PRE PRE Re ere t es se SE :. ANNARES OGIÈTÉ LINNÉENNE ip es : idée en 1852 RAS ele L SOCIÉTÉ. re re SOC PARÉ des Botanistes-Chnises Fe des Naturalistes : | Re EN "ATTIATS RE 1798-1830 ie de - INPRIMERIE DE-LAINÉ FRÈRES, BUE SAINT-LAUD , OM AUCH - ri A LS [ea] 2 2 ea ea : (29) A S ] ie ARE Z = < = om Ce! — ea la) LE AnehanRare me MR TETE POP PE RER Vu 5 SA pa Q PRE * BRIE Fe ANNALES DE LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE DE MAINE ET LOIRE fondée en 1852 ITLPXK T0 SOCIÉTÉ SOCIÉTÉ des Botanistes-Chimistes des Naturalistes 1777-1793 1798-1830 as TNT My ES } sin SE p L « ES ANGERS, IMPRIMERIE DE LAINÉ FRÈRES, RUE SAINT-LAUD, 9. VERRA 1879 5 sn À dar) 20 net to ATOME SELON ba} SHIOÛ A fre atuiu ti ME Lh role UE BAL dror fi GE \ af ot DENT: # j she av DATE LE) 46h TT ré MELSE | 1. 1 A: Fe ” etioz ab mois ia san nl Soon 2nardmolotesl ‘ HR, sa} f mer “Leo \Y2pl HU que sur mis En SAM TE fre sq RL ec lé ORNITHOLOGIE. LES COLOMBIENS. Linné avait placé la tribu des Golombiens (pigeons et tourte- relles), dans l’ordre des PAssErEAUX. Cuvier l’en a séparée pour la réunir aux GaLLiNAcÉs. Rien ne justifie ce changement. Les Colombiens diffèrent des Gallinacés par leurs facultés, par leurs mœurs, aussi bien que par leurs caractères physiologiques. En effet, comme les passereaux, les pigeons sont puissamment organisés pour le vol, ils sont perchcurs et voyageurs ; les Gal- linacés, qui ont le corps lourd et les ailes courtes, volent mal et ne perchent que pour dormir. Les Colombiens nichent sur les arbres, les Gallinacés font leur nid à terre. Les Colombiens vi- vent par paires et sont des modèles de tendresse conjugale : le mâle nourrit la femelle quand elle couve ; il partage avec elle les soins de l’incubation et de l'alimentation des petits. Rien de sem- blable chez les Gallinacés. Enfin les petits des Colombiens, comme ceux des passereaux, naissent aveugles et trés-débiles , tandis que ceux des Gallinacés, au sortir de l’œuf, sont en état de cou- rir et de chercher leur nourriture. Quelques naturalistes font des Colombiens un ordre à part. Mais un ordre qui ne contient qu'une seule tribu, ne peut entrer dans une bonne classification. Laissons donc les Colomhiens là où Linné les a mis. Seuls, parmi les oiseaux, les Colombiens ont la faculté d’en- 1 | RO fler leur jabot , en y accumulant de l'air, et de produire ainsi ces sons particuliers qu’on appelle roucoulement. Seuls aussi, sauf peut-être la huppe, ils boivent tout d’un trait, en aspirant l’eau. Le nid des Colombiens est construit sans art ; c’est une sorte de plate-forme , presqu’à claire-voie, composée de brindilles ct de petites racines. Ils font deux pontes par an, — plus de deux pontes dans nos colombiers ; — chaque ponte est de deux œufs. Ils nourrissent leur couvée de grains réduits, par la macération qu'ils ont subie dans leur jabot, en une sorte de bouillie liquide, blanchâtre, assez semblable à du lait caillé. Ils la dégorgent, en introduisant le bec entr’ouvert des petits dans le leur. C’est par une sorte de vomissement que la nourriture est projetée, de l’es- tomac du père ou de la mère, dans celui des petits. Lorsque ceux-ci sont plus forts , les parents leur distribuent des grains à demi-digérés. Au bout d’un mois, les petits devenus capables de pourvoir eux-mêmes à leurs besoins, quittent le nid. Les Colombiens sont très-attachés l’un à l’autre. Leur pre- mière union est presque toujours la seule qu’ils contractent dans le cours de leur vie, à moins qu’elle ne soit rompue par quelque accident. Un trait touchant d’affection conjugale m'a été raconté par M. Bataillard, mon confrère à la Société philotech- nique. Il avait demandé à M. le baron Gérard, dont la maison de campagne en Normandie est à sept lieues de la sienne, un couple de pigeons d’une race qui lui plaisait beaucoup. Le domestique chargé de le choisir, en entrant brusquement dans le colombier, y mit le désordre, et eut quelque peine à s'emparer des deux pi- seons. On les transporta dans un panier fermé à leur nouveau domicile. Là, on vit avec quelque surprise que le couple, au lieu de se témoigner de la tendresse, était toujours en querelle. Comme il se montrait extrêmement farouche, on le tint renfer- mé. Huit jours après, une pauvre femelle, maigre et les plumes hérissées, vint frapper à la fenêtre du colombier. Elle battait des ailes et montrait une grande agitation. On l’aperçut, et on lui ouvrit. Elle se précipita vers un des pigeons ; et le couple, car c’élaient bien l'époux et l'épouse , donna les marques les moins équivoques du bonheur qu’il éprouvait de se retrouver. Quant à l’autre pigeon, il profita de la fenêtre ouverte pour s’enfuir. C’é- tait un mâle, qui s’empressa d’aller rejoindre sa bien-aimée, dont on l'avait violemment séparé. Dans le poëme de l’Ariosie, nous voyons une héroïne qui, à la poursuite de son fiancé, parcourt en tout sens un pays boule- versé par la guerre , où elle est exposée à mille dangers. Mais au moins Bradamante pouvait demander des renseignements à tous ceux qu’elle rencontrait. N’est-elle pas plus touchante en- core la pauvre héroïne de colombier qui, sans le moindre indice pour se guider, se met courageusement à la recherche de son ami et finit par le trouver, à sept lieues de son domicile, dans le donjon où on le relient prisonnier ? Virgile a dit que l'amour est le même pour tous les êtres, amor omnibus idem. Cela est vrai; et de quels miracles lamour n'est-il pas capable, quand il est entré dans un cœur pur ? L'affection des parents pour leurs enfants est aussi très-vive chez les jigeons. Pendant les hivers rigoureux, il n’est pas rare de trouver, dans les colombiers, des femelles mortes de froid sur leurs œufs. On en a vu une dont les pattes gelèrent et tombérent et qui, malgré cette souffrance et la perte de ses membres, con- tinya de czuver jusqu’à ce que les petits fussent éclos. Une dame, propriétaire d’un café situé à Paris, en face de L’an- cienne gare du chemin de fer d'Orléans, avait rapporté un pi- geonneau de Champ-Rosay, près Corbeil. Le lendemain matin, elle se disposait à donner au jeune oiseau, qui ne mangeait pas” encore, les soins qu’il réclamait, quand elle trouva installée au- près de lui, dans le café dont on venait d’ouvrir la porte , une ménagère plus empressée et plus au fait des besoins du frêle volatile. C’était la mêre qui, sans hésitation sur la route à suivre, était accourue vers son pelit. Elle lui dégorgeait abondamment la nourriture dans le bec, et semblait lui articuler-de tendres re- proches, de ce qu'il l'avait quit'ée. L'amour du pigeon pour sa progéniture lui fait quelquefois contracter des alliances assez étranges avec d’autres animaux. L’évêque anglais Stanley, auteur d’un livre sur les oiseaux , ra- conte qu'un couple de pigeons avait son nid dans un grenier in- festé par les rats. Plus d’une fois les œufs avaient élé détruits ou les petits dévorés par les impitoyables rongeurs. Ces pertes répé- tées amenèérent la femelle du pigeon à établir son nid dans une autre partie du grenier où une chatte allaïtait trois petits. L’ami- tié fut bientôt cimentée entre les deux mères. Le nid des pigeonneaux était situé tout près de la paille qui servait de lit aux petits chats. La couvée et la portée vinrent Lous deux à bien. Les pigeons ont été avec l’oie les premiers oiseaux que l’homme ait réduits à la domesticilé. Le plus ancien des poëtes, Homère, qui nous montre Hélène et Pénélope élevant des oies dans les cours de leurs palais, cite aussi plusieurs villes de la Grèce où l’on élevait des pigeons en quantité (Iliade, chant 2, vers 502 et 589). 11 ne parle d'aucun autre oiseau comme vivant alors dans l’intérieur des habitations. La colombe qui rentre dans l'arche, tenant en son bec un rameau d’olivier, semble indiquer qu’à l'époque du déluge cet oiseau était déjà rallié àlhomme. Le pigeon cause-t-il aux cultivateurs des dommages aussi con- sidérables qu’on le croit communément? On peut en douter. Plu- sieurs naturalistes ont pris sa défense : le pigeon ne gratte pas la terre, comme la volaille , etil ne becquête pas les épis. Les seuls grains qu’il ramasse sont ceux qui tombent de l’épi trop mür ou de la gousse entr’ouverte, et ceux que la herse n’a pas enterrés. Ces grains seraient perdus. En les recueillant , le pi- geon n’occasionne aucun préjudice. Pendant presque toute l’an- née , sa nourriture se compose des semences de vesce sauvage, de bluet, de nielle, de lentille, et d’autres plantes qui croissent avec les céréales et leur nuisent. Il rend aussi des services, en détruisant les limaces, les colimacons et les pelits escargots, qu'il avale avec la coquille. Enfin il recherche les graines des diverses espèces d’euphorbe, qu'aucun autre animal ne peut manger impunément. Très-avide de ces semences vénéneuses, le pigeon en consomme de grandes quantités, principalement pour alimenter ses petits, sans qu’il en résulte aucun inconvé- nient ni pour eux, ni pour les personnes qui en mangent la chair. D’après nos lois, les pigeons de colombier doivent être en- fermés aux époques fixées par l'autorité. Durant ce temps ils sont regardés comme gibier, et chacun a le droit de les tuer sur son terrain. C’est ordinairement à l’époque des semailles, du ?% mars au 15 avril, et du 1° octobre au 15 novembre, que cette réclusion a lieu. Un temps viendra probablement où ces mesures seront en partie abrogées, maintenant surtout que l’usage du se- moir tend à se généraliser. S'il y a une circonstance où il con- viendrait d’enfermer les pigeons , c’est quand les blés ont versé, parce qu’alors ces oiseaux se jettent dessus, et coupent les épis qu’ils avalent. La tribu des Colombiens est très-nombreuse en espèces, qui pour la plupart appartienuent aux régions chaudes de l’ancien continent. En France nous n’en avons que quatre espèces vivant à l’état de liberté : le pigeon ramier , le colombin, le biset et la tourterelle. Le pigeon ramier, ou pigeon des bois, est la plus grande: de nos espèces. La tête est cendrée, les côtés et le dessus du cou ont des reflets verts, passant au bleuet au pourpre; la couleur vi- neuse de la poitrine tranche sur le bleu cendré du manteau. Le pigeon ramier nous arrive au printemps, et nous quilte en automne. Cependant il y en a toujours un bon nombre qui bra- vent, au milieu de nos forêts, les rigueurs de l’hiver. On sait qu'à Paris plusieurs couples n’abandonnent jamais les grands jardins publics. C’est dans les bois de haute futaie que le ramier s’établit de préférence. Il place son nid sur les grands arbres. Il se nourrit de fruits sanvages, de faines, de glands , qu’il avale tout nee 5 LR PAG VE de graines de plantes légumineuses, ainsi que de fraises et autres fruits mous. On l’accuse de déterrer les pois à demi-germés. Le ramier est réputé le plus farouche des oiseaux, après le coucou. Jamais on n’a pu le déterminer à se fixer dans nos co- lombiers. Cependant chacun sait qu'aux jardins des Tuileries et du Luxembourg, plus d’un jeune garçon appelle les ramiers qui sont perchés sur les arbres, et qu’à cet appel les oiseaux des- cendent. Ils se posent familièrement sur les bras et sur les épaules de celui qu’ils reconnaissent pour un ami, et ils bec- quêtent dans sa main et jusque dans sa bouche le pain qu’il leur présente. D'où vient cette confiance si contraire au naturel du ramier ? Uniquement de la bienveillance que les promeneurs de ces jar- dins ont toujours témoignée aux oiseaux. L’homme n’a qu'à vouloir, et tous ces êtres charmants, sans renoncer à leur liberté, s’empresseront de se rallier à lui. Malheureusement cette bienveillance n’est qu’une exception bien rare dans nos mœurs. Au moment de son émigralion en au- tomne, le ramier, que l’on nomme palombe dans les provinces du midi, donne lieu à une chasse meurtrière. Elle se pratique au moyen d'immenses filets, tendus sur des plateaux resserrés entre deux montagnes. J’emprunte au journal La Vie à la campagne quelques détails sur la chasse aux palombes , dans les Pyrénées. « Tout le monde est à son poste, et chacun attend en silence. Tout-à-coup de la hutte la plus éloignée un cri se fait entendre, répété successivement par les autres. Les palombes arrivent à toute vitesse. Au moment où elles vont atteindre la ligne des fi- lets, un des chasseurs, suspendu dans l’espace , lance vers elles un épervier de bois. Les oiseaux effrayés plongent vers la terre et vont donner en plein dans les filets, qui tombent sur eux. Voilà les palombes prisonnières. Alors commence sans pitié le carnage des pauvres bêtes. Il y en a quelquefois des centaines, qu’il faut expédier en un clin d’œil. Les moments sont précieux : une autre bande peut venir, il faut se hâter de relever les filets. La besogne meurtrière est bientôt expédiée. Deux hommes se précipitent sur les victimes , les foulent aux pieds, les étouffent entre leurs doigts, leur écrasent la tête d’un coup de dent. Cette hécatombe se renouvelle plusieurs fois par jour. » La chasse aux palombes attire de nombreux visiteurs. Ce sont, chaque jour, de joyeuses cavalcades, des repas sur l'herbe, et Dieu sait si l’on rit. » Hélas ! c’est toujours la répétition des mêmes scènes : sous prétexte de chasse, d’ignobles tucries. Et des jeunes gens ap- partenant à l'élite de la société, des jeunes femmes, des jeunes filles, se font une partie de plaisir d’assister à l’extermination barbare d'oiseaux si dignes d'intérêt. Certes , on peut se deman- der, avec un correspondant du journal l’Zlustralion, si cette école de cruauté fera de nos fils, des hommes vaillants et géné- reux ; de nos jeunes filles, des femmes bonnes et douces. Les pigeons ramiers qui effectuent leur passage par les Alpes, sont l’objet d’une poursuite moins meurtrière, mais encore bar” bare. Le Marseillais , qui aime à faire parler la poudre, est là qui les guette. Sur tout l’espace que les oiseaux doivent parcou- rir, les chasseurs se sont échelonnés, plusieurs jours d’avance. Voici comment un