D У à Yes T D 7 "ç AE are RS >. GS ee ¿ 4 л š 2 PTT ЕУ RTS TES = 4 ^ ^ e. ei o > Ada Te < : SNe 3 ^ E ым, M iN Se 2 ~ б", QC CUR e. کے“‎ SE Es : dte! е = C ; + = ; À. 4, x Я z uA ] > Y OUI 7 Ç ` = acc ar = š ; i ; L Meme > x. a 5 Э, > aep $ 3 SER DE RP RSE | : 7% Ve x* = ЕХ - ad а. e CE а - ы — X $e. CE += = = Су. сас —P ç jM 2 OX Ry jo SK А à | ANNALES É LA SOCIETE LINNÉENNE - du département ! T ^ ттт а А) | DE MAINE ET LOIRE | | EN | | | | 2° ANNÉE. — 1856 | | —- — ———y x | ANGERS IMPRIMERIE DE COSNIER ET LACHÈSE Chaussée Saint-Pierre, 13 д 39 B - t 1857 N S) E. f Чи SPACE ry s = КЕЛЕЕ EM RM ER EX" VO) ANNALES LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE du département DE MAINE ET LOIRE ANNALES DU DÉPARTEMENT DE MAINE-ET-LOIRE . geme Année 1856 SOCIETE LINNÉENNE DU DÉPARTEMENT DE MAINE ET LOIRE. BUREAU. M. Guérin, président honoraire. MM. Ѕоглхр (Aimé de), président. Joannis (Léon de), vice-président. MABILLE, secrétaire-trésorier. Farce (Émile), secrétaire. MEMBRES TITULAIRES. MM. ANDIGNÉ (Aimé d^, lieutenant de louveterie. ANDIGNÉ (Aimé d"), ancien officier. ANDIGNE DE MAYNEUF (comte d’), maire du Lion-d'Angers. П MM. Baracé (Raoul de). Brain (Frédéric), préparateur du cours d'histoire naturelle à l'École supérieure. BLAvIER (Aimé) ingénieur des mines. BÉcrAnD (Philippe), avocat. BnuxETIERE (Charles). CHARTIER (Jules), ancien magistrat. CHENET (l'abbé), chanoine titulaire du chapitre de St-Maurice. CHENUAU (Auguste), juge au Tribunal civil de première ins- tance d'Angers. Costin (Ernest, comte de), maire de Tiercé. CoNTADES (Edmond de). Cosnier (Léon), imprimeur-libraire. Cumowr (vicomte Arthur de) rédacteur en chef de Г Union de l'Ouest. Degrais (Cyprien), négociant. DELALANDE (Frédéric), avocat. DELHOMEL, membre du Conseil d'arrondissement d'Angers. EnAULT, docteur en médecine. Farce (Emile), docteur en médecine, directeur de l'Ecole d'enseignement supérieur. GAIGNARD (Charles), maire de Marcé. Guérin, docteur en médecine, correspondant de l'Académie impériale de médecine. GUÉRIN (Lucien). HégerT (Alfred), licencié en droit. Houpan (Eugène d’) Lacnèse (Adolphe), docteur en médecine. LACRÈSE (Paul), imprimeur-libraire. LAINÉ (Eugène), imprimeur-libraire. MM. MM. Ш LANDREAU (baron du). LA PERRAUDIÈRE (Henri de). LEMARCHAND, bibliothécaire-adjoint de la ville d'Angers. Leroy (André), horticulteur. Милет, président du Comice horticole. MIOMANDRE (de). MonTREuIL (comte Jules de). MonpnET, archéologue. Moron (Francois), professeur au Lycée d'Angers. Norman, conseiller de Préfecture. Pavie (Victor), ancien imprimeur. Porr, archiviste du département. PRévor (Emile), avocat. Romans (baron de). Rousseau, contrôleur principal des contributions directes. SOLAND (Aimé de), membre de plusieurs Sociétés savantes. SOLAND (Théobald de), substitut du Procureur général. ViLLEBOIS (comte de). VixcELOT (l'abbé), chanoine honoraire, directeur de la pen- sion Saint-Julien. MEMBRES TITULAIRES NON RÉSIDANTS. ACHARD, docteur en médecine à Thouarcé. ACKERMANN, négociant à Saumur. ARMAILLÉ (Joseph d"). Влоротх (l'abbé) aumónier des Incurables de Baugé. BÉRAUDIÈRE (comte de). CnaLus (Alexandre de), médecin à Bazouges. IV MM. Conin (l'abbé), curé de Luigné. COURTILLER (jeune), directeur du cabinet d'histoire naturelle de Saumur. CROCHARD (de). Degrais (Auguste), docteur en médecine à Morannes. DnouET, maire de Morannes. Dumas (Jules), pharmacien. GENNEVRAYE (de la), ancien pharmacien aux Tuileries. GIRALD (Charles), agronome. GuiLLET (l'abbé), professeur d'histoire naturelle à l'institu- tion de Combrée. GuiLLou , administrateur de la Caisse de prévoyance de Cholet. Joannis (Léon de), ancien officier de marine. LawBERT (Paul), docteur en médecine. Lacroix (de), desservant de Saint-Romain-sur-Vienne. LAREVELLIÈRE (Ossian), membre de plusieurs Sociétés sa- vantes. Le Gris (Ludovic), membre du Conseil d’arrondissement de Baugé. MÉNIÈRE (Prosper), médecin de l'institution. des Sourds- muets de Paris. MesLier, docteur en médecine, à Saint-Georges-sur-Loire. RABOUIN, docteur en médecine, à Saint-Florent-le-Vieil. Коснлвр (l'abbé), aumónier du collége de Saumur. RoLaAND, ingénieur civil. SOUBEIRAN (Léon), licencié és-sciences naturelles. TrouILLArD (Charles), banquier à Saumur. VALIENNE, inspecteur des écoles primaires. MEMBRES CORRESPONDANTS admis depuis la publication du fcr volume des Annales de la Société Linnécnne. MM. Barty, auteur de la Faune de la Savoie. Bopan (du), substitut du proeureur-général prés la Cour impériale de Rennes. CAILLAUD, directeur du Musée de Nantes. CHEVALIER (l'abbé), vicaire à Saint-Georges-sur-Loire. CHEVREUL (Henri). COSNIER (Paul), capitaine de vaisseau. CRESPON, naturaliste, à Montpellier. Dansou , président de la Société académique d'archéologie de l'Oise. DELOCHE, conservateur du cabinet d'histoire naturelle d'Angers. DERODE , président de la Société Dunkerquoise , pour l'en- couragement des lettres et des arts. DucuENE (de la Motte), naturaliste à Abbeville. GALITZIN (prince Augustin), membre de plusieurs sociétés savantes. GasriNES (de), élève de l'École des Chartes. GEOFFROY SarNT-HiürsinE (Isidore), président de la Société d'aeclimatation. GRATTELOUP (de) docteur en médecine, à Bordeaux. Jordan, botaniste à Lyon. LORIÈRE (Gustave de). LoniknE (Léon de). Luton, licencié és sciences. A1 MM. MacNaY (l'abbé), professeur d'histoire naturelle au collége de la Ferté-Macé (Orne). Martins (Charles), directeur du Jardin des Plantes de Mont- pellier. MICHELET, membre de l'Institut. MOoNTESSON (comte de). MonTLAUR (Jules de), ancien officier. SAINT-GILES (de), naturaliste à la Ferté-Macé (Orne). SAINT-RENÉ TAILLANDIER , président de la Société des Écoles chrétiennes. SAINT-RENÉ TAILLANDIER, professeur à la Faculté des Lettres de Montpellier. SICOTTIÈRE (Léon de la), avocat à Alençon. Tuomas, naturaliste à Nantes. Voisin (l'abbé), du Mans. INTRODUCTION. La Société linnéenne de Maine et Loire est arrivée à faire paraître le second tome de ses Annales. Comme toute Société naissante, celte association scientifique a eu des commence- ments difficiles, maintenant son avenir est assuré. Les diverses branches de l'histoire naturelle ont trouvé parmi nous de zélés interprètes. Aussi, depuis la publication de notre premier volume, la Faune et la Flore de Maine et Loire se sont-elles enrichies de rares et curieuses espèces. Des horticulteurs distingués, d'habiles agronomes ont bien voulu nous faire part de leurs travaux et du résultat de leurs expériences. D'illustres étrangers et un membre de l'Institut de France nous ont envoyé de remarquables études. L'accueil flatteur que le monde savant a bien voulu faire à nos modestes travaux, est pour nous un vif encouragement. Une œuvre collective, commencée par la Société linnéenne, est ҮШ en bonne voie; nous voulons parler de l'histoire des commu- nes. De divers points de notre département des recherches sont faites, afin d'aider les travailleurs dans cette tâche si difficile. Plusieurs départements de France ont entrepris la méme étude que celle qui nous occupe dans ce moment, et sont arrivés à bonne fin. Espérons qu'il en sera de méme pour le département de Maine et Loire, et que dans quelques années, nous pourrons offrir au public une histoire générale de notre curieuse et fertile province. AIMÉ DE SOLAND. LE MÉDECIN VOYAGEUR, П пу a rien de nouveau sous le soleil, dit la sagesse antique , et ceux qui ont beaucoup vu, sont assez de cet avis. Des observaleurs attentifs et patients prétendent que « Toujours ce qui précède amène ce qui suit » évolution nécessaire et progressive de tous les faits qui se pro- duisent, coordination régulière des actes dont nous sommes les témoins distraits et dont nous perdous sans cesse le fil. Ces sortes de vérités sentencieuses ne conviennent guére à cette foule d'inven- leurs, qui ne se croient tant de génie que parce qu'ils ignorent ce qu'on a fait avant eux. Quoiqu'il en soit, les gens à imagination vive, sans tenir compte du passé, marchent en avant, escaladent la grande échelle symbolique qui va de la terre au ciel, du connu à l'inconnu, se précipitent dans toutes les voies ouvertes ou fermées, ardents à recueillir les occasions de jouissances que procure une découverte quelconque. Et notez bien que les nouvcautés ne sont pas chose aussi rare qu'on veut bien le dire. Voici par exemple une observation d'his- loire naturelle qui n'a point encore été signalée, que je sache , ou du moins sur laquelle l'attention publique ne s'est pas arrêlée avec tout le soin qu'elle mérite. Chacun sait que les hirondelles arrivent à Paris au mois d' avril et partent pour les régions méridionales vers le mois d'octobre. Les chasseurs connaissent trés bien les migrations de plusieurs espèces d'oiseaux ; les badauds, les astronomes, les grands philosophes et les pelits rentiers, gens qui vivent d'habitude le nez en l'air, savent par- 1 2 faitement que les canards et les oies sauvages voyagent par troupes nombreuses , et cela, à des époques précises. Ce n'est pas ici le lieu de rechercher la cause de ces mouvements réguliers, de ces courses périodiques qui ont tant occupé les ornithologistes anciens et mo- dernes. Les amateurs de pêche, ceux qui éludient quelque peu les allures des poissons , n'ignorent pas que certaines espèces abandonnent les rivières pour descendre dans la mer, tandis que d'autres quittent la mer pour remonter dans les rivières, toujours avec une merveil- leuse exaclitude de temps et de saison. П y a dans le Nord une sorte de rat, nommé Lemming, lequel, tous les ans, forme des caravanes immenses , parcourt des distances considérables obéissant à l'instinct qui le pousse en avant, et lui fait franchir tous les obs- lacles. Enfin, il n'est pas jusqu’à un malheureux crabe qui ne se livre sur terre à des voyages de long cours et ne brave, pour arriver à son but, des dangers de plus d'un genre. Le pourquoi de tout ceci n'est pas chose facile à dire. On parle volontiers d'instinct pour se dispenser d’admettre une détermina- lion raisonnée. On attribue à une aveugle nécessité ces mouve- ments volontaires qui répondent à des besoins inlimes, à des désirs passionnés , et l'on ne veut voir dans toutes ces espèces émigrantes, que des machines sans réflexion, cédant à une impulsion spontanée et irrésistible. Je ne veux pas dire tout ce que je pense là-dessus. Entre des hommes comme Malebranche et Descartes , d'une part, Dupont de Nemours, et l'excellent M. Defrance, d'autre part, il y a un monde, et je ne suis pas forcé de porter un arrét dans ce procés mémorable. Mais au lieu de juger, ce qui est difficile et compromettant , je préfère apporter un nouvel élément dans la cause, un nouveau fait d'une grande portée, selon moi ; les savants verront le parli qu'on en peut tirer pour la solution de cette affaire. Or donc , j'ai découvert que depuis un certain nombre d'années, les médecius de Paris éprouvent, vers le premier septembre, un besoin impérieux de quitter la capitale, d'envahir avec une ardeur démesurée, les chemins de fer, pour aller s'abattre sur les pays limitrophes de la France. Voilà du nouveau, si je ne me trompe, car, qui a jamais parlé, jusqu'ici, de celte particularité si remarquable ? Qui s'est avisé, avant moi, de signaler dans celte classe respectable d'individus , celle fièvre de locomotion dont les accès, à grandes périodes, ne se manifestent que vers la fin du mois d'août? Les auteurs les plus modernes (voyez le recueil intitulé : Les Francais peints par eux- D 2 ә mêmes) indiquent bien comme caractère du docteur en médecine, beaucoup de politesse et de sauvagerie, un esprit distingué mais frondeur , un goût trés vif pour-les bons diners , les belles dames et les friandises, un amour-propre excessif et qui ne le cède guère qu'à celui des poétes, des physiciens , des philosophes, des chimis- tes, des théologiens, des dentistes et des hommes d'état, et enfin, comme caractères plus spéciaux, un costume entièrement noir, des chapeaux de forme bizarre, peu de gants et une cravate assez blanche. Voilà le signalement de l'espèce, et ce portrait, peu flatté , parait assez ressemblant. Il faudra désormais ajouter à celle diagnose, que le docteur pari- sien émigre tous les ans vers le mois de septembre, qu'il élit domicile sur les grandes routes, qu'il dédaigne les malades, les consultations et méme les honoraires pendant quelques semaines de ce méme mois, enfin qu'il change de peau, de régime, de goûts et subit une métamorphose complète vers l'équinoxe d'automne. Voici ma découverte, j'en prends acte, et je déclare réclamer la priorité. Ce fait nouveau doit contribuer, si je ne me trompe, à éclairer la grande question des émigralions périodiques que l'on a constatées dans la série animale. Les animaux ont tant fait, jus- qu'ici, pour l'homme, qu'il est bien juste, qu'à notre tour, nous fassions quelque chose pour ces pauvres bétes qui peuvent, à bon droit, nous accuser d'ingratitude. Ceci dit et livré aux méditations des savants de toutes les Sociétés linnéennes, et autres, je veux essayer de rechercher quelles sont les conséquences de ce fail capital, si l’histoire naturelle peut y gagner quelque chose, et si, plus spécialement , la botanique en a tiré quelque profit. Omnia mecum porto, adit un philosophe, affirmation un peu am- bitieuse , mais qui me semble très justement appliquée à tout voya- geur. On porte avec soi ses goûts, ses passions, c'est dans le voyage qu'éclatent les individualités , que se montrent les secrets mobiles de nos actions; les plus vives amitiés ne résistent pas toujours à celte épreuve, mais les meilleures, les plus fermes, les plus géné- reuses sont souvent nées au milieu de ces excursions lontaines et dans des circonstances où l'homme se montre tel qu'il est. Le médecin qui se ‘promène en lointain pays, demande à ces nouveaux horizons des satisfactions diverses ; l'un n'admire que le paysage, la nature dans son ensemble majeslueux; les monta- gnes le ravissent, les cascades le charment ; l'autre a fait sa spécia- lité des cathédrales, des vieux chateaux, il est fou d'architecture golhique; celui-ci visile tous les musées, il connait l'œuvre des 4 maîtres en l'art de peindre ; celui-là dédaignant la plastique, n'a des yeux que pour la beauté vivante, il étudie les races humaines, cherche les types de l'Andalousie ou de la campagne de Rome, et singénie en mille comparaisons savantes entre ces beautés étran- geres et celles qu'il a le plus admirées dans les salons parisiens, aux premières loges de l'Opéra ou dans les sentiers pittoresques du nouveau bois de Boulogne. Il en est enfin quelques-uns qui, tout en ne négligeant aucune de ces sources de plaisir, trouvent encore le moyen de cultiver cer- tains goûts plus spéciaux, qui cèdent, presque à leur insu, à des passions non moins douces qu'impérieuses. Un botaniste, par exemple, peut-il cesser d'aimer les plantes, de les rechercher, de les recueillir ? Toute promenade n'est-elle pas une herborisation ? Qui ne sait qu'un de nos plus vénérés maitres, dans son ardeur pour la cryptogamie , avail décrélé , dans le domaine de son foyer domes- iique, qu'aucune buche ne serait jetée au feu sans avoir passé par ses mains habiles ? Voyez ce jeune éléve du docteur Guépin , qui parcourt les solitudes de la garenne Saint-Nicolas ou du bois de la Haie; sur son bras s'appuie doucement une femme qu'il aime, ce couple s'abandonne aux charmes de celte causerie tendre, de ce ba- vardage si doux, éternel duo que chantent les jeunes cœurs depuis le jour de la créalion ; ils marchent enveloppés dans ce double égoisme du bonheur, que l'on ne goüte guère quand on en jouit, que l'on regrette si fort quand il n'est plus; rien ne peut les dis- traire, rien, si ce n'est peut-être un bel exemplaire de Lathrea claudestina que l'amant, d'un cil exercé , vient. d'apercevoir sou- levant la terre qui s'entrouvre , rien, exceplé ce Cardamine parvi- flora, ce Lepidium petreum, précieux échantillons qu'il cueille d'une main à peine distraite , car, méme au milieu de ces joies intimes, de ces épanouissements du cœur, le botaniste ne perd pas de vue son herbier, et parmi les fleurs qu'il convoile, il n'en est aucune qui ait le privilége de faire oublier toutes les aulres. On conserve si bien l'habitude de cette exploration perpétuelle , qu'elle donne à tous les voyages possibles un caractère presque scientifique, méme lorsque les événements les plus singuliers sem- blaient exclure toute préoccupation de ce genre, lorsque les en- trainements du devoir ou du plaisir laissaient si peu de place aux pensées d'un autre ordre. Dirai-je que pendant quatre mois de sé- jour dans le fort de Blaye, alors que tant de graves intérêts récla- maient de moi l'attention la plus soutenue, j'ai trouvé moyen de recueillir, de dessécher, de classer la totalité des plantes croissant spontanément dans l'enceinte de ce fort, que j'ai composé aiusi 9 un herbier , sans doute unique, destiné à une princesse captive, et dont chaque acquisition nouvelle élail saluée par les témoignages les plus vifs d'une satisfaction capable d'atténuer pour un moment les ennuis d'une vie si douloureusement éprouvée ? La philosophie naturelle a des consolations efficaces pour les plus cruelles infor- tunes, demandez plutôt à l'auteur de Picciola, mais M. de Sainline n'avait pas publié son livre à l'époque oü j'usais de ce moyen pour alléger les heures et remplir des journées que la prison rend si longues. Mais le voyage fournit au médecin amateur de botanique, de merveilleuses occasions de plaisir , méme lorsque la rapidité de sa course ne lui permet guère une herborisation méthodique. Il aborde en Sicile, à Palerme , il sent les atteintes de ce soleil presque afri- cain, il foule cette terre féconde où la chaleur, la lumière et l'eau, également prodiguées, développent des prodiges de végétation, il admire sans doute ces chefs-d'eeuvre de l'architecture arabe ou normande, mais quand il a visité la Ziza et la cathédrale, la cha- pelle du palais royal et la basilique de Monreale , il sort volontiers de la ville et se promène dans ces riantes campagnes de la Conca d'oro; là des champs de Cactus attirent ses regards, les Oliviers cou- vrent la plaine, cà et là s'élèvent des Palmiers aux longues feuilles courbées en dôme, puis l'Aloés à la hampe colossale , montre avec orgueil sa girandole de fleurs que nos confrères ont contemplée dans sa splendide élégance , un jour que le soleil caressant de notre Anjou avait réchauffé de ses plus doux rayons un individu de cetle famille , exilé dans nos murs. Celte végétalion presque tropicale au milieu de laquelle se trouve transporté le voyageur qui débarque directement à Palerme, pro- duil sur lui une impression des plus vives et des plus agréables. L'air est embaumé des émanations d'une foule de labiées , et c'est méme une des choses qui chatouillent le plus délicieusement un or- gane exercé ; on retrouve cette odeur partout, méme au milieu de la ville; il semble que tous les objets en sont imprégnés, et quand le vent vient de terre, les vaisseaux qui passent au large ressentent ces parfums qui font rêver et rappellent au matelot certains rivages où le plaisir lui a fait oublier ses dangers et ses faligues. Un jour gravissant la colline où repose Taormina, je cueillais les belles fleurs du Capparis spinosa , qui couvre les rochers, je ne dé- daignais pas non plus les bizarres légumes des nombreux Medicago qui jonchaient le sol tourmenté de cette région volcanique, et l'éclat de la mer immobile, les sommets neigeux de па, les ruines majestueuses du grand théâtre grec, ne ine faisaient pas né- 6 gliger ces récolles si chères au futur membre de Ja Sociéte linnéen- ne d'Angers. Et lorsque plus tard, à Naples, visitant l'herbier du professeur Gussone, je lui parlais des fruits si singulièrement con- tournés de celle légumineuse , ce savant professeur me montra une série d'échantillons comprenant toutes les variélés des quarante es- pèces de Medicago récollées en Sicile. Il y avait la une foule de nuances intermédiaires ; le fruit le plus glabre, passait successive- ment au plus hispide, les aspérités légères se transformaient en pointes acérées, de sorle que les bolanistes novices pouvaient dé- couvrir à chaque instant des espèces nouvelles. Cette démonstration fut pour moi un trait de lumière. Que de fois depuis , en mille oc- casions diverses, j'ai pensé aux Medicago du professeur Gussone! Celui qui voit tout abrége tout, a dit un grand homme. Bien voir, bien comparer, c'est connaitre. A quelle affaire de la vie pareille science n'est-elle pas applicable ? Le beau pays que la Sicile ! Entre Messine et Catane, au bord de ces rivages qu'un flot amoureux caresse perpétuellement, le long de ces pelits torrents qui descendent à la mer, on voit en abondance le Nerium Oleander qui forme des massifs de la plus riche verdure ; des buissons de myrthe se parent de fleurs, comme aux environs de Terracine, mais cependant je n'ai pas vu, dans ces régions si chaudes , le Chameops humilis couvrir de vasles plaines comme on le trouve en Andalousie, entre Séville et Ecija, du cóté d'Andujar et de Baylen. Le palmier nain n'envahit pas ces terres qu'il rend inculies, laissant à peine un peu de place à ces Ombelliféres gigan- tesques, à ces Carduacées que le soleil blanchit et qui, de loin , res- semblent aux Arabes enveloppés de leur burnous. La Sicile, sous ce rapport, est moins africaine que le midi de l'Espagne. On dirait que les Maures qui ont si longtemps possédé l'Andalousie, Valence et le royaume de Grenade, apportèrent avec eux ces végélaux qui caraclérisent les plaines du Maroc et les versants de l'Atlas. L'illusion serait complète si l'on apercevait dans le loinlain quelques cha- meaux rangés en longues files, caravane silencieuse qui se déroule au soleil, comme un convoi de navires qui flottent vers des rivages inconnus. En 1846, visitant Gibraltar avec Orfila, cet ami si cher, ce maitre si regretté, nous attendions qu'un sous-officier d'artillerie vint nous prendre pour entrer dans la forleresse. Le soleil était brülant, nous avions trouvé un abri contre ses ardeurs, à l'ombre d'un arbre heu- reusement assez touffu , et quand je voulus savoir à qui nous de- vions cet ombrage protecteur, je reconnus avec une salisfaclion facilement comprise par mes confrères en botanique, que ce végétal 7 élait un Ricinus palma Christi. Celle magnifique Euphorbiacée , an- nuelle en France, était là un arbre de belle taille, dont le tronc avait prés d'un mètre de circuit, et qui comptait peut-être cin- quante ans de durée. Aulour du bane sur lequel nous élions assis, je voyais des massifs d'Acanthus mollis, puis un Palargonium arbo- rescent, comme il s'en trouve sans doute au cap de Bonne-Espé- rance, la vraie patrie de celte charmante tribu des Geranices. Et lorsque fatigués outre mesure de celle interminable prome- nade au sein des galeries creusées dans le roc, aprés avoir vu des milliers de canons, vrai musée d'arlillerie dont l'utilité paraît con- testable, lorsque descendus vers la pointe d'Europe, nous deman- dions un peu de fraicheur à la brise qui parcourt le délroit, je pus encore admirer là un bel arbre que notre climat plus froid ne laisse pas grandir parmi nous. Une large surface arrondie, rugueuse, bruná- tre, sorte de monticule invitant au repos, avait été l’objet de mes préférences ; étendu sur ce plan incliné, je tracais du bout de ma canne quelques lignes sur cette croûte inégale ; un effort plus con- sidérable vint à la déchirer, et je vis sourdre aussitôt une matière laiteuse abondante. Cet acte presque mécanique, donnant lieu à pareil phénomène, mon attention fut éveillée et je cherchai la cause de ce fait intéressant. J'étais assis sur la base élargie d'un magnifi- que Phytolacca, le Dioica, probablement, originaire du Mexique et qui trouve à Gibraltar des conditions on ne peut plus favorables à son développement. ll y en a là une collection qui compose une promenade magnifique; ce pelit arbre rabougri qui supporte à peine nos hivers, acquiert dans la colonie anglaise des dimensions énormes, sa racine pivolante sort de terre en partie, forme une base d’où s'élance un tronc de plus de deux mètres de circonférence, et d'une hauteur considérable ; on dirait un arbre que porle sur son dos un énorme éléphant couché sur le sol; l'écorce brune et chagrinée ressemble assez bien à l'enveloppe des Pachidermes et celle comparaison parut juste à nos jeunes compagnons de voyage. Mon Phytolacca était couvert de fleurs en grappes, doucement odorantes, de fruits commençant à se développer ; je cueillis fleurs el fruils, emportant, comme toujours, un souvenir palpable de celle heureuse rencontre. C'est pour moi un puissant moyen de mnémonique. Et aujourd'hui , aprés que huit années ont roulé sur celle date heureuse, premier seplembre 1846, quand le cher maitre qui nous faisait les honneurs de l'Espagne, sa patrie, nous a quillés pour toujours, je pourrais, grace à celle tige de l'immense Cheno- podée , redire les joyeux propos que nous échangions au pied de ce rocher fameux, sous celle ombre protectrice d'un arbre au feuillage 8 étranger. Ce n'est pas moi qui aurais oublié l'arbre sous lequel se baignait la chaste Suzanne ! Quittons ce rivage dont ce sol largement humecté fournit les éléments d'une vélégalion luxuriante, montons sur les pentes abruptes du Vésuve et voyons quelles plantes se développent sur ces cendres à peine refroidies. La famille des Synantherées décore presque à elle seule ces régions brülées; on trouve jusque sur le cône terminal , vraie pyramide de scories toujours prête à s'écrou- ler sous l'effort des vapeurs comprimées, des feux grondants , de la lave bouillonnante, on trouve quelques tiges rabougries d'Arthemi- sia, un Gnaphalium et une Achillée naine, pauvres semences aux aigrelles plumeuses , que la tempête aura transporlées sur ces hau- leurs et qui se sont accommodées, faute de mieux, des hasards d'un sol agilé par des convulsions intestines. Celles que j'ai cueillies au pied du cóne, prés d'un courant de lave dont la croüte me brülait les pieds, celles-là pouvaient dire, en leur palois, comme Régnard : Sislimus hic tandem nobis ubi defuit orbis ! Mais comment vivre au sein de cette atmosphère empestée, lors- que les acides sulfureux et chlorhydrique vous menacent d'une asphyxie continuelle, lorsque le sol desséché refuse aux racines la sève nécessaire ? Et cependant les Campi phlegraei ne sont pas stériles, autour des solfatares végèlent des plantes nombreuses , elles font comme les hommes qui travaillent dans ces mémes lieux, elles luttent contre les obstacles, elles les surmontent, la vie résiste à ces conditions si défavorables, la plante se transforme en quelque sorle, pour s'accommoder aux exigences locales, sa lige devient ligneuse, ses racines s’accrochent aux moindres aspérités de la pierre, les feuilles se couvrent d'un duvet épais, et ainsi prémunie contre les atteintes du vent qui règne sur les hauteurs, des gaz de- letères qui séjournent dans les excavations volcaniques, elle se dé- veloppe, fleurit, donne des graines fécondes et l'œuvre providen- tielle est accomplie. Je pourrais prolonger cetle promenade où la science a trop peu de part pour mériter de ce savant auditoire une plus longue perte de temps. Гаі voulu seulement constater un double fait, savoir, que les médecins ont besoin de vacances, qwils se décident volon- liers à en prendre, surtout depuis que les chemins de fer favorisent les excursions lointaines ; el en second lieu, que les hommes qui ont eu le bonheur d'apprendre à aimer ta nature, à la connaitre et surtout ceux qui ont le goût de la bolanique, éprouvent un grand charme à 9 parcourir des pays où la flore prend un caractère tout nouveau pour ceux qui sont nés sous des zones plus tempérées. Que serait-ce si le temps nous permettait d'aborder aux rivages du Mexique ou du Brésil, là où la végétation étale tant de merveilles ? Mais il n'est pas donné à tout le monde d'aller à Corinthe, contentons-nous de peu, c'est le précepte du sage ; médecins, si vous voulez voyager, Que ce soit aux rives prochaines ; appliquons-nous le bon conseil de La Fontaine, et cependant, si nos collégues de la Société Linnéenne ont suivi avec quelque bien- veillance le voyageur augevin, si ce rapide itinéraire, crayonné à la hâte, ne leur a pas paru trop ennuyeux, le méme amateur de ces exploralions légères pourra bien un jour, reprendre la plume et leur raconter de nouvelles découvertes. A défaut de ces grands voyages qui sont réservés aux aides naturalistes du jardin des plantes, il pourra en effectuer de pelits presque aussi intéressants; il a déjà visilé maintes fois la serre aux orchidées exotiques du muséum , la collection de fougères tropicales, l'admirable Aquarium où la famille des Nymphéacées étale ses richesses ; il dira comment fleurit la Vic- toria Regia, V Euryale ferox, le Neptunia oleracea, celte mimosée floltante que le Sénégal nous a enfin cédée; il essayera de transporter ses futurs auditeurs au sein de ces grandes serres qui réalisent à nos yeux les splendeurs du paysage tropical, les rives écarlées de quel- que affluent des Amazones, les marais de la Guyane hollandaise ; enfin tout ce qu'un humble disciple de l'école botanique d'Angers a pu admirer, grâces aux leçons savantes de ses maitres , il le racon- lera, trop heureux de contribuer pour sa faible part à l'intérét de ces réunions où la science indulgente cède un moment la place aux récréalions plus modestes des amateurs comme moi. P. MENIÈRE. DÉVELOPPEMENT DES APPENDICES PILIFORMES et décoloration des loges extrêmes DANS LE GENRE PESTALOZZIA (de N") ET LES SPORIDIES DE PLUSIEURS AUTRES GENRES DE MICROMYCETES. ` Vous le savez, Messieurs, vous qui allez bientót reprendre vos explorations scientifiques à travers les beaux sites de l'Anjou, il n'est souvent pas besoin d'une longue course pour recueillir les élé- ments d'études nombreuses et variées. Un coteau , une lisière de forét , une prairie, un ruisseau , un buisson, un simple tronc d'arbre visités, donnent au géologue, au botaniste, au zoologiste l'occasion de remplir cartons, boites, flacons et gibecières. Un instant, une heureuse circonstance , peuvent faire tomber entre vos mains des malériaux capables d'absorber, durant des mois entiers, tous les loisirs que vous laisse l'accomplissement des travaux plus sérieux auxquels la position sociale de chacun de vous l'oblige. Le crypto- gamisle a journellement de ces bonnes fortunes en faisant de la botanique des infiniment pelits. Dans toutes les saisons de l'année, et parliculierement celle qui est le plus ingrate pour l'étude des fleurs proprement dites, la Providence lui prodigue d'incompara- bles richesses, lui fail admirer les produclions les plus gracieuses et les plus diverses. Que faut-il pour cela? une simple brindille qui commence à se gâler. L'observation microscopique fera découvrir sur elle autant et plus de merveilles délicates que l'habitant des tro- 11 piques n'en apercoit autour des arbres de ses ravins et de ses bois, tout chargés de broméliacés et d'orchidées parasites, dont les cou- leurs et les formes changeantes jettent pourtant un si vif éclat. — « Analyser ces apparilions merveilleuses à l'aide dexcellents mi- » croscopes, voilà ce qui compta longtemps parmi nos plus vives > jouissances, » dit Corda, dans l'avant-propos de sa Prachiflora. « Nous avons vu une suite d'individus appartenant à celle création > de merveilles , invisibles à l'œil nu, que nul pressentiment n'avait » encore révélés à l'esprit, créalion sorlie de la mort, née de la > pourrilure , matière chaotique, pour ainsi dire, d'élres anéantis , > transformés en individus éthérés, qui sont aux yeux scrutaleurs » du naturaliste à intelligence active et profonde , les précurseurs de » types d'un monde végétal supérieur. » Il faut que celte étude ail bien de l'attrait pour exciter l'enthousiasme d'un Allemand, autant que le font supposer les expressions textuelles que nous venons de rapporter. Ceux de vous, Messieurs, qui ne sont pas iniliés à ce genre de recherches , n'en douteront pas, s'ils veulent ramasser la première branche venue, qui ait passé l'hiver dehors , et prier notre président honoraire , accoutumé à de pareilles préparations , de sou- mettre successivement au champ de son microscope chacune des plantes qui s'y sont développées. Cette épreuve a toujours convaincu ceux qui s'y sont prétés avec moi, et qui n'avaient jamais pu com- prendre auparavant le plaisir que je trouvais à demeurer de longues heures, des journées entières , Teil fixé sur mon instrument auquel j'appliquais les fétus de la plus vile apparence. Ces microscopes, à grossissements puissants, ne nous laissent pas seulement saisir la situation , l'arrangement, les contours exté- rieurs des cryplogames et de leurs réceplacles, ils permettent de suivre le développement de leurs parties diverses et nous font assis- ler souvent à la germination de ces petils êtres ; en sorte que la lame de verre du porte-objets peut devenir un véritable champ de cul- ture, dans lequel nos amis savants et modestes, MM. Tulasne, ont trouvé la révélation d'importants phénomènes de physiologie végé- lale. Ma prétention est plus humble aujourd'hui en abordant mon sujet, qui intéresse, lui aussi, la physiologie cryplogamique. Plusieurs personnes occupées des mêmes études , ont probable- ment reconnu comme moi le mode suivant lequel naissent et gran- dissent les appendices filiformes ou aigrelles qui couronnent les sporidies des espèces assez nombreuses du genre Pestalozzia (№), dont l'une des plus remarquables et des premieres, a élé trouvée sur les feuilles de vos camélias par l'éminent observateur, le collec- leur infaligable, à qui M. Desmazières la dédiait, sous le nom de 12 Pestalozzia Guepini. — On a compris également, sans doute, les molifs pour lesquels se décolorent les loges extrêmes de ces char- mantes productions. Cependant, je n'ai pu découvrir d'observations publiées à cet égard ; et je me propose de soumettre les miennes à l'appréciation de notre Société Linnéenne. Je viens de les contrôler de nouveau sur la Pestalozzia funerea (Desm.) , qui m'a été fournie par des rameaux de sabine, coupés vivants à l'automne, et exposés depuis lors à toute la rigueur de la saison , et sur la Pestalozzia che- nostroma (de Lacr.), espèce nouvelle fixée aux branches mortes du saule blanc, et dont , en terminant, je donnerai la description. Tout le monde peut facilement vérifier ces observations. Il suffit de faire revenir à l'humidité un périthèce de Pestalozzia, la pre- mière venue, et placer une tranche mince de son clinode sur la lame de verre que l'on veut exposer au jeu du microscope. Dans la plu- part des groupes de sporidies, encore fixées à la parlie correspon- dante du réceplacle, el qui nageront dans la goutte d'eau dont la préparation aura été humectée, on en distinguera d'áge el de crois- sance variés. Un grossissement de 540 diamètres permeltra facile- tement de suivre les modificalions qui accompagnent chacun de ces états. Je n'ai pas employé d'aulre méthode. D'abord j'ai remarqué des sporidies entièrement mûres, et isolées les unes des autres ; puis j'ai aperçu des groupes qui en contenaient d'áges divers, et encore adhérentes par la base. Elles étaient toutes portées par un sporophore assez gros et coloré, qui s'amincit et se décolore avec le temps. Les plus jeunes sont remplis d'un nucléus jaune-verdalre, avec quelques gultules; elles sont obtuses au som- met ; d’autres, plus âgées, conservent la méme couleur, mais leur sommet devient conique; les autres prennent un peu plus de trans- parence dans celle parlie conique supérieure, qui se sépare bientôt du reste par une ébauche de cloison. En méme temps, on voit poindre au sommet du cône une spicule , quelquefois trois ou da- vantage. Ces spicules ont l'extrémité un peu renflée, et prennent la teinte de la loge supérieure qu'elles continuent sans interruption, puisqu'elles ne sont qu'un prolongement du tégument externe de la sporidie. Ainsi commencent les soies appendiculaires. A proporlion de la la longueur de ces filaments augmente l'apparence des cloisons et la coloration des loges médianes dans le corps de la sporidie, tandis que l'on voit diminuer graduellement celle de la loge supérieure, dont le nucléus est employé sans doute à fournir aux appendices la malière de leur développement. J'ai dit que les spicules ou soies rudimentaires se terminaient par 13 un léger renflement. Plus tard, ce renflement disparait, et les pa- rois des filaments restent parallèles jusqu'à l'extrémité, qui demeure close, mais tronquée. Je n'ai jamais pu la voir finir en pointe, comme la représentent les figures qui ont élé données de la Pesta- lozzia Guepini, par MM. Desmazières et Corda. Le sporophore et la loge inférieure de la sporidie participent d'a- bord à la teinte générale communiquée par les sucs fluides que le réceptacle leur transmet pour accroître et féconder la malière plas- tique. Puis les portions du support qui fournissent le fluide, cessent de le faire par épuisement ou par une autre cause, que j'indiquerai dans un instant. Alors le sporophore cède peu à peu ce qu'il contient à la loge qui le surmonte; car c'est de bas en haut qu'on le voit se vider. Celle-ci en fait autant à l'égard de sa voisine, par suite de l'attraction moléculaire, qui sollicite les liquides à se porter au cen- ire et dans les endroits les plus rapprochés du centre, où ils pour- ront prendre une forme aussi analogue que possible avec celle de la sphère qui leur est naturelle quand ils sont abandonnés à eux- mémes et qu'aucune membrane ne fait obstacle à leur tendance. Ils trouvent des conditions favorables à celte tendance dans toutes les loges médianes, mais non dans les deux extrêmes, qui demeu- rent coniques à cause de la résistance que leurs prolongements (ai- grette et sporophore) apportent à un changement de disposition. Pendant que ces modifications s'accomplissent, la sporidie grossit et ne peut plus occuper sa place d'autrefois. Elle cherche à parve- nir au milieu du périthéce, qui est libre, et que sa déhiscence met bientót en communication avec le dehors. Elle glisse et s'éléve le long de ses voisines avec qui le renflement de ses loges lui donne moins de points de contact, et par conséquent, plus de facilité pour couler, puisque le frottement des surfaces est considérablement ré- duit. La traction qu'elle a exercée sur le sporophore , dans son mou- vement ascensionnel , la détache du reste du clinode , en amincis- sant le sporophore et en achevant son atrophie, qu'elle détermine plus encore que l'épuisement des cellules auxquelles il adhérait. Les choses se passent de la méme maniere dans le genre Hender- sonia (Berkl), qui est une pestalozzia, moins son aigrette. Seulement comme aucune cause n'épuise la loge supérieure des sporidies de ce genre, et ne la contraint à prendre une forme différente de celle que le nucléus contenu lui voudrait communiquer, elle reste arrondie et colorée dans toutes les espèces qui ont une teinte tranchée. L'attraction moléculaire vers les loges centrales et les formes plus ou moins coniques des loges extrêmes, suffisent, dans une foule de cas, à produire l'absence du nucléus aux bouts des sporidies. On 14 peut s’en convaincre en examinant les belles fructifications octolo- culaires du Diatrype scabrosa (DC), var. Spinifera (Wallr), celles du Coryneum nigrellum (de Lacr.), que j'ai trouvé parasite sur le Diplo- dia melæna (Lév.), des branches mortes du pêcher, et beaucoup d'autres, que je m'abstiens de citer. C'est à cette double cause que sont également dus les appendices qui terminent les sporidies de la Spheria insidiosa (Desm.), laquelle n'est pour moi que la Spheria caulium (Fr.) à sa parfaite maturité. En effet, j'ai trouvé dans un méme périthéce les deux espèces de thèques et de sporidies que le savant eryplogamiste attribue respectivement à l'une et à l'autre py- rénomycèle, et qui l'ont porté à distinguer les deux plantes qui se confondent absolument par leur apparence extérieure. Les dimen- sions moindres dans les sporidies appendiculées s'expliquent par le retrait de la membrane externe, qui gagne en largeur ce qu'elle perd en longueur, à la suite de l'arrondissement des loges, que le nucléus, complètement développé, a gonflées. La différence dans les parois et dans la transparence des thèques, accusée par le my- cologue de Lambersaërt, confirme mon opinion, car on sait que ces parois vont en s’amincissant el se dissolvant avec la maturation des spores. La dimension des théques ne doit pas étre regardée comme une difficulté sérieuse. Des théques de longueur diverse peuvent appartenir à la méme plante , sans qu'on ait lieu d'en étre surpris , puisque j'ai rencontré, dansun méme périthéce, de ces sporanges qui variaient, de 0,03". Le Spheria putaminum (Fr.) digne, par l'énor- mité de ses sporidies en navettes biloculaires noires (9,1% long. 0,03" larg.), entourées d'une enveloppe blanche hyaline, et celle de ses théques tetraspores (0,21 à 0,24" long. — 0,075" larg.), de faire le type d'un nouveau genre, m'en a donné tout récemment un mar- quant exemple. Le phénomène que présente la Sphæria caulium n'est du reste pas isolé; sa congénére, la Spheria compressa (Pers.), dont les sporidies mûres sont étranglées au milieu, in vesiculá piscis , et garnies de quatre grosses sporidioles sphériques, placées dans un nucléus opalin, le présente-t-elle aussi. Ce nucléus est obtus aux ex- trémilés , par delà lesquelles on voit la prolongation aigue du tégu- ment extérieur former un appendice. Les sporidies , où la maturité n'est pas aussi avancée , sont fusiformes aigues , sans étranglement et sans sporidioles sphériques ; et cela, je le répète, dans les mêmes périthéces. Revenons à la sporidie de la Spheria prétendue insidiosa , et à l'ef- filement de ses extrémités : toutes les loges s'y sont arrondies, à l'exceplion des deux dernières, que leur forme conique a forcées de céder aux aulres les fluides qu'elles contenaient primitivement. 15 Alors, comme rien n'en empêchait , les parois se sont rapprochées derrière les loges colorées , de manière à faire voir un prolonge- ment d'apparence anormale, tandis qu'il est une continuation ré- gulière de la membrane externe de la sporidie. Ceci prouve que la figure 2 B, planche 14 du tome xv*, 9° série des Annales d'histoire na- turelle , est inexacte en rattachant exclusivement à la partie infé- rieure de la sporidie l'appendice qui suit la courbure générale et continue , — à cela prés du rapprochement mentionné, — les lignes du tégument extérieur dont il fait partie. En finissant , j'éprouve le besoin de m'excuser sur l'emploi d'une foule de mots techniques qui rendent la diction barbare pour les oreilles du vulgaire. Mais j'ai l'honneur de m'adresser à des hommes qui aiment el cullivent la science, et qui savent que cha- que branche des connaissances humaines a ses loculions, que la précision et le laconisme imposent. Il me reste à vous remercier, Messieurs, d'avoir voulu préter votre attention bienveillante à des détails d'un intérêt que beaucoup trouveront fort borné, el à me réjouir d'avoir augmenté le plaisir que vous goüterez en écoutant les communications qui vont vous être faites : Les entretiens d'une personne aimable ne charment jamais mieux qu'après la lourde con- versation d'un fâcheux, que Гоп a été contraint d'écouter jusqu'au bout. PESTALOZZIA CHOENOSTROMA (de Lacr.) Pestalozzie béante. Perithecia gregaria epidermidem primum transverse dein undiqué lacerantia laciniis persistentibus et glomerulos cingentibus. — In cortice leviter nidulantia , angulato compressa. — Ostiolum parvum, spheroi- деит, papillulosum , mox latè irregulariterque hiascens. — Nucleus olivaceus.— Sporidia quadrilocularia quorum duo articuli medii tantiam colorati olivacei. — Pedicelli et sete appendiculosæ sporidiis æqualia vel paulo longiora. — Sete duo vel tres plerumque ramose , saltem una inter eas. — Sporidia longa 0,018"" ad 0,020"m, lata 0,005». Celle espèce intéressante a. élé trouvée par moi sur une branche de saule blanc, coupée vivante , au printemps de l'année précédente, el qui avail été employée à faire du gervis dans le jardin du presby- tère de Saint-Romain-sur-Vienne , près Chatellerault. — (Mi-mars 1855.) 16 I. CORYNEUM NIGRELLUM (de Lacro.). Cryneum d'un noir tendre. Receptaculum in cortice peritheciorum Diplodiæ melenæ ( Део.) varie- las congesla), nidulans , utriculosum, depressum , apertum, ut depres- siuncula nigra externé apparens. — Sporidia cylindricotorulosa in sporophoro sporidiis equali erecta , quinque septata , articulis extremis vacuis , intermediis autem oleosis , nigrellis , hyalinis , 0,035" longa, 0,017 lata. Trouvé au méme lieu et à la méme époque que la Pestalozzia chenostroma , sur un rameau de pêcher, coupé vivant lui aussi, l'année d'auparavant. S. DE LACROIX, Prêtre, desservant de S'-Romain-sur-Vienne. 1er avril 1855. NOTICE SUR LE TATOUAGE, Lorsqu'on vet considérer le talouage au point de vue philoso- phique, et non pas seulement sous ses rapports matériels mais encore sous ses rapports moraux, il présente une étude qui n'est certainement pas sans intérêt, car il faut aller chercher jusqu'au fond du cœur de l'homme, il faut soulever tout cet amas de pelitesse el d'orgueil que présente sa nature déchue, pour trouver la cause des mille manières dont il s'est plu à tourmenter, à peindre, à in- ciser et à mutiler son propre corps. Disons plus, et c'est un long sujet de réflexions que celte force occulte qui, s'emparant de ses passions, semble pousser sans cesse l'humanité ou à sa propre des- truction ou à des coutumes barbares qui la jettent souvent au milieu des souffrances les plus atroces. Mais ici, et pour avoir l'étude complète, il ne faut pas seulement entendre par tatouage cette aristocralie de la peau telle qu'elle s'est constituée en Océanie, il faut comprendre sous ce méme nom tout ce que l'homme a su inventer pour niodifier à l'extérieur la chair de son propre corps, car quelles qu'aient été les causes qui ont présidé à ces modifications souvent profondes, nous y reconnaîlrons toujours ce fond corrompu que présente la nature humaine el que l'apótre a si bien défini en disant : Concupiscence de la chair , concu- piscence des yeux, orgueil de la vie! Nous reconnaitrons donc des tatouages de trois natures : Les tatouages par colorations , Les tatouages par piqures , Et les talouages par incisions. 18 Ou bien encore si l'on veut : Tatouages de beauté, Tatouages nobiliaires , Et tatouages de guerre. En parcourant rapidement la surface du globe , nous retrouverons successivement tous ces genres de talouages et nous remarquerons surtout que peu de peuplades en sont entièrement exemptes. Sous le rapport de l'antiquité, le tatouage semble se perdre dans la nuit des temps. Les tombeaux de Biban-el-Molouk , dans la haute Égypte, contiennent des tableaux où Osiris I* est représenté tenant des prisonniers en laisse , et l'on remarque parmi eux des hommes appartenant à la race blanche tout couverts de tatouages. Jusqu'où Osiris avait-il pénétré dans l'Europe? il serait peut-être assez difficile de l'établir, mais tout porte à croire qu'il fit la con- quéle de la Thrace, et que les Européens représentés à Biban-el- Molouk sont des habitants de la Scythie. Quant à nos ancêtres directs, les Gaulois, les Celtes, les Francs et en général toules les peuplades qui ont habité № France, il est plus difficile d'établir qu'elles se tatouaient; pourtant on semble généralement admettre que les Pictes (pictavi) , peuples qui vinrent s'établir en Poitou, durent leur nom à leur talouage coloré, et M. Mérimée pense que les pierres gravées de l'ile de Gavrr-Innis (l'ile aux Chèvres), sont des dolmens soulerrains représentant le tatouage des chefs enterrés en ces lieux. Un de nos savants collaborateurs, M. Courtiller, vient de visiter l'ile de Gavrr-Innis et nous a transmis ses impressions à cet égard. Il lui semble effectivement que ces lignes onduleuses, semi-circu- laires et concentriques, disposées par groupe sur des pierres sépa- rées et dans un lieu que tout indique être une nécropole, pourraient fort bien être les tatouages des chefs de quelques tribus. Quoiqu'il en soit, du reste, du tatouage de nos ancêtres de druidique mémoire, s'ils le pratiquaient, il ne nous en resle plus que des débris qui trouvent encore place sur les bras ou la poitrine des hommes du peuple, et semblent étre comme un dernier veslige de celte devise des anciens temps, la guerre et l'amour. Quant aux classes arislocra- tiques de notre temps et des peuples de l'Europe en général, leur tatouage, qui au siècle dernier consistait en mouches, en fard et en poudre blanche dans les cheveux, est aujourd'hui réduit à pres- que rien. ll ne nous reste plus que les trous aux oreilles pour y pendre des joyaux , encore les femmes en ont-elles presqu'exclusi- vement le monopole. Si nous quittons l'Europe pour parcourir les parties de l'Afrique 19 et de l'Asie-Mineure les plus rapprochées de nous, nous y trouvons encore les restes des tatouages qui y sont pratiqués depuis plus de vingt siècles. Joseph d'Alexandrie et Juvénal parlent effectivement du tatouage des yeux pratiqué de leur temps, et s'indignent de voir les hommes eux-mémes se livrer à ces coutumes efféminées. Voici effeclivement ce que dit Juvénal à la seconde satyre : Ille supercilium madida fuligine tinctum obliquo produxit аси, pinæilque trementes attollens oculos..... L'expression attollens oculos nous montre qu'à part la peinture du sourcil prolongé en pointe qui se faisait tout naturellement, celui du bord des paupières se faisait comme il se pratique encore aujour- d'hui chez les Arabes en introduisant un pinceau plein de fard entre les deux paupières qui, sensibilisées par un contact cuisant, éprou- vent un léger tremblement et s'élévent involontairement en haut comme pour chasser le corps étranger qui les assiége. Si nous demandons à la nature humaine la cause d'une semblable coutume, saint Cyprien, qui vivait au second siecle et qui voyait journellement ce tatouage s'opérer sous ses yeux, va se charger de nous répondre. Il disait effectivement aux chréliens de son temps dans une de ses lettres pastorales : Inunge oculos tuos non stibio diaboli sed collyrio Christi..... hecommandalion qui prouve d'abord que le célébre évéque de Carthage regardait celte coutume de se peindre en noir le bord des paupières, pour donner à l'eil une expression plus séduisante et plus passionnée, comme condamnable en elle-méme, et qui prouve en outre par l'expression stibio, dont il se sert, qu'alors comme aujourd'hui le fard dont on usait dans celte circonstance était une préparalion d'antimoine. Aujourd'hui les hommes Arabes ne sont pas laloués, si ce n'est parfois autour des doigts et des poignets oü ils ont des bagues et des bracelets bleus; le tatouage des paupières n'a plus lieu que chez les femmes, qui se font en outre par piqure de petites mouches bleues, sur les lèvres, les joues, le front et le menton. A ces légers talouages elles en joignent parfois deux autres (surlout dans les classes élevées), qui sont de l'effet le plus disgracieux. Ils consistent à se teindre le dedans des mains en gros-bleu avec de l'indigo et les ongles en rouge avec du henné; ce henné se compose des feuilles d'une sali- caire du pays qui, appliquées humides pendant huit jours sur les ongles, les teignent en un rouge tellement vif, que quand ce latouage est nouveau on croirait que la femme s'est trempé le bout des doigts dans du sang. On ne comprend vraiment pas comment les femmes, sj clairvoyantes en général sur ce qui peut augmenter leurs altraits, 20 ont pu adopter ces deux derniers tatouages, et l'on serait tenté d'ad- meltre qu'en celte occasion , comme dans plusieurs autres que nous trouverons par la suite, l'esprit du mal, que l'Écriture-Sainte nomme aussi le père du mensonge, a fait admettre comme une beauté ce qui n'est qu'horrible et dégoütant. Le tatouage des Arabes que nous venons de décrire se maintient à peu prés le méme sur toute la cóle nord de l'Afrique, en Pales- line, en Egypte et en Arabie. Les Dougolas et les Abyssins n'ont pas de tatouage proprement dit, on n'y trouve que les mouches au visage des femmes ainsi que le percement de la cloison du nez, du bord des narines et des oreilles pour y suspendre des anneaux d'or. Quant à toutes les races plus ou moins noires qui peuplent l'A- frique depuis le Darfour, le Soudan et la Nigritie jusqu'à la Caffrerie, elles ne pratiquent que le tatouage par incision et relativement en- core fort peu comparalivement aux races noires de l'Océanie. Leur tatouage se fait sur les joues, la poitrine et les bras. П consiste en groupes composés de cinq à six incisions parallèles à un centimètre l'une de l'autre, et qui chacune donnent naissance à un petit sillon saillant qui n'a guère plus de deux millimètres de relief sur la peau. Ces tatouages sont presque toujours verlicaux. Les hommes Turcs n'ont pas de tatouage non plus que les Persans el les Grecs, mais leurs femmes font usage du henné pour se teindre les ongles, et de l’antimoine pour se teindre les sourcils et les pau- pières. Ajontons y loutefois les couleurs et les cosmétiques de tous genres qu'elles mettent chaque jour en œuvre pour donner à leur visage le plus d'éclat possible. Si pour faire le tour du globe nous continuons à nous avancer dans l'Est, nous trouverons d'abord trois peuplades immenses qui se confondent presque aujourd'hui par le langage, les mœurs et peul- êlre une origine commune. Je veux parler des races tartares, mant- choux el chinoises, qui à elles toules seules constituent un peuple de plus de 350 millions d'àmes. Là le tatouage des hommes est nul, aussi bien qu'au Tonking, en Cochinchine et en Corée. On conçoit effeclivement que ces peuples, déjà fort avancés dans les arts, trou- vant dans les habils, l'or et les pierres précieuses de quoi salisfaire les exigences incessanles de leur orgueil, naient pas senli la né- cessilé de recourir à ces peintures de la peau, à ces incruslations indélébiles auxquelles se sont adressées les peuplades sauvages deshé- rilées de tous les avantages du luxe. Mais d'un autre côté le tatouage des femmes ou plutôt leur peinture y atteint le dernier degré de l'ex- travagance. Ces dames y sont littéralement peintes à plusieurs cou- 21 ches comme le sont des poupées de carton, et si à ce tableau, peu salisfaisant d'ailleurs, nous joignons le raccourcissement des pieds, qui plonge ces extrémités dans un état d'infection permanente, nous nous consolerons facilement que le ciel ne nous ait pas fail naître les sujets du Céleste-Empire. Quant aux Indiens, leur tatouage se réduit à l'unique signe de leur caste qu'ils portent gravé sur le front. Si, continuant à nous avancer vers l'Est, nous pénétrons dans ce monde madréporique qu'on nomme l'Océanie, nous trouvons d'abord la Malaisie et les iles de la Sonde presqu’exemples de tatouage, bien qu'on rencontre beaucoup de femmes malaises et javanaises qui portent sur les lèvres, le menton, le front et les joues de petiles mouches bleues comme nous en avons rencontré chez les femmes arabes. Observons toutefois que Bornéo est une ile trés impar- faitement connue, et qu'il parait s'y trouver des tribus noires ta- louées par incision. Sur la méme latitude nous trouvons les Mariannes et les Carolines habitées par des peuplades d'origine chinoise, reconnaissable à l'ohli- quité de leurs yeux et à la saillie de leurs pommettes ; là le tatouage est également presque nul et Гоп peut dire que l'influence du continent, dont elles sont comme des dépendances, s'y fait senlir jusque dans les détails de la vie privée. Il faut descendre vers le Sud pour trouver les exemples les plus horribles et les plus étonnants du talouage par piqure et par incision. Je veux parler de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. Mais qu'ici l'on me permetle de substituer à toutes les descriptions que je pour- rais en donner, celle qu'a bien voulu extraire de son journal et me iransmeltre mon excellent ami M. de Rocquemaurel, capitaine de vaisseau très distingué de la marine, ancien second de M. Durville dans son dernier voyage autour du monde, et qui tout récemment encore est arrivé des iles de la Sonde où il a commandé la corvette de guerre la Capricieuse pendantquatre ans. « Si nous descendons, dit-il, au sud-ouest de l'Océan-Pacifique, » nous trouvons le farouche zélandais, dont le caractère dur et in- » trailable doit-se montrer avide d'honneurs et de distinctions ; mais » comment faire dans un climat rigoureux qui l'oblige le plus sou- » vent à couvrir sa nudité sous des peaux de chien ou des manteaux » de phmornium tenax? Comment montrer à ses rivaux son blazon » nobiliaire tracé sur la peau en traits ineffacables? Renoncant donc » Je plus souvent au latouage corporel, le zélandais concentre sur » son mále visage tous les emblémes de guerre, toutes les légendes > de mort qu'il a pu recueillir de ses aieux et dont il élend chaque x x 99 == jour la série par de nouveaux exploits et de nouveaux mas- sacres. » Rien d'horriblement beau dans ce genre comme la figure d'un chef zélandais, profondément sillonnée de mille traits déliés qui serpentent autour des joues, se roulent en spirale des deux côtés du menton ou sur les narines, remontant aulour des yeux qu'ils tiennent étroitement cernés, de manière à leur donner une ex- pression vraiment effrayante; de là ces lignes, ces volutes s'éten- dent en bandes plus régulières sur le front et remontent quelque- fois en serpentant sur le cuir chevelu jusqu'au sommet du crâne. Le tatouage n’est évidemment ici que la manifestation d’un orgueil sauvage. La douleur qui accompagne toujours celle opération n'est qu'un jeu pour le cannibal qui, dans chaque victime humaine, compte trouver un surcroit d'illustration. » La jeunesse ne peut prétendre à ces honneurs qu'après avoir fait ses preuves; les chefs conservent méme la propriété de cer- lains caractères qui, tracés sur le nez, sont généralement regardés dans la tribu comme les armes de ces chefs et respectés comme lels. Si bien que lorsque les Anglais, sous le capitaine Hobson et par l'intermédiaire de Mgr Pompalier, onl traité avec ces chefs de leur soumission à leur gracieuse reine Victoria, l'acte de cession, rédigé dans les deux langues, anglaise et kanacque, portait au bas l'empreinte du nez de tous ces chefs comme autant de ca- chets. » Quant à l'australien, on comprend qu'un tatouage en couleur ‚ et superficiel serait à peu prés invisible sur une peau noire ou fu- ligineuse, de là vient que toules ces tribus noires disséminées sur la Nouvelle-Guinée, la Nouvelle-Bretagne, les iles Viti, la Nou- velle-Hollande et méme Bornéo, ne pratiquent que le tatouage par incision. Nous avons pu voir le sublime du genre chez les peuplades de la baie de Raffles et dans le détroit de Torres. Là les naturels offrirent à nos yeux une horrible reproduction de ces or- nements généralement adoptés pour l'uniforme de nos armées; le gras des épaules était profondément tailladé de manière à figurer la frange des épaulettes. Un double rang de galons élagés parallèlement sur la poitrine et s'étendant jusqu'au haut du ventre eüt pu passer pour les brandebourgs d'un habit de grenadier. Les cuisses découpées verlicalement à la facon des hauts-de-chausses à l'andalouse complélaient cet accoutrement sauvage, qui comportait chez quelques chefs un surcroît d'ornements dessinés en affreux lambeaux de chair sur les reins, les fesses et les mollets. » Ce tatouage en relief est toujours formé par des excroissances 23 » charnues , des callosités développées par l'incision, l'injection de » sucs de plantes, el la cautérisation répétée de manière à faire » naître les bourrelets charnus ou à régulariser leur développement » suivant les lignes déterminées. Les festons charnus observés sur > certains australiens, les vitiens ou papouas, atteignent souvent » une saillie de huit à dix millimètres au-dessus de la surface régu- » liére des parties environnantes. L'extérieur est dur et un peu cal- » leux, mais cette mortification n'est que superficielle..... » Qu'il nous soit permis ici de faire une observation au sujet de l'incroyable description qu'on vient de lire et de rappeler ce que nous disions plus haut, à savoir qu'il n'y a que l'esprit de ténèbres et de mensonge qui ait pu persuader à ces malheureux insulaires de prendre pour décoration, et au milieu des souffrances les plus inouies, une aussi horrible et si repoussante mulilation. La même observation doit s'appliquer à un autre tatouage par incision égale- ment praliqué par une parlie des australiens, et qui consiste à se percer la cloison du nez pour y loger horizontalement uu morceau d'os ou de bambou gros comme le pouce. Nous compléterons toutefois la description de M. de Rocquemaurel en donnant ici celle d'un talouage de guerre des australiens, et qui consiste à tracer une bande blanche sur le passage de chaque os du corps. Les bras, les jambes, les cótes, le bassin, la colonne verté- brale, tout porte sa bande blanche; de telle sorte que vu de loin, la couleur noire du corps s'effacant devant la blancheur de ces bandes, l'homme parait réduit à un véritable squelette ambulant, et il faut convenir qu'il y a eu un cerlain génie infernal à trouver cette hor- rible mascarade. Comme presque tous les tatouages de guerre de la Polynésie, celui-ci n'est que de pure coloration et disparait aussitôt que la campagne est terminée. Si nous passons maintenant au latouage de l'Océanie centrale, nous y trouverons l'art de graver sur la peau poussé à son dernier degré de perfection, toutefois c'est aux iles Marquises que se trouve le chef-d'œuvre du genre; les iles Pomotou, les iles Gambier (avant leur conversion au christianisme) étaient, il est vrai, plus fortement latouées que les iles Tonga, Taiti et les Sandwich, mais elles étaient encore loin d'approcher du tatouage des iles Marquises, car les in- sulaires qui les habitent en sont tellement couverts de la tête aux pieds, que quelques navigaleurs les ont crus noirs. Ісі j'inlercalerai encore le passage suivant du journal de M. de Rocquemaurel; ce sont des noles prises sur les lieux, qui probablement n'auraient jamais vu le jour si notre vieille amitié ne Pett emporté sur la beau- = 24 coup trop grande modestie de l’auteur. Voici celte intéressante des- criplion : « Le tatouage pouvant étre considéré comme le vétement des na- > turels de Nouhiva, c'est d’après la finesse de ses lignes et leur » complication qu'on peut jusqu'à un certain point juger de l’âge et » du rang de celui qui en est revêlu. Cette aristocratie de la peau, > plus indélébile que celle des étoffes , des broderies et des rubans » dont s'affublent les peuples civilisés, parait régner à Nouhiva plus » qu'en aucun lieu du monde. Ces figures bizarres imprimées sur la » peau à l'aide d'un petit rateau à dents aigues (de nacre ou d'écaille) » qu'on trempe dans une couleur noire, servent à rappeler les prin- » cipales époques de la vie et les actions dignes de mémoire. Les vieillards, les chefs sont surchargés de pareilles armoiries ou lé- gendes qui portent avec elles un cachet d'authenticité puisqu'elles sont patentes aux yeux de toute la tribu. Cette pratique, toute élrange qu'elle parait, a du moins l'avantage de rendre les dégui- sements fort difficiles. On dit aussi que le tatouage, en soumetlant Ja peau à une opération douloureuse, larend moins impressionnable » aux éléments; quoiqu'il en soit, le tatouage ne commence guère a être pratiqué que chez les adolescents. Une large bande oblique » sur la joue, sur le front, sur un ceil ou la poitrine, forme le pre- » mier mot de celte légende hiéroglyphique qui ne finira qu'avec la » vie. Les jeunes gens ainsi blazonnés en noir, sur leur peau qui est » d'une couleur clair, ressemblant à la couleur des vases étrusques, » semblent porter sur la figure ou les autres parties du corps de » grands emplatres de taffetas noir. > Bientôt les zones de tatouage s'étendent avec l’âge et se mulli- - » plient sur Ја tête, la poitrine et les membres. Ces plaques, ces » baudes ou anneaux épars sont ensuite réunies par des lignes déli- » cales dont les contours sont le trait des figures que l'opérateur » achèvera plus tard. » Déjà le graveur sur chair humaine a promené son burin de nacre » sur la tête, le tronc, les jambes et les bras du patient, le front et » une zone du crâne sont alors passés à la couleur noire. Un ban- » deau noir couvre les paupières et une grande parlie de la face, » quelques filets déliés serpentent sur le côlé du nez et se roulent » en spirale sur les narines et le menton; une bande festonée tra- » verse obliquement la joue qui étail restée claire el représente une » suile d'oiseaux , de poissons ou tout autre dessin d'un fort bon goût; le corps parait bientôt recouvert d'une sorte de colle de » mailles formée de plaques, de chaines et de filets dont le tracé a » x 2 x » x » x > z » x x x У 25 » dû singulièrement exercer le talent de l'artiste et la patience du » sujet. » Mais tout cela n'est rien auprès des ornements qui, semblables » à une broderie délicate, descendent le long des cuisses, des jambes » el des bras et se perdent en anneaux plus déliés encore à l'extré- » mité des doigls. » Ce singulier vêtement n'est pas toujours d'un effet désagréable » à l'œil, mais j'avoue qu'il est un certain terme après lequel la » peau des naturels est tellement chamarrée, qu'on ne saurait plus » rien déméler au milieu de ce barbouillage dégoûtant. » Les femmes des iles Marquises, les plus belles de l'Océanie, ne » sont presque pas tatouées, elles portent seulement quelques petites > mouches noires au visage, ехсеріопѕ en seulement les princesses » qui, à cause de la haute noblesse de leur race, portent quelque > tatouage de plus sur le visage el sur quelques parties du corps. On » cite la princesse Patmi qui avait un de ses bras recouvert d'un ta- > touage admirable, dont la trame légère figurait, à s’y méprendre, » une sorte de mitaine à jour; puis enfin la princesse Maouna dont > le visage, les bras et certaines parties du corps étaient recouvertes » tantôt de légers festons, tantôt d'une sorte de réseau à jour. > Aux latouages par piqure des insulaires de Nouhiva et des iles basses en général, nous devons joindre un latouage par incision qui s’y trouve encore praliqué; ils se fendent effectivement les lobes des oreilles et dilatent cette fente en y introduisant successivement des morceaux de bois de plus en plus gros, de telle sorte qu'à la fin, au lieu de boucles d'oreilles, ce sont de véritables tampons d'oreilles qu'on y place; ces tampons en bois présentent par conséquent, en avant el en arrière, une face plate , ronde, d'environ quatre à cinq centimètres de diamètre, et qui esl ordinairement chargée de quel- ques couleurs grossièrement posées. A celui-là joignons y l'horrible mutilation des chefs de Tonga qui, à chaque exploit, à chaque fait mémorable se font couper une pha- lange des doigts de la main, el nous aurons une nouvelle preuve de ce que nous avons avancé plus haut, je veux parler de l'interven- lion occulte d'esprits ennemis de l'homme qui le poussent, autant qu'ils le peuvent, dans les souffrances et les mutilations les plus inouies. Nous ne quitterons point l'Océanie sans dire un mot des tatouages de guerre de tous ces insulaires. On sait effectivement qu'ils sont presque tous entachés de cannibalisme, et que la guerre West le plus souvent chez eux qu'une véritable chasse à l'homme, en un mot un moyen de satisfaire leur affreux appélil. Dans ces expéditions , 26 que le moindre différend fait naître, les sauvages ne se contentent pas ordinairement de leurs casse-têtes et de leurs lances, ils cher- chent encore à effrayer leurs ennemis en se peignant le corps ou le visage de la manière la plus horrible. On pense aussi que c'est un moyen de se reconnaître au milieu de la mêlée, les combats étant toujours corps à corps. Ces tatouages sont par simple coloration et se pratiquent ordinairement avec des terres ocreuses, blanches, jaunes, orangées, rouges, verles ou noires. Nous en avons donné un spécimen en parlant du tatouage par bandes blanches des peuples de l'Australie. Nous ajouterons seulement que ceux de l'Océanie centrale se peignent le plus souvent tout le corps, de la tête aux pieds, en jaune, en orangé ou en rouge, parfois aussi, comme à Saint-Christoval, ils ne se peignent que le visage, mais de la manière la plus hideuse. Ces tatouages ne sont que de circonstance el sont supprimés aussitôt que l'état de guerre cesse. Si les tatouages de guerre et de mort varient à l'infini en passant d'une ile à l'autre, il en exisle un qui a recu l'assentiment général, parait-il, car il se retrouve identique partout; c'est le tatouage de féte et de joie; il est tout blanc, et si on ne le trouve pas toujours mis en pratique dans certaines localités, c'est que parfois les iles ne contiennent pas la matière blanche nécessaire à sa préparation, telle que la magnésie, l'alumine, la chaux, etc. Nous n'avons plus qu'un mot à dire pour terminer cetle histoire des peintures de la race humaine, c'est sur les peuples de l'Amé- rique. En général les peaux-rouges ne sont pas taloués, leurs femmes seulement portent quelques mouches bleues, quelques petites croix sur le visage. Il faut descendre en Patagonie pour trouver un ta- touage plus arliculé, encore n'est-il que par coloration. Il se fait avec de l'ocre rouge et du noir de fumée , que les hommes et surtout les femmes appliquent en larges bandes au travers de leur visage, cher- chant ainsi à rompre un peu la monotonie de leur air naturellement triste et mélancolique. Après cet aperçu rapide sur le tatouage a la surface du globe, on est porté à se demander s'il n'y suivrait pas quelque loi; mais on n’en peut véritablement articuler aucune de bien positive. On re- connait seulement que plus les peuplades sont belliqueuses, plus le lalouage supérieur l'emporle sur l'inférieur, qu'en général le ta- touage de la partie antérieure du corps l'emporle toujours sur celui de la parlie postérieure, et que le tatouage de la figure a toujours une supériorité bien marquée sur celui du reste du corps. hépétons toutefois ce que nous avons dit dès le commencement 27 de celte nolice, c'est que depuis les paupières peintes de l'arabe , la peau badigeonnée des chinoises, la peau blasonnée des océaniens , jusqu'aux bourrelets affreux des australiens et les phalanges coupées des tonga, nous voyons se dérouler une longue chaine de pelitesses, de misères, de douleurs et d'orgueil qui mettent à nu de la manière la plus effrayante cette désolante vérité, à savoir que l'homme est un étre malheureux et aveugle qui cherche sans cesse à remonter l'échelle que sa chute originelle lui a fait descendre, et qui sans cesse aussi, poussé dans cette recherche par les esprits méchants et trom- peurs qui l'assiégent, pose le pied sur un monceau de débris et de sang pour saisir une félicité qui toujours lui échappe, et qui, si le Fils de Dieu n'était venu sur la terre lui apprendre quil était. doux et humble de cœur, eût croupi jusqu'à la fin des siècles dans la bar- barie et le désespoir. L. DE JOANNIS. ГЫЧ» N UD) D SUR LES MOLLUSQUES TÉRÉBRANTS. Après les intéressants écrits qui ont paru sur la perforalion des pierres et du bois par les mollusques térébrants, il semble qu'il ne reste plus qu'à s'incliner devant tant d'observalions judicieuses et lant d’apercus séduisants, el pourtant qu'il me soit permis d'y joindre mes observalious particulières; je les ai puisées sur les mollusques vivanls eux-mémes et sous ce rapport elles peuvent avoir quelqu'in- térêt pour conduire la question à une solulion complete. Et d'abord, je commence par déclarer que pour tout naturaliste qui ne fait pas des théories dans son cabinet, l’action mécanique pour opérer la perforation ne peut pas parailre douteuse, meme pour les modioles et les vénérupes, mais j'ajouterai aussi que pour mon compte particulier l'aclion chimique ne me paraît pas moins cerlaine méme pour les pholades. Seulement chez les modioles et les vénérupes l'action chimique dépasse de beaucoup l'action mé- canique tandis que c'est le contraire dans les pholades, les tarets el les gastrochénes. Parlons d'abord de l'action mécanique et établissons bien qu'elle SYDVADU Opada] | [eseu 391P] + ООЛУ ШУ ЕЕ adnaoua À ¢ Dan sxyoyd / anda19 ape[oyq 6 subpydoyp supp liuu ) эшороцү 3101POf I Іта 29 est exercée par tous les mollusques térébrants même par ceux qui, comme les modioles , possèdent une coquille presque lisse. Et d’abord pour procéder par induction, remarquons que dans les pholades, les tarets et les gastrochénes, le gros bout de la coquille, c’est-à-dire sa partie antérieure , est muni de stries croisées (pl. 1, fig. 1, 2, 4), tandis que la partie postérieure, à laquelle viennent aboutir les siphons, ne porte que des stries simples et longiludinales ! On reconnait là cette divine intelligence qui a présidé à la création des êtres et qui a muni d'une forte rape la partie du lêt qui devait produire l'érosion, tandis que Ја partie qui devait rester inactive, est tout-à-fait dépourvue. Car il ne faut pas s'y tromper, il n'y a que le gros bout de la coquille qui opère la perforation, le manteau fermé dans la partie postérieure de tous les adesmacés , ne permettant pas à la coquille de s'ouvrir en arrière jusqu'au point d'acquérir la méme largeur que la partie antérieure qui peut se dilater davan- tage à cause de l'ouverture du manteau destinée à laisser sorlir le pied. Eh bien, si des pholades et des tarels où les stries croisées du gros bout présentent une rápe trés rude, nous passons aux modioles lithodomes qui sont presque lisses, nous allons trouver une disposi- tion analogue seulement avec la modification que comporte la dif- férence de nalure. Dans les modioles effectivement où le manteau est ouvert dans toute la longueur de l'animal, où il n'y a point un large pied pour happer la roche et opérer le mouvement circulaire perforant, mais un simple pied linguiforme suffisant à produire un petit mouvement de va et vient rectiligne, les slries croisées vont simplement occuper la partie antérieure et inférieure de la coquille et c'est par ce petit mouvement de va el vient recliligne (ou à peu près) joint à l'action chimique, que nous voyons les mo- dioles lithodomes pénétrer dans les roches madréporiques les plus dures. Les stries croisées des modioles s'arrêtent effectivement com- me on peut s'en assurer à une ligne qui part en arrière du sommet el qui se rend à la parlie inférieure et postérieure du limbe (pl. 1, fig. 4) el qu'on ne dise pas que des slries aussi peu saillantes que celles des modioles sont incapables de miner une roche. Je mets sous les yeux de la sociélé une thracie corbuloide et une donace réseau que des murex (mollusques carnassiers comme Гоп sail) ont per- forées avec leur trompe pour en manger l'animal, or la trompe des murer ne porte à son extrémité que de simples crochels cornés; si donc la corne a pu opérer une perforalion aussi parfaite, à combien plus forte raison le pourront faire les stries d'une coquille dont le tèt vivant présente un corps calcaire des plus durs. 30 Quant aux vénérupes, si le système de stries croisées couvre toute la coquille c'est que le rodage se fait avec le flanc méme et qu'alors l'armature devait être générale (pl. 1 , fig. 3). J'ai dit plus haut que dans les pholades el les tarets le gros bout seul de la coquille opérait la perforation et pour s'en convaincre en- tièrement on n'a qu'à observer la manière dont est situé le pied de l'animal par rapport à la partie perforante de la coquille. Les lois de la mécanique ne sont jamais oubliées dans la nature, or ces lois voulaient que le point d'application de la puissance fût situé dans le méme plan que le point d'appui et le point d'application de la résis- lance, et c'est ce qui a lieu dans le cas où le gros bout seul perfore landis qu'il se créerait un couple mécanique des plus contraires au travail si la perforation avait également lieu par sa partie poslé- rieure Une des difficullés qu'on a failes aux partisans de la perforation mécanique pure, était de leur demander comment s'y prenait le pelit mollusque naissant pour commencer son trou. Car on donne bien l'explication du rodage dans le cas où l'animal est déjà renfermé dans son tube, mais on demandait comment ce tube avait com- mencé el comment surtout on pouvait l'expliquer dans le système de la perforation pure et sans aclion chimique. Eh bien ! voici ce qui se passe. Qu'on se transporte dans un lieu oü vivent des pholades , et l'on en trouvera qui ne sont entrées qu'à moilié dans leur trou ; leur long siphon alors est recourbé et son extrémité s'appuye et happe pour ainsi dire la roche environnante. П n’y a donc pas de doute que pour commencer son trou, le petit mollusque a dà d'un côté allonger son pied jusqu'à happer la roche et de l'autre cóté pour faire équilibre à son aclion recourber ses siphons el s'accrocher à la roche en sens contraire (pl. 2 fig. 1). Maintenu alors dans une position fixe par ces deux forces opposées, il a pu au moyen des muscles de son pied commencer la perforation, toujours aidé, sans aucun doule, par une véritable action chimique désagrégatrice. Pour les tarets (pl. 2, fig. 3) il est impossible de rien voir puisque tout se passe dans linlérieur d'une pièce de bois, mais alors on comprend très bien comment la chose se fait. Le pelit mollusque sortant du sein de sa теге , se crée un point d'appui sur elle-même en y fixant ses siphons el peut produire ainsi son mouvement gira- loire allernalif pour commencer une galerie qui communiquera avec celle de sa mère, mais dont elle aura bientôt soin de fermer l'entrée par la couche calcaire dont elle tapisse son passage. Pour les modioles (pl. 2, fig. 4) la chose change tout-à-fait ; là 31 point de pied fort destiné à faire tourner la coquille, mais seulement un pied linguiforme qui ne peut produire qu'un mouvement d'avant en arrière, point de longs tubes qui peuvent se recourber et tenir la coquille sur l’un de ses bouts, mais seulement des tubes très courts ne dépassant pas les bords du limbe. Eh bien dans ce nouveau cas, voici comment le problème a été résolu. Tout le monde a remarqué que les moules qu'on vend au marché se liennent souvent les unes aux autres par de longs filaments, ces filaments sont ce qu'on nomme en malacologie le byssus. Ce byssus est un pinceau d'une soie trés solide qui part de la base du pied et en arrière de lui, sort de la coquille et va s'accrocher aux corps environnants. Toutes les moules possédent ce byssus et s'en servent pour se fixer aux corps qui les entourent, de maniere à n'élre pas le jouet de la mer qui sans cela les roulerait et les briserait contre les rochers. Eh bien, les modioles lithodomes possédent aussi ce byssus, mais par une admirable prévoyance au lieu de le voir se consolider avec l’âge, elles ne le possédent que pendant leur jeunesse, les soies de ce byssus s'allongeant et s'amincissant de plus en plus à mesure que la jeune modiole pénètre plus avant dans la roche qui doil lui servir de demeure. Voici donc ce qui se passe et on peut le voir sur presque toutes les côtes de l'ile de Malte où la roche calcaire tendre contient une énorme quantité de modioles. A sa naissance la pelite modiole se fixe à la roche par son byssus, afin que la mer ne l'emporte pas et qu'elle puisse commencer son travail de perforation; ainsi fixée et aidée de son pied, elle com- mence alors son mouvement de va et vient et use ainsi la roche au moyen des stries transversales de sa partie inféro-antérieure. Dans ce travail elle est puissamment aidée par une secrétion acide qui produit une rapide désagrégalion des molécules calcaires. Si l'on veut se faire une idée bien exacte du petit mouvement qu'exécute la modiole en limant la roche, qu'on regarde le mouve- ment que fait l'index d'une personne qui écrit; toutefois la modiole ne fait pas toujours ce mouvement, elle se repose et peut-être aussi donne-t-elle le temps aux agents chimiques de produire la désagré- galion. Quant à la реШе vénérupe elle opère évidement comme le petit taret pour commencer sa chambre, elle s'appuie sur sa теге et enlreprend ainsi son travail de perforation. Ce qui le prouve, c'est la communication constante qui a lieu entre toutes les chambres des vénérupes d'un méme groupe. Bien enlendu que laclion chimique vient encore aider le pelit mollusque et d'autant plus puissamment , selon toute probabilité, que l'animal est plus jeune. 32 Malgré cette manière d'opérer de proche en proche, il est impossible de ne pas admeltre que des cas particuliers ou des circonstances fortuites transportent de petites vénérupes sur des rivages ou il n'y en avait pas précédemment. Dans ce cas la pelite coquille se trouvant jelée dans quelque pelit trou de rocher, s'y cramponne soit en ouvrant ses valves soit en tirant son pied et appuyée sur les parlies voisines de la roche commence son mouvement circulaire de perforation. Quant aux gastrochènes qu'on trouve en si grande quantité dans le golfe de Venise et de Tarente, je n'ai pu les observer, ceux que j'ai trouvés près d'Athénes dans les ports du Pyrée et de Salamine étant tous dans des masses de vase compacte qu'il est trés facile de pénétrer. J'ai émis tout d'abord celle opinion qu'indépendamment de l'action mécanique opérant la perforation , il y avait une action chimique exercée par le mollusque térébrant et j'ai dit que les pholades, elles- mêmes, y parlicipaient. Pour les modioles, la question n’a paru douteuse pour personne tant on les regardait comme incapables de perforer une pierre par usure, et le nom qu'on leur a donné de Mytilus lithophagus, indique bien qu'on attribuait à ces animaux la propriélé de dévorer pour ainsi dire la roche et c'est ce qui fait qu'il a fallu admettre que le mollusque répandait une liqueur corrosive qui opérait la désagré- galion de la pierre. Cette liqueur corrosive du reste semblerait étre de la méme nature que nos acides connus, par cette raison que les modioles ne creusent jamais leur demeure que dans des roches calcaires, roches qu'on sait trés faciles à décomposer, l'acide carboni- que ayant peu d'affinité pour les bases et en étant séparé par pres- que lous les acides. Je n'ai jamais observé de tarets vivants, mais j'ai nourri pendant longtemps à bord et observé de trés grosses pholades dactyles et sca- brelles. Eh bien, le fait qui m'a frappé par dessus tous les autres dans ces animaux est leur phosphorescence. Aussitót que la nuit venait on voyail tout l'animal, aussi bien la coquille que les tubes, devenir tellement lumineux que coquille et siphon tout disparais- sait comme noyés dans le bain de lumière qui les inondait. On ett dit une barre de fer porlée au rouge blane qu'on aurait plongée dans l'eau et qui y conservail sa lumière élincelante. Ce phénomène qui se reproduisait tous les soirs ne m'a pas laissé de doute sur la phos- phorescence continue de ces animaux, et l'état lumineux de l'exté- rieur de la coquille m'a donné également à penser qu'il s'échappait de l'animal je ne sais quelle substance dans laquelle tout le mollus- que semblait plongé. De quelle nature est celte substance? Je ne 33 saurais le préciser, mais il ne m'est pas resté un moment douteux qu'elle dût exercer une action désagrégatrice sur les parois envi- ronnantes de la loge du mollusque, action qui venait se joindre à l'aclion mécanique pour opérer et continuer la térébration, jusqu'à ce que le mollusque ait atteint ioule sa grosseur ; époque à laquelle la phosphorescence ainsi que la disposition térébrante cessent pour laisser l'animal vivre paisiblement de ce que veut bien lui apporter la mer dont il aspire l'eau au moyen de ses tubes. J'ai dit qu'on ne peut guère préciser la nature de l'agent que ré- pand la pholade tout autour d'elle par cettetraison que le dynamisme vital vient donner aux corps un caractère tout autrement puissant que ceux remarqués dans la nature morte et que nous soumeltons aux analyses de nos laboratoires. Ainsi, pour me résumer, l'aelion dissolvante de tous ces mollus- ques térébrants se compose de deux parties bien distinctes quoi- qu'elles concourent au méme bul.D’abord une action chimique dé- sagrégatrice qui précède et accompagne toujours l’action mécanique el celle action mécanique elle-même qui facilitée par l’action chi- mique parvient à opérer la désagrégation, el à creuser la loge des mollusques. Selon la nature des mollusques les deux forces sont dans des pro- portions très différentes, de telle sorte que la force mécanique qui prédomine chez les pholades et les tarets n'est qu'en second ordre chez les modioles, tandis que la puissance chimique au premier rang chez les modioles n'est qu'en second ordre chez les pholades. Je profilerai toutefois de l'occasion que j'ai de metlre sous les yeux de la sociélé une portion de la carène d'un navire pour re- dresser un fail que plusieurs auteurs ont avancé, à savoir que les larels ne creusaient jamais leur galerie que dans le sens des fibres ; on peut voir tout le contraire dans l'exemplaire ci-joint. П est bien vrai effectivement de dire qu'en général les tarels suivent le fil du bois en creusant leur tube, mais il faut ajouter qu'aussitót qu'ils rencontrent dans leur route un corps qui n'est pas du bois ou un obstacle quelconque, ils devient immédiatement de leur roule pri- milive el en viennent parfois à cheminer même dans un sens toul- à-fait perpendiculaire aux fibres du bois. L. DE JOANNIS. FAUNE SAUMUROISE. CATALOGUE DES GOLÉOPTERES. CICINDELA, CICINDELA Linné. Hybrida Linn. Sylvalica Linn. Campestris Linn. Germanica Linn. CARABIDA. ODACANTHA Payk. DEMETRIAS Bon. Melanura Linn. Imperialis Germ. DRYPTA Fabr. Var. Ruficeps Géné. ) Atricapillus Linn. Emarginala Fabr. Var. Elongatulus Duft.