 146,8 | 420,9| 949,8 A digéré. . . . . 4570,3| nv 4490,5] 566,8| 429,7 | 2140,8| 269,0 u 880,3| 220,1 Coefficients de di- gestibilité . . .| 57,97 n 59.78 | 38.18 | 47.48 | 95.10 | 100.00| » 67.65 | 18.81 Cheval n° 2. — Travail au manëge au trot, 3 033,4] 1 069,6! 614,1 174,2| . 55,2 75,0 137,7] 907,6 8 970,3 213,2 1533,4| 954,1 | 3062,9| 348,4 | 144,6 | 1751,4/1175,5 1048,5| 531,7 | 197,8] v 165,3 | 498,8| 841,1 A rendu. . . . .| 3539,9| 326,7 Adigéré. . . . .| 5851,6 n Coefficients de di- gestibilité . . .| 62.30 " 422,4 |2935,1| 348,4 | on" |19259,6| 334,4 44,27 | 95.83 | 100.00 " 71.52 | 28.45 ; Fèves . . . . . .|6159,3| 222,4 : : 463,8] 340,0 | 2888,7| 293,2 | 69,6 | 1 613,7| 267,9 Cheval n° 3. — Repos. Fèves. . . . ..|3299,6| 118,9 | 3473,7| 247,9! 184,8 | 1 544,2] 156,7 | 37,2 | 862,7 | 143,9 Paille. . . . . .|2805,0| 178,0 |2717,0] 958,0, 550,1 | 456,0] 49,5 | 67,2 | 123,3 | 842,0 A ingéré. . . . .| 6187,6| 396,9 | 5 790,7] 1205,9) 731,9 | 1 700,2| 206,2 | 104,4 | 986,0 | 956,1 Arendu. . . . .|2407,8| 197,3 |1910,5] 626,9! 289,4 | 79,7] » 96,3 | 232,7 | 585,5 A digéré. , . . . 4 079,8 " 3880,2| 579,0! 442,5 | 1 620,5| 206,2 " 753,3 | 370,6 Coefficients de di- gestibilité . . .| 65.93 " 67.00 | 48.00 | 60.45 | 95.31 | 100.00 " 76.40 | 38.76 52 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. : m El = a CRLLULOSE À : a à MOIS Fi = RS & E o z £ BR © e AB > ——— "" — © > SE a = LE 0 SR PES CN MN EE PE. de juin 1890. cr ë 15 li NME ; p À 2 E © À © 'rifiable. g a al RE — Cheval n° 4, — Travail à la voiture. Févesk ee 7015,2| 995,9 | 6 789,3] 510,7] 372,5 | 3248,0| 324,1 91,2 | 4 829,6 Paillo LL 2651,3| 157,5 |2493,8] 845,2] 391,8 | 175,3] 56,0 | 60,2 | 103,1 AWingéré Ven se 9 666,5] 383,4 | 9 283,1] 1 355,9] 763,8 | 3 423,3| 380,1 | 151,4 | 1 932,7 Arendu. . . . .| 3091,3| 269,9 | 2821,4] 826,6] 369,4 134,8 u 136,6 511,9 AFPÉTON Re 6 575,2 u 6461,7| 529,3| 394,4 | 3288,5| 390,1 " 1 420,8 Coefficients de di- gestibilité . . .| 68.00 " 69.60 | 39.00 | 51.63 | 96.06 | 100.00 m 73.51 Cheval n° 2. — Repos. Fèves . . . . . .| 3507,6| 112,9 | 3394,7| 9255,3| 186,3 | 1 624,0] 162,1 45,6 914,8 PRO T A REUr 3555,2| 211,2 | 3344,0] 1133,4| 524,7 235,0| 75,0 80,7 138,3 ANngÉTE nl 7062,8| 324,1 | 6 738,7] 1388,7|. 711,0 | 1 859,0| 937,1 | 126,3 | 1 053,1 ASrTendu re 3050,5| 236,7 | 2813,8| 954,2] 439,3 116,8 " 129,6 280,7 A digéré. . . . . 4012,3| nv 3924,9| 434,5| 271,7 | 1749,2| 237,1 " 772,4 Coefficients de di- gestibilité . . .| 56.80 u 53.36 | 31.29 | 38.20 | 93.72 | 100.00 u 73.35 Cheval n° 3. — Repos F'éves rime 3 507,6! 112,9 | 3394,7| 255,3] 186,3 | 1 624,0] 162,1 45,6 914,8 Paille, L'MRESRLE 8120,6| 185,4 | 2935,2|] 994,8] 460,6 206,3| 65,9 70,8 121,4 A ingéré, . . . .|6628,2| 298,3 | 6 329,9] 1 250,1| 646,9 | 1 830,3] 228,0 | 116,4 | 1 036,2 Atrendu..11. #0 à 2 648,1! 250,8 | 2397,3| 813,5| 385,0 112,8 u 112,8 256,1 A digéré. . . . . 3 980,1 " 3932,6| 436,6! 261,9 | 1717,5| 228,0 u 780,1! 504,9 Coefficients de di- gestibilité . . .! 60.05 u 62.13 | 34.92 | 40.48 | 93.84 | 100.00 " 75.28 | 41.31 MOIS de juillet 1890, A ingéré A rendu A digéré Coeficients de di- gestibilité . ._. A ingéré A rendu. A digéré Coeffivients de di- gestibilité . A digéré Coefticients de di- gestibilité . . . ALIMENTATION DU CHEVAL DE 69.29 59.62 CENDRES. CELLULOSE À, saccha- MATIÈRE organique AMIDON. brute, rifiable. TRAIT. Cheval n° 4. — Travail à la voiture. 259,9 191,4 450,6 6658,1| 431,3| 381,6 | 3147, 2 635,91 919,7| 452,4 9 289,0] 13 2 682,9 71.11 | 37.17 Cheval n° 2. 3 361,4 6 629,7 2 686,3 Cheval n° 3. — Repos. 3361,4| 217,9] 2 894,4[ 1 009,8 6255,5| 1 227,7 1 698,0 94.92 2 227,9 100,00 GRAISSE. PROTÉINE. 1 842,1 71.90 INDÉTERMINÉS. 36.00 D4. ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. CELLULOSE MOIS d'août 1890. CENDRES. GRAISSE .PROTÉINE. INDÉTERMINÉS. 3497,2| 140,6 | 3 356,6 3520,0| 249,6 | 3270,4| 1 087,7 7 017,2 6 627,0] 1515,7 715,5 | 1 869,3 3071,7| 3 2751,6| 891,4] 429,1 A digéré. . . . .| 3945,5 3875,4l 424,3 Coefficients de di- gestibilité . . .| 56.93 Gheval n° 2. — Repos. 171,7 | 1587,7| 165 935,9] 245,1 145,4|1029,9 A digéré 38 50,2 Coefficients de di- gestibilité . . .| 54.87 Fèves . + . . | 6 232 50,6 | 5982,3|[ 450,4! : 2 829,8 Palo EC 2] 128,8 | 1 688,4 280,7 145,4 8050,1| 379,4 | 7670,7| 1 041,9 2382,0| 290,7 |2091,3| 668,1 À digéré. . . . .|5668,1 5579,4| 343,8 Coefficients de di- Ê gestibilité . . .| 70.41 72.73 | 33.97 ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT, MOIS MATIÈRE de septembre 1890. Fèves . . Paille. . A ingéré. A rendu. A digéré., . . . . Coefficients de di- gestibilité . . . Fèves. . REA Palo, rors.e 3 488,4 Aingéré. :-. . . A rendu A digéré. . . . Coefficients de di- gestibilité . . . Fèves . . Paille, . A ingéré. . . . . rendu... .". Apdigéréses «131. Coefficients de di- gestibilité . ,. . CENDRES. CELLULOSE À saccha- organique. brute. MATIÈRE Cheval n° 14, 3 463,8 3 280,5 6 744,3 9 707,4 4 036,9 59.86 Cheval n° 2. 190,5 1 092,7 6 258,0 1 558,2 78.08 | 47.19 rifiable. 97.50 100.00 GRAISSE. PROTÉINE. 79.34 43.12 D6 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 1 É ñ A CELLULOSE L : E ‘4 2 a & © z AR z Z ae ES © A mn = = 2 © 2 A = 2 : Fa a = ne A HAE À 5 » ë A E .& x & aCrhas e < d'octobre 1890, | < * Se SE p à © E = = © brute, 3j < œ e A À rifiable, fa Z RS EE RSS CEE Es RER RE | 7 CR SOS | CRE CANNES CRE RUES CESSE Cheval n° 4. — Repos. Fêves . . . .. .[3478,8| 155,9 | 3323,6| 107,3] 210,8 | 1569,6| 155,5 | 54,6 5 Paille. . . . . .|3443,2| 246,6 | 2196,6| 1191,0| 625,6 | 91,6] 59,5 | 74,0 | 196,7| 998,2 AANPOTE REC 6922,0| 401,8 | 6 520,2] 1 388,3] 856,4 | 1 661,2| 245,0 | 128,6 | 1 039,2/1224,5 Airendu. er 00 3295,6| 327,9 | 2967,7| 901,7| 586,3 | 159,5] on 163,1 | 408,7| 748,4 ANDPÉÉLE ES. 0. 3626,4| 3552,5] 486,6| 250,1 | 4 501,7| 245,0 u 630,5| 473,1 Coefficients de di- gestibilité . . .| 52.39 u 54.48 | 35.05 | 29.90 | 90.40 | 100.00! " 60.67 | 38.7 Cheval n° 2. — Travail à la voiture. Fèves = 12. 0, 6256,6| 279,1 | 5977,5| 354,7| 379,1 2 823 ,0| 279,7 | 98,2 | 1641,1| 401,7 Paille nr. .| 2638,4| 188,9 |2449,5] 919,6] 479,5 70-2068 621667 97,1| 764,9 Aingéré. . . . .| 8895,0| 468,0 | 8427,0| 1 267,3| 858,6 | 2895,2| 328,3 | 154,9 | 1 738,2|1166,6 A rendu. . . . .| 3030,8| 301,9 | 2728,9| S80,4| 506,7 | 103,3]. v» 153,7 | 404,0| 680,7 APdigére re. 0). 5864,2, 5698,1| 386,9] 551,9 | 2 789,9| 348,3 " 1334,2| 485,0 Coefficients de di- gestibilité . . .| 65.93 u 67.62 | 30.523 | 40.98 | 96.43 | 100.00! "» 76.76 | 41.65 Cheval n° 3. — Repos. MOVE 2 Arr US 3478,8| 155,2 | 3393,6[ 197,2] 210,8 | 1 569,6] 155,5 54,6 | 942,5] 293,3 Paille = 3e 4, 3 002,3] 215,0 | 2 787,3] 1 038,5| 545,5 79,91 78,0 | 64,5 | 110,5] 870,4 Aingéré. . . . .| 6481,1| 370,2 | 6110,91 1235,8| 755,3 | 1649,5| 233,5 | 119,1 | 1 023,0|1093,7 A rendu. . . . .| 2499,7| 283,5 | 2246 A digéré. . . . .| 3981,4 u 3894,7| 515,4| 564,9 | 1 537,8| 233,5 n 750,0! 504,5 Coefficients de di- gestibilité . . . 41.70 | 48.25 | 95.23 | 100.00 " 73.31 | 46.12 A ingéré A rendu A digéré Coefficients de di- gestibilité . . . Fèves . . . Paille; A digéré Coefficients de di- gestibilité . Fêves .".:. . Paille A ingéré A rendu. A digéré Coeflicients de di- gestibilité . . . ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CELLULOSE Re À saccha- CENDRES MATIÈRE organique brute, rifiable. 241,5 |1525,4 695,1 100.00 — Travail à la voiture. 6 899,2] 322 56,0| 482,9! 3050,8 2 547,9 70,5 8,2] 591,3] 139,9 533,7| 3 085,4 69.00 | 30.50 | 53.14 | 96.70 | 100.00 Cheval n° 3. 3 449,6 3 288,2 3 397,2 3 160,4 6 846,8 6 448,6 2 659,2 2 380,3 4187,6 4 059,5 61.16 GRAISSE. PROTÉINE. 1 903,5 1 590,4 78.68 57 INDÉTERMINES. 58 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. En groupant tous les chiffres relatifs à un même cheval, sans tenir compte des différentes situations dans lesquelles il se trouve, on obtient, pour chacun d’eux, les chiffres moyens suivants : MATIÈRE CELLULOSE — —m — entre la féverole et la paille ingérées. sacchari- AMIDON PROTÉINE. INDÉTERMINÉS cs S A = & & © Cheval no 1 : as 56. 47. 93.911100.00! 69.87129.80 Chevalmo 2 era . De 2.9 .92| 45. 94.40|100.00| 75.93|32.13 Cheval n° 3 : : 0 2. 94.611100.00! 77.95140.11 Les nombres contenus dans la première colonne de ce tableau expriment le rapport entre les poids moyens de féverole et les poids moyens de paille consommés, ou, ce qui revient au même, ils repré- sentent les poids de féverole consommés en même temps que 1 kilogr. de paille. Ce rapport entre l’aliment concentré et l’aliment fibreux d’une ration est l’un des principaux facteurs qui font varier les coefficients de digestibilité ; on conçoit aisément qu’une ration contenant une proportion très élevée de paille soit, en bloc, moins bien digérée qu’une ration où le grain domine. Si nous avions pu donner dans tous les cas des rations où le grain ait été à la paille dans un rapport constant, nous aurions éliminé cet important facteur de variations et, à ce point de vue, les chiffres obtenus auraient été comparables. Les chevaux ne se prêtent pas à ces rationnements exacts, et, dans un mélange, ils savent toujours classer les éléments de façon à pou- voir consommer l'aliment qui leur plait et mettre de côté celui qu'ils veulent laisser. Faute de mieux, nous avons donc dû nous en tenir, pour apprécier l'influence que peut avoir la proportion de paille ingérée sur les coefficients de digestibilité, à la détermination, pour chaque ration, du rapport entre les quantités de fèves et de paille ingérées. | S1 nous groupons maintenant les nombres obtenus pour les trois chevaux dans chacune des situations de repos, marche ou travail, ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 99 nous aurons, en écartant l'influence individuelle, les coefficients moyens pour chacune de ces situations. Voici ces coeflicients : MATIÈRE CELLULOSE et la paille. INDÉTERMINÉS, RAPPORT entre la féverole AMIDON. PROTÉINE. organique saccharifiable, Au repos. Cheval no 1 : 56.69! 58.77] 36.11 .45 73 100.00 Cheval no 2, . |4 58.40| 60.10| 31.12| 42. 3.57 100.00 Cheval 00:50 AE 62.09| 63.86] 41.12 5 .42 100.00 Coefficients moyens. .| 4, 59.06| 60.91| 36.12 L .24 100.00 À la marche au pas. Chevalno 1. à « . | 140 63.00! 65.32[ 39.66[ 61. Cheval no 2. . . . . : 61. 64.701 34.51 Chevaln0ï3, = 0x. .346 58. 70.77| 45.38 Coefficients moyens. . : 4.35| 66.931 39.85 marche au trot. Cheval no 1. . . . . . .| 1.96 .97| 59.78 .18| 47. .10[100.00 Cheval no 2. . . . LA à .58| 61.74 1.42 3.921100.00 Cheval no 3. . . . . .. .| 1. 58.11| 69.58 .52| 61. .34|[100.00 Coefficients moyens. . s .89] 63.70 3 49. .791100.00 travail au pas. Chevalno dE en Mu É 62.97! 65. 33.071 52. .061100.00 Cheval no MER RTS à .85| ‘67. 36.30 8. À 100.00 Chovalino 3m nf: Agl 67.761 35.85| 54. .311100.00 Coefficients moyens. .| 1. .00!| 66.76] 35.17 ; .28|100.00 Au travail au trot. Cheval no 1 ; 65.23| 67.08] 39. 3 3.22]100.00 Cheval n° 2 .906 | 62.: 64,18] 32.9 .2 5.83| 100.00 ; 28. Cheval no 3. . dis 97 .30! 73.87 . QU: 5.851100.00 : 55. Coefficients moyens. .| 2. 68.38 : : .97 1100.00 30.79 60 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. MATIÈRE. | CELLULOSE | | RAPPORT entre la féverole et la paille AMIDON. PROTÉINE INDÉTERMINÉS. organique. [usastne travail à la voiture. Cheval no 1 2 68.65! 70.35] 38.08| 54.55 .30|100.00 Cheval n° 2 2.536] 66.68| 68.31| 30.52! 47.06 .06 | 100.00 Cheval no 3 .654| 73.08] 75.40] 40.58| 50.70 .22|100.00 Coefficients moyens. . : 69.47 .35| 36.30! 50.77| 96.691100.00 L'examen de ce tableau permet de constater d’abord l'influence de l’individualité sur les coefficients de digestibilité. Les chevaux n® 4 et 2 dans chacune des situations de repos, de marche au trot et de travail au pas se trouvent, au point de vue de la ration, dans des conditions qui rendent les coefficients très comparables. La di- gestibilité de la ration totale est plus élevée chez le cheval n° 2 que chez le cheval n° 4. A la marche au pas et au travail au trot, les coef- ficients du cheval n° 4 sont un peu supérieurs, mais sa ration conte- nait alors une proportion de fèves plus élevée. Toutefois, au travail à la voiture, le cheval n° 1 a mieux digéré, bien que les rations aient été semblables. Malgré cette restriction, si on ne considère que les coefficients de la ration totale, la supériorité du cheval n° 2 est, dans les autres cas, suffisamment manifeste. Par contre, si on envisage isolément les coefficients de chacun des prin- cipes, on voit que, dans presque tous les cas, le cheval n° 1 à beau- coup mieux digéré les celluloses, tandis que le cheval n° 2 digérait beaucoup mieux la matière protéique. Les comparaisons sont plus difficiles à établir avec le cheval n° 3, dont la ration a toujours contenu une proportion de fèves supérieure à celle des deux autres. Toutefois, les écarts très sensibles qui existent entre les coefficients du cheval n° 3 et ceux du cheval n° 2 et du cheval n° 1 ne nous paraissent pas simplement motivés par cette dif- férence dans la composition des rations, car celte différence est ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 61 quelquefois peu appréciable, tandis que les coefficients sont toujours très notablement supérieurs. Le cheval n° 3 a eu, pour les celluloses, à peu près la même capa- cité digestive que le cheval n° 1 ; pour la protéine, son coefficient a toujours été supérieur à celui du cheval n° 2. Ces chiffres sont donc intéressants à un double point de vue : non seulement ils montrent (le fait n’est pas nouveau) l’influence de l’in- dividualité sur les coefficients de digestibilité d’une ration prise en bloc ; mais encore ils mettent en lumière les aptitudes spéciales de chaque organisme à mieux digérer Lel ou tel principe. Examinons maintenant ces chitfres à un autre point de vue, sans nous occuper des chevaux qui les ont fournis, et en n’envisageant que les situations dans lesquelles ils ont été obtenus. C’est ici sur- tout que nous devons regretter que la proportion de paille n’ait pas été la même dans toutes les rations; les différences dans les quan- tités de paille consommée masquent presque entièrement l'influence qu'ont pu avoir les situations des chevaux sur les coefficients. On voit en effet les coefficients moyens s’accroître presque paral- lèlement avec l’augmentation de la proportion de fèves. COEFFICIENTS MOYENS A —— — de la de la matière matière sèche totale. organique. Au repos. PRESS Lo 59.06 69.91 ASIAEMALCHE AUAPOLE. CN. 61.89 63.70 AU (TAN AUS PAS SE 64.00 66.76 Avlamarche-autpas. Pure 64.35 | 66.93 AUATAVAIlL AU EL ERNEST 66.3 68.38 Au travail à la voiture . . . . . 73.08 75.40 Quantités de fèves contenues dans la ration pour 4 kilogr. de paille. UN rer la lon sliee de 9 1,078 AnIdimarpheran pass, ALES v 1,253 Ar la" marehefa trot" re Ha AURÉTAVATNATINASE SA ET CNE PIE 1,608 AURITAVATI AUTO ED TT. 28 ME Auetravail a 1100 ee 250 0e. 294 Seuls, les coefficients relatifs à la marche au pas ne suivent pas 62 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. l’accroissement de la quantité de grains dans la ration ; ils sont plus élevés que ceux de la marche au trot et du travail au pas qui cor- respondent cependant à des rations plus riches en fèves. Les chevaux digèrent donc mieux quand, sans produire de travail extérieur, ils prennent un exercice modéré, qui a consislé chaque jour, pour le cas présent, en deux promenades au pas de 10 kilo- mètres chacune. Nous avons déjà maintes fois observé ce fait, et depuis longtemps aussi on sait qu’un exercice régulier et modéré est plus favorable à l’accomplissement des fonctions qu’un repos absolu ou un travail pénible. Les écarts extrêmes entre les coefficients moyens correspondant aux diverses situations ne sont pas très élevés. Voici d’ailleurs les nombres minima et maxima qu'a atteint chacun des principes. COEFFICIENT ——— ÉCART. MINIMUM. maximum, Matière sèche totale . . . . 9.06 69.47 10.41 Matière organique . . . . . 60.91 N\GG 10.44 Gellulose brute . , . . . . JP 39.85 4.68 Gellulose saccharifiable . . . 45.40 55.38 9.98 AMIGON EP ARTE RES ACTE 93.24 96.69 3.45 Protéine RER APR 72.96 78.57 5 Gi Indéterminés "=. mess 7 26.50 37.67 ET Ces chiffres, établis sur les données moyennes de trois chevaux ayant des aptitudes digestives différentes, échappent à l’influence individuelle. Les écarts sont du même ordre que ceux qui ont été observés dans les essais à l’avoine et au maïs, bien que les coefficients soient quelquefois sensiblement différents. Varialions du poids des chevaux dans les différentes situations, comparées aux quantités ingérées el digérées. Nous avons réuni, dans les tableaux qui suivent, les nombres qui représentent les poids des différents principes ingérés et di- gérés par chaque cheval, pendant les différentes périodes des expé- riences. ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 63 QUANTITÉS INGÉRÉES PAR JOUR. Cheval n° 1. MATIÈRE CELLULOSE F £ Ë 2 — | — ä A A A : © a mn E 5 S _ A # a ‘A e Êl e es o E E A 5 = 2 É= 5 p = © al es) a E] Fe n æ Le] 8 ES = È ji w 3 a = om nr) ol A © o M a Gr, Gr Gr Gr Gr. Gr Gr Gr Gr Au repos. Décembre 1889. . .| 7340,8| 6918,8] 1330,1| 714,8] 2 108,5| 267,4| 131,0] 1 314,8| 1 052,2 AVTILTSIDNE Nes re 6906,0| 6 484,9] 1 235,0! 659,1! 1 864,5] 207,4] 139,5! 1 138,2] 1 211,2 Août 1890. . . . .| 7017,2| 6 627,0] 1315,7| 715,5] 1 869,3) 266,1| 134,1] 1 081,3| 1 245,0 Septembro 1890 . .] 7122,4| 6 744,8] 1 219,5| 691,1] 1816,9| 284,5] 140,0] 1 164,1] 1 428,2 Octobre 1890. . . .] 6922,0| 6 520,2| 1 388,3| 856,41 1 661,2! 245,0| 128,6| 1 039,2| 1 221,5 Novembre 1890 . .| 6846,8| 6 448,6] 1 305,6| 936,6] 1 711,9] 265,1] 138,1] 1108,8| 982,4 Moyennes . . .| 7025,7| 6624,0| 1 209,0! 763,0] 1 828,7] 255,9! 135,2] 1 141,1] 1 190,1 A la marche au pas. Janvier 1890. . . are LEA EE de | ol il Al L 033,7 À la marche au trot. 1 169,9 Mai 1890... , . 16 Se 1 © _ re » 19 —— ee rs 2] LS » M ss [=] [=] ce w L'=] nn, Lo 9 4 Ju 130,0) 1 301,2 Au travail au pas. Février 1890. . . Ron En 1 258,3| HR 07] SH 1 108,6 | Au travail au trot. Mars 1890 . . . , fe p ea) bu 205, 1 LT Op) 782,6 Au travail à la voiture. Juin 1890 . . . . .|0 666,5] 9 283,1] 1355,0] 763,8] 3423,3| 380,1] 151,4] 1 932,7] 1 275,9 Juillet 1890 . . . .| 9 739,6] 9 289,0! 1 351,0| 854,0] 5 328,2] 390,4] 180,2] 1 952,6| 1 252,6 Moyennes . . .| 9 703,0| 9 286,0] 1 353,4] 798,9] 3375,7| 385,2] 165,8) 1 942,6] 1 264,2 64 Mars 1890 Juin 1890 Août 1390 Février 1890. . . . Juillet 1890 . . . . " Septembre 1890 . . Moyennes. . . . ANNALES DE LA SCIENCE Cheval n° 2. MATIÈRE A — — organique. Q y 7255,2| 6 806,2 6 780,0| 6 342,2 7062,8| 6 738,7 6998,0| 6 629,7 7 017,2| 6 627,0 7 006,4| 6 632,9 7019,9| 6 629,4 CELLULOSE — saccharifiable a ï Au repos. 1 183,0 1 314,0 1 388,7 1 358,3 800 ,4 AGRONOMIQUE. 1 968,4 764,9| 1 956,7 711,0 1 859,0 753,7| 1 $14,5 1315,7 1 213,2 1 295,5 715,5] 1 869,3 684,7| 1 763,8 738,4| 1 872,0 GRAISSE, 127,9 118,6 126,5 144,9 134,1 138,1 151,5 PROJÉINE. INDÉTERMINÉS. 1554,4| 1 091,2 1078,1| 907,8 1053,1| 1 363,5 1 067,8 | 1 256,0 1 081,8 | 1 245,0 1 132,0 | 1 422,6 1127,8| 1 214,3 À la marche au pas. Décembre 1889. . JR EE PE pal 1) 1 052, 7 A la marche au trot. Avril 1890. . . . Ju nes Fi PEU ss] DE 1 246,8 Au travail au pas. Janvier 1890. . . Ur EU 858,2] 2 661,3 si NET Au travail au trot. Mai1890. . . . AA eq RSA) HE ALES 1 175,5 Au travail à la voiture. 154,9! 1 738,2] 1 166,6 177,8| 2 021,2 Octobre 1890. . . . Novembre 1890. 2 893,2 3 190,7 8 895,0! 8 427,0 1 267,3] 858,6 9 447,1| 8 946,6| 1 264,2|1004,2 Moyennes. . . 9171,0| 8 686,8] 1 265,7| 931,41 3 041,9 166,3| 1 879,7 ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 65 Cheval n° 3. à MATIÈRE CELLULOSE É = & EE A — CA Q A rA Z s © “ a S 3 cs 5 A Ég x A e d ot œ = # < = = 2 = 3 Fe À Si CA a +4 È AN PER G S “ 5 5 a M Gr. Gr. Gr. Gr Gr Gr Gr. Gr Gr Au repos. Janvier 1890. . . .| 6744,6| 6 409,2| 1266,4| 737,9] 1 833,2] 297,4] 114,8| 1 132,7| 1 026,8 Mai 1890. . . . . 1 6187,6| 5 790,7] 1 205,9] 751,91 1 700,2| 206,2] 104,4] 986,0! 956,1 Juin 1890 . . . . .| 6628,2| 6 329,9] 1 250,1| 646,9| 1 830,5] 228,0| 116,4| 1 036,2| 1 222,0 Juillet 1890 . . . .| 6596,6| 6 255,5] 1 227,7| 689,5] 1 788,8| 227,9| 134,0] 1 052,1| 1 135,5 Octobre 1890. . . .[ 6481,1| 6 110,9] 1255,8| 756,3] 1 649,5| 233,5| 119,1] 1 023,0| 1 093,7 Novembre 1890. . .| 6846,8| 6 448,6| 1 505,6| 936,6] 1 711,9] 265,1] 138,1| 1108,8| 982,4 Moyennes. . . .| 6580,8| 6 224,11 1248,6| 749,8] 1752,3| 243,0] 121,1| 1 056,5] 1 069,4 A la marche au pas. Février 1890. . . A FR tenl nee] LE pal 1 097,0 A la marche au trot. Mars 1890 . . . . Eure A FA) Ass = cl tal 881,7 Au travail au pas. Déc:mbre 1889. . | reel 8 cas) no ne Hi 2,7] guitl { 1 053,7 Au travail au trot. Avril 1890. . . .. | HU sl 1 499,4 on] su] A0) né leu nl 1 139,7 Au travail à la voiture. Août 1890 . . . +1 8 050,1! 7 670,7] 1 011,9) 566,7] 2 975,2] 346,8| 136,1| 1743,0| 915,0 Septembre 1890. . . 8183,0| 7846,2] 841,4! 592,7] 305,5] 381,8] 146,2] 1882,5| 913,1 Moyennes, . . .| 8146,5| 7743,4] 996,6 3016,8| 364,3| 141,1| 1812,7| 914,0 ANN. SCIENCE AGRON. — 1893. — 1. 5 66 QUANTITÉS DIGÉRÉES PAR JOUR. Cheval n° 4. MATIÈRE em, organique. Au repos. 549,7 519,9 494,3 448,6 486,6 387,8 Décembre 1889 . . . . . . . Avril 1890.14... 000. AOUUISIO EE EE RTE Septembre 18904 . 4.1... Octobre 1890... Novembre 1890. + + « . 4 404,7 4 059,8 3 875,4 4 036,9 3 559,5 3460,1 Moyennes. "..1".t4u0., 3 897,1] 468,3 À la marche au Janvier 1890 . . . . . .. Jo 4 763,8 Mai 1890 Février 1890 . « . « « « . En nr) Mars 1890 Jus 18100 VE TENUE Juillet LOMME ANSE 6575,2| 6 461,7 6 748,6| 6 606,1| 502,2 Moyennes. 01.000 6 661,9] 6 533,9 | AMIDON. CELLULOSE d A œ «a ol em œ = 2 o L1 a 1 994,2 1710,8 1 718,2 1 740,7 1 501,7 1 573,4 1 706,5 pas. poil ao 2 me A la marche au trot. ee Je) ii I Rod Au travail au pas. Lt ei) Au travail au trot. |° rl rs Ju sel el Au travail à la voiture. 394,4] 3 288,5 479,3] 3 243,1 3 250,8 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. s 3 A ‘22 ñ Lei CR Su] 08 | ME D a BR a RUE PE UE) cn] CI + Gr. | "Gr, |: Gui] | 267,4] 986,0! 302,8 207,4| 815,6] 540,6 | 266,1| 705,3| 485,8 284,5| 789,9| 455,3 245,0] 630,5] 473,1 | 265,1] 677,8] 175,1 | 255,9] 767,5| 405,1 ul ti] 256,1 on] 880,3| 220,1 | cs] nas 337,9 uit] lie 60,8 380,1| 1 420,8 390,4] 1 475,7 385,9 ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 67 Cheval n° 2. CELLULOSE AMIDON. SUCRE PROTÉINE. INDÉTERMINÉS. organique, brute saccharifiable. Au repos. Février 1890 . . . . . . .. 4 650,2] 4469,8| 454,9] 412,3] 4 850,9! 280,9! 1 063,4| 438,1 1e 10 C0 RAI RE EP 3911,0| 3 783,9| 397,6| 358,3] 1 775,7| 202,1] 821,6| 241,8 Juin 1890. . . . . .... . | 4012, 3924,9| 434,5] 271,7] 1 742,2] 937,1] 772,4] 470,3 Juillet 1890. . . . . . . . .| 4062,1| 3043,4| 416,2] 345,0] 1688,3| 235,2] 808,8| 433,7 PART MR R CENT 3850,2| 3 767,5] 321,2] 150,2] 1 751,2] 266,1| 755,1] 526,4 Septembre 1890 . . . . . . .| 4196,4] 4019,0| 404,5| 362,1] 1 697,0] 278,5| 845,4] 412,0 Moyennes. . . . . . . .| 4106,0| 3984,7| 401,5] 316,6| 1 750,9] 250,0] 844,4] 420,4 A la marche au pas. Décembre 1889 . . . . . . et) su] mal LE] pis] pl 328,4 A la marche au trot, RRMLI8900S NE Se es 461,7 4 nie] 351,4 pos) 9 ni 240,0] 1 032,7 Au travail au pas, Janvier 1890 . . . . . . . | il ne] mel 2 540,9 un a) 240,2 Au travail au trot. MAT SOQ VAS CE. ani) 494,9 348,4| 1 252,6| 354,4 4 2 935,1 Au travail à la voiture. Octobre 1890 . . . . . . . . 5 864,2] 5 698,1 386,9! 351,9 385,6] 533,7 348,3 | 1334,2| 485,0 Novembre 1890 . . . . . . . 6 369,6! 6 173,5 MOYÉNTEB EE Te ele» 6116,9| 5935,8] 386,2 68 Janvier 1890 Mai 1890 :. . ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Cheval n° 3. SD Mate, te, Bite Moyennes 1e fu. Ie 0 Février 1890 Mars 1890. . Décembre 1889 . . . . . . . Avril 1890 . Août 1890. . A Fe OMAN | 6 0 6 233,9 Septembre 1890. . . . Moyennes MATIÈRE CELLULOSE AMIDON. organique. brute, saccharifiable Au repos. 4 532,6| 4290,5| 609,4] 489,9] 1 696,2 4079,8| 3 880,2] 579,0] 442,5] 1620,5 3980,1| 3952,6| 436,6| 261,9] 1 717,5 3932,7| 3 875,6] 442,4] 318,7] 1 698,0 3 981,4| 5894,7| 515,4] 364,9] 1 537,8 4187,6| 4059,2| 516,9] 530,3] 1 586,9 4082,4| 3988,8! 516,6| 401,2] 1 642,8 À la marche au pas. | 5 ei ÿ en ol 495,9 A la marche au trot. pur ph nl ul 2 255,4] Au travail au pas. | Fee ss) 504,8 enr Au travail au trot. 534,7 A Z - © mA fu 234,2 os ar] ae] 7) DE) 346,8 | 1 384,8 381,8| 1 493,6 364,3| 1 439,2 INDÉTERMINÉS. 286,1 370,6 504,9 409,0 504,5 328,5 400,6 578,4 208,6 350 ,1 454,1 393,7 493,9 ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 69 MATIÈRE CELLULOSE ä | -—— — | à “SUR 7 2 Ë RENE Se = 2 cs Z A = a ce = : | a (à) Ce a Hi 2 1 £ £ Ê D < A E 2 & < a î eo - 2 & = ca Fe D s) fu Z © © H a emmmrnes | memes |. | concu | mens | emmmmme… | emenemnse | aemmemeuss Gr Gr Gr Gr Gr, Gr Gr Gr Gr Quantités ingérées par jour. Aaireposs een Li 6875,5| 6492,5| 1981,0|750,7| 1 821,0/249,6/129,3| 1 108,5] 1 157,9 A la marche au pas. . .| 7720,0| 7 284,2| 1 306,0|789,4| 9 248,41307,5|132,4| 1 439,6|1 061,1 A la marche au trot. . .| 7728,2| 7 987,21 1 361,1|810,9| 2 296,91247,7|136,8| 1 334,0|1 099,5 Au travail au pas. . . .| 8 607,0] 8 120,1| 1 365,1|841,4| 2 654,81343,6/144,1| 1 700,9|1 069,6 Au travail au trot, . . .| 9 059,0! 8 558,0! 1 332,4|837,5| 3 095,71313,2|149,6| 1 797,0|1 032,6 Au travail à la voiture .| 8 996,8] 8572,11 1 181,91773,2| 3 144,81376,61157,7| 1 878,3|1 066,5 Quantités digérées par jour. Au repos. . . . . . . .|4 4 058,4| 3 956,9] 462,1 |342,0| 1700,11249,6| " 813,5] 408,7 A la marche au pas. . .| 496S,1| 4 874,3] 517,6 |427,7| 2113,3/307,5| v |14121,7| 387,6 A la marche au trot . .| 4776,0| 4 634,1! 506,0 |400,2] 2177,6[247,7| w" |1003,5| 296,8 Au travail au pas. . . .| 5 506,9! 5 422,0| 480,9 |465,0! 2502,81343,6| w" |1335,4| 309,4 Au travail au trot . . .| 6005,2| 5 845,2| 511,9 |397,7| 2 939,31313,92] " |1353,7| 342,6 Au travail à la voiture .| 6237,6| 6 103,7] 420,8 |393,0| 3040,51376,6| " |1449,9| 404,0 Si nous nous reportons à l’état des chevaux qui ingéraient et digéraient ces quantités, nous voyons qu’au repos ils on! presque constamment augmenté de poids vif. Quand la ration n’a pas pro- duit d'augmentation, il y a toujours eu entretien du cheval ; les nom- bres précédents sont donc un peu au-dessus de la ration du strict entretien. De même, la ration de transport au pas a produit un léger accrois- sement de poids vif chez les chevaux n° 1 et n° 2. Le cheval n° 3, avec cette même ration, s’est simplement entretenu ; on voudra bien toutefois remarquer que, pendant presque toute la durée du mois de février, où il recevait cette ration, il a été atteint de diarrhée, son état de santé est peut-être la cause de cette différence. La ration que les chevaux ont reçue pour le transport au pas est aussi un peu trop forte. 70 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Cette ration a été conservée pour le transport au trot: il s’est trouvé que, à cause de la différence d'humidité dans les fèves, elle a été en réalité moins élevée dans cette dernière situation que pour le transport au pas. Le cheval n° 1 à perdu très peu de poids, il s’est presque entretenu ; le cheval n° 2 a sensiblement diminué de poids vif et le cheval n° 3 a légèrement augmenté. Cette ration s’est donc montrée suffisante pour deux chevaux ; pour le troisième elle a été trop faible. Au travail au pas, le cheval n° 2 s’est maintenu sans augmentation ni perte de poids ; le cheval n° 3 a perdu très peu de poids et le cheval n° 1 à subi une diminution plus sensible, quoique peu impor- tante. | Ces différences s'expliquent si on se reporte aux tableaux du tra- vail que l’on trouvera plus loin: les poids ont diminué en raison directe du travail produit ; ce travail n’a pu être mesuré, pour le cheval n° 1, qui a perdu le plus de poids, que pendant les premiers jours du mois ; il est vraisemblable, si l’on considère les accroisse- ments de la température du cheval produits par le travail, que lors- que ce travail n’a pu être évalué, 1l S'est trouvé être plus élevé que celui des deux autres chevaux. | On peut admettre, en prenant toutefois seulement les nombres fournis par les chevaux n° 2 et n°3, que la ration a été suffisante pour leur permettre d'effectuer tous les jours à l’allure au pas, sur un parcours d'environ 20 kilomètres, un travail de traction d’en- viron 390 000 à 400 000 kilogrammètres. Au travail au trot, les chevaux se sont aussi diversement compor-- tés : le cheval n° 3 seul s’est entretenu ; les chevaux n° 1 et n° 2 ont perdu environ 10 kilogr. chacun. Le travail produit ne suffit pas à justifier ces différences, car les deux chevaux qui ont perdu à peu près le même poids ont fourmi des quantités de travail bien diffé- rentes (cheval n° 1, 367770 kilogrammètres, et cheval n° 9, 664089 kilogrammètres). Le cheval n° 2 à, il est vrai, ingéré 420 gr. de paille par jour de plus que le n° 1, mais cette quantité serait insuffisante pour compenser l'écart d’environ 300 000 kilo- ogrammètres que l’on a relevé dans Île travail fourni par ces deux chevaux. Le cheval n° 3, qui a produit presque autant de travail que ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 71 le cheval n° 1 (355 909 kilogrammètres), s’est maintenu, tandis que celui-ci a perdu plus de 10 kilogrammes. Jl faut voir dans ces différences, l'influence de l’individualité noû seulement sur la façon d’assimiler et ensuite d'utiliser les aliments, mais encore sur l’aptitude qu'ont les chevaux à supporter l'allure du trot. Les mêmes chevaux qui, au travail au pas, se sont comportés semblablement, diffèrent d’une façon très sensible au travail au trot; la différence d’allure a suffi, seule, pour modifier diversement les coefficients d’ulilisation des matières assimilées. Au travail à la voiture, des différences du même ordre se mani- festent ; en mettant de côté les mois d'entraînement pour ne tenir compte que des mois de travail effectif, on voit que le cheval n° 1, qui à fourni le plus de travail, a aussi perdu le plus de poids (environ 17 kilogr. en juillet). Le cheval n° 2, qui a produit le moins de tra- vail, a aussi perdu le moins de poids (environ 10 kilogr. en no- vembre). Le cheval n° 3, qui n’a perdu que 41 kilogr. environ (sep- tembre), a cependant produit un travail représentant sensiblement la moyenne des nombres obtenus par les deux autres; encore a-t-il consommé une ration plus faible ; ce cheval, en même temps qu’il s’est montré meilleur assimilateur des aliments, a élé aussi meilleur utilisateur des principes assimilés. Les trois chevaux ayant perdu du poids à la voiture, nous admettrons que les quantités moyennes digérées ont été insufli- santes. : Nous devons renouveler les réserves que nous avons toujours faites sur les pertes de poids vif, les moyens de recherches dont nous disposons ne nous permeltant pas de les imputer à l’un plutôt qu’à l’autre des trois facteurs de ces variations, eau, graisse et muscle. Nous avons déterminé, comme pour les essais au maïs, les rela- tions nutritives des ralions ingérées et des quantités digérées de ces rations. Nous n'avons pas trouvé d’écarts du même ordre que ceux observés dans les essais précédents entre les relations des quantités ingérées et celles des quantités digérées. Voici d’ailleurs les nombres qui expriment les dénominateurs de ces relations, c’est-à-dire les poids de substances hydrocarbonées 12 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. [amidon + sucre + (graisse X 2.5)] ingérées ou digérées en même temps qu’un kilogramme de protéine. CHEVAL NO 1. CHEVAL N° 2. CHEVAL N9 3. RS D SE Ingéré. | Digéré. | Ingéré. | Digéré. | Ingéré, | Digéré. — ———_— A UDEDOS AMEL Fe bts MN elle LA ARURE DES 2,17 2,03 2,09 9,07 2545 2,04 » ACTA MALCHEANPAS ALL L. CET RE 2.41 FO OÙ ee ùT 19 C5 ü A la marche au trot | . ANT ÉTA VAT AUS DAS EN Le): NE | Au travail au trot (#2) [=] 19 19 — C2 EO 2 Qt = 1 19 LO LO RO 9 1 » RO 19 1LO 19 19 19 19 eu | Il nous resterait maintenant à comparer cette série d’expériences avec les séries antérieures, en tenant compte des quantités de chacun des principes nutritifs ingérés et digérés. L'alimentation que nous étudions actuellement se sépare d’une façon très nette, par sa richesse en protéine, de celles qui ont fait l’objet des précédentes recherches. Cette question est suffisamment importante pour néces- siter un chapilre spécial que nous renvoyons à la fin de ce mé- moire. Slalique de: l'azote. La série actuelle d'expériences comporte une alimentation très azotée, et, à ce litre, le bilan de l’azote était intéressant à établir ; malheureusement il n’a pu l’être que d’une façon très approxima- tive. Nous avons dit dans les mémoires antérieurs que, pour toutes les sources où nous pouvons recueillir, à sa sortie de l’organisme, l'azote qui a été utilisé, les erreurs qui peuvent affecter nos résultats sont des erreurs en moins. Elles proviennent soit de la récolte for- cément incomplète des productions épithéliales, poils, corne, etc., que nous opérons, soil de l’altération des produits azotés de l'urine et de leur exhalaison dans l’air quand, par suite de fermentation, ils ont pris la forme ammoniacale. Cette perte s'effectue pendant la ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 173 journée même de Pémission (on sait que les urines sont recueillies toutes les 24 heures), à cause de la rapidité avec laquelle l'urée se transforme en ammoniaque. Pour le cas présent nous nous trouvions en présence de liquides très concentrés et les pertes n’en ont été que plus élevées. On verra, dans le tableau qui résume la statique de l’azote, que nous avons constalé des déficits qui, s'ils étaient réels, correspondraient à la formation de quantités énormes de chair musculaire, mais qui en réalité sont dus surtout aux pertes signalées plus haut. Azote de l'urine. L’urine n’a pu être recueillie que pendant les expériences au ma- nège ; les expériences à la voiture ne se prêtent pas, pour les chevaux au travail, à la récolte de l’urine. Pour les chevaux au repos, elle peut être recueillie en tout temps. Les chiffres que nous donnons se rapportent aux mois de décembre 1889, janvier, février, mars, avril, mai 4890, pour les trois chevaux, juin et juillet pour les chevaux n° 2 et n° 3, août et septembre pour le cheval n° 1. On trouvera dans les tableaux qui suivent la composition moyenne journalière des urines recueillies. TABLEAUX. 74 Mois de décembre 1889. Poids moyen journalier. . . . gr. BISRNILC Nes ie Nolle tetes ee Volume correspondant. . . . . CC. Azote dosé dans 1 centim. cube. mg. Arzote total. 0 ANUS. Te ONET: d’où Azote total des urines. . . . . gr. Volume et poids d’urine correspon- dant à l’eau de lavage d’où Poids total d'urine émise. . . . gr. Matière sèche dans 5 centim. cubes d'CINne LEON SLR TE RSR gr. Matière minérale dans 5 centim. cubes d'urine UPTANSr Ne ete gr. Matière organique dans 5 centim. cubes d'urine , . . . . . ARS D Matière sèche totale. . . . . . gr. HaudeEutTine CCC USE gr. Mois de janvier 1890, Poids moyen journalier. . . . gr DOnsité arte ile th DE Volume correspondant. . . . ce. Azote dosé dans 1 centim. cube. mg. Arzoto total "51505 Na LAB d’où Azote total des urines. . . . . gr, Volume et poids d'urine correspon- dant à l’eau de lavage. . . . . . - d’où Poids total d'urine émise. . . gr. Matière sèche dans 5 centim. cubes fie EME 0 PMR E OÙ Qué gr. Matière minérale dans 5 centim. cubes F6 Qi 64 ss CON ou gr. Matière organique dans 5 centim. cubes'd'uiine .. -. 000 tr Matière sèche totale. . . . ., . gr. Kaudel’urine.... 0,043, gr. .[ 9 260,0 CHEVAL KX° 1. Urine, | Lavage, 8 714,6 | 1 750,0 1,0374 | 1,0011 8 400,4 | 1 730,7 15,414 2,003 129,484 3,467 132,951 22407 ,9 — 2338" ,3| 194%, 5— 90287 51216 % 6 8 947,9 0,300 0,106 0,194 517,5 8 430,3 1 813,0 1,0086 1 797,5 1,225 2,201 1,0390 8 912,4 14,797 131,877 134,078 148,7 = 1548" ,5] 160,0 —1768",8| 144€ 2 — 1188" ,5 9 414,5 0,164 0,085 0,079 143,2 9 271,3 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. CHEVAL N0 2, CHEYAL N9 3. Urine. | Lavage. | Urine, | Lavage. 7321,6 | 1738,0 | 14 479,3 1,0410 | 1,0090 | 1,0292 7033,2 | 1 722,4 | 14068,5 22,124 | 2,498 | 14,156 155,603 | 4,303 | 199,153 159,906 2 7 524,1 14 702,2 0,422 0,138 0,105 0,066 0,317 0,072 610,0 394,3 6 914,1 14 307,9 8 460,0 | 1727,0 | 8257,0 | 1 783,0 1,0462 | 1,6092 | 1,0373 | 1,0080 8086,4 | 1 711,2 | 7960,0 | 1 768,8 20,701 | 2,044 | 15,032 | 1,046 167,397 | 3,498 [119,655 | 1,797 8 636,8 8 375,5 0,207 0,154 0,095 0,071 0,142 0,083 234,5 134,0 8 402,3 8241,5 ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 7 [bL Mois de février 1890. Poids moyen journalier. . . . gr. DEnSÉO Ne de ane ns le Volume correspondant. . . . . cc. Azote dosé dans 1 centim. cube. mg. Anoteitotalf, WE. NEC E Sr ere d’où Azote total des urines, . , . . gr. Volume et poids d'urine correspon- dant à l’eau de lavage . . , . . . d’où Poids total d'urine émise. , . . gr. Matière sèche dans 5 centim. cubes ŒUÉNMOR MUSÉE iso Fi CMS 3 Matière minérale dans 5 centim. cubes d'uriner: 4.4" COR PET Matière organique dans 5 centim. cubestarine PULL", gr. Matière sèche totale de l’urine. gr. Hatdoanineet. D. pr Mois de mars 1890, Poids moyen journalier. . . . gr. Densité MNT EE et. CRETE PE Volume correspondant. . . . . ec. Azote dosé dans 1 centim. cube. mg. Anote total 2h. Proche gr d’où Azote total des urines. . . … . gr. Volume et poids d’urine correspon- dant à l’eau de lavage. . . . . .. d’où Poids total d’urine émise. . . . gr. Matière sèche dans 5 centim, cubes d’atine!s is CINE SN ET Matière minérale dans 5 centim, cubes d'urInOl. Mens 4 star o NA SRE: Matière organique dans 5 centim. cubes dufine .. . 60 gr. Matière sèche totale de l'urine. gr. Eau de l’urine. . . ., SAC MEL LE CHEVAL NO 1. CHEVAL N° 2. CHEVAL N9 3. ——_. RS D ES CE Urine. | Lavage. | Urine. | Lavage. | Urine. | Lavage. 10 086,7| 1 803,2 | 6 218,2 | 4 720,4 | 9 631,1 | 17°4,3 1,0380| 1,0070 | 1,0454 | 1 9 717,5] 1 790,6 | 5948,2 | 1 705,9 | 9 296,4 | 4 712,8 15,858| 1,263 | 22,079 | 41,308 | 14,309 | 1,028 154,100| 2,262 [131,330 | 2,231 [133,022 | 1,761 |, TT" 156,362 141% ,7—14 ” pl o LI 133,56 r,41 404% ,0—1 ,0085 | 1,0360 | 1,0067 1 134,783 0587,6|123°%,1—1275",5 6 323,8 9 758,6 0,355 0,134 0,115 0,057 0,240 0,077 429,5 252,4 5 894,3 9 506,2 8 669,4 |1856,5 |5144,5 | 1 724,8 | 12264,5| 4 705,1 1,0446 | 1,0120 | 1,0510 | 1 8299,2 | 1834,4 | 4866,3 | 1 19,726 | 1,622 | 24,927 .[163,710 | 2,975 [106,703 ,0075 | 1,0260| 1,0070 741,9 | 11953,7| 1 696,1 1,032 | 10,373] 0,851 1,767 | 123,996| 1,444 I — |] © |, TT 166,685 108,470 195,440 150,8—15781,5| 80,6 —8 8 926,9 0,181 0,095 0,086 305,9 8 621,0 aër,7 |139°,2—14428",8 5 199,2 12 407,3 0,352 0,127 0,144 0,054 0,208 0,073 348,3 307,2 4 850,9 12 100,1 Mois d'avril 1590. Poids moyen journalier . gr: Densité. . . Volume correspondant. ce. Azote dosé dans 1 centim. cube. mg. Azote total . gr. d’où Azote total des urines. . . . . gr. Volume et poids d'urine correspon- dant à l’eau de lavage. . . d’où Poids total d'urine émise. . . gr. Matière sèche dans 5 centim. cubes durine . gr. Matière minérale dans 5 centim. cubes d'urine . . gr. Matière organique dans 5 centim. cubes d'urine . gr. Matière sèche totale . . gr. Eau de l’urine. gr. Mois de mai 1590. Poids moyen journalier . . . . gr. Densité . Volume correspondant. ce. Azote dosé dans 1 centim. cube. mg. Azote total . gr. d’où Azote total des urines. . gr. Volume et poids d'urine correspon- dant à l’eau de lavage. . É d’où Poids total d'urine émise. gr. Matière sèche dans 5 centim. cubes d'urine . . gr. Matière minérale dans 5 centim. cubes d'urine . gr. Matière organique dans 5 centim. cubes d'urine . . gr. Matière sèche totale. . . gr. Eau de l’urine. . gi ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. CHEVAL N° 1. CHEVAL N° 2, À | Urine, | Lavage. | Urine. | Lavage. 6615,7 | 1872,0 | 6534,3 | 1 788,7 1,0419 | 1,0095 | 1,0500 | 1,0088 6349,6 | 1854,4 | 6223,1 | 1 733,1 15,095 1,390 | 22,478 1,602 95,847 2,578 |139,882 2,840 —_—_—— 98,425 142,722 170,8 — 178%",0[196€,3 — 13987 ,6|15300,3— 15787 8 6 793,7 6 666,9 0,189 0,259 0,100 0,120 0,089 0,139 246,5 328,9 6 547,2 6 338,0 6764,8 | 1754,5 | 6801,2 | 1 741,6 1,0404 | 1,0072 | 1,0506 | 1,0070 6502,1 | 1742,0 | 6473,6 | 1 729,5 15,411 | 0,924 | 94,258 | 1,545 100,203 | 1,610 [157,037 | 2,672 D 101,813 159,709 [404,5 — 1088",7/110€0,4 — 11587 ,7 1 6873,5 6 916,9 0,190 0,209 0,100 0,104 0,090 0,105 251,1 275,2 6 622,4 8 641,7 a 0 —© | CHEVAL N03. Urine. | Lavage. 13 009,0! 1 757,3 1,0295| 1,0071 12 636,2| 1 744,9 13,144| 1,155 166,090! 2,015 168,105 13 166,8 0,118 0,056 0,062 301,8 19 865,0 8 143,2 1,0286 7 916,8 11,874 94,004 1 830,9 1,0062 1 819,6 0,990 1,801 154,7 —1568",0 8 299,2 ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 17 Mois d'août 1890. Mois de juin 1890. = ———————— CHEVAL N° 1. | CHEVAL N° 2. CHEVAL N° 3. Re TN Re 7 Urine. | Lavage. | Urine. | Lavage, | Urine. | Lavage. Poids moyen journalier. . . . . gr.| 7 770,0 | 1855,4 | 5220,3 | 1 827,7 | 7 780,0 795,0 Densité. LME ... . . .] 1,0337 | 1,0070 | 1,0476 | 1,0082 | 1,0274 | 1,0070 Volume correspondant . . . . . cce.| 7516,8 | 1842,5 | 4983,1 | 1812,8 | 7 572,5 | 1 782,5 Azote dosé dans 1 centim. cube. mg.| 11,433 0,987 | 19,782 1,438 | 11,642 0,867 Azote total. . . . . . . . . . . gr.| 85,940 | 41,849 | 98,576 | 2,607 | 88,159 | 41,545 d’où ne en AE Azote total des urines . . . . . gr. 87,749 101,153 89,704 Volume et poids d’urine correspon- dant à l’eau de lavage . . . . . .1459%,1 — 16487 ,5 |131°°,8 = 1388" 11139 7 —1568",3 d’où Poïds total d'urine émise. . . . gr. 7 984,5 5 358,4 7 916,3 Matière sèche dans 5 centim. cubes ÉUT IT CAMP EL TER MEME UPS 0,150 0,233 0,132 Matière minérale dans 5 centim. CHDES d'ONG 20 UC UET. 0,070 0,115 0,080 Matière organique dans 5 centim. CHEB QUTIME NN. SN EUCN ET. 0,080 0,118 0,052 Matière sèche totale . . . . . . gr. 280,3 938,4 ‘ 203,4 Hamde l'urine ere Le gr. 7 604,2 5 120,0 7 112,9 Mois de sept.1890. Mois de juillet 1890. . Poids moyen journalier. . . . . gr.| 6752,0 | 1778,0 | 5233,9 | 1 815,2 | 6 017,7 | 1 839,3 DEN SILS merde ne ro de ... . | 1,0885 | 1,0078 | 1,0498 | 1,0077 | 1,0380 | 1,0089 Volume correspondant . . . . . ce.| 6501,7 | 1764,2 | 4985,6 | 1 801,3 | 5 797,4 | 1 823,1 Azote dosé dans 1 centim. cube. mg.| 13,354 1,168 | 20,768 1,120 | 16,893 1,130 Aote tntales., RAT ANRT Te gr.| 87,019 | 2,061 [103,541 | 2,017 | 97,935 | 2,060 d’où CR gene or ee Qr Azote total des urines . . . . . gr. 89,080 105,558 99,995 , UE Re M 154,0 == 15987, 9! 97,1 — 1018" ,9 |121°°,9 — 1268" ,5 d’où Poids total d'urine émise. . . . gr. 6911,9 5 335,8 6 144,2 Matière sèche dans 5 centim. cubes d'urine.) MES RUE, : or 0,191 0,234 0,170 Matière minérale dans 5 centim. cubes d'urine. . . . . «4 1, gr 0,107 0,122 0,093 Matière organique dans 5 centim. cubes d'urine. . . , . : .:. + gr. 0,084 0,112 0,077 Matière sèche totale . . . . . ET 254,2 237,9 201,3 Pau de l'urine. . . , . : . TBE 6 657,7 5 097,9 5 942,9 18 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Azote dégagé par les fèces pendant la dessiccation. On sait que, pendant leur dessiccation, les fèces perdent, sous forme d’ammoniaque, des quantités d’azote appréciables, provenant soit de la fermentation de l'urine dont elles ont pu être souillées, soit de la fermentation de leurs principes azotés. Ces fermentations s’établissent très rapidement, surtout pendant les Jours. d’été, entre le moment où les fèces sont émises et le moment où elles sont pla- cées dans l’étuve. Il y à ainsi, pendant ce temps, déperdition dans l'air d’une partie de l’ammoniaque formée. La dessiccation est opérée dans le vide et les produits sont re- cueillis pour servir à la détermination de l’azote dégagé. On trou- vera dans le tableau suivant les poids moyens d’azote recueilli par jour durant la dessication des fèces. CHEVAL N° 1. CHEVAL N° 2. CHEVAL N° 3. A — — —— Poids ids Poids moyen moyen Mois d'expériences. [journalier] Mois d'expériences. |journalier| Mois d'expériences. |journalier d'azote d'azote d’azote recueilli, recueilli. recueilli, Décembre 1889 . . . Décembre 1889 . . . Décembre 1859 . . . Janvier 1890... . . Janvier 1890 . . . . Janvier 1890 . . . . Février 1890, : . . : Février 1890 . ….…, Février 18901... Mars 1390 Mars 1890 Mars 1890 Avril 1890 Avril 1890. . . . Avril 1890. Mai 1890 Mai 1890 Mai 1890 Août 1890 Juin 1890 Juin 1890 Septembre 1890 . . . Juillet 1890 Juillet 1890 ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 19 Azote des poussières de pansage et des poils recueillis pendant la tonte du cheval. Les quantités d’azote fournies par les produits du pansage quoti- dien des chevaux, ainsi que les poils provenant de la tonte sont données par le tableau suivant : CHEVAL N° 1. CHEVAL N° 2. CHEVAL N° 3. EE À = D —— — Pails Poils Poils Azote Azote et et et poussières correspon- poussières correspon- poussières correspon- re- re- re- cueillis, ur cueillis. dant. cueillis. Gr Décembre: 1889) MM Lee 0 22 JABVLCRIS ONE detente D 15 HÉVAET OT AN NS ete ae UE 49 DTALE ASIE ET RS N Ut PE / 4,739 76 AVEUUIBI0 TRS Mer ie 43,054 231 MAL SU ES RNe Men ereue ‘ 79,228 310 A ER 9 PSE EE EEE ER PE ON 2 25,266 190 CN CC RCE RE TELA 2 27,565 260 A'OEASION. ENS MATE Tee 2,95 22,213 210 Septembre 18902... ; .!. 5: 30,670 210 Octobre 1890 0.2. 1 25 65,410 1070 Novembre 1890 er, 13,630 15 Soit une production moyenne journalière de. . . , .... 2 1,168 " . Les pieds ont été tondus. . 630 gr. provenant de la tonte, . 50 gr. provenant de la tonte, CD 1O = Azote de la corne. Azote dant. 5,803 23,688 40,703 . 890 gr. provenant de la tonte. La corne enlevée aux chevaux pendant la pose des fers est aussi une source d'azote où nous pouvons puiser. On trouvera dans le Fr. 80 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. tableau qui suit les poids de corne recueillie et les quantités d’azote correspondantes. CHEVAL NO 1. CHEVAL NO 2. EE EE — Corne Corne Corne Dates. re- Dates. re- Dates. r'e- cueillie. cueillie, cueillie. ES RS SO | En ONCE À Re 5 nee come em meme deco mmeen Gr. Gr. Gr. 31 décembre 1889. . 5 décembre 1889. . 23 décembre 1889. . 11 février 1890 . . . 140 7 janvier 1890. . . 70 9 février 1890, . . 100 19 février 1890 . . . 190 19 janvier 1890. . . 150 10 mars 1890. . . 930 12:mars 1890 |. |. .”, 110 23 janvier 1890. . . 140 30 mars 1890. . . . 130 21 mars 1890 . . . . 60 11 avril 1890. . . . 120 20 avril 1890. . . . 150 7:avril 189040: 110 25 avril 1890. . . . 50 30 avril 1890. . . . 80 16 mai 1890. . 1.0. 290 2 mai 1890:, . . . 70 5'juin 189057, 70e 50 20 mai 1890. . . . . 60 12mai 1890 un. ue 50 30 juillet 1890 . . . 940 2 juillet 1890. . . . 110 19/mai 1890.25, 70 20 août 1590 . . . . 30 | 16 juillet 1890. . . . 60 29mai 1890 . 1: 20 7 octobre 1890. . . 150 21 août 1890... , .!. 10 | 25 juillet 1890 . . . 30 21 septembre 1890. . 310 21 août 1890 . : . . 80 15 novembre 1890. . 180 2 septembre 1890 . 130 6 octobre 1890. . . 230 27 octobre 1890. . . 50 25 novembre 1890 . 110 Soit pour 320 jours Soit pour 355 jours Soit pour 288 jours un total de . . , 1 560 un total de. . 1 370 un total de. . . 1 160 Moyenne par jour. .| 4,875 { Moyenne par jour . 3,859 | Moyenne par jour . 4,028 1. Corne non recuelllie. La production moyenne de la corne a donc été par jour: 487,875 3 ,859 ,028 Pour le cheval n° {. Pour le cheval n° 2. Pourile cheval 1035-14 PIN TEE RENE 4 Un échantillon moyen de la corne produite par les trois chevaux a fourni à l'analyse 11.90 p. 100 d’azote, les chevaux ont donc utilisé chaque jour à la production de la corne: Le cheval n° 1. 05,580 Le-cheval. 092.25 Ar SR VER 0 ,459 Le cheval n° 3. 0 ,479 Azote de la sueur. Nous n'avons pas, dans cette série d’essais, fait de nouvelles tenta- tives pour déterminer la quantité d’azote éliminé par la transpiration ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 81 cutanée. Nous conserverons donc les chiffres obtenus en 1888 et nous admettrons qu'un cheval au repos perd chaque jour, par la sueur, 45,305 d'azote, tandis qu’un cheval au travail en perd 28,179. Toutes les données précédentes nous permettent d'établir dans le tableau suivant le bilan de lazote : DIF- FÉRENCE entre VPazote du poids digéré et l'azote | des chevaux. VARIATIONS PROTÉINE protéine. de la sueur total rendu. Q ë «| des urines. rendu. des poils et du pansage. volatil des Gr. Gr. a | de la corne. [P) “+ Gr. Cheval n° 1. Décembre 1889 .| 986,0/157,760/132,951/1,120| 4,651|0,580 5[140,607| —17,153| Augmentation. Janvier 1890 . .| 1005,0/160,800|134,078/1,120| 3,30210,580 140,385] — 920,415 | Augmentation. Février 1890 . .| 1300,8[208,128/156,362/1,120| 7,054|0,580 2 167,295] —40,833| Diminution. Mars 1890. . . .| 1 306,2[208,902/166,685/1,120| 5,782/0,580|2 176,846| —32,646| Diminution. Avril1890 . . .| 815,6[130,496| 98,425/1,120| 4,427|0,580 105,858] — 24,638 | Augmentation. Mai 1890 . . . .| 850,3/140,848/101,813/1,120| 5,39710,580 5[110,245| —30,633| Diminution. Août 1890. . . .| 705,3]112,848| 87,749/1,120| 2,654\0,580/1,305| 93,408| —19,410| Augmentation. Septembre 1890.| 789,9/126,384| 89,080/1,120| 2,9840,580 95,069] —51,315| Augmentation. Cheval n° 2. Décembre 1889 . | 1153,1[184,500/150,906/1,168| 4,025[0,459 166,883 Augmentation. Janvier 1890 . .| 1310,7|209,712/170,895|1,168| 5,067|0,459 179,768 Entretien, Février 1890 . .| 1063,4/170,144/133,561|1,168| 2,67010,459|1,505|139,163 Augmentation, Mars 1890. . . .| 821,6|131,456|108,470|1,168| 2,131|0,459 113,533 Augmentation, Avril 1890 . . .| 1052,7/168,432/142,722|1,168| 3,64110,459 149,295 Diminution. Mai 1890 . . . .| 1252,6|200,416/159,709|1,168| 3,230/0,459 166,745 Diminution, Juin 1890. . . .| 772,4/193,584|101,183/1,168| 2,349/0,159/1,305 106,464 Augmentation, Juillet 1890. . .| 808,8/120,408/105,558/1,168| 2,018/0,459/1,305/110,506 Augmentation, Cheval n° 3. Décembre 1889 .| 1394,7|223,152 0,980! 8,873/0,479|2 214,738 Diminution. Janvier 1890 . .| 906,7|145,072 0,980! 3,80910,479 128,025 Augmentation. Février 1890 . .| 1207,0|193,120|134,783/0,980| 5,695/0,479|1,305|143,242 Entretien, Mars 1890. . . .| 1077,6|172,416/125,440|0,980 210,479|1,305|132,486 Augmentation, Avril 1890 . . .| 1502,4/240,384/168,105|0,980 0,479 | 2 188,977 Entretien, Mai 1890 . . . .| 753,3/120,528| 95,80510,980| : 0,479 103,445 Entretien. Juin 1890. . . .| 780,11124,816| 89,704|0,980 50510,479|1,305| 96,973 Augmentation. Juillet 1890. . .| 756,41121,024| 99,995|0,980 0,47911,305|111,542 Augmentation. ANN, SCIENCE AGRON, — 1, — 1893. 6 82 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Dans tous les cas, et pour chacun des chevaux, il y a eu un déficit d'azote, et ce déficit est quelquefois très élevé ; on devrait constater la formation de chair correspondante. Dans 14 cas seulement il y a accroissement de poids vif, dans 4 il y a entretien et dans 6 ilya perte de poids vif; les accroissements, à trois exceptions près, ne correspondent pas aux déficits d’azote constatés. Les mois pour les- quels la concordance existe sont : pour le cheval n° 2, mars et juin, où les accroissements de poids sont respectivement 11 kilogr. et 12 kilogr., et pour le cheval n° 3, juillet, où l’augmentation est d'environ 6 kilogr., ce qui fait par jour 355 gr. en mars et 400 gr. en juin pour le cheval n° 2 et 193 gr. en juillet pour le cheval n° 5. En admettant que ces accroissements soient constitués par du muscle tel qu’on le trouve dans le corps d’un animal vivant, c’est- à-dire contenant environ 70 à 795 p. 100 d’eau et dosant 4.5 p. 100 d'azote, ils nécessiteraient, pour le cheval n° 2, en mars 158,975 d'azote par jour, et en juin 18 gr. ; et pour le cheval n° 3 en juillet, 85,689. Or, d’après le tableau, les quantités disparues sont respec- tivement 178,993, 185',080 et 98',482. Dans tous les autres cas, les quantités d’azote disparues ne parais- sent pas avoir élé entièrement employées à la formation de tissu musculaire. Beaucoup de ces quantités sont exagérées par les pertes importantes provenant de la fermentation de l'urine, et dont nous avons déjà parlé ; il est regrettable que nous n’ayons aucune donnée nous permeltant d'évaluer, même approximativement, ces pertes, qui ont dû beaucoup varier, pour chacun des chevaux et pour les différents mois d'expériences, avec la concentration des urines et la température extérieure. Nous avons d’ailleurs, montré dans les mémoires antérieurs, à quelle erreur on se trouve exposé quand, dans l’étude des varia- tions de poids d’un animal, on néglige un seul facteur de ces va- riations. Or, l’étude des migrations de la graisse nous est rendue impossible par le fait que les produits de la respiration ne sont pas recueillis. ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 83 Stalique de l'eau. Nous pouvons mesurer avec une exactitude suffisante, l’eau qui entre dans le corps de l’animal, en pesant soigneusement sa boisson et en dosant l’eau qui lui apportent ses aliments. Par contre, nous ne pouvons déterminer directement qu’une partie de l’eau que l’a- nimal rejette, celle qu'il rend dans l’urine et dans les 'fèces. L’eau perdue par exhalaison pulmonaire et par transpiration cutanée doit être déterminée en bloc, par différence, et encore cette détermina- tion est-elle soumise à l'erreur qui peut résulter de la fixation d’eau par les tissus de l’animal, ce qui diminue le poids de l’eau gazeuse excrétée, ou de l'élimination d’une partie de l’eau constituant ces tissus, ce qui l’augmente. On trouvera, dans le tableau suivant, toutes les données dont nous disposons pour établir la statique de l’eau. Nous avons joint à toutes ces données, dans la dernière colonne, les pertes de poids des chevaux pendant le travail ou la marche, car ces pertes de poids sont constituées, pour la plus grande partie, par une élimination d’eau à l’état gazeux. 4. | PERTE RE DIFFÉ rence |d por SITUATION RENTE : entre cheval DATES. des totale d totale l'eau on pendant du e des sommée le bue, four- Lu EE PR pa et Peau es cheval, rages. | sommée, ; 5 cueillie, recueillie, | OU Ja marche. EEE EEE Gr. Gr, Gr. Gr. Gr. Gr, Gr, Gr, Cheval n° 1. Déc. 1889 . .| 20 162,9! 1 159,2| 21 322,1| 8430,4| 7584,1|16014,5! 5% 307,6 "| Repos. Janvier 1890.| 19 527,7| 1321,0| 20848,7| 9271,3| 7933,0| 17 204,3| 3644,4| 3630 |Marche au pas. Février 1890.|249252,8| 1 420,0] 25672,8| 9953,8| 7 519,0! 19025,2| 6647,6| 5130 |Travail au pas. Mars 1890 . .126587,7| 1 474,6| 28 062,3! 8621,0| 9597,2| 18 218,21 9944,1| 7 874 |Travail au trot. Avril 1890. .1 17 182,8| 1094,0| 18 288,6! 6547,2| 7592,3| 14 139,5) 4149,1 n_ |Repos. Mai 1890. . .| 23 103,5| 1 115,7! 24219,2| 6622,4| 9624,7| 16 247,1] 7972,1| 6572 |Marche au trot. Août 1890 . .[22196,8| 082,8 23197,6| 7604,2| 8487,0|16091,2| 7106,4 ” |Repos. | Sept. 1890. .| 18 848,3| 1010,6| 19 858,9! 6657,7| S070,4| 14728,1| 5 130,8 ” | Repos. 84 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. EAU DIFF 7 SITUATION , tale l’eau con-| pendant du des sommée le con- lux fi re- et l’eau | travail ; urine. èces. at ser p somméc. cueillie, [recueillie, | Ou la marche. Gr. Gr. Gr. Gr, totale te cheval. Cheval n° 2. Déc. 1889 . .| 15419,3| 1 215,7| 16 635,0[ 6914,1| 7 890,3| 14 804,4 2 099 | Marche au pas. Janvier 1890. | 19029,0| 1 438,4] 20 467,4! 8402,3| 8174,0| 16 588,3 524 | Travail au pas. Février 1890.| 13 502,5] 1244,8| 14 747,3| 5894,3| 6 867,0] 12 791,3 Repos. Mars 1890 . .| 14 805,2] 1 220,0| 16125,2| 4 850,9| 8559,7| 13 410,6 Repos. Avril 1890. .| 20 570,3| 1 217,1| 21 787,4| 6338,0| 8552,8| 14 890,8 Marche au trot. Mai 1890. . .| 31 538,0| 1 318,5] 32856,5| 6 641,7| 10 091,0] 46 732,7 Travail au trot. Juin 1890 . .| 18093,3| 937,2| 19 030,5] 5120,0| 8 998,5] 14118,5 Repos. Juillet 1890 .| 46514,5| 4 002,0! 17516,5| 5097,9| 7 389,9] 12 487,8 Repos. Cheval n° 3. Déc. 1889 . .| 25 699,3] 1 328,6| 27 027,9| 14 307,9| 9 760,8 6 Travail au pas. Janvier 1890.| 29 881,9] 1 221,9] 24103,8| 8241,5| 12 702,0 43, Repos. Février 1890. | 25 566,0| 1 303,2| 26 869,2! 5 506,2] 13 991,0 À Marche au pas. Mars 1890 . .| 32 915,5| 1 317,6| 34 233,1] 12 100,1| 16 718,8 Marche au trot. Avril 1890. .| 32 115,0| 1 363,0| 33478,0| 12 865,0| 11 064,4] 23 96 Travail au trot, Mai 1890. . .1 24 853,2] 877,4 25 730,6| 8095,9| 10 683,1 7 Repos. Juin 1890 . .[27491,3| 882,8| 28 374,1| 7712,9| 44 005,9 s Repos. Juillet 1890 .|21081,6| 945,4! 22 027,0] 5 942,9| 10 363,5| 16 306,4 Repos. Les nombres qui, dans la situation de repos, représentent la diffé- rence entre l’eau totale consommée et l’eau recueillie dans les urines et les fèces devraient nous donner, pour chaque cheval, la mesure de l’eau expirée et perspirée, mais nous venons de dire que la fixation d’eau dans les tissus ou l’élimination d’eau de ces mêmes tissus peut fausser les résultats. Les écarts observés dans les chiffres relevés sur chaque cheval viennent appuyer cette assertion. On voit, en effet, le cheval n° À éliminer successivement en dé- cembre 5 3078",6, en avril 41496" 1, en août 71065,4 et en septembre 51306",8 ; le cheval n° 2 en février 1 9566',1, en mars 21745",6, en juin 4912 gr. et en juillet 5028#",7; le cheval n° 3 en janvier 31606°,3, en mai 6 9515,6, en juin 6 655%°,3 et en juillet 5 7205',6. Les différences de température des mois où ces chiffres ont été obtenus ne suffisent pas à justifier certains de ces écarts, on voit même le cheval n° 1 éliminer plus d’eau en décembre qu’en avril. D'autre part, pendant le travail ou la marche, les quantités d’eau ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 85 perdue par le cheval et constatées par la balance sont quelquefois égales ou supérieures aux nombres que la colonne des différences donne comme perte totale de la journé@; il est évident, dans ce cas, que le cheval a cédé de l’eau de ses tissus, ce qui a pu masquer la formation de chair accusée par la statique de l'azote. Pour terminer, faisons remarquer qu’il existe des différences no- tables, pour les trois chevaux, entre les nombres représentant l’eau éliminée dans des situations correspondantes. Du travail produit. 1° Au manège. Le travail au manège a consisté, comme dans les séries précé- dentes, dans l’exécution, chaque jour, de 700 tours de manège : 350 tours le matin et 350 tours le soir. Le cheval qui était à la ration de transport, attelé derrière la flèche, effectuait le même parcours, lequel, la piste parcourue ayant une longueur de 28",965, corres- pond à 20 275 mètres. Ces chiffres doivent être un peu modifiés en ce qui concerne la période du travail au trot. Le cheval qui travaille au manège, à cette allure, a une tendance constante à se Jeter en dehors de la piste en s’appuyant sur le trait extérieur. Par ce fait 1l augmente d'environ 0",15 le rayon de la circonférence qu’il parcourt. Le cheval qui suit sans effectuer un travail de traction a une tendance contraire, il marche en dedans, diminuant le rayon de la piste d’un nombre égal, soit 0,15. Il en résulte que, pour le cheval au travail au trot, un tour de piste devient égal à 29,91 et, pour le cheval à la marche au trot, à 28",09, soit, pour le premier, un parcours total quotidien de 20 937 mètres, et, pour le second, 19 614 mètres. Le travail a été mesuré à l’aide du totalisateur Leclerc, dont il a déjà été parlé, Le travail produit par le cheval n° 1 en février n’a pu être déterminé par suite d’un accident survenu au totalisateur. Les tableaux qui suivent renferment les principales données, rela- tives au travail, que nous avons pu recueillir : sa durée, sa mesure exprimée en kilogrammètres, les pertes de poids du cheval au tra- vail et du cheval à la marche et l'accroissement de la température du corps du cheval pendant le travail. ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMÏIQUE. CHEVAL NO 3, — Travail au manège au pas. CHEVAL No 2, DATES. Marche au pas. NS — OBSER- Fa 1 Nonibre Pertefkle poids Élévation de la] Poids moyen |Perte de poids - Durée L température dul du chevall du cheval! VATIONS. Dé- \ de tours de la | du cheval pen- du travail. l AS cheval pendant! pendant le] pendant la ARS roulette. dant le travail. | [à travail. travail. marche, ë TT 7 © a l 1889. |Matin. Soir. | Matin.| Soir. | Matin.| Soir. | Matin.| Soir. | Matin| Soir, | Matin| Soir. | Matin| Soir. Min. | Min. Gr. Gr. | Deg. | Deg. | Kil. | Kil. | Gr. | Gr. 1 120 125 0 u 2200 | 2200! 02 0 1 |468,21467,3| 300! 1 500 2 128 148 " u 1 440 | 1 840 (OR 0 2 |461,01469,7 mn | 1400 3 122 127 | 5319 | 5020 | 1290 | L 360 6 2 0 1 |460,21462,2) 700! { 400 4 122 126 | 5157 | 5 075 | 1 900 30 0 0 0 0 1462,11472,8] 600! 4 000 5 128 130 | 4677 | 4540 | 1 020 | 1730 0 1 0 Q |460,71470,5| 4110! 800 6 129 128 | 4387 | 4165] 1 110 | 1700! 02 0 1 |468,81463,5| 1200] 900 7 132 129 | 3 896 | 36341 2400 | 1450! 0 0 0 1 |457,51467,7| 800] 24100 8 128 | 427 | 3907 | 3598 | 1 290 | 20601 0 0 | 0 2 |458,51469,4| 1700! 900 9 129 124 | 4055 | 3 890 | 1 430 | 1 630 0 0 0 0 |458,91467,81 500! 1 100 10 125 132 | 3775 | 3 889 | 2 350 | 2 500 0 4 0 3 [458,71466,7! 1 400! 900 ai! 125 126 | 3 878 D 1510 1 0 2 0 1 |457,4| 700: 1" 12 128 126 | 4318 " u 2 640 0 [ 0 0 un |4066,7 u | { 800 13 128 | 4928 | 4742 | 4044 | 1540 | 12901 o 1 | 0 5 |460,0[468,5| 1 800| 1 000 14 125 122 | 4643 | 5 362 | 2 150 | | 700 02 0 1 [460,4/468,1[ 700! 900 15 119 122 | 4332 | 5 401 | 1349 | 1680! 0 2 0 1 |459,91469,8[ 900! 1 400 16 124 135 | 3 601 | 5 602 | 1 920 | 2 120 0 I 0 0 [459,61468,31 1 100! 400 7 125 116 | 4041 | 5 481 | 2640 | 1 990 0 0 0 0 |462,21471,41 300! 1 400 15 119 111 | 5285 | 5455 | 1 840 | 2 200 0 0 0 2 |463,0|469,41 1 200! { 500 19 118 112 | 5652 | 5 137 | 1 890 | 1 300 0 2 0 2 1455,71461,7| 4 200| 1 000 20 113 110 | 5205 | 59011 1610 | 1660! 01 9 1 [458,31467,51 1 400! 700 21 Al4 110 | 5497 | 5412 | 1970 | 2500 | O0 0 0 2 |456,41466,6| 1 800! 1 S00 22 101 113 u 5 1261 2700 | 3 000 0 4 0 4 |458,11461,3| 200! 1 100|Pluie. 23 113 | 110 | 5770 | 5624 | 3500 | 28701 0 4 | 0 4 |a57,5[461,21 4 400! 1 500 24 [Eu 110 | 6011 " 240 | 2250 0 3 0 3 1455,9[464,51 2 100! 1 090! Pluie, 95 115 140 Ü 5 696 | 2230 | 2 300 O1 0 1 |456,0/465,3| 200! 500 26 118 114 | 5487 | 5973 | 1940 | 2 490 0 2 0 2 |450,61464, 600! 2 000 27 116 114 | 5706 | 5 785 | 1640 | 2 760 01 0 2 [458,41464,21 500! 900 28 116 111 | 5899 | 6290! 2 420 | 2 170 0 Ô 0 2 |456,41462,7 600 | 4 000 29 117 109 | 4263 | 5089! 2 160 | 1 460 0 3 0 4 |455,21462,9] S00! 1 500 30 117 112 | 5492 | 5910 | 2320 | 1730] 0 2 0 3 |453,21461,41 590! 1 500 31 118 117 | 5884 | 56811 2090 | 1380[ 00 0 1 |457,S1463,21 1 100! 1 800 Moy. .[120,51|119,381 4647 | 5095 | 1 869 | 1958 | 0 17 | 0 16 " " 934| 1 109 4. Le 11, bascule en réparation, T il matin . 4 647 X 40,8997 — 190 061 kilogrammètres. ravall Moyen . É = ë , ; soir. 5 095 XC 40 ,8997 — 208 384 _ ravailiati a cal minimum. 3 601 XX 40,8997 — 147.280 aval] naun . 0 3 YLE : maximum. 6011 X40,8997 — 245 845 = Travail d ‘ minimum. 3 998 x 40,8997 = 147 157 _ ravail du soir. . ; : per maximum 6 290 X 40,8997— 257 299 — DATES. Janvier ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. CHEVAL NO 2, — T:avail au manège au pas. Em Durée du travail. 2 a, Nombre de tours de la roulette. TT , du cheval pen- dant le travail ee température du cheval pendant le travail, a Perte de poids Élévation de la] Poids moyen du cheval pendant le travail. CHEYAL No 1. Marche an pas. Perte de poids du cheval pendant la marche, — VATIONS. 1890. Matin.| Soir, | Matin.| Soir. | Matin. Matin.| Soir. | Matin Matin Min. | Min. Gr. Deg. Gr. 1 S0û 9 500 3 100 1 800 2 700 1 990 1 (90 360 2 140 2 400 122 114 117 119 115 {10 123 118 123 118 117 117 114 130 126 128 125 117 151 133 128 122 123 125 125 124 120 119 122 123 2 400 { S00 1 500 2 360 2 300 2 430 2 330 1 980 1 820 1810 1 330 1 460 1 510 2 S00 2 000 1 490 1 030 1 560 800 200 { 090 440 1 540 1 390 2 240 1 500 L 580 CE di 2 600 20 0 2 000 { 0 1 700 2 100 2 200 1 900 2 000 L 800 { 500 2 000 2 300 { 900 2 200 2 300 2 000 3 809 | 2000 3 969 | 1400 " 1 600 4 150 | 2 500 4 092 3 915 3 136 4 100 3 825 3 937 4374 4 146 4 053 3 783 3 943 118 116 108 114 106 111 114 117 AiLA 113 slt F5 © ce Pluie, __—= WE + ce 19 Œ I 2] t9 © EC G = Lé—- © = re w3 Qt 19 = = 4 242 4 015 + ee] = RO 1 RO «© © © D — OO] 1 = à OT RS CS CS CR TENTE DCE MT pe es — 19 19 © À 19 1$ cs è D ES + e € = I © . Œ 1 — = pe QE 19 1 910/Pluie. 2 090 L 900 2 090 1 960 2 080 10 1 310 1790 LS = [=3 1 1 © a 9 © RO 9 19 F9 1© 9 RO t© [214 PA © 1 900 680 co Ds = 2 122,20 4279 1955 è ue à Le Re REU ; RL ose. | path ; 4 258 X 10,8997 — 174 151 kilogrammètres. soir. 4279 X 10,8997 = 175 010 — Tail ati ENnInARE 3 id XX 10,8997 = 138 691 — maximum. 4 955 X 10,8997 — 202 658 = ini 3 7$ 10.$997 = 154 72 = DANS cru 3783 XX 40,599 — 154 724 maximum. 5 807 X 40,8997 — 237 505 == ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Durée du travail, Matin.| Soir. Min. 136 CHEVAL N°0 1. Nombre de tours de la roulette, Le Matin.| Soir. — Travail au manège au pas. Perte de poids Élévation de la| Poids moyen température du cheval pendant le travail, du cheval pen- dant le travail, Matin.| Soir. | Matin. | Soir. Gr. 2 800 1 600 1 800 2 700 2 600 2 600 2 200 2 100 2 900 2 400 2 600 2 600 2 900 3 C00 3 300 3 600 D x + ot SO On mm © CE oo dé Pc 19 at co Or ÉD TI C0) CE M OL TO (0000700 du cheval peudant le travail, Matin Soir. 486,3 485,8 [489,6 488,1 487,4 488,5 482,0 CHEVAL No 3. Marche au pas. Perte de poids du ehevyal pendant la marche, A , Matin| Soir. 1 190 1 10 1 140 1 100 1 170 1 070 1 300 1 460 2 380 1 890 1 370 OBSER- VATIONS. A Matin | Soir. Pluie, | Pluie. 1, Quatre poids de 40 kilogr ont été mis en surcharge sur le chapeau du manège du 5 au 11; du 12 au 28, 8 surcharges. 2, Un accident survenu au totalisateur a empêché de mesurer le travail à partir du 12 au soir. ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 89 CHEVAL No 3, Marche au trot, © © © — OBSER- :.Élévation de la] Poids moyen| Perte de poide Durée Nombre L à qe température du| du cheval] du cheval] VATIONS. de tours de la U:CREVA PED-| Chevalpendant| pendant le] pendant la roulette, dant le travail! je travail. travail. marche, A, ae À, ee |, CHEVAL N° 1. — Travail au manège au trot. du travail. Matin.| Soir. | Matin.| Soir, | Matin.| Soir. | Matin.| Soir. | Matin| Soir. | Matin Matin| Soir. Min, | Min, Ge, Gr. 2 à il. | Kil. | Gr. = 69 3 000 | 3 800 71 400 | 3 100 74 2 900 | 3 100 3 600 | 3200 3 300 | 3 100 3 800 | 4 400 3 700 | 4 100 3 500 | 4200 4 400 | 4500 3700 | 2 600 3 600 | 4 300 3 600 | 4 500 5 129 4100 | 4 300 3 070 4700 | 5 400 5 037 4 000 | 4 500 3 770 4100 | 4700 4 348 4200 | 4 800 3 808 3000 | 3 500 3 865 3400 | 3600 4 488 3000 | 2400 4 078 3 200 | 3 600 3 744 3200 | 3500 4 071 3 000 | 3 700 3 950 3200 | 3500 4 824 3 600 | 3 200 4 307 -4 400 | 4 200 à 150 3 400 | 4100 5 464 5 400 | 6 300 5 281 5 500 | 5 700 5 027 4400 | 6 100 4 467 4 400 | 4 800 485,8] 1 300| 1 600 482,5| 1 900| 1 600 482,0| 1 300! 2 100 481/8| 1400! 900 476,6] 4 600! 1 900 480,2] 1 500| { 900 479,6] 2500| 2 300 479,1] 1000! 2 300 477,0! 1500| 1 500 478,8| 1 700| 2 200 477,6] 100! 1 500 471,2] 2 000| 2 100 473,4| 2 300| 2 300 473,7] 1 800| 2 400 473,2] 9 100| 2 200 51471,9] 1 600! 2 500 469,81 2 200| 2 300 469,8] 2 000! 2 400 470,2] 2 600| 2 500 471,9] 1200| 900|Pluie, | Pluie. 472,0! 1 800| 2 200 473,2| 1 800| 2 000 470,8] 1 500| 1 600 473,91 1 100! 1 700 465,91 2 000! 1 690 490,6! 2 100! 2 500 469,0] 2:00! 1 000 470,1] 2200! 3 600 470,6| 2 400| 2 300 471,4] 3 300| 3 200 467,7| 2 000! 3 900 en - m © © OO "1 Où Qt À C0 L9' ne D ble be fe be bn bin © © “1 OO Or & © 19 ro = ne bn À = © mm © on on 0 On nn One = On me = © = © © = re mb À pr À Pr à © © ©0000 On © em Or re = © © © CO 29 À © = Pr © = æ © © 1 0 CS O0 CO 9 OO += ææ © D = © © © = J © © © L9 PO 9 OO 9 © © E9 O0 O0 € © © OO NU D © À DO = = D © © © © O0 D Moy. .| 73,83 | 73,83 | 4 362 3784 | 4090! O0 97 = So “ 1860! 2 115 1. Le totalisateur reste en réparation jusqu’au 12. MALIN #20 4 362 X 40,8997 — 178 404 kilogrammètres. Travail moyen . . 2 ST soir. . . . 4630 x 40, 8997 — 189 366 = 90 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. CHEVAL No 2, Marche au trot. EEE — EE ——— — OBSER- CHEVAL NO 3. — Travail au manège au trot. Élévation de la] Poids moyen|Perte dpoi ls température du| du cheval] du cheval] VATIONS. cheval pendant} pendant le! pendant la travail. marche, Nombre Perte de poids de tours de la | du cheval pen- Durée du travail. roulette. dant letravail.| je travail. © Te | a À 2 | ee Lt, Matin.| Soir. | Matin.| Soir. | Matin.| Soir. | Matin.| Soir. | Maun| Soir. | Matin| Soir. | Matin| Soir. Gr. Deg. 3 200 0 |470.: S1 2 820| 2 000 3 190 4 S 9 800 | 2 800 3 660 82,3| 9 800| 3 200 3 500 2 3 2 700 | 3 100 5 600 471,5|47 9 400! 3 200 3 200 2 500 3 500 *3 000 4 000 3 600 4 100 4 700 4 300 4 700 3 300 2 600 3 700 2 500 3 900 3 600 4 100 3 800 2 800 3 300 3 600 4 400 4 400 3 400 " LL 2 800| 2700 9 400| 2 300 1 800 | 2 700 2 606| 3 000 1 900! 2 900 2 600| 2 S0C 3 600| 4 000 3 200! 3 400 2 600| 3 000 3 300| 3 000 2 300 | 2 500! Pluie. 2 600! 1 100! Pluie, 1400! 2 600 |Pluie, 1 700 | 3 100 2 800! 2 400 1 900! 2 000! Pluie 2 S00| 3 900 3 200| 2 400|Pluie. 2 800 | 2 600 3200| 2 700 3] 3 800! 6 100 3 400! 3 500 2 500! 2 800 3 900| 3 500 © © 19 © = + & oo a 1 À 9 © Or Co ©: SU et ET » Fe 1 © Qt OO NO = © Œ © » s SOLS SO CS CAS. © 1 ©, © I OO "I Cr © Qt D De M œ 1] @ © # ‘oo S 19 oo © © © © [=7] RE DORE © & (=) 1 QT to 3 æ 19 tO 19 19 & = 19 © © © © © © SUN ET ET PTT ST to 9 © — 1 (= La EL ECS MES ec CS CS ECC à C2 A «1 [5 J © © 1 = © D © © © & 1 _ 3 655 2 710] 2 945 1. Deux poids de 40 kilogr. en surcharge du {er au 5; quatre du 5 au 30. matin. . . . 4 393 X 40,8997 — 179 672 kilogrammètres. soir. . . . . 4 309 X 40,8997 — 176 237 Me minimum . . 3526 X 40,8997 = 144 212 — | maximum . . 56771 X 10,8997 — 232 188 = minimum . . 3212 X 40,8997 — 131 370 — maximum . . 9 735 X 10,8997 — 234 560 — Travail moyen . . Travail du matin . Travail du soir. . | ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 91 CHEVAL N0 2. — Travail au manège au trot, CHRYAL No 4. DATES Marche au pas. RC — OBSER- Nombre Perte de poids Élévation de la| Poids moyen | Perte de poids dètours de la | du cheval pen- température du] du chevall du cheval Ï d | l cheval pendant pendant le pendant la roulette. ant le travail, | }, travail. trail marche. Durée VATIONS. du travail. a — ne 2 | 2 À 2 À Ts, Matin.| Soir. | Matin.| Soir. | Matin.| Soir. | Matin.| Soir. | Matin| Soir. | Matin| Soir. | Matin| Soir. Min. ; Gr. s DR 'SE il. | Gr. | Gr. “ " 5 8 100 “ 8 111 5 200 D775| 7648 5 600 5425| 5897! 5 5 500 5250| 6564 5 100 8750| 8 830 » 6 900 8480| 7710 5 300 7 814| 8 820 - 4 800 8163| 64923 4 900 7715| 7931 3 900 8119] 8830] 5 600 | 6300 8483| 8105] 4 5 400 7 858| 8004 100 | 5 800 7621| 7978 60 5 100 7 544 5 200 ne 5 900 7 136 6 100 7 296 4 100 7 398 6 100 8 645 5 600 8 932 » 000 11 263 È 6 800 9 663 6 300 9 964 Ù 6400 484,5 3 400! 5 009 481,5|4184,4| 4 500! 3 900 482,5 1486 4 000! 3 900 480 ,0|48 3 900 | 4 700 476,5 512700! 3 900 479,2|480,6| 4 200 476,9 31 2 000 476,3 3 800 479,3|485 2 700 | 3 500 480,5 | 51 3 500! 2 000 480,0 3 300| 2 700 478,3|483,8| 2 600| 3 000 483,0|486,6| 2 700| 3 400 478,0|484,5| 2 400! 3 700 Pluie. 475,0 |480,1| 2 300! 3 500 474,41477,5| # 500! 4 700 475,91480,0! 3 300| 3 900 473,2|469,6| 3 600! 1 300 476,2|1479,3| 4 000! 3500 470,5 1 800! 3 400 475,5 |474,7| 3 500! 3400 473,9 51 4 100! 3 200 468,2 |47: + 000 | 3 100 3 470,41478,3| 8 700| 4 300 " Cheval boiteux. u 1300 | 1 900 9795| 8112] 5 400 | 4 800 14 3 |[472,91479, n 8261| 7571] 4 900 | 5 600 15 469,04 2 400 6 420 » 500 " ss) 467,5 3 000 CE CO 1 go Co (2) JF a © Q 1 EE Qt À CC L9O = — [=] 1 OO © re mn fo) C9 Or = 9 «1 & “OO © © OO OO æ @ €: > (Bd [=] CS [=] B I I I «1 © = © CCR RES I Œ © 19 1 Les = 1 © © 9 L DO Eeeeeeeeere Eee = = HO HO = 19 = me RQ ee en Po me 19 RO 9 9 19 © 19 œ + © COR — " , Cheval boiteux 1 " 7 059 4 5 900 | 5 200 ( A [475,0 2 000! 3 100 8 843 979! 5 800 | 5 000 1 6 \ [475,4 2 800 | 3 300 70,52 | 71,14 5 362 | 5 589 | 1 65 " 3 172| 3 400 { matin . . . 7 990 X 40,8997 — 326 789 kilogrammètres. Le SOI AN A 8 247 X 40,8997 — 337 300 Tam \ minimum. . 5 250 X 40,8997 — 214 723 Æ | maximum. . 11 263 >< 40,8997 — 460 653 — minimum, . 5 807 X 40,8997 — 237 505 — maximum. . 10743 X 40,8997 — 439 385 - Travail moyen . Travail du matin Travail du soir. . 92 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Au travail au manège au pas, les chevaux ont donc effectué par jour : CHEVAL N0 1. CHEVAL N°0 2. CHEVAL K0 3. Kilogrammètres. | Kilogrammètres, Lendaline 22m Us » 174 151 190 061 LCR MEN ORNE PE » 175 010 208 384 TOlAl SRE » 349 161 398 445 Il y a une différence entre le travail produit par le cheval n° 2 et le travail produit par le cheval n° 3, de près de 50 000 kilogrammè- tres. Quant au travail du cheval n° 1, qui n’a pu être déterminé, 1l est vraisemblable, si l’on compare aux nombres correspondants des autres chevaux ses accroissements de température et ses pertes de poids, qu'il a dû être plus élevé. Mais on ne saurait être aflirmatif sur ce point, car, chez des animaux différents, les accroissements de la température sont rarement identiques pour un même travail. Pour s’en rendre compte, il suffit de se reporter aux chiffres fournis par les chevaux n° 2 et 3 au travail au pas, où précisément celui qui a produit le plus de travail a présenté les accroissements de tem- pérature les plus faibles. Le minimum de travail produit pendant 350 tours de manège a été 138 691 kilogrammètres et le maximum 257 259 kilogrammé- tres ; la variation est donc presque du simple au double. Au manège au trot, le travail effectué par les chevaux a été chaque jour : CHEVAL N° 1. CHEVAL NO 2. CHEVAL N° 8. Kilogrammetres. Kilogrammètres. Kilogrammètres. Le MAIN ME RER 178 404 326 789 179 672 Le-SOIL LE TER 189 366 337 300 176 237 Total RER 367 770 664 089 3959 909 On voit combien ont été différentes les quantités de travail pro- duites par les chevaux. Nous devons cependant faire une réserve au sujet des nombres qui expriment le travail du cheval n° 2. Un acci- dent ayant mis hors de service, au début du mois de mai, le dyna- momètre totalisateur, on lui substitua, pour la mesure du travail, un appareil de construction beaucoup moins parfaite ; les résultats ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 93 obtenus à l’aide de cet appareil présentent peut-être un caractère de moindre précision. Quoi qu'il en soit, les chiffres ‘obtenus pour le travail du cheval ° 9, s’ils ne sont pas d’une exactitude rigoureuse, s’écartent peu de la réalité, et nous avons pu constater que la résistance à la trac- tion présentée par le manège, a été beaucoup plus élevée pendant le mois de mai que pendant les deux mois précédents et que, par conséquent, le travail produit par le cheval n° 2 a été bien supérieur à celui qu'ont donné les chevaux n° 1 et n° 5. Cette série d'expériences montre donc, comme les précédentes, que la traction nécessaire pour actionner le manège varie cons- tamment. La cause principale de ces variations réside dans la source du travail lui-même. Ce travail est produit par le frotte- ment de lames métalliques fortement appliquées les unes contre les autres. On conçoit aisément que les moindres modifications qui se pro- duisent dans l’état des surfaces frottantes produisent des variations importantes dans l’effort nécessaire pour vaincre la résistance due à ces frottements. Pendant le travail au trot, la traction a varié de 1 à 3 1/2. La traction la plus faible a été observée quand le chapeau du ma- nège portait en surcharge 4 poids de 40 kilogr., et la traction la plus forte correspond à un mois où le manège ne portait aucune surcharge. Les vitesses respectives moyennes des trois chevaux au manège ont été : CHEVAL N°0 1. CHEVAL N°0 2. CHEVAL NO 3. US CN TO MIENNTARE 15,303 1®,409 1,409 5 41:11 ASS RRSErE à 2 ,363 2 ,463 2 ,459 Enfin, la traction moyenne qu’a dû développer chacun d’eux pour actionner le manège a été : CHEVAL N° 1. CHEVAL N° 2. CHEVAL N° 3. ERIC TC ENNEE STRNER » 1748, 221 19%5,652 AAÇOE MEN AT 4, 1768,565 31 ,718 17 ,000 94 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Les tractions extrêmes relevées sur le travail des trois chevaux ont été: TRAOTION —_—— — —— — minimum. maximum. RAS MES ve 2 2 LEE 13k8, 680 25k8 377 AINTROR d ict UNS 12 ,549 44 ,003 2° A la voiture. Deux mois ont été consacrés, pour chaque cheval, à l'étude du travail à la voiture ; le premier mois a été employé, comme dans la série précédente, à amener progressivement le cheval à produire le travail moyen effectué par les chevaux de place de la Compagnie. Pendant ce mois d'entrainement, les chevaux traînaient la voiture à vide ; ils travaillaient tous les deux jours, et on graduait comme il suit la durée du travail : Les 2 premiers jours . . 5 courses de 1/2 heure . soit 2 heures 1/2. Les 2? suivants . 4 — de3/4 d'heure. soit 3 heures. Les 3 suivants . Po — . soit 3 heures 3/4. LRO TAREUTE Les 4 suivants MMS nn soit 4 heures {| À 2 — de 1 heure 1/4. Les 4 derniers . it 5 heures 1/2. es 4 derniers JA See soit 5 heures {| Ainsi entrainés, ils continuaient à travailler un Jour sur deux pen- dant 5 heures et demie, durant tout le mois de travail effectif, avec une charge, dans la voiture, de 140 kilogr., représentant le poids moyen de deux voyageurs. L’odographe, qui donnait les chemins parcourus, a fonctionné irrégulièrement pendant ces essais. Nous avons écarté, pour l’éta- blissement des moyennes que l’on trouvera plus loin, tous les chiffres fournis par des tracés suspects, ne faisant entrer en ligne de compte que ceux qui ont été donnés pendant un bon fonctionnement certain de l'appareil. La détermination de la traction moyenne de la voiture, sur la ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 95 piste même où avait lieu le travail, a donné les résullats sui- vants : MPoldSide aevoIEuieranvitle, té" EAN ne 480 kilogr. ROIS AQUNCOON ER ARTS Mt ut UE MCE 64 — Poids'de deux YOyAgeurs 0. UNIS 140 — Durée moyenne d'un essai, 2m Q$ Vitesse moyenne . . . . 10km 595 à l'heure. Effort moyen à vide (avec le cocher) . . . . 204,684 Effort moyen en charge (cocher et voyageurs). 23,218 L'effort de traction de la voiture à vide est de 3.80 p. 100 du poids de la voiture, l'effort en charge n’est plus que de 3.40 p. 100 ; l’adjonction d’une charge à la voiture a donc eu pour effet de faire baisser le rapport de la traction au poids total à déplacer. En d’autres termes, le poids ajouté au véhicule a un coefficient de traction inférieur à celui du poids du véhi- cule lui-même. Pour le cas présent, la traction de la charge de 140 kilogr. a été de 25,934 soit 1.81 p. 100 du poids de cette charge. Les chiffres de 20,684 pour la voiture à vide et 23*5,218 pour la voiture en charge ne représentent pas exactement la résistance qu'a dù vaincre le cheval. La détermination du travail de traction est faite horizontalement, tandis que le cheval effectue sa traction à l’aide de traits inclinés sur l’horizontale. L’angle d’inclinaison a été déterminé, il était de 17,45. Il en résulte que les nombres obtenus, corrigés, deviennent 216,662 pour la voiture à vide, et 245,316 pour la voiture en charge. Pendant les mois d’août et d'octobre, où les chevaux n% 3 et 2 étaient à l'entrainement, ils ont respectivement donné les vitesses de 9*°,504 et 9%*,972 à l'heure, produisant ainsi pendant ce temps: te cheval n° 3 en août, 205 876 kilogr., et le cheval n° 2, en octobre, 216 013 kilogr. Les données correspondantes n’ont pu être déterminées pour le cheval n° 1, l’odographe ayant été en réparation pendant presque tout le mois de juin. 96 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Les chemins parcourus par chaque cheval pendant les mois de travail, avec la voiture en charge, sont les suivants : Cheval n° 1. Juillet 1890. — Moyenne journalière. DURÉE CHEMIN du travail. parcouru. Mètres. Matin HS PR 2h30" 25 086 OU) LE ENT 3 00 29 162 Total ES 5h 30m 54 248 Soit une vitesse à l'heure de 9:",863. Cheval n° 3. Seplembre 1890. — Moyenne journalière. DURÉE CHEMIN du travail. parcouru. Mètres. Man: ee 2" 30% 24 565 SOIT MESSE MEN EE 3 00 28 219 OP RER AEEE M 5230" 52 784 Soit une vitesse à l’heure de 9*",597. Cheval n° 2. Novembre 1890. — Moyenne journalière. DURÉE CHEMIN du travail. parcouru. Mètres. Matin LR Dao qu 23 911 SOIT AN EVE RE RS 3 00 27 955 HE DENT 5x 307 51 866 Soit une vitesse à l’heure de 9:",430. Le travail correspondant est donné, pour chaque cheval, dans le tableau ci-après : Nous avons également noté la température du corps du cheval le matin et le soir avant et après le travail. Toutefois, comme les che- ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 97 vaux faisaient le matin deux courses de un quart d'heure, séparées par un repos d’une demi-heure, et le soir deux courses de une heure et demie, séparées par un repos de même durée, les chiffres donnés dans ce tableau ne représentent pas exactement les accroissements de température qui correspondent au travail produit. Nos chiffres, obtenus tous dans des conditions identiques, n’en sont pas moins comparables entre eux. TRAVAIL ; PRES TE TEMPÉRATURE nr produit STE en EN 1 | température du cheval. kilogrammètres. initiale. Cheval n° 14. Juillet 1890 : Matin ea te lt 609 9914 SAONE ER OR RTC NS 1 319 094,3 Cheval n° 2. Septembre 1890 : MAR See cran h DUT d223 SUR 2 er a 6801732 { 283 495,7 Cheval n° 3. Novembre 1890 : “ Me HO ART A TU) 37°97 SDS na OPEN. 679 753,7 JIROZ 1 261 173,6 Les chevaux ayant fréquemment uriné pendant le travail, nous ANN. SCIENCE AGRON. — 1893. — 1. 7 98 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. n'avons pu déterminer que pendant un nombre de jours limité les pertes de poids qu'ils ont subies. Voici les résultats obtenus : CHAVAL N° 1. CHEVAL NO 2. CHEVAL N° 3. Dates. Durée Pa ÿ x Perte à du Juillet HE. ids. de poids. 1890. travail. travail. Kilogr.} Es Les es S i= 25,1 1 23,4 1 25,3 26,5 1 25,9! 30,9 | 1 29,5 38,9 | 32,8 33,4 36,7 34,8! 3197 40,2? 35,0! 36,2 ! © [=] C9 2 CO mmON Eater QG Em C3: SNOMOMNOTrOSNS 1 Co = = 1 Lo [26] © © =] Le] =] 9 ID +9 19 ra 4 [=] QT © OO OT OC OÙ CO OC co © © QT QE OT OO QE OÙ OO QE Où CE UE CE OC Cr C2 2 [=] =] Moyennes u 4. Le cheval ayant uriné, les chiffres sont trop élevés. Les moyennes sont établies seulement sur les chiffres exacts. RÉSULTATS DES EXPÉRIENCES A LA FÉVEROLE COMPARÉS A CEUX DES EXPÉRIENCES PRÉCÉDENTES Dans les essais entrepris jusqu'alors, les rations essayées présen- taient toutes ce caractère commun que leurs relations nutritives s’éloignaient peu de 1/7, nombre adopté par la Compagnie des Voi- tures pour l'établissement des rations de sa cavalerie. La série actuelle réalise des conditions toutes différentes. Le rap- port de la protéine aux principes hydrocarbonés est beaucoup plus ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 99 élevé, et la relation nutritive est très voisine de 1/4. En raison du prix élevé attribué à la protéine dans la ration, il est important de rechercher, par la comparaison de la série actuelle avec une autre série où l’alimentation était beaucoup moins riche en protéine, si les résultats obtenus avec la féverole justifient le surcroît de dépenses que comporte une telle alimentation. On sait déjà, par une pratique de plus de 15 ans, qu’une ration dont la relation nutrilive est com- prise entre 1/6 et 1/7 est très favorable à l’accomplissement des fonctions et à la production du travail chez le cheval adulte. Le rem- placement d’une telle ration par une autre de relation nutritive de 1/4 est-il ou non avantageux? Tel est le problème économique dont la solulion doit se dégager de la comparaison de ces deux sortes d'alimentation. La deuxième série d'expériences au maïs (maïs et paille de blé) et la série d’expériences à la féverole, qui se sont succédé dans l’ordre des essais, ont été exécutées dans des conditions identiques; elles sont en tous points comparables et fourniront les données qui per- mettront de conclure en faveur de l’un ou l’autre genre d’alimen- tation. Les différences sensibles qui peuvent exister entre les coefficients de digestibilité de rations composées de fourrages différents ne per- mettent pas de prendre comme termes de comparaison les rations elles-mêmes. Il est plus logique, et en même temps plus exact, de r’envisager que les quantités des divers principes qui, solubilisées et absorbées par l'intestin pendant l'acte de la digestion, sont réellement entrées dans le sang et ont participé à l’acte général de la nutrition, soit en produisant des matériaux destinés à réparer les pertes des tissus, soit en fournissant l’énergie nécessaire aux diverses manifes- tations extérieures de la vie. Les différents principes hydrocarbonés, cellulose, amidon, sucre, qui se comportent différemment au point de vue de la digestibilité, ont sensiblement la même valeur quand ils sont assimilés. Nous les avons réunis et à leur somme nous avons ajouté la graisse, dont la valeur a été calculée en amidon à l’aide du coefficient de Lawes et Gilbert, et les indéterminés. L’addition de ces derniers principes n’est pas rigoureusement justifiée ; toutefois, bien que leur compo- 100 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. silion ne soit pas exactement connue, nous savons qu’ils sont cons- titués des mêmes éléments que les hydrocarbonés, dont ils se diffé- rencient surtout par une teneur plus élevée en carbone. Nous ne nous éloignons donc pas sensiblement de la vérité en leur assignant la même valeur. Le tableau suivant donne, pour les essais au maïs et pour les es- sais à la féverole, et dans les différentes situations qu'ont occupées les chevaux, les quantités de matières protéiques et de matières hy- drocarbonées, groupées comme nous venons de l’exposer, qui, chaque jour, ont été digérées par les chevaux : | ESSAIS ESSAIS DIFFÉRENCE ] ; en faveur au mais. à la féverole. de la féverole. a ——— ——— —— ——— À © | Hydro- Hydro- { Hydro- Protéine. Protéine, Protéine, carbonés, carbonés, carbonés, gr. gr. gr. gr. gr. AUTODOS Sete let 336,4 3 712,2 813,9 3 162,5 477,1 A la marche au pas. . . 359,7 3 924,6 122157 3 753,7 762,0 A la marche au trot . . 364,3 4 013,5 1 003,5 3 628,3 639,2 Au travail au pas. . . . 372,5 3 883,7 1335,4 4101,7 962,9 Au travail au trot . . . 423,9 4513,6 1353,7 4 504,0 929,8 Au travail à la voiture . 330,0 3 874,3 1 449,9 4634,9 1 119,9 Il est facile de voir, par l’examen de ce tableau, que, au cours des essais à la féverole, les chevaux ont disposé d’une somme plus grande de principes nutrilifs qu’au cours des essais au maïs. Ce sont les matières protéiques surtout qui causent cette différence. Tandis que pour les hydrocarbonés les différences sont tantôt en faveur de la féverole, tantôt en faveur du maïs, elles sont, pour la protéine, tou- jours en faveur de la féverole et toujours représentées par des nom- bres assez élevés. Si, partant de Ja chaleur de combustion de ces divers principes, nous évaluons en calories la valeur énergétique de ces principes di- vérés, nous obtenons les chiffres suivants : ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 101 ESSAIS AU MAÏS. ESSAIS À LA FÉVEROLE. , DIFFERENCE EE © EE TT — Valeur PE Valeur | Valeur Valeur | Valeur | °” fre de la de 1 FE Se & | hydro- | totale de la protéine protéine Dunes en On en en féverole. e hydro- totale carbonés en en calories. | calories, | Calories, | calories, | calories. | calories. 15466,0| 17 013,41 3 742,1 | 12 966,2] 16 708,3] — 305,1 A la marche au pas . . . 65. 16 090,8] 17 745,4] 5 159,8 | 15 390,2| 20 550,0! + 2 804,6 A la marche au trot. . . 5 16454,9| 18 130,6] 4616,1 | 14 876,0] 19 492,11 + 1 561,5 Au travail au pas. . . .| 1713,5 | 15 923,2| 17 636,7] 6 142,8 | 16 817,0| 22 959,8] + 5 323,1 Au travail au trot. . . . 4 18 505,7] 20 455,6] 6 227,0 | 18 466,4| 24 893,41 + 4 437,8 Au travail à la voiture. . 15 884,2| 17 402,2] 6 669,5 | 19 003, 1] 25 672,6] + 8 270,4 Ce tableau ne fait que confirmer le précédent : dans tous les cas, sauf au repos, les différences sont en faveur de la féverole. Voyons maintenant quel a été le travail produit par les chevaux au cours des deux essais. Au repos et à la marche au trot, les condi- tions ayant été identiques, les dépenses sont du même ordre. Au travail au manège au pas, les chevaux ont produit, en moyenne, chaque jour, au maïs 390 761 et à la féverole 373 803 kilogram- - mètres. | Au travail au manège au trot, le travail a été, au maïs, de 369 119 et à la féverole de 462 456 kilogrammètres. Nous avons dit, au cours de ce mémoire, que les chiffres relevés pour le travail du cheval n° 2 sont vraisemblablement trop élevés; cette dernière moyenne serait donc un peu au-dessus de la réalité. Pendant les essais au maïs, le cheval n° 3 seul a pu accomplir le travail à la voiture ; il a produit, pour chaque journée de travail, 1105 478 kilogrammètres. Aux essais à la féverole, le travail moyen des trois chevaux a été de 1 291 954 kilogrammètres. Il nous reste à examiner comment ont varié les poids des che- vaux dans l’un et dans l’autre cas. Nous donnons flans le tableau suivant les poids des chevaux au commencement et à la fin de chaque mois dans chacune des deux séries. Toutefois, la compa- raison de deux poids isolés n'ayant qu'une valeur relative à cause des nombreuses influences auxquelles sont soumises les pesées quo- 102 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. tidiennes, les nombres que nous donnons comme poids des che- vaux au commencement et à la fin de chaque mois représentent la moyenne des poids des cinq premiers et des cinq derniers jours. CHEVAL N° 1, CHEVAL N° 2, CHEVAL N° 3. — — —— 0 — TT — ——— — — — a — | Poids | Poids | & _; | Poids Poids | ; _: | Poids Poids ou 5 Ë SDS E à au à E £ au à É £ au à PB 5 | début. | la fin. | ? & | début. | la fin. | © | début. | la fin. Kilogr. | Kilogr. Kilogr. | Kilogr. Kilogr. 41° Essais au maïs. 1er à 21 nov. 1888. .[ M. P.| 419,8 |-422,5 | R. | 475,9 | 483,3 22 nov, à 11 déc, . .| T.P,| 419,3 | 415,6 | M. P.| 479,6 | 479,1 12 à 31 décembre . .| R. | 413,8 | 422,5 | T.P.| 480,3 | 478,3 Janvier 1889 . . . .| KR. 424,0 | 431,8 |T.T.| 482,6 | 475,5 Février. . . . , . .| M. T.| 432,3 | 428,6 R. | 475,6 | 478,5 Mars . je» + lee + .]T. T. | 428,9 | 422,1 | M. T.| 480,0 | 475,9 AYTilN Fetes <éetoh e ü u u R. | 475,3 | 483,7 MAS etienne " n R. 484,1 (1 " Essais à la féverole. Décembre 1889 . . .| R. | 469,4 | 476,9 | M°P-| 468,3 | 474,0 Janvier 1890 . . . .| M.P.| 476,3 | 480,2 | T-P-| 475,9 | 475,4 Février, ... . . .. T.P.| 479,7 | 479,7 | + | 474,5 | 480,1 Mars. . . . . . . .|T.T.| 471,4 | 460,0 | R. | 487,1 | 496,6 ANT ET | R. | 461,6 | 474,9 | M.T.| 498,7 | 480,6 Mai Res déc .|M. T.| 473,1 | 469,4 | T. T.| 478,4 | 468,5 Juin........| V. | 476,2 | 469,5 | R. | 476,2 | 488,7 Juillet . | v. | 471,5 | 454,1 | R. | 490,8 | 493,8 DAT EE .. | R. | 458,1 | 460,8 | R. | 493,5 | 500,3 Septembre . . . s.] R. | 465,9 | 468,9 | R. | 502,2 | 510,9 Octobre. . . . .. .| R. | 470,3 | 473,1 | -V. | 504,3 | 477,4 Novembre . . . .. R. | 476,0 | 474,9 | V. | 477,2 | 466,9 En déterminant les moyennes des augmentations ou des pertes de ALIMENTATION DU CHEVAL DE TRAIT. 103 poids supportées par les trois chevaux dans chaque situation, on trouve que, par mois, les chevaux ont : AU MAÏS. A LA FÉVEROLE. AuPPENOS TR AU MN gagné. "AMP G "gagnés! 7É6,5 À la marche au pas . . . . NS t.L 047 — , 210 Ala/marcheran trot: "71.7". perdu. , +040 perdu: 6522 AUNTAALI AU DAS ES SE 0. Ce. — .,. 2260 VS 3) AUSPAVAIRAUELIO AMEN RE — 6 9 Au travail à la voiture . . . — ,. 20 3 4. 148 Reprenons maintenant, pour chaque situation, l’ensemble des conditions que nous venons de déterminer. Au repos, pour des quantités assimilées très peu différentes, toutes les conditions étant les mêmes dans les deux cas, nous voyons les chevaux se comporter presque semblablement. A la marche au pas, pour des quantités assimilées sensiblement différentes, et supérieures dans les essais à la féverole, l’augmenta- lion de poids la plus élevée est obtenue dans les essais au maïs. À la marche au trot, l’écart des poids est aussi en faveur du mais, bien que la ration de féverole ait été encore supérieure. Nous avons vu qu’au travail au pas, les quantités de travail me- surées ont été peu différentes dans les deux essais ; les chevaux se sont aussi semblablement comportés, bien qu'ils aient consommé une quantité de matières nutritives bien plus élevée dans les essais à la féverole. Au travail au trot, les mêmes remarques sont applicables, bien que les chiffres moyens du travail soient plus élevés pendant les es- sais à la féverole que pendant les essais au maïs. Au travail à la voiture, le seul cheval qui, pendant les essais au maïs, ait pu être observé, a perdu plus de poids et a produit un peu moins de travail que les chevaux qui ont participé aux essais à la féverole, mais l’écart qui existe entre les quantités de principes di- gérés justifie largement ces différences. En résumé, bien que les chevaux aient assimilé, au cours des expériences à la féverole, des quantités d'éléments nutritifs bien su- périeures à celles qui ont été assimilées au cours des essais au maïs, 104 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. dans la plupart des cas, le résultat a été le même, et, quand de lé- gères différences sont observées, elles sont toujours en faveur des essais au mais. Il y a donc eu, à n’en pas douter, meilleure utilisation des prin- cipes, pendant ces derniers essais. [l suffit d'examiner le tableau qui indique, pour les deux séries d'essais, les quantités de principes nu- tritifs digérées, pour voir sur quoi a pu porter cette différence d’uti- lisation. Dans les deux cas les quantités de principes hydrocarbonés sont peu différentes, elles ont dù être semblablement utilisées ; les quantités de matières protéiques sont, au contraire, bien plus élevées dans le cas des expériences à la féverole ; si leur coefficient d’utili- sation avait élé le même pour les deux séries d’expériences, on de- vrait remarquer, soit dans la production du travail, soit dans l’état des chevaux, des différences en la faveur de la féverole qui, en réa- lité, ne se sont pas manifestées. La question nous parait donc clairement résolue dans ce sens que l’association des matières protéiques aux matières hydrocarbonées, en un mot, la relation nutritive est d'autant plus défavorable MA MNA” qu'elle se rapproche de lunité; elle ne doit pas cependant s’en éloigner au delà d’une certaine limite, mais cette limite nous paraît être encore un peu au delà de la relation 1/7 que nous avons adoptée jusqu'ici. ÉTUDE sUuR QUELQUES NEATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDEN Par EMILE SAILLARD Ingénieur agronome (Suite) — —— © DEUXIÈME PARTIE LA STATION AGRONOMIQUE DE HALLE {Directeur : Professeur MArnckER) | Méthodes d'analyse adoptées. | Nature des essais institués par la Station dans les fermes de la province de Saxe (Prusse). La Station agronomique de Halle est la propriété de la Société des agriculteurs de la province prussienne de Saxe. Elle est dirigée, de- puis 1871, par M. Maercker, conseiller intime de gouvernement et professeur à l’Université. Les débuts de Ja Station ont été très modestes ; mais grâce à l’ac- tivité du D° Maercker, elle a pris tous les jours une importance plus grande et la première installation est devenue peu à peu insuffisante, De nouvelles constructions ont donc été adjointes aux premières en 1882 et en 1888, ce qui donne à l’ensemble des bâtiments et à la dis- position intérieure des locaux une irrégularité assez marquée. En 1889, un laboratoire analogue, mais beaucoup moins impor- tant, a été créé par les soins de la Société à Magdebourg. Il est aussi dirigé par le professeur Maercker. 106 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Enfin, en 1890, une Station de végétation ( Vegelationsstation) ainsi qu’un champ d’expériences ont été établis à Halle, au nord-ouest de la ville, et servent à des essais sur l'emploi des engrais et la culture des plantes agricoles. Les bâtiments de la Station de Halle tels qu’ils sont en ce moment, ont coûté 200 000 marcs (250 000 fr.) sans compter les 50 000 mares (62500 fr.) qui ont été nécessaires pour appareiller le laboratoire. La Société a en outre dépensé 25 000 marcs (31 250 fr.) pour l'achat du champ d'expériences et l'établissement de la station de végélation. En ce moment donc, on fait à la Station de Halle-Magdebourg : 4° Des analyses de terres et d’engrais ; 2 Des essais de semences et des contrôles de fourrages (section botanique) ; 3 Des recherches intéressant la fabrication de l’alcool ; 4 Des recherches sur la nutrition des plantes et l’emploi des engrais (d’après la méthode des pots du professeur Wagner, de Darmstadt) ; 5° Des essais sur l'alimentation des animaux de la ferme ; 6° Des essais de culture avec différentes plantes et différents en- grais, dans un grand nombre de fermes de la province de Saxe ; Le lableau suivant dont les chiffres représentent le nombre des analyses effectuées pendant chacune des quatre dernières années, donnera une idée de l'importance de la Station : 4° A Halle. | 1891. 1890. 1889. 1888. Analyses d'engrais et de terres . . . . . 3 495 3 223 3 067 2 667 Analyses de fourrages et de betteraves . . 1 301 1 147 1 094 895 Déterminations faites dans la section bota- mIqUe 110. 1 145 966 656 502 Déterminations d'acide One Lu TES OPPOSER se 141 303 » » Analyses des fourrages employés dans les essais sur l'alimentation . . . . 125 661 819 712 Analyses nécessitées par les essais de En ture sur la betterave sucrière . . . . . 391 6 144 442 Analyses de récoltes obtenues à la Station de VÉSéLAION ES. GA eee 713 313 Ù » Analyses de céréales. . + / .:. » 200 436 155 ÉTUDE SUR QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDES. 107 2° A Magdebourg. 1891 1890. Analyses d'engrais"... T2. 407 397 Analyses de fourrages et de lait. . . 22197 1 924 ji MERE SE LE 2 544 21321 Si l’on ajoute que chacune des analyses indiquées comporte plu- sieurs dosages et que chaque dosage, pour la sûreté des résultats, est exécuté en double, on verra que le nombre des déterminations faites dans une année s’élève à un chiffre très considérable. Le personnel de la Station comprend : A Halle : 4° Un directeur ; 2° Un sous-directeur ; 8° Huit préparateurs ; 4° Deux aides-préparateurs ; 5° Deux préparateurs pour la section botanique ; 6° Un secrétaire et un comptable ; 7° Deux jardiniers pour la station de végétation ; 8 Cinq garçons de laboratoire. À Magdebourg : 1° Deux préparateurs ; 2% Un garçon de laboratoire. Le budget de la Station s'élevait en 1891 à 65000 marks (81 250 fr.). A l’état dépenses il faut attribuer : 4° Le paiement du personnel ; ®% L'entretien du laboratoire ; 3° Les frais occasionnés par les recherches de toutes sortes insti- tuées par la Station. Dans l’état recelles figurent : 4° La subvention de 9000 marcs (11 250 fr.), donnée chaque année par l'État ; 2° La subvention de 3000 marcs (3750 fr.), donnée chaque année par la province de Saxe ; 108 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 3° Le produit des analyses effectuées : 40 000 mares (50 000 fr.) ; 4° Diverses autres sources de recettes. Ce court aperçu que nous venons de donner suffit pour montrer combien est grande l’activité de la Station de Halle. Et nous ne croyons pas commettre une exagération en disant que, par le nombre des analyses qu’elle effectue, la nature et la diversité des essais qu’elle institue dans son champ d’expériences et dans les fermes de la province de Saxe, elle se place au premier rang des staLans ana- logues de l’Allemagne. ; J'ai eu l’occasion d’y travailler pendant trois mois comme prépa- rateur volontaire. Ayant été occupé successivement dans toutes les sections, j'ai pu faire, dans chacune d'elles, un certain nombre d’a- nalyses et ainsi apprendre à connaitre AÉTALET la plus grande partie des modes de dosage adoptés. Ainsi que je viens de l'indiquer, la Station ne se borne pas à être un laboratoire de contrôle, elle fait en outre de nombreuses re- cherches, surtout dans son champ d’expériences et dans les fermes de la province. Le professeur Maercker, par des conférences et des relations personnelles, a su initier aux essais agricoles les propriétaires ou fermiers des grands domaines de la Saxe, et il trouve en eux de puis- sants auxiliaires, quand il veut vérifier si les données fournies par le laboratoire ou le champ d’expériences sont applicables à la pratique agricole, ou quand il veut instituer des essais sur l'alimentation des vaches laitières ou l’engraissement des bovidés ou ovidés. Une étude complète sur la Station agronomique de Halle doit donc comprendre deux parties : 4° Description de la Station et des méthodes d’ analyse employées ; % Description des essais institués : a) Sur la nutrition des plantes (station de végétation); b) Sur la valeur agricole des engrais (station de végétation et fermes de la province) ; c) Sur l'alimentation du bétail (fermes de la province); d) Sur la fabrication de l'alcool (section de la distillerie). ÉTUDE SUR QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDES. 109 DESCRIPTION DE LA STATION ET DES MÉTHODES D ANALYSE EMPLOYÉES Nous jugeons inutile de décrire en détail le plan des bâtiments, car les constructions successives qui ont été faites le rendent peu régulier et ne permettent pas de le prendre comme modèle. La petite description qui suit aura donc seulement pour but de donner une idée générale de la disposition des locaux et d’indiquer dans un ordre un peu méthodique les appareils qui sont employés. Dans le sous-sol sont établis les magasins, le logement du con- cierge, le moteur à gaz, l'appareil de chauffage, la chaudière servant à la préparation de l’eau distillée. Au rez-de-chaussée, le laboratoire proprement dit. Au 1°" étage, les appartements du directeur. Au 2° étage, des chambres pour les préparateurs et plusieurs pièces servant de bureau à l’administration de la Société d’agri- culture. Le rez-de-chaussée est l'étage qui a le plus d'importance pour nous. Nous en désignerons les locaux par des numéros représentant l’ordre dans lequel ils se présentent quand on traverse le labora- toire. La pièce 1 est le cabinet de travail du directeur. La pièce 2 est le secrétariat de la Station. La pièce 8 renferme la bibliothèque, qui est riche d’environ 1 500 volumes, sans compter les livres réservés spécialement au directeur et ceux qui sont placés dans le laboratoire, lesquels sont des ou- vrages de chimie analytique pouvant fournir des renseignements sur tous les travaux de la Station. La pièce 4 es£ réservée aux balances. Huit de grandeur et de sen- sibilité différentes y sont placées. La pièce 5 sert pour les essais de digestion arüficielle. La pièce 6 est la salle où sont faites les précipitations d’acide phos- 110 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. phorique à l’aide des réactifs appropriés. On y trouve deux grands flacons placés sur un support à environ 1,50 au-dessus du sol et contenant : l’un la solution de citrate, l’autre la solution magné- sienne (Magnesiamixtur). Tous les deux sont mis en communication avec une burette, graduée en 25 ou 90 centim. cubes, à l’aide d’un tube faisant fonction de siphon. Un réfrigérant est placé à côté et sert à amener les liquides à la température de 17°,5. Il consiste en une boîte de zinc divisée en compartiments où circule un courant d’eau. La pièce 7 est la plus grande du rez-de-chaussée. On y effectue toutes les analyses qui n’exigent pas d'appareil fixe spécial et la dé- termination des substances sèches, à l’aide de l’étuve à régulateur que nous décrirons plus loin. La pièce 8 est appelée la chambre de l'acide phosphorique (Phos- phorsäurecapelle). On y a installé un agitateur mécanique mis en mouvement par un moteur à eau et desliné à agiter les liquides contenant des précipités de phosphate ammoniaco-magnésien ; un appareil de filtration attelé à une trombe à eau; un flacon rempli d’eau ammoniacale, placés à environ 2 mètres au-dessus du sol; une moufle à gaz; un réfrigérant, et enfin une balance sensible au dixième de milligramme. La pièce 9 est le cabinet de travail du sous-directeur. La pièce 10 renferme : 1° L'appareil à distiller servant au dosage de l’azote nitrique, d’a- près la méthode dite du fer et du zinc (12 déterminations peuvent être exécutées en même temps) ; 9° La burette de baryte servant à titrer l’acide sulfurique dans le dosage de l'azote. Elle est mise en communication avec un flacon rempli de baryte placé sur un support à environ 2 mètres au-dessus du sol ; 3° Un cylindre, ouvert à l'extrémité supérieure, contenant, dans sa double paroi, de la paraffine, et dont l’intérieur est destiné à re- cevoir les flacons Erlenmeyer où on opère la transformation des matières amylacées en glucose, sous l'influence des acides étendus et de la chaleur ; 4 Une grande étuve en briques recevant la chaleur de l’appareil ÉTUDE SUR QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDES. 111 de chauffage situé dans le sous-sol. Elle sert pour le séchage des ballons et autres appareils qui ont été lavés. Dans la pièce 11, on fait l'analyse élémentaire des substances or- ganiques et on effectue les premières opérations que comporte le dosage de l’azote, d’après la méthode Kjeldahl. Une balance permet de peser dans la chambre même la quantité de substance à analyser. Grâce à un robinet à goutte, mis en com- munication par un tube vertical avec un flacon rempli de mercure placé plus haut, on peut facilement introduire une goutte de mercure dans les ballons. Une burette graduée en 20 centim. cubes pourvue d’un robinet à la partie inférieure, pouvant être remplie par le haut, sert pour l’addition à la substance des 20 centim. cubes d’acide sulfurique concentré. Sous une large hotte sont placés six trépieds portant des plaques de fer circulaires munies de six enfoncements en forme de segment sphérique. Chacun de ces derniers correspond à un brûleur de gaz. Au milieu de la salle est une table supportant l'appareil à distiller, lequel permet de faire parallèlement 24 dosages. Sur un rebord de ciment, fixé à l’un des murs de la salle et faisant table, on peut ins- taller un appareil pour l’analyse élémentaire des matières orga- niques. Les pièces 12 et 13 forment la section botanique. Dans la pièce 12, on fait les contrôles de semences et de fourrages; dans la pièce 15, les essais de germination. Ces derniers sont effectués dans des as- siettes qu'on à préalablement remplies à moitié de sable humecté d’eau, qu’on recouvre d’une plaque de verre après l’ensemencement et qu’on place ensuite sur des étagères ad hoc. La pièce 14 sert pour la préparation des échantillons d’analyse. Elle renferme les appareils à pulvériser, dont quelques-uns peuvent être mis en mouvement, soit par un moteur à eau d’une force d’un demi-cheval-vapeur, soit par un moteur à gaz fixé dans le sous-sol et ayant une force de deux chevaux. L'appareil à pulvériser, imaginé par le professeur Maercker, mérite une mention spéciale. Nous en donnons plus loin la description. Dans la pièce 15 sont effectuées la plupart des opérations que 112 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. nécessite le dosage des matières grasses. On y trouve, à cet effet, l'appareil à extraction de Soxhlet (voir la description au chapitre : Méthodes d'analyse des fourrages) permettant de faire parallèle- ment 12 déterminations, et une étuve chauffée à la vapeur d’eau, où l’on dessèche jusqu’à constance de poids le résidu laissé par l’éther. On y a aussi installé un agitateur mécanique, mû par le moteur à eau et dont nous aurons plus tard à indiquer l'emploi, et une étuve à régulateur automatique employée surtout pour la dessiccation des terres. | La pièce 16 est pourvue de plusieurs bains de sable placés sous une large cheminée permettant d'assurer une forte ventilation. On y effectue toutes les opérations pouvant donner lieu à un déga- sement d’odeurs fétides ou acides. La pièce 17 est spécialement réservée aux analyses ou recherches qui concernent les distilleries de grains ou de pommes de terre. Elle renferme un petit appareil de Henze, une cuve à saccharifi- cation munie d’un agitateur et placée dans un réfrigérant à eau, une colonne Savalle et enfin tous les appareils nécessaires au dosage des maiières amylacées, des sucres et de l’alcool. La vaseur qu’exige le fonctionnement de l'appareil Henze provient d’une chaudière qui est placée dans la pièce contiguë 18. | Cette dernière peut être considérée comme la salle des collections. On y trouve un échantillon de toutes les principales espèces de terre de la province de Saxe, de tous les engrais commerciaux, des prin- cipaux tourteaux, grains, etc. Enfin, la pièce 19 sert de magasin pour les objets de verrerie. Quelques pièces du sous-sol méritent une mention à cause des appareils qu’elles renferment. Dans la pièce 1 sont les machines servant à l’extraction du jus de la betterave, c’est-à-dire une râpe centrifuge (Centrifugalreibe) qui peut être mise en mouvement à l’aide du moteur à gaz que nous avons déjà cité, et une presse hydraulique d’une force de 350 atmos- phères. La pièce 2 renferme un appareil de Pettenkofer dont on ne se sert pas en ce moment. ÉTUDE SUR QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDES. 113 Dans la pièce 3 est installée une véritable meunerie. On y trouve en effet un émotteur, un trieur, un broyeur à cylindres, un conver- tisseur à cylindres, etc. La pièce 4 peut être considérée, à juste titre, comme un atelier de boulangerie. Ces appareils de meunerie et de boulangerie servent à déterminer la valeur, pour la production du pain, des nouvelles variétés de blé obtenues dans la province de Saxe par les nombreux agriculteurs, marchands de semences. Ils permettent d'établir en même temps si les influences (engrais, façons aratoires, etc.) qui font varier les ren- dements des récoltes agissent aussi sur la qualité des produits ob- tenus. La pièce 5 renferme une chaudière à vapeur de 1 500 litres, des- tinée à fournir l’eau distillée nécessaire pour les analyses. Enfin, dans la pièce 6 est installé le calorifère à air chaud qui chauffe toute la maison. Cette courte description étant terminée, nous allons maintenant aborder l’étude détaillée des méthodes d’analyse qui sont em- ployées à Halle. Disons tout d’abord que ces méthodes sont en général les mêmes que dans tous les laboratoires agronomiques allemands, car elles ont été élaborées et adoptées dans un Congrès tenu par l'Association des Stations agronomiques. Nous avons adopté l'ordre suivant dans l’exposé de cette ques- tion : A. — Méthodes d’analyse des engrais ou matières fertilisantes ; B. — Méthodes d’analyse des terres ; + C. — Méthodes d’analyse des fourrages ; D. — Méthodes d'analyse du lait ; E. — Méthodes d’analyse concernant l’industrie sucrière ; F. — Méthodes d'analyse concernant la distillerie de grains el tu- bercules ; G. — Essais de semences. ANN. SCIENCE AGRON. — 1893. — 1. 8 114 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. A. — Méthodes d'analyse des engrais ou matières fertilisantes. a) Préparation de l'échantillon d'analyse. Comme nous aurons souvent à parler de l'emploi du moulin à pulvériser imaginé par le professeur Maercker, nous allons en donner tout de suite la description. Il se compose essentiellement d’un cylindre à parois peu élevées, dont le fond, qui est d'acier, est divisé en secteurs, lesquels sont, comme les meules de moulin, munis de stries rectilignes, parallèles dans chaque secteur à l’un des rayons extérieurs du secteur. Ce cy- lindre repose sur un axe vertical muni d’une roue à laquelle on peut communiquer un mouvement de rotation. Sur le fond du cylindre, appuie, sans que les centres coïncident, | un tronc de cône d’acter de diamètre égal aux 3/5 environ de celui du cylindre et dont la base est tailléz comme le fond du cylindre. Il est supporté par un axe auquel on peut imprimer un mouvement de rotation de sens contraire à celui que reçoit le cylindre. De cette. disposition, il résulte que les stries dont nous avons parlé agissent en même temps comme des ciseaux et comme des scies. L'axe du cylindre peut être mis en mouvement, soit par le moteur à eau, soit par le moteur à gaz. Il est relié à l’axe du tronc de cône par une courroie de cuir dont les deux parties passent sur des poulies intermédiaires à axe horizontal destinées à rendre inverses les mou- vements de rotation du cylindre et du tronc de cône. Le tout est fixé à un support commun qu'on peut visser sur une table. Un levier coudé, qui a son point d'appui sur le support commun, permet de soulever le tronc de cône quand une opération est ter- minée. Des poids cylindriques, percés suivant leur axe, peuvent être placés à la partie supérieure de l’axe du tronc de cône, et accélèrent par leur poids le travail de la pulvérisation. Nous donnons plus loin le schéma de ce moulin (fig. 1)". 1. Les figures sont dessinées sur une planche qui paraîtra à la fin de ce travail. ÉTUDE SUR QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDES. 115 Cette description étant faite, il sera plus facile de comprendre la préparation qu’on fait subir aux matières ferlilisantes ou aux engrais avant de les soumettre à l’analyse. L’échantillon envoyé est pesé. Si son poids est supérieur à 100 gr., on n’en réserve que la moitié à l’analyse, l’autre moitié est conservée pendant quatre mois dans un flacon bien bouché. Si son poids est inférieur à 100 gr., on le laisse tout entier pour l'analyse. Tous les phosphates, à quelques exceptions près, que nous men- tionnons ci-dessous, sont broyés dans un mortier jusqu’à ce qu’ils passent à travers un tamis à mailles de 4 millimètre. Les phosphates de la Somme, les craies phosphatées, la poudre d'os, les guanos bruts, la poudre de viande (Fleischmehl) sont passés au moulin Maercker, puis mélangés intimement sur une feuille de papier. Les coprolithes, les scories brutes, le sang desséché sont écrasés finement dans un mortier de fer, jetés dans un tamis à mailles de un demi-millimètre et enfin mélangés intimement. Les apatites sont d’abord desséchées pendant 12 heures à la tem- pérature de 100 degrés, pesées aussitôt que le refroidissement est obtenu, écrasées grossièrement et passées dans un tamis à mailles de 4 millimètres. Un échantillon moyen est prélevé dans la partie tamisée. On le broye dans un mortier de fer jusqu’à ce qu’il passe à travers un {amis à mailles de un demi-millimètre. Les autres engrais, fumier sec, poudrette, sont traités comme les phosphates en général. La poudre et la sciure de corne sont pulvé- risées avec le moulin Maercker. Lesalpêtre du Chili, le sulfate d’'ammoniaque, le kaïnite et les autres sels de potasse sont broyés dans un mortier et ensuite intimement mélangés. Les chaux, les marnes sont laissées à air libre jusqu’à ce qu’elles aient atteint un certain état de dessiccation, puis elles sont pulvérisées et jetées dans un filtre à mailles de 1 millimètre. Les produits qui, comme les débris de laine, ne peuvent être mé- langés intimement et donner un échantillon homogène sont chauffés avec de l'acide chlorhydrique jusqu’à évaporation complète de l'acide, : IG ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. mélangés avec du gypse, broyés dans un mortier et soumis à l’ana- lyse. Remarques importantes. — 1° Certains engrais comme les fumiers, les gadoues, les purins, sont offerts à l’agriculteur sous une forme boueuse ou plus ou moins liquide et contiennent généralement des sels ammoniacaux volatils. Avant de les soumettre à l’analyse, il faut les dessécher à 100 degrés. On évite les pertes d’ammoniaque en les additionnant d’une substance fixatrice de l’ammoniaque, telle que l'acide oxalique. | 2 À cause de l’hygroscopicité souvent très grande de certains en- grais, il est bon de déterminer leur teneur en humidité au moment de la prise de l'échantillon. Si la substance est ensuite desséchée pour qu’elle puisse être moulue plus facilement, ou même si elle est simplement broyée, un deuxième dosage de l’humidité est fait en même temps que les autres déterminations. On rapporte alors les résullats donnés par ces dernières à 100 de substance initiale. b) Détermination de l'humidité. Elle est toujours faite au moyen d’une étuve chauffée au gaz et pourvue d’un régulateur de température automatique. On n’obtient pas avec cel appareil des résultats rigoureusement exacts, car l’air peut pénétrer dans l’étuve et déterminer une oxydation de la subs- tance ; mais quand il s’agit d'engrais, les résultats trouvés sont suf- fisamment exacts. L’étuve employée (fig. 2) se compose d’une caisse parallélipipé- dique d'environ 0,40 de côté et fermée en avant par une porte à double battant. Entre les deux parois de chaque face est un espace qui peut être rempli avec de l’eau. Un régulateur de température est placé sur la face supérieure de l’étuve. Il est formé d’un tube en U, rempli partiellement de mer- cure ; l’une de ses extrémités communique avec l’espace rempli d’eau, tandis que l’autre reçoit le tube d’écuappement et le tube d'arrivée du gaz. Ce dernier est terminé par une plume d’oie taillée en biais, dont la pointe plonge dans le mercure. Si le chauffage est ÉTUDE SUR QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDES. 117 trop énergique, la vapeur d’eau acquiert une tension plus forte, fait monter le mercure dans la branche où est située la plume d’oie, et ralentit l’arrivée du gaz. Inversement, si la température baisse, le mercure en descendant laisse, dans la section de la plume d’oie, un passage plus grand au gaz et la température revient au degré convenable. | L’étuve est aussi munie d’une soupape de sûreté. Le dosage de l’humidité d’un engrais est très simple à effectuer avec cet appareil. 