Des RS ES Sn AR da 5 LÉ Lo ie. EE, LS ES ver PER ILES k EE ë #7 LS Fr FN 46 *k £« AR FOAG LERTS ANNALES Ce è LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE DE MAINE ET LOIRE 9e ANNÉE. — 1867 ANGERS IMPRIMERIE DE P. LACHÈSE, BELLEUVRE ET DOLBEAU Chaussée Saint-Pierre, 13 1867 ANNALES LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE MAINE-ET-LOIRE L'RRER 2 Ha # F4 n ti pk Li nm cp (RER HET: ANNAIES D E LA OCIÉTÉ LINNÉENNE DU DÉPARTEMENT DE MAINE-ET-LOIRE, { ème £ Année. ANGERS, Fe Lachèse , Belleuvre & Dolbeau , Imprimeurs SOCIÈTÉ LINNÉENNE DÉPARTEMENT DE MAINE-ET-LOIRE Fondée en 1859 BURE AU. MM. Sozanp (Aimé de), président. Lacnèse (Adolphe), vice-président. Masice (Pompée), secrétaire général. Farc (Emile), secrétaire. Anvré (Jules), vice-secrétaire. Contares (Edmond, baron de), archiviste-trésorier. MEMBRES TITULAIRES. MM. Anpicné (Aimé d’), ancien officier. AnniGné (Aimé d’), lieutenant de louveterie. ANDIGNÉ DE MAyneur (comte d’), maire du Lion-d’Angers. Anpré (Jules), rédacteur de l’Union de l'Ouest. Baracé (Raoul de), membre de plusieurs Sociétés savantes. Barassé (E.), imprimeur-libraire. Becceuvre (Paul), membre de plusieurs Sociétés savantes. BérauDière (comte de la). Bercer (Eugène), membre du Corps législatif, Brecawski (Henri), membre de plusieurs sociétés savantes. Bravisr (Aimé), ingénieur des mines. Boissarp (Arthur, vicomte de). Bouruowr (Louis, comte de). Bricuer (Paul), avocat. Brossarn ne Corgieny, ingénieur des mines des départements de Maine-et-Loire et de la Vendée. Caener (l'abbé), chanoine titulaire du chapitre de Saint- Maurice d'Angers. Caexvau (Auguste), juge au tribunal civil de première ins- tance d'Angers. Coisuin (Ernest, comte de). Conranes (Edmond, baron de). Cosnier (Léon), directeur de la Bibliothèque populaire d'Angers. Cumoxr (Vte Arthur de), rédacteur en chef de l’Union de l'Ouest et de / Ami du peuple. DeLocxr, directeur du cabinet d'histoire naturelle. Decnomez, avocat, maire de Bécon. Dery, notaire honoraire, Desué pe Lise (Ludovic), membre de plusieurs Sociétés savantes. Dezanneau, docteur en médecine, professeur à l'École secon- daire de médecine d'Angers. III MM. Duoproxr, chef d’escadrons, en retraite. EsPronnière (René del’). Farce (Emile), docteur en médecine, directeur de l’École d'enseignement supérieur. Farcy (Louis de), membre de plusieurs Sociétés savantes. Gaicnarp DE LA RenLOUE (Charles), maire de Marcé. Giraup (Charles), agronome. Guérin pe Caouzé (Lucien). Guérin (Paul). Guizzer (l'abbé), ancien professeur d’histoire naturelle, cha- noine honoraire, aumônier des dames de l’Oratoire. Guizzory (aîné), membre de la Société impériale et centrale d'agriculture et de plusieurs autres Sociétés savantes. Gunoyseau (Isidore), manufacturier. Hirox (Charles), juge d'instruction près le tribunal civil de première instance d'Angers. Houpax (Eugène d’), membre de plusieurs Sociétés savantes. Jousert (Achille), manufacturier. Lacaèse (Adolphe), docteur en médecine, président de la So- ciété impériale d'agriculture, sciences et arts d'Angers. Lacèse (Paul), imprimeur-libraire. Lareveznière (Ossian) membre de plusieurs Sociétés savantes. LanprEaAu (Gaston, baron du). Las Cases (comte de), membre du Corps législatif. LemarcHanp, conservateur-adjoint de la Bibliothèque de la ville d'Angers. Leroy (André), horticulteur, membre de plusieurs Sociétés savantes. Lorioc ne Barny, notaire. Maaizze, docteur en médecine, membre de plusieurs Sociétés savantes. Ménivier, premier président de la Cour impériale d'Angers. Mure De Buzzer (Gustave de). Mrevuzce (Léon de), ingénieur civil. MM. MM. IV Monrreuiz (Jules, comte de), membre de plusieurs Sociétés savantes. Moxrrieux (René), maire de la ville d'Angers. ParAGE-Farran (Frédéric), docteur en droit, adjoint au maire d'Angers, membre du Conseil général de Maine et Loire. Pavie (Victor), membre de plusieurs Sociétés savantes. PirasrTRe (Gustave), avocat. PréauLx (marquis de). Rocagsouer (François de). Romans (baron de). Romans (Fernand, baron de). SapiNAUD (Edmond, comte de). SELLE (Raymond de la). SoLanD (Aimé de), membre de plusieurs Sociétés savantes. SoLAND (Théobald de), conseiller à la Cour impériale d'Angers. TourioLe (Gustave), lépidoptériste et taxidermiste. Touran (Athanase). Vincecor (l'abbé), chanoine honoraire, aumônier de la pension Saint-Julien d'Angers. MEMBRES TITULAIRES NON RÉSIDANTS. Acxarp, docteur en médecine, à Thouarcé. Arcaiac (vicomte d’), membre de l’Institut, professeur-admi- nistrateur au Muséum d'histoire naturelle de Paris. ARoNDEAU, inspecteur de l’Académie de Rennes. AuserT, juge de paix à Châteaugontier. Avyuarp (Auguste), archiviste du département de la Haute- Loire. Barrcer (H. de), maire de Saint-Germain et Mons. Baïrzcon, docteur en médecine, professeur à la faculté de mé- decine de Paris. Barry, auteur de la Faune de la Savoie. Barraz, rédacteur du Journal d'agriculture. V MM. Bécrawr (A.), professeur à la Faculté de médecine de Mont- . pellier. BerarD pu Port, agronome à Miré. Bescaerezce (Emile), rédacteur à la division du personnel, au Ministère de l’agriculture , du commerce et des travaux publics. Brancaarp (Émile), membre de l’Institut, professeur au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Bosterre, directeur de l’École d'enseignement supérieur de Nantes. Bon, directeur de l’École d'agriculture de Rennes. Boucaer ne Crèvecœur, de Perthes, correspondant de l'Institut. Bourerois (l'abbé), professeur de philosophie au collége de Pont-Levoy. Boureun (L.-A.), ancien magistrat, président honoraire des Sociétés philotechnique et protectrice des animaux. Bovreizce, conservateur du cabinet d'histoire naturelle de Grenoble, membre de plusieurs Sociétés savantes. Brrav, docteur en médecine, bibliothécaire de l'Académie de médecine. Bronenrart (Adolphe), membre de l’Institut, professeur au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Carzzau» (Frédéric), directeur du cabinet d'histoire natu- relle de Nantes. Cessron-Lavau, agronome à Cholet. Cessac (Pierre de), membre de plusieurs Sociétés savantes. CaevreuL, membre de l’Institut, directeur du Muséum d’his- toire naturelle de Paris. Coca (Augustin), membre de l’Institut. Coste, membre de l’Institut, professeur au Collége de France. CorrEau, jugeautribunal civil de premièreinstance d'Auxerre. Cournizer (jeune), directeur du Musée d'archéologie, du cabinet d'histoire naturelle et du jardin des plantes de la ville de Saumur. CrocæarD (Armand de), membre de plusieurs Sociétés sa- vantes. VI MM. Dausrée, membre de l’Institut, ingénieur en chef des mines, professeur au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Decarosse, membre de l'Institut, professeur au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Davecouis, membre de plusieurs Sociétés savantes. Davousr (l'abbé), curé-doyen de Brulon. Desrais (Auguste), docteur en médecine, à Morannes. Dezinon, naturaliste à Saint-Gilles-sur-Vie, membre de plu- sieurs Sociétés savantes. Decaisxe, membre de l’Institut, professeur de culture au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Deraunay, administrateur de la maison centrale de Clermont (Seine-et-Oise). Derope, président de la Société dunkerquoise. Drouer (Henri), conseiller de préfecture à Dijon. Drouyx DE Luvys, membre de l’Institut, président de la So- ciété d’acclimatation. Duwas (Jules), pharmacien à Limoges. DunérizL (Auguste), professeur-administrateur au Muséum d'histoire naturelle de Paris, vice-président de la Société d’acclimatation. Dupcessis, répétiteur de génie rural à l'École Impériale de Grignon. Durieu DE Maisonneuve, directeur du jardin des plantes de Bordeaux. : Dusereneur, de Brest, membre de plusieurs Sociétés savantes. Duvaz (Raoul), avocat général près la Cour impériale de Rouen. Duvar-Jouve, inspecteur d'Académie à Strasbourg. Exox, pharmacien à Cholet. Facès, directeur des mines de Chalonnes. Fievrer (Louis), auteur de l’ Année scientifique. Frourens, membre de l’Académie française et de l'Académie des sciences. Fouquer, docteur en médecine, membre de plusieurs Socié- tés savantes, à Vannes. FRoMENTEL (de), sous-intendant militaire, à Cray. VII MM. Gazserr (comte de), membre de plusieurs Sociétés savantes. GaLzes (René), sous-intendant militaire, à Vannes. GauTziN (prince Augustin), membre de plusieurs Sociétés savantes. Gex, pharmacien à Metz. GEorrroy Sair-HiLaire, directeur du jardin d’acclimatation de Paris. Gras (Albin), docteur en médecine à Grenoble. GuéranGer (Edouard), géologue au Mans. Guérn-Ménevirze, directeur de la Revue zoologique. Guicaenor, aide-naturaliste de zoologie au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Guiccou, administrateur de la caisse d'épargne de Cholet. Hawrze (Victor), directeur au ministère des cultes. HéserTr, professeur de géologie à la Faculté de Paris. Héricourr (comte d’), secrétaire perpétuel de l’Académie d'Arras. Hesse, commissaire-adjoint de la marine, en retraite. Hiex, ingénieur civil à Colmar, membre de plusieurs Socié- tés savantes. Hovez (E.), inspecteur général des Haras. Houzcer, directeur des serres du Muséum d'histoire naturelle de Paris. Jorpan, botaniste à Lyon. Juuien (Th.), ancien magistrat, à Reims, président de l’Aca- démie de Reims. Lacaze-Durnier, professeur au Muséum d’histoire naturelle de Paris. | Lawsert (Paul), docteur en médecine. Lawore-Baracé (comte de), membre de plusieurs Sociétés savantes. LarerrADE, directeur de la Société linnéenne de Bordeaux. Lemercrer, sous-bibliothécaire au Muséum d'histoire natu- relle de Paris. Lessassier, pharmacien à Durtal. Lesvizce (de), membre de plusieurs Sociétés savantes. VIII MM. Levercré, docteur en médecine, mycologue, à Montmorency. Lise pu Dréneur (Arthur de), membre de plusieurs Sociétés savantes. Luisce pu Dréneur (G. de), membre de plusieurs Sociétés savantes. Louver, maire de Saumur, membre du Corps législatif. Loncuemar (de), ancien officier d'état-major. Lucas (Hippolyte), aide naturaliste d’entomologie au Muséum d'histoire naturelle de Paris, secrétaire de la Société d’en- tomologie. Macré (l'abbé), professeur d'histoire naturelle à l’institution de Sainte-Marie-de-Pincherray, à la Ferté-Macé (Orne). Mazacurmi, recteur de la Faculté des sciences de Rennes. MarcaanD (Léon), docteur en médecine, aide-naturaliste à la Faculté de médecine de Paris. Mavupuyr, ancien conservateur du Cabinet d'histoire natu- relle de Poitiers. Meszier, docteur en médecine, à Saint-Georges-sur-Loire. Mrcaezer, membre de l’Institut. MontyEAN, professeur au lycée de Toulouse. Morocues (baron de), membre de plusieurs Sociétés savantes. Mouzws (Charles des), président perpétuel de la Société lin- néenne de Bordeaux. Muzsanr, président de la Société linnéenne de Lyon, biblio- thécaire de la ville de Lyon. Napaun ne Burrow, substitut du procureur général près la Cour impériale de Rennes. Naunin, membre de l’Institut, aide naturaliste au Muséum d’histoire naturelle de Paris. Neumann (Louis), directeur des serres à fougères et à orchi- dées du Muséum d'histoire naturelle de Paris. Norserr-Bonarous, professeur à la Faculté d’Aix. PErin, chef des cultures du Muséum d'histoire naturelle de Paris. Puarcrre, directeur du jardin botanique de la marine à Saint- Mandrier, près Toulon. IX MM. Puirouse, docteur en médecine, à Rennes, membre de plu- sieurs Sociétés savantes. Prapaz, naturaliste, à Nantes. QuarrerAGEs (de), membre de l’Institut, professeur au Mu- séum d'histoire naturelle de Paris. Rasoun, docteur en médecine, à Saint-Florent-le-Vieil. Roran», ingénieur civil, à la Ferté-sous-Jouarre. René TaizrannieR, président de la Société des Écoles chré- tiennes de Paris. Sacc (docteur en médecine), délégué de la Société d’acclima- tation de Paris, à Barcelone (Espagne). SAINT-RENXÉ TAILLANDIER, professeur à la Faculté des lettres de Paris. SERVEAUX (E.), chef du premier bureau au ministère de l’ins- truction publique, membre de plusieurs Sociétés savantes. SicarD (docteur en médecine), président du comité d’agri- culture de Marseille. SouserrAN (Léon), licencié ès-sciences naturelles, secrétaire de la Société d’acclimatation. TasLé, notaire honoraire à Vannes. Taomas, naturaliste à Nantes. Trouizzarp (Charles), banquier, président du tribunal de commerce de Saumur. Turrez, docteur en médecine, délégué de la Société d’accli- matation, à Toulon. Varzcanr (Le maréchal), membre de l’Institut. Vienner, membre de l’Académie française. Viexnor (T.-C.), sous-directeur des archives au ministère des affaires étrangères. MM. MM. MM. MM. X MEMBRES ÉTRANGERS. ANGLETERRE. Baies président de la Société linnéenne de Londres. Lorr (Harry Bucland), membre des Sociétés royales d’agri- culture et d’horticulture de Londres. Muremsox (sir Roderick), géologue à Londres. Owen (Richard), directeur du British Muséum à Londres, associé étranger de l’Institut. AUTRICHE. FrauenreLp (G. Von), secrétaire de la Société zoologique de Vienne. Fexzz, directeur du jardin botanique de Vienne. S. À. le prince de ScawarzensERG, président de la Société d'agriculture de la Bohême. SENONER, géologue à Vienne. Sroritz, botaniste à Vienne. BAVIÈRE. SreroLp (C. Th. Von), professeur de zoologie à Munich. BELGIQUE. Benenen (Van), professeur de zoologie, à Louvain. Brun (Pierre), docteur en droit à Louvain. ScaraM, directeur du jardin des plantes de Bruxelles. SeLys-LoxcHawrs (de), naturaliste à Liége. DANEMARCK. Laxce (John), botaniste à Copenhague. SSEENSTRUP, professeur de zoologie à Copenhague. Vauz, directeur du jardin botanique à Copenhague. XI ECOSSE. Bazrour (J. H.), président de la Société botanique d’Edim- bourg. ESPAGNE. AGuILARD y VeLA, secrétaire de l'Académie des sciences de Madrid. ETATS ROMAINS. Cavarert SAN BERTOLO, président de l’Académie de Rome. Poxzi, professeur de géologie à Rome. GRÈCE. Lanperer, chimiste, à Athènes LinperMAYyER, président de la Société des sciences naturelles d'Athènes. HOLLANDE. Bzeexer, zoologiste à la Haye. Oupemaws, professeur de botanique à Amsterdam. IRLANDE. Arcner (William), secrétaire de la Société botanique de Dublin. ITALIE. Cazso-Crorra (comte François), à Venise. LancraA puc pe Broco (Federigo), grand chancelier de lUni- versité de Palerme. PORTUGAL. Coezuo (J. M. Latino), secrétaire de l’Académie de Lisbonne. XII PRUSSE. Braun (Alexandre), directeur dn jardin botanique de Berlin. S. A. S. le prince de Sazm-REIFFERSCHEID-DYc. Sæcauine, secrétaire de la Société de géologie de Berlin. RUSSIE. Branpr, membre de l’Académie des sciences de Saint-Péters- bourg. Bouniaxorsxi, vice-président de l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg. HezmerreN, membre de l’Académie des sciences de Saint- Pétersbourg. Texesvcner, membre de l’Académie des sciences de Saint- Pétersbourg. SUÉDE. ANpERssON (N. J.), membre de l'Académie de Stockholm. Tepenius, botaniste à Stockholm. SUISSE. Canoe (Alphonse de), professeur à Genève. STIZENBERGER, botaniste à Constance. TURQUIE. Savret-PAcHA, ancien ambassadeur de la Sublime Porte à Paris. LES AMMONITES DU TUFFEAU La grande différence qu’on observe dans les ornements des coquilles des Ammonites, aux différentes époques de leur vie, a tou- jours rendu très-difficile la détermination des espèces de ce beau genre de Céphalopodes. Ce n’est donc qu’en les brisant, pour arriver à reconnaître la forme qu’elles avaient dans leur jeunesse, qu’on peut en faire une description complète. Mais on n’est pas toujours à même de se les procurer en assez grand nombre pour employer un semblable moyen, très-certain il est vrai, mais qui ne réussit ce- pendant pas toujours, car les derniers tours de la spire sont souvent détruits ou si intimement liés entre eux qu’il est impossible de les séparer. Ayant eu à ma disposition, et en très-grande quantité, plusieurs des espèces de notre étage turonien, j'ai pensé que la description de celles incomplétement connues ou non décrites de ce terrain pourrait être de quelque utilité. Les détails de forme sont d'autant plus nécessaires que les carac- tères qu’on a voulu tirer des différentes parties de la coquille ne sont pas toujours exacts : ainsi le diamètre du dernier tour de la spire comparé au diamètre total n’est presque jamais le même aux différents âges. Je prendrai pour exemple les mesures prises sur plusieurs individus de lAmmonites fleuriausianus. Le diamètre du IX. 1 2 dernier tour doit faire, d’après la description qu’on donne de cette es- pèce, les 50/100 du diamètre total. J'ai seulement trouvé cette pro- portion au diamètre de 40 millim., mais au-dessus comme au-dessous elle n'existe plus. À 65 millim. , le rapport n’est plus que de 46/100, à celui de 80 millim. de 44/100, à celui de 100 millim. de 40/100 enfin à 150 millim. de 30/100. La même mobilité existe également dans la forme de la bouche qui varie en hautear ou en largeur suivant l’âge. La forme des lobes et des selles des cloisons offre des caractères un peu plus stables, mais cependant encore sujets à se modifier. Les divisions des lobes sont toujours beaucoup plus simples et moins nombreuses dans la jeunesse que dans l’âge adulte. Leurs rapports entre eux, ainsi que celui des selles, changent aussi lorsqu'il se forme de nouveaux tubercules ou lorsqu'il en disparaît d'anciens, ce qui les rapproche ou les éloigne de leur première position. Ce n’est donc que par l’ensemble de tous les caractères , pris à tous les âges, qu’on peut arriver à donner une description exacte de cha- cune des espèces de ces remarquables coquilles disparues avec les terrains secondaires. Les Ammonites propres au tuffeau, que j'ai pu observer dans nos environs, sont au nombre de huit; ce sont : Ammonites Woolgarii, Mantell. — Peramplus, Mantell. — Lewesiensis, Sowerby. — Fleuriausianus, d’Orbigny. — Deverianus, d’Orbigny. — Cephalotus, Spe Nov. — Reveliereanus, Spe Nov. — Salmuriensis, Spe Nov. Je n’ai pas encore rencontré les Ammonites Goupilianus et Vieil- bancii indiquées à Saumur, je ne parle pas de l Ammonites Prospe- rianus qui est un jeune du Peramplus. Quant aux Ammonites Mantelli et Requienianus, elles sont propres à l'étage Cénomanien. Sur les cinq Ammonites anciennement connues, deux sont assez 3 complétement décrites pour qu’il soit inutile d'y revenir. Ce sont les. Ammonites Lewesiensis et Deverianus. J’essaierai donc de com pléter l’histoire des autres espèces et je donnerai également la des- cription et la figure ! aux différents âges, de celles qui ne sont pas encore dans la Paléontologie française et qui, Je crois, sont nou- velles pour la science. AMMONITES CEPHALOTUS, Spe. nov. Diamètre des individus adultes : 25 centimètres. Coquille unie, discoïdale, très-aplatie, mais considérablement renflée dans la dernière loge de manière à former une espèce de tête, puis très-rétrécie en avant. Bouche étroite, longue et échancrée en dessus, tours de la spire laissant à peine voir l’ombilic ; dernière loge formant les deux tiers de la coquille. Jusqu'au diamètre de 6 centimètres, la coquille est ornée de trente à quarante côtes qui passent sur le dos; passé cet âge, elle devient entièrement unie. Cloisons : Le lobe dorsal est orné de chaque côté de trois bran- ches plus ou moins divisées ; le lobe latéral supérieur, une fois aussi long que le lobe dorsal, est composé de trois branches bi ou trifur- quées, lobe latéral inférieur et lobe auxiliaire à cinq ou six branches, chaque digitation tridentée. Cette espèce, par le renflement extraordinaire de sa dernière loge, s'éloigne de toutes celles décrites. Lorsqu'elle n’est pas compléte- ment formée, on pourrait la confondre avec l’Ammonites Goupi- lianus dont elle se rapproche un peu par la forme. Planche 1°, fig. 1. Un individu adulte réduit de plus de moitié. — 2. Le même vu de face, probablement un mäle. — 3. Un jeune, grandeur naturelle. Planche 2, fig. 1. Intérieur d’une cloison vu de face, probable- ment d’une femelle , demi grandeur. — 2. Une cloison. 1 Les lithographies, faites sur de mauvaises pierres mal préparées, n’ont malheureusement reproduit qu’un dessin grossier. AMMONITES REVELIEREANUS (Spe. nov.). Diamètre des plus grands individus : 10 à 11 ' centimètres. Coquille ornée au pourtour de l’ombilic de cinq gros tubercules. Chacun de ces tubercules donne naissance à trois côtes qui se ter- minent, de chaque côté du dos, par un tubercule mince et allongé dans le sens de la coquille; entre ces trois côtes réunies se trouve une autre côte libre partant d’un tubercule du dos et venant se ter- miner entre ceux de l’ombilic. A l’état naissant cette espèce, comme presque toutes les Ammo- nites, est complétement lisse, au diamètre de 2 centim. elle se cou- vre de côtes qui s'arrêtent au dos qui est alors orné d’une carène légèrement onduleuse. Chacune de ces côtes est terminée par un petit tubercule, puis la carène disparait, le dos s’élargit, une nou- velle rangée de tubercules s’élève de chaque côté et forme avec les tubercules qui terminent les côtes quatre rangs de points éle- vés, aplatis dans le sens de la longueur. Au diamètre de 3 à 4 cen- timètres, le pourtour de l’ombilic s’orne des gros tubercules qui doivent former sa livrée complète en ne laissant subsister que deux rangs de tubercules sur le dos. Les tours de la spire se recouvrent presque entièrement. Cloisons : Lobe dorsal terminé par deux tiges courtes tridentées au sommet; lobe latéral supérieur de la même hauteur bifurqué, les deux suivants trifurqués. J’ai dédié cette espèce à mon ami Jules Révelière. Planche 3, fig. 1. Un individu de grandeur naturelle. — 2. Le même vu de face — — 2. Plus jeune, grandeur naturelle. — 2. Une cloison. AMMONITES PERAMPLUS, Mantell. Diamètre des plus grands individus : 80 centimètres. Cette Ammonite exactement décrite au diamètre de 16 centim., qu’on lui donne dans les auteurs, diffère un peu à son état adulte, ù par la disparition partielle ou même quelquefois complète de ses côtes. Mais c’est surtout dans son jeune âge qu’elle offre les grandes différences que je vais faire en sorte de faire connaître. Au diamètre de 2 centim., elle est ornée, par chaque tour de spire, de quinze à seize côtes sinueuses qui se réunissent sur le dos. Au diamètre de quatre centim., on voit cinq à six gros tubercules, au pourtour de l’ombilic, qui donnent naissance à autant de grosses côtes, qui se réunissent également sur le dos, mais ayant entre chacune d’elles trois autres petites côtes naissant sur le dos et se terminant vers le milieu de la spire; c’est alors l'Ammonites Pros- perianus de d’Orbigny. Après cet âge, les tubercules de l’ombilic et les grosses côtes auxquelles ils avaient donné naissance dispa- raissent ; toutes les côtes du dos persistent seules jusqu’au diamètre de 8 à 10 centim., et sont alors au nombre de vingt-cinq à qua- rante par tour. Dans quelques individus, après cet âge, tout s’ef- face et la coquille reste entièrement lisse jusqu’au diamètre de 12 à 15 centim., époque où apparaissent les grosses côtes au nombre de dix à quatorze par tour, qui partent plutôt d’un léger renflement que d’un tubercule placé vers l’ombilic. Le diamètre du dernier tour de la spire varie suivant l’âge entre 34 et 54 centim. du diamètre total. Cloisons : Lobe dorsal formé de digitations dentées à pointes très- aiguës, les extrémités tridentées, lobe latéral supérieur beaucoup plus grand que le lobe dorsal, terminé par trois grandes digitations trifides et subdivisées elles-mêmes. Lobe latéral inférieur terminé ordinairement par trois digitations ; lobe accessoire ayant deux. di- gitations peu régulières et trifides. Commune dans nos carrières. Planche 4, fig. 1°. Un individu adulte. Æ= 2. Le même, vu de face. — 3. Une cloison. Planche 5, fig. 1". Un jeune, grandeur naturelle. — 2. Plus jeune — — 3. Le même, vu de face. — 4. Plus jeune, encore grandeur naturelle. AMMONITES SALMURIENSIS (Spe. nov.) Diamètre des plus grands individus : 20 centimètres. Coquille, ornée ordinairement par tour de vingt-cinq à trente côtes toujours simples, s’élevant en tubercules à peu près vers le milieu et se terminant sur les côtés du dos par deux autres tubercules arron- dis, liés également entre eux par la continuation de la côte. Dos légèrement arrondi, offrant de chaque côté, comme nous venons de le dire, deux tubercules, et au milieu une légère carène, rarement un peu onduleuse, formée par la saillie du syphon. Pas de rang de tubercules au milieu du dos, même dans le plus jeune âge. Bouche un peu plus large que haute jusqu’au diamètre de 150 millim. ; mais passé cet âge, elle s’allonge et devient 1/3 plus haute que large, alors de légères stries commencent à paraître entre les dernières cô- tes et vers leur base. Spire composée de tours presque libres et ne recouvrant que le dernier tubercule du dos. Le dernier tour n’a que les 32 ou 33/100 du diamètre entier, proportion qui semble se garder à peu près à tous les àâges. Cloisons variables et offrant les passages entre les deux formes indiquées planche 6, fig. 3 et 4. Cette espèce, bien différente de celles décrites, puisque j'ai pu constater les caractères que je viens d’indiquer sur plus de cin- quante exemplaires, offre cependant quelques variétés dont les côtes, bien plus éloignées, ne sont qu’au nombre de seize à vingt : on pourrait la confondre alors facilement avec l’Ammonites Vielbaneïi indiquée à Saumur par M. Dufrénoy et que je n’y ai pas encore rencontrée. Elle est aussi assez voisine de l'Amm. Rhotomagensis, de l'étage cénomanien ; mais elle s’en distingue facilement par un bien plus grand nombre de côtes, par son dernier tour beaucoup moins enveloppant et par la forme de ses tubercules. Serait-ce cette espèce que d’Orbigny a voulu indiquer dans son pro- drome de Paléontologie sous le nom de Turoniensis? La description en est tellement courte et incomplète qu’il est bien difficile de le dire. 7 Planche 6, fig. 1". Un individu adulte réduit de moitié. — 2. Le même, vu de face. — 3 et 4. Deux cloisons prises sur deux individus de même diamètre. AMMONITES FLEURIAUSIANCUS, d'Orbigny. Diamètre des individus adultes : 146 centimètres. Cette coquille, dans sa jeunesse, est ornée au pourtour de l’om- bilic de cinq à six gros tubercules donnant naissance chacun à deux côtes qui s’arrêtent de chaque côté du dos et se terminent par un tubercule allongé. Entre ces côtes, réunies deux par deux, s’en trouve une troisième, ou quelquefois deux autres, libres, plus cour- tes, mais se terminant également sur les côtés du dos par un tu- bercule allongé. Chacune de ces côtes a de plus, un peu avant son extrémité et sur le milieu, un petit tubercule arrondi, ce qui, joint au tubercule dorsal, donne cinq lignes de points élevés sur le dos et une sixième autour de l’ombilic. Passé le diamètre de 10 centim., les tubercules qui terminent les côtes se développent en augmentant régulièrement de grandeur, en même temps ceux de l’ombilic dis- paraissent ainsi que ceux de la ligne dorsale. Le dos est alors en- tüèrement uni, puis tous les ornements s’effacent et la coquille con- tinue à croître en restant parfaitement lisse jusqu’à sa mort. Planche 7, fig. 1". Un individu complet. — 2. Un jeune, grandeur naturelle. — 3. — : — vu de face. — 4. Division des cloisons. AMMONITES WOOLGARIT, Mantell. Diamètre des individus adultes : 22 centimètres. Comme l’Ammonites Fleuriausianus, cette espèce n’a été décrite que dans son jeune âge, car adulte elle atteint jusqu’à 22 centim. de diamètre au lieu de 47 millim. que lui donne la Paléontologie 8 française. Au diamètre de 6 centim., il se développe près du dos et au milieu de la spire deux rangs de tubercules qui augmentent en longueur et en grosseur jusqu’à ce que ces deux tubercules se réu- nissent pour ne plus en former qu’un seul. La coquille se trouve alors ornée sur le dos de trois tubercules reliés par une ligne élevée, puis tous ces tubercules disparaissent et la coquille continue à croître ne donnant plus naissance qu’à de forts plis se prolongeant en avant sur le dos et que j'ai comptés, quelquefois, jusqu’au nombre de sept ou huit. Dans son jeune âge, cette coquille est ornée de vingt à vingt-cinq côtes par tour. Chaque côte se termine, de chaque côté du dos, par un tubercule aigu. Le milieu du dos porte, dans son jeune âge, une carène unie, qui, plus tard, se décompose en une suite de tubercules qui persistent Jusqu'au moment où commence la décrépitude. Planche 8, fig. 1°. Un individu adulte. — 2. Un jeune, grandeur naturelle. — 3. — un peu plus âgé, vu de face. — 4. Division des cloisons. CoOURTILLER. = = & = = Court: : AMMONITES CEPHALOTUS | Î | | ù | | : | | | Courtiller del, AMMONITES CEPHALOTUS LR Courhller, del. AMMONITES REVELIEREANUS. P1.4. PRE 5 Lis TA ler, del. TT il Court | É . PERAMPLUS. AMMONITES PP} Gourtiller del. PERAMPLUS. AMMONITES 4, Gourtller AMMONITES SALMURIENSIS, RÉ EAST Courtller del. FLEURIAUSIANUS AMMONITES FL6) Gourtiller del. AMMONITES WOOLCGARII. ICHTHYOLOGIE Le Trigle polyommate , nouveau genre de poisson de la famille des Tr'igloides. Richardson a publié ce poisson dès 1839, dans les Proceedings de la société zoologique de Londres (Part. vn, pag. 69), et décrit et figuré ce même poisson en 1849, dans les Transactions de cette même société zoologique de Londres (tom. 3, pag. 87, pl. V, fig. 2:), sous le nom de Trigla polyommata, et dont le musée de Paris pos- sède un individu envoyé par M. Müller de Melbourne, en Australie. C’est, en effet, un Trigle, mais un Trigle qu’on ne peut laisser avec les espèces auxquelles on réserve maintenant plus particulièrement ce nom. Son caractère générique essentiel consiste en une série de lames ou pièces osseuses, qui entourent toute la base de la portion épineuse de la dorsale, où elles forment autour de cette nageoire comme une sorte de cuirasse, étroite et allongée. Ce ne sont plus des épines aiguës, fortes, pointues et dirigées en arrière, ainsi que cela s’observe dans les autres Trigles, et qui ne sont, comme le di- sent Cuvier et Valenciennes (Hist. nat. Poiss., tom. IV, p. 19) que des dilatations des os interépineux; cette particularité organique, qui ne se retrouve dans aucun des Trigles connus, devient pour le 1 La figure donnée par Richardson ne montre pas le caractère essentiel du genre. IX. 4 10 poisson dont nous parlons maintenant le trait qui le rend facile à distinguer à la première vue de ses analogues : ce qui nous a fait lui consacrer la dénomination générique de Æoplonote, mot qui si- gnifie dos armé. Malgré Le caractère particulier que nous venons d’énoncer, et par lequel le poisson que nous considérons comme le type de notre nou- veau genre ou sous-genre s’isole des Trigles ordinaires, ainsi qu’il l’a été dit précédemment, il a néanmoins, comme toutes les autres espèces du groupe d’où nous le démembrons, l’appareil sous-orbi- taire large, recouvrant complétement la joue et s’articulant avec le préopercule, comme dans tous les autres poissons à Joues curassées. Son corps est allongé, garni d’écailles lisses, et pourvu de deux nageoires du dos, distinctes l’une de l’autre, comme dans les vrais Trigles ou Grondins, ainsi qu’on les appelle vulgairement encore. Sa tête est de même grosse, de forme presque carrée ou cubique, et cuirassée de toutes parts par des pièces osseuses, à surface striée, granulée ou chagrinée; elle est, en outre, hérissée d’épines ou d’a- rètes saillantes. Sa bouche est médiocre, s’ouvre sous la proémi- nence du museau, et porte des dents en velours aux deux mâchoi- res ; il y en a également une bande au chevron du vomer. Telles sont aussi les dents qui arment les os pharyngiens. Les pectorales de l’Hoplonote polyommate, comme celles, du reste, de tous les Trigles, sont d’une grandeur énorme, assez développées, étendues pour servir d'ailes à ces poissons, leur permettre de se soutenir quelques instants dans Pair, et de voler à la surface de l’eau. Il existe sous la partie inférieure de ces nageoires des filets ou rayons libres, plus gros que les autres, articulés, mais simples, au nombre de trois, qui caractérisent le grand genre des Trigles, et qui doivent leur former un organe de tact sensible, ainsi que le font remarquer les auteurs de l’Ichthyologie générale (tom. IV, pag. 18). D’après l’ensemble des caractères que nous venons de signaler, on voit que le genre Hoplonote a les rapports les plus intimes et les plus marqués de structure avec les poissons que nous lui opposons, ce qui justifie jusqu’à un certain point la place que lui assigne Ri- chardson (/oc. cit.). 11 Nous ne connaissons encore qu’une seule espèce qui se rapporte à ce singulier genre, et à laquelle nous laissons, à l'exemple de Ri- chardson, le nom de polyommata, et même qu’un seul individu d’a- près lequel nous avons fait la description qu’on va lire. Hoplonotus polyommatus, Guich. L'espèce de ce genre se fait remarquer par son corps rond, al- longé, allant en diminuant de grosseur jusque vers la queue, et couvert d’écailles excessivement petites sur toute la longueur du corps du poisson, qui est trois fois plus long qu’il n’est haut. Sa tête est grosse, volumineuse ; sa longueur entière est moins de deux fois dans celle du corps. Les deux lobes ou productions du premier sous-orbitaire qui forment la grande échancrure ou fourche du mu- seau sont aplatis, sans dentelures à leurs bords, pointus à leur ex- trémité, et ne dépassent pas la longueur de l’épine du suwrscapu- laire. L'espace entre les yeux est très-concave ; il égale presque le diamètre des yeux, qui sont grands et du tiers de la longueur de la tête. Les épines operculaires et de l’épaule sont fort longues, très-acérées, surtout celle de l’os huméral, qui dépasse la moitié de la longueur de cet os. Les mâchoires portent une bande de dents en velours fort. Il y en a aussi de semblables sur le chevron du vomer; mais les palatins n’en ont point, pas plus que la langue. La dorsale a sept rayons épineux, forts; le premier est un peu plus court que le second : les autres vont en diminuant graduellement de hauteur jusqu’au dernier, qui finit tout près de la seconde dorsale. Celle-ci est un peu plus longue que la première, moins haute, et a onze ou douze rayons presque d’égale hauteur entre eux. La pectorale est fort longue ; elle a treize ou quatorze rayons, simples, articulés, et dont les mitoyens sont les plus longs. Cette nageoïire fait le tiers de la longueur totale de l'animal. Les ventrales égalent en lon- gueur les rayons libres d’au-dessous les pectorales; elles sont sou- tenues par cinq rayons à peu près égaux entre eux, excepté le pre- mier, qui est épineux, et le plus court, comme c’est l’ordinaire chez les poissons. La caudale est fourchue, à lobes pointus; elle a dix- sept rayons. 12 La couleur de l’Hoplonote polyommate est d’un rouge olive sur le dos. Le ventre est argenté. Les pectorales sont brunes, avec plu- sieurs taches noires, bordées de blanc à leur partie inférieure, et formant des sortes d’yeux ; de là le nom de po/yommata donné à cette espèce par Richardson. Les autres nageoires sont teintes de jaunâtre, sans aucune tache. Tel est, à peu près, du moins, le système de coloration indiqué pour cette espèce par M. Richardson, dans les Transactions de la société zoologique de Londres (/0c. cit.) sur les poissons de l’Aus- tralie. | La longueur de notre individu, malheureusement assez mal con- servé, est d'environ #rente-sept centimètres. IL a été donné, comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire plus haut, au musée de Paris par M. Fr. Muëller. Il vient de Melbourne, en Australie. Nous ne savons rien des habitudes de cette rare et curieuse espèce. Il Le Zancele centrognathe, nouveau genre de Chetodons. Le poisson qui fait le sujet de cette notice, appartient à la vaste famille des Squammipennes, et au grand genre des Chétodons, que Linné le premier a indiqué (Syst. nat., XIE édif., tom. I, p. 1240, n° 164). Tel que le comprenait le grand naturaliste suédois, le genre des Chétodons renfermait, non-seulement les espèces qu’on appelle aujourd’hui du même nom, mais encore les Chelmons, les Hénioches ou Cochers, les Zancles ou Tranchoirs, les Ephippes ou Cavalers, les Drépanes, les Scatophages, les Taurichtes, les Holacanthes, les Pomacanthes, et plusieurs autres poissons qui forment actuellement des genres distincts et séparés. Ces différents groupes se composent 13 d’espèces d’une organisation spéciale ou particulière, toutes carac- térisées par des dents en brosses ou en soïes aux mâchoires, un corps presque orbiculaire ou rond, comprimé et écailleux, une bou- che excessivement petite, une queue courte à caudale tronquée, et des nageoires dorsale et anale recouvertes d’écailles, surtout dans leur partie molle. Tous ces Chétodons, dont le nom désigne la forme des dents (dents en soies), sont nombreux en espèce des mers des pays chauds, et remarquables surtout par leurs belles couleurs bril- lantes, variées, relevées par des bandes, des lignes ou raies qni prennent diverses directions ; des taches ou ocelles et des points multipliés, distribués à la surface de leur corps. La plupart de ces , poissons ont une bande noire appelée la bande oculaire, qui descend de la nuque vers l'interopercule en s’interrompant au-devant de l'œil, et une ou deux autres, également noires, sur l’arrière du corps ; circonstance qui à fait donner aux poissons dont nous par- lons la dénomination vulgaire de Bandoulière, par laquelle Bloch les a désignés en français. Un de ces genres surtout appelle notre attention, celui des Zan- cles où Tranchoirs, très analogue par ses espèces aux Hénioches ou Cochers, avec lesquels elles forment une réunion naturelle, ayant comme ces derniers le corps irès-élevé, comprimé, écailleux, avec les premiers rayons épineux de la nageoïire du dos, notamment le troisième ou le quatrième, prolongés en un très-long filet (com- parable pour la forme à un fouet de cocher), et n’en différant guère que par leurs écailles d’une petitesse extrême, réduites à de simples aspérités. Ainsi déterminé, le genre Zancle forme un groupe qui ne se com- pose jusqu’à présent que de deux ou trois espèces, fort rares dans les mers des Indes. Une d’elles, le Zangle à moustache épineuse (Zanclus centrogna- thos, Val.), constitue dans notre manière de voir, le type d’un petit genre ou sous-genre particulier, qui est le suivant : Gnathocentrum, Guich. Où le sous-orbitaire est armé d’une forte épine à la partie anté- 14 rieure de son bord inférieur , et c’est de cette particularité que vient ce nom. Tel est Le : Gnathocentrum centrognathum, Guich. Poisson auquel nous avons conservé le nom spécifique de centro- gnathe, ainsi nommé et décrit par Valenciennes (aisé. nat. Poiss., supp., tom VII, pag. 528), et que ce savant ichthyologiste a eu le tort, selon nous, de ne pas considérer comme un groupe à part des Zancles. Pour compléter l’histoire de ce Gnathocentre, nous retra- cerons ici les caractères distinctifs de l’espèce, qui a, comme le genre qu’elle concourt à former, une forte épine saillante au bord infé- rieur du sous-orbitaire au-dessus de l’angle de la bouche, dont la pointe est dirigée obliquement et un peu en arrière, et dont le de- vant de la base est relevé en une carène osseuse sur laquelle on voit à la loupe deux ou trois autres petites épines, ainsi que s’exprime Valenciennes (/oc. cit.), pour indiquer la particularité ostéologique la plus notable que présente cette espèce, et qui nous l’a fait ériger en genre à part. Elle est, en outre, remarquable par la forme de son corps, qui est très-élevé et presque rond ou orbiculaire ; sa hau- teur est une fois dans la longueur du poisson, la caudale non com- prise. Son museau saïlle peu au-devant de la bouche, qui est très- petite. Son profil est presque vertical. L’intervalle qui sépare les yeux, ou, pour être plus exact, le chanfrein est assez bombé. Chaque mâchoire a une bande de dents simples, inclinées en avant et qui forment une brosse comme dans les autres Chéfodons. Le poisson que nous avons cru devoir appeler Gnathocentre à mousta- che épineuse, n’a pas comme le Zancle cornu au-devant de chaque œil une petite épine ou pointe aiguë, si caractéristique chez l'espèce que nous venons de nommer, et qui lui a fait donner le nom de cornu par Valenciennes, à cause de ce singulier caractère. La dorsale, chez l’espèce que nous décrivons maintenant s’élève d’a- bord rapidement, et s’abaisse ensuite graduellement en ligne droite; ses premières épines se prolongent en un très-long filet, délié, et assez long pour dépasser de beaucoup la fin de la nageoire de la queue. Les pectorales sont grandes par rapport à la taille du 15 poisson, obtuses et de forme presque ovale. Les ventrales sont plus longues, et leur pointe très-aiguë. L’anale a ses premiers rayons un peu plus longs que tous ceux qui les suivent. La caudale est tronquée carrément. Tout le corps est couvert de très-petites écailles dentelées à leur bord, en sorte que la peau de ce poisson est rude au toucher. D 7/89" ArS/815C 17 PB T6 SN 1/5. D’après la description que Valenciennes a faite de cette espèce, sa couleur est d’un gris foncé sur le corps, mais la poitrine et le des- sous de la gorge sont argentés. Une bande, également de la couleur du corps, descend obliquement au-devant de l'œil et se termine sous la gorge. Les nageoires ont une teinte jaune. L’espèce est originaire de Vanicolo, l’une des îles de la Polynésie; on ne l'y trouve que très-rarement. Elle existe aussi dans la mer des Indes, d’où M. Dussumier en a rapporté pour le musée de Paris plusieurs individus qu’il a observés dans l’estomac d’un Germon, pris près de l’Equateur par 1° de latitude et par 75° de longitude est du méridien de Paris. Cette espèce paraît rester dans de petites dimensions, comme de 6 ou 7 centim. de longueur. III L'Argentine leioglosse, nouveau genre de Satlinonoîides. Parmi les curieux et intéressants poissons du genre des Argentines, dont on ne connaît aujourd’hui encore que quelques rares espèces, il en est une que nous avons publiée *, mais bien à tort, à l'exemple de Valenciennes *, sous le nom d’Argentina leioqglossa, et qui néan- moins présente un trait d'organisation notable, bien tranché d’avec 1 Expl. Scient. Alg., Ichth., pag. 97. 2 Hist. Nat. Poiss., tom. XXE, pag. 418, pl. 624. 16 les autres Argentines, pour devenir, suivant nous, le type d’un petit genre ou sous-genre particulier. Ce caractère, qui rend cette divi- sion très-facile à distinguer, consiste dans l’absence complète de dents sur la langue, ainsi que l’exprime la dénomination générique de Glossanodonte, que nous imposons au poisson qui fait le sujet de cette notice. À cette particularité importante et très-nettement dé- terminée, qui isole de suite l’espèce que nous détachons du genre établi par Linné’, il faut noter encore pour compléter la caracté- ristique du poisson de ce groupe, qu’il a toute la forme extérieure des autres Argentines, c’est-à-dire, le corps allongé, un peu arrondi, couvert d’écailles minces, de moyenne grandeur, caduques ou qui tombent avec la plus grande facilité, et garni de deux nageoires du dos, dont l’une est composée de rayons simples, et l’autre adipeuse ou graisseuse et sans rayons. Le genre G/ossanodonte est encore remarquable en ce qu’il a la bouche petite, déprimée horizontale- ment, sans dents aux mâchoires, dont le bord de la supérieure est formé par de très-courts intermaxillaires, et sur les côtés par les maxillaires, de même que dans les autres genrès de la famille des Salmonoïdes. Comme les espèces auxquelles Valenciennes l'avait associé si mal à propos, le poisson dont nous parlons ici a le vomer et les palatins armés de dents excessivement petites, mais la langue n’en a aucune; particularité qui ne se retrouve pas chez les espèces auxquelles nous réservons plus particulièrement le nom d’Argentines, et qui devient alorsle caractère essentiel du poisson qui sert de type à notre genre Glossanodonte. Du reste, les viscères de ce poisson res- semblent à ceux des espèces du groupe d’où nous les retirons. Son es- tomac est petit, en cul-de-sac, et entouré de nombreuses appendices pyloriques ou cœcales très-courtes. L’intestin est petit, ne fait qu’un simple pli. Sa vessie natatoire ou aérienne ne communique pas avec l’æsophage par un conduit pneumatophore ; elle est petite, à tuni- ques ou parois assez épaisses, et recouverte d’une matière fortement argentée ou nacrée, et qu'on emploie pour la fabrication des fausses perles, comme celle de plusieurs autres poissons. 1 Syst. nat., XIIT édit., tom I, pag. 1394, n° 182. 17 Nous désignons l’espèce actnelle par le même nom spécifique de leioglosse, que Valenciennes a inscrit dans l'Histoire naturelle des Poissons, tom, XXI, pag. 417, pl. 624), et dont voici la description abrégée. Glossanodon leioglossum, Guich. Ce poisson ressemble beaucoup, par ses traits généraux, aux autres espèces du genre des Argentines. Son corps est allongé, de forme arrondie, bien qu’un peu tétraëdre ou à quatre pans. La hau- teur du tronc est comprise sept fois dans la longueur entière de l’animal. La tête est longue ; elle est contenue trois fois dans cette même longueur. L’œil dans cette espèce est grand; son diamètre fait le tiers de la longueur de la tête. Les deux mâchoires sont à peu près égales entre elles, dépourvues de dents ; celles du vomer et des palatins sont fort petites, mais on n’en voit pas sur la langue, qui est complétement lisse, contrairement à ce qu’on observe chez les autres Argentines ; ce qui justifie pleinement la distinction géné- rique que nous établissons pour cette espèce de poisson. Sa dorsale est courte, et ses premiers rayons un peu plus longs que les autres. L’anale est basse, peu étendue ; ses rayons antérieurs sont semblables ou égaux entre eux. Les pectorales sont assez larges, peu allongées en pointes, les ventrales sont petites, et correspondent presqu’à la fin de la dorsale. La caudale est fortement échancrée. DAS ANAL P. 19 CG 245 V. 10° : La couleur de ce poisson est brune sur le dos, et argentée sur tout le reste du corps, de chaque côté duquel règne une large bande- lette également argentée. Toutes les nageoires sont d’un brun pâle. L’espèce dont on vient de lire la description est longue de douze centimètres environ. Elle nous a paru être fort rare sur la côte est de l'Algérie, d’où nous l’avons rapportée lors de l'expédition scien- tifique de l'Algérie, dont nous étions l’un des membres. GUICHENOT. IX. 9 ESSAIS ÉTYMOLOGIQUES L'ORNITHOLOGIE CINQUIÈME ORDRE — GALLINACÉS FAMILLE DES TÉTRADACTYLES. L'ordre des Gallinacés, qui occupe dans la Faune de Maine et Loire le cinquième rang, doit son nom au coq, Gallus, dont j'ai indiqué précédemment l’étymelogie. Cet ordre ne compte parmi les oiseaux qui vivent à l’état sauvage qu’une seule famille, et cette fa- mille ne comprend elle-même que trois espèces, ou peut-être une quatrième, si l’on admet l’opinion de quelques naturalistes. Le mot Tétradactyle est composé de vérrape, quatre, et äéxrudoc, doigt, et signifie « oiseaux qui ont quatre doigts, » dénomination, je l'avoue, en toute simplicité, qui ne détermine guère la famille des Gallinacés, et qui peut convenir à beaucoup d'autres oiseaux. Dans quelques ouvrages d’ornithologie, on applique à une fa- mille des Echassiers comprenant les Flamants, les Glaréoles, etc. 19 C’est pour ce motif même que j'ai cru, peut-être un peu téméraire- ment, devoir ranger parmi les Tétradactyles gallinacés la Glaréole à collier, dont la présence a été signalée en Anjou. J’abandonne donc la responsabilité entière de cette dénomination à l'honorable auteur de la Faune de Maine et Loire, ayant moi-même déjà assez d’opi- nions personnelles à défendre. Il est facile de constater que les perdrix et les cailles appartien- nent à l’ordre des Gallinacés. En effet, comme tous les oiseaux classés sous cette dénomination, les perdrix et les caïlles préfèrent la course au vol, ont les ailes et la queue courtes et arrondies, sont pulvérateurs et enfin dotés d’un bec très-caractéristique. Mais si la véritable étymologie du mot gallinacé signifie «chanter fort, se faire entendre au loin » il est évident que, dans cet ordre, la caille doit trouver sa place, et même être mise au premier rang. La PERDRIX ROUGE. — PERDIX RUFA. La dénomination vulgaire et la dénomination scientifique em ployées pour désigner la Perdrix, ont entièrement la même signifi- cation. L’épithète rouge s'explique assez par elle-même; elle indique les nuances du plumage qui servent à distinguer cette espèce des autres membres de la mème famille. Il ne s’agit donc que d’essayer d’indiquer l’étymologie du mot perdrix. Je crois que cette dénomination s’ajoute encore aux exemples déjà si nombreux par lesquels nous avons constaté que les anciens étaient portés à représenter les mœurs ou les qualités des animaux par une onoma- topée fondée sur leurs cris ou leur chant. Il est sage de constater d’abord que le mot latin perdix dérive de #sùé, employé par les Grecs pour désigner cet oiseau. Pendant très-longtemps en France on disait perdis et non pas perdrir, comme on peut le vérifier par les vers suivants : Assaulx mit en lieux de bataille Entre éperviers, perdis et cailles. (Le Roman de la Rose, fol. 122.) 20 Le latin est resté fidèle à l’étymologie, et le français s’en est éloigné. Le mâle de la perdrix fait entendre différents cris et le plus ca- ractéristique est celui qu’il répète quand, au moment du printemps, on vient à le surprendre et à l’éloigner de celle qu’il a choisie pour contracter une union. Ce cri peut se traduire par ces mots £ret où kreï. Dans les autres circonstances, le mâle répète her, ketdin, ketdinkin. Ces cris plus ou mcins défigurés auraient, selon l'opinion de Roquefort, donné lieu à la formation du mot perdrix. Le cri de la perdrix très-accen- tué et peu harmonieux avait été remarqué par les anciens. Aussi Ovide (Wétam., liv. VIIL, vers 236) raconte-t-il que l'inventeur de la scie, dont le cri fatigue les oreilles les plus insensibles, avait été métamorphosé en perdrix, comme si cet oiseau etût conservé dans son chant le son de l’instrument inventé par l’infortuné Acale. C’est aussi en souvenir de la chute terrible d’Icare, cousin d’Acale, que la perdrix, d’après Ovide, pour éviter le malheur qui a frappé un membre de sa famille, évite de se percher, vole le moins possible et établit son nid sur la terre. Voici le texte d’Ovide : « Tandis que Dédale ensevelissait la dépouille du malheureux «Icare, une perdrix, au babil indiscret, cachée sous les branches «touffues de l’yeuse, le voit, agite ses ailes en signe d’allé- «gresse, et manifeste sa joie par des chants. « Seul de son espèce et inconnu dans les premiers âges, cet oiseau « récemment créé, devait instruire l'univers de son crime. O Dédale, «ta sœur, ignorant les arrêts du destin, t’avait confié l’éducation «de son fils, lorsque, à peine arrivé à sa douzième année, il fut « capable de recevoir tes lecons. Cet enfant examina les dards dont « était hérissé le dos des poissons, il les prit pour modèle, et taillant « dans le fer des dents acérées, il inventa la scie. Le premier aussi, «il unit l’une à l’autre, par un lien commun, deux baguettes d’acier; « de sorte que, toujours séparées par la même distance, l’une reste «immobile, l’autre décrit un cercle. La jalousie s'empare de Dédale : 21 «il précipite l'inventeur du haut du temple de Minerve et publie «que sa chute est due au hasard ; mais Pallas, favorable au génie, «soutient l’enfant, le change en oiseau et le couvre de plumes au «milieu des airs. Toute l’énergie de son esprit, naguère si actif, « passe dans ses ailes et dans ses pieds; il conserve son ancien nom ; «toutefois, son vol est humble et il ne place plus son nid sur les « branches ni à la cime des arbres ; il rase les sillons, et dépose ses «œufs au sein des broussailles : le souvenir de son ancienne chute « lui fait craindre les lieux élevés ! » (Ovine , Métamorphoses, Liv. VITE, v. 236. Trad. Panckouke). L'auteur des Aryas primitifs émet une autre hypothèse, 1l pense que le mot xspùt, a probablement la même signification que celle du mot sanserit prdaku d’où elle dérive et qui signifie « léopard » et «serpent tacheté comme le léopard. » Selon Pictet, le mot perdrix représenterait donc les nuances et les taches vives et différentes se— mées sur le plumage et surtout sur les flancs de la perdrix et qui la font ressembler sous ce rapport à la peau si variée du léopard. Le cri dont j'ai parlé précédemment et que le mäle répète avec une force et une persévérance assez soutenue, contribue beaucoup à trahir sa présence et à fournir au chasseur le moyen de le capturer. Je n’entrerai pas dans le détail de tous les piéges plus ou moins perfectionnés qui chaque année servent à priver de leur liberté et même à condamner à la mort un certain nombre de perdrix. Je re- laterai cependant un fait qui, loin d’être isolé, se présente dans beau- coup d’endroits. Un jeune homme de la commune de la Meignanne, sans le secours d'aucun instrument, reproduit parfaitement avec ses lèvres toutes les variations des cris des perdrix qu'il s’est plu à étudier avec soin. La tête couverte de feuillage, il se place dans un fossé, et bientôt des perdrix accourent de tous côtés à sa voix, lui becquètent la figure et ne s’éloignent que lorsqu'un examen sérieux et prolongé leur a révélé leur erreur. Ces captures ne seraient pas préjudiciables à la propagation de l’espèce, si elles étaient faites avec une certaine réserve et non pas inspirées par un désir effréné d’un lucre coupable. Les mâles étant 22 beaucoup plus nombreux que les femelles, il s'ensuit que ceux qui sont privés d’une compagne viennent troubler l'harmonie qui devrait régner dans les ménages légitimes, livrent des combats aux époux, dispersent les matériaux du nid et brisent les œufs et quelquefois même tuent les petits nouvellement nés. Ils ne peuvent accepter que d’autres jouissent des douceurs d’une famille qui leur fait défaut. Cette disposition de caractère du mâle privé d’une épouse détruit chaque année un nombre considérable de couvées et s’oppose beau coup plus qu’on ne le croït au développement de l'espèce. Aussi les trappeurs qui, au commencement du printemps, se livre- raient dans une sage mesure à la capture des mäles isolés rendraient un véritable service aux disciples de saint Hubert. Toutefois les mäles condamnés à un célibat forcé paraissent, après quelques jours d’une fureur non raisonnée, se consoler assez facilement de la position qui leur est faite; est-ce la réflexion, est-ce une sage expérience, est-ce une sage philosophie, est-ce la considération des misères du ménage qui est le principe de leur résignation? Je l’ignore, mais sans pouvoir en déterminer le motif, j'en constate les effets. Réunis en petites bandes, qu’on pourrait appeler bandes de garcons, ils mènent joyeuse vie, folâtrant et paraissant se moquer des soucis et des préoccupations de ceux que les lois de l’hymen attachent à des devoirs pénibles. Ces liens ne sont cependant pas trop inflexibles, car tandis que les femelles se livrent aux fatigues de l’incubation, les mâles abandonnent leurs épouses pour se joindre aux compa- gnies de célibataires et prendre, selon l’expression populaire, quelques semaines de bon temps. Ns paraissent ne réserver leur ten- dresse que pour leur progéniture. Aussi dès que les petits ont vu le jour, les mâles s’empressent dé venir prendre la direction de la fa mille et de pourvoir avec un dévouement de tous les instants à la nourriture et à la défense des perdreaux. Cette union ne se brisera plus qu’à l’époque du printemps suivant. Les mâles et les femelles dont les couvées n’ont pas réussi, se mêlent aux compagnies en- tières pour se procurer ainsi le plaisir de vivre en famille et pour se dédommager, en voyant les enfants des autres, de ceux qu’ils ont perdus. 