naturaliste du pays, M. Lapommeraye, décrit cette chasse, qu'il dit être, pour les habitants des Bouches-du- Rhône, si pleine d’attraits, qu’il y a des fanatiques qui se garde- raient d'y manquer un seul jour, quelque temps qu’il fasse, coûte que coûte, et cela pendant tout un mois. Je laisse parler l’auteur : € Une première volée de pigeons est signalée. Le plumage serré au corps, pressés l’un près de l’autre, et luttant de toute leur énergie contre un courant contraire qui les convie et les aiguil- lonne , ils s’engagent et côtoient la lisière du bois. La fusillade commence ; elle les accueille, de distance en distance. Se jet- tent-ils hors des sentiers battus et dans des directions nouvelles, la foudre les suit partout et partout les frappe... Les mêmes émotions de crainte d’une part, de joie féroce de l’autre, se suc- SUR ee cèdent, d'heure en heure, de minute en minute; car il vente frais et le passage est continu. » Joie féroce, je ne suis pas fâché qu’un autre l'ait dit pour moi. Je comprends parfaitement le plaisir de la chasse, par le charme de la réunion, par l'exercice en plein air, et même par un certain retour à la vie sauvage ; mais se faire un divertisse- ment de massacrer , sans fin et sans merci, de pauvres êtres sans défense, c’est une cruauté. Plus on rapporte de victimes, moins on est excusable. Le pigeon colombin, ou pelit ramier, est plus rare que l’es- péce précédente, principalement dans le nord et le centre de la France ; cependant on le rencontre fréquemment dans les forêts de Compiègne et de Rambouillet. Il est plus répandu dans lesud, et il est commun en Algérie, où il hiverne quelquefois ; ce qu'il ne fait pas chez nous. Il niche sur les arbres ou dans des trous d'arbres. Il a les mêmes mœurs que le ramier. À son départ pour l’Afrique, le colombin gagne la mer par les gorges des Pyrénées : on en prend de grandes quantités dans le département des Pyrénées orientales et dans l’Ariége. Le pigeon biset, ou pigeon de roche, est la souche de nos différentes races de pigeons domestiques. On le trouve rarement à l'état sauvage, si ce n’est dans les îles de la Méditerranée. Il ne niche pas sur les arbres, mais dans les trous des rochers ou des vieilles tours. 11 y en avait autrefois une colonie sous les arches du Pont-Neuf, à Paris. Mais ce port a été restauré vers 1850, et l’on a eu la maladresse de boucher tous les trous. Les peuples de l'Orient se font un plaisir de dresser les pigeons à des simulacres de combat. Dans la maison de tout riche maho- métan , il ÿ a un homme dont l’unique occupation est de les ins- truire. Les pigeons profitent si bien des leçons qu'on leur donne, qu'ils obéissent au commandement, comme les soldats les mieux disciplinés. On a des bandes ‘de pigeons de couleurs différentes, qui lanlôt se mêlent et voltigent ensemble, tantôt se séparent suivant leur couleur, se poursuivent, s’attaquent. Au moment où un des groupes se précipile sur l’autre, comme pour l'enfoncer , celui-ci s’entr'ouvre et lui livre passage. Un voyageur nous a dé- crit un de ces divertissements, dont il fut témoin à la cour de Lahore. Le roi jouait avec ses pigeons, comme on joue aux échecs. Le vaste champ du ciel permettait le libre développement de ces belles troupes aériennes. Il les commandait en langue persane ou par des signaux , à l’aide d’un drapeau qu’il agitait tantôt d’une manière, tantôt de l’autre, suivant qu'il voulait or- donner l’attaque ou la retraite. Ces oiseaux , dressés aux évolu- tions militaires , exécutaient avec la plus grande précision tous les mouvements qu'il leur indiquait, soit pour avancer, soit pour reculer. Michelet nous représente l'Orient comme la terre sacrée des oiseaux, la terre hospitalière et plantureuse, où tous sont épargnés , nourris, bénis et bien reçus. C’est aller trop loin. Si la colombe chère au prophète’, si la tourterelle aux doux re- gards, vivent en paix sous le toit musuiman ; si le laboureur en se rendant aux champs, se voit suivre par la cigogne familière, qui saisira , dans le sillon qu'il va creuser , les insectes destructeurs du mais ; si les hirondelles ont le droit de suspendre leurs nids respectés aux lambris intérieurs des palais les plus somptueux, n'oublions pas que Mahomet a maudit le moineau, et qu’il a étendu sa malédiction sur l'arbre qui peut servir d’abri à l’oi- seau. De là, s'il faut en croire M. Toussenel, la stérilité qui frappe les contrées jadis les plus fécondes de la terre : la Méso- potamie, la Perse, l'Arabie heureuse, la Syrie, et tout le nord de l'Afrique. Partout l’Arabe, en haine du moineau, a détruit les forêts ; et la suppression des forêts a fait tarir les sources ; et le désert aride et nu a succédé aux plaines fertiles et aux collines verdoyantes. Mè trouvant à Constantine , en 1860 , Je demandai, un jour, ! Une tradition arabe porte qu'une colombe poursuivie par un épervier vint se réfugier dons le sein de Mahomet. Celui-ci la couvrit de sa robe, et quand elle fut remise de sa frayeur, il lui rendit la liberté. — 10 — où les habitants pouvaient se procurer leur bois de chauffage, puisqu'il n’y a aucune forêt à vingt ou trente lieues à la ronde. On me répondit qu’on allait, chaque année, déterrer des souches sur une montagne voisine de la ville. Il existait done là, avant la conquête des Arabes, une forêt que leur fanatisme ignorant avait vouée à la destruction. L'Espagne , jadis occupée par les Maures , et le midi de la France (la France des Sarrasins), ont hérité de cette haine du moineau, haine qui s’est étendue à toute espèce d'oiseaux, et la décadence de ces riches contrées a commencé. C’est ainsi que partout où l’on fait une guerre sans merci aux petits oiseaux, ces protecteurs nés de toute agriculture, la terre s'appauvrit et les récoltes deviennent insuffisantes. On a dit que l’eau versée au pied d’un arbre se retrouve sur les branches en fleurs et en fruits. Il en est de même de la pro- teclion qu’on accorde aux petits oiseaux : c’est par l'abondance des fleurs et des fruits qu’elle est payée. N'ayant pas l'intention de parler, dans cette étude, des pigeons domestiques, je ne mentionnerai pas les races nombreuses et très-variées qui peuplent nos colombiers. Je rappellera seule- ment qu'il est important de tenir leur habitation propre et d’y placer, dans quelque coin, ua bloc de sel ou de salpêtre, et quel- ques gravats à becqueter. Le sel est un spécifique contre la ver- mine, dont ils sont souvent dévorés. Enfin, je dirai que les pi- geons se plaisent mieux dans un colombier élevé que dans un logement bas ; et qu'il faut éviter d’en tourner l'entrée au nord, de peur qu'avec le vent de bise, le froid glacial de l'hiver ne pé- nètre dans leur demeure toujours ouverte. La colombe tourterelle, ou la tourterelle des bois, un de nos oiseaux les plus gracieux, est assez commune en France, où elle arrive à la fin de mars et où elle reste jusqu’au mois de septembre. Moins grosse que le pigeon, elle en a les couleurs, mais plus tendres et mieux fondues. D'un naturel timide , c’est dans la partie la plus sombre des = (Al = bois touffus qu’elle établit son domicile ; cependant, chaque an- née, deux ou trois couples se hasardent à nicher dans le jardin des Tuileries. Son nid, que dans les bois elle place sur les arbres peu élevés, est composé de büûchettes entre-croisées, mais parfois si peu rapprochées, que l’on comprend à peine qu’il puisse re- tenir les œufs et empêcher les petits de tomber. Rien de charmant à voir comme la tourterelle courant légère- ment dans les sentiers des bois peu fréquentés, ou buvant, à quel- que source, par longues gorgées, le bec enfoncé dans l’eau. Son roucoulement, d’une expression tendre et plaintive, remplit à merveille sa partie dans le concert harmonieux des grandes fo- rêts. La tourierelle, qui n’a que quelques notes à son service, n'en possède pas moins à un haut degré le sentiment musical. Le compositeur Bertoni avait une colombe, qui témoignait le plus vif plaisir quand son maître chantait en s’accompagnant sur le piano ; elle se posait sur l'instrument et soulevait ses ailes fré- missantes. Un autre musicien faisait-il , volontairement ou sans le vouloir, quelque note fausse , elle marquait son mécontente- ment; s’il continuait à jouer faux, elle lui donnait des coups de bec sur les mains. Bertoni était obligé d’éloigner sa tourte- relle, quand un élève encore inexpérimenté prenait sa le- çon. La tourterelle recherche la fraicheur en été. Les voyageurs qui parcourent l'Afrique , la réputent un oiseau de bon augure. « Lorsque mourant de soif, dit Levaillant, nous rencontrions dans un lieu quelconque un couple de tourterelles, nous étions certains de trouver, aux environs, une source ou un amas d’eau de pluie, dont nous profitions avec reconnaissance, e’est-à-dire en nous faisant un devoir religieux de ne pas troubler ces oi- seaux bienfaisants, auxquels plus d’une fois nous avons dû notre propre salut. » Dans certaines contrées de l'Allemagne, chaque jeune ménage nourrit quelques couples de lourterelles, parce qu'on croit qu’elles préservent de l’épilepsie les enfants en bas âge, en pre- nant pour elles-mêmes le mal, au moment où il menace de frap- per les chers mignons. Elles n’hésiteraient certainement pas à le faire, si elles en avaient le pouvoir. Se sacrifier pour sauver les autres, n’est-ce pas la deslinée des êtres purs et innocents ? Ces oiseaux de mœurs si douces sont l’objet de chasses assez cruelles : on les prend au lacet de crin comme les grives , aux gluaux, et principalement au moyen de filets à larges mailles, dans le genre de ceux qui servent pour capturer les vanneaux. Une anecdote extraite des Pelites fleurs de saint François, se place assez bien ici : Un jeune homme avait pris, un jour, plusieurs tourterelles et. allait les vendre. Saint François le rencontra, et lui, qui eut tou- jours une pitié toute particulière pour les oiseaux pacifiques, regardant ces tourterelles d’un œil compalissant , dit à celui qui les portait : « O bon jeune homme, donne-les-moi, je te prie; afin que ces oiseaux qui, dans la sainte Ecriture, sont le symbole des âmes chastes, humbles et fidèles, ne tombent pas en des mains cruelles quiles feraient mourir. » Aussitôt le jeune homme, inspiré de Dieu, les donna toutes à saint François. Et lui, les pre- nant dans son sein, se mit à leur parler tendrement : « O mes tourterelles, simples, innocentes et chastes, pourquoi vous lais- sez-vous prendre? Maintenant je veux vous sauver dela mort et vous préparer des nids, afin que vous fassiez des pelits, et que vous multipliiez selon les commandements de notre Créateur. » Saint François, s’en aliant, leur fit à toutes des nids. Etelles, s’ap- privoisant , commencèrent à pondre leurs œufs et à les couver devant les Frères, comme auraient fait des poules nourries de leurs mains. Elles ne s'en allérent point jusqu'à ce que saint François, avec sa bénédiction, leur donnât congé de partir. — 13 — APPENDICE. I. Les pigeons voyageurs. Il existe en Belgique un grand nombre de Sociélés colombo- philes, qui dressent des pigeons qu'on transporte à de grandes distances, à revenir au colombier. Me trouvant à Courtrai, en 1867, j’obtins, d’un membre d’une de ces Sociétés, beaucoup de renseignements dont je pris note. J'avais l'intention d’en faire l’objet d’une communication à la Société protectrice des animaux ; mais, comme a dit Mo- lière : On n'exécute pas tout ce qu'on se propose. Je ne donnai pas suite à ce projet. Les derniers événements ayant fait comprendre en France l'utilité des pigeons voyageurs, J'ai recherché mes notes et j’en ai extrait ce qui suil : Les Sociétés colombophiles sont très-nombreuses en Belgique. Les plus importantes sont à Anvers, à Gand, à Bruxelles, à Bruges, à Courtrai, à Liége, à Malines, à Verviers, à Namur et à Huy. Les grandes villes comptent ordinairement plusieurs So- ciétés, qui se composent de 20 à 50 membres. Chacune d'elles prend un nom particulier. Le type originaire du pigeon voyageur est une variété du pi- geon domestique, que l’on nomme le pigeon volant ; probable- ment notre pigeon fuyard. Sa principale qualité est la vi- lesse. Pour lui donner une qualité qu'il n’a pas, la fidélité au co- lombier, on l’a croisé avec le pigeon à jabot. Quand le métis qui en est provenu a été fixé, il a élé croisé avec le pigeon anglais, dont le caractère dominant est la téna- cité. Enfin, pour donner aunouveau produit l'instinct dese nourrir en roule, on l’a croisé avec le pigeon des champs. Avant ce dernier croisement, les pigeons que l’on soumettait à des voyages de long cours, mouraient de fatigue et de faim, sans s’abattre dans un champ pour y réparer leurs forces. Le pigeon helge, dit de concours, est done le résultat du croise- ment de quatre races : pigeon volant, pigeon à jabot, pigeon an- glais et pigeon des champs. Les qualités qu’on a voulu lui faire acquérir par ces mélanges sont : la vitesse, la fidélité au colom- bier, la dureté à la fatigue, et l'habitude de chercher au besoin sa nourriture aux champs. Il me semble qu’il y a là pour les éleveurs d'animaux, de quel- que espèce que ce soit, une indication précieuse. On peut, par des croisements intelligents, donner à une race une qualité qui lui manque. Quand ensuite l’union du métis et des individus qui en proviennent, a toujours lieu avec des individus de la race pri- milive, on sait qu’au bout de quatre générations le sang étran- ger est complétement éliminé ; et la qualité, physique ou morale, résultat du croisement, reste acquise à la race revenue à la pu- reté de son type d’origine. € L'homme, a dit Buffon, est le maître de forcer la nature par ses combinaisons, et de la fixer par son industrie. » Le pigeon belge est de taille moyenne. Il a la tête petite, les yeux saillants, les ailes très-longues et s’élendant presque jus- qu'à l’extrémité de la queue. Les pigeons voyageurs sont plus ardents et plus féconds que les pigeons ordinaires. Leurs petits naissent