- Dej. PorvsricHUS Bon. | | Dnowrus Bon. Fasciolalus Oliv. | abu. Linearis Oliv. Sigmá Rossi. Homagrica Duft. Quadrisignatus De). Var. Lineata Dej. Fascialus De). Cyminpis Lalr. difascialus Dej. Quadrinolatus Panz. Quadrimaculatus Linn. Agilis Fabr. Var. Fenestratus Dej. Obscuroguttatus Duft. Foveola Gyll. Truncatellus Linn. Glabralus Linn. Quadrillum Duft. LEBIA Latr. Fulvicollis Fabr. Cyanocephala Linn. Chlorocephala Dej. Turcica Fabr. (Thouars). Hoemorrhvidalis Fabr. BRACHINUS Web. Psophia Dej. Crepitans Linn. Explodens Duft. Sclopeta Fabr. MASOREUS Dej. Wellerhalii Gyll. CLIVINA Latr. Fossor Linn. DYSCHIRIUS Bon. Nitidus Dej. Politus Dej. Thoracicus Rossi. Globosus Herbst. Ditomus Bon. Fulvipes Dej. ARISTUS Latr. Clypealus Rossi. Capitò Dej. йт ——— — —— PROCRUSTES Bon. De). Coriaceus Linn. CARABUS Linn. Catenulatus Fabr. Purpurascens Fabr. Convexus Fabr. Nemoralis Illig. Hortensis Fabr. Monilis Fabr. Var. Consitus Panz. Cancellatus /llig. Granulatus Linn. Auratus Linn. Intricatus Linn. Cyaneus Fabr. CALOSOMA Fabr. Sycophanta Linn. Inquisitor Linn. Sericeum Fabr. Auropunctatum Dej. LEISTUS Frehl. Spinilabris Fabr. Fulvibarbis Dej. Ferrugineus Linn. NEBRIA Latr. Brevicollis Fabr. OMOPHRON Latr Limbatum Fabr. ELAPHRUS Fabr. Cupreus Duft. Riparius Linn. Aureus Müll. Littoralis Dej. BLETHISA Dej. Multipunetata Linn. | ) | 36 NOTIOPHILUS Duméril. Dej. Quadripunclalus Dej. Semipunclatus Fabr. Punctulatus Wesmael. Rufipes Curtis. Palustris Duft. Aquaticus Linn. PANAGOEUS Latr. Crux-major Linn. Quadripustulatus Sturm. LORICERA Latr. Pilicornis Fabr. CALLISTUS Bon. Lunatus Fabr. CHLOENIUS Bon. Vestitus Duft. Marginatus Linn. Agrorum Oliv. Nigricornis Fabr. Melanocornis Dej. Tibialis Dej. Holosericeus Fabr. Velutinus Duft. DINODES Bon. Rufipes Dej. OonES Bon. Helopioides Fabr. Gracilior Fairm. LICINUS Latr. Silphoides Fabr. BADISTER Clairv. | Unipustulatus Bon. Cephalotes Dej. et | O — — — — Jipustulatus Fabr. Humeralis Bon. Peltatus Panz. PRISTONYCHUS Dej. Terricola Herbst. CALATHUS Bon. Latus Dej. Cisteloides Illig. Fulvipes Gyll. Mollis Marsh. Ochropterus Duft. Melanocephalus Linn TAPHRIA Bon. Vivalis Panz. SPHODRUS Clairv. Planus Fabr. Leucophthalmus Linn. ANCHOMENUS Bon. Longiventris Dej. Assimilis Payk. Angusticollis Fabr. Prasinus Thunb. Pallipes Fabr. Oblongus Fabr. Memnonius Gyll. AGONUM. Sexpunctatum Linn. Marginatum Linn. Modestum Sturm. Parumpunctatum Fabr. Meestum Duft. Emarginatum Gyll. Viduum Panz. Versulum Gyll. Micans Nicol. —— M M a ——‏ س ررد Gracile Sturm. ABAX Dej. Picipes Fabr. Swoimi Fuliginosum Panz. Parallela Duf! Puellum Dej. | PLATYSMA De). OLISTHOPUS Dej. Picimana Duft. holondatus Payk. i PTEROSTYCHUS Bon. POECILUS Bon. Niger Fabr. Punclulatus Fabr. Parumpunctalus Germ. Cupreus Linn. Dimidialus Oliv. AMARA Bon. Lepidus Fabr. Slriatopunclala Dej. Subcceruleus Quensel. J Rufipes Dej. Tricuspidata De). Strenua Linn. Madidus Fabr. Varicolor Héer. Var. Concinnus Sturm. Plebeja Gyll. Similata Gli. Obsoleta Duft. Terricola Fabr. Curla Dej. Montivaga Sturm. Communis Gyll. Acuminala Payk. Eurynola Dej. STEROPUS Dej. Morors De}. OMASEUS De). Melas Creutz. Melanarius Illig. ———— Nigritus Fabr. Trivialis Gyll. Anthracinus Illig. Familiaris Duft: Gracilis Dej. | Lucida Duft. Minor Gyll. | Consularis Duft: Apricaria Payk. Ferruginea Linn Fulva de Géer. ARGUTOR De). | — Vernalis Fabr. Ruficollis Marsh. Picea Fabr. Depressus Dej. | Aulica Dej. Negligens Sturm. , Glabrata Dej. Slurmii Dej. Ovoideus Sturm. Eruditus Dej. Gibbus Fabr. Erylhropus Marth. Slrenuus Gyll. Inaequalis Marth. Pumicalus Panz. —— ZABRUS Clairv. STOMIS Clairv. Broscus Pans. Cephalotes Linn. AcivoPus Dean. Megacephalus lig. ANISODACTYLUS De). Signatus Illig. Binotatus Fabr. Var. Spurcalicornis De). Nemorivagus Duft. Gilvipes Dej. Diacnromus Erich. Germanus Linn. GYNANDROMORPHUS Dey. Etruscus Quensel. OPHONUS De]. Rotundicollis Dej. Diffinis De. Obscurus Fabr. Sabulicola Panz. Columbinus Germ. Oblongiusculus De. Maculicornis Duft. Mendax Rossi. HARPALUS Dej. Ruficornis Fabr. Griseus Pans. Aneus Fabr. Rubripes Duft. Cupreus De). Distinguendus Duft. Discoideus Fabr. Honeslus Duft. Calcealus Duft Hollentola Duft. — Maxillosus Dej. Fulvipes Fabr. Tenebrosus Dej. Melancholicus De. Semiviolaceus Ij. Impiger Duft. Quadripunclalus De}. Ignavus Duft. Tardus Pauz. Pygmœus Dej. Serripes Quensel. Servus Duft. Anxius Duft. Flavitarsis De). Neglectus Dej. Sulphuripes Germ. Consentaneus De). BRADYCELLUS Erich. Collaris Payk. Fulvus Marsh. STENOLOPHUS Erich. Vaporariorum Fabr. Discophorus Fisch. Elegans Dej. Vespertinus Illig. Meridianus Linn. Exiguus Dej. Nigriceps Dej. AMBLYSTOMUS Erich. Metallescens Dej. Trecuus Claire. Minutus Fabr. Rubeus Clairv. Areolatus Creutz. BEMBIDIUM Lalr. Parvalum Dej. Pulicarium Dej. ~~ meee ee — Auguslatum Dey. Nanum Gyll. Bistriatum Duft. Fulvicolle Dej. Flammulatum Clairv. Undulatum Sturm. Varium Oliv. Ustulatum Fabr. Fumigatum J. Duv. Assimile Gyll. Rufescens Dej. Oblusum Sturm. Gultula Fabr. Biguttatum Fabr. Var. Vulneratum De). Decorum Panz. Nitidulum Marsh. Rufipes Gyll. Ustulatum Linn. Rupestre Fabr. Fluviatile Dej. Femoratum Sturm. Callosum Rüster. Laterale Dej. HALIPLUS Latr. l'errugineus Gyll. Flavicollis Sturm. Variegalus Dej. Lineatocollis Gyll. Impressus Latr. Badius Aubé. Obliquus Latr. Gullatus Aubé. CNEMIDOTUS /llig. Coesus Erich. 39 м Quadripustulatum Dej. Quadrimaculatum Linn. Quadrigullalum Fabr. Articulatum Panz. Slurmii Panz. Doris Panz. Tenellum Erich. Pusillum Gyll. Normannum Dej. Gilvipes Sturm. Mannerheimii Sahle. Pygmæum Fabr. Lampros Herbst. Celere Fabr. Paludosum Panz. Argenteolum Ahrens. Impressum //lig. Striatum Latr. Foraminosum Sturm. Punctulatum Drapiez. Pallipes Duft. DYTISCID A. POELOBIUS Schoen. Hermanni Aubé. CYBISTER Curtis. Reeselii Curtis. Dytiscus Linn. Marginalis Linn. Dimidiatus Bergst. Punctulatus Fabr. Conformis Kunz. Acitius Leach. Sulcatus Linn. Hypaticus Leach. Transversalis Fabr. Hybneri Fabr. Cinereus Curtis. COLYMBETES Claire. Striatus Linn. Collaris Payk. Adspersus Fabr. Conspersus Gyll. ILYBIUS Erich. Ater Erich. Quadriguttatus Erich. Fuliginosus Fabr. Fenestratus Fabr. AGABUS Leach. Oblongus /llig. Uliginosus Linn. Femoralis Payk. Chalconotus Panz. Didymus Oliv. Bipunclatus Fabr. Bipustulatus Linn. Assimilis Sturm. Abbreviatus Fabr. Brunneus Fabr. Maculatus Linn. NoTERUS Clairv. Crassicornis Muller. Sparsus Marsh. Lævis Dej. GYRINUS. Distinclus Aube. ACKERMAN, A. —— Laccornitus Leach. Interruplus Panz. Minutus Linn. Variegaius Germ. Нүрнүркоѕ /llig. Ovalus Linn. HyprororRus Clairv. Duodecimpustulalus Fabr. Inæqualis Fabr. Reticulatus Fabr. Geminus Fabr. Unistriatus Ili. Picipes Fabr. Confluens Fabr. Dorsalis Fabr. Sexpuslulalus Fabr. Erytrocephalus Linn, Planus Fabr. Memnonius Nicol. Neglectus Dej. Pubescens Gyll. Auguslalus Sturnr. Pictus Fabr. Lituratus Brullé. Piceus Sturm. Nigrila Fabr. Linealus Marsh. Flavipes Oliv. Granularis Linn. Var. Bilinealus Sturm. Pumilus Dej. GYRINIDÆ. Elongatus Dahl. Minutus Fabr. COURTILLER ET P. LAMBERT. MAITRE RICHARD, CLERC ET PHYSICIEN DU TERTRE SAINT - LAURENT D'ANGERS. COMMUNICATION ADRESSÉE A LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE , par M. Paul MARCHEGAY, archiviste paléographe. Dans les premières années du xiv* siècle mourut a Angers, sur le Tertre-Saint-Laurent, un personnage qui serail resté dans l'oubli le plus complet si la profession qu'il a exercée n'appelait sur lui l'attention, ou {out au moins la curiosité, et ne faisait affronter la lecture du long grimoire dans lequel est conservé son testament (1). Maitre Richard devait êlre un homme instruit, puisqu'il avait étudié pour entrer dans les ordres, comme l'indique son titre de clerc; mais, circonstance plus importante, c'était un physicien, ou médecin, auquel une longue pralique et une clientèle nombreuse avaienl permis de ramasser une fortune considérable pour l'époque. Outre plusieurs maisons sur le Terlre, il était propriétaire de divers immeubles, qu'il ne désigne pas mais qui semblent avoir eu (4) In nomine Domini, amen. Ego magister Richardus , clericus, physicus de Tertro Saneti Laurencii Andegavis, compos mentis per Dei gratiam , licet eger cor- poris, cogitans de supremis, testamentum meum seu meam ullimam voluntatem facio, et de bonis ac rebus meis mobilibus et immobilibus quibuseumque dispono et ordino... Datum et actum die lune post Penthecosten , anno мессту, Archives de Maine et Lowe, Hótel-Dieu d'Angers, ns 48, fol. 8. 42 une assez grande valeur. Son mobilier élait riche : il possédait entr'autres objets trois coupes d'argent, pesant trois mares six onces; la principale du poids de deux mares était dorée. Le physi- cien les avait sans doule recues en cadeau de la part de quelques opulents malades. Son vestiaire était trés convenablement garni : deux des robes principalement devaient être belles, ainsi que le manteau fourré, puisqu'ils forment toute la part qu'il alloue à ses fréres dans sa succession. Deux draps de soie, présent qu'il avait conservé intact, étaient destinés à garnir le cercueil de notre méde- cin, jusqu'au moment oü son corps serait livré à la terre (1). Maître Richard était d'Angers, tout au moins de l'Anjou, où sa famille était assez nombreuse. Les membres que nous en connais- sons n'ont été désignés que par leur nom de baplême; et comme, dans la classe aisée, les noms de famille étaient dés lors d'une appli- cation assez générale, il y a lieu de croire que les parents du physi- cien du Tertre-Saint-Laurent étaient pauvres et obscurs. П nomme lui-même ses trois frères, Martin, Robert et Touslin; plus deux neveux appelés Jean, l'un moine à Saint-Nicolas d'Angers, l'autre chanoine dans l'abbaye de la Roé. En qualité de célibataire, Richard n'oublie pas tout à fail dans son testament son filleul, Jean Aubin, el il lui lègue 20 sous (2) ; mais il traile beaucoup mieux sa servante Laurence, qui doit avoir, outre la sonime de 30 livres, tous les objets et ustensiles composant son ménage. Du reste, maitre Richard se montre peu généreux et encore moins affectueux envers sa famille, ou parce qu'il n'était pas en bons ter- mes avec elle, ou parce qu'ayant gagné lui-méme tout son avoir, il se croyail libre d'en disposer à son gré (3). Nous avons déjà dit que ses lrois frères (4), Martin, Robert et Toustin eurent seulement ses deux plus belles robes et son manteau fourré; à chacun de ses neveux il (1) Habere volo et supra corpus meum reponi, duos pannos de serico, quorum unum do ecelesie Sancte Trinitatis et aliud capelle Beati Jobannis Evangeliste. (2) Do et lego... Johanni, filio Johannis Albini, filiolo meo, xx solidos; Laurencie pedissece mee xxx libras monete currentis, et omnia mesnagia et utensilia mea , lam magna quam parva. (3) Vers l'année 1060, Tescelin, prêtre de Verrie, prés Saumur, choisit pour léga- faires universels Sigon, abbé, et les moines de Saint-Florent , et justifie en ces termes l'exclusion de ses parents et amis : Omnia quee habeo... ex ingenio meo acqui- sivi; idcirco amici aut parentis in hoc parlem non recognosco. (4) Do et lego Martino, fratri meo, торат meam meliorem; Roberto, fratri meo alam robam meam meliorem ; Tustino, fratri meo, epitogium meum forratum. 43 ne doune que 60 sous. Enfin aucun des hériliers naturels de Richard ne figure sur la liste de ses exéculeurs testamentaires (1), auxquels, suivant la formule ordinaire des testaments, il donne pouvoir et mandement spécial d'ajouter à ses dernières dispositions, de les in- lerpréter, modifier el méme changer en quelque partie que ce soit, selon leur bon plaisir el en tout ce qui leur paraîtra convenable. Il craignait probablement que ses frères, investis d'une semblable au- torilé, rendissent infiniment plus simple l'exécution du testament, el réintégrassent la famille dans les droits dont elle était dépouillée. L'humilité ne parait pas avoir été une des vertus de maître Ri- chard. On ne doit pas en effet considérer comme des donations pieuses les legs considérables qu'il fait à toutes les collégiales d'An- gers, aux abbayes de Saint-Nicolas et du Ronceray, aux couvents des Carmes, Cordeliers, Jacobins et Filles-Dieu, à condition qu'ils viendront processionnellement à ses funérailles. Avec un soin mi- nulieux , il prend toutes les dispositions nécessaires pour que son cercueil, recouvert de riches draperies, éclairé par six grosses tor- ches en cire (2) et par plus de cent cierges, soit entouré d'une foule de chanoines, moines, religieux, religieuses, chapelains et clercs, comme s'il eût refermé le corps d'un laïque puissant ou d'un prélat renommé. Sur les 67 livres 5 sous, somme alors au moins cent trente-trois fois plus forte qu'aujourd'hui (3), montant de ses legs en argent, prés de 50 sont consacrées à assurer el à payer la présence des gens d'église qu'il convoque à son enterrement. Toutefois les sentiments charitables attestés par le testament de mailre Richard, doivent atténuer en quelque sorte les reproches qu'on serait disposé à adresser à sa vanilé funéraire, de méme qu'à (1) Ad exequtionem presentis testamenti mei... faciendam et adimplendam , ego facio , eligo et constituo dilectos meos, videlicet discretum virum Gauffridum Alani , sacristam Beate Marie Andegavensis; religiosum virum fratrem Johannem priorem Elemosinarie Sancti Johannis Andeg.; Michaelem de Marisco, sacristam dicte domus, et fratrem Julianum fratrem diete domus... Et eisdem do , lego penitus et committo plenariam potestatem et speciale mandatum addendi huie presenti testamento meo, diminuendi et detrahendi de contentis in eo, et interpretandi et mutandi contenta in e0 .. secundum quod eis placuerit. (2) In die obitus mei habere volo quater viginti libras cere, ad faciendum sex torehas cum alio luminari... de quo luminari do et lego monialibus de Perrodio unam torcham et duodecim cereos; [item] fratribus de Carmelo Andegavis... ecelesie Sancte Trinitatis Andegavis, monialibus Beate Marie; Filiabus Dei Andegavis sex cereos ; sacriste Elemosinarie Sancti Johannis Andegavis duas torchas et totum residuum dicti luminaris (3) V. Leber, Essai sur l'appréciation de la fortune privée au moyen-àge 14 son indifférence envers sa famille (1). Non content de prescrire la distribution à chaque pauvre de la ville, lors de ses funérailles et le septième jour après, d'un pain valant 1 denier, il dispose en faveur de ces mêmes pauvres de tout ce qui restera de ses biens, les legs une fois acquiltés. Mais sa prédileclion la plus marquée est pour l'Aumónerie ou Hôtel-Dieu fondé à Angers, depuis environ cent trente années, par le célèbre comte d’ Anjou, Henri П, roi d'Angleterre , et par son sé- néchal Etienne de Marsay, sous l'invocation de Saint-Jean-lEvan- géliste. Richard veut d'abord que son corps y soit déposé (2). Dans ce but, apres avoir protesté qu'il n'a voué à aucune église ni son corps ni ses biens (3), il désintéresse formellement sa paroisse, la Trinité, ainsi que le clergé de cette église et du Ronceray, pour qu'ils ne cherchent pas à disputer sa dépouille mortelle aux religieux de l'Hôpital Saint-Jean, et à provoquer un de ces conflits, trop fréquents alors, dans lesquels les prêtres des églises rivales se disputaient le cadavre qu'ils prétendaient être leur propriété (4). Le prieur de l'Hótel-Dieu, nommé Jean, le sacriste Michel du Marais, et un religieux appelé Julien, ont élé de la part de maître Richard l'objet d'une amitié et d’une affection toutes particulières. Non seulement il leur donne ses trois coupes d'argent (5), mais encore il les choisit, avec le sacriste du Ronceray. pour exécuteurs de son testament. П veut aussi qu'un repas de 50 sous soit offert à tous les religieux de l'Hótel-Dieu le jour de son enterrement (6), el un autre, de 20 sous, sept jours aprés; el de plus il légue à la fabrique de leur chapelle la somme de 10 livres. Enfin, et ce fut (1) Volo et precipio duas karitates in villa Andegavis fieri... et quod cuilibet pau- peri ad. dictas caritates aflluenti una denariata panis erogetur, pro salute anime mee... *esiduum vero dictorum bonorum meorum... lego pauperibus ville Andegavis, distri- buendum et erogandum eisdem per exequtores meos. (2) Sepulturam meam eligo in Domo Elemosinaria Sancti Johannis Andegavis. (3) In primis, in veritate et sub periculo anime тес, assero et dico, et ad sancta: Dei evangelia, me nec mea nunquam dedicasse alleni eeclesie, monasterio nec reli- gioso loco cuicumque: (4) Fabrice ecclesie Sancte Trinitatis Andegavis |lego] XL solidos monete currentis; septem curatis dicte eeclesie cuilibet ipsorum Xxx solidos... tam pro jure funeraticio persone mee quam pro aliis omnibus que a me vel exequtoribus meis possent petere quoquo modo, alioquin dictum legatum... revoco penitus et annullo. (5) Priori dicti loci [lego] ciphum meum argenteum cum pede, de duabus marchis, deauratum ; fratri Michaeli, sacriste dicte Elemosinarie, unum ciphum argenteum mar- ehalem ; fratri Juliano, fratri dicte Domus, unum ciphum argenti de sex unciis. (6) т. solidos ad pitanciam in die obitus met, et XX solidos im die septimi mei 45 le plus considérale de tous ses legs, il donne aux prieur et religieux de l'Hôtel-Dieu toutes ses maisons situées sur le Terlre-Saint-Lau- rent, en pleine propriélé, à la charge cependant de célébrer dans leur chapelle trois Messes des Morts par semaine, et un anniversaire perpéluel pour le salut de son ame. Il semble résulter de ces dernières dispositions que notre physi- cien avait des rapports nombreux et suivis avec les frères de l'ordre de Saint- Auguslin qui gouvernaient alors l'Hótel - Dieu. Comme voisin, il leur rendait souvent visite; el quand les années, el avec elles les infirmilés, sont venues frapper à la porte de mailre Richard, les religieux ne l'auront pas abandonné. Ne peut-on pas croire aussi qu'il avait acquis dans leur maison la science médicale à laquelle il devait sa réputalion et sa richesse. En lout cas, il est difficile de contester qu'il ait exercé la médecine dans la splendide Aumónerie pour laquelle il a montré une si grande prédileclion. Elle était con- sacrée alors aux pauvres plutôt qu'aux malades, et ses anciens slatuls ne contiennent aucune prescription (1) à l'égard du service médical. Maitre Richard n'aurail-il pas été dès la fin du xu siècle, et jusqu'à sa mort, médecin en titre de cet établissement, en vertu de la con- fiance et de la délégalion toutes personnelles du prieur el de ses religieux ; et la manière dont il les traite dans son testament, n'est- elle pas un témoignage de sa reconnaissance ? Quoi qu'il en soit, el surlout parce que l'on connait fort peu de documents sur les médecins qui, antérieurement au xvr* siècle, ont ont été en renom dans la ville d'Angers, nous avons cru utile d'ana- lyser le testament de maitre Richard, et d'y ajouter les renseigne- ments qui suivent. Vers la méme époque existait en Anjou un aulre médecin, attaché à un puissant monastère : maistre Guillaume dou Chasteau, phisicien l'abbaesse de Fontevrault. Son nom nous a été conserve par un titre des Archives Déparlementales, daté du mercredi apres la saint- Martin d'hiver 1301, et par lequel ledit Guillaume achèle, à raison de 3 livres 10 sous, quatre pièces de terre aux environs de Montsoreau. Enfin dans les Archives Municipales, Comptes de la Cloison d'An- gers, volume 1, nous voyons qu'il ful payé, un siecle plus tard, pour une année commençant le 1% juillet 1403, la somme de 100 livres à maistre Boniface de Saveniéres, maistre en medicine et phisicien dudit seigneur (le roi de Sicile, duc d'Anjou) retenu de nouvel par ledit seigneur (1) Ces statuts, écrits en latin et intitulés : [nstitucio Domus Pauperum Andega- vensium , sont inédits. M. Célestin Port, archiviste de Maine et Loire, les publiera prochainement 40 à faire résidence en la ville d Angiers, pour lire en la Faculté de Medicine et veoir et visetrer les malladies des habitants de ladicte ville, aux gages de 100 livres tournoys par an; ains? que plus à plain est contenu és- lettres dudit seigneur données à Angiers le 4* jour d'avril 1402. Un autre paiement, de 40 livres, lui fut fail au méme litre, le 25 novembre 1404. Ces deux articles des Comptes de la Cloison constatent l'existence à Angers d'une Faculté de Médecine quatre-vingts ans au moins avant la rédaction de ses statuts, faite le 15 mars 1484 (1). Ils prou- vent aussi combien est ancienne l'inslitulion d'un médecin-public à Angers; mais cette utile inslitulion fut bientôt supprimée pour ne reparaitre, à diverses reprises, qu'au moment où les maladies épidé- miques ravageaienl la ville. Depuis la publication (2) des leltres- patentes du roi René, en vertu desquelles maistre Nicolas Wyart. docteur en médicine, fut investi, le 5 mars 1473, des fonctions médi- cales exercées jadis par Boniface de Savenières (mais non de son enseignement) aux gages de 100 livres, nous avons découvert d'au- tres lettres du même roi, en faveur de maistre Maurice Le Peletier, licencié en la Faculté de Médicine. Elles portent la date du 1¢" mars 1450 , et lui allouent 10 livres par trimestre, à la charge de visiter au moins deux fois par semaine les malades des Aumôneries et Hôpilaux d'Angers. Toutefois il n'y a pas lieu d'insisler sur cette dernière nomination, parce que les documents déjà réunis sur Maurice Le Peletier permettront de lui consacrer un article spécial. (1) de dois à la bienveillance du docteur Farge la communication de ces Statuts (2) V. Revue de l'Anjou , année 1853 , page 197, NOTICE SUR UNE CHAUX SULFATÉE produite par double decomposition DANS UN FER SULFURÉ DE SAUMUR (MAINE ET LOIRE). Un des faits les plus curieux el sans contredit l'un des plus intéressants que présente l'étude des minéraux, c'est la similitude à peu près générale des relations géognosiques qui les accom- pagnent. Ainsi dans l'un comme dans l'autre hémisphère, nous voyons que c'est toujours aux terrains de cristallisation ou aux assises des calcaires les plus anciens qu'il faut demander les métaux en filons; aux terrains plus modernes, et jusque dans ceux d'allu- vions les plus récentes, ceux en amas, en grains et en dépôts, el aussi la série nombreuse et variée des formations diverses subor- données aux assises primitives du globe et dans lesquelles se ren contrent tant de belles substances qui sont plus particulièrement du domaine de la minéralogie pure et dont la connaissance ajoute un si grand charme à l'étude de la géologie. Cette constance de rapports qui se fait remarquer dans la manière 48 d'être des espèces minérales, simples (1) ou composées, pierreuses (2) et salines (3) (acides ou alcalines), donne un grand intérêt aux rares exceplions à celle règle générale, soil que nous en trouvions l'ex- plicalion, soit que nous ne fassions que constater un de ces faits mystérieux dont le secrel ne nous est pas donné. Telle est, entre autres exemples la présence de la strontiane sulfatée cristallisée dans l'intérieur des blocs de quartz pyromaque du bane de craie de Meudon, près Paris, qu'on n'explique pas d'une manière satisfaisante dans ce milieu tout-à-fail insolite où ne se rencontrent aucunes des relations qui l'accompagnent ordinairement. Le département de Maine et Loire dont la géognosie offre tant d'intérêt, mais qui renferme peu d'espéces minérales proprement dites, nous en fournit une placée dans les mémes conditions anor- males que celles de la strontiane de Meudon. C'est l'élude d'une particularité curieuse de ceile intéressante espèce qui fait le sujet de la présente notice. On trouve près de Saumur, dans le banc de craie tafeau qui court parallèlement à la Loire, de pelites masses de fer sulfuré compactes ou fendillées qui toules tendent à passer par épygénie à létat de limonile (fer hydroxidé), sous l'apparence de laquelle on les ren- contre fréquemment. Ce n'est qu'en les brisant qu'on reconnait leur composilion primitive plus ou moins profondément allérée ou même complètement anéantie. En examinant un assez grand nombre de ces nodules de fer, je remarquai dans leur intérieur des lamelles d'une substance blanche et nacrée que je reconnus pour du sulfate de chaux. Aucune trace de ce sulfale ne se rencontrant dans le voisinage, j'en éprouvai d'abord quelque étonnement, puis je pensai que la présence de ce sel ne pouvant s'expliquer par aucune infiltration de méme nature, il était évident qu'il avail dû se produire dans la place méme où il se manifestait. C'est ce dont je ne tardai pas à me rendre le compte (1) Le soufre cristallisé, amorphe ou stalaetitique, dans tous les volcans de lan- cien comme du nouveau monde. Le diamant de la Sibérie dans les mêmes dépôts de transport que ceux du Brésil et de l'Inde. (2) La nombreuse série des espèces silicéo-calcaires, magnésiennes, etc. (3) La strontiane sulfatée richement cristallisée dans les gîtes à soufre de la Sicile, de l'Espagne et de l'Islande comme dans ceux de l'Amérique. L'liydrochlorate d'ammoniaque , l'alun, l'acide borique, ete., sublimés dans les fissures des bouches ignivémes an pie d'Orizaba et autres, en Amérique, comme au Stromboli et à па, en Sicile 49 suivant : le soufre de cette pyrile en absorbant l'oxigene provenant de la décomposition de l'eau qui pénètre le sol, donne naissance à une certaine quantité d'acide sulfurique qui, se trouvant au mo- ment de sa formation en contact immédiat avec une solulion de carbonate calcaire, la décompose énergiquement, molécule à molé- cule, et concourt ainsi à la formation du nouveau produit ob- servé (1). La quantité de ces rognons de fer élant lout-à-fait insignifiante au point de vue industriel, ils ne sont d'aucun usage pour le pays. Dans les contrées où cette espèce abonde, à l'aide du grillage et du martelage on en obtient une fonte d'assez bonne qualité ; à l'état de limonile elle conslitue l'un de nos minerais de fer les plus précieux el celui qu'on exploite le plus généralement en France. Quant au sulfate de chaux qui se produit dans celui qui nous occupe, il est tout simplement, comme formation, une curiosité minéralogique qui ne peut répondre au cui bono des ulililaires qu'en venant figurer dans nos collections, ainsi que le sulfure qui la produit ; encore ce dernier y est-il poursuivi par la facilité avec laquelle il se décom- pose à l'air. Seulement alors , l'acide sulfurique qui se produit ne trouvant plus à sa portée une eau chargée de calcaire à allaquer, tourne son aclion contre oxide de fer qu'il convertit en sulfate (couperose verle), genre d’allération dont les résultats, en grand, sont d'une haute importance pour l'industrie et qui fait, en petit, le désespoir des collecteurs de minéraux en délruisant souvent des échantillons auxquels ils attachent du prix. DE LA GENEVRAYE, Ancien pharmacien aux ‘Tuileries. (1) Comme la quantité de sulfate n'est pas en rapport avec celle du sulfure dé- composé, il est probable que le surplus du soufre qui en provient passe à l'état d'acide sulfureux qui se volatilise. UNE EXCURSION BOTANIQUE AU GRAND SAINT-BERNARD. Le 2 août dernier, par une belle matinée, nous partions de Mar- tigny, pour le grand Saint-Bernard, dans ces affreuses voilures, qu'on appelle en Suisse chars de côté, voitures qui, bien certaine- ment, ont été faites pour la plus grande incommodité des voya- geurs. Nous avons d'abord suivi le cours de la Dranse, et après un voyage de quatre heures, par une chaleur accablante, après avoir traversé les petits villages de Saint-Branchier et d'Orsiéres, nous sommes arrivés à Lidders , lieu de notre première station; c'est la que finit la route de chars. , Lidders est un grand village, sale comme tous les villages du Valais, où nous n'avons remarqué que quelques enfants malpro- pres, déguenillés, et quelques goilreux qui nous lendaient la main avec des yeux hébétés. Après un repos de quelques heures , nous montons sur nos mu- lets, et notre petite caravane se remet en roule. Nous arrivons bientôt à Saint-Pierre-Monljoux. A partir de ce village, la route qui, jusque-là , a traversé un pays cultivé, devient triste; les pins et les mélèzes ne se montrent plus qu'à de rares intervalles; el, encore, leurs têtes dénudées nous in- diquent clairement que nous touchons à la limite extrême où les arbres peuvent venir. Les rhododendrons apparaissent, et leurs jo- lies touffes roses viennent heureusement contraster avec l'aspect sauvage du pays dans lequel nousentrons. En effet, de tous côtés s'élèvent de hautes montagnes, qui sem- blent nous interdire toute marche au-delà, el, au-dessus de toutes , 91 se dresse le pic neigeux du mont Velan, dont les glaciers descendent jusque dans la vallée. Au pied de ces montagnes s'étendent de belles prairies, couvertes des chalets de l'hospice, et dans lesquelles paissent de nombreux troupeaux. Mais bientôt la vallée se resserre, le sol devient stérile , le froid plus vif, et, aprés une heure de marche dans des sentiers étroits, rocailleux et, pour la plupart, couverts de neige, nous arrivons enfin à l'Hospice. Nous sommes à 2734 metres au-dessus du niveau de la mer. L'Hospice du Saint-Bernard est un grand bâtiment carré, qui peut contenir de quatre-vingts à cent lits pour les voyageurs ; on peut en loger jusqu'à trois cents. et on en a assisté un Jour jusqu'à neuf cents. Vis-à-vis se trouve un autre bátiment, en cas d'incendie. A peine élions-nous en vue de l'Hospice , que la cloche se fit en- tendre; et le frère Clavandier vint au-devant de nous, Il nous offrit l'hospitalité avec une grande bienveillance , el nous conduisit lui- méme dans les cellules qu'il nous destinait. Les cellules sont spacieuses , propres, toutes parquelées ; les lits sont excellents; en un mot, l'hospitalité du Saint-Bernard ne laisse rien à désirer. Quelques instants après notre arrivée, le frère vint nous avertir que le diner était servi; heureuse nouvelle que nous accueillimes avec joie, car, depuis Martigny, nous n'avions rien mangé. On nous avait, il est vrai, servi un diner à Lidders, diner que nous avions payé fort cher, mais auquel, en revanche , nous n'avions pu goûler malgré une excellente soupe aux herbetles (sic), que nous recom- mandait le Vatel de l'endroit , el qui n'était qu'un affeux mélange de graminées de toutes sortes, cueillies probablement dans la prai- rie voisine. Nous descendimes alors dans la salle des voyageurs, ou un feu excellent était allumé, nous nous en approchames avec plaisir; le malin, en quittant Martigny, la chaleur nous étouffait. A mon arrivée à l'Hospice, le frère avait remarqué ma boite de bo- lanisle. Aussi, tout en servant le diner, et en veillant avec soin à ce que chacun de nous ne manquat de rien, il me dit qu'il était botaniste; et il me demanda avec une extrême bienveillance s'il me serait agréable de faire une course avec lui. Гассеріаі de grand cœur, et il ful convenu que, le lendemain matin, après les ollices, nous irions tous les deux herboriser. Les bolanistes font vite connaissance; aussi, au dessert, le frere el moi nous étions les meilleurs amis du monde. 52 il était sept heures quand se termina le diner; malgré le froid, qui devenait de plus en plus vif, je sorlis avec le frère et nous nous promenâmes jusqu'à la nuit aulour de Hospice. L’Hospice est bâti sur un plateau, environné de tous côlés de montagnes, dont les sommets sont couverts de neiges élernelles ; au pied se trouve un lac, que nous trouvames encore à moilié gelé; c'est autour de ce lac et sur les rochers qui l'environnent que nous devions herboriser le lendemain. En voyant ce trisle pays, j'admirais en moi-méme le sublime dévoûment de ces quelques religieux, qui, mus par une charité vive, soutenus par une foi ardente , font le sacrifice de leur vie pour venir assister les voyageurs pauvres , malheureusement trop nom- breux qui, tous les ans, se rendent de Suisse en Italie et d'Italie en Suisse. Les fréres viennent à dix-huit ans au Saint-Bernard, et trés peu survivent aux quinze années de leur vœu. Ce qui nous tue, me disait le bon frère, ce west pas le froid, nous pourrions nous en garanlir; c'est la recherche des voyageurs dans la neige. En effet, pendant six mois , l'Hospice est entouré de vingt pieds de neige. Un frère veille constamment, et aussitót que des cris de détresse se font entendre, tous les frères, soit le jour, soit la nuit, sont sur pied; ils descendent dans la neige, et, guidés par leurs chiens, dont l'ouie est excellente et l'odorat parfait, arrivent jusqu'au pauvre voyageur, qu'ils trouvent souvent à moilié mort de faim et de froid ; ils lui donnent les premiers secours , le réchauffent comme ils peuvent et le chargent sur leurs épaules pour le ramener à l'Hospice. Souvent le trajel est long, un repos est nécessaire, alors au milieu de la neige, le visage couvert de sueur, ils s'arrêtent; le froid les saisit , et de là des maladies cruelles, qui viennent promp- tement à bout de l'organisation la plus vigoureuse. Le frère sait qu'en allant au Saint-Bernard , il va à la mort dans un temps donné ; mais son visage est souriant, son âme est calme; la foi soutient son courage : admirable effet de notre sainte religion qui , seule, esl capable de créer de tels dévoüments. Et cependant, en 1847, lorsque la guerre civile déchirait la Suisse, ces quelques religieux , perdus au milieu des neiges , dont la seule mission, sur la terre, est de consoler ceux qui souffrent, furent considérés comme des conspiraleurs, traités comme tels, et l'Hos- pice dut nourrir pendant quelques mois tout un régiment qu'on avait envoyé pour les garder, tant on les croyait dangereux et cou- pables; bien plus, on voulut s'emparer de ce qu'ils possédaient; mais, je dois dire, à l'honneur de la France , que sa voix se fil en- 53 tendre , et que, dès-lors , les religieux du Saint-Bernard ne furent plus tracassós, et la France a eu raison , car le Saint-Bernard appar- tient à notre histoire. L'Empereur Napoléon I* l'a rendu à jamais célèbre, et l'Hospice conserve encore , dans sa chapelle, le tombeau d'un de nos plus illustres guerriers , le général Desaix. La nuil arrivait à grands pas, je me disposais à rentrer, lorsque le frère me dit qu'il voulait me montrer ce qu'il appelait les jardins de Hospice. A ce mot de jardins, j'ouvris de grands yeux, je le re- gardai fixement, croyant qu'il se moquail de moi; mais lui, sans se déconcerler, et avec le plus grand sérieux du monde, me fil gra- vir quelques rochers , dans les infractuosité desquels il me montra deux ou trois trous remplis de terre végétale, où quelques laitues , bien maigres, bien chétives, levaient à peine la léte ; c'est là , me dit-il, tout notre potager. Le lendemain matin, après la messe, nous parlimes tous deux ; je n'avais que deux heures à moi, et ces deux heures furent bien employées, car le bon frère me conduisait à point nommé dans les bonnes localités. Je récoltai donc ainsi, en peu de temps, le Ranunculus glacialis, qui couvrait de ses jolies fleurs blanches et roses le gazon des ro- chers , encore humide de la fonte des neiges, les Anemone sulphu- rea, baldensis et vernalis; le Cherleria sedoides , les Alsine verna , cerastiifolia et recurva , les Silene acaulis et exscapa , les Hutchin- sia alpina et brevicollis , le Braya pinnatifida , le Cardamine resedi- folia, Y Arabis cerulea, les Saxifraga oppositifolia , Biflora cuneifolia el androsacea , le Cherophyllum elegans , le Valeriana celtica , V Achil- lea moschata , le Senecio incanus (ce dernier pas assez avancé), les Gentiana accaulis , verna et brachyphylla , le Primula auricula , l An- drosace glacialis dont les jolies touffes roses tapissaient tous les ro- chers. Je récoltai encore les Pedicularis rostrata , recutita , carnea , le Gagea leotardi , les Carex fœtida, approximata , le Festuea hal- leri , ele. Notre course se termina trop 101; mes compagnons de voyage s'impalientaient, et il me fallut, à mon grand regret, quitter le Saint-Bernard. - Mais je n'avais pas perdu mon lemps; je comptais un ami de plus, el j'avais récolté bon nombre d'espèces nouvelles pour mon herbier. CHARLES TROUILLARD. Saumur, 3 janvier 1855. ÉTUDES ORNITHOLOGIOUES ET OOLOGIQUES, A Messieurs les Membres de la Société Linnéenne de Maine et Loire. Messieurs , Dans mes études sur l'ornithologie j'ai souvent été arrêté par certaines dénominations données aux oiseaux, dénominations qui me paraissaient plus ou moins bizarres; aussi ai-je pensé qu'un travail, dont le but tendrait à démontrer que ces noms vulgaires ou savants sont fondés sur quelques particularités des mœurs ou du plumage des oiseaux ne serait dénué ni d'intérêt, ni d'utilité. Ces notes pourront méme contribuer à rendre les éléments de cette science plus faciles et moins arides en associant à chacun de ces noms des notions propres à caractériser les oiseaux. C'est donc sous l'empire de celle pensée que j'ai entrepris ce travail dont je viens aujourd'hui vous soumettre les premières pages. Toute mon am- bilion se borne à offrir à la Société linéenne un gage de bon vouloir el à indiquer une route que d'autres parcourront ensuite avec plus de succès el de science. 99 Dans l'espoir que ce travail servira de complément à la Faune de Maine et Loire, je donnerai des nolions sur la couleur, la forme, les dimensions des œufs de chaque espèce d'oiscaux et sur les circons- lances qui président à la construction de leurs nids. Je ferai aussi entrer dans cetle nomenclature quelques faits ou quelques renseigne- ments nouveaux pour la rendre moins sèche et plus intéressante. Quant à la classificalion je suivrai celle qui a élé adoptée par M. Millet, dans sa Faune de Maine et Loire, sans en justifier ou en altaquer les principes. [ег ORDRE. — RAPACES. Le mot générique Rapaces vient du latin rapax qui lui-même dérive du grec 2;z2£, ravisseur, dont la racine est er», faulx. Cette dernière dénomination qui indique les habitudes des rapaces dont le bec moissonne tant de victimes, représente si bien la pensée des naturalistes, qu'ils l'ont consacrée en donnant à cet ordre tout entier le nom de Faucon, falco, qui découle de falx , faulx. Ce premier ordre se partage en Rapaces nocturnes ou OEgoliens et Rapaces diurnes ou Accipitrins. [° FAMILLE. Kapaces nocturnes ou Œgoliens. Le premier de ces adjeclifs s'explique naturellement par le genre de vie de ces oiseaux qui chassent pendant la nuit, nox, noctis, wé, were, d'ou l'adjectif уохтрос qui leur a fait donner encore le nom de nycterins. Le deuxieme est composé 42:2, are bouc, chèvre el оос tout, tout chèvre, semblable à la chèvre. Cet adjectif est fondé sur les rapports que des naturalistes ont trouvés communs aux chèvres el aux rapaces nocturnes. Les chouettes et les chèvres ont la voix rauque, brève, désagréable, leurs yeux sont très larges et placés en avant; ce dernier caractère est si spécial dans les oiseaux qu'il ne se rencontre que dans les rapaces nocturnes; eux seuls aussi ont la {êle ronde. Les chouettes comme les chevres ont la figure encadrée, les unes par des plumes fines et pressées, les autres par de longs poils qui leur donnent une physionomie toute parliculiere. 56 Le mot OEgolien peut dériver aussi de 212, ziya chèvre el ou hurler, crier comme la chèvre. Les OEgoliens se subdivisent en chouettes et en hiboux ; ceux-ci se distinguent des premières par des aigrettes qui ne sont pas un simple ornement, mais un don de la Providence qui sert à affaiblir les rayons de la lumière en les empêchant de frapper directement les yeux très sensibles de ces oiseaux. Ces aigrettes leur permettent ainsi de chasser un peu plus longtemps le soir et le matin et même quelquefois pendant le jour. Les chats-huants ou chouettes qui se trouvent en Anjou sont au nombre de trois. Selon Buffon le mot chouette dériverait de cecua, oiseau noclurne ; alors la racine pourrait être cecus , ceca, aveugle, et ne convenir aux choueltes que pendant le jour. Je crois qu'il est plus naturel de donner au mot chouette la méme étymologie qu'au mot chat-huant. CHAT-HUANT. — Strix aluco. Le nom de chat est fondé sur les habitudes de cel oiseau qui comme les chats vit de souris et de mulots, voit et chasse dans les ténèbres, qui comme eux trouble le sommeil de l'homme par des cris plaintifs. La physionomie de la chouetle a aussi quelques traits de ressemblance avec celle du chat. L'adjectif huant, du mot huer, crier, indique une habitude commune à tous les rapaces nocturnes, moyen puissant que Dieu leur a donné pour réveiller, effrayer et trouver leur proie, et par là méme la dévorer plus facilement. Le mot scientifique strix, indique la méme pensée el vient de тр, crier. Quand les chouettes aperçoivent leur proie, elles poussent rarement leur cri strident, mais elles fondent à l'improvisle sur leurs victimes. Les plumes fines, pressées et soyeuses qui défendent ces oiseaux du froid et de l'humidité des nuils servent aussi à leur fournir les moyens d'effecluer leur vol sans oceasionner le moindre bruit. Hulotte dérive de ululare et a la méme significalion. L'épithete aluco qui détermine celle chouelle peut venir de , et uxos loup, qui ne ressemble pas aux loups, par anliphrase, figure si familière aux Grecs, ou de + el auxca dévorer, d'après la méme pensée ou enfin de 4 et хох» crépuscule, qui n'aime pas le crépuscule, qui redoute le lever du soleil. Comme les loups, les chouettes fuient la lumière, comme eux elles vivent dans les bois et chassent quand l'homme est endormi, avec celle différence essentielle que la 57 chouette prend les intérêts du villageois, défend sa propriété landis que le loup l'attaque et l'enléve. La hulotte pond vers la fin de février ou au commencement de mars deux œufs arrondis et blancs, de 0" 042 de longueur et de 0" 036 de diamètre. Elle dépose ses œufs sur la poussière ver- moulue des arbres dans l'intérieur desquels elle s'est préparé un trou avec le secours de ses pattes et de son bec. Celte chouette s'arrache quelquefois les plumes du milieu du ventre pour envelopper ses œufs, les réchauffer et préparer un nid plus agréable à ses petits. D'auties fois elle ne prend pas ce soin et choisit un vieux nid de buse, de corneille, de pie ou d'écureuil, dont les matériaux sont tout réunis. Cetle.chouelte couve ses œufs toute la journée el une parlie de la nuit et ne chasse que le malin et le soir. M. Courtiller conserve dans le Musée de Saumur un nid el un œuf de hulotte qui datent de plusieurs siècles et présentent une particu- larilé curieuse. Lors de la construction de l'église de Saint-Pierre de Saumur, une chouette se réfugie dans un trou de boulin et Та réunit en cercle quelques brins de paille desséchée sur lesquels elle dépose un œuf. Les ouvriers en faisant le ravalement fermèrent le trou, et l'humidité de la pierre et de la chaux nouvellement employée se déposa en couche légère de salpêtre sur le nid el l'œuf. Les parties les’ plus déliées s'étant évaporées insensiblement, le nid el l'œuf conserverent une apparence calcaire qui les fait ressembler un peu aux objets de la fonlaine Sainl-Alyre, en Auvergne. Ce nid et cet œuf furent apportés à M. Courliller par les ouvriers qui chargés récemment des réparalions extérieures de l'église, enlevèrent la pierre fermant le trou de boulin. Je soumellrai à votre appréciation une hypothèse au sujet des œufs de rapaces nocturnes. Ces ceufs sont presque tous déposés dans des trous d'arbres ou dans la profondeur des vieilles masures. Leur cou- leur qui est toujours blanche comme celle des ceufs de pies, des marlins-pécheurs qui nichent de la méme manière, ne serait-elle pas le résultat de l'attention de la Providence? Le blanc s'apercoit mieux dans les ténèbres que les autres cou- leurs et offre ainsi à ces oiseaux un moyen de conserver leurs œufs en les leur faisant dislinguer dés qu'ils plongent dans leurs trous ou quand ils les changent de place pour faciliter l'incubatiou. CHOUETTE CHEVÉCHE. —- Strix passerina. L'adjectif passerina s'explique naturellement par les habitudes de ce rapace. La chevéche se rapproche un peu du passereau en ce sens 58 que voyant mieux que ses congénères, elle voltige quelquefois pen- dant une partie du jour, surlout dans les champs plantés de pom- miers. Il wen est pas de même du mot chevéche, et jusqu'à ce moment-ci j'avais cru ne pouvoir l'expliquer qu'en le faisant dériver du mot chevaucher. En fauconnerie се terme se dit de l'oiseau s'élevant par secousses au-dessus du vent. Cette manière de voler étant propre à la chevêche, rendait l'étymologie plus admissible qu'elle ne le paraissait d'abord. Mais le mot aree par lequel Aristote distingue la chevêche des autres chouelles, a reporté ma pensée vers les chèvres, et j'ai trouvé dès lors le véritable sens de chevêche dans ces mols chèvre têle; oiseau dont la têle ressemble à celle de la chèvre. Cette expli- cation est confirmée par le nom que les Latins donnaient à la chevêche, capriceps, tête de chèvre. Quelques auteurs la nomment nudipes, aux pieds nus, parce que ses pieds sont moins velus que ceux des autres chouettes. Ce caractère sert à la distinguer de la chouette Tengmal, qui destinée à vivre dans les pays très froids, a les pieds couverts de plumes longues et très pressées. La chevéche affectionne les vergers et c'est souvent dans le creux des arbres fruiliers, sur les débris de feuilles sèches, qu'elle pond de trois à cinq œufs blancs et arrondis; leur longueur varie de 0" 031 à 0" 034, el leur diamètre de 0" 024 à 0" 026. Quelquefois elle dépose ses œufs dans un trou de vieux mur. CHOUETTE EFFRAIE. — Strix flammea. Celle chouette doit son nom aux idées d'effroi qui s'allachent à sa présence et se fondent sur ses habitudes. D'abord elle vit plus près de nous que ses congénères ; elle habite les villes, les châteaux; nous sommes plus à méme d'entendre ses cris; puis c'est elle qui pen- dant la nuit aime à accompagner le voyageur dans les chemins creux et boisés, à le précéder en volligeant d'arbre en arbre et à lui jeter de distance en distance un cri d'alarme , une espèce de qui-vive sinistre. C'est elle enfin qui vient se réfugier dans les replis des vieilles cheminées, et qui surprise par le jour dans sa nouvelle demeure plonge en culbutant dans le tuyau de ces cheminées et аррагай tout à coup au milieu du foyer comme un oiseau de mauvais augure. Le nom scientifique flammea lui a élé donné à cause de la couleur de ses plumes d'un blanc trés pur et terminées par une pointe d'un jaune un peu ardent, couleur qui la fail encore apparaitre dans les nuils sombres comme un météore précurseur de tristes nouvelles. 59 Celte chouetle dont les œufs sont un peu plus allongés que ceux des précédentes, pond ordinairement dans les excavalions des vieux murs, des clochers et des châteaux, de trois à cinq œufs, dont la longueur varie de 0" 035 à 0% 040 et le diamètre de 0" 026 à 0" 030; sa ponte a lieu vers les premiers jours d’avril ou la fin de mars. La deuxième section des rapaces nocturnes comprend les chouettes à aigreties ou hiboux. Cette dernière dénomination me paraît venir de hiare, crier, qui a formé les vieux mots français, hier, hie, faire jouer la hie ou demoiselle, et de bos, bœuf, crier comme un bœuf. Le grec vient encore confirmer cette étymologie par ce vers de Lancelot : Lug» et бутт» hurler comme un hibou. Le mot choisi par les Latins pour désigner cet oiseau prouve aussi qu'ils avaient élé déterminés à le lui donner d'apres son eri; ils l'appelaient. nycticorax, corbeau de nuit, à cause du croassement désagréable qu'il fait entendre pendant le sommeil de l'homme. L'Anjou possède quatre espèces de chouelles à aigrettes. HIBOU BRACHIOTE. — Strix brachyotos. Ce hibou sert de trait-d'union entre les chouelles proprement diles et les chouelles à aigrelles. Son nom est composé de эх: court et cus, «roc oreille, parce que ses aigrelles sont peu apparentes et qu'elles ne renferment chacune que deux, trois ou qualre plumes, landis que celles du grand-duc en comptent dix et celles du moyen- duc et du scops, six. Le brachiote supporte plus facilement la lumière que ses congénères, et s'abandonne à des pérégrinalions régulières; il pond au commencement du printemps de trois à cinq œufs blancs, un peu oblongs et plus luisants que ceux des chouettes ; celle dernière manière d'être convient à tous les œufs des différentes espèces de hibou. Ceux du brachiote ont de 0" 035 à O" 037 de lon- gueur sur 0" 049 à 0" 051 de diamètre. Ils sont déposés à terre sur quelque éminence ou dans des marais desséchés au milieu des herbes louffues ou bien encore sur des pierres ou dans des nids abandonnés par les pies et les corneilles. HIBOU GRAND-DUC. — Strix bubo. Le nom de duc donné aux trois autres chouettes à aigretles est fondé sur une erreur des Grecs, qui ayantaperçu une fois un moyen- 60 duc perché non loin d'une troupe nombreuse de cailles qui arri- vaient dans leur pays, pensèrent d'autant plus facilement qu'il servait de guide à ces oiseaux, que leur imagination très ardente entrevoyait dans les aigrelles de ce hibou un indice de commande- ment, une image des panaches qui flottaient sur les casques de leurs chefs, de leurs ducs. Les mots grand, moyen et petit, ajoutés à celui de due, sont destinés à distinguer ces oiseaux d'après leurs dimensions relatives. L'épi- thèle bubo qui est donnée au grand-duc dérive de bubulo, crier d'une manière stridenle , оп butio et bos, pousser des vagissements de laureau. Le grand-duc apparait très rarement en Anjou el vit ordinaire- ment sur les sommets boisés des montagnes, là il lutte avec éner- gie el méme quelquefois avec succès contre les aigles. Jamais il ne refuse le combat, et des naturalistes consciencieux assurent que lorsque l'approche de la nuit lui rend toutes ses armes, il soutient avec persévérance le choc de l'aigle royal, son ennemi acharné. Plusieurs fois il a entraîné dans sa chute son adversaire qui succom- bail aux blessures reçues dans le combat. La femelle pond dans le mois de mars ou d'avril deux œufs blancs et arrondis ou un peu oblongs dont la longueur varie de 0" 063 à 0" 065 et le diamètre de 0" 050 à 0" 053. Rarement ces œufs ont une leinte légère de roux qui doil provenir de leur contact avec la poussière humide ou vermoulue sur laquelle ils sont déposés, dans le creux des arbres ou des anfractuosilés de rochers escarpés. HIBOU MOYEN-DUC. — Strix otus. Les noms de ce rapace découlent des étymologies données précé- demment. Cet oiseau, assez commun en Anjou, niche ordinairement dans les nids abandonnés des corneilles, des pies ou des écureuils, et pond quatre ou cing œufs blancs et un peu oblongs dont la lon- gueur varie de 0" 036 à 0" 038 et le diamètre de 0" 030 à 0" 032. HIBOU PETIT-DUC OU SCOPS. Ce dernier mot me semble composé de zu, ombre et #4, voix , ou de zas el af, et #7% regard; ces deux explications lui conviennent également; il voit dans les ténèbres et aime à se cacher sous les feuilles de noyers et à faire entendre pendant le jour un son très fortement sifflé. Ce hibou voyage quelquefois par petites bandes en Anjou et sur- 61 tout dans Je Saumurois. Il pond vers la fin d'avril quatre ou cinq œufs blancs et presque ronds de 0" 028 à 0" 030 de longueur et de 0" 026 à Om 028 de diamètre. Quelques-uns de ces œufs ont une couleur d'un jaune foncé qu'on doit attribuer à leur séjour dans le creux humide des vieux arbres auxquels ils sont confiés. Tous les rapaces nocturnes, dont nous venons d'énumérer les noms, se réfugient régulièrement pendant le jour dans les trous des arbres, sous le feuillage épais des foréts ou dans les crevasses des murs des vieux châteaux. Cetle habitude peut fournir une autre explication du mot cegolien en le faisant dériver de г; dans el yorey caverne, qui aime, qui recherche l'obscurité des cavernes. Leur but est de se soustraire à l'action de la lumière qui fatigue leurs yeux, pourvus d'une double paupière, et cependant incapables de recevoir des rayons trop vifs, à cause de l'extréme sensibilité de leur vue que l'on doit attribuer au grand épanouissement du nerf optique. Aussi quand, par une cause quelconque, ils sont forcés d'abandonner leur réduil, d'interrompre ieur sommeil et de s'exposer à l'éclat d'une lumière vive, ils se livrent alors à une série de grimaces et de poses bizarres qui les rendent un sujet de risée pour tous les autres oiseaux. Ceux-ci n'ayant rien à craindre d'un ennemi à moilié endormi et ébloui par l'excès de la lumière, l'attaquent avec acharnement. Mais malheur aux assaillants quand le crépuscule arrive avant la fin du combat, car les rôles changent, et souvent plusieurs des agresseurs paient de leur vie une attaque dictée par la lâcheté. L'homme a su profiter de cette particularité pour attirer el prendre les oiseaux, soit en se servant des chouettes, soit en contrefaisant leur voix. Les gros oiseaux vienuent plus facilement au cri du moyen- duc, et les petits à la voix de la hulotte. C'est aussi cette chasse, nom- mée pipée, qui avait fait appeler chevéche un ancien jeu de carles dans lequel celui qui faisait la chouette luttait contre plusieurs adversaires. Je termine ce travail sur les rapaces nocturnes en joignant ma voix à celle de tous ceux qui ont étudié les mœurs de ces oiseaux, pour réclamer contre l'ingralitude des villageois qui poursuivent à outrance, par Lous les moyens possibles, ces rapaces dont ils devraient dans l'intérêt de l'agriculture faciliter la propagation. Ces rapaces sont en effet les vrais amis des cullivaleurs, el pen- dant que ceux-ci se reposent des fatigues du jour, les chouetles sortent de leurs retraites pour veiller à la conservalion des semences, objet de tant de soins el de soucis. Elles parcourrent les champs, dévorent les souris, les mulots, les taupes, les gros insectes el ne demandent pour toule récompense qu'un asile dans le trou d'un 62 = vieil arbre. Là elles se réunissent quelquefois en grand nombre pour se réchauffer pendant l'hiver, et font entendre des cris sourds et prolongés qui effraient les habitants de la campagne et constituent le seul grief qu'on puisse reprocher aux rapaces nocturnes. Les an- ciens avaient justement apprécié les services rendus par les nyclé- rins en consacrant la chouette à Minerve, personnification de la guerre unie à la vigilance et à la sagesse. DEUXIEME FAMILLE DES RAPACES. Rapaces diurnes ou Accipitrins. L'adjeclif diurnes dont la racine est dies, jour, convient parfaite- ment aux rapaces qui ne fuient pas la lumière pour se livrer à la chasse; il en est de méme du mot accipitrins dérivé d'accipiter, oiseau de proie, voleur, qui lui-méme vient d'accipio, recevoir et prendre. Le 1*' genre de celle famille comprend les Vautours auxquels apparliennent les Catharthes. CATHARTE PERCNOPTERE OU ALIMOCHE. — Cathartes percnopterus. Un jeune catharte mále a séjourné pendant quelque temps dans l'arrondissement de Beaupreau et a été tué le 19 octobre 1854. Il fait parlie du cabinet de M. Guillou de Cholet, où je l'ai vu en sep- tembre 1855. Un autre catharte est resté deux jours, en janvier 1855, à róder aulour d'un établissement d'engrais animal, à 2 kilomètres de Cholet, et a été poursuivi par MM. de Beauvoys, notaire, et Hou- det, docleur-médecin. Mais avant d'inscrire le catharte dans la Faune de Maine et Loire, il me semble nécessaire de développer un principe propre à résoudre Ja question débaltue depuis quelque temps. Composer la Faune ornithologique d'un pays, c'est faire le catalogue complet des oiseaux qui s'y rencontrent, décrire leurs mœurs, les variations qu'ils su- bissent dans leur plumage et leurs dimensions selon l'áge, le sexe et la mue. C'est indiquer s'ils sont sédentaires, de passage accidentel ou régulier. Quand on attribue à chaque oiseau la manière d'être qui lui convient, on est dans le vrai; l'erreur ne se produit que lorsque l'auteur établit des nouvelle espèces qui n'existent pas 63 réellement; lorsqu'il donne comme sédentaires des espèces qui ne sont que de passage ou enfin lorsque, confondant des espèces diffé- rentes, il constate la présence d'oiseaux qui n'ont jamais visité sa contrée. Ces principes ont été admis par Linnée, Buffon, Cuvier, Temminck, Dégland, pour l'ornithologie européenne; ils ont servi à classer toutes les collections des Musées. N'admeltre, comme appar- lenant à la Faune de l'Europe, que les oiseaux qui s'y propagent, ce serait bouleverser tous les Musées et en exclure plus de la moitié des oiseaux qui les composent maintenant. MM. Crespou, Baillif, Millet et lous les auteurs ont adopté les mémes principes pour l'ornithologie particulière; modifier cette marche générale, ce serait supprimer au moins un des volumes de la Faune de Maine et Loire et rendre inulile toute espèce de supplément. Je crois donc que dire : qu'un oiseau a visilé un pays lorqu'il y a été tué dans l'état de liberté, c'est enregistrer un fail vrai et fournir un renseignement précieux pour des recherches subséquentes. De nouvelles preuves viennent se joindre aux faits avancés el fortifier les asserlions précédentes. Ainsi le marlin-roselin, dont l'apparition était regardée comme un fait très rare, a élé tué celte année sur plusieurs points de notre départe- ment el à des époques différentes; en juin 1855, par MM. de Mau- frière, el en septembre par M. Charles, vétérinaire à Cholet. J'adniels donc le catharte comme oiseau de passage accidentel. Ce rapace appartient aux vautours dont le nom latin vultur, désignait, d’après Sénèque, ceux qui vivaient d'héritages, expression très juste pour délerminer des oiseaux laches qui se nourrissent de cadavres, héritage que leur lègue la mort. Leur cou long et dénudé en partie ou en lotalité, a procuré aux vautours le nom de nudicoles, et leur permet de plonger plus facilement la tête dans les cadavres pour en dévorer les intestins. Le nom de catharte de «29:4» , purger, indique les habitudes de ces oiseaux et les services qu'ils rendent dans les pays où la chaleur et la malpropreté des habitants s'unissent pour rendre le «climat peu salubre. Les cathartes sont trés nombreux à Constantinople et en Égypte où autrefois ils étaient connus sous le nom de poules de Pharaon et réputés sacrés. Dans ces pays, chaque jour, les catharles délivrent les villes des immondices qui y séjour- ueraient longtemps sans leur concours. En Amérique, ils rendent les mêmes services et sont sous la protection des lois. Pour pouvoir remplir la mission qui leur a élé confiée, la Providence a doué ces oiseaux d'un odorat très développé et qui, d'après Duméril et plu- sieurs aulres naluralisles, leur permet de découvrir les cadavres à une distance de plus de 50 kilomètres. Quand, pendant l'hiver der- nier, le froid et les privations moissonnaient les chevaux des alliés 64 en Crimée et menaçaient d'engendrer des maladies pestilentielles , les catharles, atlirés par les émanations des cadavres, se réunissaient par centaines eL s'abattaient lous les soirs sur le camp comme un nuage épais et ne laissaient le lendemain malin que des os blanchis el desséchés : Gérard a souvent constaté des faits de cette nature dans le cours de ses chasses en Algérie. « Lorsque je désire, écrit-il, conserver comme appât un des bœufs égorgés la veille par le lion, je le couvre de plusieurs couches épaisses de branches afin de le dérober le plus possible à la vue et à l'odorat des vaulours et des calharles; les bœufs qui n'ont pas élé soumis à ces précautions ne m'offrent le soir qu'un squelette entièrement denudé et fouillé en quelque sorte avec le scapel. » L'adjectif percnoptère de «v, noirâtre, moucheté de noir, et de 77:5» aile, indique que les grandes pennes des ailes sont noires tandis que le plumage général des adultes est d'un blanc jaune, varié de brun et de roussâtre. Le plumage des jeunes diffère essentiellement de celui des adultes; il est d'un brun noirâtre strié de taches roussâlres qui s'harmonisent ensemble sans se confondre. Le plu- mage de cet oiseau devient de plus en plus blane à mesure qu'il vieillit. La plupart des naturalistes modernes donnent au catharte le nom de Néophron, en mémoire des inforlunes du fils de Tymandre, changé en vaulour par Jupiter. Le mot alimoche, qui servait à le désigner ordinairement, parait abandonné des savants modernes. De tous les noms du catharthe, celui d'alimoche est cependant le plus convenable. Composé de г et хисс, trés affamé , ou de 2, хосс, faim et ‘xa, avoir, il représente trés exactement les habitudes d'un oiseau qui est assez affamé pour accepter comme nourriture les immondices et les cadavres en pulréfaction. Le catharte est le plus pelit et le plus sale de tous les vautours. Méfiant et rusé, il vit principalement de cadavres et d'immondices et quelquefois de tétras, de rats et de taupes. Il niche dans des endroits inaccessibles, pose son aire dans les crevasses des rochers. Celle aire est formée de petiles branches, garnie de mousse et défendue sur les bords par des épines. La femelle pond un ou deux œufs dont la longueur el le diamètre varient beaucoup ainsi que la forme et la couleur. Ils ont ordinairement 0" 064 de longueur et 0" 052 de dia- metre. La plupart sont d'un blane sale pointillé de rougeatre ou de violet pale. Quelquefois les taches forment une couronne ou une ca- lotte vers le gros bout; d'autres fois le rouge est d'une couleur si pro- noncée qu'il couvre entièrement la coquille el la fail ressembler aux œufs de Pâques. Quelques-uns enfin sont moitié rouges et moilié blancs 65 Le deuxième genre des Accipitrins comprend les faucons propre- ment dits. L'étude de ces oiseaux présente de graves difficultés, parce qu'il exisle de grandes variations dans leur plumage ct dans leurs propor- lions selon l’âge, le sexe et la mue. Ces variations ont trompé beau- coup de naturalistes qui ont multiplié les espèces avec d'autant plus de facilité que les faucons , par leur vol hardi et rapide, et l'escarpe- ment des lieux où ils se réfugient ordinairement, laissent à peine aux naluralistes le temps d'étudier leurs mœurs. Quelques remarques préliminaires pourront aider à distinguer et à classer les faucons. Les jeunes ressemblent presque toujours à la femelle qui est beau- coup plus grosse que le mále; tous les faucons ont des taches assez prononcées sur les plumes du ventre; ces taches s'effacent avec l'âge el disparaissent presque entièrement chez les vieux sujets. Lorsque les adultes portent les taches dans le sens horizontal les jeunes les ont dans le sens perpendiculaire. Les jeunes enfin sont toujours plus fauves que les vieux; c'est celle parlicularité qui a fait donner aux premiers le nom de faucons sors, saures, vieux mot qui signifie de couleur jaune. Les faucons sont de tous les rapaces ceux dont le courage est le plus franc et le plus grand relativement à leurs forces. Ils fondent presque tous perpendiculairement sur leur proie sans reculer devant aucun ennemi. Leur courage les avail fait remarquer des chevaliers du moyen-âge, juges compétents en bravoure et méme en témérité. Ceux-ci avaient utilisé les instincts des faucons en les soumellant à une éducalion longue et pénible qui les rendait aples à une chasse dont le produit revenait à leurs maîtres. L'art d'élever le faucon prit bientôt de grandes proportions et constilua la fauconnerie, étude à laquelle se livrèrent les seigneurs et les vilains pendanl une longue série d'années. L'amour de la fauconnerie devint si vif que les seigneurs et les rois de France se livrérent à cet amusement, même en Palestine, pendant les Croisades. Ces expé- dilions nous rappellent un fait curieux transmis par un historien de ces lemps de ferveur chevaleresque : « Parmi les faucons du roi de » France, il s'en trouvait un de couleur blanche et d'une espèce > rare. Le roi айтай beaucoup cet oiseau et cet oiseau aimait le roi » de méme. Ce faucon s'étant échappé, alla se percher sur les rem- > parts de Ptolémais ; toute l'armée chrétienne fut en mouvement > pour rattraper l'oiseau fugitif. Comme il fut pris раг les musul- » mans et porté à Saladin, Philippe envoya un ambassadeur au sultan > pour le racheter, et fit offrir une somme d'or qui eûl suffi à la > rançon de plusieurs guerriers chréliens. > Les faucons les plus propres à la chasse sont le gerfault, le pelerin , - 9 66 le hobereau el l'émérillon. Tous ont le bec échancré de chaque côté n forme de dent, particularité qui leur est d'une grande utilité pour dépécer leurs victimes el sert en méme temps à les distinguer des autres oiseaux de proie. Les faucons présentent une singularité qui n'a pu être expliquée jusqu'à ce moment-ci d'une manière satisfai- sante et qui se retrouve aussi chez les autres rapaces, mais avec un caractère moins prononcé. La femelle est beaucoup plus grosse que le mâle, circonstance qui a fait donner à un certain nombre de ces accipitrins le nom de Tiercelels, parce que la différence entre le mâle et la femelle est souvent du tiers de la grosseur totale. Deux raisons me paraissent justifier celte disposition : La grosseur des femelles peut-être attribuée au cecum qui est double chez elles el simple dans les mâles (le coecum est une branche des intestins placée entre l'intestin grêle et le colon), ou plutôt à l'allention de la Provi- dence qui a départi plus de forces à la femelle. Elle est presque seule chargée de pourvoir à la nourriture de ses pelits, el elle ne peut la leur procurer que par des courses pénibles et des combals incessants. Celle supériorité de courage et de forces dans la femelle est confir- mée par l'Histoire de la Fauconnerie. Le mâle étail consacré à prendre les perdrix, les geais, les merles, les alouettes, et la femelle à la chasse du lièvre, du milan et méme de la grue. Cinq de ces faucons habitent ou visitent l'Anjou. FAUCON-FELERIN. — Falco peregrinus. Ce bel oiseau, qui chaque année traverse deux fois l'Anjou en immolant bon nombre de victimes, doit son nom à son amour et à son besoin des excursions, des pérégrinations: peregrinare, voyager, qui dérive lui-même de per agros, à travers les champs. Celle dernière élymologie fait connaitre exaclement la maniere de chasser de ce faucon qui vole en rasant la surface des champs avec une grande rapidité pour faire lever et saisir les oiseaux cachés dans l'herbe et derrière les motles de terre. Cel oiseau pond sur une aire plate formée de petites branches recouvertes de racines et de mousse, trois ou cinq œufs un peu arrondis, d'un rouge de brique plus ou moins vif, sur lequel on apercoit des taches de brun qui forment en quelque sorte une deuxième couche irrégulière plus foncée que la première. Ces œufs pourraient êlre confondus avec ceux de la buse bondrée, mais ils sont généralement plus gros el ont deux caractères com- muns à tous les faucons. La coquille est plus légère que celle des autres rapaces, puis elle est blanche à l'intérieur tandis que celle 67 des buses est d'un vert plus ou moins foncé. Les œufs du faucon pèlerin ont ordinairement 0" 054 de longueur et 0" 040 de diamètre. L'aire de ce rapaee est confiée aux anfracluosités des rochers ou aux buissons touffus qui se trouvent sur le versant des montagnes exposées au midi. Le faucon pèlerin, comme lous les oiseaux dont quelques couples nichent indifféremment dans les forêts ou sur les montagnes, varie dans le temps de sa ponte. Ceux qui choisissent les rochers escarpés pour y élever leurs pelils, pondent presque loujours un mois plus tard que ceux qui nichent dans les foréls. Le vol du pèlerin est si puissant qu'il visite chaqüe année presque toutes les contrées de l'Europe. Plusieurs fois, depuis 1850, quelques- uns de ces rapaces se sont arrêlés sur la tour de la Trinité et sur les flèches de la Cathédrale pour y séjourner pendant plusieurs jours. De ces points culminants ils se précipilaient sur les pigeons qui volligeaient autour des maisons de la ville, les enlevaient avec la rapidité de l'éclair el les mangeaient après les avoir plumés à loisir, malgré les cris des curieux témoins de ce spectacle. FAUCON HOBEREAU. — Falco subbuleo. L'épithèle donnée à ce rapace peul venir du vieux mol francais hober, voyager souvent, géner ses voisins, ou de hobe, oiseau de proie du genre milan, d'où hobereau, petit milan, Ce faucon chasse souvent et son voisinage est peu agréable à bien des oiseaux. C'est lui qui avait donné son nom aux pelils scigneurs du moyen-âge, désignés sous le пот de hobereaux, parce qu'ils étaient les tyrans de leurs voisins ou de leurs serfs. Quelques auteurs pensent que l'on avail appelé ainsi les seigneurs qui, n'ayant pas les ressources nécessaires pour avoir une fauconnerie complète, se bornaient à élever quelques hobereaux qu'ils porlaient sur le poing. Subbuteo signifie soubuse, nom donné autrefois à un cerlain nombre de ra- paces, mal classés, mal déterminés; élail-ce parce que ces oiseaux sont inférieurs à la buse par les dimensions de leur taille et par la puissance de leur voix? Quoiqu'il en soit, le hobereau l'emporte sur la buse par l'énergie et le courage. Ce rapace parait ne pas connaître el ne pas craindre l'effet des armes à feu. Quand il aperçoit un chasseur accompagné de son chien, i! le suit ou le précède, saisit Je gibier que le chien a fait lever soit avant qu'il ait été liré, soit après, el souvent il presse avec une telle ardeur la proie que le chien a lancée, que le chasseur abat d'un méme coup de fusil le hobereau 68 el sa victime. Ce faucon, que l'on confond quelquefois avec l'éme- rillon, s'en distingue par des proportions plus fortes, une moustache plus prononcée, des ailes plus longues et la couleur des plumes du ventre qui sont blanchâtres chez le hobereau et de couleur fauve chez l'émerillon. Le hobereau pond dans le mois de mai quatre ou cinq œufs d'un blanc sale pointillé de rouge et de petites taches noirâtres ou olivatres qui forment quelquefois une couronne vers le gros bout. Ces œufs sont un peu plus oblongs que ceux des autres faucons et ont ordinairement 0" 035 de longueur et O" 027 de dia- mètre. L'aire de ce rapace est construile comme celle du pèlerin, mais il la confie à la cime des arbres les plus élevés. Quelques-uns de ces nids ont été trouvés en Anjou, et J'ai recu cette année des œufs de hobereau dénichés dans 1а forêt de Brissac. FAUCON ÉMERILLON. — Falco OEsalon. Si l’on fait dériver la dénominalion émerillon du verbe émerillon- ner, qui signifie être gai, vif, éveillé, elle conviendrait parfaitement au faucon qu'elle désigne et dont le nom savant cesalon a la même signification el est composé de 2, «, toujours el czar, agiter, dont Ја racine zz»« , mer, indique d'une manière expressive les mou- vements incessants el rapides de ce rapace. M. Bouillet, dans son Dictionnaire des Sciences, dit qu'émerillon vient de la particule e et du mot merle, parce que ce faucon chasse les merles. Dans cette hypothèse le mot émerillon conviendrait beaucoup mieux à l'éper- vier que les gens de la campagne appellent, dans leur langue expres- sive, fesse-merle. Dans plusieurs ornithologies on le nomme Rochier el Litofalco, faucon des rochers, parce qu'il aime à construire son aire dans les fentes des rochers des régions froides el boisées du nord de la Russie. L'émerillon, par sa légèreté et ses formes gracieuses, élail recherché des jeunes pages el des dames qui accompagnaient les seigneurs dans leurs chasses. Ce pelit rapace a un vol trés rapide et l'on cile un fait remarquable de sa puissance. Un émerillon appartenant à Henri П, s'emporta aprés une canepetiere dans une chasse aux environs de Paris, et fut pris le lendemain dans l'ile de Malte où il ful reconnu à l'anneau royal qu'il portait au tarse. La femelle de celle espèce n'est guère plus grosse que le mâle; elle pond vers le mois de mai, dans un nid suspendu à la cime des arbres, cinq ou six œufs moins gros que ceux du hobereau, plus ronds et d'un rouge pàle parsemé de taches d'une couleur plus foncée. 69 FAUCON A PIEDS ROUGES, KOBEZ. — Falco rufipes. Ce faucon, un des plus petits et un des plus gracieux du genre, doit son nom à la couleur des pieds du male. L'adjectif vespertinus, sous lequel il est classé dans plusieurs musées, peut lui avoir été donné à cause de la couleur des plumes du mâle qui sont d'un noir pâle et sombre comme les premières ténèbres de la nuit, ou à cause de son habitude à rechercher les endroits les plus obscurs des forêts pour se cacher sous le feuillage et y guelter sa proie. Cet oiseau niche dans le nord de la Russie, et dépose dans une aire placée à l'extrémilé des arbres, trois ou cinq œufs un peu plus petits que ceux de l'émerillon et dont le fond plus blanc est parsemé de petits points rouges. L'épithéte de kober ou kobez sous laquelle ce rapace est connu généralement, est le nom populaire qui lui est donné en Russie où il est très commun. Ce faucon visile très rarement l'Anjou. FAUCON CRESSERELLE. — Falco tinnunculus. Le nom de cresserelle vient de х2, soc, criard , et désigne le rapace dont Ja voix a quelque chose de strident et de répété, assez semblable au son de l'instrument qui, dans les communautés, rem- place les cloches aux jours de deuil. Tinnunculus peut dériver de "wes, darder, agiter et ow£, angle. Cette étymologie serait alors fondée sur une habitude particulière à ce faucon qui, pour chasser sa proie, s'éléve à des hauteurs prodigieuses, se soulient en l'air sans changer de place, en agitant ses ailes et ses serres avec une trés grande rapidité jusqu'à ce qu'il ait apereu une viclime. Alors il se laisse tomber avec la rapidilé de la fleche pour se relever perpendi- culairement en emportant sa proie dans ses serres. Une autre expli- calion peut-étre plus naturelle ferait dériver tinnunculus de tenuis, petit, faible et uncus, crochet, serres, étymologie que confirmeraient la terminaison ulus, qui indique presque toujours un diminulif, et la nature de ce faucon qui, sous le double rapport du bec et des serres, est le moins bien armé de tous les faucons proprement dits. Ce rapace, autrefois très commun en Anjou, est devenu rare à cause de la guerre incessante qu'on lui fait. H niche ordinairement dans les vieilles mâsures, surlout lorsque l'ouverture des crevasses est 70 dérobée aux regards par des festons de lierre; d'autres fois il choisit quelque vieux nid abandonné par les pies ou les corneilles. Souvent un couple revient plusieurs années de suile dans le même nid. Les œufs, au nombre de cinq à sept, sont déposés sur des débris de ra- cines, de mousse ou de feuilles desséchées, et ont O" 035 de lon- gueur et 0" 026 de diamétre. Leur couleur d'un rouge plus ou moins foncé est striée de taches d'un brun rougeâtre. Les œufs des jeunes femelles sont moins chargés de taches et d'une couleur plus pâle que ceux des vieilles. La cresserelle vil moins solitaire que ses con- génères, et il n'est pas rare de voir quatre ou cinq couples composer, en quelque sorte, une pelite société dont les membres vivent en bonne intelligence et se soutiennent. mutuellement dans leurs chasses et à l'approche du danger. Le troisième genre des Rapaces diurnes comprend les aigles qui se distinguent des autres oiseaux de proie par leur têle aplalie, le bec droit dont la mandibule supérieure est plus longue que l'infé- rieure el trés recourbée à son extrémilé. Les aigles tiennent le pre- mier rang parmi les Rapaces par leur force musculaire, leur énergie et la puissance de leurs serres. Ils vivent lous de proie vivante, dédaignent les insultes des oiseaux plus pelils qu'eux, enlèvent dans leurs serres les victimes qu'ils ont choisies pour les dépécer sur les rochers escarpés. Quand leur proie est trop pesante, ils la mangent sur place en abandonnant les débris aux autres rapaces. Quelquefois ils l'enlévent dans leurs serres pour la laisser relomber sur les mon- lagnes, afin de la briser el de l'emporler ensuile avec plus de facililé el moins de résistance. Leur aire est composée de perches de 1" 50 à 2 metres de longueur, recouvertes de plusieurs couches de racines ef de mousse grossière. Ces perches sont appuyées par leurs extré- milés sur les rochers dans un lieu sec et inaccessible. Ce nid n'est abrité que par lavancement des parlies supérieures du rocher. Quelques-uns de ces rapaces nichent à la cime des arbres, dans les buissons touffus suspendus aux flancs escarpés des montagnes ou enfin au milieu des roseaux des marais impralicables. L'aire des aigles sert au méme couple pendant un grand nombre d'années. C'est dans ces nids que les femelles pondent un, deux ou trois œufs, el une seule fois par an. Cinq, sept et méme dix jours s'écoulent entre la ponte de chacun de ces œufs. Le plus souvent un seul esl fécond. La Providence a limité le nombre de ces terribles rapaces 71 daus leur intérêt el dans celui de la propagation des autres oiseaux. Plus nombreux, les aigles exerceraient trop de ravages et ne pour- raient se procurer assez de victimes pour leur subsistance. Ordinaire- ment, quand deux œufs se sont trouvés féconds, on n'apercoit qu'un seul aiglon vivant, l'autre a été tué par le mâle et est étendu sans vie sur les bords du nid. Ce n'est pas un molif de cruauté qui a poussé l'aigle à immoler son petit , mais l'impossibilité dans laquelle il s'était trouvé de pouvoir suffire à en nourrir plusieurs. Les aiglons restent en effet dans leur nid jusqu'à ce qu'ils soient assez forts pour vivre de leur propre chasse, et plusieurs faits arrivés dans les Alpes el dans les Pyrénées, ont démontré la grande quantité de victimes que ces jeunes rapaces absorbaient. Des familles entières ont vécu pendant trois et qualre semaines des plus belles pièces de gibier qu'un montagnard hardi allait chaque jour, au moyen d'une corde nouée, chercher dans l'aire de ces infaligables chasseurs. Quand l'aiglon abandonne son nid, la femelle l'accompagne pendant quelque temps pour le protéger et bientôt elle rejoint le mâle afin de chasser avec lui, aprés toulefois avoir éloigné son pelit, méme par la force. Tous deux ne laissent aucun autre aigle pénétrer dans le canton qu'ils ont choisi. L'un des deux se tient dans un lieu élevé tandis que l'autre bat la campagne. Presque toujours dans leurs courses ils partent et reviennent à la méme heure, parcourent la méme route; on a pu constater celte habitude dans les deux couples de balbuzards qui ont séjourné cette année, pendant plusieurs mois, dans l'espace compris entre Bouchemaine et Ecouflant, qui élait le théâtre de leur péche abondante. Une vieille femelle appartenant à un de ces couples, a été tuée par M. Garin. C'est celle habitude qui permet aux chasseurs de se placer cn embuscade et de les faire tomber sous leurs balles. Les aigles chassent le plus souvent le malin el le soir, el se reposent pendant le milieu du jour. Hs s'élèvent à des hauteurs prodigieuses sans élre génés par les rayons du soleil dont ils dimi- nuent l'éclat au moyen d'une deuxième paupière transparente qu'ils abaissent ou relèvent à volonté. C'est celle puissance de vol et celle faculté de supporter la lumiere qui ont donné lieu à toules les fables de la mythologie et procuré à ces rapaces l'honneur d'étre consacrés a Jupiter et de porter ses foudres. L'un deux, le balbuzard , a méme été appelé Pandion , тг, tout, 4, de Jupiter, orné de lous les dons de Jupiter; ce nom rappelle aussi les malheurs du roi d'Athènes dont les filles, Progné et Philomele, furent métamorphosées en hiron- delle et en rossignol. Les aigles vivent très longtemps et blanchissent en vieillissant ou méme par les maladies ou par une longue diète, Six espèces d'aigles se sont montrées en Anjou. 72 AIGLE BONNELLI. — Falco Bonnelli. Le mot aigle est la traduction du mot latin aquila, qui lui-même peut êlre considéré comme un adjectif ajouté à avis ou à falco. Dans celle hypothèse il signifierail, d'après son sens ordinaire, faucon brun et, selon Robert Étienne, faucon noir mélangé de blanc, défi- nition la plus exacte qui puisse s'appliquer à tous ces rapaces. L'aigle Bonnelli porte le nom du savant professeur piémontais. П a élé décrit pour la première fois par le chevalier de la Marmora. Celui-ci l'avait tué dans les montagnes de la Sardaigne. Cet accipilrin se dis- lingue des autres aigles par la couleur des plumes du ventre , d'une couleur de rouille striée de petites taches noirâtres en forme de larmes; par la petitesse de son bec, la force de ses serres et enfin la longueur de son tarse couvert jusqu'aux doigts, d'un poil fin. Le Bonnelli habite quelques contrées méridionales de l'Europe ; un jeune mâle de cette espèce a été tué dans la forêt de M. le comte Walsh de Serrant. Cet aigle suspend son aire aux crevasses des rochers, pond un ou deux œufs de 0" 068 de longueur et 0" 056 de diamètre; ils sont ordinairement d'un blanc sale ou d'un brun rougeatre plus ou moins pâle avec des taches effacées el formant des marbrures ou une deuxième couche irrégulière et plus foncée. Cel aigle est appelé souvent fasciata ou à queue barrée, parce que sa queue est marquée en dessous de neuf à dix bandes transversales. AIGLE CRIARD. — Falco nevius. Cel aigle doit son nom vulgaire aux cris plainlifs qu'il pousse pendant ses chasses et méme quand il est perché. Les épithéles planga , clanga , constatent la méme habitude. On l'appelle aussi anataria à cause de sa prédilection pour la chasse aux canards. Les noms scientifiques nevius, maculatus font allusion à son plumage d'un brun obscur et marquelé sur les jambes et sous les ailes de taches blanches. Il a aussi sous la gorge une grande zône blan- chatre. Cet aigle voyage quelquefois par bandes de quatre a six indi- vidus. Sa présence a élé constatée plusieurs fois en Anjou, pendant l'hiver. H suivait les bandes de canards ou d'oies sauvages qui lui fournissent une copieuse nourriture. Cet aigle pond deux ou trois œufs qui varient beaucoup quant à la grosseur, la couleur et l'abon- dance des taches ou des raies. Hs ont le plus souvent 0" 064 de lon- 73 gueur el 0" 046 de diamètre. Quelques-uns sont d'un blanc sale lacheté de gris, de violet ou de jaune effacé; d'autres ressemblent à ceux de la buse ordinaire, mais sont plus gros et porlent des taches plus foncées qui forment une couronne vers le gros bout. La couleur verdatre de l'intérieur de la coquille, commune aux buses et aux aigles, ne peut servir à les distinguer. AIGLE BOTTE. — Falco pennatus. Cet aigle trés petit el trés gracieux doit ses deux noms à ses tarses emplumés jusqu'aux doigts. Plusieurs couples ont habité l'Anjou et niché à la cime des forêts de Baugé et d'Ombrée, prés Combrée. Ce rapace a souvent élé pris pour la buse pattue, mais en dehors des signes caractéristiques des aigles, il s'en distingue encore par un bouquet de plumes blanches à l'insertion des ailes et par la couleur brune de sa queue ; celle de la buse patlue est blanche. Les œufs de l'aigle botté ont 0" 056 de longueur et Om 042 de diamètre. Leur couleur est d'un blanc sale sur lequel se remarquent quelquefois des laches irrégulières et presque effacées d'un vert ou d'un jaune très pale. Ils diffèrent de ceux de l'autour et de la buse commune par le grain de la coquille qui est couverte de pelites aspérilés. AIGLE PYGARGUE. — Aquila albicilla. Quelques naturalistes ont voulu séparer les pygargues des aigles proprement dits, mais leur opinion n'a pas élé adoplée généralement. Cepeudant les pygargues se distinguent des aigles purs par leurs jambes nues, leur bec blanc ou jaune et par les lieux qu'ils fré- quentent ordinairement. lls n'habitent ni les lieux déserls, ni les hautes montagnes. Le nom de pygargue esl formé de ruy», fesse, queue el гру», blanche, nom qui lui convient très bien, parce que cet aigle a les plumes de la queue d'un blanc pur quand il est adulle. On l'appelle albicilla de album blanc et cilium cil; ses cils sont en effet d'un blanc trés prononcé, Buffon le nomme aussi Orfraie, ossi fraga. qui brise les os, pour indiquer la puissance de son bec. Les anciens le désignaient sous le nom de hinnularia, de hinnulus , faon, parce qu'ils pensaient que cet aigle était assez fort pour attaquer les jeunes daims et les jeunes chevreuils. Sur les bords de la mer, le pygargue se précipile avec une telle rapidilé sur les phoques, qu'il devient la viclime de sa voracité. Ses serres se trouvent engagées dans la peau des phoques qui le noient en entrainant au fond de la mer leur ter- 74 rible adversaire. Cet accipitrin parait en Maine et Loire de temps en temps; il y vil principalement de poissons et de canards. Ses œufs d'un blanc sale sont quelquefois parsemés de taches de rouille plus ou moins prononcées ; leur coquille est assez lisse, particularité qui les distingue de ceux du Jean-le-blanc auxquels ils ressemblent sou- vent pour la grosseur et même pour la forme, mais qui sont couverts de peliles aspérités. Ils ont 0" 068 de longueur et 0" 054 de dia- mètre. AIGLE BALBUZARD. — Aquila halieta. Le mot balbuzard est composé des deux mots anglais bald-buzzard, chauve el buzard, aigle, oiseau de proie chauve. Celle dénominalion est fondée sur quelques caractères de ce rapace. П a la têle très aplatie el recouverte de petites plumes effilées et blanchalres à ner- vures noires et bordées, selon l’âge des sujets, d'un blanc roussatre. Ces plumes représentent une aigrelle, une pelite perruque blanche repliée sur un fond noiratre. L'épithèle haliætus de ал, ало, mer, злос, marin el: aigle, indique les habitudes de cel oiseau qui vit presque exclusivement de gros poissons qu'il saisit en se précipilant dans l'eau avec une lelle rapidité que ses serres el la moitié de son corps y pénètrent ordinairement. Ses pieds couverts de forles écailles servent à relenir sa proie dans l'eau en l'empéchant de glisser entre ses serres. Il vit aussi d'oiseaux aquatiques. On l'appelle quelquefois fluvialis, parce qu'il aime à suivre le cours des fleuves, dans ses chasses. Les ailes du balbuzard sont très longues cl son vol très rapide. Il visite assez régulièrement l'Anjou, accompagnant dans leurs émigralions les oies et les canards sauvages. Il niche dans les marais impénétrables ou sur les rochers voisins de la mer, ou enfin à la cime des arbres. Ses œufs ont 0" 056 de longueur el 0" 042 de diamètre et sont d'un blanc jaunâtre, parsemés de taches rougeatres dont le centre est plus foncé que les bords, ces taches font quelque- fois une seconde couche presque compacte; d’autres fois elles sont rares et se réunissent en couronne vers le gros boul, enfin quelques- uns de ces œufs ne portent aucune lache et leur coquille semble veloulée ou couverte d’une couche de lait. AIGLE JEAN-LE-BLANC. — Aquila brachydactila, gallica. Ce rapace, ainsi que le précédent, à élé longlemps éloigné du genre des aigles dont il n'a pas toute la grace el l'énergie. Cependant 75 il en possède les caractères généraux et dès-lors il doit rester daus celte calégorie afin de ne pas mulliplier les divisions qui ne servent qu'à entraver l'étude de l'ornithologie. De face il ressemble à l'aigle, el de cólé à la buse; son cou est très court et sa tête très épaisse. Il doit son nom vulgaire Jean-le-blanc aux gens de la campagne dont il visile souvent la basse-cour, et qui l'appelérent Maítre-Jean, parce qu'il venait exercer sans leur consentement les droits de grand sei- gneur el choisir à son gré les plus belles pièces parmi leurs volailles. Puis. comme Mailre-Jean avait le ventre fauve et de couleur blan- chátre, il fut désigné sous le nom de Jean-le-blanc. Son nom scien- lifique brachydactylus (Bpaxve, court et 22x«v«, doigt), indique que ses doigts sont beaucoup plus courts que ceux des autres aigles. L’épithèle gallica fait connaitre que cet aigle est commun en France. H vit de volailles, de lézards et de serpents; aussi ses doigts sont-ils couverts de forles écailles, comme préservalif contre les reptiles qu'il dévore. Cet aigle dont chaque année quelques couples nichenl en Anjou, pond un ou deux œufs d'une grosseur presque demesurée, affectant. ordinairement la forme ronde; ils sont d'un gris blan- châtre sur lequel se trouvent quelquefois des taches d'un jaune sale presque effacé. Leur longueur ordinaire est de 0" 068 et leur dia- mètre 0" 056. La quatrième division des rapaces diurnes comprend les autours. Plusieurs naturalistes ne renferment dans ce genre que lautour proprement dil; quelques-uns Pélendent à l'épervier. L'autour se distingue des autres rapaces par son bec qui n'est pas échancré comme celui des faucons, ni crochu comme celui des aigles; par la longueur de ses larses, la pelilesse de ses ailes qui ne couvrenl que les deux liers de sa queue, enfin par quelques raies parallèles dans le sens de la longueur de sa queue. La tele de l'au- tour est grosse et aplalie en avant. Tous ces caractères conviennent à l'épervier qui a la queue coupée carrément, tandis que celle de l'autour est arrondie. AUTOUR. — As/ur palumbarius. Le nom d’aulour me рагай attacher à cel oiseau une idée de ruse qui est confirmée par le mot latin astur, de astus, rusé, dont la racine prinilive est «sm, ville ; étymologie fondée sur l'opinion des anciens 76 qui pensaient que le séjour des villes était plus éloigné de la simpli- cité que celui de la campagne. Celle explicalion s'appuie sur le caractère de l'autour moins courageux, mais aussi adroil que les faucons. Ce rapace se tient en embuscade sur la lisière des bois ou sur une motte de terre, le long des haies; c'est de là qu'il poursuit sa proie par un vol toujours oblique et cependant assez vif. Souvent il rase la terre, en décrivant des circuits autour des champs dans lesquels il espère découvrir une proie. Quand il l'apercoit, il l'attaque rarement de front. L'adjectif palumbarius, de palumbus, ramier, in- dique le goût de lautour pour les pigeons qu'il parait chasser de préférence. La beauté de ce rapace l'avait fait rechercher pour la chasse, mais il ne fut jamais classé dans la catégorie des oiseaux nobles. Il fut méme généralement délaissé à cause de son caractère sanguinaire qui le porte à tuer les oiseaux renfermés avec lui. L'autour est sédentaire en Anjou, il établit son nid dans les forêts à une hauteur moyenne. Ce nid plat, assez solide, mais peu façonné, est composé de petites branches, de feuilles desséchées et de mousse. Il contient ordinairement trois ou quatre œufs d'un blanc pâle et dune légère teinte bleuâtre; ils peuvent facilement êlre confondus avec ceux du héron cendré. Ces œufs ont 0" 054 de longueur et О" 040 de diamètre. AUTOUR OU FAUCON ÉPERVIER. — Falco sparvarius , nisus. L'adjeclif épervier dérive du vieux mot sparvarius, qui signifie oiseau de rapiue, et c'est encore sous ce nom qu'il est désigné dans un graud nombre de Musées et de catalogues. Son nom scientifique est fondé sur un fait mythologique. Nisus, roi de Mégare, avait un cheveu d'or auquel était attachée la conservation de son royaume. Scylla, sa fille, éprise de Minos, coupa ce cheveu d'or el livra sa palrie et son père sans défense. Les dieux irrités changèrent Scylla en alouette et Nisus en épervier. Sous celte forme, le malheureux pére poursuit sans cesse sa fille pour assouvir sa vengeance. L'épervier confie à la cime des arbres un nid construit. d'une manière grossière comme celui de l'autour; assez souvent il pond dans les nids abandonnés de pie ou de corneille, de cinq à sept œufs arrondis, longs de 0" 040 et de diamètre de 0" 032. Ils ont le fond blanchatre ou bleuátre, parsemé de taches d'un rouge noir. Les uns sont presque entièrement couverts de ces laches, d'autres en ont très peu, quelques-uns sont d'un Мане pâle et uniforme; enfin on remarque sur certains de ces œufs des taches très fortes, en forme 77 de couronne, vers le gros bout; chez d'autres ces taches paraissent semées en zig-zag. Les milans forment le cinquième genre de l'ordre des Accipitrins. Ils ont pour signes caractéristiques, un bec très faible, crochu dès la base, les tarses emplumés au-dessous du genou, les ailes étroites et très longues, ainsi que la queue qui est fourchue. MILAN ROYAL. Falco milvus, regalis Milan est la traduction de milvus, qui signifie oiseau de proie, et selon Plaute, voleur de bas étage Cette signification convient par- faitement au milan. Ce rapace est vorace, insatiable, vivant de tout, dévorant les insectes, les reptiles, les petits mammifères, les oiseaux sans défense, les animaux et les poissons en putréfaction. Il se précipite sur lout, vole tout, pourvu qu'il n’y ait pas le moindre danger à courir. A la vue du plus petit rapace, il abandonne sa proie et s'éloigne avec la rapidité de la flèche. C'est par cette puissance de vol et sa vue trés perçante que le milan échappe à ses nombreux ennemis. Quoiqu'il ne pèse qu'un kilogramme il a plus d'un mètre cinquante d'envergure. A la crainte du premier danger, il s'élève bien au-dessus de ses adversaires et, à une hauteur de plus de quatre kilomètres, il distingue les plus pelits oiseaux et les reptiles cachés sous l'herbe des prairies. Il tombe sur sa proie avec la rapidité de la foudre, pour fuir ensuite avec la méme vitesse. Le milan ne chasse près des fermes que le malin, et dès que le danger peut apparaitre il s'éloigne pour continuer ses courses loin de la demeure des hommes. Dans les temps de la fauconnerie il servait aux délasse- ments de nos rois, et c’est ce privilège qui lui a mérilé le surnom de royal. Les princes aimaient à assister à des lulles entre les oiseaux de proie, et le milan élait toujours choisi pour figurer dans le combat à cause de la beauté de son vol. Ce don que la Providence lui a départi avec tant de générosité servait à prolonger le combat et à le rendre plus intéressant; mais le milan succombait toujours sous les serres du plus pelit faucon et méme de l'épervier. Le milan royal passe sa vie dans l'air; il semble y glisser en conservant ses ailes immobiles et en se servant de sa large queue comme d'un gou- vernail. Ce rapace est sédentaire en Anjou. Il construit son nid à la cime des arbres. Celle aire est grossièrement faconnée; dans les 78 pays de montagnes, il la confie aux buissons suspendus aux flancs des rochers. Les œufs, dont le nombre varie de trois à quatre, sont ordinairement oblongs, d'un blanc sale, et portent à une des extré- milés une couronne de pelits points noirs, plus ou moins multipliés. Quelquefois ces œufs ont un côté beaucoup plus pointu que l'autre et portent des taches noirâtres ou violettes qui ressemblent à des goutles étendues avec le doigt. Leur longueur moyenne est de 0" 056 et leur diamètre 0" 042. Ils se distinguent de ceux des buses ordinaires par leurs dimensions régulièrement plus pelites et par la nature de leurs taches. á MILAN NOIR, PARASITE. — Falco ater. Ce milan doit son premier nom à la couleur de ses plumes; le deuxième, dérivé de «px, proche el тс, blé, qui vit aux dépens des voisins, esl une dénomination qui pourrait convenir à beaucoup d'autres. Des études récentes ont démontré que le rapace connu ordinairement sous le nom de Milan noir ou parasite, constituait deux espèces distinctes. Le milan noir à le bec noir et la queue peu fourchue. Le parasite a le bec jaune, sa queue est longue et four- chue; son doigt externe dépasse de beaucoup le milieu du doigt ` médian ; enfin son plumage est d'une couleur plus claire en dessus el plus rousse en dessous que celui du milan noir. Aristote appelait ce dernier Italien, parce qu'il était très commun en Italie. Plus petit el plus courageux que le milan royal, le milan noir préfère le pois- son à tout autre nourriture. П détruit beaucoup de serpents et choisit ordinairement pour lieu de résidence les bois situés prés des élangs. C'est à la cime de ces bois qu'il construit son nid comme son congénère. Quelquefois il profile d'une aire abandonnée pour s'y élablir. Son vol est moins élevé que celui du milan royal. Les œufs, au nombre de deux ou trois, ont 0" 05 de longueur et 0" 04 de dia- mètre; quelques-uns sont d'un blanc jaunálre sans aucune tache ; d'autres d'un blanc bleuâtre avec des taches plus ou moins nom- breuses, mais cependant toujours plus mullipliées que celles du milan royal. Le sixième genre des Accipilrins est consacré aux buses que l'on reconnait à leur cou très court, leur têle large, leur corps trapu, leurs larses forts et trés peu allongés. Ces oiseaux ont la vue peu 79 élendue, défaut qui, joint à leur maniére d’être, les a fail regarder comme peu intelligents el a converti leur nom en une épithèle peu flalleuse. Les buses ne saisissent presque jamais leur proie à tire d'ailes; elles se tiennent immobiles sur un sillon ou sur une branche d'arbre pendant des journées entières, jusqu'à ce qu'elles apercoivent une proie facile sur laquelle elles se précipitent avec rapidité. La Faune de Maine et Loire comprend trois espèces de ces rapaces. BUSE BONDRÉE. — Falco apivorus. Le nom de buse vient de buteo, butio qui dérive lui-même de тт», Gula, Crier el convient à ces accipitrins dont la voix est forte et désa- gréable. L'épithéte bondrée est fondée sur une habitude propre à celle buse. Elle saute de branche en branche, de sillon en sillon, comme les pies, sans se servir de ses ailes, elle piete et court comme les oiseaux de basse-cour, elle se tient dans le voisinage de l'eau et poursuit par bonds les repliles ou les insectes qui fuient devant elle. L'adjeclif apivorus indique que cette buse aime beaucoup les abeilles, les guépes et les chrysalides qui lui servent à nourrir ses petits. Elle se distingue de ses congénères par sa téle moins grosse et d'un gris cendré qui tourne au bleuâtre. La buse bondrée présente de très belles variétés dont quelques- unes pourraient élre confondues avec l'aigle boité. Un signe certain auquel on peul toujours la reconnaitre, c'est le bouquet de petites plumes fines qui remplit, chez cette buse, l'espace compris entre l'œil et la base du bec, et qui n'existe jamais chez les aigles, ni chez les autres buses. Elle fait dans les forêts un nid avec quelques morceaux de bois, recouverls de racines, de feuilles desséchées ou de mousse grossière. Quelquefois elle pond dans un vieux nid de corneille ou de pie, trois ou qualre œufs un peu arrondis, parsemés de taches rouges si mullipliées qu'elles se fondent ensemble pour représenter une couleur uniforme el pour voiler entièrement le blanc sale de la coquille sur laquelle elles sont élendues. Ces œufs ressemblent à ceux que les enfants appellent, dans nolre pays, œufs de Pâques. 