23 C’est pendant l’éducation des petits que le mâle, de concert avec la femelle, a recours à toute une série de ruses pour éloigner le chasseur, le chien ou les autres ennemis des nouveau-nés. Tour à tour et même quelquefois ensemble, le mâle et la femelle courent devant le chasseur en trainant la patte ou l'aile et attirent ainsi, par un stratagème innocent, loin des perdreaux, l’ennemi qu’ils redou- taient, puis par un vol ou une course rapide ils reviennent consoler ceux qui déjà se croyaient orphelins. Bien des fois par jour, le mâle fait entendre un cri de rappel très-accentué afin de réunir tous les membres de la compagnie et les passer en revue; si quelques-uns manquent à l’appel, le mâle et la femelle répètent leurs accents plaintifs qu’ils ne cessent que lorsqu'une triste conviction leur dé- montre qu'il ne leur reste plus qu’à gémir sur la perte de quelques membres de la famille, Dans cette circonstance, le crr de rappel affecte un caractère tout particulier de tristesse et d’angoisse. Un soir que je revenais de faire un pèlerinage au Champ des Martyrs, J’en- tendis, lorsque j’arrivais à l’endroit où la route, s’enfonçant entre les talus qui rappellent l’aspect du bocage de la vieille Vendée, se par- tage en quatre chemins, le cri très-accentué d’une perdrix. Je m’ar- rêtai, et pendant un assez long temps, le cri devenant de plus en plus vif et saccadé, je cherchai si je ne trouverais pas quelques petits retardataires, cause des angoisses de leurs parents. Après une investigation assez longue, j’aperçus un perdreau tapi le long d’un talus à pic et qui luttait en vain pour gravir l'obstacle qui le séparait de sa famille. J'aurais dû avec générosité le rendre à ses parents, mais espérant l’élever, je lemportai. Avant de quitter l’endroit où j'avais capturé le perdreau, je demeurai quelque temps à la même place pour constater si les cris de rappel allaient continuer ; mais ils cessèrent presque immédiatement. La raison du silence des pa- rents était fondée sur celui du petit que je tenais captif dans ma main. À chaque cri du père ou de la mère, le perdreau, lorsqu'il était en liberté, répondait par un cri plaintif ; ce cri ne se faisant plus entendre, les parents se taisaient, ou parce qu’ils avaient perdu tout espoir de retrouver leur enfant, ou parce qu’ils pensaient que son silence était motivé par l’imminence d’un grave danger, et dès- 24 lors il ne voulaient pas l’augmenter encore par leurs cris, en révélaut à leurennemi qu’un membre dela famille était égaré. Après avoir fait cette observation, je m’éloignai avec mon jeune captif, mais malgré mes soins il ne put survivre que quelques jours et maintenant il fait partie de ma collection. En Anjou, on trouve deux races très-distinctes de perdrix rouges, dont les proportions varient notablement. On appelle la plus grosse des deux races bartavelle, maïs cette dénomination n’est pas fon- dée. Ces variétés dépendent des lieux où se fixent les perdrix et qui leur fournissent une nourriture plus abondante et plus en harmo- nie avec leurs goûts. La véritable bartavelle ne se rencontre ja- mais en Anjou. Elle se distingue de la perdrix rouge par un collier qui ne s’égrène pas comme celui de sa congénère, mais qui se déroule autour du col comme un ruban uniforme et sans franges, et enfin la couleur jaune du ventre de la perdrix rouge est remplacée chez la bartavelle par un gris ardoisé. Les proportions de la barta- veille sont aussi beaucoup plus fortes que celles de la perdrix rouge, sans toutefois atteindre celles que Strabon attribue (liv. XV) à une perdrix que Porus, roi des Indes, offrit à l’empereur Auguste, et qui était plus grosse qu’un vautour !!! La véritable bartavelle ne se trouve qu’en petit nombre dans les localités du midi de la France; son véritable pays est la Grèce et surtout les îles Cyclades. On l’ap- pelle avec raison saratilis, perdrix des rochers, elle se plait sur les collines, dans les endroits pierreux : c’est là qu’elle échappe à ses ennemis par une ruse intelligente. Quand elle est poursuivie par les chiens et par les chasseurs, elle s’envole pour se précipiter immédiatement dans les ravins situés au bas des collines et des montagnes, où elle se tient ordinairement ; puis pendant que le chasseur et son compagnon se fatiguent à des- cendre dans le ravin pour sonder la remise, la bartavelle, par une course d’une rapidité incroyable, remonte sur le plateau d’où elle s’était envolée et de là elle peut contempler sans danger et avec une satisfaction maligne toutes les marches et contremarches inutiles de ses adversaires. Mais avant de quitter la bartavelle, peut-être ne serait-il pas sans 25 intérêt de chercher l’étymologie de ce nom que uous rencontrons sur notre route. Voici ce que je lis dans M. Littré : « On trouve dans le bas latin bartavella pour vertevella, mot du Midi signifiant propre- ment, «chose qui se tourne » puis « clef, anneau. » Le nom de l’oi- seau viendrait-il de à? » J’ai copié textuellement, intégralement, mais non pas sans une certaine satisfaction, car ce texte me fournit une justification de ma méthode. Il est évident que M. Littré, dans cette circonstance comme dans bien d’autres, n’a pas remonté à la langue mère à travers les siècles et les chartes. Il s’est contenté, malgré sa vaste érudition, d'indiquer une étymologie plus ou moins probable, que je vais essayer de mon mieux de rendre plus plausible. La bartavelle est nommée par Buffon et par un grand nombre de naturalistes, la perdrix grecque ou perdrix des Cyclades, par la raison que la Grèce et surtout les îles de la Grèce sont la véritable patrie de cette perdrix. Dès lors il est facile de constater que bartavelle est une épithète servant à désigner d’une manière plus spéciale cette espèce et que, remplaçant la dénomination grecque, elle pourrait bien avoir quelque trait d'union avec le nom des localités de la Grèce où la bartevelle vit en plus grand nombre. Or les îles Cyclades étant justement la patrie favorite de la bartavelle, 1l s’ensuivrait que l’on aurait pu remplacer le nom de ces îles par une dénomination vulgaire et équivalente. Le mot Cyclades ayant pour racine xiwos, cercle, serait l’équivalent de bartavelle dérivant d’une expression signifiant anneau, car l’anneau est un cercle. D’où appeler cette perdrix, « la perdrix des Cyclades ou la Bartavelle » serait identique puisque ce serait retracer la même idée. Cette hypothèse pourrait encore se justifier par l'absence complète de la perdrix grise qui ne manifeste jamais sa présence dans les îles de la Grèce. Mais cependant l'interprétation du mot bartavelle, qui me paraît la mieux fondée et dès lors la seule probable, est celle qui, conservant à cette expression le sens d’anneau, indiquerait que l’on a voulu déterminer cette espèce par le ruban qui se déroule autour de son cou, non pas comme un collier égrené, tel que le porte la perdrix rouge ordinaire, mais comme une bande uniforme, caractère dis 26 tinctif qui sépare les deux perdrix. Aïnsi donc, perdrix bartavelle signifierait « perdrix à anneau, perdrix dont le cou semble encadré dans un anneau. » Je reviens à la perdrix rouge : elle a un vol plus bruyant que la grise dont elle diffère encore par un grand nombre d’habitudes. Cette perdrix ne se reproduit pasen captivité, ettandis que sa congénère se plaît dans les lieux humides et dans les prairies, elle préfère les landes et les terrains arides. En liberté, elle se cantonne plus ré- gulièrement que la grise, puis, quand elle est poursuivie avec persé- vérance, elle se perche sur les branches peu élevées des arbres touf- fus, et là comme dans les guérets, les différents membres de la même compagnie ne partent pas en même temps à l’approche du chien ou du chasseur, mais ils s’envolent successivement et quel- quefois même assez longtemps les uns après les autres. Les perdrix rouges sont beaucoup moins sociables que les grises; elles nichent dans les haies, le long des talus des fossés et dans les blés ou dans les prairies artificielles. La femelle gratte la terre, prépare une lé- gère excavation qu’elle remplit d'herbe, de petites racines et de feuilles sèches. Cest sur cette couche qu’elle pond de quatorze à dix-huit œufs obtus, dont legrand diamètre varie de 0",038 à 0",040, et le petit de 0m,029 à 0m,030. Le fond de la coquille est d’une cou- leur d’ocre plus ou moins pâle, sur laquelle apparaît une seconde couche plus foncée et parsemée surtout vers le gros bout de taches irrégulières d’un brun ou d’un roux plus ou moins prononcé. Quel- ques-uns de ces œufs ne présentent aucune tache, d’autres sont sim- plement marqués de petits points brunâtres. Les vieilles perdrix entourent leurs mids de plus de précautions que les jeunes ; elles semblent vouloir préserver leurs œufs des dan- gers que l’expérience leur a revélés, en placant leurs nids dans des lieux plus solitaires et plus cachés. Depuis près de quinze ans, les chasseurs et les naturalistes ont constaté dans l’arrondissement de Cholet, en Anjou,la présence d’une perdrix qui jusqu’à cette époque n’avait pas encore été étudiée. Cette perdrix qui est de la taille de la perdrix rouge ordinaire a un plu- mage entièrement roux, excepté le front et la gorge qui sont noirs. On 27 remarque aussi d’une manière régulière, chez les vieux sujets, quel- ques plumes blanches au bas de l’abdomen. Cette perdrix, envoyée à la Société linnéenne de Maïne et Loire par M. Guillou, de Cholet, avait figuré à l’exposition d'Angers en 1858. Elle attira l'attention des visiteurs et des naturalistes, et une commission fut constituée afin d'étudier cette perdrix et de prendre tous les renseignements nécessaires pour déterminer si le plumage du sujet envoyé à l’expo- sition était le résultat de ces maladies qui occasionnent assez souvent beaucoup de bizarreries chez les animaux et surtout chez les oiseaux, ou enfin s'il constituait une véritable espèce. Pendant plusieurs années les membres de cette commission se mirent en rapport avec les chasseurs et les naturalistes de l'arrondissement de Cholet et ne négligèrent rien pour recueillir tous les faits propres à résoudre une question intéressant l’ornithologie générale et en particulier celle de Anjou. Grâce à leurs efforts persévérants, il fut constaté que la perdrix présentée par M. Guillou w’était pas un sujet isolé, mais qu’elle existait en assez grand nombre, que six compagnies, entiè- rement composées de perdrix semblables à celle qui avait figuré à l'exposition se trouvaient cantonnées dans un territoire assez res- treint; qu’enfin que des sujets de différents âges et entièrement 1den- tiques figuraient dans la collection de MM. Guillon et Baugars, dans les musées de Saumur et d'Angers et que plusieurs douzaines de ces perdrix avaient été fournies à un certain nombre d'amateurs. Il fut démontré aussi que le vol de cette perdrix était plus rapide que celui de ses congénères; qu’elle paraissait plus sauvage que les au tres espèces ; que sa chair, d’une couleur jaunâtre, se rapprochait, quant au goût, de celle de la pintade. Chaque année, de nouvelles observations étant venues confirmer les renseignements précédents et ajouter des preuves multipliées à l'opinion de M. Guillou qui avait pensé que cette perdrix, ne vivant jamais avec les perdrix rouges et les perdrix grises et semblant au contraire les éviter, constituait une nouvelle espèce, la Commission linnéenne d'Angers crut pouvoir donner à cette perdrix le nom d’atro-rufa (noire-rouge), tout en soumettant sa décision à la sanc- tion des savants. Plus de six ans se sont écoulés à partir du moment 28 où la commission angevine a émis son jugement, et depuis celte époque la perdrix atro-rufa (noïire-rouge) non-seulement n’a pas quitté notre département, mais elle s’y est multipliée, en assez grand nombre pour qu’on la voie figurer quelquefois sur le marché de Cholet où elle a été vendue comme gibier ordinaire. Des sujets en- voyés récemment à Paris ont été étudiés avec soin et reconnus comme constituant une race très-distincte de la perdrix rouge. Quant aux œufs, on n’a pu jusqu’à ce moment-ci en obtenir qui fussent intacts ; les débris de quelques-uns de ces œufs, recueillis par le fermier du Cou-Pinson (commune de Saint-Aubin, Vendée), étaient d’une couleur rougeûtre plus foncée que ceux de la perdrix rouge ordinaire. LA PERDRIX GRISE. — PERDIX CINEREA. Les deux dénominations, grise et cinerea, consacrées à désigner la perdrix grise, me semblent n’avoir besoin d’aucune recherche élymologique ; 1l ne s’agit donc ici que d’esquisser rapidement les mœurs de ce gallinacé. Grise et cinerea représentent en eflet la même idée; cinerea se traduit par cendrée, couleur de cendre, et indique les nuances qui dominent dans le plumage de cette perdrix. Quant à l’épithète grise, elle était, d’après de Roquefort, Ménage, Littré, ete., rendue dans l’idiome de la basse latinité par griseus, grisius, en italien par griso, grigio, mots qui dérivaient tous de cinereus, cendré, couleur de cendre. Le plumage de la perdrix grise se marie avec les lieux qu’elle habite et sert à la dérober aux regards du chien qui la poursuit. En effet, lorsqu'elle se motte et se tapit en restant immobile le long des guérets qu’elle parcourt, sa couleur se confond avec celle de la terre. Le mäle a le plastron orné d’un fer à cheval d’un rouge brun qui s’assombrit avec l’âge; ce signe pour- rait le faire apercevoir plus facilement, aussi le cache-t-1l en mar- chant et surtout lorsqu'il est poursuivi. Ce fer à cheval n’est que légèrement indiqué sur le plastron de la femelle. La perdrix grise présente, comme la perdrix rouge, deux races, l’une beaucoup plus 29 forte que l’autre. La petite est appelée roquette : elle doit les faibles proportions de sa taille aux lieux qu’elle habite et qui lui fournissent moins de ressources que d’autres contrées. La perdrix grise ne se perche jamais, elle vit en compagnie comme sa congénère, mais elle parait mieux obéir que celle-ci au signal que donne le chef de la famille. Quand la compagnie est pressée par le chasseur ou par ses chiens, tous les membres s’envolent ensemble et il n’y a pas de re- tardataires comme parmi les perdrix rouges. La perdrix grise est aussi plus sociable, elle s’accoutume mieux en captivité et elle s’y reproduit. Comme sa congénère, elle a une frayeur extrême de l’oi- seau de proie et dès qu’elle aperçoit au haut des airs un point noir indiquant la présence de son ennemi, elle cherche à se cacher par- tout où elle peut, elle se réfugie même dans les trous de lapins et se laisse volontairement prendre par la main de l’homme pour échap- per aux serres d’un rapace. La perdrix grise prépare avec ses pieds une petite excavation dans les prairies naturelles ou artificielles, elle y réunit quelques brins d'herbes et dépose sur cette couche grossière quinze, vingt et même quelquefois vingt-quatre œufs; la femelle prend soin de les placer de manière à ce qu’ils tapissent tout l'intérieur du nid en formant plusieurs rangs circulaires et disposés par étage, afin de pouvoir leur communiquer à tous plus facilement la chaleur qui doit les faire éclore. La perdrix grise apporte dans le travail pénible de l’incubation une persévérance et un dévouement bien remarquables; rien ne peut l’arracher à son labeur maternel, ni le bruit, ni la faim, ni la présence de ses ennemis; elle se laisse dévorer sur ses œufs ou même immoler par l'instrument du fau- cheur. Aussi les Égyptiens en avaient-ils fait dans leurs hiérogly- phes l’emblème de l’amour maternel et celui de la fécondité. Les œufs de la perdrix grise sont piriformes, d’une couleur unie et d’un jaune gris pâle, leur grand diamètre varie de 0",033 à 0",034 et leur petit de 0",024 à 0",025. J'en possède quelques-uns qui pré- sentent cette particularité, que le petit bout en est d’une couleur bleue assez vive. La perdrix grise, malgré sa multiplication rapide, disparaît in- sensiblement de nos contrées, ainsi que la perdrix rouge. Cette di- 30 minution tient à plusieurs causes. La première de toutes est la guerre acharnée que font aux nids de ces oiseaux les fermiers, depuis la promulgation de la loi sur la chasse. Par un raisonnement faux, ils prétendent qu'ils ne doivent pas nourrir à leurs dépens un gibier qui profitera exclusivement à ceux qui ont non-seulement un permis de chasse, mais encore le droit d’en user. D’autres motifs sont la grande disproportion qui existe entre le nombre des mâles et celui des femelles, puis le mouillage des se- mences du froment que l’on trempe dans du sulfate de cuivre (couperose bleue) et qui empoisonne beaucoup de perdrix avides de cette semence. Les prairies artificielles contribuent aussi puissam- ment à diminuer le nombre des perdrix, par la raison que toutes celles qui établissent leurs nids dans ces prairies voient leurs cou- vées détruites, puisque l’herbe est coupée ordinairement avant que les perdreaux ne soient éclos. Enfin un des ennemis les plus redou- tables des perdrix est le chat qui exerce de plus en plus dans les campagnes le rôle d’un braconnier consommé. On pourrait ajouter à toutes ces causes l’irrégularité des saisons, depuis un certain nombre d'années. Cette irrégularité est un véritable fléau pour les perdrix ; les années trop chaudes leur sont contraires et beaucoup de jeunes perdreaux se brisent les pattes en courant dans des ter- rains déchirés par les crevasses occasionnées par une chaleur con- tinue. D’un autre côté, les années trop pluvieuses privent les per- drix de leur principale nourriture, des fourmis et surtout de leurs œufs, qui ne se multiplient que sous l'influence salutaire du soleil. L'ouverture souvent trop prématurée de la chasse est aussi une cause de l’inconvénient que je signale, puisqu’au moment où les dis- ciples de saint Hubert descendent sur le champ de bataille, leurs ennemis sont trop faibles pour pouvoir défendre leur vie par un vol régulier. Peut-être devrait-on, pour fixer l’ouverture de la chasse, se rappeler ce vieil adage de nos pères : À la Saint-Remy (1°* novembre) Les perdreaux sont perdrix. 31 La CaILLE. — CoTuRNIx. Au commencement d’un de ses plus gracieux chefs-d’œuvre, inimitable La Fontaine s'exprime ainsi : Nous devons l’apologue à l’ancienne Grèce ; Mais ce champ ne se peut tellement moissonner, Que les derniers venus n’y trouvent à glaner, etc. En parcourant tout ce que les anciens auteurs grecs, latins, ete., ont écrit sur la caille, je me suis rappelé naturellement ces vers et j'y ai puisé un encouragement. J’espère done, même après la longue série d’hypothèses de toutes espèces entassées par tant d'écrivains anciens et modernes, pouvoir encore, sans être trop présomptueux, ajouter quelques observations nouvelles à celles qui ont déjà été faites sur le nom et les mœurs de la caille. Quelle est l’étymologie des dénominations caille et coturnix ? Je vais essayer de dérouler, au moins en partie, les théories si multiphiées émises sur cette question et de rattacher aux mœurs de la caille les différentes opinions des savants, en y joignant toutefois les miennes, avec une respectueuse défiance. La caille a une physionomie tout exceptionnelle; son plumage est formé de plumes courtes et soyeuses, d’une couleur jaune pâle et presque uniforme sous le ventre, nuancées d’un gris noirâtre sur le dos et terminées par des points d’un jaune assez vif et tranchant sur les autres teintes. L'ensemble du plumage n’est pas brillant, mais d'une richesse qui revêt une certaine coquetterie. Pour avoir obtenu un pareil effet avec des nuances si peu variées et si sombres, il fallait le pinceau de Dieu. Un auteur avait été frappé de l’aspect du plumage de la caille et en la voyant courir rapidement il avait cru que les plumes du dos s’harmonisant comme des couches mobiles et superposées représentaient assez bien les écailles qui ondulent sur le corps des reptiles. Dès lors 1l avait pensé et même osé écrire que cette parti- 32 cularité du plumage de la caille avait été Le principe de son nom et que celui-c1 n’était qu’une abréviation du mot écaille. L'auteur d’une pareille hypothèse est Huet, cité par Ménage. Le défendre serait inutile, le condamner peu charitable, car selon la parole de Jésus-Christ, avant de jeter la première pierre aux autres, il faut scruter sa propre conscience et se demander si quel- quefois on n’a pas soi-même été un peu aventureux dans ses éty- mologies. Paix donc à mon infortuné prédécesseur ; son hypothèse même ne sera pas sans profit pour nous, car elle servira à nous rap- peler d’une manière plus positive les différentes nuances du plumage de la caille. Puis cet oiseau n’est-il pas désigné sous le nom de perdrix coturnix, où de perdrix caille? Ce dernier mot n’est donc qu’un complément de l’idée représentée par perdrix ; or si cette dénomi- nation dérive du sanscrit et signifie serpent tacheté comme le léo- pard, Yhypothèse mise en avant par Huet est loin d’être vide de sens. Continuons à explorer le vaste champ qui se développe devant nous et nous pourrons y moissonner bien des découvertes. Selon Ménage, caille dérive de l'italien quaglia, auquel Ferrari donne pour racine un vieux mot latin, quaquila, désignant chez les anciens l’oiseau qui nous occupe en ce moment-c1. Mais d’où venait le mot quaglia? Ménage avait cru qu'il avait pour principe ëprx, désignant la caille chez les Grecs. Voici les transformations au moyen desquelles il justifia son opinion, ôoru, Gpruyw, ëpruye, artigalius, artigalia, calia, culia, quaglia. J'abandonnerai cette explication à la discrétion pleine et entière de mes lecteurs, leur laissant toute liberté Ce l’adopter ou de la condamner. Mais voici venir à la rescousse un savant membre de l’Institut, dès lors la question est plus grave. C’est M. Littré qui parle : « caille, éty- mologie : de l’italien guaglia, du bas latin quaquila. » M. Littré et Ménage se donnent la main, mais non pour s'appuyer sur l’idiôme primitif. Le mot quaille, employé dans les anciens fabliaux pour dé- signer la caille, vient fortifier l’étymologie précédemment énoncée. Mais enfin pourquoi, chez les Latins, a-t-on attribué à la caille le nom de guaquila. Papias nous en donne la raison : « Quaquila ge- 33 nus avis vulgo cofurriz, a vocis sono. » — « La quaille espèce d’oiseau appelée ordinairement cofurnix, doit son nom au son de sa voix. » Selon de graves autorités , le mot quaquila était une ono- matopée se présentant, comme tous les noms anciens de trois sylla- bes, sous la forme d’un dactyle imitatif du cri de l'oiseau. Ici se rencontre une nouvelle dificulté, celle de faire concorder le cri de l'oiseau avec le dactyle quaquila. Le mâle de la caille fait entendre un cri très-accentué que de savants observateurs ont traduit par ces mots «ketkaya, ketkayac» ou «piapaya, piapayac » ou « pet tabac, pet tabac, » et que les gens de la campagne redisent sous cette forme naïve : point de tabac, point de tabac. Quelques autres natu- ralistes ont cru pouvoir exprimer ainsi le chant de la caille : paye tes dettes! paye tes dettes! Conseil qu’il ne serait pas inutile de répéter souvent et à la campagne comme à la ville. Frisch assure que du temps de Charlemagne on donnait à la caille le nom de quacara, qui traduit encore d’une certaine manière le cri de l’oiseau. Ce cri est précédé d’une espèce de soupir étouffé ou de miaule- ment, ( Mia ouan, ouan, ouin, ouin. » La femelle répond par cette simple syllabe «eri, eri, cri. » ou «crui, crui. » J’indique les varia- tions de ces différents chants, car, comme pour les textes difliciles, les traductions sont multipliées. Le mâle accentue son cri avec une telle force et une si fatigante continuité, qu'il est entendu à plusieurs kilomètres de distance, et sous ce rapport 1l est bien le gallinacé par excellence, surtout si l’on compare la puissance du cri au volume de l'oiseau. Tout en répétant son chant, il parcourt de grandes distances avec une excessive ra pidité ; cette remarque nous servira plus tard pour l’étymologie du mot üpruë. Dans ses courses vagabondes et irréfléchies, le mâle se précipiteen véritable étourdi et même en fou, dans tous les piéges qu’on lui tend. C’est pour représenter ce cri répété d’une facon irritante et cette folle étourderie que l’on a formé l'expression francaise cai/leter, parler et agir comme une caille. Certains érudits pensent même que caillette, cailleter, aurait pour IX. 3 34 véritable origine caillach, qui dans le celtique signifiait femme ; et dès lors cailleter voulait dire « bavarder, parler comme une femme. » La caille, à cause de son chant fatigant et continu, eùt été assi- milée à la femme, à une personne bavarde. Cest aussi pour la même raison qu’on a donné au fou de Fran- çois [° le nom de Catllette. Dans les anciens temps de la monarchie, les rois se faisaient accompagner d’un personnage remplissant le rôle de fou privilégié, diplômé, afin que ses folies très-extravagantes fissent oublier celles qui, pour paraître moins excentriques, étaient cependant plus compromettantes ; c'était agir un peu comme Alci- biade qui coupait la queue de son très-beau chien, afin que l’on s’occupät de l’animal et que l’on oubliât le maître. Dans notre siècle de progrès, on a supprimé le fou titré, peut-être parce que son rôle devenait trop diflicile. Je m’arrète et reviens à mes étymologies. Avant de passer à la dénomination grecque de la caille et à tous les souvenirs qui s’y rattachent, je succombe à la tentation d'exprimer un sincère regret, celui de ne pouvoir donner au mot caille, oiseau, le même principe qu’à caille employé dans les autres sens, celle de caille de sang, caille de lait, etc. Dans cette acception, caille dérive de «coagulare, coaglare, coailler, cailler ; » cette formation estrégulière et cai/le signifierait alors «oiseau dont la chair serait coagulée et grasse par excellence» : interprétation qui serait parfaitement fondée, car c’est à cet engraissement extra- ordinaire des cailles qu’on attribue la brièveté de leur vie, considé- ration que doivent méditer ceux qui travaillent trop volontiers à développer leur embonpoint. C’est à lui encore qu’est due la chaleur qu’elles communiquent aux personnes qui les touchent et les pres- sent. Aussi les Chinois se servent-ils de cailles comme de manchons pour se préserver du froïd pendant l’hiver. Malgré l'efficacité cons- tatée du procédé, je n’oserais le recommander qu’aux habitants du Céleste-Empire ; car, pour en ressentir la bénigne influence, 1l faut avoir obtenu le droit de porter le bouton d’un degré supérieur. Je me rappelle qu’accompagnant un soir un trappeur émérite, je fus chargé de tenir captive dans ma main une caille qui était 30 venue, comme une folle, perdre sa liberté dans le piége suspendu dans un sillon de blé. Tandis que mon vénérable guide démèélait la prison de fil qui devait réunir mon captif à ses infortunés frères, je ressentais très-vivement aux soubresauts communiqués à mes mains les aspirations qui faisaient battre le cœur de la eaille pour la liberté. Dès lors, comme un bon prince pensant à ses sujets, je me disais à moi-même : La presser trop, c’est m’exposer à l’étouffer; lui laisser trop de liberté, c’est hélas! perdre le fruit de longs efforts. Pendant que je cherchais le moyen terme usité par les Chinois, la caille m’échappa; je fus réprimandé par mon chef de file; mais je me consolai facilement de ses reproches en entendant la caille s’arrêter non loin de nous et célébrer son triomphe par un chant encore plus prononcé qu’à l’ordinaire ; je crus même y saisir un accent de reconnaissance. En tous cas, j'avais fait un heureux et conquis un ami. Non-seulement l’embonpoint que la eaille acquiert nuit à sa lon- gévité, mais il cause encore souvent sa perte. Cet oiseau, avant les récoltes, peut se dérober assez facilement à la poursuite de ses en- nemis par une course rapide qui l’avait fait surnommer courre vite. «Currit satis velociter, undè currelum vulgo dicimus. » (Buffon, éd. in-4°, vol. IE, pag. 449.) Mais après la moisson il devient tellement pesant que, comme un véritable sybarite, couché le ventre au soleil, une patte étendue en l’air, il laisse le chien approcher si près de lui qu’il ne se décide à prendre la fuite que lorsqu'il n’est plus temps. Très-souvent 1l paie de sa vie l’indolence qu'a engendrée en lui son excessif embonpoint. C’est lui qui, chaque année, oblige un certain nombre de cailles à ne pas partir avec leurs congénères et à attendre que leur poids ait diminué avant de participer aux migrations ré- gulières de leur famille. Preuve évidente de l'inconvénient de l’em- bonpoint pour ceux qui se livrent à la nécessité ou à la douceur du voyage. Un second motif qui contribue beaucoup à abréger la vie des cailles, c’est leur caractère difficile et batailleur. Non-seulement au printemps, mais à toutes les époques de l’année, les caïlles se livrent des combats acharnés. Pour quelques grains de nourriture ou quel- 36 ques insectes disputés, un duel à mort surgit immédiatement. Cette tendance à une irritation excessive et permanente fatigue tellement les cailles que leur vie se prolonge rarement au delà de quatre à cinq ans. Les Grecs et les Romains avaient remarqué cette disposi- tion de la caille et ils en avaient profité pour se créer un nouveau divertissement et établir des combats de cailles. Ces combats étaient de deux espèces : l’un de caille à caille; Pautre de caille à homme. Dans le premier cas, on jetait sur le milieu d’une table quelques graines en petite quantité, puis on plaçait une caille à chaque ex- trémité, et on les lâchait à un signal donné ; bientôt elles se rencon- traient et le désir de profiter seule du repas préparé excitait chaque caille à repousser sa rivale. La querelle s’'envenimait rapidement, et l’un des deux combattants restait sur le terrain ou se retirait couvert de blessures. Le vainqueur mangeait les quelques grains de chène- vis ou de froment, mais d’un appétit qui eùt dû être assaisonné d’angoisses et de douleurs , car il me semble qu’il est difficile de se livrer aux joies et aux douceurs d’un festin près du sang d’un ami ou d’un membre même de sa famille. Mais les cailles comprennent mieux que moi le soi-disant point d'honneur, et comme les ferrailleurs émérites, elles sont toujours disposées à batailler même pour une mouche ou un atome. Dans ces tournois, certaines cailles acquéraient une réputation considérable, et leur nom était inscrit parmi ceux des illustrations de leur époque. Pour comprendre jusqu’à quel excès de folie les anciens poussaient leur vénération à l’égard des cailles célèbres, il suffit de lire le fait rapporté par Aldrovande, tom. Il, pag. 161. Cet auteur aflirme qu’Auguste fit punir de mort un préfet d'Egypte qui, par rafline- ment de sensualité ou d’orgueil peut-être, avait osé faire acheter et ensuite servir sur sa table une caille illustrée dans maintes ren- conires. Le deuxième genre de combat (Jul. Pollux., de Ludis, ch. 1x) avait lieu entre un homme et une caille. Celle-ci se trouvait ren- fermée dans une grande boïte découverte, sur le fond de laquelle élait tracée une circonférence n’occupant qu’une partie du fond de la boite. L'homme se servait d’un de ses doigts pour attaquer la caille, 37 en pesant sur la tête ou sur le dos de l'oiseau. Celui-ci, bien en- tendu, avait toute liberté pour se défendre ; s’il soutenait l'attaque sans sortir de la circonférence, il était déclaré vainqueur, comme un preux ne reculant jamais d’un pas; si au contraire la caille fatiguée des coups de doigt, se réfugiait en dehors de la ligne courbe, elle était déclarée lâche et vaincue. Les Grecs avaient nommé la caille éorvé dont la racine est ôpwuz. Ce verbe a, selon Alexandre, plusieurs sens. Homère lui donne la signification «d’exciter une tempête, un combat, » et l’humeur batail- leuse, querelleuse de la caille justifie cette acception. De plus, il est employé dans lesens de «réveiller, mettre en mouvement, » et il signi- fierait alors « oiseau qui réveille, qui met en mouvement » ou qui se met en mouvement. La caille, comme le coq, véritable type et chef des gallinacés, chante de très-bonne heure, et son chant très-sonore et très-vibrant est un réveille-matin qui appelle les villageois et les engage à se mettre au travail. La caïlle de l’île de Java est appelée par les naturels «le réveille-matin. » Dans la troisième acception qui est encore mieux fondée que les deux premières, äprvë représenterait parfaitement l’oiseau qui se met en mouvement et se livre à des pé- régrinations régulières. Cette explication serait d'autant plus juste que les Grecs devaient chercher à caractériser la caille par une dé- nomination indiquant le point de vue le plus important pour eux, celui qui leur procurait chaque année d'immenses ressources. La caille entreprend en effet deux fois par an des voyages, non pas en zigzag comme le jaseur de Bohême, mais d’une manière régulière. Chaque année des multitudes de caiïlles, dont le nombre s’élève à plusieurs millions, abandonnent les déserts de l’Afrique, dans le mois d'avril, pour se diriger vers les différentes contrées de l’Europe. Elles entreprennent ce voyage le soir ou de grand matin afin d'éviter plus facilement les serres des oiseaux de proie; elles avancent ou retardent le moment du départ selon les variations du vent. Le vol de la caille étant lourd et peu soutenu, cet oiseau ne peut parcourir une assez longue distance qu’autant qu’il est secondé par un vent favorable. Les anciens n’ayant jamais pu, à cause du moment où s'effectuent les migrations des cailles, constater leur départ, pen- 38 saient avec quelques modernes, que ces oïseaux passaient l’hiver dans des grottes sous l'influence d’un sommeil prolongé. Cette erreur cependant n’était pas générale, car plusieurs auteurs ont donné sur le voyage des cailles de curieux renseignements. Ainsi Pline, cité par Buffon (vol. IL, édit. in-4°, p. 255), dit que les cailles surprises et fatiguées par des vents contraires se reposaient en si grand nombre sur les navires qu’elles rencontraient que ceux-ci coulaïent à fond sous le poids de leur nouvelle cargaison. Pline a oublié de constater quel était le tonnage de ces navires; peut-être ap- partenaient-ils à la flotte alcyonienne. Etait-ce pour éviter ce malheur commun que les cailles, selon Aldrovande (tom. I, p.156), avaient recours à une précaution ingénieuse? Chacune d’elles, dans le désert du Sahara, où il y en a des millions, se munissait d’une petite plan- che bien préparée, ce qui suppose qu’il devait exister d’immenses dépôts de ces planches. Comment la caille tenait-elle cette planche ? je l’ignore. Puis, si elle devait être une planche de salut pour la mer, ne devenait-elle pas un sérieux embarras pour accomplir un voyage prolongé ? Bref, laissons de côté ces petites diflicultés et suivons le récit d’Aldrovande. Quand les cailles se trouvaient fatiguées et qu’elles ne rencontraient pas d’iles ou de vaisseaux pour se reposer, chacune d’elles se laissait tomber à la mer, tenant alors la planche sous ses pattes. Cette planche devenait alors pour chaque caille une espèce de radeau sur lequel elle se reposait. « Si non è vero, è bene trovato : si la chose n’est pas vraie , elle est du moins assez bien in- ventée. » Après quelque temps de repos, les cailles reprenaient leur essor ; emportaient-elles une seconde fois leur petite planche ? — Al- drovande nele dit pas d’une manière positive ; cependant cette opinion me semble découler naturellement de son récit; puisque cet auteur assure que les cailles se délassent de temps en temps, en voguant sur les flots, de la fatigue qu’elles éprouvaient de naviguer dans Pair. Pline (liv. IV, chap. xxu) prétend que chaque caille avait soin de prendre juste trois petites pierres, dans son bec, pour se soutenir contre le vent, provision plus facile à faire dans les sables de l'A- frique que celle d’une planche. Je pense que ces pierres devaient servir de lest pour les cailles comme celui dont se munissent les 39 aéronautes, et que le poids de ces pierres devait varier avec celui des cailles. Appien donne une autre explication de l’usage de ces pierres ; il prétend qu’elles étaient destinées à servir aux cailles pour savoir s’il était temps ou non de se reposer, en d’autres termes de les aver- tir si elles étaient encore au-dessus de la mer ou au-dessus de la terre. Voici l'explication que cet auteur ajoute. Il parait selon lui que la caille a l’ouïe bien plus perçante que la vue (ce qui se com- prend plus facilement, surtout perdant un voyage de nuit). Lorsque la bande voyageuse doutait encore qu’elle fût au-dessus des flots, chaque caille, probablement à un signal donné, laissait tomber une des précieuses pierres et selon la nature du bruit qu’elles produisaient en touchant l'élément liquide ou la terre, la troupe savait s’il fallait s'arrêter ou continuer son voyage. L'expérience ne pouvait être faite que trois fois, dès lors les caïlles ne devaient pas la commencer trop tôt. Continuons nos excursions dans le pays des fables. Un certain nombre d'oiseaux d’espèces différentes se joignent aux cailles pour effectuer ensemble leurs pérégrinations; ils s’aident ainsi mutuelle- ment à vaincre la résistance du vent et à triompher, par leur multi- tude et leurs cris, des attaques de leurs ennemis. Il est bien clair que les oiseaux qui s'unissent ainsi sont doués à peu près de la même puissance de vol. C’est pour cette raison que les râles de genêt accompagnent ordinairement les cailles. Plus forts que ces dernières, ils occupent à ce qu’il pâraît les premières places et semblent les chefs de file. Mais quand la troupe voyageuse s’abat sur les rivages européens, les individus qui la composent sont tellement fatigués que, pendant les premières heures de leur arrivée, il est facile de les prendre à la main. Les oiseaux de proie peuvent sans efforts faire d'immenses hécatombes, et les râles, comme étant au premier rang, fournissent plus de victimes que les cailles. L’imagination des anciens s’est em- parée de ces faits bien simples et les a dénaturés en les embellissant. Le râle de genèêt a été nommé par eux üpruyouñros, de ôprvt, caille, et une, mère, c’est-à-dire, « mère des cailles, » et on a supposé à cette prétendue mère un tel dévouement pour son innombrable progéni- 40 ture, qu’elle venait se mettre au premier rang pour sauver ses en- fants en se laissant immoler. D’autres l’appelaient « roi des cailles » et prétendaient que, comme Decius Mus, il se sacrifiait pour le salut de la patrie et que, comme dans la famille de cetillustre consul romain, le dévouement à la patrie chez les râles conducteurs était véritable- ment héréditaire. Pour le coup, dans notre siècle de progrès, on voit bien qu’un pa- reil sacrifice ne doit être qu’une fiction. Passons maintenant aux réalités. Dans le mois d’avril, des troupes innombrables de cailles quittent les plages de l’Afrique et profitent d’un vent favorable pour se diriger vers les contrées méridionales de l’Europe. Si le vent change de direction, les caïlles s’abattent dans la mer où elles trouvent promptement la mort. Si quelques navires se présentent sur leur passage, elles s’empressent de venir se reposer sur les mäts, sur les cordages et même sur le pont, et là elles se laissent facilement prendre à la main. Elles montrent en cela du bon sens, car du moment qu’elles sont condamnées à une mort inévitable, elles préfèrent celle qui du moins ne sera pas sans fruit pour l’homme. En effet, les équipages trou- vent ainsi une ample et délicate provision et ne partagent pas les préjugés des anciens qui d’après Pline (liv. X, cap. xxm) avaient de la répugnance pour la chair des caïlles, parce qu’elles mangeaient de la graine d’ellébore et qu’elles étaient soupconnées d’être sujettes au mal caduc. Si les vents, au contraire, ont favorisé le vol des cailles, celles-ci viennent se reposer sur les plages de l’Europe mé- ridionale et surtout dans les îles où elles font une halte avant de gagner la terre ferme. Les lieux de leurs stations étant connus, ainsi que les vents qui dirigent leur vol et le temps de leur départ, il s'ensuit que les populations de ces contrées se tiennent prêtes à capturer les pauvres voyageuses. La chasse en est très facile ; les cailles se laissent prendre à la main, tant elles sont fatiguées, ou couvrir avec d'immenses filets étendus sur Le bord de la mer. L'ile de Délos, une des Cyclades, si célèbre dans les annales de la mytho- logie, a été de tout temps un lieu de repos privilégié pour les cailles qui s’y arrêtaient en si grand nombre, que les anciens l'avaient 41 nommée Ortygia, du mot émet, caille. Pour se faire une idée ap- proximative de la quantité de cailles capturées, il suffit de consta- ter, d’après Buflon, que dans les environs de Nettuno, près de Na- ples, plus de cent mille ont été prises dans un seul jour. L’évêque dans le diocèse duquel se trouve l’île de Caprée, célèbre par le sé- jour et les crimes du sombre et cruel Tibère, est appelé /’évéque aux cailles, parce qu'il prélève une dime sur celles qui sont prises dans l’île de Caprée. Ce revenu est estimé 23 à 25,000 fr. par an, ce qui suppose un nombre incalculable de caiïlles. En effet, un de mes honorables amis, M. de Joannis, m’a dit que, lorsqu’en qualité de lieutenant de vaisseau et de commandant en second du Luxor , il allait chercher en Egypte l’obélisque destiné à embellir la place de la Concorde à Paris, il avait vu vendre à Alexandrie et dans les autres villes de ce pays, la cagée de cailles pour 10 fr. Chaque cagée renferme cinq cents cailles, ce qui établit le prix de chaque caille à deux centimes. On peut, d’après cette donnée certaine, calculer Le nombre de cailles que doivent capturer les habitants de Caprée pour que la dime prélevée sur cette chasse puisse procurer chaque année, 25,000 francs à l’évêque de ce diocèse. J'ajoute ici quelques dé- tails sur les précautions que prennent les caïlles pour effectuer leur retour en Afrique et les moyens employés par les Arabes pour s’en emparer. Je dois ces notes à la bienveillance de M. de Joannis, et je me borne à les transcrire. « Dieu a donné à la caille un instinct merveilleux, qui lui sert à «se diriger vers la mer, sans avoir besoin de boussole et en suivant « la ligne la plus courte. Tous les navigateurs qui rencontrent les « cailles lorsqu'elles effectuent leur seconde migration, savent que «ces oiseaux tendent directement vers le sud. Les caïlles sont rare- «ment seules dans ce voyage, mais ordinairement sept à huit en- «semble. Leur vol très-rapide effleure la surface de la mer, et lors- «qu’en route elles trouvent du gros temps qu’elles n'avaient pas « prévu, elles suivent l’ondulation des grandes lames, rasant tou- «Jours la surface de l’eau. Cette méthode est admirablement com- « binée, car sans cesse dans le creux des lames, elles sont toujours « déventées par la haute montagne d’eau qui est devant elles et c’est 42 «ainsi qu’elles jouissent d’une plus grande facilité pour vaincre le « grand courant aérien où elles se trouvent engagées. Ce qu'il y a «de plus admirable dans ces migrations après la faculté qu'ont les « oiseaux de se diriger sans boussole, c’est la force que manifestent « les cailles pour entreprendre un vol non interrompu de six à huit « heures, car elles ne peuvent guère parcourir plus de cent-vingt « kilomètres à l'heure et selon qu’elles partent d’un point plus ou « moins éloigné de la côte d'Afrique, elles se trouvent entrainées à «effectuer une traversée plus ou moins considérable. Quand les «caïlles sont contrariées dans leur vol par des brises contraires et « violentes, elles tombent de fatigue et se noïent, ou si elles rencon- «trent sur leur route un bâtiment, elles s’empressent d’y chercher «un peu de repos et n’y trouvent qu’un autre genre de mort. Hor- «riblement fatigués, ces pauvres oiseaux n’ont pas la force de « s'envoler et sont facilement capturés par les hommes de l’équipage « qui savent très-bien qu’il ne faut pas chercher à saisir les cailles «au moment où elles viennent de se poser sur le pont ou sur les « cordages, mais attendre quelques minutes, afin que refroidies, «elles ne puissent pas reprendre facilement leur essor. Cette migra- « tion des cailles donne lieu à un grand commerce dans lequel les « Arabes réalisent d’assez beaux bénéfices. Voici la manière dont «ils capturent les caïlles sur leurs immenses plages de sable qui se « déroulent dans les environs d'Alexandrie. Deux Arabes s’unissent « pour la chasse aux caïlles ; l’un d’eux porte sur son bras un petit « filet fin et noir, dont les mailles ont à peu près trois centimètres «carrés, représentant une simple nappe de soixante-dix centimètres «carrés, aux deux extrémités de laquelle est fixée une corde lé- « gère en poil de chameau et longue d'environ dix mètres. Munis « de ce filet, les deux Arabes regardent autour d’eux en se tournant « le dos, de manière à embrasser l'horizon tout entier. Sitôt qu’une «caille vient se reposer sur le sable, les chasseurs se dirigent de « manière à se mettre sous le vent ; arrivés à une trentaine de pas, «ils déploient leur filet et prenant chacun le bout d’une des ficelles, «ils s’éloignent l’un de l’autre de manière à tenir très-tendue la petite « nappe du filet. Celle-ci soulevée par la brise ou par la vitesse des 43 « deux Arabes se tient à peu près horizontalement à un mètre du «sable, puis aussitôt que la nappe se trouve au-dessus de la caille, «les chasseurs la laissent tomber sur leur proie. L'un des deux se « dirige vers la caille pour la saisir avec la main. C’est alors que le « pauvre oiseau épuisé par la fatigue d’un voyage pénible et très- «long, fait un dernier effort pour s’échapper; mais soudain il se «trouve enlacé dans le filet, l’Arabe la prend alors, lui coupe une «aile, la renferme dans une cage, et quand celle-ci sera pleine, «c’est-à-dire qu’elle en contiendra cinq cents, elle sera vendue sur «le marché d'Alexandrie 10 fr., c’est-à-dire deux centimes pièce. «Le prix si minime de ces cailles prouve que les Arabes réussissent « parfaitement dans cette chasse, et ils doivent leurs succès à leur «vue très-perçante, car la couleur de la caïlle se marie tellement « avec celle du sable qu’elle échappe aux regards des Européens. « Celles des cailles qui ne sont pas capturées par les Arabes pénè- «trent à plus de quatre cents kilomètres vers le sud et c’est dans les «champs de lentilles de la haute Egypte qu’elles fixent leur séjour « privilégié. » Tel est le résumé des notes que je dois à la bienveil- lance de mon honorable ami. Cette chasse pratiquée par les Arabes a-t-elle été importée en Eu- rope ou bien sont-ce les habitants du désert qui nous ont imités ? Je l'ignore. Tout ce que je sais, c’est que dans ma jeunesse je me suis livré sous la direction d’un trappeur émérite, dont j’ai déjà parlé, à une chasse qui n’était autre chose que celle qui est exécutée par les Arabes, avec des modifications nécessitées par la nature du ter- rain sur lequel elle avait lieu. Cette chasse était-elle une faute, un délit ? S'il y a eu faute, j'espère en avoir le repentir; s’il y a eu dé- lit, je me rassure, car il doït être bien prescrit. Donc il y a plus de trente ans, mon vénérable chef de file me conduisait vers le soir dans les terrains ensemencés de blé, puis il faisait retentir avec une grande perfection Le eri de son appeau et quand il croyait avoir re- connu l'endroit où se trouvait la caille qui avait répondu à sa voix de chanterelle, il déroulait un filet semblable à celui qu'emploient les Arabes et nous courions en le laissant voltiger au-dessus des blés. Le bruit qu’il faisait en flottant sur les moissons déterminait 44 la caille à s’envoler et souvent elle se trouvait enlacée dans le filet, D’autres fois, il avait recours à un chien couchant, l’envoyait à la recherche et quand il ’apercevait en arrêt, nous nous empressions de suspendre le filet au-dessus et un peu au-devant de la tête du chien, puis il donnait au fidèle animal l’ordre de s’avancer et à ce moment la caille en s’envolant pour échapper à son ennemi se jetait dans le filet qui devenait sa prison. Le passage des cailles dure près de deux mois, ce sont les plus vieilles qui partent les premières par la raison toute simple que très- souvent au moment de ces départs, les jeunes ne sont pas encore parvenues à leur développement complet. Dans le cours de ces deux mois les habitants des principaux lieux où viennent aborder les caïlles sont occupés à les capturer, à les plumer, à en extraire la graisse, puis à les saler et à les entasser dans des barils que l’on ex- pédie dans tout le Levant. Pendant leur séjour dans notre pays, les caïlles conservent les mœurs des habitants des pays chauds ; comme de véritables Napolitains ou Espagnols, elles circulent et mangent le matin et le soir, puis le reste du jour elles sont étendues noncha- lamment le ventre au soleil, une patte allongée, savourant les bien- faisantes émanations de cet astre et s’abandonnant aux douceurs du sommeil. Les cailles ne se perchent jamais, si ce n’est sur les vergues desnavires qu’elles rencontrent dans leurs migrations ; ellesse plaisent à courir dans les herbes des prairies ou dans les sillons de blé, là elles se nourrissent d'insectes et de grains. Aussi quittent-elles notre pays vers la fin de septembre ou les premiers jours d'octobre, époque à laquelle insectes et graines commencent à leur manquer, ainsi que la vivifiante influence de la chaleur. Leur retour en Afrique n’est donc pas un caprice, mais le résultat d’une nécessité. La preuve évidente de la justesse de cette assertion, c’est qu’un certain nombre de cailles séjournent toute l’année dans le midi de l'Espagne et de l'Italie où elles trouvent insectes et chaleur en tout temps. Avant de donner quelques détails sur la nidification des cailles et de terminer cette longue digression , il me reste à expliquer le mot coturnix, nom savant de la caïlle. Pour résoudre cette difficulté, j’ai recours à Pictet (tom. I‘, p. 496) et lui laisse bien volontiers la res- 45 ponsabilité de la sentence. D’après cet auteur, cofurnix serait un ancien nom arien, composé probablement du sanscrit £atu, àpre, àcre, perçant, et de rana, cri, dérivant lui-même de an, sonare, crier, etc., et cofurnix serait pour cofuranix comme corvus pour coravus. Ainsi en m'inclinant profondément devant l’autorité de Pictet, j’admets facilement que le mot scientifique ainsi que le mot vulgaire est fondé sur le chant ou plutôt sur le eri sonore et reten- tissant de la caille. Ma tâche s’avance et je la complète par quelques renseignements sur les mœurs de la caille. Dans cette espèce, les mâles sont beau- coup plus nombreux que les femelles ; aussi en capturer une assez grande quantité au moyen de l’appeau serait rendre service à la propagation de l’espèce en facilitant des unions légitimes, unions trop souvent combattues par des prétendants malheureux qui pour se venger de n’avoir pas de famille troublent celle des autres, bri- sent les œufs et maltraitent les femelles. Mais si nous retrouvons dans les cailles mâles l’ardeur de certains guerroyeurs des siècles passés, frappant d’estoc et de taille tous ceux qu'ils rencontraient, nous ne retrouvons pas dans les oiseaux de cette espèce les chevaliers protecteurs de la veuve et de l’orphelin. Les prétendus chefs d’une famille qui n’existe pas réellement ne s'occupent ni de protéger, ni de nourrir la mère et les petits. La pauvre femelle est obligée de pourvoir à sa nourriture et de couver ses œufs. Aussi s’efforce-t-elle de compenser, par une chaleur excessive qu’elle leur communique, le temps pendant lequel elle a été obligée de les abandonner pour chercher quelques insectes ou quelques grains. C’est ainsi qu’elle parvient à un tel degré de surexcitation qu’elle n’aperçoit et ne craint aucun danger et dans cet état elle se laisse prendre à la main ou faucher sur son nid. Celui-ci est composé de brins d’herbe tapis- sant une petite excavation circulaire que la femelle a creusée avec ses pattes. Les œufs, au nombre de dix à seize, diffèrent beaucoup de forme, de grosseur et de couleur; ils sont presque tous ventrus, leur grand diamètre varie de 0",026 à 0",029 et leur petit de 0,022 à 0,023. La coquille de ces œufs est ordinairement d’un blanc jaunâtre 46 plus ou moins prononcé, les uns sont parsemés uniformément de petits points noirâtres, d’autres sont couverts de taches d’un brun foncé et dont les proportions sont bien différentes. Je possède dans ma collection huit œufs de caille trouvés à Villevêque et dont la eou- leur jaunâtre est presque entièrement recouverte par trois ou quatre larges taches noirâtres. Quand la mère s'éloigne de son nid, elle a l’habitude de couvrir ses œufs avec une épaisse couche d’herbe, soit pour les empêcher de se refroidir, soit pour les dérober à la vue de ses ennemis ou même à celle des mâles. Lorsque les petits sont éclos, la femelle s’occupe d’eux avec beaucoup de soin, du moins pendant quelques jours, car les cailleteaux peuvent de très-bonne heure se suflire à eux-mêmes et ne sont pas de caractère à subir longtemps une tu- telle ou à suivre une direction. Le soir, la mère les appelle, les ré- unit et les cache sous ses ailes. La disposition à une vie insubor- donnée est tellement évidente chez les petits cailleteaux, que les anciens auteurs et Aristophane entre autres comparent les écoliers querelleurs, indisciplinés, à de petites cailles renfermées en cage. Car là, encore plus que dans les plaines, la caille manifeste son caractère batailleur et ses aspirations ardentes pour une liberté sans contrainte. Sans cesse en mouvement, elle fuit toute société ou ne l’accepte un moment que pour se battre avec les autres captifs. Si l’on n’a pas la précaution d’étendre une toile bien mobile pour for- mer le dessus de la cage, la caille se briserait la tête contre les bar- reaux supérieurs de sa prison. Quelques naturalistes ont aflirmé que dès que les petits cailleteaux pouvaient se passer de leur mère, celle- ci faisait une seconde couvée. D’autres pensent que cette seconde couvée n’a lieu que pour les cailles dont les œufs ont été brisés par la fareur dés mâles répudiés par les femelles. Je crois que la pre- mière opinion aurait de la peine à être défendue, si l’on pense à l’époque de l’arrivée et du départ des cailles. IL serait dificile d'admettre que le séjour des cailles dans nos pays püt être suf- fisant à l'éducation de deux couvées et surtout pour que les caille- teaux de la dernière couvée fussent assez forts pour entreprendre leur voyage d'outre-mer. Les deux couvées ne pourraient être ad- 47 mises réellement que pour les cailles arrivés les premières, et cette opinion ne serait alors qu’une exception et non pas une règle gé- nérale. Le mâle se distingue facilement de la femelle par la tache noire qu’il porte sur la gorge et dont la couleur se prononce ainsi que les dimensions eroissent avec l’âge de l'oiseau. Quelques ornithologistes ont voulu reconnaître dans la caille deux races différentes , la petite et la grande. Cette distinction n’existe pas réellement; chez les cailles comme chez tous les autres oiseaux, il y a des sujets plus ou moins forts selon leurs dispositions naturelles, la nourriture qu’ils trouvent et les lieux qu’ils fréquentent. Je terminerai cette petite étude sur la caille, par une simple re- marque, c’est que dans cette espèce, il n’existe ni famille, ni esprit de famille comme chez tous ceux dont le caractère est difficile, ba- tailleur et opposé à toute idée de soumission et qui, enelins à une vie de sensualité, ne se laissent diriger que par le plus méprisable de tous les instincts, celui d’un grossier égoïsme. GLARÉOLE A COLLIER. — (GLAREOLA TORQUATA. Les pages que je vais consacrer à la glaréole seront peu nom- breuses. Elles comprendront la solution de ces trois problèmes. La glaréole vient-elle en Anjou ? Sa place la plus naturelle est-elle parmi les gallinacés? Enfin quelles sont les étymologies des dénomi- nations vulgaires et savantes données à cet oiseau ? Pour répondre à la première question d’une manière affirmative, je nai d’autres motifs que l'autorité de plusieurs amateurs et chas- seurs qui prétendent avoir tué, à différentes fois, des glaréoles dans les limites de notre département. Je n’avais aucune raison person- nelle d’admettre cet oiseau daus la Faune de Maine et Loire, car en lui donnant le droit de cité parmi nous, c’était augmenter encore un travail qui me semble déjà assez étendu. Quant à la seconde, elle est beaucoup moins facile à résoudre. La 48 glaréole a été et est encore un des oiseaux les plus difficiles à clas- ser ; selon qu’on la considère à un point de vue ou à un autre, on la range dans telle ou telle catégorie. Les naturalistes qui ont été frappés de ses ailes longues, de sa queue fourchue, de son vol rapide et ondulé, accompagné d’un petit cri plaintif, l'ont placée naturelle ment parmi les hirondelles sous le nom d’Airundo patrineola. Ceux qui n’ont considéré que la longueur de ses tarses et sa manière de courir sur les sables et mème sur les grandes routes, sans se préoc- cuper des passants, et, en agitant sa queue comme le traquet, ont rangé les glaréoles parmi les échassiers et les pluviers. D’autres enfin eten plus grand nombre, faisant simplement attention à la forme du bec de la glaréole et à son habitude de courir, l’ont rap- prochée des gallinacés en la désignant sous le nom de perdrèx à col- lier, perdrix de mer, etc. Ces derniers auteurs ont-ils été les mieux inspirés ? J'en doute. Leur classification est-elle la plus rationnelle ? Je ne le pense pas. C’est pour cela que je la placerai là où les savants le jugeront à propos, dès que j'aurai pu parcourir toute la Faune de Maine-et-Loire. En attendant la fin de ce rude labeur, la glaréole restera unie aux gallinacés et cela sans que je puisse encourir de graves reproches. D'où lui vient le nom de g/aréole à collier qui n’est que la tra- duction littérale de la dénomination savante glareola torquata ? La glaréole se plait sur les bords des vastes marais, des étangs, des cours d’eau et même des mers intérieures. Elle fréquente très-peu les plages des grands océans; elle court avec une agilité remar- quable sur les sables et sur les graviers répandus dans ses lieux de prédilection : c’est cette habitude qui lui a fait donner le nom de glaréole, dérivé de glarea, gravier, gros sable. Cet oiseau se trouve en grand nombre sur les bords des marais salés de la Hongrie. Là comme dans toutes les contrées qu’il habite, il vit de vers aqua- tiques, d’insectes et de mouches qu’il chasse dans les roseaux avec une grande rapidité et une excessive adresse. Souvent les glaréoles voyagent par petites bandes. Celles-ci sont-elles formées d’une seule famille ou bien d’une réunion d’amis ? Je ne puis l’aflirmer ; ce qui est bien démontré, c’est le sentiment d’une vive union qui lie entre 49 eux tous les membres de cette petite société. Quand lun d'eux est atteint par le plomb meurtrier, ses compagnons de voyage s’em- pressent auprès de lui, et plutôt que de l’abandonner, ils subis- sent presque tous le même sort, tant le chasseur est impitoyable et comprend peu un sentiment d’autant plus généreux qu'il est plus rare de nos jours. Dans le midi de la France où la glaréole apparaît et niche d’une manière régulière et où l’on peut aussi étudier plus facilement et en détail les habitudes caractéristiques de cet oïseau, les gens de la cam- pagne, bons observateurs, l'ont désigné par ces mots piguo-ën-terra, pique-en-terre. Getteexpressionreprésente d’unemanièrebiennaïveet bien expressive une habitude caractéristique de la glaréole. Dans sa course très-rapide à la recherche de l’insecte, elle donne de fréquents coups de bec sans ralentir sa chasse et tout en saisissant avec une très-grande adresse la proie qu’elle rencontre, elle paraît frapper, piquer la terre. Quant à l’épithète éorquata, à collier, elle sert à dis- tinguer cette espèce de quelques autres, en faisant connaître une particularité remarquable de son plumage. Une jolie ligne noire se dessine agréablement sur la couleur jaunâtre de la gorge de l’oiseau et représente assez bien un feston suspendu en forme de collier. Toutefois elle ne doit pas ce surnom à une victoire comme le célèbre romain Torquatus, qui fut ainsi désigné pour avoir enlevé à un Gaulois qu'il avait vaincu dans un combat singulier, le riche collier d’or qui faisait son principal ornement. La glaréole niche ordinai- rement sur les bords des lacs salés qu’elle recherche de préférence à tous les autres lieux. Son nid ne demande pas beaucoup de travail au mâle et à la femelle; car ceux-ci choisissent de concert une petite excavation soit naturelle, soit formée par le pied d’un cheval ou d’un bœuf; ils y réunissent quelques brins d’herbe, et c’est sur cette couche simple et grossière que la femelle dépose deux ou trois œufs, rarement quatre. Ces œufs sont ventrus, d’une couleur d’un jaune d’ocre sale, quelquefois un peu grisätre ou même verdâtre. Ils sont parsemés de taches irrégulières et assez nombreuses, les unes brunes, les autres d’un brun noir qui semble velouté. Leur grand diamètre varie de 0",030 à 0m,032 et leur petit de 0®,020 à 0,022. IX. 4 50 Ici je terminerai, ami lecteur, la tâche que je m'étais d’abord proposé de remplir ; j'ai parcouru en entier, à travers des difficultés de toute nature, les cinq premiers Ordres de la Faune de Maine et Loire. Deux ordres restent encore à expliquer : celui des échassiers et celui des palmipèdes. Plus tard, si Dieu nous prête vie, nous essaie- rons d'aborder ce nouveau labeur; mais en attendant ce complé- ment de nos essais étymologiques, puisse la bienveillance du lecteur trouver, du moins en partie, dans le travail qui lui est soumis en ce moment, la réalisation de la devise que j'ai adoptée : Benedicite, omnes volucres cæli, Domino ! Vous tous, oiseaux du ciel, bénissez le Seigneur ! (DANIEL, cant. 3). Abbé VincELoT, Chanoine honoraire , aumônier de la pension Saint-Julien, ÉTUDE SUR LES CONNARACÉES DE L’AFRIQUE TROPICALE Les Connaracées de l’Afrique tropicale sont encore peu connues, quoique le Prodromus de de Candolle (If, 84-87), en énumère déjà une dizaine d'espèces. Presque toutes sont originaires de la côte occidentale , et ont été indiquées ou décrites par Smeathmann, Afzel, Solander, Schumacher et Thonning (Beskriv., 73, 216). R. Browa dont les vues sur les affinités naturelles des Connaracées ont été adoptées par la plupart des botanistes, avait vu (Congo, 12) plusieurs plantes nouvelles et inédites appartenant à cette famille, dans l’herbier de Chr. Smith. Cependant le nombre des Connaracées décrites dans le Niger Flora (288, 575), est moins considérable en— core que dans le Prodromus. M. Planchon (Linnæa, XXII, 411) n’a guère ajouté qu’une espèce, le Cnestis fraterna, à celles que de Candolle avait fait connaître comme provenant de la côte occiden- tale. Quant aux espèces originaires de la côte orientale ou de Madagascar, énumérées dans son travail, elles se bornent à deux Cnestis de Lamarck et à lOmphalobium pentagynum de de Can- dolle, qui devient l’Agelæa Lamarckü. Palisot de Beauvois (Flor. 52 owar., I, 95, t. 59, 60) avait, dès 1804, fait connaître deux espèces du genre Cnestis, dont l’une est aussi un Agel/æa, et dont l’autre, son C. pinnata, a été rapportée, mais à tort, par M. Planchon, au genres Manotes de Solander ; nous verrons plus loin qu’elle ne sau- rait lui appartenir. Les herbiers rapportés du Gabon par MM. Duparquet et Griffon du Bellay, nous permettront de mieux connaître quelques-unes des espèces autrefois recueillies à Sierra-Leone par Smeathmann. D'in- téressants fragments d'espèces que nous croyons nouvelles, n’au— raient pu sufhre à une description complète, si de meilleurs échan- tillons des mêmes types ne se trouvaient dans les collections de M. Mann. D'ailleurs ce voyageur a trouvé, dans l'Afrique tropicale, un assez grand nombre d’espèces qu'aucun autre collecteur n’a rencontrées et dont les savants botanistes de Kew nous donneront sans doute prochainement la description ; «on comprend pourquoi nous laisserons complétement ces espèces de côté, pour le moment. L’herbier d’Heudelot renferme des échantillons très-complets pour la plupart des espèces autrefois étudiées par Thônning et Schu- macher, Solander, Smeathmann, Lamarck, de Candolle ; nous pro- fiterons des renseignements contenus dans ses notes manuscrites. Pour la côte orientale et Madagascar, les collections de Boivin et de Pervillé nous offriront un certain nombre de plantes intéressantes à ajouter aux trois espèces jusqu'ici décrites par les botanistes qui se sont occupés des Connaracées. Les Connaracées sont facilement distinguées en deux groupes par la préfloraison du calice. Quoique ce caractère n’ait pas en lui- même une bien grande valeur, on peut le considérer comme très- commode pour la classification, et plusieurs auteurs l’ont fait passer en première ligne, notamment MM. Bentham et Hooker, dans leur Genera plantarum (1, 431). Ils ont ainsi distingué une tribu des Connaracées, où le calice est imbriqué, et une tribu des Cnestidées, où la préfloraison devient au contraire valvaire. Reste à savoir si on maintiendra toujours les douze ou quinze genresadmis actuelle- ment par la plupart des auteurs, et si chacune de ces tribus ne re- présentera pas à un moment donnéun seul grand genre, ou un petit 03 nombre de genres à limites plus larges que celles qu’on donne aux types génériques aujourd’hui adoptés. Quant à la tribu des Connaracées à préfloraison imbriquée, elle renferme, dans l'ouvrage que nous venons de citer, les cinq genres Byrsocarpus, Bernardinia, A gelæa, Rourea et Connarus. Les deux derniers appartiennent à un groupe secondaire spécial dont le calice est caractérisé de la sorte : « Calyx erectus basin vel stipitem fructus amplectens ; » tandis que, dans les trois premiers genres, le calice est dit : « Calyx basin fructus non amplectens. » Comparons done, sous ce rapport, un représentant du premier groupe secondaire, tel que le Rourea, et un représentant de l’autre groupe, savoir un Byr- socarpus. Nous trouverons que, dans les espèces de Byrsocarpus de l'Afrique tropicale, le calice, au lieu d’être aussi rapproché du fruit qu'il l’est dans la plupart des Rourea américains, est en effet un peu plus élargi et plus distant du carpelle, surtout au voisinage de sa moitié supérieure, Mais nous verrous aussi que, dans la série des espèces de Madagascar, il y a tous les intermédiaires à cet égard entre les Byrsocarpus sénégaliens à sépales étalés et ceux des Rourea mimosoides de Afrique tropicale où la constriction du calice est le moins prononcée. (est en somme une question de plus ou de moins; de telle façon qu’on ne saurait préciser à quel point de cette série des espèces, le calice cesse d’être celui d’un Byrsocarpus pour devenir celui d’un Rourea véritable, et que, si l’on voulait même considérer le Byrsocarpus comme formant une section dans le genre Rourea (dont le nom est le plus ancien), on serait bien embarrassé de séparer nettement cette section de celle qui contiendrait les Rourea proprement dits ou ÆEwrourea. Pour ce motif, nous nous voyons forcé, tous les autres caractères étant identiques, de revenir au sys- tème proposé par M. Bentham, dans le Niger Flora (290), et de faire rentrer les Byrsocarpus dans le genre Rourea. À ce compte, Le genre ARourea est représenté dans l'Afrique tropicale occidentale par les Byrsocarpus autrefois décrits par Schumacher et Thônning (Beskr., 226), et par les espèces inédites rapportées par M. G. Mann et dont nous ne nous occuperons pas ici. Le Rourea coccinea Hook. r., très-variable quant à la taille, la forme et la consistance de ses 54 folioles, n’a pas encore été rapporté du Gabon, quoiqu'il ait été ob- servé par Barter à Nupe, par M. Mann à la latitude de 19 au nord de l'équateur, et par Heudelot, en 1835, dans le pays de Kombo (n. 84), et en 1837, dans les environs du Rio-Nunez (n. 811). C’est un arbuste buissonneux et diffus qui atteint quelques pieds de hau- teur, se couvre en mars de fleurs blanches, inodores, et ne paraît prospérer que dans les bas-fonds et les lieux humides. Tout à côté du Byrsocarpus parviflorus Pr. !. on doit placer une autre espèce qui croît sur la côte orientale d'Afrique et que nous appelons Rourea (Byrsocarpus) orientalis *. Son feuillage est presque 1 S'agit-il ici d’une espèce légitime, ou d’une forme du B. coccineus Scu. et Taônn., c’est un fait qui nous paraît encore douteux et qui demande à être vé- rifié sur des échantillons convenables. 4 2 ROUREA ORIENTALIS, spec. nov. ( Byrsocarpus orientalis H. BN, in herb. Mus. par.). Rami lignosi, teretes nodosi glabri, uti ramuli lenticellis creberrimis puñnctiformibus (albidis) notati. Folia imparipinnata, 15 (et ultra) — foliolata ; petiolo glaberrimo gracili, basi repente incrassato articulato; foliolis sæpius su- boppositis, brevissime (1 mill.) petiolulatis, elliptico v. oblongo-ovatis (2, 3 cent. long., 4 cent. lat.), basi rotundatis ; apice rotundato v. acutiusculo brevissime apiculato ; integerrima membranacea, supra glabra dense viridia, subtus opaca, in sicco ferruginea, venosa; costa subtus valde prominula. Flores in axilla fo- liorum adultorum rami supremorum racemosi ; racemo brevi paucifloro ; calyce 5-partito puberulo ciliato ; petalis pro genere brevioribus obovatis valde imbri- catis ; staminibus basi vix coalitis ; antheris ellipticis introrsis rima ferme mar- ginali dehiscentibus, in alabastro inflexis ; stylis capitellatis. Fructus longius (1/2 cent.) pedicellati; calyce cupulæformi 5-fido ; lobis acutiusculis plus minus capsulæ basin amplectentibus , hinc arcte applicatis, inde apice paten- tibus. Capsula inæquali-ovata oblongave (1 1/2 cent. longa, 1/2-1 cent. lata), apice apiculo brevi acuto arcuato instructa glabra. Semen erectum omnino or- thotropum ; istegumento extus undique carnosulo arilliformi ; embryone inverso; radicula omnino supera, — Crescit in Africæ costa orientali, ad Mombaza (Boivin, 1847-52). Formam (2), foliis paulo longioribus et fructu sæpius subelongato, legerunt quoque Richard (olim cum Boivino, n. 1887 ?, commu- nicatam), ad S. Marie de Madagascar, et ad Nossi-bé Buivin ipse, anno 1850 (n. 2193 #), prope magnum lacum Djabal (herb. Mus.). Hanc stirpem, fructibus longioribus plerumque arcuatis, aprili 4841 fructiferam legit quoque Pervillé (2. 