CR RME es FRS CALE 1 Départ LÉ eds AE. Les #4 RE un HAUT LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE DE MAINE ET LOIRE Me ANNÉE. — 1864 ANGERS IMPRIMERIE DE COSNIER ET LACHÈSE “haussée Saint-Pierre, 13 1864 Ja On.) 0 net vù file. Fame. 34, 5 2° Senë, 200 1P6S, n9. AG. ac ANNALES DE LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE du département DE MAINE ET LOIRE. ANNALES RROCIFTIÉ LINNÉENNE DU DÉPARTEMENT DE MAINE-ET-LOIRE, "7 èME JE Are. ANGERS. Cofnier & Lachele, Imprimeurs, 1009 SOCIÉTÉ LINNÉENNE DU DÉPARTEMENT DE MAINE ET LOIRE MM. MM. MM. FONDÉE EN 1852. BUREAU. SoLAND ( Aimé de), président. Lacnèse ( Adolphe), vice-président. Maëicce ( Pompée ), secrétaire général. FarGe (Emile), secrétaire. Axpré (Jules), vice-secrétaire. Conranes ( Edmond , baron de), archiviste-trésorier. COMMISSION D’ADMINISTRATION. Lacaèse ( Adolphe). Monrreuic (Jules, comte de ). COMMISSION DE RÉDACTION. :. LEMARCHAND, Vincecor (l’abbé). 1 Les membres du bureau font également partie des Commissions d’administra- lion et de rédaction. a Il MEMBRES TITULAIRES. MM. Axnicné ( Aimé d’}), ancien officier. AxpiGné ( Aimé d’), lieutenant de louveterie. ANniGNé DE Mayneur (comte d’), maire du Lion-d’Angers. Anpré (Jules), rédacteur de l’Union de l'Ouest. Baracé (Raoul de ). Barassé ( E. ), imprimeur-libraire. Bezceuvre ( Paul). BérAuUDIÈRE ( comte de la ). Bain (Frédéric), préparateur des cours d'histoire naturelle et de physique à l’école d'enseignement supérieur. Bzavier (Aimé), ingénieur des mines. Borssarp (Arthur vicomte de ). Bourmonr ( Louis comte de). Bricxer ( Paul), avocat. BrossarD DE CorBieny, ingénieur des mines des départements de Maine et Loire et de la Vendée. Caexer (l’abbé), chanoine titulaire du chapitre de Saint- Maurice d'Angers. Caexvau ( Auguste), juge au tribunal civil de première ins- tance d'Angers. Corsux (Ernest comte de). Conranes ( Edmond, baron de). Corneau (Jules). Cosnier ( Léon). Cumoxr (Vite Arthur de), rédact. en chef de l’Union de l'Ouest et de l’Amt du Peuple. Decocxe, conservateur du cabinet d'histoire naturelle. DELHOMEL, avocat. Desmé ne Lise (Ludovic), membre de plusieurs Sociétés savantes. Dezanneau, docteur en médecine, professeur à l’école secon- daire de médecine d'Angers, III MM. Doris ( Auguste), professeur au Muséum d'histoire natu- relle de Paris. Dupowr, chef d’escadrons. Duvaz (Raoul), avocat général près la Cour impériale d'Angers. Duvar-Jouve, inspecteur d’Académie à Strasbourg. EspronnièrEe (René de |”). Facès, directeur des mines de Chalonnes. Farce (Emile), docteur en médecine, directeur de l'Ecole d'enseignement supérieur. Gaïenarn DE LA RenLouE (Charles), maire de Marcé. Giraun ( Charles ), agronome. Gourzez, conducteur des ponts-et-chaussées à Belle-Ile en mer. Guérin pe Cuouzé ( Lucien ). Guérin (Paul). Guizcory (aîné), président de la Société industrielle d'Angers, membre de plusieurs Sociétés savantes. Guinoyseau (Isidore), manufacturier. Houpax (Eugène d’), membre de plusieurs Sociétés savantes. Lacnèse ( Adolphe), docteur en médecine, président de la Société de médecine d'Angers. Lacnèse (Paul), imprimeur-libraire. LareveLuière (Ossian), membre de plusieurs Sociétés savantes. LanDreau ( baron du) Las Cases ( comte de), membre du Corps législatif. LemarcHanD, conservateur-adjoint de la Bibliothèque de la ville d'Angers. | Leroy ( André), horticulteur, membre de plusieurs Sociétés savantes. Lorioz ne Barny, notaire. Magie , docteur en médecine. Mérivier, premier président près la Cour impériale d'Angers. MM. MM. IV Mœuzce ne BuzeLer ( Gustave de ). Mure ( Léon de), ingénieur civil. Mowrreul (Jules, comte de), membre de plusieurs Sociétés savantes. Pavi ( Victor ), membre de plusieurs Sociétés savantes. PizasrRE ( Gustave), avocat. Préaurx ( marquis de). Rocagsouer (François de). Romans ( baron de). Rowans (Fernand de). SainT-GEnys (marquis de). Sapinaup ( Edmond, comte de). SELLE ( Raymond de la ). Sozanp (Aimé de ), membre de plusieurs Sociétés savantes. Socanp (Théobald de), conseiller près la Cour impériale d’An- gers. Taoun (Urbain), maire de la Meignanne. Touriouce ( Gustave), lépidoptériste et taxidermiste. Touran ( Athanase ). VaceLor (l'abbé), chanoine honoraire, aumônier du pen- sionnat Saint-Julien d'Angers. MEMBRES TITULAIRES NON RÉSIDANTS. Acxar», docteur en médecine, à Thouarcé. ACKERMANN, négociant à Saumur. Avserr, juge de paix à Baugé. ARONDEAU, inspecteur de l’Académie de Rennes. AymarDp (Auguste), archiviste du département de la Haute- Loire. Barzcer ( H. de ), maire de Saint-Germain et Mons. Bazcy, auteur de la Faune de la Savoie. V MM. Bécrawp (A.), professeur à la Faculté de médecine de Mont- pellier. Bercer (Eug), chef du personnel au Ministère de l’intérieur. Bernarn pu Porr, agronome à Miré. Bogrerre, professeur de chimie à l'Ecole d'enseignement su- périeur de Nantes. Bon, directeur de l’Ecole d'agriculture de Rennes. Boucaer DE CrÈvecœur, de Perthes, correspondant de l’Institut. BourGgois (l’abbé), professeur de philosophie au collège de Pont-Levoy. Boureun (L.-A.), président de la Société philotechnique de Paris. Bourezce, conservateur du cabinet d'histoire naturelle de Grenoble, membre de plusieurs Sociétés savantes. Briau, docteur en médecine, bibliothécaire de l’Académie de médecine. CarzcauD (Frédéric), directeur du cabinet d'histoire natu- relle de Nantes. Cessrox-Lavau, agronome à Cholet. Cessac (Pierre de), directeur du Muséum d'histoire naturelle de Paris. Casvreuz, membre de l’Institut. CorTTEAu, juge à Auxerre. Courrier (jeune), directeur du cabinet d'archéologie et d'histoire naturelle de la ville de Saumur. CrocxarD (de), à Milon. Davousr ( l'abbé), curé-doyen de Brulon. Desrais ( Auguste), docteur en médecine, à Morannes. Denon, naturaliste à Saint-Gilles-sur-Vie, membre de plu- sieurs Sociétés savantes. Decaisne, membre de l’Institut, professeur de culture au Mu- séum d'histoire naturelle de Paris. MA MM. Deraunay, administrateur de la maison centrale de Cler- mont (Seine et Oise). DerorE, président de la Société dunkerquoise. DE LA GENEVRAYE, chimiste. Drouer ( Henri ), conseiller de préfecture à Dijon. Duwas (Jules), pharmacien à Limoges. Dusrianeur, de Brest, membre de plusieurs Sociétés savantes. Exow, pharmacien, à Cholet. Fieurer ( Louis). FLourexs, membre de l’Académie française et de l’Académie des sciences. Fouquer , docteur en médecine, membre de plusieurs Socié- tés savantes, à Vannes. FromenTez (de ), docteur en médecine, à Cray. GALLES ( René), sous-intendant militaire , à Vannes. GauTzin (prince Augustin), membre de plusieurs Sociétés savantes. Gen , pharmacien, à Metz. Grorrroy Saint-Hicaire, sous-directeur du jardin d’accli- matation. Gras ( Albin), docteur en médecine, à Grenoble. GuéranGer (Edouard), géologue au Mans. GuériN-MENNEvILLE , directeur de la Revue Zoologique. GuicaexoT, aide naturaliste au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Guiccer (l'abbé), chanoine honoraire, aumônier des dames de l’Oratoire. Guizcou , administrateur de la caisse d'épargne de Cholet. Hauwrzce ( Victor), directeur au ministère des cultes. HéserT, professeur de géologie à la Faculté de Paris. Héricourr (comte d’), secrétaire perpétuel de l’ Académie d'Arras. Hovez (E. ), inspecteur général honoraire des Haras. VII MM. Hovuzer, directeur des serres du Muséum d'histoire naturelle de Paris. Jorpan, botaniste, à Lyon. Juciex (Th. ), ancien magistrat, à Reims. LawgEerr ( Paul ), docteur en médecine. Lacroix (de), desservant de Saint-Romain-sur-Vienne. Lamorre-Baracé (comte de), membre de plusieurs Sociétés savantes. LATERRADE, directeur de la société linnéenne de Bordeaux. Lesassier, pharmacien à Durtal. Lesvicce (de), membre de plusieurs Sociétés savantes. Loxqueuar (de), ancien officier d'état-major. Lucas (H.), professeur d’entomologie au Muséum d'histoire naturelle de Paris. LereBouLLer ( A.), doyen de la faculté des sciences de Stras- bourg. Mauouyr, conserv. du Cabinet d’histoire naturelle de Poitiers. Mazracurmni, doyen de la faculté des sciences de Rennes. Macé (l'abbé), professeur d'histoire naturelle à l'institution de Sainte-Marie-de-Pincherray, à la Ferté-Macé (Orne). Mesuer, docteur en médecine, à Saint-Georges-sur-Loire. Micaszer, membre de l’Institut. MowtsEaw, professeur au lycée de Toulouse. Mouuns (Charles des), président perpétuel de la Société linnéenne de Bordeaux. Napaup LE BurFoN, magistrat. Neumanx (Louis), directeur des serres à fougères et à orchi- dées du Muséum d'histoire naturelle de Paris. Norsert-Bonarous, professeur à la faculté d'Aix. Per, chef des cultures du Muséum d'histoire naturelle de Paris. Pare, naturaliste (Basses-Pyrénées). Pairrrre, directeur du jardin botanique de la marine de Saint- Mandrier près Toulon. MM. MM. VIII Puarcouse, docteur en médecine, à Rennes, membre de plu- sieurs Sociétés savantes. Prapaz, naturaliste, à Nantes. Quarreraces (de), membre de l’Institut, professeur au mu- séum d'histoire naturelle de Paris. Rasouin, docteur en médecine, à Saint-Florent-le-Vieil. Rozax», ingénieur civil, à la Ferté-sous-Jouarre. René Tarccanpier, président de la Société des Ecoles chré- tiennes de Paris. SamnT-REeNÉ TAILLANDIER, professeur à la faculté des lettres de Paris. ServeAux (E.), chef du premier bureau au ministère de l’ins- truction publique. ‘ Sicarp (docteur), président du comité d’aquiculture de Mar- seille. SousrrAn (Léon), licencié ès-sciences naturelles, professeur à l'Ecole de pharmacie de Paris, secrétaire de la Société d’acclimatation. Tasré, notaire honoraire, à Vannes. Taowas, naturaliste, à Nantes. TrouizcarD (Charles), banquier, à Saumur. Turrez, docteur en médecine délégué de la Société d’accli- matation, à Toulon. Viewer , membre de l’Académie française. MEMBRES ÉTRANGERS. Baux (Pierre),docteur en droit à Louvain (Belgique). Lancia p1 BroLo (Federigo), grand chancelier de l’Université de Palerme. Sacc, délégué de la Société d’acclimatation de Paris, à Bar- celone (Espagne). Scaram, directeur du jardin des plantes de Bruxelles. RAPPORT SUR LES MÉMOIRES PRÉSENTÉS AU CONCOURS DE 1863. MESSIEURS, C’est à la Société linnéenne, vous le savez, qu'a été confié le soin de décerner le prix de 500 francs, volé en 1864 par le Conseil général de Maine-et-Loire, pour l’encouragement des travaux scientifiques ou littéraires dans notre cité. Trois mémoires ont été présentés au concours que vous avez ouvert à cette occasion, et vous les avez soumis à l’examen d’une commission composte de MM. Charles Giraud, Raoul de Baracé, Brossard de Corbigny, Dezanneau, Victor Pavie et Le- marchand. Je viens vous faire connaître, avec l'avis de la commission, les sujets traités par les compétiteurs. Le premier mémoire est intitulé : Essai sur les animaux des X fables de la Fontaine. Il est signé du nom de de Beauvoys, et porte pour épigraphe : Labor improbus omnia vincit. L'auteur n’existe plus aujourd’hui, et nous devons avant tout un hommage à sa tombe. M. de Beauvoys était un homme de bien, modeste et labo- rieux. Tout en exerçant la médecine, il s’occupait d'agriculture et d'histoire naturelle. Un grand nombre de médailles (or, bronze ou vermeil) lui ont été accordées, soit pour ses plantations de muriers, soit pour ses excellents travaux sur l’éducation des abeilles, et 1l a publié un Guide de l’apiculteur qui n’a pas eu jusqu’à ce jour moins de six éditions. L'ouvrage envoyé au concours par M. de Beauvoys a été composé pour l'instruction des enfants. Un jeune écolier, espiègle et curieux, en se promenant dans les champs avec son père, pose à celui-ci mille questions sur les animaux mis en scène par l’immortel fabuliste. Le père répond à tous les pourquoi, décrit les mœurs de toules les bêtes, petites ou grandes, innocentes ou farouches , dont les physionomies ont été si finement dessinées par La Fontaine, et trouve le moyen de glisser çà et là, dans ses réponses, tantôt une vérité morale, tantôt une anecdote pi- quante, ou quelque raillerie contre un vieux préjugé. Les dialogues sur le Cheval et sur le Bœuf contiennent parti- culièrement beaucoup de préceptes ou de renseignements utiles, et quelques détails fort curieux se rencontrent dans les chapitres consacrés à l’étude des Ours, des Loups et des Renards. Sur le Cluen, le travail est incomplet, et cependant il y avait là matière à un intéressant article, l’auteur n’eût-il fait qu'indiquer les ca raclères des différentes espèces de chiens de chasse. Dégagé de certaines questions oiseuses, et remis sur un bon mélier à style, le mémoire de M. de Beauvoys pourrait très- XI bien prendre place parmi les ouvrages d’ Fiee naturelle des- tinés à l’enseignement primaire. ‘Le deuxième mémoire, qui a été composé par M. l'abbé Vincelot, est une étude sur les Alouettes et les Mésanges, et porte pour épigraphe : Benedicite, omnes volucres cœæli, Domino. M. Vincelot a déjà publié dans nos Annales plusieurs articles sur les oiseaux de Maine-et-Loire, qui lui ont mérité l'approbation des naturalisles les plus distingués, et l'étude qu’il présente ici n’est que la continuation de ces articles si savants et si conscien- cieux. Indiquer, autant qu'il est possible, l’origme des noms donnés aux oiseaux, et rassembler tous les détails de mœurs qui jus- üifient les dénominations adoptées, tel est le but que s'est proposé notre collègue. La tâche n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire. Elle exige une grande sagacité, des recherches laborieuses , et la connaissance approfondie de toutes les lan- gues qui ont concouru à la formation du français. M. Vincelot ne s’est pas épargné la peine ; il a consulté tous les lexiques, rapproché les idiomes, pris conseil de doctes maîtres, et — ce qui esi une vertu rare chez les érudits — il a su formuler tou- jours son opinion avec beaucoup de prudence et de réserve. Qu'il nous permette cependant une observation sur sa mé- thode. Pour déterminer une étymologie, M. l'abbé Vincelot compare toujours & priori le nom français à expliquer, avec le grec, le latin ou le celtique Puis, il examine les habitudes, les caractères de l'oiseau auquel s'applique le nom, et quand il trouve une de ces habitudes, un de ces caractères en harmonie avec l’un ou l’autre des radicaux tirés des dictionnaires, il pense . avoir résolu le problème. C'est la le système des anciens étymologistes, et il suffit XI d'ouvrir le Dictionnaire de Ménage pour voir à quelles erreurs ou à quelles méprises on s'expose en procédant ainsi. De nos jours, la science étymologique, qui a fait beaucoup de progrès, a adoplé une marche bien différente, et que nous croyons plus sûre. On suit le mot dans toutes ses transforma- lions, en remontant les siècles, à travers les livres imprimés, les manuscrits ou les chartes, et l’on essaye d'arriver ainsi jusqu’à la langue-mère. C’est alors seulement — et encore faut-il opérer avec beaucoup de précaution — qu’on peut comparer les ca- ractères de l'individu ou de l’objet avec le nom primitif ou le radical historiquement retrouvé. Cette méthode est celle de M. Littré, qui est une autorité incontestée en matière de linguistique, et elle a conduit aux plus curieuses découvertes. Prenons par exemple le mot Æbricot. Voici comment le. R. P. Labbe résolvait la question : « Pour moy j'estime qu'il ne faut point chercher tant de « mystère pour l’étymologie de ce mot, que nous avons à notre « porle et dans notre langue maternelle, les abricots ayant été « ainsi nommés de ce qu'il faut élever les abricotiers à l'abri du « mauvais vent, contre quelques murailles exposées au soleil du « midi : apericotia. » M. Littré, lui, ne s’est livré à aucune hypothèse. Il à suivi le mot dans les écrivains des divers âges, et il est arrivé à l’origine par un chemin bizarre et très-sinueux, mais certain. Abricot vient de l'espagnol albaricoque; l'espagnol vient de l'arabe brhouk, et, avec l’article, al birkouk; l'arabe vient du bas-grec æpœxoxxior, œpexoxiov; le bas-grec vient du latin præcoquum, nom donné à l’abricot à cause de sa précocité; enfin præcoquus n'est pas autre chose qu’une forme de præcox. XIIT « Le mot abricot (ajoute le savant lexicographe) est, comme on voit, un singulier exemple de la propagation et de l’altération des mots; c’est par l'intermédiaire de l’arabe qu’un mot laun est revenu dans les langues romanes. » Nous ne voulons pas insister sur ce sujet, qui nous ferait vite oublier notre rôle modeste de rapporteur. Si nous avons le regret d’être en dissentiment avec M. l’abbé Vincelot sur la méthode étymologique, nous pouvons du moins louer en lui le naturaliste, sans aucune restriction. Il regarde de près, il observe avec finesse, il décrit avec sentiment, et, sans s'affranchir jamais des austères obligations de la science, il sait faire comprendre tout ce qu'il y a de poésie dans le vol d’une alouette ou dans un nid fragile caché sous le feuillage. Le troisième mémoire est présenté par M. F. Blain; c'est un travail sur l'éducation du ver à soie du chêne, ou Bombyx Yama- mai, et l’auteur a choisi pour épigraphe : Et operimentum tuum erunt vermes. M. Blain s'occupe depuis longtemps avec succès des vers à soie. Il est l’un des sériciculteurs qui ont le mieux secondé M. Guérin-Méneville dans les expériences relatives à l’acclimata- tion en France du Bombyx Cinthya ou ver de l’ailante, et ses ob- servations sur le Yama-mai viennent témoigner de nouveau de l'activité intelligente qu'il déploie au service d’une science fé- conde en applications utiles. Le Fama-mai est un ver originaire du Japon, et son introduc- tion en France ne date que du mois de janvier 1863. Une cer- taine quantité d'œufs de ce bombyx ayant été transmise à M. Blain par M. Guérin-Méneville, notre collègue s’est occupé de les faire éclore, d'élever les chenilles avec les feuilles de nos chênes, et il nous rend compte de tout ce qu'il remarqué, XIV depuis la naissance du ver jusqu’à la mort du papillon. Avec 163 œufs, M. Blain a obtenu 70 chenilles, et l’accouplement des papillons lui a donné un nombre d'œufs d’où il espère voir sortir 600 chenilles, si l’éclosion se produit toujours dans les mêmes proportions. L'éducation du bombyx du chêne est d’un grand intérêt pour notre pays, S'il faut en croire M. le docteur Sacc. Voici ce qu’écrivait l’an dernier ce zélé sériciculteur à M. Guérin-Méne- ville : « Celte conquête est la plus brillante et la plus complète que « nous vous devions. Elle laisse bien loin derrière elle les bombyx « du ricin, de l’ailante, voire même celui du chêne de la Chine; «en un mot, C’est une concurrence si sérieuse pour le Bombyx « mori que je ne serais point surpris qu'il le fit mettre de côté... « Vous avez inscrit en tête de votre Revue : soie de luxe d’un côté, «et de l’autre soie du peuple. A l'avenir, vous pourrez mettre « au-dessus : soie pour tous; car l’Yama-mai va permettre aux « femmes les plus modestes d’avoir leur robe de satin au même « prix qu’une robe de laine, et je ne pense pas que cette belle « révolution industrielle et agricole se fasse attendre plus de « CIN Ou SIX ans. » Quoi qu'il en soit de ces espérances, il faut savoir gré à M. Blain des utiles travaux auxquels il se livre, et nous ne dou- tons pas que son mémoire ne soit très-apprécié de tous ceux qui se préoccupent sérieusement de l'avenir de notre industrie séri- cicole. Votre commission, messieurs, après avoir étudié et comparé les trois ouvrages qui vous ont été adressés, vous propose de décerner un prix de 300 fr. à l’auteur du Mémoire sur le Bombyx Yama-mai; un prix de 200 fr. à l’auteur du Mémoire sur les XV allouettes et les mésanges ; el d’attacher une mention honorable à l’Essai sur les animaux des fables de la Fontaine ‘. Les observations que nous avons faites sur le mémoire n° 2, à l'endroit des étymologies, expliquent la différence établie entre le premier et le second prix. ALBERT LEMARCHAND. 1 Ces conclusions ont été adoptées par la Société linnéenne, dans sa séance du mois de février 1864. 1 Mae conoiilih 6E Hroupilqaan me. AE 4 RES D Sa 9 19 101 RSS à F4 M " ph anese ca 2ash, ctrétit bois > mon on tt one te ES es (aJaamepr ness0) ) r-euef 9P uo90 19 a[[tU9U") :SSANET 8 LA LUS0 ANT \8P ET (eJI2InEN Jnopuesn) 278pj Uy- den ey-eue (eouwquy } xkquog HSE à LESON ANT AÈp AMEN FRE (ojioansepr rep eur) ) 9J[2UL2 pan) y-euef (eouuy) xhquog RAPPORT SUR UNE ÉDUCATION EN ANJOU DU VER DU CHÊNE OU BOMBYX YAMA-MAÏ FAITE EN 1863 Et operimentum tuum erunt vermes. (Isaïe, chap. xIV, Ÿ 11.) Messieurs, J'ai- voulu présenter au concours de la Société Linnéenne, un compte-rendu fidèle, des observations que j'ai pu faire sur le curieux et utile insecte, appelé Bombyx Yama-Maï, de ce ver à soie qui peut êlre nourri en France, et probablement dans toute l’Europe, avec les feuilles des chênes de nos forêts, et qui donne un cocon fermé, presque semblable a celui du ver à soie du mürier. Ce nouveau ver à soie promel à nos contrées en raison de sa rusli- cité des richesses encore inconnues, eu égard à la facilité que l’on aura à l’élever sur les taillis qui couvrent le sol de notre dépar- tement. Dieu veuille, messieurs, que mes espérances ne soient pas trompées, car j'ai la ferme conviclion que la Sociélé Linnéenne VIL. 1 2 voudra bien m'aider à répandre et à propager dans notre bel Anjou celte nouvelle culture. Le ver à soie proprement dit (Bombyx Mori), dont l'éducation contribuait si puissamment dans nos provinces méridionales à la prospérité agricole et dont les produits alimentaient tant de richesses, est cruellement décimé par le lerrible fléau appelé muscardine, au- quel on n’a pu apporter jusqu'ici aucun remède certain. Dans cette circonstance, il importe d’unir les efforls, et de tâcher par notre persévérance de venir en aide à M. Guérin-Méneville, cet homme de cœur et ce savant distingué que vous avez l'honneur de compler au nombre des membres de votre Sociélé Linnéenne, et qui ne cesse depuis plus de six ans, de consacrer tout son temps à la propagation de nouveaux vers à soie, sans d’autre ambilion que d’être utile à son pays. L'éducation du Bombyx Cynthia, est aujourd’hui un fait acquis à l’Anjou. Trois années d'essais successifs couronnés de succès non inlerrompus, nous permellent d’être complélement affirmatif. Je me permettrai de faire connaître quelques nouvelles observa- tions recueillies sur cet insecte. Une des plus curieuses est citée par M. Guérin-Méneville, dans sa Revue de Sériciculture comparée, n° 3, année 1863, page 86. Ces Quant aux 4 à 5 kilog. de cocons pleins du ver à soie, « de l’ailante, envoyés de la Chine au mois de mars dernier, ils sont « aussi une acquisilion précieuse pour renouveler le sang de la race. « Je crois donc devoir en offrir une partie à la Société. Ces cocons « ont encore un autre prix à mes yeux, c’est qu'ils montrent que la « race n’a pas dégénéré en Europe, qu'elle a même plutôt gagné, car « ils sont généralement de la même laille ou même plus pelils que « ceux qui ontélé récollés par nos zélés confrères, MM. le maréchal « Vaillant, de La Motte-Baracé, de Milly, Blain et Roy, etc., etc. » A ce fait d’une haute importance pour nos produits, j'ai cru devoir en citer un non moins curieux.et qui m'a vivement intéressé, Ayant eu celte année une grande quanlilé de graine, el par con- séquent beaucoup de papillons à qui je donnais la liberté, je ne fus pas peu surpris lorsque le 8 juillet, en visilant de jeunes vers sur des buissons d’ailantes, de trouver attachés sous les feuilles de plusieurs de ces buissons, une assez grande quantité d'œufs de Cynthia. D'où pouvaient-il provenir? Assurément, des femelles = + | CESR DR 7 3 lâchées par moi et non encore débarrassées de tous leurs œufs. Une fois ce fait vérifié je m’attachai à suivre les progrès de ces œufs et au bout de quelques jours, j'avais le plaisir de voir sortir les jeunes chenilles qui ont parfaitement réussi et m'ont donné de tout aussi beaux cocons que ceux obtenus de chenilles élevées avec beaucoup plus de soins. Que doit-on conclure de celte observation ? 1° Que l’ailanie est véritablement l'arbre nécessaire à la nourrilure de ce ver à soie, car au milieu des buissons dont je vous ai parlé, d’autres arbres, tels que cerisiers, pruniers et abricoliers, ne me présentaient aucun fail analogue. 2° Que l’acclimatation en est arrivée à ce point que la ponte, l'é- closion el l'application des jeunes vers aux arbres peuvent êtrespon- tanées de la part de ces femelles, et en partie au moins abandonnées à la nature ce qui simplifierail beaucoup la première éducation. Il est essentiel de noter que celle plantalion d’ailantes se trouvait éloignée d'environ 50 mètres du lieu où se faisait la graine, et que les femelles ont été inslinctivement la chercher à celle distance. Cette année, toute mon attention a été appelée dans le choix des reproducteurs, pour obtenir une amélioration de la race, ou pour la conserver dans toute sa pureté. Vous n'’ignorez pas, Messieurs, qu'il en est des insectes, comme des animaux des classes supé- rieures; dans toules les races, le bon choix des reproducteurs a une immense influence amélioratrice. Les caractères que j'ai cru devoir rechercher chez ces reproduc- teurs, ont été les suivants : 1° Chez les femelles, la plus grande en- vergure, et l'abdomen le plus volumineux; 2° chez les mâles, ceux à ailes forlement développées, à abdomen peu volumineux, en un mot, ceux paraissant les plus agiles et les plus ardents à la re- cherche des femelles. Je n’ai pas non plus permis à ces derniers la . fécondation de plus de deux femelles. En agissant ainsi, Messieurs, j'ai obtenu des œufs parfaitement fécondés el d’une grosseur relative incontestablement supérieure à ceux qui, envoyés de Paris, avaient produit les premiers vers en Anjou. Après ces expériences particulières, et j'ose l’espérer un peu sous l'influence du succès que j'avais obtenu, la vulgarisation de l'ailan- licullure commence à se faire en Anjou. Je puis citer les noms des 4 expérimentateurs angevins, qui vont se livrer ou qui se sont livrés à l'éducation du Bombyx Cynthia. Ce sont MM. Simon, à Angers; Debeauvoys, à Seiches ; de Brulon, à Lué ; de Quatrebarbes, à Saint-Sylvain; de Vauguion ; ; de Kerca- radec, en Bretagne. Ce dernier a acheté une assez importante quan- tilé d’ailantes en Anjou, et je suis chargé de lui procurer la graine dont il aura besoin pour ses plantations; Mie Pagnien, d'Angers et M. Maignan, à Villevêéque. Avant de terminer ce qui touche au Bombyx Cynthia, permettez- moi de vous faire connaître qu’un homme éminent, el par sa posi- tion el par ses connaissances en agriculture, a bien voulu en recom- mauder la culture aux populations de la Vendée. M. le comte À. de Caqueray, membre du Conseil général de Maine et Loire, président du Comice agricole du canton de Chemillé, dans un discours pro- noncé celte année, au concours du 8 septembre, s’est exprimé en ces termes........ « L'étude du ver à soie de l’ailante continue à PrOBTESSEL esse « Cette année, un rapport très remarquable, adressé à l’Académie des sciences, a fait connaîlre l'existence d’un ver donnant une soie presque aussi belle que celle produite par le ver du mürier, el vi- vant habituellement sur le chêne. ............................. « Faisons des vœux pour la réussile de ces éludes, et espérons que Ja divine Providence aura ainsi placé tout auprès de nous une res- source pour détruire les désastreux effets de la crise cotonnière parmi les ouvriers de nos fabriques » Vous le voyez, Messieurs, il ne s'agissait que de donner l'élan à cette industrie naissanie, pour qu’aussitôt l’Anjou prit l’initialive, el marchât dans la voie du progrès agricole. C’est ce que volre Société Linnéenne avait compris tout d’abord, en insérant dans ses Annales deux rapporis détaillés sur celte importante question, publiés par un de ses membres. Pour passer maintenant de la question zootechnique à la ques- tion économique, je ne dois pas omellre de vous signaler une lettre, lue à l’Académie des sciences, par M. Elie de Beaumont, dans la séance du 23 février 1863. « Monsieur le Président, « Dans la lettre que j'ai eu l'honneur de vous adresser, le 9 cou ÿ rant, en présentant à l'Académie, des flottes de soie grége, obtenues industriellement de cocons du ver à soie de l’ailante, je vous ai dit que je ferais connaître l'inventeur des machines avec lesquelles cel important résultat a été oblenu, dès qu’il m’en aurait donné l’auto- risalion. Aujourd’hui j'ai reçu cette autorisalion, et j'ai l'honneur de vous annoncer que cet inventeur est M. Aubenas fils, de Loriol (Drôme). « M. Aubenas a mis en pratique, dans une usine considérable, un appareil de torsion à dévidage, régulier et simultané pour la filature de la soie, au moyen duquel il obtient entre auires, des cocons doubles (du mürier), une soie de première qualité. « Les gréges d’ailantes obtenues ainsi par M. Aubenas fils, sont d’une régularité remarquable. « Comparées à des gréges d’ailantes achetées à Pékin, et envoyées au ministère du domaine de Saint-Pétershourg, qui m'en a adressé un échantillon, ces soies françaises sont infiniment supérieures. « Ce qu'il y a de très intéressant dans l'échantillon que je dois au ministère du domaine de Russie, c'est qu’il constate une fois de plus, ainsi que l'avaient dit le missionnaire d’Incarville en 1740, el le mis- sionnaire Fantoni, en 1857, en envoyant les premiers cocons vivants du Bombyx Cynthia, que celte espèce est bien réellement en Chine, l'objet d'une grande culture et d'une sérieuse industrie. Espérons qu'il en sera de même chez nous. « Agréez, elc. « GUÉRIN-MENEVILLE. » Après la phase agricole, l’Anjou participe aussi à la phase indus- trielle. En dehors de tout procédé publié, j'ai trouvé le moyen d'en- lever au cocon la substance agglutineuse qui a mis pendant longtemps obstacle au cardage des cocons. Un industriel aussi ingénieux que zélé, M. Carriol (Etienne) a pu obtenir avec les cocons lessivés, par mon procédé, une bourre longue, souple, soyeuse, propre, régulière, facile à filer et jugée par M. Guérin-Meneville, équivalente aux meil- leurs échantillons qui lui ont élé présentés jusqu'ici. Sans valoir le dévidage en grége de M. Aubenas, les produits oble- nus par mes efforts combinés avec ceux de M. Carriol, peuvent offrir une véritable matière textile et commerciale. 6 Mais une conquête qui bien que plus récente effacera sans doute rapidement par la facilité de sa culiure celle du Cynthia, est celle du Yama-Mai. Le bombyx Yama-Maï, tel est le nom de ce nouveau ver à soie sauvage, est originaire du Japon; il se nourril des feuilles de chênes. La France obtenait au mois de février 1863, environ 20 à 30 grammes d'œufs de ce ver, par les soins de M. le docteur Pompe Van Meert de Woort, officier de santé de la marine néerlandaise qui remettait ces œufs au chargé d’affaires de France à la Haye. Ce der- nier s’empressait de faire parvenir cet envoi à LL. EE. les ministres des affaires étrangères et de l’agricullure, du commerce et des tra- vaux publics, qui en faisaient immédiatement don à la Sociélé impé- riale zoologique d’acclimatation. C’est alors que celte Société char- geait l'honorable et savant M. Guérin-Meneville de la distribution de ce précieux dépôt. Le 1° mars, je recevais un gramme d'œufs de Yama-Maï, avec une lettre me faisant connaître que j'étais compris par la Société zoologique au nombre des vingt expérimentateurs de France désignés pour l’éducation de ce nouveau ver. Mes travaux antérieurs sur le Bombyx Cynthia me valaient cette préférence et la leltre flatteuse que vous me permettrez de joindre comme document historique de la question. « Paris, le 27 février 1863. « Monsieur, « En exécution d’une décision du Conseil du 13 février 1863, j'ai l'honneur de vous adresser par le même courrier que celte lettre, un gramme d'œufs du ver à soie du Japon (Bombyx Yama-Maïi). « Veuillez faire l'éducation de cette précieuse espèce avec les soins exceptionnels que l’on doit donner au point de départ d'une aussi importante introduction et rendre compte à la Société de ses diverses phases el de ses/résullats:: 12 A RE SORA UE « Tels sont les documents susceptibles de vous guider dans cette tentalive importante d’acclimatalion d’une espèce maguifique don- nant des cocons fermés, aussi beaux que ceux du mûrier, et une 7 soie grége à peine inférieure à celle que l’on tire de cette dernière espèce. « P. S. Ces vers se nourrissent de feuilles de chêne. « Je vous fais comprendre dans la distribution des œufs du chêne, ce qui est une vraie faveur, car on n’a pu en faire que 20 lots, dis- tribués aux membres de la Société. Comme vous êtes lauréat el que vos travaux ont élé fort appréciés, j'ai pu m’appuyer sur ces consi- dérations pour vous faire comprendre dans la liste. « Tâchez de tirer un bon parti des œufs que je vous adresse. Il y a là quelque chose d’utile et d’honorable à faire. | « Veuillez me croire toujours votre très-affectionné serviteur, « GUÉRIN-MENEVILLE. » Aussitôt la réception de cette lettre, j'avisai aux mesures à prendre et je disposai dans une serre une couche de fumier sur laquelle je déposai, plantés dans des pots, cent jeunes pieds de chêne, afin -d’en activer la végétation. Les œufs de Yama-Maï qui m'avaient été envoyés, furent déposés dans une chambre dont la température ne dépassait pas 7° à $o cen- tigrades. Ils demeurèrent sans éclore jusqu’au 6 avril, jour où je trouvai le premier ver. A cette époque aussi, j'avais quelques feuilles dans ma serre, mais ce qui m'était bien plus précieux, c'était nos chênes champêtres qui, activés par la douce température dont nous jouissions, donnaient déjà quelques bourgeons assez développés pour pouvoir être offerls aux jeunes chenilles éclosant journellement. Dès lors je considérai l'éducation du Yama-Maï comme assurée et tous mes soins furent donnés à ces jeunes vers qui grossissaient rapide- ment tout en opérant leurs différentes mues. _ Je n’avais pour me guider dans cette nouvelle éducation qu'une nolice encore bien incomplète qu'avait daigné ni'envoyer M. Guérin- Meneville, notice que je m'empresse de copier textuellement, heu- reux si elle peut rendre quelques services aux sériciculteurs qui s'occuperont de l'éducation de ce ver à soie. NOTICE Sur l'éducation du Ver à soie du Chêne, ou Yama Maï,. littéralement Ver des Montagnes. PAR M. POMPE VAN MEERT DE Woonp. « L'éclosion des œufs du Yama-Maï correspond à la reprise de la végétation du chêne, qui est l’essence d’arbre sur laquelle il se nour- rit. Ainsi elle a lieu, suivant les climats, du 15 au 25 mai, mais on peul la retarder d’une façon notable en soustrayant aussi compléte- ment que possible les œufs à la chaleur et an mouvement, et en ne leur laissant que la quantité d’air strictement indispensable. « Voici comment on les conserve, notamment à l’île de Kiu-Süo, où ils sont aussi acclimalés depuis un an, d’après les pratiques sui- vies dans la principauté d’Étisen d'où ils sont originaires. « Le papillon du Yama-Maï, esl très grand et a les ailes très fortes; en outre, il ne fixe pas ses œufs comme le papillon du ver à soie du müûrier; il les pond même en volant. Aussi, pour empêcher sa fuite et pour éviter toute perte d'œufs, on étend sur le plancher d’une chambre très propre et très éclairée, une natte très fine ou une toile (on dispose dans cette chambre quelques vases de sucre ou de miel). On en ferme les ouvertures avec des filels, après y avoir placé la quantité de cocons que l’on juge à propos; c'est ici le lieu de dire que l’on reconnaît facilement les mâles des femelles, d’après leur dimension qui est plus grande. « Tant que dure la vie du papillon, on ne doit pas entrer dans la chambre; dès qu'elle est terminée, on enlève les filets avec pré- caution de peur qu’il ne se trouve quelques œufs, déposés dans leurs mailles et l’on recueille ceux qui sont déposés sur la toile du plancher et ailleurs. On doit avoir soin de ne pénétrer dans la chambre que les pieds nus. « La récolte faite, on prend de petits vases ou des coupes de por- 9 celaine, et dans chacun l'on met un certain nombre d'œufs (dans une petite tasse à café, par exemple, on en pourrait mettre de 100 à 130). On les enferme avec du papier, et on les réunit ensuite par nombre variable dans des pots de jardin en terre ou en porcelaine. Enfiu, ces pots sont eux-mêmes fermés d’une planchette, et enfouis dans la terre à une profondeur suffisante pour que la gelée ne puisse pas les atteindre (le plus grand froid dans l'ile de Kiu-Süo, ne dé- passe pas 8 à 9 degrés centigrades au dessous de zéro), « On n'a plus alors qu’à attendre le printemps. « L'éducation du Yama-Maï peut être faile de deux façons diffé- rentes : 1° en liberté; 2 dans la chambre. « Quant au développement du ver à soie à l’état exactement sau- vage, il n’en peut être question, puisque dans ce cas l’homme n’a aucune action sur lui. « 4° En liberté. — Dès que les premières feuilles du chêne com- mencent à poindre, on exhume les vases qui contiennent les œufs. « On prend alors des planchetles de bois extrêmement minces, on les enduit d'un côté d’une légère couche d’eau et d’amidon, et sur celte colle on place les œufs. Puis on transporte ces planchettes sur les chênes, sur les branches desquels on les fixe à proximité des rameaux de feuilles. Au bout de quelques jours les chenilles sont développées, et suivant l'arbre dans sa croissance, abandonnant successivement les feuilles anciennes pour les nouvelles, elles arrivent presqu'en même temps au moment de leur sommeil et à la fin de la végétation du chêne. « Il a fallu pour cela cinquante jours. Les cocons sont alors né- cessairement suspendus à l'extrémité de toutes les branches, et l'arbre ressemble à un prunier chargé de ses fruits. « Celte éducation serait de beaucoup préférée à l’autre par les sé- riciculteurs japonais, en ce que les cocons qui en proviennent sont plus grands et plus lourds (les cocons ont aussi une couleur vert clair très-prononcée qui diffère de celle des cocons élevés en chambre, laquelle est jaunâtre), si elle n’avait pas quelques incon- vénients très-graves. « Ainsi, quelques précautions que l’on prenne, il est impossible d'empêcher les oiseaux de dévorer une grande partie des vers, en- suite la récolte des cocons sur des chênes qui sont tous plus ou moins grands, est très-difficile. Cependant ces inconvénients ne sont 10 pas inévitables: à Etisen, il y a des éducateurs qui se sont créé des plantations de chênes qu'ils tiennent très-petits et qu'ils couvrent de filets. « 2° Dans la chambre. — D’après cette méthode, il est nécessaire d’avoir dans la chambre, des chênes en pots que l’on tient constam- ment pleins d'eau pendant toute la durée de l’éducation, et exacte- ment recouverts d'une planchelte, de peur que les vers que l’on placera ensuite sur l'arbre, venant à tomber, ne se noient. Quelques personnes se sont avisées de remplacer ces plants de chênes par des rameaux qu'elles renouvelaient de temps en temps, et cet essai a très- bien réussi. « Dès que les chenilles sont écloses, on leur présente quelques feuilles tendres de chêne, sur lesquelles elles ne lardent pas à mon- ter, puis on transporte les feuilles sur les chênes. « Les soins à donner alors à l'éducation se bornent à recueillir les vers qui pourraient être tombés de l’arbre, à les relever, et à entre- tenir l’eau fraîche dans les vases. « Les vers commencent à filer au hout de cinquante jours. La confection du cocon demande environ huit jours. Huit autres jours après commence le travail de transformalion en papillon. « Toutes les espèces de chêne sont également propres à l’alimen- tation du Yama-Mai. « Ces données sont littéralement traduites d’une note réunie par l'un des chefs sériciculteurs du prince de Higo, ou de renseigne- ments verbaux fournis par le même chef sériciculteur. » Devais-je suivre les renseignements donnés par cette notice? ou bien devais-je créer un nouveau mode d'éducation? Tel était, Messieurs, l'embarras où je me trouvais, lorsque je résolus d'adopter un moyen qui m'avail déjà complétement réussi pour le Cynthia. La couche de fumier dont j'ai déjà parlé, établie dans ma serre pour hâler la végétation des chênes, me fut d’une utilité incontes- table pour l’éclosion des œufs. Cette couche avait été recouverte d’une quinzaine de centimètres de terre, afin d’avoir le plus long- temps possible la même température ; dans cette terre je fis un trou AG 11 dans lequel j’enterrai jusqu’à la partie supérieure un pot à fleurs vide. Je plaçai au fond de ce pot un objet quelconque sur lequel je déposai Ja boîle contenant la graine de Yama-Maï. J'obtins par ce procédé de 20° à 22° d’une chaleur humide, très propre à l’éclosion de ces œufs. Je ne fus pas longtemps à m'apercevoir que j'avais trouvé en opérant ainsi, un moyen aussi simple que peu coûteux, me donnant les meilleurs résullats. En effet, les jeunes vers éclo- saient chaque jour en nombre suffisant pour me donner plus tard les papillons qui devaient me servir à la reproduction de l'espèce. Tous ces vers éclos dans un parfait élat de santé n’ont pas paru se ressentir du long voyage qu'avait eu à supporter la graine. Aussitôt la sortie de l'œuf, ils montaient immédiatement sur les jeunes ra- maux de chêne que j'avais le soin de leur présenter, et ils se met- aient bientôt à manger. Le gramme d'œufs de Yama-Maï, que j'avais reçu, contenait 163 œufs; dont 40 étaient complétement aplatis el ne reafermaient pas de germe; 7 étaient percés par la sortie des chenilles; 116 pa- raissaient pleins. Sur ces 116, 80 seulement ont éclos; les 36 restant, contenaient les vers parfaitement formés mais desséchés dans la coquille. Je n'ai eu de perte que dix vers morts à l'âge de 3 à 6 jours, les 70 restant ont tous accompli leurs différentes mues, et sont ar- rivés à la formation des cocons sans que j'aie eu à déplorer de nou- velles pertes. Il s'est écoulé depuis l’éclosion du premier ver, le 6 avril 1863, à la formation du cocon de ce même ver, 6 juin suivant, un espace de deux mois. Les jours d'intervalle entre chaque mue ont été ainsi notés. De l’éclosion à la 1° mue...... s 0 ae 10 jours. De.la 17° mue Aa mUe.:.. des 10 De la 2° mue à la 3 mue............. 13 De la 3° mue à la 4 mue... ...... ARENA le! De la 4° mue à la formation du cocon.. 18 Total depuis l’éclosion jusqu’à la forma- tion du 1: cocon.................. 64 Ces nombres que je dois à l’observation constante el directe de mes vers, ne figurent que dans la notice de M. Guérin-Meneville, qui 12 ne pouvait alors les déterminer que par l'observation d’un seul ver (une femelle) obtenue en 1862. Voici ces chiffres. De l'éclosion à la 1e mue.............. 16 jours, De Ta 1 à 14 2 mue Pen e 14 De la 2e à la 3° mue................... 11 Dela 3° a lampe. tRn et... 17 De la 4° à la formalion du cocon........ 24 Total.... 82 jours. Différence en moins pour l’année 1863, 18 jours. Le coconage entier, commencé le 8 juin, s'est terminé le 18 juillet, et le cocon commencé le 8 juin n’a donné naissance à un papillon que le 18 juillet (40 jours), tandis qu'un autre cocon com- mencé le 17 juin a donné sou papillon le 10 juillet, singulière ano- malie qui s’est répétée très-souvent pendant l’éclosion des papillons. Restait, Messieurs, l’'accouplement de ces papillons, l’une des plus difficiles et délicates opérations, pour laquelle j'avais à surmonter bien des obstacles ainsi que l’indiquait la notice chinoise dont Je vous ai donné connaissance. Que me restait-il donc à faire dans ce moment ? Devais-Je encore suivre la notiee ? ou bien devais-je opérer ainsi que je l'avais fait pour le Bombyx-Cynthia, telle était mon anxiélé, lorsque je reçus de la Société zoologique, une lettre me faisant connaître comment avait opéré un de ses membres, M. le docteur Chavannes, de Lau- sanne. NOTES ADRESSÉES AU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION AU SUJET DU YAMA-MAi. « 1° Si j'avais pu arriver à temps, j'aurais averti le Conseil, que le terme de 10 jours choisi pour l’envoi des cocons, n'était pas heu- reux, parce que c’est à peu près l’époque où la chenille enfermée dans le cocon devient chrysalide ; ses téguments sont excessivement délicats, et le moindre choc peut occasionner une blessure mortelle. Les cahots du chemin de fer et le jet des employés de la poste, au- ront pu vous occasionner des pertes. ne... 2. LÉ 13 «2% C'est une grave erreur que d'attendre la sortie du papillon 10 jours après la formation du cocon. Je ne crois pas que vous ayez des éclosions avant six à sept semaines après que le cocon est fait. « 3° Je conseille de séparer les cocons mâles des cocons femelles. La chose est facile en pesant d’abord l’ensemble des cocons, ce qui donne une moyenne pour chaque cocon. En repesant ensuite, sur un trébuchet, chaque cocon, on sépare comme mâles, tous ceux qui ne pèsent pas la moyenne, tous ceux qui pèsent plus que la moyenne sont des femelles. L'opération doiïne un résultat à peu près exact. Exemple : 100 cocons pèsent 500 grammes, la moyenne est 5 grammes, loul ce qui pèse moins de 5 grammes est mâle. « 4° Une fois la séparation oblenue, les cocons mâles doivent être placés dans un local de 3° à 4° moins chaud que celui des femelles. « 5 Les uns et les autres doivent êlre suspendus verticalement afin que le papillon puisse bien développer ses ailes. « 6° Gardez-vous bien de suivre la méthode japonaise pour les ac- couplements et la ponte, c’est-à-dire de laisser tous les papillons dans une chambre où l’on n'entre qu'après que tous les œufs sont pondus, vous auriez ainsi beaucoup d'œufs non fécondés, que vous ne pourrez pas distinguer de ceux qui sont bons. « 7° Failes faire des manchons cylindriques de gaze de coton. Ces manchons auront pour longueur, la largeur de l’éloffe, c'est-à-dire environ { mètre, pour diamètre, 40 à 50 centimètres. Îls seront soutenus à l’intérieur par trois cerceaux en fil de fer; on les attache aux extrémilés près des cerceaux, de façon à former plutôt un plancher qu'un entonnoir, dans lequel le papillon pourrait s'engager, de façon à ne plus pouvoir ressortir. Dans chaque sac, vous placez pour l’accouplement une paire de papillons. L’accouplement a lieu en général pendant la nuit ; le soir du jour suivant, vous retirez les femelles qui ont été accouplées et vous les placez deux ou trois ensemble dans un sac pour la ponte. À mesure qu’elles ont fini de pondre, c'est-à-dire après la 4e nuit, vous les relirez pour en meltre d'autres ; en coupant de certaine façon l'extrémité de l'aile des femelles de chaque jour, vous pouvez facilement les reconnaître. Pour la quantité des cocons que vous aurez, je suppose environ 1000, une dizaine de sacs vous suffiront. « 80 Ces sacs ou manchons ne seront point perdus, mais vous 14 serviront à élever, l'année prochaine, sur les arbres mêmes, le Ya- ma-Maï, au'jardin d’acclimalation. « 9 Si l’on surveille assez exactement la sorlie des papillons, on peu les placer dans le sac, avant qu'ils soient développés et les lais- ser tranquilles pour l'accouplement. « 40° Si les mâles et les femelles éclosent isolément, il faut les tenir, chaque papillon à part, dans un endroil frais et obscur. Les mâles peuvent attendre ainsi une dizaine de jours ; les femelles 3 à 4 jours avant de pondre. « 11° Il vous arrivera peut-être que les papillons provenant de chenilles élevées sur des rameaux irempant dans l’eau, vous don- neront même après accouplement des œufs infécondés. C’est pour cela que celte méthode est vicieuse, en tout cas elle donne des che- nilles débiles dès la 2° généralion. Il faut la remplacer par l'élevage sur l'arbre même, en protégeant les chenilles contre les oiseaux et les guêpes par des manchons de gaze ou des treillis métalliques, contre les fourmis par de la sciure, imprégnée de goudron de gaz, que l’on place au pied de l'arbre. Cela devra se faire jusqu’à ce que l'espèce soit assez multipliée pour pouvoir êlre abandonnée à toutes les chances. « Signé : D' A. CHAVANNES. » On voit par là, que le procédé du docteur Chavannes se rapproche plus de celui suivi par moi pour le Bombyx Cynthia, que de celuide la notice. Je suivis donc en partie la note de M. le docteur Chavannes et en parlie le moyen que j'avais précédemment employé pour l’accouple- ment du Cynthia. Ces deux moyens m'ont donné des résultats à peu près semblables. J'observais chaque jour et souvent pendant la nuit les papillons renfermés dans ces sacs de gaze, mais, je revenais toujours fort dé- solé de ne pouvoir surprendre aucun accouplement. Cependant je ramassais sans espoir les œufs pondus journellement par les femelles, avec la certilude qu'ils élaient tous sans fécondation, et je n’en con- tinuais pas moins de rassembler les mâles et les femelles, qui éclo- saient, espérant toujours des accouplements. 15 _ Jamais, Messieurs, pendant tout le temps qu'a duré l’éclosion des papillons, je n’ai pu surprendre une seule union de Yama-Maï; ce qui m'inquiétait d'autant plus que pour le Bombyx Cynthia, l’obser- valion de l'accouplement est facile et constant à cause de sa durée. J'avais cependant un cerlain espoir que peut-être les papillons Yama-Maï ne reslaient unis que quelques instants. Cet espoir ne fut pas vain, lorsque je reçus de M. Guérin-Méneville, ainsi que de la Société impériale d’acclimatation, deux rapports qui me faisaient connaîlre qne les œufs que j'avais pu ramasser pou- vaient être parfaitement fécondés, bien que je n’eusse pas constaté d’accouplement. L’accouplement est-il dit dans ces deux rapports, ne dure que quelques instants, contrairement à ce qui se passe chez le Cynthia et chez d’autres espèces. La joie que me causa la lecture de ces deux rapports est facile à comprendre. J’ouvris sur-le-champ plusieurs œufs et quelle ne fut pas ma surprise de trouver la petite chenille remplissant tout l'œuf, et si parfaitement formée, qu’elle se mouvait comme si le moment était venu pour elle de briser sa coquille. Par cet examen j'ai eu le bonheur de reconnaître que probable- ment un tiers des œufs étaient bien fécondés. Les 70 chenilles représentant la moilié ou 0,45 centigrammes d'œufs, m'ont donné 13 grammes, dont 8 grammes féconds pouvant me faire espérer 600 chenilles pour la prochaine éducalion, c’esl- à-dire malgré le petit nombre des accouplements et la perte des 2/3 des œufs une production presque décuple. C’est avec un véritable orgueil que je rends compte aujourd’hui à votre Sociélé, Messieurs, de ces faits, intéressant à un si haut degré, non seulement les naturalistes, mais surtout notre agriculture et notre indusirie, qui, j'en suis persuadé, retireront de cette nouvelle et précieuse espèce, des richesses incalculables. Il me resie pour terminer ce rapport, à vous faire connaître les diverses mélamorphoses de ce curieux et intéressant ver à soie, en décrivant les formes et la coloration de l’œuf, de l’insecte à l'état de chenille, ainsi qu’à l’élal parfait ou de papillon. L'œuf du Yama-Maïi est rond, de forme légèrement aplatie, d’une coloralion brune plus ou moins foncée, avec des Laches ou points 16 noirs : il mesure dans son plus grand diamètre environ 0,003. Son épaisseur est variable suivant l’état d’incubalion. Sa fécondation est facile à reconnaître au plus ou moins de ron- deur qu'il présente. Mais, lorsqu'il n’est pas fécondé, une dépression assez sensible exisle de chaque côlé, de manière à former une sorle de disque creusé en salière. La chenille au sortir de l'œuf est longue de 0,007 à 8 millimètres; elle présente vue dans son ensemble, une coloralion jaune, rayée longitudinalement de noir, avec ies pattes écailleuses, rousses. Par son contact avec l’air elle acquiert promptement un volume supé- rieur à celui qu’elle avait dans l'œuf. Au deuxième âge, la chenille est longue de 10 à 12 millimètres, d’un vert tendre, un peu jaunâire en dessous; elle porte de chaque côté, au dessus des stigmales, une ligne longitudinale jaunâtre. La tête, les pattes écailleuses et le bord des pattes membraneuses sont d'un brunroussâtre. | Ù Au troisième âge, après le deuxième changement de peau, elle mesure 0,032 à 35 millimètres, sa coloration est d’un beau vert, avec une ligne longitudinale et latérale jaune, de chaque côté. A la fin de cet âge, elle devient trapue et ses premiers segments devenant plus gros, lui donnent un aspect bossu. Cest aussi vers cette époque que commence à apparaître une lache argentée sur le côté du cinquième segment. Le quatrième âge, se fait remarquer par une longueur de 70 à 80 millimètres, par une coloration d’un beau vert iransparent comme un grain de raisin, avec le corps plus trapu et plus bossu en avant. La ligne longitudinale, jaune de chaque côté du corps, existe lou- jours et se prolonge pour se confondre avec la pointe d’un grand triangle postérieur, d’un brun noirâire, dont la pointe pénètre dans le onzième segment. On voit alors apparaître sur les cinquième et sixième segments une belle tache argentée. La tête est d’un bleu verdâtre avec une bordure rougeâtre à la partie inférieure près le premier segment. Au cinquième âge, elle grandit rapidement et atteint en peu de temps une longueur de 99 à 100 millimètres, avec une grosseur proporlionnée. Elle est-en tout semblable à ce qu’elle était à l’âge précédent, si ce n'est que les taches argentées sont plus larges, 1 : Pendant le sommeil qui précède les différentes mues, le système nérveux paraît être d’une irrascibilité très grande, et au moindre toucher les Yama-Maï semblent éprouver de vérilables convulsions. Ce ver est sédentaire, peu crainlif et paraît insensible aux chan- gements de tempéralure; il reste volontiers des journées entières sur les mêmes rameaux, sans changer de place, se contentant de man- ger les feuilles se trouvant à sa portée. L’acle de la manducation se fait aussi beaucoup plus lentement que chezle Cynthia et sa voracilé est bien moindre. En un mot je crois qu'il y aura une notable éco- nomie de nourrilure pour la même quantité donnée de Yama-Maï et de Cynthia, et que cetie économie est toute en faveur du ver du chêne. Ceci s'explique facilement par le Lemps employé par le Yama-Mai, pour acquérir lout son développement régulier (voir p. 11); il lui faut 64 jours, tandis que le Cynthia n’en mel que 30. La voracilé du Bombyx de l’ailante n'est pas sans compensalion. Elle produit un développement si rapide qu’on peut faire deux édu- calions par an. La sobriété du ver du chêne, au contraire, avantageuse par d’aulres côlés, élant liée forcément à un développement plus lent, ne permet qu'une seule éducation par année. Il en résulle que notre nouvel hôte, malgré sa rusticité, son goût pour les plantes indigènes, la beaulé de sa soie, ne peut prétendre qu'à sa part et ne doil pas faire oublier ou négliger le Cynihia qui donnera des produits plus abondants el offrables au commerce et à l'industrie à une époque un peu antérieure, ce qui peut avoir de l'importance au point de vue économique et industriel. Les 70 cocons obtenus du Yama-Maï, ont tous élé d’une forme parfailement ovoïide, d’une couleur verdâtre ou jaunâtre. Un seul a été entièrement blanc. Leur longueur mesure de 45 à 50 millimètres sur un diamètre de 25 à 30 millimètres. Chaque cocon a pesé en moyenne 0,7 décigrammes après la sorlie du papillon, ce qui dou- nerail environ de 1400 à 1450 cocons au kilog., tandis qu'il faut 2400 cocons de Cynthia pour former un kilog. Différence en faveur du Yama-Maï de 950 cocons en moins au kilogramme. Le Yama-Maï élablit son cocon, en réunissant plusieurs feuilles de chêne qu'il attache d’abord à la branche les portant, et ensuite il commence son iravail que j'ai pu suivre avec beaucoup d'in- VIL. 2 18 térêt. Après avoir lapissé l’intérieur d’une on plusieurs feuilles avec une soie un peu plus grossière que celle qui devra former le cocon, il en rapproche les bords opposés en y jelant un fil qui, tout en les maintenant plus rapprochés, lui permet de travailler plus à son aise. Alors, s’aidant de celle première charpente, encore bien im- parfaite, des fils partent el s’entrecroisent en lout sens. La chenille s’arrêle de temps en temps afin d'écarter par un mouvement de tension de son corps les parlies qui se rapprochaïent. Après cinq ou six heures et quelquefois plus, elle disparaît sous son enveloppe soyeuse, sans cesser de travailler; ce n'est que vers le 6 ou 8 jour que le cocon est complétement terminé et que la chenille s’est mé-. tamorphosée en chrysalide, ainsi qu'il est facile de s’en rendre compte en pressant légèrement le cocon entre les doigts. On sent alors une pelile secousse et on entend parfailement le bruissement occasionné par la chrysalide qui se débal dans sa prison. Il est évident, dit M. Guérin-Méneville, que la soie qui compose le cocon du Yama-Maï, dévidée par des mains habiles et dans des filatures mécaniques bien montées, sera aussi belle que celle des cocons ordinaires, quoique le fil ou la bave émise par la chenille soit beaucoup plus fort. Des observations répélées par ce savant, au moyen d'un bon microscope, monlrent que la largeur des cordons d’une bave composée de deux fils collés varie entre 2 1/2 et 5 cen- tièmes de millimètres, suivant que la soje esl prise à l’intérieur ou à l'extérieur du cocon. Du reste, dit encore M. Guérin-Méneville, il paraît que les Japonais dévident parfaitement ces cocons, car M. Duchèêne de Bellecourt a envoyé à la Société d’acclimalation avec les œufs, une petite flotte de soie, d’un blanc verdâtre, oblenue de ces cocons sauvages. Celle soie est une belle grége que j'avais prise, avant de connaître le cocon du chêne, pour de la soie du mürier provenant de ces cocons verdâlres appelés dans le Midi, cocons Céladons. L'état parfail ou papillon, à donné licu dans sa coloration à des différences bien marquées que je crois ulile de faire connaîlre. Le premier papillon éludié et décrit par M. Guérin-Méneville, élait une femelle, elle présentait les caractères suivants: Partie supérieure d’un beau jaune vif tirant un peu à l'orangé, ant sur le corps que sur les ailes, Lête d'un jaune roussâlre avec les antennes un peu plus pâles, allongées, à barbes courtes. Les ailes supérieures pré- 19 sentent à l'extrémité antérieure, une sorle d'angle un peu relevé qui leur donne une physionomie toule spéciale. Vers le milieu an- térieur de l’aile se trouve, placé sur la nervure disco-cellulaire, un œil transparent, pelit, de forme subiriangulaire à angles arrondis coupé en deux parlies inégales par la nervure disco-cellulaire qui est placée beaucoup plus près de son bord interne. Celle partie vi- trée est bordée exléricurement de jaune un peu brunâtre, et cette portion est limitée extérieurement par une pelite strie noire. Du côté interne, cette bordure est d’un brun livide, bordée d'une slrie blanche, laquelle est suivie d’une assez large bordure d’un rouge vineux. Enfin, vers l'extrémité de l'aile on voit, comme dans les autres espèces du même groupe, une sirie oblique et droile partant du üiers externe de l'aile, dirigée vers l'extrémité de la côte en se rapprochant insensiblement de l’angle apical. Celle slrie ou bande transversale est composée d’atomes noirs. suivis exlérieurement d'une ligne étroite el bien limilée d’atomes blancs, qui, vers l’angle apica}, s'élargit et se dirige exlérieurement et elle est suivie, toujours du côlé externe, d’alomes roses, qui vont en se fondant vers le bord externe. Les ailes inférieures ont leur bord externe inférieur arrondi, elles ont à leur base une strie ondulée brune : vient ensuile, au milieu, un œil arrondi, dont le centre transparent esl très-pelit, du cin- quième à peine de l'étendue de celui des ailes antérieures, en ovale transverse. Ce point (transparent est bordé extérieurement de jaune, puis d’un brun livide, encore de jaune et enfin de noir; du côté in- terne, il est bordé du même brun livide qui se fond en devenant in- sensiblement rouge, puis d’une belle sirie blanche, suivie d’une large bordure d’un rouge vineux. * Les variations les plus nombreuses observées chez les papillons ont