10 gr. de substance sont placés dans un petit verre à précipité lavé, séché et taré. On les laisse pendant trois ou quatre heures dans l’étuve qu’on a portée préalablement à la température de 105 à 110 degrés. La différence des poids avant el après la des- siccation donne le poids de l’eau contenue dans la quantité de subs- tance employée. c) Dosage de l’acide phosphorique. Nous ne connaissons pas de procédé chimique permettant de dé- terminer exactement la valeur agricole d’un phosphate. Pendant longtemps, on a admis que l’acide phosphorique soluble dans l’eau avait seul de l'effet sur la végétation (Angleterre, Alle- magne), puis on à accordé à l’acide phosphorique soluble dans le citrate d’ammoniaque une valeur égale (France) et enfin depuis quelque temps on tend de plus en plus à croire que l’état de division des phosphates, leur état de mélange intime avec la couche arable, sont les facteurs les plus importants de leur valeur comme engrais. Cette dernière hypothèse s’est montrée exacte dans beaucoup de cas, mais cependant pas toujours. Suivant les idées admises sur l'assimilation de l'acide phospho- rique pour les plantes, on a donc adopté, dans les laboratoires, di- vers modes de dosage, et actuellement on dose encore : Soit l’acide phosphorique soluble dans l’eau ; Soit l’acide phosphorique soluble dans le citrate d’ammoniaque ; Soit l’acide phosphorique soluble dans les acides. L’acide phosphorique soluble dans l’eau se trouve en quantité 118 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. relativement grande dans les superphosphates. À Halle, on le fait entrer en dissolution d’après la méthode suivante : 20 gr. de superphosphate sont introduits dans un flacon de 1 litre de capacité et additionnés de 800 centim. cubes d’eau distillée. Le flacon, après avoir été fermé hermétiquement à l’aide d’un bouchon de caoutchouc, est agité pendant une demi-heure dans un appareil ad hoc imaginé par le professeur Maercker. | On complète ensuite le volume à 1 000, puis le liquide après plu- sieurs agitations qui mélangent intimement toute la masse est jeté sur un double filtre et tombe dans des flacons de 400 centim. cubes ayant la forme des bouteilles en usage dans les pharmacies. 90 centim. cubes de la liqueur filtrée (représentant 1 gr. de subs- tance) sont transvasés à l’aide d’une pipette dans un flacon Erlen- meyer (fig. 4) et soumis à l’action des réactifs précipitant l’acide phosphorique. (Voir plus loin, page 122.) L’agitateur Maercker (fig. 18), qui vient d’être mentionné, se com- pose essentiellement d’une planche horizontale reposant sur deux cadres métalliques dont la pièce transversale inférieure peut osciller dans des gonds fixés sur une table, et portant une caisse assez grande pour contenir douze flacons de 1 litre. Ces derniers y sont couchés obliquement six dans un sens, six en sens opposé. Une planche fixée verticalement dans le milieu de la caisse et munie de douze entailles supporte les cols. Les fonds des flacons ont leur place dans des entailles demi-circulaires bordées de caoutchouc. L’acide phosphorique soluble dans le citrate d’ammoniaque existe dans les phosphates rétrogradés, dans les phosphates précipités, etc. Le mode de dosage adopté est le suivant : Dans un verre à précipité, on laisse digérer 2 gr. d’engrais avec 100 centim. cubes de la solution dite Petermann ‘ pendant une demi- 1. La solution dite « solution Petermann » se prépare de la manière suivante : 250 gr. d’acide citrique cristallisé sont dissous dans 500 centim. cubes d'eau bouil- lante, puis additionnée de 550 centim. cubes d'eau et de 276 centim. cubes de solu- tion ammoniacale à 24 p. 100. Si le mélange total est acide, on le neutralise exacte- ment avec quelques goultes d'une solution d'acide citrique à 50 p. 100. Le liquide ainsi préparé z une densité de 1.09. ÉTUDE SUR QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDES. 119 heure à la température de 50 degrés. Le tout est ensuite jeté sur un filtre et lavé plusieurs fois avec un liquide formé de une partie de solution Petermann et une partie d’eau. Tout l’acide phosphorique solubilisé est ainsi entrainé. Le filtre et son contenu sont alors des- séchés à l’étuve, puis chauffés au rouge dans une capsule de platine jusqu’à incinération du filtre el transvasés dans un ballon de 200 centim. cubes avec 2 centim. cubes d’acide azotique de densité 1.41 el 20 centim. cubes d’acide sulfurique concentré. On fait bouillir pendant une demi-heure (voir la théorie du traitement dans la des- cription de la méthode de dosage de l’acide phosphorique total), laisse refroidir, ajoute avec précaution de l’eau au mélange acide, refroidit à 17°,5, complète le volume à 200 centim. cubes, jette le tout sur un double filtre après plusieurs agitations et emploie 100 centim. cubes de la liqueur filtrée (représentant 1 gr. de substance) pour les soumettre dans un Erlenmeyer à la précipitation de l’acide phosphorique par les réactifs appropriés. (Voir pages 122 et suiv.) L’acide phosphorique à l’état de phosphate tribasique existe dans presque tous les engrais phosphatés. Pour le dissoudre, on traite l'engrais par un acide. Il va de soi que les deux autres formes de l'acide, quand elles sont présentes, entrent en même temps en dis- solution. Ce traitement conduit donc à la détermination des quantités totales d'acide phosphorique. On l’effectue de la même manière avec tous les phosphates, sauf avec les scories de déphosphoration. 9 gr. de substance sont introduits dans un ballon de un demi-litre avec 20 centim. cubes d’acide azotique de densité 1.42 et 50 centim. cubes d'acide sulfurique concentré pur. On fait bouillir le tout pen- dant une demi-heure sur un bain de sable. Avec les engrais qui ren- ferment beaucoup de matières organiques, il est souvent nécessaire d'employer plus de 20 centim. cubes d’acide azotique. En tout cas, il est à recommander, et surtout avec ces derniers, d'ajouter au mélange un peu de paraffine, afin d'éviter un boursouflement trop considérable qui pourrait occasionner un débordement de la ma- tière. L'opération précédente étant terminée, on place le ballon sur une feuille de papier et on le laisse refroidir. On le remplit ensuite len- 120 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. tement et presque entièrement avec de l’eau distillée. La combi- naison de l’eau et de l’acide sulfurique amène une élévation de tem- pérature et par conséquent une dilatation du liquide. On refroidit jusqu'à 17°,5 dans un réfrigérant qui n’est autre chose qu’une boîte de zinc divisée en compartiments où peut circuler un courant d’eau ordinaire. Le ballon est enfin rempli jusqu’au trait 500. Après l’avoir agité plusieurs fois en tous sens, on jette son contenu sur un double filtre. 50 centim. cubes de la liqueur filtrée (correspondant à 05,5 de substance) sont transvasés à l’aide d’une pipette dans un flacon Erlenmeyer et traités en vue de la précipitation de l’acide phospho- rique. Avant d'aller plus loin, il est utile d'indiquer sur quels principes repose ce mode de traitement par l'acide azotique et l’acide sulfu- rique. Parmi les corps qui accompagnent généralement l’acide phospho- rique dans les engrais phosphatés et qui sont susceptibles de fausser les résultats du dosage, il faut citer en première ligne : les matières organiques, la silice et la chaux. Il n’est pas nécessaire d'indiquer ici pourquoi les trois corps pré- cités peuvent être, dans l’analyse présente, une cause d’erreur. Ces faits sont suffisamment connus. Grâce au traitement des phosphates par les deux acides en ques- tion, on fait entrer en dissolution tout l’acide phosphorique, détruit les matières organiques, rend la silice insoluble et élimine une partie de la chaux. En effet : 1° Toutes les formes de l’acide phosphorique contenues dans les engrais sont solubles dans un mélange bouillant ‘d'acide sulfurique et d’acide azotique ; 2 L’acide sulfurique décompose les matières organiques en leur enlevant les éléments de l’eau, et laisse du carbone pour résidu. L’acide azotique se trouvant à chaud en présence de ce dernier corps, le transforme en acide carbonique en lui cédant de son oxy- gène et il est amené lui-même à l’état de bioxyde d’azote qui, au contact de l'air, donne des vapeurs rutilantes d’acide hypoazotique ; ÉTUDE SUR QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDES. 121 3° À la température où le mélange des deux acides bout, lacide sulfurique, qui est très avide d’eau, prend à la silice son eau de constitution et la rend insoluble ; 4 L’acide sulfurique peut en outre se combiner à la chaux et donner du sulfate de chaux, soluble dans les acides, mais peu so- luble dans les acides très étendus. Or, it arrive souvent que la chaux contenue dans les engrais phosphatés est en trop grande quantité pour qu’elle puisse être redissoute entièrement à l’état de nitrate double, par l'addition de la solution citrique. Elle se précipite alors à l’état de citrate de chaux qui vient s’a- jouter au précipité de phosphate ammoniaco-magnésien. Le sulfate de chaux dont nous venons d'indiquer la formation se sépare en partie après qu’on a complété le volume à 500, et il reste rarement assez de chaux en solution pour fausser les résultats. Le mode de traitement des scories est un peu différent, parce que ces dernières ne renferment pas de matières organiques. On prend 10 gr. de substance qu’on humecte dans une cap- sule de porcelaine avec quelques gouttes d’eau. On ajoute ensuite 9 centim. cubes d’acide sulfurique renfermant la moitié de son poids d’eau, et lorsque la masse est durcie, 50 centim. cubes d’acide sul- furique concentré. Le mélange est remué avec un agitateur jusqu’à ce qu’il soit bien homogène, puis placé sur un bain de sable et chauffé jusqu’à l’ébullition pendant une demi-heure. Il faut veiller à ce qu'aucune parcelle de la substance ne devienne adhérente aux parois de la capsule, car il pourrait se produire des projections vers la fin du traitement. Pendant le refroidissement, on lave les parois de la capsule avec une pisselte à eau, remue et transvase le tout dans un ballon à fond plat de un demi-litre qu’on remplit à la température de 17°,5 jus- qu’au trait 500. La filtration du liquide ayant été faite comme il a été indiqué pour les superphosphates, on prélève 50 centim. cubes de la liqueur filtrée pour y faire le dosage de l’acide phosphorique. Ges 50 centim. cubes représentent 1 gr. de substance. Remarque. — 1] peut être utile ou intéressant de connaître la 122 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. quantité d'acide phosphorique libre contenue dans un superphos- phate. On opère alors de la manière suivante : 5 gr. de l’engrais sont agités dans un mortier avec de l’alcool absolu et transvasés dans un flacon de 250 centim. cubes. On com- plète jusqu’à la marque 250 avec de l'alcool pur. Le flacon ayant été bien bouché, on laisse les corps en présence pendant deux heures, en ayant soin d’agiter fréquemment. On filtre alors très vite, mesure avec la pipette 50 centim. cubes (représentant 1 gr. de substance) de la liqueur filtrée, qu’on intro- duit dans un flacon Erlenmeyer, chauffe jusqu’à évaporation com- plète de l'alcool, verse sur le résidu de l’eau distillée, et contmue le dosage comme dans les autres cas. Toutes les solutions d'acide phosphorique dont nous venons d'in- diquer la préparation et le transvasement à l’aide d’une pipette dans un flacon Erlenmeyer sont traitées à partir de ce moment d’une manière analogue. On leur ajoute, dans le cas des superphosphates, 50 centim. cubes, dans les autres cas, 100 centim. cubes d’une solution de eitrate d’ammoniaque ', qu’on laisse tomber d’une burette graduée en 50 centim. cubes, et aussitôt après 25 centim. cubes d’une solution magnésienne (Magnesiamiætur)* dont on a rempli auparavant une burette graduée en 25 centim. cubes. L’addition de la liqueur magnésienne doit être faite immédiate- ment après celle de la liqueur citrique, afin d’éviter la précipitation par cette dernière du phosphate de chaux cristallin que la première _ne pourrait complètement redissoudre. Il est donc bon d’agiter constamment les flacons Erlenmeyer contenant la solution à analyser pendant qu’on y introduit les réactifs précipitants. 1. La solution de citrate d'ammoniaque est préparée ainsi qu'il suit : 1 500 gr. d'acide citrique sont dissous dans de l'eau, puis additionnés de 5 000 centim. cubes de solution ammoniacale à 24 p. 100. Le tout est complété à 15 litres avec de l'eau distillée. 2, Pour préparer la liqueur magnésiennne (Magnesiamixtur), on dissout dans 61,5 d'eau distillée, 550 gr. de chlorure de magnésium et 1 050 gr. de chlorhydrate d'ammoniaque, on ajoute ensuite 3!,5 de solution ammoniacale à 24 p. 100. ÉTUDE SUR QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDES. 123 La liqueur doit être complètement claire quand on a terminé l'addition du réactif magnésien, sinon 1l faudrait ajouter une nou- velle quantité de ce dernier (jusqu’à 25 centim. cubes) à moins que le trouble existant ne soit qu’une simple opalescence, comme le cas se produit souvent avec les superphosphates provenant du noir animal. Les réactions qui se passent pendant qu’on mélange les liquides en question, déterminent une élévation de température qui pourrait rendre difficile la précipitation du phosphate ammoniaco-magnésien. On pare à cet inconvénient en plaçant pendant quelques minutes les flacons Erlenmever dans le réfrigérant dont nous avons déjà parlé. On hâte même la formation du précipité, et évite qu'il adhère trop fortement aux parois du verre en l’agitant pendant une demi-heure, après avoir fermé hermétiquement les flacons avec de bons bouchons de caoutchouc. Getle agitalion est effectuée à l’aide d’une machine (/ig. 5) cons- truite de la manière suivante : À un axe vertical sont fixés horizontalement deux plateaux circu laires sur chacun desquels sont formés à l’aide de palettes radiales six compartiments. Un cordon de caoutchouc forme le côté extérieur de chacun d’eux, de sorte que chaque plateau peut recevoir six fla- cons Erlenmeyer. Un moteur à eau met en mouvement une roue qui, par l’intermédiaire d’une manivelle et d’une bielle, commu- nique à l'axe et aux plateaux un mouvement Lournant de va-et-vient. Une fois l’agitation terminée, les particules de précipité adhé- rentes au bouchon sont séparées à l’aide d’une plume d’oie dont on a enlevé les barbes jusque près de l'extrémité et envoyées dans le ballon correspondant à l’aide d’une pissette contenant de l’eau am- moniacale à 5 p. 100. On peut jeter le précipité sur le filtre aussitôt après, ou bien attendre un ou deux jours. Les résultats sont les mêmes quel que soit celui de ces délais qu’on adopte. La filtration a lieu dans une capsule de platine dont le fond est percé de trous circulaires ayant un demi-millimètre de diamètre, et recouvert d'amiante destinée à remplacer le papier-filtre. L'amiante, pour être propre à cet usage, doit subir la préparation 124 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. suivante : Les fibres d’amiante les plus grossières sont râclées sur une plaque de verre avec une lame bien aiguisée et transformées ainsi en une sorte de charpie très fine qu’on fait bouillir pendant deux heures au bain-marie avec de lacide chlorhydrique concentré. Par une série d’additions d’eau et de décantations avec un siphon, après un repos suffisamment long, on enlève peu à peu tout l’acide chlorhydrique. L’amiante qui flotte après la dernière décantation dans l’eau rendue ainsi à peu près neutre, peul alors être employée à faire des filtres. À cet effet, la capsule de platine est attelée à une trombe à eau au moyen de l’appareil (fig. 6) dont le tube supérieur porte un cylindre de caoutchouc qui est replié vers l’intérieur sur tout son pourtour et s'applique exactement sur la paroi extérieure de la capsule. L’eau avec l’amiante sont versées dans la capsule ; l'amiante tassée avec un agitateur aplati à l’extrémité, lavée plu- sieurs fois avec de l’eau distillée. La capsule de platine est alors portée dans le moufle, chauffée au rouge pendant dix minutes, exposée au refroidissement dans un exsiccateur, puis tarée. La filtration du liquide contenant le précipité de phosphate am- moniaco-magnésien a lieu suivant le même mode que nous venons d'indiquer. Les dernières parcelles du précipité sont détachées des parois du flacon avec une plume d’oie et envoyées dans la capsule à l’aide d’une solution ammoniacale à 5 p. 100. Cette dernière est contenue dans un flacon (fig. 7) placé à deux mètres au-dessus du sol et est amenée à portée de l’opérateur par un tube formant siphon, et terminé à son extrémité inférieure par un tube de verre étiré que commande une pince de pression. Quand la filtration est achevée, la capsule est essuyée à l’exté- rieur avec un linge sec, placée sur une plaque de fer (fig. 8) au- dessous de laquelle brûle un Bunsen, chauffée ainsi jusqu’à ce que le précipité se fendille et enfin introduite dans le moufle à gaz (fig. 9) dont les parois sont portées au rouge. On compte que 5 à 10 minutes suffisent pour transformer le phos- phate ammoniaco-magnésien en pyrophosphate de magnésie. La capsule est alors retirée du moufle. On hâte son refroidis- sement en la plaçant dans un réfrigérant composé d’une sorte de boîte de zinc (fig. 10) dans laquelle peut circuler un courant d’eau ÉTUDE SUR QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDES. 125 et dont la face supérieure présente trois enfoncements doublés de cuivre, ayant une forme de tronc de cône, et destinés à recevoir les capsules. Dès que ces dernières ont acquis la température de l'air ambiant, elles sont portées sous une cloche de verre et peuvent être pesées quelques instants après. En multipliant par 0,639 le poids de pyrophosphate, on obtient la quantité d’acide phosphorique contenue dans la portion de liqueur soumise à l’analyse. La balance employée est sensible au dixième de milligramme. Les quantités de pyrophosphate trouvées dans les deux dosages parallèles ne doivent pas différer de plus de 15,2 pour 08,5 de substances, et de 26,4 pour 1 gr.; sinon, le dosage doit être re- commencé. Des tables construites par Stutzer et correspondant à 05°,5 de matière permettent de trouver très vite quel poids d’acide phospho- rique correspond à un poids donné de pyrophosphate de magnésie. Si le liquide traité par les réactifs précipitant l’acide phosphorique correspondait à À gr. ou 4£,5 d’engrais, une correction serait né- cessaire. Pour éviter des confusions, toutes les capsules sont numérotées. Au printemps et en automne, c’est-à-dire au moment des se- mailles, quatre préparateurs sont employés exclusivement au dosage de l'acide phosphorique; deux d’entre eux exécutent toutes les opérations jusqu’à et non compris la filtration du précipité de phos- phate ammoniaco-magnésien ; les deux autres achèvent le dosage. Avec une telle division du travail, 100 déterminations peuvent être effectuées en une Journée de huit heures. Quant aux capsules de platine, elles peuvent, malgré le précipité qu’elles renferment, servir à de nouvelles filtrations, sans qu’il soit nécessaire de leur faire subir une autre préparation. Cependant quand elles sont remplies à moitié, on extrait le pyro- phosphate avec précaution sans toucher au filtre d'amiante, tare de nouveau la capsule et la rend ainsi apte à être utilisée de nouveau. Dosage de l'acide phosphorique par le molybdate d'ammoniaque. — D’après une convention adoplée au Congrès des stations agrono- 126 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. miques allemandes, lacide phosphorique doit être dosé par le molybdate d'ammoniaque, quand il s’agit d’une expertise à faire. On opère alors de la manière suivante : On dissout l’acide phosphorique de la substance à analyser comme nous l’avons indiqué en décrivant la méthode par le phosphate am- moniaco-magnésien. 50 centim. cubes de la liqueur filtrée sont transvasés avec une pipette dans un flacon Erlenmeyer et additionnés de 200 centim. cubes de liqueur molybdique*. Le tout est placé, pendant deux heures, dans un bain d'eau à la température de 50 degrés. Le flacon étant retiré du bain, et son contenu refroidi, on jette ce dernier sur un filtre, en prenant som de laisser aller le moins possible de précipité sur le filtre. | La partie non entrainée est lavée neuf fois avec 20 centim. cubes de liqueur molybdique étendue de son poids d’eau. Les eaux de lavage sont jetées par décantation sur le filtre, et celui-ci est lavé une dixième fois avec 20 centim. cubes de la même solution. L’entonnoir avec son contenu est alors fixé sur le flacon Erlen- meyer correspondant, et on fait tomber le précipité dans ce dernier en le dissolvant avec de l’eau ammoniacale à 5 p. 100. Pour en en- trainer les dernières traces, on lave deux ou trois fois avec de l’eau bouillante. Le liquide filtré est neutralisé à chaud avec de lacide chlorhydri- que, c’est-à-dire additionné de cet acide jusqu’à ce que le précipité qui apparail ne se dissolve qu’après une agitation assez longue. Après refroidissement, on ajoute goutte par goutte et en agitant, 20 centim. cubes de liqueur magnésienne ( Magnesiamixtur ), 25 centim. cubes de solution ammoniacale (Voir précédemment le mode de préparation de ces deux solutions), mélange bien le tout et laisse au repos pendant deux heures. Le précipité est ensuite jeté dans une capsule de platine munie d'un filtre d'amiante, et le ballon Erlenmeyer lavé comme nous 1. Pour préparer la solution moiybdique, on dissout dans un litre d'eau 150 gr. de molybdate d'ammoniaque. Après refroidissement, on verse la solution dans un litre d'acide azotique de densité 1.2. ÉTUDE SUR QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDES. 127 l'avons indiqué dans la description de la méthode du phosphate ammoniaco-magnésien. Avec ce mode de dosage, il est à recommander de n’employer le même filtre d'amiante qu’une seule fois, car le précipité de phos- phate ammoniaco-magnésien qu’on obtient se compose de cristaux très fins qui pourraient être entrainés avec le liquide à travers les fils d'amiante, si ces derniers ne formaient pas un réseau très serré, Une fois la filtration terminée, la capsule de platine est placée dans un manchon de même métal, et chauffée sur un brûleur Bunsen jusqu’à ce que le précipité soit presque blanc. — Le but de ce manchon est d'empêcher laction des gaz réducteurs de la flamme. —- Elle est ensuite introduite seule et laissée pendant cinq à dix minutes dans un moufle chauffé au rouge. La transformation du précipité en pyrophosphate de magnésie peut être considérée comme terminée quand le précipité est devenu complètement blanc. Le dosage est achevé comme d'habitude. Quelques remarques sur les scories. — 1° De nombreuses expé- riences ont prouvé que les scories réduites à l’état de poussière très fine et mélangées intimement à la couche arable produisent, dans beaucoup de cas, les mêmes effets comme engrais phosphatés que les superphosphates. Cette donnée a conduit les Stations agronomiques allemandes à faire dans les scories la détermination des parties fines, et celle des parties plus grossières. L’acide phosphorique des parties fines est considéré comme pou- vant produire son effet dans l’année même de son emploi, le reste forme un stock qui arrivera petit à petit à la consommation, suivant la grosseur des particules. D’après une convention adoptée au Congrès des stations agrono- miques, appartient à la partie fine tout ce qui passe à travers un tamis d’au moins 20 centim. de diamètre et à mailles de 0,17, 90 gr. de scories sont introduits dans le tamis en question et agités pendant un quart d'heure (ce temps a été fixé par le Congrès) soit à la main, soit à l’aide de l’agitateur mécanique que nous avons 128 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. décrit en parlant du mode de dissolution de l’acide phosphorique des superphosphates. 2 Depuis quelques années, on falsifie les scories avec du phos- phate d’alumine (Redondaphosphale), lequel semble ne pas être assi- milable par les plantes. Deux méthodes peuvent être employées pour déceler cette falsi- fication. | | a) Méthode Richter. — Elle est basée sur le principe suivant: Les solutions de sels d’alumine donnent, quand on les additionne de potasse ou de soude, un précipité d’alumine gélatineuse soluble dans un excès de réactif, tandis que le précipité obtenu dans les mêmes conditions par l'addition d’ammoniaque ne se redissout pas, quelle que soit la quantité d’ammoniaque ajoutée. 2 gr. de la scorie à examiner sont laissés pendant quelques heures, dans un verre à précipité, en présence de 10 centim. cubes de soude caustique ayant une densité de 1,05 à 1,06. Le mélange est agité de temps en temps. Après un repos suffisamment long, le liquide supérieur est dé- canté, rendu légèrement acide avec de l’acide azotique qu’on ajoute goutte à goulte, puis additionné d’ammoniaque jusqu’à réaction franchement alcaline. Si la scorie n’a pas été falsifiée, il ne se produit aucun préci- pité ; à peine voit-on apparaître quelques flocons d’acide silicique. S1, au contraire, du phosphate d’alumine lui a été mélangé, il se sépare un précipité, qui, après un temps relativement long, occupe la moitié du liquide. D'ailleurs, si la potasse pendant son contact avec la scorie a pris une coloration jaune ou rouge, si par l’addition goutte à goutte de l'acide azotique, il s’est formé un précipité tant que la liqueur était encore alcaline, on peut sûrement conclure à une falsifica- tion. Mais supposons que toutes ces réactions n’aient pas été bien mar- quées, et qu’il subsiste encore des doutes. La méthode suivante due au D° Gerlach, préparateur à la Station de Halle, permet de les lever. ÉTUDE SUR QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMAYDES. 129 b) 5 gr. de scories sont traités dans un tube à essai avec 10 à 15 centim. cubes de bromoforme. Si la scorie est pure, elle se dissout à peu près entièrement. Quelques débris organiques seule- ment restent en suspension. Mais si elle a été mélangée de phosphate d’alumine, ce dernier ne se dissout pas et nage à la surface du bromoforme. La partie flottante est alors traitée d’après la première méthode et cette fois les réactions sont très prononcées et permettent de porter un Jugement sûr. Pour déterminer la quantité d’acide phosphorique attribuable au phosphate d’alumine, on utilise cette propriété que possèdent les phosphates des scories d’être solubles dans les acides organiques. 1 gr. de scorie est mélangé dans un verre à précipité avec 150 centim. cubes d’une solution d’acide citrique contenant 50 gr. d’acide citrique cristallisé par litre. Le tout est laissé pendant 12 heures dans un bain d’eau dont la température est comprise entre 50 et 70 degrés. On agite de temps en temps. On étend ensuite la solution avec 100 centim. cubes d’eau, fait bouillir pendant une minute, filtre et lave le résidu plusieurs fois avec de l’eau bouillante. Le filtre et son contenu sont introduits dans une capsule de pla- tine, chauffés jusqu'à incinération du filtre, puis traités dans un ballon avec de l'acide sulfurique concentré et de l'acide azotique, suivant le même mode que nous avons indiqué en décrivant la méthode de dosage de l’acide phosphorique dans les phosphates en général. La quantité d’acide phosphorique ainsi trouvée doit être consi- dérée comme ne pouvant être d'aucun profit pour les plantes. d) Dosage de l’azole sous ses divers états. 1° Dosage de l'azote organique. — Le dosage de l’azote organique est effectué d’après la méthode Kjeldahl. On opère sur 1 gr. ou 15,5 de substance suivant que les engrais sont censés renfermer plus ou moins d'azote organique et sur 0",7 avec les sulfates d’ammo- niaque. L'oxydation des matières organiques a lieu dans des ballons à ANN. SCIENCE AGRON. — 1893. — 1. 9 130 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. fond plat de 180 centim. cubes. Nous avons indiqué (page 5) quelles dispositions permettent d’ajouter facilement à la matière, la goutte de mercure et les 20 centim. cubes d’acide sulfurique concentré. Pour éviter un boursouflement trop volumineux pendant la ré- duction, on emploie la paraffine. Les ballons sont alors portés sous la hotte, sur les trépieds que nous avons décrits, lesquels sent d’abord placés de telle façon que les enfoncements qui reçoivent les ballons se trouvent entre les flammes. Après une demi-heure, les enfoncements sont ramenés au-dessus des flammes et la réaction peut s'effectuer plus vite. On considère que la transformation de l’azote organique en am- moniaque est terminée quand le liquide est devenu complètement clair et incolore. On transvase avec les précautions nécessaires le liquide acide dans des flacons Erlenmeyer, 100 centim. cubes d’eau distillée sont employés pour cette opération. Le dosage est terminé comme d'habitude. Nous voulons seulement mentionner quelques particularités qui paraissent présenter des avantages. L'appareil à distiller est des plus simples. Les Erlenmeyer con- lenant le liquide à distiller sont placés au-dessus de brûleurs Bun- sen, sur une planche métallique couverte d’une toile d'amiante et percée de trous circulaires correspondant à la base des ballons. Ils communiquent avec les verres contenant les 20 centim. cubes d'acide sulfurique titré à l’aide d’un tube de verre muni d’un ren- flement en forme d’allonge à sa sortie de l’Erlenmeyer et recourbé ensuite sur un bâton de bois de la forme indiquée dans le dessin. Aucun appareil réfrigérant n’est ici employé, de sorte que la vapeur d'eau ammoniacale dégagée porte l'acide sulfurique titré à l’ébulli- on, et détermine le dégagement de l’acide carbonique qui a pu être contenu dans l’eau avec laquelle on a, avant la distillation, dou- blé le volume de l'acide sulfurique titré, ou dans la soude qu’on a employée pour chasser l’'ammoniaque. On arrête la distillation quand le liquide contenu dans l’Erlenmever a bouilli pendant vingt minutes. Le titrage de l’acide sulfurique non saturé par l’ammoniaque se ÉTUDE SUR QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDES. 131 fait avec de l’eau de baryte ; on n’emploie jamais la potasse ou la soude. On donne comme raison de cette préférence que la baryte, la soude et la potasse donnant lieu, en présence de l’acide carbonique de l'air, à la formation d’un carbonate, le carbonate de baryte, à cause de son insolubilité, se dépose dans la burette ou bien dans le récipient où la baryte est conservée, tandis que les carbonates de potasse et de soude, qui sont solubles, tombent avec la potasse ou la soude dans l'acide sulfurique et tendent ainsi à fausser un peu les résultats. L’ensemble de l’appareil de titration est composé de la manière suivante : La provision d’eau de baryte est contenue dans un réci- pient de 30 à 40 litres placé sur un support à environ 2 mètres au- dessus du sol. Il est fermé par un bouchon qui donne passage à trois tubes : l’un de ces tubes faisant fonction de siphon, amène l’eau de baryte à la partie inférieure d’une burette verticale divisée en dixièmes de centim. cube et fixée à un support qui repose sur une table ordinaire. Il est commandé par une pince placée près de la bu- rette. La deuxième met en communication l’espace vide du récipient avec la partie supérieure de la burette. Enfin le troisième permet à l’air extérieur d’arriver dans le réci- pient en passant à travers une allonge remplie de fragments de potasse, destinés à retenir l’acide carbonique. Un flotteur ayant la forme d'un cylindre étiré à ses deux extré- mités el portant au milieu de sa hauteur un trait horizontal gravé est introduit dans la burette. Si l’on suppose que le niveau de l’eau de baryte dans la burette coïncide avec le trait gravé, la lecture des résultats est singulièrement facilitée. | Quand on ne fait pas de titration, la partie inférieure de la bu- retle est soustraite au contact de l'air à l’aide d’un court tube de caoutchouc fermé à l’autre extrémité par une courte tige de verre plein. Comme indicateur de la fin de la réaction, on emploie deux gouttes d’une solution d’acide rosolique dans l'alcool absolu (1 gr. 132 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. d'acide rosolique dans 50 gr. d'alcool). Au moment où le liquide devient alcalin, 1l prend une coloration blanche. Il est à remarquer que le point critique est assez difficile à saisir, quand le liquide titré contient une forte proportion d’ammoniaque. Il vaut done mieux, avec les sulfates d’ammoniaque, employer la teinture de tournesol. Nous avons maintenant à donner quelques détails sur la prépara- tion des liquides employés. Pour préparer l’eau de baryte, on met 260 or. de baryte hy- dratée en digestion dans de l’eau chaude. On agite et renouvel'e l'eau jusqu'à dissolution complète de la baryte. On complète ensuite à 10 litres. La liqueur alcaline qui sert à chasser l’ammoniaque est obtenue en mélangeant 11 litres et demi de soude caustique de densité 1,379 avec 390 gr. de sulfure de potassium qu’on a dissous dans deux litres d’eau. Pour préparer l’acide sulfurique titré, on complète à 40 litres, 1524 gr. d'acide sulfurique concentré pur de densité 4,845 ; on fixe son litre à l’aide de carbonate de soude pur, lequel est mainte- nant fabriqué dans la grande industrie. 6 gr. de carbonate de soude sont placés dans une capsule de pla- tine larée, et chauffés sur une lampe à alcool jusqu’à constance de poids. Soit p le poids du carbonate sec. On les introduit ensuite avec de l’eau distillée dans un flacon jaugé à 1 litre et on complète le volume à 1000 quand le sel s’est dissous. La solution doit être parfaitement claire. Après plusieurs agitations, on transvase à l’aide d’un pipeite 90 centim. cubes de la solution dans un flacon Erlenmeyer où on a introduit préalablement 20 centim. cubes d’acide sulfurique préparé comme il vient d’être dit. On fait bouillir le mélange jusqu’à disparition complète de l’acide carbonique, el sature ensuite l'acide sulfurique avec de l’eau de baryte titrée ; soit B la quantité d’eau de baryte employée. On sature de même 20 centim. cubes d'acide sulfurique auxquels on n’a pas ajouté de dissolulion de carbonate de soude. Soit A la quantité de baryte employée. ÉTUDE SUR QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDES. 139 Les 50 centim. cubes de la solution de carbonate renferment ep de sel qui correspondent en équivalent à 0 d'azote 100 930 Si donc, nous désignons par { la quantité d'azote correspondant à 20 centim. cubes d’acide sulfurique, nous pouvons écrire : RES 930 (A —B) 1p d'où PU SAME 930 (A —B) Supposons qu’on ait à interpréter les résultats d’une analyse. On aura alors, si on désigne par g la quantité d’eau de baryte em- ployée pour saturer l'acide sulfurique non combiné à l’ammoniaque : (A—g)t Quantité d'azote contenue dans la substance employée = \ % Dosage de l'azote ammoniacal. —- On l’exécute à Halle comme en France. 3 Dosage de l'azote nitrique.— Il y a plusieurs cas à distinguer : 1° L’engrais à analyser renferme de l’azote sous les trois formes ; 2 L’engrais à analyser renferme de lazote ammontacal et de l'azote nitrique ; 3 L’engrais à analyser ne renferme que de l'azote nitrique. Dans le premier cas, on détermine l’azote total d’après la méthode de Jodlbauer, puis l’azote organique et l’azote ammoniacal d’après la méthode Kjeldahl, La différence des résultats trouvés représente l’azote nitrique, si toutefois on a eu soin, avant de procéder au dernier dosage , d'éliminer complètement l'azote nitrique de l’en- TaIS. | La méthode Jodlbauer consiste à transformer l’azote nitrique en une substance organique dont on amène ensuite l’azote à l’état d’ammoniaque d’après la méthode Kjeldahl. On opère cette transformation en {raitant la substance à analyser par un mélange de phénol et d’acide sulfurique. Dès qu’elle est dis- soute, on ajoute de temps en temps du zinc en poudre. 134 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Les réactions qui se produisent sont les suivantes : L’acide azotique, en réagissant sur le phénol, donne du nitro- phénol suivant la réaction : AzO‘ I + CH, OH — C'H'AzO'OH + H0. La poussière de zinc arrivant en contact de l’acide sulfurique donne lieu à une production d'hydrogène, lequel réagit à son tour sur le nitro-phénol et le transforme en amide, ainsi qu’il suit : CH AzO* OH + 4H? — C°H° Az HE? + 34H20. L’azote de l’amide est ensuite réduit en ammoniaque (méthode Kjeldahl). Nous avons dit que la poussière de zinc est ajoutée par petites quantités et par intervalles suffisamment éloignés. Si on ajoute trop de zinc en une seule fois, il en résulte un grand dégagement de chaleur et par conséquent une élévation de tempé- rature du liquide. L’acide sulfurique peut alors réagir sur les ma- tières organiques et donner lieu à la formation de CO° et de SO*. L’hydrogène donne en même temps avec l’acide sulfureux nais- sant de l'acide sulfhydrique et de l’eau : SO? + CH = HS + 2H: 0. Ainsi s'explique le dégagement d'IFS et de SO? qui se produit après chaque addition de zinc. On comprend aussi pourquoi il est recommandable de maintenir les ballons dans un réfrigérant pendant qu'on effectue cette opération. Comme toutes ces réactions mettent de l’eau en liberté, on ajoute au mélange d'acide sulfurique et de phénol, de l'acide phosphorique anhydre, lequel est très avide d’eau et permet ainsi de conserver l'acide sulfurique à l’état concentré, ce qui a son importance dans la transformation de l’azote organique en azote ammoniacal d’après la méthode Kjeldah]. Le mélange d’acide sulfurique, de phénol, et d’acide phospho- rique anhydre est préparé de la manière suivante : On dissout dans de l’acide sulfurique concentré, d’une part 66 er. de phénol, d’autre part 250 gr. d’acide phosphorique anhydre. ÉTUDE SUR QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDES. 19 Après avoir refroidi les deux solutions, on les mélange et complète le volume à 1!,690. Il nous reste à dire comment on pratique la méthode Jodibauer. On pèse 15',5 d'engrais qu’on introduit dans un ballon à réduction de 180 centim. cubes, avec 30 centim. cubes du mélange indiqué ci-dessus. Les corps sont laissés ainsi en présence pendant une heure environ. On agite souvent, pour que les principes solubles se dis- solvent rapidement et entièrement. Les ballons sont ensuite placés dans un réfrigérant, — lequel consiste en une boîte métallique divisée en compartiments où circule un courant d’eau froide — et on commence l'addition du zinc. Celui-ci est déposé sur un papier en forme de carte de visite, portant le même numéro que le ballon correspondant. Lorsque la quantité totale de zinc (1 gr.) a été intro- duite, on laisse les ballons au repos pendant deux heures; on in- troduit dans le liquide une goutte de mercure et un peu de paraffine et on continue le dosage d’après la méthode Kjeldahl. Pour chasser l’ammoniaque par distillation, on rend le liquide alcalin avec un mélange de soude caustique et de sulfure de potas- sium (méthode Kjeldahl). Il est à remarquer que, dans le cas présent, il faut employer au moins 109 centim. cubes de cette liqueur. La titration de l’acide sulfurique non saturé par l’ammoniaque et l'interprétation des résultats n’offrent rien de particulier. Quand l’engrais ne contient que de l'azote ammoniacal et de l'azote nitrique, on peut aussi avoir recours à la méthode Jodlbauer ; mais il est préférable de déterminer séparément l'azote ammoniacal el l’azote nitrique ; l'azote ammoniacal, d’après la méthode ordi- naire, l'azote nitrique d’après la méthode dite du fer et du zinc qui a été introduite à Halle pendant les derniers temps de mon séjour au laboratoire, ou d’après la méthode dite de l'aluminium qui est adoptée par le professeur Wagner à Darmstadt. Enfin quand l’engrais ne renferme que de l'azote nitrique (sal- pêtre du Chili), on peut effectuer le dosage de l’azote d’après l’une de ces deux dernières méthodes. a) Méthode dite du fer et du zinc. — Nous nous contenterons 136 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. d'indiquer comment on la pratique, car il n’y a pas jusqu’à présent de théorie qui explique d’une manière satisfaisante les réactions qui se produisent. Mais il est bon de faire tout d’abord la des- cripuon de l’appareil à distiller que nécessite l’emploi de cette mé- thode. Les flacons Erlenmeyer contenant le liquide à distiller sont placés au-dessus de brûleurs, sur une planche métallique couverte d’une toile d'amiante et percée de trous circulaires destinés à recevoir le fond des ballons. Ils sont mis en communication avec les verres con- tenant l’acide sulfurique titré au moyen d’un tube de zinc, recourbé d’abord vers le haut et traversant ensuite un réfrigérant. Pour éviter l'entrainement de gouttelettes alcalines, les vapeurs passent à leur sortie de l’Erlenmeyer dans un tube recourbé de faible diamètre, dont les deux branches sont verticales et qui est contenu dans un élargissement du tube de communication. Les flacons contenant l’acide sulfurique titré sont fermés par un bouchon donnant passage à deux tubes, l’un qui forme l’extrémité du tube de communication déjà cité, l’autre qui est un tube recourbé vers l'extérieur et présentant en dehors du flacon plusieurs renfle- ments en forme d’allonge remplis en partie d’eau disullée. Aucun d’eux ne plonge dans l’acide. Pour faire un dosage d’azote nitrique dans le salpêtre du Chih, on introduit 05,5 d'engrais (10 gr. dissous dans un litre d’eau) dans un Erlenmeyer de trois quarts de litre de capacité, avec 5 gr. de zinc en poudre et 5 gr. de fine limaille de fer et 75 centim. cubes d’eau distillée. Les flacons à acide sulfurique (on emploie ordinaire- ment 20 centim. cubes d’acide sulfurique titré) sont alors fixés à l'extrémité des tubes de communication. Avant d’atteler les Erlen- meyer à l'appareil à distiller, on ajoute au mélange qui y est déjà contenu, 80 centim. cubes de soude caustique, de densité de 1.3. Le tout est laissé au repos pendant une heure. On allume alors les brü- leurs et disiille jusqu’à ce que 100 centim. cubes de liquide aient passé dans les flacons à acide sulfurique. Il arrive souvent que de Peau provenant de la condensation des vapeurs s’amasse en trop erande quantité dans l'élargissement du tube de communication. On ferme alors le brûleur correspondant; l’intérieur de l’Erlenmeyer ÉTUDE SUR QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDES. 137 se refroidit et la diminution de la pression fait revenir le liquide dans le ballon, par l'intermédiaire du petit tube recourbé, faisant ici l'office de siphon. Quand la distillation est terminée, on sépare les flacons à acide sulfurique de l’appareil, on fait couler dans leur intérieur l’eau contenue dans les tubes à boules, on lave ces derniers avec de l’eau distillée et on titre l’acide sulfurique avec l’eau de baryte comme dans la méthode Kjeldahl. b) La méthode dite de l'aluminium est adoptée à Darmstadt. — 20 gr. d'engrais sont introduits dans un flacon jaugé à 1 litre et agités avec de l’eau distillée, à l'effet de dissoudre les nitrates. On complète ensuite le volume à un litre. Après plusieurs agitations qui mélangent bien toute la masse, le tout est jeté sur un filtre; 25 centim. cubes de la liqueur filtrée sont alors transvasés à l’aide d’une pipelte dans un flacon Erlenmever d’environ 3/4 de litre de capacité, puis additionnés de 200 centim. cubes d’eau, de 30 centim. cubes d’une dissolution de soude à 30 p. 100 et de 3 gr. d’alumi- nium en fils courts d'environ 0°,5 de diamètre. Aussitôt après, les Erlenmeyer sont attelés à l’appareil à distiller dont nous avons donné la description en parlant du dosage de l'azote d’après la méthode Kjeldahl. Il va sans dire que lextrémité des tubes qui emmènent les produits de la distillation doit plonger dans de l’acide sulfurique titré. On emploie, dans ce cas, 40 centim. cubes d'acide sulfurique normal étendu de son poids d’eau. Les corps sont ainsi laissés en contact, jusqu’à ce que les fils d'aluminium soient complètement dissous, c’est-à-dire pendant en- viron 18 heures. On distille ensuite et titre l'acide sulfurique non saturé par l’ammoniaque comme d'habitude. L'interprétation des résultats n'offre rien de particulier. Quelques mots sur une falsification très commune. —- Souvent, dans le commerce, on ajoute aux os dégélalinés pulvérisés des ma- lières riches en azote (poudre de corne, sang desséché, etc.), et on vend le mélange sous le nom de poudre d’os. Si l’on ne considère que Ja teneur de ces engrais en principes fertilisants, on ne remarque 1358 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. souvent qu’une différence assez peu sensible. Cependant leur valeur agricole est inégale, car la poudre d’os se montre supérieure dans toutes les cultures. Une telle fraude peut être décelée de la manière suivante : 9 gr. de l’engrais sont agités dans un tube à essai avec du chloro- forme. Après un instant de repos, les impuretés remontent à la sur- face du liquide, tandis que la poudre d’os tombe au fond. La couche supérieure est transvasée dans un autre tube contenant du chloro- forme, le tout agité vivement et laissé au repos. Ce transvasement est nécessaire, car il arrive souvent que des parties fines de poudre d’os sont retenues par les impuretés. Les liquides contenant les parties les plus légères sont alors jetés sur un filtre. On lave le résidu avec du chloroforme, on le sèche dans l’étuve et on y dose l’azote et l’acide phosphorique. Par différence, on trouve la teneur en ces mêmes principes de la partie de l’engrais tombée au fond des tubes à essai. On juge alors facilement s’il y a eu falsification en prenant en con- sidération les données suivantes : La poudre d’os renferme généralement de 3 à 5.3 p. 100 d’azote et de 19 à 25 p. 100 d’acide phosphorique, c’est-à-dire que le rapport de l’azote à l'acide phosphorique y est compris entre 1/4 et 1/8.5. Dans les os dégélatinés, la teneur en azote varie entre 1 et 3 p.100, celle en acide phosphorique entre 24 et 30 p. 100, de sorte que le rapport de l'azote à l'acide phosphorique oscille entre 1/8.5 et 1/30. e) Dosage de la potusse. Il est effectué d’après la méthode classique du chlorure de pla- tne, laquelle est suffisamment connue. Nous ajouterons seulement que le liquide alcoolique contenant le précipité de chlorure double de platine et de potassium est filtré dans une capsule de platine dont le fond est percé de trous et cou- vert d’une couche d’amiante, comme nous l’avons dit en parlant du dosage de l'acide phosphorique. On dessèche à la température de 100 degrés pendant deux heures ÉTUDE SUR QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDES. 139 el pèse la capsule avec son contenu. On dissout ensuite le précipité avec de l’eau bouillante, lave avec de l’alcool, sèche de nouveau à 100 degrés et pèse. La différence des deux poids représente le poids du chlorure double qui, multiplié par 0.193, donne la quantité de potasse con- tenue dans la substance employée. f) Dosage de la chaux. Le mode de dosage employé varie suivant que la matière à ana- lyser contient, en même temps que de la chaux, une quantité plus ou moins grande d'acide phosphorique. 1° Dosage de la chaux dans les matières fertilisantes contenant relativement beaucoup d'acide phosphorique. — Tels sont les craies phosphatées, les scories, les tangues, les faluns, etc. o gr. de substance sont introduits dans une capsule de porcelaine avec 20 centim. cubes d’acide chlorhydrique et 5 centim. cubes d’acide azotique. On évapore à sec sur un bain d’eau bouillante. La capsule est ensuite portée et maintenue pendant quelques heures sur un bain de sable, à la température de 100 à 105 degrés à l'effet d'insolubiliser la silice. On verse sur le résidu quelques gouttes d'acide chlorhydrique et de l’eau bouillante, on laisse pendant quelques instants les corps en contact en ayant soin d'agiter fréquemment, puis on lave le tout dans un ballon d’un demi-litre. On complète le volume à 500, sépare la silice par filtration et transvase 100 centim. cubes du liquide filtré (représentant 1 gr. de matière) dans un Erlenmeyer. On neutralise avec de l’ammoniaque (A), ajoute quelques gouttes d’acide chlorhydrique étendu (B), puis une certaine quantité (30 cent. cubes pour 4 gr. de substance) d’une solution d’acétate d’ammo- niaque au dixième. Après avoir mélangé le tout par agitation, on laisse au repos pendant six heures. Une fois ce temps écoulé, on filtre, on ajoute au liquide quelques gouttes d'acide acétique si la réaction n'était déjà pas acide el pré- 140 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. cipite la chaux avec de l’oxalate d’ammoniaque. Le précipité d’oxalate de chaux est jeté sur un filtre après un repos de six heures dans un endroit chaud, puis il est réduit en chaux dans un four ad hoc. Le poids de chaux ainsi obtenu correspond à 1 gr. de substance. Est-il bien certain qu’on obtient ainsi un résultat exact ? Généralement, les malières fertilisantes que nous envisageons en ce moment contiennent, outre les corps déjà cités, des oxydes de fer et d’alumine. Par l'addition d’ammoniaque (A), ces deux oxydes se précipitent entièrement à l’état de phosphate de fer et d’alumine, quand lacide phosphorique est présent en quantité suffisante et partie à l’état de phosphate, partie à l’état d’oxydes, quand lacide phosphorique est en défaut. Or, il peut arriver qu’un peu de phosphate de chaux ait été pré- cipité avec le phosphate de fer et d’alumine, ou que du phosphate de chaux resté en dissolution se sépare en même temps que l’oxalate de chaux sous l’influence de l’oxalate d’ammoniaque. Pour éviter la première cause d'erreur, on reprend le précipité de phosphate avec de l’acide chlorhydrique, neutralise la solution avec de l’ammoniaque, ajoute quelques gouttes d’acide chlorhydrique étendu et traite par la solution d’acétate d’ammoniaque comme pré- cédemment. Après filtration, on mélange cette seconde liqueur filtrée à la pre- mière correspondante et précipite la chaux dans une partie aliquote du volume total. On évite la seconde cause d’erreur en ajoutant à la liqueur acidulée par de l'acide chlorhydrique (B) du protochlorure de fer en solution, en quantité telle que le fer introduit corresponde en équivalent à l’excé- dent d'acide phosphorique. On neutralise de nouveau avec de l’am- moniaque, on laisse tomber quelques gouttes d'acide chlorhydrique et on continue le dosage comme il a été indiqué précédemment. 2° Dosage de la chaux dans les matières fertilisantes contenant relativement peu d'acide phosphorique. — La chaux ayant été dis- soute et la silice éliminée comme il a été dit précédemment, on rend la liqueur légèrement alcaline avec de l’ammoniaque, remet la ÉTUDE SUR QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDES. 141 chaux en dissolution avec de l'acide acétique et précipite ensuite la chaux avec de l’oxalate d’ammoniaque. Rien de particulier à ajouter. Cus particuliers. — Hs sont offerts par les marnes et le plâtre. On fait dans les premiers un dosage d'acide carbonique, dans le second un dosage d’acide sulfurique d’après les mêmes méthodes qu’en France. À g) Dosage du fer et de l'alumine. [l peut être utile de connaître la quantité de fer et d’alumine qui est contenue dans un phosphate. La méthode de dosage qui est employée à Halle, sans être complètement exacte, donne cependant des résultats assez approchés. gr. de phosphate sont chauffés dans un ballon de 50 centim. cubes avec 2 centim. cubes d’acide azotique de densité 1,2 et 12,5 d’a- cide chlorhydrique de densité 1,12. On complète le volume à 500, filtre après plusieurs agitations et prend 100 centim. cubes de la liqueur filtrée (représentant 1 gr. de substance) qu’on transvase avec une pipette dans un ballon de 250 centim. cubes. On ajoute 25 centim, cubes d’acide sulfurique de densité 1,84 et laisse les corps en présence pendant cinq minutes en ayant soin d’agiter de temps en temps. | Le ballon de 250 centim. cubes est rempli jusqu’à la marque avec de l’alcool à 95 degrés. Comme il y a contraction, on doit parfaire le volume une ou deux fois. On bouche le ballon, laisse reposer pendant une demi-heure et filtre ; 10 centim. cubes de la solution filtrée représentant 0,4 de substance sont introduits dans une cap- sule de platine et placés sur un bain d’eau bouillante jusqu’à évapo- ration complète de l’alcool. La solution restante est transvasée dans un verre à précipiter ; on lave la capsule avec 50 centim. cubes d’eau el fait bouillir le mélange. Aussitôt que l’ébullition a cessé, on rend le liquide alcalin en ajoutant de l’ammoniaque, chasse l'excès d’ammo- niaque par une nouvelle ébullition et laisse refroidir. Il se sépare alors du phosphate de fer et d’alumine qu’on jette 142 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. sur un filtre. Le précipité est lavé plusieurs fois avec de l’eau chaude, puis laissé quelques instants dans un moufle chauffé au rouge el enfin pesé. On admet que la moitié du poids est formée d'oxyde de fer F?0° et l’autre d’alumine AP 0°. Les dosages de la magnésie, de l’acide chlorhydrique et de l’acide sulfurique sont effectués d’après les mêmes méthodes qu’en France. B. — Méthodes d'analyse des terres. a) Analyse mécanique. On peut dire qu’elle consiste à peu près uniquement à faire passer la terre à travers des tamis dont les mailles ont respectivement les dimensions suivantes : LONGUEUR © du côté, de la diagonale, en millimètres. en millimètres. Tamis A: ea 3 » Tamis B. . . 2 » RATS Eee l » Tamis DS Len 0,35 à 0,39 0,45 à 0,50 EU EMIRPESREE TE 0,14 à 0,17 0,22 à 0,24 Lam Eee 0,09 0,fi On opère de la manière suivante : 500 gr. de terre (l'échantillon est prélevé dans le champ d’après les prescriptions habituelles) sont introduits dans une grande capsule de porcelaine avec environ 1 litre d’eau. On laisse les corps en pré- sence pendant deux heures en ayant soin d’agiter fréquemment. Le tout est ensuite jeté dans le tamis D. La partie restée sur le tamis est remuée avec un pinceau pendant qu’on lave avec un filet d’eau pour entrainer les dernières particules fines. Elle est ensuite portée dans une capsule de porcelaine tarée ; on la dessèche dans une étuve chauffée à 100 degrés. Son poids repré- sente « les pierres ». La partie passée à travers le tamis D est jetée sur le tamis E. Ce ÉTUDE SUR. QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDES. 143 qui ne passe pas est désigné sous le nom de « gros sable » ; on en détermine le poids après l'avoir lavé et desséché comme les pierres. On obtient de même le « sable fin » avec le tamis F. Quant aux particules terreuses qui ont traversé ce dernier, et auxquelles on donne le nom de « poussière » (terre fine), on en trouve le poids, soit par différence, soit par pesée directe, après évaporation jusqu’à sec de l’eau qui les a entrainées. On sépare ensuite la poussière en « poussière sableuse » et en € argile ». Pour cela, on en prend 950 gr. qu’on agite avec de l’eau dans une capsule de porcelaine. On transvase ensuite le tout dans un cylindre de verre de 3 centim. cubes de diamètre et de 30 centim. cubes de hauteur, qu'on remplit ensuite d’eau. Le bouchon avec lequel on le ferme donne passage à deux tubes : l’un, qui est recourbé en forme de crochet à sa partie inférieure, pénètre jusqu’au fond du vase, l’autre ne plonge pas dans le liquide. On agite vivement et laisse reposer pendant 30 minutes. En soufflant dans le tube court, on détermine la sortie du liquide placé au-dessus du dépôt qu’on remarque au fond du vase. La même opéralion est répétée plusieurs fois jusqu’à ce que ce liquide supérieur soit clair. Le dépôt est transvasé dans une capsule, desséché à 100 degrés et pesé. Il repré- sente l'argile. Quand on le juge utile, on sépare les « pierres » en « cailloux », « gros gravier » et € gravier fin » à l’aide d’un tamisage à sec dans les tamis ABC. On dose l'humidité de la terre en déterminant la diminution de poids que subit une quantité connue de terre qu’on soumet à la des- siccation dans une étuve chauffée à 100 degrés. L'analyse mécanique effectuée d’après ces prescriptions donne donc des résultats qu'on exprime sous les rubriques suivantes : Cailloux ; Pierres. . { Gros graviers ; | Graviers fins ; Gros sable ; Sable fin ; Poussière de sable ; 144 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Argile ; Humidité. Et on regarde comme substance minérale sèche de la terre la malière sèche totale diminuée de la perte de poids qu’éprouvent les pierres et le sable quand on les laisse pendant un temps suffisamment long dans un moufle chauffé au rouge. (Si on Juge que du caïcaire a été amené à l’état de chaux pendant l’opération, on le ramène à l’état de carbonate avant de faire la pesée. Pour cela, on se sert d’oxalate d’ammoniaque, qu’on emploie suivant le procédé connu.) Détermination des propriétés du sol. —- En déterminant, dans le laboratoire, le pouvoir hygroscopique, l'aptitude à la dessiccation, on obtient des résultats qui ne peuvent avoir beaucoup d'importance pour la pratique agricole, car les conditions d’expérience sont alors tout autres que dans la nature. Les procédés de laboratoire peuvent cependant donner une idée assez exacte du pouvoir d'absorption d’une terre pour les prin- cipes fertilisants. La terre ayant été séchée à l'air, puis écrasée à la main, on en prend 195 gr. qu’on introduit dans un flacon avec 500 centim. cubes d’une solution contenant par litre 1/10° du poids moléculaire en ovammes du sel à étudier. On laisse les corps en contact pendant 24 heures en ayant soin d’agiter fréquemment. Le tout est ensuite jeté sur un filtre. Dans une partie aliquote de la liqueur filtrée dont on détermine le volume ou le poids, on dose les éléments dont on a voulu étudier l'absorption par le sol. Si ln veut avoir des résultats plus exacts, 1l convient de tenir compte de la quantité de ces mêmes principes que retenait déjà la terre avant d'être mise en contact avec la solu- tion précitée. Pour trouver comment se comporte envers un sol donné une so- lution contenant tous les éléments d'un engrais complet, on opère d’une manière analogue; la composition centésimale de la solution d'essai est cependant un peu différente. Au lieu de contenir par litre 1/10°, elle contient 1/50° du poids moléculaire en grammes de chacun des sels. ÉTUDE SUR QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDES. 145 Il va sans dire que des déterminations ainsi faites ne peuvent indi- quer la valeur absolue du pouvoir d'absorption d’un sol envers un sel quelconque, car, ainsi que le fait remarquer M. Schlæsing, ee pouvoir varie suivant l’état de concentration et la quantité du sel mise en présence. Mais elles peuvent fournir des résultats compara- tifs très importants, car les conditions d'expérience sont les mêmes dans tous les cas. b) Analyse chimique. La prise de l’échantillon de terre dans le champ, la dessiccation à l'air et le Lamisage à travers un tamis ayant des mailles de 3 milli- mètres de côté sont effectués d’après les mêmes prescriptions qu’en France. Les résultats de l’analyse sont aussi rapportés à 100 de terre sèche. 1° Dosage de l'azote total. — Ce dosage est effectué d’après la méthode de Jodlbauer sur 3 à 5 gr. de terre qu’on introduit dans un ballon de 180 centim. cubes environ avec 30 centim. cubes du mélange d'acide sulfurique, de phénol, et d'acide phosphorique anhydre. L'opération est continuée comme nous l’avons indiqué au chapitre des engrais. 2° Dosage de l'acide phosphorique. — « L’acide phosphorique contenu dans la terre se trouve principalement en combinaison avec l’alumine et l’oxyde de fer, avec les matières organiques ou encore avec la chaux ou la magnésie. Quels que soient ses différents états, tout l'acide phosphorique, sauf celui qui entre dans la constitution des parties rocheuses, peut être mis en dissolution et déterminé par l’analyse. Celle-ci peut évaluer très approximativement la pro- portion totale d'acide phosphorique des éléments terreux. » En outre, des expériences exécutées à Halle, dans des pots, d’a- près la méthode Wagner, montrent qu'il existe une relation entre la quantité d’acide phosphorique d’une terre, soluble dans une solu- üon à 2 p. 100 d’acide citrique, et la quantité de ce mème acide contenue dans les produits de la récolte. | ANN. SCIENCE AGRON. — 1893. — 1. 10 146 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. La détermination de l’acide phosphorique total indiquera donc la valeur du capital d'acide phosphorique contenu dans la terre ; celle de l'acide phosphorique assimilable, l'intérêt que ce capital livre pendant une année. Dosage de l'acide phosphorique total. — Ge dosage s'effectue de la manière suivante : 25 gr. de terre sont introduits dans un ballon à fond plat jaugé à 500 centim. cubes avec 20 centim. cubes d’acide azotique et 50 centim. cubes d’acide sulfurique concentré. On fait bouillir très modérément pendant une demi-heure tout en agitant fréquemment le ballon. L’oxydation des matières organiques est terminée quand il ne se dégage plus de vapeurs rutilantes. Il arrive très rarement qu’il faille, pour la rendre complète, ajouter de nou- velles quantités d’acide azotique. Les ballons ayant été exposés au refroidissement, on complète le volume à 500 à la température de 17°5. 100 centim. cubes (repré- sentant 5 gr. de matières) sont transvasés dans un erlenmeyer, puis neutralisés à l’aide d’une solution ammoniacale à 24 p. 100. On aperçoit neltement la fin de la réaction, si lon a préalablement coloré le liquide avec deux gouttes d’une solution alcoolique d’acide rosolique. On acidifie de nouveau le liquide avec quelques gouttes d'acide chlorhydrique. Le précipité auquel avait donné lieu l’addi- tion d’ammoniaque doit se redissoudre complètement. Les ballons sont alors placés quelques minutes dans le réfrigérant, puis on verse dans la liqueur acide 50 centim. cubes de la solution de citrate, 20 centim. cubes d’ammoniaque à 24 p. 100 et 25 cen- üm. cubes de liqueur magnésienne. La filtration ne doit avoir lieu que 48 heures après. Dans l’inter- valle, on remue souvent le liquide avec un agitateur pour éviter que le précipité ne s’attache trop fortement aux parois du ballon. Le dosage est continué comme d'habitude. Remarque. — Avec les terres très argileuses, il est bon de n’em- ployer que 195,5 au lieu de 25 gr., sinon il faudrait, pendant le traitement par les acides, agiter presque constamment pour éviter que des particules de terre adhérassent au fond du ballon. En outre, ÉTUDE SUR QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDES. 147 l'addition de la solution ammoniacale déterminerait la formation d’un abondant précipité, lequel ne pourrait disparaître que par lin- troduction d’une quantité relativement grande d’acide chlorhydrique, ce qui pourrait obliger à employer une quantité plus grande de liqueurs précipitantes. Dosage de l'acide phosphorique soluble dans l'acide citrique. — De nombreuses expériences ont été faites à la station de végétation de Halle, d’après la méthode des pots du professeur Wagner pour établir le rapport qui existe entre la quantité d’acide phosphorique contenue dans une récolte (grain et paille) et la quantité d’acide phosphorique de la terre soluble dans différents réactifs. Les ré- sultats qui ont été obtenus par les docteurs Maerker et Gerlach per- mettent de conclure que la solution à 2 p. 100 d’acide citrique est le réactif le plus approprié pour mettre en solution l'acide phospho- rique de la terre qui est directement assimilable. Voici d’ailleurs comment on effectue le dosage en question : 60 gr. de terre préparée comme d'habitude sont introduits dans un flacon Erlenmeyer avec 300 centim. cubes de la solution d’acide _citrique. On laisse les corps en contact pendant 24 heures, en ayant soin d’agiter de temps en temps (4 à 5 fois). Les bouchons doivent être simplement placés dans le corps des ballons, mais non fermer hermétiquement de façon à permettre le dégagement à l'extérieur de l'acide carbonique qui naît sous l'influence de l'acide citrique sur les carbonates de la terre. Une fois les 24 heures écoulées, on filtre après avoir mélangé la masse par plusieurs agitations. 200 centim. cubes de la liqueur filtrée sont alors transvasés avec une pipette dans une capsule de porcelaine d’une contenance d’environ 300 centim. cubes, et éva- porés au bain-marie jusqu’à consistance sirupeuse. Une fois le résidu refroidi, on l’additionne de 20 centim. cubes d’acide sulfurique concentré et de 5 centim. cubes d’acide azotique fumant, et chauffe le tout sur un brüleur à gaz. Dès que le point d’ébullition est atteint, on aperçoit un dégage- ment de vapeurs rutilantes. C’est la preuve que les matières orga- niques de la terre et l’acide citrique sont en voie de destruction. 148 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. S'il se produit une écume abondante, on arrête le feu un instant, puis rechauffe de nouveau, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’appari- ion de vapeurs rutilantes ait complètement cessé. Le mélange est ensuite porté à l’ébullition pendant un quart d'heure, afin de rendre la silice insoluble. (L’ébullition doit être réglée de telle manière qu’elle donne lieu à un dégagement continuel, mais peu abondant, de vapeurs d’acide sulfurique.) Le contenu de la capsule est alors étendu avec de l’eau, remué avec un agitateur, transvasé dans un ballon de 200 centim. cubes, et refroidi à la température de 17°5. On complète le volume à 200 et filtre. 100 cenlim. cubes de la liqueur filtrée (représentant 20 gr. de terre) sont introduits dans un erlenmeyer, rendus légèrement alcalins avec de l’ammoniaque, puis acidifiés avec quelques gouttes d'acide chlorhydrique (2 gouttes d’une dissolution d’acide rosolique dans l'alcool servent d’indicateur de la fin de la réaction) et enfin, après refroidissement, additionnés de 50 centim. cubes de liqueur citrique et 25 centim. cubes de solution magnésienne (Magnesia- mixture). Le mélange des liquides, après avoir été bien agité, est laissé au repos pendant 48 heures. On sépare ensuite par filtration le précipité de phosphate ammoniaco -magnésien, et termine le dosage comme d'habitude. 3° Dosage de la potasse. — « En faisant agir à la température ordinaire, comme l'indique M. Schlæsing, un acide très dilué en quantité suffisante pour dissoudre le calcaire et pour détruire les propriétés absorbantes de la terre, on se place dans des conditions telles que la potasse existant sous une forme soluble soit seule mise en liberté et que celle des nitrates reste inattaquée. Il y a donc là un moyen de différencier la forme la plus intéressante de cet alcal. Tel est le principe des modes de traitement suivis en Allemagne pour dissoudre la potasse du sol qui mérite d’être qualifiée de di- rectement assimilable. 1 Procédé. — Disons d’abord que la terre, après avoir été séchée à l'air et écrasée entre les doigts comme d'habitude, est jetée dans ÉTUDE SUR QUELQUES STATIONS AGRONOMIQUES ALLEMANDES. 149 un tamis à mailles de 3 millimètres. Seule la partie qui passe doit être soumise au traitement. Pour chaque gramme de terre, on emploie 2 volumes d’acide chlorhydrique qu’on emprunte à une solution à 25 p. 100 du même acide. La terre et la solution sont introduites dans un ballon et laissées en contact pendant 48 heures dans une chambre ayant une température ordinaire. On a soin d’agiter fréquemment. 2e Procédé. — Pour chaque gramme de terre, on emploie deux volumes d’acide chlorhydrique qu’on apporte sous forme d’une solution à 10 p. 100 du même acide. Les corps sont placés dans un ballon qu’on expose, pendant trois heures, à la chaleur d’un bain d’eau bouillante. Il est nécessaire d’agiter très souvent. A Halle, on a recours au premier traitement, et on l’effectue de la manière suivante : 100 gr. de terre étant placés dans un ballon, sont additionnés de 500 centim. cubes d’une solution à 40 p. 100 d'acide chlorhydrique. On complète ensuite le volume à 1 000. On laisse la dissolution de la potasse s’effectuer pendant quarante-huit heures. Pour la faciliter, on agite le ballon de temps en temps. Tout le contenu est ensuite jeté sur un filtre. On emploie un volume déterminé du liquide filtré à la détermination de la potasse d’après la méthode du chlorure de platine. 4° Dosage de la chaux. — La chaux se trouve dans le sol princi- palement à l'état de carbonate, de sulfate, de nitrate, d’humate et de silicate. « Suivant qu’on traite par les acides plus ou moins concentrés et qu'on prolonge davantage la durée du contact, on dissout des quan- tités un peu différentes, car si le calcaire réel, l’humate, le nitrate, le sulfate laissent entrer rapidement la chaux en dissolution, il n’en est pas de même des silicates qui ne s’attaquent qu'avec lenteur. » Le traitement de la terre adopté à Halle a pour but d’attaquer tous les sels de chaux à l'exception des silicates. Il consiste soit à mettre la terre en contact d'une dissolution étendue d’acide chlorhy- drique et quelques gouttes d’acide azotique jusqu’à ce que la silice soit insoluble. 150 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE, Le dosage est continué comme nous l'avons indiqué au chapitre des engrais en parlant du dosage de la chaux, dans les engrais rela- tivement pauvres en acide phosphorique. D° Dosage de la magnésie. — On fait entrer la magnésie en solu- tion comme la chaux, et on la précipite à l’état de phosphate ammo- niaco-magnésien à l’aide des réactifs appropriés. I n’y a rien de particulier à dire sur les méthodes de dosage de l'acide sulfurique et de l'acide chlorhydrique dans les terres. 6° Dosage de l'humus. — On peut calculer avec assez d’exactitude la quantité d’humus contenue dans une terre quand on connaît la teneur de cette dernière en carbone. 5 à 10 gr. de terre sont introduits dans une capsule de verre à parois très minces dite capsule Hoffmeister. Pour éliminer l'acide carbonique des carbonates, on ajoute une quantité suffisante d’acide phosphorique en dissolution étendue et évapore au bain-marie jus- qu'à sec. Après avoir pulvérisé la capsule et son contenu dans un creuset, on effectue un dosage de carbone d’après la méthode Dumas. c) Interprétation des résullals. Les résultats obtenus sont rapportés à 100 de terre fine. Ils ne subissent donc pas la correction indiquée par M. Füisler. Néanmoins les méthodes d’analyse adoptées en Allemagne con- duisent aussi à admettre qu'une terre renfermant 0.1 p.100 d’azote, 0.1 p. 100 d’acide phosphorique, 0.1 p. 100 de potasse est sufli- samment pourvue en ces trois éléments. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE ENDIGUEMENTS, GOLMATAGES, POLDERS PAR A. RONNA INGÉNIEUR MEMBRE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AGRICULTURE a ————— 0 0 ————————— AVANT-PROPOS « Quand on jette les yeux sur une carte d'Angleterre, on voit au nord du Norfolk un large golfe qui entre assez profondément dans les terres et qu’on appelle Wash. Tout autour de ce golfe vaseux s'étendent des plages basses et habituellement couvertes par les eaux. Jadis inhabitables, elles figurent aujourd'hui parmi les plus riches parties de l'Angleterre. Situées en face de la Hollande, elles ont été assainies, comme elle, par les digues. L’étenlue totale des trois comtés, Cambridge, Huntingdon et Lincoln, est d'environ un million d'hectares ; les marais proprement dits en occupent environ le Uiers. « Les travaux d’assainissement, commencés par les Romains, ont été poursuivis au moyen âge par les moines qui s'étaient établis sur les iles sortant çà el là des terres inondées. Les Anglais parlent peu des services que leur ont rendus les anciens monastères : il est cer- tin cependant que, dans leur île, comme ailleurs, les seuls monur- ments de quelque valeur, qui subsistent des temps les plus reculés, 152 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. proviennent du culte catholique; l’agriculture en particulier a dû ses premiers succès aux ordres religieux. « Lors de la réformation, les grandes familles reçurent en don les biens des abbayes et se firent les continuateurs des moines. Les résidences de beaucoup de grands seigneurs portent encore le nom des abbayes qu’elles ont remplacées ; on dit Woburn-Abbey, Wel- beck-Abbey, etc. « Dans la région marécageuse, les moines avaient poussé assez avant leurs desséchements, quand ils furent chassés, laissant pour traces de leur passage, outre leurs canaux et leurs cultures, les belles églises de Peterborough et d’Ely, qui dominent encore la contrée. «€ Au commencement du xvu° siècle, un comte de Bedford se mit à la tête d’une compagnie pour reprendre les travaux : une conces- sion de 40 000 hectares lui fut accordée. Dès lors, l’entreprise n’a jamais été interrompue. Des moulins à vent, des machines à vapeur, établies à grands frais, font jouer des pompes à épuisement; des tranchées immenses, des digues indestructibles achèvent l’œuvre. « Le pays conquis est maintenant traversé dans (ous les sens par des routes et des chemins de fer ; on y a construit des villes, des fermes sans nombre; ces terres, jadis submergées et improductives, se louent de 75 à 100 fr. l’hectare. On y voit des cullures de céréales et de racines, mais la plus grande partie est en prairies; on y en- graisse des bœufs courtes-cornes et des moutons provenant du croi- sement de la race ancienne du Lincoln avec des Dishley. € Tout le nord du comté de Cambridge fait partie de la région des marais ; la rente moyenne y a doublé depuis quarante ans; la population s’est accrue rapidement, soit à cause de l’augmentation de salubrité, soit parce que les progrès du desséchement ont déve- loppé la demande de travail... « Si le comté de Norfolk a occupé longtemps le premier rang en Angleterre pour le développement rural, cette place (depuis que le desséchement des marais a eu lieu) lui est disputée par le comté de Lincoln qui était, il y a un siècle, encore plus stérile que désert. « Le district des marais, au sud et-à l’est du Lincoln, a reçu le nom de Hollande, et lui ressemble beaucoup, en effet. Ce sont les LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 153 mêmes digues qui s’avancent tous les jours el gagnent sur la mer de nouveaux terrains ; ce sont les mêmes prairies et presque les mêmes troupeaux ; c’est le même aspect vert, bas et humide. Sur quelques points, le haut prix des grains avait encouragé la culture des cé- réales, mais cette culture recule aujourd’hui de toutes parts ; les herbages, mieux appropriés au sol, lui succèdent. La rente y atteint en moyenne 100 fr. » Ces passages, extraits du livre classique de Léonce de Lavergne sur l’économie rurale de l'Angleterre *, nous serviront d'entrée en matière pour décrire les travaux dont il parle si sommairement, qui se sont poursuivis pendant des siècles, dans le but, d’une part, de dessécher et d’assainir les marais et les landes des comtés qui en- tourent la baie du Wash, et, d’autre part, de conquérir sur la mer, aux embouchures des rivières Ouse, Nen, Welland et Witham et le long des côtes, des alluvions d’une fertilité exceptionnelle. La Hollande offre évidemment des travaux d’endiguement et de desséchement d’une continuité et d’une importance plus considé- rable encore. Une grande partie des provinces des Pays-Bas : Hol- lande septentrionale et méridionale, Zélande, Frise, Groningue, dont la surface se trouve de 1 mêtre à 5 mètres au-dessous du niveau de la mer, était occupée jadis par des lacs, des marais, des tourbières marécageuses ; transformées en polders cultivables, aussi b'en que les terres limoneuses, rejetées par les marées sur les côtes, et les lais des rivières, de vastes surfaces, enceintes de digues et de canaux, altestent de quelle puissance l’homme dispose, dans la lutte contre les éléments, quand ses efforts sont dirigés et soutenus vail- lamment à force d’art et de science. Nulle part on n’opère les des- séchements et les endiguements plus simplement et sur une plus grande échelle que dans les Pays-Bas. Dans le siècle actuel seule- ment, plus de 150 000 hectares ont été desséchés et mis en culture, comprenant le Zuidplas, le lac de Harlem, les étangs de Nooddorp, du Prince-Alexandre, les lais de Wadden, et des milliers de kilo- mètres de digues ont été construits, déplacés ou réparés, pour la 1. L. de Lavergne, Essai sur l'économie rurale de l'Angleterre, 4° édit., p. 255. 154 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. défense des rivages, entre autres, les levées colossales de West-Kap- pel, Hondsbossche, Helder et Texel. Les ingénieurs les plus expérimentés de tous les pays ont rendu célèbres les travaux exécutés dans les Pays-Bas ; naguère, les ingé- nieurs hollandais étaient appelés en France, en Angleterre et dans les pays de la Baltique pour prendre charge des opérations d’endi- guement et de desséchement. Les progrès accomplis de nos temps en hydraulique, comme dans les autres sciences techniques, ont fait peu à peu abandonner le système anciennement suivi par les prati- ciens hollandais, qui les poussait à endiguer trop tôt, sans que le colmatage des terrains fût complété, et à réserver aux canaux d’é- coulement des espaces superflus, au détriment du régime des rivières à marée et des cultures. | Les ingénieurs anglais, et, à leur tête, Rennie père et fils, en re- nonçant à l’ancienne routine, pour appliquer la méthode combinée des canaux étroits, suffisamment déclives, et du colmatage des terres, dans les comtés de l’est de l'Angleterre, ont obtenu les plus remar- quables résultats, tant au point de vue de l'extension du territoire et de l’accroissement des produits du sol et des revenus, que de l'assainissement des provinces marécageuses et de l'amélioration des conditions de la navigation intérieure. Les opérations grandioses que les ingénieurs anglais ont conduites à bonne fin dans les deux derniers siècles, mais notamment dans le siècle actuel, les classent parmi les bienfaiteurs de leur pays. Elles sont si peu connues à l'étranger que nous avons cru devoir les tirer de l’oubli, en leur consacrant une étude spéciale, qui embrasse aussi bien les desséchements que les endiguements et les colmatages exécutés dans les comtés du nord-est, et sur d’autres points moins importants du littoral de l’Angleterre. Dans le seul comté de Lincoln, les énormes dépenses faites en améliorations de cette nature, sans que l’État y ait contribué par la plus minime subvention, représentent une charge perpétuelle sur les terres bonifiées qui varie de 10 à 35 fr. par hectare. C’est à ce 1. Fr. Cooke, Farm-prise competition in 1888 (Journ. Roy. Agric. Sociely, 1888, vol, XXIV). LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 195 prix que les conditions agricoles, sanitaires et commerciales de ce comté se sont modifiées, au point de le ranger parmi les plus floris- sants de l'Angleterre. Plus de 208 000 hectares y ont été desséchés, assainis ou conquis : 189 000 dans les districts du sud et de l’est, 11000 dans le district d’Ancholme et 12000 dans ceux de l’Axholme et de la Trent’. : I. — LES COMTÉS DE LA BAIE DU WASH A. — LES FENS Descriplion. — On désigne sous le nom de Fens (landes) la vaste plaine bordée, à l’est, par les marais du littoral que l’on appelle Marskhes, et à l’ouest, par les collines décrivant une courbe qui pari du Lincoln et aboutit à Lynn, en passant par Peterborough, Saint- Yves, Mildenhall et Downham-Market. Ces collines encerclent les Fens, en ne laissant libre que le côté de la mer (voir la carte d’en- semble). Le sol est formé en plus grande partie de tourbe noire, plus ou moins épaisse et friable, qui à valu au district entier l’épithète de noir, c’est-à-dire de Black Fen, et, pour l’autre partie, d’alluvions sablonneuses. Entre ces deux formations, l’ancien sol se relève çà et là, composé d’argiles et de sables secondaires, qui émergeaient d’ailleurs à l’époque des marais. Ces terrains sont couverts aujour- d’hui de pâturages de première qualité. La tourbe repose en général sur un sous-sol d’argile bleuâtre ; la couche superficielle, après un bon drainage, est plutôt légère et spongieuse. Il en est de même des terres d’alluvion, quoique plus humides et plus compactes. Enfin, on rencontre dans les Fens les argiles des grès verts et des {. A. Clarke, Farming of Lincolnshire (Journ. Roy. Agric. Soc., 1851, vol. XII, p. 289). 2. À. Clarke, On practical agriculture (Journ. Roy. Agric. Society, vol. XIV ire série). 156 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. terrains de transport, très différents, d’un classement difficile, qui font varier plus ou moins la nature des récoltes et le mode de culture sur divers points de celte région, aussi célèbre par les progrès de son agriculture et l'émancipation de ses tenanciers, que par les nom- breuses améliorations réalisées. , C'est à l’ouest et au sud des anciens marais (Marshes) que s'étend, sur 16 à 50 kilomètres de largeur, le district auquel on a donné le nom de Great Level (grand niveau). Divisé en trois parties, North, Middle et South (septentrional, central et méridional), le Great Level est bas et plat, couvert presque exclusivement d’herbages : point de villages, mais des fermes isolées, des champs enclos de fossés ou de haies vives, servant d’abri aux troupeaux innombrables de bêtes à cornes et de moutons qui paissent en liberté. Les arbres fruitiers, d’ailleurs assez rares, sont laillés en boule; les autres arbres sont des peupliers ou des frênes. Entre les vastes pâturages, quelques terrains au sol argileux sont cultivés en blé, en fèves, en moutarde, ou laissés en jachère. Pays singulier, dont on ne peut se faire une idée exacte sans lavoir parcouru! La pente varie de quelques mètres à peine dans toute l'étendue : ce qui donne l'impression d’un lac immense en verdure ! Les Fens, aujourd’hui qu'ils sont drainés, et privés des brouillards persistants qui désolaient jadis cette partie de la côte, comptent une population aisée et valide, qui tend à s’accroître. Une longue zone de terrains, dont le sol est argileux et couvert de pâturages, les Fen Ends, comme on les appelle, sépare les Fens proprement dits des Marshes. Cette bande des Fen Ends, sur quelques kilomètres de largeur, présente les mêmes caractères. Géologie. — Les alluvions du Great Level des Fens offrent un intérêt particulier au point de vue géologique, en permettant de fixer approximativement la date de leur formation, d’après l’âge des dépôts tourbeux el sablonneux que l’on y rencontre. Les digues romaines ont été élevées le long de la côte dans un ter- rain qui a été recouvert depuis, sur quelques pieds d'épaisseur, par des atterrissements d’origine marine, et des routes romaines, cons- tuiles sur la tourbe, sont recouvertes de tourbe de formation plus LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 197 récente, de façon que l’âge des diverses couches modernes peut être établi. D'autre part, entre les strates du pliocène et les couches plus anciennes, se découvre une immense forêt souterraine dont les arbres sont debout, sur un sol en contre-bas de plusieurs mètres, par rapport au niveau des vives eaux ; ce qui indiquerait une modi- fication relativement récente dans le niveau des terres, eu égard à celui de la mer, et expliquerait le phénomène de forêts sous-marines que l’on retrouve également sur les côtes des comtés de Lincoln, de York, de Norfolk, de Kent, de Dorset et Somerset, etc. Les argiles d'Oxford et de Kimmeridge du terrain oolithique for- ment la cuvette dans laquelle se sont déposées les alluvions quater- naires. Elles plongent non seulement, du nord à l’ouest, sous le ter- rain des Fens, mais elles reparaissent sur un grand nombre de points, à Marsh, Whittlesey, Thorney, dans le Cambridge, et à Kyme, dans le Lincoln, sans constituer pour cela, sauf au voisinage des hautes terres, le sous-sol immédiat. C’est ainsi qu’à Boston, l'argile d'Oxford se rencontre à plus de 12 mètres au-dessous de la surface. D'une texture très inégale, ré- sullant sans doute de l’érosion des eaux, l'argile oolithique semble avoir constitué le lit d’une vaste baie dans laquelle les dépôts se sont successivement accumulés jusqu’au niveau actuel. Les sables et les graviers qui enveloppent l'argile directement ne sont pas dus aux marées, mais bien à la formation secondaire dont le prolonge- ment se retrouve dans les hautes terres limitrophes. Le premier dépôt d’alluvion, au-dessus des sables et graviers et des argiles brunes de transport, revêtant le terrain oxfordien, est un sable vaseux, dur et bleuâtre en profondeur, tendre et grisâtre à la surface, représentant des bancs au fond de l’ancienne baie qu’il ne couvrait qu’en partie. Ge dépôt se relève sur la côte de la baie à d'assez grandes hauteurs, jusqu’à percer la couche d'argile à Gedney-Hill, dans le Sud-Holland, et à Wisbeach-Saint-Mary, dans le Cambridge. Il surmonte de quelques centimètres le terrain du Fen environnant et s’étend sur quelques kilomètres seulement de largeur, très reconnaissable par les coquilles d'espèces marines. Sur les points où ce dépôt est absent, on trouve la tourbe avec 0,30 à 0",90 d'épaisseur. Dans les Fens du Witham, à l'ouest de 158 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. la rivière de ce nom, la couche de tourbe, avec troncs et branches d'arbres, repose sur une strate de 0",30 de sable qui surmonte l'argile d'Oxford. Près de Bardney, la tourbe presque superficielle renferme d’é- normes troncs de chêne et de sapin dont les racines tiennent dans un lit de sable très mince. À Boston, elle est à une profondeur de 6 mètres, c’est-à-dire, à plusieurs mêtres au-dessous du niveau des basses marées. La couche qui recouvre la tourbe ou le sable marin est formée d'argile bleue, blue clay, douce (butyreuse), résultant du dépôt des lacs ou des rivières à l’état stagnant, qui baignaient la plus grande partie du territoire. Dans les Fens du Witham, elle a une couleur orisâtre ; dans le Depping Fen, elle est rougeâtre ; mais quelle que soit sa couleur, elle est peu fournie de coquilles marines, tandis que les coquilles d’eau douce abondent au voisinage de la tourbe; ce qui dénoterait une double formation, due aux eaux de la mer et des rivières. Auprès de Lynn, et dans une grande partie du Marsh- land (Norfolk), cette argile, surmontée d’une couche de tourbe ou de plusieurs couches séparées (comme à Sutton-Saint-Edmund, à Lynn même et dans le comté de Huntingdon), constitue le sol pro- prement dit du Bedford Level. C’est elle qui, ramenée par le sous- solage à la surface des terres, leur donne la consistance nécessaire et la proportion de silice et d’alumine qu’exige la culture des céréales. Dans le West Fen, l'argile bleue est recouverte d’une couche argileuse très compacte. Sauf à Bolingbroke et à Coningsby où elle . a fait place, sur 400 à 500 hectares, à du sable blanc, aussi bien dans le East Fen que dans les Marshes de Firsby, et le long des rives de l’'Humber, elle supporte la couche de tourbe ou de sables d’alluvion marine. Son épaisseur varie de 0",60 à 3 mètres dans le Great Level, de 3 mètres à 3",70 dans les Fens du Witham, de 1,80 à 5",40 dans le East Fen, etc. Au-dessus du blue clay, la tourbe revêt la plus grande partie de la surface. On trouve dans cette récente formation le résidu de la destruction de forêts immenses de chênes, de sapins, d’aunes et d’essences diverses, dont les troncs sont encore en place, enracinés dans l'argile ou bien jetés pêle-mêle, désorganisés, à l’état de ter- LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 159 reau dont l’épaisseur varie entre quelques centimètres et 3 mètres, et le niveau baisse de 5 à 6 mètres au-dessous de la limite des hautes marées dans le Wash. Cette formation qui embrasse plus de 4000 hectares, depuis le Marshland, dans le Norfolk, jusqu’à Lincoln et au delà, reparaiseant entre Grimsby et Barton sur l’'Humber, a fait l'objet de nombreuses bypothèses, quant à son origine, étant donné le niveau qu’elle occupe par rapport à celui de la plage et des hautes mers. La seule hypo- thèse plausible se réduit à admettre que le sol s’est soulevé et abaissé successivement, jusqu’à ce qu’il ait pris le niveau actuel. Lorsque la couche de tourbe a plus de 25 à 30 centimètres d’é- paisseur, elle se divise en plusieurs strates : une strate supérieure de tourbe noire, décomposée, mélangée de vase et de sédiments provenant des crues anciennes et renfermant quelques éléments mi- néraux ; une strate moyenne de terreau de bruyère, brune, et de fibres compactes; et une strate inférieure de substances spongieuses, contenant des feuilles et des tiges végétales. On connaît les carac- tères de ces sols naturellement légers, très hygrométriques, plus ou moins acides, s’échauffant et se refroidissant avec une égale len- teur, et s’affaissant au point de devenir compacts par un bon drai- nage souterrain. Ces sols que l’écobuage amende, acquièrent un haut degré de fertilité par leur mélange avec des terres lourdes, telles que l’argile et les calcaires coquilliers ou marneux. Sur la formation Lourbeuse des Fens, l’eau a longuement séjourné à l’état stagnant, chargée de vase, de sable, de matières animales et végétales, dont l’atterrissement a été arrêté vers la côte par le flot des marées qui a déposé à son tour des sables vaseux ; c’est-à-dire que sur les points les plus rapprochés de la plage, l’alluvion a une épaisseur de 1",20 jusqu’à 5 mètres, recouvrant la tourbe, et sur les points les plus distants où mouraient les vagues de l'Océan, elle a à pee quelques centimètres d'épaisseur. L’alluvion argileuse, sans traces de stratification, traversée par une myriade de filets d'humus ou de sable rouge, est superficielle dans le Marshland du Norfolk et dans les districts du centre de Sud-Holland; ailleurs, elle acquiert la consistance du gault et se veine de filets très compacts de diverses couleurs ; mais dans les riches pâturages autour de Bos- 160 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ton, de Kirton, Wigtoft, etc., elle forme un loam brun, épais, d’une culture facile. Les Romains avaient construit leurs digues sur ces alluvions ; depuis lors, la mer a accumulé sur la plage et sur les terres à l’in- térieur des digues, jusqu’à à kilomètres de distance, de nouvelles alluvions formant un loam brun, qui recouvre une argile brune, associée à du sable. Les atterrissements récents paraissent dus à un mélange intime de sable et de matières sédimentaires du Wash, avec des substances végétales, probablement des plantes venues sur les sables maritimes et les débris siliceux, calcaires, des infusoires marins et fluviaux que les vagues pétrissent et mettent en mouvement dans la baie. Au-dessous de cette formation très perméable se rencontrent des sources nombreuses (sock ou soak) dont la profondeur, entre 0",90 et 1",80, dépend de la chute d’eau pluviale, de l’égouttement des drains de desséchement et du niveau des marées. Depuis la construction des digues attribuées aux Romains, le dis- trict de Sud-Holland a conquis sur la plage plus de 15 000 hectares ; la dernière digue construite est à 6 kilomètres en avant de la digue romaine. Le long de la côte de Foss-Dyke jusqu’à Grimshy (Lincoln), l'Océan a enlevé des atterrissements anciens, sous lesquels on a re- trouvé des forêts sous-marines ; mais plus de 6 000 hectares ont été regagnés sur ce point dans les deux derniers siècles. Le Wash, alimenté par les débris des falaises du Yorkshire, que le Spurn-Point lui transmet directement, se colmate lentement, mais sans arrêt. Le sédiment qui s’accumule dans les 80 000 hectares que couvre la baie n’est pas du sable, comme on pourrait le croire, mais un sol riche, composé de terres argileuses et siliceuses, avec du mica, du sel marin et des coquillages. Aussitôt que les épis per- meltent de fixer ce sédiment au-dessus du niveau des basses marées, à raison de 0,60 jusqu’à 0,90 d’épaisseur, dans le courant d’un seul été, le sol enclôturé peut être immédiatement mis en culture et fournir d'excellentes récoltes. Hydrographie. — Le bassin des Fens embrasse environ 150 000 hectares de terrain plat qui se draine dans le Wush par quatre cours LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. IGI d’eau principaux : la Great Ouse, la Nen, le Wellund et le Withum (voir la carte hydrographique). Il suffit de jeter un coup d’œil sur la carte pour comprendre que le desséchement du territoire repose avant tout sur ces quatre artères, qui aboutissent dans la baie, placée en retraite d’une trentame de kilomètres sur la mer du Nord. La pluie reçue dans le bassin des Fens, en raison même de la nature géologique du terrain et de son niveau absolument plan, re- gagne si lentement la baie que, sans l’aide d’un drainage puissant, elle resterait à l’état stagnant, les rivières ayant perdu la pente in- dispensable à un écoulement rapide. La chute d’eau pluviale annuelle varie entre 0,62 et 0°,63 ; elle atteint son maximum en hiver et au début du printemps. Quand elle abonde dans les terrains élevés qui bordent les Fens, les cours d’eau entrent en crue, et il faut entretenir des ouvrages importants pour faciliter leur écoulement, malgré le refoulement des marées. Le lit de ces rivières sinueuses à dù être rectifié pour créer une chute ca- pable d’assurer la décharge à marée basse ; sur plusieurs points, il a fallu recourir aux machines pour élever les eaux et les évacuer à la mer dans des canaux spéciaux. La rivière Greal Ouse* qui draine 76 000 hectares environ, a un parcours de 240 kilomètres, depuis sa source, dans le comté de Buckingham, jusqu’à la mer. Le district qu’elle traverse se distingue par la masse d’eau retenue à la surface après les grosses pluies, aux équinoxes principalement. Les inondations fréquentes de l'Ouse, en s’étendant au loin, servent de régulateur aux marées, car elles pré- viennent les crues des autres cours d'eau, qui ont un plus libre accès à la mer et activent leur courant. De nombreuses coupures ont réduit le cours de cette rivière, dans les Fens, en vue des endiguements que l’assainissement du district a exigés. À partir de Huntingdon, elle coule dans son lit naturel {. Le nom de Great Ouse, ou de Grande Ouse, est donné à celle rivière pour la distinguer de l'Ouse, du comté de York, un des principaux affluents de l'Humber ; de l'Ouse du comté de Sussex, qui débouche dans la Manche, près de Newhaven; et de la Petite Ouse (Little Ouse), qui s'appelle également Brandon River, son propre tribu- taire. ANN. SCIENCE AGRON. — (893. — 1. {{ 162 ANNäLES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. pendant 8 kilomètres, puis dans un nouveau lit pendant 5 kilomètres jusqu’à Earith, où elle devient partie intégrante du système général de desséchement, basé sur l'établissement de deux grands canaux parallèles, creusés sur 32 kilomètres de longueur à travers l’île d’Ély (Cambridge) et aboutissant à Denver (Norfolk). Ces deux canaux portent le nom d’ancienne et de nouvelle rivière Bedford (Old et New Bedford River). L'ancien lit de l’'Ouse reparait dans la direction est, sur 16 kilomètres de longueur jusqu’à Stre- tham, où elle reçoit les eaux de la Cam, venant du nord. L’Ouse reçoit encore, 10 kilomètres plus loin, les eaux de la rivière Lark, passé Ély; puis, à égale distance de ce confluent, après Liltleport, les eaux de la Petite Ouse (Little Ouse) où Brandon River ; à 8 kilo- mètres plus en aval, la rivière Wissey, ou Stoke, et entre Wissey et Downham-Market, 4 kilomètres plus bas, le Well Creek, qui apporte les eaux de plusieurs grands canaux de desséchement du Bedford Level. Finalement, suivant son cours jusqu’à Lynn Regis, sur 21 ki- lomètres de longueur, la Grande Ouse admet comme dernier affluent la petite rivière Nar. À Lynn, elle débouche directement dans la baie du Wash; autrefois, elle s’y jetait à Wisbeach. La rivière Nen ou Nene dont nous décrivons plus loin en détail le cours supérieur, prend sa source dans les collines oolithiques du comté de Northampton, et ne devient navigable qu’à partir de cette ville. À Peterborough, elle entre dans le district des Fens, pour se ramifier du nord à l’est, et former de nombreux bras plus ou moins artificiels qui proviennent des marais desséchés. Le plus important de ces bras débouche à Wisbeach. Après avoir servi de limite aux deux comtés de Lincoln et de Northampton, elle se jette dans la baie du Wash, à quelques kilomètres de distance de l'embouchure de la Grande Ouse, ayant drainé un bassin de près de 300 000 hec- ares. La rivière Welland traverse le comté de Northampton sur 80 ki- lomètres de longueur, vers Le nord-est; elle reçoit entre Market- Harborough et Stamford plusieurs petits tributaires : Wyebrook, Chater, Guash, etc., venus du Rutland, elle est rejointe en aval de Slamford, dans les Fens, passé les villes de Deeping et Crowland, par le cours d’eau important, le Glen, qui draine un bassin assez LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 163 étendu, sur 57 kilomètres de parcours. Avant d'atteindre la baïe du Wash, la rivière Welland est dérivée dans des canaux qui font partie de l’ensemble du drainage appliqué aux Fens, et débouche à la partie nord de la baie, après avoir recueilli les eaux d’un bassin couvrant environ 20 000 hectares. La rivière Witham prend naissance dans le Rutland, à Thist- leton ; coule dans la direction nord par Grantham, jusqu’à Lincoln, après avoir reçu les eaux de la Brant ; tourne à partir de Lincoln vers l’est, puis au sud-est, ayant recueilli les eaux des tributaires Langworth et South Beck, et à Tattershall, celles du Bain et du Sleaford, et se jette dans la baie du Wash, près de l'embouchure de la rivière Welland. À partir de sa jonction avec le Sleaford, le Witham est canalisé jusqu’à Boston, et rendu, après Boston, à son lit naturel. Son bassin occupe 273 000 hectares. Cette rivière joue un rôle considérable dans le desséchement des Fens ; elle écoule non seulement les eaux des hauts districts d’où elle descend, mais encore la partie nord des Fens du Lincoln, à sa- voir, ceux de Wildmore et de Holland, couvrant plus de 55 000 hec- tares. Tout ce district, à l’époque romaine, était à un niveau de 3 à 2",90 plus bas qu’il n’est aujourd’hui près de la plage, et de1",50 plus bas à l’amont, le long du Witham. Aussi, les parties basses étaient- elles recouvertes chaque jour par la marée, tandis que les parties plus élevées, restant à sec, avaient conservé leur parure de forêts. Les Romains les défrichèrent pour construire leurs digues et arrêter l’envahissement de la mer, en permettant aux atterrissements de se continuer ‘. Les eaux qui affluent dans le Witham, provenant d’un bassin aussi étendu, sont rejetées dans un chenal qui, à partir de Boston, ser- pente sur une douzaine de kilomètres de longueur, avec une lar- geur variable de 30 à 75 mètres, jusqu’à l’embouchure dans le Wash, où elle pénètre presque à angle droit, à cause d’un banc d'argile compacte qui fait dévier son cours. La baie du Wash, d’une superficie de 78 000 hectares, est peu 1. Wheeler, Proceedings of the Institution of civil Engineers ; t, XXNIIIL. 164 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. profonde, encombrée de sables mouvants qui empiètent lentement sur la mer. Sa largeur, en travers du cul-de-sac que forment les embouchures du Witham et de la Grande Ouse, est de 24 kilo- mètres, mais elle n’a plus que 15 kilomètres en travers des côtes qui ferment l’entrée en mer. La vase des eaux douces s’y mélange, pendant les marées, avec les alluvions marines et se dépose en eau morte, par l'effet des courants contraires. L’endiguement d’une partie de la baie a beaucoup con- tribué, ainsi que l’établissement des canaux de décharge pour le desséchement, au dépôt des alluvions, qui ne laissent plus aujour- d'hui que deux passages dans le chenal ; au nord, les Boston deeps, séparés par un banc considérable de sables mouvants, el le Lynn well' au midi. Historique des premiers travaux. — Que les Romains aient cons- truit ou non toutes les digues qu’on leur attribue, à l’époque où ils colonisérent la Bretagne, on n’a pu retrouver avec certitude, comme œuvre romaine, malgré de nombreux et remarquables vestiges, que la «longue chaussée » (Causey) allant de Denver, dans le Norfolk, par Grandford, Eldernell et Eastra Fen, jusqu’à Peterborough, sur une longueur de 38 kilomètres. Construite en argile et en sable, avec 0",90 d'épaisseur à la crête et 18 mètres à la base, cette levée est recouverte aujourd’hui de plus d’un mètre d'épaisseur de terre. Dans une tranchée pratiquée à travers la levée, à Eldernell, on a constaté le mode d’exécution suivi par les Romains. Le sol de la lande était revêtu d’abord d’un lit de fascinages en branches de chêne, puis d’un lit épais de cailloux venant du Northampton, et finalement, d’une série de couches d’argile et de sable, alternant jusqu’à la crête. Ces matériaux faisant prise, ont résisté à l’action des eaux et du temps, jusqu’à ce Jour *. Sir William Dugdale, qui écrivit au xvr° siècle l’histoire des endi- guements, mentionne à diverses reprises, comme ayant été cons- truites par les Romains, de grandes digues élevées alors au bord du 1. Ansted, Waler and Water-Supply, 1878, p. 250. 2, Algernon Clarke, Journ. Roy. Agric. Soc., t. VIII, 1°° série, p. S1. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 165 Wash, dans le but de conquérir les alluvions que les marées sub- mergeaient, inondant tout le district qui borde la baie. « La masse des atterrissements déposés par la mer à l’entrée de la baie, dit-il, s'était élevée si haut, refoulant les eaux douces et empiétant sur le rivage, que les Romains, pour rester maîtres de ces terrains sédi- mentaires si riches et si fertiles, déployèrent une grande activité jusqu’à ce qu’ils les eussent enclos de fortes digues et protégés ainsi contre l’irruption des vives eaux’. » Quoi qu’il en soit, les endiguements paraissent avoir été complè- tement abandonnés jusque sous les rois saxons. S'ils furent repris alors, c’est par les moines des riches et puissantes abbayes de Crow- land, Thorney, Ramsey, Spinney, Ély, etc., qui cullivaient les îles émergeant çà et là des terres inondées. Indépendamment de la chaussée romaine, mentionnée précédem- ment, on retrouve dans le Comté de Lincoln, de très anciennes digues, telles que le Old Sea Dyke, attribué aux Romains; le Raven-bank, qui protège un petit territoire entre Cowbit et Tidd- Saint-Mary, mais plutôt contre les crues des rivières; son origine est inconnue ; le New Sea Dyke, de 3 kilomètres plus rapproché du côté des terres, dont on ignore aussi la date d'exécution. Les nivellements opérés au siècle dernier, dans le but de creuser le grand collecteur de décharge, à travers cette dernière digue, ont montré que la surface du pays, en avançant vers la levée romaine, s'élevait subitement de 1",80, c’est-à-dire que le niveau des atter- rissements du côté de la mer se trouvait à 1",80 au-dessus de celui des terres enclôturées. Cette différence de niveau représente la hauteur du colmalage dù aux eaux du Wash depuis que le New Sea Dyke a été établi”. D'ailleurs, lorsqu’en 1635 on approfondit le chenal de la rivière 1. Sir W, Dugdale, History of embanking and draining, 1° édit, 1652. 2. On rencontre aux environs de Wainfleet (Lincoln), le long de la digue romaine, qui remonte vers le nord, une série de tertres de 40 mètres de longueur et de 4 mètres de hauteur. espacés sur une longueur de 3 kilomètres environ, et divisés en cinq groupes à peu près symétriques. Ces groupes sont séparés par des tranchées di- rigées à angle droit vers la côte, qui s'est avancée depuis l'époque romaine de près de 3 kilomètres sur la mer. La butte la plus importante, encore intacte, avec des talus 166 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Nen, à Wisbeach, on découvrit, à une profondeur de 2",45 au- dessous du lit, un ancien lit empierré, où la vase avait empri- sonné sept barques. À Whittlesea, bien plus en amont, des fouilles pratiquées à la même profondeur, sous la lande, mirent au jour un sol arable, recouvert de gazon, qui paraissait avoir été récemment fauché. L Il y a donc lieu de penser que les travaux de desséchement et de culture, dans cette région, remontent à des époques fort reculées. Henri de Huntingdon, décrivant la contrée sous le règne d’Étienne de Blois (1135), s’extasie sur les beautés des Fens, « d’un séjour charmant, arrosées par une foule de ruisseaux, entrecoupées de lacs et d’étangs, et embellies par un grand nombre de bois et de forêts ». William de Malmsbury, vivant au temps du roi Henri Il (1144), et parlant des environs de Thorney, déclare que « c’est un véritable paradis pour le plaisir des yeux ; les marais eux-mêmes sont peuplés de futaies aux troncs élancés, dont le feuillage épais cache les étoiles du firmament; la plaine aussi nivelée que la mer, est couverte d’her- bages à perte de vue, et pour rompre la monotonie, ici, des bou- quets de pommiers, là des vignes, offrent une végétation luxuriante pour les délices de la vie ». Les îles cultivées par les moines, que mentionne de Lavergne, produisaient des récoltes abondantes de céréales et de foin, de fruits et de légumes. Cerfs, chèvres, lièvres et gibier de toutes sortes y étaient parqués en hberté. Les eaux fournissaient de pois- sons les plus délicats la table des monastères. Entourées de saules, d’aunes, de roseaux et de joncs, la plupart des îles n’étaient acces- en pente douce, occupe le centre, et de 12 à 14 buttes sont réparties sur le terrain à l'arrière, jusqu'à 400 mètres du littoral ancien. Le terrain des buttes est le même que celui qui les supporte, sauf pour quelques-unes formées de tourbe noire, du reste peu éloignée. S'agit-il d'anciens villages de pêcheurs, o1 de sauniers fabriquant du sel marin, à l'usage des colonies romaines, dont les tertres maintenaient les habitations au-dessus des hautes marées, et sont encore debout? On n'y retrouve pourtant aucuns vestiges de l'industrie humaine ? Ou bien, s'agit-il de promontoires, de jetées construites par les Danois pour mettre leurs bateaux à l’abri dans les goulets qui séparaient les tertres? Le nom de Zofts par lequel on désigne ces monticules est d'origine danoise. (Sewell, On Earthworks at Wainfleet in Lincolnshire. Report of the Brit. Assoc., 1878.) LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 167 sibles qu’en bateau. Quant au pays d’alentour, demeuré à Pétat ma- récageux, il servait de repaire aux braconniers et aux maraudeurs de la pire espèce. Quelques grands seigneurs imitèrent tardivement les moines, éle- vant des digues pour la défense de leurs propriétés contre les eaux des crues et des marées. Richard de Rules entre autres, chambellan de Guillaume le Normand (1066), entreprit les endiguements et les canaux nécessaires pour assainir les marais communaux de Bourn et de Deepping. Il fit, en outre, encaisser la rivière Welland qui inon- dait ses prairies, et dessécha un vaste territoire qu'il réparut entre les cultivateurs, « de telle sorte, ajoute le chroniqueur, que des ma- récages, étangs et fondrières, Sir Richard fit naître des champs et pâturages fertiles ; et des terres les plus humides et fiévreuses, il fit sortir des jardins et des vergers ». Les ressources du district des Fens élaient encore vantées au temps des rois Étienne (1135) et Henri II Plantagenet (1154). Quelques entreprises furent tentées avec plus ou moins de succès depuis le règne d'Édouard I (1272) jusque vers le xv° siècle. Le célèbre Jean de Gand (Gaunt), qui mourut en 1393, et Marguerite, comtesse de"Richmond, figurent parmi les concessionnaires, entre- preneurs de desséchements. Sous le règne de Henri VIT (1478), Moreton, évêque de Ély, fit exécuter un travail {rès important, le canal de Peterborough à Guyhirn et Wisbeach, qui mesure 1",20 de profondeur sur 12 mêtres de largeur. Ce canal, muni d’une écluse à la mer, fonctionne encore aujourd’hui, sous le nom de Woreton’s Leam, pour les services de la navigation sur les rivières Nen et Ouse, et du desséchement du district Nord-Holland. Lorsque les moines eurent été dépossédés et bannis par Henri VIN, protecteur et chef suprême de l’Église réformée en Angleterre, les efforts isolés demeurèrent sans objet, et après un siècle d'abandon, le pays des Fens se trouva dans une situation des plus critiques. Les ma- récages avaient remplacé les bois et les pâturages ; les endiguements partiels ne servaient qu’à arrêter l'écoulement des eaux ; les canaux s'étaient envasés; les rivières à faible pente n'étaient plus draguées, et les eaux de la mer refoulant les eaux douces maintenaient la contrée submergée. Le commissaire Atkins, sous Jacques 1° (1604), 168 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. constate que la triste incurie des seigneurs et des habitants des Fens, en causant la ruine des terres jadis si fertiles et si salubres, frappe surtout les populations des hautes landes, aux besoins des- quelles les Fens suppléaient dans les années de sécheresse et de disette. Sir William Dugdale confirme les doléances de Lord Hardwicke ; il n’y a plus, de son temps’, que des marais où l’on retrouve les racines et les troncs de ces magnifiques chênes et sapins, encore debout dans le sol ferme que la tourbe vaseuse a recouvert. L'état devient si grave que les pétitions arrivent en masse au Par- lement, sous le règne d’Élisabeth, pour requérir du gouvernement un plan général de desséchement. La reine désigna alors une com- mission extraordinaire, chargée d'opérer un nivellement complet des districts marécageux, ou inondés, et en l’an 1600 fut promulguée la première loi relative au drainage du Great Level. Un grand nom- bre de plans furent dès lors soumis aux Communes. En 1606, sous Jacques [#, une loi locale pour le desséchement de 2 400 hectares, compris dans les districts de Waldersee et Coldham (Ély), concédait aux entrepreneurs les deux tiers des terres assainies ; mais ce fut seulement en 1630 que le comte de Bedford, président d’une asso- ciation de 13 propriétaires, obtint la concession du desséchement des terrains formant le Great Level, dans les comtés de Cambridge et de Lincoln, moyennant l’abandon aux intéressés de 58 000 hec- tares, à peu près le tiers du territoire à dessécher. Les travaux de l’association, d’abord activement poussés, furent suspendus pendant la période des guerres civiles, et le comte Francis venant à mourir, son fils et hérilier, William, premier duc de Bedford, dut faire re- nouveler la concession du Great Level, en 1649, par le Convention Parliament. En 1653, les opérations dont nous rendons compte plus loin étaient achevées ; 115 000 hectares avaient été complètement desséchés, moyennant une dépense de 10 millions de francs, et Pas- sociation recevait en toute propriété 38 000 hectares, représentant une valeur à peu près égale aux débours, à raison de 262 fr. dé- pensés par hectare. 1. Sir W. Dugdale, né en 1605, mourut en 1686. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 169 Sur l’ensemble du territoire, les frais de desséchement s’étaient élevés effectivement à 86 fr. par hectare. Sous le règne de Charles IT (1660), le comte Lennox obtenait éga- lement la concession des terres qu'il pourrait endiguer dans le dis- trict Sud-Holland, sur les côtes de la baie du Wash, aux environs de Sulton ; et les communes de Gedney, de Holbeach, etc., par des chartes spéciales, procédaient au desséchement et à l’enclôture des landes et des marais leur appartenant. Dès lors, les travaux reçurent une impulsion qui ne s’est plus ralentie jusqu’à l’époque présente. 1. — Desséchement du Bedford Great Level. Le desséchement du Great Level, entrepris par Francis, qua- trième comte de Bedford, et ses 13 associés, comprenait les travaux suivant(s : ; 1° Rivière Bedford (aujourd’hui ancienne rivière Bedford), joi- gnant Karith et Salter Lode, sur 33*",7 de longueur ; largeur 21",33. 2 Canal Sam, de Feltwell (Norfolk) à la rivière Greal Ouse. 3° Canal de Ély (aujourd’hui canal Sandy, ou Sandall) ; longueur 32 kilomètres ; largeur 12",90. 4 Bevill Leam, de Wbittlesey Mere à Guyhirn ; longueur 16 kilo- mètres ; largeur 12",20. 9° Morelon’'s Leam, de Guyhirn à Wisbeach ; ce canal, construit au xv° siècle par l’évêque Moreton, fut approfondi et élargi. 6° Peakirk Drain ; longueur 16 kilomètres ; largeur 5,20. 7° New South Eau ; de Crowland à Clow Cross. 8° Canal Hill, près de Peterborough ; longueur 3 kilomètres ; largeur 15",25. % Shire Drain, de Clow Cross à Tydd et à la mer. Outre ces canaux et colateurs, un grand nombre d’écluses furent établies pour protéger les Lerres contre les inondations et assurer l’écoulement des eaux pendant les marées. Le comte Francis étant mort tandis que la guerre civile sévissait dans les comtés de l’est et arrêtait les travaux en cours, son fils William, cinquième comte et premier duc de Bedford, partisan du protecteur Cromwell, obtint le renouvellement de la concession 170 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. accordée à son père (1649) et constitua une société dont il confia la direction à un ingénieur Hollandais, qui avait conduit avec succès des opérations de desséchement dans les comtés du sud-est, et plus récemment, à Hatfield Chace, près de Thorne, dans le comté de York. Sir Cornelius Vermuyden, cet ingénieur, colonel de cavalerie au service de Cromwell, reprit Lous les projets et poussa les travaux assez activement pour que le Great Level fût complètement assaini en 1663. L'année suivante, les conservateurs du desséchement se constiluèrent en associalion par une loi du Parlement, dans le but d'entretenir les travaux exécutés et de percevoir, à cet effet, les taxes nécessaires; le duc de Bedford et ses associés lui firent remise de 33 000 hectares ; 4 000 heciares furent transmis en outre à la cou- ronne et À 000 hectares au duc de Portland ; en tout 38 000 hectares. La taxe par hectare, prélevée par l'association, fut d’abord uni- que, mais en raison de l’assiette injuste de cet impôt, elle fut ren- due progressive et répartie en plusieurs classes. En 1697, suivant un projet que Vermuyden avait élaboré, le Greal Level fut divisé en trois districts : nord, centre et midi ; chaque dis- trict, administré par un commissaire, fut desservi par des cours 1. Vermuyden, ingénieur renommé comme hydraulicien, s'était également distingué aux premiers rangs, comme militaire, dans les combats contre les royalistes à Marston- Moor (1544), à Nasseby (1645), etc. ; Cromwell l'avait fait colonel d'un de ses régi- ments Côtes-de-fer et l'avait créé baronet. Aux yeux des chroniqueurs anglais, qui avaient vu leurs souverains appeler, dès le xu® siècle, les colons de la Flandre pour faire valoir leurs domaines, tout Flarnand est un homme qui sait manier les armes et la charrue. Les immigrations des premiers Flamands continuèrent sous le protectorat de Cromwell et s’étendirent jusqu'au pays de Galles. C'est d'eux que les Anglais apprirent à construire des digues à la mer et le long des rivières, à élever des moulins à vent pour épuiser les eaux, à dessécher et assainir les marais et les terres humides, ete. (De Laveleye. Essais sur l’économie rurale de la Belgique, 1863, p. 13.) En France également, ce sont des Flamands qui dessèchent et mettent en culture cette partie du Poitou, appelée la petite Flandre. Œest au Flamand, sieur Humphrey Bradley, « personnage fort expérimenté et entendu aux desséchements et diguages des terres inondées », que le roi Henri IV confère le titre de grand maître des digues de France et le privilège des entreprises d'assainissement, par un édit du 8 avril 1599. En 1642, c'est encore un Flamand, Jean Van Ens, conseiller du roi Louis XIII, qui dessèche les marais d'Arles, avec un rare succès. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 171 d’eau, des canaux, des digues et des émissaires qui lui étaient . propres. Le nord Level, drainé par la rivière Nen, décharge ses eaux dans la baie du Wash, au-dessous de Wisbeach ; le centre et le sud Level, drainés par la rivière Greal Ouse, déversent leurs eaux à Lynn, également dans le Wash. Les digues de la rivière Welland protègent au nord le Deeping Fen, et au midi, le nord Level ; celles de la rivière Nen défendent, sur la rive gauche, le nord Level, et sur la rive droite, le centre Level. Enfin, les levées de la rivière Great Ouse garantissent sur la rive gauche le centre Level, et sur la rive droite le sud Level. C’est aux trois rivières ainsi endiguées, formant les artères principales du drainage de la surface totale, que se rapportent les travaux exé- cutés depuis le commencement du siècle dernier (voir la carte d’en- semble). Pour assurer le desséchement artériel, Vermuyden avait imaginé de réserver des lits d'inondation ou Washes, qui régleraient l’écou- lement à la mer des eaux de chaque rivière. Ces lits d'inondation consistent en terrains submersibles, c’est-à-dire en prairies, dont les moins étendues, Cowbit Washes, pour la rivière Welland, en aval de Spalding, mesurent de 500 à 1 000 mètres de largeur, et couvrent 600 hectares. Vermuyden admeltait que les rivières, si elles eussent conservé un débit normal, augmenté du débit des eaux de dessé- chement, pouvaient maintenir leur chenal libre et ouvert jusque dans l'estuaire ; mais comme, pendant les crues d'hiver, elles ont un débit trop fort, et qu’en été, elles offrent un débit insuffisant, c’est- à-dire, qu’en hiver, les embouchures deviennent trop étroites et qu’en été, les ensablements les bloquent, il adopta le système des réservoirs ou lits d'inondation se remplissant par les crues et se vidant progressivement à l’étiage. On a reconnu depuis que l'estuaire était le principal obstacle à l'écoulement régulier des eaux douces, et que c’était une erreur d’at- ténuer le courant des eaux en crue, si on voulait conserver le chenal ouvert d’une manière durable, à travers les sables de l'estuaire ‘. 1. J. A. Clarke, Farming of Lincolnshire (Journ. Roy. Agric. Soc., 1851, vol. XII, p. 298). 172 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Avant de procéder à l'examen des travaux en détail, rappelons que la plus grande partie du territoire à dessécher, en y adjoignant les 200 000 hectares du comté de Lincoln, est à un niveau de 1",920 à 4°,90 au-dessous de celui des plus hautes mers du nord ; que les parties les plus élevées sont les plus rapprochées de la côle, par sulle des endiguements, et que la pente diminuant vers l’intérieur s'arrête aux terrains tourbeux et spongieux dont la tendance natu- relle est de se saturer d’eau et de retenir l’eau de saturation. Indépendamment de cette déclivité du terrain en sens inverse, la grande baie qui sert de réceptacle aux eaux d’écoulement est si peu profonde, recevant des alluvions de limon et de sable qui ne taris- sent pas, que les eaux courantes, faute de vitesse, ne peuvent pas se frayer un chemin à travers les passes. Les rivières descendant des plateaux supérieurs pourraient seules, en temps de crue, opérer les chasses nécessaires, mais les crues ne débouchent pas aux points les plus bas du district. Aussi a-t-il fallu encaisser les cours d’eau, les rectifier, les pourvoir d’écluses pour retenir les marées et, le plus souvent, élever à l’aide de machines les eaux de drainage, pour les faire écouler par les rivières canalisées. Pour le desséchement du nord Level, les digues du Welland et de la Nen, entre Peterborough et Guyhirn, ont dû être renforcées : elles mesurent 21,50 à la base et 2,50 à la crête. Les canaux d'écoulement ont été augmentés par la construction du Smith Leam qui prolonge le canal Hill (Hills’ Cut), dans le but d’a- méliorer la navigation entre Wisbeach et Peterborough. Le desséchement du centre Level a exigé le détournement des eaux de la rivière Nen, près de Peterborough, à Standground, où une écluse avait été installée, et son encaissement jusqu’à Guyhirn où aboutit la levée de Waldersea. D'autre part, la rivière Great Ouse a été endiguée, depuis les plateaux de Over, dans le Cam- bridge, jusqu’à Hermitage, près de Earith, et de là, déviée par une écluse de navigation dans un nouveau canal à grande section qui part de l’ancien pont de l’Ouse, non loin d’Hermitage, elle se dirige en ligne droite, parallèlement à l’ancienne rivière Bedford, jusqu’à l’écluse de Denver (Norfolk). Les déblais de ce canal, la nouvelle rivière Bedford, rejetés sur la rive droite, forment une levée de LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 173 20",10 à la base, 2°,50 de hauteur et 3",05 à la crête qui défend spécialement le sud Level. Une seconde levée de mêmes dimensions, construite sur la rive droite, au nord de l’ancienne rivière Bedford, enclôture un lit d’inon- dation ou Wash, de plus de 2000 hectares, destiné à recevoir les hautes eaux hivernales des deux canaux Bedford. Outre ces travaux considérables, de nombreux collecteurs ont été successivement creusés afin de compléter le réseau artériel du centre Level. Quelques-uns sont désignés uniquement par leurs dimen- sions ; nous citerons les principaux : 4° Le canal Vermuyden, ou quarante pieds (Forty foot drain), joignant la digue Welch, sur l’ancienne rivière Bedford, à la rivière Nen, près de Ramsey ; 2 Le Thurloe drain, ou seize pieds (Sixteen foot drain), reliant le canal précédent au canal dit Popham’s Eau ; 9° Le Hammond's Eau, près de Somersham ; 4° Le Stonea Drain, près de March ; 9° Le Moore’s Drain, ou vingt pieds (Twenty foot river), dans la commune de March ; 6° Le Conquest Lode, aboutissant à l'étang Whittlesey et servant de ligne de partage entre les communes de Yaxley et de Farcet, dans le Northampton ; 7° Le Tong's Drain, au canal Marshland, avec écluses aux deux extrémités. Des améliorations furent apportées en même temps à la digue de Wluttlesey, au canal Popham et à l’ancienne rivière Nen canalisée, tandis que l’écluse de Denver était restaurée pour détourner les marées dans la nouvelle rivière Bedford et empêcher les eaux dou- ces de refluer dans l’Ouse également canalisée, qui reçut le nom de Dix mille rivière (Ten thousand River), près de Littleport. Le sud Level, préservé contre les eaux de l’Ouse par la digue qui longe la nouvelle rivière Bedford, fut encore défendu par une série de remblais et de levées contre les eaux des rivières Cam, Mildenhall, Brandon et Stoke. Un grand canal appelé Downham, ou Saint John's Eau, de 26",50 de largeur et 5 mètres de profondeur, fut creusé, sur 8 kilomètres, entre l'écluse Denver et Stow-Bridge 174 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. pour recevoir toutes les eaux d'inondation, ou les eaux excédantes provenant des cours d’eau qui sillonnent le sud Level. La grande écluse Denver commande en somme le débouché de la rivière Great Ouse dans la baie ; elle avait été établie, contrai- rement aux projets de l’ingénieur Vermuyden, à une vingtaine de kilomètres de la ville de Lynn. C’est un autre ingénieur hollandais, Westerdyck, au service de la commission du Bedford Level, qui décida cette modification. Les plaintes les plus vives ne tardèrent pas à être adressées, et de nombreux procès furent engagés devant les tribunaux, par les autorités municipales, pour faire cesser les obstacles apportés par cette écluse à la navigation du port de Lynn. Fortement encastrée dans sa maçonnerie, pourvue de portes bus- quées, l’écluse fonctionnait très bien au point de vue du desséche- ment, sans qu’il fût nécessaire de murailler la digue, ce qui eût été le cas dans le projet de Vermuyden ; mais en diminuant le volume des eaux déchargées devant Lynn elle avait causé l’ensablement du port. En 1713, une des plus fortes marées du siècle enleva l’écluse Den- ver, ce qui mit fin au conflit entre les intérêts de la navigation et ceux du desséchement ; toutefois l’apaisement ne fut pas de longue durée, car en 1750, malgré les procès et les démonstrations mena- çantes des habitants de Lynn, la commission du Bedford Level la fit réédifier au même point où elle fonctionne encore actuellement. D’autres écluses furent construites aux extrémités de la nouvelle rivière Downham et sur beaucoup de points de jonction, ainsi que des levées de défense. De plus petits canaux de dérivation, tels que le Grunty Fen drain près de Stratham, furent embranchés sur la rivière Downham, et ceux déjà existants, connus sous le nom de Lod’s Reach, Swaffham et Bottisham, furent régularisés et curés. Quoique ces travaux, après leur exécution, ne fussent pas reconnus suffisants pour assurer le desséchement parfait du sud Level, Vermuyden constatait qu’en 1652, « plus de 16 000 hectares des districts du nord et du centre étaient en pleine culture : blé, cé- réales d'hiver, navette ; les pâturages regorgeaient de bêtes à cornes 1. Ilustrated Times, mai 1862. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 175 et de moutons là où il n’y avait auparavant que marais et maré- cages ». L'association du Bedford Level, trompée par ce brillant résultat, ne s'était pas suffisamment préoccupée des débouchés à la mer, qui demeuraient obstrués par les sables et les vases du Wash. En ouire, par suite de la négligence apportée dans le curage des fossés et des cours d’eau, le desséchement cessa de fonctionner naturellement, et l’on dut bientôt songer à recourir à des moyens mécaniques, c’est- à-dire à des moulins à vent, pour activer des pompes d’épuisement qui relèvent l’eau des fossés et la rejettent dans les rivières princi- pales. Sous le règne de Georges [*, une première loi relative au desséchement du Haddenham Level, compris dans le district gé- néral de Bedford, autorisa l'emploi de moulins à vent : dès lors, l'exemple fut suivi dans une foule de localités, par des particuliers et des communes, qui établirent des moulins faisant mouvoir des roues élévatoires. Ce système pouvait convenir à certains proprié- taires, mais au détriment des autres intéressés ; il ne remédiait en rien à la situation générale, devenue très précaire, en raison des débordements incessants. En 1770, une brèche survenue dans la digue du nord Level causa l’inondation de la Nen, qui envahit tout le district; en 1795, les rup- tures des digues maintinrent plus de 10 000 hectares sous 1",80 d’eau, pendant des semaines entières ; en 1799, les inondations des rivières, grossies par les lâchures de plus de 500 moulins, furent encore plus désastreuses. La commission du Bedford Level avait résolu, il est vrai, dès 1791, de creuser un nouveau canal de décharge pour la rivière Nen, en aval de Wisbeach, dans le but de la rejeter par le Shire Drain à Peters’point, avec une chute de 1°,70. Ce canal, d’une longueur de 3 kilomètres et demi, devait s’amorcer à 8 kilomètres en aval de Wisbeach, mais il ne put être achevé qu’en 1773, aux termes d’une loi spéciale (Tydd and Newton drainage act). L’ingénieur Kinderley proposait, de son côlé, en 1751, de con- duire les eaux des rivières Great Ouse et Nen jusqu’au centre de la baie du Wash, où elles auraient rejoint celles des rivières Welland et Witham, de façon à créer un courant puissant qui eut refoulé les 176 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. sables des hauts-fonds, dégagé les passes et permis de conquérir sur la mer une vaste surface d’alluvions, « plus vaste, disail-il, que le comté de Rutland tout entier ». Cette grande idée, que Sir John Rennie devait rappeler un siècle plus tara, en proposant de créer un nouveau comté, Victoria, sur les terrains du Wash’, ne trouva alors aucun écho : elle n’en honore pas moins la haute intelligence de l'ingénieur qui, dans tous les travaux dont il fut chargé, appliqua les principes soi-disant nou- veaux, consistant à éviter de donner trop de largeur au chenal des cours d’eau pour éviter les hauts-fonds et les ensablements des passes. La règle qu'il pratiquait se résumait dans le rélrécissement du chenal pour obtenir l’approfondissement voulu, au moyen de la vitesse et de la force du courant. Jusqu’à ce que le canal Kinderley (Xinderley's Cut) eut été fina- lement exécuté, la rivière Nen, traversant le territoire du Great Level, s'y épanchait périodiquement, et se ramifiait par une foule de petits bras qui rejoignaient la Great Ouse, en aval de Wisbeach. La Great Ouse, elle-même, détournée, comme on l’a vu, de longue date sur Lynn, recevait par le canal Moreton (Morelon’s Leam), cons- truit sous le règne de Henri VII, les eaux des deux rivières, de telle sorte que la Nen avait fini par trouver une issue à peu près directe à la mer, pour ses eaux, qu’une digue séparait encore de celles des Levels situés au sud-est. Wisbeach n’en restait pas moins le point dominant de l’écoule- ment en amont de la Nen. Déjà, en 1771, sur le rapport des ingé- nieurs Golborne et Dunthorne, les commissaires du nord Level se décidaient à imposer à la ville de Wisbeach un chenal de 30 mè- tres d'ouverture, pour la décharge des eaux de leur district (20 000 hectares) et pour la défense des territoires riverains de la Nen, entre Peterborough et Wisbeach. Ces territoires se trouvaient inon- dés par suite de ruptures survenues dans les digues des Fens el de la destruction des ouvrages qui protégeaient le canal Kinderley. 1. D'après le projet de Sir John Rennie, le comté Victoria devait embrasser 60 600 hectares, entre Wainfleet (Lincoln) et Hunstanton (Norfolk), sur lesquels 29 000 se trouvaient dégagés d'ores et déjà, à marée basse (voir la carte d'ensemble). LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 17% Aussi, en 1773, obtinrent-ils d'urgence du Parlement, malgré la violente résistance de la municipalité, le vote d’une loi spéciale pour faire creuser un nouveau canal à la mer, à une profondeur plus grande de 0,40 ; ce qui permettait d’abaisser de 1*,80 la surface , des eaux à l’écluse du nord Level, et de faire remonter à Wisbeach des bateaux d’un plus fort tirant d’eau. Ce canal exécuté la même année, sous le nom de Xinderley's Cut, permit, en effet, aux marées de vive eau, d’après le rapport de James Golborne, de s’élever à 3 mètres, à Wisbeach, au lieu de 1,20 ; et à l’étiage de la Nen, à Guyhirn, de s’abaisser de 0",53, ou à Peterborough, de 0,85, par rapport aux niveaux de l’année 1767. Cette situation, réellement améliorée, ne devait pas avoir une longue durée, car en 1809, Rennie père fut conduit à proposer un remède qui consistait dans le prolongement du canal Kinderley, l’endiguement de lestuaire et un raccourci de la Nen, au nord de la ville de Wisbeach. a) La rivière Great Ouse. Pendant près d’un siècle, l’idée de créer un nouveau débouché aux eaux de la Great Ouse, en la dérivant, pour la raccourcir, et d'assurer ainsi une chute plus forte de 1",50 dans la baie, fut com- battue par les propriétaires des Fens. Finalement, après la plus vive opposition des habitants de la ville de Lynn, qui croyaient voir dans la réalisation de cette idée la ruine de leur port et de leur com- merce, une loi fut sanctionnée en 1781, pour mettre le projet à exécution, moyennant une taxe de 1 fr. par hectare et par an, dans toute l’étendue des terres qui devaient bénéficier des travaux. La loi régla, en outre, certaines garanties pour le port de Lynn et pour la navigation intérieure, de même que pour les riverains de l’Ouse. Les deux ingénieurs désignés par la loi pour dresser le projet défi- nitif, un pour le desséchement, Robert Mylne, architecte du pont Blackfriars de Londres, et l’autre pour la navigation, Sir Thomas Hyde Page, colonel du génie, ne purent s’entendre sur la direction, ni sur les dimensions du canal à creuser entre Saint-German’s Bridge et le quai de Lynn, et quand le capitaine Joseph Hubbart, de Trinity ANN. SCIENCE AGRON. — 1893. — 1. 12 178 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. House, membre du conseil de l’Amirauté, eut été choisi pour dépar- tager les deux commissaires et rendre une sentence arbitrale, on constata qu'il n’y avait plus de fonds pour exécuter le travail. Les frais de procès et d'instance auprès du Parlement avaient absorbé deux millions de francs, Eau Brink Cut. — En attendant, la situation des Fens devenait de plus en plus alarmante ; aussi les intéressés, à l’unanimité, solli- citèrent-ils du Parlement une nouvelle loi basée sur le projet de l'expert, capitaine Hubbart, en consentant une augmentation de la taxe. L’ingénieur Rennie fut choisi comme ingénieur pour diriger les travaux de drainage, et Telford, pour la navigation. Une com- mission, présidée par le général Lord William Bentinck, reçut le mandat de contrôler les travaux. La loi connue sous le nom de Eau Brink Cut Act, sanctionnée en 1795, ne reçut toutefois son applica- üon qu’en 1818, Sir Edward Banks s’étant rendu entrepreneur des (ra vaux. Les résultats de la dérivation dépassèrent de beaucoup l'attente sénérale ; non seulement le niveau des basses eaux, en amont, s’abaissa de 1",50, mais les eaux du desséchement furent enlevées avec une rapidité surprenante. Ainsi, pendant l'automne 1821, mal- ré des pluies exceptionnelles, la plus grande partie des Fens fut sauvée de l’inondation, grâce au nouveau canal. Les ingénieurs Telford et Rennie, tout en constatant que le tra- vail avail été exécuté en tous points conformément au plan de Hub- bart, ne durent pas moins convenir que le canal, à son point d’em- branchement, était trop étroit pour le volume des eaux à débiter, et que le courant finirait par rompre la digue d’amont vers l’ancien chenal. Ils recommandèérent en conséquence d'augmenter d’un tiers la section, en affectant à ce remaniement les fonds destinés au cu- rage de la rivière, entre le canal et l’écluse Denver, le lit pouvant se passer de curage. Sur l'avis conforme de la commission, ces nouveaux travaux furent confiés, en 1826, à Rennic ; le niveau baissa encore en amont, de 0",65, soit en tout de 2,15 ; mais entre temps, avant que l’élargis- sement eût été achevé, les digues de l’écluse Denver s’affouillérent, LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 179 le chenal navigable se détourna du port de Lynn, les quais s’ensa- blèrent, et la commission, aux termes ae la loi, fut tenue d’indem- niser la ville, de même que les autres intéressés. Les indemnités dépassèrent un million de francs ; soit, 700 000 fr. aux riverains de l’'Ouse, 250 000 fr. aux propriétaires du Marshland, 175 000 fr. au port de Lynn, etc. S Aussi, dès que l'Eau Brink Cut eut été achevé, la commission n'eut point de cesse que le Parlement la relevât d’une aussi énorme responsabilité, par une nouvelle loi *. b) La rivière Nen (vallée inférieure). La rivière Nen, non moins que la Great Ouse, exigeait des amé- liorations urgentes pour permettre l’écoulement régulier des eaux du centre Level, et la mise en culture d’une surface considérable de marais restés à l’état stagnant. Sur un premier rapport de Rennie père engagé par le duc de Bed- ford et par le syndicat des propriétaires du nord Level (1809) à donner son avis sur les travaux à exécuter, on avait reconnu la né- cessilé : 1° d'approfondir et d'élargir la section de la Nen, depuis Peterborough jusqu’à la mer, c’est-à-dire sur tout son parcours à travers le district ; 2 de lui creuser un nouveau lit entre Rummery Mill en amont et Horse Shoeband, en aval de Wisbeach ; 3° de pourvoir ce canal d’écluses qui assureraient la navigation dans la traversée de Wisbeach; et 4° de construire sur une longueur de 10 kilomètres environ un canal à grande section pour la décharge des eaux dans la baie, entre le canal Kinderley et Crabb Hole, où le tirant d’eau était suffisant. Ce nouveau canal pouvait être creusé aussi, en partie, dans l'enceinte fermée par la digue romaine, et en partie, dans la plage des Marshes au dehors de l’enceinte ; mais cette variante élait indiquée par Rennie comme moins directe et moins sûre que le tracé par le chenal même de la Nen. Canal de Wisbeach. — Quoique Rennie fils et Telford ceussent été amenés, en raison de la résistance de la ville de Wisbeach, à 1. Aulobiography of Sir John Rennie, p. 192. 180 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. restreindre le projet primitif, les intéressés eurent gain de cause. Il ne fut plus question que de cyeuser le nouveau lit en aval de Wis- beach, et même pour cette section, le tracé sur Crabb Hole, étudié par Rennie père, vivement défendu par son fils, fut définitivement écarté. Au lieu de diriger le nouveau lit en dedans de l’enceinte des vieilles digues, suivant la seconde variante, il fut résolu de tracer la coupure dans la direction de Skates Corner. Le Parlement sanc- tionna une loi spéciale dans ce but, et les travaux confiés aux entre- preneurs Jolliffe et Banks furent achevés en 1831. Sir John Rennie, au sujet de ces travaux, raconte un incident qui démontre à quelles difficultés, d’un tout autre ordre que celui des exigences techniques, se heurtent les opérations de l’ingénieur, lorsqu’elles éveillent la défiance des populations, et à quels moyens éncrgiques il faut parfois recourir pour tenir tête à des actes 1rré- fléchis, ou mal intentionnés. « Avant de détourner les eaux de la Nen dans le nouveau lit, en aval de Wisbeach, nous avions ordonné, Telford et moi, aux entre- preneurs, de réunir sur un point désigné autant d'hommes, de che- vaux, tombereaux, brouettes et outils qu’il serait possible, pour pouvoir efficacement barrer l’ancien lit à marée basse. Tout était prêt ; les entrepreneurs se trouvaient sur les lieux ; l'heure du re- flux approchait ; nous fimes signe de procéder au barrage. Il y avait là à peu près 1 200 ouvriers, avec les chevaux et les ustensiles né- cessaires pour enlever rapidement le travail. « Les membres de la municipalité de Wisbeach, opposés de tout temps à l’entreprise, mais tenus par la loi de verser, pour les tra- vaux, une quote-part de 750000 fr., arrivèrent sur les entrefaites, accompagnés des officiers de justice ; tous, à bord d’un pelit steamer naviguant sur la Nen. Ils venaient nous intimer de suspendre les travaux, jusqu’à ce que la Cour püt délibérer sur un référé qu'ils avaient introduit auprès d’elle. Comme motif principal de leur som- mation, ils déclaraient que le nouveau lit n’avait pas été creusé à la profondeur que stipulait la loi. Les entrepreneurs intimidés à ce moment critique par la démonstration municipale, allaient se reti- rer, lorsque Telford et moi, sans nous laisser nullement émouvoir, leur enjoignimes de poursuivre immédiatement le travail. En même LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 181 temps, nous faisions prévenir les conseillers municipaux et leur suite que s'ils persistaient à rester sur place, ils couraient le risque de sombrer avec leur steamer ; leur responsabilité demeurerait entière. Ils ne se le firent pas dire deux fois, mais rebroussèrent chemin après nous avoir signifié leur exploit. Trois jours plus tard, l’ancien chenal était comblé et la rivière Nen coulait à pleins bords dans son nouveau lit”. » Il est vrai que le nouveau lit n'avait pas élé excavé jusqu’au ni- veau des mortes eaux, stipulé dans la loi, mais les ingénieurs avaient justement compté sur l’ameublissement du radier, formé de limon sablonneux, et sur la vitesse du courant, pour l’approfondissement qui eut exigé, sans cela, en pure perte, beaucoup d'argent et de temps. En effet, le courant lui-même accomplit le travail naturel- lement, sur le radier et sur les berges que l’on avait eu le soin de ne pas empierrer. Pendant les premiers mois, la pente étant faible, le courant agit avec lenteur; c’est seulement après qu’elle se fut accentuée, que les progrès devinrent très rapides. Au bout de six mois, le lit de la dérivation était abaissé de 2,75 au-dessous des mortes eaux d’é- quinoxe, les rives s'étaient régulièrement corrodées, et la section avait triplé par rapport au profil primitif. Les marées vives qui éle- vaient les eaux de quelques pieds à peine, à Wisbeach et à Cross Keys, montèrent dès lors à un niveau tel, que les navires de fort tirant eurent accès dans le port, même à marée basse, et la ville de Wisbeach, grâce à l’amélioration de ses recettes de navigation, fut en mesure de payer sa quote-part des travaux. A Lorsque l’émissaire eut atteint ses dimensions définitives, l’em- pierrement des berges fut exécuté; le chenal de sortie fut également dallé. En 1837, Sir J. Rennie constatait qu’à Cross Keys, et prapor- tionnellement, à Wisbeach, les marées de vives eaux cotaient 6,09, laissant un tirant de 2,75 aux mortes eaux. Comme complément de cet important travail, et pour assurer la conquête des lais de mer enclôturés, un canal large et profond, North Level drain, fut construit de Clow’s Cross à l’écluse Gunthorpe, en 1. Aulobiography, loc. cit. 182 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. remplacement de l’ancien canal tortueux, Shire Drain; de telle sorte qu’en 1857, l'ingénieur Rennie pouvait hardiment annoncer que 2 500 hectares de lais de mer étaient livrés à la culture, le dis- trict ayant été absolument drainé, et la plus-value des terres ayant doublé. Cross Keys. — Un litige non moins grave que celui soulevé par la dérivation de la Nen éclata au sujet de l’émissaire, quand il fallut construire un pont à Cross Keys, en plus de ceux déjà établis à laval de l'Eau Brink Cut, et au Foss-Dyke Wash, sur la rivière Welland, dans le but de raccourcir la distance par voie de terre entre les deux comtés de Lincoln et de Norfolk. Dans la loi relative aux travaux de l'embouchure, une clause obli- geait l’association du Bedford Level à construire, en même temps que le pont de Cross Keys, un autre pont, celui-ci tournant, qui permit l’entrée et la sortie des navires en tout temps. Or, il eût été imprudent, avant que les effets de la corrosion se fussent produits, de fonder un pont tournant dans un sol aussi meuble. Malgré l'avis formel de Sir John Rennie, les commissaires du Bedford Level, sous la présidence de Lord Bentinck, crurent devoir passer outre. Le pont fut construit, sans que les piles aient pu être assises solidement à la profondeur voulue, de telle sorte que le courant exerçant plus tard son plein effet, des enrochements énormes devinrent indispen- sables pour défendre les piles. La passe s’obstrua tout de même, et un abaissement de 0",60 à 0,90 fut ainsi déterminé dans le niveau, qui causa les plus sérieux préjudices à l'écoulement des eaux du desséchement. Aussi dut-on recourir encore une fois au Parlement pour obtenir une loi annexe (1848) qui mit à la charge des commis- saires la réfection complète du pont tournant. Le rapport de l'ingénieur R. Stephenson, à l'appui de cette der- nière loi, signalait bien des améliorations de détail : quelques-unes seulement furent exécutées, notamment le dragage du chenal jus- qu'à Wisbeach et la construction d’épis, en vue de débarrasser la passe des hauts-fonds qui l’obstruaient. Grâce à ces travaux dont la dépense totale s’éleva à 750 000 fr., sur lesquels la municipalité de Wisbeach finit par payer 350 000 fr. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE, 133 pour sa quote-part, le nord Level à été complètement asséché ; les eaux suivent la pente naturelle sur tous les points du district, pour se décharger à la cote la plus basse de la rivière. Les collecteurs et les drains intérieurs, installés d’après les plans de l'ingénieur Tel- ford, ont tous une pente de 0",006 par mètre, indispensable en vue d'éviter l’envasement. La vitesse de 1 200 mètres par heure à été reconnue suffisante pour dégager le chenal de la Nen, avec l’aide de la marée et du flot des crues, mais à la condition de soigner l’en- tretien et le faucardement des berges. Dépenses des travaux du Great Level. — Les derniers travaux que nous venons de détailler, exécutés aux termes de la loi de 1810, intitulée Central Level River Acl, comportaient non seulement le curage, la rectification et l’approfondissement de la rivière Nen, mais encore l'amélioration des canaux et des autres cours d’eau du district soumis au Des eCHemIEn ils ont représenté une a de 1750 000 fr. D'autre part, les travaux entrepris dans le nord Level, en vertu du Nen Act, ou loi de la Nen, en 1827, pour le desséchement des Fens, ont comporté une dépense de 2556 500 fr., répartie comme il suit : QUOTE-PARTS ECT HECTARES. G6 contributions. Fr. Nord Level et Porsand. . . . . . EE Ru EN 19 500 1 200 000 Sud-Holland, y compris une partie des rat Sutton et Tidd Saint-Mary LS SEP ET RTE RON 13 700 175 000 Sutton Saint-Edmumd . . . . . 2 300 56 500 Wisbeach Hundred, y compris les communes 4e Tidd > Saint-Giles, Newton, Parson Drove et Leverington . 7 100 A 750 000 MANEGrREMBE BEBAAlE RE RTL EU AM AR UE 3 200 » Moretonsdeama asser. nt ter er ne ur ui 1 200 » ROLRURA VA TE RASi ET AU ee 47 000 2 556 500 L'ensemble des travaux de la Nen, complétés en 1831, aux termes des lois de 1810 et de 1827, représentait ainsi une dépense «de 4 306 000 fr. Depuis leur achèvement, 30 moulins à vent et les machines à 184 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. vapeur de Borough Fen, près de Thorney, devinrent d’un coup sans emploi ; les frais de desséchement s’abaissèrent entre 19 et 15 fr. par hectare et par an, et les terres reprises pour la culture des céréales doublèrent de valeur. c) La baie du Wash. En amont de Wisbeach, jusqu’à Peterborough, aucune des amé- liorations projetées n'avait pu être entamée, malgré linitiative du duc de Bedford ; mais le duc ne se tint pas pour battu, et il confia de nouveau à Sir John Rennie la mission de reprendre le projet d'ensemble du desséchement du centre Level, en y ajoutant le lac Whittlesey et 22 000 hectares de Fens marécageux, situés entre la Great Ouse et la Nen. Rennie déposa son rapport en 1837 : il démontra qu’en régula- risant la Men, en aval de Peterborough, de façon à y déverser les eaux du lac Whittlesey par un canal spécial, et à rejeter celles du drainage des plateaux par un canal de ceinture, dont l’écluse serait située à Hermitage, dans la Great Ouse, non seulement on dessé- cherait complètement le district, mais on faciliterait beaucoup la navigation sur les deux rivières. L’ingénieur Robert Stephenson, consulté sur ce projet par la commission du centre Level, émit un avis favorable : mais, plus spécialement intéressée au desséchement des basses terres, celle-ci obtint du Parlement de faire porter l’émis- saire projeté dans l’Ouse à 16 kilomètres plus en aval, en doublant la dépense, sans avantage marqué pour le desséchement. Quoique le niveau des eaux basses eût baissé de 1",83 dans l’Ouse à la suite de la coupure Eau Brink Cut, les sables avaient fini par s’'accumuler à son embouchure, en aval de Lynn. La navigation flu- viale était empêchée par la barre, de telle sorte que les navires d’un ürant moyen pouvaient seuls entrer à marée haute. D’autre part, les eaux des Level du centre et du sud s’écoulaient très difficilement à la mer. Tandis que l’émissaire de la Nen, d’après le projet Rennie-Ste- phenson, eut donné de 8",20 à 3,95 de chute, celui de l'Eau Brink Cul, une fois les travaux de la commission (centre Level) exécutés, LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 185 devait faire perdre 0,60 de chute, par rapport à celle de 2",15 déjà réalisée pour l’Ouse (voir $ a). Ce fâcheux résultat, obtenu au prix de grands sacrifices, engagea de nouveau un comité formé de Lord W. Bentinck, de Sir William Foulkes et de quelques autres riches propriétaires, à consulter l'ingénieur Rennie sur les moyens de remédier définitivement à la situation du district entier des Fens. Canal du delta. — C’est après avoir procédé pendant une année au nivellement de loute la contrée, y compris la baie du Wash et les embouchures de l’Ouse, de la Nen, du Welland et du Witham, qui drainent 300 000 hectares de terrains en plaine, que Sir Jobn Rennie remit son projet d'amélioration. Par ce projet, il s’engageait à procurer une chute additionnelle de 2",15 pour l’Ouse et de 0",65 pour les trois autres cours d’eau, moyennant l'établissement d’un canal à travers la baie du Wash. Ge plan, le même que celui de l'ingénieur Kinderley, proposé en 1751, eût permis, en outre, de conquérir 45 000 à 60 000 hectares de terrains dans la baie, tout en garantissant la régularisation des cours d’eau, le desséchement des terres en amont et la navigation, aussi bien fluviale que maritime. Comme toutes les conceptions de cet ordre, l’idée de Rennie, rendue publique par la distribution de son rapport, souleva les plus graves objections. Après les avoir mürement examinées et victorieu- sement combattues, en dévoilant ses moyens de réalisation, l’éminent ingénieur dut toutefois reconnaître que si les propriétaires directe- ment intéressés ne pouvaient pas se mettre d'accord sur le fond, il était inutile de faire appel au public pour fonder une compagnie. «SI on avait pu réunir facilement les capitaux nécessaires, ajoute Rennie, 1l eût été superflu de contester les principes de mon projet, et de discuter les moyens pratiques d'exécution, comme aussi de nier l'importance des résultats annoncés au point de vue national ; mais précisément la grande difficulté était de concilier les intérêts dissidents, en vue de l’œuvre commune, pour obtenir les ressources indispensables”. » 1. Autobiography, loc. cit., p. 206. 186 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Le projet resta donc en suspens jusqu’à ce que Lord George Ben- tinck, nommé mernbre du Parlement en remplacement de son vncle, Lord William, qui avait été appelé au gouvernement des Indes, eut obtenu de le faire prendre en considération par la Chambre, mais en le scindant en deux parties, l’une pour la Great Ouse et la Nen, et l'autre pour le Welland et le Witham. Compagnie du Norfolk. — Une compagnie se constitua finale- ment pour exécuter la première partie du projet, comportant la re- prise de 14000 hectares d’alluvions sur ia baie du Wash. Un Bill fut sanctionné en 1845, suivi d’une loi, dite du Norfolk Estuary, dans laquelle furent déterminées les clauses de l'association et de l’entreprise. Parmi ces elauses se glissèrent, malheureusement pour la compagnie, des obligations tellement onéreuses que les bénéfices furent gravement compromis. Ainsi, la compagnie était obligée de prendre à sa charge l’entre- tien du grand canal, qui aurait dù incomber à la navigation et aux riverains ; de céder les terrains des Marshes, endigués à ses frais, moyennant une part seulement de la plus-value ; d’indemniser les riverains de l’Ouse ; de verser une redevance de 5 p. 100 à la Cou- ronne et une redevance aux cultes, etc. Aussi, les actionnaires voyant diminuer les chances de bénéfice de l’entreprise, voulurent- ils attendre, avant de procéder aux travaux, que les intéressés dans la navigation et le desséchement du district vinssent offrir leur con- cours pécuniaire. En effet, les propriétaires représentés par la Commission du centre Level, qu’une loi de 1846 avait instituée, et la municipalité de la ville de Lynn, pour la navigation, consentirent chacun { million et demi de francs, affectés à l’exécution du nouveau canal de l’Ouse, moyen- nant le concours de l'ingénieur Robert Stephenson. Une loi datée de 1850 consacra cet arrangement. Suivant l’usage en matière maritime, l'amirauté désigna de son côlé une commission composée de deux capitaines de la marine royale, Veitch et Washington, pour faire un rapport, après enquête publique, sur les travaux projetés. Contrairement aux principes généralement admis en hydraulique, cette commission crut devoir LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 187 recommander un tracé du canal en ligne courbe ; mais devant la Chambre des Communes, cette conclusion, vivement combattue par les plus éminents ingénieurs, fut repoussée. Le plan primitif fut dès lors suivi, consistant à attaquer le canal sur 4 kilomètres en ligne droite, à partir de Lynn. L’excavation du lit sur plus de 3 kilomètres devait se pratiquer dans les sables, par dragage, entre deux levées parallèles cons- truites en pierres brutes à la hauteur des mi-marées, et surmontées de balises indiquant le tracé. Grâce au colmatage, les levées de- vaient être exhaussées jusqu’au niveau fixé, en même lemps que l’endiguement des alluvions sur chaque rive consoliderait l’ailuvion à conquérir sur la baie. Les travaux confiés aux entrepreneurs Peto furent solennellement inaugurés sous la présidence de Sir William Foulkes, le 1° no- vembre 1850. Le dragage, après avoir marché rapidement, fut sus- pendu au moment où les ingénieurs Rennie et Stephenson Jugèrent que le courant, puissamment aidé par les eaux de flux et de reflux, suffirait pour achever l’approfondissement. Comme ils donnaient l’ordre d’enlever les barrages, les propriétaires alarmés leur firent signifier d’avoir à les maintenir, tant que la profondeur fixée par l’article de loi ne serait pas atteinte. C’élait la répétition de ce qui s’était passé pour la dérivation de la Nen. Cette fois, le procès, plaidé devant le vice-chancelier Turner, fut perdu par les ingénieurs, et la Cour d’appel confirma le jugement, le Conseil de l'Amirauté ayant décliné toute compétence. La compagnie fut ainsi forcée de solli- citer devant le Parlement un nouveau Bill qui permit de continuer les travaux d’après le système déjà appliqué, mais à la condition que le chenal eût finalement les dimensions prescrites. Deux années avaient été perdues ; des sommes considérables furent gaspillées en frais de procédure, avant que les eaux de l'Ouse pussent s’écouler dans leur nouveau lit. Dès lors, la digue destinée à combler l’ancien lit fut commencée à l’amont, et le courant aug- mentant d'intensité, l’affouillement du chenal se produisit au bout de quelques mois, à une profondeur plus grande que celle stipulée dans la loi. Les résultats de cette dérivation furent remarquables. Le niveau 188 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. des hautes mers, dans le port de Lynn, fut amené de 5,45 à 6%,10 ; celui des mortes eaux de 4",25 à 4",88 ; tandis que dans le canal même, l’étiage était maintenu entre 2",75 et 3",55. Il s’ensuivit que les plus grands côtiers purent entrer et sortir avec leur plein tonnage, par toutes les marées et en tout temps. Le nombre de pilotes et les droits de péage furent réduits sensible- ment ; l'accroissement du trafic permit, à bref délai, à la ville de Lynn, de payer sa quote-part à la compagnie pour les travaux exé- cutés. Quant aux propriétaires des terres riveraines, l’abaissement de 1,82, à la cote des basses-eaux, venant s’ajouter à celui réalisé par l'Eau Brink Cut, représentait 3,35 au total. Aussi bien que pour le centre Level tout entier, il permit de renoncer à l'emploi des moulins à vent et des machines à vapeur pour l’épuisement des eaux aux niveaux les plus bas. Les Polders. — La compagnie du delta de Norfolk, dont les actions sont restées pendant si longtemps sans rapporter aucun intérêt, aurait dù trouver dans l’endiguement des 14000 hectares de lais de mer, concédés par la Couronne, la rémunération des capitaux engagés ; mais les opérations des polders occasionnèrent, dès le début, de graves déboires, à cause de la précipitation mise à enclôturer. À partir de 1867 seulement, la compagnie, se confor- mant aux instructions de Rennie, endiguait 400 hectares, au prix de 998 fr. par hectare, et réalisait, à raison de 2500 fr. par hectare eñdigué, une somme d’un million de francs ; Soit pour une dépense de 371 200 fr. un bénéfice net de 628 800 fr. L’année suivante, le Prince de Galles se rendait acquéreur de 250 hectares endigués, moyennant paiement de la moitié de la plus-value. Sur les procédés à suivre pour la conquête des lais de mer par colmatage, Sir John Rennie nous a laissé dans ses mémoires les instructions précieuses que lui suggérèrent la pratique de son père et sa propre expérience pendant près d’un siècle’. « Je ne me suis pas départi, dit-il, du système qui consiste à agir 1. Aulobiography, loc. cil., p. 214. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 189 d'accord avec la nature, el jamais contre elle ; dans ce dernier cas, on est toujours battu. « J'avais appris, après une longue série d'essais, que les matières sédimentaires tenues en suspension dans les eaux de la baie (Grand Wash) pouvaient être déterminées quantitativement ; que ces ma- tières étaient transportables d’un lieu à un autre suivant les vents et les courants prédominants dans le golfe, et qu'elles se déposaient seulement dans des circonstances favorables, telles que les remous, aidés par les brises de large, et les eaux dormantes, abritées derrière les contre-courants. « Le but principal que j'ai poursuivi, lorsque les eaux douces et les eaux de marée se sont trouvées réunies dans le nouveau lit creusé pour l'embouchure de la rivière Ouse, en aval, au milieu du Wash, a été de faciliter les atterrissements par le dépôt de ma- tières tenues en suspension dans les eaux. Ce but ne peut être atteint qu’à la condition de ralentir et d’arrêter la marche du flot, et aussi du jusant, de façon à ce que l’atterrissement se produise sur les points où il importe d’exhausser le sol au-dessus de la limite de la laisse des hautes mers, en mortes eaux. Aussitôt, en effet, que ce niveau est atteint, l'herbe peut pousser, et la surface se transforme rapidement en marsh vert (herbe). « Le procédé est des plus simples ; quand le dépôt par colmatage s’est élevé de quelques pieds au-dessus du niveau des eaux basses des marées, une espèce de végétation clairsemée couvre la surface des alluvions sur certains points, puis s’étend jusqu’à couvrir le tout, au fur et à mesure de l’exhaussement du sol; la criste marine (Salicornia herbucea) et le bacile (perce-pierre, passe-pierre, du genre ombellifère) font leur apparition ; puis, le. sol continuant à s'élever, ils disparaissent à leur tour pour faire place à l'herbe marine (Glyceria marilima) qui revêt d’un tapis l’entière surface, admirablement nivelée. Le lais est en herbu, déjà prêt pour le pâtu- rage du bétail. « À partir de ce moment, le colmatage est très lent. Sur les côtes de l’Angleterre, il dépasse à peine la laisse des hautes mers en mortes eaux, sauf dans les endroits où le sable emporté par la vio- lence des vents forme des dunes, véritables digues, qui, en Hol- 190 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. lande, atteignent jusqu’à 9 mètres de hauteur. Dans la baie du Wash, les Marshes ne résultent que du dépôt graduel des alluvions. « La nature abandonnée à elle-même accomplit le travail avec une orande lenteur, mais aussi avec une rare exactitude. Il s’agit de l'aider en se conformant à ses lois ; c’est pourquoi 1l faut éviter les travaux énormes et dispendieux qui consistent à entraver violem- ment et subitement les courants de la mer pour les rejeter ailleurs ; ce que l’on gagne d’un côté, on le perd de l’autre. « Grâce à une série d’obstacles légers, tels que des fascinages touffus ou en buissons, ou bien des coffres de fascines, installés à 0,30 ou 0,40 au-dessus du niveau des sables, que l’on espace convenablement, sans continuité, mais, au contraire, de manière à ce que les extrémités ne coïncident pas, on crée des chicanes qui gênent les courants sans les obstruer et concourent à la stagnation du mouvement des eaux. Lorsque le dépôt atteint le niveau supé- rieur des fascinages ou des épis, on en dispose d’autres à un niveau un peu plus élevé, aux mêmes endroits, ou ailleurs, selon les cir- constances. «Si l’on veut colmater un espace déterminé, il est préférable de commencer en amont et de s’avancer vers l’aval ; on y gagne à exé- cuter des ouvrages moindres, à diminuer la hauteur du colmatage ; l’eau refoulée par la marée à l’arrière contient une plus grande masse de matières sédimentaires ; de telle sorte qu’au fur et à mesure de l’atterrissement de la partie supérieure, celui de la partie inférieure augmente plus rapidement. € Dans l’exécution de ces travaux, il faut avoir soin, partout où l’on distingue une tendance au creusement d’un chenal sous l’ac- üon d’un courant, de le modérer graduellement en amont, pour que la masse d’eau diminue peu à peu, jusqu’à ce que le chenal se comble. « Lorsque l’espace déterminé a été amené à l’état de marsh vert, naturellement ou artificiellement, s’il est assez vasle pour couvrir la dépense, on devra l’enclôturer complètement par une digue qui empêche le retour agressif de la mer. On ne court aucun risque de se tromper en évaluant, règle générale, la plus-value du terrain au double des frais d’endiguement, LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. ‘191 « Quand il s’agit d’un grand delta où l’on compte racheter plu- sieurs milliers d'hectares, comme dans le Wash, la question du meilleur mode d'opération est aussi grave au point de vue de Par- gent que du temps. « On devrait réduire l’étendue des digues maïtresses, autant que cela est praticable, en construisant la première en aval, si la situa- tion s’y prête, et en ne la continuant qu'autant que les terrains en amont montrent une tendance au colmatage. Les digues intérieures ne devraient être établies simultanément que pour concourir au meilleur effet de l’ouvrage principal. Ainsi, quand un espace suffi- sant, en amont de la digue maîtresse, a été reconnu propre à l’en- clôture, on devra continuer à maintenir cette digue dans un état convenable d'avancement, pour circonscrire l’espace, mais à l’aide seulement de banqueltes moins coûteuses. Autrement, chaque en- clôture séparée devient une digue maîtresse et la dépense totale s’accroit démesurément. « Les circonstances locales détermineront la meilleure marche à suivre, en ce qui concerne les digues principales, exposées aux coups furieux de la mer, comme aussi l’enclôture des parcelles en une ou plusieurs fois. Il vaut mieux restreindre l'opération à-150 on 200 hectares, et fermer le polder à l’époque des mortes eaux les plus basses, à cause de la facilité plus grande dans le travail. QIl est possible assurément, d’après le système hollandais, d’en- clôturer des surfaces bien plus vastes ; mais alors il faut laisser les vides ouverts pendant plusieurs jours, les protéger par des musoirs en pierres, ou par des clayonnages et des fascinages, au pied et sur les bords du remblai, afin d’en détourner les courants. Ces vides sont ensuite comblés au moyen de pierres, d'argile, de fascines, etc. Si, par malheur, une brèche vient à se produire pendant les terras- sements, où au moment de la fermeture, la masse d’eau dans l’en- clôture est si forte que la violence du courant extérieur augmentant en proportion entraîne tout sur son passage ; le sol est affouillé dans cette direction et recouvert ailleurs de sable inerte; enfin, une difficulté imprévue se présente, celle de décharger les eaux accu- mulées dans l’enclôture. « D’après le système hollandais, on a effectivement besoin de LOS: ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. moins de digues, mais la dépense par mètre courant augmente ; aussi n'est-il recommandable que si la longueur des digues est pe- tile relativement à la largeur des terrains à enclôturer. » Rennie estimait que sur plusieurs milliers d'hectares, déjà mûrs pour l’enclôture, les actionnaires du Norfolk estuary trouveraient à rentrer dans leurs fonds, intérêts compris. Si la compagnie se fût opposée en temps utile aux clauses trop restrictives de la loi de 1890 ; si elle eût frappé d’une taxe double les intéressés, et suivi tout d'abord le mode pratique d’endiguement conseillé en vue du colmatage des alluvions du Wash, elle aurait indubitablement réa- lisé de gros profits‘. d) Le sud Level. Le sud Level, d’une superficie de 48 500 hectares, s’étend au midi de l’ancienne Rivière de Bedford, qui joint Earith en droite ligne avec l’écluse de Saller's lode, sur une longueur de 34 kilomètres. Le desséchement de cette surface s’opère à l’aide de machines à vapeur dont le détail, avec les surfaces drainées et les émissaires, figure dans le tableau ci-après. Il n’y a plus de moulins à vent dans ce district. Indépendamment des surfaces désignées dans le tableau, sur les- quelles 10 500 hectares sont directement taxés pour les travaux de desséchement, on compte environ 1 600 hectares de terrains for- mant lisière, taxés pour des travaux extérieurs et pour l'entretien de 48 kilomètres de canaux collecteurs. Le sol du district est composé de tourbe, d’alluvions sableuses et, çà et là, des marnes gélives, tandis que le sous-sol est le plus sou- vent du sable stérile. Partout où l’on a pu amender le terrain avec de l'argile, les résultats ont été satisfaisants pour la culture. Le dé- pôt d’alluvion argileuse qui traverse le pays de Littleport à Ely, tourne à l’ouest par Thetford, Stretham et Wilburton pour regagner Ely par Haddenham, Witcham et Witchford, entoure un bassin de terre noire, le Grunty Fen, de plus de 500 hectares, servant de 1. Aulobiography, loc. cit., p. 218. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE, 193 pâturage communal, et par conséquent abandonné sans clôtures, ni drainage. Sur les terres fortes, entre Mepal et Ely, il y a d'excellents pâtu- rages, mais surtout de bonnes terres arables, € du blé, de l'orge et des haricots ; les turneps n’y viennent pas plus que la navette, et l’avoine n’y est cultivée qu'accidentellement. lôturées, produisant Situation du desséchement dans le « sud Level » (1860). MACHINES À VAPEUR. NOUS 4 Emolace- des Fens ou districts. Nombre ) ment, . Cottenham, id. . 3. Haddenhâm . ... . . Stretham 5. Thetford . Burwell . Swaffham . Mildle . Millenhall. . Lakenheath , . . 2, leltwell Brandon 3. Southery Nouvelle Beïford. Canal . Littleport et Down- dix mille. . Waterbeach . . . . . Sohamsmere . . . . SURFACES drainées. ÉMIS- SAIRES, Ancienne | Ouse. f Ouse. { idher | id. Cam et Ouse. Cam. Lark. Brandon. Lark, Lark et f | Brandon, id. Ouse. Ouse,. SOL DRAINÉ. A — — Nature géologique. geolugiqu Nature For Surface. Sous-sol. physique. Léger, fertile. Fort, fert: le. Arzile. Arcile tenace, id. Marais léger, Gravier. Gravier. ay ! l { l id. id. Alluvions. » | su f in Marais | épais. f Marais léger, Argile Marais et marais.|et argile. Argil ae; te | Moyen id, drainé. » Marais. Arsile. » Terre noire s ÉCART NE UTS. marais, f Marais | « épais Sable. Draivé. id; Mal drainé. Tourbe. rgile. » id. Bien drainé. Dans les terres basses, à travers la tourbe le drainage se borne à des fossés creusés quant au mode de culture, 1l dépend de la préparation du sol, suivant qu'il à été relourné avec le sous-sol, amendé avec de l'argile et fumé plus ou moins abondamment avec des poudres d’os, du guano, des tourteaux, ete. L’assolement le plus ANN. SCIENCE AGRON. 0) oi 13 194 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. fréquent s’étend sur cinq années, à savoir : 1° navette ; 2° avoine ; 9° froment ; 4° haricots ou fourrages ; 5° froment. Les moutons de la race Leicester parquent aux environs d’Ely et de Littleport. Les chevaux et le bétail trouvent une nourriture excel- lente dans la bande de terrain d'inondation (Hundred feet Washes), réservée entre les deux rivières Bedford. Cette bande de 34 kilo- mètres de longueur sur 1 kilomètre de largeur en moyenne, des- tinée à emmagasiner, le cas échéant, les eaux d'inondation des deux rivières qui séparent le Level du midi de celui du centre, produit un fourrage de première qualité, une précieuse ressource pour les éleveurs et les fermiers des environs. e) Le centre Level. Le centre Level, situé au nord de l’ancienne rivière Bedford, embrasse 60 000 hectares, répartis en trois grandes divisions. Le tableau suivant indique ces divisions, ainsi que les machines à va- peur employées au desséchement, mais il faut compter, en outre, quelques moulins à vent et des machines à vapeur appartenant à des propriétaires. Situation du desséchement dans le « centre Level » (1860). MACHINES A VAPEUR. : SOL DRAINÉ. NOMS mm —— | Surfaces ÉMIS- — 0 © fu CH Énpiace Nature géologique. Vars des Fens ou districts. Nombre. ue drainées. | SAIRES. | — vapeur. ee Surface. | Sous-sol. physique. À eut De dé Sie Mode NOR RME | CRC Ce PRE Re Hectares. Ancienne Tourbe | Argile et| Bonne 1. Manea et Welney. . : 60 L nel 3500 Ouse. légère. | gravier. fertile, : Counter F Tourbe | Gault et Très 2. Sutton et Mepal. . . 1 80 lac ai 4200 id. épaisse. | gravier. | fertile. 3. March. — 1er district ATEN | | on Binnamoor . . 1 30 Nen. 1200 Nen. el Argile. id, —4edistrict, ou West 3 en 2 el TeM: 40 IS Nen. £l 4000 PR EE } id. id. Le drainage artificiel est peu pratiqué ; il est considéré comme inutile dans la plupart des terres. La loi de 1844 pour l’amélio- ralion du desséchement et de la navigation du centre Level a per- LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 195 mis, grâce aux travaux dont nous avons rendu compte, de créer un : nouvel émissaire plus au nord, dans le Wash, et d’abaisser le niveau de l’Ouse ; ces travaux ont mis fin à l'épuisement des plus grands districts par les moulins à vent et les machines, en procurant au plan d’eau général un écoulement naturel jusqu’en aval de Lynn. Le sol est constitué, en plus grande partie, par de la tourbe re- posant sur de l’argile bleue. Dans les terres hautes, depuis Whit- ilesey, on retrouve de l'argile compacte qui, alternant avec le gra- vier, s’étend par March jusqu'à Chatteris; on y cultive des turneps et de la navette, puis de l’avoine ; le blé vient pendant deux années consécutives, avec une récolte intercalaire de haricots. Sur cette partie argileuse du Level, le drainage tubulaire a été appliqué en grand. Dans les terres basses, l’argile se rencontre sur bien des points à 0%,60 ou 0,80 de profondeur, parfois à une profondeur de 2",50. Les charrues sous-soleuses sont fort employées pour défoncer le turf tourbeux et ramener l'argile en morceaux (clunch) qui se déli- tent à l’air par la gelée et décuplent la valeur des terrains par leur mélange intime. Le froment est la principale récolte des terres noires, amen- dées par l'argile ; il alterne avec des fèves, du trèfle, du ray-grass, la navette et les turneps. Dans la commune de March, comprenant 5 600 hectares de Fens, et dans Chalteris Fen (4000 hectares), l’assolement le plus ordinaire est le suivant : 1° navette ; 2° avoine ; 3° blé ; 4° fourrage ; 5° blé. Onse sert, comme engrais, de tourteaux et de poudre d’os ; la moutarde est enfouie en vert. Le Holme Fen (2000 hectares), près de Whittlesey Mere, jadis un marais, a été transformé par l'argile en un terrain à blé de pre- mière qualité. Middlemoor Fen (1 000 hectares), dans le voisinage immédiat de Holme Fen, qu’Arthur Young présentait au commencement de ce siècle comme «un désert marécageux », après avoir élé amendé nombre de fois par l'argile, est aujourd'hui en pleine culture de céréales, el d’une rare fertilité. Whilllesey Mere, jadis un étang poissonneux, le rendez-vous des excursionnistes, a été desséché en grande partie; de même que Hate, 196 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Ramsey Mere (296 hectares) et Ugg Mere. Ces trois étangs sont couverts d'exploitations de premier ordre. Les moulins qui épuisent encore les eaux de quelques propriétés particulières sont desservis par des usiniers qui ne reçoivent pen- dant l’été que la rémunération afférente aux journées de travail effectif; mais en hiver, ils épuisent tant que le vent le permet, et ils sont payés régulièrement à la semaine. Sauf dans les saisons très humides, le centre Level est suffisamment desséché par les machines à vapeur des grands districts et les moulins des particuliers. f) Le nord Level. Le nord Level, y compris Porsand, occupe un territoire de 19000 hectares environ, que limitent les digues du canal More- tons Leam et le Welland. Sur cette surface, 15 000 hectares seu- lement paient la redevance du desséchement. Les communaux sui- vants : Great Borough Fen (2 000 hectares desséchés et enclôturés en vertu d’une loi spéciale de Georges I), Flag Fen et Sulton- Saint-Edmund Fen (ensemble 1 500 hectares), ne sont pas soumis à la taxe. Les terres frappées d'impôt se partagent en cinq districts dont les eaux sont dérivées par le Old et le New South Eau, à Clow’s Cross, et dirigées de Clow’s Cross, par le canal nord Level, dans la rivière Nen, jusqu’à l’écluse Gunthorpe, en aval de Wisbeach. Si l'entente avait pu se produire en temps ulle entre les nombreux intéressés de la région, le canal nord Level, dont la dépense représente deux millions et demi de francs, aurait pu être remplacé par la canalisa- tion, depuis Peterborough, de la Nen qui coule parallèlement à une hauteur de 2,50 à 2",75 au-dessus du niveau des eaux du canal. Quoi qu’il en soit, le nord Level s’est rendu absolument indépendant de la Nen, en amont de Wisbeach, pour le desséchement. Le drainage des terres y est complet. Jusqu'à ce que ce résultat eut été obtenu, la pratique de l’écobuage, importée de France vers le milieu du xvn° siècle par les réfugiés protestants que les ingé- nieurs hollandais avaient amenés avec eux, n’avail pas peu contribué à améliorer le sol du nord Level. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 197 A l'exception des terres argilo-sableuses de Thorley et des allu- vions de Porsand, le sol du nord Level consiste principalement en tourbe, sur une épaisseur qui varie de 0,30 à 0",45. On l'amende partout avec de l’argile, depuis que l’écobuage a cessé. L’assolement est le même que dans les deux autres districts. Sur le territoire de Thorney Lordship (7 000 hectares), le drainage par Luyaux à donné d’excellents résultats, en permettant de rendre à la culture arable de grands espaces consacrés jusqu'alors aux pâtu- rages el d'utiliser les fossés. D'ailleurs, sous le rapport du drainage et des procédés d'exploitation, le nord Level occupe le premier rang. 2. — Régularisation et assainissement de la Nen. C’est seulement après que les travaux du chenal de la Nen à la mer eurent été achevés, le pont Sutton Bridge ayant été supprimé, que les propriétaires de la vallée en amont de Peterborough com- mencèrent à s’agiter pour obtenir l'amélioration du desséchement des terres riveraines et la régularisation de la rivière en aval. Comme il ne pouvait plus compter sur le nord Level qui s'était rendu indépendant, le comité des propriétaires, y compris le comte Fitz William, Lord Overstone, Lord Lilford, duc de Bucclengh, mar- quis de Northamplon, etc., se retourna vers la ville de Wisbeach, intéressée à l'amélioration de la navigation et du drainage de ses communaux, vers les districts de Waldersey et Redmore (2 800 hec- (ares), intéressés à la suppression des machines d’épuisement, enfin, vers les propriétaires du Moreton’s Wash (1 500 hectares), soumis aux inondations périodiques de la rivière, entre Peterborough et Guybirn, pour lâcher d’obtenir leur concours pécuniaire, en vue de la réalisation du projet de l'ingénieur Rendel. Après une série de meelings tenus jusqu’en 1851, sous la présidence du duc de Bed- ford, et une enquête préliminaire de l’Amirauté, le comité obtint du Parlement qu’une commission spéciale füt désignée pour l’amélio- ration de la Nen et de sa navigation (Nen Valley Act, 1852)". L'importance de la loi de 1852, la gravité des conflits soulevés. 1. À. Clarke. On trunk drainage (Journ. Roy. Agric. Soc., 1831, vol. XV). 198 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. par son application, et le grand intérêt des travaux confiés à la commission de la Nen, ne peuvent être saisis qu’en entrant dans les détails de cette vaste entreprise, désignée par les Anglais sous le nom de Trunk drainage, ou drainage artériel. La rivière Nen a deux sources : l’une au nord et l’autre au sud de Daventry, qui se rejoignent à Weedon Beck et, 12 kilomètres plus loin, traversent Northampton. Depuis cette ville où elle devient navigable, la Nen est à une distance de 96 kilomètres en ligne droite de la baie du Wash; mais à cause des sinuosités de son chenal, elle est effectivement éloignée de 160 kilomètres de la mer. Jusqu’à Peterborough, elle coule d’abord dans une direction nord-est vers Higham Ferrars ; puis, passé Thrapstone et Oundle, elle se dirige vers le nord à Wanford ; de là vers l’est, à Peterborough, après avoir reçu à Wellingborough les eaux de lIse et, plus en aval, celles des ruisseaux Harper et Willow, sans compter nombre de petits ruisseaux peu importants. Sauf deux courbes décrites par le chenal à Guyhirn et à Wis- beach, la Nen, dont les circuits en aval étaient mulliples, gagne la mer en ligne droite sur 48 kilomètres ; la dérivation de 9 kilomètres, en aval de Sutton Bridge, lui sert d’émissaire. Le bassin supérieur de la Nen, jusqu’à Peterborough, embrasse 165 000 hectares, dont 6 500 étaient périodiquement submergés avant l’exécution des travaux. La pente réduite à 0",56 par kilo- mètre, à Peterborough, c’est-à-dire à une distance de plus de 90 ki- lomètres de la mer, abaissait tellement le plan d’eau que les marées de vives eaux montaient à l'embouchure de 1",50 plus haut qu’à l’étiage, dans Peterborough ; mais à partir de cette ville où affluent les eaux à volume variable de la vallée supérieure jusqu’à l'em- bouchure, la différence de niveau entre l’étiage et la laisse des mortes eaux n’était que de 0,11 par kilomètre. La pente qui en résultait était très irrégulièrement répartie ; toutefois, en enlevant les obstacles sur le parcours, et notamment dans la traversée de la ville de Wisbeach, elle pouvait être ramenée normalement à 0",06 par kilomètre, ce qui eut abaissé le niveau, au pont de Wisbeach, de 1,72; à Guyhirn, de 2",94; et à Northey Gravel (9 kilomètres en aval de Peterborough), de 3",25. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 199 Dans ces conditions, rien ne pouvait être tenté pour l’améliora- tion de la vallée supérieure de la Nen, avant d’avoir rectifié et amé- lioré le cours en aval de Peterborough. Aussi le programme des travaux visés par la loi de 1852 comportait-il, en premier lieu, l’approfondissement de 0",60 de la rivière jusqu’à Wisbeach, pour assurer au hit une déclivité régulière de 0",11 par kilomètre ; en second lieu, l’agrandissement de la section transversale, de façon à donner 10 mètres de largeur au radier, avec des berges de 2 sur 1 et une banquette de 12 mètres entre le bord de la berge à l’étiage et la digue surélevée ; en troisième lieu, la construction d’un nou- veau pont à l’écluse de Dog Doublet, située entre Guyhirn et Peter- borough ; en quatrième lieu, l'endiguement sur la rive méridionale du terrain des Washes (1450 hectares), réservé par Vermuyden comme lit d'inondation; enfin, l’appropriation du canal Morelon’s Leum au desséchement de ces Washes par une écluse à établir près de Guyhirn. Pour l'exécution du programme, dont l’ensemble comprend trois sections : la première et la seconde entre Peterborough et Nor- thampton, et la troisième, entre Peterborough et Wisbeach, la loi autorisait la perception d’une laxe de 95 fr. par hectare, et pour l'aménagement des canaux intérieurs, d’une taxe additionnelle de DIE. Le programme s’est complété depuis, par la construction d’une galerie voütée, destinée à conduire les eaux de rivière en amont, à travers la nouvelle digue, pour les besoins des Washes dont le desséchement était décidé. Le Level du nord et celui du midi, de chaque côté de la Nen, dérivaient en effet des quantités d’eau im- portantes, en été, pour l’abreuvage des bestiaux et l'irrigation des terres. La question des eaux douces acquérait dès lors une certaine gravité, par le fait que les travaux de régularisation, en facilitant le reflux de la marée à Peterborough, pouvaient rendre saumâtres les eaux jusqu'alors douces. Le rapport de l'ingénieur Stephenson, daté de 1848, avait démontré, il est vrai, que l’effet des marées, par le creusement du chenal, se manifesterait sur le niveau des eaux et non pas sur les eaux mêmes. Sir John Rennie avait, de son côté, constaté qu’à la distance de 28 kilomètres en amont du pont de 200 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Lynn, l'eau conduite par un aqueduc à travers la digue, pour les besoins du bétail des Fens, était parfaitement douce. Or, les prises d’eau sur la Nen étaient de quelques kilomètres encore plus éloi- gnées de la mer que dans le cas de l’aqueduc de Lynn. Mais, c’est dans la ville de Wisbeach que se trouvaient les résistances les plus sérieuses pour assurer le service indispensable de l’eau douce; et c’est pour les surmonter qu’il fut résolu de creuser et d'agrandir le chenal tortueux, dans la traversée de la ville, plutôt que de dériver la rivière par un raccourci, longeant un des côtés de la ville. La municipalité de Wisbeach s'était d’ailleurs fortement opposée au raccourci qui l’eût privée des bénéfices du port. Il fut donc décidé d'enlever le pont en pierre dans l’intérieur de la ville, et de le rem- placer par une seule arche de 26 mètres de portée, moyennant une dépense de 200 000 fr., de démolir les maisons en avancement sur le coude de la rivière, d'élargir le chenal en reculant les magasins, les berges et les appareils de navigation, d'approfondir le seuil en enlsvant les matériaux et les pierres amoncelés pour attemdre le lit mobile, et de construire des quais sur pilotis. La municipalité de Wisbeach, moyennant la perception d’une taxe de 0 fr. 05 c. par tonne sur la navigation, accepta de verser la somme nécessaire d’un million de francs qu’exigeait lexécution de ces travaux. Deux. districts furent appelés à bénéficier immédiatement des améliorations de Wisbeach. Le district Great and Lille Waldersea qu’administrait une com- mission, fondée sous les règnes de Jacques I‘ et de Georges IV, avait recours, pour le desséchement de 2 000 hectares, à une ma- chine à vapeur dont la pompe élevait 63 mètres cubes d’eau par minute, à une hauteur variant entre 2",45 et 4",80, selon le niveau de la marée dans la Nen, moyennant une dépense annuelle de com- bustible et d'entretien de 7 500 fr. Par suite de la régularisation de Wisbeach, le district de Waldersea possédait désormais une chute naturelle de 1°,27 le dispensant de tout service de machine d’épui- sement; les commissaires acceplèrent en conséquence de contribuer pour un montant de 137 000 fr. à la dépense totale. Le district de Redmore (730 hectares), desséché à deux niveaux par des moulins à vent, à raison d’une taxe de 10 fr. par hectare, LES DESSÉCHEMNENTS EN ANGLETERRE. 201 payée aux commissaires de drainage, se trouvant dès lors à un ni- veau de un mètre plus élevé que le Waldersea, par rapport au plan d’eau de la Nen, les commissaires consentirent, en faveur du dessé- chement par gravilalion, à verser une taxe de 1 fr. 50 c. par hectare, pendant la période des travaux, et subséquemment, de 6 fr. 20 c. De Peterborough à Wisbeach (3° section). — Le devis du pro- gramme des travaux de la troisième section, Peterborough à Wis- beach, avait été chiffré comme dépenses (travaux, terrains, bâli- ments et moitié des frais pour la loi du Parlement), à 3 750 000 fr., et comme contributions à 1 818 300 fr., réparties de la manière suivante : Contributhontdetaivillerdenmisheach em UT 1 000 000 fr. Contribution de la ville de Peterborough , . . . . . . . . . . 25 000 Contributiontdumord Lever SAONE ENORME 112 500 Contribution de la vallée supérieure de la Nen, à raison de 3 fr. par hectare, pour 6 509 hectares, capitalisée à . . . . . . . . . »05 800 Contribution de Ja commission du Bedford Level. . . . . . , . 37 500 Contribution du district de Waldersea . . . . . . . . . . . : 137 500 HD MAPS ET eat 1 818 300 fr. Pour comprendre quelles difficultés il fallut vaincre, avant d’apai- ser les conflits soulevés par les diverses juridictions et d’établir l'assiette des contributions à verser par les divers intéressés, il suf- fira de rappeler que, pour faire rejeter le Bill du Nen Valley drai- nage, 24 pétitions furent présentées et défendues avec le plus grand acharnement devant la Chambre des Communes, et 9 devant la Chambre des Lords. La ville de Wisbeach refusait non seulement de participer aux dépenses pour la somme de 1 250 000 fr. à laquelle elle était taxée, mais encore de laisser exécuter aucuns travaux de nature à modifier la navigation et le commerce sur la rivière. C’est seulement sur les injonctions de l’Amirauté, la menaçant d’une dépense de 50 000 fr. par an pour l'entretien de la Nen, et sur la déclaration des ingé- nieurs fixant à 1 750 000 fr. les dépenses de rectification, que la ville finit par souscrire un million. La commission du Bedford Level repoussait toute ingérence des 202 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. commissaires de la Nen Valley placée dans sa juridiction, et refu- sait toute participation aux dépenses; mais elle dut céder à son tour, en raison des avantages qu’elle retirait de la digue du canal More- ton’s Leam longeant les Washes et protégeant son périmètre. La commission du nord Level et le duc de Bedford, rejetant toute contribution, n’admirent pas que la surveillance de la digue limite leur füt enlevée. [ls exigèrent des clauses assurant le service de l’eau douce et la navigation par voie d’une écluse, jusqu’à Thor- ney. Les derniers points furent concédés, mais ils n’en furent pas moins tenus de verser leur quote-part pour les travaux de consoli- dation de la digue des Washes, et pour les autres avantages dont ils profitaient. Les districts de Waldersea et Redmore durent retirer leurs plaintes fondées sur les sacrifices qu'ils avaient déjà faits pour l’établisse- ment de machines à vapeur et de canaux, créant un passif de plus d’un million et demi de francs. Les commissions de drainage de Wisbeach Hundred et d’autres districts, n'ayant plus à entretenir de digues, consentirent à ne payer la redevance annuelle, sur base d’une moyenne des huit dernières années, que pour une partie de leur périmètre; tandis que les arma- teurs de Sutton Bridge et de Wisbeach, les conservateurs du canal de Wisbeach, des routes à péage, etc., réclamèrent contre toute taxe nouvelle sur la navigation et sur la circulation routière. Les compagnies de chemins de fer intervinrent à leur tour pour exiger des compensations, à cause du changement de direction et d'emplacement des ponts, sous le rapport des embarcadères à quai. Les commissaires du centre Level, d'accord avec ceux de la navi- gation de la rivière Nen, plaidèrent enfin pour obtenir le droit de dériver de l’eau douce, tout en maintenant la navigation à travers l’écluse Standground, en aval de Peterborough, sans payer aucune indemnité, et ainsi de suite, pour beaucoup d’autres protestataires. Northampton à Peterborough (1"° el 2° sections). — Le programme des travaux à exécuter dans la vallée supérieure de la Nen devait soulever une foule de contestations non moins graves, au sujet des droits de navigation et des riverains, meuniers ou agriculteurs, qui LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERNE. 203 invoquaient le bienfait des sabmersions fertilisantes; nous ne nous y arrêterons pas. Les travaux finalement inscrits dans la loi, pour être exécutés en totalité, ou en partie, mais seulement après l’achève- ment de ceux de la troisième division (Peterborough à Wisbeach), c’est-à-dire après l’année 1859, comprenaient la régularisation de la rivière et le desséchement de 6 500 hectares le long des rives. Leur compte est donné ci-après : Passif. # Actif, r. Devis des travaux. . . . . 2044850 Taxe de {5 fr. 40 c. par hec- Fr. TETTANSE Are 800 000 tare sur 6 550 hectares . . 101 870 Frais de l'Acé du Palemene Contribution annuelle de la ville bin 125 000 de Northamplon . . . . . 1 000 Navigation en amont. . . . 100 000 Droits de navigation à raison de Navigation en aval. . . . . 50 000 2 fr. 50 c. par an sur 25 000 3 119 850 tonnes . 62 500 164 870 Intérêt annuel à 4 p. 100. 124 794 on, A retrancher intérêt annuel. 124 794 Reste annuellement, . 40 076 Compte général. — Y est intéressant de mettre en regard du compte des dépenses et des contributions, pour les travaux à exé- cuter dans les trois districts, les ressources annuelles sur lesquelles pouvait compter la commission du Nen Valley drainage. Ces res- sources élaient les suivantes : Droits de O fr. 05 c. sur 170 000 tonnes au port de Wisbeach . . . . 8 00 fr. Droit de 10 fr. sur 1 510 hectares de terre des Washes, soumis au des- sèchement: 22:07 TR SO UE PTE RESTO 0 Droit sur les prairies à deb PT RE M ET do er D pr ASE 200 Péage au pont Dog-in-a-Doublet . . . . . SL Che NE 5 000 Droits de navigation sur 40 000 tonnes à 0 fr. 65 (OA ET ER Eee 26 000 Augmentation de 50 p. 100 sur la navigation. , . . 12 500 Taxe de 7 fr. 70 c. par hectare sur 688 hectares du district de Rédintte, 5 300 Foret droirdmnAurersur les dignes... 7 LS Pere 5 000 Forfait pour l'entretien des digues nord et sud, . . . . . . . . . . 18 500 OP et Mets 2 a oc [19 090 À déduire : Intérêt à 4 p. 100 sur la différence de 1 931 700 fr. entre les dépenses etrlesérecetles duntroisième dISMICL EME ais EN SIM EE 77 268 Reste pour amortissement, entretien, frais divers, etc. . 41 782 204 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. La dépense totale étant prévue à 6 875 000 fr. el la recette an- nuelle à 350 000 fr., le revenu eüt été légèrement supérieur à 9 p. 100 : mais déjà les travaux n’ayant pas été achevés l’année précédente dans la vallée supérieure, comme l’exigeait Ja loi, les commissaires durent solliciter du Parlement, en 1861, un nouveau Bill pour augmenter de 2 millions de francs le capital nécessaire, la ville de Wisbeach consentant à augmenter sa quote-part de 625 000 fr. Le principe même sur lequel le Parlement a basé le choix des commissaires esl une garantie que les intérêts pécuniaires sont sau- vegardés, dans les commissions, par des hommes compétents. La loi de la Nen a commencé par désigner 37 membres, divisés en trois groupes ; mais aussitôt que les terres sujettes à impôt ont été dési- gnées et vérifiées comme quotité, tout propriétaire de 20 hectares taxés à été de droit membre de la commission, ou a pu déléguer un commissaire. Tout propriétaire de 80 hectares a pu en nommer deux, dont lui-même était l’un. En cas de vacance, les propriétaires convoqués en assemblée générale (chaque titulaire de 5 hectares ayant droit à une voix, jusqu’à concurrence de 5 voix) ont eu à dési- gner un commissaire, propriétaire d'au moins 9 hectares. Outre les représentants des intérêts fonciers et agricoles”, la municipalité de Wisbeach a le droit d’élire 4 commissaires ; la commission du Bed- ford Level, 2 ; la commission du nord Level, 2; les commissions de Waldersea et de Wisbeach Hundred, chacune 2; les municipalités de Northampton et de Peterborough, chacune 1, et ainsi de suite. Chaque intéressé a voix au chapitre, non seulement pour l’exécution de la loi et la répartition des dépenses, mais encore pour la fixation des taxes. 1. Les terres comprises dans la spécification du Nen Valley act sont les suivantes : HECTARES. Prairies le long de la rivière entre Peterborough et les au delà de Northampton (vallée supérieure). . . . 12162090 Wash lands (lit d'inondation entre Peterborough ct Guyhir n)PUL 510 Distr'et:déWaldersoa Pers LOL PONS EURE Districtide RedmOre M ANA CPC EN RPRE 688 Total: SP ESRER E STONSE LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 205 3. — Desséchement des Fens en dehors du Great Level. La description des Fens du Cambridge serait incomplète si nous omettions de signaler ceux qui se drainent en dehors du Great Level de Bedford, à savoir : les Fens Downham, Bardolph, Magdalen et Marshland avec ses annexes. Le Downham Fen, d'une contenance de 650 hectares, est desséché en vertu d’une loi spéciale de 1802. Ce sont des moulins à vent, sur la digue de Well-Creek, qui déversent les eaux, par l’écluse Salters lode, dans l’Ouse. Le remplacement des moulins par uné machine à vapeur a été tenté,-mais les frais d’épuisement étaient trop élevés, en raison de la faible surface à dessécher. L’inconvénient des moteurs à vent, c’est l’inondation inévitable dans les saisons pluvieuses, car les moulins restent alors inactifs, faute de vent. On cultive dans ce Fen du blé et de l’avoine, et l’on fume le sol avec des tourteaux, des os et des coquilles. Le Bardolph Fen, situé au nord du Fen précédent (2 120 hec- tares), est également asséché par deux moulins déversant les eaux dans l’Ouse, entre Downham et Stow Bridge. Le sol est formé, sur une épaisseur de 1",50, de mousses tourbeuses que l’on a amendées par l'argile et que l’on cultive sans jachères vertes, en navette, en avoine et en blé sur blé, à l’aide d'engrais abondants. Le Magdalen Fen, au nord-est du Bardolph Fen, couvre environ 1 600 hectares du Marshland. Depuis 1833, le desséchement de ce Fen, amélioré par l'emploi d’une machine à vapeur de 40 chevaux, a modifié absolument les conditions de la culture. Le sol, composé de tourbe noire reposant sur des lits d'argile et de gravier, a été drainé assez profondément pour rendre le sous-solage praticable ; ce qui fait regretter la tourbe jadis consommée par l’écobuage, l’ar- gile étant devenue prédominante dans les terrains écobués. L’assolement comprend 7 rotations : 1° navette ; 2° avoine ; 3° blé ; 4° fourrages, dont moitié est fauchée et le regain est pâturé; 5° blé, moitié du fourrage étant pâturé la même année ; 6° fèves ; 7° blé. La poudre d’os, à raison de 10 hectolitres par hectare, additionnée de cendres et de guano, est la fumure ordinaire ; le bétail reçoit des 206 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. tourteaux en hiver. Il n’est pas rare, dans les terres bien fumées, de récolter 45 et 47 hectolitres de froment par hectare. Le Marshland Fen, placé à l’ouest du précédent, s'étend vers Outwell ; il est séparé du Bardolph Fen, au midi, par l’ancien canal Podike. Desséché en vertu d’une loi spéciale de Georges IT, ce dis- trict se répartit entre 11 communes. Il y a quatre-vingts ans, l’épui- sement des 2 900 hectares s’effectuait à l’aide de quatre moulins puissants ; après le desséchement général, il n’en exigea plus que deux, déversant les eaux dans le canal Smeath and Fen, et de là, par l’écluse du Marshland, en amont dans la coupure Eau Brink Cut. Sans l’opposition des propriétaires communaux, les travaux du centre Level, comprenant ceux de l’émissaire en aval de Lynn, au- raient permis de dessécher ce Fen par gravitation d’une manière complète. Le sol formé de tourbe noire sur une grande épaisseur, s’est con- densé au point que l’on peut atteindre par le sous-solage la couche d'argile, qui se trouve de 0,20 jusqu’à 0",40 en profondeur. L’as- solement y est le même que celui des bonnes terres de marais ; les turneps remplacent la navette avec avantage. Wellmoor Fen, à Outwell; Broad and Short Fens, tous deux limitrophes du Marshland, ont été compris aussi dans le desséche- ment de ce dernier, aux termes de la loi de Georges IIT (3° année). 4. — Desséchement des Fens du Lincolnshire. A l’exception du pays de Gedney et des autres communes limi- trophes, situées au nord du collecteur Sud-Holland, qui le draine directement, sur une longueur de 12 kilomètres, dans le canal Lut- lon leam, et du Porsand Fen, dont le desséchement, dépend de la commission du nord Level (Cambridge), tous les Fens du Lincoln sont administrés, au point de vue du desséchement par des auto- rités spéciales, classées en districts, ayant sous leur juridiction les deux rivières qui servent d’artères principales: le Welland, avec son affluent le Glen, et le Witham. Le vaste district des Fens et des Marshes du Lincoln, indépendant du territoire du Great Level de Bedford, est compris entre les villes LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 207 de Lincoln, Wainfleet, Deeping et l'estuaire de la Nen. Il mesure 38 kilomètres dans sa plus grande largeur, entre Bourn et la côte, à Long Sutton, et 19 kilomètres dans sa plus petite largeur, entre Helpringham au pied des Wolds et Foss Dyke Wash. Sa contenance est évaluée à 145 000 hectares, pour une longueur de 56 kilomètres environ, du nord au sud. Sur plus de 40 000 hectares, le sol est formé de tourbe. Les deux rivières Welland et Witham, comme nous l'avons fait déjà remarquer, débouchent dans le Wash à quelques kilomètres de distance, au milieu des sables du littoral, et déversent, pour ainsi dire au même point, les eaux d’un bassin qui couvre 330 000 hec- ares. Laissant de côté les Marshes pour les examiner avec ceux du Cambridge, nous décrirons successivement les Fens du Lincoln. Deeping Fen. — Le territoire placé au sud-ouest du comté, entre Spalding et Deeping, bordé au midi et à l’est par la rivière Welland, au nord par l’affluent Glen et par le district Sud-Holland, comprend 10 000 hectares environ ; c’est le Deeping Fen qu’une compagnie d'entrepreneurs (adventurers), sous le règne de Charles If, obtint de dessécher, aux conditions fixées par une charte spéciale datée de 1661. Les travaux de la compagnie eurent pour objet l’élar- oissement et l’approfondissement de la section du Welland, depuis Waldram Hall jusqu’à l'embouchure ; la construction d’un canal, le Staker Drain, sur une largeur de 6 mètres, pour dégager la rivière Glen, et de deux autres canaux, Hills Drain et Vernall's Drain, devant servir de collecteurs pour les eaux de desséchement ; enfin, l’achèvement du canal Exeler Drain, à partir de Cowbit Tunnel jus- qu'à la mer, et l'établissement d’une grande écluse sur le Welland, près de Spalding. A la suite de ces travaux, le Fen asséché put être mis en culture ; mais les troubles politiques survinrent, les paysans se révoltèrent, détruisirent ou abandonnèrent les digues, de façon que le territoire, malgré les moulins à vent construits pour épuiser les eaux, fut de nouveau submergé pendant l'hiver. En 1801, une loi spéciale (Zaclosure Act) autorisa les communes 208 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. de Spalding, Deeping, Pinchbeck, etc., à reprendre le desséchement du Fen, avec faculté de l’enclôturer et de le lotir, en tant que les terrains appartenaient aux communes. Deux collecteurs, le nord et le sud Drove furent établis pour écouler les eaux de plus de 40 moulins, sans que les conditions générales du drainage se fussent sensiblement améliorées. C’est à peine si, en dehors des pâturages, par des printemps suffisamment secs, les fermiers pouvaient ense- mencer de l’avoine, de la fin d’avril à la fin de mai, et obtenir une récolte avant l'automne. En 1824-1825, une loi additionnelle autorisa les communes à substituer aux moulins à vent des machines à vapeur qui furent installées à Pode Hole, à 3 kilomètres de Spalding. Malgré l'introduction des machines à Pode Hole, les collecteurs n'étant pas assez profonds, les moulins continuërent à fonctionner jusqu’en 1851, quand il fut résolu d'approfondir les canaux de 0,60 et d'ouvrir un nouveau canal à l’ouest du Fen. Dès lors, les deux machines à vapeur ont suffi pour maintenir l’épuisement des 10000 hectares, à savoir : HECTARES. Adventurers lands (terres des entrepreneurs). . . . . . À 000 Freelonds:(Lerreselibres) ARS TEE EEE ER 2 000 Common lands (terres commnnales) . . , . . . . . . . 4 000 LORIE ut eu niet ann AE UNS EE 10 000 Les eaux de cette surface sont rejetées dans le Vernatts Drain qui débouche dans la rivière Welland, et 11 kilomètres plus loin, dans le réservoir éclusé de Spalding. Une des conséquences du des- séchement a élé d’abaisser le niveau général de Deeping Fen de 0",60 environ; ce qui a permis de drainer le sous-sol à 0",40 plus bas qu’on n'aurait pu l’espérer, pour le plus grand bien des cul- tures. Le sol de Deeping Fen est formé principalement de tourbe, mais la consistance de cette tourbe et sa fertilité varient suivant que le gravier ou les argiles bleue et rouge du sous-sol ont été mélangés plus ou moins complètement avec la couche arable. Le long du Welland, les alluvions recouvrent la tourbe ; à l’ouest, la tourbe noire repose sur l'argile. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 209 L’assolement en cours comprend # ou à rotations, à savoir : 1° navettes, turneps, mangolds ou carottes ; % blé; 3°trèfle ou herbes ; 4 blé; 95° blé, mais plus souvent avoine. Le froment est remarquablement lourd et l’avoine est de bonne qualité. Les moutons à longue laine sont au parcage, puis engraissés avec de la navette. On donne des engrais aux céréales, sauf au blé qui suit la navette, après avoir reçu une fumure de poudre d'os, de cendres ou de superphosphate. Le drainage à l’aide de fossés et de tuyaux, à une profondeur de 0,75, a donné d’excellents résultats dans les terrains tourbeux dont la consistance a été accrue par la culture des céréales et des fourrages. Au sud de Spalding, les lits d'inondation du Welland, Crowland et Cowbit Washes, s'étendent sur une longueur de 8 kilomètres. Depuis que la rivière a été régularisée, ces réserves n’ont plus aucune ullité, mais elles fournissent un foin très fin et très re- cherché. Thurlby Fen. — Ce Fen de forme triangulaire est bordé au nord par Bourn Eau, canal de navigation qui Joint la rivière Glen à Tonnge-End, et à l’ouest par le Car Dyke, canal construit par les Romains pour recueillir les eaux des plateaux supérieurs entre Pe- terborough et un autre canal, le Foss Dyke. Le Car Dyke, sur tout son parcours, sépare les hautes terres de celles des Fens et des Marshes. Thurlby Fen, d’une contenance de 800 hectares, a été desséché à part, à l’aide d’un canal passant sous la rivière Glen, qui conduit les eaux dans le Counter Drain, parallèle à la rivière, et traverse Deeping Fen jusqu'aux machines de Pode Hole. Quoique le sol se trouve à un niveau inférieur à celui de Bourn Eau et du Glen, il est plus élevé que celui du Deeping Fen. Formé d’une couche très épaisse de tourbe noire, il n’a été réellement desséché que depuis l’achève- ment des travaux de l’embouchure du Welland, qui ont abaissé le plan d’eau général et spécialement celui du Vernatl's Drain. Pinchbeck Fens. — À l'ouest de Pode Hole, bordé par le Deeping Fen et la rivière Glen, le Pinchbeck Sud Fen, d'une contenance de ANN. SCIENCE AGRON, — 1893. — 1, 14 210 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 700 h2clares, est desséché par une machine à vapeur de 20 che- vaux, établie en 1830, qui rejette les eaux dans le Vernall's Drain. Depuis ce Fen, jusqu’à la jonction du Glen et du Welland, s’éten- dent le Spalding et Pinchbeck Fen, d’une contenance de 1 500 à 2 000 hectares. Quoique très rapproché de l’émissaire, ce territoire fut définitivement assaini après l'établissement d’une machine de 20 ch2vaux, qui relève les eaux du Blue Gout Drain, desservant le district, et les rejette dans la rivière Glen. Le sol, formé d’un loam assez mince, mais fertile, est très bien cultivé par les communes propriétaires ; le Spalding Fen possède notamment de magnifiques pâturages dans la direction du Foss Dyke. a) Moteurs et machines élévatoires. Les deux machines de Pode Hole ont été les premières établies dans le district des Fens ; elles méritent à cet égard quelques détails. L'une, de 80 chevaux-vapeur, et l’autre de 60, sont logées sous le même abri. La roue mue par la machine de 80 chevaux, de 8",50 de diamètre, avec palettes de 1",50 de largeur, devait plonger de 1,50 ; mais en raison du tassement du sol, elle plonge seulement de 0",85. L'eau est élevée à 2",15 de hauteur, à raison de 160 mè- tres cubes par minute. La roue mue par la machine de 60 chevaux a 9",15 de diamètre, 1,50 de largeur et plonge de 0",35 plus bas que la précédente, soit à 1,20, ce qui lui permet d'élever 140 mè- tres cubes par minute. L’élévation totale de 300 mètres cubes par minute représente une consommation de houille de 1 200 tonnes par an. La figure 1 indique, en coupe verticale, le système de roue hydraulique usité dans la plupart des Fens : À, roue de 10 mètres de diamètre, faisant 3 tours et demi par minute ; palettes de 1,52 de longueur et de largeur variable (0",50 à 1°,60) ; B, coursier en maçonnerie en arc de cercle ; G, pignon denté sur l'arbre de la ma- chine, engrenant avec une roue dentée latérale ; D, collecteur prin- cipal; profondeur 2",75. Le niveau d’eau est de 0",80 inférieur à celui du terrain, quand la roue plonge en plein, soit de 1",53, et il reste 0",30 de profondeur sous les palettes pour livrer passage aux herbes et autres détritus ; E, rivière ; l’eau dans la rivière est de LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 211 2*,43 plus élevée que dans le collecteur, soit à 1",53 au-dessus du niveau du sol ; F, digue ; G, vannes pour empêcher le refoulement des eaux de la rivière sur la roue, quand la machine est au repos. Fig. 1. — Roue d’épuisement (Fens du Lincoln). Les roues à palettes et les pompes ne sont pas les seuls engins employés dans les Fens pour l'épuisement des eaux par les machines à vapeur. On trouve également un certain nombre d’écopes du sys- tème Fairbairn, dont la figure 2 indique les détails. Fig. 2. — Ycope à vapeur, système Fairbairn (Fens du Lineoln). L’écope À tourne autour d’un tourillon B, placé sur la digue C du canal [, dans lequel doit être élevée l’eau du drain J. A son autre extrémité, l’écope est réunie en D à la bielle E du balancier F de la machine à vapeur, qui pivole en G sur un bâti de fondalon, H. Grâce 212 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. à son mouvement alternatif, ce balancier abaisse l’écope au-dessous du niveau de l’eau du drain, où elle se remplit par le clapet K, et la relève, pour lui faire déverser son contenu par le bec en B. La longueur donnée à la bielle permet, pour une même course du cylindre, de faire varier la profondeur à laquelle l’écope plonge dans le canal collecteur. L’écope Fairbairn de 7",62 de longueur sur 9°,15 de largeur est pourvue d’une cloison longitudinale qui donne de la résistance aux parois et un appui aux clapets. Établie en tôle de chaudière, la cloi- son la divise en deux parties égales. On à calculé que pour ‘élever 27 mètres cubes d’eau par coup de piston, avec une force de 60 che- vaux-vapeur, elle consomme 1,36 de houille par heure et par force de cheval”. Au fur et à mesure que des progrès ont été réalisés dans la cul- ture des Fens, les moteurs et les machines élévatoires se sont éga- lement perfectionnés. Les moulins à vent, mtroduits par les Hollandais et représentant un travail utile moyen de 60 jours dans l’année, ont élé remplacés peu à peu par les machines à vapeur. Les roues à palettes, aussi bien que les écopes, mues par les machines à vapeur, ont fait place aussi, peu à peu, aux pompes centrifuges. Ge n’est pas que, dans maints endroits, on n'aurait pu combiner très avantageusement le moulin à vent et la machine à vapeur pour diminuer le coût de cette dernière, et que, dans d’autres localités, on n’eût pas dù renoncer au moteur à vapeur, pour conserver les moulins à vent des derniers systèmes. C'était là une question de coût, de rendement utile et d'économie. La roue à palettes est la forme la plus simple que l’on puisse donner à une machine élévatoire ; très appropriée à de petits des- séchements, elle peut être mue indifféremment par le vent, par traction animale, par une locomobile ou par une machine fixe. Son défaut principal consiste en ce qu’elle ne peut s'adapter aux varia- ions de niveau qui sont la conséquence des crues, pas plus pour la prise que pour la décharge des eaux. Elle ne peut pas marcher au 1. A. Ronna, les Irrigalions, t. I, p. 680. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 213 delà d’une certaine vitesse, et si elle plonge trop, elle travaille mal. Enfin, elle est plus encombrante qu’une pompe et exige des fonda- tions plus coûteuses. Les deux machines à haute pression et à condensation, qui ont été installées pour le desséchement de East Fen (district n° 4 du Witham dont 1l est parlé plus loin), font mouvoir des pompes cen- trifuges du système Appold ; le cylindre a 2,15 de diamètre, et la course de piston 1°,52 de longueur. Ces pompes peuvent élever 700 mètres cubes d’eau par minute *. Pour une machine de 44 chevaux de force et une course de 3",35, une pompe de 1",01 de diamètre, avec 180 tours, accomplira le même travail qu’une roue à palettes de 12",20 de diamètre, avec une largeur de 0",45, tournant à 4 tours et demi. La différence n’est pas seulement dans les proportions relalives des deux appa- reils ; car la pompe centrifuge utilise complètement la puissance de la machine ; si la course décroît, le volume d’eau augmente, d’une manière automatique, sans modification sensible de vitesse et sans surveillance. De plus, elle maintient la surface desséchée avec moins de dépense de force et de combustible que la roue à palettes. D’autres pompes centrifuges à vapeur, notamment celles des sys- tèmes Gwynne et Easton, se sont substituées, dans les trente der- nières années, aux moulins à roues, partout où cela était écono- miquement possible. Les grandes pompes Easton, établies à Lode Bank, près de Boston, comme celles établies aux écluses de Zui- derzée, en Hollande, débitent 670 mètres cubes d’eau par minute à une hauteur de 2",70. Les pompes Gwynne se sont vulgarisées, depuis celles du diamètre de 0",90, qui élèvent 150 mètres cubes par minute à 3 mètres de hauteur, jusqu’à celles de 0",35 de dia- mètre, qui élèvent 16 mètres cubes à 2 mètres. L'économie des pompes à vapeur, par rapport aux moulins, est manifeste quand on compare la situation d’un desséchement de 4500 hectares, exigeant 30 moulins, outre le service de 30 à 40 hommes (au prix de 825 000 fr.), et celle du même desséchement opéré par 1. Wheeler, History of the Fens of Lancashire (Trans. Inst, civil Engineers, vol. XXXIII), et A. Ronna, les Irrigaltions, t. 1, p. 684. 214 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. # machines avec pompes centrifuges à vapeur (ayant coûté ensemble 250 000 fr.), desservies par 8 hommes, et assurant l’épuisement en tout temps, même dans le cas de hautes eaux exceptionnelles. La comparaison établie entre six districts des Fens, desséchés respectivement à l’aide de pompes et de roues, a montré que par unité de force, la surface desséchée par les pompes est de 1 000 à 1 298, tandis que par les roues, elle est de 600 à 830. On peut compter d’une manière générale sur une force de ? chevaux et demi à à chevaux trois quarts, pour le desséchement de 100 hectares de Fens ou de marais stagnants, à une profondeur de 3 mètres ‘. b) La rivière Witham. Black Sluice Level. — Le desséchement qui porte le nom de Black Sluice correspond comme importance au Great Level de Bedford. Il embrasse toutes les terres qui écoulent leurs eaux dans la rivière Witham, jusque dans la passe de Boston, par le canal principal South Forty foot Drain, et s'étend sur 32 kilomètres entre Bourn Eau au midi, le Car Dyke à l’ouest, Kyme Eau au nord et le Old Haminond Beck à l’est, qui draine le Holland Fen. Le canal South Forty foot reçoit les eaux de 26 000 hectares soumis à la taxe de desséchement, et d’un nombre à peu près égal d'hectares qui ne paient aucun impôt ; le Hammond Beck, dont la construction remonte à une très ancienne date, coule parallèlement au canal précédent ; il complète, avec le Risegale Eau, près de Gos- berton, et une foule de lodes ou drains dirigés vers l’est, le des- séchement des terres au midi. Dans les terres situées au nord, le Heckington Eau et le Gill Dyke se déversent dans le Witham, à l’écluse de Langerick, tandis que le Holland Dyke et le Skerth s’écoulent dans le Hammond Beck. Sous le règne de Charles [*", Robert, comte de Linsey, lord cham- bellan d'Angleterre, obtint la concession du desséchement de 14000 hectares compris entre la rivière Glen et Kyÿme Eau, moyennant l'abandon qui lui était fait, ainsi qu’à ses associés, de 10 000 hec- 1. Heathcote, Cambridge Press, 24 novembre 1877. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 219 tares. Le desséchement fut effectivement opéré et coûta 1150 000fr,; les terrains furent enclôturés et allotis aux colons dont le Lord fit construire les habitations, les bâtiments d'exploitation, et compter les avances pour le cheptel et le matériel. É Le canal principal établi en 1638 par le comte Linsey suivait à peu près le même tracé que le South Forly foot actuel. Trois années plus tard, le peuple s’étant mis en révolte, détruisit les canaux, les écluses et les levées ; les récoltes furent abandonnées, et le district ne tarda pas à se couvrir de marais. Le Linsey Level, aux mains des populations factieuses, avait subi le même sort que celui de Deeping Fen. Tant que le Witham ne fut pas rectifié, la triste situation du des- séchement se maintint, d'autant plus qu'un nouveau canal, North Forty foot, creusé en 1720 pour drainer le Holland Fen, avait dé- tourné, en amont de Boston, des volumes d’eau considérables, qui se déchargeaient auparavant à l’écluse de Langerick, et Le chenal de la rivière s’obstruait chaque jour davantage par les marées. C’est en 1762 que la première loi pour la régularisation du Wit- ham fut sanctionnée. Les travaux à exécuter, aux termes de cette loi, comprenaient : le creusement d’un nouveau chenal et la cons- truction d’une écluse maîtresse à Boston ; l'établissement d’un nou- veau chenal, ou coupure, entre ladite écluse et Anthony Gout, puis jusqu’à Langcrick Ferry et finalement jusqu’à Chapel Hill, sur une longueur de 18 kilomètres environ, permettant de rectifier 14 coudes successifs de la rivière; enfin, de Chapel Hill jusqu’à Lincoln, le curage, l’approfondissement et l’endiguement du Witham. La grande écluse de Boston, formée de 4 sas de 7",30 de largeur, dont trois pour l'écoulement des eaux de desséchement et un pour la navigation, fut inauguré: en 1766 ; les autres travaux furent achevés en 1788, au prix de 1 million et demi de francs, fournis par les taxes et les droits de navigation. Le Linsey Level avait bien été compris tout d’abord parmi les districts imposés, mais l’écluse Langerick ayant été détruite, l'amélioration promise par les travaux du Witham ne se réalisa pas, et il fallut obtenir une autre loi pour ce district. La loi de régularisation du Witham (Witham Act, 1762) visait le 216 _ ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. desséchement de 40 000 hectares, répartis en 6 districts, que nous décrivons dans l’ordre topographique. Sixième district. — Le Linsey Level, aussi bien que le Holland Fen et Helpringham, constituant le sixième district, furent contraints de construire un autre émissaire que le Syke et le Langcrick Gout. Us sollicitèrent en conséquence du Parlement une loi spéciale (1765), pour creuser un canal à grande section entre la rivière Glen et Boston, à travers le Holland Fen, avec une écluse indépendante, le Black Sluice, et améliorer les autres canaux. Le canal South Forty foot, construit conformément à cette loi, sur une longueur de 34 ki- lomètres, coupe à angle droit tous les canaux (Eaux et Lodes) qui descendent des terres supérieures, reçoit les eaux de drainage, éle- vées mécaniquement, des deux Fens Bourn et Dyke, d’une conte- nance de 1 800 hectares, et plus loin à l’est, les eaux de desséche- ment du Holland Fen, par le grand canal North Forty foot ; enfin, celles du New Hammond Beck, avant qu’elles débouchent par l’écluse Black Sluice, dans le Witham. En 1770, le canal South Forty foot établissait déjà une commu- nicalion directe entre le port de Boston, par l’écluse de Ja rivière Glen, et la ville de Bourn. En 1846, une loi spéciale autorisa l’approfondissement du même canal à 2,15, pour faciliter l'écoulement des eaux provenant des terres en dehors du district ; l’agrandissement de l’ancien canal Hammond Beck et la construction d’une écluse pour la décharge des eaux. Ces travaux, confiés à l’mgénieur Cubitt, ont permis d'achever, à la satisfaction générale, l’œuvre de desséchement du sixième district (Witham Act). Cette œuvre, à considérer les différences de niveau et le réseau inextricable de drains entrecroisés par les ruisseaux qui découlent des terrains supérieurs, était particulièrement difficile. Jusqu’à ces dernières années, de nombreux moulins à vent et quelques machines à vapeur étaient encore indispensables pour empêcher la submersion des niveaux les plus bas. C’est ainsi que les Fens Bourn et Dyke durent obtenir une loi en 1841, après un long litige avec les commissaires du Black Sluice LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. LS 17 Level, à l'effet d'installer une machine de 50 chevaux-vapeur pour élever les eaux de desséchement de 1 800 hectares jusqu’au niveau du canal South Forty foot. La machine, malgré l’affaissement du sol tourbeux, n’en rend pas moins un bon service en drainant le sous- sol plus profondément. Au nord de ces deux Fens el à l’ouest du canal, quatorze com- munes du haut plateau possèdent chacune leur Fen, qui se draine dans le canal; ce sont les Fens Moreton, Haconby, Dunsby, etc., jusqu’à Hale Fen. À l’est du canal, huit communes, Pinchbeck, Gos- berton, Surfleet, elc., jusques et y compris Bicker Fen et Swines- head Fen, rejettent les eaux de leurs Fens également dans le canal South Forly foot, avec l’aide de moulins à vent qui fonctionnent pendant la saison pluviale. Les Fens situés à l’ouest du district, aussi bien le Howell Fen et le Everby Fen dont les eaux se déversent dans le Car Dyke, que les Fens South Kyme et Heckinglon, situés entre le Car Dyke et le Hol- land Fen, sont le plus mal partagés au point de vue du desséche- ment, en dépit des moulins à vent dont ils disposent. La raison en est dans la confusion établie par un double système de canaux, dont les uns sont dirigés à l’est vers le Witham, et les autres vers le midi, dans le canal South Forty foot. Les tracés s’entrecoupant avec les ruisseaux venant des hautes terres et avec les canaux de districts moins importants, ne constituent certes pas un desséchement simple, quoique l’eau ne doive pas y être élevée à une grande hauteur (0,30 à 1,20). Malgré cette complication et les travaux spéciaux d’épuisement, mis à la charge de celte partie du district, toutes les terres, aussi loin que Little Hole Fen, paient la taxe fixée par hectare aux com- missaires du Witham; mais le desséchement laisse encore à désirer. Bourn Fen, Dyke Fen et Moreton Fen offrent un sol tourbeux, épais, qui se convertit vers le nord en un loam noir ; tandis que les Fens à l'est, Pinchbeck North, Surfleet, Donington, etc., présentent un sol mélangé d'argile et de tourbe, sur un sous-sol argileux compact. Cinquième district. — Le cinquième district du Witham Act oc- cupe le territoire entre Kyme Eau et Billinghay Dales à l'est, et 218 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. : les hautes terres de Anwick, Digby, etc., à l’ouest. A l’exception du petit espace d’un niveau plus élevé, situé entre South et North Kyme, le district entier est drainé mécaniquement ; à l’ouest et à l'est du Car Dyke, les Fens North et South Kyme, Anwick, Rus- kinglon, Donington, etc., rejettent leurs eaux de desséchement dans le cours d’eau Bullinghay Skerth qui coule au nord-est et débouche dans le Witham, près du pont à bac de Tattershall. Ce cours d’eau, transformé en colateur, reçoit également les eaux élevées par les moulins de Fens moins importants. Dans le Fen Anwick desséché et enclôturé en 1792, la tourbe forme une couche de plus d’un mètre d'épaisseur ; elle a été utile- ment amendée par l'argile. Les Fens North et South Kyme parti- cipent aux mêmes conditions de sol et de culture. L’écobuage pratiqué anciennement dans tout le district a con- tribué, par la diminution de l'épaisseur de la couche tourbeuse, à l'amendement du sol par l'argile. Dans l’assolement suivi, les tur- neps remplacent la navette comme jachère verte ; le froment rend couramment 30 hectolitres à l’hectare ; les prairies sont de bonne qualité et le plus souvent pâturées. Premier district. — Le premier district s'avance au nord vers Lin- coln, au-dessus de Billinghay et de Walcot; il est limité par le Car Dyke et les collines des wolds, ou hautes landes, à l’ouest, et par le Witham, à l’est. Sur une longueur de 29 kilomètres, il présente au midi une largeur de 5 kilomètres, près de Xyme Eau, et au nord, près de Lincoln, d’un kilomètre seulement. La contenance totale est de 10000 hectares. Une dizaine de communes riveraines du Witham, comprenant Billinghay, Walcot, Martin, Blankney, Metheringham, etc., jusqu'à Washingborough, se partagent les Fens de ce côté de la rivière. Billinghay Fen dont le promontoire séparait le premier district du cinquième, avant qu'il ne füt desséché et enclôturé en 1779, était couvert de grands lacs et d’étangs qui, à certaines époques de l’année, ne formaient qu’une immense nappe d’eau, agilée par les vagues. Les eaux très poissonneuses, les canards et les poules sau- vages, abrités parmi les roseaux, fournissaient un revenu impor- LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 219 (ant aux habitants des communes. Aussi, quand il fut question de dessécher le Fen, sans compensation pour les droits d’affouage, (le chasse et de pêche, le peuple s’ameuta et détruisit les premiers tr'a- vaux à peine exécutés. Pour donner satisfaction aux intérêts soi- disant lésés des communes, il fut résolu de réserver le long du cours d’eau, entre les digues, une zone libre pour les eaux d’inon- dation et de la répartir entre les intéressés. Les Dales où Washes, comme on les désigna, furent desséchés plus tard à l’aide de mou- lins à vent, et finalement de machines à vapeur, dont la force varie entre 20 et 40 chevaux. Les Dales les plus importants, ceux de Billinghay, écoulent leurs eaux, en même temps qu'une partie du North Kyme Fen écoule les siennes, à Dog Dyke, où une machine de 30 chevaux les élève pour les rejeter dans le Witham. L’établis- sement de cette machine date de 1841. Depuis lors, les quatorze moulins qui épuisaient les eaux des Fens, en amont de Billinghay, ont fait place à des machines. En vertu d’une loi de 1831 qui auto- risait les travaux d'amélioration pour le desséchement des Fens Nocton, Potler-Hanworth et Branston, une puissante machine a été installée sur la digue du Witham, Une autre machine dessèche les Fens depuis Branston jusqu’à Lincoln, à Heighington. Les Fens de Metheringham et Dunston sont épuisés par une machine de 95 che- vaux ; ceux de Marlin, Linwood et Blankney, par une machine de 30 chevaux ; enfin ceux de Timberland et Thorpe-Filney, par une machine de 30 chevaux, établie en 1839. Troisième district. — Le troisième district du Witham Act repré- sente les Fens de la vallée du Witham, sur la rive gauche, depuis la rivière Bain près de Tattershall jusqu'aux hauteurs de Willingham, près de Lincoln. Les terres basses du Æirkstead Fen sont desséchées à l’aide d’une machine de 30 chevaux, et celles de l’enclôture Stin- would, à Bardney, par une machine de 30 chevaux, qui porte les eaux à lrois mètres d’élévation dans le Witham. Plus au nord, au confluent du ruisseau Langworth et du Witham, une machine éta- blie en 1840 relève les eaux des communes de Stainfields, Barlings et Fiskerton, qui recouruient autrefois aux moulins à vent. En dehors de la vallée, un vaste territoire de landes tourbeuses, 220 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. traversé par la rivière Till, s'étend à l’ouest de la ville de Lincoln. Un premier canal de ceinture les protège contre les eaux en crue des plateaux de Doddington, etc., au sud-ouest, et un second, contre les hautes eaux venant de Burton et Carlton, au nord-est. Le desséche- ment naturel s’ohtient dès lors par deux canaux principaux embran- chés sur le Till et le Sock Dyke, coulant parallèlement au Witham, dans lequel ils débouchent par deux écluses, l’une à Barlings et l’autre à Kirkstead. Ces deux écluses faisaient obstacle à la navigation du Witham, ou à l'écoulement des eaux de desséchement, suivant leur mode de fonc- tionnement ; une loi de 1812 ordonna leur suppression et leur rem- placement par une seule éeluse à Horsley Deeps. En même temps, pour assurer la navigation du Witham, elle prescrivit la construc- tion d’un canal latéral (Sock Dyke), sur une longueur de 15 kilo- mètres, pour permettre l’écoulement continu des eaux de crue et des terrains supérieurs. Grâce à ces travaux, l’asséchement du troi- sième district au delà de Lincoln a été assuré. Une seule commune, celle de Shellingthorpe, a dû établir deux petiles machines à va- peur, à Decoy Farm, pour rejeter les eaux pendant les crues. Le sol des Fens du troisième district et de son annexe est formé de tourbe dont l'épaisseur varie entre 0",20 au midi et 1°,50 au nord, aux environs de Lincoln. Cette tourbe est entremêlée de mousses, de bruyères, de branchages, etc., et de lits peu épais de sable ; elle repose sur un sous-sol d’argile jaune, très compacte : on amende la couche arable à l’aide de l'argile que l’on extrait en tranchées et que l’on comble successivement. L’assolement est très variable ; il ramène deux fois le blé en six ans. L’engrais principal est de la poudre d’os. La culture, en raison des fumures_ peu abon- dantes et de la qualité inférieure de la tourbe, est en retard par rapport à celle des districts situés plus au midi. Deuxième district. — Holland Fen, d’une contenance de 8 900 hec- tares, constitue à lui seul le deuxième district visé par le Witham Act. Borné au nord-est par Kyme Eau ; à l’ouest par South Kyme Fenet Heckington Fen, au midi par le Hammond Beck qui le sépare des Fens appartenant aux communes Swineshead et Kirton Holme, à LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 221 l’est par Boston et le Witham, Holland Fen a été desséché et défini- tivement enclôturé en vertu du Black Sluice drainage Act de 1765. Le revenu foncier, avant l’enclôture, s'élevait à 78 000 fr. par an et, après le desséchement, à 632 000 fr. Le desséchement s'opère par voie naturelle, à l’aide des canaux North Forty foot, Clay Dyke, Hammond Beck, et de drains qui se déversent dans le South Forty foot. Sous Le règne de Charles [*", le Haut Huntre Fen, c’est ainsi qu'on désignait ce district, fut l’objet d’une tentative de desséchement. Le roi avait frappé à cet effet les communes de Braytoft, Swineshead, Wigtoft, Southerby, Alderchurch, Foss Dyke, Kirton, Frampton, Hole, Wiverton, Dock Dyke et Boston d’une taxe de 60 fr. par hec- tare ; mais comme aucune ne voulut payer, il se rendit lui-même entrepreneur, en s’adjugeant 3 000 hectares pour son compte per- sonnel. Quelques canaux furent alors construits, mais les événe- ments politiques arrêtèrent les travaux et le Fen se recouvrit d’eau pendant la saison des pluies, comme par le passé. Les plus récents travaux comprenant l'amélioration de l’ancien canal Hammond Beck, l'établissement d'une nouvelle écluse à l’'émissaire, avec approfondissement de 1%,50, et l'agrandissement du canal South Forly foot approfoudi (2",15) de façon à assurer la communication par steamer entre Boston et Guthram Gote, ont amélioré radicalement les conditions du desséchement de ce dis- trict. Le sol de Holland Fen est un loam léger ; le sous-sol est de l’ar- gile mélangée de gravier. L’assolement nl cinq rotations dans les meilleures terres, et quatre dans les terres inférieures. Le blé est la sole dominante. Le fumier de ferme, additionné de tour- teaux, constitue la principale fumure. Quatrième district. — A l’est du Witham, entre Boston et les hautes terres ou wolds, s'étend le quatrième district qui comprend les Fens Wildmore, West, East et le Wrangle Common. Wildmore et West Fens, d’une contenance de 16 000 hectares, sont limités au sud et au sud-ouest par le Witham canalisé, au nord- ouest par les wolds de Tattershall, Conigsby, Turnby, Maresham et 222 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Revesby, et à l’est par le East Fen, comprenant les terres des com- munes Stickford, Stickney et Sibsey. Ces deux Fens furent desséchés, lotis et mis en culture par des entrepreneurs, Anthony Gout en tête, qui avaient obtenu la conces- sion du roi Charles [*. La rivière Witham se trouvant souvent à un niveau supérieur à celui des terrains, et les écluses qui auraient pu laisser passer les eaux étant maintenues fermées pendant des semaines entières, on dut creuser un canal indépendant, pour con- duire les eaux en aval de Boston. Ce canal, construit par Anthony Gout, est le Maud-foster Drain. Les travaux principaux étaient à peine achevés que la populace, révoltée contre le roi et les concessionnaires, mil tout au pillage et tua un certain nombre de colons auxquels les ferres desséchées avaient été distribuées. | Pour expliquer ces actes de sauvagerie qui déshonorèrent la grande Rébellion, il y a lieu de rappeler que le roi, propriétaire de grandes surfaces dans les Fens, frappait les communes de taxes très élevées, par les commissaires de la Couronne, pour obtenir les fonds nécessaires à ses propres entreprises. Dans le cas du Wildmore Fen, les communes refusèrent de payer l'impôt, etles commissaires du roi traitèrent avec un Sir Anthony Thomas, à ses risques et périls, pour l'exécution des travaux. L’entrepreneur, dans le délai de quatre années, devait dessécher 18 000 hectares, de façon à ne laisser au plus que 1 200 hectares sous l’eau, moyennant la cession d’une part proportionnelle de terrains asséchés. Le contrat fut ponctuellement exéculé, sans aucun égard pour les droits des propriétaires du sol, et sans aucune compensation pour la privation infligée aux com- munes. Le roi et l'entrepreneur se partagèrent alors le pays. Aussi, en 1642, les paysans et les ayants droit des communes, ne pouvant recourir à aucuns moyens légaux ou constitutionnels, pour se faire rendre Justice, prirent-ils les armes, démolirent les écluses, ravagérent les terres des concessionnaires, pillèrent les récoltes et le matériel, renversèrent les bâtiments, et mirent à mort ceux qui fireat mine de résister. En réponse à une pétition adressée à la Chambre des Lords par les draineurs (sir À. Thomas et ses associés), une loi intervint en leur LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 223 faveur, motivée sur les avantages qui résultaient pour la couronne de terres louées annuellement à 50 et 40 fr., au lieu de 1 fr. par hectare, et ordonna le remboursement de 1 250 000 fr., montant de leurs dépenses. Maisles paysans etles propriétaires des cinquante-deux villes et villages, frustrés de leurs droits, protestèrent, au nom de 4000 familles, contre cette décision des Lords et en appelèrent à la Chambre des Communes. Ils exposèrent que grâce aux canaux, aux fossés, aux ponts et ouvrages d’art extcutés à leurs frais, ils avaient pu maintenir les Fens en étatets’v procurer leurs moyens d'existence ; qu'ils n'étaient pas la proie des mendiants ni des voleurs, comme le prétendaient les draineurs ; que si le Eust Fen était submergé, les Fens Wildmore et West rapportaient de 30 à 40 fr. par hectare annuellement, avant l’entreprise ; que le but de Sir A. Thomas avait été de spéculer sur l’acquisition des terres en s’appropriant les ca- naux, les écluses, ete., appartenant aux habitants, el en leur déro- bant une somme de 200 000 fr. par an, sous prétexte d'augmenter le revenu annuel de la cassette de Sa Majesté ; que les Fens étaient en plus mauvaise condition après le desséchement qu'auparavant ; qu'il n’y avait pas lieu d’indemniser des entrepreneurs qui, suivant leur propre aveu, reconnaissaient avoir encaissé 1 425 000 fr. pen- dant sept années de jouissance, c’est-à-dire, bien plus qu’ils n’accu- saient comme dépenses et comme sommes réellement déboursées ; enfin, que le pays n’avait pas profité des opérations dans une me- sure qui pût en aucune manière justifier l’aliénation de terres ainsi traitées. Les temps avaient changé ; le roi Charles [* paya de sa tête les excès de tous genres commis en son nom, taxes illégales, extor- sions, concussions, etc., qui motivèrent la guerre civile. Les paysans communaux eurent gain de cause devant la Chambre des Communes et rentrèrent dans leurs droits et privilèges. Le niveau des terrains des Fens du quatrième district s’abaissant au fur et à mesure qu’ils s’éloignent des embouchures, une partie considérable à l’intérieur demeurait le plus souvent sous l’eau ; ainsi le No Man's Friend, dans le Wildmore, les Deeps dans le East Fen, et le Wrangle Common restaient à l’état de marais. Leur dessé- chement eut exigé des canaux profonds pour traverser les Tofts ou 224 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. tertres plus élevés longeant le littoral (voir la note p. 165) ; or, dans les années sèches ces canaux se comblaient, empêchaient la descente des eaux venant des wolds et débordaient continuellement. La com- mission spéciale chargée, dans de telles conditions, de l'entretien du desséchement, dut faire appel au Parlement pour obtenir une loi qui permit d’écouler d’ahord directement les eaux des wolds. Jusqu'à l'octroi de cette loi, en 1762, Wildmore et West Fens furent laissés à la libre disposition des communes qui y envoyaient paître leurs bestiaux, leurs moutons et leurs chevaux, pendant l'été, exerçant leurs privilèges d’affouage, de faucardement et de pèche, pendant l'hiver ; mais à partir de 1769, les terres furent alloties. En 1801, une nouvelle loi fut sanctionnée, qui incorpora le Æast Fen et le Wrangle Common dans le quatrième district soumis à la juridiction des commissaires du Witham, et autorisa les travaux, sur la base du projet de Rennie père. Les nivellements exécutés par cet ingénieur montrèrent que la surface de l’eau du Witham, en plein étiage, était de 0,98 plus élevée à Anthony’s Gout qu’à la cote la plus basse des marées de morte eau, à Maud-foster Gout. Il y avait donc lieu de tracer un canal joignant les deux points, pour dessécher les deux Fens, West et Wildmore, dont le niveau était le même, sauf dans la partie No Man's Friend, située à 0",30 en contre-bas. Le canal principal, d’une longueur de dix-huit kilomètres et demi, devait donner en marée de morte eau une chute de 0",045 par kilomètre, et en marée de vive eau, une chute de 0,065 par kilomètre ; ces chutes ont été notablement accrues depuis. Sur les 4315 hectares compris dans le Wildmore Fen, il y a 1190 hectares de hautes terres; sur les 6 850 hectares compris dans le West Fen, 11 y en a 2215. Plus de 4000 hectares de ces terres hautes se drainent dans des fossés (becks) qui traversent les Fens et, en raison de leur pente, déversent très rapidement leurs eaux dont le volume a été Jjaugé à plus de 600 000 mètres cubes par jour, en temps normal, et à trois fois autant, pendant la saison des crues. Rennie proposa de recueillir cette masse d’eau dans un canal de ceinture (calchwaler), qui couperait tous les ruisseaux et les fossés à la descente dans les Fens, de même que ceux qui débouchaient LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 229 des wolds à Sibsey, Stickney et Stickford, jusqu’à l’émissaire de Maud-foster. Ge canal de ceinture qui s’amorce près du confluent de la rivière Bain dans un ruisseau de 1,50 à 1",80 plus élevé que celui des Fens, a été construit sur 34 kilomètres de longueur, avec une pente à peu près double de celle des canaux de desséchement. La nouvelle écluse à Maud-fosler présente trois ouvertures de 4,60 chacune, soit une ouverture totale de 13",80 au lieu de 4 mètres. Le drainage des deux Fens par les canaux Howbridge, Newham, Medlum, etc., dont l'entretien est soigné par les commissaires du Witham, moyennant une taxe de 6 fr. par hectare et par an, fonc- tionne d’une manière parfaite. Les commissaires du quatrième dis- trict prélèvent en outre une taxe de 1 fr. 50 c. par hectare et par an pour le curage des petits drains et des fossés. Le sol des deux Fens est formé en grande partie d’argile, entre- mêlée de lits de gravier ; le sous-sol est du sable. Le drainage, au moyen de tuyaux et de tuiles sur semelles en poterie, a été pratiqué à peu près partout, de façon que la culture arable est partout pos- sible et que les pâturages sont inutiles. Les terres argileuses four- nissent d'excellentes et abondantes récoltes de turneps, de trèfle et de ray-grass, à la condition d’être labourées en bandes de 2",50, pour prévenir les effets de la sécheresse. East Fen.