plus vigoureux et ils sont plus vite en élat de manger seuls. À l’époque des voyages, la fécondité diminue ; mais, en temps ordinaire, les femelles font une ponte, toutes les quatre semaines. On a soin de placer, dès le soir, la nourriture dans le colombier, afin que les pigeons trouvent, de grand matin, de quoi alimenter leurs petits. Le sel ne convient pas au pigeon voyageur. Quand on lui en fournit, il a soif et boit souvent. Il donne alors à ses petits une nourriture trop aqueuse, ce qui les rend mous et délicats. I EE importe au contraire d'habituer les mêres à une nourriture sèche. On obtient ainsi des petits plus énergiques. La bonté d’un pigeon voyageur se reconnaît à la vivacité de ses yeux. Jusqu'à deux ans, on peut savoir son âge à l'inspection de son bec et de ses ailes. Les pigeons voyageurs sont très-attachés au maître ou au ser- viteur qui les soigne. Ils se laissent prendre par lui sans résis- tance. Sont-ils sortis, celui-ci, en sifflant, fait rentrer au logis tous ceux qui peuvent l'entendre. Qu’un étranger soit introduit dans le colombier et qu’il leur jette du grain, les pigeons ne le ramassent pas, même après la sortie de l'étranger. C’est un fait dont j'ai été témoin. Un pigeon de bonne race retourne toujours au colombier où il est né. Il se laisserait mourir de faim sur un toit, plulôt que d'entrer dans un domicile qui n’est pas le sien. « J’ai eu des pi- geons voyageurs,qui m’avaient élé donnés en cadeau par un ami, dit M. La Perre de Roo; je les ai lâchés lorsqu'ils avaient des jeunes, après une année de captivité; ils ont abandonné leurs petits et sont retournés immédiatement à leur ancien pigeon- nier. » Quand on prépare un pigeon pour les concours, on lui donne, dès le mois de janvier, une forte nourriture : du blé, des vesces, des féverolles. Il acquiert ainsi la force et la vivacité. Veut-on le retenir dans une chambre fermée, il casse un carreau d’un coup d’aile, et s'échappe, pour revenir vers le soir. Le pigeon voyageur doit être soumis de bonne heure à un en- traînement régulier. On commence son éducation, dès qu’il a deux mois; on le porte à une demi-lieue de son colomhier, le lendemain à une lieue , et ainsi de suite, en augmentant la dis- tance et toujours dans la même direction. Le pigeon revient-il au gîte, d’une distance de 10 à 12 lieues, son éducation est ter- minée. À deux mois il est en état de concourir, et il peut faire son métier de messager jusqu’à l’âge de dix ans. — 10 — Les femelles sont propres à concoarir aussi bien que les mâles: mais, lors des envois, il faut les mettre dans des paniers séparés, pour éviter les batailles entre les mâles. Les lieux où les Sociétés belges envoient le plus souvent leurs pigeons de concours sont Paris, Poitiers, Angoulême, Bordeaux ; puis Lyon, Marseille ; on en a envoyé jusqu’à Rome. Mais dans les deux occasions où cet essai a été tenté, iln’en est revenu qu’un sur (rois. ; Quand un concours doit avoir lieu, le bureau de la Société qui l'organise rédige un programme qui est adressé à tous ses mem- bres et aux autres Sociétés colombophiles établies dans la même ville. Celles qui désirent prendre part au concours, le font sa- voir quelques jours d'avance, en indiquant le nombre de pigeons qu'elles y enverront. Lorsque les pigeons ont été transportés au lieu indiqué pour le départ, on leur imprime, sur une des plumes de l'aile, l’es- tampille de la Société. Chaque amateur à écrit son nom el son adresse sur une autre plume ; précaution utile pour prévenir toule contestation, et pour faciliter le renvoi d’un pigeon qui se serait égaré en route. On renferme les pigeons dans de grands paniers d’osier , de 1 mètre 20 à 1 mètre 50 centimètres de longueur , sur À mètre de largeur, et #5 centimètres de hauteur. Le plancher est garni d’une litière de tan desséché , pour empêcher la fente des pi- geons de s'attacher à leurs pieds. Ces paniers sont scellés par le président. Dans les grandes circonstances, un agent de la So- ciété accompagne l'envoi des paniers, qui remplissent souvent deux ou trois wagons. La présence de cet agent n’a d’autre but que d'empêcher que les pigeons ne soient volés en route. Il est arrivé plus d’une fois qu’en coupant quelques bâtons d’un pa- nier, On y à pris des pigeons , auxquels on a substitué des pi- geons communs, après quoi on a remplacé les osicrs. man- quants. On a soin d'écrire d'avance au chef de gare que tel jour, par tel convoi, il recevra tant de paniers, contenant lant de pigcons, et on lui indique le moment précis où il devra les mettre en li- berté. Sur chaque panier on a attaché un sac de féverolles que le chef de gare est prié de donner aux pigeons , avant de les lâ- cher. On lui recommande aussi de faire remplir d’eau fraiche les bacs ou abreuvoirs, disposés de manière qu’on puisse y intro- duire l’eau sans ouvrir les paniers. Quand un agent de la Socièté accompagne les pigeons, c’est jui qui se charge de ces soins. Les concours ont lieu pendant toute la belle saison, c’est-à- dire du commencement d'avril à la fin de septembre. C'est par un train de nuit qu’on expédie les pigeons. A l'heure convenue, ordinairement de grand matin, on ouvre tous les paniers à la fois. Les pigeons mis en liberté s'élèvent dans les airs à une assez grande hauteur. Ils décrivent des cercles et cherchent à s’orien- ter, puis ils prennent leur direction vers la Belgique. Comme on sait à peu près l'heure à laquelle ils reviendront, chaque amateur attend le retour des siens. Le premier pi- geon qui arrive à chaque colombier est pris dans une trappe habilement dissimulée. On le saisit, on le porte, en cou- rant, au local indiqué par la Société ; on y vérifie l’estampille. Le premier qui est ainsi présenté, obtient le premier prix. On n’a pas égard à la distance du colombier au local. Quand les pigeons de plusieurs villes prennent part à un con- cours, un délégué de la Société qui l’a organisé, est envoyé dans chacune de ces villes avec une montre bien réglée. C’est ce délé- gué qui, dans chaque ville, constate l’arrivée du premier pigeon de retour. Il porte ce pigeon au lieu principal, afin que son iden- lité soit reconnue par l’estampille. Les prix sont d’une grande valeur. Ils consistent en pièces d’orfèvrerie, ou en sommes d'argent. Les fonds en sont fournis, pour la majeure partie, par les concurrents eux-mêmes, qui paient 8, 3 et jusqu'à 10 francs par chaque pigeon admis au concours. Les municipalités des grandes villes accordent des subsides, tant pour les frais que pour les prix. La famille royale de Belgique encourage également îes Sociétés colombophiles par des dons. D) SERRE AS La vitesse du pigeon de course ne dépasse guère un kilomëtre à la minute ou quinze lieues à l'heure. Cependant, quand le temps est favorable, c’est-à-dire quand il n’y a pas de brouillard et que le vent souffle du sud , le pigeon, qui de Paris en Belgique revient tout d'une traite, fait souvent vingt lieues à l'heure. Voici quelques indications que j'ai recueillies à Courtrai sur des concours à de grandes distances : | Des pigeons ont élé lancés à Angoulême à 5 heures du matin. Les premiers arrivés étaient de retour à Courtrai, le même jour, à 4 heures et demie de l'après-midi. Ils avaient fait un peu plus de 45 lieues à l'heure. À Bordeaux, des pigeons ont été mis en liberté à 5 heures du malin. Les premicrs arrivés étaient à Courtrai le lendemain à 40 heures du matin. Leur vitesse avait été de six lieues à l'heure. Des pigeons furent lancés à Marseille un samedi à 5 heures du matin. Les premiers arrivés ne rentraient à Courtrai que le mardi vers 9 heures du matin. Ils n'avaient fait que 4 lieues à l'heure. Des renseignements plus précis me sont fournis par M. La Perre de Roo , sur des concours organisés par une Société co- lombophile d'Anvers, en 1572. Concours du Mans. Distance à parcourir 465 kilomètres. Lâ- cher à 9 heures 30 minutes du matin. Premier arrivé à 19 heures 96 minutes. Ce pigeon avait fait un peu plus de 15 lieues à heure. Coneours de Bordeaux. Distance d'Anvers 794 kilomètres. Lâ- eher à 5 heures du matin. Le premier arrivé à 6 heures 30 mi- nules du soir, avait fait près de 15 lieues à l'heure. Coneours de Bayonne. Distance d’Anvers 961 kilomètres. Lä- cher à 5 heures 15 minutes du matin. Le premier arrivait le len- demain à 5 heures 29 minutes du matin. Il avait fait dix lieues à l'heure. Les différences de vitesse que l’on peut remarquer dans la — 49 — comparaison des résultats de ces divers concours, doivent êlre altribuées au temps, au vent, à l’éducation plus ou moins com- plête , el aussi à la race. Les pigeons anversois sont réputés les meilleurs pigeons de course. Avant le chemin de fer et le télégraphe électrique, le pigeon a été souvent employé en Belgique, par la banque et par la presse, à porter des dépêches d’une ville à l’autre. Aujourd’hui on n’en fait plus usage que pour les concours. Il. La poste aux pigeons pendant le siége de Paris. L'emploi du pigeon, Comme porteur de messages, remonte à üne époque fort reculée. Les ancienshistoriens parlent d’un pigeon qui franchit, en 48 heures, l’espace qui sépare Babylone d'Alep, espace qu'un bon marcheur ne parcourrait pas en moins d’un mois. Ils nous disent aussi que dans l'antique Égypte les marins se servaient de pigeons pour annoncer à leurs femmes leur re- tour dans un port à destination. Nous savons, par le témoignage de Pline; que les Romains utilisaient les pigeons pour trans- mettre leurs dépêches. Joinville nous apprend que c’est par la poste aux pigeons que les Arabes informèérent le Soudan du dé- barquement de saint Louis sur les côtes d’Afrique. Voltaire rap- pelle qu’au siége de Leyde, par les Espagnols, en 1575, c’est par des pigeons que le prince d'Orange donnait de ses nouvelles aux ässiégés, el il ajoute : « C’est une pratique commune en Asie. » En effet, de nos jours encore , en Perse, en Arabie , et dans les autres contrées de l’Asie où il n’y a pas de télégraphe, les pi- geons sont toujours employés comme courriers. En 1870, il existait, dans les départements du nord de la France, quelques Sociétés colombophiles , notamment à Lille et | ds à Roubaix. Il y en avait aussi une à Paris, dite la Société de l'Es- pérance *. Le 2 septembre, après le désastre de Sedan, un Belge, domi- cilié en France, M. La Perre de Roo, auquel nous empruntons une partie des détails qui vont suivre, écrivit au ministre de la guerre, pour appeler son attention sur l’utilité dont pouvaient être les pigeons pour la traasmission des dépêches. Il conseil- lait de réquisilionner tousles pigeons appartenant aux Sociétés colomhophiles de Paris, et de les faire sortir de Îa ville, avant l'arrivée des Prussiens; de réquisitionner aussi et de faire entrer dans Paris les pigeons des Sociétés de Lille et de Rou- baix. Deux jours après, le gouvernement impérial était renversé. Il paraît que les pigeons voyageurs de Lille et de Roubaix furent amenés à Paris; on les enferma dans les volières du Muséum, mais on n’enfit pas usage pendant le siége. La partie la plus importante de la recommandation de M. La Perre de Roo, celle de faire sorlir de Paris les pigeons voyageurs qui s’y trouvaient, ne re- çut pas d'exécution. Le 5 septembre , M. Cassiers, président de la Société colombo- phile l'Espérance, se rendit au bureau du gouverneur de Paris, pour lui offrir ses services et ses pigeons. En l'absence du gé- néral Trochu , il fut reçu par un officier qui accueillit sa propo- sition avec des éclats de rire. C'était, disait-il, la soixantiéme fois au moins qu’on venait lui parler de pigeons , et il espéraif bien que ce serait la dernière. Bientôt Paris fut rigoureusement investi, et pendant cinq mois devait être enfermé comme dans une tombe. M. Rampont, di- recteur des postes, imagina de communiquer avec le dehors, à l’aide de ballons. Le 23 septembre, à 11 heures 45 minutes du ! Cette Société existe encore, seulement elle a changé son titre : elle s'appelle aujourd'hui La Société colomhophile de Paris. Une autre société du même genre s’est fondée dans la capitale, sous le nom de Société du Puitelel. RER TER malin, un premier ballon s’éleva des butes Montmartre, empor- tant 493 kilogrammes de dépêches. Paris, malgré le cercle de baïonnettes et de canons qui l’entourait, pouvait ainsi communi- quer avec la France; mais le moyen de faire communiquer la France avec sa capitale assiégée, ce fut un Belge qui le trouva. M. Van Rosebeke, vice-président de la Société l’'Espérance, avait assisté en observateur au départ du ballon. La pensée lui vint de faire sortir ses pigeons voyageurs par ce moyen, el de réparer ainsi la faute du Gouvernement de la défense na- tionale, qui avait repoussé l'offre de la Société colombophile. M. Van Rosebeke fit part de son idée au général Trochu , qui le renvoya à M. Rampont. Celui-ci accepta la proposition avec empressement. Et le 25 septembre, à 11 heures du matin, un second ballon quittait Paris, emportant trois pigeons. Le même jour, à D heures du soir, ils étaient de retour, apportant la dé- pêche suivante : « Nous sommes descendus heureusement à Ver- nouillet, près de Triel. Nous allons porter les dépêches officielles à Tours. Pallots de lettres vont être distribués. » Le 29 septembre eut lieu le départ de deux ballons liés en- semble qu’on appelle les États-Unis, IL emporta aussi trois pi- geons et plusieurs sacs de dépêches. Le même jour, un pigeon rentrait, annonçant la descente des ballons à Mantes. - Le 30, à 9 heures du matin, M. Gaston Tissandier, bien connu comme aéronaute et comme écrivain, quitta Paris en ballon em- portant trois grands sacs de lettres, et des dépêches pour le gouvernement de Tours. M. Van Rosebeke lui avait confié trois pigeons, dont deux devaient être lancés pour annoncer la des- cente ; le troisième, désigné comme le meilleur, ne devait être lâché qu’à Tours. Le ballon descendit à Dreux, vers midi. M. Tissandier déposa au bureau de poste 30,000 lettres à distribuer. Comme il a