été celles-ci: Coloration brune, jaunâtre, grise et olivâtre : antennes fortement peclinées chez les mâles, permettant au pre- mier abord de les distinguer facilement des femelles, qui les ont filiformes et très légèrement peclinées. Tels sont les résultats oblenus que j'offre à votre jugement, vous priant de tenir comple de ce que l’œuvre a de pratique pour com- penser le peu d’élendue, el la forme sans doute très-imparfaile de ce mémoire au point de vue liltéraire. Puisse, Messieurs, avec votre concours et bienveillant patronage, 20 l'éducation du Bombyx Cynthia et Yama-Maï produire en Anjou ce qu'elle promet, et je me félicilerai d’avoir, dans la mesure de mes forces, inauguré et mené à bien une acclimatalion qui peut devenir une source de richesses pour le pays, et d’un nouveau bien-être pour les hommes. Alors, pourrait êlre juslifié le sens détourné, donné à la plainte du prophèle dans mon épigraphe, car ce ne serait plus une me- nace où une lamentalion, mais l'expression d'une conquête qu'on trouverait dans ces paroles prophétiques : Et operimentum tuum erunt vermes. Et les vers feront ton vêtement. (Isaïe, chap., x1v Ÿ. 11.) F. BLAIN. MÉMOIRE SUR LES ALOUETTES ET LES MESANGES Benedicite, omnes volucres cœli, Domino. (DANIEL). A Messieurs les Membres de la Société Linnéenne de Maine et Lotre. Messieurs, Celte année, la Société Linnéenne a engagé tous ses membres à prendre part au concours dû à l'initialive généreuse du Conseil général. Pour répondre à cet appel, dans la faible mesure de mes forces, je viens vous soumettre un pelit travail sur les étymologies des noms donnés aux aïouetles et aux mésanges, qui forment deux genres intéressants de l’ordre des passereaux. Je joindrai à cet essai tous les détails qu’une assez longue étude a pu me fournir sur les habi- tudes de ces coniroslires. Si la pierre que j'apporte à l'édifice que veut élever la Société Linnéenne est bien petite, puisse-t-elle du moins être agréée comme un gage de bonne volonté et de sympathie! TROISIÈME lAMILLE. Conirostres. Les aloueltes et les mésanges, dont je vais essayer de décrire les mœurs, en m'appuyantsur l’élymologie de leurs noms, appartiennent à la troisième famille de l’ordre des passereaux, laquelle comprend un {rès-grand nombre de genres et d'espèces. Celles-ci diffèrent essentiellement entre elles par leurs propor- tions et leurs habitudes. Afin de les désigner par un même nom, les naturalistes ne les ont . envisagées que sous un rapport, celui du bec: dès lors ils les ont nommées conirostres (conum, cône, rostrum, bec), parce que tous les oiseaux renfermés dans celte famille ont les deux mandibules du bec très-forles, sans échancrure, bombées, et de forme conique. L’inspeclion du bec de ces passereaux prouve d’une manière évi- dente qu'ils sont destinés à vivre principalement de graines, et que Dieu leur a donné dans cet organe un moyen puissant de les con- casser avec facililé. PREMIER GENRE. ALAUDÆ. — LES ALOUETIES,. Les recherches auxquelles j'ai dù me livrer pour déterminer dans sa racine première l’élymologie du mot alouelte, m'ont amené à conclure que personne jusqu'ici ne l'a indiquée avec une entière certitude. La question, en effet, n’est pas de savoir si alouelte est la transformation allongée de alauda, ce qui ne paraît pas douteux, mais d’où vient lui-même le mot alauda, et ce qu'il signifie; en un mol : pourquoi l’alouette porte-t-elle le nom d'alouette ? D'abord il est facile de suivre, dans les poètes du moyen âge et de la renaissance, la formation du mot alouette. Au treizième siècle, Guiart disait dans sa chronique rimée : Au matin il point que l’aloe Sa douce chansonnette loe. 23 Deux siècles plus tard, Alain Chartier emprunlail à notre petit oiseau cette comparaison toute gauloise : Les biens mondains, les hommes, les gloires Qu'on aime tant, désire, prise et loue, Ne sont qu’abus et choses transitoires Plus tôt passant que le vol d’une aloue. Et Dubartas, cent ans après, employait déjà le diminutif, l'ayant emprunté peut-êlre au mot lodella de la langue italienne. La gentille alouette avec son tirelire, Tirelire, relire et tirelirant tire Vers la voute du ciel, puis son vol en ce lieu Vire et semble nous dire : adieu, adieu, adieu! Ainsi, alauda, aloe, aloue, alouette, telle est, du latin jusqu’à nous, l'histoire des transformations de ce moi. Quelle est maintenant la significalion d'alauda? Nous savons, par des témoignages écrils, que les Romains n’ont pas loujours employé ce mot pour désigner l’alouelte. Is la nommèrent d’abord galerita (avis galerila), ce qui signifie proprement oiseau coiffé d’un galerum, c’est-à-dire, d’une sorle de casque en° peau non préparée; voulant désigner ainsi, sans doule, le petit bouquet de plumes ou la crête qui décore la tête de l’alouelle huppée. C'est aussi ce caractère extérieur qui avail frappé les Grecs, lesquels désignaient l’alouelte par les mots x6pudoc, xopuèaXée, xopuèanlis, dont la racine xépx signifie tout à la fois casque el lêle couverte de cheveux. Une preuve encore que, par galerila, les Romains avaient bien l’inlention de dire un oiseau à casque, un oiseau huppé, c'est que le même mot servait à désigner, peut-être même longtemps auparavant, une légion : legio galerita, dont les casques élaient couverts de peaux de bêtes el terminés par une ai- gretle, ainsi qu’on le voit dans Pline (liv. XI, ch. 1) : « L’alouelle se rend en gaulois par le mot alaud, d'où ce nom a été donné à une légion romaine qui était désignée anciennement par le mot galerita, à cause de la créle qui surmontait le casque des légionnaires. » Marcellus Empiricus, Suélone, Grégoire de Tours alteslent égale- ment qu'alauda a élé pris pour remplacer galerila. « Avis galerita quæ gallice alauda dicilur, — la galerita que les Gaulois appellent alaud, » dit le premier, et Grégoire de Tours : « avis corydalus, quam alaudam vocamus, — le corydalos, que nous appelons 24 alauda. » Il y a plus, c’est que la legio galerita fut remplacée aussi par la legio alauda, ou plutôt par les alaudæ. Suétone (Vie de César, ch. xx1v) dit expressément que César ajoula, aux légions qu’il avait reçues de la république, d’autres légions levées à ses frais, et entre autres une légion de Gaulois qu'il organisa selon la discipline et la tenue des Romains et qui porta le nom d’alaudeæ. I] paraît même, et ceci doit flalter quelque peu notre orgueil national, que ces Gaulois n’élaient pas les plus mauvais soldats de l’armée romaine : car Ci- céron ne craint pas de les noînmer sur le même rang que les vété- rans : « Huc accedunt alaudæ cæterique veterani. — On voit venir ici les alaudes et les autres vélérans (Philipp, 13, 2). » Alauda est donc un mot gaulois lalinisé. Quelle en est la signifi- calion ? En le subslituant au mot galerila, dont le sens est précis, les Romains ont-ils voulu représenter la même idée? Alauda est-il en gaulois la traduction de galerita, comme galerita iraduisait exac- tement xopväo6c? C’est ici que l'incertitude commence, et il faut bien dire qu’elle n’est pas médiocre. À première vue, rien de plus facile. Alauda et alouette semble- raient venir du cellique allweder, allwedez, ou allwedé, qui eux- mêmes sont formés de all et chweder ou hueder, que le P. Lepelle- tier interprèle de la manière suivante : « All semble être, dit-il, la même chose que alli, averlissement, el ce mot pourrait bien entrer dans le nom de cet oiseau dont le chant avertit le laboureur du temps propre au travail. D'’a clevet au allwedez Orcand d’en goulou dez. ce qui veut dire : « à écouter l’alouctle lorsqu'elle chante au point du jour. » On a vu d’ailleurs, par les vers de Guiart, cités plus haut, et mieux encore, on sait, par le témoignage des gens de la cam- ‘pagne, que l’alouette chante dès le point du jour. « L’alouette est la fille du jour, dit Michelet. Dès qu’il commence. « quand l'horizon s’empourpre et que le soleil va paraître, elle part « du sillon comme une flèche et porte au ciel l'hymne de joie. » Mais pour que cette explicalion de all fût admise, il faudrait qu’elle fût d'autre part fortifiée par le sens de weder, qui est, dit le P. Le- pellelier, le fond du composé. Or, ec'hweder, chweder, ou huëder tout seul, désignent aussi l’alouelte. Et Davies, auteur cité par le P. Le- 25 pelletier, fait dériver hueder de ehuëdyz et huëdid, composé de hu, bonnet poilu, et ehediad ou hediad, volatile, ce qui veut dire volatile à coiffure, comme galerila et xopwèsés. Que devient alors la préfixe all, avec sa signification d'avertissement ? Il me semble que nous en voici fort éloignés. Toutefois, je dois ajouter que le P. Lepelletier ne se trouve pas lui- même tellement assuré de son explication qu’il n’ait cru devoir en risquer une autre. « Car, dit-il, puisque le nom breton de cel oiseau «est si diversifié, on peut en donner diverses élymologies. Uc’heder « et uhedez seraient faits d’uc’h, haut, et de hediad, que l'on a expli- « qué ci-dessus. Ce pelit oiseau vole et chante fort haut. Il faut « observer que le nom hediad est dérivé de hedi, ehed, volare, voler. « Hedez est proprement un substantif qui doit signifier vol. » Ici la particule all ne serait pas déplacée, et allwedez indiquerait alors l'oi- seau qui vole en avertissant, en donnant un signal. Je ne rapporte ensuite que pour mémoire une autre élymologie du même P. Lepellelier, qui ferait venir al/hweder de c'hwiter, siffler, et c'hweder, siffleur ; ou bien encore ec’hweder de aës aisément, et du même c'hwiler, « ce qui convient, dit-il, à l’alouetle. » Comment ? C’est ce qu'il a négligé de nous dire. Je sais que l'alouelte apprend aisément à repéter les airs qu’elle entend ; mais il est impossible que les vieux Celles aient pensé à tirer le nom de l’alouelte d’une parli- cularilé qu’ils n'ont pas dû découvrir tout d’abord. Or il tombe sous le sens, et c’est un axiome de la science élymologique, que la langue populaire a cherché les noms des animaux dans leurs ca- ractères, leurs qualités, leurs habitudes les plus communes et les plus faciles à percevoir. C’est en partant de ce principe que je suis porté à donner à allweder ou alc'hweder la significalion de oiseau avertisseur, oiseau signal, dont le chant est le premier signe de l'ap- proche du jour et comme le premier cri de la terre à son réveil. C’est peut-être aussi dans cet ordre d'idées qu’il faut aller cher- cher l'explication d'une tradilion qui ferait de l’alouette une sorte d'oiseau national chez les Gaulois. « Jules César, dit Michelet, dans « son Histoire romaine, engagea à tout prix les meilleurs guerriers « gaulois dans ses légions, il en composa une légion tout enlière « dont les soldats portaient une alouette sur leur casque et qu'on « appelait pour celte raison l'alauda. Sous ect emblème tout natio- « nal de la vigilance matinale et de la vive gaieté, ces intrépides 26 « soldats passèrent les Alpes en chantant et jusqu’à Pharsale pour- « suivirent de leurs défis les tacilurnes légions de Pompée. L’alouette « gauloise conduite par l'aigle romaine prit Rome une seconde « fois. » Ce n’est là, il est vrai, qu'une tradition, mais il faut bien qu’elle ait un fond de vérité pour subsister même en l'absence de textes po- sitifs. Qui sait? peut-être que le cri de l’aloueile était pour nos ancôtres, les héros de l'indépendance gauloise, un signe de re- connaissance el de ralliement, commie le cri de la chouette chez les Vendéens et les Bretons pendant les guerres de la Révolution. De nos jours encore, les intrépides habitants de l’Helvétie, si fiers et si jaloux de leur liberté, n’ont-ils pas introduit dans leurs hymnes guerriers le chant de l’alouelte ? En faisant redire à leurs fifres ce chant vif et perçant, ils semblent vouloir donner à leurs mouvements militaires la prestesse el l'élan rapide de l'alouelle. N'est-ce pas aussi un sou- venir et un symbole de leur antique indépendance? Quel oiseau d’ailleurs représente mieux que celui-ci toules les nobles verlus d'un peuple qui lulte pour sa liberté? Celle vigilance qui n'est jamais en défaut, el qui déjoue tous les piéges de l'ennemi; celle vivacité de mouvements, ce vol infaligable de la terre au ciel et du ciel à la terre, tout enfin, jusqu’à ce chant joyeux qui ne se lait point même en présence du péril, n'est-il point l'image vivante de l'espérance et de la gaielé dans les combats ? Quel oiseau convenait mieux pour représenter ces intrépides Gaulois devenus plus tard les joyeux et rapides fanlassins de nos armées françaises ? Quoi qu’il en soit de ces hypothèses qui n’ont rien d’improbable, le nom alauda, donné à une légioa gauloise, comme pour laisser aux vaincus la consolation d’un souvenir national, prouve que l’alouelte avail à un litre ou à un autre une grande importance chez les Gaulois. Aussi je ne suis point élonné que J. Goropius-Bécan ait basé sur celte idée l'élymologie d’alauda, qui viendrait, suivant lui, de all ou al, tout, et aut ou aud, antique, ce qu'il explique, en disant que l’a- louelte élait pour les Gaulois comme le premier de tous les oiseaux, et par suite le plus apprécié, l'oiseau par excellence. Malgré l’aulorité d’Hauteserre cité par Ménage, celte élymologie de Bécan ne me paraît pas être la bonne. Il est bien évident que l’on n’a pas dû com- mencer par nommer l’alouelte oiseau antique; et d'autre part, si le mot latin antiquus, ou plutôt antiquissimus, a quelquefois le sens El d'apprécié, estimé, sacré, le mot antique en français ne l’a point du lout, et J. Goropius-Bécan ne s’aventurerait point à l’affirmer non plus du cellique aut ou aud. En sorte que cette élymologie repose tout entière sur une sorte de calembourg dont le sel s’évapore quand on fait passer en français ou en celtique le latin de J. Goropius- Bécan. . Pour en finir avec celte discussion déjà fort longue, je mention- nerai encore une opinion qui fait venir alauda, assez capricieuse- ment, de a laude. Plusieurs naluralistes, entre autres Schwenckfeld et Klein, ont soutenu celte opinion. Les alouettes, en effet, s'élèvent à des hauteurs considérables en faisant entendre un chant agréable; plus elles montent, plus elles élendent leur voix, de sorte que lorsqu'elles disparaissent à nos re- gards, nous les entendons encore très-dislinclement. Elles redes- cendent ensuile en chantant, et diminuent graduellement la puis- sance de leur voix jusqu’à ce qu’elles soient posées à terre. Elles répélent cette ascension un certain nombre de fois, parliculière- ment le matin et le soir. Les auteurs que nous venons de nommer ont cru que ces ascen- sions élaient au nombre de sept, et que les alouettes accomplis- saient ainsi le vœu du Roi-Prophèle, qui demandait à célébrer les louanges du Seigneur sept fois le jour (Ps. 118) : Septies in die lau- dem dixi tibi. Il leur a semblé que ces oiseaux portaient vers le ciel l'hommage de la reconnaissance des créatures, et qu'ils expri- maient en redescendant leur salisfaction d’avoir acccompli un devoir imposé à tout être qui se montresensible aux bienfaits du Créaleur. Les paysans bas-bretons attribuent au vol perpendiculaire de l’a- louetle un autre motif. Voici la légende que je lis dans l'ouvrage intitulé Barzaz-Breiz !. « Les paysans bas-bretons, dans leur poé- tique naïvelé, se figurent que les âmes montent au ciel sous la forme d’une alouelte. Comme je suivais un jour de l'œil un de ces oiseaux qui s'élevait en chantant dans les airs, un vieux laboureur, qui charruail à quelques pas de moi, s’arrêla; et s'appuyant sur les bras de son instrument araloire, me dil: « Je parie que vous ne ! Poésies bretonnes, par Th. Hersart de la Villemarqué. 28 savez pas ce qu'elle dit ? » Je l’avouai. « Eh bien, ajouta-t-il, voici ce qu’elle chante: Sant Per digor ann nor d'in Saint Pierre ouvre la porte à moi Birwiken na béc’hinn! Jamais je ne pécherai! Na béc'hinn, na béc'hinn! Je ne pécherai, je ne pécherai! Nous allons voir si on lui ouvre, dit le paysan. » Au bout de quelques minutes comme l’oisean descendait, il s’écria : « Non, elle a trop péché; voyez comme elle esl de mauvaise humeur, l’entendez-vous la méchante, répéler Péc'hinn! péc'hinn! péc'hinn ! Je pécherai! je pécherai! je pécherai! » Pour justifier leur opinion, Klein et Schwenckfeld pensèrent que le mot alauda était composé de a et de laude qui vient de laus, louange, ou laudare, célébrer les louanges, et signifiail : oiseau qui chante et redit les louanges. Leur opinion pouvait s’appuyer aussi sur le mot allaudare, louer beaucoup et souvent. Peut-être ces auteurs avaient-ils été porlés à admettre cette ély- mologie, plus pieuse que réelle, en observant que les alouelles font entendre très-rarement leur véritable chant lorsqu'elles sont à terre, et qu’en redoublant l'éclat de leur voix elles la rendent plus harmo- nieuse , à mesure qu'elles s'approchent du ciel. Ce qui avait pu for- tifier encore leur opinion, c'est que l’alouelte est le seul de tous les oiseaux qui chante en s’élevant perpendiculairement vers le ciel. La farlouse fait bien entendre un chant très-vif dansles airs, mais c’est toujours lorsqu'elle redescend vers la Lerre el son chant devient plus accentué à mesure que le mâle s'approche du nid de sa couveuse. Un sentiment d'amour est donc le molif qui inspire ses accenls. Nos deux auteurs ont cru pouvoir {rouver au chant de l’alouctle un molif plus délicat et presque surnalurel. Le sens atlaché au vieux mot alouser pourrait corroborer dans une certaine mesure l'opinion précédente, comme on a pu le remar- quer dans les vers d'Alain Chartier, cilés précédemment. En effet du mot alauda on a pu former le nom aloue et le verbe alouser, signifiant tout à la fois louer et acquérir renom. a 29 Ainsi, alouser désignait aulrefois l’action de tous ceux qui dési- raient plaire el acquérir un renom, qui remplissaient le rôle de flat- teurs. On le prenait aussi dans un autre sens : celui de se complaire en soi-même, de chercher à surpasser les autres. Ces deux dernières acceplions conviennent également à l’alouelte. En effet, soit pour dissimuler sa présence et échapper à ses ennemis, soit pour ailirer les regards et comme pour acquérir du renom, l’a- louelte non-seulement imite le chant des autres oiseaux lorsqu'elle est à terre, mais elle le travaille, l’'embellit et se permel des variantes dans lesquelles elle se complaît. Dans ce cas, elle ne donne pas la louange, elle paraît la rechercher et vouloir acquérir renom. Elle s’at- tache aussi avec passion aux objels qui peuvent refléler son image; elle aime à s'y contempler, et celle funesle complaisance est pour elle, comme pour beaucoup d’autres, la cause de sa perte. Les chas- seurs, profilant de cet inslinct, ont eu la pensée de placer, dans les pays où les aloueltes sont abondantes, des miroirs mobiles sur un pied fixe, et de les faire mouvoir avec une corde. Les alouettes arrivent bientôt en grand nombre, volligent aulour de cet appareil en poussant un pelit cri de joie, se contemplent dans toutes les sub divisions du miroir, ct finissent par se poser à terre afin de pouvoir prolonger leur salisfaclion plus longtemps el sans faligue. Là, elles trouvent la récompense de leur vanilé: le filet et la mort. Celte chasse se fait au lever du soleil et produit des résultats très-fruc- tueux. Que de victimes ne ferait elle pas si elle élait appliquée avec toutes ses conséquences à l'espèce humaine! Les aloueltes qui recherchent avec tant de passion les miroirs, cause de leur mort, manifestent une crainte très-vive à l'approche des oiseaux de proie, et surtout de l'épervier. Pour se dérober aux serres de ce rapace, elles se précipitent dans loute espèce de piéges; toute mort leur paraît préférable à celle qui est donnée par le falco- nisus. Les anciens ont cherché à expliquer cette appréhension excessive par un fait mythologique. Scylla, fille de Nisus, roi de Mégare, coupa à son père les cheveux d'or dont dépendait le salut de sa patrie, et livra ainsi son père et son pays à Minos qu'elle aimait éperdûment. Le malheureux père voulut punir sa fille; mais celle-ci se trouva aussitôt métamorphosée en alouelle, et lui-même fut changé en épervier. 30 Tout le monde connaît ces beaux vers de Virgile : Apparet liquido sublimis in aere Nisus, Et pro purpureo pœnas dat £cylla capillo. Quæcumque illa levem fugiens secat æthera pennis, Ecce inimicus, atrox, magno stridore per auras Insequitur Nisus; qua se fert Nisus ad auras, Ila levem fugiens raptim secat æthera pennis. (Géorgiques, livre I, v. 404-9.) Tantôt l’affreux Nisus, avide de vengeance, Sur sa fille à grand bruit, du haut des cieux s’élance. Scylla vole et fend l'air, Nisus vole et la suit, Scylla, plus prompte encore, se détourne et s’enfuit. (DELILLE.) Celte fable, en même temps qu’elle faisait connaître, du point de vue de la mythologie, la cause de la crainte extraordinaire que res- sentent les aloueltes à l'approche du falco-nisus, semblait expliquer aussi, par la mélamorphose de Scylla qui, de femme devenue alouetté, aurait conservé quelques restes des penchants naturels au beau sexe, la complaisance avec laquelle ces oiseaux aiment à se contempler dans les miroirs. Mais ce n’est là qu'une fable. Pour se dérober à la poursuite de l’énervier, les alouettes s’élèvent perpendi- culairement à des hauteurs prodigieuses, qui dépassent souvent 1,000 mètres. Comme tous les faibles el les opprimés, elles cherchent secours, espérance et consolation en s’approchant du ciel. Plus elles s'élèvent, plus leur chant revêt le caracière de la prière; elles sem- blent chercher un asile là où l'innocence se repose et où l’iniquilé ne peut pénétrer. Celte confiance n’est pas inulile, car ces ascen- sions préservent souvent les aloueltes de la mort. Les rapaces ne peuvent suivre leur proie dans ce vol inaccoutumé pour eux, et sont condamnés à décrire des cercles autour des alouettes et à attendre qu'elles redescendent vers la terre. Dieu, encore, y veillera sur elles : en effet, faliguées par ce vol hardi et continu, les aloueltes retombent des hauteurs de l’air avec la vitesse d’une balle, puis elles se blottissent sous une molle de terre ou sous une touffe d'herbe. Là, leur immobilité et la nuance sombre de leur plumage qui s’har- monisent avec le refuge qu'elles ont choisi, les dérobent aux regards de leurs persécuteurs. 31 Victimes des oiseaux de proie de toutes les formes, les aloueites trouvent encore un ennemi persévérant dans le coucou, En effet, il mange les œufs et dépose ensuile dans le nid un œuf qui sera couvé avec soin et donnera naissance à un nouveau perséculeur. Cepen- dant, malgré loules ces causes de destruction et les quantités incalculables d’alouettes capturées pendant la saison des neiges, ces oiseaux apparaissent en hiver, et surtout dans les pays de plaines, par légions innombrables. La Providence veille sur elles dans l'intérêt du pays qu’elles habitent. Les alouelles se lienrent ordinairement à terre, el ne peuvent se percher que irès-difficilement. Elles ont trois doigts en avant el un en arrière. Le doigl externe est soudé à la base avec le médium et ne permet pas à l'oiseau de saisir fortement la branche ou l’appui sur lequel il voudrait se reposer. Le doigt placé en. arrière est armé d’un ongle plus long que le doigt lui-même et très-fort. La plupart des naturalistes n'ont vu dans cet ongle qu’un embar- ras, landis qu'il est pour l’alouelte un bienfait de Dieu. D'un naturel limide et sans défiance contre ses nombreux ennemis, l’alouetle ne peut pas même leur échapper par son vol. Pour vivre, elle doit dissimuler sa présence, Afin d’alleindre ce but, elle ne fait que très rarement entendre, comme je l’ai dit, son vérilable chant lorqu’elle est à terre; mais elle se plaît, au contraire, à tromper ses ennemis en contrefaisan£t la voix des autres oiseaux. Sa couleur uniforme et fauve se confond facilement avec les nuances des sillons ou même avec les terrains sablonneux qu’elle recherche de préfé- rence. Sa course au milieu de ces sillons pourrait encore la trahir, et sans son ongle elle serait souvent découverte et perdue. Aussi, toutes les fois qu’un péril se manifesle, l’alouette s’arrêle, se tapit le long des molles, même les plus irrégulières, et se tient immobile et en quelque sorte suspendue en enfonçant dans la terre son ongle qui lui sert d'appui el de miséricorde. Avec ce puissant secours, elle peut conserver longlemps une position qui, sans cela, lui serait impos- sible. Cet ongle est encore pour l’aloueite d'une grande utililé dans ‘ses courses à travers les terres labourées ou les sables des déserts; en augmentant considérablement la base de son pied, il lui donne 32 beaucoup plus de solidité et facilite ses excursions pénibles et conli- nues à la recherche de sa nourrilure. | Enfin, pour réparer les perles nombreuses que tant de périls oc- casionnent dans les rangs des aloueltes, Dieu a doué ces oiseaux d'une grande fécondilé ; elles font deux, trois el même quatre cou- vées par an, surtout au milieu des déserts où leur présence est plus nécessaire encore que partout ailleurs, car elles y détruisent ces myriades de sauterelles qui deviennent de temps en temps de véri- tables fléaux. Il serait très-curieux d'étudier el de constater si ces nuécs de sau- terelles qui s'échappent de l'Afrique pour porter au loin la dévas- tation, la famine el la peste, ne manifestent pas leur présence après les hivers rigoureux et abondanis en neige, pendant lesquels les aloueltes succombent en plus grande quantité. S'il en était ainsi, les services rendus par les aloueutes seraient démontrés d'une manière plus rigoureuse et plus intéressante, et dès lors il deviendrait diffi- cile de justifier les arrêtés qui proscrivent les alouettes sous le nom d'animaux destructeurs et nuisibles. Avant d'étudier en particulier chaque espèce d’alouette, ce serait ici le lieu de discuter la valeur d’une remarque faile par plusieurs personnes, et notamment par François Pithou dans son Glossaire sur les Capitulaires de Charlemagne: à savoir qu'il y a un rapport marqué, quant à la forme, entre alauda et allodium; d'où Pithou n'hésite pas à donner alauda pour racine à allodium. À première vue, celte affirmation ne manque pas de vraisemblance. De même, en effet, qu'on trouve en français alleu et aleu, on lit en latin alodium, allo- dium et, chose bien remarquable, alaudium et allaudium. Les deux ll n'établissent donc pas une différence importante, et, d'autre part, lo, transition entre l’au d’alauda et l'ou d'alouelte, subsiste dans le mot alodetta, qui est encore employé pour signifier alouelte par les habitants de la Lombardie. Dans cette hypothèse, Pithou fait dériver allodium ou alaudium de l'élymologie déjà citée de J. Goropius-Becan, al—aud, parce que l'allodium ou l’alleu en français élait une terre qui donnait loule la considération attachée à une propriélé antique : « Quasi omnino an- « tiqua sit et hœæreditas aviatica ; vel forsan alludere videlur ad hujus « aviculæ morem in symbolis plerumque usurpalum, quæ ul a terra sese « elevans post aliquot crispante voce versiculos decantatos felici epodo 33 « Deum laudat, ita allodium sit terra sublimior veluti quæ solum Deum « ralione domini recognoscat superiorem. » — « Comme si le mot alleu « désignait la possession primordiale tenue par hérilage des aïeux ; «ou bien comme si l’on voulait faire allusion aux mœurs de l’a- « louelte qui sont souvent employées d’une manière symbolique: « Cet oiseau, lorsqu'il s'élève de terre, fait entendre des airs joyeux « comme pour louer Dieu ; de même l’alleu est une terre élevée au- « dessus des autres et qui ne reconnaîl que Dieu seul pour proprié- « taire. » En d’autres termes, afin d’éclaircir la phrase tant soit peu embarrassée de l’auteur, l’alouette ou l’allouette, chez les Ganlois, avait élé l'oiseau antique, primordial, c'est-à-dire supérieur à tous les autres par son vol et son chant réunis, car il est le seul qui, en chan- tant, s'élève ainsi dans les airs; et pareïillement l’alleu, après la con- quête, aurait élé la terre antique, primordiale, dont la possession l'emportait sur toutes les autres, et dont le propriétaire ne relevait que de Dieu. L'on conçoit que dans cette hypothèse, si allodium ne dé- rive pas précisément d’alauda, et alleu, d’alouette, ces différents mots appartiennent à une souche commune, ce qui revient au même. L'étymologie précédente soulève une objection, comme je l'ai dit plus haut. C’est qu'il faudrait prouver qu'en cellique l’idée d’ancien, d’antique, a emporté, comme en grec et en lalin, celle de vénérable, de plus grand, de plus important, de supérieur. La chose n’est pas impossible. Quoi qu'il en soit, l'opinion de F. Pithou, relative à la communauté d’origine existant entre allodium el alouette me sem- blerail pouvoir êlre, jusqu'à un certain point, confirmée par une re- marque qui m'est personnelle, et que je lire des noms Alleuds, Alaudière, donnés à quelques endroits en France. Dans le département de Maine et Loire, la commune Les Alleuds est siluée dans une contrée où les aloueltes sont en si grande quan- lité, que dans la discussion de la nouvelle loi sur la chasse, il a été question de faire une exception en faveur de ce pays. Il eût été per- mis aux habitants de prendre des aloueltes dans les temps de neige, motivant ce privilége sur les pertes qu’occasionnerait aux fermiers l'application de la loi générale. Un très-grand nombre d’entre eux, en effet, capturent pendant l'hiver des quantités innombrabies d'a- louettes, dont le prix s'élève à plusieurs centaines de francs pour chaque villageois. lei, au moins, le mot Alleuds me paraît signifier bien évidemment portion de terre habilée, recherchée par les aloueltes. VII. 5) 34 Le mot alleu, en général, ne saurait avoir un sens aussi restreint : vient-il toutefois de la même racine qu'alouette, comme l’a prétendu l'écrivain cilé plus haut? D'abord, il faut le dire, un certain nombre d'auteurs font dériver le mot alleu de l'allemand all, lout, et od, propriété. Si l'on admet leur étymologie, il est clair qu'il ne saurail y avoir qu’un rapport fortuit de son entre les deux mots qui nous occupent. Mais rien ne démontre qu'il faille s’en tenir à celte supposilion. D'autres font venir alleu de a et de loos ou los, signifiant dans l’ancienne langue allemande sort, partage, lot. 1 est remarquable que celte étymologie coïncide avec celle que fournit le P. Lepellelier. « Le terme de juris- consulte allodium est, dit-il à l’article laut, régulièrement formé du breton al-loden, la part, la portion, le partage. Al est l’article, loden est le nom correspondant au verbe loden, lawden, laoden, dérivé de laut, laot, ou lot, qui signifie part, portion, lot. » Le mot français, le même dans les deux iraduclions et dérivé de l’une et de l’autre source, prouve la conformité de la racine. Cette simililude n’eût-elle pas existé, les Francs ont nécessairement emprunté aux Gaulois une foule de loculions, et il eûl été fort possible que, voulant exprimer une propriélé exempte de toute servilude, les vainqueurs eussent emprunté un mot formé d'éléments appartenani à l’idiome des vain- cus, afin de se faire mieux comprendre d'eux. A pius forle raison l’ont-ils pu faife dans le cas présent, où ils avaient l’avanlage de trouver un terme d'origine identique dans leur propre langue. Alouelte, maintenant, proviendrait-il aussi de al-loden? Je laisse à de plus versés que moi dans la connaissance du celtique le soin de trancher celte queslion. À en juger par le provençal lautzo, abré- vialion de alauso, el par l'italien lodola, abréviation de allodola, on pencherait pour l'affirmation. Ces formes nous mènent loin d’al- chwedé, et surtout de huider. Pourquoi le latin aurait-il élé calqué sur ce mot du dialecte brelon, et non sur un mot du dialecle aqui- tain? Lors même que, contrairement à l'opinion de M. Granier de Cassagnac, on souliendrait que lodola et lauzo ! ne sont que des corruptions du latin même, il serait encore très-probable que les 1 Cité, ainsi que lauzelto, par M. Granier de Cassagnac, dans son opuscule inti- tulé : Anfiquilé des patois, antériorité de la langue française sur le latin, p. 31-32. Paris, Dentu, éditeur. 39 Celtes Aquitains fussent demeurés assez fidèles au génie de leur langue pour que la partie principale du mot se fût le plus exacte- ment conservée, el il paraîtrait difficile de n’y pas reconnaître une racine analogue à laut el loden ou lawden. En admettant donc, d’une part, la communauté d'origine assiguée aux termes alleu et alouelte par F. Pithon, et de l’autre l'étymologie mieux fondée d'’alleu fournie par le P. Lepellelier, n’y aurail-il pas quelques inductions à tirer de ce nouveau point de vue? Si alleu veut dire la part, la portion, la propriété par excellence, que pouvait, en suivant la même idée, signifier alouette? L'oiseau spéciale- ment attaché à la propriété? L'on allègue que l’alouette est un oiseau de passage. Il n'en est pas moins vrai qu'il s'arrête de préférence, comme j'en ai fait la remarque, dans telle ou telle localité. Les Gaulois ont-ils élé, par l'abondance des alouettes, portés à croire qu’elles affectionnaient certaines parties remarquables de leurs possessions ? Les ont-ils, en quelques sorte, identifiées avec leur territoire? À supposer qu'ils eussent voulu, dès le principe, symboliser l’indépen- dance, la supériorité, à quelque point de vue que ce fût, de la terre aussi bien que des hommes, ils n’auraient pu choisir un oiseau qui leur en offrit de plus puissants moyens que l’alouette cochevis, au visage de coq, semblable par la crêle à cet animal autre emblème de la vigilance matinale comme lui, mais bien supérieure par ce vol audacieux et ce chant unique que j'ai plusieurs fois caractérisés. Et c'est pourquoi, sans doute, ils on! fail de l'alouctte un de leurs in- signes nalionaux, el, soit de leur propre mouvement, soit par l'effel des circonstances, se sont, nous l'avons dil, appelés de son nom en servani à l'étranger. Au resle, le P. Lepelletier ouvre le champ à une tout autre expli- calion. « Le mot latin laus, louange, peut encore, dit-il, être notre lawden, comme en hébreu eleq signifie partager et louer, ou compli- menter, gracieuser de belles paroles, flatter. » Une chose curieuse, en effet, c’est que, dans un grand nombre de langues, une parenté ori- ginelle semble avoir embrassé les mots qui exprimaient l'idée de placer, à part ou ensemble, par conséquent de diviser, de séparer ou de réunir, et ceux qui exprimaient l’idée de dire, de parler, de louer. Cela est frappant en grec : Xéy, y signifie tout à la fois dire, parler, rassembler et coucher : d'où Xévos, discours, et x6yoc, armée, embus- cade, accouchement. En latin, une affinilé semblable relie loqui, 36 locutus et locare, locus, pluriel loci; laus, par cette dernière forme, se rattache à la même racine primilive, et, comme l'a très-bien vu le savant auteur du diclionnaire breton, se rapproche du celtique laut, laoden, comme de l'allemand Loos ou los. Notre mot louer a une double signification analogue, indiquée, dans les deux sens différents, par les mols louange et lot. Il semble que le langage ait été considéré, dès la plus haute antiquité, comme un instrument de distinction, de distribulion, que parler soit mellre chaque chose à sa place, et louer, assigner à chacun le lof, la part qui lui est due. Cetle analogie si frappante dans les langues primitives serait-elle fondée sur ce souvenir de la Bible : Dixit et facta sunt? « Dieu dit, et toutes choses furent créées et occupèrent la place déterminée par la volonté du Créateur. » Est-ce sous l'influence de cette pensée, qu’en grec et dans d’autres idiomes, la même expression a été employée pour signifier, comme je l'ai dit ci-dessus, parler el mettre au jour ? Ceux qui ont créé les langues primilives onl-ils voulu refléter dans leurs idiomes celle puissance de Dieu qui les avait frappés? La per- sonnification la plus entière de la volonté et de la puissance divine, s’est appelée d’après les desseins du Tout-Puissant, Verbe, parole par excellence. Ce Verbe, cetle parole par excellence, s'est nommé lui- même la Vérilé : ego sum Veritas. Donc d’après Dieu, la parole est et doit être l'expression, la personnificalion de la vérité. Parler est donc envisager chaque fait, chaque chose, chaque personne sous son véritable point de vue; c'est distribuer à chaque fait, à chaque chose, à chaque être, sa vérilable part, lui concéder son véritable lot. Il n’est donc pas étonnant que lawden ait signifié chez les Celtes partager et louer. Or voici ce que l’on peut se figurer, non sans vraisemblance, avoir eu lieu. Le mot alouelle serait, à l’origine, dé- rivé de la racine lawden, prise dans le sens de louer. Alors alouetle aurait signifié oiseau qui loue, qui célèbre soit l'auteur de la lumière, soit le relour de la clarté, la naissance du jour, si l'on jugeait trop mystique l'interprétation adoplée par plusieurs modernes, et pré- cisément fondée sur le rapprochement d’alauda et de laudare. Ou bien il aurait signifié l'oiseau qui, par l'élévation de son vol et l’ar- deur de son chant, cherchait à s’allirer la louange. Le mot alleu, postérieurement, serait venu de la même racine prise dans le sens de partager. Dès-lors s’expliquerait le rapport existant, non-seule- . ment entre alleu et alouelle, mais encore entre plusieurs autres mots Mnlls À : Gun intt 37 indiqués précédemment, et aloue, alouser, allouer, alauso, lau- zelto, etc. Je donne ces conjectures sous toutes réserves. Néanmoins et dans tous les cas, je crois pouvoir maintenir que les alleuds, nom attribué à certaines localités, notamment en Anjou, ont avec les alouettes un rapport direct. J'ai dû examiner chacune des hypothèses précédentes, ne fût-ce que pour exercer la sagacité des personnes qui aiment les problèmes d’une solution difficile. Dans un temps où les recherches historiques sont en si grand honneur, nul ne me reprochera, je l'espère, de m'être étendu sur un sujet qui n’intéresse pas uniquement la science ornithologique, mais qui se lie étroitement à l’élude même de nos origines nalionales. Pour résumer celle disserlalion, dans laquelle j'ai déroulé le tableau de bien des opinions différentes, je crois avec Court de Gebelin, dans son ouvrage du Monde primitif, que le mot alauda est un composé de deux expressions gauloises : al, s'élever, el aud chant, et signifiant mot à mot oiseau qui s'élève en chantant, ce qui caractérise très-bien l'alouelte. « Al-auda, alouelle, nom que les « Romains empruntèrent des Gaulois; il fut très-expressif; formé de « al s'élever et aud chant, mot à mot : qui s'élève en chantant, ce « qui caractérise cet oiseau !. » Enfin une dernière hypothèse pourrait faire dériver alouette de deux anciens mots celtiques, al, le, et laouën, joyeux, dans ce cas l’alouelte signifierait l'oiseau de la gaieté, et il eût alors très-bien convenu pour symboliser l’entrain des soldats gaulois et devenir notre emblème militaire et national. . Pour ceux qui auraient cru trouver dans la langue bretonne l'ori- gine du mot alouetlte, la dernière étymologie que je viens de donner pourrait peut-être se forlifier encore par le mot dent se servent les Bretons pour désigner les pouillots, les roitelets et tous les petits oiseaux qui se font remarquer par leur agililé, leur chant joyeux, leurs mouvements conlinuels. Ils les appellent laouënan, de laouën, joyeux, et an pour ezn, volaliles, c’est-à-dire joyeux oiseaux, oiseaux de la gaieté. Or si une pareille expression peut êlre appliquée avec raison à un oiseau, c’est surtout à l’alouelte qui à tous ces titres de la gaieté, du chant, du vol, pourrait parfaitement être appelée l’oi- seau de la joie. 1 Diction. étym. de Court de Gebelin, 38 Si, laissant de côté la terminaison an, on prenait pour racine du mot alouette, l’article al et le substantif laouën, on obliendrait : l'oiseau joyeux par excellence, comme je l'ai dit, et l’on pourrait suivre plus facilement encore la formation du mot alouelte dans ses modifications successives, de allouën ou alouën en aloe, aloue et alouelte. ALOUETTE COCHEVIS. — ALAUDA CRISTATA. Les aloueltes ont beaucoup de traits de ressemblance avec les pipits; mais elles s’en éloignent par une taille moins élancée, une queue courte et une tête plale et arrondie. Le genre renferme un grand nombre d’espèces dont quatre viennent chaque année se re- produire en Anjou. L’alouetle cochevis, appelée en grec xépuc, et xopuôoéc, et en latin cristala, huppée, doit son nom au pelit bouquet de plumes élagées qui surmonte, comme une créle de coq, la tête du mâle et de la femelle, et représente assez bien un triangle. Le mot cochevis est composé de coche pour cog et de vis, ancien substantif qui était em- ployé pour signifier visage. Le roman de la Rose en parlant de Narcisse, dit : IL vit en l’eau claire et nette Son vis, son nez et sa bouchette. Ainsi cochevis veut dire, visage de cog, ressemblance de coq. Ce nom n'’avait-il été donné à celte alouette qu’à cause de la huppe qu'elle porte? Sa ressemblance avec le coq n'était-elle pas aussi fondée sur sa vigilance et sur son chant malinal? Ces conirostres élèvent et abaissent à volonté cette huppe, selon les impressions qu'ils éprouvent. L’alouette cochevis se trouve très-souvent sur les routes; elle cherche dans les excréments des animaux les grains d'avoine non digérés. A l’approche des passants elle ne manifeste qu’une faible crainte, et, sans avoir recours au vol, elle s'éloigne d’eux en courant avec une rapidilé et une grâce semblables à celles qu’on admire dans la dé- marche des goëlands et des mouelles. Celle grâce et cette légèreté sont un des priviléges de presque lous les oiseaux qui ne soni pas conformés pour se percher. Ne pouvant, dans leur fuite, se dérober RE - 39 à leurs ennemis en se reposant et en se cachant sur les branches et sous le feuillage des arbres, ils seraient condamnés à un vol continu et très-faligant, si la Providence ne leur avait donné une ressource puissante dans leur course rapide, dont les avanlages:s’accroissent encore par un exercice incessant. L’alouette cochevis se tient sur les côtés de la route pendant quelques inslanis pour laisser circuler les voyageurs, et revient ensuile continuer ses investigations. Si la route est élroite et que l'alouette juge être trop près des hommes, elle vollige, se pose sur les murs ou sur quelque monlicule, allend avec calme et patience l'éloignement de ses ennemis pour reprendre ensuite sa première occupation. Celle alouette ne vit pas en troupes nombreuses comme l’alouelte des champs, mais on la trouve en petites bandes qui semblent être la réunion des différentes générations d'une même famille. Dans ce cas, un des membres les plus âgés ou les plus expérimentés se tient ordinairement en sentinelle sur un point cul- minant, et fait de temps en temps entendre un signal pour prévenir ses congénères de veiller avec persévérance, et de fuir quand le péril se manifeste. Alors tous les individus de la bande jettent un petit cri qui semble être un signe d'acquiescement à l'avertissement reçu et en même temps un mot d'ordre répélé aux retardalaires el aux insouciants. Dans leur fuite, ces aloueltes s'élèvent à une pelite hauteur par des bonds multipliés. Leur vol saccadé et leur taille peu élancée donnent à ces oiseaux une certaine ressemblance avec les rapaces nocturnes. Les alouettes sont des oiseaux pulvéraleurs, caractère qui les rap- proche des gallinacés, et explique pourquoi elles recherchent les terrains sablonneux. Elles vivent de graines et d'œufs, de fourmis et de sauterelles. Le cochevis niche à terre, choisit un pas de bœuf ou de cheval, et y réunit quelques brins d'herbe sur lesquels la femelle dépose quatre ou cinq œufs. Quelquefois il place son nid au milieu d’une tonffe d'herbe ou dans les b'és. Ces œufs sont d’un gris roussâtre où jaunâlre, ou d'un cendré clair parsemé de taches ou de points bruns et roussâtres. Ils portent assez souvent une couronne vers le gros bout On trouve fréquemment une variélé d'œufs plus gros, plus colo- rés et plus luisants que ceux que je viens de décrire, 40 Leur grand diamètre varie de 0.019 à 0",022, et le petit de 0,014 à Om,017. ALOUETTE DES CHAMPS. — ALAUDA ARVENSIA. L’alouette des champs recherche plus que ses congénères les ter- rains cultivés, et c’est à cette préférence qu'elle doit ses noms. Plus multipliée que le cochevis, l’alouette des champs présente deux races bien dislinctes. Celle qui séjourne dans l’Anjou, et qui s'y reproduit, a des pro- portions plus grandes que celle qui apparaît dans les temps de froid et de neige. L’alouette des champs a une voix très-agréable el très-étendue, elle se plaît à la faire entendre en décrivant dans les airs des cercles concentriques comme ceux des rapaces qui veulent étourdir leurs victimes. Elle s'élève à des hauteurs considérables pour redescendre ensuite avec la rapidité de la balle, quand elle est menacée par un oiseau de proie ou atlirée par un sentiment d'amour. Lorsqu'un de ces molifs ne la sollicite pas à accélérer son vol, elle descend lentement en étendant ses ailes. Elle semble se complaire dans celte manœuvre; on dirait un aréonaule jouissant avec délices de toutes les ressources de son parachute. Cette alouette niche dans les herbes, les blés, les bruyères, ou entre les molles de terre; elle y prépare elle-même un petit ereux en grattant la terre avec ses ongles. Elle le remplit d'herbes fines et déliées, de mousse, de racines, et y dépose de trois à cinq œufs, d’un blanc sale, nuancé de verdèlre et parsemé d'un grand nombre de petits points noirâtres qui forment une seconde couche plus foncée que la première. Quelques-uns portent vers le gros bout une couronne composée d'une seconde couche de petits points. Lorsque ces œufs sont récem- ment vidés, ils ont une leinte généralement beaucoup plus noire que celle qu’ils conservent plus tard. Leur grand diamètre varie de 0®,021 à 0,023, et Le petit de 0,015 à 0,017. ALOUETTE LULU. — ALAUDA ARBOREA. La tête de l’alouette lulu est surmontée d’une huppe qui diffère de celle du cochevis en ce que les plumes qui la composent ne sont ie ne 1e dits ai pas étagées ni terminées en pointe. Celte espèce doit son nom au chant qu'elle fait entendre quelquefois, lu lu lu lu. Cependant, son véritable chant est : bu du li, bu du li; il est peu gracieux. Celle alouette contrefait aussi, mais d’une manière ridicule, le chant des autres oiseaux. Elle ne vit pas en bandes nombreuses comme l’alouette des champs, mais elle se réunit par petites troupes. Elle se plaît dans les lieux accidentés et incultes, dans les vignes et les landes. Elle se perche quelquefois, et c’est à cette habitude tout exceptionnelle parmi les alouettes, qu’elle doit son épithète arborea, alouelte des arbres. L'alouette lulu s'élève moins haut que ses congénères, el dans son vol elle ne décrit pas de cercles concentriques. Elle niche à terre, dans les bruyères et les champs, à l’abri d’une motte ou d'une plante. Elle réunit dans une petile cavité quelques racines ou des fila- ments d'herbes sèches, du crin, du coton, des plantes, et forme avec ces matériaux une coupe aplatie sur laquelle la femelle dépose quaire ou cinq œufs d’un blanc gris ou roussâlre, pointillé de gris et de brun. Quelques-uns de ces œufs portent une couronne comme ceux de la pie grièche écorcheur. Les uns sont ronds, d’autres oblongs , d’autres ont une teinte rougeâtre avec des nuances d’un cendré pâle. Leur grand diamètre est de 0,017 à 0,020, et le petit de 0,014 à 0m,017. ALOUETTE CALANDRELLE. — ALAUDA BRACHYDACTYLA. Le mot calandrelle est un diminutif de celui de calandre, formé lui-même de xéavôse, expression servant à désigner, chez les Grecs, Ja grosse alouelte. Malheureusement M. Alexandre, dans son dictionnaire grec, met à la suite du mot xéavôpe un r suivi d’un point d'interrogalion, pour indiquer que la racine lui est inconnue; question indirecte qu'il adresse trop souvent pour la salisfaction de ceux qui recherchent le sens primilif des mots. Je me trouve donc encore dans la nécessité de hasarder quelques hypothèses. Le mot xéavôpos, x&avôpa, dérive- rail-il de xa66, xaX%, xaér, beau, belle, et de &épa, ou Gépn, Cou, gosier ? Alors calandre signifierait beau cou, beau gosier ? 42 Celte interprétation sejustifierait par le cercle de plumes blanches en forme de couronne placé des deux côtés de la gorge, encadrant une belle tache noire: Cette particularité a toujours frappé les popu- lations : et en Provence, où l’on élève beaucoup de calandres, on les appelle couloussades, à cause de leur collier noir. Il est toutefois beau- coup plus probable que le mot xéavège, calandre, a trait aux res- sources musicales de l'oiseau qui le porte. La calandre est douée d’une voix très-étendue et très-agréable; de plus elle a le privilége de pouvoir joindre à son chant celui du chardonneret, du serin, de la linotte et de tous les oiseaux près desquels elle séjourne. En cap- tivilé on peut lui apprendre très-facilement à imiter toute espèce de ramage; elle rend très-bien le miaulement de la chatte, etc. Dans le midi de l'Europe, où elle est commune, on l'élève en grand nombre pour jouir de la variété de son chant. En Ilalie, on dit d'une personne qui chante très-bien : Elle chante comme une calandre. Ainsi dans la patrie chérie de la musique, la calandre paraît détrôner même le rossignol !. | D'après ces considérations, plusieurs étymologistes ont donné pour origine à calandre les mots xa&c, bien, el ääw, chanter. El si l'on voulait écrire en adoptant l’ancienne forme grecque, xéavôpe, cha- landre, l'étymologie, pour être différente, ne s’en rapporterait pas moins au chant de ce même oiseau. Ce serait alors x®éw, relâcher, dislendre, mot qui s'y applique parfaitement. Car le propre de sa voix est de s'élever à une hauteur considérable et d'en descendre par des inflexions rapides. Quelques auteurs prétendent que les an- ciens habilants de la Gaule appelaient les alouettes bardalis, d'où l'on conclut qu'est veru le nom de bardes, trouvères, qui célébraient en public les hauts faits des guerriers et la gloire äe la patrie. Si 1 On lit dans un ouvrage italien (Lionello, par le P. Bresciani, chap. 11, page 8) : e Au passage d’un golfe, une calandre harmonieuse s'élevait dans le ciel, droit « comme une flèche ; elle se balançait dans les airs et les faisait retentir de son « chant si varié, de ses pauses, de ses passages, de ses roulades, de ses groupes « et de ses reprises : Alisa ne pouvait se rassasier de l'entendre, de la suivre de « son regard dans son ascension, et puis, retombant comme ure pierre, se rele- « vant et recommençant son chant joyeux. — Je vois, disait-elle, comment au «travail peuvent Sunir l'hymne de louange à la gloire de Dieu et l’action de « grâces pour la miséricorde et l'amour qu'il a témoïgnés à ses créatures. Cette « calandre parcourt les airs; elle va et vient, elle monte et descend, jamais elle « ne s'arrête , jamais elle ne suspend son cantique naturel. » 43 cette opinion élait fondée, elle prouverait que, pour les Gaulois, l’alouette élait le chantre par excellence. Peut-être aussi nos an- cêtres avaient-ils-trouvé quelque ressemblance entre le bardalis et le chant de l’alouelte lulu. Je suis donc fondé à croire que les parli- cularilés du plumage de la calandre et de la calandrelle, surtout les habitudes musicales de ces oiseaux, peuvent juslifier les élymolo- gies que je soumets à l'appréciation des savants. Peut-être pourrait-on prendre le mot calandre dans le même sens que l'instrument employé à imprimer tes étoffes et auquel on donne pour racine xéwvôpos, cylindre, parce qu’il est de forme ronde. Cette acception de calandre serait alors fondée sur les différents cercles blancs et noirs qui se déroulent en s’encadrant réciproquement et embellissent les deux côtés du cou de la calandre et de celui de la calandrelle. Enfin, l'habitude de ces oiseaux de descendre des hauteurs où ils se sont élevés par une série de cercles concentriques en forme de spirale, ne servirait-elle pas encore à justifier la dernière acception donnée au mol calandre, puisqu’en effel, dans leur vol, ils semblent décrire un vérilable cylindre. A l'appui de cette hypothèse, je peux invoquer le mot girolle, nom vulgaire donné à la calandre dans sa véritable patrie. Cette dénomination, adoptée généralement en Italie, dérive de gyrare, louruer sur soi-même. Le nom scientifique brachydactyle est composé de äéxruo, court, et Braxe, ongle ; il a été donné à la calandrelle parce que cet oiseau a le quatrième doigt armé d’un ongle court, exception caractéristique pour les oiseaux de ce genre. D'après les explications données ci-dessus, il est facile de cons- tater, sous bien des rapports, les points de comparaison qui existent entre le coq et l’alouelle. C'étaient chez les Gaulois deux oiseaux représentant les mêmes idées et pouvant être adoptés indifféremment pour signifier le travail malinal, la vigilance, etc. Cette considéra- tion me conduit naturellement à indiquer une nouvelle étymologie du mot calandre. Celle dénominalion me semble pouvoir dériver natureliement de xaév, appeler, exciter, provoquer, et ä&vie, ävôpée, l'homme, et signifie alors oiseau qui appelle, réveille l'homme, qui le provoque et l’excile au travail. Un autre sens pourrait encore être donné au mot calandre, en l’appliquant à un autre point de vue. La calandre et la calandrelle courent devant les chasseurs avec une = 44 rapidité si extraordinaire, que dans le midi de la France, où ces oiseaux sont {rès-communs et où l’on a pu étudier leurs mœurs d’une manière plus exacte que dans les autres contrées, on leur a donné le nom de courrentia, coureuses. Par celle course si parti- culière et si caractérislique , ces oiseaux ne semblent-ils pas provo- quer, défier ie chasseur? N’en serait-il pas de même pour leur chant ? Comme sa congénère, la calandrelle établit son nid à terre, dans les landes, ou sous les moltes d’un sillon. Il se compose d’une pelite cavité tapissée d'herbes, de quelques racines , d'herbes fines, ou de brins de foin; c’est là que la femelle pond quatre ou cinq œufs un peu allongés, d’un blanc sale et grisâtre. La coquille est parsemée de petits points roux ou gris, trés-peu apparents et confondus de manière à former une seconde couche plus foncée que la première. Quelquefois les points sont plus mullipliés vers le gros bout et composent une couronne où une espèce de calotle. On en trouve dont la leinle brune et luisanle les ferait accepter facilement pour cerlaines variétés du moineau-friquet ou du pipit-marilime. J'ai trouvé ce dernier lype dans les landes de Bécon, lorsque je les ai parcourues ayec mes jeunes amis Daniel Mélivier et Eugène Lelong. Leur longueur est de 0",016 à 0,018 , et leur diamètre de 0,012 à On,014. DEUXIÈME GENRE. MÉSANGES. — PARUS. Les mésanges composent un genre très-nombreux et remarquable par les mœurs des oiseaux qui sont groupés sous cette dénomi- nalion. Vives, vélulantes et sans cesse en mouvement, les mésanges parcourent les villes et les campagnes, et visitent tour à tour les toits et les arbres. \ Elles fouillent toutes Îles sinuosités des arbres pour y saisir les insectes et les pelits Vermisseaux qui se cachent sous l'écorce ou dans les fissures du bois. Pour découvrir plus facilement leur proie, les mésanges prennent toule espèce de posilions; elles décrivent des spirales autour des branches, descendent la tête en bas, et con- servent assez longtemps cette dernière position afin d'arriver plus 45 facilement au but qu’elles se proposent. Souvent fixées sur une feuille agitée par les vents, elles n’abandonnent leur frêle appui que pour s'élever sur un autre tout aussi mobile. Lorsque les feuilles sont desséchées et tombées à terre, elles les retournent dans tous les sens. Enfin quand la neige ou le givre couvre les arbres, les mé- sanges cherchent les insectes engourdis jusque sous cette enveloppe glacée qui ne peut pas même dérober les victimes à l’audacieuse persévérance de leurs ennemis. Ces conirosires se répandent ensuile dans les villes et visitent le dessous des toits en décrivant une série de courbes allongées, passent et repassent plusieurs fois dans les mêmes endroits, et ne quittent le théâtre de leurs investigations que lorsqu'ils se sont assurés que rien n’a échappé à leurs regards scrutaleurs. Dans leurs courses incessantes, les mésanges font entendre un cri strident et saccadé, cri de satisfaclion ou de colère lour à tour, et même de rappel, car elles voyagent presque toujours en pelites troupes. Semblables à des forbans, elles sentent le besoin de s'unir pour se livrer plus facile- ment à leurs déprédations, pour se défendre et attaquer, mais en même temps, par un sentiment de défiance réciproque, elles se tiennent toujours à une cerlaine distance les unes des autres. Si quelqu’une de la bande est forcée de suspendre sa course, par indis- posilion ou par quelque blessure, ses compagnes se précipitent sur elle, l'immolent, partagent ses membres et se disputent surtout sa cervelle. Les violences auxquelles les mésanges se livrent envers leurs congénères, elles les exercent à plus forte raison à l'égard des autres oiseaux, soil en liberté, soit en caplivité. Quand elles sont renfermées dans des volières, elles brisent à coups de bec la tête de leurs cornpa- gnons d'infortune et montrent dans cette circonstance toules les faces de leur mauvais caractère. Les mésanges attaquent les chouettes et les oiseaux beaucoup plus gros qu'elles, et cherchent surtout à leur crever les yeux pour être plus cerlaines d’un triomphe complet. Elles se défendent de l’homme en se meltant sur le dos, à la manière des rapaces et se servent alors avec un acharnement et une intrépidité remarquables de leurs ongles et de leur bec. Les mésanges mordent opiniâtrement et souvent on éprouve de la difficulté à leur faire lâcher prise. Elles vivent non-seulement d'in- 46 sectes, mais encore de graines qu’elles brisent avec leur bec après les avoir assujetlies sous leurs doigls. Assez souvent ces conirostres percent avec beaucoup d’adresce l'enveloppe des baies ou des fruits et en enlèvent le contenu au moyen d’un trou qui ferait honueur à un ouvrier exercé. Si les mésanges rendent d'immenses services en dé- truisant une grande quantilé de chenilles, de larves, de vers et de petits insectes, elles exercent aussi de terribles ravages dans les ver- gers qu'elles parcourent et où elles attaquent les boulons des arbres fruiliers. Elles occasionnent des pertes réelles dans les lieux habilés par les abeilles dont elles immolent un nombre considérable ; aussi les anciens appelaient-ils la mésange avis apibus inimica, l'oiseau ennemi des abeilles. Quant aux noms scientifiques et vulgaires consacrés à désigner ces conirostres, peut-être ont-ils une commune origine. En effet, l'audace, la force, la méchanceté et la vivacité des mésanges ont dû élonner les observateurs, quels qu'ils fussent, et en particulier les naluralistes, lorsque ceux-ci rapprochaient ces qualités des dimen- sions si petites de ces conirostres. Dès lors l'attention des auteurs aurait élé fixée sur la pelile taille des mésanges et leur pelilesse se- rail devenue la base de leur nom. Ainsi, parus ne serait qu'une cor- ruplion de parvus, pelit, comme parum l'est de parvum, comme d’après la même idée, mésange dériverait aussi de veto, êlre inférieur, pelit. Malheureusement l’a est long dans parus, et bref dans parum, ce qui paraît s'opposer absolument à l’adoplion de celle élymologie ; néanmoins elle semblerait être confirmée par le nom que les An- glais donnent aux mésanges : ils les appellent fitmouses, peliles souris, peliles rongeuses. Quant à l’autre élymologie grecque ue, elle me semblerait au moins plus naturelle que celle qui est adoplée par le plus grand nombre des auteurs, et qui fait dériver mésange de me- seck, mot employé, en Allemagne, pour désigner cet oiseau. Le père Labbe prétend que la dénominalion mésange a élé donnée à