755), in Nossi-bé locis humidis ; a quo frutex dicitur 3-metralis. Ad ejusdem demum speciei varietatem parvifoliam, non sine dubio, referimus specimina nonnulla ab eodem in Ambongo (n. 544) plagis arenosis februario 1841 collecta, quorum folia omnino quoad formam analoga duplo triplove minora evadunt ; capsula autem omnino eadem est (v. s. in herb. Mus. par.). 39 le même que celui de l’espèce de la côte orientale, sinon que ses fo- lioles sont elliptiques ou ovales et plus larges en général vers le bas que vers le haut. Leur sommet est ordinairement aigu ou très-briè- vement acuminé, ou obtus, ou même retus ou émarginé, comme dans le B. parviflorus Ces folioles sont au nombre de quinze au moins dans la plupart des feuilles ; leur pétiolule est grèle et court. Toutes les parties de la plante sont à peu près glabres. Mais c’est principalement dans les fleurs et les fruits que résident les carac- tères de cette espèce. Des grappes courtes et axillaires, des boutons globuleux, des pétales fortement imbriqués, et courts, relativement à leur largeur, avec des follicules ovoïdes, légèrement ventrus, ter- minés par un petit bec aigu et arqué, et munis à leur base d’un ca- lice persistant, partagé jusque vers le milieu de la hauteur en cinq lobes imbriqués, striés en long; tels sont les principaux traits de cette espèce. Il faut d’ailleurs remarquer que le calice s’écarte assez de la base de certains fruits pour qu’on ne puisse hésiter à consi- dérer ceux-ci comme appartenant à un Byrsocarpus légitime, tan- dis qu’il s'applique étroitement, jusques à son sommet, sur la base de certains autres fruits qui, considérés isolément, pourraient être à bon droit attribués à un Rourea proprement dit. Avec la même organisation des fruits, et la même variation dans la manière dont les dents calicinales s’appliquent jusqu’au sommet contre la base du fruit, ou s’en écartent jusqu’à une certaine pro- fondeur, une autre espèce de l’Afrique orientale, que nous avons appelée Byrsocarpus Boivinianus, parce que Boivin paraît l'avoir 1 RoUREA BoIVINIANA, spec. nov. (Byrsocarpus Boivinianus H. BN, in ñerb. Mus.). Arbor ? glabra ; ramis ad folia nodosis ; cortice (fuscato) lenticellis (albidis) minutis creberrimis notato ; ramulis novellis subangulatis (pallide virescentibus). Folia imparipinnata plerumque 5-foliolota ; petiolo gracili, basi nudato, ad in- sertionem repente incrassato rugoso, Cæterum gracili; petiolulis brevissimis (4, 2 mill.) incrassato-rugosis ; foliolis elliptico-acuminatis (5 cent. longis, 2 1/2 cent. latis), summo apice obtusiusculis, integerrimis v. obsolete sinuatis membranaceis glaberrimis venosis, subtus pallidioribus. {[nflorescentiæ axillares racemosi (?) Flores ignoti. Fructus longe stipitati ; pedunculis gracilibus glabris (ad 5 cent.); pedicellis (1, 2 cent. longis) sensim ad apicem incrassatis. Calyx fructuum 5-fidus (1/4 cent. alt.) ; lobis acutiusculis obtusiusculisve longitudine striatis fructus basin vix amplectentibus, demum expansis. Fructus oblongo- 56 observée le premier à Mombaze, de 1847 à 1852, se distingue de la précédente par deux caractères faciles à saisir : ses folioles moins nombreuses (au nombre de cinq, en général), sont larges et ellipti- ques-acuminées ; de plus, ses graines dressées ont un embryon dont la radicule, au lieu d’être placée tout-à-fait à la partie supérieure, se trouve située vers le milieu de la hauteur du bord de la graine. Nous ne saurions dire avec quels caractères cette espèce se présente à l’époque de la floraison, et nous ne savons pas si alors elle se sé- pare bien nettement de celle que nous allons décrire maintenant et qui se fait remarquer par des grappes de fleurs nées, en même temps que les jeunes rameaux folüfères, sur le bois des branches et à Vaisselle d’une feuille de l’année précédente dont on n’apercoit plus que la cicatrice. Sous ce rapport, le Rourea (Byrsocarpus) Pervilleana”, recueilli à Nossi-bé par Pervillé, appartient au même groupe que le Byrsocarpus coccineus de Schumacher et Thônning. ovatus glaberrimus brevissime apiculatus (2 cent. long., 1 ent. lat.) ; pericarpio tenui. Semen conforme cavitatem fotam loculi implens erectum glaberrimum oblongum ; embryone exalbuminoso oblongo ; radicula fere ad medium laterali. Rami et folia Pterocarporum nonnullorum. — Crescit in Mombaza, costæ africanæ orientalis, ubi ann. 1847-1852 legit Boivin (v. s. in herb. Mus. par.). 1 RourEA PERVILLEANA, spec. nov. (Byrsocarpus Pervilleanus H. B\, in herb. Mus.). Rami lignosi teretes glabri, lenticellis creberrimis minutissimis pallidis notati. Flores cum ramis junioribus vix evolutis in axilla cicatricis foliorum anni præteriti occasorum orti; ramulis gracilibus adhuc herbaceis paucifoliis foliis pinuatis ; foliolis 7-11 petiolulatis, inadultis lanceolatis integerrimis te- nerrimis membranaceis glabris, secundum costam induplicatis, adultis ignotis. Racemi foliis junioribus paulo longiores, basi nudati, graciles glabri, mox ra- mosi, apice tantum simplices. Flores crebri (albi) pro genere majusculi (2 cent. lati); pedicellis filiformibus ( ad 1 cent. longis). Calyx brevis; foliolis ovato- acutiusculis ciliolatis valde imbricatis. Petala calyce 4, 5-plo longiora oblongo- lanceolata, basi paulo angustata, apice ‘obtusiuscula acutiusculave membranacea glaberrima decidua. Stamina petalis breviora ; filamentis basi monaldephis, mox liberis subulatis; antheris minutis orbicularibus rimosis. Carpella 5 calyce paulo longiora ; ovario villosulo ; stylo erecto oblique capitato. Cætera ignota. Species quoad florescentiæ tempus et modum ad sectionem eamdem referenda ac generis Byrsocarpi prototypus, scilicet B. coccineus Scaun. et THôNN., ob flores valde proxima, sed ob foliorum juniorum formam ea Bernardiniæ fluminensis Pr. valde referentem, omnino absimilis. — Crescit in insula Malacassium, ad Nossi- bé, ubi legit olim Pervillé cumque Boivin communicavit (v. s. in herb. Mus. par). 57 Les fleurs, pourvues d’une grande corolle blanche, à pétales très- délicats et caducs, sont disposées en grappes tout-à-fait analogues et rappellent beaucoup les fleurs de certaines Oxalidées; mais la forme des folioles, telles qu’on peut les observer dans leur premier âge, lancéolées, repliées en deux sur elles-mêmes, suivant la ligne médiane, rappelle tellement ce qu’on voit-dans le Bernardimia flu- minensis Pr, que c’est là une raison à ajouter à tant d’autres, pour réintégrer les Bernardinia dans le même genre que les Byrsocarpus, dont ils ne différeraient, dit-on, que par leur calice non persistant. C’est encore au genre Rourea que nous rapporterons le Cnestis pinnata de Palisot de Beauvois (F/. ow. et ben., 1, 98, t. 60), qui certainement n'appartient pas au genre Cnestis, ni à aucun autre du même groupe, attendu que la préfloraisen de son calice est très-net- tement imbriquée dans le bouton. Ce ne saurait être non plus, et pour la même raison, une espèce du genre Manotes, ainsi que Va pensé M. Planchon (Linnæa, XXII, 438), qui lui donne le nom de M. Palisoti. En l'absence des fruits, on ne sait trop si cette plante ne devrait pas être attribuée au genre Connarus ; ce n’est donc que d’une manière provisoire que nous l’appellerons Rourea Palisotui. Le nom spécifique de pérnata ne saurait ètre conservé, presque tous les Rourea étant dans le même cas. Nous avons pu voir, dans l’herbier de Palisot de Beauvois, c’est-à-dire, dans les collections de M. De- lessert, le type du Cnestis pinnata; nous n'avons retrouvé cette plante dans aucun des herbiers formés, dans ce siècle, par les ex- plorateurs de l'Afrique tropicale. Les folioles, tantôt légèrement aiguës ou acuminées, tantôt obtuses et arrondies au sommet, lui donnent une certaine ressemblance avec plusieurs formes du Onestis polyphylla de Lamarck. Les différences constantes qui séparent les Rourea des Connarus ne sont plus qu’au nombre de deux, et elles ne paraïssent pas avoir une importance bien considérable : le calice n’est pas accressent dans les Connarus, et il entoure, à la facon d’une manchette, non les carpelles eux-mêmes, mais une sorte de pied qui les supporte. Il ne s'applique, par conséquent, que sur un seul pied dans les Ompha- lobium, ramenés à titre de section parmi les Connarus, par la plu- 58 part des auteurs contemporains. Cette fusion des deux genres est parfaitement légitime; elle ne le serait pas si, comme le pensait R. Brown, le seul carpelle qui grandisse, dans les Omphalobium, était superposé à une des divisions du calice, tandis que les car- pelles sont oppositipétales dans toutes les autres Connaracées. Mais il y a là certainement une illusion due, sans doute, à un déplace- ment subi par le carpelle fertile, alors qu’il devient très-volumineux; car, dans la fleur de l'Omphalobium Patrisü, et dans celle de plu- sieurs espèces analogues, les cinq carpelles sont constamment placés en face des pétales, tout aussi bien que dans les Cnestis, les Rourea, etc. Nous n'avons vu d’autres Connarus anciennement connus de l’Afrique occidentale, que le C. africanus Law. ; et nous ne savons si l’on ne devra pas rapporter au €. floribundus Scaun. et Taonn. (C. Smeathmanni D. C.), quelqu’une des deux autres espèces du Gabon dont nous parlerons en second lieu. Le Connarus africanus Lawx (Drct., I, 95), ou Omphalobium africanum D. C. (Prodr., I, 85), quia été recueilli à Sierra-Leone par Don (Niger, 290) et Smeathmann (herb. Juss.), et au Cap-Vert par M. Perrottet (F/. seneg., 156), a été retrouvé par Heudelot (n. 594), sur les bords de la Casamance où il porte des fruitsen dé- cembre. Barter l’a récolté (n. 1243) dans l'expédition de Baïikie, à Lagos ; et M. Mann l’a retrouvé en 1861 (n. 863), sur le Bagroo- River. C’est donc une espèce assez largement distribuée dans l’A- frique tropicale, et peut-être se retrouvera-t-elle aussi au Gabon. Quoique ses feuilles soient constamment à trois folioles, comme celles des Agelæa, cette espèce, qui peut être considérée comme le type des Connarus monocarpiques, ou Omphalobium, se distingue aisément aux caractères suivants : les folioles sont pétiolulées et la base de leur limbe est constamment symétrique. D'ailleurs la largeur des folioles , leur sommet aigu, légèrement acuminé ou tout-à-fait ar- rondi, la taille de la corolle, sont autant de caractères très-variables. Le fruit est, au contraire, toujours le même, consistant en un large follicule fusiforme, un peu aplati, glabre à sa surface et renfermant ! Voy. Ann. Sc. nat., sér. 1, X, 207. 99 une graine comparable pour la forme et la taille à un haricot. La radicule repose, non pas au sommet de la graine, mais au niveau d’une échancrure située un peu au-dessus du milieu de sa hauteur. Son développement précoce dans l’intérieur du fruit, tel que l'a observé Cavanilles (Monogr., n. 541, t. 221), est un fait très-réel, mais non constant. Nous avons vu, dans les échantillons d'Heudelot, des graines à radicule très-courte, dépassant à peine la surface des téguments. On trouve abondamment au Gabon {Griffon du Bellay, n. 185, 274) un autre Connarus de la section Omphalobium, qui est carac- térisé par des feuilles trifoliolées, on pennées avec cinq ou six fo- lioles arrondies à la base et brièvement acuminées au sommet, lisses, luisantes et veinées, chargées inférieurement d’un duvet court, mais serré, couleur de rouille; par des fleurs réunies en une sorte de panicule terminale, au nombre de plusieurs milliers et for- mant une tête très-épaisse, avec des ramifications nombreuses chargées d’un épais duvet velouté brunâtre, très-analogue à celui qu’on observe chez les Detarium et les Dialium ; par des fruits in- symétriques obtus, striés obliquement et recouverts en partie de ce même duvet brunâtre. Nous avons donné à cette espèce le nom de Connarus Griffonianus'; mais il ne serait pas impossible qu’elle constituât simplement une forme du C. Smeathmanni D. C., espèce 1 Connarus GRIFFONIANUS, nov. spec. ? Arbor excelsa, ramis ramulisque subcy- lindraceis, longitudine striatis, junioribus pube brevi densa stellata ferruginea obsitis. Folia pinnata 3-7-foliolata ; petiolo basi incrassato articulato (?); foliolis oblongo-ellipticis ovatisve (8 cent. longis, 3 cent. latis), basi rotundatis ; apice brevissime acuminatis, integerrimis subcoriaceis penninerviis venosis, supra lu- cidislævibus, subtus pube densa ferruginea obsitis ; petiolulo brevissimo(1 /4 cent.), basi articulato. Flores numerosissimi, ut aiunt, paniculati; paniculis termi- nalibus racemoso-cymosis ; pedicellis bracteolisque indumento ferruginec brevi ditissimo. Calyx 5-partitus; foliolis ovato-acutis coriaceis, dorso subcarinatis, imbricatis. Petala lineari-oblonga, basi longe angustata; apice obtusiusculo ; calyce 2, 3-plo longiora imbricata. Stamina basi in urceolum brevem crassius- culum connata, mox libera ; filamentis subulatis ; alternis 5 oppositipetalis multo brevioribus ; antheris staminum alternipetalorum multo majoribus ovatis bre- vissime apiculatis muticisve, introrsum rimosis ; antheris oppositipetalis minu- tissimis cordatis, sæpius sterilibus. Carpidium fertile unicum ; ovario dense ferrugineo 2-ovulato ; stylo tenui, apice capitato stigmatoso. Capsula (2 cent. longa, 1 1/2 cent. lata) stipitata; calyce basi persistente stipite paulo longiori : 60 que nous n'avons jamais eue sous les yeux et dont les feuilles sont également lisses en dessus et duveteuses en dessous, mais dont la description si insuffisante du Prodromus (I, 86, n. 9) dit que les folioles sont aiguës aux deux extrémités. Le P. Duparquet (n. 55) a rapporté des fragments d’une autre espèce de Connarus, à fleurs développées sur le bois et à feuilles re- lativement gigantesques ; nous avons pu la décrire plus compléte- ment, grâce à un échantillon récolté par M. Mann (n. 2309) et qui est en bien meilleur état ; nous l’avons appelée C. Duparquetianus !. Ses folioles, au nombre de sept dans la feuille que nous avons sous les yeux, sont longues de vingt-cinq centimètres, atténuées à la base de manière à se continuer insensiblement avec le pétiolule, acuminées au sommet, glabres et coriaces. Les fleurs sont réunies en courtes grappes et présentent de longs pétales exserts et un an- drocée dont la base forme une cupule profonde à parois épaisses et charnues. Les: filets staminaux s’amincissent brusquement au inæquali-obovata ; apice breviter apiculato ; oblique striata, pube ferruginea stellata demum decidua conspersa. Semen oblongum adscendens orthotropum, basi arillatum ; embryone recto ; radicula brevi supera ; cotyledonibus carnosis oblongis utrinque obtusis. — In Gabonia legit, loco dicto Denys, cl. Griffon-du- Bellay, n. 183, 274 (herb. Mus. par. et herb. Colon. gallic.). Ad flum. Gaboon- River legit et anno 1860, n. 980, cl. G. Mann (herb. Kew.). ‘ Connarus DUPARQUETIANUS, spec. nov. Arbor, foliis pro genere amplis (ad 8 decim. Iongis); plerumque foliolis 7 imparipinnatis ; petiolo glabro, basi valde incrassato (ad 1 cent. lato) ; foliolis breviter vetiolulatis, basi articulatis ; limbo (25 cent. longo, 10 cent. lato) oblongo-lanceolato, basi valde attenuato ; apice breviter acuminato ; integro v. obsolete sinuato glaberrimo coriaceo penni- nervis venoso, supra lævi, subtus opaco ; nervis venisque utrinque prominulis, Flores in ligno caudicis ramorumyve orti, breviter 1-3 cent.) racemosi bracteolati, in ramis singulis pauci, brevissime (ad 4 mill.) pedicellati ; pedicellis et inflo- rescentiæ ramis cum calycibus breviter ferrugineo-puberulis. Calix 5-partitus; foliolis ovato-oblongis obtusis imbricatis. Petala calyce demum 3-plo longiora glabra oblonga loræformia imbricata. Stamina 10 in urceolum carnosum obsolete 6-lobum basi alte connata ; filamentis demum tenuioribus liberis ; 5 oppositi- petalis multo brevioribus ; antheris ovatis obsolete apiculatis introrsum rimosis, demum versatilibus. Carpidium 1 fertile urceolo staminali vix æquale ; ovario ovato puberulo 2-ovulato ; stigmate sessili capitato obsolete 2-lobo. Fructus ignotus. — Crescit in Africa tropica australi, ubi legerunt cl. Duparquet (n. 55), et cl. Mann, ad flum. O/d Calabar River (n. 2309). 61 moment où ils deviennent libres, et les anthères sont ovales, verti- cales et surmontées d’un apicule très-court et obtus. La côte occidentale est jusqu'ici la seule région de l'Afrique tro- picale où l’on ait rencontré de véritables espèces du genre Connarus, tel qu'il est aujourd’hui limité. Les espèces qui lui ont été rappor- tées et qui provenaient de la côte orientale, sont toutes pour les au- teurs actuels des Agelæa, c’est-à-dire des plantes à feuilles trifolo- lées et à carpelles non stipités que le calice n’embrasse pas étroitement par leur base, attendu que ses divisions s’écartent les unes des autres en se réfléchissant par leur sommet. Comme il y a des Connarus véritables à feuilles trifoliolées et comme on trouve en même temps des calices embrassants et des calices plus ou moins écartés du carpelle parmi les Rourea et les Byrsocarpus, il n’est pas certain qu'on puisse toujours maintenir séparés l’un de l’autre le genre Connarus et le genre Agelæa; mais pour le moment cette séparation peut être acceptée, puisque la distinction des deux groupes génériques est possible dans la pratique. M. Planchon ad- met, dans son travail sur les Connaracées (Linnæa, XXIIT, 437), trois espèces du genre Agelæa : une espèce occidentale qui est le Connarus pinnatus de Lamarck ; et deux espèces occidentales dont nous dirons d’abord quelques mots, les À. vwi//osa Sor. et wi- losa So. L’Agelæa villosa Sou. (Omphalobium villosum D.C., Prodr., A, 86. — O. nervosum G. Don, Gen. Syst, Il, 90. — Spondioides vllosa Sueatam., herb.), devrait être à la rigueur appelé À. érifolia, puisque c’est le Cnestis trifolia de Lamarck ; mais ce nom spéci- fique pourrait devenir un sujet de confusion, parce que les Agelæa sont presque constamment pourvus de feuilles trifoliolées. M. Du- parquet (n. 51) a rapporté du Gabon une forme particulière de cette espèce dans laquelle les bractées florales sont plus courtes et plus obtuses que dans le type, en même temps que le duvet qui recouvre les jeunes rameaux, les pétioles, etc., est plus long. Les sépales et les pétales sont fortement imbriqués dans le jeune âge. Les étamines sont certainement monadelphes à la base; et les anthères, introrses dans le bouton, deviennent oscillantes après l’anthèse. Cette espèce 62 a été récoltée autrefois à Sierra-Leone par Afzel et par Smeathmann (berb. Thouin, nunc Juss.). Heudelot (n. 730) l’a retrouvée en Séné- gambie, sur les bords du Rio-Nunez. C’est, d’après lui, un arbuste sous-sarmenteux qui porte des fleurs jaunâtres en janvier ; il a été également rapporté par M. Mann (n. 794) des bords de la Rivière Bagroo. L’Agelæa nitida Sor. doit prendre le nom d’A. oblique , si c’est la même plante que le Cneshis obliqua de Palisot de Beauvois, comme l’admet avec doute M. Planchon (Zinnæa, XXWI, 437) ; opi- nion qui nous a paru confirmée par l'examen de l’échantillon type de la Flore d’Oware et de Benin ([, 95, t. 59). Dans ce dernier, les folioies sont un peu plus allongées et plus ovales que dans les échan- üllons d’autres provenances que nous avons eus sous les yeux ; tout le reste paraît d'ailleurs semblable. En négligeant ces légères varia- tions et l’épaisseur plus ou moins considérable du court duvet qui recouvre souvent la face inférieure des feuilles, on peut, je pense, réunir dans une seule espèce les plantes recueillies à Sierra-Leone par Afzel, à Cape-Coast par Brass (herb. Kew) et à Oware par Pa- lisot de Beauvois. On rapportera encore à cette espèce l'échantillon de l'expédition du Niger (n. 2164), et les rameaux à inflorescences plus compactes qu'Heudelot (n. 894) a cueïllis en 1837, dans la Sénégambie, sur la rive droite de la partie inférieure du Rio- Pongos. Si l'épaisseur variable du duvet qui recouvre les folioles, et la forme même de celles-ci, relient graduellement cette espèce à la précédente, il n’en est plus de même dn port de la plante; car Heu- delot nous apprend que l'A. obliqua est un arbuste élevé de deux mètres, à tiges droites en baguettes. Ses fleurs, d’un blanc sale, pa- raissent en mai. M. Duparquet a rapporté du Gabon (n. 52)la même forme de cette espèce que celle de la collection d’Heudelot, mais dans un état fort peu avancé. Les sépales sy montrent en préfloraison très-nettement imbriquée. La troisième espèce connue du genre Agelæa, savoir VA. La- marchkü Pi. (Connarus pinnatus Lau. — Omphalobium pentagy- num D. C.), est une plante qui parait se rencontrer communément à Madagascar et qui abonde dans la plupart des collections de ce 63 pays (Commerson, Chapelier, Richard (n. 212), Bernier (n. 235), Bréon (n. 14), Boivin (n. 1887, 2194), Pervillé (n. 234). Les indi- gènes l’appellent, d’après Chapelier, Céfan-mahinetisme, et, d’après Bernier, Soandrou. C'est, dit-on, un astringent puissant et dont l'abus produit des dyssenteries très-intenses ; c’est encore un anti- blenorrhagique très-usité qui se prend en tisane; mais la plume se refuse à transcrire la note très-singulière jointe, dans l’herbier du Muséum, aux échantillons de Bernier, et relative à l'emploi que les nègres de Sainte-Marie font de l’infusion de l’Agelæa. Pervillé qui a vu cette plante en fleurs à Nossi-bé, nous apprend que ses co- rolles blanches ont une odeur de lilas, que ses fruits rouges rappel- lent ceux du Lchi, et que c’est un arbrisseau de six à huit pieds de hauteur. Boivin l’a récolté en abondance au Loucoubé, sur les crêtes du plateau de Hellville, et à Sainte-Marie, sur les hauteurs d’Amboudifolathre. 11 l’a retrouvé à Maurice, en 1857, dans les bois du quartier du Grand-Port ; et c’est là sans doute que Bojer l’a également observé, car c'est cette même espèce qu’il a confondue, sous le nom de Cnestis obliqua, avec celle qu’a décrite Palisot de Beauvois, et qui en est en effet extrèmement voisine par tous les traits de son organisation. L'espèce de l'Afrique orientale est d’ail- leurs essentiellement polymorphe. La forme de ses folioles est va- riable, mais surtout l’état des surfaces de leur limbe, de leurs ner- vures, des pétioles et des pétiolules. Toutes ces parties peuvent être à peu près glabres ; dans leur jeune âge cependant un duvet ferru- gineux épais peut recouvrir les rameaux et la face inférieure des pétioles ; c’est ce qu’on remarque surlout dans une variété recueillie par Chapelier (n. 46). Le pétiole et les pétiolules sont souvent noi- râtres et à duvet caduc ferrugineux. Dans la forme que nous avions autrefois nommée, dans l’herbier du Muséum, À. emetica, le duvet des pétioles et des pétiolules est fauve, très-serré, les pétioles sont plus courts, et les folioles ovales sont plus manifestement trinerves à la base, avec un réseau de nervures gaufré et plus saïllant sur la face inférieure terne et rugueuse des folioles; mais il y a tous les intermédiaires entre le type de l’espèce et cette forme que nous n’en pouvons plus séparer. Cette dernière a été recueillie par Boivin 64 à Nossi-bé, et par Bernier (2° env., n. 234) à Madagascar où elle s'appelle vulgairement Vahé-maïnti et où ses feuilles sont, dit-on, employées comme émétiques. La plus belle espèce du genre est, sans contredit, jusqu'ici, celle que nous proposons d'appeler Agelæa Thouarsiana ”, et qui se trouve en assez mauvais état dans l’herbier de Dupetit-Thouars, avec le nom de « Cnestis folis trifoliatis tomentosis latis. » Ses rameaux, ses pétioles et les axes de ses inflorescences sont cylindriques et chargés d’un épais duvet velouté de couleur de rouille. Ses feuilles sont trifoliolées, avec une foliole médiane longue de dix-sept centi- mètres et large de onze centimètres, elliptique et arrondie à la base, avec un sommet brièvement acuminé. Les folioles latérales sont un peu plus petites et fort insymétriques à la base. Toutes sont glabres, lisses et luisantes en dessus, penninerves et trinerves à la base, avec des veines anastomotiques presque transversales, Toutes les nervu- res sont fortement proéminentes à la face inférieure qui est entiè- rement tapissée d’une épaisse couche veloutée de couleur de rouille. La tribu des Cnestidées, cu Connaracées à calice valvaire, n’est représentée dans l'Afrique tropicale que par deux genres : les Cnes- tis et les Manotes. Le premier est principalement caractérisé par ses carpelles sessiles, la surface interne de son péricarpe, et souvent, mais non constamment, comme nous le verrons, par la brièveté re- lative de sa corolle. Il est représenté, dans l’herbier du Gabon, par les C. corniculata Law, ferrugineaD. C., et par une espèce nouvelle 1 AGELÆA THoOUARSIANA, spec. nov. Rami teretes, petioli, inflorescentiæ rami et foliorum pagina inferior tomento denso velutino ferrugineo obsiti. Petioli teretes, basi paulo incrassati (14 cent. longi). Folia trifoliolata ; foliolis breviter (1, 2 mill.) petiolulatis, basi articulatis ; limbis ellipticis, basi rotundatis, apice breviter acuminatis, integerrimis subcoriaceis penninerviis, basi trinerviis, transa verse venosis ; costa, nervis venisque subtus valde prominulis, uti pagina tot- inferna dense velutinis ; pagina superiore glaberrima lucida lævi ; limbo termi- nali basi æquali-rotundata ; lateralibus autem basi valde insymetrica inæqua- libus. Racemi compositi, ut videtur multiflori ; ramulis gracilibus longitudine striatis. Calyx crassiusculus ; foliolis inæqualibus ferrugineo-velutinis laxe im- bricatis. Petala (juniora) oblonga, basi crassiuscula. Stamina alterne longiora ; antheris in aläbastro erectis cordato-sagittatis apiculatis. Carpella 5 hirsuta. — Crescit in Malacassia (?), ubi legit Dupetit-Thouars (herb !). 65 remarquable par la taille de ses fleurs, et que nous nommons C. ma- crantha. L’Oboqui des Gabonais est le Cnestis corniculata Law (Dict., Il, 33), qui est nommé dans l’herbier de Solander, Agelæa pruriens, et dans celui de Smeathmann, Spondioides pruriens. Vogel paraît avoir observé au Grand-Bassan (#/. Niger, 290) cette espèce que Smeath- mann a le premier rapportée de Sierra-Leone (herb. Thouin, nunc Juss.). M. Griffon du Bellay (n. 319) l’a reçue d’Ozingé où elle prend laforme d’une «plante sous-frutescente, à gousses rouges d’a- bord veloutées, puis épineuses. » Les caractères extérieurs parais- sent très-variables; car c’est, au Grand-Bassan, « /rutex arbores- cens, » d’après Vogel. Heudelot (n. 650) constate que, dans les lieux humides et ombragés du Fouta-Dhiallon, c’est un arbuste sarmen- teux, de six mètres et plus, qui donne des fruits en décembre. Aiïl- leurs, sur les bords de la Casamance et du Rio-Nunez (n. 652), ce n’est plus qu'un «arbuste buissonneux, haut de deux mètres seule ment, et qui se couvre de fleurs en décembre et en janvier.» Les co- rolles sont blanches; mais elles présentent un caractère qui n’est pas en rapport avec celui qu’on attribue au genre Cnestis. Les pé- tales s’allongent en languettes étroites qui dépassent plus ou moins le calice, et il est probable que cet accroissement ne fait que se pro- noncer davantage pendant la maturation des carpelles autour desquelles persistent et le périanthe et les filets indurés des éta- mines. Heudelot rapporte (n. 69) qu’il a rencontré le Cnestis ferruginea D. C., en1855, «au bord d’un ravin profond, dans un fourré de bois presque impénétrable, près du village de Darenka. » Il ajoute que c’est un arbuste de six à huit pieds, à tiges de trois lignes de dia- mètre et rarement ramifiées, garnies, ainsi que les feuilles, de poils veloutés qui ont la couleur du safran. Le fruit qui mürit en juin, est un peu plus gros qu’une amande, rouge-cramoisi et velouté. La graine renferme une amande qui a un goût de noisette. L'arbuste est rare en cet endroit; mais Heudelot l’a retrouvé très-abondam- ment, deux ans après(n. 660), sur les bords du Rio-Nunez, où il était couvert, en novembre et en décembre, de nombreuses fleurs jaunà- IX. 5 66 tres. Afzel, Don, Smith ont anciennement fait connaître cette espèce comme originaire de Sierra-Leone. Schumacher et Thonning l'ont eue sous les yeux, sans que nous sachions sous quel nom ils l'ont dé- crite; mais elle se trouve dans l'herbier de A.-L. de Jussieu auquel elle avait été envoyée par Vahl. M. Griffon du Bellay l’a retrouvée (n. 190) dans le voisinage même de notre comptoir du Gabon, etelle fait aussi partie des collections de M. Mann. Notre Cnestis macrantha", qui se distingue tout d’abord des es- pèces précédentes par les dimensions de sa fleur, large d’un centi- mètre et plus, lorsqu'elle est entièrement épanouie, ne nous était qu'incomplétement connu par des fragments provenant de l’her- bier de M. Duparquet (n. 53); mais nous avons pu l’étudier d’une manière plus satisfaisante sur un échantillon des collections de M. G. Mann. Un duvet épais, et de couleur fauve ou rouillée, re- couvre toutes ses branches, ses pétioles, les axes de son inflores- cence, et surtout le gros bourgeon qui termine ses rameaux. Les folioles, au nombre d’une trentaine, y sont oblongues, arrondies aux deux extrémités et insymétriques à la base. Les fleurs sont articulées et se détachent facilement. La corolle apparait avec son caractère ordinaire de brièveté ; et ses pétales sont obovales ou cor- diformes, à sommet obtus, plus ou moins profondément échancré. 1 CNESTIS MACRANTHA, spec. nov. Rami teretes petiolique et foliorum rachis dense hirsuto v. subhirtello-fulvidi pallideve ferruginei. Folia pinnata ; foliolis ad 30 vix petiolulatis articulatis oblongis (4 cent. longis, 1 cent. latis), basi inæquali-rotundatis ; apice rotundo; integris membranaceis, supra dense vires- centibus, subtus pallidis ; costa venisque breviter hirsutis subtus prominulis. Gemmæ axillares terminalesque dense hirsuti. Flores racemosi ; racemis axil- laribus folio subæqualibus simplicibus rectis hirsutis ; floribus alternis 2-brac- teolatis ; pedicello hirsulo, basi articulato (1/2 cent. longo). Calyx pro genere magnus (sub anthesi 4 1/4 cent. latus); foliolis vix basi coalitis oblongis, intus canaliculatis, apice rotundatis, rufescenti-tomentosis. Petala calyce 2, 3-plo bre- viora obovato-cordata, apice emarginata bilobave membranacea glaberrima im- bricata. Stamina 10 alterne longiora ; filamentis ima basi in cupulam brevem conuatis ; antheris longitudine paulo latioribus orbicularibus, intus rimosis. Car- pella 3 oppositipetala ; ovario hirsuto 2-ovulato ; stylis gracilibus erectis calyce subæqualibus capitellatis. Fructus ignotus. — Crescit in Africa tropica occi- dentali, ubi legerunt cl. Duparquet (n. 53), et cl. G. Mann, anno 1863 (n. 2235). 67 Les espèces de la côte orientale sont presque toutes connues de- puis longtemps. Jussieu les a étudiées sur de nombreux échantillons autrefois rapportés par Commerson des îles orientales d'Afrique. La plus commune dans ces contrées est le Cnestis glabra Lame, vulgairement Gratellier où Pois à gratter de Bourbon, « grosse liane, dit Commerson, qui fleurissait à la fin de septembre 1771. » C'est le Sarmienta cauliflora du Flora mauritiana de Sieber (I, n. 285), espèce très-variable qui croit, non-seulement à Bourbon (Eüchard, n. 58; Boivin, n. 1410)et à Maurice (Commerson, n. 599; Boivin, n. 1562; Dupetit-Thouars), mais encore à Madagascar (Bréon, n. 51; Boivin, n. 1888). Le C. polyphylla de Lamarck passait pour une espèce bien plus rare. À.-L. de Jussieu n’en connaissait qu’un seul échantillon au- trefois récolté par Commerson à Madagascar. La plante n’a encore été observée que dans ce pays où elle se présente souvent avec des feuilles dont le parenchyme fait saillie dans l’intervalle des nervures (var. bullata). Les fleurs ont, comme celles du C. corniculata, des pétales atténués à la base et qui deviennent plus long que le calice. L'insertion du périanthe y est quelquefois légèrement pérygine; ce qui revient à dire que le réceptale devient plus ou moins cupuliforme. Dupetit-Thouars, Richard (n. 1), de Lastelle et Boivin (n. 1889) ont retrouvé cette plante à Madagascar. Le dernier de ces voyageurs l'ayant observée en fleurs et en fruits, en 1848 et 1851, sur les hau- teurs d’Amboudifotathre, à Sainte-Marie, a vu que ses graines ont un embryon charnu et sont dépourvues d’arille. À ces espèces nous en joindrons une autre que Boivin a seul ren- contrée Jusqu'ici, en 1851, à Nossi-bé, sur le Loucoubé, et qu'en l’absence de fleurs, on pourrait tout aussi bien rapporter au genre Rourea dont elle présente le feuillage, mais dont les fruits sont bien ceux d’un Cnests. Ce sera notre C. lurida ‘, nom spécifique justifié ! CEstis ? LURIDA, spec. nov. Rami lignosi teretes, cortice nigrescenti lenti- cellis crebris minutis albidis notato ; ramulis novellis gemmisque terminalibus puberulis. Folia, petiolo basi vix incrassata gracili puberulo pallide ferrugineo ; foliolis 7-15 plerumque suboppositis ; petiolulo brevissimo (4 mill.) puberulo ; limbo elliptico v. subovato, basi simul et apice rotundato (2-4 cent. longo, 68 par la coloration particulière des feuilles qui sont composées de sept à quinze folioles elliptiques ou presque ovales, arrondies aux deux extrémités et très-légèrement duveteuses. Les Manotes ne sont pas très-différents des Cnestis. On les en dis- tingue : 1° par l'existence d’un pied commun qui, dans la fleur, supporte l’androcée et le gynécée; 20 par la présenced’un support ré- tréci à la base de chaque carpelle mûr; 3° par l’absence de poils à l'intérieur de l'espèce de noyau que forme la couche profonde du péricarpe. Tous ces caractères se retrouvent dans une plante que MM. Duparquet (n. 54) ét Griffon du Bellay (n. 253, 259, 292) ont recueillie en abondance au Gabon et dont lesfeuilles ont chacune de neuf à onze folioles ovales-lancéolées. Les inflorescences sont ter— minales et presque toute la plante est chargée d’un court duvet fauve. Nous décrivons cette plante sous le nom de M. Griffoniana”, mais nous n’aflirmons pas qu’elle constitue une bonne espèce, car il ne serait pas impossible qu’elle füt une simple forme du M. expansa de Solander dont nous ne connaissons pas d’exemplaire auten- thique. Nous avons pu étudier dans cette plante le fruit et la graine en- core mal connus du genre Manotes. Le nombre des carpelles qui atteignent la maturité n’est pas constamment le même, comme l’ad- met M. Planchon (Lénnæa, XXII, 438) : « Folliculus abortu soli- 1-1 1/2 cent. lato) integerrimo membrauaceo penninervio tenuiter venoso, supra glabro pallide virescenti, subtus opaco lurido pallide subpurpurascenti; costa subtus prominula ferruginea. Flores (ignoti) in ligno præteriti anni orti. Fructus pauci pedunculo liguoso villosulo (1 cent. longo) stipitati ; calycis persistentis lobis oblongo-lanceolatis reflexis ; carpellis 1, 2 fertilibus, obovato-arcuatis fer- rugineo-velutinis, intus concavis, apice obtusiusculis, basi sensim angustatis sessilibus. — Crescit in Nossi-bé sylva Loucoubé, ubi Boivin legit, anno 1851, decembr. fructiferum (v. s. in herb. Mus. par.). 1 ManotEs GRIFFONIANA, spec. nov.? Arbor ligno duriusculo ; ramis ramu- lisque teretibus ferrugineo-velutinis. Folia plerumque 9-11-foliolata ; petiolo basi repente incrassato tereti velutino ; foliolis brevissime (cire. 1/2 mill.) pe- tiolulatis, ovato-lanceolatis (5-8 cent. longis, 2, 3 cent. latis), basi rotundatis v. breviter cuneatis, ad apicem acuminatis; summo apice plerumque obtu- siuseulo ; integerrimis tenuissime ciliolatis, supra parce, subtus ditius ferru- gineo v. fulvido-velutinis penninerviis. Flores racemoso-cymosi; racemis axe 69 tarius ; » car, dans la plante du Gabon, ce nombre est très-souvent de trois et s’élève même à quatré ou cinq. Portés d’abord par un pied commun épais, trapu et ligneux, les follicules divergent à la facon des branches d’une étoilé, ét leur support étroit et cylindrique s’incline à peu près à angle droit sur la courte colonne centrale commune. Chacun d’eux a la forme d’une poire ou d’une courte massue, est couvert en dehors d’un duvet velouté qui est rougeâtre à l’état frais, et s'ouvre suivant l'angle interne par une fente longi- tudinalé. Le péricarpe devient en réalité drupacé ; mais son méso- carpe a fort peu d'épaisseur; cette couche se sépare d’ailleurs, à l’époque de la déhiscence, de l’endocarpe qui est rigide, ligneux, de couleur blanchätre. De plus l’endocarpe s'ouvre aussi suivant la longueur de son angle interne. Mais il est un peu moins étendu en surface que les couches plus intérieures du péricarpe, et il peut per- sister autour de la graine, alors que le mésocarpe et l’épicarpe l’ont quittée. C’est cette couche ligneuse que M. Planchon a prise pour l’arille ; c’est elle qui s’atténue inférieurement, en une pointe ligneuse formant le centre du pied de chaque follicule. Ceci revient à dire que le péricarpe est devenu ligneux dans ses couches profondes, aussi bien dans sa portion dilatée et creuse que dans sa portion pé- tiolaire atténuée ; et c’est l’axe de ce pied que M. Planchon a encore confondu avec le cordon séminal : « basi cum funiculo gracili con- ramosis ; ramis inflorescentiæ secundariis alterne in axilla bracteæ persistentis dispositis. Calyx valvatus. Petala linearia exserta caducissima, Stamina carpel- laque summo stipite cylindrico obconicove erecto inserta; antheris 10 intror- sum rimosis demum versatilibus. Carpella 5 libera; ovario 2-ovulato ; stylis divaricatis capitatis. Fructus maturus, stipite communi brevi lignoso ; carpellis 1-5 patentibus reflexis pyriformibus velutinis, basi longe attenuata stipitellatis, intus secundum suleum longitudinalem dehiscentibus; epicarpio velutino cum mesocarpio tenui suberoso ab endocarpio breviori secedente ; endocarpio lignoso utrinque glabro et intus longitudine dehiscente. Semen erectum orthotropum, jure exarillatum ; integumento externo carnosulo, apice obtusiuscule apieulato ; albumine copioso corneo (albido) ;embryone oblongo (læte virescenti) ; radicula brevi supera ovoidea ; cotyledonibus oblongis tenuibus membranaceis. — Crescit in Africa tropica occidentali. Legerunt cl. Duparquet, in Gabonia (n. 54), et cl. Griffon du Bellay, ad Denys, Pyrat, Kerellé, et in aliis locis humidis (n. 253, 259, 292), olim in Congo Ch. Smith, et nuperrime, ad Bonny-River, el. Mann (n. 508). 70 tinuus. » La graine du Manotes est réellement sessile ; et son point d'attache ne se trouve point dans cétte portion basilaire; car, par suite de développements inégaux dans les diverses régions de la graine, le hile se trouve, à la maturité, reporté un peu plus haut. Quant au micropyle, il est placé, dans la graine comme dans Povule, tout-à-fait à l'extrémité supérieure. Si donc le prétendu arille des Manotes n’est que leur endocarpe, y a-t-il dans léurs graines un autre organe qui représente une pro- duction arillaire ? Oui et non, suivant la valeur qu’on donne à ce mot arille et suivant qu’on admet ou qu’on rejette la confusion qu'ont apportée dans cette question certains travaux modernes trop généralement acceptés sans contrôle. Les Connaracées sont sans contredit une des familles végétales dont l’étude jette le plus de jour sur la valeur morphologique des formations arillaires; et nous ne pouvons terminer sans emprunter au travail spécial que nous pré- parons dépuis longtemps sur cette question, un résumé des résultats auquel nous a conduit l’examen de l’arille de ces plantes. On dit de la graine des Cnestis, dans la plupart des traités récents, qu’elle est dépourvue d’arille, « sernen exarillatum. » On pourrait dire la même chose de celle des Manotes, puisque l’arille que leur attribue M. Planchon, doit être rapporté à une portion du péricarpe. Qu’observe-t-on à la surface de ces graines? Un tégument exté- rieur, beaucoup moins résistant que celui dont il est doublé; tégu- ment extérieur dont les cellules ont pris peu d’épaisseur et ne ren- ferment que peu de dépôts intérieurs. Supposons qu’au contraire chacune de ces cellules prenne un plus grand accroissement, que son contenu soit plus considérable, et qu'aucune d’elles n’échappe à une sorte d’hypertrophie dont on peut suivre pas à pas tous les degrés, on aura toutes les transitions possibles entre cette membrane mince qui recouvre la graine des Cnestis, et l'enveloppe uniformément épaisse et charnue qui se voit à l’extérieur des graines des Oxals, dés Magnoha, ete., et à laquelle Linné avait affecté le nom d’arille. Supposons maintenant que cette hypertrophie extrême du tissu cellulaire, au lieu de se produire dans toute l’étendue du tégument superficiel de la graine, n’ait lieu que dans la moitié inférieure, on 71 aura alors une de ces Connaracées dans lesquelles les botanistes disent que « l’arille estadné au testa jusqu’au milieu de la hauteur de la graine. » Ailleurs l’épaississement s’étendra plus haut ; ailleurs en- core il ne s’élèvera pas à cette hauteur, et il pourra même demeurer borné au voisinage de la base de la graine, comme il arrive dans quelques Cnestis, tels que le C. glabra Lawx, dont on ne saurait dire que la graine est totalement dépourvue d’arille. Mais on ne doit pas croire qu’il s'agisse ici d’une sorte de sac ou d’enveloppe surajoutée, qui, née du pourtour du hile, viendrait envelopper jus- qu’à une hauteur variable une graine d’ailleurs représentée par toutes ses parties constituantes. Comment maintenant expliquer que certains arilles sont totalement adnés à la graine, et insé- parables d’elle dans toute leur étendue, tandis que d’autres ont un bord libre plus ou moins découpé ou frangé? Toujours par un inégal accroissement d’un certain nombre de cellules. Tantôt les cellules du bord supérieur de lépaississement arillaire ne grandissent pas plus que celles de sa portion inférieure ; elles proéminent alors très- peu à la surface de la graine ; tantôt, au contraire, ces cellules du bord supérieur, tendent à s’allonger inégalement, comme si elles allaient former des poils ; rien ne s'oppose en haut à cet accroisse- ment d’où résultent des découpures d’une profondeur variable. IL y a plus encore : on a décrit des Connaracées dont l’arille est incomplet et présente d’un côté une sorte de fente plus ou moins large. Quelle est l’origine de cette disposition ? C’est simplement que les cellules de la base qui s'hypertrophient pour former l’arille, ne l’ont pas fait sur tout le pourtour de la graine, et qu'il y a une bandelette verticale, plus ou moins large, suivant laquelle cet épaississement n’a pas eu lieu et où le tégument extérieur a conservé sa minceur primitive. H. Barzcon. LEPTIS VERMILEO (FABRICIUS). Parmi les insectes qui tendent des piéges pour se procurer leur nourriture, le fourmilion est un des plus connus et des mieux ob- servés, cependant il n’est pas le seul qui creuse des cônes dans la terre légère pour saisir sa proie, la larve d’un Diptère emploie aussi le même moyen pour prendre les insectes que le hasard lui envoie. C’est cette larve, que j'ai eu souvent occasion d’observer, et dont la description m'a paru incomplète et inexacte, qui fera l’objet de cette courte notice. Comme on avait pris la tête pour le dernier anneau de l’abdomen, il est bon de remettre chaque chose à sa place. Leptis vernuleo (Fabricius) ; Rhagio vermileo (Latreille); Nemo- telus vermileo (Degeer); Vernuleo Degeerw (Macquard); Psam- morycter vermileo (Blanchard). — Diptère de la famille des Doli- chopodiens et de la tribu des Leptiles qu'on peut caractériser ainsi : Tête ronde presque entièrement formée par deux gros yeux verts ; trois petits yeux lisses sur le sommet ; front et face gris blanchâtre, antennes de trois articles, le dernier plus grand, conique et terminé LEPTIS VERMILEO (Fabricius). Larwe greosvie pue de cote. Kœuwye gessie ne pou Le dos. h Chuysalide qsvie & ÿ Péitou Derfe Louve ou fou de sow coue 73 par une soie ; corselet très-bombé, jaunâtre, marqué de deux lignes brunes, de deux petits traits en avant au milieu et de deux grandes taches latérales de la même couleur; abdomen long, étroit, égale- ment jaunâtre, orné, sur le milieu de chaque anneau, de trois taches noires souvent reliées entre elles par un trait, ailes transparentes, couchées sur le corps dans le repos, jambes grêles, les deux der- nières beaucoup plus longues et plus brunes que les autres; pieds terminés par trois pelotes. Longueur 10 millimètres. CHRYSALIDE. Tête ronde, dos très-bossu, corps composé de huit anneaux et portant à son extrémité la dépouille de la larve. On la trouve dans la place qu’occupait celle-ci, et sans aucune trace de cocon. LaARvE. Tête grande plus large que le corps, formant à peu près le sixième de la longueur totale, aplatie, ridée, armée en avant de quatre ma- melons garnis à leur extrémité et sur les côtés de soïes recourbées en forme de crochets; en dessous on voit, au milieu des quatre mamelons, une petite ouverture longitudinale qui doit être la bouche, au-dessous un pli transversal et un peu plus bas un autre pli plus grand; yeux probablement nuls; cependant on voit à la place qu’ils pourraient occuper deux petits points élevés, corps composé de onze anneaux, ridés transversalement, présentant quelques légers ma- melons à la partie inférieure et sur les côtés, garnis latéralement de cils droits plus prononcés sur les premiers et les derniers anneaux que sur ceux du milieu; bord du premier anneau très-relevé et garni d’une rangée de cils gros, roides, retournés en arrière et dis- posés ainsi pour retenir la terre lorsque la tête, faisant les fonctions d’une pelle, la lance au loin pour former le cône au fond du- 74 quel la larve se tient cachée ; huitième anneau portant en dessous un fort tubercule presque de la longueur de l'anneau lui-même ; couleur d’un gris un peu rosé, transparent, anus placé à l'extrémité du corps et non pas sur le dos comme on l’indique. Longueur d’une larve d'âge à se transformer, 15 millimètres. Dans son état de repos cette larve se tient courbée en s, près du fond du cône qu’elle a creusé dans le sable ou dans la terre légère, etau moment où un insecte imprudent vient à tomber dans le piége, elle se détend comme un ressort, l'enveloppe, le tient au moyen des quatre mamelons armés de crochets qui terminent la tête et en fait facilement sa proie. Comme le fourmilion elle rejette la dépouille après qu’elle a enlevé la nourriture qui lui convenait, et elle répare ensuite le dégât fait à son habitation, mais au lieu de le faire par un simple mouvement de tête comme le fourmilion, c’est la moitié anté- rieure du corps qui agit et avec tant de force, que j'ai vu souvent des pierres presque aussi grosses que des petits pois, lancées à plu- sieurs centimètres de distance. Les cônes formés ‘par cette espèce se distinguent assez facilement de ceux des fourmilions, le fond en est beaucoup plus large, ceux- ci ne laissant de place que pour leurs deux mandibules qui en occupent l'extrémité, les autres, au contraire, ayant besoin d’un es- pace plus grand pour lancer toute la partie antérieure de leur corps qui doit envelopper l’insecte pour le retenir, mouvement qu’elles font avec une rapidité extraordinaire et qui les dédommage un peu du long repos auquel elles sont condamnées, pour attendre leur pain, qui n’est certainement pas quotidien. Le hasard seul, semble se charger de leur fournir leur rare nourriture, aussi restent-elles souvent bien des mois et peut-être des années dans ce premier état. La vie semble très-tenace chez ces msectes, car j'ai conservé cinq et six mois vivantes, des larves collées sur des cartons pour mieux les observer, et plusieurs s’y sont transformées ou ont changé de peau, ne me laissant à leur place que leur dépouille lorsque je n’ai pas su les surveiller. On a dû souvent confondre les cônes des Leptis vermileo, avec ceux formés par les fourmilions, insectes qui ont si souvent amusé 75 les enfants, mais qui ont aussi tant donné à réfléchir à ceux qui ad- mirent la variété merveilleuse des moyens employés pour assurer l'existence et la conservation de certaines espèces placées dans des conditions qui, pour nous, sembleraient impossibles. Mais dans ce sublime ensemble de la création tout a été prévu, aussi tout arrive à bonne fin. COURTILLER, LA COCCICULTURE La cocciculture est connue au Mexique depuis une haute anti quité ; elle y était pratiquée du temps des rois Aztèques. La conquête de ce pays, par Fernand Cortez, nuisit à sa propagation, les Espa- gnols détruisirent les nopaleries de Yucatan pour favoriser celles existant à Guaxaca. La peine de mort était prononcée contre toute personne qui ex- portait la cochenille, principale richesse du pays, mais M. Thierry de Menouville, né Français, homme de grand courage et d’énergie, parvint à l’importer à Saint-Domingue. Les Espagnols, en perdant leurs possessions d'Amérique, l’intro- duisirent aux environs de Malaga. s M. Simounet, en 1831, eut l’heureuse idée d’essayer la coccicul- ture aux environs d'Alger, en important des nopals et des coche- nilles provenant de l’Andalousie, mais le mauvais temps ne lui per- mit pas d'obtenir des résultats satisfaisants. Le docteur Loze a beaucoup contribué à son introduction en Algérie, et M. Hardy s’en est occupé très-activement après 1836. La cochenille est un insecte de l’ordre des Hémiptères, de la famille des Gallinsectes et du genre Coccus, Lin. Le mâle a un bec rudimentaire, un corps allongé et retréci en avant, la tête porte des antennes assez longues, composées de dix articles. Ses ailes au nombre de deux, sont transparentes, oblongues en avant et obtuses en arrière. 77 Deux filets ou’soies très-fines, terminent l’abdomen, ses pattes sont terminées par un crochet, et ont un seul article aux tarses. La femelle a un corps globuleux composé de quatorze anneaux couverts d’une poussière presque glauque. Son bec est court et formé de trois articles, il est inséré sur le sternum entre les pattes antérieures et intermédiaires. Les pattes sont petites et d’égale lon eueur, les antérieures insérées assez loin des antennes, qui sont peu allongées, et formées de neuf articles. Enfin les yeux sont petits et l'abdomen est terminé par deux filets courts. L'état de larve dans le mâle et la femelle ne dure que dix jours, et celui de nymphe quinze jours. Dès sa naissance le mâle recherche la femelle et meurt aussitôt après l’acte de la fécondation (il ne vit qu’un mois). La femelle qui vit deux mois grossit beaucoup et ra- pidement. Au moment de la ponte elle se fixe aux cactus, et ses œufs restent au-dessous du corps. Elle meurt bientôt et son abdomen en se desséchant sert à abriter sa progéniture. Les œufs, au nombre de quatre cents en moyenne, sont rouges, ovoïdes et enveloppés d’une sécrétion pulvérulente. Ils ne tardent pas à éclore, et se répandent sur les cactus. La cochenille se trouve à l’état sauvage dans les bois du Mexique et on la propage artificiellement sur les nopals dont les espèces les plus favorables sont le cactus tuna et le cactus coccinillifera. Ces nopals se plantent autour des habitations à l’abri des courants d’air et sur un terrain découvert, perméable, silico-argileux ou argilo- siliceux. On prépare le terrain sur lequel on veut établir une nopalerie en le labourant à la bêche ou à la charrue jusqu’à 25 centimètres de profondeur environ. La plantation se fait par boutures qui s’ob- tiennent en détachant les raquettes (ou articles de nopals), à âge de trois ou quatre ans. Cette opération a lieu au printemps ou en automne. Toutefois on a reconnu que l’automne était préférable. Son exécution est des plus faciles, il suffit d’enfoncer les raquettes dans le sol jusqu’à la moitié de leur longueur. 78 On plante les boutures à 30 centimètres sur des lignes espacées d’un mètre, qui doivent être tracées perpendiculairement à la direc- tion des vents pluvieux. On a constaté qu’il n’était pas nécessaire de fumer le terrain pour la réussite des nopals. On doit donner des binages plus ou moins nombreux suivant la quantité de mauvaises herbes envahissantes. Les arrosages, lorsqu'on peut les pratiquer, donnent de la vigueur et de l’énergie aux jeunes plants. Chaque année, après la récolte de la cochenille, il faut supprimer les raquettes épuisées. Les nopaleries bien établies peuvent durer huit ou neuf ans. Il importe de ne pas laisser arriver les nopals à une hauteur plus grande que 1 mètre 70, si l’on ne veut éprouver des difficultés dans la récolte de la cochenille. Lorsque les nopals ont dix-huit mois ou deux ans, on va cher- cher les cochenilles * mères dans les bois, ou bien on prend celles conservées pendant l'hiver sur les cactus abrités, et on fait une sorte d’ensemencement de la nopalerie. On prend quelques mères chargées d'œufs et on les dépose dans un petit cocon, formé de filasse et de bourre de coco, que l’on suspend à l’une des faces d’une ra- quette. Les jeunes larves sortent bientôt de leur nid, et se répandent sur les cactus. Ensuite on les répartit par groupes sur les parties les plus vigoureuses du nopal. Au bout de dix jours les cochenilles sont fixées sur l’épiderme des nopals, et les soins qu’on a à leur donner ne consistent plus qu’à les abriter du vent et de la pluie. On fait la récolte lorsqu’un certain nombre de femelles ont pondu, afin de permettre un ensemencement naturel de la nopalerie. La cochenille semée en avril se récolte dans le courant de juin; celle semée à la fin de mai est récoltée en septembre. On fait quelquefois une éducation d’hiver, alors on peut obtenir jusqu’à trois récoltes par an. ! Cochenille sylvestre. 79 Pour faire la récolte on étend des toiles sous les cactus, et on râcle les articles au moyen d’un petit instrument qui a la forme d’une cuiller. Aussitôt après la récolte opérée, on étouffe les coche- nilles en les soumettant à la torréfaction, et en les passant dans des étuves ou fours, souvent aussi on les plonge dans l’eau bouillante et on les fait sécher ensuite au soleil, puis à ombre. On connaît dans le commerce la cochenille noire, la cochenille grise et la cochenille rougeàtre ; cette dernière est peu estimée. La cochenille s’emploie pour préparer le carmin et la laque car- minée, pour la teinture des soieries et pour colorer les liqueurs. En médecine elle est conseillée pour les dysuries et la coque- luche. D'après Caventou et Pelletier, la cochenille contient les substances suivantes : Coccine, carmine, oléine, stéarine, acide coccinique, phosphate de chaux et de potasse, carbonate de chaux, chlorure de potassium. Les autres espèces de cochenilles sont : 1° Le kermès ou cochenille de Provence, formant plusieurs genres, séparés aujourd’hui des cochenilles ; il vient sur le quercus coccifera croissant dans le midi de la France, l'Italie, l'Espagne et dans le Levant. 2° La cochenille de Pologne qui se trouve en Pologne, en Russie et en Allemagne; elle vit sur plusieurs polygonum et donne une belle substance colorante. 3° La cochenille laque, qui nous fournit la gomme laque du com- merce, résultat d’une exsudation du ficus religiosa produite par la piqüre de l’insecte. De la laque, qui se présente en masses, en grains ou en bâtons, on extrait la résine laque qui entre dans la composition des vernis et de la cire à cacheter. Le genre coccus renferme encore environ trente autres espèces dont l’étude n’a d'importance réelle qu’au point de vue zoologique. Les cochenilles de l’oranger, du figuier, de l'olivier, ete., qui se multiplient avec une prodigieuse rapidité, causent des pertes consi- dérables en faisant périr les arbres sur lesquels elles vivent. Pour 80 les détruire on a conseillé de frotter les branches avec un mélange d’huile et de vinaigre. Un hectare de cactus bien abrité peut rendre 400 kil. de coche- nilles valant en moyenne 10 fr. le kil., soit 4,000 fr. En général la dépense par hectare ne s’elève pas à 3,000 fr., ce qui donne un bé- néfice égal à 4,000 fr. — 3,000 fr. — 1,000 fr. Le commerce de la cochenille a pris une grande extension depuis quelques années, la France en importe pour quatre millions en moyenne par an. J. Durcessis, Répétiteur de Génie rural à l’Ecole Impériale d'Agriculture de Grignon, Bibliographie : Cuvier, Thierry de Menonville, Bertholet, Amyot et Serville, Latreille, Réaumur, Olivier, Brendt, Fabricius, Duméril, Moquin-Tandon, Guérin-Menneville, Heuzé (Gustave). OBSERVATIONS SUR. LES PINS MARITIME ET SYLVESTRE CULTIVÉS DANS LE CENTRE DE LA FRANCE. Permettez-moi, Messieurs, de vous faire part des observations qu’une longue suite d'expériences m’a mis à même de constater sur quelques conifères qui ont rendu et sont encore appelés à rendre d'immenses services aux terrains pauvres du centre et de l’ouest de la France. Les pins dont je vais parler, vous les connaissez et vous avez pu apprécier leur mérite par le rendement toujours croissant qu’ils ont donné tant en bois de travail qu’en bois de chauffage à ceux qui les cultivent depuis longtemps. Les deux espèces que j’ai été le plus à même d'observer, parce qu'elles sont les plus répandues dans la grande culture, sont : 1° Le Penus pinaster, Lamb., Pin pinastre, vulgairement connu sous les noms de Pins maritime et de Bordeaux ; 2° le Pinus sylvestris, Lin. Pin sylvestre répandu dans une grande partie de l’Europe, surtout dans le nord et dans la majeure partie de nos montagnes. IX. 6 82 1° PINUS PINASTER, Lamb. Son acclimatation dans le centre de la France date d’environ 1771. Elle est due à M. Boutin, alors propriétaire de la terre de la Source du Loiret, puis à M. de Boisgibault, propriétaire de la terre de ce nom, située à peu de distance de celle de la Source. Les semis effectués alors par ces deux propriétaires y réussirent si bien, que M. de Monteaudouin, mon grand-père, à qui M. Boutin vendit sa terre, en retira un très-bon revenu. La propagation de ce pin, dans le centre, était alors assurée, si les ravages occasionnés par la gelée de 1789 à nos pinières, n'avaient mis obstacle au progrès de cette cul- ture. Il y a donc eu à partir de cette époque un long temps d’arrêt dans notre département, et ce n’est guère que depuis cinquante ans en— viron qu'elle s’y est réellement faite en grand. Ces derniers travaux sylvicoles ont parfaitement réussi ; les résultats obtenus ont été cou- ronnés de succès, et notre département peut aujourd’hui rivaliser avec tous ceux qui ont antérieurement cultivé le pin pinastre. Le pin pinastre, d’après quelques auteurs modernes, compren- drait plusieurs variétés que d’autres regardent comme des espèces différentes. J'ai été à même d’observer celle désignée sous le nom de Pinus-Maritima minor, Duham, petit pin maritime, vulgairement connu sous le nom de pin maritime du Mans. Rien jusqu’à présent n’a pu motiver le nom de variété qu’on luia donné ; car il n’existe entre lui et celui de Bordeaux aucun carac- tère botanique dissemblable apparent, la seule distinction établie entre eux consistant seulement en ce que le pin du Mans a une élé- vation et une grosseur moindres que celui de Bordeaux. Ses feuilles sont aussi plus petites, ses cônes moins gros et moins longs. Ces caractères, à mon avis, ne me semblent pas suflisants pour cons- tituer une variété, mais dénotent plutôt un pin manquant de vi- gueur, par suite des terrains contraires à sa végétation dans lesquels il se trouve implanté. Les semis pratiqués dans le départemet du Loiret sont une preuve manifeste de ce que j’avance. Ces semis ont été généra- 83 lement effectués avec des graines provenant indifférerament des localités de Bordeaux ou du Mans. Semés ensemble dans un même terrain, ou séparément dans un terrain voisin absolument sem— blable, leurs produits ont toujours été exactement les mêmes. Ainsi, dans un terrain convenable sous tous les rapports au pin pinastre, Vune et l’autre graine ont donné d’aussi bons résultats, de même que dans un terrain contraire, les produits ont toujours été chétifs et rabougris. Ces résultats obtenus en grand dans notre département nous dé- montrent clairement que le pin du Mans n’est pas une variété du pin de Bordeaux, mais tous simplement le pin de Bordeaux dégé- néré. Le baron de Morogues, mon père, les considérait tellement comme étant les mêmes qu’il donnait la préférence à la graine du Mans, parce qu’il la regardait comme provenant du pin de Bordeaux naturalisé dans l’ouest. Il admettait dès lors que ces graines pro- duites par des pins acclimatés dans une région plus tempérée, les pins qu’on en obtenait devaient être, par cela même, moins suscep- tibles à la gelée. Du reste, si l’on consulte les Mémoires de Vareinne Fenille, publiés à Bourg en 1792, l’on reconnaïîtra que les graines qui ont ensemencé le Maine ont été tirés de Bordeaux même, Il y mentionne également que le commerce des graines de ce comifère ne s’est effectué dans cette localité que quelques années avant l’impres- sion de ses Mémoires. L'expérience nous a clairement démontré aujourd’hui que le pin pinastre n’est pas aussi rustique que l’ont prétendu et le prétendent encore bien des sylviculteurs. Il est loin de réussir dans tous les ter- rains, et ceux qui lui sont propres sont moins répandus qu’on ne l'a supposé dans le principe. Son véritable terrain est un sol sablon- neux, siliceux, quartzeux ou granitique; ce sol doit être profond, léger, sec et aride. Sa racine pivotante fait qu’il redoute les terrains à sols et sous-sols calcaires rocailleux, les argiles compactes, ainsi que tous ceux qui sont humides. Il lui faut un terrain profond pour qu’il puisse parvenir à l'apogée de sa croissance, et plus le terrain lui est favorable, plus vite il y atteint, mais si on le sort de son ter- rain, il ne donne que des sujets médiocres et de peu de rapport. 