— Avant son annexion aux deux Fens précédents, East Fen n’était qu’un vaste marécage, contenant quelques étangs pois- sonneux, plantés de roseaux et de jones, lieux favoris du gibier de marais. Sur quelques terrains émergeant des eaux et appartenant à la commune de Friskney, la canneberge (Oxycoccus) était si abon- dante qu’elle donnait son nom à la localité. Le niveau du Fen est de 0",30 en contre-bas de celui de Wild- more et de West Fen ; ce qui diminue d'autant la pente du canal de desséchement, par rapport aux parties basses, les Deeps, situées à 0,45 au-dessous de l’émissaire Maud-foster. Rennie reconnut qu'il ÿ avait lieu, pour ce motif, de chercher un débouché autre que celui de Wainfleet, et d’un niveau plus élevé encore que le précé- dent, à cause des ensablements du chenal. Il fit donc choix d’un point de la rivière, en aval de Maud-foster, à 5 kilomètres de distance, ANN. SCIENCE AGRON. — 1893. — 1. 15 226 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. appelé Hob-Hole, où, en l'absence de hauts-fonds, le niveau de l’eau se maintenail à 1",22 plus bas. Ce fut à Hob-Hole, sur une longueur de 22 kilomètres à partir de Toynton, avec une pente de 0,035 par kilomètre, qu’aboutit le canal principal qui reçoit par des canaux latéraux Fodder Dyke, Bur Lode, Bell Water, ete., les eaux des 4800 hectares de East Fen et des 10500 hectares de terrains de East Holland, comprenant les communaux de Wrangle, de Leake, de Butterwick, etc., se déchar- geant autrefois à Maud-fosler. L’écluse de Hob- Hole fut achevée en 1806, et celle de Maud- foster l'année suivante. Comme pour les deux Fens Wildmore et West, les eaux des hautes terres au-dessus de Æast Fen furent captées par un canal de ceinture de 44 kilomètres, débouchant avec celui des autres Fens, à quelques kilomètres au nord de Boston. Le desséchement fut si complet que sur une vaste surface de ma- rais (Marshes) situés au nord de Wainfleet on put détourner les eaux d'écoulement de l’anse de Wainfleet jusqu’à Hob-Iole. En effet, la rivière Sleeping qui recueillait les eaux des marais, venant de Sal- monby, Aswarby, Harrington, Partney, Raïthby, etc., les laissait en route dans les Fens qu’elle traversait, et exposait certaines localités, telles que Steeping, Firsby, Thorpe et Croft, à de terribles inonda- tions dans la saison pluviale. Par une loi promulguée en 1818, ces communes obtinrent d’endiguer la rivière Steeping, en la rectifiant entre Steeping Mill et Firsby Clough par un raccourci de 3 kilo- mètres. Cette amélioration ne fut rendue possible que par le dessé- chement de East Fen. Les commissaires du Witham drainage perçoivent une taxe de 1 fr. à 1 fr. 50 c. par hectare et par an, pour l'entretien des drains et des canaux secondaires de East Fen, et de 3 fr. pour les canaux principaux. Le sol, formé de tourbe compacte, assise sur l'argile bleue à une profondeur de 1,50 jusqu’à 5°,50, a été amendé nom- bre de fois par l'argile ; aussi la culture arable s’est-elle installée sur tout le territoire, et les pâturages anciens ont-ils à peu près dis- paru, L’assolement le plus usité consiste en : 1° navette ; 2° avoine ; 3° blé avec ray-grass; 4° ray-grass et parfois écobuage. L’avoine LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. DT. rend de 50 à 60 hectolitres, et le froment, de 25 à 35 hectolitres par hectare ; outre la poudre d'os et les superphosphates, l’engrais de ville y est très employé. Canaux de ceinture. — L'application du principe des calchwalter, ou canaux de ceinture, qui a donné des résultats si excellents dans toutes les opérations de desséchement entreprises par Rennie père, mérite d’être signalée avec quelques détails. Préconisée par son fils et vulgarisée par les ingénieurs anglais, la méthode des calchwater a rendu les plus grands services, quand il s’est agi d’écouler des vo- lumes d’eau considérables débouchant sur des terrains d’un niveau inférieur à celui des hautes marées, quoique supérieur à celui des marées basses. C’est, du reste, la méthode suivie dans les desséche- ments des marais par écoulement permanent, pour détourner les eaux pérennes ou de sources, et ne laisser arriver dans les marais que les eaux zénitales. C’est surtout pour l'assainissement des terres des vallées infé- rieures qu’arrosent les cours d’eau, que sir John Rennie recom- mande le départ des eaux du niveau supérieur de celles du niveau inférieur. Si on réunit ces eaux dans un même collecteur, il arrive, en effet, que celles des hauts niveaux, animées d’une plus grande vitesse, se frayent la voie vers l’émissaire, en refoulant celles des bas niveaux qui inondent et saturent les terres adjacentes. En outre, un seul émissaire oblige à établir un réseau bien plus étendu de fossés prin- cipaux et de fossés secondaires, destinés à emmagasiner les eaux des deux niveaux, jusqu’à leur plein écoulement. A l’aide de deux émissaires distincts, on permet, au contraire, aux eaux supérieures de se déverser rapidement en amont dans la rivière, tandis que les eaux inférieures se déchargent plus lentement en aval, sans créer de gonflements, ni de remous. D'ailleurs, les eaux supérieures débouchant en amont, approfondissent le chenal, empêchent qu’il se comble en aval, et le maintiennent en meilleur état pour le desséchement et la navigation. Un dernier avantage qu’offrent les canaux calchwater consiste dans la possibilité d’uliliser les eaux les plus pures, ou les plus 298 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. fraiches pour l’approvisionnement des bas districts pendant la saison sèche, tant au point de vue du bétail que de l'irrigation. Rennie a appliqué sa méthode le long du Witham, sur plus de 60 000 hectares, en se guidant d’après les principes suivants : Avant de procéder au desséchement de districts aussi vastes, situés à des niveaux inférieurs, il importe d’examinér en premier lieu l'emplacement de l’émissaire, et les conditions nécessaires pour l'installer à la limite des plus basses eaux, c’est-à-dire, pour abaisser le plus possible le plan d’eau. Dès lors, ayant tracé les fossés de ceinture, destinés à l'écoulement des eaux supérieures, l’assainisse- ment des terrains bas pourra presque toujours s’opérer naturelle- ment, suivant la pente. Au cas où les eaux ne pourraient pas être évacuées en tout temps suivant la pente, il faudra élargir la section des fossés principaux et secondaires, afin qu'ils puissent emmaga- siner les eaux pendant le temps que l’écluse restera fermée. Aucune terre n’est réellement assainie que si la surface de l’eau dans les drains est, à toute époque, de 0",60 à 0,90 au-dessous de la surface du sol adjacent. Tout en évitant la stagnation, il importe de pouvoir disposer de l’eau pluviale, ou de l’eau des terres supé- rieures pour laisser au terrain asséché le degré nécessaire d’hu- midité. Drainage. — La règle dominante à observer dans un desséche- ment consiste à drainer complètement, mais en ménageant une bonne distribution d’eau‘ pour l’arrosage des terres, le cas échéant, ou pour l’abreuvage du bétail. Au cas où le relief du terrain oblige de faire passer les canaux de ceinture par-dessus ceux du desséchement, on a recours à des siphons construits en tôle ou en bois. Ces siphons peuvent toujours être placés à une profondeur telle, par rapport à l’orifice d’admis- sion des eaux, qu’il n’y ait pas de frottement ; autrement, si les deux orifices sont au même niveau, celui servant d’émissaire donnerait lieu à une légère chute qu'il y a lieu d'éviter. Quand la pente est trop forte et qu’il importe de retenir les eaux 1. Autobiography of Sir John Rennie, p. 438. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 229 pour les besoins de l'irrigation ou de l’abreuvage, ou encore pour empêcher l’affouillement du sol à la descente, on place des barrages de ! mètre à 1°,90 de hauteur, avec des pertuis à vannes de 3 mè- tres jusqu'à 1 mêtre d'ouverture, qui servent de retenues. C’est le système qui à été appliqué pour le drainage du Hainault Forest, près de Epping, dans le comté d’Essex *. Quelque essentiel que soit le drainage souterrain, dans le but d'empêcher l’évaporation de la surface pendant l’hiver, il est non moins utile, dans les terres légères et les pâturages, de garder le niveau de l’eau souterraine pendant lété à une telle hauteur au- dessous de la surface, que l’eau puisse y monter par le jeu de la capillarité des racines. On y parvient en maintenant l’eau dans les canaux et les cours d’eau qui font office de réservoirs, et en réglant le niveau d’eau et les clôtures pour le bétail en pacage. C’est une pra- tique suivie partout dans les Fens. Quand les canaux principaux ne sont pas ulilisés pour la navigation, on y conserve de 1,50 à 1,80 de profondeur d’eau, le radier étant de 1",20 à 1,50 au-dessous du niveau général du terrain. Ces canaux, aussi bien que les cours d’eau supérieurs qui les alimentent, permettent de maintenir les fossés et les drains constamment remplis, jusqu’à 0",60 de profondeur dans les terrains tourbeux, et 0",90 dans les terrains légers. Par l'évacuation rapide des eaux pluviales excédantes, en hiver, et l'apport en été du volume d’eau nécessaire, les terres en culture atteignent dans les Fens leur haut degré de fertilité, sans crainte de la sécheresse, ni de la stagnation des eaux. Pour être efficace, le drainage souterrain qui maintient la per- méabilité de la couche arable, linfiltration des eaux atmosphériques et assure l'écoulement des eaux du sous-sol vers les fossés princi- paux, doit être entretenu toujours en bon état, si l’on veut éviter la slagnation. Aussi, la nature des drains, leur pose, leur débit, exi- gent-ils des précautions spéciales dans des contrées comme celles des Fens et des Marshes, dont le niveau, absolument plat jusqu’à la mer, ne permet pas de profiter de pentes suffisantes. Il y a cinquante ans, on regardait le drainage souterrain de cette 1. Grantham, On arlerial drainage (Trans. Inst. civil Engineers, vol. XIX). 230 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. contrée comme impraticable, en raison des difficultés inhérentes au terrain et à son niveau; mais peu à peu l'exemple fourni par les exploitations des plateaux supérieurs s’est étendu à la zone du lit- toral. Les drains dont on s’est servi le plus communément sont les tuyaux ; mais on a eu également recours aux drains en briques, en fagots d’épine, en gazon et en tourbe. Les drains en fagots sont usités spécialement dans les Marshes, où le sable limoneux recouvre là surface ; les tuyaux, en effet, s’obstruant plus facilement par le sable, ne pourraient pas être curés en chasse, faute de pente. Dans les terrains mobiles, ou compressibles, dont l'argile est superficielle, comme on en rencontre dans certains districts des Fens, on emploie la tourbe, débitée en briquettes, et séchée, pour combler le fond des tranchées, ou bien, quand il s’agit de prairies, de mottes de gazon, disposés en coins, qui forment des drains économiques et rendent de bons services. Les briques ou les tuiles et les pierres, de même que le bois, à cause de leur prix, ou de leur rareté, ne sont guère employés. Dans la pose des drains, on se guide, quant à la profondeur, sur celle des fossés ou des colateurs qui assainissent les Marshes, suivant que l’écoulement des eaux de desséchement s'opère artificiellement, où par gravitation. Il est rare, dans le Lincolnshire, que la profondeur des drains excède 0,75 ; si on l’augmente, la bouche étant noyée dans l’eau des fossés, l'écoulement n’a plus lieu que par barbotage, avec une extrême lenteur, puisqu'il y a une pression à vaincre. La profondeur de la couche d’argile, dans les Fens, détermine le plus souvent celle des drains. Cette profondeur, comme on a vu, est assez variable ; tantôt l’argile apparait à la surface de la tourbe, tantôt elle est en contre-bas de plusieurs pieds ; mais on la rencontre généralement entre 0,60 et 1",50 de profondeur. Pour poser les drains, on creuse la tranchée à travers la couche de tourbe, et on ne les enterre dans l’argile que sur l’épaisseur nécessaire pour re- couvrir d'argile les tuyaux, et empêcher les débris de tourbe de les obstruer ‘. 1. The Farmer's Magazine. — Drains and drainage, 1868, t. {. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 23 L'extension de la pratique du drainage n’a pas moins contribué que l’amendement des tourbes par l'argile, que l'emploi des engrais phosphatés et autres, et que l’assolement rationnel, à faire de la contrée des Fens et des Marshes une des plus productives de l’An- gleterre. c) Travaux à l'embouchure du Witham. Comme on vient de le voir, l’assainissement général des Fens du Lincoln repose sur le fonctionnement régulier du débouché de la rivière Witham dans la baie du Wash. Jusqu'en 1762, quand la première Loi du Witham drainage fut promulguée, ce cours d’eau avait cessé d’être navigable passé Lin- coln; le chenal s’était ensablé et les terres riveraines étaient pério- diquement inondées dans toute la vallée. Lorsque le canal à grande section, tracé en ligne droite, de Lin- coln à Boston, sur 18 kilomètres de longueur, eut été achevé, la navigation se trouva abrégée, et le plan d’eau général du desséche- ment fut abaissé, de façon à rendre le terriloire tout entier à la cul- ture. Ce fut seulement plus tard, à l’occasion du desséchement de Wild- more Fen, de West Fen, etc., que la question du débouché des eaux acquit une sérieuse importance, et que Sir John Rennie fut chargé de compléter l’œuvre de son père, par la rectification du chenal entre Maud-foster et Hob-Hole, sur un parcours de 3 kilomètres et demi, qui sépare les deux écluses de l'embouchure du Wash, près de Boston. Rennie père, en exécutant le drainage des Fens du Witham, à l’aide de canaux de ceinture et de collecteurs qui conduisent les eaux de ces canaux dans la rivière, en amont de Boston, entendait que la régularisation de embouchure se fit aux frais de la ville. Des deux projets qu’il soumit, en 1805, à la municipalité de Boston, l’un consistait, en effet, à redresser l’ancien chenal, à l’approfondir, à encaisser les berges et à créer un nouveau lit entre Hob-Hole et Clay-Hole, où il y avait un fort tirant d’eau en tous temps. L'autre projet comprenait l’exécution d’un canal à travers les terres, allant DDR ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. directement de Boston jusqu’à Clay-Hole. En outre, les eaux d’écou- lement des hautes terres devaient continuer à déboucher à Maud- foster, en aval de la ville, pour maintenir la navigation libre ; tandis que les eaux du desséchement des basses terres continueraient à s’écouler à Hob-Hole. La municipalité recula devant la dépense que devait entrainer l’une ou l’autre de ces variantes, et Rennie père se borna, pour assurer la décharge des eaux, à faire établir un canal de communi- cation entre le canal colateur de Mansfeld et celui de Hob-Hole, à Cowbridge, où il plaça une jauge qui permettait de déverser les eaux par l’un ou par l’autre des canaux, suivant la hauteur néces- saire à la navigation. Malgré cela, le Witham ne tarda pas à s’encombrer en amont de lécluse de Maud-foster, comme il avait été prévu, et le service par l’écluse Hob-Hole devint obligatoire, moyennant qu’on l’élargit. Gelte mesure fut insuffisante à son tour, si bien qu'aux marées des mortes eaux, les bateaux pêcheurs pouvaient seuls accoster les quais, et aux grandes marées d’équinoxe, les chaloupes seules pouvaient aborder en ville. La situation de Boston comme port de mer était perdue. Sir John Rennie, chargé par la municipalité de remédier à cette situation, déclara, après un nivellement et des sondages complets, exécutés par Francis Giles, qu’il n’y avait de salut que dans la réali- sation de l’un ou de l’autre des projets soumis par son père, tout en inclinant vers le premier, qui consistait à utiliser l’ancien chenal et à le prolonger par un canal entre Hob-Hole et Clay-Hole. Indé- pendamment de la ville de Boston, les commissaires du Witham et du Black Sluice Drainage avaient, selon cet ingénieur, un intérêt direct à associer leurs efforts et leurs ressources pour atteindre le but visé. Les commissaires du Black Sluice se désintéressèrent du projet, après avoir pris l'avis de l'ingénieur Telford qui s'était prononcé en faveur de la démolition de l’écluse située en amont de Boston, pour permettre aux marées de refluer dans le cours d’eau. Il y avait malheureusement plusieurs obstacles à la solution Tel- ford ; à savoir : la rivière, en amont de l’écluse, relevait d’une autre LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 233 juridiction ; et, pour recevoir les marées, les berges auraient dû être relevées sur le parcours ; or, il eut fallu, pour donner des compen- sations, en raison de la perte des eaux douces, s’entendre avec des intéressés hostiles à toute combinaison. La ville de Boston dut reprendre seule et à son propre compte le projet de Sir John Renmie qui s’offrit, pour se conformer aux res- sources modiques dont elle disposait, à l’exécuter en partie seule- ment et progressivement. Dés lors, il commença par faire exécuter le canal entre Hob-Hole et la partie supérieure du Burton’s Marsh, sar 800 mètres de lon- gueur et endiguer en amont le chenal, sur 600 mètres de largeur. La navigation devenait ainsi plus courte, en même temps que le flot de la mer augmentait par le refoulement des eaux douces; on acquérail de plus la certitude d’abaisser la limite des mortes eaux et d'approfondir le lit jusqu’à la grande écluse, en amont de Boston. Les travaux adjugés aux entrepreneurs Jolliffe et Banks présen- tèrent de grandes difficultés à l’endiguement, à cause de la largeur du chenal et de la masse du flot ; mais le résultat dépassa toutes les espérances. | Le chenal s’améliora au point que les marées de vives eaux, au pont de Boston, atteignirent la cote de 4,27, tandis que la laisse des mortes eaux monta à 3",05. Le lit s’approfondit de 0",90 à 1",20 au-dessous des marées de mortes eaux, de telle sorte que les navires de 4,60 à 4",85 de tirant d’eau purent accoster à quai, à haute marée, et ceux de 3",65 à 8",95 de tirant d’eau purent librement entrer à marée basse. En outre, tous les atterrissements formés en amont de l’écluse de Maud-foster furent entrainés, en facilitant l'écoulement des eaux du canal de ceinture et de décharge par les écluses Grand et Black Sluices. Encouragée par ces résultats, la ville de Boston, après avoir dé- pensé 825 000 fr., s’imposa de nouveaux sacrifices pour exécuter les travaux projetés par Rennie père et fils. Dès 1845, les digues longitudinales du Witham furent achevées : les navires de 300 ton- neaux remontèrent en pleine mer jusqu’à Boston. Le Witham avait environ 180 mètres d’extravasement au point où il n’était plus navi- gable, et donnait 1°,82 d’eau à mer pleine. Le lit de la rivière 254 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. fut concentré dans un rétrécissement de 27 mètres, le seul courant de descente enleva les vases et les sables et creusa un chenal de 4 mètres de profondeur en mer de vive eau, sans avoir recours au dragage *. La navigation et le desséchement furent améliorés au point que Boston recouvra la situation commerciale que lui avait fait perdre l'obstruction de son port, obligeant les navires de s'arrêter à Clay- Hole, à l’entrée de la baie. De plus, un bill introduit, dès 1859, auprès du Parlement, a autorisé, par des travaux en aval de Hob- Hole et de Foss Dyke bridge, la reprise dans la baie du Wash de 14000 hectares de lais de mer, devenus accessibles. B. — LES MARSHES ET LES POLDERS. Description. — Les Marshes s'étendent sur une longueur de côte de plus de 200 kilomètres, depuis l'embouchure de la rivière Nen jusqu’à celle de la rivière Trent, dans l’'Humber, au nord du Lincoln. Entre Lynn et Wainfleet, de même que sur les bords de la Trent, les terres des Marshes, situées en contre-bas du niveau des hautes marées, sont défendues par des digues, parfois espacées sur trois ou quatre rangées qui correspondent aux avancements obtenus dans la conquête des alluvions sur la mer. Sur la côte même du Lincoln, directement battue par les vagues de l'Océan du Nord, les dunes de sable tiennent lieu de digues. Les Marshes proprement dits, qui séparent les Fens du littoral, se distinguent d’après la formation plus ou moins ancienne de leur sol et se divisent en un certain nombre de districts; le Marshland, entre Lynn et Wisbeach ; le South Holland, entre Wisbeach et Spal- ding ; le East Holland entre Spalding et Boston; enfin, le Marsh et Middle Marsh, entre Boston et Wainfleet, sur la côte du Wash. Sauf ce dernier district, les autres comprennent des terres endiguées de- puis des siècles et des atterrissements plus modernes. Pas plus que les Fens, les Marshes, aujourd’hui assainis, ne sont 1. Rapport à la Chambre de commerce de Rouen, 20 novembre 1845 ; Journal du génie civil, 1846. D LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 239 marécageux. S'ils sont humides en hiver, ils sont souvent trop secs en été. Le terrain, bien égoutté dans les anciennes parties, est enclô- turé, parsemé de bouquets d’arbres et généralement bien cultivé. Les fermes, dont l'importance varie entre 40 et 100 hectares, comprennent trois quarts de terres arables qui produisent d’abon- dantes récoltes : pommes de terre, racines, céréales, trèfle et four- rages verts, et un quart de terres en pâturage permanent. On y élève et engraisse des moutons à longue laine, ou des demi-sang des races de Leicester et de Down, venant du Norfolk, du bétail courtes cornes et des chevaux. La qualité du sol varie suivant l’éloignement de la côte, c’est-à- dire selon l’âge des alluvions reprises sur la mer. Au voisinage des digues, le sol formé de limon onctueux, noirâtre, convient aux pà- turages pour l’engraissement du bétail. Quand le sous-sol de sable pur n’est pas trop rapproché de la surface, la culture arable est pro- fitable pour le froment, la navette, la moutarde, etc. ; mais le drai- nage des terres offre une certaine difficulté par suite de la couche aquifère souterraine (soak ou sock) dont la profondeur dépend du niveau des marées et de la chute d’eau pluviale. Les tuyaux des drains à 0",60 et 1 mètre de profondeur sont souvent noyés, et les fossés qui servent aussi de clôture ont l'inconvénient, à cause de la perméabilité du sol, de rester à sec pendant l’été, tandis que la terre étant saturée en hiver, ils demeurent remplis d’eau stagnante pendant des mois entiers. L’abaissement du niveau des aqueduecs qui entraînent les eaux à la mer sous les digues, et des drains collec- teurs ne sauraient manquer d'améliorer l’égouttement des Marshes et des terres en bordure des Fens. La plupart des aquedues, ou Gouts, comme on les désigne, qui drainent les Marshes, pourraient être dirigés sur les canaux des Fens, ou sur les rivières à écluses, dont le radier est notablement plus bas que le plan d’eau de la couche souterraine. Depuis le cadastre de Guillaume le Conquérant (le Domesday Book), où figurent les bourgs et villages du district des WMarshes, de nombreux centres de population se sont fixés auprès des digues. Sur les terres où, du temps de Charles IT, existaient les marais et les pâturages, des routes et des chemins de fer sillonnent aujourd’hui 236 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. le territoire, et les exploitations agricoles qui sv sont installées rap- portent un fermage de 100 à 150 fr. par hectare. La dernière digue de South Holland construite en 1660, par delà les digues romaines et Raven’s Bank, suit un tracé irrégulier. Plu- tôt escarpée du côté des terres, elle à une pente de 1 sur 5 du côté de la baie ; son talus est entièrement revêtu de gazon, et sa base, vers la plage, est exhaussée par rapport au niveau des terres endi- guées. Il en est ainsi du reste à chaque digue, de sorte qu’en avan- çant vers la mer, le sol, après chaque levée est plus élevé. Aussi, la vue de la mer est-elle absolument cachée de l’intérieur des Marshes. C’est à peine si l’on aperçoit les voiles et les cheminées des bateaux, qui naviguent dans la baie. Les marins ne se repèrent, en pénétrant dans les passes du Wash, que sur les clochers des villages, derrière les digues. Au dehors des levées, à marée basse, les sables s'étendent jus- qu’à l'horizon ; la plage des polders, recouverte d'herbe fine, au ton vert foncé, est pâlurée par des milliers de moutons et de bestiaux ; plus loin, les sables sont masqués par la criste marine aux nuances vives ; enfin, les sables vaseux ne laissent plus apercevoir que les balises qui guident les bateliers dans les passes ouvertes de la baie. Les alterrissements et les polders ne cessent de grandir sous l’ac- tion du courant qui amène dans le Wask les débris arrachés aux falaises par la mer du Nord. Au fur et à mesure que déceroit la vitesse de ce courant, le dépôt s’accentue davantage ; aussi est-on obligé de maintenir le chenal libre pour la navigation, à l’aide de digues submersibles en pierres ou en fascinages, qui détournent les sables. C’est au pied de ces digues et le long des épis, du côté opposé aux passes, que s’opère le colmatage des polders, à raison de 0",60 d'épaisseur par an. Quand les sables sont assez exhaussés pour se recouvrir du limon fin et argileux qui se précipite seulement dans les eaux absolument tranquilles, les marshes verts ou herbus (green Marshes) sont prêts pour lenclôture. Leur fertilité dépend surtout de l'apport des ma- tières végétales et animales par les algues, les varechs et les infu- soires que l'Océan accumule à chaque marée sur les terrains col- matés. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 231 4. — Comtés de Norfolk et de Cambridge. a) Marshland. Le district du Marshland, d’une superficie de 12000 hectares environ, entre Lynn et Wisbeach, comprend 17 communes qui se partagent le territoire alluvien regagné sur la baie. Depuis que les travaux dont nous avons rendu compte, pour la dérivation de la Great Ouse, à son embouchure (Eau Brink Cut), ont été achevés, l’asséchement du Marshland est définiuf. Les deux canaux principaux, Chancellor’s Lode et West Lynn Gaol, recueil- lent les eaux pour les rejeter dans la rivière canalisée. Le sol arable est formé d’un mélange de sable marin avec la vase argileuse, qui lui donne une ténacité remarquable. Suivant la pro- portion d'argile, l’assolement varie de 4 à 5 années. L’assolement de quatre années comporte : 1° jachère nue, parfois des turneps, ou de la navette ; 2 blé ; 5° trèfle, ou fèves; 4° blé. Chaque commune réserve dans les Marshes les plus éloignés de la mer des pâturages sur loam riche, où l’on fait parquer par hectare jusqu’à 30 moutons mélis (Down-Leicester), plus une tête de gros bétail. Dans beaucoup de localités, on cultive la pomme de terre et les racines. Indépendamment des levées intérieures qui protègent les Harshes contre les eaux des Fens et des hautes terres, les digues à la mer constituent une lourde charge d'entretien pour les communes limi- trophes. Malgré la surveillance la plus active, il arrive que ces ou- vrages se laissent entamer par les fortes marées ; les catastrophes qui résultent de ce retour offensif des eaux de la mer sont parfois terribles. Nous rappellerons les détails de celle survenue en 1862. Inondation de 1862. — Le dimanche 4 mai de cette année, une des écluses du centre Level, située à 6 kilomètres au midi de King’s Lynn, cédait sous la pression d’une des hautes marées d’équinoxe, comme avait cédé, en 1713, l’écluse de Denver, et livrait passage aux eaux de la mer du Nord. Cet ouvrage important, Tilney-gale, par lequel les eaux du canal se déchargeaient dans la rivière Great 238 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Ouse récemment canalisée, avait probablement été affouillé dans ses fondations ; en même temps, le radier de la rivière s'était effondré ; tant est que la marée arasant les défenses créait une brèche de plus de 100 mètres de largeur dans la digue, menaçait la face opposée du canal par la base, et submergeait près de 5 000 hectares de ter- rains en pleine culture dans les Marshes. La préoccupation dominante, au milieu de l’affolement des popu- lations, fut d'empêcher que le désastre ne s’étendit à 30 000 ou 40 000 hectares désormais livrés à la merci des eaux. Dès le 7 juin, la brèche dans la digue orientale fut à peu près comblée, moyennant 5 000 sacs de terre; mais la brèche dans l’autre digue parallèle avait atteint 140 mètres d'ouverture et 8 mêlres de profondeur. Les sacs résisteraient-ils jusqu’à ce qu’un batardeau sur pilotis pût être construit ? Telle était la question pleine de cruelles indécisions qui agitèrent les ingénieurs sous les ordres de M. Lunn, surintendant du centre Level. Si la berge de la digue de l’est cédait, les Fens Magdalen, Bardolph et Downham devaient être infallible- ment noyés, car ils n'avaient pas assez de machines pour se main- tenir à sec, en régime normal. De plus, les eaux d'inondation frap- pant les digues du canal du Marshland Fen, menaçaient d’emporter l’écluse dont la section avait seulement 3",20. Les travaux de première urgence se concentrérent sur la réfec- tion de la berge, moyennant l’établissement d’une digue provisoire et d’un batardeau, posté à 900 mètres en aval de l’écluse détruite. La digue fut construite à l’aide de fascinages en berceaux, flottés de l’aval à travers le courant, et plongés par des caissons de pierres. Quant au batardeau, on se décida à l’édifier sur une double rangée de pieux à vis de 18 mètres de longueur, avec écartement de 2",15 destinés à recevoir en coulisse, pendant l'intervalle des marées, des panneaux en bois de 0",15 d'épaisseur, revêtus de tôle de 0,025 d'épaisseur, sur une hauteur de 0,90. Dix sonnettes à vapeur furent montées sur la plate-forme installée à hauteur des têtes, afin d'activer le battage des pieux que l’on relia entre eux par de forts madriers et des tirants en fer. En outre, des étançons de gros calibre maintinrent le centre du batardeau, au fur et à mesure de son avancement, contre les quais en pilotis bordant LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 239 l'ouvrage en amont et en aval. On espérait ainsi maintenir l’écarte- ment rigide entre les deux rangées de pilotis pour poser l’armature, et offrir une résistance compacte au flot ; mais la quatrième rangée de panneaux était à peine placée, que, malgré l’emplissage à l’aide de sacs d’argile et de corrois, le batardeau se lézarda sur un grand nombre de points, sous l’action de la marée haute. Les panneaux supérieurs durent être relevés pour laisser passer la marée et empêcher la destruction totale de l’ouvrage si pénible- ment appareillé. On reconnut alors, à l’aide des plongeurs, que l’un des panneaux de pied avait crevé ; beaucoup d’autres s'étaient dé- jetés; trois des maîtres pilotis s'étaient brisés, et Le lit du canal avait subi un affouillement profond. Sur l'avis des ingénieurs en chef, Hawkshaw et Linn, 1l fut con- venu dès lors, pour arrêter l’affouillement produit au pied des pan- neaux, de foncer des pilotis servant de support au blindage, dans l'intervalle des entre-toises, de les scier à hauteur en les arasant, et de leur faire porter les panneaux. En même temps, ordre fut donné de renforcer les berges par des sacs de gravier au lieu de terre, et de consolider les cadres à l’intérieur par du corroi. Plus de 100 000 sacs de terre avaient été déjà employés à cette date; des centaines de wagons de corroi furent ensuite utilisés pour la consolidation de l'ouvrage, qui résista finalement aux efforts des dernières marées de juin. En attendant, le niveau des eaux d'inondation s’élevant sans cesse à cause des travaux du batardeau et de la décharge des eaux de desséchement du centre Level par l’écluse de Well-Creek, on décida de recourir à des siphons pour l’épuisement, et au besoin, de main- tenir les siphons en état, au lieu de faire les dépenses d’une nou- velle écluse. Au mois d'octobre suivant, neuf siphons de 0,90 de diamètre abaissaient, après quelques jours, le niveau des eaux de 2" 39 à 1,40 sur une distance de 25 kilomètres ; c’est-à-dire Jjus- qu'à March Bridge. Tandis que le batardeau progressait sous la direction de l’ingé- nieur Smith, les autres digues crevées ou affouillées dans le Marsh- land étaient l’objet de travaux urgents, conduits par l'ingénieur Page, pour compte de la commission du district. 240 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. La digue Muller avait été abandonnée ; un éboulement nouveau se produisit sur près de 30 mètres de longueur et 14 mètres de pro- fondeur, dans la digue de l’ouest. Cinquante ouvriers furent employés à la combler avec des sacs de gravier, transportés par des yoles à fond plat, depuis l'embouchure de la rivière Humber jusqu’au nord de la brèche. Sur la digue de l’est, l’affouillement constaté par les plongeurs auprès de Wash-Bridge, en face de la première brèche, avait de 100 à 130 mètres de longueur et pénélrait jusqu’à 1,50 au-dessous du radier du canal ; là aussi il fallut recourir à immersion des sacs pour arrêter les progrès de l'érosion. D'une manière générale, les berges, depuis le barrage jusqu’à l’écluse de décharge dans lOuse, avaient perdu de leur solidité en raison de l’imbibition des terres ; on dut les revêlir de corroi. En outre, il fallut songer, par l'établissement d’aquedues à travers les remblais du canal de WMarshlund, à diminuer les eaux du centre Level. Grâce à ces aquedues, le niveau baissant de 0,025 par jour, jusqu’à la cote de 0",60 au-dessous de eaux moyennes, constatée avant l’achèvement du batardeau, Bardolph Fen fut asséché, et suc- cessivement les autres Fens purent être remis en culture, malgré l’atterrissement. La couche formée de limon onctueux atteignait déjà quelques centimètres d'épaisseur sur beaucoup de points. Enfin, en vue de l’avenir, les commissaires du Marshland prirent la résolution de faire élever une digue transversale, par rapport à la brèche, et d'établir une nouvelle écluse qui assure la situation du Smealh Fen. La digue à la mer, construite par l’ingénieur Page, consista dans le fonçage de deux rangées de pilotis, distants entre eux de 0",20, avec écartement de 3",60 entre les rangées. Sur la face intérieure, le revêtement fut fait en pieux ou rails métal- liques, espacés de 0,60. Entre ces pieux et les pilotis, on inter- calait des madriers. Quant au remblai extérieur il fut formé de pierres et de gravier, tandis que l’intérieur se comblait avec des fascinages, des sacs de gravier et de terre, etc. D’après les devis des ingénieurs, l’ensemble des travaux exécutés pour la réparation des digues, l’épuisement des Fens inondés, etc., et de ceux nécessités par la sécurité du district, devait s’élever au LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 241 chiffre d’un million et demi de francs. Il y avait lieu d’ajouter à cette somme 800 000 fr. de dommages-intérêts à payer par la commis- sion, moyennant le prélèvement de taxes additionnelles. Le bilan de l’accident du 4 mai 1862 s’est résumé de fait, pour les commissaires du Marshland, en une première dette hypothécaire d'un million de francs, à intérêt de 4 p. 100 l’an, et en une dette de 1 300 000 fr., à intérêt de 4 1/2 p. 100 ; au total, 2 300 000 fr., à répartir sur une surface de 45 770 hectares. Digues à la mer. — Sir Joha Rennie résume, d’après sa longue expérience, les conditions qui doivent présider à l'établissement des digues à la mer. Le tracé des digues doit être fixé autant que possible de façon à laisser au-devant d’elles une plage qui amortisse la force des vagues, et ne donner à l’ouvrage qu’une hauteur de 1",80 à 2",15 de vives eaux à soutenir. Même avec cette profondeur moyenne, aux marées haules, il peut se présenter telle tourmente, sous l’action de vents violents, amenant pendant trois ou quatre heures un paquet de mer, qui cause de sérieux dommages à une digue mal consolidée. Si la plage d'avant est assez spacieuse, une digue en terre bien battue, de 9 ou 6 pour 1 de pente vers la mer, avec revêtement en argile de 0",45 d'épaisseur, soigneusement gazonnée, dépassant de 1",80 le niveau des marées d’équinoxes, la crête ayant 1",80 de lar- ceur, le talus du côté de terre étant de 2 sur 1, avec un fossé à 3 mètres de distance du pied, offrira la résistance voulue sur la- quelle on pourra compter, Dans certaines circonstances exceptionnelles, la digue ainsi cons- truite sera, en outre, empierrée sur 0,25 d'épaisseur, ou protégée par des fascines qui offrent le désavantage d'exiger des renouvelle- ments fréquents. Lorsque la plage est sujette à érosion, il esl nécessaire de la défendre par des épis disposés de manière à faire déposer les allu- vions en suspension dans l’eau. Enfin, par une mer profonde, si la digue devait résister à 3°,65 d’eau, le profil sera modifié en donnant au Lalus un allongement de 7 à 9 pour 1. Le revêlement en argile sera aussi plus épais ; l’em- ANN. SCIENCE AGRON. — 1893. — 1. 16 242 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. pierrement et les épis seront plus forts, pour assurer la protection de l’ouvrage. Que l’inclinaison moyenne du talus vers le large soit de #4 à 5 pour 1, et même parfois de 3 sur 1, selon les circonstances qui va- rient d’une localité à l’autre, il est essentiel de surveiller le pied de la digue, et dans le cas où une fissure se produirait, il ne faut pas tarder à la couvrir par un épi porté aussi loin que possible. Il est d'usage de prélever les matières du remblai de la digue dans la plage située au dehors ; mais il importe de ne jamais creuser à moins de 10 mètres de distance du pied et de ne pas approfondir les fosses d'emprunt au delà de 0,30 à 0",45. Pour se procurer le volume de terre nécessaire on devra s'étendre en largeur, et laisser des banquettes entre les chambres d'emprunt, afin d'éviter que des courants s’établissent et dérangent le dépôt des limons entraînés par les marées. Quand on ne dispose pas de bonne argile pour le revêtement, on Fig. 3. — Type de digue à la mer. recourra à de la terre mélangée avec de la paille, dont on fait un corroi vaseux que l’on applique à l’état humide, sur une épaisseur de 0",45 environ. Sur ce corroi, on battra à la dame 0",20 de pierres cassées qui complètent la face du talus. La figure 3 reproduit le type courant de digues, A, construites en terre avec un noyau B en blocailles, ou en pierres, et un revête- ment C en maçonnerie, dont le parapet a la forme concave pour mieux résister aux vagues. Le talus, à un et demi de base pour un de hau- teur, varie suivant les matériaux. D indique la limite des plus hautes marées, E celle des basses eaux au pied de la digue. 3 LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 243 b) Marshland Smeath. Le Marshland Smeath, qui occupe 650 hectares, est un des plus fertiles. La culture intensive s’y poursuit sans engrais, peut-on dire, et sans jachère nue. Le drainage par tuyaux a contribué à l’amélio- ration des terres récemment conquises sur la baie. c) Walpole Out-Marsh. A la suite des travaux exécutés par la Compagnie du Delta de Nor- folk, dans l'estuaire de la Great Ouse, le territoire augmente pro- gressivement. Le Marsh de Walpole compte parmi les plus récents polders; 1l couvre 550 hectares ; un autre polder de mêmes dimen- sions a été enclôturé, il y a peu d’années, le long du nouveau chenal de la Nen; enfin, sur les 2 000 hectares qni doivent constituer le Wingland, au moyen du Cradge Bank, la moitié environ est prête pour l’endiguement. d) Waldersea Marsh. Le Waldersea Marsh (3 200 hectares) représente, pour un sol tourbeux, mélangé d’argile, un ensemble des plus riches pâturages et des terres arables de première qualité, dont le desséchement est rendu définitif depuis la réfection des ponts-écluses de Wisbeach et de Sutton. e) Wisbeach Hundred. Au nord de Marshland, le Wisbeach Hundred (7000 hectares) est également d’une grande fertilité. Sur les parties plus élevées, les terres en culture arable produisent de lourdes récoltes de cé- réales et de pommes de terre. On fume avec de la poudre d’os la jachère en navette, et avec du fumier le froment qui suit le trèfle ou les fèves. Aux environs de Leverington, la culture en grand de la menthe poivrée alimente quelques distilleries importantes. 244 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 2. — Comté de Lincoln (Spalding). a) South Holland. Le district South Holland, d’une contenance de 32 000 hectares, est tout entier dans le Lincolnshire; il est borné au nord et à l’est par la baie, au midi par le nord Level Drain, et à l'ouest par le Welland. Du côté de la baie, il est défendu par la digue construite en 1660, et par des digues romaines Old Sea Dyke et New Sea Dyke, dont le sol extérieurement est plus élevé de 1,80. D’autres digues, Raven’s Bank est du nombre, avaient été établies jadis pour défendre les Marshes contre l’envahissement des eaux des Fens. On retrouve dans les pâturages un grand nombre de tran- chées parallèles qui servaient évidemment à retenir les crues; les remblais étaient utilisés comme refuges pour le bétail. Comme les bêtes paissaient le jour dans les terres humides et se retiraient le soir sur les monticules, les meilleurs pâturages se trouvent auJour- d’hui sur les hauteurs. Dans toute la partie méridionale, la plus basse de South Holland (environ 12000 hectares), le desséchement s’opère par un système de canaux courant de l’est, depuis Peak Hill, près de la digue du Welland, jusqu’à lécluse de la rivière Nen, près de Sutton Bridge. Ces canaux coupent presque à angle droit les drains qui se diri- geaient autrefois vers Lords Drain, dans le Welland, à travers les terres de niveau plus élevé. Malgré l’établissement des nouveaux canaux, celte partie du district frappée de taxes très onéreuses resta longtemps dans une situation des plus précaires au point de vue de l'assainissement et de la culture. Les travaux de l'Eau Brink Cul, en créant une chute additionnelle de 2",45 à l’écluse, améliorèrent définitivement cette situation. C’est à la suite d’un endiguement de 2100 hectares, effectué en 4792, que les intéressés obtinrent du Parlement le vote d’une loi autorisant le desséchement complet de la partie du territoire com- pris entre le Welland et Lulton Leam. D’après cette loi, un canal, LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 245 South Holland Drain, fut creusé (1794-1795) entre Peter’s Point, près de Sutton Bridge, avec une écluse pour rejeter les hautes eaux de la rivière Nen, et Peak Hill, près de la levée de Cowbit, sur une longueur de 22 kilomètres et demi. Deux canaux servent d’embran- chements, le Highland’'s Drain (8 kilomètres) et le Lowland’s Drain (6 kilomètres) ; ils complètent, pour la parliz méridionale de South Holland, le desséchement opéré à l’ouest par le Lord’s Drain qui, lui, se décharge dans le Welland, à Wragg Marsh, près de Spalding. Un certain nombre de communes font écouler directement leurs eaux de desséchement à la mer, soit par le Shire Drain, comme Sutton-Saint-Edmund, Tidd-Saint-Mary, Sutton-Saint-James, etc., sur 2300 hectares; soit par Lullon Leam, Moullon Creek, et d’autres aqueducs qui traversent les digues. Le long de la Nen, le sol est un loam épais, de riche qualité, et le sous-sol est perméable ; mais en s’éloignant de la rivière, il devient plus tenace, à cause du mélange de l'argile et de la tourbe. Un signe de richesse de ces terres résulte du fait que le pastel peut se cul- tiver pendant trois et cinq années consécutives, et être suivi de plu- sieurs années de blé. Aux environs de Long Sutton, le sol se prête à la culture inten- sive du froment, de la moutarde, des racines, etc. ; les prairies y sont en plein rapport, quoique sur des terrains trop sablonneux, où il y a excès de matières salines, laxatives, l’herbe ne soit pas aussi recherchée par le bétail. Au nord de Moulton, jusqu’à Foss Dyke, le long du Welland, le sol des Marshes, tout en jouissant d’une grande fertilité, a une con- sistance bien plus ferme qui se rapproche de celle du gault. b) East Holland. East Holland, dans sa partie limitée au nord et à l’ouest, par le canal Old Hammond Beck et au midi, par les rivières Glen et Wel- land, est intermédiaire entre les Fens et les Marshes. Le terrain, de plus ancienne formation que celui des marais, réparti entre les com- mupes de Gosberton, Donington, Swineshead, Wigtofl, etc., est soumis à la culture arable ; et comme ces communes possèdent des 246 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Murshes dans la direction de la côte, vers Bicker Haven, elles peu- vent combiner ainsi l’élève du bétail avec la culture des terres. Les canaux de desséchement, Old Ouse Mer-Lode, Five Towns Drain, Kirton Drain, ete., sont, à vrai dire, des fossés, décrivant des sinuosités sans nombre, avec des embran*hements dans tous les sens, insuffisants même pour le drainage des eaux pluviales. Il en résulte que les eaux s’infitrent dans le sol et le sous-sol très poreux, pour regagner souterramement les rivières ; malgré cela les terres sont relativement sèches et figurent parmi les plus fertiles de la contrée ; c’est le cas surtout pour les exploitations situées à Wigtoft, entre Donington et Kirton. La partie méridionale de East Holland est bien desséchée par le canal Risegate Eau, qui se dirige en ligne à peu près droite entre le Hammond Beck et le Welland, vers Foss Dyke. Le reste du district est drainé par le Foss Dyke Gout, dans le Welland, et par le Xirlon Gout, à travers la digue. Ces deux canaux ou (Gouts reçoivent éga- lement les eaux de divers Marshes : Sullerton, Frampton, etc. De la commune de Kirton Skeldike jusqu’à Kirton Holme, et sur les Marshes de Frampton et Wyberton, les terres sont de premier choix et portent les récoltes les plus épuisantes, tandis que du côté de Boston, de Sutterton et d’Algarkirk, le long du Wash, les herbages pour l’engraissement des moutons et des bêtes à cornes sont répu- tés parmi les meilleurs. c) Marsh et Middle Marsh. Le littoral du Wash, à partir de Boston jusqu’à Wainfleet, pro- tégé contre les irruptions de la mer par une digue dite romaine, est couvert par les Marshes les plus fertiles, dont les pâturages, au dire même des agronomes anglais, sont la gloire du comté de Lincoln. Leur sol consiste en humus noir, fournissant un loam d’une texture remarquable, qui repose sur un sous-sol d'argile marneuse. Quoi qu’il en soit, la gloire de ces Warshes est chèrement payée. La taxe des riverains pour l'entretien des digues dépasse en effet 10 fr. par hectare, et les digues ont été trop souvent insuffisantes pour empêcher l’envahissement des fortes marées. Au mois de novembre LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 247 1810 notamment, le Marsh, par une énorme marée et un violent ouragan, fut complètement lavé ou enseveli sous les débris des digues ; la ville de Boston fut en partie inondée, et de Wainfleet jusqu’à Spalding, le territoire demeura longtemps submergé, avec perte de bétail, de récoltes et d’habitations. Depuis lors, les digues ont été rélablies sur de plus fortes dimensions, et surtout à une plus grande hauteur ; elles ont résisté à la puissance des marées, ct les inondations se bornent au refoulement des eaux douces par les Gouts qui traversent les digues. Le Middle Mursh où Clays, qui sépare la bande des Marshes ma- rimes des terrains de l'Eust Fen, présente aussi un sol arable d’une rare fertilité. C’est dans les deux districts que les communes de Fries- ton, Butterwick, Leverton, Wrangle, Friskney, Wainfleet, etc., par l'élève et l’engraissement du bétail, puisent les ressources nécessaires pour le développement de l'exploitation des Fens assez médiocres qui bordent les wolds. 3. — Comté de Lincoln (littoral). North Marshes, — Les Marshes du Lincoln ne s'arrêtent pas à Wainfleet, mais se prolongent tout le long de la côte vers le nord, jusque dans l'estuaire de l’'Humber ; ils occupent environ 30000 hec- tares. Les eaux du vaste bassin des wolds et des clays qui domine la côte descendent sur la plage, occupée par les Marshes, en se frayant, vers l'embouchure dans la mer des lits qu'il a fallu endiguer pour empêcher les inondations et maintenir le chenal au milieu des alluvions du littoral. Les cours d’eau naturels servent ainsi de ca- naux collecteurs; ce sont les cloughs, eaux, fleets et grifts, comme on les appelle, qui traversent les digues pour décharger les eaux à marée basse. On réunit souvent trois ou quatre canaux que l’on fait déboucher par un seul émissaire ou aquedue, avec écluse, comme à Saltfleet, à Trusthorpe, Anderby et Hogstorpe. Le desséchement des Marshes du nord ne laisse guère à désirer que sur quelques points, comme entre Grimsby et Barton, à Barrow, à cause du manque d’en- trelien des canaux particuliers. 248 , ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Entre Humberston et Louth, les canaux de desséchement passent sous le canal de navigation, à l’est duquel se retrouvent des Fens, c’est-à-dire des landes en terrain bas, appartenant aux communes voisines et que l’on a complètement desséchés ; Grainthorpe Fen a été un des premiers rendus à la culture. De Carlton jusqu’à la mer, la bande du littoral est traversée par des digues parallèles, constituant des polders séparés, dont les eaux sont épuisées, à Great Carlton et à Gayton-le-Marsh, par des ma- chines à vapeur. On compte à l’est d’Alford plus d’une douzaine de moulins à vent qui épuisent les eaux des Marshes appartenant aux communes de Bilsby, Huttoft, Thurlby, Cumberworth, etc. Enfin, les communes de Burgh, de Winthorpe, Skegness et Croft, dont les Marshes s’égouttaient directement à la mer, ont détourné les eaux par un canal de 5 kilomètres de longueur, pour les déverser dans la crique de Wainfleet, où les sables n’encombrent pas l’écluse. I. — LES FENS ET LES COLMATAGES DU LINDSEY NORD LEVEL (COMTÉ DE LINCOLN) Les grands travaux de régularisation des rivières Welland et Wi- tham, et le desséchement des Black Fens, de l’ouest au nord de la baie du Wash, ne sont pas les seuls dont le comté de Lincoln ait eu à ürer parti pour l'amélioration du sol, le relèvement de la produc- tion agricole et l’assainissement de la contrée. Il reste à décrire des Opéralions non moins importantes, exécutées aux embouchures des rivières Trent, Ouse et Ancholme dans l’'Humber, et dans les vallées qui comprennent le Axholme Level et le Ancholme Level. 4. — Le bassin de l'Humber. Le bassin hydrographique de l’Humber qui sépare le comté de York de celui de Lincoln est le plus étendu que possèdent les Îles Britanniques, car il reçoit les eaux en totalité de trois comtés, York, LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 249 Derby et Stafford, et celles, en partie, des comtés de Leicester et de Lincoln, représentant le cinquième à peu près de la superficie totale de l'Angleterre. I embrasse 225 kilomètres du midi au nord, et 119 kilomètres de l’ouest à l’est. Des quatre rivières principales qui débouchent dans l’'Humber, deux se rejoignent, la Trent et l’Ouse, pour former l’Humber ; le Hull y afflue de la rive du Yorkshire, et l’Ancholme, de la rive du Lincolnshire. L'Ouse et la Trent, avec leurs nombreux affluents, l’Aire, le Cal- der, le Don, le Derwent, la Dove, le Devon, lIdle, etc., qui traver- sent les terrains secondaires et triasiques, forment à leur confluent un vaste delta, de plus de 400 kilomètres carrés, dont le niveau est inférieur à celui de l'Océan du Nord. A partir de ce delta coule l’'Humber, servant de chenal aux deux rivières, sur 64 kilomètres environ, jusqu’à la mer. Les rives de l’'Humber sont situées à 1",85 au-dessous du niveau des marées de vives eaux, dans l’estuaire, non loin de l'Océan. Aussi, ne serait-il pas endigué, que le delta tout entier serait périodiquement submergé et converti en lagune. Dans la contrée que nous avons précédemment décrite, les digues le long de la côte du Lincoln et dans la partie de la baie du Wash, qui arrêtent les eaux des Fens, sont soumises à la fois aux attaques des vagues et à la pression des eaux des crues. D’autre part, les rivières du Wash ne drainent qu'un bassin de 15 000 kilomètres carrés et débouchent au milieu d’un large golfe où la plage, formée par de vastes bancs de sable, modère l’action des flots de la marée et des crues. À marée basse, la plage a une largeur de 4 à 5 kilo- mètres, et c’est seulement à marée haute que les digues ont à sup- porter l’action des vagues. Il n’en est pas ainsi de l’'Humber, dont les rivières tributaires rayonnent dans les comiés de York, Derby, Statford et Nottingham, sur un bassin bien plus vaste, où un tiers est recouvert de gra- viers et d’alluvions, et débouchent dans un estuaire torlueux. Au lieu de border les terres riveraines d’une ceinture, comme dans les Marshes, les sables précipités par les eaux limoneuses de la Trent et de l’Ouse forment d'immenses bancs au milieu de l’'Humber, tels que le Witton Sand, le Old Warp, le Skilter Sand, etc., et le cou- rant se divise le long des rives en deux passes profondes, de sorte 250 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. que les marais d’Ancholme, qui sont silués sur une courbe concave de l’estuaire, en face d’une pointe de la côte du Yorkshire, ont à supporter le choc direct du courant et des vagues de l’Océan. Le chenal de l’'Humber est d’ailleurs si rapproché des digues de défense des marais, que l’affouillement ne s’arrête pas sous l’action de marées dont la vitesse est de 15 kilomètres à l'heure. Aussi, quelles que soient les dimensions des digues, le soin essentiel consiste dans l'entretien des enrochements à leur pied, et du revêtement de leur talus, du côté de l'estuaire ; à défaut d’une surveillance et d’une réparation continuelles, les digues cèdent, et les nouvelles levées doivent être reportées à l'arrière pour faire place aux érosions com- binées du fleuve et de la mer. Les rivières Ouse et Trent, dans leur trajet en aval sur les grès du trias, on! tellement corrodé les marnes du Keuper, qu’elles aban- donnent dans l'estuaire de l'Humber des atterrissements énormes dont une partie seulement gagne la mer. Soit à cause d’une chute moindre des pluies annuelles dans le -bassin de ces rivières, soit par suite de dérivations dans l’écoule- ment des eaux de drainage et de pluie, dues à l'extension des tra- vaux de desséchement et à la culture plus profonde des terres, jadis mal entretenues, la mer, depuis quelque temps, a repris le dessus et nettoyé une partie de l’ancien delta. Le travail offensif de l'Océan se poursuit à celte distance, d’année en année ; il a été évalué à plus de deux mêtres d’érosion, sur toute la côte entre Kilnsea, près de Spurn Point, et Bridlington*. La masse de détritus, en n’évaluant qu’à 10 mètres la hauteur moyenne des falaises de la côte Holderness (or, celle de Dimlington atteint 42 mètres au-dessus du niveau de la mer), peut être estimée à 1 million de mêtres cubes par an. Une grande partie tombe à la mer et va rejoindre par les courants les matériaux déversés par le Rhin et les érosions des côtes de la Hollande ; mais une partie no- table est utilisée pour le colhnatage (warping) des rives de l'Hum- ber. En effet, les eaux limoneuses repoussées par les hautes marées, surtout aux équinoxes, sont introduites dans des canaux spéciaux 1. J. Oldham, Proceedings Inst. civil Engineers, t. XXI, p. 454. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 251 qui facilitent la submersion des terrains inférieurs et le dépôt des matières Lenues en suspension. On arrive ainsi, en renouvelant aussi fréquemment que possible la circulation des eaux troubles, à com- bler les dépressions, à élever de 0",30 à 0",45 le niveau de plu- sieurs milliers d'hectares, dont le sol parfaitement nivelé, grâce au mélange avec les sédiments, acquiert une fertilité exceptionnelle. On estime que les sédiments entrainés par les eaux marines et les eaux douces suffiraient pour colmater annuellement, sur 0",50 d'épaisseur, plus de 300 hectares. C’est dans les années sèches, lorsque les eaux des rivières sont moins troublées et à l’étiage, que le colmatage progresse plus rapidement. C’est également pendant l’élé que les atterrissements, dus à l’eau des rivières, augmentent dans le chenal, faute de courant, jusqu’à l’obstruer complètement aux environs de Thorne. Les marées d’au- tomne et de printemps se chargent heureusement d’en débarrasser l'estuaire. La rivière Humber, si on peut donner le nom de rivière à cette passe où débouchent l’Ouse et la Trent, couvre, aux marées de printemps, une surface de 285 kilomètres carrés ; les terrains qui ont été conquis actuellement en dehors du périmètre submergé représentent 790 kilomètres carrés. Aussi, la rivière est-elle endi- guée sur tout son parcours ; les digues dominent certains lerrains et les vastes marais à dessécher d’une hauteur de 2",75. Au-dessous des alluvions servant de lit à l'estuaire, on rencontre la craie, qui, en face de l’île de Sunk, est à 6 mètres de profondeur. Des amas d’argile, de gros gravier, de gros cailloux et de rognons pierreux, reposant sur cette craie, forment des îles que la mer a respectées. Avant de décharger ses eaux, à Spurn Head, dans l'Océan du Nord, l’'Humber reçoit: sur la rive nord, une série de petits affluents ou de ruisseaux, et le Mill Beck, qui lui apportent les sédiments des terrains du pied des wolds ; sur la rive sud, l’Ancholme, qui a donné lieu à des travaux très importants de canalisation et de régularisa- tion depuis le xvrr siècle ; et finalement la rivière Hull, sur la rive nord, qui draine la côte de Holderness.. 252 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. a) Pratique du colmatage (warping). L'eau des marées remontant par l’Humber dans la Trent, l'Ouse, le Don, etc., est très limoneuse. Un tube de 15 centimètres de lon- gueur, rempli de cette eau, laisse déposer un centimètre, et même davantage, de limon vaseux. Quant à la rivière même, elle coule limpide à son embouchure ; aucune crue de ses affluents ne lui apporte de limon ; au contraire, les crues nuisent au colmatage, car celui-ci s'opère avec d'autant plus de rapidité et d’abondance que la sécheresse de l’été s'étant prolongée, le volume des eaux de rivière est plus réduit. C’est donc aux eaux de marée que l’on est redevable du colmalage qui se pratique avec tant de succès sur les rives de l’'Humber. Il est probable toutefois que les matières minérales ter- reuses, charriées par l’Ouse et la Trent et reprises par le flot de la mer, contribuent à la fertilité des alluvions. Le procédé du warping, de l'avis d'Arthur Young, est efficace dès que l’on peut disposer des eaux à volonté, les admettre sur le terrain ou les évacuer librement, par des canaux bien aménagés. En outre, faut-il que la nappe d’eau limoneuse ait l'épaisseur voulue, grâce à un endiguement assez résistant, el puisse être maintenue à cette épaisseur pendant le temps nécessaire à la précipitation des parties sédimentaires les plus fines. Sur de grandes surfaces, le canal principal d'amenée peut avoir plusieurs kilomètres de longueur ; on a établi des canaux qui avaient 6 kilomètres, et des branchements en plus, de chaque côté ; mais il y à lieu d'observer que l’effet du limonage s’atténue lorsque la dis- lance augmente, c’est-à-dire que l’opération exige d’autant plus de temps que le terrain est plus éloigné du point d'admission des eaux de marée, sur la rive. La pratique du warping remonte à la moilié du siècle dernier. Commencée sur les bords de l’'Humber, à Rawcliff, puis à Howden, en 1743, elle ne s’est développée, dans le bassin en amont, que de- puis les écrits de Marshal’, de Lord Hawke * et de Day°. En 1800, 1. Rural Economy of York, 1788. 2. Agricullural survey of Yorkshire, p. 164. 3. Report of West Riding of Yorkshire, Agricultural survey. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 253 on comptait à peine un millier d'hectares de terres colmatées dans l'estuaire de l’'Humber ; en 1860, dans l’île d’Axholme seule, on avait colmaté plus de 4000 hectares. Le territoire du Marshland de York- shire, dans le voisinage immédiat de Axholme, et celui situé à l’est de la Trent (5 000 hectares), ont été complètement colmatés depuis le commencement du siècle. Le terrain soumis au warping est endigué de tous les côtés, au moyen de levées faites en terre que l’on extrait sur place. Ces levées ont une pente qui varie de 1,20 à 1",50 pour 1 de hauteur per- pendiculaire, et une largeur à la crête qui dépend de la force des marées ; mais le plus souvent, elle est de 0",60 à 0,90. Aussi bien la hauteur que la largeur des digues se calculent, du reste, d’après le niveau des eaux vives, pour qu'on puisse les introduire ou les exclure à volonté, comme aussi d’après la surface de l’enceinte du terrain à colmater et le volume des eaux. Suivant les dimensions du terrain endigué, on ménage une ou plusieurs écluses ; le plus souvent, on en pratique deux, l’une (floodgate) pour introduire la marée, l’autre (clough) pour léva- cuer. La surface, pour deux écluses, est comprise entre 5 et 6 hec- tares. À marée montante, l’écluse d’accès s'ouvre et livre passage à l’eau dans le canal principal, dont la surface est environ trois fois plus grande, afin d’éviter toute résistance à l'écoulement, tandis que la vanne de décharge est maintenue fermée par le poids de l’eau même qui monte. À marée descendante, l’action inverse se produit. L’écluse de décharge est construite de manière que les vannes fonc- tionnent automatiquement à marée basse, entre le reflux et le flux suivant, et l’eau retourne à la rivière, en curant les canaux dans les- quels elle a opéré le dépôt de matières. L’écluse d’accès est placée à un niveau tel que les eaux vives seules peuvent entrer dans l’en- ceinte ; c’est-à-dire que le seuil est plus haut que le niveau des marées de mortes eaux. Parfois, il convient de planter en avant de la digue, du côté de la rivière, quelques arbres, des saules notam- ment, qui brisent la vague et facilitent l’atterrissement au pied de la digue. Le canal principal d’amenée est tracé jusqu’à l'extrémité opposée du terrain ; mais pour empêcher que le dépôt ne s’accumule à l’en- 254 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. trée et sur son parcours, on pratique des saignées latérales qui con- duisent l’eau directement et plus rapidement sur les autres points éloignés, de façon à égaliser l’atterrissement. Il faut toujours avoir soin, lors de l’évacuation des eaux, de ne laisser la nappe que sur l'épaisseur voulue, afin de ne pas empêcher l'accès des eaux de Ja marée suivante. Dans l’île d’Axholme, tout propriétaire dont les terres bordent un des canaux publics de colmatage, peut se servir des eaux en perçant la digue; mais s’il v a opposition, il est tenu d’acheter le terrain de la dérivation. Le paiement de ce terrain se fait au prix d'usage, et celui de la percée dans la digue, à demi-prix ; mais comme le ven- deur conserve la propriété de la digue et le droit à l’herbe, l'mdem- nité est plus que suffisante. De plus, tout propriétaire qui établit une écluse sur la rive doit s'engager vis-à-vis des commissaires (Sewers commissioners) à payer tous dommages, en cas d'accident. On n’emploie d'ordinaire que les eaux vives ou malines, parce qu’elles ont assez de reflux pour dégager les canaux et éviter leur obstruction. Le colmatage commence généralement en juillet, et dure tout l'été. Les digues, les écluses et les canaux sont mis en état avant la sai- son, afin de ne pas perdre l’avantage d’aucune des marées de vives eaux. L'été est la saison préférée, parce que les colmates s’égouttent plus vite et que les marées sont moins mélangées d’eaux douces. Il n’est pas rare, en n’ayant recours qu'aux eaux vives, d'obtenir 0",45 d'épaisseur de limon en un an, moyennant une seule écluse, sur un compartiment peu étendu. On compte, dans l’île d’Axholme, sur 0,80 à 0,90 d'épaisseur en deux ans. Lorsque la couche tour- beuse, de 2,50 à 3 mètres, a été colmatée, comme dans les Crowle Moors, le sol s’affaisse après quelques années de culture, et il de- vient nécessaire de colmater une seconde fois. À la distance de 35 ou 6 kilomètres de la rivière, le limon est encore assez abondant pour que l’on essaye de colmater avec chance de réussite, mais les canaux d’amenée doivent alors être très spa- cieux, d’une largeur de 8 à 10 mètres. Il importe, en effet, que la masse d’eaux vives soit rapidement introduite pendant le flot, et s'écoule par un canal à large section entre deux marées. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 255 Il est facile de déterminer la section à donner aux écluses, en recourant aux formules basées sur le débit en mètres cubes par seconde ; mais on conçoit que plus les dimensions des vannes sont At ail We RE \ RINNNN NT NS Ni “ SS" \\ Fig. 4. fortes, plus la dépense est grande quand le terrain à warper est peu étendu. Les vannes sont souvent automatiques; c’est-à-dire que les marées 296 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. montantes ferment par leur pression la vanne de décharge elouvrent la vanne d’amenée. Le contraire a lieu dans les marées basses. La figure 4 reproduit le plan d’une opération de colmatage sur les bords de la Trent; les cotes de nivellement sont en mètres : ab est la digue de rivière, et cegh le canal principal d’amenée, servant également à la décharge des eaux. Le terrain à warper est partagé en six compartiments; les flèches indiquent la direction que suit l’eau dans les canaux pendant les marées montantes. La hauteur de l’eau qui recouvre le terrain varie naturellement suivant son niveau par rapport à celui des eaux vives ; quand cela est possible, on la maintient entre 0",90 et 1,50, car la proportion de limon dépend en somme de l’épaisseur de la nappe d’eau de ma- rée ; mais on obtient le même résultat en prolongeant l’opération avec des nappes moins profondes. Il est d’usage de ne colmater que deux ou trois pièces de terrain chaque année, de façon à étendre sur un certain nombre d’années l'opération de colmatage d’un domaine. Le limon, ou la colmate, exige quelque temps avant de résister sous les pieds; 1l y a de graves inconvénients à commencer la culture avant qu'il soit suffisamment épais et naturellement drainé. Le coût du colmatage est très variable suivant la situation des terrains relativement à la rivière. | Arthur Young regardait comme un maximum le coût de 350 à 000 fr. par hectare. Or, l'évaluation exacte de la dépense comprend non seulement les frais de construction des digues, des canaux, des vannes, etc., mais encore la surface que les travaux exécutés per- mettront de cultiver économiquement. En effet, avec un même nombre de vannes, ou bien, avec un nombre plus ou moins grand de vannes dans une enceinte déterminée, on pourra beaucoup di- minuer le coût général, si la surface est étendue. Day estimait qu’en dépensant de 120 à 250 fr. par hectare, dans les meilleures conditions, on créait des terres dont la valeur aug- mentait au décuple; plus le sol primitif est mauvais, ajoutait-il, tout en étant perméable, et plus il s’enrichit par le colmatage. Des 1. Pareto, Irrigation et assainissement, t. If, p. 1040. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE, 251 terrains valant à peine 300 fr. par hectare ont obtenu par le colma- tage une plus-value de 2500 et 3 000 fr., due aux riches et abon- dantes récoltes qu’ils produisent sans le secours d’aucuns engrais, pendant nombre d'années, et à la possibilité de les limoner de nou- veau. Il importe, pour cela, que le terrain soit toujours soigneuse- ment entretenu, au point de vue des plantes adventices et des drains qui égouttent les eaux, quand ils ne servent plus au colmatage. Dans l'ile d’Axholme, le coût du colmatage des terres qui longent les canaux publics (creusés lors de l’enclôture en 1795), ne s’élève pas au-dessus de 130 fr. par hectare ; mais ailleurs, quand on doit compter la dépense des canaux, des éciuses, etc., le coût atteint de 700 à 1 200 fr. ; le sol inculte et stérile avant le colmatage acquiert, il est vrai, une valeur de 4 000 et 6 000 fr. par hectare *. D'ailleurs, la qualité des terres colmatées varie beaucoup. Au voisinage des ca- naux, elles sont plus sablonneuses que plus loin, et le rendement agricole se ressent de la proportion de carbonate de chaux et d’ar- gile du terrain primitif, ou mieux, du sous-sol. Quand le warping est achevé, à la fin de l’année, on donne un léger labour ou hersage, pour installer des bandes de 3",60 de lar- geur que l’on laisse en jachère pendant tout l’hiver. L’on sème au printemps, le plus souvent, des graines de prairie et d’avoine mé- langées ; on coupe l’avoime, les moutons pâturent l'herbe pendant deux années, en fertilisant le sol, et permettent à l’excès de sel de se dissoudre. La récolte suivante est fournie par le blé qui reste pen- dant plusieurs années consécutives. Il arrive que l’on récolte avec le blé, dès la première année, du trèfle blanc, venu spontanément au milieu d’une foule d'herbes adventices telles que, moutarde, cres- son, céléri sauvage, patiences, chardons, etc. Le point essentiel est d’assurer un bon drainage aux sols qui viennent d’être colmatés. La première récolte, trèfle rouge ou blanc, mélangée avec du ray-grass et maintenue pendant deux années, consolide le sol par leutrage et le prépare à recevoir le blé. Les pommes de terre et le chanvre ne réussissent pas dès le début ; le sol est trop froid*?. Tou- {. À. Clarke, Farming of Lincolnshire, loc. cil. 2. Loudon, Cyclopædia of agriculture, p. 664. ANN. SCIENCE AGRON. — 1893. — r. 17 258 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. tefois, sur la rive orientale de la Trent, on suit un assolement qui consiste en : 1° graines fourragères avec quelque peu de navette ; 90 fèves; 3° blé; 4 chanvre et 5° blé; puis une jachère nue pour se débarrasser du chiendent qui se propage avec une activité remar- quable. Clarke estime que la valeur des terres colmatées est sur- faite : lorsque le blé se vend à 25 fr. l’hectolitre, la rente locative de ces terres ne devrait pas surpasser 120 fr. par hectare *. Drainage des colmates. — Tous les atterrissements n’ont pas un égal besoin de drainage ; il faut considérer la profondeur du dépôt, la nature du sous-sol et la nature de l’alluvion elle-même. Parkes constate qu’à l'embouchure de l’'Humber, l'argile, dans les atterrissements, prédomine sur la silice, et que l'inverse a lieu aux environs de Goole et de Thorne, où les alluvions sont formées par l’Ouse. L’alumine des atterrissements de l’'Humber est très belle et très hygroscopique. Après un mois d’une évaporation énergique et de sécheresse (mai à juin), l’eau se montre dans le sol à 0,45 de la surface, et les conduites de drainage placées à 1",20 et 1,80 de profondeur suivant la pente, avec 12,50 d'intervalle, débitent copieusement. Toutefois, dans son état primitif d'humidité, pendant la saison sèche, le même sol se crevasse aussi largement et aussi profondément que les argiles les plus fortes. Selon que les dépôts de l’'Humber sont formés par la Trent, ou par l’Ouse, et renferment des proportions différentes d'argile, de silice et de sel, la fertilité est différente. Cette remarque s’applique en général à tous les cours d’eau, suivant la distance plus ou moins grande de leur embouchure. A Bridgewater, dans le comté de Somerset, la rivière Parrot a formé au milieu du petit bras de mer qui avançait jadis dans les terres, des atterrissements, aujourd’hui couverts de riches prairies, toujours verdoyantes. Or, c’est à un mille au-dessus, et à un mille au- dessous de la ville de Bridgewater, sur les bords mêmes de la rivière, que lon trouve le limon servant de poudre de tripoli dans l'usage 1. Farming of Lincolnshire, loc. cit., p. 379. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 259 domestique (sous le nom de Bath brick). Sauf en ces deux endroits, à la jonction des anciennes eaux salées et des eaux douces, on ne trouve plus les substances propres à donner par leur réunion le poli à la coutellerie et aux ustensiles en métal ; l'efficacité est attribuée aux débris siliceux des infusoires détruits par l’eau de mer’. L’at- terrissement formé plus avant dans les terres, ou plus près de la mer, n’a pas les mêmes propriétés. Dans certaines alluvions humides, plus rapprochées des embou- chures, où domine le sel, un drainage profond et complet peut seul permettre d’en accroître la fertilité. Aux environs de Patrington (Humber), on commence par les abandonner pendant trois ans à ce que l’on appelle l'herbe aux moutons ; puis on laboure et on em- blave en navette, qu’on laisse venir à graine, au lieu de la donner aux brebis portières. Cette plante est très propre à débarrasser le sol de l’excès de sel, et fournit d'excellents rendements. On sème ensuite du blé, qui, malgré la cristallisation saline encore apparente à la surface, donne jusqu’à 22 hectolitres par hectare, et les cul- tures après le blé ne sont soumises à aucun assolement pendant plu- sieurs années où l’on se passe d’engrais. Les alluvions plus éloignées des embouchures demandent à être drainées avec discernement. Un profond drainage, très énergique, soutire l’eau et l’entraîne loin de la surface, lorsqu'elle est en excès. En temps de sécheresse, on maintient le niveau de l’eau dans les fossés, en y introduisant celle des drains des terres supé- rieures, pour qu’elle reste près de la surface, à la portée des ra- eines. Parfois on se borne à exploiter les atterrissements par pièces de 4 hectares, entourés de fossés découverts dont la pente est calculée de façon à procurer au sol l’égouttement que l’on regarde comme suffisant ; pendant les sécheresses on fait emplir d’eau ces fossés. Il est évident qu’un système combiné de drainage profond et d’irri- gation souterraine est à tous égards préférable pour de pareils sols, dans la saison humide et pendant les chaleurs”. 1. David Page. Economic geology, 1874, p. 202. 2 J. Parkes. Du drainage profond. (Journ. agric. prat., 1850, p. 421.) 260 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. b) Géologie. Le sol d’alluvion, le long de la rivière Trent, à l'est, est extrême- ment riche, jusqu’à la rencontre des landes tourbeuses, au pied des collines de grès rouge et du lias; mais ces landes ont été colmatées sur une épaisseur de 0",45 à 0",90 et transformées en terres de première qualité pour toutes espèces de récoltes. La bande de ter- rains riches qui côtoie la Trent représente une surface de 3000 à 4000 hectares. Dans l’île d’Axholme 6 000 hectares de terres colmatées, en partie par la Trent et en partie par les eaux des marées, reposent sur un sous-sol de sable et de tourbe : elles sont remarquablement fertiles. La colmate sur sable blanc ou gris passe pour la plus riche, à cause du drainage naturel du sous-sol. Près de Alihorpe, le dépôt warpé sur plusieurs pieds d'épaisseur recouvre les débris de forêts de la lande tourbeuse ; ailleurs, cette tourbe en décomposition re- monte à la surface. Dans le comté de York, et sur les limites du Nottingham et du Lincoln, la mousse (moss) tourbeuse à jusqu’à 3 mètres et » mètres d'épaisseur, comme dans le Thorne Waste ; elle couvre directement le sable. Des forêts entières ont disparu sur une étendue de plus de 4000 hectares, pour donner naissance à ces landes de tourbières, par le fait probable de l’abaissement du sol primitif, car on ne saurait admettre de variations dans le niveau de l'Océan. Les mêmes phénomènes ont eu lieu sur la Trent, dans l’in- térieur des terres, comme dans les Fens et les Marshes directement accessibles aux marées. La vallée de la rivière Ancholme (11 000 hectares) appartient à la formation tourbeuse, avec sous-sol d'argile, comme celle des Marshes du midi du Lincoln. En aval, c’est-à-dire en se rapprochant de l’'Humber, le sol est une alluvion foncée, un mélange d’argile, de gravier et de matières végétales que l’Humber a déposés avant l’endiguement des rives. A l’écluse de Ferriby, l'épaisseur de latter- rissement est de plus de 10 mètres. L’argile même qui constitue le sous-sol de la vallée entière paraît avoir été également déposée par les eaux de la mer remontant l'Humber, à la rencontre des eaux douces qui drainaient les collines. La tourbe à Worlaby et dans les LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 261 Carrs adjacents”, apparaît au-dessus de largile, qu'un labour pro- fond permet d'atteindre. Dans les Carrs de Roxby et d’Appleby, sur la rive ouest de lAncholme, la tourbe a 10 centimètres d'épaisseur ; elle s'étend ainsi jusqu’à Brigg au midi, mais en s’écartant de l’ar- oile et en acquérant une texture spongicuse due aux fragments de bois et d'herbes en décomposition. De l’autre côté de l’Humber, en face Ferriby, un grand banc de sable (40 hectares), Old Warp, a été endigué; les autres bancs for- més dans la rivière, par les dépôts des marées, ne sont endigués qu'autant que le courant des eaux vives peut être maîtrisé par des digues dans le chenal dont le lit est aussi mobile. A Winteringhan, les lais d’alluvion sont étroits, mais le sol, d’une épaisseur de 1,80, est de qualité exceptionnelle. 2. — La rivière Trent. La rivière Trent prend sa source dans le nord Staffordshire, à 240 mètres au-dessus du niveau de la mer; sur une longueur de 276 kilomètres, elle draine un bassin de 10 600 kilomètres carrés, qui recouvre principalement les terrains du nouveau grès rouge. À parür de Newton, où la Trent forme la limite du comté de Lin- coln, jusqu’à son confluent avec l'Ouse, sur une cinquantaine de ki- lomètres, la pente de la rivière, le long du cours tortueux qu’elle décrit, est très faible. Aussi, les inondations sont-elles fréquentes et parfois désastreuses, comme en 1875. L’eau des crues submerge de vastes superficies en aval de Newark, mais surtout, dans le comté de Lincoln, les alluvions richement cultivées de l'embouchure. La marée, qui remonte librement dans l'Humber, pénètre dans la Trent jusqu’à Gainsborough, et par les vives eaux, le flot, animé d’une vi- tesse de plus de 15 kilomètres à l'heure, donne lieu périodiquement au phénomène du mascaret (bore ou egre comme on l'appelle), dont les vagues courbes surpassent de 1",20 les bancs et les hauts-fonds du lit inférieur. 1. La désignation Carr, dans la région de l'Humber, correspond à celle de Fen du Cambridge. 262 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Axholme Level. — En aval de Gainsborough, la Trent entre dans le district des Fens du nord, dont les terrains, situés à un niveau inférieur à celui de la marée haute dans la rivière, comprennent le Axel Carr où Haxey Carr, le Hatfield Chace, le Thorne Level, etc. Au milieu de cette vallée occupée jadis par les marais, émerge un territoire sous forme d’ilot, Axholme Isle, dont le sol appartenant au nouveau grès rouge est recouvert par les marnes irisées du Lrias. Sur la rive orientale de la Trent, immédiatement en aval de Gains- borough, un district de 1 000 hectares environ, le Morton Carr, autrefois humide et inculte, est aujourd’hui colmaté et desséché. Les travaux d'amélioration commencèrent à la fin du siècle dernier ; des canaux de ceinture furent creusés pour recevoir les eaux d’é- goultement des terrains supérieurs, et des canaux transversaux pour le colmatage des terrains bas. Ces derniers n'avaient qu’une chute de 0,60 à l’étiage de la Trent, pour écouler les eaux à Ravensfleet. Grâce au colmatage, le terrain s’exhaussant, le niveau du desséche- ment s'est amélioré. En 1801, une loi spéciale autorisa les com- munes de Morton, Walkerith, East Stockwith, Blyton, Warton, Pil- ham et Gilby à enclôturer le Morton Carr, après desséchement. Une loi plus récente a autorisé l'établissement d’une puissante machine à vapeur pour l'épuisement des eaux. Plus en aval, sur la même rive orientale, les terres basses (3 600 hectares environ) se drainent par gravitation dans la rivière Eau, qui descend des hautes terres de Corringham, Scotter, etc., et débouche dans la Trent, à Butterwick. Un grand nombre de canaux et de fossés déchargent leurs eaux par des écluses dans la rivière, et comme le sol de la rive a été successivement colmaté en aval de Butterwick, jusqu’à l’émissaire de la Trent, le drainage s'opère dans la section inférieure, par la pente naturelle, sans moyens mé- caniques. Sur la rive occidentale de la Trent, en aval de Stockwith, com- pris entre le pied d’escarpement du lias et l’ancien cours du Don, un des affluents de l’Ouse, en face du district que nous venons de décrire, se trouve le territoire qui embrasse l’le d’Axholme, le Halfield moor, le Thorne moor, etc., couvrant en plaine 20 000 hec- ‘ LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 263 tares, sur lesquels 12 000 en terres basses, marécageuses, dont le desséchement remonte au règne d’Édouard IT Plantagenet (1327). Sous le règne de Henri VI de Lancaster (6° année, 1428), une loi fut promulguée, prescrivant à l'instar des lois et coutumes observées dans le Romney Marsh, dans le comté de Kent, des règles d’après lesquelles les commissaires de drainage devaient procéder au dessé- chement des Carrs du nord Lincolnshire. Pendant de longues années, les commissaires, en vertu de cette loi, rendirent des ordonnances concernant la construction et l'entretien des digues, et la fixation des salaires à payer pour les travaux de curage, de tranchées, etc., en cas d'urgence. Malgré cela, jusque sous Charles [°° Stuart (1625-1649), le pays fut submergé périodiquement. Plus de 20 000 hectares se trouvaient constamment sous l’eau, à une profondeur de mètre et davantage. On naviguait en bateau de la rivière Idle jusqu’à la Trent, à travers les marais, pour porter les provisions et les récoltes. Le roi Charles I, seigneur de Axholme, de Hatfield-Chace, de Dykes-Marsh, aussi bien que les seigneurs de Wroot et Finningley, ne tirant aucuns revenus de leurs propriétés, résolurent de faire opérer le desséchement, et engagèrent les services de l'ingénieur hollandais Cornelius Vermuyden, chargé plus tard des opérations du Bedford Level. L'inondation permanente était due au débordement des cours d’eau l’Idle, le Thorne, le Don, et du canal Bycur's Dyke, qui s’en- trecroisent sur des terres d’un niveau inférieur à celui des hautes eaux de la Trent. Vermuyden songea d’abord à faire écouler sépa- rément dans la Trent les eaux des terres supérieures traversant les marais et celles des canaux obstrués par les limons des marées. Ces eaux furent écoulées dans le Snow canal et dans la rivière Al{horpe, au moyen d’écluses qui s’ouvraient seulement à marée basse. Le reste du desséchement fut opéré en 5 ans, au prix de 1400000 fr. Une partie des terres desséchées fut réservée au Roi, et Vermuyden, avec ses associés, reçut un tiers de la surface, 10 000 hectares envi- ron, pour la rémunération de ses services ; une société fut formée plus tard dans le but d’entretenir les travaux, à l’aide d'une taxe proportionnelle par hectare. La plus grande partie de Huxey Carr, ensemencée en navette et 264 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. en froment, donna pendant trois années consécutives de magnifiques récoltes. Les terres marécageuses, qui ne valaient pas 1 fr. 50 c. par hectare, réalisèrent, après desséchement, le prix de 30 fr., et quand les maisons et les bâtiments d'exploitation eurent été construits, les terres améliorées se traitèrent à 40 et à 45 fr. l'hectare. Les conditions de l’agriculture avaient progressé si rapidement dans le Trent Level, que le blé rendait couramment 22 hectolitres, le seigle 21 hectolitres, l’avoine 55 hectolitres à l’hectare, pendant quatre et six années consécutives. Les salaires avaient doublé. Deux cents familles de réfugiés protestants venant des Flandres et de France avaient reçu des terres dont elles tiraient le plus grand parti, lorsqu’en 1642 éclatèrent les émeutes populaires, comme dans les autres parties du royaume, et les paysans, voulant reconquérir les droits de vaine pâture, d’affouage, de tourberie, de pêche et de chasse, dont ils avaient été frustrés, mirent au pillage toute la con- trée des Garrs et des marais desséchés. Les arrangements contractés au nom du roi, dans le but peu avouable d'augmenter sa liste civile et d'entretenir les grandes chasses de Hatfeld, avaient exaspéré les populations. Pour le manoir d'Epworth, dont les terres occupaient 9 420 hectares, 370 propriétaires qui avaient adhéré au projet de desséchement n'avaient reçu au voisinage des villes et des bourgs habités, que 2 400 hectares (Open field lands), et le reste avait été distribué aux entrepreneurs. Plus des deux tiers des intéressés, en dehors du territoire de Epworth, avaient toutefois refusé de sous- crire aux conditions de l’entreprise. Aussi, lorsque le Parlement même eut donné l’exemple de l’insubordination aux décrets du sou- verain, les intéressés s’armèrent en masse pour se faire justice. C’est alors que, pendant des semaines entières, s’emparant des écluses, ils laissèrent déborder les eaux des marées par le Snow canal. La Trent, à Misterton, rompant les digues, submergea le Level tout entier, noyant le bétail et les récoltes et effondrant les bâtiments et les maisons d'habitation des fermiers. En 1645, les habitants de l’île de Axholme détruisirent la plus grande partie des digues, com- blèrent les canaux et menèrent leurs bêtes paître dans les champs de céréales des nouveaux colons. Les émeutiers déboutés continuërent les troubles, malgré la force LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 265 armée envoyée contre eux, refusant l'impôt et saccageant les pro- priétés qui avaient été épargnées, Jusque vers l’année 1714, quand fut sanctionnée la loi sur les émeutes. A la fin seulement du siècle dernier, les travaux furent restaurés et quelque peu étendus. Une loi datée de 1795 autorisa les inté- ressés à se taxer en vue de modifier le système appliqué par Ver- muyden, c’est-à-dire, en creusant de nouveaux canaux à double fin, pour drainer et pour colmater, et, aux termes d’une clause spéciale, en utilisant les eaux au colmatage des terres adjacentes. Le grand canal coulant dans la direction ouest, de la Trent vers Keadby, fut établi conformément à cette loi, dans le but de fournir les eaux limo- neuses par deux canaux secondaires parallèles, et en cas d’obstruc- tion, de faire servir les eaux à curer les drains en chasse, afin de faciliter le warping. Dans l’île d’Axholme, la partie basse qui s’écarte de la Trent baisse de niveau progressivement ; la partie élevée qui représente les deux cinquièmes de la surface totale occupe le centre, et sauf entre Crowle et Belton, elle est ondulée en petites collines qui s’élalent vers l’ouest. Déjà, à une époque ancienne, pour se défendre contre les crues de la Trent, les moines de Selby avaient fait construire un fort bar- rage en bois sur la Trent, en travers du ruisseau Mare Dyke. Le su- périeur du cloître, John de Shireburn, voulut substituer plus tard au barrage élevé par son prédécesseur, l’abbé de Gaddesby, un ouvrage en pierres, mais les commissaires du roi Henri V (1640) intervin- rent, estimant que les murs ne résisteraient pas au flot des marées, et décidèrent les moines à refaire un barrage en charpente, de fort équarrissage, avec un double pertuis de 1°,20 sur 2 mètres, en même temps qu’à élever une double digue sur les rives de la Trent”. Ce sont les plus anciens travaux dont il soit fait mention. Le desséchement des bas terrains de l’Axholme, à l’ouest de la digue Trent Bank, s'opère par les canaux Folly Drain, New Idle Drain, et d’autres moins importants qui les traversent et déversent les eaux à Althorpe, ou près d’Althorpe. Quant aux terrains de la 1. Dempsey, Drainage of districts and lands, p. 67. 266 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. partie septentrionale, ils sont desservis par des canaux rejoignant directement la Trent. Vermuyden avait projeté des canaux en ligne droite, pour écouler les eaux des rivières qui décrivaient de trop longs circuits en raison du niveau trop bas des terres ; mais 1l commit l'erreur de choisir Le ca- nal Snow et le canal d’Althorpe comme principaux collecteurs. Or, à partir d’Althorpe jusqu’à son embouchure, la Trent a une pente de 0",001 par mètre, qui s’est trouvée perdue pour le desséchement du district. Les eaux eussent été conduites par un canal principal jusqu’à l’Ouse, que la chute aurait été augmentée de 1",50 à 1,80, per- meltant aux terrains bas situés à l’ouest et au midi d’écouler leurs eaux par gravitation, au lieu de recourir à l'épuisement mécanique. Jusqu'à 1l y a cinquante ans, les fermiers des basses terres de l'ile d’Axholme ont employé, au lieu de pompes actionnées par des moulins à vent, des écopes mues par des chevaux qui étaient abso- lument insuffisantes pendant la saison des pluies. Depuis lors, on à installé partout des machines à vapeur, faisant mouvoir des roues à palettes, au lieu de pompes trop sujettes à réparation. Indépendamment des machines qui font le service public du des- séchement des marais de Soss, de Heck-Dyke et de Hirst-Priory, représentant ensemble une force de 155 chevaux-vapeur, pour 4 800 hectares, les autres machines de moindre puissance, réparties sur les exploitations particulières, figuraient, en 1860, avec une force totale de 110 chevaux, employée à dessécher 2 200 hectares, comme 1l résulte du tableau ci-après. La dépense d’épuisement, par machine à vapeur, varie selon la saison et l’évaporation ; elle est plus grande en été qu’en hiver; on l’évalue en moyenne de 6 fr. 50 c. à 15 fr. par hectare’. 1. Suivant une évaluation fournie à Algernon Clarke, par un fermier de Axholme, employant une machine à vapeur de 5 chevaux, les frais d'épuisement par hectare seraient les suivants : Coût de la machine avec transmission et de la roue à palettes, ete. 6250 F2 SO 20 Ep MODS ARR LEE a ee SES TES Houille: 10 tonnes à 12 fr. 50 c. (0 fr. 75 c. par hectare) . 125 Salaire; \graissage téntretien, "ete: Lin RENTE Total:pour 162-hectires Ce NS 75 Soit 5 fr. 40 c. par hectare. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 267 Axholme Level. Détail des machines en service pour le desséchement (1860). 3e Re HAUTEUR » S J DES LOCALITES HOCSRE en d’épui- ÉMISSAIRES. DE : ou des maximum. propriétaires. densochése chevaux. | sement. 2 machines 180 25roues 3,02 |à Stockwith, dans la Trent. Heck-Dyke. . 15 1 roue dans la Trent. Hirst-Priory . i à Althorpe, dans la Trent. Atkinson dans la Trent. Kelsey . Low Level. Belk . Jaques . Broughton . Butterwick. . 1 pompe Kelfield. . . 5 1 roue Carr . 3; i Pearson. Newland. . Gervase. - ET - - -_ 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 4 1 - - > À _ eh eh pb pt et YO nt el es el ub be ÿ 9 - NN 1 © 1 1] WW 1 ToTAUx. . Ua grand canal percé entre Zdle-Stop et Trent-Fall, où la Trent et l’Ouse débouchent dans l’'Humber, eût permis de dessécher tous les terrains de Axholme et ceux adjacents, dans les comtés de York et de Nottingham, sans recourir aux machines. La chute eût été de 3 mètres en contre-bas de celle d’Althorpe, et le collecteur n’eût reçu que les eaux des crues provenant des basses terres. D’ail- leurs, la Trent étant étroite à Althorpe, les marées y montent à une grande hauteur; tandis qu'à l'embouchure, la largeur étant plus grande, les flots de marée ont peu d'influence sur la baisse des eaux à l’étia ge. Le canal projeté, muni d’écluses à marée, aurait reçu à dle-Stop les eaux de Bawtry, dans le Nottingham, qui sont déversées par le Bycar-Dyke à Stockwith, et aurait pu être maintenu ainsi en bon état 268 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. de curage. En outre, les eaux de marée du canal auraient assuré le colmatage d’une surface de 8 000 hectares ; ce qui devient impos- sible en employant les eaux de la Trent. Les ingénieurs Smeaton, en 1776, et Rennie, en 1813, soumirent les devis de ce canal. En 1828, un comité spécial proposa sur base de ces devis le desséchement de 40 000 hectares, le colmatage de 6 500 hectares avec une plus-value annuelle de 500 000 fr. pour les terres, etune navigation plus facile, moyennant une dépense de 8 750 000fr.; mais, devant ce chiffre énorme, les propriétaires intéressés n’eurent pas le courage de tenter une entreprise aussi fructueuse *. 3. — La rivière Don. La rivière Don, qui a été dérivée dans l’Ouse par une coupure de 8 kilomètres de longueur, appelée Dulch River, et la rivière Idle, un des nombreux affluents de la Trent, coulaient jadis directement dans l’'Humber. On retrouve non seulement l’ancien lit du Don, en aval du confluent de la Went dans l’Ouse, mais les lits d’autres bras qui communiquaient avec l’estuaire. Un de ces bras, peut-être le bras principal, avait un cours torlueux à partir de Thorne où la rivière se détourne actuellement dans une direction nord, et sui- vant la direction est-nord-est, depuis Crowle jusque dans la Trent, il aboutissait près de Adlingfleet. De son côté, la rivière Idle, qui descendait, passé Misson, dans la direction nord vers l’ancien lit du Don, où elle se jetait à 5 kilo- mètres au sud-ouest de Crowle, a été également déviée par une cou- pure de Misson, à West Stockwith. Il s'ensuit qu’un vaste territoire, sillonné jadis par les ramifica- tions de ces cours d’eau, dans le but de remédier à l’obstruction du delta de l’'Humber, a été transformé en marais que l’on a dû assainir pour les rendre à la culture. Ce territoire comprenant Thorney waste couvre près de 620 kilomètres carrés, en jonction avec les Fens du Lincoln et les landes de l’autre rive de la Trent. Aussi bien Thorney waste que les autres atterrissements de l’an- 1. À. Clarke, Farming of Lincolnshire, 1851, vol. XIL. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 269 cien delta des rivières Don et Idle, ont été l’objet de travaux consi- dérables de desséchement, de drainage et d’enclôture. 4. — La rivière Ancholme. La rivière Ancholme prend naissance à Spridlington, dans les hauts plateaux qui séparent Lincoln de Market-Rasen. Après avoir coulé à l’ouest, elle suit une direction vers le nord, reçoit à Glen- tham les eaux d’un petit affluent, le Rasen, descendu des collines crayeuses de Tealby, et remonte en ligne droite, sur une longueur canalisée de 30 kilomètres, pour se jeter dans l'Humber, à lécluse Ferriby. La vallée longue et étroite de lAncholme contient environ 11000 hectares de terrains d’un niveau inférieur à celui des marées de vives eaux. Depuis Bishops Bridge situé à ce niveau, les terrains s’abaissent progressivement jusqu'à 1",37 au-dessous, à Kelsey ; puis à 2°,75, à Brigg ; ils ne se relèvent qu’à 0,90 vers l’écluse. Quant au bassin de la rivière, il s'étend sur plus de 80 000 hec- tares, dont 20 000 en plaine, à 16 kilomètres environ du confluent de la Trent et de l’'Humber ; 40 000 en collines crayeuses qui re- montent jusqu’à 39 kilomètres, au nord et au sud de l’'Humber; ce sont les wolds; et 20 000 hectares en collines oolithiques, plus basses que les précédentes, qui partagent les deux vallées de la Trent et de VAncholme. Enfin, au sud, une formation alluvienne sépare les deux vallées de l’Ancholme et du Witham. La largeur de la vallée varie entre un kilomètre et demi, en amont, et » kilomètres, en aval. Le débit journalier du bassin est évalué à 4 millions de mètres cubes, susceptibles de colmater, sur 0,06 d’é- paisseur, le sol de la partie marécageuse qui touche à l’'Humber *. Très anciennement endigué, pour contenir le flot des eaux de l’Humber, l’Ancholme, dont le cours était particulièrement sinueux, avait fini par s’obstruer, au point que, sous le règne d'Édouard II (1307), le chenal entre Brigg et Ferriby se trouvait réduit de 12 mètres à 2 mètres de largeur. Les coudes de la rivière, en amont, 1. Ansted, Waler and waler supply, p. 313. 210 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. étaient au nombre de 12 à 14, et quoique les eaux supérieures ne fussent pas aussi abondantes, puisque le desséchement n’était pas opéré, les débordements étaient périodiques. Sir William Dugdale a laissé une carte de la vallée, datée de 1640, où l’on retrouve encore les coudes et les sinuosités de l’Ancholme, avant l'exécution des tra- vaux de rectification. Ancholme Level. — Ce fut en 1635 (10° année du règne de Charles [°) que Sir John Munson obtint pour lui et pour un groupe de grands propriétaires, ses associés, la concession du desséchement des Fens et des Carrs des deux rives de l’Ancholme ; il s’engagea à exécuter les travaux dans le délai de six années et à installer l’émis- saire à Ferriby, de façon que les terres complètement asséchées fussent cultivables en prés et en prairies, moyennant l’abandon en toute propriété, exempte de taxes et d'impôts, de 2 357 hectares. Trois ans plus tard, en 1638, le canal ayant été creusé sur 30 ki- lomètres, depuis Glentham jusqu’à l’Humber, et les canaux latéraux fonctionnant, voire ceux exécutés même du temps d'Édouard III (1397-1377), pour le desséchement des terres entre Elsham et Fer- riby, Sir John Munson et ses associés entrèrent en possession de leurs terrains et les exploitèrent jusqu'aux jours de la rébellion pendant laquelle les populations rurales tentèrent de ressaisir, les armes à la main, les terres et les droits dont elles avaient été spoliées. Après ces temps de troubles, les travaux ne furent plus entretenus, les canaux s’obstruèrent, les alterrissements finirent par encombrer le lit de la rivière, et les inondations replacèrent la vallée dans la si- tuation marécageuse où elle se trouvait jadis. En 1767 finalement, une loi fut votée, autorisant la reprise des travaux en vue de la na- vigation et du drainage, et quelques années plus tard, malgré une charge annuelle, pour compte de travaux, de 7 fr. 70 c. par hectare, répartie sur 8000 hectares, la valeur locative des terres assainies remonta de 30 à 90 fr., au lieu de 5 à 10 fr. par hectare. Malgré cela, à la fin du siècle dernier, la pente générale était devenue trop faible; le desséchement laissa de nouveau à désirer, et force fut de faire appel à l'ingénieur des Fens, Rennie père, pour sortir d'urgence d’une situation qui s’aggravait de jour en jour. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 211 Le rapport de Rennie, remis aux intéressés en 1801, se fondait sur les mêmes principes que ceux proposés, et appliqués plus tard, à l’assainissement des Fens que draine le Witham. Il concluait : 1° A la rectification et à l’approfondissement de l’Ancholme cana- lisé, pour obtenir la chute d’eau maximum ; 2 A la construction d’une grande écluse à marée, à Ferribv; 3° À l'exécution d’un canal de ceinture (catchwaler) sur la rive méridionale, destiné à recueillir séparément les eaux des terrains du niveau supérieur, avec une écluse spéciale pour la décharge de ces eaux dans l’'Humber. Les eaux provenant des hautes terres, animées d’une plus grande vitesse que celles des terres basses, élèvent le niveau de ces der- nières et les empêchent de se décharger aux écluses que l’on ouvre seulement dans l'intervalle des marées. Le canal de ceinture projeté par Rennie père devait non seulement détourner les hautes eaux, mais fournir une réserve aux terrains inférieurs, en vue du colma- tage et de la navigation. Les conclusions du rapport de l’éminent ingénieur furent adoptées, mais exéculées en partie seulement. L’Ancholme fut rectifié ; le collecteur de ceinture ne fut creusé que jusqu’à Brigg, et deux écluses à sas furent édifiées, l’une pour la navigation à Hortestow Green, au point où la rivière débouche dans les basses terres, et l’autre à Ferriby, sur l’'Humber, pour em- pêcher l’envahissement des marées. Ces travaux incomplets furent-ils exécutés conformément aux plans de Rennie père ? Toujours est-il que vingt années plus tard, son fils, Sir John Rennie’, visitant le district, constatait que l’assainissement était défectueux ; le lit de l’Ancholme était ensablé, la navigation qui devait permettre aux cô- tiers du Yorkshire de remonter jusqu’à Bishops Bridge était arrêtée à quelques kilomètres en amont de Brigg ; enfin, les travaux et les ouvrages d'art étaient dans le plus déplorable état. Dès lors, Sir John Rennie recommanda, dans un nouveau rapport, daté de 1825 : 1° D’approfondir et d’élargir sur tout son parcours l’Ancholme canalisé, de façon à l’approprier à la navigation des bateaux côliers 1. Aulobiography, loc. cût., p. 225. 212 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONCMIQUE. de 2 mètres de tirant d’eau, et à maintenir le flot jusqu’à 0",60 et 0",90 au-dessus du niveau des basses terres, afin de prévenir les inondations et d'assurer l’écoulement des eaux de desséchement ; 2 De donner 1",82 d’abaissement au seuil de l’écluse à sas, pour permettre la remonte des bâtiments jusqu’à Bishops Bridge, et de faire précéder l’écluse d’un barrage, avec un bassin de réception des sables charriés par les eaux supérieures ; 3° De construire une nouvelle écluse à sas, à Ferriby, avec 1,82 d’abaissement et 6 mètres d'ouverture, en aval de l’ancienne, et de refaire les ponts avec de plus grandes ouvertures; 4° De dessécher le collecteur de ceinture, pour le curer, l’élargir et le prolonger jusqu’au niveau supérieur extrême ; * 9° De creuser un autre collecteur de mêmes dimensions sur la rive nord, depuis a nouvelle écluse jusqu’à l'extrémité du district ; 6° De munir d’un barrage à pertuis, avec puisard pour les sables, toutes les embouchures de ruisseaux ou de canaux dans les collec- teurs de chacune des rives. Ces travaux, adoptés par la commission de l’Ancholme Level, furent confiés aux entrepreneurs Jolliffe et Banks, sous la direction de l'ingénieur local Adam Smith, en vertu d’une loi portant la date de 1825. L’écluse de Ferriby, dont le seuil a été abaissé de 2,45 par rap- port à l’ancien, offre plus de 6 mètres d’espacement pour l’entrée des bateaux et la décharge des colatures. Les anciens ponts qui rétrécissaient le chenal étant démolis, la nouvelle écluse établie à 28 kilomètres de l'embouchure, possède trois ouvertures de 5,50 chacune et un développement total de 22",55. Chaque ouverture est pourvue de portes automatiques que la marée ferme, et que les eaux d’amont ouvrent, dès que le flot baisse. Les portes, en outre, sont surmontées de vannes qui règlent le niveau de la navigation (soit 3,16 au-dessus du seuil), de façon à maintenir une profon- deur d’eau de 2°,67 à Brigg (à 14 kilomètres en amont), et de 2%,98 à Harlem-Hill (à 29 kilomètres). Le résultat de ces travaux qui ont coûté 600 000 fr., a été des plus satisfaisants. Sir John Rennie admet que la nouvelle écluse est une des mieux réussies et des plus économiques. Le desséchement LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 7 est parfait, en tant.que la navigation n’abuse pas des retenues qui refoulent les eaux d'écoulement venant d’amont. L’Ancholme peut débiter le volume total des eaux qu'il reçoit dans l'intervalle de deux marées, quoique l’écluse reste fermée moitié du temps; mais comme la navigation exige un niveau de 3,90 supérieur à la laisse des marées de morte eau, les crues ne sont pas déchargées assez rapidement, et au flot suivant, elles sont chassées sur les terres des Carrs, qui sont à 2",75 en contre-bas, par rapport au niveau d’eau dans la rivière. Il y aurait lieu, en conséquence, de détourner une partie des eaux des crues des terrains supérieurs par de nouveaux canaux d’égout- tement, afin d’év'’er les submersions temporaires des Carrs Wad- dingham, Suitterby, Kelsey, etc. Ces canaux, avec décharge spéciale dans l’'Humber, pourraient être d’ailleurs utilisés pour les besoins de la navigation, ou pour l'irrigation des terres trop sèches. De même, il y aurait lieu, dans le but de compléter le projet de Sir John Rennie, qui projetait les canaux de ceinture aux niveaux élevés, d'établir des réservoirs ou puisards, pour recueillir les sables charriés par les eaux, et en débarrasser le chenal de l’Ancholme. Plus de 150 kilomètres carrés de lais de rivière et d’autres allu- vions, grace aux travaux de Rennie fils, ont pu être repris sur les marais et convertis en terres arables de première qualité. On cultive surtout, dans la vallée d’Ancholme, sur les terres limo- nées, la pomme de terre qui suit une récolte verte comme jachère, ou bien des fèves ou du lin. Sur les sols de meilleure qualité, la pomme de terre et le blé se suivent alternativement pendant un certain nombre d'années ; sur les autres sols, on intercale entre ces deux récoltes de l’orge, de l’avoine, des fèves, du trèfle, du lin ou des oignons”, 5. — La rivière Hull (Yorkshire). Le dernier tributaire de l'Humber, sur la rive nord, sort du pied des wolds à Driffield et à Killiam. Les deux ruisseaux qui forment la rivière Hull se rejoignent à Frodingham. À partir de cette localité, 1. À. Clarke, The practice of agricullure, loc. cit. ANN. SCIENCE AGRON. — 1893. — 1. 15 274 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. pendant un trajet de 15 kilomètres, elle coule au midi jusqu’à Beverley, et 15 kilomètres plus loin, elle débouche dans l'Humber, après avoir drainé, dans ce dernier parcours, 160 kilomètres carrés de terres marécageuses qui s’élendent sur une largeur de 6 à 12 ki- lomètres le long de la côte de Holderness, jusqu’à Sunk Island, situé à 16 kilomètres. La digue qui protège cette rive serait, dit-on, une œuvre romaine ; elle fut complètement restaurée en l’an 1313. La ville de Kingston- upon-Hull, avec les magnifiques docks qu’exigent son important com- merce et sa navigation à vapeur, est bâtie elle-même sur les lais de PHumber, au confluent de la rivière Hull, à un niveau de 0,90 à 1,50 en contre-bas de celui des marées de vives eaux. Sur les terres de marais qui ont été desséchées par colmatage, la pomme de terre est la principale récolte; on en obtient même une double récolte annuelle, en adoptant le procédé de la germination préalable, suivant ce qui a lieu également sur les bords de la baie de Morecambe, le long de la côte ouest du Lancashire. Le système ordinaire est de faire suivre la pomme de terre par le trèfle, et le blé, par les fourrages ou les féveroles. On donne à la fin de lautomne un labour profond pour enterrer le fumier (90 à 70 tonnes à l’hectare), et au printemps, un nouveau labour en travers, avant de planter les pommes de terre-sur ados, et de leur appliquer de 3 à 5 quintaux de guano à l’hectare. Les semences sont plantées, à raison de 15 à 18 quintaux, à des intcr- valles de 0,25 à 0",39, en rangées écartées l’une de l’autre de 0",70 à 0,75. Cette culture caractéristique des terres colmatées est très lucra- live, là où le tubercule est épargné par la maladie qui dévaste pério- diquement les champs de l’Angleterre, depuis 1845. Le rendement moyen varie de 15 à 25 tonnes à l’hectare, dans les meilleures terres, et de 10 à 15 tonnes, dans les terres de qualité inférieure : la dépense s’évalue entre 1 000 et 1 500 fr. par hectare’. 1. Ch. Whitehead, On cultivalion of hops, fruit and vegetables (Journ. Roy. Agric. Soc., 1878, vol. XIV). LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 275 IT, —— LES ENDIGUEMENTS ET LES POLDERS DU LITTORAL Les opérations qu'il nous reste à décrire concernent plutôt le littoral ; elles comprennent, pour quelques-unes, la mise en polders des alluvions laissées par les marées, et pour d’autres, la défense, à l’aide de digues, de surfaces plus ou moins vastes, consacrées à la culture. A l’embouchure des rivières, là où les alluvions présentent le plus d'intérêt pour l’enclôture, l’action des vagues n’est pas toujours aussi destructive que sur les côtes, directement exposées aux cou- rants. Il est possible de remplacer les digues de terre, ou muraillées, par des encaissements que les ingénieurs anglais ont exécutés de longue date avec plein succès. Diques par encaissement. — Les encaissements s’établissent de la manière suivante. Sur un radeau en fascinages de 0",60 d'épaisseur et de 6 mètres de longueur, on dispose un lit d’argile ; puis sur ce radeau, on en établit un second, de mêmes dimensions, avec lit d'argile, et ainsi de suite, de telle sorte que les radeaux superposés descendent d’aplomb par leur propre poids sur le fond du lit dont les rives doivent être encaissées. La digue ainsi obtenue, de 6 mètres à la base, de 5",50, par exemple, à la crête, s’avance isolée, sans accotoirs, du côté des rives, et résiste parfaitement à la double action des courants dus aux marées et du courant de rivière. Elle est submersible à marée de mortes eaux ; mais quand on veut ürer parti des terrains laissés en arrière, submersibles au-dessous du niveau des eaux moyennes, il y a lieu de l’exhausser et, au besoin, de la revêtir de perré au-dessus de la ligne des vives eaux, ou bien encore, de la faire servir comme fondation à des enroche- ments en pierres perdues qui forment la partie supérieure des digues longitudinales. | Les digues par encaissement que les ingénieurs Rennie, père et fils, ont fait construire dans un grand nombre de baies, ont parfai- tement tenu, notamment le long de la Severn, qui se jette par un 210 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. large estuaire dans le canal de Bristol. Maigré la barre (mascaret) atteignant 1",85 de hauteur, malgré un courant de 15 nœuds à l'heure et un flot de marée qui monte de 6 mètres au-dessus de la mer basse et reflue avec une vitesse de 6 à 8 kilomètres à l'heure, les ouvrages en fascines et bourrées ont résisté jusqu’à la hauteur qui leur a été donnée, de 1",85, au-dessus de la limite des vives eaux. Elles reposent sur des bancs de sable que balayent les cou- rants, sans leur faire subir aucune déformation. Aussi, l’éminent ingénieur W. Cubitt n’hésitait-1l pas à proposer de jeter une digue de 6 kilomètres de longueur, en travers de l'estuaire de la Severn, à Hock-Crib, sur un banc de sable, dans le but de raccourcir le che- nal navigable et de gagner plusieurs milliers d'hectares de terrain cultivable sur la plage. Une variante a été adoptée pour la délimitation du chenal des divers cours d’eau, à travers lestuaire du Wash, qui consiste dans l'emploi de fascinages, faits avec des épines de haies entourées d'argile. Ces fascinages ont 1",80 de longueur, y compris les branches, et 0",90 de circonférence ; Les gros bouts tournés dans le même sens sont liés par des cordes goudronnées. On les dispose le long du nouveau chenal projeté, sur une ou plusieurs rangées, sui- vant la profondeur et la force du courant, et on les recouvre d’un lit de 0",15 d'argile. On continue à élever des lits de fascinage établis de la même manière, les uns au-dessus des autres, jusqu’à ce que l’on ait atteint le niveau de la plage, et dans les grandes ri- vières, le niveau des demi-marées. Ces sortes de digues peuvent être établies dans un chenal de 6 mètres de profondeur, à marée basse, sans souffrir du flux ou du reflux ; elles offrent un revête- ment durable là où la maçonnerie serait entrainée. On évalue le coût de cet encaissement à 5 fr. par mètre cube”. Digues à la mer. — Les encaissements n’ont pas été reconnus assez résistants sur d’autres points du littoral, ou du moins, le sys- tème ordinaire des digues en terre a prévalu, car à l’embouchure, par exemple, de la petite rivière Crouch, à l’entrée de l'estuaire de 1. Wheeler, Fascine work and reclamaltion. (Trans. Inst. civil Engineers, t. XIL.) LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. DU la Tamise (comté d’Essex), où le courant est assez étroit, mais pro- fond, la digue de défense construite en terre est revêtue de maçon- nerie. La mer déferle obliquement, venant du nord, et use beaucoup plus rapidement le front des ouvrages que si elle frappait à angle droit. Pour les remblais du chemin de fer qui longe l'embouchure de l'Humber, sur la rive gauche du comité de York, on a suivi les mêmes errements, en tenant compte de la direction des lames, afin d’amor- tir le choc des vagues et de préserver les talus. Ailleurs, les digues ne sont pas maçonnées. A l’embouchure même de l’'Humber, la digue de Louth a été construite, partie en sable ei partie en argile battue; seulement, d’après l’orientation des marées, les talus sont à 6, ou à 3 de base, pour 1 de hauteur. À Wells, sur la côte du Norfolk, la digue de Cromer, d’une longueur de 6 kilo- mètres et demi, a été construite en argile battue et revêtue de gazon, avec un talus de 5 pour 1. La digue qui défend Romney Marsh (comté de Kent), dont nous nous occupons plus loin, a une longueur de 6 kilomètres et demi. Attribuée aux Romains, comme les digues des Marshes du Lincoln, elle a été construite en terre, mais on à dù la fortitier par des pilotis sur deux rangées, entre lesquelles le vide a été comblé par de la craie. Les eaux de desséchement des 10 000 hectares enclôturés par la digue s’écoulent à marée basse, par trois aqueducs de grandes dimensions, avec écluses, au travers de la levée. Sur les rives de l’estuaire de la Tamise, où la marée monte de 9,05, les digues comportent trois sections en élévation ; la section principale inférieure a 5 mêtres de base pour 1 mètre de hauteur et 6,10 de largeur à la crête ; elle supporte la section centrale (out- burst bank) dont le talus est de 1 mêtre et demi pour À mètre de hauteur, sur 1,52 d’élévation et 2",45 de largeur à la crête. La section supérieure (swash bank) n’a que 0,75 de hauteur et 0,75 de largeur au couronnement. Ces digues en terre sont revêtues en argile corroyée et, sur les points plus exposés, en perré. Les talus supérieurs sont gazonnés, ou semés en ray-grass, en luzerne, etc. . 