115 ont O" 051 de longueur et 0” 042 de diamètre. DUSE COMMUNE OU VARIABLE. — Falco ow Buleo variabilis. Celle buse a donné liea à bien des erreurs dans la classification des oiseaux, à cause de la particularité à laquelle elle doit son nom. 80 Tous les sujets de cette espèce varient de couleur, ils vont du noir au blanc en présentant toutes les nuances intermédiaires. Des natu- ralistes qui avaient pris plaisir à réunir des buses en offraient une collection de 45 à 50, sur lesquelles on n'en trouvait pas deux de méme couleur et de méme grosseur. On l'appelle commune, parce qu'elle est bien plus répandue que les deux autres espèces; elle porte aussi le nom de buse à poitrine barrée à cause des taches qui semblent former sur sa poitrine des raies assez régulières. La buse variable niche comme la précédente. Ses œufs, au nombre de: trois ou quatre, sont oblongs, d'un blanc sale avec des taches d'un gris brun ou jaunâtre plus ou moins nombreuses vers le gros bout. Leur longueur est de 0 052 et leur diamètre de 0" 042. Buse PATUE. — Falco ou Buteo lagopus. Les deux adjectifs qui désignent cetle buse, indiquent son carac- lére distinctif; patue et lagopède, à pieds gros, emplumés, velus comme ceux du lièvre. Ce rapace a les pieds emplumés jusqu'aux doigts (azyaos, lièvre, et тоос, modos, pieds de lièvre, pieds velus). Il vit ordinairement dans les forêts du Nord, pond trois ou quatre œufs de la même grosseur que ceux de la buse coramune, mais dont le fond est strié de taches d'un brun pâle ou violet semblables à des gouttes effacées. D'autres sont un peu plus pelits et ne portent pas de taches. Cette buse esl moins grosse et plus féroce que ses congénères, et n'a pas leur patience pour attendre sa proie. Les buses qui sont pour- suivies avec un acharnement incessant par quelques chasseurs, sont moins nuisibles au gibier qu'on ne le croit ordinairement; elles rendent un service signalé à l’agricullure en délruisant un grand nombre de pelils mammifères et de gros insectes qui sont le fléau des moissons. BUZARDS. Les buzards forment le septième et dernier genre des rapaces diurnes, ils s'éloignent des buses par leurs proportions beaucoup plus pelites et plus sveltes ; par la longueur de leurs ailes el de leurs larses entièrement nus, leur tête petite et leur cou assez dégagé. Leur nom peut dériver du mot anglais buzzard qui désigne un oiseau de proie, ou élre un diminulif de buse, ou enfin signifier buse ardente, courageuse. Celle dernière étymologie ferait connaître 81 le caractère de ces accipitrins dont le courage est très grand et l'ar- deur incessante. Ils ne craignent pas de combattre et méme d'atta- quer les autres oiseaux de proie. Autant les buses paraissent pesantes el stupides, aulant les buzards ont de légèreté el de grâce. Leur vol aulour des buissons et à travers les champs a quelque chose de celui de l'hiroadelle et de la mouette; dans leurs chasses ils paraissent preudre plaisir à se balancer en imprimant à leurs ailes un mouve- ment de bascule presque conlinuel. La Faune de l'Anjou compte trois buzards. BUZARD DES MARAIS OU HARPAYE. — Falco rufus ou Circus rufus. Le premier de ces noms a élé donné à ce buzard à cause des lieux qu'il affeclionne. Ce rapace chasse sur les bords des étangs, des marais oü il vit d'oiseaux aquatiques, de grenouilles et de poissons. L'adjeclif harpaye, du mot harper, арта, ravir, apaayan, croc, instru- ment qui saisit fortement, qui enlève, peint tres hien l'énergie de cel oiseau, vrai fléau des foulques et des poules d'eau. Le mol géné- rique cireus s'applique à tous les buzards et rappelle un caractère spécial de ces accipitrins, le cercle ou demi-collier de plumes serrées qu'ils portent tous d'une manière plus ou moins sensible et qui s'élend du menton aux oreilles. L'épithéle rufus, roux, représente la couleur des plumes de ce buzard désigné aussi par les adjectifs suisse el eruginosus , couleur de rouille. Les changements mullipliés que ce buzard subit dans les nuances de son plumage, selon l’âge et le sexe des individus, avaient engagé quelques naturalistes à multi- plier des espèces, abandonnées généralement comme non fondées sur des caractères posilifs. Ce rapace fait son nid d'une manière grossière dans les jones des marais ou sur une pelile éminence voisine de l'eau. Il y pond de lrois à cing œufs d'un blanc bleuâtre pâle, ordinairement sans laches; quand elles existent elles semblent formées par une seconde couche irrégulière plus foncée que Та première. Ces œufs ont 0" 048 à 0% 050 de longueur et O" 036 à 0% 038 de diamètre. Tous ont une des extrémités plus grosse que l'autre. BUZARD SAINT-MARTIN. — Falco ou circus cyaneus. Ge buzard doit son nom à l'époque à laquelle il a élé observé à son passage en France, en automne, à la Saint-Martin. L'adjectif cyaneus, 6 82 bleu gris, indique la couleur du plumage de cet oiseau. Le Saint- Marlin est plus petit que le précédent et porte une collerelle formée de plumes fines, pressées et de couleur d'un gris bleu pâle. Il niche à terre dans les joncs et les bois marécageux, pond quatre ou cing œufs semblables à ceux du buzard harpaye, mais un peu plus petits; ils ont O" 046 de longueur et 0" 036 de diamètre. BUZARD MONTAGU. — Falco ou circus cineraceus. Ce buzard porte le nom du savant naturaliste anglais, Montagu, qui le premier fil connaître d’une manière précise les caractères établissant une distinction entre le Saint-Martin et celui-ci. L’épi- thèle cineraceus, cendré, constate la couleur du plumage de cet accipitrin. Le Montagu est plus petit que les deux précédents, il se distingue du Saint-Martin par les ailes qui, dans celui-ci, couvrent la queue, tandis que dans le Montagu elles ne s'étendent qu'aux deux tiers. Les plumes des flancs et de l'abdomen du Montagu sont blanchâtres et portent des traits d'un roux de rouille. Ce rapace niche dans les bois ou les landes et pond quatre ou cinq œufs sem- blables, mais plus petits et un peu moins allongés que ceux du Saint-Martin. Ils ont 0" 036 de longueur et 0" 032 de diamètre. Ainsi les œufs des trois espèces de buzards ne diffèrent que par leur grosseur qui varie selon les proportions de l'oiseau. Les vingt-neuf rapaces que je viens d'énumérer, et dont treize seulement sont sédentaires, forment la quinzième partie des oiseaux de la Faune de l'Anjou. Cette proporlion est la méme que celle qui exisle dans l’ornithologie générale. Les carnassiers composent au contraire le tiers des mammifères. Mais afin de rétablir l'équilibre, les oiseaux l'emportent de beaucoup en nombre sur les quadrupèdes dans la chasse sur l'eau. Là on trouve une multitude d'oiseaux qui suppléent aux quadrupèdes que leur nature lient éloignés des rivières. Tous les oiseaux de celte dernière catégorie saisissent leurs nombreuses viclimes avec un bec crochu et quelquefois dentelé. Ainsi la Providence a tout coordonné de manière à ce que les espèces pussent se propager sans dépasser de sages limites. 2e ORDRE. — GRIMPEURS. Les naluralistes ont réuni sous le nom de Grimpeurs, non-seule- ment les oiseaux dont la vie est consacrée à monter le long des arbres pour chercher leur nourriture, mais encore ceux qui sont organisés de manière à pouvoir se cramponner à l'écorce des bois, le temps suffisant pour y saisir leur proie. Les grimpeurs se distinguent des autres oiseaux par leurs doigts dont deux sont placés en avant et deux en arrière ; le quatrième est versatile. PREMIERE FAMILLE. Les Cuculides. Le nom donné à celte première famille est la traduction de cuculus, coucou, mot formé dans les trois langues par l'imitation du chant des oiseaux qui la composent; хох, «v£. cuculus, coucou. Coucoc GRIS. — Cuculus canorus. Les coucous appartiennent aux grimpeurs par leurs doigts dont les deux en avant sont réunis et les deux en arriére séparés. Ils s'éloignent des pies et du torcol par la langue qui n'est pas exten- sible. L’épithéle donnée à ce coucou est fondée sur les nuances de son plumage, et l'adjeclif canorus sur le cri retentissant qu'il se plait à répéter dans les bois au commencement du printemps. Les coucous ainsi que les pics el les oiseaux qui ne se nourrissent pas des biens de la terre, sont condamnés à vivre solitaires moins par inclination que par nécessité. Ces oiseaux vivent d'insecles et surtout de chenilles velues qu'ils saisissent en se cramponnant aux arbres et méme quelquefois aux pierres recouvertes de mousse ou de petites plantes rampantes. Ils avalent leur proie avec une grande voracilé et rejettent après la déglutitioa la peau des chenilles roulée en pelolles. Les coucous vivent en polygamie. Les mâles sont beau- 84 coup plus nombreux que les femelles. Celles-ci pondent de quatre a six œufs dans les nids des inseclivores. Quand ces nids sont en rase campagne comme ceux des pipils, des alouetles, du proyer, cte., et que la mère se trouve sur ses œufs, la femelle du coucou décrit plusieurs circonférences à l'exemple des rapaces, finit par effrayer la couveuse et par l'éloigner pendant quelque temps. Libre alors de ses mouvements, elle s'établit sur le nid, pond un œuf et s'enfuit après avoir mangé un de ceux de l'oiseau auquel elle abandonne les soucis de la maternité. Quand louverture du nid est défendue par des ronces el que la femelle du coucou ne peut en approcher facilement, elle pond à terre, saisit l'œuf dans son bec el va le déposer ensuite dans le berceau qu'elle a choisi. La femelle du coucou ne pond que dans les nids dont les œufs ne sont pas encore couvés. Est-ce pour s'assurer de leur élat qu'elle mange un de ces œufs? Est-ce pour tromper plus facilement la pauvre mère? Cette dernière hypothèse parait plus admissible que la première. On a constaté en effet que deux œufs avaient disparu des nids de rouge-gorge, de pipit, de proyer, etc., dans lesquels la femelle du coucou en avait pondu le méme nombre. L’ceuf déposé par le coucou est couvé avec soin par l'oiseau auquel il a été confié. Celhi-ci ignore que son nid renferme l'ennemi de ses pelils. En effet si l'œuf du coucou éclot le premier, le реш jette hors du nid les autres œufs; s'il ne voit le jour qu'après les pelits de la véritable mère, il ne tarde pas à les étouffer par ses mouvements brusques dans un nid beaucoup trop étroit pour le contenir. Reslé seul, il devient pour son père et sa mère adoptifs, le sujet d'un travail incessant à cause de son extrême voracité. Quel- quefois méme il étouffe dans son large gosier le rouge-gorge qui a porlé trop imprudemment dans l'intérieur du bec du coucou l'insecte capturé pour la nourriture de cel ingrat. Devenu un peu grand, le jeune coucou tombe naturellement du nid; ses parents nourriciers veillent à ses besoins pendant quelque temps el bienlót il vil de sa propre chasse en saisissant dans les buissons les insectes el les ver- misseaux. Plus tard, il mangera des hannelons, puis de jeunes grenouilles el surtout les œufs ct les pelits nouvellement éclos. Ce dernier grief explique l'énergie el l'acharnement avec lesquels les coucous sont repoussés par tous les oiseaux dont ils visitent les cou- vées. La femelle du coucou met un intervalle de cinq à sept jours entre la ponte de chacun de ses œufs. Ceux-ci sont très petits par rapport à la grosseur de l'oiseau. Ils ont de 0" 021 à 0» 023 de lon- gueur el de 0™ 014 à 0" 016 de diamelre. Ces œufs varient beaucoup de teinte et de couleur, depuis le blanc verdàtre jusqu'au. bleuâtre clair; ils sont parsemés de pelils points bruns, noirs, gris, cendrés, 85 violels ou de raies très légères. Quelques- uns ressemblent aux œufs du bruant-proyer, d'autres à ceux des alouettes cochevis et calandres, La Providence semble avoir permis cette variété afin que la femelle du coucou puisse tromper plus facilement les mères auxquelles elle confie ses œufs, en modifiant leurs couleurs selon les nids dans lesquels elle les dépose. C'est encore le méme soin de la Providence qui la dirige dans le choix des nids des inseclivores dont la nourri- ture est la seule qui convienne au jeune coucou. Cette habitude de pondre dans les nids étrangers est peut-être fondée sur Vinslinet de la femelle qui dérobe ses œufs et ses petits à la voracité de leur père. Les Grecs auraient dà consacrer la femelle à Cybele et le mâle à Saturne. Quelques naturalistes pensent que cette particularité repose sur l'incapacité de la femelle à couver ses œufs, à cause de son extrême maigreur, devenue proverbiale. Celle excessive mai- greur dépend de la voracité de cet oiseau et du choix de ses ali- ments très peu nourrissants qui exigent l'absorplion d'une grande quantité d'insectes et un travail des intestins trés pénible. Ceux-ci en effet recoivent beaucoup et conservent peu. Enfin le temps mis entre la ponte de chaque œuf serait un motif très suffisant pour démontrer que la femelle ne peut couver ses œufs sans s'exposer à un travail d'incubation et d'éducalion au-dessus de ses forces. Cet intervalle de temps est peut-être encore le résultat du travail fati- gant de la digestion. Coucou ROUX. — Cuculus hepaticus. Le plumage de cet oiseau est déterminé par les adjeclifs roux et hepaticus. Celui-ci dérive de «лат», dont la racine est »««;, foie, de couleur jaune brun. Cette couleur constitue-t-elle une variété, une espèce? Esl-elle simplement le résultat de la mue? Ce coucou ne peut être une variété, car une variélé qui se perpé- tue toujours de la méme maniere avec des leinles si différentes du type primilif ressemble bien à une espèce. L'opinion de ceux qui admetlaient que le coucou roux élait le mâle ou la femelle du cou- cou cendré, n'est pas fondée, car l'expérience a prouvé que des máles et des femelles se trouvent dans les sujels des deux nuances. Раі pu constater de nouveau celle vérité, sur un cerlain nombre de coucous que M. de Baracé avail eu la bienveillance de m'adresser celle année. Ceux qui pensent que le coucou roux est le coucou gris dans ses premières années, assuraient que les uiis émigraient vers le'nord et les autres vers le sud; qu'on ne trouve pas les uns et 86 les autres dans la même localité, suivant la règle des oiseaux voya- geurs dont les jeunes et les vieux visitent rarement ensemble les mêmes pays. Ce dernier sentiment ne peut plus être soutenu sé- rieusement. Chaque année, en Anjou et dans tous les pays de l'Eu- rope, on rencontre les coucous émigrant ensemble avec les deux plumages trés distincts et à l'état adulte. Malgré ces motifs, Lathée et M. Millet sont presque les seuls à soutenir que le coucou roux est une race distincte du coucou gris. Je pense que celte question doit encore être étudiée et qu'on peut fortifier la dernière opinion en faisant remarquer que si la différence de plumage est le résultat de la mue, on devrait trouver des traces du passage d'une couleur à l'autre; que celle mue ne peut pas s'opérer instantanément, et que les parlisans de l'opinion contraire devraient montrer des sujets roux n'ayant pas encore revétu la livrée complète d'adulte. On ne voit pas ces sujets dans les Musées, ni dans les collections particu- lières, et cependant ils devraient être très communs à cause du grand nombre de coucous. Enfin, comment expliquer la grande dispropor- lion qui existe entre les dimensions des coucous gris el celles des coucous roux? Surtout lorsque généralement, dans les oiseaux, les petils atteignent à la fin de l'année la taille des adulles. DEUXIÈME FAMILLE. Les Proglosses. La dénominalion de proglosses, лрг, en avant et улт, langue, in- dique le caractère spécial de cetle famille dont tous les individus ont une langue très longue et extensible. PREMIER GENRE. Le TORCOL. — Yunx torquilla. Yunz de wy, vyyx, signifiait chez les Grecs, la bergeronnelle, le torcol et les sortiléges. Torquilla peut avoir pour racine torques ou torquis, collier, el yuna torquilla signifierait alors le torcol à col- lier, dénominalion très exacte, Le nom francais indique les singu- lières habitudes de cet oiseau qui tourne la tête, le col d'une manière 87 bizarre. Ce grimpeur met sa queue de côté, en éventail, donne à son corps les ondulalions d'un reptile et paraît éprouver les convulsions d'un épileplique. Aussi inspire-t-il une telle frayeur à la plupart de ceux qui le prennent dans des filets, qu'ils préfèrent lui rendre la liberté que de le saisir. Ces mouvements si extraordinaires, consé- quence d'un système nerveux très développé, sont attribués à un sentiment de crainte ou de surprise que ressent le torcol. Ils sont aussi un moyen dont se sert cet oiseau, d'un naturel très paresseux, pour éloigner et effrayer ses ennemis. Les anciens le consultaient dans leurs augures et s'en servaient pour jeter des sorliléges. Le torcol appartient aux grimpeurs par ses doigts, diffère du cou- cou par sa langue et des pics par sa queue. Sa langue, qui est exten- sible et cylindrique, lui sert à saisir les fourmis et les petits insectes. On le voit souvent cramponné aux branches sèches sur lesquelles il paraît plutôt se reposer que chercher sa nourriture. H parcourt les arbres sans grimper à la manière des pics el s'arréle aux cavités nalurelles pour y plonger sa langue. Le torcol pond dans les trous des arbres et choisit ceux dont l'ouverture est très étroite. La femelle dépose de cinq à sept œufs sur la poussière vermoulue dans laquelle elle a préparé un creux avec le secours de son bec el de ses doigts. Les œufs sont d'un blanc brillant, caractère qui sert à les distinguer de ceux de la fauvette rouge-queue auxquels ils ressemblent par la forme et la grosseur. Ils sont ordinairement arrondis, quelquefois pointus et ont de 0" 018 à O" 020 de longueur et de O" 013 à 0" 015 de diamètre. Lorsqu'on plonge le bras ou un baton dans le nid du torcol, la mère, si elle s’y trouve enfermée, pousse immé- dialement des sifflements si violents qu'on a peine à se défendre d'un sentiment de crainte. Le plus souvent les dénicheurs s'éloi- gnent de l'arbre croyant s'étre trompés et lutler contre un essaim de vipères. DEUXIÈME GENRE LES Pics. Се nom rappelle encore une famille d'oiseaux victimes de l'ingra- titude des hommes. Les pics ont reçu du ciel une laborieuse mis- sion. Dieu les a condamnés à ne vivre qu'au prix d'un travail incessant dont le but est l'avantage réel des propriétaires. 115 doivent parcourir les bois, les vergers, monter le long des arbres en tous sens, sonder tous les trous, visiler toutes les fissures, inspecler 88 toutes les écorces, les enlever méme si cela est nécessaire pour y saisir et tuer les insectes et les vers rongeurs. Pour lui faciliter ce terrible labeur, Dieu a donné au pic deux doigts en avant et deux en arrière, armés d'ongles très forts et arqués, des pieds courts et musculaires, un bec carré à sa base, cannelé dans sa lon- gueur, aplali à la pointe; celui-ci repose sur un cou raccourci, pourvu de muscles vigoureux et soutenant un cràne trés fortement conslitué. La langue est trés longue, effilée, arrondie, terminée par une pointe osseuse el par quelques pelits crochets: elle servira à percer les insectes et à les retirer ensuite. Deux glandes y déversent une espèce de liqueur visqueuse sur laquelle les fourmis viendront s'allacher. Enfin sa queue est formée de dix pennes lronquées, raides, d'inégale longueur, composant une espèce de miséricorde sur laquelle le pic s'appuiera et se reposera en gravissant les arbres el en pereant et fouillant les écorces. Armé de ces dons de la Provi- dence, le pic visite tous les troncs et les branches des arbres, il scrute tous les trous, plonge sa langue sous toutes les écorces, sonde toules les plaies; si l'arbre rend un son qui trahisse la présence d'un ver rongeur, le pic s'arréte, perce l'arbre et va chercher jusque dans son repaire l'insecte destracteur. Le médecin qui laboure avec le fer et le feu les membres de l'homme pour conjurer le développement du mal, est-il coupable? rend-il un service? La réponse à cette double question condamnera ou justifiera l'oiseau consacré à Mars. Les anciens avaient vu dans la vie des pics l'image d'un combat perpétuel, dans l'énergie des coups de bec de cet oiseau et dans son adresse à alleindre et à percer ses viclimes, quelque ressemblance avec la puissance du Dieu des batailles. Quand les pies sonl soumis au sentiment de la crainte ou de la colère, ils relèvent les plumes de leur tête. Cette particularité a fail croire à quelques naturalistes que les pics avaient une huppe. L'Anjou possède cinq espèces de pics. Pic-VERT. — „Picus viridis. Le nom donné au deuxième genre de la famille des Proglosses, en francais et en latin, est fondé sur l'emploi de leur bec qui leur sert de pic pour perforer les arbres et trouver leur nourriture. L'adjectif vert indique la couleur dominante des plumes de la première espèce de ce genre. Picus nous rappelle aussi des souvenirs mythologiques. Picus, fils de Saturne, père de Faune et aieul du roi Latium, méprisa l'amour de la magicienne Circé pour épouser Canente. Circé, vive- 89 ment irritée du dédain de ce jeune prince, te changea en pic-vert. Picus devint un des dieux champêtres el présida aux augures. L'in- fortunée Canente ful entièrement consumée par le chagrin el il ne resta d'elle que le souvenir de son malheur. Les anciens aimaient beaucoup à consulter le vol du pic-vert et ce fut avec plaisir qu'ils le virent, en grimpant à l'arbre qui protégeait le berceau de Remus et de Romulus pendant que la louve les allaitail, prédire la grandeur future des deux fils du dieu auquel il était consacré. Maintenant encore, les modifications du cri du pic-vert annoncent aux habitants de la campagne les varialions de la température. C'est pour cette raison qu'il est appelé le procureur, le pourvoyeur des moulins, le meunier. Les Anglais le nomment l'oiseau de pluie. Le pic-vert grimpe le long des arbres en décrivant une suite de spirales. Quand il ne trouve rien dans ses pénibles investigalions, il descend à lerre, se couche immobile auprès d'une fourmillière au milieu de laquelle il plonge sa langue. Il la relire ensuile toutes les fois qu'elle est chargée de fourmis prises à la glu qui l'humecte sans cesse. Quand le soleil ne favorise pas celte chasse el que les fourmis sont engour- dies par le froid, il renverse de fond en comble la fourmilliere et fait une véritable razzia sur les insectes et sur leurs œufs. Dans les régions glaciales où les insectes el les vers manquent au pic, pen- dant l'hiver, cet oiseau réunit des provisions dans le cours de l'été, et confie au creux des arbres, des graines sèches, des noix, des noi- settes qu'il relrouvera aux jours de disette. Pour briser les noix, il les place dans un petit trou où il les maintient avec ses doigts pen- dant quil les frappe avec son bec. Daus notre département qui offre au pic-vert des ressources suffisantes, en tout temps, cel oiseau fait peu ou point de provisions. Quelquefois on aperçoit le pie, après avoir frappé quelques coups de bec, tourner avec rapidité du cóté opposé, non pour voir s'il a percé l'arbre, mais pour saisir les in- sectes que le conlre-conp a chassés de leur retraite H ne fait celle visite que lorsqu'il a reconnu au son rendu par l'arbre que celui-ci récèle quelque cavilé. Cet oiseau passe les nuits dans un trou d'arbre ou de muraille où il se relire chaque soir, de très bonne heure. On voit à Chaloché, à l'angle du batiment principal de l'ancien monastère, un trou qui a servi de chambre à coucher au même pic pendant plusieurs années. Cet oiseau, qui offre dans son plumage une des plus belles variétés connues, a élé tué par un garde malgré la défense de M. Gaignard de la Ranloue, et se trouve maintenant dans le cabinet de M. Raoul de Baracé. Pour se dérober au plomb des chasseurs, le pic tourne autour de l'arbre el se tient toujours du cólé opposé à sou adversaire. Si par 90 crainte, ou de lui- méme il se dirige vers d’autres arbres, son vol est toujours saccadé et accompagné d'un cri plaintif. Le pie-vert creuse son nid ordinairement dans les troncs des arbres; rarement dans les branches; dans ce dernier cas, l'ouver- ture est toujours tournée vers la terre, afin que la pluie n'y puisse pénétrer et que l'entrée soit plus facilement dérobée aux petits ron- geurs qui courent sur les branches. Ici se présente naturellement le grief le plus sérieux que fassent les adversaires des pics en objectant les ravages que ces oiseaux exercent dans les forêts en préparant un nid à leurs petits. Ce reproche, quelque grave qu'il paraisse, peut encore être combattu victoricusement. D'abord, les pics ne sont pas si nombreux que l'admet l'imagination de quelques bons proprié- taires. Puis ce nid ne se prépare qu'une fois chaque année et encore sert-il plusieurs années au méme couple. Enfin, l'arbre choisi par les pics est toujours rongé inlérieurement par les vers et les insecles. Quand, au moment de la nidification, le pic a trouvé dans ses courses un arbre dont la cavilé lui a été révélée par les coups de son bec, il se met à l'ouvrage et bientôt il parvient à gagner l'intérieur qui lui offre un asile pour ses pelits el un salaire pour prix de ses travaux. Son premier soin est de dévorer les vers rongeurs. Quel est son crime? Celui d'avoir mis à jour un cancer intérieur et d'en avoir arrété les progrés en délruisant le mal dans son principe. Si l'arbré n'est pas gâté, le pic abandonne son travail, car autrement comment parviendrail-il à creuser un nid perpendiculaire avec les ressources d'un trou qui ne laisse au corps qu'une faible partie de l'usage de ses mouvements ? Le male se distingue de la femelle par les taches rouges de ses moustaches. Les œufs du pic-vert sont oblongs, d'un blanc lustré et le plus souvent piriformes, leur nombre varie de cinq à sept. Leur longueur moyenne est de 0" 030 et leur diamelre de 0" 02. La femelle, lorsqu'elle est surprise sur ses œufs, fait entendre les mêmes sifflements que le torcol. PIc-CENDRE. — Picus canus. L'épithete francaise et latine , donnée à ce pic, est fondée sur les nuances de son plumage. Le pic-cendré est un peu plus pelit que le pic-vert, sa tête et son cou sont d'un cendré pale. Quelques taches noires longitudinales accompagnent le rouge cramoisi qui se trouve sur le sommet de la têle el servent à le distinguer du pic- vert. La femelle n'a pas de rouge sur l'occiput, et les moustaches du male en sont aussi dépourvues. Le pic-cendré, rare en Europe, creuse son 91 nid dans les arbres; ses habiludes sont les mêmes que celles du précédent. Il pond de cinq à sept œufs un peu moins gros que ceux de son congénère, mais plus allongés en proportion de leur diamètre qui est de 0™ 016 à 0% 017 ; leur longueur ordinaire est de 0" 028. Pic-ÉPEICHE. — Picus major, Picus varius major. La dénomination épeiche est composée de deux mots allemands, elster et specht, qui signifient pic varié. Le nom latin varius indique le même sens; major fail connaître les dimensions de cet oiseau comparé aux deux suivants qui sont aussi des pics variés. L'épeiche vit comme les pics précédentes, cependant son vol est plus facile que celui du pic-vert, et il poursuit el saisit au vol les insectes. Il se tient de préférence dans les vergers; il a l'habitude de frapper à coups précipités et trés violents l'extrémité des branches sèches qu'il rencontre dans ses courses. Ce grimpeur, dont le plu- mage esl composé de noir pro'ond, de blanc pur, de rouge trés vif, niche dans des trous naturels, ou dans les nids abandonnés du pic- vert. Rarement l'épeiche creuse un nid, dès-lors il devrail trouver grâce aux yeux des propriélaires. L'épeiche pond cinq ou six œufs dont la longueur moyenne est de 0,024 et le diamètre de 0,018. La forme des œufs de ce pic est la méme que celle des deux précédents, cependant ils sont généralement un peu plus arrondis. Le mâle seul a du rouge cramoisi sur occiput. On constate d'une manière régu- lière deux races dans celle espèce ; l'une est beaucoup plus forle que l'autre. Pic MAR. — Picus medius. Le nom de mar est une abréviation de Mars, auquel le pic élail consacré comme Ovide l'a consigné dans ses vers. On lui donne indifféremment l'épithète martius ou medius. Ce dernier adjectif indi- que qu'il tient le milieu pour les dimensions entre l'épeiche et lé- peichelte nommée picus minor. Le pic mar ou moyen épeiche est rare dans tous les pays. Ses couleurs sont moins vives que celles de l'épeiche. Il visile comme celui-ci les troncs el les branches des arbres en tous sens, monte et descend en décrivant des spirales. Ce pic pond de trois à cinq œufs dans un trou naturel ou dans un vieux nid abandonné par ses congénères, ou dans une branche qu'il a per- forée. Les œufs ont 0,022 de longueur et 0,016 de diamètre. La fe- 92 melle ressemble au mâle, mais les plumes rouges de sa lêle sont moins développées et d’une couleur moins vive. Pic ÉPEICHETTE OU PETIT ÉPEICHE. — Picus minor. Les différents noms donnés à ce pic, sont basés sur sa taille; il est le plus petit de la famille. L'épeichette vil de vers, de chenilles, d'in- secles, de pelites baies, et comme il peut trouver beaucoup plus facilement sa nourriture que les autres pics, on le voit assez souvent en société. Nouvelle preuve que la solitude à laquelle se condamnent les grands pies provient de la difficulté qu'ils éprouvent à se procu- rer une proie suffisante pour vivre. L’épeichelte pond quelquefois dans un vieux nid de mésange, de silelle ou dans une cavilé natu- relle, quatre ou cinq œufs semblables à ceux des autres pics. D’autres fois elle perfore une vieille branche vermoulue pour y déposer ses œufs. Leur longueur moyenne est de 0,018 et leur diamètre de 0,014. La femelle n'a pas de rouge sur la tête qui est entièrement noire. Ici se termine l'ordre des grimpeurs comprenant, pour l'Anjou, sept espèces qui, toutes, travaillent incessamment à préserver les arbres des ravages des insectes et des vers rongeurs, el dont deux , le pic vert et le pic cendré , perforent les arbres pour chercher leur nourriture ou préparer leur nid; les autres allaquent quelquefois les branches vermoulues, mais le plus souvent se servent de vieux nids abandonnés. L'ABBÉ VINCELOT , chanoine Honoraire, directeur du pensionnat S'-Julien. NOTES SUR LE MAGILE ANTIQUE MAGILUS ANTIQUUS (Monrrorr). Messieurs, Encouragé par l'accueil favorable que vous avez bien voulu accor- der à la communication que j'ai eu l'honneur de vous faire, il y a deux mois, au sujet des Pholades comme coquilles perforantes, j'ai pensé que la vue d'une autre coquille encore peu répandue dans les colleclions et dont l'existence et les habitudes offrent des particula- rités assez remarquables, ne serait pas sans intérêt pour plusieurs d'entre vous et j'ai pris la liberté d'en soumeltre un échantillon à volre examen. Cette coquille, Messieurs, est le Magile antique, Magilus antiquus de Monfort, classé par Cuvier dans la famille des Tubulibranches, seplième ordre des Gastéropodes. Elle est encore la seule espèce de ce genre qui soit bien connue. Les lieux qu'elle adople exclusivement pour résidence sont les excavalions de ces admirables végélalions sous-marines, de ces Madrépores, en un mot, qui sont, comme vous le savez, œuvre et 94 la demeure d'une quantité innombrable de petits animaux nommés Polypes. La coquille, qui n'a jamais plus de trois ou quatre tours de spire, est héliciforme, d'environ deux centimètres de hauteur et autant de largeur, quand elle est adulte. Elle est blanche, ventrue, mince dans le jeune âge, sans aucun prolongement tubiforme, et ne prend de la consistance qu'avec l'accroissement de l'animal. Les Magiles passent leur existence tout entière dans les cavités des Madrépores où le hazard les a placés, et où ils ont, peut-étre, pris naissance. Mais cette vie serait de bien courte durée et ils seraient bienlót étouffés par les constructions incessantes nécessi- tées par la grande multiplication des Polypes, si le Créateur, dont la sagesse a pourvu à la conservalion de tous les êlres vivants qu'il a mis dans ce monde, ne leur avait donné des moyens de défendre cette faible existence. C'est donc pour se soustraire à une mort cer- laine que les Magiles, avec une matière glutino-calcaire qu'ils tirent de leur corps, prolongent leur dernier tour de spire en un tube allongé et irrégulièrement sinueux dont ils maintiennent toujours l'ouverture par des accroissements successifs au niveau de la surface des Madrépores el pour recevoirainsi librement les différents aliments que la mer leur apporte. Ce singulier tube d'un blanc jaunâtre est épais, conique, com- primé latéralement, arrondi du cóté de la base, carené en dessus; l'ouverture est ovale et à bords continus, l'extrémité de la carène dépassant l'ouverture ou bouche d'environ un centimètre ; la cavité lisse et unie; la surface extérieure est sillonnée dans le sens de la longueur des tours et lamelleuse dans le sens contraire, par le rap- prochement des anneaux d'aecroissements. Le tout est de méme nature, de méme couleur, de méme consistance et de méme fragi- lité que le Madrépore dans lequel il est construit; ce qui pourrait faire croire que les Magiles auraient la faculté de dissoudre les parois des Madrépores et de s'en servir pour la confeclion de leur tube. Ce fait n'ayant pu étre observé, je ue le donne que comme une simple supposition de ma parl. Toujours est-il que, pour ce travail, les Magiles abandonnent successivement la parlie spirale pour se porter en avant dans la parlie tubuleuse, remplissant petit à pelit celle qu'ils laissent derrière eux avec la méme matière qu'ils emploient à la formalion de leur tube. Vous auriez sans doule le désir, Messieurs, de connaître cet habile ouvrier habitant des mers; mais malheureusement mon ignorance: en anatomie ne me permet pas de vous donner les détails de son organisalion. Je crois vous dire, néanmoins, que, sous ce rapport, je 95 suis presque à la hauteur de № plupart des savants naturalistes; car cet animal qui n'était pas connu du temps du célèbre Cuvier, est encore aujourd'hui trés peu éludié, et c’est pour salisfaire votre curiosité que j'en expose ici deux exemplaires pris vivants l'année dernière à l'IHe-Bourbon el conservés dans l'esprit de vin. L'un est encore dans sa coquille : l'autre, plus facile à observer, dans un frag- ment du tube de prolongement, porte un pelit opercule corné qui ne ferme pas hermétiquement l'ouverture. Dans le méme bocal, vous pouvez voir des œufs dont il s'est débarrassé au moment de l'immersion dans l'alcool. Rarement ces mollusques ont été recueillis vivants; sans doute parce qu'on ne relire pas habituellement les Madrépores du fond des mers pour les briser immédiatement et y chercher les Magiles vivants qu'ils peuvent renfermer. Je dois ceux que vous avez devant les yeux à un capitaine de vaisseau qui croit être le premier à avoir importé l'année dernière cet animal vivant, en France. Les Magiles habitent la mer des Indes, sur les côtes de l'Ile-de- France et de l'He-Bourbon et dans la mer Rouge. Il me reste maintenant, Messieurs, à vous parler de leur origine, c'est-à-dire de l'époque à laquelle ils ont été découverts. I! me serait bien difficile de préciser au juste l'année dans laquelle ces remar- quables coquilles ont été trouvées, d'autant plus que l'étymologie du mot Magile étant tout à fait inconnue, il est impossible d'atla- cher quelque idée à celle dénomination. Cependant, à défaut de certitude, aprés avoir feuilleté plusieurs ouvrages sur l'histoire naturelle, je crois pouvoir vous désigner un intervalle de temps très peu éloigné de celui que nous cherchons. D'abord, parmi les traités d'histoire naturelle du siècle dernier, il existe un Dictionnaire universel d'histoire naturelle, par M. Valmont de Bomare, qui a paru en 1775. Cel ouvrage ne fait nullement mention des Magiles. Un Manuel du naturaliste, par M. D****, daté de 1797, n'en parle pas davantage. Dans le siècle où nous vivons, en 1816, Georges Cuvier publiait la première édition de son Règne animal dans lequel il indique en très peu de mots la coquille des Magiles ; mais non l'animal qu'il dil posili- vement être inconnu et qu'il croit devoir être rangé près des Vernets. En 1823, le Dictionnaire des Sciences naturelles, rédigé par plu- sieurs professeurs du jardin du Roi, au mot Magile, donnait la défi- nition de celle coquille dont l'animal, disait-il, appartenait proba- blement à la classe des Chétopodes à tuyaux, établie par Denis de Monfort. 96 D'Orbigny n'a pas rencontré de Magiles dans l'Amérique méridio- nale où il a voyagé de 1826 à 1833. Il n'en fait aucune mention dans les relations qu'il en a publiées de 1835 à 1843, et dit, au contraire, que la famille des Vermétidées, vermelidæ, parmi lesquelles il aurait certainement placé les Magiles, ne contenait à celte époque que les genres Vermetus et Siliquaria qui formaient tous les Gastéropodes fixes qui, néanmoins, sont pourvus d'une têle munie de tentacules et d'un opercule corné; mais dont le pied est pour ainsi dire inutile, puisqu'il n'est pas employé à la locomotion. Enfin, en 1847, M. J.-C. Chenu, dans ses Lecons élémentaires d'histoire nalurelle, donne une description détaillée de la coquille des Magiles et ajoute que l'animal est connu , mais peu étudié. De tous ces documents, Messieurs, la conclusion est facile à tirer. En 1797, les Magiles étaient ignorés des naturalistes. Georges Cu- vier est un des premiers à les avoir fait connaitre, en 1816. C'est donc dans cet intervalle de 19 ans qu'a dû être faite la découverte des Magiles; c'est-à-dire, dans les premières années de ce siècle. Quant à l'animal , il paraitrait qu'il n'a été remarqué que bien des années aprés, puisque aujourd'hui méme il n'a encore élé qu'à peine étudié. Tels sont, Messieurs, les renseignements bien incomplets, sans doute, que j'ai pu me procurer sur les Magiles. J'espère que de plus habiles que moi viendront dans quelque temps nous fixer sur des faits dont je regrette de n'avoir pu vous présenler qu'une bien faible ébauche. Lupovic LE Gris. DESCRIPTION DE L'AQUARIUM DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE DE PARIS. Lorsque l'état de vétusté des vieilles serres, bâties autrefois par Buffon au Muséum d'histoire naturelle de Paris, a forcé à ne pas les conserver plus longtemps, on a construit devant les nouvelles serres courbes une belle el vaste serre, et dans une de ses divisions on a élabli un aquarium, à l'imitation de ce qui existait déjà de- puis plusieurs années en Belgique el en Angleterre. On pouvait ainsi espérer cultiver à Paris, les plantes, nombreuses et intéres- santes, qui habitent les eaux des contrées équatoriales, et pouvoir connaitre et étudier les Nymphéacées si curieuses el si rares encore dans les collections. On désirait élever surtout la Victoria regia, qui embellit de ses fleurs blanches et pourpres les rivières de l'Amé- rique méridionale, cette géante de la flore aquatique, qui dans son pays natal vit et fleurit auprès de la plus petite phanérogame connue, le Wolffia Brasiliensis Weddel (1). Malheureusement celle année, on n'a pu installer les plantes que bien tard (25 juillet) dans leur nouvelle demeure, el par con- séquent, on n'a pu obtenir encore tous les résullats qu'on est en (1) M. Н. A. Veddell. Observ. sur une esp. nouv. de Wolfia ( Lemnacées ). (Апп. des se. natur. Эте série, tome XI, sept. 1849.) 98 droit de désirer. Cependant une riche végélalion déjà remplit le bassin où nous voyons nager le Pistia Stratiotes, Y Eichornia crassipes, à cólé de Nympheeas aux corolles blanches comme le lait, teintes de pourpre, ou colorées d'un azur céleste. Parmi les espèces à fleurs blanches, nous avons vu fleurir le Nymphea dentata Thon-et-Schum ; le Nymphæa Ortjiesiano-dentata Planch. , qui vivent tous deux dans les eaux de l'Afrique occidentale et qui offrent une telle ressemblance que nous n'avons pu trouver de caractères vraiment distinctifs ; le Nymphea edulis D C., origi- naire des Indes orientales , etle Nymphæa thermalis D C., qui croit en Hongrie, el qui nous paraissent devoir élre réunis, bien que le premier ait été adressé à M. Van-Houte, comme différent du second, opinion que ne pourra conserver aucun de ceux qui ont assislé à leur floraison. Le Nymphea cerulea Savigny, originaire du Nil, le Nymphea scutifolia D C., dont la patrie est l'Afrique australe, et le Nymphwa stellata Willd., qu'on rencontre dans les eaux de l'Asie tropicale, représentent les espèces à fleurs bleues. A côté d'elles cilons Y Eu- ryale ferox Lindl., aux feuilles immenses el aux fleurs petites, mais dont les pétales, si riches de ton, viennent apparaître à la surface des lacs du Népaul et de l'Inde. Le Nymphea Ortjiesiano -rubra Planch., hybride probable des Nymphæa dentata et rubra, a représenté dans l'Aquarium les espèces à fleurs pourpres. Parmi les plantes de la même famille qui n'ont pas encore fleuri, nous citerons en premiere ligne la Victoria regia, les Nymphea rubra var. Devoniana et Gigantea Hook. (1), ainsi que plusieurs hybrides déjà oblenues par les horticulteurs. A cólé de ces plantes , qui allirent immédiatement les US par l'éclat de leurs fleurs ou les dimensions exagérées de leurs feuilles, une riche collection de végétaux aqualiques des diverses contrées du globe, fixera l'attention du botaniste : le Neptunia oleracea ( Desman- thus natans), qu'on peut nommer à bon droit la sensitive des eaux, car ses feuilles au moindre choc rapprochent immédiatement leurs folioles les unes des autres, sans cependant se fermer complétement, comme le fait la Mimosa pudica ; planle, qui n'est pas moins remar- quable par la formation aulour de ses liges d'une sorte de liège, que (1) Le Nymphea gigantea a commencé sa floraison vers les premiers jours de juin 1856 et est encore en fleurs aujourd'hui (15 octobre 1856). C'est une des Nymphéacées les plus charmantes par la dimension de ses fleurs et surtout par leur riche teinte du plus beau bleu cobalt LE 99 traversent les racines, el qui la rend assez légère pour flotter à la surface de l'eau. Le Nelumbium speciosum, originaire du Nil, et qu'on a cru longtemps être le Lotos des Anciens, prospère à cólé d'une fougère aquatique de la Guyane, le Ceratopteris thalictroides, et de son congénère le Cyperus Papyrus, dout le nom seul rappelle l'usage qu'en faisait l'antiquité. Dans le méme bassin on aperçoit les Cyperus alternifolius et Iria , Y Andropogon citriodorus , VOryza sativa, et une belle variélé latifolia, V Hydrocleis Humboldti Rich., le Pontederia cordata, le Thalia dealbata, le Saccharum officinarum , et le Cyperus Vegetus, qui, originaire de l'Amérique septenlionale, s'est natara- lisé dans ces dernières années , sur les bords de la Gironde , el que nous trouvons ici à côlé de la Vallisneria spiralis, dont les touffes nombreuses entravent par leur profusion la marche des baleaux sur le canal du Languedoc. Telle est la Flore, si nous pouvons employer une expression aussi ambitieuse, de l'aquarium que nous venons aujourd'hui essayer de vous dépeindre. Mais qu'il nous soit permis, avant de donner quelques délails que nous pensons intéressants sur quelques espèces de Nymphæa, qu'il nous soit permis de tracer rapidement la description du bassin, et des moyens employés pour arriver aux résullats que nous indiquons. Le bassin, long d'environ treize mètres sur sept de large, est un parallélogramme à huit faces inégales, au lieu d’être rond comme tous ceux établis jusqu'ici en Angleterre ; il est construit en pierre de taille et ciment romain, et ses bords sont formés de tables d'ar- doise , réunies ensemble par des pièces de cuivre. Au centre sa pro- fondeur est d'un mètre, mais sur tout le pourtour règne une galerie d'environ soixante centimètres de large, et qui ne donne plus qu'une hauteur de trente cinq centimètres. A la partie moyenne et in- férieure du bassin, sont six tuyaux de fonte, d'un diamètre de douze centimètres, el parcourus par une colonne d'eau chaude destinée à élever la température du milieu où doivent vivre les plantes (1). L'eau, apres avoir donné le degré convenable au bassin relombe dans la chaudière, où elle est de nouveau chauffée el renvoyée dans les tuyaux. On doit maintenir l'eau de l'aquarium à une température constante de + 25° à + 26°, bien qu'on ait prétendu qu'il était né- cessaire, pour avoir des résultats avantageux, de ne pas descendre au-dessous de + 28° à + 30°. L'expérience nous a démontré qu'une telle température n'était indiquée, que lorsqu'il se formait une (1) On fait usage du système de chauflage Burbidge and Healy, à chaudière conique. 100 x quantilé considérable de conferves dans le bassin, parce que l'éléva- lion de température empêche la production trop abondante de ces végélaux, terreur de l'horliculteur : on peut du reste obvier à cette végélalion luxurianle, en mellant dans l'aquarium un certain nombre de cyprins dorés, qui conlrebalancent l'action des plantes sur l'eau d'une part, et qui en outre détruisent une grande quantité de ces conferves. En général, il arrive que ces cryptogames, lors- qu'on maintient la température de l'eau entre 4- 25? et + 26, com- mencent à se former, mais ne prennent pas de développement, surlout si on a soin de proporlionner le nombre des poissons à celui des végélaux et à l'élendue du bassin. Il faut avoir soin de maintenir un courant d'eau continu, pour empêcher toute altération , mais il n'est pas nécessaire qu'il soit rapide. Au Muséum on fait usage d'un mélange d'eau de Seine et du canal de l'Oureq, bien qu'on ait recommandé l'emploi exclusif de l'eau de pluie ; pour faire arriver celle eau dans l'aquarium, on élait obligé de pomper au moyen d'ap- pareils assez incommodes; aussi essaya t-on de mêler à l’eau pluviale primilivement employée, d'abord une faible quantité d'eau de Seine, puis une quantité plus considérable et peu à peu on est arrivé à remplacer complétement l'eau de pluie, comme nous l'avons indi- qué, car on s’est aperçu que cela n'avait aucune influence sur les plantes ni sur leur végélation. On avait d'abord pris des terres provenant des îlots de la Seine, pensant, qu'étant bien lavées, elles seraient moins susceptibles de se corrompre dans le bassin ; mais elles étaient beaucoup trop com- pactes pour la Victoria el pour l'Euryale : alors on a employé de la terre normale de Massy (environs de Paris), et on en a reconnu l'avantage: celle terre, très sableuse et très légère, mélangée à une cerlaine quantité de charbon de bois pour l'assainir, a été déposée au fond de l'aquarium ; puis on a mis dessus quelques barres de terre franche, mélangées de silex volumineux, el on a couronné le tout de terre de bruyère, pour favoriser la pousse de la jeune plante. On a observé que les jeunes pieds devaient être plantés au sommet de monli- cules, de telle sorle qu'ils fussent recouverts par neuf centimetres d'eau seulement. Notons que la température de l'air de la serre, doit ètre maintenue entre + 20° et 25°, el que le système employé permet de chauffer à volonté la serre ou le bassin, ou les deux en méme temps. La Victoria regia Lindley, originaire de l'Amerique méridionale, et qui par sa magnificence précipita à genoux Haenke, le contraignant à exprimer son enthousiasme scientifique et religieux par des excla- malions passionnées et des élans d'adoralion vers le Créateur , n'a 101 été plantée que vers le 25 juillet, et cependant déjà elle se fait remarquer par la vigueur de sa végélalion. Ses feuilles ne présen- lent aujourd'hui (25 octobre) pas moins de un mètre quinze ; leur surface presque unie, ou seulement avec quelques légers mamelons arrondis intermédiaires aux nervures, est d'un beau vert éclatant, nuancé de teintes plus claires, disposées suivant le trajel des ner- vures. Au deux extrémilés de la nervure médiane, leur périphérie porte une échancrure, manifeste toujours, mais surtout dans le jeune âge. La page inférieure, rouge violàtre, est épineuse, à épi- nes fortes et droites; elle est parcourue par des nervures, rouge vif, s'anastomosant entre elles pour former des quadrilaléres presque réguliers et qui font une saillie considérable sous le limbe. Lors- qu'elles sont encore jeunes, lorsqu'elles ne font que commencer à se développer, les feuilles sont très crispées et présentent à l'inté- rieur leur face inférieure, de couleur brunátre. Elles sortent de l'eau sous forme d'une masse épineuse, qui bientôt s'ouvre el prend l'apparence d'un de ces sacs, qu'autrefois les femmes portaient sous le nom de ridicule; puis elles s'étalent davantage pour prendre la forme d'une coupe, et en méme temps la teinte brunátre de leur face iuférieure tend à disparaître : la coupe, s'évasant de plus en plus, prend la forme d'une de ces assieltes à bord brusquement re- levé, comme on en voit encore dans les campagnes ; puis les bords eux-mémes se recourbent en dehors et finissent par n'étre plus qu'à peine sensibles. Il ne faut pas plus de sept à huit jours à une feuille pour acquérir un mètre dix de diamètre. Les pélioles d'un brun rougeâtre, armés d'épines nombreuses droites et très fortes, longs de deux à trois mètres, parlent du milieu de belles bractées roses, en général au nombre de quatre, et destinés à protéger les jeunes feuilles. Les pétioles de la Victoria et de l'Euryale, d'abord assez longs seulement pour porter la jeune feuille à la surface de l'eau et un peu au-dessus, ne prennent d’accroissement considérable que quand celle-ci est déjà développée, vers le troisième ou quatrième jour en général, et ce phénomène coincide avec l'apparition d'une nouvelle jeune feuille au dehors des bractées. Les dimensions que peuvent prendre les feuilles de la Victoria sont colossales : un de nous celle année, en a vu au jardin de Kiew el dans l'établissement de Veitch à Chelsea, qui arrivaient à deux mètres dix de diamètre. Et ces dimensions ne sont rien encore auprès de ce qui se présente dans les eaux de sa patrie, puisqu'en 1845 Bridge eu trouva, dans un lac du Yacouma prés de Santa-Anna, qui avaient de trois à quatre metres, et dont le développement était tel qu'il ne pul en charger que deux à la fois dans son canot. 102 La Victoria n'a pas encore fleuri au Muséum, et ne fleurira peut- élre pas cette année (4), parce que les Nymphéacées ont une certaine saison pour effectuer leur végétalion, du mois d'avril à la fin de juillet, époque qui a été passée de beaucoup (cependant la floraison de la Victoria en novembre 1849 dans les serres de Chatsworth nous permet d'espérer encore.) L'influence de l'époque est telle que la plante donnera des fleurs, méme si elle s'est trouvée dans des condi- lions défavorables à sa végélalion, qui l'ont empéchée de prendre tout son développement (2); c'est ainsi que M. Weddell a pu recueillir et sécher pour son herbier un pied de Victoria regia , qui est contenu lout entier, tige, feuilles et fleur dans une feuille de papier (M. Houlet). Les fleurs très odorantes ont un parfum qui rappelle la Tubéreuse; leur épanouissement ne s'effectue que la nuit, pour durer jusqu'à dix ou onze heures du matin : chacune d'elles s'épanouit trois fois, puis s'enfonce sous l'eau pour murir son fruit, comme le font toutes les Nymphéacées. Au premier épanouissement les élamines sont cachées par plusieurs rangs de pétales , et ce n'est que le second soir que l'on peut apercevoir leurs filets pourpres qui supportent des anthères jaunâlres réunies par un conneclif du plus riche carmin. Les pélales, d'un blane de lait à l'extérieur, sont colorées du plus beau pourpre dans les rangs intérieurs et offrent toutes les nuances intermédiaires. Les sépales, soudés à leur base en un tube épineux, ont leur limbe blanc à l'intérieur et d'un rouge carmin très foncé à l'extérieur. Le fruit, gros comme la lêle d'un enfant, müril sous l'eau ses graines féeulentes. A Riew et à Chelsea, nous avons vu des fleurs qui n'avaient pas moins de trente à quarante centimètres, et depuis plusieurs années (1) La Victoria a fleuri, comme nous l'avions espéré, dans le mois de novembre 1854; l'an dernier elle nous a donné ses fleurs en juin et juillet. Depuis l'envoi de cette note à la Société Linnéenne , nous avons reconnu qu'on peut faire vivre la Vietoria pendant plusieurs aunées successives, sans qu'elle perde de sa végétation luxuriante : mais, pour obtenir ce résultat, il est nécessaire , tous les six mois, de buter (sil est permis d'employer cette expression) les pieds comme on le fait pour les pommes de terre. On favorise ainsi le développement de racines adventives qui resteraient latentes. — (Note ajoutée en 1856). (2) Un auteur a indiqué que la Victoria et en général toutes les Nymphéacées paraissent suivre dans leur accroissement l'élévation du soleil sur l'horizon , et qu'une fois que l'époque de végétation est passée , il est impossible avec les moyens artifi- cicls, qui sont au pouvoir des jardimers, d'agir sur leur développement, c'est-à-dire de le hàter ou de le retarder. 103 déjà nous avons pu examiner un modèle admirable en cire, qui fut envoyé d'Angleterre au Banks Francais, à M. Benjamin Delessert. Heureusement tout nous fait espérer que nous pourrons dans un avenir prochain admirer celle reine des eaux dans l'aquarium du Muséum, ainsi que dans un cerlain nombre de serres dirigées par des horticulteurs passionnés. Ха t-on pas vu déjà, en Belgique, un amateur utiliser l'eau chaude d'une usine pour cultiver la Victoria, et obtenir ainsi de beaux résullals. Il nous a été du moins donné de voir fleurir cette année l’Euryale ferox Roxburg, dont les feuilles, au moins aussi développées que celles de la Victoria regia , ont alteint dans l'aquarium, un mètre dix environ de diamètre; el nous avons tout lieu de penser que, si elles n'ont pas pris de dimensions plus con- sidérables, c'est que leur saison de végélation est de beaucoup dépassée. En effet, nous ne voyons plus guere à présent les feuilles acquérir au delà de quarante à cinquante cenlimètres, comme si la plante épuisée n'avait plus la force de fournir à une telle expansion. Trèsépineusessurleurs deux faces, mais surtout àl'inférieure, à épines nombreuses, jaune rougealre , recourbées en hameçon , fortes mais cependant moins que dans la Victoria, les feuilles оп! la page inférieure immédiatement appliquée sur l'eau et teinte d'une couleur violette bien marquée : elle est parcourue par des nervures jaunes verdâtres, anaslomosées entre elles, el pouvant faire une saillie d'environ trois centimètres. Le parenchyme offre des inégalités, in- lermédiaires aux nervures, inégalités qui se faisant sentir sur la face supérieure des feuilles, leur donne l'aspect de ces carles, ou les montagnes sont figurées en relief et les vallées par des dépressions. Le développement des feuilles s'effectue de la méme manière que pour la Victoria; d'abord trés foncées et crispées, elles s'étalent rapi- dement à la surface de l'eau, mais sans jamais montrer de rebord. A l'une des extrémités de la nervure médiane est une échancrure, à l'autre une pointe petite, ce qui donne aux feuilles l'aspect d'un cœur : celle disposilion, et la teinte verte foncée presque noiratre de leur limbe distingue l Euryale immédiatement de la Victoria, dont les feuilles n'offrent jamais qu'une surface lisse el sans inégalités. Les fleurs trés petites, deux à trois centimètres seulement de diamètre, ne s'épanouissent qu'une seule fois et pendant le jour. Du milieu de leurs sépales très épineux, qui leur donnent l'aspect de petits arlichauls brunâtres, sortent des pélales d'une coloration bleue violelte inlense. Les graines, vert-brunes, rappellent par leur forme et leurs dimensions trés minimes celles du Stramonium, et sont ren- fermées dans un fruit extrémement épineux, à épines plus longues que sur tous les autres organes, et qui ne laissent aucun doule sur 10% la cause qui fil imposer à notre plante par les botanistes le nom d'Euryale féroce, Euryale ferox. Porlées sur un péliole qui peat acquérir jusqu'à deux mètres de longueur, les feuilles du Nymphæa dentata Thon. et Schum, se rap- prochent beaucoup de celles de nos espèces indigènes, mais leur bord a des dentelures assez prononcées, et si leur page supérieure est verl clair, les nervures trés marquées et la teinte verte violacée de la face inférieure tendrait plutót à les réunir aux Victoria et aux Euryale : elles n'offrent pas plus de vingt-cinq ceatimètres de diamètre. Les fleurs aux sépales verts et doublés de blanc, aux pélales blancs , en général disposés sur quatre rangs, aux élamines à filets carminés, sont portés sur un pédoncule rouge brun, d'environ vingt centimètres. Comme la Victoria elles ne s’ouvrent que trois fois, le soir entre sept et huit heures, pour se refermer le lendemain vers dix el onze heures, et exhalent pendant que leur pélales sont élalés, une odeur faible et suave de jacinthe mélée de tubéreuse. Nolons que le premier épanouissement est toujours incomplet, les élamines restent cachées par un ou plusieurs rangs de pièces corollaires , еі que le troisième se fait presque à la surface de l'eau. Auprès du Nymphea dentata, nous devons citer le Nymphea Lotus L.? dont les fleurs offrent avec lui les ressemblances les plus grandes, el permettraient facilement à un observateur inaltenlif de les con- fondre, mais qui s'en distinguent par la coloralion rose des sépales, el celle moins prononcée du rang le plus extérieur des pélales. Si nous trouvons de grandes analogies entre le Nymphea Lotus et le Nymphea dentata, il en existe encore de trés marquées avec le Nymphea Ortjiesiano-rubra Planch., qui selon toutes probabilités est un hybride des Nymphea dentata et rubra. En effet la forme et les dimensions de ces fleurs el de ces feuilles permettent de le rappro- cher du Nymphea dentata, mais la teinte rouge lilacée de ses pélales, l'échancrure plus prononcée de ses feuilles, leur couleur brouzée à la page supérieure, cuivreuse à la page inférieure, ne permellent pas l'erreur. Ici encore les pélioles s'allongent et alleignent jusqu'à deux mètres, les feuilles ont les nervures saillantes, mais de même que les fleurs, leurs dimensions sont plus grandes. L'épanouisse- ment noclurne se répèle trois fois et chaque jour les pédoncules, longs d'environ trente centimètres, s'inclinenl davantage vers la surface de l'eau, pour mürir au-dessous le fruit alors que la fécon- dalion sera opérée. Les sépales verls, bronzés à leur face externe, parcourus par des veines longiludinales, translucides et rosatres, entourent des pélales 105 inodores, d'un rouge lilacé vif el pur : les anthères sont réunis par un connectif carminé sur des filets rose purpurin. Parmi les Nymphea à fleurs bleues, deux espèces semblent très voisines et offrent de certaines difficultés à être distinguées, nous voulons parler des Nymphea caerulea, Sevigny, et Dentifolia , D C., le premier originaire des eaux du Nil, l'autre de l'Afrique Australe. Des dimensions plus petites dans les feuilles et les fleurs, sont le caractère le plus saillant qui. pour nous, sépare ces deux espèces. Car, si nous trouvons sur le calice du Nymphæa caerulea de fines marbrures noires, nous ne devons pas oublier l'observation faite par M. Raffeneau-Delile , auquel on doit des essais d'acclimalalion , en France, d'un grand nombre de plantes, d'Égypte principalement. Toujours en Égypte (1), le calice du Nymphea cerulea est tacheté de noir, mais des rhizómes, cullivés.au jardin de Montpellier, ont donné, la première année seulement, des fleurs à sépales ainsi marbrés; depuis ils ont fleuri avec des calices verts, uniformes, sans aucune tache. Comme nous n'avons pu observer que des pieds cultivés depuis plusieurs années peut-être, loin de leur pays natal, nous ne pouvons décider si nous avons réellement deux espèces ou une seule, dont un pied aurait déjà été modifié par la culture, et l'autre ne le serait pas encore. Nous nous contenterons de décrire ce que nous avons observé sur le Nymphaa scutifolia , D C., qui ne différait sensiblement du Nymphea cerulea que par l'absence des marbrures el des dimensions plus considérables. Ses feuilles, dont la forme générale rappelle celles de notre lys des eaux, ont en- viron 20 centimètres de diamètre et sont irrégulièrement dentelées, comme mordillées : d'un vert clair à leur face supérieure, elles sont jaunes brunâtres au dessous. Les fleurs trés odorantes à parfum mixte de lilas et de jacinthe, ont environ 20 centimètres et sont por- tées au-dessus de l’eau par un pédoncule rougeâlre de 35 cenli- metres. Leur épanouissement qui commence à onze heures du malin pour se terminer vers cinq à six heures, laisse voir les pétales, bleu clair, rarement disposés sur plus de deux rangs, enfermés dans un verlicille de sépales verls foncés, mais blancs à l'inlérieur, et formant une collerette autour d'élamines nombreuses à filets jau- natres et portant les anthères sur un connectif bleu céleste. La Nymphaea stellata, Willd., originaire de l'Asie tropicale, a des feuilles d'environ 10 centimètres de diamètre, ondulées sur les bords, d'une couleur verle foncée à leur page supérieure, verle cuivreuse (1) Ralfeneau-Delile, essai @acelim., Bull. de la Soc. d'expér. de l'Hérault, oct. et nov. 1836, p. 207. 106 à leur page inférieure, qui offre çà et là de pelits points violacés. Ses fleurs, portées au-dessus de l'eau par un pédoncule rougeâtre d'environ 20 centimetres, s'ouvrent pendant le jour pour se refermer le soir, et exhalent pendant toute la durée de leur épanouissement une odeur parfumée de jacinthe. Leurs dimensions sont d'environ 10 centimètres de diamètre; leurs sépales, verts à l'intérieur, sont blanchâtres à leur face interne; les pélales, d'un bleu très clair à la base, prennent une légère teinte violacée à leur pointe; les filets, jaunes safranés, portent de larges anthères réunis par un conneclif d'un beau bleu foncé. La premiere fleur qui s'est développée sur le pied, soumise à nolre observalion, a présenlé une anomalie assez remarquable : les pre- mières pièces de l'enveloppe florale se trouvaient séparées des sui- vantes par un prolongement anormal de l'axe, long d'environ 7 à 8 centimètres. Les premières pièces florales des sépales, au nombre de cinq, ainsi séparées, porlaient seules des traces de coloration en vert pur par la chlorophylle, tandis que les autres pièces élaient loutes colorées en un bleu tendre parfait. Leur longueur ct leur épaisseur plus considérables les rapprochaient davantage de la struc- ture des organes foliacés normaux, et on observail que ces sépales élaient d'autant plus délicats, qu'ils offraient d'autant plus d'analogie de structure avec les pélales, qu'ils étaient plus intérieurs. Laxe, dont l'élongalion anormale avail ainsi séparé les premières pièces florales des suivantes, portait des cóles ou cannelures, au nombre de cinq, dont trois beaucoup plus marquées, qui correspon- daient à chacune des pièces corollaires externes el supérieures ; elles semblaient être leur prolongement, et avoir élé entrainées avec l'axe, sans pouvoir s'en détacher. Ces cannelures élaient allernes avec les pièces calicinales, développées avant l'élongation de l'axe. Les autres parties de la fleur ne présentaient rien d'anormal. Nous pouvons remarquer, du reste, que rien n'est plus fréquent que de voir les premières fleurs des Nymphéacées offrir quelques anomalies, surtout lorsque les plantes sont encore peu avancées en âge. Au milieu de presque toutes les feuilles du Nymphea stellata, c'est-à-dire au point où les fibres constitutives du péliole se sépa- rent, et divergent en tous sens dans le limbe, nous avons trouvé un développement anormal de bourgeons adventifs, analogues à ceux qui, dans cerlains cas, se produisent par l'influence du froissement ou de l'humidité. Peut-être est-ce à celle dernière cause qu'il faut rapporter le fail tératologique dont nous avons l'honneur de vous entretenir; car, malgré les soins minulieux et extrêmes que pren- nent les jardiniers de maintenir les plantes confiées à leur soin, 107 dans le plus grand état de nellelé, presque toujours il s'amasse, au point d'épanouissement des fibres, un peu de limon humide, qui est retenu par une sorte de dépression de la feuille, et qui peut agir ici de méme que dans l'opération du marcottage l'humidité de la terre enveloppante sur la branche. Cependant, ce n'est qu'avec doute que nous émettons celle opinion, car, à côté méme de ce Nymphaa , se trouvent d'autres espèces (Nymphea dentata et thermalis), dont les feuilles présentent les mémes disposilions, sans offrir toutefois le méme phénomène tératologique. D'abord il se fait une sorte de petit bourrelet de filaments non bifurqués, qui, examinés avec un verre grossissanl , nous ont offert Paspect de conferves. Ces filaments sont composés de cellules très allongées, placées bout à bout, et ne renfermant rien dans leur in- lérieur, si ce n’est quelquefois des granules amorphes et jaunes brunálres. En écartant ces filaments, nous avons trouvé un petit corps central arrondi, plus ou moins aplati sur son sommet, et pre- nant naissance sur le limbe, à sa partie médiane, au point méme où le pétiole s'y réunit. En observant au microscope une tranche mince et perpendiculaire de ce pelit corps, nous avons vu qu'il élait formé d'un tissu làche de cellules arrondies, remplies de granules incolores el amorphes. Ces cellules renferment une proporlion beaucoup plus considérable de granules vers la périphérie du bourgeon que vers le cenlre. Nous n'avons pu découvrir trace d'organes, cependant il nous a semblé que quelques faisceaux fibreux du pétiole tendaient à s'infléchir pour pénétrer dans l'intérieur de celle masse cellulaire. En prenant un de ces bourgeons plus développé, nous y avons aperçu quelques faisceaux fibreux qui commencaient à se former, et à la partie supérieure, de pelils mamelons proéminents, consti- tués exclusivement par du tissu cellulaire et vers lesquels semblait se diriger le faisceau fibreux. Ce sont là les rudiments de petites feuilles qui se développent assez rapidement et donnent ainsi nais- sance à une pelile plante fixée sur un limbe foliacé. Au moment où elles commencent à être bien nettement visibles, le pelit corps arrondi qui les supporte s'est allongé pour former une tige el émet, par sa base, quelques filaments radiculaires. Les pelites feuilles sont à préfoliation convolulive, c'est-à-dire que les pièces du limbe sont entourées parallèlement à la nervure médiane de facon à se rappro- eher l'une de l'autre et à mettre le dessous de la feuille à l'extérieur. Elles offrent d'abord la forme et la figure des premières feuilles qui se développent par germination du Nymphea stellata, puis elles chan- genl un peu pour se rapprocher de la forme des feuilles normales de la plante adulte. En méme temps que le pelit bourgeon s'est ainsi 108 accru, le limbe qui l'a formé et lui a donné naissance se flétrit et se décompose : aussi avons-nous trouvé, flottant dans l'eau, de pelits pieds qui sans doule auraient continué à prospérer, si on les eût mis dans des conditions favorables à leur développement: c'est du reste ce que nous comptons vérifier plus tard, et tout nous fail espé- rer que nous verrons nos prévisions confirmées, surtout quand nous nous rappelons l'observalion faite par Picard (1), sur le Nasturtium officinale : сі cet observateur a remarqué que le cresson se mulliplie par un phénomène analogue à celui que nous avons observé dans le Nympha stellata, plus souvent que par la germination des graines, comme on aurait pu le croire. Nous pensons devoir arrêter ici les observations que nous avons eu lieu de faire sur Г Aquarium du Jardin des Plantes, et remettre à une époque plus reculée l'exposilion de divers phénoménes qui méritent de fixer l'altention de la Société. Trop heureux serons- nous, si aujourd'hui nous n'avons pas abusé de sa patience et si nous n'avons rempli pour elle Pocula letheos ducentia somnos. Louis NEUMANN ET J.-L. SOUBEIRAN. (1) Note sur la reprod. anorm. des plantes. Bullet. de la Soc. Linn. du nord de la France, p. 194, 1840. Nymphea Stellata Figure | Fleur anormale de Nympheea stellata . A. Pedoncule de la fleur B. Pieces calicinales C. Elongation de l'entre-neud ou mérithalle , intermediaire au calice et a la corolle, on voit les traces des côtes qu sont le prolongement des petales exterieurs D. Pétales Figurell Fragment de feuille avec bourgeon adventif encore peu developpe Figure Ill Poul portant un bourgeon plus developpe. ДУ Figure WV Petit bourSeon séparé de la feuille mère et trouvé flottant dans l'eau Lith Comer of Lachese du bourgeon Nymphæa Stellata fibreux dans linteneur N i" x К e | ae a 4 ve „А 3 & . " T OTEC SUR LE STERNE MOUSTAC STERNA LEUCOPAREIA. Messieurs, Le 1° juillet 1855, étant à la recherche des oiseaux de rivage, Japereus sur la Maine, vis-à-vis le baignoir de la Blancheraie, plu- sieurs Slernes, que je pris d'abord pour le Sterna Minuta; mon erreur fut bientôt dissipée lorsque j'entendis le cri de ces oiseaux, mais ce qui me frappa le plus encore, c'était la quantité considérable de ces Sternes qui s'étaient aballus sur la prairie de la Baumelte, alors submergée, où ils étaient trés-occupés, comme je pus m'en convaincre, à manger des larves d'insecles aquatiques dont ils se nourrissent spécialement. A mon approche, toute la bande ailée prit la volée, je fus assez heureux de tuer trois de ces jolis oiseaux ; en les ramassant, j'avais cru reconnaitre le Sterna Artica; nouvelle déceplion! Je dois le dire, je suis resté dans une espèce d'incerlitude jusqu'au moment où notre savant collègue, M. l'abbé Vincelot, vint me faire une visile. Je m'empressai de lui montrer les oiseaux que j'avais préparés el apres les avoir bien examinés, il me dit qu'il n'était pas de mon avis. Peu de jours apres celle visite, je reçus de M. Vincelol, une aimable lettre dans laquelle il me faisait part de ses judicieuses re- 110 cherches; alors je reconnus, comme il paraissait le croire lui-même, le Sterna Leucopareia , espèce nouvelle pour notre département. C'est cette heureuse découverte qui m'a engagé, Messieurs, à vous rendre compte aujourd'hui et en méme temps à vous donner, d'après Temminck, la description de ces oiseaux en plumage de noces. « Un capuchon d'un noir profond couvre la lête, engage la région » des yeux el se prolonge sur la nuque; du blanc pur forme au- » dessous des yeux une large moustache qui vient recouvrir l'orifice > des oreilles; gorge d'un blanc cendré qui se nuance par demi- » teinte en ceudré pur sur la poitrine, et en cendré noirâtre sur le » ventre el sur les flancs; toutes les parlies supérieures, les ailes et »la queue d'une seule nuance de cendré foncé; couverture in- » lérieure des ailes el couverture du dessous de la queue d'un blanc » pur; bec et pieds d'un rouge vif, doigt du milieu avec l'ongle » beaucoup plus long que le tarse; queue trés peu fourchue; les » ailes s'élendent de un demi pouce au delà de son extrémité. » Remarque. — Cette espèce est nouvelle; elle a élé découverte par > M. Natterer de Vienne, dans une des parties méridionales de la » Hongrie; je l'ai aussi trouvée dans les marais prés de Capo d'Istria » et sur les cótes de Dalmatie. M. de la Molte d'Abbeville vil une » seule fois quelques individus dans un marais sur les cótes de » Picardie, el en tua trois. » Enfin M. Temminck termine ainsi : « Assez commun dans les grands marais des parlies orientales du » Midi de l'Europe; l'apparition de ces oiseaux sur les côtes de l'Océan » me parail accidentelle. » Deux années auparavant j'avais déniché dans les marais de la Baumelte, au milieu de nids du Sterne épouvantail, deux œufs qui m'étaienl complétement inconnus; mais M. l'abbé Vincelot possédant une nombreuse collection oologique, et, dans ce cas, plus à méme que personne de pouvoir nous fournir des documents précieux , serait tenté de croire que ces œufs appartiendraient à ce méme oiseau (Sterna Leucopareia), qui, présume-t-il, aurait bien pu nicher dans ce marais, puisque la ressemblance est identique à ceux qu'il possède, ce qui prouve maintenant que cet oiseau a eu son passage dans notre département et dans les mêmes lieux. Tels sont, Messieurs, les observalions que j'avais à vous soumettre dans l'intérêt de la faune. F. BLAIN. Angers, le 20 février 1856. ORFILA. VERS COMPOSÉS LÉ LENDEMAIN DE LA MORT DE L'ILLUSTRE DOYEN. Ainsi l'instinct caché dans la nature entière Marit pour l'immortalité. La perle au fond des mers, l'or au sein de la pierre, Le diamant dans l'ombre où languit sa lumière, La gloire dans l'obscurité ! La gloire , oiseau divin, phénix né de lui-même, Qui vient tous les cent ans, nouveau, Se poser sur la terre et sur un nom qu'il aime Et qu'on y voit mourir ainsi que son embléme Et dont nul ne sait le berceau ! LAMARTINE. Hier, hier encor, si l’on eût dil : « Cet homme » Plein d'âme, de vigueur, de force et de santé, » Que jamais sans orgueil la science ne nomme, > Dans le monde aussi grand que dans la Faculté ; = » Ce front dont la beauté jaillit de son génie, » Ce regard à la fois majestueux et doux, » Ce cœur encor gonflé de puissance el de vie » Vont s'éteindre demain... > Qui Petit pensé de nous? 412 Qui n’etit pas repoussé comme un lâche blasphéme , Ce redoulable accent qui nous révolle encor ; Elle-même, en dépit de celle voix suprême Ta lèvre, ô grand doyen, se fût ri de la mort. Et le voilà qui tombe ; il semble que la foudre L’ait frappé dans sa gloire; il tombe, il n’est plus là : Un corps que le néant d’un mot réduit en poudre, C’est tout en ce moment ce qui fut Orfila ! En vain tu reviendras, jeunesse de l'École, Vers cette chaire en deuil pour l'entendre et le voir; A ses fils sa brillante et féconde parole Ne dispensera plus la manne du savoir. La chaire est vide, hélas! et le poste est immense: Qui viendra l'occuper? quel homme et quelle voix Viendront combler ce vide et rompre ce silence? Quelle autre majesté vous diclera ses lois? Quel autre souverain, car ce siége est un trône : Un roi tient le pouvoir de la force ou du sang; Le génie en tout temps de ses mains se couronne Et fait du plus petit parfois le plus puissant. De lauriers immortels tout en couvrant leurs tétes Des héros le destin borne l'ambition , Mais Dieu lui préparail d'incessantes conquéles Dans l'empire oit régnait son érudilion. Qui de nous l'eüt pensé, quand la mort elle-méme Lui laissait dérober sa trace et ses secrets Et sous son doigt vengeur quand le crime au teint bléme Sentait tomber tremblant le masque de ses traits? Qui de nous l'eût prévu quand il ornait la France Des splendides trésors de ses colleclions, Adoré de son siècle et songeant à l'avance Aux besoins à venir des générations ? 113 Quand sa raison sévère el sa grave éloquence A la source du vrai remontaient chaque jour, Quand son âme, à travers l'éternelle science Entrevoyait les feux de l'éternel amour ; Dans ses loisirs du soir quand sa noble pensée Des muses qu'il aimait favorisait l'essor, Quand des arts sa maison devenait l'Élysée Où sa charmante voix hier vibrait encor ; Quand son cœur... mais, ici que pourrions-nous apprendre Des bienfaits dont hier il comblail ce pays , De crainte que la mort ne vint à Je surprendre , Pour en jouir lui-méme?..... Et la mort l'a permis. Et puis le lendemain, ó grand homme, ó grand maitre, Comme s'il lui tardait de l'enlever aux cieux , Sur ton seuil éploré tu la vis apparaître Pour délier ton àme et clore tes beaux yeux. De ses dotalions nous savons tous le nombre, Qui le sait mieux surlout que les fils d’Orfila ? Mais le fiel, mais les pleurs qu'il essuya dans l'ombre, Le bien qu'il a caché, Dieu seul nous le dira ! L’infortune, les arts, l'Europe et la science De stériles regrets longtemps se flélriront , Mais son âme a déjà recu sa récompense : Des lauriers toujours verts vont ombrager son front. A son intelligence ardente et magnifique Un empire sans borne aujourd'hui va s'ouvrir, Son chant va retrouver son éclat séraphique : Tout va renaitre en lui pour ne plus se flétrir. On n'a point vu du moins vaciller et s'éteindre Cette vive lumière et ce brillant esprit Et sous la main du temps chaque jour se restreindre Sa pensée épuisée en son corps décrépit. 