84 Ce pin lève assez généralement dans tous les terrains avec plus ou moins de facilité, sauf dans les terrains calcaires, ces derniers ter- rains étant de tous ceux qui lui sont le plus contraire. J'ai vu sa graine se refuser à lever dans un terrain siliceux que j'avais fait marner six ans auparavant. Après l’avoir fait réensemencer plu- sieurs fois à quelques années d'intervalle, je n’ai obtenu que des pins clairsemés et disséminés çà et là. Le pin pinastre redoute, en outre, les terres fumées ou terreau- dées ; il n’aime que les sols amaigris par la culture. Il a horreur des terres neuves, aussi vient-il généralement mal sur les défrichements, principalement sur ceux de bruyères, d’ajoncs, de genêts, etc. Sur ces défrichements, à moins que le sol ne lui convienne parfaitement, il ne faut pas moins de huit ou dix années de culture avant d’y se- mer la graine, sans quoi l’on court le risque de perdre son temps et ses frais. Sur les terrains défrichés, les pins lèvent généralement bien ; ils sont même quelquefois vigoureux pendant les premières années, mais dès que les bruyères, les ajoncs ou les genêts viennent à reparaître, la croissance des pins se ralentit, ils se couvrent de mousse, se couronnent, et 1l n’est pas rare qu’à l’âge de quatorze à seize ans ils soient presque tous morts !. Outre ce que je viens de dire du pin pinastre, il est sujet à une maladie très-commune dans le centre. Cette maladie est connue sous le nom vulgaire de maladie du Rond, nom qui lui a été vraisem- blablement donné, à cause de la manière singulière dont elle se manifeste. Elle n’attaque guère les pins avant l’âge de douze ans, mais une fois qu’elle paraît dans une pinière sur un point quel- conque, 1l est rare qu’elle ne continue pas ses ravages tant que la pinière dure. Voici comment elle se développe : cinq ou dix pins meurent sur un point donné d’une pinière. L'année d’après, le cercle des pins morts s’élargit d’une plus ou moins grande quantité. L’année suivante, le cercle de mortalité s’élargit encore et ainsi de suite tous les ans sans que rien puisse arrêter les progrès du 1 Le Maine, d’après ce qui m'a été rapporté, semblerait faire exception à ce que j'ai observé dans le Loiret relativement aux semis sur les landes. 89 mal : ce qui a lieu absolument comme pour la cuscute sur les trèfles et la luzerne. J'ai vu quelquefois dans une même pinière un ou plusieurs ronds se former ainsi et quelques-uns d’entre eux envahir un quart d’hectare, un demi hectare et quelquefois même plus d’un hectare. A quoi tient cette singulière maladie? Cest ce que l’on ignore généralement et ce qu’il serait bien important de connaître, vu le tort immense qu’elle cause à nos propriétés sylvicoles du midi, du centre et de l’ouest de la France. Plusieurs sylviculteurs en attribuent la cause aux ravages occa- sionnés par des insectes appartenant aux familles Coléoptères, Lepi- doptères, Hyménoptères et Diptères. Pour moi, je ne partage point leur opinion, reconnaissant que ces insectes ne recherchent dans les forêts que les arbres maladifs et languissants, puisant leur nourriture dans leur décomposition organique. On ne voit jamais un arbre fort et vigoureux attaqué par les vers, à moins qu'il ne soit dans sa période de décroissance, du reste, si l’insecte était la cause de la maladie, il y aurait des arbres attaqués irrégulièrement cà et là sur tous les points de la pinière, ce qui n’est pas, puisque les arbres attaqués suivent une marche cireu- laire uniforme et régulière. Les moyens employés comme préservatifs de la contagion de cette maladie, tels sont l’arrachage et l’enlevage immédiats des arbres malades, ainsi que les fossés pratiqués pour séparer les arbres sains de ceux qui ne le sont pas, ne m'ont jamais réussi. Nous pouvons donc assurer que ceux qui admettent l’insecte comme cause de cette maladie prennent l'effet pour la cause. D’autres sylviculteurs ont pensé que ces ronds étaient dus à d’an- ciens fourneaux de charbon ou à des feux pratiqués dans les bois par les ouvriers. Ce fait ne me semble pas plus admissible que le premier, car J'ai vu bien des feux pratiqués dans mes bois là où la maladie ne s’est jamais développée. Ne serait-ce pas une maladie due à une cause souterraine ou à un parasite microscopique qui attaquerait les racines? Il est donc d’une haute importance d'étudier de nouveau cette maladie et d’en rechercher la véritable cause, car jusqu’à ce jour, je puis assurer qu'elle ne repose sur aucune base certaine. 86 9° PINUS SYLVESTRIS, Lin. Le Pinus sylvestris, Lin., suivant les auteurs modernes, ne for- merait qu’une seule et même espèce renfermant plusieurs variétés. Ayant fait sur ma terre de la Caille, de nombreux semis et planta- tions de cette espèce de conifère, je suis resté frappé du peu d’ho- mogénéité des types obtenus dans mes diverses pinières. J’y rencon- trais continuellement des sujets ayant des formes complétement opposées les unes aux autres; quelques-unes d’entre elles étaient tellement supérieures qu’elles me faisaient regretter d’y voir souvent des sujets trêles et rabougris. Consultant alors les écrits des auteurs, j'appris promptement qu’ils attribuaient tous ces effets à des causes physiques dépendantes des différents sols, des climats et de l’expo— sition. Cette solution ne me paraissant pas suffisante, je crus devoir en chercher la cause ailleurs, et un examen sérieux des faits ne tarda pas à me convaincre que les graines du pin Sylvestre répan- dues dans le commerce renfermaient plusieurs espèces qui se trouvent mêlées ensemble. Procédant donc pour le pin sylvestre de la même manière que je l'avais fait pour les pins de Bordeaux et du Mans, que jai reconnus être identiques entre eux, il m’a été clairement démontré que parmi Jes pins sylvestres, il existait plutôt des espèces que des variétés. Je ne donne pas ici mon opinion comme neuve; car plusieurs auteurs anciens et bien connus, tels que de Candolle, Bosc et beaucoup d’autres, ont admis antérieurement que plusieurs espèces se trou vaient renfermées sous la dénomination vague de pin sylvestre. L'opinion générale des auteurs modernes, comme je l'ai dit plus haut, est que le pin sylvestre ne renferme que des variétés dues à des causes physiques. Eh bien, comment se fait-il que les pins sylvestres semés dans n'importe quel sol, sous n’importe quels cli- mat et exposition, conservent constamment les caractères spécifiques de l’espèce dont ils dérivent? caractères qui s’observent généra- lement dans le port, dans les bourgeons, les feuilles, les fleurs et 87 surtout dans les cônes et leurs graines. Je parle ici des pins semés en grandes masses et non isolément. M. Deséglise, botaniste distingué, a bien voulu m'aider de son expérience pour ces recherches et a eu l'extrême obligeance de de- mander pour moi en Angleterre quelques types authentiques du pin sylvestre et autres espèces confondues sous ce nom par les sylvicul- teurs. Ayant comparé nos divers types avec ceux d'Angleterre, nous avons reconnu que nos sylviculteurs modernes prennent plutôt pour point de départ, dans les objections qu’ils font, une hypothèse que l'étude et l'expérience, croyant qu’il est aussi facile d’enlever une espèce du champ de la nature que de la rayer d’un catalogue. Voici quelques-unes des espèces que j’ai été le plus à même de re- connaître dans les nombreux semis que j'ai faits. Première espèce. Pinus sylvestris, Lin., pin sylvestre. Feuilles larges, très-glauques, longues d'environ cinq centimètres, boutons gros, courts, très-résineux. Cônes solitaires ou géminés, brièvement pédonculés, réfléchis dès la première année, oblongs , coniques, généralement plus longs que les feuilles; couleur des cônes gris ver- dâtre ou jaunâtre clair, leurs écailles à écussons munis d’une protu- bérance perpendiculaire très-peu saillante, garnie au sommet d’une épine droite et aiguë. Cette protubérance est parfois si peu apparente que souvent les écailles paraissent presque lisses. Deuxième espèce. Pénus rubra, Muller. Pin rouge ou pin d É- cosse, se rapproche du pin sylvestre dont il diffère par ses feuilles moins glauques et plus longues, ses boutons plus grêles, plus allon- gés, plus rouges et rarement couverts de résine. Ses cônes sont moins gros, plus allongés, d’un gris brunâtre, plus ou moins cour- bés en arrière, écailles avec écusson plus ou moins élevés, arrondis au centre, celles de la base du cône à écussons plus développés, protubérance centrale presque cylindrique, horizontale mais non crochue. Le cône de ce pin est complétement identique à l'espèce que j'ai recue d'Angleterre, aussi je le considère comme le véritable type du pin d’ Écosse. D’après Bosc, ce pin atteint une hauteur plus considérable que le précédent, son bois est plus rouge et plus rési- neux ; cette opinion est généralement reconnue dans noire pays. 88 Troisième espèce. Pinus uncinata, Decand. Pin des Pyrénées. Feuilles de la longueur de celles du pin sylvestre ou un peu plus longues ; cônes droits de la taille de ceux du pin sylvestre, re- dressés pendant la première année, puis étalés ou réfléchis, sessiles, ovales coniques, obtus, bruns ou brunâtre luisant ; écussons pro- longés en pyramides entièrement réfléchies, épaisses et obtuses. Ce dernier pin que je mentionne ici sous le nom de Pinus unci- nata, me semble mal compris par les différents auteurs qui, souvent, l'ont confondu avec le Pinus Mugho, Poir. Dans le cas où la déno- mination d’uncinata que je lui ai donnée serait mal appliquée, il n’en serait pas moins une espèce bien distincte du pin sylvestre. Si donc la description que je viens de faire de son cône ne se rappor- tait pas à l’uncinata, il faudrait le classer parmi les Pinus Gene- vensis où Squamosa, espèces décrites par Bosc, dans le dictionnaire d'agriculture imprimé à Paris, en 1809. Outre les trois espèces que je viens de signaler, espèces bien dis- tinctes du pin sylvestre pris jusqu’à ce jour comme terme géné- rique, je suis certain qu’il en existe plusieurs autres que je n’ai pas encore pu assez bien déterminer pour les mentionner ici. Je me ré- serve d’y revenir plus tard, mon intention étant d'établir une mono- graphie aussi complète qu’il me sera possible des différentes espèces renfermées jusqu'ici sous le nom vague et insignifiant de pin sylvestre. Le sol le plus convenable pour la culture du pin sylvestre est le sable granitique des hautes montagnes, sable continuellement arrosé par les pluies ; aussi vient-il mieux dans nos sables frais et humides que dans nos sables secs et arides. Cependant ce pin est bien plus rustique que le pin pinastre ; il réussit dans presque tous les terrains et sa racine chevelue sans pivot fait qu’il n’a pas besoin d’un sol profond pour pouvoir‘ se développer. IL s’accommode des terrains calcaires, crayeux, ainsi que des terres fortes et argileuses ; il ne redoute ni le froid ni la chaleur. Ce pin n’est pas, comme le pin pinastre, sujet à la maladie du Rond, en raison de ce qu’il se repique facilement, je l'ai vu em- ployer avec succès en repiquage pour regarnir les vides occasionnés par cette maladie dans des pinières de pin pinastre. 89 Les pins sylvestres ont le grand avantage de ne pas redouter les terres neuves telles que les défrichements ; ils les aiment même, et loin de craindre la bruyère, à mesure qu'ils prennent de l’âge, ils la tuent. C’est donc l’arbre le plus utile pour regarnir les anciens bois lorsqu'ils commencent à se perdre. Il suffit de le planter dans la bruyère sans autre culture qu’une motte de terre retournée à la bèche et sur le revers de laquelle on plante le jeune plant à l’âge de deux ou trois ans au plus, au moyen de la balance. Jai repiqué ainsi bien des vides dans mes bois et j’ai toujours réussi, lorsque j'ai pu les mettre à l’abri de la dent des lapins. On peut ainsi, sans beau- coup de frais, planter les landes de bruyères, puisque lon évite par ce moyen ceux de défrichement et de culture qui sont toujours fort onéreux. J'ai vu obtenir de très-bons résultats, par ce moyen, sur de grandes étendues de bruyères et des pins sylvestres y donner d'aussi bons produits que ceux venus sur des terrains qui avaient été cultivés antérieurement ; on y gagne, en outre, le temps que la culture fait perdre à attendre. La bruyère, dans cette circonstance, préserve, dans sa jeunesse, le plant des ardeurs du soleil. Le pin sylvestre, à l’âge de quinze à vingt ans, est tellement vorace qu’il étouffe en général tous les plants qu’il recouvre ; aussi fait-il promptement disparaître les bruyères dans lesquelles on l’a implanté. Lorsqu'on veut avoir une pinière de pin sylvestre mêlé d’autres espèces de bois telles que chênes, bouleaux, etc., il faut donc pour conserver les dessous, éclaircir fortement les pins sylvestres et donner beaucoup d’air aux jeunes plantations qu’il recouvre. Les pins sylvestres ont donc sur le pin pinastre l’immense avan- tage de pouvoir être semé de suite sur’une bruyère nouvellement écobuée ou retournée, ou bien encore y être repiqués sans aucun frais d’écobuage ou de culture. La réussite de ce pin, dans ces cir- constances, est toujours assurée, là où le pin pinastre ne réussira jamais. Pour beaucoup de sylviculteurs, ce qui leur fait donner la préférence au pin pinastre sur les pins sylvestres, vient de ce que le pin pinastre croit généralement plus rapidement que les pins sylvestres. Il est donc bon d’observer ici que c’est une erreur de leur part. Le pin pinastre, quand il est dans son terrain, est sans 90 contredit de tous nos pins, celui qui parvient le plus promptement à sa croissance ; mais, comme je l'ai observé, dès qu’on le sort des terrains qui lui sont propres, il languit et ne donne que des sujets frêles et rabougris. Il est done, dans ce cas, préférable de lui substituer les pins sylvestres qui, dans cette circonstance, donnent des produits plus vifs et plus vigoureux qui, en peu d’années, dé- passent de beaucoup le pin pinastre. L'expérience me permet d’af- firmer que si les pins sylvestres et le pin pinastre ont des terrains qui leur sont contraires, il s’en rencontre quelques-uns qui leur sont également favorables. C’est donc au sylviculteur à étudier et à bien connaître le terrain sur lequel il doit opérer ; de là dépend le succès de l’avenir. On ne doit pas être plus systématique en sylvi- culture qu’en agriculture et le talent du cultivateur est de ne deman- der au sol que ce qu’il peut produire. La connaissance des sols et des sous-sols, comme je viens de le démontrer, est indispensable au sylviculteur, s’il veut obtenir de ces deux conifères tout le produit désirable ; cependant, cette con naissance n’est pas la seule indispensable. L'administration d’une pinière, tant qu’elle dure, demande un aménagement intelligent et raisonné ; l'on attend toujours trop longtemps pour faire les pre- miers éclaireis qui devraient s'effectuer au plus tard à l’âge de trois à quatre ans. Ce que nous pouvons poser à ce sujet comme thèse générale, c’est que les têtes des arbres ne doivent jamais être assez rapprochées pour pouvoir se toucher. Aussi devons-nous les espacer de plus en plus à mesure qu’ils prennent de l’âge, le manque d’air, dans leur vieillesse comme dans leur jeunesse, étant tout ce qu’il y a de plus contraire à leur développement. J’ose espérer que ces observations, fruit d’une longue expérience, pourront être de quelque utilité pour nos sylviculteurs et qu’elles les encourageront à travailler par eux-mêmes à améliorer la culture des pins qui sont la véritable richesse de la Sologne et de tant d’autres parties de la France où l’agriculture est souvent plus oné- reuse que profitable. Baron »E MoroGuEs. NOTE SUR LE GENRE CHIMONANTHUS ET SA PROPAGATION EN ANJOU Dans cette notice sur le genre Chimonanthus, rédigée plutôt au point de vue horticole que dans le sens purement botanique, nous aurons en vue principalement le prototype de ce genre, le Chimo- nanthus fragrans (Lindley) !, nommé dans le principe, par Linné?, Calycanthus præcor, nom qui prévaut encore aujourd’hui dans le langage des jardiniers et des amateurs, malgré que le savant bota- niste anglais Lindley ait établi la séparation scientifique entre les Calycanthes fleurissant en été, et les Calycanthes fleurissant en hiver. Ces derniers sont appelés Chimonanthus, nom générique tiré du grec xæuwv (hiver), &vôoc (fleur), et signifiant Peur d’hiver. Quant aux premiers, ils ont gardé leur ancienne dénomination de Caly- canthus. Comme l’histoire de toute chose explique souvent bien des faits, 1 Meratia fragrans (Lois.). Loiseleur-Deslongchamps a dédié ce genre à son ami, le célèbre docteur et botaniste Mérat. (Herbier général de l'amateur, 1819, t. LIL, pl. 173.) 2 Species plantarum, 1764, t. I, p. 718. 92 et nous évite alors une infinité de détails, disons immédiatement que le Chimonanthus fragrans (Calycanthe précoce) est originaire d'Orient, du Japon, où il est appelé par les indigènes Obai ou Robai'. On le trouve aussi à l’état naturel en Chine*?, pays, du reste, qui nous l’a fourni * ; et à cet égard, presque tous les auteurs sont d'accord ; ils varient seulement sur la date de son introduction. Au xvrn siècle, Duhamel du Monceau, dans son Traité des arbres et des arbustes (2° éd., p. 219), disait : « Cet arbrisseau a été intro- « duit en Angleterre en 1771, par M. Benjamin Torin ; depuis cette «époque, 1l est répandu dans quelques jardins particuliers, et 1l «existe en France chez M. Cels. » En 1808, Mordant de Launay (Bon-Jlardinier, p. 539) voulut, lui, qu’il eût été adressé de la Chine, en 1766 — il y a un siècle — à lord Coventry. Enfin, plus tard, Sweet * et Loudon * assignaient une troisième date, celle de 1776. Nous croyons, quant à nous, que de Launay fut dans le vrai en donnant le millésime 1766, car il connut parfaitement le passage de Duhamel cité ci-dessus, et ne dut alors s’en écarter que pour des motifs bien fondés, qu’il eut, toutefois, le tort de ne pas consigner dans son ouvrage. IL se produisit encore une quatrième date, 1722, émise par Desfontaines (Histoire des arbres et des arbrisseaux, 1809, t. IT, p: 230), mais on ne doit pas s’y arrêter, attendu que cet auteur con- fondit là le Calycanthe de Caroline Duh., avec le Calycanthe précoce. Toutefois, en voyant Linné, qui n’a jamais voyagé hors de l’Europe, mentionner déjà cette plante dans ses premières éditions, il semblerait qu’elle dût être connue chez nous avant son introduc- tion en Angleterre par lord Coventry ; mais pour s’assurer du con- traire, il suffit d'interroger Linné lui-même. Il dit positivement : « Ignota mihi° : » Elle m’est étrangère. Comment admettre alors 1 Kæmpfer, Amænitatum exoticarum ; Lemgoviæ, 1712, p. 878. De Lamarck, Encyclopédie méthodique ; Botanique, 1783, t. I, p. 565. 3 De Launay, Bon-Jardinier, 1808, p. 539. * Sweet, Hortus britannicus, 3e éd., p. 232. $ Loudon, Arboretum britannicum, 1844, 2e éd., t. II, p. 938. $ Caroli Linnæi, Species plantarum; Vindobonæ, 1764, t. 1, p. 718. Dans les éditions postérieures cette note est supprimée. (Systema vegetabilum, 1784, p.481. 93 qu’il en ait parlé? Il en parla uniquement d’après la description du médecin Kæmpfer ! ; et s’il nomma et classa cet arbrisseau ja- ponais, ce fut en raison de la frappante analogie de ses fleurs avec celles du Calycanthus floridus, Lin. (Calycanthe de Caroline Duh.), introduit en Europe dès 1726 par Mark Catesby *. Cet arbrisseau fut placé d’abord par Linné dans la xn° classe, IcosaNDRIA POLYGyNIA de son système. Plus tard, dans le système naturel on le classa, d’après son affinité, parmi les Rosacées ou Magnoliacées ; enfin la Botanique moderne a fait une famille spé- ciale de CaLYcANTE# Ÿ, composée du genre Calycanthus et du genre Chimonanthus, qui seul nous occupe, et dont voici la description : Les Chimonanthus sont des arbrisseaux atteignant et dépassant même 2 mètres de hauteur. Leur floraison, très-tardive, a lieu de novembre en février. Ils ont les feuilles caduques, opposées, pétio- lées, entières, lancéolées et quelque peu glabres. Les fleurs, dépour- vues de pétales, sont axillaires. Le calice, d’un jaune plus ou moins pâle et lavé intérieurement de carmin velouté, est légèrement charnu ; ses divisions, ovales-obtuses, ont la partie interne plus dé- veloppée, ce qui lui donne l’aspect de pétales. Style filiforme. Ovaire 6-10 loculaire ; ses graines, quand le sujet est placé dans une bonne exposition au soleil, mürissent assez facilement en France, surtout dans les départements du Midi. — Douées d’une odeur très-suave, les fleurs du Chimonanthus, chose assez remarquable, acquièrent en se flétrissant un parfum encore plus prononcé, encore plus agréable que celui qu’elles dégagent lorsqu’elles sont dans toute leur fraicheur. Quant à l'introduction du Chëmonanthus fragrans dans l’horti- 1 Kæmpfer (Engelbertus) naquit à Lemgo (Westphalie), en 1651. Ce célèbre voyageur, après avoir complété ses études à Cracovie et à Krolewiec (Künigsberg), percourut le nord et l’orient de l’Europe, visita la Perse, puis l'Inde et le Japon. De retour en Europe, il résuma vers la fin de sa vie tout ce qu'il avait observé à l'étranger, et le présenta au public dans un ouvrage dont voici le titre : Amænilatum exoticarum politico-physico-medicarum ; Fasciculi V, Lemgoviæ, 1712. ? Loudon, Arboretum britannicum, 1844, 2e 6d., t. Il, p. 936. $ Lindley, et plus tard de Candolle (Prodromus, 1828, t, ILL, p. 1). 94 culture, nous pouvons observer que cette plante, comme toutes les nouveautés propagées par des amateurs, se répandit assez lente- ment; mais néanmoins elle était bien connue de la majorité des botanistes de la fin du xvure siècle. A Paris ! on en rencontrait déjà, sous le Consulat, quelques pieds. Dans l’Anjou, elle apparut vers les premières années de la Res- tauration ©, et nous pensons qu’on l’y tira des pépinières d'Orléans. Peut-être semblerait-il étrange à quelques personnes qu’Angers se soit laissé devancer, dans la culture de cet arbrisseau, par Paris et Orléans, si l’on ne savait que cette ville, métropole aujourd’hui des pépinières du monde entier, n’eut jadis qu’un rang très-modeste parmi les localités s’occupant d’arboriculture. C’est seulement de- puis une trentaine d’années qu’Angers a commencé à prendre une place assez importante dans le monde horticole, grâce au mérite de quelques pépiniéristes, qui ayant gagné dans cette industrie des sommes considérables, prirent ensuite la patriotique résolution de rassembler dans leur cité les collections les plus rares de plantes d'ornement et d'arbres fruitiers. Enfin, tout récemment, un Cata- loque horticole imprimé en cinq langues, allait confirmer dans le monde entier la réputation des pépinières angevines. L'introduction tardive du Chimonanthus dans la culture en gros, s’explique en quelque sorte par l’idée que lon avait qu'il ne pou- vait supporter une basse température. A cette époque, où la physio- logie de ladite plante n’était pas encore bien étudiée, on n’osait en effet s’aventurer, ainsi que nous le faisons maintenant sans la moindre hésitation, à la laisser inabritée pendant l'hiver. C'était dans l’orangerie, ou même dans la serre”, qu’on la plaçait quand arrivait la saison des frimas. \ ! Nous ne parlons ici que des jardins des particuliers, car il est probable que le Ch. fragrans figurait déjà dans les collections du Jardin du Roi, lors de sa restauration, et qu’il y avait élé planté par Bernard de Jussieu ou par son neveu, Antoine-Laurent. ? En 1810, le Jardin des Plantes d'Angers ne le possédait pas encore. (Bastard Notice sur les végétaux du Jardin des Plantes d'Angers, 1810.) # Duhamel, Traité des arbres et des arbustes que l'on cultive en France, 2° édition, pp. 219-220. 95 Il paraît que ce fut de Launay (Bon-Jardinier, 1808, p. 539) qui le premier observa, non sans quelque hésitation, « qu’à toute « rigueur » cet arbrisseau pouvait rester en pleine terre; et il ajoutait : « mais il faudrait le couvrir de paillassons et de litière. » Au reste, on aurait tort d’exagérer par trop la rusticité du Chi- monanthus. Le savant professeur Lindley nous dit’ que pendant le rigoureux hiver de 1837-38 cet arbrisseau fut complétement gelé -à Dropmore et à Rolleston, et fortement endommagé à Cambridge, tandis que le Cèdre Deodora, l’Abies Douglasii, l'A. Nobilis, l’Araucaria Dombeyi, les Cistes et les Clématites ne souffrirent nul- lement dans les mêmes lieux. Mais on comprend facilement que la remarque de Lindley qui s'applique au Chimonanthus, ne peut s'appliquer à notre contrée, beaucoup mieux favorisée, sous le rap- port du climat, que les localités d’outre-Manche ci-dessus dési- gnées. Il est très-supposable, en effet, que la température de Anjou ne s’abaissera jamais au point de détruire la vitalité de l’arbrisseau en question. Aussi, maintenant que les amateurs sont arrivés à le mieux ap- précier, sa culture at-elle pris une extension qui, sans être encore à la hauteur du mérite de cette plante, fait cependant qu’on en trouve quelques pieds dans presque tous les parterres ou jardins d'agrément bien composés. En passant, faisons voir quelles proportions relativement consi- dérables il peut prendre, quand il se trouve dans des conditions fa- vorables. À Angers, par exemple, dans le parterre de M. Jules Guibourd, propriétaire, boulevard des Lices, chacun peut admirer un pied de Ch. fragrans qui déjà n’est plus un arbrisseau, mais un véritable arbuste. Sa tige unique et droite, haute de 2 mètres environ, et d’une circonférence de 30 cent., est surmontée d’une large et magnifique couronne, ce qui forme un charmant petit arbre atter- gnant presque 3 mètres. Quel aspect agréable, quel parfum délicieux quand un tel arbuste se couvre de milliers de fleurs, au moment où toute la végétation apparente est arrêtée ou détruite par le froid, et 1 Transactions of the horticultural society of London , 2° série, 1842, t. IL, p. 242. 96 alors que la violette de Parme elle-même se flétrit sous l’haleine glacée du vent! Ce sujet, il est vrai, offre une exception, comme étant incontes- tablement le plus beau et probablement le plus fort du pays ; mais il prouve néanmoins que tout propriétaire de jardin peut, avec le temps et quelques soins, jouir d’un pareil agrément. Depuis l'introduction en Europe du Ch. fragrans, les jardins des horticulteurs et des amateurs se sont enrichis de nou- velles variétés, soit par des importations, soit par la reproduction au moyen des graines. C’est ainsi que l’on connait déjà le CA. grandiflorus \, le Ch. parviflorus ?, le Ch. verus # et le Ch. luteus, dernière variété sur laquelle nous voulons appeler l'attention, non- seulement à cause de sa végétation plus vigoureuse que celle du type, et de ses fleurs une fois plus grandes, mais encore, chose digne d'intérêt pour nous, parce qu’elle naquit à nos portes, aux environs de Tours. Et cette circonstance nous est révélée par un ar- ticle de M. Bailly, inséré dans la Revue horticole (1861, p. 108), article qui nous permet également d'annoncer que ce fut le célèbre docteur Bretonneau qui obtint de semis, il y a une quinzaine d’an- nées, cette intéressante variété dans son jardin de Palluau. Mais il nous semble nécessaire, toutefois, d’émettre un doute à l’égard de cet article de M. Bailly. Nous trouvons effectivement dans le Sweels Hortus britannicus (3e éd., p. 232), un CA. luteus avec l’année de son introduction en Angleterre, 1814, époque de beaucoup anté- rieure à celle que M. Baïlly assigne au gain du docteur Bretonneau. D'où suit qu’une erreur s’est glissée chez Sweet, ou qu’alors il existe deux Ch. luteus. Observons cependant que nous n’en con- naissons qu’un seul. Au reste, le genre entier présente un haut intérêt pour l’horticul- ture ; car avec quelle satisfaction ne s’arrête-t-on pas devant un ar- brisseau qui vit, fleurit, embaume l’atmosphère dans la saison où ! Connu en Europe depuis 1812; Edouard Spach, Histoire naturelle des végé- taux, 1835, t. IV, p. 286, et Sweet’s Hortus britannicus, 3° éd., p. 232. 2? Loudon, Arboretum britannicum, 1844, 2° éd., t. IV, p. 2566. 8 Sweel’s Hortus britannicus, 3° éd., p. 232. 97 la gelée nous prive généralement de toute autre fleur? Il est vrai qu'un froid de 3°’au-dessous de 0 détruit complétement ses fleurs déjà développées ; mais que le thermomètre monte un peu, qu'il apparaisse quelques rayons solaires, et des boutons se développent ; et aussitôt, comme par enchantement, ses rameaux se couvrent de fleurs nouvelles et nombreuses. Ce qu'il y a de plus frappant, c’est qu’en parcourant les ouvrages consacrés à l’horticulture, nous n’avons trouvé, sur cet arbrisseau, le plus souvent que de simples mentions; comme s’il était dépourvu, au point de vue horticole, de tout charme et de tout intérêt, et relé- gué exclusivement dans le domaine botanique ! C’est un tort que nous essayons de réparer dans la mesure de nos moyens. Peut-être, après tout, le préconisons-nous par trop ?.… Cependant nous croyons n'être pas seul à l’apprécier ainsi, et pensons que chaque parterre doit contenir un Chimonanthus, ne serait-ce que pour orner des fleurs de cet arbuste nos bouquets d'hiver, toujours trop pauvres, toujours trop dépourvus de parfum. B. H. Brezawskr. Angers, 25 janvier 1867. IX. 7 LES RUBIETTES (Extrait d’une étude inédite sur les PETITS OISEAUX de notre pays.) Les rubiettes forment une petite section du genre fauvette. Elles se font remarquer par un œil largement ouvert, par des tarses élevés et des doigts allongés, très-convenables à des oiseaux qui marchent plutôt qu’ils ne sautent et qui cherchent de préférence leur nourriture sur le sol, tandis que les fauvettes proprement dites cherchent exclusivement leur vie sur les arbustes et dans les bois. Par leurs mœurs et même par leurs caractères extérieurs, les ru- biettes offrent de l’analogie avec les merles. Plus petites de taille, elles en ont les allures, le vol et le chant flüté. Le groupe des rubiettes se compose du Rossignol, de la Gorge- noire, du Rouge-queue, de la Gorge-bleue et du Rouge-gorge. Toutes ces espèces sont des oiseaux de passage. Leur vol est peu soutenu. Elles saisissent les insectes dans les buissons et plus sou- vent à terre, où elles se précipitent vivement. Leur curiosité fait qu’elles donnent dans tous les piéges. D’ailleurs elles recherchent plutôt qu’elles ne redoutent la présence de l’homme. Le ROSsIGNOL arrive dans nos contrées au commencement d’avril, et 1l nous quitte de bonne heure, c’est-à-dire dès les premiers jours 99 du mois d'août. Tous les poëtes ont célébré avec enthousiasme ce chantre de la nuit, dont les accents mélodieux et variés animent les forêts solitaires, les allées ombragées des parcs, et les jardins voi- sins de nos habitations. On ne peut entendre sans émotion ses notes, tantôt vives et éclatantes, tantôt plaintives et prolongées. Le rossi- gnol est un poëte élégiaque, mais l’élégie exprime aussi bien la ten- dresse que la douleur ; voilà pourquoi le chant du rossignol plait également aux cœurs heureux et aux cœurs souffrants. Il le com- mence le soir, le continue la nuit, et souvent le poursuit dans la matinée. C’est pendant que la femelle est sur ses œuts, qu’il chante ainsi, presque sans cesse. Ravie de cette voix qui exprime la tendresse et le bonheur, elle oublie les heures et les fatigues de l’incubation. Dès que les petits sont éclos, tout entier au soin de rechercher leur nour- riture, qu’il dégorge dans leur bec, il ne chante plus ; et ce qu’il y a de singulier, c’est que sa voix s’altère et devient un coassement rauque et désagréable, assez semblable à celui de la grenouille. Quelques auteurs prétendent que les rossignols d'Italie chantent mieux que ceux de France ; et les rossignols de France, mieux que ceux de Belgique. Ils en concluent que le chant est un produit du soleil. Cela me paraît fort contestable. Quelle oreille assez exercée a pu faire cette comparaison, à distance ? On sait d’ailleurs que le rossignol se fait entendre en Norvége et en Sibérie. Le rossignol a le tempérament nerveux de l'artiste, ce qui le rend timide et un peu sauvage. Il n’en est pas moins sensible aux bons procédés. « J’avais habitué — dit un naturaliste — un rossignol à venir à ma voix, nimporte de quelle distance du jardin. Il me sui vait, venant voltiger jusqu’à la fenêtre de la salle à manger. La femme qui me servait, lui disait quelquefois : « Eh bien! ne te gêne pas, mets-toi à table. » Le rossignol, et cela tient probablement à sa qualité d’artiste, est délicat sur la nourriture, ou pour mieux dire friand. J’en ai eu un jour une preuve singulière. J'étais à la campagne chez un de mes parents. Un visiteur, grand amateur d’oiseaux, demande et obtient la permission de prendre au piége un rossignol. Il y en avait plusieurs 100 dans un bois attenant à l'habitation. Le piége tendu, la curiosité excessive de ces oiseaux fit que l’un d’eux ne tarda pas à s’y faire prendre ; mais, en se débattant, il s’était tellement empêtré dans les mailles du filet à ressort, que l'amateur, désespérant de le débar- rasser, voulait le tuer. Je demandai sa grâce : avec une grande pa- tience et à force de temps je dégageai plume après plume, et je par- vins à délivrer l'oiseau des mille liens qui l’enlaçaient ; mais il était dans un état d’agitation incroyable. L’amateur le mit dans une petite cage et me dit qu’il allait le calmer. I] lui présente alors un ver de fa- rine ; l'oiseau fixe ses grands yeux noirs sur le ver qui frétille, prend un air soumis, et vient saisir l’insecte entre les doigts de son geôlier. Un second et un troisième ver sont également acceptés par lui. J'éprouvai, je l'avoue, quelque peine à voir ce roi des virtuoses, cet amant de la solitude et de la nuit, se résigner si vite à l’esclavage, sous la séduction d’un bon morceau. Le rossignol est un oiseau doué de proportions élégantes, mais son plumage est modeste, brun-roussâtre en dessus, blanchâtre en dessous. Il est rare que, chez les oiseaux, la beauté du vêtement s’unisse à la beauté de la voix. Le nid du rossignol est placé dans le bas d’un buisson ou entre deux racines. Il est profond et contient ordinairement cinq œufs. Dans les départements du midi de la France, où la persécution contre les pauvres oiseaux est générale, le rossignol trouve beau- coup d’ennemis. « À peine est-il arrivé, dit M. Lapommeraye, or- nithologiste marseillais, qu’il devient l’objet de poursuites inces- santes de la part des oiseleurs qui, sans crainte et sans vergogne, et malgré la prohibition de la loï, se hâtent de faire leur récolte an- nuelle, » Un autre ornithologiste, M. Bouteille, nous apprend que dans le Languedoc on engräisse le rossignol pour la table. O gour- mandise, ce n’est pas sans raison que le catéchisme te place au nombre des péchés capitaux ! La GORGE-NOIRE OU ROSSIGNOL DE MURAILLE, porte un manteau gris- brun ; elle a la gorge noire, la poitrine et la queue rousses ; elle niche dans les vieux murs. Son chant, qu’elle fait entendre de grand matin et qu’elle reprend le soir, n’a ni l'étendue ni la variété de 101 celui du rossignol. Elle se tient volontiers, l’été, dans les jardins, dans les potagers, où elle est une excellente échenilleuse. En 1846, le principal du collége de Phalsbourg a vu un plant de choux, dans son jardin, parfaitement nettoyé des chenilles qui l'infestaient, par un couple de ces oiseaux, pour la nourriture d’une couvée retarda- taire, éclose en août. Un naturaliste avait dans son jardin, un nid de ces oiseaux. Pen- dant que la femelle couvait, le mâle se tenait constamment perché sur un arbre, près du mur où se trouvait le nid. Un méchant drôle le tua d’un coup de pierre, à la grande douleur du naturaliste. Mais le lendemain celui-ci fut extrêmement surpris de voir un autre mâle juché dans le même arbre d’où l’autre avait été abattu la veille. Quand les œufs furent éclos, le père improvisé aida la mère à élever la famille orpheline. L'adoption est un fait moins rare qu’on ne le pense dans les mœurs des oiseaux. On voit assez souvent cet oiseau perché sur les cheminées des villages, égayant de son ramage les hôtes de la maison. C’est ce qui lui a fait donner, dans la Provence, le nom de ramoneur. Malgré le surnom qu’elle porte, la gorge-noire niche aussi sou- vent dans les trous d’arbres que dans les trous de murs. Le ROUGE-QUEUE, OU QUEUE-ROUSSE, que l’on confond souvent avec l'espèce précédente, a la même manière de vivre. De passage seule- ment dans les contrées du centre de la France, il est sédentaire dans le Midi. Les vieux murs tapissés de lierre sont ses retraites favorites. Le chant du rouge-queue est mélodieux. Il le commence de bonne heure et le prolonge quelquefois fort avant dans la soirée. Un de ces oiseaux, enfermé dans une chambre infestée de mouches, en a détruit environ six cents en une heure. La GORGE-BLEUE, au manteau gris-brun, avec une ceinture rousse au-dessous de la poitrine qui est d’un bleu azuré, est plus rare en— core que l'espèce précédente. C’est la plus jolie des fauvettes. Son chant, qu’elle fait entendre pendant la nuit, est doux et varié. Elle recherche les prés humides, les bords ombragés des étangs et des ruisseaux. Elle niche dans les oseraies, dans les trous des vieux saules ou sous leurs racines découvertes, Les petits sortent du 102 nid de bonne heure et courent lestement à terre comme des souris $ ils relèvent la queue à la manière des troglodytes. Quand ils sont élevés, la gorge-bleue devient familière et se rapproche des jardins. Le plus aimable oiseau de cet aimable groupe est le RoUGE-GoRGs, le rouge-gorge si vif, si gai, qui dans les bois salue le premier, de son chant expressif, la première aube du jour, et qui est aussi le dernier à s’endormir. Nul écrivain n’a parlé de cet oiseau avec plus de sympathie que M. Toussenel. Je ne résiste pas à la tentation de lui emprunter une page : « Quand par les premières brumes d’automne, un peu avant l'hiver, le pauvre prolétaire vient chercher dans la forêt sa chétive provision de bois mort, un petit oiseau s’approche de lui, attiré par le bruit de la cognée ; il circule autour de lui et s’ingénie à lui faire fête, en lui chantant tout bas ses plus douces chansonnettes. C’est le rouge-gorge, qui vient dire au travailleur solitaire qu’il y a encore dans la nature quelqu’un qui s’intéresse à lui. « Quand le bücheron a rapproché l’un de l’autre les tisons de la veille engourdis dans la cendre, quand le copeau et la branche ‘sèche pétillent dans la flamme, le rouge-gorge accourt, en chan- tant, pour prendre sa part du feu et des joies du bücheron. « Quand la nature s’endort et s’enveloppe de son manteau de neige, quand on n’entend plus d’autre voix que celle des oiseaux du nord, qui dessinent dans l’air leurs triangles rapides, ou celle de la bise qui mugit et s’engouffre au chaume des cabanes, un petit chant flûté, modulé à voix basse, vient protester encore, au nom du travail créateur, contre l’atonie universelle, le deuil et le chomage. C’est toujours le chant du rouge-sorge, disant qu’il n’est pas de morte saison pour l’ouvrier laborieux. Et l’oiseau frappe de son bec aux vitraux de la chétive masure pour y demander asile, comme la fée des contes, et pour rappeler à l’homme les devoirs de l’hospita- lité. » Tout est vrai dans ce charmant tableau. J'ai été plusieurs fois témoin, par les temps de neige, de la confiance du rouge-gorge, qui venait frapper de l’aile et du bec à ma fenêtre, implorant une hos- 103 pitalité, qui ne lui était pas refusée. Je n’ai pas besoin de dire que je n’ai jamais trahi la confiance de l'oiseau. Il y a des personnes habitant la campagne qui gardent, pendant toute la mauvaise saison, l’oiseau qui est venu se réfugier chez elles. Il devient promptement familier. Buffon, se trouvant, l’hiver, chez un de ses amis, a vu ainsi un rouge-gorge, hôte passager du foyer, venir se poser sur son écritoire, pendant qu'il écrivait, et chanter de tout son cœur pendant des heures entières. Dès que le printemps est de retour, l’oiseau s’agite et fait comprendre que le moment est venu de lui rendre la liberté. J'ai vu un jeune garcon qui, pendant tout un mois d’hiver, prenait, chaque jour, le même rouge-gorge au même piége. Ce piége était une petite caisse de bois dont un des côtés était soulevé par un quatre de chiffre. L'oiseau venait becqueter les grains mis pour amorce et faisait retomber la boîte. L'enfant le prenait alors dans ses mains, le baisait, le réchauffait, le portait quelquefois dans sa chambre où il le laissait voltiger, fureter et ramasser quelques miettes de pain, puis il lui donnait la liberté. Le lendemain l'oiseau était fidèle au rendez-vous : le bruit que faisait la caisse, au mo- ment où le piége se détendait, semblait plutôt l’amuser que l’et- frayer. Le rouge-gorge est très-attaché à sa famille. Comme exemple de cette affection, Jonathan Franklin cite le fait suivant : Un gentle- man de son voisinage avait fait préparer une voiture avec des pa- niers d'emballage et des caisses qu’il voulait envoyer à vingt lieues de là, dans une de ses propriétés où il devait se rendre lui-même. Le voyage fut différé, d’abord de quelques jours, puis de quelques semaines ; et le chariot tout arrangé fut remisé sous un hangar dans une cour. Dans l'intervalle, un couple de rouges-gorges fit son nid dans la paille qui protégeait les objets placés sur le chariot. Les pe- tits venaient d’éclore, quand le véhicule se mit en marche. La mère, nullement etfrayée par le mouvement de la voiture, quittait seule- ment le nid, de temps en temps, pour voler vers les haies qui bor- daient la route, où elle allait chercher des chenilles pour ses petits, leur apportant ainsi, tour à tour, la chaleur et la nourriture. Le 104 chariot arrivé à destination, le voiturier eut soin, en le déchar- geant, de ne pas maltraiter le nid. Quelques jours plus tard, mère et petits étaient retournés, sains et saufs, et d'eux-mêmes, au lieu d’où ils étaient partis. Je dois dire qu’en Angleterre, où l’on apprécie les services qu’il rend comme destructeur d'insectes, le rouge-gorge passe pour un oiseau de favorable augure. On dit, dans les campagnes, que le nid du rouge-gorge porte bonheur à la maison. C’est que Rà il niche près des habitations ; tandis que chez nous il est souvent obligé de ca- cher son nid au fond des bois. CHASSE AUX PETITS OISEAUX. Il semblerait que des oiseaux si doux, si confiants, si inoffensifs, si utiles à l’homme, puisque leur principale nourriture consiste en larves et en insectes ennemis de nos cultures, devraient être l’objet d’une bienveillance toute spéciale. Hélas! non. La chair des ru- biettes est un manger délicat, et la chasse ou plutôt les divers modes de chasse qu’on leur fait, portent l'empreinte de la plus grande cruauté. J’emprunte quelques détails, sur la manière dont on la pratique dans les départements formés de l’ancienne Lorraine, à un excellent article de M. le docteur Cordier, publié en 1856 dans le bulletin de la Société protectrice des animaux : « Chasse à l’abreuvoir, chasse à la pipéé, chasse aux sentiers et à la lisière des bois, chasse à l’arbre et aux buissons amorcés d’ap- peaux, etc., le Lorrain fait le plus souvent marcher tout cela de front, s’aidant, comme moyen de destruction, d’une multitude inf nie de pièges, tels que gluaux, collets, rejets, raquettes, ete. « La tendue, à la lisière des bois et aux sentiers pratiqués dans les tallis, a presque toujours plus d’une lieue de parcours et compte plusieurs milliers de piéges, qui restent en permanence depuis le jour où s’ouvre la chasse jusqu’à la chute des feuilles. « Dès que le jour de cette ouverture est arrivé, le chasseur part, à deux heures du matin, suivi de quelques amis; tous se 105 mettent à l’œuvre, si bien que longtemps avant que le soleil ait éclairé le sommet des arbres les plus élevés de la forêt, tous les piéges sont armés et fonctionnent. Les sentiers, dans tout leur par- cours, sont garnis de raquéttes, à droite et à gauche ; dans leur mi- lieu, ils le sont, cà et là, de collets ; les abréuvoirs le sont de rejets, de gluaux, de raquettes ; la lisière des bois n’est pas moins mena- cante. «A partir de ce jour néfaste, on peut dire qu'il n’y a plus de sé- curité nulle part pour l'oiseau. Celui que la soif attire à l’abreuvoir, celui qui prend ses ébats au bord du bois, celui qui voltige dans les sentiers pour y chercher sa nourriture, tous trouvent partout la mort présente. Si elle ne les frappe pas aujourd’hui, demain elle les frappera sans faute. De tous les piéges, la raquette ou sauterelle est celui qui fait le plus de ravages, parce qu'il est le plus multi- plié. L'oiseau pris à cet engin, a les cuisses, les pattes ou les doigts brisés ; libre de ses ailes, il se débat et cherche encore à s’énvoler ; mais tous ses efforts n’aboutissent qu’à broyer davantage ses os bri- sés et à accroître ses souffrances. Sur ce piége, il meurt d’épuise- ment et de douleur, après des heures entières d’agonie, à moins que le chasseur n’arrive assez à temps pour mettre un terme à cette ago- nie, en le tuant... Mais le chasseur aux sentiers, ayant un vaste champ à parcourir, ne fait sa récolte de victimes que deux ou trois fois par jour. » Nest-il pas vrai que cette chasse soulève un sentiment de dégoût et d'horreur ? Faut-il que la France soit si inhospitalière pour toute cette intéressante famille des rubiettes ? Car c’est à elle principale- ment que se fait cette chasse cruelle : les oiseaux granivores, plus méfiants, plus rusés, s’y laissent rarement prendre. Ces pièges, la raquette surtout, devraient être prohibés d’une ma- nière absolue ; mais quand mème ils ne le seraient pas, tout enfant, tout homme qui a de la pitié au cœur, doit s’abstenir d’en faire usage. « La raquette, a dit M. Toussenel, — un grand chasseur pourtant, — c’est un abominable instrument de torture, qui ne peut servir qu’à dresser l’enfance à la pratique du métier de bour- reau. » 106 Mais, dira-t-on, ces chasses sont un grand plaisir pour les en- fants. Je connais pour eux un plaisir plus grand et plus noble, c’est de se faire les protecteurs des petits oiseaux. Quand cette bonne pensée lui est entrée au cœur, l’enfant est bien plus heureux de voir les oiseaux sans cesse en mouvement autour de leurs nids que d'exercer contre eux sa coupable adresse ; et le jour où il voit les petits s'envoler du nid qu’il a entouré de sa protection, est pour lui un jour de fête. LE JUBILÉ DES OISEAUX. Depuis longtemps je forme un vœu, un vœu dont je ne verrai probablement pas la réalisation ; mais c’est une espèce de rêve dont j'aime à me bercer. J’ai donc l'espoir que dans un temps peut-être encore éloigné, les législateurs, prenant en pitié les misères des pauvres oiseaux, leur accorderont une année pleine et entière de tranquillité, Inter- diction absolue c’enlever les nids et de se livrer à la chasse d’aucune espèce d’oiseaux, d’en transporter, d’en vendre et d’en servir sur les tables des hôtelleries, sur les tables des particuliers, même sur celles des souverains. Quelle année de paix et de bénédiction ce serait! Comme les aimables chanteurs de nos bocages se sentiraient vite l’objet d’une bienveillance inaccoutumée ! Comme ils deviendraient confiants et familiers avec le maître et la maîtresse de la maison, avec les en- fants, avec le jardinier, même avec le chien du logis, auquel il serait facile de faire comprendre qu’il devrait s'abstenir de les poursuivre et de les effrayer ! Et les enfants, comme leurs bons petits cœurs s’éveilleraient bientôt à la compassion, à l’amitié pour des êtres qui doivent leur être si sympathiques, puisqu'ils partagent l’insouciante gaité du pre- mier âge ! Quelles bonnes leçons d’histoire naturelle, au point de vue de la grande harmonie établie par Dieu, le père donnerait à son fils dans les allées du pare, et l’instituteur à ses élèves dans les champs et dans les bois! Comme il serait facile de faire comprendre au jeune 107 auditoire que non-seulement l’oiseau a droit à notre protection, parce qu’il remplit, à notre profit, une mission que la Providenée lui a confiée, mais encore qu’il est digne de notre affection par ses qualités aimables ! Et croit-on que l’enfant qui, pendant toute une année, aurait véeu dans l'intimité de l'oiseau, reprendrait, les douze mois écou- lés, ses instincts destructeurs ? Non, non ; je réponds qu’il resterait l'ami, le protecteur de ce petit peuple. Quelle joie aussi pour la jeune fille, qui souvent fait son amuse- ment d'élever des oiseaux en cage ! Comme elle serait plus heureuse de les voir voler en liberté autour d’elle, chanter sans crainte, en sa présence, sur l’arbuste où serait leur nid, venir prendre entre ses doigts la mouche ou la graine de chènevis qu’elle leur présente- rait, et boire sans gêne dans la pierre creusée qu’elle aurait placée pour eux dans un coin du jardin et que, chaque matin, elle aurait soin de remplir d’une eau pure ! Il y a de ces paroles si douces que la jeune fille seule les connaît, mais que l'oiseau comprend et qui établiraient bien vite entre elle et lui la plus aimable familiarité. Peut-on douter qu’elle ne prit bientôt un intérêt plus vif au petit ménage de la fauvette, du roitelet ou du pinson, qu’à toutes les fri- volités de la mode? Elle y gagnerait un charme que ne donne pas la plus riche parure, je veux dire un sourire de bonté sur les lèvres et un rayon de bienveillance dans le regard. Les femmes aussi, aux yeux desquelles on aurait fait luire cette nouvelle lumière de l’esprit et du cœur, éprouveraient un véritable bonheur au charmant spectacle de la construction du nid et du dé- vouement qui condamne le plus mobile de tous les êtres à des se- maines entières d’immobilité. Quel plaisir elles auraient à voir l’ac- tivité déployée pour l'alimentation de la couvée, à surveiller l'éducation des petits, la sortie du nid, les premiers essais de Paile, et les lecons de chant que le père donne à la petite famille réunie autour de lui sur la branche ! Les charmantes amitiés qui se formeraient, et des amitiés du- rables ! car l’oiseau a la mémoire du cœur. On en a vu plus d’un, reconnaissant de la bonne hospitalité qu’il avait recue, pendant les 108 grands froids de l’hiver, revenir, en été, présenter à ses bienfaiteurs toute sa petite famille. Je suis sûr que plus d’une jeune mère aussi se ferait un plaisir de présenter son nouveau-né aux oiseaux fami- liers de son jardin. Tous les cœurs de mère sont faits pour se com- prendre. Aïmer, c’est être meilleur; et loin de se nuire, les affections se fortifient les unes les autres. L’enfant qui aimera les oiseaux, n’en aimera que mieux ses frères et ses sœurs. Et la jeune mère qui aura pris sous sa protection les nids de la charmille, n’en éprouvera que plus de joie à presser ses enfants dans ses bras. BourGun, Président honoraire de la Société protectrice des animaux. SUR LA VITESSE DU FLUX NERVEUX DANS LA SENSATION ET L'ACTE DE LA VOLITION. A LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE DE MAINE-ET-LOIRE HOMMAGE DE G. A. HIRN. Dès que lPanatomie et la physiologie commencèrent à rendre compte un peu correctement de la structure et des fonctions de l’ensemble du système nerveux chez l’homme et chez les animaux, on se demanda tout naturellement quel est l’agent qui, circulant dans les conduits nerveux, porte de la périphérie au centre, sous forme de sensation les impressions venues du dehors, et qui porte les ordres de l’unité vivante du centre aux muscles dont il déter- mine la contraction. Trois interprétations se sont posées presque simultanément dès l’abord. L’agent nerveux est : 1° Un principe spécifique, le fluide nerveux, la force vitale ; 20 L’électricité ; 3° Un mouvement vibratoire de la matière même des nerfs. 110 La première interprétation était plausible à une époque où l’on croyait que les combinaisons d’oxigène, d'hydrogène, de carbone, d'azote, ete., qui constituent les matières organiques, ne peuvent être produites que sous l’action de la vie, où l’on séparait radica- lement la chimie organique de la chimie minérale, où l’on allait jusqu’à croire que la force vitale peut créer des éléments (fer, soufre, etc.). Elle a trouvé crédit surtout dans l’école philosophique où lon s’obstine encore à faire de la vie un principe distinct de l'uniTÉ ANIMIQUE, spécifique à chaque être vivant, qui, selon l’éten- due de la nature des fonctions auxquelles elle est appelée, donne à cet être son titre sur l'échelle de la création. Les travaux de M. Berthelot, en démontrant que les matières organiques peuvent être produites de toutes pièces dans nos labo- ratoires, ont rendu complétement vaine la distinction d’une chimie organique ; ils ont rendu tout au moins inutile, sinon absurde, cette greffe d’une force vitale, sur une AME vivante! On aurait, à dire vrai, pu et dü, à toute époque, faire à l'hypothèse du fluide ner- veux, l’objection que j’y ai faite dans un de mes travaux récents. «Si, avec l’école matérialiste, on s’obstine encore à faire d’un «être vivant une simple machine, il est évident que cette machine «ne peut renfermer que les éléments du monde physique; autre- « ment il faudrait qu’elle eùt le pouvoir de créer quelque chose «avec rien, et il faudrait qu’à la mort de l’individu, ce quelque « chose püt rentrer dans le néant. «Si au contraire, avec l’école du bon sens, on donne une âme «spéciale à chaque être vivant, celle-ci ne peut rien tirer de rien, « ni rien faire rentrer dans le néant ; elle ne peut donc encore bâtir « son instrument corporel qu’à l’aide des éléments du monde phy- «sique. | «En vertu des axiomes : mA! ex nihilo, nihil in nihilum, le « prétendu fluide nerveux ne peut être que l’une ou l’autre des « Forces du monde inanimé.…. * » La troisième hypothèse a été accueillie surtout par ceux des phy- ! Bulletin de la Société d'histoire naturelle de Colmar, 4° année, page 76. 111 siciens qui, dans les phénomènes de lumière, de chaleur, d’électri- cité, etc., ne voient aujourd’hui que des mouvements variés de la matière elle-même, et qui par suite ne peuvent être dans le doute que sur l’espèce de mouvement de la matière nerveuse. Elle a trouvé crédit dans cette vaste école philosophique qui prétend ex- pliquer tous les phénomènes de la vie par des mouvements de l’a- tome matériel et qui, avec plus de courage et de logique que de bon sens, explique la pensée elle-même par des vibrations de la matière cérébrale! Il semble d’après ce qui précède que mon intention soit de faire ici un parallèle entre nos trois interprétations, et de faire prédomi- ner la deuxième aux dépens des autres. Mon but cependant dans ce travail est bien plus limité. Je me propose seulement de répondre à une objection qui a été regardée généralement comme mortelle à cette hypothèse. J'ajoute que je discuterai beaucoup plus comme physicien et observateur que comme philosophe. Toute philosophie naturelle qui prétend encore s’isoler des faits, et qui n’a pas ses plus fortes racines dans l’étude intime des phénomènes, doit être regardée désormais comme une science vaine. Je vais d’abord bien caractériser l’objection dont je parle. Dans le cours de ces dernières années, plusieurs physiologistes, mettant à profit les procédés si délicats dont dispose aujourd’hui la physique pour mesurer et enregistrer de très-courts intervalles de temps, ont cherché à déterminer la vifesse du flux nerveux. Le ré- sultat final, supposé correct, de ces recherches, c’est que la vitesse de transmission des sensations ou des ordres de la volonté par les conducteurs nerveux, est à peine de trente mètres par seconde; de telle sorte que, chez un homme de taille ordinaire, une sensation met environ un quinzième de seconde à arriver de l’orteil au cer- veau où elle est perçue ; de telle sorte encore qu’une baleine de trente mètres de longueur, qu’on blesserait à la queue, ne sentirait la douleur qu’au bout d’une seconde entière. La conséquence de ce résultat expérimental a été pour beaucoup de physiciens et de physiologistes : que ce n'est point l'électricité qui est en action dans les nerfs. 112 Voyons d’abord si le résultat expérimental peut être admis comme correct, si effectivement la vitesse du flux nerveux ne s'élève qu’à trente mètres par seconde. Voyons ensuite quelles conséquences on serait en droit de tirer d'expériences qui prouveraient qu’effectivement la vitesse de l'agent nerveux est beaucoup plus faible que celle qu’on adjuge commu- nément à l'électricité. Les expériences exécutées jusqu'ici sont de deux espèces. Les unes dues à M. Helmholiz, ont été faites sur des membres préparés de grenouilles. Dirigées avec le talent habituel de cet habile obser- vateur, elles sont inattaquables quant aux nombres qu’elles ont fournis ; elles sont au contraire attaquables dans les conséquences à tirer de ceux-ci. J’en parlerai à ce point de vue plus loin. Les secondes ont été faites sur l’homme même, et à l’état vivant; elles sont dues surtout au docteur Schelske de Berlin. Je m’y arrête comme il convient. Voici en peu de mots la méthode sur laquelle elles reposent. En deux points inégalement distants du centre cérébral, à l’orteil par exemple et à l’aîne, on excite successivement une sensation de douleur ou signal d'appel, à laide d’une décharge électrique qui s'inscrit d'elle-même et instantanément sur un appareil enregistreur. Au moment même où la personne soumise à l’expérience perçoit la douleur, elle donne de la main un signal de réponse (électrique), qui s’enregistre instantanément aussi sur le même appareil. Soit © l’intervalle de temps qui s’écoule entre le signal d’appel et le signal de réponse, lorsque la sensation est excitée dans l’orteil. Cet intervalle, rigoureusement nécessaire, se compose : 4° du temps T que met l’impression excitée à l’orteil pour arriver au cer- veau et se manifester comme sensation de douleur; 2° du temps + que met la personne à se décider à répondre; 3° du temps { que met l’ordre donné à arriver par les nerfs moteurs aux muscles de la main ; 4° enfin du temps #2 que mettent les muscles à se contracter pour donner la réponse. Si nous désignons de même par ©? l’intervalle qui s’écoule entre le signal d’appel et le signal de réponse lorsque la douleur est 113 excitée à l’aîne, cet intervalle se compose des mêmes éléments que le précédent, ou T’, r, {, m. On a en un mot : E—T+r+t+m @=T+r+t+m En désignant par D, la longueur des filets nerveux de lorteil, au centre cérébral, et par d, la longueur des filets nerveux de l’aîne à un même centre, on aura A—D—4 pour la longueur parcourue en plus par le flux nerveux dans un cas que dans l’autre. Il est clair maintenant que si l’on suppose THhttkm=r+t+m on aura O—O—T—T et que par conséquent sera la vitesse du flux nerveux. Telle est en effet la supposition admise comme juste par M. Schelske et par tous les physiciens ou physiologistes qui ont dé- crit les expériences; et c’est ce quotient qui s’est trouvé être d'environ trente mètres par seconde. 6 — ©’ Une objection très-grave cependant est facile à faire à ce mode de calcul. L'égalité £ — # n’est pas contestable : il s’agit d’un même fais- ceau affecté à son extrémité voisine du centre par un même ordre. L'égalité »m == m° n’est pas contestable non plus, puisqu'il s’agit du temps que mettent de mêmes muscles à se contracter sous l’ac- tion d’une même cause. Il n’en est pas de même, au contraire, de l'égalité * — +, c’est-à-dire des deux intervalles qui expriment le temps que nous mettons à nous décider à répondre, à la suite de IX. 8 114 deux sensations qui arrivent de deux points différents du corps; ou pour mieux dire, rien n’est plus facile à réfuter que cette éga- lité. Je pourrais ici accumuler faits sur faits en ce sens; je me borne à les résumer en une seule phrase, persuadé que chacun tombera immédiatement d'accord avee moi. Lorsqu'un danger quelconque menace subitem2nt une partie quelconque de notre corps, nous nous décidons d’autant plus vite à éluder le mal que le lieu menacé est plus rapproché de la tête : qu’on veuille voir ici une habitude devenue instinctive ou une sage précaution de la nature, peu im- porte. Neuf fois sur dix, nous fermons à temps les paupières, lors- qu'un objet externe menace de tomber dans nos yeux; neuf fois sur dix, au contraire, nous nous décidons trop tard à retirer la main d’un péril qui la menace, alors mème que nous avons tout le temps nécessaire pour commander la retraite à cette main, et dans ce cas, c’est pourtant le même organe, l'œil, qui nous a avertis du danger. Sans doute, dans les expériences dont je parle, il n’est pas question de danger ; la personne expérimentée est de plus intentionnée de se décider aussi vite que possible dans deux cas distincts. Mais échappe-t-elle pour cela à la chance d’erreurs involontaires dont jindique l’origine sous forme générale? Il y a d’ailleurs dans cette expérience deux autres causes d’erreur dont il faut tenir compte : 1° La décharge électrique, qui excite une sensation, sans doute, n’a aucune durée sensible ; il n’en est aucunement ainsi de cette sensation elle-même : celle-ci dure, et si l’on y fait bien attention on s'aperçoit qu’elle n’a pas la même intensité pendant sa durée; elle va en croissant puis en décroissant, et ceci n’a en aucune facon liea de la même manière en toutes les parties du corps. La personne soumise à l’expérience sait-elle, par suite, si elle répond toujours à la même période de la sensation ? 2° Et puis, sont-ce les mêmes faisceaux nerveux qui servent de conducteurs, lorsque l’impression est faite à l’orteil et lorsqu'elle est faite à l'aîne? Les expériences de M. Schelske prouvent elles- mêmes que la vitesse du flux nerveux n’est pas la même dans les 115 divers rameaux nerveux. On a donc en désignant par V et V’ les vitesses dans deux filets de longueur D et D” : et non pas du tout T—T—(D—d):V Je conclus que bien positivement nous devons écrire : O—@—(D:V+r)—(D:V—r) et par conséquent le quotient dr Er n’exprime pas la vitesse du flux nerveux. À ces expériences, j’en oppose d’autres que j'ai faites de mon côté ; elles sont des plus simples et sont à la portée de chacun. 1° On fait passer une légère décharge électrique par l’orteil, par exemple, à l’aide de deux fils métalliques qui y aboutissent et dont les extrémités libres sont, l’une en contact continuei avec l’arma- ture externe d’ure bouteille de Leyde, et l’autre, en rapport facul- tatif avec l’armature interne. Lorsqu'on approche graduellement ce dernier fil du bouton de la bouteille et que la décharge éclate, on voit l’étincelle, on entend l’explosion et l’on perçoit la commotion. Avec quelqu’attention qu’on procède, il est absolument impossible de remarquer le plus petit intervalle entre les trois sensations. 2° Avec une baguette légère et sonore en bois de sapin, on frappe sur l’orteil (la baguette doit être assez longue pour qu’on puisse appuyer sur l’oreille son extrémité supérieure). Ici encore, il est totalement impossible d'observer un intervalle quelconque entre la sensation du choc et celle du son (qui ne met au plus que un-trois- cent-quarantième de seconde à arriver du pied à l'oreille). À peine ai-je besoin de dire que, dans ces expériences, je n’avais pas la prétention de mesurer un intervalle, mais seulement celle d’en constater un. L’objection qu’on me fera immédiatement sans doute, est celle- ci. La distance de l'extrémité de l’orteil au cerveau est au plus de 116 deux mètres. D’après la vitesse indiquée par M. Schelske, il fau- drait donc un quinzième de seconde à la sensation excitée à l'orteil pour être perçue au cerveau, et c’est là l’intervalle de temps qui séparerait l'éclair perçu par les yeux et le son perçu par l'oreille de la sensation électrique. Or, me dira-t-on, pouvez-vous avoir cons- cience d’un intervalle de temps aussi court qu’un quinzième de seconde ? Ma réponse à cette objection est double, et a presque la forme d'un dilemme. 