1. Knight, American Diclionary, p. 2085. 278 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 1. — Les polders de la baie Holkham (Norfolk). C’est en 1855 que le comte de Leicester fit entreprendre le des- séchement et la mise en polders des lais de mer qui se trouvent à la pointe occidentale de la baie Holkham. Cette baie doit son nom au domaine princier des comtes de Leicester, dont les palais furent édifiés sur les plans des architectes Palladio et Inigo Jones, au siècle dernier ; elle donne accès au petit port de Wells et aux parcs d’hui- trières de cette localité. Les premiers travaux entrepris par le comte de Leicester consis- térent dans l’établissement d’une digue de 1350 mètres de longueur, à l’est du port de Wells. Du côté du nord, les alluvions sont pro- tégées d’une manière complète contre la mer par une longue chaîne de dunes sablonneuses, suffisamment larges et élevées, couvertes depuis des siècles de saules marins (marram). Nulle protection est aussi efficace contre l'assaut des marées que ces dunes plantées, quand on a soi d’entretenir les plantations après les coups trop violents des ouragans. Les sables fraîchement entrainés se conso- lident rapidement par le marram. Du côté du midi, les marais sont depuis longtemps assainis et cultivés. La digue commencée à lest de ces marais, en 1857, fut achevée l’année suivante ; elle part de la pointe du quai de Wells, suit le chenal en ligne droite vers le nord, jusqu’à une sorte de falaise en cailloux roulés, qui se relie à l’est avec les dunes de sable. Dans son parcours, elle coupe l’ancien che- nal à deux reprises, de façon à ménager un lit plus profond pour l'accès du port. Construite en argile sur 400 mètres de longueur, à l’extrémité sud, la digue, pour le restant, est formée de sable, avee un revêtement en perré sur 0",60 d'épaisseur, qui plonge de 1,50 du côté de la mer, tandis que du côté des terres le perré n’a que 0",30. L'ouvrage offre 1",50 de largeur à la crête, avec un talus du côté de la mer, de 4 sur 1 dans la partie supérieure, sur une hauteur de 2%,50 à partir du couronnement, et de 5 sur À dans sa partie infé- rieure. Du côté des terres, le talus est de 2 sur 1 au sommet, et de 3 sur 1 à la base. En 59 ARS LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 279 La crête et le pied du talus du côté de la mer ont été empierrés avec des galets ; le reste, là où il n’y a pas de perré, a été gazonné sur une épaisseur de 0,07. L'expérience a appris que pour les dimensions ici adoptées, le sable résiste mieux que l’argile. L’écluse placée à l'extrémité sud de la jetée est fondée sur pilotis dans l'argile ; elle est fermée du côté de la mer par une porte de flot automatique, et du côté de la cam- pagne, par une martelière à vis. Elle permet de débiter non seule- ment les eaux des 255 hectares de lais de mer endigués, mais encore les eaux de 400 hectares de marais soumis au desséchement, aux- quelles se joignent celles des sources. Un seul accident à été causé, au mois de décembre 1862, par un coup de mer qui a enlevé la falaise de galets sur laquelle la digue s’appuyait, en affouillant le sol à une profondeur de 8°,50, par une brèche de 115 mètres. La falaise a été rapidement rem- placée, grâce à deux tramways d’un kilomètre de longueur pour le transport des matériaux, par une levée dont la déclivité est de 12 sur 1 du côté de la mer, et de 5 sur À du côté des terres. Le saule marin (marram) y à pris croissance el à consolidé en peu d'années le nouvel endiguement dont la hauteur est de 1",50 au-dessus des vives eaux. La première digue de sable, sauf le renouvellement des galets entraînés par les eaux de la brèche, n’a exigé aucunes réparations ; elle est protégée par les marais contre les vents impétueux qui souf- flent de l’ouest et du nord-ouest. Sur les 235 hectares mis en polders, plus de 80 hectares, au voi- sinage des prairies autrefois marécageuses, sont en sol argileux compact ; 33 hectares sont en limon vaseux, à la limite des collines argileuses ; 69 hectares en argile bleue que recouvre une couche de sable de 0,15 à 0,90 d'épaisseur, et le reste est formé d’un mélange de sables et de graviers plus ou moins fins. Le sol enclô- turé a exigé une dépense d’autant plus forte pour la mise en culture qu’à la rencontre des courants de marée venant de l’ouest et de l'est, en ce point de la petite baie, de grandes criques déchiraient le terrain, et ailleurs, des flaques d’eau en grand nombre restaient à l’état stagnant sur les parties argileuses. 280 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Dès l'automne de 1859, les travaux pour l’allotissement furent entrepris ; d’abord, les routes furent construites ; la principale, tracée dans toute la longueur, est coupée à chaque 500 mètres par des chemins de traverse de 9 mètres de largeur, bordés d’un fossé de chaque côté. Les bandes de terrains ainsi aménagées sont en- suite divisées par des fossés, en compartiments d’une contenance de 4 à 8 hectares. Comme chaque compartiment se trouve accessible par une route empierrée, la culture à vapeur a été introduite. Mais avant de labourer, il fallut combler les crevasses au moyen de sables transportés par vole ferrée, et niveler la surface entière des remblais et des déblais. La plus grande partie du polder, en 1862, était en callure : na- velte, pois, froment et avoine, lorsque la mer vint envahir toute la surface. Pendant les deux premières années, les récoltes furent su- périeures, au point de vue du rendement et de la qualité, à celles obtenues après l'accident. Le sol s'était imprégné de sel en excès, et si les routes ne souffrirent pas trop de la submersion prolongée, les récoltes en terre furent absolument perdues pour l’année sui- vante. Le drainage a été pratiqué sur une centaine d'hectares. Les drains, de 0,44 de diamètre, placés à 10 mètres d’écartement dans l’ar- gile, et à 20 mètres dans les sables, sont dirigés vers les fossés. En raison du nivellement de la surface, la pose des drains a donné lieu à quelques difficultés, pour assurer une pente convenable et un débit régulier. On a dù repérer le plan d’eau général, avant d'établir le fond des drains à un niveau constant de 1,95, reconnu suffisant pour obtenir la chute nécessaire dans les collecteurs. En dehors des terres livrées immédiatement à la culture, les argiles compactes ont été amendées par le sable, sur une épaisseur de 0",10 et retournées par des charrues à vapeur. Lorsque l'argile ne pouvait pas être atteinte par le labour, on a foncé des puits desquels on a extrait l’argile pour la brouetter sur le sable préalablement écroûté. Enfin, ailleurs, l'argile étant à la profondeur de 0",30 à 0",40, on a creusé des tranchées, pour ramener de 0",20 à 0,25 d'argile et remblayer en couverture les autres terrains, puis on a comblé les tranchées à l’aide de sable. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 281 Les appareils de labourage Fowler ont servi au défoncement à 0",40 et au nivellement de toute la surface amendée. Aprés une année de jachère seulement, les terrains ont été ensemencés. Depuis 1867, la salure due à la submersion accidentelle n’exerçant plus aucun effet, les cultures sont en pleine réussite. Aucun assolement particulier n’est adopté; on cultive tour à tour le blé, l'orge, l’a- voine, la navette, les racines et le trèfle, avec de bons rendements *. Celle opération, qui a exigé une dizaine d’années pour être com- plête, n’est qu'une de celles que Lord Leicester, digne successeur de son père, a réalisées dans son immense domaine de Holkham, sur 12 000 hectares. Après une dépense de 10 millions de francs, faite par le premier comte, et de 42 millions et demi, par ses fermiers, les sables stériles et les terrains maigres de Holkham ont été trans- formés en terres à blé. C’est la conséquence des amendements par largile et la marne, des engrais artificiels à hautes doses, de l’assolement quadriennal, des jachères sur labour, de l'élevage des moutons et de l’engraissement du bétail en hiver, des bâti- ments modèles d'exploitation, des baux à long terme, etc., en un mot de la rénovation moderne de l’agriculture, dont les Lords de Leicester ont été les promoteurs puissants et infatigables dans le comté de Norfolk. 2. — Les marais du Westmoreland, Sur la côte du Westmoreland, le desséchement des marais de Helsington, qui couvrent plus de 800 hectares, peut compter comme une des opérations les plus satisfaisantes, récemment lentées en Angleterre. Helsington. — Les marais, d’un niveau très peu supérieur à celui des basses marées, avaient été allotis et enclôturés au commence- ment du siècle, au profit d’un grand nombre de propriétaires, en vertu d’une loi intitulée Heversham Inclosure Act. Jusqu’alors on 1. Shellabear, Reclamation of land from the sea. (Journ. Roy. Agric. Soc., t. IL, 1867.) 282 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. s'était borné à extraire de la tourbe pour Ana riSiouRes la ville de Kendal et les environs. Les commissaires, aux termes de la loi, firent construire des digues contre les hautes marées, des fossés collecteurs et des écluses de dé- charge dans la mer ; mais, soit à cause d’une pente insuffisante, soit en raison du peu de profondeur du plan d’eau, les travaux exécutés n’empêchèrent pas le terrain d’être inondé par les fortes marées. En 1858, il fallut recourir à une nouvelle loi pour reporter à 5 kilomè- tres plus en amont le collecteur et l’écluse de décharge principale, dans le della même du Kent, à Ulphacrag. Grâce à cet avancement, la chute augmenta de 1",22 ; les collecteurs purent être élargis et approfondis, et à l’aide d’un fossé de ceinture (catchwater), on par- vint à capter les eaux des hauteurs environnantes pour les évacuer séparément. Le coût des nouveaux travaux s’éleva à 375 000 fr. À 1%,20 au-dessous de la surface de tourbe, on rencontre de l'argile marneuse. Comme les canaux principaux d'écoulement sont assez profonds pour que les fossés secondaires pénètrent dans l’ar- gile, on creuse ces derniers à l’aide d’un outil spécial (long mouth) et on forme avec le déblai des bourrelets superficiels que l’on gazonne. On obtient ainsi des drains excellents au prix d’environ 100 fr. par hectare. Les tuyaux deviennent ainsi inutiles ; le défaut de pente et le refoulement des eaux Les rendraient du reste peu pratiques. Le drainage achevé, on extrait l'argile du sous-sol par des puits, situés eur les bords des pièces à mettre en culture, et on la répand sur la surface de la tourbe, à raison de 250 charretées par hectare. Il en résulte un terreau meuble, riche en matières végétales, très approprié aux céréales, aux racines et au trèfle. Les bâtiments d'exploitation sont installés en dehors du marais. Les engrais ne sont employés que pour les récoltes fourragères, dans l’assolement de quatre ans, adopté par les cultivateurs. Sur quelques points où les tourbières ont été conservées, on continue à prélever du combustible, dans les villages de Brigsteer et de Beathwaite, qui approvisionnent Kendal. La fertilité du sol n’a pas diminué, et la pomme de terre est deve- nue læ culture dominante du marais, quoiqu’elle soit parfois retardée jusqu'en mai et juin par les fortes gelées. Avant le desséchement, " LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 283 les fièvres intermittentes décimaient la population ; il n’y a plus de fièvres aujourd’hui. La mer reprend quelquefois ses droits sur le marais. Pendant l'hiver de 1852, un ras de marée surmonta les digues et sabmergea sous quelques pieds d’eau les districts de Foulshaw et de Levens, en noyant le bétail; mais ces accidents sont exceptionnels ; l'entretien des digues et des travaux représente annuellement une taxe de 6 fr. 20 c. par hectare”. 3. — Les polders du Westmoreland. Le chemin de fer de Ulverston à Lancaster, traversant l’'embou- chure de la rivière Kent, dans la baie de Morecambe, laisse voir de vastes lais de mer et des marais coupés de la terre ferme et délavés chaque jour par les marées. M. Brogden s’est rendu ac- quéreur de 250 hectares de ces terrains qu'il a endigués et mis en polders. Les sables, après avoir été scarifiés, ensemencés et fumés à l’aide de phosphates et d'engrais de ville, ont été convertis en pâtu- rages luxuriants où les moutons et les bestiaux font l’admiration des cultivateurs du Westmoreland. Les terres marécageuses, après assainissement, sont soumises à l’assolement de la localité et en plein rapport”. C'est à la suite de cette opération lucrative que la Warton land Company a décidé d’enclôturer 4 000 hectares de ces mêmes sables, à l’aide d’une digue à la mer s'étendant depuis la gare de Hest Bank, du chernin de fer Londres nord-ouest, jusqu’à Arnside Point. Outre la digue, la compagnie établit une route de communication de Mo- recambe à Arnside, destinée à raccourcir d’une vingtaine de kilo- mètres la distance entre Lancaster et Barrow. Les travaux ont été ‘estimés à près de 4 millions de francs, et la valeur des lais de mer mis en culture à 10 millions de francs *. 1. Crayston Webster, Farming of Westmoreland. (Journ. Roy. Agric. Soc., 1876.) 2. Crayston Webster, loc. cil., p. 34. 3. Iron, 23 juin 1877. 284 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 4.— Le littoral des comtés de Kent et de Somerset. En dehors des riches terres marécageuses du comté de Kent, qui bordent la Tamise, le Medway, le Rother, le Stour et le Swale, unc plaine alluviale considérable s'étend le long de la côte entre Rye, au midi, et Hyde au nord, limitée à l’ouest par le district argileux du Weald, et à l’est par les graviers de Hastings. Romney Marsh. — C'est dans cette plaine dont le niveau est infé- rieur à celui des marées de vives eaux (4,10 à Dowls), que se trou- vent les marais de Romney et de Denge et les alluvions de Walland. semble qu’elle ait été jadis l'estuaire de la rivière Rother, qui comprend entre ses deux bras l’île de Oxney, et débouche aujour- d’hui dans la Manche au-dessous de Rye. Le marais de Romney aurait été endigué du temps des Romains, et desséché par leurs soins, ce qu’affirme Sir William Dugdale. Tou- jours est-il que Henri IT ordonna « que toutes les terres du district « fussent défendues contre la mer et contre les crues, et pour cela « maintenues par des digues et des fossés ». Le roi Édouard [°° réé- dita ces ordonnances et successivement les rois Édouard II et IE, Richard IT, ete., confirmèrent les dispositions qui rendent obliga- toire l'entretien des digues et des canaux de desséchement. La plus ancienne institution pour la surveillance du desséchement et de l’endiguement des terres basses, en Angleterre, a été fondée dans le Romney Marsh.Une commission, composée de 24 membres, y fonctionnait avant le xrr° siècle, d’après d’anciennes coutumes; elle avait le pouvoir de lever les contributions nécessaires pour les répa- rations urgentes, de poursuivre et de punir les récalcitrants. C’est eu s'inspirant de ces traditions locales qu’en 1250, sous le rêgne de Henri HI, furent rendues les six ordonnances stalutaires qui créèrent les commissions de drainage (commissioners of sewers). Henri VIT étendit les prérogatives de ces commissions, qu'il désigna dans une douzaine de comtés, y compris le Great Level des Fens (1532, 25° an- née du règne), et Édouard VI (1550, 3° année du règne) les confirma à perpétuité. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 285 Aussi bien les marais de Romney que ceux de Walling, de Denge et de Guilford, sont défendus sur le rivage de la Manche par des digues de galets et de sable, et dans les endroits les plus exposés, par de puissantes Jetées. Le sol est tourbeux sur certains points, mais le plus souvent il forme un loam argileux, avec quelques parties sablonneuses. Le sous-sol est de l’argile, et au-dessous de l'argile se trouve le sable du Weald. La côte de Denge est absolument envahie par les galets, sur une longueur de 5 kilomètres ; on n’y rencontre d'autre végé- tation que des touffes de joncs et de genêts épineux”. En dehors de celte côte désolée, le district est couvert de riches pâturages, où l’on élève et engraisse de nombreux troupeaux, à raison de 5 à 7 moutons par hectare, pendant l'hiver, et environ le double pendant l'été. Dans les étés très favorables, la pousse d'herbe est parfois si forte qu’il devient nécessaire d’y faire paître de jeunes bœufs, afin que la prairie ne devienne pas trop luxuriante à l’usage des mou- tons de transhumance, qui reviennent après avoir hiverné sur des champs de turneps. Sur les terres fortes des confins de Romney Marsh, une petite partie est en labour. Le drainage y a opéré de grandes améliora- tions. Le blé s’alterne chaque année avec les pois, ou les féveroles ; parfois on lui substitue de l’avoine, avec des turneps. On y cultive surtout comme porte-graines, des turneps, des betteraves et des radis pour les besoins du commerce. Somersel Marshes. — Dans la baie de Bridgewater, la côte du So- merset était jadis dans les mêmes conditions que celle du Lincoln, bordant le Wash. Les marées et les crues des rivières telles que le Parrot avec ses affluents, l'Ile, le Yeo et Tone et la Brue, entrete- naient sur toul le territoire, au midi de Wells et de Glastonbury, des alluvions marécageuses qui ont élé endiguées, desséchées et con- verties en terres d’une grande fertilité. Le territoire embrasse plus de 20 kilomètres à partir de la côte, 1. Topley, Agricultural geology of the Weald. (Journ. Roy. Agric. Soc., 1882, vol. VIIL.) 286 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. entre Bridgewater, Glastonbury, Wells, Axbridge et Brent Marsh; il n’est formé que d’alluvions, de sables, retenant les vases des crues et barrant l’écoulement des eaux qui descendent du Bruton et de Shepton Malet. Dugdale mentionne les travaux considérables qui furent exécutés de son temps pour protéger les terres contre les marées et les assainir au point de vue des pâturages à rente très élevée. Caird cite les Hams de Pawlet, qui sont une terre d’alluvion des plus riches, le long de la rivière Parrot et du rivage de la baie Bridgewater, comme rapportant en location pour pâturage de 325 à 875 fr. l’hectare”. IV. — LÉGISLATION. Malgré une législation confuse dont l’origine se perd au milieu des us et coutumes d’avant le x1v° siècle ; malgré l’incompétence des juridictions établies en vertu des statuts de Henri VIIL?, et de la loi générale promulguée par la reine Élisabeth; malgré le conflit d’at- tributions soulevé devant les cours de justice pour les règlements applicables au régime des eaux ; enfin, malgré les procès intermi- nables et les oppositions violentes des intéressés, la grande œuvre du desséchement des Fens a pu se poursuivre pendant deux siècles, et s'achever, de façon à présenter le type le plus parfait de l’assai- nissement des terres qui ait été réalisé en Angleterre. Inaugurés par des entrepreneurs, sous le contrôle des commis- saires de drainage (sewers commissioners) que le roi désignait ; puis, par des grands seigneurs, titulaires de chartes royales, les tra- vaux des Fens donnèrent lieu à des abus de spéculation qui insur- gèrent d’abord les populations rurales dont les droits avaient été méconnus et les intérêts sacrifiés. Plus tard, l’apaisement des esprits 1. Sir James Caird, General view of British agriculture. (Journ. Roy. Agric. Soc., 1878, vol. XIV.) 2. Henry VIIL, Sfatute 231, année 1531. 3. General drainage act ; Elisabeth 43", année 1600. LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 281 s'étant fait, le Parlement intervint à partir du règne de Jacques I, par des lois locales (local acts) au lieu de statuts, et institua dès lors des règles d’après lesquelles les entreprises furent continuées et développées, moyennant des conditions débattues à forfait ou des taxes prélevées en vertu de pouvoirs conférés aux commissions que nommait chaque loi spéciale. En 1847 seulement, sur l'initiative de Lord Lincoln, une loi gé- nérale * fut promulguée, aux termes de laquelle, pour des petits cours d’eau et des périmètres restreints, compris dans les domaines particuliers, les propriétaires purent faire appel aux compagnies (Land drainage) afin de dessécher, drainer, irriguer, colmater, en- diguer les terres et faire écouler les eaux au dehors. Toutefois, jus- qu'à ce que cette loi eût été complétée en 1861, aucun individu, aucune association d'individus, même avec l’aide des compagnies, ne put triompher d’une minorité, füt-elle d’un seul intéressé, qui eût fait opposition au projet d'amélioration. La loi de 1861 ?, finalement, est venue faciliter l'institution de con- seils administratifs (Drainage trustees) réunissant les pouvoirs né- cessaires pour organiser et améliorer les cours d’eau et le régime des eaux de tout un bassin. Aux termes de cette loi, les intéressés de chaque district comprenant l’affluent d’une rivière peuvent délé- ouer leurs pouvoirs à une commission générale chargée du bassin de la rivière, pour faire exécuter et entretenir les travaux d’amé- lioration, et prélever les taxes indispensables proportionnellement aux surfaces el aux intérêts de chaque participant. Le Land drainage act de 1861, amplifiant les pouvoirs déjà con- férés aux commissaires de drainage que Henri VIT fit désigner (23° année de son règne), accorde aux propriétaires de lais de rivière ou de mer le droit de se syndiquer pour couvrir les dépenses de l’en- clôture, au moyen de taxes proportionnelles. Ils ont ainsi l'avantage, chacun ayant sa part dans l’entreprise, de pouvoir combiner leurs efforts pour assurer une bonne direction aux travaux, sous le con- trôle public des commissaires d’enclôture (/nclosure commissioners). 1. General drainage act (Nict. 10 et 11). 2. Land drainage general act (Nict. 25 et 26). 288 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. C’est d’après ce même principe que le desséchement des Fens, en dehors de celui du Great Level, régi par un statut spécial’, a pu s’opérer, mais les pouvoirs des commissaires furent malheureu- sement restreints à une section des cours d’eau, au lieu de com- prendre la totalité du parcours d’une rivière et de ses affluents. Les lois relatives au desséchement des Fens du Witham, par exemple, ne visent qu'une section de 48 kilomètres de la rivière, entre Lin- coln et Boston, et le territoire correspondant à cette section a été partagé en six districts. Chaque district nomme sa commission de drainage intérieur, à raison d’un membre par paroisse. Les com- missions de district désignent, chacune dans son sein, les membres qui doivent les représenter dans la commission générale (Board of general commissioners), composée de 33 titulaires, dont 31 pour les districts et un pour chacune des villes, Lincoln et Boston. Enfin la commission générale n’exerce le contrôle sur la rivière et ses affluents que dans le parcours de 48 kilomètres visé par la loi, comme sur les canaux principaux de desséchement, et n’a le pouvoir de prélever des impositions qui permettent d'améliorer, d’étendre et de maintenir en bon état les travaux d’assainissement, que dans la section limitée. Quoi qu’il en soit, depuis l’année 1600 jusqu’en 1861, ce fut seu- lement en recourant à des Bills introduits devant le Parlement, motivant des lois locales (local acts), que la plupart des amélio- rations ont été entreprises dans les Fens isolés el sur les cours d’eau à rectifier, pour l'écoulement régulier des eaux de desséche- ment. Les frais exorbitants auxquels ont donné lieu les procédures du Parlement, en cas d'opposition aux Bülls, c’est-à-dire, aux projets de lois, ont imposé une des plus lourdes charges qu’aient eu à sup- porter les entreprises d'améliorations foncières. Ces frais ont dû être garantis tout d’abord par les parties intéressées, dans le cas où le Bill eût été rejeté, et aussi, en considération des difficultés qu’eût présenté un paiement après coup, si l'opposition ve- nait à triompher, car les dépenses eussent incombé à la partie adverse. 1. Incorporaled slatute (Charles IL, 15). £ LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE, 289 Dans un pays qui vante l’absentéisme de son gouvernement en matière d'agriculture, ou les relations établies entre les proprié- taires et les prolétaires agricoles, on à quelque peine à concevoir l'utilité de dépenses aussi ruineuses que celles constatées récem- ment encore pour faire trancher par le Parlement des conflits d’at- tribution concernant des travaux d’intérêl général. Ainsi pour faire sanctionner les améliorations projelées dans la section d’aval d’une rivière secondaire, le coût de la procédure parlementaire, pendant 50 années de litige, s’est élevé à 2 millions et demi de francs; et pour obtenir les pouvoirs nécessaires en vue de régulariser un autre cours d’eau, qui dessert les comtés du Middland, le coût, après un même nombre d'années, a atteint 3 750 000 fr". La loi qui a autorisé la rectification de la rivière Don (un des aflluents de l'Ouse), sur un parcours de 20 kilomètres, a représenté une dépense, en procédure, de 175 000 fr., dont 75 000 fr. à la charge des adversaires du pro- jet ; c’est le tiers du devis total des travaux ! Si encore la législation s’élait amendée par le fait de l’interven- tion du Parlement ; mais c’est le contraire qui a eu lieu. Telle section d’un cours d’eau n’a pas de juridiction, elle est la mieux partagée ; telle autre a été canalisée pour un objet déterminé relevant d’une juridiction spéciale ; telle autre enfin est grevée du privilège des usiniers. Ici, le fond appartient à une commission ; et les berges dépendent d’une autre, ou bien ailleurs, des propriétaires riverains : c’est le cas pour la rivière Aire, affluent de l’Ouse (York- shire). De Skipton jusqu’à Keighley, les commissaires du drainage de l’Aire Dale ont le contrôle du chenal; plus loin, les riverains sont libres de tout contrôle et agissent à leur guise; plus loin encore, à partir de Leeds, intervient une compagnie de navigation, et fina- lement, depuis la limite de la compagnie de navigation jusqu’à l'embouchure, 1l n’y a plus de contrôle. Il s'ensuit que les travaux exécutés aussi bien à laval pour le drainage, que dans la section centrale pour la navigation, exposent les autres sections à des débor- dements constants. 1. Wheeler, On river conservancy. (Journ. R, Agric, Soc., 1883, vol. XIX, p. 391.) ANN,. SCIENGE AGRON. — 18593. — 1. 19 290 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. La rivière Nen, sur un parcours de 48 kilomètres, entre Peter- borough et la mer, ne compte rien moins que 14 juridictions ayant droit de contrôle sur le chenal et sur les berges, et pour la rivière Witham, entre Grantham et la mer, 17 commissions, ou comités, se déclarent compétents sur divers points du parcours, indépendamment de la commission générale et des six commissions de district du drainage des fens. Ce sont pourtant les deux affluents principaux sur lesquels repose ‘le desséchement des Fens, pour l'écoulement des eaux excédantes. L'absence d’un contrôle unique se fait sentir surtout pour l’en- semble des rivières traversant les Fens, en raison même de leur régime qui fait que le territoire plat absorbe la plus grande partie des eaux pluviales et des sources fournies par les hautes terres. Ainsi le Witham dont le bassin, de 2750 kilomètres carrés, comprend moins de la moitié du territoire des Fens, est alimenté dans son cours supérieur par des sources pérennes, émanant de la formation oolithique ; mais dans les étés très secs, l’'absoption est telle sur les terres des Fens, et les réserves faites en amont pour le service des canaux de navigation et des fossés de desséchement sont si consi- dérables, que la rivière tarit en aval. C’est ce que l’on à constaté notamment dans les étés très secs des années 1864 et 1868 ; l'étiage ordinaire, qui eùt permis de curer les sables et les vases amoncelés à l'embouchure, n’a reparu qu’à la fin de l'automne, au-dessous de Lincoln. Cette circonstance est aggravée par le fait que le flot de marée est barré à 8 kilomètres de embouchure par une écluse ; le plan d’eau souterrain ne profite ainsi nullement du jeu des marées pour le maintien de la perméabilité dans le sous-sol, et le chenal reste en- vasé pendant plusieurs mois de l’année. Le desséchement trop rapide de la tourbe, à cause du manque d’eau en été et de sa décomposition à l’air, favorise la compression et l’abaissement du sol de À mètre, parfois de 2°,50 comme à Whittlesey Mere, et modifie le niveau des drains et fossés de tout un district. Or, les rivières à marée relèvent de la Couronne, dont la juri- diction est exercée par le Board of Trade (conseil du commerce), et s’étend sur tout le chenal que recouvre la haute marée moyenne, à LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 291 moins qu’en vertu de concessions spéciales la juridiction n’ait été abandonaée au seigneur suzerain (Lord'of the manor), aux proprié- laires riverains, ou à des commissions désignées par les lois spé- ciales. La Couronne est également chargée de la conservation des rivières navigables, en raison des fonctions qu’elle détient du Lord de la haute amirauté ; mais si elle peut empêcher toutes dégrada- Lions, elle n’a aucun pouvoir, donné par la loi, de forcer à entre- tenir le chenal navigable en bon éiat. La loi n'autorise pas davan- tage les riverairs ni les corps constitués à faire curer ou draguer ces rivières pour les besoins de la navigation. Quant aux rivières non navigables, chaque riverain dont la pro- priété est limités par le fil de l’eau, peut en faire usage pour con- duire les eaux sur ses terres, faire tourner des moulins, ete., mais à la condition de ne porter aucun préjudice aux coriverains d'amont: ou d’aval, de restituer l'eau au cours d’eau après emploi, sans pou- voir en détourner un volume quelconque. Il est tenu également de recevoir les eaux qui lui arrivent par la voie naturelle, même si elles inondent ses terres, par suite d'obstacles créés naturellement, sans avoir aucun droit à indemnité. Il est vrai qu'il peut endiguer ses terres, mais sans causer aucun préjudice au fonds d'autrui par ses travaux. Il s'ensuit qu’en Angleterre, aucune autorité administrative définie n’a le contrôle responsable, ni la police des eaux ; à moins que cer- laines rivières, ou seclions de rivières, n’aient été comprises dans le ressort des commissions permanentes, telles que celles de drainage (sewers commissioners), instituées par Henri VIE; celles d’enclôture (inclosure commissioners), chargées de lexécution des Land drai- nage acts ; celles du gouvernement local (Local government board), qui surveillent application des Pollution’s acts; ou, bien les nom- breuses commissions désignées par les lois locales du Parlement (local acts), dont les attributions se partagent avec celles du Board of Trade, de l'Amirauté, de la navigation, etc. La difficulté de codifier les prescriptions formulées par autant de corps constitués, et de faire une loi générale qui fixe le régime des eaux, résulte principalement de la nécessité d’indemniser des droits et des intérêts qui ont force de prescription, et aussi d’asscoir équi- 292 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. iablement les contributions et taxes qui permeltent d'exécuter les travaux indispensables d'amélioration et d'entretien. Les droits communaux, ou individuels, de pacage, de tourbage, d'affouage, de chasse, de pêche, etc., de même que les enclaves de terrains pour enclôtures, pour fossés et canaux, etc., ont pu être compensés en leur temps, et la plus-value des terres desséchées ou endiguées, de même que l’augmentation du bien-être général et de la salubrité, ont largement indemnisé les propriétaires atteints dans l'exercice de leurs privilèges ou de leurs droits de possession ; mais les intérêts de la navigation sont restés en collision avec ceux du desséchement et de la rectification des rivières. Les plus graves con- lestations sont soulevées encore aujourd’hui par les compagnies de bateaux, par les autorités des ports, et les villes, menacées dans leurs relations commerciales, au point de vue des transports par rivière et par mer. Quant à l'assiette équitable des taxes, les propriétaires des ter- rains situés en aval des cours d’eau, s’appuyant sur ce que les ri- vières servent d’exutoire à l’excédent des eaux pluviales qui tombent dans leur bassin, n’ont pas cessé de revendiquer l'imposition de toute la surface du bassin, proportionnellement aux cotes de con- tribution foncière. D'autre part, les propriétaires des terres situées en amont, à des niveaux élevés que les crues épargnent, excipent qu'ils n’ont aucun avantage à tirer des travaux exécutés en aval, aux risques des propriétaires qui drainent, dessèchent et endiguent, pour cultiver profitablement leurs terres. Ts se refusent à admettre que les cours d’eau, naturellement chargés d’évacuer les eaux d’amont, les intéressent ; d'autant plus qu’ils sont plus éloignés de l'émissaire et qu'ils les utilisent sur une plus grande longueur, mais pour les besoins de la navigation. Le comité de la Chambre des lords, chargé en 1877 de l’enquête sur la conservation des rivières, a dû reconnaître que les conditions particulières de chaque cours d’eau ne se prêlaient pas à une régle- mentation unique, et qu’il failait user de prudence, en rachetant les droits des usiniers, pour supprimer les barrages et les écluses ; car il n’est pas démontré que ces ouvrages, quand ils sont bien établis, soient nécessairement nuisibles. Le comité s’est prononcé contre le LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 293 principe des taxations, tel qu'il est spécifié dans le statut de [lenri VIT, qui consiste à percevoir les impositions sur base des avantages ré- sultant, dans chaque cas particulier, des travaux d'amélioration ou d'entretien ; ce mode de taxation n’est pas toujours équitable, ni susceptible d’être généralisé. Il en est de même de limposition qui frappe évalement tous les propriétaires dans une zone déterminée. Le comité en conséquence émet l’avis de répartir les taxes sur loule l’étendue du bassin, mais en imposant plus fortement les terres et les habitations situées au-dessous du niveau moyen des crues. La laxe devrait être basée sur la cote foncière ; les villes et les habi- tations ou autres bâtiments, devraient payer leur quote-part des contributions pour la conservation des rivières. Quant aux terres hautes, elles devraient être comprises dans la répartition des taxes qui servent à maintenir le chenal des rivières où elles écoulent le surplus des eaux pluviales et de sources qui les atteignent. En se fondant sur ces recommandations, le Gouvernement a sou- mis, depuis 1881, au Parlement divers projets de loi, d’après les- quels, sur les trois zones constituant le bassin d’une rivière, celle d’amont ne serait imposée que du dixième de la taxe fixée pour la zone d’aval, après enquête publique par les fonctionnaires de l'État. En France, les questions de cet ordre sont depuis longtemps ré- glées par la jurisprudence. Il est vrai qu’on y a développé le prin- cipe très rationnel d’associer entre elles les diverses parties inté- ressées d’un même bassin, et de régler les associations syndicales par département, sous le rapport des dépenses de travaux que sup- porte proportionnellement chacun des intérêts associés. La méthode usitée consiste, quand il s’agit, par exemple, d’inonda- tions, à diviser les terrains submergés en zones déterminées par la profondeur de ces terrains au-dessous des eaux ; puis, chaque ter- rain est classé suivant sa valeur de production. La première partie est censée représenter la fréquence des inondations, et la seconde, la valeur de la perte. C’est à une commission spéciale qu’incombe l'application de cette méthode, qui admet du reste à coopérer les autres intérêts engagés. Toujours est-il que les riverains aboutis- sants son! les plus intéressés à l'amélioralion de la rivière, et que, sauf quelques cas particuliers, où l’étendue de la propriété protégée 291 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. n'est pas en rapport avec la servitude qui lui est imposée, les pro- priétaires riverains supportent de fait les sacrifices les plus considé- rables. D'abord, le syndicat les exonère de lobligation d’entretenir la rivière, et puis, en refusant de se syndiquer, ils perdent non seu- lement leurs récoltes, mais encore leurs terrains. Le syndicat a le droit par contre de compter sur leur concours le plus actif; car en vertu d’une clause insérée dans le règlement administratif des asso- cialions syndicales, ils peuvent exécuter personnellement les travaux nécessaires, mais sous la direction du syndicat. Les dépenses sont ensuite remboursées pur la remise de l'impôt ; mais comme la valeur de cet impôt est rarement suffisante pour couvrir toute la dépense, il y à lieu de tenir compte de l'excédent, soit avec les ressources des autres impôts, soit à l’aide d'emprunts. La promptitude d'exécution est tellement appréciée, que le syndicat a tout intérêt à presser l'administration pour obtenir le tracé néces- saire à l'exécution des travaux. Dans le projet de Code rural présenté au Sénat, concernant le régime des eaux, l'administration, au cas où les propriétaires ne peuvent pas s'entendre pour former une association libre ou auto- risée (loi du 21 juin 1865), peut faire procéder elle-même à leur exécution, quand elle juge les travaux urgents ; un décret déclare alors d’ublité publique les travaux, fixe le montant de la subvention de l'État et le chiffre de la contribution qui sera mise chaque année à la charge des intéressés, sans qu’elle puisse jamais excéder, pour chacun, le quart du reveuu annuel de sa propriété. De toutes manières, quand les travaux de curage, d’endiguement, d'élargissement ou de redressement des cours d’eau non navigables et non flottables intéressent la salubrité publique, le décret ou l’ar- rêlé qui les ordonne peut, après avis du conseil général, mettre une partie de la dépense à la charge des communes dont le territoire est assaini. D'autre part, la loi du 16 septembre 1807 sur le desséchement des marais restant en vigueur, sauf quelques modilications intro- duites par la loi de 1865 sur les associations syndicales, les proprié- laires, les associalions ou les concessionnaires, en France, sont ga- rantis par une législation qui n'a pas donné grands fruits, en raison LES DESSÉCHEMENTS EN ANGLETERRE. 295 des difficultés, pour ainsi dire insurmontables, que crée la fixation: de la plus-value. Aussi bien, pour les étangs dont l'assainissement a exercé une très heureuse influence sur l’état sanitaire et agricole de certaines contrées, la loi de 1807 arme l’admunistration qui applique le sys- tème de coercition pure, c’est-à-dire, le desséchement obligatoire imposé aux propriétaires des étangs insalubres, ou bien le système mixte qui consiste à allouer des primes aux propriétaires disposés à faire les travaux leur incombant et à user de la coercition vis-à-vis des récalcitrants. Reste l'exécution des travaux d’assainissement des terres humides et insalubres qui ont pour but d’abaisser le plan d’eau du sous-sol, en régularisant les rivières (curage et redressement), ou en ouvrant des canaux et des fossés d’assainissement. Ces travaux peuvent don- ner lieu à la constitution entre les propriétaires intéressés d’une association syndicale, libre vu autorisée (loi du 21 juin 1865), ou bien, aux termes de la loi du 18 juillet 1837, ils peuvent être mis à la charge des communes intéressées, formées en syndicat ; le con- tingent est fixé suivant le degré d’intérêt qu’a chaque commune à l'exéculion des travaux. 3 Sur tous les points d'application générale, la législation française offre ainsi des garanties à la propriété privée, tout en organisant et réglant l’exécution et le paiement des travaux. L’Angleterre n'offre rien de pareil; si elle a échappé au mal de l'administration, elle a ressenti tous les effets de mauvaises lois. Aussi doit-il lui être tenu grand compte des efforts prodigieux qu’elle a faits, sous le système de la liberté, pour paralyser une action légis- lative hétéroclite, trouver dans l'initiative individuelle les ressources indispensables et mener à bien, dans le siècle présent, des opéra- tions aussi grandioses que celles que nous venons de décrire*. Les Hollandais ont inscrit à leur budget, de 1849 jusqu’en 1875, pour leurs travaux de canaux et l’entretien de leurs desséchements, plus de 40 millions de francs (19 millions 1/2 de florins), en dehors 1. Malgré les bonnes lois dont on jouit en France, surtout celles qui régissent les syndicats, il n'a été desséché, pendant 70 ans, que 60 000 hectares de marais, dont la moitié en tourbières, pour un intérêt purement industriel. 296 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. des dépenses consenties annuellement par les provinces, les com- munes ou les compagnies propriétaires, La conservation des rivières, pendant ladite périvde, a absorbé la même somme à peu près, indé- pendamment des travaux d’amélioration proprement dits. L'État, comme en France, prend à son compte, sous la responsabilité du conseil des eaux, le Waterslatt, le fardeau des plus lourdes dé- penses, que paient les contribuables *. Le rôle de l’État anglais, pour favoriser le développement des améliorations agricoles d'intérêt public ou privé, s’est borné à des avances de fonds depuis l’année 1842. Les prêts de l’État n’ont été consentis, il est vrai, que pour le drainage souterrain, le défrichement des terres incultes et la cons- truction de bâtiments d’exploitation agricole, en rlande, jusqu’à concurrence d’une somme de 200 millions, qui a été d’ailleurs rem- boursée après une période de 22 ans, intérêts el amortissement compris, la terre restant libre de cette charge. Quant à l’œuvre des desséchements, qui échappait au contrôle du Gouvernement, quoi- qu’elle constitue une affaire d'intérêt public, non moins urgente que le drainage, les chemins, les clôtures ou les plantations, ce sont les propriétaires: eux-mêmes, au moyen de leurs ressources particu- lères, les communes propriétaires et les villes intéressées à la navi- gation commerciale sur les rivières desservant les districts à assainir, qui ont dù fournir les fonds nécessaires aux travaux, aux indemnités et aux acquisitions de matériel, en faisant peser la charge à perpé- tuité sur la terre. Aussi bien, l'augmentation des revenus provenant des travaux exécutés et de la prospérité du district, de la plus-value des terres et des denrées, du développement des ressources locales, ont largement indemnisé les contribuables de leurs avances, et sau- vegardé amplement les intérêts des propriétaires. | Quoi qu’il en soit, Le résultat final des vastes entreprises que nous avons décrites répond pleinement à l’attente du pays, qui n’a reculé devant aucun obstacle pour obtenir des améliorations sans précédent dans l’histoire de l’agriculture. 1. Van Kerkwjik, Les Travaux publics dans Le royaume des Pays-Bas, 187$. — LES D ————— NOTE PRÉLIMINAIRE SUR LA TENEUR EN AZOTE DE L'HUMUS DANS LES SOLS DES RÉGIONS ARIDES ET HUMIDES PAR MM. E. W. HILGARD M. E. JAFFA DIRECTEUR DE LA STATION EXPÉRIMENTALE ASSISTANT EN CHIMIE DE LA CALIFORNIE = +0e Dans un mémoire précédent *, j'ai discuté les influences qu’exer- cent les climats aride et humide sur la constitution physique et chi- mique des sols. J’y ai consigné le fait que les sols caractéristiques des climats arides sont très pauvres en humus (€ matière noire »), à cause de l’extrême intensité de la combustion lente, ou érémacausie, par la concurrence de l'air chaud avec la porosité prédominante de ces terres : jusqu’au point que quelquefois on trouve dans la partie superficielle du sol moins de matière organique que dans la couche qui, d'ordinaire, serait considérée comme sous-sol. Considérant que l’humus doit être envisagé comme la source la plus importante de l’azote pour les végétaux non légumineux, par la voie de nitrification lente, on serait naturellement disposé à admettre que, dans l’exploitation agricole de ces sols si riches en éléments {. Annales de la Science agronomique, 1892, t. II. 298 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. minéraux nutritifs des plantes, les engrais azotés joueraient le pre- mier rôle. Dans le passé, j'ai donc maintes fois recommandé lemploi des fumures azotées, notamment du nitrate de soude et du sulfate d’ammoniaque, dans des cas où une culture prolongée avait dimi- nué la production première, surtout dans les terrains dits mesus, c’est-à-dire sur les plateaux à sols très poreux, du sud de la Cali- forme et de l’Arizona. Dans beaucoup de cas ces recommandalions n’ont pas élé suiviés d’un résultat favorable ; au contraire, on a constaté quelquefois les symplômes qui indiquent l’action défavorable d’un excès d'azote. C’est alors que je me mis à étudier le taux d’azote de la matière noire des sols des chmats arides; et le résultat de ces recherches m'a bientôt convaincu que je me trouvais en présence d’un problème tout nouveau. Pour me mettre à l’abri de toute possibilité d'erreur par suite de l’usage d’un réactif azoté, j'ai toujours substitué, dans le dosage de l'azote par le procédé Grandeau, la polasse ou la soude hydratées à l’eau ammoniacale. Cependant, pour éviter les inconvénients que comporte l’emploi des alcalis fixes pour le dosage de la matière noire elle-même, ce dosage à été fait, dans un échantillon spécial de la terre, au moyen de la solution ammoniacale. C’est surtout dans l’application de ce réactif à des sols ayant une réaction acide que pourraient survenir des erreurs sensibles dans le dosage de l’azote. Évidemment la dissolution de l’humus dans les alcalis fixes ne pourrait être soumise à l’évaporation sans perte d'ammoniaque. Le filtrat alcalin a donc été neutralisé ou acidulé quelque peu par l'acide sulfurique ; le résidu de l’évaporation a été soumis au pro- cédé Kjeldal pour le dosage de l'azote, dont le taux pour cent fut calculé sur celui de l’humus obtenu par lextraction ammonia- cale. J'admets que, rigoureusement parlant, le dosage de l'humus de- vrait être fait, de même que celui de l’azote, par une dissolution d'aleali fixe. Mais il est bien difficile d'éviter toute erreur, qui sur- viendrait par Pemploi presque inévitable d’un excès d’acide sulfu- rique dans la neutralisation, qu'on ne saurait neutraliser à son Lour NOTE SUR LA TENEUR EN AZOTE DE L'HUMUS. 299 par aucun oxyde qui se prêterait à la fois à une pesée exacte à 100, puis à la combustion de l’humus. Peut-être le carbonate de baryte pourrait-il servir, en employant des précautions spéciales ; cepen- dant la présence de la silice, toujours si abondante dans les cen- dres de la matière noire, rendrait incertaine toute présomption quant à l’état de combinaison de la base après l’incinération ; et selon mon avis, cela enlraverait beaucoup plus le dosage de Phumu:; que ne le ferait l'emploi des différents alcalis. J'ai réuni dans le tableau suivant les dosages faits jusqu’à présent par la voie indiquée. J’y ai compris tant des sols caractéristiques des régions aride et humide, que ceux qui, quoique dérivés de la région aride, se sont formés dans des conditions d'humidité plus ou moins grande. On comprend que, sous tous les climats, les sols des maré- cages el des terres basses doivent montrer les caractères essentiels des sols humides ; et de plus, que les terres des vallées de l’époque actuelle devront présenter des caractères arides moins extrêmes que ceux des collines ou mesas. J'ai donc classé les résultats en catégo- ries distinctes dans le tableau, selon les caractères locaux des sols aussi bien que selon le climat. TABLEAU. ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. HUMUS AZOTE dans dans la terre.| l’humus, P. 100. | P. 100. Terres de la région aride. Terrains élevés, Californie. 1113 Terre rouge aurifère de la Sierra Nevada prise à la station culturale, comté d'Amador . 0.5£ | 16.60 1115 Sol granitique sableux, même localité . 110 85 1MS3E20 1291 Sol granitique sableux de Ghaparral, même loca- lité. 0.76 | 14.34 1117 Sol granitique de pins, près de Pa HO 0SONMS 7 863 Terre rouge, près de Grass Valley, comté de Ne- vada . 208101 1679 Terre noire « She » » rt JU ra Berkeley var AP OSIEE8"SS 1147 Sol sablonneux, station rte dé Paso Robles, San-Luis-Obispo. . . . . . . ele 0 60216206 1126 Sol sablonneux, même localité, re en ar- rière. : NO or e7 1423 Terre couleur CheolaEe Hate Gaia, gants Obispo . . à AO) DEN LA ASETE 704 Terre poudreuse de « seidié Hole », pen 0.60 | 18.66 1 159 Sol sablonneux de plaine, station A près Dularee ee : 0.37 | 16.79 1 172 Terre rouge ese du Man à l'est Tu- lare . ; DFA PAZ TS 1167 Terre noire arg Anse f Mean à one de Tu- PORTE EU à 1.66 | 18.19 332 Terre sablonneuse F ateah + ue, dés de la station . à : 110228712250 1 607 Sol sablonneux du ne at près Le she caster. 0.25 | 16.80 1406 Terre rouge des coiines d RAR, PE River- side . 5 0.30 | 15.00 1536 Terre brune de Windsor, Érès Riverside È 0.20 | 15.09 1281 Terre rougeâtre de « mesa », près Chino, comté de San-Bernadino . 0.58 | 15.50 Moyennes pour les terres élevées, strictement arides.| 0.75 | 15.87 AZOTE humique dans la terre. P:190: NOTE SUR LA TENEUR EN AZOTE DE L'HUMUS. 801 AZOTE HUMUS | AZOTE humique dans dans dans e , la terre.| l’humus. la terre. Il P2100"|MP.:100: P.100. | Terrains bas ou de vallée, Californie. 1 143 Sol de bas-fond, station culturale de Paso-Robles | 1.16 O6 OT? | © © es © 77 Terre alluviale du lac de Tulare, au sud-est. . .| 0.47 9.37 585 Terre dite « de jone » (wére grass) près \isalia. comté de Tulare . . . à 1.00 | 14.10 | 0.146. 586 Sol sablonneux de plaine, ne Outside ar comté de Tulare.. 207 LAIT D MTON TROT 1466 Terre sablonneuse alluviale, raonte re de | Kennals sur 0.60 | 10.66 | 0.064 | 168 Terre alluviale Hé test du eut Sunta- Clara, comté de Ventura. . . . 0.84 71.99 | 0.067 | 1284 Terre argileuse « adobe », He iralese Chino 1.99 | 10.20 | 0.203 607 Sol alluvial du rio nb près de Yuma. | evintétde-San-Dfégo an. Me ERA 76 7.47 | 0.056 | Moyennes pour les terrains bas, semi-arides . . . .| 0.99 | 10.03 | 0.102 | Terres humides des régions aride et humide. Californie. 207 Terre alluviale de l'Eel River, comté de Humbolit.| 1.25 6.96 | 0.067 188 Terre rouge poudreuse, pente humide, près Sunoma.| 2.54 4.53 | 0.115 110 Terre alluviale du Putah creek, comté de Solano .| 1.71 4.25 | 0,072 213 Terre de marais sablonneuse, de Novato, comté | deMarin ASC NL 54 6.36 | 0.098 || 37 Terre noire sablonneuse de « bots rouge » HR Comte er OA MACON En M ES 28 3.07 | 0.070 Hors de Californie. Terre de marais, près Grand Rapids, Michigan. .[33.02'| 6.08 | 2.012! Terre alluviale de Houma, Louisiane . . . . .| ».07 4.30 | 0.218 Terre argileuse noire de prairie, comté de Harris, Texas iesteine: A2 LE 8.66 | 0.184 Terre rouge raiblee Kohäla, ile É ar (HAWAII) 2 A ACT NT Me RES: et TE OÙ) 2931108229 Moyennes pour la région humide. . . . . . . . .| 3.04 5.242160 152 1. Ces dosages ont été exclus des moyennes comm2 cas anormal, hormis le taux d'azote | daus l’humus, | 302 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Un coup d’œil jeté sur le tableau suffit pour démontrer les diffé- rences énormes et vraiment surprenantes dans le taux de l'azote contenu dans l’humus de provenance différente. Même en admettant que des erreurs sérieuses puissent exister dans le dosage absolu de l’humus et de l’azote correspondant, vu l'unité de la méthode em- ployée dans tous les cas, il ne peut y avoir de doute quant au résul- tal général, qu’on peut énoncer comme suit : en moyenne, l'humus * des terres strictement arides conlient trois fois plus d'azote que celui des contrées ou localités humides : dans les cas extrêmes, cette différence peut monter jusqu’au double, soit six fois plus d’azoie dans l’humus d’une terre aride que dans celui de quelques terres humides; et dans les terres arides ce taux peut aller jusqu’à devenir supérieur à la teneur en azote des substances albuminoïdes. On comprend maintenant que, dans les régions arides, un taux d’humus qui, dans la région humide, serait de tout droit considéré comme insuffisant pour une culture normale, peut néanmoins, dans la région aride, suffire à tous les besoins d’une végélation même exigeante. Cela ressort clairement de la comparaison des produits obtenus en multipliant les données des deux colonnes contenant, l’une le pour-cent de l’humus existant dans le sol, l’autre le pour- cent d’azote relevé par l’analyse. On voit que dans beaucoup de cas le taux d’azole devient très considérable dans les sols arides dont la production, jugée d’après leur teneur en humus seulement, serait considérée comme étant gravement compromise par suite d’un défaut d’azote. Mais on peut encore se demander si, dans le cas d’une matière si riche en azote, la nitrification ne prendra pas un essor spécial, sur- tout sous l'influence des conditions favorables de température, de porosité et de la présence invariable des carbonates terreux dans les sols arides. On sait que c’est dans les climats arides seulement que se sont formés les dépôts de nitrate qui, de nos jours, sont d’une importance si capitale pour l’agriculture. Je rappelle aussi, à ce propos, les analyses nombreuses par lesquelles j'ai démontré l’exis- tence des nitrates en quantités considérables dans les « sels de steppe » au sels alcalins des régions arides. (Voir le mémoire pré- cité.) À ce sujet, le n° 1159 du tableau présente un intérêt spé- NOTE SUR LA TENEUR EN AZOTE DE L'HUMUS. 303 cial. C’est une terre franchement « alcaline », dont les sels sont caraclérisés par un taux élevé de carbonate de soude, comme aussi de nitrate et de phosphate de la même base, et de potasse. En la délavant avec de l’eau, on obtient un liquide rendu presque n'ir par l’humus en dissolution. Néanmoins, cet humus, après précipi- talion, contient presque 17 p. 100 d’azote. Il est donc démontré que la préseuce du carbonate alcalin n’entrave pas l'accumulation de l'azote dans la matière noire; d'autre part, il est évident que ce carbonate, en agissant sur l’humus à dès températures un peu éle- vées, non seulement favorise la formation de lammoniaque libre ou carbonatée, mais quelquefois même l'active jusqu’au point de la rendre évidente par l’odeur ammoniacale émise à l'air libre. (Voir le mémoire susdit.) On comprend donc bien que l'oxydation de l'azote humique peut être favorisée par la présence de ces carbonates ; et aussi que, dans le cas où le carbonate alcalin serait en excès jus- qu’au point d’entraver sérieusement l’action ou même la vie du fer- ment mitrique, Pabsorption directe de l’ammoniaque dégagée par l’alcali pourrait, vis-à-vis des plantes, remplacer labsorption des nitrates après formation. Il n’est guère douteux que la nature tant physique que chimique du sol peut déterminer des différences plus où moins grandes dans le taux d’azote de l’humus, hormis les influences elimatériques. La discussion détaillée des données du tableau fait ressortir nettement que, dans les sols poreux, l'accumulation de l'azote est moins consi- dérable que dans les sols compacts, argileux. (Voir les n° 1157 et 1 679 du tableau.) On peut aussi soupçonner que celte accumulation est en relation plus ou moins directe avec la teneur en chaux carbo- natée, et qu'au contraire, une forte proportion d'oxyde de fer hy- draté agit défavorablement sur elle. Mais à l'heure qu'il est, le nombre des données ne suffit pas encore pour affirmer positivement ces corollaires. | Ce qui ressort d’une manière éclatante de ces analyses, c’est la différence tranchée entre les processus de décomposition des ma- lières végélales d’une part, et des composés constituant le corps animal de l’autre. Dans le cas des matières végétales, il y a surtout oxydation de la matière hydrocarbonée, avec accumulation perma- 304 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. nente de l’azote sous formes amidiques. Dans le cas des matières animales, élimination prompte, avant tout, de l'azote sous forme d’ammoniaque, en laissant des résidus presque dépourvus d’azote, si tant est qu’elles en retiennent. En partant de ce fait hypothétique, que ‘la matière végétale contient la majeure partie de son azote sous forme albuminoïde, on ne comprend pas trop pourquoi existe cette différence si tranchée. Nos recherches se poursuivent activement, et J'espère qu’elles nous donneront bientôt des lumières plus précises sur ces substances richement azotées des sols arides. LA FÜMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS ——25900 — AVANT-PROPOS Méconnaitre le progrès considérable accompli depuis une dizaine d'années dans les diverses branches de l’agriculture française, ce serait nier l'évidence. Le trait caractéristique de ce progrès, c’est l’accroissement du rendement moyen de la terre, sous l'influence combinée de fumures plus abondantes et mieux adaptées au sol et aux récoltes, d’un meilleur choix de semences et de l'emploi d’un outillage perfectionné. D’autre part, si, tenant compte de ce progrès incontestable, on compare la production moyenne de nos terres avec celle de cer- taines régions de l’Europe moins favorisées que la France sous le rapport du climat et de la qualité du sol, on ne peut s'empêcher de penser qu'il reste bien à faire encore à nos cultivateurs pour obtenir économiquement de la terre le maximum de produits qu’elle peut donner. La France, bien cultivée, doit suffire à sa consommation en pain et en viande ; elle devrait même être exportatrice de grains et de bétail. Ce double but sera atteint, 1l n’en faut pas douter, dans un avenir prochain, si, d’un côlé, restreignant la culture du blé aux terres aptes à fournir un bon rendement, de l’autre, développant la ANN, SCIENCE AGRON, — 1S93. — 1, 20 306 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. culture fourragère par un meilleur traitement des prés naturels et par la création de prairies temporaires, nos cultivateurs savent et peuvent faire au sol les avances nécessaires en matières fertilisantes complémentaires du fumier de ferme. L’Instruction pratique sur l'emploi du nitrate et du phosphate, dont la première édition, parue en 1890, a été suivie de nombreux tirages, avait précisément pour objet de résumer en quelques pages les conditions essentielles du progrès réalisable en cullure par l'emploi judicieux des engrais commerciaux associés au fumier de ferme. L'accueil bienveillant que cette Instruction a rencontré dans le monde agricole m’a engagé à en étendre le cadre et à réunir, sous une forme succincte, les indications essentielles pour la famure des principales récoltes de la France. Jusqu'ici, les végétaux de la grande culture : céréales, plantes sarclées, plantes fourragères, ont presque exclusivement bénéficié de l’emploi des engrais commerciaux. Il m'a semblé intéressant d'appeler l’attention des cultivateurs, des propriétaires de jardin et des amateurs d’horticulture sur les services que peut rendre l’ap- plication des mêmes matières fertilisantes à la production maraîchère et horticole. De même, la culture arbustive (arbres fruitiers, vignes, houblons, etc.) doit entrer résolument dans la voie qui à été si profitable à l’agriculture proprement dite. Les cultures maraïchère, arbustive, florale et la viticulture, qui constituent une des richesses de notre pays, ont tout à gagner à l'emploi intelligent des engrais minéraux. Les quantités de fumier d’étable et d’écurie produites annuellement en France sont tout à fait insuffisantes pour l’accroissement du rende- ment de nos terres : nos fumiers sont généralement mal traités et la majeure partie des déjections humaines et animales est perdue pour la ferulisation du sol. {l est donc de toute nécessité de recourir aux sources minérales d'azote, d'acide phosphorique et de potasse que industrie met à notre disposition, pour parer à l’insuffisance des fumures organiques. Appliqués aux prairies et aux pâturages naturels, les engrais commerciaux permettent d'en doubler le rendement dans la plupart LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 307 des cas; or, doubler la récolte de fourrage c’est rendre possibles l'élevage et l'entretien d’une quantité de bétail double et accroître d’autant la production du fumier de ferme qui demeurera toujours l'élément fondamental de fertilisation des terres arables. Quelque bruyantes qu’aient été depuis vingt-cinq ans les attaques dirigées contre le fumier de ferme, considéré par certains esprits faux comme inutile pour l’agriculture et pouvant être remplacé exelusi- vement par les engrais dits chimiques, les agriculteurs sérieux et instruits — notre pays n’en manque pas — n’accordent pas de créance à ces exagérations. [ls savent que l'introduction dans le sol d’une quantité notable de matière organique est le moyen le plus sûr d'assurer l’action des engrais minéraux, et de communiquer à la terre des propriétés physiques et chimiques essentielles à sa fécon- dité. C’est donc dans l’association du fumier de ferme aux matières minérales que l’on est certain de rencontrer le moyen le plus sûr d’accroitre la fertilité de la terre. Si l’assertion qui consiste à nier l'utilité du rôle du fumier et à admettre la possibilité de substituer, partout et en tout temps, à ce précieux engrais, l'addition au sol de quelques centaines de kilogrammes d'azote ou d’acide phosphorique est, à notre sens, absolument fausse, l’erreur des cultivateurs qui repoussent les engrais minéraux, sous le prétexte, tout à fait dénué de fonde- ment, que ceux-ci épuisent le sol, n’est pas moins complète. Con- tinuons à employer le fumier de ferme: entourons sa récolte et sa conservation de tous nos soins et complélons son aclion par celle des nitrates, des phosphates, des sels de potasse, partout où nos terres accusent une proportion de ces aliments de la plante - insuffisante, soit en quantité, soit en qualité : là est la vérité, chaque jour rendue plus évidente dans les exploitations rurales bien dirigées. J'ai pensé être utile aux nombreux amateurs de fleurs d’apparte- ment et de serre, en joignant à l'étude des engrais applicables en grande culture et au jardinage, quelques indications sur les mé- langes nutrilifs à l’aide desquels on peut entretenir les végétaux cultivés en pots et en caisses. On trouvera dans un chapitre spécial tous les renseignements désirables à ce sujet. L’horticulture en 308 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. chambre, si je puis ainsi la désigner, a pris un très grand déve- loppement et J'espère être agréable à beaucoup de personnes en leur faisant connaître les procédés très simples qui en assurent le succès. : Il ne faut point chercher dans les pages qui vont suivre des re- celtes infaillibles, indistinctement applicables aux diverses récoltes qu’elles auraient le pouvoir de décupler comme par enchante- ment. Laissons aux charlatans les formules merveilleuses qui, sc- lon eux, doivent renouveler du Jour au lendemain la face de lagri- culture. Nos visées sont moins ambitieuses : nous nous estimerons très heureux si la lecture de ces quelques pages amène la conviction que l’agriculture française doit arriver à nourrir le pays et, grâce aux conditions exceptionnelles de climat et de sol où la nature la placée, devenir exportatrice chez les nations moins favorisées, à côté de produits uniques au monde, tels que nos vins et nos fruits, de Pexcédent de récoltes qu’elle devra au progrès cultural. Nous se- rions heureux d’avoir contribué à ce progrès, dans une mesure si faible que ce fût, par cette modeste étude sur la fumure des champs et des jardins. I. —- CÉRÉALES ET PLANTES SARCLÉES _ I. — Remarques préliminaires. — Nécessité d'associer l’acide phosphorique à l’azote dans la fumure du sol. Les végétaux, quels qu’ils soient, plantes de grande culture, lé- gumes, arbustes, fleurs, etc., ne peuvent vivre qu’à la condition de rencontrer dans le sol, indépendamment des aliments que leurs feuilles puisent dans l’atmosphère, des quantités suffisantes de quel- ques substances minérales dont les deux plus importantes, vu leur rareté dans la plupart des sols, sont l’azole et l'acide phosphorique. La chaux, la magnésie et la potasse, beaucoup plus répandues que LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 302 ces deux corps, dans les terres de la plupart des régions de Ja France, font beaucoup moins souvent défaut à la végétation. : Dans les sols argilo-siliceux ou siliceux, l'apport de chaux est fré- quemment nécessaire ; mais le chaulage peut être avantageusement remplacé par l’addition, à ces terres, de quantités un peu considé- rables de scories de déphosphoration : 4 000 à 2 000 kilogr. à l’hec- tare, par exemple. Les scories, en effet, apportent près de la moitié de leur poids de chaux très assimilable, ce qui explique comment leur introduction dans le sol peut remplacer le chaulage, avec cet avantage de fournir en même temps de l'acide phosphorique à ces sortes de terres qui en manquent presque toujours. La magnésie fait, plus souvent qu'on ne le croit, défaut dans les sols, surtout les terres non calcaires. L’addition de kaïnite est très favorable dans ce cas. — Quand tous les principes fertilisants sont abondants dans le sol, à un élat qui les rende aptes à nourrir la plante, on oblient une abondante récolte. Si l’un seulement de ces principes manque, par son apport le rendement de la terre s’élève tout de suite dans une très notable proportion. C’est ainsi, par exemple, que 200 kilogr. de nitrate de soude, renfermant 31 kilogr. environ d’azote, permeltent, si la terre ren- ferme de l'acide phosphorique, de la potasse, etc., en proportion convenable, d’oblenir 5 à 7 quintaux de froment de plus (avec la paille correspondante) que n’en produirait la même terre à laquelle on n'aurait pas donné d'azote. De même, l'emploi de 60 à 80 kilogr. d'acide phosphorique, si le sol, manquant de ce principe à un état assimilable, renferme assez d'azote et de potasse, élèvera très nota- blement le rendement. Que sont ces quelques kilogrammes d’azote et d’acide phospho- rique, par rapport aux quantités des mêmes corps existant dans le champ où on les apporte ? Relalivement très peu de chose, car les terres très pauvres, presque stériles, en l’absence de fumure, ren- ferment rarement à l’hectare moins de 1 200 à 1 500 kilogr. d'azote, et autant d'acide phosphorique, dans l1 couche de 20 centimètres où vivent les céréales (soit de 06,04 à 05,05 d'azote ou d’acide phosphorique par 100 gr. de terre). Les terres de moyenne qualité en contiennent toujours au moins le double. Mais l’action des faibles 310 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. quantités d'azote et d'acide phosphorique ajoutées au sol, sous forme d'engrais, s'explique par l’état d’assimilabilité où ces corps se trou- vent dans les matières fertilisantes employées (nitrate de soude, phosphates, ele.). Un fait essentiel qu’il ne faut jamais perdre de vue, fait qui est acquis d’une façon absolument certaine, par les nombreuses expé- riences qu’on à inslituées et suivies, tant en France qu’à l'étranger, c’est que les engrais azolés et le nitrate de soude, en particulier, ne donnent leur plein effet que si le sol offre, en même temps, à la plante, les quantités d'acide phosphorique assimilable et de polasse dont celle-ci a besoin. — On ferait donc, presque en pure perte, une dépense de nitrate de soude, en lépandant sur une terre insuffisamment pourvue en acide phosphorique et en potasse, tandis qu'on accroît, dans une proportion très notable, parfois dans le rapport de un à quatre, le rendement de certaines cultures, céréales, plantes sarclées, sous l'influence combinée du nitrate et de l’acide phosphorique. Quelques chiffres, empruntés aux quarante années de culture de Rothamsted, vont mettre cette vérité en évidence. Sir J. Bennet Lawes et le docteur Gilbert cultivent méthodiquement, depuis plus d’un demi-siècle, à la ferme expérimentale de Rothamsted, les princi- pales plantes agricoles, dans le même sol diversement fumé. Voici, en ce qui regarde l’action du nitrate de soude, employé seul ou conjointement avec les phosphates, les moyennes des résultats tout à fait significatifs de trente années consécutives de culture de blé, seize années d'orge et neuf années d’avoine. L'augmentation du rendement, à l’hectare, en grain et en paille, comparativement à celui d’un sol demeuré sans fumure, par l’em- ploi de 100 kilogr. de nitrate, suivant qu’il à été additionné ou non de phosphate, a été la suivante : Blé. GRAINS. PAILLE, Kilogr. Kilogr, AVECDIOSDNA LE EEE RENE RS 2147 566 Sans phosphate NP ARE TMRIE 101 269 DITOÉTENCE AE APE RE ER 116 297 LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. OÙ Orge. GRAINS. PAILLE. Kilogr. Kilozr, AVEB RHOSDRAMO LL REA TTL 492 662 Sans phosphate ent: 2): NOR 288 A7T9 Diférencereee. ar. ee 204 183 Avoine. Avec phosphate. M7 ARE 204 369 DANS DROSHIAIC SENTE: MAR" EE 159 269 Diérente dr NL 45 100 Pommes de terre. AVECHDROSDRATO RU ER ee cl. 1 250 kilogr. SANS DNOSDN AE A MR ET Ne RS res 308 — DITÉTENC ORAN UNE RME TRRERSR Lie 942 kilogr. Il résulte donc clairement de ces chiffres qu'il importe, pour ob- ‘tenir du nitrate de soude le maximum de récolte qu’il peut donner, que le champ où on le répand contienne une quantité d’acide phos- phorique assimilable suffisante pour assurer le développement com- plet de la végétation. J'indiquerai plus loin les proportions d’acide phosphorique, sous les différentes formes, à employer pour les diverses récoltes avec le nitrate de soude, pour assurer l’effet maximum de ce précieux agent de ferliisation. Nous verrons à cette occasion que les excédents de rendement en grains, paille et tubercules que Je viens de citer ont été, fréquemment, très notablement dépassés dans la pratique. S'il est une vérité surabondamment démontrée par la pratique agricole comme par les recherches physiologiques des agronomes, c’est la nécessité de la présence dans le sol, en quantité suffisante et sous une forme assimilable, de {ous les aliments de la plante. C’est dans la réalisation, par l’apport en quantité suffisante d’engrais convenablement choisis, étant donnée la nature chimique d’un sol, que réside l’art de la fumure. L’indication des moyens économiques à mettre en œuvre pour atteindre ce but est l’objet spécial de cette étude. 312 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. II. — L’azote nitrique, agent essentiel des fumures azotées. L’azote nitrique, qui forme l'élément actif du nitrate de soude, est l’aliment azoté, par excellence, des végétaux. C’est sous la forme d’acide nitrique, combiné avec la chaux, la magnésie etles autres bases, que les sols fertiles offrent aux plantes leur alimentation azotée. Il est démontré aujourd’hui que Paction fertilisante du fumier de ferme, comme celle des engrais organi- ques : cuir, corne, laine, plumes, sang desséché, débris de viande et, en général, de tous les détritus animaux, ne se manifeste qu’a- près la transformation en nitrates des matières azotées qui consti- tuent la plus grande partie de leur valeur. Le processus chimique qui donne naissance, dans les champs, aux nitrates dont se nourrissent nos récoltes est le même, à l'intensité près du phénomène, que celui auquel les régions tropicales doivent les amas gigantesques de nitrate, aujourd’hui exploités pour le plus grand profit de l’agriculture. Dans nos terres, comme au Chili etau Pérou, un organisme microscopique se charge, ainsi que l’ont établi les belles recherches de MM. Schlæsing, Müntz et Marcano, de trans- former les détritus azotés animaux en nitrates, avec cette différence, en faveur des régions tropicales des côtes du Nouveau-Monde, que le nitrate de chaux produit s’y transforme au contact du sel marin en nitrate de soude, beaucoup moins soluble que les nitrates de chaux ou de magnésie. Le nitrate de soude s’accumule, en l'absence de pluies, pour former, à la longue, ces gisements colossaux, réserve de longtemps inépuisable à laquelle nous demandons aujourd’hui l'accroissement de nos récoltes. Sous notre climat, au contraire, une grande partie des nitrates formés dans le sol par l'oxydation de l'azote des malières organi- ques, est entraînée dans le sous-sol par les pluies. Du sous-sol, le nitrate s’écoule dans les sources, ruisseaux, rivières et finalement s’en va à la mer. De là, la nécessité d'importer de l'azote mitrique dans nos lerres, pour en maintenir el en accroître la fertilité. Les résultats des expériences physiologiques concernant le rôle des nitrates dans la végétation ont été constamment confirmés par LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 315 la pratique agricole. Depuis l’époque, déjà éloignée, à laquelle J. B. Boussingault a établi la valeur alimentaire du nitrate pour les plantes, toutes les recherches scientifiques et les résultats culturaux sont venus sanctionner les observations de l’éminent agronome. A l'heure qu'il est, la question est absolument résolue : c’est le nitrate, directement introduit daas le sol ou résultant de la trans- formation des autres engrais azotés, qui nourrit nos récoltes de céréales et autres. Les principaux avantages de l'emploi du nitrate dans la pratique agricole sont les suivants : 1° Le nitrate sert directement à l’alimentation de la plante. N'ayant, pour cela, à subir aucune modification dans la terre, il agit donc beaucoup plus rapidement que les autres engrais azotés d’origine organique, l’action de ces derniers étant subordonnée à leur nitrifi- cation préalable ; 2° La rapidité avec laquelle le nitrate est absorbé par les végétaux mel promptement ceux-ci en état de résister, par leur vigueur et par leur développement, aux intempéries, à l’action des insectes nuisibles et aux parasites ; 9° Dans les années à hivers rigoureux, le nitrate employé en cou- verture, sur les blés et les seigles, permet aux semailles d'automne de réparer le retard produit sous l'influence de conditions climaté- riques défavorables ; 4° Enfin, comme nous allons en donner la preuve, le nitrate ac- croit économiquement, d'une manière très notable, le rendement de la plupart des cullures. Nous commencerons par étudier son influence sur les céréales. III. — Influence du nitrate de soude sur le rendement des céréales d'automne et de printemps. On possède aujourd’hui un assez grand nombre d'expériences méthodiquement conduites, pour fixer approximativement l'excédent de grain et de paille que le cultivateur peut attendre de l'emploi du nilrate, en sol suffisamment pourvu des autres aliments de ces plantes el nolamment d'acide phosphorique. 314 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Par expériences méthodiquement conduites, j'entends celles où ont été exactement déterminées les quantités de matières fertili- santes employées, le poids et la qualité des récoltes obtenues, ainsi que l’ensemble des conditions culturales. L’excédent de grain et de paille représente le nombre de kilo- erammes de ces produits récoltés en plus, par hectare, sous l’in- fluence du nitrate. Get excédent est déduit d'expériences compara- tives faites, sur une même surface de terre, dans des conditions iden- tiques de sol et de fumure, sauf une : l’addition de nitrate. Dans son intéressant travail sur l'influence du nitrate de soude, M. le doc- teur Stutzer, directeur de la Station agronomique de Bonn’, a réuni et discuté plusieurs centaines d'expériences culturales sur le blé, l’avoine, l'orge et le seigle. En écartant les résultats qui, pour un molif ou pour un autre, peuvent sembler douteux, M. Stutzer est arrivé, comme moyenne des récoltes sur lesquelles il a pu re- cueillir des données certaines, aux accroissements de rendement suivants : 100 kilogr. de nitrate de soude à l’hectare, employés conjointe- ment avec un engrais phosphaté, ont donné les excédents de récolte que voici : GRAINS. PAILLE. Kilogr. Kilogr. PLOMEN SM rEs NedEe Edvee 270 574 D'OISE SES SE Te ES DRE PR ER 281 540 OTBe SR RER CT ANR Da ME 510 673 AFDINE 22 MMA AE LOS RE D EREENTE ane 537 823 Ces excédents de rendement ont été dépassés dans certains cas”, mais il est prudent, dans les discussions de l’ordre qui nous occupe, d’écarter les chiffres extrêmes et de se baser sur des moyennes ré- sultant du plus grand nombre de données comparables, parmi celles 1. Le Nilrale de soude, son importance el son emploi comme engrais. In-12. Paris, 1887, Gauthier-Villars. 2. La composition du sol, sa fécondité naturelle ou acquise, influent considéra- blement, cela va de soi, sur les résultats obtenus avec une fumure additionnelle : tout ce qui va suivre doit donc être regardé seulement comme une indication géné- rale touchant la plus-value résultant de l'emploi des fumures. LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 919 qui ont été recueillies. Deux mots sur le mode d'application de sa fumure. Pour les céréales de printemps, on peut, lorsque le temps n’est pas pluvieux, épandre avant la semaille de l'orge et de l’avoine le mélange de nitrate et de phosphate, aussi uniformément que possible à la surface du sol, puis l’enfouir à une faible profondeur par un dernier labour. L'emploi du semoir d'engrais assure cette réparti- lion mieux que l’épandage à la volée, mais il n’est pas imdispen- sable. On facilite singulièrement l’égale répartition de l’engrais à la surface du sol en le mélangeant à sept ou huit fois son volume de terre fine passée à la claie. Si le temps était pluvieux au moment de la semaille, il serait préférable de ne répandre que le phosphate et de réserver au moins la plus grande partie du nitrate pour le répandre lorsque l’avoine ou l’orge auront atteint la hauteur de 12 à 19 centimètres. Quant aux terres destinées aux cultures d'hiver, blé et seigle, que nous examinerons plus loin, c’est avant l'hiver qu’il faut leur donner le phosphate. Ce dernier, pour agir sur la récolte, doit être incor- poré au sol avant le dernier labour d'automne. Nous verrons plus loin que la fabrication récente, sur une échelle industrielle, du phosphate de potasse et du phosphate d’ammoniaque, permet de recourir, dans certains cas, à l’emploi des phosphates en couverture sur les céréales d'hiver. Pour celles-ci, le cultivateur épandra le nitrate en couverture au printemps, en une ou plusieurs fois, également, à dose variant de 60 à 200 kilogr., suivant l’état de fumure de sa terre. Si les champs sont largement pourvus d'acide phosphorique, cette fumure com- plémentaire donnera son plein effet; dans le cas contraire, l’aug- mentation de récolte résultant de l’application de nitrate sera encore rémunératrice, l'excédent de grain et paille récoltés devant égaler, au minimum, la moitié des poids indiqués plus haut. Une pratique excellente, surtout dans les années pluvieuses, con- siste à fractionner l’épandage du nitrate, pour s'opposer le plus pos- sible à son entrainement dans le sous-sol par les eaux pluviales. C’est au moment où la végétation est active qu’a lieu l’utilisation la plus complète de l’azote nitrique par la plante. 316 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. IV. — Utilisation de l'azote du nitrate par les céréales. Com- paraison du nitrate avec le fumier de ferme au point de vue de l’utilisation de l'azote. À quelle quantité d’azote nitrique ou de nitrate, ce qui revient au même, correspond un excédent de récolte de 100 kilogr. de grain avec la paille correspondante ? Telle est la question économique qu'il est facile de résoudre en partant des excédents moyens de ren- dement indiqués par M. Stutzer. 100 kilogr. de nitrate, contenant 15*,65 d’azote, ont donné un excédent moyen sur la récolte du même sol sans nitrate, de : GRAIN, PAILLE, Kilozr. Kilogr. EROMEN TARN TE NE" 270 574 SO RES SEE EEE 281 540 OrSB LEE APCE o10 673 AVOIR MR MAL 537 823 Ea divisant le poids d'azote (15*#,65) employé, par l'excédent en orain récollé, on oblient la quantité d'azote correspondant à une production d’un quintal de grain, avec sa paille, en plus qu’en l’ah- sence du nitrate ; on trouve ainsi : LE de soude. Pour 100 kilogr. de blé et sa paille, une quan- + = tité”d'azote de... 0 ire 2021588706 correspondant 374085 Pour 100 kilogr. de seigle . SEM RE ER DO — 39 ,090 Poar dODKlo Sr dOrSB TEE NE SE 06 = 19 ,600 Pour 100 kilogr. d'avoine D RAOIÉE — 18 ,620 La première conséquence de ces constatalions numériques est que l'excédent des récoltes s'obtient pour les céréales de printemps, avec une dépense d'engrais azoté, sensiblement moitié moindre de celle qu’exigent les céréales d'hiver. La conclusion générale est que G kilogr. d’azote environ, soit 40 kilogr. de nitrate, permettent d'obtenir un excédent de rendement (pour le blé et pour le seigle) d’un quintal de grains, plus sa paille, tandis que 3 kilogr. d'azote nitrique suffiraient, en moyenne, pour produire le même excédent en grains et paille d'orge et d'avoine. La totalité de l’azote de l’en- LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. Es x grais ne se retrouve pas, tant s’en faut, dans l'excédent de grains et de paille de la récolte. On sait, en effet, que le nitrate de soude est facilement entraîné dans le sous-sol par les eaux pluviales, le pou- voir absorbant du sol ne s’exerçant pas sur l’acide nitrique. En effet, si l’on rapproche les quantités totales d’azute, contenues dans ces excédents de récolte, des poids d’azote nitrique qui ont aidé à les produire, on arrive aux constatations suivantes : Blé, AZOTE A" — contenu non TE ent F2 récupéré de nitrate. ME récolte. la récolte, (Différence). Quint.mét. P.100. Kilogr. Kilogr, Kilogr, Kilogr. Grain. . 2,70 à 2.08 — 5,616 | ee L 8,371 15,650 7,279 Paille. . 5,74 à 0.48 — 2,755 +51 Seigle. É PA dr Grain: . 2,81 ‘ 1.60 k,946 1,106 15,650 S,544 Paille. . 5,40 à 0.40 — 2,160 Orge. Grain. . 5.10 à 1.76 — 8,160 6 12,167 15,6 8 Paille. . 6,73 à 0.64 — 4,307 ANUS Avoine. Grain. . 531 Al r0—- 19,451 à s 1,590 Paille. . 8,23 à 0,56 — 4,609 | RS dd ADN TR Il résulte de cette comparaison qu’en supposant que tout l'azote de l’excédent de récolte vienne du nitrate employé, ce qui n’est pas, l’utilisation maxima du nitrate par les récoltes serait la sui- vante, pour les diverses céréales : AZOTE utilisé, perdu. P. 100. P. 100. Blé . . 53.49 + 46.51 — 100 Seigle . 45.40 + 54,60 — 100 Orge. . 19.72 + 20.28 = 100 Avoine. . 89.S4 + 10.16 — 100 318 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Les céréales d'hiver (seigle et blé) se comportent donc, d’après cela, très différemment des céréales de printemps (orge et avoine), sous l’influence du nitrate. Ge n’est point ici le lieu de discuter les questions que soulèvent ces comparaisons {héoriques : je me borne à les signaler à l'attention des directeurs des Stations agronomiques comme un intéressant sujet d’études. Pourquoi, avec une quantité égale de nitrate de soude, — c’est le fait qui résume les nombreux essais de cultures rapportés par M. Stutzer — l’avoine et l'orge donnent-elles un excédent moyen, en grain et paille, double de celui du blé et du seigle ? Tel est le problème physiologique posé et dont la solution doit être cherchée expérimentalement. Les chiffres indiqués par M. Stutzer, comme représentant la moyenne des excédents obtenus, résultent en effet d’un grand nom- bre d’expériences en sols différents ; il y aurait donc lieu d'étudier la question dans des conditions de sols bien déterminées. Un autre point de vue de la question, étroitement lié aux faits que je viens de discuter, concerne la récupération pratique, par la récolte, de l'azote donné sous différentes formes par la fumure aux diverses céréales. Quelle est la quantité d’azote des fumures retrouvées effective- ment dans les récoltes au bout d’une certaine période de culture de la même céréale? Quelle quantité d’azote des fumures, par contre, demeure inutilisée par les plantes? Comment se comportent compa- rativement le nitrate de soude, le sulfate d’ammoniaque et l’azote organique (fumier de ferme, tourteau, etc.) sous ce rapport ? Une longue succession de la même plante sur le même sol, avec détermination de la composition des fumures et de celles des ré- coltes, peut seule permettre de répondre à ces divers points d’inter- rogalion. Ces études ont été faites dans la ferme expérimentale de Rotham- sted, annexe de la Station agronomique fondée dans le Herts par sir J. Bennet Lawes, vers 1840, et continuées sans interruption jus- qu'à ce jour, par l’éminent agronome et son collaborateur de la première heure, le docteur Gilbert. Un résumé sommaire des résul- tats constatés à Rothamsted trouvera naturellement place ici. LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 319 Dans leurs recherches magistrales sur la culture des céréales, sir J. Bennet Lawes et le docteur Gilbert ont étudié la question de l’uti- lisation de l'azote par le blé, l'orge et l’avoine pendant des périodes assez longues (vingt années pour les deux premières récoltes et trois années seulement pour l’avoine), pour en pouvoir déduire des conclusions très importantes au point de vue pratique. Connaissant, d’une part, la quantité d'azote apportée sous diverses formes, par les fumures affectées, sans variation ni discontinuité, pendant vingt ans, à la même plante ; ayant, de l’autre, déterminé par l’analyse les quantités d’azote contenues dans les récoltes, ces savants agronomes ont déduit, de la comparaison de ces deux don- nées, les taux pour 100 d’azote de l’engrais nie par l’excédent de produits (grain et paille). Je résume dans le tableau suivant les résultats de ces importantes recherches : Blé. TAUX P. 100 de l'azote de l’engrais. ——— — Récupéré Non récupéré ENGRAIS AZOTÉS A L'HECTARE ET PAR AN, A" En sols pourvus de principes mi- néraux : acide phosphorique, Azote. par l’exvédent par l’excédent potasse, etc. de récolte, de récolte, Kilogr. Pee100: P. 100. Sels ammoniacaux. 45,9 32.4 67.6 — 91,9 329 Greul — 137,8 315 68.5 — : 183,7 28.5 11.5 Nitrate de soude . 20 45.3 04.7 Fumier de ferme . 294,0 14.6 85.4 Orge Sels ammoniacaux. ! 45,9 48.1 51.9 Sels ammoniacaux et nitrate. . S ÿ Aa 49.8 50.2 Tourteaux . 106,0 36.3 63.7 Fumier de ferme . 224,0 10.7 89.3 Avoine Sels ammoniacaux. 989 019 48.1 Nitrate de soude . 920 00.4 49.6 D’après cela, le blé, l'orge et l’avoine utilisent de 45 à 51 p. 100, soit moitié, en nombre rond, de l'azote du nitrate. Deux faits des 320 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. plus intéressants ressortent de ce tableau ; ils concernent le fumier et le sulfate d’ammoniaque : 10 à 15 p. 100 seulement de l’azote du fumier de ferme se retrouvent dans l’excédent de la récolte obte- nue, par rapport à un sol non fumé; la récupération de l’azote du sulfate d’ammoniaque dans la culture du blé s'élève à peine au tiers de la teneur de l’engrais en ce principe, tandis que l'orge et l’avoine utilisent le sulfate d’ammoniaque presque aussi bien que le nitrate. La première conclusion générale, qui se dégage de ces comparai- sons, c’est que l'azote soluble (nitrate ou sulfate), et en particulier celui du nitrale, est l'aliment azoté le plus favorable à la production des céréales. Après l'azote soluble, vient l'azote des tourteaux de graines oléa- oineuses, dont l’utilisation dépasse, dans la culture de l'orge, la pre- portion (36 p. 100) constatée pour le sulfate d’ammoniaque dans le cas du blé (28 à 30 p. 100); en dernier lieu se range l'azote du fu- mier de ferme, la culture du blé durant vingt années consécutives n’ayant fixé que 14.6 p. 100 de l’azote du fumier : celle de l’orge, moins encore, 10.7 p. 100. De ces dernières constatations, du plus haut intérêt économique, il résulte que le nitrate de soude est au taux actuel de 93 à 95 fr. les 100 kilogr., une source d’azote pour les végétaux, bien moins chère que le fumier de ferme. Autrement dit, partout où le cultivateur ne pourra pas se procu- rer, à un prix très bas, le fumier que son exploitation ne lui fourni- rait pas en quantité suffisante pour ses récoltes, 1l aura intérêt à lui substituer le nitrate de soude associé au phosphate et au besoin à la potasse, si la terre manque de cet élément, cas assez rare dans la plupart des régions de la France. Pour se convaincre de l’économie de cette substitution, il suffit de comparer la valeur du fumier, d’après sa richesse en azote, acide phosphorique et polasse, à celle des mêmes quantités de principes fertilisants achetés dans le commerce, en tenant compte de l’ulilisa- tion de l’azote par la récolte, constatée par sir J. Lawes et le doc- teur Gilbert. D’après les prix actuels de l’azote dans le nitrate de soude (1 fr. 60 c. le kilogramme), de l'acide phosphorique soluble (0 fr. 50 c. LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 321 le kilogramme) et de la potasse (0 fr. 40 e. le kilogramme), la valeur du fumier basée sur sa teneur en ces principes fertilisants serait la suivante : Le fumier de ferme, moyennement consommé, renferme en moyenne par Î 000 kilogr. : AAQLORS TR 5ks 0 à 1f,60° — Sf,00c Acide phosphorique . . 2 0 A0 UUS = 100 POÉISSRP M TAN AS. 623) 240402725271 Valeur des 1 000 kilogr. . . . 121, 02° Le mélange minéral qui renfermerait les mêmes quantités de principes fertilisants, cotés au même prix, serait le suivant : 32k8 65 nitrate de soude à 15.65 p. 100 azote, coûtant. . . . . . . sf, 00° 21 ,08 superphosphate à 12 p. 100 acide phosphorique, coûtant. 1f,27° l {1 50 2 32 ,05 phosphate minéral à 16 p. 100, coûtant. . . . . . . 1,50 | ; 12 ,06 chlorure de potassium à 50 p. 100, coûtant : . . . . . . . 2e 12f,02° Mais, en raison de la très grande inégalité d'utilisation de Pazote des deux fumures, plus de trois fois supérieure pour le nitrate (dans le rapport de 50 à 19 —3.33), c'est une quantité plus que triple, c’est-à-dire 3 333 kilogr. de fumier, qui équivaudrait à la fumure minérale pour les céréales. Il faudrait donc, pour que l'équilibre se A9f 9e si | it 3.33 a tonne, soi rétablit, que le fumier de ferme ne coûtât que 3 fr. 60 c. Comme nous n’avons compté dans le calcul de la valeur du fumier que ses trois principaux éléments, nous admettrons une plus-value, sur ce prix de 3 fr. 60 c., de 2 fr. 40 c. pour la chaux, la magné- sie, la matière organique, etc, Lors donc que le cultivateur, obligé d'acheter du fumier, ne pourra se le procurer au prix de 6 fr, les 1 000 kilogr., il aura avantage à réparur le fumier produit dans son exploitation sur une surface double ou triple, suivant le cas, de celle qu'il pourrait fumer à dose suffisante au fumier de ferme, s’il avait 1. Les valeurs attribuées à l'azote, à l'acide phosphorique et à la potasse sont celles de ces substances dans les engrais commerciaux. ANN. SCIENCE AGRON. — 1893, — TJ, 2 | 322 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. assez d'engrais, et à compléter ses fumures par l’emploi du nitrate de soude, des phosphates et, au besoin, des sels potassiques. Le rôle du fumier de ferme ne consistant pas uniquement dans un apport d’acide phosphorique, d’azote et de potasse, mais aussi dans la modification des propriétés physiques et chimiques de la terre, par l'introduction des matières organiques dans le sol, il est de beaucoup préférable de répandre le fumier de ferme, à moitié dose, sur deux hectares par exemple et de recourir pour le reste de la fumure aux engrais minéraux, plutôt que de fumer isolément un hectare au fumier de ferme et l’autre exclusivement avec des en- grais minéraux. V. — Froment. Seigle. Méteil. Orge. Avoine. Leurs exigences. Le petit tableau ci-dessous indique les quantités des trois prin- cipes fondamentaux des engrais Commerciaux : azote, acide phos- phorique et potasse contenus dans 100 kilogr. de blé, de seigle et de méteil et dans la paille correspondante. Ce sont des chiffres moyens, susceptibles de varier, mais dans d’étroites limites seule- ment, avec les sols, les variétés cultivées et les autres circonstances". AZOTE, ACIDE PHOSPHORIQUE ET POTASSE contenus dans (en nombres ronds) : EE —— EE ——— 100 kilogr. 100 kilogr. 100 kilogr. de blé de seigle de méteil et sa paille. et sa paille. et sa paille. azote. . SAP 2k8 06 2k8,96 DT DOPASSO SAN RE ARE LES LEE 1 ,14 3 ,16 RUE Acide phosphorique . di 04 1 ,60 1:,30* {. Nous avons pris, comme base des calculs qui nous ont conduits aux chiffres ci- dessus, les données suivantes : 100 kilogr. de blé (grain) correspondant à 168 kilogr. de paille ; 100 kilcgr. de seigle (grain) correspondant à 309 kilogr. de paille ; 100 kilogr. de méteil supposé, pour simplifier l'exemple, un mélange à parties égales de blé et de seigle, donneraient environ 230 kilogr. de paille. 2. 100 kilogr. d'orge et la paille correspondante renferment : 2“8,50 d'azote, 1s,95 d'acide phosphorique, 1K5,97 de potasse. Un quintal d'avoine et sa paille coatiennent : azote 35,02, acide phosphorique 1%5,31, potasse 4ke,15, LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. DA Pour fixer les idées, supposons une exploitation produisant à l'hectare, 15 quintaux de chacune de ces céréales avec la paille cor- respondante, la récolte contiendra les quantités suivantes de chacun des trois principes fertilisants : RÉCOLTE: 15 quintaux métriques grain ALIMENTS ASSIMILÉS. et paille correspondante. EEE Blé. Seigle. Méteil. rates ee MAR EU LE: | ar ge MARS ADN Lake 85 POS CAMERA. Et RU 23 ,42 47 ,40 39 ,41 Acide phosphorique . . . . . IN MSC, 24 ,00 20-49 Ces quelques chiffres donnent une idée des exigences des céréa- les d'hiver, idée qui se présentera sous une forme plus saisissante si nous transformons en nitrate de soude, phosphate de chaux et chlo- rure de polassium les poids d’azote, d'acide phosphorique et de po- tasse, fixés par celte récolte de 45 quintaux à l’hectare. QUANTITÉ D’ENGRAIS en nombres ronds. NATURE DE L'ENGRAIS. D RTEE PÉUN PRE re" Blé. Seigle, Méteil. = Kilogr. Kilogr. Kilogr. NTITATE Te SOU RARE TE RL 276 284 253 Chlorure de potassium à 50 p. 100!. . . AG 95 70 Phosphate à 16 et 17 p. 100 (scories)?. . 100 140 120 Ou superphosphate à 12 p. 100. . . . 145 200 172 Ou phosphate minéral à 22 p. 100°. . . 79 110 95 Nous ferons remarquer, tout de suite, que les rapprochements entre les poids d’engrais représentant les quantités d’azote, d'acide phosphorique et de potasse contenus dans une récolte, ne sont pas ceux, qu'il soit suffisant ou nécessaire, suivant le cas particulier, d'introduire dans un hectare de terrain, pour obtenir une récolte de 15 quintaux de grain, avec la paille correspondante. Cela tient à ce que les conditions en jeu dans la culture tendent à rendre ces chif- fres tantôt trop élevés, Lantôt trop bas, et c’est la pratique, c’est-à- dire l’expérience fondée sur les faits bien observés, qui seule servira 1. De rotasse réclle. 2. D'acide phosphorique réel. 524 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. à indiquer les doses de phosphates, de sels de potasse el de nitrate à apporter par les engrais, pour amener le sol à une fertilité voisine de celle qui permet de récolter 15 quintaux de grain à l’hectare. En effet, d’une part, la terre arable de qualité moyenne, bien la- bourée et propre, fournit aux plantes une bonne partie des aliments qui leur sont nécessaires ; de l’autre, la totalité des matières fertili- santes apportées par la fumure est loin d'être utilisée par les récol- tes, même dans les conditions les plus favorables, c’est-à-dire lors- que les engrais sont aussi bien disséminés que possible dans la couche arable. Il résulte de ces deux conditions, qui agissent en sens contraire, que, dans les terres riches, les quantités d’azote, d’acide phosphorique et de potasse indiquées par la composition de la ré- colte étant, en majeure partie, fournies par la réserve du sol, l’en- grais ne fera que compléter la fertilité naturelle de la terre et n’aura qu’à lui fournir un contingent de tel ou tel principe nutritif, infé- rieur aux exigences finales de la récolte, Dans les terres très pauvres au contraire, les exigences des végétaux ne pourraient pas être sa- üisfaites par l'apport des quantités d’engrais correspondantes à leur teneur en azote, potasse, elc., puisque la totalité de ces engrais n’est jamais, dans l’année, utilisée par la récolte. La fumure, dans ce cas, devra être plus élevée que ne l’indique la composition de la récolte. Enfin, en ce qui regarde le nitrate de soude que les pluies entraînent si facilement dans le sous-sol, la couche arable n'ayant pas la faculté de retenir l'acide nitrique comme elle fait de l’acide phosphorique et de la potasse, la quantité à employer devra dépasser d’autant plus celle qu’indique la composition de la récolte, que le sol sera plus pauvre en azole, plus perméable et le climat plus humide. Les indications données plus haut n’ont donc qu’une valeur relative. Cependant, elles peuvent utilement servir à des calculs sur l’épui- sement, par les diverses céréales d’un sol dont on connaîtrait la com- position ; mais, comme nous le disions à l'instant, c’est à des expé- riences culturales répétées dans des terres de composition variable, expériences multipliées au point de donner aux moyennes qui en résultent ‘une valeur susceptible de généralisation, qu'il faut avoir recours pour fixer le dosage des engrais à appliquer à la culture d’une plante el en particulier à celle des céréales. LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 325 VI. — Des engrais pour céréales d'hiver. Fumier de ferme. Phosphates divers. Sels de potasse. Nitrate de soude. Le fumier de ferme est l’engrais par excellence ; 1l apporte au sol, en même temps que les éléments minéraux indispensables à l’ali- mentation des plantes, la malière organique, qui, en se transfor- mant en humus, joue un rôle si utile, au point de vue de l’ameu- blissement de la couche arable. Malheureusement, nous ne produisons pas, en France, à beaucoup près, la quantité de fumier nécessaire à l’entretien de la fertilité de nos terres et, de plus, nous perdons, par notre négligence, une bonne partie des matières fertilisantes contenues dans le fumier et le purim. Cette insuffisance dans la production du fumier, 1l nous faut la combler par l'emploi des engrais commerciaux. Reprenons donc la comparaison du fumier à ces derniers, sous le rapport de sa teneur en azote, en acide phosphorique et en potasse. La composition du fumier de ferme est éminemment variable, avec l'alimentation du bétail qui le produit et avec la nature de la litière. Pour fixer les idées, nous avons admis comme terme de compa- raison un très riche fumier moyennement consommé. Nous serons certain, par là, d’avoir un terme de comparaison nous donnant toute sécurité pour le calcul des poids d'engrais complémentaires à em- ployer. La comparaison peut s'établir ainsi qu’il suit, comme nous l'avons dit tout à l’heure, avec les engrais commerciaux : QUANTITÉS 1000 KILOGR. DE FUMIER ; < : cor:espondantes d'engrais commerciaux renfermant : (en nombres ronds). Azole 5 kilogr . . . . . — 33 kilogr. nitrate de soude, à 15.6 p. 100. —= 12 — assi D botasse 645,3 { 12 chlorure de potassium, à 50 p. 100. | = 53 — kaïnite, à 12 p. 100. | — 15 — scories, à 16-17 p. 100. Acide phosphorique 2*#,6.{ — 21 — superphosphate, à 12 p. 100. — 12 — phosphate minéral, à 22 p. 100. On peut considérer comme une faible fumure, 20 000 kilogr. de 326 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. fumier à l’hectare ; comme une fumure moyenne, 40 000 kilogr. et, comme une forte fumure, 60 000 kilogr. Voyons, à titre de renseignement, quels poids d'engrais commer- ciaux il faudrait employer, si l’on voulait apporter au sol les quan- tilés d'azote, d'acide phosphorique et de potasse contenues dans 60 tonnes de fumier de ferme. En appliquant les données que nous venons de rappeler, on trouve les poids suivants en nombres ronds : Nitrate de soude, 1 920 kilogr.; Acide phosphorique, suivant l’é tat auquel on le considère : a) Scories de déphosphoration, 945 kilogr. ; b) Superphosphate, 1 300 kilogr. ; c) Phosphate minéral en poudre, 710 kilogr. ; Potasse, à l’état de chlorure, 756 kilogr.; à l’état de sulfate (kaïnite), 8 150 kilogr. En réalité, par suite des différences très grandes que présentent, au point de vue de leur assimilabilité par les plantes, les mêmes principes fertilisants contenus dans le fumier et dans les engrais mi- néraux, la substitution ne doit pas se faire d’après les proportions indiquées par ce calcul arithmétique. Il y a lieu, en effet, de présen- ter à ce sujet quelques remarques importantes : 1° L’azote des nitrates est beaucoup mieux utilisé, comme nous l’avons vu, par les végétaux que celui du fumier, et l’expérience à montré qu’il suffit de donner, à l’état de nitrate, le cinquième envi- ron de la quantité d’azote que renferment 60 tonnes de funuer, pour obtenir un résultat au moins égal. (380 kilogr. de nitrate de soude constituent pratiquement une très forte fumure azotée.) 2 La quantité de phosphate fournie à la terre, sous forme insolu- ble doit, au contraire, être sensiblement égale à celle qu'apporte- rait le fumier de ferme. Parfois, une plus-value d’un tiers à moitié, suivant les sols, peut être attribuée au superphosphate comparé aux phosphates insolubles, dans les terres calcaires notamment : cela tient sans doute à la plus grande diffusibilité de l’acide phosphori- que du superphosphate et, pour une part aussi, à la teneur de cet engrais en sulfate de chaux. Dans les sols argileux, silicéo-argileux, sablonneux ou tourbeux, les scories de déphosphoration et la plu- part des phosphates de chaux naturels, réduits en poudre très fine, LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. IA ont une action fertilisante égale et parfois supérieure à celle des superphosphates, à poids égal d'acide phosphorique. 3 Si l’on excepte les sols tourbeux, extra-calcaires ou sableux, on peut, le plus souvent, s'abstenir de l'emploi des sels de potasse, le sol renfermant cette base en quantité suffisante. La magnésie manque plus fréquemment qu’on ne le croit communémeañt dans les sols : aussi, pour certaines terres, l’emploi de la kaïnite renfermant 16 à 18 p. 100 de sulfate de magnésie, est-il recommandable, de préférence au chlorure de potassium, lorsqu'on a recours à un en- grais potassique. En tenant compte des remarques précédentes et en s’appuyant sur les expériences les mieux suivies et les plus concluantes, on peut indiquer approximativement les quantités d'acide phosphorique, d’azote et, le cas échéant, de potasse, à substituer à 60,000 kilogr. de fumier de ferme. 60 000 kilogr. de fumier de ferme peuvent êlre remplacés, dans la pratique agricole, au point de vue des principes fondamentaux (azote, acide phosphorique et potasse), par des quantités d'engrais chimiques correspondant aux taux suivants : Acide phosphorique réel. , . . . . . 125 kilogr.' AZOLENIFIQUE M re LT ne. NOTES 60 — POfISSe ré Mers 00e ste ON ee VO 60 — Suivant les quantités de fumier de ferme dont on disposera, on fera varier proportionnellement les poids d'acide phosphorique, d’azote et de potasse que nous venons d'indiquer. Le prix de la fumure chimique, substituée à 60 tonnes de fumier de ferme, s’élèvera au maximum à 170 fr. par hectare; il peul même être évalué à moins de 160 fr., en partant des cours moyens 1. Beaucoup de fumiers de ferme, ainsi que nous l'avons dit, sont moins riches en azote, acide phosphorique et potasse que celui dont j'indique plus haut la composition ; le taux d’acide phosphorique tombe souvent au-dessous de 2 p. 100 et celui de l'azote au-dessous de 4.5 p. 100, 125 kilogr. d'acide phosphorique correspondent donc à la richesse d'un fumier moyen de bonne qualité, 60 kilogr. d'azote représentant large- ment le 1/5 de la teneur de 60 000 kilogr. de fumier moyen, en azote et 60 kilogr. de potasse, plus du 1/5 de la teneur du fumier, en cette base. 328 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. de chacun des principes qui entrent dans les engrais minéraux, sa- voir : Acide phosphorique. ._. . 125 kilogr. à 0f,30° le kilogr. — 37°,50c Azote nitrique. . . . . . CO U60 0206 00 PORASSES S PR R ES On ns 60 — à0,40 400 A Total SEL Éd OS AU ECS A ET SEA Les deux tableaux ci-dessous résument les formules de fumures équivalentes, suivant qu’on emploiera, à l’hectare, 60, 40 ou 20 ton- nes de fumier ou qu’on aura recours aux engrais commerciaux seuls : TABLEAU I. — Quantités d'azote, d'acide phosphorique et de potasse remplaçant le fumier de ferme. DAXS LES ENGRAIS CHIMIQUES. A Se UE D Azote. OR Potasse. Kilogr. Kilogr. Kilogr. 1° 60 000 kilogr.. . . . . . . » » » LD A 0IDOD KO TE NME Ar 20 42 20 3222010 00ME our Am EME REN 40 83 40 AOPPAS de fumier. SRE DUR 60 125 60 Suivant la nature des phosphates et des sels de potasse auxquels on donnera la préférence, il faudra employer les quantités indiquées ci-dessous : TABLEAU II — Quantités (nombre rond) de phosphate, de nitrate et de sels de potasse à ajouter au fumier de ferme, par hectare*. NITRATE PHOS- SUPER- CHLORURE FUMIER DE FERME, de SCORIES. PHATE PHOS- KAINITE. de soude. minéral. PHATE. potassium. Kilogr. Kilozr. Kilogr. Kilogr. Kilogr. Kilogr. 1° 60 000 kilogr. . » » » » » » 29 40000 — .. 130 255 255 230 170 40 3° 20000 — .. 260 510 510 460 340 80 4° Pas de fumier. . 390 765 765 690 510 120 1. Ces prix sont au moins égaux, sinon supérieurs à ceux que la culture peut obtenir par l'intermédiaire des syndicats. Ils correspondent à 25 fr. les 100 kilogr. de nitrate de soude, 50 fr. les 1 000 kilogr. de scories de déphosphoration et 22 fr. 50 c. les 100 kilogr. de chlorure de potassium. 2. La dose d'acide phosphorique donnée à l'hectare, à l'état de superphosphate, peut être d'un tiers inférieure à celles qu'apporteraient les scories de déphosphoration LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 329 VII. — Prix de revient de la fumure minérale d’un hectare de blé dans ces diverses conditions. Laissant de côté la valeur du fumier de ferme, que chacun de nos lecteurs pourra évaluer d’après les conditions de son exploitation, valeur qui dépendra surtout du mode de comptabilité adopté, je me contenterai d'indiquer la dépense correspondant à l'achat des en- grais chimiques, dans les trois cas que j'ai envisagés plus haut : n° 4, forte fumure, n° 3, fumure moyenne, n° 2, faible fumure chi- mique : Nez Nitrate de soude : 130 kilogr. à 25 fr. les 100 kilogr. . . . . : . . 32f,50° Scories 298" Kilo0r-n7 9 0"fr; lestt 000 loge Se te 12 To Ou superphosphate : 230 kilogr. à 6 fr. 25 ce. les 100 re 14°,40° Ou phosphate minéral : 255 kilogr. à 4 fr. 50 c. les 100 kilogr. 11 ,47 Kaïnite : 170 kilogr. à G fr. 25 ce. les 100 kilogr.. . . . . . . . . 10 ,60 Ou chlorure de potassium à 22 fr. 50 c. les 100 kilogr. . . 9f,00€ LE CRAN PS LT EAN AP ANEOT D A S G Avec superphosphate et chlorure, la fumure coûtera le même prix, 90 fr. 89 c. Avec phosphate minéral et chlorure, 53 fr. seulement. On ne dépensera donc pas plus de 56 fr. à l’hectare, pour l’en- grais commercial complémentaire de 40 000 kilogr. de fumier. La formule n° 3 coûterait le double, soit 112 fr. à ajouter au prix de 20 000 kilogr. de fumier et la formule ne 4 (pas de fumier, en- grais chimique seul) reviendrait à 168 fr. environ. Ces chiffres peuvent servir de base aux calculs du cultivateur dé- sireux d'employer les engrais chimiques, soit seuls, soit conjointe- (28 kilogr. au lieu de 42 kilogr., et ainsi de suite). Il y a lieu, inversement, d'augmen- ter d'un tiers environ, par rapport aux scories, la quantité d'acide phosphorique donnée sous forme de phosphate minéral (56 kilogr. au lieu de 42 kilogr., et ainsi de suite). Aucune règle absolue ne peut être formulée à l'égard de ces équivalences, les nombres que nous indiquons résultent d'expériences culturales, mais ils pourront être modifiés utilement par les cultivateurs, suivant les conditions locales de leur exploitation (na- ture du sol, etc.). 330 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ment, ce qui est préférable, avec des quantités variables de fumier de ferme. | Rappelons encore que, dans la plupart des sols, on pourra faire l’économie des sels de potasse, ce qui ramènera la dépense, à l’hec- tare, à 160 fr., au maximum, pour une forte fumure en engrais chimiques substitués au fumier de ferme. VIII. — Emploi du nitrate dans la culture des plantes sarclées. Pommes de terre, betteraves, navets, turneps, etc. Si les céréales sont les plantes dans la culture desquelles l'emploi du nitrate donne le maximum de rendement, les plantes sarclées, loin d’être indifférentes à ce mode d’alimentation, s’en trouvent très bien et peuvent, à son aide, donner des excédents de rendements très rémunérateurs. Comme pour les céréales, si le sol est imparfaitement pourvu en phosphate, l'addition de cette matière au nitrate augmente très no- tablement le rendement. La moyenne de 51 essais de culture de pommes de terre et de 17 essais de culture de betteraves à sucre, avec le nitrate seul, à permis à M. le docteur Stutzer de constater les excédents de rende- ment suivants par 100 kilogr. de nitrate de soude : Pommes ide) ÉeRRe EL TSI RS ANS 101712 Bettéravess le (Ostende TMRENS 20 ,29 tandis qu'avec le phosphate employé simultanément avec le mitrate, les excédents ont été de : Pommeside terre; "11204740" 124,92 (18 essais) Betterayesi tee 24 ,16 (55 essais) L'expérience a montré qu'il n’y a aucun avantage économique à dépasser, à l’hectare, une certaine dose de nitrate dans la fumure du sol destiné à la pomme de terre et à la betterave : 200 kilogr. pour les premières et 250 à 300 kilogr. pour les secondes sont les doses moyennes qu’il convient d'employer. Le nitrate n’augmente pas Ja richesse en fécule des pommes de terre, cette dernière dé- pendant avant tout de la variété cultivée. Comme pomme de terre LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 331 industrielle, la Richter’s imperator doit être conseillée ; elle donne à la fois un très fort rendement en tubercules et une grande ri- chesse de ces derniers en fécule”. Le nitrate, qui accroît très sensiblement le poids de betteraves à sucre récolté à l’hectare, n’élève pas le taux du sucre dans cette ra- cine : on a même prétendu qu’il le diminuait parfois dans des pro- portions notables, ce qui n’est pas exact. M. le professeur Mærcker, qui à étudié expérimentalement la question dans de nombreux essais faits dans six fermes différentes, est arrivé à cette conclusion qu’une fumure de 400 kilogr. de nitrate de soude à l’hectare (dose trop forte) comparativement à l'emploi de 200 kilogr. du même sel n’a provoqué qu’une diminution de 0.21 p. 100 dans le taux du sucre et un abaissement du degré de pureté de 0.38 p. 100 seulement, dans 71 essais entrepris sur de nombreuses variétés de betteraves sucriè- res. Le cultivateur n’a donc pas à redouter l'emploi du nitrate de soude pour la famure de la betterave, aux conditions suivantes : 4° Cultiver une bonne variété, riche en sucre ; 2° Employer de la semence de première qualité et de provenance qui assure la pureté de la variété ; 9° Joindre une fumure phosphatée à l'emploi du nitrate, de ma- nière à ne pas retarder la maturation de la betterave ; 4° Incorporer le nitrate au sol avant l’ensemencement et ne pas employer en couverture (ce qu’il faut également éviter de faire pour la pomme de terre) ; 9° Planter les betteraves à de faibles écartements et faire quatre ou cinq binages. En suivant ces prescriptions, le cultivateur n'aura qu’à se louer de l'emploi du nitrate, à la dose de 250 à 350 kilogr. au maximum pour les betteraves, et de 200 à 250 kilogr. pour les pommes de terre, dans des sols de richesse moyenne. Du rapprochement de tous les essais comparables faits méthodi- quement sur la betterave à sucre, sur la betterave fourragère et sur la pomme de terre, M. le docteur Stutzer a déduit les excédents de ‘1. Voir le remarquable mémoire de M. À. Girard, La Pomme de terre industrielle. 2° édition, in-8°, chez Gauthier-Villars. Paris, 1891. 232 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. rendements obtenus à l’hectare avec 100 kilogr. de nitrate de soude associés aux quantités d'acide phosphorique que nous mdiquons plus loin, Voici ces excédents : BELÉERAYES Et. 4 IE MeNENeNr 481,52 Pommies:de terre 1672 ue Re en 15 .94 Nayets HUINEDSL er RAR Re 49 ,86 Les deux premières cultures étant de beaucoup les plus impor- tantes pour la France, je m'occuperai d’elles principalement dans les calculs qui vont suivre. À titre d'exemple, je prendrai pour base de ces calculs les prix moyens du quintal, pour la France entière, d’après la statistique agricole officielle (année 1890”). La valeur moyenne du quintal a été la suivante : Pommes -deterre. MSN RE ATEN 5,43 *? Betteraves"fDurrasbres :: 1100 ANT Dee 2 ,06 Bétteraves/à:sucre #2" HESMAREMEReSr 2 ,23 Pommes de terre. La dépense en engrais s'établit comme suit : Nitrate/de:soude:: 23100 100 kilogr. à 25 fr. — 1200, Acide phosphorique soluble . . Lo AO ELONCA RE Ou acide phosphorique insoluble. 20:17, 40130" Dépense tetale de fumure . . . . . . . . 34 fr. Excédent de rendement produit par cette famure, comparative- ment au mime sol non fumé : Pommes-de derce:: Lou QL-A 0 280 ER ENeAEr ne 86f,55° AdéAQiTE POUR ÉUMURES 7. PRE ROME 34 ,00 HÉnÉfLe RE AL PORTEURS CARRE DA: Soit 153 p. 100 de la dépense d’engrais. 1. Slalistique agricole annuelle, publiée par le ministère de l'agriculture, année 1890. Imprimerie nationale, 1891, in-4°. 2. La campagne de 1892 a été particulièrement mauvaise pour la culture, au point de vue du prix de la pomme de terre qui est tombé à 3 fr, les 100 ‘kilogr. et même moins dans certaines régicns. LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 333 L'emploi de 200 kilogr. de nitrate additionnés de la quantité cor- respondante d’acide phosphorique (30 à 60 kilogr., suivant l’état de ce dernier) doublerait le rendement et porterait le bénéfice à 105 fr. environ à l’hectare. Belteraves. La plus-value dans le rendement étant, pour les betteraves four- ragères, au moins égale à celle que le nitrate donne avec la bette- rave sucrière, nous appliquerons le chiffre moyen de 48 quintaux 52 aux deux récoltes. Le compte de fumure s’établit alors comme suit : Nitrate de soude. . . . . 100 kilogr. à 25 fr. 250 {r Acide phosphorique !. . . 30 — à Ofr.60c. Er je Ou acide phosphorique . . 60 — à Ofr.30c. Dépenses desfnmure = er een 43 fr. Valeur des excédents de récolte : Betteraves fourragères. ADD A 06 le qUMtAL eee Lin dE 99f:95° Dépensestde tte PR CNRC SDS NOTE 43 ,00 DÉMÉR NEA ete Prades à des DUT La æ0 Sas 561,95° Soit 138 p. 100 de la dépense. Betteraves sucrières. RCE AO) Ce MS CAE (11e RPM EE SEE RE 108f,20° IT On EN PE RO ARTE PE 42 ,00 BENCREE CERN re a MEN ae ele ce 69f,20° Soit 158 p. 100 de la dépense. 1. La quantité d'acide phosphorique exigée par une récolte de pommes de terre est sensiblement moindre de moitié de celle qu'enlève une récolte de betteraves. La récolte moyenne à l'hectare, en France, est de 71 quintaux métriques de pommes de terre, celle de la betterave à sucre étant de 270 quintaux métriques (année 1888), ce qui correspond, d'après la richesse en acide phosphorique des deux plantes, à un prélèvement moyen de 25*,3 pour la betterave et 112,360 pour la pomme de terre (les feuilles et les fanes de ces plantes, demeurant sur le sol et retournant à la terre, re sont pas comprises dans ce calcul). 