114 Et sur le seuil ouvert déjà de l’autre vie, Pour paraître, au départ, il ne lui manque rien. Eloquence, pouvoir, amour, vertu, génie, Il sut tout abriter sous la foi du chrétien ! Ainsi grandit chez nous cet enfant de l'Espagne Pauvre et nud dans nos champs descendu des Sierras. Tel 'humble voyageur qu'une étoile accompagne Sur de nouveaux sommets pour éclairer ses pas. Portons sans désespoir le deuil qui nous dévore : Qui sait si l'un de nous ne le verra demain? Heureux qui le connut et plus heureux encore L'hóte aimé dont la main a pu serrer sa main. PAUL BELLEUVRE. OBSERVATIONS SUR LES ARMES ET LES CAMPEMENS DES PREMIERS HABITANTS DE NOS CONTREES. L'étude des événements qui se sont passés loin de nous a de tout temps excilé la curiosité de l'homme observateur, et plus les faits ont semblé difficiles à reconnaître, plus l'imagination а fail d'efforts pour s'en rendre comple. On peut classer parmi ces faits, les mœurs el les habitudes des races humaines qui ont précédé la civilisation dans notre pays, et dont les traces se retrouvent encore, malgré le long espace de temps qui s'est passé depuis celte époque jusqu'à nos jours. Pendant longtemps les dolmens, les pierres levées, etc., ont élé les seuls témoins apparents de leur passage sur notre terre ; monuments gigantesques, souvent incompréhensibles, qui nous sont restés comme preuve de ce que peut la volonté de l'homme, sans l'aide des moyens qu'a pu lui apporter la civilisation. Un exa- men plus approfondi a fait découvrir souvent méme, au milieu de ces monuments, les armes dont se servaient ces populalions ; armes simples comme les habitudes et les besoins de ceux qui en faisaient 116 usage. Qu’a dû faire l'homme abandonné sur celte terre, sans moyens naturels d'attaque et de défense? Regardant autour de lui, il a dà ramasser une pierre, une branche d'arbre, et ayant seul parmi les élres créés, la faculté de combiner deux idées, il a réuni la pierre à la branche et en a fait sa première arme; arme d'instinct si l'on peut dire, car elle se trouve répandue sur toute la terre, sur tous les points que l'homme a habités primitivement. Des os longs et effilés, des denls de sangliers emmanchées dans d'autres portions d'os, des morceaux de bois de cerf, des pierres taillées en coin par un frotte- ment prolongé, de longs éclats de silex. d'autres morceaux taillés avec un soin remarquable en forme de bout de fléche, mais placés à l'extrémilé d'une poignée en bois, pour frapper et percer, sont les premiers objets dont il se soit servi et qui lui suffisaient. La vie sau- vage a peu d'exigence, et les hommes de celle époque devaient beaucoup ressembler à ceux qui, de nos jours, vivent encore dans le méme état. Je n'ai pas eutendu dire qu'on ail jusqu'à ce moment observé, chez nous, les lieux qu'ils avaient pu chosir comme points de réu- nion, ou comme campements. Le simple raisonnement doit les faire placer prés des endroits oü ils trouvaient plus facilement les moyens de vivre; le bord des rivières el la lisière des foréls, qui n'étaient pas rares à celle époque, devaient donc leur convenir de préférence. H y a plusieurs années, un de mes amis, propriétaire dans la com- mune de Saint-Lambert-des-Levées, me prévint que dans un champ qu'il faisait défricher, il y avait plusieurs points où la terre élait noire et comme brülée. Ce champ, qui fait partie de la ferme de la Pelouse, se trouve placé sur un léger monticule, ou plutôt sur une ondulation du sol, assez élevée cependant pour étre à l'abri des inondations de la Loire, qui n'élaut pas relenue par les digues qui lui servent aujourd'hui de limite, pouvait se répandre dans tout l'espace formant aujourd'hui la vallée. De légères fouilles eurent bientót mis à découvert le sol primilif, et il fut facile de re- connaitre la place de plusieurs foyers. Nous pûmes en compter vingl-cinq à trente réunis dans un espace assez restreint, chacun n'élant éloigné de l’autre que de quelques mètres. Chaque empla- cement, large d'environ soixante-dix à quatre-vingt centimètres, était entouré de grosses pierres rangées en cercle et encore noircies par le feu. On pouvait encore distinguer, mêlés dans la terre envi- ronnante, un grand nombre d'éclats de silex blond, étranger au sol, el qui étaient évidemment le produit des armes qu'ils avaient fabri- quées dans ce lieu de repos. П n'y avait donc aucun doute que là ARMES EN OS. P 117 avail existé un campement. Le lieu était merveilleusement choisi, car poisson et gibier devaient abonder autour d'eux. La commune de Saint-Cyr-en-Bourg, est presque entièrement placée sur un pelit embranchement de coteau qui prend naissance à l’est, près la lisière de la forêt de Fontevrault, et va, en s'élevant insensiblement pendant l'espace d'environ deux kilomètres en se dirigeant à l'ouest, se terminer au hameau de Saumoussay; là finit d'une manière abruple le coleau, pour laisser couler le Thouet à ses pieds. Sur la partie sud de ce coteau, dans le cauton appelé les Roches, près le pont de Saint-Just, qui traverse la Dive, le tuffeau qui forme ce coleau, se trouve dans sa parlie supérieure coupé droit, sur une élévalion.d'à peu prés six ou sept mèlres, puis au-dessous une pente douce descend jusqu'aux prairies de la Dive. Dans cette partie droite on voit creusées dans le tuffeau vingt et quelques cases placées pres et à la suite les unes des autres, dont l'entrée demi-circulaire peut avoir deux à trois mètres d'élévalion, autant de largeur dans le bas et terminées intérieurement en forme de four. Ce sont évidemment d'anciens logements primilifs. Ce qui peut servir ale prouver, c'est que ces mémes formes de cases se relrouvent à l'extrémilé du co- leau, au hameau de Saumoussay et que le sommet du coleau, cou- pé à pic, comme je l'ai fait observer, est couronné par un tumulus ou plutót un galgal (1) exactement placé comme ceux qu'on ob- serve en Bretagne, dans l'ile de Gavrr-innis, ou les autres iles voi- sines. Il est évident que ces cases ont dû servir d'abri aux peuplades de ces contrées : leur position prés de la Dive et du Thouet, le voi- sinage des prairies et des forêts, tout contribuait à réunir sur ce point tout ce qui devenait de première nécessité pour elle. Espérons que de nouvelles observations feront trouver de nou- veaux faits, et que leur réunion formera un ensemble qui pour a faire connaitre la manière d'être des premiers habitants de nolre pays. Les monuments de cette époque ne nous font pas défaut, et un examen attentif en fera encore rencontrer d'aulres. Nous avons dans le dolmen de Bagneux, le plus grand et le plus beau dolmen connu : le bois de Possé renferme un galgal formé de blocs de gres énormes, et placé entre deux dolmen, réunion qui est unique, chez nous au moins. On pourrait encore retrouver les restes d'allées do pierres, bien moins considérables, mais semblables à celles de Car- nac ou d'Ardeven. Les tumulus sont également nombreux dans nos environs, et les énormes élévalions de sable des Monteaux, commune (1) Une partie des pierres vient d’être employée à macadamiser une route nou- velle, de Saumoussay à Chacé. 118 de Vivy, si peu connues etsi remarquables, ne sont peut-être qu'une suile de tumulus de ces temps reculés : des fouilles faites avec soin pourraient seules nous éclairer. П est un autre fait qu'il est peut-être bon de consigner ici. Dans une exploitation de grès, au bois Brard, près Saumur, on décou- vrit un dolmen souterrain, rempli en grande partie d'ossements humains et d'ossements d'animaux. (On dit qu'à la mort d'un chef, on sacrifiait tout ce qui lui avait appartenu). Il fut presqu’enliére- ment détruit, pour avoir les pierres qui le composaient, et lorsque nous fümes prévenus, à peine restait-il un mètre cube de terre qui n'avait pas été bouleversée. Fouillant avec altention ce qui reslait, nous trouvàmes la parlie supérieure d'un squelette humain. Autour de la tête encore assez bien conservée, se trouvaient plusieurs des armes en os et ensilex dont j'ai parlé, et dans la bouche une grande poignée d'éclats de silex, dont plusieurs étaient ébauchés pour for- mer ces pointes en forme de fer de flèche. Ces hommes simples avaient donc eux aussi l'espoir d'une vie meilleure et croyaient né- cessaire d’emporter avec eux leurs armes dans le pays du grand es- prit. Rapprochement remarquable avec les idées des hommes qui vivent encore de nos jours à l'état sauvage. Plus tard, les Celtes sont venus se mêler à ces races primitives et leur apporter les premiers degrés de civilisation en changeant en bronze les armes grossiéres dont ils se servaient, mais en en conser- vant souvent les formes. COURTILLER. Saumur, janvier 1855. UNE HERBORISATION INTRA - MUROS. Il y a dans le Voyage sentimental de Sterne, un pauvre sansonnet qui dit à chaque instant : Je ne peux pas sortir! et ce cri, si bien en situation, fait mal à entendre , tant il semble naturel au captif qui se heurte contre les barreaux de sa cage. Un certain personnage comique qui se trouve dans une circonstance embarrassante, s'écrie : Je voudrais bien m'en aller! et le talent de l'acteur et la manière dont il la dit, ont rendu cette phrase presque proverbiale. Hélas, l'artiste et l'oiseau sont des types dont la copie n’est pas rare; le médecin, comme eux, redit souvent je ne peux pas sortir ! je voudrais bien m'en aller! Mais la douce liberté lui est refusée, il doit son temps, ses soins au public, et quand celui-ci veut bien l'honorer d'un peu de con- fiance, c'est aux dépens de ses plaisirs les plus doux. Les projels de voyage les mieux combinés avortent au moment où l'heure du départ allait sonner; le passeport devient inutile ; la petite malle si ingénieusement construite, est remise au garde-meuble, et le pri- sonnier, bien que prisonnier sur parole, regarde en soupirant , les nuages qui roulent librement dans l'air et s'en vont vers les lieux qu'il voulait visiter. Si par hazard ce médecin joint à son goüt pour les voyages, un autre goût non moins vif, une pelite passion méme, une élincelle de ce feu secret qui brûle lentement, mais sans cesse, une goutte 120 de ce ferment divin qui réagit sur le sang et les nerfs, qui réchauffe le cerveau et fait battre le cœur, oh! alors, celte réclusion devient un supplice, à moins toutefois que la susdite passion comprimée ne rencontre une soupape de sûrelé, un moyen de se satisfaire, et l'on peut toujours s'en rapporter aux gens passionnés pour trouver un moyen d'arriver à ce but essentiel, Or, à ne vous rien dissimuler, c'est un peu là mon histoire, j'aime les promenades lointaines, au travers d'un pays nouveau, j'aime à courir le monde, à regarder pour savoir, à étudier pour connaître, el au milieu de cette fête de tous les sens, de ces émotions qui se renouvellent toujours, il n'en est guère de plus vives, de plus char- mantes que celles qui se rattachent à la botanique. Tout comme un autre j'ai monté au Capitole, et le monument éternel m'a laissé pour souvenir une petite labiée, un nepela rabougri qui croissait au pied de la statue dorée de Marc Auréle; j'ai gravi la roche Tarpéienne et un joli medicago, au fruit en spirale denticulée, me rappelle en- core aujourd'hui ces hauteurs poétiques ; une arthémisia sur le Vé- suve, un crambe au Lido, une petite fougère à Bude, telles sont mes richesses, mes dépouilles opimes ; mon herbier renferme les élé- ments d'une mnémonique singulière et je me trouve heureux de grossir de temps en temps ce trésor de souvenirs et de joies. Mais l'année 1855 n'a pas eu pour moi son printemps habituel. L'exposition universelle appelant tout le monde à Paris, a créé des devoirs impérieux aux médecins, ou du moins à quelques-uns; j'ai dû rester à mon poste, el j'en aurais gémi si je n'avais pu donner le change à mes instincls; je me suis rappelé le conseil de Mahomet ; la montagne ne vient pasà nous, allons vers la montagne, et j'en ai profilé à ce point que ne pouvant aller au loin en quéle de la bola- nique, j'ai laissé la botanique venir à moi, j'ai herborisé à domicile, tirant ainsi le meilleur parli possible de circonstances tout excep- lionnelles. Paris, persoune ne s'en étonnera, renferme un grand nombre d'a- mateurs de plantes, les quinze cents membres dela Sociélé impériale d'horticulture en sont une preuve péremploire, mais ce qui ne pa- railra pas moins naturel, c'est que parmi ces amateurs, on trouve toutes les variétés de cette passion horticole. Les jardiniers-fleuristes les plus en vogue, en savent long sur les goûts singuliers de ces Messieurs, sur les objets de leur prédilection ; celui-ci ne veut que des plantes à bulbes, celui-là n'aime que les fougères ; un autre adore les cactées, un autre ne cullive que les arbustes dociles à la taille pilloresque ; il en est pour qui les espèces alpines ont seules quel- que prix, tandis que d'autres sont passionnés pour les plantes aqua- 121 tiques; à défaut de la Victoria et du nelumbium ils soignent le lotus du Nil, le neptunia du Sénégal; enfin il en est qui préfèrent les orchi- dées exoliques. Dans celle variété infinie de goûts, il y a ample ma- liere à étude, et celui qui, comme moi, veut chercher pâlure à ses appétits, rencontre bientôt le champ où il peut moissonner. J'ai dans mon voisinage plusieurs jardins où l'on peut herboriser avec fruil. Celui de la faculté de médecine est riche en espèces qui me plaisent, par exemple en orchidées de pleine terre, el puisque ce nom s'est trouvé sous ma plume, il faut bien que je fasse un aveu. Les orchidées sont l’objet de toutes mes sympathies, je les cherche partout, je les poursuis sans cesse, je connais tous les ama- leurs qui en possédent, je les étudie, je les dessine sur le vivant et déjà plus de huit cents figures qui ont du moins le mérite de l'exac- litude, forment une collection qui s'accroît tous les jours. La privation de vacances a tourné au profit de mes études favo- riles, j'ai vu au jardin des Champs-Elysées une masse d'orchidées exoliques venant des serres de M. Pescatore, de M. Guibert, de MM. Thibault et Ketleer, Chantin, Lhomme, Legay, etc., c'est par centaines qu'il faut compter les échantillons des plus rares espèces, des plus belles, des plus singulières. J'ai recueilli des trésors, mais je ne pourrais vous les raconter ici, ce travail appartient à la Société impériale d'horliculture ; mais il vous reviendra, je vous le pro- mels. En attendant je veux seulement vous parler des orchi- dées indigènes, de celles que cultivent avec tant de succès un bon nombre d'amateurs parisiens, en tète desquels il faut placer MM. Boisduval, Lhomme, Rouillard, Pelé et Boutard. J'ai véritable- ment herborisé chez chacun d'eux, mais tout ce qu'ilsont élevé avec lant de soin a figuré dans le local de l'exposition permaaente d'hor- liculture ; ces belles espèces, couvertes de fleurs, me rappelaieut les échantillons récollés dans nos promenades de Montmorency, de Saint-Germain, de Fontainebleau et de Nemours. J’admirais ces pro- duils d'une culture patiente et laborieuse, je rendais graces aux hommes qui savent transporter dans leurs jardins ces végétaux si longtemps rebelles à l'action du jardinier et j'étais enchanté de pou- voir étudier tout à mon aise des plantes qu'une heureuse circons- lance avail réunies sous ma main. L'Exposition universelle de 1855 n'a pas été une gloire seulement pour les industriels, pour les artistes; les sciences naturelles y ont joué un rôle important, et la botanique peul revendiquer une belle place parmi celles que la reconnaissance publique a consacrées aux choses les plus utiles à l'humanité. Des hommes parfaitement com- pétents ont pris à tâche d'exposer les produils fournis par le règne 199 an végétal ; M. le professeur Parlatore, de Florence, a signalé des bois nouveaux, des racines médicamenteuses ou industrielles, des gom- mes, des resines, une foule de substances réservées à de grands succès. M. le comte Jaubert a publié des notes fort détaillées sur une foule d'objets de méme nature, et nul doute que nous ne possé- dions bientôt des documents d'un haut intérêt sur toutes les subs- tances végélales qui ont figuré dans le palais de l'Exposition. Il ne m'apparlient pas d'effleurer un sujet qui sera trailé à fond par des savants éprouvés, une tâche plus facile convient mieux à ma faiblesse, je laisse les hauteurs de la science pour le terre à terre d'un jardin, les produits de l'Inde, de la Nouvelle-Hollande, de la Calédonie, de Taiti et tant d'autres régions lointaines pour la flore de nos environs; et bien qu'il fût aisé de trouver dans le jardin de l'exposilion permanente de la Société impériale d'horticulture, des plantes appartenant à toutes les parties du monde connu, je dois me borner à de plus modestes horizons: je parlerai donc seulement d'une collection d'orchidées de pleine terre qui est venue se montrer dans le voisinage des plus magnifiques spécimens des orchidées exoliques, rapprochement instructif, démontrant à quel point sont naturels les caractères d'une famille qui compte aujourd'hui plus de trois mille espèces répandues sur les deux hémisphères. Il y a déjà longtemps que l'on s'est occupé de la culture des orchi- dées indigènes; le jardin de la facullé de médecine de Paris, il y a 20 ans, offrait aux amateurs, des plates-bandes où ces singuliers vé- gélaux fleurissaient en abondance et se perpétuaienta l’aide de soins bien entendus. Depuis, de nombreux essais ont été tentés et au- jourd'hui, par une faveur nouvelle, les orchidées de nos environs se sont trouvées réunies en grand nombre dans le jardin des Champs- Elysées. Pour mettre un peu d'ordre dans ce pelit travail, je suivrai la clas- sificalion méthodique du docteur Lindley. Sa monographie, bien qu'un peu ancienne, est encore le meilleur guide en pareille ma- пеге. Voyons donc ce que les horticulteurs de Paris et des environs ont fait pour l'illustration des orchidées de pleine terre. Les Malaxidées forment la première des sept grandes tribus de la famille, celle dans laquelle le pollen en masse grasse n'a pas de candicule ou de glande se détachant du slygmale. Les espèces ap- partenant à celle première catégorie sont peu nombreuses, si peu méme, que l'Europe n'en compte que trois sur trois cent quatre- vingt décrites dans l'ouvrage du professeur Lindley. Le Malaxis paludosa qui habite les marais tourbeux de la Loire- Intérieure, a été transplanté à Paris dans le jardin de M. le docteur 123 Boisduval, et il a figuré à la grande exposition des Champs-Elysées. C'est une pelite espèce ayant beaucoup d'analogie avec le Liparis Loselii, qui croît comme ce dernier, dans des aggrégations de spha- gnum, sans pénélrer dans le sol, el à l'état semi-parasite; mode de végétalion trés commun dans les orchidées et qui établit une gra- dalion presque insensible entre les espèces purement terrestres et celles qui sont épiphytes. Le Malaxis paludosa n'a pas en tout plus de 12 à 15 centimètres ; sa racine pivotante garnie d'un chevelu lé- ger, fournit une tige un peu renflée, à nœuds charnus ; puis vient un renflement avec deux feuilles ovalaires, en cuiller, enlre les- quelles on voit un pseudo-bulbe ovale, comprimé latéralement, au sommet duquel il y a une feuille plus longue, plus aigue, lancéolée, el aussi en cuiller; de l'intérieur de cette feuille sort un scape min- ce, filiforme, avec des nœuds rares et quelques bractées rudimen- laires, puis l'épi terminal formé de 8 à 10 fleurs renversées, c'est-à- dire ayant le labelle en haut. Je ne pousserai pas plus loin celle description. Peut-être doit-on s'élonner que celle espèce si intéressante, signalée par M. Lloyd, à peu de distance de l'Anjou, n'ait pas été rencontrée dans notre dé- parlement de Maine-et-Loire oü il se trouve des condilions de végé- lation trés analogues. Les tourbiéres de Chaloché, explorées dans un but spécial, donneront peut-être ce Malaxis qui ferait un bon effet, il faut en convenir, dans notre Flore déjà si riche en plantes analogues. J'ajoute que cette plante existe en abondance près de la Trappe, département de l'Orne, oü elle a été recueillie par M. Lubin, pharmacien à Laigle. Le genre liparis que l'on rencontrait assez facilement aux envi- rons de Paris, ne se trouve plus guère qu'à Moret, et grâce à M. le docteur Guépin, le Liparis Leselii appartient aussi à la Flore de Maine et Loire. M. le docteur Boisduval a exposé au jardin des Champs- Elysées une terrine dans laquelle une douzaine d'exemplaires de cetle jolie malaxidée, ont parcouru toutes les phases d'une végéla- lion vigoureuse. Je ne puis que renvoyer à la description de notre irés honoré maitre, M. Guépin, et j'ajoute que, suivant toute proba- bilité, les amateurs de plantes rares et intéressantes qui voudront parcourir les localités où les tourbières envahissent le sol, rencon- treront le Malazis et le Liparis, deux genres trés voisins, ayant le méme habilat et le méme port, et tous deux fort dignes de ces re- cherches passionnées que le succés couronne et qui sont une source de plaisir pour ceux qui s'en sont rendus dignes. Vient la seconde tribu, celle des Epidendrées dont le pollen en masse cireuse présente un candicule distinct mais adhérent au styg- 124 mate. On en connait cent cinquante-lrois espèces, mais aucune d'elles n'appartient à l'Europe centrale, aussi n'avons-nous pas à nous en occuper. Les Vandées qui forment la troisième tribu, se distinguent des deux classes précédentes par le candicule qui est caduc. On en compte un trés grand nombre, prés de cinq cents, parmi lesquels se trouvent les plus belles espèces exoliques, les merveilles de la végétation tropicale, mais une seule appartient à l'Europe, et nous ne l'avons pas dans notre zóne tempérée, c'est le genre Calypso qui croil dans tout le nord de l'ancien et du nouveau continent et que l'on a désigné sous les noms de Cypripedium bulbosum, limodorum , boreale , cymbidium ou Orchidium boreale , etc. La quatriéme tribu, celle des Ophrydées, a le pollen pulvérulent, granulé, l'anthére est terminale, dressée. Celle tribu riche en espè- ces, quatre cent cinquante au moins, occupe dans la géographie bo- lani queles régions que dédaignent les Vaudées, ou, pour mieux dire, ces deux grandes classes d'orchidées sont en opposition, elles s'ex- cluent et se font mutuellement compensation. L'Europe compte une centaine d'Ophrydées et c'est parmi ces plantes que nous lrouvons nos principales richesses. Le genre Orchis, proprement dit, si nombreux en espéces, a subi bien des démembrements et, par malheur, les botanisles descrip- leurs n'ont pas dit leur dernier mot sur ce point. Dans le but de simplifier ce travail, j'ai cru devoir suivre l'ordre établi dans la monographie du docteur Lindley, afin d'avoir un texte précis, des numéros d'ordre bien posilifs, auxquels on puisse facilement se reporler. L'Orchis latifolia avec toutes ses variétés, est commun aux envi- rons de Paris ; le sambucina qui vient de l'Auvergne est cultivé dans nos jardins et a figuré à l'exposition d'horliculture; mais je n'ai jamais vu sa variété àfleurs pourpres que l'on trouve en Allemagne et en Suisse; l'Orchis pallens et le mascula sont vulgaires, ainsi que le laxiflora et le maculata. Ces espèces, bien qu'appartenant à des loca- lités très différentes , S'accommodent assez bien des divers procédés que les horticulleurs emploient pour les conserver; la terre de bruyère, un terreau beaucoup moins riche, et enfin des couches profondes de sphagnum rendent leur végélalion facile et prouvent que ces plantes sont beaucoup plus rustiques qu'on ne l'avait cru jusqu'ici. L'Orchis coriophora, le morio avec sa variété blanche, garnissent les pelouses séches des environs de Paris; le militaris est trés abon- dant, ainsi que le fusca qui, d’après Jacquin, n'est qu'une variélé du précédent, à moins que le militaris ne soit lui-même une variélé du fusca, ce qui me plairait mieux, mais en tout cas, ces deux plan- les sont superbes, et dignes à tous égards d’être cultivées dans nos jardins. L'Orchis tephrosanthos que nous avons vu à l'exposilion, res- semble beaucoup au militaris. Le simia, le galeata, le divaricata, sont de belles espèces dont on nous a montré de nombreux échan- lillons. L'ustulata termine cette liste des vrais Orchis; voyons main- tenant les espèces qui ont élé distraites de ce genre et élevées à la dignité de genres nouveaux. L'Anacamptis pyramidalis qui offre de petites lames à la base du labelle, est une belle plante qui a donné de grands épis abondam- ment garnis de fleurs; le gymnadenia conopsea et l'odoratissima, ce dernier de la Suisse, ont paru au milieu de nos richesses, mais une Nigritella, Vangustifolia, due aux soins de M. le docleur Boisduval, l'a emporlé sur les espèces précédentes. Est-ce l'Orchis nigra de Swartz, le miniata de Crantz, un habenaria ou un satyrium, je ne me charge pas de trancher la difficulté. Toujours est-il que cette pelite plante alpine, bien développée, bien fleurie dans le jardin de nolre trés honoré confrère, n'élait pas une des moindres raretés of- ferles aux curieux de la grande exposition des Champs-Elysées. L'Orchis hircina est devenu un Aceras entre les mains de M. R. Brown, aprés avoir élé un Loroglossum, un Hematoglossum , un Sa- tyrium el que sais-je encore? Restera-t-il un Aceras ? je le désire pour lui et pour nous, car ces synonymies surchargées sont un vrai supplice pour les amateurs. Il en est de méme de l’Aceras an- thropophora qui est un véritable Ophrys. Deux espèces de Platanthera, le bifolia et le chlorantha, très com- munes aux environs de Paris, ont tenu leur place dans le groupe des orchidées indigènes, el l'on se demande comment nous en pos- sédons si peu, tandis que les régions du nord en fournissent plus de cinquante espèces décrites par M. Lindley. Les Ophrys myodes, aranifera, arachnites, apifera. araneola, espèces ou variétés plus ou moins intéressantes, ont figuré en grand nombre à l'exposilion ; la beauté de ces plantes, leurs fleurs singulières jus- lifient la faveur dont elles jouissent ; l'Ophrys alpina dont on fait un Herminium est encore une heureuse importation du docteur Bois- duval. Deux vrais Herminium, le monorchis qui a élé un Orchis, un Ophrys, un Satyrium, un Arachnites, et qui est très abondamment cullivé par tous nos amateurs parisiens, el un autre, l Herminium reptans, ont représenté ce genre intéressant dans la collection des Champs-Elysées. Ce dernier provenant de l'ile de Jersey est du à l'i- 126 niliative de M. Boisduval, et montre tout ce qu'on peut allendre de son zéle pour la science. Un dernier genre, parmi les Ophrydées, nous a fourni plusieurs espèces curieuses. Les Serapias cordigera, triloba et surtout l'oxy- glottis, celui-ci venant de la Dalmatie, ont donné des fleurs d'un dé- veloppement parfait et montré des échantillons bien dignes d'exciler la curiosité des amateurs d'Orchidées. Le cordigera trouvé dans les environs de Saumur, n'est peut-élre pas aussi isolé qu'on le pense ; les calcaires de cette partie de Maine et Loire recèlent sans doute des espéces voisines. La chance heureuse de M. le docteur Toché est un encouragement à ceux qui désirent illustrer la Flore de l'Anjou. La cinquième tribu, celle des Arelhusées, ne diffère de la précé- dente qu'en ce que l’anthére porte un opercule. Elle n'est pas trés nombreuse et nous présente d'abord un genre, le Limodorum aborti- vum qui est assez commun aux environs de Paris; nos horticul- leurs amateurs enlévent celte plante à l'aide d'une tranchée pro- fonde et la cullivent avec plus ou moins de succés. Nous en avons vu deux beaux exemplaires à l'exposition des Champs-Elysées; il y en a d'autres en bon état dans le jardin de la Faculté de Médecine, et ceux-là sont conservés dans des pots remplis de sphagnum , mais comme celle tentalive est nouvelle, il faut attendre afin de savoir quelles en seront les suites. Les Cephalanthera de Richard sont un groupe intéressant de belles espèces qui ne sont pas rares aux environs de Paris. Mais notre dé- parlement de Maine et Loire est plus riche encore, les Cephalanthera pallens, rubra, ensifolia, ne sont peut-être pas tous des enfants bien légitimes de notre cher pays; il y a là des litres sujels à révision, mais on en peut diretout autant des espèces indiquées près de la ca- pitale; la culture qui envahit lout fait peu à peu disparaître ces es- pèces charmantes que les amateurs regreltent. Les Neottiées qui constituent la sixième tribu, ont l’anthère dor- sale, et c'est là leur caractère diagnostique. Voyons d'abord les Epi- pactis qui sont assez communs, le palustris qui a été assez longtemps un Serapias, puis un Helleborine; le microphylla que M. le docteur Boisduval nous a fait connaître; le latifolia, l'atrorubens, et quel- ques autres encore confondus avec les Cephalanthera ; ces espèces que l'on a placées successivement dans les Malaxidées , dans les Arethusées, sont assez rares chez nos collecteurs d’orchidées vivan- tes, mais elles supportent assez bien la transplantation. | Les deux Spiranthes parisiens, l'estivalis et l'autumnalis ont fi- guré en grand nombre à l'exposition des Champs-Elysées; la pre- 127 mière espèce, surtout, qui est la plus rare, remplissait un vase de grande dimension et son élat florissant prouvait avec quel succès M. Boisduval a recherché les condilions les plus favorables à son développement. Il est une autre espèce de Neottiée le Goodiera repens qui se ren- contre aujourd'hui chez tous les amateurs d'orchidées. Au prin- temps de 1855, elle a été trouvée en abondance près de Fontaine- bleau par le professeur Chatin, dans une herborisation publique, et celle belle espèce s'est montrée tout-à-coup dans une localité bien connue, où certainement elle n’existait pas les années précédentes. Cet événement a fait rechercher avec soin les causes de celte appa- rilion; il a élé démontré que le Goodiera repens, ancien Satyrium de Linné, Tussaca secunda de Rafinesque, Peranium repens de Salisbury, n'avait jamais été nolé par aucun des bolanisles qui, depuis des siècles, ont herborisé aux environs de Paris, et que, par conséquent, la présence de cette orchidée devait tenir à quelque circonstance exceptionnelle. Or, on a constaté que cette plante croissaif en abon- dance sur un sol composé de feuilles de pin; ces feuilles provenant d'une plantalion de ces arbres déjà ancienne, leur accumulation successive a formé un terreau d'une nature spéciale, et quand les arbres ont été grands, quand toutes les conditions favorables se sont trouvées remplies, les germes du Goodiera, jusque-là inertes, se sont développés spontanément et ont fourni celte moisson extraordinaire. C'est par milliers que les échantillons ont été enlevés et celte année ils n'ont pas fait défaut à la curiosité des persounes qui ont herbo- risé à Fontainebleau. L'Anjou renferme des plantations de pins, le sol se recouvre an- nuellement de feuilles tombées qui composent un élément propre à des apparitions de plantes nouvelles, cela est fort encourageant pour les amateurs ; les défrichements de landes jusque-là incultes, les mouvements de terrain que nécessitent les chemins de fer, tout cela provoque la germination de graines longtemps enfouies et qui n'at- tendent qu'une occasion favorable pour éclore, végéter et fleurir, à la grande joie de nos amis, de nos flores locales. C'est ainsi que tout récemment, M. Bureau, de Nanles, jeune candidal en médecine, a trouvé à Bellevue, près Paris, dans une localité banale, une plante nouvelle pour la Flore parisienne, l’ Utricularia media croissant en abondance dans des trous résultant de l'arrachement de quelques grands arbres. Jusque-là, toutes les tribus d'orchidées passées en revue n'avaient qu'une anthère placée au sommet du stygmale ou sur son côté dor- sal ; la septième tribu, celle des Cypripediées, a deux anthères situées 128 latéralement, il y en a même une troisième, stérile, qui prend une forme particulière. Celle dernière classe se compose d’un seul genre, et parmi les vingt-cinq Cypripedium connus, un seul est européen , le calceolus, à moins qu'on ne comple le ventricosum qui est de la Sibérie. MM. Boisduval et Pelé ont présenté à l'exposilion de beaux exemplaires du calceolus ; celle plante qui a une tendance à remonter vers le nord, supporte bien nos hivers, et cependant on la trouve bien plus au sud que notre climat parisien. La plante que nous con- naissons semble bien pâle auprès des espèces américaines que nous avons vues à notre exposition , et qui sont cullivées en pleine terre par M. Pelé. Les Cypripedium humile, insignis et spectabile sont d'ad- mirables espèces qui appartiennent à l'Amérique du nord et dont la conquéte serait facile. Arrélons-nous ici, il en est temps, peut-être suis-je allé trop loin. Il y a un grand charme dans ces éludes légères; on Га dit el avec raison : le bonheur, c'est l'intérét dans le calme, c'est un sentiment pas- sionné pour des choses honnéles et faciles; et quel moyen plus as- suré d’être heureux que de s'occuper des plus charmantes œuvres de la création, que de consacrer à des contemplations si douces les mo- ments qu'on peut dérober aux exigences sociales, à des devoirs im- périeux ? P. MENIÈRE. Paris, le 6 novembre 1855. ADDITIONS A LA FLORE DE MAINE ET LOIRE. Vous me fites l'honneur, Messieurs, d'insérer dans le premier numéro des Annales de notre Société Linnéenne ce que j'avais pu recueillir en plantes variées, et en localités des espèces déjà connues. Ma notice vous montra de nouvelles richesses végétales récoltées par nos jeunes botanistes. Permettez-moi de vous donner aujourd'hui la preuve que le zèle continue depuis 1854 dans notre département, et qu'il est possible de glaner encore dans des localités éloignées du chef-lieu, et d'y rencontrer de loin en loin des espèces, sinon nou- velles pour la science, du moins ignorées jusqu'à ce jour dans l'Anjou. Il est nécessaire, en outre, de nous tenir au niveau de la science et de faire connaître les études des savants francais et étrangers; de consigner les rectifications qu'ils ont cru nécessaires dans les fa- milles et dans les genres des plantes françaises. C'est ce que je me propose de faire dans ce troisième supplément à ma florule de Maine et Loire. Mon seul désir est de rendre à chacun ce qui lui est dû , et de prouver ma gralitude pour toutes les communications que les amis de la science n'ont pas cessé de me faire. Je suivrai, comme par le passé, la paginalion de ma Flore, et de cette manière je pourrai exposer, dans l'ordre des familles que j'ai Q D 130 adopté, les augmentations ou les changements indispensables. Je terminerai ce pelit travail par l'indicalion des localités où se sont rencontrées quelques-unes de nos plantes rares. Parmi les nombreuses espèces cryptogames trouvées en Maine et Loire depuis deux ans, je citerai les suivantes : Protococcus coccoma, Kutz. — Polyporus cinerascens. -— Coniophora cuticularis. — Peziza confluens. — Р. (cyphella) ampla, Lév. — Capula, Mont. — Patellaria convallarie, Mont. — Spheria inclinata, conglomerata , ligustrina , Mont. — Mazzantia guepini. Mont. — Phoma araucarie , Mont., Samarorum, ilicis. — Septoria lepidii. — Phyllosticta ligustri, Mont, rhamni, Mont. — Gloosporium dryadearum, guepini, Mont. — Ptegonosporiumelevatum — Hymenula guepini, Mont. — Fusarium late- ritium. — Epicoccum neglectum , Desm. — Aspergillus aurantiacus, Mont. — Perenospora stellata, plantaginis, de Lacr. — Sporidesmium polymorphum. — Stilbospora pæoniæ. Page 8. N° 22. Obs. Le Lemna arhiza, dont je donnais la descrip- lion, a été trouvé par moi et par plusieurs autres botanistes en difté- rentes localités. P. 40. N° 25. TYPHA LATIFOLIA. Obs. Le T. media, Déc., ne me semble, ainsi qu'à Bertoloni, qu'une variation du T. angustifolia, offrant une tige plus courte et les deux chatons séparés l'un de l'autre; feu Bastard l'indique à Pouancé, à Vétang des Rochettes et dans la forêt d’Ombree. P. 22. N° 67, CAREX RIPARIA. Obs. Le C. Nutans, host., se rapproche du C. riparia; il en diffère par sa tige plus gréle, à peu prés lisse; par la couleur verte de ses feuilles; par son fruit marqué de cótes fines et terminé par deux longues pointes. M. Lloyd l'indique sur les bords de la Loire. P. 24. Obs. Scirpus uniglumis. Je ne connais encore aucune localité à cette espèce dans notre Anjou ; je n'en avais donné la description que pour mettre sur sa vole. P. 30. № 96. ANTHOXANTHUM opoRATUM, L. Obs. La var. Nanum que j'avais établie dans mon premier supplément , en lui donnant pour synonyme A. aristatum, Boissier?, est, d'aprés M. Du- rieu, une espèce particulière que je décris ainsi : N° 96 bis. A. PUELLIT, Lecog et Lamolte, non A. aristatum, Bois. (2. f. de Puel.) Racine annuelle, à chevelu court et fin; chaume de 6-20 cent., glabre, parfois pubescent-cilié, géniculé à la base, puis ascendant, à rameaux gréles, fasciculés, ligule P. 40. P. 42. 131 oblongue-lacérée. Fleurs en long épi lâche, espacé. Glumelle des fleurs neutres dépassant du double la fleur hermaphrodite, et portant une arêle saillante, qui est plus longue que la glume. An. E. R. Terrains incultes, secs et siliceux de nos landes et pelouses rases de Beaulieu, Tiercé au Tertre Mont- Chaud. № 131. MELICA MAGNoOLIr, Grenier et God. — M. ciliata, nobis, non L. (2. M. de Magnol.) Racine rampante. Chaume de 4-8 dé- cimètres, dressé, lisse. Feuilles linéaires, larges de 4 milli- mètres, pubescentes en dessus, rudes en dessous, striées, d'abord planes, puis enroulées à gaine striée et à ligule longue de 4 ruillimètres. Fleurs d'abord verdatres, puis blanches, brillantes, en panicale spiciforme, longue de 8-18 centimètres, lobée, à rameaux nombreux, inégaux, dressés, les inf. verti- cillés. Epilets triflores, Glumes à valves ponctuées, inégales, à 5 nervures fines; l'inf. plus courte, lancéolée; la sup. plus étroite. Glumelle à valvule inf. de la fleur fertile lancéolée, tuberculeuse, bordée de la base au sommet de cils longs,» blanes, étalés; la sup. plus courte, échanerée à la pointe et ciliée sur les bords. Cariopse brun, lisse, ovale-oblong. W. E. С. Sur nos coteaux schisteux, au midi. N° 142. AVENA STRIGOSA, L. Obs. M. Durigu pense que cette espèce n'est pas francaise et qu'elle nous est apportée dans les grains étrangers. Beaucoup la prennent pour А. hir- suta. Ses fleurs ne sont pas articulées avec le rachis; l'inf. est stipitée et la sup. offre un faisceau de poils courts. . N° 143. AVENA FATUA, L. Obs. 1re. Ses deux ou trois fleurs sont toutes articulées avec le rachis par une fossette arrondie. La valve inf. de la glume est seulement bidentée. M. Durieu ne la croit pas, comme la précédente, indigéne dans nos con- trées de l'Ouest; il pense qu'on prend souvent pour elle l'Avena Ludovi- ciana qu'il a décrite dans les Annales de la Société Linnéenne de Bordeaux. Obs. 2e. L' Avena hirsuta, trouvée à Thouars par M. Révelliére, se dis- lingue du fatua par son chaume moins robuste; sa panicule unilatérale ; par la fossette articulaire des fleurs fertiles ovale-oblongue, et enfin par sa glumelle qui égale à peu prés la glume et qui se termine par deux soies ou arétes prolongées. P. 62. № 222. JUNCUS syzvaricus, Reichard. — J. acutiflorus, Ehrh. — J. articulatus, Var. L. (7. у. des forêts.) Suit la description : 132 P. 62. № 224. JUNCUS ULIGINOSUS, Meyer. Var. Nigra. J. nigritellus, Don., J. multicapitatus, Schulles. Fleurs noirâtres. Lobes du périanthe tous acuminés. Angers, Candé. L'espèce 225 sera ainsi supprimée. P. 63. N° 229. JUNCUS BULBOSUS, L. Obs. Le J. tenuis, Wild., a le chaume de 3 décimètres de hauteur; les feuilles sont linéaires; sa panicule ou cyme est surmontée par des bractées foliacées. Les lobes du périanthe sont acuminés, trinervés, et dépassent la capsule qui est ovale-arrondie. Etamines 6. P. 66. N° 237. TRIGLOCHIN PALUSTRE. Obs. Sa racine est fibreuse, émettant à son collet des stolons horizon- taux reproducteurs, très fragiles, comme articulés; vrais bourgeons, comme ceux que Minter a observés dans le Sagittaria. P. 67. N° 238. COLCHICUM AUTUMNALE, et 2e supplément, p. 14. — C. OEstivale. Boreau. Obs. Malgré l'extrait de la lettre de M. Boreau, consigné dans le 3* vol. de ja Flore francaise de MM. Grenier et Godron, p. 174, je persiste à croire que le C. estivale, Boreau, est une espèce francaise. Les feuilles ne naissent pas avec les fleurs, ainsi que le dit la Flore, mais bien plus tard, vers la fin de novembre; elles sont beaucoup plus développées que dans le C. autumnale. En outre, si l'avortement des capsules est constant, ainsi que l'aflirment ces Messieurs, comment donnent-ils donc pour caractère que les capsules, plusieurs réunies, paraissent au printemps de l'année suivante? M. Courtiller jeune, trés bon observateur, qui l'avait cultivé longtemps avant de me l'avoir communiqué, ainsi qu'à M. Boreau, me l'avait signalé comme une plante nouvelle pour notre pays. Je l'ai retrouvé à Saint-Remy-sur- Loire. On le déplante au commencement d'aoüt pour jouir, sur les cheminées ou les tables de marbre, de ses fleurs qui se développent sans terre ni arrosements. P. 74. N° 261. ORNITHOGALUM PyRENAICUM, L. — О. Sulfureum, Schultes. (1. O. des Pyrénées.) Suit la description. P. 76. No 267. ALLIUM SPHOEROCEPHALON, L. — 4A. deseglisei, Bo- reau, etc. Les feuilles sonl demi-cylindriques, fistuleuses, ca- naliculées en dessus à leur parlie inf., cylindriques au som- met. L'ovaire est oblong-pyramidal. Etamines peu saillantes, égalant presque le style. Var. A. parviflorum, A. parviflorum, Desvaux?, non Lin. — A. arvense, Gussone? Pédicelles plus courts. Périanthe blanc, à lobes lisses à l'extérieur. Bulbe simple. Feu Desvaux ne donne pas de localité. 133 P. 76. N° 267 bis. ALLIUM APPROXIMATUM, Gr. God. — A. sphero- P 291. cephalon, Boreau, non L. (5 bis. A. rapproché). Celte espèce ne diffère de la précédente que par ses feuilles d'un vert clair, cylindracées, légèrement comprimées, fistu- leuses, à sillon peu marqué supérieurement et seulement près du sommet: et enfin par son ovaire ovoide. 2. Ne 279 bis. ORCHIS ODORATISSIMA, L. — Gymnadenia, — Rich. (2 bis. O. odorante). Tubercules palmés. Tige droite, grêle, haule de 3 décimètres. Feuilles lancéolées-linéaires, aiguës, carénées, redressées. Fleurs pelites, purpurines, à odeur trés prononcée de vanille, en épi grêle, serré, allongé. Lobes sup. du périanthe oblus, très étalés. Label à 3 lobes presque égaux, ovales-oblus, entiers, concolores. Eperon arqué, aigu, égalant l'ovaire. Bractées très nervées, lancéolées, égalant ou dépassant un peu l'ovaire. W. juin, T. R. Les prés autour de Pontigné (M. Baudouin); feu M. Bastard l'avait indiqué à Chaloché, Chaumont, Saumur où on ne l'a jamais observé jusqu'à ce jour. HYDROCHARIDÉES. Ajouter ce qui suit à la description de cette famille : Fleurs dioiques, rarement polygames. Périanthe à 6 lobes, les 3 ext., ou calicinaux, plus courts; les 3 int. plus longs; pétaloïdes, corollins. Etam. 6, monadelphes, à filels partagés en 2 bran- ches, dont l'antérieure dans les étam. corollines, est plus courte, vourbée et anthérifère au-dessous de son sommet, tandis que les 2 branches staminales sont anthérifères dans les étam. ext. ou calicinales. Les fleurs sont alors ou héxandriques ou en- néandriques. Fleurs femelles offrant des rudiments d'éla- mines avortées opposées aux lobes du périanthe. P. 96. № 322. POLYGONUM pvusium, Stein. — P. Laxiflorum, E299. Weihe. (3. r. douteuse). Suit la description. Obs. D’après MM. Gr. God., le P. mite Schranck, serait un hybride des P. hydropiper et minus (P. hydropiperi dubium). Ne 335. RUMEX FRIESII, Gr. God. — А. obtusifolius, Dec. non Lin. (6. P. de fries). Modifier ainsi la descriplion : Feuilles cor- diformes à la base, papilleuses en dessous, sur les nervures, ovales-obtuses ou lancéolées. Périanthe à valves triangulaires- oblongues, offrant à la base 3-5 dents. P. 105. № 355. — AMARANTHUS витом, L. Flora suecica el aucto- p 134 rum, non herb. — A. ascendens, Lois. — Euxolus viridis, Moquin. — Suit la description. . 105. № 356. AMARANTHUS DEFLEXUS, L., A. prostratus, Balbis (2. A. couchée). Suit la descriplion. Le péricarpe est indéhis- cent, monosperme, enveloppé par le périanthe. . 105. № 357. AMARANTHUS SYLVESTRIS, Desf. — A. blitum, L. her- bier. — non fl. suecica. Suit la description. . 110. N° 391 bis. OROBANCHE терски, Schultz, — (5 bis. О. du teucrium). Suit la description du haut de la page. Pontigné (M. Baudouin). . 135. LABIÉES. Obs. Le fruit est formé de 2 carpelles divisés en deux loges, contenant chacune un ovule et simulant un ovaire quadrilobé. . 143. N° 442. EUPHRASIA ODONTITES, L. Obs. Cette espèce rangée par quelques botanistes dans le genre Odontites de Haller, sous le nom d'O. rubra, Pers., O. verna, Reich., offre une var. serotina, O. serotina, Reich., qui ne se développe qu'en septembre. Elle est caractérisée par des feuilles linéaires-lancéolées, atténuées à la base; par des bractées linéaires, plus courtes que les fleurs; enfin par ses rameaux étalés. Une sous-variété à rameaux très divariqués (О. divergens, Jordan) a été trouvée prés de Baugé, à la Bouquetière, par M. Baudouin. . 151. № 513. JASMINUM OFFICINALE. Obs. Le J. fruticans, presque naturalisé à Thouars, d'aprés M. Révelliére, ales rameaux verts, anguleux; les feuilles simples ou à 3 folioles vertes, luisantes; les dents du calice linéaires; la corolle jaune, à 2 étamines ; le stigmate bilamellé et le fruit en baie à 2 loges. . 157. N° 529. DATURA STRAMONIUM. Obs. Cette plante qui nous a été apportée, dit-on, du Canada. en 1618, et que Vaillant n'avait pas encore trouvée en 1722 dans le rayon de Paris, est devenue une de nos espéces les plus communes sur les bords de nos ri- viéres et surtout sur ceux de la Loire. 159. BORRAGINÉES. Obs. Ce que j'ai dit pour l'ovaire des Labiées peut s'appliquer aussi aux Borraginées. Le disque proéminent est surmonté par deux carpelles divisés en 2 loges contenant chacune un ovule, et simulant un ovaire quadrilobé. . 171. N° 570. CICENDIA FILIFORMIS. Obs. Quelques botanistes mettent cette espèce dans le genre Microcala, Liuk, dont le calice est monosépale, et la corolle à 4 lobes étalés, etc. 135 P. 172. № 189. VINCETOXICUM, Mænch. — Cynanchum, Rob. Br. (Dompte-venin). Calice à 5 divisions profondes et étroites. Corolle 1-pétale, rotacée, à 5 divisions obliques. Couronne staminale en bouclier, charnue, à 5-10 lobes, simple à Vint. Anthères terminées par un appendice membraneux. Stigmate en pointe courte, entière. Capsules (follicules), ventrues, lisses, Graines nombreuses, à hyle soyeux. № 573. V. OFFICINALE, Moench. — Asclepias vincetoxicum, L. — Cynanchum vincetoxicum, R. Br.- nobis. (Dompte-venin officinal). Ajouter aux caractères : Couronne staminale divisée en 5 lobes épais, rapprochés, ovales-arrondis, non émarginés, réunis par une membrane pellucide, étroite. Obs. Le V. Laxum, Bartling, pouvant se trouver dans notre département, jen donne ici la description : Tige gréle, redressée. Feuilles petites, étroites, acuminées, pubescentes sur les bords et sur les nervures , les in- termédiaires légèrement cordiformes. Corolles blanches, verdàtre à la base, parfois pubescente à l'ext., à lobes souvent réfléchis au sommet et sur les bords. Couronne staminale campanulée, petite, à 5 lobes jusqu'à son milieu; lobes gréles, ovales-arrondis obtus, émarginés, distants les uns des autres et rattachés entre eux par une large membrane pellucide. Stigmate orbiculaire, plane , ponctué. P. 184. № 600. CICHORIUM INTYBUS. — Ajouter que l'aigretle est courte, à 2 rangées trés inegales. W. E. T. C. P. 202. N° 667. SILYBUM MARIANUM. Obs. Cette espéce dont l'origine est douteuse, selon M. Decandole, est extrémement commune autour d'Angers où elle acquiert deux mètres de hauteur. On est loin de la cultiver, car elle infeste tous nos champs des ter- rains schisteux. P. 209. N° 689 bis. BIDENS PILOSA, Kerneria dubia, Cass. (Bident velu.) Tige tétragone, haute de 3-6 décimètres, velue-hérissée aux articulations, à rameaux velus, divariqués. Feuilles opposées, pétiolées, vertes en dessus, plus pâles en dessous; les inf. imparipennées, les sup. à 3 folioles ovales-aigües, dentées , parfois décurrentes, à péliole cilié à la base. Fleurs petites, jaunes, discoides, rarement radiées, en corymbe. Involucre simple à lobes à peu prés égaux, ciliés de poils blaucs, quelques-uns scarieux sur les bords, disque conique. Akénes linéaires anguleux, offrant au sommet quelques poils redressés et couronnés par 2-3 aréles hérissées de poils dirigés en bas, divergentes, plus courtes dans les achénes, 136 ext. et droites et plus longues dans les int. An. E. T. R. trouvé sur les bords de l'Aubance à Mürs , par M. A de Soland. Obs. Cette plante, originaire de l'Amérique du Nord, sera-t-elle pour nous comme l'Érigeron canadensis , qui infecte tous nos champs ? Comment a-t-elle été apportée sur les bords de notre petite rivière où elle est assez abondante et loin de toute habitation ? P. 211. N° 699. CALENDULA ARVENSIS. Obs. M. Trouillard, banquier à Saumur, ayant trouvé à Thouars, tout prés de nos limites, le Calendula parviflora, Raf. — C. sicula, Willd., plante que n'indique pas la Flore francaise de MM. Grenier et Godron, j'en donne ici la description, parce que nous pouvons la retrouver sur les coteaux qui bordent le Thouet. Tige herbacée. Кеш. inf. oblongues-lancéolées, atté- nuces en pétiole; les caulinaires ovales-lancéolées, amplexicaules, mucro- nées. Fleurs jaunes, plus grandes que dans l'espéce précédente, à pétales ligulés, une fois plus longs que l'involuere. Graines marginales courbées en arc, muriquées sur le dos et entourées en leur rebord d'une membrane large, dentée. An. Juin, juillet. Sur les coteaux. P. 243. CCLXXVI bis BIFORA, Hoffm. (Bifore). Calice presque nul. Pétales obovés, émarginés, avec une languette infléchie. Fruit didyme. Méricarpes sub globuleux- ventrus, granuleux- rugeux, à 5 stries. Commissure biperforée. Carpophore bipar- lite. Graine concave. Involucre et involucelle nuls ou mono- phylles. N° 809. bis. B. TESTICULATA, Dec. — Coriandrum. — L. (B. à [ruit didyme). Plante à odeur vireuse. Tige droite, gréle, an- guleuse-striée, haute de 2-3 décimètres, glabre. Feuil. pinnées, à lobes linéaires, triparliles, divariqués, incisés-dentés. Fleurs blanches, en ombelle à 2-3 rayons et à ombellules 2-3 flores. Involucre et involucelle à 1 foliole linéaire, courte. Pétales presque égaux. Anthères purpurines. Slyles courts, arqués. Fruit rugueux, échancré à la base, Lerminé au sommet par un mamelon court. An. juin. T. R. Trouvé à Montreuil-Bellay, d'abord par M. Ducoudray-Bourganet, puis par MM. Révellière, Courtiller et Trouillard. P. 261. N° 866. CALTHA PALUSTRIS. Ajouler à la description : Feuilles légèrement dentées-crénelées sur les bords. Fleurs grandes, d'un jaune clair. Lobes du périanthe obovales-arron- dis, à base peu rétrécie. Anthères d'abord oblongues, puis linéaires, Sligmales jaunátres. presque sessiles. Carpelles à bec court. Obs. 1". M. Boreau décrit une nouvelle espèce de Caltha, sous le nom 137 de C. Guerangeri, qu'il caractérise ainsi : Tige d'un brun rougeâtre, en touffes laches. Feuil. sup. réniformes, fortement crénelées dentées. Lobes du périanthe d'un jaune d'or, d'abord ovales, puis oblongs, rétrécis à la base et espacés entre eux. Anthères ovales. Stigmates longs, jaunatres. Carpelles d'un brun rougeatre, à bec long, divergent. Les prés humides. Obs. 2e. ГАсіса spicata, etc. P. 267. BALSAMINÉES. Ajouter aux caractères de la famille : Calice irrégulier, caduc, pétaloide, à 5 sépales dont les 2 ext. latéraux opposés; les 2 antérieurs tres petits; le postérieur très grand, embras- sant la corolle et prolongé a sa base en cornet ou éperon recourbé. Pélales 5, l'antérieur grand, concave; les 2 posté- rieurs soudés avec les 2 latéraux. Anthères 5 dont 3 bilocu- laires et 2 uuiloculaires. Stigmates cohérents. P. 970. MALVACÉES. Ajouter ainsi aux caractères de la famille : Calice monosé- pale, semi quinquéfide, offrant au-dessous une collerelte de 3-9 slipules réunies à la base en forme de calicule. P. 294. N° 969. NASTURTIUM SYLVESTRE. Obs. Ajouter aux caractères du N. Anceps : Pétales de couleur plus fon- cée. Siliques longues de 4-6 millimètres, ancipitées, à stigmate épais. Quoique Bertoloni et plusieurs autres botanistes reconnaissent cette va- riation comme une espéce, j'ai des doutes sur elle. M. Lloyd, Flore de l'Ouest, p. 39, dit que par la culture, il a vu les siliques d'abord ancipi- tées, redevenir cylindriques-arrondies. P. 302. CCCLXXI bis. cRAMBE, L. (Crambé). Calice égal à la base, élalé. Pétales obovales. Filels staminaux simples ou le plus souvent bidentés au sommet. Style nul, à stigmale oblus. Silicule biarticulée; l’article sup. globuleux, lisse, indéhisceni, l'inf. cylindrique, pédicelliforme, stérile. № 1,000 bis. С. HISPANICA, L. (C. d'Espagne). Racine fusi- forme, blanchátre. Tige velue-hispide iuférieurement , sil- lonnée-anguleuse, haute de 4-6décim.,à rameaux élalés. Feuill. hispides, longuement péliolées, pinnées, à 3 lobes, les 2 inf. pelits, obovales-oblongs, en forme d'oreillelles; le sup. ou terminal orbiculaire, trés grand, denté-crénelé. Fleurs nom- breuses, petites, en corymbe. Sépales jaunálres. Pétales égaux, blancs, dépassant peu le calice. Les filets slaminaux plus longs, bifurqués au sommet. Silicule lisse, orbiculaire, indéhiscente, trés glabre. An. juillet. T. R. Les haies. Trouvé 138 par M. A. de Soland а Murs, où il y en avait un bon nombre d'échantillons. P. 304. CISTINEES. Ajouter aux caractères de la famille : Calice de 5, rarement de 3 sépales persistants avec deux bractées stipulaires plus pelites. (Stipulion, Clos), etc. P. 309. N» 1019. VIOLA CANINA. Obs. On rencontre assez souvent une variation de cette espéce qui offre un éperon allongé, canaliculé en dessous, et recourbé en hamecon au som- met; je l'ai observée à Montreuil-sur- Loir, et M. Millet l'a vue aussi à Soucelles. P. 309. N» 1020. VIOLA LUSITANA, Brotero, Sec., Billot. — V. lan- cifolia, Thore. (5. V. de Portugal). Suit la descriplion. P. 313. N° 1028. SAGINA APETALA. 4er supplément, p. 31. Sagina ciliata, Fries. — S. Patula, Jordan. (3. S. à feuil. ciliées). Suit la description. Obs. On peut en distinguer deux variations : l'une, S. glabra, Schultz, à tige glabre; la seconde, Ciliifolia, à feuilles ciliées, à la base, à tige velue- glanduleuse. La première, sur les rochers Saint-Nicolas, rive droite, à la Garenne. L'autre en Saint-Laud, dans les terrains argileux. P. 322. N° 1064. SILENE cnETICA, L. — S. annulata, Thore. (3. S. de Créte). Suit la description : Les fleurs sont souvent apétales. Па été trouvé en abondance, par M. Gaston Genevier, dans les champs de lin, en mai 1855, à Saint-Sylvain, devant la maison de Monplaisir. P. 331. ADOXA. Les élamines sont au nombre de 4-5, à filet, à 2 lobes dont chacun porte une loge peltée de l'anthére. Obs. D'aprés Schnizlein, le périanthe de la fleur terminale est bipartite, et celui des fl. latérales est tripartite. P. 336. CUCURBITACÉES. Ajouter aux caracléres de la famille : Fleurs unisexuées par suite d’avortement. Etamines 3 dont 2 complètes et une à moilié développée. Ovaire invaginé dans le pédoncule. Vrilles axillaires par suite de transformation des feuilles. P. 340. CALLITRICHE. Obs. Ce genre est le type de la famille des Callitrichinées, de Link. MM. Pouchet fils et Chatin ont observé que la tige et les feuilles des espéces de ce genre, mais surtout la face inf. des dernières, offrent sur l'épiderme 139 grand nombre de petits points blancs et brillants que le dernier de ces natu- ralistes nomme Cysties. Chacune de ces cysties, formée de 6-8 cellules, est un appareil utriculaire contenant de l'air au moment de l'anthése pour faire surnager la plante lorsqu'a lieu la fécondation. P. 343. No 1131. OENOTHERA BIENNIS. Obs. Si, comme le dit M. A. de Candolle, dans sa géographie botanique, p. 725, cette espéce est d'origine américaine. et nous est venue du Canada eu 1618, elle peut passer pour grandement naturalisée, car les bords de la Loire en sont couverts. P. 397. ILEX. Corriger ainsi les caractères du genre : Fleurs poly- games ou dioiques par avorlement. Calice petit, à 4-6 dents. Corolle 4-6 partite, rotacée, à lobes élargis et rapprochés à leur base. Etamines 4-6, insérées à la base des péla.es et al- lernes avec eux. P. 398. N° 1302. EUPHORBIA EsurA, L. — E. salicifolia, Dec. — E. mosana, Lejeune. — E. lucida, auctorum, non W. Kitt. (4. E. ésule). Ajouter à la description : Feuilles linéaires-lan- céolées. Involucelles jaunâtres, à folioles реШеѕ, ovales ou trapézoïdes, mucronées. Effacer la var. pubescens, et la remplacer par la suivante. Var. A. Tenuifolia. E. pinifolia, Dec., Bastard. Plante gréle, à rayons de l'ombelle peu nombreux et à feuil. presque li- néaires. W. E. C. Le type sur les bords de nos rivières où il abonde; la var. rare sur les coteaux secs (feu Bastard). P. 399. № 1309. EUPHORBIA AMYGDALOIDES, L. Obs. MM. Gr. et God. regardent comme moi l'Ewphorbia ligulata , Chaubard, que j'ai décrit dans mon premier supplément, comme une simple variation de ГЕ. amgdaloides. P. 405. № 1326. ULMUS campestris, L. Obs. La var. Glabra, U. Glabra, Miller, ne peut avoir pour synonyme U. nitens, Moench, qui se rapporte à PU. montana dont les feuilles sont trés grandes, tandis que la var. Glabra, trouvée à Pruniers par feu Huard, les a petites. P. 414. N° 1350. SALIX FRAGILIS, L. Obs. On indique sur les bords de la Loire le S. russeliana, Smith, regardé par beaucoup de botanistes comme variété du précédent. Voici sa descrip- tion : Arbre assez élevé, à rameaux fragiles. Feuilles lancéolées, aigües, glabres, dentées-glanduleuses sur les bords; les plus jeunes, soyeuses en 140 dessous. Stipules cordiformes. Etam. 2. Capsule conique-lancéolée, à pédi- celle 2 fois plus long que la glande. Stigmate 2-fide. Vulgt Saule noir. P. 417. N° 1360. SALIX SMITHIANA. Wild. — S. seringeana, Gaudin. (11. S. de Smith). Suit la description. LOCALITÉS NOUVELLES dans le département de Maine et Loire (1). P. xcvi. LYCOPODIUM INUNDATUM, Courléon, M. T. D . суш. POLYSTICHUM CALLIPTERIS, forêt de Chandelais, M. B. P. 8. LEMNA annua, Angers, M. Boreau, d’après MM. Grenier et Godron. p. — з тэ Wie Do оо кае чо ы 8р 17. CAREX tomentosa, Vivy, М. Т. 24. SCIRPUS cæspiTosus, Courleon, M. T. 25. SCIRPUS TABERNŒMONTANI, Echemiré, M. В. 26. SCHŒNUS ALBUS, Courléon, M. T. 40. AIRA CANESCENS, Vivy, M. T. 43. AVENA SULCATA, Lasse, M. B. — Montreuil-Bellay, M. T. 47. KŒLERIA CRISTATA, Pontigné, M. A. 50. FESTUCA myuros, Montreuil-Bellay, M. T. 61. JUNCUS capitatus, Brézé, M. T. 62. JUNCUS acutiFLorus, Courléon, M. T. 66. TRIGLOCHIN PALUSTRE, Courléon, M. T. 70. TULIPA svLvEsTRIS, Angers, au Chaumineau, M. Clavier. 71. MUSCARI RACEMOSUM, Saint-Remy-la-Varenne, N. 73. SCILLA BIFOLIA, var. Flore albo, Saumur, bois d'Auré. M. T. 74. ORNITHOGALUM PYRENAICUM, Blou, Vivy, M. T. 75. ALLIUM oLERACEUM. Montreuil-Bellay, M. T. 78. NARCISSUS BirLorus, Marcé, M. B. 85. ORCHIS rusca, Vivy, M. T. 86. ORCHIS cERCOPITHECA, Pontigné, MM. А. B. — T. 87. OPHRYS wvopzs, Vivy, M. T. . 87. OPHRYS APIFERA, Vivy, M. T. (1) Les lettres initiales M. D. — M. T. indiquent les noms de MM. A. Baudouin et 'Trouillard . o pte te е о ts кошы шр‏ چ э‏ ت ا кө ТӘ Peewee fd шр 141 . SPIRANTHES GSTIVALIS, Courléon, M. T. . LISTERA (EPIPACTIS) OVATA, Vivy, M. T. . EPIPACTIS nipus Avis, Milon, Lué, M. de Crochard. . EPIPACTIS MICROPHYLLA, Pontigné, M. B. — Courléon, M. T. . ANAGALLIS CERULEA, Suetle, M. Bardin. . ANDROSACE maxima, le Puy-Notre-Dame, M. Révelliére. . PINGUICULA VULGARIS, Echemire, M. B. . PINGUICULA, Lusitanica, Courléon, M. T. . OROBANCHE cRUENTA, Vernoil-le-Fourier, M. Т. — PICRIDIS, Vivy, M. T. — MINOR, sur les Xanthium et Glechoma, Saum., M. d'Espinay. — HEDERÆ, Vivy, M. T. — COLOMBARLE, Angers, N. . VERONICA SCUTELLATA, var. velutina, Courléon, M. T. . VERONICA spicata, Courléon, M. T. . SCROPHULARIA CANINA, Saumur, M. T. . SALVIA OFFICINALIS, naturalisé à Vernantes M. T. — SCLAREA, Seiches, M. Bardin. j. LEONURUS CARDIACA, Vivy, Brain-sur-Alonnes, M. T. . THYMUS, CHAMEDRIS, Vernoil-le-Fourier, M. T. — NEPETA, Saumur, M. T. . MELISSA OFFICINALIS, Courléon, M. T. . BRÜNELLA LACINIATA, Vivy, M. T. . SCUTELLARIA GALERICULATA, Marson, M. T. . ATROPA BELLADONA, Brain-sur-Allonnes, M. d'Espinay. . PHYSALIS ALKEKENGI, Cantenay-Epinard, M. le dr Farges. — Brézé, M. T. — Lasse, M. B. . CUSCUTA EPITHYMUM, sur le Sucisa pratensis, Vernoil-le-Fourier, M. T. . ERICA TETRALIX, var. Flore albo, Courléon, M. T. . VACCINIUM MYRTILLUS, le Vieil-Baugé, M. B. . CAMPANULA RAPUNCULOIDES, Baugé, M. В. . CENTAUREA NIGRA, Courléon, M. T. . XERANTHEMUM CYLINDRAGEUM, Vivy, M. T. . INULA HELENIUM, Vivy, M. T. — SALICINA, Vivy, Courléon, M. T. . SENECIO ERUCIFOLIUS, Vivy, M. T. . ANTHEMIS mixta, Montreuil-sur-Loir, M. Bardin. . DIPSACUS pitosus, Brain-sur-Alonnes, M. T. Doi ере Ng rd e re ытыы ی ت ا‎ ӘБ ӘӘ bo л -1 I Ct æ cO со c2 t9 r9 t$ t° го сл 322 142 . BUPLEVRUM anistatum, Pontigne, M. B. . SMYRNIUM OLUSATRUM , Saint-Georges-Chatelaison, M. T. . RANUNCULUS cæspirosus, Vivy, M. T. — NEMOROSUS, (R. polyanthemos, var.), Forét de Chandelais, M. B. — Forét de Pont-Ménard, M. T. . ISOPYRUM THALICTROIDES, Pontigne, M. В. . MALVA NICŒENSIS, Montreuil- Bellay, M. T. . ELODES patustis, Courleon, M. T. . GLAUCIUM Luteum, Saumur, ile Maffray, M. T. . DIPLOTAXIS VIMINEA, Jarzé, M. B. 2. ARABIS HIRSUTA, Courléon, M. T. . CARDAMINE PRATENSIS, var. dentata, étang du Bouchet, à Lasse, M. A. B. — IMPATIENS, forét de Pont-Menard, M. T. — SYLVATICA, forét de Pont-Ménard, M. T. . LEPIDIUM (HUTCHINSIA) PETRŒUM, Champigny-le-Sec, MM. Révellière et T. . CALEPINA corvini. Vivy, Saint-Georges-Chatelaison, M. T. . DROSERA INTERMEDIA, Courléon, M. T. . SPERGULA morisonil, (S. pentandre, var.), Courléon, M. T. 318. . 320 SAPONARIA vaccariA, Brain-sur-Alonnes, M. T. . SILENE ARMERIA, Newillé, bois de la Vache, M. T. 323. 324. 330. 299. 361. 362. 367. 370. 379. 383. 385. 386. CERASTIUM ANoMALUM, Saumur, M. T. — CONICA, Marson, M. T. LYCHNIS pruna, forêt de Pont-Ménard, M. T. RIBES RUBRUM, forét de Pont-Ménard, M. T. ROSA ALBA, Champigné, butte de la Saudiere. POTENTILLA SPLENDENS, Blou, M. T. FRAGARIA coLLINA, Montreuil-Bellay, M. T. SANGUISORBA OFFICINALIS, Courléon, M. T. GENISTA PiLosA, Chartrené, butte de Montrond, N. MELILOTUS macroruiza, bords du Layon, N. LUPINUS LINIFOLIUS, Ушу, M. T. ORNITHOPUS EBRACTEATUS, Courléon, М. T. CORONILLA varia, Neuillé, M. T. J. GUÉPIN, d.-m. p. NOTICE SUR LA DÉTERMINATION DU VÉRITABLE CONVOLVULUS JALAPA. On a longtemps ignoré à quelle plante il fallait attribuer la racine de Jalap (Convolvulus Jalapa, L. Pentandrie monogynie; Dycotyle- dones monopetales hypogynes, famille des Convolvulacées) employée em médecine comme un purgalif fort connu. Objet d'un trafic assez aclif sur les places de commerce du Mexi- que, et notamment sur celle de Jalapa (Xalapa), qui lui a donué son пот, elle est apportée par les indigènes (los Indianos), de lin- térieur des vastes forêts de ce pays. « Se fondant, dit Guibour dans son histoire abrégée des drogues simples, sur des analogies plus ou moins spécieuses, plusieurs bo- lanistes la considérèrent successivement comme une espèce de Bryone, de Rhubarbe, où de Mechoacan. Plus tard, on l'a regardée comme appartenant au Mirabilis jalapa, L. puis au Mirabilis lon- giflora , enfin au Mirabilis dichotoma , bien que Roy. Houston, Sloane et Miller eussent déjà dit avec vérité que le Jalap était une espèce de Liseron. » Quoiqu'il en fat de la divergence des opinions, cette plante était peu ou point connue en France lorsqu'il en fut apporté de Charles- 144 Town une racine fraiche qui vécüt assez longtemps au jardin des plantes à Paris, pour qu'on en vit deux fois sortir, se développer et fleurir le nouveau liseron dont ou s'empressa d'enrichir notre her- bier national. La question d'authenticité en était 1a, lorsque dans les premiers jours de 1825, M. Ledanois, mon collégue à la pharmacie des Tui- leries, quilta le service du Roi, pour aller ouvrir une officine à Ory- saba au Mexique. Cet élablissement, qui rencontra de grandes difficullés, ne put s'accomplir qu'aprés avoir surmonté à force d'énergie des fatigues et des tracasseries locales de toute espéce. Quelque chose comme un préjugé de sorcellerie qu'il eut bien de la peine à vaincre, s'op- posa méme longtemps à ce qu'il pút voir ce singulier public, aborder sans défiance une pharmacie à l'Européenne dont il n'avait pas méme l'idée (1). Force lui fut bien alors de chercher autour de lui des moyens d'existence qui lui permissent de vivre, en atlendant qu'il s'apprivoisàt ; il les trouva dans le commerce de la Salsepa- reille, de la Vanille et du Jalap, qu'il organisa sur une assez grande échelle. Il n'ignorait pas de quelles incertitudes avait été accompagnée la détermination de la plante qui donne la racine de Jalap, et se trou- vant au milieu du champ de constatation, 1 s'était bien promis d'éclaircir définitivement cette controverse ; en conséquence, il pria ses Indiens de lui apporter quelques plantes fraîches, mais, sous di- vers prétexles, sa demande fut constamment éludée; il en voulut savoir la raison et il la demanda à une autorité compétente du pays, qui lui apprit que, dans le but de se conserver le monopole du com- merce de la racine de Jalap, et d'empécher qu'il ne passat aux mains des Européens, jamais les indigènes ne l’apportaient de l'intérieur des forêts que dans un état de siccité parfaite. Celle raison incon- nue en Europe, qui élait révélée pour la première fois, expliquait alors facilement, comment il se fesait qu'on eüt connu si tard une plante dont la racine était depuis si longtemps répandue dans le commerce de la droguerie. Il est donc probable que, sans la circons- tance de l'habitation d'un Européen qui s'intéressait en connais- sance de cause à la solution de cetle intéressante question de bota- nique, nous en serions peut-être encore aux anciens échantillons de l'herbier national, recueillis sur la plante de Charles-Town. Cependant M. Ledanois ne désespérait pas de la réussile de sa (1) Les médecins du pays fournissant les quelques rares substances simples qu'ils appliquaient sans poids ni mesures au traitement de toutes les maladies. 145 recherche, mais faute de mieux, il ne l'attendait plus que du hazard, lorsqu'un jour il reçut une charge de racine de Jalap, dont plu- sieurs ne lui semblèrent pas entièrement privées d'humidité. Son vendeur parti, il se hata de les mettre en terre et altendil. La saison des pluies qui arriva bientôt, délermina la végélation de ces racines el il eut enfin le plaisir de voir ces plantes sortir de terre et se déve- lopper sous ses yeux. C'était bien un Convolvulus, mais à sa grande surprise, ce n'élait pas du tout celui du jardin des plantes. Les feuilles qui lui apparaissaient, étaient bien plus oblongues ; les fleurs différaient encore davantage. Leur pédoncule plus allongé, le tube long et délié de leurs charmantes corolles roses bien plus largement évasées que dans l’autre, donnaient à l'ensemble de la plante un aspect dont l'élégance contrastail entièrement avec le facies de celle qu'il avait vue à Paris. Les feuilles de celle-ci remarquablement plus larges, ses corolles d'un rouge vif, peu évasées, au tube épais el ren- flé, éloignaient tout rapport de similitude entre les deux plantes, et conslituaient l'espèce à part, dans laquelle il lui fut alors facile de reconnaitre le faux Jalapa (pseudo Jalapa) trés commun aux envi- rons de Xalapa, d'Oxara et d'Orizaba. M. Ledanois prépara el sécha avec soin un assez grand nombre de tiges, avec feuilles et fleurs, qu'il rapporta en France vers la fin de 1829, el sur ses indications et d’après la comparaison des pièces du procés qu'il mit sous les yeux des professeurs du Jardin des plantes, le vrai Convolvulus Jalapa prit dans l'herbier national la place du pseudo Jalapa de Charles Town, et il continue de l'occuper sans avoir désormais à redouter une nouvelle déchéance. DELAGENEVRAYE, ancien pharmacien aux Tuileries. SUR LES SEMIS DE VIGNE. Lorsque le comice agricole de Saumur fonda l’école de vigne dont il me donna la direction, je pensai que des essais sur les se- mis pourraient arriver à des résullats heureux, malgré l'opinion généralement accréditée alors, que la vigne dégénérait toujours lorsqu'elle se renouvelait par ce moyen. Je n'avais aucunes obser- valions antérieures pour me diriger, je fus donc obligé de m'en rap- porler au hazard, ce grand-maitre en bien des choses. Je choisis seulement les raisins de belle apparence, je semai avec toules les précautions que j'indiquerai et j'attendis. ГаЦепаіѕ longtemps, car maintenant encore une grande quantilé de sujets semés depuis quinze aus n'ont pas encore donné fruit, et je n'ai jamais obtenu de fruclificalion avant la cinquiéme année. Avis, soit dit en pas- sant, à ceux qui publient dans les journaux que pour préserver la vigne de la maladie, il faut la renouveler de semis. Sans compterl'in- convénient des mauvaises variétés, beaucoup plus nombreuses que les bonnes, j'ai la preuve que l'oidium attaque tout aulant les jeunes sujets de semis que les autres. ` Comme la vigne gèle presque toujours la première année, il faut avoir soin de faire ses semis dans des caisses ayant au moins trente centimètres de profondeur, soit à l'air libre, soit, ce qui est beau- coup mieux, sous chássis ou daris une serre. On obtient ainsi une végétation plus aclive et des sujets plus vigoureux. On les rentre à l'époque des gelées, et on peul au mois de mars suivant les livrer 147 sans crainte à la pleine terre en les espaçant convenablement. On ne donne plus alors que les façons ordinaires à la cullure en grand. La vigne comme toutes les autres plantes cultivées depuis longues années, varie considérablement renouvelée de semis ; ces varialions portent sur toutes les parties de la plante. Les feuilles présentent loules les formes, depuis la feuille entière ressemblant à la feuille de tilleul, jusqu'à celle offrant les découpures les plus profondes. Elles sont ou lisses ou fortement cloquées ; ces dernières, d’après mes observations, donnent rarement de bons raisins. J'en ai obtenu de panachées de blanc, d’autres trés petites ressemblant à des feuil- les de groseiller, elc... Les tiges varient également pour leur cou- leur du rouge brun au {rouge assez vif et par la longueur de leurs entrenceuds. Le fruil éprouve également de profondes modifications ; de semis de la méme espéce, vous obtenez des fruils de nuances diverses et de goüt trés différent. Si, par exemple, vous semez un raisin rouge, voilà à peu près ce qui arrive: une petile parlie repro- duit assez exaclement l'espéce que vous avez semée el souvent, chose fort importante, avec une amélioralion seusible dans la pré- cocité. Vous trouverez quelquefois l'espèce ayant perdu sa couleur et vous donnant exactement le méme goüt mais en blanc. Assez souvent il se produit des chasselas, quelquefois des muscats, plus rarement une espèce remarquable bonne à conserver et la plus grande partie est médiocre ou mauvaise. On voit par cet exemple que la vigne suit exactement la marche des autres fruils dont on veut obtenir des variétés. Il faut done beaucoup semer pour obtenir un peu. J'ai semé environ soixante espèces de raisins; j'ai deux mille pieds de vigne qui en proviennent, le tiers tout au plus a fructifié et je ne pourrais encore compter qu'un pelit nombre d'espèces remar- quables, et dignes de figurer à côté des meilleurs raisins. Comme je l'ai dit en commençant, j'ai trop laissé au hasard. Si j'avais à recommencer une expérience qui demande tant de temps, voilà ce que je ferais : je chercherais toujours à hybrider une espèce très précoce avec une espèce remarquable par le goût, hâtive ou non; je ne choisirais pour livrer à la terre que les pepins provenant des grains les plus beaux, ceux par exemple des épaules du raisin ; je les ferais germer dans un terreau trés subslantiel, el je crois que par ce moyen on obtiendrait plus souvent des variétés remarquables. Lorsqu'on verrail dans un jeune sujet toutes les apparences d'un cé- page distingué, c'est-à-dire une bonne végétation, un feuillage assez ample et lisse, un bois à nœuds bien espacés, on pourrait alors le greffer sur un cep vigoureux ; c'est un moyen certain de le faire fructifier promptement, mais qui porte aussi quelquefois un peu 148 de modification dans le goût. On serait alors plus promptement édifié sur la qualité du fruit qu'on espère. Il faut, dit-on, une grande pa- tience pour faire des semis de vigne, altendre douze ans, quinze ans! C’est vrai, mais il n'est pas plus long de mettre en terre les semences de la vigne, qu'une autre semence ; le temps fait le reste, il passe vite, et si vous avez pu par vos découvertes contribuer à rendre l'existence commune plus agréable, n'avez-vous pas aussi contribué au bonheur de la vôtre et placé sur le sillon si vite effacé de la vie, quelques jalons pour en marquer la trace? A. COURTILLER. HORTICULTURE ANGEVINE. Parmi les anciennes provinces de France, l'Anjou tient le pre- mier rang pour les produits horticoles. Chaque année les amateurs de botanique appliquée et les jardiniers obliennent d'excellents ré- sultats et cullivent de nouvelles plantes. Sur nos marchés aux fleurs, ne se trouvent pas seulement les plantes vulgaires deslinées à orner la mansarde de l'ouvriére ou l'é- choppe du cordonnier ; à chaque époque de floraison, nos horlicul- leurs exhibent aux regards des amateurs ce qu'ils ont de plus rare dans leurs serres et jardins : c’est ainsi que, depuis une viuglaine d'années se sont propagés les Camelia, les Pelargonium, les Petunia, et les Verveines. Ce n'est pas de nos jours que dale la célébrité horticole de l'An- jou; le poirier de Messire Jehan élait connu à Angers, lorsque le ministre de Louis X, Enguerrand de Marigny, le faisait. planter comme un arbre curieux dans ses magnifiques jardins d'Issy. A une époque l'on ne songeait qu'à guerroyer, pour délivrer la France de la domination anglaise, le roi René recevait de la Provence et autres lieux pour ses nombreux jardins, les arbres et arbustes les plus remarquables. C'est à René qu'on doit dans l'Anjou l'introduc- lion des Muscals, des Chasselas, des Roses musquées, de Provins et des OEillets de Provence. Chacun des jardins de ce bon prince était un jardin modèle; nou 150 avons vu plusieurs lettres de René, où il donne à ses concierges les instructions les plus minulieuses sur le soin qu'on devait apporter à la culture de ses fleurs et de ses arbres, ainsi qu'à l'éducation des animaux qu'il élevait dans ses manoirs et châteaux d'Angers, de Reculée, de la Rive des Rivettes, d'Epluchard, de Baugé, de Beaufort, de la Menitré, de Launay, de Chanzé, des Ponts-de-Gé, etc. Apres la mort de René, Jehanne de Laval continua d'entretenir et d'orner de fleurs les demeures de son royal époux. Au xv siècle, on connaissait déjà un grand nombre de poires ; nous trouvons à celle époque, dans les lettres de Jean Bourré et dans les censifs des abbayes de l'Anjou, les noms des poires de Pepin et de Gergonelle. L'élan élait donné, les seigneurs de la cour de René (1) avaient adoplé ses goûts et dépensaient des sommes énormes pour embellir les jardins de leurs châteaux. En 1607, on cullivait à Augers, le poirier de Besy d' Heri, sous le nom de poirier d' Hieric. Bruneau de Tartiliime, dans son Philandinopolis, donne le pas- sage suivant sur l’horticullure d'Anjou en 1626 : « La beauté d'un lieu consiste au doux air en sa situation et en > son accompagnement. Le pais d'Anjou, sis el placé en la Gaule > Cellique, a au septentrion le Maine, au midi le Poitou, en l'orient > le Ladonnais, et en l'occident la Brelagne. La température de l'air » y est si modérée, qu'à bon droit Ronsard a dict que l'Anjou estoit > le paradis de France, comme nous le montrerons су-аргеѕ. Le » printemps, l'esté, l'automne et l'hyver ny sont jamais sans fleurs. » Le printemps, oullre l'OEillet et la Rose qui y croissent en » toutes saisons, s'y pare de diverses sortes d'Anemones : soient » d'Anemones pavols, slellaria, suave-rubens , double soucy, grises (1) M. Marchegay nous communique la lettre suivante adressée à Jean Bourré, par René de Laval, seigneur de la Faigne et de Pontbelain. « Mons" mon compère, je me recommande a vous tant fort comme je puys, en vous remersiant bien fort des bonnes poyres que me avés anvoyés, lesquelles sont les meilleures que mangé de cest an. » Je vous an anvoye d'aultres que on me a données. Sy les trouvés bonnes, vous ап anvoyré des greffes; més elle ne hont point de hault goust comme les vostres. J'an ay quelque une an ung jeune arbre : sy la puys sauver des oiseaulx et frelons, et elle ce trouve bonne, vous an anvoyré. On la me a fort louée, més je ne en mangé ja- més... Eseript au Lion, le vue jour de aoust. » Vostre serviteur et compère » RENÉ DE LAVAL. » 151 » communes, violettes, calcedoniques, superiers et coccinées ; s'em- » bellit de Couronnes impérialles, d'Epatiques, Botroides, Narcisses, » Jonquilles, Jacinthes, Gladioles, Renuncules et Ornithogales ; s'y » glorifie en Tulipes précosses, duchesses, comlesses, blanches, » olièses, bleues, pourprées, orangées, de drap d'or, suisses, variées, » verdes, jaulnes el rouges ; s'y finit paré de Liz blancs, asfodeles, » cruentes, phenicées et de Perse, de Roses de Provins, Guenelle » sans espine, pommées, de Gueldres, de Warmond, Batavi et Mi- > parlies; davantage on y cueille la Camomille, l'Ancolie, les Bellides » ou Margueriles, les Peones, le Muguet, les Violetles de mars, le » Romarin, le Satirion, la Parthenie, le Sceau de Salomon, la Pilo- > selle, les Chamædries et la Chrysantéme. » L'esté y a diverses sorles de Passeroses, appelées d'Outre-Mer, »le Nasturlium indicum, les Jacea blancs et pourpres, les Iris, > soient glorieux, Chame-tris, Iris de luxe, Iris bulbeux, les Eme- > rocalles, les Marlagons, les Pavols de toules couleurs , les Lysi- > machia, les OEillels des Indes, les Campanelles, les Griroflées, les > Cicados, Anis, l'Arthemise, l'Acanthe, l'Amaranthe, l'Angelique, » l'Eaulne, le Serpylle, l'Helxine, la Cissampelle, les Betoniques, les » Aubepines, les Melilols, le Basilic, le Bassamin, l'Hypericum, le » Spic, la Lavande et plusieurs aultres. » L'automne faict paroilre ses Narcisses, ses Crocus, ses Osiris, » ses Cantabrica, ses Colchiques, sa Coriandre, son Romarin et ses » aultres diverses fleurs. » L'hyver, encore que glacé, nageux et couvert de frimals, se re- » lient l'Hellebore noire, le petit Leucoyon de Theophraste, ou fleur » de febvrier, el le plus souvent prend les fleurs du printemps qu'il » faicl avancer par son tempérament. » La répulalion que s'était faite notre province, s'amoindril sous les règnes de Louis XIV et de Louis XV; quatre roses seulementétaient connues; aujourd'hui nos horliculteurs comptent cinquante espèces et plus de dix-huit cents variélés. Orléans tenait alors le sceptre de l'arboriculture, et lorsqu'il s'agit en 1703, de replanter le mail d'Angers, on eul recours aux pépi- niéristes d'Orléans; cent cinquante pieds d'ormeaux furent livrés par eux, à raison de soixanle-quinze livres le cent rendu au port d'Angers. La supériorilé de l'Orléóanais fut passagère; en 1796, le mail fut encore replanté; les pépinières du Grand-Jardin, tenues par M. Symphorien Leroy, fournirent des arbres magnifiques. Depuis ce temps l'arboriculture et l'horticulture ont toujours été en progressant. L'Agave d'Amérique, qui fleurit au Jardin des plantes, au mois de 152 = seplembre 1850, avait élé prise dans les serres de M. Restaut, ama- teur très distingué d’horticullure, sous le premier Empire. Lorsque Celse et Audibert eurent fait connailre le moyen de cul- liver el propager P Hortensia, M. Leroy père fut le premier à intro- duire en Anjou celle belle plante. Les soins que cet horticulteur distin- gué apporla pour multiplier l Hortensia, ne furent point perdus. L'en- gouement qui s'allacha à la nouvelle fleur lui fournit l'occasion de réaliser de grands bénéfices. Aussi l'Hortensia fut-il toujours pour M. Leroy, un objet de prédilection ; et quand il quitta son élablisse- ment du Grand-Jardin, il voulut emporler avec lui le premier pied d" Hortensia qu'il avait cullivé, comme souvenir de ses beaux jours d'horticulleur. Angers ful une des villes qui connurent de bonne heure la Rose de Bengale. En 1792, M. Merlet de la Boulaye introduisit le Magnolia en Anjou. Le Magnolia planté au jardin des Plantes, par ce savant professeur de botanique, existe encore. Il se trouve près des marches qui conduisent à la terrasse des Magnolias. Sous Empire, les Hyacinthes, les Tulipes (1), les Anémones etles Re- noncules, faisaient l'ornement des moindres jardins. Le pelit rentier économisait tous les ans, pour pouvoir faire un voyage en Hol- lande, afin de rapporter de nouvelles variétés. Les splerdide;jardins de Rosny, appartenant à Madame la duchesse de Berry, renfermaient un grand nombre d'arbres et d'arbustes sortis des pépinières eL des (1) Au хупе siècle, l'horticulture était surtout en honneur dans la maison de la Trémoille, l'une des familles les plus justement renommées de l'Ouest de la France, et de l'Anjou. Charlotte- Brabantine de Nassau, fille de Guillaume le Taciturne, donna une nou- velle impulsion à la culture des fleurs, en créant à Thouars et à Louzy des jardins dignes de rivaliser avec ceux de la Haye et de Harlem. M. Marchegay nous com- munique la lettre suivante, récemment découverte dans le chartrier du château de Serrant. Francois d'Aerssen, qui l'a écrite, était ambassadeur des Provinces-Unies prés la cour de France. A Madame de la Trémoille duchesse de Thauars. Madame, voicy desormais la saison, jusque bien avant en septembre, pour trans- planter de fleurs; aussy ay je faict sommer Swertz de se souvenir de vostre memoire, mais je crains qu'en serez mal servye, car il est lent, que je ne die pas par trop nonchalant, en toutes ses affaires, siennes et celles d'autruy. Cependant je m'ac- quitte maintenant de la promesse que j'ay faicte a Vostre Excellence, et vous envoye cent cinquante oignons, tous tulipes de diverses coulleurs, sans aucun rouge my jaulne ; et sy mon jeune frère revient a temps, j'espere vous en faire avoir encor autant. П en a de très rares, mais је doibz attendre qu'ilz aient provigné, et lors 155 orangeries de l'Anjou. Lors du passage de celle princesse à Angers, le 22 juin 1828, la visite qu'elle fit à Serrant lui fournit l'occasion d'admirer l'orangerie du chateau. Quelque temps après, S. A. R. recevail du chateau de Serrant, pour la délicieuse résidence de Rosny, deux magnifiques orangers, dont l’un portait plus de six cents oranges. De nos jours, le Jardin d'hiver de Paris doit beaucoup à l'horti- culture angevine. Le 25 juin 1855, fleuril pour la première fois en France dans le jardin de M. Cachet, le lys de l'Himalaya, Lilium Giganteum , Wallich (1). C'est chez le méme horticulteur que fructifia pour la première fois, à Angers, il y a trois ans, le Palmier d'Afrique, Cha- marops humilis, L. Les succès obtenus par les Angevins, à l'exposition d'horticulture de Paris, en 1855, prouvent assez quelle est la supériorité de l'Anjou sur les aulres pays. De nombreuses publications onl été faites sur les plantes et les arbres cullivés en Anjou. Nous avons fait paraîlre dans le premier volume des Annales de la Société Linnéenne de Maine et Loire, le calalogue des végétaux composant le jardin des botanistes-chimisles, fondé en 1777. Dans l'année 1810, M. Bastard publia une notice sur les végétaux les plus intéressants du Jardin des plautes d'Angers. En 1842, le Co- Vostre Excellence connoistra le soin que je porte de vous servir. D'autres fleurs n'ont ils point; aussy observé je qu'on ne faict estat que de tulipes, qui s'acheptent au poids de l'or quand ilz se rencontrent de quelque nouvelle coulleur. Mon puisné a refusé quatre mil escus des siens. Vostre Excellence, sy luy plaist, prendra mon devoir en gré, acceptant ces tulipes, et ceux que j'envoyray cy aprés, comme evre de ma tres humble devotion a vostre service ; attendant que m'lionorerez de quelque autre commandement, le quel je recevray toujours avec pareille affection que j'ay accous- tumé de recercher l'honneur de voz bonnes graces et celles de. Monseigneur de la Tremoille. Je prie Dieu, Madame, qu'il duint a Vostre Excellence prosperité et longue vie. De la Haye ce 2e d'aoust 1614. Vostre trés humble et trés obeyssant serviteur FRANCOYS D'AERSSEN. (1) Dans le méme temps fleurit à Paris un individu avorté du Lilium Giganteum. Cette floraison ne peut être comparée à celle qui eut lieu à Angers. La hampe du lys de M. Cachet, d’après les renseignements qu'il a bien voulu nous donner, avait 2 mètres 50e de haut et portait onze magnifiques fleurons , qui restèrent épanouis pendant huit jours. 154 mice horticole de Maine et Loire dressa la statistique des arbres à fruits et d'ornement, ainsi que celle des plantes herbacées de pleine terre el de serre cullivés en Anjou. M. André Leroy, en 1855, fit imprimer le catalogue descriptif et raisonné des arbres fruiliers et d'ornement cultivés dans son vasle établissement fondé en 1780. Son catalogue sort des règles ordinaires affectées à ce genre de publication. C'est un livre, et un trés bon livre dans toute l'acception du mot : la classificalion des arbres n'est point donnée au hasard, les noms scientifiques ont été vérifiés avec le plus grand soin. Le catalogue de M. André Leroy est une nomenclature complète de l'arboriculture angevine, et ce serait témérité de vouloir actuel- lement entreprendre un nouveau travail sur pareille malière : aussi, pour bien connaître les noms des arbres et la qualité des fruils, nous renverrons nos lecleurs à cet ouvrage. Quant à nous, nous allons donner, autant que possible, la liste des plantes vivaces, et des plantes de pleine terre, des plantes annuelles et bisannuelles, de serre, qui n'ont encore été signalées dans aucun ouvrage d'hor- licullure angevine. PLANTES DE PLEINE TERRE. ACHILLEA , L. ANDROSACE, L. A. macrophylla, L. A. carnea, L. moschata, D. C. vitaliana, Lap. ALSTR(EMERIA , L. AQUILEGIA , L. (ANCOLIE). A. Skinneri, Paxt. | ARENARIA, L. A. balearica, L. laricifolia, L. A. pulchella, L. ALYSSUM, L. A. deltoideum, L. incanum, L. montanum, L. ASTER, L. V. Viersbecku. A. decorus, Desf. ANCHUSA, L. (Восіоѕе). ASTRANTIA, L. A. sempervirens , L. МЕГА minor, L. CAMPANULA, L. CUPHEA, P. Br. C. barbata, L. C. platycentra, Benth. bononiensis, L. purpurea, Hort. cervicaria, L. strigulosa, H. B. grandis , Fisch. DIANTHUS, L. (@ILLET). lamiifolia, Bieb. peregrina, L. spicata, L. thyrsoidea , L. CANNA , L. (BauisiER). C. aurantiaca, Rosc. flaccida, Rosc. V. Warscewieszii. D. alpestris, Sternb. collinus, W. K. gardneri , Hort. V. Scoticus. DALHIA, Cav. Tous les ans de nouvelles variétés du Dalhia variabilis, D. C. sont obtenues de semis. CARLINA , L. C. acaulis, L. CENTAUREA, L. C. montana, L. V. alba. rosea. C. phrygia, L. CINERARIA, L. C. hybrida, Wild. V nana. CHELONE, L. C. barbata, Cav. V. coccinea. CODONOPSIS, Wall. C. lurida, Wal. COMMELINA, L. C. tuberosa, L. V. alba. variegala. CRUCIANELLA, L. C. stylosa, Trin. DELPHINIUM, L. D. triste, Fisch. pictum, Wild. V. hyacinthifolium. DIGITALIS, L. D. grandiflora, Lam. DORONICUM, L D. bellidiastrum , L. DRABA, L. D. aizoides, L. DRACOCEPHALUM, L. D. canariense, L. DRYAS, L. D. octopetala, L. EPILOBIUM. E. rosmarinifolium, Haenk. ERYNGIUM, L. E. alpinum, L. ESCHOLTZIA , Cham. E. californica , Cham. V. alba. 156 FERULA, L. HIBISCUS, L. F. neapolitana , Tenor. H. palustris, L. V. tingitana. IPOMGA, L. GAILLARDIA, Fougr. I. coccinea. G. perennis, Lois. I. V. alhæoides. V. stellata. IRIS, L. GARDOQUIA, Ruiz. P. I. hybrida, Retz. G. betonicoides , Benth. ISOSTOMA, Edw. GAURA, L. I. axillaris, Edw. G. lendheimeri, Engl. B. V. petræa. GENTIANA, Lam. IXIA, L. G. alpina, Will. Un très grand nombre de nouvelles variétés de l’ixia bulbocodium, L. sont bavarica, L. i 2 actuellement cultivées. campestris, L. nivalis, L. LATHYRUS, L. punctata , L. L. heterophyllus, L. purpurea , L. SERE. de LAVATERA, L. utriculosa, L. L. olbia, L. GEUM, L. LEUCOPSIDIUM. D. C. G. chiloense, Balb. L. arkansanum, D. C. montanum, L. LIGUSTICUM, L. (Livecue). reptans, L. ( E P. peloponesiacum, L. GLADIOLUS, L. LILIUM, L. (ramosus P L. rubrum, Lam. V. floribundus. LINUM, L. hybridus. L. montanum, Schl. GOSSYPIUM, L. LOBELIA, L. G. herbaceum, L. L. grandiflora, Gand. V. fulvum. V. Queen Victoria. GYPSOPHILA, L. LUNARIA, L. G. steveni, Fisch. L. rediviva, L. HELIANTHEMUM, L. LUPINUS, L. H. pulverulentum, L. L. Hartwegi, D. К. macrophyllus, Benth. tristis, Benth. rivularis, Dougl. variegatus, Fisch. LYCHNIS, L. L. chalcedonica, L. V. carnea. MATRICARIA, L. M. camomilla, L V. eximia. MAURANDIA, Jacq. M. antirrhinifolia, H. B. V. alba. luceyana. rosea. MIMULUS, L. M. maculatus, D. C. V. Hudsoni. Kermesinus. pictus. rubinus. speciosus. MIRABILIS, L. M. hybrida, Lepl. V. violacea. MULGEDIUM, H. Cass. M. alpinum, Cass. MYOSOTIS, L. M. alpestris, Schm. azorica, Stend. palustris, L. NYCTERINIA, Don. N. capensis, Don. selaginoides, Benth. PENTSTEMON. L'her. P. atropurpureum, G. D. pulchellum, Lindl. Richardsoni, Dougl. roseum, G. Don. venustum, Dougl. V. album. atroviolaceum. coccineum. majus. perfoliatum. purpureum. PEDICULARIS, L. P. verticillata, L. PHYTOLACCA, L. P. decandra, L. PORTULACA, L. P. oleracea, L. V. aurantiaca. aurea. striata. POTENTILLA, L. P. aurea, L. caulescens, L. grandiflora, L. PYRETHRUM, Geert. P. carneum, Bieb. Depuis cing ans un trés grand nom- bre de variétés nouvelles du pyrethrum indicum D. C. sont cultivées en Anjou. RANUNCULUS, L. R. parnassifolius, L. RESEDA. L. R. alba, L. RHAPONTICUM, Scop. R. scariosum, Lam. RICINUS, L. (Ricin). R. rutilans, Н. B. V. minor. RUDBECKIA , L. R. fulgida, Ait. V. bicolor. SAPONARIA, L. S. ocimoides, L. SAXIFRAGA, L. S. aizoides, L. SCABIOSA, L. S. graminifolia, L, alpina, L. SCYPHANTHUS , Don. S. elegans, Don. SENECIO, L. S. elegans, L. V. lilacea plena. alba. plena. candida. cinerea. SILENE, L. S. acaulis, L. schafta, Gmel. SOLANUM, L. S. laciniatum. Fors. 158 STENACTIS, Cassin. S. pulicaria, Wolla. STEVIA, cav. S. serrata, cav. THUNBERGIA, L. T. alata, Curt. T. V. alba. Fryeri. Backeri. lutea. TWEEDIA, Hook. T. cerulea, G. Dom. VALERIANA, L. V. alliaricefolia, Vahll. VERONICA, L. V. lindleyana, Wall. multifida, L. pulchella, Bast. V. agrestis. salicifolia, Forst. VICIA, L. V. pisiformis, L. VITTADINIA, Rich. L. V. triloba, D. C. ZAUSCHERIA, Presl. Z. californica, Presl. PLANTES ANNUELLES. AGERATUM, L. A. mexicanum, Sw. ALONZOA, R. et P. A. elegans, hort. V. Warscewiczii. ALYSSUM, L. A. maritimum, Lam. AMARANTHUS, L. A. tricolor, L. sanguineus, L. A. melancholicus. V. bicolor. albus. flore luteo. cristatus. nana. ANTHEMIS, L. A. arabica, L. ARCTOTIS, L. A. breviscapa. Thunb. ARGÉMONE, L. A. Baresvena, Pen. alba, H. B. ASTRAGALUS, L. A. hamosus, L. ASTER, L. A. tenellus, L. BAERIA, F. M. B. chrysostoma, F. M. BECKMANNIA, Hort. B. erucceformis, Hort. BIDENS, L. D. parviflora, L. BISCUTELLA, L. D. auriculata, L. BRACHYCOME, D. C. B. iberidifolia, Benth. V. alba. BRIZA, L. B. maxima, L. V. gracilis BROWALLIA, L. B. elata. V. alba. cerulea. | | CACALIA L. C. aurantiaca, Bleun. CALANDRINIA , Humb. C. compressa, D. C. V. Burridgii. CALCEOLARIA, L. C. scabiosæfolia, Sims. CALLICHROA, Fic. May. C. platyglossa, F. M. CALLIOPSIS, Reich. C. Drummondii, Hort. CALENDULA, L. C. hybrida, L. CAMPANULA, L. C. pentagonia, L. speculum, L. vincæflora, Vent. V. alba. liliacea. CAPSICUM, L. C. grossum, L. longum, D. C. luteum, Lam. quitense, W. violaceum, H. B. V. lycopersicoides. CENTAUREA, L. C. alba, L. amberboa, D. C. americana, Nutt. depressa, Bieberst. odorata, D. C. variegata, Lam. CENTRANTHUS, D. C. C. macrosypho , Bois. V. carnea. nana. 160 CHENOPODIUM, L. C. atriplicis, L. botrys, L. scoparium, L. CHRYSANTHEMUM, L. C. carinatum, Schous. V. album. aureum. lutewm. CICER, L. C. arietinum, L. CLARKIA, Pursch. C. elegans, Pursch. V. alba. carnea. flore pleno. CLEOME, L. C. spinosa, L. CLINTONIA, Dougl. C. pulchella. COLLINSIA, Nutt. C. bicolor, Don. V. bartsiefolia. multicolor. CONVOLVULUS, L. Tous les ans on obtient par la culture de nouvelles variétés du Convolvulus tri- color L. C. siculus, L. COREOPSIS. L. C. diversifolia, D. C. purpurea, Moc. V. filiformis. fistulosa. marmorata. pumila. COSMOS, Cav. C. bipinnatus, Cav. V. grandiflorus, purpureus. CREMOCEPHALUM, Cass. C. cernuum, Cass. CUPHEA, P. B. C. selenoides, Neis. CYCLANTHERA , Schrad. C. pedata, Schrad. CUCUMIS MELO, L. V. melon maraïcher. sucrin à chair blanche. de Langeais. de Coulommiers. muscade des Etats-Unis. de Malte d'été à chair verte. de Malte d'été à chair rouge. de Chypre. vert hátif du Japon. melon d'Odessa. cantaloup orange. — fin hâtif d'Angleterre. — Prescott argenté. — du Mogol. CUCURBITA, L. C. citrulus, L. DATURA, L. D. metel, L. tatula, L. V. alba. violacea. DELPHINIUM, L. (PIED p'ALOUETTE.) D. Ajacis, L. V. ornatum. nanum. 