1° Pour qu’avec un instrument approprié et de la plus haute pré- cision, mais commandé à intermittence par notre volonté d’après deux sensations successives, nous puissions mesurer une grandeur soit en étendue, soit en durée, il faut de toute nécessité que nous puissions avoir intellectuellement, non la mesure, mais la cons- cience de cette grandeur; autrement l’appareil de précision, mis en jeu d’après nos perceptions, ne peut enregistrer que des erreurs d'observation. Si nous sommes incapables d’avoir la conscience d’un intervalle d’un quinzième de seconde, nous ne pourrons non plus, avec un instrument quelconque, enregistrer un pareil intervalle sans qu’il ne soit noyé dans les erreurs expérimentales. Et dans ce cas, les expériences, à l’aide desquelles on prétend mesurer une vitesse de trente mètres à l’aide d’un signal d’appel et d’un signal de réponse, sont elles-mêmes sans valeur. 2° Je dis maintenant que non-seulement nous avons conscience d'un intervalle d’un quinzième de seconde; mais qu’avec de l’exer- cice nous parvenons à discerner même nettement des cinquantièmes de seconde. Comme ingénieur, je me trouve fort souvent dans le cas d’avoir à compter directement le nombre de tours que fait par mi- nute telle ou telle roue d’une machine. L'opération est facile, lors- que l’axe de la roue porte, par exemple, une clavette ou toute autre saillie bien nette. En appuyant alors sur l’arbre une baguette lé- gère en bois, contre laquelle bat la saillie, on entend un choc et on le perçoit dans la main qui tient la baguette. Tant que la vitesse de l’arbre ne dépasse pas trente tours par seconde, je suis parfaite- ment sûr d’arriver à compter juste, et lorsque, la vitesse étant trop 117 grande, je cesse de pouvoir compter juste, c’est à cause de la diffi- culté que j’éprouve de faire la numération mentale, et nullement parce que les intervalles sont trop petits pour que j'en aïe cons- cience. Je suis donc parfaitement en droit de conclure de là que si, entre le son et la sensation que j’éprouve en frappant l’orteil, il s’écoulait réellement un quinzième de seconde, j'aurais non la mesure, mais la conscience très-nette de cet intervalle de temps. Je viens de citer une expérience toute personnelle appuyée sur une appréciation personnelle aussi de très-courts intervalles de temps. Je vais montrer maintenant que cette faculté d'apprécier de petites fractions de temps appartient à tous ceux qui veulent l'acquérir, et puis je citerai une expérience de l’ordre le plus élevé qui prouvera que non-seulement la vitesse du flux nerveux dépasse de beaucoup trente mètres par seconde, mais que l'intervalle total qui s’écoule entre certains signaux d’appel et de réponse, implique une durée bien moindre que celle qu’on supposerait. Je vais prouver en un mot que, si nous désignons par D la longueur d’un filet ner- veux depuis la main au cerveau et par d celle du filet nerveux des yeux ou des oreilles au cerveau, nous aurons : Dans la musique instrumentale et dans un allégro ordinaire à quatre temps (par éxemple), il se présente des traits de doubles croches que des exécutants, même de force médiocre, savent rendre avec précision (je ne parlerai pas de ces virtuoses exceptionnels qui parvienuent à rendre avec netteté même des triples croches). Cha- que temps de la mesure, chaque notre a dans ce cas une durée un peu moindre qu’une demi-seconde. Chaque noire valant quatre doubles croches, la durée de l’une de celles-ci est donc au maximum d’un huitième de seconde. Si deux exécutants, ayant à faire le même trait, se devancaient l’un l’autre seulement du quart de la valeur d’une double croche, c’est-à-dire d’un trente-deuxième de seconde, il en résulterait une confusion intolérable à l'oreille la moins sensible, C’est hélas! je le sais, le 118 cas de bien des orchestres! Mais il m’est permis de chercher mes arguments ailleurs que dans ces derniers, et bien qu’à mon grand regret il me faille disséquer sur un chef-d'œuvre en froid mathé- maticien, je n'hésite pas. Le magnifique allegro du onzième qua- tuor, pour instruments à cordes, de Beethoven, commence, on le sait, par un grand trait en doubles croches, exécuté à l’octave sur les quatre instruments. La noire, dans ce fougueux morceau, vaut à peine deux cinquièmes de seconde; la double croche par consé- quent vaut un dixième de seconde au plus. Eh bien, notre admi- rable orchestre du Conservatoire de Paris, encore sous la direction animée et puissante de Habeneck, eut un jour la fantaisie d’exé- cuter cet allegro, avec tous ses instruments à cordes (au nombre de plus de quarante, si ma mémoire ne me trompe). L'ensemble fut tel que, sauf l'immense volume du son, un auditeur qui eût fermé les yeux aurait cru n’entendre qu'uu seul instrument à quatre re- gistres! Habeneck ne s’occupait pas de fractionner le temps comme je le fais ici, mais ce qui est positif, c’est que si, dans les traits, les notes de ses exécutants n’eussent pas coïncidé à un soixantième de seconde près, la cacophonie produite dans son oreille eût excité chez lui une sainte indignation. Cette citation bien comprise dans son ensemble met au jour quelque chose de plus que notre apti- tude à sentir de très-petites fractions de secondes. Pour le faire saisir, je cite d’abord deux genres d’expériences qui ont été faites aussi très-récemment. 1° Le professeur Aeby a déterminé la vitesse de contraction des muscles de grenouilles empoisonnées avec du curare, et il a re- connu que la vitesse de l’onde de contraction est à peine de 1 mètre à la seconde. 20 Le docteur Jaager a déterminé le temps nécessaire pour la plus simple des opérations de notre intelligence : celle de la volition qui suit une sensation. On donnait un signal d’appel, tantôt du côté gauche, tantôt du côté droit de la personne soumise à l’expé- rience; elle devait répondre de la main gauche dans le premier cas, de la main droite dans le second. Tantôt on la prévenait du côté où allait avoir lieu l'appel ; tantôt on donnait celui-ci à limproviste. 119 Dans le premier cas, il s’écoulait en moyenne deux cent cinq mil- lièmes de seconde entre l'appel et l3 réponse; dans le second, il s’écoulait deux cent soixante et douze millièmes de seconde. On en a conclu qu’il nous faut environ soixante-sept millièmes de seconde pour prendre un parti, pour nous décider. d 3° Le même expérimentateur a déterminé aussi le temps qu’il faut (à certaines personnes) pour se décider d’après la vue. On pré- sentait instantanément tantôt un papier blanc, tantôt un papier rouge; la main gauche devait répondre au signal blane, la droite au signal rouge. Lorsque la personne n’était pas avertie de la couleur qui allait paraître, il fallait trois cent cinquante-cinq millièmes de seconde pour répondre; lorsqu'elle était avertie, il n’en fallait que deux cents. On en a conclu qu’il faut ici cent cinquante-cinq mil- lièmes de seconde pour prendre un parti, pour savoir de quelle main répondre. Et maintenant que conclurons-nous de notre côté de ces trois genres d'expériences? Je pense qu’il n’y a pas à hésiter un seul instant. Si l’on se borne à les juger en elles-mêmes, nous dirons tout d’abord qu’elles montrent d’une part à quelle merveilleuse précision s’est élevée de nos jours la science expérimentale, et d'autre part, quel talent ont déployé les observateurs ; nous dirons qu’au cas particulier la vitesse de l’onde de contraction musculaire est de 1 mètre par seconde dans une jambe de grenouille morte ; et qu’à certaines personnes, il faut un temps relativement très-long pour prendre un parti. Que si, au contraire, on avait la prétention de généraliser et de dire que, non-seulement chez tous les êtres doués de nerfs et de muscles, mais même seulement chez une gre- uouille vivante, la vitesse de contraction est aussi d’un mètre; qu’à tous les hommes, il faut un même temps relativement très-long pour prendre un parti, oh! alors, nous dirions que la conclusion touche aux limites du risible et de l’absurde. Et d’abord en ce qui concerne la contraction musculaire, je ne discuterai pas longtemps pour savoir si, d’une jambe de grenouille morte, on a le droit de conclure quelque chose, quant aux muscles d’un animal vivant et à sang chaud, Je prends mon exemple sur le 120 même muscle d’un même être vivant, dans deux conditions diffé- rentes. Je redeviens ici musicien et je prie les généralisateurs de comparer les doigts des deux mains d’un violoniste exercé; ils seront, avec l'artiste lui-même peut-être, stupéfiés de la gaucherie des doigts de la main droite et de la dextérité de ceux de la main gauche. L’aptitude à la contractibilité a ici, par l’exercice, été mo- difiée de un à mille. Si l'artiste s’étudie un peu lui-même physio- logiquement, il reconnaîtra qu’il est tel mouvement des doigts gauches qu’il ne peut pas mème se figurer faire avec ceux de la droite; qu’il est tel mouvement du bras droit dont il croit le bras gauche incapable par sa nature. Il s’agit pourtant ici des mêmes muscles, des mêmes filets nerveux, au service d’une même volonté; et si avec un chronoscope on comparait leur aptitude, on trouverait des différences de un à mille. Et maintenant dirons-nous que la promptitude avec laquelle nous savons prendre une décision est une constante pour tous les hommes ? Dirons-nous que la plus simple des opérations de la cervelle, comme on a appelé dans ces derniers temps l’acte de la volition, coûte un temps relativement très-considerable chez nous tous? Cest ici surtout que la généralisation d’après quelques expé- riences de cabinet conduit à de fausses conclusions. Si l’on pouvait étudier exactement tous les individus à ce point de vue, on trou- verait des différences entre les races, entre les professions, entre les métiers; on ne trouverait peut-être pas deux personnes identiques en tous points. Je prends l'exemple le plus frappant, le plus à la portée de tout le monde. Ne voyons-nous pas l’habitant des grandes villes, le Parisien, par exemple, circuler avec le plus grand calme et en pleine sécurité au milieu de voitures venant en tous sens, avec de grandes vitesses? un son, un coup d’œil ou signal d'appel, est chez lui suivi instantanément du signal de réponse, et il évite le danger sans même avoir l'air d’y songer. L’habitant des cam- pagnes, au contraire, qui chemine seul sur une grande route et qui se trouve tout d’un coup surpris par une voiture lancée au galop des chevaux, hésite, regarde quelquefois d’un air ébahi le 121 danger, et se jette sous les chevaux qu’il veut éviter. Dans cet exemple il n’y a, il est vrai, aucune possibilité d'appréciation, même lointaine, quant à la durée de Pacte de volition. J’en reprends un, d’un ordre plus élevé, que j'ai déjà cité. Des orchestres d’un talent aussi admirable que celui du Conser- vatoire, ou quelques autres que je pourrais citer, savent exécuter à livre ouvert la symphonie la plus compliquée. Ce qui nécessite ici des répétitions réitérées, pour arriver à la perfection, ce n’est pas la difficulté de produire les notes justes et en mesure, sirapidement qu’elles se succèdent : c’est seulement le travail d'intelligence qu'il faut à chaque exécutant pour comprendre la pensée du composi- teur, et pour arriver à la traduire, à la fondre dans Punité de l’œuvre, avec le vrai sentiment qui y répond; mais ce qu’on est convenu d'appeler l’ensemble s’y trouve à la première lecture, et c’est pour cela que je puis parler d’un tel orchestre comme s’il s’a- gissait d’un artiste seul. Voyons cependant ce qui s’y passe à une première exécution. Nous trouverons plus d’une analogie avec les expériences de physiologie des docteurs Jaager, Hirsch, Helmholtz; mais nous y trouverons aussi la plus éclatante réfutation des con- clusions par trop générales, que l’on a voulu tirer de ces expé- riences. En ce qui concerne les exécutants considérés isolément, chaque note à percevoir comme signal d’appel se présente successivement à la vue, avec une rapidité souvent excessive. Dans le trait qui com- mence le onzième quatuor de Beethoven, et dans mainte autre œuvre que je pourrais citer, il en passe dix par seconde. Si, comme dans l'expérience du docteur Jaager, il s’écoulait trente-cinq cen- tièmes de seconde entre le signal de réponse et celui d'appel, l’exé- cutant serait constamment, avec les yeux, d’une demi-mesure en avance sur ses doigts : il suffit d’énoncer un pareil fait pour en faire ressortir l’absurdité à quiconque s’occupe de musique. De- mandez à un exécutant un peu intelligent ce qu’il éprouve en ren- dant sur son instrument les notes qu’il lit : il vous dira qu’il en entend Veffet mentalement au moment même où il les voit, et que l'instrument ne fait que confirmer cette audition. C’est à cette con- 122 dition seule qu’il peut jouer juste : un retard quelconque dans la note produite sur la note entendue mentalement causerait dans sa propre tête une horrible confusion. Si, de chaque exécutant pris en particulier, nous passons à leur ensemble, l’absurdité d’un tel fait devient encore plus criante. Chaque note perçue par la vue de l’un doit, par le signal de réponse, être en concordance parfaite et continue avec la note perçue aussi par la vue de tel ou tel autre exécutant; elle doit ou coïncider avec elle, ou tomber rigoureusement sur telle ou telle subdivision. Com- ment arrive-t-on à un aussi merveilleux résultat dans des orchestres de plus de cent instruments de tous genres? Ce n’est, chacun le sait, en aucune façon la baguette du chef d’orchestre qui suffit. Il faut que chaque exécutant écoute sans cesse tous les autres ; 1l faut qu'il fasse corps, non-seulement avec son propre instrument, mais avec ceux des autres, il faut que les sons, qui lui arrivent en tous sens, servent de signal d’appel en même temps que les notes qui, sur le papier, passent devant ses yeux, et qu’ils déterminent le signal de réponse de manière à ce qu’il y ait une coïncidence par- faite. Et si enfin, de l’ensemble des exécuntants, nous passons au chef d’orchestre, supposé digne de ce nom, nous arrivons à des faits encore plus éloquents, en ce qui concerne la promptitude de la dé- cision. Cet artiste, en effet, est obligé de lire à la fois sur la parti- tion une colonne verticale où se trouvent des quarantaines de notes écrites dans toutes les clefs possibles, pour pouvoir, à l’aide de son propre instrument, remettre dans la bonne voie l’exécutant retar- dataire ou trop pressé : il faut que, chez lui, il y ait instantanéité presque absolue dans le signal d’appel et dans le signal de correction. De tels faits, considérés au point de vue de {a physique, de la physiologie, et j'ajoute maintenant, d’une saine philosophie, sont inconciliables avec cette affirmation : que chez tous les hommes indistinctement, la durée de la volition est aussi immense (j’emploie ce mot à dessein) que celle qu'ont assignée les expériences de M. Jaager; ils sont inconciliables aussi avec des expériences qui assignent au flux nerveux la faibie vitesse de trente mètres par seconde. 123 Les expériences de MM. Schelske, Hirsh, Helmholtz, Jaager, etc., sont en elles-mêmes, je le répète, d’une incontestable exactitude et témoignent hautement, d’une part, du talent des observateurs et, d’autre part, des merveilleux progrès de la science expérimentale. Mais les conséquences qui en découlent, mises en parallèle avec les faits que je viens d’analyser, bien loin d’avoir le caractère général qu’on a voulu lui assigner, prouvent seulement l’abime qui existe entre les aptitudes physiques ou intellectuelles du même homme, selon qu’il les a développées par l'exercice ou qu’il les a laissées s’engourdir. Je me sers avec intention du mot exercice des apti- tudes intellectuelles. Dans cette vie, notre âme, n’en déplaise à cer- tains spiritualistes par trop éthérés, a besoin d’un instrument appro- prié, d’un cerveau, pour agir, c’est-à-dire pour penser : absolu- ment comme elle a besoin des organes des sens pour se mettre en rapport avec le monde externe. Ce que l’école matérialiste appelle, avec autant d’aplomb que d’impropriété, une opération de la cer- velle, est en réalité un acte de l’âme, exécuté à l’aide de la cervelle. En ce sens, cette dernière est susceptible de gagner en aptitude par l'exercice, absolument comme tous nos autres organes. A ce titre, il existe certainement autant de différences entre une cervelle que âme a habituée au travail et celle qui s’est atrophiée par le repos, qu'entre les muscles des doigts qu'un virtuose a habitués à se mou- voir avec la rapidité du son lui-même, et ceux qu’un indolent a toujours laissés en repos. A ce titre, et je l’ai dit hautement déjà dans un autre écrit, nous sommes certainement responsables de l’usage que nous faisons ici-bas de instrument qui nous a été dé- volu, car Cest de cet usage que dépend notre perfectionnement intellectuel lui-même. Mais j'avais dit que je ne parlerais que comme physicien, et voici que je fais de la morale! Dans les diverses publications périodiques où l’on a relaté les remarquables travaux de MM. Helmholtz, Hirsch, Schelske, etc., on a présenté un tableau où se trouvent consignées les valeurs nu- mériques des divers mouvements connus. Je le reproduis ici en partie, pour pouvoir discuter plus clairement ce qu’il est permis ’en conclure. 124 Vitesse de Pélectricité . . . . . . . 464,000,000 mètres par seconde. — delalumière . . . . . . . 300,000,000 — duson dans Pair. . . . .. 340 — de la terre dans son orbite. 30,800 — d’un boulet de canon. . . . 552 — du vol de l'aigle. . . . .. 25 = fhhiduiivent. irc diras 1 à 20 — dela contraction musculaire 1 — de l’agent nerveux. . . . . 26 à 30 La vitesse du flux nerveux se trouve nettement en parallèle avec la vitesse de l'électricité. J'ai commencé par montrer qu’on n’a pas le droit de conclure des expériences publiées jusqu'ici que la pre- mière de ces vitesses ne soit que de trente mètres à la seconde; puis, j'ai démontré, en partant de mes propres expériences et d’argu- ments fondés sur la discussion d’un grand nombre de phénomènes physiologiques bien connus, que cette vitesse est en tous cas beau- coup plus considérable; mais je n’ai fixé aucun nombre précis et je me suis borné à faire prévoir une limite inférieure. Je dis une limite inférieure. Il n’est en effet pas nécessaire d'admettre une vitesse excessive pour se placer dans toutes les conditions des phé- nomènes que j'ai examinés ; bien loin de là; et tous les arguments que j'ai fait valoir seraient satisfaits par l’existence d’une vitesse minima de mille mètres au plus par seconde. Supposons donc que des expériences soient conduites de manière à constater l’intervalle réel qui s’écoule entre l'instant où une impres- sion est faite à l’extrémité de l’un de nos nerfs et celui où l’impres- sion se manifeste à nous comme sensation; supposons que ces expé- riences indiquent une vitesse s’élevant au plus à mille mètres. Cette vitesse sans doute serait trente-cinq fois supérieure à celle du tableau ci-dessus ; mais elle resterait encore inférieure à celle qui est cotée comme appartenant à l'électricité. Les physiciens qui partent d’une semblable comparaison seraient en apparence encore en droit de dire : ce n’est point l’électricité qui est en jeu dans le système nerveux. Je dis en apparence. Je vais en effet prouver maintenant que de pareilles comparaisons sont aussi vicieuses en 125 principe que fausses dans les conséquences qu’on en voudrait tirer. Je suis tout d’abord obligé de rectitier une idée fausse qu’ont, non les physiciens au courant des lois de l'électricité, mais les per- sonnes qui ne possédent que des notions superficielles des sciences exactes. La lumière, la chaleur rayonnante ont une vitesse finie de propagation d'environ 75,000 lieues par seconde à travers les espaces stellaires et à travers les corps diaphanes et diathermanes. Il n’en est aucunément ainsi du phénomène que nous devons appe- ler le rétablissement de l'équilibre électrique. Le mot de vitesse est impropre ici, en ce sens que, selon le point de vue où l’on se place, la vitesse est ou infinie ou variable. Je m'explique. Si, à l’une des extrémités d’un conducteur bien isolé, de section uniforme et indéfiniment long, nous déterminions subitemént une rupture de l'équilibre électrique, et si nous disposions d’un appa- reil indéfiniment sensible de vérification, nous constaterions qu’à l’autre extrémité du conducteur, 1l se manifeste aussi, @ l'instant même, une rupture dans cet équilibre. Mais ce que nous appelons la tension électrique, et ce qui dépend de la quantité d’équilibre rompue, est une fonction du temps, c’est-à-dire qu’elle croît suc- cessivement. Si, comme on l’a fait réellement, on voulait mesurer la prétendue vitesse de l'électricité en partant de l’apparition de l’étincelle électrique aux deux extrémités du conducteur, on trou- verait nécessairement un intervalle sensible, quoique très-court, même avec un conducteur extrêmement long ; car il faut une ten- sion finie très-grande pour qu’une étincelle puisse éclater à travers l'air, par exemple. Mais on trouverait alors que cet intervalle dé- pend : 1° De la section du conducteur: il serait d’autant plus court que cette section serait plus grande; il serait en raison inverse du carré de cette section. 2° De la nature du conducteur : les métaux sont les meilleurs de tous les conducteurs; l’eau l’est beaucoup moins déjà ; les matières organiques, le bois, les membranes (cordes de boyaux, tendons, etc.) le sont relativement excessivement peu. Si nous partons de la propagation d’une rupture d’équilibre indé- finiment faible, le mouvement électrique n’est donc pas plus sou- mis aux conditions finies du temps et de l’espace que ne l’est la 126 propagation de la cause de la pesanteur, de la gravitation univer- selle. Si, au contraire, nous partons d’une rupture d’équilibre finie, le mouvement a lui-même un caractère fini. Maïs alors encore : 1° nous pouvons toujours concevoir, même un mauvais conducteur, comme pourvu d’une section suffisante pour que la vitesse de pro- pagation du flux électrique soit indéfiniment grande : c’est ainsi que l’un des conducteurs de nos télégraphes est la terre elle-même, qui cependant par sa nature est presque un isolant, mais dont la section indéfinie compense le défaut de conductibilité ; 20 et nous pouvons toujours aussi concevoir même un parfait conducteur (or, argent, cuivre), comme doué d’une section suffisamment petite pour qu’il faille un temps sensible à la propagation, ou pour mieux dire, à la manifestation d’une tension sensible d’une extrémité de ce conducteur à l’autre. On voit combien est vicieuse cette expression de vitesse de l’é- leciricité, on voit quel nou-sens on commet quand on prétend lui assigner une valeur fixe et finie. La fin de cette digression nous a ramené en plein dans notre sujet. Les nerfs n’ont absolument point de ressemblance avec nos fils télégraphiques sous-marins ‘. Ils consistent en un tube protec- teur, ou gaine, rempli d’un corps isolant (liquide visqueux et gras), au centre duquel se trouve le filet nerveux proprement dit (cylinder axis). Mais même à ce point de vue déjà, ils ressemblent à ce con- ducteur d’une finesse excessive dont j'ai parlé ci-dessus, et dans lequel, füt-il un métal, la tension électrique mettait un temps sen- sible à varier d’une manière sensible d’une extrémité à l’autre : le diamètre du tube nerveux n'étant au plus que de 0 ", 00001, celui du filet central est en tous cas encore bien plus faible. De plus, bien loin d’être assimilable à un métal excessivement bon conducteur, le filet central constitue, au point de vue électrique, un conducteur des plus imparfaits. Remarquons maintenant qu'aucune partie de l'organisme de 1 Voyez le beau livre du docteur Luys : Anatomie du système cerébro-spinal. 127 l'être vivant ne peut être, même de loin, assimilée à cet appareil indéfiniment délicat capable de constituer une rupture d’équilibre indéfiniment faible. Il faut une incitation nerveuse finie pour dé- terminer dans un muscle une contraction finie. Il faut une somme finie d’impressions pour qu’on puisse éprouver une sensation dou- loureuse ou agréable. Je conclus donc que si l'électricité est effec- tivement l’agent nerveux : « Il est de toute impossibilité que le flux nerveux ait, sous forme « sensible et finie, une vitesse égale à celle d’une rupture sensible et « finie d'équilibre électrique dans un conducteur métallique. » Et pour résumer tout ce travail, je conclus : 1° Que la vitesse du flux nerveux est en tous cas de beaucoup supérieure à celle qu’on lui a assignée dans ces derniers temps. 2° Mais que cette vitesse, en appliquant à ce mot toutes les res- trictions que j'ai posées en parlant du mouvement électrique, ne peut-être que très-inférieure à celle qu’ona, sous forme générale et faussement, prétendu assigner au flux électrique. 3° Que par conséquent des expériences bien conduites et bien raisonnées, qui assigneraient au flux nerveux une vitesse même très-réduite, ne prouveraient en aucune façon que ce n’est point l'électricité qui est l'ÉLÉMENT DYNAMIQUE en jeu dans le système ner- veux. J'ajoute maintenant que les magnifiques travaux de M. du Bois- Reymond ont mis hors de doute que &’est bien réellement l’électri- cité qui est l’agent nerveux ; mais ils ont démontré, tout aussi posi- tivement, que les nerfs, par leur structure, constituent déjà par eux- mêmes des appareils électriques tout-à-fait particuliers et qu’on ne peut Les assimiler à de simples conducteurs ordinaires plus ou moins imparfaits formés de matières homogènes. Toutefois le progrès qu'a fait faire à la science cet éminent observateur est trop grand pour que je puisse me permettre de le résumer en quelques mots, et je ne puis que renvoyer à l'ouvrage capital où se trouvent eXposés ces travaux. G.-A. Hirx. Logelbach, près Colmar, 2 février 1867. EXPLICATION D'UN PROFIL GÉOLOGIQUE DE L'ANGLETERRE INTRODUCTION. Par une circonstance bien digne de remarque, le pays où les for- mations secondaires avaient été d’abord le mieux caractérisées par leurs relations stratigraphiques, leurs roches et leurs fossiles, fut aussi celui où, 35 ans après, les formations plus anciennes du terrain de tran- sition ont été séparées et distingnées pour la première fois. Dans l’un et l’autre cas les vues étaient si justes et si bien adaptées aux faits, les résultats si frappants et d’une application si facile, que l’Europe d’abord, les autres parties du globe ensuite, vinrent, au fur et à mesure des découvertes, se ranger dans ce cadre si heureusement tracé, et ce fut ainsi qu'une île d’une médiocre étendue devint comme le berceau de la plus grande partie de la science moderne. Il était donc rationnel de regarder l’expression graphique de la constitution du sol de ce pays comme la base fondamentale de toute exposition d'ensemble de la géologie stratigraphique. C’est pourquoi nous priâmes sir R. Murchison, directeur général du Geological a la Mer du Nord, { ETHERIDGE . A Ê £ £ è er Détroit ; 5 5 Êr GRoupEite Argiles schisteuses et Grès de Wentocr. F. A [A « Wentock à : (EDS Menai ES è Lo ah # DEA Groupe Ste ] Caradoc el : ECS nl Syst p ï Calcaires de’ Bala 40 (GA ° va LS ii D 0e w à ae w “one s ai A : no \ His & À ê S A: Û $ 116 ! & il LU Lo Ÿ È ï © = 1 as Lee == Re PURE ET TILL PETITE RL N DL TC OL EE RC) ï ï : B -& Lias inférieur et moyen Groupe \y 4 Necdham Market Aldborough Mer du Nord Formation tertiaire inf" D fufféau” et, (raie blanche { Plastie claÿ el London-cla) Peris. Imp. Becquet, Profil école sique de l'Angleterre du Detroit de Menai a la Mer du Nord, d'après sir RL MURCHISON Bart et M.M. RAMSAY et ETHERIDGE . Moelwyn Aran Mowddwy Croipe de Agiles schesteures et Grès da Wenlock H'entack 3 ai £ Système Gmbrien Groupe dn Potsdam Groupe de dd Carado : Centres de Bala T : Ë È J à A È Syrtènte À ainbonifer < à S ÈŸ —_—_— au À ras S pins FES ES ER RERES Dr nr RE LÉ KR 0 TE Por L trinsique Line inféneun eb moyen Groupe Hamlingham guüternain, (7 jen Gothique superieur … Crée vert inférieur Gal Grès verb vuperieur. Craiel tuffrau’et Craie Manche Formation tertiaire üf'® {Plastie'clay london elay] 129 Survey de la Grande-Bretagne, de vouloir bien faire compléter, pour les parties centrale et orientale de l’Angleterre, la coupe si intéres- sante qu’il avait placée au bas de sa carte de Siluria. La portion de cette coupe qui traverse le Shropshire étaït due à ses propres re- cherches, celle qui se prolonge vers l’ouest-nord-ouest, à travers le pays de Galles jusqu’au détroit de Menai, résultait plus particuliè- rement des études de M. Ramsay, il restait donc à continuer la coupe du côté de l’est, jusqu’à la mer du Nord, pour avoir ainsi la série des terrains d’une île de l'Atlantique que son heureuse disposi- tion avait comme prédestinée à servir de criterium géologique pour le reste de la terre, et c’est ce que M. Etheridge a eu l’obligeance de faire en notre faveur. Mais le but que nous nous étions proposé d’abord n’ayant pu être atteint, par suite de quelques difficultés survenues dans la pu- blication du livre auquel ce travail était destiné, et qui a dû paraître sans les planches qui devaient l’accompagner d’abord, nous n’avons pas voulu que ce profil, qui pouvait être regardé à bon droit comme classique, fût perdu pour l'instruction des personnes désireuses de s'initier aux éléments de la géologie stratigraphique. Par cela même qu'ilest l'expression naturelle des faits, il est infiniment préférable à ces tableaux soit disant {héoriques qui, avec la prétention de repré- senter la composition et l’écorce terrestre, n’en sont en réalité que la caricature, aussi avons-nous accepté avec empressement la publicité que voulait bien nous offrir la Société Linnéenne de Maine- et-Loire. Ce profil qui passe par les points les plus intéressants et les mieux déterminés, met dans une évidence parfaite les relations de tous les dépôts sédimentaires de l’Angleterre, depuis les plus anciens jus- qu'aux plus récents, dans leur ordre naturel de succession, de l’ouest- nord-ouest, à l’est-sud-est. C’est surtout la portion comprise dans le Shropshire et le pays de Galles, embrassant les divers systèmes du terrain de transition, qui est de beaucoup la plus importante et la plus originale; aucune autre en Europe ne pourrait lui être com- parée. Celle du centre et de l’est doit plutôt son mérite à sa position relative par rapport à la précédente qu’à elle-même, d’autres ré- IX. 9 130 gions du continent offrant des séries de ces formations plus complètes encore. La netteté des relations des divers terrains, systèmes ou formations, groupes et étages, est telle que cette coupe s’explique pour ainsi dire d'elle-même et pourrait se passer de tout commentaire; nous croyons cependant que quelques détails, surtout pour le terrain de transition, qui chez nous est le moins généralement connu, en feront encore mieux ressortir l'intérêt et l’utilité. Nous procéderons, dans son examen, de gauche à droite ou de l’ouest-nord-ouest à l’est-sud- est, en remontant la série des terrains des plus anciens aux plus ré- cents. Nous renverrons d’ailleurs pour plus de détails sur ces divers sujets au texte mème du livre où ce profil devait être inséré *. TERRAIN DE TRANSITION, SYSTÈME CAMBRIEN. Dans l’ouest de l'Angleterre les roches primaires cristallines qui servent de substratum naturel aux roches cambriennes, n’apparais- sent nulle part; celles-ci, quoique décrites d’abord dans le pays de Galles, montrent mieux, vers le haut, dans le sud-ouest du Shropshire où elles constituent les collines de Longmynd, leurs rapports strati- graphiques avec les roches siluriennes inférieures. Aussi est-ce dans cette petite région que nous les mentionnerons d’abord (voyez l’ex- trémité de droite de la première ligne de la coupe et le commence- ment de la seconde). Les couches les plus basses, inclinées de 60° à l’ouest-nord-ouest, sont composées, dans leur partie orientale, de schistes luisants peu solides, de schistes argileux avec quelques lits minces de calcaires siliceux subordonnés, et des roches dioritiques ou trappéennes y sont intercalées. Au-dessus viennent des grès siliceux, des roches grises schisteuses, dures, verdâtres, rougeûtres avec des veines de quartz. 1 Géologie et Paléontologie, 1"° partie, histoire comparée, 2° partie, science moderne, in-8°, 1866. F. Savy, éd., rue Hautefeuille, 24. 131 À ces grès en succèdent d’autres, puis des conglomérats, et enfin des schistes gris dont les plus élevés ou les plus occidentaux plongent très-régulièrement sous une crête rocheuse désignée dans le pays par le nom de S#per-stones et avec laquelle commence seulement la série silurienne. L’épaisseur du système cambrien en ce point serait d’environ 8400 mètres, aucun plissement n’ayant été observé dans les strates qui plongent invariablement dans le même sens. Une autre coupe a montré un développement de 7192 mètres sans laisser apercevoir non plus une seule couche calcaire. La coupe montre la position des schistes de Longmynd, s’appuyant à l’est contre les roches éruptives de Caer-Caradoc, en l'absence du groupe de Llandeïlo qu’une faille a laissé dessous, tandis que plus à l’ouest les roches quartzeuses des S#iper-stones, les schistes à Lingules du groupe de Potsdam, les dalles de Llandeïlo, traversées par des roches ignées, etc., leur succèdent régulièrement. Dans le pays de Galles les schistes de Llamberis fournissent de temps immémorial les ardoises les plus estimées de l'Angleterre ; ils alternent avec des grès, et des roches ignées y sont intercalées. Ce sont, avec les grès d’Harlech et les schistes cristallins chloriteux, micacés et quartzeux d’Anglesea, dont l’état est dû à un métamor- phisme subséquent, les roches les plus anciennes de l’ouest de l’An- gleterre. La coupe fait voir comment elles supportent le massif silu- rien inférieur du Snowdon. On observe dans les roches de cette période, plus fréquemment que dans aucune autre, ce que l’on appelle des plans de clivage ou divisions très-régulières, parallèles entre elles etsans aucun rapport avec celles de la stratification originaire. Quels que soient les plisse- ments et les contournements que les couches aient éprouvés, le clivage n’en est nullement affecté et résulte d’un phénomène évi- demment plus récent. Ce n’est qu’en 1854 que M. Salter découvrit dans ce système quelques traces de corps organisés. C’étaient des cavités cylindriques ressemblant à des trous d’annélides arénicoles (Arenicola didyma), une empremte douteuse de trilobite (Palæopyga Ramsayi), quelques 132 rudiments de végétaux marins rapportés à des fucoïdes, et, dans les schistes rouges endureis de Bray-Head au sud de Dublin ainsi que dans le comté de Wicklow, des empreintes appelées par Ed. Forbes Oldhamia antiqua et radiata. En en décrivant une nouvelle espèce (O. discreta), M. Kinahan les rapporte à des sertulariées et signale des traces d’annélides (Histioderma hibernicum). Ce qui manquait aux caractères stratigraphiques du système cam- brien en Angleterre, fut découvert par sir R. Murchison en 1856 sur la côte nord-ouest de l'Écosse, dans les comtés de Ross et de Sutherland. Il y vit le gneiss primaire recouvert, à stratification dis- cordante, par des conglomérats et des grès bruns, pris d’abord pour le vieux grès rouge, mais surmontés transgressivement aussi, par des quartzites et des calcaires cristallins remplis de fossiles du groupe silurien de Landeïlo. SYSTÈME SILURIEN. Groupe de Potsdam. Si nous nous reportons aux collines de Longmynd dans le Shropshire, nous verrons que, dès ses premiers travaux, M. Murchison regardait la crête dentelée, ruiniforme des Stiper-stones, composée de roches quartzeuses et dirigée nord-nord- est, sud-sud-ouest, comme la base de son système silurien, et le séparant des schistes cambriens sous-jacents avec lesquels elles sont d’ailleurs parfaitement concordantes. Ces roches, d’une épaisseur d’environ 300 mètres, désignées aussi sous le nom de dalles à Lingules (Lingula flags), plongent comme les précédentes, offrent de nombreuses tubulures, peut-être de Sco- lithus linearis, ainsi que des Lingules, les plus anciens mollusques brachiopodes, jusqu’à présent connus. Les grès de Tremadoc (pays de Galles) renferment en outre des trilobites dont les genres sont presque tous propres à cet horizon (Agnostus pisiformis, Olenus micrurus, Paradozxides Forchhammeri), et ces corps ou empreintes d’origine douteuse, signalés dans d’autres pays sous le nom de Bilobites (Cru- ziana où Fræna). Dans la même région du pays de Galles, une assise plus élevée de schiste gris foncé ou noirâtre a présenté, avec les fos- 133 siles ci-dessus, les genres de trilobites, Conocephalus, Ellipsoce- phalus, et V'Olenus alatus, qui se trouve aussi dans les couches con- temporaines de la Scandinavie, un petit orthis et un bryozoaire ? Graptopora socialis. Groupe de Llandeilo. Dans le Shropshire on trouve au-dessus des assises précédentes des couches un peu micacées, des dalles grises brunissant à l’air, alternant avec des schistes plus foncés d’une épaisseur totale de 1000 mètres. La Linqula plumbea, la Cucullæa? anglica, la Redonia complanata, Y Orthoceratites Avelinüü, la Theca simplex, l'Æqlina binodosa, le Trinucleus Murchisoni, le Didymograpsus geminus en sont les principaux fossiles. Une seconde assise de roches schistoïdes, gris foncé et bleu clair, calcarifère, constitue la partie principale du groupe et renferme sur- tout de nombreux trilobites (Asaphus, Ogyqia, Agnostus, Trinu- cleus, Calymene). Autour de Llandeilo (Caermartenshire), les couches sont surmontées par des strates représentant le grès de Ca- radoc du Shropshire. Il en est de même dans le pays de Galles où les couches de cendres volcaniques intercalées sont devenues des roches porphyriques. A la base du Snowdon et de Cader-Idris, les fossiles ont presque disparu par suite de la grande quantité de produits ignés qui accompagnent les schistes. Les Graptolites, sortes de tige ou rachis, droit ou courbe, simple ou bifurqué, portant sur l’un des côtés ou sur tous deux, des dentelures régulières, symétriques et parais- sant provenir de quelques bryozoaires, sont particulièrement répan- dus dans ces diverses assises. Groupe de Caradoc. Dans le Shropshire le grès de Caradoc, ainsi nommé de la petite chaîne de collines dont il forme la pente, se montre à l’est de Stretton, appuyé directement contre des roches ignées amphiboliques et feldspathiques, une faille de près de 600 mètres, suivant M. Ramsay, ayant abaïssé en ce point les couches de Llandeilo. Les grès sont des psammites brunâtres, ferrugineux, plongeant à l’est, et recouverts par toute la série silurienne supé- rieure. Ceux de la base renferment quelques bancs calcaires subor- donnés, et de nombreux fossiles à l’état de moules et d'empreintes. Lestrilobites etlesbrachiopodesy dominent (Calymene Blumenbachü, 134 Homalonotus bisulcatus, Phacops truncatocaudatus, P. apiculatus, Trinucleus seticorms, Tentaculites anglicus, Orthis testudinarra, O. vespertiio, Strophomena tenuistriata, S. grandis, Bellerophon bi- lobatus, ete.) Le Trinucleus Caractaci s’observe dans toute la série. Les argiles schisteuses supérieures renferment particulièrement le Trinucleus concentricus, le Leptæna sericea, Y Orthis elegantula. Dans le pays de Galles les calcaires de Bala et la partie supérieure du Snowdon, regardés d’abord comme fort anciens, ne sont en réa- lité, par leurs fossiles comme par leur position stratigraphique, que le prolongement des couches de Caradoc (voyez le commencement de la première ligne de coupes). Roches ignées. Un caractère très-remarquable du système silurien inférieur de l’ouest de l'Angleterre, que notre coupe met dans tout son jour depuis le Snowdon jusqu’à Caer-Caradoc, est la présence des produits ignés au milieu des dépôts de sédiment. M. Murchison insiste avec raison sur les résultats de deux phénomènes distincts, l’un ayant amené les roches pyrogènes intercalées régulièrement entre les couches fossilifères et en étant contemporaines, l’autre des roches massives interrompant et coupant la stratification de ces dernières. Les unes et les autres présentent de nombreuses variétés. Les produits stratifiés ou cendres volcaniques endurcies, comme les désigne l’auteur, alternent jusqu’à 17 fois avec des roches de sédiment sur un espace d’un kilomètre, et semblent résulter d’érup- tions qui se seraient faites au fond de la mer, comme ces îlots volea- niques temporaires qui, de nos jours encore, surgissent non loin des volcans en activité. Les roches ignées massives sont dioritiques, à gros où à petit grain, prennent un aspect basaltique ou de #app, nom sous lequel elles sont souvent désignées, et ont traversé les couches de grès ou de schistes modifiés à leur contact. La coupe du Snowdon que nous avons reproduite d’après celle de M. Ramsay, est un exemple très-instructif de cette classe de phénomènes. Groupe de Llandovery. Ce groupe dont la place est seulement indiquée dans notre coupe, parce que c’est au nord-est de Llandeilo qu’il est le mieux développé au-dessus du précédent, est caractérisé par certains brachiopodes (Pentamères), qui ne se montrent ni au- 135 dessus ni au-dessous. Son développement est d’ailleurs très-variable. Dans le Radnorshire, le Shropshire, le Herfordslfire, l’assise supé- rieure est surtout signalée par les Pentamerus oblonqus et lens , la Rhynchonella decemplicata , le Strophomena compressa , ete., associés avec quelques espèces de la division silurienne inférieure, un assez grand nombre de la supérieure et quelques unes enfin qui se montrent dans toutes deux. Groupe de Wenlock. Les dépôts de la division silurienne supé- rieure présentent des matériaux presque partout semblables aux précédents; ils suivent constamment en outre la même direction, et se conforment aux ondulations des couches sous-jacentes, toujours à stratification concordante. Dans le pays de Galles, les caractères pétrographiques sont à la vérité différents, mais les mêmes fossiles règnent partout. L’assise inférieure ou calcaire de Woolhope est subordonnée à des argiles schisteuses noires, reposant sur le grès à Pentamères. Le point le plus intéressant où ces couches puissent être observées, est la vallée elliptique de soulèvement, située à l’est d’Herford, à une assez grande distance à la vérité au sud du tracé de notre profil. Le calcaire dont nous parlons recouvre, sur son pourtour, le dôme central formé par le grès de May-Hill ou de Llandovery, et plonge sous les argiles de Wenlock avec leurs calcaires subordonnés, lesquels dis- paraissent à leur tour sous les diverses assises du groupe de Ludlow, tandis que la base du vieux grès rouge, qui occupe tout le pays en- vironnant, circonscrit la série silurienne supérieure. L’Homalonotus delphinocephalus, et le Bumastus barriensis sont les trilobites domi- nants de cet horizon. ' Ce calcaire n’est en réalité qu’un accident subordonné aux argiles schsteuses ou marnes argileuses de Wenlock, particulièrement dé- veloppées sur les bords de la Severn, près de Coal-Brook-Dale ; il suit tout l’escarpement de Wenlock-Edge (voyez la coupe), et se continue au sud dans les collines de Malvern, vers Woolhope, ete., avec une épaisseur moyenne de 170 mètres. L’assise supérieure ou calcaire de Dudley se voit nettement le long de cette même crête de Wenlock-Edge, et dans les Malvern. 136 C’est un calcaire en bancs épais, sub-cristallin, d’un gris plus clair que celui de Woolhope. Il s'élève en une sorte de dôme au nord de Dudley, pour constituer la colline qui porte le château et celle de Wren’s-Nest, entourée par le groupe houiller. Dans cette région l'épaisseur du groupe dépasse quelquefois 300 mètres, mais dans le pays de Galles, où il est dépourvu de calcaire, il atteint une puis- sance double. Les corps organisés extrêmement répandus et connus de temps immémorial sous le nom de fossiles de Dudley sont surtout, parmi les polypiers, des Favosites (F. cristatus, gothlandicus, alveolaris et oculatus), des Héliolithes (Æ. fubulatus, petaliformis, interstinctus), le Stenopora fibrosa, le Syringopora bifurcata, et, parmi ceux qui portent des calices étoilés, les Cyathophyllum articulatum et trunca- tum, V Acervularia ananas, etc. Parmi les crinoïdes, le Periechocrinus (Actinocrinus) monhformis recouvre les plaques calcaires de ses innombrables articulations détachées. Les mollusques céphalopodes y présentent fréquemment des Orthoceratites (O. annulatum et Brightü) ; les hétéropodes, la Conularia Sowerbyi;les gastéropodes, les Euomphalus sculptus, discors, funatus et rugosus. Lestrilobites très-multipliés aussi, sont représentés surtout par le Calymene Blu- menbachü, le plus anciennement signalé de ce type de crustacés. Groupe de Ludlow. Dans les psammites calcarifères inférieurs se trouve encore ce même trilobite, puis l’Asaphus où Phacops longi- caudatus non moins caractéristique de toute la formation. Les Graptolites priodon ou ludensis sont également fréquents ici comme la Cardiola interrupta et la Murchisonia Lloyd. Des onze espèces de céphalopodes à cloisons simples du genre Orthocératite quelques unes se montraient déjà au-dessous et d’autres se continuent au- dessus de ce niveau, puis viennent des Lifutes ou des Phragmo- ceras, types modifiés du précédent. Le calcaire d'Aymestry, terreux, d’un aspect sub-cristallin, en banes de 0",30 à 1",50 d'épaisseur, est développé seulement sur quel- ques points du Herfordshire et du Shropshire, à Sedgeley, près Dud- ley, et à Aymestry. Les fossiles les plus fréquents sont : le Penta- merus Knighti, la Rhynchonella Wilsoni, la Lingula Lewist, le 137 Strophomena euglypha, V'Atrypa reticularis, le Bellerophon dila- tatus, la Pterinea (Avicula) Sowerbyi. Les psammites calcarifères supérieurs constituent un sous-étage assez compliqué de bancs sableux, renfermant plus de calcaire que les précédents, un peu micacés, bleuâtres à l’intérieur et brunä- tres au dehors. Les brachiopodes y montrent des espèces variées, mais les polypiers sont rares. Des Orthocératites de grandes dimen- sions sont encore celles des autres assises du groupe. Parmi les tri- lobites, l’Aomalonotus Knighti est l'espèce la plus répandue qui atteint parfois une très-grande taille. Le Phacops caudatus, En- crinurus punciatus et le Calymene Blumenbachii viennent s’y éteindre. Ce niveau est le plus bas où l’on ait encore trouvé avec certitude des restes de vertébrés de la classedes poissons et des traces de plantes terrestres. Jusque-là, tous les animaux appartenaient aux inverté- brés et les végétaux à des plantes marines. Par leur accumulation, les premiers forment un lit composé de carbonate et de phosphate de chaux, de fer, et de matière bitumineuse disséminée. Des coquilles et le Péerygotus problematicus, crustacé du groupedes enryptérides, s’y montrent également. Enfin, on désigne sous le nom de #/e-stone la dernière couche de la formation silurienne, dont l'épaisseur ne dépasse pas 5 mètres. Placée d’abord à la base du vieux grès rouge, la roche se divise en dalles quelquefois rougeâtres avec la Lingula cornea qui se trouve aussi plus bas, un crustacé, des épines de poissons, et une espèce du genre Péeraspis. À Bradnor-Hill, près Kington, on voit, au-dessus de la couche à ossements, plusieurs bancs fossilifères qui justifient la réunion de cette petite assise au groupe de Ludlow. Sur d’autres points, on y a trouvé la Lingula cornea, le Trochus hel- cites, plusieurs espèces de poissons (Onchus Murchisoni, Cephalaspis ornatus, Auchenaspis Salteri, Plectrodus mirabilis), des crustacés, (Beyrichia Klædeni, Eurypterus pygmœæus) etle gigantesque Ptery- gotus anglicus qui, suivant M. Salter, n'avait pas moins de 2",10 à 2*,40 de long, avec une largeur et une épaisseur proportionnées. 138 ÉPAISSEUR DES SYSTÈMES SILURIEN ET CAMBRIEN. Les évaluations faites par les savants attachés au Geological- Survey de la Grande-Bretagne, relativement à l’épaisseur des cou- ches de transition, ont donné les résultats suivants pour les deux plus anciens systèmes : Système cambrien du Shropshire (schistes de HORS Y AO). PL MONTANT AE 7900 mètres. (Dans le pays de Galles, cette épaisseur est trois fois moindre). De la base des Stiper-stones au sommet du groupe de Llandeïlo.......... PR RO MT 4256 — Groupe de CarAdoc? INTER PET RERMENNE 1216 — Epaisseur du groupe silurien inférieur... 5472 mètres. Dans la région nord-ouest du détroit de Menai : Groupes siluriens inférieurs. .... PP 5776 mètres. Groupe de Llandovery ............... 600 à 900 — Groupes supérieurs ....,4.4% ses. 1500 à 1800 — On voit, dit sir R. Murchison, que, malgré cette énorme épaisseur du plus de huit kilomètres qu’atteignent les couches siluriennes dans les Iles Britanniques, les fossiles n’y ont pas offert un plus grand nombre d’espèces que dans celles d’autres pays, de la Scandinavie, par exemple, où leur puissance totale ne dépasse pas 600 mètres. La richesse et la variété des faunes sont donc complétement indépen- dantes de l'épaisseur des dépôts, laquelle ne peut servir à mesurer le temps que d’une manière très-relative. PALÉONTOLOGIE. Le tableau que nous avons dressé en 1859 de la faune silurienne d'Angleterre montrait quelle y avait été la marche des phénomènes biologiques pendant cette période. Cette faune, moins riche d’ail- leurs que celle de la Bohème et de la Scandinavie, présentait, vers le 139 milieu de la période, deux maxima de développement, séparés par un affaiblissement du mouvement vital, et, à chaque extrémité, deux minima également comparables. Aïnsi, de 934 espèces d'animaux réparties dans 238 genres, 17 seulement apparaissent dans les couches à Lingules, les plus basses de la série ; c’est le premier minima. Le groupe de Llandeilo, qui vient ensuite, en renferme 103, et celui de Caradoc ou de Bala, 332 ; c’est le premier maxima. Dans le groupe intermédiaire de Llandovery, le nombre des espèces s’abaisse à 193; il se relève à 322 dans celui de Wenlock, second maxima, pour diminuer en- core dans celui de Ludlow à236, et retomber à 20 seulement dans le #le-stone ou second minima, qui précède à son tour un nouveau développement de la vie, celui de la période dévonienne. Ces modifications dans la richesse de la faune ne se reproduisent pas de la même manière lorsqu'on vient à considérer séparément les classes, les ordres et les familles. C’est ce que nous avons fait voir en suivant, dans les divers termes de la série, le développement comparé des polypiers, des crustacés, des brachiopodes et des cé- phalopodes. Si l’on envisage maintenant la distribution des espèces communes à plusieurs étages, on trouve que sur 198, ou un peu moins du quart du total, 128 espèces sont communes à deux étages, 53 à trois, 15 à quatre et 2 seulement à cinq (Stenopora fibrosa, Orthis ele- gantula) depuis l'étage de Llandeïlo jusqu’à celui de Ludlow. De sorte qu'aucune espèce connue n’a vécu pendant toute la période silurienne. Cette marche inégale du développement de la vie pendant tout ce temps dans les mers qui occupèrent l'emplacement actuel de l'An- gleterre n’est nullement une circonstance particulière à cette période et à ce pays; c’est, au contraire, la règle de tous les temps et de tous les lieux. Partout, nous trouvons des oscillations analogues, et par- tout, la preuve qu’il n’y a point eu de destruction complète de toute une faune à un moment donné, ni ensuite création d’une faune en- tièrement nouvelle. 140 SYSTÈMES DÉVONIEN, CARBONIFÈRE ET PERMIEN. Dans le prolongement de notre coupe vers l’est, les autres sys- tèmes de transition qu’elle rencontre ont beaucoup moins d’impor- tance que les précédents; aussi, nous bornerons-nous à quelques indications sur leurs caractères locaux. Système dévonien. — Ce système se présenteici soussa forme primi- tive la plus simple, celle sous laquelle il fut longtemps connu et que l’on désignait par l’expression de vieux grès rouge (o/dred sanstone). Ses couches les plus basses passent, comme on vient de le dire, aux dernières assises du groupe de Ludlow, dont quelques fossiles se trouvent encore dans le #le-stone. Cet ensemble de grès ou de roches rouges, compris dans le Caemartenshire et le Herefordshire, entre les dépôts siluriens et carbonifères, n’a pas moins de 3000 mètres d'épaisseur. Quant à sa composition, la coupe des collines, depuis la Trewerne jusqu’au grand bassin houiller du pays de Galles, près d’Abergavenny, montre, versle bas, des argilesrouges, vertes, avec des plaques solides, des silex cornés et des grès blanchâtres, et, dans la partie moyenne qui est la plus importante, des argiles rouges, vertes, des marnes, des bancs argileux, alternant avec des bancs de grès très-puissants, des calcaires terreux, verts et rouges (corns- tones), et enfin, vers le haut, des grès gris, brun jaunâtre, à grain fin, micacés, en plaques, et, accidentellement, des conglomérats qui bordent et limitent le bassin houiller. Ici, comme dans les assises contemporaines de l'Écosse, on n’a guère observé Jusqu'à présent que des restes de poissons (Cephalas- pis Lyelli, Pteraspis Lloydii, P. Banksü), le grand crustacé désigné sous le nom de Pterygotus giqas, Y'Eurypterus Symondst, de Row- lestone, une espèce de poisson remarquable du genre Péerichthys, puis d’autres des genres Onchus et Ptychacanthus. Système carbonifère. — Bien que la coupe ne traverse les dépôts carbonifères que sur une très-faibleétendue dans les Titterstone-Clee- Hills, à l’est de Ludlow, ce point, très-bien décrit par M. Murchi- son, suffit pour nous donner une idée de la composition et de la 141 situation du système qu’on voit reposer sur le grès rouge qui le circonscrit de toute part comme constituant le fond du bassin. Ses trois groupes, calcaire carbonifère, muallstone-grit et groupe houiller, y sont nettement caractérisés, et, de plus, ce der- nier est recouvert, particulièrement dans le petit bassin de Corn- brook, par une vaste nappe basaltique ou trappéenne, que l’on a percée çà et là pour atteindre les couches de charbon. Le calcaire carbonifère y présente ses fossiles habituels, entre autres : le Pro- ductus Martini, les Sptirifer bisulcatus, cuspidatus, distans, octo- plicatus, de nombreux crinoïdes, un remarquable ichthyodorulite désigné sous le nom de Céenacanthus tenuistriatus, Agass. Le système permien n’est point rencontré par notre coupe ; il n’af- fleure qu’à une certaine distance au nord des collines d’Abberley où sans doute, par suite d’une faille en rapport avec la roche ignée de cette localité, il aura été abaissé au-dessous du niveau du vieux grès rouge qui s'appuie contre cette roche, tandis qu’à l’est c’est le nou- veau grès rouge ou trias qui se voit au contact. La composition du système, dans les Iles Britanniques, comprend aussi de haut en bas trois termes : 1° marnes et sables rouges; 2° marnes schisteuses et conglomérats magnésiens représentant les schistes cuivreux et le zechstein de l'Allemagne ; 3° grès inférieurs jaunes et rouges (rothe todt Liegende de la Saxe). TERRAIN SECONDAIRE. Les formations triasique, jurassique et crétacée qui succèdent vers l'est au terrain de transition se suivent, comme on le voit, avec une extrème régularité, et leurs groupes et étages se superposent avec non moins de symétrie. Leur composition est trop généralement connue pour qu’il soit nécessaire d’insister à cet égard. Les caractères du #rias dans le Worcestershire, particulièrement autour de Droitwich, point par lequel passe notre coupe, ont été dé- erits dans le vol. VUI de l’ Histoire des progrès de la géologie. Au- tour de cette ville domine un grès argilo-calcaire à grain fin, rouge- brun, taché de bleu verdâtre, et des sources salées y sont exploitées 142 au sud-ouest. La roche, plus solide à Doder-Hill, renferme des veines de gypse cristallisé. Le trias circonscrit complétement au nord le bassin houiller du Staffordshire avec sa ceinture de roches permiennes. Les affleurements de dépôts siluriens avec leurs trapps, de même que les collines trappéennes isolées de Clent et de Lickey au sud du bassin, s'élèvent encore au milieu d’une plaine de grès rouge. À Droitwich même et plus à l’est, au-dessus d'Henley, les premières couches de lias recouvrent les marnes rouges, en formant des lambeaux isolés, et, à partir de Southam, les assises du trias dis- paraissent complétement sous la série jurassique continue au-delà. Entre ce point et Elsworth, à l’ouest de Cambridge, s’échelonnent le lias avec ses subdivisions et les #rois groupes colithiques avec les leurs. Celui de Purbeck ne paraît pas remonter au nord jusqu’au. point où passe la coupe. Nous avons eu d’ailleurs trop souvent à traiter ce sujet pour y revenir ici !, mais nous ne pouvons nous dispenser de rappeler le fait paléontologique important qui distingue jusqu’à pré- sent la formation jurassique d'Angleterre de celle des autres parties du globe, celui d’avoir présenté des restes demammifères à trois ni- veaux différents. À sa base, un petit didelphe (Æypsiprymnopsis rhœticus) a été rencontré au-dessous de la couche à poissons de Watchet (Somerset) et un autre (Microlestes antiquus) à Frome, tous deux au milieu des coquilles caractéristiques de l’assise inférieure du quatrième étage du lias. Vers sa partie moyenne, les calcaires schisteux de Stonesfield ont offert, il y a près de cinquante ans, des restes aussi de quatre petits marsupiaux (Sfereognathus, Am- phitherium, Amphilestes, Phascolotherium), et dans le groupe de Purbeck enfin, quatorze espèces sont signalées (Spalacotherium, Triconodon, Plagiaulax) appartenant pour la plupart aussi à des marsupiaux. Le Microlestes trouvé à la base du lias du Wurtem- berg et le Dromatherium sylvestre du grès rouge de la Caroline du Nord sont jusqu’à présent les deux seuls exemples de mammifères secondaires signalés en dehors de l’Angleterre. 1 Histoire des progrès de la géologie, vol. VI, p.155. — Géologie et Paléontologie, p. 562, 1866. 143 Nous avons, en 1856, dressé pour cette faune jurassique, un tableau semblable à celui dont nous venons de parler pour le sys tème silurien et nous croyons devoir en reproduire quelques-uns des résultats les plus frappants, quoiïqu’ils soient devenus incomplets par suite des nouvelles acquisitions de la science. Cette faune comprend 1853 espèces appartenant à 368 genres. Ces espèces sont réparties comme il suit dans les différents termes de la formation : 533 dans le lias, 356 dans l’oolithe inférieure, 9 dans la terre à foulon, 589 dans la grande oolithe et le calcaire de Stonesfeld, 28 dans le forest-marble et l’argile de Bradford, 71 dans le cornbrash, 53 dans la roche de Kelloway, 84 dans l'argile d'Oxford, 153 dans le calcareous grit et le coral rag, 48 dans l’argile de Kimmeridge, 34 dans l’étage de Portland et 122 dans le groupe supérieur ou de Purbeck. On voit tout d’abord quelles ont été les oscillations prononcées et fréquentes qu'éprouvèrent le nombre des espèces et le dévelop- pement de la vie dans les divers termes de la série, et qu’à partir de la grande oolithe, maximum de l’énergie vitale de la période, elle aurait été en s’appauvrissant de plus en plus jusqu’à l’étage de Portland qui est la dernière expression de la faune jurassique proprement dite, car celle du groupe de Purbeck est une faune de passage due à des circonstances locales particulières. Si l’on considère ensuite la distribution des espèces de chaque classe, on voit que les polypiers et les échinodermes sont également développés dans le coral-rag, la grande oolithe et loolithe infé- rieure, tandis que les brachiopodes (90 et même 96 espèces) suivent une progression décroissante de bas en haut comme tout l’ensem- ble de l'organisme. La diminution des céphalopodes dans le même sens est encore plus frappante, mais elle est moins régulière. Ainsi, l’ère du lias et celle de l’oolithe inférieure, quoiqu’ayant eu bien peu d’espèces communes (7), sont liées par le développement simultané des bra- chiopodes et des céphalopodes, tandis que les autres ordres de mol- lusques y sont plus faiblement représentés qu'ailleurs. Ce serait donc en quelque sorte, mais avec des types organiques différents, 144 comme un ressouvenir de ce que nous ont offert certaines faunes si- luriennes. Les poissons, quoique fort nombreux, particulièrement dans les calcaires schistoïdes de Stonesfeld et le lias, ont une distribution trop soumise à des influences locales pour fournir des données un peu générales, tandis que la fréquence des débris de reptiles, leurs dimensions gigantesques et l’étrangeté de leurs formes (Ichthyo- saures, Plésiosaures, Mégalosaures, Ptérodactyles, etc.), donnent aux étages de Kimmeridge, dela grande oolithe et du lias un intérêt particulier. Mais un intérêt bien plus vif encore est celui que l’appa- rition sporadique des mammifères est venu attacher, comme nous ve- nons de le dire, au commencement, au milieuet à la fin dela période. Les relations biologiques des divisions de la formation se tradui- sent par les chiffres suivants : 134 espèces ont été rencontrées dans deux étages à la fois, et, si l’on en retranche 58 communes à la grande oolithe et à l’oolithe inférieure, qui sont les divisions qui en ont le plus, il en reste 76 communes à dix autres divisions combi- nées deux à deux; 37 sont communes à trois, 9 à quatre, et aucune n’a le privilége d’avoir vécu pendant toute la période. La formation crétacée succède régulièrement vers l’est à la forma- tion jurassique qu’elle recouvre, mais elle ne présente rien de particu- lier dans l'étendue de notre coupe. Le groupe wealdien ne remonte pas aussi loin vers le nord, le grès vert inférieur est peu développé, le gault et le grès vert supérieur le sont davantage aux environs de Cambridge; la craie tuffeau et la craïe blanche sont presque partout recouvertes par les dépôts quaternaires. Ce n’a point été d’ailleurs par l’étude de l’intérieur du pays que les dépôts crétacés de l’Angle- terre ont acquis leur juste célébrité dans la science pour la variété de leurs caractères pétrographiques et la richesse de leurs faunes, mais bien par celle des falaises qui bordent les côtes orientales et méridionales de l’île et qui offraient les dispositions les plus favora- bles aux recherches géologiques et paléontologiques. 