334 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Dans les deux cas, la dépense sera donc largement rémunératrice, alors même que la moyenne indiquée pour les excédents de rende- ment par M. Stutzer, ou le prix du quintal s’abaisseraient HUE ment par suite de circonstances locales. Le nitrate employé à la fumure des plantes racines ne doit jamais être répandu à la surface du sol après la levée des plantes ; il doit être introduit dans le sol avec le dernier labour ; l’épandage du ni- trate en couverture à toujours donné de mauvais résultats dans la pratique. Tout ce que nous avons dit précédemment à propos des céréales relativement à l'emploi simultané du fumier de ferme à doses variables et d’engrais minéraux s'applique également aux plantes sarclées. IX. — De la préparation du sol et de l’épandage des engrais. De toutes les opérations desquelles dépendent les hauts rende- ments du sol, la première et non la moins importante est le net- toyage de la terre, à laquelle on va confier les engrais, ensuite la semence. | Tous les végétaux, en effet, vivent de la même manière. Qu'’elles soient utiles à l’homme ou qu’elles ne lui servent de rien, les plan- tes dont les semences se rencontrent spontanément dans un champ et celles que nous y apportons consomment les mêmes aliments. Toutes ont besoin de phosphate, de nitrate, de sels de potasse, de magnésie, de chaux, etc. Les mauvaises herbes, aussi bien que le blé, l’avoine ou la pomme de terre, assimilent les substances nutritives contenues dans la terre ou dans la fumure. Il résulte de’ là que tout ce qui sert à nourrir la mauvaise herbe est perdu pour les récoltes, sans compter la dépréciation qui frappe les pailles, sil s'agit des céréales, lorsque les mauvaises herbes ont envahi nos champs. Le nettoyage du sol s'impose donc, en premier lieu. Le déchau- mage est une excellente pratique : il consiste à arracher à la houe à main, à la charrue ou au scarificateur, suivant l'importance de la culiure, les chaumes des blés, des seigles, des colzas, etc., el à les LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 920) enfouir immédiatement après la moisson, pour permettre aux graines des mauvaises herbes de germer. Quand les plantes nuisibles, provenant de ces semences, auront acquis un certain développement, un labour qui les enterrera avant qu’elles aient pu fleurir et grainer en débarrassera le cultivateur. Le déchaumage est bien préférable à un labour qu'on donnerait immédiatement après la moisson. L'opération doit être superficielle, en effet, afin que les graines, à peine recouvertes de terre, puissent germer à la première pluie. La charrue enfouirait beaucoup trop profondément les semences que le labour d'automne ramènerait à la surface, leur permettant ainsi de germer en même temps que Île blé ou le seigle. Les mauvaises herbes envahiraient de nouveau la sole des céréales. | Si le champ à déchaumer est infesté par le chiendent, l’agrostis, l’oseille sauvage et autres plantes vivaces à racines traçantes, il faut se garder d'abandonner sur le sol, après le déchaumage, ces mau- dites plantes. Même exposées pendant longtemps à l’ardeur du so- leil, après leur arrachage, elles ne meurent point et n’attendent qu'une pluie pour s'implanter de nouveau dans le sol. Il faut donc les enlever à l’aide du râteau à main ou à cheval, suivant la dimen- sion du champ, les réunir en tas et les brüler. En définitive, toutes les opérations qui auront pour résultat, tant avant la semaille qu’au cours de la végétation, de détruire les plan- tes étrangères à la récolte qu’on se propose, feront bénéficier d’au- tant cette récolte des matériaux nutritifs du sol et des engrais. Le sol, étant bien propre, doit être préparé à recevoir la semence par des labours, hersages, etc., et par l’addition d’une fumure convenable. Je nai pas à parler ici des labours et autres opérations mécani- ques propres à chaque culture et qui sont bien connues de mes lec- teurs. Je me bornerai à insister sur l’utilité des labours répétés, au point de vue de l’action des engrais. Plus l’ameublissement et la di- vision d’un sol qui a été bien fumé est considérable, plus la dissémi- nation de l’engrais qui en est la conséquence est parfaite, plus grande sera la facilité qu'auront les plantes de développer leurs racines, organes essentiels de l'assimilation des matières fertilisantes, et plus 336 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. élevé, par conséquent, sera le rendement de la terre‘. Le nombre des labours dépendra d’un ensemble de conditions spéciales à cha- que exploitation, telles que la constitution physique du sol et sa com- pacité, la nature de la récolte antérieure et de celle que l’on prépare, etc. Les connaissances pratiques du cultivateur le guideront, en cela, mieux que ne pourraient le faire de courtes indications. | J'arrive aux soins à prendre pour l’épandage des engrais et leur incorporalion au sol. C’est au moment des labours d'automne qu’il convient d’intro- duire les phosphates minéraux ou le superphosphate dans le sol : le nitrate de soude devra être exclusivement employé en couverture, au printemps. Si l’on a recours aux scories ou au phosphate minéral en poudre fine, l’un des modes les plus économiques d'emploi consiste à le ré- pandre à l’étable sur le fumier. Suivant les quantités que l’on aura décidé de donner au sol auquel on réserve le fumier, on fera varier la dose de phosphate de 200 à 500 gr. au plus, par jour et par tête de bétail, Plus l'état de ténuité auquel le phosphate minéral est ré- duit sera considérable et plus il se disséminera dans le sol sous l’in- fluence du labour, mieux il sera assimilé par les récoltes. L’épan- dage du oct sur le fumier à l’étable aide à cette dissémination. Le superphosphate et le plâtre mélangés au fumier ont la pro- priété de s’opposer à la perte de l’ammoniaque à l’étable ?. L'avantage principal du superphosphate est de se disséminer, grâce à l'humidité du sol, et de diffuser dans un rayon plus étendu * du point où 1l est tombé sur la terre, lors de son épandage, que ne le peuvent faite les phosphates insolubles. 1. Des expériences récentes de M. Schlæsing semblent favorables à l'application des engrais en lignes, entre les plantes qu'elles doivent nourrir. Mais ces intéressants essais ont besoin d’être répétés avant qu'on en tire des conc'usions immédiatement applicables à Ja pratique agricole. 2. Pour l'épandage des scories de déphosphoration, l'emploi du semoir est indispen- sable, la semaille à la volée offrant des dangers pour l'homme qui l'exécute, à raison des poussières métalliques que les scories renferment toujours. Ges poussières, sans parler de leur action sur les mains du semeur, peuvent causer des accidents graves si elles pénètrent dans les bronches. C'est une raison de plus pour épandre les scories sur 1e fumier de l'étable, LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 331 On a considéré jusqu'ici que la condition essentielle à remplir, dans l’application au sol de toutes les matières fertilisantes, pour en assurer le maximum d'efficacité, est d'opérer aussi parfaitement que possible sa dissémination dans la couche de terre où les plantes vont puiser leur alimentation. D’épaisseu® variable, suivant la nature des récoltes, cette couche, on l'admet jusqu'ici, sera d'autant plus fé- conde que les matières fertilisantes y seront plus également distri- buées. D’après les récentes expériences de M. Th. Schlæ:ng que semblent confirmer indirectement les observations que j'ai faites, il y a deux ans, dans mon champ d’expériences du Parc des Princes, il y a lieu d’expérimenter les procédés qui consistent à semer l’en- grais en rigoles, en poquets, entre les lignes de plantes, etc. J'ai constaté, en 1899, dans mes essais de culture de la pomme de terre, qu’à dose égale de phosphate, à Y'hectare, les rendements maxima ont été obtenus par l'emploi des phosphates les plus riches absolument parlant, ce qui tendrait à montrer, comme les expé- riences de M. Th. Schlæsing, que l'alimentation de la plante se fait d’autant mieux que les racines rencontrent, en un point, une agglo- mération de principes nutritifs. Peut-être y aura-t-il lieu de modifier le système de répartition des engrais dans le sol, lorsque les expé- riences de M. Th. Schlæsing et les miennes auront reçu une confirma- tion qui permette de généraliser les résultats que nous avons observés. En attendant, il me parait prudent de ne pas renoncer à disséminer le mieux possible les matières fertilisantes dans la couche arable. En grande culture, le but est plus complètement atteint par la distribulion de l’engrais au semoir que par l’épandage à la volée. Un bon semoir, convenablement réglé, peut répandre uniformé- ment, sur le sol, telle quantité d’engrais qu’aura fixée le cultivateur, d’après les besoins de sa terre. Si l’on sème à la volée, seul système praticable pour les petites cultures, 1l est bon de faire l'opération en deux fois : on partagera l'engrais à distribuer en deux parties égales; la première sera semée dans le sens de la longueur du champ, et la deuxième dans le sens de la largeur, perpendiculairement, par conséquent, à la di- rection suivie par le serneur dans la première opération. Un ouvrier intelligent corrigera, en augmentant ou diminuant, suivant le cas, ANN. SCIENCE AGRON. — 1893, — 1. 22 338 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. la quantité d’engrais semée au second tour, les inégalités de la pre- mière répartition. Il faut choisir, pour semer les engrais pulvérulents, une journée calme afin d’éviter l’inégale répartilion qu’entrainerait l’action du vent. Une pratique excellente consiste, comme je l’ai déjà indiqué, à mé- langer, à l’engrais à semer à la volée, une certaine quantité de terre fine passée au tamis ou du plâtre (ce dernier est très utile si l’engrais est humide). On augmente ainsi le volume de la matière à distribuer sur une surface donnée et on en rend la répartition égale plus facile. Toujours en vue d’assurer la plus grande homogénéité dans la répartition de l’engrais, il est préférable de faire à l’avance, sur l'aire d’une grange, le mélange des diverses substances qu’on veut em- ployer, dans des proportions qu’on a fixées au préalable. Ce mélange sera rendu aussi intime que possible. Supposons, pour fixer lesidées, qu’on veuille employer un mélange formé de 200 kilogr. de nitrate de soude, 250 kilogr. de phosphate minéral, scories, etc., ete., et 100 kilogr. de sels de potasse. On étendra sur le sol, par couches superposées, les trois sortes d’engrais sur une surface assez grande pour que le mélange ait 0,95 à 0*,30 de hauteur, comme si l’on voulait préparer un compost; cela fait, à l’aide d’une pelle on cou- pera et recoupera en tous sens le tas formé, jusqu’à ce que le mé- lange paraisse tout à fait homogène, ce que la couleur des différents engrais permettra de reconnaître aisément. Si l’on veut employer simultanément le nitrate de soude et le su- perphosphate, il faut absolument éviter de mélanger à l’avance ces deux engrais. L’acide de superphosphate, réagissant sur le nitrate de soude, peut décomposer partiellement ce dernier, ce qui entrai- nerait une perte d’azolic nitrique ; le mieux est de faire alors la se- maille en deux fois. La terre fine, au cas où l’on en emploierait, sera introduite de la même manière. Cette préparalion, qui demande des soins et un peu de lemps, trouvera largement sa rémunéiation dans l’homogénéité du mélange à semer. LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 339 Il. —— CULTURE MARAICHÈRE X. — Les engrais commerciaux et la culture maraîchère. À de rares exceptions près, la culture maraichère, le jardinage, la floriculture et l’arboriculture n’ont pas eu recours à l'emploi de fumures autres que le fumier de ferme, L’attention des horticulteurs et des arboriculteurs semble s’être portée presque exclusivement sur la création des mille variétés qui font l'admiration des amateurs ou les délices des gourmets. De même, dans le jardinage propre- ment dit, les efforts des praticiens se sont concentrés, avec succès, sur l'obtention ou l’acclimatation d'espèces et de variétés nouvelles, sans que le mode d’alimentalion des végétaux ait paru préoccuper les producteurs. Ces branches spéciales de la culture ont beaucoup à attendre de la voie ouverte dans la production agricole par l’em- ploi des succédanés du fumier. Il s’agit d’une part importante de la richesse agricole du pays. En effet, sans parler des cultures florales, de celle des fleurs à parfum, notamment, qui occupent une place si considérable dans la région méridionale, au sujet desquelles les données statistiques nous man- quent pour en évaluer l’étendue et la valeur, la culture maraïchère, à elle seule, représente un chiffre annuel de production voisin d’un milliard de francs. D’après la dernière enquête décennale (1882), la superficie des jardins potagers et maraichers s’étendait sur 429 701 hectares four- nissant annuellement une production évaluée à plus de 900 millions de francs, ce chiffre pouvant, à coup sür, être considéré comme inférieur à la réalité. Les jardins destinés à l'alimentation de la famille couvraient, à eux seuls, près des trois quarts de la surface maraïchère totale (339 698 hectares), et les terrains cultivés, en vue de la vente des légumes, occupaient une surface de 90 000 hectares environ. Depuis dix ans, l’étendue de ces cultures a dû augmenter sensiblement ; l'enquête décennale qui se poursuit en ce moment nous fixera sur l'importance de cet accroissement. 340 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Les cultures arborescentes, fruitières, châtaigneraies, oliviers, müriers, vergers, Jardins (vignes non comprises, bien entendu), s’é- tendent ensemble sur près de 850 000 hectares. La récolte annuelle des pommes et poires comestibles où destinées à la préparation des cidres, représentaient, en 1882, près de 20 millions de francs; celle des autres arbres fruitiers s'élevait à une valeur de plus de 6 mil- lions. On voit, par ces quelques chiffres, que l’ensemble de ces di- verses cultures maraichères, horticoles et fruitières couvre dans notre pays des surfaces considérables et mérite, par conséquent, qu’on étudie l'application à leur production des méthodes de fumure dont l’agriculture proprement dite commence à recueillir des fruits si manifestes, sous le rapport de l’accroissement des rendements. Il est un autre point de vue de la question dont 1l convient de dire un mot à propos de la fumure des cullures maraîchères et arbustives. On sait combien sont nombreuses les maladies parasitaires, sans parler des insectes, qui s’attaquent aux cultures maraïîchères et aux arbres fruitiers. !l n’est pas d’année, de mois pour ainsi dire, qu’on ne signale l’apparition de nouveaux ennemis de ces récoltes. Or, s’il est un fait physiologique bien établi, c’est l'inégalité de résis- tance aux parasites végétaux ou animaux de deux plantes de même espèce dont l’une est bien nourrie, vigoureuse, et dont l’autre, faute d'alimentation, est languissante ou maladive. Les êtres vivants ré- sistent d’autant mieux à ces invasions parasitaires que leur nutrition est plus parfaite, leurs organes mieux développés, les fonctions de ces derniers mieux assurées par une alimentation suffisante, en qua- lité et en quantité. L’exemple de la résistance au phylloxéra de cer- tains vignobles abondamment fumés et croissant dans un sol large- ment pourvu d'éléments minéraux assimilables, d'acide phosphorique notamment, est là pour prouver que chez les plantes, comme chez les animaux et chez l’homme lui-même, l’état particulier que l’on désigne sous le nom de misère physiologique est l’une des causes principales de la facilité avec laquelle les affections parasitaires ou microbiennes ont raison d’un individu. C’est pourquoi, pour le dire en passant, on ne saurait trop donner d'attention dans les régions, comme la Champagne, où le fléau phylloxérique commence à se montrer, à la fumure du sol. Sans doute cela ne suffit pas et l’on LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 341 doit expérimenter les insecticides en vue de la destruction de lPin- secte ; mais, en attendant, et sans perdre de temps, il faut apporter ausol, en abondance, les aliments de la vigne qui y font défaut. On retardera d'autant l’affaiblissement du cep par l’action du parasite el l’on aura chance de l'empêcher de succomber pendant assez long- temps pour que l'application d’un insecticide, approprié aux condi- tions locales du sol, produise son effet, permette à la vigne de ré- sister aux alteintes du phylloxéra et de continuer, malgré la présence du terrible insecte, à donner une récolte. Les allérations de l'écorce et celle des fruits des poiriers, par exemple, les tavelures, comme les appellent les jardiniers, dispa- raissent sous l'influence d'une forte fumure phosphatée. J'ai eu, il y a quelques années, l’occasion de conseiller à d’habiles arboricul- teurs l’emploi, à haute dose, des scories de déphosphoration dans le sol qui devait recevoir des plantations d’arbres fruitiers et l’ap- plication du même engrais à des arbres dépérissants et dont l'écorce, les feuilles et les fruits portaient, depuis plusieurs années, des traces manifestes de dégâts causés par diverses affections parasitaires. Pour les plantations, j'avais conseillé l'emploi des scories à la dose mini- mum de 1 000 kilogr. à l’hectare (environ 160 kilogr. d'acide phos- phorique) mélangés à la terre jusqu’à la profondeur de 0",60 à 0,86 qui était celle des trous où l’on devait planter les arbres. Pour les vieux poiriers où pommiers qui présentaient un aspect dénotant une alimentation minérale insuffisante, j'avais fait enlever la terre tout autour de l'arbre, jusqu’à la profondeur où s’implantait le chevelu des racines : on rebouchait ensuite le trou ainsi pratiqué avec un mélange de terre et de scories, en quantité calculée sur le chiffre que je viens de donner (1 000 kilogr. à l’hectare). Cette opération, dans les deux cas, était faite à l’automne ou à la fin de l'hiver, avant toule trace de départ de la végétation. Ce traitement était complété, lorsque la pauvreté du sol l’exigeait, par l'addition au printemps, en arrosage dans un bassin ouvert au pied de chaque arbre et d’une dimension correspondant à l'expansion latérale des racines, d’une certaine quantité de nitrate de soude (100 à 200 kilogr. à l’hectare, suivant les cas), et de sels potassiques, si la nature-du sol l’exigeait. Dès la première année, cette médication, car la fumure consti- 342 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. tuait véritablement un traitement pour les arbres malades, produi- sait déjà un effet manifeste : les feuilles nouvelles avaient presque repris leur aspect normal ; l'écorce élait déjà moins rugueuse et les fruits eux-mêmes avaient meilleure apparence. Au bout de la se- conde ou de la troisième année, l'écorce était redevenue lisse, les feuilles étaient débarrassées des taches noirâtres qui les couvraient précédemment et les tavelures des fruits avaient disparu. Quant aux Jeunes arbres, ils prenaient, dès la deuxième année de plantation, une apparence vigoureuse, luxuriante, pleine de promesses pour la fructification, promesses que l’événement n’a pas démenties. Je cite cet exemple pour montrer les bons résultats que l’on est autorisé à allendre de l’application judicieuse des engrais minéraux à la fumure des arbres fruitiers. J'espère, dans ces quelques pages, mettre entre les mains des propriétaires de jardins et de vergers, des maraichers et des arboriculteurs, non pas des recettes partout indis- Unctement applicables, mais d’utiles renseignements sur les moyens d'élever les rendements de leur terre et des bases précises pour en- treprendre des expériences qu'aucune indication, si complète qu’elle semble être, ne saurait remplacer. Il ne faut jamais oublier, en agriculture surtout, que les notions générales n’ont qu’une valeur relative et doivent surtout servir de point de départ et de direction pour des essais individuels adaptés aux conditions locales où se trouve l’expérimentateur. Il n'existe pas de panacée universelle en agriculture, pas plus qu’en médecine, et les charlatans seuls donnent des recettes infaillibles, partout applicables. XI. — Insuffisance du fumier pour la culture maraîchère et le jardinage. Le premier point sur lequel j'appellerai l’attention est l’insuffi- sance du fumier d’étable et des engrais végétaux en général, presque exclusivement employés à l'heure qu’il est dans la culture marai- chère et horticole. D'où vient cette insuffisance ? Comment peut-on la démontrer ? C’est ce que je commencerai par examiner. L’horticulture, qui a beaucoup de points communs avec l’agricul- LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 343 ture proprement dite, en diffère essentiellement sous de nombreux rapports. Examinons les différences les plus saillantes entre ces deux cultures. Les légumes-que nous cultivons dans nos jardins ont une durée de croissance beaucoup moindre que celle des végétaux de la grande culture. Il s'ensuit que, dans l’espace d’une année, on demande deux ou trois récoltes au même terrain maraicher, en y cultivant successivement plusieurs espèces différentes. La valeur vé- nale du sol des terres à légumes, situées d'ordinaire dans le voisi- nage immédiat des grands centres de population, est très sensible- ment plus élevée que celle du territoire agricole. Enfin, comme conséquence de ces deux conditions, le terrain maraîcher est occupé, pour ainsi dire, sans discontinuté, par des végétaux : la jachère y est inconnue ou à peu près et la récolte a lieu durant tous les mois de l’année, à quelques rares intervalles près. On sait, de plus, que, d'une façon générale, les exigences des végétaux, en principes nu- trilifs, sont d'autant plus grandes que la plante parcourt, dans un temps plus court, les diverses phases de son évolution. Une plante qui, dans l’espace de trois mois, doit croître et arriver à maturité ou, pour mieux dire, à l’état de développement auquel elle sera comestible, exige, naturellement, la présence dans le sol d’une quantilé d'aliments plus élevée que le végétal dont la période de développement est de huit ou dix mois, comme c’est le cas du blé, par exemple. La consommation en principes nutritifs, faite par la culture maraichère, est encore accrue par les fréquents arrosages qui activent la végétation. De plus, les exigences des nombreux végétaux horticoles sont très différentes, d’une espèce à l’autre, comme nous allons le voir dans un instant. Enfin, la nécessité d’obtenir, pour les cultures des primeurs, une chaleur suflisante, à des époques de l’année où la température am- biante est souvent très basse, oblige à la création de couches chaudes dont le fumier sera ensuite utilisé pour les cultures de pleine terre. L'ensemble des conditions que je viens de rappeler établit donc, au point de vue de la fumure, des différences profondes entre les récoltes agricoles et celles de nos jardins. La rapidité de croissance des légumes, la succession quasi ininterrompue, sur le même sol, de plantes très exigeantes, et d’exigences très différentes en azote, 344 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ‘potasse, acide phosphorique, obligent le jardinier à l'emploi de doses de fumier d’étable énormes, et dépassant de beaucoup, par hectare, celles dont peut se contenter de sol agricole. De là, une dépense très considérable et qu’on pourrait, je crois, réduire no- tablement par l'association des engrais industriels au fumier d'é- table”. Pour mettre en évidence, d’une façon claire, l'insuffisance du fumier d’étable dans la culture maraïichère, j'aurai recours à quel- ques rapprochements numériques entre la composition de cet en- grais et celle des produits horticoles. Supposons qu’il s'agisse d’une culture potagère s'étendant sur un hectare : admettons qu’on ait donné à cette surface 60 000 kilogr. de fumier d’étable de composition moyenne, c’est-à-dire une fumure deux fois plus forte que celle que reçoit annuellement le sol agricole soumis à un assolement convenable. Laissons de côté les matériaux les moins précieux du fumier d’étable, à raison de leur abondance relative dans la plupart des terres, et ne considérons que les trois éléments fondamentaux : l’azote, l'acide phosphorique et la potasse. En partant de la teneur moyenne du fumier d’étable en ces trois éléments, savoir, par 4 000 kilogr. de fumier : azote, 5 kilogr. ; acide phosphorique, 24,6 ; potasse, 6,5, on calcule aisément l’apport, en chacun d’eux, que représentent les 60 tonnes de fumier reçues par cet hectare. On trouve ainsi : LU OT SRE USE MN RER D AT EC 300 kilogr. Acide PNOSPNOrIQUE ARE ES E TETPMS 156 — POLASS ONE Me ee ee NS Re RE EN te TOR Une récolte de 30 quintaux de blé avec sa paille enlève environ 85 kilogr. d’azote, 35 kilogr. d’acide phosphorique et 45 kilogr. de potasse : le fumier, à la dose de 60 tonnes à l’hectare, laisserait donc encore, après la récolte de blé, 215 kilogr. d’azote, 121 ki- logr. d'acide phosphorique et 333 kilogr. de potasse. On s'explique dès lors qu’on puisse obtenir encore, après le froment, au moims 1. L'achat du fumier pour la culture maraïîchère pourrait se borner à la quantité nécessaire pour la création des couches. LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 345 deux récoltes en céréales d’élé ou en plantes d’autres espèces végé- tales qui Lrouveront dans le sol une réserve suffisante pour leur ali- mentation. Comparons les exigences des plantes poltagères à celles du froment, et nous reconnaîtrons tout de suile que les 60 000 ki- logr. ne suffisent pas, dans la plupart des cas, à la croissance des deux ou trois récoltes que le jardinage demande à la terre dans une seule année. XII. — Exigences minérales des légumes. Pour établir cette comparaison, il nous faut d’abord connaître les quantités de chacun des trois principes essentiels contenus dans une récolte de légumes, comparable, par son poids, à une récolte de 30 quintaux de blé, c’est-à-dire à une bonne récolte moyenne, en culture intensive. Je réunis dans le petit tableau ci-dessous la teneur en azote, acide phosphorique et potasse d’une récolte de dix variétés de légumes ; les chiffres de la colonne qui suit le nom de la plante indiquent le poids à l’hectare de la récolte utilisable (tubercules, grains ou feuilles suivant les cas). Les poids d’azote, d’acide phosphorique et de po- tasse expriment la totalité de ces éléments enlevés au sol, c’est-à-dire existant tant dans la partie comestible que dans les déchets dont le poids ne figure pas dans la première colonne, celle-ci n’indiquant que les quantités livrées à la consommation. QUANTITÉS RÉCOLTE des principes minéraux contenus dans la récolte totale. ESPÈCES. à TT —— l’hectare. Azote. Re ee y Potasse, Kilogr. Kilogr. Kilogr. Kilogr. ROIS SR ARTE EC 2 600 126 33 57 HAMCPIS ES TR Le. 1 500 96 25 Gyl Caroest.s Marins, 50 000 133 53 153 Choux-fleurs. . . . . 24 000 156 59 204 Choux-raves, . . . . 30 000 206 89 230 Salade (laitue). . . . 14 000 31 13 54 Concombre . . . . . 60 000 96 130 63 ROLE md 15 Lie 15 000 64 99 27 Oignons . . . . . . 30 000 si 42 si Pommes de terre. . . 25 000 96 45 155 GHOURAS REINE Li, 70 000 168 99 406 346 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Ce qui frappe tout d’abord, à l’inspection de ces chiffres, c’est l'énorme disproportion entre les exigences minérales des plantes potagères et celles da blé ; en second lieu, les variations non moins considérables des quantités de chacun des trois principes fertilisants, d’une espèce de légume à l’autre. Ces divergences sont rendues plus évidentes encore si l’on groupe les dix espèces végétales par ordre de teneur de chacune d’elles en azote, acide phosphorique et potasse, ce que montre le tableau ci-dessous : Classification des légumes d’après leurs exigences. 1° EN AZOTE. 29 EN POTASSE. 30 EN ACIDE PHOSPHORIQUE. Kilogr. Kilozr. Kilogr. Choux-raves: 2120906 E1Choux: 2: 61217406 2 Ghoux se 205040000099 Choux TE GS MC houx-raves 250 CNOUx-rAVÉS ES EMEA) Choux-fleurs. . . 156 Choux-fleurs . . . 204 Concombres. . . . 63 Carottes. . . . . 133 Pommes de terre. . 155 Choux-fleurs . . . 99 POIs 2 2 EL MO Cartes SEULE DES LS CANON EST RC RUES E Haricots. . . . . 96 CGoncombres. . . . 130 Pommes de terre. . 45 Pommes de terre . O'GRRR Ai TOT I ER 99 Oignons EN? Concombres . . . JG MMOISAONS 2-00. SUAMIPOIS SEE MEN SE CS 0 Oignons eo Rose POI RME MEL ST SRATOrEME Ne 27 Raïfort 222% TS GE CHaricots 2:22 04 ne oil É2HHaricois ATEN OEES Salade: (laitue} "7 81: Salade. 7 7.0" DAS Salades ne Écarts extrêmes. . 175 352 86 L’assimilation de l’azote, de la potasse ct de l'acide phospho- rique varie donc, pour les plantes que nous envisageons, d’une espèce à l’autre, dans le rapport de À à 7 pour le premier, de 1 à 7 1/2 pour le second et de 1 à 7 pour le troisième, avec dif-. férents écarts entre ces deux extrêmes. Il suit de là qu'une quan- tité déterminée de fumier — 60 000 kilogr. à l’hectare — ne peut suffire à la succession de récoltes que l’on demande à un jardin dans une même année. Un exemple va rendre plus sensible encore celte insuffisance du fumier pour la production économique des légumes. Supposons que l’on cultive successivement la même année, dans un jardin maraîcher qui aura reçu, en hiver, 60 tonnes de fumier, des choux, des carottes et de la salade, et voyons LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 347 quels vont être les prélèvements exercés par l’ensemble des trois récolles : AZOTE,. POTASSE. DoanÉ Ont de, Kilogr. Kilozr. Kilogr. 70 000 kilogr. de choux enlèveront . . 168 406 99 50000 —- de carottes. . . . . . 135 153 23 14000 — de salade. . . . . . . 31 b4 13 SON AU TOI le a Ras Dia 613 165 60 000 kilogr. de fumier apportent . . 300 378 156 D'où un déficit de, . . . 32 235 9 D’après cela, même en supposant que les 60 tonnes de fumier aient cédé intégralement aux plantes leur azote, acide phosphorique el polasse, ce qui est loin d’être possible, elles n’auraient pas suffi, à 90 p. 100 près, à alimenter en potasse les trois récoltes. Ce bilan explique comment les jardiniers qui sont ‘amenés à intro- duire dans le sol d’énormes quantités de fumier, pour la confection des couches et la préparation des primeurs, arrivent à maintenir la fécondité de leur sol, malgré les exigences si grandes des légumes qu'ils cultivent. Ge n’est done que par l'accumulation successive d'énormes quantités de fumier d’étable dans leur champ que les ma- raîchers réussissent à entretenir sa fertilité. La disproportion existant entre les poids d’azote, d'acide phosphorique et de potasse qu’exigent les différents légumes suffit à elle seule pour obliger le jardinier à une dépense excessive en fumier, puisqu'il doit toujours fournir. à ses légumes une quantité minima d’aliments potassiques, azolés ou phosphatés et que le fumier ne peut apporter, par exemple, le minimum de potasse nécessaire, qu’en donnant en même temps au sol des quantités d’azote ou d’acide phosphorique doubles de celles qu’exige la constitution de la récolte. À eux d'examiner si, comme je le pense, l'emploi des engrais spéciaux, nitrate, poudreiltes, phosphates, sels de potasse, etc., en addition au fumier d’étable, ne leur permettrait pas de régler la fu- mure sur les besoins des plantes, quelque différentes que soient leurs exigences, en réduisant à la plus stricte limite nécessaire à la confection des couches, la quantité de fumier qu'ils achètent chaque 348 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. année et en restituant à la grande-culture une bonne partie du fu- mier qu’ils lui enlèvent. XIII, — Nécessité de l'apport des matières minérales dans le maraîchage. Les terres de longue date soumises à la culture maraïchère n’ont pas besoin d'apport de matières organiques, mais bien de matières minérales qu’elles sont, plus qu'aucun sol, aptes à rendre prompte- ment utilisables par les végétaux. C’est dans cette voie que doit en- trer la culture potagère pour réaliser l’objectif de toute opération agricole : obtenir, avec le minimum de dépense, le maximum de ren- dement. Nous allons aborder ce côté de la question, ayant établi, nous l’espérons, l'insuffisance, au point de vue économique, de la fumure exclusive au fumier d’étable pour la culture maraïchère, comme pour toute autre d’ailleurs. En réalité, c’est dans du terreau presque pur, c’est-à-dire dans du fumier plus ou moins décomposé, plutôt que dans de la terre, à proprement parler, que se pratique la culture maraîchère intensive. Il y a lieu, dès lors, de se demander, d’une part, si les errements de cette culture n’entrainent pas, en achat de fumier, une dépense excessive que diminuerail, dans une large proportion, l'emploi simultané des engrais commerciaux ; de l’autre, si le remplacement du fumier, dans une notable proportion, par les engrais minéraux n'aurait pas, à côté du résultat économique, l’avantage d'améliorer la qualité des légumes produits. La réponse à la première question ne fait pas de doute à nos yeux et j'espère prouver aisément qu'elle doit être affirmative. En ce qui regarde le second point, à savoir si les légumes récoltés dans un sol plus riche en principes minéraux ne posséderaient pas une saveur et un goût plus agréables, en même temps qu’une richesse plus grande en principes alimentaires, je suis tenté de répondre également par l’affirmative. Mais j'ajouterai tout de suite que lexpé- rience directe seule donnera une réponse décisive. Occupons-nous donc pour l'instant de l'examen de la première question seulement. Quelques remarques sur les conditions dans lesquelles le fumier LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 349 d’étable cède à la plante ses principes actifs pour la végétation sont indispensables pour nous guider dans le choix des engrais minéraux à introduire dans un sol de longue date abondamment pourvu en fumure organique. Si l’on excepte les plantes dites légumineuses, telles que pois, ha- ricots, etc., les végétaux ne puisent l'azote indispensable à leur existence que dans les nitrates ou dans les sels ammoniacaux et plus sûrement dans les premiers. L’azote organique qui forme la masse, presque la totalité de l'azote du fumier frais, ne peut donc servir à la végétation qu'après s'être oxydé, c’est-à-dire transformé en acide nitrique, sous l'influence d’un organisme inférieur (microbe nitri- fiant), agissant en présence de bases métalliques telles que la chaux, la magnésie, la potasse ou la soude, avec le concours de l’oxygène de l'air, de l’humidité du sol et d’une certaine température. Les phosphates et les sels de potasse, de chaux et de magnésie, qui existent toujours dans le fumier, n’ont pas à subir des modifica- tions aussi complexes pour servir d'aliments aux plantes ; ces corps pénètrent dans le végétal, soit à la faveur de l’eau, s’ils sont solu- bles, soit par dialyse, à travers la membrane externe des poils radi- culaires, s’ils sont solides. Gette absorption se fait par l'intermédiaire des sucs acides de la plante, capables de dissoudre, à travers la membrane des radicelles, les matières insolubles, les phosphates notamment, et de les mettre à la disposition du végétal, sans le con- cours direct de l’eau. - De cette différence profonde dans le mode d’assimilation de l’azote, des phosphates et des sels minéraux du fumier, doit résulter une très inégale consommation de chacun d’eux dans l’utilisation du fu- mier ; 1l est utile d’insister sur ce point fondamental. Reprenons, pour cela, l'exemple d’une fumure de 60 000 kilogr. de fumier d’étable, à l’hectare, qui nous a précédemment servi : ces 60 tonnes de fumier renferment : ATOUT AP TR Re En 300 kilogr. Acide phosphorique. . . . . . . . 156 — RO TASSE Ne Es En SE DES 378 — Ces 300 kilogr. d’azote, pour servir à la nutrition de la plante, devront être transformés en nitrale : combien de temps exigera 320 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. celte transformation indispensable pour que l'azote du fumier serve intégralement d’aliment à la récolte ? On ne saurait le préciser, l’ac- tivité de la nitrification dépendant, comme je le rappelle plus haut, d’un ensemble de conditions qui n’est pas susceptible de mesures exactes ni même d'évaluations approchées. La pratique nous apprend qu'il s’écoulera un temps fort long, depuis le moment de l’introduc- tion du fumier dans le sol jusqu’à sa complète nitrification et, par con- séquent, jusqu’à l’utilisation de son azote par les végétaux. J. B. Bous- singault a constaté, par l'analyse de terres de maraïicher, c’est-à-dire de fumier très consommé, qu’un dixième seulement de l'azote total s’y trouve à l’état de nitrate, les neuf autres parties y exislant encore à l’état d’azote organique. Sir J. Lawes et le docteur Gilbert, dans leurs expériences sur la culture du blé et des plantes sarclées que j'ai rappelées plus haut, sont arrivés à celte conclusion que l’action du fumier de ferme n’est complète qu’au bout de 15 ans environ. On voit, d’après cela, qu’en apportant 60 tonnes de fumier à un hectare de terre, ce n’est pas sur 300 kilogr. d'azote actif pour la végélation que l’on peut compter dans l’année, mais sur une frac- tion plus ou moins grande de celte quantité. Si l'on adoptait les chiffres de Lawes et de Boussingault, on estimerait à 20 ou 30 kilogr. d'azote nitrique seulement le poids de ce principe fertilisant em- prunté, par la récolte, la première année, au fumier employé. Suivant toute probabilité, l’assimilation des sels alcalins et de l’acide phosphorique du fumier se fait dans une mesure beaucoup plus large que celle de l'azote : l’action absolument certaine du ni- trate de soude employé en couverture, sur un sol médiocrement fumé en fumier de ferme, le démontre. En effet, l'addition d’une faible quantité de nitrate, au printemps, dans un champ de blé, d'avoine ou d'orge précédemment fumé au fumier de ferme, pro- duit une très notable augmentation dans le rendement en grain et en paille à l'automne. On ne peut s'expliquer, il me semble, l’in- fluence de la seule addition du nitrate à un sol, qu’en admettant que le sol ou la fumure ont livré à la récolle assez d'acide phospho- rique, de potasse, etc., mais pas assez d'azote assimilable et que le nitrate est venu fournir le complément d’azote nécessaire pour pro- duire l’excédent de récolte constaté. LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 391 Je pense donc que dans la culture maraïchère, l'énorme quantité de fumier de ferme qu’on est obligé d'introduire dans le sol, tous les ans, est nécessitée par le besoin de satisfaire aux exigences des légumes en azote. En d’autres termes, les légumes se développent grâce à l’emmagasinement dans le sol de quantités considérables d’azote organique dont la rapidité de nitrification ne suit pas celle de la croissance des plantes, de sorte que celles-ci s’alimentent beaucoup plus avec le concours de l’azote des nitrates provenant des fumures antérieures qu'avec celui du nitrate formé pendant la période de quelques mois, suffisante pour l’évolution complète de la plante. La conséquence de l'interprétation que je viens de lenter de la pralique qui consiste à rapporter tous les ans, dans un sol marai- cher, une énorme masse de fumier d’étable est que, à un moment donné, le champ renferme, à l’élal inerte pour la végélation, des quantités considérables d’azote, tandis que la plus grande partie de la potasse et de l'acide phosphorique est exportée annuellement par les récoltes qui se succèdent dans le cours d’une campagne. Le pro- blème économique dont la solution s'impose au maraicher est double : hâter la transformation de l’azote organique en nitrate et fournir au sol à meilleur marché l'acide phosphorique et la potasse qui leur manquent. Examinons les moyens d'atteindre ce double but. Il ne s’agit, pour le moment, que des vieilles cultures maraichères. Pour les terrains neufs qu’on destine à la culture maraïchère, on procédera autrement. Nous examinerons plus tard ce cas spécial. XIV. — Les phosphates minéraux et les cultures maraîchères. La constitution des sols consacrés de longue date à la culture ma- raichère appelle une observation dont nous devons tirer un parti avantageux pour la fumure économique de ces terres. La présence d'une grande quantité de matière organique (d'humus) dans un sol est éminemment favorable à l’assimilation directe des phosphates minéraux en poudre fine. Les faits culturaux bien observés, les ex- 392 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. périences que je poursuis depuis plus de vingt ans sur les conditions d’assimilation des phosphates minéraux par les plantes, l’heureuse influence des phosphates dans les terrains de landes, nous montrent que deux terres, de teneur identique en phosphate minéral et qui ne différent qu’en ce que l’un a reçu de la matière organique, tandis qu’on n’en a pas donné à l’autre, fournissent des rendements très différents : la terre où la matière organique abonde donne des excé- dents de récoltes de 50 à 60 p.100 sur ceux de l’autre sol. La quantité plus ou moins grande de phosphate assimilé par la plante semble donc étroitement liée à l’action que la matière organique exerce sur le phosphate. Il se produit dans le sol des combinaisons, encore im- parfaitement connues dans leur mode de formation, entre le car- bone, l'hydrogène et l'oxygène des substances organiques el le phos- phate de chaux, de fer ou d’alumine, combinaisons qui se prêtent on ne peut mieux à la dialyse du phosphate par la racine de la plante. Cette observation conduit tout naturellement à songer à l'emploi des phosphates minéraux dans les sols maraîchers, très aptes par leur forte teneur en matières organiques à rendre promptement assimilable la plus grande partie du phosphate qu’on leur confiera. Parmi les nombreuses variétés de phosphates minéraux que l’in- dustrie met aujourd’hui, à si bon compte, à la disposition des agri- culteurs, il en est deux qu’il serait particulièrement intéressant d’ex- périmenter : les phosphates minéraux riches en carbonate de chaux et les scories de déphosphoration. Au point de vue de l'alimentation phosphatée de la plante, tous les phosphates en poudre fine pour- raient être indifféremment employés ; je suis certain que les phos- phates siliceux aussi bien que les phosphates calcaires seront promp- tement assimilés dans ces terrains, dont la matière organique constitue un des éléments les plus abondants. Mais si je crois parti- culièrement intéressants les essais qu’on ferait avec les scories de déphosphoration et avec les phosphates calcaires, c’est qu’il y a lieu de penser que la forte teneur en chaux des premières, la présence du carbonate de chaux dans les seconds concourraient très effica- cement à la nitrification de la matière azotée accumulée depuis de longues années dans les terrains maraïchers. Il est à penser qu'on obtiéendrait ainsi du même coup deux résultats importants : 1° met- LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 393 tre à la disposition des récoltes l’acide phosphorique qui leur est indispensable ; 2 provoquer la nitrification de l’azote organique. L'addition de sels de potasse compléterait la famure minérale des sols de maraichage. Dans quelles proportions conviendrait-il d'employer les phos- phates et les sels de potasse ? L'expérience pourrait seule fixer exac- tement les jardiniers à ce sujet. Voici, en attendant, les bases sur lesquelles on pourrait, Je crois, entreprendre des essais. J’estime que l'emploi de 150 à 180 kilogr. d'acide phosphorique à l’état de scories de déphosphoration (1000 kilogr. environ de scories à l’hectare), ou l'introduction de 200 kilogr. d'acide phosphorique sous forme de phosphate brut (à 25 ou 30 p. 100 d'acide phosphorique) rem- pliraient le but. La potasse pourrait être employée à la dose de 80 à 100 kilogr. à l’hectare, soit 160 à 200 kilogr. de chlorure de po- Lassium. [l va sans dire que ces engrais devraient être introduits dans la première année des essais, sans nouvelle addition de fumier d’étable au sol. Que coùlerait cette famure à l’hectare ? Le voici à peu de chose près : 1 000 kilogr. de scories, à 18.90 p.100, valent 50 fr. 200 kilogr. de chlorure de potassium coûtent environ 55 fr. Soit une dépense d'engrais de 105 fr.; 200 kilogr. d'acide phos- phorique dans les phosphates minéraux coûteraient aussi (à 0 fr. 25 c. le kilogr.) environ 50 fr. Dans les deux cas, la dépense serait donc la même et l'expérience seule déciderait de l'avantage que l’un des mélanges présenterait sur l’autre. Cette dépense n’attemdrait guère que le cinquième de celle qu’entraîne une fumure annuelle de 60 000 kilogr. de fumier d’étable, à 10 fr. la tonne. Maintenant de deux choses l’une : ou, comme je le pense, la nitrification du fumier s’effectuerait assez rapidement pour suffire à la culture intensive d’un jardin maraicher, et il n’y aurait alors pas lieu de pourvoir au- tement à la nutrition azotée des légumes ; ou celte nitrification marcherait moins vite que je ne le suppose, et l’on devrait recourir au nitrate de soude. Dans ce cas, 200 ou 400 kilogr. de nitrate de soude à 29 fr. les 100 kilogr. compléteraient la fumure minérale, dont le coût total resterait inférieur à 200 fr. par hectare, n’altei- onant pas la moitié du prix du fumier employé jusqu'ici. ANN. SCIENCE AGRON. — 1893. — 1, 23 394 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Je voudrais aussi voir essayer, concurremment aux phosphates et aux sels de potasse, le plâtre cru à la dose de 3 000 kilogr. à l’hec- tare ; il est probable que l’on constaterait, dans la culture marai- chère, les effets si remarquables sur la production des vignes abon- damment pourvues de fumures azotées organiques. Ces divers essais sont peu dispendieux et méritent, je crois, d’être tentés. Dans le chapitre suivant j’examine la fumure des jardins potagers, dans lesquels, en général, on ne fait pas usage du fumier de ferme aux doses élevées qu’emploient les maraichers de profes- sion et j'indique la nature et la quantité des engrais qu'ils récla- ment. De ce qui précède je ne voudrais pas qu’on püt conclure que je propose de bannir le fumier d’étable de ia culture maraïchère et de le remplacer intégralement par un mélange d’engrais commerciaux : phosphates, nitrates, sels de potasse, etc. Cette manière de voir ex- clusive est bien loin de ma pensée, et je m'arrêterai encore un ins- tant à l’interprétalion exacte des faits que je viens d'exposer et des moyens que je recommande aux maraîchers. Moins que toute autre, la culture maraîchère en sol ordinaire, c’est-à-dire en terre médiocrement pourvue naturellement de ma- tières organiques, ne saurait se passer du fumier d’étable : la néces- sité d'obtenir des légumes tendres, de croissance rapide, puisque plusieurs espèces doivent se succéder sans interruption dans le champ du maraîcher, exige un sol riche en humus, capable d’absor- ber et de retenir de grandes quantités d’eau d'arrosage, celle-ci étant un des facteurs dominant d’une production rapide des légumes, en même temps que des qualités requises par le consommateur qui repousserait des produits durs ou coriaces (salades, radis, etc.). Il ne s’agit donc point de renoncer aux fumures organiques, mais seulement d’en restreindre l'emploi, tant au point de vue des ren- dements à obtenir que de la dépense à faire. Cela étant entendu, J'ai montré que la nécessité d’apporter aux récoltes qu’on se propose d'obtenir, les quantités d’azote, de po- tasse et d’acide phosphorique qu’elles réclament, a conduit les ma- raichers, qui s'adressent, dans ce but, exclusivement au fumier d’étable, à emmagasiner dans leur lerrain des quantités énormes de LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 395 cet engrais. J’estime que, dans la plupart des cultures maraïchères anciennes, dans les champs dont le sol est bondé de matières orga- niques et qui, par suite, a acquis pour longtemps les qualités spé- ciales que les matières organiques communiquent à la terre : poro- sité, ameublissement, pouvoir absorbant considérable pour l’eau, elc., le moment est venu d'entrer dans une voie à la fois plus ra- tionnelle et plus économique, par la substitution, dans une large mesure, des engrais minéraux au fumier. La connaissance exacte du sol sur lequel on opère, l'expérience acquise par le maraicher lui-même, seront les meilleurs guides pour l'appréciation des limites dans lesquelles devra se faire cette substi- tution. Est-ce, pendant un an ou deux, la totalité du fumier con- sommé annuellement qui devra être remplacée par des phosphates, des sels de potasse, des nitrates ? Faudra-t-1l réduire d'un quart ou de moilié seulement la quantité de fumier employée ? C’est au prati- cien à apprécier, à faire des essais et à en tirer les conclusions que justifieraient les résultats constatés localement. Ce qui me parait in- contestable, ce que Jai tenu à signaler, c’est qu’il y a beaucoup à faire dans cette voie et que l’acide phosphorique, la potasse et l’azote sous forme minérale doivent être fournis aux sols maraïîchers dans une large proportion, tout en réalisant une grande économie dans les frais de fumure. III, — CULTURE POTAGÈRE GRANDE CULTURE — JARDINAGE XV. — Création d’un jardin. Arrivons à la culture potagère, faite en vue de l’approvisionne- ment de la famille du propriétaire de jardin. Cette culture comporte ordinairement des conditions générales toul autres que la culture maraichère proprement dite. Beaucoup 396 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. moins intensive que celte dernière, n’occupant que des surfaces res- treintes, visant à Ja fois, le plus souvent, à la culture des arbres fruitiers et à la production des fleurs, en même temps qu’à celle des légumes, le jardinage privé exige des quantités de fumier bien moins considérables et s'adapte on ne peut mieux à l'emploi des engrais commerciaux. Au lieu d'envisager les rendements à l’hectare, tant au point de vue des produits qu’à celui des fumures, je les rapporterai à l’are, soit à une surface de 100 mètres carrés, et, pour les fleurs, à une surface moindre, celle d’une plate-bande de jardin par exemple. J'envisagerai successivement les deux cas qui peuvent se présen- ter : 1° la création d’un jardin fruitier et potager ; 2 l'entretien d’un jardin créé de longue date. S'agit-il de transformer en jardin un terrain jusqu'ici en cullure ordinaire ou en friche, la première opération doit consister dans un défonçage à la bêche, d'autant plus profond que la couche de sol proprement dite s’étendra elle-même plus profondément. Un défon- çage pratiqué sur une profondeur de 0,60 suffira pour le potager ; il sera bon d’aller jusqu’à 1 mètre en vue de la plantation d’arbres fruitiers ou de treilles. Une des meilleures opérations qu’on puisse faire, au moment de ce défonçage, consiste à mêler à la terre une forte dose de scories de déphosphoration, si le sol n’est pas très riche en humus, ou de phosphate minéral en poudre fine, si l’on a affaire à une terre tourbeuse ou abondamment pourvue par des cul- tures ou fumures antérieures de détritus organiques. Pour les légumes, par are, 20 kilogr. de scories de déphosphora- lion, ou 40 kilogr. de phosphate minéral finement moulu et de ri- chesse moyenne, constitueront, une fumure phosphatée dont l’effet se fera sentir pendant de longues années. Pour les plantations d’ar- bres fruitiers, le sol devant être remué à 1 mètre de profondeur, la dose de scories pourrait avantageusement être doublée : 40 kilogr. à l’are correspondent à 400 gr. par mêtre carré. Le défoncement alteignant À mètre, cette quantité se trouvera répartie dans un vo- lume de terre d'un mètre cube. Admettons un poids de 1 200 kilogr. pour ce mêtre cube de terre : il est aisé de se rendre compte de la quantité d’acide phosphorique que renfermeraient 100 parties de terre ainsi traitées. LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 3951 100 kilogr. de scories de déphosphoration contiennent en moyenne 17 à 18 kilogr. d'acide phosphorique réel; 400 gr. en renferment donc 68 à 72 gr., soit 70 gr. en moyenne. Les 1 200 kilogr. de terre recevant 70 gr. d’acide phosphorique en renfermeraient 6 gr. par 100 kilogr. Si faible que paraisse celte dose d'acide phosphorique, elle dépasse de beaucoup celle des fumures de la grande culture, puisque l'emploi de 400 gr. de scories au mètre carré représente 4 tonnes de scories à l’hectare, quantité quadruple de celle que l’on considère comme devant assurer l’alimentalion phosphatée de plu- sieurs récoltes de céréales. Mais on remarquera que la couche dans laquelle pénètrent les racines des céréales et dans laquelle, par con- séquent, celles-ci se nourrissent, n'excède pas 0,20 en profondeur, soit le cinquième seulement de la hauteur que nous avons assignée à la couche défoncée pour la culture des arbres fruitiers. Notre fu- mure phosphatée, répartie sur un volume de terre cinq fois plus considérable que dans le cas des céréales, ne représenterait en réa- lité, pour la couche de 0",20 d'épaisseur, qu’une dose de 800 kilogr. de scories à l’hectare. Il va sans dire que l’analyse chimique du sol, faite préalablement à la fumure, servirait utilement de guide pour fixer la nature et la quantité de cette dernière ; connaissant la teneur du sol vierge en acide phosphorique, potasse et azote, on déterminerait plus süre- ment les quantités de chacun de ces principes à y introduire. On peut, en l’absence de renseignements fournis par l’analyse directe, considérer & priori la fumure phosphatée que je viens d'indiquer comme suffisante dans la plupart des cas. Je reviendrai plus loin d’ailleurs sur les moyens de la compléter si l'allure de la végétation en démontrait la nécessité. En ce qui regarde la potasse, qui fait, généralement, beaucoup moins défaut dans le sol que l'acide phosphorique, mais dont les plantes potagères sont très avides”, il est prudent, dans la création d’un jardin potager ou fruitier, d’en introduire dans le sol, au mo- ment du défonçage, une certaine quantité. Par are, il faut répandre, suivant la nateze du sol, de 20 à 40 kilogr. de kaïnite ou de 5 à 1. Voir le tableau de la composition des récolles, pages 345 et 346. 398 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 10 kilogr. de chlorure de potassium. Ces sels peuvent être mélan- gés sans inconvénient aux scories ou aux phosphates minéraux en poudre fine et incorporés à la terre par l'opération du défonçage. Les quantités minima, 20 kilogr. de kaïnite et 5 kilogr. de chlorure de potassium, par are, correspondent au défonçage à 0",60 du sol destiné aux légumes ; les quantités maxima, 40 kilogr. ou 10 kilogr.., au sol défoncé à 1 mètre, pour plantation d’arbres fruitiers. Ces quantités correspondent aux poids suivants de ces engrais, à l’hectare : | Kane ERP EEE 20 à 40 kilogr. à l'are — 2 000 à 4 000 kilogr. Chlorure 674108 5 à 10 — — 500 à 1000 — Soit, en potasse réelle : 250 à 500 kilogr. Ces doses représentent, pour une couche de 0",20 d'épaisseur, des quantités de polasse égales à 50 et 100 kilogr. à l’hectare. Pour compléter la famure fondamentale, il faut ajouter aux deux engrais précédents une certaine dose d’azote. On peut avoir recours, dans ce but, surtout pour les arbres frui- liers, aux sources d’azote lentement assimilables, sauf à appliquer plus tard, comme nous le dirons, du nitrate de soude ou de potasse. Le fumier de ferme, la laine et le cuir torréfiés, les tourteaux de graines oléagineuses*, le sang desséché sont les principales substan- ces auxquelles on peut avoir recours. Dans la plupart des cas, le plus simple sera d'employer pour les petites surfaces dont 1l s’agit, 1. La kaïnite contient 12 à 13 p. 100 environ et le chlorure 50 p. 100 de potasse réelle. 2, Dans le midi de la France où, d’une part, le fumier d’étable est rare et, de l'autre, la température du printemps beaucoup plus élevée que dans le reste de notre pays, les tourteaux de graines oléagineuses (ricin, coton, palmiste, etc.) sont entrés dans la consommation régulière du maraîchage et employés même par la grande culture, sur une large échelle. Les tourteaux de graines de coton d'Égypte dont les départements des Bouches-du- Rhône et de Vaucluse consomment, pour la fumure des jardins maraîchers, 8 000 tonnes par an environ, sont particulièrement usités dans la partie de ces départements qui est irriguée par de nombreux canaux et dans les terrains d'alluvion formés par la Durance. Dans les cantons de Saint-Rémy et Châteaurenard, ces tourteaux sont employés, LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 399 de bon fumier d’étable, à la dose de 300 à 400 kilogr. à l’are, suivant la teneur primilive du sol en azote. On remarquera que des trois principes fondamentaux de la ferti- lité, c’est l’azote qui est le moins important au moment de la création du jardin, par cette raison qu’on peut toujours, après la plantation des arbres fruitiers et la levée ou la reprise des plantes potagères, recourir avec succès à l'emploi, en couverture, du nitrate de soude ou du sulfate d’ammoniaque, au moment du labour. Lorsqu'un sol est abondamment pourvu d'acide phosphorique et de potasse, con- dilion indispensable pour que les engrais azotés aient, sur les ren- dements, toute leur efficacité, il est toujours facile de compléter la fumure par l'application d’azote soluble. Si nous récapitulons ce qui vient d’être dit, nous voyons que la dès le mois de juillet, pour la culture des salades que l’on sème immédiatement après la récolte du blé. Dans les environs de Cavaillon, bien connus pour la production des primeurs, on les utilise, en novembre, pour la culture des aulx, mais c’est surtout à partir de février qu'on les emploie en plus grande quantité, pour la pomme de terre précoce et autres primeurs. Les tourteaux de graines de coton d'Égypte sont épandus à raison de 2 000 kilogr. à 5 000 kilogr. à l'hectare : les jardiniers du Midi constatent que cette fumure a, pour résultat, d'activer considérablement la végétation et d’aug- menter la production. Les plantes maraîchères fumées avec ces tourteaux sont géné- ralement en avance de deux à trois semaines sur les autres. 5 000 kilogr. de tourteaux de graines de coton représentent un apport au sol de 95 kilogr. d'acide phosphorique, 180 kilogr. d'azote et 75 kilogr. de potasse, Les bons effets de l'emploi des tourteaux unanimement constatés par les maraîchers du Midi pour la production des primeurs, sont dus bien plus aux matières minérales fertilisantes qu'à la quantité relativement faible de substance organique que ces résidus apportent au sol. 5 000 kilogr. de tourteaux représentent, en effet, 4 300 kilogr. à peine de substance végélale sèche, tandis que 60 tonnes de fumier frais correspondent à {5 300 kilogr. de substance organique, soit près de quatre fois autant. La facilité des transports de l'ouest et du midi de la France, voire de l'Algérie, vers les régions de l’est et du nord amènera, sans doute, de plus en plus les maraichers de ces dernières contrées à réduire la culture des primeurs proprement dites pour con- centrer leurs efforts sur la culture intensive des légumes de saison obtenus dans des conditions éconcmiques. Il nous semble que la substitution des engrais minéraux à la plus grande partie du fumier employé aujourd'hui est une des conditions essentielles de cette production économique ; le fumier d'élable ou d'écurie limité, dans son emploi, à la confection des couches pour semis de légumes de saison, cédera peu à peu la place aux phosphates minéraux, au nitrate de soude et aux sels de potasse, coûtant beaucoup moins cher à raison des quantités bien plus restreintes auxquelles il faut recourir pour donner au sol une fumure égale à celle que fournit le fumier. 360 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. fumure d’un terrain où l’on veut créer un jardin potager ou fruitier exige, pour assurer la réussite de la récolte, l'introduction dans le sol, au moment du défonçage, d’une quantité assez notable d’engrais ; calculons approximativement à quelle dépense entraine, par are, la fumure que nous recommandons aux essais des créateurs de jardin. Les scories valent 5 fr. les 100 kilogr. ; les phosphates minéraux en poudre fine à 50-55 p. 100 de phosphate de chaux pur, 3 fr. 20 c. à 3 fr. 50 c. les 100 kilogr. ; la kaïnite, 7 fr. les 100 kilogr. ; le chlorure de potassium à 50 p. 100 de potasse, 93 fr. les 100 kilogr. Il sera aisé, d’après cela, à chacun, suivant le choix qu’il fera des engrais à associer, d'établir le coût de la fumure dans le cas des dé- fonçages à deux profondeurs dont nous avons parlé. On verra que la dépense en acide phosphorique et en potasse oscillera entre 2 fr. 40 c. et 9 fr. par 100 mètres carrés. Ajoutons une dépense de 3 fr. euvi- ron en fumier de ferme ou autre engrais azolé organique et nous atteindrons environ le chiffre de 5 à 8 fr. par are pour la fumure fondamentale de notre jardin. Il nous reste maintenant à envisager le cas d’un jardin créé depuis un certain temps et à indiquer les divers mélanges d’engrais miné- raux auxquels on peut avoir recours pour en assurer et en accroître la fertilité. XVI. — Fumure d'entretien en grande culture. La fumure d'entretien d’un jardin potager appelle quelques re- marques préliminaires. Nous distinguerons le cas de la culture des légumes sur une grande échelle, c’est-à-dire sur plusieurs hectares au moins, telle qu’elle se pratique dans certaines exploitations ru- rales, et la culture dans le jardin privé de petite étendue. La culture potagère, faite en plein champ, diffère essentiellement de la culture maraichère proprement dite, en ce qu'il ne s’agit plus ici de la fabrication de primeurs, mais bien des légumes de saison dont la production intéresse davantage la masse des consommateurs. Nous commencerons par indiquer les fumures à appliquer à la grande culture potagère, puis nous nous occuperons du jardinage privé. LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 361 M. P. Wagner, directeur de la Station agronomique de Darmstadt, dont les travaux sont très estimés, s’est adonné spécialement, de- puis quelques années, à l'étude de ces intéressantes questions. Dans des séries considérables d’essais méthodiquement conduits, sur les exigences des principales espèces de légumes, fruits et fleurs au point de vue de leur alimentation, il a cherché à fixer expérimenta- lement la nature des engrais les plus aptes à fournir, pour chacune d'elles, les rendements les plus élevés. Comme contrôle de ces essais physiologiques, il a eu recours à des cultures en plein champ, et du rapprochement des résultats obtenus par les deux méthodes, il a déduit certaines règles pratiques de fumure que je vais résumer, à titre de renseignements très utiles pour les cultivateurs de légumes. Je reviendrai ensuite à la famure du Jardin potager, dont j'ai parlé dans le paragraphe précédent au point de vue de la création, mais non de l'entretien annuel. Avant d'indiquer les formules d’engrais recommandées par M. P. Wagner, formules générales que chaque cultivateur pourra, à l’occasion, modifier d’après la composition et l’état antérieur de fumure de son champ, il me paraît utile de mettre sous les yeux de mes lecteurs la teneur moyenne de quelques-uns des légumes les plus répandus, en azote, polasse, chaux, magnésie et acide phosphorique. Ces données leur permettront de calculer, approximalivement, les quaulités de chacun de ces principes essentiels exportés par une ré- colte d’un poids connu. 1 000 kilogr. de légumes verts contiennent : ACIDE AZOTE. POTASSE. CHAUX. MAGNÉSIE. phos- phorique, Pois nes MB 38 1084 1ks 1 1K5,9 8ks,4 Cioux-fleurs. . 4 ,0 3 ,6 0 ,5 0 ,3 130 Choux-raves . . . 4 ,8 42 ;3 JL DES DUT Concombres . F9 36 PUS 0 ,4 UE ie Salades . De LE 31,9 1745 Ur 6 ESC 1. Ces chiffres sont afférents à la partie comestible et ne comprennent pas les feuilles ou autres parties du végétal, suivant les cas, inutilisés pour l'alimentation : ce sont done des minima. — On ne possède pas beaucoup d'analyses de légumes et j'espère pouvoir combier en partie celte lacune par les recherches analytiques entreprises dans le laboratoire de la Station agronomique de l'Est, 362 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ACIDE AZOTE. POTASSE. CHAUX. MAGNÉSIE. phos- phorique. Oignons. . DÉS 2k8 5 158,6 OK, 3 115,3 Choux . . D 0) 4,3 Le (DB One Asperges . AE 142 DC 0 ,0 0 9 Céleri . 24 11296 Dies 3,0 PAS Aa Epinards . 4 ::49 Da A 0 1856 Choux de Savoie . 02.5 Ca, SO 0,5 y il Radis. . 159 LG OT OS 0 ,5 Artichauts. + RE 1770 0 ,4 RE) M. Wagner a déduit de ses nombreuses expériences la composi- tion des mélanges d'engrais qu’il conseille d'appliquer en grande culture à la production légumière. Voici les indications relatives à chacun des groupes principaux de légumes. 1 Pois et haricots. Ces plantes n’ont pas besoin d’engrais azolés complémentaires. Le sol fumé régulièrement au fumier d’étable leur fournit assez d’a- zote, dans la première période de leur existence, pour qu’elles se développent vigoureusement et soient en état de puiser leur alimen- tation azotée dans l’air atmosphérique. Les pois, les haricots et les autres plantes de la famille des papilionacées sont aptes, on le sait, à se nourrir, par l'intermédiaire des micro-organismes de leurs nodosités, de l’azote gazeux de l’air. Cette faculté fait défaut à tous les autres végétaux cultivés. On peut donc se contenter de donner aux pois et aux haricots de l’acide phosphorique et de la potasse. M. P. Wagner recommande par hectare la fumure suivante : 250 kilogr. de superphosphate double‘ ou 550 kilogr. de super- phosphate à 16 p. 100 et 200 kilogr. de chlorure de potassium ; Ou 230 kilogr. de phosphate de potasse ‘ et 80 kilogr. de chlorure de potassium. On mélange ces engrais et on les répand sur le sol, en automne, 1. Voir, pages 367 et 388, la composition de ces engrais concentrés et les avan- tages que présente leur emploi. LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 363 en hiver ou au printemps, puis on les enfouil à 10 ou 15 centimètres de profondeur, par un trait de charrue ou de herse. 2 Choux, choux frisés, choux-fleurs, choux-raves el autres variétés de choux. Ces plantes exigent une forte fumure, particulièrement en potasse et en azote. Il y a lieu de leur donner, par hectare : 200 kilogr. de superphosphate double ou 550 kilogr. de super- phosphate à 16 p. 100 et 250 kilogr. de chlorure de potassium ; Ou 230 kilogr. de phosphate de potasse et 130 kilogr. de chlorure de potassium. On fume à l'automne, en hiver ou au printemps et l’on enterre l'engrais. Immédiatement après la mise en place des replants, on répand 250 kilogr. de nitrate de soude en couverture ; quatre semaines après on donne encore même dose de nitrate qu’on mélange au sol en bi- nant les plants. Comme le nitrate de soude favorise la formation de croûles à la surface du sol, il faut pratiquer soigneusement le binage de la terre à la houe. 3 Carolles, navels, radis noirs, salsifis, raiforl et plantes analogues. On peut donner à ce groupe de légumes la même fumure phos- phatée et potassique qu'aux choux. M. P. Wagner recommande l’épan- dage de 150 kilogr. de nitrate de soude (à l’hectare), au moment du semis, ou mieux, si le sol est très léger et très perméable, après le semis. Deux ou trois semaines après la levée des plantes, on donne de nouveau 150 kilogr. de nitrate et, trois semaines plus tard, on renouvelle encore cette fumure. L’hectare a ainsi reçu, en trois fois, 450 kilogr. de nitrate de soude. | 4 Concombres, oignons, etc. Au printemps, ou même déjà à l’automne, on répand, à l’hectare, un mélange composé de : 200 kilogr. superphosphate double ou 550 kilogr. superphos- 364 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. phate à 16 p. 100 et 200 kilogr. chlorure de potassium; ou 250 ki- logr. de phosphate de potasse et 80 kilogr. de chlorure de potassium, et l’on enfouit l’engrais. Avant la plantation des pépins des cucurbi- tacées ou le semis des graines d'oignons, on répand 100 kilogr. de nitrate de soude, on herse et l’on égalise le sol. Quinze jours après la levée, on sème de nouveau à la volée 100 kilogr. de nitrate et, deux semaines après, une dernière dose de 50 kilogr. du même sel. 3° Saludes. Les salades redoutent les fumures trop énergiques; le mitrate de soude, notamment, ne doit leur être donné qu’à de faibles doses à la fois. Voici le mélange que conseille M. P. Wagner, pour un hec- (are : ù 150 kilogr. de superphosphate double ou 400 kilogr. superphos- phate à 16 p.100; 100 kilogr. chlorure de potassium, ou 175 kilogr. de phosphate de potasse. L’engrais doit être répandu sur le sol avant le bêchage de ce der- nier : immédiatement avant la plantation, on donnera 100 kilogr. de sulfate d’ammoniaque. Quelques semaines après la plantation, on peut répandre à la volée 30 kilogr. de nitrate de soude et, trois se- maines plus tard, la même quantité encore de cet engrais, si l’aspect de la récolte indique un besoin d’azote. 6° Pommes de terre. M. P. Wagner dit qu’il à constaté dans ses expériences que la pomme de terre ne se trouve pas bien du chlorure de potassium et qu'il ne faut recourir à ce sel, comme source de potasse, qu’à de faibles doses. Il recommande, pour le précieux tubercule, le mé- lange suivant par hectare : 150 kilogr. de phosphate de potasse ; 100 kilogr. de sulfate d’am- moniaque. La fumure est répandue en mars et légèrement enfouie à la herse, J'ai obtenu, en 1892, dans mon champ d’expériences du Pare des Princes, d'excellents résultats : 28 000 à 35000 kilogr. de tubercules à l’hectare, par l'emploi de la fumure suivante : 300 kilogr. d’acide LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 369 phosphoriqne sous forme de scories, 200 kilogr. de potasse à l’état de sulfate (kaïnite) et 300 kilogr. de nitrate de soude à l’hectare. 7° Asperges. À l'automne, ou, dans les sols légers, au printemps, M. P. Wagner recommande la fumure suivante, rapportée à l’hectare : 200 kilogr. de superphosphate double ou 550 kilogr. superphos- phate à 16 p.100, 200 kilogr. chlorure de potassium ; ou 230 kilogr. phosphate de potasse et 84 kilogr. chlorure de potassium. Il faut enterrer légèrement l’engrais par un binage. Dès que les asperges commencent à pointer, on répand à la volée 250 kilogr. de nitrate de soude et on l’enfouit par un bêchage léger. Un mois plus tard, on renouvelle cette fumure à la même dose Je prie le lecteur de ne pas perdre de vue que c’est à titre d’in- dicalions que je donne ces formules, auxquelles il ne faut pas attri- buer une fixité qu'elles ne comportent pas: la constitution du sol, son état antérieur de fumure, sa ferüilité naturelle ou acquise sont autant de conditions dont le cultivateur doit tenir compte dans le choix de ces fumures. Les quantités d'azote, d'acide phosphorique et de potasse, aux- quelles correspondent les formules dont M. Wagner recommande l'emploi pour la famure d’un hectare des divers groupes de légumes énumérés plus haut, sont les suivantes : AZOTE. TS TMO de POTASSE. PRIX. Kilogr. Kilozr. Kilogr. Fr. (MPOISMNTICOLS SRE » 100 90 58 PO CDOUX PESTE LR ERIMNE 18 125 90 220 3. Carottes, navets. . . 70 135 90 207 4. CGoncombres, oignons. 39 100 90 145 ». Salades diverses . . 16 50 75 83 G. Pommes de terre . . 20 40 D4 7 Te TASDELSES LES Pen iette 78 100 90 125 La dépense à l’hectare est établie, en admettant les valeurs sui- vantes : pour le kilogramme d’acide phosphorique soluble 0 fr. 50 c., pour la potasse 0 fr. 40 c. et pour l’azote nilrique ou ammoniacal 4 fr. 60 c. Étant donnée la production très abondante qu’on 366 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. obtient sur un hectare de terre, le prix de la fumure proposée par M. P. Wagner ne semblera pas excessif. Il me reste à parler maintenant de la famure du jardin potager privé, de celle des fleurs, des arbustes et des arbres fruitiers. XVII. — La fumure du jardin privé. Ce qui précède montre l’importance que la fumure chimique est appelée à prendre dans la grande culture maraïîchère. Je vais m’oc- cuper maintenant de lentretien du jardin potager, fruitier et d’agré- ment de petites dimensions, puis j’examinerai la fumure des plantes de serre et d'appartement. Pour le propriétaire d’un petit jardin, attenant à sa maison d’ha- bitalion ou situé non loin d’elle, il ne saurait être question de tenir compte, dans la famure, des exigences individuelles de chacun des légumes ou fleurs qui doivent se succéder dans le même sol. En effet, les surfaces affectées à chaque succession de récolte sont trop faibles pour qu’il devienne pratique de donner, à chaque plante, un mélange spécial de substances fertilisantes. Le plus souvent c’est par mètres que se comptera, dans un jardin privé, la superficie plantée en salade, carottes ou choux : de plus, la faible dimension des par- celles consacrées à une plante fera que les racines de celles-ci envahiront le sous-sol de la parcelle contiguë. Pour ces raisons et d’autres faciles à imaginer, il n’y aura donc pas lieu de recourir, comme en grande culture, à des mélanges divers d’engrais, mais, au contraire, de faire choix d’un mélange unique, renfermant les trois éléments essentiels de fertilisation, en proportions telles que l’en- grais puisse, dans tous les cas, suffire aux besoins des diverses es- pèces de plantes que l’on se propose de culliver dans la même année. Engrais pour jardins. L’engrais choisi pour la famure des légumes et des fleurs doit être promptement assimilable, la durée de ces récoltes étant courte ; de plus, 1l pourra être très avantageux d’appliquer à ces cultures spéciales l’engrais en dissolution dans l’eau, comme on le fait cou- ramment dans certaines cultures florales du Midi. LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 367 En recourant à des matières fertilisantes rapidement utilisables par le végétal et solubles dans l’eau, l’amateur de jardinage y trou- vera une économie, résultant de ce qu’il pourra diriger, en quelque sorte à son gré, d’après l’aspect des plantes, la répartition des doses d’engrais à leur donner. S'inspirant de ces considérations, M. P. Wagner, qui a fait de l’étude des engrais pour légumes et pour fleurs l’objet de recherches expérimentales des plus intéressantes, est arrivé à formuler la com- posilion d’un engrais spécial pour jardinage. Le mélange de substances fertilisantes, expérimenté avec succès, depuis plusieurs années, tant dans la serre de végétation que dans les champs d’essais de la Stalion agronomique de Darmstadt, est connu, en Allemagne et en Belgique, dans le commerce des engrais, sous le nom d’engrais pour jardins (Gartendünger). I renferme par 100 kilogr. : 14 kilogr. d’acide phosphorique, 20 kilogr. de potasse, 12 kilogr. d'azote, tous trois à l’état soluble dans l’eau. Il est constitué par quatre sels minéraux, savoir : phosphate d’ammoniaque, nitrate de potasse, nitrate de soude et sulfate d’am- moniaque. Dans son mémoire, M. P. Wagner n'indique pas les proportions de chacun des sels entrant dans le mélange. Mais il est aisé de les déduire approximativement de leur teneur en chacun des trois principes fertilisants essentiels. Je crois utile d'indiquer sommairement la composition de ces engrais concentrés, qui ont le double avantage de renfermer, sous le plus faible poids, la plus grande quantité de principes utiles à la végétation, condition économique au point de vue des transports, et d'apporter aux sols le minimum de matières inutiles : TAUX PAR 100 KILOGk. Superphosphate double . . . . . 45K,0 d'acide phosphorique. 36 ,0 d'acide phosphorique, 27 ,0 de potasse. 45 ,0 d'acide phosphorique. 7 ,0 d'azote. 4,0 de potasse. 3 ,6 d'azote. Nitrate d'ammoniaque. . . . . . 30 à 33 kilogr. d'azote. Phosphate de potasse. . Phosphate d'ammoniaque . Nitrate de potasse. Ce tableau résume la composition des cinq sortes d’engrais con- 368 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. centrés auxquels la grande culture potagère, comme le jardinage, a intérêt à recourir !. | Si nous ajoutons à ces matières fertilisantes les engrais déjà entrés couramment dans la pratique : superphosphate à 15/18 d’acide phosphorique, nitrate de soude à 15.6 p. 100 d’azote; sulfate d’ammoniaque à 20 p. 100 d’azote, chlorure de potassium à 50 p. 100 de potasse, kaïnite à 19 p. 100 de potasse, sans oublier les scories de déphosphoration et les phosphates minéraux en poudre fine que j'ai indiqués comme devant former avec le famier de firme la famure fondamentale d’un jardin, j'aurai énuméré les produits commerciaux qui offrent aux cultivateurs et aux jardiniers les sources les plus importantes de la famure complémentaire du fumier d’é- table. Revenons maintenant à l’engrais pour jardin. Les proportions d'azote, d'acide phosphorique et de potasse rappelées plus haut, seront sensiblement fournies par 400 kilogr. d’un mélange formé, suivant la pureté de chacun des sels, de : Phosphate d'ammoniaque. . . . . . . 28 à 30 kilogr. NITEA TER ACIDOLISSC MEME PEER NE 14 à 45 — Nitrateadé soudé RME UMR TT Re 19 à 16 — Sulfate d'ammoniaque . . . . . . . . 10 à 11 — M. P. Wagner considère comme une fumure normale pour jardin potager l'emploi de 500 kilogr. de ce mélange à l’hectare, soit o kilogr. par are ou 500 gr. par planche de 1 mètre de large sur 10 mètres de long. On sème celie dose aussi régulièrement que possible, sur le sol, avant le labour à la bêche qui précède les semis ou la plantation, au printemps, par conséquent. Il est bon de ne pas 1. Depuis plusieurs années en usage en Allemagne, l’engrais pour jardin et les sels riches solubles qui le composent sont produits en grand en Allemagne à Biebrich et en Belgique à Engis. [ls sont à peine connus en France. J'expérimente depuis deux ans ces engrais au champ d'expériences de la Station agronomique de l’Est du Parc des Princes : j'en obtiens les meilleurs résullats pour la culture des légumes ct des fleurs. Je ferai connaître prochainement aux lecteurs des Annales, avec tous les développe- ments nécessaires les résultats des trois premières années d'expériences entreprises au Pare des Princes et j'apprécierai les conclusions favorables que j'en puis tirer sur les rendements obtenus dans les différentes récoltes. LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 369 se borner à répandre l’engrais sur les seules surfaces destinées à la culture, mais aussi sur les étroits sentiers réservés entre les plates- bandes, les racines des plantes pénétrant dans le sous-sol de ces sentiers. Dans les allées qui bordent les treilles, les plantations d'arbres fruitiers, les massifs d’arbustes et fleurs, les carreaux d’asperges, on peut aussi répandre des engrais que la pluie se char- gera de faire pénétrer dans le sol des allées sous lesquelles s’éten- dent les racines de ces divers végétaux. Dans les terres meubles, suffisamment pourvues en humus, susceptibles de donner une production très intensive, on ne se con- tentera pas de cette fumure de printemps et l’on recourra avec profit à des fumures additionnelles, pour lesquelles on sera guidé par l’aspect des végétaux et par le nombre des récoltes qui se succé- deront à la même place. Suivant le plus ou moins de rapidité de croissance des végétaux cullivés et, d’après leurs exigences plus ou moins grandes en prin- cipes nutrilifs, on pourra employer des doses d'engrais variant entre 250 et 500 kilogr. à l’hectare, soit 25,500 à 5 kilogr. à l’are ou 250 à 900 gr. par plate-bande de 1 mètre de large sur 10 mè- tres de longueur. Le meilleur mode de faire sera souvent de ré- partir ces quantités en deux ou trois doses qu'on répandra dans les mois de mai, juin et juillet. L’épandage de l’engrais sera suivi d’un léger binage à la herse, qui enterrera suffisamment l’engrais. Fumure en arrosage. M. P. Wagner recommande, avec sa compétence en cette matière, un autre mode de fumure qui est plus efficace encore que l’épandage du mélange à la volée. Ce mode consiste dans l’emploi d’une solution de l’engrais dans l’eau. Voici comment on doit opérer : dans 1 000 litres d’eau, on dissout un kilogr. de l’engrais pour jardin (1 gramme par litre) et l’on arrose avec 20 litres de cette dissolution 1 mètre carré de sol ; cet arrosage revient à donner 200 kilogr. d’engrais par hectare, ou 2 kilogr. par are. Les arbustes, plantes d’ornements, arbres à fruits et raisins, dont la production ligneuse est chétive, les asperges, choux, ANN. SCIENCE AGRON. — 1893. — 7. 24 370 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. betteraves, céleri, concombres, les fleurs à feuillage abondant se montrent parliculièrement reconnaissauts, dit M. P. Wagner, d’un semblable arrosage renouvelé toutes les quatre ou six semaines. Les arbres et arbustes âgés de plusieurs années ne doivent plus recevoir de fumure à partir du mois d'août, l’engrais donné à cetle époque pouvant empêcher le bois de mûrir convenablement. M. P. Wagner recommande, ainsi que nous, l’emploi des scories de déphosphoration comme fumure fondamentale des jardins, cette excellente matière apportant, en plus que l'acide phosphorique, de la chaux assimilable très utile dans la plupart des terrains potagers. Fumure de pelouses el gazons. Ici, encore, Je suis en parfait accord avec M. P. Wagner, qui considère, en dehors du choix des semences, de l’arrosage et des coupes fréquentes, une fumure intense et répétée comme l’élément prépondérant de la belle venue et de l’entrelien des pelouses. De même que, trop souvent, les cultivateurs abandonnent, sans les fumer, les prairies de leur exploitation, les propriétaires de jardin négligent de donner à leurs pelouses l'alimentation dont elles ont d'autant plus besoin qu’on les fauche plus fréquemment et de plus près. La jeune herbe étant particulièrement riche en azote, en potasse et acide phosphorique, chaque coupe appauvrit le sol et bientôt, malgré les soins, l'herbe qui repousse jaunit et périt partiel- lement, ce qui amène ces manques dans la végétation, si déplaisants à l’œil. Les expériences de M. P. Wagner sur la fumure des gazons l'ont conduit à constater que, pour avoir des pelouses vigoureuses, très bien garnies et loujours vertes, il est indispensable de les fumer à petites doses, pendant l'été, à diverses reprises. Il recommande de répandre, vers le milieu de février, 9 kilogr. d’engrais pour jardin, par 100 mètres carrés de pelouse, soit 500 kilogr. à l’hectare ; puis, à partir d’avril, toutes les trois, quatre ou six semaines, suivant l’état de la végétation, environ 15,500 des mêmes engrais pour la même superficie (1 are). L’engrais ne doit pas être épandu sur Ja pelouse mouillée par la pluie ou par la rosée. Il faut choisir, pour LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. AT celte opération, le moment où l'herbe est sèche et avoir soin que l’engrais ne reste pas attaché aux tiges. L’épandage doit se faire, de préférence, vers le milieu du jour et non Île matin, au moment de la rosée. Si l’on était obligé d’épandre l’engrais sur le gazon humide, il faudrait arroser immédiatement après l’épandage. Un arrosage abondant est particulièrement à recommander après la fumure, si la pluie ne doit pas survenir prochainement. Fumure des fleurs de pleine terre. Le première condition de succès dans la culture florifère réside dans la nature du sol, qui doit être riche en humus, poreux et chaud ; mais les qualités physiques de la terre ne sont qu’un des éléments de réussite de cette culture ; l’autre réside dans une alimentation abon- dante assurée, à toutes les époques, par l’addition d’une fumure convenable. M. P. Wagner recommande l’épandage de 3 kilogr. d’engrais de jardin, sur une plate-bande de 100 mètres carrés (30 gr. par mè- tres) avant le bêchage du sol; puis, lorsque le labour est terminé, une addition d’engrais d’égale quantité ; on nivelle alors la terre au râteau. | Dans le courant de l'été, il faut revenir à des fumures complé- mentaires, et le mieux est de faire usage à cet effet de la dissolution dont j'ai parlé plus haut (1 kilogr. d'engrais pour 1 000 litres d’eau) et de répéter deux, trois fois ou plus ces arrosages, durant la saison chaude, en tenant compte de l'aspect de la végétation. Les rosiers, géraniums, fuchsias et toutes les plantes à feuillage abondant, telles que maïs, rhubarbe, tabac, ricin, canna, etc., se trouvent très bien de fumures liquides fréquemment répétées. Les végétaux dont les feuilles sont basses, près de terre, les fleurs peu développées en été, la ramification faible, ont naturellement des exigences beaucoup moindres. C’est à l’horticulteur, au proprié- taire de jardin, à apprécier les modifications à apporter suivant les cas, aux indications générales que nous venons de rappeler. 512 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. IV. — PLANTES D'APPARTEMENT ET DE SERRE S1 le nombre des amateurs de jardin est considérable, celui des floriculteurs en chambre, qu’on me passe le mot, l’est bien davan- tage. Dans les villes où la cherté du terrain s’oppose à la multipli- cation des jardins, le goût des fleurs est universel: depuis la serre attenant aux somptueuses constructions des hôtels particuliers, jus- qu’à l’humble jardin suspendu qui égaye la fenêtre de l’ouvrier, sans oublier le salon du plus modeste bourgeois, partout on ren- contre des fleurs, attestant, par leur présence, le goût inné de l'homme pour la nature. Parler de la culture des plantes d'appartement, indiquer les pro- cédés simples et économiques de les défendre, le plus longtemps et le mieux possible, contre l’étiolement inséparable des conditions anormales de milieu dans lesquelles elles vivent, c’est, il me semble, aborder un sujet intéressant un grand nombre d'amateurs. Nos plantes d'appartement sont condamnées à vivre, plus ou moins, à l’abri de la lumière et dans une atmosphère confinée; en outre, l'alimentation que leur offre la terre du pot dans lequel elles sont placées est forcément limitée au volume et à la teneur de cette terre en substances nutritives. Or, on sait que l’action de la lumière est la condition essentielle sine qué non, de l'assimilation, par les parties vertes du végétal, du carbone que l’atmosphère lui apporte à l’état d’acide carbonique, carbone qui forme près de la moitié du poids de la plante, déduction faite de l’eau que renferment ses tissus. La première condition à observer dans l’entretien des plantes d’appartement est donc de permettre le plus souvent et le plus long- temps qu’on le peut, l’accès de la lumière solaire et celui de l'air ex- térieur, chaque fois que la température ne s’y oppose pas. Mais les plantes ne vivent pas seulement de l'air du temps ; elles ont besoin de trouver, dans le milieu où plongent leur racines, les quantités d'éléments minéraux nécessaires pour constituer, avec le concours de l’eau et de l’acide carbonique de l'air, leurs différents organes et pourvoir à leur entretien. La grande cause de dépérissement des LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. ga végétaux en pots, réside dans l’'appauvrissement rapide du sol confiné où ils vivent. Les fleuristes de profession se contentent généralement, pour parer à cet appauvrissement, de transplanter le végétal dans de la terre neuve ; j'ai montré, il y quelques années’, comment l'analyse chimique du sol justifie cette pratique. J'en rappellerai ici un seul exemple. Au moment de la transplantation d’un vigoureux pied de kentzia, j'avais prélevé un échantillon moyen de la terre de bruyère du grand-duché de Luxembourg, avec laquelle mon jardinier allait remplir le pot, d’une capacité de 12 litres environ. Deux ans plus tard, lorsqu'on procéda au rempotage du kentzia, je pris un échan- tillon de la terre dans laquelle avait séjourné le palmier, sans avoir reçu aucune espèce d'engrais. Les deux échantillons de terre ont été analysés, et le résultat de cette opération fut le suivant : le poids du litre de ces terres étant très voisin de 800 er. les 12 litres de terre pesaient 95,600 et contenaient respectivement, aux deux époques indiquées, les quantités suivantes de principes nutritifs : TERRE A — DIFFÉRENCE. neuve. epuisee. CHAT SEM ER ETATS 1845",3 60:",00 1245r,03 Acide phosphorique . . 9282 TON 44 ,05 PORASSO, a Lee etre a M6 7 ,40 4 ,02 VAI TN CPP TER NEA EE 39 ,4 8 ,64 30 ,76 On voit, par là, que les quantités de matières minérales fixées par le kentzia ou entrainées au dehors par les arrosages (ce qui se pro- duit principalement pour la chaux) avaient très notablement appau- vri le sol et rendu nécessaire son renouvellement. Le rempotage est donc une pratique très justifiée, non seulement au point de vue de l'aération des racines, gênées, à la longue, par le tassement naturel du sol sous l’influence des arrosages, mais, surtout, par le renou- vellement de la provision d'éléments nutritifs. Appliquées à d’autres végétaux, ces analyses comparatives conduisent au même résultat général, avec des variations plus ou moins notables dans les taux des 1. Études agronomiques. 5° série, 1889-1890, (Hachette et Gic.) 314 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. divers principes nutritifs, suivant les exigences particulières des plantes qu’on observe. L'opération du rempotage, facile à à exécuter dans une lon horticole, est impraticable, ou tout au moins peu commode à réaliser dans un appartement. Elle n’est, d’ailleurs, qu'un expédient, en ce qui regarde la famure de la plante, et il est aisé d’y suppléer pen- dant un temps fort long, par l'emploi des mélanges nutritifs dont je parlerai tout à l'heure. En mesure, grâce à ces solutions, de fournir à la plante, beaucoup mieux que par le renouvellement de la terre, les aliments qu’elle réclame, on peut se borner, dans les appartements, à opérer la transplantation des végétaux, lorsque leur développe- ment exige le remplacement du pot primitif par un vase de plus grande dimension. D'une façon générale, on peut dire que les plantes d'appartement sont soumises à la ration d’inanition, l’eau élant l’unique aliment qu'on leur donne : l’étiolement, le jaunissement et finalement la mort, ne tardent pas être la conséquence de l’absence de fumure à laquelle sont, d'ordinaire, vouées les fleurs et les plantes vertes qui font l’ornement de nos demeures. M. P. Wagner, dont j'ai résumé plus haut les importantes re- cherches sur la fumure des végétaux horticoles et potagers, a con- sacré plusieurs années à l’étude expérimentale de la fumure des plantes en pots. Il s’est proposé de déterminer, pour les principales espèces florales, les exigences alimentaires de chacune d’elles, afin d'arriver à formuler un mélange de divers sels répondant à ce double but : satisfaire aux exigences moyennes des plantes en potet ne contenir que des principes utiles à ces plantes, afin d'éviter, par l'emploi répété de cet engrais, l'accumulation, dans le petit volume de terre que renferme le pot, de substances inutiles à la végétation ou pouvant lui nuire par leur emmagasinement dans la terre. Cette dernière crainte, qui a engagé M. Wagner à proscrire du mélange qu’il emploie les sulfates et le nitrate de soude, par ce motif que l’acide sulfurique et la soude, en excès dans le sol, pourraient exercer une action défavorable sur la plante, semblera peut-être exagérée ; mais comme la soude est inutile el que la terre contient toujours assez de soufre poar assurer le développement du végétal, 9 LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. DJ F9 l'exclusion des substances qui apportent l’acide sulfurique et la soude ne présente, en tout cas, aucun inconvénient. De l’ensemble de nombreux résultats obtenus dans les expériences qui comptent plusieurs années de durée el qui ont porté sur les plantes d'appartement les plus diverses : rosiers, fuchsias, géra- niums, ricin, calla, coleus, palmiers, héliotrope, camélias, azalées, gloxinias, etc., M. Wagner est arrivé à considérer, comme étant le meilleur engrais, un mélange composé de nitrate d’ammoniaque, de nitrate de polasse et de phosphate d’ammoniaque, renfermant pour 100 parties, les proportions suivantes des trois éléments fondamentaux : Acide phosphorique. . . . . . . . 12 parties. POLASSE PARA SRRS ER NRC TELE ALT Are 19 — AZOLOL ARE EE CNE M ROSE 17 — En partant de la composition des engrais riches que j'ai déjà in- diquée, on obtiendra un mélange présentant les teneurs ci-dessus en associant les trois sels dans les proportions suivantes : Phosphate d'ammoniaque . . . . . . 25 kilogr, NJÉTALE Te IDOTASSP EEE EME 45 — Nitrate d'ammoniaque . . . . . . . SON L'application régulière de ce mélange nutritif aux diverses plantes d'appartement a donné, durant les années 1890 et 1891, les meil- leurs résultats. La vigueur des végétaux, la belle couleur vert foncé de leur feuillage, l'abondance de leurs fleurs, contrastaient singu- liérement avec l'aspect des mêmes plantes élevées, à titre de compa- raison, dans le terreau non fumé. M. Wagner a conclu de ses essais que la formule que nous venons de rappeler convient, non seulement aux plantes en pot, mais également aux cultures forcées, aux plates- bandes, à l'élevage des boutures et aux semis de fleurs. C’est seulement pendant l'été, d'avril en septembre, qu’il convient de fumer les plantes d'appartement et celles de serre froide. A partir d'octobre jusqu’à la fin de mars, on ne doit leur donner, si toutefois on est conduit à le faire, que de très faibles doses d'engrais. Pour guider les personnes qui voudraient recourir à ce mode de fumure des plantes d'appartement, je crois utile de préciser les 316 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. quanlités du mélange ci-dessus que M. Wagner conseille d'employer, d’après la dimension des pots qui contiennent les plantes à fumer. Le petit tableau ci-dessous indique les quantités approximatives de terre que renferment les pots à fleurs de divers diamètres et les doses moyennes du mélange à appliquer, dans chaque cas particulier : : 0 PRO2 POIDS DIAMÈTRE DU POT POP ARC du mélange. à la partie supéricure!. ja nt pot. 06,5 10°, 0 300 gr. 1290 JE 600 210 1500 1 200 DO 20 ,0 2 400 Be) 21000 5 000 On saupoudre la suface de la terre avec le mélange pulvérulent et l’on a soin d’arroser immédiatement après, très lentement et avec précaution, en évitant que l’eau passe par-dessus les bords du pot. Il faut employer assez d’eau, dans cet arrosage, pour dissoudre tout le sel déposé à la surface et le faire pénétrer dans la terre. Les fumures indiquées plus haut doivent être, suivant la dimension des plantes et leur croissance plus ou moins rapide, répétées toutes les quatre ou huit semaines. Il est difficile de donner à priori des indi- cations plus rigoureuses sur le renouvellement des fumures, car les conditions que présentent les plantes sont très diverses. Si l’on a affaire à des végétaux à croissance très lente, aux diffé- rentes variétés de palmiers et autres plantes vertes qui, dans l’appar- tement, reçoivent peu de lumière et, par suite, se développent len- tement, on ne doit renouveler la fumure qu’à de longs intervalles, tous les deux mois, par exemple, ou moins fréquemment encore. Au contraire, les plantes à croissance rapide, telles que les rosiers, les fuchsias, les géraniums, l’héliotrope, etc., réclament des famures plus fréquentes, à des intervalles de trois semaines, par exemple. Les amateurs de fleurs, habitués à juger d’après l'aspect de ces der- nières, de leur état de santé et de vigueur, apprécieront bientôt le traitement différent à leur donner, suivant la coloration de leur feuil- lage, leur port et l'abondance de leur végétation. La chose essentielle 1. Mesuré en dedans du rebord. LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. St dont il faut se convaincre, c’est que l’arrosage à l’eau simple ne suffit pas pour conserver les plantes qui ornent nos appartements. Or, on sait que cet arrosage est, pour ainsi dire, le seul soin qu’on regarde, généralement, comme nécessaire pour l'entretien des végé- taux en pots. M. E. Roman, inspecteur général des ponts et chaus- sées, qui charme les loisirs de sa retraite par la culture des orchidées, si curieuses et d’une beauté si étrange parfois, m’a fait connaitre les bons résultats qu’il obtient, depuis plusieurs années, de l'emploi des engrais minéraux dans leur culture. L'opinion des éleveurs d’orchi- dées est loin d’être unanime à ce sujet: les uns, et à leur tête M. L. Linden, le directeur si connu des serres du parc Léopold, ré- pudient d’une façon absolue toute fumure organique ou minérale, dans l’entretien des orchidées. D’autres préconisent l'emploi, en so- lution très étendue, des engrais organiques, tels que la bouse de vache, le guano, etc. M. E. Roman, au contraire, repousse l'emploi des fumures organiques, mais il déclare dans la lettre qu’il m'a fait l'honneur de m'écrire, et dans un article récent publié par le Journal des Orchidées, qu’il est nécessaire de donner de l’engrais minéral aux orchidées et que son emploi, continué dans ses serres depuis plusieurs années, est couronné d’un grand succès et détermine de sérieuses modifications dans le mode de végétation de certaines d’entre elles. Malgré mon incompétence en ce qui concerne cette culture spé- ciale, je suis tenté de me ranger à l'opinion de M. E. Roman, sur l'utilité des phosphates, des sels alcalins et azotés dans l'élevage des orchidées. Il me semble, en tout cas, utile de signaler à l'attention des spécialistes la composition de l’engrais liquide dont M. E. Roman proclame l’efficacité. Je transcris le passage de la lettre de mon ho- norable correspondant, relatif à son mode d'opérer. « J’emploie, m'écritil, le mélange de deux solutions salines dont voici la composition : « La première dissolution est formée de : Phosphate neutre d'ammoniaque . . . . 100 gr. Nitrate d'ammoniaque ". . 1. . . 60 Carbonate d'ammoniaque. . . . . ne 10 Nitraté: dé DOtASS A SRE MONS DC 5 MB AIT RON Se APR LA EN PRE 2 litres. 518 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. « La deuxième dissolution se compose de 45 gr. de silicate de polasse liquide (à 30° Baumé) dans deux litres d’eau. « Ces dissolutions ne doivent pas être employées pures: dans 12 litres d’eau on verse 16 gr. de chacune d'elles, ce qui donne un liquide contenant environ 1 gr. de mélange de sel (supposé solide) pour 7 litres d’eau. Je ne me sers que de ce liquide pour arrosage, à l’exclusion de l’eau ordinaire. » Il me paraît cerlain que la faible dose (1/7 000) de sels minéraux renfermés dans cette dissolution ne peut occasionner aucun acci- dent ; il y aurait donc intérêt, en présence des bons effets que M. E. Roman lui a reconnus, à l’expérimenter dans les serres d’or- chidées. Il me paraît incontestable, d’après tout ce qui précède, que l'horti- culteur el le floriculleur peuvent attendre de l'emploi des engrais commerciaux tout autant de services que la culture proprement dite en a reçus Jusqu'ici, et c’est dans la pensée de stimuler les marai- chers, les amateurs de jardins et de fleurs que j'ai, d’une part, cru utile de donner de la publicité aux intéressants travaux de la station de Darmstadtet, de l’autre, d’instituer dans mon champ d'expériences du Parc des Princes des essais méthodiques sur l'application des fu- mures minérales à la culture des légumes, des arbres fruitiers et des fleurs. V. — VIGNES ET ARBRES FRUITIERS Les divers engrais dont j'ai parlé à propos de la culture marai- chère et de la fumure des jardins s'appliquent également avec succès aux arbres fruitiers et à la vigne. J’indiquerai d’abord les mélanges recommandés par M. Wagner. XVIII. — Fumure des arbres fruitiers. M. P. Wagner s'élève, comme nous l’avons fait nous-même précé- demment, contre l'insuffisance de la fumure des arbres fruitiers. LA.FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 319 Comme nous, il voit dans l'emploi judicieux des engrais un moyen très efficace de combattre le dépérissement des arbres de nos jar- dins par la sécheresse, les attaques des insectes et les affections parasilaires. ‘ Pour les arbres isolés, dont la couronne, mesurée à un demi- mètre au-dessus des plus hautes branches, couvrirait, par sa pro- jection, une surface de 25 mètres carrés, il recommande par pied d'arbre, la fumure suivante : 200 gr. superphosphate double ou 1 400 gr. superphosphate à 16 p. 100, 400 gr. chlorure de potassium, 9500 gr. de nitrate de soude, ou 570 gr. de phosphate de polasse, 100 gr. de chlorure de potassium, 900 gr. de nitrate de soude. On répand cet engrais sur le sol en novembre ou dans le cœur de l'hiver, on laboure à la bêche, en enfouissant l’engrais à une profondeur qui dépend de la nature du terrain et des dimensions de l’arbre. Pour les vergers, on peut employer, à hectare : 200 kilogr. superphosphate double ou 550 kilogr. superphosphate à 16 p. 100, les 160 kilogr. chlorure de potassium, ou 230 kilogr. de phosphate de potasse et 40 kilogr. de chlorure de potassium. Cette fumure est donnée de novembre à février et, le cas échéant, en mars ou avril : on laboure le sol et au printemps on sème, à la volée, 200 kilogr. de nitrate de soude. Dans les sols abondamment fumés de longue date au fumier de ferme, ce qui est fréquemment le cas des jardins particuliers, je re- commande tout particulièrement l'emploi des scories de déphospho- ration au moment de la plantation des arbres fruitiers (voir page 356). Dans les mêmes sols, l'introduction du plâtre dans la couche de terre qui avoisine les racines de l'arbre devra donner de bons résultats : il y a lieu d’après les faits constatés par M. Oberlin, dont il sera question plus loin à propos de la fumure de la vigne, d’expéri- menter l’action du plâtre à la dose de 500 gr. à un 1 kilogr. par pied d’arbre en sol abondamment pourvu d’éléments azotés, par suite de l'emploi répété de famier d’'étable. 380 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. XIX. — Treilles et vigne. La fumure soluble convient particulièrement aux vignes d’un certain âge et aux arbres fruitiers, jusqu’aux racines desquels il est difficile, sinon impossible, de faire pénétrer les engrais minéraux insolubles et notamment le phosphate de chaux. L’engrais pour jardin trouve donc ici une application rationnelle. La vigne aime les sols riches et, sans admettre qu’elle soit aussi peu apte à utiliser les engrais peu solubles que paraît le penser M. Wa- oner, on doit regarder comme avantageux l’emploi des mélanges qui permettent de porter les matières fertilisantes jusqu’au contact du lacis de racines de vieilles souches. Le moyen de faire pénétrer à la profondeur voulue les aliments de la plante consiste à donner superficiellement à la vigne une forte fumure soluble, dépassant de beaucoup, par sa teneur en éléments nutritifs, les besoins annuels de la récolte, feuille et bois compris. C’est le procédé recommandé par M. Wagner qui l’a appliqué avec succès. Se basant sur les expériences faites jusqu'ici par lui, ou sous sa direction, M. P. Wagner propose une sorte de rotation quadrien- nale dans l'application des fumures auxquelles il s’est arrêté. Voici les mélanges qu’il recommande et leur répartition; ces quantités se rapportent à un hectare de vigne : 1°° année. — 60 000 kilogr. de fumier et 100 kilogr. de super- phosphate double. 2° année. — 150 kilogr. de superphosphate double, 100 kilogr. de chlorure de potassium, 120 kilogr. de nitrate de soude; ou 175 ki- logr. de phosphate de potasse et 120 kilogr. de nitrate de soude. 3° année. — 150 kilogr. de superphosphate double, 150 kilogr. de chlorure de potassium, 150 kilogr. de nitrate de soude ; ou 175 kilogr. de phosphate de potasse, 50 kilogr. de chlorure de po- tassium, 150 kilogr. de nitrate de soude. 4 année. — 150 kilogr. de superphosphate double, 200 kilogr. de chlorure de potassium, 150 kilogr. de nitrate de soude ; ou 175 kilogr. de phosphate de potasse, 100 kilogr. de chlorure de potassium, 150 kilogr. de nitrate de soude. LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 381 Le superphosphate, le chlorure de potassium et le phosphate de potasse peuvent être répandus à l’automne, pendant l'hiver ou au printemps à la surface du sol, puis enfouis aussi profondément que le permet le mode de labour ou de bêchage en usage dans le vignoble. Le nitrate de soude est épandu isolément au mois de mars et aban- donné sur le sol, sans bêchage. La pluie et la rosée se chargeront de lintroduire dans le sol. L’emploi successif des mélanges que je viens d'indiquer constitue la fumure de la vigne que M. Wa- gner nomme fumure normale. Elle doit, d’après lui, subir quel- ques modifications, notamment dans les cas suivants : pour les sols bas et humides, la dose de nitrate doit être atténuée ; les sols secs et en côte exigeront au contraire, pour les mêmes quantités d'acide phosphorique et de potasse, une fumure azotée plus abon- dante. Plus le bois est vigoureux, plus doivent être restreintes les quantités de fumier et de nitrate employées, et, inversement, si le bois est chétif, il y aura lieu de répéter plus souvent (tous les trois ans, par exemple) l'application du fumier d’étable et d'augmenter la dose de nitrate. Enfin, dans les parcelles de vignes où la chlorose se produit, le plus souvent par suite de la présence à une faible profon- deur d’une couche d’argile imperméable, on se trouvera bien d’une fumure additionnelle d’un mélange à parties égales de nitrate et de phosphate de potasse. L'emploi du nitrate de soude en viticulture prend, dans le midi de la France surtout, un développement marqué et les vignerons constatent une augmentation très notable dans le rendement des vignes soumises à ce traitement. Je ne puisrappeler icilesnombreuses formules de mélanges d’engrais préconisées pour la vigne : je me bornerai à insister sur l’importance du rôle de l’azote associé à une large fumure phosphatée et, dans un certain nombre de sols, aux engrais potassiques. MM. Trouchaud-Verdier et Chauzit emploient, dans le Gard, le mélange suivant, à l’hectare : Nitraterde soude RS er. 360 kilogr. Superphosphate, 0.15 p. 100 . . . 400 — Sulfaterde DOfASSE RE ERNN NE. 200 — 389 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Ils associent avec succès le plâtre à cette fumure, dans les sols riches en azote. Les expériences de M. Oberlin‘' ont mis en relief, de la façon la plus nette, les bons effets du plâtre. Les années dernières, les résultats constalés par l’éminent viticulteur alsacien ont été confirmés dans le Beaujolais par les essais de MM. Battanchon et Condeminal. Le plâtre, à la dose de 2000 à 4 006 kilogr. à l’hectare, augmente très notable- ment le rendement en vin des vignes plantées en sol abondamment pourvu en azote. Les doses de nitrate ont été poussées, dans cerlains vignobles du Midi, jusqu’à 800 kilogr. et plus à l’hectare ; mais je ne conseille pas d'adopter ce mode de faire. D’après les renseignements fournis par des viticulteurs d’une compétence indiscutable, le nitrate de soude, à ces doses exagérées, augmente, 1l est vrai, considérablement la quantité de vin récolté, mais celui-ci est de qualité et notamment de richesse alcoolique très inférieures à celles des vins obtenus la même année dans des vignobles, de tout point comparables, sauf que les quantités de nitrate employées étaient bien moindres. Il semble qu’on doit considérer une dose de 300 à 409 kilogr. de nitrate à l’hectare comme une fumure azotée très suffisante et devant donner d’excellents résultats, tant sous le rapport de la quantité que sous celui de la qualité du vin produit. Je terminerai en indiquant la composition d’un mélange d’engrais minéral qui, employé en sol pauvre, sur mes indications, a donné de très bons résultats, depuis trois ans, dans différents vignobles de l’est de la France, en médiocre état et dont il a très sensiblement accru la production en vin. Scories de déphosphoration, . . . . . . . . 1 000 kilogr. Ou phosphate minéral en poudre fine. . 2 000 D. — RANGER ES D LE NN OUT POELE Re ER ERET A Ur 1 000 — Nitratéade Soude: ser TARA ve Er JOURNEE PALTEMONlUGE "SOA ATP ere Ph PE A 1500 — SOI MAUNIO IE CAUSE 4 500 ou 3 S00 kilogr. représentant, par are, 38 à 48 kilogr, et, par mètre carré, 980 à 1. Voir Études agronomiques. 6° série, 1899-1891, Hachette et Gi, LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 383 480 gr. de mélange, suivant qu'on emploie les scories ou le phos- phate minéral. En divisant par le nombre des ceps ou des arbres fruitiers exis- tant sur un hectare planté à larges espacements entre chaque arbre le poids du mélange (3 800 kilogr.), on aura la quantité moyenne d'engrais à mettre en cuvelie au pied de l’arbre dans le voisinage du fumier. Cette fumure, du prix de 200 fr. enviroà à l’hectare, pourra être réduite suivant la richesse naturelle du sol ou l'emploi simultané du fumier de ferme, sauf le nitrate, qu’il y aura intérêt à employer tous les ans dans la plupart des cas. Les quantités ci-dessus indiquées de phosphate et de sel de potasse suffiront pour plasieurs années. L’azote peut également être donné aux vignes, parlie sous forme de nitrate, partie sous forme d’azote organique, poudrettes riches, fumier de ferme, sang desséché, laine, déchets de cuirs, ou laine torréfiée, etc. La pratique et les conditions locales modifieront nécessairement les proportions d'engrais à employer, le mélange ci-dessus repré- sentant un maximun qui aura rarement besoin d’être atteint pour assurer un bon rendement. à En terminant, je crois devoir insister sur le traitement très différent, à mon avis, que réclament les vignobles sous le rapport de la fumure, suivant la valeur des vins qu'ils produisent. Toutes les vignes, celles des grands crus comme celles qui produisent les vins ordinaires, ont besoin d'engrais. L’azote, l'acide phosphorique et la potasse sont aussi indispensables aux unes qu'aux autres; mais, si l’on envisage le but à atteindre qui est, avant tout, la qualité pour les grands vins, qui placent la France hors de pair avec tous les pays du monde, tandis que la quantité importe non moins autant que la qualité pour les vignobles ordinaires, on comprend aisément que le traitement qui convient aux derniers ne saurait être appliqué aux premiers. La qualité n'est pas compatible avec la quantité, du moins dans certaines limites; une fumure exagérée conduisant à une production considé- rable nuit certainement à la qualité des vins. Il s'ensuit que les vignerons de nos crus célèbres devront viser à maintenir, par une fumure convenable, le rendement de leurs vignes sans chercher à l’exagérer. À ce point de vue, l'emploi du plâtre, qui, d’après ce que 384 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. nous avons dit plus haut, augmente très notablement le rendement des vignes plantées en sol riche en azote organique, doit être pratiqué très modérément dans les grands crus, si Lant est qu'il y doive être introduit, tandis que, dans les crus moyens ou médiocres, 1l pourra être d’une grande utilité au point de vue du produit brut de la vigne. Les propriétaires des grands crus de Bourgogne, du Bordelais et de la Champagne risqueraient de tuer la poule aux œufs d’or, en exagérant les fumures. Les cultures arbustives autres que les fruitiers et la vigne, hou- blons, oseraies, etc., ont sensiblement les mêmes exigences que ces derniers et les fumures indiquées précédemment peuvent leur être appliquées avec succès. Les oliviers, amandiers et autres arbustes du sud de l’Europe sont trop souvent délaissés sous le rapport de la fumure. L'emploi des phosphates minéraux et des scories de déphospho- ration dans les sols siliceux, celui des superphosphates dans les terrains calcaires, associésaux engraisazotés, tourteaux oléagineux ou fumier, n’est pas moins efficace pour ces arbustes que pour la vigne. VI, — PRAIRIES NATURELLES. C’est une erreur absolue, beaucoup trop répandue encore chez certains cultivateurs, de considérer comme inutile, de fumer les prairies. L'alimentation du bétail sera d'autant meilleure et les rendements en foin d'autant plus élevés, que les prés seront mieux entretenus et fumés. L'idéal serait de pouvoir concentrer, dans une exploitation, les fumures intensives sur les prairies, de manière à récolter beaucoup de fourrage, ce qui permettrait d'élever ou de nourrir beaucoup de bétail et de produire beaucoup de fumier. La garniture de la prairie est d’autant plus abondante que le sol est mieux pourvu en éléments minéraux assimilables et notamment en acide phosphorique. Les deux matières fertilisantes par excellence pour les prairies, et notamment pour celles qui sont déjà anciennes, sont les phosphates LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 389 el les sels de potasse (kaïnite). Si l’on recourt à l'emploi du nitrate de soude, il ne faut pas en exagérer la dose : 60 à 80 kilogr. à l’hec- tare suffisent en général. Les légumineuses, qui forment la garniture de la prairie, puisent dans l'air azote nécessaire à leur nutrition, mais cette assimilation de l'azote gazeux n’a lieu qu’autant que les plantes rencontrent dans le sol une quantité suffisante d’acide phos- phorique, de potasse, etc. Une fumure annuelle à l’automne ou à la fin de l’hiver, de 600 à 1 000 kilogr, de scories de déphosphoration et de 400 à 500 kilogr. de kaïnite, si le sol manque de potasse, est tout à fait rémunératrice, dans la plupart des cas. La dépense qu’occasionne cette fumure est à l’hectare de 55 à 80 fr. L’acide phosphorique transforme la nature d’une prairie, en permettant le développement des légumineuses, trèfle blanc, etc., dont les graines enfouies dans le sol ne se montrent que sous l’influence de la fumure phosphatée. On se trouve parti- culièrement bien de l'emploi des sels de potasse pour la fumure des prairies humides. On double parfois le rendement en foin et en regain d’une vieille prairie, par l'apport de quantités convenables de phosphate et de polasse. Contrairement au préjugé, trop répandu encore, que l’herbe doit pousser sans fumure, les cultivateurs ont donc tout intérêt à faire une large part aux prairies dans la répartition des engrais et c’est, dans le plus grand nombre des cas, à la fumure minérale qu’ils devront recourir, réservant pour les terres en culture le fumier d’étable, presque partout produit en quantité insuffisante pour sub- venir aux exigences des champs. VII —— LES ENGRAIS COMMERCIAUX XX. — Indications sommaires sur la composition, le mode d'achat et le contrôle des engrais. Les engrais commerciaux, complémentaires du fumier de ferme, ürent leur valeur de leur richesse en azote, acide phosphorique, ANN. SCIENCE AGRON. — 1893. — 1. 25 386 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. potasse et magnésie. Leur prix est basé, à la fois, sur leur teneur en l’un ou plusieurs de ces principes fertilisants et sur l’état chimique de chacun de ceux-ci dans l’engrais considéré. Pour compléter les renseignements pratiques que j'ai cherché à condenser dans cette étude, touchant l’emploi des engrais commer- ciaux, je crois utile de rappeler sommairement la composition des principales matières fertilisantes qu’on trouve dans le commerce, les précautions dont l’agriculteur doit s’entourer pour leur achat et les moyens simples auxquels il doit recourir pour éviter d’être trompé sur la nature et le prix de vente des engrais. Je suivrai dans cet exposé la classification suivante : 1° engrais azotés; ® engrais phosphatés; 8 engrais polassiques; 4° engrais mixtes, c’est-à-dire contenant plus d’un principe fertilisant. 1° Engrais azotés”'. Nitrale de soude. — À l’état de pureté, renferme 16.47 d’azote; le nitrate du commerce à 95 p. 100 de pureté correspond à 15.60 d’azote environ. Sulfate d’ammoniaque. — Pur, contient 21.21 p. 100 d’azote ; le sulfate de commerce en renferme de 20 à 20.6 p. 100. Nitrate d'ammoniaque. — Pur, contient 38.8 p. 100 d’azote ; le nitrate du commerce en renferme de 30 à 33 p. 100. Sang desséché moulu. — Titre de 11 à 15 p. 100 d'azote orga- nique. Corne torréfiée moulue. — Titre de 15 à 15 p. 100 d’azote orga- nique. Laine, cuir, ete. — Titrant de 9 à 13 p. 100 d'azote. 