ces conirostres à cause du mélange très-varié de leurs piumes. IL appuie son opinion sur le mot mesk qui signifie mélange, ainsi que sur le grec uicy, et le lalin misceo. Dès lors cette élymologie s'appuie- rait sur les différentes bandes noires, bleues, blanches, elc., qui diversifient le plumage des mésanges et le rendent assez agréable dans son ensemble. Je pense que l’on pourrait hasarder l’étymologie suivante : + sie il 47 Le mot mésange ne serail-il pas composé de deux noms celtiques : mes, beaucoup, et angen, cruel, inexorable, d’où est venue probable- ment la vieille dénominalion française angir signifiant tourmenter, vexer, el le mot angoisse, loujours usilé. Angen, représente aussi dans l’ancien allemand l’idée de presser, de serrer, de violenter. En grec äyxw a le même sens etest probablement le principe de loutes ces lozu- tions. En l’alliant avec éco, milieu, il signifierait qui étrangle par le mulieu ; el d’une façon comme de l’autre le mot mésange retracerait d’une manière exacle le caractère de ces pelils lyrans. Les mésanges se livreut à des invesligalions incessantes non-seu- lement pour se procurer leur nourriture de chaque jour, mais aussi afin de se préparer des provisions pour l'hiver. Elles entassent des graines dans les trous des arbres, et c’est dans ces réserves qu’elles puisent pendant les jours de diselle. Malheur aux oiseaux léméraires qui voudraient recourir à ces greniers d’abondance! Car les mé- sanges ne pratiquent pas la vertu de charité. Dans cette circonslance elles défendent leur propriété avec un courage qui tient de la fureur et qui prouve qu'elles n’admeltent pas en ce qui les concerne les idées de certains poliliques trop enclins au partage du bien d'autrui. Les plumes de leur lête se dressent comme une huppe, tandis que leurs cris métalliques décèlent l’indignalion qui les anime et qui décuple leurs forces. C'est alors qu'elles se précipilent sur leurs ennemis, se cramponnent à leur dos el leur ouvrent le crâne à coups de bec, à moins qu’elles ne soient forcées de succomber sous les serres d’un ennemi beaucoup plus puissant qu'elles. Dans ce cas même, le vainqueur a de la peine à se débarrasser de sa victime dont les ongles restent profondément allachés au corps de son adversaire. Si les mésanges défendent avec énergie leurs trésors, elles pillent sans scrupule celui des autres oiseaux, même ceux qui semble- raient devoir leur paraître sacrés. Elles brisent les œufs qu'elles trouvent dans les nids, et allendent que la mère se soit éloignée de ses pelits pour se précipiler sur eux el les dévorer avec une avidilé féroce. Celle habilude cruelle ne pourrail-elle pas fournir une autre élymologie du mot mésange? Ne semblerait-il pas formé des déno- minalions, ange, messager, et més, mauvais? (Le mot més donne presque toujours au mot auquel il est joint une siguification odieuse : més-alliance, més-estime, més-intelligence, més-aventure, 48 etc.) Dès lors mésange serait synonyme de messager coupable, qui porte le ravage et la mort dans ses courses perpéluelles, qui ne res- pecle rien, pas même les pelils de ses congénères. Enfin les mé- sanges pondent un très-grand nombre d'œufs ; elles sont de tous les oiseaux ceux dont la fécondité est la plus grande. En français on ap- pelle mésange une femme, mère d’une nombreuse famille. Le mot mé- sange ne pourrait-il pas lui-même avoir une étymologie d'accord avec celte dénominalion? car anger signifie se propager, se mulliplier, et més-angereprésenterait exactement l'oiseau qui se mulliplie beaucoup et pour le mal. De même le mot parus semblerait peut-être à quelques personnes une abréviation de partus, ce qui me reporterait à un souvenir de mes jeunes années. A Saumur, s'élève une belle chapelle, bicn chère à tous ceux qui croient el qui prient, à tous ceux qui aiment à déposer, dans les sanctuaires de la Mère de Dieu, leurs joies et leurs douleurs, leurs espérances el leurs craintes. L'église de Notre-Dame-des-Ardilliers, dont les dalles ont élé mouillées par les larmes du repentir ou de la reconnaissance de bien des milliers de pèlerins, porte autour de son dôme, celte inscriplion, que les bienfaits de la Mère de Dieu ont aussi gravée dans tous les cœurs catholiques : VIRGINI DEIPAREZ, À la Vierge Mère de Dieu. Ces paroles, expression du symbole de nos pères, y furent placées dans le siècle où tous les grands génies qui composaient l’auréole de gloire de Louis XIV aimaient à manifester dans leurs chefs-d'œuvre de toute nature leur foi catholique et leur culte d'amour et de re- connaissance pour la mère de Dieu. La main sanglante de la Révo- lution respecta cette devise, tout en faisant disparaîlre celle qui se rapportait au grand Roi. Or, ces paroles furent traduites, il y a quei- ques années par un ministre protestant de Saumur, M. Duvivier, et mises, selon lui, à la portée des fidèles. M. Duvivier écrivit que cet exergue élait un acle d’idolâtrie et signifiait : « A la Vierge, égale à Dieu. » M. Desmé de l'Isle prouva très facilement à M. Duvivier, dans une pelite brochure pleine de logique et de bon sens, que le ministre protestant ignorait les premiers élémenis de la langue latine, el que Deiparæ n’a jamais signifié égale à Dieu, mais Mère de Dieu. Parus, comme la terminaison para, semblerait donc impliquer 49 une idée de génération et aurait pour racine, pario, enfanter. Un grand nombre des mois qui représentent en lalin ou en français une idée d’enfantement, soit spiriluel, soit nalurel, commencent par la même syllabe par, parents, parrains, elc. Mais la prosodie vient en- core s'opposer à celte hypothèse si bien fondée cependant sur la na- ture des mésanges, el me force à recourir à une autre étymologie appuyée sur des aulorilés inconlestables. Parus est un nom latin Liré du cri de la mésange; elle fait enteudre une voix stridentle, mélallique, qui avait particulièrement fixé l'at- tention des anciens. On lit dans l’auteur du petit poème intitulé Philomèle ! : Parus enim quamvis per noctem tinniat omnem At sua vox nulli placere potest. « La mésange aurail beau prolonger touie la nuil ses notes aiguës, il n’est personne à qui sa voix puisse justement plaire. » La mésange semble répéter de celte voix de scie qui l’a fait appeler le serrurier À para! ou parra! d'où, en changeant la dernière syllabe : parus. Ce nom serait donc fondé d’après les anciens auteurs sur le cri de la mésange, lequel dans tous les pays a frappé ceux qui l’entendaient et déchire les oreilles les moins sensibles à l'harmonie. Quoi qu'il en soit, la fécondité des mésanges se trouve combattue par l’excès de leur audace et de leur pélulance: en effet un très- grand nombre de ces oiseaux se laissent prendre à la pipée, et, dans ce cas, elles sont les viclimes de leur caractère cruel qui les entraîne à se précipiter sur les chouelles, sans se préoccuper des piéges ten- dus sous leurs pas. C’est ainsi que la soif du sang les fait déroger à leur défiance habituelle, car elles prennent, dans l’ensemble de leur vie, mille précaulicns pour échapper à leurs ennemis. Jamais elles n'entrent dans un trou d'arbre pour y déposer des provisions ou pour y passer la nuit, sans avoir regardé plusieurs fois si leur démarche n’est pas surveillée ou même soupçonnée. MÉSANGE CHARBONNIÈRE, — PARUS MAJOR. La Mésange Charbonnière aime el recherche les pays plantés d'arbres fruitiers. Ceux-ci lui offrent une nourriture abondante : car 1 Cité par Aldrovande. VIL. 4 50 les lichens qui les couvrent sont autant de retraites favorables où se cachent les insectes, qui trouvent dans leurs replis multipliés où déposer leurs œufs et leurs larves. C'est là aussi que la présence des mésanges est utile, c’est là par conséquent que Dieu les mulliplie davantage pour qu'elles viennent en aide aux agriculteurs en préser- vant les fleurs et les fruits des ravages des chenilles et des vers. L’épithète latine major indique que celte espèce est la plus grosse du genre. Quant à l'adjectif français charbonnière, il fait connaître une particularité du plumage de cet oiseau. Une espèce de capuchon d'un noir brillant et lustré couvre la tête de la mésange charbon- nière et s'étend sur le cou. Enfin un large plastron de la même cou- leur règne depuis le dessous du bec jusqu'aux pieds, et juslifie la dénomination de charbonnière qui sert à la distinguer de ses congé- nères. L'opinion de quelques auteurs, qui prétendent que cette mésange doit son nom à l'habitude qu'elle a d'établir son nid dans les huttes des charbonniers, n’est nullement fondée. En effet, la mésange re- cherche pour se reproduire, non les bois, mais les vergers, elle éta- blit son nid dans les trous des arbres fruitiers, et quelquefois dans ceux des murs des enclos; il est composé de mousse, de plumes, de crins, de lichens, et prend la forme et les dimensions de l'endroit auquel il esl confié. Ce nid contient de huit à douze œuis d'un blauc rose, quand ils sont frais et non vidés. Leur coquille est parsemée de taches rousses dont les dimensions s'étendent souvent à mesure que ces taches se rapprochent du gros bout. Le grand diamètre de ces œufs varie de 0,015 à 0,018, et le petit de 0,012 à 0»,014. Dans le midi de la France, la grosse charbonnière a reçu le nom vulgaire de saraïé, c'est-à-dire de serrurier, à cause de son cri aigu et saccadé qui ressemble à celui que produit le fer lorsqu'il est scié avec rapidité. Ce cri que l'on entend souvent à l’époque du prin- temps, le long des routes, dans les pays ombragés, a quelque chose de triste et de sinistre. MÉSANGE PETITE CHARBONNIÈRE, — PARUS ATER, Cette mésange doit son nom lalin ater à la couleur noire de son plumage, et son épithèle française aux dimensions de sa taille infé- rieure à celle de la précédente. Moins défianie que quelques-unes de 51 ses congénères. elle habite les lieux plantés de bois de sapins et d'arbres verts. Son chant n’est pas aussi faligant ni aussi mono- tone que celui de la plupart des autres mésanges. Elle est encore plus pélulante et plus vive que les autres espèces de la même famille. La pelite charbonnière vil en bandes peu rombreuses dont chacune choisit un chef chargé de veiller à la sûreté commune et d’avertir tous les autres à l'approche du danger. Celle mésange niche dans les trous des arbres fruiliers; ses œufs, au nombre de huit à dix, sont d’un blanc rose ou mat selon qu'ils sont pleins ou vides; ils sont parsemés de Laches d’un rouge assez vif. Leur pelit diamètre est de 0,040 à U®,012, et leur grand de 0,013 à 0,014. Chaque année, celte mésange traverse l’Anjou, mais sa présence, à l’époque de la nidification, n’a pas encore élé suffisamment cons- tatée. Aussi l'opinion la plus commune el la mieux fondée admet- elle que si la petite charbonnière se reproduit dans notre départe- ment, ce cas est plutôt une exception qu'une habitude. MÉSANGE BLEUE. — PARUS CÆRULEUS. De toutes les mésanges, celle-ci est la plus répandue; ses couleurs si vives et d'un bleu d'azur justifient les épithèles qui lui ont élé assignées dans toutes les langues. Plus solilaire que ses congénères, elle vit, comme elles, d'insccles el de vers; mais quand celle nourri- ture lui manque, elle s’abal dans les jardins où elle exerce des dégâts considérables en s'attaquant aux boulons des arbres fruiliers. Sou- vent, elle délache même le fruit qui commence à se former, et elle l'emporte dans ses greniers de réserve. Celle mésange a un appélil très-prononcé pour la chair, et lorsqu'elle rencontre quelques cada- vres de petils mammifères ou d'oiseaux, elle s'acharne sur ces débris avec une voracité et une persévérance incroyables. Après son pas- sage, on ne trouve plus que des squeleties dénudés comme si le scalpel les avait fouillés dans tous les sens. Cet oiseau grimpe avec légèrelé le long des tiges des roseaux el du sorgho pour y poursuivre des insectes, et ne craint pas, dans celle chasse, de se trouver en guerre avec les rousseroles et les autres calamoherpes dont elle se fait respecter et craindre. On la voit même, pendant l'hiver, venir sur les grandes routes disputer avec succès aux bruants et aux moineaux 52 les débris des graines qui se trouvent dans les excréments des chevaux. Le nid de la mésange bleue, composé des mêmes matières que ceux des précédentes, est aussi confié aux trous des arbres frui- tiers. Les œufs, au nombre de sept à dix, d’un blanc mat ou couleur chair, sont parsemés de taches rouges très-irrégulières et de points de même couleur, plus abondants vers le gros bout. Leur grand diamètre varie de 0,014 à 0w,016, et leur petit de 0,012 à 0®,013. MÉSANGE NONNETTE. — PARUS PALUSTRIS. La dénomination palustris, de marais, indique que cette mésange a les mêmes habitudes que la précédente, et qu’elle cherche souvent sa nourriture sur les tiges des herbes ou des roseaux des marais. Elle aime aussi à habiter les bois plantés sur le bord des eaux et qui lui offrent ainsi une double source de richesse. Quant à l’épithèle nonnelle, nonnela, elle est un diminutif de nonna, nonne, terme de respect par lequel on désiguait dans l'antiquité les aïeux et les aieules, et qu'on donna ensuite par déférence aux personnes consa- crées à Dieu, par la même raison qu'on appelle encore Péres ou Mères les membres de certaines congrégations. Ce mot représentait aussi, chez les Romains, les personnes qui, avec une tendresse vérilable, élevaient les enfants abandonnés. Dès lors, il a été donné, à juste titre, à ces saintes filles, héritières de la charité de saint Vincent de Paul, qui remplacent près des enfants trouvés et des orphelins, des parents morts ou dénaturés. Cette dénomination, qui a été étendue à toutes les personnes consacrées à Dieu, a, si l’on en croit certains étymologistes, pour racine véos, voÿ, entendement, vos, penser, méditer, et représente ainsi {ous ceux qui appuient les œuvres de leur vie sur des pensées sérieuses. Dès lors, serait-il étonnant que, dans notre siècle de légèreté et d’irréflexion, le mot nonne ne fûl pas compris, et qu'il fût devenu un terme propre à jeter le ridicule sur les personnes auxquelles il est attribué? Il y a tant de gens qui fuient les pensées sérieuses, tant qui craignent de se retrouver en face d'eux-mêmes! assez semblables en cela à ceux qui ne veulent pas établir ni vérifier Re Le Det à à << er 53 la balance de leurs affaires, dans l’appréhension qu'ils éprouvent de voir se dresser devant eux un effrayant déficit. Erreur dangereuse cependant, car un abime qu’on ne sonde pas, inspire moins de terreur, il est vrai, mais il engloulit subitement et sans retour! Je dois dire, néanmoins, que le mot nonne dérive, avec beaucoup plus de vraisemblance, soit de l’égyptien nonn, religieux, soit du grec vévn, tante maternelle, auquel se rattache également, selon toute apparence; l'ilalien nonno, grand-père, et nonna, grand-mère; c’est d’ailleurs , et toujours comme on le voit, une idée de vénéra- tion que ces différents termes expriment par celle d'ancienneté. Et nonne correspond à prêtre, mpcoéérepoc, plus âgé, vieillard. Pourquoi avoir maintenant donné ce surnom à la mésange des marais ? Les naturalistes, ayant remarqué que la mésange des marais avait la tête entièrement noire, ont cru y trouver une ressemblance avec les voiles qui recouvrent la tête d’un grand nombre de religieuses ; elle semble avoir une espèce de capuchon; puis l’ensemble de son plumage est plus sombre que celui des autres mésanges, d’où les auteurs ont appelé cette mésange, la religieuse ou la nonnette. Elle veille aussi avec un soin tout particulier sur ses œufs, et manifeste pour ses pelits une tendresse vraiment remarquable. La mésange nonnette niche comme les précédentes. Ses œufs, au nombre de six à dix, sont régulièrement plus longs que ceux de ses congénères, et portent vers le gros bout une couronne de points rougeâtres. Ces poinis sont ordinairement moins larges que dans les œufs décrits antérieurement. Leur longueur varie de 0,014 à 0®,015, et leur diamètre de 0,010 à Om,012. MÉSANGE HUPPÉE. — PARUS CRISTATUS. Cette mésange doit son nom à l’aigrette, crista, ou huppe qui orne sa tête et lui donne un aspect tout particulier. Cetle huppe est formée de plumes acuminées, noires et bordées d’un filet blan- châtre ; elles sont étagées et réunies en pointe. De loin, ces plumes représentent une corne triangulaire, dont la base repose sur la tête de la mésange. K Ce conirostre habite en grand nombre les forêts des Alpes. Pendant 54 longtemps les naturalistes ont pensé qu'il ne faisait que traverser l'Anjou, au moment de ses migralions. Les recherches persévé- rantes de M. Raoul de Baracé ont démontré que la mésange huppée s'arrête dans notre département pour s’y reproduire, et que dans cerlaines localités elle se lrouve en aussi grand nombre que les autres mésanges. Aux environs du Lion-d’Angers, où elle est très- mullipliée , il a été constaté que si sa présence avait été ignorée au moment de la nidificalion, c’est que cette espèce travaille plus tard que ses congénères à construire sun nid : les feuilles des arbres fruitiers élant alors lrès-développées , la mésange huppée peut plus facilement dissimuler ses courses et dérober aux regards les trous qu'elle a choisis pour élever sa pelile famille. Ses œufs varient de six à dix; ils sont blancs et parsemés de grosses taches d’un rouge assez vif. | Le caractère qui sert à les distinguer des œufs des autres mésanges, et spécialement de ceux de la grosse charbonnière, est la forme ronde qu'ils affectent souvent, et surtout les dimensions des taches réunies ordinairement vers le gros bout en forme de cou- ronne, et qui sont beaucoup plus rondes et plus larges que dans les autres espèces. Le grand diamètre est de 0",014 à 0,016, et le petit de Om,011 à 0,013. Buffon prétend que la chair de cette mésange est parfumée à cause des graines de genévriers dont elle se nourrit dans les pays de montagnes où elle vit en peliles bandes. MÉSANGE À LONGUE QUEUE. — PARUS CAUDATUS. Cette mésange, la plus petite de toutes celles qui visitent l'Anjou, vole avec la rapidilé et la grâce d’une flèche lancée par une main puissante et habile. Elle doit peut-être celte vitesse à la longueur de sa queue qui dépasse même celle de son corps et lui imprime un mouvement accéléré et quelquefois ondulé. Les noms scientifiques et vulgaires de celle mésange sont dus à la longueur de sa queue. Ce gracieux pelit oiseau aime à vivre en famille, et, dans cette espèce, la famille est nombreuse, car chaque femelle pond de douze à vingt œufs. Les uns sont ronds, d’autres oblongs, quelques-uns sans taches, d’autres parsemés de petils points rougeâtres formant 55 quelquefois une couronne vers le gros bout. Le grand diamètre est de 0,008 à 0,012, et le pelit de 0®,n05 à 0,007. Le nid auquel sont confiés ces œufs a la forme d’une boule ovale; le haut est toujours plus large que le bas. Ce nid , composé de mousse légère et de petits lichens liés entre eux par des loiles d’araignée, est construit le long d’un arbre, avec la couleur duquel il se confond assez facilement. Pour dissimuler davantage la vue de leur charmant petit travail, le père et la mère choisissent ordinairement comme point d'appni la naissance d’une grosse branche. Celle-ci forlifie le travail et contri- bue à tromper les regards des ennemis de la jeune famille. L’inté- rieur du nid est revêlu d’un véritable lit de plumes. Une ouverture très-ronde et pratiquée sur le dôme de l'édifice donne passage à la femelle. Souvent une seconde ouverlure est ménagée pour faciliter l'entrée et Ja sortie du mâle qui vient apporter à sa compagne de la nourriture pendant le travail long et fatigant de l’incubalion. Cette deuxième ouverture est presque nécessitée par la longueur de la queue de cet oiseau. Les ouvertures se trouvant placées l’une vis à-vis de l’autre, les mouvements deviennent plus faciles et la mésange à longue queue n’est point forcée de tourner sur elle-même dans une enceinle très-élroite. Celte deuxième porle est fermée après l’éclosion des œufs. Le plus souvent, une seule ouverture est pratiquée dans ces nids, et la seconde ne paraît être que le travail des mésanges plus âgées, plus expérimentées, plus industrieuses ou plus coqueltes. Cette mésange pourrait, aussi bien que la nonnette, êlre appelée palustris, car elle se trouve, surlout pendant l'hiver, presque continuellement dans les osiers et les arbres qui croissent sur le bord des rivières ou des étangs. % MÉSANGE MOUSTACHE. — PARUS BIARMICUS. La belle bande noire, veloutée et presque triangulaire qui orne la tête du mâle et s'étend en pointe des deux côtés du cou, justifie l’épithète vulgaire qui a été donnée à celte espèce. Quant à l’adjectif biarmicus, il indique la contrée où celte mésange esl assez multi- pliée , la Biarmie, actuellement nommée Permie, vasle étendue de pays comprenant les gouvernements de Vologda et d'Arkangel. Le nid de la mésange moustache est très arlistement composé d'herbes sèches, de fleurs, de duvel et de mousse. Il ressemble à 56 une boule ou à une bourse. Ordinairement, l'ouverture est pratiquée en dessus. Ce nid est attaché par des filaments de plantes, au-dessus des eaux, à des roseaux ou à des branches de petits arbustes. Il renferme de cinq à huit œufs ronds, d’un blanc d'ivoire, parsemé de taches d'un rouge pâle; ils portent aussi des filets de même nuance, en forme de veines, et distribués en zig-zag. Cette mésange a des mœurs très-douces; elle vit d'insectes ailés, de semences de roseaux; elle ne craint pas l'approche de l’homme, et court à terre et sur les feuilles de nénuphar avec la même grâce que les bergeronnetles. Autrefois, ce gracieux oiseau avait fai élection de domicile dans l'étang de Rou-Marson, où chaque année il se reproduisait. Par l'éclat de son plumage et la rapidilé de ses courses incessantes , il embellissait et vivifiait ce pays solilaire ; malheureusement, la guerre persévérante qui lui a été déclarée l’a forcé à quitter une contrée dont il était un des plus jolis ornements. Cependant il s’y montre encore de temps en temps, mais à des époques irrégulières. Le Parus biarmicus vit en petites troupes; les différents membres de la même famille s'appellent par un cri métallique assez sem- blable au son d’une petite clochette d'argent ou au son vibrant d’une mandoline. Les gens de la campagne, dans leur langage expressif, l’ont nommé trin trin. ] Buffon prétend que lorsque ces familles émigrent ou se livrent aux travaux de la nidification , le mâle couvre la femelle de ses ailes, pendant les moments de repos, pour la préserver de la fraîcheur de l'air ou des rayons brûlants du soleil. _Le grand diamètre des œufs varie de 0w,016 à 0®,020 et le petit de 0,015 à Om 017. Ici se termine la tâche que je m'étais proposée : puisse la bien- veillance du lecteur y trouver réalisé en parlie le sens de la devise que j'ai adoptée : Benedicite, omnes volucres cœli, Domino. Vous tous, oiseaux du ciel, bénissez le Seigneur. (DANIEL, Cantique, 3.) L'abbé VINCELOT, Clanoïine honoraire, aumônier de la pension Saint-Julien. LETTRE SUR LES SILEX TAILLÉS A Monsieur Aimé de Soland , président de la Société Linnéenne de Maine et Loire. Les silex taillés que j'ai l'honneur de vous offrir ont été recueillis par moi, à la surface du sol, dans les communes de Pont-Levoy et Thenay (Loir et Cher). J'ai publié dans le bulletin de la Société géologique de France (séance du 18 mai 1863) une nole ayant pour but de faire connaître leur condition de gisement ainsi que mes conjectures sur leur ori- gine et leur destination. Je les ai atiribués à la période qualernaire ou diluvienne, parce que la plupart présentent les formes caracté- ristiques de Saint. Acheui. Les haches, par exemple, toujours gros- sières et simplement ébauchées, sont de forme ovale ou en fer de lance, de sorte qu’il est impossible de les confondre avec celles de l'époque celtique et celles des habitations lacustres. Je ne pourrais pas donner un criterium positif pour les distinguer des instruments du même genre trouvés dans les tourbières ou les Kjokenmoddings du Danemark ; toutefois, il me semble qu’un œil exercé verra lou- jours dans le faciès général une différence incontestable. Du reste, mon opinion a élé suffisamment démontrée par la constatation de leur présence dans le sous-sol non remanié. C'est donc à celte cou- che vierge qu’ils ont été arrachés par l’action de la culture. 58 De nouvelles explorations faites récemment, non plus à mi-côte, mais sur le plateau qui domine la colline, ont amené les mêmes ré- sullats. Que devons-nous penser après cela des assertions d’un illus- tre savant qui prétend que ces objets travaillés par l'homme n’ont été trouvés qu'à la base des pentes, sous des éboulis d'origine mo- derne? Cuvier, dit-il, a nié la contemporanéité de l’homme et des espèces éleintes de la période qualernaire; or le génie ne peut se tromper. Vraiment, je suis étonné que dans un siècle si prompt à secouer le joug de toute autorité, des esprits sérieux écoutent sans proleslation ces paroles qui proclament l'infaillibilité du génie en malière scientifique. Comment pourront-ils rester logiques et rire des scholastiques du moyen âge qui s’inclinaient quand le maître avait parlé (magisler dixit)? Certains géologues feraient bien de méditer el de mettre en pratique la maxime des philosophes : Amicus Plato, amicus Aristoteles, sed magis amica veritas. Ts devraient savoir aussi que dans une science éminemment expérimentale, il ne faut pas affirmer à priori, sans vouloir faire un pas pour observer des faits nouveaux. Suivons donc une marche logique, interprétons ces faits librement, tout en respectant l'opinion des hommes les plus autorisés et à une époque où le mot progrès est dans toutes les bou- ches, n’allons pas faire au créateur de la géologie l’injure de le placer comme une borne devant la science en disant : Tu n'as pas plus loin. Mais je me hâte de revenir à la question. J'ai remarqué que les silex travaillés se rencontrent en abondance sur le sol des faluns el qu'ils deviennent d’une extrême rarelé dès qu'on franchit les limites de ce terrain. Quelles peuvent être les re- lations de ces débris de l’industrie primitive avec le sol falunien ? Votre département de Maine-et-Loire donnera peut-être la solution de ce problème. Les observations nombreuses faites depuis un demi: siècle dansles cavernes de France, d'Angleterre, de Belgique et: d’Ita- lie, et surtout les explorations actuelles des groltes du Périgord prouvent que les premiers peuples de l'Europe étaient troglodytes. L'usage de creuser des habitations souterraines commun encore à l’époque gauloise, s’est naturellement conservé dans nos vallées de la Loire, du Cher et du Loir, là où il est facilité par la natureet la con- figuration du sol, mais je n’ai pas élé peu surpris de le rencontrer aux environs de Doué, près Saumur, dans une plaine parfaitement 59 unie. Cette persistance des mœurs troglodytiques, malgré les condi- tions défavorables du terrain au point de vue du relief, ne peut s’ex- pliquer que par les avantages hygrométriques du falun. Voilà peut- être pourquoi les traces de l’homme primilif sont si communes à la surface de nos sables et de nos grès faluniens, si rares au contraire sur le calcaire lacustre et sur les argiles supérieures du terrain cré- lacé. Je désire beaucoup savoir si on ne trouverait pas à Doué, comme à Pont-Levoy, des instruments en silex de même forme et dans les mêmes circonstances. Je recommande l'examen de ce fait aux géologues ou archéologues de la Sociélé linnéenne. Vous savez, Monsieur le Président, que tous les faits relatifs à l'antiquité de l’homme sont de nature à préoccuper vivement le monde scientifique, parce qu'ils se lient d’une manière intime aux plus graves questions de l’ordre moral et religieux. La contempora- néité de notre espèce et de plusieurs espèces animales qui n'existent plus ayant élé clairement démontrée dans le terrain quaternaire de la Somme par la découverte de plusieurs milliers de silex évidem- ment iravaillés, il semble au premier abord, que l’émolion produite à l’apparilion de la célèbre mâchoire humaine d’Abbeville n'avait pas de raison d’êlre. Mais pour ceux qui savent interpréler le fait et en tirer des inductions, la question géologique se compliquail dès lors d’une question anthropologique. Les naturalisles de l’école de Lyell et Huxley qui nous font descendre des singes en ligne di- recte, espéraient que le fossile humain de la date la plus reculée, pré- senlerait des formes plus pithécoïdes (plus voisines du singe) que le nègre le plus dégradé. Maisleurs opinions matérialistes aussi déshono- rantes pour l'humanité qu'elles sont peu conformes à la vraie science, sont venues se briser contre celte mâchoire de Moulin- Quignon, dans laquelle notre savant anthropologiste, M. de Quatre- fages, a reconnu le caractère de l’orthognatisme le plus prononcé. Je ne prétends pas que les nuages qui couvrent la première appa- rition de l’homme dans nos contrées soient dissipés, je pense au contraire que sur ce point la science est encore à l’état d'enfance, mais l'éveil est donné, l’aitention est excitée. Laissons les faits se produire et la vérité se fera jour. Aujourd’hui on est arrivé à distinguer assez FA" trois âges successifs : l’âge de la pierre, l’âge du bronze et l'âge du fer. L'âge de la pierre, le seul qui soit étudié conjointement par les 60 archéologues et les géologues, se subdivise lui-même en plusieurs périodes. La première période est appelée quaternaire ou diluvienne. On doit lui rapporter tous les instruments rencontrés dans les mêmes condi- tions de gisement que ceux des graviers de la Somme et aussi tous ceux qu'on trouve associés à des espèces animales éteintes, dans les brèches osseuses ou les cavernes à ossements. Les haches de celte période sont presque toujours ovales ou en fer de lance. Jusqu'à ce jour on n’a pu en signaler d’authentiques présentant des traces de polissage !. Notre savant paléontologiste, M. Lartet, propose de distinguer dans celte période : l'époque du grand ours des cavernes (ursus speluncus) l'époque de l'éléphant et du rhinocéros (elephas primigenius, rhino- ceros lichorhinus), l'époque du renne (cervus tarandus) et l’époque de l'aurochs (bison europæus). Mais il semble dire lui-même que ces divisions sont prématurées. En effet, la plus grande incertitude existe relativement à l’origine . des dépôts quaternaires et au temps qu'a exigé leur formation. Rien n’est plus difficile que d’assigner la part d'influence aux causes pu- rement locales et au diluvium dont la Bible nous atteste l'existence. Mais cette partie de la science géologique, autrefois si négligée, est devenue la grande question du jour, et des milliers d’explorateurs se sont mis à l’œuvre. Attendons avec sécurité le résullal de ces labo- rieux efforts, bien convaincus que la vérité scientifique et la vérité re- ligieuse ne peuvent pas se contredire, La seconde période est celle des tourbières de la Somme (couche inférieure) et des kjækken-mœæddings du Danemark. Là encore les instruments de pierre ne présentent généralement aucune trace de polissage, mais leurs formes ont un caractère spécial et on ne les trouve associés qu’à des animaux appartenant aux espèces vivantes. Du reste, le gisement les distingue neltement des précédents. La troisième période est celle qui est désignée vulgairement el vaguement sous le nom de période celtique. On doit lui rapporter les nombreux instruments recueillis par les savants Suisses dans les 1 Dans les haches quaternaires, c’est toujours l'extrémité la plus étroite qui est destinée à trancher ou à percer, tandis que dans les haches polies c’est l'extrémité la plus large. Cette remarque importante est de John Evans. 61 habitations lacustres, el ceux que nous trouvons assez fréquemment dans le voisinage des dolmens. Les haches sont polies et presque toutes reproduisent certains types qui paraissent propres à celte époque. Pour vous donner les moyens de faire une étude comparative, Monsieur le Président, j'ai ajouté aux silex taillés de Pont-Levoy des silex également travaillés et des ossements fracturés ou incisés artificiellement, provenant des grottes de la Charente et de la Dor- dogne. C’est de ces grotles intéressantes que sortira peut-être la vérité sur l’antiquilé de l’homme en Europe. MM. de Vibraye, Lartet et Christy ont rencontré là, en association avec le renne qui n’habite plus que les régions circumpolaires, des instruments en os de tout genre sur lesquels sont assez habilement sculptés plusieurs sortes d'animaux el le renne lui-même. M. le marquis de Vibraye à même été assez heureux pour découvrir une statuelte en ivoire re- présentant une femme. C’est sans contredit, jusqu’à présent, la plus ancienne image de l'espèce humaine. Tout cela prouve que l'homme de cette époque n'élait pas aussi pithécoïde que le suppose Lyell. Plusieurs des objets que je vous offre ont été recueillis par moi dans la groite de la Chaise (Charente) avec de nombreux ossements de renne et d’aurochs et avec une dent du rhinoceros tichorkinus qui n'exisle plus. Je termine en réclamant voire indulgence, Monsieur le Président, pour une lettre beaucoup trop longue et qui probablement ne vous apprend rien. Recevez l'expression des sentiments respectueux avec lesquels j'ai l'honneur d’êlre Votre irès-humble serviteur et collègue. L. BOURGEOIS. CAPRIER SANS ÉPINES On donne le nom d’espèce à une collection d'individus, se res- semblant par des caractères essentiels qu’ils se transmettent par une généralion indéfiniment féconde. Celle génération est ovipare ou vivipare, suivant que l’ovule fé- condé se développe à l'extérieur ou à l’intérieur de la mère, celle-ci expulsant l'œuf dans lequel se sont accumulés les éléments du jeune êlre qui se produira sous l'influence de l’incubation, ou bien recevant l'œuf détaché de l'ovaire, lorsqu'il est mûr, dans une ma- trice, d’où l'enfant s'échappe quand il est préparé pour la vie. La multiplication la plus habituelle des végétaux se fait au moyen de véritables œufs contenani les éléments de la jeune plante ; et se dé- veloppant dans une matrice, la terre, lorsqu'elle se trouve dans les conditions favorables à l’évolution du germe. Les individus provenant de ces modes de génération ressemblent, avons-nous dit, à leurs parents par des caractères essentiels et con- tinuent l'espèce. Mais si les attributs fondamentaux persistent et constituent la fixité, indispensable condition pour que l'espèce existe, on voit fréquemment se produire des modifications secondaires d’une fixilé incertaine, conlingente, et formant accidentellement ou arlificiellement, des variétés que l’industrie humaine, que la science de la sélection savent cependant rendre plus ou moins durables sous le nom de races. 63 Dans le règne végélal, les races deviennent fixes par des procédés spéciaux de multiplicalion que l’on nomme bouturage, marcotage ou gemrmiparité. Dans le règne animal, c’est par la sélection, c’est à dire par l'union des individus présentant au plus haut degré les va- riations accidentelles que l’on veut fixer, que l’industrie humaine parvient tous les jours à modifier, dans une certaine limite, au gré de ses besoins, de sa curiosité ou de ses caprices, l’immuable espèce. Cependant, on retrouve daus les classes inférieures, zoophytes, un mode de mulliplication fragmentaire, sorle de bouture animale, reproduisant identiquement l'individu qui en a fourni les éléments. En ce qui concerne plus spécialement le mode de multiplication adopté par l’industrie humaine pour les végétaux qu’elle cultive, on comprend que recherchant pour les besoins de son alimentation ou du luxe, certaines qualités, chez les individus objet de ses soins, elle ait tenu à échapper aux éventualités des multiplications par germes, ne donnant pas aux sujels issus d'une végétation offrant des particularités d’une grande importance, les qualités de la plante mère et la perfection de ses produits. C’est ainsi que la vigne est, de temps immémorial , cultivée par boutures qui reproduisent identi- quement la même végétation, et surtout la fructification du pied mère d’où on les a détachés. Ici la pratique est intelligente et suffisamment justifiée par la né- cessilé de conserver aux produits de la vigne, des qualités spéciales d’arôme, d'esprit ou de fécondité. Mais il est des végétaux dont la multiplication par voie de bouture n'est nullement justifiée par la crainte de voir varier d'une généra- tion à l’autre les qualités qu’on leur demande, qu’il y aurait même intérêt majeur à dépouiller de certains attributs parasites et génants, et que notre industrie agricole s’obstine à conserver identiquement, en dépit des averlissements de la science et des sollicitations de l’in- térêl bien entendu, Nos départements méridionaux cultivent sur une assez grande échelle, et les amateurs de belles plantes connaissent, dans tout le monde civilisé, le Câprier épineux, végétal dont les Provençaux ulilisent, comme condiment délicat, les boutons à fleurs confils dans le vinaigre, el connus sous le nom de câpres, et dont les horli- culteurs admirent'les larges fleurs blanches, purpurines, aux soyeusesg élamines, aux arômes singulièrement pénétranis. 64 Le câprier épineux se plaît dans les terres calcaires, caillouteuses, sèches, exposées au plein midi. Sous les rayons les plus ardents au soleil provençal, aux exposilions les plus arides, éclate sa végétation - robuste, étincelante des tons verts les plus intenses, et sé’panouissent ses innombrables fleurs, qui caressent le regard et l’odorat par leur beauté et par leur-parfum. Nos cullivateurs provençaux procèdent à la cueillette des boutons à fleurs, à mesure qu'ils se montrent à l'extrémité des rameaux, pour les confire dans le vinaigre. Celte cueillette est ordinairement confiée aux femmes et aux enfants, dont la tâche est rendue pénible et cruelle par les aiguillons slipulaires dont chaque péliole est armé. Ces aiguillons sont aigus et déchirent impitoyablement la main la plus prudente, ce qui rend la récolte douloureuse et difficile. Il semblerait tout nalurei que l’on eût cherché à créer par le semis successif, une variété inerme qui, conservant le mode de floraison, se fût dépouillée de ses slipules épineux. Inssuciance ou ineplie, aucun de nos cullivateurs n’a tenté de donner à la Provence ce bien- fait public. La nature cependant travaillait pour nos agriculteurs, et dans un pays peu éloigné de nos côles, croissait spontanément, depuis des siècles, une variélé de câprier, inerme, donnant les mêmes produits que le câprier épineux, et désarmé des redoutables hameçons de la variélé en possession séculaire du sol où on la mulliplie par boutures. Non-seulement le câprier inerme croît aux Baléares, mais il est introduit en Provence. Par mes soirs, il végète, produit des fleurs el des graines et se multiplie modestement, en attendant que l'indif- férence syslémalique de nos paysans soit ébranlée. Eh bien, je ne puis point parvenir à faire adopter cette variété autour de moi, el nos paysans s’obslinent à ne la considérer que comme une variété de luxe. Je tenais à signaler à la Société linnéenne de Maine et Loire, et l'existence du Câprier inerme, et l’inexplicable apathie de nos culti- valeurs. Le fait que je lui signale est curieux pour les amis de la nature comme pour le philosophe, et c’est ce qui justifie les Préboe naires un peu longs dont je l’ai fait précéder. L. TURREL, d.-m. p., Délégué à Toulon, de la Société d’acclimatation. ce ( ATTANAIVN HNIANVHO ù al? | ANMO4ISNA VHOdITINN Ÿ OBXERVATIONS SUR LES NULLIPOREN ET SUR LEUR CLASSIFICATION. Dans la noie insérée dans le cinquième volume de notre Société sur les Nullipores, je disais, sans pouvoir l'affirmer, que l'extré- milé inférieure du Nullipora fusiforme partait de minces filets blancs horizontaux qu'on observait dans les sables, souvent assez solides, de l'étage sénonien , dans lesquels on les rencontre. Depuis cette époque , plusieurs échantillons que j'ai pu observer en place et dans leur état complet parlaient tous de cette couche blanche dans la- quelle ils prenaient naissance et dont ils semblaient être le com- plément comme le champignon complète le mycelium sur lequel il s'élève. La même couche pourrait-elle donner naissance à plusieurs tiges ? c'est probable, car son étendue est souvent assez considérable, mais c’esl encore un point à vérifier. Des formes nouvelles sont aussi venues se joindre à celles dont j'ai déjà donné la description et la figure, et établissent assez régu- lièrement le passage des Nullipores aux éponges. Ainsi après les Nullipora Glomerata et Lœvis, on placerait : Nullipora tuberculata, grosse masse irrégulière, iuberculeuse et siliceuse, composée de couches concentriques. Nullipora foliacea, expansion foliacée, ondulée sur les bords, s’élendant à la surface des corps sous-marins dont elle suit les iné- galités. VIL. H] 66 Puis viendraient se classer -à la suite les autres espèces déjà figurées qu’on pourrait alors établir dans l’ordre suivant : NULLIPORES CRÉTACÉS. Nullipora glomerala, N. lœvis. NULLIPORES SILICEUX A ENVELOPPE CRÉTACÉE. Nuillipora tuberculata, N. foliacea, N. exlensa, N. conica, N. di- gilata, N. cornula, N. cylindrica, N. fusiforme, | Et ses variétés dont plusieurs, comme celle que je figure ici de grandeur naturelle, se rapprochent, par leurs cavilés irrégulières et l'inégalité de leur surface, du Pseudosiphonia tuberculata, et des scy- phia, qui formeraient alors les premiers genres des spongiaires. La différence serait que dans les spongiaires, la parlie animale gélati- neuse ou sarcoïde aurait entièrement disparu, tandis que dans les nullipores celte même enveloppe, d’une nature probablement plus solide, aurait laissé autour de la partie siliceuse des traces de son existence. Toutes les classifications qu’on peut entreprendre dans des genres aussi difficiles et aussi obscurs que ceux-ci sont presque toujours provisoires, mais enfin il fant bien avoir le courage de commencer même avec la conviction qu'on ne peut rien faire de durable. COURTILLER, . LES GRANDS NATURALISTES FRANCAIS AU COMMENCEMENT DU XIXe SIÈCLE. ÉTIENNE GEOFFROY SAINT-HILAIRE Nous avons vu, dans Lamarck, un de ces savants qui s'isolent du monde, et dont l’histoire n’est autre que celle de leurs travaux. Tel ne fut point Geoffroy Saint-Hilaire. Dans sa longue carrière, toute remplie d’agitalions, il se laisse entraîner par tous les événements, il s'intéresse à toules les infortunes. Chez lui les sentiments de l’homme de cœur et du citoyen se montrent toujours à la hauteur de l'intelligence. Il n’eût rien écrit, rien fait pour la science que son nom mériterait encore d'être conservé. Étienne Geoffroy Saint-Hilaire naquit à Étampes, le 15 avril 1772. Son père élail procureur au tribunal de celle ville. La famille était nombreuse : elle se composait du père, de la mère, d’une aïeule pa- ternelle et de huit enfants. Comme on destinail le jeune Étienne à la carrière ecclésiastique, on s’occupa de bonne heure de son ins- truciion. Pendant les soirées d'hiver, il lisail à sa grand'mère les Vies des hommes illustres de Plutarque, et cette lecture faisait sur l’enfant 68 une vive impression. On oblint pour lui une bourse au collége de Navarre, et il n'avait pas seize ans qu’un ami de la maison lui con- férait un canonicat. Mais déjà le jeune homme se sentait attiré vers la science, et il ne put se décider à entrer dans les ordres. A sa sortie du collége de Navarre, il resta à Paris et s’inscrivit parmi les élèves du Jardin des Plantes el du Collége de France. Son père n’y avait con- senti qu’à la condition qu’il suivrait un cours de droit. Il s’en dé- goûta promptement, comme il s'était dégoûté de la théologie, et se mit à étudier la médecine, qui touche de si près aux sciences na- turelles. Pensionnaire en chambre au collége du cardinal Lemoine, il y fil la connaissance du célèbre minéralogiste Haüy, membre de l’Aca- démie des sciences, et de Lhomond qui, comme Haüy, était profes- seur émérite du collége. Le jeune Étienne montrait un goût si vif pour la science qu'ils le prirent en amitié. Daubenion faisail, au Collége de France, des leçons de minéralogie. Il distingua aussi Étienne Geoffroy qui, toujours arrivé le premier à son cours, montrait par les queslions qu’il lui adressait après chaque séance que déjà il possédait des connaissances fort étendues. Il l’ad- mit dans son intimité, et le chargea de quelques travaux relatifs à son enseignement. On élait alors aux plus mauvais jours de la Révolution. Après le 10 août, Haüy , Lhomond et les autres ecclésiastiques des colléges de Navarre et du cardinal Lemoine furent arrêtés, comme prêtres réfractaires, et incarcérés au séminaire de Saint-Firmin, alors transformé en prison, et qui plus tard devint la caserne de la rue Saint-Victor. En apprenant cette triste nouvelle, Geoffroy court chez Dauben- ton et chez quelques savants qu'il connaît à peine; il stimule leur zèle, et dès le lendemain, grâce à l’activité de ses démarches, la li- berté d'Haüy, réclamée par l’Académie des sciences, est obtenue. L'ordre d'élargissement à la main, Geoffroy vole à la prison, se jette au cou de son maître et lui annonce qu'il est libre. Haüy ne mit pas beaucoup d’empressement à quitter la prison. Il était plus de dix heures du soir ; le savant prétendit qu'il ne s'était jamais moniré si lard dans les rues. Le lendemain 15 août était un jour de grande fêle ; avant de sorlir de la prison, Haüy voulut y entendre la messe. Enfin il suivit son libéraleur, et eut le bonheur de retrouver, au col- 69 lége, Lhomond, que la protection de Tallien, son ancien élève, avait aussi fait mettre en liberté. Mais les autres professeurs sont encore sous les verroux. Les évé- nements deviennent plus graves. De sinistres menaces sont pro- férées contre les délenus, que l’on représente comme les plus redou- tables adversaires de la révolution. « En partant pour la frontière, ne laissons pas de traîtres derrière nous, » a dit la feuille de Marat. De son côté, Danton a jeté, du haut de la tribune, ces mots significatifs : « Pour déconcerter les mesures du parti de l'étranger, faisons peur aux royalistes. » Dans ces circonstances, Geoffroy Saint-Hilaire, n’écoutant que son cœur, tente un plan de délivrance qui peut lui coûter la vie. Il gagne à prix d'argent un des employés de Saint-Firmin, se procure la carte et les insignes d'un commissaire des prisons, el le 2 sep- lembre, jour néfaste, quand au lugubre appel du locsin les bouti- ques se ferment, quand la générale bat dans toutes les seclions el que , par ordre de la Commune, le drapeau noir est arboré sur les tours de Notre-Dame, il se mêle à la foule tumultueuse qui encombre les rues, et se rend à la prison. Il y pénètre grâce à sa carte et à ses insignes, se fait conduire auprès de ses anciens maîtres, et leur dit de le suivre, « Non, répond le proviseur de Navarre ; nous avons ici des frères, donl notre évasion rendrait la perte plus certaine. Nous ne les quitterons pas. » Rien ne peut ébranler la résolulion sublime de ces hommes ; mais il est difficile aussi de faire renoncer Geoffroy à son dessein de les sauver. À bout d’instances, il leur indique un mur sur lequel il viendra les attendre pendant la nuit, et il sort avec le seul des déte- aus qui consenle à le suivre. Le massacre des prisonniers, commencé à l'Abbaye et aux Carmes, devient bientôt général. Paris, dans la stupeur, laisse faire. De la mansarde qu’il occupe au collége, Geoffroy Saint-Hilaire a la dou- leur de voir les premières exéculions dans la cour de Saint-Firmin. La nuit venue, il se munit d’une échelle et se rend au lieu désigné. Il passe huit heures sur le mur. Personne ne se montre. Tout autre que lui eût été découragé par une si longue attente; mais Geoffroy sent dans son âme celte constance que donne le dévouement poussé Jusqu'à la passion. Il reste donc. Enfin, vers quatre heures du matin, un ecclésiastique paraît, et bientôt il est hors de la funèbre enceinte. 70 Onze autres le suivent, à des intervalles plus ou moins longs, et franchissent le mur. Un d’eux tombe du haul de l'échelle et se blesse au pied. Son libérateur l'emporte dans ses bras et le dépose dans un chantier voisin, d'où ce malheureux parvint à s'échapper. Puis l'hé- roïque jeune homme retourne à son poste. Mais il ne s’est pas aperçu qu'il fait déjà grand jour ; un coup de fusil est tiré sur lui de l'intérieur de la prison; et la balle, qui l’atteint dans ses vêlemenis, l’avertit qu’il est temps de songer à sa propre sûreté. Les douze ecclésiastiques qu'il avait sauvés lui étaienl inconnus. Il n’eut pas le bonheur de revoir ses anciens professeurs, qui furent compris dans le massacre du lendemain. Cette nuit d’angoisses et le chagrin den’avoir pu arracher à la mort ses maîtres vénérés, avaient brisé les forces physiques du jeune homine. Il partit pour Étampes, et en y arrivant il tomba malade. On le transporta à la campagne, où les beaux jours de l’automne, quelques herborisations, d’après le conseil de Haüy ‘, et le paisible spectacle des travaux rustiques lui firent oublier les crimes des hom- mes et contribuèrent à lui rendre la santé. Au mois de mars 1793, Daubenton, auquel Haüy avait recommandé d'aider, d'aimer, d'adopter son jeune libérateur, le fit nommer sous- démonstrateur du Cabinet d’hisioire nalurelle pour la minéralogie. Et, quand au mois de juin suivant, le Jardin des Plantes fut réor- .ganisé par la Convention nationale, sous le nom de Muséum d’his- toire naturelle, Geoffroy Saint-Hilaire fut appelé à une des douze chaires qu’on venait d'y créer. Ilétait chargé, avec Lamarck, de l’en- seignement de la zoologie ou histoire des animaux. À peine âgé de 21 ans, et peu préparé par ses études précédentes à professer une science toute nouvelle, il hésitait; mais Daubenton lui dit : « J'ai sur vous l’autorilé d’un père, et je prends sur moi la responsabilité de l'événement. Faites que, dans vingt ans, on puisse dire : La zoologie est une science toute française. » Fourcroy s’éleva vivement, dans le sein du Comité d'instruction publique, contre cette nomination, ne comprenant pas qu’une des chairesles plusimportantes du Muséum fût donnée à un si jeune profes- 1 Haüy lui avait écrit : « Un cours de botanique est de l’hygiène toute pure : on n’a pas besoin de prendre les plantes en décoction, il suffit de les cueillir, pour les trouver salutaires. » 71 seur ; mais Lakanal et Daubenton se portèrent garants de sa capacité et le firent maintenir. Geoffroy voulut pourtant écrire à Lacépède pour lui offrir sa place, et il ne l’accepta qu’à son refus. C'est à Geoffroy que l’on doit l’élablissement de la ménagerie du Jardin des Plantes. Buffon n'avait osé la demander, Bernardin de Saint-Pierre l'avait fait sans succès. En novembre 1793, un arrêté de police ayant interdit à Paris toute exhibition d'animaux vivants, Geoffroy n'hésite pas à recueillir au Jardin trois ménageries ambu- lantes qui se trouvent ainsi supprimées. [l n’y a au Muséum ni fonds, ni local. N'importe. Il fait placer les cages dans une cour, sous ses fenêtres ; il retient pour gardiens les propriétaires de ces animaux et pourvoit, de sa bourse, aux premières dépenses de cette installation. En homme aclif et résolu, il comprend loul l'intérêt que peut avoir pour la science un pareil établissement, et il se dit que, le premier pas fait, le gouvernement ne reculera pas. En effet, Lakanal_ zélé protecteur du Muséum, fit bientôt sanctionner l'établissement de la ménagerie par un décret de la Convention, qui vota les fonds né- cessaires !. À quelque temps de là, Geoffroy Saint-Hilaire obtint l’autorisalion d’aller choisir au parc du Raincy, devenu propriété nationale, les aoimaux qu'il jugeait utiles à la collection. Quand il s’y présenta, accompagné de Lamarck, son collègue, Merlin de Thionville, qui s'était fait concéder la jouissance du parc, était justement en pleine chasse. Un domestique alla le prévenir que deux inconnus demandaient qu'on leur livrât les hôtes de la forêt. Ainsi interrompu et menacé 1 La Convention vota 237,000 francs pour le Muséum. Elle avait conçu l’éta- blissement de la ménagerie d’une manière plus grande qu’on ne l’a exécuté, ainsi que le prouvent les lignes suivantes que j’extrais du rapport fait à la Conven- tion par le député Thibaudeau : « Jusqu'à présent les plus belles ménageries n'é- taient que des prisons, où les animaux resserrés avaient la physionomie de la tristesse... Pour les rendre utiles à l'instruction publique, les ménageries doivent être construites de manière que les animaux, de quelque espèce qu'ils soient, jouissent de toute la liberté qui s'accorde aves la sûreté des spectateurs, afin qu’on puisse étudier leurs mœurs, ‘leurs habitudes, leur intelligence, et jouir de leur fierté naturelle, dans tout son développement... que l’on puisse admirer la force majestueuse du lion, l’agilité de la panthère, et les élans de colère ou de plaisir de tous les animaux. Quant à ceux d’un caractère plus doux, ils pourront être placés dans des parcs un peu étendus, en partie ombragés par des arbres, et ta- pissés de verdure propre à les nourtir. » FR dans ses plaisirs, le terrible ex-huissier entra dans une furieuse co- lère ; mais dès qu’il connut les noms de ses deux visiteurs et qu'il eut pris connaissance de l’arrêté dont ils étaient porteurs, il se ra- doucit et se remit en chasse avec eux, non plus pour tuer, mais pour prendre vivants des cerfs, des daims et des chevreuils, qu'il mit à la disposition des deux délégués de la ménagerie nationale. Le régime de la Terreur touchait à sa fin, mais n’en devenait que plus violent. Geoffroy Saint-Hilaire, dont le cœur ne pouvait se dé: mentir, recueillit sous son toit, pendant quelque temps, le poète Roucher qui, las de cette vie d’alarmes continuelles, quilta ce sûr asile, et retourna à son domicile où il fut arrêté. Geoffroy veillail aussi, avec Lakanal, à la sûreté de Lacépède. Enfin, apprenant un jour que Daubenton, son maître, vient d’être dénoncé à la section des sans-culottes, il y court, se met à causer avec les membres du bureau, les intéresse par sa conversalion, et fait si bien que le rap- port de suspicion n’est pas rédigé ce jour-là. Le lendemain, l’illustre directeur du Muséum, alors âgé de 78 ans, obtenait un certificat de civisme sous le nom de Daubenton, berger-naturaliste. Considéré dès lors comme un homme du peuple, il reçut l’accolade du président et de tous les membres de la section. Le titre que la circonslance faisait prendre à Daubenton était bien modeste, pourtant il y avait droit; car on sait qu'ayant voulu naturaliser en France le mérinos d'Espagne, il avait fondé, en 1786, une école de bergers dont il eut la direction. Au mois de mai 1794, Geoffroy Saint-Hilaire ouvrit son cours de zoologie, le premier qui ait été fait en France. Les quarante leçons dont il se composa, ont élé recueillies par son père, qu'il comptail au nombre de ses auditeurs. Le jeune professeur avait consacré une séance entière à démontrer que l’homme forme un type à part, tout à fait distiact des animaux ; qu’ainsi il ne doit pas être classé à leur têle, mais placé en dehors de l’animalité. C'était la doctrine de son maître Daubenton. Au commencement de cette même année 1794, il eut connais- sance d’un travail manuscrit de Cuvier, alors précepteur dans une riche famille de Normandie. C'était une étude sur l'anatomie de cer- lains mollusques, assez communs sur les côtes de celte province. Y trouvant à chaque page des faits nouveaux, des vues ingénicuses, el 73 déjà la méthode qui devait changer les bases de la zoologie, il écrivit à l’auteur: « Venez à Paris; venez jouer parmi nous le rôle d’un autre Linné, d’un législateur de l’histoire naturelle. » Cuvier vint en effel: Geoffroy lui tendit la main d’un frère et mit à sa disposition les collections du Muséam. Bientôt il le fit nommer suppléant du professeur d'anatomie. Dès lors et pendant plusieurs mois, les deux jeunes savants eurent la même demeure, — celle de Geoffroy Saint-Hilaire, — la même table, et leur amitié les porta à unir leurs travaux. En 1795, ils publièrent en commun cinq mé- moires, dont un sur les singes, un autre sur une nouvelle division des mammifères et sur les principes qui doivent servir de base dans celte sorte de travail. C'était le début fraternel de ces deux hommes qui devaient bientôt, en marchant dans des voies différentes, se par- lager le domaine de la science. L'année suivante, Geoffroy publia seul un mémoire sur les makis ou singes de Madagascar. Son idée sur l’unité de composition organique y est déjà nettement exposée. IE. En 1798, Berthollet vint offrir aux deux amis d'accompagner le général Bonaparte dans une expédition lointaine, à la fois guerrière et scientifique, dont le but était encore un mystère. « Monge et moi nous serons vos compagnons, leur dit-il. » Geoffroy, esprit enthou- siaste, avide d'émotions, et doué d’un courage impétueux , accepla. Cuvier, plus calme, ne put se décider à quilter le centre des sciences et les collections du Muséum : il refusa et proposa Savigny pour le remplacer. « Mais je ne connais que la bolanique, dit celui-ci, el c’est. une place de zoologiste qui est offerte. — Acceptez-la, répar- tit Cuvier, vous serez zoologiste quand vous voudrez. » Savigny se chargea des insectes et des autres animaux inférieurs. On sait com- ment il juslifia les prévisions de Cuvier. Sur la frégate l’Alceste où s’embarqua Geoffroy Saint-Hilaire, mon- tait aussi son frère puîné, Marc-Antoine Geoffroy-Châleau, capitaine du génie, — mort colonel à l’âge de 31 ans. — Parmi les autres soldats lettrés de l’armée d'Orient, se trouvaient Fourier, Malus, Delomieu, Denon, Dubois, Desgenettes, Larrey, Jomard, Cordier, Coslé, Conté, 74 Méchain, Say, l'ingénieur Peyre, le botaniste Delile, le poète Parse- val, le peintre Redouté, tout un institut. L'expédition aborda en Égypte, ce pays qui rappelle tous les grands souvenirs du passé et dont les tombeaux sont des musées. Quelle contrée pouvait fournir plus de souvenirs à un jeune homme âgé de 26 ans à peine el doué d’une si grande activité? Pendant tout le temps qu’il y séjourna, Geoffroy se livra au travail avec une ardeur qui alarmail Larrey et tous ses collègues, mais que rien ne pouvait arrêler. Je me bornerai à mentionner quelques-uns des travaux qu'il y exécula. Les nouvelles espèces de chauves-souris qu’il trouva en Égypte lui fournirent le sujet d’une belle étude. Plus tard, d’autres espèces en plus grand nombre dues aux expéditions de Péron, de Lesueur, de Leschenault et de Maugé, lui permirent de disposer tout le groupe en familles naturelles. Il a décrit les poissons du Nil, « qui, grâce à lui, disait Lacépède, nous sont aujourd’hui aussi bien connus que ceux de nos fleuves el de nos rivières; » entre autres le polyptére-bichir, ce poisson qui, selon Cuvier, eût valu le voyage d'Égypte !; et les hétérobranches pourvus de branchies surnuméraires et pouvant ainsi vivre hors de la pleine eau; en sorte que ces singuliers poissons tantôt nagent dans le Nil, tantôt le quittent pour s’avancer, en rampant, dans la vase des canaux qui y aboutissent. Suivant le vieil Hérodote, guand le crocodile sort du Nil pour s’é- tendre sur le sable, il ouvre la: gueule : : un petit oiseau y pénètre et avale les animalcules qui s’y lrouvent. Le crocodile reconnaissant ne lui fait aucun mal. On regardait généralement: ce récit du père de l’ l'histoire comme un conle fait à plaisir. Geoffroy Saint-Hilaire y ajoutait foi, cepen- dant il pensait que les animalcules dont il est question étaient des sangsues; or , en arrivant en Égypte, il s'assura qu'il n'y a pas de sangsues dans le Nil. Mais il eut bientôt le bonheur d'être témoin 1 Le polyptère a quelque chose de la physionomie du caïman. Il a des espèces d’évents, munis de soupapes pour fermer ces ouvertures au dehors; ses nageoires correspondent aux extrémités des mammifères, et sont façonnées de manière qu'il peut les employer à volonté, comme les phoques, soit à la natation, soit à la marche ou au moins à la reptation. 