145 TERRAIN TERTIAIRE. La formation tertiaire inférieure affleure à peine au fond de quelques vallées dans l’espace que traverse notre coupe ainsi que sur la côte, où elle est représentée par la portion probablement la plus récente de l’argile de Londres. En l’absence des termes intermé- diaires, qui existent au sud, dans le bassin de la Tamise et dans celui de l’île de Wight, le crag blanc, inférieur ou à bryozoaires se montre directement dans le Suffolk et pourrait représenter la période tertiaire moyenne, tandis que le crag rouge ou moyen et le crag fluvio-marin et à grands mammifères du Norfolk et de la côte nord- ouest du Sufolk, représenteraient deux termes de la période supé- rieure. TERRAIN QUATERNAIRE. Enfin, les dépôts quaternaires qui prennent une si grande exten- sion dans cette partie orientale de Angleterre et s’étendent comme un vaste manteau sur les couches tertiaires et crétacées, ont été, dans ces derniers temps, l’objet de recherches toutes spéciales qui y ont fait admettre : 1° un dépôt de transport superficiel argileux, sa- bleux, caillouteux, sans fossiles ou drift; 20 des dépôts lacustres avec des coquilles fluviatiles et terrestres presque toutes vivantes, de grands mammifères éteints (Éléphant, Rhinocéros, Hippopotame, Ours et Hyène des cavernes, Felis, grand Cerf d'Irlande et des silex taillés) le tout reposant dans les dépressions d’un dépôt d'argile avec blocs. À ce dernier succède encore, sur la côte du Norfolk, un amas de bois fossile avec quelques grands mammifères qui semblent avoir été les premiers représentants de la faune de cette époque. Vicomte v’ARCHIAC. Ce 16 mars 1867. IX. 10 MÉLANGES D'HISTOIRE NATURELLE TREMBLEMENTS DE TERRE. Dans une circulaire qui nous a été adressée, se trouve cette de- mande : Signaler les tremblements de terre, donner des détails sur les chutes d’aérolithes? Pour répondre à cette double question, nous avons dù feuilleter avec soin notre vieil annaliste Bourdigné, les archives du dépar- tement, les archives de la mairie d'Angers, l’histoire d'Anjou, de Barthélemy Roger, les journaux de Louvet et de Toisonnier, le consciencieux livre de Bodin, Histoire du haut et bas Anjou, ou- vrage plus apprécié aujourd’hui que jamais, les Affiches d'Angers, le Journal de Maine-et-Loire, VUnion de l'Ouest, le catalogue des manuscrits de la bibliothèque de la ville d'Angers, par M. Lemar- chand, etc. Nous sommes loin d’avoir la prétention de donner une liste com- plète de ces phénomènes naturels et nous sommes persuadé qu'il restera sur cette matière beaucoup encore à glaner après nous. Quoi 147 qu’il en soit, ces notes seront cependant d’une certaine utilité, car en dehors des ouvrages et journaux où elles ont été puisées, on en chercherait vainement ailleurs l'indication. Aïnsi dans le grand tra- vail de François Aragoqui contienttantde précieuxrenseignementssur les tremblements de terre qui ont eu lieu depuis 1818 jusqu’en 1851 et sur les chutes d’aérolithes, on trouve seulement, en ce qui concerne notre province, la mention du tremblement de terre de 1822 et quelques lignes sur l’aérolithe tombé à Angers dans cette même année. Quelqu’arides et longues qu’aient été nos recherches, nous sommes heureux d’avoir pu apporter un faible concours aux grands travaux de statistique qui sont appelés à jeter un nouveau jour sur la science, Le tremblement de terre le plus ancien dont la date me soit connue est celui de 582, il est cité dans l’Æistoire des Francs, de Grégoire de Tours. Livre VI, traduction Guizot. « À Angers, dit cet historien, la terre trembla. » Les Chroniques de Saint-Denis parlent aussi de ce tremblement de terre. « En la cité d’Angiers fu croles, et grans mouvemens de terre ; li lou entrerent en la cité et mangierent les chiens ; feu fu veus par le ciel.» 584. «En Anjou, la terre trembla et beaucoup d’autres signes apparurent qui, à mon avis, annoncçaient la mort de Gondebauld. » (Grégoire de Tours.) « En 590, la peste et des tremblements de terre désolaient la capi- tale de l’Anjou.» (A Guilbert, Histoire des villes de France, Angers, tome IT, page 452.) 895. «Tout l’ouest de la France fut agité par de grands trem- blements de terre. » (Dom Bouquet.) Dom Bouquet, tome XI, page 485 et tome XII, page 479, signale deux tremblements de terre, 21 mars 1082, post vesperas ; 21 mars 1083, die ad occasum vergente. « Le 2 novembre 1091, tremblement de terre à Angers. » (Chr. Matthias, Theat, st.) 148 «Le 2 août 1163, un tremblement de terre se fit sentir à Angers et à Saumur.» (Durand et Martene.) 1165-1166. La Chronique de Saint-Aubin, mentionne deux tremblements de terre à Angers, en les années 1165, 1166. 20 juin 1175, tremblement de terre. (Breve chronicum Ande- gavense.) «Le 26 février 1208, on entendit un très-grand éclat de tonnerre, suivi d’un tremblement de terre vers le milieu de la nuit, et la veille des calendes de mars (29 février), il y eut une éclipse de soleil vers l’heure de tierce.» Revue d’Anjou, année 1854, première par- tie, tome IV, page 316. (Chroniques de Saint-Aubin, publiées par M. Paul Marchegay, archiviste-paléographe.) « Le mardi-gras, tremblement de terre dans le diocèse de Poi- tiers, dont une partie de l’Anjou faisait partie.» (Chronique de Guil- laume de Nangis.) «En cest an 1441, au mois de janvier, la vigille de la feste M. sainct Julien fut à Angiers et ès environs, si véhément trem- blement de terre, que l’on pensoit que la ville deust estre subvertie et abismée, dont plusieurs de la paour qu’ils eurent tomberent en divers inconvénients de maladie. » (Histoire agrégative des Annales et Chroniques d'Anjou.) « Au commencement de l’année 1441, le jour de devant la fête saint Julien, il y eut à Angers un grand et prodigieux tremblement de terre. (Histoire d’ Anjou, par Barthélemy Roger, moine bénédictin de l’abbaye Saint-Nicolas d'Angers.) « Tremblement de terre en la ville d'Angers et ès environs. et apparessoit le soulail, fors qu’il fist lors ung peu de bruée, laquelle tantoust après. se departist. » 14 mars 1485, N. S. (Archives de la mairie d'Angers.) « Tremblement de terre, 22 mars 1487. » (Archives de la mai- rie d'Angers.) &A la suite des grandes pluies (1522), il y eut grant tremblement de terre, dont plusieurs ne pronostiquoient que mal. » ( Histoire agrégative des Annales et Chroniques d'Anjou.) Le tremblement de terre qui eut lieu au mois de septembre 1524, 149 et qui suivant l’historien Mezeray, pensa renverser la ville d'Angers, est indiqué par Jehan de Bourdigné dans ses Chroniques : « Ce moys (septembre 1524) à Angiers fut grand tremblement de terre, grands éclairs et choruscations. «Le 25e jour de mars 1588, dit le moine Roger dans son Histoire d'Anjou, il se fit à Angers un horrible tremblement de terre sur les dix heures du matin ; quelques-uns en furent si épouvantés qu'ils pensèrent en mourir de peur. Cela pouvoit être un présage du com- bat de Vimory et de la bataille d’Aunéau, où le duc de Guise se vengea sur les huguenots et les reïtres qui étoient venus à leur se- cours, de la disgrâce que les catholiques avoient soufferte à Coutras. «Pendant la nuit, ajoute Mezeray, il y eut un tremblement de terre depuis Nantes jusqu’à Saumur, qui fit branler les maisons et bouillir la rivière de Loire. Pareille chose arriva en quelques contrées de la Normandie avec une certaine fumée, que une heure durant teignit l'air de couleur jaunâtre.» « Par écrit, nous notons ici pour le présent et pour l’avenir que cette année le jour de l’Annonciation de la sainte Vierge, pendant que la grande messe se chantait dans les églises, tout à coup 1l se fit un tremblement de terre si violent que toutes les fondations et les murailles s’ébranlèrent et très-fort par l’impétuosité de vents en- fermés et s’agitant dans les entrailles de la terre pour chercher une issue. « Grande terreur et grande épouvante se répandit partout dans les foules des fidèles rassemblés dans les églises. A cette cause fut faite une procession générale le même jour jusqu’au Ronceray, au delà des ponts. Dans laquelle procession, quelles multitudes d’hommes s’y pressèrent pour rendre du fond du cœur des grâces immortelles à Jésus-Christ, notre protecteur, la langue humaine peut à peine ex- primer.» (Registre capitulaire de Saint-Laud.) « Le vendredy vingt-cinquième du mois de mars 1588, feste de Notre-Dame, ung peu auparavant dix heures de la matinée, lequel jour il faisoit un beau temps accompagné de la clarté du soleil, lequel estoit fort beau et ne faisoit aulcun vent durant qu'on célébroit la 150 sainte messe, et que le peuple estoit aulx grandes messes audicts Angers, il fit un tremblement de terre qui estoit et fut si grand qu’on pensoit que tout alloit tomber et abismer, et que les églises alloient cheoïr par terre, qui rendit une si grande espouvante au peuple qui estoit ès-églises, qu’on s’entretouffoit à qui sortiroit des premiers à raison du tremblement des vitreset voûtes desdites églises, mêmes que les prêtres qui estoient à célébrer la messe aulx autels, prenoient la fuite de la peur qu’ils eurent à raison du tremblement des voütes des dites églises, desquelles il tomboit de la chaux, que d’un grand bourdonnement qui se faisoit au ciel; lequel tremblement étoit un avertissement de la part de Dieu de s’amender et une augure de beaucoup de maulx qui sont depuis arrivés.» (Journal ou récit vé- ritable de tout ce qui est advenu digne de mémoire, tant en la ville Anjou, pays d'Angers et autres lieux, depuis Pan 1560 jusqwà Pan 1674, par Jean Louvet, clerc au greffe civil du siége présidial dudit Angers. Manuscrit de la bibliothèque de la ville d'Angers.) «Le25 mars 1588, jour de l’Annonciation, un tremblement de terre se fit sentir à six heures du matin. Il sépara le mur de l’église d'Érigné du côté du nord ; plusieurs maisons proche l’église eurent beaucoup à souffrir du tremblement de terre: les habitants de la paroisse furent consternés et crurent que la fin du monde était arrivée. » (Registres de la fabrique d’Érigné, déposés à la mairie de Mürs.) « Le vendredy, dernier jour du mois de mai 1591, environ les trois heures après minuit, il a fait un grand tremblement de terre, avec un long bourdonnement en l'air qui a duré longtemps. » (Journal de Louvet.) « Le vendredy vingt décembre 1591, environ les sept à huit heures du matin, il a faitun grand tremblement de terre. » (Journal de Louvet.) «Le jeudi, huictième jourdu mois d’avril 1593, vigile de la fête de Notre-Dame-de-Pitié, sur les huit heures et demye du soir, il a faict un grand et épouvantable tremblement de terre, lequel a duré fort longtemps, et pensoit-on que les bâtiments et édifices de la ville d'Angers alloïient tomber, qui auroit occasionné les habitants sortir 151 dé leurs maisons dans les rues, tous épouvantez, lesquels seroient couruz aux Augustins et à Notre-Dame-des-Quarmes pour louer et prier Dieu les conserver et garder dudict tremblement, lequel peu après étant cessé, auroit encore continué par deux fois avec ung bourdonne- ment en l'air, qui n’estoient si grands que le premier, qui estoient des advertissements de Dieu à l'endroit de son peuple de s’amender et faire pénitence. » (Histoire d'Anjou, par Barthélemy Roger, moine bénédictin de l’abbaye de Saint-Nicolas d'Angers. M. Lemarchand, bibliothécaire de la ville d'Angers, a relevé l'indication de deux tremblements de terre (1588, 1593) sur les feuilles de garde d’un manuscrit de la Bibliothèque d’Angers (Co/- lectarium). «1593, 8 avril, tremblement de terre. » (Archives de la mairie de Saumur.) « Le dimanche, dixième de novembre 1596, environ les cinq heures du matin, la terre a tremblé. » (Journal de Louvet.) « Le lundy, vingt-cinquième du mois de may 1608, et le mardy en suivant, la terre a tremblé fort longuement (Journal de Louvet.) Comme aussi elle a de rechef tremblé la nuict d’entre le mercredy, quatrième jour de septembre, audict an, et le jeudy en suivant, et a faict un grand bruit en l’air à raison de ce. » (Journal de Louvet.) « Le vendredy, seizième jour de janvier mil six cent neuf, la nuit d’entre le jour d’hier et ce dict jour environ, les trois heures après minuit, il a faict un grand tremblement de terre. » (Journal de Louvet.) « Le dimanche, onzième jour du mois d’aoust 1619, en les onze heures, il a faict un grand tremblement de terre, le temps estant beau et calme. » (Journal de Louvet.) « Le dimanche 1628, en l'heure d’une heure après-midy, il a faict un grand tremblement de terre. » (Journal de Louvet.) « Le 27 d’aoust l'an 1628, environ les deux heures de relevée, le temps estant très-beau et serein, arriva à Angers un tremblement de terre, qui redoubla perceptiblement, comme quand on oit de loing, entre deux airs, des coups de canon. Cela fut apperceu de tout le monde et par ceux qui estoient dans les maisons, par les vitres 152 principalement et branslement de chambres et ustensiles. » (Arckr- ves de la mairie d'Angers.) «En 1663, la nuit d’entre le 12 et 13 janvier, fête du nom de Jésus, il y eut un horrible tremblement de terre à Angers et aux en- virons. » (Histoire d'Anjou, par Barthélemy Roger.) « Le 14 janvier 1663, à une heure après minuit, grand tremble- ment de terre. » (Registres de la paroisse du Plessis-Grammotre.) Voici comment M"° de Maïntenon, dans une de ses lettres à la princesse des Ursins, en date du 18 octobre 1711, parle du tremble- ment de terre de cette année : «Il y a eu, dit-elle, un terrible tremblement de terre à Saumur. Je ne sais point précisément le jour : il a duré quatre jours avec un bruit épouvantable et souterrain, comme des vents et des cris. Des cloches ont tombé avec des cheminées. On ne dit point qu’il y ait eu quelqu'un de tué. » (Recherches historiques sur l'Anjou, t. I, p. 512, édition Cosnier et Lachèse) «En avril 1751, on ressentit une secousse à Angers; Nantes en avait éprouvé une le 15 février de la même année, et une seconde commolion souterraine avait ébranlé, le 30 mars, les bords de la Loire inférieure. Ufern der untern Loire, » (V, Hoffs Chronik.) En 1755, lors du fameux tremblement de terre du 1* no- vembre, toute l’Europe fut ébranlée par les secousses formidables qui détruisirent Lisbonne. La Gascogne, la Saintonge, le Poitou, la: Bretagne, la Normandie, ne furent pas épargnés, mais aucuñe cita- tion que je connaisse ne se rapporte à l’Anjou. « Le 30 décembre 1775, vers dix heures quarante-cinq minutes du matin, un tremblement de terre se fit sentir à Toulouse jusqu’au Havre. À Segré, on remarqua qu'il fit bouillonner les ruisseaux qui coulaient du sud-est au nord-est; les villages des vallées qui n’étaient pas dominées par des montagnes au sud-est n’ont presque rien res- senti. » (Notes de lingénieur Perrey.) « Le 18 juin 1683, il y eut un tremblement de terre sur les onze heures du soir. » (Étienne Toisonnier, journal de ce qui s’est passé de plus remarquable à Angers, 1683-1714, manuscrit de la Biblio- thèque d'Angers.) 153 « Le 5 février 1798, entre quatre heures et quatre heures et demie du matin, on éprouva un tremblement de terre à Angers : il y eut deux violentes secousses de la durée de plusieurs secondes chacune, les maisons furent vivement ébranlées ; et, réveillés par les brusques mouvements qui eurent lieu, les enfants et les femmes en furent singulièrement effrayés. » (Nicaise-Augustin Desvaux, Sahistique de Maine-et-Loire.) « À sept heures cinquante-huit minutes du matin, le 31 août 1810, une forte secousse, accompagnée d’un bruit pareil à celui d’une grosse voiture chargée sé mouvant rapidement, en Vendée : elle a duré trois à quatre secondes. Le même jour, météores remarquables. « Le 13 novembre 1817, deux heures du matin, à Longué, près de Saumur, une secousse assez forte. » (Notes de lingénieur Perrey.) «Le 31 mai 1822, huit heures du matin, à Cognac, Angers, Tours, Bourbon-Vendée, Laval, Nantes et Paris. La secousse a été assez forte dans les trois premières villes, personne ne paraît l'avoir ressentie à Paris ; mais les mouvements dont fut subitement agitée à la mème heure une aiguille aimantée suspendue à un filet à l’aide de laquelle on observait les variations diurnes, me firent soupconner sur-le-champ qu'un tremblement de terre venait d’avoir lieu : les Journaux confirmèrent plus tard cette conjecture. La direction de la secousse a dü ètre à peu près perpendiculaire au méridien magné- tique. » (Francois Arago, Tremblements de terre, t. XIL.) Desvaux, dans sa Statistique, mentionne trois tremblements de terre de 1819 à 1834 : «Le sol de Maine-et-Loire, dit-il, est rarement soulevé par des tremblements de terre; car, dans une période de quatorze années, de 1819 à 1834, il n’y en a eu, à notre connaissance, que trois; celui de 1830 n’a pas même été remarqué, bien qu’il ait été très-fort, mais, à la vérité, à une heure de la nuit ou peu de personnes veillent.» «Le 13 mai 1836, vers cinq heures du matin, à Angers, plusieurs secousses précédées d’un bruit sourd; dans beaucoup de maisons, des meubles et des fenêtres ont été violemment agités. A la même heure, léger tremblement à Nantes, plus fort à Parthenay; il y a produit ce phénomène remarquable que plusieurs personnes cou- 154 chées et endormies ont été réveillées par une commotion pareille à celle que produit une machine électrique et se sont assez longtemps ressenties d’un malaise. » (Notes de lingénieur Perrey.) «6 mars 1858, tremblement de terre à Beaupreau. » (Journal de Maine-et-Lorre.) « Le 14 septembre 1866, vers cingheures du matin, on a ressenti à Angers plusieurs secousses de tremblement de terre qui ont duré quelques secondes. Le mouvement de trépidation a été surtout fort sensible sur le quai de la Maïne et dans les quartiers situés surle ver- sant occidental. On a constaté dans plusieurs maisons que la vaisselle s’entrechoquait et que les vitres tremblaient, comme sous l’influence d’une forte détonation. « Du reste, la secousse s’est fait sentir sur les deux rives de la Maine, età la même heure exactement, au tertre Saint-Laurent, dans le faubourg Saint-Michel, et sur la route de Paris, dans un rayon fort étendu. « On nous signale un phénomène tout semblable qui se serait pro- duit à Seiches, à 20 kilomètres nord-est d'Angers, mais à une heure un peu différente, quelques minutes après. Si cette différence est constatée, elle suflirait pour indiquer la direction du mouvement. » (L'Union de P Ouest). Il AÉROLITHES TOMBÉS EN ANJOU. On lit dans le Journal de Louvet, année 1617 : « Cheuttes de pierres. — Le dimanche, douzième jour de feb- vrier, il a tombé au lieu de la Pierre-Couverte, paroïsse de Rou, entre Saulmur et Douay, grand nombre et quantité de pierres blan- ches assez dures, qui gravent et entrent dans du verré, dont y en a qui sont longues comme fers d’aiguillettes de même longueur et aul- tres plus petites et plus grosses, semblables à du cristal de roche. 155 Auculnes desquelles on jugeroït avoir esté taillées à pans et à facettes tant par le bout qu’au long d’icelles, lesquelles sont tombées et cheut- tées du ciel, mêlées avec de grosse pluye en sy grande abondance, qu’il en a esté amassé à pleines poches et dans des chappeaux, ainsi que M. de la Saullaye-Jouet, procureur du roy au siège présidial d'Angiers a fait apparoir par une lettre qui lui a esté escripte par M. de Villebois, lequel assure estre une chose véritable, et lui a mesme envoyé desdites pierres pour les montrer à ung lapidaire, lequel sieur procureur du roy en a donné à plusieurs gens d’hon- neur et de qualité. » Le 3 juin 1822, un aérolithe tomba, sur les huit heures du soir, à Angers, faubourg Gauvin, près l’hôtel de la Tête-Noire. Un frag- ment de cet aérolithe, ayant 8 centimètres de diamètre, a été déposé dans la galerie de minéralogie du cabinet d’histoire naturelle, par M. Paulmier, adjoint au maire d'Angers. C'est à tort qu’on a indiqué un autre aérolithe, qui se trouve éga- lement au Musée d'Angers, comme étant tombé dans notre province. C’est dans la ville de l’Aigle, département de l'Orne, qu’il est tombé le 26 avril 1803. LIT NOTE SUR UNE COULEUVRE A COLLIER. M Raoul de Baracé, à qui la faune de Maine-et-Loire est rede- vable de tant de curieuses découvertes, a présenté à la séance de la Société linnéenne du 27 décembre 1866 un ophidien d’un noir de velours, capturé par lui au mois de septembre dernier. Dans un rapport contenant d’intéressants renseignements, notre excellent collègue nous donnait des détails très-circonstanciés sur des serpents noirs qu’il avait observés dans un rayon de quarante kilo- mètres sur les communes de Bécon, Gené et Vern (Maine-et-Loire). Plusieurs personnes nous avaient maintes fois parlé des serpents 156 noirs qu’elles avaient vus sur divers points de notre département, mais jamais nous wavions été à même de faire des recherches sur des ophidiens de cette couleur. L’alcool dans lequel avait été plongé l'animal soumis à notre exa- men étant trop fort, il était résulté de cette immersion que la robe du reptile en avait été un peu altérée. Mais les indications fournies par M. de Baracé avaient suppléé à ce qui aurait pu, peut-être, nous arrêter dans l'étude, que nous avions l'intention d’en faire. «Sa couleur noire à reflets violets, nous disait M. Raoul de Baracé, ressemblait à l’aile d’un freux; quelques taches Jaunes et rousses paraissaient sur les bords des mandibules. » Après avoir à grand’peine extrait le reptile du vase qui le ren- fermait, nous avons pris ses dimensions, examiné sa mâchoire, son cou et l’ensemble de son corps, nous n’avons pas hésité un seul ins- tant à reconnaître, que nous avions sous les yeux une magnifique couleuvre à collier (Tropidonotus natrix Schleg.) atteinte du méla- nisme le plus complet. A l’aide d’une loupe, nous avons facilement pu distinguer les traces du collier jaune qui caractérise l’espèce dont nous parlons. M. l'abbé Guillet, membre de la Société Linnéenne, ancien pro- fesseur d'histoire naturelle, nous a envoyé une magnifique couleuvre noire, que je crois appartenir à la même espèce que celle de M. Raoul de Baracé. Cette couleuvre a été trouvée aux environs de Combrée. Pour avoir des documents précis sur les serpents noirs, et surtout sur le mélanisme dont sont atteints les reptiles, nous nous sommes adressé à l’homme de France le plus compétent en erpétologie, à M. A. Duméril, professeur-administrateur au Muséum d’histoire na- turelle, vice-président de la Société d’acclimatation de Parisetmembre de notre association, qui nous a fait parvenir la lettre suivante : Paris, le 24 janvier 1867. « Monsieur le président et très-honoré collègue, « J’ai recu la lettre par laquelle en m’envoyant l’ordre du jour de la séance que la Société linnéenne de Maine-et-Loire doit tenir le 25, 157 vous m’adressez, au nom de la savante compagnie, une question d’erpétologie. « Vous m’informez que M. Raoul de Baracé a présenté à la So- ciété une couleuvre entièrement noire, qui est le quatrième individu de la même espèce rencontré par notre collègue dans un rayon de dix lieues. Vous me demandez si j’ai connaissance de couleuvres offrant une teinte noire. « À la Guadeloupe et à la Jamaïque, on trouve une couleuvre dite Dromicus ater Jax, ou Natrix atra, Gosse, et dont le nom indique la particularité; mais en Europe il n’y a pas, que je sache, de ser- pents dont le système de coloration normal soit noir. Néanmoins, on trouve en France et dans les diverses contrées de l’Europe, ainsi que dans d’autres parties du monde, des serpents offrant l’altération des couleurs désignée sous la dénomination de mélanisme. La ménage- rie des reptiles, au Muséum d’histoire naturelle, en a plusieurs fois fourni la preuve. Ainsi, elle a reçu une couleuvre à collier (Tropi- donotus natrix Schleg.) dont le collier jaune avait disparu et dont la teinte verte était remplacée par une teinte noire avec laquelle se confondait celle des tachés du dos ‘. « Un autre individu, mais beaucoup plus noir, figure depuis bien des années dans les galeries d’erpétologie où il a été envoyé de Nor- Wwége. « Un autre Tropidonote étranger à la France, et qui se trouve sur- tout dans la Russie méridionale (Tropidon. kydrus Dum., Bib.), peut subir la même modification que notre couleuvre à collier. « Un sujet entièrement noir a séjourné pendant quelque temps à la ménagerie. Il avait été pris dans l’île de la mer Noire située en face des bouches du Danube et dite Ile des Serpents. « La ménagerie a recu de Sicile un exemplaire complétement noir en dessus, avec le ventre verdâtre de la couleuvre à formes élan- cées, qui est très-rare dans l’Anjou, dite la Verte et jaune (Zamenis véridi-flavus, Wagl.) dont l’élégante livrée consiste d'ordinaire en un ! La couleuvre à collier dont parle M. Auguste Duméril a les plus grandes analogies avec celle de M. Raoul de Baracé. A. deS. 158 abondant piqueté jaune sur un fond d’un vert clair !. Un autre spéci- men, identique à ce dernier, fait partie des collections rapportées de Sicile, il y a plus de trente ans, par Bibron. « Des espèces que je viens de signaler, il faut rapprocher comme pouvant offrir une anomalie semblable, deux serpents non veni- meux : 1° une couleuvre de la Guadeloupe qui, chez certains indivi- dus, au lieu de conserver les caractères d’où a été tiré le nom de Serpent demi-deuil (Dromicus leuco-melas, Dum., Bib.), revêt une robe complétement noire; les sujets, ainsi modifiés, constituent une variété distincte ; 2° un grand serpent colubriforme du Mexique, à queue noire (Spilotes melanurus, Dum., Bib.), est quelquefois, comme on l’a vu à la ménagerie, noir sur toutes les régions du COTPS. 1 La couleuvre verte jaune (Zamenis viridi-flavus Wagl.), si commune dans tout le Poitou est extrêmement rare en Anjou, plusieurs naturalistes prétendent même qu'elle n’habite pas notre province. Jamais elle n’a été rencontrée dans les localités citées par M. Pierre Millet dans son Indicateur. (Voir à ce sujet notre étude sur les Ophidiens de Maine et Loire, tome VIII, page 148, Annales de la Société Linnéenne de Maine et Loire.) Pendant longtemps, les Poitevins regardèrent la couleuvre verte et jaune, cet inoffensif Ophidien, comme très dangereuse ; ils l’appelaient la vipère verte et jaune. En 1776 il fut publié dans les Affiches du Poitou, un remède contre sa morsure : & REMÈDE CONTRE LA MORSURE DE LA VIPÈRE VERTE ET JAUNE. «Ce remède consiste à faire prendre, le plus tôt possible, à la personne mor- due par une vipère verte jaune, un verre de vin dans lequel on ajoute douze gouttes d'Eau de Luce ; on frotte aussi la partie avec le même mélange propor- tionné ; trois heures après on réitère cette potion et ce pansement. On le renou- velle jusqu’à la guérison qui est assurée , d’après plusieurs succès en différents temps, sur différentes personnes, qui ne permettent plus de douter de l’effica- cité de ce remède. Aussi, on conseille à tout le monde d’avoir en sa maison, ou sur soi, un flacon d'Eau de Luce. Les apothicaires la savent faire ; la couleur est laiteuse, elle a l'odeur d’urine vive et pénétrante ; elle est insupportable en la présentant sous le nez. On prévient qu'il faut la plus grande diligence pour administrer efficacement ce remède ; le moindre retardement occasionne des progrès funestes et des accidents, qui obligent de faire des scarifications à la partie mordue. » A. deS. 159 «Enfin, un Trigonocéphale des États-Unis ( Trigonocephalus piscivorus, Lacépède) est aussi quelquefois presque noir, et un sujet longtemps conservé à la ménagerie y était désigné sous le nom de Trigonocéphale noir. « Voilà, monsieur le Président, les exemples de mélanisme que je puis vous citer. « Il ne serait pas sans intérêt de rapprocher de l’anomalie dont il s’agit, celle tout opposée et moins rare dans le règne animal, dite albinisme, que présentent quelquefois les reptiles et les batraciens. J'ai pu faire dessiner, d’après des individus conservés en captivité à la ménagerie, une grenouille verte (Rana viridis, Rœsel, seu escu- lenta, Linn.)et un triton à crête (Tréton cristatus, Laurenti) qui, sans être devenus complétement blancs, avaient cependant tout à fait perdu leurs couleurs ordinaires et avaient pris une teinte jaune claire’. Une jeune couleuvre à collier, également dessinée pendant la vie, était d’un blanc jaunâtre, et le collier, ainsi que les taches du dos, étaient d’un roux clair tranchant faiblement sur le fond géné- ral. Enfin, le Jardin zoologique d’acclimation, il y a deux ans, et la ménagerie du Muséum tout récemment, ont recu du Mexique un Axolotl absolument blane, ce qui semble d’autant plus frappant, que ces sortes de tritons à houppes branchiales flottantes, sont ordinai- rement très-foncés et presque noirs. Tous les animaux décolorés que je viens de nommer offraient le caractère essentiel propre aux albinos. Le fond de l’œil était éga- lement décoloré et paraissait rouge. « Daignez agréer, etc. « À. Dumérir. » 1 J'ai constaté, au mois d’août 1866, dans une mare près les Châtelliers, commune de Mürs, l'habitat d’un triton à crète, identique à celui cité par notre savant collègue, malheureusement je n’ai pu m’en rendre maître. (A. de S.) 160 IV NOTE SUR LE ROSA MACRANTHA. Le 6 juin 1866, herborisant sur le territoire de la commune de Saint-Sylvain, partie limitrophe de celle de Saint-Barthélemy, je vis, dans une haie protégée par un large fossé des attaques des ani- maux, un magnifique buisson de roses très-abondantes, aux feuilles larges, épaisses, glabres, d’un vert foncé, à cinq ou sept folioles ovales un peu arrondies, inégalement dentées ; les pétioles, les bractées et les sépales étaient velus, glanduleux, les pédoncules his- pides, les calicinaux ovales glabres. Je remarquai que les pétales grands et ronds présentaient une échancrure; quant aux styles, je les trouvai courts et velus, la fleur était en corymbe. Tels furent les principaux caractères que je consignai sur mes notes avant de placer cette rose dans mon herbier. Quel était son nom, je l’ignorais complétement : ma collection botanique, riche en roses, ne m’offrait aucune plante que j'aurais pu lui comparer. À bout de recherches, j’eus l’heureuse pensée de m'adresser au maître, à notre collègue, M. Decaisne, vice-président de l’Institut, professeur de culture au Muséum d’histoire naturelle de Paris, qu’on est sûr de rencontrer, là où il y a un bon conseil à donner, et qui s’empresse toujours de tendre la main, à ceux qui veulent gravir les premières hauteurs de la région scientifique dont il occupe le sommet, ; . M. Decaisne, recut quelques jours après mon herborisation, un fascicule renfermant les plus beaux spécimens de la plante en question. M. Decaisne, consulta d’abord les grandes collections mises à sa disposition, et n’y trouvant pas les renseignements qu’il cherchait, il eut recours aux livres et arriva ainsi à donner une détermination très-exacte de la rose que je lui avais soumise. 161 Voici la lettre que M. Decaisne m’adressait en date du 20 juil- let 1866 : « Cher monsieur, « J'ai fini par où j'aurais dû commencer ; vous auriez ainsi depuis plusieurs jours le nom de votre belle rose. Après avoir fouillé inuti- lement nos herbiers parisiens, je me suis avisé de la chercher dans les livres; alors en ouvrant la Flore de Grenier, je tombe juste sur une espèce dont les caractères s'appliquent merveilleusement à vos échantillons, jugez-en par vous-même. Voici la description de l'espèce : « Rosa macrantha, Desp., F1. Sarthe, p. 77. « Pédoncules ordinairement en corymbe, divisions du calyce « grandes, pinnatiséqués, à division et appendice terminal lancéo- « lés. Styles courts, fruit ovoïde, ordinairement glabre. Feuiiles à « folioles ovales aiguës, subcordiformes à la base, très-luisantes en « dessus, d’un vertun peu plus pâle et mat en dessous, dentées dans « tout leur pourtour. Dents lancéolées aiguës, ciliées, glanduleuses «au moins à la base. Tiges élevées (environ 2 mètres). Aiguillons «nombreux, forts, mais à base étroite, recourbés, entremêlés de « soies glanduleuses sur les rameaux fleuris. — Hab. la Flèche. — « Juin (Desportes).» — Gren. et Godr., Flore de France, vol. 1, p. 553. | « Comme le département de la Sarthe est limitrophe du vôtre, je n’hésite pas à considérer votre espèce comme identique avec celle que Desportes a décrite dans sa Flore. « Veuillez croire, Monsieur et cher collègue , à mes meilleurs sentiments « DECAISNE. » Dans son supplément à la Flore de Maine-et-Loire, avril 1850, M. le docteur Guépin dit en parlant du Rosa macrantha (rose à grandes fleurs) : IX. 41 162 « Cette belle espèce dont j'ai donné la description, page 3581, a été trouvée, m’assure-t-on, autour d'Angers. » Cette indication est un peu vague, et je suis en mesure aujour- d’hui de désigner une localité. Le Rosa macrantha doit être bien rare; car, comment eüt-il pu échapper aux nombreuses investigations des Desvaux et des Gué- pin ? Je ne doute pas que cette observation botanique, due au hasard, ne se reproduise sur d’autres points de notre département, par exemple, dans la région appelée la Vendée militaire, c’est-à-dire de la Roche-d'Érigné à Gesté. Grenier et Godron (Flore française, t. 1, p. 553) citent pourtoute localité la Flèche. Desportes, du Mans, en 1828, a enrichi la flore de la Sarthe de cette belle espèce qui avait été trouvée par M. Goupil à la Flèche. J'ai recu de cette localité plusieurs prétendus échantillons du Rosa macrantha, maïs qui n’ont pas de rapport avec la description de Desportes. Cette plante est peu connue et a donné lieu à bien des méprises. Nous nous empressons d'offrir au Muséum d’histoire naturelle de Paris deux pieds vivants du Rosa macrantha. Placés dans l’École botanique, ils pourront servir de type aux natura- listes qui s'occupent de l’étude si difficile des roses. 1 Voici les caractères que donne du Rosa macrantha le docteur Guépin, dans la troisième édition de son excellente Flore, page 358 : Le R. macrantha Desportes, F1. de la Sarthe, page 77, offre des feuilles coriaces épaisses, d'un vert foncé, longues de 6 centimètres, ovales arrondies, inégalement dentées, glabres sur les deux faces, excepté sur la nervure médiane, qui est velue glanduleuse, ainsi que les pétioles et les bractées. Fleurs en corymbe, à pédoncules hérissés de poils glanduleux, calice ovoïde, glabre, pétales très grands, d’un rose vif. Cette espèce qui croît sur nos limites, à La Flèche, me paraît très-remarquable ; elle m'a été envoyée par l'inventeur, M. Goupil, botaniste très-instruit. 163 NOTE SUR LE Bambusa mitis, Poir. — SON ACCLIMATATION EN ANJOU. Le genre Bambusa, de la famille des graminées, se compose d’une douzaine d’espèces presque toutes gigantesques, originaires de l’Inde ou des grandes îles de la Sonde. Rien de plus merveilleux que les touffes du bambou dont les tiges élancées s’élèvent quelquefois à une hauteur de 20 et même 25 mètres. Ce végétal, à la fois élégant et majestueux, imprime, ainsi que l’ont remarqué la plupart des voyageurs, un cachet, un aspect tout par- ticulier aux paysages des régions tropicales. $es tiges sont simples, mais de leurs nœuds naissent souvent un très-grand nombre de petits rameaux verticillés, chargés de feuilles nombreuses. Celles-ci, souvent fort grandes, sont d’un vert clair et agréable, les fleurs for- ment des espèces de panicules interrompues et ramifiées. Depuis plusieurs années, on s’occupe, sur divers points de la France, de l’acclimatation du bambou. C’est de l'Afrique, d'Alger, du jardin du Hamma, dirigé avec une intelligence digne de tous éloges par M. Hardy, que sont sorties les premières espèces du bambou livrées à la culture. Parmi celles qui sont destinées à un bel avenir, nous citerons le bambou de Montigny (Bambusa mitis Poir.). Le nom de Montigny a été donné à cette graminée, parce que c'est à M. de Montigny, notre consul général en Chine, qu’on doit son introduction. Quant au nom de mifis (doux), il le doit à ses jeunes pousses très-tendres, qui sont excellentes à manger. Les tiges souterraines du Bambusa mitis s’'avancent sous le sol à 4 mètres environ. De la tige nerveuse, il en sort au printemps de nouvelles tiges appelées £urions, que les Chinoïs consomment, comme nous les éurions d’asperges. Pour les conserver pendant l’hiver, les Chinois les font sécher à l’étuve, et, lorsqu'ils veulent les manger, ils les ramollissent avec de l’eau tiède. 164 Le premier horticulteur français, qui essaya de livrer à la pleine terre cette précieuse graminée, fut notre collègue, M. André Leroy, à qui la botanique appliquée est redevable de tant d’heureux résul- tats. C’est dans son vaste établissement de la Croix-Montaillé, qu'il la planta au mois d’avril 1860, en ayant soin de placer les racines jusqu’à la surface du sol, comme on doit toujours le faire pour les plantes traçcantes. Le terreau dans lequel fut mis le Bambusa mans, se composait d’un tiers de sable, d’un tiers de fumier et d’un tiers de terre végétale. Un autre de nos collègues, M. le docteur Turrel, avait reçu à la même époque, et par le même intermédiaire, M. Hardy, d'Alger, quelques pieds du Bambusa mitis. «J'en remis, dit-il, un exemplaire à M. Auzende, jardinier en chef de la ville de Toulon, mais qui n’osa le confier à la pleine terre que deux années après. Depuis le printemps 1862, le Bambusa mitis , occupe dans le Jardin de la ville, une bonne place dans une plate-bande à l’exposition sud, où il forme une puissante touffe de 1",50 de diamètre, d’où s’élancent des tiges de 6 à 7 mètres de hau- teur, ayant à leur base jusqu’à 15 centimètres de circonférence ”, » Au bout de deux années de culture, c’est-à-dire en 1862, époque où, comme nous venons de le voir, on se hasardaït à Toulon à un premier essai en pleine terre, M. André Leroy obtenait des tiges d’une végétation luxuriante, et, à l’automne, il en fit parvenir une de 4 à 5 centimètres de circonférence à M. Lefuel, architecte du Louvre, en le priant de l’offrir de sa part à l'Empereur. Le savant horticulteur, dont le nom jette tant d'éclat sur l’horti- culture angevine, n’a pas seulement borné ses tentatives d’acclima- tation au Bambusa mitis. À la même époque, il plantait les Bam- busa aurea (Hort.), falcata (Hort.), graminea (Hort.), matakay (Sieb.), nigra (Lodd.), scriptura (Demp.), verticillata (Weld.), gra- cilis (Hort.). En 1862, M. André Leroy recut encore d'Alger un nouveau bambou, le Fortunei (Hort.), qui, dans les fertiles terrains où il fut planté, végéta avec vigueur, sans toutefois, ainsi que ceux 1 Bulletin de la Société d’acclimatation, octobre 1866, 165 que nous venons de citer, atteindre les grandes proportions du Bambusa mitis, le plus vigoureux de tous. Le Bambusa nigra, se fait remarquer par un caractère tout parti- eulier. Dès la seconde année de culture, ses tiges sont recouvertes d’un vernis noir très-prononcé. On peut se servir de ce bambou pour faire des manches de parapluie, d’ombrelle, de fouet, de tuyau de pipe, etc. Toulon n’a cultivé le Bambusa nigra, que dans l’année 1864. L'exemple hardi et heureux, donné par M. André Leroy, eut bien- tôt d’intelligents imitateurs. Ainsi, M. Jules Cloquet, cultive aujour- d'hui le Bambusa mitis, dans sa propriété de Toulon, M. Lucy» receveur général de Marseille, l’a acclimaté dans cette contrée; M. Delusse, à Bordeaux; Lauzanne, en Bretagne; Levieux et de Ternissien, à Cherbourg ; le comte de Sinety, aux environs de Paris; et M. Joseph Lafosse, à Saint-Cosme-Dumont, près Carentan ’. Il faut attendre et souvent attendre longtemps, lorsqu'il s’agit d’ac- climatation ; l'expérience seule peut décider si l’on doit se prononcer sur telle ou telle plante, comme devant à tout jamais prendre racine sur notre sol ; tel gibier, nécessairement appelé à devenir l'hôte de nos forêts, tel animal, peupler nos parcs, tel oiseau, se reproduire en basse-cour, ete. ?. 2 Dans le numéro de décembre du Bulletin de la Société impériale zoologi- que d’acclimatation, M. Quihou, jardinier chef du jardin d’acclimatation du bois de Boulogne, a publié un rapport sur les cultures faites dans cet établissement pendant l’année 1866. Voici ce que nous lisons à la page 646. BAMBOU COMESTIBLE DE CHINE (Bambusa ?) non déterminé botaniquement. — Graminées (Chine). «Le Bambou a été envoyé de Chine par M. de Montigny, consul général de France. Il est à sa troisième année de végétation et n’a nullement souffert des hivers qu'il a traversés. Il est donc très probable qu'il réussira en plein air sous le climat de Paris, où il pourra nous rendre de grands services comme plante ornementale et probablement aussi comme plante industrielle. Nous allons le multiplier afin d’en propager la culture. » 2 On a cru pendant quelque temps que l'importation en France du ver à soie de la Chine, le Bombyx Yama-Maï devait remplacer le ver à soie du mürier Bom- byx mori, ou tout au moins lui faire une rude concurrence. L'année 1866 a mon- tré ce qu’on devait attendre de cette chenille, dont l’éducaiion en plein air, sur le chène de nos forêts, semble aujourd’hui presque abandonnée. 166 Pendant plusieurs années, cinq ans, je crois, nous eümes des hi- vers très-doux. L’Accacia dealbata, Link. (Mimosa dealbata), ce char- mant arbre, l’ornement de nos parcs, fut confié à la pleine terre, 1l y réussit admirablement. J’ai vu des Mimosa, s'élever à plus de 10 mè- tres de hauteur ; aussi y eut-il un véritable engouement pour cette exotique légumineuse, dont l’élégant feuillage et la délicate fleur en grappe, présentent au moisde février l’ensemblele plusgracieux. [n’y a pas de jardin, quelque exigu qu’il fût, qui ne contint un Mimosa. La culture de cet arbre, d’une multiplication facile, produisit à nos hor- ticulteurs de réels bénéfices. Mais hélas ! il a suffi d’un hiver rigou- reux, pour détruire toutes les espérances qu’on avait fondées sur l'avenir de cette délicate plante, aujourd’hui confinée à tout jamais dans une orangerie. L’Accacia dealbata, peut supporter 6 degrés de basse température. Quant au bambou, je crois qu’on peut lui assigner une place im— portante parmi les nouvelles plantes récemment introduites. Les hivers de 1862, 1863, 1864, nous ont prouvé sa rusticité. En 1864, le thermomètre descendit à 44 degrés : aucune altération ne se fit sentir sur les bambous de la Croix-Montaillé, tous conservè- rent leur couleur verte intense, sans perdre une seule feuille. Les nombreux essais, que nous venons de citer, ont générale- ment, sauf à Angers, été faits sur une petite échelle. Quelques per- sonnes, pourraient objecter qu’en abritant l’hiver le bambou, en cou- vrant ses racines de feuillages, ainsi que cela se pratique pour les Canna*, qui résistent dans notre climat aux froids les plus vifs, on pourrait conserver cà et là, des pieds isolés de ce bel arbre. Je ne regarderais point le résultat, obtenu de la sorte, comme le fruit d’une acclimatation sérieuse. C’est en plein champ, sans abri, livrée à toutes les intempéries des saisons, qu'une plante doit être expérimentée ; et si elle résiste, c’est * La première espèce de Canna, cultivée dans l’Anjou en pleine terre, fut celle du Canna gigantea, Edw. Aujourd’hui, toutes les espèces de Canna peuvent passer l'hiver, si on a soin de les couvrir soit de feuilles sèches, soit de fumier. Ces plantes, même par les hivers les plus rigoureux, se conservent mieux ainsi abritées, que dans les serres où souvent elles pourrissent. 167 seulement alors qu’on doit la considérer, comme devant appartenir à notre sol. C’est de cette dernière manière qu'a procédé M. André Leroy, dans son magnifique jardin, le plus beau jardin particulier d’ac- climatation de toute la France. Si nous ne craignions de sortir du cadre que nous impose cet article, nous donnerions la liste de toutes les plantes qu’il a acclimatées en Anjou, et notre nomenclature serait longue ; nous parlerions d’une autre belle graminée, originaire des Indes-Orientales, l’Arundinaria falcata, Nees, dont les tiges s’élè- vent à plus de 3 mètres de hauteur; des palmiers (Chameærops excelsa, Thunb., et humulis, L.); de l’Araucaria excelsa, Aït.; du Jubæa spectabilis, H. B.; de l’olivier d'Europe (O/ea europea ferru- ginea, Aït.; Cunninghami, Steud.), etc., ete. Ce sera plus tard, pour nous, le sujet d’une nouvelle étude. De toutes les espèces de bambou cultivées en Anjou, celle à laquelle on doit le plus s’attacher, est l’espèce de Montigny (Bambusa mitis). Cette plante, cultivée en grand, pourra fournir d’utiles ressources à l’industrie; les autres espèces sont purement ornementales, sauf le Bambusa nigra, dont nous avons signalé les avantages. Dans les pays où le Bambusa mitis, croît spontanément, comme dans ceux où on le cultive, on tire un très-grand avantage de cet arbre. Ainsi, ses tiges, creuses et légères, sont cependant d’une très- grande solidité ; les plus grosses servent souvent de charpente pour la construction des édifices publics, ou des habitations particulières. On peut également en faire des vases, des seaux, ou d’autres ustensiles de ménage ; les tiges les plus faibles sont employées pour construire des palissades, des clôtures, des parois ou des cloisons dans les habita- tions. Enfin, avec les fibres qu’on en détache, on fait des nattes, des corbeïlles, ou des paniers très-solides. À une certaine époque, il dé- coule de leurs nœuds une liqueur douce, agréable et sucrée, suscep- tible de fermenter, et qui sert de boisson dans les pays où le bambou est abondant. L'établissement de M. André Leroy compte près de quatre mille pieds du Bambusa mitis. Chaque année, il en sort au moins un mille. De tous côtés, nos grands dessinateurs de parcs, font 168 des demandes à Angers de cet arbre exotique, si bien acclimaté dans nos contrées. J'ai vu, dans les cultures de la Croix-Montaillé, plus de trente bambous dont les buissons donnent 2 mètres de circonférence, et les tiges, 2 mètres 50 d’élévation. La multiplication du Bambusa mitis, est des plus faciles. On peut la faire de deux manières : par le couchage des tiges aériennes qui dès la seconde année de leur marcottage, émettent des pousses aux entre-nœuds, ou bien encore en coupant par morceaux de 10 ou 15 centimètres de longueur les rhizomes, chacun d’eux produira rapidement une tige. Le bambou de Montigny se développera mal dans un sol sec, mais dans celui qui vient d’être indiqué, il prendra une extension consi- dérable. Il faut planter le Bambusa miñis, au mois d'avril et l’arroser vigoureusement en juin. Nous arrêtons ici notre étude sur le Bambusa mitis ; ce que nous venons d’en dire, doit suffire pour montrer les avantages que la cul- ture doit retirer de cet arbre. Nous n’hésitons donc nullement à pen- ser que, dans très-peu d’années, il sera répandu par toute la France. La modicité de son prix commercial tend chaque jour à le vulga- riser, et nous pouvons, dès aujourd’hui, ajouter à la flore de nos jardins de l’Anjou, si nombreuse en plantes de toute nature, un beau végétal de plus. AIMÉ DE SOLAND. ÉTUDE SUR LES CHAMPIGNONS DE MAINE-ET-LOIRE Jusqu'à ce moment, aucune étude complète n’a été publiée sur les champignons de Maine-et-Loire. Le premier ouvrage où l’on trouve une liste de ces cryptogames est celui de MM. Davy de la Roche et du Plessis *. Cette liste avait été dressée d’après l’herbier de Merlet de la Boulaye, qui renfermait cinq cents cryptogames environ : soixante-douze champignons sont indiqués dans ce travail. Dans la même année où parut l'ouvrage que nous citons, T. Bastard, professeur de botanique et directeur du Jardin des Plantes d'Angers, mit au jour son Essai sur la flore du département de Maine-et-Loire. Cet essai contient dans sa dernière partie la cryptogamie du département. Bastard donne seulement les noms des cryptogames, sans aucune description; le nombre des champignons observés par cet infatigable naturaliste s’élève à plus de deux cents. ! Herborisations dans le département de Maine-et-Loire, 1809. 170 Augustin-Nicaise Desvaux, directeur du Jardin botanique d’An- gers, fit imprimer en 1827 sa Flore d'Anjou. Il s’est borné à dé- crire quelques espèces, et il est à regretter que Desvaux n'ait pas fait davantage, car c’était un des maîtres de la science qui ont le plus étudié les champignons, et c’est à lui qu’on doit la création de plusieurs genres. Un autre maître, le docteur Guépin, consacra une grande partie de sa studieuse carrière à l’étude des cryptogames. Ne laissant rien au hasard, observant bien et consultant les naturalistes que sa mo- destie plaçait au-dessus de lui, il élaborait lentement le second volume de sa Flore, la mort ne lui a pas laissé achever son œuvre. Il m’a été permis de profiter des notes de mon regretté profes- seur, de celui à qui je dois, ainsi qu’à M. Adrien de Jussieu, le peu que je sais en botanique. Imitant ce savant qui fut toujours mon guide, ce n’est qu'après de longues années, que je me risque à don- ner une étude sur les champignons appartenant à la sous-division entobasides. J'ai dù, pour arriver à un résultat, compulser tous les ouvrages que j'ai pu me procurer sur la mycologie. J’ai envoyé mon travail à M. le docteur Léveillé, en lui demandant ses bons conseils et me soumettant à ses doctes avis ‘. J'ai constaté, de visu, à tous âges, l'habitat des plantes que je dé- cris. Je les ai analysées avec un soin minutieux, et si je n’ai pas eu la bonne fortune de découvrir de nouvelles espèces, chose fort rare de nos jours, j'ai eu du moins celle de signaler des particularités intéressantes, par exemple, les diverses colorations de la flamme au contact des spores des champignons. Nous avons éprouvé jusqu’à présent de grandes difficultés dans 1 Le docteur Léveillé est, sans contredit, le botaniste dont les études ont fait le plus progresser la Mycologie; parmi ses travaux, nous citerons ses notices sur les Cryptogames cellulaires et vasculaires, sur le Sclerotium, sur l'Hymenium des champignons, sur le développement des Uredinées, ses Remarques sur l’amadou, etc. La science lui doit encore Iconographie des champignons de Paulet, recueil de 217 planches, dessinées d’après nature, gravées et coloriées, accom- pagnées d'un texte nouveau présentant la description des espèces figurées, leur synonymie, l'indication de leurs propriétés utiles ou vénéneuses, l’époque et les lieux où elles croissent. 171 nos études et nous sommes encore éloigné du but que nous vou- drions atteindre, mais le plaisir de lire, bien imparfaitement il est vrai, quelques pages du grand livre du Créateur, nous a largement récompensé de nos peines. ENTOBASIDES. Basides situés dans le-parenchyme même du réceptacle, ou dans des sporanges particuliers qui y sont renfermés. TRIBU I. — CONIOGASTRES. « Réceptacle globuleux, ovale ou allongé, membraneux, charnu, papyracé, nu ou enfermé dans une volve, sessile ou supporté par un pédicule qui le traverse en tout ou en partie sous forme d’un parenchyme spongieux, compacte ou mou, se réduisant en poussière et en filaments. Basides tétraspores, discrets, tapissant les vacuoles ou pressés les uns contre les autres. » — LéveiLré, Dic- honnaire universel d’Jastoire naturelle. PODAXINÉS. Réceptacle allongé, traversé par un axe central. STEMONITIS FERRUGINEA, Fries. Trichia axifera, Bulliard. Cette plante, qu’il faut étudier au microscope, croît sur les vieux bois et est assez rare : c’est dans nos grandes forêts que je l’ai trouvée. CaracTÈREs. — A l’état jeune, ce champignon est blanc, sa forme est conique. En vieillissant, il devient cylindrique et de couleur rouge. Pédicule noir, traversant le réceptacle jusqu’au sommet, spores sortant de côté, et quelquefois par six endroits différents. 172 Je n'ai pu obtenir aucun résultat en les soumettant à l’action du feu : elles brülent très-difiicilement. . STEMONITIS TyPHOÏDEs, de Candolle. Fries. Trichia typhoïdes, Bulliard. — Stemonitis typhina, Persoon. — La Stemonite Massette. J’ai récolté le Stemonitis typhoïdes, dans les mêmes localités que l'espèce précédente et dans la serre de M. Cachet, un des horticul- teurs les plus distingués d'Angers. CaRACTÈRES. — Pédicule-écrasé à la base, grêle au sommet, ter- miné par un réceptacle cylindrique d’un blanc de lait dans la jeu- nesse, puis roux, et enfin noir. Arrivé à cet état, il se rompt sur les côtés, en laissant quelques lambeaux de son écorce. Les spores sont brunes et peu inflammables. Vu au microscope, ce champignon, parvenu à la fin de sa car- rière, ressemble beaucoup au Typha anqustifola, L. DracHEA ELEGANS, Fries. Trichia leucopodia, Bulliard. Cette espèce très-exigue, a été trouvée plusieurs fois par nous, aux environs d'Angers sur des bois de sureau. CaracrÈkes. — Étudiée au microscope, cette plante présente un pédicule large à la base et se rétrécissant au sommet; le réceptacle a la forme d’une massue noire. Bulliard, pl. 502, a donné le dessin des spores du Drachea ele- gans. Il n’a été impossible de faire aucune expérience sur ce mini- me champignon. TYLOSTOMÉS. Réceptacle globuleux, porté sur un pédicule cylindrique creux, s’ouvrant au sommet par un orifice à bords cartilagineux, le paren- chyme est blanchâtre et se convertit en spores fines, entremèlées de filaments. 173 TyLosToma mammosum, Fries. Lycoperdon pedunculatum, 1. J'ai remarqué bien des fois, dans les vallées de la Loire, sur les carrées, couvertes de chaume, qui servent aux paysans à s’abriter l'hiver pour broyer les lins et les chanvres, le Tylostoma mam- mosum. CaracrÈères. — Réceptacle blanc, porté sur un pédicule d’un centi- mètre de long environ. Lorsque la plante arrive à maturité, il se forme au sommet du réceptacle un petit trou, duquel s’échappent au moindre soufile du vent, des spores rougeâtres très-fines. Ces spores s’enflamment, mais produisent une lueur faible. GÉASTRÉS. Réceptacle contenu dans une volve qui, à la maturité des cham- pignons, se divise par le sommet en plusieurs lanières coriaces on rayons qui s’étalent horizontalement à terre, ou se recourbent au- dessous et soulèvent la plante hors de terre. GEASTER HYGROMETRICUS, Pers. Lycoperdon stellatum, L. — Vesse-loup étoilée (Flore française). — Étoile de terre, Paulet, Champignons, tab. 238. Ce champignon est très-abondant à l’automne, dans les bois de l’Anjou. Je l’ai trouvé par groupes dans la futaie de Champ-d’Oi- seau et dans les bois de Lassay, commune de Faveraye. Caractères. — A l’état jeune, il a la forme d’une boule et reste sous le sol. Un peu plus tard, cette boule sort de terre, alors la volve est découpée en six ou sept portions égales, et, de son centre, s’élève le réceptacle qui s'ouvre à son tour pour laisser sortir les spores. Comme les lycoperdons, ils prennent aisément feu; la flamme est blanche. Le Geaster hygrometricus croît sous terre : c’est seulement après les pluies de l’automne qu’il se montre. Cette plante offre un hy- gromètre d’un effet aussi sûr qu’invariable, par la faculté qu’elle a 174 de rapprocher les divisions de sa volve lorsqu'il fait sec, et, au con traire, de les étendre, lorsqu'il vient à pleuvoir, ou que l’atmo- sphère est chargée d'humidité. GEASTER RUFESCENS, Persoon. Lycoperdon stellatum, Bulliard. Cette espèce, que Bulliard prend pour une variété du Lycoperdon stellatum, est assez rare en Anjou et croît dans les sapinières de Chaloché. Caracrères. — Volve rousse à six ou sept rayons, réceptacle sessile, orifice denté. Je n’ai constaté aucune différence dans la flamme que donnent les spores de ce Geaster et celles du Geaster hygrometricus. D’après Desvaux, la plante qui nous occupe serait le Geastrum castaneum. Desv. Les espèces de ce genre sont peu nombreuses et difficiles à carac- tériser. M. Desvaux a créé plusieurs espèces nouvelles; malheureu- sement, il n’a pu en donner des dessins. Cet éminent botaniste avait composé une magnifique collection de champignons destinée d’abord au Jardin des Plantes d'Angers. Qu'’est- elle devenue après la mort de ce professeur ? Je l’ignore. Il serait à désirer qu’on püt retrouver les champignons qui ont servi de types à ce savant, pour établir ses genres et ses espèces. Aïnsi, d’après ses observations, Desvaux pré- tend que Bulliard et Persoon, ont confondu quatre espèces sous le nom de Lycoperdon stellatum. GEASTER DuPLICATUS, Chevalier. Lycoperdon stellatum, variété Bulliard. Ce Geaster est assez rare. On le trouve à terre à l'automne dans les mêmes lieux que les Geaster rufescens et hygrometricus. CaRAcTÈRES. — Beaucoup plus petit que le précédent. Orifice rond, volve lisse et très-dentée. Relativement à la flamme produite par ses spores, J'ai fait les mêmes observations que pour les autres Geaster, 179 LYCOPERDÉS Réceptacle globuleux, cortex fugace, s’ouvrant à son sommet. Souvent sessile. Le genre le plus curieux de la famille des lycoperdés est le genre lycoperdon. Ses principaux caractères consistent dans les récepta- cles pédiculés, d’une forme ovoïde, composés d’une double mem-- brane : lextérieure charnue, verruqueuse ou tomenteuse et plus ou moins fugace, se détache en écailles; l’interne membraneuse et persistante se déchire lorsqu'elle arrive à sa maturité. Dans leur Jeunesse, les lycoperdons sont d’une couleur blanchâtre ou grisâtre ; ils prennent une teinte plus foncée avec l'âge, croissent en général sur la terre dans les lieux stériles et découverts, les bois, et même quelquefois sur les vieux murs. Pendant longtemps, il fut difficile de se reconnaître dans les divi- sions du genre lycoperdon. Tournefort, Linné et Adanson avaient introduit dans la classification de grandes confusions, ce fut Per- soon qui eut le mérite d'opérer une heureuse réforme. Plusieurs botanistes distingués, entr'autres Desvaux, directeur du Cabinet d'histoire naturelle et du Jardin des Plantes d'Angers, ont cru de- voir former aux dépens du Geastrum, les genres Plecostoma et My- riostoma ; le Podaxis (Schweïinitzia Greville) du Lycoperdon axa- tum, Bose, et le Callostoma aux dépens des Scleroderma. LycoPeRDON PyRIFORME, Schæff., Duby, Fries. Vesse-loup pyriforme. Assez commun dans tous les bois du département, je ne l’ai ja- mais observé que sur des souches pourries. Août, septembre. Caractères. — Forme de poire. Hauteur, 2 centimètres environ. IL'est rempli d’une substance grisâtre ; les spores qu’il répand lors- qu'on le presse, s’enflamment moins rapidement que celles du Sczr- RODERMA VERRUCOSUM, mais l’expérience m'a prouvé que la lumière qu'elles produisent est identiquement la même. 176 LycoPERDON GEMMATUM, Fries. Lycoperdon lacunosum, Vaillant. — Vesse-loup lacuneuse. Ce champignon est très-commun dans les bois de la Haye près Angers. Septembre. Caracrères. — Arrondi et convexe, porté sur un pédicule assez long et presque cylindrique. Surface blanchâtre couverte d’écailles perlées. Son diamètre est de 2 centimètres, sa hauteur de 3 environ. Les spores sont extrêmement fines et s’échappent à la plus légère pression, et très-facilement. Flamme d’un blanc pâle. LycoPERDON HyEMALE, Bulliard. Vesse-loup d'hiver. Fin de septembre : prairies des bords du Layon. Assez rare. Se conserve parfaitement pendant l'hiver; ce n’est qu’au printemps qu’elle commence à se déformer. C’est à cette circonstance qu’elle doit son nom de vesse-loup d’hiver. Caracrères. — Réceptacle très-mince, pédicule tronqué à son ex- trémité inférieure. Dans son jeune âge, cette plante est parsemée de petites rugosités qui disparaissent lorsqu'elle arrive à l’état de ma- turité. Les spores qu’elle contient s’enflamment rapidement et pro- duisent une flamme très-blanche. LycoperDoN HiRTuM, Bulliard. Lycoperdon gemmatum, Fries. — Vesse-loup hérissée. Ce lycoperdon est assez commun à l’automne dans toutes les prai- ries de l’Anjou, principalement dans celles des bords du Layon, de la Lys, de l’Aubance, de l’'Hyrôme, de la Moine, etc. CaRACTÈRES. — Facile à reconnaitre par sa forme ronde couverte de pointes, d’où lui est venu le nom de hérissé. En vieillissant, ce champignon de blanc devient brun, et de son sommet s’échappent des spores rougeâtres qui prennent feu à l’approche d’une bougie. La flamme est très-vive. Bulliard (Champignons de France, t. VII, p. 340) prétend que 177 dans beaucoup d’endroïts on mange cette plante dans l’état de jeu- nesse. J’ai fait des expériences qui m’autorisent à penser, contraire- ment à l’avis du savant mycologue, que la vesse-loup hérissée n’est pas une substance inoffensive. LycoPERDON cŒLATUM, Bulliard. Lycoperdon bovista, Persoon. — Lycoperdon gemmatum et areo- latum, Schæff. — Vesse-loup ciselée. Commun dans tous nos bois à l’automne, principalement dans les forèts de Brissac, des Marchais, de Noizé, de Chandelais, de Mon- noye, etc. CaracTÈREs. — Réceptacle en forme de toupie arrondie, d’un blanc jaunâtre à l’état de jeunesse, brun en vieillissant, surface hérissée de pointes élargies à leur base et taillées à facettes. Cette espèce a environ 5 centimètres de diamètre. Lorsqu’elle a émis ses spores, elle prend la forme d’une coupe. On fait, avec cette plante, de l’amadou, en employant à cet effet la moitié inférieure du champignon, que l’on coupe par tranches très-minces; pour les rendre souples on les bat avec un marteau, et on les enfile dans une corde, afin de pouvoir les tremper deux ou trois fois dans une solution de poudre à canon et de farine. Les spores de ce champignon donnent une flamme éclatante. LycoPERDON GossyPiNum, Bulliard. La vesse-loup cotonneuse. Ce petit champignon est excessivement rare. Je ne connais qu’une localité où 1l se rencontre : c’est dans la garenne de Noïizé sur des souches pourries. CaracrÈREs. — 2 millimètres de hauteur, forme d’une toupie. D'abord blanc, puis jaunâtre, surface cotonneuse. Croit toujours par groupes. Ses spores donnent une flamme très-faible. IX 12 178 LycoPerpon PusizLum, Fries. Lycoperdon cepæforme, Bulliard. — La vesse-loup en oignon. Lycoperdon des bruyères. Cette espèce est très-commune, surtout dans l’arrondissement de Baugé, les bruyères de Chaloché en sont remplies. Caracrères. — Globuleux, jeune ce champignon est très-blanc ; arrivé à l’état de maturité, la plante prend une couleur de terre. Racine petite et chevelue. Les spores de ce lycoperdon produisent une flamme très-vive et prennent feu rapidement. LycoPERDON PYRIFORME, Fries. Lycoperdon ovoideum, Bulliard. — La vesse-loup ovoide. Commune dans les bois, quelquefois se rencontre dans les prai- ries. Cette espèce résiste au froid le plus intense et se conserve sou- vent jusqu’au printemps. Caracrëres. — Forme d’une poire se rapprochant beaucoup de la poire appelée Beurré Aurore, sa surface est recouverte d’écailles très-fines ; radicules longues et fibreuses couleur de fumée claire. Ses spores donnent une très-belle flamme d’un blanc violacé. LYCOPERDON GIGANTEUM, Fries. Très-rare. On le trouve à la fin de l’automne dans la forèt de Chandelais et dans celle de Pommenard. Caractères. — En globe presque sessile d’un blanc jaunätre. Cette vesse-loup, la plus grande de toutes celles que nous con- naissons, atteint quelquefois 0",64 de diamètre. Sa chair, d’a- bord très-blanche, devient jaunâtre, puis grise; enfin, elle se change en une poussière d’un bistre clair. Ce lycoperdon tient à terre par une racine très-fragile qui n’est guère plus grosse que le petit doigt. Aussi, il arrive fréquemment que lorsque le champignon a émis ses spores, le moindre soufile du vent le déracine et le fait rouler comme une boule. « J'ai souvent vu des chiens de chasse, dit le botaniste Bulliard, Lycoperdon craniolare.