2 Engrais phosphaltés. La teneur en acide phosphorique varie de 10 à 50 p. 100 dans les engrais phosphatés que livre l’industrie. Phosphales minéraux bruts (phosphates naturels en poudre fine) contiennent de 44 à 37 p. 100; mais les phosphates d’un titre supé- {. Leur valeur dépend uniquement de leur teneur en azote. LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 387 rieur à 23 ou 24 p. 100 sont généralement employés à la fabrication des superphosphates, tous ceux d’un titre inférieur à 24 étant plus particulièrement uulisés directement par l’agriculture. Le degré de finesse de la mouture des phosphates importe beaucoup. Superphosphates (phosphate naturel ou poudre d’os traités par l'acide sulfurique); ils sont de richesse très variable en acide phos- phorique ; les superphosphates doubles contiennent de 45 à 50 p.100 d'acide phosphorique ; les superphosphates ordinaires en renferment de 10 à 20 p. 100. Il y a toujours intérêt à acheter des superphos- phates à haut titre, puisque le transport de la matière inerte grève d’autant plus le prix de l'acide phosphorique que l’engrais renferme de ce dernier une moindre proportion. Scories de déphosphoration renfermant, suivant leur provenance, de 14 à 22 p. 100 d’acide phosphorique et de 45 à 55 p. 100 de chaux très assimilable. Comme pour le phosphate naturel, le degré de finesse des scories a une grande importance au point de vue de la rapidité de son utilisation pour les plantes. On doit exiger des vendeurs la garantie de teneur en poudre fine (75 à 80 p. 100). Noir d'os de raffinerie (29 p.100 d’acide phosphorique) ; la poudre d'os et la tournure d’os contiennent de 22 à 26 p. 100 d’acide phos- phorique, suivant qualité. Calcul de la teneur en acide phosphorique d'un phosphate. —Une simple opération arithmétique permet d’établir la richesse en acide phosphorique d’une matière dont on connaît la teneur en phosphate tribasique de chaux. Il suffit de diviser le poids du phosphate de chaux contenu dans 100 parties d’engrais par le nombre 2,183 pour obtenir le taux centésimal de cet engrais en acide phosphorique pur ; inversement, pour connaître le poids de phosphate tribasique de chaux auquel correspond une teneur donnée d’un engrais en acide phosphorique, on multiplie, par le même nombre 2,183, le taux d'acide phosphorique. Exemple : 1° On a acheté 100 kilogr. de superphosphate à 18 p.100 d'acide phosphorique, on demande à quelle quantité de phosphate tribasique de chaux correspond le superphosphate. Réponse : 18 X 2,183 — 39.29 p. 100 de phosphate tribasique pur. 388 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 2° On a acheté une tonne de phosphate minéral en poudre avec une garantie de 65 p. 100 de phosphate pur. On demande combien ce phosphate renferme d’acide phosphorique pur. Réponse : — 29.7 p. 100 d'acide phosphorique. 65 2,183 3° Engrais potassiques. Le chlorure de potassium pour engrais renferme de 48 à 50 p. 100 ce potasse pure. Le sulfate de potasse contient de 48 à 51 p. 100 de cette base. 4 Engrais mixtes. Je donne le nom d'engrais mixtes aux substances naturelles qui contiennent plusieurs éléments fertilisants. (Acide phosphorique, azote, potasse et magnésie.) Nous allons énumérer les plus impor- tants de ces engrais. 4° Phosphate de potasse. — I contient 36 p. 100 d’acide phos- phorique et 27 p. 100 de potasse. Il est entièrement soluble à l’eau. % Phosphate d'ammoniaque. — I renferme 46 p. 100 d’acide phosphorique et 7 p. 100 d’azote. Ces deux sels, et notamment le phosphate de potasse, peuvent être utilement employés en couverture, au printemps, dans le cas où l’on voudrait, à cette époque, donner de l’acide phosphorique à un sol portant une récolte. 3 Nitrale de potasse. — I contient 44 p. 100 de potasse et 13.6 p. 100 d’azote. Ces trois matières, associées convenablement au nitrate de soude et au nitrate d’ammoniaque, constituent les mé- langes que j'ai fait connaitre sous le nom d’ Engrais pour jardins et Engrais pour fleurs d'appartement et de serre. L’engrais pour jardin se vend approximativement aux prix suivants”: Parisacaide#lO0NKIIOST EN RE PMP Er S0 fr. sur wagon Paris. — DOMINANT LT ESS 45 fr. = — LOL PRET et ce 12 fr. = et franco dans toutes les gares de France, en colis postal, aux prix 1. Fabrique de H. et E, Albert, à Biebrich am/Rhein (Allemagne), à Engis (Belgique). LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 389 de 2 fr. le kilogr. par caisses de 5 kilogr. et 2 fr. 50 par caisses de 3 kilogr. 4° Kaïnile. — Ce sel renferme 12 à 13 p. 100 de potasse et 15 p. 100 de magnésie à l’état de sulfate. 9° Poudrelles el tourleaux organiques des matières fécales. Teneur : 1 à 2 p. 100 d'azote, 2 à 6 p. 100 d'acide phosphorique, suivant le mode de préparation. | 6° Tourleaux de graines oléagineuses. — 3 à 6 p.100 d'azote orga- nique, 1.5 à 2 p. 100 d’acide phosphorique, 2 à 4 p. 100 de potasse. XXI — Achat et contrôle des engrais. La loi du 4 février 1888 et le règlement d'administration publique du 10 mai 1889 qui la complète, mettent désormais les agriculteurs à l'abri des fraudes éhontées dont le commerce des engrais a été trop longtemps l’objet. L'organisation de nombreux syndicats agri- coles et la multiplication des Stations agronomiques et des labora- toires agricoles offrent, en outre, toutes facilités aux cultivateurs de se soustraire à la fraude, d'acheter, aux meilleures conditions, des engrais de composition bien définie et d’en faire vérifier la valeur et la richesse par l’analyse. Les cultivateurs qui seront les dupes des négociants malhonnêtes pe devront donc, à l'avenir, s’en prendre qu’à eux-mêmes, à leur crédulité dans les paroles des commis-voyageurs en engrais, dont je leur conseille de repousser les offres, présque toujours dolosives pour l'acheteur. Quel que soit le mode choisi pour l’achat des engrais, il devra toujours avoir pour base la garantie écrite du vendeur indiquant : 1° La richesse en chacun des principes fertilisants (azote, acide phosphorique, potasse) rapportée aux 100 kilogr. d’engrais ; 2 L'état sous lequel l’engrais renferme ces trois corps : azote organique, nitrique ou ammoniacal; acide phosphorique soluble ou insoluble ; potasse à l’état de sulfate, chlorure ou carbonate ; 3 L'origine ou l’état naturel de l’engrais (phosphate minéral, phosphate d'os, scories de déphosphoration, ete.). Nous conseillons au cultivateur d’acheter les matières premières 390 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. de ses famures (nitrate de soude, phosphates, superphosphates, sels de potasse, elc.), et de faire lui-même à la ferme les mélanges à répandre sur ses terres. Entre autres avantages, ce mode d’achat rend la vérification du titre et de la pureté des engrais beaucoup plus facile que si l’on a affaire à un mélange expédié de l’usine. Pour faciliter aux acheteurs la vérification, par un laboratoire agricole, du degré de pureté des engrais, je reproduis ci-dessous l'instruction que j'ai rédigée pour le prélèvement des échantillons destinés à l’analyse. En se conformant aux indications relatives aux dosages à demander, les expéditeurs d'échantillons d'engrais facilite- ront le travail du chimiste auquel ils s’adresseront et éviteront les frais d’une analyse complète. Indications à joindre à l'envoi d'échantillons d'engrais commerciaux a analyser. Les principales matières qui servent à établir la valeur d’un engrais sont les suivantes : 1° Azole sous trois formes : a) Azote organique insoluble ; b) Azote ammoniacal ; c) Azote nitrique. 2 Acide phosphorique sous trois formes : a) Acide phosphorique soluble dans l’eau ; b) Acide phosphorique soluble dans le citrate ; c) Acide phosphorique insoluble. 3° Polasse à l’état de sel soluble : a) Chlorure ; b) Sulfate ; c) Carbonate ; d) Nitrate ; e) Phosphate. Afin de faciliter aux agriculteurs la rédaction de la note dont ils doivent accompagner tout envoi, au laboratoire, d'échantillons à analyser, je rappellerai, pour chacun des principaux engrais indus- triels, les dosages qu’ils doivent indiquer, s'ils désirent obtenir une 391 analyse complète et pouvant les renseigner exactement sur la valeur de ces engrais. Si, par suite de l’arrangement fait avec le vendeur, la garantie ne porte que sur une des matières fertilisantes, l’expédi- LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. teur pourra se borner à l'indication de cette substance. Rnb Ulilhes: traités? por | AephoAnEUnqne soluble dans l'eau, dans Laeide sulfurique, \ le citrate, insoluble. 1, — Superphosphates d'os, ï noir de Acide phosphorique soluble dans l'eau, raffinerie, etc . : dans le citrate, insoluble. Azote. f Azote total. IT. — Guanos traités par l'acide sulfu- De an vert GANT MEUS niques FNOÉPAOEAAIOX | Azote ar ; Azole organique. IV. — Phosphorites : scories de déphos- ete D tuent phoration : coprolithes; phosphate Chaus, d'os précité : cendre d’os V. — Poudre d'os; tournure d'os; pou- | Acide phosphorique total, drettes; noir de raflinerie; os dégé- Azute-organique. latinés. ; VI. — Phosphate de potasse. . ; DR ON Her VII, — Phosphate d'ammoniaque . . . tu DATE ANS EN VIII. — Nitrate de potasse. e Azote nitrique. Potasse. IX. — Nitrate de soude. . 4 Azote nitrique. X. — Sulfate d'ammoniaque. HA Azote ammoniacal. XI. — Laine. Déchets de draps. Gone | Cuir. Sang désséché. — Débris ani- ? Azote total. maux . : \ : XIT, — Cendre de PS #e nie) de Acide phosphorique totai. tourbe . : ‘ dis Potasse. XIII. — Sels de AS M ouee si ce | sont des chlorures, sulfates, carbo- } Potasse. nates, salins de betterave, etc. . . | Acide phosphorique total. XIV, — Tourteaux . . 4 Azote. Potasse. Acide phosphorique total. XV.— Engrais pour jardins et pour }) Azote nitrique. fleurs . ! | Azote ammoniacal. Potasse. NATURE des engrais industriels. I. — Superphosphates minéraux, phos- PRINCIPES A DOSER pour établir la valeur vénale et agricole. 392 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. XVI. Engrais composés. — Cette dernière catégorie peut contenir tous les principes nutritifs ; azote et acide phosphorique sous leurs trois formes, et potasse. Il importe d'indiquer si ces mélanges sont formés de nitrate de soude ou de potasse comme source d'azote; s'ils contiennent du sulfate d'ammoniaque, des superphosphates. ete. Nora — Tous les échantillons d'engrais à analyser doivent être expédiés dans des flacons de verre bien bouchés. L'envoi dans des sacs en toile où en papier, boîtes en carton, etc., doit être proscrit, à raison des variations que la matière à analyser peut subir en prenant de l'humidité ou en perdant de l'eau pendant le transport. L'analyse du sol est parfois indispensable pour l'application judi- cieuse des engrais. Si elle ne permet pas d'apprécier d’une manière absolue le degré de fertilité d’une terre, elle a tout au moins pour résultat de faire connaître la richesse ou la pauvreté de la terre en chacun des principes fertilisants importants, acide phosphorique, azote, potasse, chaux et magnésie. Bornée à la recherche et au dosage de ces cinq éléments, l'analyse d'une terre suffit généralement pour guider très utilement le cultivateur dans le choix des engrais et dans les quantités à employer. — L’instruction suivante indique comment doivent être prélevés les échantillons de sols destinés à l'analyse. | Instruction sur la prise d'échantillons du sol destinés à l'analyse. Il y a deux cas à considérér pour un même champ : 1° cas d’un sol homogène ; 2° cas d’un sol variable dans son aspect et dans sa composition. 1° Si le sol présente, en ce qui concerne sa conslilution géologique, sa fertilité ou son aspect physique, des parties très différentes, il sera bon de prélever, dans chacune de ces différentes parties, des échantillons spéciaux. Cette prise d’essai se fera avec toutes les pré- cautions indiquées plus loin. 2° Si le sol est homogène, s’il appartient dans toute l'étendue du terrain à la même formation géologique, il suffira de prélever un échantillon moyen, en observant exactement les indications qui vont suivre. Prélèvement des échantillons. — On commence par diviser le champ par des diagonales, ou par des lignes transversales dont la direction ne saurait être précisée à l'avance, mais que l’inspection LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 393 de la forme et la configuration extérieure du champ indiqueront suffisamment. — Dans les conditions ordinaires d’homogénéité (sols franchement calcaires, granitiques, argileux, siliceux), il suffit de déterminer une quinzaine de points (par hectare) où devront être prélevés les échantillons de terre. Ces points une fois détérminés, on nettoie la surface du sol à l’aide d’une pelle, de manière à éloigner du lieu où l’on prélèvera la terre, les détritus qui la couvrent accidentellement, tels que feuilles sèches, fragments de bois, corps étrangers, débris de vaisselle, fer-blanc, etc., elc. La place étant bien propre, sur une surface de 0",50 à 0",60 de côté, on pratique, à la bêche, un trou à parois aussi verti- cales que possible, en rejetant au dehors la terre qu’on extrait de cette petite fosse. La longueur du trou doit être environ 0",40 ; sa largeur est déterminée par celle de l'instrument qu’on emploie ; quant à sa profondeur, elle varie avec celle des labours en usage dans le pays; la couche de terre arable est, en effet, celle qui constitue le sol pro- prement dit, et ne doit pas être mélangée, dans l’échantillonnage, avec la terre du sous-sol. Lorsque la fosse est complètement neltoyée, on enlève, par tranches verticales, à la bêche, des couches paral- lèles, en pratiquant un nombre suffisant de sections perpendiculaires, pour extraire environ 4 à 5 kilogr. de terre. Au soruir de la fosse, la terre est déposée sur une petite bâche en toile dont s’est muni l’opérateur. On répète ce prélèvement d'échantillons sur autant de points du champ qu'il est nécessaire pour obtenir une représentation aussi exacte que possible de sa composition moyenne. On réunit ensuite, sur une bâche de plus grande dimension, tous les échantillons de terre, on les mélange aussi intimement que possible avec la bêche et l’on prélève sur la masse un échantillon moyen du poids de 4 à 5 kilogr. environ. On étale cet échantillon sur une toile, dans un lieu couvert, et on le laisse se ressuyer à l’air. Lorsque la dessiccation est suffisante, la terre est mise dans un sac ou mieux dans un vase en terre et soigneusement étiquetée. Durant le mélange des divers échantillons sur la bâche, on a écarté les pierres et les cailloux qui dépassent le volume d'une noix, en nolant approximalivement leur nombre, relativement à un poïds 394 . ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. donné de terre, leur grosseur et leur nature géologique et chimique (calcaire, siliceuse, etc). On procède ensuite, exactement de la même manière et avec les mêmes précautions, à la prise d'échantillons du sous-sol, en utili- sant les petites fosses faite en vue du prélèvement du sol. — La nature, l'aspect et la disposition des couches indiquent à quelle pro- fondeur il faut prélever le sous-sol; en général, une profondeur égale à celle du sol cultivé suffit. Si la couche arable a 0",15 de profondeur, on prélèvera le sous-sol sur la même profondeur. La profondeur à laquelle pénètrent les racines des plantes récoltées dans le terrain fournit aussi une indication précieuse. Quand :il s’agit de sols forestiers, le sous-sol doit être recueilli entre 0", 40 et 0",50 au-dessous du plan où s'étendent ou pénètrent les racines. Un peu de coup d’œil et d'habitude renseignent d’ailleurs très vite à ce sujet. DOCUMENTS A CONSULTER I. — Établissement de champs de démonstration. Aucune dissertation ne vaut, pour édifier les cultivateurs, sur le profit que peut donner l'application judicieuse des engrais, la vue d’un champ, convenablement traité et fumé, situé à côté d’une par- celle de même étendue, cultivée et famée suivant la routine du pay- san de la localité. Les associations et les syndicats agricoles, les grands propriétaires doivent prendre l'initiative de la création de champs de démonstration pour lesquels ils sont certains de rencontrer le concours pécuniaire du Gouvernement, s'ils lui font appel en se conformant aux règles qui ont été posées par le ministère de l’agri- culture. La première observation sur laquelle je ne saurais trop insister est la définition exacte du but que doivent se proposer les organisa- teurs d’un champ de démonstration. Il règne à ce sujet une confusion déplorable dans l'esprit de beau- coup d'hommes animés des meilleures intentions. Gette confusion a pour conséquence de fausser entièrement l'institution excellente à laquelle le ministère de l’agriculture attache, à juste titre, une grande importance au point de vue du progrès de notre agriculture : elle conduit finalement à un résultat diamétralement opposé à celui que poursuivent les organisateurs de ces champs. La distinction la plus tranchée existe entre le champ d'expériences et le champ de démonstration. Le premier a pour objet l'étude expérimentale de divers modes de fumure, de diverses méthodes de culture, de différentes semences, appliquées à une plante quelconque de grande culture. Les tâtonnements, les divergences dans les ré- sultats, les insuccès même sont autant de conditions inséparables de = 396 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. l'expérimentation; ils portent avec eux leurs enseignements, mais ne sauraient être placés sans commentaires sous les veux des culti- vaieurs. Les champs de démonstration, au contraire, ne doivent laisser aux résultats qu’on en attend d’autres aléas que l'influence des conditions climatologiques de l’année, qui échappent entièrement à l’action de l’homme. Ils ont pour but de démontrer les résultats acquis dans les champs d’expériences ou dans la pratique agricole la mieux entendue de la région. C’est donc uniquement la reproduction de faits acquis par lexpérience et par la pratique intelligente, concernant le choix de telle ou telle variété de graine prolifique, s’il s’agit de semences, de telle ou telle matière fertilisante, la plus avantageuse pour une récolte donnée, s’il s’agit d'engrais, que les champs de démonstration ont pour objet unique de mettre sous les yeux des cultivateurs du pays. À part les cas de force majeure, les résultats des champs de dé- monstration doivent toujours étre bons ; ceux qu’on obtient dans les champs d'expériences peuvent être bons, médiocres ou mauvais, puisqu'ils ont pour objet l'étude d’un procédé, d’une semence ou d’un engrais NOUVEAUX. C’est pour avoir trop souvent confondu démonstration avec expé- rience que l’on a fait fausse route. L'insuccès d’un champ de démonstralion mal compris porte Le plus grand préjudice à la propagation des vérités qu'il s'agissait de démon- trer à son aide. Où doit done instituer un champ de démonstration uniquement en vue de mettre en évidence les résultats acquis et non pour résoudre tel ou tel problème agronomique. Aux directeurs des Slalions agronomiques appartient l'organisation et la direction de champs d'expériences ; aux professeurs départementaux, aux prali- ciens émérites d’une région, la création de champs de démonstration où ils appliqueront les procédés, les semences et les engrais dont la valeur leur est connue à l'avance. C'est dans cet ordre d'idées qu'il y a lieu d'instituer le plus grand nombre de champs de démonstration de la valeur agricole du nitrate de soude associé ou non, suivant l’état du terrain et les ressources dont on dispose, au fumier de ferme, aux phosphates et à la po- tasse. LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 397 Les principales règles à suivre pour la création de ces champs de démonslration me paraissent être les suivantes : Choix d’un terrain situé dans un lieu fréquenté, d’un accès facile. Division du terrain (1 hectare, au maximun, suffit) en deux parties égales, d'orientation identique, séparées par un sentier de 0®,80 à 1 mètre. — Mise en état de l’une des pareclles par les procédés de culture reconnus les meilleurs dans la localité d’après la nature du terrain; culture de la deuxième parcelle à la mode des paysans du pays. Fumure de l’une des parcelles suivant la méthode des paysans, comme nature d'engrais et comme quantité de fumure. Fumure de l’autre parcelle avec le mélange de nitrate et de phos- phale qu’on aura fixé, d’après les résultats obtenus dans la région, 200 kilogr. de nitrate, par exemple, et 60 kilogr. d’acide phospho- rique ou tout autre mélange d'efficacité reconnue. Ensemencement du champ, le même jour, avec la même semence dans les deux parcelles. En opérant ainsi, on aura modifié deux conditions : celles de la mise en état du sol et de la fumure de la terre. Si l’on dispose d’un espace double de terrain, on pourra répéter la démonstration, en ne faisant valoir qu’une seule condition, la fumure ; il suffira, pour cela, de donner la même culture aux deux parcelles. L'objectif qu’on ne doit pas perdre de vue est d’assurer le résul- tat de la démonstration qu’on se propose ; ilne s’agit donc nullement de faire une expérience, mais de montrer l'effet d’une fumure expe- rimentée ailleurs. Les insuccès auxquels ont conduit, d’une part, la falsification des engrais minéraux, de l’autre, leur emploi défectueux, ont eu la plus fâcheuse influence ; ils ont jeté, sur une pratique excellente en soi, une défaveur qu’il est très difficile de détruire dans l'esprit des petits cultivateurs, que le résultat final seul a frappé. On retomberait dans le même danger en instituant des champs d'expériences au lieu et à la place de champs de démonstration, le succès, c’est-à-dire l’accroissement de récolte, dans l'espèce, étant la condition sine qu& non pour porter la conviction dans l’esprit de nos laborieux paysans qui n’ont ni le loisir ni l’instruction suffisante 398 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. pour discuter les résultats d’une expérience, mais que le doublement d’un rendement de la récolte ne saurait laisser de convaincre rapide- ment. II. — Lettres de MM. Pozzi-Escot et G. Dethan. Mont-de-Nérac, par Bergerac, le 10 août 1890. Monsieur, J'ai suivi, dès le début, avec un puissant intérêt, la campagne que vous avez entreprise dans vos belles Études agronomiques en faveur de la culture rémunératrice du blé en France ; non pas tant que la question me touchât personnellement, puisque je m'occupe surtout de viticulture, que parce qu’il se trouvait précisément que ce que vous établissez avec tant de force : qu'il est possible, sans protection douanière, de produire avec bénéfice, en France, des céréales, à condition de les cultiver intensivement, mais à cette condition seulement, s'applique absolument aussi à la culture de la vigne et à ses conditions nouvelles. Vous veniez ainsi confirmer, avec toute l'autorité qui s'attache à votre nom, une thèse qui m'était chère et dont je m'efforce de démontrer la vérité, autour de moi, par les résultats de mon vignoble. Rien, vous le comprenez, ne pouvait m'intéresser davantage. J'avais déjà emplové les scories dans mes vignes, en remplacement du phosphate précipité, depuis que vous les aviez signalées comme source économique d'acide phosphorique et je m'en était fort bien trouvé. En 1883 donc, me trouvant avoir une pièce de vigne détruite par le phylloxéra, de 80 ares environ, que je ne voulais pas replanter encore, je résolus d'y essayer la culture des céréales, avec les scories et le nitrate de soude. J'ai cultivé sur cette terre, en 1888 et 1889, du blé et de l’avoine, sans autre fumure que 1000 kilogr. de scories 16/20 et 250 kilogr. de nitrate de soude, à l’'hectare. Cette terre, en coteau élevé, très sec, silicéo-argileux, de qualité à peine moyenne, et qui de temps immémorial portait de la vigne sans avoir jamais reçu de fumure, ensemencée après un seul labour, m’a donné un rendement supérieur à celui obtenu dans les meilleures terres à blé de la riche plaine de Bergerac, avec la culture du pays. Je n’ai pas, Ha lhedr ments le chiffre exact du rendement de ces premières expériences, mais je suis, je vous l’affirme, au-dessous de la vérité, en l’estimant d’un quart supérieure à la moyenne la plus élevée du pays. Les variétés ensemencées étaient le blé barbu et l’avoine noire du pays. Je voulus aussi, l'an dernier, faire un essai de culture en ligne à grand LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 399 espacement, suivant la méthode du major Hallett. Je semai donc en ligne, à la main, sur une étendue de 2 ares environ, les variétés de blé suivantes que je m'étais procurées dans la maison Vilmorin : Shireff square-head ; Dattel- Hickling-Hallett’s pedigree rouge, et, comme point de comparaison, blé barbu de pays. Le semis fut fait le 8 octobre 1888, à 25 centimètres, en tout sens. Au labour précédent de la semaille, j'avais répandu, à la volée, des scories, à la dose de 1 000 kilogr. En mars, je semai 150 kilogr. seulement de nitrate de soude. Comme le semis avait été fait dans un jardin fumé de longue date, je craignais de provoquer la verse en mettant une plus forte proportion de nitrate. Le semis leva bien, talla énormément, et au moment de la floraison, ces blés étaient aussi fournis que ceux semés à la méthode ordinaire. Chose remarquable, la variété du pays le cédait à peine aux variétés amé- liorées comme développement de nombre des tiges par pied. Les résultats de cette expérience promettaient donc d’être très intéres- sants; malheureusement un très violent orage, dans les derniers jours de juin 1889, occasionna la verse complète de mon petit champ; les oiseaux se jetèrent dessus, dévorèrent les épis, et il me fut imposssible d'obtenir un chiffre de rendement de quelque exactitude. Néanmoins, encouragé par les résultats du semis clair en ligne que J'avais pu apprécier jusqu’à un certain point, malgré l’accident survenu à mon champ d'expérience, je résolus de semer encore en blé, pour la troisième fois consécutive, ma pièce de vigne arrachée. N'ayant pas de semoir à ma disposition et ne pouvant songer à semer à la main une étendue aussi considérable, je cherchai à obtenir d’une autre façon, à peu près le résultat du semis en ligne, et voici comment jy parvins : Au lieu de labourer en billon, suivant la coutume locale, je fis labourer, à plat, en planches, et je fis répandre la semence, très clair et seulement dans le sens du labour, au lieu de la jeter, comme cela se pratique habituellement, de côté, en lui faisant décrire une parabole; puis on hersa en long. De cette façon, l’aspect de mes blés, après la levée, était presque celui de blés semés au semoir en ligne. L’écartement des pieds sur la ligne n'était pas aussi régulier, cela va de soi, mais la distance entre les lignes'ne laissait guère rien à désirer, celle-ci correspondant à chaque trait de charrue. On employa 150 litres seulement de semence à l’hectare ; la semaille fut faite le 7 octobre 1889. Le blé semé était de la variété Kissengland et m'avait été vendu par le Syndicat libre des agriculteurs de la Dordogne. Comme les années précédentes, la lerre avait reçu 1 000 kilogr. de scories à l'hectare, et je fis répandre au printemps (fin mars), 200 kilogr. de nitrate de soude à l’hectare. On donna un hersage après. Les blés 400 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. furent également ésherbés et sarelés à la main, travail rendu facile et peu coûteux par le semis très clair et en ligne. Ces blés, qui, au début, paraissaient, surtout aux yeux des agriculteurs mes voisins, ridiculement clairsemés, ont tallé énormément après l’épar- dage du nitrate et ont pris un développement absolument inattendu. Grâce à l'influence des scories, sans doute aussi à leur espacement, ils n’ont pas versé bien que leur hauteur alteignit, en moyenne, 1,65; beau- coup de tiges avaient jusqu’à 1",80, J’ai trouvé des pailles d’un diamètre de 6 millimètres. J’ai compté sur certains pieds jusqu’à 17 tiges, mais la moyenne élait de 8 à 12 par pied. Chaque pied portait plusieurs épis de 10 à #1 centimètres de long, comptant 55 à 60 grains ; il y avait un grand nombre d’épis beaucoup plus grands, de 12 à 14 centimètres, comptant jusqu’à 78 grains. J’ai voulu avoir un point de comparaison; j'ai donc cherché dans le blé le mieux réussi que j'ai pu trouver dans la plaine de Bergerac, le plus bel épi qu’on y pût voir : il mesurait 8 centimètres et contenait 39 grains. La hauteur du blé était à peine de 1",40 et c'était pourtant un champ excep- tionnellement beau ! J’ai fini hier de battre ce blé. Le rendement a été, pour 80 ares 64 cenliares : Grains, 1968 kilogr.; paille, 4950 kilogr.; ce qui correspond aux rendements suivants, à l’hectare : Grains, 2440 kilogr. ; paille, 6138 kilogr. Ce dernier chiffre surtout m'a vivement frappé. La production de la paille est toujours insuffisante par ici. Plus de la moitié des fermes achè- tent pour litière des bruyères et des ajoncs fournis par la partie boisée du nord de l'arrondissement, et la dépense occasionnée de ce chef à la culture ne laisse pas d’être considérable, ceslilières étant vendues un prix relativement élevé, soit de 12 à 14 fr. la charretée du poids moyen de 1000 kilogr. Le prix de la paille atteint souvent 5 fr. les 100 kilogr. et ne descend jamais au-dessous de 4 fr. le quintal, sur le marché de Bergerac, où sa vente est Loujours assurée. Il y a donc pour le cultivateur un intérêt de premier ordre à obtenir, avec un rendement en grains élevé, une production de paille aussi considérable que celle que j'ai obtenue, susceptible d'accroître dans une très notable mesure le revenu net de son exploitation. Le blé pèse 81 kilogr. l'hectolitre. Les rendements que je viens d’avoir l'honneur de vous faire connaître sont absolument exceptionnels pour ma région; je vous affirme qu'ils ne sont jamais atteints dans nos meilleures terres à blé, avec les plus grosses fumures au fumier de ferme, qui est seul employé ici. Pour moi, il est manifeste qu'ils sont altribuables surtout à l'apport d'acide phosphorique LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 401 et de nitrate fait à la terre, et, pour une bonne part aussi, au semis très clair que j'ai praliqué. Dans une autre parcelle contiguë de 44 ares, que j'ai achetée en sep- tembre dernier, vieille vigne phylloxérée arrachée depuis quatre ans et abso- lument inculte, j’ai obtenu un résultat qui confirme absolument le premier. J'ai ensemencé cette parcelle, après un seul labour suivi d’un hersage, c’est-à-dire dans les plus mauvaises conditions, avec de l’avoine noire du pays. Au moment du labour, j'ai fait répandre des scories à raison de 1000 kilogr., et fin mars, du nitrate à raison de 250 kilogr. Les semailles ont été faites tardivement, fin octobre. La récolte, sur ces 44 ares, a été de 879 kilogr. de grain et de 2000 kilogr. de paille (191,88 à l’hectare). Là encore, l’action des scories et du nitrate est prépondérante dans le résultat obtenu. En effet, en 1887 el 1888, le propriétaire de cette parcelle l'avait, avant moi, ensemencée d’avoine, celle-ci n'avait même pas pu épier et n'avait pas élé récollée, n’en valant pas la peine. Voici, enfin, un détail bien typique pour qui connaît le paysan et son instinctive horreur pour les pratiques nouvelles! Mon laboureur qui est en même Lemps propriétaire d’un petit lopin de terre, après s'être bien rendu compte des résultats obtenus sur ces deux parcelles, est venu me prier de lui céder ce qu’il lui faudra de semence de blé Kissengland, et de faire venir pour lui, cette année, avec les miens, quelques sacs de ces sels noirs el blancs que j'avais employés. Et voilà un converti à la cause des engrais chimiques et des semences améliorées. J'ai l'intention d’ensemencer encore une quatrième fois, en blé, la même pièce de terre. En procédant comme cette année, je veux, de plus, recommencer mon expérience de semis à la main, en ligne, à grand espacement. Dans ce but, j'ai trié moi-même, avant la moisson, 300 des plus beaux épis dont aucun n'a moins de 12 centimètres de long; je compte ne prendre sur chacun d'eux que les plus beaux grains, et j'espère arriver ainsi à des résultats curieux. — Si ce nouvel essai peut présenter pour vous quelque intérêt, je serai heureux de vous en communiquer les résultats. J'espère, Monsieur, que vous excuserez cette bien longue lettre et me pardonnerez la liberté que j'ai prise de vous entretenir de mes essais ; il m'a semblé, je l'avoue, que vous ne sauriez en vouloir, même à uu parfait inconnu, de vous apporter ce qui lui paraît être un argument de plus à l'appui de la cause d’un intérêt, si véritablement national, que vous avez prise en mains. Veuillez, agréer, etc. P. Pozzi-Escor. ANN. SCIENCE AGRON. — 1893, — 1, 26 402 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. M. Pozzi-Escot fait des prosélytes autour de lui : quelques passages empruntés à sa correspondance intéresseront sans doute nos lecteurs, en leur montrant qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé, d’une expérience plus ou moins probante, mais bien de procédés de culture économi- que des blés suscepubles de généralisation. Voici ce que m'écrivit M. Pozzi en m’envoyant les résultats de la récolte de 1891 : Avant de vous faire connaître les résultats que j'ai encore obtenus cette année dans le sol que vous savez, permettez-moi de vous entretenir de ceux qu'ont obtenus les personnes que j'avais décidées, l’an dernier, à suivre vos conseils. M. L. Pothier, propriétaire à Fronsac, par Douville (Dordogne), m’écrit le 4 courant : € J’ai fait un essai sur 45 ares qui m'ont produit quinze fois la semence dans un terrain médiocre. Il est bon de vous dire que cette petite expé- rience a attiré l’attention de plusieurs propriétaires et ils me demandaient d’où venait cette différence avec les blés voisins. D'après les explications et les conseils que je leur donnai plusieurs en essayeront. J'ajoute qu’à l’avenir tout le blé que je ferai venir sera traité dans les mêmes conditions. » M. Pimouquet, propriétaire à Bardesse, commune de Mandacou, canton d’Issigeac, m'écrit de son côté : « Pour me bien rendre compte, j'ai employé les engrais dans différents endroits de terres non fumées depuis bien des années et qui donnent ordinairement une petite moyenne de paille, mais dont le rendement en grain est médiocre. J’ai employé 100 kilogr. de scories sur une conte- nance de 12 à 13 ares et, au printemps, du nitrate de soude, à raison de 200 kilogr. à l’hectare. Le blé, semé à la mode ordinaire du pays, à beaucoup souffert de la gelée dans toute la pièce, qui contient environ 00 ares; mais là où j'avais employé les scories, il y a eu beaucoup moins de mal. Aussi, après l’épandage du nitrate, a-t-il pris une vigueur magni- fique, et je ne crains pas de dire que, dans cette portion, la récolte était triple de ce qu’elle était dans le reste de la pièce. A côté, j'ai employé du nitrate sans scories : là, au printemps, le blé a bien pris de la verdeur, mais les tiges n’ont pas pris un grand développement, et, c’est à peine si j'ai été rémunéré de la dépense. Dans d’autres terres de coteau, très cal- caires, qui donnent peu de paille, mais relativement beaucoup de grain, le nitrate seul m'a donné de très beaux résultats, mais avec les scories, quoique la différence fût moins grande que dans la première pièce, le rendement a encore été supérieur. Inutile de vous dire que je ferai mon possible pour encourager mes voisins à en faire l’essai. LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 403 « Cette année, notamment, M. Boissière, maire de Monsaguel, que vous connaissez sans doute comme un excellent agriculteur, est décidé à employer beaucoup de scories et de nitrate. Je ne puis, donc, Monsieur, que vous remercier encore d'avoir bien voulu me donner les renseigne- ments qui m'ont amené aux bons résultats que j’ai obtenus ». Les renseignements verbaux fournis par les intéressés me permeltent de vous citer encore les résultats suivants : M. Jérôme Monteil, proprié- taire à la Mouline, près Bergerac, a obtenu de l’emploi des scories et du nitrate des rendements de 17 et 21 pour 1 de semence, suivant les ter- rains ; M. Branda, pharmacien à Bergerac, a eu, dans sa propriété de Saint-Agne, près Bergerac, en terres, il est vrai, excellentes, de qualité similaire à celles de la Graulet, que vous avez analysées, le magnifique rendement de 49 hectolitres sur 45 ares (42°!,2 à l’hectare) avec 59 kilogr. de semence, soit plus de 28 1/2 pour 1 de semence, (Je lui avais fourni pour la semence de mon blé Kissengland sélectionné.) Le blé de M. Branda ne pèse que 76 kilogr. à l'hectolitre, ayant versé ; la quantité de 200 ki- logr. de nitrate à l'hectare était, je crois, trop forte, étant donnée la ri- chesse natureile du sol. M. Pozzi-Escot, en me rendant compte des essais de culture de blé dont je viens de parler, m’écrivait ce qui suit : Le rendement des céréales a sensiblement baissé dans notre région depuis une trentaine d'années. J'ai, comme point de comparaison, les notes de culture de mon grand-père s’appliquant à deux métairies de 40 hectares environ chacune, situées sur la rive gauche de la Dordogne, dans la partie la plus fertile de la plaine de Bergerac. De 1837 à 1852, le rendement moyen de ces deux métairies était de 17 hectolitres de blé à l'hectare; il a atteint, dans certaines années, 23 hec- tolitres, et parfois il est descendu à 12. J’ai eu occasion de suivre de près le rendement de ces mêmes propriétés, sous une autre administra- tion, de 4870 à 1884. Pendant cette période, le renlement moyen n’a été que de 45 hectolitres; le plus élevé atteignant 19 hectolitres et le plus faible tombant à 9 hectolitres. Depuis une dizaine d'années, le rendement moyen de celte région me paraît être de 14 hectolitres environ pour le froment; de 25 hectolitres pour l’avoine; le maximum de 18 hectolitres, pour les blés, étant rare- ment atteint. Pour l'avoine, les deux extrêmes vont de 30 hectolitres, très exceptionnellement, à 15 hectolitres. Le poids de la paille récoltée à l’hectare ne dépasse pas 2 000 kilogr. en moyenne. On emploie 225 litres de semence à l’hectare. On sème trop tard, du 15 octobre au 15 no- vembre, et presque jamais sur fumure récente, et quelle fumure ! 20 000 404 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. à 25 000 kilogr. de mauvais fumier, mal fait, pailleux et lavé par les pluies, passent pour un maximum que peude cultivateurs se permettent. Les instru- ments perfectionnés, semoirs, scarificateurs, etc., font défaut, pas un seul des grands propriétaires ne se décidant à les introduire dans leurs exploi- tations. Le gros bétail est rare; en moyenne, il n’atteint pas le chiffre d’une bête pour 3 hectares dans la plaine et beaucoup moins dans le reste du pays. Ainsi donc, de 17 hectolitres en 1840, le rendement moyen en blé est tombé à 14 hectolitres à l’hectare, soit 3 hectolitres, ou plus de 18 p. 100 de la récolte d'il y a un demi-siècle. Ce résultat qui n’est pas exclusif au département de la Dordogne, semble con- firmer l’opinion que l'élévation du rendement moyen du sol fran- çais en blé qui, vers 1840, n’atteignait pas 14 hectolitres et qui est aujourd’hui à près de 16, est dù bien plus à l'accroissement très notable de nombreuses cultures partielles qu'à l’augmentation de la production sur la plus grande partie des terres consacrées à la cul- ture du blé. Quoi qu’il en soit de la valeur de cette hypothèse, il n’est pas douteux que la diminution signalée par M. Pozzi-Escot tient à l’appauvrissement progressif du sol de la Dordogne, par suite de la soustraction des matières fertilisantes insuffisamment compensées par la médiocre fumure indiquée plus haut. Comme Pa constaté la statistique officielle, en 1891, la récolte moyenne n’a pas dépassé, en Dordogne, le chiffre de 10 hectolitres à l’hectare, si tant est qu’elle l’ait atteint. (En 1893, elle a été de 131,6). Voilà donc un département dans lequel on récoltait en moyenne : A L'HECTARE. ENRNS AOL EAU LAN TURANSPESREE 17 hectolitres. Derts80:à41890 LASER IENER 14 — et qui n’a donné en 1891 que 10 hectolitres. Les résultats obtenus, depuis quatre ans, à Mont-de-Neyrac, par M. Pozzi-Escot, tirent de ces constatations numériques une importance toute spéciale. Ils nous apportent, en effet, une démonstration de plus d’une vérité trop méconnue encore de la plupart de nos petits cultivateurs, à savoir qu’on peut, en sol médiocre, dans une année mauvaise, obtenir des récoltes très rémunératrices. En pareille matière, on ne saurait trop multiplier les exemples LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 405 précis du succès des bonnes méthodes culturales. La publication d’un extrait de la lettre que m'a adressée M. Georges Dethan, agriculteur au château de la Côte, me paraît propre à servir très utilement la cause que Je défends avec une persistance rendue chaque jour plus tenace, à raison des témoignages nombreux que les cultivateurs m'apportent de l’efficacité des moyens que je voudrais faire pénétrer jusque dans les plus humbles de nos exploitations rurales. Parmi les sols qui constituent le territoire français, 1l en est deux catégories qui couvrent des superficies immenses : les terres argilo- siliceuses et les terres calcaires. Je viens de faire connaître les résul- tats excellents obtenus en sol de la première catégorie (silicéo-argi- leux) par emploi simultané des phosphates et du nitrate de soude : 28 à 99 hectolitres de blé en sol pauvre, alors que, par les procédés de fumure usités dans le voisinage, on récoltait cette année 6 à 8 hectolitres seulement. Dans le même département, mais en sol fran- chement calcaire, M. G. Dethan n’a pas employé avec moins de succès, en grande culture, les engrais phosphatés et azotés, comme on va le voir par sa correspondance. La dissemblance totale de la constitution des terres emblavées par MM. Pozzi-Escot et Dethan donne aux rapprochements faciles à faire entre les beaux résultats qu’ils ont obtenus dans l’une des plus mauvaises années que nous ayons subies depuis longtemps, un intérêt considérable : ils doivent être un puissant encouragement pour les cultivateurs désireux de prépa- rer, pour les années prochaines, une revanche éclatante sur la cam- pagne de 1890-1891. Voici ce que m’écrivait M. G. Dethan à la date du 14 octobre 1891 : Château de la Côte. par Bourdeilles (Dordogne). ... Veuillez me permettre de venir vous donner quelques renseigne- ments sur les résultats que j'ai obtenus depuis plusieurs années dans une autre partie de la Dordogne (dans des terres assez différentes de celles de M. Pozzi-Escot, puisque les miennes sont fort chargées en calcaire), en opérant sur toute une sole de blé qui comprend chaque année 12 à 15 hectares. Ceci ne s'applique qu’à une partie de ma propriété que J'exploite en faire-valoir direct; l’autre partie est cultivée par des métayers qui jusqu'ici s'étaient montrés rebelles aux améliorations et innovations. 406 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Dans la période de 1882 à 1835, nos rendements en blés, obtenus sans engrais commerciaux et suivant les procédés de culture usités dans le pays, varialent de 81,6 à 12 quintaux métriques de grains à l’hectare, moyenne 104,7 (14 hectolitres environ). À cette époque, l'analyse de mes terres démontra leur insuffisance très nolable en acide phosphorique. Ces terres élant très calcaires, l'emploi du superphosphate était tout indiqué '. En 1886 et 1887, je commencai à employer les superphosphates seuls; les rendements s’élevèrent à 12%%,2 en 1886, et à 141,7 de grains par hectare l’année suivante. A partir de la récolte de 1888, j'employai, concurremment avec le super- phosphate, du nitrate de soude : la production s’éleva aussitôt, en 1888, à 19%%,2 de grains à l'hectare; en 1889, année où il a plu beaucoup à l’époque de la floraison, on ne récolte que 171,30 ; en 1890, on atteint 214,6. En même temps, la récolte de paille a doublé. Dans la période de 1882 à 1889, celle-ci était de 1 500 kilogr. à 2000 kilogr. à l’hectare; aujurd’hui elle est de plus de 4000 kilogr. Les blés, qui avaient 1 mètre de hauteur, ont maintenant de 1",80 à 2 mètres. J'ai l’habitude de semer mes blés de bonne heure; actuellement, au 15 octobre, j'ai plus de la moitié de mes blés en terre ; l’année dernière, à pareille époque, cette proportion était même dépassée. Aussi, la plu- part de mes blés ont peu souffert de la température rigoureuse de l'hiver dernier, et, cependant, le thermomètre est descendu ici à — 18°, sans neige. Les blés exposés au midi avaient peu souffert; quelques pièces exposées au nord et semées plus tardivement étaient, après l'hiver, plus endommagées, mais sous l’action de vigoureuses fumures au nitrate de soude, répandu dans les pieces les plus atteintes, à la dose de 180 et mème de 200 kilogr. à l’hectare, le blé a tallé et a repris bon aspect. Sur une surface de 12 hectares je n’ai dû répandre au printemps qu'un hectolitre de semence (blé de Bordeaux semé dans les premiers jours de mars). Aussi, malgré cel hiver rigoureux, ma récolte de blé sur mon faire-valoir a été, cette année, la meilleure que j'aie jamais eue; dans la partie exploitée par mes mélayers, c’est, au contraire, la plus piteuse récolte qu'il ait jamais été donné de voir et, cependant, les terres sont situées côte à côle. Un autre fléau de l’année a été la rouille qui, chez nos métayers et chez 1. J'ai dit, à plusieurs reprises, qu'en général les superphosphates donnent, en sol calcaire, de meilleurs résultats que les phosphates minéraux non traités par l'acide sulfurique On n'a pas donné jusqu'ici d'explication bien nette de ce fait d'observation pratique ; dans certains terrains extra-calcaires on a attribué l’action des Ssuperphos- pha'es à l'absence d’acide sulfurique dans le sol; mais les preuves certaines à l'appui de cette interprétation font encore défaut. LG: LA FUMURE DES CHAMPS ET DES JARDINS. 407 nos voisins, à ravagé la plus grande partie des blés, ne laissant qu’un grain petit, ridé, impropre à la semence. Grâce, sans doute, à leur précocité, à leur vigueur, les miens ont été préservés : ils étaient mûrs, lorsque la rouille s’est produite. En résumé, ma récolte, sur une surface totale de 11",74, atteint, à l’hectare, une moyenne de 261,08 de grain bien plein. Seulement, vu la saison pluvieuse, le blé avait été rentré humide et l’hectolitre de grain ne pesait que 79 kilogr., ce qui donne un rendement moyen de 34,71 par hectare (près de 21 hectolitres de plus que la moyenne de celte année). Les principales variétés de blé cultivées ont été : Le blé rouge de Bordeaux (sur5"?,43), qui a donné une moyenne de 251,33 à l’hectare, atteignant dans la meilleure pièce 31%,05 (41"!,4), descendant, dans la moins bonne, à 191,62. Le blé Kissengland, cultivé sur 64 ares, qui a donné 221,05 de grains à l’hectare. Le même blé, mélangé de Bordeaux, cultivé sur 1,51, a atteint 26 quintaux métriques à l’hectare. Le blé de Bordeaux, en mélange avec le blé Lamed, cultivé sur 22,50, a fourni 31,44 de grains à l’hectare (42 hectolitres). Enfin, le blé jaune à barbe de Desprez de Capelle (Nord), cultivé sur 82 ares, a donné 321,01 à l’hectare (près de 43 hectolitres). Les meilleurs rendements ont donc été fournis par le blé jaune à barbe Desprez, le mélange de Bordeaux et Lamed, le blé de Bordeaux pur : les rendements dépassent 40 hectolitres à l’hectare ou s'approchent beaucoup de ce chiffre. La quantité moyenne d’engrais employé a été de 4 à 600 kilogr. de superphosphate (13 p. 100 à 15 p. 100 d’acide phosphorique) par hectare. La dose de nitrate a varié de 65 à 200 kilogr. par hectare, suivant l’état de végétation des différentes pièces de terre et le degré auquel elles avaient été éprouvées par la gelée. La dose de 200 kilogr. n’a été atteinte que sur les parties paraissant sérieusement éprouvées. Pendant que j’obtenais les chiffres ci-dessus, mes métayers avaient une récolte moyenne de 8 hectolitres par hectare : ce pouvait être à peu près la moyenne de la contrée. (M. G. Dethan a donc récolté, à l’hectare, cinq fois autant de blé que ses voisins.) En comparant les résultats que je viens de vous indiquer avec ceux de la période 1882-18%5, on voit que le rendement a plus que doublé; il n’a pas encore triplé; mais avec le temps, j'ai l’espoir d’y arriver. Ge résultat est-il dû entièrement à l'emploi des engrais commerciaux? En grande partie; cependant, je dois ajouter que des terres mieux fumées, un meil- leur outillage, car tout mon matériel a été renouvelé depuis cette époque, 408 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE,. : l'emploi de charrue, double-brabant, herses Howard, semoir en ligne, rouleau Croskill, etc., enfin le sarclage des blés ont dû aussi contribuer à cette élévation des rendements. Je tenais à vous faire part de ces chiffres, pour vous confirmer, dans la même région et en grande culture, les résullats obtenus päâr vos hono- rables correspondants sur des champs d’expérience plus restreints. Je voulais prouver que, même dans nos terres assez inférieures et longtemps mal entretenues du Périgord, on pouvait atteindre des rendements qui, sans égaler ceux des terres depuis longtemps améliorées du pays nord, ne s’en éloignent plus, du moins trop sensiblement. Je serais très heureux si l’apport de mon modeste contingent pouvait être de quelque utilité - à la vulgarisation des procédés de culture que vous ne cessez de recom- mander. Si l’on rapproche les faits constatés dans cette lettre de ceux que j'ai rapportés précédemment, on est frappé de leur concordance, malgé la profonde différence des terres de MM. Pozzi-Escot et G. Dethan. En sol siliceux, comme en sol calcaire, l’acide phosphorique etle nitrate de soude ont donné ou rendu au blé, après les rigueurs extrêmes de l'hiver, une vigueur remarquable permettant à la plante de taller, de se développer incomparablement mieux que les blés voisins et de résister aux atteintes de la rouille, qui, à Mont-de-Neyrac comme à la Côte, a porté le dernier coup à la récolte des voisins de mes correspondants. 180 kilogr. d’acide phosphorique dans le cas de l'emploi des scories; moitié de cette dose environ dans Île cas des superphosphates, préférables en sol calcaire, ont suffi, avec l’aide de 60 à 200 kilogr. de nitrate (à l’hectare), suivant les al- lures de la récolte, à produire des rendements presque égaux à ceux des terres de première qualité du centre ou du nord de Ja France, tant en grain qu’en paille. Les rendements obtenus à Mont- de-Neyrac sur de petites surfaces ont été atteints el parfois dépassés en grande culture à la Côte; enfin, la densité du grain (poids de l’hectolitre) a dépassé de beaucoup, surtout à Mont-de-Neyrac, celle des misérables blés de la région. L. GRANDEAU. ET DES JARDINS. 409 FUMURE DES CHAMPS LA *608 EG : axe1oouj 8 ‘sque[d op axquou 9j feuu0f09 2g EJ 2p AUBI »F} PJ 2948 9u0009 asalurerd ef p eUBI, JF EL OP UON98SHAUI, & AUOT 00 ‘OZ uw 2p 21NE] 2P 2UN,J SAUBISIP SOUS, SO ANS JueW02E/ 80, p (9 ‘wp e exo ep sowmod sop gqued ‘oplwuexe sed ‘e uo,j1S “durego un suep quejsixe sjue[d op o1quou 97 onb 1sute ‘**-918 ‘asgrauojqnoy eun,p ‘ou$ia eun,p uouvoio e] anod ‘oxeloou aed ‘ouwssoogu sjuejd op aiquiou of ‘spnoeo Sue “euIWI219p & 1108 JO M ‘A 18 [OLUL ‘H 2p reupuayrn ne ogjunidue ‘o[qei 21329 ‘} L88 & 006 & 66T £& OLL& F9c ç 980 & 966 & 097 & TICF 906 & GET G FFPF T68 G &0T 8689 2T6 6TO8 Fr69 £FG 6 798 8 000 OT TITI O0C &T C8 FI 299 9T 000 08 000 S& 666 66 LPGTI 000 OT 98 OT 969TT SST 6T 860 CT FFC LT £COT& 9T6 98 880 C£ F6L&T O80 TT [TTTIE 9e ET 688 ST £L8CT 8TG 8T &eG CG SL LG 660 LE 9C8 FT 9FE ET F9LTE &L20£T 902 FT 108 9T 809 6T 68 68 &IF 68 8TG 66 &86 ST TF8 6T 096 3L GES ET Ga9 CT LG8 LT 668 08 000 Ca OC& TE 199 TF &TO8T Ca9 ST ££g ST CTSTT 299 9T 8FrO06T CCG CG 299 93 666 66 TFF TP S6F 08 ZLL LT 98 TL GLS CT LC8 LT 807 08 608 £& TLG 88 LATTES GT9 LP c9c 63 80F 08 786 ST F60 LT TI68 6T 8161 T9 Ca 692 0€ 197 86 &S& IG 166 LG 699 68 299 9T 81TCS8T £68 08 608 £8& 8LL LG 666 66 299 TF 9cc CG G20 88 8LL LG &ST 8T &06 08 LGL 6G 726 CG 60€ 08 696 9€ 121414 909 09 < LG 8C0 £6 000 08 CCE CE 000 €& TLC 88 66e 66 000 0F 000 0G 199 99 88T 97 000 0F GGE CG 6918 SL 16 9FLTIE 960 26 114422 9cc GG 990 F2 T&0 LC 886 Gr 000 €& 8LL LG 0GG TE LATATS 299 TF 000 0G 00€ 39 666 68 G9T 82 00€ #9 LC 8e JFLIS FIL CE 9T80F 8T9 LT GTI LG 6G&r TL 868 G6 6C F6 T69 T8 66666 LEO L£ 199 TF 6T9 LF 966 CG 299 99 666 €8 TTL TT 00€ 88T TITTIT 000 0F 11124: 000 0G GPE LG 29999 000 08 000 O0T 666 66T &CL F8T 000 09T 000 0G 96 GG 00€ 89 88&r IL 666 68 000 O0T : 000 G&T 299 99T C19 88 000 0C& 299 99 FLO FL 666 €8 868 C6 TITIIT 666 66T 299 99T CGG CGG 8PI 6TG PP VFF 000 00T JIT TIT 000 G&T LCS &TT 299 99T 000 008 000 06& 666 666 002 FCIT 000 000 T I, mm — > “2181994 ,] & SPald 0p o1quOoN *syueçd ap a1quon “LNANAL 00‘wuT 06 ‘10 | 08‘u0 | OZ ‘uO 09‘"10 0G‘ xO | 0%‘x0 | OZ ‘0 © -UVON 14A4LOV,T AG ANN,I SHNDOIT SA SLNUNALAVOY ‘SHONOPNINË "AYAVA “(oouoourmb ue 49 914189 ue : out] ue suorjequeld) axeJ9ou, e soquerd op e1quon DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE (RONGEURS ET INSECTES) PAR LES MALADIES CONTAGIEUSES Par Jean DANYSZ IMPORTANCE DES PERTES ET ORGANISATION DES MOYENS DE DÉFENSE Les pertes occasionnées par les animaux nuisibles se chiffrent par centaines de millions. Le hannelon et sa larve, le ver blanc, dé- truisent annuellement, d’après les évaluations de M. L. Grandeau, pour 300 millions de francs de récoltes, les mulots et les campagnols en enlèvent presque autant, la noctuelle des moissons el le nématode ne laissent rien sur les champs de betteraves; les innombrables espèces de pucerons, dont le phylloxéra est le plus redoutable, ra- vagent les vignes et les arbres fruitiers ; le charançon, l’éphestia et plusieurs espèces de mites s’attaquent aux grains et aux farines; enfin, les champignons parasites, les moisissures, qui s’attaquent indifféremment à toutes les substances alimentaires dans les champs et dans les magasins, complètent la série de ces pertes et ravages, dont le Lotal atteint certainement, s’il ne dépasse pas, le quart de toutes nos récoltes. Abandonner ces richesses aux parasites, c’est perdre en grande partie la plus-value en récoltes que l’agriculture espère obtenir par DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES À L'AGRICULTURE. 4ll la culture intensive, et naturellement plus cette culture devient coù- teuse, plus considérables et plus sensibles deviennent en même temps les pertes. Ce serait, en effet, une grave erreur que de croire que, dans les pays infestés d’une façon chronique par les campagnols, les vers blancs, ou tout autre insecte, on obtiendra des rendements plus forts au moyen des semailles plus intenses et des amendements appropriés. Le cultivateur se dit qu’en semant deux quintaux de blé par hectare au lieu d’un et en ajoutant au fumier des phosphates et des nitrates, il fera la part du feu et obtiendra tout de même une belle récolte. Malheureusement ce raisonnement est loin d’être juste. Les para- sites de l’agriculture, les insectes comme les rongeurs, se plaisent bien davantage dans les terres fertiles et dans une végétation riche et luxuriante que dans les terres maigres où il n’y a que peu de chose à manger. Les animaux qui vivent aux dépens de nos récoltes se développent d'autant mieux et deviennent d'autant plus nombreux qu'ils trouvent une nourriture plus abondante, c’est un fait bien reconnu aujour- d’hui. D'autre part, la culture répétée d’une denrée sur le même champ favorise le développement de certaines espèces d'insectes qui, trouvant toujours une nourriture abondante, se multiplient d’une façon tout à fait anormale. Le bénéfice des cultures intensives de- vient ainsi fort souvent illusoire. Il faut donc se défendre contre les animaux nuisibles et cette défense, qui amënera la diminution pro- gressive des pertes, doit être conduite d'une façon tout aussi métho- dique, elle mérite tout autant d'intérêt et de soins que l’ensemble des moyens mis en jeu par l’agricullure moderne pour augmenter le rendement de la terre. La science met chaque jour entre nos mains des moyens de dé- fense nouveaux ; on n’a qu’à les mettre à profit et donner à cette défense contre les animaux nuisibles l’organisation conforme à l’im- portance des intérêts engagés. Les résultats deviendront certainement très vite appréciables ; mais il ne faudrait pas croire pourtant que le mal sera enlevé du jour au lendemain comme avec une baguette magique. 412 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. De même que pour amender une terre et en augmenter le rende- ment, il faut, pour défendre les récoltes el diminuer les pertes, des efforts persistants et soutenus; mais combien peu de chose seront ces efforts en comparaison avec le résultat final ! Prenons, pour fixer les idées, comme exeïinple une ferme de 50 hectares de bonnes terres fortes cultivées en blé et en prairies artifi- cielles, comme on en rencontre beaucoup dans les départements de Est. — Supposons cette ferme infestée par les campagnols, qui causent, au bas mot, une perte moyenne de 20 fr. par hectare, soit 1 000 fr. par an. Cela fera pour un bail de 12 ans une perte totale de 12 000 fr. Or, avec une dépense de 5 fr. au maximum par hectare, tous frais compris, continuée pendant deux années, on peut détruire tous les campagnols et pour toujours. La dépense pour la destruction de ces animaux s’élèvera donc à 250 fr. par an, soit à 900 fr. en tout, au maximum, Le fermier aura, par conséquent, réalisé de ce chef, au bout de 12 années, un bénéfice de 11 000 fr. en chiffres ronds. On pourrait en dire autant des vers blancs, des noctuelles, néma- todes, etc., dans les champs, des éphestias dans les moulins, des cha- rançons dans les greniers el les granges, etc., etc. La recherche des movens de destruction des animaux nuisibles est une science qui demande tout autant d'application el mérite tout autant d'intérêt que toute autre branche des sciences agronomiques. Elle mérite d’être tout autant répandue et vulgarisée, et, une fois bien appliquée, elle permettra au cultivateur de profiter réellement des amendements et des améliorations coûteuses qu’il s’efforce d’in- troduire dans la préparation de ses terres pour en augmenter le rendement. Comme nous le verrons plus loin, les maladies contagieuses donnent au cultivateur des moyens de défense bien plus efficaces, en même temps que plus simples à employer et moins coûteux, que tout ce que l’on à préconisé jusqu’à présent pour détruire les ani- maux nuisibles. Grâce à l’heureuse initiative de M. Le Moult et aux travaux de MM. Giard, Prilleux et Delacroix, on connaît aujourd'hui un champi- DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 413 gnon parasite qui cause une maladie mortelle aux hannetons et aux vers blancs ; d'autre part, une épidémie spontanée que nous avons eu l’occasion d'observer chez les campagnols qui infestaient une localité voisine de Paris, nous a permis de trouver et d'étudier un microbe très virulent pour tous les petits rongeurs connus en France. Des travaux très importants et très concluants quant aux résultats obte- nus, ont élé faits sur ces sujets en Russie et aux États-Unis d’Amé- rique. Aussi, ayant suivi de très près les expériences et les essais, faits jusqu’à présent, nous croyons pouvoir affirmer aujourd’hui que cette nouvelle méthode de défense à fait ses preuves ; qu’elle peut passer définitivement dans le domaine de la pratique et que, bien appliquée, elle seule finira par avoir raison de ces terribles ennemis de l’agriculture. CHAPITRE PREMIER LE CHOLÉRA DES RONGEURS NUISIBLES (Gampagnols, mulots, souris et rats) Les campagnols font le désespoir des cultivateurs depuis que l'on cultive la terre. Dès la plus haute antiquité, dans l’ancienne Grèce surtout, ces petits rongeurs ont acquis une célébrité presque aussi triste que les vols de sauterelles en Égypte. On les rencontre dans toute la zone tempérée et même dans les régions froides de l'Asie, de l’Europe et de l'Amérique, où ils sont, de tous les mammifères, certainement les plus nombreux. En France, où on les confond généralement avec les rats et les souris sous le nom de mulols, on en connait quatre espèces et plu- sieurs variétés. Le campagnol des champs (Arvicola agrestis ou arvalis), le plus répandu de tous, occupe les riches plaines de l'Est, du Nord-Est d’une part, celles du Sud-Ouest et plus particulièrement la région comprise entre Paris, Bordeaux et Nantes d'autre part. 414 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Le campagnol souterrain (A. sublerraneus) préfère les plaines basses aux régions montagneuses. En France, il habite surtout les prairies humides, les vallées boisées au pied des montagnes et les prés salés au bord de la mer. | Le campagnuol roussâtre (A. rutilus) est une espèce plutôt monta- gnarde. On le rencontre dans le massif des Alpes et des Pyrénées où 1l s'élève jusqu’à la limite des neiges perpétuelles ; on le trouve aussi sur les hauteurs du Languedoc et du Roussillon. Enfin, nous avons encore, répandue dans toute la France, la plus grande espèce en genre Arvicola, le campagnol amphibie ou rat d’eau qui habite les berges des cours d’eau et des étangs. Les deux premières espèces qui habitent et nichent dans des ga- leries souterraines, parfois très étendues et profondes, sont aussi les seules réellement dangereuses aux récoltes. Dans les régions où il y en a, une invasion est à craindre chaque année et alors toutes les récoltes sont ravagées. Ils apparaissent presque subitement, vers la fin de l'été, en légions innombrables, ne respectant ni les plantes fourragères, ni les céréales ets’attaquant même aux vignes et aux jeunes arbres dont ils rongent l'écorce et les racines. Dans le courant de ce siècle on a gardé, en France, la mémoire de neuf grandes invasions de campagnols. — En 1801, toute la France septentrionale et centrale fut ravagée ; les départements de la Vendée, des Deux-Sèvres et de la Charente-Inférieure perdirent presque toutes leurs récoltes. Une commission nommée par l’Aca- démie des sciences pour constater les dégâts causés, releva pour quinze communes seulement du département de la Vendée une perte de 3 millions de francs. — En 1829, 32, 56, 63, 67, 72, 80 et 84 et enfin en 1892 il y avait des invasions partielles ou générales qui ont occasionné des pertes se chiffrant par 10, 15 et même 90 millions par département. La question de la destruction des campagnols était donc de tout temps d’une importance capitale pour l’agriculture, et on peut même affirmer qu’elle devient chaque année plus importante. Nous n'avons vu, en effet, que trois grandes invasions dans la première moitié de ce siècle, cinq invasions entre 1850 et 1880, et trois dans la der- DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 419 nière douzaine d'années. Il semblerait donc que ces invasions de- viennent de plus en plus fréquentes et comme la valeur de la terre, les frais d'exploitation et de culture deviennent en même temps chaque année plus élevés, les pertes le deviennent, par conséquent, aussi dans la même proportion. L'étude de cette question a donc été l’une des premières dont a eu à s’occuper le Laboratoire créé à la Bourse de commerce de Paris dansle but spécial d’étudier les moyens pratiquement appli- cables pour défendre les cultures contre les animaux nuisibles. Nous avons dit plus haut que les campagnols se montrent tou- jours presque subitement vers la fin de l’été; or quelles sont les causes de ces apparitions subites? de quelle façon se produisent les invasions aussi intenses et parfois aussi générales à certaines époques ? C’est ce qu'il fallait d’abord bien établir pour chercher un moyen de défense rationnel et radical. On a admis pendant bien longtemps — et cette opinion est encore aujourd’hui généralement accréditée chez les cultivateurs — que les campagnols sont des animaux migrateurs; et, en effet, quand on observe la vie de ces rongeurs dans une région délerminée pendant plusieurs années de suite, on voit leur nombre augmenter et dimi- nuer en certaines saisons et en certaines années sans aucune tran- sition apparente. Peu nombreux au printemps, on les voit parfois apparaître en légions innombrables en septembre et octobre et dis- paraitre complètement en décembre ; la croyance à des invasions subites suivies par des émigrations en masse semblait donc très admissible. Or, d’après les recherches de Crampe, confirmées par celles de Ritzema Bos et par nos propres observations, on peut toujours admettre avec certitude que, quel que soit le nombre de campagnols dans une région à un moment donné, ils sont tous nés sur place. Ils s'étendent bien d’un champ sur d’autres champs voisins en les envahissant progressivement dans toutes les directions et formant, pour ainsi dire, des taches de plus en plus larges, mais n’émigrent jamais au loin en troupes nombreuses, comme, par exemple, les lemmings en Scandinavie ou les tamias et spermophiles (marmottes 416 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. de Sibérie) qui descendent par centaines de-millions des hauteurs de l'Oural et envahissent les plaines de la Russie orientale. L'intensité et la rapidité de leurs invasions sont dues exclusive- ment à la fécondité incroyable de ces rongeurs, fécondité favorisée encore par la prépondérance numérique constante des femelles sur les mâles. La saison des amours commence avec les premiers beaux jours de printemps, c’est-à-dire, dans nos régions, bien souvent en février; la femelle porte dix-huit jours et met bas cinq à sept petits, qui à deux mois sont déjà adultes et prêts à la reproduction. Dix à douze jours après la naissance des petits, les femelles peuvent s’accoupler à nouveau, de sorte qu’un couple de campagnols, en supposant que le premier accouplement ait lieu le 20 février, don- nera dans le courant de la belle saison : La. — 920 février. Premier accouplement. 8 mars. Première portée : 7 petits dont 5 femelles. 46. — 20 mars. Deuxième accouplement. 8 avril. Deuxième portée : 7 pelits dont 5 femelles. Nous aurons donc en avril 16 campagnols. Les campagnols qui ont passé l'hiver donnent rarement plus de 3 portées dans le courant de la deuxième année ; ils meurent géné- ralement au commencement de l’été. La première portée (14) du 8 mars donnera : 24. — S mai. Premier accouplement, fin avril . HU RENTE asc ei DER 26 mai. 1°° portée : 5 femelles dont chacune donnera 4 petits. . . 20 20, — 8 juin. Deuxième accouplement : | 26 juin. 2° portée : 5 femelles dont chacune donnera 4 petits. . . 20 } 95 2c. — 26 juillet. 3° portée : 5 femelles dont chacune donnera 5 petits. 29 24. — 16 août. 4° portée : 5 femelles dont chacune donnera G petits. , . 30 La portée 15 du 8 avril au 26 septembre donnera un nombre de petits égal à celui dela portée la; s0it: 4 1709 MO EMNRNt CARNET ENS ENULOUL ;e EM NN EN TEE PE CICRE Ainsi, un seule couple adulte au mois de février peut donner en automne 206 descendants, auxquels peut venir encore s’ajouter la descendance des portées 24 (60 petits en juillet), 2b (60 petits en août); de sorte que, dans des conditions exceptionnellement favo- DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 417 rables à leur reproduction, la descendance d’un seul couple peut dé- passer le nombre de 350 individus dont, en moyenne, 250 femelles. Dans un champ d’un hectare sur lequel il serait resté au sortir de l’hiver 150 campagnols, c’est-à-dire un nombre à peine appréciable, il y en aurait donc en juillet déjà plus de 10 000 et en septembre plus de 20 000 individus par le seul effet de leur multiplication normale. Heureusement pour l’agriculture, les campagnols ont des ennemis naturels aussi nombreux que variés : les portées de septembre et d'octobre n'arrivent généralement pas en pleine vigueur avant l'en- trée de l’hiver et les premières intempéries les font souvent périr presque complètement; les gelées tardives du printemps, quand elles surviennent brusquement après quelques jours d’un temps sec et doux, détruisent un grand nombre de femelles pleines et de petits nouveau-nés. Les oiseaux de proie et les petits mammifères carnas- siers, tels que les taupes, les musaraignes, les hérissons, les petites belettes et même les renards leur font une chasse impitoyable pen- dant toute l’année. Enfin, quand en l'absence de ces différentes causes de destruction, ou malgré elles, le nombre des campagnols devient extrêmement grand en automne, la rapidité et l'intensité de leur mulüplication devient elle-même la cause principale de leur disparition en masse. En effet, quand ils deviennent extrêmement nombreux dans un espace donné, comme ils gaspillent encore plus qu’ils ne mangent, ils finissent presque toujours par manquer d’aliments substantiels ; alors, affaiblis par une nourriture insuffisante, ils sont envahis à leur tour par des insectes et champignons parasites (puces, tiques, etc.) et enfin, ils sont décimés par des maladies épidémiques d’au- tant plus meurtrières pour eux qu'ils sont plus nombreux. M. Ritzema Bos relate plusieurs cas d’épidémie charbonneuse parmi les campagnols en Allemagne ; nous-même, nous avons eu l’occasion d'observer, depuis que nous nous occupons de cette ques- lion, une disparition presque complète de ces rongeurs à la suite d’une épidémie d’une nature spéciale qui s’est déclarée spontané- ment au commencement de l'hiver de 1892 dans une ferme du dé- partement de Seine-et-Marne, et qui s’est prolongée jusqu’en février de l’année suivante. ANN. SCIENCE AGRON. — 1893, — 1. 97 418 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Bien que l’on n’ait constaté l'apparition spontanée de ces épidémies que dans quelques cas isolés, il est très probable que toutes les grandes invasions se terminent toujours ainsi. Il en résulte toujours une destruction naturelle de presque tous les campagnols dans la ré- gion infestée ; aussi n’a-L-on jamais observé deux grandes invasions se suivant pendant deux années conséculives dans la même contrée. Nous avons représenté l’évolution des campagnols dans un champ ou dans une région par deux tableaux graphiques qui n’indiquent bien entendu que des moyennes, mais donnent une idée très exacte de l’augmentation et de la diminution successives de ces animaux dans le courant d’une année et pendant une période de dix ans. Sur le tableau n° 4 on voit 150 campagnols répandus sur un champ en février se multiplier progressivement et augmenter en nombre de mois en mois, atteindre en septembre le chiffre de 24000 à 25 000 individus, restér dans ce champ jusque vers le milieu de novembre et disparaître rapidement dans les derniers Jours de novembre et en décembre, La cause de cette brusque disparition a été, dans ce cas, une épidémie spontanée. Le tableau graphique n° 2 représente l’évolution des campagnols pendant une période de dix ans, de 1880 à 1890. Les deux grandes invasions en 1880 er en 1884 sont suivies, la première de trois an- nées, la deuxième de six années pendant lesquelles le nombre des campagnols n’était pas bien considérable. On remarque également que l’année qui suit immédiatement une grande invasion est géné- ralement plus pauvre en rongeurs que les années suivantes et que c’est du nombre des campagnols au printemps et de la température en avril que dépend principalement leur nombre en automne. La nature nous fournit donc elle-même le moyen de défense le plus sûr et le plus rapide contre ces animaux par trop prolifiques ; malheureusement, les maladies contagieuses ne se déclarent spon- tanément que quand tout a été ravagé et mangé dans les champs envahis ; de plus, une épidémie spontanée n’est pas toujours sans danger pour les animaux de la ferme ou le gibier. Nous avons vu plus haut qu’on a observé en Allemagne des épidémies de charbon et rien ne s'oppose à ce que, dans d’autres cas, ces maladies ne soient dues à des microbes également pathogènes pour les animaux DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 419 de la ferme et pour les petits rongeurs. Il peut donc en résulter une épizootie Lout aussi désastreuse pour le cultivateur que le sont les campagnols eux-mêmes. Pour s’en faire une arme défensive contre ces animaux, il faudrait donc réglementer, pour ainsi dire, ces épidémies : choisir celles qui ne peuvent être nuisibles qu'aux petits rongeurs et créer des foyers d'infection au moment le plus opportun pour prévenir les grandes invasions. Des essais, déjà assez nombreux, d'application des cultures arti- ficielles de microbes pathogènes à la destruction des animaux nui- sibles ont donné des résultats très encourageants. Au mois d’avril 1892, M. Leœæffler, professeur de bactériologie à Greifswald (Alle- magne), à réussi à modérer une invasion des campagnols qui mena- çait les récoltes de l’une des plus riches régions de la Thessalie, avec les cultures de son bacillus typhi murium qu’il a découvert sur les souris blanches de son laboratoire et qui s’est montré pathogène pour les campagnols ; en France, nous avons eu l’occasion d’ex- périmenter et d’essayer en grande culture les microbes provenant de l’épidémie que nous avons observée et étudiée dans le départe- ment de Seine-et-Marne. LE VIRUS N° Î Le microbe que nous avons trouvé sur les campagnols morts de l'épidémie observée en Seine-et-Marne est un bacille le plus sou- vent court et gros, mais présentant des formes très variées et dis- semblables suivant les milieux et les conditions de culture. On le trouve toujours dans le sang et dans tous les organes d’un animal mort de cette maladie ; même l'urine et le liquide du tube digestif ensemencé sur gélose , nous en ont donné souvent des cultures pures. Il se développe très rapidement et en grande abondance dans tous les milieux nutritifs artificiels connus. Exposé à une tempéra- ture de 18 à 20 degrés, un ensemencement du sang, par exemple, donne des cultures très apparentes et abondantes en 24 heures. Cul- üvé sur gélose, il donne d’abord des colonies rondes qui s’étalent rapidement, se confondent les unes avec les autres et finissent par 420 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. former une couche uniforme d’un gris-sale, légèrement verdâtre. Exposée à une température de 12 à 18 degrés, la culture se déve- loppe progressivement pendant 15 jours environ, ensuite elle semble disparaître, elle devient de plus en plus transparente et un mois après l'ensemencement la gélose redevient claire et transparente comme si elle n’avait jamais contenu des cultures. Il n’en contient pas moins une couche sensible et on peut s’en convaincre aisément en grattant la surface avec un fil de platine et en réensemençant sur d’autres milieux. Sur gélatine les cultures s’étalent moins, mais conservent, par contre, beaucoup plus longtemps leur apparence primitive. Gardées à l'abri de la lumière et à une température ne dépassant pas 18 degrés, les cultures peuvent conserver leur virulence pendant très longtemps. A doses égales, les cultures de six et huit mois nous ont donné les mêmes résultats que les cultures de 8 ou 15 jours. Toutefois 1l n’en est pas toujours ainsi ; des cultures d’un mois nous ont donné quelquefois des résultats négatifs, de sorte que, dans la pratique, pour obtenir des résultats certains, on devrait employer de préférence les cultures de 8 à 20 jours. L'action du virus n° 1 à été expérimentée sur toutes les espèces de souris et de campagnols connues en France : Mus musculus, M. sylvatlicus, M. raltus, M. decumanus, Arvicola arvalis, A. subter- raneus, À. rutilus et À. amphibius. I s’est montré extrêmement virulent pour toutes les espèces de campagnols, pour les souris do- mestiques, les mulots des bois et des jardins et les rats noirs; — son action sur les gros rats gris est moins prononcée. La maladie produite par ce microbe est toujours mortelle pour les petits rongeurs et extrêmement contagieuse, une simple cohabi- tation suffit pour que l'infection soit communiquée par un animal malade à tous ceux qui l'approchent; ainsi toutes les souris bien portantes enfermées dans une grande cage avec une souris inoculée succombent toujours à la même maladie. À l’autopsie on trouve généralement l’hypertrophie de la rate (cet organe devient deux ou même trois fois plus volumineux qu’à l’état normal), la dégénérescence graisseuse du foie plus ou moins pro- noncée et une congestion générale de l'intestin et du péritoine. La DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 421 durée de l'incubation est très variable suivant la force de résistance des individus et aussi suivant les différentes espèces de souris et de campagnols. Une injection hypodermique de 1/10 de centimètre cube d’un bouillon de culture de deux jours tue les souris généralement en 12 à 24 heures; toutefois nous avons observé des cas où la mort des individus inoculés n’est survenue que 5 et même 8 jours après l’opé- ration. Absorbé avec les aliments, le virus semble agir beaucoup plus rapidement sur les campagnols et les mulots que sur les souris do- mestiques et les souris blanches des laboratoires. Pour les campagnols et les mulots, l’incubation peut durer 2 à 12 jours, pour les souris domestiques 5 à 20 jours. Quelquefois on observe des cas de mort foudroyante — l'animal meurt en quelques beures. La maladie ne devient manifeste qu’un ou tout au plus deux jours avant la mort. Le premier symptôme est une forte diarrhée, peu après on observe comme une paralysie de l’arrière-train, les jambes de derrière semblent inertes, l'animal se met en boule et ne bouge plus de place jusqu’à la mort, il se laisse prendre à la main sans manifester le moindre mouvement de frayeur. C’est à cet état, pendant qu’ils sont encore malades, que les campagnols sont achevés et mangés par ceux d'entre eux qui sont encore bien portants. Ces différences très sensibles dans la durée du temps d’incubation observées chez les individus de la même espèce ou appartenant à des espèces différentes peut provenir d'une prédisposition spéciale à la contagion plus grande chez certains individus que chez d’autres el peut-être aussi du degré de virulence des cultures que nous avons employées. Cette dernière supposition nous a donné l’idée de sélectionner les cultures suivant que la mort des individus inoculés était plus ou moins prompte. L'ensemble des observations recueillies ne nous a pas encore fourni de données suffisantes pour nous permettre d’en ürer des conclusions dès à présent, mais nous croyons pouvoir affir- mer que ce genre de recherches donnera certainement des résultats intéressants. 492 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Premières expériences. Avant de mettre Le virus à la disposition des cultivateurs, nous avons fait expérimenter son action dans les champs infestés par les rongeurs dans un certain nombre d’écoles pratiques d’agriculture et notamment aux Merchines (Meuse) et à Berthonval dans le Pas-de- Calais. Aux Merchines l’expérience a été faite en mars et avril 1893 sur un champ de luzerne presque complètement ravagé. Elle a été dirigée par M. Julien Krantz, directeur de l’école et propriétaire du domaine. Au commencement de mars, M. Krantz a fait distribuer dans les champs infestés du pain imprégné de virus en plaçant un morceau de ce pain dans chaque trou de souris. À partir du quatrième jour après cette opération on trouvait dans le champ en expériences et aux alentours des campagnols morts à la surface de la terre. En avril, on a fait défricher une partie du champ de luzerne. La charrue a mis alors à jour les galeries souterraines remplies de cadavres de campagnols, tous plus ou moins rongés. (Les campagnols dévorent leurs morts et c’est à cette pratique qu’est due la propagation rapide de la maladie.) Le résultat obtenu a dé- passé les espérances, les campagnols ont été complètement détruits non seulement sur le champ de luzerne en expérience, mais aussi sur une certaine étendue des champs de blé contigus. L'expérience des Merchines a été pleinement confirmée par celle qu’a faite M. Dickson, directeur de l’école d'agriculture de Berthon- val, sur des souris et des campagnols, tant en captivité que dans les champs. M. Dickson a constaté que les campagnols succombent plus rapidement que les souris domestiques, que ceux qui survivent man- gent toujours les cadavres des premières viclimes, aussi bien en li- berté qu’en captivité, et enfin, que ces cadavres, quand ils sont man- gés par les animaux de la ferme, poules, lapins, canards, chiens, etc., ne produisent sur eux aucun effet nuisible. DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 423 Application en grande culture, dans les jardins et dans les magasins. Après que les expériences des Merchines ct de Berthonval ont dé- montré l'efficacité et les avantages de destruction des rongeurs par le virus contagieux, un grand nombre de cultivateurs ont demandé de l'appliquer dans leurs champs, et nous avons pu faire ainsi toute une série d’essais pendant les mois d'août, de septembre, d’octobre et de novembre. Nous n’en citerons que quelques cas se rapportant à trois espèces de rongeurs différents. 1° Destruction des campagnols sur Le terriloire de la commune de Payns (Aube). Les terres de Payns sont très légères et friables avec du sable pour sous-sol. On y cultive principalement du seigle, un peu de blé, d’a- voine, peu de prairies artificielles. Les cultivateurs comptent ordinairement une année de mulots sur deux, ce qui veut dire que bien qu'il y ait des campagnols chaque année, ils ne deviennent très nombreux et dangereux pour les ré- coltes que tous les deux ans. L'année 1892 ayant été une année de mulots, il y avait donc lieu d'espérer qu’en 1893 il y en aurait moins. Toutefois la séche- resse et la chaleur exceptionnelle du printemps et de l'été de 1893 ont été tellement favorable à la multiplication et au développement des campagnols, qu’une grande invasion élait à craindre pour l’au- tomne. La configuration du pays est très favorable pour le développement des campagnols. C’est une vallée plate, large de 10 à 15 kilomètres, coupée par la Seine et bordée des deux côtés par des coteaux mar- neux. Les campagnols apparaissent en grand nombre ordinairement en juillet et en août au bas de ces coteaux, se répandent ensuite peu à peu dans la plaine jusqu'aux bords de la Seine. Les années d’invasion, les semailles d’automne sont généralement 424 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. complètement perdues, les grains sont mangés pour ainsi dire der- rière le semoir, les prairies artificielles sont parfois rasées en une seule nuil. Devant ce danger menaçant, le conseil municipal de Payns a dé- cidé, sur la proposition d'un de ses membres, M. N. Sainton, de faire aux frais de la commune un essai de destruction des rongeurs par le virus contagieux. La première opération a été faite le 22 août dans les conditions suivantes : 930 tubes de cultures virulentes de huit jours ont été dilués dans 10 litres d’eau ; dans cette solution on a trempé 12000 morceaux de pain blanc de 1 centimètre cube environ. Ce pain préparé a été distribué sur une étendue de 20 hectares ; on plaçait un morceau de pain dans un trou sur quatre en moyenne. Les 5 et 6 septembre suivant on a t'ouvé des campagnols morts un peu partout sur les champs en expérience. Le 13 septembre on a labouré un champ de 35 ares criblé de trous (en moyenne 10 trous par mêtre carré). Au moment du labour on n’a trouvé dans ce champ qu'un seul Campagnol vivant, huit jours après le labour on n’a trouvé sur toute l'étendue de ce même champ que 50 trous de campagnols. Ces 90 trous furent de nouveau garnis de pain imprégné et fermés quelques jours plus tard — ils ne se sont plus réouverts. Sur d’autres parties des 20 hectares en expérience dans les champs de sainfoin, on ne trouvait qu’un trou réouvert, en moyenne, sur cent fermés. L’essai a donc donné des résuliats complètement satisfaisants. Deux distributions successives à un mois de distance ont suffi pour détruire tous les campagnols. Les frais de cet essai se sont élevés en tout à : 80 tubes de virus à 12 fr. les 10 tubes. . : . . . . 361,00c 6 kilogr. de pain à O fr. 35 c. LR ME 200 50 heures de main-d'œuvre à 0 fr. 50 €. . , . . . . 25 ,00 63°, 10° pour 20 hectares, c’est-à-dire à 3 fr. 15 c. par hoctare. DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICGULTURE. 425 ® Destruction des campagnols el des mulots au hameau « La Borde », près Bar-sur-Seine (Aube). Sur la demande de M. Guyard, président de la Société d’agricul- ture et du Syndicat agricole de Bar-sur-Seine, nous nous sommes rendu le 29 septembre 1893 au hameau La Borde où des champs, d’une étendue de 50 hectares environ, étaient fortement infestés par les petits rongeurs. | Nous constatons d’abord que la situation du hameau et la nature de ses terres se prêtent très bien au développement des campa- gnols. De bonnes terres fortes, argileuses, assurent une grande consis- lance aux nids et aux galeries souterraines des rongeurs ; d'autre part, les pentes assez prononcées de tous les côtés permettent l’écou- lement facile des eaux et empêchent les inondations qui, dans d’autres conditions, détruisent un grand nombre de ces animaux au printemps et en aulomne. L’inspection des champs envahis nous montre que le nombre de lrous varie de à à 15 par mètre carré ce qui, en comptant 1 rongeur pour à trous, en moyenne, donne 10 000 à 50 000 de ces animaux par hectare. Des pièges placés la nuit dans les champs envahis ont pris quelques rongeurs et nous avons pu constater la présence dans ces champs de campagnols (Arvicola arvalis) et de mulots (Mus sylvaticus), ces derniers dans une proportion bien moins forte. La distribution des cultures virulentes a été faite dans les conditions suivantes : 120 tubes de culture de 5 et de 6 jours ont été dilués dans 50 litres d’eau bouillie et salée. Dans cette solution on a trempé 80.000 morceaux de pain bis de 4 à 1 1/2 centimètre cube. Le pain trempé a été distribué dans les champs à raison d’un petit cube par trou nouvellement frayé, c’est-à-dire, en moyenne, dans un trou sur Six. L'opération a occupé 20 personnes pendant trois journées succes- sives, environ ? heures par jour, de # à 6 heures. L’inspection des trous le lendemain de chaque distribution à mon- 426 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. hé que le pain introduit dans les trous a été mangé dans le courant de la nuit. Des pluies assez fortes sont tombées pendant les trois jours qu'ont duré les opérations. Déduction faite de nos frais de voyage qui ne peuvent pas êlre com- pris dans les frais de l'expérience, ceux-ci se sont élevés à la somme totale de 456 fr. à savoir : 120 "tubes A OLPC Re Er UE 90 fr. 2OKIOSr AE PAIN A ON DIRE RE PR 6 t20heurestde travail a 0 fre DICO ENPRSRERRREE 60 OAI A PERTE 156 fr. Ce qui fait, au prix de la main-d'œuvre (0 fr. 50 c. l'heure), prix certainement exagéré, parce que, les virus n'étant nullement dange- reux, on peut employer des enfants pour le distribuer, une dépense totale de 3 fr. 10 c. par hectare. La préparation du pain et sa distribution a été faite en présence de M. Guyard, des membres du bureau du Syndicat agricole de Bar- sur-Seine et de M. R. Danguy, professeur départemental d’agri- cullure. Occupé à la préparation des virus que les cultivateurs nous de- mandaient en quantités de plus en plus considérables, 1l nous a été impossible d'aller sur place constater par nous-même les résultats de cette expérience. C’est à l’obligeance de M. R. Danguy, qui a con- signé ces résullats dans un article publié par l’Agricullure nouvelle (n° du 18 décembre 1893), que nous devons de les connaître d’une façon exacte. « L'opération faite vers la fin de septembre, écrit M. Danguy, quinze jours après, dans une luzerne traitée, Lrois souris seulement étaient remontées, vivantes encore, mais déjà paralysées. Dans une luzerne voisine, non traitée, plus de cinquante rongeurs en parfait état se montraient sous le soc de la charrue, un bien plus grand nombre se dérobait aux regards. « Dans les éteules, même réussite, un grand nombre de souris mortes et quelques-unes en partie dévorées par leurs congénères se découvraient. » DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 4277 3° Destruction des mulols (Mus sylvaticus) dans un verger. Un verger d’une étendue de deux hectares et appartenant à M. Ch. Lambert, du Havre, a été envahi par les mulots (M. sylvaticus). Les ravages causés étaient fort importants, les rongeurs mangeaient et détérioraient des fruits de luxe, des pommes, poires et pêches. Six tubes de virus dilués dans deux litres d’eau et répartis sur 2 000 morceaux de pain ont suffi pour détruire complètement les A mulots et arrêter les dégâts. Æ# Destruction des souris (Mus museulus) dans les magasins. M. Boutroux, officier d'administration comptable des subsistances militaires à Amiens, a employé un tube de virus pour détruire les souris ordinaires (Mus musculus) dont était infesté un des magasins qui se trouve sous sa surveillance. Vingt jours après la distribution du pain imprégné, toutes les souris ont disparu dans le magasin en expérience ; et comme dans les autres magasins également infestés les souris pullulaient toujours, on peut en conclure que leur disparition dans le local en expérience était bien due à l’action du virus. Instructions. Pour détruire les campagnols ou les mulots dans les champs, d’une façon complète et définitive, il faut faire deux ou trois opéra- tions successives et procéder de la façon suivante : 1° Première distribution de cullures virulentes. Dans tous les pays infestés d’une façon chronique, les campagnols ou les mulots deviennent les plus nombreux aux mois d’août et de septembre. C’est à cette époque que le virus agira le mieux parce que préci- sément grâce à la réunion d’un grand nombre de ces animaux qui 428 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. vivent en famille, — sur un espace donné — l’épidémie se propagera rapidement et sera très mortelle. Les premières distributions de pain imprégné de cultures virulèntes doivent donc commencer en août aussitôt après les récoltes de cé- réales et peuvent être continuées en septembre et octobre sur les champs de pommes de terre, de betteraves, sur les prairies aruifi- cielles, etc. Cette première distribution de virus détruit généralement 90 à 95 p. 100 des rongeurs qui infestaient les champs. L’épidémie ainsi provoquée se prolonge d’elle-même pendant six semaines au moins. Les résultats obtenus par ce premier traitement peuvent être appréciés de différentes façons. Le plus simple est de faire labourer les champs 15 jours à six se- maines après la distribution du pain. On trouvera en labourant des cadavres dans les terriers et pas du tout ou très peu de campagnols vivants. Après le labour on ne trouvera que très peu de trous nou- vellement ouverts à la surface du sol. Dans le cas où les champs en expérience ne seraient pas labourés en automne, on fermera les trous un mois après le premier traite- ment en y faisant passer une herse ou un rouleau. Quand il s'agira de prairies artificielles ou naturelles il ne sera pas indispensable de fermer les trous pour reconnaître si les campa- gnols ont disparu. Le cultivatèur saura facilement reconnaitre s’il y a encore des trous fréquentés et nouvellement frayés. Très souvent on trouvera des cadavres à la surface du sol. Pour celte première opération, on ne doit pas ménager le pain préparé, 1l faut en mettre un morceau dans chaque trou frayé. Suivant l’importance de l’invasion il faut employer pour cette pre- mière opération 3 à 10 tubes par hectare. 2% Deuxième distribulion de cultures virulentes. Avec une seule opération on n'obtient que bien rarement la des- truction complète des petits rongeurs. — Il faut donc compléter la première opération par une deuxième en garnissant à nouveau les trous nouvellement ouverts (sur les champs labourés ou hersés) DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 429 ou encore fréquentés, avec du pain préparé de la même façon que la première fois. Cette deuxième opération doit être faite un mois ou six semaines après la première. — On y emploiera 1 tube de virus pour 2 ou 3 hectares. 3° Troisième opéralion. Les quelques campagnols qui pourraient encore résister à l’épi- démie ne seront plus gênants pour les cultures d’hiver. — II n’en restera en effet que 40 ou 50 par hectare au plus et les dégâts qu’ils peuvent causer dans le courant de l'hiver seront en tout cas absolu- ment insignifiants. Il en serait tout autrement toutefois, si on laissait ces quelques campagnols se multiplier au printemps suivant ; chaque couple don- nerait 300 rejetons dans le courant de la belle saison et en automne les champs se trouveraient repeuplés à nouveau. Une troisième opération est donc souvent nécessaire au printemps pour obtenir un résultat définitif. Après les deux premiers traitements en automne, il ne restera sur les champs, comme nous venons de le dire, qu’une cinquantaine de campagnols par hectare, cette troisième opération ne sera donc ni difficile, ni coûteuse. Pour détruire ces derniers rongeurs on peul encore employer le virus, mais il serait peut-être tout aussi simple d’avoir recours à tout autre moyen. Les campagnols sont en effet, dans ce cas, trop peu nombreux et en même temps trop disséminés pour qu’on puisse compter sur le développement d’une épidémie, c’est-à-dire sur la propagation de la maladie par contagion ; un empoisonnement ou des pièges don- neront le même résultat. Les frais de la troisième opération qui doit être faite dès le début de la belle saison, en février ou mars, ne dépasseront pas 0 fr. 90 c. par hectare. L'ensemble des frais pour ces trois opérations : achat de virus et du blé préparé, le pain et la main-d'œuvre, ne dépassera certaine- ment pas à fr. par hectare; faites avec soin sur toute l'étendue des 430 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. champs envahis, ces trois opérations successives permellront de dé- truire les campagnols d'une facon complèle el pour loujours. Le traitement en trois opérations, tel que nous venons de l’indi- quer, est le plus rationnel el le moins coûteux. En procédant ainsi on détruira tous les rongeurs (nous disons bien lous sans en excepter un seul) en une année. Le coût de ce traitement est tellement minime en comparaison de l’importance des dégâts causés par les campagnols qu’il nous semble inutile d’insister sur les avantages qui en résultent; toutefois, nous tenons à ajouter que, si les exigences de la culture ou des causes d’une autre nature ne permettaient pas de l’appliquer à la fois sur toute l'étendue des champs envahis, ou de les commencer en au- tomne, il est possible d’arriver au même résultat final par une série d'applications partielles en automne el au printemps, ou bien pen- dant l’une ou l’autre de ces deux saisons. L'important est de poursuivre la destruction avec persévérance et de ne s’arrêter que quand tous les rongeurs auront disparu. Fait ainsi d’une façon partielle à tour de rôle sur les différents champs d’une ferme ou d’une région envahie, le traitement devra être pro- longé pendant deux ou trois ans, mais sera tout aussi efficace. D'une manière générale, que l’on commence le traitement au printemps ou à l'automne, il faut procéder de la façon suivante : 4° Faire une distribution de virus (pain trempé dans une solution de cultures virulentes) 15 jours ou mieux trois semaines avant le labour, sur tous les champs qu’on aura à labourer ; 2 Faire une deuxième distribution de virus sur les mêmes champs, 8 jours après le labour, en garnissant de pain préparé tous les trous qui se seront réouverts à nouveau ; 3° Détruire les campagnols qui auraient pu résister encore (après un hersage ou un autre travail par lequel les trous réouverts seront fermés une deuxième fois), par lemploi du virus ou d’un toxique si les campagnols sont très peu nombreux. En un mot il faut saisir toute occasion, tout travail dans les champs (labours, hersages, roulages, etc.) envahis permettant de vérifier d'une façon certaine lesrésultats obtenus, pour faire une première opé- ralion et en refaire une seconde, et une troisième si c’esl nécessaire. DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 431 Dans les prairies et les bois on peut fermer les trous avec une bêche ou tout simplement en marchant dessus. Ainsi que nous l’avons montré dans un travail précédent ?, les cam- pagnols vivant en France, tout en étant de tous les mammifères les animaux les plus nuisibles à l’agriculture, ne sont pas migrateurs et ce fait facilite leur destruction. Les générations qui se succèdent toujours restent cantonnées dans les mêmes champs et ne s’en ré- pandent à l’entour qu’en automne (en septembre et octobre) dans les années mémorables, mais relativement rares, de très grandes invasions. Le traitement partiel des champs, à tour de rôle, aura donc toute son efficacité, il n’est pas à craindre en effet que les champs une fois traités soient envahis à nouveau par des campagnols venus des champs voisins, avant que ces derniers n'aient été traités à leur tour. Mode d'emploi du virus n° 1. Le virus n° 1 est préparé dans des tubes en verre sur une couche de gélatine végétale. Ces tubes sont fermés avec un bouchon de ouate. Pour se servir des cultures virulentes qui recouvrent la surface libre de la gélatine et y forment une couche grisâtre, on délaye le contenu du tube dans de l’eau salée, dans laquelle on trempe du pain, des grains ou, à défaut de ces produits, toutes autres substances dont les souris ou les campagnols sont friands. Voici de quelle façon il faut procéder* : On prépare une solution de 10 gr. de sel de cuisine dans un litre d’eau, on fait bouillir dans une casserole et on laisse refroidir. Avec ce liquide refroidi, on remplit jusqu'aux deux tiers environ (après avoir enlevé le bouchon de ouate) le tube contenant le virus, on secoue fortement jusqu'au moment où la gélatine se sera déta- chée du verre et on verse le contenu dans la casserole. La gélatine n'étant pas facilement soluble dans l’eau, il faut écraser avec la main les morceaux qui sont restés compacts. 1. Revue scienlifique, n° 11, 2° semestre 1893. 2, Procédé indiqué par M. Lœfier. 432 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Du pain blanc rassis est ensuite coupé en cubes de 1 à 2 centi- mètres de côté. Ces petits cubes sont jetés dans la casserole, et lorsqu'ils sont suf- fisamment imprégnés du liquide, ce qui a lieu au bout d’une à deux minutes, ils sont retirés et jetés dans un vase. On peut imprégner au moyen d’un litre de ce liquide environ 1 000 à 1 200 de ces cubes. Pour la destruction des souris, mulols et campagnols, on doit prendre deux tubes par litre d’eau. On distribue ensuite le pain coupé, de préférence pendant l’après- midi; on place un morceau de pain dans chaque trou, ou on en ré- pand dans les endroits visités par les souris. Le virus doit être employé aussitôt que le tube a été ouvert. On ne peut conserver ni la solution, ni le pain imprégné pendant plus d’une journée. Pour obtenir de bons résultats dans les champs envahis, il faut employer en moyenne » tubes par hectare. On peut remplacer le pain blanc par du pain bis ; dans ce cas, ce dernier doit être bien rassis de quatre ou cinq jours, et comme ce pain boit moins d’eau que le pain blanc, il faut préparer des solu- tions plus concentrées : prendre quatre tubes par litre d’eau au lieu de deux, et tremper dans celte solution 2000 à 2400 petits cubes de pain bis au lieu de 1 000 à 1 200. De sorte que la dose de virus répandue sur chaque morceau de pain soit toujours la même. Quant à la place du pain on trouvera plus commode d'employer du grain (blé, orge, avoine ou maïs), il faut faire concasser ce grain grossièrement en le coupant en deux ou trois parties et le tremper dans une solution très concentrée : dix tubes par litre d’eau. On fera tremper dans un litre de cette solution environ deux litres de grains, en remuant de temps en Llemps pour que les grains soient également trempés. Le liquide qui restera pourra reservir à tremper une nouvelle portion de grains. Le résidu, petits débris et farine, qui restera au fond du vase doit être employé de la mème façon que le grain. Si, au moment de la distribution du pain préparé, il pleuvait ou DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 433 faisait bien froid, on devrait préparer des solutions plus concerftrées : prendre quatre tubes par litre d’eau pour le pain blanc ou huit tubes pour le pain bis et mouiller le pain moins que dans les conditions ordinaires, toujours en conservant les mêmes proportions de 1 000 petits cubes de pain par tube de virus. Enfermé dans une boîte, à l’abri de la lumière et dans un endroit dont la température est comprise entre 5° et 25°, le virus n° 1 con- serve toutes ses propriétés pendant plusieurs mois; toutefois le maxi- mum de virulence et de développement des cultures est obtenu gé- néralement cinq à vingt jours après la préparation du tube; c’est donc des cultures fraîches qu’il faut employer de préférence. VIRUS N° 2? POUR LA DESTRUCTION DES RATS Les premiers essais de l’action du virus n° 1 sur les différentes espèces de rats ont donné, comme nous l'avons dit plus haut, des résultats variables et incertains. Inoculées à l’aide d’une seringue de Pravaz (dans ce cas le virus est introduit dans l’organisme par une piqüre sous la peau ou dans les muscles), toutes les espèces de rats mouraient après une période d’incubation de deux à quinze jours. Nourris avec des aliments im- prégnés de cultures virulentes ou avec des organes de souris tuées par ce virus, les rats d’eau proprement dits, à courte queue velue (Arvicola amphibius), ct les rats noirs (Mus raitus) succombent aussi rapidement que les campagnols et les souris. Pour les gros rats gris, appelés aussi rats voyageurs (Mus decumanus), les plus forts, les plus répandus dans le monde entier et en même temps les plus nuisibles, l’action de ce virus s’est montrée le plus souvent insufisante. Il en mourait bien quelques-uns, la plupart devenaient manifestement malades, mais ne succombaient pas. Ce virus est donc bien pathogène pour ces animaux, mais il n’est pas suffisamment actif pour les tuer. Ce fait donnait à supposer qu’en augmentant la virulence des cultures par une préparation spé- ciale, on arriverait peut-être à atteindre ces redoutables rongeurs, qui sont devenus dans certains pays un véritable fléau des cultures ou plantations, à l’égal des campagnols dans l’Europe septentrionale. ANN. SCIEXCE AGRON. — 1893. — 1. 28 434 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Au Brésil, au Mexique, dans les Antilles, dans presque toutes les iles de Océan Indien, où les plantations de cannes à sucre et de cacao ont pris une grande importance, le rat, amené primilivement dans les ports sur des navires, s’est répandu de là dans les champs cultivés et y cause des dommages extrêmement importants. Grâce à l’obligeance de deux de nos correspondants, M. le docteur Desenne, de l’ile Maurice, et M. Bordaz, de la Martinique, nous avons pu réunir un certain nombre de renseignements sur l’histoire naturelle de ces rongeurs et des données statistiques précises sur l’importance des pertes dont ils sont la cause dans ces pays. « Les deux variétés de rats que nous avons ici, nous écrit M. De- senne, ont été introduites dans le courant du xvir° siècle. Les Portu- gais, à l’époque de la découverte de l’île, n’en font aucune mention, de même les Hollandais à leur première tentative de colonisation. Ce n’est qu’à leur deuxième descente dans l’île que le nombre pro- digieux des rats obligea les Hollandais à abandonner la colonie. Tout élait dévasté et détruit. QIl paraît même que si la France, qui occupa l’île le 1°* septem- bre 1715, n’avait pas obéi à de hautes considérations politiques pour se maintenir dans ce poste de l’Océan Indien, elle aurait certaine- ment suivi l'exemple des Hollandais. «Il semble le plus probable que c’est à la suite d’un naufrage que les rats ont pu aborder dans notre île. En effet, dans l’archipel d’A- galéga, les rats sont encore aujourd’hui inconnus sur toutes les îles, sauf une seule où ils ont pénétré à la suite du naufrage d’un navire de commerce. € Trouvant là, comme à Maurice, un sol et des conditions clima- tériques favorables, ils y ont pullulé de façon à envahir tout : les champs et les habitations. « La nature du terrain a aussi une grande importance sur le plus ou moins grand développement des rats dans une région donnée ; il y en a généralement beaucoup plus dans les terres rocheuses que dans les terres franches. € Ainsi, sur deux plantations d’à peu près la même contenance (3 000 hectares), éloignées l’une de l’autre de trois à quatre kilo- mètres à vol d'oiseau, on a pris au piège : DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 439 « À Saint-Aubin (terres franches), du 1° janvier au 31 décembre 1892, 4 853 rats: « À Bel-Air (terres rocheuses), du 2 mars au 27 août 1893, 5 A0 rats. « L'écart des chiffres saute aux yeux, les terres rocheuses ont fourni plus de rats dans un semestre que les terres franches dans une année, toutes choses étant égales d’ailleurs. « Les poisons (strychnine, arsenie, etc.) éveillent très vite la mé- fiance de ces animaux, qui ne s’y laissent plus prendre; les pièges qui en ont pris une fois n’en reprendront plus s'ils ne sont pas pas- sés chaque fois à la flamme d’un feu de paille. « Voici maintenant comment les rats s’y prennent dans leur œuvre de destruction. « Le rat s'attaque toujours aux nœuds inférieurs de la plante, non pas parce qu’ils sont plus à sa portée (il est grimpeur par excel- lence), mais bien parce qu’ils sont plus sucrés que les nœuds supé- rieurs. « Il ne jettera pas la canne à bas, il y fera une forte encoche puis passera à une seconde, à une troisième, elc., jusqu’à ce que son appétit soit satisfait. La canne n’en meurt pas, mais il est inutile d'insister sur les effets destructeurs d’une brise un peu forte sur une telle plantation et des éléments de fermentation que des cannes coupées dans ces conditions apportent forcément aux jus à mani- puler. «Il y a des années où la dévastation est plus importante que dans d’autres, et cela tient à ce que la canne n’est pas toujours également riche en sucre. Or les années où la canne est moins riche en sucre, le rongeur en passe un plus grand nombre en revue jusqu’à ce qu’il en ail trouvé une à son goûl. «Pour l’île Maurice, les dégâts appréciables atteignent 20 millions de francs par an en moyenne. » En Europe, en dehors de quelques régions de la Russie voisines de l’Ural, d’où 1l semble originaire, le rat gris ou fauve (Mus decu- manus) n'est guère connu que dans les granges, greniers, écuries, etc., en un mot dans les fermes et dans les villes, quelquefois dans les jardins, mais jamais dans les champs. 436 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Si l’ensemble des dégâts qu’il peut occasionner ainsi peut devenir parfois considérable, jamais ces pertes n’atteignent l'importance de celles causées par ces mêmes rongeurs dans les plantations de canne à sucre et de cacao, ou celles causées par les campagnols et les mu- lots dans nos champs. Aussi, si la question de la destruction des rats n’a pas pour nos pays la même importance que celle de la destruction des cam- pagnols, elle présente par contre un très grand intérêt pour un certain nombre de nos colonies, et nous avons été très heureux quand, après une série d'expériences, nous avons fini par obtenir des cultures assez virulentes pour atteindre les gros rats gris fauve. Le virus n° 2 est préparé avec le même microbe que le virus n°1, mais il est rendu plus actif que ce dernier par une série d’inocula- tions successives sur des rongeurs de plus grande taille. Ce virus a été employé pour la première fois au mois de juin 1893 au château de la Boissière (Indre-et-Loire), une grande propriété infestée par les rats, appartenant à M. J. de Forestier, comte de Coubert, qui, avec beaucoup de bonne grâce, a bien voulu nous prêter son concours pour l’expérimentation pratique de nos virus. Voici un extrait des observations que M. de Forestier, comte de Coubert, nous a communiquées : « Nous croyons avoir obtenu un excellent résultat avec le virus n° 2 que vous nous avez envoyé. Les rats extrêmement nombreux qui infestaient tous les bâtiments de la ferme, les écuries et les berges d’un cours d’eau qui traverse le parc, ont complètement dis- paru. « Les tubes ont été employés exactement comme vous l’avez indi- qué, et les rats ont bien mangé dans la nuit le pain imprégné de virus, distribué la veille au soir. Les résultats ne deviennent guère appréciables que dix à quinze jours après l’opération. On voit alors des rats, qui sortent de leurs trous en plein jour, courir avec diffi- culté et se laisser attraper par des chiens sans opposer aucune résis- tance. De plus, une odeur de pourriture qui se dégage des endroits précédemment habités par ces animaux indique bien qu’il y a des morts dans les trous. DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 4317 « Voilà nos observations, et c’est mon jardinier, fort sceptique pour toutes ces nouveautés, qui a été obligé de le reconnaitre. » Instructions. D'une manière générale, il est plus difficile de détruire les rats que les campagno!s, les souris ou les mulots. Plus agile, plus remuant et surtout plus intelligent que les petites espèces de rongeurs, le rat va souvent chercher sa nourriture très loin de son nid, change de gite à la moindre alerte et se montre très défiant pour les appâts toxiques (préparations à base d’arsenic, de phosphore ou de strychnine). L'emploi d’un virus présente donc tout d’abord ce grand avan- tage sur les poisons que, ne commençant à agir que huit ou quinze jours après avoir été absorbé par l'animal, il n’éveille pas sa défiance à l'endroit du pain imprégné et peut être donné avec succès à plu- sieurs reprises. Pour obtenir un bon résultat, il faut autant que possible distri- buer la préparation virulente à la fois partout où.il y a des rats dans la localité infestée ; ainsi, s’il s’agit d’une ferme, il faut faire la dis- tribution en même temps dans tous les bâtiments infestés, placer quelques morceaux de pain imprégné dans tous les trous de rats et dans tous les endroits ordinairement visités par ces animaux. Dans les jardins ou dans les champs infestés par les rats, il faut garnir de pain imprégné tous les trous et terriers. Quinze jours après cette première opération, si le résultat définitif n’est pas obtenu, c’est-à-dire s’il reste encore des rats vivants, il est bon de refaire le même traitement une deuxième fois. Deux ou trois opérations, répétées à quinze jours ou trois semaines d’inter- valle, seront généralement suffisantes pour faire disparaître tous les rats. Il arrive quelquefois que cinq à huit jours après la distribution du virus, on constate la disparition subite des rats, on n’en retrouve ni morts, ni vivants dans les endroits précédemment infestés. L’explication la plus vraisemblable de ce fait que nous avons pu. constater plusieurs fois, c’est que ces animaux, très défiants et intel- 438 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ligents, ont cherché à fuir devant les premières atteintes de l’épi- démie. Dan; les pays où, comme à la Martinique ou à Maurice, les rats ont envahi les plantations et habitent dans les champs, le traitement à suivre doit être, en règle générale, le même que celui indiqué précédemment pour la destruction des campagnols. La distribution des virus devrait, croyons-nous, commencer aus- sitôt après la récolte et devrait être poursuivie pendant toute la saison qui correspond à notre automne. Mode d'emploi du virus n° 2. Pour produire un effet certain, le virus n° 2 doit être employé à un degré de concentration déterminé, 1° Délayer le contenu de chaque tube dans un décilitre d’eau préalablement bouillie et salée ; 2 Tremper dans ce liquide du pain blanc rassis coupé en petits cubes de À centimètre de côté, en plongeant successivement les morceaux, un à un, dans le liquide. Le pain doit être très peu mouillé. Bien agiter le liquide avant de s’en servir; 9° Placer les morceaux trempés dans un vase quelconque et les distribuer (de préférence tard dans la soirée) dans les trous et les endroits visités par les rats. Le contenu d’un tube suffit pour imprégner 75 à 100 petits cubes de pain. CHAPITRE II LA MUSCARDINE DU HANNETON COMMUN (MELOLONTHA VULGARIS) La muscardine, appelée par M. Giard Jsaria densa et par MM. Pril- lieux et Delacroix Botrilis tenella, et que l’on a appelée aussi mus- cardine rose, pour la distinguer de l’{saria densa (un champignon DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 439 parasite découvert par M. Metchnikoff et pathogène pour plusieurs espèces de coléoptères) dont les spores présentent une coloration vert intense, et du Botritis bassania, un> muscardine blanche, pa- rasite du ver à soie, est connue des mycologistes depuis fort long- temps déjà. Comme l’a montré M. A. Giard dans son remarquable travail sur ce sujet, la muscardine rose a été en effet décrite pour la première fois en 1809 par un naturaliste allemand, H. F. Link, sous le nom de Sporotrichum densum. La nature du parasite et son action sur l'organisme de linsecte ont été étudiées et décrites par M. À. Giard' et par MM. Prillieux et Delacroix *. Nous ne nous étendrons pas sur ces questions d’un intérêt purement scientifique, il ne nous semble important d’indiquer ici avec précision que les points suivants : 4° La façon dont la muscardine pénètre dans l'organisme du ver blanc et du hanneton ; 2° L'aspect que présentent ces derniers quand ils sont morts mus- cardinés ; 3° La façon dont la maladie peut se propager parmi les hannelons sortis de terre et parmi les vers blancs dans la terre. M. A. Giard croit que les hyphes des Zsaria sécrètent à leur extré- mité un liquide altérant la chitine et pénètrent ainsi dans le sang de l'insecte ; on peut admettre aussi que le champignon parasite pé- nètre dans l'organisme du hanneton ou de sa larve principalement par des déchirures accidentelles de l’enveloppe chitineuse dont les insectes sont entourés de toutes parts. On peut admettre que pour la larve cette condition essentielle de l'infestation se trouve toujours réalisée dans la nature. Le ver blanc est recouvert d’une enveloppe chitineuse relative- ment mince et tendre et ses mouvements continuels dans la terre doivent l’amener fréquemment en contact avec les surfaces ru- gueuses des cailloux, des éclats d2 verre ou des racines qui dé- 1. Alfred Giard, Zsaria densa, Link Fries, champignon parasite du hanneton com- mun (Melolontha vulgaris). [Bulletin scientifique de la France et de la Belgique, t. XXIV, 5 mai 1893.] 2. Prillieux et Delacroix : Le champignon parasile de la larve du hanneton (C. 2. de l’Acad. des Sc., 11 mai 1891). 