75 du fait. Quand le crocodile arrive pour se reposer sur le rivage, de nombreux essaims de cousins pénètrent dans sa gueule mal fermée, et s’attachent à son palais qui en est quelquefois tout noir. Sa lan- gue, extrêmement courte et peu mobile, ne peut lui servir à se dé- fendre contre ces insectes si incommodes. C’est alors qu’un oiseau, le pluvier, enire dans la gueule du crocodile, et à coups de bec pré- cipités, le débarrasse de ses ennemis !. A cette occasion, Geoffroy Saint-Hilaire émet une idée avancée. On sait que pendant tout le cours du xvur° siècle, sous l'empire d'i- dées religieuses dont on faisait une applicalion peu raisonnable, les naturalistes, Buffon lui-même, refusaient aux animaux l'intelli- gence, pour ne leur accorder que l'instinct. Geoffroy Saint-Hilaire proteste contre celte doctrine. « Dans les temps modernes, dit-il, nous avons pris un parli, au sujet de l'intelligence des animaux : nous ne voulons reconnaître en eux ni actes réfléchis, ni jugements. Les anciens qui, dans tous les ouvrages de la création, voyaient des témoignages de la toute-puissance et de la sagesse infinie, croyaient qu’à l'égard de tous les êtres sans distinction l’intelligence apparaît en plus ou moins grande quantité, suivant le plus ou moins de complication et de perfection dans la structure des organes. Les pro- grès de la physiologie générale sont peut-être destinés à ramener un jour cette doctrine. » La prévision élait juste : les travaux de Frédérie Cuvier, deM.Flou- rens et d'{sidore Geoffroy Saint-Hilaire, ont mis hors de doule l'in- telligence des animaux, sans toutefois leur accorder la réflexion, c'est à dire la pensée dans ce qu’elle a de plus élevé. On doil se rap- peler qu'avant eux Lamarck avait appelé animaux intelligents, la pre- mière coupe de sa classificalion zoologique. Pline, le naturaliste, parle d’une tribu d'hommes, — les Psyles d'Afrique, — qui ont reçu de leurs ancêtres la puissance myslé- rieuse de commander aux serpents. Geoffroy Saint-Hilaire non-seu- lement constala le fait, mais il donna l'explication de ce prétendu prodige.-Il vit, au Caire, des baleleurs qui, pour se rendre maîtres 1 Geoffroy Saint-Hilaire, à son retour en France, apprit d’un voyageur revenu de Saint-Domingue que, là aussi, les caïmans, dont la gueule est envahie par les maringoins, y laissent pénétrer un petit oiseau, le todier, qui, sa besogne faite, en sort sans difficulté. C’est la répétition de la même scène, sous une autre lati- tude. 76 du terrible hajé, l’aspic des anciens, le forçaient à ouvrir la gueule, y crachaient en murmurant une formule d'enchantement, puis lui comprimaient la tête. Le serpent devenait raide et semblait mort : on pouvait alors le manier sans danger ; son corps conservait toutes les positions qu'on lui donnait. Le savant pria ces gens de se borner à exercer une pression sur la tête du serpent, sans lui cracher dans la gueule et sans prononcer de paroles. Ils refusèrent avec une sorte d’effroi, comme si on leur eût proposé une profanation. Geoffroy Saint-Hilaire, saisissant un moment favorable, appuya lui-même fortement la main sur la tête d’un des reptiles. L'effet se produisit immédiatement : le serpent tomba dans un véritable état de cata- lepsie. C’est donc uniquement à la pression exercée d’une certaine manière qu'est dû cet effet singulier. Je n'indiquerai plus que le mémoire de Geoffroy Saint-Hilaire sur les poissons électriques et sur l'appareil au moyen duquel ils fou- droient leurs victimes, parce qu'il fit ses observations pendant le siége d'Alexandrie, sans que le jet des bombes et les incendies qui éclataient de toule part autour de lui pussent l’arracher à ses mé- dilations. Avec la capitulation d'Alexandrie se termina cette campagne d'Égypte, sans analogue dans l’histoire, et qui semble une légende des âges héroïques. L'article 16 du traité signé par le général Menou, pour obtenir le retour en France des débris de l’armée, portait que les collections réunies par la commission scientifique seraient livrées aux Anglais. La commission indignée proleste et envoie une députalion au camp ennemi. Le vainqueur se montre inflexible : il exige que la capitulation reçoive son entière exécution, même en ce qui concerne les savants français. « Eh bien, dit Geoffroy Saint-Hilaire au général anglais, Alexandrie ne doit ouvrir ses portes à votre armée que dans deux jours. D'ici là nous brûlerons nous-mêmes nos richesses; vous disposerez ensuite de nos personnes comme bon vous semblera. Oui, nous le ferons ! ajouta- L-il avec un accent de colère; vous visez à la célébrité, vous l’ob- tiendrez : l’histoire dira que, vous aussi, vous avez brûlé une biblio- thèque à Alexandrie. » Savigny et Delile s'associent énergiquement au généreux trans- port de leur collègue. Ce trait de courage sauva tout : le honteux 77 article de la capitulation fut biffé. Et le grand ouvrage sur l'Égypte, à la rédaction duquel Geoffroy Saint-Hilaire prit une part importante, put recevoir son exécution. IL. Geoffroy Saint-Hilaire nous a conservé dessouvenirs pleins d’intérêl sur le général Bonaparte qui, pendant son séjour en Égypte, semble encore hésiter entre ces deux routes d'illustration, les sciences et les armes. Devant Saint-Jean-d’Acre, Bonaparte fait coucher sous sa tente Monge et Berthollet, ses deux causeurs intimes. Au Caire, il emploie ses moments de loisir à écouter les leçons de chimie que lui fait Berthollet; et, comme il s'aperçoit que le débit du profes - seur se ressent de l’absence d’un auditoire, il prie Geoffroy Saint- Hilaire d’assister à ses leçons. Dans l'institut qu’il fonde en Égypte, le général en chef est d’abord admis , par élection, comme simple membre, puis il est élu vice-président, et il prend part aux travaux de la compagnie. Il va reconnaître et signale lui-même les vestiges de l’ancien canal des deux mers ; découverte singulière, — a dit M. Jomard, — et qui a été le véritable point de départ de tout ce qui se fait aujourd’hui pour le percement de l’isthme de Suez. Enfin, à la suile d’un de ses plus éclatants triomphes, il dit aux savants qui l’accompagnaient : « Les armes sont devenues ma pro- fession; ce n'élait pourtant pas mon choix : c’est par la force des circonstances que j'y ai élé engagé, et que je me trouve conqué- rant en Égypte, comme le fut Alexandre. Il eût été plus de mon goûl de marcher sur les traces de Newton. » Monge ayant cru devoir répondre par ce mot de Lagrange : « Nul n’atieindre dans les sciences à la gloire de Newton : il n’y avait qu'un monde à découvrir. — Et le monde des délails, reprit avec vivacité Bonaparte; qui a jamais pensé à cet autre? Moi. Dès l’âge de quinze ans, j'y croyais et je m'en occupais. Ce souvenir vit avec moi, comme une idée fixe, et ne m’abandonnera jamais. » Et il ajoutait : « Newton a résolu le problème du mouvement en général, par la découverte du système planélaire : c’est magnifique pour vous, gens de mathématiques. Moi, j'en serais venu à appren- dre aux hommes comment s'opère le mouvement qui se produit par 78 l’intervéntion des plus petits corps. J'aurais ainsi résolu le problème de l’univers. Cela fail, j'eusse dépassé Newlon de toute la distance qu’il y a entre la matière et l'intelligence. Par conséquent il n'y a rien d’exact dans votre mot de Lagrange, puisque le monde des dé- tails reste à chercher. Voilà cet autre monde que je m'étais flaité de découvrir. D’y penser, j'en suis aux regrets : d'y penser, j’en ai mal à l'âme. » Quand il fut reçu membre de l’Institut, Bonaparte, dans une lettre adressée au président de l’Académie des sciences, disait : « Les vraies conquêles, les seules qui ne donnent aucun regret, sont selles que l'on fait sur l'ignorance. » Il aurait pu ajouter que ce sont les seules durables. Quelques années après, alors que déjà il avait placé sur son front la couronne de Charlemagne, Napoléon est revenu sur ces regrels. Lemercier ayant refusé la place de conseiller d’Élat, l’empereur ap- plaudit à cette indépendance de l’homme de lettres. « J'aurais fait de même, dit-il à ceux qui l'entouraient. Pensez-vous que, si je ne fusse pas devenu l'instrument du sort d’un grand peuple, j'eusse acceplé un de ces emplois à me mettre dans une dépendance quel- conque, même une place de ministre ou d’ambassadeur ? Non certes. Jeune, je m'étais desliné aux sciences exacles. J'aurais fait mon chemin dans la roule des Galilée, des Newton. Aucune autre gloire, mieux que celle dévolue aux grandes déconvertes des travaux scientifiques, ne pouvait tenter mon ambition. » Quand il quitta brusquement l'Égypte, suivi seulement de Monge et de Berthollet, le général Bonaparte emportait une lellre de Geoffroy Saint-Hilaire pour Daubenion. Devenu consul. après le 18 brumaire, il alla porter, lui-même, la lettre au vénérable natu- raliste, qu'il fit nommer membre du sénat !. Enfin, deux ans plus lard, le premier consul écrivit au ministre de l'intérieur qu'il entendait accorder un encouragement de 60,000 francs au savant qui, par ses découvertes et ses expériences, ferait faire à l'électricité un pas comparable à celui que cette science a dû à Franklin et à Volta. N'était-ce pas presseniir le télégraphe électrique? 1 Daubenton ne jouit pas longtemps de cette dignité. Frappé d’apoplexie à une des premières séances du Sénat, il mourut le 31 décembre 1799. 79 IV. Mais je reviens à Geoffroy Saint-Hilaire. Il quitta l'Égypte en no- vembre 1801, après y avoir fait un séjour de trois ans et quatre mois. Les collections qu'il rapporlait, comme un trophée de son énergique fermeté, comprenaient non-seulement les animaux de l'Égypte mo- derne, mais des momies humaines, un grand nombre d'animaux de l'Égypte antique, conservés intacts dans leurs bandeleltes, notam- ment ceux qui élaient l’objet d'un culle, depuis le bœuf Apis, jusqu’au scarabée sacré, symbole de la résurrection. Depuis le savant et courageux Dombey, aucun voyageur, a dit Cuvier, n'avait donné aux collections du Muséum un tel accroisse- ment de richesses. Au mois de janvier 1802, Geoffroy Saint-Hilaire rentrait au Mu- séum où il reprenail son enseignement et ses (travaux. Il épousa, en 1804, mademoiselle Pauline Anaïs Brière de Mondé- tour, dont le père, ancien receveur-général des économais, sous Louis XVI, devint, sous l’empire, maire du 2e arrondissement el député. De cette union naquirent un fils, el deux filles jumelles. En 1807, Napoléon l’envoya en Portugal, avec mission de visiter les collections d'histoire naturelle de Lisbonne et d’Ajuda, riches d’une foule d'objets précieux dus au Brésil, à l’Inde et à l’Archipel indien. Le savant avait plein pouvoir pour faire transporter à Paris tout ce qu’il croirail ulile au Muséum; c'était un des droits rigou- reux de la conquête ; mais Geoffroy Saint-Hilaire comprit autrement sa mission : il voulut qu'elle fût profitable aux établissements scien- tifiques des deux pays. Il ne demanda rien qu’à titre d'échange, et ce qu’on lui donna, il le paya avec de précieux échantillons de miné- ralogie et des objets de zoologie, qui se trouvaient en double dans les galeries du Muséum, et dont il avait emporté de Paris plusieurs caisses. [l aida en outre les conservateurs des musées portugais à déterminer et à classer une partie de leurs richesses. Là encore il donna des preuves multipliées de son bon cœur: l'archevêque d'Évora, compromis dans une insurrection contre les Français, lui dut la liberté, peut-être la vie. Après la bataille de 80 Vimeiro, Geoffroy Saint-Hilaire voulut être admis, comme aide, parmi les chirurgiens de l'armée pour soigner les blessés , lui à qui sa commission donnait le rang de général. Lors de la capitulation pour l'évacuation du Portugal, les Anglais, toujours avides de ces sortes de dépouilles opimes, s'emparèrent de ses collections. Elles lui furent pourtant rendues, sur-ses instances réitérées, et par l'intervention de l’Académie de Lisbonne, qui af- firma que ces objets étaient la propriété personnelle du savant fran- çais. Et quand, en 1815, les puissances coalisées revendiquèrent les objets enlevés chez elles et dont nos musées s'étaient enrichis, le ministre portugais déclara au duc de Richelieu que son gouverne- ment n’avait aucune réclamation à faire, M. Geoffroy Saint-Hilaire n'ayant rien emporté qu’en exéculion d’un échange librement con- senti. Quand la Faculté des sciences fut créée en 1808, Geoffroy Saint- Hilaire fut désigné comme professeur de zoologie et d'anatomie comparée. Ce qu'il avait fait pour Lacépède en 1793, il le fit encore pour Lamarck, son collègue au Muséum et son ancien dans la science; il le pressa vivement de prendre possession de l'ensei- gnement qui lui était assigné. Lamarck avait trop de fierlé dans l’âme pour accepter une chaire offerte à un autre ; mais il fallut son refus pour vaincre la résistance de son ami. Pendant les Cent-Jours, il fut nommé représentant. Son dévoue- ment enthousiaste à la science l'avait Lenu éloigné de toute fonclion publique; mais la gravité des circonstances lui fit accepter le mandat législatif. Il se montra assidu aux séances, sans y prendre la parole. Depuis cette époque , les électeurs d'Élampes voulurent, à deux re- prises, le porter à la Chambre des députés; il leur répondit : « A chacun sa position, suivant les temps : laissez-moi à la culture des sciences. » Il avait fait la même réponse à Napoléon, quand , au re- tour d'Égypte, celui-ci lui offrit une préfecture. En se tenant éloigné des fonctions publiques, pour se consacrer exclusivement à la science, il croyait se rendre plus utile à la société, « car, disait-il, tout ce qu’on ajoute au domaine de l'esprit humain devient la source d’un perfectionnement moral. » Geoffroy Saint-Hilaire possédait, près de Coulommiers, une ferme appelée la Brélonnière. Lors de la seconde invasion , en 1845, son ef fermier vint lui dire que les ennemis l’avaient pillé, et s'étaient em- parés de son bétail ; qu'il se trouvait dans l’impossibililé de continuer son bail. Le savant n'hésite pas : il va s'installer, avec Mme Geoffroy Saint-Hilaire, à sa ferme dont il prend la direction. Il'y introduit la culture de la luzerne, au grand étonnement de ses voisins, bien con- vaincus que celte plante, inconnue dans la contrée, ne peut y réussir. Elle y prospéra pourtant el donna une récolteabondante. L'ordre s’é- tant rétabli, notre savant naturaliste fut rappelé à son enseignement du Muséum et de la Facullé des sciences. La Brétonnière eut un autre fermier. Toutefois, — dit M. Richard (du Cantal), qui nous a conservé cette anecdote, — la prairie artificielle élait acquise aux cultures des environs de Coulommiers. Les agriculteurs du pays ne tardèrent pas à l'adopter. V: C’est de 1806 à 1822 que Geoffroy Saint-Hilaire élabore les prin- cipes de sa philosophie anatomique. Il part de cette idée générale qu'il y a unité de composition dans l’organisalion de tous les êtres vivants, idée que l’on voit poindre dans ses premiers travaux. Était- elle bien neuve? Non, elle avait été pressentie, — c'est Geoffroy Saint-Hilaire qui le rappelle, — par Aristote, par Newton, par Buf- fon, par Camper, par d’autres encore. Mais les aperçus du génie ne sont pas les solutions de la science : ce qui n’était pour ces grands esprils qu'une vérilé de sentiment, Geoffroy Saint-Hilaire l’élèvera à la hauleur d’une vérité démontrée, et en fera sortir une science nouvelle. Je vais expliquer de mon mieux en quoi consiste cette théorie de l'UNITÉ DE COMPOSITION ORGANIQUE. J’entrerai dans des développe- ments assez étendus, parce que, — comme l’a dit M. Flourens, — « la gloire de Geoffroy Saint-Hilaire sera d'avoir fondé la science profonde des êtres, l'anatomie philosophique. » Quand on considère l'ensemble des animaux vertébrés, on voit, dit Geoffroy Saint-Hilaire, que’ la nature tient à faire reparaître les mêmes organes en même nombre et dans les mêmes relations : elle en varie seulement les formes à l'infini. Est-ce à dire que ces organes se ressemblent toujours ? Non, ils VII, () 82 diffèrent par leurs formes et par leurs usages : la nature les allonge, les raccourcit, les amoindrit, les efface même quelquelois, de telle sorte qu'il en reste à peine une trace; quelquefois elle les soude; mais jamais elle ne dérange leur situation réciproque ni leur dépendance. Ainsi dans la structure du dernier quart du mem- bre antérieur chez les mammifères, nous trouvons le même emploi des phalanges, le même ajustement, la même disposition, le même appareil musculaire ; mais la forme et les usages diffèrent; ce qui est chez le singe la main, c’est à dire un instrument de préhension, devient une arme pour le tigre, une partie de la jambe ou un simple support chez les ruminants, une aile ou une partie de l'aile pour la chauve-souris et l'oiseau, une rame pour le phoque et le poisson. Ce ne sont donc pas les organes qui se ressemblent, mais les élé- ments dont ils sont formés ; c'est aussi leur position invariable les uns par rapport aux autres. Cette relation constante, cette connexion des parties est ce qu'il y a. de fixe dans l’organisation des êires. La forine, le volume, la fonc- tion, tout cela peut changer, tout cela change, en effet, d’un animal à l’autre; mais le principe desconnexions donne un moyen assuré de reconnaître les organes qui ont subi de telles modifications qu'ils en sont devenus méconnaissables. Ainsi les os del’opercule des poissons reproduisent exactement les quatre osselets de l'oreille humaine; ils se sont seulement dilatés, aplatis, et ont pris une configuration entiè- rement différente. Ainsi encore le métatarse, qui chez les autres mammifères est formé de plusieurs pièces, constitue chez les rumi- nanis une pièce unique, très grande, à laquelle on a donné le nom de canon, parce qu’on a cru longtemps que c'était un os particulier, propre à ce groupe. Le principe des connexions lui restitue son vé- ritable caractère ; et l'anatomie montre que, dans le fœtus d’un ru- minant, cette pièce unique est formée de plusieurs os soudés. C’est donc bien le métatarse ! ? Quelquefois un organe a disparu presqu’entièrement, mais on en retrouve les éléments soit distincts, soit greffés sur d’autres or- ganes. En voici quelques exemples : les mammifères supérieurs ont ! Dans le pied de l’homme, le métatarse est l’ensemble des os qui se trouvent entre les orteils et le cou-de-pied. 83 cinq doigts; il n’y en a plus que quatre chez les carnassiers, dont le pouce est réduit à un lubercule. Chez lessinges, les chauves-souris et chez tous les animaux qui exécutent des mouvements multipliés d’adduction et de rotation, le bras est arc-bouté par une clavicule ; inutile chez les carnassiers, la clavicule semble disparaître, mais il en reste un rudiment. L’autruche, le casoar, le nandou, oiseaux qui ne volent pas, ont des ailes exlrêmement réduites, utiles encore pour accélérer leur course; chez l'aptéryx, l'aile presque nulle est perdue sous les plumes, simple ébauche d’un organe qui ne sert en rien à l'oiseau. Enfin les cétacés, privés des membres postérieurs, ont encore un petit os caché sous la peau, dernier veslige des mem- bres complétement atrophiés. Ces éléments superflus, ces organes rudimentaires, qui ne sont pour l'animal d'aucune utilité, étaient négligés par les anciens analo- mistes. Dans la théorie de Geoffroy Saint-Hilaire, ils acquièrent une haute valeur, puisqu'ils accusent la permanence du plan général et peuvent être considérés comme autant de rappels à l'unité. Quand on examine la têle d’un poisson, on y trouve trois ou qua- tre fois plus d’os que dans celle d’un marmimifère. Mais, dans la tête de l'enfant, il y a deux os du front, deux os de la mâchoire infé- rieure, etc. Suivons cette indication : les os de la tête des mammi- fères sont formés de pièces, distincles à l’origine, plus tard réunies et soudées. En effet, à un certain élat, le fœtus d’un mammifère présente les vingt-six os de la têle des poissons. On les retrouve aussi dans le fœtus de l’oiseau ; mais chez lui le travail de consoli- dation se poursuit : à l’état adulte, son crâne ne présente plus qu’une boile osseuse d’une seule pièce. Cette circonstance s’offre aussi fré- quemment dans la tête du vieillard. De ces faits, Geoffroy Saint-Hilaire conclut que le crâne de tous les animaux vertébrés doit êlre ramené à une structure commune. Il ajoute que les variations qu’on y remarque sont soumises à une loi. Cette loi est celle des arréts de développement, loi applicable à tous les points de vue où l’on se place pour étudier les animaux. Des êtres ne paraissent entièrement dissemblables que parce que le développement de certains organes s’est arrêté chez les uns, el s’est poursuivi chez les autres ; ce qui était, poür les os de la têle, un état 84 provisoire chez les mammifères, est devenu chez les poissons un état définitif, en sorte que, relativement à leur crâne, ceux-ci semi- blent n’êlre que des embryons permanents des vertébrés supé- rieurs. | Dans les animaux placés en tête de la série zoologique, on trouve des organes qui manquent aux espèces inférieures. Le fait s'explique aisément : pour ces dernières il y a un arrêt normal dans la suite des déveioppements. Les .parlies qui manquent ou dont il existe à peine une trace, sont des parties entravées dans leur accroissement. Ces espèces restent donc, pendant toute leur vie, dans l’état par lequel ont passé temporairement les animaux supérieurs. Des formes temporaires pour les uns devenant des formes dé- finitives pour les autres, telle est l'expression abrégée de la théorie . des arrêts de développement. On peut remarquer toutefois que l’ani- mal qui, dans son état définitif, représente un des états transitoires d’un être supérieur, le représente avec un degré de perfection que l’état transitoire n'offre pas. A celle expression arrêts” de développement, Isidore Geoffroy Sain!-Hilaire a substitué celle d’inégalités de développement. Elle est plus générale et s'applique aux différences en plus comme aux dif- férences en moins, aux arréts comme aux excès de développe- ment. En effet, le développement des formes ne constitue pas loujours un progrès. Ainsi, dans toutes les races humaines, les enfants nais- sent avec une tête ronde. Cette forme persiste dans les races mon- goliques ; la face se développe en ovale dans les races caucasiques ; celie évolulion se poursuit dans les races éthiopiques, par la fuite du front en arrière, l'allongement de la partie inférieure et la proé- minence des mâchoires. Relativement à notre race, il y a donc arrêt de développement dans la face du mongole et excès de dévelop- pement dans la face du nègre. Dans son cours au Muséum, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire faisait une curieuse explication de cette théorie des inégalités, sur la tribu des singes à poitrine étroite (les cynopithéciens), en prenant, pour sujet de cette étude, non pas une seule espèce, mais les différents genres dont se compose la tribu. Ainsi à l’âge adulte, le talapoin a l’angle facial de 60 degrés: cet angle est de 50 degrés chez la guenon; il est de 40 chez le macaque ; 85 et chez le mandrill de 30 seulement. Mais au moment de la nais- sance, toutes ces espèces ont la têle ronde; le mandrill lui-même présente un angle facial de 60 degrés. Plus tard cet angle descend à 590 degrés, plus tard encore à 40, enfin il tombe à 30 degrés. La tête ronde est donc une forme stable, un état définilif pour le talapoin ; elle est transitoire pour la guenon; de la guenon au ma- caque, et du macaque au mandrill, la tête, toujours ronde à l'ori- gine, finit par s'éloigner de plus en plus du type primitif. Et chose remarquable, à mesure que l’on passe de la tête ronde — forme humaine ! — à la tête bestiale, on trouve des différences correspondantes dans les mœurs et les habitudes de ces animaux. Les premiers sont doux et gais: les seconds, pélulants; les troi- sièmes, violents ; les derniers, d'une grande férocité. Mais, dans le jeune âge, le mandrill rappelle le talapoin par son enjouement et sa vivacité; à mesure que sa têle se transforme, il passe à la pétu- lance, puis à la violence, enfin à la férocité. Une autre circonstance est à noter : les talapoins sont les petites espèces de cetle tribu ; les guenons et les macaques en sont les moyennes espèces ; et les mandrills, les grandes. Ne semble-t-il pas que, par la forme de la tête et par le caractère, les talapoins soient des singes restés au premier âge ? les guenons au second âge ? les macaques au troisième ? et que les mandrills seuls soient par- venus au quatrièm:? L’analogie est complète : chez ces derniers, la succession des âges représente bien la série des types permanents de tout le groupe. Dans la tribu des singes américains, si l'on passe des saïmiris (petites espèces), aux sajous, aux atèles (moyennes espèces), et aux hurleurs (grandes espèces), on observe la même correspondance, sous le rapport de la forme crânienne, de la taille et du caractère. Tous ces singes, à l’âge adulte, n’offrent aussi que les différents de- grés de développement d’un seul et même type, degrés que les hur- leurs seuls ont successivement parcourus. La théorie des arrêts et des inégalités de développement peut se vérifier dans un grand nombre de faits analogues. ! La tête du singe, même dans le jeune âge, manque de certains caractères humairis. La saillie la plus bombée du front est toujours au milieu, et iln’y a pas de bosses latérales. 86 En 1806, Geoffroy Saint-Hilaire trouve les germes d’une rangée de dents à la mâchoire supérieure du fœtus d’une baleine. Pour tout autre que lui, c’eûl élé un fait isolé; mais déjà préoccupé des déve- loppements gradués par lesquels un êlre peut passer, il en tire cette conclusion que les fanons ou lames cornées dont la mâchoire su- périeure de la baleine est garnie et qui, comme un tamis, laissent l’eau s'échapper, en relenant les poissons et les mollusques, ne sont qu'un second état de dentition. Guidé par le flambeau de l’analogie, il prévoit, dès lors, qu'à un cerlain moment de l’état fœtal, l'oiseau doit aussi présenter les traces d'un système dentaire, remplacé plus lard par un bec corné. En 1820, il trouve en effet des denis dans le fœlus d’un perroquet ; l’année suivante, il en trouve également dans le fœtus d’un poulet. Dans la série des évolutions d’un être, il y a donc des organes qui se détruisent et sont remplacés par d’autres organes. De ces faits, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, complétant sur ce point la théorie de son père, a déduit une loi qu'il nomme la rénovation des organismes, loi qui nous explique pourquoi certains organes qui se trouvent chez les êlres inférieurs, manquent aux espèces supérieures. Ces organes ont existé chez ces dernières; mais ils n’élaient que des appareils provisoires, et ils ont disparu pour faire place à des appa- reils définitifs. Car il n’y a pas seulement rénovation d’un organe par un organe de même nature, comme dans la chute et le rempla- cement des premières dents; il y a souvent aussi substitulion d'un organe nouveau à un organe d’une nalure différente. C’est ainsi que, chez les grenouilles et les autres batraciens, la queue , premier organe de la locomolion , est remplacée par quatre membres ; aux branchies, organes provisoires de la respiration, suc- cèdent des poumons !. En général, les formes transitoires sont légèrement construites ; les formes définitives sont consolidées. Quand l'œuvre doit durer, la nature l’achève et la complète. La branchie des télards, organe 1 Les poumons sont des poches celluleuses dans lesquelles l’air est introduit, et où il pénètre dans toutes les ramifications de l'organe, les branchies, vulgairement appelées ouïes chez les poissens, sont des lames memhraneuses , des franges de chair vive, à la surface desquelles s'opère la respiration par la décomposition de l'air contenu en dissolution. dans l’eau. A l’air libre, la branchie se dessèche et ne fonctionne plus : c’est ce qui empêche le poisson de vivre longtemps hors de l'eau, 87 temporaire, n'est pas protégée ; la branchie du poisson, organe défi- nilif, est établie sur des arcs osseux d’un travail compliqué, et re- couverte d'un opercule. De même la queue du poisson, appareil permanent, est infiniment plus parfaite que celle du tétard. Nous voyons ainsi la nalure employer deux moyens de perfec- lionnement : tantôt elle améliore les organes; tantôt elle les sup- prime, pour y substituer des organes plus parfaits, d’une nature différente. Une autre loi, non moins importante que celles des connexions et des arréts de développement est celle que Geoffroy Saint-Hilaire a nommée le balancement des organismes. « Quand, dans une espèce animale, un organe prend un développe- ment extraordinaire, c'est toujours aux dépens d’un aulre organe situé dans le voisinage, lequel se réduit et devient plus ou moins altrophié. » Goëthe, en applaudissant à la découverte de Geoffroy Saint-Hi- laire, a donné à cette loi, qu'il avait lui-même pressentie, en 1795, une expression originale et saisissante : « Le budget de la nature est fixe, dit-il; quand il y a dépense excessive sur un point, il y a forcément économie équivalente sur un autre point. » Ainsi, dans les ruminants, il y a deux doigts énormes; par com- pensation, deux doigts {out à fait rudimentaires. Dans le singe nommé Atèle, dont les membres sont d'une longueur démesurée, le pouce avorle; on en trouve à peine des traces sous la peau. La tête de la baleine est d’une grosseur monstrueuse, mais le cou manque, ou plutôt il ne se compose que d’une seule pièce osseuse : dans le fœtus, et même dans le squelette de la baleine, on peut reconnaître que celte pièce unique est, comme le cou des autres mammifères, composée de sept vertèbres, qui se soudent el se réduisent à mesure que la tête prend du développement. Geoffroy Saint-Hilaire s'est beaucoup occupé des monstruosités : il est le fondateur de celte science appelée la tératologie. Avant ses travaux, les naturalisles considéraient les monstres comme des êtres créés en dehors de toute règle. Il établit d’une manière évi- dente que les monstres soni au conlraire primitivement formés selon les lois communes : leur état d’imperfection, leurs difformités, 88 ne sont que les effets d’une entrave survenue pendant le cours du . développement de l’être dans l'utérus ou dans l'œuf. On peut partager les monsires en deux classes: ceux dans lesquels on ne trouve que les éléments d'un seul individu : ce sont les mons- tres unitaires, et ceux chez lesquels se trouvent réunis les éléments, soit complets, soit incomplets, de plus d’un individu : ce sont les monstres composés. | Les monstres unitaires sonl des êtres qui, —par suite d’un trouble, d’un accident, d'une maladie, dont l’âge fœtal n’est pas plus exempt que l'enfance et l’âge adulte, — ont subi un arrêt dans la série de leurs développements, et qui restent ainsi dans un des états iransi- toires de l'organisalion embryonnaire. En effet, quand on étudie la succession des développements de l'embryon, on reconnaît qu’il y a un moment où un organe n'’exisle pas encore; puis cet organe commence à paraître ; puis il s’accroil et par une série de termes il arrive à l'élat définitif. Dans les monsiruosités humaines !, il y a des êtres qui nais- sent sans vertèbres : c'est que le développement s’est arrêté avant la formation du système osseux; d'autres ont des vertèbres, mais pas de cerveau : c'est que le ilrouble est survenu quand la moëile épinière existait déjà, mais avant qu'elle se fût épanouie dans la ca- vité du crâne. On peut ainsi classer les monsiruosités, chacune d'elles consti- tuant un temps d’arrét dans le développement du fœtus, temps d'arrêt dû à des causes purement accidentelles. Comme le disait Geoffroy Saint-Hilaire : « L'ordre est dans le désordre : la nature ne change pas ses lois. » L’arrét peut ne porter que sur des poinis de peu d'importance ; dans le premier état de la face humaine, la lèvre est fendue ; elle se soude plus lard. Chez les enfants qui naissent en présentant la dif- formité appelée le bec de lièvre, il y a eu un arrêt de développe- 1 M. le docteur Pucheran fait remarquer que la statistique constate un plus grand nombre de monstruosités dans les classes pauvres que dans les classes ri- ches, et dans les naissances hors mariage que dans les naissances légitimes. Les travaux excessifs, les mauvais traitements, une alimentation insuffisante, les cha- grins de tout genre, pendant la grossesse, les moyens employés pour la cacher, ou les tentatives pour la détruire, expliquent les troubles qui se produisent pen- dant le développement du fœtus. æ# 89 ment sur cette partie. Il en est de même de la fissure du palais, qui persiste quelquefois après la naissance. La monstruosité peut être un retour au type régulier : le dé- veloppement, normalement arrêté dans les autres animaux de la même espèce, s’est poursuivi exceptionnellement chez l'individu. Ainsi certains chevaux naissent avec plusieurs doigts !. On peut encore citer la poule négresse, celle de Houdan et celle de Dorking, qui ont cinq doigts, tandis que les autres gallinacés n’en ont que quatre. Quant aux monstres composés, Geoffroy Saint-Hilaire les explique par une loi qu'il appelle l'attraction de soi pour soi, ou l'affinité des parties similaires. Il tire cette loi de ce fait constant, que les mons- tres doubles sont toujours unis par des parties homologues, dos à dos, côté à côté, ou se regardant en face. De plus, chaque viscère, chaque vaisseau, chaque nerf d’un sujet, adhère loujours, dans la partie qui forme la jonction, au viscère, au vaisseau, au nerf simi- laire de l'autre sujet. Cette loi de l’affinité des organes similaires reçoit une application même dans les monstres unitaires. On peut remarquer que, chez les êtres haut placés dans la série zoologique, il n’y a pas d'organes pairs qui ne soient retenus par une cloison, par une sorte de bar- rière qui en empêchela réunion. Que, par une cause quelconque, cet obstacle soit supprimé, l'unification des deux organes se produit. Ces cas ne sont pas rares dans les monsiruosilés : œil unique, fosse nasale unique. Établir ainsi la théorie des monstruosités ne suffit pas: il faut l’ap- puyer sur des fails. Pour cela, Geoffroy Saint-Hilaire soumet des œufs de poule à l’incubation artificielle ; et quand les germes on subi un premier développement régulier, il entrave la marche de ce développement, tantôt en secouant les œufs, tantôt en les fixant sur 1 Dans un travail qui leur est commun, MM. Joly et Ladvocat, de la Faculté des sciences de Toulouse, établissent que le doigt unique des solipèdes est en réalité formé de deux doigts intimement unis l’un à l’autre, et que les deux os dé- signés par les vétérinaires sous le nom de sfylets sont deux autres doigts demeurés à l’état rudimentaire. Quant au pouce, il est représenté par la petite saillie cornée, vulgairement connue sous le nom de chétaigne. C’est une application de la loi du balancement organique. L’ongle du doigt unique en apparence, s’enrichissant aussi aux dépens des organes atrophiés, se change en un sabot. 90 le gros ou le petit bout !, tantôt en appliquant sur une partie de leur surface, un enduit de cire destiné à empêcher ou à diminuer la porosité de la coquille. Il crée ainsi des monstres à volonté. La nature est prise sur le fait : les monsiruosités ne sont donc pas dés jeux du hasard, des aberrations de la nature, ou les produits de germes originairement viciés, mais le résultat de troubles accidentels. Les belles découvertes de Geoffroy Saint-Hilaire dans l'étude des êtres qui se présentent sous des apparences anormales ne devaient pas seulement enrichir la zoologie. Une science qui nous touche de plus près en a grandement profité, comme le montre le passage sui- vant, que j'extrais du discours prononcé par M. Michel Lévy, pré- sident de l’Académie impériale de médecine, lors de l'inauguration de la statue du naturaliste : « La médecine devient largement et direclement tributaire de l’école de la philosophie anatomique. Quand son fondateur ne se contente plus de puiser dans l'examen des animaux réguliers les matériaux des connaissances physiologiques, quand il interroge, avec une égale curiosité, l’organisation troublée dans ses évolutions, surprise dans ses mouvements d’hésitation ou d’impuissance , il trace la voie à la physiologie pathologique ; or, celle-ci tient la clef des problèmes cliniques, fait à la thérapeutique sa règle et sa limite. Est-il une branche de l’art de guérir que la tératologie n’ait éclairée de quelque jour? Ce que lui doivent l’analomie et la physiologie, ce qu’elle procure à la médecine légale de facilité et de sûrelé pour la solution d'un grand nombre de questions litigieuses, ce qu'elle a fourni d’indicalions utiles au médecin pour rétablir la santé mo- mentanément troublée d'un êlre anormal, au chirurgien pour atté- nuer où pour effacer les misères d'une organisation imparfaile, les iravaux modernes accomplis dans le cercle des sciences médicales le font assez ressortir. Les idées de Geoffroy Saint-Hilaire sur la vie considérée, non plus comme un élat, mais comme un acle, ont 1 On sait que pendant l’incubation, la poule retourne fréquemment ses œufs sous elle, afin que la chaleur soit également distribuée à toutes les parties, Dans les incubations artificielles, il naît beaucoup de poulets qui ne sont pas tout à fait dans les conditions ordinaires, par exemple, un certain nombre d'individus sont montés sur de très hautes pattes. C’est que la chaleur ne s’est pas trouvée répar- lie, d’une manière uniforme, sur toutes les parties de l'œuf. 91 réagi profondément sur les éludes pathologiques... Toutes les bran- ches de la biologie ont reçu quelque empreinte ou quelque impul- sion des idées de Geoffroy Saint-Hilaire. L'hygiène ne devait pas échapper à celte influence : outre les règles spéciales que lui sug- gère une connaissance plus exacte des conditions d’une évolution fœtale, régulière, la doctrine de l’action des milieux ambiants sur le développement des êtres l’a replacée au point de vue hippocra- tique, avec l’aplomb d’une observation positive et vraiment philo- sophique. » Les principes que j'ai successivement passés en revue, les con- nexions, la restitution des organes rudimentaires, les arrêts ou iné- galités de développement, le balancement des organismes et l'affinité des parties similaires, tels sont en quelque sorte les articles de la grande loi de l’UNITÉ DE COMPOSITION. S'il n’en eût fait l’application qu'aux quatre classes des animaux verlébrés, il est très probable que Geoffroy Saint-Hilaire n'eût pas rencontré de contradicteurs ; mais son esprit chercheur le portait à passer des problèmes les plus simples aux problèmes réputés inso- lubles. La théorie des analogues était, pour lui, un instrument de découvertes, une méthode qui le guidait dans les recherches des faïis inconnus ou encore mal étudiés. Il avait dit, un jour, à Latreille, son ami : « Vous connaissez tous les détails de l’organisation des insectes, répétez à leur sujet mes travaux de généralisation. » Latreille l’essaya et crut avoir réussi : il lut, en 1820, à l’Académie des sciences, un mémoire sur le pas- sage des vertébrés aux invertébrés, et il conclut à l'unité de compo- silion. Mais Geoffroy Saint-Hilaire ne ful pas satisfait du travail de son collègue, et il se mit à éludier, de son côté, les rapports ana- logiques entre les deux grandes coupes de la série zoologique. Il cherche à établir que les anneaux des articulés sont des vertè- bres extérieures, en sorte que ces animaux vivraient renfermés dans leur colonne vertébrale !. Malebranche avait déjà dit que les in- sectes ont leurs os à l'extérieur. Geoffroy Saint-Hilaire fait en outre ! Les parties dures sont aux insectes ce que le squelette est aux animaux ver- tébrés, c'est à dire qu’elles soutiennent le corps et en sont la charpente. (Audouin). 92 remarquer que les os des animaux vertébrés sont aussi arliculés : la colonne vertébrale est une série d’articulalions, de même que les phalanges des doigts. Seulement chez les uns le système articulé est au centre des parties molles; il est à leur pourtour chez les autres. Il ne s’en tint pas là : on a constaté que dans les quatre classes des animaux vertébrés, — mammifères, oiseaux, reptiles, poissons, — la position des organes intérieurs est la même : l’axe nerveux est toujours placé du côté de la face dorsale; le canal alimentaire et le cœur, du côté de la face ventrale. Chez les arliculés, — c'est à dire chez les crustacés, les arachnides et les insectes, — l’ordre est inverse : c’est du côté du ventre que se développe le système ner- veux, et contre le dos que se trouve l'intestin. Ce serait une excep- tion au principe des connexions. Mais, suivant Geoffroy Saint-Hilaire, les lois de la nature n’admettent pas d’exceplions. Il ne craint donc pas d'annoncer que les articulés sont des animaux retournés !, ayant le ventre en haut et le dos en bas. Cette idée hardie n’excita, même chez les savants, que l’incrédu- lité et le sarcasme. Ampère, Audouin, Dugès, Hallé, furent peut-être les seuls qui n’hésitèrent pas à l’admettre. Cependant des décou- vertes postérieures semblent en avoir fait une vérité qu’il est difficile de contester. D’après les expériences de Charles Bell et de Magendie, on sait que chaque nerf est composé de deux filels distincts, réunis dans un tube commun, et ne se divisant qu'à leurs racines. De ces deux filets, ou plutôt de ces deux nerfs, l’un préside à la sensibilité, l’autre au mouvement. Chez l'animal vertébré, c’est le nerf dont les ra- cines sont supérieures qui apporle au cerveau les sensations venues du dehors, et quand ces sensations déterminent une volonté, c’est par le nerf dont les racines sont inférieures que cette volonté est transmise. Chez l’articulé, il y a un ordre inverse : les nerfs sensitifs ont leurs racines en bas, et les nerfs moteurs des muscles les ont en haut. L’ar- ticulé, quant à son système nerveux, estdonc véritablementretourné, 1 Animaux relournés, Cuvier se sert aussi de cette expression, en parlant des tortues; mais seulement en considération de ce que, chez ces reptiles, l’omoplate, les os du bras et du cou et les muscles de la cuisse sont attachés sous les côtes et sous l’épine, au lieu de l’être au-dessus, comme chez les vertébrés supé- rieurs. 93 comme le disait Geoffroy Saint-Hilaire. De plus, l'anatomie a cons- taté que chez les araignées et chez les crustacés, l'ombilic est sur le dos. Le dos des animaux de ce groupe correspond donc bien au ventre des vertébrés. Tous les organes intérieurs sont les mêmes, et leur relation n’est pas changée, pas plus qu'elle ne l’est chez un homme qui nage étendu sur le dos. Au surplus, dans celte question, les mots dos et ventre prêtent à une équivoque. On devrait y substituer ceux-ci: face ombilicale, face anti-ombilicale. On dirait alors que les vertébrés ont la face ombili- cale tournée vers la terre, et que chez les articulés, c'est la face anti ombilicale qui a cette position ; mais que, chez tous, l'intestin est toujours du côlé de la face ombilicale, et l'axe nerveux du côté de la face anii-ombilicale. Il n’y a, disait Dugès, de différence que dans l'attitude !. Un jour, en observant certains mollusques à coquille univalve, Geoffroy Saint-Hilaire voit que chez eux les deux ouvertures du canal alimentaire, — la bouche et l'anus, — sont très voisines l’une de l’autre, landis quelles sont situées aux deux extrémités du corps chez les vertébrés et les articulés. Par une déduction logique de sa doctrine sur l’organisalion des êtres, il déclare que ces mol- lusques sont des animaux repliés sur eux-mêmes et soudés dans les parties en contact, de telle sorte pourtant que cette disposition n’interverlit pas la dépendance des organes. Une comparaison éclairera ce point : si j'ai en main un collier et que je le tienne tendu, la première perle et la dernière seront dis- lantes de toute la longueur du fil ; mais si j'en réunis les deux bouts, les perles des deux extrémités se toucheront, sans que pour cela les relations entre les autres perles soient changées ; c'est à dire que la seconde continuera à se trouver entre la première et la troisième, ! La nature offre un grand nombre de cas où l'attitude d’un groupe d'animaux diffère de celle des genres voisins. Parmi les articulés aquatiques ou les crustacés, les notonectes, comme leur nom l’indique, nagent sur le dos. Il en est de même des apus ou monocles d’eau douce. Dans la classe des poissons, les pleuronectes, dont un grand nombre d'espèces, — le turbot, la sole, la plie, la limande, — sont recherchées sur nos tables, nagent sur un de leurs flancs. Les yeux sont placés d’un seul et même côté de la tête. C’est une attitude intermédiaire à celle des vertébrés et des articulés. La relation des organes intérieurs n’en est pas mo- difiée, 94 celle-ci entre la Seconde et la quatrième, et ainsi des autres. De même le rapprochement des deux issues du tube alimentaire, chez les mollusques dont il s’agit, n'apporte aucune modification ni dans l'ordre ni dans le fonctionnement des systèmes organiques. Cette conjecture du savant passa inaperçue, comme beaucoup d’auires idées émises par lui. Elle était ensevelie, depuis plusieurs années, dans le recueil où il l’avait consignée, quand en disséquant un de ces mollusques, le docteur Meyranx conslata scientifique- ment, et crut constater le premier, tant le reploiement de l'animal vers son milieu, que le maintien de la connexion des organes. 1 fit de sa découverie l’objet d’un mémoire qu'il adressa à l’Aca- démie des sciences, dans lequel pour mieux faire comprendre sa pensée, il compare les mollusques dont il s’agit à ces bateleurs qui sur nos places publiques, se reploient aussi sur eux-mêmes, en marchant la tête et les épaules en arrière. C’est à l’occasion du rap- port fait sur ce mémoire qu'intervint entre Cuvier et Geoffroy Saint- Hilaire le débat dont je parlerai bientôt. Certains animaux, chez lesquels le nombre des organes et des appareils est répété, semblaient échapper à la loi de l'unité de plan. M. Moquin-Tandon les y a ramenés. « Si l’on réfléchit un peu pro- fondément, dit-il, sur la structure des annélides, on est conduit à penser que chaque espace occupé par cinq anneaux, possédant un système nerveux, un sysième digestif, et des appareils pour la cir- culation, peut être considéré comme un petit ensemble, comme un organisme distinct, comme un animal particulier. La sangsue sera donc, d’après celte hypothèse, un animal composé d’un certain nombre d'animaux, comme un arbre est une associalion de plusieurs végétaux... Il ne faut pas s'élonner des fausses conséquences ob- tenues par les auteurs qui ont voulu comparer les sangsues auxani- maux les plus élevés de la série, aux vertébrés. Ils établissaient un parallèle entre des êtres composés et des êtres unitaires. C'est une portion de sangsue qu'il fallait prendre pour terme de comparaison : l'ensemble des organes compris entre chaque cinq aaneaux repré- sente l'organisme des animaux supérieurs. » Comme preuve de cette vue sur l’organisation des annélides, M. Moquin-Tandon cite les expériences de Dugès qui, ayant coupé la sangsue des Alpes transversalement en deux parties , vit au bout de quelque temps une queue se développer à la parlie antérieure, et 95 une tête à la partie postérieure. Chaque moitié s'était ainsi com- plétée. Les éléments de l’animalité à tous ses degrés sont donc tou- jours les mêmes. La nature travaille ainsi constamment avec un nombre limité d'éléments organiques, qu'elle ne dérange jamais de leurs places respeclives. Elle n’est ingénieuse qu’à en diversifier les formes. Ayant à faire vivre les êlres animés dans des conditions très-diffé- rentes, la pensée divine ne crée pas autant de types distincts, mais elle se sert toujours du même fonds d'organisation, qu’elle approprie à l'exercice de toutes les fonctions. Tantôt par une série de degrés dans le développement des diverses parlies, tantôt en appauvrissant cer- tains organes pour en enrichir d’autres, tantôt en réunissant plu- sieurs êtres, elle produit des combinaisons, non moins admirables par une parfaile convenance dans l'exécution que par leur caractère d’une varialion possible à l'infini. Appliquée à l’ensemble de la série zoologique, la loi de l'unité de composition peut se formuler ainsi : les animaux inférieurs sont les embryons permanents des animaux supérieurs. Il ne faut pourtant pas exagérer cette idée. On peut bien dire, d’une manière générale, que le zoophyte est l'embryon d'un mol- lusque, le mollusque l'embryon d’un articulé, et l’articulé l’em- bryon d’un vertébré; mais il n’en résulte nullement que jamais le zoophyte puisse devenir un mollusque, le mollusque un articulé, ou l’articulé un vertébré. Les conditions ne sont pas les mêmes ; elles sont seulement comparables. De même, il y a un moment où le fœtus humain, par l'absence du système osseux et de la moëlle épinière, se rapproche des mol- lusques ; puis son cerveau à six lobes égaux l’assimile aux poissons; puis la première paire de lobes se prononce, comme dans les rep- tiles ; elle grossit, comme dans le cerveau des oiseaux; devient plus considérable encore, comme dans celui des mammifères ; enfin elle prend le volume et les circonvolutions qu’elle a dans le cerveau hu- main. En faut-il conclure, comme quelques-uns l'ont fait, que dans le sein maternel l’homme ait été successivement mollusque, poisson, replile, etc. ? Non assurément. Les analogies ne sont pas des iden- tités. Chaque êlre a, dès sa formation, son type particulier, créé 96 pour lui-même, et suivant lequel il se développe. Ces formes dis- linctes, mais se rallachant, dans leur variété, à un même plan, composent le règne animal. Ce sont les idées graduées d’une même pensée créatrice. On a fait à la botanique l'application des principes posés par Geoffroy Saint-Hilaire, et là ils ont reçu une éclatante confirma- tion. Les connexions, le balancement organique, les inégalités de déve- loppement, ont fait rentrer dans la règle une foule d'anomalies ap- parentes du règne végétal. Moquin-Tandon, dans ses Eléments de tératologie végétale, a fait voir que dans les plantes les monstruo- sités sont dues aux mêmes causes et régies par les mêmes lois que dans les animaux. Le dernier des Jussieu, dans sa classification, a placé au premier rang les plantes dont la corolle se compose d’un seul pétale, plantes qu'avant lui on reléguait à un rang inférieur ; et il y a été amené par cette considération que les soudures des diver- ses pièces de la corolle, — comme les soudures des os du crâne, —- sont l'indice d’une organisation plus complète; tandis que les fleurs dont la corolle se compose de plusieurs pétales, sont des fleurs qui se sont arrêtées à un certain degré de leur développement. L'étude de l'embryon végétal montre, en effet, que toule corolle monopétale est primitivement formée de parties distinctes et entièrement libres. Les adhérences s’établissent à mesure que la fleur se déve- loppe dans le bouton. N'est-ce pas le cas de répéter avec Geoffroy Saint-Hilaire : « La nature est une. » Ces vues nouvelles, il faut bien le reconnaître, prêtent un grand charme à l'étude des deux sciences qui ont pour objet la connaissance des êtres organisés. Elles ouvrent l'esprit à la conception des gran- deurs infinies de la nature : si les lois d'harmonie nous font admirer Ja corrélation parfaite entire les organes et les fonctions que les êtres vivanis ont à remplir, les lois d’analogie nous montrent les relations coordonnées de tous les êtres entre eux, et nous permettent de sai- sir l'œuvre du Créateur dans sa grande et majestueuse unilé. VL En 1812, Cuvier, en rendant compte du mémoire de Geoffroy Saint-Hilaire sur les pièces de la téle osseuse des poissons, disait que 97 son confrère « avait ramené à une loi commune des conformations que la première apparence pouvait faire juger extrêmement di- verses. » En 1821, il admirait encore, dans les travaux de celui-ci, « l’ana- tomie comparée rendue à sa dignité par l’esprit philosophique... une extrême hardiesse dans les conceptions, justifiée par des décou- vertes imprévues et en quelque sorle merveilleuses ; le crâne des animaux vertébrés incontestablement ramené à une structure uni- forme et ses varialions à des lois. » Mais quand Geoffroy Saint-Hilaire voulut étendre ses idées théo- riques à l’ensemble du règne animal, Cuvier s’en montra l'adversaire déclaré. Il n’en pouvait guère être autrement. Tous deux envisageaient la science d’un point de vue différent : Cuvier professait que la science doit se composer uniquement de fails et d'une méthode qui les classe. Selon lui, le raisonnement en histoire naturelle ne peut enfanter que de vaines hypothèses, des systèmes destinés à briller un moment et à disparaître sans retour. Suivant Geoffroy Saint-Hilaire, au contraire, les faits bien obser - vés ne sont que la malière première de la science. Au delà des descriptions et des classifications, il y a quelque chose d’actif à dé- couvrir par l'exercice de l'esprit : ce sont les idées générales qui re- lient les fails et en établissent l’enchaînement nécessaire. Après avoir observé chaque animal en particulier, il convient d'embrasser l'ensemble des êlres, d'étudier les rapports qu'ils ont entre eux; el de ces rapports il faut déduire des lois. Tant que l'esprit humain n'est pas en possession de ces lois, la science n’est pas complète. C'était, comme on le voit, l'analyse et la synthèse en face l’une de l’autre : l'analyse et la synthèse, ces deux grandes méthodes, qui souvent se lrailent en ennemies, mais qui n’en son! pas moins aussi nécessaires, l’une que l’aulre, à tout progrès dans la science. 1 Je n’entends pas dire que Cuvier se soit borné à faire de l'analyse en histoire naturelle : on trouve souvent, dans ses ouvrages, l'étude de l’ensemble à côté de l'étude des détails. De même, Geoffroy Saint-Hilaire n’a pas fait seulement de la synthèse. Dans ses monographies, il se révèle comme un observateur possédant la patience des vérifications minutieuses et des recherches exactes. Mais, dans ja discussion qui eut lieu à l’Académie des sciences, ils se placèrent exclusivement, l’un au point de vue différentiel, l’autre au point de vue analogique. IX, 1 98 Ce fut en 1830 que le débat entre les deux grands naluralistes s’engagea solennellement devant l’Académie des sciences. La discus- sion, qui dura six semaines, tint l’Europe attentive. Jamais ques- tion débatiue au sein d’une sociélé savante n'avait eu un pareil retentissement au dehors. Les deux adversaires se présentaient irès diversement armés pour la lutte. Geoffroy Saint-Hilaire, véhément, inégal, se laissait entrainer par la passion : son éloculion, souvent lente et embarrassée, devenait par moment vive et impélueuse. Cuvier, loujours calme, toujours maîlre de sa pensée comme de sa parole, doué d’une admirable lucidité d’exposition, et d'une éloquence naturelle, devait compter sur un triomphe assuré. « Dans la forme, tout élait contre Geoffroy Saint-Hilaire, — a dit M. Dumas, — et pourlanl le public, avec son admirable inslinet du vrai, ne s'y trompa pas. Dès le premier jour du débat, chacun se prit à souhai- ter que les vues de Geoffroy Saint-Hilaire fussent confirmées; chacun comprit que l’espril humain allail faire un grand pas. » Le public français ne fut pas le seul qui donna gain de cause au rival de Cuvier. L'Allemagne tout entière lui applaudit, et Goëthe se passionna pour sa théorie. Au surplus , que Cuvier ait élé vaincu dans cetle lutte, cela im- porte peu: sa gloire n’est pas là, el elle n’en reste pas moins en- tière. Cuvier voulait bien admettre que jusqu’à un certain point le plan est commun à Lous les vertébrés. « En examinant chacune des parties de celte grande série, avait-il déjà dit dans son Règne animal, on trouve toujours quelque analogie, même dans les espèces les plus éloignées l’une de l’autre: on y peut suivre les dégradations d’un même plan, depuis l’homme jusqu'au dernier des poissons. » Mais Cuvier niait que le plan se continuât des vertébrés aux mollusques, ou plutôt il soutenait que pour chacun des embrancheinents du règne animal, — vertébrés, mollusques, articulés, zoophytes, — il y a un plan particulier et différentiel, par conséquent autant d’hiatus que d'em- branchements. Celle argumentation donnait lieu à son adversaire de montrer que Cuvier, en plaçant dans sa classification les mollusques avant les articulés, avait interverti l'ordre naturel. En effet, des vertébrés, animaux articulés intérieurement, on passe facilement aux insec- tes, animaux arliculés exlérieurement; mais les insecles à l’élat de 99 larve ont un corps mou analogue à celui des mollusques !: un de- gré de moins dans le développement, et l'on arrive aux zoophyles. Du vertébré à l’articulé, de l’arliculé au mollusque et du mollusque au Zoophyte, la dégradation des êtres, par une série d’arrêts de dé- veloppements, et par suite l’unité du plan est sensible. Il n’y a pas de séparalion tranchée, pas d’hialus entre les groupes. On peut, au surplus, reconnaître que l'unité de plan ne change rien aux quatre formes générales d’après lesquelles, suivant Cuvier, tous lesanimaux ont élé modelés. Seulement il ne voulait pas voir de lien entreces quatre formes, dont il a fait les qualre embranchements de sa classificalion ; et ce lien était effeclivement rompu par la préémi- nence qu'il accordail aux mollusques surles articulés ; mais en faisant remonter ces derniers au rang que leur avait assigné Linné, ou passe graduellement de la complexité à la simplification de structure; et la théorie des analogues rétablit la chaîne coordonnée des quatre formes principales de l’animalité. Un argument employé plusieurs fois par Cuvier est celui-ci : « Vos prétendus analogues, s’il y avait en eux la moindre réalilé, réduiraient la nature à une espèce d’esclavage, dans lequel heureu- sement son auteur est loin de lavoir enchaînée. » Comment Cuvier, ce grand génie, pouvait-il insister sur une ob- jection si peu solide ? Quoi, prouver que, dans la création, l’Au- teur des choses ne s’est pas écarté des lois élablies par lui, c’est en- traver sa liberté! Montrer qu'avec des éléments peu nombreux el toujours les mêmes il obtient une variété infinie de combinaisons, c'est nier sa sagesse! N'est-ce pas le contraire qu'il faudrait dire ? L'absence d'ordonnance, de liaison, d'harmonie entre loutes les parlies de l’œuvre serait de nature à faire douter, même de l’exis- tence de Dieu; tandis que l’unité du plan montre évidemment que le monde est l'ouvrage d’une seule volonté, également libre, puis- sante el intelligente ?. Quand le débat fut clos à l'Académie, Geoffroy Saint-Hilaire s’em- pressa d’en donner le résumé dans un ouvrage intitulé: Principes philosophiques de l'unité de composition. Il y reproduisit fidèlement ! « Les mollusques, dit M. Serres, quant à leur degré de composition, ne dépas- sent pas les larves des insectes. » 2 « La nouvelle doctrine, disait Goëthe, n’est autre chose que la confirmation des principes de Leibnitz, qui définissent l’univers : L'UNITÉ DANS LA VARIÉTÉ. » 100 toutes les objections de Cuvier, d’après un compte-rendu, fort dé- taillé, qui avait paru dans le Journal des Débats. Cuvier annonça une réponse qui eût porté ce titre : De la variété de composition dans les animaux. Le livre, s’il a été écrit, ne vit pas le jour. | On aime à voir que tous bons rapports ne cessèrent pas entre ces deux hommes, qu'avait auirefois unis une si étroite amitié. Geoffroy Saint-Hilaire ayant eu la douleur de perdre une fille âgée de vingt ans, Cuvier qui, deux ans auparavant, avait éprouvé un malheur semblable, accourut vers lui, et les deux anciens amis éprouvèrent quelque consolation à confondre leurs larmes. On aime aussi à voir Geoffroy Saint-Hilaire proclamer sur la Lombe de Cuvier, mort en 1832, qu'il a été le MAITRE, le NATURALISTE- LÉGISLATEUR , et être le premier à demander qu’une slatue Jui fût érigée au Muséum en face de celle de Buffon. VIL. L'unité de plan n'est pas le seul point de la science sur lequel les deux éminents naturalistes n'aient pas été d'accord. Ils se sont aussi montrés divisés sur une question qui se débat encore aujourd'hui entre les diverses écoles, la question de l'espèce. Nous avons vu Lamarck admettre, de la manière la plus absolue, la variabilité des espèces animales. Suivant lui, elles seraient toutes sorties d’un type primilif, indéfiniment modifiable. L'école de Cuvier maintient la fixité des espèces ou n’admet que des varialions légères, sous l'influence de la nourriture et du climal. Laissons parler le maître : « On n’a aucune preuve que toules les différences qui distinguent aujourd'hui les êtres organisés, soient de nature à avoir pu êlre pro- duites par les circonstances. Tout ce que l’on a avancé sur ce sujel est hypothétique. L'expérience paraît montrer au contraire que, dans l’état acluel du globe, les variétés sont renfermées dans des li- mites assez étroiles ; el aussi loin que nous pouvons remonter dans l'antiquité, nous voyons que ces limites élaient les mêmes qu'au- jourd'hui. « On est donc obligé d'admettre certaines formes qui se sont perpé- tuées depuis l’origine des choses, sans excéder ces limites ; et tous les 101 êtres appartenant à l’une de ces formes constituent ce qu’on appelle une espèce. Les variétés sont des subdivisions accidentelles de l'espèce.» Ce raisonnement ne me paraît pas exact. De ce que, dans l'état actuel du globe, les variétés sont renfermées dans des limiles assez étroites, on ne peut pas conclure que depuis l'origine des choses, c'est à dire en passant par une série d'états très différents des conditions acluelles, ces variations n’aient pas dû excéder ces limites, « J'ai examiné avec le plus grand soin, dit aussi Cuvier, les fi- gures d'animaux et d'oiseaux gravées sur les nombreux obélisques venus d'Égypte dans l’ancienne Rome. Toutes cesfigures sont d'une ressemblance parfaite avec les espèces telles que nous les voyons aujourd'hui. » Il ajoute que les momies de chats, d'ibis, d'oiseaux de proie, de chiens, de singes, de crocodiles, etc., trouvées dans les tombeaux égyptiens, ne présentent pas plus de différences avec les êtres de même espèce que nous voyons, qu’on n’en aperçoit entre les momies humaines et les squelettes d'hommes d'aujourd'hui. | Cette objection, souvent reproduite depuis Cuvier, me semble être sans valeur : les conditions climatologiques de l'Egypte n'ont pas changé depuis les temps historiques. Comment les animaux soumis à des influences restées les mêmes, se seraient-ils modifiés ? L’es- pèce est fixe, tant que le milieu ambiant se maintient le même ; elle ne peut changer que quand ce milieu change. Au double point de vue philosophique et historique, cette ques- tion de l'espèce esl d'une haute importance. On trouve dans les en- trailles de la terre les restes fossiles d'êtres entièrement différents de nos espèces actuelles ; d’autres qui s’en rapprochent, mais avec des variations plus ou moins marquées, tels que des éléphants, des rhinocéros , des hippopotames , des ours, des lamentins , des croco- diles, etc. Les espèces de nos jours descendent-elles de celles-là ? Cuvier a toujours répondu : Non. Il croyait à la préexistence et à l’emboitement des germes. « Les formes animales, dit-il, ne se produisent ni ne se changent elles-mêmes. La vie suppose leur existence : elle ne peut s’allumer que dans des organisations toules préparées. Et les méditations les plus profondes, comme les observalions les plus délicates, n’aboulis- sent qu’au mystère de la préexistence des germes. » 102 D'après celte doctrine, les germes de toules les générations hu- maines ont élé créés en même lemps, par un seul acte de la toule-puissance divine. Emboilés les uns dans les autres, ils étaient contenus dans le sein de la première femme. De même, les glands du premier chêne renfermaient les germes de tous les chênes qui en sont provenus el en proviendront jusqu’à la fin des siècles !. Ce sysième conduit fatalement à nier loute parenté possible entre les êtres des divers âges géologiques, pour peu qu'il y ail entre eux de différence: des êtres sortis du même moule, sont nécessaire- ment pareils. Mais, si nos espèces actuelles ne descendent pas des espèces fos- siles, d'où proviennent-elles ? ; Au commencement de sa carrière, Cuvier a professé qu'à chaque bouleversement du globe, toutes les espèces vivantes étaient anéan- lies. 11 y avait ensuile création d'espèces nouvelles. Plus tard, il a abandonné ce système. « de ne prétends pas, — dil-il dans le discours préliminaire des Recherches sur les ossements fossiles, — qu'il ail fallu une création nouvelle pour produire les espèces aujourd’hui existantes; je dis seulement qu’elles n’existaient pas. dans les mêmes lieux, el qu’elles ont dû y venir d’ailleurs. » Les espèces fossiles et les espèces acluelles auraient donc été créées simultanément; mais les unes auraient élé détruiles par les bouleversements du globe; les autres, conservées dans un lieu où la catastrophe n’aurail pas fait sentir ses effels, seraient venues, de proche en proche, remplacer dans toutes les contrées de la terre les races éleintes. Élienne Geoffroy Saint-Hilaire rejetait la doctrine de l'emboite- ment indéfini des germes. « Qu'est-ce qu'une existence qui est avant d'être ? disail-il..