161 DIANTHUS, L. HELIANTHUS, L. (Soren). D. latifolius, Wild. Н. annuus, L. V. Alba. flore pleno. Pumila. argophyllus. Var egata. HELICHRYSUM, D. C. ECHIUM, L. Н. bracteatum, Wild. E. creticum, L. V. album. Borussorum rex. ERAGROSTIS, P. Beauv. macranthum, Benth. E. elegans, Nees. V. brachyrhindium. ETHULIA, L. HELIOPHILA, L. E. conizoides, L. H. trifida, Thunb. LER DU HESPERIS, L. (JULIENNE.) EUCHARIDIUM, Fisch. Mey. H. maritima, De (D E. concinum, F. M. V. flore albo. prandium M: HIBISCUS, L. (Кетмв). EUPHORBIA, L H. Africanus, Mill. E. variegata, Cell. V. thunbergit. FEDIA, Mœnch. IMPATIENS, L. (BALSAMINE.) F. grandiflora, Wallich. J. glandulifera, Roya. V. alba. GAMOLEPIS, Less. noli tangere, L. G. annua, Less. tricornis, Wall. GILIA, Ruiz. Vingt variétés cee Balza- mina, L. sont cultivées en Anjou. G. millefoliata, Fisch. et Mey. V. Rosea. IBERIS. Cerulea. I. nana, All. Fae irt | Lagascana, D. C. GDDETIA, Lindl. Umbellata, L. G. lepida, Lindl. V. flore violaceo. HEBENSTREITIA , L. IONOPSIDIUM, D. C. H. tenuifolia, Schrad. I. acaule, D. C. ‹ ll € {а LE PONES IPOMEA, L. HEDYZARUM , L. (Hérisson). I. purpurea, Lam. H. crista galli, L. V. pharbitis. 162 V. variegata. kermesina. hederacea. bona nox. althaoides. limbata. KAULFUSSIA, N. K. Amelloides, Nees. LAMARCKIA, Mœnch. L. aurea, Moench. LATHYRUS, L. (GEssE). L. sativus, L. V. azureus. LAVATERA, L. L. trimestris, L. V. alba. olbia, L. LOBELIA. L. ramosa, Benth. V. nana. LUPINUS, L. L. hirsutus, L. V. roseus. leucospermus. guatimalensis. pubescens. subramosus. venustus. MIRABILIS, L. (BELLE DE хот.) M. jalapa, L. De nombreuses variétés du Mirabilis Jalapa sent livrées à la culture. MALCOMIA, R. Br. M. maritima, D. C. V. bicolor. MARTYNIA, L. (ConNARET.) M. fragrans, Dcain. lutea, Lindl. MOMORDICA, L. M. balsamina, L. V. charantia. MORNA, Lind. M. nitida, L. NEMESIA, Vent. N. floribunda, Lehm. NEMOPHILA, Вагі. (NÉMOPHILE.) N. insignis, Benth. V. alba. albo marginata. albo variegata. discoidalis. maculata. atomaria, Fisch. caerulea. NICOTIANA, L. N. glutinosa, L. glauca, Grahm. longiflora, Cav. plumbaginifolia, Vivian. V. guatemalensis. NOLANA, L. N. paradoxa, Lindl. (ENOTHERA, L. (OxAGRE.) (E. romansowii, Ledeb. undulata, Ait. OXYURA, D. C. 0. chrysanthemoides, D. C. PAPAVER, L. (Pavor.) P. commutatum, Fiesch. 163 PHACELIA, Mich. SCORPIURUS, L. (CHENILLE.) P. congesta, Hooker. S. muricata, L. PENNISETUM. Rich. vermiculata, L. sulcata, L. subvillosa, L. SEDUM, L. (Оврїх.) P. villosum, R. Br. PICRIDIUM, Desf. (SCORSONERE). P. tingitanum, Desf. | S. azureum, L. PODOLEPSIS, Labil. P. auriculata, D. C. ie L. gracilis, Grah. S. angulatus, L. V. chrysantha. SUCCOWIA, D. C. QUAMOCLIT, Moench. Q. vulgaris, Chois. S. balearica, D. C. SILENE (MonELLE.) V. coccinea. А S. armeria, L. lutea. pue ipartita, Desf. RAGADIOLUS, Neck. hispida, Desf. R. edulis, Gertn. V. carnea. RUDBEGKIA. L. integripetala, Schoub. hirsuta, Presl. h. amplexicaulis, Vahl. longicaulis, Pourr. SALPIGLOSSIS, R. et P. V. flore albo. $. straminea, Hook. . ornata, Ait. V. hybrida. P 1 sulphurea. SANVITALIA, Lam. ABRE S. procumbens, Law. Š. speciosa, Maund. SAPONARIA, L. TAGETES (ŒILLET D'INDE.) S. calabrica, Guss. T. erecta, L. SALVIA, L. (SAUGE.) P m S. purpurea, Cav. pumila, Hort. V. remeriana. patula, L. SCABIOSA, L. V. nana. S. maritima, L. minuta L. sicula, L. signata, Dart. SCHIZOPETALUM, Sims. TELOXIS, Moquin. (TELoxis.) S. Walkeri, Sims. | T. aristata, Moq. 164 TITHONIA, Desf. VERBENA, L. T. tagetiflora, Def. V. aubletia, L. TRICHOSANTHES, Lindl. V. pulcherrima. erinoides, Lam. V. Drummondii. VICIA, L. (Vesce.) T. colubrina, Jacq. TROP(EOLUM, L. (CAPUCINE.) T. majus, L. V. minuscoccineum. V. onobrichyoides, L. scheueruanum. VISCARIA, Lindl. VENIDIUM , Less. V. occulata, Lindl. V. calenduloides, Less. V. nana. PLANTES . BISANNUELLES. ALYSSUM, L. I. lutea, Mich. А. edentulum, W. К. V. superba. CAMPANULA, L. JURINEA, Cass. (JURINÉE). C. medium, L. J. Alata, Cass. V. flore pleno. COREOPSIS, L. (ConroPkE). C. Atkinsonnia, Hook. Sahan HOE V. Ackermanni. y. imme IPOMOPSIS, Mich. ([pomopsis). liliacea. I. aggregata, Mich. SCHIZANTHUS, R. et P. S. retusus Hook. PLANTES DE SERRE. ABELIA, R. B. ACACIA, Neck. A. floribunda, Decsn. A asparagoides, Cunning. triflora, R. Br. /. argyrophylla. uniflora, R. Br. агур Шш | calamifolia, Lindl. ABUTILON, Geertn. celastrifolia, A. A. venosum, Paxt. cultriformis, Hook. V. insigne. V. Douglasii. V. grandis. ixtophylla. petiolaris. platyptera. prostrata, Lod. rotundifolia, B. M. ADAMIA, Vall. A. cyanea, Vall. V. versicolor, ALSTRŒMERIA, L A. Brasiliensis, Sell. Chilensis, S. Cr. AMARYLLIS, L. A. longifolia, Curt. V. Johnsonii. miniata, R. P. pulverulenta, Herb. ANDROMEDA, L. A. buxifolia, Pers. V. dentata. ARALIA, L. A. trifoliata, Meyen. V. crassifolia. pinnata. quinquefolia. ARAUCARIA, Juss. A. Cunninghammi, Steud. AZALEA, L. A. indica, L. V. alba perfecta. alba striata. Alexandrina. amæna. Apollo. Astonii. Augustissima. V. barbata. Bealii. Broughtonii. Chelsoni. colorans. cruenta. decora. delicata. Diana. Duke of Devonshire. egerstonia. elata flore pleno. emperor. exquisita. extranei. forstii. glory. Juliana. iveryana. magnifica plena. magnificens. Melbournii. mirabilis. modesta. multiflora. Murrayana. narcissiflora. nitida. optima. Perryana. preslantissima. refulgens. rosea elegans. rosea magna. rubella suprema. semi-duplex, maculata. symmetry. tenella. Trottheriana. Vittata. Watsonii. Wellingtoni. B(ECKEA, L. B. camphorosmiæ, Eudl. BANKSIA, L. B. macrostachya. serrata, L. V. macrostachya. BEAUFORTIA. B. sparsa, R. Br. V. purpurea. BIGNONIA. L. B. chamberlaynii, Sims. V. marmora. venusta, Ker. BLANDFORDIA, Smith. B. nobilis, Smith. BORONIA, Smith. B. crenulata, Sm. polygalæfolia, Sm. tetrandra, Labil. V. viminea. Drummondiüi. BOSSICEA, Vent. D. Andersonii, V. BOUVARDIA, Salisb. D. angustifolia, H. B. hirtella, H. В. leiantha, Benth. longiflora, H. B. mollis, Hort. BURCHELLIA, R. Br. B. major, R. B. V. speciosa. CALCEOLARIA, L. C. nana, Smith. 166 C. rugosa, R. P. V. aurantia multiflora. Kintish hero. resplendens. sulphurea. violacea. CALLICOMA, R. Br. C. serratifolia, R. D. CALOTHAMNUS, Labill. C. sanguinea, Lab. CAMELIA, L. Une centaine de nouvelles variétés du Camelia japonica, D. C., sont livrées à la culture depuis douze ans. CAMPANULA, L. (CAMPANULE.) C. vidali, Wat. CANNA, L. C. angustifolia, L. V. liliflora. Warscewiczii. CANTUA, Juss. C. dependens, Pers. V. bicolor. CASSIA, L. C. magnifica, Mart. CEANOTHUS, L. C. dentatus, Torr. V. rigidus. CEDRONELLA, Moench. C. cana, Moench. CERATOPETALUM, Smith. C. gummiferum, S. CERATOSTEMMA, Juss. C. longiflorum, Juss, CESTRUM, L. C. aurantiacum, Nug. CHEIRANTHERA, Cun. C. linearis, Cun. CHORIZEMA, Labill. (CHORIZEMA.) C. varium, Benth. V. chandleriüi. ericoides. Andersonii. Hugelii. CINERARIA, L. C. amelloides. Tous les ans de nouvelles variétés sont obtenues des semis. CISTUS. C. lusitanicus, Stend. V. lucidus CEREUS, Miller. (CiERGE.) C. geometrizans, Mart. V. gladiatus, Maynardii, Paxt. marginatus, D. C. variabilis, Pfeiffer. virens, D. C. CLERODENDRUM, L. C. foetidum, Don. CLETHRA, L. C. arborea, L. V. macrophylla. CLIANTHUS, Soland. C. magnificus, S. CORREA, Smith. C. speciosa, Andr. V. Alexandrina. bicolor. harissii. multiflora. tricolor. triumphans, Miller. CROWEA, Smith. C. latifolia, Hort. CUMMINGIA, Don. C. trimaculata, D. CYCLAMEN, L. C. europeum, L. V. roseum. DACRYDIUM, Banks. D. Cupressinum, Bancks. V. Franklinii. DATURA, L. (STRAMOINE.) D. arborea Hort. V. bicolor. DESFONTAINIA, R. P. D. spinosa, R. P. DILLWINIA, Smith. D. floribunda, S. glyciniflora, S. Drummondii, S. DIPLACUS, Nutt. D. grandiflorus, Lindl. DIPLOL.ENA, Desf. D. Dampierrii, D. DORYANTHES, R. Br. D. excelsa, R. Br. ECHEVERIA, D. C. E. grandiflora, Haw. V. pulverulenta. EPACRIS, Forst. E. grandiflora, Smith. V. corruscans. elegans. hyacinthina. miniala. refulgens. Vilmoreana. ERICA, L. (BnvvEnE.) E. campanulata, Andr V. Cavendishit. cylindrica, Andr. V. hyemalis. intermedia. mirabilis, Hort. propendens, Andr. translucens, Vendl. V. rubra. transparens, Andr. tricolor, H. B. V. Vilmoreana. ERIOSTEMUM, Smith. E. buxifolium, Sm. cuspidatum, Cun. myoparoides, Sm. V. scabrum. ECHINOCACTUS, Lalm. E. acuatus, Link. V. cachetianus. concinnus. corynodes, H. D. denudatus , Liuk. V. Linkii. macrodiscus, Mart. V. martinii. obvallatus, D. C. Pfeifferii, Zucc. V. pumilus. 168 ECHINOPSIS, Zucc, E. Eyriesii, Zucc. multiplex, Zucc. V. decaisniana. EPIPHYLLUM, Haw. E. truncatum, H. V. salmoneum. violaceum. ruckerianum. rubrum. superbum. ESCALLONIA, L. E. floribunda. densa. macrantha. organensis. EURYBIA, H. Cass. E. illicifolia, H. C. EVONYMUS, L. (Fusain). E. fimbriatus, Wall. FABIANA, R. et P. F. imbricata, R. P. V. violacea. FUCHSIA, Plum. F. hibrida, Hort. GASTROLOBIUM, R. В. G. spinosum, R. В. GAYLUSSACCIA, Pohl. G. pulchra, Pohl. GENETHYLLIS, D. C. G. tulipifera, D. C. GNIDIA, L. G. lævigata, thunb. GOMPHOLOBIUM, Smith, G. multiflorum, S. V. speciosum. GREVILLEA, R. Br. G. acanthifolia, Sieb. V. flexuosa. longifolia, R. D. robusta. thelemonniana, Hug. HABROTHAMNUS. H. cyaneus, Benth. elegans, Brogn. V. hugelii. bondouxii. HELICHRYSUM, W. H. macranthum, Benth. HELIOTROPIUM. H. peruvianum, L. V. azureum. voltaireanum, Hort, V. azureum. nanum. HIBBERTIA, Andr. H. perfoliata, Hug. HOVEA, R. Br. H. latifolia, Lad. HYPOCALYPTUS, Thunb. H. cordatus, Thunb. ILLICIUM, L. (BADIANE.) I. religiosum, Zuc. INDIGOFERA, L. (INDIGOTIER.) I. decora, Lind. purpurea, P. V. speciosa. KENNEDYA, Vent. K. bimaculata, Hort. V. andomariensis. inophylla, Lind. macrophylla, Benth. V. rotundifolia. LABICHEA, Gaud. L. heterophylla, Gaud. LACHENALIA, Jacq. L. pendula, Ait. tricolor, Thunb. LACHEN(EA, L. L. eriocephala, L. purpurea, Andr. LALAGE, Lind. L. ornata, Lind. LANTANA, L. (CAMARA.) L. crocea, Jacq. V. florida. purpurea, Horn. V. barnesiana. delicatissima. florida. lutea. LECHENAULTIA, R. Br. L. splendens, В. M. LEUCOPOGON, R. D. L. Cunninghami, R. B. LOBELIA, L. L. Ghiesbreghtii, Decsn. LEPISMIUM, Pfeiff. L. paradoxum, Saluc. MACLEANIA, Hook. M. longiflora, H. MAHONIA, D.C. M. nepalensis, D. C. MANDEVILLEA, Lind. M. suaveolens, Lind. MAMMILLARIA, Haw. M. caput Medusæ, Ott. dolichocentra, Lehm. grandiflora, Ott. hystrix, Mart. neumanniana, Lem. odieriana, Lem. picturata. procera. schiedeana, Hort. sphacelata, Mart. uberiformis, Zucc. V. arietina. eximia. gracilis. niqra. picturata, procera, MELALEUCA, L. M. armillaris, Smith. MESEMBRYANTHENIUM, L. (FicoiDE.) M. maximum, Haw. METROSIDEROS, Smith. M. buxifolia, Cun. crassifolia, Dum. florida, Dum. V. robusta. MIRBELIA, Smith. M. baxterii, В. R. dilatata, R. B. MITRARIA, Cav. M. coccinea, Cav. 170 MYRTUS, L. M. bullata, Salisb. NIEREMBERGIA, R. P. N. filicaulis, Lind V. gracilis. OPUNTIA, Andr. (RAQUETTE.) O. crinifera, Salm. ficus indica, Mill. OXYLOBTUM, Andr. O. capitatum, Benth. PASSIFLORA, L. P. edulis, Sims. V. maryatti. beloti. palmata, Lod. PHILESIA, Juss. P. buxifolia, Willd. PHLOX, L. P. Drummondii, Hook. PIMELEA, Forst. P. intermedia, Lind. V. Andersonii. macrocephala, Hook. rosea, R. Б. V. verschaffeltii. PITTOSPORUM, Soland. P. Sinensis, Desf. PLEROMA, Dois. P. elegans, B. M. V. Rougieri. macrophyllus, Walb. PRIMULA, L. (PRIMEVÈRE.) P. prenitens, L. V. fimbriata. PRONAYA, Hug. P. elegans, Hug. PROTEA, L. P. coccinea, R. B. grandiflora, Thunb. levis, R. Br. PULTENÆA, Smith. P. stipularis, Smith. stricta, Sims, RIPSALIS, Geertn. R. funalis, Salin. RHYNCHOSPERMUM, Reinv. R. jasminoides, Reinv. SALVIA, L. (SAUGE). S. azurea, Lam. V. lilleana. SCUTELLARIA, L. S. pulchella, Bung. SKIMMIA, Thunb. S. japonica, T. SOLLYA, Lindl. S. Drummondii, L. V. linearis. STADMANNIA, Lam. S. australis, R. Br. STATICE, L. S. grandiflora, her. V. holfordii. SWAINSONIA, Salisb. Š. grayana, Hook. 171 V. alba. Osbornii SWAMMERDAMIA, D. C. S. antenaria, D. C. TACSONIA, Juss. T. mollissima, H. D. sanguinea, D. €. TASMANIA, R. B. T. aromatica, R. D. TEMPLETONIA, Ait. T. glauca, D. C. retusa, D. C. THIBAUDIA. T. pulcherrima, Wall. V. floribunda. macrophylla. TRISTANIA, R. Br. T. conferta, R. Br. TROP(EOLUM, L. (CAPUCINE.) T. pentaphyllum, Lam. V. azureum. VERONICA, L. V. Andersonii. hybrida, Bieb. V. speciosa. lurnerii. variegata. WESTRINGIA, Smith. W. longifolia, R. B. ZIERIA, Smith. Z. macrophylla, Boupl. AIMÉ DE SOLAND, NOTICES SCIENTIFIQUES. BRUNEAU DE TARTIFUME, Parmi les écrivains de l'Anjou, il est un homme qui, par une modestie très mal fondée, n’osa jamais faire imprimer ses travaux. Son nom sera toujours connu des personnes qui aiment les récits de l'histoire angevine. Cet historien est Bruneau de Tartifume. Bruneau a été tourné en ridicule par les auteurs qui vinrent après lui. Sans contester le mérite des contempleurs, il nous est impos- sible de ne pas faire remarquer que leurs œuvres ne sont qu'une suite de compilations prises dans les Recherches de Bruneau. Jacques Bruneau naquit à Angers à la fin du xir siècle. Sa famille appartenait au barreau. Le nom de Tartifume qu'il prend est celui d'un petit logis dont il était propriétaire, sis prés Cantenay-Epinard. П avait le tilre d'avocat; mais comme il aimait peu cette profession, et qu'il ne l'exereait qu'à contre-cœur, on lui avait donné le surnom d'avocal de Pilate. Le blason de Bruneau portait : de gueules orné de deux quartefeuilles d'or posées en chef, au cœur non massif d'or posé en face, et au croissant d'argent posé en pointe. Le 28 avril 1608, il épousa la demoiselle Claude Guillonneau de Launay dont il eut trois enfants. Deux qu'il perdit en bas âge, lui 173 inspirèrent ces vers gravés jadis sur une tombe de l'ancien cimetière Sainte-Trinilé : Passant jette les veux dessus ce petit coing , ll y a deux enfants qui n'eurent jamais vices ; Que tu pries pour eulx, ils n'en ont pas besoing ; Ils sont deux angelots qui te seront propices. Bruneau et Guillonneau les ont nourris trois ans, Dieu les a retirés pour admirer sa gloire ; Un long âge ne rend nos esprits plus contants, Assez vit qui peut vivre au temple de mémoire, Une partie des œuvres de Bruneau sont détruites, il nous reste encore les manuserils suivants : ANGIERS, contenant ce qui est remarquable en tout ce qui estoil antiennement dict la ville d An jiers, 1623. TRINITE, contenant ce qui est digne d'étre veu en toute la paroisse de la Trinité d Angiers. PHILANDINOPOLIS ou plus clairement les fidèles amitiés, contenant une partie de ce qui a esté, de ce qui peult estre et de ce qui peult se dire et rapporter de la ville d' Angiers et pays d'Anjou, 1626. Ces divers opuscules, longtemps la propriété de M. Toussaint Grille, furent achetés par la ville, lors de la vente de ce bibliophile. Ces manuscrits sont une des bonnes acquisitions dont s’est enri- chie à celle époque la Bibliotheque publique d'Angers. On y trouve une foule de renseignements précieux pour histoire du pays. Bru- neau ne faisait jamais d'excursion dans les églises d'Angers sans relever une inscription, calquer une épitaphe, dessiner une tombe. Le crayon de Bruneau est un peu naïf; il ne connaissait guère les règles de la perspective, cl pour prévenir ceux appelés à juger ces dessins, il a soin d'apprendre par une phrase laline de quelle manière il a pris l’objet reproduit. C'est ainsi qu'on trouve en tête de plusieurs vues, ces mots : In- tuenti ex longinquo, intuenti ex propinquo. AVESQUES UN BEAU RIS esl sa signalure artistique; ces mots ne sont autres que l'anagramme des noms de Jacques Bruneau. Maintenant que l'esprit de restauration s'est introduit parlout, les œuvres de Bruneau seront de la plus grande utilité pour réparer nos vieux monuments. Si on ne rencontre pas chez ce dessinaleur de grandes qualités arlistiques, on y trouve une scrupuleuse fidélité - qui ne mettra jamais le sculpteur en défaut. 174 Le manuscrit capital de Bruneau est son Philandinopolis ; dans cet ouvrage il traite tous les sujets possibles de l'histoire d'Anjou. Un savant, d'une petite ville circonscrite par l'Océan, entreprit un jour d'écrire l'histoire de son ile. Après avoir narré les événements qui s'y étaient passés , il décril les oiseaux , les animaux , les plantes de la contrée. Les poissons de l'Océan furent énumérés avec une scrupuleuse exaclitude. La plume, suivant le cours de son imagina- поп, lui fit donner la description de la baleine, pensant que si cel énorme célacée n'avait pas visité ces lieux, il pourrait bien y venir un jour. Bruneau de Tartifume, sans tomber dans l'exagération du savant dont nous venons de parler, aime de temps en temps à se livrer à amplification. Nous allons publier le chapitre de son Philandinopolis intitulé : Des commodilez du pays d Anjou. « L’abondance des fleurs ne sert que pour témoigner la commo- dilé qui doit venir des fruits qu'elles promettent, aussi le pays d'An- jou ne peult avoir tant de fleurs, je dis tant de beautés, qu'il ne re- gorge en mille et mille commodités ; le Virgile tient que : Tout terroir a grand peine Se plait à toute graine (1). » L'Anjou pourtant, comme les esprits qu'il produit, est propre à toutes sortes de semences; à cetle cause, Ronsard, l'Homère, le Virgile et le Pétrarque des Francois, disoit que les pays de Bordeaux et d'Orléans estoient le cellier de la France pour l'abondance des bons vins qu'ils apporlent ; que la Beausse, à cause de la quantité des bledz, froments, seigles et aulres graines, estoit le grenier; que la Touraine en estoit le jardin, d'autant qu'elle abonde en toutes sorles de jardinages, choux-cabus, asperges, melons et divers légumes, mais que l'Anjou estoit le paradis de France pour ne manquer de tout ce que dessus, mais pour foisonner en plusieurs aullres chozes. L'Anjou est fertile, non-seulement en froments, bledz, seigles, horges, bledz noirs, avoines, lins, chanvres, milz, pois, febves, lentilles, serres еі aultres grains propres à la conservation de la vye humaine, mais aussi en bons vins, qui en délicalesse remportent le prix sur tous les meilleurs vins de l'Europe, vins, dis-je, si excellents, qu'ils ont contrainct ledict Ronsard de dire : (1) Non omnis fert omnia tellus. 175 Car volontiers le vin Qui a senti l'humeur du terroir Angevin Suit les bouches friandes, voulant dire que les vins d'Anjou sont seuls dignes d'estre offerts aux rois, princes et grands seigneurs, et d'estre préférés aux vins de Bordeaux, d'Orléans, d'Yrancy, à toule sorte de Mausac, de Muscat, de Blanguetle de Limoux et aux vins blancs de Bar-sur-Aube. Mesmes les vins du Rhin, d'Espaigne, et toute sorte de Malvoisie, п'епігепі en comparaison avec les vins d'Anjou, qui peuvent estre dictz véri- lablement le pur neclar des dieux pour estre fortia, formosa, fra- grantia, frigida, frisca. > Les jardins d'Anjou font qu'on ne manque en tout temps de po- lages comme de choux de diverses sorles, de porée, de cives, de ci- bots, d'ambroises, d'oignons, de beltes blanches et rouges, de cicou- rées, de bouroches, de bugloses, de vinette, d'espinards, d'arolles, de laitues blanches, rouges, mignonnes, pommées, de chicons, de pimprenelle, de persil, de thin, de marjolaine, grosse et menue, de soucy, d'hysoppe, d'asperges, de paslenargues (1) et de mille aultres herbes bonnes en fards, consommez et salades; d'arlichauds, de melons, tant sucrins qu'aultres, de concombres, de polirons, de pa- lourdes et citrouilles. » Quant aux fruits, l'Anjou abonde au prinlemps en fraises, framboises, cerises, prunes, poires el pommes de jouannet de di- verses sorles. En eslé on y trouve la caslille, la groseille, la prune de fromenteau, de damas violet, de damas noir, de damas blanc, de lisle verte, de Saincle-Catherine, de la royne, de Castalonne; la poire de muscadel, de Magdelaine, de monsieur, de Rosard, de Bi- gaillon, de chair à dame, d'esluffé, de Lichefrion, de Bonnissel, de rossignol, de pucelle el la vinelle. » En automne se cueillenten Anjou la noix, la pesche, la presse, le persille, la poire de fin or, de mesnage, de bon chrétien, de poupin, de verdet, de Rigault, de rougeaull, de safran, de grain d'or, de fusce, de gravelle, de gros argent, le coing, la pomme de Richard, de Robillard, de Blandureau, de Pomognée, de Calville, de fenouillet, de Rembur, de livre, de Pelisson , de Martrauge, de renette, de drap d'or, de Cousture, d'Aiguillon, la nousille, l'amande, la nèfle, l'alli- sier, la figue, la grenade, la corme, la chalaigne. » Y ayant en Anjou tant de prairies el communes cy-dessus men- lionnées et abondance de bestiaux , on ne peut doubler que les An- (1) L'auteur désigne sous ce nom le pourpier. 176 gevins ne foisonnent en beurre, laictage el fromages de toutes sortes, en viandes de Јаісі comme veaux, aigneaux el chevreaux, en bœufs gras, moulons, pores; en volailles, sçavoir : en poulets, chapons, poulels, pigeons, pigeonneaux, ramiers, oyes, oysons, cannes, canards, plongeons, coqs d'Inde, dindons, paons et plusieurs aultres. » Ils mangent encore aussi peu de toutes sortes de venaisons, car ils ont le cerf, la biche, le daim, le chevreuil et le sanglier. Ils n'ont faulle de gibier pour abonder en lièvres, lepvraulls, counils, cailles, - bécasses, bécassines, tourterelles , faisans, rales, butorts, trayes, merles, mauvifs, hérons, cinnes, jodéles, sarcelles, perdrix. » Sien Anjou se rencontre abondamment ce que dessus pour le contentement des bouches plus friandes, les fleuves rivières, estangs, lacs et pescheries qui y sont, salisfont encore davantaige à cel at- trayant appélit, que délicieusement el insensiblement enchante les plus sensibles sentiments des plus irréguliéres langues. D’autant que dans le mois décembre l'Angevin peut fournir de la lamproye, combien qu'elles sont encore bien rares, dès le mois de février de l'alose et en tous temps de l'abletle, du gardon, de la perche, du brochet, du barbeau, du lamprion (1), de l'anguille, de la carpe, du carpeau, de la tanche, du cornau, de la bréme. » Et d'autant que les choses estrangères, bien que moindres, sem- blent toujours avoir je ne say quoy de plus particulier, l'Anjou ne manque de toule sorte de marée, qui lui vient de Nantes, de Saint- Malo, de Cancale et de plusieurs autres lieux, de sorte que si la déli- calesse du poisson angevin ennuye, оп y rencontre aussitôt la raye, le papillon, le marsouin, le saulmon, l'esturgeon, les huîtres, les harengs blanes el sorets, les sardines, les anchoyes, la seche, la moule verte el parée, le maquereau, la balaine (2). » De facon que la province d'Anjou ne cède à la Beausse en bledz et froments, à la Guyenne et à l'Orléanois en vins, à la Touraine en jardinages, à la Normandie ni à la Provence en fruits, au Berry en troupeaux, au Mayne en toiles, à la Bretagne en beurre, au Poitou (1) Tous les ans il se fait en Loire, près le Marillais, dans le mois de mars, une pêche abondante du poisson appelé vulgairement Lamprion et connu dans la science sous les noms de Petromyzon planeri, Bloch. (2) Jehan Meschinal, eseuyer en son vivant, grand maitre d'hótel de la royne de France, en ses Luneltes des princes, est contraint de reconnaitre cette fertilité d'An- jou en ees termes : Par compagnie au pays d'Anjou yront Et aultres lieux ou bien se nourriront. 177 en abondance, à Blois au doux air, à la Brye en ses boccages ni à l'Auvergne en ses fromages; mais les surpasse, communiquant tous les jours à ses voisins ce qu'elle a de plus, comme les bledz ou les vins que les marchands de toutes parts viennent enlever tous les ans. » Ses pruneaux cuits, dont est sorli pour une année Ja valeur de plus de dix-huit cent mille francs environ. L'an 1550 y avoit à Angers un marchand nommé Jehan Baffer (1), mari de Renée Bruneau, qui ne trafiquoil que des pruneaux, soit en Angleterre, Flandre, Espa- gne el Italie. Il amassa lant de biens en ce traffic, qu'on disoit lors pour assurer qu'un homme étoit très riche : Il est riche comme Baffer, mais il wa pas tant de pruneaux. » Les toiles d'Anjou, les laines et les cuirs sont recherchés de tous endroils. » Davantage se nourrissent en Anjou plusieurs ruchées d'abeilles dont on faict un très grand profit, d'autant que les Angevins ont l'a- dresse d'en extraire le miel et la cire, qu'ils savent si bien blanchir (l'air d'Anjou y estant aussi disposé qu'en aucun autre endroit), ne se peut trouver cire plus blanche. » Finallement l'Anjou a un trésor parliculier qui sert à enrichir el embellir tous les plus beaux édifices de France. Ce trésor est l'a- bondance des ardoises, qui se tirent à une lieue près d'Angers ès paroisses de Saint-Barthélemy et de Saint-Léonard. C'est un par- fait conlentement que de voir ces belles perrières d'ardoises: les uns y vont taillant la roche, selon le conduit de ses veines, les aultres у vont faisant l'ardoise , les aullres vont l'escarant, et les aultres vont l'arrangeant par centaines et milliers; on lire l'eau de ces perrières jours et nuils, sans aucune disconlinualion, de peur qu'elles se noyenl; le tout у va par un lel ordre et symétrie, que c'est mer- veille. L'arlifice avec lequel on tire l'eau de ces perrieres est admi- rable el sans arrest. Un seul cheval encore qu'aveugle est capable de ce faire. Il prend ses temps, fait ses détours et reconnoit de celte facon ses arrels, que l'étranger devant en demeure tout étonné. » De crayonner toutes les commodités el richesses d'Anjou, ce seroit entreprendre sur l'abondance même, c'est pourquoi je laisse- rai à penser à celui qui voudra savoir davantage quelles sont les commoditez et richesses des Angevins, sur Ce que j'ai cy-dessus à la laconique et comme en courant escript, et fidellement représenté. » (1) Le nom de Baffler se trouve dans des chartes angevines de la fin du xue siecle. 178 Depuis que le bon Bruneau a écrit sa statistique, horticulture et l'arboriculture ont fait d'immenses progrès en Anjou. Ainsi, actuel- lement on compte 27 espèces d'abricoliers, 17 d'amandiers, 22 de châtaigniers, 95 de cerisiers, 7 de cognassiers, 6 de cormiers, 5 de cornouillers, 7 d'épines-vinettes, 12 de figuiers, 25 de framboisiers, 6 de grenadiers, 27 de groseilliers à grappes, 32 de groseilliers épineux, 4 de müriers, 8 de néfliers, 18 de noiseliers, 9 de noyers, 79 de pê- chers, 592 de poiriers, 268 de pommiers, 95 de pruniers, 165 de vi- gnes, 79 de fraisiers. Voir pour plus de détails le catalogue raisonné de M. André Leroy. If. PIERRE BERTHELOT DU PASTY, GENTILHOMME ANGEVIN. Pierre Berthelot Du Pasly, gentilhomme Angevin, docteur régent de la Facullé de médecine d'Angers, professeur de physiologie et de botanique, élail issu d'une ancienne famille qui tenait à Saumur au xvi° siècle un rang très dislingué. Du Pasty fut, comme chacun sait, le créateur du Jardin scientifi- que établi a Angers, en 1745, sur le lerlre Saint-Laurent. Ce ful lui qui organisa des excursions botaniques pour faciliter les éludes des élèves de l'hôpital Saint-Jean l'Évangelisle. Les nombreux travaux de Du Pasty ne nous sont connus que par les éloges qui en furent faits à l'Académie royale d'Angers, dont il était membre. Nous avons élé assez heureux pour nous procurer le discours sur l'utilité de l'histoire naturelle d'Anjou, qu'il prononca le jour de son admission à celle savanle assemblée. Pendant longtemps nous avions cru que la premiere Flore de la province d'Anjou élait celle du baron de la Richerie. Des recherches que nous avons failes nous ont appris que Du Pasly, après avoir, pendant de longues années, exploré en lout sens notre riche pays, composa un travail sur les plantes phanérogames qu'il avail re- cueillies. Nous ne croyons point à la perle de ce manuscrit de Du Pasty ; nous sommes persuadé qu'un jour l'ouvrage de ce savant natura- lisle sera, comme naguere celui du baron de la Richerie, remis en des mains habiles, qui sauront en tirer un heureux parli pour la science. Voici le discours de Du Pasly : « L'histoire de la nature a des utilités immenses. Elle y joint des charmes réels dont le privilége sur le cœur des hommes fut ressenti dans tous les temps. » Le spectacle de l'Anjou formerait donc l'objet d'un travail aussi imporlant, que capable de piquer la plus sage curiosité. Il serait digne du savant el du bon ciloyen de seconder les vues de ces hommes il- lustres, qui ont médité le projet d'une histoire naturelle de tout le royaume ; ce serail une entreprise gloricuse à notre province, avan- lageuse à ses habilants, disons mieux, à toute la France. » En effet, si chaque pays a ses richesses, nous pouvons l'assurer, l'Anjou a droit de le disputer à bien d’autres par l'abondance des siennes. » Les découvrir, les connaitre, c'est le premier degré de sagesse ; rechercher pour soi, pour ses voisins, les avantages dont elles sont susceplibles, c'est le second objet des zélés physiciens. Est-il une plus noble occupation ? Serail-il un succès plus flatteur ? » Voyons ce que notre terre lient en réserve dans son sein; visi- tons ses bancs el ses cavernes. Que de malières précieuses à la so- ciélé ! Nous y lrouvons des pierres simples, des pierres composées.... d'une infinilé de sortes, el si elles sont moins brillantes que les dia- mants, elles nous sont d'un service plus essentiel ; si le marbre, les pierres à chaux, l'ardoise, les pierres à aiguiser.... et la cadmie (1) sont plus communes en Anjou que la cornaline (2), assurément nous en retirons des avantages plus grands et plus réels. » Les pierres d'ardoises sont sans doute une des plus uliles bran- ches de notre commerce. Ne pourrions-nous pas le rendre plus pro- filable et plus florissant, en multipliant nos observations sur leurs éléments, leurs grains, leurs mélanges, leurs positions et ce qui nous assurerait les meilleurs lits, qui préviendraient des dépenses considérables et quelquefois inutiles ? » Quelles sources d'ulilités renfermées dans les sels nitreux..... les matières sulphureuses, les charbons de terre, les pyriles mar- liales, eL les mines de fer! Notre province en est abondamment pourvue. » Qu'esl-ce qui ignore les biens immenses qu'apporlent à la so- ciélé les différentes pierres d'argile, de bols (3) et de concrétions (4)? (1) On trouve aux environs de Saumur de la cadmie ou de Ја calamine rougeatre, qui entre dans la composition du cuivre jaune, dans celle de plusieurs remèdes, etc. (2) Aux confins du Poitou. (3) Nous avons prés de Saumur du bol aussi bon que celui de l'Arménie. (4) Les tufs, les pierres de Meuliére... sont au nombre des concrétions 180 » Nous pouvons encore nous dire riches en ce point : rendons- nous de plus habiles dans leur emploi; imilons, surpassons même jusqu'aux ouvrages asiatiques. » Les pétrifications, ces monuments divins du plus mémorable de tous les événements, ne sont-elles pas un vrai ornement de notre province où elles se trouvent plus abondamment qu'en aucune autre? Ne sont-elles pas les délices des savauls et dignes d'être placées dans notre histoire naturelle ? » Les fontaines pétrifiantes (1), sans fond..... (2), mériteraient de n'étre pas oubliées : souvent ce qui ne parail que curieux devient dans la suite très utile. » Mais les eaux minérales, ces sources sacrées des anciens, ces présents de la divinilé, occuperaient le premier rang. Où sont-elles en effet plus salutaires et plus communes qu'en Anjou ? S'imaginerait- on que la fontaine de Chavagne (3) et celle de l'Éperviere fussent les seules où l'on eût à puiser un breuvage souverain, pour terminer nos langueurs et nos infirmités? Il en est d'autres (4) déjà connues, ne pouvons-nous pas accroître ces découvertes au grand avantage de toute la province? Ne devons-nous pas examiner les sources et la nature de ces fontaines précieuses, estimer surtout les différences de l'esprit minéral qui fait l'àme de leurs propriétés, la diversité de leurs mélanges, de leur poids, et élablir enfin sur ces principes les occasions et les plus utiles manières d'en faire usage ? > On ne peut sans doute trop estimer les biens que nous procu- rent les différentes classes des animaux : ils nous offrent des re- mèdes, ils contribuent à l'excellence de nos tables, à nos vêlements, nos parures, nos ornements, elc. » Tout le monde sait la plupart de ces services admirables que nous en lirons tous les jours, mais tout le monde ne sait pas com- bien on peut les augmenter. Si dans cetle partie la plus noble de l'histoire nalurelle nous n'envisageons que les usages les plus ab- jecls en apparence, il sera aisé de convenir jusqu'où peuvent con- duire de nouvelles recherches en ce point. » N'est-ce pas l’industrie d'une espèce de mouche apprivoisée qui nous procure la cire et le miel? N'est-ce pas une chenille qui nous (1) Auprés de Beaufort. (2). Auprés de Sablé. (9) Dite vulgairement Jouannette. (4) A Chalonnes, à Blaison, dans la forêt de Chambiers, aux Persillaires, en celte ville méme. 181 donne la soie? Ne sont-ce pas des fourmis ailées dont on tire la laque (1)? » Ce sont pareillement ‘des insectes qui nous fournissent la plus éclatante des couleurs (2). Ce sont des insectes qui font naitre la noix de galle, si utile pour nos teintures noires et pour la composi- lion de l'enere. Ce sont eux (3) encore qui ont la matière de plu- sieurs remèdes très estimés en médecine : ils nous procurent mille autres ulilités réelles; à quel prix les apprécier toutes ensemble ? Jusqu'où et dans quel genre peut-on les étendre ? » Si l'auteur de la nature nous fait trouver tant de commodités el d'avantages dans les animaux, il ne nous offre pas moins de se- cours dans les plantes dont il a orné la surface de la terre. Combien serail-il important de nous occuper davantage de l'état de ces pre- mieres richesses et de l'usage qu'il en faut faire? » Serait-il nécessaire de faire connaitre que l'Anjou est une de ces lerres chéries et privilégiées oü les plantes se trouvent libéralement répandues, qu'elle en nourrit des plus rares dont nous embellissons le jardin de nos rois, que les plantes sont les vrais et les plus sürs instruments de la guérison de nos maladies; enfin que la connais- sance de leurs propriétés peut s'accroitre tous les jours par l'obser- valion de leurs principaux caractères (4) ? » Non sans doute, sans le secours de ces vérilés on est suffisam- ment convaincu des avantages qui résulteraient d'une histoire com- pléte el raisonnée des plantes dont notre province est richement em- bellie. Qui ne voit méme bien au-delà de ces vérités? Je me promets d'ailleurs de les rassembler toutes dans un ouvrage sur les plantes (mon objet favori), et c'est par là que j'espere contribuer à l'histoire naturelle d'Anjou. Je n'offre pour le présent à ma palrie que mon zèle et mes travaux; puissé-je bientôt lui présenter des succès ! » (1) La laque nous sert pour les vernis, pour la cire à cacheter, pour teindre en rouge les maroquins, etc. (2) La cochenille et le kermés donnent la teinture pourpre. (3) Les cloportes, les mouches cantharides, les proscarabés, les sangsues, les vers de terre, etc. (4) Les plantes semblables ou de méme structure dans les parties de la fructifica- tion (savoir : la fleur, le fruit, la graine), sont ordinairement de méme vertu. Ш. BERNARD DE PONTOISE. Au commencement du seizième siècle vivail à Angers un méde- cin d'une très grande réputation. Ce médecin, nommé Bernard de Pontoise, est toujours désigné dans les archives de la Faculté, par Poquet de Livonnière, ele , sous la qualification de célèbre médecin. Sa renommée parvint jusqu'au pape Alexandre VI qui l'attacha à sa cour et se lia intimement avec lui. Malgré la haute position et les honneurs qu'il avait acquis, le séjour de la ville éternelle était peu agréable à Bernard, il songeait toujours à cette riante Loire et aux ferliles vallées de l'Anjou; il quitta donc Alexandre VI qui le vit par- lir avec tristesse. Bernard de Pontoise exerça encore après son re- tour de Rome quelque temps la médecine à Angers où il mourut. Il fut enterré à Saint-Michel-la-Palud, auprès de sa femme; sur sa tombe. étaient gravées ses armes d'argent, à la croix de gueules cantonnée de quatre vannels de méme el celles de sa femme, portant d'argent, au chef d'azur, à l'aigle de sable éployé à deux têtes, avec celle inscriplion : Par Atropos à nul courtoisie, Cy gist la fleur de médecine Feu maistre Bernard de Pontoise Qui cognoissant......... Graine, feuille, racine, A tous soulfrans prolongeoit vye, Autant que l'art peut et assigne, Son àme soit en cieux ravie Amen. 10 juin 1522. Son fils, Jean de Pontoise, curé de la Jumeliére , dont il avait fait bâtir le presbytère, en 1521, curé de Saint-Aubin-de-Luigné, archi- prêtre de Vion, chanoine de Saint-Julien, construisit en l'honneur de son père une trés riche chapelle dans l'église Saint-Michel-la-Palud où il avait élé baptisé. Sur les vitraux se trouvait le portrait en pied de Bernard de Pontoise et de ses deux fils, porlant le costume ecclé- 183 siastique; celui de sa femme accompagné de ses cing filles, deux élaient religieuses. Au-dessus de l'autel on voyait le portrait du pape Alexandre VI, l'ami constant de Bernard de Pontoise; le retable ren- fermait un magnifique tableau représentant la Vierge tenant dans ses bras l'Enfant Jésus. hichelieu passant à Angers vint visiler l'église Saint-Michel-la- Palud; il fut frappé de la beauté du lableau donné par Jean de Pontoise et voulut l'avoir pour la chapelle de son château. La fabrique était peu désireuse de se défaire d'une toile si pré- cieuse, mais la demande du cardinal-ministre était un ordre et le tableau fut envoyé au château de Richelieu où il y resta jusqu'à la démolition de ce splendide édifice. Jean de Pontoise habita peu l'Anjou, il fut presque toujours à Rome auprès du pape Alexandre VI, qui reporta sur lui la vive amitié qu'il avait donnée à son pere. Avant de quitter l'Anjou il fit placer dans la chapelle connue sous le nom de chapelle Pontoise, son portrait au bas duquel on lisail se distique : Patris Alexandri de commensalibus unus Johannes jacet hic Pontesianus erat. IV: DENYS PAPIN. L'habile physicien dont s'honore la ville de Blois, Denys Papin, se fit recevoir docteur en médecine à la Faculté d'Angers. Cette cir- constance de la vie de Denys Papin est complétement ignorée de ses biographes qui tous lui donnent le titre de médecin, mais qui lous aussi, ne sont pas d'accord sur la ville où il prit ses grades. Les archives de la Faculté nous apprennent l'année de sa récep- tion et nous pouvons produire l'engagement écrit que contracta Denys Papin, conformément aux usages prescrils pour obtenir le litre de docteur. « Moi, Denys Papin, je reconnais devoir à MM. les docteurs de la Faculté de médecine d'Angers tous les droits de bourse qui leur ap- 184 рагііеппепі et qu'il est d'usage de payer pour prendre les grades en médecine et recevoir le doctorat; lesquels droits fixés par lesdits docteurs agissant bienveillamment avec moi, je jure et promets de bonne foi d'acquitter, suivant leurs stipulations, aussi longtemps que je demeurerai dans cette ville et que j'y exercerai la médecine; je m'engage en outre à répondre publiquement, à revétir les insignes du doctorat, selon la coutume de ladite Facullé, et à supporter tous les frais à ce nécessaires , nonobstant ce que lesdits docteurs m'ont accordé, dans l'examen particulier et approuvé que j'ai subi; en foi de quoi j'ai signé les présentes lettres de ma propre main. Donné à Angers. le onze juillet 1669. « Signé DENYS PAPIN » (1). Entre les intervalles des cours de la Faculté d'Angers, Denys Papin consacrait ses loisirs à l'étude dela physique. Recu médecin, il pra- liqua quelque temps avec succès, parlit pour Paris où il fit la con- naissance d'Huygens, passa en Angleterre, fut accueilli avec joie par les savants dont il s'était déjà fait connaître, et Boyle l'associa à ses belles expériences sur la nature de l'air; il fut admis en 1681 à la Société royale de Londres et, en 1687, l'Université de Marbourg lui offrit une chaire de mathématiques qu'il remplit avec distinc- lion; enfin il fut recu en 1699 correspondant de l'Académie des sciences. Ce savant laborieux qui, le premier, connut l'emploi de la vapeur appliquée au mouvement des machines, mourut en 1710, laissant un grand nombre d'ouvrages. C'est une gloire pour la Fa- cullé de médecine d'Angers d'avoir ouvert le domaine de la science à un homme dont la réputation devint si populaire, et maintenant que l'esprit d'invesligation règne parlout, que de tous côtés les bi- bliothéques, les manuscrits sont consultés avec ardeur, nous (1) « Ego Dionysius Papinus volens fateor doctoribus Facultatis medicine An- degavensis omnia jura bursarum illis debita et persolvi solita pro adeptione gra- duum medicine et doctoratus, que jura mihi a dictis dominis doctoribus henigne mecum agentibus eredita sunt, quæque juratus spondeo et bona fide promitto me, illis stipulantibus, persoluturum quandocumque in hac civitatè immorari et medici- nam facere voluero; in quo insuper polliceor publice respondere et insignia docto- ratus pro more dictæ Academie assumere et omnes sumptus ad eam rem бегі solitos sustinere, non obstantibus ceteris quas mihi predicti domini doctores habito prius privato examine et comprobato concesserunt in cujus rei fidem præsentes litteras propria manu subscripsi. Datum Andegavi die undecima julii 1669. » Signé DIONYSIUS PAPIN. > 2 АЕ a WIL FRUA Fig PRÉC re hier Man Quee 4% fre 2272727 ш quA 284 792/072 ZZ putt YP? II ayn pa Lean 23 7147/44 PI ААИ: > ZAA 2 < 277227 e p cae VO А ГА SACL JOY PAULUS ТИТИ орт” ar, 7 4 2 CAL URA UOD See pan [Dusted Bp BUY GUY YAT LA LIR " 2 4 27777 cc PR в убор? 2% RE ze 2 ЕД £ AR 494 I YE? ) 2 Z M MeO? Dae REDS ⁄2yz%2,/0222Z к a ee С EZO “ag til IUS 2⁄2 DA bun zz Lu HMM rd ару EC лое ¿Z Tap Vnd. cuta P AME = 2 x 2) КО Pu УД PENS ARRAI LID YE a > «фә HT > CS iw i AU abad XM KANE a paupe (л (anu С 52 Er 22420 Á ) 2 22 › | 2 2 Cw, Mago 20 ГИС ОСИЕТ Aum #7 LCLO 11742772220 242 2 ; ч f- 2 ET, ССС 72 157 222 124 Za Z22222 DS CLARY LY ex fne 7 MET 25) 4 h^ of з А 4% Uh fe ` 54% Jh INE ? à LM Qu" "e م‎ n 185 sommes heureux d'avoir pu offrir à la Société Liunéeune de Maine el Loire le fac simile d'un aulographe de Denys Papin (1). AIMÉ DE SOLAND. (1) Guy Patin, dans ses lettres à Charles Spon, nous donne d'intéressants détails sur Papin père, Denys Papin, et sur le fils de Saumaise qui était étudiant à Saumur, sous Le Févre. Voici des extraits de ces lettres : PAPIN PÈRE, — DENYS PAPIN. « Je pense que vous vous souvenez bien ici d’un certain médecin de Blois, nommé Papin, qui de Blois vint demeurer ici, d'ici à Alençon, puis revint ici où il pré- » tendit être employé sous les auspices de l'étendard de Valot, aujourd'hui premier mé- » десіп, sed spes illa statim decollavit. Voyant qu'il n'y réussissait point, il vendit » tous ses meubles et ses livres et s'en alla à Nantes, pour être d'un embarquement » que Гоп y faisait pour l'Amérique, où quelque argent lui fut avancé ; de là querelle » et procès; il en fut emprisonné, il en sortit et s'en alla pour être hors des at- » teintes de ces gens-là à Neufchâtel, en Suisse, où il est mort. Sa femme est à » Saumur, avec trois enfants. » С. Patin, lett. 272 à Ch. Spon, 24 juin 1655. = SAUMAISE LE FILS, ETUDIANT A SAUMUR, SOUS LE FEVRE. « Le fils de M. Saumaise, âgé d'environ 24 ans, m'est aujourd'hui venu voir céans.... J'ai pris grand plaisir à regarder ce jeune homme, il ressemble à feu s M. son père de visage, hormis qu'il est blond, le père était noir..... Il est gentil » et éveillé, sage et honnête. П m'a dit qu'il a un petit frère qui étudie à Saumur, » sous M. Le Févre, qui est un des régents de ce collége , fort savant homme qui a » fait quelque chose sur Lucien et qui travaille sur le Pindare, c'est-à-dire qu'il est » græcè doctissimus. C'est ce Faber qui a fait un petit discours latin par lequel il » veut prouver que le passage de Christo qui est aujourd'hui dans Flave Josephe, » au 18* livre des Antiquités judaïques, y a été ajouté par quelqu'un des premiers » chrétiens, timide pietatis... Origenes contra Celsum, en trois endroits, se plaint » que Josephe le Juif avait écrit quelque chose contra Christum , quod hodie non » apparet in ejus scriptis. » G. PATIN, lett. 332, à Ch. Spon, juillet 1658. NOTICE SUR WARTIGNE-BRIAND, Comme le passé de tous les lieux qui ne datent pas dans l'histoire par quelque fait célèbre, ou qui n’ont pas eu le rare bonheur de compter parmi leurs habitants quelqu'illustration, le passé de Mar- ligné-Briand reste enseveli dans la nuit des temps. Mais son sol qui conserve les traces de fouilles profondes, les souterrains nombreux el prolongés qu'on y rencontre, avec preuves d’habilation, attestent que dans des temps bien reculés Martigné-Briand avait de nombreux habilants. L'étymologie toute romaine de son nom parait incontes- table (Mars ignis). A ce sujet il est une remarque digne de fixer l'attention : les chefs-lieux des quatre communes limitrophes, Mar- ligné, Tigné, Brigné, Aubigné, ayant toutes la méme terminaison, forment les quatre angles d'un carré ап milieu duquel coule le Layon; chose plus remarquable encore, ces qualre bourgs sont placés aux quatre points cardinaux de ce parallélogramme, Marligné au nord, Tigné au midi, Brigné au levant , Aubigné au couchant. Tout le monde sait que les Romains désignaient leurs camps ou stations par des feux ; de là la terminaison en igné (ignis). Ni dans les fouilles, ni dans les constructions qui existent sur les lieux on ne trouve de vertiges romains; mais, dans le voisinage, les restes du cirque de Doué prouvent que les illustres envahisseurs avaient dans ce pays de grands élablissements : n'en pourrait-on pas conclure que l'espace compris entre les qualre bourgs cilés élait pendant la domination romaine un posle imporlant? 187 Les constructions les plus anciennes sont Jes contreforts ou piliers carrés couronnés autrefois de machicoulis, dont il reste trace, qui servent d'appui à l'arrétier nord de l'église; évidemment cette an- cienne chapelle du chátean d'alors était reliée aux forlifications el en faisait parlie. Le châleau actuel, bien moins ancien que ces pi- liers, date du seizième siècle; sa construction est élégante et impo- sante tout à la fois. A l'extérieur, la maconnerie est entierement re- couverle de pierres de taille, elles sont d'égale dimension en hauteur et posées avec une précision, une justesse admirables ; les joints larges et parfaitement réguliers ont été fails avec un ciment que le temps et les injures de l'air n'ont pu altérer. Ces joints qui semblent terminés d'hier font tellement corps avec la pierre que, vu à distance, l'ensemble de la construction a l'aspect d'un gigantesque monolithe dans lequel on aurait taillé des tours, des croisées , des lucarnes. Ce qui fait surtout l'adruiration des visiteurs ce sont les dessins et le fini des sculptures : répétées au dehors, autour des croi- sées, dans les architrades et aux lucarnes; à l'intérieur, le long des jambages et des manteaux des cheminées, elles sont partout exécu- lées avec une perfection, une variété de délails que l'on rencontre rarement. Ces dentelles de pierre sont tellement refouillées et déta- chées de la muraille que non-seulement les effets de lumière et d'ombre s'y trouvent naturellement reproduits , mais les petits oi- seaux se cachent aisément derrière ces guirlandes grisátres, et lan- dis que l'épervier s'élance d'une meurtrière pour planer sur la cam- pagne et chercher une proie, le moineau et l'hirondelle, à moins d'un mètre, ont fait leurs nids et placé leurs jeunes couvées entre la muraille et les chardons sculptés, s'abritant ainsi sous ce feuillage de pierre contre leur redoutable voisin. Tels autrefois les vassaux venaient chercher asile dans l'enceinte fortifiée tandis que le rude chevalier, suivi de ses hommes d'armes, partait pour les combats. Au-dessous des tours et les dominant de dix à douze mètres, s'é- lèvent quatre énormes cheminées bâties en briques ; la plus grosse a trois metres sur deux côtés et deux mètres sur chacun des deux aulres, ce qui donne un développement de dix metres de tour. Vingt mille briques environ sont entrées dans la construction de cette seule cheminée. Lorsque le vent souffle avec violence il im- prime à cetle gigantesque construction, si élevée au-dessus du sol, un mouvement d'oscillation trés marqué. Реп ai jugó moi-même : me placant un jour d'ouragan à l'angle d'un vieux mur qui me ser- vait de jalon, je voyais parfaitement le sommet de la cheminée céder aux coups.de vent et revenir aussitól aprés à son aplomb accou- tumé. 158 Ce château qui souvent changea de тайге a appartenu à la puis- sante famille de Cossé Brissac, elle le posséda longtemps. En dehors de l'église où le châtelain avait la place d'honneur et l'encens, ses droits étaient peu étendus, et au-delà des douves du château, les pri- viléges féodaux devenaient la propriété de divers seigneurs; aussi, comme les recolleurs des rentes et dimes de ces derniers venaient jusqu'aux fossés et sur la place de l'église exercer les droits de leurs maîtres, un vieil usage du lieu disait : Pour le seigneur de Martigné hors l'église point de salut. Parmi les familles possédant fief à Marligné on comptait les de Maillé, les de La Gabiloniére, les de Sales. La terre de Fline avait des droits féodaux bien plus importants que son territoire ; ses fiefs du petit Lingué, de Perray et de Boussicault s'étendaient sur les pa- roisses de Tigné, Thouarcé, Chavagnes. Cetle terre, ainsi que celle des Noyers, méme commune de Marligné, appartenaient à la famille Chevrier. En 1659, elles passèrent à la famille de Romans, par le mariage de dame Marie Chevrier et de messire Francois de Romans. Celle dernière famille n'est pas angevine, elle est originaire de la Bourgogne, où une branche possède encore le château et la terre dudit lieu de Romans, situé prés Dracy-sur-Arroux. Le château et la seigneurie de Marligné furent au 18° siècle vendus à noble homme Parent. Ce Parent était un argentier de Normandie; il était venu se fixer à Marligné par suile de l'acquisition qu'il avait faite sur Marie-Madeleine-Henrietle de Romans, du château des Noyers. M. Parent n'eut qu'un fils qui ne se maria pas; devenu fou, il a laissé dans le pays une longue tradition de trails de bizarrerie et de folie : il se persuadait entre autres folies qu'il avait été transformé en oiseau, aussi s'élait-il fail ajuster un vêtement qu'il engluail et couvrait de plumes; ainsi accoulré, il courait les champs, se placait sur les arbres des jours entiers el souvent on l'a vu dans la basse- cour du château rester plusieurs heures accroupi sur des œufs qu'il avail Ja prétention de faire éclore. M. Boreau de La Besnardière acheta tous les biens possédés par les Parent à Marligné, et M. le ba- ron de Monticourt, leur propriélaire actuel, est par sa mère pelil- fils de M. de La Besnardière. Le château de Maligné, situé méme commune de Martigné, a ap- partenu à la famille de Sales ; il est méme de tradition dans le pays que saint Francois de Sales a dit la messe dans la chapelle de ce lieu. Une circonstance semblerait justifier cette tradilion, c'est que les croix paltées de la consécration se voient sur les murs de cette chapelle, privilége trés rare pour les chapelles privées, qui d'ordi- naire ne sont que bénites. 189 A l'extrémité opposée de la commune se trouve une autre chapelle en grande vénération; elle a déjà fixé l'attention du savant et zélé président de la Société Linnéenne. Cet hermilage est bali sur les bords du Layon, dans un creux de rocher calcaire qui le couvre en parlie et le prolége. Le site est des plus pittoresques : à quelques mèlres une chaussée de moulin relient les eaux de la rivière qui s'échappent en bruyantes cascades el dominent le murmure d'une source qui coule abondante et claire des fondements mêmes du pieux et modeste édifice. Depuis quelques années des fours à chaux ont été construits si prés que le passage continuel des acheteurs et des ouvriers, les chants profanes des charreliers ont détruit la mysté- rieuse solitude de ce lieu de prière qui s'alliail si bien au recueille- ment des pèlerins. Celle chapelle est dédiée à saint Marlin de Tours; il y a quelques années, la vieille statue équestre du saint, grossière- ment sculptée, plus grossièrement peinte et toute mutilée, fut rem- placée au-dessus de l'autel par une aulre statue du méme saint, revélue des ornements épiscopaux. L'ancienne ful reléguée dans une niche obscure, mais la confiance des pèlerins a suivi dans son exil la pauvre image, et tandis que le prêtre offre le saint sacrifice en face du. saint évéque porlant crosse et mitre dorées, eux vont s'agenouiller au pied du charitable cavalier qui partage son man- leau avec le mendiant, et c'est non prés de l'autel mais au-dessous de la niche humide que sont suspendus tous les ex-voto. Bâlie sur les dépendances du chateau des Noyers, la chapelle fut construite par les soins des anciens seigneurs de ce lieu; la pierre qui servait de clé à l'ogive de la porte portail l'écu d'azur au chef d'argent, chargé des trois croix pallées de gueule. En 1832 des réparalions furent faites à celte porte, l'ogive détruite, el la pierre armoriée fut placée par les ouvriers dans un mur de soulénement, à l'encontre du ro- cher oit on la voit encore. D'autres chapelles existent dans les différents villages de Marli- gné, elles étaient desservies par les chanoines du chapitre de ladite église. Ces chanoines élaient au nombre de trois, leur nomination apparlenait à l'évêque d'Angers, ils avaient droit de dime sur une parlie de la paroisse; des lerres, des rentes et des redevances étaient attachées à chacune des chapelles desservies par eux. Marligné possède un hospice fondé en 1712, par Mes Marie Morna et Jeanne Airault. La prospérité de cet établissement chari- table s'est successivement développée, grâce aux fondations pieuses et aux legs faits en sa faveur. Pendant un demi siècle, trois sœurs, Mes Leteul ont été successivement supérieures de cette maison à la- quelle elles ont légué toute leur fortune. Les revenus maintenant 190 suffisent largement aux dépenses sans qu'il soil besoin d'avoir re- cours au budget communal. Des constructions nouvelles ont été disposées pour seize malades et seize vieillards infirmes des deux sexes. Les bonnes sœurs auxquelles sont confiés ces soins sont de l'ordre des Filles de la Sagesse. C'est dans celle commune que se trouve la fontaine minérale de Jouannelte. A l'époque où on allait aux eaux pour chercher la santé, Jouannette jouissait d'une vogue légitimement due à ses vertus cu- ralives; mais maintenant que c’est le besoin des distractions el des plaisirs qui conduit à ces établissements, Jouannette ne voit plus d'é- légants équipages, sa source bienfaisante ne distribue la santé et la vie qu'à de modestes visiteurs. Nous l'avons dit en commençant, Marligné n'a pas de passé dans l'histoire, cependant deux combats sanglants s'y livrèrent à la fin du siècle dernier. Dans ces temps malheureux, sa posilion géogra- phique entre la Vendée militaire el le pays Saumurois forca les ha- bitanls à choisir un parli ou à se réfugier dans les villes plus éloi- gnées du théâtre de la guerre. Plusieurs familles se relirérenl à Poitiers, d'autres à Tours, à Orléans; l'amour du foyer l'emporlant chez beaucoup d'autres, elles restèrent, fuyant seulement à l'ap- proche de l'une ou l'autre armée. Quelques rares individus suivirent les républicains; un bien plus grand nombre d'autres prirent les armes et furent rejoindre les Vendéens. Les gars de Marligné élaient {гёз connus dans l'armée, où ils avaient acquis une réputation bien élablie d'intrépidité; mais entre tous, les quatre frères Gamichon, dont trois périrent dans les combats, avaient mérité le surnom de braves! Le survivant, qui était le cadel, revint criblé de blessures s'établir au pays; il y esl mort dans un âge avancé, aimé et estimé de tout le monde. Dans les dernieres aunées de sa vie ce vieillard, qui ne marchait plus qu'à l'aide de deux batons, avait conservé toute son intelligence; il élait causeur, raconlait bien, chacun l'interro- geait avec intérêt; sa lêle blanche el courbée se relevait, ses yeux prena ent un éclat inaccoulumé , au récil des épisodes de la grande guerre, el il ne manquait jamais de se découvrir lorsqu'il prononçait le nom de ses anciens chefs. Le territoire de Marligné renferme peu de monuments druidiques, cependant sur le coleau (dil Grouas des Noyers) on remarque cinq peulvans qui font partie d'un cromlech. Ces monolithes sont inéga- lement espacés; qualre sont couchés sur le sol, un est debout; les dimensions de ce dernier, hors de terre, sont de quatre mètres de hauteur, trois de largeur el un mètre d'épaisseur. La présence insolite de ces blocs de quartz sur un coteau de roches coquillières 191 a nécessairement fixé l'attention des habitants de ce lieu, dont l'i- magination encline au merveilleux devait donner une origine de celte sorte à ces pierres remarquables; aussi ont-elles leur légende particulière, la voici : Gargantua, le héros de tous les contes populaires du pays, était un géant dont la haute taille dépassait la cime des arbres les plus éle- vés, comme sa force et sa voracilé dépassaient toute imagination. Gargantua dans ses moments de loisir aimait (parait-il) le jeu du petit palet; or, un jour que comme un simple bambin revenant de l'école, il poussait devant lui des pierres ramassées bien loin dans son chemin, il s'arréta sur le Grouas des Noyers et plantant debout, comme un bouchon de liége, la plus grosse des pierres, le monolithe dont nous avons donné la dimension, il se recula de quelques pas, chacun de ces pas étaient plusieurs centaines de mètres, puis il lança vers le but, avec plus ou moins d'adresse ou de bonheur, les quatre rochers que l'on voil à plat. Sur l'un d'eux on remarque des excavalions oblongues, ce sont, dit toujours la légende, l'empreinte des doigts du géant dans les mains duquel le quartz le plus dur n'é- tail que pâle malléable. Ainsi se trouvent expliqués tous les détails qui se ratiachent à ce cromlech. Dans le pays ces monuments drui- diques ne sont connus que sous le nom de palets de Gargantua. L'étendue de la commune de Marligné est de deux mille sept cents hectares; les deux tiers environ sont en terres labourables, l'autre liers est en vignes el en prairies. Incliné vers le midi, son sol fertile esl propice à toutes les cultures, le vin est la principale source de richesse de ses habitants. Autrefois, les vins blancs des coteaux du Layon avaient un placement assuré en Hollande et en Belgique. C'é- tail l'époque des profils pour nos vignerous qui se rappellent cel âge d'or avec regrel el envie. Depuis bien des années ces vins ne servent plus qu'à la consommation des départements voisins, les prix sont moins élevés el la vente moins assurée. Le seul cours d'eau important est le Layon. Il limite la commune au midi, ses eaux s'écoulent vers l'ouest, où elles vont se méler à Chalonnes avec celles de la Loire, aprés avoir franchi les nombreuses écluses des anciennes porles marines. Dans le siecle dernier, le Layon fut canalisé; les mines de houille de Saint-Georges-Chalelaison, habilement et largement exploitées par M. Pauli, leur propriétaire d'alors, avaient besoin d'un moyen d'exportation en harmonie avec leur importance. Les chemins, à celle époque, n’élaient qu'une suite de fondrières impralicables ; on canalisa le Layon depuis Saint-Georges- Chatelaison jusqu'à Cha- lonnes. Le pays fut doté de cet important travail, grâce à l'influence 192 de la famille de M. Pauli dont plusieurs membres étaient attachés à la cour de Louis XVI; l'un était lecteur de la reine Marie-Antoinelte, un autre, M. Hue, a élé immortalisé par la mention si honorable de sa fidélité , contenue dans le testament du roi martyr. Les filons houillers de Saint-Georges s'étendent sous le territoire de Marligné, mais arrivés là ils ne sont plus qu'une authracite mé- lée d'alliage. Le naturaliste aurait à faire à Marligné des recherches ferliles en découvertes sur nos rochers calcaires; il y trouverait des plantes rares et des insectes peu connus ; ces roches elles-mémes ne sont qu'un amas de débris de mollusques, de végélaux el d'animaux antédiluviens. Malheureusement nos carriers, qui n'ont en vue que le gain de la journée, ne ménagent pas ces curieux vestiges qui sont brisés par la sape, les mines et les coins de fer. Ces noles, fort incompléles, qui ne sont que des indicalions, ne devaient êlre communiquées qu'à M. le Président de la Société Lin- néenne; j'ai cédé à ses instances, en les lisant en séance publique. L'histoire de Marligué offrirait cerlainement des détails pleins d'in- térét, mais il faudrait savoir l'écrire el je n'ai pas pareille prétention. LE BARON DE ROMANS. LES ORCHIDÉES EXOTIQUES QUI ONT FIGURE A PARIS, EN 1855, a PExposition permanente de la Société impériale et centrale d'horticulture Le magnifique local qui, pendant six mois, est devenu, dans les Champs-Elysées, la promenade favorite de la foule immense accou- rue à Paris, pour visiler le Palais de l'Exposilion universelle de l'in- dustrie et des arts; ce jardin que le zèle et le dévouement de tous les horliculteurs ont rempli des plus éclatantes merveilles empruntées au règne végétal, n'a pas élé l'objet d'un travail d'ensemble destiné à perpéluer le souvenir de ce congrès admirable, sans précédents et peul-élre aussi sans imilaleurs. Jamais plus étonnant assemblage des richesses de nos jardins n'avait récréé la vue, flallé l'esprit et les seus d'un public enchanté; l'horlicullure avait aussi son palais de l'industrie, nous aussi nous élalions aux yeux du monde entier les produits d'un arl dans lequel la France compte peu de rivaux. Redire ici tout ce qui a été fail pour glorifier, pour. ennoblir la science des jardins, pour montrer ses triomphes, pour prouver quel rôle elle peut jouer dans la vie de l'homme el dans le bonheur des 13 194 nalions, serait un projel trop ambitieux; il aurait fallu qu'un certain nombre d'hommes spéciaux consacrassent leurs efforts à remplir celte tâche immense. Pour moi qui ne peux aspirer à Ja gloire d'un pareil travail, j'ai voulu me faire une part modeste, et j'ai résolu de ne m'occuper que d'une seule famille de plantes, pour laquelle je me sens une prédilection toute particulière, el qui a joué un rôle brillant dans ce concours de toutes les merveilles de la vie végétative. Les Orchidées exotiques, à peine connues au commencement de ce siècle, si ce n’est par les botanistes de profession, ont promptement conquis un rang distingué parmi les plantes d'ornement ; les serres des plus riches amaleurs se sont remplies de ces espèces si riches en couleurs étranges, si variées de forme el d'aspect, et aujourd'hui l'on compte en Angleterre, en Hollande, en Belgique el dans l'Alle- magne un grand nombre de collections qui ont puissamment con- couru à faire connaître celle famille. Les travaux de Lindley et sur- tout sa monographie résument les recherches des deux Richard, de R. Brown et de tant d'autres qui ont décrit ces nouvelles espèces, brillantes conquêtes des voyageurs aux régions tropicales. Depuis 1840, le zèle pour celte famille s'est encore accru. M. Reichenbach fils, publie des illustrations qui achéveront de populariser les Orchi- dées, et les serres de nos florimanes s'enrichissent chaque jour d'es- péces que vont chercher à grands frais des collecteurs habiles. Il est résullé de ces communs efforts un accroissement prodigieux de la famille des Orchidées. Linnée en comptait à peine une cen- laine, appartenant à neuf genres. Antoine-Laurent de Jussieu , en 1789, avait doublé ces nombres ; M. Endlicker, dans son Genera, pu- blié en 1840, a décrit 342 genres, et aujourd'hui le nombre des es- pèces dépasse probablement 3,000. Il n’est guère de groupes dans la série végétale qui ait offert un pareil accroissement. Nolez qu'il ne s'agit pas ici de ces variélés oblenues par des se- mis, des croisements et autres arlifices d'une culture perfeclionnée, nous ne parlons pas d'horliculture, mais bien de bolanique, nous n’admettons à l'honneur de cet examen que des espèces authentiques réguliérement classées dans la science , ayant rang dans les flores classiques. Nous laissons aux catalogues du commerce ces produc- lions éphémères d'un art, charmant sans doule , mais qui n'a pas le. droit de nous occuper ici. Il résulte des procès-verbaux du jury central de l'Exposilion d'hor- liculture que plus de 400 espèces d'Orchidées ont rempli les serres des Champs-Elysées. Nous avons parlé, dans une précédente com- municalion, des espèces de pleine terre qui ont si bien répondu aux efforts de quelques amateurs pour les naturaliser dans nos jardins, 195 pour en faire à la fois un sujet d'ornement et. d'étude, nous n'y re- viendrons pas. Disons seulement que les Orchidées indigenes, celles qui sont spontanées dans la zóne lempérée de l'ancien continent, ne consliluent qu'une faible part dans l'ensemble de celte famille, 150 espèces, un vingliéme environ du nombre total, el sous ce rapport, les premiers collecteurs de ces plantes bizarres étaient loin de se dou- ler de l'avenir qui leur était réservé. Rappelons d'abord que cette immense familie qui est on ne peut plus naturelle par tous ses caractères, a eu le singulier avantage de rester intaclesous la main de Linnéeet de Jussieu : la Gynandrie a passé tout entière dans les Orchidées, de sorte que cette double épreuve est une garantie de la valeur des caractères qui constituent ce groupe de plantes si remarquables. Ainsi la soudure des élamines et du pistil constitue le fait spécifique des Orchidées; le plus souvent, les étamines qui devraient élre au nombre de trois, sont réduites par avortement primilif à une seule; le genre Cypripedium en offre deux, el pour établir des divisions indispensables dans cette mulli- tude d’espéces, il a fallu chercher des caractères assez génériques, as- sez stables, pour servir de base à une classificalion régulière et mé- thodique. Un de nos maîtres les plus savants, les plus révérés, Achille Richard a dit, avec raison : « La source la meilleure des caractères » des genres dans la famille des Orchidées, c'est, sans contredit, le » pollen. Quand on étudie cette famille avec soin, on est frappé des » variations extrêmes de cet organe, soit dans la texture , soit dans » le nombre, soit dans la disposition et l'agencement des masses pol- > liniques qui le constituent. Dans toutes les espèces d'un genre, » quand il a été bien établi, le pollen offre constamment les mêmes » caractères, c'est-à-dire il conserve ses caractères fondamentaux, > comme la texture solide, pulvérulente ou textile, le nombre et » l'arrangement des masses polliniques, tandis que les parlies qui les > supportent, la lamelle ou caudicule, la forme ou la grandeur de » la glande ou rétinacle, peuvent varier à l'infini saus que le genre » soil moins naturel, » C’est donc à la nature du pollen qu'il faul prendre garde, à son caraclere gras ou pulvérulent, à la forme et au nombre des masses, et en tenant compte de ces diverses particularités, on arrive à divi- ser ainsi la famile des Orchidées : 1" UNE SEULE ANTHÈRE. А. — Pollen en masse grasse ou cireuse. 1° Pas de caudicule, pollen distinct du stygmate. 196 Tribu des Malaxidées. 2 Caudicule distinct, pollen adhérent au stygmale. Tribu des Epidendrées. 3° Caudicule distinct, pollen uni au stygmale caduc. Tribu des Vandées. B. — Pollen pulvérulent, granulé, textile. 4° Anthère terminale, dressée. Tribu des Ophrydées. 5° Anthère terminale, operculée. Tribu des Aréthuscées. 6° Anthère dorsale. Tribu des Neottiées. 20 DEUX ANTHERES. 7° Tribu des Cypripédiées. Ce tableau synoptique trés simple , emprunté à Lindley, n'a pas, que nous sachions, été modifié par les auteurs plus modernes qui s'occupent des Orchidées ; nous le suivrons donc de point en point, comme un guide fidèle, dans celle étude sommaire des espèces que nous avons pu étudier pendant l'exposition, et qui appartiennent en proportion variable à chacune des sections de ce tableau. Les Malaxidées complent 47 genres el 380 espèces; deux de ces genres comprennent des espèces qu'on trouve en Europe, les Micro- stylis et les Malaxis, tandis que le plus grand nombre croil dans l'Archipel indien, dans les régions tropicales. Le Malaxis Claussceniana, si remarquable par la forme ombelloide de son inflorescence, ouvre la série de ces espèces singulières qui semblent prendre а tàche de s'éloigner de la forme typique. Mais, dans cetle premiere seclion des Malaxidées, les Pleurothallées sont celles qui offrent les anomalies les plus curieuses. Malheureusement leurs fleurs ont peu d'éclat, les amateurs les recherchent peu, aussi ne les trouve-1-on guère que dans les serres des jardins consacrés à la science. Notons cependant le Restrepia vittata dont l'élégante lour- nure a mérilé une exceplion en sa faveur. 197 La seconde section des Malaxidées prend son nom d’un genre à grandes fleurs, les Dendrobiées, dont les espèces magnifiques sont cultivées avec soin. Aussi élaient-elles nombreuses à l'exposition d'horticulture. Les Dendrobium calceolare, sulcatum , chrysanthum , transparens, Farmerti, Cambridgeanum, cerulescens, fimbriatum, no- bile, cupreum, ont attiré les regards de la foule, et cependant leur port n'est pas toujours fort élégant. Les fleurs sont quelquefois en grappes terminales, plus souvent groupées en pelits bouquets Је long d’une tige unie, assez semblable à quelques grands Equisetum, mais la dimension du périanthe. ses couleurs éclatantes justifient la faveur dont elles jouissent partout. Dans la méme seclion se rencontrent les Bolbophyllum qui offrent un singulier phénomène: le labelle est élastique, trés irritable, agité de mouvements subits, bel exemple d'une mobilité déjà signalée dans plusieurs autres plantes. Les Bolbophyllum barbigerum et calamaria présentent celte particularité à un haut degré. Nous avons vu à l'exposition un Cirrhopetalum , le radiatum, dont l'inflorescence en soleil de feu d'arlifice s'éloigne considérablement de la forme ordi- naire des Orchidées. Enfin, on doit à la collection Pescatore un Eria non décrit, dont les fleurs en épis nombreux sont d'un effet char- mant et rappellent en petit le Cerasus padus. On voit que les Malaxidées ne figurent que pour un petit nombre dans cet inventaire de nos richesses en Orchidées; cela lient, comme je l'ai fait pressentir, au goût des horliculleurs pour les es- pèces aux couleurs éclatantes, aux fleurs de grande dimension. La seconde tribu, celle des Épidendrées, comptait, dans la mono- graphie de M. Lindley, environ 150 espèces appartenant à 23 genres, mais ce même auteur, qui publie de temps en temps un travail nou- veau sur cerlains genres qui s'enrichissent le plus par des décou- verles nouvelles, M. Lindley dans ses Folia Orchidacea vient de décrire tont récemment plus de 300 Epidendrum, de sorle que celte tribu s'est considérablement accrue. Les Epidendrées appartiennent surtout à l'Amérique tropicale; l'Archipel indien vient ensuite, et à peine en rencontre-t-on quelques espèces à Calcutta et à Ceylan. Nous n'en avons vu qu'un très pelit nombre d'exemplaires à l'Ex- posilion. J'ai pu, dans mes recherches bornées aux serres de Paris, dessiner ét décrire sur le vivant plus de 60 Epidendrum. Le jardin botanique de la Faculté en a exposé 15 espèces, le macrochilum, le radiatum, Valatum, le floribundum et le Stamfordianum, mais encore une fois, ce ne sont pas les espèces favorites des florimanes, et l'on ne se donne pas la peine de cultiver une plante dont la fleur n'inlé- resse que le botaniste. 198 Il est un genre très voisin, le Barkeria, qui a fait sensation parmi les amateurs. Guatemala nous a fourni une vraie merveille, le Bar- keria spectabilis, qui n'est peut-élre qu'une variété du B. elegans, mais variété du plus grand éclat, de la forme la plus charmante et d'une richesse de nuances à défier le pinceau le plus habile. Le B. Skinneri est déjà fort beau et ce genre nous promet des conquéles capables de récompenser dignement les collecteurs d'Orchidées. Les Brassavola venosa et appendiculata sont de jolies plantes à fleurs gracieuses et durables, deux belles qualités; on peut en dire autant du Lelia cinnabarina, dont les hampes paniculées portent une multitude de fleurs d'un rouge vif, grandes el persislantes. Viennent ensuite les Cattleya, ces favoris des plus riches collec- lions d'Orchidées. Tous les exposants ont fourni des groupes de Cat- ileya plus ou moins nombreux, chargés de fleurs bariolées des nuances les plus brillantes ; nous avons vu en masse les Cattleya crispa, Mossiæ, Skinneri, bicolor, amethystina , Harrisoni, Forbesii, tigrina, granulosa, Loddigesii , Acklandiæ , intermedia, en un mot, le genre presque complet de ces espéces si recommandables par la di- mension de leur périanthe, l'éclat de leurs couleurs et l'extréme élégance de leur porl. On rencontre ici, nous en convenons volon- liers, un ensemble des plus séduisants, tiges robustes, pas trop éle- vées, garnies de belles feuilles , hampe bien distincle, relevée, por- lant des fleurs énormes, à nuances riches, harmonieusement fondues, et dont le labelle tubuleux, terminé en manchettes frisées, brille d'un éclat merveilleux. Si, dans une armée, il y a des corps d'élile, des grenadiers, des tambours-majors que la foule admire; aux yeux de l'homme sage, du philosophe, tout soldat, méme dans les rangsles plus obscurs, a les mémes droits à son eslime et l'hu- manité ne se reconnait pas а la taille, à la splendeur de l'habit. Le Broughtonia sanguinea est encore une charmante espèce de la tribu des Épidendrées ; nous en dirons autant des Blelia et des Bletilla, orchidées élégantes, découvertes au Mexique et à la Havane par Ruiz et Pavon, el dont les fleurs violacées porlées sur des hampes minces el flexibles, se balancent au moindre souffle dela brise. Les Phajus al- bus et maculatus, les deux seules espèces qui aient figuré à l'Exposi- tion représentaient assez mal un genre superbe, le plus anciennement cultivé en France, car, à la fin du 18* siècle, les frères Cels firent voir un bel exemplaire du Ph. grandifolius, au professeur Ventenat qui l’a décrit avec soin. Le genre Sophronitis est charmant, nous n'avons rencontré dans la serre de l'Exposilion que le 5. pterocarpa, qui n'est pas le plus in- léressant. Nous aurions voulu revoir là le Dinema polybulbon et 199 l'Isochilus linearis, appartenant à la même tribu des Epidendrées , mais ces petites espèces ne sont pas dignes des soins de nos grands amateurs de Cattleya, aussi faut-il aller chercher ces charmantes espèces dans des serres où l'on préfère la science à l'éclat, l'étude à la mode, le goût au plaisir. Nous arrivons à la 3* tribu, celle des Vandées, la site nombreuse, la plus importante, la plus riche en espèces, environ 500 appartenant à une cenlaine de genres. C'est le plus bel ornement des régions in- lertropicales; leurs pseudo-bulbes couvrent en parasites les troncs d'arbres, les rochers, le sol ; une végétation luxuriante, émaillée de fleurs , appelle l'œil et la main du botaniste. C'est au Mexique, au Brésil, que MM. Galeotti , Linden , Houllet et tant d’autres, ont ré- colté ces espèces admirables qui font l'ornement, non pas seulement des serres, mais des recueils de dessins comme ceux de Balemann, de R. Brown et de Roxburgh. C'est aux Vandées que doivent leurs plus beaux ornements les publications de Van Houtte et surtout le grand ouvrage de M. Reichenbach fils, c'est à celte source inépui- sable que l'on peut demander en toute confiance les plus éclatants spécimens de cetle flore tropicale; mais voyons si la grande exposi- lion d'horticulture n'a pas réalisé ce beau programme. Les 400 espèces d'Orchidées que nous avons pu examiner appar- tiennent à 60 genres trés inégalement répartis dans les sept tribus de cette famille, six Malaxidées, dix Epidendrées el trente-six Van- dées. Les autres ne comptent en quelque sorte que pour mémoire. Cela prouve tout d'abord la faveur dont jouit cette 3° tribu, puis- qu'elle compte pour plus de moilié dans le nombre total. Les Aspasia lunata et epidendroides ouvrent la marche de celle brillante cohorte ; l'Ornithidium coccineum avec ses pelites fleurs en grelot, semblables à un grain de corail suspendu à un pédicule, vient ensuite, avec Г Acriopsis picta, jolie petite espèce des serres du Muséum, fleurs charmantes que dédaignent les amateurs de Cattleya el de Dendrobium. Tout au plus acceptent-ils le genre Macillaria qui semble cependant remplir les condilions voulues pour briller dans les calalogues officiels el enlever des prix dans les concours des sociétés horticoles. Mais il y a Mazillaria et Maxillaria, les es- péces se complent par centaines, et pour se reconnaitre au milieu de celle foule il a fallu introduire des coupes mélhodiques qui ont fort arrangé les amateurs. Les Lycaste et les Bifrenaria sont des Maxillaires à grandes fleurs qui ont figuré avantageusement à l'Exposilion, le Lycaste Deppei est superbe ; l Harrisonii ne lui cède eu rien, et les variétés alba et ochroleuca sont justement admirées, de méme que les Lycaste balsamea el macrophylla, venant du jardin 200 de la Faculté. Parmi les Bifrenaria, on remarque surtout l'auran- tiaca, Vaureo-fulva , le tetragona et l'Harrisoni qui sont de belles espèces, puis vient le Houlletia Brocklehurstiana dont la physionomie est presque aussi étrange que le nom, et qui rappelle deux zélés col- lecteurs de ces Orchidées du Mexique et du Brésil. Quant aux Mazillaria proprement dits, il faut noter d'abord le venusta, à grandes fleurs blanches, venant de la collection Pesca- lore, puis les ochroleuca et rufescens; notons aussi le foveata et le vanille odora, le viridis ; M. Chantin a exposé le picta qui doit à la culture un développement considérable, des couleurs trés variées et très brillantes et enfin un parfum délicieux. Plaçons ici un certain Warscewiczella candida, création nouvelle de M. Reichenbach fils, emprunt fait au genre Huntleya, lequel était lui-même un démem- brement des Mazillaria. Qu'on nous permette ici une réflexion que nous croyons utile. On avait reproché à M. Lindley de donner à des Orchidées nou- velles les noms de certains membres de la haute aristocratie anglaise, mais presque toujours les choix du savant botaniste sont justifiés par les services qu'ont rendus à la science ces personnages dont la for- tune et le goût patronent hautement ceux qui s'occupent de plan- les. Personne ne trouvera mauvais qu'un Dendrobium soit appelé Devonianum, qu'un Oncidium Russelianum figure dans la liste des espèces de ce genre si nombreux; on comprend le Coryanthes Alber- tine, comme on aime le genre Miltonia; ces dénominations sont d'ailleurs consacrées par l'usage, elles sont de droit commun, et nous avons vu le professeur Ach. Richard dédier à M. Galeotti des espèces découvertes par ce voyageur; on a fait un Oncidium Guiber- tianum, rappelant le nom d'un amateur éclairé et généreux, M. Gui- bert de Passy. M. Luddemann a célébré son excellent patron, en lui dédiant l’ Odontoglossum Pescatorei; un Angrecum a reçu la méme désignation et tout le monde y applaudit. Mais M. Reichenbach fils, novateur un peu trop radical, supprime des noms adoptés pour y substituer des illustrations allemandes moins admirées en deçà qu'au delà du Rhin. Tout cela vient à propos du Warscewiczella qui aurait pu resler un Huntleya ou un Warrea, sans le moindre inconvénient. Le genre Trichopilia est fort remarquable , et l'on admire surtout les T. tortilis, candida el suavis des serres de MM. Thibaut et Kete- leer. Les Trigonidium, les Govenia , et méme le Batemannia Colleyi, que nous avons vu fleurir dans plusieurs serres parisiennes n'ont pas paru dignes des regards du public amateur, mais on a mis en re- lief un magnifique Cycnoches, le chlorochilon, dont les dimensions et la forme étrange allirérent tous les regards. 