( Pau/et) LITH. P.LACHÈSE } BELLEUVRE ET DOLBEAU) À ANGERS. 179 courir après cette vesse-loup comme après un lièvre qui aurait dé- bouché. » Sa couleur roussâtre et la légèreté avec laquelle elle se meut, pour peu qu’il fasse de vent, rendent, en effet, cette illusion complète. Le plus beau spécimen deLycoperdon giganteum, Fries, que j'aie vu était celui dont se servait pour ses démonstrations, au Jardin des Plantes d'Angers, M. Augustin-Nicaise Desvaux, qui a contribué avec Persoon et plusieurs maîtres de la science à rendre moins con- fuses les divisions qui existaient dans ce genre difficile. Les spores du Lycoperdon giganteum prennent feu avec une très- grande facilité : sa flamme est d’un rouge écarlate. On se sert de ce champignon pour faire de l’amadou. À l’état jeune, on peut manger de cette espèce, mais dès qu’elle commence à prendre une teinte grise, il y aurait, je crois, inconvé- nient à en faire un usage alimentaire. LYCOPERDON CRANIOLARE, Paulet. Vesse-de-loup tête d'homme ou le crâne. Le 23 mai 1866, notre collègue, le docteur Farge, recueillit au pied d’un poirier dans la prairie de l’île Gloriette, commune des Ponts-de-Cé, un magnifique lycoperdon pesant 1,200 grammes et d’une circonférence de 0,76. Sachant que je me livrais depuislon- gues années à l'étude des champignons, M. le docteur Farge eut la complaisance de me remettre cette curieuse plante que je n'avais jamais rencontrée dans mes nombreuses herborisations. Après un examen attentif, je reconnus que j'avais devant les yeux le Lyco- perdon craniolare de Paulet. Cette espèce, très rare, qu’on a confondue à tort avec le Lycoper- don giganteum, Fries, en diffère complétement par son port et par tout son ensemble. Fortement attachée au sol, elle n’est point comme le Lycoperdon giganteum sujette à être déracinée dans les _jours de tempête. Le Lycoperdon craniolare était connu de Théophraste qui le dé- signe sous le nom de cranium. Le premier aspect de ce champignon est effrayant : on croit voir sortir de terre une tête blanche, chauve, 180 sur la surface de laquelle rampent comme des veines ramifiées qui disparaissent lorsque le champignon arrive à l’état de vieillesse. Cette plante a exactement la forme d’une tête d’homme : son con- tour est un ovale un peu aplati latéralement, et une de ses extrémi- tés est plus grosse que l’autre. Son parenchyme est blanc, d’un tissu égal et ferme, et n’est ni d’un goût ni d’une odeur désagréable. Paulet prétend que le Zycoperdon craniolare peut être donné comme nourriture aux animaux. J'ai entendu bien des fois raconter l’anecdote suivante : Un messager de Thouarcé, nommé Dandé (c'était, je crois, en l’an- née 1820), traversait, une nuit, avec son cheval chargé de bagages, la forêt de Brissac. Arrivé à un carrefour, il crut apercevoir au pied d’un arbre une tête de mort. Effrayé, notre homme se sauva à toutes jambes et ne voulut jamais repasser en cet endroit. S’il eût été plus brave, il füt revenu le lendemain, en plein jour, sur ses pas. Je ne doute pas, un seul instant, qu’il n’eût constaté l'habitat des champi- gnons de l’espèce qui nous occupe. Le Lycoperdon craniolare, est la plus grosse espèce des champi- gnons de l’Anjou. Il croit en Ukraine un lycoperdon très-remar- quable et qui a beaucoup de rapport avec le craniolare, mais dont les dimensions sont plus grandes, nous voulons parler du Lycoperdon horrendum, trouvé par M. Czerniaiew. Le diamètre de ce champignon dépasse quelquefois un mètre. « Ce champignon, dit-il, peut effectivement effrayer dans une « forêt sombre, où tout d’un coup on croit apercevoir un fantôme « courbé, en robe blanche ou brunätre.» LycoPERDON EXCIPULIFORME, Schæff. Lycoperdon gemmatum, Fries. Variété. — Vesse-loup excipuli- forme, Bulliard. — Lycoperdon en forme de matras. Dans tous les bois de l’Anjou, à automne, sur la terre. CaracrÈres. — Réceptacle globuleux garni de verrues. Pédicule long, renflé à la base, étranglé au sommet. Spores grisâätres don- nant une flamme assez faible. 181 BovisrA PLUMBEA, Fries. Lycoperdon ardosiaceum, Bulliard. — Vesse-de-loup ardoise. Octobre : parc de Chanzeaux, sur des branches d’aulnes mortes. CaRACTÈRES. — Diamètre de 2 centimètres. Forme globuleuse, de couleur d’ardoise. Son écorce est très-fine et ses spores s’enflamment facilement et produisent une lumière rougeûtre. Bovisra urriFormis, Fries. Lycoperdon utriforme, Bulliard. — La Vesse-loup utriforme. Bois d’Avrillé, où il est commun. Caractères. — En forme d’outre, presque aussi gros du haut que du bas. Ce champignon est dur et résiste à la pression du doigt; ses spores grisâtres donnent une belle flamme blanche. LycocALA EPIDENDRUM, Fries. Lycoperdon epidendrum, Linné. Cette espèce est une des plus communes de Maine-et-Loire, on la trouve sur tous les bois morts ; jamais je ne l’ai remarquée sur du bois vert. Caracrères. — Réceptacle sphérique, sessile, s’ouvrant irrégu- lièrement au sommet. Parenchyme d’abord aqueux, puis cotonneux, formé de filets très-fins ; spores attachées le long des filaments. Cette plante, quant à sa couleur, varie beaucoup; ainsi je l’aivue rouge, jaune, brune, noire, et même blanche. Je n’ai jamais pu en- flammer les semences du Lycogola epidendrum. SCLÉRODERMÉS. Ce genre est caractérisé par un réceptacle globuleux, et presque subéreux, sa surface est lisse ou recouverte d’écailles fixes et s'ouvre irrégulièrement pour laisser échapper les spores. Pédicule gros, court et fixé par un Mycelium épais et radiciforme. Spores d’abord rassemblées en amas, puis retenues par des fibrilles entrelacées. 182 SCLERODERMA VERRUCOSUM, Pers. Lycoperdon verrucosum, Naïllant. — Vesse-loup commune, Flore française. Très-commun dans les forêts de Brissac, des Marchais, de Beau- lieu, les bois de la Guinaïse, commune de Chavagnes-les-Kaux, la forèt de Longuenée, au pont Barré. C’est surtout pendant l’au- tomne qu’on le trouve abondamment. CaracTÈRES. — Pédicule plissé au collet. Ce champignon est chargé de verrues et rempli d’une substance d’un bleu ardoisé; ar- rivé à sa maturité, il s'ouvre au sommet et laisse échapper des spores noirâtres. Il m'est arrivé plusieurs fois de le presser et d’ap- procher un flambeau au moment où elles s’échappaient ; immédia- tement elles s’enflammaient en produisant une lumière blanche. SCLERODERMA VULGARE, Fries. Lycoperdon aurantium, L. — Vesse-loup orangée. Septembre et octobre : prairies de Mùrs, de Mozé, de Denée, de Thouarcé, de Faye, Martigné-Briant, etc. CaracrTères. — D’un jaune orangé ; peau couverte de petits bou- tons. Lorsque ce champignon répand ses spores, au lieu de partir du centre, c’est par de petites ouvertures de côté qu’elles s’échappent ; ce qui fait que cette plante se conserve longtemps sans perdre sa forme primitive. Les spores de ce champignon, lorsqu'elles prennent ea donnent une lumière d’un blanc argentin. RÉTICULARIÉS. Réceptacle rond, mou, à l’état de jeunesse, puis pulvérulent. RETICULARIA GARNOSA, Bulliard. Réticulaire charnue. Pendant toute l’année, on trouve dans nos bois, sur la terre, la réticulaire, et quelquefois sur la mousse. 183 Caracrëres. — Molasse dans sa jeunesse; en vieillissant elle se durcit et devient friable après la dessiccation ; spores fines, retenues dans l’intérieur de la plante par un réseau chevelu. Arrivé à l’ex- trème vieillesse, le réseau disparaît complétement, comme on peut le voir sur la planche 424, figurée par Bulliard. J’ai obtenu, en faisant brüler les spores de ce champignon, une flamme rouge. RETICULARIA UMBRINA, Friès. Ce champignon se développe surtout sur le bouleau (Mürs, Éri- gné, parc de M. Guillier de la Tousche). CaRACTÈRES. — La Reticularia umbrina ressemble assez à une petite pomme de terre ; elle est de couleur grise, parsemée de blanc ; son orifice est un peu renflé. Ses spores sont abondantes et donnent une flamme d’un rouge vif. ÆTHALIUM FLAVUM, Fries. Reticularia lutea, Bulliard. C’est surtout au printemps qu’on rencontre sur les feuilles mortes ce champignon. Caractères. — Cet Æfhalium, qu'on ne peut bien étudier qu’au microscope, ressemble tellement à de l’écume, dit Bulliard, que l’on ne croirait jamais que ce soit une plante si on la laisse dessécher à l'air libre. Dès qu’on touche à l’'Æfhalium flavum, il se réduit immédiate- ment en poussière brune très-abondante, qui donne une flamme bleuâtre. SPUMARIÉS. Substance spongieuse composée d’un tissu floconneux cellulaire. SPUMARIA ALBA, Fries. Reticularia alba, Bulliard. Très-commun à l’automne, sur les feuilles mortes des bois. CaracrTÈèRes. — Substance molasse, blanche, semblable à de l’é- cume, se réduisant en poudre après la dessiccation, et laissant à nu o 184 ses tuyaux. Le réceptacle s'ouvre par le centre et présente des plis nombreux, de couleur bleuâtre, semblables à des étuis qui con- tiennent des spores noires. Cette plante est en partie fluide dans son premier àge, puis elle se solidifie et devient membraneuse, ensuite fragile. Ses spores donnent une lumière blanche lorsqu’elles sont enflam- mées. PHYSARÉS. Réceptacle globuleux évasé, axe central nul; filaments fixés vers la base interne, spores agglomérées. PaysaruM ANTIADES, Fries. Sphærocarpus antiades, Bulliard. Dans la forèt de Longuenée, au bois de la Haye, et dans les taillis sur les vieilles souches. CaracTÈREs, — Le pédicule supporte rarement un seul individu, généralement c’est deux ou trois; le toupet est blanc; quant aux spores, elles sont noirâtres et produisent une flamme brune. PavysaruM vire, Persoon. Sphærocarpus viridis, Bulliard. Cette plante est tellement commune sur les souches pourries, que nous ne lui assignerons aucune localité. CaracrTèREs. — D’une couleur d’un vert tendre, émet des spores noires qui donnent une lumière blanche très-faible ; cette espèce renferme plusieurs variétés. Paysarum LuTEuM, Fries. Sphærocarpus luteus, Bulliard. J’ai trouvé une seule fois le physarum luteum, dans la forêt de Longuenée. Caractères. — D'un blanc argenté, réseau chevelu, jaune; spores brunes. Ces spores, lorsqu’elles sont enflammées, donnent une lu- mière blanche très-faible. 185 PaysaRuM NUTANS, Persoon. Sphærocarpus albus, Bulliard. Il faut un œil très-exercé pour trouver cette microscopique espèce, assez commune du reste dans nos bois ; elle croit après les grandes pluies, et se développe quelquefois sur les mousses. CarAcTÈRES. — Se distingue de la précédente par son réseau noir ; spores brunes. Lorsqu’elles prennent feu, ce qui arrive assez difhici- lement, la flamme est légèrement blanche. PaysaruM uTRICULARIS, Fries. Sphærocarpus utricularis, Bulliard. Au printemps, cette plante se développe sur l’écorce des vieux chènes, des ormes, etc. Assez rare. Echarbot, bois de la Haye, la Membrolle. CaracTèREs. — Réceptacle supporté par un pédicule jaunâtre. Le physarum utricularis a la forme d'un œuf; il est transparent, le sommet est blanc et la base qui renferme ses spores, noire. Ces spores sont très-épaisses, et s’échappent par un des côtés. Il m’a été impossible d'obtenir aucune lumière des spores du physarum utri- culars. ° PaysaRuM carsuLIFER, Fries. Sphærocarpus capsulifer, Bulliard. — Physarum capsulifère. Ce joli champignon est assez rare, je l’ai trouvé plusieurs fois sur de vieilles souches, dans la forêt de Beaulieu. CaracrÈRes. — Rond, presque sessile. Ce champignon change trois fois de couleur ; jeune, il est d’un bleu noirâtre, un peu plus tard sa couleur s’éclaircit et devient bleu d’ardoise ; enfin à l’état de vieillesse, le physarum est tout gris. C’est alors que la plante s’ouvre au sommet pour laisser passage à des spores noires, qui, broyées, donnent une poussière qui s’enflamme difficilement. PaysarumM sTriATUM, Fries. Sphærocarpus aurantius, Bulliard. Sur les écorces de vieux chênes, Beaulieu, Rablay, Gonnord, le Champ, Joué; commun sur toute la côte du Layon. 186 Caracrères. — Étudié au microscope le paysarum striatum, pré- sente un pédicule noir et strié, en forme de massue à sa base. Son réceptacle est d’un jaune orange. A l’état de maturité l’écorce se rompt et le champignon a une grande analogie avec un globe ter- restre. À l’époque de l'émission des spores, le globe se déchire en entier et il ne reste plus de la plante que le pédicule. Ces petits champignons croïissent toujours en assez grand nombre, sur le même tronc d’arbre, j'en ai compté jusqu’à quatre-vingts. L’exiguité de ce cryptogame nécessite une grande réunion de physa- rium striatum afin d’expérimenter les spores qui, du reste, donnent une lueur très-faible. DinymiumM FARINACEUM, Fries. Reticularia nigra, Bulliard. J’ai rencontré bien des fois dans mes herborisations, le didymium farinaceum sur des saules dont le bois était mort, sur des peupliers, des aulnes, des bouleaux, etc. Caracrères. — Lorsque cette plante se développe, elle est muci- lagineuse, puis grise, et, en vieillissant, noire ; ses spores sont très- abondantes et brülent facilement. Flamme blanche. CRATERIUM MINUTUM, Fries. Sphærocarpus turbinatus, Bulliard. Cette plante végète généralement sur les feuilles sèches; je l'ai quelquefois rencontrée sur des bois morts. CaracTères. — Croit par groupe de vingt à trente, sa forme est celle d’un verre à liqueur ; le pédicule est noir et le corps du cham- pignon jaune. Pour l'émission de ses spores qui sont noires, le cra- terium minutum s'ouvre dans toute la longueur. La flamme pro- duite par la poussière de ce champignon est argentine. Cette espèce étant très-petite, pour analyser ses spores, on est obligé, comme nous l’avons fait pour le physarum striatum, d’avoir recours à un très-grand nombre d'individus. 187 DIDERMA FLORIFORME, Fries. Sphærocarpus floriformis, Bulliard. Nous ne donnerons aucune des localités où croit cette plante, car il faudrait citer en entier les communes du département. On peut la trouver pendant toute l’année. Caractères. — Il est une observation très-curieuse à faire sur ce champignon. Jeune, son pédicule est surmonté d’un réceptacle sphérique; arrivé à maturité, époque où les spores tendent à s’échap- per, le dèderma floriforme prend la forme d’une fleur. Comme son nom l'indique, le réceptacle de rond devient ovale, et se trouve placé au centre d’une enveloppe membraneuse, découpée en huit lobes. Flamme argentine. DinermaA sTiprTATUM, Fries. Reñicularia stipitata, Bulliard. Comme l'espèce précédente, cette plante est extrêmement com- mune et croît en toute saison. CARACTÈRES. — On pourrait appeler ce diderma, diderma tricolor, car il change trois fois de couleur ; d’abord il est blanc, puis orange, ensuite noir; ses pédicules rameux portent à leurs extrémités des individus d’âges différents, de sorte que la plante vit ainsi plusieurs années. Ses spores produisent une flamme blanche. DinermA spuMARIOIDES, Fries. Reticularia hortensis, Bulliard. — Fuligo vaporina, Persoon. J’ai observé, en assez grande quantité, ce champignon, à An- gers, dans la grande serre de l’horticulteur Fargeton ; on lerencontre quelquefois sur la terre, sur de vieux bois. Il est assez rare. CaracTÈREs. — Cette plante, d’une consistance gélatineuse, un peu gluante, ressemble à de l’écume ; mais en vieillissant elle rougit et devient tellement friable, qu’il est impossible de la toucher sans la briser. Ses spores, brunes, soumises à l’action du feu, donnent une faible lumière. 188 Dinerma GLoBorirerRus, Fries. Sphærocarpus globoliferus, Bulliard. Généralement, ce diderma se développe sur de petits rameaux morts ; il est assez commun au bois de la Haye. CaracTëres. — Ce champignon, vu son exiguité, ne peut être étudié qu’au microscope. À l’état jeune, le réceptacle du diderma globuliferus est blanc; dans un âge avancé, il devient brun. Bulliard (Champignons de la France), donne une excellente description du diderma globuliferus qu’il appelle sphærocarpus globuliferus (des- cription dont j'ai constaté par expérience l’exactitude), lorsqu'il dit que son réceptacle se fendille, se détache par lambeaux et laisse à nu un réseau fibreux, auquel sont insérées les spores de couleur brune. Ces spores sont contenues dans de petites vésicules d’abord jaunes, puis blanches ; elles persistent après leur dispersion, s’é- chappent de côté et donnent une flamme violacée. TRICHIACÉS. Les plantes qui appartiennent à cette section sont caractérisées par leur fructification, qui consiste en de petits réceptacles arrondis ou oblongs, pédiculés ou sessiles, qui s'ouvrent par le sommet en se déchirant en lambeaux et mettent au jour des filaments tortillés qui prennent naissance à la base ou sur les parois des réceptacles, et offrentéparses à leur surface, une multitude de spores qui ressemblent à de la poussière. Tricura coccineA, Fries. Sphærocarpus coccineus, Bulliard. Ce champignon se montre dès le commencement du printemps jusqu’à l'automne; il est très-commun sur les vieilles souches; on le rencontre à peu près partout en Anjou. Caractères. — Réceptacle sphérique, l'extérieur est d’un rouge vif, l’intérieur est formé d’un réseau à mailles fines qui renferme les spores; elles ne peuvent s'échapper que lorsque le réseau est rompu. 189 La #ichia coccinea s'ouvre de côté comme une boîte, et c’est alors que sortent les spores qui, enflammées, donnent une charmante. lumière du rouge le plus vif. TricHiA FALLAx, Persoon. Sphærocarpus ficoides, Bulliard. — Capilline trompeuse. Sur les troncs d’arbres morts. Mouliherne, Pontigné, Linières- Bouton, Faye, Saint-Pierre-Montlimart, Bécon, etc. CaracrÈRes. — D'un brun noir, simple, stipité, turbiné. Les spores noires sortent de côté et ne produisent aucune lumière, lorsqu'elles sont soumises à l’action du feu. Quand l’émission a eu lieu, cette capilline a la forme d’un gobelet. TricaiA NiéRiPes, Persoon. Sphærocarpus piriformis, Bulliard. — Capilline nigripede. Pontigné, forêts de Chandelais, de Pommenard, Linières-Bouton, dans tout l'arrondissement de Baugé. Caractères. — Turbiné, jaune, pédicule court, noir ; les spores jaunes, sortent par deux petits trous qui se font lorsque le cham-. pignon est mür, au sommet de la plante. Cette espèce qui végète toujours par groupes de deux à dix individus croît sur le tronc des arbres. La flamme des spores est jaunâtre. Tricaia carysosPermA, Fries. Capilline chrysosperme. Dans tous les bois, sur les vieux arbres. CARACTÈRES. — Jaune orange, pédicule court, souvent sessile, croit par groupes. Après l'émission des spores, qui produisent en brûlant une flamme blanchâtre, la plante entièrement déchirée, meurt. ARCYRIA GINEREA, Fries. Trichia cinerea, Bulliard. Bords des rivières d’Evre et de la Verzée. Bois de la Haye, sur le bouleau. 190 Caracrères. — Jeune, l’Arcyria cinerea est d’un blanc diaphane; dans son entier développement elle est rougeâtre. Lorsque les spores sont échappées, ce champignon a la forme d’une coupe. Malgré ses faibles dimensions, j'ai pu cependant soumettre les spores à l’action du feu, elles donnent une lumière jaunâtre ; mais, pour obtenir un résultat, il faut expérimenter sur un très-grand nombre de ces champignons. ARCYRIA LEUCOPODA, Fries. Trichia nutans, Bulliard. Mème localité que la précédente. CaracTÈREs. — L’Arcyria leucopoda, a la forme dans son premier âge d’un œuf; puis la plante s’allonge et ressemble à un cigare; enfin, ne se soutenant plus sur son pédicule, elle tombe à terre. Ce champignon, qui croît toujours en groupe, à l'aspect d’une fleur de couleur jaune. Les observations que j'ai présentées sur la poussière de l’Arcyria cinerea, S'appliquent à l’Arcyria leucopoda et à l'espèce suivante, l’Arcyria punicea. ARCYRIA PUNICEA, Fries. Trichia cinnabarina, Bulliard. Commun sur les vieux bois ; bords de l’Aubance, de l’Arcison, de la Lys, du Layon et du ruisseau de Saint-Aubin. CaRACTÈRES. — Jeune, la plante est très-blanche et ronde; plus tard elle s’amincit, devient rouge. Dans cet état, si on l’exa- mine au microscope, on croit voir une botte de radis. Lorsque ses spores sont émises, le champignon est entièrement détruit, sauf sa base qu’on pourrait prendre pour une cupule de chêne. CRIBRARIÉS. Réceptacle presque globuleux d’abord, plus tard sa partie supé- rieure se change en un amas floconneux, dont les filaments forment les nervures de la partie inférieure et contiennent dans les mailles de petits amas de spores. 191 Dicrynium Tricmionnes, Fries. Sphærocarpus trichioides, Bulliard. Ce champignon, qu’on ne peut étudier qu’à la loupe, croît dans le parc de Chanzeaux, dans celui de Saint-Jean-des-Mauvrets, et dans les forêts de Brissac, des Marchais, de Noïzé, de Beaulieu, etc. CaracrTères. — Réceptacle entièrement sphérique, d’une couleur rose. Lorsque l’émission des spores se fait sentir, le champignon commence à perdre sa forme, et quand elle est entièrement termi- née, la plante se dessèche et meurt. Flamme d’un rouge pâle. CRIBRARIA VULGARIS, Fries. Sphærocarpus semitrichiodes, Bulliard. — Cribraria à demi- grillage. Dans le parc de Chanzeaux, jai recueilli, sur de vieilles souches d’aulnes, le Cribraria vulgaris. Caractères. — Cette plante est remarquable en ce que la moitié de son réceptacle est grillé, tandis que le reste est plein; son pédicule est noirätre et strié. Les spores de ce champignon donnent une flamme jaunâtre. LICÉS. Réceptacle libre arrondi, s’ouvrant irrégulièrement au sommet ; spores privées de filaments. Licea rRAGIFoRMIS, Fries. Sphærocarpus fragiformis, Bulliard. — Licea en forme de fraise. Dans tous les bois de l’Anjou. CarAcTÈRES. — Jeune, on trouve cette plante sur des vieilles sou ches, formant des groupes d’un rouge vif qui ont beaucoup de rapport avec des grappes de fraises. La plante, arrivée à l’âge mür, change complétement et alors elle présente de petits cornets d’une 192 couleur brune, du centre desquels partent les spores, qui sont abondantes. Flamme rougeûtre. LiceA spxærocarpa, Fries. Sphærocarpus cylindricus, Bulliard. — La licea cylindrique. Je n’ai jamais observé cette espèce que sur les bois pourris du tilleul et du hêtre. Jardin du Mail d'Angers, parc de Beaupréau, Villedieu-la-Blouère. | CARACTÈRES. — Forme cylindrique, d’une couleur rougeâtre à l’état jeune, foncée en vieillissant. Ses spores sont renfermées dans une gaine membraneuse; la flamme qu’elles donnent est d’un rouge vif; elles s’enflamment rapidement. PaericHÆNA sessiuis, Fries. Sphærocarpus sessilis, Bulliard. Il n’est pas rare de rencontrer ce champignon dans les forêts des Marchais, de Beaulieu et de Brissac, sur le bois mort encore recou- vert de son écorce. CaracrÈRes. — Croît en groupes; ces groupes ressemblent à des œufs d'insectes, surtout à ceux des fourmis. Réceptacle sessile, rond, s'ouvre comme une boîte à charnière. Spores d’un beau jaune. Leur flamme est assez vive. Nous arrêterons ici notre étude, comptant prochainement la re- prendre lorsque nous aurons terminé une suite d'expériences com mencées déjà depuis plusieurs années. AIMÉ DE SOLAND. DEN CLANNIFICATIONN ET DES MÉTHODES EN BOTANIQUE Emendent, augeant, perficiant hanc methodum qui possunt : desistant qui impares sunt; qui valent, botanici sunt eximit. (LINNÉ, Gen. plant., Ed. sec. ). PRÉFACE C’est surtout au commencement des études botaniques qu’on sent tout le prix d’une heureuse direction, car c’est là surtout qu’on recon- naît l'utilité d’une bonne classification et l'urgence d’un groupement bien net et bien clair des êtres que l’on doit étudier. Aussi n’est-il personne qui n’ait, en débutant, senti le vide de toutes les divisions arbitraires et confuses établies dans la science, et qui n’ait été fâcheusement impressionné à la vue de ces cadres divers qui, toujours à côté de la vérité, ne précisent pas assez ou précisent trop. Plus tard quand, par un travail de tous les jours, on est arrivé, malgré les classifications, à se reconnaître un peu au milieu du Règne végétal, on se pénètre, ilest vrai mieux que jamais, de leur fausseté, mais alors on ne se donne même pas le temps de redresser les erreurs, on tend vers le progrès sans s’inquiéter de ce qu’on laisse inachevé derrière soi. Qu'on ne s'étonne donc pas de nous voir, inconnu encore dans la carrière, attaquer ces classements proposés par nos maîtres; ce travail est l’expression de la désillusion d’un débutant. Quoi qu’il en IX. 13 194 soit nous avons assez vu par nous-même pour être assuré qu’on peut perfectionner ce qu’on a fait jusqu'ici. Nous pensons donc ne pas faire un travail complétement inutile en résumant tout ce qui nous a paru défectueux et erroné dans le passé, afin d’appeler des études nouvelles qui nous laissent entrevoir un avenir meilleur. Paris, 7 octobre 1865. L M. INTRODUCTION Le voyageur qui veut bien connaître une ville parcourt toutes les rues, visite toutes les places, inspecte tous les monuments ; dans ce travail, pour gagner du temps et ne pas se perdre dans ses pérégri- nations, 1l établit dans son esprit certaines divisions arbitraires qui le guident dans ses recherches. Quand il a vu chaque partie en dé- tail, il monte sur l'édifice le plus élevé afin de tout embrasser d’un coup d'œil et de bien saisir l’ensemble. « Le peintre commence par dessiner séparément des bouches, des yeux, des oreilles, en un mot tout ce qui peut entrer dans la com- position d’un portrait; mais, s’il doit toujours commencer l’étude de son art par celle de chacun de ces organes pris isolément, il n’est véritable artiste que lorsqu'il sait les coordonner et les harmoniser de façon à représenter un ensemble qui indique toutes les relations qu’ils ont dans la nature. » (Payer). Le géographe qui veut connaître à fond un pays, commencera par visiter toutes les localités les unes après les autres, en étudiera la position et les relations et, pour aider sa mémoire, les groupera de manière à les subordonner suivant les aptitudes de son esprit. Plus tard quand, grâce à ces moyens, la contrée lui sera connue dans tous ses détails, il pourra tracer un plan général dans lequel il pla- cera chaque lieu dans sa position naturelle, avec des dimensions proportionnelles, en un mot il pourra en /ever la carte. Alors, d’un coup d'œil, il sera facile de comprendre les rapprochements naturels, les relations réelles qui existent entre chacune des loca- 195 lités. — Avec une telle carte, si l’on veut chercher la position d’un lieu quelconque et le trouver au milieu de tous les autres, ou bien il faut en posséder complétement tous les détails dans sa mémoire, ou bien on n’y arrivera que par un tâtonnement qui sera trés-long. IL est cependant un moyen d'éviter tant de peines ; sur la carte on trace dans la longueur et dans la hauteur des lignes parallèles qui, en se rencontrant, circonscrivent les divisions artificielles qu’on désigne par des nombres différents : d’un autre côté dans la marge sous la dénomination /ndex sont rangées toutes les localités tantôt d’après leur nature, tantôt d’après leur production, le plus souvent simplement suivant l’ordre alphabétique ; chaque nom est suivi d’un nombre et, en se reportant à la division du plan qui porte ce même nombre, on trouve le point cherché. Le naturaliste en général, le botaniste en particulier, ressemble à cet artiste, à ce voyageur, à ce géographe ; placé dans le monde des végétaux au milieu d'êtres qui se ressemblent par certains points, qui diffèrent par d’autres, il cherche à les ranger autour de lui, de manière à pouvoir facilement les trouver quand il en aura besoin. Pour agir logiquement, il devra étudier chaque végétal en particu- lier, puis quand il en connaïtra un assez grand nombre, pour ne pas se perdre au milieu d’eux, il les rangera, il les classera suivant certains caractères qui lui permettront de se rappeler leur place et de les trouver facilement. S'il les avait étudiés tous on presque tous et dans tous les détails de leur organisation, alors seulement :il pourrait les grouper de manière à en former un ensemble, un plan naturel tel que les plus semblables sous tous les rapports se trou- vent près les uns des autres, et que les plus dissemblables soient re- jetés au loin. Ce plan terminé et parfaitement arrêté chacun pourrait, en un instant, comprendre les relations naturelles qui existent entre tous les végétaux et alors, d’un coup d’œil, on embrasserait tout le Règne végétal. — Dans un tel plan, pour retrouverune plante donnée, il faudrait, ou bien posséder en tête tous les rapports des plantes entre elles et leur place respective, ou bien se décider à la chercher par tâtonnement. On comprend que, pour éviter ce travail ou cette perte de temps il soit possible de tracer, pour ainsi dire, sur le plan 196 des lignes artificielles, d'établir des divisions arbitraires: alors à l’aide de quelques caractères mis en saillie on peut, en quelques instants, arriver à retrouver la plante cherchée. Quand le naturaliste range ses végétaux, il les classe ; ces range- ments divers prennent le nom de C/assi fications. Toutes les ciassifi- cations établies d’après un seul caractère, ou d’après un nombre res- treint de caractères, sontarbitraires, on les dit artificielles; celles qui ne prennent qu’un caractère seulement pour point de départ sont plus particulièrement nommées Systèmes. Le classificateur, au con- traire, qui prendrait tous les caractères, les pèserait, les comparerait, formerait par là un groupement qui mériterait le nom de Clas- sification naturelle. Quand le botaniste ayant établi une classifica- tion quelconque voudra, à l’aide de points de repère parfaitement agencés, éviter aux élèves le tätonnement inséparable de la recher- che d’une plante, il établira ce que l’on a appelé la C/ef analytique de la classification. Il résulte de ce que nous venons de dire qu’il ne faut pas confondre les mots : Système, Classification artificielle, Classification naturelle, Clef analytique; cette confusion se fait tous les jours encore. Avant d’aller plus loin, expliquons donc ce que nous entendons par ces mots. Un pharmacien dans son officine classe ses plantes d’après leurs propriétés médicinales ; ici sont les plantes purgatives, là les plantes diurétiques, là les sudorifiques… Le teinturier mettra d’un côté les végétaux qui donnent la couleur rouge, de l’autre ceux qui donnent la couleur bleue. L’horticulteur reconnaïîtra des plantes de serre chaude, des plantes de serre tempérée, des plantes qui peuvent passer l’hiver au dehors. Le jardinier adoptera une classification d’après la taille, la durée, ete, Autant de besoïns à remplir, autant de systèmes basés sur telle ou telle propriété, sur tel ou tel ca- ractère. Ces groupements sont donc variables, arbitraires, ils sont artificiels. Linné, en faisant son rangement d’après les seuls carac- tères des étamines, a fait, de même, une classification artificielle, un Système.— Dans tous les cas, les auteurs ont suivi une certaine mar- che, ont adopté une certaine manière de faire, c’est ce qu’on a appelé leur Méthode. Toute méthode artificielle a conduit à une classification 197 artificielle : mais ce n’est point une raison pour confondre la mé- thode, qui est le modus faciendi, avec la classification, qui est le résultat. Dans la Classification naturelle, on part de cette idée générale- ment adoptée que le Règne végétal forme un ensemble parfaitement complet, parfaitement régulier, divinement ordonné, qui a été, par une circonstance extérieure, dispersé à la surface du globe. Les bota- nistes ont pris à tâche de reconstruire ce plan, de retrouver cet ordre tel qu’il devait être dans les vues de la nature... ; de même on voit les enfants s’exercer à reconstruire le planisphère avec des morceaux de carton inégaux, bizarrement découpés, épars et dispersés. Le Règne végétal serait donc une vaste carte dont il s’agit d’agencer les parties constituantes dispersées, de manière à restaurer le plan dans son état normal. De là on peut conclure, de suite, que la clas- sification ne sera DÉFINITIVE que lorsque toutes ses parties consti- tuantes seront retrouvées et mises en place: de là encore on peut conclure qu’une telle classification sera une; elle ne peut pas être double, car il est impossible de reconstruire une carte en agençant les morceaux dans des positions différentes. Il y a donc une dif- férence très grande à établir entre la classification naturelle, une et envariable, etles classifications artificielles, variables et arbitratres. Pour établir une classification naturelle comme pour faire une clas- sification artificielle, on a une manière de procéder, on a une mé- thode naturelle. Mais, ici surtout, il ne faut pas confondre la mé- thode avec le résultat : on peut bien avoir une méthode naturelle et ne pas pour cela faire une classification naturelle; il suffira, en effet, que dans l'application on se laisse dévier un peu, qu’on se laisse emporter trop vite par l’esprit de généralisation, ou qu’on oublie quelques-uns des éléments fondamentaux : le moindre écart ramène à un résultat artificiel. C’est ce qui est arrivé; et voilà pourquoi nous insistons afin que l’on ne confonde pas la méthode naturelle avec la c/assification naturelle. La Clef analytique, qui peut s'établir pour les classifications natu- relles comme pour les classifications artificielles, est oujours arbi- traire; elle est d’autant plus facile à tracer que le classement est "198 plus artificiel lui-même, à tel point que dans le système, elle se confond avec lui ; la clef du Système sexuel de Linné ne peut être, en eflet, que le Système lui-même. Dans tous les cas, on se sert encore d’une méthode pour arriver au but qu’on se propose. En résumé, l’étude du végétal précède tout classement; l’étude d’un seul caractère dans toutes les plantes mène à la création d’un Système ; l’étude de plusieurs caractères dans toutes les plantes mène à des Classifications artificielles ; seule l’étude de Tous LES ca- RACTÈRES pourra mener à la Classification naturelle. Touteclassification artificielle, approfondissant un ou plusieurs caractères, conduit à la connaissance plus intime des plantes, en sorte que l’on peut re- garder ces groupements arbitraires comme autant de jalons placés, de distances en distances par les botanistes, pour conduire leurs suc- cesseurs à la découverte du plan de la nature, s’il existe. La Clef ana- lytique est pour toutes le couronnement de l’œuvre; la meilleure et la plus complète sera le couronnement de la Classification naturelle, elle ne pourra se faire que lorsque celle-ci sera nettement établie. Dans ce travail, nous voulons examiner si la classification natu- relle est trouvée, si elle peut l’être dans l’état actuel de nos connais- sances, si elle pourra un jour être déterminée d’une manière défi- nitive. Nous nous proposons, pour arriver à ce but : 10 de passer en revue la plupart des classifications anciennes et toutes les modernes, en examinant le point de départ de chacune d’elles. — 2° De juger si les bases de la Classification dite naturelle sont solides, en exa- minant la valeur des caractères sur lesquels on l’a établie. — 3° De chercher quels sont les principes de la Méthode naturelle et de voir si on les a suivis dans l'établissement de la Classification. — 4° De tenter de déterminer quelle peut être la marche adoptée par la nature. — 5° De rechercher si ce plan est précis, net, arrêté, in- variable. — 6° D’établir ce qu’il nous semble raisonnable de faire dans l’état actuel de la science. 199 Depuis le moment où l'attention des auteurs fut fixée sur les pro- priétés des plantes il n’en est pas un, peut-être, qui n’ait proposé son mode de classement ; aussi les classifications et les méthodes sont- elles nombreuses. Il faudrait un travail spécial pour les esquisser toutes ; mais si, au point de vue historique, il peut être important de les connaïître, nous n’avons besoin, ici, que de tracer les princi- pales qui sufliront pour montrer l'esprit qui dirige les botanistes des différentes époques. Pour cette raison, nous glisserons rapidement sur les classifications anciennes !, mais nous insisterons sur les plus récentes qui ont pris un titre que nous leur refusons, car nous voulons prouver que toutes les classifications, quelque naturelles qu’elles se disent, sont des classifications artificielles. L'ouvrage de botanique le plus ancien que nous connaïssions, est l'Histoire des plantes de Théophraste. Pour faciliter ses descriptions, il les divise en sept classes suivant : 1° leur génération ; 2° leur lieu de naissance ; 3°les arbres ; 40 les arbrisseaux ; 5°leur usage comme herbes potagères ; 6° leur utilité comme alimentation {fromentacées) ; 7° leur propriété de fournir des sucs. Dioscoride les range sous cinq chefs, en : 1° aromatiques ; 2° ali- mentaires ; 3° et 4° médicinales ; 5° vineuses. Ce sont les seuls auteurs, avant J.-C., qui aient essayé de ranger les plantes. Pline qui a, comme tout le monde sait, écrit sur les plan tes, n’admet aucun ordre. La botanique eut ses revers. Elle tomba dans l’oubli le plus profond et elle y resta pendant bien longtemps ; il faut arriver au xvr° siècle 1 Nous renvoyons pour plus amples renseignements à l'ouvrage de Michel Adanson : Familles naturelles ; car pour ce qui touche l’étude de ces classifica- tions anciennes, ne pouvant faire mieux, nous nous sommes contenté de l’analyser. 200 pour la retrouver, sinon florissante, du moins ressuscitée et ayantsa place au milieu des autres sciences. Le premier auteur que nous voyions paraître est Le Bouc, Plus connu sous le nom de 7raqus. En 1532, 1l publie un ouvrage dans lequel il reconnaït 67 espèces de plantes qu’il range en trois classes. Dans la première figurent les herbes sauvages, à fleurs odorifé- rantes ; dans la seconde sont les trèfles, gramens, herbes potagères et rampantes ; dans la troisième, les arbres et les arbrisseaux. Lonicer (A.), en 1551, n’admet plus que deux classes: 1° les arbres et les arbrisseaux ; 2° les plantes médicinales. L’année suivante, 1552, Dodoneus publie ses Pemptades, dans lesquelles il fait vingt-neuf classes de végétaux, en les considérant d’après leurs qualités, leur grandeur et leur port. Césalpin, en 1583, pénètre plus profondément dans l’étude de la plante. On le voit s'appuyer, pour établir ses classes, sur la situation de la radicule dans les graines, sur le nombre des fruits ou de leurs loges ; les subdivisions de ces classes portent sur la disposition, la situation et la figure des fleurs, sur la nature du fruit, l’enveloppe des graines, les sucs, la couleur des fleurs, etc., le nombre des cotylé- dons. Césalpin semble avoir compris le premier qu’il faut étu- dier un grand nombre d'organes, pour arriver à mieux ordonner les plantes ; mais ce qu'il faut surtout remarquer, c’est qu’il nous révèle un caractère qui jouera par la suite un grand rôle, c’est celui qu’on peut tirer du nombre des cotylédons. En 1587, Dalechamp ‘ revient aux errements anciens, et il divise ses 2,731 plantes en dix-huit classes, qu’il range d’après leur gran- deur, leur figure, leur qualité et leur port. L’année suivante, 1588, Porta ? divise les végétaux en 7 elasses d’après leur lieu de naissance, les rapports qu’ils ont avec les hommes et les animaux, la forme de certaines parties, leurs mœurs, 1 DacecHAMmP: Lugdunensis historia. 1586 ou 1587. ? Porta : Phytognomica seu methodus nova facillimaque, qua plantarum ac rerum omnium vires ex prima faciei inspectione assequantur. Neapoli, 1588. 201 et enfin la connexion qu’ils présentent avec les astres. Aïnsi pour ne citer qu’une classe prise au hasard, la 5"° par exemple, qui contient « Les plantes dont les qualités sont relatives à celles des animaux, » nous voyons une première section qui est celle des plantes belles, qui rend les hommes beaux ; la seconde qui est celle des plantes fécondes qui rendent les hommes féconds ; la troisième qui renferme les plantes stériles qui rendent les hommes stériles ; dans la quatrième nous trouvons les plantes qui sont le plus convenables à l’homme dans chacune des saisons. Gaspard Bauhin ‘, en 1596, partage les 6,000 plantes qu’il con- naissait en 12 classes, qui se divisent chacune en 6 sections ; les classes et les sections ont été ordonnées d’après les qualités et l’en- semble des différentes parties. Passœus (Du Pas) ne possédait qu’un fort petit nombre d’es- pèces, 324, il les range d’après l’époque de leur fleuraison et leur grandeur : on a 1° les printanières, 2° les æstivales, 3° les autom- nales, 4° les plantes d’hiver, 5° les arbres et les arbrisseaux °. Les qualités et la durée sont les caractères qui servent à Hernandez, en 1615, pour classer les plantes du Mexique; nous trouvons 7 classes qui sont: 10 les aromatiques, 2° les arbres, 3° les arbris- seaux, 4° les âcres, 5° les amères, 6° les douces, 7° les acerbes et acides *. J. Bauhin, en 1650 ‘, publie la description de 5,260 plantes qu'il divise en 40 classes, en les considérant : 1° relativement à quelques- unes de leurs parties, 2° à leur durée et à leur grandeur, 3° à leurs qualités. La classification de Jonston parue quelques années plus tard, 1661, est basée sur les mêmes considérations *. 1 Baux (Gaspard), Pinax. Basileæ, 1596. 2 Du Pas (Passœus), Hortus floridus. Arnhemii, 1614-1617. 8 HerNANDEZ (Francisco), Quatro libros de la naturaleza y virtutes de las plan- tas. Mexico, in-40, 1515. - # Baumin (Jean), Histoire universelle des plantes, 1650. $ Jonston, Notitia regni vegetabilis, 1661. 202 Rhéede, en 1678, dispose les végétaux indiens, dont il donne la description et les figures, en 8 classes sur les caractères tirés de leur grandeur et de leurs fruits . En 1680, Morison *, d’après la considération de la consistance, de la durée, de la grandeur, de la figure, du port, les range en 18 classes dont voici le résumé : | CLASSES. A0 liénenses. cc. PTE AMOOMES cles penis ee eee UE 1 # Frulices Lits FLE 2 DUITULICES etaieise à sen nu eee 08 Scandentes... IA VIORR 4 par le port... CN ee EE ae Ce 11 COPRLIGNES EE RE. PER 17 Legquminosæ......,... le ER ln 5 di par la figure et le fruit.) Si/iquosæ ................. ST SM] = Baccermi ti OL CRE 16 Es par le nombre des fruits( Tricapsulares - 6 petalæ......,. 7 = [2° herbacées..{ et des pétales... 1 - 5 capsulares; 1 - 5 pelalæ... 8 ar la disposition des( Cor tre SPL SEP ERR Lo “Bu 9 ï fleurs .… : RATS Dinbellifene ess ES NES 12 Galeatæ et verticillatæ ...,..... 14 re pe sucs et aigret- MONO PPT Lactescentes seu papposæ........ 18 par A nombre des cap-( Tricoccæ ...,.,.....,,,........ 13 CÉSAR AAME AE F2 Multisiliquæ et multicapsulares. 15 | 3° anomales....,,....... sic. CR iHetenoclilæséiés ess CRE 18 Ces 18 classes sont subdivisées en 108 sections d’après la consi- dération du nombre des feuilles, des pétales, des graines, suivant la nature du fruit, la racine, le lieu natal et les propriétés. En Angleterre, Ray publie deux ans après, un ouvrage * dans le- quel il décrit près de 19,000 plantes ; il admet 33 classes. A l'exemple de Césalpin, il appelle à son aide la connaissance de la plupart des caractères des végétaux : port, degré de perfection, durée, habitat, nombre des cotylédons, des pétales et des graines, disposition du périanthe, absence de ses parties. 1 Ruéene, Hortus malabaricus. Amstelodami, 1678. ? Morison, Plantarum historia universalis, seu herbarum distributio nota per tabulas cognationis et affinitatis, ex libro naturæ observata et detecta, 3 volumes in-fol. Oxonii, 1680. $ Ray, Methodus naturalis plantarum, in-8o. Londini, 1682, et Historia plantarum, 3 vol. in-fol. Londini, 1686-1704. HERBES. ARBRES. | imparfaites .. 203 { d’après leur habitat. …. dicotylédones . .! sans corolle ......... d'après la pou des fleurs 7... d’après l’appar. des fl. d’après le nombre des DÉLAlES re ee d’après les feuilles. . d’après le fruit. . d’après le nombre des capsules ou des grai- DES eee re monocotylédones d’après les étamines.….. difnciles a classer. mm... dicotylédons . /_ monocotylédons. \ sans Corolle......, dos d’après la situation du CAUCR see d’après la substance du MAUR PAT CCE CHES A RCIASSEL tree rt { d’après l’ensemble... : : SUOMATNES. Se Essence k : 1 UNITÉ SE re eee Mectose 2 MUSCLE ein se ee Re ner 3 Cannes sssssesseoteces 4 ADEIGUE ee rer mesar-c-ecae 5 PlanrpetQle, Sierre. 6 DISCO rousse mess 7 CORYMOMERBE ME Sous csses 8 Capa lB MR Re Reese 9 be tone, ARMATOE DRE 1 Verticullalæs se: sec 4% | Fiori OAI RON eee . 24 MOnOpetAlIB ee, es soma 19 DitrmipelalŒ eee ce. . 20 Pentapetalæ...... .. nue 23 SELON Lee see susineus 12 ASDERONE None: corses ces 13 BOMINERERERe era et race 16 BAC ES 6 error ee 7 STULQUOSB ER See res ses cet 21 LeJUMINOSE- es... .. 22 MONOSDERMELS Perche 10 POIYSDENMB.- M resesecr-scce 15 MUSIQUE RENE RL 0e 18 DLIMAINELE so. se ones sue desserte 25 ANOMALB rss emo certes es 26 Arundinaceæ,...... nn dan et at 27 Apelalæ...-. D RON 28 Fructu umbilicato ............. 29 Fructu non umbilicato...,...... 30 BNUCIUISICCOR EE ET eee ., 31 SLUQUOS ER eee couper eee 32 ANOMOLES ASE ee secs ee .… 33 Magnol de Montpellier !, sur lequel nous aurons plus d’une fois à revenir, signale le premier, d’une manière positive, l'existence de familles naturelles. Malgré la justesse de ses vues, iln’arrive à publier que des classifications tout à fait artificielles. L’une parait en 1689 ; il diviseles plantesen 10 sections et 76 familles, ou tables de parenté. considérées par leurs racines... ................... Are section. Table » » LIDBS Rec eeccusosseto en T'ON » » » » BULIESE -eRcree-eccece 3e » » imparfaites sans corolle ou à ÉLAMINES en ee ee ds à É ñ dont quelques-unes ne portent) A ni fruit ni graines, c’est-| 5e » » = à-dire sont mâles. ...... É= » » fleurs. { monopétales.............. 6e » » à quatre pétales... 7e » » polypétales ou ayant plus de) ge quatre pétales. ......... 8 : “ monopétales rassemblées AE : VS NN MÉPuuss à ARBRES Ramon pereee- ce ee 10 » » 1- 2 3- 4 5- 9 10-14 15-16 17-32 33 - 36 37 -49 50-56 57-76 1MaGnoz (Pierre), Prodromus historiæ generalis plantarum, in-80. Monspelii, 1689. 204 Sa seconde classification ! paraît en 1720. il admet 15 classes qui se subdivisent en 55 sections. CLASSES. inconnue ......,,... 1 à étamines......,... 2 qui environne une fleur . .{ monopétale ..,.... ss polypétale ....,.,... ‘4 externe, .. composée. ......,... 5 k monopétale ....,... . 6 qui est sous une fleur... «| nelle Fe RE HERBES à calice... interne seulement... ............. sh ER MA. RIT monopétale ......... 9 | interne et externe et à fleur....,..... 2 F ae 1% 1 ÿ : polypétales ...... He 0m12 externe seulement... "208 nn 5 Te Jécer ee 13 ARBRES à calice . S interne. ........ M de D LA NOMADE APN SSSR 14 À externe et interne. ..... See te ee eu RE RE 218 OR NO 0 45 Rumph compose en 1690 son Herbarwum Amboinense ?, et range ses plantes en 11 classes en les considérant d’après leurs pro- priétés, leurs usages, leur consistance, leur taille. Rivin donne en Allemagne *, la même année, un système entière- ment basé sur la considération de la fleur. CLASSES. Monopetali........,.., 1 DIDEIA TE ce ARRET Tripetali# PAU 10 A. 1e) simple ..? Tetrapetali............ 4 Pentapelali.....,..,.,, 5 "ve Hexapeta ER CG régulière . Polypetali.......... Boo rl Compositi regulares.... 8 composée.) Regulares et irregulares 9 lrregulares ...... soon i0 Monopetali.......,..., 11 Dipelalhies etoile Tripelali fs Ten reee . 13 / existant irrégulière... ,..,...,. Tetrapetali.......,.... 44 Pentapetali...... EC) Hexapetali.....,....., 16 FLEUR... \ Polypetali ............ A7 imparfaite 1:40. FRS Imperfectæ.......,.... 18 manquant "he. re SEPT TS SRE Carentes. .... ÉTRA AE 4 19 parfaite. Nous arrivons en 1694, année qui vit paraître les Éléments de botanique de J. Pitton de Tournefort *. Cet ouvrage qui eut une si 1 Macnoz, Novus character plantarum. Monspelii, 1720. ? Ruwraius, Herbarium Amboinense, curante J.Burmann. Amstelodami, 1741. # Rivnüs, Ordines plantarum. Lipsiæ, 1690-1699. *J. Prrron pe TourNerorT, Jsagoge. Paris, 1694. 205 profonde influence sur la science à laquelle il donnait une netteté et une précision qu’on cherche en vain dans tous les auteurs qui ont précédé, est surtout remarquable par l'exposé d’une classification méthodique nouvelle. Il considère dans la plante 5 parties : la racine, la tige, les feuilles, la fleur, le fruit et la graine. Leur similitude entraînerait l'identité de l’espèce, la ressemblance de quelques par- lies seulement constituera le genre. Le xiè en cloche...,..:. A à Téguueres. . . | en entonnoir .... 2 | monopétales.)\ : personnée ....... 3 irrégulières .{ Iapiée. ...:::.... 4 nl en CTOÏX. ........ 5 PIDPIESS en rose. ........ 6 régulières...‘ en ombelle....... 7 en œillet......... 8 : , polypétales…. en Seche 9 pétalées. PSE \ irréeulik en papillon....... 40 | ITÉSULÈTES .} sngmales . ....... 11 É ne Ç à fleuron.…..... 12 note Ur composées... ..... a RE En à demi-fleuron.... 413 = LÈ l radiées. ......... 14 RCE CNE MN RE UE ER SOREUENT SON apétales ......... 15 Se D MEET ta Te RME AL POUR Ki Se AMC ANT ARS sans fleurs....... 16 2 | sans fleurs et sans fruits. ....................,...... sansfleurs ni fruits. 47 SANS HTICUTS EEE CCE Cette apétales ......., 18 F2: sans corolle et sans calice......,..................,.. en chaton........ 19 = DMONOpELAIE eee lee monopétales...... 20 £ à corolle.. ! RUE M6 1 00E 0 NEC en rose........ … 21 l polypétale..} . 7, … 1 irrégulière ..... rs rire tale en papillon. ...... 22 Boerhaave, en 1710 *, admet 34 classes en s’appuyant pour ses divisions, sur les caractères tirés de la grandeur, de la perfection de la fleur, du port, de l'habitat, du nombre des cotylédons, des pétales, des capsules, du fruit, de la présence ou de l’absence de la corolle. Knaut, en 1716 *, considérant les plantes par rapport : 1° au nombre des pétales de la corolle, 20 à la disposition des fleurs, 3° à la régularité ou l’irrégularité des pétales, les range en 17 classes que voici : solitaires, régulières ou irrégulières . «| Frs DUR 1 4 Ë LES MONOPÉTALES. uniformes... ....... 3 rassemblées ...,,..,,,............. difformes .......... 4 unidifformes ..…..... 5 ! BoERHAAVE (Hermann), Index plantarum quæ in horto Lugduno-Batavo repe- riuntur. Lugduni-Batavorum, 1710. ? KnauT (Chrétien), Methodus plantarum genuina, in-8°, Halæ, 1716. | à deux pétales. ....... .. ge mes jen r bts Doi ; EP ETRE “ uniformes.......... 8 à trois pétales. ........ SEAT à difformes .. 11:11 9 à quatre pétales uniformes ......... 40 LES, POLYPÉTADES( à #4 0 an au: eu CRE à cinq pétales ,........,. ee CE | difformes RATS D SH uniformes......,... 14 à six pétales. ..,......... Ed reed difformes..:.:!"!! 18 à cn Ébe: uniformes. ...... .. 16 à plus de six pétales....... Se pee tete | difformes :...:..... A7 Ludwig, en 1737, retourne le système de Rivin et y ajoute 2 classes d’après la considération de la présence ou de l’absence de la corolle. Ce qui en fait 20 dans lesquelles il trouve 855 genres !. Siegesbeck *, la même année, propose deux méthodes. Dans l’une il reprend les 18 classes de Rivin en arrangeant d’une facon diffé rente. Dans l’autre il admet 17 classes seulement, d’après la consi- dération du fruit et du nombre desgraines. Il s’est contenté, au reste, d'indiquer cette dernière ; il n’a donné d’exécution qu’à la première. Cette année était féconde, car nous voyons apparaître une autre classification qui devait éclipser toutes les précédentes, nous voulons parler du Système sexuel de Linné*. CLASSES. une.............. Monandrie,... 1 deux. .... aride .. Diandrie.. 2 ÉTOIS Sc es ae .. Triandrie. .., 3 QUAITE NE neides elles Tétrandrie.... 4 CNE LT meer re AD ; BI Eh niet See) 1e exandrie..... 6 égales. ont . Heptandrie.... 7 Rite. ere . Octandrie. ... 8 ra di AE +7 ir 9 ë (I CET ........ Décandrie..... 40 libres . onze ...... MTS Dodécandrie... 44 vingt{sur le calice.. Icosandrie .... 12 8 sur le torus .. ns PR | non : 4 - 2 plus longues.. Didynamie .... 14 adhérents. inégales à - 4 plus tone fe: retatnatéiell 15 dans la\ étamines ar Jeurç®2 Un Seul corps... Monadelphie... 16 même . ; "ou filets Jen EUX ner rm Diadelphie .... 17 | fleur. adhérentes. ‘’\en Rte LA ARISS . Polyadelphie... 18 | 2 par leurs anthères . ... Syngénésie.... 19 1 = = portés les uns sur les autres. ..... PE cr LS . Gynandrie .... 920 & Che mäles et femelles sur le même individu ... Monæcie..... SE ES ne dans la it » » qe deux nie LAN Diœcie ....... 22 = GP » » et hermaphrodites sur un ! ae ou plusieurs individus. . . sen NÉE \non visibles................. Te IEEE te Re de .....[Cryptogamie... 24 1 Lupwic, Definitiones plantarum. Lipsiæ, 1735. * SirGEsBECx, Botanosophiæ verioris Sciagraphia, in-4o. Petropoli, 1737. 5 Linnævs (Car.), Methodus sexualis, seu systema a staminibus et pistillis, in-8°, Lugduni Batavorum, 1737. 207 Linné proposaen même tempsune seconde méthode qui eut beau- coup moins de succès, il lui donne le nom de Méthode calicinale. Il partage les plantes en 18 classes. CLASSES. GS EU CAL NUS ENPOOPA MORE RE Épataes DRE D DES 1 ; CN DANE PET EE er cer ticiee umosi. ......... da 2 quant a sa Genre rnb de aura. de de Amentacei.......... 3 en ombelle.........,....4.., 4... Umbellati ......... 4 multiflore contenant plusieurs fleurs................... Communes. ......... 5 uniflore à une fleur, et qui est double.................. Duplicati........... 6 portant la corolle.......... à A ee Floribundi.......... 7 ea couronnant l’ovaire................. Coronatrices. ....... 8 © | uniflore simple. .4 différant en nombre et en figure des pé- = tales de la corolle............... Anomali....,....... - 9 < de figure différente dans deux individus. Difformes .......... 10 © { tombant avant ou avec la corolle..................... Caducr al soulià monopétale.. ........ Æquales monopetali. 12 permanent, co-ÿ légulière ...} Lolypétale. .:......... Æquales polypetali. 13 rolle.. ..... rest Letet monopétale. .......... Inœquales monopetali 14 ( irrégulière. .} polypétale. ........... Inæquales polypetali, 15 Sa Il Il i | tombe avantlefruit. Zncompleti.. ....... 16 FONDU EOTOUE SA nE COACE RS SR ST SR A meme EURE 17 absent (quelquefois il y a une coëffe) .................. INA ROIS 6e 18 Nous devons en outre à Linné une méthode (classification) natu- relle *, qui parut en 1738, mais qui ne fut définitivement établie qu’en 1751. Quelque succès qu’il ait obtenu avec son Système sexuel, il semble comprendre lui-même qu’on doit chercher une autre mé- thode. Le premier il tente de donner un corps à l’idée de Cesi et de Magnol, le premier il cherche réellement à faire des groupes d’un ordre supérieur. Il compose ainsi 68 ordres dans lesquels il recon- naît 1026 genres. Nous reviendrons plus loin sur cette méthode. L’enthousiasme avec lequel on avait accueilli le Système sexuel de Linné, encouragea plusieurs botanistes à s'engager dans la voie des classifications artificielles. On voulut imiter sa méthode en pre- nant d’autres organes pour base de classement. Sauvages en 1743 conçoit le projet d’une classification fondée sur la considération des feuilles ?, mais ce ne fut qu’en 1751 * qu’il l’arrête définitive- ment, il admet onze classes. 1 Liwævus (Car.), Classes plantarum (Fragmenta methodi naturalis), in-8°. Lud- duni Batavorum, 1738; et Philosophia botanica. Stockholmiæ, 1751. 2 SAUVAGES, Projet de méthode sur les feuilles des plantes, in-4°. Mont- pellier, 1743. 3 SAUvAGES, Méthode pour connaître les plantes par les feuilles, in-8o. Leyde, 1751, 208 , considérées par leur absence. ......,........| effeuillées .....,......, AV A gazons à feuilles radicales ...... 2 SRE ES RER opposées deux à deux.......... 5 » par leur situation et leur sin verticillées ou opposées trois par Le) trois ou plus..........,..... 6 = digitées en éventail ............ Fi = palmées en main ouverte... ..... 8 | » par leur forme .......... ES pennées conjuguées surdeuxrangs. 9 Fi ailées sur plus de deux rangs.... 10 AÉCDIQUETEES ER RC ET RE 11 » par leur forme et leur situation en, alternes ou éparses étroites... ... 3 | même temps ................. | alternes larges. .............., 4 En 1748 Heister publie un système basé sur les caractères de la fructification. Il admet 35 classes . En 1755 Duhamel * propose en même temps trois classifica- tions. La première est tirée de l’étude des fleurs. — La deuxième est fondée sur les modifications des feuilles ; à ce point de vue il a 4 classes. — Dans la dernière, considérant les caractères de la fructification, il propose 7 familles. [l Are sect. Fleurs mâles et femelles sur le | 4re classe. Fleurs mâles distinctes des femel- même pied. les, quelquefois avec des hermaphrodites.) 2 sect. Fleurs mâles, femelles et hermaphro- dites sur le même pied. ñ = Are sect. Fleurs régulières. # )2° classe. Fleurs hermaphrodites monopé-) 2 sect. Fleurs irrégulières. & LACS RE EE BE SE A © 3e sect. Fleurs régulières et irrégulières, rassemblées en tête. 3e classe. Fleurs hermaphrodites polypé-ç re sect. Fleurs régulières. (PERMET To es... -.t 2° sect. Fleurs irrégulières. 3 | Feuilles simples et entières -.,.......... HOT GTS Ra DCI ..., Are classe. = » » 10 Et AÉCOUPÉES: . + 4 » - sans nes MAS 0 Oo Ent ... 2% classe. S » COMpPOSées EMPANÉES OU CONjULUÉES. ..,.....,........ Sri . 3e classe. a » » palmées en éventail... SEE does eh ER 4e classe, secs, écailleux, à capsules ou à alvéoles ou à graines nues rassemblées PME Abris de AO ne RATE A LE Aie ..... 17e famille. à \plus ou moins charnus contenant des pépins ..........,.....,......... 2e » EP AMOYAU 2.2.0 se ntenemes ts ue ie RDA EE» Noidonone cos tne 3e ajon bnp see 2e Pere A tbneRer - RAGE ET A PEACE 4e » FE Jen capsule. ....... Rte tee ele ee ee Te SSL AR A Er ER ER be » en'siliquess.. Aer LS LE TEE EN PE AE ve CE LAN site 186€ » \à semences nues...,............ Donc on Che AIT cc DPRCC 7e » En 1759 Adanson Michel, présente ses Familles naturelles * qu’il ne publie que quatre ans plus tard. Il se contente de ranger les espèces et les genres des plantes de manière à en faire des 1 Heisrer, Systema plantarum generale ex fructificatione, in-8°. Helmstadii, 1748. ? Duxauer, Traité des arbres et arbustes qui se cultivent en pleine terre, 2 vol. in-40. Paris, 1755. $ ADansoON (Michel), Séances de l’Académie, novembre 1759. 209 groupes naturels, mais il ne cherche pas à les disposer les uns par rapport aux autres; il comprend que toute tentative de ce genre serait anticipée et ne pourrait être qu'artificielle, ce qui eût déparé sa méthode !. Déjà la même année, 1759, Bernard de Jussieu, dans son Cata- loque des plantes du jardin de Trianon (?), avait aussi admis des groupes qu’il nommait des Ordres, groupes qui n’ont aucun rap- port avec ceux d’Adanson. Ce sont bien plutôt les 69 ordres de Linné, qu’il range sous trois chefs, Monocotylédones, Dicotylédones, Polycotylédones. Bernard de Jussieu a suivi une marche contraire à celle d’Adanson; en effet, tandis que ce dernier apportait tous ses soins à rendre naturels les groupes secondaires, le premier s’occu- pait de classer ses Ordres sans trop s'inquiéter de leur composition. Le neveu de Bernard de Jussieu, Antoine-Laurent”, publie en 1789 son Genera plantarum. L'auteur a, comme Adanson, étudié les familles ou groupes secondaires, il a tenté de réunir les genres d’après leurs rapports naturels; mais en même temps, à l'exemple de Bernard de Jussieu, il les dispose en créant des divi- sions de premier, de second et de troisième ordre, ainsi qu’il suit : AGORYEÉDONES LENS LPR CR CA RER ORNE dE EN EAL fe Acotylédones. .. . 1 HYPOSYNES CERN Ce Mono-hypogynes.. 2 MONOCOTYLÉDONES. Étamines. \périgynes DAS DAT SRE D SPAS CS Mono-perigynes... 3 GENS -Pocooemeadtonoatoee 05 Mono-épigynes.... 4 | ÉDISYNES EN NN Eee re D lent 2 Fe AGE Epistaminées . . . 5 Apétales…. jpérigynes cboUoooc Étheoacéoocine Peristaminées.….. 6 HYPOSVNES CR Ce Hypostaminées.... 7 YPO VNES AU MR AU EPEU 2. Hypocorollées ...…. : , ÉD Y NES AE A ARTE LE Pericorollées . . ... Drcorsuénones .… /Monopétales PSY" anthères soudées) fe orolle jsynanthèrées .… 40 épigynes)" , jibres.. Vépicorollées D nthrées 11 ÉDISNRES eee ie Soguce Epipétalées.. ..... 12 Polypétales. fiypogynes Ras SE JHyponétales PRE SL lE: DÉTIONNES NE De cree imte lee set she a ON Peripétalées. .... 14 DiCHineS RM se Diclines ......... 45 De Candolle, en 1813 * d’abord et plus tard en 1828 ‘, propose une classification basée sur le mode d’accroissement des végétaux. ! ADansON (M.), Familles naturelles des plantes, 1763. 2° éd. A. Adanson et J. Payer, Paris, 4847. ? Jussreu (Ant. Laur.), Genera planturum secundum ordines naturales,etc. Paris, 1789. # De Canpozce (Aug. Pyr.), Théorie élémentaire de la Botanique, Paris, 1813. * De CanpoLce, Prodromus Regni vegetabilis, Parisiis, 1824-1865. IX. 14 210 polypétales ,(kypogynes (Thalamiflores). . 1 pétales ...{périgynes.\................ lExogènes ou Di- joe ea" vaboulai cotylédonés (pronos, fa Ne à ne 3 paf ARE OIEES Jfipérianthe 4 : pétales . .lhypogynes (Coroliflores)..…. np Z\Lot éd 3 SIMPlE 2 0 su same e CE VOS (Monochlamydées). . 5 = OLJIECONSS . lEndosènes ou ne AN ÉOBATES HSE Te EE ee Tee ee 6 E nocotylédonés . (cryptogames ..........,....... .............. 7 7 \cellulaires ou Acotylédonés.… . laphyies.…""" "1% UT Re Lindley en 1846!, s'appuie sur les mêmes considérations à peu près, mais arrive à un groupement un peu différent. sans sexe on ni tiges, ni feuilles .............. PR ete etvatet jelpte Thallogènes. 1 fleurs. . “iges ettteillest.. sen RE PDT ER PES. E dt Acrogènes .. 2 & OM IDAlIUS ere eee de eh AU LIN 2 de Rhizogènes . 3 nervures parallèles , persistantes, 4 Ed faisceaux ligneux distribués con- Endogènes. 4 = des au centre fikément ructification 1 cotylédon HN EEE ARE AS PRE nn Jr une tige, | feuilles cs nervures reticulées, caduques, fais } x É plus’ ceaux ligneux en cercle autour (Dictyogènes 5 Se du centre médullaire ......... Vi **** Jala circonférence con-fnues................ Gymnogènes. 6 centrique, 2 cotyé-| dons ouplus.-graineslenferméesdansunovaire Exogènes... 7 La question du développement et de l'accroissement des tiges était à l’ordre du jour, aussi voyons-nous encore cette considé- ration revenir sous un autre aspect dans la classification d’End- licher *. BrOfODRNIES- seen REPAS DORE - . (Algues, Lichens.) = THATQUINE, Hstrdntes NP A Sr © ae US MUC (Champignons.) 4 Cryptogames | ébauchés. Anophytes (Hepatiques, Mousses.) = Acrobryés. à vaisseaux. /parfaits.. Protophytes (Fougères.) 5 : Phanérogames 1 5000 Hystérophytes (Cycadées et Rhizantées.) > | Cormophytes Amphibryé* (Monocotylédones). Gymnospermes (Conifères.) Monochlamydes (Apétales.) *)Gamopétales (Monopétales.) Dialypétales (Polypétales.) Acramphibryés (Dicotylédones)... * Nousarrivonsainsi à la classification que M. Ad. Brongniart(1843)", adopta pour disposer les plantes cultivées dans l’École botanique 1 LanpLey, The vegetable Kingdom, London, 1846. 