pu- blié la relation de son voyage , nous le laissons parler. « Qu’ai- je à faire maintenant? À lancer mes pigeons pour apprendre à mes amis que je suis encore de ce monde, et pour annoncer que mes dépêches sont en licu sûr. Je cours à la sous-préfecture où j'ai envoyé mes messagers ailés. On leur a donné du blé et de l'eau. Ils s'agitent dans leur cage. J’en saisis un, qui se laisse prendre sans bouger. Je lui attache, à une plume de la queue, ma pelite missive écrite sur papier fin. Je le lâche. Il vient se poser à mes pieds sur le sable d’une allée. Je renouvelle la même opération pour le second pigeon, qui va se placer à côté de son compagnon. Quelques secondes se passent. Tout-à-coup les deux pigeons battent de l'aile, et bondissent d'un trait à 100 mètres de haut. Là ils planent et s’or'entent ; ils se tournent vivement vers tous les points de l'horizon; leur bec oscille, comme l’ai- guille d’une boussole cherchant un pôle mystérieux. Les voilà bientôt qui ont reconnu leur route. Ils filent, comme des flèches, dans la direction de Paris. » Le même jour, à 8 heures du soir , les deux pigeons étaient de retour. Le troisième, porteur d’une dépêche chifrrée , fut lancé le lendemain, du pont de Tours, et rentra dans Paris. Le cinquième ballon, qui partit le 5 octobre à 11 heures 15 minutes du malin, emportait M. Gambetta, alors ministre de l'intérieur. Plusieurs membres de la Société colombophile lui confièrent leurs meilleurs pigeons. Un d’eux rentra le lendemain, annonçant la descente à Montdidier. Deux autres revinrent ayant perdu leurs dépêches. Un quatrième apporta, un jour plus tard, une dépêche de Tours. Quant aux autres, on n’en entendit plus parler. Pour échapper aux balles des tirailleurs prussiens, M. Gambetta avait été forcé de faire jeter, comme lest, les pa- niers contenant ces pauvres oiseaux, qui étaient tous des pigeons d'élite. Après une série de mésaventures, c’est-à-dire de pigeons ne revenant pas ou rentrant sans dépêches, M. Rampont comprit qu'il ne fallait plus confier ces intéressants courriers à des aéro- nautes qui, n'ayant pas l'habitude de les manier, attachaient mal les dépêches, et lâchaient les pigeons sans avoir égard à la pluie, au brouillard, à la nuit, et à d’autres circonstances qui para- lysent leurs facultés. Il fit donc appel au dévouement de la So- ciété l’Æspérance. Cinq de ses membres, deux Belges, MM. Cas- siers et Van Rosebeke , et trois Français, MM. Nobécourt, Tra- clet et Thomas, s’offrirent à quitter Paris en ballon, emportant leurs facteurs emplumés. Mais déjà les voyages aériens étaient devenus difficiles, tant à cause de la fusillade ennemie , qu’à cause du mauvais temps. Ces messieurs partirent séparément du 12 octobre au 18 no- vembre. Le ballon qui portait M. Nobécourt, atteint par les balles prussiennes, échoua à Jossigny. M. Nobécourt, fait prisonnier, fut envoyé en Silésie, où 1l subit une captivité de plus de cinq mois. Celui dans lequel était monté M. Van Roscbeke, fut poussé par un vent furieux du côté de Cambrai. L’aéronaute, en voulant lancer l’ancre, fut emporté dans le vide, et mourut des suites de sa chute. M. Van Rosebeke eut la présence d'esprit de tirer la corde de la soupape, comme il l'avait vu faire à l’aéronaute. Le ballon fut poussé contre un rideau d'arbres, qui l’arrêla; mais M. Van Rosebeke eut le pied foulé et fut fortement contusionné par la violence du choc. Le ballon qui emportait M. Cassiers, pré- sident de la Société, et cinq paniers de pigeons, tomba à Vignoles (Meuse), en pays occupé par les Prussiens. La descente avait été rapide, et M. Cassiers, à la suite d’un long trainage, fut griève- ment blessé. Cependant, comme il n’y avait pas de Prussiers sur le lieu, au moment même, les sacs de dépêches et les paniers de pigeons furent cachés. On les transporta, pendant la nuit, à Montmédy, d’où ils furent expédiés à Namur, et de là à Lille, puis à Tours. Ce sont ces pigeons qui, étant tous de bonne race, rendirent le plus de services. MM. Cassiers et Van Rosebekce rivalicèrent d’audace , en s’ap- prochant, plus de quarante fois, des lignes prussiennes, pour lancer leurs pigeons, porteurs de dépêches officielles et privées. Nous ne savons s'ils ont été récompensés de leur dévouement. Que la reconnaissance des familles les en dédommage ! D'après les chiffres officiels, 363 pigeons voyageurs ont été mis à la disposition du Gouvernement de la défense nationale, Es «ON 22 pendant le siége de Paris ; 73 seulement sont rentrés dans Paris avec des dépêches, savoir : 9 en septembre , 21 en octobre , 24 en novembre, 43 en décembre, 3 en janvier, et 3 en février. Mais ce chiffre de 73 doit être réduit à 57, parce que plusieurs pigeons rentrèrent dans Paris, deux, trois, quatre ct cinq fois. Un d’eux qui revenait, pour la auiriènée fois, porteur d’unedé- pêche officielle, était couvert de sang : il avait été atteint par une balle prussienne ; ce qui ne l’empêcha pas , après guérison, de repartir en ballon et de rentrer une cinquième fois à Paris. Quant aux pigeons non rentrés, un grand nombre d’entre eux n'avaient jamais voyagé ; beaucoup d’autres étaient de race dou- teuse ; puis plusieurs paniers contenant des pigeons de choix furent jetés comme lest, pour alléger les ballons au moment où la fusillade pouvait les atteindre; enfin d’autres se trouvaient dans des ballons capturés par l'ennemi '. Ce qui fit de la poste aux pigeons, pendant l'investissement de Paris, une création nouvelle, c’est le système des dépêches. photographiques que rapportaient à Paris ces rapides messagers. Un pigeon ne doit être chargé que d’un bien faible poids. Une mince feuille de papier de 4 ou 5 centimètres carrés, finement roulée et attachée à une des plumes de la queue, est tout ce qu'il peut porter. Qu'est-il possible d'écrire sur un si pelit espace ? La science y supplée. On trace, sur une grande feuille de papier à dessiner, jusqu’à 95,000 caractères , lettres ou chiffres ; puis par la photographie on réduit cette immense affiche en un petit cliché, qui n’a pas plus de surface que le quart d’une carte à Jouer. L'éprenve est tirée sur une pellicule de collodion. Et telle est la légéreté de * Soixante-quatre ballons ont été lancés de Paris pendant le siége. AE scuf le premier, ont emporté des pigeons. De ces soixante-quatre ballons , deux se sont perdus en mer; cinq ont été pris par les Prussiens, savoir : trois en France, un en Bavière et un en Prusse ; six ont élé poussés par le vent en Belgique, cinq en Hollande, et un jusqu'en Norwége. ces pellicules qu’on a pu en mettre, sur un seul pigeon, jusqu’à 18, donnant un total de 50,000 dépêches et pesant moins d’un demi-gramme. Pour les mettre à l'abri de l’humidité, les pelli- cules étaient roulées dans un tuyau de plume, qu’on alachait à la queue du pigeon, au moyeu d’un fil ciré. À Paris, on déroulait la pellicule et on la plaçait sur le porte- objet d’un microscope photo-électrique d’une grande puissance , qui projelait la dépêche, ou plutôt l’ensemble des dépêches, sur un vaste écran. Les caractères y élaient tellement amplifiés qu’on pouvait les lire à l’œil nu. Cet ingénieux procédé est dù à M. Dagron, l'habile photo- graphe. Parti de Paris, dans un ballon qui atterrit à Vitry-le- Français, el qui fut pris par les Prussiens, M. Dagron, échappé à Ja mort comme par miracle, alla organiser, à Tours et ensuite à Bordeaux, cette reproduction réduite des dépêches qui donnaient, aux familles restées à Paris, des nouvelles de leurs parentselamis absents. Sans cette merveilleuse invention et sans les pigeons , Paris aurait été pendant cinq mois isolé du reste de la France. Il eût éprouvé la plus cruelle des privations, celle d’être sans nouvelles du dehors. Il semble naturel qu'après la paix les divers gouvernements de l'Europe, éclairés sur l'utilité dont les pigeons peuvent être en temps de guerre, aient étudié les moyens de les multiplier et de les dresser au service auquel ils sont propres. A cet égard c’est Ja Prusse qui a pris les devants : dès le commencement de l’an- née 1879, elle organisait des stations de pigeons voyageurs dans les places fortes de ses frontières. La Russie et l'Italie ont suivi son exemple, et l'Autriche se dis- pose à le faire. En France, il est rare que l'administration prenne l’iniliative des améliorations , même quand l'utilité en est bien démontrée. Cependant nous venons d'apprendre, avec une vive satisfaction , qu'elle s'occupe de celle-là. M. La Perre de Roo a cu l’obli- LT ee geance de nous communiquer une lettre qu'il a reçne du minis- tère de la guerre , à la date du 13 octobre dernier, par laquelle on l’informe qu’un colombier militaire central sera prochainement établi au Jardin d’acclimatation. C’est l'administration des postes qui l’organisera, ainsi que ceux qui seront placés dans les forte- resses. Le département de la guerre se réserve l’organisation du système aérostatique. Cet arrangement nous paraît excellent. Qui mieux que le corps du génie peut faire faire des progrès à la navigation aérienne ? D'autre part, dans un très-bon travail sur les colombiers mili- taires, inséré au Bulletin de la Société d’acclimatation (octobre et décembre 1872), M. La Perre de Roo avait lui-même indi- qué que la direction des stations militaires de pigeons voyageurs devait être confiée à l'administration des postes ; attendu que le wagon mis à la disposition de ses employés, sur les chemins de fer , pour le transport des dépêches, peut aussi servir au trans- port des pigeons, qui ne deviennent des sujets d'élite qu’à la condition de voyager continuellement. III. Le tir aux pigeons. En 1849, Venise étant assiégée par les Autrichiens, les pigeons de course firent communiquer la ville avec le dehors. Mais la bienveillance dont les pigeons de la basilique Saint-Marc sont de- puis longtemps l’objet de la part des habitants, prouve qu’à une époque beaucoup plus reculée les Vénitiens avaient eu à se louer de ces rapides et fidèles messagers. Les pigeons qui furent employés à porter les messages du prince d'Orange, au siége de Leyde, ont été empaillés après leur mort, et sont encore un objet de vénération, de la part des habitants. On pouvait espérer que les Parisiens se montreraient de même — 9% — reconnaissants envers les pigeons qui ont si bien mérité de la pa- trie et des familles. Hélas , non ! À peine la paix était-elle rendue à la France, que quelques oisifs rétablissaient au bois de Bou- logne, c’est-à-dire à Paris dont ce bois fait partie, le tir aux pi- geons. Le tir aux pigeons est-il un de ces exercices virils, qui pro- curent , à ceux qui s’y livrent, un accroissement de force et de bien-être corporel? Non. Est-ce au moins un exercice d’a- dresse ? Non. (’est le plus facile , le plus passif, et on peut dire le plus stupide exercice de l’art de la chasse. Le tireur se tient immobile et debout. Il ne prend pas même la peine de charger son fusil, qu’on lui passe tout armé. Il l'épaule, et c’est au signal qu’il donne qu'on lâche un pigeon. Ébloui par la lu- mière, au sortir d’une boîte où on l’a tenu longtemps à l’obscu- rilé, le pigeon ne retrouve pas, tout de suite, la vitesse de son vol habituel. Quel mérite y a-t1l, dans de telles circonstances , à abattre beaucoup de pigeons ? Si ce n’était là qu’une de ces frivoles récréations auxquelles la mode donne une vogue momentanée , on pourrait se contenter de lever les épaules. Mais le tir aux pigeons est une forme parti- culière de cruauté, d'autant moins excusable , qu’elle est prati- quée par une classe de la société dont l'éducation aurait dû dé- velopper les bons sentiments. À l'entrée de l'enceinte où le tir est établi, on pourrait placer cette inscription : Lieu de divertissement et de meurtre. Bien que cette enceinte ne soit ouverte qu'aux membres du Club des patineurs, de toutes parts le regard des passants y pénètre. Le jeu est donc public. La vue de ces jeunes gens du grand monde qui se font un plaisir, souvent même un litre de gloire, de massacrer de pauvres êtres inoffensifs est certainement un spectacle démoralisateur. De tous les oiseaux, le pigeon est le plus aimant. 11 a toujours été considéré comme un emblême de douceur , d’innocence et de paix. Et c’est lui qu’on traite avec tant de barbarie. LE MORTE Nous voudrions voir le ür aux pigeons se fermer, sous la ma- nifestation énergique d’un sentiment général de réprobation, plus puissant que la loi. Au Congrès des Sociétés protectrices des animaux qui vient de se tenir à Londres, le tir aux pigeons a été déclaré un jeu cruel et immoral. Chaque Société a été invitée à en poursuivre l'abolition. Déjà, aux États-Unis de l'Amérique du Nord, il est formellement interdit. Quand donc la France reprendra-t-elle son rang à la tête des peuples en progrès ? Au lieu de ce triste et cruel passe-temps , les jeunes désœu- vrés du Club des patineurs trouveraient une occupation plus in- telligente, en fondant une grande Société colombophile , à la- quelle se rattacheraient, sans aucun doute, celles qui ne peu- vent manquer de s'établir en province. Rechercher es condi- tions les plus propres à créer, à perfectionner des races de pigeons voyageurs, et à développer leurs facultés, sont des études dignes de la jeunesse française. Et pourquoi les jeunes gens du Club des patineurs n’essaic- raient-ils pas de faire dresser d’autres troupes de pigeons à exé- cuter dans l’air les évolutions savantes dont nous avons parlé à l'occasion du pigeon biset? Le jour où des exercices de ces troupes aériennes seraient annoncés, on irait en foule à ce spec- tacle; le cœur et l'esprit y trouveraient une égale satisfaction. L.