201 Parmi les Vandées les plus curieuses, il en est peu qui offrent une configuralion plus tourmentée et plus bizarre que les Catasetum. Ce nom leur a été donné parce qu'à la base du gynosléme se trouvent deux appendices séliformes qui descendent dans la cavilé du labelle et consliluent un caractère unique parmi les Orchidées. Six Catase- tum venant des jardins de la Faculté ont paru dignes d'attention, plusieurs d'entre eux sont inédits, mais la palme apparlient aux serres de la Celle Saint-Cloud, pour le Catasetum sanguineum, ma- enifique espèce qui dépasse tout ce que l'on peut imaginer de plus extraordinaire comme forme el comme coloris. N'oublions pas que ce genre conslilue une sorle de monstre en végétation, qu'il est le résullat probable de certaines hybridations spontanées, frappées de stérilité congénitale, el présentant des différences élonnantes dans la forme de la fleur, dans sa couleur, dans la plupart de ses carac- léres, sur des individus qui sout bien réellement les mémes et que l'on croirait devoir considérer comme des espèces différentes. Nous en dirons presque aulant des Mormodes, qui affectent des formes singulières et revêtent des nuances obscures, à l'exception de l'Odieri qui est d'un beau jaune. Ces fleurs, dont toutes les parties sont soumises à un système de torsion autour de leur axe, simulant une hélice incomplète, sont, par cela même, intéressantes à élu- dier. La disposition. spiroïde qui se remarque souvent dans l'ovaire des Orchidées se propage ici jusqu'au gynostème, jusqu'au labelle, el les cing divisions du périanthe y participent également. Le Mormodes aromatica offre une réunion notable de toutes ces particularités. Les Stanhopa ont tenu une grande el belle place dans notre Ex- position; MM. Pescalore et Guibert se sont disputé l'honneur de montrer des corbeilles resplendissantes de fleurs gigantesques, sur- chargées de couleurs admirables, allirant tous les regards par l'é- lrangelé de leur physionomie, mais offensant quelquefois l'odorat par des senteurs d'une inlensilé extrême. Le genre Stanhopea réunit à un point excessif les qualités qu'ou recherche dans les Orchidées. Quoi de plus singulier que ces corbeilles aériennes remplies de pseudo-bulbes pyriformes , cannelés, porlant de longues feuilles lanceolées? Du milieu des fils de fer entre-croisés, sort bientôt un scape qui descend, s'allonge el se couvre de fleurs énormes , revé- tues de nuances éclatantes; le blanc, le jaune, le violet, le rouge se mêlent harmonieusement sur des sépales largement développés, le labelle aux formes lourmentées élale ses appendices, ses excava- tions, que les plus habiles dessinateurs imileraient à peine, el si l'on ajoute à cela un parfum délicieux ou une odeur beaucoup moins 202 charmante, on aura un ensemble qui juslifie pleinement la prédilec- lion des amateurs. Dix espèces de Stanhopées ont élé exposées, mais ici il faut s'en- tendre. Les plus belles fleurs, surtout dans ce genre, sont sujettes à des variations de nuances qui réjouissent les horticulteurs, qui constituent à leurs yeux charmés des espèces distinctes, et qui, en conséquence, reçoivent les honneurs d'un baptême officiel, mais caduc, et dont la durée ne dépasse guère celle de la fleur elle- même. C'est surtout à l'égard des Stanhopées que nous voyons apparaître le goût des variétés, la recherche des légères différences qui résul- tent d'une coloration plus ou moins abondante, distribuée capri- cieusement sur telle ou telle partie de la fleur. Le Stanhopea insi- gnis, suivant la peinture, devient pallida, fulva, atropurpurea, obs- cura, flava, lutea, etc. Le Stanhopea oculata fournit les Wardii, les venusta, les purpurea, les inodora, les guttulata; enfin, on constate des dégradations de teinte qui ne demandent pas mieux que de se multi- plier à l'exemple des Dahlia, des Dianthus, et de tant d'autres es- peces si obéissantes aux ordres de nos habiles horticulteurs. Il y a là sans doute un beau sujet d'éludes, d'expériences; à Dieu ne plaise que nous critiquions une industrie qui fournit de si merveilleux ré- sultats, mais on nons permettra de préférer une espèce bien déter- minée, représentant un individu classé, nommé, ayant droit de cilé dans le royaume des fleurs et ne devant rien au hasard d'une nais- sance accidentelle. Le véritable inconvénient de ces espèces apocry- phes, de ces personnalités douteuses, c'est l'impossibilité de les per- péluer, et l'ennui de voir sans cesse remise en question celle exis- tence éphémère des variétés les plus vantées. Le genre Gongora vient ensuite et nous fournit des remarques {гёз analogues aux précédentes. Nous en avons admiré trois espèces sous les noms de Gongora stenoglossa, quinquenervis et vitellina, toutes trois sans autre moyen de diagnose spéciale que des variélés de couleur qui ne peuvent suffire pour les caractériser. Toutes ces fleurs ont la même conformation; toutes, comme dans le maculata, ont des taches plus ou moins marquées sur les diverses parties du périanthe; aussi trouve-t-on dans les catalogues les variélés alba, citrina , fulgens , grisea, pallida, tricolor et méme Ruckeriana, sans qu'aucune d'elles présente des différences assez notables, assez per- sévérantes pour légitimer ces dénominations. Quoi qu'il en soit, les amateurs d'Orchidées devront placer les Gongora dans leurs serres ; ces longs épis tombant en girandoles, ces fleurs si extraordinaires 203 produisent un excellent effet au milieu des Stanhopées et autres espèces qui affectent celle singulière forme. A plus forle raison donnera-t-on une belle place aux Corianthes, qui se distinguent par des caractères bien plus excentriques. On a vu dans la serre de l'Exposition deux belles espèces, d'abord le spe- ciosa venant de MM. Lhomme et Thibaut et Keteleer, puis le macu- lata, venant de l'établissement de ces deux derniers horticulteurs. L'étrange tournure de ces fleurs a vivement piqué la curiosité pu- blique ; on a constaté la présence d'un liquide qui tombe goutte à goutte de l'appareil qui le sécréte, dans la cavité terminale du la- belle qui le reçoit, phénomène unique dans l'ordre végétal et sur le- quel nous avons fait des recherches servant de base à un travail lu à la Société botanique de France. MM. Lhomme et Chantin ont exposé chacun un exemplaire du Peristeria elata , originaire de Panama , magnifique espece cullivée depuis 1839 au jardin de la Facullé de médecine, et d'oit viennent la plupart des individus qu'on trouve dans les serres de Paris et des environs. Le genre Acineta, qu'on a dislrait des Peristeria, s'est mon- tré avanlageusement, grâce à MM. Thibaut et Keteleer. L'Acineta Humboldtii est une plante superbe; nous en dirons autant de l'An- guloa Clowesii, des mêmes horliculteurs; ce sont 1а de belles espèces ct que l'on devrait s'allacher à multiplier davantage. Un beau Cymbidium , Valoéfolium a longtemps figuré à l'Exposi- Поп; ses longues hampes penchées, amplement garnies de belles fleurs, ont prouvé le parti qu'on pouvait lirer de ces espèces si riches en beau feuillage, fournissant des épis à floraison persistante; nous en avons vu à Paris quatre autres espèces qui ne sont pas moins dignes de figurer au milieu des plus riches collections d'Orchidées. Un Galeandra, le Devoniana, ne vaut pas, pour l'élégance de Ja fleur, le Baneri ou Blanchetti que j'ai observé au jardin de la Faculté de médecine. Je n'en dirai pas autant du Chysis bractescens , admirable espèce due à MM. Thibaut et Keteleer, et que j'ai revue dans presque toutes les serres où l'on cullive les Orchidées. Сеце espèce justifie les soins dont elle est l'objet; ses fleurs épaisses, charnues, d'un blanc de lait, conservent tout leur éclat pendant plusieurs semaines, mais moins encore que le Chysis aurea qui a fleuri en juillet dernier dans la belle serre du Jardin des Plantes. Le genre Zygopetalum est encore un de ceux qui s'enrichissent de variétés nombreuses. Ainsi le Zygopetalum Mackayi prend différents noms, suivant la coloration: album quand il est pâle, atroviolaceum, crinitum , minus, pallidum , intermedium , suivanl diverses nuances fugilives; mais il y a des espèces remarquables, par exemple, le bictoniense que j'ai vu chez M. Chantin, le rostratum et le mazil- lare, qui sont assez beaux pour mériler une mention très honorable. Le Murrayanum west pas indigne des précédents. Nous regretlons que les magnifiques Cyrtopodium qui ont fleuri au premier printemps dans plusieurs de nos serres d'amateurs , n'aient pu se montrer avec loul leur éclat aux Champs-Élysées ; les espèces maculatum, punctatum et speciosissimum auraient pu soute- nir la comparaison avec les plus brillants échantillons venus de Passy el de la Celle Saint-Cloud. Les Notylia sont de petites espèces que le botaniste seul prise à leur juste valeur; cependant ces jolies plantes, d'un feuillage léger et gracieux, fournissant des épis lombants, chargés de fleurs élé- gantes, sont un ornement bon à suspendre aux vitrines des serres chaudes. Le Notylia Guyanensis de la collection de M. Lhomme, comparé avec le sagillifera et Vincurva, ne nous a pas offert des ca- ractères diagnostiques suffisants pour constiluer une espèce bien distincte. On doit à M. Leguay un Comparettia falcata qui est assez intéressant. MM. Thibaut et Keteleer nous ont fail voir le Burlingtonia venusta, M. Chantin le decora, les deux seuls qui aient fleuri pendant le lemps de l'Exposilion. Ces espèces sont remarquables en ce que, exa- gérant encore les irrégularités el la lorsion des Mormodes , elles of- frent un type fortement dévié de l’état normal el qui peut servir de base à des études profilables à la science. Deux Rodriquezia , le secunda et le planifolia, venant du jardin de la Facullé, ont attiré notre attention, le premier surlout, dont le long épi formé de fleurs rouges, porlées en panache horizontal, a une tournure fort pittoresque. Viennent ensuite les Oncidium, groupe nombreux d'espèces assez prisées des amateurs; il y en a pour tous les goûts, tant l'infinie va- riété de forme, d'aspect, semble propre à salisfaire les plus exigeants. Ceux qui ont été exposés ne sont pas nombreux, une vingtaine tout au plus, et parmi ceux-ci ne se trouvent pas les plus remarquables. Cependant le lanceanum, le leucochilum , le papilio, le volubile ont un mérite incontestable, le microchilum, le Harrisonii, le pubes et le Wentworthianum, Vincurvum, le roseum et Vintermedium ne sont pas moins recommandables. Les Oncidium ont, le plus souvent, un ma- gnifique feuillage ; leur inflorescence , quelquefois gigantesque , est très durable et constitue un des plus riches ornements de nos serres chaudes; les couleurs du périanthe sonl trés variées, de sorle que, sous beaucoup de rapports, il est difficile de trouver des plantes plus agréables. 205 Les Cyrtochilum sont presque une simple section des Oncidium ; le jardin de la Facullé nous en a envoyé deux belles espèces : le has- tatum el stellatum, mais leur mérite cède le pas aux Miltonia, qui, pour la grandeur et l'éclat des fleurs, prennent rang parmi les plus belles Orchidées connues. Pourquoi le Miltonia spectabilis exposé par M. Guibert et par d'autres horticulteurs est-il atteint de chlorose, pourquoi les feuilles prennent-elles celle teinte pâle si désagréable? Nous laissons le soin d'éclaircir ce probléme à ceux qui l'ont vu nai- tre, espérant qu'ils réussiront à guérir cette maladie. Le Clowesii est superbe, le Moreliana ne mérite pas moins d'éloges, le bicolor nous a semblé une simple variété, sans beaucoup d'éclat, mais on peut dire que ce genre tout entier, déjà nombreux, est digne de l'at- tention des vrais amateurs. Les mémes réflexions s'appliquent aux Odontoglossum , bien qu'ils aient paru en pelit nombre à notre Exposilion. On a pu voir com- bien ils sont intéressanls , sous le rapport de la beaulé de la forme et de l'éclat des couleurs. Une espèce dédiée à l'honorable maitre des serres de la Celle Saint-Cloud, l'Odontoglossum Pescatorei, est un modèle d'élégance; les nuances les plus délicates donnent à son la- belle un aspect séduisant et qui le devient encore plus dans la va- riélé provenant de la serre de M. Linden. Désignée sous le nom de splendens, elle montre des couleurs plus brillantes, plus étendues ; la fleur a pris un notable développement, et telle que nous l'avons vue, elle constitue un des plus beaux spécimens d'Orchidées. L'O- dontoglossum grande est encore une de ces merveilles de beauté qui séduisent tous les regards; le maculatum, le citrosmum, le hastila- bium et surlout le nevium, doués d'autres qualités, n'en brillent pas moins el prouvent quel parti l'on peut tirer de ce genre déjà nom- breux el qui teud à le devenir chaque jour davantage. Le genre Brassia est encore un de ceux qu'on ne peut dédaigner ; nous en avons vu à l'Exposilion cinq espèces remarquables : le cau- data, le lanceana, le Josstiana, le maculata et une autre non décrile, venant de Guatemala. MM. Thibaut et Keleleer ont envoyé le Brassia odorata, moins beau que les précédents, M. Pescatore aexposé le Brassia brachiata un des plus remarquables, el M. Chantin un guttata peu brillant; mais celle série présente encore bien des lacunes que les horliculleurs devront s'efforcer de remplir, car il y a là des individus qui sont très dignes de figurer dans les plus belles collections. Pourrions-nous oublier le genre Phalænopsis qui, par l'élrangeté de sa forme, par la splendeur de son périanthe, par la rare élégance de son panicule jeté au vent, mérile peut-être la première place 206 parmi les Vandées les plus merveilleuses ? MM. Pescalore el Leguay nous ont offeri en ce genre de vrais modèles de beauté, des indivi- dus réunissant toutes les condilions les plus désirables : vigueur de la plante , floraison nombreuse et opulente , scape élastique , balan- cant une masse de fleurs dont la blancheur éblouissante défiait le pinceau le plus habile. Le Phalaenopsis grandiflora de MM. Thibault et Keteleer et Chantin, moins riche, moins vigoureux, n’élail pas moins intéressant et justifiait pleinement les éloges les plus vifs qu'on puisse adresser à cette admirable Orchidée. Nous arrivons au genre Vanda, le plus recherché des amateurs, le plus riche en nuances éclatantes, celui dont les fleurs sont à la fois de la forme la plus gracieuse, de l'aspect le plus saisissant. Presque tous les exposants d'Orchidées ont fourni de beaux exemplaires de Vanda, et le public s’extasiait devant le suavis ainsi que devant le tricolor, le Roxburghii et insignis, et cela avec juste raison, car l'i- maginalion la plus capricieuse inventerail difficilement une réunion de mérites plus rares. Mais ces mériles ont été surpassés par le Vanda cerula, el surlout par le Vanda teres, deux espèces qui fleu- rissent rarement dans nos serres, et que, par une chance heureuse, le jardin de la Faculté de médecine a pu montrer dans ie cours de notre Exposition. Le Vanda teres, moins vigoureux, moins chargé de fleurs que celui envoyé par M. Pescatore, a eu l'honneur d'ouvrir la marche des espèces rares et précieuses; il a élé admiré par les horti- culleurs parisiens , qui, pour la plupart, ne l'avaient jamais vu en fleur. Je crois méme qu'il n'avait pas encore fleuri dans les serres de Paris; on l'avail signalé à Rouen, au Hâvre, mais cet événement recueilli par la tradilion devait faire place aux réalilés d'une culture favorable. Plus tard, le magnifique échantillon de M. Pescalore a comblé les vœux de ceux qui n'avaient pu examiner celui de M. Lhomme, et l'on s'est convaincu que les Orchidées ne peuvent rien offrir de plus beau. La vivacité de nos éloges ne surprendra pas ceux qui ont vu ces belles espèces; on peut les renouveler en faveur du Vanda cerula, qui fleurit bien plus rarement que les autres, à l'exception du teres, bien entendu. Le Vanda insignis est aussi une admirable chose ; le multiflora, beaucoup plus modeste, est cependant une belle plante dont le feuillage opulent forme des massifs à grand effet, et dont les fleurs en épi flattent l'œil par la bizarrerie de leurs nuances. Nous avons vu ailleurs les espèces congesta et rigida, dont les fleurs pe- lites et sans éclat montrent que, dans celle brillante famille, à côté des plus splendides corolles, il s'en trouve d'obscures que le bola- nisle seul ne dédaigne pas, car, aux yeux de la science, toules les 207 fleurs sont égales, le privilége de la beauté disparaît, le droit d'ai- nesse est supprimé, el chaque individu tient sa place dans l'ordre légal d'une flore bien faite. On doit à M. Pescatore un bel exemplaire de Renanthera, le matu- lina, dont le vaste pédicule, bien garni de fleurs d'un rouge sombre, a brillé pendant plus d'un mois dans notre serre aux Orchidées. Le Renanthera coccinea, que nous avons vu fleurir au jardin de la Fa- cullé de médecine, n'a pu se montrer à notre exposition, et cela est facheux, car il est difficile de voir une espèce plus magnifique. Les Saccolabium, comme les Vanda, sont des genres favoris; tous les horticulleurs sen occupent et nous en avons vu de nombreux exemplaires. MM. Pescatore, Guibert, Thibaut el Keteleer et Chantin ont exposé le Blumei et le guttatum, deux belles espèces, d'une vé- gétalion vigoureuse, le dernier surtout, avec ses 11 liges à fleur, échantillon hors ligne, sous tous les rapports. Sous le nom de Rhyncostylis retusa, M. Luddemann nous a offert le vrai Saccolabium retusum , avec quelques nuances de coloration diverse, mais pas assez pour légitimer une individualité spéciale. Les deux Sarcanthus, le rostratus et le teretifolius, sont dignes d'intérêt, botaniquement parlant, car ils montrent la transition entre les Vanda et les Aerides; la parenté est évidente, l'analogie trés marquée, aussi devons-nous leur en tenir compte el les mentionner ici. Nous regrellons meme les Æceoclades et les Cleisostoma, qui, au méme litre, auraient pu figurer près des espèces les plus favorisées de la nalure. Mais laissons là ces obscures alliées de nos orgueilleux palriciens, et arrivons aux ZErides, qui onl si bien justifié la faveur dont on les entoure. On comprend l'enthousiasme des amateurs d'Orchidées en voyant les inflorescences si admirables de ce genre; admirables par leur forme élégante en épi cylindrique, légèrement courbé en panache retlombant; admirables par la merveilleuse disposition de la fleur, son abondance, la richesse de ses couleurs; admirables par un par- fum délicieux ; réunissant enfin, comme à plaisir, toutes les perfec- lions que l'on peut désirer dans une plante d'ornement. Tous nos amaleurs ont rivalisé de zèle dans l'envoi de ces espèces si char- mantes; nous avons vu successivement les Ærides crispum, odo- ratum et sa belle variété purpurascens; le roseum, Vaffine et sa variélé Fox Brush, puis le virens qui diffère nolablement d'un exemplaire type observé par nous dans les serres du Jardin des plantes; le quinquevulnerum est superbe, ainsi que le maculatum, mais il faul dire que quelques-unes de ces espèces ne résisle- raient pas à un examen un peu rigoureux. Nous ne voulons pas 208 ici critiquer des dénominations qui, pour ёге adoptées dans les ca- lalogues marchands, n'en ont pas plus de réalilé scientifique; con- tentons-nous de dire que ce groupe d'/Erides a excité l'admiralion de Ја foule qui circulait chaque jour dans notre serre chaude, et que jamais les Orchidées n'ont été représentées d'une manière plus bril- lante. Il est presque inutile d'ajouter que M. Pescatore el M. Guibert tiennent le premier rang dans celle brillante exhibition qui fait honneur aux soins de leurs jardiniers, MM. Luddemann et Leroy. Les Angracum ont failli ne figurer chez nous que pour mémoire ; un seul individu, le ciliatilabium, venant du jardin de la Faculté de médecine, aurait été chargé de représenter ce groupe intéressant, mais une belle espèce, dédiée à M. Pescalore, Angraecum Pescato- reum, est venue nous révéler une forme nouvelle, des épis portant des fleurs innombrables, disposées sur deux rangs adossés, le labelle en dehors, en sens contraire de ce qui s'observe dans les Megaclinium. Nous avons regrelté l'Angrecum eburneum , dont la lige presque ar- borescente et les fleurs en épis énormes ont un aspect saisissant, montrant tout ce que peuvent faire sur les Orchidées un soleil tro- pical et des conditions de végélalion si difficiles à remplir dans nos serres. Cependant, les exemplaires observés par nous au Jardin des Plantes et chez M. Guiberl donnent une juste idée de ce développe- ment excepliounel dans la famille des Orchidées. Celle tribu si nombreuse des Vandées se termine par un seul in- dividu apparlenant au genre Calanthe. M. Chantin a envoyé le Ca- lanthe Masuca , belle espèce qui vient de la Chine, el dont les fleurs très persistantes offrent le phénomène d'une variation successive des nuances primilives; le périanthe, d’abord rouge-rose passe au violel, au bleuâtre, au jaune, véritable transformation qu'on observe du reste dans un certain nombre d'Orchidées. J'ai hale d'arriver à la fin de cetle énumération, déjà trop longue, sans doule, mais bien incomplèle encore; el cependant, je ne puis passer sous silence la tribu des Ophrydées, qui, indépendamment des nombreuses espèces indigènes que nous avons signalées dans un aulre travail, nous a offert un genre des plus remarquables. On connait, par les récils des voyageurs el par les ouvrages de botani- que, la flore du Cap, si riche en Orchidées de la plus belle apparence. Le genre Disa, fécond en espèces dont les caractères différentiels sont un élernel sujet de discussion entre les botanistes descripteurs, figure au premier rang, el nous en avons vu un superbe échantillon sous le nom Disa insignis, exposé par M. Eugene Pinel, de Rouen. Esl-ce une espéce nouvelle ou une simple variété de l'un des qua- ranle Disa décrits dans la monographie du docteur Lindley? La ques- 209 tion ne me paraîl pas facile à décider, mais en tout cas la plante est charmante, et l'on ne peut rien voir de plus élégant quant à la forme, de plus gracieux quant à la couleur ; aussi le jury de l'Exposition a- t-il mentionné trés honorablement ce beau produit d'une culture exceplionnelle. La tribu des Aréthusées qui vient ensuite tient peu de place dans le catalogue de nos amaleurs parisiens. Le Limodorum abortivum, qui croit aux environs de Pariset que l'on conserve avec peine dans nos jardins, appartient à ce groupe et n'est pas un des moins singu- liers genres d'Orchidées indigènes. Les Cephalanthera, dont la sy- nonymie est si embrouillée, sonl encore dans les Aréthusées , mais nous n'y reviendrons pas. Parlons de ces magnifiques Sobralia que le Pérou nous envoie, et qui jouent un si beau róle dans nos serres chaudes. Des Orchidées s'élevant à deux et trois mètres de hauteur, balançant au sommet de ces tiges arundinacées des fleurs d'une énorme dimension, sont un ornement précieux, aussi retrouve-t-on des Sobralia chez lous nos amateurs. MM. Pescatore, Thibaut et Keleleer en ont envoyé de beaux spécimens et on doit les féliciler de ce succès, car dans quel- ques serres, et des mieux tenues, ces plantes végèlent mal et ne fleurissent pas. Nous en avons vu d’admirables à Passy, chez M. Gui- bert; ceux du Jardin des Plantes sont superbes et prennent l'aspect que leur donne le soleil de l'Amérique du Sud. ' Un intérêt bien vif s'attache aux deux Vanilles exposées раг M. Lhomme. L’espéce ordinaire, le Vanilla planifolia, dont les cap- sules odorantes sont si connues, a fleuri dans le jardin de la Fa- cullé et a donné des fruits de bonne qualité. Une autre espèce, qui est originaire de la Guayra, et qui, non décrite jusqu'ici, a recu de M. le professeur Moquin-Tandon le nom de Vanilla lutescens, s'est couverte de fleurs en bouquets abondants, le périanthe a pris des dimensions considérables, et nous avons vu un de ces phénomènes de végétation qui viennent de temps en temps récompenser les ef- foris des horticulteurs. Des portions considérables de ces deux va- nilles ont figuré dans la serre de nolre exposilion et montré au public des espèces dont tout le monde connait les produits singu- liers. La sixième tribu, celle des Néoliées n'a eu des représentants que parmi les plantes de nos environs, je n'y reviendrai pas. Il est à re- grelter que le public n'ait pu admirer comme nous le Stenorhynchus speciosus qui a fleuri au premier printemps dans la serre du jardin de Ja Faculté et dans celle de MM. Thibaut et Keleleer. Le méme regret s'applique à quelques Goodyera exoliques, et surlout aux 11 210 Anœctochilus, dont le feuillage, aux brillantes couleurs, excite l'at- tention des personnes les moins disposées à admirer les merveilles de la végétation tropicale. Viennent enfin les Cypripédiés qui composent la dernière tribu de la grande famille des Orchidées. Après le Cypripedium calceolus de notre pays, les Cypripedium humile et spectabile de l'Amérique du Nord, dus aux bons soins de M. Pelé, et un quatrième inédit, nous devons une belle place au Cypripedium barbatum, qui se trouve dans toutes les serres, et au villosum de MM. Thibaut et Keteleer. Il est facheux qu'aucun de nos amateurs n'ait eu la chance heureuse de voir fleurir et d'exposer le Cypripedium caudatum et V Uropedium Lindenii, espèces tout à fait excentriques par le singulier dévelop- pement de cerlaines parties de leur périanthe. Nous avons sans doute passé sous silence quelques plantes remar- quables, mais ces omissions, impossibles à éviter dans un travail comme celui-ci, ne nous seront pas reprochées par ceux qui con- naissent notre zéle pour les intéréts des horticulteurs et le désir de rendre justice à tant d'efforts et de soins. Nous avons voulu expri- mer autant qu'il est en nous nos sympathies en faveur de ces hommes laborieux et intelligents qui ne reculent devant aucun sa- crifice pour enrichir l'horticulture d'espèces précieuses, nouvelles, qui poursuivent saus relàche l'étude souvent pénible des moyens les plus propres à multiplier les Orchidées, à les faire adopter par le puhlic amateur, à populariser les méthodes à l'aide desquelles on s'assure la conquéte de ces charmants végélaux. Puissions-nous avoir atteint le but que nous nous sommes proposé en nous livrant à cel examen des richesses de nolre Exposilion. Jamais jusqu'ici l'on n'avait vu réunis en si grand nombre les plus beaux spécimens de la famille des Orchidées, jamais pareil concours ne s'élait ouvert au zèle de ces rivaux généreux; leurs serres se vidaient au profil de celle du jardin des Champs-Elysées ; admirable exemple de cette générosilé familière à notre pays; on n'était retenu par aucune de ces considérations élroites, égoisles, qui sont presque légilimées раг la délicatesse de ces plantes, par leur rareté, leur prix ; on ne se bornait pas à les faire voir pendant un jour; les plus beaux échantillons ont orné des semaines entières celle serre où se pressait la foule, et l'on semblait oublier que, dans ces condilions nouvelles et parfois bien moins favorables, ces végétaux précieux pouvaient souffrir сі méme se perdre tout à fait. Les Orchidées exoliques, réunissant, comme nous l'avons dit, tous les genres de beauté qu'on admire dans les productions végé- lales, occupent aujourd'hui le premier rang parmi les plantes d'or- 211 nement. Elles sont recueillies avec soin par des hommes compétents; on note les lieux où on les trouve, l'altitude à laquelle elles fleuris- sent, le genre de culture qui leur convient le mieux, et, grâces à ces renseignements, on peut voir fleurir dans les serres les espèces les plus rares, les plus magnifiques. A côlé de ces merveilles, quel- ques esprits plus sérieux ne craignent pas de donner asile à des plantes plus modestes, et la science y gagne, si bien que dans nos collections de Paris et de la banlieue j'ai pu, dans l'espace de deux ans, décrire sur le vivant et dessiner plus de 800 Orchidées en fleur. Le professeur Ach. Richard a laissé un travail semblable, exécuté dans les mémes conditions, et que son fils, le docleur Gustave Ri- chard, publiera sans doute quelque jour. Les Orchidées dont on veut s'occuper ainsi ont éminemment be- soin d'un dessin qui supplée les descriptions. La langue botanique, si riche qu'elle soit, laisse toujours quelque chose à désirer , il n'y a pas de phrase technique qui remplace un dessin exact; les varié- tés de forme zont si grandes dans celte famille, il y a de si étranges déviations du type originel, que le crayon est absolument indispen- sable. M. Reichenbach fils l'a bien senti, les diagnoses fort étendues ne suffisent pas pour tout dire, il faul un trail à cóté de celte des- cription, et c'est ce que j'ai compris dès que je me suis occupé de cet inventaire des richesses du jardin de la Faculté de médecine. Il ne faut pas être un dessinateur habile, il ne s'agit pas ici d'embellir la nature, de donner à ces fleurs une tournure artistique, le simple trait suffit, mais il faut qu'il soit exact, précis; il faul surtout qu'il retrace les diverses parties de la fleur, qu'il fasse comprendre à pre- mière vue la position respective des organes, leur volume relatif, leur forme, etc. En sorte que le bolaniste, pour cette besogne, con- vient mieux qu'un dessinateur de profession, parce qu'il sait la va- leur des choses, parce qu'il indique justement la disposition du gynosléme, du labelle, la forme el la place de l'opercule, du styg- male, le nombre des pollinia, leur volume, leur arrangement, l'in- serlion du caudicule, la grandeur du rétinacle et une foule de particularilés caractéristiques. On acquiert promptement le coup d'œil et le coup de main, la plume qui écrit peut bientôt tracer un portrait assez ressemblant de ces fleurs charmantes, la phrase ex- plique le trait, celui-ci complète la phrase, et l'on finit par avoir en portefeuille une collection considérable de ces espèces que les plus riches amateurs n'admirent dans leurs serres que de temps en lemps et qu'ils regreltent de ne pouvoir conserver. Il faut noter que les plus belles Orchidées, les plus rares, sont ce- pendant les plus communes, les plus faciles à rencontrer, justement parce que tout le monde veut les avoir. Les Cattleya, les Dendro- bium, les Phalænopsis, les Vanda, les Ærides, les Saccolabium, dont ia valeur commerciale est souvent considérable, ornent toutes les serres, tandis que les petites espèces, les Pleurothallis, les Pholidota, les Bolbophyllum , les Eria et tant d'autres, dont les inflorescences obscures ne révèlent leurs merveilles qu'au botaniste patient et cu- rieux, sont reléguées dans les jardins consacrés à la science et font la joie de ceux qui les observent. J'ai voulu, dans celle étude rapide, montrer que les Orchidées des régions tropicales peuvent aisément fleurir dans notre pays à l’aide de soins à la portée de tous; que celte culture, entrée aujourd'hui dans le domaine public, permet aux bolanistes d'étudier sur le vivant des plantes qu'on croyait réservées aux pays équaloriaux et que la science, méme superficielle, comme celle qu'il m'est permis de re- vendiquer, gagne à ces travaux qui ne sont que l'heureuse distrac- lion des hommes dont la vie, consacrée à des devoirs sérieux, comporte cependant des occupations agréables. Puisse la Société Linnéenne d'Angers accueillir avec bienveillance ces pages trop nombreuses sans doute, mais qui, apportant dans son enceinte un élément étranger, jelteront quelque diversion dans ses travaux ha- biluels ! P. MÉNIERE. M. DE LAMARTINE HISTORIEN DE L'EMPIRE RUSSE. M. de Lamarline a récemment complété son histoire de la Turquie, par un tableau de l'empire Russe. Il y a peu de livres qui manquent autant qu'une bonne histoire de Russie. Karamzin a commencé à éle- ver un monument à sa patrie ; la mort le surprit au drame, dont s'est occupée il y a quelque temps une plume élégante (1). Depuis cetle époque confuse, plus les événemens se rapprochent de nous, plus ils sont traités avec adulation ou aigreur. J'ai donc élé bien joyeux, quand jai appris qu'un homme, dont tout le monde admire le ta- lent et estime le caractère personnel, consacrait ses loisirs à combler celle lacune; j'ai ouvert son livre avec une double émotion et, je l'avoue, je n'ai éprouvé qu'une déception cruelle. Je n'hésilerai pas à moliver l'impression pénible qu'il m'a causée : aujourd'hui comme hier, ma pensée intime ne peut être revétue que des formes les plus respectueuses en soumellant quelques observations à Villustre au- leur des Méditations. Et d'abord, quelle est la genèse du peuple russe? Les lectures auxquelles s'est condamné M. de Lamartine, ont pour résullat de (1) V. le faux Démétrius, par M. Mérimée 214 lui faire dire humblement le mot du vulgaire qui est aussi le mot des philosophes: j'ignore! » Cependant, s’il abandonne < ces poètes des ténèbres qu'on appelle les érudits, » s'il. n'approfondit pas cette question fondamentale, que les belles leçons de M. Cyprien Robert ont mise à la portée de tous, il l'orne de ces détails dans les- quels il excelle en nous apprenant que, « sous Trajan les Scythes > lisaient déjà Platon, récitaient de mémoire les poèmes d'Homère, > chantaient ses vers en combattant, avaient un roi qui résidait » prés d'Odessa, dans une vaste maison décorée de sculptures, de » sphynx, de griffons en marbre et immolaient les étrangers à » leur Dieux, sur le promontoire de Sébastopol. » Cette teinte d'ac- tualité, que l'historien applique avec un rare bonheur à tous les épisodes de sa narralion, est précisément ce qui la rend une ceuvre trop hâlive, pas assez sérieuse. Quelques pages lui suffisent pour encadrer dans un cadre doré, les annales de cet Empire que l'Eu- rope n'appelait barbare, que parce qu'il lui était inconnu, de- puis l'an 500 avant Notre-Seigueur, jusqu'au хуш“ siècle. П a hate d'arriver des exploits de Pierre-le-Grand, à ses conséquences con- lemporaines; c'estlà son vrai but, et, pour essayer de le suivre, nous sommes obligé de renvoyer ceux qui seraienl tenlés de con- naitre les origines et la jeunesse vigoureuse du peuple qui occupe la neuvième partie du monde, à l'éloquent Karamzin, que cite M. de Lamarline dans un ravissant passage de son premier livre trop abrégé (p. 46). En arrière de l'Occident par sa situation géographique, par les traces profondes que les Tatars y avaient laissées, surlout par sa reli- gion puisée à une source troublée par l'orgueil, la Russie ne dale cependant pas de Pierre I*. De grandes figures l'ont personnifiée avant lui; de grandealliances l'avaient déjà mise en communication avec la chrétienté. En 1044, le premier roi de France du nom de Henry, envoya l'évéque de Meaux au grand prince Jaroslaf, avec un magnifique et pompeux appareil d'ambassade, lui faire la de- mande de sa fille qui fût: « la moult souève Royne Anne, » mère de Philippe 1° (1). Monomaque, génie tutélaire de la Russie, eut pour épouse Gydda, fille d'Harold. Le Tzar Alexis prenait une place glo- rieuse parmi les souverains, en protestant seul devant l'échafaud de Charles Ier, tandis que l'on prenait au Louvre le deuil du protecteur; (1) Icèle dame, disent les vieilles chroniques, pensoit plus aux choses à venir que aux choses présentes ; dont il avint quele fit estorer à Senlis une yglise en l'enor saint Vincent. — V. Rerum gallicarum et franciscarum scriptores , X1, 157 et la Gallia christiana, VII et Ix. 215 et la régence douce, régulière et bienfaisante de Sophie, à laquelle M. de Lamartine rend justice, s'annoncait sous les auspices les plus favorables pour la civilisation. Cette princesse infortunée, < à qui la Russie doit des années de bonheur, à qui Pierre lui-même a dû le trône et la vie, » tout en jouant Molière aux Kremlin, envoyait à Louis XIV la première ambassade Russe qui parut brillamment dans les cours de l'Europe, commença à conquérir la Crimée par l'épée de son Ministre, servit habilement par un traité de paix, « Ja haine trop mérilée des Russes contre les Polonais, fauteurs de la honte et de la servitude de leur pays. » Son Ministre élait un homme supérieur, d'après le rapport de Neuville, n'ayant que de grands desseins, instruit, d'un génie au-dessus de son siècle, capable de changer son pays s'il en avait eu le temps et le pouvoir, comme il en avait la volonté. Mais ce trône, sur lequel élaient assis deux adolescents, que deux voix dirigeaient derrière un rideau de soie, élait desliné à être renversé, car l'autorité est quelque chose qui ne se parlage guère. Pierre s'en rendit maitre par la violence, avec le concours de soldats étrangers commandés par Gordon, et les cir- constances orageuses qui présidèrent à son existence, en influen- cerent amèrement le cours. Son âme ne fut plus jamais acces- sible à la douceur de ce privilége, qui rapproche le plus les souve- rains de la Divinité, celui de pouvoir pardonner f Il fût implacable, méme pour son épouse, méme pour son fils unique, dont il ne tran- cha cependant pas la tète. Au point de vue moral, qui est le plus élevé, Phistorien n'est en demeure que de lui déverser plus de blàme que d'éloge. Pourtant, n'est-il pas trop rigoureux en disant : il fut grand peut-être, mais un grand bourreau ? La vérité est entre celle condamnation et l'apothéose de Voltaire. Pierre eût la chance d'avoir à lutter contre un antagoniste de pro- portions collossales. Grand dans les défaites que Charles XII com- mença par lui faire subir, ille devint réellement dans les revanches qu'il prit sur lui. M. de Lamartine donne à Charles XI] le titre de héros, celui de conquérant seulement à Pierre. « En guerre avec la France, la Russie n'éprouve aucune animo- silé contre elle (1). » On me pardonnera d'étre fier de ces paroles et d’être également convaincu que la France est assez généreusement puissante, pour honorer sans courir fortune, les héros qui ne sont plus les ennnemis de personne. M. de Lamartine consacre plusieurs paragraphes aux distractions (1) Journal de Saint- Pétersbourg du 12 juin 1855, inséré dans le Moniteur du 22 juin. 216 de Pierre-le-Grand avec sa maîtresse polonaise, quelques lignes seulement à l'avénement au trône de cette dernière, sur lequel les mémoires de l'époque révèlent de curieuses particularités. — Cette omission m'encourage à en parler. IE. Vers le milieu de janvier 1725, l'état de l'Empereur se manifesta sans espoir. Malgré sa constitution robuste et son stoicisme habi- tucl, il ne pouvait s'empêcher de pousser des cris percants, et da- dresser d’effrayants reproches aux maîtres de l’art impuissants, Le 26 janvier, il reçut les derniers Sacrements. On ne put récol- ter de sa couche funèbre, que les gémissemens que lui arrachaient de vives douleurs. Un moment, il demanda une plume et écrivit : remettez tout d..... mais sa main tremblante ne put en tracer davan- tage ; il fit appeler sa fille favorite Anne, quand elle vint il n'était plus temps. Pierre avait aboli la loi héréditaire de l'Empire ; il s'était arrogé le droit de choisir son successeur. Cette présomption se comprend, mais ce qui ne s'explique pas, c'est qu'il ne se soit pas donné la peine de profiter de ce droit. Son successeur légitime était le grand duc Pierre, fils du malheureux Alexis. L'élite de la noblesse avait les yeux sur cet enfant, mais Menschikof ambitionnait de gouver- ner sous le nom de son ancienne obligée, et Catherine elle-même avait deux filles: Anne, fiancée au duc de Holstein, que la rumeur publique désignait comme ayant fixé le choix de son père, et Eli- zabeth, fiancée à l'évéque de Lubeck. Le parti le plus fort élait celui de Menschikof. Par sa position militaire, il tenait en main toute l'armée, généralement et funestement composée d'officiers étran- gers, préparés à agir dans un moment donné d’après ses vues. Les partisans du Grand-Duc n'étaient pas d'accord entr'eux. Les uns voulaient profiter de la minorité du souverain, pour établir une monarchie tempérée ; d’autres voulaient jeler Catherine avec ses filles dans uu monaslére, et rétablir les antiques priviléges de la noblesse que Pierre lui avait enlevés. | Pendant que les Galilzin, les Troubetzkoi, les Dolgorouki discu- taient sur les bases du gouvernement parlementaire à créer, se dis- pulaient peut-être les charges à venir, le général Jagouchinsky les quitta furlivement, pour aller réveiller le Ministre de Holstein, le comte Bassewilz, et l'averlir de songer promptement à sa sécurité, 217 s'il ne voulait pas êlre pendu le lendemain sur la même potence que Menschikof. Bassewilz se précipite à demi vétu au palais, entraine de force l'Impératrice de la chambre du moribond, en lui disant : la présence de Votre Majesté est désormais inutile ici, et nous ne pouvons rien faire là-bas sans vous: votre époux a mis une cou- ronne sur votre tête, pour que vous régniez el non pour que vous versiez des larmes. Catherine confia la garde de son époux à Théo- phane, évêque de Pskof, el, rassemblant tous les dignitaires qui se trouvaient en ce moment au palais, elle leur rappela en peu de mots ses droits au trône, basés sur ce qu'elle avait élé couronnée par son époux ; elle peignit les malheurs qui pouvaient résulter pour l'Em- pire de la minorité d'un adolescent; elle jura non-seulement de ne pas lui enlever la couronne, mais de la lui conserver comme un précieux dépôt, pour la lui remettre fidèlement quand il plairait à Dieu de la réunir à son époux. Elle promit à tous mille grâces, mille récompenses. Ces promesses jointes aux larmes, celle grande ressource des femmes, émurent l'assemblée. Boultourlin, colonel de Préobrajenski, qui montait la garde au palais, ne se rendait pas aisé- ment ; mais on parvint à le séduire à force de menaces et de ruses. Menschikof ne perdit pas un moment pour donner le mot d'ordre à ses nombreux affidés, et transporter le trésor de la couronne à la forteresse dont le commandant lui était dévoué ; puis, il profita de l'agonie de l'Empereur pour appréler la liste des nouvelles faveurs ot des proscriptions sur lesquelles le nouveau règne devait s'élever. Le lendemain 28 janvier, l'Empereur expira. Aussilôt les sénateurs accoururent au palais, Bassewitz en était maitre et faisait battre le tambour aux champs. L'Impératrice, précédée par Menschikof, sou- tenue par le duc de Holstein, se présenta au Sénat avec ces paroles : faisant trève à ma douleur, je viens vous tranquilliser et dissiper l'inquiétude dans laquelle vous dever vous trouver. Je vous déclare que, conformément aux intentions de mon époux, je suis prête à consacrer ma vie à l'adminislralion pénible du gouvernement, jus- qu'à ce qu'il plaise au Seigneur de me réunir à lui dans la vie éler- nelle. Si le Grand-Duc veut profiler de mes instruclions, je pourrai avoir la consolalion dans mon douloureux veuvage, de vous pré- parer un souverain digne du nom et du rang de celui que vous venez de perdre. — Le prince Menschikof prit la parole pour tous et lui répondit: que les circonstances élaient si graves, qu'elles exi- geaient d'ètre mürement considérées; qu'il demandait la permission d'en délibérer librement, afin de ne pas mériler le blame du peuple et de la postérité. — L'Impératrice lui répartit humblement que: plaçant le bien de l'Etat avant son avantage, elle ne redoulail pas le 218 jugement équilable du conseil de l'Empire ; que non-seulement elle l'autorisait à s'assembler, mais lui ordonnait de juger celte affaire avec maturité, lui promeltant d'avance de n'agir que d’après sa dé- cision. Réunis en un simulacre de conseil dans une salle d’où on pouvait déjà entendre les cris salariés de la foule qui élevait Catherine sur le tróne, Menschikof ouvrit la séance en demandant au secrétaire d'État Makarof si l'Empereur avait laissé par écrit ses dernières vo- lontés. Makarofayant répondu négativement, quelques membres vou- lurent présenter leurs opinions, mais Menschikof, aidé par l'intriguant évêque Théophane, soutint qu'il était bien évident que l'intention de l'Empereur en faisant couronner son épouse, était de l'appeler à lui succéder el mit un terme à la chaleur de la discussion qui commen- çait en s'écriant : Vive notre auguste Impératrice Catherine! Et aussitôt il alla lui dire : Au nom de tous, nous te reconnaissons pour notre gracieuse souveraine, nous te consacrons nos biens et nos ехіѕіепсеѕ! — Puis, la menant à un balcon du palais, il la présenta à l'armée en jelant dans les rangs des soldals des poignées d'argent pour stimuler leur enthousiasme. Pendant ce temps, dans une autre salle du palais, le parti opposé discutail sur ce qu'il aurait dà faire la veille. Menschikof, avec Bou- tourlin, enfoncérent les portes de cette salle et déclarèrent au conci- liabule intimidé , que Catherine était élue Impératrice de toutes les Russies. Pris au dépourvu, comme le sont habituellement les hon- nêles gens pour lesquels tous les moyens ne sont pas bons, tous fléchirent. Et c'est ainsi que se font les commotions politiques! H ne faut qu'un seul qui soit bien hardi, quelques autres qui se soient laissés corrompre; le reste demeure facilement stupéfait ou ébloui, et la jus- lice divine, qui n'a pas comme nous un jour à vivre, laisse souvent durer la prévarication pour la châtier à son heure et la réparer d'une manière plus manifeste et efficace. Voici ce que M. Lamartine ne dil pas, et le récit, auquel nous nous sommes laissé entrainer, ne devra que le faire regretter davantage. IIl. Pierre II succéda à Catherine. Au lieu de retracer son court règne aristocratique, M. de Lamartine préfère nous montrer, avec grand charme, Menschikof« souriant d'expier ici bas ce que l'excessive pros- 219 périlé porte d'enivrement et de crime avec elle.» Il est aussi laconique touchant le règne de dix ans de l'Impératrice Anne, dont les pre- miers jours furent signalés par un nouvel effort de la Noblesse pour limiter l'autocratie, et les derniers par le martyre d'un de ses mem- bres (1). Il aime mieux parler de la tyrannie de Biren (qui n'était pas Russe) de son arrestation nocturne, du plan de la hutte que Mu- nich lui dessina avec un raffinement de cruelle ironie pour son éter- nel exil (comme s'il y a quelque chose d'éternel ici bas !) Ces détails sont authentiques, mais pourquoi faire complaisamment ressortir ce qui est plus digne de l'anecdole que de l'histoire? Pourquoi ne pas se placer plus haut en jugeant des passions des hommes qui, au demeurant, ont dans tous les pays leurs funestes jours ? Le chantre des Girondins le sait bien. Ilest plus étendu et impartial à l'égard de l'Impératrice Elisabeth qui, aidée par la Chétardie, eut le malheur d'enlever la couronne à un enfant au berceau, mais qui était douce, malgré cela, d'un cceur sensible et s'était juré à elle-méme qu'au- cune goutte de sang, méme criminel, ne tacherait l'échafaud pen- dant sa vie. Beau serment, quoiqu'on en dise ! « Sa bonté, dit-il, ne se démentail jamais, et le peuple, qui ne voyait Elisabeth qu'à tra- vers le prestige de la mémoire de Pierre-le-Grand et qui n'en recevail que des bienfaits, vénérait en elle la mère de l'Empire, ou jelait sur ces scènes scandaleuses le manteau de la compassion et du respect. » Mais la fin de son règne faisait pressentir d'imminenles secousses, plusieurs partis ourdissaient autour de son lit de mort des trames se- crèles; voici comment l’auteur apprécie avec justesse celles qui élaient le plus sagement combinées : « Panin conçut un plan qui consistait à réconcilier dansle même intérêt politique le Grand-Duc et sa femme (Catherine II), à enlever pour jamais l'éleclion turbulente el capricieuse des tzars à l'armée, à attribuer au Sénat le droit de ra- lifier l'avénement régulier à la couronne, à limiter le despotisme des empereurs par une conslitulion aristocratique, et à imporler en Russie les inslitulions de l'Anglelerre comme un élément d'ordre, de liberté et de civilisation. » Cette tentative salulaire ne réussit pas mieux que les précédentes. Pierre III, aprés le denier soupir de sa tante, écarta l'idée de limiter par des lois écrites la loi vivanle en sa personne; il monta à cheval, se présenta au peuple et aux troupes, qui le saluèrent sans hésitation el sans murmure de leurs acclama- lions. On sait que bientót Catherine monta à cheval à son tour et fut proclamée impératrice. M. de Lamartine le raconte supérieurement apres Rulhière, en opposilion avec ce qu'il appelle la plus grande (1) V. Mémoires du général Manstein, 11, 72. 990) < faiblesse de Voltaire. Sa passion de Pierre Ш est une page émouvante. Tout est peinture dans son style, personne n'est plus heureux dans le choix de termes propres à frapper l'imagination ; mais cet éclat méme d'un génie poétique qui déborde n'est pas sans nuire parfois à l'exaclitude, à la modération de l'histoire. Je ne me ferai pas le chevalier de l'amie de Diderot, — elle n'en a eu que trop de son vi- vant, — mais je ne crois pas qu'on puisse la soupconner d'en avoir eu au détriment de la légitimité de toute une génération respectée et respectable, car l'auteur lui-même dit que < Paul I* était l'image vivante de Pierre III, et que c'est à celte ressemblance sans doute qu'il devait la haine de sa mère. » — N'exagére-t-il pas aussi la com- plicité de la traductrice de Bélisaire dans l'assassinat de l'empereur Jean ? C'est de Riga, dit-il, qu'elle envoya l'ordre impitoyable d'im- moler dans sa prison l'innocent Ivan. —- On se confond devant le défi à toute conscience el à tout remord dans les écrivains francais, et dans Voltaire surlout, exaltant pendant trente ans, au nom de l'humanité et de la vertu, une femme qui venait de commander froidement un meurtre si atrocesur un enfant désarméet sans crime. L'adulation, quand elle descend si bas, n'est plus seulement lâche, elle est complice. Or, après avoir raconté, comme il sait raconter, celte autre passion navrante, M. de Lamarline conclut : < Qu'il n'y eut d'avéré et d'historique que le meurtre d'Ivan dans son cachot par les deux officiers munis d'un ordre éventuel de Catherine. » Il y a incon- lestablement dans le fait une circonstance allénuante que l'esprit, à défaut de preuves, doit saisir avec bonheur. On est fort incliné à ne voir en Russie que noirs mystères, sauvages iniquilés. M. de La- marline met des ombres méme au portrait qu'il trace du gracieux monarque, complétement innocent de la fin de son père, < qui laissa la Russie à l'apogée de l'estime du monde, ainsi qu'un long et affec- tueux souvenir de son nom et de sa nation au peuple qu'il avait res- peclé jusque dans ses revers. > Il abonde en délails touchants sur l'événement qui a fatalement inauguré le règne qui vient de finir, événement fidèlement décrit, avant le choc qui vient de nous ébran- ler, par E. Schnitzler (1). Mais je ne m'étendrai pas sur celte se- conde parlie de l'ouvrage où le célèbre auteur traile plus longue- ment des régnes que nous touchons encore de la main, parce qu'elle est tissue, soit de pensées brillantes précédemment émises dans ses travaux historiques (parmi lesquelles se détache admirablement celle que la mort du dernier des Condés lui inspire), soit de faits évidem- ment récollés avec art dans la masse des écrits publiés récemment (4) V. Histoire intime de la Russie. 99 1 hi‏ تہ el bien à l'aise sur ou contre la Russie. Je n'y trouve aucune trace de documens russes. En conscience, il est cependant difficile d'é- crire une Histoire de Russie sans en prendre quelques-uns en consi- déralion : c'est comme si on voulait parler de la Révolulion sans relire Histoire des Girondins. Je ne chercherai pas dispute à M. de Lamartine pour des fautes d'une orthographe qu'il n'est pas tenu de connaitre, ou pour une légère confusion de noms et de dales. Je me bornerai à gémir sur son épilogue, qui aurait pu êlre son préambule. IV: L'éminent membre du gouvernement provisoire reproche à S. M. l'Empereur Nicolas sa politique d'immobilité. Si par immobilité on entend la résistance à l'esprit d'agitation et de révolulion, son re- proche est parfaitement juste ; il fera la gloire de l'Empereur expiré. Mais ce que je regrelte, et ce que j'oserai dire, c'est qu'il croit devoir ne tracer qu'une épitaphe de sang sur sa tombe à peine fermée. Le lendemain de son décès, l'organe officiel du gouvernement francais disait : « Plus inviolable dans son cercueil que sur son tróne, sa mémoire commande la vérité bien plus que son aulocratie n'inspirait naguère l'obéissance. L’injuslice qui s’allaquerait à lui par delà la tombe, ne serait qu'un sacrilége, et la vengeance qui le poursuivrait ne serait qu'une làcheté. П nous sera facile d’être juste pour un souverain que nous devons d'autant plus respecler aprés sa mort, qu'il est lombé en quelque sorte l'épée à la main. » — « Ce prince avait en lui toutes les qualités robustes de sa race. La nature, le sang, la tra- dilion, l'éducation, l'avaient fait dominaleur. Sa taille gigantesque, sa léte orgueilleuse, les lignes droites et hardies de son visage, son regard sévère, froid et scrulateur, dans lequel ne brillait jamais un éclair de l'âme et dont Vimpassibililé ne laissait jamais voir une émotion du cœur; sa voix sonore et pleine, son geste de commande- ment, sa démarche ferme et rapide comme sa volonté, tout en lui révélait son rang, sa souveraineté, sa mission. La dignité lui était si habituelle et si facile qu'il était partout le méme, toujours souve- rain, dans les pompes de sa cour, à la téle de ses troupes, comme dans les familiarités de la vie intime. En le voyant ainsi, calme, simple et fier, recevoir les hommages des ambassadeurs et des cour- lisans, ou passer sur le front des régiments, ou courir sur les roules de ses capitales, il semblait que le génie de la royauté, épuisé et vieilli dans certaines races d'Occident, eût retrouvé sa sève, son prestige et sa virilité dans la jeunesse d'un peuple nouveau né d'hier à la civilisation. > — < La grandeur historique de l'Empereur Nico- las est incontestable et nous ne craignons pas de la reconnaître ; mais la Russie est tirée uniquement de l'esprit russe. Elle a quelque chose de slave comme son origine. » D’après ces nobles paroles, j'ai lieu d'espérer que tous ne partage- ront pas le mépris que M. de Lamartine jette trop facilement sur les tzars de Moscou, depuis saint Olga jusqu'à celui dont elle porte presque le deuil. M. de Lamartine sera le premier à excuser ma susceptibilité, — c'est encore lui rendre hommage que d'étre sensible au moindre trait qui part de sa plume, — et je n'aurai assurément pas trop pré- sumé de l'aménilé et de la générosité françaises en réclamant im- parlialité et indulgence. PRINCE GALITZIN. l'amour conjugal est-il plus fort chez les Oiseaux que l'amour paternel ? Cet été, j'eus le bonheur de passer un mois ou deux au point le plus admirable du lac de Genève, entre Clarens et Chillon , à Mon- treux, dans une maison aimable et hospitalière. Les oiseaux y étaient nombreux, et ils l'eussent été davantage, si ce beau lieu adossé à de trés apres collines n'eut recélé dans ses bois de redou- lables légions de pics, de corbeaux, d'éperviers. L'inquiétude des oiseaux était de ce cóté-là, et ils se rapprochaient de nous. Sous nos fenétres, dans un grenadier assez bas, avail élu domicile un joli ménage de pinsons qui élevaient deux petits, trop jeunes pour prendre la volée. Les parents étaient toutefois prudents dans leur confiance et ce fut cette prudence qui nous révéla le ber- ceau. Ils n'y entraient jamais sans de nombreux détours , attendant méme assez longtemps s'ils se croyaient regardés. Bientôt nous de- vinmes amis, et ils ne se générent plus. Les choses allaient ainsi quand des pics de mauvais augure vin- rent un matin faire tapage el menacer le pauvre couple. Les pinsons firent bonne contenance, se parlant beaucoup, affectant plus de fermelé que peut-être ils n'en avaient. Tout à coup un grand si- lence... Vers deux heures après-midi la mère disparut. La profonde douleur de l'époux fut un cruel spectacle. H n'entendit plus ses en- fants; ils avaient beau s'agiter quand il passait à leur portée, jeter de pelits cris plaintifs, il semblait devenu fou. Tout entier à son 994 a سے‎ malheur, il appelait, appelait toujours. Sa pantomine, plus expres- sive encore que son cri, le montrait désespéré. Jele vois encore sur un berceau de vigne, lancant la voix el le regard avec une véhé- тепсе pathétique qui perçail le cœur. Tous les oiseaux du voisinage vinrent se percher sur le toit, et regardèrent celle scène de désola- lion. La nuit venue, et tous les bruits cessant, nous l'entendimes encore longlemps se plaindre et errer autour de la chère demeure. Le lendemain il n'y eut plus personne, ni père, ni pelits. Pendant quelques jours se fut un profond silence. Celle scène m'instruisit sur un point. C'est qu'on se trompe en croyant que l'attachement aux pelits domine chez les oiseaux le sentiment de l'amour J. MICHELET. LE GRILLON. Je suis le compagnon Du pauvre bucheron. Je le suis en automne Au vent des premiers froids Et c’est moi qui lui donne Le dernier chant des bois. Mme MICHELET. Soil, las de bruit ou d'étude, Qu'au crépuscule d'été, Je cherche la solitude Loin des murs de la cité; Soit que la main de décembre Plus tard vienne en grelolant, Meltre son chiffre d'argent A la vitre de ma chambre, Au foyer comme au sillon Jaime le chant du grillon. Qui peut savoir ce qu'il chante ? Qui sait au déclin du jour Si sa cantate touchante N'est pas un hymne d'amour, Et si trouvère fidèle Il ne revient pas pour voir Aux sérénades du soir La cigale qui l'appelle ? Au foyer comme au sillon J'aime le chant du grillon. 996 Nul ne pourrait-il me dire Le secret de sa chanson? Certains pensant qu'il soupire Prés de la fleur du gazon, En son habit de poète Disent qu'il doit parler mieux Au cœur sensible qu'aux yeux . De la tendre pâquerette. Au foyer comme au sillon J'aime le chant du grillon. D'autres voient dans cette flamme Un plus subtil élément : Ils prétendent que son ame Se recueille en ce moment ; Et qu'à cette heure, en prière, Quand tout est silencieux, Il joint son hymne pieux A l'hymne de Ја chaumière. Au foyer comme au sillon J'aime le chant du grillon. Quoiqu'il en soil, quand il passe Sur la cendre de mon feu, Bien loin que ma main le chasse, En secret j'en bénis Dieu; Sa douce voix me pénètre : Toule chose a sa raison Et s'il entre en ma maison, C'est pour m'éprouver peut-être. Au foyer comme au sillon J'aime le chant du grillon. En lui je trouve l'embléme Du faible et du suppliant, On doit quelque chose même A l'insecte mendiant. J'écoute sa peine : il pleure, H veut l'hospitalité... Qu'importe à ma charilé 227 Au foyer comme au sillon J'aime le chant du grillon. J'aime sa mélancolie, Tous deux nous sympathisons, Je mêle ma rêverie A ses plainlives chansons ; Qui sait si le scarabée Chez moi caché dans un coin, Quand je compose un quatrain, Ne fait pas une épopée ? Au foyer comme au sillon J'aime le chant du grillon. PAUL BELLEUVRE. DESCRIPTION DES ШЕШ DE LA NOCTUELLE double oméga. du BOMBYX du peuplier et du LIPARIS V noir. NOCTUELLE DOUBLE OMEGA. Chenille à 16 pattes, longue de quatre centimètres et large de six millimètres, au milieu du corps qui est un peu plus étroit, à la téle et à la queue. Neuf stygmates de chaque côté, noirs et situés sur les tubercules des flancs. Les anneaux sont étranglés dans leur milieu, ce qui leur donne Yair ridés, ils sont en outre scrobiculés de chaque côté du dos, de manière que les flancs semblent élargis en forme de tubercule. La robe générale est d'un joli vert tendre. Au milieu du dos règne une bande jaune, interrompue à la commissure des anneaux; cette bande jaune ne part que de la partie postérieure du 3° anneau, où il y a un gros point jaune, et elle finit au 11e anneau, où elle s'élar- git. Le 12° anneau n'a point de jaune en dessus. Sur les deux pre- miers anneaux il y a deux points tuberculeux jaunes en place de la bande; ces premiers anneaux portent en outre plusieurs pelits points noirs. Sur les 5*, бе, 7°, 8e, 9* et 10e anneaux on voit, sur le dos, à cheval sur la bande jaune, quatre points noirs disposés en trapèze régulier. Sur le 11° anneau, les quatre points forment un carré, sur le 12* enfin, ils sont placés deux par deux au-dessus les uns des autres. Au bas du flanc, de chaque côté, se voit une bande jaune qui suit la sinuosité des anneaux. Celle bande jaune part de la têle, entoure la queue sans se prolonger sur les pattes molles, et est parsemée de méme que sur les bords de petits points noirs, portant chacun un poil noir raide et court. C'est au-dessus de cette bande jaune des flancs que sont situés les Lubercules qui portent les stygmates. La téle est d'un vert blanchâtre et porte quatre taches noires, deux sur la nuque qui sont triangulaires et deux sur les joues qui sont arrondies; elle est en outre recouverte d'un assez grand nombre de poils blanchâtres. Les pattes molles sont vertes comme le fond de la robe, el mar- quées de plusieurs pelits points noirs. Les palles cornées sont noi- râlres. Le ventre de la chenille est d'un vert uni à peu près pareil au reste du corps. Cette chenille ne marche pas très vite. Quand on l'inquiete elle se contracte sur elle-même et se raccourcit, mais elle ne se roule pas ou du moins très difticilement. Elle vit sur l'aubépine el le pommier. Elle file un pelit cocon oblong , assez régulier , qu'elle agglutine fortement contre le corps où elle l'altache, et qu'elle compose avec des débris de végétaux et de la soie. La chrysalide est violette. La chenille se chrysalide en juin et éclot en juillet. Elle donne la Noctuelle double oméga. BOMBYX DU PEUPLIER. Chenille à 16 pattes, longue de six centimètres, large de 7 millimè- tres au milieu du corps, 10 stygmates de chaque côté, à fond jaune el entourés d'un ovale noir. La téte et surtout la queue sont plus étroites que le reste du corps qui est à peu près cylindrique. Chaque anneau porte sur les flancs un mamelon hérissé de poils noirs, fins et courts; c'est en avant de ces mamelons que sont si- tués les stygmates. L'anneau qui porte la téte est marqué en dessus de pelils trails rougeâtres. Le fond de la robe est blanc sale, le dos porte dix lo- sanges noirs ou plutót composés de poinls noirs, fort prés les uns des autres, lesquels renferment dans le centre des losanges de pe- lits dessins jaunâtres réguliers et symétriques. Les flancs sont marqués de festons formés de pelits points noirs, groupés de dislance en distance en taches quarrées, 230 Le cinquième anneau est plus chargé de points noirs sur les flancs que les autres anneaux. Au-dessous des mamelons qui chargent les flancs, tout le côté du ventre et des pattes est garni de poils blancs, fins et courts. La tête est jaunâtre, marquée de points noirs petits et gros, et re- couverte de poils blancs assez fournis. L’anneau qui porte la tête est muni, de chaque côté et en avant, d'un mamelon noir saillant, portant un pinceau de poils noirs et assez longs, dirigés en avant. Le ventre est jaune d'ocre, marqué au centre de dix taches noi- rátres, rondes et plus petites à mesure qu'on se rapproche des extré- mités. Celte chenille est fort timide, et c’est avec grande peine qu'on parvient à lui faire quitter son immobilité. Elle vit sur le peuplier et le cerisier. Elle file une coque mince, rose et noirâtre, qu'elle adosse contre quelque corps présentant une concavité. Cette chenille se chrysalide en juin et éclot en octobre. La chrysalide est rougeatre, pointue, mais renflée au milieu. Elle donne le Bombyx du peuplier. LIPARIS V NOIR. Chenille à 16 pattes, longue de quatre centimetres, large de six millimétres au milieu du corps, qui est presque d'une égale lar- geur dans toute son étendue, la queue est seulement un peu plus étroite. Cette chenille porte neuf stygmates de chaque côté, ils sont noirs et ovales. Les barils des anneaux sont courts, déprimés et portent chacun dix mamelons, ornés de poils longs , raides et disposés en gerbe sur les flancs et en pinceaux sur le dos, à l'exception toutefois des trois premiers anneaux qui n'ont que huit de ces mamelons et le 12e que Six. Ces mamelons ne sont pas tous égaux, il y en a de gros et de pe- lits sur les flancs ; voici comme ils sont disposés : deux sont sur le dos, deux sur les flancs et deux au-dessus de la base des pattes, de chaque cóté. Tous les mamelons des flancs ct des pattes, à l'exception de ceux des 2* et 3* anneaux , portent des poils blancs, ainsi que tous ceux du dos sur les 1*, 4°. 5°, 9°, 10° et 11° anneaux. Les poils des ma- melons latéraux des 2* et 3* anneaux, ainsi que ceux du dos, sur les 231 2e, 3°, 6°, 7°, 8° et 12° anneaux sont d'un roux ardent. De telle sorte que les pinceaux du dos sont réparlis ainsi qu'il suit, en parlant de la tête : un blanc, deux roux, deux blancs, trois roux, trois blancs et un roux. Le fond de la robe de ce:te chenille est d'un jaune doré, pur au bas des flancs, où il forme une bande festonnée dans toute la lon- gueur du corps, chargé de points noirs espacés sur les flancs el de points noirs trés rapprochés sur le dos, surlout sur les anneaux qui portent des pinceaux blancs. On voit en outre, de chaque côté du dos, deux jolies lignes jaune doré vif, régnant dans toute la longueur de la chenille, jusqu'aux trois premiers anneaux, qui n'y parlicipent pas. La lêle, assez grosse, est jaune comme le reste du corps, et est marquée de pelits points noirs et d'un gros V noir renversé sur le milieu. Les trois anneaux antérieurs semblent plus larges que les autres, parce qu'étant déprimés, les mamelons dont ils sont recouverts sont plus étalés et rendent les cótés des anneaux plus anguleux. La peau intermédiaire est d'un vert tendre. Les paltes membraneuses sont noires, profondément bilobées et à lobes pointus dirigés devant el derriere. Les palles cornées sont jaunes, pointillées de noir, avec la base verle en dessous. Le dessous du ventre est d'un noir verdâtre, en avant, et d'un jaune brunátre en arriere. Celte chenille n'est point timide, ne se roule que fort difficilement, marche rapidement et presque constamment quand elle est séparée de son lieu habituel de séjour. Elle vit sur l'ormeau. La chrysalide est d'un vert tendre, portant deux raies jaunes longiludinales sur le dos, sur la poitrine et au-dessous des yeux un réseau noir en forme de cœur. La chrysalide porte de chaque côté six stygmales jaunes el très oblongs. Cette chenille ne file point de cocon fermé, mais suspend sa chry- salide dans un hamac de soies blanches entrelacées, assez peu ser- rées pour qu'on puisse la voir au travers. La chrysalide devient jaune au moment d'éclore. Cette chenille se chrysalide vers la mi-juin el éclot 15 jours après. Elle donne le Liparis V noir. L. DE JOANNIS. NOTE STATISTIQUE SUR LES ANIMAUX A FOURRURE DE L’ANJOU. Messieurs, Tout en se consacrant à l'histoire naturelle en général, la Société Linnéenne de Maine et Loire a compris que la tâche qui lui était plus particulièrement imposée était l'étude du sol et des productions au milieu desquelles elle vivait. L'histoire, l'archéologie méme ne lui ont point paru étrangères à ses recherches quand elles pouvaient constater dans le passé la gloire ou l'imporlance de notre pays. Grou- pés ainsi par l'unité du but, agrandis par l'idée générale qui préside à leur collection, les plus humbles travaux, les moindres faits de dé- tail acquièrent une utilité et forment de véritables pierres d'at- tente apportées sur le sol où l'édifice de la science doit se bâtir. C'est à ce litre, Messieurs, que je me permets de vous offrir une nole bien incomplete et bien courte sur les animaux à fourrure de Anjou et de ses environs. Que ce titre, un peu utilitaire, n'effraie point les naturalistes purs; si la science peut se glorifier à bon droit des enseignements et des secours qu'elle donue chaque jour au commerce et à l'industrie, l'industrie et le commerce sont sou- 233 vent une source féconde pour la science, même la plus spéculative. L'appàt du gain sollicite sans doute des intelligences d'un ordre moins élevé que celles qu'enflamme l'amour de la science, mais elle les entraine en plus grand nombre et leur fait souvent sur- monter des obstacles devant lesquels le savant isolé eût été forcé de s'arrêter. Mais c'est trop de préambule pour vous dire que l'espoir de gagner quelques francs fail parcourir au patient Auvergnat tous les coins et recoins de notre département, et que le rusé marchand de peaux de lapin m’a paru plus renseigné que maint chasseur sur bon nombre de fails zoologiques de notrepays. L'industrie si minime et si précaire en apparence dont nous par- Jons, a en effet une organisation qui permet une certaine générali- salion de la plupart des efforls isolés. C'est dans la boutique à peu près unique d'un de leurs compatriotes, qui sert de courtier et d'intermédiaire aux fourreurs de la capitale, que chaque ramoneur, au relour de ses courses laborieuses, vient déposer sa récolte et ra- conter les chances plus ou moins favorables de la saison ou de telle ou telle contrée. En prenant la moyenne du nombre des peaux ven- dues et achetées pendant plusieurs années, on peut se faire une idée approximalive du rendement des sauvagines dans notre Anjou. Malgré sa situation dans une zóne trés tempérée, notre pays con- lient encore une assez grande surface de forêts, d'étangs et de ma- rais, el les maxima de température froide descendent assez bas pour que quelques animaux sauvages y trouvent un refuge, et que dans la saison d'hiver le jar et le duvet se développent en vêtement moel- leux sur leur enveloppe. Les foréts ne couvrent pas moins de 50 mille hectares, les landes encore 18 à 20 mille. Et la superficie des eaux permanentes n'est pas moindre de 6 mille hectares. Enfin, le maxima des hivers froids a plusieurs fois alleint 13 el 14° centig. sous 0. Toutefois, nous devons établir dès Vabord que nos sauvagines, bien que cotées dans le commerce de la fourrure, ne viennent que bien loin après les produits du Nord, el qu'à espèces semblables ou analogues elles n'oceupent en général que la quatrième caté- gorie, les pelleteries de Sibérie formant la première, et celles du Canada la seconde presque ex aquo. Les genres qui fournissent les animaux à fourrure sont peu nom- breux el se rencontrent presque tous parmi les carnassiers digili- grades. Un planligrade, deux rongeurs el quelques ruminants par exceplion, tel est le cercle dans lequel tourne la récolle et le com- inerce de l'Anjou. Le premier et le plus fécond de tous apparlient aux mammifères 234 digitigrades de la tribu des vermiformes ; il embrasse les nombreuses espèces des genres mustela et une du genre lutra. 1° La marte, mustela martes, celle fourrure aux effets chatoyants et dorés qui orne et enrichit les parures d'hiver de nos dames, ne se montre que rarement dans le commerce, à peine les plus froids hi- vers en amènent-ils cinq ou six à l'entrepót. 2° Il n'en est pas de méme de la fouine, mustela foina, elle est au contraire fort abondante, et l'Anjou n'en fournit pas moins de 400 peaux, hiver commun, aux fourreurs parisiens. Elles portent le nom de martes une fois passées. Vous voyez, Messieurs, que plus d'un tour de cou ou d'un manchon prétendu canadien, n'a souvent d'au- tre origine que le pays ou la propriété méme de celles qui le por- lent. 3° La vérité deviendra plus patente si on y ajoute un nombre a peu près égal, 350 à 400 de l'espèce suivante, moins belle et moins estimée, le putois, mustela putorius. Ce grand destructeur des basses-cours, est chassé avec acharnement et diminuerait assez vite sans les nombreuses ruines qui lui servent de repuire. La belette est trop petite et son poil trop ras pour faire objet de commerce. La même cause exclut la véritable hermine, nos fourreurs ayant plus de profit a faire huit hermines avec la peau d’un lapin albinos. Ces animaux, assez fréquemment pris cependant, peuplent seulement les cabinets d'amaleurs. 4° Mais il est une espèce dont le nombre nousa tellement surpris, qu'il a fallu mettre les pièces de conviction sous nos yeux pour nous engager à porter celle approximation dans notre statistique. Vous vous rappelez, Messieurs, la communication intéressante qui signala comme un fait étrange la rencontre de deux visons sur les bords de l'Authion. Eh bien ! Messieurs, c'est ici que l'ardeur commerciale prime l'ardeur scientifique ; uu bon hiver n'améne pas à l'entrepót moins de cinquante visons du pays. L'Authion en fournit toujours la plus grande partie. Trelazé seul en donna plusieurs l'année der- nière, mais il en vint aussi une assez bonne parlie des environs de Cholet. Inutile d'ajouter que ces pauvres Angevins perdent leur droit de cité en entrant chez nos marchands de nouveautés, et se dissi- mulent au naturaliste sous le nom de visons d'Amérique. 5? La loutre (lutra vulgaris) était autrefois rangée dans le genre mustela (m. lutra); dont pourtant sa taille, sa queue, ses pieds palmés surtout et ses mœurs la dislinguent suffisamment. Nos étangs poissonneux nourrissent d'assez nombreux. individus de cette remarquable espèce, 15 à 20 sont livrés au commerce cha- que année, Mais depuis que la casquelte de loutre ne couvre plus le 239 chef des rois de la finance , la moelleuse fourrure est bien déchue de son antique splendeur et parlant de son prix. Les autres carnassiers digiligrades ne nous offrent guère que deux espèces du genre canis, le renard et le loup. Les peaux de renard sont presque toutes préparées en descentes de lit pour le compte des chasseurs eux-mêmes, et c'est un cadeau d'assez bon goût qu'on offre volontiers à ses amis comme une dé- pouille opime. Cela réduit de moitié environ, c'est à dire à cent et quelques peaux par hiver, le commerce du renard indigène. Quant au loup, il n'existe que pour mention ; nos officiers de lou- veterie conservent ce irophée. D'ailleurs, si tout bon fourreur ne peut offrir que du renard de Virginie, à fortiori n'avouerait-il pas la ` moindre parcelle de loup, si elle n'arrive de Russie pour le moins. Le commerce qui se rattache à l'élevage et l'exploitation du genre felis étant quelque peu clandestin, je n'ai pu pousser aussi hardi- ment et avec autant de confiance mes investigalions à ce sujet. Je ne suppose pas d'ailleurs que notre cité renferme un seul être assez dénaturé pour ravir ce cher compagnon de la vieille fille , un seul restaurateur... Je m'arréte, car il est temps d'arriver au point ca- pital de la question commerciale, à celui qui domine toutes les autres et les couvre de son nom : La peau de lapin. Je ne sais, Messieurs, si bon nombre d'Angevins s'efforcent de ré- soudre le probléme qui consiste à se faire avec les lapins 3,000 francs de rente, mais en voyant que les peaux de lapins tués en Anjou s'é- lèvent au moins à 50 mille, on voit qu'à 0,20 centimes la peau, cette seule espèce fournit un produit de 10,000 francs. Dans ce nombre les lapins domestiques figurent pour deux liers, et l'on ne peut guère estimer les produits sauvages à plus de 15 mille par an. A ce nombre doivent s'ajouter d'une part 2,000 peaux de lièvres mangés dans le pays. Mais un nombre au moins égal étant expédié directe- met en chair et en peau, nous arrivons à 4,000 lièvres pour l'Anjou. Ce chiffre, je l'avoue, m'a d'abord surpris, el quelques recherches ultérieures m'ont appris qu'il fallait en défalquer 5 à 600 peaux pour la partie de la Loire-Inférieure qui avoisine l'Anjou et qui fournit à notre place sa contribution. Le nombre ainsi réduit, 3,500 lièvres, ne doit plus nous surprendre quand, rappelant la surface totale du département, 700,000 hectares, nous verrons que celle moyenne équivaut seulement à un lièvre pour 200 hectares de superficie; ou, prenant un autre point de comparaison, un lièvre pour 159 ha- bitants. Celte dernière moyenne, Messieurs, m'amene naturellement à une 236 considération économique assez importante, qui élève cette pelite famille de rongeur à une valeur bien supérieure à celle des carnas- siers dont nous nous occupions tout à l'heure. Les carnassiers ne sont recherchés que pour leur peau, et leur chair, le plus souvent abandonnée, ne reçoit pas même comme en- grais la seule application ulile à laquelle elle convient absolument. Il n’en est pas de même de la chair délicate et savoureuse du lapin et du lièvre; voilà ce qui révèle dans cette étude peut-être un peu fastidieuse tout un côté de notre alimentation. Chaque lapin, eu égard à la grand proportion des lapins de maison, peut être estimé à un kilogr., et chaque lièvre à 2 kilog. Ce seul genre fournit donc à l’Anjou un contingent annuel de 60,000 kilog. de chair parfaitement saine et très nutritive. En présence de Fali- mentation encore trop peu animalisée des classes laborieuses de notre pays, cette proportion n'est point à dédaigner ; elle attire notre attention vers la conservation et l'amélioration de cette féconde es- pèce, et fournit un premier chiffre pour la statistique des ressources alimentaires animales de ce pays sur lesquelles nous aurons peut- être occasion de revenir. Dr E. FARGE. ORFILA ET LES ANGEVINS. Messieurs, Je ne viens pas vous présenter une biographie de M. le professeur Orfila; je viens encore moins vous parler des œuvres de ce savant qui, après avoir professé avec un égal succès la physique, la chimie, Ja botanique, l'histoire naturelle, la médecine légale, est parvenu, à force d'observations et d'expériences souvent dangereuses pour lui- même, à fonder, sous le nom de toxicologie, une science nouvelle, celle des poisons. Mais admis à l'honneur de siéger dans une société angevine spécialement consacrée à l'étude des sciences naturelles, jai espéré vous intéresser quelques instants, en vous disant par suile de quelles circonstances l'Anjou et plusieurs Angevins ont eu pendant 36 ans une part importante dans la vie, dans les affections d'un des hommes les plus célébres dans l'étude de ces mémes sciences naturelles. M. Orfila, vous le savez peut-étre, Messieurs, est né dans les iles Baléares. Aprés s'étre distingué à Valence, à Barcelone, à Madrid, il fut envoyé par le gouvernement espagnol en France, pour y suivre les cours de nos premiers professeurs de chimie, et aprés un cer- tain nombre d'années, il se trouva fixé à Paris avec le titre de doc- leur, mais sans autres ressources que son travail el l'emploi de son immense intelligence. Au nombre des familles qui l'accueillirent alors qu'il en avait le plus besoin, se trouva celle d'un de nos com- patriotes, M. le colonel Dubignon ; puis bientôt M. Orfila se lia avec un autre Angevin pour lequel il a toujours professé une amitié fra- ternelle; c'était M. Béclard. 238 Nommés presqu'en même temps professeurs d'anatomie et de mé- decine légale à la Faculté de médecine, MM. Béclard et Orfila furent chargés en 1820, et en remplacement de MM. Chaussier et Leroux, de présider dans les départements les jurys chargés de la réception des officiers de santé et des sages-femmes. M. Orfila, qui s'était fait à Paris une magnifique position, s’inquiéla, le croirait-on, de celte présidence des jurys de province. Il par- lait dans le monde et dans ses lecons le francais le plus correct, quoiqu'avec un accent trés prononcé; il conversait aussi facilement en latin, en italien qu'en espagnol, mais dans ce voyage à travers des contrées qui lui étaient complétement inconnues, rencontrant chaque jour des hommes nouveaux, il craignait de manquer à quel- qu'un de nos usages, d'employer quelqu'ex pression peu usitée, quel- qu'un de ces mots qu'il est souvent difficile à un étranger d'éviter, et qui prêtent tout de suite à la plaisanterie et méme au ridicule. En partant de Paris, M. Orfila attachait donc une grande importance à la manière plus ou moins heureuse dont il ferait ses premiers pas dans la carrière qui s'ouvrait devant lui. Comme pour l'éprouver, lorsqu'il arriva à Angers, ville par la- quelle il commençait sa tournée, сі où un des membres du jury lui avait offert une simple mais cordiale hospitalilé, la première per- sonne qu'on lui présenta fut un vieux chirurgien, trés habile patri- cien, mais qui, par suite d'un vice naturel de prononcialion, donna aux quelques mols qu'il répondit à la queslion banale qui lui était adressée, des consonnances tellement bizarres, que M. Orfila en fut stupéfait; un nuage couvrit son front; il hésita, car il sentait que si une seconde personne lui parlait de la méme facon il lui serait im- possible de faire bonne et digne contenance. Mais heureusement le second interlocuteur se trouva être l'aimable et spirituel M. Chevreul, alors doyen de notre école de médecine, et M. Orfila, en saluant le père d'un de ses amis, retrouva toute sa présence d'esprit, toute la li- berlé de sa pensée et de ses expressions. La conversation devint générale et tout aussitôt M. Orfila surprit et charma par la sûreté, l'étendue de ses connaissances comme professeur, autant que par la finesse, l'originalité, la distinclion de sa parole comme homme du monde. Il acquit en quelques inslants la certitude que les craintes qu'il avait en parlant de Paris élaient chimériques, qu'on saurait l'applaudir au moins aussi bien en province que dans la capitale, et il en éprouva un sentiment de bien-étre dont il a toujours conservé le souvenir, me disait-il vingt-huit ans plus tard. De plus il ne voyageait pas seul, et Ме Orfila sut bien vile par sa grâce et la vivacité de son esprit, par son talent aussi délicieux que celui de son mari, devenir le 239 centre des plus agréables réunions. De ce moment Angers fut pour M. Orfila une ville de prédilection, et elle n'a jamais cessé de l'être. П y est toujours revenu avec plaisir; aussitôt ses examens terminés il visilait nos monuments, nos environs, et c'est dans ces longues et précieuses promenades qu'il se plaisait à nous dire non pas ce qu'il avail fail, mais ce qu'il était en train de faire, car toute sa vie il a travaillé pour marcher en avant de la science et non pour la suivre. Il était surtout heureux lorsqu'on lui demandait Ја solution d'une question difficile de chimie ou de médecine légale, et sous ce rapport Angers s'élait encore placé dans les meilleurs souvenirs de M. Orfila en lui fournissant l’occasion de compléter, pour ainsi dire, ses travaux sur l'analyse des substances empoisonnées par l'arsenic. Voici à quelle occasion : Le 24 juillet 1832, les époux Moreau, demeurant au village des sonnes, commune d'Andard , arrondissement d'Angers, reçurent la visite de leur frère et beau-frère, le nommé Plançonneau, qui venait leur demander à diner, et qui s'entretenant de la qualité de leur blé nouveau demanda à le voir. La femme Moreau, qui devait boulanger le lendemain pour tout le village, avait mis quatre boisseaux de farine dans la huche. Elle montra cette farine à Planconneau qui en prit une poignée qu'il rejeta quelques instants aprés, en disant que celte farine était plus belle que la sienne. Le 26, vers midi, 13 personnes mangèrent du pain fait par la femme Moreau et éprouvèrent à la suite de ce repas, avec plus ou moins d'intensité, les principaux symplómes d'un empoisonnement par une substance irritante. Aucune ne suecomba. Prévenu de ce fait, M. le Procureur du roi d'Angers se rendit le 1°" août à Andard, et le médecin qui accompagnait coustata des fails dont l'ensemble lui permit de conclure : que tout portait à croire à un empoisonnement; que trés probablement c'était dans le pain que la substance délétère avait été déposée; qu'il était urgent d'en confier une partie à des experts chimistes, pour qu'ils pussent immédiate- ment en faire l'analyse. Après 15 jours de recherches, faites avec l'habilelé dont ils ont si souvent donné la preuve, MM. les experts rédigèrent un rapport qui se terminait par ces conclusions : 1° H n'y a dans ce pain aucune trace de sels de mercure, d'arsenic, de zinc, d'antimoine, elc. 2» Le pain contient des alómes de cuivre et de fer, des phosphates de chaux et de magnésie. Toutefois, avant de se prononcer définilivement sur l'absence d'une substance vénéneuse dans le pain, ils en firent manger à un 240 chien qui éprouva des symptômes tels, qu'ils ajoutèrent que si le pain ne contenait aucune substance vénéneuse minérale, il pourrait bien contenir un poison végétal; qu'en conséquence ils priaient M. le Procureur général d'avoir recours à d'autres lumières. Sur leur demande , deux chimistes très distingués de Paris, MM. Chevallier et Lassaigne , furent désignés pour procéder à une nouvelle analyse et surtout pour rechercher si le pain contenait un poison végétal. Il résulta de leur travail que le pain ne contenait ni arsenic ni aucun autre poison minéral; quant à la présence d'un poison végétal il n'en était pas parlé, la moisissure du pain avait sans doute empéché de faire des expériences sur ce point. Nonobstant ces deux rapports négatifs, les preuves morales étaient bien plus que suffisantes pour faire suivre l'accusation contre Plan- conneau; il fut renvoyé devant les assises et comparut le 4 décembre, accusé non pas seulement d'avoir voulu empoisonner le 26 juillet 1832 les époux Moreau, ses beau-frère et belle-sceur, mais de plus d'avoir empoisonné, en août 1830, les époux Terrier et la veuve Tesnier, leur mère, au moyen d'une soupe aux choux et d'un pot de prunes cuites. Terrier et la veuve Tesnier avaient succombé au bout de quelques semaines, et la femme Terrier était restée horrible- ment estropiée par suile de l'action du poison ; on l'apporta devant MM. les jurés, car elle ne pouvait marcher, mais ses facultés intel- lectuelles étaient parfaitement saines et elle fit connaitre avec cette assurance que donne une conviction intime, tous les détails des crimes du mois d'août 1830. Un grand nombre d'autres témoins avaient élé entendus sur les circonstances de ces mêmes crimes el de celui du mois de juillet 1832. Ils firent savoir méme que quelques années auparavant Plan- conneau avait acheté une livre d'arsenic; mais au milieu de toutes ces preuves morales la preuve principale manquait, la présence du poison. — On ne s'est livré à aucun examen, disait l'avocat de Plan- conneau, sur la soupe et sur les prunes, auxquelles on a attri- bué Ја mort de Terrier, celle de la veuve Tesnier et l'état affreux dans lequel végète la femme Terrier; les deux rapports rédigés à Angers et à Paris, par les hommes les plus compétents, déclarent que le pain saisi à Andard ne contient aucune substance vénéneuse minérale, et n'établissent en rien la possibilité d'un empoisonnement à l'aide d'une substance végélale ; il est donc impossible de démon- trer qu'il exislait un poison dans le pain et dans les autres subs- lances soupconnées ; on ne peut donc affirmer qu'il y a eu empoi- sonnement. — Sur ce terrain la défense était bien forte et paraissait devoir triompher. C'est alors que M. le substitut du procureur gé- 241 néral, M. P. Geunevraye, se leva pour soutenir l'accusation, Il avait a peine prononcé la moilié de son discours, lorsqu'on remit à M. le Président une lettre et un rapport de M. Orfila qui donnèrent aux débals une face loule nouvelle. La leltre se lerminail ainsi : « J'aurais désiré, M. le procureur général, pouvoir vous trans- » mettre plus tot le résullal de mes expériences, mais je n'aurais pu » le faire sans m'exposer à perdre des produits importants qui don- ^ neront à mon travail un certain degré d'utilité dont vous serez à › méme de juger par la lecture du rapport ci-joint, dont voici un > extrait : > 1° Le pain suspect contient un poison arsenical, malgré l'asser- > lion des experts qui l'ont analysé avant moi. Ce poison peut êlre » l'acide arsenieux ou la poudre aux mouches, dile vulgairement Co- » bolt. M. Lassaigue, l’un des chimistes qui avaient conclu à la non- > existence d'un poison minéral dans cet aliment, élait présent à lo- » pération la plus décisive de mon travail el a pu se convaincre de » la vérité du fait que j'annonce el que j'affirme sur l'honneur. » D'ailleurs, je mettrai quand vous le désirerez à volre disposition » del'arsenic métallique obtenu dans celle opération. » Je n'hésile pas à rapporter les accidents éprouvés par les hommes » el les animaux qui ont mangé de cel aliment à la préparation ar- » senicale dont j'ai démontré l'existence... » x x x = C'élait la foudre qui frappait Plançonneau au moment où il se croyail presque sauvé; déclaré coupable sans circonstances allé- nuantes el sur lous les chefs d'accusation, il ful condamné à mort et exécuté le 18 février suivant; il mourut en avouanl ses crimes : il avail jeté une poignée d'arsenic dans la huche de sa belle-sœur. Revenons en quelques mols sur la parlie scientifique de celle af- faire. MM. les chimistes d'Angers qui bien des fois déjà avaient fail les expériences les plus concluantes sur les préparations arsenicales, avaient eu facilement par l'acide hydro-sulfurique un précipité jaune qui est du sulfure @’arsenic, mais ils n'avaient pu ni le préci- piter ni le décomposer et obtenir l'arsenic métallique. C'est apres avoir employé en vain pendant plusieurs jours, avec les précautions les plus grandes, tous les moyens, tous les réaclifs indiqués par les auleurs et par M. Orfila surlout, qu'ils furent obligés de rédiger le rapport dont nous avons donné plus haut les conclusions. Il en eût élé bien autrement, Messieurs, s'ils avaient pu faire connailre la difficulté qui les arré;ait à M. Orfila, et lui demander conseil. Mal- heureusement, le 26 juillet 1832, à l'heure méme où le crime de Planconneau s'aecomplissait, il étail alleint du choléra le plus 16 949 ata grave. Le lendemain il était expirant, et le bruit de sa mort se ré- pandit dans tout Paris. « J'ai veillé celle nuit un moribond, m'écri- » vait Ollivier, ce soir je ne veillerai plus qu'un cadavre. » Quoi- qu'arrivé aux limites extrêmes du mal, il conservail toute son intel- ligence, à ce point qu'il enlendit les professeurs de la Faculté qui élaient venus lui faire leurs derniers adieux (il élait alors doyen), disculer dans un appartement voisin quel serait l'orateur qui porte- rait la parole sur la tombe et régler les principales dispositions du convoi. « Non-seulement je me suis vu mort, mais j'ai assisté à mon enterrement, disait-il depuis en riant; » car il résista el survécul à l'affeclion terrible qui l'avail frappé. Aprés une aussi rude attaque, M. Orfila fut quelque temps dans l'impossibilité de se livrer à aucun travail, mais au mois de no- vembre il élait arrivé au (егте de sa longue et pénible convales- cence el, dans l'intérêt de la science plutôt que dans celui de Ја justice, car on croyait qu'il élait trop tard pour en faire usage dans l'affaire Planconneau, on lui adressa copie du rapport du médecin qui avait accompagné la justice à Andard, et celle des deux rapports d'experts, en lui faisant connaitre toutes les circonstances qui ren- daient plus que probable la présence de l'arsenic dans le pain. « Il y a de l'arsenic, tout le prouve, lui disait-on, c'est vous seul, notre cher maitre, qui pouvez découvrir ie poison, s'il exisle. » M. Orfila accepta; le 22 novembre il se mit à l'œuvre, et le 2 dé- cembre au soir il pouvail rédiger son rapport qui contenait la solu- lion la plus complète et la plus évidente du probléme qu'on lui avait soumis. Qu'avail fail M. Orfila pour arriver à un pareil résullat? Rien de nouveau quant à l'emploi des réaclifs, mais il avait attendu lrois jours entiers que le sulfure d'arsenic se précipilat par l'addition de quelques gouttes d'acide hydro-chlorique. S'il n'avait attendu que 24 ou 48 heures, il пей pas plus obtenu de précipité que les pre- miers experts. Mais il calcula que l'acide arsenieux mêlé à de la farine el soumis à toutes les opérations de la panificalion, devait se com- porter tout autrement que lorsqu'il est dissous dans de l'eau , que l'effet des réaclifs doit êlre beaucoup plus lent, et il attendit. Celle affaire fil sur M. Ortila une grande impression, non-seule- ment à cause du fait médico-légal, mais surlout à cause de l'effet produit par la lecture de son rapport et de Pexpiation terrible qui en avail élé le résultat. Il en inséra de suite les détails dans les Annales d'hygiène et de médecine légale, el Lous les ans, dans son cours de chimie médicale, il la citail avec complaisance et en lirait celle con- clusion : que lorsque l'acide arsenical est mélangé avec des matières [éculentes, gélatineuses, albumineuses, etc., il peut étre tellement retenu 243 qu'il ne se comporte pas à beaucoup prés comme il le ferait dans une solution aqueuse. Telles sont, Messieurs, quelques-unes des principales circons- tances, grâce auxquelles de cordiales relalions se sont établies entre la famille Orfila el plusieurs familles angevines; elles n'ont jamais été inlerrompues depuis trente-six ans, et dureront longlemps en- core, je l'espère, malgré la mort récente du savant professeur. M. Or- fila a eu jusqu'à sa mort une sincère affeclion pour nolre ville, affeclion dont il a donné une preuve éclatante en 1853. Après avoir distribué avec une haute munificence des sommes considérables au musée Orfila (analomie comparée), à l'académie de médecine, à l'école de pharmacie, à l'associalion des médecins du département de la Seine, il n'a nommé qu'une école secondaire de médecine, celle d'Angers, à qui il a envoyé une collection de pièces anato- miques, valant plus de 2,000 fr. Enfin, Messieurs, depuis longues années M. Orfila a recu dans la plus grande inlimilé trois Angevius, anciens éludianls de notre école de médecine, Ollivier, Meniére et Bérard. Après avoir élé ses élèves, ils sont devenus ses amis, je dirais presque ses enfants d’a- doption; Ollivier est mort il y a longtemps déjà, mais Meniere a fermé les yeux de son bienfaiteur el a élé chargé par lui de l'hono- rable mission de faire exéculer ses volonlés dernieres; Bérard enfin, parlant au nom de la Faculté, au nom de la science, au nom des amis de M. Orfila, a fait entendre, au moment du supréme adieu, les dernieres paroles d'hommage, de regrels, d'affeclion el de recon- naissance. AD. LACHÈSE. DE L'ORIGINE DE LA CULTURE DU SORGHO DANS LE DÉPARTEMENT DE MAINE ET LOIRE. Depuis quelques années, la culture du sorgho ou grand millet a pris une extension remarquable, et chaque jour celle plante semble prendre un nouveau degré d'imporlance. J'ai donc pensé que les membres de celle Sociélé, et peut-être aussi plusieurs autres per- sonnes, ne seraient pas fachées de connaitre l'origine de sa culture dans notre déparlement. Il y a trente-cinq à quarante ans environ, un voyageur, un habi- lant des bords de la Garonne, vint souper et prendre gite dans une auberge située sur le bord de la grande route de Paris à Angers, а un kilometre du pelit bourg de Corzé. Le lendemain, aprés boire et maintes questions adressées à ses hôtes, sur la situation el la nature des terres du pays, il se rendit au village. Chemin faisant, il s'était arrêté, avail regardé, observé, queslionné les gens qu'il rencontrail. Les réponses à ses diverses demandes élaient conformes à ses désirs; l'aspect de la contrée lui avail plu ; il résolut de s'y fixer. 