2 Enpricrer (Steph.), Genera plantarum secundum ordines naturales disposila, in-8°. Vindobonæ, 1836-1840. 3 BronNGNIART (Ad.), Enumération des genres de plantes cullivés au Muséum d'histoire naturelle suivant l'ordre établi dans le jardin botanique, Paris, 1843. 211 du Muséum de Paris; elle remplaca celle qu'Antoine-Laurent de Jussieu y avait établie et que Desfontaines y avait respectée. Amphigènes (pas d’axe; croissance périphérique.) Cryptogames .}Acrogines (axes et oranes appendiculaires, tiges croissant par l’extré- | mité seule.) nul ou glumacé, périsperme | amylacé. \ { Périspermées. Perianthelnul ou double An ou Re ï loïde ou pétaloïde) corné [Mona tqnes) | périsperme … ,..( amylacé. \Apérispermées. /périgynes. re) ( hypogynes , PLANTES À isostémonées. anisogynes};nisostémonées, isogynes. polystémo - persis- ) nées. tant. nées. {mince, pres- Phanérogames s | Angios- : permes. . one hypogy- calice...) caduc, que nul. nes DETIS— ‘épais. fleurs. perme. - (double. incomplètes. ................ ‘cyclospermées.- Embryon courbé Dicotylé - autour d’un pé- dones. . risperme fari- pe IleUX. de périspermées. - Embryon droit ss dans l’axe d’un périsperme charnu. apérispermées. [dialypétales. Gymnospermes. Achille Richard dans ses éléments adopta le classement suivant. A. S’accroissant par la périphérie. ....... Amphigènes......... 1 B. S’accroissant par le sommet des axes... Acrogènes. ........ 2 GRO RE AL M so or anne fo € *lovaire infère. ........... ELLE OA ICS DOENCIAE à 4 ovaire libre........ Coco dobe dE ma HE nc 5 ACOTYLÉDONES.... . Endospermes .… MONOCOTYLÉDONES. GENRES B. Exendospermes . oyaire infère. .............. RALENTIR À QE se en chatons. ................ 7 A. Apétales.. . 1° Fleurs diclines..} on en chatons... Far Rs LAS 20 Fleurs hermaphrodites. ..........,... see 9 a. Isostémonés, corolle régulière, éta- 1 mines alternes ee Ps an il , : . Anisostémonés à corolleirrégulière SUpTOVATIS Le. Isostémonés à corolle done. \ étamines opposées ........... 12 l d. Anisostémonés à corolle régulière. 13 IDIPAOVAPIES Late lNete call ere arte sieste sine te ete 14 a. ltrophospermes axiles ....... 02 ii périgynes. . 1 trophospermes pariétaux ....... 16 e. trophosperme central .......... 17 a. trophosperme central.......... 18 hypogynes. e trophospermes pariétaux ....... 19 e. trophospermes axiles......,.... 20 DICOTYLÉDONES .., B. Gamopétales. CG. Polypétales. . La dernière classification proposée, fut celle d'Ad. de Jussieu. 212 Acotylédonées à Angiosporées. ou ue L nnaperees. Cryptogames ‘Vasculaires. Apérispermées el aquatiques. Ù ; Spadiciflores. 3 |Monocotylédones...,,... |Glumacées \E | ani Enantioblastées ea | 29 Périspermées .,........ e uperovariées. = È Homoblastées. JTE DES <« |S Aschidoblastées. SÙ = iGymnospermes. SN 5 Pénianthées. $ | 1-2 ovules axiles. £ Diclines...,..... Ja Plousinthées.| ovules indéfinis e | / pariétaux. B1 Dicoty - Rhizanthées. = [ONE Gynandrées. ADÉRIES ENS SR RE RULES MPérigynées, Cyclospermées. fieerese Eee .. Cyclospermées. Angios - -Pleurospermées. permes. hypogynes . ... |Ohlamyéohlastées. : xospermées. Polypétales {Axospermées apérispermées. périgynes .... . {Pleurospermées. Axospermées périspermées. Semipérigynes. | ! (HROROPEARES j Monopétales Eumono - frogsns ar di pétalées. . périgynes. Payer ‘, dans la publication de ses cours sur les Familles natu- relles, rejeta les diverses classifications que nous venons de passer en revue; il s'était fait un plan nouveau qui était basé sur la considération du nombre des loges de l’ovaire, du nombre des ovules et de leur position par rapport au placenta; il adoptait les divisions supérieures, Acotylédones, Monocotylédones et Dicotylédones. Mais il fut enlevé à la science avant d’avoir pu compléter son œuvre; nous n’en parlerons pas, car il est impos- sible de juger ce classement sans avoir l’ensemble complet. Nous pouvons dire seulement que ses groupes semblent plus naturels et mieux liés que dans les autres classifications. Nous ne dirons rien non plus de la Méthode dichotomique dont les lois ont été si bien tracées par Lamarck *. Cette méthode est une simple clef analytique. C’est un tableau à l’aide duquel on va, ! Payer, Familles naturelles, continuées par M. le professeur Baillon. Paris, 1858-65. ? Lamarcx, Flore Française. Paris, 1778. 213 par le plus court chemin, à la recherche d’une plante donnée. Elle peut être appliquée à toutes les classifications sans exception, il est même peu d'auteurs d'ouvrages descriptifs, flores ou autres, qui ne s’en servent pour déterminer la classe, la famille, le genre et l'espèce, par une suite de considérations d'organes apparents et faciles à observer, et par une série d’éliminations successives. IT. Toutes les classifications que nous venons d’esquisser sont artifi- cielles et arbitraires. Il n’en est aucune, quelles que soientses préteu- tions, qui mérite, quand on veut la prendre dans son ensemble, le titre de Classification naturelle. J’ignore si les auteurs se sont abusés au point de croire avoir retrouvé le plan naturel, mais ce qu'il y a de certain c’est qu'aucun d’eux n’a atteint ce but, et, comme nous espérons le démontrer par la suite de ce mémoire, on est encore loin du moment où l’on pourra espérer lavoir reconstruit. La pro- position que nous avancons trouvera des contradicteurs; car si tout le monde s'accorde à regarder comme artificiels les groupements des anciens, beaucoup de botanistes pensent que la Classification naturelle à été tracée poux la première fois par A. L. de Jussieu, et ils professent que celles qui lui ont succédé n’ont été que des perfec- tionnements et des améliorations nécessitées par les progrès de la science. L'ordre adopté par A. L. de Jussieu est artificiel; lui même le reconnaissait, et les classements divers qui ont eu le sien pour point de départ et qui, pour en différer par la forme, n’en diffèrent point par le fond, sont tout aussi arbitraires; de plusils ont souvent un inconvénient très-grand, c’est d’être plus em- brouillés, plus diffus, plus difficiles à comprendre et par conséquent à appliquer. Il est des classificateurs qui ne se sont point abusé sur la portée de leur arrangement, ainsi de Candolle intitula sa clas- sification : Esquisse d’une série linéaire, et par conséquent artifi- cielle, pour la disposition des familles naturelles du Règne végétal. 214 De Candolle nous semble avoir parfaitement compris la situation , mais tous ne sont pas restés dans une aussi sage réserve. S'il est vrai d'admettre qu'aucune des classifications prise dans son ensemble ne soit naturelle, ilest aussi juste de dire que presque tous les classificateurs, quel que soit le point de départ qu'ils aient choisi, sont arrivés à former des groupes secondaires naturels qu'ils ont désignés sous des noms différents, Ordres, Classes, Familles, ete. Adanson, qui était arrivé à connaître parfaitement les plantes et leurs rapports, a pu, mieux que personne, apprécier la valeur com- parative des différents systèmes au point de vue du nombre des groupes naturels qu’ils ont produit. Il résume ses conclusions dans un tableau que nous analysons ici pour ceux des auteurs dont nous avons retracé les classifications. D L ANNÉES HÉE NOMBRE NOMBRE n$ AUTEURS. É Mir ie ÉE 2 classes TT sou AU Z$ OUVRAGES 22 De qu'ils ont Mt NE ont conservées. | 2 Théophraste ......... av. J.-C. | 7 | 48 » 7 ou 1/7 et plus. | 1 Dioscoride........... 50 4 |» » » 2 Plineect Artist » » |» » » » DrAPHSS SEC Een dre 1532 3 |» , » 21 Monter er AU 1551 2 |» » » 22 Dodonens eee 1552 29| » » » 23 Césalpin...,......... 1585 451 47| 1ou 1/15. | 9 ou 1/6 et plus. | 8 Dalechamp........... 1587 18! » » » 4 EEE tte ne er à 1588 1 | 47 » 2 ou 1/24 et plus.| 18 G. Bauhin........... 1596 12| 72 , 17 ou 1/5 et plus.| 12 FASSEUSE RE eL etre 1614 5 |» » » 25 Hernandez... 42,00. 1615 T jo » » 26 LENS SAND 1650 40| » » 2 ou 1/20. 9 Rhebde me ARE 2 1678 8 |» » » 7 Morison 2.1... 1680 181108| 2ou1/9. 132 ou 1/4 et plus.| 5 AVE eee res 1682 33112516 ou 1/6 et plus.|43 ou 1/5 et plus.| 4 Magnol ? 1... 1689 761285|11 BAT et plus|100 ou 1/3 et plus|4bis Et Me ue 1720 | 15| 55 19 ou 115 et plus.| 10 re, SA SRE Se 1690 M1| » » 28 RIVINO RE PR ER CELE 1690 18| 91 » 15 ou 1/1 et plus.| 16 Tournefort,.......... 1694 22112216 ou 1/4 et plus. |48 ou 1/3 et plus.| 1 Boerhaave ........... 1710 34110418 ou Me et plus.|22 ou 1/4 et plus | 3 Knaut (Chrétien) ...... 1716 171122 22 ou 1/6 et plus.| 14 Ludwig st ossasette 1737 1160! 18| 70] 2ou "179. 8 ou 1/9 et plus. | 6 Siegesbeck ........... 1737 18| » » » 29 Linné (système sexuel) . 1731 241104! 2 ou 1/12. |18 ou 1/5 et plus.! 7 id. (système ia 1738 » | 68 » 20 ou 1/4 et plus.| 11 Sauvages ...,........ 1743 12] 25 » 5 ou 1/5 et plus. | 13 Herstern PPS CEE. CE 1748 35| 93/10 1/4 et plus.| 2 ou 1/5 et plus. | 2 Duhamel (fleurs) . ..... 1755 3 | 8 » » 19 id. (feuilles) ..... 1755 4 | 17 » 4 ou 1/17 et plus.| 17 TPM UITULL) Mere sie 1755 1 | 49 » 2 ou 1/25. 30 215 Nous voyons ainsi se dérouler la liste des Classifications que tout le monde regarde à juste titre comme artificielles, et nous remarquons que presque toutes ont fourni des groupes naturels. Celle de Tour- nefort est la plus remarquable, car nous trouvons qu’‘/* de ses classes et !/* passé de ses sections ont été conservés. Bien des clas- sificateurs qui sont venus depuis, quoique travaillant d’après une méthode prétendue plus naturelle, voudraient bien être arrivés à un tel résultat ! Quoi qu’il en soit nous devons enre- gistrer que des groupes naturels ont été formés de tout temps par tous les auteurs. Les classificateurs anciens y sont arrivés sans s’en douter ; les classificateurs modernes, comme Adanson et An- toine-Laurent de Jussieu raisonnant sur les données de l’expé- rience sont parvenus à les créer parce qu’ils les cherchaient. Si l’on tente un parallèle entre ces deux hommes et si l’on cherche à sa- voir quel est celui qui a le mieux composé ses groupes on voit que c’est le premier et on s’en explique parfaitement la raison. Adanson en effet ne raisonnait que d’après ce qu’il voyait, tandis que A.-L. de Jussieu était toujours dévié de l'expérience par ses vues de groupement général, par le principe de subordination des caractères qu’il voulait toujours appliquer et auquel il était sans cesse obligé de manquer. On s'étonne mème que, dans ces circons- tances, il soit arrivé à faire autant de groupes naturels, et l’on est obligé d'admirer en lui ce sentiment exquis des aflinités qui lui faisait sacrifier souvent ses principes à la vérité. Des groupes naturels ont donc été formés ; de ces groupes il y en a qui sont reconnus de tout le monde, nous citerons ceux des Renon- culacées, des Rosacées, des Légumineuses, des Primulacées, etc. ete. Cela admis nous avons tous les éléments nécessaires pour prou- ver que les Classifications qu’on a proposé d’en donner sont toutes défectueuses, sont toutes arbitraires, sont en un mot toutes artili- cielles. Comment comprenons-nous une Classification naturelle avec des divisions, des sous-divisions, des ordres, ete ? Quel est son avantage et sa commodité? Quel est son principe fondamental ? C'est «qu’un caractère d’un ordre supérieur en entraine à sa suite un certain 216 nombre d'ordre différent et en exclut, au contraire, un certain nombre d’autres ; en sorte que l’énonciation pure et simple du pre- mier suflit pour faire préjuger la coexistence ou absence des autres et qu'une partie de l’organisation d’une plante, est annoncée d'avance par un seul point qu'on a su constater, ce qui abrége et simplifie merveilleusement les recherches et le langage. Ainsi par exemple, la présence ou l’absence des cotylédons dans l'embryon, leur unité ou leur pluralité, se manifestent dans presque toutes les parties de la plante, qui présentent des différences profondes et frappantes, suivant que son premier germe s’est montré différem— ment constitué sous ce rapport. Lorsque nous disons qu’une plante est monocotylédonée ou dicotylédonée, ce n’est donc pas ce simple fait que nous énonçons, mais un ensemble de faits ; nous avons une idée de l’agencement général des organes élémentaires dans les tissus, de la manière dont elle germe et se ramifie, de la structure et de la nervation de ses feuilles, de la symétrie de ses fleurs, ete., etc. De tel caractère secondaire nous pouvons de mème en déduire plusieurs autres d’un ordre supérieur, égal ou inférieur : dire que la corolle est monopétale, c’est dire que la plante qui en est pourvue est dicotylédonée, que très-probablement les étamines sont insérées sur la corolle en nombre défini, égal ou inférieur à celui de ses di- visions. La connaissance de tous ces rapports constants entre les différentes parties, qui permet de conclure de la partie au tout comme du tout à la partie, est la base de la Méthode naturelle ; et les auteurs qui avec Adanson, jugeant le premier essai d’Antoine- Laurent de Jussieu, ont blämé la préférence exclusive donnée à une partie sur les autres, n’ont pas compris que cet emploi habile d’un caractère convenablement choisi, avait un résultat précisément contraire à celui qu'ils craignaient puisque, loin d’exclure ces autres parties, il les comprenait entraînant à la suite d’autres ca- ractères combinés en nombre plus ou moins considérable ‘. » Ainsi s'exprime Ad. de Jussieu, rien de plus séduisant que ce AD. DE Jussieu, Dictionnaire universel d'histoire naturelle de d'Orbigny. Tome XII, p. 391. 217 tableau ; malheureusement une telle classification n’est point trouvée et toutes celles qu’on a présentées ne répondent nullement à ce programme ; celle d’Ad. de Jussieu lui-même se trouve sans cesse en désaccord flagrant avec ces paroles. Nous avons tenu à citer ce passage en entier, afin que le lecteur puisse mieux comprendre quel est le point faible de tous les groupements que l’on a suc- cessivement inventés. En le lisant, on tire de suite la conclusion que, pour qu'un caractère mis en évidence puisse avoir quelque valeur et entraîner à sa suite la série des caractères subordonnés, il faut de toute nécessité que ce caractère soit fixe et invariable ; qu'il faut qu'il soit réellement dominant; et enfin qu’il est urgent qu'il ne s'applique qu'aux seules plantes qui lui sont subordon nées. Si donc nous arrivons à démontrer que ces caractères mis en avant pour distinguer des Classes, ou des Ordres, ne sont même pas valables pour ranger des genres ou des espèces nous aurons, nous le pensons du moins, prouvé que les Classifications qui les ont mis en évidence, comme caractères dominateurs et importants, l'ont fait arbitrairement et que ces Classifications sont par cela mème arbitraires. En jetant les yeux sur les tableaux résumés que nous avons donnés des Classifieations, nous voyons que tous les caractères ont étésuccessi- vement appelés pour servir de base à des divisions d’un ordre plus ou moins élevé. On concevra donc que, pour êtrecomplet, nous de- vions les prendre tous sans exception et les étudier les uns après les autres au point de vue qui nous occupe. Nous commencerons par les organes de végétation : racines, tiges, feuilles ; nous arriverons ensuite aux organes de reproduction: calice, corolle, androcée et gynécée. 10 Racines : Les racines ont été peu étudiées ; rarement nous les voyons indiquées comme caractère dominateur, encore est-1l que sou- vent on considérait comme racines toules les parties souterraines, et l’on donnait ce nom à des organes que des études mieux entendues ont appris à regarder comme des tiges. CI. Richard est le seul qui ait 218 songé à leur faire jouer un rôle important. Dans la germination, la racine primitive, radicule, peut sortir nue ou munie d’une petite coiffe qu’il a appelée Co/éorhize. Ayant cru remarquer que tout un ensemble de plantes présentait cet organe, tandis qu’un autre en était dépourvu, il avait appelé les unes Co/éorhizées et les autres Acoléorhizées, et il proposait de substituer ce caractère à celui tiré du nombre des cotylédons, les Coléorhizées eussent été les Monoco- tylédones, les Acoléorhizées les Dicotylédones. On ne tarda pas à voir que ce caractère n’était pas positif, car bien des Monocotylé- dones, le Palmier par exemple, présentent une radicule nue et bien des Dicotylédones, comme le Radis, ont une radicule qui sort coïffée d’une Coléorhize. La substitution proposée par CI. Richard ne peut donc être admise. Payer indiqua le mode de développement des racines : les radi- celles naissent suivant des lois fixes. M. Clos, essaya de féconder ces idées et de tirer un caractère du nombre des séries, qui se montrentsur la radicule dans son premier âge, mais ce ne sont encore que des ébauches que les jeunes botanistes sont appelés à compléter. 20 Trees AÉRIENNES. La tige aérienne a été considérée par les clas- sificateurs sous bien des points de vue divers. Ce qui devait d’abord frapper l'observateur, c’était la taille et la durée ; n'est-il pas pos- sible d'établir une division d’après lé caractère, les plantes ne se séparent-elles pas d’elle-mêmes en grandes plantes et en petites? Presque tous les classificateurs anciens et quelques modernes ont sacrifié à ce préjugé, et ils ont divisé les plantes en arbres et en arbrisseaux d’une part et en herbes de l’autre. Rien n’est artificiel comme cette séparation, nous n’avons qu'à jeter les yeux sur l’un quelconque des groupes naturels pour nous en convainere. Dans les Légumineuses il faudrait éloigner les Robinia des Trèfles, des Mélilots, etc. Partant d’une observation de Desfontaines, de Candolle voulut se servir du mode d’accroissement des tiges (v. p.209); certaines plantes s’accroissent parlecentre, d’autres par lacirconférence. Les premières sont Endogènes, elles répondent aux Monocotylédones; les secondes 219 sont Exogènes, ce sont les Dicotylédones. C'était une simple vue de l'esprit, aussi les botanistes ne tardèrent-ils pas à saper les fonde- ments de la nouvelle classification et Mirbel, Moldenhaver, Meneghini, Hugo Mohl prouvèrent que les Endogènes devenaient Exogènes par le fait d’une inflexion des faisceaux fibro-vasculaires. Alors de Can- dolle, tout en conservant ses désignations, modifia singulièrement la signification qu’il leur donnait !. « Dans l’une (des classes), dit-il, les fibres et le tissu cellulaire ont une disposition à se former par couches yéqulères, en sens inverse les unes des autres ; elles ne changent pas de nature et ne dévient pas de la feuille à la base du tronc ou de la branche, en sorte que chaque couche se durcit uni- formément, et que le centre du tronc est plus dur que les bords. Dans l’autre classe (Monocotylédones), le tissu superficiel ne s’accroît pas de manière à former des couches corticales, les fibres ne formant jamais de couches ligneuses, elles décrivent dans leur direction une courbe singulière dont le sommet est au centre de Parbre, et se mo- difient dans leur longueur ; en sorte que par un effet combiné de leur direction, de leur composition à chaque point de leur longueur et de leur âge, les parties solides sont vers la circonférence des tiges, et les parties molles vers le centre. » Dans un mémoire récent * nous avons prouvé que c’était pour ne pas comparer des choses comparables, qu’on était arrivé à un tel résultat. Nous avons montré que toutes les tiges monocotylédones ou dicotylédones étaient formées de faisceaux se déviant de la même facon, mais avec des angles d’autant plus marqués que les feuilles étaient plus rapprochées. On le trouve au maximum sur les axes où les feuilles sont très-serrées (sur les Palmiers, sur le pédoncule d’Ar- tichaut), dans les cas au contraire où l’écartement est assez grand les faisceaux semblent indépendants, parallèles et ne se croisent plus qu’en partie, Ex. : Berce (Heracleum Sphondylium) ; enfin lorsque l’écartement des feuilles est très-considérable, il peut se faire que les faisceaux fibro-vasculaires d'un entre- 1 De Canpoee, Introd. à l’étude de la botanique, 1835, tom. [, p. 176. ? Marcaanp (L.), Tiges des Phanérogames. Paris, 1865. 220 nœud ne viennent même plus au contact avec les faisceaux de l’en- tre-nœud inférieur (Helanthus annuus). Nous avons démontré de même, que dans les Dicotylédones comme dans les Monocotylédones, le faisceau fibro-vasculaire se modifiait dans sa longueur et allait en s’appauvrissant de haut en bas ; — que dans les deux cas on avait des couches concentriques et réqulières ; — que si dans les Dicotylé- dones on examine des tiges, qui n’ont dans toute leur existence, qu'un degré de végétation ou bien les portions récentes d’un axe qui, par la suite, en présentera un grand nombre, on a pour les faisceaux fibro-vasculaires les mêmes rapports que ceux que de Candolle signale dans les Monocotylédones (cela étant dû à ce simple fait que toutes les Monocotylédones connues n’ont jamais, à quel- que hauteur qu’on les examine, qu’un seul degré de végétation). — Enfin nous avons dit que la division du faisceau en écorce et en bois, n'appartient qu’à celles des dicotylédones qui sont destinées à avoir plusieurs degrés de végétation ; cela nous porte à penser que la même chose se montrera le jour où une Monocotylédone présen- tera les mêmes conditions. La théorie de l’endogénité et de l’exo— génité ne peut donc, #7#me modifiée, servir de base à une Classifi- cation naturelle. Stephan Endlicher adopte pour point de départ de son groupement des Familles, la même idée présentée sous une autre forme (v. p.210). Il prend pour caractère le mode de développement des tiges. « La structure anatomique peut être la même dans plusieurs plantes où les organesisolés présentent du reste les différences les plus variées, mais dans les plantes où cesorganes, surtout ceux de lareproduction s’ac- cordent, la structure anatomique s’accorde également. Donc, les ca- ractères de la fructification indiquent entre ces plantes les affinités les plus rapprochées, les caractères anatomiques, les affinités les plus éloignées et les plus générales ; ceux-ci doivent donc être pris pour les premières divisions, ceux-là pour les autres. » Les végé- taux peuvent être simplement cellulaires, sans axes ni ramifications : ce sont les Thallophytes ; ils peuvent être cellulaires et présenter un axe, ce sont les Cormophytes. Dans ce cas, il y a trois modes de développement : ou bien la plante s’accroit simplement par l’extré- 221 mité supérieure (Acrobrycées) ; ou bien des faisceaux nouveaux se forment constamment au sommet pour venir en descendant, gagner la périphérie (Amphibryées-Monocotylédones) ; ou enfin, on trouve en mème temps le développement par la portion supérieure et le dé. veloppement périphérique (Acramphibryées-Dicotylédones). Les phé- nomènes sont loin d’être aussi tranchés dans la nature. La classi- fication d’'Endlicher n’est que celle de de Candolle retournée ; l’un considère le résultat, l’autre la cause. On peut en conclure que si l’une est artificielle l’autre le sera également, car, le développement des faisceaux amenant la structure, si le groupement basé sur la structure est faux, celui qui prendra pour point de départ le déve- loppement le sera également. Du travail que nous avons fait sur les tiges, il résulte : que toute tige à quelque classe, à quelque végétal qu’elle appartienne, commence toujours à se développer par le som- met, elle est alors Acrobryée ; que plus tard, tant qu’il n’y a qu'un degré de végétation, elle devient Amphibryée ; et qu’enfin dans le cas où les degrés de végétation s’ajoutent, la plante devient Acramplu- bryée, ce qui jusqu'ici ne se retrouve que dans les Dicotylédones. On ne peut donc pas prendre les caractères du développement pour base de classification, car on arriverait dans les Rosacées, par exemple, à placer le Rosier, le Cerisier, etc., dans les Acramphi- bryées, le Fraisier serait Amphibryé, et tous eussent présenté une époque de leur vie dans laquelle ils étaient Acrobryés. 30 Feuirces. Il est peut-être superflu de démontrer que ces organes appendiculaires ne peuvent servir à établir une classification naturelle. On peut considérer leur forme, mais on sait qu’elle peut varier beaucoup sur lamême plante ; en bason peut trouver des feuilles découpées, tandis qu’à la partie supérieure elles sont entières ; bien plus, dans certains cas, les feuilles radicales sont composées et décom- posées tandis que les caulinaires sont simples. On peut considérer leur perfection, mais il suffit de jeter les yeux sur un pied d’Angélique pour voir toutes les transitions de la base au sommet : On aura d’abord la feuille la plus complète que l’on puisse imaginer avec une gaine, un pétiole et un limbe; plus hauton 222 n'aura plus que la gaine et le limbe; au sommet enfin, le limbe dis- paraîtra à son tour, et il ne restera plus que la gaine. La nervation a longtemps semblé être un meilleur caractère. Autrefois, en effet, on admettait que les Dicotylédones avaient seules des nervures ramifiées, pennées ou palmées, tandis que les Monocotylédones ne possédaient que des feuilles à nervures parallèles, nous n’en sommes plus à démontrer le peu de valeur de ce caractère; on connaît bientôt, en effet, autant de Monocotylédones dont les feuilles ont les nervures ramifiées, qu’il y en a qui ont des feuilles à nervures parallèles. Nous ne citerons que les Snulax, les Aroïdes, et ne sait-on pas que la Flèche d’eau a des feuilles aériennes penninerviées, tandis que les feuilles submergées sont rectinerviées ? On concoit dès lors comment il se fait que Sauvages (voy. p. 207) p’ait eu qu’un dixième de ses sections de conservées et que Duha- mel n’en ait eu qu’un dix-septième (voy. p. 208). 4o IxrLorescence. L’inflorescence est la disposition des fleurs sur la tige ou ses ramifications. Cette disposition variera suivant la lon gueur et la forme de l’axe suivant le cycle des feuilles. C’est ainsi qu’on peut avoir l’épi, la grappe, le corymbe, l’ombelle et le capi- tule, pour les inflorescences indéfinies ; la cyme bipare et la cyme unipare scorpioïde ou helicoïde pour les inflorescences déterminées ; enfin les inflorescences mixtes et anormales. Ce caractère peut par- fois donner d’assez bonnes divisions ; les Ombellifères forment une famille assez naturelle, les Composées sont un autre exemple, et les Borraginées ont presque toutes des cymes unipares scorpioïdes ; mais pour que ce caractère puisse être pris comme point de départ d’un groupement général, il faudrait que toutesles plantes ayant des fleurs en ombelle fussent de la famille des Ombellifères, et que toutes celles de ce capitule appartinssent au groupe des Composées; nous n’avons qu’à indiquer ce fait pour que chacun trouve un exemple qui vienne infirmer ce caractère. Pourtant encore dans ces familles où les in- florescences paraissent au premier abord si semblables, il y a des différences très-grandes. En considérant les figures 1, 2, 3, 4, qui représentent des capitules de Composées, on commence à compren- dre combien est grand le polymorphisme des axes floraux. Dans le 223 Pyrethrum Partheniun (Matricaire), fig. 1, le receptacle commun est un cône très-allongé ; dans le Calendula arvensis (Souci), fig. 2, il est simplement bombé et hémisphérique ; il devient plan dans l’Aster grandiflora, fig. 3 ; c’est une coupe dans le Centaurea Fon- tanest, fig. 4. F1G. 1. Fi. 2. tue li f “ FIG. 3. 1 FIG. 4. Aster grandiflora. - Centaurea F'ontanesii. Il est des groupes, très-naturels cependant, où les variations sont bien plus grandes encore : entre autres la famille des Artocarpées est remarquable par la variété deses inflorescences. Dans le Houblon (Humulus Lupulus) ! axe est allongé, et porte sur toute sa surface des fleurs sessiles, fig. 5. Dans le Murier à papier mâle (Brousso- netia), fig. 6 et l’Arbre à pain (Arocarpus incisa), fig. 9, l’axeserac- courcit, se gonfle et devient globuleux, sur toute sa surface se dé- 1Je dois à la bienveillance de M. le professeur Baillon les fig. 5, 6, 7,8, 11. Elles sont inédites et elles étaient destinées à paraître dans son magnifique ouvrage : Histoire des Plantes. 4 224 veloppent des cymes contractées. Dans le Murier ordinaire, fig. 8, l'axe est réduit à une palette qui porte les mêmes cymes sur les deux bords. Le genre Dorstenia fournit à lui seul toute une série de mo- FIG. 6 Broussonetia papyrifera (mâle.) F16. 5. Humulus Lupulus. Fi. 7. Broussonelia papyrifera (femelle). FiG. 8. Morus alba. * Fig. 9. Artocarpus incisa. difications, ici c’est une table plane et arrondie, Brasiliensis, fig. 10, là cette tablette se relève en deux cornes très-longues, D. cera- tosantes, fig. 11; dans le D. Contrayerva, fig. 12, il y a quatre cornes, qui sont beaucoup plus marquées encore dans le D. Cuspi- data, fig. 13 ; le soulèvement des bords est général et l’axe devient 225 une cupule ; enfin on trouve le maximum de ces déformations dans le Figuier (Ficus, fig. 14), où l’axe est devenu une bourse dont l’'orifice très-étroit est bordé de bractées scarieuses et dont tout l'intérieur est tapissé par des groupes de cymes contractées. (1 LA HIS TS 2 dore El A) | As De Fic. 10. Dorstenia brasiliensis. Fi. 11. BDorstenia}ceratosantes. Fi1G. 14. Ficus Carica. Fig. 12. Dorstenia Contrayerva. FiG. 13. Dorstenia cuspidata. 5° Récepracze FLoRAL (Torus). L’axe est polymorphe; ce que nous venons de dire de l’axe des inflorescences nous aide à comprendre ce IX. 15 226 que nous avons à décrire pour l’axe qui supporte le calice, la corolle, l’androcée et le gynécée, ce sont les mêmes formes. Tantôt nous lui voyons prendre la forme d’une longue baguette et les verticilles sont étagés les uns au-dessus des autres, comme dans le Wyosurus mi- nimus, fig. 15; d’autres fois il se surbaisse un peu et il représente un globe arrondi, comme dans le Ranunculus sceleratus, fig. 16; Ranunculus sceleratus. Fic. 15 Myosurus minimus. Fiç. 17. Ÿ Fic. 18. Ranunculus repens. Actæa spicata. dans le Ranunculus repens, fig. 17, il se réduit à un cône. Le gynécée occupant le sommet organique : on voit que dans tous ces cas, l’androcée se trouve au-dessous de lui ; il est donc vrai de dire que l'insertion des étamines est kypogynique. Mais poursuivons les transformations de l’axe : dans l’Actæa, fig. 18, ce n’est plus un cône mais un plateau, en sorte que le sommet organique est au 227 centre et la base à la periphérie ; dans ce cas l’androcée est autour du gynécée, l'insertion des étamines est périgynique. Dans la Pi- voine le réceptacle prend la forme d’une cupule, fig. 19, le sommet organique est toujours au centre et la base est à la périphérie ; les pistils, sont done par le fait, descendus au-dessous de l'insertion des étamines ; malgré cela, 11 y a encore périgynie (du moins pour de Jussieu, voy. p. 209). Avant d'aller plus loin, remarquons que tous les exemples que nous avons choisis, sont tirés de la famille des Renonculacées. Nous devons déjà, par ce fait, être édifié sur le peu de valeur de lhypogynie et de la périgynie : le caractère de l'insertion des étamines varie d’un genre à l’autre dans une même famille ! Le groupe des Renonculacées n’est pas le seul où ce fait soit évi- dent; bien plus, nous dirons qu'il est peu de familles où la même chose ne se rencontre pas. À ce point de vue, les Rosacées sont peut- FIG. 20. FIG. 21. Fragaria vesca. Alchemilla vulgaris, Fic. 19. Pæonia officinalis. être plus curieuses encore. Le réceptacle du Fraisier, fig. 20, rap- pelle beaucoup celui des Ranunculus; eeux du Cerisier, du Pècher et de l'Amandier et celui du Gewm sont en coupe comme celui des Pivoines ; mais là ne s’arrète pas la transformation dans l’Alche- mille, fig. 21, en effet, la coupe se creuse profondément et les bords restent très-élevés, ces bords portent les étamines, les pistils sont profondément cachés au fond. Dans le Rosier, fig. 22, le récep- tacle prend la forme d’une longue bourse resserrée en un goulot étroit à travers lequel passent Les styles; les ovaires sont au-dessous 228 (pour les auteurs et pour de Jussieu), il y a encore périgynie. En- fin, si nous examinons un Poirier ou un Coignassier, fig. 23, nous trouvons le même fait que dans le Rosier, si ce n’est qu’un disque charnu s’est développé à l’intérieur de la portion rétrécie, dans ce seul cas il y a épigyme. Fic. 22. Fi. 23. Rosa canina. Cydonia vulgaris. y Xe . On pourrait se demander ce qui constitue l’épigynie puisque ce n’est pas l'insertion des étamines, car à ce compte, le Rosier, la Benoîte et l’Alchemille seraient aussi épigynes ; mais nous voulons, seulement, faire remarquer que ce caractère tiré de la position re- lative de l’androcée et du gynécée, et regardé comme de première valeur par de Jussieu, est loin de mériter tant d'honneur, puisque nous le trouvons variable dans les mêmes familles qui nous présentent des plantes hypogynes, d’autres épigynes, tandis que la plupart sont périgynes. Bien plus, ce caractère varie dans la même plante, sui- vant l’époque à laquelle on l’examine : il en est dans lesquelles le réceptacle grandissant chaque jour, on voit la plante de périgyne qu’elle était devenir de jour en jour épigyne ; et par contre, il en est d’autres, comme le Gluta Benghas, qui commencent par être pe- rigynes et que l’on voit, par l’élongation constante du réceptacle, se transformer en hypogynes des mieux caractérisées. — M. Bron- gniart a parfaitement senti l'insuffisance de ce caractère, aussi a-t-il fait rentrer l’épigynie dans la périgynie (voy. p. 211); ce n’est pas assez encore car, d'après ce que nous avons dit, il y a tout autant de raisons pour rapprocher l’hypogynie, ce qui reviendrait à sup- primer la division basée sur l'insertion des étamines. 229 6° Carice. Magnol et Linné, nous l’avons vu (p. 204 et 207), ont tenté des classifications en prenant ce verticille floral comme point de départ. Son absence ou sa présence peuvent-ilsindiquer quelque chose? Il faudrait d’abord s'entendre sur ce qu’on doit appeler caliceet corolle. Si l’on ne prend attention qu’à la couleur, on sera bien embarrassé quand on voudra placer l’Anémone auprès de la Renoncule, et le Caltha auprès de la Pivoine, et l’on sera tenté de regarder les Liliacées comme asépales, et par là, on les rapprochera de la Pulsatille. La couleur, prise en elle-même, ne donnera aucun caractère : l’Ancolie, la Nigelle, l’'Aconit et le Delphinium qui ont des calices colorés, peu- vent-ils être séparés des autres Renonculacées ? Nous dirons la même chose de la durée ; dans les Solanées, nous avons le Datura dont le calice est caduc, la Belladone et les So/anum où il est persistant, et enfin le Physalis dans lequel il est accressant. La régularité et l’ir- régularité n’ont pas plus de valeur et pour rester dans la même fa- mille, qui ne sait que le Verbascum a un calice irrégulier, tandis qu'il est régulier dans la plupart des autres Solanées ? 70 Corozce. La corolle est la partie de la fleur qui a le plus attiré l'attention par la variété de ses formes et de ses couleurs, aussi en jetant un coup d’œil sur les classifications voit-on souvent ce ver- ticille appelé à donner des caractères pour les divisions et les subdi- visions. Ces caractères n’ont rien de positif. La présence ou l’absence de la corolle ne prouve rien, et l’on con- çoit que M. Brongniart ait réuni les Apétales aux Polypétales. Les exemples ne manquent pas. Dans les Légumineuses le Copahu est apétale ; dans les Primulacées, le Glaux est apétale. — Les Passi- flores, si remarquables par leur corolle, ont à côté d’elles des plan- tes dont on ne peut les séparer et qui n’en présentent pas de traces, ce sont les Monactineirma et les Deidamia. — Dansles Euphorbia- cées, le Manihot et le Cnidoscolus, qui ont tous les caractères des Jatropha, s’en distinguent parce qu’ils sont apétales. Bien plus, dans le Codiœum, la fleur mâle est pétalée, tandis que la fleur fe- melle est dépourvue de corolle. — Les Fraxinus sont des Oléinées à corolle nulle. — Les Terminalia sont des Combretacées sans pétales. — Dans la famille des Paronychiées, les Péeranthus n’ont pas de corolle. — Les Macleya sont des Pavots apétales, etc., etc. 230 Le nombre des parties de la corolle ne peut servir davantage. Les Papaver, les Chelidonium, les Escholtzia, les Rœæmerta ont quatre pétales, et dans la même famille, nous trouvons les Argemone et les Platystemon, qui en ont six, la Sanquinaria qui en a huit. — Dans les Rubiacées, toutes les plantes indigènes Rubra, Scherardia, Galium, Asperula, ont presque toutes quatre pétales ; les exotiques, le Coffœa, le Cephæls, le Cinchona en ont cinq. —Dans les Re- nonculacées, on trouve une variation bien plus grande encore : l'Ancolie et les Renoncules ont cinq pétales; la Clématite, quatre ; l’Hepatique, six ; la Ficaire, neuf; laNigelle, huit; le De/phinium Sta- physagria, quatre; le Delphinium Consolidaet les Aconits, deux. Bien plus, le nombre des pétales varie dans la même plante ; combien de fois ne rencontre-t-on pas dans la même inflorescence et des fleurs à type cinq et des fleurs à type quatre; el ne sait-on pas que souvent on trouve, quand les sexes sont séparés, la fleur mâle sur un type et les fleurs femelles sur un autre ? C’est ainsi que le Buwrsera qummifera ades fleurs mâles à cinq pétalesetdes fleursfemelles à trois. On s’est servi de la prétendue soudure de pièces de la corolle pour établir les divisions appelées Monopétalieet Polypétalie. Alors qu'on croyait à la réunion des parties par /a soudure, peut-être était-il permis de faire jouer un grand rôle à ce singulier phénomène, on pouvait, en effet, supposer à certaines plantes une propriété ageluti- native (!) spéciale, mais depuis qu’il est démontré que la soudure n'existe pas et que tout dépend d’un soulèvement plus ou moins com- plet, depuis qu’on sait que toute Monopétale commence par être Po- lypétale, et que, par exemple, l’Anagallis arvensis et le Lysimachia vulgaris ne sont monopétales qu’à la fin de la période defloraison, ce caractère a bien perdu de son importance. Au reste, il est facile de s’en convaincre. Dans la famille des Ericinées, à côté des Erica, des Calluna, des Vaccinium, des Cerastostema, dont les pétales sont plus ou moins profondément unis, nous avons les Leiophyllum, les Ledum, les Befaria, ete., dans lesquels ils sont libres. — Dans les Papilionacées, le Trèfle est monopétale. — Par contre, dans les Pri- mulacées, qui toutes sont monopétales, l’Apochoris a les parties de sa corolle complétement libres. Ce caractère n’est quelquefois pas 231 suffisant pour diviser les genres, en effet toutes les espèces du genre Sazifraga ont des pétales libres, excepté, dit-on, une seule, qui les a réunis et que pour cette raison on a appelée Saxtfraga monopetalu. La régularité et l'irrégularité ont aussi été invoquées pour créer des divisions, on ne croit plus à leur valeur. Qui songera en effet maintenant à éloigner dans la famille des Légumineuses, les Cadiées des Papilionacées , parce que dans les unes la fleur est régulière tandis qu’elle est irrégulière dans les autres? Qui écartera les Verbascum des Solanées, les Véroniques des Antirrhinées , les Delphinium et les Aconits des Renonculacées, les Coris des Primulacées, les Sphalan- thus des Combrétacées, les A/sodeia des Violariées, les Dicentra et les Hypecoum des Fumariacées, les Echium des Borraginées ? Etn’a-t-on pas dans la famille des Caprifoliacées les Leicesteria, les Sambucus etles Symphoricarpos, qui ont la corolle régulière, tandis que les Lonicera et les Triosteum ont une corolle bilabiée, etc., etc.? 8° Anprocée. La question devient importante, puisque ce verti- celle a fourni tous les caractères des divisions admises dans le Sys- tème sexuel de Linné, mais déjà et par cela même, il est prouvé qu’une classification naturelle ne peut s'appuyer sur la considéra- tion exclusive des étamines. On peut considérer l’androcée dans sa présence ou son absence, dans sa situation, dans le nombre de ses parties, dans leur union, dans leur proportion. Quand ies étamines et le pistil sont dans la même fleur, il y a hermaphrodisme ; quand elles sont dans des fleurs différentes, il y a unisexualité ; si les fleurs mâles et femelles sont sur la même plante il y a monæcie, si elles sont sur des plantes différentes il y a diœcie. L'hermaphrodisme et l’unisexualité ne peuvent que donner des divisions arbitraires. Bien des plantes, en effet, présentent réunies sur le même pied ces deux modifications, on leur a donné le nom de po- lygames ; on connaît la disposition des fleurs du Vaillantia ; on sait que la famille des Térébinthacées est remarquable par le nombre des végétaux, qui ont la moitié deleurs fleurs hermaphrodites et l’autre moitié unisexuées (Mauria, Schinus, Sorindeja). Enfin le meilleur exemple à citer, est la famille des Composées. Mais cette poly- gamie ne peut-elle pas servir de caractère? On ne le pensera pas, 232 car dans toutes les familles que nous venons de signaler on trouve, à côté des genres polygames, des genres à fleurs exclusivement hermaphrodites et même d’autres dioïques et monoïques. La mo- nœæcie et la diœcie ne peuvent non plus servir pour faire de grands groupes, car on serait obligé dans les Conifères de séparer les Thuya, les Cupressus, les Abies, les Phyllocladus monoïques, des Juniperus, des Taxus, des Gincko, des Dacrydium, des Podocarpus qui sont dioïques. — Dans les Artocarpées on éloignerait les Ficus, les Dorstena, les Morus, les Antaris qui portent les mâles et les femelles sur le même pied, des Cannabis, des Humulus, des Pseu- dolmedia qui les ont sur deux pieds différents. — L’hermaphro- disme et la monœcie se rencontrent ensemble dans les Plantagi- nées, le P/antago est hermaphrodite et la Limosella monoïque. — Dans les Bixinées, le Bixa a les étamines et les pistils dans la même fleur ; les fleurs sont unisexuées dans le F/acourtia. — On peut même trouver toutes ces dispositions dans les Euphorbiacées : le genre Euphorbia a des fleurs hermaphrodites; le Ricin, le Jatro- pha, le Crozophora les ont monoïques ; les Croton ainsi que les Echinus ont des espèces qui sont monoïques et d’autres qui sont dioïques ; enfin le genre Mercurialis est toujours dioïque. Le nombre des parties de ce verticille est très-variable et ne peut servir souvent à distinguer une famille : car à côté des Primulacées, des Crucifères, des Borraginées, des Solanées, etc., qui ont un nom- bre fixe de ces appendices, nous trouvons les plus grandes varia- tions, en sorte qu’on peut d’un seul coup juger le peu de fonde- ment d’une classification qui se prétendrait naturelle et qui pren- drait là son point de départ. Prenons quelques exemples au hasard. Geraniacées, Geranium, 10 ; Erodium, 5 ; Monsonia, 15. — Po- lygonées, Rheum, 9 ; Rumex, 6 ; Pterosteqia, 3; Polygonum, 5, 6, 7 ou 8.— Saxifragées : Saxifraga Cunonia, 10 ; Heuchera, 5. — Aristolochiées : Asarum, 12 ; Aristolochia Clematinis, 6 ; Aristolo- chia pentandra, $.— Capparidées : Capparis, Polanisia, Colicoden- dron, un nombre indéfini; Cleome, 6. — Homalinées : Misa, 6 ; Homalium un grand nombre en 6 faisceaux. — Labiées : Lamium, 4; Westringra, Collinsonia, Lycopus, 2. — Acanthacées : Acanthus, 233 Thunbergia, Ruellia, 4 ; Justitia, 2. — Valerianées, Patrima, 4 ; Valeriana et Valerianella, 3 ; Fedia, 2; Centranthus, 1 ; ete., ete. L’adelphie ou la réunion peut-elle être invoquée ? Dans les Légu- mineuses et dans la section des Papilionacées, nous avons la tribu des Sophorées, où toutes les plantes ont les étamines libres, tandis que dans la section des Cytises, il y a diadelphie inégale. — Dans les Malvacées, qui sont remarquables par la réunion des filets des étamines, la section des Eriolæna, présente des étamines libres. Le nombre des faisceaux est-il constant dans une même famille ? La plupart des Méliacées sont monadelphes, la section des Dombeya fait exception, elle est pentadelphe. — Dans les Hypéricinées, les genres Eremanthe, Androsæmum et Vismia ont 5 faisceaux d’é- tamines, les genres Æypericum et Elodes n’en ont que 3 ; ete, etc. L'union des anthères ou synanthérie, se rencontre non-seulement dans les Composées, mais dans les Ambrosiées, les Brunoniacées, certaines Campanulacées et quelques Solanées. Si la proportion relative des étamines peut servir à faire distin- guer les Crucifères, il n’en est pas toujours ainsi, et la didynamie se rencontre dans des familles assez éloignées par les autres caractères, ainsi dans certaines Labiées, dans certaines Scrofularinées, dans cer- taines Acanthacées, dans les Orobanchées, etc. Ce que nous avons dit plus haut de l’épigynie, de la périgynie et de l’hypogynie, nous dispense d’insister sur les ovaires supères et sur les ovaires infères ou, comme on le répète à tort, adhérents et soudés. 9° Gynécée. Le nombre des pistils ne prouve rien. — Dans la famille des Rosacées le Cerisier, l’'Amandier, le Pècher, etc., n’ont qu'un ovaire; l’Alchemille, la Sanguisorbe, le Poterium en ont deux; la Spirée et l’Æeuchera en ont cinq, comme (quelque ridi- cule que cela puisse paraître au premier abord) le Néflier et le Pommier ; le Fraisier, la Ronce et le Rosier, en ont un nombre indé- terminé. — Le nombre desloges des ovaires est aussi variable. Dans les Burséracées, le Marignia acinq loges, l’cica ordinairement quatre, le Canarium trois. Au reste il se fait des avortements qui changent souvent la disposition initiale et si l’on voulait prendre ce caractère pour base d’une classification, il faudrait, à l'exemple de Payer, s’ap- 234 puyer sur des recherches organogéniques. Cela est tellement vrai, que dans les Anacardiées nous avons le genre Rhuset le genre Pistacia, qui commencent par avoir trois logesetqui n’en ont bientôt plusqu’une seule par avortement. Le nombre des styles correspond en général à celui des loges, ce que nous venons de dire s'applique également à ce caractère. Le nombre des ovules est très-variable, non-seulement dans la même famille, mais souvent dans le même genre ou dans la même plante. Dans les Renonculacées à côté des Renoncules qui sont oli- gospermes, nous avons la Clématite, l’Aconit, la Dauphinelle, l'Hel- lebore, le Populage qui sont polyspermes. Dans les Rosacées, le. genre Spiræa présente un grand nombre d'ovules à l’intérieur de chaque ovaire ; on n’en que deux dans chacune des cinq loges des Pyrus, des Malus, ete., et dans la loge unique des Amyqdalus, Persica, Prunus, ete.; enfin il n’y en a qu’un dans l'ovaire de la Pimprenelle, de l’Aigremoine et de la Sanguisorbe. La position de l’ovule dans la loge ovarienne, ses rapports avec les parois, son insertion sur le placenta, semblent être des carac- tères meilleurs, mais ils ont été rarement employés. Remarquons toutefois que la position de l’ovule est loin d’être fixe. Dans le genre Mauria (Anacardiacées) dont nous avons fait une étude attentive, nous avons pu voir l’ovule prendre toutes les positions par rapport à la loge, tantôt basilaire, tantôt pariétal, tantôt apiculaire. Parmi les Rosacées et dans la même tribu, nous avons dans le Rubus l’o- vule anatrope à microspyle tourné en haut, dans le Gewm le micros- pyle regarde en bas. Nous pourrions citer vingt exemples analogues. Une question plus grave est celle-e1 : 1l y a-t-1l des ovules nus, c’est-à-dire des ovules sans ovaires? On a en effet créé deux divi- sions : la Gymnospernue et l’Angiospermie, leur existence dépend de la solution de cette question. Certains ovules présentent un ma- melon central et une enveloppe. Pourles partisans de la Gymnosper- mie, le mamelon est le nucelle, l'enveloppe est une primine ; pour d’autres, au contraire, le mamelon serait l’ovule et l’enveloppe un sac ovarien. Les deux théories sont soutenues avec vigueur ; — R. Brown émit la première et Mirbel la seconde ; certains botanis- 239 tes français, avec une courtoisie toute nationale, donnèrent raison aux idées d'outre-mer, sans les discuter parfois, souvent même sans les contrôler, par la simple raison qu’elles venaient de l'étranger. MM. Payer et Baïllon, plus habitués que les autres à interroger la uature, après maintes observations se rangèrent de l’avis de Mirbel. Adhuc sub judice hs est! et ce statu quo durera longtemps nous le craignons, car les partisans de la théorie anglaise aiment peu à répé- ter les expériences qui pourraient leur donner tort. Quel que soit au reste le nom qu’on donne au fait, ce caractère est entièrement arbi- traire ; qu’il y ait des gymnospermes, nous le voulons bien, mais dès qu'on aura admis cette manière de voir, il ne faudra plus resserrer leur cadre aux Conifères et aux Cycadées, car les Loranthacées, les Ola- cinées, les Santalacées uniovulées, etc., auront droit de demander à prendre rang dans cette division ; en sorte que, dans tous les cas, on sera obligé d’opérer, tôt ou tard, une fusion qui s’établira par passages insensibles et détruira ces deux groupes artificiels. 100 PracenrTaTion. La portion de l’axe qui se prolonge dans l’in- térieur de l’ovaire se nomme placenta ; la disposition que cet organe affecte dans sa cavité s’appelle placentation. — On connaît quatre placentations, très-faciles à comprendre pour ceux qui sont prévenus du polymorphisme des axes. Le placenta est un axe et nous allons lui voir affecter toutes les formes qu’il nous a présentées dans l’in- florescence ou dans la fleur. — 1° P/acentation centrale libre : le placenta est isolé au milieu de la loge, tantôt allongé en colonne, Thesium, tantôt sphérique et globuleux, Anagallis, fig. 25, Samolus Valerandi, fig. 24.—2° Placentation basilaire : le placenta occupe le fond de la cavité soit sous forme d’un plateau, Rhubarbe, fig. 26, soit sous celle d’une cupule, Leontice. —3° Placentation pariétale : le placenta est accolé aux parois et alors tantôt il les tapisse en to- talité, Butomus, fig. 27, tantôt au contraire il n’y laisse que deux cordons, C/eome, fig. 28, ou trois, Viola, fig. 29. ou quatre, Arge- mone, fig. 30, ou un très-grand nombre, Pavot. —4° Placentation axile : les feuilles carpellaires, au lieu de se réunir bord à bord pour former une enceinte unique, peuvent par inflexion de ces bords vers le centre limiter un nombre plus ou moins considérable de loges ; 236 souvent, dans ce cas, les placentas sont placés dans l’angle interne de chaque loge, Mesembryanthemum cordifolium, Tremandra verticillata, fig. 31. Fic. 24. Fic. 95. FIG. 26. Samolus Valerandi. Anagallis arvensis. Rheum palmatum. Fiç. 27. Butomus} D 28. Fi. 29, umbellatus. Cleome viridiflora. Viola tricolor. Richard est le premier qui ait songé à se servir du mode de placentation pour ranger ses familles, malheureusement ses divi- sions supérieures étaient basées sur la corolle et sur l'insertion des étamines. Payer avait repris ce caractère et il avait su le combiner avec la composition de l'ovaire, de manière à faire espérer un classement plus vrai que celui de ses prédécesseurs. 237 Ce travail resta inachevé, nous ne pouvons donc guère le juger : mais nous pensons que des recherches ultérieures dirigées dans le mème sens, pourraient peut-être amener à de nouvelles com- Fig. 31. Platytheca Crucianella. Fic. 30. Argemone grandiflora. binaisons plus heureuses que celles que nous sommes habitués à trouver. Nous ferons cependant remarquer que le caractère tiré de la placentation, quoiqu’étant un des meilleurs, est loin d’être absolu. Aïnsi à côté du Mesembryanthemum cordifolium, que nous avons représenté avec une placentation axile, nous trouvons le M. violaceum qui a une placentation basilaire et le M. edule dans lequel les placentas sont pariétaux. 11° Frucriricarion. La fructification a, nous l’avons vu, servi de base à quelques auteurs pour faire leurs classifications. Revenons encore une fois à la famille des Rosacées. A côté de la drupe à un seul noyau du Pêcher, du Prunier, du Cerisier, nous trouvons la baie du Rosier, la drupe à cinq noyaux du Néflier et celles du Poi- rier, du Pommier et du Cognassier, les drupes multiples de la Fram- boise, le fruit anormal de la Fraise; nous passerons ensuite aux fruits indéhiscents, ici l'Amandier qui commence par être un fruit charnu et devient plus tard un fruit sec, plus loin la Potentille et la Benoïte qui ont des akènes, plus loin encore les Spirées qui 238 ont des follicules. — Les Légumineuses qui viennent se ranger à côté d’elles ont des légumes pour la plupart; cependant un genre, l’'Onobrychis possède un akène, le Copahu officinal une drupe, et le Sophora japonica une baie. 12° Graines. Les graines ont aussi fourni matière à des divisions. Nous sommes dispensé de parler de la valeur du nombre qu’elles peuvent présenter dans chaque loge, nous ne pourrions que répéter ce que nous avons dit des ovules. — Un caractère qui a longtemps attiré l’attention est celui tiré de la considération de la présence ou l’absence d’albumen. Mais l’organogénie, en venant démontrer la formation des albumens, a appris que toutes, même celles qui en paraissent le plus dépourvues à la maturité, en ont eu au moins un dans leur jeune âge. D’un autre côté on a trouvé, dans des familles que l’on croyait apérispermées, des genres qui possédaient un albu- men, ainsi les Schinus dans les Anarcadiées, tandis que par contre, on a compté plusieurs genres dépourvus de cette provision de sucs, dans des familles réputées périspermées, les Briédelia (Anomosper- mum) dans les Euphorbiacées. 13° Coryrénonarion. Nous arrivons au caractère auquel on ac- corde le rôle le plus important, puisque nous le trouvons placé en première ligne dans toutes les classifications modernes, c’est celui tiré du nombre des cotylédons. Ce caractère que nous avons vu pour la première fois signalé par Césalpin, et qui lui servait à éta- blir des divisions de second et de troisième rang, est venu primer tous les autres et a amené la division des plantes en Acotylédones, Monocotylédones et Dicotylédones. Ces brusques transitions n’exis- tent même pas pour les grands groupes qui, présentés ainsi, ne sont pas naturels. On passe insensiblement de la spore des Algues et des Champignons à celles des Fougères et des Rhizocarpées, de celles- ci au germe des Marsiléacées et l’on arrive à l'embryon réputé mono- cotylédoné des Hydrocharidées et des Orchidées qui, en résumé, n’ont pas plus de cotylédons que les Pilulaires. De là par les Gra- minées nous arrivons aux Monocotylédones proprement dites ; en- tr’elles et les Dicotylédones, nous retrouvons des passages, ainsi l'embryon du Trapa natans, qui a deux cotylédons, mais dont 239 l’un est si petit qu’il ne reste, pour ainsi dire, qu’afin de montrer la transition. Ces coupures tranchées ne sont donc pas naturelles. — Voyons, en second lieu, si toutes les plantes rangées dans chacun de ces groupes répondent au caractère premier et indispensable. I] n’est personne qui ne sache le contraire ; chaque jour le nombre des Dicotylédones à un seul cotylédon augmente. Adanson ne citait qu'une Onograriée, une Personnée et un Pourpier, depuis on y ajoute la Capucine, le Sicyos anqulata, le Gyclamen et enfin la Cus- cute qui n’en a pas du tout. Au reste quelque chose qui parle plus haut que nous, ce sont les efforts qu’ont tentés les botanistes pour éviter ce caractère qui leur semblait vicieux. Ici nous voyons L. C. Richard présenter ses Coléorhizées et ses Acoléorhyzées, là De Candolle ses Exogènes et ses Endogènes, enfin Endlicher ses Acro- bryées, ses Amphibryées et ses Acramphibryées. Qu'on nous permette pour terminer cette discussion de la valeur des caractères et, comme résumé, de prendre une famille et de montrer combien elle est peu d’accord avec la classification préten- due naturelle. Celle des Primulacées est une des plus instructives ; mais ce tableau pourrait se faire avec presque toutes les autres. SYSTEME D’A. L. DE JUSSIEU. PRIMULACEES. ACOTYLÉDONES. MONOCOTYLÉDONES. Cyclamen. Apétale:. Me ane ...|Glaux. Per l Primula, Anagall , PRE régulière... .| Primula,Anagallis, etc DicoryLépones .… .{MOnOpétales.. . re E ir cœulibre AE Épioynes MAP MEL Samolus, Mesa. RON HELAIES TNA TE AE te Pelletiera. DICLN ES SERRE PAM AIS TRE UIE Myrsine. Nous conclurons donc de tout ce qui précède : 1° Qu’aucun or- gane, quelqu'important qu’il soit par lui-même, n’a assez de valeur pour pouvoir donner un caractère qui domine tous les autres. — 2° Que l’on ne pourra arriver à faire de classification naturelle que par la considération de tous les caractères réunis. Léon MarcHanr. (A suivre.) L'AMI DES BÊTES Je suis l’ami des animaux, Pour être aimé d’eux, je les aime : Sont-ils gais, je suis gai moi-même, Souffrent-ils, je ressens leurs maux. Quand un char reste dans l’ornière, Tout en gourmandant le brutal Qui frappait son pauvre cheval, Je pousse avec lui par derrière. \ J'aime à te flatter de la main, Bonne vache à l’œil sympathique ; Tu fus, suivant la fable antique, La nourrice du genre humain. Tu l'es toujours : quand à la ferme Avec des soins affectueux On te trait, le lait onctueux Du pis gonflé coule sans terme. Dans ton troupeau, dis-je au berger, Veille à maintenir le bon ordre, Sans permettre à ton chien de mordre La brebis qu'il doit protéger. 1X. 241 Je prends d’office ta défense, Humble âne , objet de nos mépris ; Vrai philosophe en habit gris, Tu souffres les coups et l’offense ; Mais j'ai fait rougir, maintes fois, Le rustre qui, sur ton échine Au poids d’un lourd sac de farine De son corps ajoutait le poids. Sur le seuil d’un manoir champêtre, Un dogue aboïe à tout venant ; J’approche, il se tait, devinant Que je viens dîner chez son maître. Les pigeons, sans être effrayés, Becquètent le pain dans ma boucne ; Le moineau, rendu moins farouche, Ramasse la graine à mes pieds Vers Les prés si je m’achemine, Je m’en vais caresser les bœufs Qui, sur moi fixant leurs grands yeux, Me font leur plus aimable mine. Dans un bois trotte Jean Lapin ; Il me voit, reconnaît sans peine Un cousin du bon La Fontaine, Et gambade en paix sur le thym. Au trou d’un mur montrant sa tête, Le lézard, toujours en éveil, Près de moi sans crainte au soleil Vient s'étendre, frileuse bête. 16 242 Les petits oiseaux dans leurs nids, Bouvreuils, pinsons, bergeronnettes, Me disent, en leurs chansonnettes : Que nos protecteurs soient bénis ! Dans la bruyère aux fleurs vermeilles, Jai cueilli ces vers : à leur tour Sur tous les buissons d’alentour Butinaient mes sœurs les abeilles. Je suis l’ami des animaux, Pour être aimé d’eux, je les aime : Sont-ils gais, je suis gai moi-même, Souffrent-ils, je ressens leurs maux. BourGuIN. "LOT NÉCROLOGIE La mort nous a enlevé deux collègues, pendant le cours de l’an- née 1866 : M. Urbain Thouin, maire de la Meignanne, a succombé à l’âge de cinquante-trois ans, à la suite d’une longue et cruelle maladie. M. Baron de la Gennevraye, ancien chimiste du roi, est décédé à Saint-Florent, près Saumur, à l’âge de soixante-dix neuf ans. M. François-Michel Baron de la Gennevraye s’était, pendant sa longue et laborieuse carrière, adonné avec ardeur à l'étude de la minéralogie. On peut dire qu’il était en Anjou un des derniers repré- sentants de cette science, un peu négligée depuis les grands progrès de la géologie. Notre collègue avait formé un cabinet d’histoire na- turelle, dans laquelle on voyait réunis des échantillons de toutes les roches de l’Anjou. Il serait à désirer que les précieux objets recueil- lis par M. de la Gennevraye dans ses nombreux voyages, fussent destinés au musée de Saumur, ce serait une richesse de plus, à ajou- ter aux importantes collections dont s’est augmenté cet établisse- 244 ‘ ment, gräce à la science et au dévouement de son directeur, M. Au- guste Courtiller. Voici la liste des travaux publiés par M. de la Gennevraye dans les Annales de la Société linnéenne : 4° Notice sur une chaux sulfatée produite par double décomposi- tion dans un fer sulfuré de Saumur (Maine-et-Loire). 2° Notice sur la détermination du Convolvulus jalapa. 3° Notice sur un gisement d’ossements fossiles de la commune de Noyant. 4° Etude sur les fourmis maconnes. 5° Revue minéralogique de l’arrondissement de Saumur. 6° Étude sur les cigognes, souvenir de Pologne et de Hongrie. AIMÉ DE SOLAND. Angers, 20 avril 1867. TABLE DES MATIÈRES contenues dans le 9° volume DES ANNALES DE LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE DU DÉPARTEMENT DE MAINE-ET-LOIRE. Pages. Liste des membres de la Société Linnéenne du département de Maine- COTE Se rene en de CPR ee en NA APR eee AP OR I Les Ammonites du tuffeau, par M. CoURTILLER...................... 1 Ichthyologie, par M. Guicuenot. — I. Le Trigle polyommate, nouveau genre de poisson de la famille des Trigloïdes. — II. Le Zancle centro- gnathe, nouveau genre de Chétodons. — III. L’Argentine léiglosse, nou- MES ENT Te SAIMONOQUleS 2 CREER en. 9-17 Essais étymologiques sur l’Ornithologie, par M. l'abbé Vincecor....... 18 Étude sur les Connaracées de l'Afrique tropicale, par M. H. Balcon... 51 Leptis vermileo (Fabricius), par M. CoURTILLER..............,........ 72 Ba Cocciculture, par M° 1 Dopressis..... us ecalmel end 76 Observations sur les Pins maritime et sylvestre cultivés dans le centre de la France, par M. le baron pe MoroGues...,....,........,... . 81 Note sur le genre Chimonanthus et sa propagation en Anjou, par M DH BETA NEA EE ER M D ME Rate teens os se « 91 Les Rubiettes, par M'BDDRGDINS RE - 0: ennleble sn mue nie om bare vas œie ee 98 Sur la vitesse du flux nerveux dans la sensation et l’acte de la volition, 109 Dar M GA HN A Lara ia a à feel Date) era le de so 1e one à 246 , Pages. Explication d'un profil géologique de l’Angleterre, par M. le vicomte D'ARCHTAC TA AU nl mine e diese tested dernier 128 Mélanges d'histoire naturelle, par M. Aimé DE Socann. — I. Tremblements de terre. — II. Aérolithes tombés en Anjou. — III. Note sur une cou- leuvre à collier. — IV. Note sur le Rosa macrantha. — V. Note sur le Bambusa mitis, Poir. Son acclimatation en Anjou............... 146-168 Étude sur les Champignons de Maine-et-Loire, par M. Aimé DE SoLann. 169 Des Classifications et des méthodes en botanique (première partie), par M. Léon MARCHAND. ...... RAR 2 Een a OS TO NE 0 193 L’Ami des bêtes, par M. BourGuIN............ LE Te RM 240 Nécrologie, par M. Aimé DE SOLAND...........,.................... 243 PLANCHES Les Ammonites du tuffeau : Ammonites Cephalotus, planches 4 et 2...,.................... 8 — Reveliereanus, planche 3.:...........,...:,...... 8 — Peramplus, planches # et 5.......... ARTS MCE 8 — Salmuriensis, planche 6....,.......,..........,.... 8 — Fleuriausianus, planche 7......................, ; 8 — Woolgarü, planche 8.......,..44 0.464.064 8 Léptis (URI RER MALE ESS CÉRMECEMTEMNeE de CALE IEUE HR) Profil géologique de l'Angleterre. .............:......,............ 128 Les Champignons de Maine-et-Loire : Lycoperdon giganteum (Fries)............................... 178 —= craniolare (Paulet)............... .. YRO DORE ARE 179 ANGERS, IMP. P. LACHÈSE, BELLEUVRE ET DOLBEAU. ee , ; XX) pol nn RE Ve Re See Ses CRETE Lo] Eu #