….. Les germes ne sont pas préformés; ils se forment, puis ils se dévelop- pent. » Ainsi Dieu n’a pas créé simultanément tous les êlres, dès lori- 1 Delille, s'inspirant de cette philosophie, a dit : …. dans leurs bérceaux dorment déjà formés Ces germes éternels, l’un dans l’autre enfermés. 103 gine; mais il a donné aux êtres primilivement créés par lui la fa- culté de produire des êlres semblables à eux. Geoffroy Saint-Hilaire admetlait la filiation entre les espèces actuelles et celles de l’âge immédiatement antérieur, puis entre celles de cette dernière époque et les espèces de l'époque qui l'a pré- cédée, el ainsi de suite, par une série de modifications dues aux chargements gradués des conditions physiques du globe. « Je ne doute pas, disait-il, que les animaux vivant aujourd'hui ne proviennent, par une suile de générations, et sans interruption, des animaux perdus du monde antédiluvien. » Le milieu ambiant, principalement la constitution atmosphé- rique aux différentes époques de la géologie, ont été les causes mo- dificalrices. « Il n’y a d'organisation animale possible que sous l’aclion et la toute-puissance du phénomène de la respiration. Tel état de l’at- mosphère a pu favoriser le développement de tel organe des sens; au contraire, sous l’excilation d'une autre condition atmosphérique, la modification aura gagné un autre appareil... Par suile des chan- gements successifs survenus dans les conditions matérielles du globe, pendant le cours des siècles, certaines formes animales ont élé in- sensiblement remplacées par d’autres. » Mais, disait Cuvier, « si les espèces ont changé par degrés, on de- vrait trouver des traces de ces modifications graduelles. Entre les palæotheriums et les espèces d'aujourd'hui, l’on devrait découvrir des formes intermédiaires. » Geoffroy Saint-Hilaire en montrait dans les restes fossiles de grands sauriens, découverls en Normandie et qu’on avait d’abord pris pour des os de crocodiles. Suivant lui, c’étaient des formes in- termédiaires entre ces grands reptiles et des êtres plus anciens. Au mémoire qu'il publia sur ces fossiles, Cuvier annonça une réponse. Mais, le jour où il devait la lire à l'Académie, ayant remar- qué un grand nombre de curieux mêlés aux auditeurs habituels, il ajourna sa lecture, qui n’eut pas lieu. Au surplus, Cuvier ne pouvait pas facilement admettre d’intermé- diaires, lui qui ne voulait pas que les éléphants, les hippopotames, les rhinocéros, les ours, les tigres fossiles, fussent les ancêtres de ceux qui vivent aujourd'hui. La théorie de la préexistence des germes élevait une barrière infranchissable entre les espèces d’un autre âge 104 géologique et celles du nôtre, bien que les différences d’organisalion fussent souvent très légères. | Deux solutions ont donc été proposées par Guvier dans le grand problème des races paléontologiques : les créations successives , la translation ; Geoffroy Saint-Hilaire s’est arrêlé à une troisième, la filiation. | Dans celte dernière, on trouve aussi des espèces qui ont péri. Celles qui n’ont pas pu s’accommoder aux conditions nouvelles que leur apportlaient les grandes calastrophes, se sont éleintes ; les autres se sont modifiées sous l'énergie des causes extérieures. Mais, en vertu du principe de la variabilité limitée, d’une seule espèce an-- cienne ont pu naître plusieurs races et sous-races dont les modifi- cations, très diverses suivant les circonstances et les climats, ont acquis, pendant le cours des siècles, la valeur et là permanence de caractères spécifiques , en sorte qu’il esl raisonnable d'admettre que, sous le rapport zoologique, malgré les espèces perdues, le mobilier terrestre esl aussi complet qu'à aucune époque antérieure. Dans le système opposé, — celui de la translation ou migralion, — le nombre des espèces animales et végétales aurait toujours été en décroissant. Les espèces organiques qui couvreñt aujourd'hui la surface du globe, ne seraient que les débris d’une création infiniment plus riche. Remarquons aussi que toutes les espèces acluelles, qu’elles habitent les régions polaires ou les contrées intertropicales, auraient dû vivre ensemble, dans le même lieu, lieu inconnu, mais nécessairement limité. Il faut encore supposer que la population zoologique de ce point du globe composait une faune entièrement distincte, puisqu'on nie toute parenté entre les animaux actuels qui en sont les descendants et les races éleintes. Enfin, si les espèces sont fixes, comment se sont-elles mises en harmonie avec leurs nouveaux milieux, quand, à la suite du dernier cataclysme, parlies du même point, elles se sont dispersées pour aller se cantonner, les unes sous la zône torride, les autres vers les pôles ? Hypothèse pour hypothèse, celle de la filialion peut sembler la plus acceptable,-en ce qu'elle n’admet qu'une seule créalion, un seul règne animal, el qu’elle soumet les problèmes compliqués de la zoologie à une loi simple : l'aptitude des races créées à se mettre en concordance avec les conditions des milieux qu'elles doivent suc - 105 cessivement habiler. La pensée divine est loujours agissante , tou - jours créatrice, comme aux premiers jours, mais elle ne récom- mence pas son œuvre, et se manifeste par un perpéluel ensemble d'êtres coordonnés entre eux, et s’'enchaînant par une filiation nan interrompue. A l'appui de son opinion sur les variations produiles par l’action des milieux, Geoffroy Saint-Hilaire citait les observations du doc- teur Roulin. Ce savant, ayant fait un séjour prolongé dans la Co- lombie, y constala que plusieurs de nos races domestiques, ancien- nement transporlées en Amérique, et relournées, depuis plusieurs généralions, à la vie du désert, remontaient vers les espèces sau- vages dont elles sont issues. C'était, selon Geoffroy Saint-Hilaire, une contre-épreuve des causes modificatrices qui avaient fait varier ces espèces, après leur domestication. Suivant les partisans de l'opinion contraire, le relour au lype primitif est le meilleur indice de la fixité de l'espèce. Il est juste pourlant de dire que, d’après les fails connus jusqu’aujourd'hui, celle tendance au relour vers le type originaire n'a lieu que dans le cas où l'animal se trouve replacé dans des conditions de climat, de nourriture et d'indépendance, à peu près identiques à celles dont ses ancêtres sauvages avaient reçu l'influence prolongée. S'il y a plus de différence entre les fossiles et les êtres actuels qu'entre nos espèces domestiques et leurs congénères non soumises, c'est parce que, d'une époque géologique à l’autre, les conditions climatologiques, les circonstances extérieures, ont élé beaucoup plus profondément modifiées qu’elles ne le sont par l'effet de la domes- ticité. A l’occasion du livre de Darwin, qui pense que le règne animal est descendu de quatre ou cinq types primitifs tout au plus, on a cherché à établir un rapport entre la doctrine du naluraliste an- glais et celle de Geoffroy Saint-Hilaire. - Rien n’est moins fondé. Déjà, dans le Dictionnaire de la Conversa- tion, un article biographique lui attribuait l’idée d'une unité typéale, d'une espèce primilive el antédiluvienue, de laquelle seraient des- cendues toutes les espèces acluelles par voie de généralion con- linue. Geoffroy Saint-Hilaire protesla contre celle interprélalion donnée à ses idées, et il exigea que sa réponse fûl insérée dans le volume 106 suivant de l’ouvrage : « Rien de pareil, dit-il, ne se lit dans mes li- vres. Une espèce antédiluvienne qui serait dans la condilion pré- supposée deviendrait un non-sens pour ma doctrine. Que signifie d’ailleurs ce mot unité typéale que vous m'’allribuez ? Ma pensée et ma locution usuelle, c'est unilé de composition, ce qui emporte une tout autre acception. » Geoffroy Saint-Hilaire a donc toujours admis une créalion ani- male, mulliple à l'origine et infiniment riche en {ypes. « Quant à l’homme, dit-il, c'est à la suite de tant de formalions vivantes, si anciennement préexistantes, qu'il a pris possession au milieu d'elles. Le dernier né de la création des six jours, il en est le plus éclatant produit. » Je dois dire que, sur la queslion des races paléontologiques, Geoffroy Saint-Hilaire ne s’est pas toujours montré aussi affirmalif que dans les passages cités plus haut. Il a écriten un autre endroil de ses ouvrages : « Je crois que les temps d’un savoir véritablement satisfaisant en géologie ne sont pas encore venus. » C’est l’opinion de M. de Quatrefages, dans le beau livre qu'il à pu- blié sur l'espèce. « Nous ne possédons pas encore, dil-il, les données nécessaires pour résoudre le problème posé par Geoffroy Sainl- Hilaire. L'expérience et l'observation nous fournissent des fails suf- fisants pour aborder la question de l'espèce considérée dans la pé- riode géologique actuelle ; l'une et l’autre nous font à peu près complétement défaut quand nous voulons remonter aux âges anté- rieurs. » Que faut-il pour résoudre, d'une manière scientifique, cette question del’espèceau point de vuepaléontologique ? Il faut préalablemert faire l'inventaire exact, époque par époque, de toutes les espèces dont on trouve les débris dans les couches géologiques superposées; com- parer la population de chaque couche avec celle des couches immé- dialement supérieure et inférieure, puis constater les rapports el les différences. Alors on saura, avec quelque certitude, si les espèces actuelles sont liées ou non, par voie de parenté directe, avec celles qui ont occupé la terre dans les temps primitifs. Cet inventaire n’est pas dressé. C’est l'affaire de plus d’une géné- ration. 107 VII. Geoffroy Saint-Hilaire attachait une haute importance à sa loi de l'affinité des éléments similaires ou de l'attraction de soi pour soi. Il l'avait médilée pendant plus de trente ans, et l’élevait à la hauteur d'une loi universelle. C'était l'attraction passant du monde astrono- mique au monde des détails, l'attraction généralisée et conçue ap- plicable à tous les cas de la nature. « Son mode d'action, disait-il, s'étend à tout, s’insinue partout, gouverne, au dedans comme au dehors, les corps, quels qu'ils soient, minéraux, végétaux, animaux. À chacun de leurs points moléculaires le principe assigne son rang, ses relations; sous son influence, l’âme vibre, et la pensée s’avive dans les organisalions douées d'intelligence. » Il existe dans la nature, suivant l’auteur, un principe d'union entre les choses semblables, principe en verlu duquel ellesse portent l’une vers l’autre. Dès qu’elles se touchent, dès qu’elles s'affrontent, elles se soudent et se confondent. Si, par exemple, dans un animal il arrive à un système vasculaire de rencontrer son analogue venant du côté opposé, il y a affronte- ment : les parties similaires vont nécessairement gagner les soi simi- laires de l’autre côlé. D’après celle théorie, il n’y a pas de force répulsive. Quand une molécule semble repoussée, c’est qu'elle va, dans l'espace, chercher la molécule similaire, qu’elle trouvera à une distance plus ou moins éloignée. Toutes celles qui l'entourent el en diffèrent, sont sans ac- tion sur sa direction : elle n’obéit qu’à une seule force, l'attraction de soi pour soi. Comme pour l'attraction planétaire, cette force agit en raison directe de la masse, et inverse du carré de la distance. Les affinilés chimiques ne sont autre chose que les résultats de l'altraction de soi pour soi. Plus les molécules d’une nature donnée se trouvent rapprochées et disposées selon des courants opposés, plus les com- binaisons et les mixtes s’opèrent avec facilité. La physique générale el la physique des corps vivants, ou la phy- siologie, ne formeraient ainsi qu'une même science. Tout être serail organisé et vivant, en ce sens qu'il offrirait toujours la collection d'un certain nombre de molécules, dont l'assemblage n’a pu s’opérer 108 que d’après la loi de l’altraclion de soi pour soi. La vie ne serait due qu’à celte attraction puissante el momentanément individualisée. La mort, elle-même, serail la manifestation de ia même loi, sous une autre forme. En définitive, la cause des faits phénoménaux de l’univers ne se- rait que l'attraction conçue d’après le principe de l’affinilé de soi pour soi, Quand Geoffroy Saint-Hilaire mettait au jour ses conceptions ha- sardées, il ne se dissimulait pas qu’elles couraient le risque d’être accueillies par l’incrédulilé ou par l'indifférence. Mais, novateur consciencieux el convaincu, il trouvait le courage d'esprit néces- saire pour supporter, avec calme et dignité, le blâme des esprits po- silifs. De Candolle, dans ses Mémoires, parle de ces savants qui, entourés de gens ardents à solliciter et à oblenir des récompenses, se laissent aller à la fièvre des places. « Comme elle ne peut s’apaiser, dit-il, que par la faveur des hommes puissants, on se laisse entraîner à faire des ouvrages qui ne blessent pas leurs opinions, plulôt que ceux qui tendraient à modifier profondément l’élat de la science ; on vise plus à faire des {ravaux qui ne prêtent pas le flanc à la cri- tique, que des travaux qui embrassent les questions vraiment ardues de la science. » Geoffroy Saint-Hilaire n’élait pas au nombre de ces esprits ambi- tieux et pusillanimes. Les vérités qu’il croyait avoir découvertes, il regardait comme un devoir de les promulguer. Éprouvaient-elles de la résistance à pénétrer dans les esprits, il s’en consolait par ce raisonnement : « Il faut laisser faire et dire : quand une bonne se- mence a élé jetée en lerre, tôt ou tard elle germera. » Je ne veux pas ometlre de mentionner, à l'honneur de Geoffroy Saint-Hilaire, que le premier il nous a fait connaître toute la valeur de Buffon. On en élait venu, parmi les savants, à ne voir en Buffon qu'un grand écrivain. Encore lui faisait-on le reproche d’avoir trop cédé aux séductions de l’imaginalion et de la poésie. Geoffroy Sainl- Hilaire, qui avait fait de ses ouvrages une étude approfondie, le pro- clame un naturaliste éminent. Il nous le montre grandissant! sans cesse à mesure qu’il avance daus la composition de son œuvre; allentif à reclifier ses erreurs, quand il s’est trompé et les rendant 109 ainsi fructueuses; s’avançant avec sa pénétration et son grand sens dans les voies difficiles de la synthèse; créant la géographie z0olo- gique; s'élevant enfin aux plus hautes conceptions par la puissance de son espril qui, regardant les choses de haut, les voyait d'ensemble, en saisissait les rapports et remontait à leurs causes. IX. Je ne puis, dans celte notice, indiquer tous les travaux de Geoffroy Saint-Hilaire. Il est peu de parties de la science sur lesquelles il n’ail porté ses invesligations, el qu'il n’ait envisagées sous les points de vue les plus divers. Dès qu'il avait fait quelque découverte ou com- posé quelque mémoire, il avait hâte de les publier. Il disait un jour à son fils, alors que celui-ci avait déjà plus de trente ans : « A lon âge, je ne savais pas ce que c’est que marcher, je courais toujours. » Ce mot représente bien l’activité qu'il meltait en toutes choses. Celte impatience de produire nuisait au succès de ses ouvrages. En général, la forme n’en est pas assez littéraire. Ils n'étaient pas, à vrai dire, deslinés aux gens du monde qui veulent s'instruire, mais plu- tÔL aux savanls. Son trailé de Philosophie anatomique est composé de deux volumes. Le premier, publié en 1818, est la réunion de quatre mémoires sur les organes respiratoires et le système osseux des ver- tébrés; le second, publié quatre ans plus tard, est un traité des monsiruosilés. Le premier ne trouva guère de lecteurs que parmi les naluralisies de profession; le second, que parmi les médecins. Pour saisir le lien qui unit ces deux volumes, il faut connaître la doctrine philosophique de l’auteur, et elle n’y est pâs exposée d'une manière complète. La discussion qui eut lieu à l’Académie, en 1830, l'émotion qu'elle excita, non-seulement en France, malgré les vives préoccupations de l’époque, mais dans tous les pays où l’on cultive les sciences, servit, beaucoup plus que l'ouvrage lui-même, à la propagation de ses idées. Mais, si Geoffroy Saint-Hilaire ne savait pas faire un livre, du moins au point de vue du public, il excellait dans ces descriptions scientifiques d’une famille, d’un genre ou d’une espèce, que les natu- ralistes appellent monographies. Celles qu'il a composées, au nombre 110 de plus de soixante, sont regardées comme des modèles. Je me bor- nerai à indiquer celles sur les musaraignes et les mangoustes, sur les rongeurs épineux de l'Amérique du sud, sur les atèles, sur les loris, sur l’aïe-aïe, sur le myopotame, sur le cariama, sur les animaux à bourse, sur les torlues molles ou trionix, et sur les poissons élec- triques. Toutes ces monographies sont éparses dans divers recueils; si elles étaient réunies, elles formeraient un ouvrage très-intéressant. Quelle que soit la diversité de ses travaux, il y a loujours entre eux un lien; c’est que le raisonnement se trouve à côté du fait. Doué au plus haut degré du sentiment des rapports, il ne néglige pourtant pas l'observation; mais les faits de détail qu'elle lui fournit, il les coordonne de manière à les réduire à une idée générale. Des faits il passe aux principes. « Ainsi conçue, a dit M. Villemain, l'histoire nalurelle est la première des philosophics. » Geoffroy Saint-Hilaire avail donc le droit de donner à sa doctrine le nom de philosophie; car, qu'est-ce que la philosophie dans la science, si ce n’est l'enchai- nement des faits par leurs rapports? Comment a-t-il pu suffire à la production de travaux si nombreux, si variés, et qui exigeaient tant de recherches? On ne le comprend bien que quand on sait quelles étaient ses habitudes de travail. Il se levait de bonne heure : son barbier, qui avait ordre de venir chaque jour avant sept heures du matin, le trouvait toujours sur pied. Mais, à ce moment, le savant avait déjà accompli une première et laborieuse tâche. Au chevet de son lit il avait fail construire une armoire, dans laquelle était disposée une lampe qu'il allumail dès qu'il s’éveillait, ordinairement à quatre heures du matin. Il s’asse- yait sur sa couche, écrivait ou méditait. A mesure qu'il avança en âge, il s’éveilla plus tôt, et alluma sa lampe à trois heures, à deux heures, souvent même à minuit. Habitude funeste, qui ne fut pro- bablement pas étrangère à la cécité dont il fut frappé dans les der- nières anntes de sa vie, Ce travail nocturne avait pour lui l'avantage de laisser libre la plus grande parlie du jour pour ses observations, ses expériences, el pour son enseignement. Quelles que fussent ses préoccupations, si quelqu'un venait récla- mer de lui un bon office, il quiltait tout. « Il avait par excellence, 111 dit M. Flourens, le don d'’obliger, de se multiplier, de se prodiguer pour rendre service, et, ce qui est plus rare encore, de s’effacer. » Un trait de son caractère que je ne puis passer sous silence, c’est sa bienveillance toute paternelle pour les jeunes gens qui suivaieni ses leçons. Îl se plaisait à s'entretenir avec eux et provoquait leurs communicalions, qu'il écoulait avec intérêt. Il les conseillait, les encourageait, et jouissait de leurs succès. En se faisant le protecteur des talenis naissan(s, il cédait à un besoin de sa nature aimante. Peut-être aussi se rappelait-il l'appui qu’à ses débuts dans la carrière lui avaient prêté Haüy et Daubenton, et trouvait-il ainsi le moyen d’acquitter la dette de reconnaissance qu'il avait contractée envers ses maîtres vénérés? Il passait habituellement ses soirées en famille. D'un caractère uaturellement gai, il animait la conversation par cette sorte de plai- santerie qui, sans blesser jamais, plaît par l’imprévn et excile dans l'esprit des idées agréables. Assez souvent il faisait un premier som- meil dans son fauteuil, pendant la soirée. Il aimait les pelits théâtres, surlout l’Opéra-Comique. Bien qu'il ne fût pas musicien, le jeu diabolique de Paganini produisait sur lui une vive impression : il voulut l'entendre plusieurs fois. C'est que tout ce qui avait quelque chose de grand, d'extraordinaire, tout ce qui donnait une secousse à son esprit, avait pour lui un charme particulier. X. Lors de la révolution de 1830, l’archevêque de Paris, dont le palais avail été saccagé par le peuple et dont la maison de campagne, à Conflans, avait eu le même sort, était caché à l’hospice de la Pilié, chez M. le docteur Serres, mais ses traces avaient été suivies. Geof- froy Saint-Hilaire l'ayant su, vint trouver M. Serres et lui ait, en des termes familiers dont la simplicité doit être conservée : « L’arche- vêque est chez vous, mais il n’y est pas en sûreté : passez-le-moi, vous savez que je suis coutumier du fait. » Introduit auprès de ce dernier , il lui proposa de le conduire secrètement à Élampes, dans sa famille, ou de le recevoir dans sa maison. L’archevêque, ne £ro yant pas que le danger fût réel, refusa d’abord ; mais, dans l’après- midi du 31 juillet, un atiroupement considérable se forma devant 112 l'hospice et fit entendre des paroles menaçanles. Il n’y avait plus à hésiter. Dès le soir, le prélal déguisé sortit de l'hospice par une porte de derrière s’ouvrant sur la rue d'Orléans (aujourd’hui rue Dauben- ton), et entrant dans le Jardin des plantes par la grille siluée en face de cetle rue, il suivit le savant et se rendit dans l'asile qui lui élail offert. On erut prudent de s’entourer du plus profond mystère : ce fut Madame Geoffroy Saint-Hilaire qui prépara le lit de l’archevêque el qui le servit à table. On ne terda pourtant pas à mettre dans la confidence un ancien TUE nommé Pricé, qui fut attaché au service du prélat. Quand vint le dimanche, Monseigneur témoigna le plus vif regret de ne pouvoir dire sa messe. Madame Geoffroy Saint-Hilaire se rendit dans une communauté religieuse de femmes, et en rapporla secrè- tement les objets nécessaires à la célébration du saint sacrifice. Ur meuble, couvert d'une nappe blanche el sur lequel on plaça des flambeaux el des vases de fleurs, servit d’autel. Comme il n’y avait pas moyen d'avoir un enfant de chœur, le fils du savant en remplit l'office. En faisant ensemble de la charpie pour les blessés, le prélat et le philosophe découvrirent qu'ils avaient étudié tous les deuxau collége de Navarre. La différence d'âge était cause qu'ils s’y étaient à peine connus. Ms" de Quélen resta dans cette sûre relraile jusqu’au Ro HER où la tranquillité fut complétement rétablie. Il n’en était sorli qu'une fois, pendant la nuit, accompagné de Pricé, pour se rendre au Palais-Royal, où il eut une conférence avec le roi et la reine. Un grand chagrin élait réservé à la vieillesse de Geoffroy Saint- Hilaire. En 1837, un arrêté ministériel lui ôla tout à coup la direc- tion de la ménagerie qu'il avait fondée et sa chaire au Muséum : elles furent données à Frédéric Cuvier. M. de Salvandy, qui avail fail ses premiers pas dans la carrière des affaires sous les auspices de Cuvier, venait d'être nommé ministre de l'Instruction publique ; il trouvait le moyen de prouver sa reconnaissance, en donnant au frère de son protecteur une position élevée. Cette injustice brutale, par laquelle un vieux servileur de la science élait dépouillé d’une position que lui avaient acquise quaranle-cinq ans de travaux incessants, perça le cœur de l'illustre vieillard. Il en 113 fit une maladie. Sa douleur s’exhala en plaintes très-vives, consi- gnées dans un ouvrage qu’il publia à cette époque : Fragments biographiques. Mais le ressentiment ne pouvait babiter longtemps cette âme cénéreuse. Le livre se termine par ces mots touchants : « Oublions tous mes soucis à ce sujet; montrons que, malgré nos dissentiments scientifiques, je n’ai jamais cessé d’être, pour mon ancien compagnon d'études, qu’un ami cordialement dévoué. Usanl de la ressource qui m'est conseillée, prescrite même pour la restau- ration de ma santé, j'irai à l'étranger chercher quelque peu de la considération, des senlimenis d'estime, qui ne me sont plus accor- dés sur le théâtre de mes travaux. » Il partit en effet, dès que ses forces furent un peu revenues. Il se vit accueilli en Belgique par les plus vives sympathies ; mais en Allemagne, où Goëthe, le plus ardent champion de l'UNITÉ oRGA- NIQUE, avait consacré à la faire connaîlre et à la défendre, les der- nières pages qui soient sorties de sa plume, le voyage du vénérable savant fut une sorte d’ovation. Ces manifestations, qui guérirent les blessures de sa juste susceptibilité, ne convenaient guère, au surplus, ni à la simplicité de ses mœurs, ni à son état de santé. Il abrégea son voyage et revint en France. A son reiour, il apprit que la direction de la ménagerie, devenue vacanie par la mort de Frédéric Cuvier, qui ne fil pas de cours au Muséum, venait de lui être rendue. Il la résigna de lui-même trois ans après; c’est qu'il était devenu aveugle. Il supporta celte infirmité avec la sérénité qu'il avait mon- trée pendant toute sa vie. Le grand livre de la nature ne semblait pas fermé pour lui. « Je cherche en vain la lumière, s'écriait-il sou- vent, et cependant le spectacle des êtres animés est toujours devant mes yeux. — Je suis aveugle, disait-il encore, mais je suis heureux. » Heureux, il l'était en effet. Après les traits de grandeur d'âme et de bonté que j'ai cités, est-il besoin de dire que dans la vie intime il se montrait le plus bienveillant des hommes? Nul n’était mieux fait que lui pour goûler les douceurs de l'amitié et les affections de la famille. [l se sentait revivre en un fils, digne héritier de son nom, el qu’en 1833, il avait eu le bonheur de proclamer membre del’Acadé- mie des sciences !. Il pouvait se reposer sur lui du soin de propager, -4 Le président de l'Académie à cette époque était Gay-Lussac. Au moment de faire le dépouillement des votes, il céda son fanteuil à son plus proche voisin! VIH. 114 de continuer sa doctrine. La compagne dévouée de toute sa vie et une fille qu’il adorait, l'entouraient des soins les plus tendres. Deux petits enfants l’égayaient par leurs caresses, et faisaient luire des rayons d'espérance et d'avenir dans les ténèbres de sa cécité. Les mains du vieillard aveugle cherchaient sans cesse ces êtres chéris, pour les remercier et pour les bénir. Utilitati, telle était la devise de Geoffroy Saint-Hilaire. Elle montre . bien la candeur de son âme; car il ne s’imaginait pas qu’elle püût avoir un autre sens que l'utilité générale. « Ainsi interprétée, a dit M. Drouyn de Lhuys, cette devise marque un noble but; car, s’il est vrai que, restreinte à l'individu, la recherche de l’utile constitue souvent un vice flétrissant et stérile que l'on nomme l'égoisme, appliquée à l'humanité entière, elle devient une vertu que la religion consacre sous le nom de charité. » Les paroles qui précèdent ont été prononcées sur la tombe d'Isi- dore Geoffroy Saint-Hilaire; mais elles pourraient s'appliquer à son père. C’est en adoptant la devise de celui-ci, c’est en cherchant à développer ses grandes vues, qu’Isidore a été conduit à jeter les fondements de la Société d’acclimatation et à tracer le plan du jardin zoologique du bois de Boulogne. C’est en cédant à la même inspira- tion qu'il a publié divers écrits sur les applications utiles des sciences naturelles, et particulièrement de la zoologie !. Étienne Geoffroy Saint-Hilaire vit approcher sa fin avec la rési- gnation du sage, avec la paix du juste. Il s’éteignit à Étampes, le 19 juin 1846. Les douleurs d’une longue agonie lui furent épargnées. c’est à dire à Geoffroy Saint-Hilaire. Il voulait ainsi procurer à son éminent collè- gue le plaisir de constater lui-même le triomphe de son fils. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a publié sur les travaux de son père, un livre dont on a dit qué c’est le monument le plus honorable qu’un tel fils pût élever à un tel père. 1 En 1802, Etienne Geoffroy Saint-Hilaire avait apporté en Europe l’oie de Nu- bie. En Egypte, cette espèce pond äla fin de décembre. C’est aussi à cette époque qu’elle a pondu en France, la première et la seconde année de son introduction au Muséum. Ensuite la ponte a été retardée d’un mois; plus tard encore d’un mois; puis d'un autre mois. Maintenant elle pond en avril, c’est-à-dire au prin- temps de notre pays. L’oie de Nubie a subi deux autres sortes de modifications : sa taille s’est accrue et son plumage a pris une teinte plus foncée. Cette première acclimatation offre donc un curieux exemple de l’action des milieux tant sur les habitudes que sur la conformation de l'oiseau : il s’est mis en harmonie avec son nouveau climat, 115 Peu-de temps avant de rendre le dernier soupir, il dit à sa fille : « Nous allons nous quitter, nous nous retrouverons. » Un dernier mot d’éloge : Geoffroy Saint-Hilaire est mort pauvre. Le 11 octobre 1857, une statue de marbre blanc lui a été érigée dans sa ville natale. Un grand nombre de Sociétés savantes, de lycées, de colléges, en se faisant porter sur les listes de souscription, ont voulu s'associer à cet acte de reconnaissance nationale envers le grand naturaliste. Il est représenté debout, méditant, et tenant à la main le manuscrit de sa Philosophie anatomique. Il est une chose que pendant sa vie Geoffroy Saint-Hilaire mettail au-descus de l’admiration des savanis, c’est la sympathie des hommes de bien. Ni l’une ni l’autre ne manqueront jamais à sa mémoire. BOURGUIN. À HENRY VESSERON TRADUCTEUR D'ANACRÉON Dans la modeste solitude Où, loin des sots, vivant en paix, Je coule, heureux à peu de frais, Mes jours de loisir et d'étude, L'autre jour, ton livre coquet M'arrive, je l’ouvre et j'admire; L'une après l’autre je respire Toutes les roses du bouquet. Que j'aime l'heureux badinage De ce roi charmant des buveurs, Qui, sous sa couronne de fleurs, A su garder le cœur d'un sage! Avec un tact exquis de l’art, Il a fait graver, sur sa coupe, Des Grâces l'adorable groupe Et l'Amour privé de son dard. Il boit, mais c'est avec mesure : Aimant l’ordre à table et partout, Il se détourne, avec dégoût, Des buveurs qui lancent l’injure. 117 A l'or, qui corrompt trop souvent, . Son cœur honnête a dil : Arrière! S’il flétrit l'ivresse grossière, Il maudit l'amour qui se vend. Dans ses vers la scène du monde Brille de toute sa splendeur : Du soleil il chante l’ardeur Et ton pâle éclat, lune blonde. Il aime à voir sur le coteau Pampres verts et grappes vermeilles ; A voir les actives abeilles Buliner sur le thym nouveau; A suivre des yeux, dans la nue, Le vol des oiseaux voyageurs; A voir les canards, bons nageurs, Lutter contre la vague émue. L'hirondelle , en ses vers si gais, Jase dès l’aube matinale ; Le cri strident de la cigale Plaîl aux moissonneurs fatigués. De sa colombe messagère, Au bec rose, aux plumes d’argent, Au cœur fidèle, au cou changeant, Qu'il peint bien la grâce légère! Qu'il vous apprend de beaux refrains, _Bons vendangeurs, quand, dans la tonne, Des raisins mûris par l'automne Vos talons nus pressent les grains! 118 À le voir porter sa vieillesse D'un pied si ferme el sans ennui, Quel adolescent avec lui N'eût troqué sa belle jeunesse ? Honneur au bon vieillard, honneur! Il connut le prix de la vie, Et sa douce philosophie A pris le sentier du bonheur. Honneur à toi, digne interprète, Qui traduis si bien ses leçons! Quand je lis tes vives chansons, Je crois lire le vieux poète. BouRGuIn. RÉSUMÉ DES ÉTUDES Faites à Marseille, depuis trois ans, SUR LES SAUMONS, TRUITES SAUMONÉES ET GRANDES TRUITES DES LACS. Grâce aux travaux de la Société Impériale zoologique d’acclimata- tion, qui sert de centre à tout ce qui se fait de nouveau et d’utile, et à l'établissement de pisciculture de Huningue, qui envoie gralui- tement des œufs fécondés de diverses espèces de poissons d’eau douce , l’on a pu se livrer depuis quelques années à des études pra- tiques d’acclimatation, des saumons, truites saumonées et grandes truites des lacs. Marseille ne pouvait rester en arrière de ce mouvement aquicole. Si cette ville possède beaucoup de poissons de mer, ceux d’eau douce lui font complétement défaut, aussi avons-nous pensé que l’intro- duction de quelques-uns des meilleurs poissons d’eau douce pourrait rendre quelque service. Pénétré de l'idée qu’on peut toujours parvenir en persévérant dans une étude, nous avons fait venir depuis plusieurs années, des œufs de saumons, truites saumonées et grandes truites de lacs. C’est le résultat de ces études que nous allons exposer. 120 Nous passerons sous silence les soins à donner aux œufs de poissons dès leur arrivée, le mode d’incubation préférable pour chaque espèce. Ces études sont les mêmes pour toules les localités et MM. Coste et Millet Les ont mises à la portée de tout le monde. Dire qu'il est indispensable d'enlever les œufs gâtés, qu’on doit établir un courant quelque petit qu'il soit, qu'aulant que possible les œufs ne doivent pas appuyer sur un fond en métal, serait répéter ce que lout le monde sait. Nous pensons cepéndant qu'on doit prévenir les éleveurs, contre les dangers de se servir d'objets en mélal et en poteries vernissées, pour l’éclosion des œufs; nous avons observé que ces objets étaient toujours cause de la mort des fœtus, aussi les avons -nous compléte- ment prohibés. Le verre, les métaux couverts de plusieurs couches de peinture, le crin et le hois, sont les seuls objets dont on doive se servir pour obtenir des éclosions; bien entendu que le verre est préférable à tout autre substance. Doit-on dès leur naissance abandonner à eux-mêmes les alle- vins, ou est-il indispensable de les soigner jusqu’au moment où ils ont perdu leur vésicule et plus tard encore ? Ilest hors de doute que les saumons, truites saumonées et grandes lruites de lac, ne peuvent être mises dans des cours d’eau avant la résorption com- plète de la vésicule ombilicale. Ce fait est positif et nous engageons tous les producteurs à prendre les plus grandes précautions pendant ce temps. Ce serait une erreur de croire que la résorption de la vésicule se fait sans peine; les jeunes allevins sont sujets dans ce moment _ à diverses maladies ayant pour cause: les changements subits de tem- péralure, la qualité des eaux dont on se sert, la plus ou moins grande propreté de l’appareil dans lequel on les tient. Nous avons vu l'an passé une épidémie remarquable surtout sur les saumons : la vésicule ombilicale était le siége d’un pelit point blauc se développant dans quelques heures et entraînant la décompo- sition complète de la vésicule ombilicale. L’allevin ainsi privé de sa nourriture périssail inévitablement au bout de quelques jours. Faut-il après la résorption complète de la vésicule ombilicale et même quelque lemps avant, laisser aller les allevins dans les bassins 121 où cours d'eau, ou est-il préférable de les nourrir quelque temps ? les avis sont partagés. Ion Quant à nous, l'observation nous a prouvé qu'il était indispensable avant de livrer les allevins dans des bassins ou des cours d’eau, d'éprouver la qualilé de ces eaux. C'est en vain que quelques-uns pensent qu’au moyen de produits chimiques, on peut arriver sûrement à la connaissance des eaux considérées au point de vue de l'éducation du poisson ; des études pratiques nous ont prouvé, que des eaux ne décelant aucun in- convénient aux produils chimiques, entraînaient cependant dans tous les cas, la mort des allevins, à moins que l’on ait eu le soin de faire éclore les œufs dans celte même eau. Nous croyons donc que les personnes qui désirent propager les études aquicoles en donnant des allevins, doivent exiger un échan- tüillon de l’eau dans laquelle on doit les élever afin de ne pas les vouer à une mort certaine. Presque tous les auteurs qui ont écrit sur les allevins conseillent de leur donner pour première nourriture du foie cuit desséché et pulvérisé. Nous n'avons pu parvenir à Marseille par ce procédé. La faute en est-elle, ainsi que nous le présumons, à la qualité du foie, qui chez nous provient généralement d'animaux surmenés ou venant d’Al- gérie? Serait-ce que les foies conliennent souvent des helminthes, ou toute autre cause? Le fait est que tous les poissons que nous avons nourris avec cette poudre ont succombé. Voici le procédé qui nous a toujours réussi. — Nous prenons du maigre de bœuf ayant déjà servi à faire du bouillon, nous avons le soin d'en extraire toutes les parcelles de graisse qui peuvent s’y lrou- ver, attendu que le gras en quelque minime proporlion qu'il soit tue les allevins, nous coupons cette viande en petits morceaux et la laissons complétement dessécher à l'air, nous la pilons ensuite dans un mortier en verre avec un pilon de bois ou de verre; celte poudre ainsi préparée se conserve indéfiniment. Elle doit être plus ou moins fine selon l’âge des allevins. Nous sommes parvenus à élever des saumons, truites saumonées et grandes truiles dans des bassins à l’air libre, d’un mètre de lar- geur, 0,60 cent. de profondeur et 1",50 cent. de longueur. Ces pois- 122 sons mis à l'âge de trois mois, n’ont reçu depuis cette époque aucune nourriture artificielle. Les saumons on! atteint, dans une année, 0",12 cent. de longueur et les truites saumonées 0",08 cent. Les chaleurs de l’été et les froids rigoureux de l'hiver n’ont produit aucun effet sur eux, quoiqu'ils fussent exposés sans abris à toutes les intempéries de l’air. D' A. SIcARD. EXPÉRIENCES SUR LA MALADIE DE LA VIGNE Messieurs, Je vais ainsi que je m'y suis engagé, vous faire connaître mes essais de 1864 et ceux faits par plusieurs personnes qui ont suivi mon mode de traitement, en alliant la cendre et le soufre : la pre- mière dans la proportion de 2/3 et le second de 1/3. Il a été prouvé invariablement que la première donne la végétation la plus vigou- reuse à la plante en s’opposant à ce que la vigne, à la pousse, puisse geler, et que le deuxième uni à la cendre s'oppose à tout moment de l’année à ce que l’oïdium se montre un seul instant, soit sur les pampres, soit sur le bois ou le raisin. M. Mallet, propriétaire à Avon, près Fontainebleau, a fait en 1864 un essai en grand, il a opéré sur 400 mètres carrés el superficiels de treilles malades. Depuis l'invasion de l’oïdium en France, malgré l'emploi du soufre, la production diminuaitet la vigne s'étiolait. Eh bien, cette année même, non seulement le sarment de ses treilles est devenu des plus nets et d’une végétalion forte; mais sa récolte, des plus belles, a été sa plus productive depuis 12 ans. Mainte- 124 nant l'expérience prouve que la deuxième année la progression est croissante. On ne doit pas non plus perdre de vue que la vigne ne pouvant pas geler lors des premières pousses, chaque année elle donne tout ce qu'elle montre. À Ay, en Champagne, J'ai opéré moi-même sur deux ceps de Bourdeloie, raisin dont le grain a jusqu'à 12 à 15 lignes de long sur 8 à dix lignes de dia- mètre; puis sur un cep de raisin du Midi dont les grains avaient un pouce de diamètre et élaient ronds au compas. Il m'a fallu 2 ans pour réussir, car les branches principales de sarment ont 8 à 10 pouces de diamètre et sont hautes comme des arbres. Eh bien, les vignes soit blanches, soil de gros noir, ont eu toute l’année les pampres les plus forts, le bois du plus beau jaune et la récolle la plus abondante, il y avait même une grappe sur un des ceps blancs pesant deux kilogrammes. Le propriétaire de la maison où poussent ces treilles se nomme Félix la Haie, négociant à Ay (Marne). Je cite les noms et adresses pour qu’on puisse vérifier en écrivant. À AY, devant toutes les portes on a l’habitude d’avoir de ces espèces de raisins pour les faire confire dans de l’eau-de-vie et du sucre. L’oi- dium depuis douze ans a détruit la récolte de ces raisins; ils res- tent chaque année noirs, pleins de mousse et perdus ainsi jusqu'à la taille prochaine. Parmi ceux qui ont expérimenté mon syslème, lune uns ont apporté des améliorations dont il est juste de tenir compte. Un nominé Dervaux a loué près de chez moi à Château-Thierry, une pelite maison garnie d’une treille très-malade, il y a trois ans, lorsque je commençais à publier mon mode de traitement ; il l’adopla de suite, cependant avec les modifications ci-après. Au lieu de se borner à mettre de la cendre pure au pied du cep, il y mit un lit de fumier court, puis il y plaça ensuite un lit de cendre dans lequel il ajouta un cinquième de carbonate de soude pulvérisé et bien mé- langé et saupoudra encore avec le soufre et la cendre et un cin- quième de carbonate pulvérisé, le tout passé au sas. Cette manière d'opérer surpasse encore la mienne, je ne puis que la recommander. Maintenant il est quelque chose d’assez attristant à signaler pour conclure. Voyant chez moi un cep presque mort de maladie il y a trois ans et que j'ai rendu des plus vigoureux et des plus beaux, celui-là, me dis-je, l’oidium ne saurait l'atteindre, il est hors de son action; je m'’avise cette année 1864 de supprimer le soufre du 125 traitement ; jusqu’au 20 août il a été très-sain, mais en deux jours le bois s’est partout taché d'oïdium. J'ai fait maints essais sem- blables dans divers endroits et le résultat a été le même. Il semble que la vigne traitée, soil plus accessible qu'une autre non trailée à l’action de l'oïdium, Ce qui signifie que tant que l'influence du fléau existera, il n’est pas de cure radicale à espérer. Eslimons-nous heureux d'avoir sûrement de quoi neutraliser le fléan en maintenant la plante en bon état. A. DEMONT. UNE FABLE DE M. VIENNET M. Viennet, membre de l'Académie française, a bien voulu nous adresser une fable inédite intitulée l’OEuf et la Poule. Nous sommes heureux de pouvoir insérer dans nos annales cette fine et spirituelle poésie de l'illustre académicien, et nous croyons devoir la faire pré- céder de la lettre suivante, qui témoigne des dispositions bienveil- lantes de l’auteur pour la Société Linnéenne. A. DE $. a À Monsieur Aimé de Soland, président de la Société Linnéenne. « Monsieur et cher confrère, « Je vous demande pardon d’avoir si longtemps oublié ma promesse. J'ai eu bien des chagrins, des indispositions ; et à mon âge, la mémoire est souvent en défaut. Je me dépêche donc de vous satisfaire, de peur de retomber dans le péché que vous avez la bonté de me reprocher. Je joins ici une fable qui n’a pas un mois de date et qui n’a pas encore eu les honneurs d’une lecture publique; je souhaite que vous la trouviez digne de celles que vous avez louées ; je vous prie dans tous les cas de la considérer comme une preuve de mon désir de vous être agréable, et comme un moyen de resserrer les liens qui m’attachent à la Société linnéenne. « Je vous réitère, Monsieur, l'assurance de mes sentiments les plus affectueux. « VIENNET. r Paris, 29 mars 1865. » L'ŒUF ET LA POULE FABLE Dès les temps reculés, où, sortis de leur arche, Les trois enfants du patriarche Repeuplaient notre globe et se le partageaient, La poule et l’œuf se disputaient À qui devait, par droit d’ainesse, Être le chef de leur espèce. C'est en moi, disait l’œuf, que s’est formé ton corps, Et tu n’as vu le jour qu’en brisant ma coquille. La poule répondait : C’est de moi que tu sors; Je ne puis voir en toi le chef de ma famille. Après avoir vingt fois, en style d'avocat . Ressassé , rebattu ces arguments contraires, Ils allèrent tous deux, à bout de corollaires, Au bon sens d’un hibou soumettre leur débat, Comme à l'oiseau de la déesse, Qui représentait la sagesse. Au fond d’une caverne ils en trouvèrent deux, Et ne furent pas plus heureux. L'un décida pour l’œuf, et l’autre pour la poule ; Et la vanité s’en mêlant, On disputa plus longuement. Depuis que la planète roule Tous les bavards en font autant, 128 Tous les hibous enfin du procès se saisirent, De père en fils se le transmirent ; Tantôt les poules l’emportaient, Tantôt les œufs les déboutaient ; Et voilà justement à quel point nous en sommes. Ce procès, en effet, est venu jusqu’à nous, Et je doute fort que les hommes En sachent plus que les hiboux. Jls se sont imposé cent questions pareilles : Et depuis trois mille ans ils n’ont rien éclairei. Leurs écrits cependant passent pour des merveilles. Ceux même qui jadis y consacraient leurs veilles, Furent nommés divins, et ceux de ce temps-ci Ne seraient pas fâchés qu’on les nommät ainsi. Mais avant qu’en beau marbre on taille leurs figures, Je voudrais bien qu'ils se missent d’äccord; Qu’Hegel et ses rivaux eussent raison ou tort En périodes moins obscures ; Que leur science enfin nous dit son dernier mot; Que mon siècle, à bon droit, glorieux de son lot, Ne léguât point ce doute à nos races futures. Mais nous n’en finirons, je le dis à regret, Que s’il plaît à Celui qui commande aux tempêtes, Qui fixa le soleil au centre des planètes, De nous révéler son secret. VIENNET. 1865. DES PRODUITS QUE LES SQUALES ET LES RAIES FOURNISSENT A L'HOMME POUR SON ALIMENTATION ET POUR DIVERSES INDUSTRIES, Parmi les produils que les poissons nous fournissent, il faut placer au premier rang ceux qui servent à notre alimentation et ceux dont l'industrie s'empare. Je prends donc la liberté d'entretenir aujour- d’hui la Société des ressources que l’homme, sous ce double rapport, trouve dans la pêche difficile, souvent même dangereuse des pois- sons à squelette cartilagineux, connus sous les noms de Squales et de Raies et qui forment, dans nos classifications, le vaste groupe des Plagiostomes. J'espère qu'elle accueillera avec bienveillance ce tra- vail, car rien de ce qui touche à l’emploi fait par l’homme des divers organes des animaux qu'il peut utiliser ne doit être omis, et la con- naissance des avanliages irés des richesses de la création ajoute un attrait particulier à l'étude de l’histoire naturelle. Il ne faut jamais oublier, dans cetle étude si pleine de charmes, la belle devise d'Étienne Geoffroy Saint-Hilaire : Utilitati, que son fils a prise comme point de départ de ses remarquables travaux de zoologie appliquée !. ! Aussi éminent par les belles qualités du cœur que par un profond savoir, Isidore-Geoffroy Saint-Hilaire, qu'une mort prématurée frappa en 1861, a jeté un grand éclat sur les sciences qu’il cultivait. Non seulement, il apporta dans leur VIL, 9 130 I. — On recherche beaucoup plus comme denrée les Raïies que les Squales, parce que ces derniers ont quelquefois une odeur et une saveur désagréables. Aussi arrive-t-il que, souvent, on les rejelte à la mer après en avoir pris le foie pour en oblenir l'huile et après leur avoir enlevé les peclorales qui sont, comme je le dirai plus loin, l’objet d'un grand commerce entre Bombay et la Chine, ou après les avoir dépouillés quand la peau peut être utilisée dans l’industrie. Si, au contraire, la saveur n’en est point répugnante, et l’on sait com- bien sont variables les appréciations sur les qualités sapides des corps, la chair de ces poissons devient un aliment dont on fait provision sous forme de lanières rendues inallérables par l’action du sel ou par la dessiccation. Quelquefois même, la chair de diverses espèces est mangée crue et sans aucune préparation, comme on le sait par M. de Siebold, pour les Japonais (Fauna japonica, pisces, p. 304). L’infériorité de la chair des Plagiostomes comparée à celle de beaucoup d’autres poissons, résulte de ce qu'elle est généralement dure et un peu coriace, et répand une assez forte odeur, à ce point même que certains Squales sont quelquefois nommés par les pé- cheurs chiens puants. Elle s’attendrit et devient plus délicate, quand elle a élé gardée quelques jours. Il y a donc avantage à ne pas man- ger ces poissons immédiatement après leur sortie de l’eau. « Raiæ omnes, dit Rondelet (De Piscibus, lib. XII, cap. v, p. 345), odorem feri- num el marinum quemdam fœtorem recipiunt qui, in diutius servalis, fere evanescit. Quare Luleliæ meliores sunt Raiæ quam Rhothomagi et Lugduni quam Massiliæ : longa enim vectura tenerescunt et suaviores efficiuntur. » Il y a loin de là cependant à la putréfaction qu'attendent les natu- rels de certaines îles de l'Océanie avant de manger crue, à la manière des Japonais et aussi, dit-on, des Islandais, la chair des Squales. Ils étude l'esprit philosophique dont il a laissé une trace brillante dans sa grande Histoire inachevée des règnes organiques (tomes I-IT), maïs, en outre, il fut un très-habile zoologiste, et ce sera, pour sa mémoire, un grand honneur que d’avoir consacré tant d'efforts heureux à la vulgarisation des idées qui tendent à faire sortir la zoologie du cercle trop étroit où elle est restée si longtemps empri- sonnée. Démontrer l'utilité des animaux qui nous entourent et d’un grand nombre de ceux qui vivent sous d’autres climats, mais dont il convient de tenter l’intro- duction sur natre sol : telle est la thèse généreuse qu'il à soutenue avec talent et conviction. sel la laissent pourrir pendant deux ou trois semaines : telle est l’asser- on, dans un travail sur les îles Marquises (Revue coloniale, 1857-58), d’un capitaine de frégate, M. H. Jouan, à qui l’on doit différents travaux intéressants d'histoire naturelle. Les très-jeunes Raies (Rayons ou Ratillons) connues, ainsi que Belon le rapporte (De Aquatilibus, lib. I, cap. vur, p. 7), sous le nom de Papillons dans divers ports, sont recherchées, au bord de la mer, comine un mets fort délicat, dont on varie les apprêts suivant les localités. Les fœtus de Squales qu’on trouve dans les.oviductes des femelles qui viennent d’être pêchées, sont beaucoup plus estimés, pour la table, que les adultes. Certaines espèces sont méprisées et livrées à très-bas prix. Telles sont, par exemple, les Torpilles et les Paste- nagues. Parmi les Raies proprement dites de nos côtes, la Raie bou- clée (Raïa clavata) et la Raie latis ou Raïe blanche, particulièrement les femelles, sont les meilleures. II. — Ce n’est pas seulement la chair des Plagiostomes qui sert comme aliment; aussi me paraît-il opportun d'indiquer ici le profit considérable que les pêcheurs, sur diverses côtes, tirent de la vente des nageoires de Squales, de Rhinobates el des espèces à long pro- longement rostral dentelé et nommées Scies. Ces nageoires, en effet, occupent une place extrêmement importante dans l'alimentation des Chinois !. Je possède sur ce sujet des renseignements assez précis pour qu'il y ait intérêt à ne point les passer sous silence. Voici d’a- bord un court résumé de ceux que le docleur Buist a donnés (Pro- ceedings of the zoological Society, London, 1850, p. 100 et suiv.). À Koraichi, port important près de l'embouchure de l’Indus, dans la principauté de Sindhy, il y a treize bateaux montés chacun par douze hommes et constamment occupés à la pêche des requins, dont 40,000 au moins sont pris tous les ans. 1 Le Dictionn. du Commerce et des Marchandises, publié par Guillaumin, 1839, dit à l’article Nageoires de Requins : « On les recueille avec soin dans toutes les « contrées maritimes et les îles, depuis la côte orientale d'Afrique jusqu’à la Nou- « velle-Guinée. Dans les prix-courants de Canton, elles sont cotées aussi régu- “ lièrement que le thé et l’opium. Durant les quatre ou cinq dernières années ,” « leur prix a été communément de 15 à 18 dollars (suivant la qualité) par pécul, « ce qui équivaut à 127 à 152 fr. par 100 kilogrammes. » 132 Sur les plus grandes espèces parmi lesquelles il cite le Mohr qu'il nomme Basking shark (Selache maxima ou Squale-Pélerin), comme ayant une longueur de 12", et même de 18", on lance le harpon. Les autres sont pris au moyen de filels à mailles de 0",15 et mesu- rant 6 à 800 brasses anglaises (fathoms), c’est-à-dire 11 à 1,500" environ, dimensions à peu près égales, en moyenne, aux 3/4 d'un mille marin ou 1,389" (le mille marin représentant en Angleterre, comme en France, 1,852"). La largeur des filets ou plutôt leur hau- teur, est de 1,80. L'un des bords porte de 2" eu 2», des flotteurs en bois ayant un peu plus de 1" de longueur. A l’autre bord, c’esl- à-dire à l’inférieur, sont atlachées des pierres. Le filet est descendu à une profondeur de 25 à 45%, assez loin en mer et n’est relevé que le lendemain du jour où il a été placé !. — Les Squales étant amenés sur le rivage, on leur coupe les nageoires dorsales, l'extrémité de la nageoire caudale et les nageoires paires antérieures et postérieures, c'est-à-dire les pectorales et les ventrales, et on les fait sécher au soleil. La chair est divisée en longues lanières que l’on sale pour les conserver comme denrée ; et, par l’ébullition, on extrait du foie l'huile qu'il contient. Le reste est abandonné ou rejeté à la mer, et d'innom- brables petits Squales viennent se repaître de ces débris ©. 1 Je dois ajouter que sur les côtes de France, on prend souvent les Requins au moyen de l’hameçon, et que, pour les Raies, on emploie, mais trop souvent en contravention aux règlements de pêche, les filets traînants tirés par des barques, et dont les effets désastreux, déjà déplorés par Duhamel (Traité des péches, partie IL, section IX, chap. 1v, p. 313), ont été signalés, dans ces dernières an- nées, par M. le professeur Coste aux autorités compétentes. « J'ai vu, dit-il, ces « immenses filets traînants tirés par deux tartanes accouplées, labourer le golle « de Foz, déraciner et engouffrer, dans leur vaste poche, les plantes marines « auxquelles sont attachés les œufs des espèces comestibles, et broyer sous la « pression de leurs étroites mailles, tous les jeunes poissons, tous les jeunes « crustacés auxquels ces plantes servaient de refuge. C’est un spectacle profondé- « ment triste que celui de voir cette œuvre de destruction consommée par les «bras mêmes de ceux dont elle prépare la ruine » ({ntroduction sous forme de ettre au Min, de l’Agricult. à son Voy. d'exploration sur le littoral de la France el de Italie, p. xxXvI et 2e édit., p. xxli). Les mêmes conséquences fâcheuses de semblables procédés de pêche se produisent sur les côtes des îles Britanniques où la diminution des Raies et particulièrement du Thornback (Raïe bouclée), est signalée par M. J. Couch dans son Histoire des poissons des côtes de ces îles, maintenant en voie de publication (t. [, p. 99). ? On fait un bien meilleur usage des débris de l’Acanthias ou Squale à nageoi- 133 Les nagcoires achetées aux pêcheurs par les Banians (marchands hindoux), sont envoyées à Bombay d'où leurs agents les expédient en Chine. Koratchi n’est pas le seul lieu de pêche qui fasse parvenir des na- geoires de Requins aux comptoirs de Bombay; M. Buist, dans la Note que j'analyse, donne, sur l’approvisionnement de ces comptoirs, les chiffres suivants pour l’année 1845-46. Lieux de provenance. Kilog. Valeur. PHOTO eue sise - Ant eiete ce sig 5,212. 