-A. BOURGUIN. LE MACAREUX MOINE ou ARCFIQUE. ( Alca artica. Linn. ) La Faune de la Sarthe s’est enrichie à la fin de l’année 1871 d’une nouvelle espèce d'oiseau qui ne vient peut-être que trés- rarement dans nos contrées , puisque les naturalistes manceaux et angevins, que je sache, n’en ont point encore fait mention dans leurs écrits : je veux parler du Macareux Moine ou Art- tique : Alca arlica, Linn. Voici dans quelles circonstances j'ai trouvé les deux Macareux qui font partie de ma collection. Le 26 décembre 4871’, je fis rencontre sur la place de l’Epe- ron, au Mans, d'un paysan des environs de cette ville, qui tenait à la main un panier découvert rempli de perdrix. Sur ce gibier, j'aperçus, à ma grande surprise, un beau Macareux Moine, adulte, que le paysan me vendit sans aucune difficulté. Je lui de- mandai le nom de la commune où il l'avait tué, et dans quelle partie de cette commune. Il me répondit qu'il avait élé trouvé mourant sur l'herbe gelée d’une prairie, non loin du ruisseau de l’Orne-Champenoise, dans la commune d’Euval. Comment cet oiseau a-t-il pu venir dans notre contrée ? Je crois en avoir trouvé la cause dans la tempête qui a sévi sur l'Océan et sur la Manche du 19 au 22 décembre, tempête qui l’a arraché aux rivages de la mer, son élément, car cet oi- seau es! essentiellement marin. Heureux de ma bonne fortune, je le fis aussitôt monter pour ma collection, ne pouvant prévoir que quelques jours plus tard, le même hasard me procurerait une nouvelle bonne fortune. En effet , le 9 janvier suivant , je me promenais sur les bords RS le de l'Huisne quand, près du pont du chemin de fer du Mans à Tours, je me croisai avec un chasseur de mes amis qui, en m’a- bordant, me dit qu’il venait de tuer un oiseau de mer qu’il me montra aussitôt et qui nageait, lorsqu'il le tira, en compagnie de quelques plongeons ( Grêbes castagneux). Il n'en avait jamais vu de pareil. C'était, encore à ma grande surprise, un Macareux Moine, mais en plumage de jeune âge, après la mue. Connaissant mon goût pour l’Ornithologie , mon amj m'en fit gracieusement cadeau. Mon intention est de faire don tôt ou tard de cet oiseau au musée du Mans, où il figurera avec avantage au milieu des ra- relés ornithologiques qui ont été trouvées dans nos con- trées. Je pense que c’est la même cause qui a amené ces macareux à Euval et aux environs du Mans, car le 9 janvier a été égale- ment précédé d’une lempête qui a commencé le 4, qui n’a finé que le 9, et qui est portée sur mes notes avee la mention vio- lente à la date du 5. D'après ce qui précède, je suis tout disposé à croire que les tempêtes seules peuvent amener de temps en temps, dans l’inté- rieur du pays , des oiseaux de mer, tels que des Macareux , des Fous de Bassan, etc. ; que ces oiseaux meurent de faim dans quelque coin etqu’ils sont presque tous perdus pour la science : le hasard seul en fait découvrir quelques-uns. Les Macareux nichent en grand nombre sur les côtes et les ïlots de la Bretagne, de l'ile d'Aurigny et sur les aiguilles d'E- tretat, parties de la France et de l'Angleterre qui sont presque nos voisines. [ls viennent peut-être nous visiter plus souvent que nous ne le supposons ; dès lors, c’est à juste raison que nous de- vons les regarder comme faisant partie de notre faune, dont ils sont, du reste, un des plus rares fleurons. Bien que ces Macareux aient été découverts sur le département de la Sarthe, la Faune de Maine-et-Loire doit également profiter de ces découvertes du hasard, puisque les faunes de ces deux dé- parlements sont tout-à-fait identiques : rien ne prouve, du reste , que le Macareux-Moine ne soit pas déjà venu en Anjou , saus y avoir été signalé. AuGustE BESNARD, Conducteur des Ponts-et-Chaussées, membre de la Société linnéenne de Maine-et-Loire et du Comité historique et artistique de l'Ouest. Le Mans, le 10 janvier 1873. OBSERVATIONS sur la NOURRITURE DES PICS - VERTS. Beaucoup de personnes s’imaginent, surtout dans les cam- pagnes , que les pics-verts ne vivent absolument que de fourmis, sous le prétexte vulgaire que la chair de ces oiseaux en a le goût. Ces personnes-là sont dans une erreur bien profonde, ear il résulle des observations que j'ai faites sur la nourriture de O6 pics-verts, du 25 novembre 1873, au 48 décembre 1874, que, presque toujours l’estomac contient en même temps que des fourmis, des insectes divers en plus ou moins grande quan- üté, comme il est facile de s’en convaincre par le tableau suivant qui résume mes observations. Sur les 56 pics que j'ai observés, il s’est trouvé autant de mâles que de femelles : 28 de chaque sexe. Je ne vois assurément dans cette égalité qu’un jeu du hasard, mais cependant qui sait si la nature, dans sa haute sagesse, n’a pas voulu que les deux sexes fussent à peu près égaux ? | “OL19] 2P SP[2U SUUINO] 9p SUAUBUUT | AU] — — 97! 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Elle était pleine de vivacité et paraissait en parfaite santé. À mon grand étonnement, je vis en eflet que cette mésange dif- férait beaucoup des autres mésanges de son espèce, et je la décri- vis immédiatement ainsi qu'il suit : « Mésange mâle, adulte, de 0® 15 de longueur environ, ayant » la tête, le cou et la poitrine d’un blane três-pur, les parties su- » périeures du corps variées de noir et de cendré-blanchätre, » l'abdomen blanc pur, les souscaudales nuancées de roussâtre, » les ailes semblables au dos, avee les rectrices médianes noires, » le bec noirâtre, les pieds bruns, et l'iris rouge sombre, avec la » partie de l'œil entourant l'iris, ainsi que les paupières de cou- » leur rose-carmin vif, produisant un effet très-joli. » A mon grand regret, je n’ai pu conserver vivante cette belle mésange que quelques heures seulement ; je savais, du reste, que celte espèce, presque inseclivore, ne peut guère vivre en capti vilé. Je l'ai fait monter pour ma collection; malheureusement de- ne dn ei à 7 té puis qu’elle est préparée, la belle couleur rose-carmin qui recou- vrait les paupières a presque entièrement disparu. Je ne puis expliquer pourquoi cette mésange ne ressemble pas à celles de son espèce; mais je n'ai pas pensé un seul instant que ce fût une espèce nouvelle, cependant je suis bien persuadé que ma mésange est une variété très-remarquable de Parus Cau- dalus. Les mésanges sont, dit-on, erratiques, Celles du Nord de l’'Eu- rope passent pour avoir beaucoup plus de blanc que celles de France ; mais comment expliquer la couleur rose-carmin vif des yeux et des paupières ? AüGusTE BESNARD, Conducteur des Ponts-et-Chaussées, au Mans, membre de-la Société linnéenne de Maine-et-Loire et du Comité historique et artistique de l'Ouest. LA BOTANIQUE. RE ETS — SUR QUELQUES MONSTRUOSITÉS VÉGÉTALES. Pélorie de la Linaria Elatine, Le 30 novembre 1867, en cueillant machinalement ur rameau de la Linaria elatine, plante triviale dans nos champs et nos jardins, je m’aperçus, avec une joie que comprendront tous les botanistes, que j'avais mis la main sur une pélorie. Naturelle- ment je me mis à parcourir attentivement le champ qui m'avait offert celte euriosité; mes recherches furent vaines, parmi des centaines de fleurs je n’en rencontrai pas une autre qui ne fût conforme au type ordinaire. Mon rameau porte six fleurs, dont une seule présente la forme régulière que l’on désigne sous le nom de pélorie : 11 est impor- tant de noter que ce n’est pas la fleur terminale, elle est la troi- sième à partir du sommet. La corolle est régulière , tubuleuse, longue de 41 millimètres, et munie, à la base, de cinq éperons égaux. Le limbe en soucoupe présente cinq lobes aussi égaux , trois jaunes et deux violets ; la gorge est fermée par einq bosses auxquelles correspondent, extérieurement, cinq cavités au-des- sous du limbe, en sorte que le tube est resserré dans cette partie. Les étamines sont incluses : ne voulant pas déchirer la eorolle, je n’en ai pu constater le nombre, mais la symétrie de toutes les parties de la fleur ne me permet pas de douter qu’elles ne soient aussi au nombre de cinq. Le calice a conservé sa forme ordi- naire ; les sépales sont seulement un peu plus étroits que ceux des fleurs normales. Le genre Linaria est celui dans lequel se présente le plus sou- vent le phénomène que nous venons de décrire. C’est sur la Li- naria vulgaris qu'il a été observé la première fois ; il a été si- gnalé depuis sur un grand nombre d'espèces du même genre ; Haller l'avait déjà mentionné chez la Linarva elaline *. Fascie du Ranureulus Repens. J'ai recueilli à Josselin, en 1871, un exemple remarquable de tige fasciée sur un Ranunculus repens. La plante se terminait par une tige siriée, comprimée, large de À centimêtre, et por- tant, à son sommet, une fleur monstrueuse comprenant une dou- zaine de pétales, un amas compact d’étamines, et des carpelles beaucoup plus nombreux et plus serrés que d’habitude. À 10 ou 12 centimètres au-dessous du sommet, quatre pelits rameaux presque verticillés ou formant une spirale très-serrée, se déla- chaïent de la tige ; ils portaient quelques feuilles sessiles, multi- fides, à divisions linéaires, et chacun une ou deux fleurs encore en bouton, mais qui paraissaient normales. Au-dessous de ces rameaux se montraient encore trois pelites feuilles de même forme que les autres, mais sessiles comme si leur péliole était soudé avec l’axe. Les tiges fasciées se présentent chez un grand nombre de plantes : Linné considérait ce phénomène comme le résultat de la soudure de plusieurs rameaux. Moquin-Tandon, regardant cette explication comme peu admissible ?, attribue principalement la fasciation à l'abondance de la matière nutritive. S'il est cons- tant que la fascie se présente quelquefois chez des végétaux uni- 1 Moquin-Tandor, Tératologie végétale, p. 186. 2 Jhid,, p. 151 et suivantes, ne caules et que l’on trouve des axes simples fasciés, 1l ne me semble pas possible de nier que la soudure des rameaux ne soit, dans beaucoup de cas, l’origine du phénomène. L'examen du nom Ranunculus repens me paraît ne laisser aucun doute à cet égard. La fleur monstrueuse qui termine la tige fasciée résulte mani- festement , à mes yeux, de la soudure de deux fleurs ; les feuilles sessiles quise montrent plus bas et les petits rameaux qui se déta- chentau-dessous, ontleur pétioleetleur portion inférieure soudés avec l’axe principal, et contribuent à lui donner en ce point une largeur de plus de 1 centimètre. Au reste, Moquin-Tandon lui- même finit par admettre une double origine pour la fasciation, puisqu'il déclare avoir vu dans les asperges des axes soudés en- semble et des axes simples fasciés. Transformation d’étamines en pétales chez les Ranuneulus repens et le Rubus iruticosus. Le même Ranunculus repens m'a aussi offert, dans une autre occasion, des fleurs devenues semi-doubles par la transformation en pétales d’un certain nombre d’étamines. Ce phénomène est commun sur les fleurs à étamines nombreuses. « Des observa- tions nombreuses, dit Moquin-Tandon (ouvrage cité, p. 214) ont conduit les botanistes à poser en principe que la facilité avec la- queile un filet staminal se transforme en béguillon" est d’autant plus grande que le nombre des étamines est lui-même plus con- sidérable. » J’ai cité textuellement ce passage parce que l’auteur y semble admettre que la transformation des étamines s’opêre toujours par le filet. Or, cette opinion est contredite par un fait que j'ai observé en 1867 sur les fleurs d’un Rubus fruticosus *. 1 Les floristes désignent ainsi les étamines transformées en pétales. 2 Ne voulant pas soulever ici la question si controversée des espèces. du genre Rubus, j'ai conservé le nom linnéen : je puis cependant ajouter que ma plante appartient à la section des suberccti de M Génevier. 0 — Cette fleur comptait 12 pétales parfaits et réguliers; mais en outre, et c’estià ce qui donne de l'intérêt à cette observation, on pouvait y suivre les modifications successives des élamines. En effet, dans le verticille staminal on voyait trois étamines incom- plétement transformées : le filet n’avait éprouvé aucune modifi- cation, mais l’anthère avait pris la forme pétaloïde, présentant une petite lame rose , concave , de 2 à 4 millimètres de largeur, courbés à angle droit sur le filet, et conservant sur l’un de ses bords des traces de la structure habituelle des anthèéres. Quand la transformation est complète, il faut bien admettre que le filet élargi a formé l'onglet du pétale, mais l’observation précédente prouve que c’est l’anthère qui en a produit le limbe. C’est du reste cé que pouvait faire prévoir la théorie qui consi- dère l’anthère comme une feuille repliée : en se déroulant acci- dentellement , elle forme un pétale qui n’est lui-même qu'une feuille modifiée dontle pétiole est représenté par le filet sta- minal. Reproduction anormale de la Cardamine pratensis. La dernière observation que je veux mentionner 1ci est plus ancienne, mais aussi beaucoup plus intéressante que les autres. C’est un curieux phénomène de physiologie végétale que J'ai eu occasion d'observer à Toulouse en 1849. Le 17 janvier, en me promenant le long du canal du Midi, je vis flotter à la surface de l’eau un certain nombre de fragments détachés des feuilles radicales de la Cardamine pratensis qui croît en abondance parmi les joncs (Juncus glaucus) dont le ca- nal est bordé dans toute sa longueur. Les bateaux qui parcourent cette voie de navigation, remorqués par des chevaux, sont munis d’un long gouvernail dont l'extrémité balaie les rives lorsque le marinier l’incline pour maintenir la direction de son bateau. Telle était la cause accidentelle qui avait brisé les feuilles encore tendres de notre plante. En recucillant quelques-unes des fo- — 0 — lioles détachées, je vis avec surprise qu'elles portaient des fais- ceaux de radicelles et de petites folioles, au point où le pétiole avait été brisé. Puis je vis le même phénomène se produire à la surface même des feuilles qui portaient, en certains points, des petits mamelons blanchâtres d’où sortaient tantôt une ou plu- sieurs radicelles, tantôt des radicelles et des folioles, quelquefois des folioles sans radicelles. Je pensai tout d’abord que ce phéno- mène élait dû à des sucs descendant du sommet vers la base de la feuille , et qui, trouvant une issue à l'extrémité des vaisseaux rompus, donnaient