245 Son projet bien arrêté. il se mit aussitôt en quête d'un logis el de quelques morceanx de terre, deux choses qu'il parvint non sans peine à se procurer, bien qu'il en offrit un fermage fort élevé. Son accent gascon contribuait encore à augmenter la défiance si natu- relle aux habilants de la campagne, surtout envers un étranger. Enfin il oblint ce qu'il cherchait et bientôt il se mil à la besogne. Qu'allait-il faire, que prétendait il récoller sur celle terre qu'il avail eu l'imprudence de louer à un prix si exorbilant? chacun se le de- mandait, d'avance le taxait de folie, el riait de le voir se donner tant de peines et de soins. Cependant la curiosité étail éveillée, on voulait savoir ce qu'il avail semé, car ceux à qui il avait bien voulu montrer ses graines n'en avaient jamais vu de semblables, et les rires et les quolibets de re- commencer comme de plus bel à pleuvoir sur le pauvre diable. Mais le temps avait marché, la graine confiée à la lerre avail germé. Chaque matin notre homme se rendait à ses champs dès la pointe du jour, la bèche sur l'épaule ; toute sa journée se passait à bécheter, à sarcler, à nettoyer et la terre el ses semis, il ne renirail au village que longlemps aprés le coucher du soleil. Ah! lui disait- on à son relour, si vous êtes récompensé de vos longues journées, en vérilé vous serez bien heureux! mais lui, sans s'inquiéter, laissait dire el continuait. De temps en temps on lui adressait bien quelques paroles indis- crèles, auxquelles il se gardait de répondre, et comme il n'avait pas seulement fait dans son pays provision de graines de sorgho, il esqui- vail la bolle, et souvent par ses spirituelles reparties, il savait mettre les rieurs de son côté. Vers le mois de jnin, temps où les tiges du sorgho commencent a s'élancer, il eut la salisfaction de voir que sa récolte s'annoncailt bien, et dans les mois d'août et de septembre, lorsqu'elles curent acquis leur enlier accroissement, que les panicules se développèrent et s'épanoui- renten beaux е longs faisceaux chargés de graines, les raill-riesavaient cessé. On fut méme jusqu'à le féliciter; seulement il n'était pas sans s'apercevoir que des compliments si tardifs n'élaient pas entièrement purs d'arriére-pensée, el bien décidé qu'il élait de ne pas s'y laisser prendre, il fit bonne garde, ne permit pas que, sous prétexte d'exa- men, on délachât la plus faible tige, el toujours réservé, il saisit à point le moment de la maturation, coupa el rentra sa récolle, avant qu'on pûl lui faire le moindre larcin. Oui, mes amis, oui, je vous gralifierai d'une pelile quantité de graines de mes jolies plantes, chacun en aura, soyez tranquilles, je vous le promets, disail-il à ceux dont il avait excilé la convoilise, el 246 sa parole était empreinte d'un tel accent de bonhomie qu'on ne dou- lait pas de sa sincérilé. C'est ainsi qu'en entretenant la confiance il cut la chance de faire lui-même la distribution de ses largesses. Ce- pendant il ne distribuait pas ces présents sans prendre la précaution d'ajouter : Je ne sais, mais je crains bien qu'en passant dans vos mains celte graine ne perde sa verlu germinalive. Elle me connait, moi, depuis le lemps que je la cultive avec amour. Quant à vous elle n'a pas encore fait volre connaissance, prenez bien garde de travailler pour le roi de Prusse. Loin de décourager, ce ton railleur excitail l'émulation et d'ailleurs l'on ue se doutait pas encore à quel тайге compère l'on avail affaire. On le suivit donc lorsqu'il se mit de nouveau au travail, bien sür qu'en l'imitant en tout, l'on déjouerait ses prévisions. Eh bien, demandait-il quelque temps après les semailles, les graines lévent- elles, camarades, le temps a élé propice pour la germination... — Non pas encore... — Comment pas encore? vraiment vous m'étonnez. Eh! les miennes sont toules sorlies de lerre, tenez, voyez! — Et on allait voir el vérifier ce qu'il annoncail. — Ah! je vous l'avais bien dil, vous faisiez mine de ne pas me croire, eh! que diable, chacun a ses secrels, et en bonne conscience, si je vous ai fait le cadeau de mes graines, je n'élais pas obligé de vous enseigner ce qu'il faut savoir pour les faire lever. Allons, l'année prochaine vous serez plus savants el lout ira mieux. Il avail raison de prendre sa revanche et de se faire un jeu de leur désappointement. Dépilés de leur mésaventure, jaloux de voir le gascon, comme ils l'appelaient, non-seulement payer sans retard le fermage de ses lerres, mais réaliser un assez joli bénéfice sur la vente de ses balais, plusieurs se coalisèrent et conspirèrent pour lui arracher son secret, ou conjurer le maléfice, et malheureusement pour le malin gascon ils l'épiérent avec tant de constance et d'adresse, qu'un jour ils le sur- prirent au moment où il sorlail dun four encore chaud deux ou trois boisseaux de graines dont il devait leur faire la gracieuseté. I1 n'en fallut pas davantage pour donner l'éveil, le tour était connu. On se tnt cependant, se promellant de jouer encore le rôle de dupes el d'aecepler avec force remerciments les graines dont il avail tué le germe en les soumeltant à un degré de chaleur toul à fait suffisant. П eut l'espoir d'avoir dégoüté les envieux et de rester désormais unique possesseur de son trésor: car celle année il ful seul à semer el à vendre le produit de sa récolte... Mais l'année suivante son illu- sion tomba. Il fallut se rendre, el reconnailre qu'on avait fait trop bonne connaissance avec les graines de son cher millet. Il n'ignora pas le moyen mis en pratique pour arriver à ce résultat; il en rit el 247 fit bien. — A parlir de ce moment, la culture du sorgho s’est éten- due peu à peu dans toutes les communes du canton de Seiches, et sur un petit nombre d'autres, mais Corzé a toujours été celle où la plus grande partie de terrain lui a été consacrée, c'est là par consé- quent encore que celle industrie emploie une quantité plus considé- rable de bras, el nous savons qu'elle a été pour quelques familles aulrefois misérables la source d'une petite fortune. Telle est, je l'affirme, l'histoire véritable de l'origine de la culture du sorgho, dans la partie nord-est de notre département où elle semblait devoir se concentrer. Mais il est présumable qu'elle ne tar- dera pas à se porter sur d'autres points de notre territoire, surtout si la maladie des pommes de terre continue à exercer ses ravages, car si la graine de celle plante a été d'abord entièrement employée à la nourrilure des volailles, l'on donne aujourd'hui la farine qu'on en extrait a toute sorle de bélail qui s'en trouve bien, et dont elle faci- lite l'engraissement, et il faul espérer que les travaux de nos chi- mistes actuellement à la recherche d’un procédé qui permettra d'en faire l'application à la nourriture de l'homme ne resteront pas im- puissants. CH. GIRAUD. RÉSIDENCE A LA CAMPAGNE, SON INFLUENCE SUR L'ÉTAT SOCIAL ET SUR LES PROGRES DE L'AGRICULTURE. Les bras et les capitaux manquent de plus en plus à l'agriculture; les populations rurales, appelées par les travaux publics et l'industrie, émigrent vers les villes; elles y contractent de mauvaises habi- tudes, elles s'y démoralisent. L'équilibre entre la consommation el la production esl rompu. Les années de disette qui se succèdent nous averlissent qu'il est temps de modifier cel élal de chose, si nous vou- lons conjurer le danger dont nous sommes menacés. Telles sont, en abrégé, les critiques et les craintes, à tout moment renouvelées par ceux qui portent un regard attentif sur notre si luation agricole. Mais si les causes du mal sont connues, zuffit-il de les signaler pour le détruire? A-t-on un remède pour calmer les souffrances, peut-on et veut-on l'appliquer? Si cela n'est pas, à quoi bon ces do- léances ! Nous nous proposons d'éludier sérieusement celle question. Voyons donc ce que nous avons fail jusqu'ici pour alleindre ce but. Les encouragements divers pour l'amélioration et les progrès de l'agriculture ont-ils été proportionnels à l'importance de celle grande industrie ? Si tous les aas des récompenses honorifiques el pécuniai- res sont distribuées aux agriculleurs, si l'instilulion des concours d'animaux domestiques, des comices, des fermes-écoles rend de vrais services; si dans quelques contrées, la race de notre bétail 249 s'est améliorée d'une manière sensible: si un grand nombre de bons instruments sont aujourd'hui mis en usage, eh bien ! je le demande, toutes ces mesures d'une utilité incontestable ont-elles suffi, et croil-on qu'elles suffiront pour donner cette impulsion puissante el féconde réclamée au nom des besoins urgents du pays, el produire dans les mœurs el les habitudes des populations rurales Jes heureux changements, si justement el si ardemment invoqués. Et nos cultiva- leurs, nos fermiers, pense-t-on qu'abandonnés à eux-mêmes ils aient ce pouvoir ? Le faible capilal dont la plupart d'entre eux dispo- sent, leurs légitimes appréhensions pour les innovalions et les essais, le médiocre inlérét qu'ils apportent aux améliorations d'un sol dont ils n'ont qu'une jouissance très restreinte, toules ces raisons per- mellent-elles de penser qu'ils puissent jamais jouer un rôle aussi important ? Assurément non. EL d'ailleurs, la preuve de leur insuf- fisance n'est-elle pas évidemment démontrée par les dépenses el les avances considérables qu'exigent les travaux du drainage, des irri- gations, de la fabricalion des engrais, dont la nécessilé est aujour- d'hui constatée et reconnue comme la base de tout progrès. Il y a plus. La plupart d'entre eux montrent une répugnance in- vincible quand on les sollicite de faire partie d'un comice. Une as- socialion d'encouragement mutuel est pour eux un leurre, s'ils doivent s'imposer le moindre sacrifice, Aussi, à part le jour du соп ~ cours, que dit-on, et que se fait-il d'intéressant et d'utile pour l'a- mélioration de l'agriculture, dans la majeure partie des comices ? On peut dire que l'office de ces associations se résume dans les féli- . citations du fonctionnaire , de quelques notables de l'endroit et du président, adressées aux lauréals du concours. Quand le discours obligé a élé lu ou récité, lorsqu'on a recueilli les applaudissements en répélant à l'assistance : Que les agriculteurs mérilent bien de leur pays; que les enfants des laboureurs sont les meil- leurs défenseurs du sol de la patrie, qu'ils arrosent de leurs sueurs ; que l'agriculture est une des mamelles de l'Etat, et autres lieux communs, on s'empresse de regagner la ville d'où l'on était venu, tout joyeux d'avoir à raconter, dans les salons, les incidents de la journée, et surtout l'effet qu'a produit la harangue. Qu'on me pardonne celle critique, en considéralion de mon zèle pour la vérité. Cependant je ne veux pas nier les avantages de ces réunions agricoles, au con- traire, el je me suis hâté de le dire : elles méritent. d'étre encoura- gées et mainlennes ; elles font du bien. Gardons-nous seulement de leur demander plus qu'elles ne peuvent donner. Jusqu'à ce jour, l'institulion des comices n'a pas modifié le nioins du monde le pen- chant des populalions rurales à se porter vers les villes; pas plus qué les comices, les fermes-écoles n'ont eu ce pouvoir, et pas plus qu'eux elles n'ont décidé les propriétaires à résider sur leurs domai- nes. Et pourlant c'est là, n'en doutons pas, c'est dans ce défaut de résidence qu'est la racine du malaise et du péril dont nous sommes menacés. Que les possesseurs du sol le sachent donc bien : d'eux seuls et du parli qu'ils sauront prendre doil venir la solution du problème. Rien de durable, rien de vraiment efficace ne se fera sans leur active el persévérante coopération. Dans un de ses meilleurs écrits, publié il y a plus de vingt ans, un illustre agronome signalait, parmi les causes les plus nuisibles au progrès de l'agriculture, la non résidence des propriélaires ; et il avail grandement raison, puisqu'elle est encore actuellement le point capital aux yeux des écrivains et des hommes expérimentés qui, par une persévérance el un zèle patriotique qu'on ne saurait trop louer, cherchent à nous ramener vers les mœurs rurales et à nous faire aimer la vie des champs. Je voudrais citer en enlier l'intéressant chapitre intitulé : Rési- dence à la campagne; mœurs rurales, dans lequel Mathieu de Dom- basle développe cette thèse : que l'habitude contractée par un grand nombre de propriétaires de passer dans la capitale ou dans d'autres villes des environs leur hiver, est un des plus grands obstacles qui arrêtent le progrès de l'art agricole en France. Dans cette œuvre, où l'auteur se montre aussi habile écrivain qu'éminent agronome, le passé, le présent et l'avenir de notre agriculture sonl analysés avec un soin, une juslesse el une hauteur de vues qui ne laissent rien à désirer. Je dois me contenter d'en recommander la lecture aux personnes qui ne le connaissent pas ou l'auraient oublié; elles y trouveront la réfutation viclorieuse d'un grand nombre d'objec- lions, et, j'aime à le croire, le charme d'une lecture séduisante. Mais, dira-t-on, lorsque vous réclamez de la parl des propriétaires celte résidence, objel de vos désirs, comment n'étes-vous pas arrété par les difficultés et peut-être l'impossibilité de sa réalisation ? Volre espérance n'est qu'une pure illusion, une vraie chimère? En effet, votre prétention ne tend à rien moins qu'à changer nos goüls, nos habitudes, nos inslitulions, que le temps a développés el consa- crés ? Ce que le temps a fait, peut-être le temps seul peut et doit-il le modifier, en France surtout, où plus que partout ailleurs, les an- ciens usages, les anciennes tradilions ont disparu. Chez nous, cha- que époque a ses entraînement et ses tendances ; inconstants el lé- gers comme nos aieux, élevant aujourd'hui avec enthousiasme ce que nous renverserons demain avec fureur, l'esprit de persévérance, si indispensablement nécessaire aux spéculations et aux travaux de l'agricullure, est incompatible avec notre nalure, avec notre origine, mélange des diverses races dont nous sommes les enfants, Et puis n'auriez-vous pas oublié de compter avec celle maladie morale dont nous sommes alteints, et qu'il faut croire incurable : la vanilé ! qui a engendré l'amour de légalité, sentiments auxquels nous devons une appélence excessive pour la satisfaction des plaisirs sensuels, une avidilé insatiable pour la gloriole, et enfin, un besoin de luxe inutile et sans bornes dont nous serons un jour ou l'autre les viclimes. Et c'est au moment où plus que jamais nous sommes impérieu- sement dominés par de tels sentiments que vous voudriez nous ra- mener aux champs, et nous faire vivre de la vie calme el sans éclal de la campagne! Renoncez à faire remonter le torrent vers sa source. Ainsi donc de par nos mœurs, nos habitudes et nos penchants, il ne sera pas méme permis d'espérer que le dévergondage el les dan- gereuses préoccupations des esprils dont chacun est frappé seront d'uliles averlissements, el que nous persisterons à envenimer le mal dont nous sentons les étreintes, plutôt que de remédier à notre propre incurie. Comment! chaque jour et de tout côté l'on entendra dire : le blé, la viande des animaux et leurs toisons sont les éléments indispensables à l'entretien et au développement de la vie humaine; on ne saurait trop en encourager la production. Et par une déplorable inconséquence des hommes, tandis que parlout retentiraient ces vérités, ceux-là mêmes qui les proclameraient encourageraient par leur condescendance les progres d'un luxe désordonné. Non, je n'accepte pas comme accon- plis ou sur le point de s'accomplir, de sinistres pressentiments, cl d'ailleurs, quoi qu'il en soit, combattons le mal sans relâche, ne dé- sespérons jamais de la bonne cause, el rappelons-nous que déjà plusieurs fois sur celle terre les mêmes maux se sont reproduils el qu'il a fallu les combattre par les mêmes armes. A nos économistes qui préconisent le déploiement du luxe comme une ulile nécessité, il faul opposer l'opinion d'un écrivain grand par les qualilés du cœur et de l'esprit el véritablement homme de bien. « Souvenez-vous, 6 Télémaque, qu'il y a deux choses peruicieuses > dans le gouvernement des peuples, auxquelles on n'apporte pres- » que jamais aucun remède. La première est une autorilé injuste et » trop violente; la seconde est le luxe qui corrompt les mœurs. » Comme la trop grande aulorilé empoisonne les rois, le luxe em- > poisonne toute une nalion; on dit que le luxe sert à nourrir les 252 » pauvres aux dépens des riches : comme si les panvres ne pouvaient » pas gagner leur vie plus utilement en multipliant les fruits de la » terre, sans amollir les riches par des raffinements de voluplé, Toute » nne nation s'accoulume à regarder comme les nécessités de la vie » les choses les plus superflues. Ce sont tous les jours de nouvelles » nécessilés qu'on invente, et on ne peut plus se passer de choses » quon ne connaissait point trente aus auparavant. Ce luxe s'ap- » pelle bon goût, perfection des arts et politesse de la nation. Ce vice » qui en allire tant d'autres est loué comme une verlu, il répand la » contagion depuis le roi jusqu'au dernier de la lie du peuple. Les > proches parents du roi veulent imiter sa magnificence, les grands » celle des parents du roi, les gens médiocres veulent égaler les » grands, car qui est-ce qui se fait justice? les pelits veulent passer » pour médiocres. Tout le monde fait plus qu'il ne peut, les uns par » faste et pour se prévaloir de leurs richesses, les autres par mau- > vaise honte el pour cacher leur pauvreté. Ceux mêmes qui sont » assez sages pour condamner un si grand désordre, ne le sont pas » assez pour oser lever la léle les premiers et pour donner des exem- > ples contraires. Тоше une nalion se ruine, toules les conditions se » confondent, la passion d'acquérir du bien pour une vaine dépense » corrompt les àmes les plus pures. Il n'est plus question que d'élre » riche, la pauvrelé est une infamie... Ceux mémes qui n'ont pas de » bien veulent parailre en avoir, ils dépensent comme s'ils en » avaient; on emprunte, on trompe, on use de mille artifices indi- » gnes pour parvenir. » Quelle peinture frappante de vérité, ne dirail-on pas qu'elle est d'hier, et cependant quels coups de pinceau y eüt ajoulé l'auteur, si de son lemps eussent existé les spéculations déplorables, où la for- lune scandaleuse d'un jour disparail dans l'espace du lendemain? Jusques à quand la sollise el la folie prévaudront-elles contre les lecons de l'expérience, contre les conseils de la sagesse et du génie? L'amour du lucre a-l-il chassé pour longlemps encore le sens com- mun el surtout le sens moral; el devous-nous donc allendre pour nous corriger que nous soyons frappés par le malheur? Pour notre honneur il n'en sera point ainsi, je l'espére du moins, grace aux ef- forls généreux et mullipliés des vrais amis de leur pays. Déjà denx écrivains de notre temps, l'un jeune encore, dont l'intelligence vive el profonde guide une plume élégante et facile; l'autre orateur célè- bre que la France placera au rang de ses plus nobles caractères, nous onl montré sous des aspecls divers el dont les nombreux points de contact se prêlent un mutuel appui, que ce n'est pas aux besoins malériels qu'il convient de faire appel, mais qu'il faut s'adresser 253 avant tout aux affections d'un ordre supérieur, si nous voulons triompher des obstacles. On se tromperait étrangement en effet si l'on altribuait an seul désir d'angmenter la jouissance des sens, le goût de quelques peu- ples, et surtout du peuple anglais pour le séjour des champs. Pour les Auglais, la campagne n'est pas seulement une source de bien- élre matériel, ils y trouvent et puisent dans la contemplation des scènes de la nalure le besoin indomptable d'indépendance qui les élève au sentiment de leur propre dignilé. Ce speclacle entretient l'énergie de leur ame, el c'est là enfin qu'ils reçoivent l'enseignement sans cesse renouvelé, sous des formes variées, de cette fière el noble maxime, empreinte dans leurs attitudes: Dieuet mon droit. Aussi voit- оп les Anglais de toute classe et de toule condition s'allacher à la propriété du sol, comme à une ancre de salut; elle est à leurs yeux la base la plus sûre de l'ordre, de la richesse, de la puissance et de la liberté, el c'est merveille de voir les soins qu'ils lui prodiguent. L'étranger qui parcourt l'Anglelerre ne peut contempler sans élonnement l'ordre et le confort qui éclatent partout, depuis le chà- teau du grand seigneur el de l'industriel opulent, jusqu'au plus mince héritage. La nalion lout entière semble concourir à l'embel- lissement et à l'amélioralion de son territoire. — A cela je sais qu'on peut répondre : si le goût des Anglais pour la campagne est la con- séquence d'un besoiu moral, vous conviendrez au moins qu'il est puissamment encouragé par les inslitulions, car, vous ne l'iguorez pas, nulle part, en Europe, le régime féodal n'a imprimé de traces plus profondes el plus durables que dans la Grande-Bretagne. Chez nous, en est-il de même, reste-t-il veslige de ce régime? N'avons- nous pas fait table газе! EL si la nation anglaise veut faire ses propres affaires; nous, nous aimons qu'on fasse les nôtres. Le sol de la France, déjà si divisé, si émietté, le sera chaque jour de plus en plus: nos préjugés, nos lois le veulent ainsi. Ces considéralions sur les mœurs des Anglais peuvent tout au plus piquer notre curiosité. Trop différeuts d'humeur , de caractère et d'origine, ce qui con- vient et plaît aux uns ne convient pas et déplail aux autres. Le temps est loin, bien loin peut-être, où l'on verra les modifications profondes sans lesquelles, croyez-le, vous n'arriverez jamais au ré- sullal que vous désirez. Ah! sans doute il y a du vrai dans ces objec- lions, je ne le nie pas, mais n'y a-t-il pas aussi de l'exagéralion? Je ne sais si je m'abuse, mais il me semble que le jour où nous ferons un relour sur nous-mêmes n'est pas si éloigné. D'uliles exemples parlent de haul; les noms de ceux qui les donnent sont ігор connus pour qu'il soit nécessaire de les ciler. Celle impulsion 254 porlera ses fruits, el leurs vœux ne seront pas stériles. D'heureux symplômes se manifestent depuis quelques années; de nouvelles et magnifiques habitalions rurales ont élé édifiées sur divers points; des jardins élégamment dessinés ornent el eaibellissent les demeures ; le goût des fleurs el des plantations se répand parlout, ce goût sup- pose que l'on a point cessé d'aimer la nalure ou qu'on y revicut. Ce penchant est un pas vers la résidence, il importe de l'encourager ; nul doute qu'avec de la bonne volonté, il ne soit facile de trouver une de ces mesures donl l'applicalion serait pour les propriétaires un puissant molif de prolonger leur séjour au milieu de leurs domaines. Comme beaucoup d'autres, j'ai cherché ce moyen; longtemps il a élé l'objel de mes réflexions. Je n'ai pas la prétention de l'avoir trouvé; cependant je vais m'expliquer, el si ce que je propose semble impossible, ou que cela ne dût en rien faciliter notre marche vers ce but, l'on m'excusera sur l'intention. Pendant plusieurs années, la suppression de l'impôt du sel fut un champ de bataille ou à ehaque session venaient s'exercer bon nombre de champions. C'élail à qui se surpasserail dans les éloges donnés à l'emploi du sel, soil comme aliment propre à faciliter Vengraissement et l'élève du bétail, soil comme excellent engrais pour le sol. Ecrils, discours, tous les moyens de publicité en usage furent épuisés pour faire triompher celle opinion, et parmi les arguments de toute sorte, ou se gardail bien d'oublier l'inlérét des populations rurales, en démon- trant de quelle importance élait pour elles l'emploi du sel, dont elles font un si fréquent usage. Sous des allaques si vives et si réilérées l'impôt du sel succomba, el déjà un long lemps s'est écoulé depuis celle suppression. Eh bien! nous sommes à nous demander, nous agriculteurs qui n'avons jamais eru aux merveilleuses prédictions des adversaires de cel impôt, quels sont les résultats avaniageux de celle abolition. Le nombre des animaux engraissés esl-il plus grand ? Nos populations rurales ont-elles augmenté leur ralion? Mangent-elles plus de viande que par le passé? Fail-on sérieusement usage du sel comme engrais? Qu'on réponde! Tant et de si belles promesses n’élaient-elles donc que de vaines illusions , el peul-étre aussi le calcul misérable d'une popularité follement ambilionnée. Disons-le hardiment, la suppres- sion de cet impôt, si chaudement réclamée, n'a élé, n'est encore qu'un myslère pour les progrès de l'agriculture , et, pourrait-on ajouter, d'une trés mince imporlance pour l'alimentation publique ; car si une famille de pauvres cultivateurs paye aujourd'hui dix francs de moins par an pour l'achat de sa provision de sel, qu'elle ne payait s - 255 avant la suppression de cet impôt, ce léger bénéfice est à coup sûr largement et tristement balancé par les nouvelles charges devenues nécessaires pour combler le déficit résultant de celle suppression. Au point de vue de l'intérét général , je crois fermement qu'une ad- ministration sage et judicieuse ne devrail pas hésiter à rétablir la iaxe sur le sel dont la suppression ne peut êlre altribuée, comme l'expérience le prouve, qu'à une fausse ou aveugle philanthropie. L'impót du sel n'est ni plus injusle ni plus préjudiciable que tout aulre, quoi qu'on en ail dil, et sa perceplion sur le lieu de la fabri- cation le rend moius vexaloire. Maintenant, en admellant que cet impôt fût rétabli, ne serait-il pas équitable el certainement d'une haule importance, d'en réserver le produit pour en faire l'applicalion enliëre et spéciale au développe- ment de l'industrie agricole, puisqu'il a été supprimé en vue des progres de l’agriculture el du soulagement des populations rurales qui en supportaient la plus large part. El puisque, aux yeux de lous, parmi les mesures favorables à ce développement, il n'y en a pas de plus uliles que d'ouvrir des débouchés au produit du sol, la confec- tion el l'entrelien des voies de communicalion ne se présentent-elles pas naturellement pour recevoir cel emploi? Sur les 36,000 communes environ dont se compose le terriloire de la France, 25,000 au moins manquent de ressources suffisantes à la confection et à l'entrelien de leurs chemins. Dans toutes ces communes, la plupart des chemins nécessaires au transport des engrais et des marchandises restent inachevés, ou tout au moins difficiles en tout lemps, et souvent impraticables durant l'hiver. Que de terres mal cultivées, pour ainsi dire abandonnées ! que de terrains, que de landes incultes, faute d'en pouvoir extraire les récolles ! Si on les améliorait ces chemins, si on les rendait pralicables en loule saison, n'est-il pas certain que l'on donnerait ainsi un nouvel essor à la production? Nous n'irons pas loin chercher la preuve évi- dente de notre asserlion. Tout le monde sait, en effel, que la valeur el les produils de la culture du sol de la Vendée ont tout au moins doublé, depuis que celte contrée est sillonnée par les routes stralé- giques. Serait-elle donc à dédaigner la mesure qui aurait pour résullat in- faillible la réalisation de pareils avanlages sur une immense porlion de notre territoire, et les propriétaires, s'ils redoulent à bon droit les accidents el les ennuis des voyages sur de mauvaises roules, ne se décideronl-ils pas plus volonliers à prolonger leur séjour à la cam- pagne, ou loul au moins à abréger leur absence, lorsqu'ils auront en tout temps la facilité d'en sorlir, de se voir et de se rapprocher? 256 Ainsi disparaitrait l'élat d'isolement forcé où se trouvent les habi- lants des campagnes pendant plusieurs mois, el ceux qui recom- mandent depuis si longtemps la résidence n'auraient plus à redouter de trop justes récriminations. On ne leur dirait plus : vous vous plai- gnez du trop court séjour des propriélaires sur leurs terres, vous voulez donc nous séquestrer, nous emprisonner dans les boues du- rant l'hiver. Votre prétention est vraiment dérisoire. Comment! vous voulez nous imposer le sacrifice de nos rapports sociaux. La condi- lion de sauvage ne plait pas à tout le monde. Entre un exces de civi- lisalion el la sauvagerie s'il faul choisir, peut-on balancer? Non, et jusqu'à ce que nous ayons les moyens de vivre aux champs comme il convient aux hommes d'un pays civilisé, qui n'ont poinl renoncé au commerce de leurs semblables et au noble plaisir de cultiver leur intelligence, suspendez vos suppliques ou résignez-vous à précher dans le désert. H serait superflu d'insister davantage sur la nécessité d'un vaste sysiéme de bonnes voies de communication. Ce que je vieus de dire suffil je crois pour en démontrer les heureuses conséquences. Voyons maintenant si dans le cas où le produit de la laxe du sel fut appli- que ainsi que je l'ai expliqué, nous parviendrions à l'aecomplisse- ment de nos espérances. Lorsqu'il a élé supprimé, le rendement de cel impôt variail , je crois, entre 45 à 50 millions. Si nous prenons une moyenne, soit 45 millions, nous voyons de suile que pour 30,000 communes, cha- cune d'elles recevrail une somme de 1,500 fr. par année. El bien est- il une commune, quelle que soil d'ailleurs son étendue, où celle somme, judicieusement appliquée, ne produisit un excellent effet? personne assurément ne le conleslera. Nous voilà donc par ce simple calcul bien assurés que nolre opinion n'est point un rêve, el que celle mesure aurail une salutaire influence sur les habitudes des possesseurs du sol. J'en ai la ferme confiance, car la pralique me l'enseigne chaque jour. Le long séjour dans les champs éveillera, fortificra le goût des améliorations; les capitaux. considérables fatalement engagés dans des spéculations hasardeuses reviendraient encourager et développer des travaux d'une ulililé réelle et profitable à tous. Un nombre considérable de constructions rurales actuellement eu ruines ou trop reslreintes , au grand délriment des hommes et des animaux qui les habilent, seraient accrues, reconstruiles et réparées. De grands espaces de terrain jusqu'ici reslés sans culture seraient dé- frichés; le drainage, les irrigalions seraient pratiqués sur une plus vasle échelle. D'innombrables pièces de terre ne seraient plus, 257 comme aujourd'hui, relevées à leurs extrémités et creusées vers le centre, de manière que les eaux pluviales y séjournent sans pouvoir s'écouler, et аггеіепі dans leur développement toutes les plantes dont les racines et les tiges sont affaiblies par une trop grande abon- dance d'humidité. Enfin des opéralions indispensables au dévelop- pement de la richesse du sol et impossibles aux cullivateurs seraient cerlainement exéculées avec le temps, et l'observation enseignerait à un plus grand nombre de personnes à porlée de juger par elles- mêmes, que dans la pratique il y a trois points capilaux sur lesquels il importe d'avoir toujours les yeux ouverts, si l'on ne veul s'égarer dans les théories el les systèmes d'améliorations agricoles : à savoir le nettoiement du sol des plantes parasites dont il est si fréquemment infecté, de bons et profonds labours, el avant tout une quantité tou- jours suffisante d'engrais. Dans l'état actuel des choses, pour réunir ces trois éléments es- senliels, il faul que les trois quarls au moins des fermiers soient secondés par leurs propriélaires, car, nous le répéterons, les moyens dont ils disposent ne leur permellent pas de les obtenir. Dans les localités où cet appui leur est venu en aide, les produils de la culture ont considérablement augmenté, les races des bestianx ont aequis un degré d'amélioration vraiment remarquable; pour s'en convaincre, il suffit de visiler, entre autres départements, celui dela Mayenne. Là, les propriétaires ont eu le bon esprit d'encoura- ger les fermiers de leur bourse et de leurs conseils. Les progres ont répondu aux avances, el les étables de leurs fermes contiennent au- jourd'hui les pius beaux animaux de race bovine qu'il y ait en France. Cel exemple doil nous servir de lecon. Je me résume, el je dis: Au point de vue de l'intérêt matériel, Ја résidence à la campagne, de la part des propriétaires, est une cause évidente de bien-être el de prospérité pour tous; au point de vue moral. un puissant élément d'ordre, de dignilé el d'indépendance personnelle, le premier des biens; lous les esprils sages el sérieux, jaloux du bonheur et de la considération de leur palrie, doivent re- doubler d'efforls afin de développer les sentiments qui déterminent les propriélaires à résider sur leurs lerres. CH. GIRAUD. ÉTUDE SUR LES CARABES el en particulier SUR LE CARABUS CYANEUS. Si mes occupations m'eussenl permis d'assister à l'une des inté- ressantes séances qui signalent chacune de vos réunions, је me serais fait un devoir de vous remercier, Messieurs, de l'honneur que vous m'avez accordé en donnant place, dans le magnifique recueil de nos annales, aux deux petites notices que j'avais soumises à votre in- dulgence. Daignez en agréer mes sincères remerciements. Aujourd'hui, pour payer ma delle de reconnaissance, je vous soumets ces quelques observalions sur une famille de la section des Peutamères, sur les carabiques. Linné a donné le nom de carabiques à une des grandes divisious des coléopléres, et dans celle famille, le genre carabe, qui a con- servé le nom spécial, se distingue entre tous les autres par ses ca- racléres parliculiers, surlout par ses appélits carnassiers. Il me semble que M. le docteur Chénu s'est trompé en traduisant dans son Encyclopédie d'histoire naturelle ««;2€« par insecte. Ce mot veut dire crabe, écrevisse de mer. Sans doute Linné en désignant celle famille sous le nom de carabe, aura trouvé dans les habitudes de l'animal marin quelque analogie avec le despole des insecles de nos foréts. En effet, dit le Dictionnaire d'histoire naturelle (article crabe), ce crustacée est généralement carnassier. Il se nourrit indistinctement d'animaux marins privés de vie; or, telles sont les mœurs des ca- rabes qui, comme lui, se nourrissent de tous les insectes qu'ils rencontrent. Au resle, quelque ait élé le motif qui porta Linné à appliquer ce nom à la famille des carabiques, el à ce genre Je nom carabe, la dénominalion ne me paraitrait pas assez rigoureuse puisque le mot insecle s'emploie pour désigner bien des animaux qui n'apparliennent pas aux Coléoptères. M. Géoffroy, voulant remplacer le nom de carabes, adopté dans le Species nature, donna aux insectes de ce genre la dénomination de buprestis (qui fait crever les boeufs), parce que l'animal sécrete par la bouche et par le pygidium une humeur de couleur rousse, très acre et souvent très caustique. Les anciens, il est vrai, avaient attribué à certains coléoptères, probablement les méloé ou les mylabres, la funeste propriété dont il est ici question. Eux aussi, lorsqu'ils sont touchés, laissent échap- per une espèce de bave rouge. Mais la plus grande partie des nalu- ralistes, prétendant que l'humeur sécrétée par les carabes ne peut produire cet effet, ont maintenu le nom de carabe. L'entomologiste Latreille, dans une judicieuse dissertation, a dé- montré celle vérité. De plus, M. le docteur Brelonneau, de Tours, (Encyclopédie du 19° siècle) délruit par une foule d'expériences l'opinion de Géoffroy el de quelques autres naturalistes qui attri- buaient aux carabes la propriété vésicanle des cantharides. Sans doule cette supposition venait de ce que les anciens, Hip- pocrate, Pline et quelques autres, concédaienl aux carabes des vertus médicales, el de ce qu'ils faisaienl usage de ces insecles, réduils en poudre, pour guérir cerlaines maladies. Quoiqu'il en soit, les insectes de ce genre exhalent une odeur fort désagréable. Leur toucher laisse aux doigts des laches noiratres assez lélides; el il est prudent d'éviter de porter la main aux yeux où celle liqueur cause une démangeaison trés irrilanle pendant quelques minutes. La famille des carabiques a été l'objel des travaux parliculiers de M. le comte Dejean (Monographie et histoire naturelle des coléop- léres d'Europe). MM. Tinguy et Guérin, dans les Suites de Buffon, ont donné de précieux renseignements sur les diverses espèces qu'avail signalées le naturalisle suédois, Vimmortel Linné. Enfin Latreille, dont les tra- vaux enlomologiques ont jeté tant de clarté dans les études de l'his- toire naturelle, Gyllenhal (Insecta suecia), Fischer de Waldheim 260 (Entomographie de la Russie), Sturm, Lacordaire et Boisduval , (Mémoires de la Société entomologique de Liége), Heer (Observations entomologiques) , Blanchard (Histoire des insecles), Léon Dufour (Annales des sciences naturelles), et bien d'autres savants qui, après Fabricius, Schoennher, Weber, ont complété les recherches les plus intéressantes, permeltent de classer d'une manière cerlaine ces deux cent cinquante et quelques espèces qui composent le genre carabe. Quoiqu'il semble que tout ait été dit sur celle famille par les éminents naturalistes que je viens de vous citer, permettez-moi, Messieurs, d'ajouter quelques petites observations à leurs judicieuses descriplions. Le carabe se distingue très promptement des autres coléoptères. Il porte, sur une tête allongée, deux antennes filiformes , compo- sées de onze articles ; ses yeux sont vifs el toujours en mouvement pour découvrir la proie qu'il convoite, ou pour fuir le danger qui pourrait le menacer. Comme il est le tyran des chenilles et des autres insectes dont il fait sa nourriture, il est pourvu de deux mandibules fortes et armées de dents sécuriformes ; elles sont trés aiguës, arquées, el se rappro- chent comme deux faucilles superposées, pour saisir sa viclime. L’insecte a beau se débattre, les terribles tenailles qui l'étreignent ne le lacheront plus, el en peu d'instants il sera dévoré. Parmi les carnassiers, le genre qui a conservé lé nom de carabe possede des caractères bien distincts dans son corselet. Le corselet, dit l'auteur des Suites de Buffon, est trés peu convexe, en dessus il est marqué d'une ligne assez profonde; il est termiué latéralement par un rebord élevé et tranchant; il esl coupé carré- ment dans sa parlie postérieure; dans quelques espèces, il esl presque droit, tandis que dans les autres il forme une légère échan- crures les angles sont saillants, et celte conformation lui donne souvent la figure d'un cœur tronqué. Dans ce genre l'écusson esl très pelil. Dans les carabes, les élylres, quoique non soudées, ne couvrent point d'ailes propres au vol. Elles s’allongent sur le corps de l'insecte qu'elles cachent entièrement par dessus. Leur bord latéral, qui le plus souvent se relève en bourrelet, est, dans beaucoup d'espèces, orné de reflets cuivrés qui donnent à ce coléoplère un aspect des plus élégants. Les élylres sont presque toujours marquées de stries profondes qui s'étendent de la base à l'exirémilé; et ces stries sont dessinées par des points ou des chainons très apparents, surtout dans le carabus catenulatus, l'alternans, le granulatus et le clathratus. 261 Vous le Savez, Messieurs, le carabe fait partie de la section des репіотегеѕ ; ainsi, chaque tarse est divisé en cing parties. Le der- nier arlicle est armé de deux forts crochets aigus et recourbés. Les pattes sont longues, gréles, souvent sélacées et aecompagnées de deux épines d'inégale grandeur à leur intersection avec les tarses. Sa démarche vive et aclive le dérobe promptement à la main qui veut le saisir, et s'il n'a pas recu de la nalure des ailes pour s'envo- ler, il se cache rapidement sous les pierres, dans les mousses ou dans les trous qu'il rencontre sur son passage. A celle description générale du genre carabe. permettez-moi, Messieurs, d'ajouter quelques notions particulières sur une des es- pèces qui a plus altentivement attiré mes regards, le carabus cya- neus. Quelques redites seront nécessaires dans celle monographie pour bien caractériser cet insecte. Le carabus cyaneus est d'une longueur qui varie de 25 à 35 mil- limètres, et sa largeur de 9 à 11 mill. Son corps est beaucoup plus ovalement allongé que dans les autres carabes. H est moins con- vexe que les insecles de la méme famille qui se rencontrent dans notre département. La lêle est longue, marquée sur le vertex d'un fort bourrelet rugueux, noir, qui laisse tracés deux sillons régnant entre les yeux. Cet intervalle est pointillé trés finement, et d'un bleu irisé. Les mandibules sont cornées, armées chacune de deux dents intérieures trés aiguës, faconnées en forme de croissant; elles se superposent, et les deux mâchoires, également cornées el pointues, leur viennent en aide pour retenir la proie qu'elles saisissent. Lorsque l'animal est vivant, les yeux sont vifs, saillants, transpa- rents el rouges surtout au bord externe, mais cette couleur disparail lorsqu'il est morl; il ne reste plus qu'une transparence blanchâtre. Dans les antennes filiformes, les 4 premiers articles sont noirs, el les 7 autres d'une couleur cendrée. Le corselet, à peu prés cordi- forme et aussi long que large, est marqué dans son milieu par un sillon plus finement pointillé. La partie anlérieure se relève assez sensiblement. M. le comte Dejean, dans son Iconographie, ajoute : Le corselet du carabus cyaneus est plus fortement ponctué sur les bords, un peu échancré antérieurement, avec les bords latéraux un peu déprimés et relevés vers les angles postérieurs. Les élytres sont moilié moins larges à la base que dans leur mi- lieu, s'allongent en ovale el sont moins convexes que dans les autres carabes. Dans toute leur longueur elles sont chargées de gros points, jetés sans symétrie. Cependant à l'œil nu on aperçoit trois lignes de points oblongs qui, comme dil encore le savant entomologiste, for- ment des lignes interrompues plus ou moius régulières. La couleur 262 de la têle, du corselet et des élytres est d'un bleu brillant, relevé sur les côtés d'un violet irisé très joli. L'auteur des Suites de Buffon donne, dans sa Monographie, à la tête la couleur noire; dans tous les cyaneus que j'ai pu recueillir, j'ai toujours trouvé la couleur bleue. Le dessous du corps ainsi que les pattes sont d'un noir bril- lant. Sur les cuisses on voit quelques poils, mais les jambes et les tarses sont couverts de soies raides et épineuses. Ce magnifique carabe qui se trouve, dit le comte Dejean, en Alle- magne, en Suède, en Pologne, dans le nord et dans les parties orientales de la France, est trés rare aux environs de Paris. M. l'abbé Dupuis, professeur d'histoire naturelle à Auch, et auteur d'une sa- vante monographie sur les mollusques, m'a dit, il y a quelques an- nées, qu'il était également rare dans le midi. D’après les renseigne- ments que j'ai pris, notre département ne le posséderait pas communément, car Mme de Buzelet met en note dans son catalogue, qu'elle tient celle espèce de l'obligeance de M. l'abbé Lelièvre. Ce- pendant dans la forêt d'Ombrée, on le trouve assez fréquemment à l'aulomine et au printemps, sous les mousses, au pied des chênes et des hétres, sous les pierres ou sous les mottes de terre placées par les paysans sur les talus des fossés. Il ne me reste plus, Messieurs, qu'à vous présenter quelques ob- servations sur la larve du carabus cyaneus que je crois avoir ren- contrée. La forêt d'Ombrée renfermait, il y a quelques années, un assez grand nombre de chênes à haute tige, dont le pied était couvert d'une mousse longue et épaisse. C'est là que j'ai recueilli plusieurs larves de carabes. Je n’ose pas assurer que celle dont je vais vous parler soit réellement la larve du carabus cyaneus, car, malgré mes soins, je n'ai pu parvenir à obtenir un insecte parfait. Mais comme je les ai trouvées dans les mêmes lieux, dans les mêmes circonstances que les carabes eux-mêmes, et que d'un autre côté leur description ne se rapporte pas en tout avec celle qu'a décrite M. le D" Heer, dans ses observations entomologiques, ou M. Blanchard , dans son histoire des insecles, je suis fortement porté à croire que ces notions pourront nous amener à la connaissance parfaile de cetle larve. La larve que j'ai observée est de 30 à 31 centimètres de longueur, plutôt brune que noire, luisante ; la tête est un peu en ovale, d'une couleur moins foncée. La bouche est armée de deux mandibules couleur marron, en forme d'arc, trés aigues. Les deux palpes labiaux exlernes sont fort solides, et les deux autres, fixés sur une lan- guelte, me semblent moins longs et plus mous que les précédents. 263 Les antennes qui ont un peu moins dequatre centimètres de longueur, sont composées de cing arlicles el placées devant les yeux. Celle larve se divise en 12 anneaux ou segments; les trois premiers por- tent chacun deux pattes écailleuses terminées par deux crochets aigus. J'avais remarqué, dans des chasses, au mois d'oclobre, que toutes les fois que je rencontrais sous les mousses des helops, des hanne- tons et surtout certaines espèces de fourmis ailées, je découvrais aussitôt un ou deux carabus cyaneus qui trouvaient là le gite et le couvert. J'examinai plus attentivement el je parvins à trouver une larve qui, elle aussi, se nourrissail des mêmes insectes. Dès qu'il me sera possible de recueillir de nouvelles larves et surtout l'insecte produit par elles, je me hâterai de vous les adresser, et de soumettre l'un et l'autre à vos judicieuses observations. G.-T. ROCHARD. AUX CYGNES DU LAC LEMAN, Sur le bord du lae, 17 septembre 1850. Voyez dans son bassin l'eau d'une source vive S'arrondir comme un lac sous son étroite rive, Bleue et claire, à l'abri du vent qui va courir Et du rayon brûlant qui pourrait la tarir! Un cygne blanc nageant sur la nappe limpide, En y plongeant son cou qu'enveloppe la ride, Orne sans le ternir le liquide miroir Et s'y berce au milieu des étoiles du soir.... LAMARTINE. Harmonies ; Le premier regret. Jygnes du lac Léman, que je vous porle envie! Sous tant de ciels divers quand je traine ma vie, Sans parents, sans amis, vagabond, exilé, Quand je poursuis sans but ma course solilaire, Et que je cherche en vain un écho sur la terre, A qui jeter le cri de mon cœur isolé ; De vous voir, vous si blancs, dans cette onde si pure Dont le sein vous tient lieu de tout dans la nature, De mère, de berceau, de tombe et d'univers, Vous nourrir d'un bonheur qui пе peul êlre un songe, Soit qu'en l'azur du lac votre aile en paix se plonge, Soit qu'en l'azur des cieux elle fende les airs! 265 Tandis, pauvres humains, que nolre âme incertaine, De chimère en chimère, en sa course lointaine, Avide d'autres biens et de nouveaux climats, Brise tous les liens les plus saints de la vie, Pour trouver loin des siens et loin de la patrie Un bonheur que le sort lui refuse ici-bas ; Le deslin en bienfaits pour vous se fit prodigue : Sans ennuis, sans remords, sans guerre, sans intrigue, Plus simples vous savez êlre meilleurs que nous; Vous ne songez jamais à chercher d'autres plages : Vous êles si bien faits pour orner ces rivages, Et le beau lac Léman est si bien fait pour vous! Si vous aimez un jour c'est pour toute la vie. Allachés à ces bords ainsi qu'à volre amie, La méme chaine unit vos destins et vos cœurs; Vous ne savez jamais vous servir de volre aile Que pour vous caresser; de l'amour infidèle Vous ne connaissez point les tourments el les pleurs. Si, quillant volre lac, vos nids, volre conipagne, On vous a vus parfois aulour de la montagne, . Planer au-dessus d'eux, en un joyeux essor, On ne vous vit jamais en dépasser la crèle, Mais vers ces flots bientôt vous délouruez la lêle Et revenez lremblants de changer votre sort. La plume que vos becs jettent au flot qui passe Ne vous enlève rien, une aulre la remplace ; Vous vous faites un jeu de ses légers flocons ; Mais lorsque nous semons sur le lac de la vie, Nos rêves, vain duvet dont l'âme élait remplie, Rien ne nous rend les biens qu'avec eux nous perdons. Les rides qui se font autour de vous sur Ponde N'y laisseront jamais une trace profonde ; Le plaisir les imprime, un instant de repos Voit au cristal des eaux renaître votre image. Vous, vous ne comprenez pas même leur langage, Mais les rides, hélas! creusent jusqu'à nos os. 266 En merveilles pour vous la nature s'épuise, Des Alpes à la grève où votre bec s'aiguise, Des cristaux du glacier à vos lits de gazon. Dans quel lieu, dévorés d'une fièvre secrète, Oiseaux, vous feriez-vous jamais une retraite Plus charmante, au milieu d'un plus noble horizon? Lorsque l'astre du jour sur les monts étincelle, Comme un fleuve doré sa lave qui ruisselle Vient se joindre à vos jeux entre les flots tiédis ; Et pour votre repos rafraichissant les ondes, La lune sur le lac sème ses clartés blondes, Et berce du regard vos membres engourdis ; Pour éloigner de vous la foudre et la tempête, Quand sous votre aile en paix sommeille votre tête, Afin que prolégés par son rayon jaloux, Vous puissiez, éveillés par le chant de l'aurore, Aux mêmes voluptés vous préparer encore, Et voir le méme azur naitre el mourir sur vous. Jusque sur votre mort le ciel versant ses grâces, De son amour pour vous nous montre encor les traces, Et lorsque l'homme hélas! le soir du dernier jour, Au fond de son orgueil trouve encor un blasphème Pour disputer, ingrat, cette heure au Dieu qui l'aime, Votre dernier soupir est un hymne d'amour. PAuL BELLEUVRE. DESCRIPTION DE DEUX CAS DE MONSTRUOSITES COMPARES OBSERVES l'un sur un jeune canard, l'autre sur un jeune poulet Les monstres complexes qui font l'objel des observations sui- vanles, offrent entre eux beaucoup d'analogie; l'un n'est, pour ainsi dire, qu'un degré de l’autre et réciproquement. Il n'était done pas sans intérêt d'avoir pu rapprocher leurs descriptions. Ils appartien- nent tous deux à la classe des monstres doubles autositaires et vien- nent se ranger dans deux familles trés voisines : l'un. parmi les monocéphaliens, l'autre parmiles sycéphaliens. Sans insister davan - lage sur le classement léralologique de ces phénomènes, nous allons en donner successivement l'histoire. 1. — Monstruosité double observée sur un fœtus de canard. (Autositaires monocéphaliens.) Cet èlre phénoménal , avant d'être soumis à la dissection , a élé présenté à Ja Sociélé de Biologie, vers le mois de juin dernier. Pour compléter son étude, la disposition des organes intérieurs a dû être 268 examinée avec soin; c'est се qui a été fail, et voici aujourd'hui le résultat de ce travail : L'animal provient de la commune de Farges, près Ribeyrac (Dor- dogne), oü il est né au mois de mai 1855. On ignore quelles étaient les dimensions el le volume de l'œuf d’où il est sorti el si cet œuf a élé couvé par une cane ou par une poule. Il parait seulement à peu près certain qu'après l'éclosion , les deux jeunes oiseaux soudés en- semble ont vécu pendant quelques minules. Ils ont été conservés avec soin dans l'alcool, et aprés une macé- ration assez prolongée, leur poids a élé trouvé de 22 grammes. Il devait étre nécessairement plus considérable à la naissance. Sans connaîlre au juste le poids que doit avoir un jeune canard naissant, il est facile de voir, d’après le volume général du canard double, que l'œuf qui l'a contenu ne devait pas avoir une grosseur sensiblement supérieure à celle d'un ceuf ordinaire de canard. De telle sorle que le développement des jeunes oiseaux, assez parfait sous le rapport de la forme, a dü se faire aux dépens de leur volume et de leur masse. La forme extérieure générale de cet étre complexe s'apprécie bien facilement, et on s'en rend bienlót compte par un examen méme superficiel. On voit deux paires d'ailes, deux paires de paítes, deux axes verlébraux et une seule lêle. On reconnait qu'on a affaire à deux individus entre lesquels s'est établi une fusion partielle. L’u- nion est antéro-latérale et n’a pas lieu exactement par la face ven- trale. L'axe d'union et les deux axes vertébraux convergent vers la tête commune. Les deux corps sont parfaitement symétriques, par rapport à son axe verlébral. En effet, les côtés par lesquels les deux êtres se correspondent sont rétrécis et comme atrophiés; tandis que les deux autres cótés qui sont libres ont pris une large expansion et sont venus former une paroi lalérale et antérieure à une vaste cavilé viscérale commune aux deux individus. La soudure existe dans loute la portion sus-ombilicale des deux êtres ; au-dessous de l'ombi- lic, la séparation est complete. Une large ouverture ombilicale existe dans l'angle méme de la bifurcation ; il y a donc deux coccyx el deux anus. Les huit membres sont remarquables par leur développement parfait et bien symétrique. Dans chaque membre on constate l'exis- tence de chaque segment avec ses dimensions relatives normales. Les ailes se terminent par des plumes déjà assez longues. Les pattes sont bien palmées et présentent quatre doigls dont un plus court el opposé aux trois autres. Les deux axes verlébraux existent bien individuellement depuis la 269 pointe du coccyæ jusqu'à la base du crâne. Dans toute la partie qui correspond au lronc, les axes sont presque opposés el séparés l'un de l’autre par toute la largeur de la cavilé viscérale commune, bien que cependant ils soient un peu rejetés en arriere. Au cou, le con- lact devient immédiat; les deux colonnes vertébrales sont juxtapo- sées el se correspondent par leur partie latérale. Au-devant se trouvent les organes ,viscéraux du cou, dont nous délerminerons plus tard le nombre et les espèces. H n'y a qu'une têle commune aux deux individus, avons-nous dit. En effet, malgré l'examen le plus attentif, on n’est conduit à ne soupçonner ici aucune dualité. Il est vrai de dire que celle léte unique a subi des altéralions dont nous ignorons la cause. La voûte cranienne manque entièrement; on ne voit à sa place que des anfracluosilés remplies Gune masse páteuse , qui рагай êlre la ma- liére cérébrale durcie par l'alcool. Lorsque cette matière a élé déta- chée, on a pu voir les deux orifices supérieurs des deux canaux verlébraux qui venaient déboucher dans l'unique cavilé crânienne , juxtaposés comme deux canons de fusil. ll existe deux yeux, disposés bien symétriquement de chaque côté de la lêle. П y a aussi deux orifices extérieurs pour l'organe de louie, silués au-dessous et en arrière de l'œil. Il n'y a qu'un bec, dont la lame supérieure est réduite à un pelit bourgeon corné, incompléte- ment développé, el surmonté de deux narines. La lame inférieure du bee est large et bien conformée. Il n'y a qu'un seul orifice buccal. Malgré tous ces caracléres qui semblent démontrer l'unité de l'ex- trémilé commune aux deux individus, on ne peul s'empêcher de supposer que celle têle est complexe et formée de parlies apparte- nant à chacun des individus. Eu effet, la dualité est si parfaile par- tout ailleurs dans les organes de la vie de relalion, Гахе nerveux central de chaque èlre est si longtemps indépendant, puisqu'on le suit isolément jusque dans la cavilé crânienne commune, qu'on peul légitimement admettre que celle lêle résulte de la fusion de deux têtes. Du reste, toul s'explique très bien dans celle maniere de voir. Les parties situées à droile apparliennent au canard de droite, celles qui sont à gauche dépendent du canard de gauche. L'œil droit n'ap- partient pas au méme individu que l'œil gauche, de même pour l'o- reille, pour la narine et pour chaque moilié du bec, de la cavité buccale et de la langue. Toutes les parties symétriques les plus rap- prochées de l'axe d'union se sont donc fondues ensemble et ont dis- paru méme. Il faut rejeler l'idée ипие pour la lêle, ou bien ad- mettre que l'un des deux individus élait acéphale. Celle dernière supposilion esl moins vraisemblable que la première, Sans doute 270 notre explication aurait beaucoup plus de valeur, si par une dissec- lion minulieuse, on ейі pu reconnaître des traces des parlies mé- dianes qui auraient échappé à une fusion , dont le dernier terme est l'absence complète des moiliés les plus rapprochées de l'axe d'union. Nous l'avons déjà dit, cette conslalation n'a pas élé possible. Appareil digestif. — Il n'existe qu'un orifice buccal, et qu'une seule langue. Cette unité se poursuit jusqu'au gosier, car il n'y a qu'un cesophage ; mais au gésier la dualité reparait. Au lieu de voir un tube membraneux tangent à un renflement musculeux, qui consti- lue l'estomac de certains oiseaux, et entre aulres du canard, on trouve un large œsophage, s'ouvrant au sommel d'une poche à parois épais- ses el ayant la forme d'un cœur de carte a jouer. L'échancrure de ce cœur est tourné en bas; il en пай un inteslin unique. L'unité per- sisle jusque vers le premier tiers de la longueur totale de ce canal; puis celui-ci se bifurque, el chaque branche de bifurcation aboutit à un anus parliculier, En effet, nous avons vu que la séparalion des deux individus était absolue au-dessous de l'ombilic. Quant au point précis oü a lieu la séparalion des inleslius, il est supérieur aux ccecums; car оп re- lrouve ceux-ci sur chacune des portions pelviennes ou anales du lube digestif. Il est difficile de dire s'il y a deux foies, ou s'il n'y en a qu'un. En effet il y a des lobes hépaliques se touchant et remplissant toute la parlie supérieure de la cavité abdominale commune. Ils sont situés en arriere el de chaque cólé de l'estomac unique. Probablement la dualité de l'appareil hépalique existe, mais la fusion par rapproche - ment s'esl opérée plus ou moins complétement. Les rales et les pancréas onl échappé à l'examen. Il exis:ail des reins pour chaque individu; les reins étaient situés de chaque côté de chacun des deux axes vertébraux et appliqués contre la paroi postérieure de la cavilé viscérale commune. Il n'a pas élé possible de relrouver d'organes génilaux, par consé- quent le sexe de ces élres resle indéterminé. La cavilé abdominale commune élait loin d’être remplie par les organes que nous venons de décrire. Elle élait encore occupée par une masse considérable de vilellus, qui comblail les moindres espaces laissés libres au milieu des viscères abdominaux. Le foie, malgré son volume, était comme pendu derrière ces amas de jaune. Les gra- nulalions de celle malière élaienl retenues par une mince membrane сі consliluaient deux gros lobes principaux, correspondant à chacun des deux élres. Il ne parait donc pas douleux que le vitellus en fül double; par conséquent, l'œuf contenait deux jaunes, comme cela 271 se rencontre quelquefois du reste. D'une autre рагі la présence de deux gros inleslins et les larges dimensions de l'anneau ombilical doivent faire admettre une double allantoide et un double chorion, qui en dehors des fœtus se sont peut-être réunis par fusion dans l'in- térieur de l'œuf. Appareil circulatoire. — Il n'existe qu'un seul cœur, ce cœur n'a que ses qualre cavilés normales. Une aorte unique naissait du ven- tricule gauche; mais bientôt cette aorte se bifurquait et chaque branche allait se porter sur la partie antérieure de l'axe vertébral des deux individus. Des deux courbures naissaient les branches du cou et du membre supérieur. Il n'y avail que deux arléres carotides primitives. L'existence d'un seul cœur esl ici un fait bien remarquable. Faut-il admettre qu'il y a eu fusion des deux systèmes arlériels au niveau méme du centre d'impulsion , en supposant une disposition semblable pour le système veineux? Ou bien n'y a-t-il réellement qu'un seul cœur qui primilivement, grâce a des anaslomoses con- sidérables entre les gros vaisseaux des individus, aurail suffi et au- rait rendu inutile l'autre cœur et arrêté son développement. Nous serions tentés d'admettre plutôt la première hypothèse, à cause de la double crosse aorlique et de l'union de ces deux crosses sur un point trés rapproché du cœur, en un mol à cause de la symétrie méme des gros troncs vasculaires. La disposilion du système vei- neux élait analogue à celle du sysleme artériel et donne lieu aux mêmes réflexions. Appareil respiratoire. — La cavilé thoracique commune est for- mée en arriére par la ligne d'union des deux moiliés des sternums appartenant respeclivement à chacun des deux individus; sur les cólés on voyailles deux axes verlébraux séparant chacune des deux profondes goullières coslo-verlébrales; les sillons inlercoslaux of- fraient eux-mêmes une cerlaine profondeur ; en avant, les bords des deux aulres moiliés respeclives des slernums reslaient à distance el étaient reliées par une paroi membraneuse. Les goullières inter- costales élaient remplies par du tissu pulmonaire; mais il n'y avail qu'un seul poumon qui offrit un volume apparent el qui méme sem- Шаг avoir respiré : c'élail le poumon droit du canard, situé à droite de l'axe d'union. Au cou, au-devant de l'eesophage unique, une tra- chée-arlére bien développée, qui plus bas se bifurquail el semblait uniquement deslinée au canard de droite. Pour le canard de gauche, c'est avec peine qu'on a pu constater une trachée d'un trés pelit ca- libre, complétement aplalie et rejelée à gauche et en arrière de l'esophage. L'existence de qualre espaces normalement destinés 272 aux poumons rendait beaucoup plus indispensable la présence des deux trachées el l'indépendance des deux appareils respiratoires , que celle de deux cesophages pour l'appareil digestif; car ici la fu- sion était beancoup plus naturelle et beaucoup plus facile. Telle est la description de ce canard monstrueux. Remetlant après l'étude du poulet qui offre une monstruosité analogne, les réflexions que nous suggerent ces élres complexes résultant de la fusion plus ou moins complete de deux individus, nous dirons que rien n'est plus facile maintenant, que d'assigner à ce monstre la place qui lui convient dans les classifications lératologiques. Il appartient à la classe des monstres composés ; A l'ordre des aulositaires ; A la tribu des aulosites unis par toutes leurs portions sus-ombi- cales; A la famille des monocéphaliens ; Au genre déradelphe ; Enfin , d'après la remarque de Geoffroy Saint-Hilaire, l'espèce est consliluée par l'existence méme de cel être phénoménal. lI. — Monstruosité double observée sur un fœtus de poulet. (Aulosilaires sycéphaliens). Nous avons encore moins de détails sur l'origine de cet être mons. Irueux que pour celui qui fail l'objel de la description précédente. Toutefois, les caractères de la monstruosilé sont tellement tranchés qu'il suffil, pour notre but, de les constater; en voici le récit suc- cinct. C'est une monstruosité par conjugaison anléro-latérale. La son- dure a lieu dans. toute Ја portion sus-ombilicale des deux êtres ; leur indépendance est complete dans leur partie pelvienne ou sous-om- bilicale. Il y a un axe d'union par rapport auquel les deux individus offrent la symétrie la plus parfaite. Il y a deux axes verlébraux à peu près opposés dans loule l'élendue du tronc. Ces deux axes con- vergent vers le cou et viennent se toucher par leur face antérieure ; puis ils se séparent et vont aboutir à deux léles réunies entre elles d'une manière trés inlime, mais cependant trés évidente. Le rapport de ces têtes est extrêmement remarquable. Au lieu de se toucher naturellement par les deux faces qui devaienl se correspondre lorsque les deux individus se sont rapprochés latéralement, elles ont éprouvé un mouvement de torsion d'arrière en avant el de dehors en dedans; de telle sorte que les deux occipuls regardent en avant TS 273 et que le bee complexe est dirigé en haut et en arrière. Ainsi le côté droit de la face du poulet, situé à droite de l'axe d'union, répond au cólé gauche du poulet de gauche. Mais ces deux téles sont loin d'étre completes. La fusion, bien que moins avancée que chez le canard double, a néanmoins fail disparaître quelques-unes des parties les plus rapprochées de Гахе d'union. Vers le bec la fusion est complète, au point que celui-ci parait unique. La fusion ici n'a pas eu lieu par rapprochement la- léral, comme dans l'autre observation, mais bien par convergence angulaire. Aussi la dualité perd successivement ses caractères de- puis l'occipul jusqu'au sommet du bec. En се point méme le croi- sement est de telle nature, qu'on est dans le doute pour savoir si chez l'un des poulets, le développement de ce prolongement de la face n'aurait pas manqué, et si le bec qui existe n'apparliendrait pas à l'autre exclusivement. En effet il semble que le poulet de gauche soil venu se souder, par la parlie antérieure de sa face, sur la partic latérale droite de la face du poulet de droite. L'arrêt de dé- veloppement parail n'avoir porlé que sur la mâchoire supérieure, car la lame inférieure du bec a une de ses moiliés qui appartient assez manifestement au poulet dont nous parlons. De toules ma- uières la lame supérieure du bec est mal conformée; elle est grosse el taberculeuse; il ne serait pas impossible qu'elle fût double. La symétlrie a donc disparu en partie ici. Il faut expliquer ce fail par l'existence de celle torsion singulière des deux téles qui se sont unies d'une manière inverse à celle des deux corps. Du reste ici la lame inférieure du bec est supérieure el. postérieure relativement à la face ombilicale de l'être; la lame supérieure est devenue infé- rieure par conséquent. On retrouve latéralement deux yeux, ou, pour mieux dire, deux fentes palpébrales. L'un est l'œil droit du poulet de gauche, l'autre est l'œil gauche du poulet de droite. Sur la ligne médiane, près de l'axe апор, on voit d'abord à droite de cel axe une autre ouver- ture qui semble être l'œil gauche du poulet de gauche. A gauche de l'axe, est une large ouverture qui communique avec la cavilé сга- nienne cl qui correspondrait assez bien à Voeil droit du poulel de droite. Mais il semble plutôt que la conjugaison des deux leles a eu lieu précisément au niveau de cet ceil et qu'il aura disparu par ce fail. Les autres organes des sens ont échappé à l'examen. En résumé il y a donc deux colounes verlébrales dislinctes el deux cranes ; par conséquent il y a deux moëlles épinières el deux encé- phales, Ceux-ci étaient plus ou moins indépendants, car il a été 18 274 impossible d'opérer naturellement la séparalion des deux cranes. Tous les membres sont bien développés el surlout leur dévelop- pement est parfaitement symétrique. Appareils digestif et génito-urinaire. — Il n'y a qu'une seule ou- verlure buccale, qu'une seule langue et qu'un très large cesophage inlerposé à deux trachées, ainsi que nous le verrons. Cet œsophage aboutit à un gésier trés évidemment double. En effet ici la duplicité est encore plus accusée que dans le cas précédent; les gésiers existent indépendamment l'un de l'autre, seulement l'eesophage unique s'interpose entre eux el. s'ouvre simultanément dans cha- cune de leurs cavilés : c'est que cel cesophage lui-même résulte de la fusion de deux cesophages; la paroi de contact a disparu dans toute son étendue, mais l'individualilé s'est mieux conservée pour chacun des estomaes. Il résulte de là que les gésiers semblent com- muniquer entre eux à l'aide d'une poche intermédiaire, à parois minces, qui contraste avec la poche slomacale à parois fortement musculaires; un seul intestin succède à ces deux estomacs et naît de la poche intermédiaire ; mais il ne conserve pas longlemps son unilé. Aprés une longueur de deux centimètres au plus, il se bifurque. Il y a donc ensuite deux inleslins gréles et deux gros in- leslins, chacun avec les deux coecums. Enfin il y a deux anus tres éloignés l'un de l'autre et trés indépendants, puisque nous avons vu que la soudure des deux êtres n'exislail pas au-dessous de l'om- bilic. Le foie est très volumineux el à plusieurs lobes; il рагай évi- demment double. La rale et le pancréas ont échappé à l'examen ; les reins sont doubles pour chaque individu. On n'a pas trouvé de trace d'organes génilaux. Appareil circulatoire. — Le cœur parait unique el les vaisseaux qui eu naissent offrent la plus grande ressemblance dans leur dis- posilion avec ceux du canard double. Cependant nous devons avouer qu'il reste quelques doutes sur la nalure du mode de conjugaison des deux cœurs, si nous tenons à admellre naturellement la dualité du cœur unique. Au milieu de l'inlricalion de vaisseaux et de par- lies depuis longtemps décolorées par l'alcool, il n'a pas élé facile de bien distinguer les artères des veines el les rapports des cavités du cœur. Il semble ici que la fusion soit moins intime que dans le cas précédent. En effet, la séparation en deux moiliés du cœur com- plexe s'est faile très naturellement et sans rompre autre chose que des liens cellulaires. H a paru qu'il existait quatre cavités ventricu- laires et que les ventricules aortiques élaient en contact trés intime el s'inlerposaient aux deux ventricules pulmonaires. 275 Appareil respiratoire. — Il y avail deux lrachées : l'une plus appa- rente que l’autre passait au-devant de l'eesophage et appartenait au poulet de droile ; l’autre, plus étroite et comme aplatie, appartenait au ponlel de gauche et passait derriere l'aesophage commun. Du reste les quatre goullières costo-vertéhrales sont trés bien ménagées et supposent l'existence de quatre poumons ; mais nous n'avons pas pu reconnailre le lissu pulmonaire à cause de la macéralion dans l'alcool. Des différents détails d'organisation que nous venons de signaler, nous pouvons en déduire, pour ce monstre, le classement térato- logique suivant. П apparlient à la classe des monstres composés ; A l'ordre des aulosilaires ; A la tribu des aulosites unis par toutes leurs portions sus-ombi- licales ; A la famille des sycéphaliens ; Au genre iniope. Même réflexion au sujet de l'espèce que dans le cas précédent. Ш. — Réflexions sur les monstruosités doubles. Lorsque deux élres viennent à s'unir à une période quelconque de la vie embryonnaire, on peut se demander si la fusion plus ou moins complele, qui en résulte alors, se fail d’après certaines règles, ou bien si elle reconnait le hasard pour seule loi. Il est certain que dans beaucoup de cas l'union est régulièrement et symélriquement opérée, c'est ce que l'on observe le plus souvent pour les monstres autositaires. Dans d’autres circonstances au con- lraire, loul veslige de symétrie a disparu, il n'y a plus d'axe d'union, ainsi que cela exisle pour les monstres parasilaires. En jelant un coup-d’ceil sur toutes les observalions de monstruo- silé double, on peul voir que tous les degrés de ce phénomène ont été constatés. Les jumeaux, dans les espèces animales qui ne portent habituellement qu'un produil, sont pour ainsi dire le premier terme de celle série, de méme la présence de deux jaunes indépendants dans un œuf. Puis viennent les monstres unis par un point tres restreint de leur corps, et ayant chacun leur ombilic el une vie in- dépendanle (ensomphaliens). Ensuile nous lrouvons successive- ment : les monomphaliens, les monosomiens, les monocéphaliens, el nous finissons par les parasilaires. 276 A mesure que l'union simple el partielle est rempiacée par une fusion de plus en plus intime des deux êtres, nous voyons les ca- racléres des individualités s'affaiblir et même disparaitre, au moins pour l'un des deux animaux conjugués. Mais à quel terme l'une des individualités est-elle contestable? Est-ce quand il n’y a plus qu'un seul ombilic, qu'un seul cœur, qu'une seule lêle, et que quelques- uns des membres ont disparu? Les considéralions lirées de l'ombilic unique ou de l'unité du centre circulaloire, n'ont aucune valeur. Quand méme, en effet, l'analyse anatomique ne viendrait pas dé- montrer la dualité dans ces parties et que l'esprit ne l'admettrail pas au moins virluellement, il n'en faudrait pas moins reconnaitre l'existence de deux individualités, si d’autres raisons les démontrent. Ne voit-on pas chez certains polypiers une mullitude d'individus puiser les malériaux de leur organisalion à une source commune? Même réflexion dans le cas où le monstre n'a qu'une seule têle, en supposant méme que l'un de ces deux élres est acéphale. Ce qui paraît surtout constituer l'individualilé, c'est la présence d'un axe verlébral. Celle existence méme de deux axes verlébraux, chez les monstres doubles aulosilaires , enlraine avec elle des con- séquences trés importantes : telle est, par exemple , la dualité dans la plupart des appareils de la vie de relation. La dualilé existe d'une maniere évidente ou bien elle est remplacée par une symétrie par- faite par rapport à l'axe d'union. Si des membres viennent à man- quer, méme symétrie dans ceux qui persistent; à moins que l'un des élres ne soil individuellement monsirueux et n'ail éprouvé cer- tains arréls de développement. C'est la un premier degré de mons- truosilé parasilaire. Celle symétrie, que nous signalons ici, a élé invoquée comme l'un des grands caractères des organes de la vie de relation; il est assez remarquable que la symétrie par duplicalion monstrueuse soil aussi tranchée que la symétrie individuelle. C'est pourquoi on a dit que les animaux verlébrés, considérés organiquement dans la vie de relation, élaient doubles. Ces appareils de la vie organique ont, en général, des caractères opposés ; aussi doil-il sembler moins singulier que la fusion s'opère plus facilement entre ces appareils, dans les cas de monstruosité double, que pour les organes de la vie de relation; et ici, bien évidemment, l'analyse anatomique doil poursuivre avec moins de confiance la démonstralion de la dualité des organes confondus ensemble. Quant à la cause première de ces monslruosités, elle nous échappe complètement. Pour ne parler que des deux cas que nous avons rapportés, faut-il admettre que l'union des deux élres n'a eu lieu 277 qu'à une époque quelconque du développement embryonnaire ? Ou bien la fusion date-t-elle de la formation des ovules par la fusion méme des deux jaunes; ou dépend-elle de l'apparition de deux lignes primilives dans un seul jaune? On comprend bien que ces questions, malgré l'intérêt qu'elles présentent, resteront longtemps sans réponse. J.-L. SouBEIRAN et A. LUTON. 21 décembre 1855. NOTE SUR LA RÉCOLTE DE LA GOMME ADRAGANTHE EN ASIE MINEURE, Un des produits les plus importants que l'Asie Mineure soit en possession de nous fournir exclusivement, est certainement la gomme adraganthe, dont le commerce fait un trés grand usage pour diverses industries el pour l'usage pharmaceulique. Je profile de renseignements trés précieux que je dois à l'amitié d'un de nos plus ardenls et habiles naturalistes voyageurs, M. Balansa, pour faire connaitre l'histoire de la récolte de ce produit. Déjà, dans le courant de l'anuée derniere, j'ai indiqué (1) quelques-unes des parlicularilés de celle récolte, mais dans le couraut de celle année, M. Balansa a profité d'une nouvelle exploration scientifique qu'il a failte en Asie Mineure, pour étudier plus complétement la question, et méme il a pris soin de me rapporter un pied d' Astragalus, qui porte une plaque de gomme adraganthe ; et celle précaution me permellra de sou- mettre à la Société Linnéenne de Maine el Loire une histoire com- pléte du produil qui nous occupe. (4) Journal de Pharmacie. 279 En 1553, dans ses Observations en Grèce, Asie, elc., Pierre Bélon écrivait (p. 205) : « Estat de séjour en la ville de Bource, iay apperceu que l'vsage » de la gome qu'on appelle Tragachant est tellement en vsage qu'on » y en consomme plus de quatre mille liures par an, pour donner » lustre à la soye. Les paisants de Nalolie, aduerliz du gaing, la vont » amassant par les pays de Mysie, Phrygie, Gallogrèce et Paphla- gonie, el la apporlét vendre en Bource, dont ils recoiuent inconti- nent leur argent comptant. Ceulx qui ont escrit qu'on l'apportoil de Créte à Venise, sont grandement trompez. » L'opinion émise par Bélon est aujourd'hui connue de tout le monde conime par- faitement exacte, mais les détails de la récolle n'ont jamais, que je sache, été donnés avec assez de développement, et c'est le vide que je viens aujourd’hui tàcher de remplir. Les Astragalus, qui sont mis en exploitation à cause du suc vis- queux qu'ils concrèlent, se trouvent en trés grande abondance dans l'Asie Mineure, dont ils habitent presque exclusivement les régions alpines et sous-alpines. Ils appartiennent tous à la section des Tra- gacanthe et constituent plusieurs espèces extrêmement voisines de l Astragalus Creticus, Lamark, et qui en sont tellement rapprochées par l'ensemble de leurs caractères, que très probablement on devra les rapporter toutes à une seule et unique espèce. Il est vraisem- blable que cette ressemblance si prononcée fait opérer indifférem- ment par les Turcs sur les unes ou les autres Tragacanthe. Les Astragali Tragacanthæ forment, en Asie Mineure, des touffes épineuses et arrondies de quinze à trente centimètres de hauteur el offrent des ramifications extrêmement nombreuses, ce qui ne permet qu'avec la plus grande difficulté d'arriver à leur lige moyenne, dont le volume dépasse rarement celui du pouce. La tex- ture de celte tige est entièrement ligneuse, el quand on vient à en opérer la section, elle laisse exsuder quelques goullelelles de ma- tière visqueuse et très épaisse qui fournit, par sa dessiccation à l'air, la gomme adraganthe. Bien que les Tragacanthæ soient très abondants dans toules les montagnes alpines de l'Asie Mineure, les Turcs des environs de Tarsous ne se livrent à la récolle de la gomme adraganthe que dans la chaine de l'anti- Taurus (4la-Dagh des Turcs), au moins à la con- naissance de M. Balansa. Ce sont les habilants des petits villages qui avoisinent la pelite ville de Bareketly, à moilié chemin entre Tar- sous et Césarée, qui se livrent à celle industrie. A une certaine époque de l'année, vers la fin de juin ou le com- mencement de juillet, au moment où la végélalion des Astragalus У = = x 280 arrive à sa terminaison, quand les fruits sont proches de leur ma- turité, les habitants de ces villages vont sur la montagne et là, avec leur couteau, ils font à la base des Astragalus une incision perpen- diculaire à l'axe de la tige. Avant de pratiquer celle incision, ils ont soin de déchausser la base de la tige. L'incision doil être assez pro- fonde pour atteindre la moëlle de la plante, car c'est seulement dans les parties centrales de la lige que se trouve la matière visqueuse. Le suc ne sort de la plaie qu'avec lenteur, en raison de sa viscosilé considérable, el par suile, ce n'est qu'une quinzaine de jours après celte opéralion que les Tures récollent la gomme qui provient des incisions. Active pendant la nuit (c'est surtout vers le soir qu'on incise la lige), l'exsudation s'arrête ou tout au moins se ralentit le jour, sous l'influence de l'élévation de la température et de l'évaporation plus rapide du suc, pour reprendre lorsque reviennent, avec l'obscurité, la fraicheur et l'humidité. Les plaques de gomme adraganthe, de consistance cornée, sont de dimensions trés variables, mais toujours elles présentent des lignes prolubérantes plus ou moins longues qui, au dire des gens du pays, correspondent chacune à l'écoulement d'une journée. Les dimensions des plaques paraissent en rapport avec l'état de l'almos- phère : ce serait dans les années sèches que les incisions donneraient surtout la gomme adraganthe, dite en filets, tandis que dans les an- nées plus humides on obliendrail plus habituellement la sorte dite en plaques. Quant aux variations de teintes que présente ce produit, elles semblent lenir de l’âge des plantes exploitées, de leur exposi- tion différente, plus qu'aux soins donnés à la récolte. L'exsudation qui donne ainsi une plaque pour chaque pied d'As- tragalus, fatigue la plante au point qu'il faut la laisser reposer au moins deux ou trois ans avant de la remettre de nouveau en exploi- lalion. J.-L. SOUBEIRAN. 20 janvier 1857. MARAIS A SANGNUES DE CLAIREFONTAINE ' ÉTABLISSEMENT DE M. BORNE. Le marais de Clairefontaine, près de Rambouillet (Seine-et-Oise), où M. Borne, depuis plusieurs années déjà, élève et reproduit avec succès les sangsues, est situé au fond d’une petite vallée lourbeuse qui présente les meilleures conditions pour une heureuse exploila- lion. En effet, l’eau se trouvait naturellement au niveau du sol et élait seulement cachée par les herbes ; aussi a-t-il suffi d'un travail extrêmement simple pour disposer les lieux dans létat auquel ils se trouvent aujourd'hui. Le terrain n'est pas uniquement conslilué par de la tourbe, mais il offre eu méme temps une certaine proporlion de glaise et de sable qui lui donnent les qualités les meilleures et les plus à la convenance des sangsues. Car on sail que celles-ci choisissent toujours pour s'y enfoncer un fond de sable noir, mêlé de toarbe ct d'argile, de préfé- rence à tout autre fond, el paraissent s'y trouver beaucoup mieux que lorsqu'un de ces trois corps vient à manquer. L'exposition du marais est celle du sud el du levant et c'est aussi celle que l'expérience a démontré étre la plus convenable pour les sangsues. (1) M. E. Soubeiran a lu à l'Académie impériale de Médecine , dans la séance du 13 décembre 1853, une Notice sur le marais à sangsues de Clairefontaine, qu donnait les renseignements sur les travaux de M. Borne jusqu'à cette époque, et que le travail actuel est destiné à compléter. 