5,295f. REIN SRE AN ONE A PEN TE PRE RRE 74,694 76,965 Colende/Malabar ant unis msi au 27,734 26,892 Golfe de Cutchet côtes de la principauté de Sindhy 57,494 62,690 LAIT 0 9 ET CTI ET ONE ET ET EPA QE ET NET SES 29,486 32,740 Gaietde Konkan!iz. JHU.0 12. Den (ie di al 34,620 35,295 229,240 239,877 L'archipel indien et les îles de l'Océanie fournissent aussi leur part dans les cargaisons destinées à la Chine. Il résulte d'indications qui me sont transmises par M. Nat. Ron- dot, ancien membre de la mission commerciale envoyée en Chine par le gouvernement français sous la direction de Lagrénée, que les chiffres ci-dessus représentent une faible partie seulement des im- portations de nageoires de Requins dans l’empire chinois, comme le montre le tableau suivant : Lieux d'importation. Kilog. Valeur. Années. Émoui, par navires anglais 5,500 6,000 1855. Canlon, idem. 300,000 656,000 1847. res épineuses aux îles Orcades où les pêcheurs le prennent en quantités innom- brables. Ils s’en servent, en effet, comme engrais après avoir enlevé les chairs pour les soumettre à la dessiccation et après avoir tiré du foie l’huile que cet or- gane fournit abondamment (Low, in Yarrell, Hist. of British fishes, 3° édit., t. Il, p. 519). — Je ne puis pas présenter ici l’histoire des produits précieux pour l’agriculture que lui fournissent les pêches, mais qui seraient bien plus abondantes encore si l’on s’attachait à les utiliser tous. C’est là un sujet d’études très-intéressantes, et je me suis plusieurs fois attaché, dans mes cours au Muséum , à montrer quelles inestimables richesses nos cultures pourraient, sans difficulté, recevoir des dépouilles de la mer. 134 Lieux d'importation. Kilog. Valeur. Années. Canton, par navires anglais 280,000 590,000 1855. Idem, idem. 215,000 530,000 1556. Shang-Haï idem. 25,000 21,000 1855. Idem, sous tous pavillons 98,000 290,000 1856. Idem, par navires anglais 14,000 78,000 1857, ailerons blancs. Idem, : idem. 17,000 42,000 » idem, noirs. Idem, idem. 29,000 108,800 1858 idem, blancs. Idem, idem. .31,000 40,000 » idem, noirs. Idem, sous tous pavillons 42,000 92,000 1859 idem, blancs. Idem, idem. 112,000 125.000 » idem, noirs. En mettant (d’après le chiffre qui représente en 1847, sur ce tableau, l'importation à Canton) 650 à 700,000 kilog. par an pour tous les ports et sous tous les pavillons (valeur de 1 million à 1,200,000 fr.), M. Rondot pense qu'on est encore au dessous de la vérité, parce que tous les navires étrangers, anglais, américains, hollandais, espagnols, français, fournissent des nageoires à tous les ports de la Chine ouverts au commerce. Il croit même que les quan- lités indiquées sont bien inférieures à celle qui est consommée dans ce vaste pays, car il faut considérer que nous n'avons aucune notion, dit-il dans la note manuscrite qu’il m'a remise, sur les approvision- nements fournis par les jonques chinoises, cochinchinoises, sia- moises, elc., c’est-à-dire par les bâtiments construits à l’asialique, dont les ailerons de requin constituent un des chargements ordi- naires. La valeur des aïlerons est assez variable. Ainsi, d’après le premier tableau ci-dessus emprunté à M. Buist !, 229,246 kilogrammes étant estimés à 239,877 fr., on a, pour 100 kil., environ 105 fr. ou à peine au delà de 1 fr. par kil. Ce sont presque les prix les plus bas, car précisément à la même époque, à Canton en 1844, et à Émoui en ! J'ai transformé en poids et en valeurs de notre pays les évaluations de ce tableau où les poids sont indiqués en quintaux anglais appelés hundred-weighis, ce qu’on écrit, par abréviation, crots. Le hundred-weight équivaut à 50 kil. et se subdivise en 112 livres. La valeur est exprimée en roupies. Or, la roupie d'argent correspond assez exactement à 2 fr. 50 c. 135 1845, M. Rondot a vu vendre les sortes les plus communes de 0 f. 60 à 2 fr. le kil., el les ailerons noirs qui sont peu estimés, de 0 fr. 80 à 1 fr. 70. Les ailerons de 2° et 3 qualilés coûtaient 3 fr. 50 à 3 fr.75 et ceux de qualité supérieure 4 fr. 75, 4 fr. 80 et même 6 fr. Il y a, par kil. 8 ou 9 ailerons ! réduits à un état de siccité complète. Préparées pour être mangées, et les collections du Muséum ren- ferment une de ces nageoires qui a subi la préparation en Chine, elles sont dépouillées et représentent une touffe de filaments minces, flexueux, d’inégale longueur, adhérents à la base de la nageoire qui est d'un brun jaunâtre foncé, tandis qu’ils ont une teinte jaune d’or brillante ; ils offrent une demi-transparence et un aspect corné. On prépare, avec les ailerons, comme avec les nids de Salanganes (Hirundo esculenta), une sorte de vermicelle. On les fait cuire dans du bouillon ou dans de l’eau pure; mais alors il faut ajouter un assaisonnement pour relever la saveur du mets. Cet aliment passe pour être tonique, stimulant et peut-être même aphrodisiaque. En outre des ailerons, les Chinois font un très-grand usage de poissons secs et particulièrement de poissons cartilagineux. Les questions que soulève l’élude de l’alimentation par le pois- son , relativement à la fécondité ou à la santé de ceux qui en font usage, offrent un grand intérêt, mais je n'ai point à m'en occuper ici. Je dois cependant citer un intéressant travail de M. John Davy (Some observations ou Fish in relation to diet, in : Transactions of the royal Society of Edimburgh, 1853,t. XX, p. 599), parce qu'il s’y lrouve une indication sur la comparaison qui peut êlre faite, au point de vue de leur emploi alimentaire, entre les Plagiostomes et les autres poissons. | La chair de poissons de mer et d’eau douce appartenant à 18 espèces différentes, a été soumise à la dessiccalion par cet habile chimiste. Il a pu constater ainsi combien elle contient de parties solides pour 100. La proportion est bien en rapport avec ce que l’on sait sur la digestibilité relative des divers poissons habituellement ! Si nous supposons qu'on enlève aux Squales toutes leurs nageoires, chacun en fournit 8 (4 nageoires paires, 2 dorsales, l’anale et la caudale). On peut donc regarder le nombre de kil. d’ailerons importés chaque année comme représentant à peu près celui des Squales que la pêche annuelle se procure ; mais les dorsales entrant, pour la plus grande part, dans ce commerce si considérable, notre esti- malion , selon toute probabilité, est trop faible. 136 servis sur nos tables. Ainsi, tandis que la chair des Gades connus sous les noms de Merlucius vulgaris, Merlangus pollachius, Morrhua vulgaris et de l'Éperlan (Osmerus eperlanus), n’a donné pour 100 que 17,4 à 19,3, celle de l’une de nos Anguilles ordinaires (Ang. latiros- tris) a laissé 33,6 et celle du Maquereau (Scomber scombrus) 37,9. Quant à la Raïe bouclée (R. clavata), sa chair renferme autant de parties sèches, à quelques dixièmes près, que le Salmo umbla, et que la Truite dite Fario argenteus, c'est-à-dire 22,2 pour 100. Ces chiffres indiquent également le pouvoir nutritif, Par conséquent, sous ce rapport, la Raie est plus éloignée des poissons dont la chair esl très- nourrissante, que de ceux où elle l’est à un plus faible degré. — Après avoir entretenu la Société des ressources que les Squales et les Raies fournissent à l’alimentalion, je voudrais appeler mainte- nant son attention sur l'emploi que fait l’industrie de la peau d’un certain nombre de ces poissons. | Quelquefois, elle est complétement nue, comme chez les Torpilles, plusieurs Raies dites Aigles de mer ou Mourines (Myliobates), et un certain nombre de Pastenagues (Trygons). Chez beaucoup de Raies, au contraire, mais surtout chez les Squales, elle est très-dure et hérissée partout de petites esquilles enfoncées, en partie, dans son épaisseur, et dont la portion saillante, dirigée d'avant en arrière, est plus ou moins dentelée ou épineuse à son extrémité postérieure. De celte disposition, résulte une rudesse remarquable des téguments sur lesquels il est presque toujours impossible de promener le doigt en remontant de la queue vers la tête, à cause des aspérités qu'il rencontre, tandis que, dans le sens opposé, il n’est arrêté par aucun obstacle. La peau des Squales ainsi revêtue de pièces dures a reçu le nom de chagrin à cause de sa ressemblance avec certaines préparations de peaux de mammifères qui ont longtemps constitué une industrie spéciale en Turquie, dans le Maroc et à Tunis !. Elle est recherchée dans le commerce pour le polissage du bois, de l’ivoire ou même des métaux. On en monte à cet effet des mor- 1 Il ne paraît pas douteux, et telle est l’opinion admise par M. Littré dans son Dictionnaire, que le mot chagrin est tiré du ture sagri employé dans le même sens et qui signifie croupe, la peau de cette région chez le cheval, l’âne ou le mulet, étant la plus estimée pour la préparation dont il s’agit. 137 ceaux sur des mandrins en bois constituant des outils de formes variées suivant les besoins de l’industrie. M. le professeur Guibourt (Hist. nat. des drogues simples, 4° édil., 1851, t. IV, p. 178-181), a donné une description détaillée des diffé - rentes sortes commerciales qui proviennent, ainsi que je m’en suis assuré dans sa riche collection, de Rousseltes (Scyllium canicula et catulus), de Leiches (Scymnus lichia) et du Centrophorus granulosus. C’est à cette dernière espèce qui n’est pas rare dans la Méditerranée, qu'il faut rapporter les peaux diles dans le commerce d’Aiguillat et de Sagre. Elles sont recouvertes de tubercules réguliers, presque lisses au toucher et présentent un joli aspect. Le plus rare el le plus beau chagrin est fourni par une Pastenague des mers de l'Inde : Hypolophus sephen. C’est avec ces différentes peaux qu'on fabrique le Galuchat, désigné ainsi par le nom même de l'ouvrier qui, le premier, sut les polir et les amener à un état d’amincissement convenable pour qu'elles pussent après avoir été teintes, le plus souvent en vert, servir de revêtement élégant et solide à de petits meubles, à des étuis ou à des fourreaux d'armes blanches. Partout où les Sélaciens deviennent l’objet d’une pêche, leur peau est utilisée. Dans les îles de l'Océan pacifique, par exemple, comme Lesson nous l’apprend (Voyage autour du monde de la corvetle La Coquille, Zool., t. Il, p. 73), les naturels se servent pour limer les substances dures, des téguments de quelques-uns de ces poissons. Avec celui de la Raïe chinoise (Plathyrina sinensis), dit-il encore (p. 76), les Japonais fabriquent des fourreaux pour leurs cimeterres. Les dépouilles de Plagiosiomes, désignées sous la dénomination générale de peaux de chien de mer, constiluent une marchandise qui, bien que son usage soit restreint, n’est pas sans quelque importance commerciale. On trouve, en effet, dans le Tableau génér. du commerce de la France avec les colonies et les puissances étrang., que, pendant l’année 1863 (p. 126), il a été importé dans notre pays 7,627 kilog. de ces peaux fraîches ou sèches provenant de divers lieux de pêche, mais surtout du Portugal. Le kilog. qui avait été évalué, en 1826, à 15 fr., n’a maintenani, en raison sans doule d’arrivages plus consi- dérables, qu’une valeur de 1 fr. 50. La totalité de l'importation représente, pour 1863, une somme lotale de 11,440 fr. 50 centimes. AUG DüMÉRIL. NOTE SUR LES HABITUDES DE VORACITÉ DES SQUALES ET Sur les moyens d'attaque et de défense des Squales et des Baies. Les Poissons se distinguent ordinairement des Reptiles, mais sur- : tout des Mammifères, par le grand nombre de leurs dents, car, outre les mâchoires, souvent les différentes pièces osseuses de la gueule et de l’entrée du pharynx, ainsi que la langue elle-même, en sont cou- vertes. Les dents des Squales et des Raïes, en particulier, sont nom- breuses et redoutables, soit par leur volume, soit par leur forme. On trouve cependant entre eux et les autres Poissons, cette différence remarquable que l'entrée de l’orifice buccal est la seule région où se voient les dents. Chez quelques-uns, elles sont petites et excessi- vement nombreuses !. Leurs formes et leurs dimensions sont très variables. Sans m'arrêler à tous les détails intéressants que l'étude de ces organes offre à l'observateur qui y puise d'excellents carac- ières distinclifs pour les genres et pour les espèces, je voudrais monirer la relation qui exisie entre la conformation du système dentaire de ces poissons et leur genre de vie. ‘ Le Muséum possède un énorme Squale Pélerin de 7m,71. Ses dents sont de petits crochets dont on compte 1,800 à la mâchoire supérieure et 900 à l’in- fér., en tout, 2,700 dents. Un autre Squale de 5m, le Rhinodon typicus qui n'est connu qu'au Musée de Paris, a 6,700 dents très-petites. 139 Tous les Squales qui ont des dents acérées recherchent avec ar- deur les animaux souvent volumineux dont ils veulent se nourrir et les attaquent avec une impétuosité dont les Brochets et les Serra - salmes, entre autres, nous offrent, parmi les poissons osseux, de remarquables exemples.Je ne rappellerai pas tous les récits auxquels a donné lieu l’étonnante voracité des Requins, ces tigres des mers, pour nous servir de l'expression employée par Lacépède (Hist. des Poiss., 1. I, p. 173) dans un de ses tableaux les plus brillants, mais empreint de l’exagération trop habituelle aux écrivains qui ont traité de ce sujet. Voici toutefois des assertions positives. Chez un Squale ouvert à bord d'un navire qui se rendait à la Martinique, M. le doc- teur Guyon trouva des débris de pantalon et une paire de souliers, Outre des poules et des canards morts dans la nuit et jelés le matin à la mer, ainsi que divers objets provenant de l’équipage, un Squale dont on fit l’autopsie sur le navire commandé par le capitaine Basil- Hall, avait avalé la peau d'un buffle tué à bord quelques heures au- paravant. Et même, Brunnich (Ichth. massiliensis, 1768, p. 6) raconte d’après deux témoins dignes de foi, dit-il, que, sur les côles de la Méditerranée, on prit un Requin de plus de 5 mètres, dont l'estomac était rempli par deux thons et par le cadavre entier d’un homme recouvert de ses vêtements. Enfin, un exemple curieux de l'énorme capacité de ce viscère se trouve dans une nole de M. G. Bennett, sur de grands Squales pris au Port-Jackson (Proceed. zool. Soc., 1859, p. 224). On tira de l'estomac d’un Carcharias (Prionodon leucos) long de 4 mètres à peu près, huit gigots de mouton, la moitié d'un jam- bon, les quartiers postérieurs d'un porc, les membres de devant d’un chien avec la tête et le cou entouré d’une corde, 135 kilogrammes de chair de cheval, üune râcle de navire, et enfin, un morceau de sac. « La voracité des Squales est extrême dans certains cas; dans d’autres, elle est nulle sans qu’on puisse en donner de bonnes rai- sons. Nous avons vu des requins rôder autour du vaisseau pendant des journées entières, refuser pendant longtemps la chair qu’onleur présentait, enfin se laisser prendre et ne rien offrir dans leur tube digestif. » (Quoy et Gaimard, Remarques sur quelques poissons de mer et sur leur distribution géographique, p. 3.) Il est remarquable que ces animaux ne soient pas également vo- races selon les eaux qu'ils habitent. Ainsi, Humboldt (Voyage aux 140 régions équinoæxiales du nouveau continent, 1. IV, p. 97) dit que, à la Guayra, port voisin de Caracas, on n’a rien à craindre de ceux qui sont si fréquents dans ce port, mais que les requins sont dangereux et avides de sang aux îles opposées à la côte de Caracas !. William Tatham raconte (The philosoph. Magaz. by Alex. Tilloch, 1803, t. XVII, p. 318) l’étonnement qu'il éprouva dans le port de Charleston (Caroline du Sud) en voyant un mousse tombé à l’eau pendant une manœuvre sur le mât de beaupré, ne point être aita- qué, bien quedans l'endroit même de sa chute, deux ou trois Squales, quelques minutes auparavant, eussent été aperçus à la surface de l'eau. Sa surprise fut plus grande encore de voir des enfants se bai- gner, sans crainte et sans danger pour eux, sur le bord de la mer, pendant que deux Squales y prenaient leurs ébats ; mais aux appré- hensions de Tatham, on répondit en lui donnant l'assurance que ces poissons élaient, en quelque sorte, d'anciens camarades de jeu des enfants qui n'avaient rien à en redouter, les Squales de cette lo- calité n'étant pas voraces. Les petits baigneurs s’enfuiraient avec ra- pidité, lui dit-on, si, par hasard, un requin d'espèce dangereuse qu'ils sauraient d’ailleurs parfaitement distinguer, venait à se mon- trer. Les espèces à dents plates destinées à triturer les aliments sont moins voraces que les autres. Elles se nourrissent surtout de crus- tacés, de zoophytes et de madrépores, comme on le sait par l’exa- men des viscères. Ainsi, pour citer un exemple auquel plusieurs autres pourraient être joints, M. Elliot (Cantor. Catalogue malayan fishes, p. 1394) a trouvé dans l'estomac de plusieurs Rhamphostomes ancylostomes des fragments de Crustacés en quantité prodigieuse. Ce sont ces mêmes animaux et des Mollusques à coquilles qui servent 1 Une différence également inexplicable a été observée dans les instincts des Crocodiles par l’illustre voyageur. « Les Crocodiles d’une mare des Llanos, dit-il, « (loc. cit.), sont lâches et fuient même dans l’eau, tandis que ceux d’une autre « mare aitaquent avec une intrépidité extrême. » Il dit encore (loc. cit., t. VI, p. 150) : « Le Rio-Uritucu est rempli d’une race de Crocodiles très-remarquables « par leur férocité. On nous conseilla d'empêcher nos chiens d’aller boire à la « rivière, car il arrive assez souvent que les Crocodiles d'Uritucu sortent de l’eau « et poursuivent les chiens jusque sur la plage. Cette intrépidité est d'autant plus « frappante qu’à six lieues de là, les Crocodiles du Rio-Tisnao sont assez timides « et peu dangereux. Les mœurs des animaux varient, dans la même espèce, selon « des circonstances locales difficiles à approfondir. » 141 aussi de pâture à certaines Roussettes, au Stegostoma fasciatum (Elliot, in Cantor, loc. cit., p. 1380), quoique ces Squales n'aient pas les dents plates, mais elles sont fort peliles et constituent des armes peu propres à permettre l’atlaque contre de grosses proies. Le Pélerin (Selache maxima), qui peut atteindre une taille de 12 mè- tres et au delà, est moins carnassier que beaucoup d’auires espèces plus petites. Ses dents étant très courles el faibles, il ne peut se nourrir, comme les Baleines proprement dites, que d'animaux peu volumineux, et, par conséquent, il ne se montre pas, à la manière des Squales à puissante armure dentaire, intrépide assaillant contre tout ce qui nage autour de lui. On manque de renseignements sur un autre très grand Squale, le Rhinodon typicus ; mais d’après la té- nuilé encore plus remarquable de ses denis, on est nalurellement amené à lui supposer, comme au Pélerin (Selache maxima) des ha- bitudes pacifiques. La voracité de la plupart des Squales les entraîne presque conli- nuellement à la poursuite de la proie. Les Raïes, moins terribles dans leurs attaques, recherchent, le plus souvent, leurs victimes au fond de la mer. M. Richard Hill, qui a publié (Ann. and Magaz. nat. hist., 2° série, 1851,4. VIE, p. 353 et suiv.) un travail intéressant sur différents points de l’histoire des Squales, ainsisté sur la manière dontils poursuivent la proie. Ila d’abord constaté par l’abondance des jeunes individus rame- nés dans lesfilets traînants nommésseines, que plusieurs Squales habi- tent d'ordinaire les fonds qu'ils parcourent sans cesse pour y trouver leur nourriture, la cherchant ca etlà, comme lechiende chasse qui, le museau près du sol, pour mieux flairer latrace du gibier, bat le terrain en tous sens. Aussi, l'habitude de nager en troupes sur les fonds, qui semble propre au Squale bouclé (Echinorhinus spinosus), à la Leiche (Scymnus leichia) et aux Rousseltes, a-t-elle valu plus particulière- ment à ces dernières, des noms vulgaires empruntés en quelque sorte, à la nomenclature des races canines. C’est ainsi que, aux dé- nominalions de chiens tachelés, rudes, etc., sont venues s'ajouter, parmi les Anglais, celles de chiens bassets et de chiens courants. Ce genre de vie, suivant l'observation de M. Hill, est plus particulière ment propre aux espèces ovipares. Les Roussettes déposent leurs œufs là où ils peuvent, en s’accrochant par les filaments terminaux des angles, recevoir la lumière et l’action bienfaisante du soleil. Par 142 conséquent, hors le temps de la ponte, elles restent dans les pro- fondeurs, n'ayant pas besoin, comme lesSquales vivipares, de séjour- ner près de la surface de la mer pour y chercher la chaleur dont l’ac- tion paraît nécessaire au développement des jeunes animaux conte- nus dans les oviductes. Les Squales offrent, dans leur mode de préhension des aliments, celte particularité qu'ils ne peuvent pas s’en emparer en continuant à nager sur le ventre. Tous les voyageurs qui les ont observés en mer les ont toujours vus se relourner au moment de l'attaque, la longue proéminence nasale n’apportant plus alors aucun obstacle au jeu des mâchoires. On ne sait pas positivement s’il en est de même pour les Raïies, mais on est en droit de le supposer en raison de la conformité de structure. Quand on ouvre l'estomac d’une Raïie, on est surpris d'y trouver quelquefois des proies enlières, d’une taille considérable, des poissons plats en particulier, qui vivent continuellement sur les fonds. C’est ainsi que dans une note à l’histoire naturelle de l'Irlande due à Thompson, le docteur Ball cité par Yarrell (Hist, british fishes, 3° édit., t. IT, p. 563) parle d’une grande Plie que l'estomac d’une Raie de 2" 28 contenait. Il est difficile de comprendre com- ment le passage d’une si grosse proie s'effectue à travers une cavité buccale relativement si petite. Sans doute, ces poissons ont été préa- lablement roulés sur eux-mêmes et transformés en une sorte de cylindre ; mais les Raies exerceraient-elles sur la victime quelque action capable de paralyser sa force de résistance ? Mon père, sans en donner une preuve posilive, pensait que, peut-être, la matière rejetée par les pores cutanés pouvait, par son contact, l’engourdir et la slupéfier (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1847, t. XXIV, p. 303). Les Torpilles déchargent-elles leur électricité contre les animaux dont elles veulent se nourrir, afin de pouvoir s’en emparer plus fa- cilement ? Il y a lieu de le supposer, maïs on n’en a pas la certitude, Peut-être, pour ces poissons nus et, par conséquent, mal protégés, l'appareil électrique fournit-il seulement un moyen de défense. Au resie, les armes défensives et offensives des autres Plagiostomes sont terribles. Ainsi, les Pristides portent un long bec en forme de scie dentelée des deux côtés; les nageoires dorsales des Spinaciens et des Hélérodontes sont munies, comme la dorsale antérieure des Chimères, d’une forte épine; la queue des Pastenagues, des Mylio- 143 bates, de certains Céphaloplères (Raies cornues) a un ou plusieurs dards longs et dentelés, et celle des Raies est plus ou moins héris- sée de forts aiguillons ‘. La queue des Squales, enfin, est redou- table à cause de sa puissance musculaire. Les Aiguillats (Acanthias) par exemple, comme M. Couch le rap- porte (Hist. fish. brit. islands, 1. T, p. 51), savent adroitement frapper avec leurs aiguillons dorsaux en exécutant des mouvements rapides du tronc. Aussi, les pêcheurs doivent-ils prendre des précaulions, même lorsqu'ils saisissent ces poissons par la lête, leur main n'étant pas à l'abri d’une attaque soudaine de l’aiguillon de la seconde dorsale. Les habitudes de combat des Pastenagues sont décrites par M. Couch. Elles sembleraient indiquer, dit-il, que l’animal sait combien son arme esl puissante. Saisi par un pêcheur ou par un poisson, el effrayé, il enroule sa queue, longue, mince, flexible et semblable à un fouet autour de l'ennemi, puis le frappe à coups redoublés avec l’aiguillon, et les dentelures latérales à pointe dirigée en avant qui en hérissent les bords, dilacèrent les parlies atteintes. À peine est-il nécessaire d'ajouter qu'il n'y a point de venin secrété à la base de cet instrument dangereux, dont la longueur est quelquefois de 0%,25 à Om,50 chez les grands individus. La cause des accidents graves auxquels ces blessures peuvent donner lieu s'explique par l’acuité de l’aiguillon, qui en permet la pénétration jusqu’au milieu des parties profondes, et par la présence des dentelures latérales pro- duisant des plaies déchirées, douloureuses, toujours moins simples que les solutions de continuité faites par des instruments tranchants, el difficiles à guérir. Il y a loin de là aux exagérations de Pline ?, d'Ælien ÿ et d'Oppien #. ? In supina parte rostri ali sunt aculei acutiores, alii in os recurvi ad capiendos vel retinendos pisces (Rondelet, R. oxyrhynca; De Piscibus, p. 347). ? « L’aiguillon qui arme la queue du Trygon, enfoncé dans la racine d'un « arbre, le fait périr; il perce les armures coinme une flèche ; à la force du fer, « il joint l’action du poison » (Hist. natur., lib. IX, 72, 1, édit. de Littré, t. I, p. 385). $ Aucun remède ne peut être opposé aux blessures que fait l’aiguillon de la Pastenague marine, qui tue dés qu'il frappe (De nat. animal., ed. et interpr. Schneider, 1784, lib I, cap. Lvi, p. 16). ï * Il n’est pas de blessure qui fasse un mal plus assuré que celle de la Trygone, pas même celles de ce fer que l’art a fabriqué pour les combats; pas même celles de ces flèches ailées que les Perses empoisonnent. 144 Les Raies se défendent et attaquent en exécutant une manœuvre singulière que Yarrell décrit (Hist. brit. fish., 3° édit., t. IL, p. 549) d’après Couch, en parlant de la Raïe à très long museau des mers du nord dite Raïe vomer ; mais elle doit être habituelle à toutes les es- pèces de ce genre, dont l’appendice caudal est fortement épineux. L'animal replie son disque de bas en haut, et si, comme chez celte Raie, le museau est long, il vient toucher à la base de la queue dont la portion terminale nécessairement dirigée en haut, à cause de la position du corps, est agitée par de violentes contractions muscu- laires et blesse tout ce qui se trouve à sa porlée. Les dents souvent si formidables, en raison des blessures qu'elles peuvent faire, ne servent cependant pas plus que les dents de beau- coup de poissons osseux à une véritable mastication, et il est permis de considérer comme exagéré ce qu'on a dit d'hommes coupés en deux ou qui ont eu des membres détachés du tronc‘. Telle est l'opi- nion des naturalisies voyageurs Quoy et Gaimard (Rem. sur q. q. poiss. de mer et sur leur distribut. géograph., p. 4). Ils ajoutent, avec raison, que les dents paraissent plus spécialement destinées à déchi- rer et à vaincre les efforts d’une victime encore vivante au moment où elle est engloutie. Les proies sont souvent avalées par portions ‘volumineuses, et même elles pénètrent tout entières presque sans alléralion dans l'estomac, si elles sont peu considérables ?. Aug. DUMÉRIL. 1 Je citerai, en particulier, le récit fait par Pline des combats entre les pêcheurs d’éponges et les Squales (lib. IX, 70, 2, t. I, p. 384, édit. Littré). 2 La pêche des Plagiostomes et celle des gros poissons osseux ont, plus d’une fois, fourni l’occasion de trouver dans leur estomac de petites espèces quil, vivant dans les abîmes les plus profonds, échapperaient, par là même, à l'étude. On doit donc recommander aux voyageurs de ne pas négliger, pendant les traversées, une pareille source d’enrichissements souvent précieux pour les collections. COUP -D’ŒIL SUR LA FAMILLE DES SYLLIDIENS Par A. DE QUATREFVAGES , Membre de l’Institut. On sait que le genre Syllis fut proposé par Savigny pour une petite annélide rapporlée par lui de la mer Rouge ! el adopté par Cuvier, Lamarck, Blainville et tous leurs successeurs. A proprement parler ce genre ne renferma d’abord que l'espèce pour laquelle il avait été créé ?. Savigny n’y plaçait qu'avec hésitation la MVéreis prolifera de O. F. Müller. Blainville ajouta une troisième venant de nos côtes qu'il nomma, mais ne décrivit pas ?. MM. Audouin et Edwards y rapportèrent comme lui deux espèces figurées par Viviani #, ainsi que cinq autres espèces décrites avec plus ou moins de détail par divers auteurs . Enfin ils placèrent dans le même genre une espèce phosphorescente trouvée par Dugès près de Mont- pellier 5 en 1834. Le genre Syllis peut donc être considéré comme 1 Système des Annélides, présenté à l’Académie en 1817, imprimé en 1820. 2 Syllis monilaris (Sav.). 3 Nereisylhs ornata (B].). » Nereis cirrhigera (Viv.) et Nereis mucronata (Viv.). 8 Nereis rosea (0. Fabr.); N. punctata (0. Müll.); N. noctiluca (Linn.); N. Rhudolphi et N. Tiedmani (Del. Chiaje). 5 Syilis fulqurans (Dug.). VI. 10 146 ayant compris en tout, à cette époque ‘, 11 espèces plus ou moins exactement décrites et figurées. Tous les auteurs que nous avons cités, le ratlachaient d’ailleurs aux Néréides et ceux qui avaient par- tagé les Annélides en familles, le plaçaient dans celle des Néréidiens. La science a bien marché pendant les trente années qui nous sé- parent de cette publication. D'abord le nombre des espèces de- vant prendre place dans le voisinage des précédentes se multiplia, et la nécessité de les distinguer amena une appréciation plus exacte des caractères différentiels et de leur valeur relative. On reconnut bientôt qu'il était impossible de conserver loutes ces espèces nouvelles dans un même genre. Puis le chiffre de ceux-ci augmentant à son tour, on fut conduit à séparer de la famille des Néréidiens les Syllis proprement dites et tous les groupes voisins, pour en former une famille à part. Cette innovation due à M. Grube ? a été adoptée à peu près par tous les naturalistes qui ont écrit depuis sur ce sujel. La famille des Syllidiens ainsi formée est une des plus remar- quables de la classe entière des Annélides. D’une part elle présente dans certains caractères une grand fixité qui en fait un groupe par- faitement naturel; d’autre part elle varie d’une manière étrange et tout à fait exceptionnelle sous d’autres rapports. Passons rapidement en revue ces deux ordres de caractères. Aucun Syllidien ne possède soit des branchies soit des organes spéciaux de respiration °. Cette fonction est chez tous diffuse et entièrement cutanée. Tout au plus est-il permis de penser, que la ! Recherches pour servir à l'histoire naturelle du littoral de la France, t. 11, Annélides, 1834. 2 Famihen der Anneliden, Berlin, 1851. — A peu près à la même époque, et ne connaissant rien des travaux de M. Grube, j'étais arrivé au même résultat. La famille des Syllidiens figurait sur un tableau dressé par moi dès 1859 en vue de l'ouvrage général que j'imprime aujourd’hui. Ce que je dis de ce groupe s’appli- que également à quelques autres familles et à un grand nombre de genres, publiés soit par Grube, soit par divers autres auteurs. Au reste, si je mentionne cette circonstance, ce n’est nullement pour revendiquer une priorité qui appartient in- contestablement à mes savants confrères, mais bien pour montrer tout ce qu'ont de certain ces conclusions auxquelles sont arrivés des hommes travaillant à l'insu l’un de l’autre et presque toujours sur des espèces différentes. $ Si l’organe segmental, rattaché à l'appareil reproducteur par M. William, est décidément reconnu pour une dépendance de l'appareil respiratoire, la proposition que je viens d’énoncer devra évidemment être modifiée dans ce sens, 147 portion antérieure de l’inteslin intervient quelquefois à tilre d’auxi- liaire de la peau. Aucun Syllidien ne possède de véritables dents, bien que la région dentaire de la trompe soit très-développée chez tous. Chez tous les Syllidiens les appendices sont simples, à peu près constamment cylindriques, ou moniliformes, ou annelés. Aucun n'a une trompe vraiment ensertile. Tous les syllidiens sont de pelite taille. Le géant de la famille, la Syllis monilaris de Savigny, n’a que 8 centimètres. Le plus grand nombre n’atteint guère que la moitié de celte longueur. Un très- grand nombre ne dépasse pas 1 centimètre de long. L'appareil digestif est construit exactement sur le même modèle, exceplé dans les Dajardinies très-exceptionnelles sous d'autres rapports. Partout ailleurs la trompe présente ses trois régions nor- males, parfaitement distinctes. — Le pharynx est d'ordinaire long, quelquefois au point de former de vérilables circonvolulions; tou- jours proportionnellement grêle et étroit. — La région dentaire est représentée par une sorte de gésier musculeux , très-renflé, le plus souvent en forme de barillet. Il est à peu près constamment inerme, mais dans trois genres il présente des denticules. — L'œso- phage souvent irès-court existe aussi constamment. — Toutes les fois que j'y ai regardé avec soin, je l'ai lrouvé accompagné de glandes salivaires. L'appareil circulatoire m’a paru présenter une dégradation pro- gressive peut-êlre en rapport avec la taille des espèces. Je crois être certain qu'il est entièrement nul dans un très-grand nombre. Je crois m'être également assuré que chez les Grubées il n'existe qu'un simple vaisseau dorsal, remplissant des fonctions analogues à celles de cet organe chez les insectes. Claparède de son côté a décril dans sa Psamalte cerrata un appareil vasculaire complel qui ne serait pas sans anaiogie avec celui des Leucodores, el j'ai depuis loug- temps trouvé quelque chose d'analogue dans les Syllidies. — Les organes de la circulation seraient donc ici assez variables. Le sang est ordinairement incolore; mais chez les Syllidies il est coloré et de plus, par une exception remarquable, il charrie des globules et ces globules sont fort différents de ceux qu'on trouve dans le liquide de la cavité générale. 148 Le système nerveux est trop difficile à étudier pour qu’on puisse en dire quelque chose de général. En somme l'organisalion intérieure possède chez les Syllidiens une fixité au moins égale à celle qu’on trouve dans les autres familles. Il n’en est pas de même de l’organiselion extérieure. Celle- ci joue dans des limites à la fois plus étendues et plus multipliées que dans aucun autre groupe de même valeur. Les pieds sont il est vrai constamment uniramés; mais à cela près ils peuvent présenter une dégradation croissante jusqu’à ne conserver que le mamelon et les soies essentiellement caractéristiques de la classe. Ils perdent successivement les deux cirrhes, et cette dispa- rition est d'autant plus remarquable que le cirrhe supérieur est au contraire extrêmement développé dans le plus grand nombre des genres et des espèces. Les deux régions qui composent la tête (la tête proprement dite et l'anneau buccal) sont ordinairement bien distinctes. Mais elles peuvent aussi se confondre plus ou moins complétement el dans quelques genres la fusion est telle qu’il est impossible de les dis- tinguer. Le nombre des appendices portés par chacune des régions est extrêmement variable. Il change de 5 à 2 pour les antennes et de 12 à 0 pour les tentacules. Il en est de même pour les yeux qui peuvent être au nombre de 6 ou manquer entièrement. La position de ces organes des sens, n’est pas non plus très-stable. En général on les trouve sur la tête pro- prement dite; mais ils peuvent aussi appartenir à l’anneau buccal. Cette variabilité d'espèces à espèces d’ailleurs très-voisines est déjà bien remarquable; mais les Syllidiens présentent des faits plus curieux encore. Seuls encore parmi les Annélides ils ont montré des différences caractéristiques distinguant dans quelques espèces le mâle de la femelle. Ce fait découvert par OErstedsur son Exogone naïdina a été retrouvé depuis dans d’autres genres. Mais le mâle ou la femelle ne diffèrent pas seulement entre eux ; ils ne ressemblent pas davantage à des individus qu'ils produisent directement par un procédé qui rentre dans les phénomènes généa- génitiques et en particulier dans les faits de généralion alternante, 149 dont Steenstrup nous a fait connaître la nature et l'importance t. Ici, je crois devoir entrer dans quelques détails. Dans sa Zoologie danoise, O. F. Müller avait décrit et figuré sous le nom de MVereis prolifera une petite Annélide qui traïînait à sa suite un jeune individu faisant corps avec elle. Longtemps on n'avait vu dans ce phénomène qu’un fait de scission spontanée analogue à ceux qu'on avait observés dans d’autres animaux. Dès 1843 je montrai qu'il y avait là tout autre chose, et que le nouvel être produit ainsi directement ne ressemblait pas au parent; que seul il portait soit des œufs, soit des zoospermes; qu'il n’était pour ainsi dire qu’une machine à dissémination, organisée, vivante et dont l’existence se ter- minait quand le but était atteint ?. Ces faits accueillis d’abord avec assez d’incrédulité furent bientôt confirmés par de nouvelles observations dues à M. Milne-Edwards, el à quelques autres observateurs. Or, à mesure que ces phénomènes ont été mieux étudiés, ils ont présenté dans quelques espèces une complexité croissante. Nulle part ils ne se montrent plus. complète- ment que dans le genre Autolytus ÿ et dans l'A. cornulus, étudié par A. Agassiz #. Ici l’auteur a trouvé entre le mâle, la femelle et le neutre, des différences très-grandes et telles qu'elles ont probablement motivé l'établissement de genres distincts pour des individus appartenant en réalité à la même espèce. Le tableau suivant dressé d’après les descriptions et les figures du naturaliste américain permet de saisir rapidement l’ensemble de ces modifications. 1 Il est à remarquer qu’on n’a encore signalé de faits de cet ordre chez les An- nélides Errantes que chez les Syllidiens. On ne les retrouve aussi chez les Anné- lides Sédentaires que dans un petit groupe de Sabeliens, dont l'Amphicore d’Eh- remberg est le type et qui ne renferme aussi que les espèces de très-petite taille. 2? Comptes-rendus, 28 août 1843. $ Le genre Autolytus a été établi par Grulée pour la Nereis prolifera, mais je crois que cette espèce doit passer dans le genre myrianide d'Édward. En conser- . vant le genre de Grulée, j'ai donc dû en modifier la caractéristique, #* Ou alfternata generation in Annelids. Mâle. Femelle. Neutre. Mâle. Femelle. Neutre. Mâle. Femelle. Neutre. Mâle. Femelle. Neutre, { ( 1 | 150 TÊTE ET ANNEAU BUCCAL. Confondus. Distincts. TÊTE PROPREMENT DITE. Portant 3 antennes lisses, la médiane plus longue et tubulée, les latérales très-grosses, bifurquées et ciliées au bord interne. — 4 yeux soudés deux à deux sur les côtés. Portant 3 antennes légèrement coniques et à peu près semblables ; la médiane est un peu plus grosse à sa base et plus longue que les latérales.— 4 yeux soudés deux à deux sur les côtés. Portant 3 antennes lisses, grêles, cylindriques; la mé- diane sensiblement plus longue que les latérales. — 4 yeux petits et disposés par paires sur les côlés en arrière des antennes, mais non soudés. ANNEAU BUCCGAL. Portant 3 tentacules de chaque côté; le supérieur très- - long et renflé fortement à sa base ; le moyen court et presque cylindrique ; l’inférieur très- court en forme de mamelon. Porlant 2 tentacules de chaque côté, tous deux linéai- res ; le supérieur au moins double de l'inférieur. Portant 2 tentacules presque cylindriques; l’inférieur court; le supérieur environ double du précédent. PREMIER ANNEAU. Pas de cirrhes tentaculaires. Un cirrhe tentaculaire plus long que les tentacules de chaque côlé, 151 PIEDS. / Premiers pieds armés d’un seul faisceau de soies com- Mâle. posées; les autres portant deux faisceaux : l’un supé- rieur formé de soies simples, très-longues, non ré- tractiles ; l’autre inférieur formé de soies composées, courtes et rétractiles. ( Tous les pieds n'ayant qu’un faisceau de soies compo- Femelle. Neutre. Ü sées, courtes et rétractiles. CIRRHE INFÉRIEUR. Mâle. Bien marqué. Femelle. Tantôt très-petit, tantôt nul Neutre. (?) On comprend que cette variabilité des caractères dépendant du sexe, jette une véritable incertitude sur certains résultats de Ja classification. Agassiz s'appuyant sur ses éludes a cru pouvoir ramener au genre Autolytus les genres Diploceræa (Grube), Sacco- nereis (Müller), Polybostrichus (OErsted). Mes propres recherches me semblent infirmer quelques-unes de ces conclusions. Aussi me suis-je déterminé à conserver ces genres, mais en les laissant dans les groupes incertæ sedis que je place à la suite de la famille. Même en mettant ainsi de côté une difficulté très-grande et en ajournant une solution que l’état de la science ne permet pas d’abor- der avec certitude, le zoologiste ne s’en trouve pas moins dans un embarras réel pour grouper d'une manière méthodique cet ensemble de genres et d'espèces. Tel est du moins le sentiment que j'ai éprouvé quand j'ai tenté pour la première fois cette répartition, il y a plus de huit ans. Toutefois je suis arrivé depuis longtemps à un cadre qui doit être assez rapproché de la vérité car tous les genres que j'ai cru devoir établir, tous ceux qui ont été proposés et qui reposaient sur des données suffisantes, y ont trouvé place très-naturellement. En jetant un coup d'œil sur le tableau ci-joint on verra sans peine sur quels principes repose cette classification. Ici comme lorsqu'il s’est agi de partager la classe en families, j'ai eu recours aux prin- cipes de A. L. de Jussieu plutôt qu'à ceux de Cuvier. La constance des caractères m'a guidé bien plus qu’une subordination présumée et 152 toujours hypothétique, quand elle repose sur des considérations phy- siologiques incomplètes comme celles que nous possédons sur les animaux inférieurs. Je crois être ainsi parvenu à débrouiller nette- ment une partie de ce petit monde des Syllidiens. Il me reste à désirer que mes confrères portent de mon travail un jugement aussi favorable. Dans l'état actuel de la science, la famille des Syllidiens me semble pouvoir être considérée comme composée de 87 espèces bien définies devant être réparties dans 31 genres bien caractérisés. (V.le tableau.) A ce bilan il faut ajouter non-seulement une vingtaine d'espèces imparfaitement décriles, mais encore un certain nombre de genres créés par divers auteurs et par moi-même, dont la place définitive ne me semble pas pouvoir être encore précisée, ou dont la réalilé peut être mise en doute par suite des phénomènes de reproduction que j'ai rappelés out à l'heure. Parmi ces groupes incertæ sedis je crois devoir laisser la famille des Amytidiens (Grube) toute entière. Cette famille comprend sept genres, savoir : les genres Polybostrichus(OErst.), Sacconereis (J.Müll.), Amytis (Sav.), Polynice (Sav.), Diplocerœæa (Grube), Photocharis (Ehr.) et Macrochæta (Grube). Les genres Crithida (Goss.), Syllie (Q.), Anisocras (Gr.), Stauro- cephalus (Gr.), Ephesia (Rathke), Sphærodorum (OErst.), Pollicita (Johnst.), Bebrice (Thomps.), Aporosyllis (Q.), Diplotis (Gœrn.): doivent aussi ce me semble êlre réservés. En effet cet ensemble de genres et d'espèces, tout en présentant quelques traits qui les relient entre eux et avec les Syllidiens, offre pourtant trop de disparate pour que nous puissions neltement appré- cier leurs vérilables rapports. Il nous manque évidemment encore un certain nombre d’intermédiaires. Il me paraît probable que la conséquence de nouvelles études sera de es faire découvrir et qu'alors une partie de ces groupes incertains passera aux Syllidiens, tandis que les autres formeront une et peut-être plusieurs familles nouvelles. Quoi qu'il en soit de ces prévisions, on voit que cette partie de mon travail porte à un haut degré le cachet du provisoire. Quelques esprits absolus me le reprocheront sans doute; mais j'ai cru qu'il valait mieux montrer franchement mes incertitudes et mes doutes que de donner avec une fausse assurance des résultats destinés à être modifiés peut-être dès demain. 153 + (D) aupaelnq : : *(D) eyte0107 * (dep) surÂsox x * *(-3suyof) 9p10] ‘ (-Mpa) Au ; (qua) aus “Crug) surfstnq * à(T@x os, Se se ee Velure ele elles DO RL Cr RO OC CESR SE TS SE CON RE GA rensssssreseseseses esse tte: * XNPBUIWOPŒE SOUAII IU XNESIOP SOUJATO IU CO OI CIDICOCICICICICICIC CON ECC ECNCICEC EC * *SAUUQJUE Z)° ‘ ** XNE] : RteUT RS DE dus soq -opqe saya noie eu ee = s'en ee s Disleis a eee +ttt°"* So]N9e}U9) 7 0] 9p Sud op sed *‘spal RRR OEM ER ES DE ie 14 ressssssstestt: sd409 97 ANS Sa]N919qn} S9P (quo) ougl8eneg ***"""""0)......... °°°: xn8) + soriqou DS DR Te Le | (D) osoudfoetg : ****** *L) [LL -01 op sed). snpuo | : .(- A) SI Ksos ss... : °°: xneu : Ca) sat ps Ê: esse ee SoHEUTUIE] -u09 [e9 -twopqe (qua) xerfydog ; (HeuTuIe19p LE bd (40) sp{soiæydg : * ‘***" "GÜ-ur sonoequey Jo souuaquel - xnequoay RE e19 -. ) EL epraugu0sf) * *"""" *$ saqoy sop| Ÿ SOuII9 59 en siede *SA[qUIUIIYP "9EJU9) F 19 SAUUAUE Ç EE “(: ) e18$09 **°‘‘""’"" S9[N9E]U9) ( Fr .Sd109 Cane) CR TE ep £ 17 SOON G (convoque € +... ou | 31 108 ‘(Cwuyos) SHASOOUL * ** XNA Q,. 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Ce bel oiseau, qui nous arrive de la côte de Guinée, est si connu ; on a tant écrit sur son compte, qu’il semble impossible de rien apprendre de nouveau à son sujet; cependant, son intelligence est si remarquable, que tous les observateurs qui s'occupent de lui, le feront certainement avec fruit. Il en est du perroquet comme du chien, on ne se rassasie pas de l'étudier, parce qu'il est constamment neuf, original, et surtout parce qu'il rend avec usure l’affeclion qu'on lui témoigne. Le plumage du perroquet cendré est d’un beau gris de perle, plus foncé sur le dos que sous le ventre; il est couvert d’une poussière blanche analogue au fard des papillons, qui se renouvelle rapidement lorsqu'on l’enlève, et lui donne un charmant reflet velouté. La tête est couverte en dessus d'une multitude de petites plumes imbriquées, découpées en écailles ; les joues sont unies et blanches, les yeux très-vifs et l'iris jaune citron, le bec noir, la langue grosse, charnue, et noire aussi. Les pieds sont gris foncé, et la queue du plus beau rouge. Depuis quelques années on apporte aussi de l’Afrique occidentale un perroquet gris, don la queue est noire; ce n’est pas une variété, mais bien une espèce différente de celle du perroquet cendré; car, la mandibule supérieure du bec est blanche, et les plumes du front sont larges et lâches, et non pas écailleuses. D'ailleurs, la taille de 155 cette espèce est plus petite, et son caractère plus farouche et moins éducable. La mue n’a lieu qu'une fois l'an, à la fin du mois de juillet, et comme elle se prolonge pendant plusieurs semaines, elle n’est pas dangereuse. A l’état sauvage, le perroquet cendré vit en grandes troupes, dans les forêts qu'il quitte soir et matin, en poussant des cris assour- dissants, pour aller à la recherche de sa nourriture, et y revient pen- dant le milieu de la journée, pour se mettre à l'abri des ardents rayons du soleil, et au crépuscule, pour y passer la nuit. C’est là qu'il dépose au mois de mars, dans des troncs d'arbres creux, sur un lit de bois vermoulu, quatre œufs blancs, ronds, gros comme ceux des pigeons, que le mâle et la femelle couvent alternativement. On sait, qu'à plusieurs reprises déjà, ces oiseaux se sont reproduits en Europe, et ils le feraient sans doute plus fréquemment si on pouvait distin- guer aisément leur sexe; mais cela est très-difficile, bien qu'un marchand d'oiseaux m'’ait affirmé que les mâles ont le dessus de la tête arrondi, tandis qu'il est plat chez les femelles. Les jeunes prennent immédiatement le plumage des adultes, dont ils ne diffèrent que par leur excessive timidité, tandis que les pre- miers sont farouches et méchants. Leur prix est en général de 40 à 50 fr., pour l'oiseau ignorant; il est double ou triple pour l'oi- seau élevé, et descend quelquefois à 15 fr. quand les arrivages sont nombreux, ainsi que cela est arrivé à Marseille il y a trois ans. On choisit les sujets les plus beaux en plumes et les plus jeunes, ce qu'on reconnaît au duvet qui garnit encore leur tête. La première et plus longue phase de l'éducation consiste à toucher souvent l’oi- seau jusqu’à ce qu'il ne se défende plus, puis à l’habituer à se laisser prendre, à venir sur le doigt, et enfin à rendre les caresses qu’on lui fait. Pour arriver là, il faut beaucoup de patience et de douceur; rien ne rebute autant l'oiseau que des coups ou des manières brusques ; on ne doit avoir recours aux coups qu’à la dernière extrémité, après avoir épuisé tous les moyens de persuasion, et ne le frapper que sur le front, à la base du bec, avec une petite baguette de l'épaisseur d'un crayon, ou avec l'index. Assez criards au début, les élèves apprennent bien vite à se taire lorsqu'on les menace du doigt chaque fois qu'ils élèvent la voix. Pour leur apprendre à parler ou à siffler, on n’a qu'à leur répéter chaque soir ce qu’on veut qu'ils retiennent ; 156 deux leçons suffisent aux plus intelligents, tandis qu'il faut autant de semaines pour ceux qui sont bêtes, paresseux ou distraits. En général, il y a plus à lutter contre la facilité à apprendre des perro- quels, que contre la difficulté de leur enseigner, car ils répèlent tout ce qu'ils entendent, depuis le grincement d'une porle qui crie, jus- qu’au miaulement des chats ou au soufflement d’une bouteille qu’on débouche, et surtout aux jurons qu’on prononce devant eux. C’est à ce dernier défant que j’ai dû le chagrin de me séparer d’un perro- quet gris que j'avais élevé, et qui, après trois ans de soins continus, était devenu un modèle de douceur et d'instruction; il me fut im- possible de l'empêcher de répéter une grossièreté qu’il avait entendue et qu'il redisait continuellement, de sa voix la plus stridente; je le punis, et à partir de ce moment, il ne cessa de répéter le mot pro- hibé chaque fois qu’on approchait de sa cage, mais à voix basse, c’est tout ce qu’on put obtenir; enfin, de guerre lasse, on le dorna, et, comme avant de l’expédier je lui jetais encore dans son sabot un dernier regard de regret, il me salua d’un : Adieu, vieux coquin, adieu! dont l’à-propos aurait certainement surpris toutes les per- sonnes qui n'auraient pas su que ces mols étaient ceux que je lui adressais chaque fois que je le quittais. Il m’a toujours été impos- sible de découvrir que ce perroquet mît le moindre rapport entre ses paroles et ses actions; les mots n'étaient évidemment pour lui que des bruits vides de sens. Cela n'empêche pas l'intelligence de ces oiseaux d’être fort déve- loppée ; ils connaissent bien vite tout leur entourage, et sont suscep- tibles d’une grande reconnaissance et d’un véritable attachement; ils réfléchissent, puisqu'ils ne cherchent à mordre que les personnes dont ils ont à se plaindre, puisqu'ils ne trempent dans l'eau que le pain rassis, qu'ils y laissent séjourner quelques instants jusqu’à ce qu’il se ramollisse, tandis qu'ils ne font qu'y plonger un morceau de sucre pour l'en retirer aussitôt. | Leur vue et leur ouïe sont excessivement développés, tandis que leur tact est oblus partout, excepté à la langue, où il est au contraire exquis. Quant au goût, quoi qu’on en ait dit, il existe certainement, puisque le perroquet essaie d’abord tous les aliments qu’il ne connaît pas, et ne les mange que lorsqu'il les trouve bons. Leur mémoire est admirable; mais elle baisse, dit-on, après leur soixantième année, et va dès lors, en s’affaiblissant sans cesse, jus- Li 157 qu’à la soixante-quinzième, où la mort soustrait en général l'oiseau à sa longue captivité. L’affection pour le maître est exclusive et jalouse, au point qu'un perroquet très-attaché à son maître est en général très-dangereux pour les élrangers. La morsure de ces oiseaux n’est pas toujours innocente, parce que leurs mandibules cornées déchirent, écrasent plus encore qu’elles ne coupent, et font ainsi des blessures doulou- reuses et souvent difficiles à guérir. Leur tempérament est gai et robuste; sans cesse en mouvement, ce qui les mainlient en bonne santé, ces oiseaux se balancent d’une jambe sur l’autre en grimpant après les barreaux de leur cage, ou bien encore battent des ailes. Ils ont donc besoin d’une cage spa- cieuse munie de deux forts bâtons de bois dur, placés en croix au- dessus l’un de l’autre et gros comme le pouce, afin qu’ils puissent y appliquer leurs griffes, ce qui les empêche de s’allonger d'une façon incommode, et quelquefois dangereuse pour eux, parce qu'ils ne réussissent pas à les dégager des angles auxquels elles s’accro- chent. Quand le soleil n’est pas trop vif, on fait bien d’y exposer l'oiseau, le plus possible; mais, au gros de l'été, on doit, au contraire, l'en préserver, parce que ce serait risquer de lui donner une attaque d’apoplexie. Bien que ces oiseaux ne redoutent pas le froid pendant le jour, ils ne le supportent pas sans inconvénient, pendant la nuit; aussi fait-on bien de jeter tous les soirs, un gros châle de laine sur la cage, aussi longtemps que dure la mauvaise saison, Durant la bonne saison, on arrose, au moins deux fois la semaine, le perroquet avec de l’eau tiède, et on l’expose au soleil jusqu’à ce que ses plumes soient bien sèches; on doit éviter alors, plus que jamais, de l’exposer aux courants d'air, qu'aucun des oiseaux de chambre ne supporte; il en meurt plus par cette cause-là, que par toutes les autres causes réunies. L'alimentation est très aisée et peu coûteuse: elle consisle essen- liellement,en chénevis, auquel on ajoute tous les malins, un gros morceau de pain, et de temps à autre, un morceau de sucre, quel- ques fruits et une laitue. L’eau doit être bien pure et renouvelée tous les jours. Un morceau de bois blanc, tel que sapin, ou peuplier, est indispensable au perroquet pour aiguiser son bec; sans cetle pré- 158 caution il se ronge les plumes. Ces oiseaux mangent de tout, mais non pas impunément ; ainsi les amandes amères et le persil les tuent ; la viande leur fait tomber les plumes; les sucreries les cons- tipent, et le maïs leur donne la diarrhée, en sorte que l’on fera bien de s’en tenir à l'alimentation précédemment indiquée et qui est celle à laquelle une longue expérience a conduit. Quani à l'attrait du perroquet gris, comme oiseau de chambre, il git dans sa beauté, dans sa propreté, son excessive docilité , sa*dou- ceur et surtout dans la facilité avec laquelle il imite la voix hu- maine, dans toute sa sûreté. Sans doute son plumage est bien moins brillant que celui des amazones; mais, landis que celles-ci sont acariâtres et traîtres, le perroquet gris est pour son maître un ami fidèle et sûr, aussi ne puis-je hésiter à le mettre à la tête des oiseaux d'agrément, et à le recommander à tous, comme la perle des per- roquets, en désirant que, plus heureux que moi, quelqu'un de nos confrères réussisse à le faire reproduire en captivité, et par consé- quent, à tracer une histoire complète du développement et des mœurs de cei intéressant volatile. Il est impossible d'imaginer un oiseau plus caressant que le per- roquet gris attaché à son maître; il accourt ou vole vers lui, dès qu'il l’aperçoit, le couvre de baisers, lui lisse les cheveux, se glisse dans les plis de ses vêtements, et donne les signes du plus vif cha- grin chaque fois qu’on l'en éloigne. Le principal défaut de cet oiseau, qui lui est commun, d’ailleurs, avec tous les autres perroquets, est cetle manie de manger toul ce qui se irouve à sa portée, et qui oblige à le tenir constam- ment en cage. Cet instinct de destruction auquel obéissent fatale- ment tous ces oiseaux en fera élernellement des objets de luxe, et les empêchera de prendre dans les familles la place que leur remar- quable intelligence leur assigne à côlé du chien, ce premier et in- dispensable associé de l’homme, que tous les pays nous montrent sans cesse à ses côlés, autant, el peut-être plus encore pour l’aimér, que pour le nourrir et le défendre. [3 SACC, délégué de la Société d’Acclimatation à Barcelone. Barcelone, 1er janvier 1865. NOTE SUR LE MÉDECIN JEAN . RELIGIEUX DE L'ABBAYE DE SAINT-NICOLAS D’ANGERS. Au moyen âge, l’art était renfermé dans le cloître. C'était là seu- lement qu'on rencontrait ces architectes, ces imagiers, ces sculpteurs des bas siècles comme on les appela plus tard, qui décorèrent les églises de ces naïves figures, de ces admirables rinceaux qu'on voit encore aux voussures et aux chapiteaux de nos anciennes cathé- drales. Il en était de même pour la science. C'était aux moines qu'on s’a- dressait pour plaider et discuter les affaires, interpréter les textes des lois. Nos plus grands évêques ne craignirent point de déroger en s’enfermant dans les abbayes, afin d'étudier avec d'humbles prêtres le droit civil et canonique qu'ils enseignèrent dans les écoles. Aux moines et surtout aux Bénédictins, appartenait presque exclu- sivement l’art de guérir. L'amour du droit et de la médecine était tellement ancré dans les maisons claustrales, qu’on craignit un ins- tant que ces sciences ne détournassent un peu les religieux de leur étude principale la théologie, et que surtout la règle du monastère en souffrit. Aussi en 1131 le concile de Reims, auquel assista le pape Inno- cent II, défendit-il de la façon la plus absolue aux religieux de se faire soit avocat, soit médecin. Avant cette prohibition, l’abbaye de Saint-Nicolas d'Angers comptait parmi ses frères un médecin célèbre, connu sous le nom de JEAN. « Jean, nous apprend Pierre Rangeard dans son Hisloire manus- 160 crite de l’Université d'Angers, était médecin du comte d'Anjou Foulques V depuis roy de Jérusalem, ce prince pour reconnaître les bons services qu’il avoit reçus de ce savant homme, céda à son mo- nastère un bras de la Loire silué près l’île de Behuard à trois lieues d'Angers. Ce ne fut pas le seul bien que procura à l'abbaye de Saint- Nicolas la science du religieux Jean dans la médecine. Odo ou Eudes, doyen de Saint-Marlin de Tours, étant tombé si dangereusement malade qu’on désespéroit de sa vie, Jean fut appelé d'Angers à Tours et guérit le doyen contre l’allente générale de tout le monde. Odo, en reconnaissance, céda à l’abbaye de Saint-Nicolas l’église et le bourg de Saint-Simplicius de Tours, en présence de toute la famille à laguelle il fit ralifier ce don de l’archevêque de Tours, de Gislebert son neveu et de plusieurs autres. « Il est remarquable que le concile de Rheims, ajoute Pierre Ran- geard, auquel assistèrent treize archevêques et deux cent soixante- trois évêques, du nombre desquels éloit Ulger, évêque d'Angers, ne défend expressément qu'aux religieux profès d’être avocals ou mé- decins comme le permeltant tacitement aux clercs séculiers et en effet l'ignorance des laïques rendoit ce mal nécessaire puisque ces professions ne peuvent êlre exercées que par des gens de lettres. » AIMÉ DE SOLAND, UNE EXCURSION À SAINT-MALO ET AUX ENVIRONS. Il arrive un moment où le naturaliste sent le besoin de quitter sa province pour faire de lointaines pérégrinations. On se lasse vite d'étudier toujours les mêmes lieux, pour ne rencontrer que des ob- jets connus déjà depuis longtemps. Je sais qu’il arrive quelquefois d’heureuses fortunes aux botanistes. La découverte de la Tulipa cels- nia DC (13 avril 1843) par le docteur Guépin au rocher de Barré, en est un exemple, mais ces exemples sont éloignés, car M. Guépin, qui parcourait deux fois chaque année le fertile coteau de Beaulieu, au mois d'avril pour récoller une crucifère, le Teesdalia lepidium DC, et au mois de juillet, époque de la floraison du Trifolium bocconii Savi, ne remarqua la tulipe de Celse en cet endroit qu'après quarante an- nées d'herborisations !. 