naissance à ces bourgeons accidentels. Je ne tardai pas d'ailleurs à recueillir sur la plante vivante et en place des feuilles qui présentaient à la hase de la foliole terminale des mamelons en voie de développement. Voici en résumé en quoi consiste le phénomène. De petits rmamelons se présentent d’abord sur la face supérieure de la fo- liole terminale, principalement à sa base au point où se détachent les nervures latérales, et aussi vers le milieu toujours en un point de concours des nervures secondaires. Dans les folioles la- térales, les mamelons se présentent également à la base et aussi au point d'insertion du pétiolule sur le pétiole principal. Sur les folioles flottantes, ces mamelons se sont montrés quelquefois au nombre de quatre en un même point : deux d’entre eux s'al- longeaient en radicelles blanches se dirigeant vers le bas, les autres donnaient naissance à deux tigelles qui s’élevaient au-des- sus de l’eau. Il n’y avait du reste rien de fixe dans le nombre ni dans la position relative de ces organes. Seulement les tigelles étaient ordinairement au centre et les radicelles sur les côtés ou tout autour. C’est surtout quand la foliole a été détachée accidentellement par la rupture du pétiole que le développement des bourgeons est devenu plus rapide et plus complet. J'ai vu à la base d’une feuille sept à huit radicelles et autant de petites folioles. Sur une autre fohole terminale, dont le péliole était complétement tron- qué, deux bourgeons symétriques se développaient simultané- went à la base des deux nervures latérales principales. Les bour- fr geons qui naissaient à la base des folioles latérales, se dévelcp- paient plus rarement que les autres , ce qui semble confirmer l’idée que le développement est dû à des sucs descendants. Les mamelons qui donnent naissance, soit à des feuilles, soit à des racines, se montrent simultanément : le développement commence ordinairement par les racines, néanmoins j'ai vu quelquefois les feuilles se montrer les premières. Dans tous les cas, ces Organes, nés au même point, ne lardent pas à prendre leur direction naturelle ; quand la feuille flotte , la face supé- rieure en haut, les radicelles se recourbent pour plonger dans l'eau ; j'en ai vu qui s’allongeaient de plus de 1 centimètre en rampant sur la feuille pour en gagner le bord et se recourber vers le bas ; lorsqu’au contraire la feuille nageait à l'envers, les radicelles descendaient verticalement et c’étaient les pelites feuilles qui se retournaient pour s'élever dans l'air. Comme la nature ne fait rien en vain, il est probable que les feuilles flottantes à la surface de l’eau ne tardent pas à se fixer sur les bords, et que , les petites racines s’enfonçant dans le sol, la plante se trouve mullipliée par bouture. Je dois pourtant avouer que l'expérience directe que j'ai faite à cet égard n’a pas eu de succès : des feuilles munies de bourgeons que j'ai placées sur la terre humide, se sont flétries sans donner naissance à des plantes nouvelles. ARRONDEAU, Membre correspondant de la Société linnéenne. d'Angers. Vannes , le 4 novembre 1873. (Morbihan). LES ANGEVINS À NAPLES AU XIV° SIECLE. Un des faits les plus importants et, sans contredit, des plus dramatiques du moyen-âge , est la conquête de la Sicile par la maison d'Anjou. Les documents historiques abondent pour éclai- rer cette grande révolution sous son vrai jour. Si l’on consulte les chroniques de l’époque , toutes s'accordent à reconnaitre que les querelles du sacerdoce et de l’empire en ont été la princi- pale origine. Le règne si mouvementé de Frédéric IF inaugure cette période orageuse qui précipita la perte de la maison de Souabe, vers la fin du xirre siècle. L'histoire a des enseignements d’une haute valeur pour qui sait les comprendre. Les décrets providentiels une fois admis , la tâche de l'historien est de recher- cher ces causes palpables ou occultes de destruction des empires, de substitution de dynastie, de bouleversements d'États, de ré- volutions dans l’ordre politique et social, par des moyens pure- ment humains. La lu'te entre la maison de Souabe et celle d'Anjou fut un de ces grands problèmes historiques que le temps et l'esprit impar- tial peuvent seuls résoudre. Deux puissances gouvernent le monde : la force et le droit; leur union fait la paix et la sécurité des nations ; mais quand la force prime le droit, alors la porte est ouverte aux révolutions et aux guerres sans fin. Nul droit n’a d'assises assez solides pour ne pas êlre ébranlées par un droit contraire. Tout est mis en question , tout est soumis à la discussion. Les cas où le droit triomphe de la force sont rares, et sont l'exception; ceux où la force l'emporte sont fréquents et forment la règle. Depuis Caïn jusqu’à M, de Bismark , les exemples abondent; c’est l’éternelle -) A 1008 histoire du genre humain. La fable du Loup et de lAgneau est perpéluellement vraie. Les droits les plus incontestables ont tou- jours été contestés, et quand ils n’ont pas succombé, c’est qu'ils avaient pour eux la force. Quand la vérité et la Jusuce sont van- cues , il se trouve toujours des avocats pour justifier et consa- crer le succès. L'histoire du monde n’est que la glorification de la force à laquelle le temps donne la sanction d’un droit. En po- litique, nous ne vivons que de compromis , c’est élémentaire. En ces temps troublés, l’Europe chrétienne et l'Italie sur- tout furent heureuses de rencontrer la papauté pour mettre un frein à la barbarie populaire et à l'ambition des princes toujours désireux de se maintenir ou de s’agrandir dans leurs conquêtes par des moyens souvent peu légitimes. L'étude du passé n'est-elle pas un enseignement pour le pré- sent et pour l'avenir ? La décadence de lempir: romain amena en Italie l'invasion étrangère. Le midi de cette belle contrée fut successivement en- vahi par les Grecs, les Goths, les Lombards et les Sarrazins; après maintes vicissitudes , les orientaux en restèrent quelque temps les maîtres ; à la fin, ils en furent chassés par les Nor- mands. En l’an1007, la Sicile tout entière se lrouvaitau pouvoir des Sar- razins, lorsque le pape Sergius [V, craignant de voir la péninsule devenir la proie de ces mécréants, eut recours à l'assistance de Guillaume Bras-de-fer, l’ainé des douze fils de Tanerède, comte de Hauteville‘ , gentilhomme normand. C'était un célèbre con- dottiere qui s’était emparé de la Romagne et d’une parte de la Toscane. Guillaume , à linstigation du pape, partit à la tête de deux mille hommes, pour reconquérir la Sicile, conjointement avec Maniacès, préfet de l’empereur d'Orient; par leurs efforts et leur valeur, ils parvinrent à expulser les musulmans de l'ile entière. Mais , lorsqu'il se fut agi du partage du bulin, Mania- cès s’en réserva la plus grande part. Le prince normand, ir-: rité d’un pareil déni dé justice, passa dans la Pouille et se 1 Hauteville est un village du département de la Manche, arrondissement de Coutances, 1,750 habitants, ONE AT forlifia dans Melfi. Le capitaine grec accourut à la tête de toutes ses forces pour l’en déloger, mais Guillaume, sans lui laisser le temps de prendre haleine, se rua sur son ar- mée et en fit un grand carnage. Maître désormais de la province entière , 1l se fit reconnaître comme comte de Pouille. Guillaume Bras-de-fer ne jouit pas longtemps de son triomphe et de sa principauté , il mourut en 1046. N'ayant pas laissé d’enfants, son frère Drogon lui succéda. Après maints combats contre les Grecs, il parvint à se maintenir dans ses États ; il obtint de l’empereur Henri HI l'investiture du comlé de Bénévent , en 1047. Menacé d’une ligue formidable à la tête de laquelle se trouvaient l’empereur et le pape, unis aux Grecs , il fut, en 1051 , assassiné par un Grec. Son frère Onfroi, prince cruel et méprisable, fut tué par les Pouliotes et ne régna que trois ans et sept jours. Godefroy, son frère, fut le quatrième comte de Pouille ; il fit la guerre aux Grecs, il remporta sur eux une victoire signalée près de Cannes, et s'empara de la Calabre. C’est sous son règne que la principauté de Bénévent retourna au Saint Siége , comme gage du tribut que l’empereur paya à Léon IX pour l'érection de la cathédrale de Bamberg (Bavière). Le pontife, sûr de la neutra- lité des vassaux de l'empire, attaqua Godefroy qui le battit et le fit prisonnier, mais par respect pour la dignité pontificale, le comte le fit reconduire à Rome avec tous les honneurs dus à son rang. Il ne régna que deux ans et neuf jours, et laissa pour lui succéder Bagelard, son fils, qu’il avait eu d’Albania, sœur ou fille du prince de Salerne. Ce petit-fils de Tancrède de Hauteville n'occupa le trône que cinq mois et onze jours, chassé qu'il fut par Robert Guiscard, son oncle, qui s'empara de l’Apulie. À cette époque (1050), les Sarrazins assiégeaient Capoue. Ter- rifiées par la présence des barbares, les cités voisines appelé - rent à leur secours Robert qui, en manœuvrant habilement et sans éprouver de grandes ‘pertes, chassa les musulmans et fit repentir les Grecs de l'appui qu’ils leur avaient prêté en lui faisant subir une rude défaite. | En compagnie de son frère Roger, le plus jeune des douze fils de Tancrède, # battit les Sarrazins dans les Abruzzes oc- cupées depuis longtemps par les Infidèles. Ce vaillant seigneur, désireux de délivrer l'Italie de ces bar- — 4 +) — bares, s’aboucha avec le pape Nicolas II à Aquilée (1058). Le pontife confirma le titre de duc de Pouille et de Calabre que ses compagnons lui avaient décerné ; en échange, il resutua à l'Église la ville de Bénévent et toutes les possessions qui avaient appartenu au Saint-Siége avant la guerre. La reconnaissance de Guiscard ne crut pas devoir mieux faire, pour obtenir la faveur du pape, que de se constituer vassal de l'Église (1059). Cette vassalité reconnue a été pendant plusieurs siècles la base du droit sur le temporel et le spirituel du royaume de Naples. Les trois dynasties normande, souabe et angevine ne ne l'ont jamais contesté en principe. Si, dans plusieurs circons- tances , différents monarques luttèrent contre la papauté, ce ne fut point pour renier la vassalité de leur empire au Saint-Siége, mais pour résister aux exigences de la cour de Rome qui se mon- trait jalouse de ses droits. Nicolas IT, appuyé de Robert Guiscard, apaisa la turbulence romaine toujours prête à meltre des entraves au pouvoir ponti- fical. C’est à ce secours que le pape dut la possession de Pré- neste , de Tusculum et de Nomentano. Le prince normand con- quit bientôt Tarente et Matera occupées par les Grecs, et fit pri- sonnier Ciriace , lieutenant de l’empereur. Poursuivant le cours de ses victoires, il passa en Sicile, envahie par les Maures, et après maints combats, soumit toule cette belle contrée à sa do- mination avec l’aide de son frère Roger Bozon. Les musulmans qui avaient survécu furent relégués dans les montagnes de la Si- cile, et leur roi Camut fut exilé à Malte avec sa famille. Les chroniques du temps rapportent qu’au moment de la ba- taille décisive, apparut aux yeux de Guiscard un beau jeune homme à cheval , armé d’une lance ornée d’une croix rouge, et lassura de la victoire ; c’était saint Georges que Robert avait pris pour protecteur. Ce prince, pour preuve de sa libéralité, donna le gouvernement de l'ile entière à son frère Roger, qui prit bientôt le titre de comte de Sicile. L’illustre Grégoire VIH, en guerre avec l’empereur Henri IV à l'occasion des investitures, se jela dans les bras de Robert Guis- card qu'il alla trouver à Aquin pour lui confirmer ses droits sur les États que lui avait concédés Nicolas Il. Guiscard , créé duc, s’avança, avec une nombreuse armée, sous les murs de Rome ; il s'empara d’une parue de la ville qu'il brüla jusqu’à l’arc de — A6 — Domitien. Réfugiés au Capitole, les Romains y sont assiégés par le prince normand qui le détruit presque de fond en comble. La ville livrée au pillage, il court au château Saint-Ange où Gré- soire était prisonnier , le délivre et le conduit à Salerne où 1 mourut bientôt après (1085). Cette même année, le héros normand, en portant la guerre dans les États de l'empereur d'Orient, fut emporté par une fièvre grave après avoir régné près d’une année comme duc et comte de Pouille pendant quarante-six ans. Robert Guiscard eut trois femmes. De la première, Alberide, sœur du prince de Capoue, il eut un fils, Boémond. La seconde, Sigelaïde, fille du prince de Salerne , lui donna deux fils : Roger et Sivard, et une fille, Erie ; sa dernière femme, Isabelle, fille d'Hugues Ie*, roi de Chypre , qui mourut après six mois de ma- riage, lui apporta en dot la principauté d’Antioche. Boémond, le fils aîné de Robert, était resté à la mort de son père à guerroyer en Grèce ; son frère Roger, par ses manœuvres déloyales, avait usurpé le duché de Pouille et de Calabre. Il réussit même à s’'empar2r da gouvernement de Naples après le trépas de Serge VI qui administrai: cet État. Dans un concile tenu à Melli, le pape Urbain II sanctionna les conquêtes de Roger. Mais Boémond, son frère, héritier légitime, exaspéré d'un {el déni de justice, s’avança à la tête d’une nom- breuse armée pour le déposséder. Après divers engagements où le succès se balançait de part et d’autre , ce prince prit le parti de se joindre aux croisés qui s’'embarquaient pour la Terre-Sainte. C'est à travers la Pouille qu’une foule de barons français, alle- mands, anglais, flamands et espagnols se rendaient à cette ex- pédition. Rempli d'enthousiasme pour une si noble entreprise, Boémond renonça à ses droits en faveur de son frère et, à la tête de onze mille hommes, tous italiens, il descendit en Syrie. Ro- ger étonné et ravi d’une conduite si généreuse, fit partir son fils Tancrède pour la Palestine. Pour récompense de ses hauts faits, Boémond fut créé prince d’Anhoche, comte de Tripoli, et épousa Constance, fille aînée de Philippe-Auguste, roi de France, dont il eut un fils nommé aussi Boémond et qui lui succéda