440 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. chirent cette enveloppe et créent ainsi une voie d’accès facile pour le parasite. Les hannetons s’infestent tout aussi facilement que les vers blancs. Dans ce cas les germes de la maladie pénètrent probablement à l’in- térieur du corps à travers la chitine moins résistante des articula- ons et des trachées. L'aspect des hannetons ct des vers blancs infestés est très carac- téristique et facile à reconnaître pour tous ceux qui l’ont vu une seule fois. Nous empruntons à l’ouvrage de M. Giard, cité plus haut, la des- cription qu’il en donne avec beaucoup de précision et de détails. Quand un ver blanc meurt sous l’action d’un poison, d’un produit corrosif ou par suite d’une blessure, il devient rapidement noir et flasque ; quand, au contraire, il est atteint par la muscardine, il devient dur et présente une coloration rose. Ensuite, dans les endroits secs et dans les sols légèrement sablon- neux, les cadavres de vers blancs tués par l’/saria sont durcis, cas- sants el recouverts d’un mince duvet blanc qui occupe une étendue plus ou moins grande de la surface, ne laissant parfois à nu que les portions chitineuses épaisses, d’un brun rougeûtre, dont sont for- mées la tête et les pattes. Ce revêtement blanchâtre présente l’aspect d’une moisissure ou d’une substance pulvérulente, suivant que le développement du champignon est plus ou moins avancé, suivant aussi que le sol est plus ou moins humide. Au labour, les vers ainsi momifiés ramenés à la surface par la char- rue présentent l’aspect de petites concrétions calcaires. Dans les terres humides et argileuses, le champignon ne forme pas simplement une sorte de gazon enveloppant comme d’un linceul le cadavre du ver blanc; il émet en outre des prolongements irrégu- liers, longs parfois de 5, 6 centimètres et même plus. Ces prolongements agglutinent des blocs de terre, des racines des végétaux et autres corps étrangers. Ils s'étendent souvent d’une mo- mie à une momie voisine, réunissant par un réseau vivant toutes les victimes que le champignon a failes dans un espace déterminé. Les cordons ainsi formés sont couverts, comme le revêtement des DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 441 momies, par une fine poussière blanche qui laisse sur les doigts de l’observateur une légère empreinte, comme lorsque l’on manie un bâton de craie. C’est généralement à une profondeur de 20 à 35 centimètres que l’on rencontre le plus de vers momifiés dans les endroits où sévis- sent les épidémies naturelles d’Isaria. Chez le hanneton à l’état adulte, le revêtement blanchâtre ne s’é- tend que sur la surface ventrale de la tête et du thorax et se montre parfois à l'extrémité de l'abdomen. IL est très important de bien savoir reconnaitre un ver blanc ou un hanneton infesté par la muscardine; c’est, en effet, en distribuant dans les champs envahis par le ver blanc ces momies provenant des épidémies soit naturelles, soit arüficielles, que l’on propagera la maladie de la façon la plus facile et la plus sûre. Le mécanisme de la propagalion d’une maladie causée par un champignon entomophyte diffère essentiellement de celui qui carac- térise la transmission et la propagation des maladies bactériennes observées chez les animaux supérieurs. On sait que dans ce dernier cas, que la transmission se fasse par - l'air inspiré comme dans la rougeole, la diphtérie, la clavelée du mouton, la péripneumonie des bêtes bovines, etc., ou avec les ali- ments et l’eau de boisson, comme dans la fièvre typhoïde, le choléra de l’homme, le rouget et la pneumo-entérite du porc, etc., ou bien encore par contact, c’est-à-dire par dépôt du principe virulent sur une plaie, une gerçure de la peau ou sur une muqueuse comme pour la rage ou la syphilis, l'agent principal de la propagation est toujours le sujet malade. Pendant toute la durée de sa maladie et souvent encore quelque temps après sa guérison apparente, le sujet malade est un danger constant pour tous ceux qui l'entourent. Ses vêtements, ses excré- ments, sa salive, les objets qu'il touche contiennent des germes viru- lents, peuvent les répandre au loin et les transmettre à un nombre illimité d’autres sujets. En un mot, les maladies infectieuses causées par les bactéries sont transmissibles pendant la maladie, quelque temps après la guérison apparente et longtemps après la mort des sujets atteints. Les bac- 442 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. téries sont virulentes et peuvent communiquer la contagion à tous les états de leur développement connus, c’est-à-dire à l’état de fila- ments, de bâtonnels et de spores. Il en cest tout autrement dans les cas des maladies des insectes cau- sées par des champignons entomophytes et particulièrement dans le Cas qui nous préoccupe. L’Isaria densa ne devient facilement transmissible qu’à l’état de spores bien mûres, et ce n’est qu’à cet état seulement qu’on peut l’employer pour répandre la contagion. Les spores ne se produisent dans la nature sur des vers blancs ou hannetons infestés, ou sur des milieux nutritifs artificiels que quand le champignon se trouve dans un milieu favorable et quand il est arrivé à un étal de développement déterminé. Un ver blanc ou un hanneton muscardiné, déjà malade, mais en- core vivant, ne peut pas transmettre sa maladie à d’autres sujets, même quand il se sera trouvé directement en contact avec eux; il ne peut pas, non plus, répandre la maladie autour de lui par ses excré- ments ou les objets qu'il aura touchés; même le cadavre d’un insecte muscardiné (une momie) ne peut devenir une source de contagion pour ses congénères, qu'au moment où le champignon qui a déter- miné sa mort aura produit des spores. Ainsi, la muscardine du hanneton et du ver blanc ne peut pas être propagée directement par les sujets qui en sont déjà atteints, et ne devient réellement contagieuse qu’à l’état de spores müres ; les spores virulentes de cette maladie ne peuvent être répandues que par l'intermédiaire d’autres agents : le vent, la pluie et les êtres vivants qui s'étant trouvés en contact avec une culture sporulée transpor- teront les spores d’un endroit à un autre et peuvent les mettre en contact avec des hannetons ou des vers blancs. Ilest donc très important, dans la pratique, de savoir bien recon- naitre les cultures müres, bien sporulées (sur des momies ou sur des milieux artificiels), de celles qui ne présentent encore qu’un mycé- Hum stérile. Les cultures mûres peuvent seules, en effet, être em- plovées utilement et donner des résultats satisfaisants. Une culture non sporulée se présente sous l’aspect d’un fin duvet blanc pur, qui, même sous l’action de fortes secousses, ne se dé- DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 443 tache pas de l’objet sur lequel il est fixé, tandis qu’une culture bien sporulée présente une teinte jaunâtre et tombe en poussière à la moindre secousse. Une momie ou une culture sur pomme de terre sporulée tache les doigts comme un bâton de craie. Modes d'emploi préconisés et résultats obtenus jusqu’à présent. Le mérite d’avoir le premier, en France, songé à utiliser la mus- cardine comme agent destructeur des vers blancs revient à M. Le Moull, conducteur des ponts et chaussées et président du syndicat de hannetonnage de Goron. Ayant trouvé dans un champ des vers blancs muscardinés et ayant constaté ensuite que cette épidémie naturelle s’étendait d'elle-même et atteignait un nombre d'individus de plus en plus considérable, 1l a essayé Lout d’abord de propager la contagion en distribuant dans les champs envahis par le ver blanc des momies naturelles ou obte- nues au moyen d’inoculations artificielles. Ensuite, trouvant ce procédé peu pratique, M. Le Moult a entre- puis la préparation en grand des cultures d’saria densa sur pomme de terre et a conseillé de propager la contagion au moyen de ces cultures artificielles. Les premiers essais ayant donné à peu près partout des résultats négalifs, on à cru qu’en modifiant les modes d'emploi de ces cul- tures on obliendrait des résultats plus appréciables et on en a pro- posé un assez grand nombre. On a conseillé notamment les procédés suivants : 4° Quand on peut se procurer des vers blancs momifiés provenant soit d’un gisement naturel (ces gisements ne sont pas aussi rares qu’on pourrait le croire, nous en avons rencontré plusieurs dans le département de Seine-et-Marne, entre Crécy et Coulommiers), soit d’un champ précédemment traité par des cultures artificielles de muscardine, il faut répandre ces momies sur les champs infestés par les vers blancs pendant toute la durée de la belle saison, du mois d’avril jusqu’au mois d’octobre. Les momies doivent être placées dans des trous de 15 à 20 cen- 444 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. timètres de profondeur et ensuite recouvertes. M. Le Moult croit qu’en répandant ainsi 300 momies par hectare on peut obtenir un bon résultat. 2 MM. Prillieux et Delacroix ont conseillé de répandre la con- tagion au moyen de vers blancs infestés, mais encore vivants, en procédant de la façon suivante : Prendre une terrine plate, la tapisser d’une COUR de terre d’en- viron À centimètre (assez peu profonde pour que les vers ne- puis- sent s’y cacher), l’imbiber légèrement d’eau et y déposer une cen- taine de vers blancs; veiller à ce que la terrine soit assez grande pour que les vers ne se heurtent pas les uns contre les autres et ne se blessent pas avec leurs pinces. Il est de la plus haute importance que les vers ne meurent pas de mort naturelle pendant la durée du traitement par les spores du Botrytis tenella ; Prendre, avec un petit pinceau en crin, des spores soit sur une momie, soit sur une culture artificielle et toucher avec ce pinceau les vers un à un, de façon à les saupoudrer en entier ; Recouvrir la terrine de planches sur lesquelles on met de la mousse mouillée, et l’enterrer dans un endroit frais à ombre ; Au bout de 10 heures environ, les vers sont atteints de la ma- ladie. On les prend un à un, toujours avec assez de précaution pour ne pas les endommager ni les blesser, et on les disperse dans les diverses parties du terrain, à environ 20 centimètres de profondeur dans le sol. On les recouvre de terre. Choisir de préférence les endroits les plus attaqués par les vers blancs. Pour se rendre compte si la muscardine a réellement agi sur les vers blancs ainsi traités, il est bon d’en placer une dizaine dans un grand pot à fleurs rempli de terre et de les examiner 16 à 15 Jours après l’opéralion. 3° Dans le cas où on n’aurait pas de momies à sa disposition et que, pour une raison ou une autre, on ne pourrait pas en faire par le procédé que nous venons d'indiquer, on a proposé de remplacer les momies par des cultures sur pomme de terre. Ces cultures se présentent sous forme de bâtons de 10 centimètres de long, en moyenne. Chacun de ces bâtons peut être divisé en 15 à 20 morceaux et ces morceaux doivent être enfouis un à un dans a DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 449 terre, exactement de la même façon que les momies. Suivant l’inten- sité de l'invasion, on à conseillé d'employer 10 à 20 de ces bâtons par hectare. 4° On a également conseillé de répandre la muscardine dans les champs infeslés au moment des semailles sous forme de spores mé- langés à du sable fin ou à de l’amidon stérilisé. Dans ce cas on a préconisé divers procédés : Prendre pour véhicule de l’eau, c’est-à-dire diluer un tube de spores dans 100 litres d’eau et en asperger la terre un jour ou quelques heures avant le labour, de façon à les recouvrir de terre aussitôt que possible après l’épandage ; ou bien, mélanger ces spores à l’état sec avec les grains ou graines qu’on a l'intention de semer et les jeter dans la terre en même temps que ces derniers. (Bien entendu, le contact de ces spores n’a aucune action sur les grains.) 9° Une autre méthode encore consiste à saupoudrer les vers blancs avec la muscardine au moment des labours. On fait suivre la charrue par une personne munie d’un bol con- tenant des spores à l’état sec et d’un tampon de ouate ou d’un pin- ceau en crin. À l’aide de ce tampon ou de ce pinceau trempé préa- lablement dans les spores on touchera tous les vers découverts par la charrue de façon à bien les saupoudrer, sans les écraser, toute- fois, et on les recouvrira d’un peu de terre, pour qu'ils ne soient pas mangés par les corbeaux ou autres oiseaux qui en sont friands. On contaminera ainsi une grande quantité de vers blancs à peu de frais ; trois tubes de spores suffiront généralement pour un hec- are. 6° En dernier lieu, M. Le Moult propose de répandre les spores sous forme de cultures sur pomme de terre, en les jetant à la volée sur les champs. Il conseille d'employer 1 à 2 kilogr. de ces cul- tures par hectare. 7° M. Delacroix a préconisé encore, comme moyen de propagation de la maladie causée par la muscardine, de contaminer les hanne- tons à l’état adulte en procédant de la façon suivante : On délaye 2 ou 3 tubes de spores dans un seau d’eau ordinaire d’une contenance de 20 litres environ. Après l'avoir bien agitée, on 446 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. plonge dans cette eau autant de hannetons que l’on pourra s’en pro- curer et on les laisse s'échapper et s’envoler ensuite. Après une pre- mière fournée, on peut tremper dans la même eau une deuxième, puis une troisième fournée et ainsi de suite tant qu’on aura des hannetons à sa disposition et qu’il restera de l’eau dans le seau. Ce procédé à été essayé en grand par M. Gaston de Vaux qui se déclare satisfait des résuitats obtenus. Voici maintenant le récit de tous les essais dont les résultats ont été publiés jusqu’à présent et tels qu'ils ont été publiés : 4. — M. Le Moult a disséminé des cultures artificielles d’Isaria densa dans une pépinière de 50 ares environ appartenant à M. Robichon, de Goron. Le traitement eut lieu en septembre 1891. Au commencement de mai 1892, la pépinière était à peu près débarrassée de vers blancs et l'épidémie artificielle se propageait avec intensité. Chaque coup de bêche amenait à la surface soit une momie, soil une masse de poudre blanche provenant de la dissociation du cadavre et uni- quement composée de spores. (On n’indique ni la quantité de spores em- ployée, ni la façon dont elles ont été répandues). 2. — Chez M. Recton fils, au village de Verger, près de Goron, l'expérience a été faite dans une prairie. Dans la partie ravagée de cette prairie (00 ares environ) on avait créé 90 foyers d’infection (morceau de culture sur pomme de terre et sur viande). Les vers blancs y étaient très nombreux. Le traitement eut lieu en septembre 1891 ; le 30 mai 1892, écrit M. Le Moult, cette prairie est magnifique, .on n’y remarque plus aucune trace des ravages des larves. Mais le plus curieux, c’est qu'une parcelle située en face, de l'autre côté de la route, et qui n’avait pas été traitée, a profité de l’expérience faite dans la prairie, les spores y ayant sans doute été transportées par le vent. Je viens d'assister au labourage de cette parcelle. Les vers sains y sont encore nombreux, mais on trouve aussi des vers contaminés en très grande abondance (jusqu’à 60 par raie). J'ai déja ramassé près de 2000 momies dans ce champ. Or, le travail n’est pas terminé et j'espère bien en recueillir plus de 4000 (la superficie de ce champ est d’un hectare environ). On trouve ces momies à divers états d'avancement; les unes sont com- DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. +441 plètement envahies par le champignon qui s’est ramifié dans le sol ; la mort de ces insectes doit remonter au mois d'octobre dernier. D’autres larves sont bien recouvertes par le champignon, mais celui-ci n’est pas encore ramifié dans le sol; la mort doit remonter à plusieurs semaines. Puis, enfin, l’on trouve des larves dont la mort ne date que de deux ou trois jours seulement. Elles prennent cette teinte rosée que j'ai indiquée comme caractérisant la maladie. Il est enfin certain que parmi les-larves vivantes que l’on trouve dans ce terrain, un grand nombre sont atteintes et ne tarderont pas à périr; les autres auront certainement le même sort avant la transformation. Dans le deuxième champ d'expériences, d’une superficie de un hec- tare, où nous avons créé environ 100 foyers d'infection, j'ai également trouvé des vers contaminés, mais en moins grand nombre; d’ailleurs, les vers blancs y sont rares, le propriétaire du champ ayant toujours fait ra- masser les larves après la charrue. Mais dans le champ voisin, où les vers étaient extrêmement nombreux, j'ai pu constater le fait déjà cité plus haut : abondance de vers contaminés aux différents états. Puis, dans un autre champ un peu plus éloigné, j'ai encore constaté la maladie, mais n’ai pu trouver que des larves colorées, ce qui indique que le parasite ne s’y est introduit que tout récemment. Plus on se rapproche des parcelles traitées et plus les vers sont nombreux; plus on s’en éloigne et plus les momies deviennent rares. 3. — Le 16 juillet 1891, M. Leizour, professeur départemental de la Mayenne, écrivait au Journal d'agriculture pratique, t. WE, n° 29, p. 74-75 : Nous touchons enfin à la destruction complète des vers blancs {ures ou mans qui depuis si longtemps désolent les cultivateurs. L'œuvre est à peu près accomplie dans tout l'arrondissement de Mayenne, que nous avons récemment parcouru et sur les divers points duquel nous avons eu la satisfaction de constater en même temps que la présence du champi- gnon destructeur l’arrêt complet des ravages occasionnés par la larve du hanneton. Partout cette larve travaillait encore activement il n’y a pas plus de trois semaines et beaucoup de champs d’orge et de sarrazin ont eu à en souffrir ; puis tout à coup on a vu les récoltes atteintes reverdir; les vers ayant disparu comme par enchantement! Cette disparition, atiribuée par tous à une descente provoquée par les pluies et un abaissement très grand de la température, n’a été au contraire que la conséquence de la dissé- mination du champignon parasite et de la contamination des insectes. 448 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. On les trouve aujourd’hui, à des profondeurs variables, morts et en- tourés de la moisissure caractéristique ou mourants et présentant tous les caractères des vers atteints par le bienheureux champignon. Des essais exécutés en pleine terre à la fin du mois de juin nous per- mettent d'affirmer qu'il suffit d'introduire quelques vers contaminés dans les champs infestés du ver blanc, en ayant soin de les mettre en contact immédiat avec quelques vers sains, pour obtenir rapidement la destruction de tous ceux qui existent dans le champ. Les agriculteurs chez lesquels le ver blanc n’est pas atteint par la maladie n’ont donc qu’à se procurer, le plus tôt possible, pour profiter des chaleurs de l’été et de l'automne, des vers contaminés avec leur champignon et à les répandre dans leurs champs où ils ne tarderont pas à accomplir l’œuvre de destruction après laquelle ils aspirent. 4. — M. Charles Babinet annonce à M. A. Giard les résultats sui- vants : Paris, 16 décembre 1891. AAA Mon fils, inspecteur des forêts à Tours, ayant enfoui dans un carré de pépinière de deux ares, le 20 août, 4 ou 5 vers infestés, y a retrouvé le 47 octobre 150 vers, au moins, momifiés par le champignon, qui, d’ailleurs, étendait de tous côtés dans le sol ses cordons blancs de mycélium parfaitement visibles à l'œil nu. Ailleurs que dans le carré de deux ares le champignon ne s’est développé qu'après les pluies d'octobre. Les vers s’étaient enfoncés plus bas et on n’a rien constaté. Périront-ils Les lettres que nous venons de citer ont été publiées par M. A. Giard?, celles qui suivent ont été publiées dans le supplément du Bulletin du Syndicat central des agriculteurs de France du 1° avril 1893 ; ces lettres étaient adressées à MM. Fribourg et Hesse. Nous n’extrayons de ces lettres que les passages concernant les essais en plein champ, négligeant les petites expériences faites dans des caisses ou des pots à fleurs qui ne donnent aucun renseigne- ment intéressant ou nouveau. 1. M. Delacroix fait remarquer que la disparition apparente des vers blanes observée par M. Leyzour coincidait avec leur transformation en nymphes (Journ. d’agr. pral., tirage à part, Librairie agricole, 26, rue Jacob, Paris). 2. À Giard, loc. cil., p. 93 et suivantes. DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 449 5. — Lettre de M. de Bossereille (Maine-et-Loire) : 21 septembre 1891. 4 Vous me demanilez le résultat de mes essais de contamination des vers blancs. Je suis d'autant plus heureux de vous les transmettre que j'ai été pleinement satisfait des tubes que vous m'avez adressés. Le premier envoi est de fin juillet et le seconil de septembre. Les premiers tubes étaient destinés à mes propriélés des environs de Segré. Ne pouvant m'occuper moi-même de leur emploi, j'avais envoyé des instructions à mon garde. Il devait saupoudrer un grand nombre des vers étalés sur des planches et au bout de douze à quatorze heures les mettre dans des boîtes, dont le fond contenait une couche de terre légère (4 à 5 centimètres). Un lit de mousse recouvrant celte terre devait en maintenir l'humidité; ces boîtes furent placées dans différents locaux, voire même en plein air. C’est dans un appartement presque obscur et sous une tablette de verre que les résultats furent les meilleurs. Les insuccès partiels ont été dus à un excès d'humidité et aussi à une trop grande agglomération de vers. Les animaux se battent, se blessent avec leurs pinces et meurent. Au fur et à mesure que les vers étaient momifiés et bien roses, ils étaient déposés dans les champs avec deux ou trois centimètres de terre en couverture. En dehors de ces essais à l’intérieur, le garde devait saupoudrer des vers sur place sans les déranger. Il a été impossible de constater l’effet pro- duit, les vers pouvant être allés mourir fort loin du lieu de contamination. Cet essai a amené un résultat inattendu. Au commencement de décembre, le garde a trouvé sur terre, au mi- lieu d’un champ ensemencé, un ver couvert de mycélium, et ce, à 800 ou 1 000 mètres du point où les spores avaient été répandues. Je me crois aulorisé à conclure qu'il n’a pas été seul atteint et que le vent peut entraîner fort loin les spores du Botrytis, les pluies se chargeant probablement de les amener au contact des vers. Leltre du garde de M. de Bossereille : J'ai fait hier une bonne découverte en cherchant des vers vivants pour M. Fribourg. Dans le jardin de la ferme où j'avais été voir si un des gar- çons en train de bècher la vigne n’en trouvait pas, ayant remarqué quelque chose de blanc sur la terre retournée, je vis un ver parfaitement momifié. J'en ai trouvé cinq, et dans bien des endroits il n’y avait plus que la pous- sière blanche. Le ver était complètement défait ou bien il ne restait que la tête. Il a dû en être enterré beaucoup que je n’ai pas vus. Je suis allé dans la prairie où j'avais fait mes premières expériences et j'ai trouvé une dizaine de vers.-Là encore, il y en avait qui n’existaient ANN. SCIENCE AGRON. — 1893. — I. 29 450 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. plus, on ne voyait que l’emplacement du ver et une poussière d’un blane jaunâtre. Jen ai trouvé surtout aux environs des endroits où j'avais semé du Botrytis; mais aussi quelques-uns au loin. Il n’y a plus d’erreur pos- sible, le champignon est dans le pays et le premier fermier que je verrai labourer, je suivrai la charrue pour voir si je ne découvrirai pas quelque chose. Lettre du garde de M. de Bossereille, à Bellevue : 4 février 1892. Voilà la façon dont j'ai opéré pour contaminer les vers en plein champ. C’est le 8 août que j'ai reçu le premier tube de Botrytis de M. Fribourg et que j'ai commencé dans la prairie de la ferme de Riban. J’ai d’abord sou- levé l’herbe et saupoudré chaque ver sans les déranger et recouvert en- suite (il est possible qu’en saupoudrant avec la pointe de mon couteau, le vent ait emporté beaucoup de spores de Botrytis) ; dans ces endroits-là je trouve en ce moment beaucoup de vers contaminés. Ensuite, j'ai semé les spores sur la terre et donné un coup d’arrosoir dans un endroit où j'étais sûr qu’il y avait des vers — en ce moment, je trouve dans ces endroits des vers contaminés, mais en moins grande quantité que dans le pre- mier cas. Enfin, j'ai mis dans la prairie de Riban une trentaine de vers qui avaient passé quarante-huit heures dans du sable mêlé avec le Botrytis. D’après les recherches que j'ai faites, je trouve des vers momifiés un peu partout dans cette prairie (1 kilomètre). | Dans la prairie de la Ribaudière, où j'avais saupoudré et mis des vers ayant passé vingt-quatre heures dans le sable et le Bofrytis, une dizaine de jours plus tard (vers le 22 août), je trouve aussi des vers momifiés, mais en moins grande quantité. Dans la prairie de la première, où j'avais fait la même chose, je n'ai rien trouvé, mais là il y a beaucoup d'humidité, et je n'ai pas fait de grandes recherches. Dans les labours, au nord du Granlrais et de la Martinais et au midi de Bartort, je n’ai rien trouvé. J'en ai trouvé deux momifiés dans les labours à l’est de Riban (devant la maison). Le plus étonnant, c’est celui trouvé dans le champ de la Chouannière, à 900 ou 600 mètres d’où j'en avais mis. Je ferais bien, je crois, de voir autre part, à Maraus ou au Lion d’An- gers, dans des endroits où l’on n’a pas eu de Botrylis, pour voir si je ne trouverais pas de vers momifiés. S'il y en avait, ce ne pourrait être que le vent qui en aurait apporté de la Mayenne, au moment des labours, et de cette façon, cela marcherait DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 451 tout seul. Si on n’en trouve pas, il y aurait alors deux façons de propager : par le vent et par contact; pour ce dernier cas, je crois qu’une boîte à 2, 4 ou 6 compartiments où il y aurait terre ou sable avec de la semence de Botrytis, prise bien à point, et où l'on ferait passer vingt-quatre heures à un seul ver seulement par compartiment pour qu'ils ne se tuent pas entre eux. On arrive en peu de temps à contaminer un grand espace. Les vers que j'ai trouvés dans les champs mis sur du sable sous une cloche ont l’air de se remettre à pousser; il se forme dessus une petite mousse blanche ; je remarque que, là où j'ai commencé le premier à les expérimenter, Je trouve le plus de vers momifiés. Ces derniers sont à cinq centimètres du sol — les vivants sont enfoncés en ce moment jus- qu’au fond de la terre — et il est possible qu'il y en ait qui se soient enfoncés avec la maladie et qui soient morts, qu’on ne retrouvera pas. Cette série d'essais ne nous donne que bien peu de renseignements précis, si on a trouvé, en effet, dans les champs traités et dans le voi- sinage de ses parcelles, quelques vers muscardinés, le nombre des vers atteints relativement à ceux qui sont restés vivants semble tout à fait insignifiant. En somme résultat peu appréciable. 6. — Lettre de M. E. Devaux : La Bazoche, 19 novembre 1S91. Vous me demandez des renseignements sur les spores que vous m'avez fournies en vue de la destruction des vers blancs; je m’empresse de vous les envoyer, heureux s’ils peuvent vous être de quelque utilité. Après avoir procédé suivant vos indications, les corps de quelques vers blancs contaminés ont été répandus un à un dans une pièce de terre de neuf hectares plantée en betteraves, carottes et pommes de terre. La quantité de vers blancs y était incalculable, ils m'ont détruit les quatre cinquièmes de ma récolte de pommes de terre, et l’on a pu trouver à un pied quarante-deux vers. Pour ce motif, la récolte ayant été faite préma- turément, les vers contaminés ont été mis après celle-ci terminée, et voici ce que j'ai constaté. Lorsque, vingt-trois jours après, l’on a commencé les labours pour les blés, T5 à 80 p. 100 des vers retournés par la charrue étaient malades, les uns présentant tous les caractères indiqués dans vos instructions, les autres dans un état moins avancé, mais suffisamment atleints déjà pour n'avoir plus la force de s’enfoncer en terre et mourir sur place. Le succès élait tellement évident que plusieurs personnes de ma commune sont ve- nues ramasser des vers pour les mettre sur leurs terres. 452 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Dans mes betteraves, le résultat a élé bien inférieur, el c’est à peine si 12 p. 100 des vers étaient atteints quoique le labour eût été fait trois semaines où un mois après celui de pommes de terre. Pour moi, en voici le motif. Dans la portion plantée en pommes de terre, comme celles-ci venaient d’être arrachées, les vers se sont remués, ont couru à la recherche de nourriture et, par conséquent, ont répandu la maladie un peu partout ; dans les carottes et betteraves, au contraire, trouvant tout ce qui leur était nécessaire, ils n’ont pas bougé, car le ver blanc est essentiellement sédentaire. J'en conclus, par conséquent, qu’il est préférable d’ensemencer avec les spores les terres privées de récoltes et venant d’être labourées, la contamination se produisant presque instantanément. Un dernier mot en terminant, pour répondre aux craintes qui m’avaient empêché d’essayer le Botrytis tenella, dès son apparition, craintes que je sais être partagées par un grand nombre de personnes. Environ 250 ou 300 poules ont, selon leur habitude, accompagné les deux charretiers pendant tous les labours ; ce qu’elles ont consommé de vers blancs est incalculable, et pas une n’a été indisposée; c'est, je crois, la preuve évidente que ces spores ne présentent aucun danger pour les autres animaux. Le résultat accusé par cette lettre est plutôt trop favorable. I a suffi de distribuer quelques vers blancs contaminés sur un espace de neuf hectares, pour obtenir en %3 jours la destruction de 79 p. 100 des mans qui ravageaient ces champs. Or, nous savons qu’il faut au moins quinze jours pour qu’un ver contaminé se transforme en momie et produise des spores, qui seules peuvent, à leur tour, transmettre la contagion à d’autres sujets. Il aurait donc fallu que tous les vers blancs du champ en question soient venus en 2 ou 3 jours se frotter contre les momies sporulées pour devenir malades 5 ou 6 jours après. Cela nous semble inadmissible et si les 75 à 80 p. 100 des vers signalés dans la lettre comme malades étaient réellement muscar- dinés, il nous semble beaucoup plus probable qu’on se trouvait là en présence d’une épidémie spontanée. 7.— Lettres de M. J. Triboudeau (élève diplômé de Grand-Jouan) : Grand-Jouan, 13 novembre 1891. J'ai complètement réussi dans l'essai que j'ai tenté, mais avant de vous répondre, j'ai voulu me rendre compte de l'efficacité du procédé. Hier, DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 493 j'ai fait labourer la parcelle qui avait porté des betteraves et des carottes et dans laquelle j'avais créé des foyers d’infection. À chaque raie de charrue, les laboureurs trouvent trois à quatre mans plus ou moins con- taminés, les uns complètement recouverts du champignon destructeur, enveloppés comme dans un cocon blanc duquel se détachent en rayonnant les filaments du parasite cherchant une nouvelle victime. Les autres ont seulement les premiers anneaux de leur corps attaqués par la terrible moisissure et affectent particulièrement ia couleur violacée caractéristique. Chaque raie mesurant 100 mètres de long, 33 centimètres de large, a donc montré quatre turcs détruits, ce qui représente un nombre de 1 200 par hectare. Il est incontestable que la charrue n’a pas mis à nu toutes les larves et que ce chiffre est un minimum; nul doute donc que dans la période de trois années qui est nécessaire pour la transformation de la larve en hanneton on ne puisse arriver à détruire tous les vers blancs. Le 26 mai 1892. Monsieur, Depuis mes premiers essais de J’automne dernier, j'ai trouvé sur des parcelles distantes de cinq à six cents mètres du premier champ conta- miné un nombre assez grand de larves alteintes par le Bofrytis tenella et à une profondeur pour quelques-unes d'environ 0",30. Ge fait semble- rait donc indiquer que par un moyen quelconque la transmission et la propagation des spores ont dû s’opérer avant l'hiver ou les premiers froids, que, ceux-ci survenus, les turcs déjà malades s’enfonçant plus profondément ont trouvé la mort dans leurs quartiers d'hiver où ils sont restés momifiés. 8. — Lettre de M. Prévoleau : Augervilliers, 4 mai 1892, par Limours (S.-et-0 ). Îl m'est absolument prouvé aujourd'hui que le contact d’une des spores de ces tubes (cultures Fribourg et Hesse) suffit à faire périr un ver blanc, que ce ver, au bout d'un temps variable (de 2 à 3 mois, souvent plus, en hiver), donne une assez grande quantité de spores nouvelles qui donnent la maladie à des vers sains à la condition d’être mis en contact avec eux. De là à prédire le succès de cette méthode il n’y a qu'un pas. Je dois vous rendre compte des expériences qui m'ont fait connaître ces résul- tats. Dans le mode d'emploi des tubes, j'ai modifié le moyen indiqué en ce sens que j'ai contaminé les vers sur le terrain même, ce qui m'a per- mis de le faire en moins de temps, puisque je n'avais pas à les ramasser pour les rapporter ensuite. J'ai employé à cet effet un flacon à goulot plus large que les tubes, dans lequel chaque jour je mettais une petite quan- 454 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. lité de spores et un petit tampon de ouate fixé au bout d’un fragment d'aiguille à tricoter dont je me servais comme d’un léger pinceau pour saupoudrer les vers blancs. Aux labours de déchaumage, aux derniers labours de jachères, en août et en septembre, j'ai contaminé les vers de place en place par ce procédé et j'avais soin de les replacer dans la terre fraîchement remuée afin de leur éviter l’action du soleil et le choc de la charrue. Aux labours d'octobre, pour ensemencer en blé des terrains ainsi traités, je n'ai pu mettre à découvert une assez grande quantité de larves mortes enveloppées d’une moisissure blanche qui leur donnait l'as- pect de cocons de grosses chenilles. J’ai pu constater la maladie dans quelques parties que je n'avais pas traitées, ce que j'ai attribué au lrans- port de spores enlevées de mes flacons soit par le vent, soit par mes vè- tements. Je n’ai pas encore pu constater si, dans ces terrains, la maladie gagnait de proche en proche, mais j'ai traité de cette façon des embla- vures de trèfle incarnat que je labourerai en juillet, et là, je pourrai être fixé d'autant mieux que l'apparition des hannetons n'ayant lieu qu’en 1893 dans nos contrées, les vers contaminés et morts resteront seuls dans le labour à cette époque, les autres étant enfouis pour la métamorphose. 9. — Lettre de MM. Westerweller et Rigot, corralerie (Genève) : Genève, 7 novembre 1892, Nous avons mis en terre nos vers blancs badigeonnés conformément aux prescriptions contenues dans votre brochure le 28 juillet. Nous ne disposions pas d’une parcelle entourée de bois ou de chemins et avons fait l’essai dans une parcelle en culture (betteraves et fourrages verts) et dans une prairie contiguë. Nous avons utilisé deux tubes et contaminé environ 200 vers. Nous venons de labourer les parcelles en culture et avons constaté que nombre de vers sont complètement momifiés, les spores en résultant s’é- tendent dans le sol à plusieurs endroits et on le constate facilement. Mais nous avons retrouvé une quantilé assez grande de vers parfaite- ment sains et vigoureux. 10. — Lettre de M. Pailleret, agriculleur à Vauluisant, par Vil- leneuve-l’Archevéque (Yonne) : 26 octobre 1892. Je vous écris un peu tard, au sujet des tubes que vous m'avez expédiés en juin dernier. J'ai voulu, avant de vous écrire, posséder moi-même des renseignements certains au sujet de la propagation du Botrytis tenella. J'ai commencé mes expériences aussitôt les tubes reçus; j'ai obtenu de suite le Botrytis lenella, mais tout d'abord avec de nombreux échecs que DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 4)9 j'attribue à la sécheresse excessive dont nous avons été afiligés cette année. Comme je m'attendais à ce résultat, je n'avais disposé que de la moitié des tubes. J’ai attendu, pour employer l’autre moitié, une bonne pluie d'orage, qui est arrivée en juillet. Immédiatement derrière mes charrues, j'ai placé les vers contaminés ; malheureusement, cette fois encore, la terre est redevenue très sèche puisque nous avons eu deux mois (août et septembre) sans pluie. Néanmoins, au labour donné fin août, j’ai observé des vers momifiés ou atteints par le Botrylis lenella, dans la plus grande partie de la pièce de terre où j'avais expérimenté. Toutefois, comparée à l'immense quantité de vers blancs, la quantité était absolument négligeable et la lenteur de la propagation me paraissait un obstacle invincible. Il y a huil jours, j'ai fait donner le labour de semailles; cette fois-ci, j'ai été émerveillé par la quantité de vers blancs, morts, mourants ou at- teints par le Botrytis tenella. Dans certains endroits, la terre est remplie de taches blanches de Botrytis et la quantité de vers blancs est incalcu- lable. Ici, le résultat est certain et, je puis le dire, a dépassé mes espé- rances. A noter qu’il est impossible de se rendre compte du travail fait par les vers contaminés sans faire labourer ou bêcher tout le terrain sur lequel on à opéré, car le ver blanc voyage beaucoup avant de mourir. Je ne saurais trop engager ceux de mes collègues qui sont affligés par le même fléau à employer le Potrytis tenella, et surtout qu'ils ne se dé- couragent pas si, tout d’abord, le résultat ne répond pas à leur attente. Je suis bien décidé à recommencer l’an prochain mes expériences dans plusieurs terrains différents et dans différentes conditions, afin d'étudier avec plus de détails l'existence du bienheureux parasite. La ferme de Vauluisant, par son étendue et la diversité de ses terrains, se prête, du reste, très bien à cette étude. J'ajoute un détail dans le mode de traitement qui aura peut-être son importance. J’ai suivi, pour la moitié des tubes, la méthode d’inoculation indiquée par la brochure ; je m'empresse d'ajouter qu’elle n’a donné de très bons résultats ; mais j'ai obtenu d’autres résultats non moins bons en opérant ainsi qu’il suit, ce qui est, à n’en pas douter, beaucoup plus simple : je verse dans une petite soucoupe la poudre blanche de Botrytis et, suivant dans la raie, derrière la charrue, à l'aide du tampon de ouate qui ferme le tube, je saupoudre le ver blanc dans la raie ; à la seconde raie faile par la charrue, il est immédiatement enterré. Par ce moyen, je supprime toutes les préparations : terrine plate, blanc d’œuf, etc., et, comme je vous l'ai dit plus haut, j'ai obtenu le même résultat. Je n'irai pas jusqu'à conseiller ce procédé qui est peut-être par trop primitif et que Je me réserve d’expérimenter. Je constate seulement le fait. 496 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 41. — Lelire de M. Ovide Benoist, agriculleur à Gas, par Eper- non (E.-et-L.): Gas, le 22 mai 1892. Vers les premiers jours d'avril dernier, vous m’adressiez, sur la recom- mandation de M. Garola, professeur d'agriculture d’Eure-et-Loir, deux tubes d'essais de votre fabrication du Botrytis tenella, et je dois aujour- d’hui vous rendre compte du résultat obtenu. Le premier tube que j'ai employé le fut le lendemain de son arrivée en suivant exactement les prescriptions qui y étaient jointes; mais, au bout de quinze jours, probablement à cause de la basse température qu’il fai- sait à cette époque, aucun ver n’était encore contaminé, et ce n’est qu’a- près un mois, vers les premiers jours de mai, après quelques journées chaudes (le pot était exposé au midi d’un mur pour subir une température plus élevée et fréquemment arrosé), que je pus constater le plein succès du procédé. Le second tube fut employé huit jours après son arrivée et me donne les mêmes résultats en ce moment; je puis donc vous assurer de ma sa- tisfaction de la valeur de vos produits, et si l’année dernière, à l'automne, je n’ai pas réussi avec les tubes que vous m’aviez encore gracieusement envoyés, cela a dû dépendre des instructions que vous donniez alors : de ne laisser les vers que six heures en contact avec le ferment pour les dis- séminer ensuite. Il me paraît bien aujourd’hui qu’il faut un temps beaucoup plus long, surtout quand la température est basse. Avec le produit restreint que j'ai déjà obtenu, je compte maintenant contaminer { 500 vers que j'ai mis à nouveau dans un grand baquet rem- pli de terre, et alors quand j'aurai obtenu cet abondant ferment de Bo- trytis tenella, je le disperserai sur mes terres infestées de vers blanes, et je pourrai par la suite vous rendre compte des résultats que j’obtiendrai. Nous avons tenu à citer celte dernière lettre, bien qu’elle ne relate que les résultats d’une expérience faite dans un pot à fleurs, parce qu’elle signale un procédé sur lequel nous aurons à revenir plus loin. Il s’agit de la préparation des momies en grande quantité pour les distribuer ensuite dans les champs envahis. Nous avons trouvé en tout onze attestations favorables. Il est pos- sible qu’on ait obtenu des résultats analogues dans quelques autres cas que nous ne connaissons pas, mais, en admettant même que le nombre de cas dans lesquels on a réussi à propager l'épidémie ait DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 4517 été dix fois supérieur à celui que nous venons d’annoncer, cela ne changerait en rien la conclusion que l’on doit tirer de l’ensemble des essais faits depuis trois ans, c’est-à-dire depuis que l’on a mis les cultures de muscardine à la disposition des agriculteurs. D’une part, nous constatons que sur 100 essais on n’a eu que tout au plus un succès à enregistrer ; d’autre part, {ous ces essais en grande culture, quel qu’en ait été d’ailleugs le résultat, ont été faits dans des conditions telles qu’il est impossible aujourd’hui d’en tirer le moindre renseignement précis. Tous ces essais ne nous ont appris ni la proportion des hannetons et des vers blancs qui, saupoudrés directement de spores, un à un, succombent muscardinés, — ni le meilleur procédé pour infester le plus grand nombre de sujets, toutes choses d’ailleurs égales, — ni la proportion et la nature des cultures naturelles ou artificielles qu'il faudrait employer pour obtenir un résultat probable dans un temps et sur un espace donné, — ni dans quelles conditions et dans quelles terres la muscardine peut se développer et pendant combien de temps elle peut conserver sa virulence pour les vers blancs. — En un mot, il est impossible de savoir encore aujourd’hui quel résultat approxi- matif on pourrait espérer d’obtenir en grande culture, au moyen d’un traitement que des expériences préalables auraient montré le plus efficace, et cela pour la bonne raison qu’on n’a pas songé à faire une seule expérience précise, avant de passer à la pratique. On a proposé l'application en grand de la muscardine, la prépara- tion et la vente de ce produit est devenue une affaire commerciale, bien avant qu’on ait eu le temps d'étudier la question, même au point de vue purement scientifique’. Aussi en est-il résulté, comme on devait s’y attendre, que cette méthode qui est appelée peut-être à rendre de grands services à l’agriculture se trouve complètement discréditée aujourd’hui. « Que serait devenue, dit M. Giard?, la pratique si utile de la vac- 1. La muscardine a été mise en vente en automne 1890, tandis que le travail de M. Giard, c’est-à-dire le premier travail complet sur l’Zsaria densa, parasite du han- neton, n’a paru que le 5 mai 1893. 2. À. Giard, Loc. cit., p. 86. 458 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. cination contre le charbon, quel résultat aurait donné le traitement antirabique par inoculation préventive, si M. Pasteur n’avait gardé en quelque sorte le monopole de ces précieuses découvertes et n'avait surveillé lui-même ou avec l’aide de ses disciples immédiats lappli- cation des nouvelles méthodes ? ». Et nous pouvons ajouter, que seraient devenues ces découvertes si, après les premières expériences de laboratoire, M. Pasteur avait confié la préparation et la vente de ses vaccins à une maison de com- merce qui les aurait fabriqués et /ancés comme on lance dans le com- merce un spécifique infaillible quelconque ? On aurait certainement eu de nombreux accidents à déplorer et le cultivateur, déjà très méfiant et sceptique en ce qui concerne toutes ces nouveaulés, n'aurait jamais consenti à profiter d’une des plus im- portantes découvertes de ce siècle. Le plus mauvais service qu’on ait pu rendre à la cause de la pro- pagation des méthodes scientifiques parmi les cullivateurs et par con- séquent à l’agriculture, c’est d’avoir procédé comme on l’a fait pour la muscardine du ver blanc. Non seulement on n’a obtenu aucun résultat appréciable en fait de destruction des hannetons et des vers blancs, mais, £e qui est plus grave, on a appelé scientifique une fa- çon d'opérer qui n'avait en réalité de scientifique que le nom. En résumé, on peut affirmer aujourd’hui, d'une part, que si les essais tentés jusqu’à présent n’ont donné que des résultats peu encou- rageants, ces mauvais résultats ne sont dus qu’à l'emploi de procédés insuffisamment étudiés; d'autre part que, la destruction des hanne- tons et des vers blancs par des épidémies naturelles de muscardine étant une chose absolument certaine, il ne nous semble pas impos- sible de propager ces épidémies. Il ne faudrait, pour y arriver, qu’entreprendre à nouveaux frais des recherches expérimentales proprement dites. La durée de ces re- cherches sera peut-être longue, l'étude complète de celte importante question demandera peut-être beaucoup de soins et d'application, mais comme c’est le seul moyen d'arriver à un résultat certain, il se trouvera toujours un nombre suffisant de personnes dévouées à l’agriculture pour entreprendre cette étude dans l'intérêt général. DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 499 Étude expérimentale de l'application de la muscardine à la destruction des hannetons et des vers blancs en grande culture. Nous avons vu dans un des chapitres précédents (p. 442 el suiv.) qu’il y a une différence très marquée entre le mode de transmission des maladies bactériennes et la façon dont peut se répandre une maladie des insectes causée par un champignon entomophyte. Or, il y a une différence non moins sensible entre les manières dont ces deux genres de maladies et leurs applications éventuelles peuvent et doivent être étudiées. Les méthodes d'investigation seront, bien entendu, toujours les mêmes en ce que toutes les recherches expérimentales, quel qu’en soit d’ailleurs l’objet, ont de commun : une précision el un contrôle suffisants pour que chaque observalion isolée puisse fournir son con- tingent de renseignements exacts et pour que, de l’ensemble de ces observations recueillies en nombre suffisant, où puisse tirer des con- clusions certaines. Mais si, par exemple, pour l'étude des maladies contagieuses des hommes, il suffit d’avoir à sa disposition un laboratoire bien installé et un certain nombre de sujets d'expérience ; si, dans ce cas, un savant peut, sans pour ainsi dire sortir de son laboratoire, étudier et pré- parer ses virus ou ses vaccins et les distribuer ensuite avec des ins- tructions suffisantes pour que tout le monde puisse s’en servir et en obtenir des résultats certains et prédits, il n’en est plus du tout de même quand il s’agit d'atteindre des êtres qui vivent dans la terre isolément, ne communiquant entre eux que par hasard et dont la présence sous lerre ne nous est révélée que quand ils produisent des ravages visibles à la surface ; quand il s’agit en outre de les atteindre au moyen d’un virus qui ne peut agir que sous une forme et dans des conditions spéciales qu’il faut déterminer. L'étude de la destruction des vers blancs par la muscardine se trouve précisément dans ce dernier cas. Le ver blanc vit dans la terre, c’est donc en plein champ, dans son milieu naturel, qu'ii faut étudier les moyens de l’atteimdre. 460 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Les expériences de laboratoire, bien qu’indispensables, seront, dans ce cas, absolument insuffisantes ; elles nous apprendront la fa- çon de procéder pour préparer les cultures les plus virulentes et pour atteindre le plus grand nombre des sujets en les traitant par inoculalion directe, mais ne nous donneront jamais que des indica- tions bien vagues sur le traitement à suivre en plein champ. Nous ne saurions mieux comparer cette étude qu’à celles de l’ap- plication des engrais ou des semences qui demandent, elles aussi, tout d’abord des recherches de laboratoire, ensuite des expériences dans des petits champs d’essai et, en dernier lieu, toute une série d’essais en grande culture. Pour toutes ces études la collaboration directe de l’agriculteur est absolument indispensable, elle seule donnera des résultats pratiques à la condition toutefois d’être bien dirigée et d’être conduite avec méthode. * Ainsi, en résumé, pour mener à bonne fin l’étude de la destruc- tion des hannetons et des vers blancs par la muscardine, il faut en- treprendre un ensemble de travaux, à savoir : 1° Recherches de laboratoire ; 2° Recherches expérimentales dans des petits champs d’essai ; 3° Étude des applications en grande culture. 1° Recherches de laboratoire. Cette partie est la seule de l’ensemble de l’étude qui a reçu jus- qu’à présent un commencement d'exécution. Nous savons aujour- d’hui avec certitude: 1° Que les spores mûres peuvent donner la maladie aux vers blancs et aux hannetons par simple contact, c’est-à-dire qu’il suffit de dé- poser sur le corps de ces insectes un certain nombre de ces spores, pour les infester et les faire mourir muscardinés ; 2° Que ces spores virulentes peuvent être recueillies soit sur des insectes morts muscardinés, soit sur des cultures artificielles de muscardine (cultures sur pomme de terre, sur gélatine ou sur des milieux nutritifs liquides). Les résullats des expériences de laboratoire faites jusqu’à présent DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 461 peuvent nous fournir déjà quelques indications intéressantes. Nous citerons toutes celles dont nous avons pu avoir connaissance et que nous avons faites nous-mêmes. Epériences faites par M. Jean Dufour’, directeur de la Station viticole de Lausanne. A. — Le 30 juillet, trois gros vers blancs vivants furent placés dans un pot, dans du terreau. On sema directement sur les vers des débris d’un insecte momifié provenant d’un gisement naturel. Le 5 août: un ver mort rose, deux vers vivants. Le 21 août : deux vers morts muscardinés, un vivant. Le 28 octobre : Deux vers muscardinés, un vivant. B. — Le 30 juillet : trois petits vers blancs de l’année dans du terreau, infestés avec des débris des vers morts. Le 20 août : tous vivants, intectés de nouveau avec la moisissure du pot À. Le 28 octobre : les trois vers sont morts momifiés. D. — Le 5 août : terre de jardin ordinaire. Dix vers de seconde année infestés avec une culture de MM. Prillieux et Delacroix (culture sur pomme de terre). Cette culture fut raclée au-dessus des vers qui en recevaient ainsi les débris. Le 28 octobre : neuf vers vivants, un seul mort muscardiné. E. — Le 5 août : terre forte. Une vingtaine de petits vers blancs. In- lection par arrosage d'eau dans laquelle un fragment de culture Prillieux avait été émielté. Le 27 octobre : sept vers vivants, un mort, noir, non infeclé, un seul contaminé, complètement recouvert de moisissure. Les autres avaient disparu. F. — Le 5 août : six vers de seconde année dans un pot avec terre de jardin. Les six vers sont enfouis après avoir été trempés dans de l’eau contenant des débris de culture Prillieux. Le 28 octobre : les six vers morts, attaqués par le champignon; trois sont déjà à demi décomposés. La terre du vase est remplie des masses blanches du Botrytis. G.— Le 2 septembre: mis dans un pot trois vers blancs vivants et deux morts, couverts de moisissure. Le 23 octobre : pas de changement, in- fection nulle. Cette série d’expériences nous montre : 1° Que les spores récoltées sur les momies (A et B) ont détruit o vers sur 0; 1. Jean Dufour, Note sur le Botrylis lenella, etc. (Bull. Soc. vaud. sc, nal., XXVIIT, 106) 462 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 2° Que les spores des cultures artificielles sur pomme de terre employées de la même façon à l’état sec n’ont détruit que 2 vers sur 90 (expériences D et E) ; 3° Que les spores des cultures artificielles délayées dans l’eau ont détruit 6 vers sur 6; 4° Que 2 vers momifiés enfermés avec 3 vers vivants dans un espace d'environ un décimèêtre cube n’ont donné aucun résultat. Le nombre de ces expériences et surtout le nombre de sujets trai- tés est trop restreint pour qu’on puisse en tirer des enseignements précis, toutefois elles tendent à démontrer : 1° Que les spores récoltées sur des momies sont plus virulentes que celles provenant de la culture artificielle qui a été employée dans ce cas particulier ; 2° Que, toutes conditions d’ailleurs égales, l’infestation par contact direct est plus certaine en employant des spores délayées dans un liquide qu’en les emplovant à l’état sec. M. G. Delacroix ‘ a fait une série d’expériences sur les vers blancs et sur les hannetons. Pour infester les vers blancs il a employé le procédé que nous avons indiqué plus haut (p.445). En saupoudrant les vers blancs bien sains de spores à l’état sec et en laissant ces vers disposés sur une mince couche de sable humide pendant 4 à 6 heures, de façon à ce qu'ils ne puissent pas se débarrasser de leurs spores en s’enfonçant dans la terre, M. Delacroix a obtenu, en moyenne, l’infestation des quatre cinquièmes des vers blancs traités. Dix à quinze jours après l'opération, les vers morts muscardinés étaient déjà couverts de moisissure. Pour infester les hannelons, M. Delacroix a enfermé ces insectes dans un cristallisoir et les a aspergés à l’aide d’un pulvérisateur, de spores délayées dans de l’eau stérilisée. « Les 20 et 21 juin : 134 hannetons ainsi traités furent placés dans un panier avec des feuilles fraîches. Le 23 juin : 65 hannetons avaient péri ; pas de trace de moisissure sur leur corps. On les retira et ils furent pla- cés sur du sable humide sous une cloche. 1. Journal de l’agriculture pralique, n°5 des 23 et 30 juillet, 6 et 13 août 1891 DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 463 Le 26 juin, une seconde série de 42 hannetons, et le 30 juin une der- nière de 27 étaient retirés morts sans moisissure visible et placés dans les mêmes conditions que les premiers. De la première série (65 hannetons) on observa sur un seul la moisis- sure caractéristique qui commença à s'y développer après un séjour de o jours en chambre humide ; les autres pourrirent. De la deuxième série, 30 sur 42 s’infectèrent ; dans la troisième série l'infection s’opéra sur les 27 hannetons sans exception. Ce sont donc les hannetons qui ont vécu le maximum de temps (9 jours) chez qui l’infec- Lion a le mieux réussi. C'étaient les plus jeunes. Et, fait remarquable, pas une seule des femelles infestées n’a pondu. » M. Delacroix conclut de celte expérience qu’en traitant des han- netons jeunes, autant que possible le jour même de leur sortie de terre, on arriverait à les infester presque tous. Une expérience analogue a été faite par M. Fontaine’, membre de la Société d'agriculture de Melun. M. Fontaine a opéré sur 1 000 hannetons enfermés dans une caisse avec une couche de terre de 20 centimètres. Sur les 1 000 hannetons sau- poudrés de spores, 100 sont rentrés en terre, 300 sont morts à la surface. Deux mois après l’opération, on a trouvé : HANNKTONS a — morts morts muscardinés, non muscardinés. Dans-hiterre. 2 Rene 329 371 AN IAFSUT ACT. SEE RE 60 240 ENDRIOUL TA TIANERCS 389 611 Le 29 décembre 1893, nous avons enfermé dans une caisse de 80 cen- timètres de long sur 60 centimètres de large et 60 centimètres de haut 250 vers blancs de deuxième année. Les vers blancs ont été disposés sur cinq couches superposées séparées les unes des autres par des couches de terre de 6 à 8 centimètres. Pour nourrir les vers blancs, des pommes de terre ont élé répandues à profu- sion sur chaque couche. Tous les vers blancs ont été saupoudrés de spores à l’état sec (1"° cul- ture de M. Delacroix). 1. Supplément du Bullelin du Syndicat central des agriculleurs de France du 197 avril 1893. 464 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. La caisse, recouverte de mousse et arrosée de temps en temps, à élé placée dans une serre où régnait une température constante de 12 440% Le 7 mai 1894, la caisse a été ouverte et la terre tamisée. Il a été trouvé : Vers blancs morts muscardinés couverts de moisissure qui a poussé des ramifications dans la terre de tous côtés. . . . 96 Vers blancs morts muscardinés rouges. . . . . . . . . . 8 Vers'blancs vivantstet bien portants EPP RE 50 Vers blancs morts non muscardinés ou disparus . . . . . . 96 Totale IA PRE 250 Les 90 vers blancs vivants ont été trouvés presque tous au fond de la caisse où ils sont descendus pour se transformer en nymphes. (Maintenus pendant les trois mois d'hiver dans une serre chaude, les vers blancs en expérience pouvaient se trans- former deux mois plus tôt que dans les conditions ordinaires.) On peut donc les considérer comme définitivement échappés à la con- lagion. En somme, en saupoudrant les vers blancs avec des spores à sec, nous avons obtenu leur destruction par la muscardine dans la pro- portion de #1 p. 100. Le 21 mai 1894, 95 hannetons ont été enfermés dans un bocal, sau- poudrés de spores à sec (deuxième culture préparée par nous-même), laissés ainsi pendant 3 heures et enfermés ensuite dans une grande cage à moitié remplie de terre. Le 29 mai : 45 hannetons morts à la surface de la terre, les autres, soil 90 hannetons, enterrés. Les hannetons trouvés à la surface de la terre ont été placés dans une chambre humide. Le 2 juin, nous trouvons : Des 45 hannetons placés en chambre humide, 22 muscardinés ; Des 50 hannetons enterrés, 47 muscardinés. En tout 79 hannetons muscardinés sur 95 mis en expérience, soit en- viron 82 p. 100 infestés. Simultanément, nous avons trailé 90 hannetons en les trempant dans un liquide sucré et acidulé dans lequel nous avons délayé des spores de la même culture. Le 2 juin, nous avons trouvé, sur 90 hannetons, 61 hannetons, soit environ 70 p. 100, muscardinés. DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES À L'AGRICULTURE. 469 En résumant les résultats de toutes les expériences que nous venons de citer, nous voyons que les procédés employés jusqu’à présent ont donné au laboratoire des résultats favorables dans la proportion de 40 à 50 p. 100, c’est-à-dire que sur 100 insectes (hannetons ou larves) traités, 40 à 50 ont succombé muscardimés et 20 à 60 ont échappé à la contagion. Ces expériences qui, au point de vue de la qualité des cultures employées, avaient presque toules été faites dans des conditions différentes, et dont le nombre est tout à fait insuffisant pour qu’on puisse en tirer des renseignements précis, nous ont montré par contre qu'il nous reste encore à chercher et à bien déterminer au laboratoire les points suivants : 4° La composition et la préparation des milieux nutritifs et des cultures artificielles qui donneraient les meilleures garanties au point de vue de la virulence et du nombre des spores; 2 Le mode d'emploi de ces spores pour obtenir, toutes condi- tions d’ailleurs égales, les résultats les plus satisfaisants, c’est-à-dire pour contaminer la plus forle proportion des sujets (vers blancs ou hannetons) traités ; 9° L'état de développement des vers blancs le plus favorable à l’in- festation ; 4° La façon de procéder pour obtenir des spores virulentes aux prix les plus réduits. Ces données connues, 1l sera possible de procéder, en connais- sance de cause, aux expériences en plein champ. 2° Recherches expérimentales en pleine terre. Nous venons de le voir, les expériences de laboratoire ne nous apprendront, en somme, qu'à préparer de bonnes cultures viru- lentes et à contaminer les vers blancs dans des pots à fleurs. Pour apprendre comment il faut procéder pour atteindre les vers blancs dans leur milieu naturel, il est indispensable de refaire une série d'expériences en pleine terre. En effet, 1l s’agit de déterminer dans quelles conditions, sous quelle forme et en quelle quantité la muscardine doit être introduite dans la terre pour s’y développer et atteindre les vers blancs qui s’y trouvent. ANN, SCIENCE AGRON. — 1893, — 1. 30 466 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. « Il eût été intéressant, dit M. Giard!, de faire en grand et dans des condilions variées de saison, de terrain, etc., des expériences d’infestation artificielle conduites avec méthode et d’une facon ri- soureusement scientifique. » L'insuccès de toutes les tentatives faites jusqu’à présent pour éta- blir des foyers d’épidémie dans les champs envahis par les vers blancs nous montre que celte étude expérimentale ét rigoureusement scien- tifique ne serait pas seulement intéressante, elle est absolument in- dispensable ; elle seule peut nous apprendre s'il est possible de détruire les vers blancs par la muscardine et comment il faut pro- céder pour y arriver. Continuer à employer en grand les procédés conseillés jusqu’à présent serait perdre bien inutilement du temps et de l'argent. Ne fallait-il pas, en effet, une certaine dose de naïveté pour s’ima- giner qu’on atteindra les vers blancs en semant sur un champ des spores à raison de quelques tubes ou de quelques boîtes à l’hectare, ou bien en y enfouissant des petits morceaux de cultures sur pomme de terre ou des larves préalablement contaminées, tous les 10, 20 ou même 90 mètres ? Le seul conseil que l’on puisse donner aux agriculteurs aujourd’hui, c’est de commencer sans tarder l’étude expérimentale proprement dite qui seule peut nous donner des renseignements précis et qui ne produira de résultats appréciables qu’avec le concours effectif des cultivateurs. Cette étude n’est ni bien difficile ni compliquée ; pour la mener à bonne fin il suffit de procéder avec méthode, noter avec soin les faits observés et la poursuivre pendant un, deux ou trois ans, c’esl- à-dire le temps nécessaire pour obtenir des résultats définitifs. Au lieu de répandre la muscardine au hasard, à une dose plus ou moins arbitraire sur toute l'étendue des champs envahis par les vers blancs, il faut commencer par employer la quantité nécessaire de ce produit sur un petit champ — spécialement choisi et préparé dans ce but — pour y obtenir des vers momifiés en aussi grande quantité que possible. 1. À. Giard, loc, cit., p. 92. DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 467 Le champ réservé doit être préparé de la façon suivante : 1° Choisir un terrain de préférence bien envahi par les vers blancs et aussi éloigné que possible des habitations pour que les oiseaux de la basse-cour ne puissent pas y pénétrer; 2% L’entourer d’un petit fossé de 80 centimètres de profondeur pour le garantir d’une inondation et aussi pour empêcher les vers blancs d'en sortir ; 3° Répandre sur ce champ de la muscardine à profusion en y semant des spores délayées dans l’eau ou à l’état sec, ou bien en y enfouissant des cultures sur pomme de terre ou des vers blancs préa- lablement contaminés par la méthode de MM. Prillieux et Delacroix, à raison d’au moins 400 par mètre carré (ce dernier procédé nous semble, jusqu’à nouvel ordre, présenter les garanties les plus sé- rieuses) ; 4 Semer sur ce champ du gazon, de la luzerne ou toute autre plante dont les vers blancs sont friands; 5° Éloigner du champ ainsi préparé les taupes et les oiseaux qui pourraient manger les vers blancs ou les momies. Dans les conditions les plus favorables l’infestation deviendra ma- nifeste 15 à 20 jours après l'opération; dans ce cas, les momies produiront des spores deux ou trois mois plus tard et pourront communiquer la contagion à d’autres vers blancs. Dès ce moment on pourra jeter dans le terrain réservé tous les vers blancs vivants et bien portants que l’on pourra ramasser au moment des labours. En admettant qu’on aura procédé à l’installation du champ réservé le 4° avril, on pourra faire une première fouille le 1° mai et alors, si le résultat est favorable, c’est-à-dire si l’on trouve des vers blancs momifiés ou malades, on pourra y jeter tous les vers blancs vivants qu’il sera possible de se procurer pendant toute la durée de la belle saison, c’est-à-dire jusque vers le 15 octobre. À ce moment il sera nécessaire de constater le premier résultat obtenu. On verra : 4° A la première fouille (le 1° mai) la proportion des vers conta- minés par la culture artificielle employée en premier lieu ; 2 A la deuxième fouille (le 15 octobre), si la maladie s’est pro- 468 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. pagée d’elle-même aux autres vers qu’on aura introduits dans le champ d'expérience depuis le 1% mai et, — en comptant les vers momifiés et ceux qui sont restés encore vivants, — la proportion des vers contaminés de cette façon. Durant la première année, les vers momifiés et les vivants doivent être laissés en place. Au printemps suivant, 1l y aura lieu d'examiner à nouveau l’état des cultures et d'alimenter le champ réservé en vers blancs vivants jusqu’en octobre ou en novembre. Dans le courant de la deuxième année on pourra déjà commencer à prendre des momies dans le champ réservé (en choisissant celles qui seront les plus müres et sur lesquelles la moisissure se sera le mieux développée) pour les répandre dans d’autres endroits infestés par les vers blancs ou pour contaminer des hannetons. Pour obtenir des résultats décisifs, l'expérience doit être continuée au moins encore pendant une troisième année ; elle doit durer au moins aussi longtemps qu’un cycle d'évolution complète du hanneton, de l’œuf à l’œuf. En suivant une telle expérience avec méthode et en notant soi- gneusement les faits observés (la proportion des vers morts mus- cardinés) ainsi que la nature du sol du champ d’expérience et les conditions atmosphériques pendant la durée de l’expérience, on apprendra à connaître toutes les données qui nous manquent encore relativement aux procédés à suivre pour détruire les vers blancs en grande culture. On apprendra notamment : 1° La proportion des vers blancs qui peuvent être détruits par la muscardine dans un temps donné ; 2° Les conditions de développement de la muscardine dans la terre. Mais ce n’est pas là le seul avantage d’une telle façon de procéder. L'établissement d’un champ d’expérience dans les conditions que nous venons d'indiquer, tout en nous fournissant des renseigne- ments précis et indispensables, permettra seul de multiplier les foyers naturels de la muscardine et de mettre, en même temps, les germes de cette maladie à la disposition de tous les intéressés sans autres frais et manipulations que l’entretien de ces champs une fois qu’ils seraient établis. DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L AGRICULTURE. 469 D'autre part, les spores récoltées sur les vers blancs ou les hanne- tons muscardinés étant plus virulentes que celles produites sur des milieux nutrilifs arüficiels, les cullivateurs auront toujours à leur disposition une muscardine présentant beaucoup plus de garantie au point de vue de son efficacité La les cultures artificielles en tubes ou en boîtes. En un mot les champs d'expérience deviendront dans la suite des « gisements momifères », véritables pépinières dans lesquelles on pourra puiser des momies pour les répandre sur les terres envahies par les vers blancs. L’étendue de ce gisement ne peut pas être fixée d'avance d’une façon bien précise, sa richesse dépendra naturellement de la quantité des vers blancs qu'on y aura enfouie; nous croyons toutefois que chaque mètre carré du champ réservé fournira une quantité suffi- sante de momies pour traiter ensuite avec succès un hectare de terrains envahis. Pour une ferme de 50 hectares, il faudra donc un champ réservé de 50 à 60 mètres carrés, pour une commune dont le territoire aurait 3 000 hectares d’étendue, il faudrait un Sharon de 300 à 350 mètres carrés. Les frais de premier établissement d’un gisement momifère s'élèveront, au maximum, à 5 fr. par mètre carré; mais 1l ne faut pas oublier que cette dépense serait faite une {os pour toutes, qu'une fois établi, un tel gisement durera aussi longtemps qu’il y aura des hannetons et des vers blancs pour l’alimenter. En procédant ainsi, chaque cultivateur pourra préparer sa mus- cardine comme il prépare aujourd’hui son fumier et ce n’est qu’à celte seule condilion — quand chaque intéressé produira sa mus- cardine lui-même et en aura à sa disposition des quantités sufli- santes sans autres frais qu’un peu de travail et de persévérance, quand, par cela même, la muscardine pourra être répandue partout, dans toutes les contrées envahies par les hannelons — que cette merveilleuse découverte donnera le résultat que l’on est en droit d’en attendre. En résumé, la muscardine ne deviendra une arme réellement effi- 470 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. cace contre les hannetons et les vers blancs que dans les conditions suivantes : 1° Quand on aura déterminé par une série d'expériences en pleine terre les conditions de développement du champignon dans la terre et son action sur les hannetons et les vers blancs ; 2° Quand, dans toutes les contrées envahies par ces insectes, chaque cultivateur aura à sa disposition et emploiera une muscardine réellement virulente et en quantité suffisante pour obtenir des ré- sultatsappréciables, c’est-à-dire quand tous les cultivateurs intéressés auront établi des champs d’expériences pour en faire, dans la suite, des « gisements momifères ». Avant de terminer ce chapitre il nous faut dire quelques mots sur la possibilité de multiplier la muscardine en la cultivant sur des milieux nutritifs artificiels de façon à remplacer éventuellement les « gisements momifères » par des gisements de cultures arti- ficielles. En principe, il n’est point impossible de découvrir pour la mus- cardine un milieu nutritif qui donnerait des cultures non seulement aussi virulentes, mais même plus virulentes que celles qui viennent directement sur les hannetons ou les vers blancs. Malheureusement ce milieu nutrilif n’esl pas encore trouvé ; bien au contraire, on sait que les reports successifs sur les milieux nutritifs connus et essayés Jusqu'à présent affaiblissent progressivement la virulence de la mus- cardine de sorte que les quatrièmes ou cinquièmes reports ne pro- duisent plus aucun effet sur les insectes. Pour préparer des cultures artificielles de muscardine dans les la- boratoires en assez grande quantité pour pouvoir les mettre ensuite à la disposition des cullivateurs, on procède actuellement de la façon suivante : Les spores recueillies sur un ver blanc ou un hanneton momifié sont ensemencées sur des pommes de terre stérilisées en tubes. C'est ce qu’on appelle le premier report ou la première culture, Ce premier report ne donne généralement pas des cultures pures; pour les purifier il faut prendre des spores de la première culture pour les réensemencer sur une deuxième série de pommes de terre. DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 471 On obtient ainsi des « deuxièmes cultures » qui sont généralement pures mais qui, par les deux reports successifs, ont perdu, à chaque réensemencement, un peu de leur virulence. Ce sont ces « deuxièmes cultures » qui peuvent être mises à la disposition des cultivateurs qui, s’ils voulaient les mulliplier à nou- veau par réensemencement sur d’autres milieux nutritifs artificiels, n’obtiendraient, par conséquent, que des « troisièmes cultures » nécessairement encore moins virulentes que les précédentes. Ce serait là déjà un inconvénient bien grave et il ne serait pas le seui, La muscardine cultivée en pleine terre, dans un milieu non stérilisé, serait promptement envahie par d’autres moisissures que le cultivateur n'aurait aucun moyen de reconnaître et il serait néces- sairement amené à employer souvent, en pure perte, des produits absolument imoffensifs. Donc, jusqu’à nouvel ordre, le seul procédé rationnel pour multi- plier la muscardine de façon à en rendre emploi possible partout, est de la cultiver sur des vers blancs. La matière première, pour faire ces cultures, n’est malheureuse- ment pas prêle à manquer. En ramassant des vers blancs pour établir des gisements momifères on en débarrassera d’autant les champs et quand il n’y en aura plus, il n’y aura plus besoin de muscardine pour les détruire. Épidémies naturelles. La muscardine rose est une maladie naturelle du hanneton et du ver blanc, il est donc très probable qu’elle a existé toujours, sinon partout, là où il y avait des hannetons, en obéissant dans son évolu- tion aux mêmes lois que toutes les maladies contagieuses, c’est-à- dire apparaissant et disparaissant successivement avec plus ou moins d'intensité et d’étendue. Ainsi que l’indique M. Giard', des épidémies causées très proba- blement par le même champignon que celle observée à Céaucé par M. Le Moult, ont déjà été signalées par J. Reiset en France en 1867 et par Bail et de Bary en Allemagne en 1869. 1. À, Giard, Loc. cit., p. 87. 472 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. M. Le Moult a le premier suivi une de ces épidémies pendant plusieurs mois pour se rendre compte de son extension et de ses effets. S'inspirant des travaux de MM. Metchnikoff et Ras ee sur la destruction du Cleonus puncliventris au moyen des cultures artifi- cielles d’Isaria destructor, et conseillé par M. Gard, M. Le Moult s’est mis à la recherche d’un champignon parasite spécial au ver blanc. Il à trouvé le premier gisement naturel de vers blancs momni- fiés à Céaucé, dans une propriété appartenant à M. Le Marchand. | L’une des prairies surtout, dit-il dans une note présentée à l’Académie des sciences ', présentait un aspect des plus lamentables. Les vers blancs y étaient si nombreux que l'herbe n'avait plus de racines. C’est [à que nous fimes nos fouilles les plus sérieuses, celles qui ont enfin récompensé nos efforts... Au nombre des larves que nous mettions à découvert, nous en avons trouvé dont la mort était de date assez récente et qui présentaient cette particularité qu’elles étaient complètement couvertes d’une sorte de moi- sissure blanche envahissant toute la masse et se développant dans tous les sens à travers la terre... | La proportion des vers atteints par rapport aux vers sains élait d’envi- ron 10 91005 Nous avons pensé que les observations faites sur le terrain même, dans la prairie où nous avons découvert le parasite du ver blanc, présenteraient à la fois plus d'intérêt et d’exactitude..…. M. Le Marchand avait décidé de faire labourer sa prairie dès les pre- miers jours de septembre. Nous lui demandämes de réserver une zone d'environ 10 mètres carrés dans la partie contenant la plus grande quan- tité de vers malades. La partie épargnée par la charrue devait nous servir de champ d” expériences. La prairie n’a d’ailleurs pas été labourée et ne fa sera probablement pas, nous en donnerons tout à l’heure la raison... Nous avions constaté au mois de juillet que les vers atteints par le champignon représentaient environ 1/10 des larves trouvées dans le ter- rain. Le 10 septembre, nous avons fait pratiquer de nouvelles fouilles, la proportion des vers atteints était d'environ 65 à 70 p. 100... Enfin, il n’est pas jusqu’à l'aspect général de la prairie qui n’ait subi une transformation complète. Au mois de juillet, l’herbe complètement flétrie n’adhérait plus au sol. 1. C. R., 3 novembre 1890. DESTRUGTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 473 Au mois de septembre, au contraire, et malgré la sécheresse, la prairie se trouvait complètement reverdie et l'herbe ne pouvait plus s’arracher à la main, tandis que la prairie voisine, située dans les mêmes conditions sous le rapport de la nature du terrain, de [a pente, de l’arrosage et de l'exposition, était demeurée complètement desséchée, le gazon s’enlevait avec la plus grande facilité. Le 28 septembre, nous avons fait de nouvelles fouilles sur le terrain réservé. Cette fois, il nous a élé presque impossible de trouver des vers vivants, tandis que les vers parasités se rencontraient en grand nombre. Leur présence nous était toujours signalée par de longues traînées blan- ches formées par les filaments des champignons et s’écartant toujours de 1 à 8 centimètres du point de départ... Depuis, on a trouvé des gisements naturels de vers blancs momi- fiés un peu partout. M. Giard en signale plusieurs qu’il a observés lui-même ou qui lui ont été signalés par ses correspondants. Nous même nous avons trouvé des vers blancs muscardinés à Sceaux (Seine), dans plusieurs localités du département de Seine-et-Marne, dans des endroits où on n’a Jamais fait usage de cultures artificielles. Enfin M. Gouin, président du comice agricole du canton de Vertou (Loire-Inférieure), a signalé d’abord dans le Journal de l'agricul- Lure pratique et nous à communiqué ensuite par lettres une série d'observations très intéressantes, concernant une épidémie naturelle de muscardine sur une étendue de plus de 100 hectares. M. Gouin a constaté la présence de vers momifiés sur toute l’é- tendue de ses terres en juin 1892. Il a suivi celte épidémie durant toute la belle saison de l’année 1893 et a recommencé ses observa- tions celle année. | | En 1891 (deuxième année de vers blanes), dit M. Gouin, malgré l’abon- dance de vers blancs, on n’a pas trouvé un seul ver malade. En juin 1892 (vers blancs de 3° année), on trouve partout des momies et des vers ma- lades. L’épidémie semble disparaître en juillet avec la descente des vers blancs et leur transformation en nymphes pour reparaitre en aulomne sur des hannetons en terre. En 1893, apparition de l’épidémie dès le début du printemps sur toute l'étendue de mes terres et principalement dans les prairies et autres champs non labourés, excepté dans mon jardin potager. En 1894, apparition de l'épidémie en avril. J'ai trouvé pour la première 474 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. fois des vers roses et momifiés dans mon jardin, mais seulement dans une partie qui n’a reçu aucun labour depuis neuf mois. Dans les parcelles la- bourées en mars, beaucoup de vers blancs bien portants, pas un seul malade. Les ouvriers de M. Gouin affirment que, antérieurement à 1891, ils trouvaient fréquemment dans les champs des vers blancs et des hannetons couverts de moisissure ; l’un d’eux se rappelle même qu’en 1859 presque tous les vers blancs que l’on découvrait au la- bour étaient muscardinés. Cette série d'observations montre d’une façon indiscutable que dans certaines régions la muscardine des hannelons el des vers blancs règne à l’état endémique et on est en droit d’en conclure que dans les champs où on réussira à créer des foyers d’épidémie, la maladie s’élendra peu à peu d'elle-même et y persistera pendant de longues années. Il est très probable que partout, dans les terrains où elle peut se développer, l’Isaria vit dans la terre à l’état saprophyte, qu’elle atteint d’abord les sujets prédisposés à contracter la maladie et que, ayant régénéré sa virulence en passant par le corps des premiers vers blancs atteints, elle devient ou redevient parasite. En infestant d’une façon continue des vers blancs ou des hannetons, au moven des cultures artificielles, on maintiendra constamment la virulence du champignon, et en multipliant les foyers épidémiques, on aidera simplement la nature à répandre rapidement la maladie et à la rendre plus intense. CHAPITRE IT LES CHAMPIGNONS PARASITES QUI ONT ÉTÉ EMPLOYÉS JUSQU'A PRÉSENT A LA DESTRUCTION DES INSECTES NUISIBLES Le nombre des champignons entomophytes, c’est-à-dire des champignons qui s’atlaquent aux insectes vivants et en déterminent la mort, connus aujourd’hui, est déjà assez considérable. Il est très DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 475 probable que grâce à des recherches nouvelles, on finira par trouver un parasite spécial à chaque espèce nuisible d'insectes ou bien qu’en améliorant et en modifiant les procédés de laboratoire et les milieux de culture on arrivera à pouvoir infester avec la même facilité plu- sieurs espèces d'insectes avec le même champignon. Au point de vue de leur application pratique, un bien pelit nombre seulement de ces champignons ont été suffisamment étudiés et expé- rimentés ; aussi, dans ce travail qui n’a d’autres prétentions que de montrer aux cultivateurs les résultats obtenus et la voie à suivre, nous bornerons-nous à examiner en détail les seuls cas dans lesquels cette méthode a été appliquée en grande culture et a donné des résultats appréciables. Muscardine verte (Isaria destructor). Son application à la destruction du « hannelon des blés » (Anisoplia austriaca) el du « coléoptère des betteraves » (Cleonus punctiventris) en Russie. En 1878, M. Metchnikoff", alors professeur à l’Université d’Odessa et actuellement professeur à l’Institut Pasteur, s’inspirant des tra- vaux de De Bary sur l’/saria farinosa, s’est mis à la recherche d’un champignon parasite du hanneton des blés (Anisoplia austriaca) qui faisait alors beaucoup de ravages dans les provinces méridionales de la Russie. M. Metchnikoff ne Larda pas à trouver des larves atteintes et tuées par divers parasites et principalement par une € muscardine verte » qu'il appela d’abord Entomophthora anisopliæ et ensuite, son atten- tion ayant été attirée par le professeur Cienkowski sur la ressem- blance de sa muscardine avec les Isariæ, Isaria destructor. Peu de temps après, il trouva la même maladie causée par la mus- cardine verte sur un autre insecte, le Cleonus puncliventris qui ravage les champs de betteraves. M. Metchnikoff est arrivé promptement à cultiver sa muscardine sur des milieux nutritifs artificiels et notamment sur du moût de 1. E. Metchnikoff, Zoo. Anz., 1880, p. 44. 476 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. bière stérilisé et à infester avec les spores provenant de ces cul- tures les Anisopliu et les Cleonus, ces derniers à tous les états de leur développement. Pour obtenir ces spores en grande quantité, M. Cienkowski procé- dait d’une autre façon : il plaçait les chenilles infestées par le cham- pignon dans des boîtes d’une certaine grandeur, remplies avec de la terre et, à mesure que les chenilles mouraient, il en introduisait de nouvelles. Puis il mélangeait la terre avec les cadavres desséchés et pulvérisés, et de cette façon chaque particule de terre renfermait une grande quantité de spores de muscardine verte (terre de muscar- dine, poudre de champignons). C’est cette poudre qu’il répandait dans les champs pour infester les larves des hannetons du blé. Cienkowski admettait que, pour obtenir un résultat satisfaisant, il faudrait couvrir la terre d’une couche continue de spores. D’après ses calculs et ceux des professeurs De la Rue et Saikewitch, 11 fau- drait environ 90 litres de spores pures ou le double, soit 180 litres, de terre muscardinée pour un hectare. En 1884, M. Krassilstchik, de l’Université d’Odessa, a mis à profit les travaux de Metchnikoff et de Cienkowski pour fonder, avec le con- cours de quelques propriétaires intéressés, un laboratoire à Sméla, près de Kieff, dans le but de produire en grand des spores de mus- cardine verte et de les répandre sur les champs envahis par les Cleonus.: : Ainsi que l'indique M. Le Moull dans sa communication à l’Aca- démie des sciences de 1890, ce laboratoire a fonctionné pendant 4 mois et a produit 55 kilogr. de spores. Ces spores ont été répan- dues dans les champs à raison de 8 kilogr. par hectare, elles ont déterminé la destruction des insectes dans la proportion de 55 à 80 p. 100. — Tous les frais de cette opération ne dépasseraient pas 10 fr. à l’hectare. «Après que l’usine que J'avais construite à Sméla, dit M. Krassils- {chik dans une lettre adressée à M. Giard et publiée par M. Le Moult, eut démontré à tous que la production industrielle des parasites vé- gétaux est devenue un fait accompli et que les essais que j'ai faits en plein champ, bien que sur une échelle restreinte, eurent prouvé l’action mortelle du parasite sur le Cleonus, quelques-uns de nos cul- DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 477 tivateurs de betteraves se sont résolus à construire une plus grande usine afin de produire assez de spores pour faire un essai sur une vaste échelle. Il s'agissait de poursuivre ces essais pendant deux ans el, si le résultat en était favorable, on n'aurait qu'à élargir les di- mensions de l’usine qui deviendrait alors lusine définitive. Cette résolution une fois prise, je me suis mis à l’œuvre. L'usine de Sméla fut fermée ; un endroit fut choisi où le Cleonus est toujours en abondance. Le devis de la construction de l'usine que j'ai fait fut adopté et les fonds nécessaires furent accordés par un groupe de dix cultivateurs de betteraves qui voulaient être les fondateurs de l’en- treprise. Toute l'affaire semblait alors mise dans la bonne voie et il ne nous restait plus qu’à aborder l'exécution de notre dessein. «Mais voilà que tout d’un coup une crise vint éclater sur notre pro- duction de sucre provoquée par une surproduction des betteraves. « Dans ces conditions, et vu la disposition des esprits, aucune rai- son ne se présentait de déclarer la guerre au Cleonus. » En résumé, les travaux et les expériences des savants russes ont montré qu’il est possible de trouver sur les insecles qui envalussent en grand nombre les champs cullivés, des champignons parasites qui les détruisent et que ces champignons peuvent étre cultivés sur des milieux nutritifs arhficiels et, pour ainsi dire, fabriqués industriel- lement. Maladies contagieuses : « Sporotrichum globuliferum », « Empusa aphidis » et « Micrococcus insectorum ». Leur application à la destruction du « Chinch bug » (Blissus leucopterus, Say, punaise des blés) aux États-Unis d'Amé- rique. Le Chinch bug a été signalé pour la première fois en Amérique en 1781 dans la Caroline du Nord. Depuis, à mesure que s’étendaient les terres cultivées, cet insecte s’est répandu dans tous les autres États, en ravageant les céréales ct quelques légumineuses. En 1850, William le Baron écrivait dans le Prairie Farmer : «I est peu probable qu’on trouvera jamais un moyen préventif ou des- 478 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. tructif pour arrêler la dévastation causée par ces insectes. » En effet, aucun des moyens chimiques ou mécaniques employés jusqu’à ces derniers temps n’a donné de résultats appréciables. En 1891, le gouvernement de l’État de Kansas a chargé M. T. H. Snow, professeur à l’Université de Lawrence, d'installer, auprès de celte université el de diriger une station expérimentale avant pour but « de propager les maladies contagieuses ou infectieuses qui sont supposées pouvoir détruire les Chinch bugs ». Cette station a été installée en mars 1891 ; en avril 1892, M. Snow’ publia son premier report, un travail admirable de précision, dans lequel il refait Phis- torique des études antérieures des maladies contagieuses des insectes aux États-Unis, décrit en détail ses méthodes de recherches et la manière de procéder pour répandre la contagion dans les champs, et enfin, indique les résultats obtenus en appuyant ses conclusions par plusieurs centaines de rapports envoyés par les cultivateurs qui ont appliqué les procédés préconisés par lui. Une carte de l’État de Kansas indiquant les points et les régions trailées et les résultats obtenus complète ce travail remarquable à tous les points de vue. Suivant les notices bibliographiques contenues dans l’ouvrage de M. Snow’, la première observation d’une épidémie bien caractérisée parmi les Chinch bugs a été faite par M. Henry Shimer en 1865. (Proceedings of the Acad. of haln. sc. of Philadelphia, vol. XIX, 1867, p. 79-80.) 16 juillet 1865. — Dans les parties basses et humides des champs, on trouve un grand nombre de larves mourantes sans cause apparente. 22 juillet. — Grand nombre de jeunes insectes morts, la maladie s'é- tend des terrains bas sur les collines, 28 juillet. — On trouve partout des insectes mourants et morts à tous les stades de leur développement. 8 août. — La plupart des Chinch bugs (stade imago) détruits. L’exten- sion de la maladie est plus rapide que celle du choléra asiatique parmi les hommes. Il reste un insecte vivant sur mille de ceux qui étaient encore vivants et bien portants en juin. 1. F. H. Snow, Report of the Exp. Stat. of Kansas. Lawrence, 1892 et 1893. 2. Ibid, p. 245. DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES À L'AGRICULTURE. 479 13 septembre. — Trouvé, après une journée de recherches, seulement deux larves et quelques imago vivants dans toute la région précédemment envahie par les Chinch bugs. En 1866, au printemps, il a été impossible de trouver un seul insecte vivant; pendant les récoltes, on a trouvé en tout quelques spécimens dans les localités précédemment envahies. M. Shimer n’a pas pu déterminer les causes de cette épidémie, il dit en terminant: « Les maladies contagieuses sont les agents de destruction de beaucoup les plus importants et les plus actifs dans la lutte contre les animaux nuisibles. » D'autres épidémies ont été signalées depuis par plusieurs natura- listes américains, sur plusieurs espèces d'insectes. M. Cyrus Thomas (U. St. Dep. of interior, Bulletin de l’année 1879) signale une destruction des mouches domestiques en 1849 par une épidémie due à un champignon ; en 1872 il a observé une épidémie parmi les criquets dans les États de Minnesota, Dakota et lowa ; en 1877 une destruction complète de la larve des Caloptenus spretus. M. S. À. Forbes", St. ent. de l'Illinois, a cherché le premier à con- naître les causes et les agents actifs de ces épidémies. Aidé dans la détermination des microbes trouvés par M. T. J. Bui-- rill, professeur de botanique et de bactériologie à l’université d’Illi- nois, M. Forbes a publié entre 1882 et 1892 une série de travaux sur cette question. Il a reconnu que les maladies observées chez les Chinch bugs sont causées par trois microbes différents, deux cham- pignons entomophytes : une Enlomophlorea (Empusa aphidis), un Botrytis ou Isaria (Sporotrichum globuliferum) et une Baclériacée, le Micrococcus insectorum. N'a reconnu ensuite que ces trois microbes peuvent être cultivés sur des milieux nutrilifs artificiels, liquides et solides, et peuvent infester plusieurs espèces d'insectes. Ayant reçu de M. R. Thaxter une culture de Sp. globuliferum sur gélose prise sur une larve de Copipanolis vernalis, il a réussi à infec- ter avec les spores provenant de cette culture des Chinch bugs, des imago de Cecropia, des Aphis et d’autres pucerons et des Tentre- dines. 1. Reports of the Illinois State Entomologist, 1882 à 18972, 480 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. «Il semble démontré, dit-il, que le Sp. globuliferum est un ento- mophyte capable d’atteindre beaucoup d’espèces d’insectes vivants, à tous les états de leur développement, que son action commence à se manifester deux jours après l’infestation, mais que la formation des spores mûres demande 9 à 10 jours. La maturité complète des spores est nécessaire pour atteindre les insectes vivants... L'action de ce champignon ne devient manifeste que quand son développe- ment et son extension rapides sont favorisés par un ensemble de conditions météorologiques et entomologiques convenables. » En 1888, le D' Otto Lugger (Bulletin n° 4 of the Univ. of Minne- sota Agr. Exp. St.) signale la destruction complète des Chinch bugs qui ont envahi les cultures du champ d’expériences de la station, par une épidémie naturelle due au Micrococcus inseclorum et à une Enthomophtorée. Des spécimens malades et morts de ces maladies ont été envoyés et distribués dans plusieurs fermes du sud du Minnesota ; partout il s’en esl suivi une disparition complète des Chinch bugs. Dans la même année (1888) M. F. M. Webster (Bulletin 22, Div. Ent. U. St. Dep. of Agr.) a fait une série d’expériences sur les con- ditions de l’infestation des Chinch bugs en plein champ. Il à noté que, par un temps humide et doux, l'épidémie s’est étendue en 48 jours à un quart de mille du point iniual. C’est aussi en 1888 que M. Snow a commencé à s'occuper de cette question. Il a reconnu que les trois maladies des Chinch bugs qu'il trou- vait constamment dans les champs et dans ses cultures de labora- toires étaient dues au Micrococcus inseclorum, à une muscardine grise, l’'Empusa aphidis, et à une muscardine b'anche considérée par M. Thaxler comme une Jsaria, mais qu'il considère plutôt comme un Trichoderma ou un Sporatrichum et qu’il assimila en définitive au Sporotrichum globuliferum Spegazzini. Après une série d'expériences au laboratoire et dans les champs, poursuivies pendant trois ans, M. Snow a adopté, pour détruire les Chinch bugs, la méthode suivante : Aprèsavoirfaitramasser dans un champ précédemmenttraité 10000 Chinch bugs morts infestés, il s’est procuré ensuile environ 20 000 DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 481 de ces insectes vivants et bien portants qu’il a enfermés dans une grande cage et infestés en y jetant un certain nombre de Chinch bugs muscardinés du lot de 10 000 précédemment ramassés. Ensuite, 1l a installé un certain nombre de « vases à infestation » dans lesquels il traitait les insectes qui lui étaient adressés par les cultivateurs. Ayant fait ainsi une provision suffisante d’insectes infestés, il a fait annoncer qu’il tenait à la disposition des cultivateurs intéressés des Chinch bugs infestés pouvant servir à la propagation de l'épidémie dans les champs envahis par ces insectes et en envoyait un certain nombre à tous ceux qui lui en faisaient la demande. Chaque envoi était accompagné d’une note ainsi conçue : « Je vous adresse une petite boîte contenant quelques Ghinch bugs infestés et vous prie de les employer suivant les instructions ci-dessous indiquées et de m'annoncer les résultats que vous aurez obtenus. | € Mettre dans un récipient les insectes envoyés avec 10 ou 20 fois autant de Chinch bugs bien portants et les laisser ensemble pendant 36 à 48 heures. Ensuite jeter les morts et les vivants dans les champs à traiter. Suivre de près et noter soigneusement les résultats appré- ciables. « Les Chinch bugs doivent commencer à mourir dans les champs 9 jours après la distribution des insectes infestés. « Je vous prie de me faire parvenir un rapport aussi détaillé que possible sur la façon dont vous avez procédé. Je suis, en effet, très désireux de découvrir la meilleure méthode de propagation de ces maladies. » En procédant ainsi, M. Snow envoyait aux cultivateurs des lots de Chinch bugs dans lesquels il y avait presque toujours des spécimens atteints respectivement par l’un des trois microbes ci-dessus indi- qués; de sorte qu’il y avait dans chaque lot les germes de toutes ces maladies, du Sporotrichum, de l'Empusa et du Micrococcus, et que c’est la maladie dont le germe trouvait au moment donné les condi- tions les plus favorables à son développement qui prenait dans les champs une importance prédominante et s’étendait le plus rapide- ment. ANN. SCIENCE AGRON. — 1893. — 1. 81 482 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. C'est ainsi, comme il ressort des rapports des cultivateurs, que, depuis le mois d’avril jusque vers la fin de juin, pendant un temps relativement frais et humide, c’est le Sporotrichum qui s’est déve- loppé le mieux et a donné les résultats les plus satisfaisants ; tandis qu’en juillet, août et septembre, comme le temps était sec et chaud et par conséquent peu favorable au développement du Sporotrichum, mais par contre très favorable au développement du WMicrococcus*, c’est ce dernier qui a provoqué des épidémies de beaucoup les plus meurtrières et à marche beaucoup plus rapide que celles dues aux muscardines. La muscardine grise (Empusa) n’a été signalée dans les champs que du 20 juin au 1° août, mais jamais seule, toujours en compa- gnie du Sporotrichum et du Micrococcus. Chacune de ces maladies et notamment celles causées par le Spo- rotrichum et le Micrococcus se manifestent par un ensemble de ca- ractères particuliers qui permettent de faire un diagnostic certain dès le début de linfestation. Sporotrichum. — La maladie causée par la « muscardine blanche » commence à se manifester 2 à 4 Jours après l’infestation. Les Chinch bugs encore vivants quittent les plantes sur lesquelles ils vivent et montrent des signes d'inquiétude en courant rapidement et sans but de place en place. Le jour suivant ils deviennent paresseux et cher- chent à fuir la lumière et la chaleur en se cachant sous les mottes de terre, sous la paille, ou en se réunissant dans les endroits ombra- gés et humides. Du 6° au 8° jour on commence à trouver des Chinch bugs couverts de moisissure. Dès ce moment l’épidémie se propage très rapidement. Micrococcus. — Les Chinch bugs atteints par le Micrococcus se réunissent sur le sol en groupes et s’attachent les uns aux autres de façon à former des grappes plus ou moins volumineuses*. Cette ma- ladie, véritable choléra des insectes, est plus prompte dans ses effets et son extension plus rapide et plus intense que celles causées par les muscardines. En 1891, 2000 cultivateurs environ ont eu recours au procédé {. Voir Schmidt : Dée Nonne (Liparia monacha), ete... Ratibor, 1893. DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 483 de M. Snow pour détruire les Chinch bugs. De ces 2000 cultiva- teurs, 1 400 lui ont adressé des rapports détaillés, dont 1 071, soit 76.55 p.100 accusent des résultats complètement satisfaisants, 147, soit 10.51 p. 100, des résultats douteux et 181, soit 12.94 p. 100, des résultats négatifs. En 1892, on a opéré dans 5 500 fermes différentes. Sur ces 3 500 cas M. Snow a reçu 1 732 rapports dont 1 04%, soit 67.9 p. 100, ac- cusent des résultats complètement satisfaisants, 120, soit 7.8 p.100, douteux, et 372, soit 24.3 p. 100, négatifs. En résumé, M. Snow a obtenu sur 3132 cas contrôlés, 2 115 succès (destruction complète des insectes nuisibles). Des expertises officielles ont permis d'évaluer que les récoltes sauvées de cette façon repré- sentent une valeur de 1 520 675 fr. et que ce résultat a été obtenu au prix d’une dépense totale de 19150 fr., ce qui représente pour chaque cultivateur, en moyenne, une plus-value en récoltes de 745 fr. Ce sont là des résultats indiscutables ; les maladies contagieuses propagées d’une façon rationnelle ont seules eu raison d’un insecte qui ravageait les récoltes des États-Unis depuis plus d’un siècle et contre lequel tous les autres moyens employés sont restés impuis- sants. CHAPITRE IV MÉTHODES A SUIVRE POUR INFECTER LES INSECTES VIVANT A LA SURFACE ET CEUX QUI VIVENT ENFOUIS DANS LA TERRE Pour détruire les vers blancs au moyen de la muscardine rose, M. Le Moull à suivi la méthode indiquée par M. Arassilstchik. Il a fait répandre sur les champs infestés par les vers blancs des spores préparées en grand sur des milieux nutritifs artificiels. Il aurait pu se faire que, par un hasard heureux, ce procédé donnût des résultats satisfaisants ; dans ce cas on n'aurait eu qu’à suivre les indications de M. Le Moult, sans se préoccuper autrement des con- ditions de développement et d'existence du champignon parasite et des insectes qu’il s’agissait d'atteindre. 484 . ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. : Malheureusement, le hasard n’a pas favorisé M. Le Moult; comme nous l'avons vu plus haut, les tentatives d’infestation des vers blancs dans les champs n’ont pas été jusqu’à présent couronnées de succès. Bien au contraire, les nombreux essais d’infestation des vers blancs faits en France pendant près de quatre ans ont montré d’une façon incontestable que dans la lutte avec ces insectes les procédés de MM. Xrassilstchik et de Snow ne pourront jamais donner des résul- tats appréciables. On se trouve là, en effet, en présence de cas absolument dissem- blables, tant au point de vue entomologique que mycologique. Le Cleonus comme le Chinch bug sont des insectes qui font le plus de ravages à l’état d’imago ou de larves, vivant à la surface ou très près de la surface du sol, se déplaçant facilement en courant d’une plante à une autre et, par conséquent, se trouvant fréquemment en contact les uns avec les autres. En répandant des spores virulentes même en quantité relativement petite sur les champs infestés par ces insectes on a beaucoup de chances de les atteindre directement et il est possible d'admettre à priori que les sujets qui ont pu échapper à ce premier traitement direct s’infesteront dans la suite par con- tact avec les sujets morts contaminés. L'extension rapide des épidémies est encore favorisée dans ces deux cas par ce fait, que la muscardine verle employée contre le Cleonus et les deux muscardines (Sporotrichum et Empusa) dont s’est servi M. Snow pour détruire les Chinch bugs sont des champignons à évo- lution rapide. Il leur faut 8 à 12 jours dans des conditions normales pour passer par tous les stades de leur développement et produire des spores mures, virulentes. Quant au Micrococcus insectorum, la maladie causée par ce microbe est contagieuse aussitôt après l’infestation et peut être propagée par des sujets atteints encore vivants. Il était donc relativement facile, dans ces conditions, de créer des foyers d’infestation et d'admettre logiquement que, ces foyers une fois établis, l'épidémie se propagera d’elle-même rapidement sur toute l'étendue des champs envahis par les insectes qu’il s'agissait - DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 48 d'atteindre. Les résultats obtenus en Russie et surtout aux États-Unis ont montré qu’il en est effectivement ainsi. Or, les conditions d'existence des vers blancs ne ressemblent en rien à celles du Cleonus et du Chinch bug, pas plus que les conditions de développement de la muscardine rose ne ressemble à celles des muscardines précitées. On sait, en effet, que les vers blancs se tiennent enfouis dans la terre à des profondeurs variant entre 10 et 20 centimètres en été et 30 à 60 centimètres en hiver, qu'ils ne viennent jamais d’eux- mêmes à la surface, qu'ils se déplacent peu, vivent isolés et peuvent, par conséquent, ne jamais se rencontrer les uns les autres. D’autre part on sait que la muscardine rose est un champignon à évolution relativement très lente, qu’il faut attendre un, deux et parfois même trois mois pour qu’une culture sur ver blanc ou sur pomme de terre donne des spores bien mûres. Ce sont là des faits qui, à première vue déjà, permettent de pré- juger que les procédés employés par MM. Xrassilstchik et Snow ne peuvent pas être appliqués tels quels à la destruction des vers blancs. Il nous semble même impossible d'admettre qu’un naturaliste tant soit peu au courant des conditions de développement de la muscar- dine rose et des conditions d’existence des vers blancs, ait jamais pu espérer d'atteindre ces derniers dans une proportion appréciable, en répandant sur les champs des spores à raison de quelques tubes ou même de quelques kilogrammes de cultures sur pomme de terre, ou en enfouissant ces mêmes cultures dans le sol à raison d’un petit morceau pour 10 ou 20 mètres carrés". 1. Ce sont pourtant ces procédés qui ont été adoptés et conseillés par M. Le Moult dont toute la bonne volonté et toute l'énergie digne d’éloges déployée dans la lutte acharnée ct désintéressée contre le hanneton ne pouvait compenser le manque de connaissances spéciales indispensables non seulement pour mener à bien une pareille entreprise, mais pour prévoir et apprécier les diflicultés de toutes sortes que l’on ren- contre toujours dans ce genre de recherches. M. Le Moult, s'il n'a pas été le premier à découvrir le parasite du hanneton et du ver blanc, a eu le grand mérite de le chercher et de le retrouver au moment où per- sonne n’y pensait plus. Il a été le premier en France qui ait songé à l'utiliser comme moyen de destruction et surtout, qui ait attiré sur cette importante question l'attention des savants et des cultivateurs. En outre, président du syndicat du hannetonnage du 486 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. L'expérience suivante prouve bien, croyons-nous, qu’il n’y à pas de doute possible à ce sujet : Nous avons placé 100 vers blancs de 2° année dans 10 pots à fleurs à moitié remplis de terre. Ces vers blancs ont été recouverts d’une couche de terre de 2 centimètres d'épaisseur sur laquelle nous avons répandu le contenu d’un tube de culture sur pomme de terre (tubes Le Moult) par pot. Ensuite, nous avons rempli les pots de terre jusqu’en haut et nous y avons semé du blé et du gazon. Pour arriver aux racines, les vers blancs étaient donc obligés de traverser la cou- che des spores. Le contenu de ces 10 pots a été vérifié 34 jours après et nous n'avons pas trouvé un seul ver blanc muscardiné. Une couche de terre de 2 centimètres a donc suffi, malgré des arrosages fréquents, à garantir les vers blancs de toule contagion pendant plus d'un mors. D’autres expériences faites simultanément avec les mêmes cul- tures nous ont prouvé que, bien que fortement atténuées, ces cul- tures étaient encore assez virulentes pour infester en moyenne 4 vers blancs sur 10, traités par contact direct. canton de Gorron (Mayenne), il a créé presque tous les syndicats de hannetonnage exis- tants en France ou provoqué leur création, Ge sont là des services importants rendus à l’agriculture et des titres que personne ne songe à lui disputer. Nous reconnaissons même volontiers que, si nous nous occupions bien antérieurement de « zoolagie appli- quée », c'est la grande publicité donnée aux premières notes communiquées par M. Le Moult sur le parasite du hanneton, à l'Académie des sciences, qui nous a montré toute l'importance de cette question et qui nous a décidé à nous y consacrer entièrement. Mais M. Le Moult, il le reconnaît lui-même, n'est pas naturaliste. L'étude des maladies contagieuses et de leurs applications, étude d'autant plus diflicile et compliquée que cette science est toute nouvelle et ne repose encore que sur des observalions bien peu nombreuses, demande, en dehors des connaissances spéciales de mycologie et d'er- tomologie, des connaissances très étendues de biologie générale. Or, de toutes ces sciences, M. Le Moult n'avait et ne peut avoir encore que des notions tout à fait insuffisantes. Qu'il laisse donc aux naturalistes qui s'en sont fait la spécialité la re- cherche des procédés à suivre dans chaque cas particulier et la direction des re- cherches expérimentales; son concours est par contre tout indiqué quand il s'agira d'appliquer en grand les procédés suflisamment étudiés et expérimentés. En groupant les agriculteurs, en organisant des syndicats, non seulement de hannetonnage, mais, en général, de défense contre tous les animaux nuisibles, et en propageant les méthodes de défense réellement scientifiques, il sera dans son rôle et rendra à l'agriculture des services tout aussi importants. DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 487 Nous avons vu aussi plus haut (p.476) que M. Cienkowski évaluait à 90 litres la quantité nécessaire de spores pures à répandre sur un hectare pour atteindre les larves du hanneton des blés ; or, pour obtenir 90 litres de spores pures, il faudrait environ 40 quintaux métriques de cultures sur pomme de terre. Pour trouver un procédé rationnel d’infestation des insectes dans les champs, il faut donc tenir compte de toutes les particularités qui caractérisent d’une part le développement du champignon parasite que l’on veut employer, d’autre part le genre de vie des insectes visés. Pour expliquer la propagation des maladies contagieuses parmi les êtres qui vivent sur la terre, on admet généralement que les germes de ces maladies ont dû être absorbés avec l’air inspiré, les aliments ou l’eau de boisson, en un mot que ces êtres ne peuvent s’infester qu’à la condition de vivre dans un milieu infesté lui-même, c’est-à-dire contenant des germes pathogènes en quantité suffisante. Or, les vers blanes qui vivent dans la terre ne seront atteints par la muscardine que quand cette terre elle-même sera suffisamment infestée, quand le germe virulent du parasite vivra et se développera dans la terre. C’est ce qu’où observe, en effet, en suivant avec attention et pen- dant plusieurs années de suite les épidémies de muscardine dans leurs stations naturelles (voir les observations de M. Gouin p. 473). Il nous semble impossible de s'expliquer l'apparition, à un moment donné, des vers blancs momifiés, un peu partout sur une vaste étendue, autrement qu’en admettant la préexistence du champignon parasite dans ces terres. Ce qu'il faudrait chercher, par conséquent, dans le cas particulier de la destruction des vers blanes par la muscardine, ce n’est donc pas autant à atteindre directement les vers blanes, qu’à provoquer le développement de la muscardine dans les terres qu'il s’agit de préserver de leur invasion. Ce serait là, du moins, la seule méthode basée, nous semble-t-il, sur l’ensemble des données connues jusqu’à présent. En résumé, les insectes qui vivent à la surface de la terre, sur les tiges, les feuilles ou les fleurs des plantes, tels que les hannetons, 488 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. les Cleonus, les Chinch bugs, les taupins, les sylphes, les mouches de blé, les pucerons, les charançons, la plupart des insectes para- sites de la vigne, etc., etc., peuvent être traités avec succès par les méthodes adoptées par MM. Arassilstchik et Snow, c’est-à-dire en répandant des spores virulentes à la surface des champs ou sur les plantes envahies. Dans tous ces cas l’infestation directe d’un certain nombre d'insectes est très possible et l'épidémie pourra se propager ensuite d'elle-même toutes les fois que le microbe employé sera une bactériacée où une muscardine à évolution rapide. Par contre, on ne peut espérer d'atteindre et de détruire au moyen des maladies contagieuses les insectes (principalement des larves) qui vivent enfouis dans la terre et s’attaquent aux racines, qu’en infestant la terre elle-même, c’est-à-dire qu’en provoquant dans cette terre le développement des champignons parasites. Dans ce dernier cas, l'application de microbes pathogènes à la destruction des insectes nuisibles présente bien des difficultés, elle demandera certainement encore beaucoup et de longues études; ces difficultés ne semblent pourtant pas insurmontables. Les épidémies naturelles qui déciment les vers blancs et proba- blement beaucoup d’autres larves vivant dans les mêmes conditions, prouvent d’une façon indiscutable qu’il est possible de réaliser dans la terre les conditions nécessaires au développement des muscardines, le tout est de savoir comments’ y prendre, et les recherches expérimen- tales conduites avec méthode ne manqueront pas de nous l’apprendre. En tous cas, il nous semble bien démontré aujourd’hui que, dans la lutte avec les animaux nuisibles, la méthode maugurée par M. Wetcl- nikoff et suivie avec tant de succès par les naturalistes américains est lu seule qui a donné jusqu'à présent des résultats satisfaisants el indiscutables, La seule qui peut nous assurer la vicloire. Conseils pratiques pour contaminer les vers blancs et les hannetons et pour établir des foyers d’infestation dans les champs. Pour infecter des vers blancs on peut se servir de hannetons ou de larves momifiées, ou bien de cultures artificielles. DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 489 Les momies, comme les cultures artificielles, ne peuvent être employées utilement que quand elles contiennent des spores bien mûres. 2 Les momies sont mûres quand la moisissure qui les recouvre est pulvérulente et d’une teinte grise-jaunâtre. Les culiures artificielles de muscardine peuvent être faites sur différents milieux nutritifs préalablement stérilisés, le plus souvent on les fait sur des bâtons de pommes de terre à demi cuites sous pression, avec un peu de jus sucré et acidulé, dans des tubes en verre. Si les tubes sont bien préparés et contiennent de la muscardine bien virulente, les bâtons de pommes de terre présentent une colo- ration rouge-violacée ou lie de vin foncée et sont entièrement cou- verts de moisissure. Les cultures qui n’ont donné à la pomme de terre qu’une colora- ration rose-tendre ou jaunâtre sont généralement plus ou moins fortement atténuées ; leur emploi ne peut donner que des résultats peu appréciables. Il est assez facile de se rendre compte de l’état de développement de la muscardine dans les tubes. Il faut secouer le tube, et alors, si les spores sont bien fnûres, elles se détacheront de la pomme de terre et formeront à l’intérieur du tube un nuage gris-jaunâtre, semblable à de la farine bise; dans le cas contraire, la moisissure restera adhérente à la pomme de terre. Seule, la poussière qui se délache facilement de la pomme de terre * peut élre utilement employée pour l’infestation des hannetons et des vers blancs. | Il est bon de ne prendre dans les tubes pour s’en servir que la poussière qui se sera détachée seule après quelques secousses ; re- boucher ensuite et laisser le tube en repos pendant quelques jours. Chaque tube peut servir plusieurs fois et on n’utilisera chaque fois que des spores mûres. Pour contaminer les vers blancs, il faut procéder de la façon sui- vante : 1° Faire ramasser des vers blancs en aussi grande quantité que possible. On les prend avec précautions, pour ne pas les blesser, et 490 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. on les place dans des paniers ou autres récipients avec de la terre, pour qu’ils ne meurent pas en se blessant les uns les autres ; % Choisir un endroit peu éclairé (grange, remise ou écurie) et répandre par terre les vers blancs ramassés, de façon à ce qu’ils ne puissent pas se toucher et se blesser les uns les autres ; 3° Verser le contenu des tubes, en les secouant fortement, dans une assiette, un bol ou un récipient quelconque, prendre, avec un petit pinceau, la poussière blanche qui se détache de la pomme de terre et toucher les vers blancs un à un, de façon à les saupoudrer de spores (s’il reste des spores attachées aux parois intérieures des tubes, il faut rincer ces derniers avec un peu d’eau et toucher les vers blancs avec un pinceau trempé dans cette eau) ; 4° Laisser les vers blancs, ainsi saupoudrés de spores, pendant trois ou quatre heures ; 5° Ramasser les vers blancs ainsi traités et les placer en pleine terre, en les enfouissant à dix ou quinze centimètres de profondeur et à dix centimètres de distance l’un de l’autre. — Il faut placer, au moins, 100 vers blancs contaminés sur un mêtre carré, en choisis- sant les parcelles qui ont le plus à souffrir ; 6° Les bâtons de pommes de terre, dont on a enlevé les spores avec le pinceau, doivent être coupés en quinze ou'vingt petits morceaux et enfouis en même temps que les vers contaminés. Pour que le traitement que nous venons d'indiquer devienne réellement efficace et donne des résultats appréciables, 1l faut lap- pliquer de la façon suivante : 4° Mettre à profit les travaux des champs pour commencer à faire ramasser les vers blancs au printemps, aussitôt qu'ils seront remontés près de la surface, et continuer ainsi pendant la durée de la belle saison, c’est-à-dire jusqu’en octobre. Les vers ramassés dans la journée, pendant les labours et autres travaux des champs, doivent être traités le soir et enfouis le lendemain matin; 2° Établir des gisements momifères pour avoir constamment de la muscardine bien virulente à sa disposition. Isoler une petite parcelle de quelques mètres carrés en l’entourant de planches, de feuilles de tôle ou d’ardoises enfoncées dans la terre à 30 ou 40 centimètres de profondeur ; enfouir dans ce champ des vers blancs contaminés par DESTRUCTION DES ANIMAUX NUISIBLES A L'AGRICULTURE. 491 le procédé ci-dessus indiqué, en raison d’une centaine par mètre carré; jeter ensuite, dans ce champ réservé, en les enfouissant à cinq ou dix centimètres de profondeur, tous les vers blancs que l’on pourra se procurer. En procédant ainsi, on aura, un an après l’éta- blissement du champ réservé, une quantité suffisante de vers mus- cardinés pour traiter les champs envahis par les vers blancs, sans avoir recours aux cultures artificielles. En résumé : 1° employer des cultures artificielles pour créer des foyers d’infestation dans les parcelles qui ont le plus à souffrir (au lieu de répandre les vers blancs contaminés en les enfouissant un à un à 9 ou 10 mètres de distance, comme on l’a conseillé jusqu’à présent, il faut en enfouir 50 à 100 par mètre carré, de place en place, dans les parcelles qui ont le plus à souffrir) ; 2 établir des gisements momifères pour avoir toujours de la muscardine bien virulente à sa disposition. Pour contaminer les hannetons, il faut : 1° Enfermer les hannetons dans des seaux, des pots ou autres récipients analogues ; . 2% Répandre sur eux des spores en raison d’un tube de culture sur pomme de terre pour 200 ou 300 hannetons en moyenne ; 3° Les laisser enfermés ainsi pendant cinq ou six heures ; 4 Les relâcher ensuite et les laisser s'envoler. Une partie des hannetons contaminés succomberont avant de s’en- terrer et se couvriront de moisissure qui sera répandue partout par le vent. D’autres mourront muscardinés dans la terre et propageront la maladie parmi les vers blancs. Les vers blancs el les hannelons momifiés peuvent conserver leur virulence pendant au moins deux ans. Les foyers d’infestation créés en pleine terre y persisteront pendant plusieurs années de suile, tant qu'il y aura des vers blancs pour les alimenter. TABLEAUX. TABLEAUX GRAPHIQUES 22 000 21000 20000 mt mm mm Févr. |Mars.|Avril | Mai. | Juin. | Juil. |Août.| Sept.| Oct. | Nov| Déc.| Janv. No 1. — Multiplication des campagnols en une année de grande invasion. *068I % O88I 9p ‘Sue OT op 2pouyd aun,p JuemMOo9 of Suep sjouSedmueo sop UOTJUOTANINN — ‘8 oN de + NES | \ pl F3 — HT J E- . —3 5: S TABLE DES MATIÈRES DU TOME PREMIER.:(1893) Pages L. Grandeau et H. Ballaçay. — Études expérimentales sur l’aii- mentation du cheval de trait. Sixième mémoire. . . . . . . . 1 É. Saillard. — Étude sur quelques stations agronomiques alle- mandes. — Deuxième partie. La station agronomique de Halle . 105 À. Ronna.— Les desséchements en Angleterre (avec deux cartes). 151 E. W. Hilgard et M. E. Jaffa. — Note préliminaire sur la leneur en azote de l’humus dans les régions arides et humides . . . . 297 L. Grandeau. — La fumure des champs et des jardins. . . . . . 305 J. Danysz. — Destruction des animaux nuisibles à l’agriculture (rongeurs et insectes) par les maladies contagieuses (avec deux LÉO) PS AR NE AR CS EE Se EE à Nancy, imprimerie Berger-Levrault et Cie. 18! PAPE LA à # < Re