1 Ce furent les élèves de Merlet de la Boulaye qui, les premiers, étudiérent sé- rieusement la végétation de la province d’Anjou. Après la mort de leur professeur, deux d’entre eux, MM. Davy de la Roche et Pantin du Plessis se réunirent, pen- dant l’hiver de 1808, à la terre de la Pinsonnerie, commune de Faye, aidés du concours de M. Cauvin, qui donna la liste de quelques eryptogames, et de M. Mes- nard, auquel sont dues les notes minéralogiques; ils composèrent un opuscule de 226 pages, qu’ils intitulèrent : Herborisations dans le département de Maine-et-Loire, et aux environs de Thouars, département des Deux-Sèvres; par feu M. MERLET DE VII. 41 162 Profitant celte année de l'ouverture de la voie ferrée de Rennes à Saint-Malo, je résolus, dans les premiers jours d'août, d’aller établir mon quartier général dans l’ancienne cilé d'Anne de Bretagne et d'étudier la végétation des environs. Saint-Malo, la ville au riche duc, la ville aux murailles crénelées, aux maisons en torchis, aux courtines munies de barbacanes, à la Quic-en-Grogne toujours menaçante !, esi une véritable enceinte du moyen âge. Cette ville n’a guère sacrifié au progrès du jour, ou du moins à ce qu'on appelle le progrès. On y rencontre peu de maisons blanches, beaucoup de demeures à pignons aigus, à fenêtres à petits plombs ; ses boutiques gardent encore le large auvent. Une des maïi- sons les plus curieuses de Saint-Malo est celle où naquit Duguay- Trouin ; les rues étroites et pavées en petits cailloux ont compléte- ment conservé leur aspect primitif. Si la ville de Saint-Malo offre à l’antiquaire des jouissances à nulles autres pareilles, il ne faut pas trop en louer l’édilité malouine dont les efforis tendent à obtenir la démolition d’une partie des fortifica- tions afin de donner plus d’étendue à la ville. Déjà le sillon a disparu pour faire place à une large cale, el, dans quelques années, l'origine du nom donné à celle petite langue de lerre qui reliait Saint-Malo au continent sera complétement oubliée. Saint-Malo regarde toujours d’un œil d'envie Saint-Servan, la ville voisine, qu'elle cherche à attirer vers elle. Saint-Servan a un aspect tout différent : c’est une cité aux délicieuses villas qui s'éten- dent jusqu'aux bords de la Rance; le vent de mer, si funeste à la LA BOULAYE, ancien professeur de botanique à Angers, membre de plusieurs so- ciétés savantes ; PUBLIÉES PAR PLUSIEURS DE SES ÉLÈVES, et augmentées de no- tices sur le site, la nature du terrain, les monuments et les antiquités. Ce travail, que les botanistes consultent encore avec fruit, fut remis à la mai- son des frères Mame en 1809. Les frais d'impression s’élevérent à 4,500 franes. Ce livre ne fut pas vendu, les auteurs le distribuérent gratuitement. ! La duchesse Anne fit construire en 1492, à l'entrée de la ville, une forteresse formidable qui se joignait aux remparts dont elle coupait la ligne; elle y logea la garnison. Comme les Maïouins murmuraient en voyant les tours s’élever au-des- sus du sol, elle fit graver ces mots sur celle qui regarde la ville : Quic en grogne Ainsi sera C'est mon plaisir. 163 végélation, ne semble pas faire de ravages aux cultures. Saini-Ser- van esl le jardin de Saint-Malo. Les Malouins, privés d'espace, resserrés dans leurs murs, ne peu- vent avoir de ces squares comme on en voit devant les habitations de l’ouest de la France. Mais, en revanche, il n’est pas d'hôtel, ni même d'échoppe, si misérable qu'elle soit, qui n’ait ses fenêtres, son éventaire ornés de fleurs. Le riche, à chaque saison, renouvelle son jardin aérien; le pauvre, au printemps, sème dans un pot effondré par sa ménagère, le réséda et la giroflée qu’il sait conserver pendant l'hiver dans l’intérieur de ces doubles fenêtres, qui sont pour lui une serre tempérée. Lorsque l'on pénètre dans la campagne Saint-Servanaise, on est tout étonné de rencontrer dans des fermes de vastes serres remplies de plantes d'ornement, tels que fuchsias, rhododendrons, azalées, et surtout beaucoup de végétaux forcés, rosiers, dalhias, etc. Ces plantes, artistement groupées aux pieds d’une statue de sainte Anne, patronne de la Bretagne, forment le plus gracieux effet. Ce sont ces serres qui alimentent chaque jour, pendant la belle saison, la ville de Saint-Malo. La flore malouine est peu riche en plantes marines. La partie la plus intéressante à étudier est entre Cancale et Saint-Malo. Les Statice, qu’on récolte sur les côles de Bretagne, y sont généra- lement rares, à l'exception toutefois des Statice armeria L. et occiden- talis Lloyd, qui sont assez communs. Je n’ai trouvé que sur le petit Bé, le Statice dodartii de Girard. Dans une promenade que je fis autour des remparts de la ville de Saint-Malo, je recueillis deux plantes que nous rencontrons en Anjou sur nos vieux monuments, et qui végètent sur les bases des colos- sales murailles du Mont-Saint-Michel, nous voulons parler du Cen- tranthus ruber DC., vulgairement lilas de terre, et de l’œillet des jar- diniers (Dianthus caryophyllus L.). Ces jolies plantes commencent seulement à senaturaliser à Saint-Malo, où je n’en ai remarqué que quelques pieds. Elles sont loin d’être abondantes comme au château de Sainte-Gemmes (Centranthus ruber) ou à Villevêque (Dianthus caryophyllus). J’eus la bonne fortune de me trouver à Saint-Malo avec M. Charles Trouillard, avec lequel je fis une charmante excursion sur les Mielles de Paramé. Guidé par cet excellent collègue, je pus récolter le Dau- 164 cus gummifer Lam. et le Seseli coloratum Ebrh. M. Trouillard me fit observer vers la pointe de la Varde l’Euphrasia tetraquetra d'Aron- deau, plante nouvelle pour la science. Poussant mes recherches plus avant sur la côle, après avoir traversé les jolis bourgs de Saint- Ideuc, où le tailleur du lieu a fait représenter sur une pompeuseen- seigne deux fiers lévriers lacérant à belles dents un habit bleu bar- beau au-dessous duquel on lit cette orgueilleuse légende : Ils peuvent le déchirer! Mais le découdre............…. NON ! je tombai à la baie de Rotteneuf. Dans cette baie toujours vaseuse à la marée basse, je vis au pied d’une délicieuse maison dont l’exlé- rieur est entièrement revêtu de pierre de lave, une abondante loca- lité du Sonchus maritimus L. et de l’Inula crithmoïdes L. Dans les in- terstices des rochers vient vigoureusement le Lycium barbarum L. et le Sinense Lam., arbrisseau dont se servent les douaniers pour ta- pisser leurs guériles. Sur le versant du côteau situé vis-à-vis Paramé est une flaque d’eau douce dans laquelle croît le Cyperus longus L. et le Lemna minor L. Sur le plateau, je récoltai le Silene anglica Auct., le Sinapis incana L., l’Ajuga chamæpitys Schreb. Je trouvai au même endroit, mais presque entièrement desséché, le Trifolium strictum Waldst., le Buplevrum aristatum Bart., et le Cynosurus echinatus L. J'avais vainement demandé aux rochers de Saint-Malo deux Sta- lice que je regarde comme rares : l’un est le Statice lychnidifolia de Girard, l’autre, le Statice ovalifolia Poir. J'avais inutilement exploré les frais vallons de la vicomté sur les bords de la Rance, sans rencon- trer une de ces fleurs. Mais, en revanche, j'y trouvai l'ULEX GALLII Planch., arbrisseau si bien décrit par notre savant et regretté ami l’abbé Delalande. Comme il serait fort possible que l’Ulex gallit vint en Maine-et-Loire, nous emprunterons, pour faire connaître ce beau végélal, la description suivante à la Flore des serres et jardins d'Eu- rope, publiée à Gand, sous la direction de M. Van Houtte, à laquelle nous ajouterons les observations de M. l'abbé Delalande. C’est à M. Le Gall, auteur d’une Flore du Morbihan, que revient le mérile d’avoir, le premier, dislingué et décrit la plante nouvelle en question ; à M. le chef de bataillon Toussaint appartient l’hoaneur d’avoir parfaitement confirmé ces vues par des diagnoses compara- tives des Ulex nanus, europæeus, et de la nouvelle espèce bretonne. 165 Pour notre part, dit M. Planchon, ex-conservaleur de l'herbier de W. Hooker, nous aurons eu à relever l'erreur presque inévitable où ces deux auteurs ont été conduits à proposer pour la nouvelle espèce le nom d'Uleæ galliüi en l'honneur de M. Le Gall, à en constater l'existence dans la partie S.-0. de l'Angleterre aussi bien que dans notre Bretagne française. ULEX EUROPÆUS. Arbrisseau de 2 à 6 pieds de hauteur, à rameaux re- dressés, à épines (feuilles adultes et ramules fortes, inégales, divariquées). Bractéoles calycinales ovales, grandes, beaucoup plus larges que le diamètre du pédicelle. Fleur grande, d’un jaune citron. Calice couvert d’un duvet lâche et jaune-roussâtre. Ailes de la corolle dé- passant de beaucoup la ca- rène qu’elles embrassent en les courbant chacune en arc- boutant et croisant leurs sommets. Fleuraison dès les pre- miers mois de l’année, active partouten avril et mai. Fruits mûrs en juin, l’an- née même de la floraison, et s’ouvrant alors avec élasti- cité (obs. de Miller, de Filas- sier et de M. J. Gay) et avec un crépitement particulier (obs. de M. J. Gay). ULEX GALLII. Arbrisseau de 1 1/2 à 3 pieds, à rameaux et épines presque comme l’Ulex euro- pæus, mais moins robustes. Bractéoles calycinales ovales-oblongues, petites, un peu plus larges que le dia- mètre du pédicelle. Fleurmoyenne, d’un jaune orangé (obs. de M. Tous- saint). Calice couvert d’un léger duvet jaune-roussâtre seule- ment vers l'extrémité. Ailes de la corolle en réalité un peu plus longues que la carène, mais se lais- sant dépasser par elle, dans la fleur fraîche, à cause de leur légère courbure en arc- boutant. Fleuraison de septembre en décembre (obs. de M. Le Gall). Fruits... k L’abbé Delalande complète cette note en disant que, le 30 mai 1849, il ne restait plus que quelques fruits sur les tiges; les autres étaient déjà tombés, etla plus grande partie de ceux que j'ai re- cueillis alors se sont ouverts avec élasticité, les légumes avaient la villosité et les di- mensions de ceux de l'Ulex europæus ; leurs graines étaient semblables. ULEX NANUS. Sous-arbrisseau de 1 à 4 1/2 pied ; à tiges nombreu- ses, couchées ou redressées, à épines courtes, très-ser- rées, moins robustes que chez les espèces précédentes. Bracteoles calycinales oblongues, très-petites, à peine aussi larges que le dia- mètre du pédicelle. Fleur -petite, d'un jaune vif. Calice à surface lisse et luisante, sur laquelle la loupe fait voir de petits poils elair- semés et couchés. Ailes manifestement plus courtes que la carène, sur les côtés de laquelle elles s'appliquent presque à plat. Fleuraison de juillet en octobre. Fruits mùrs pendant l’été qui suit la floraison et se retrouvant encore clos sur la plante un an après leur ma- turité (obs. de M. J. Gay). Les Staticeovalifolia et lychnidifolia sont indiqués dans l'excellente Flore de l’ouest de la France, c'est à dire qu'ils y croissent, C'était 166 donc à moi de les chercher avec attention; aussi je résolus de faire une excursion sur la côte de Dinard. | J'avais, il y a une quinzaine d'années environ, visité Dinard. C'était à celle époque un lieu fort désert, on était obligé de louer une barque de pêcheur pour faire la traversée ; aucune maison sur la côte, et pour trouver trace d'habitation, il fallait aller gagner le petit bourg de Saint-Enogat. Aujourd’hui, tout est changé, un bateau à vapeur sillonne la mer d’une rade à l’autre toutes les dix minutes, emportant avec lui des centaines de voyageurs. De gracieuses villas sont élevées sur la fa- laise, et, il faut bien le dire, hélas! un Casino s’y est élabli. Au moyen âge, les populations venaient se grouper autour de l’église ; de là l’origine des bourgs, c'était le clocher qui altirait vers lui les habilants; aujourd’hui, l’effel contraire s’est produit, Le bourg de Saini-Enogal a toujours conservé sa population presque toute com- posée de pauvres pêcheurs, aucun d’eux n’a voulu quitter son ri- vage; mais il n’en a pas été de même de l’église paroissiale qui est venue implanter sa vulgaire façade de granit au milieu de la nou- velle colonie, laissant derrière elle la désolation et la ruine. A Dinard croît la mauve en arbre (Lavatera arborea 1..); la lava- tère a élé récoltée par moi en 1846 au pied du Mont-Saint-Michel. Et à l’île à Rebours, située au milieu de la Manche en face Saint- Malo, j'ai encore lrouvé la lavatère à Pierre-Percée vis-à-vis le Pou- liguen. Le jour où j'herborisai à Dinard, la chaleur était très-intense. Malgré cela, je voulus aller explorer les mielles de Saint-Lunaire dont j'avais conservé le meilleur souvenir. Jamais un naturaliste ne prend le chemin le plus court : suivre la route et se rendre directe- ment à Saint-Lunaire eût été une course assez facile. Mais j'avais entrepris de m’y rendre en longeant la falaise, pensant peut-être y trouver les Stalice que je cherchais. Et puis, tout intéresse à marée basse. Que d’êtres s'offrent à vos regards: poissons, coquilles, algues, puis le travail de la perforaiion des mollusques, l'agglomération des unios, etc.; au bout de 4 kilomètres, j'avais fini par découvrir le Statice lychnidifolia. J'étais à moitié de mes recherches, mais je n'étais pas encore parvenu à Saint-Lunaire, lieu fixé comme but de mon herborisation. La chaleur redoublait, il était deux heures de l’après-midi, j'avais avec moi un jeune compagnon dont les jambes 167 n'étaient pas aussi solides que le courage. Craignant pour lui la fa- tigue, je voulus quitter le chemin torlueux pour prendre la ligne droite, mais je n'avais autour de moi personne pour me guider et ne savais trop comment diriger mes pas, lorsque j'aperçus dans une anfractuosité de rocher un ecclésiastique très-occupé à capturer avec un aveneau de pelils poissons pour amorcer ses nombreuses lignes qui jonchaient le sol. Ce prêtre au teint brûlé, aux joues caves, au profil émacié, élait le recteur d'une paroisse voisine. C'élait dans toule l’acceplion des vers d’un ancien curé de Pruniers, vs. UN Maigre pasteur D'un plus maigre troupeau. Après un salut amical, il me dit : « Cela vous surprend sans doute, monsieur, de voir en moi un pé- cheur ? Que voulez-vous? Il faut bien ur peu se distraire, el gagner son diner. » Puis, sur le renseignement que je lui demandais, il ajouta : « Pour arriver à Saint-Lunaire, vous allez gravir ce sentier, me dit-il en me montrant un escarpement presque impralicable ; il est aride et abrupt comme le chemin du ciel; c’est celui que je prends toujours pour arriver à la mer. Puis vous tomberez dans une grève, el après l'avoir traversée, vous arriverez au port : vous avez encore une grande lieue. » Cet itinéraire était peu agréable. Cependant, nous nous remîmes en route, foulant à nos pieds au milieu d'un sable brûlant le Calama- giostis arenaria Roth., le Glaucium luteum Scop., l’Adenarium peploi- des Roth., eic. Enfin, nous arrivâmes et fûmes bien dédommagés de nos peines. Saint-Lunaire est un ravissant pelil hameau dominé par un élégant clocher. Chaque maison semble êlre nichée dans un orme séculaire, et une fertile végétalion règne autour de cetle jolie contrée. Franchissant la mielle, nous tombâmes dans une grève immense, où nous vimes deux femmes occupées à recueillir ces coquilles bi- valves, ces turbots, ces bulimes, ces porcelaines, etc., avec lesquels on fabrique ces petits personnages bretons qu’on vend aux baigneurs de Saint-Malo. A notre approche, ces pauvres femmes eurent peur, elles crurent à la concurrence et nous regardèrent avec un air d’ef- froi. La boîte de fer-blanc était pour elles un épouvantail. Mais 168 voyant que nos recherches prenaient uneautre direction que la leur, elles nous offrirent gaiement le fruit de leur récolte. Près du port où les pêcheurs de Saint-Lunaire mettent à l'abri leurs barques, je trouvai une excellente localité de plantes marines, telles que le Salicornia herbacea L., la variété procumbens, le Salicornia fruticosa L., la variété radicans Smith et Anglor., le Salsola kali L.., Soda L., le Suæda fructicosa Forsk., maritima Moq., l’Atriplex portalucoïdes L., etc., et, enfin, le Séatice ovalifolia tant cher- ché! J'avais donc fait une course complète; aussi revins-je tout joyeux à Saint-Malo avec mon riche bagage. L'excursion avait été longue et faligante, mais je ne m’en plaignis pas, car je songeais aux tribulations beaucoup plus grandes qu'avait éprouvées noire ami Victor Pavie en cherchant à la barre de Mont la chlore imperfoliée ! AIMÉ DE SOLAND. FAR ÉTUDES SUR LE GENRE RHIZOMORPHA A l'Exposition nationale d'Angers (section d'histoire naturelle). M. Fagès-Mathieu, ingénieur des mines de M. le comte de Las Cases, avait placé au-dessous d’une grande coupe géologique du bassin houiller, un cryptogame récollé à 300 mètres de profondeur sur les vieux bois de chêne qui étayent les galeries. Ces bois, comme on sait, sont toujours imbibés par l'eau des puits. L'ingénieur particulier des mines de Layon-elt-Loire constalail que la croissance de la plante exposée était en moyenne de 0,02 à 0®,03 par vingt-quatre heures. L’exhibition de ce végétal dont le port singulier attirait l'attention des nombreux visiteurs, nous insvira la pensée de faire quelques recherches sur le cryptogame appartenant au genre Rhizomorpha. Les Rhizomorpha (atx, racine, mopon, forme) sont-ils des champi- gnons ou des algues ? ou bien des lichens ? Telle est la question que nous nous sommes posée, question qui nous a paru fort difficile à résoudre, car les maîtres de la science sont loin d’être d'accord sur ce point. Persoon et Roth en font des champignons, Eschweiler les décrit comme algues, Acharius croit que ce sont des lichens ; enfin, de Candolle les classe dans la famille des hypoxylées, et c'est à l'avis de ce dernier botanisle que nous nous rangerons ; la famille des 170 hypoxylées est intermédiaire entre celle des champignons et des lichens. Les Rhizomorpha ressemblent à des racines de plantes : ils sont cartilagineux ou membraneux, ou roides, lisses ou velus, d’une na- ture colonneuse à l'intérieur ; ils sont rameux, droits ou libres, ou en partie libres, ou enfin rampants et appliqués à la surface des corps sur lesquels ils végètent. Leur fructification consiste en des conceptacles ou pseudo-péri- théciums globuleux ou tuberculeux, solitaires ou agglomérés, formés par la substance corticale de la plante, et s'ouvrant par une ou deux ouvertures; dans leur intérieur, est un noyau, compacte d'abord, et qui finit par s'échapper à travers les ouvertures sous la forme d’une poussière séminulifère, entremêlée de filaments (Dict. des sciences naturelles). Les Rhizomorpha se divisent donc en deux sections ; 1° Espèces rampantes et appliquées ; 2° Espèces libres. ESPÈCES RAMPANTES ET APPLIQUÉES. RHIZOMORPHA SUBCORTICALIS. À la première de ces sections appartient le Rhizomorpha subcor- tical (Rhizomorpha subcorticalis, Persoon) : cette espèce, extrême- ment curieuse, croît sur les chênes : on la trouve surtout à Pont- menard, à Chandelais, dans la parlie de la forêt des Marchais près l'étang neuf. Sa couleur est noire, et ses rameaux forment un réseau très-serré, sur lesquels on voit des conceplacles noirs. Ce Rhizomorpha a cela de particulier qu’il croît entre l'écorce et le bois, il grimpe très-haut et quelquefois embrasse l'arbre tout entier. C’est cette plante qui a servi de type pour former le genre Rhizo- morpha,. Did 171 Il RHIZOMORPHA PARALLELA (Rob in Herb.). Un autre Rhizomorpha de la même section est le Rhizomorpha parallela, plante très-commune qui se développe sur ies tiges el sur les feuilles sèches de l’Jris pseudo acorus L. Celte production se trouve quelquefois même à l'intérieur des tiges. M. Roberge l’a aussi rencontrée sous l’épiderme, et particuliè- rement à l’intérieur de celles du po/ygonum persicaria L., sur de vieilles hampes du plantago lanceolata L.Ses expansions sont simples, droites, longitudinales, disposées parallélement, fragiles et déprimées; leur longueur, qui est variable, s'étend quelquefois à plus d’un déci- mètre, tandis que leur largeur est d’un douzième à un dixième de millimètre au plus; leur couleur passe successivement par toutes les nuances intermédiaires, depuis le rouge le plus tendre jusqu’au marron le plus foncé. Saint-Clément, Chavagnes-les-Eaux, Thouarcé, Mûrs, Mozé, Pru- niers, etc. ESPÈCES LIBRES. RHIZOMORPHA SETIFORMIS Roth. Si cette plante est commune dans nos contrées, elle n’en est pas moins intéressante à étudier. Il est impossible de mieux ressembler aux crins noirs d’un cheval, et le nom qui lui a été donné par Acha- rius et Roth vaut mieux que toutes les descriptions scientifiques possibles. Les localités sont nombreuses, les bois, les feuilles mortes, les anfractuosités des roches, elc. Il est arrivé quelquefois que des naturalistes ont pris les racines du Salix alba L. pour le RHIZOMORPHA CRIN DE CHEVAL. Cette méprise 172 n’a rien de très-étonnant, car il est difficile d’avoir plus de simili- tude. C’est la fructification seule qui peut empêcher toute erreur. Cette plante offre des variétés considérées par quelques auteurs comme des espèces. Une des plus remarquables est celle qu'on ren- contre dans les arbres creux de la prairie d'Érigné ; elle se distingue des autres par des conceptacles noirs, globuleux, terminés par une ouverture un peu prolongée. Les vallées de la Loire sont les localités où j'ai vu le plus souvent le Rhizomorpha à crin de cheval. Il RHIZOMORPHA SUBTERRANEA Pers. Le Rhizomorpha des souterrains que j'ai reçu sous le nom d'Usnea radiciformis Scop., se trouve assez fréquemment dans les conduits en bois; il arrive quelquefois qu'il les obstrue au point de ne pas laisser passer l’eau. Une localité de celte plante a été découverte pendant l’exposition (jeudi 9 juin 1864) par deux de nos collègues, MM. Farge etGuéranger, du Mans. Ils ont constaté l'habitat du RHIZOMORPHA SUBTERRANEA dans les carrières de la Rairie près Durtal, et ont pu le suivre plu- sieurs fois sur un espace de 20 à 30 mètres et plus. Ils ont consigné ce fait, c’est que le Rhizomorpha se développe abondamment, là où il n’est pas soumis à l’action de la lumière; mais dès qu'elle se fait sentir, la pousse s'arrête et le cryptogame entre en fructification. III RHIZOMORPHA DICHOTOMA Ach. L'espèce sur laquelle je veux appeler l'attention, est le RxIzOMOR- PHA DICHOTOMA Acharius, dont les magnifiques échantillons fai- saient partie de l’exposilion de MM. de Las Cases et Fagès. Ce Rhizomorpha a d’abord été trouvé en Angleterre dans des Lagrenée Lith. Cosmer & Lachèse. N°5. Rhzomorpha tillete, Desmaz — N2]eRhizomorpha dichotoma, Ach — N° Rhizomorpha Imperalis, Sow = N°5 Riizomorpha tilletei Desmaz 173 mines de plomb. Ses rameaux sont cylindriques et ouverts, d’un brun glauque, sur lesquels on aperçoil çà et là quelques tubercules fruclifères. Sa croissance atteint quelquefois 15 mètres. Heinzmann prétend que le Rhizomorpha des mines a la propriété de répandre une lumière phosphorique assez grande pour permettre de lire de l'écriture sur papier blanc. L'observation d'Heinzmann a élé contestée, mais je dois dire que ses contradicteurs n’ont rien pu prouver, puisqu'ils avouent eux- mêmes n'avoir pas fait l'expérience. On a observé dans quelques cas certaineslueurs phosphorescentes, dit de Candolle dans sa Physiologie végétale, qui sont développées par les plantes. Ces cas sont rares, et relatifs à des végélaux ou des or- ganes qui n’ont entre eux aucune analogie. La plupart sont difficiles à soumettre à des expériences régulières ; quelques-uns sont relalifs à des végélaux morts ou mourants et d’autres à des plantes vivantes. Je ne puis donc faire autre chose que d'examiner les faits pour atti- rer l'attention des observateurs, mais sans prélendre le moins du monde les expliquer et à peine les classer : le bois pourri à un cer- tain degré particulier de décomposition est, comme on sait, plus ou moins phosphorescent. Cette propriété n’a jusqu'ici été étudiée que d’une manière.imparfaite. Quelques champignons qui viventsous terre ou dans le bois pourri offrent la même propriété : ainsi nous apprenons par MM. Nees, d’Esenbeck, que les Rhizophorma subterranea et aïdula exhalent une lueur phosphorescente très vive, assez, disent-ils, pour avoir pu lire à sa clarté. Celte lueur est surtout sensible aux exlrémités de la plante. Lorsqu'on la coupe après qu’elle a cessé d'en émettre, sa branche offre de nouveau le phénomène. Celte lueur n’est point dé- truite par l'immersion de la plante dans le gaz azote ; mais elle l’est, selon les mêmes observateurs, par le gaz hydrogène, le gaz oxyde d'azote et le chlore. J'ai écrit à l’infatigable voyageur M. Charlesde Lagrenée, alors à Mu- nich,quis’occupespécialement de plantes souterraines; il m’a affirmé que le Rhizomorpha des mines produit une lumière assez vive. Le 18 novembre dernier, j'eus une conférence avec M. Fagès, qui m'a assuré que lorsque les mineurs s’éloignaient avec leurs lampes, la partie de la mine laissée dans l'obscurité se trouvait tout à coup éclairée par une petite lumière provenant destiges du Rhizomorpha. 174 Enfin, j'ai voulu par moi-même conslater le fait. J'ai, le 19 de no- vembre, placé dans un seau rempli d'eau quelques-uns des échan- tillons que M. Fagès avait bien voulu m'offrir au mois de juin der- nier, je les ai laissé tremper pendant vingt-quatre heures ; la plante est revenue à la vie, absolument comme nos algues. Ces laches noires que donne la dessication avaient disparu, et la plante avait revêtu une couleur brun glauque. J'ai placéles échantillons à la voûle d’une cave irès obscure, et, au bout d’une heure, j'ai remarqué à l'extrémité des tiges une pelite lueur blanche très faible, la plante ayant perdu sans doule ses pro- priétés phosphorescentes. Mais ce que j'ai vu a suffi pour me con- vaincre de la vérilé des observations du botaniste allemand. De Candolle, dans sa Flore française, mentionne que l’Agaricus olearius répand à la fin de la vie une lueur phosphorescente. Cet agaricest d’une couleur de feu très vive et analogue à celle de la ca- pucine. Or, la phosphorescence semble être liée à cetle couleur. Ainsi, la fille de Linné a observé que les fleurs de la capucine, du tagète, du souci, du Lilium bulbiferum, etc., et en général des co- rolles oranges exhaïent, à la fin d’un jour chaud de l'été, des phos- phorescencesqui sont intermiltentes et semblables à de petits éclairs. Je sais que ce fait a été inutilement cherché par plusieurs, et que dès lors on l’a révoqué en doute. Mais les observations négatives ne prouvent que fort à la longue contre les assertions directes, et c’est par ce motif que je crois devoir encore recommander la vérificalion de cette observation. Le Rhizomorpha des mines de Layon-et-Loire croît avec une . extrême rapidité. Il se multiplie par les tiges qui prennent racines | au bois. Il est abondant, surlout dans les puits délaissés, car, dans ceux en exploitation, il est plus rare. Cela vient de ce que le Rhizo- morpha étant constamment imbibé, l’eau coule le long de ses tiges et mouille les travailleurs; aussi le détruisent-ils le plus qu'ils peuvent. Le fascicule de Rhizomorpha que je possède contient des échan- tillons tellement variés, que j'ai pensé de suite qu'il pourrait peut- être renfermer plusieurs aulres espèces ou variétés. C'est, du reste, l'avis de M. de Lagrenée, et, d'aprés ce savant, les mi- nes de Layon-et-Loire contiendraient trois espèces de Rhizomorpha : 1° Rhizomorpha dichotoma Acharius. 175 . 2 Rhizomorpha imperialis Sowerby. 3° Rhizomorpha tilletei Desmazières. IV RHIZOMORPHA MEDULLARIS Smith, Smith a décrit sous le nom de Rhizomorpha medullaris ! une plante très-rameuse d'un blanc de neige, d’une substance cellu- leuse. Sa tige principale est deux fois grosse comme une plume d'oie; elle est garnie d'un grand nombre de branches divisées en une multitude de ramifications dont les dernières sont courtes, tronquées et rayonnantes. La plante, desséchée ou morte, prend la couleur jaunâtre. Elle a élé découverte dans le réservoir destiné à conserver l’eau pour le bain de l’hospice de Derby en Angleterre. Elle excila l'attention par le trouble qu’elle occasionnait dans le bassin : le jeu de la pompe l’y avait introduite el détachée ainsi dans l'intérieur des tuyaux de plomb qui amènent l’eau. Sa longueur varie entre 1 mètre 324 millimètres et 6 mètres. Smith prétend qu'elle est arra- chée des parois des conduits par la force du courant de l’eau lorsque l'on pompe, et qu'elle peut végéter dans ces conduits, attendu que ceux-ci ne sont pas loujours remplis. Ce même botaniste fait remar- quer qu'on ne doit pas la confondre, par exemple, avec les racines du peuplier ou du saule : d’abord, elle n’en offre pas la structure à cercles conceniriques, ni l'écorce, qui s’en sépare aisément; au contraire, c’est un tissu semblable à de la moelle, composé de tubes longitudinaux qui, à la coupe perpendiculaire, s'offrent en série rayonnante avec des globules ou sporules interposés. v RHIZOMORPHA IMPERIALIS Sow. Plante coriace , filibriforme, extrêmement étendue, atteignant 32 mètres el plus de longueur ?. Fibrilles infiniment longues, libres, * 1 Dictionnaire des sciences naturelles. 2 Annales des sciences naturelles. 176 cylindriques, brunes ou fauves. Substance intérieure semblable, jusqu’à un certain point, à la moelle ou à du coton, et revêtue d’une écorce d’un brun obscur, qui se déchire aisément en travers à angles droits, et se fend longitudinalement. Les échantillons observés par Sowerby avaient 9 et 12 mètres de long ; ils avaient été pris à Weymouth dans des conduits de bois d’orme. VI RHIZOMORPHA TILLETEI Desm. Plante dédiée à Tillette, de Clermont. En 1854, M. Tillette récolta dans les tuyaux en bois des fontaines artésiennes d’Abbeville ce Rhizomorpha. « Il s’allonge considérable- ment, dit M. Desmazières dans sa note sur la découverte de M. Til- lette, et s’y développe avec une elle abondance, qu'il obstrue ces tuyaux presque entièrement. Jeune et frais, il est fragile et de cou- leur blanchâtre. Par plusieurs caractères, il se rapproche des Rhizo- morpha obstruens Persoon et Humboldtii Wall. (Rhizomorpha pin- nala et criniformis Pers.), sans pourtant que l’on puisse la rapporter à l’une ou à l’autre de ces espèces : il s'éloigne principalement du Rhizomorpha obstruens, parce que les filaments ne sont pas simples, mais pourvus de rameaux plus ou moins nombreux, plus ou moins allongés, et du Rhizomorpha Humboldti, par la couleur brune et roussâire à l’extérieur, blanche intérieurement. Cette plante est es- sentiellement polymorphe : dans plusieurs échantillons, nous remarquons que le filament principal porte des fibrilles, ou rameaux courts, distiques et horizontaux, comme dans le Rhizomorpha Hum- boldtii ; mais dans d’autres, ces rameaux, moins nombreux, s’allon- gent sans prendre cette disposition. » Le genre Rhizomorpha, établi par Roth en 1797, est extrêmement difficile à étudier. Dès 1827, les cryptogamistes portaient, d’après Acharius, le nombre des espèces à trente-deux. Nous croyons que plusieurs d’entre elles doivent êlre classées comme variétés, et c'est l'avis de Nees, Eschweiler, Fries et Link. 177 Pour terminer celte nomenclature, nous signalerons un crypto- _game qui végèle sur le Rhizomorpha des mines, c’est le Tubercularis vulgaris Tode, charmant champignon d'un rouge écarlale, et qu’on rencontre ordinairement sur les branches pourries des peupliers et des tilleuls. Notre exposition d'histoire naturelle, si complète dans presque ioutes les parties de la science, l’élait peu, a-t-on dit, en ce qui con- cerne la botanique. Il est vrai qu’à l'exception de deux cônes du Pinus macrocarpa Lindi.et du Sabiniana Dougl., puis du Cucurbita laganeria Duch., et du Rhizomorpha dichotoma Ach., aucun autre spé- cimen n'’élait offert à la curiosité publique. Les herbiers sont des livres qu'on consulte, mais qu’on n'expose pas. Généralement, les plantes sèches n'ont d’altrait que pour un naturaliste. Certes, il ne nous eût pas été difficile de couvrir les murs de notre section, de ces cadres renfermant des algues mal nommées, comme il s’en trouve dans les établissements de bains de mer, colifichets indignes d'une exhibition sérieuse. Quant à nous, nous sommes heureux des observalions cryplogamiques que cette exposition nous a permis de faire. La cryptogamie est d’une énorme difficulté ; la vie d'un homme, quelque longue et bien employée qu’elle soit, est insuffisante pour connaîlre, même dans la province, la moilié des cryptogames; la carrière de notre savant professeur et maître, le docteur Guépin, est le meilleur exemple que nous puis- sions donner à l'appui de notre asserlion. Aussi,est-ce une bonne fortune lorsque des circonstances, comme celles qui se sont produites pendant le cours de cette année, permet- tent d’enregisirer dans noire flore trois espèces de plus. AIMÉ DE SOLAND. Angers, 25 novembre 1864, VII. ? 42 COMPTE RENDU DES EXCURSIONS DE LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE BOTANIQUE. Nous nous sommes spécialement occupé celte année d'étudier les plantes d’eau. Les nénuphars ont surtout élé l’objet de nos observa- tions. Nous avons trouvé à l’étang neuf, forêt des Marchais, deux cu- rieuses variétés du Vymphæa alba L. L'une aux pétales d’an blanc virginal, longues de 6 centimètres, très-arrondies au sommet. L'autre, au contraire, se distingue par ses pétales allongées lon- gues de 6 centimètres 5 millimètres et d'une couleur jaunâtre. Nous n’avons pu herboriser que sur les bords de l'étang. Nous ne doutons pas que parmi les nombreux nénuphars qui croissent en ce lieu, il n'y ait encore plusieurs variétés à signaler à l'attention des botanistes. À Millé, au ruisseau de Saint-Aubin, commune de Saint-Remi-la- Varenne, nous avons conslalé l'habitat du Nymphæa alba, variété minor de Baubhin. Probablement, l’année ee ds si Dieu nous prête vie, nous 179 aurons à enregistrer une plante de plus pour notre flore, nous voulons parler du Carex axillaris. Un des maîtres de la science, M. Duval-Jouve, inspecteur de l’Académie de Strasbourg, nous écrivait le 17 mars 1865 : « Tenez pour certain que le Carex axillaris doit ou peut croître partout où le Carex remota vient en abondance. » M. Trouillard, après quatre années de recherches, a découvert à Courléon (Maine-et-Loire), le Phyteuma orbiculare L., plante nouvelle pour notre flore. Déjà, M. Trouillard avait récollé ceile campanula- cée sur les limites de la Touraine. C’est par erreur que nous avions indiqué, dans notre VI: volume, comme croissant à Champigny-le-Sec le Teesdalia lepidium; c'est l’Hutchinsia petræa Brown. qui vient dans cette localité. ORNITHOLOGIE. M. Deloche, conservateur du Cabinet d'histoire naturelle, a fait l’acquisition, sur le marché d'Angers, d’un très beau PLONGEON LUMME, tué aux environs de la ville. Le PLONGEON LUMME (Colymbus arcticus Linn.) se rencontre sur nos côles maritimes, mais très-rarement dans nos contrées. Il a le sommet de la tête d'un gris cendré, le dos et le croupion noirs, les scapulaires et les couverlures des ailes parsemés de taches blanches, la gorge noire, le devant et les côlés du cou blancs avec des taches noires, toutes les parties inférieures d’un blanc pur. M: G. Toupiolle nous informe que la collection de M. Auguste Cheneau s’est augmentée d’un oiseau de passage très-rare, le GRÈBE SOUS-GRIS (Podiceps rubricollis Lath.). Ce grèbe se distingue des autres espèces par les joues et la gorge d’un gris souris, sans fraise, et le bec noir marqué de jaune à la racine. Il a été capturé dans le Thouet par des pêcheurs de Saumur. GÉOLOGIE. M. Auguste Courtiller, dans ce volume, comme du reste dans tous ceux publiés par la Société linnéenne, a montré combien ses recherches élaient heureuses. 180 Le magnifique dessin du Vullipora fusiforme, lilhographié par notre savant collègue, sera examiné, je n’en doute pas, avec le plus grand intérêt par tous les géologues. Nous avons, avec regret, conslalé depuis deux ans la rareté de l’'Ogygie de Gueltard (Oyyyia Guettardi) et de celle de l'Ogygie de Desmarest (Ogygia Desmarestii) que nos perreyeurs d’à haut trou- vaient assez fréquemment en fendant les blocs de schistes pour fa- briquer l’ardoise. AIMÉ DE SOLAND. DE LA CULTURE DE LA MOULE La Moule (Mytilus edulis) est très abondante et les rochers des côtes de l'Océan en sont littéralement couverts ; mais cette Moule, ce naissain batlu par les flots, ne peut se développer et conserve tou- jours un goût âcre et salé qui en fait plutôt un purgalif qu’un ali- ment. La Moule, qui naît et grossit dans les ports, en s’attachant aux murs des quais, n’aurail pas l'inconvénient de la Moule de roche, si elle n'élait en contact journalier avec le cuivre qui recouvre la plupart des navires et qui la rend sûrement plus mal- saine. Cependant, cet aliment est d'autant plus précieux qu'il est abon- dant, et que le pauvre surtout peut se le procurer sans frais ou à peu de frais. Vous savez probablement que la Moule s'attache aux rochers à l’aide de pelits poils bruns qu'on appelle byssus, placés très près de la charnière et qu'elle produit, en se développant, suivant ses besoins; peu à peu, par ce byssus, elle s’allache à ses voisines, et parfois des milliers de moules se trouvent ainsi réunies en une même grappe. C’est alors le moment le plus favorable à l'élevage et celui que le pêcheur doit choisir pourles enlever, en ayanl le soin de ne pas les séparer brusquement et surtout de les retirer par grappes !. Ona ! On ne retire, le plus souvent, que des grappes de 30 à 35 moules au plus; mais il suffit que les moules ne soient pas séparées les unes des autres pour qu’elles prennent un rapide développement dans les réservoirs ou dans les dépôts. Les moules que l'on place dans les bouchots (comme cela se pratique à l’Ai- guillon-sur-Mer (Vendée) sont trop jeunes pour que le byssus les attache les unes aux autres, et elles se détachent une à une des pieux collecteurs, 182 l'habitude de les placer dans des dépôts, à l'embouchure des cours d’eau qui se rendent à la mer, et là, elles acquièrent bientôt un dé- veloppement assez considérable, dans une seule année. Les fonds de graviers sont plus recherchés, et ils doivent l'être en effet, car les fonds vaseux, sans cesse remués par les courants, couvriraient bientôt les moules et les éloufferaient. Les grappes y sont jelées à distance les unes des autres pour ne pas gêner le déve- loppement, et on les abandonne ensuite sans plus de soins. C’est un défaut qu'il est nécessaire d'éviter, et les Moules, comme les Huîtres, doivent être cultivées avec soin, être débarrassées des algues qui les entourent et leur communiquent souvent un goût désa- gréable qu'il est facile d'éviter. Ordinairement, on opère dans les lieux où l’eau de mer est mélan- gée d’eau douce ; on a raison. L’eau douce chasse les petits crabes, ennemis jurés de la Moule, et lui enlève ce goût âcre et celte teinte rouge qui la rendent mauvaise. Un mélange, par moilié, d'eau douce et d’eau de mer, ne nuit point aux sujets qui grossissent prompte- ment et prennent une chair ferme el teintée d’un blanc jaunâtre; la moule est alors savoureuse, si, comme je l’ai dit plus haut, les algues ne lui ont point communiqué un goût désagréable. Des réservoirs creusés de main d'homme conviendraient mieux, j'en suis persuadé, et des essais m'ont prouvé la supériorité de ce nouveau système. En effet, là, il sera possible d’engraisser la Moule en ne Ja privant pas de la vase qu’elle affectionne, car les courants ne pourront point enlever cette vase et en couvrir le coquillage. On a, depuis longtemps, reconnu l'avantage de la claire à Huître et l'avantage de la claire à Moule est incontestable. En ne laissant, dans les bassins, que 40 ou 50 centimètres d’eau, il est facile de surveil- ler les sujets, de les nettoyer et de leur enlever les algues marines qui pourraient leur nuire. Le mélange d’eau douce peut avoir lieu en y maintenant l’eau de pluie et, on aura, suivant les besoins, l’eau de mer par des coëfs ou tous autres conduits, comme cela se pra- tique pour les claires à Huîtres de l'arrondissement de Marennes. Dans ces réservoirs, la Moule ne produira point, mais elle sera un aliment agréable dont vous pouvez rendre le goût recherché, en mé- langeant à la vase ou glaise du fond de votre claire, une poudre de péroxyde de fer ou de sulfure de fer. Les terrains de l'arrondissement de Marennes (Charente-Infé- 183 rieure) renferment ces substances en assez grande quantité, et les Huîtres vertes qui proviennent de ce pays sont regardées comme les premières du monde. Tous autres coquillages élevés de la même manière obtiennent la même supériorilé. Est-il donc impossible d’aider artificiellement à la nalure? Non ; je me plais à le faire con- naître. Il ne s’agit donc plus aujourd’hui que de continuer, puisque le principe de l’amélioration est connu et que chacun, comme je l’ai fail et le fais encore, peut éprouver la vérité de mes assertions. E. S. DELIDON. Étude sur L'AMMONITES DISCUS, Sowerby, De la description du NAUTILUS JULIT, Baugier, PAR M. ÉD. GUÉRANGER. Les paléontologistes les plus éminents n'ont pu éviter de commetire quelques erreurs de détermination quand ils ont élé privés de la communication des types qui ont servi aux auleurs à créer les espèces. De la reclificalion successive de ces erreurs inévitables naît cette synonymie quelquefois si compliquée et tou- jours incommode. Les causes principales de l'inconvénient dont je parle sont : un grand rapprochement dans les formes de plu- sieurs espèces; quelquefois leur gisement dans les mêmes couches géologiques ; l’état presque toujours incomplet des échantillons et, il faut bien le dire, quelquefois aussi l’imperfection des figures qui les représentent et qui ont servi à leur publication. Parmi les mé- prises de ce genre non encore signalées et que chaque jour le naturaliste occupé de recherches paléontologiques a l’occasion de remarquer, il en est une sur laquelle je désire attirer l’attention de la Société Linnéenne de Maine-et-Loire. Il y a déjà plusieurs années que j'ai recueilli une Ammonite discoide dont le bord des cloisons parfaitement à découvert présen- tait un dessin peu ordinaire et d’une grande netteté. J'en conclus que la délermination en serait facile. En effet je trouvai que mon LT LITH. COSNIER 8 LACHÈSE. discus, Sowerby. Ammonites PI. I. LITH. COSNIER & LACHÈSE. 1-9. Ammomtes discus, Sowerby. 3-4. Ammonites fallix, El Guéranser (Am discur, auct.) : Fa 185 échantillon s’accordait convenablement à la description et à la figure données par Sowerby à l’Ammonites discus, espèce créée par l’auteur anglais en 1812. Mais en confrontant ensemble le Minéral Conchology et la Paléontologie française je ne lardai pas à m'’assurer que d’Orbigny avait adoplé pour Ammonites discus une espèce autre que celle de Sowerby. Quoiqu'il y ait une grande ressemblance dans la forme extérieure des deux Ammonites, elles diffèrent néanmoins l’une de l’autre par des caractères que j’essaierai de faire ressortir. L'étude comparative que j'en ai faite a été singulièrement favorisée par la rencontre dans la même carrière des deux espèces liligieuses, ce qui m'a permis de vérifier la constance des caractères qui les différencient. AMMONITES DISCUS, SOWERBY. PLANCHE 1. — PLANCHE IL. FIGURES 1, 2. Ammonites discus, Sowerby, 1812. Minéral conchology of Great Britain, T. 1. p. 37, t. 12. Non Ammonites discus, d'Orbigny, 1842. Paléontologie française, terrains jurassiques, t. 1, p. 394, pl. 131. Coquille discoide, à bord coupant sans carène, à ouverture sagit- tée; dans les exemplaires bien conservés l’ombilic est entièrement recouvert par la coquille qui s'épaissit en cet endroit, ce qui con- firme l'opinion de Sowerby : « The umbilicus is probably covered ». Un des échantillons que je possède est orné sur une partie de sa surface, de stries fines rapprochées en faisceaux, arquées en avant, partant de la région ombilicale en suivant de faibles ondulations, mais non courbées brusquement en leur milieu ainsi que l'indique la planche 131 de la Paléontologie française pour l'espèce figurée par erreur comme Ammonites discus, Sow. Il est probable que dans l’état parfait de conservation, l’oruement que je viens d'indiquer re- couvrait entièrement {a coquille. Moule. Les exemplaires dépouillés de test offrent un ombilic étroit dans lequel on n’aperçoil pas les tours de spire ; il paraît qu'il élait entièrement comblé par l’épaississement de la coquille. Les flancs sont marqués de quelques dépressions larges et peu profondes vaguement accusées, espacées régulièrement et rayonnant du 186 centre à la circonférence. C'était sans doute le point de séparation des faisceaux de stries dont j'ai parlé plus haut. Les Cloisons très ondulées — «irregulary undulated » plus faciles à dessiner qu'à décrire sont figurées dans leur ensemble d’après un calque pris sur nature, pl. 1, et par une cloison isolée, pl. IL, fig. 2. Elles sont surtout remarquables près l’ombilic où elles dessinent de nombreux festons élégamment découpés, paraissant se recouvrir à la manière des écailles de poisson. On voit par la planche XII du Minéral Conchology, dont j'ai reproduit le calque pl. IF, fig. 1, que l’'exemplaire unique mis à la disposition du savant naturaliste anglais ne montrait pas ce dernier caractère, l'ombilic étant mas- qué par le test ou par la roche. Mais les quelques cloisons apparentes quoique vaguement dessinées sont suffisamment indi- quées pour ne pas être confondues avec les ramifications lancéolées el compliquées qui distinguent l'espèce figurée sous le nom d’Am- moniles discus, Sow. dans la Paléontologie française, pl. 131. Afin que le lecteur puisse comparer, j'ai également donné un calque de ce dessin pl. IL, fig. 4. Il pourra se convaincre que les cloisons de l'espèce de Sowerby se rapprochent bien davantage de celle de nos échantillons par leurs bords plus obtus et moins ramifiés. Histoire. L'Ammoniles discus, Sow. que l’auteur considérait en Angleterre comme une rareté — « it 1s a rarely » à l’époque où il décrivait celte espèce, peut être regardée de même en France. Du moins je ne me souviens pas de l'avoir remarquée dans les collec- tions que j'ai visitées, et, dans mes explorations particulières, je ne l'ai encore rencontrée qu'à Saint-Benoît-sur-Sarthe où elle n’est pas commune. Un des exemplaires de cette localité doit se trouver dans la collection de M. le professeur d’Archiac auquel j'ai eu l'honneur de l’adresser il y a plusieurs années. Gisement. L'Ammoniles discus, Sow. se trouve au milieu d'un dépôt intéressant qui, dans la Sarthe, recouvre très souvent le calcaire compacte de la Grande Oolite et supporte quelquefois les argiles bleues qui dans le même pays représentent alors les assises les plus inférieures de l'étage Callovien. Ce dépôt meuble dont l'épaisseur varie entre 25 centimètres et un mètre, est rempli de fossiles appartenant presque tous à l'étage Barthonien. Je citerai comme exemples les nombreuses radioles de Rhabdocidaris, l'Hyboclypus gibberulus, le Collyrites ringens, l'Holectypus Sarthacen- 187 sis, la Terebratula Saæmani, les Rhynchonella spinosa et costata. Ces fossiles ne sont point roulés, mais il arrive très souvent qu'ils portent sur un point quelconque de leur surface des stries fines et parallèles, provenant d’un frottement qui aurait eu lieu dans un sens détermi- né. On trouve encore dans le même dépôt des fossiles communs aux deux étages Bathonien et Callovien ; par exemple les Ammonites macrocephalus, Amm. sub-Backeriæ, Ammonites lunula, Amm. mi- crostoma, elc., elc. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE I. Ammonites discus, Sow. de grandeur naturelle. Calqué sur une échantillon de grande taille dans l'intention de faire voir la forme des lobes dans leur ensemble. Provenant de Saint-Benoît ; conservé dans ma collection. PLANCHE II. Fig. 1. Ammoniles discus, Sow. Simple esquisse calquée sur la planche XII du Minéral conchology, destinée à faire voir : 1° les rapports qui existent entre la forme des lobes de l’exemplaire anglais et de ceux des échantillons de Saint-Benoît; 2° l'absence d’ombilic. Fig. 2. Une cloison isolée calquée sur un échantillon provenant de Saint-Benoît. AMMONITES FALLAX, Ed. G. 1865. PLANCHE IL, fig. 3 — 4. Ammonites discus, d'Orb. 1842. Paléontologie française, terrains jurassiques, t. 1, p. 394, pl. 131. — Non Amm. discus, Sow. Mineral Conchology, t. 1, p. 37, tab. XII. Je propose de donner le nom d’Ammonites fallax, à cette espèce confondue par d'Orbigny et par un grand nombre de paléontolo- gistes, avec l’'Ammonites discus, Sow. Mais comme la description et les figures de la Paléontologie française ne laissent rien à désirer en ge qui concerne l'espèce dont il est isi queslion, j'y renvoie lelecteur, me bornant à faire ressortir les différences qui caractérisent les deux ammounites. 188 Ombilic. Dans l'Ammonites fallax l’ombilic est toujours ouvert et laisse apercevoir environ deux tours et demi de spire. (Voyez notre planche IL, fig. 3, calquée sur la planche 131 de la Paléontologie française.) L’ombilic de l’Ammonites discus Sow. est entièrement recouvert _ quand la coquille existe et peu ouvert sur les moules; dans tous les cas il ne laisse pas voir les tours intérieurs de spire. Ornements de la coquille. L'Ammonites fallax ne montre que des stries rayonnantes isolées, courbées en avant et comme brisées däns leur milieu. L’Ammonites discus présente aussi des rayons courbes, mais ils sont réunis par des faisceaux et non brisés dans leur milieu. Les moules de l’Ammonites discus montrent à l’obser- vateur attentif des rayons larges déprimés disposés régulièrement de la région ombilicale vers la circonférence, caractères qu’on ne remarque pas sur l’Ammonites fallax. Cloisons. Les selles et les lobes présentent dans l’une et l’autre espèce des allures et des formes si différentes qu'il suffit de jeter les yeux sur les dessins que nous avons mis en regard dans la planche Il, fig. 2 et 4 pour qu'il ne soit plus possible de les confondre. Gisement. L’Ammonites fallaxz et V'Ammonites discus se trouvent l’une et l’autre au même niveau géologique. Leur ressemblance est d’ailleurs si frappanie que rien n’est plus facile que de les confondre si l'on n'observe pas avec soin les caractères que je viens d'indiquer. Localités. L'Ammonites fallax est beaucoup plus commune que l’Ammonites discus; on la voit sous ce dernier nom dans un grand nombre de collections. Je l’ai recueillie dans le département de la Sarthe, à Saint-Pierre-des-Bois, à Domfront, à Conlie, à Avoise, à Parcé, à Noyen, à Saint-Benoît, EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE II. Fig. 3. Ammoniles fallax. — Amm. discus, d'Orb. — calquée sur la planche 131 de la Paléontologie française. Fig. 4. Une cloison calquée sur la même planche. NOTA. L'Ammoniles subdiscus, d'Orb. parfaitement décrite et fi- gurée dans la Paléontologie française, se trouve aussi à Saint-Benoît- Nauulus Jui, Baugier. PAPUIR LITH.COSNIERS LACHÈSE, 189 sur-Sarthe, mais elle y est rare. Elle diffère particulièrement de la précédente par le bord extérieur qui est oblus au lieu d'être coupant. NAUTILUS SULIX, BAUGIER. PLANCHE III. F1Ge. 1-4. Nautilus Julii, Baugier, ms. Prodrome de paléontologie strati- graphique, 12° étage, n° 13, [e' vol., p. 328. Pendant le cours des périodes jurassique et crélacée les espèces du genre Nautile, beaucoup plus nombreuses qu'aux époques géolo- giques poslérieures et qu’à l'époque acluelle, élaient aussi en géné- ral plus grandes et leur coquille élait plus élégamment décorée. Cette remarque, que chacun a pu faire, s'accorde peu avec le système de transformation des espèces qui auraient commencé par une ébauche pour arriver successivement à un plus grand degré de perfection. Le Nautilus Julii qui vivait vers la seconde moitié des temps jurassiques doit être rangé parmi les plus belles espèces du genre. Sa laille qui n’esl encore connue que par des échantillons incomplets élait probablement au-dessous de la moyenne. Nous allons essayer de faire connaître ce charmant fossile par la description et la figure des restes que nous possédons. Dimensions absolues, inconnues. — Dimensions relatives : diamètre de l’exemplaire figuré 0",052, largeur du dernier tour 0",022, épais- seur du dos (024, épaisseur près de l’ombilic 0,033. Coquille. Fortement ombiliquée, ombilic profond et évasé; dos creusé en goullière, angles arrondis; flanc présentant un sinus aux approches du dos, se gonflant ensuite pour gagner l’ombilic ; cloi- sons régulièrement arquées à leur sortie de l’ombilic, dirigées en avant, échancrées à leur sommet par le sillon dorsal ; siphon placé au quart inférieur de la cloison assez près du retour de la spire; ornements composés de côtes nombreuses partant de l’ombilic, cour- bées en arrière et coupant ainsi les cloisons sous des angles divers pour se réunir sur le dos au fond du sillon. Ces côtes sont plus fortement accusées sur les moules qui de plus sont marquées d’une petite ligne saillante au fond du sillon dorsal. Histoire, Cette charmante espèce n’a pas reçu toute la publicité 190 qu'elle mérite : nommée par M. Baugier dans une note manuscrite, brièvement décrite par d'Orbigny dans le Prodrome de Paléontolo- gie stratigraphique, elle n’a encore été figurée par aucun:dessin. M. d’Orbigny l'indique à Niort (Deux-Sèvres) et à Chauffour (Sar- the). Le Nautilus Julii est connu dans la Sarthe depuis fort longtemps, on le trouvait à Chauffour dans une carrière très riche, malheureu- sement comblée depuis longtemps. Il était déposé sans nom dans la collection de M. Gallienne, curé de Sainte-Cerotte et dans la mienne. Localités. J'ai recueilli ce fossile à Chauffour, ainsi que je le disais tout-à-l’heure, dans l'étage Callovien, associé aux fossiles suivants : Ammoniles Jason, Ammonites anceps, Holectypus striatus, d'Orb., Dysaster ellipticus, Agass, etc., ily était rare. Depuis je l’ai rencontré à Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire), carrière de Chalet, dans la couche à oolite ferrugineuse dépendant du même étage Callovien, avec l’Ammonites crista-galli, Amm. anceps, Amm. refractus et un grand nombre des curieux gastéropodes si bien décrits par MM. Hé- bert et Eug. Deslongchamps. Très-rare, un seul exemplaire. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE III. Fig. 1. Echantillon de Montreuil-Bellay, de ma collection, vu sur le dos, grandeur naturelle. Fig. 2. Le même vu de face, montrani la place du siphon. Fig. 3. Le même vu de profil, montrant l’évasement et la pro- fondeur de l’ombilic. Fig. 4. Echantillon de Chauffour ; grandeur naturelle de ma col- lection. LA SECTION D'HISTOIRE NATURELLE A L'EXPOSITION DE 41864. Les fêtes brillantes qui ont rempli les mois de mai, juin el juillet 1864 ne sont plus aujourd'hui qu’un souvenir, mais l’exposition à l'occasion de laquelle elles avaient lieu, a permis d'étudier rassem- blées des richesses dont l'inventaire doit rester, soit comme date des découvertes, soit comme indication des choses acquises ou du fonds scienlifique à exploiter. La Commission générale admettant une section d'histoire na- turelle, avait montré l'importance qu'elle attachait à celle partie de l'exposition, en nommant une nombreuse Commission d’organisa- tion. Les membres de celte réunion constilués plus tard en jury, ont dû se livrer à un examen atlentif et scrupuleux des objets expo- sés, et le résultat de ce travail a été consigné dans un rapport spécial qui a servi de base à la distribution des récompenses. Huit membres de notre Sociélé ont concouru à l’organisation de l'exposition d'histoire naturelle et six, parmi lesquels se trouvaient le président et le rapporteur, ont pris une part active aux travaux du jury. Nous croyons donc que la Société Linnéenne peut sans in- justice réclamer une large part dans le succès et les résultats de cette partie de l’exposilion, et que c’est dans vos annales qu’on en doit trouver le compte-rendu le plus complet. Nous commencerons toutefois par remplir un devoir de toute justice en vous donnant les noms de tous les membres de la com- 192 mission et en constatant avec bonheur l’aclive collaboration et l’en- tente cordiale de tous, à quelques Sociélés qu'ils appartinsent. Nos réunions, leur durée, je pourrais dire leur charme, prouvent mieux que tous les raisonnemenls, que la fusion n’est point impos- sible sur un terrain vraiment scientifique et indépendant. COMMISSION D'ORGANISATION : MM. Adville (Société académique). R. de Baracé (Société linnéenne). D' Bigol (Société industricile). A. Poreau (Société académique). G. Bordillon (Société industrielle). E. de Contades (Société linnéenne). Courtiller jeune, de Saumur. - Dr Dumont (Société académique). — Secrétaire. D: Farge (Société linnéenne). — Rapporteur. E. Guéranger, du Mans. V. Pavie (Société linnéenne). A. de Soland (Société linnéenne). — Président. L'abbé Vincelot (Société linnéenne). M. le professeur Boreau s'étant abstenu dès le premier jour et les correspondants étrangers à la ville n’élant venus que pour les opé- rations du jury, l’organisation a reposé entièrement sur les autres membres ; hâlons-nous de dire qu’ils ont trouvé dans les conci- liantes dispositions de M. le secrétaire général Blavier et l'appui bienveillant de M. le Maire, les plus heureuses facilités. Pénétrons maintenant, Messieurs, dans les galeries, et sans suivre scrupuleusement le rapport qui fera pourtant la base de ces remar- ques, lâchons de signaler les choses les plus intéressantes pour l’hisloire naturelle. Rappelons d’abord que les objets exposés avaient élé classés en cinq groupes principaux correspondant aux sous-sections suivantes : Ethnographie ; Orographie ; Géologie et Paléontologie ; Zoologie et Zootechnie ; Phytotechnie. 193 Toutes ces divisions ne figurent pas dans le rapport du jury et plusieurs d’entre elles n’y occupent qu'une place très restreinte el qui ne pourrait donner aucune idée de l'importance des objels on des collections exposés ; en voici les raisons : les titres d'un heu- reux possesseur ne consliluent pas seuls un mérile qui doive êlre primé ; une collection même doit, pour prétendre à celte dislinclion, accuser nettement un travail intellectuel et un but scientifique; mais ce but, ce travail, elle peut les montrer, les faire naîlre dans l'esprit de quelque visiteur, de là son inlérêl dans un compte-rendu. Puis, parmi les exposants qui eussent pu prétendre aux récompenses, quatre au moins faisaient parlie du jury et on! tenu à honneur de se mellre immédiatement hors concours, de là encore des lacunes à combler. Je vous dois enfin une dernière explication sur les catégories adoplées, elles ne figurent point sous ces noms ni avec cel ordre dans le livret, c'est que comme vous le savez, le livret esl une œuvre improvisée et pour ainsi dire une simple mesure d'ordre adminis- tralif; il est colligé , non rédigé, et obéit au règlement exprès de l’exposilion, qui ordonne d'insérer textuellement la nolice succincle que chaque exposant présente comme explicalion nécessaire de son exposilion. Laissant donc à chacun les mérites et les responsabilités du livret, nous vous signalerons d’abord l’Ethnographie. ETHNOGRAPHIE. Cette section ne représentait, à proprement parler, les mœurs des nations anciennes ou sauvages que par un seul ordre d'objets: les armes et les instruments de guerre on de chasse. En revanche les types élaient nombreux ; des haches et des casse-lêle celtiques élaient répandus dans les collections de MM. du Landreau et Polry; mais on a dû remarquer surlout la brillante panoplie rangée par M. Raoul Duval, et dont sa riche collection, avec les armes plus pré- cieuses encore de M. le comte Ch. de Bourmont, formaient le fond le plus curieux. De chaque côté des armes perfeclionnées, de toutes les dales et de tous les pays de l’Europe, on voyait de nombreux engins de guerre, de pêche ou de chasse appartenant aux tribus sauvages, et qui, par leur malière ou leur deslination, se rapportaient plus di- reclement à l’hisloire nalurelle. A la selle mexicaine élaient joints les boules de fer armant les lanières de cuir et le lazzo de longues Vi. 13 194 courroies tressées, ensemble complet qui, mieux que loules les descriptions, iniliait à la chasse du buffle et du cheval sauvage dans les plaines de l'Amérique. Puis le double poignard des nègres de la côle d'Afrique, formé de deux cornes d’anti.ope opposées base à base sur la même poignée, et dont les pointes effilées sont armées d'une lancelte de fer. Ou bien encore l'étrange krich ramifié des Polynésiens, en bois dur, barbelé des deux côlés avec les dents aiguës des squales. Celte approprialion des armes des animaux aux moyens d'altaque ou de défense de l’homme, est propre aux peu- plades primilives; elle rappelle les casse-têle antédiluviens formés avec une branche de la mâchoire inférieure du grand ours des ca- vernes, ou même la célèbre mâchoire d'âne de Samson. OROGRAPHIE. Les cartes en relief présentent des avantages incontestables pour l’élude de l’orographie, alors même que des proportions conven- tionnelles n’en font que des reproductions schémaliques. Transpor- {er ces reliefs sur des cartes plates qui se prêlent au prix plus réduit au pliage, à la reliure, est une entreprise où les plus habiles gra- veurs ont souvent échoué, et que M. Sanis, professeur au collége Louis-le-Grand, a heureusement réalisée .par l'application de la photographie à la reproduction de ses modèles en haut relief. Un spécimen de la Corse, pays accidenté par de nombreux soulève- ments , allirait surtout l'attention. Le jury a honoré celte utile applicalion d’une médaille de vermeil. La carle de la presqu'ile de Nicaragua, exposée par M. Auguste Myionnet, est, suivant l'expression d’un de nos collègues du jury, le procès-verbal pittoresque d’un grand acle de la vie de ce courageux explorateur. Concevoir l’union des deux Océans par le lac de Nica- ragua qui abrége de moilié le travail de caualisation, aller seul, et sans ressources, éludier ce projel sur place, el rapporter à l'appui une carle, des plans, des coupes colées, est une œuvre dont nous ne saurions apprécier la valeur et les résullals praliques, mais qui pour le courage et exemple, mérile d'être signalée. (Le jury l'a récompensée par une médaille d'argent.) 