dans ses principautés, en y joignant la Cappadocé. Marié à la princesse Elisa , fille de Baudouin, roi de Jérusalem, il en eut une fille appelée Constance qui épousa Raymond, comte de Pontecura. LS en Roger lint, à titre de duc, le sceptre de la Pouille pendant vingt-six ans et quatre mois. Il institua son fils aîné Guillaume héritier de ses États. Son mariage avec Adélaïde, fille de Robert- le-Frison , comte de Flandres, lui avait encore donné deux autres enfants, Mauger et Godefroy. En 1118, Guillaume obtint du pape Gélasse I l'investiture de la Pouille et de la Calabre. L'année suivante, il se rendit à Constan- ünople pour épouser la fille de l’empereur Comnène et laissa sa principauté sous la protection du pape Calixte IT, croyant n’avoir rien à redouter de Roger, comte de Sicile, fils de ce Roger Bozon qui avait enlevé aux musulmans toute la Sicile. Ce Roger Bozon était frère de Robert Guiscard. Roger, sans égard pour le pontife, envahit la Calabre et, avant que le pape fût en mesure de lui résister, il s’empara de la moitié de cette province. Calixte I leva à la hâte des troupes indiscipli- nées qu'il conduisit lui-même jusqu'à Bénévent, accompagné de tout le collége des cardinaux; mais la peste se mit dans son ar- mée qui périt en partie, et lui-même fut ramené malade à Rome où il mourut bientôt. Le prince normand, profitant de si heureuses conjonctures, s'empara de toute la Calabre et de la Pouille. Guillaume , dépouillé de ses états et trompé par l’empereur qui lui refusa la main de sa fille, s’en retourna en Italie avec son parent , le prince de Salerne , et ne tarda pas à succomber sans laisser d'héritiers, après avoir régné dix-sept ans et huit mois. Roger, au comble de la prospérité, dédaignant les titres de duc de Pouille et de Calabre et comte de Sicile, se proclama roi d'Italie, au mécontentement mal dissimulé du pape Honoré II (1193). Le premier qui fut roi fut un soldat heureux; et, comme le dit un historien anonyme, le souverain-pontife ne pouvant lutter contre les forces de l’usurpateur, fit la paix avec lui !; mais il ne le reconnut que comme duc de Pouille et de Calabre; c’est en cette qualité que Roger lui prêta hommage de fidélité. Innocent IT, qui lui succéda (1130), protesta contre le titre de roi d'Italie que le conquérant s'était arrogé ; irrité contre lui, l Si pacifico con seco. LS HPIBUEE et sans tenir comple de la faiblesse de ses moyens, ce poutile se mit à la tête d’une troupe mal organisée qui surprit Roger à San Germano, l’en délogea, l’obligeant à se réfugier à Gallucio où il l’assiégea. Guillaume , due de Pouille , vint au secours de son père, et, après un combat sanglant, fit prisonnier le pape et tous les cardinaux (1138). Roger se montra plein de courtoisie envers son noble captif qui, l’année suivante, le confirma dans son litre de roi et lui donna la ville de Naples qui, jusqu’à cette époque, avait été au pouvoir des empereurs grecs. Pendant l'absence de linfortuné Innocent IN, les Romains avaient fait monter sur la chaire de saint Pierre le fils d’un sei- gneur factieux, Pierre de Léon, qui prit le nom d’Anaclet If, révolution qui força le pape légitine à passer en France L’am- biieux Roger s’aboucha avec le pontife intrus à Bénévent et en obtint le titre de roi des Deux-Siciles (1130), se reconnaissant comme homme lige et vassal de la sainte Église. Cette investiture fut, d’après Sigonio, acceptée par Innocent II lui-même en 1138, après la mort d’Anaclet. Roger meurt en 1153, âgé de 53 ans, après en avoir régné 18. Son fils Guillaume-le-Mauvais lui succéda sans ,opposition; la dynastie normande était fondée. S’étant emparé de Bénévent, terre papale, il fut pour ce fait excommunié par Adrien IV, déchu du titre de roi , et ses sujets déliés de leur obéissance. Guillaume, exaspéré Ge ces rigueurs, voulait marcher sur Rome avec son armée ; mais les barons du royaume se révoltè- rent et appelèrent le pape à leur aide. Le vigoureux pon- life, voyant toutes les provinces soulevées, se porta par une marche rapide sur Bénévent et, sans tirer l’épée, força le prince à demander merci, et à restituer à l'Église les terres dont il s’é- tait emparé. L'empereur Emmanuel Comnène et Frédéric Barberousse, roi de Germanie, s’étaient empressés d'offrir leurs services au pape pour rentrer en grâce auprès de lui (1156). Guillaume [°° mourut à quarante-sepl ans après en avoir régné quatorze. Son règne fut une lutte perpétuelle entre les seigneurs napolitains, la papauté, les Grecs et les Allemands. Son fils Guillaume-le-Bon, qu’il avait eu de Marguerite, fille de don Garcie Il, roi de Navarre, lui succéda(1166). Guillaume I}, couronné à onze ans, se réconcilia avec tous les ee A parons du royaume , allégea ses peuples de toutes les charges dont son père les avait écrasés. Il protégea l’Église contre ses ennemis et en particulier contre l’empereur Frédéric Barberousse qui tenait assiégé le pape Alexandre III dans Agnani. Il fournit à ce pontife une galère pour se rendre en France, d’où il lança une excommunication contre Frédéric. Il mourut en 1188, laissant la couronne à Tancrède, fils na- turel de Roger. Guillaume n'ayant pas laissé d’enfants, le trône de Sicile eut deux compétiteurs : Constance, fille légitime de Roger qui avait épousé Henri VI, empereur d'Allemagne, de la maison de Souabe, et Tancrède son fils naturel. Mais le pape Célestin III, voulant rétablir la juridiction de l’Église, le royaume feudataire du siége apostolique depuis plus d’un siècle, en investit Henri VI, fils de Barberousse, en 1191, et pour légitimer son choix, le maria à Constance , fille du roi Roger. Cette princesse, âgée déjà de 93 ans, était abbesse du monastère de Sainte-Marie de Palerme, d’où l'archevêque de cette ville la fit sortir ; elle fut couronnée à Rome en cette même année. Tancrède ne put lutter avec succès contre les forces impéria- les; la mort de son fils Roger hâta sa fin qui arriva en 1194, après avoir régné sept ans. Il avait laissé trois filles et un fils nommé Guillaume que Sy- bille, sa mère, fit couronner roi de Sicile. Mais l’empereur des- cendit aussitôt en Italie à la tête d’une puissante armée ; il s’em- . para de Naples presque sans coup férir et fit prisonniers Sybille et ses quatre enfants. Le cruel monarque incarcéra les malheu- reuses princesses et fit castrer et crever les yeux à l’infortuné Guillaume. Altéria, l’une des filles de Tancrède, épousa par la suite le comte Gaultier de Brienne , frère de Jean de Brienne qui fut roi de Jérusalem. Ainsi finit la dynastie normande qui régna sur les Deux-Siciles pendant près d’un siècle, avec des fortunes diverses. La maison de Souabe qui revendiquait le droit sur la couronne de Sicile par le mariage de Constance avec Henri VI, n’eut que quatre rois et ne garda le trône que depuis 1195 jusqu’en 1965. L'Empereur allemand occupé des affaires de l’Europe, laissa ä SERRE la Sicile à son lieutenant Marcoald et mourut après quatre ans et un mois de règne sur Naples, les uns disent d’un refroidis- sement à la suite d’une partie de chasse, les autres du poison donné par sa femme Constance, indignée de ses cruautés. Son fils, l’empereur Frédéric II lui succéda (1197). Elevé sous la tutelle d’Innocent Ill, ce jeune prince eut d’abord la couronne de Naples et de Sicile avant d’obtenir le sceptre impé- rial. Ses démêlés avec Grégoire IX le firent excommunier. Ilavait épousé lolande, fille du comte de Brienne, roi de Jérusalem. C’est depuis cette époque que les rois de Naples portent le titre de rois de Jérusalem. C'était un prince lettré et ami des savants. Ses mœurs corrom- pues par son séjour en Orient, l'ont rendu peu recommandable à la postérité. Il vécut cinquante-cinq ans , occupa l'empire trente-trois ans, le royaume de Jérusalem vingt-huit ans, et celui de Sicile cin- quante et un ans (1250). Il eut six femmes et laissa une nom- breuse postérité légitime et plusieurs bâtards. L'empereur Conrad, fils de Iolande de Brienne, seconde femme de Frédéric, descendit en Jialie aussitôt après la mort de son père. Son règne fut en quelque sorte une sinécure; car Manfred, son frère illégitime, gouvernait de fait l’État tout entier. Conrad mourut, dit-on, empoisonné de la main de ce frère déna- turé (1254). Ce Manfred qui portait le nom de prince de Tarente, fut le dernier roi effectif de la maison de Souabe. Regardé comme usurpateur, 1l fut excommunié par le pape Alexandre IV. Régent du royaume après la mort de Conrad, il se fit proclamer roi sur une fausse nouvelle de la mort de Conradin, son neveu, fils de Conrad. C’est alors que le jape Urbain [V, toujours menacé par les armes de Manfred, appela en Italie Charles d'Anjou, comte de Provence , et frère de saint Louis (1264). Voilà, en raccourci, le tableau des événements qui marqué- rent la période de conquête du midi de la péninsule italique par les descendants de Tancrède de Hauteville et les usurpateurs germaniques de la maison de Souabe. Il nous reste maintenant à étudier le règne de la maison d’Anjou sur cette contrée histo- rique. {à suivre.) . . Docteur P. MABILLE. L'INDUSTRIE, LES LETTRES ET LES SCIENCES En Anjou. ———— ss Qnn-——— AVANT-PROPOS. SOMMAIRE Comité historique et artistique de l'Ouest. — Son règlement. — Première excursion en Touraine. — Ernest Beulé. — Seconde excursion en Touraine. — Expositions artistique et horticole de Paris (18175.) — La Société Botanique de France à Angers. — Société Linnéenne, diplômes de mérite Autrichien et Français. — Documents sur Guettard. — Auguste Courtiller. — André Leroy. En l’année 1861 nous fimes paraître, dans le Bulletin histo- rique el monumental, une série d’articles sur l’Art et l’Archéolo- gie. Notre intention était de continuer cette histoire du mouve- ment intellectuel en Anjou, et d’en donner la seconde partie, celle concernant l’industrie, les lettres et les sciences, dans les annales de la Société Linnéenne de Maine-et-Loire. Nous nous élions mis à l’œuvre, et nous étions sur le point de livrer à l’im- pression notre labeur, lorsque nous fûmes vivement sollicité, dans une réunion du Comité historique et artistique de l'Ouest, à présenter un tout complet, c’est-à-dire à refaire en entier et sur une plus vaste échelle, ce que nous avions très-sommaire- ment publié, et continuer ainsi sur le même modèle les autres divisions de ce grand travail. DE eV Notre réponse à l'honorable proposition qui nous était faite, fut d’abord négative ; nous fûmes effrayé de la tâche qu’on vou- lait nous imposer. Parmi nos Collègues, beaucoup étaient plus aptes que nous à se charger de cette importante étude qui était, du reste, facile à scinder. Nous ne nous dissimulions point, en outre, qu’il fallait des années pour la mener à bonne fin. Malheureusement pour nous, ceux de nos Collègues qui au- raient pu accepter tout ou partie du travail, avaient déjà, depuis longtemps, des engagements pris. Nous finimes par céder aux bienveillantes instances qui nous furent faites, comprenant l’ur- gence qu'il y avait, dans ce moment, decommencer cette histoire locale. Aux matériaux péniblement amassés depuis longtemps, à une correspondance de tous les jours et qui nous tient au courant des progrès qui s’opèrent dans les arts, l’industrie, les lettres et les sciences, à des recherches incessantes, à des courses mul- tiples, et enfin à notre qualité d’Angevin connaissant parfaite- ment sa province, ce qui nous préservera, plus que tout autre peut-être, de commettre des confusions de personnes et de lieux, nous avons employé ce que Dieu nous a conservé d'activité, à l'exécution de cet ouvrage. Ce sera peut-être le dernier de notre vie; mais si nous avons pu jeter quelque lumière sur l’histoire de notre pays, si nous avons pu faire progresser les études, nous serons récompensé au centuple de nos peines et de nos efforts. Nous aurons, dans le cours de cette ouvrage, à parler des So- ciélés savantes de Maine-et-Loire ; mais, avant d’entrer en ma- tière, nous devons dire ici un mot du Comäilé historique et artistique de l'Ouest. Cette vaste Association, qui comprend toute la région de l'Ouest, n’est point une Société purement Angevine; seulement, comme 1l fallait un centre, et qu’on nous avait fait l'honneur de nous nommer président du Comité, Angers, lieu de notre rési- dence, fut désigné pour la ville où légalement se tiendrait le siége de notre Association. Lorsque le Comilé historique et artistique de l'Ouest fat formé, nous nous empressâmes de demander à l'autorité supérieure l'autorisation de nous réunir. SANS nes A cet effet, nous adressâmes à M. le Préfet de Maine-et-Loire notre réglement. Nous reçûmes le 13 octobre 1873 la lettre sui- vante : DÉPARTEMENT Angers, le 13 octobre 1873. de ® MAINE-ET-LOIRE. MAIRIE MonsœŒur, de la Ville d'Angers. J'ai l’honneur de vous adresser ci-joint l'expédition de l’Arrêté de M. le Préfet autorisant la création du . Comité historique et artistique de l'Ouest. Recevez , Monsieur le président , l'assurance de ma considération très-distinguée. GUILBAULT-BELLANGER , adjoint. À. M. Aimé de Soland, rue David, 32. Voici l’arrêté préfectoral : Préfecture du département de Maine-et-Loire. ARRETE. * Nous, prétet du département de Maine-et-Loire , Vu les statuts d’une Société scientifique en voie d'organisation, à Angers, sous le titre de Comilé historique et artistique de l'Ouest ; Vu l’avis de M. le maire d'Angers en date du 27 septembre dernier ; EAN Vu l’article 291 du code pénal et les instructions ministé- rielles. Arrêtons : Arr. 4%. — Est autorisée ladite association sous la réserve de l'interdiction absolue de toutes discussions politiques et reli- gieuses, et sous la condition qu'aucune modification ne sera apportée à son réglement sans notre assentiment préalable. Arr. 2. — Expédition du présent arrêté sera adressée à M. le Maire d'Angers, chargé d’en notifier les dispositions à M. Aimé de Soland, président du Comité. En Préfecture, à Angers, le 9 octobre 1878. Pour le Préfet, Le Secrétaire