282 Les bassins, auxquels on peut donner la forme et la grandeur que l'on vent, sans qu'il y ait d'inconvénients graves pour les animaux, ont six mètres de longueur environ sur trois de largeur el un de profondeur. M. Borne a choisi cette disposilion parce qu'il rend la surveillance beaucoup plus facile, permet d'en examiner commodé- ment toutes les parties et de s'emparer avec plus de certitude des en- nemis des sangsues dés qu'on s'apercoit de leur présence. Dans ces derniers temps, M. Borne a réduit la largeur de ses bassins à un mé- tre et demi environ, et il paraît les trouver plus avantageux que ceux qu'il avait établis auparavant. Les berges, formées au moyen de moltes de tourbe enlevées pour creuser les bassins, excèdent de toute leur hauteur le niveau de l'eau, lequel se trouve à la superficie du sol. La profondeur est calculée de telle sorle qu'il y ait de trente à quarante centimètres d'eau sur toute la longueur du bassin; on a ainsi l'avantage précieux de pouvoir atteindre plus facilement les ennemis des sangsues, dont beaucoup se tiennent au fond de l'eau, et d'autre part cela n'a pas d'inconvénient pour les sangsues, qui s'enfoncent dans la vase à une profondeur qu'il est assez difficile de préciser exactement et d'où elles ne sortent guère que lorsque quel- que appât de nourriture les attire au dehors. Celte habitude même qu'elles ont de s'enfoncer dans la vase a indiqué à M. Borne qu'il élait avantageux de remuer et de pétrir les terres qui doivent cons- lituer le fond des bassins pour augmenter la proporlion de vase, el donuer ainsi aux sangsues plus de facilité de s'y enfoncer. Les bassins présentent une notable quantité d'herbes aquatiques, car dés qu'elles manquent, l'heureuse exploitation en sangsues esl singulièrement diminuée, quand méme elle n'est pas complétement rendue impossible. Il n'en est pas de méme des berges qui doivent êlre en lalus unis el ne pas présenter une végétation trop abondante, car elle aurait principalement pour résultat de donner asile el de recéler une mul- litude d'insecles qui font une guerre acharnée aux sangsues el à leurs cocons. M. Borne a reconnu que le meilleur moyen pour former les berges etait de prendre les terres mêmes qu'on relire en creusant les bassins. M. Borne s'est parfaitement trouvé de la présence 41015 au milieu des bassins, ilots qui peuvent présenter toutes les formes que l'on désire sans que cela influe sur le résullat : la seule condilion à rem- plir c'est qu'ils s'élèvent de quinze à vingt centimètres au-dessus du niveau de l'eau, et qu'ils soient faits d'un terrain mou, sur un fond ferme, pour permettre leur facile pénétration par les sangsues. Leur 283 nombre doit toujours être assez restreint, et, de même que les ber- ges, ils ne doivent pas être couverts de plantes, non pas que les sangsues le préfèrent, au contraire; mais les grandes herbes et les roseaux qui sont au-dessus de l’eau ont l'inconvénient insigne de servir de repaire aux musaraignes et aux autres ennemis des sang- sues, inconvénient qui compense et au-delà l'avantage de donner aux sangsues les îlots couverts d'herbes qu'elles préfèrent. Lorsque la température s'abaisse, les sangsues s'enfoncent davan- lage dans la vase et n'en sortent qu'avec une extreme difficullé, landis que si la température devient assez élevée, elles quittent l'eau qui est tiède pour chercher de l'ombre sous les herbes aquatiques, el par les plus chaudes nuits d'été, ainsi que l'a observé M. Borne, elles aiment à se reposer sur les herbes. L'eau stagnante, qui remplit les bassins de Clairefontaine, exsude de tout le terrain et est légèrement ferrugineuse. Dans certains bas- sins elle est limpide, dans d'autres elle est vaseuse, mais cela ne parait pas influer sur les sangsues, qui semblent se plaire autant dans les uns que dans les autres. L'eau des bassins a un niveau qui est toujours sensiblement égal ; cependant quand la ponte des cocons correspond à une période de sécheresse peu intense, il y a avantage pour les résullats obtenus, au lieu qu'une crue de l'eau offre alors de graves inconvénients. En ayant ainsi des bassins à niveau constant, on a l'avantage de ne pas noyer les cocons et par suite de ne pas les détruire, et les jeunes sangsues peuvent aller en pleine eau dés qu'elles se sentent assez robusles pour cela. Leur élevage se fait ainsi, moitié à sec, moilié en pleine eau, sans qu'il y ait dans les marais des allernalives de mise en eau el de mise à sec; ce qui est certainement le meilleur mode d'opérer pour tirer de l'exploitation des marais tous les béné- fices qu'on est en droit d'en exiger. Les sangsues des marais de Clairefontaine sont nourries par les soins de M. Borne, qui y trouve l'avantage d'assurer la reproduction d'une part, et de faire arriver plus rapidement ses élèves à l'état de sangsues marchandes ou de propres à être livrées à la consomma- lion. En effet, il a reconnu avec tous les hirudiculteurs, que quand on abandonne à elles-mêmes les sangsues pour trouver leur nourriture, elles ne rencontrent qu'uu pelit nombre d'animaux qui puissent leur servir de viclimes, et que d'aillenrs elles ont rapidement épuisé celle mine nutrilive. N'ayant pas une nourriture suffisamment abon- danle, elles ne prennent leur accroissement qu'avec une extrême lenteur, el donnent au producteur des résullals moins avantageux que quand il les nourrit lui-même, 284 À Clairefontaine on se sert pour l'alimentation des sangsues du sang des abattoirs, qu'on a complétement défibriné par le battage avec la main, alors qu'il est encore chaud. Chaque fois qu'il peut avoir du sang de veau pour nourrir ses jeunes sangsues, M. Borne préfère l'employer comme moins nutrilif que le sang de bœuf ou de monton, mais cependant il ne s'est pas aperçu qu'il y eût d’inconvé- nient à leur donner ce dernier et dans le cas où ayant à nourrir des filets il n'a pas de sang de veau, il leur donne sans hésiter la méme nourriture qu'à ses autres sangsues. Lorsque l'on a défibriné le sang, ce qui du reste est la seule opération préalable, on y plonge im- médiatement des sacs qui renferment les sangsues que l'on veut nourrir, et qui ne doivent pas être trop nombreuses dans chaque sac, trois cents sangsues de moyenne grosseur environ, ce qui leur permet de se gorger tout à leur aise, sans se gêner les unes les autres. S'agit-il des plus petites sangsues, celles qui sortent depuis quel- ques jours à peine du cocon ou qui n'ont pas encore atteint leur premiére année, M. Borne se sert de sacs de flanelle, de coton ou de mousseline qu'on laisse pendant douze minutes dans le sang. Pour toutes les autres sangsues plus grosses, il fait usage de sacs de toile claire, mais le temps de l'immersion varie suivant les âges; car il laisse dans le sang les sangsues de deux ans pendant dix mi- nules, celles de trois ans désignées ordinairement sous le nom de petites moyennes, pendant huit minutes, les moyennes, et les grosses du commerce pendant qualre à six minutes environ. Aprés ce temps plus ou moins long, M. Borne relire ses sangsues, les lave avec de l'eau tiède, puis les remet dans de l'eau fraiche el les reporte dans les bassins. Mais avant de les y abandonner pour qu'elles puissent opérer leur digestion, il les passe en revue el mel à рагі toules les sangsues qui ne se sont pas décidées à prendre de la nourriture et qu'il réserve pour un autre festin; car il pourrait arriver que l'appétit leur revenant dans le bassin, elles ne cher- chassent à rattraper l'occasion perdue, en percant la paroi du corps des autres, et en allant y chercher ainsi le sang qu'elles ont refusé d'abord. Au point de vue de l'alimentation on peut ranger les sangsues en deux calégories , celles qui sont destinées à la réproduclion et celles qui ne le sont pas. A ces dernieres, M. Borne donne de la nourriture pendant tout le cours de l'été, en ayant soin d'en régler la quantité suivant la température el de тейге entre chaque repas au moins deux mois d'intervalle, temps que l'on a reconnu nécessaire pour la digestion complète des sangsues. Notons qu'on doit mettre à la diète 285 M toute sangsue mal porlante, car une mortalité considérable serait le résullat de leur gorgement dans ces conditions. Il est très important de ne pas plonger les sangsues dans de l'eau très froide au sorlir du sang tiède, quand on les lave, de méme qu'il est facheux de procéder à la nourriture des sangsues pendant que le temps est lourd el orageux. Car l'observation a démontré à M. Borne quil y avail alors des résullats moins avantageux et qu'il valait beaucoup mieux opérer par un temps frais que par les grandes cha- leurs : il a remarqué aussi que les sangsues se trouvent toujours mieux de la nourriture qu'elles prennent au printemps, que de celle qu'elles prennent au milieu de l'élé à l'époque des grandes chaleurs. Quant aux sangsues de reproduclion, qui sont soumises, comme les autres, aux influences que nous venons d'énumérer , on ne leur donne de nourriture que des premiers jours de mars à la fin d'avril, parce qu'après celle époque commence l'accouplement, suivi de la geslalion, el pendant toule la période qui s'écoule depuis l'apparialion jusqu'à la ponte, il serait extrêmement nuisible de nourrir les sang- sues. Apres la ponte, c'est-à-dire depuis la fin d'août jusqu'aux pre- miers froids, M. Borne donne de nouveau de la nourriture aux sangsues de reproduction pour leur permeltre de prendre des forces et de l'accroissement, la plus grande partie du premier repas ayant été élaborée par elles pour servir au développement des œufs. Un des avanlages de lalimentation des sangsues par le produc- leur est de rendre leur accouplement plus précoce, en méme temps que les pelites sangsues se produisent en plus grand nombre dans les cocons, el sont beaucoup plus vives el plus vigoureuses. H est essentiel de mesurer avec grand soin la quantité de nour- rilure que l'on donne aux sangsues de reproduclion, pour ne pas en donner uue proporlion trop considérable, ou une trop minime et par suile insuffisante. Car, dans ces deux cas, les sangsues ne rendent pas tout ce qu'on est en droil d'en attendre, au double point de vue deleur mulliplicalion el de leur accroissement. Si les orages onl l'influence dont nous avons parlé plus haut, l'élévation ou l'abaisse- ment de la température n'ont pas paru à M. Borne avoir une in- fluence bien nolable en bien ou en mal sur les produils des sangsues ou sur leur accroissement. Lorsqu'on a donné aux sangsues desli- nées à la reproduction la quantité de nourriture qui leur est néces- saire, elles restent pendant quelque lemps à digérer, puis elles s'ac- couplent et donnent leurs produils, c'est-à-dire déposent leurs cocons depuis environ la fin du mois de juin jusque vers le milieu du mois d'août. e 256 Les cocons déposés par les sangsues dans des galeries qu'on a eu soin de leur tracer dans les berges (voir plus bas), ne renferment d'abord qu'une sorte de matière albumineuse , où il est impossible à l'œil nu de distinguer trace des germes; mais à une époque plus avancée de leur exislence, on y trouve un cerlain nombre de pelites sangsues. Leur nombre moyen est de douze à quatorze, mais, dans quelques cas, rares il est vrai, M. Borne a trouvé jusqu'à vingt-six pelites sangsues dans un seul cocon. Si les cocons sont abandonnés à eux-mémes, il peut arriver que la sécheresse les atteigne et les détruise; or s'ils sont enfoncés dans la terre au lieu d'étre rapprochés de sa surface, ils peuvent étre pourris par l'humidité. П y a inconvénient à les laisser aux points où les sangsues les ont déposés, sans en prendre plus de soin, car on esl assuré d'en perdre un nombre considérable en raison méme de la grande quantité d'insectes qui leur font une guerre incessante. Pour obvier à ces diverses causes de destruction, M. Borne a eu re- cours dans le marais de Clairefontaine au procédé suivant : D'abord pour trouver plus facilement les cocons et les recueillir plus sûrement, au lieu d'abandonner aux sangsues le soin de se creuser les galeries oü elles doivent déposer leurs cocons, M. Borne leur en prépare d'avance. Pour cela, au moment de l'accouplement de ses sangsues, il enlève sur le terrain de la vallée des plaques de gazon lourbeux qui peuvent avoir de 15 à 20 centimètres, et après avoir ballu ses berges pour en niveler la superficie, il y creuse avec le doigt des pelits sillons assez rapprochés, profonds d'environ 5 à 10 centimètres, et qui viennent déboucher au dessous du niveau de l'eau ; leur longueur varie de 20 à 25 centimetres. Il place sur ces sillons les plaques de gazon préparées à l'avance, el par ce moyen il fournit aux sangsues de peliles galeries souterraines, dans les- quelles elles pénètrent pour monter aussi haut qu'il leur convient. C'est là qu'elles déposent leurs cocons, que fréquemment on ren- contre placés à la suite les uns des autres comme les grains d'un chapelet. M. Borne, de temps à autre, soulève les mottes de tourbe qui recouvrent les sillons, pour en relirer les cocons el ne pas per- mellre ainsi aux jeunes sangsues de prendre naissance dans les bas- sins qu'habile les grosses; car il a reconnu que, le cas échéant, la majeure parlie en serait perdue. Il faul en outre avoir le soin d'ex- plorer les touffes d'herbes qui couvrent le bord des ilols et des berges; car souvent il arrive que des sangsues dédaignant le logis qu'on leur avait préparé, y déposent un nombre assez considérable de cocons. Pour garder les cocons jusqu'à l'éclosion des jeunes sangsues , 287 pour recevoir les jeunes animaux dès leur naissance, M. Borne a imaginé un bassin parliculier auquel il donne les disposilions sui- vantes : Ce bassin, creusé dans la tourbe, el disposé comme les autres bassins , au moins d'une manière générale, est garni sur ses bords de boiles reclangulaires, en bois, sans fond; sur la partie inférieure formée par le sol et qui représente le fond de ces boiles, M. Borne fait de peliles galeries praliquées comme celles des bassins de ponte. Il y place les cocons au fur el à mesure de leur récolte, de facon qu'ils forment comme une espèce de chapelet. Il recouvre ces cocons de mousse, il établit un second rang de cocons, puis une nouvelle couche de mousse, recouvre le tout d'une planche pour empécher les rayons du soleil de dessécher le tout, puis enfin par dessus il pose de grandes plaques de gazon tourbeux , deslinées à maintenir la fraicheur nécessaire. Il a soin de visiter fréquemment ces boites pour donner aux cocons les soius qu'ils réclament el délruire tous ceux de leurs nombreux ennemis qui auraient tenté de s'y intro- duire. Quand les sangsues de chaque cocon sont arrivées au moment de leur naissance, c’est-à-dire environ vers le quarantième jour, elles passent a travers les couches de mousse, arrivent aux galeries el descendent dans l'eau pour arriver jusqu'à la vase. Mais cependant, quand rien ne vient les forcer à sorlir, beaucoup y restent plus longtemps, y passent méme l'hiver et n'en sortent gnére de leurs cocons qu'au printemps. Ces dernières sont presque toujours les plus belles. Pour proléger ces sangsues relardalaires contre l'aclion de la gelée, M. Borne a soin de recouvrir ses boiles à incubation d'une couche de gazon tourbeux , qui a de 30 à 40 centimètres d'épaisseur. Si la température est trés élevée , l'éclosion des pelites sangsues est avancée; si au contraire elle est très basse, celle-ci est retardée ; mais dans l'un el l'autre cas, on n'obtient jamais de produils aussi beaux que par une éclosion naturelle. Comme l'observation lui a démontré que les berges des bassins exposés au sud et au levant, sont celles que choisissent en général de préférence les sangsues pour déposer leurs cocons, M. Borne a élabli surloul ses galeries dans ces berges, el c'est à une ex- position identique qu'il organise ses boiles d'incubalion. H faut chercher les cocons dans toutes les berges, car il y a toujours des sangsues qui ne suivent pas les habitudes générales, et c'est ainsi que dans le courant de l'année dernière, M. Borne a trouve un grand nombre de cocons dans une berge exposée au nord d'un de ces bas- sins, Jusqu'à présent il n'en a jamais observé de quantités nolables 288 dans les berges exposées à l’ouest, sans que rien ail pu lui expliquer celle particularité. Aussilôt que les peliles sangsues paraissent, on les pèche et on leur donne leur premier repas, puis on les remel dans des bassins séparés, car il est trés imporlant de ne pas les mêler aux autres sangsues. On doit les garder et les nourrir pendant quatre ans avant qu'elles aient atleint les dimensions commerciales, et qu'elles ne soient parfaitement aptes à l'usage médical. Mille sangsues à jeun d'un an pèsent so:xanle grammes; à deux aus un méme nombre pèsent deux cents grammes, à trois ans quatre cent soixante grammes, el à qualre ans onze cent vingl grammes. Un nombre infini d'animaux parmi lesquels nous cilerous les rats d'eau, les canards sauvages, les Hydrophiles, les Dyliques, les Naulonecles , les Courlillières, etc., font une guerre incessante aux sangsues, quel que soil leur âge. Quant aux cocons, les boites d’in- cubalion les metlent à l'abri de leurs ennemis qui ne sont pas moins nombreux. Une surveillance active, continue el de lous les instants peut seule débarrasser les sangsues des ennemis qu'elles ont à re- douter, el c'esl pour rendre plus facile celte surveillance que M. Borne donne la préférence aux bassins longs el étroits, sur ceux qui sont plus vastes el plus larges. Jusqu'ici M. Borne a été assez heureux pour n'avoir remarqué au- cune morlalilé abondante dans son marais el pour n'avoir pas observé de maladies sévissanl sur ces animaux. Tout au moins son altenlion n'a pas élé allirée sur celle queslion par des ravages qu'au- raienl exercés quelques affections qui fussent venu alleindre les sangsues. La pèche des sangsues ne peut s'opérer que pendant la belle saison, puisque pendant l'hiver elles s'enferment dans la vase, d'où elles ne sorlent qu'aux premières chaleurs du printemps. M. Borne ne pèche ses sangsues que pour les nourrir, ou pour les faire voyager, si elles sonl livrées au commerce. Le moyen employé consiste à ballre et à remuer l'eau au moyen d'un bâlon : les sangsues allirées par l'espoir de trouver une proie à laquelle elles puissent s'allacher, sortent ra- pidement de la vase et sont prises par les pècheurs au moyen de pelils filets, ou pécAetles , fixés au bout d'un manche assez long. Comme pendant l'hiver la pèche est impossible, M. Borne met ses sangsues deslinées à la venle, dans des caisses renfermées dans la terre et qui offrent autanl que possible les conditions que les ani- maux auraient Lrouvées dans le marais. Ces caisses conservent parfai- lement les sangsues presque sans aucune morlalilé, et rendent ainsi de grands services. e. 289 Quand on veut faire voyager des sangsues, il faut éviler avec le plus grand soin d'exposer les animaux à l’action des grands froids et des fortes chaleurs. et en prenant ces précautions on peut les faire voyager, sans perte, à toutes les époques de l’année. C'est ainsi que M. Borne, ayant envoyé à deux cents lieues, quatre mille sangsues dans une boîte à compartiments de son invention, celle-ci est arrivée ne renfermant qu'une seule sangsue morte. J.-LEON SOUBEIRAN. PRÉCIS HISTORIQUE SUR L'ENTOMOLOGIE. 1 Apres les généralités que nous avons eu l'honneur de vous pré- senter, je viens, Messieurs, vous offrir un précis historique sur l'en- lomologie. Cet aperçu me permeltra de m'arrêler à l'élude spé- ciale des insectes qui ornent nos campagnes et qui forment le cabinet de l'entomolozoogisle angevin. Le mot d'entomologie, formé de deux mols grecs (+750, insecle, reyes, discours), fut consacré pour désigner tous les insectes articulés el annelés. C'est une des branches de la zoologie. La connaissance de l'entomologie remonte assurément à l'origine des temps. Les hommes, accoulumés à voir dans les œuvres de la créalion le doigt de Dieu, durent considérer avec admiralion les nombreux insectes qui passaient et repassaient sans cesse sous leurs yeux. Frappés par l'éclat brillant de leurs couleurs, ils durent élever leur cœur vers l’auteur el le créateur de toutes choses, el s'écrier, comme les jeunes Hébreux : Louez le Seigneur, vous tous, insectes el animaux qui rampez sur la terre. De plus, ils durent nécessaire- ment observer ces pelils animaux qui souvent dévastèrent des pays entiers et transformèrent en désert les plus riches contrées. Personne de vous, Messieurs , n'ignore le culte que les Égyptiens rendaient à l Ateuchus saccer d'Olivier ; ce peuple regardait ce lamel- licorne à cause de son apparilion au commencement du printemps, comme le symbole de la renaissance de la nature. Ce scarabée était représenté sur tous les monuments. Si mes souvenirs ne sont pas en défaut, je crois que sur une des faces de l'obélisque de Louqsor qui a 291 décore la place de la Concorde, à Paris, il est gravé en trois endroits. La figure de cet insecte se relrouve sur les médailles, les amulettes et tous objets du culte égyptien. L'or, l'argent, le jaspe, l'émeraude, le porphyre, le marbre étaient consacrés pour le montrer à tous les yeux. C'élait, pour ainsi dire, un talisman; parce que le peuple pour qui tout est réalité, et qui dans un symbole ne voit que l'objet lui- méme, croyait voir son réveil futur, l'immortalité de l'âme, dans la reproduction de l'Ateuchus sacer. C'est encore pour ce motif que les Egypliens l'appelerent sacer, sacré, parce qu'ils le regardaient comme l'emblème de la divinité, de l'Elre qui s'engendre soi-même. Ce co- léoplére habite encore spécialement la contrée qui lui avait voué ces honneurs divins. S'il faut par induction faire ici des conjeclures bien vraisemblables, les Hébreux devaient avoir sur l’enlomologie des notions assez exactes. Car Moise, dans le chapitre onzième du Lévilique, leur pré- sente une nombreuse série d'animaux et d'insectes dont ils devaient faire choix pour leurs aliments. L'écrivain sacré leur permet l'usage des Bruchus, des Attacus, des Ophiomacus, des saulerelles, etc. et leur défend tous les animaux qui volent et qui n'ont que quatre pieds. Vous le voyez, Messieurs, dès la plus haute antiquité, les connais- sances entomologiques avaient fixé les regards des législaleurs ; mais ce n'est que sous le règne d'Alexandre que nous pouvons déterminer d'une manière un peu précise quelques fails en rapport avec la zoo- logie. Aristote, le précepteur du conquérant de l'Asie, vient de donner aux sciences leur véritable direclion. Le royal disciple, pour secon- der les vastes conceptions de son mailre, met à sa disposilion la somme énorme de 800 talents et plus de mille chasseurs pour col- lecler dans toute l'Asie et une partie de l'Europe les insectes et les animaux que le philosophe naluraliste consigue dans son ouvrage : Histoire des Animaux. Sans doute, l'histoire naturelle devait être en ce temps-là dans une bien grande imperfection ; cependant Aristote lui avait fait faire des progrès inconteslables. D’après M. Milne-Edwards (Encyclopédie du 19e siècle), Aristote indique le régime de ces animaux et la struc- ture de leur bouche. H classe les coléoptères dans les groupes les plus importants qui figurent dans nos classifications entomologiques. Aussi ajoulerons-nous avec le méme naturaliste : Aristote fut le père de l'entomologie, et à juste litre le fondaleur de la zoologie géné- rale, l'inventeur des classifications, el le créateur du grand art d'ob- server. 292 Chez les Grecs existait un usage que nous retrouvons méme au- jourd’hui dans les mœurs ou les dictons des gens de la campagne, Ils suspendaient au cou des enfants les cornes d'un insecle vulgai- rement appelé cerf ( Lucanus cervus Fabricius); c'était un signe de réussite et de bonneur. Ils renfermaient encore dans la farine les Cossus, les Lucanus, les Oryctès parce que les larves de ces insectes étaient pour eux un mels des plus friands. La mouche cantharide ( Lytta vesicatoria Fab.) était parfaitement connue, ainsi que les propriétés médicales que la science reconnait à cet insecte. Quelques anciens avaient pensé que ce coléoptère était le Buprestis qui avait la propriété de faire enfler les bœufs (Cus лри8® j'enfle bœuf) : mais il est plus probable que l'insecte désigné par Aristote, appartenail aux genres appelés aujourd'hui Mylabris ou Méloé. Laissons maintenant s'écouler quaire siècles. Alors apparut Pline l'ancien, surnommé par la postérilé Pline le Naturaliste. Son traité de l'histoire nalurelle formait 37 livres. Cel ouvrage, dit Pline le Jeune, son neveu, est d'une étendue d'érudition infinie, et presque aussi varié que la nature elle-méme. Dans son travail, le savant peintre de la nature décrit avec une rare exaclitude notre hanneton- foulon ( Mellolontha fullo Fab.). Il signale le Lampuris Luciola (ver-lui- sant) dont il admire la lumière phosphorique. Cet insecte, dit-il, écarte ses ailes et répand une clarté lumineuse. Cependant l'Histoire naturelle de Pline renfermait bien des erreurs, car le Père Hardouin fut obligé, dans l'édition qu'il publia en 1725, ad usum Delphini, de l'enrichir de notes savantes qui corrigent souvent ce qu'il y a de défectueux dans le texte, el dans ces der- niers temps une autre édition a paru, accompagnée de notes et de reclificalions de MM. Beudaal, Brongniard, Cuvier, Dau- nou, etc. Je n'ai pas l'intenlion , Messieurs, de parcourir avec vous la série des savants qui se sont occupés de l'Entomologie dans les siècles qui se sont succédé depuis le naturaliste romain, victime déplorable de son amour pour la science. Albert le Grand ne donna que de faibles apercus sur la zoologie , encore les puisa-t-il dans l'Histoire des animaux d'Arislole. Seule- ment il fut le premier à désigner les insecles, par le mot d'animaux annelés Le seizième siècle vit paraître Gilles d'Alby et le célèbre médecin Loncière de Francfort, qui, dans son traité d'histoire nalurelle, porta les savants à observer la nalure dans tous les êtres qui l'ani- ment. 293 Tout ce qu'ont fail Salviani, médecin du pape Jules Ш, Rondelet el Bélon, a plutôt rapport aux poissons et aux mollusques qu'aux autres branches de l'entomologie. Hâtons-nous, Messieurs, d'arriver au grand naturaliste dont les travaux ont pu enfin délerminer une véritable classification. Linné naquil à Roeshull, village de Smolande, en Suède, vers le commencement du 18° siècle. Après avoir éprouvé les plus tristes privalions, après avoir essuyé la jalousie de bien des gens à qui son mérite faisait ombrage, il ful nommé médecin du roi el professeur de botanique à Stockolm, puis à Upsal oit, pendant 57 ans, il s'appli- qua à composer ses immortels ouvrages. Ils vous sont connus Messieurs, je n'aurai pas la témérilé de les signaler devant vous. Linné, avec les seules forces de son génie et son infaligable acli- vilé, s'élanee dans le vaste champ ouvert devant ses yeux. Les na- turalistes qui l'ont précédé ont enseigné des méthodes, ont donné des descriptions, mais lui, il va créer pour l'élude des sciences natu- relles, des régles qui vont servir de base à un véritable enseignement. De méme qu'il soumel les plantes à un examen organique, à une analyse caractéristique, de méme va-t-il faire passer l'insecte devant l'œil observateur pour le soumeltre à une véritable démonstration anatomique. Le service important que Linné rendit aux sciences naturelles dans son Systema nature fut de réformer les méthodes en usage avant lui. H assigna un nom commun à tous les insectes formant un méme genre, el un nom caracléristique pour désigner tel insecte en parliculier. Ainsi, les cinq grandes sections furent divisées en fa- milles, en tribus, en genres et en espèces. Par là, la lumière était porlée dans le vaste champ des études naturelles. Linné soumet chaque insecte à une analyse, afin que, par l'énoncé des caractères distinctifs , il fût distribué dans chacune des calégo- ries dont il donne la nomenclature. Ces caractères devaient êlre, se- lon lui, tirés du mode de conformalion des animaux ; et celle im- mense réunion de coléopléres se parlage en divisions et subdivi- sions, les uneset les autres bien déterminées et bien définies. Cependant la méthode de Linné, pour Pentomoiogie, eût été peut- être incomplète, dit M. Milne Edwards, si son élève el son compa- triole de Géer, dans ses mémoires pour servir à l'histoire des in- secles, n'eüt ajoulé à la classification inventée par son mailre, sa spécification de caracléres imporlanls que ce dernier avait né- gligés. Fabricius , autre élève du naluraliste suédois, qui avail établi des monographies sur la structure des diverses parties de la bouche, 294 rendit d'immenses services en faisant connaître une foule d'espèces jusqu'alors inconnues ou imparfaitement caractérisées. Mais comme dans une foule d'insectes ces parlies ne sont pas apparentes, même à la loupe, il devenait impossible de distinguer les diverses parties des palpes; la science a dû rejeter les méthodes dont nous venons de parler. Rendons néanmoins hommage à Linné, à Géer, surtout à Fabri- cius, pour ses immenses recherches. Dans son ouvrage Philosophia entomologia, il avait préparé les résultats que nous admirons aujour- d'hui. H passait sa vie à collecter, à analyser et à décrire ces nom- breuses familles dont les espèces étaient encore inconnues. Nous arrivons, Messieurs, à la fin du 18° siècle et au commence- ment du 19° siècle. La, se déroule sous nos yeux le tableau des pro- grès immenses que l'histoire naturelle va conquérir. Ce ne sera plus seulement un délassement pour quelques savants isolés, l'entomo- logie va devenir une science. Et chaque ville de France se modelant sur la capitale, voudra à côlé de sa bibliothèque, à côlé de ses mu- sées de peinture ou d'antiquités, à côté de son jardin botanique, voudra, dis-je, voir se dresser des cadres renfermant des milliers de coléoptères , d'himénoptéres, de névroptères, de tous les êtres enfin qui composent la grande famille des insectes. Buffon, dans son Histoire naturelle, Lacépède dans son Museum, le baron Cuvier dans son Règne animal, tous les professeurs dans leurs cours publics, vont développer toutes les richesses de leur talent d'observation. Leurs travaux vont pénétrer jusqu'aux entrailles de la terre pour révéler aux yeux étonnés les merveilleux secrets qu'elle renfermail dans son sein. Toutes les sciences vont trouver d'infali- gables interprètes. Cuvier, la gloire de la France, a qui Geoffroi Saint-Hilaire, profes- seur au Jardin des Plantes avail dit: « Venez parmi nous jouer le rôle d'un autre Linné, d'un autre législateur de l'histoire naturelle, » Cu- vier voit autour de sa chaire ёе de la société, étonnée de trouver du plaisir dans des dissertations anatomiques. Bien des titres doivent nous rendre cher le savant auteur du Règne animal, mais nous, qui nous sommes adonnés à l'élude de l'entomologie en particulier, nous vouons une plus grande reconnaissance à l'auleur de la classifica- lion entomologique, à Lalreille, le continuateur du travail de Cuvier, dans l'Iconographie des insectes coléoptères d'Europe. L'abbé Latreille, dans les jours mauvais de la terreur, est ren- fermé au fort de Ha, à Bordeaux, et condamné à la déporlalion. Au milieu de ses infortunes il chercha dans la science ses consolations, el elle fut pour lui une occasion de salut. 295 Permettez-moi, Messieurs, ce petit récit. Le médecin de la prison de Bordeaux, s'étonnant un jour de voir un prisonnier absorbé dans la contemplation d'un insecte, quand sa lêle est menacée : C'est un insecte très rare, répond Latreille, aux questions qu'il lui adresse. L'insecle est demandé par un naturaliste de Bordeaux, M. Bory de Saint-Vincent ; celui-ci flatté de tenir ce don d'un entomologiste, ami des Cuvier, des Olivier, des Lamark, auquel il doit succéder, et déjà connu par d'honorables travaux, s'empresse de soustraire Latreille au danger qui le menace, et bien- 101, malgré les obstacles qu'offrait celle noble tentative, le prêtre na- turalisle est rendu à la liberté. Dans un autre ouvrage, Genre des insectes, Latreille a suivi à peu prés la méthode d'Olivier, c'est-à-dire qu'il a pris pour base de sa classification le nombre d'articles qui accompagnent les tarses de chaque coléoplére. Mais il l'a perfectionnée en divisant davantage les apléres, et en établissant un plus grand nombre de genres. Quelques entomologistes lui reprochent cependant de les avoir trop mullipliés, en sorte que dans cerlains cas les caractères devien- nent moins distinclifs. Jusqu'à ces derniers temps, c'est encore la méthode Latreille qui a prévalu. Je termine ici, Messieurs , ce faible apereu historique. Le demi- siècle qui vient de s'écouler demanderait lui seul un volume pour faire connaitre les travaux entomologiques des Sociétés savantes qui, en France, en Allemagne, en Suède, en Russie, en Angleterre, ont fait faire à celte branche de l'histoire naturelle des progrès si élon- nants. Qui pourrait analyser les immenses recherches des Réanmur, des Reesel, des Scheenherr, des Gyllenhall, des Germar, des Déjean, des Boisduval, des Lacordaire, des Erichson, des Aubé, des Mulsant, des Blanchard, des Desmarest? Ajoutons , en finissant, avec M. Guérin, dans son ouvrage des Suites à Buffon : < L'entomologie conduit l'homme, sans qu'il s'en » apercoive, à des éludes plus sérieuses et plus importantes. Elle » fait nailre dans les jeunes gens le goût de la méditation et de > l'observalion ; et , par suite , celle douce et simple philosophie le » conduit au bonheur, en lui faisant adorer le Dieu qui est admi- » rable dans toules ses ceuvres. » G.-T. ROCHARD. COMPTE-RENDU DES EXCURSIONS DE LA SOCIETE LINNÉENNE DE MAINE ET LOIRE. UNE EXCURSION AU BOIS DE LA HAYE. Lorsque les bourgeons des arbres commencent à poindre, lorsque les prairies verdoient et s'émaillent de fleurs, l'homme de la cité ressent malgré lui le désir d'explorer les campagnes et de suivre, de temps à autre, les progrès de la végétation. A peine avril arrivé, Angers devient peu à peu désert. L'un voyage, l’autrese relire dans son château, dans sa villa, elc. ; le soiret les dimanches, l'ouvrier préfère les promenades des pâlis de Beuzon, ces prés St-Gervais de l'Anjou, aux allées poudreuses el sableuses du Mail et des Boulevards. Ce besoin de villégiature que chacun éprouve aux premiers jours du printemps est parlagé, comme on peut le croire, par les natura- listes; aussi était-ce avec une vive impatience qu'ils supportaient le froid intempestif, et dès qu'il fut possible de quitter le chaud 297 paletot pour prendre le léger vêtement d'été, une excursion fut organisée. Le lieu choisi fut le bois de la Haye. Vendredi 20 avril 1855, à 11 heures du matin , les membres de la Société Linuéenne, sous la conduite de leur Président, commencè- rent leur première pérégrination. Déjà des courses individuelles avaient élé faites par quelques botanistes , et M. le docteur Guépin avait recu de MM Langlois fils et Clavier, horticulteur chez M. Leroy, le Vaccinium Myrtillus, L., récollé à Montreuil-sur-Loir, et la Tulipa Sylvestris, L., croissant à la ferme de Chaumineau, près la route de Paris Les coleaux de St-Nicolas et les bois de la Haye élaient jadis peu- plés de plantes rares. Il est un grand nombre de végétaux indiqués dans ces lieux par les auteurs des Herborisations de M. Merlet de la Boulaye, qu'on chercherait en vain actuellement, et en l'année 1809 où ce volume fut publié (1), on peut dire que les trois quarts de la flore angevine croissaient dans celle riante contrée. Aujourd'hui il en est autrement, et depuis un certain nombre d'années elle a perdu de sa luxuriante végétation. Quoi qu'il en soit, une riche récolte a pu cependant êlre faite ; ainsi nous pouvons citer une jolie variélé de Muscari Racemosum, Dc., aux feuilles largement caniculées; la clandestine, Lathræa Clandestina, L.; la renoncule à téte d'or, Ranunculus Auricomus, L.; l'Asplenium septentrionale, Hoffm., fougère trés rare, découverte par M. le docteur Guépin, sur un mur de clóture; l'Uredo Muscari; le Grimmia Crinita, cryplogame aux urnes rougeátres , d'une finesse et d'une extrême légèreté, elc. Le paon de jour a plusieurs fois élé rencontré dans cette journée, ainsi que la couleuvre lisse, Coluber Levis, Lacep., et le lézard а deux raies, Lacerta Bilineata , Cuv. Arrivé à la Haye-des-Bons- Hommes, limite de l'excursion, une visile a été faite à l'ancien prieuré de l'ordre de Grammont, où Pierre Roger, quatrième fils de Guillaume, comte de Beaufort-en-Vallée, neveu du pape Clément VI, était prieur. Pierre Roger fut nommé évéque de Beauvais, ensuite cardinal, puis élu pape, le 30 décembre 1370, sous le nom de Gré- goire XI. La chapelle de l'ancien prieuré, datant du XIIe siècle, existe en- core. Elle sert d'écurie et de magasin à fourrages; elle est entière- ment peinte. Les peintures sont très frustes ; cependant, outre les (1) Les naturalistes et les élèves de M. Merlet de la Boulaye qui concoururent à cet ouvrage furent MM. Cauvin, Davy de la Roche, Ménard-la-Groie, Millet, Pantin du Plessis, ete, 298 sujets qu'on rencontre ordinairement dans les monuments hiérali- ques, tels que la Vierge et l'Enfant Jésus, le Christ entouré des quatre signes apocalypliques, les signes du zodiaque, etc., un grand nombre d'animaux réels et chimériques , et de plantes sont [figurés sur les parois. La flore et la faune murales sont trés curieuses à étudier ; c'est vraiment dans cette chapelle qu'on peut se convaincre combien l'é- tude de l'histoire naturelle est utile à l'archéologie. Au premier coup d'œil, les bolanistes reconnurent le Narcissus pseudo-narcissus, L., indiqué par M. Merlet de la Boulaye, à la mé- lairie du Préau, située au dessus du couvent de la Haye; la frilillaire dans ses diverses phases de floraison, des branches de chêne brosse chargées de glands et de cupules. la ficaire, l'anémone sylvie, l'ail des ours, etc. Au moyen âge, les arlistes, évidant, sculptant la pierre et le bois , tapissant les voûtes de fleurs, prenaient presque toujours leurs modèles sur les lieux; aussi ne sommes-nous pas élonnés d'avoir vu les arlistes de celle chapelle reproduire les plus jolies plantes qui croissent aux alentours du monastère. Nous ne signalerons pas tous les oiseaux et animaux peints sur la frise et la voûte de la chapelle de la Haye-des-Bons-Hommes ; notre érudit collègue, M. Béclard, en ayant donné l'analyse, nous dirons seulement que parmi les oiseaux symboliques on disliugue la Ca- landre. Cet oiseau possédait, selon la légende, le don de connaitre toutes les infirmités. Lorsque la Calandre passait devant une per- sonne souffrante, dit Hugues de Saint-Viclor, si elle s'éloignait avec rapidité du malade il devait succomber; si au contraire il devait re- couvrer la santé, l'oiseau se précipitait sur lui, placait son bec sur sa bouche et enlevait à l'homme sa maladie, puis la Calandre pre- nait son essor et perdait dans les airs le germe de la souffrance qu'elle venait d'arracher (1). (1) On lit dans le Bestiaire rimé de la Bibliothèque impériale ees vers sur la Ca- landre : Quant hom esl en grant maladie Que l'en despeire de sa vie, Done est cist oisel aporlé Seil deit être conforté Et trespasse de cel malage, L'oisel li tourne le visage, Et treit à sei l'enfermelé ; Et s'il ne deit aveir santé, L'oisel se torne d'autre part, La licorne, 299 Si ceste merveillose beste Qui a une corne en la teste Senefie nostre Seignor Jehesucrist nostre Sauveor. Ces lieux et la chapelle dont nous venons de parler sont connus de tous, et cependant toujours visités avec plaisir. Chaque fois que nous les parcourons , nous nous rappelons ce passage de notre conscien- cieux historien Bodin : » x x x Y Y « Vous qui vivez sur les bords riants et fertiles de la Maine, vous qui savez vous contenter du produil de vos champs, de vos ver- gers, qui goütez , dans un modeste asile, les douceurs de la paix et d'une honnéle médiocrilé, allez visiter les bords de l'étang de Saint-Nicolas et le joli bois de la Haye-des-Bons-Hommes, si quel- que jour l'ambition vient troubler volre bonheur. » IL. UNE FÊTE LINNÉENNE. Mai etla plus grande partic de juin ont vraiment élé un lemps d'affliclion pour les naturalistes : pas une journée ne permellail d'explorer nos campagnes, puis les plantes se développaient mal, les Ја ne fera vers lui regart, Ore est reson que je vos die Que c’est blanc oisel senelie. Il senefie sans error, Jhesucrist notre Sauveur Qui unques neires penes n'out Cius fut tot Шапе si comme lı ploul En lui ne out unques nerlé Cil certes qui est verité Dit en l'évangile de sei : Li prince, dist-il, vint à mei De cest mont mes riens n'y trova Ne en lui ne fu ung trovee Nule tricherie provée. 300 insectes transis par le froid se cachaient sous l'herbe et dans les fis- sures des rochers. Impossible de saisir, à travers les prairies émail- lées de fleurs, les lépidoptères aux ailes diaprées de vives couleurs. Chacun restail chez soi allendant les beaux jours; enfin ils arrivèrent avec la Saint-Jean, et, dès le lendemain, les géologues et les bola- nistes de la Sociélé Linnéenne de Maine et Loire prenaient le che- min de fer, pour rejoindre leurs collègues de Saumur qui devaient les guider dans excursion de Montreuil-Bellay. La route de Saumur a Montreuil offre à chaque instant des sujets d'élude pour tous. C'est dans ce champ, non loin de Мапу, que croit le Calepina Corvini Desv. Ici, c'est Bagneux et sa remarquable allée couverte ; là, Pocé et son pittoresque château, puis, un bois où domine le Quercus Cerris L.; plus loin, le clocher roman de Distré; enfin Montreuil, cette belle cité aux maisons irrégulières, sur plu- sieurs desquelles se trouvent sculptés dans le tuf les Nautiles et les Ammonites des terrains jurassiques. Montreuil, avec son enceinte, ses portes, son château et son église de la fin du XV: siècle, a conservé toute la physionomie d'une ville moyen-age. Les recherches commencèrent sur les hauteurs des carrières de roches jurassiques, élage bajocien. Les botanistes ne tardèrent pas, guidés par MM. Courtiller jeune et Trouillard, à remplir leurs boîtes de plantes rares, telles que le Crepis pulchra L., le Linaria pelisse- riana DC, une trés curieuse variété du Rosa rubiginosa, avena sul- cata, Gay, le Vicia Serratifolia Jacquin, etc., etc. Cette plante fut dé- couverte, il y a quelques années, par MM. Toché el Chedeau, et c'est la seule localité de notre département où croît celte légumi- neuse. En descendant les coteaux, les géologues cherchérent dans les excavalions des fossiles, el furent assez heureux pour trouver plu- sicurs échantillons du genre turbo, un magnifique nautilus gravesia- nus d'Orb., la chemnitzia normaniana et une grande quantité de Belemniles, de Plerotomaires, de Térébratules et d Ammonites. Une découverte importante pour l'entomologie et utile à l'agricul ture, ful faite par M. Courtiller jeune. Ce naturaliste en passant son filet sur le Medicago sativa L., saisit en abondance des larves de l'Eumolpus Marginella, et put constater l'individualilé de cet insecte ravageur qui dévore les luzernes. L'heure du déjeuner vint faire une agréable diversion aux plaisirs (1) Dans les rares intervalles où il ne tomba pas de pluie, quelques courses ont élé faites. MM. Trouillard et Revelliére ont récolté à Saint-Cyr le lepidium petrum, L. ——— ———— w 301 de la journée, puis on se mit de nouveau en voyage. L'étude des sciences naturelles fut un instant interrompue par l'examen du château et de l'église Notre-Dame. Sur la litre de l'église on remarqua les armes des Berlay, premiers seigneurs de Montreuil, des de Melun et des la Trémouille. Dans la vaste enceinte du chateau, on vit la fameuse cheminée dont l'àtre a trente pieds de long et vingt-huit de large. Celle che- minée, véritable fourraise, eût pu faire cuire toul à la fois les nom- breux mets des noces de Gamache. La plaine de Montreuil est pour le naturaliste une terre promise. Les membres de la Société, divisés par groupes, parcouraient lente- mentlessillons. A chaque instant ils voyaient des végétaux inconnus aux lerrains du bas Anjou. M. le docteur Guépin, avec celle aménité que chacun sait, nommaii aux commencants les plantes, signalait les différences entre les divers genres, etc. C'était un vrai cours en plein champ, c'était comprendre l'étude de cette agréable science comme lont si bien entendue les Linné, les de Jussieu et les Jean- Jacques Rousseau. Signaler toutes les richesses botaniques récol- tées dans celte journée serait trop long; qu'il nous suffise de citer le Bifora testiculata Sprengel, plante nouvelle pour notre Flore et découverle celle année par uu bolanisle nantais, M. du Coudray- Bourgault ; l Échinaria capitala Desf., le Podospermum laciniatum DC, les Adonis autumnalis L. et Flammea Jacquin, le Prismatocarpus hy- bridus L'her., la Valerianella coronata DC, Crucianella angustifolia, L. Euphorbia gerardiana Jacq. En avancant dans la plaine, l'on remarqua deux monticules très allongés, couverts de vignes. Ces deux élévalions sont deux énormes tumulus, les plus beaux que nous avons remarqués en Anjou. M. Courtiller jeune donna sur ces monuments gallo-romains des explications trés intéressantes. M. Ackerman qui, dans ce moment, travaille avec M. Courliller au calalogue des Coléoptères du Saumurois, captura deux insectes tres rares, l'Agapanthia Marginella et l’ Agapanthia Suturalis. Les ornithologues constalèrent la présence de l'ortolan, du tra- quet-motteux et de l'allouette calandrelle. (1) Plusieurs naturalistes d'Angers et du Mans ont constaté, l'année dernière, la présence de deux insectes dévorant les tigés des pins et des cèdres. L'Hylésine du pin (Hylesinus piniperda, L.) a causé dans nos sapiniéres d'énormes ravages, et les cèdres ont beaucoup souffert des attaques d'un Rhyncophore connu sous le nom de Curculio pini. L. 302 La Rana Punctata Daud. et le Bufo Viridis Daud. furent plusieurs fois rencontrés. L'heure du départ arriva (гор tôt; il fallut regagner Montreuil, chacun emportant un riche butin de fleurs, de fossiles et d'in- secles. En passant sur le pont, on s'arréla un moment pour contempler le magnifique paysage qui s'offre aux regards. Le Thouet, retenu aux pieds des murs d’enceinte par un barrage, el dont le trop plein se déverse en formant un cylindre écumeux, remit en mémoire l'histoire de la cérémonie de l'abbé dans l'eau, diversement racontée et qui peut se résumer ainsi : Les moines bénédictins de Montreuil voyant chaque année leurs jardins submergés grâce à une chaussée construite par le seigneur, afin d'alimenter ses moulins, tinrent conseil, et l'abbé décida qu'il ferait rompre la chaussée, ce qu'il fit en effel. Mais le seigneur in- lenta un procès et l'abbé fut condamné à rétablir l'écluse et à être jelé lui el ses successeurs, chaque année, le jour de la sainte Trinité, dans le Thouet, après avoir parcouru les rues de Montreuil, monté a reculons sur un âne, dont il devait tenir là queue à la main. Cette ridicule sentence ne fut jamais exéculée. Seulement, tous les ans à l'époque fixée, un vigneron, affublé en abbé et placé sur un coursier d'Arcadie, élait promené dans la ville aux grands ébahissements de la foule et baigné dans un endroit peu profond de la rivière. Celle cé- rémonie fut appelée la satisfaction de l'abbé. La punition devint une véritable fêle, elle se terminait toujours par des jeux et des danses. Le monastère donnait pour celte journée une pipe de vin. Par une association d'idées, les clercs de Montreuil, qui buvaient mieux qu'ils n’écrivaient, revinrent en mémoire, et on se rappela ces vers saliriques écrils sur un curé de Montreuil, ayant la manie de rimer à faux. Celle mauvaise poésie est reslée trés populaire à Montreuil. Vous me demandez mon suffrage Sur les vers de mon curé, Dien volontiers sans persifllage, Mes amis je vous le dirai. Ah! bien loin que je blesse Le moins du monde son orgueil, Pour bénir l'eau, pour chanter la erand' messe, Vive le curé de Montreuil. Pendant le repos nécessaire aprés celle longue course, plusieurs lectures furent faites. M, le docteur Guépin prit la parole et lut une ee í QP ee Www 303 biographie de M. Leroy , du grand jardin, doyen des horliculteurs angevins, mort celle année au mois d'avril. Tous les travaux de cet arboriculleur dislingué sont retracés avec soin dans celle no- lice, et chacun a pu suivre avec plaisir M. le docteur Guépin, dans l'exposé de l'hisloire de la botanique appliquée de Anjou et des pro- grès que lui fit faire M. Leroy, à qui nous devons la plantation du Mail el celle d'une partie de nos boulevards. M. de Joannis, pendant vingt-six années de navigation, a été té- moin de beaucoup d'événements, et son goût pour l'histoire natu- relle lui a fait observer une foule de particularités. L'anecdote qu'il raconla (un téte-a-léle avec un serpent) est un récit palpitant d'in térêt el dont la lecture a impressionné tout l'auditoire. Nous laisse- rons parler notre savant collègue. UN TÉTE-A-TÉTE AVEC UN SERPENT. « C'était par une de ses ravissantes matinées du mois de mai si communes sous le beau ciel du Brésil. La frégate francaise la Néréide, en slation à Rio-Janeiro, venait de faire son branle-bas du malin et un coup de sifflet bien cadencé faisait en méme temps embarquer le canot-major. Les hommes avaient recu ordre de prendre des vi- vres pour la journée; bientôt chaque malelot fut à son poste dans le canot, l'aviron debout dans une des mains, le chapeau de l'autre. L'état-major de la frégate s'embarquait pour répondre à l'invitation qu'un des plus riches habitants de la ville lui avait adressée. » On devait se rendre de l'autre côté de la rade pour y débarquer et de là s'acheminer vers une charmante villa où la journée allait se passer dans les promenades, la course à cheval, la chasse, la péche, en un mot, tout ce qui peut dislraire de jeunes officiers plus ca- pables que qui que ce soit d'apprécier ces délassements offrant un si heureux contrasle avec la vie monolone du bord. » Au nombre de ces officiers était le chirurgien-major de la fré- gale, mon vieux camarade Bonneau, habile médecin, aussi habile naluraliste et qui, de son côté, se promettait une ample moisson d'objets curieux et de noles intéressantes. L'occasion ne se fil pas altendre, un nègre arriva bientôt à la maison de campagne où l'on se trouvait réuni; il élait tout triomphant, tenant par le cou et por- lant sur son épaule un énorme serpent qu'il venail de tuer, non sans toutefois avoir livré combat, car l'animal dont il s'était rendu тайге était si forl, si hardi el si venimeux qu'il y a dix piastres 304 fortes (54 fr. de notre monnaie) pour celui qui en détruil un, pelil ou gros. > Chacun entoura bientôt le nègre, et Bonneau le naluraliste s'empressa de lui demander ce que c'était que cet animal. C'est 10 piastres forles lui répondit le nègre en cherchant des yeux le maitre de la maison. — Cominent, lui dit Bonneau, ce n'est pas là son nom, il n'est pas possible qu'un serpent porte le nom de 10 piastres fortes! — Si! si! répartit le nègre, c'est bien 10 piastres fortes et vous allez le voir. Puis il s'avanca vers le logis, demandant à parler à son maitre. M. Senigo parut bientôt, et à la vue de l'horrible bête, invo- lontairement il recula, puis courant à son secrélaire, il en rapporta 10 piastres qu'il donna au nègre, lequel les prit en lui baisant la main, el, se tournant vers Bonneau, lui dit : Voyez-vous que c'est bien 10 piastres fortes. Mon vieil ami vit bien qu'il n'y avait point à faire entendre raison au nègre, et il se relourna vers le terrible rep- lile qui était là par terre étendu dans toute sa longueur. Ce fut alors qu'on put contempler à son aise les dimensions du monstre qu'on venait de détruire. Il avail huit pieds de long, le corps gros comme une bouteille de Bordeaux, et portait une tête ronde et énorme qui le rendait reconnaissable parmi tous les autres serpents qui ont, comme l'on sait, la téte mince et effilée. » M. Senigo donna alors tous les détails qu'on désira sur son comple et apprit à ces messieurs que ce serpent portait au Brésil le nom de агага, de Геѕрёсе de son qu'il fait entendre quand il est irrilé; puis il leur raconta une série de légendes toutes plus ef- frayantes les unes que les autres, des troupeaux enliers, des familles enliéres détruites par un seul de ces animaux, qui dés lors n'exista plus dans l'esprit de ces messieurs que comme un des êtres les plus redoutables de la créalion. » Bonneau était dans la joie de son âme; il voyait pour la pre- mière fois un être nouveau, fort difficile à rencontrer et des plus fa- meux parmi ses congénères. Aussi en fit-il une description délaillée el se regarda-t-il, non sans raison, comme déposilaire d'un docu- ment des plus précieux dont il espérait bien régaler la Sociélé Lin- néenne de Toulon, aussitôt qu'il rentrerait en France. » Au bout d'un certain temps, quand on eut bien vu, bien relourné, bien mesuré la vilaine bête, et qu'on eut bien écouté tous les récits de M. Senigo, chacun retourna à ses plaisirs, bien rassuré par lui sur l'extréme rareté du Jarara, dont on lue à peine un individu tous les ans aux environs de Rio. » Le soir venu, on songea à rejoindre le bord, on se mit donc en marche en fumant, en causant et en faisant la guerre aux jolis 305 oiseaux de couleur qui de temps en temps s'approchaient par trop de la route. » Arrivé à 500 pas du canot, Bonneau vit un admirable oiseau tout bleu se poser sur un arbre à une centaine de pas de lui; il prend le fusil de Brunet, enseigne de vaisseau du bord, court vers l'arbre, s'en approche suffisamment malgré les broussailles qui l'entouraient et abat l'oiseau. > Restait à l'avoir, car il élait tombé au milieu d'un fourré qui, pour tout autre qu'un naturaliste, eût certainement paru impénétrable. Bonneau baisse la tête, et s'aidant du canon de son fusil pour écarter les branches, finit par traverser une haie d'une douzaine de pieds d'épaisseur, qui enlourail un espace rond el vide d'environ dix pas de large, au milieu duquel étaient l'arbre et l'oiseau mort; mais Bon- neau devait y trouver autre chose encore. A peine il était sorli des broussailles, qu'il voit, au poinl opposé du rond, se dresser devant lui un énorme serpent, qui, troublé dans sa solitude, fit entendre ce terrible eri charara ou jarara, dont on lui avait lant parlé le matin. Puis, d'un coup d'œil, il eut bientôt reconnu qu'il était véritable- ment en présence d'un être identique à celui qu'avail tué le nègre aux dix piaslres. A celte vue, il me l'a souvent dit, il se sentit comme fasciné, comme magnélisé, et resta comme glacé d'épou- vanle. Il lui restait bien un coup de fusil à petit plomb, mais le moyen de tirer juste, aussi ému qu'il l'élait, et la chance de tuer un animal aussi gros, d'aussi loin et avec d'aussi pelils projectiles ! Faire retraite élait cependant impossible, car, engagé dans le fourré, le serpent eût élé à coup sûr maître de sa viclime; le plus sûr et le plus praticable, vu l'état de Bonneau, élait donc de rester en place et d’atlendre la suite de ce qui devait arriver, c'est ce qu'il fil. » Cependant au bout d'un moment, le serpent faisant toujours entendre son cri de guerre et voyant l'immobilité de Bonneau, se décida à faire un bond vers lui el s'en approcha d'environ six pieds. Bonneau tenait son fusil prêt à faire feu, mais n'osait pas tirer, se trouvant encore trop loin et se voyant mort à coup sûr s'il manquait son ennemi, il résolut done d'attendre. Une minule se passe el le Jarara fait un second saut; celui-là le mit à environ quinze pieds de lui; c'était encore trop loin, et puis Bonneau élait tellement ému qu'il était bien sûr de le manquer, s'il se fût hasardé à le tirer. Ce- pendant Je serpent s'animail; ses yeux, que Bonneau dislinguait déjà très clairement, étaient horribles à voir, sa gueule entr'ouverte dardait une énorme langue fourchue, et de son gosier impur sorlail une espèce de rire infernal qui faisait frissonner mon pauvre ami jusqu'à la moelle des os. Que de choses effectivement apparaissent 20 306 aux yeux de l'àme, dans ces moments où l'élernité semble si rap- prochée! Bonneau pensa rapidement à tout dans ce moment ter- rible, à Dieu, à sa femme, a ses enfants et à ses amis! mais un dernier saut du serpent le tira bientôt de sa préoccupation et presque de sa léthargie ; l'animal n'était plus de Jui qu'à six ou sept pieds, el il se trouvait déjà tellement sür de sa victime, qu'il agilait sa téte à droite et à gauche comme pour faire une feinte et atteindre plus sürement sa proie. Bonneau alors n'hésila plus, et retrouvant toute son énergie, il ajusta quoique en tremblant et pressa la détente; le coup partit el le serpent, de debout qu'il était, tomba sur le ventre. Cependant il s’agilait violemment à terre, mais Bonneau vit bien vite que cette agitalion n'avait pas pour but de progresser, mais était causée par la douleur; il en conclut donc avoir blessé l'animal et s'enhardil jusqu'à chercher à lui mettre la crosse de son fusil sur le cou. Il y parvint, puis se rapprochant du serpent et mettant son fusil verlical, il put exercer une forle pression, qui lui fit lever la léte en l'air; ce fut dans celte posilion que le frappant contre la crosse de son fusil avec le derrière du talon de sa bolte, il parvint à l'étourdir, puis, sitôt qu'il le vit hors d'élat de nuire, il fut ramasser son oiseau bleu et s'enfuit à toutes jambes. » Tout cela s'élail passé en assez peu de temps pour que les offi- ciers déjà arrivés au canol n'eussent pas attendu fort longtemps. Pourtant Bonneau courait toujours de toules ses forces, regardant de temps en temps en arrière, puis, arrivant à l'embarcalion pâle comme un mort, il s'y assit el s'y évanouil. L'émotion avait été trop forte, il y succombail. » Toute espèce de conjectures vinrent alors à Vimagination de ces messieurs, ils supposérent que son dernier coup de fusil avait été liré sur quelqu'assassin. On le visita afin de voir s'il n’était pas blessé, mais ne trouvanl rien, on ne s'occupa plus que de l'allonger à terre, afin de lui faire reprendre ses sens; on y parvint bientôt, et ce fut seulement alors qu'on apprit de lui à quel danger il venait d'échapper. » Bonneau m'a répélé bien des fois que le regard de ce serpent le fascinait, le magnélisait, le forcail, en quelque sorte, à rester im- mobile, et qu'il avail eu là une preuve palpable que l'action fascina- trice, attribuée à certains serpents, élait bien réelle, et qu'on devait la ranger au nombre des phénoménes naturels les plus curieux comme les plus positifs. » Arrivés à Saumur, à six heures moins un quart, les membres de Ja Société Linnéenne se rendirent au musée. Déjà nous avons donné un aperçu de ce bel établissement; depuis notre dernière visile il 307 s'est considérablement augmenté, tant en antiquités qu'en objets d'histoire naturelle. Nons avons surtout admiré de magnifiques ammonites peramplus, depuis le premier âge jusqu'au dernier développement. Cet établis- sement, peut-étre le plus complet qui soit en province, renferme tout ce qui a été trouvé et observé dans le Saumurois : il fait le plus grand honneur à M. Courtiller, et, dussions-nous blesser la modestie de cet excellent collègue, nous dirons que nul autre n'eüt pu arriver à un résultat aussi complet; grace à son savoir et à son aclivilé, Saumur possède un trés beau Jardin des Plantes et une collection de vignes unique en France. Les salles du musée de Saumur vont élre agrandies et bientót de nouvelles richesses seront offertes à l'é- tude des naturalistes et des archéologues. A six heures et demie le cri aigu de la locomotive se fit entendre, on prit congé des Saumurois en se donnant rendez-vous pour le mois de juillet dans les environs de Chinon; pendant les quelques moments d'attente, avant de monter en wagons, les botanisles au- raient pu récolter dans la gare méme, une plante très rare, le trifo- lium resupinatum, L. La graine de ce trèfle se loge dans le sabot des bétes à cornes, et est semée ainsi par les animaux le long des roules et méme dans les embarcadères. A sept heures et demie les membres de la Sociélé Linnéenne ar- rivaient à Angers, heureux d'avoir pu, grâce aux chemins de fer, explorer dans une seule journée une contrée éloignée si fertile, et n'adoptant point l'opinion du poete qui, dans un moment de fureur conire la vapeur, s'est écrié : Aller plus vite est un progrés en somme Pour un paquet, mais non pas pour un homme, Au moment oü nous terminions ce compte-rendu, M. le docteur Guépin nous fit savoir qu'il venait de recevoir de M. l'abbé Baudoin, membre de la Société Linnéenne de Maine et Loire, plusieurs plantes nouvellement découvertes à Pontigné par ce botaniste, telles que l'orchis odoratissima, L.; avena sulcata , Gay; le cardamine amara, L., et le nymphea alba, variété minor, Bauhin, plante qui croit aussi dans les étangs de Malaguet où nous l'avons recueillie l'année der- nière. Les nombreux botanistes angevins, dispersés sur les divers points de notre .déparlement, augmentent chaque année, comme on le voit, par leurs découvertes, la Flore, déjà si riche, de Maine el Loire. La botanique appliquée de l'Anjou a eu le le plus grand succés à l'Exposition horticole de Paris; les cultures de notre pays s'y sont 308 fait remarquer par leurs camélias, magnolias, araucarias et par une très belle collection de conifères. M. Cachet est le premier horticul- teur de France qui a pu faire fleurir, en pleine terre, le lys de l'Hymalaya, lilium-giganteum, Wallich. HI. UNE EXCURSION A CHINON ET DANS SES ENVIRONS. CHYNON, Petite ville, grand renom Assise dessus pierre ancienne, Au haut le bois, au pied la Vienne. RABELAIS. Le 23 juillet 1856, la Société Linnéenne de Maine et Loire diri- geait son exploration mensuelle vers Chinon. Partis par le convoi de 5 heures 45 minules du matin, les membres de l'excursion, après avoir traversé les ferliles terrains alluvionnaires des bords de la Loire, se trouvérent bientót en face du cháteau de Boumois, situé sur la commune de Saint-Martin-de-la -Place. Boumois fut, comme on le sait, le berceau de la famille du Petit- Thouars. Il n'est aucun Angevin, lorsqu'il aperçoit les vestiges de cette demeure, le lac oü le jeune Aristide s'essayait dans l'art de la navigalion, qui n'ait présent à la pensée les glorieux combals du héros d'Aboukir, et au nom d’Arislide du Petit-Thouars , vient se joindre celui de l'amiral, à qui la France doit la conquête des iles Marquises. Boumois rappelle aux naturalistes un nom cher à la science; c'est celui d'Auberl, frère d'Arislide. Pendant que le train parcourt des contrées connues de tous, donnons quelques délails sur ce savant, qui fit parlie de la Société des Bolanistes-Chimisles de Anjou, dont la Société Linnéenne essaie de continuer les travaux. Aubert du Petit-Thouars naquit à Boumois le 5 novembre de l'année 1758 (1). Il fit ses classes au collége de La Flèche et eut le bonheur d'étre guidé dans ses études d'histoire naturelle par Dolomieu. (1) On lit dans les registres du greffe de Saumur: « Le cinquième jour de no- vembre 1758 a été baptisé par nous curé soussigné, Aubert né de ce jour à neuf heures et demie du matin, fils de messire Gilles-Louis-Antoine-Aubert du Petit- Thouars, seigneur de Boumois, chevalier capitaine au régiment de Rouergue, et de 309 A seize ans, Aubert entrait en qualité de lieutenant dans le régi- ment de la Couronne. De temps à autre, il venait au pays natal, et c'est à lui qu'on doit d'excellentes découvertes bolaniques, faites dans les environs de Saumur et de Chinon. Aristide du Petit-Thouars avait entrepris une expédition aventu- reuse; il voulait aller à la recherche de La Peyrouse dont on ignorait le sort. Il fit part de son projet à son frère Aubert qui s'y associa et donna, pour accomplir ce voyage, sa démission d'officier. Pendant qu'Arislide s'occupait des préparatifs, achetait deux bâti- ments, son frère explorait à petites journées la Bretagne, et se dirigeait sur Brest où était le rendez-vous. La France élait arrivée à une des époques les plus calamiteuses de son histoire. Parlout les comités révolulionnaires, ces pourvoyeurs de l'échafaud, étaient organisés. Dans une petite ville des environs de Quimper, Aubert fut rencontré la boite sur l'épaule, la pioche en main, colligeaut les plantes qui croissent dans ce pays. Du Petit-Thouars, généralement, comme toul homme de science, s'occupail peu de politique, il gémissait des malheurs de la patrie et cherchait dans l'étude à oublier le présent. L’accoutrement du jeune naturaliste, sa marche à pas comptés dans les plaines, la rapidité avec laquelle il gravissait les coteaux, les heures qu'il passait à chercher dans les plus petits fossés, tout cela parut suspect aux patriotes du lieu, et une députation des plus éprouvés ful chargée de l'arréter. — Eh! citoyen, lui dit en l'abordant le chef de la troupe, qu'est- ce que tu fais ici? — Mais vous le voyez, répondit Aubert, j'herborise. — Ah! tu es harboriste, je m'en défiais, tu conspires; voyons, re- mets-nous tes papiers, ajoula-t-il en lui montrant la boite de bota- nique. — Mais, Monsieur, je n'ai pas de papiers dans cette boite; ce sont des plantes qui y sont renfermées. Vous pouvez vous en assurer. — Nous savons notre histoire de France, répondit le démocrate. Combien de scélérats comme toi ont empoisonné de palrioles en dame Marie Gohin de Boumois, son épouse; ont été : parrain messire Anne Boilesve du Plantys, seigneur de la Motelais et autres lieux, parent au troisiéme degré de l'enfant: marraine Marie-Madeleine-Suzanne Aubert du Petit-Thouars, demoiselle parente de l'enfant du premier au secorid degré, pére présent; lesquels ont signé avec nous : Marie-Madeleine-Suzanne Aubert du Petit-Thouars; Boilesve du Plan- tys; Aubert du Petit-Thouars ; Auger, curé de Saint-Martin. 310 leur faisant ouvrir des machines de ce genre! Allons, tais-toi et suis- nous. Malgré ses réponses franches, Aubert fut incarcéré, sa boîte mise sous le scellé; il ne recouvra la liberté qu'après six semaines de dé- tention. Aubert ne put rejoindre son frère. П sembarqua pour l'Ile de France et de là se rendit à Madagascar. Un séjour de dix années loin de la mère-patrie, lui permit de composer un herbier de plus de deux mille plantes. Nous ne suivrons point Aubert du Petit-Thouars dans les travaux de culture qu'il fit opérer à la pépinière du Roule dont il fut direc- teur. Nous ne parlerons pas de tous ses nombreux ouvrages publiés de 1778 à 1829 qui lui firent ouvrir à juste titre les portes de l'Ins- lilut. Nous renverrons nos lecteurs au bel éloge d'Aubert du Petit- Thouars, prononcé le 6 janvier 1845, à l'Académie des sciences, par M. Flourens. Nous parlerons, en terminant, de la liaison de notre célèbre compatriole avec Merlet de la Boulaye, secrétaire de la Société des Botanistes-Chimistes de l'Anjou et, depuis, directeur et créateur du jardin Botanique d'Angers. Aubert tenait en haute estime les connaissances de M. Merlet de la Boulaye. Jamais il n'herborisait dans l'Anjou sans faire participer son ami à sa riche moisson. Au moment de quitter la France, il légua à M. Merlet sa colleclion de végétaux , parmi lesquels se trouvait un grand nombre des plantes des environs de Chinon. Dans l'ouvrage intitulé Herborisations de feu M. Merlet de la Boulaye, se trouve la lisle des plantes récollées à Chinon par du Petit-Thouars. Cette liste élail pour la Société un guide excellent; puis, l'abbé Coqueray, bolaniste distingué, membre correspondant de la Société Linnéenne , à qui la Flore dela Tou- raine doit un grand nombre d'espèces, devait servir de guide; enfin M. le docteur Guépin, président de la Société, mettait comme tou- jours sa science et son expérience au service de ses collègues qui sont pour la plupart ses élèves. D’après cet exposé, la course du 25 juillet ne pouvait manquer d'être ce qu'elle a été en effet, une course agréable et fructueuse. Reprenons le récit de notre voyage. Nous arrivàmes devant le cha- teau de Launay, où René d'Anjou culliva avec succès Voeillet, la rose de Provence el organisa ses magnifiques ménageries. Nous voici à Varennes-sous-Montsoreau. A droite apparaît le castel imbriqué des Réaulx ayant appartenu à Tallemant, dont les histo- rieltes galantes ouvrirent à cet auteur, en 1666, nous ne savons trop pourquoi, les portes de l'Académie. A peine avions-nous regardé celle. originale construction, qu'un bruit de tampon et de chaînes SP 311 se fit entendre, le convoi s'arrête, nous élions au Port- Boulet. C'était là que devaient commencer les pérégrinations de la journée. Du Port-Boulet à Chinon, la route est bordée d'aulnes d'une ad- mirable végétation. Au milieu des moissons, l'œil observateur du botaniste distingue la Centaurea scabiosa , le Crepis nicæensis, le Tra- gopogon major, etc., elc. A mi-côle, sur le territoire de la commune de Beaumont-en-Ver- ron, est le charmant castel de Coulaines (XVI: siècle). Le pare de celte riante demeure est très riche en plantes vernales, surtout en orchidées. Bientôt se dessina devant nous Chinon avec son cháteau aux tours éventrées, dominant toule Ja vallée de la Vienne, la belle flèche (XIIe siècle) de St-Maurice, sur laquelle se trouvent sculptés un Janus et la grappe de la lerre promise, les tours et la facade réliculée de St-Mexme, le clocher de St-Etienne, etc. Si Rabelais revenait dans sa patrie, il reconnaitrait parfaitement les lieux où se passa son enfance. Les ravages du temps et le vanda- lisme ont peu changé Chinon. C'est la ville aux toils aigus, aux constructions en torchis, aux maisons dentelées, aux manoirs im- briqués, aux fenétres à meneaux géminés, où se montrent de gra- cieux visages. Le pont lortueux, dont une arche emportée par Satan n'avait , d'aprés la légende , jamais pu étre reconstruile, a fait place a un pont neuf. Mais à quelques modificalions prés, Chinon est tou- jours la vieille cilé de Rabelais (1). Deux choses sont à étudier à Chinon, la curieuse végétation des environs el le château féodal. Nous gravissons la rue du château et nous nous arrêtons devant le fort St-Georges, protégeant le donjon : là se trouvait fleuri, en grande abondance, l'ceillet-giroflée, Dianthus caryophyllus (œillet qui a produit les nombreuses variétés cullivées par nos horticulteurs) ; le Diplotaxis muralis . le Bromus maximus . le Sysimbrium irio, elc. Nous traversons un pont bâti en 1758, remplaçant l'ancien pont- levis; la porte de la tour de l'horloge s'ouvre, et nous pénétrons dans (1) Rabelais, au livre V, chapitre XXXV de Pantagruel, s'exprime en ces termes : « Ainsi descendismes soubs terre par un arceau incrusté de plastre painct au de- hors rudement d’une danse de femmes et satyres, accompagnant le vieux Silenus, riant sur son asne. Là, je disois à Pantagruel : Cette entrée me révoque en soub- venir de la première ville du monde... — Où est, demanda Pantagruel, qui est cette première ville que dites? — Chinon. dis-je, ou Caynon en Tourraine. — Je scay, répondit Pantagruel où est Chinon, et la cave painele aussi. J'y ai bu maints voyrres 312 les ruines de l'antique château, construit sur les débris d'une forte- resse romaine par Thibaud le Tricheur, en 953. Peu de monuments rappellent autant de souvenirs. Ce fut là que mourut Henri II d'Angleterre et Richard Cœur-de-Lion. Philippe- Auguste, St-Louis y séjournèrent. Celte large chambre, dont le linteau de la cheminée conserve encore de délicates sculptures, fut la chambre où le roi Charles VII reçut pour la première fois la vierge de Vaucouleurs. Louis XI, Charles VIII, Louis XII et ses successeurs, jusqu’au roi Henri IV, vinrent souvent demeurer dans celle en- ceinte. r Les cachots où furent enfermés la femme de Robert, comle d’Ar- lois ; Geoffroy-le-Barbu ; le grand-maitre des Templiers, Jacques de Molay, René d'Alencon. comte du Perche existent encore et sont converlis en frais celliers remplis de vins, confiés aux soins d'un gardien à face rubiconde. Au milieu de ces ruines, le naturaliste peut faire, aux diverses époques de l'année, une ample moisson de fleurs. Sur celle courline végèle T Hutchinsia petrea. Dans les fissures de celte tour tombe, en formant d'élégantes guirlandes de feuillages et de fleurs, le caprier, sous les feuilles duquel se cache la cigale ar- gentée. Le caprier est tellement abondant daus les environs , qu'on pourrait supposer qu'il est indigène. Le Buplevre ligneux, la Poten- tilla fruticosa, elc., sont naturalisés dans ces lieux. Sous ce bastion dominant la Vienne, croit ou plutôt croissait l Eruca sativa, cruci- fère tres rare, à peu près détruite. Trois échantillons en graines furent remarqués; aucun d'eux ne fut récolté, malgré les offres faites par le concierge de nous placer une écheile pour descendre à la plate- forme. Ce n'est point aimer les plantes que de détruire les localités où elles croissent. Un herbier doit être l'histoire de la végélation pré- sente et non celle du passé. de vin frais et ne fais doubte aulcun que Chinon ne soit ville antique, son blason l'atieste, auquel est dict deux ou trois fois : Chynon, Petite ville grand renom Assise dessus pierre ancienne Au haut le bois, au bas la Vienne. Mais comment seroit-elle la première du monde? où le trouverez-vous par escript? quelle conjecture en avez? — J’ay, dis-je , trouvé dans l'eseripture sacrée que Cain fut le premier bâtisseur de villes; vray donc semblable est que la première, il de son nom nomma Caynon, comme depuis ont, à son imitation, tous autres fondateurs et instaurateurs de villes imposé lenr nom à icelles. » 313 Dans les parties du château livrées à la cullure, le Delphinium Ajacis fleurit dans les blés, ainsi que la saponaire des vaches. La visite du chateau terminée, chacun s'élanca dans la plaine. L'un se placa sur un monticule et se mit à dessiner. L'autre rechercha des repliles, celui-là des fossiles, le conchyologue collecta sur les tiges du Dianthus Carthusianorum et du Torrilis nodosa, le Bulimus acutus et l'Heliz ericetorum. Les lieux frais, les fossés sous les pierres, renferment des richesses dans les genres Clausinie, Limnée, Mail- lot, etc. Les botanistes fouillérent les moindres petits coins de terre, oü la charrue n'a pas fait invasion. Heureusement pour l'étude des plantes. il s'en trouve un assez grand nombre dans ces terrains calcaires. Pendant le printemps et l'été on peut toujours faire riche récolte. П nous suffira d'indiquer les plantes suivantes, pour montrer ce qu'est la répulation de ce ferlile pays, oü il reste encore beaucoup à dé- couvrir. Une partie de ces plantes a pu être récoltée en pleine flo- raison, par M. l'abbé Coqueray et sur ses indications. Silene armeria, Otites, Phleum Bohemeri, Arenaria setacea , triflora , Carex nitida, Sedum anopetalum , Euphorbia Gerardiana, Veronica prostrata , Helianthemum fumana , Canum , Apenninum, Biscutella laevigata, Alyssum montanum, Fumaria Vaillantii, Phalangium ramo- sum, elc., etc. Pendant les moments de repos, M. le docteur Guépin nous fit part du mouvement scientifique qui s'opère surtout en Allemagne et des nouvelles découvertes qui lui sont annoncées par ses nombreux cor- respondants. Nous allons donner en quelques lignes l'analyse de ces intéressanles communications : Schleinden a examiné au microscope une ficelle au moyen de la- quelle une cruche de vin ou amphore de Pompée, avail été fermée ; ila constaté qu'elle avait été faite des fibres d'une asclepiadée (le Calotropis gigantea); il est donc évident que c'est la plante en question qui a fourni la matière premiere des ficelles. Un mémoire de Martins, sur le genre Agave, ouvrage parfailement fait, conslale que dans l'Agave Americana, un pied fleurissant offre 242,589 organes foliacés (feuilles braclées, pétales , élamines , feuilles, carpellaires), dont le plus grand nombre se développent dans un espace de temps excessivement restreint. Là où la plante se cul- tive pour la sève qu'elle fournit à l'époque où elle doit développer sa hampe florale, on a trouvé que le produit de ce liquide, dans l'es- pace de quatre à cinq mois, s'élève au chiffre énorme de 1,100 litres. | lizigsohu annonce dans le Botanical. Zeitung que la sexualité des 314 conserves (Vaucheria, Mougeotia, OEdogonium) cst maintenant un fait acquis à la science. Un mémoire détaillé ne tardera pas à parailre sur ce sujet nouveau et curieux. La promenade lerminée, nous ren- trâmes en ville, par une ancienne porte, nous parcourûmes de nou- veau ces rues où les maisons et même les bornes sont ornées de rinceaux délicals. Un des plus gracieux logis de Chinon est la mai- son Roberdeau, habitée autrefois par Agnès Sorel. Chinon possede deux objets trés remarquables : l'un est la chape de saint Mexme, du XI* siècle, si bien décrite par notre collègue M. Victor Luzarche ; l'autre, une des plus belles toiles de P.-P. Ru- bens; ce tableau a été donné à l'église de Chinon par l'avocat Cré - mieux, à l'époque oü ce citoyen élait au pouvoir. Pour faire diversion avec l'aridité d'un compte-rendu scientifique, nous raconterons une pelile anecdote qui semble ici pouvoir prendre place. Rabelais est le personnage le plus célèbre qui soit né à Chinon ; la maison de son père, maison des fenêtres de laquelle le jeune Rabe- lais péchait à la ligne, existe encore. Curieux de voir ce logis du XV* siècle, nous nous mimes à sa recherche; mais il était difficile de le découvrir, n'ayant aucune indicalion. Un monsieur, mis avec pré- tention, la canne à pomme d'or en main, vint à passer; les nom- breux saluts qu'il recevait nous firent penzer que ce personnage devait être une nolabililé, et par conséquent pouvait donner sur la demeure de Rabelais des renseignements exacts. — Monsieur, lui dit l'un de nous en l'abordant, pourriez-vous nous indiquer la maison où esl né Rabelais? — D'abord, permettez, reprit l'inconnu , je vous demanderai ce que c'est que Rabelais? — Monsieur, Rabelais est une de vos célébrités; il naquit à Chinon en 1483. — En fait de célébrités, Monsieur, nous n'en connaissons qu'une ici, ajouta l'interlocuteur, c'est Monsieur Crémieux. Spectatum admissi, risum teneatis amici! Après cet échec, il était difficile de songer à trouver l’ancienne officine du père Rabelais. Heureusement un étranger vint à nolre secours, et nous indiqua le coin de Ja rue Basse-de-la-Lamproye, où, effectivement, nous vimes la maison tant cherchée. A quatre heures et demie nous quillames Chinon, en jetant un dernier regard sur les ruines imposanles du château, qui nous rap- pelaient les Burgs de la vieille Allemagne. A huit heures, les membres de l'excursion rentraient à Angers, emportant leur album plein de notes et leurs boites remplies de fleurs. w vF 315 IV. UNE EXCURSION A MONTREUIL-BELFROY. La Société Linnéenne de Maine et Loire a commencé ses excur- sions scientifiques de l'année 1857, par visiter les coteaux de Mon- treuil-Belfroy. Montreuil a souvent été exploré par les touristes et les natura- listes. Il est peu de pays plus accidentés et plus pittoresques. Les coteaux elles vallons de Montreuil sont abondants en plantes rares. C'est sur les rochers de ce lieu que croit la lunaire, Lunaria Biennis, L., vul- gairement appelée Clef de montre, Monnaie du Pape, etc. Cette jolie crucifere bisannuelle fait 'ornement de nos jardins. Sa présence à Montreuil avait donné à penser qu'elle s'était naturalisée par des graines échappées des propriétés voisines. Quelle que soit la véracité de celle opinion, il est cerlain qu'en 1758, les docteurs régents de la Faculté de médecine d'Angers amenaient à Montreuil les élèves her- boriser et y faisaient récolter la Lunaire, fait que nous avons constaté par l'examen d'un herbier daté de l'époque que nous venons de ciler. Il est curieux de connaitre comment les étudiants en médecine d'Angers composaient, au XVIII* siecle, leurs collections de plantes. Loin de recueillir comme mainlenant, autant que possible, la plante avec ses racines, ses feuilles et ses fleurs, on se contentait alors d'une simple tige d'une fleur, d'une feuille. C'élait seulement un souvenir qu'on voulail conserver de la plante dont l'analyse et les propriétés avaient élé faites el expliquées par les professeurs (1). Montreuil conserve un logis du XVI: siècle, nommé la Déablère. Cet ancien manoir élait autrefois habité par les religieux dépendant du prieuré de Ja Haye-aux-Bons-Hommes, ordre de Grammont. Ces cénobiles étaient chargés de desservir l'église de Moutreuil-Belfroy. Les recherches de la Société Linnéenne s’élendirent jusqu'à Jui- gné-Béné où se trouve un charmant chateau du XV: siècle, restauré avec intelligence et conservant encore son ancienne splendeur. (1) Pierre Berthelot du Pasty, docteur régent de la Faculté de médecine de l'U- niversité d'Angers, était en 1758 chargé du cours de botanique, et de diriger les herborisations. Ce savant naturaliste mourut le 16 février 1775; il fut inhumé dans l'église Saint-Michel-la-Palud. 316 Juigné comme Montreuil est riche en plantes vernales, et les bo- tanisles ne pouvaient mieux faire leurs premières périgrinations qu'en parcourant ces belles contrées traversées par les sinueux cou- tours de la Mayenne. UNE EXCURSION A CHAMPTOCE. Le 2 juillet 1857, les membres de la Société Linnéenne de Maine et Loire parlirent à sept heures du matin, par le bateau à vapeur Le Courrier, pour faire une exploration scientifique. Débarqués à Mont- jean, ils parcoururent avec soin les fertiles coteaux des environs et commencèrent leur récolte de plantes. Le château de Montjean, do- minant toute la Loire, occupa un inslant les naturalistes d'Angers; ils ne voulurent point quitter ce pays sans arrêter leurs regards sur cet imposant édifice. L'ancien château fut possédé, en 924, par Raynaud, chef des Normands, qui fut chassé de ce lieu, dans la même année, par le roi Charles-le-Chauve. Du manoir féodal du X* siècle, il ne reste plus que les rudiments ; sur sa base s'est élevé, au XVIe, un château qui successivement s'a- grandit, et dont la seule parlie curieuse est un pan de muraille de la chapelle, où se voit encore en bas-relief la salamandre du roi François I. En quittant les ruines si pittoresques du chateau de Monljean pour prendre la jolie roule stratégique de Champlocé, émaillée des plus jolies fleurs que produisent les terrains alluvionnaires des bords de la Loire, nous songions à l'histoire des seigneurs de Montjean. Branlóme nous apprend que < René de Montjean qui avait épousé » la fille unique de Philippe de Montespedon, baron de Beaupreau, » fut comparé au maréchal de Lautrec, pour la présomption et la » gloire, lesquelles furent telles, qu'élant lieutenant du roi en Pié- » mont, il se permit de traiter les affaires dont il était chargé par > des ambassadeurs, voulant contrefaire le roi, ce que François l°, » à qui on en parla, trouva fort sol. » Ce maréchal mourut en 1538; en lui finil la maison de Monljean. Champtocé est un des points de notre département les plus cu- rieux à tous égards. Le vaste élang silué au pied du vieux burg de Gilles de Relz, est une mine féconde pour les naturalistes ; les om- bellifères, dont l'étang abonde, sont couvertes d'insectes, et dans 317 les eaux habite un grand nombre d’anodontes recherchées par les malacologistes. Dans la cour d'enceinte du chateau, un mollusque bien rare a élé rencontré, le Bulimus-acutus. Celle espèce est essentiellement mari- time, et sa présence à Champtocé est assez difficile à expliquer. Les souterrains du château sont habités par presque toutes les espèces de cheiroptéres connues en Anjou. ` Décrire les mollusques, les insectes, les plantes qui se trouvent dans l'étang à moilié comblé, serait chose fastidieuse; qu'il nous suffise de dire que jamais un botaniste ne visitera celle fertile loca- lilé sans faire une riche moisson, soit à l'époque vernale, soit pen- dant l'été au moment où les eaux sont retirées. Jamais un touriste ne vient à Champtocé sans s'informer du sé- jour qu'y fit l'empereur Joseph II; à tous les curieux méme réponse, l'hótelier complaisant, nourri de la lecture de Bodin, raconte le plus longuement possible le récit de l'historien angevin, récit qui a pour but, en élant agréable au voyageur, de lui faire trouver la carte légère. Il existe encore à Champtocé une femme au chef branlant, à la démarche pénible, témoin du passage du comle Falkeinstein. Si le corps de la pauvre vieille est usé, sa mémoire est fraiche; elle se rappelle tout, le nom du mailre de posle, Lacroix , celui de l'hotelier , Mahaut, l'enseigne, le Pigcon blanc. Voici le récit inédit qu'elle nous a transmis. Le roi Joseph vint incognito, il avait voulu d'abord s'arrêter à An- cenis, mais reconnu en entrant dans celle ville il l'avait brülée et était arrivé à fond de train à Champtocé. L'aubergisle et sa femme étaient à la foire de Liré. L'empereur fut reçu par la maritorne du Pigeon Blanc, fort intimidée de voir chez son mailre un si grand seigneur. L'empereur Joseph fit descendre par ses gens d'une de ses voilures, un matelas en peau, qu'il fit enfler à l'aide d'un soufflet, le fit porter dans la chambre qu'il devail occuper; jamais en voyage il ne couchait dans un lit. Ces préparalifs terminés, il descendit, puis se mil au lieu et place de l'hótelier, faisail servir les voyageurs, causait avec les gens altablés, buvait avec eux, etc., puis sortit un ins- tant pour dessiner les ruines du château de Gilles de Retz. Le soir venu, Joseph ordonna de fermer toutes les issues et fut ainsi que tout le monde de la maison prendre du repos. A une heure assez avancée de la nuit, on entendit des coups redoublés frappés à la porte de l'hôtel, Joseph se lève et va ouvrir. L'aubergisle en voyant son Sosie, car Joseph portait un des accoutrements du gargollier, se met en colère et est sur le point de l'injurier, lorsque la servante 318 donna au tavernier la clef de l'énigme, el à la colère succéda la confusion à laquelle la bonté de l'empereur mit bientôt fin. Le lendemain, avant son départ, Joseph II remit à l'hótelier 25 louis, c'était toujours la somme qu'il donnait lorsqu'il faisait séjour dans une hôtel de village. L’aubergiste, pour perpétuer le souvenir du passage de l'empereur d'Allemagne à Champtocé, fil inscrire sur la facade de la maison : Ici logea, en 1777, l'empereur d'Allemagne Joseph II. Lorsque vint la révolution, Champtocé comme la Vendée fut ra- vagé. Tout monument rappelant les souvenirs de la monarchie fut anéanti. Personne ne songea, même les patriotes les plus fougueux, à faire disparaitre l'inscriplion de l'hótel du Pigeon. L'empereur Jo- seph, pendant les quelques instants passés à Champtocé, s'était rendu populaire, et son souvenir élait encore présent. Cependant un jour, au plus fort de la terreur, des soldats républi- cains vinrent à l'hótel du Pigeon Blanc. En voyant l'inscription, ils entrent en fureur, traitent l'hótelier de ci-devant, le saisissent et s'apprétent à lui faire subir de mauvais traitements. Ce dernier, sans se déconcerter, leur dit : « Mais, citoyens, il est fort inulile de vous » fâcher, je n'avais gardé celle inscription que pour conserver la » date d'un fait qui s'élail passé ici; du moment que vous croyez » qu'elle peut porter atteinte à mon civisme , nous allons l'effacer » et boire un coup à notre belle république. » Aussilót, prenant un badigeon , il fit disparaitre l'inscription commémoralive. Les sol- dats enchantés de la conduite du marchand de vin s’attablérent et quiltèrent l'auberge le cœur ému et les jambes vacillantes. Quelques semaines après cet événement, l'hôtelier se croyait à l'abri de toute inquiétude, lorsque des Vendéens ayant appris la dis- parition de l'inseriplion vinrent lui en demander la raison « Mes » enfants, leur dit-il, mes opinions vous sont connues; si j'ai fait » enlever celle inscriplion, ce n'est point pour plaire aux patauds, > mais c'est parce qu'elle était tracée en caractères trop modestes » pour rappeler ici la mémoire d'un prince tel que l'empereur > Joseph II; je veux en faire graver une en lettres d’or.» Cette ex- plication parut suffisante. L'hótelier resta ami avec tout le monde, el on peut lui appliquer ces vers que le bon La Fontaine met dans la bouche de la chauve-souris : ы Je suis oiseau : voyez mes ailes, Je suis souris : vivent les rats. AIMÉ DE SOLAND. ——__. s MÀ TABLE DES MATIÈRES contenues dans le 2° volume DES ANNALES DE LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE DU DÉPARTEMENT DE MAINE ET LOIRE. Pages. Liste des membres de la Société Linnéenne du département de Maine et Loire. I MENG ILE ON a SAS se mes R Sa S oie e eee DO EE aE VII Le médecin voyageur, par M. le dr P. MENIERE........ GUB ORE dk 1 Développement des appendices filiformes et décoloration des loges extrémes dans le genre Pestalozzia (de Nts), et les sporidies de plusieurs autres genres de Micromycètes, par M. S. DE LACROIX, Notice sur le tatouage, par М. L. DE JoANNIS,..................... Notice sur les mollusques térébrants, par M. L. DE JOANNIS............... Faune saumuroise. — Catalogue des Coléoptères, par MM. A. COURTILLER et IP; ILIA TRE es eee crc 5080002000 he SE IEE EEE Maître Richard, clerc et physicien du tertre Saint-Laurent d'Angers. — Com- munication adressée à la Société Linnéenne, par M. PAUL MARCHEGAY, archiviste paléographe........ ааа ОИ Notice sur une chaux sulfatée produite par double décomposition dans un fer sulfüré de Saumur (Maine et Loire), par M. DE LA GENEVRAYE.......... Une excursion botanique au Grand Saint-Bernard, par M. CH. TROUILLARD. . Etudes ornithologiques et oologiques, par M. l'abbé VINCELOT.............. Notes sur le magile antique, magilus antiquus (Montfort), par M. LUDOVIC LE CRISE E ose UJ sm Saa ete ae Description de l'Aquarium du muséum d'Histoire naturelle de Paris, par MMA Cours NEUMANN. cb. sb: SOUBEIRAN: "cosmos Notice sur le Sterne moustac, Sterna leucopareia, par M. F. BLAIN......... Orfila. — Vers composés le lendemain de la mort de Villustre doyen, par МАРАВ ЕО ВЕ O а. л. Е ЕСО 320 Observations sur les armes et les campements des premiers habitants de nos contrées, par M- COURTILLER =. . 22) Gia POLISH PROS Une herborisation intra-muros, par M. le d" P. MENIÈRE...... ......... Additions à la Flore de Maine et Loire, par M. le dr J. GUÉPIN............ Notice sur la détermination du véritable Convolvulus Jalapa, par M. DE LA GENEVRAYE е "UD Ae КСЕРКС ЛЕ: Sur les semis de viene, par М. A COURTILLER-- Еш УГ Horticulture angevine , par M. AIMÉ DE SOLAND ...............,........ Notices scientifiques, par M. AIMÉ DE SOLAND......................... . Notice sur Martigné-Briand, par M. le baron DE ROMANS ................. Note sur les Orchidées exotiques qui ont figuré à Paris, en 1855, à l'Exposition permanente de la Société impériale et centrale d'horticulture, par M. le dP USN) WoL S eere E SE M. De Lamartine historien de l'empire Russe, par M. le prince GALITZIN..... L'amour conjugal est-il plus fort chez les oiseaux que l'amour paternel? par M. J. MICHELET.. ... noue аы ыер ЫН дануы дою dad ooco Le grillon, par M. PAUL BELLEUVRE........... ..................... Description des chenilles de la Noctuelle double oméga, du Bombyx du peuplier et du Liparis V noir, par М. L. DE JOANNIS................... se Note statistique sur les animaux à fourrure de l'Anjou, par M. le dr E. Farce Orfila et les Angevins , par M. AD. LACHÈSE.,......................... De l'origine de la culture du sorgho dans le département de Maine et Loire, par. M CEH GIRAUD, LR. ies singulis D a Résidence à la campagne, son influence sur l'état social et sur les progrès de l'agriculture, par M. CH. GIRAUD...,............................. Etude sur les carabes et en particulier sur le Carabus cyaneus , par M. G.-T. ROGHARD E 35 jaldodcdcdeosed Позов осоо оо gt Aux cygnes du Јас Léman, par M. PAUL BELLEUVRE.................... Description de deux cas de monstruosités comparés, observés l'un sur un jeune canard, l'autre sur un jeune poulet, par MM. J.-L. SoUBEIRAN et A. LUTON. Note sur la récolte de la gomme adraganthe en Asie Mineure, par M. J.-L. SOUBEIRAN = Ay MR ER RER Lecce ОО ооо усу оа оодо CELL Marais à sangsues de Clairefontaine, établissement de M. Borne, par M. J.- IL. SOUBEIRAN E a e a E RE SE POS AHO O S aaa Précis historique sur l'entomologie, par M. G.-T. ROCHARD.............. Compte-rendu des excursions de la Société Linnéenne de Maine et Loire, par M. AIMÉ DE SOLAND. ..... dcc Xa d EEE crepe sooo Q609d8c y { T “Angers Imp. de Cosnier et Lachèse. Pages. — та I TAA T E = ر‎ L A CRE E ea re E RE en se == z I > ; "i nS Ü sage. 5 حح‎ : ке £ : ا‎ ms Say T Ух ==, > 4 PS ка) í Qf se a PAPERS LT is Р5