195 GÉOLOGIE ET PALÉONTOLOGIE. M. Cailliaud, conservateur du Musée de Nantes, a exposé la carte géologique de la Loire-Inférieure et de très beaux échantillons de roches, classés par cantons el servant de pièces justificatives. On peut conslaler que le grand nombre de points où le sol jusque-là inexploré a élé déterminé par M. Cailliaud, les élages, sous-élages et strales, signalés par lui pour la première fois ct les localités nou- velles de terrains ou de roches déjà connus, font de sa carle une œuvre personnelle. Toutefois, nous regretltons que les dimensions un peu exiguës de celle carle nuisent à la clarté de l’ensemble et amoindrissent par trop les détails ; il serait à souhaiter qu’on accep- tâL désormais pour toutes les cartes géologiques locales une échelle commune et de grandes dimensions; les cartes du dépôt de la guerre, proposées déjà par M. Triger qui joint l'exemple au pré- cepte, nous paraissent devoir réunir tous les suffrages. Sur de pareilles bases, l'effort de chaque travailleur, si modeste qu'il fût, serail profilable à l’ensemble, et bientôt la France posséderait le plus beau monument de géologie graphique qu'on puisse concevoir. L'important travail de M. Cailliaud peut être repris à ce nouveau point de vue, il allend d'ailleurs, pour être apprécié à ioute sa valeur, la publication du texte explicalif promis par l’auteur. Tel qu'il est, il mérile au moins la récompense qui lui a été décernée, une médaille de vermeil. M. Fagès, ingénieur des mines de Chalonnes, Saint-Lambert et Saint-Georges , que dirige M. le comte B. de Las Cases, expose une coupe géologique de terrain anthraxifère de l’Anjou sur les deux rives du Layon et de la Loire. Tracé sur une grande échelle, ce dessin pilloresque, et savamment éludié, permet &e reconnaître d’un coup d'œil les dimensions, la forme et la richesse de notre bassin, ainsi que l'importance des principaux travaux industriels qui y ont été entrepris. L’inclinaison des strates relevées progressivement jusqu'à la ver- ticale, leur brisement au centre et l’adossement des deux lambeaux qui s'appuient au nord et au sud, sur les lignes anticlinales des porphyres de soulèvement, saisissent au premier aperçu. Puis les failles, les dislocations, les contournements des couches, les aller- 196 nances et les répétitions régulières des roches qui entravent ou guident les travaux, le mode, la puissance, les limites de l’exploila- tion sont nellement relevés par les détails du dessin ou la variété des teintes plates. Une collection aussi complèle que variée de roches, d'empreintes et de fossiles végélaux, des échantillons des différentes veines de charbon, éclairent et complètent ce beau travail straligraphique. Nous y avons surtout remarqué des fragments de palmiers mesu- rant 0,50 de diamètre, des Sigillaria, des Calamites, des Sphenopteris de la plus belle conservalion, et parmi les roches, tous les grès houilliers et surtout des types variés de celle pierre carrée dont quelques uns, véritables grès pourtant, rappellent de si près les por- phyres du voisinage. Enfin ces curieux rognons de silicate et sulfure de fer variant de 12 à 45 centimètres de diamèlre et qu’on prendrait volontiers pour d'énormes galets, si leur structure ne révélait une toute autre origine. Cet ensemble vraiment capital joignant au mérite scientifique une valeur industrielle, a pu obtenir la justice qui lui élait bien due, une médaille d’or. Bien que les expositions de MM. Gastineau, de la Haye-Longue et Euschenn, de Montjean, fussent faites surtout au point de vue in- dusiriel, elles n’en présentent pas moins un intérêt géologique eu égard à la variélé et aux qualités de nos anthraciles. Le dernier surlout de ces exposants avait très ingénieusement groupé près de ses charbons les lypes des Calcaires dévoniens, si répandus dans la même contrée et qui, transformés en chaux par les produits des mines, onl quadruplé la richesse agricole du bas Anjou. Après avoir conslaté à sa propriété du Fléchay,commune d’Avrillé, l'affleurement du calcaire dévonien qui, des fours à chaux d'Angers s’élend à la Meignanne et qu’on peut suivre: de là jusque dans la Loire-Inférieure, M. Victorin Larévellière vient de faire polir celte roche en plaques el en coupes par M. Guichard, marbrier. Ce marbre, gris, veiné de blanc, a des teintes douces et se prêle à un beau poli; il pourrait accroître les ressources de notre industrie locale. L’essai de M. Larévellière a reçu une menlicn honorable. Sous le tilre de Paléontologie de Maine et Loire, trois grandes vilrines contenaient la plupart des fossiies reconnus dans les ter- rains secondaires de notre pays. Exposées par le rapporteur, elles 197 ne sont indiquées par le jury que pour constater que l’exposant déclare. se mettre hors de concours ; mais je ne puis me dispenser de vous les mentionner avec quelques délails. Tous ces fossiles, recueillis dans le département, appartiennent à la grande classe des terrains secondaires; les deux formations jurassique et crélacée y sont représeniées, la première par six élages de 8° au 13° inclusi- vement, et la seconde par trois, du 20° au 22e. D'une manière géné- rale, on peut remarquer que loules les espèces sont classées par terrain, déterminées spécifiquement et éliquetées avec mention de la localité, condilion indispensable pour la comparaison des types ou l'étude de l'ensemble, dont on regrettait trop souvent l'absence dans les collections exposées, et sans laquelle pourtant chacune d'elles court le risque de n'être qu’une réunion de curiosilés. Nous croyons devoir signaler le moyen employé pour simplifier léti- quette et montrer d’un seul coup d'œil la richesse relative d’un terrain et la faune spéciale de chaque élage; après avoir consacré une couleur fondamentale aux cartons qui supportent les espèces d’une formation, on distingue la succession des élages par les chan- gements de nuance. Ainsi le jaune étant choisi pour le Lerrain juras- sique, six nuances, passant du jaune foncé au jaune {rès-clair, y re- présentent le lias moyen et supérieur, l'oolile inférieure, la grande oolite, le callovien et l'oxfordien. De même, trois nuances du vert représentaient dans le terrain crétacé les terrains cénomanien, turonien el sénonien. Quant à l'importance absolue de cette collection, elle pouvait donner une idée de nos richesses paléontologiques et surlout des découvertes spécifiques accomplies chez nous depuis quatre ans. L'étage cénomanien, par exemple, qui comptait en 1655 soixante- dix espèces déterminées, élait représenté par plus de cent trente à l'exposition. Parmi les élages jurassiques, le 8‘et le 11°, représenté en Anjou par la strate à élygmus, étaient entièrement nouveaux, le 10e, qui, après reclification du calalogue de notre respectable doyen M. Millet, comptait au plus quarante espèces, en avail acquis près de cent; enfin le 12°, le Kelloway-Rock, limilé à qua- torze fossiles dans le catalogue imprimé que nous venons de citer, en avait acquis plus de cent quarante. M. le chevalier du Landreau a ramassé avec persévérance et dis- posé avec goût de nombreux débris de vertébrés appartenant à nos, 198 faluns miocènes, surtout à ceux de Martigné-Briand. Cette. belle collection pourra servir de base à de fructueuses études, et un pareil exemple, suivi par les hommes de loisir, deviendrait une nouvelle ressource pour la science. Le jury l’a donc honoré avec raison d'une médaille de bronze. Une mention honorable a été accordée à M. Potry, maître maçon à Corzé, qui consacre ses loisirs et fait profiter les occasions que lui offre son métier, à la collection des fossiles, coucrélions, grès bizarres, elc., que présente sa contrée. Les spongiaires, mieux soignés el rangés avec quelque ordre, eussent pu fournir de bonnes données sur le sénonien supérieur de l'arrondissement de Baugé. Nous sommes heureux d'ajouter aujourd'hui que tout cet ensemble, acheté par M. du Landreau, est libéralement livré à l'examen des hommes d'étude. ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE. L’exhibition de M. Deloche remplissait à elle seule toute la paroi occidenta!e de la travée consacrée à l’histoire nalurelle; elle brillait par l’abondance, la variété, la fraîcheur. Les trophées de chasse, les tableaux d'oiseaux dénotaient le travail opiniâlre, la science du taxidermiste et le goût de l'artiste réunis chez l’habile conservateur de notre Musée, et l’on peut dire en somme que M. Deloche a dû avoir aux yeux du public le plus nombreux, les honneurs de l’expo- silion d'histoire nalurelle. Ce n’est pourlant pas précisément ‘cet ensemble qui avait déterminé les proposilions du jury et qui doit nous arrêter un instant. Une grande vitrine élagée contenait plus de cinquante éspèces d’oiseaux représentées par quaitre-vingt-trois individus, tous préparés en duvet et rapprochés de l’œuf ou des œufs de l'espèce. Nous passerons volonliers si l'on veut sur la diffi- culté de préparation qui néanmoins est souvent grande, sur la nou- veauté d'une pareille collection, surtout prise dans son ensemble; mais le rapprochement de l'œuf et du pelit en duvet présente des analogies, des caractères spécifiques ou génériques qu’on ne saurait rencontrer plus tard. Cette vitrine élait la démonstration, je dirais presque vivante de plusieurs notes lues dans vos séances, enregis- trées dans vos annales; elle constitue une véritable découverte zoologique, et c’est pour elle surtout que le jury avait réclamé une 199 médaille d'or. La commission générale de l'exposition, dont on pour- rait peut-être décliner la compétence en pareille malière, a cru de- voir réduire la récompense à une médaille de vermeil; mais les convictions scientifiques du jury el l'intérêt de l’exposant récla- maient également la publication de cet incident. Pour être moins séduisante, l'œuvre anatomique de M. Lessassier, pharmacien à Durtal (Maine et Loire), n’en est pas moins ulile à la science. Soixante-huit squelettes des plus pelils vertébrés du pays, représentent les Lypes osseux d'un nombre à peu près égal d’espè- ces. La finesse d’exéculion dans les parties les plus délicates, la blancheur des os, dénotent la patience et l’habilelé de main, mais le choix des sujets, la conservalion de toules les pièces dans leurs rapports locaux et généraux, les allitudes démontrent la science du vrai naturaliste. M. Lessassier avait habilement opposé, en les rap- prochant, deux squelettes de iroglodites, l’un préparé par les larves d'insectes dans les plus favorables conditions, l’autre disséqué par le naturaliste; un seul coup d'œil montrait l’immense supériorité du procédé anatomique. La réduction de la médaille d’or précédente, n'a permis d'accor- der à ce travail qu’une médaille d'argent. Dans ceite même seclion de zoologie, une précieuse exposition n’a point élé signalée dans le rapport, parce qu'elle appartenait au président de la section, M. A. de Soland, qui s’élait délicatement mis hors concours, c’étail la collection complète des Naïades de France, genres Unio, Anodontes, Modioles, etc. Recueillies, pour ‘ce qui concerne l’Anjou et les localités voisines, par l’exposant, celte belle série a élé complétée par des types envoyés en grand nombre par M. Drouet, de Troyes. Toutes les déterminations spéci- fiques, indiquées par des éliqueltes, avaient été failes ou vérifiées par le savant malacologisie que nous venons de ciler et par M. le baron Hatiemann. M. de Soland n'avait pas manqué d'y joindre la nouvelle espèce découverte en Maine et Loire, Unio Courtilleri, Hatim. et plusieurs Dreissena, nouveaux pour le pays. Ainsi classée et formée de types de choix bien netlement caractérisés, celle col- lection, mieux que tous les dessins, pourra servir de base à la com- paraison de nos espèces locales dont le nombre et les variélés ne sont encore qu'incomplétement connus. MM. R. de Baracé et Vincelot, encore deux jurés hors concours, 200 avaient extrait de leurs riches collections une série d'œufs aussi précieux par leur rarelé que par la beauté du choix. Cet ensemble disposé d’une manière pitloresque, portail le titre modesle de Mosaï- que d'œufs rangés du plus gros au plus pelil connus. Elle com- mençait en effet à l'Épiornis pour finir à l'oiseau-mouche en passant par des centaines d’intermédiaires; nous n’y ajouterions aucune valeur en disant combien de centaines de francs ont élé offerts de l’un ou de l’autre de ces œufs. C’est donc aux travaux de vos deux membres que je dois renvoyer pour l'intérêt scientifique de ce trésor. Outre son exposilion géologique, M. Fr. Cailliaud exhibait un grand nombre de pièces à l'appui de la perforation mécanique des roches par les mollusques et les échinides ; les gneiss ne sont pas moins évidemment atlaqués que les calcaires ; aussi ce point de zoologie est aujourd'hui acquis à la science, et les travaux du patient naturaliste nantais n’ont pas peu contribué à le mettre hors de doute. La médaille, déjà décernée, a dû être rappelée à cette occasion. M. Delaunay, de Belle-Isle, nous avait envoyé une collection bien classée el bien nommée des mollusques de l’île qu’il habite. L’utilité des collections locales bien complètes, est trop évidente pour que nous y insislions, mais encore trop peu appréciée par les amaleurs; savoir se borner, est dans celle voie le plus sûr moyen d'arriver à un résullat, et s’allacher à ce qu’on peut bien connaîlie ou bien atteindre, est la source des indications vraies et fécondes. Vous ne serez donc pas surpris de savoir que l’exposant de ce modeste bagage a reçu une médaille de bronze. È Si la vitrine de M. Alexandre indiquait du travail, du goût et des progrès dans ses essais de taxidermie, elle ne présentait rien de bien important au point de vue zoologique. Cependant, il faut encoura- ger ces efforts et ce goût pour la conservation des objets d'histoire nalurelle. À chacun son rôle et ses moyens, et avec une sage divi- sion du travail, rien n’est perdu pour la science. Tout autre est le but et le mérite de M. Lecourrant, de Talmont (Vendée). Cet ostréoculteur avait envoyé des spécimens desséchés el vivants, relirés de ses parcs à huîtres. La queslion de- manderait une étude plus approfondie sur les lieux mêmes, et nous la recommandons à ceux de nos collègues qui fréquentent la belle plage des Sables-d'Olonne, toute voisine de Talmont. Mais il est 201 certain qu’en substituant la brique aux fascines vantées par les ins- truclions officielles, M. Lecourrant a oblenu des résultats supérieurs en abondance et en qualité. Nous comprenons moins l'établissement des cultures sur fond de gravier, au lieu de fond vaseux. C’est pro- bablement fond de galets qu'il faut lire dans la nolice, car on sait que le gravier fin, s'introduisant dans l’huîlre au moindre mouve- ment de l’eau, en déterminerait l'ouverture permanente et la mort. M. Lecourrant n'en a pas moins mérité et oblenu une mention très-honorable. Les nombreuses faces sous lesquelles se présente l’éducation des deux nonveaux vers à soie Bombyx Cynthia et Bombyx Yama-Maï, exposés par M. Blain, eussent exigé un classement mulliple dans les seclions d'industrie et zootechnie. Celte importante exposition de- manderait aussi un comple-rendu détaillé, mais sans alléguer notre incompétence el les limites de ce rapport, nous trouvons dans les annales bien plus et mieux que tout ce que nous pourrions dire : le travail original de l'éleveur. Contentons-nous donc de rappeler que chacun a pu voir non seulement lous les produils, cocons, bourre, soie filée el teinte, les papillons, les vers, les œufs à tous les degrés de développement, mais encore les animaux vivants eux- mêmes accomplissaut librement en plein air malgré les variations brusques el fréquentes de tempéralure, l'accroissemenl, les mues, le filage des cocons ; puis dans les appareils, l’éclosion, l’accouple- ment et la ponte. Gelie vue est plus instructive que les traités. Ce succès montre mieux que loutes les asserlions écrites ou publiées, la sûrelé de la nouvelle cullure et l'importance de l'acquisition dont M. Blain a doté l’Anjou. Aussi, limilé par d’autres exigences, le jury a craint de n’expri- mer que faiblement l'opinion générale en accordant une médaille de vermeil. PHYTOTECHNIE. Les échantillons de bois colligés par M. Antoine, ingénieur de la marine à Angers, sont au nombre de plus de deux cent cinquante; d’une dimension égale, bien polis, élégamment disposés sur un ca- sier en pupitre, convenablement éliquetés, ils revélaient à la marque- terie et l’ébénisterie des ressources nombreuses, variées, quelques - unes nouvelles. Cet avantage a été bien compris par notre habile 202 mosaïste, Cornevin, que nous avons vu passer de longues. heures étudiant l'exposition de M. Antoine. Ce jugement en eût entraîné plus d'un autre, aussi le jury a décerné une médaiile d’argent. Deux Angevins, MM. Chevalier de la Pelile Rivière et Aymard, cultivent sur la terre française d'Afrique le colon si rare et si pré- cieux aujourd’hui. Les beaux échantillons en fruits et en bourre qu'ils ont présentés à l'exposition doivent accroître nos espérances ; le botaniste y voyait des espèces qui n’avaient point dégénéré, mais il appartient à la section industrielle de dire quelles qualités pré- sentent pour les filés et les tissus ces produits nouveaux du sol algé- rien. Toutefois ne fût-elle qu’à ses essais, celte tentative économique et nationale mérile la médaille de bronze décernée par le jury. Comme vous le voyez, messieurs, la phytotechnie tenait relative- ment une faible place à l’expasition, et cela tient à son importance industrielle qui l’avait portée ailleurs; c’est là qu’il faut chercher le triomphe de nos chanvres el de nos lins. La botanique aussi paraît exclue, car à part quelques albums d'algues à peine dignes d'être cités, les plantes ne sont représentées ici qu’à l’état fossile ou par ces curieux Rhizomorpha dont M. de Soland vous a entretenus. Mais c’est la richesse même de la flore angevine qui l’excluait des galeries intérieures, c’est dans le vasle jardin qui offrait une si sé- duisante entrée, c’est sous la tente hectométrique de l’ouest, c’est partout qu’il faut admirer nos arbres fruiliers ou d'ornement, nos plantes, nos fleurs. La botanique, sous le nom d’horticullure, formait elle-même une des plus importantes seclions, et c’est dans les mé- moires du Comice, aujourd’hui Société horticole, que vous en devez chercher l'histoire. Je finis ce compte-rendu déjà trop long et pourtant je n’ai été que l'historien bien incomplet de cet intéressant congrès de nos richesses. Si le succès dont on avait peut-être trop douté au débul, a pu encou- rager les timides el laisser quelques regrels à ceux qui se sont abs- tenus, les conséquences en seront fécondes, et vienne un nouvel appel, on verra vingt collections rivales lutter dans chaque spécialité de richesse el de science, là où quelques-unes seulement ont frayé la voie en osant se montrer. Décembre 1864. Dr E. FARGE. CATALOGUE DES COLEOPTÈRES DE L'ANJOU TROUVÉS PAR MM. H. DE LA PERRAUDIÈRE ET F. DE ROMANS !. FAMILLE DES HYDROPHILIDES Jacqueuinx Du Var. « Les habitudes de ces insectes sont irès-variées; les uns vivent dans les eaux comme les Dytiscides, les autres se tiennent dans la vase, les lieux humides, ou accrochés dans l’eau aux plantes aquatiques, quelques-uns vivent dans les bolets, un certain nombre enfir hantent les excréments, surtout ceux des animaux herbivores. » Jacquelin du Val. GROUPE 1. — HYDROPHILITES. GENRE HYDROPHILUS Geoffroy. Piceus Linné. Dans les fossés, les mares. L'été, l’automne. Tout l’Anjou. CC. GENRE HYDROUS Brullé. Garaboïdes Linné. Dans les mares, les fossés, les eaux dormantes. Été, automne. C. 1 V. Annales de la Société Linnéenne de Maine et Loire, tome VI, page 91. 204 GENRE HYDROBIUS Leach. Oblongus Herbst. Dans les eaux dormantes. Été. Anjou. R. Fuscipes Linné. L’hiver, sous la mousse, au bord de l’eau. L'été, dans toutes les eaux stagnantes. Tout l’Anjou. C. Bicolor Paykull. Aux mêmes endroits et époques que le précédent. Plus rare. Globulus Paykull. Avec les précédents. C. GENRE PHILHYDRUS Solier. Melanocephalus Fabricius. Dans les eaux stagnantes encombrées de plantes marines. Tout le printemps et à l'automne. Anjou. C. Marginelius Fabricius. Dans les eaux stagnantes, l’été. Martigné. R. Lividus Forst. Avec les précédents. Tout l’Anjou. C. GENRE LACCOBIUS Erichson. Minutus Linné. Dans toutes les mares. Printemps, été. C. GENRE BEROSUS Leach. Æriceps Curtis. Dans les eaux stagnantes. Été. Martigné, Beaufort. R. Luridus Linné. Avec le précédent. Plus rare. Affinis Brullé. Comme le précédent. GENRE LIMNEBIUS Leach. Truncatellus Thunb. Dans les eaux stagnantes. Anjou. C. GENRE CYLLIDIUM Erichson. Seminulum Paykull. Dans les eaux stagnantes, quelquefois sous la mousse et les feuilles humides. Été. Martigné. R. GROUPE 2. — SPERCHEITES. Genre SPERCHEUS Kugel. Emarginatus Schall. Sous la vase d’une mare desséchée. Été. Mar- tigné. R. GROUPE 3. — HÉLOPHORITES. GENRE HELOPHORUS Fabricius. Nubilus Fabricius. Dans les débordements de la Loire. Blaison. R, Intermedius Mulsant. Avec le précédent. R. 205 Grandis Illiger. Dans les eaux stagnantes. Été. Tout l’Anjou. C. Granularis Linné. Avec le précédent. C. GENRE HYDROCHUS Leach. Carinatus Germar. Dans les eaux stagnantes. Été. Martigné. R. Angustatus Germar. Avec le précédent. Plus commun. GENRE OCHTHEBIUS Leach. Marinus Paykull. Pris à Beaufort par M. l'abbé Rochard. Granulatus Mulsant. Dans une mare. Été. Martigné. R. Pygmæus Fabricius. Dans les eaux stagnantes. Été. Martigné. R. Exaratus Mulsant. Pris une fois à Martigné dans une mare. Août. GENRE HYDRÆNA Kugel. Riparia Kugel. Dans les eaux stagnantes ou courantes. Anjou. Automne. R. GROUPE 4. — SPHERIDIITES. GENRE CYCLONOTUM Erichson. Orbiculare Fabricius. Dans les eaux stagnantes, sous les détritus humides au bord des mares. Été. Tout l’Anjou. C. GENRE S'HÆRIDIUM Fabricius. Bipustulatum Fabricius. Dans les bouses. Presque toute l’année. Anjou. CC. Scarabæoides Linné. Aux mêmes endroits et époques que le précé- dent. | GENRE CERCYON Leach. Hæmorrhoidale Fabricius. Dans les bouses une partie de l’année. Toul l’Anjou. CC. Hæmorrhoum Gyllenhal. Avec le précédent. Plus rare. Unipunctatum Linné. Au printemps, dans les bouses. Tout l’Anjou. C. Quisquilium Linné. Comme le précédent, mais l'été. C. Plagiatum Erichson. Dans les excréments de chien ou humains. Été. Anjou. C. Centrimaculatum Sturm. Dans les bouses, l’été. Tout l’Anjou. C. Pygmæum Illiger. Aux mêmes endroits et époques que le précédent. C, 206 Flavipes. Fabricius. Aux mêmes endroits et époques que le précé- dent. C. Menalocephalum Linné. Comme le plagiatum. C. Minutum Fabricius. Trouvé une fois dans une bouse de vache. Beaufort. Anale Paykull. Dans les bouses de vache, l'été. C. GENRE MEGASTERNUM Muilsant. Boletophagum. Marsham. Dans les bolets, à l’automne. Vezins. R. GENRE CRYPTOPLEURUM Mulsant. Atomarium Fabricius. Dans les bouses ou les champignons. Été. Anjou. C. FAMILLE DES SILPHIDES Jacouun pu Var. « Cette famille renferme des insectes de formes variées et de mœurs diverses. Les uns recherchent principalement les cadavres et les ma- tières animales en putréfaction, les autres les détritus, les vieux bois, les champignons, etc., et montent le soir à l’extrémité des gra- minées ou d’autres plantes; quelques-uns vivent sous les écorces et quelques autres enfin, fuyant la lumière, hantent les profondeurs des cavernes les plus obscures. Beaucoup répandent par la bouche un liquide d’une odeur infecte, et en outre un autre liquide bourbeux et très-fétide par l'anus. » Jacquelin du Val. GROUPE 1. — SILPHITES. .GENRE NECROPHORUS Fabricius. Germanicus Linné. Sous les cadavres des petits ee presque toule l’année. Tout l’Anjou. C. Humator Fabricius. Aux mêmes endroits et époques que le précé- dent. C. Vespillo Linné. Aux mêmes endroits et époques que le précédent. C. Vestigator Herschel. Avec le précédent. C. Fossor Erichson. Sous les cadavres et les malières en putréfaction. C. Sepulior Charpentier. Trouvé une fois sous le cadavre d’un mulot. Août. Martigné, 207 Mortuorum Fabricies. Trouvé deux exemplaires dans un chemin. Septembre. Martigné. RR. GENRE SILPHA Linné. Littoralis Linné. Sous ies charognes. Presque toute l’année. CC. Thoracica Linné. Au printemps, dans les bois sablonneux, sous les taupes crevées. R. Rugosa Linné Sous les charognes. Presque toute l’année. C. Sinuata Fabricius. Aux mêmes endroits et époques que le précédent. C. Dispar Herbst. Trouvé une fois dans un chemin. Août. Martigné. Opaca Linné. Dans les chemins, sous les pierres. Avril, mai. Mar- tigné. C. Quadripunctata Linné. Sous la mousse des arbres, au printemps, ou dans les nids des chenilles processionnaires. R. Carinata Illiger. Sous la mousse des arbres, l’hiver, sous les cha- rognes. Martigné. R. Reticulata Fabricius. Dans les CEA dans les sentiers au milieu des champs de blé, sur les épis de blé. Martigné. R. Granulata O'ivier. Catalogue de M"° de Buzelet. Tristis Illiger. Dans les chemins, l’été. Martigné. R. Obscura Linné. Partout dans les chemins, sous les charognes. Tout lAnjou. CC. Lævigata Fabricius. Avec le précédent, l'été. C. Atrata Linné. Commun partout, surtout dans les bois, sous la mousse, au pied des arbres, au premier printemps ei en automne. Il fait, comme l'espèce précédente, la chasse aux limaces. GENRE AGYRTES Frœælich. Castaneus Fabricius. Catalogue de M° de Buzelet. GENRE GHOLEVA Latreille. Angustata Fabricius. Sous les feuilles mortes. Avril, mai. Martigné. C. Agilis Illiger. Dans les champignons. Automne. Martigné. R. Fusca Panzer. Sous la mousse, au pied des arbres, automne, sous les cadavres d’oisexux. Marligné. C. Morio Fabricius. Sous les cadavres d’oiseaux. Avril, mai. Martigné. C. Nigrita Erichson. Aux mêmes endroits et époques que le précédent. R. Chrysomeloides Panzer. Dans les champignons, automme, dans les cadavres d’oiseaux. Martigné. R. 208 Tristis. Panzer. Aux mêmes endroits et époques que le précédent. C. Rotundicollis Kellner. Dans les champignons, automne, sous les cadavres d'oiseaux. C. Fumata Spence. En ‘battant les fagois, avril, mai, dans les champi- gnons, l’automne, sous les cadavres d’oiseaux. C. Velox Spence. Aux mêmes endroits et époques que le précédent. C. Anisotomoides. Presque toute l’année, dans les détritus des végétaux, au bord des mares. Tout l’Anjou. C. Sericea Fabricius. Sous la mousse des forêts. l'hiver, dans les cham- pignons, l’automne. Martigné. C. GENRE COLON Herbst. Brunneus Latreille. Trouvé à Beaufort par M. l'abbé Rochard. GROUPE 2. — ANISOTOMITES. GENRE COLENIS Erichson. Dentipes Gyllenhal. Trouvé deux exemplaires dans un champignon, novembre , à Martigné. RR. GENRE AGATHIDIUM Illiger. Nigripenne Fabricius. Atrum Paykull. Seminulum Linné. Ont été trouvés tous les trois dans des champignons au mois de novembre. GENRE CLAMBUS Fischer. Armadillo de Géer. Trouvé une fois sous une écorce de sapin. Novembre. Martigné. à GENRE CALYPTOMERUS Redtenbocher. Enshamensis Stephens. Trouvé aa mois de juillet dans un fagot à moitié décomposé. Martigné. FAMILLE DES SCYDMÉNIDES Jacoveun pù Va. « Ces insectes vivent dans les détritus des végétaux, quelques-uns sous les écorces; plusieurs ne se trouvent que parmi les fourmis. » Fairmaire et Laboulbene. 209 GENRE EUMICRUS Laporte. Hellwigii Herbst. Sous les écorces. Juin. Martigné. R. GENRE SCYDMZÆNUS Latreille. Scutellaris Müller. En fauchant le long des fossés, juin, ou avec la Formica rufa. R. GENRE CEPHENNIUM Müller. Thoracicum Müller. Sous la mousse, dans les fagots, à Martigné. Octobre. RR. FAMILLE DES PSÉLAPHIDES Jacouezn pu Var. « Insectes de petite taille, à téguments solides, d’une couleur très- constante, jaunâtre, rougeâtre ou d’un brun noirâtre. Ils sont car- nassiers, nocturnes et se tiennent blottis pendant le jour sous les pierres, les détritus végétaux ou dans le bois pourri. Le soir, ils grimpent sur les graminées dans les prairies humides, volent ou cou- rent avec rapidité pour chercher leur proie, qui consiste en très-petits insectes. Quelques espèces vivent en société avec les fourmis. » Fairmaire et Laboulbène. GROUPE 1. — CLAVIGÉRITES. GENRE CLAVIGER Preyssler. Longicornis Müller. Pris dans le nid de la Formica flava. Octobre. Martigné. RR. Testaceus Preyssler. Pris avec les fourmis noires. Octobre. Mar- tigné. RR. GROUPE 2. — PSÉLAPHITES. GENRE PSELAPLUS Herbst. Heisei Herbst. Sous la mousse des peupliers, l'hiver. En fauchant le soir dans les marais. Été. Martigné. C. GENRE BRYAXIS Leach. Sanguinea Fabricius. En fauchant l'été le soir dans les endroits marécageux. C. VII. 14 210 Fossulata Reichenbacher. Aux mêmes endroits et époques que le précédent. C. Hæsnatica Reichenbacher. Comme les précédents. C. Juncorum Leach. Comme les précédents. R. Lefebvrii Aubé, Idem. C. GENRE BYTHINUS Leach. Puncticollis Denny. En fauchant le soir dans les prés humides avant la coupe des foins. Beaufort. R. Gurtisii Leach. Trouvé avec la Formica rufa. Octobre. Vezins. GENRE EUPLECTUS. Ambiguus Reichenbacher. En fauchant le soir dans les prairies humides. Juin. Martigné. C. FAMILLE DES STAPHYLINIDES Jacoueun pu VAL. «Les nombreux insectes de cette famille sont généralement carnas- siers ou vivent de substances décomposées. Les uns habitent les fumiers, les délritus végétaux, les champignons et se nourrissent de larves de diptères; les autres hantent les cadavres, les matières im- mondes, etc. Beaucoup se plaisent sous les feuilles mortes, les mous- ses et les pierres, un petit nombre seulement fréquentent les fleurs, Plusieurs aiment les bords des fleuves ou le sable humide, quelques- uns seulement se trouvent au bord des eaux salées, certains enfin vivent sous les écorces et divers avec les fourmis. Un grand nombre courent principalement la nuit à la recherche de leur proie; beaucoup à l'aspect du danger relèvent fièrement l’abdomen soit pour effrayer leur ennemi, soit pour accélérer leur course. On sait en outre qu’un certain nombre d'espèces font saillir au dehors deux vésicules fo: !e- ment odorantes, à l’extrémité de leur abdomen, quand on les tour- mente. » Jacquelin du Val. GROUPE 1 — ALÉOCHARITES. GENRE AUTALIA Mannerheim. Impressa Olivier. Dans les champignons, à l'automne. Tout l’Anjou. C. Rivularis Gravenhorst, Aux mêmes endroits et époques que le pré- cédent, même commune. 211 GENRE FALAGRIA Mannerheim. Thoracica Curtis. Sous la mousse, l'hiver, sous les détritus au bord de l’eau, l’été. Tout l’Anjou. C. Sulcata Paykull. Aux mêmes endroits et époques que le précédent. C. Sulcatula Gravenhorst. Comme les précédents, mais moins commune. Obscura Gravenhorst. Sous la mousse, l'hiver, au bord de l’eau, l’été. Tout l’Anjou. CC. Nigra Gravenhorst. Pris une fois à Martigné, au bord de l’eau. GENRE PHYTOSUS Curtis. GENRE SILUSA Erichson. Rubiginosa Erichson. Sous les mousses, au pied des arbres, et sur- tout sous les écorces près des plaies des arbres, l’été. Martigné. R. Rufa Héer. Dans les mêmes conditions que la précédente, quelquefois dans les champignons. R. GENRE HOMALOTA Mannerheim. Umbanota Erichson. Sous les détritus auprès des mares, l’été. Mar- tigné. R. Nitidula Kraatz. Trouvé une fois à Martigné avec la Formica rufa au mois d'octobre. Graminicola Gravenhorst. Sous les détritus auprès des mares, l’été. Martigné, Beaufort. C. Velata Erichson. Au bord de la Loire. Juin. Ile de Blaison. R. Labilis Erichson. Au bord des mares, l'été. Marligné. Beaufort. C. Nigella Erichson. Au bord d’une mare, près Martigné. R Æquata Erichson. Sous les écorces près des plaies des arbres, l'été. R. Angustula Gyllenhal. Au bord des mares, au pied des arbres, l'été. R. Plana Erichson. Dans les prés humides, juin, à Vezins. RR. Cuspidata Erichson. Sous les écorces, l'été. Martigné. R. Analis Gravenhorst. Sous les mousses, l'hiver, au bord des mares, l'été. Martigné. C. Vilis Erichson. Au bord des élangs et des mares, l'été. Martigné. C. Palleola Erichson. Dans les champignons. Septembre, octobre. Mar- tigné, Vezins. R. Exilis Erichson. Dans les prés humides, dans les débris végétaux. Juin. Martigné. R. 212 di Parallela Mannerheim. Avec la Formica rufa. Octobre, novembre, C. Martigné, Vezins. Flavipes Gravenhorst. Aux mêmes endroits et époques que le précé- dent. Confusa Mærkel. Avec la Formica fuliginosa. Octobre. Vezins. RR. Anceps Erichson. Avec la formica rufa. Octobre, novembre. Martigné, Vezins. C. Brunnea Fabricius. Sous les feuilles. Octobre. Martigné. R. Nigrifrons Erichson. En battant les fagots. Octobre. Martigné, Vezins. C. Merdaria Thompson. Dans les champignons. Octobre, novembre. Martigné. C. Validicornis Thompson. Pris dans les plaies d’un ormeau. Juillet. Martigné. Trinotata Kraatz. Dans les champignons. Octobre, novembre. Mar- tigné, Vezins. C. Fungicola Thompson. Pris une fois sous un cadavre à Martigné. R. Nigritula Gravenhorst. Commune dans les champignons. Divisa Mærkel. En battant les fagots. Octobre. Martigné. R. Coriaria Kraatz. Dans les plaies d'arbres, ou sous les écorces, l'été. Martigné. R. Cinnamomea Gravenhorst. Avec le précédent, mais plus rare. Sordidula Erichson. Pris une fois à Martigné dans du crottin de mouton. Août. Marcida Erichson. Dans le crottin de cheval, dans les champignons. Octobre. Marligné. R. Longicornis Gravenhorst. Dans les fumiers, au bord des mares. Été. R. Atramentaria Gyllenhall. Dans les champignons, dans le fumier. Septembre. Martigné. R. Lividipennis. Mannerheim. Dans le fumier et les champignons. Sep- tembre. Martigné. C. Vernacula Erichson. Au bord des étangs, des mares, sous les détri- tus. Vezins. C. | Fungi Gravenhorst. Sous la mousse des arbres, l'hiver, dans les cham- pignons, les fagots, les matières végétales en décomposition. Automne. Tout l’Anjou. C. Orphana Erichson. Dans les prés humides, au bord des mares, l'été. Vezins. R. 213 Circellaris Gravenhorst. Au bord des mares, sous les détritus. Juin. Martigné. R. GENRE PLACUSA Erichson. Pumilio Gravenhorst. Pris une fois sous l’écorce d’un sapin abattu, au mois de novembre, à Martigné. GENRE TACHYUSA Erichson. Constricta Erichson. Sous les détritus au bord du Layon. Martisné. Été. R. Scitula Erichson. Bords de la Loire, courant au soleil, l’été. Blaison. R. Umbratica Erichson. Avec le précédent. R. GENRE BOLITOCHARA Mannerheim. Lucida Gravenhorst. Dans les champignons. Octobre. Vezins. R. Lunulata Paykull. Avec le précédent. R. GENRE LEPTUSA Kraatz. Fumida Erichson. Sous les écorces, l'été. Martigné. RR. Ruficollis Erichson. En battant les fagots, sous les écorces. Sep- tembre. Martigné. R. GENRE MYRMEDONIA Erichson. Humeralis. Gravenhorst. Dans les fourmilières des Formica rufa et fuliginosa. Octobre. Martigné. Cognata Mærk. Avec le précédent, mais sous les feuilles autour des fourmilières. Octobre. Martigné. R. Funesta Gravenborst. Dans les bois, dans les nids de la Formica fuli- ginosa. Juin. Vezins. C. ; Limbata Paykull. Dans les nids de la Formica flava. Juin. Vezins. R. Canaliculata Fabricius. Sous les feuilles, sous les détritus végétaux, dans les prés, les marais, presque toute l’année. Tout l’Anjou. CC. GENRE LOMECHUSA Gravenhorsi. Paradoxa Gravenhorst. Pris un seul exemplaire au mois de septembre dans une fourmilière de la Formica rufa. Martigné. Emarginata Paykull. Sous les pierres avec la fourmi myrmica. Août. Martigné. R. GENRE DINARDA Mannerheim. Mærkelii Kiensenwatter. En tamisant les fourmilières de la Formica rufa. Oclobre, Martigné. R, 2 214 GENRE HOMOEUSA Krantz. Acuminata Mærkel. En tamisant les fourmilières de la Formica fuli- ginosa. Octobre. Martigné. R. GENRE ALEOCHARA Gravenhorst. Fuscipes Fabricius. Sous les cadavres. Été. Tout l’Anjou. C. Tristis Gravenhorst. Sous les bouses. Mai, juin. Martigné. R. . Bipunctata Gravenhorst. Sous les bouses, sous les cadavres. Mai, juin. Tout l’Anjou. C. Brevipennis Gravenhorst. Aux mêmes endroits et époques que le précédent. C. Lanuginosa Gravenhorst. Dans le fumier, sous les bouses, tout l’An- jou. Été. C. Mæsta Gravenhorst. Aux mêmes endroits et époques que le précé- dent. C. Mærens Gyllenhal. Comme les précédents. C. Bilineata Gyllenhal. Sous les cadavres. Juin. Martigné. R. Nitida Gravenhorst. Sous les cadavres, sous les bouses. Été. Tout l’Anjou. CC. GENRE HAPLOGLOSSA Kraafz. Pulla Gyllenhal. Dans les fumiers. Été. Martigné. R. Prætexta Erichson. Dans les étables, sous le fumier. Juin. Martigné. .RR. GENRE UXYPODA Mannerheim. Luteipennis Érichson. Sous les détritus des végétaux, sous les feuil- les. Automne. C. Vittata Mærkel. Dans les fourmilières de la Formica fuliginosa. Juin. Vezins. R. Opaca Gravenhorst. Sous la mousse des arbres, l’hiver, sous les feuilles, l’automne. CC. Longiuscula Gravenhoerst. Trouvé une fois à Vezins, octobre, sous des feuilles. Alternans Gravenhorst. Dans les champignons. Septembre. Tout l’Anjou. CC. Formiceticola Mærkel. Avec la Formica rufa. Septembre. Martigné. R. Hæmorrhoa Salhberg, Aux mêmes endroits et époques. C. 215 Maura Erichson, Dans les endroits humides. Été. Martigné. C. Angulata Erichson. Dans les champignons. Septembre, Vezins. R. GENRE OCALEA Erichson. Castanea Erichson. Dans les champignons. Septembre. Vezins. R. Badia Erichson. Trouvé une fois dans un champignon. Septembre. Vezins. GENRE CALODERA Mannerheim. Forticornis Lacordaire. Dans les détritus, bords de la Loire. Mars. Ile de Blaison. R. Rubens Erichson. Dans la mousse des arbres fruitiers, l'hiver. Mar- tigné. R. Longitarsis Erichson. Bord des mares, l'été. Vezins. R. GENRE PHLOEOPORA Erichson. Reptans Gravenhorst. Sous les écorces d’ormeau. Juin. Martigné. C. GENRE HYGRONOMA Erichson. Dimidiata Gravenhorst. Au bord des mares, des étangs, sous les détritus des végétaux. Été. Tout l’Anjou. C. GENRE OLIGOTA Mannerheim. Pusillima Gravenhorst. Dans les débordements des rivières. Avril. Ile de Blaison. R. Apicata Erichson. Dans les cadavres. Juin. Martigné. R. Flavicornis Lacordaire. Dans le fumier. Juillet. Martisné. RR. GENRE GYROPHÆNA Manverhem. Affinis Salhberg. Dans les champignons. Octobre. Tout l’Anjou. CC. Mana Paykull. Aux mêmes endroits et époques que le précédent. C. Minima Erichson. Trouvé à Beaufort par M. l’abbé Rochard. Polita Gravenhorst. Dans les champignons. Octobre. Martigné. C. GENRE PRONOMÆA Erichson. Rostrata Erichson. Sous la mousse, les feuilles mortes. Octobre. Vezins. R. GENRE MYLLÆNA Erichson. Dubia Gravenhorst. Sous la mousse, l’hiver, au bord de l’eau, l'été. Tout l’Anjou. C. Intermedia Erichson. Aux mêmes endroits et époques. Plus rare, 216 Minuta Gravenhorst. Aux mêmes endroits et époques. C. Gracilis Héer. Aux mêmes endroits et époques. Martigné. R. Glauca Aubé. Au bord des mares Pété. Martigné. R. GENRE DEINOPSIS. Fuscatus Matthews. Dans les prés humides. Été. Vezins. R. GROUPE 2. — TACHYPORITES. GENRE HYPOCYPTUS Mannerheim. Longicornis Paykull. Dans la mousse humide des arbres, l'hiver; au bord de l’eau, l’été. Anjou. C. GENRE CONURUS Stephens. Pubescens Gravenhorst. Dans les fourmilières. Octobre. Martigné. R. Bipustulatus Gravenhorst. Dans les champignons. Octobre. Vezins. R. Fusculus Erichson. En battant les bourrées. Octobre. Vezins. R. Lividus Erichson. En tamisant les fourmilières. Octobre. Martigné. R. Bipunctatus Gravenhorst. Dans les champignons, l'automne: Mar- tigné. C. GENRE TACHYPORUS Gravenhorst. Obtusus Linné. Sous la mousse des arbres fruitiers, l'hiver. Mar- tigné. R. Hypnorum Fabricius. Aux mêmes endroits et jo que le précé- dent. Tout l’Anjou. CC. Chrysomelinus Linné. Aux mêmes endroits et époques. Beaufort. R. Ruficollis Gravenhorst. Sous la mousse des chênes, l'hiver. Vezins. R. Brunneus Fabricius. Aux mêmes époques et endroits. Tout l’Anjou. C. GENRE TACHINUS Gravenhorst. Rufipes de Géer. Sous les fumiers, sous les bouses, l'été, l’automne. Tout l’Anjou. C. Flavipes Fabricius. Aux mêmes endroits et époques que le précédent. Plus rare. Subterraneus Linné. Dans les champignons, sous les feuilles, Pau- tomne. Martigné. R. Humeralis Gravenhorst. Aux mêmes endroits et époques. Martigné. R. Pallipes Gravenhorst. Aux mêmes endroits et époques. Martigné. R. Marginellus Fabricius. Sous les bouses, automne. Martigné. R: TE | AT NE 217 GENRE HABROCERUS Erichson. Capillaricornis Gravenhorst, En battant les vieilles bourrées. Sep- tembre. Vezins. R. GENRE BOLITOBIUS Mannerheim. Analis Paykull. Trouvé une fois au printemps dans une allée d’un bois. Martigné. Atricapillus Fabricius. Dans les champignons. Automne. Vezins. R. Trimaculatus Fabricius. Aux mêmes endroits et époques. R. Pygmæus Fabricius. Idem. C. Trinotatus Erichson. Idem. C. GROUPE 3. — STAPHYLINIDES. GENRE OTHIUS Stéphens. Fulvipennis Fabricius. Sous la mousse des arbres, Fhiver. Martigné. R. Punctipennis Lacordaire. Aux mêmes endroits et époques. Mar- tigné. R. GENRE ATRECUS Jacquelin du Val. Pilicornis Paykull. Sous la mousse des arbres, l'hiver. R. GENRE XANTHOLINUS Dahil. Fulgidus Fabricius. Sous les fumiers, l'été. Tout l’Anjou. C. Glabratus Gravenhorst. Sous les excréments, l'été. Martigné. R. Lentus Gravenhorst. Sous les fumiers, l'été. Martigné. R. Punctulatus Paykull. Sous les mousses, l’hiver; sous les bouses ou les fumiers, l’été. Tout l’Anjou. C. Ochraceus Gyllenhal. Aux mêmes endroits et époques que le précé- dent. C. Tricolor Fabricius. Idem. C. Linearis Olivier. Idem. C. GENRE LEPTACINUS Erichson. Batychrus Gyllenhal. En tamisant les fourmilières. Octobre. Vezins.R. Formicetorum Mærkel. Avec le précédent. Martigné.R. GENRE STAPHYLINUS Linné. Hirtus Linné. Sur les bouses. Mai, juin, juillet, août, septembre. Tout l’Anjou. R. 218 Maxillosus Linné. Sous les cadavres, sous les bouses, l’été. Tout l’Anjou. CC. Nebulosus Fabricius. Aux mêmes endroits et époques que le précé- dent. R. Murinus Linné. Idem. C. Chrysocephalus Fourcroy. Sous les excréments. Mai, juin. Mar- tigné. R. Fossor Scopoli. Sous les pierres, près des bois. Trouvé par M. de la Perraudière. ” Erythropterus Linné. Trouvé par M. l’abbé Rochard à Combrée. Cæsareus Cederhielm. Sous les pierres, dans les chemins, l'été. Tout l’Anjou. C. Stercorarius Olivier. Au printemps, dans les excréments humains. Été. Tout l’Anjou. C. Lutarius Gravenhorst. Aux mêmes endroits et époques que le précé- dent. RR. Martigné. Chalcocephalus Fabricius. Idem. C Fulvipes Scopoli. Sous la mousse, au pied des arbres, l’hiver. Mar- tigné, Beaufort. R. Olens Müller. Sous les pierres, l’hiver, sous les détritus végétaux, l'été. Partout. CC. Cyaneus Paykull. Dans les chemins, l’été. Partout. CC. Similis Fabricius. Sous les détritus des végétaux. Été. Beaufort. R. Brunnipes Fabricius. Sous les pierres, la mousse, au printemps. Martigné. R. | Fuscatus Gravenhorst. Trouvé par M. l’abbé Rochard. Cupreus Rossi. Sous les pierres, dans les bois, au printemps. Vezins. R. Morio Gravenhorst. Aux mêmes endroits et époques que le précé- dent. R. ; Pedator Gravenhorst. Picipennis Fabricius. Ater Gravenhorst. Trouvés à Saumur par M. Lambert, d’après Fairmaire et Laboulbène. GENRE PHILONTHUS Curtis. Splendens Fabricius. Sous les excréments, au printemps. Martigné. R. Intermedius Lacordaire. Aux mêmes endroits et époques. R. Laminatus Creutz. Idem. R. 219 Cyanipennis Fabricius. Dans les agarics en décomposition. Octobre. Martigné. R. Æneus Rossi. Sous les cadavres, au printemps. Tout l’Anjou. C. Atratus Giaveahorst. Au bord des mares, l’élé. Martigné. R. Decorus Gravenhorst. Sous les pierres, sous les feuilles. Automne. Vezins. R. Se Politus Fabricius. Sous les cadavres. Juin. Tout l’Anjou. C. Marginatus Fabricius. Dans les bouses et les crottins. Été. Tout l’Arjou. R. Varius Gyllenhal. Sous les fumiers, au bord des mares. Été. Tout l’Anjou. C. Albipes Gravenhorst. Trouvé avec le précédent. Martigné. R. Cephalotes Gravenhorst. Sous les fumiers. Été. Martigné. C. Fimetarius Gravenhorst. Aux mêmes endroits et époques. R. Sordidus Gravenhorst. Dans le fumier, sous les bouses. Mai, juin. Martigné. R. Ebeninus Gravenhorst. Sous les feuilles dans les bois. Automne. Martigné. C. Sanguinolentus Gravenhorst. Sous les excréments, sous les bouses. Été. Martigné. R. Bipustulatus Panzer. Aux mêmes endroits et époques. R. Varians Paykull. Aux mêmes endroits et époques. C. Micans Gravenhorst. Sous les détritus au bord des mares. Toute l'année. C. Fulvipes Fabricius. Comme le précédent. Été. Martigné. R. Tenuis Fabricius. Pris par M. l’abbé Rochard. Aterrimus Gravenhorst. Sous les fumiers, les détritus. Été. Mar- tigné. R. Punctus Gravenhorst. Au bord du Layon, au pied des roseaux. R. GENRE QUEDIUS Stephens. Lateralis Gravenhorst. Dans les champignons. Automne. Tout l’An- jou. C. Fulgidus Fabricius. Aux mêmes endroits et époques. Xanthopus Erichson. Sous les feuilles dans les bais. Automne. Mar- tigné. R. Impressus Panzer. Sous le fumier. Été. Martigné. C. Molochinus Gravenhorst. Dans les champignons. Octobre. Martigné. R. 220 Unicolor Kiesenwetter. Trouvé une fois dans un champignon, fin de septembre. Marligné. Frontalis Nordm. Sous la mousse dans les bois, l'hiver. Vezins. C. Fuliginosus Gravenhorst. Aux mêmes endroits et époques. R. Rufipes Gravenhorst. Idem. R. ; Attenuatus Gyllenhal. Idem. R. GENRE ASTRAP ÆUS Gravenhorst. Ulmi Rossi. Sous les pierres, sous les herbes, dans les endroits humi- des. Mai. Vezins. C. GENRE OXYPORUS Fabricius. Rufus Linné. Dans les champignons en décomposition. Octobre. Tout l’Anjou. €. GROUPE 4. — PÉDÉRITES. GENRE CRYPTOBIUM Mannerheim. Fracticorne Paykull. Sous les détritus au bord des mares, l'été. Martigné. R. GENRE LATHROBIUM Gravenhorst. Brunnipes Fabricius. Dans la mousse d’un peuplier, l'hiver. Mar- tigné. R. Elongatum Linné. Aux mêmes époques et endroits. R. Fulvipenne Gravenhorst. Aux mêmes endroits et époques. Plus - commun. Multipunctum Gravenhorst. Comme les précédents. R. Longulum Gravenhorst. Comme les précédents. C. GENRE LITHOCHARIS Lacordaire Melanocephala Fabricius. Dans le terreau des saules creux, l’hiver: Martigné. C. | Ochracea Gravenhorst. Sous les fumiers. Octobre. Martigné. C. Obsoleta Nordm. Sous ia mousse des saules, l'hiver. Martigné. C. GENRE SCOP ÆUS Erichson. Lævigatus Gyllenhal. Sous la mousse des saules, l’hiver. Martigné. R. Minutus Erichson. Trouvé une fois avec le précédent. Martigné. RS SE À 221 GENRE STILICUS Latreille. Rufipes Germar. Sous les pierres, au printemps. Anjou. C. Geniculatus Erichson. En battant les fagots. Martigné. R. Affinis Erichson. Sous les feuilles, à l'automne. Martigné. C. GENRE SUNIUS Stephens. Filiformis Latreille. En battant les fagots, sous les feuilles. Automne. Martigné. R. Angustatus Paykull. Sous les feuilles, l'automne. Martigné. R. ‘Intermedius Erichson. Aux mêmes endroits et époques. R. GENRE PÆDERUS Gravenhorst. Littoralis Gravenhorst. Sous la mousse, sous les pierres au bord des rivières. Martigné. C. Longipennis Erichson. Aux mêmes endroits et époques que le précé- dent. R. Riparius Linné. Bords de la Loire, ile de Blaison, sable humide. Mai. C. Ruficollis Fabricius. Aux mêmes endroits et époques. C. GROUPE 6. — STÉNITES. GENRE STENUS Latreille. . Biguttatus Linné. Au bord de l’eau, l’été. Tout j’Anjou. CC. Bipunctatus Erichson. Aux mêmes endroits et époques. CC. Guttula Muller. Idem, mais plus rare. Bimaculatus Gyllenhal. Comme les précédents. R. Juno Fabricius. Dans les mares desséchées, l’été. Martigné. R, Ater Mannerheim. Au bord de l’eau, l'été. Martigné. C. Buphthalmus Gravenhorst. Comme le précédent. Martigné. R. Pusillus Erichson. Idem. R. Speculator Lacordaire. Dans les mares desséchées. Été. C. Lustrator Erichson. Avec le précédent, mais très-rare. Pris à Martigné. Proditor Erichson. Pris par M. l'abbé Rochard. Humilis Erichson. Dans les saules creux, l'hiver. Tout l’Anjou. R. Binotatus Ljungh. Idem. R. Subæneus Erichson. Au pied des roseaux. Été. Bords du Layon. C. Impressus Germar. En battant les genêts. Octobre. Vezins. R. - Filum Erichson. Dans les mares desséchées, l'été. Martigné. R. 222 Tarsalis Ljungh. Au bord de l’eau, l’été. Martigné. R. Oculatus Gravenhorst. Dans les mares desséchées, l'été. Martigné.R, Cicindeloides Gravenhorst. Aux mêmes endroits et époques. R, GROUPE 7. — OXYTÉLITES. GENRE BLEDIUS Slephens. Tricornis Herbst. Au bord des mares dans le sable. Août. Martigné. R. Fracticornis Paykull. Dans la terre humide au bord de l’eau. Août. Martigné. R. Opacus Block. Dans les talus humides des fossés. Été. Vezins. P. GENRE PLATYSTETHUS Mannerheim. Morsitans Paykull. Dans la terre humide au bord des mares. Été. Vezins. C. Cornutus Gravenhorst. Avec le précédent. R. Nodifrons Sahlberg. Idem. R. GENRE OXYTELUS Gravenhorst. Rugosus Fabricius. Dans les bouses, le soir volant au-dessus des fumiers. Toute l’année. C. Insecatus Gravenhorst. Sous les excréments. Mai. Martigné. R. Piceus Linné. Sous les bouses dans les endroits sablonneux. Mar- tigné. R. Sculptus Gravenhorst. Aux mêmes endroits et époques. C. Sculpturatus Gravenhorst. Sous toutes les bouses, toute l’année. C. Nitidulus Gravenhorsi. Sous les bouses sèches, l’été. C. Complanatus Erichson. Aux mêmes endroits. R. Depressus Gravenhorst. Idem. R. GENRE TROGOPHLÆUS Mannerheim. Riparius Lacordaire. Au bord de la Loire, dans les épaves des débordements. Juin. Ile de Blaison. RR. Bilineatus Erichson. Aux mêmes endroits et époques. R. Corticinus Gravenhorst. Au bord de la Loire. Juin. Ile de Blaison. R. GENRE COPROPHILUS Latreille. Striatulus Fabricius. Sous les bouses dans les chemins. Printemps. C. 223 GENRE DELEASTER Erichson. Dichrous Gravenhorst. Au bord des mares, l'été. Martigné. R. GROUPE 10. — OMALITES GENRE ANTHOPHAGUS Gravenhorst. Armiger Gravenhorst. En fauchant sur les mérisiers en fleurs. Vezins. Mai. R. GENRE LESTEVA Latreille. Bicolor Fabricius. En battant les arbres en fleurs. Mai. Martigné. R. Pubescens Mannerheim. Sous la mousse humide. Printemps. Mar- tigné. C. GENRE OLOPHRUM Erichson. Piceum Gyllenhal. Sous la mousse humide. Printemps. Martigné. R. Assimile Paykull. Dans les mêmes conditions. R. GENRE LATHRIMÆUM Erichson Melanocephalum Illiger. En battant les fagots. Octobre. Martigné. R. GENRE OMALIUM Gravenhorst. Rivulare Paykull. Sous les feuilles, en battant les fagots. Toute l’an- née. Tout l’Anjou. C. Oxyacanthæ Gravenhorst. Dans le fumier. Automne. Tout l’Anjou. C. Cæsum Gravenhorst. Dans les mêmes conditions. R. Florale Paykull. Dans les matières animales en putréfaction. Été. R. Brunneum Paykull. Pris par M. l’abbé Rochard. Lucidum Erichson. Sous les écorces des arbres fruitiers, l’hiver. Martigné. R. Pygmæum Paykull. Dans les fleurs de spirées des jardins. Juin. Mar- tigné. B. Deplanatum Gyllenhal. Sous les écorces de saule. Juin, R. GENRE ANTHOBIUM Stephens. Minutum Fabricius. En battant les saules Marceau en fleurs. Avril. Martigné. R. 294 GROUPE 11. — PROTEINITES. GENRE PROTEINUS Latreille. | Brachypterus Fabricius. Dans les champignons. Automne. Tout V’Anjou. C. Macropterus Gyllenhal. Dans les mêmes conditions. C. GENRE MEGARTHRUS Stephens. Depressus Paykull. Dans les bouses. Octobre. Martigné. R. GENRE PHLOEOBIUM Erichson. Clypeatum Müller. En battant les vieilles bourrées. Automne. Mar- tigné. R. GENRE MICROPEPLUS Latreille. Fulvus Erichson. Au bord de l’eau, lété. Martigné. R. Staphylinoides Marsham. En battant les bourrées. Septembre. R. FAMILLE DES HISTÉRIDES Jacouezn pu Var. « Les histérides vivent dans les bouses, les excréments, les matières végétales en décomposition, dans les charognes, sous les écorces d'arbres, sous les pierres. Lorsqu’on les saisit, ils contractent leur tête el leurs pattes et contrefont le mort. Ils sont très-carnassiers; quelques-uns, à l’état de larves, poursuivent quelques coléoptères xylophages jusque dans leur galerie. » Fairmaire et Laboulbène. GROUPE 2 — HISTÉRITES. R GENRE PLATYSOMA Leach. Frontale Paykull. Sous les écorces. Été. Martigné. RR. Depressum Fabricius. Un seul exemplaire trouvé par M. l'abbé Rochard. ils GENRE HISTER Linné. Major Linné. Trouvé un exemplaire sous une bouse. Juin, Mar- tigné. RR. 225 Quadrimaculatus Linné. Sous le fumier et les bouses. Été. Tout l’Anjou. C. Unicolor Linné. Dans le fumier, les cadavres, les excréments, Mai, juin. Tout l’Anjou. C. Cadaverinus Ent. Herst. Aux mêmes endroits et époques que le précédent. C. Merdarius Ent. Herst. Dans le fumier de poule, les excréments bumains. Printemps. Martigné. R. Binotatus Erichson. Pris une fois à Martigné dans du crottin. Mai. Martigné. RR. Neglectus Germar. Pris une fois à Martigné dans un bolet pourri. RR. Carbonarius Illiger. Dans les charognes, les fumiers, les immondices. Printemps. Tout l’Anjou. C. Purpurascens Herbst. Aux mêmes endroits et époques que le précé- dent. C. Stercorarius Herbst. Dans les bouses, les fumiers. Printemps, Été. C. Sinuatus Illiger. Aux mêmes endroits et époques que le précédent. C. Quadrinotatus Scriba. Dans les bouses, les charognes. Été. Mar- tigné. C. Bimaculatus Linné. Dans les bouses, les fumiers. Printemps. Tout lAnjou. C. Duodecimstriatus Schrank. Aux mêmes endroits et époques. Plus rare. Corvinus Germar. Dans les champignons. Automne. Martigné R. GENRE ONTHOPHILUS Leach. Striatus Fabricius. Sous les bouses sèches. Printemps. Été. Mar- tigné. C. GENRE PAROMALUS Erichson. Flavicornis Herbst. Sous les écorces. Été. Tout l’Anjou. C. GENRE DENDROPHILUS Leach. Pygmæus Linné. En tamisant les fourmilières des Formica fulva et rufa. Octobre. Martigné. R. GENRE SAPRINUS Erichson. Semipunctatus Fabricius. Sous un cadavre. Août. Martigné. R. Nitidulus Paykull. Sous les cadavres. Été. Tout l’Anjou. C. IL. 15 226 Speculifer Latreille. Aux mêmes endroits et époques. Plus rare. Conjungens Paykull. Aux mêmes endroits et époques. C. Æneus Fabricius. Sous les bouses, les cadavres, l'été. Martigné. R. GENRE GNATHONCUS Jacquelin du Val. Rotundatus Illiger. Dans le fumier, sous les écorces. Été. Martigné. R. GENRE TERETRIUS Erichson. Picipes Fabricius. Dans le bois pourri d’un vieux saule. Juin. Mar- tigné. RR. GENRE ABRÆUS Leach. Globosus Ent. Herst. Trouvé un seul exemplaire dans une fourmi- lière. Août. Maïtigné. GENRE ACRITUS Le Conte. Minutus Herbst. Pris un seul individu dans une basse-cour, près d’un pigeonnier. Mars. Martigné. RE NÉCROLOGIE Encore deux vides dans nos rangs. M. Drouet, professeur de pharmacie à l'École secondaire de méde- cine d'Angers, est mort au moment où ses collègues comptaient sur lui pour la publication d’un grand travail entomologique. M. Drouet n’était pas seulement un entomulogiste distingué, mais encore un botaniste intelligent. La flore de Maine-et-Loire lui est redevable de plusieurs découvertes importantes, et une renoncule (Ranuncula Drouetii) lui a été dédiée par Schultz. Un autre de nos membres, âgé de trente-sept ans, M. Émile Pré- vost, substitut du procureur impérial, a succombé le 31 mars 1865 à une affection de poitrine. La nombreuse assistance qui accompagnail à sa demeure dernière notre regretté collègue, prouve mieux que tout ce que nous pour- rions dire, quelle était la considération et l'affection dont il jouis- sait parmi nous. AIMÉ DE SOLAND. Cana “put fi af! 5 Fier fes ls 26mata (avr ti: 111 NT kr ele ab nn j ê haie 4£pS b dti 1 FLE if di PE on ‘ ZE 1 HS HS Fi du. à TABLE DES MATIÈRES centenues dans le 6e volume DES ANNALES DE LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE DU DÉPARTEMENT DE MAINE ET LOIRE, Pages. Liste des membres de la Société Linnéenne du département de Maine- : LOTO ee a BRL ECS OI LL 6 Fo Tea TE TEE AL TE 1 Rapport sur les Mémoires présentés au Concours de 1863, par M. ALBERT PEMAROCHAND Is eue ce LT TE ee lee eme cieee lee Let nie sel. IX Rapport sur une éducation en Anjou du ver du chêne ou Bombyx Yama-Maï, faite en 1863, par M. F. BLain...... CAO OR DNA PREMIERE 1 Mémoire sur les alouettes et les mésanges, par M. l’abbé VincELoT.. . ..… 21 Lettre sur les silex taillés, par M. L. BourGEoïs....:.......... ia 57 Note sur le câprier sans épines, par M. L. TURREL.................... 62 Observations sur les Nullipores et sur leur classification, par M. Courtizcer. 65 Les Grands Naturalistes français au commencement du xix° siècle (Etienne Geoffroy Saint-Hilaire), par M. BOURGUIN.......................... 67 À Henry Vesseron, traducteur d’Anacréon, par M. BoURGuIN ........... 116 Résumé des études faites à Marseille, depuis 3 ans, sur les saumons, truites saumonées et grandes truites des lacs, par M. le d' A. Sicarn........ 119 Expériences sur la maladie de la vigne, par M. A. DEMONT............. 123 Une fable de M. Viennet...,..,......., M ee PE ER CET 126 230 L’œuf et la poule (fable), par M. VrENNET, membre de l’Institut ........ Des produits que les squales et les raies fournissent à l’homme pour son alimentation et diverses industries, par M. AuG. DumÉRIL............. Note sur les habitudes de voracité des squales, et sur les moyens d'attaque et de défense des squales et des raies, par M. Auc. DumÉRIL.......... Coup-d’æil sur la famille des Syllidiens par A. de QuATREFAGES, membre de l'InstituPe PER RP ESP R EE CCE ECEREr DURE à FO ie à à « Le perroquet cendré, psittacus erithacus (Linné), par M. Sacc .......... Note sur le médecin Jean, religieux de l’abbaye de Saint-Nicolas d'Angers, Dar Me PAM DE SELANDE eee ce: Cr: VER Une excursion à Saint-Malo et aux environs, par M. AIMÉ DE SOLAND..... Etudes sur le genre Rhizomorpha, par M. AIMÉ DE SOLAND............. Compte rendu des excursions de la Société linnéenne, par M. AIMÉ DE SDPANDIE RL et ET oi er due CCC. CRC: CCC CCCEEEE De la culture de la moule, par M. E. S. DELIDON................. a Etude sur l’Ammonites discus, Sowerby, suivie de la description du Nautilus julii, Baugier, par M. ÉD. GUÉRANGER.................... La section d'histoire naturelle à l'exposition de 1864, par M. le d' E. Farc. Catalogue des coléoptères de l’Anjou, trouvés par MM. HENRI DE LA PERRAUDIÈRE et F. DE Romans................,.................. Nécrologie, par M. AIMÉ DE SOLAND ANGERS, IMPRIMERIE DE COSNIER ET LACHÈSE. ait Le ne D DS ÉÈr te RAS é Ve Te Lo br à ere ge PUR sub ea