général délégué , Signé : MONTAUBIN. Pour expédition : Le Secrétaire général, Signé : MONTAUBIN. Pour copie conforme : Le Maire d'Angers, GUILBAULT-BELLANGER , adjoint. RÉGLEMENT du COMITÉ HISTORIQUE ET ARTISTIQUE DE L'OUEST. ART. PREMIER. Une association qui a son centre à Angers, rue de l'Hôpital , énee. -# RNA ER 32, est établie pour étudier l’art et l’histoire dans la région de l'Ouest. ART. 2. Cette association prend le titre de Comité historique et artis- tique de l'Ouest. ART. à. Le nombre de ses membres est illimité. ART. 4. Les membres du Comité sont divisés en trois catégories , sa- VOIr : 4° Les titulaires, 2 les titulaires non résidants, 3° les corres- pondants. ART. D. L'administration du Comité est confiée à un bureau formé : 4° d’un président, 2 d’un vice-président , 3° d’un secrétaire gé- néral, d’un secrétaire de rédaction et d’un trésorier. ART. 6. Le Bureau est nommé pour trois ans; cette nomination a lieu au mois de janvier , au scrutin secret et à la majorité des mem- bres présents, l’ancien Bureau peut être réélu. ART. 7. Le Comité tient ses séances à Angers, de novembre à avril; les mois de mai, juin, juillet, août, sont consacrés à des courses artistiques et historiques. ART. 8. Les réunions qui sont mensuelles, auront lieu le jeudi de chaque mois, à 7 heures du soir, les membres seront prévenus par lettres de convocation. ART. 9. Chaque membre pourra, avec l'agrément du président, amener des étrangers aux séances et aux courses, SSEGNCE ART. 40. Pour être reçu membre du Comité, il faudra faire connaître qu’on s'occupe d’études historiques et artistiques. Le candidat devra être présenté par deux membres titulaires et réunir à la séance qui suivra la présentation les deux tiers des suffrages au moins. ART. 41. Les dépenses du Comité sont faites à frais communs, mais celles occasionnées par les excursions artistiques et historiques seront individuelles et ne concerneront que chacun des membres qui y prendront part. ART. 12. Tous les travaux seront imprimés aux frais des membres, mais pour subvenir aux dépenses générales du Comité, la coti- sation annuelle est fixée à 10 francs pour les membres titulaires résidants, et à 9 francs pour les membres titulaires non rési- dants. ART. 13. La nomination des correspondants subira les mêmes forma- lités que celles exigées pour la réception des membres titulaires. Ceux de MM. les membres correspondants qui voudront recevoir les travaux du Comité paieront une somme annuelle de trois francs. ART. 14. A la fin de chaque année un Bulletin renfermant les travaux du Comité sera imprimé et distribué aux membres composant le Comité historique et artistique. ‘ ART. 45. Les travaux lus en séance seront déposés entre les mains du secrétaire qui en sera responsable ; chaque membre pourra à la première réquisilion en prendre connaissance, l'intervalle d’une séance sera nécessaire pour que le Comité puisse procéder au vote d'impression. ue DTA ART. 46. Tout membre dont le Comité aurait à se plaindre pourra être exclu, le vote pour l'exclusion aura lieu au bulletin secret. L'exelusion sera prononcée si l’affirmative réunit les deux tiers des suffrages. Toutefois, il faudra un mois d'intervalle entre la demande d’exclusion et le vote. ART. 47. Il est expressément défendu de s'occuper de questions poli- tiques et religieuses. Aucune modification ne pourra être faite audit MAT sans l’assentiment préalable de l'autorité supérieure. ART. 18. Tout ce qui n’est pas prévu par le présent réglement sera dé- cidé par le Bureau. — is Les premières excursions du Comité ont été des plus heu- reuses. Elles ont été consacrées à étudier un petit coin de cette charmante Touraine, où savants et artistes ont tant à observer. Dans quatre jours, le Comité a visité successivement Benais, Restigné, dont l’église des XI° et XIL° siècles est une des plus re- marquables de la contrée ; le magnifique château d'Ussé, qui rappelle tant de souvenirs, et où, en entrant, le touriste est frappé par cette hospitalière devise inscrite sur les vitraux du vestibule : Benedictus eris, Tu ingrediens Et egrediens. On prétend qu’Antoine La Sale, successivement gouverneur de Jean, duc d'Anjou, duc de Calabre et de Lorraine, et des trois fils du comte de Saint-Pol, celui qui fut décapité par l’ordre de Louis XI, aurait trouvé à Ussé le sujet de son roman : l’Aystoyre el plaisante cronique du petit Jehan de Saintré et de la jeune dame des Belles-Cousines sans autre nom nommer, ouvrage qu’il dédia en 1459, époque où il fut composé, à Jean d'Anjou. ay SUN Beaumarchais a, dans le Mariage de Figaro, emprunté à de La Sale son personnage de Chérubin. Si le page Saintré est moins déluré et moins impétueux que Chérubin, il y a néanmoins entre les deux pages un air de famille qui ne laisse aucun doute. Nous avons remarqué à Ussé, dans la grande galerie, un très- beau portrait de Louis de Lorraine, prince de Lambesc, gouver- neur général d'Angers, et particulier d'Angers et Ponts-de-Cé. A la sortie d’Ussé, l’excursion a été dirigée sur le château de Rochecôte, délicieuse demeure remplie de tableaux de maîtres et de précieux objets d'art. Certains fabricants de guides ont donné un large cours à leur imagination dans les descriptions qu'ils ont faites de Rochecôte. Le séjour du prince de Talleyrand-Périgord dans ce château a beaucoup prêté à leurs narrations ; ils y ont même vu ce qui n'y a jamais existé. Ainsi ils parlent d’une splendide vitrine qui, selon eux, contiendrait les décorations de l’ancien évêque d’Au- tun, et l’épée de ce célèbre diplomate. Il n’y a pas un mot de vrai dans tout ceci. La vitrine en question renferme les décora- tions du brave maréchal de Castellanne. Quant à l'épée, c’est celle qui fut offerte au maréchal par la ville de Lyon, en témoi- gnage de sa noble conduite. Tous ces fantaisistes récits ont vivement étonné plusieurs de nos Collègues, peu accoutumés à cette manière d'écrire l’his- toire. Quant à nous, habitué chaque jour à en lire de ce genre et qui, de plus, sont accompagnés de réflexions démagogiques, nous n’avons pas éprouvé autant de surprise. Les ruines du vieux château de Langeais, attribué à Foulques- Nerra, ce grand édificateur qui a couvert Anjou, la Bretagne et la Touraine de monuments civils et religieux, ont offert un grand intérêt aux membres du Comité, ainsi que le château artuel, datant du xve siècle, masse imposante à l'extérieur, et à l’inté- rieur renfermant un des musées moyen-âge les plus beaux qu’on puisse voir en province. Cette année 187L, qui a sérieusement inauguré les travaux du Comité, a été bien remplie. Mais pourquoi faut-il, hélas ! que . dès les premières pages que nous écrivons sur notre Œuvre nou-. velle, nous ayons à en consacrer une au souvenir d’un homme qui fut le plus distingué de nos Collègues | 18 60 Nous voulons parler d’'Ernest Beulé, qui est venu chercher la mort, au moment où le portefeuille de l'instruction publique et des beaux-arts allait lui être offert. Quels services Beulé, homme compétent s’il en fût pour occuper un pazeil poste, n’eût-il pas rendu à l’art et à notre Association, à laquelle il portait le plus vif intérêt. Charles-Ernest Beulé était né à Saumur, le 929 juin 1526. Élève de l’École normale, il débuta dans la carrière de l’ensei- gnement par être professeur de rhétorique à Moulins; puis il fut envoyé à l’École d'Athènes. Il reprit avec ardeur les fouilles déjà tentées pour rechercher les propylées de l’Acropole, et fit d'importantes découvertes. En 1853, Beulé fut nommé professeur d'archéologie à la Bi- bliothèque nationale, et décoré. Ce fut Beulé qui fut chargé de faire exécuter des fouilles sur l'emplacement de Carthage. En 1860, il fut nommé membre de l’Académie des inscrip- tions et belles-lettres. En 18692, il fut élu secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts. Beulé faisait partie de la députation de Maine-et-Loire, et fut ministre de l’intérieur. Voici ses principaux ouvrages : Les Arts et la Poésie à Sparte sous la législation de Lycurgue, 1853. Les Frontons du Parthénon, 1854. L’Acropole d'Athènes, 1854; 2° édition, 1863. Etudes sur le Péloponèse, 1855. Les Temples de Syracuse, 1856. Les Monnaies d'Athènes, 1658. E’Architecture au siècle de Pisistrate, 1860. Éloge d’Horace Vernet, 1863. Phidias, drame antique, 1863. Éloge d'Hippolyte Flandrin, 1864. Histoire de la Sculpture avant Phidias, 1864. Éloge de Meyerbeer, 1865. Auguste, et sa Famille, et ses Amis, en 1867. Tibère et l'Héritage d'Auguste, 1868. Le En PAEeL A la fin du mois d'avril 1879, le Comité a repris ses études artistiques sur la Touraine. Azay-le-Rideau, l’Ilette, Chenon- ceaux et les Essards ont été le but des excursions. A Azay deux monuments attirent l’attention des archéologues , l’église et le château. La façade de l’église, avec ses bas-reliefs du xr siècle, est extrêmement remarquable ; le nom de Rideau, donné à la ville et au château d’Azay, lui vient d’un de ses seigneurs, Hugues Ridel, un des preux de Bouvines. Le château renaissance porte une svelte tourelle en encorbelle- ment. À chacun deses angles, un portique admirablement fouillé, surmonte l’entrée. Les bas-reliefs de la première frise représen- tent une hermine, puis {a salamandre au milieu des flammes (sujet qu’on retrouve à Chenonceaux) avec cette devise : NuTRISCO ET EXTINGUO. La même salamandre est reproduite sur la plinthe qui sert de base aux fenêtres du fronton. Cinq colonnettes divisées par des niches, relient le rez-de-chaussée avec les autres étages. Sur la frise est écrit : UNG SEVL DESIR. En 1418, les Bourguignons occupaient Azay-le-Rideau. Le Dauphin, passant sous ses murs pour se rendre à Tours, fut insulté par eux, ils lappelèrent, lui et ses soldats : restes de pelits pâtés de Paris. Le Dauphin, furieux de cette offense, jura d’en tirer ven- geance. Il attaqua Azay, l’emporta d’assaut, puis fit trancher la tête au gouverneur et pendre aux remparts trois cent cin- quante-quatre soldats. À cette époque, le château d’Azay appartenait à un gentil- homme angevin, Jacques de Montberon; il passa ensuite dans la famille de Jacques de Bueil, qui a fourni un évêque au diocèse d'Angers. Jacques de Bueil, comte de Sancerre, fut échanson des rois Charles VIII et Louis XII. Le château d’Azay, tel qu’on le voit aujourd’hui, fut construit en grande partie par Gilles Berthelot, gentilhomme angevin, conseiller, secrétaire du roi, maître de la Chambre des Comptes de Paris, et maire de Tours. On voit encore ses initiales sur la façade principale du château. Les travaux commencèrent en 1520. François I, Louis XIII et Louis XIV vinrent au château d’'AZay. PE Aujourd’hui, le château d’Azay est la propriété du marquis de Biencourt qui, avec une extrême bienveillance, sait rendre acces- sible à tous cette splendide demeure. Peu de châteaux contien- nent autant de tableaux qu’à Azay ; la plupart sont médiocres, il est vrai, mais tous ont une grande valeur historique. Avant de quitter le château d’Azay-le-Rideau, on nous présenta le registre par lequel les touristes sont invités à y inscrire leurs noms. En parcourant ce registre, nous avons lu cette signature qui nous rappelle un douloureux souvenir : Beulé, de l'Institut. | Sur la route d’Azay à Langeais se trouve le château de l'Ilette, situé dans une position exceptionnelle, au milieu de verdoyantes prairies baignées par l'Indre et bordées de peupliers hauts et touffus. Ce château appartient en grande partie au style renais- sance. Qui ne connaît Chenonceaux : Basti si magnifiquement Il est debout comme un géant Dedans le lit de la rivière, C'est-à-dire dessus un pont Qui porte cent toises de long. Construit d’abord en 4496 par Thomas Bohier, baron de Saint-Cyergue et général des finances de Normandie, il devint plus tard la propriété du roi de France François [”, puis de son fils Henri II, qui le donna à Diane de Poitiers. Diane se vit forcée de céder cette riante demeure à Catherine de Médicis qui, ‘en 1560, y reçut Marie Stuart. Catherine légua Chenonceaux à la femme d’Henry Ilf, Louise de Lorraine. Ce château passa ensuite à la duchesse de Vendôme, aux ducs de Vendôme, à Marie-Anne de Bourbon, petite-fille du grand Condé, à la prin- cesse douairière de Condé, au duc de Bourbon qui le vendit en 4730 au fermier-général Dupin. Ce richissime financier fit revivre Chenonceaux, fort abandonné, en réunissant dans ses vastes salons l'élite des savants et des beaux esprits du temps ; il suffit de citer parmi les hôtes assidus de Chenonceaux Buffon, M”° de Boufflers, Fontenelle, M" de Luxembourg, Sainte-Palaye, Me de Roban-Chabot, Tressan, M"° de Forcalquier, Mably, Mwe de Mirepoix, Condillac, M*° de Tencin, Montesquieu, M°e du Deffant, l’abbé de Saint-Pierre, Bolingbroke, Voltaire, etc, DT ONE En 1743, M. Dupin de Francueil, beau-fils de M. Dupin, lui présenta, à Chenonceaux, Jean-Jacques Rousseau ; ce dernier ne tarda pas à devenir le précepteur de M. de Chenonceaux, fils unique de M. Dupin. Dans ses Confessions, Jean-Jacques Rousseau parle de son séjour à Chenonceaux, voici ce qu’il en dit : « En 1747 nous allâmes passer l’hiver en Touraine, au château de Che- nonceaux,. on s’amusa beaucoup dans ce beau lieu, on y faisait très-bonne chère, j'y deviens gras comme un moine, on y fit beaucoup de musique, j'en composai plusieurs trios à chanter, pleins d'une assez forte harmonie ; on y joua la comédie, j'en fis en quinze jours une en trois actes intitulée l'Engagement téméraire qu'on trouvera parmi mes papiers et qui n’a d'autre mérite que beaucoup de gaieté. J'y composai d’autres petits ouvrages, entre autres une pièce de vers intitulée l’Allée de Sylvie, d’un nom d’une allée du . pare qui bordait le Cher !; et tout cela se fit sans discontinuer mon travail sur la chimie et celui que F faisais auprès de Mme Dupin. » Nous avons vu, à Chenonceaux, les restes de ce fameux théâtre sur lequel, dit-on, Jean-Jacques Rousseau fit jouer Le Devin de Village. Le vandalisme révolutionnaire se fit peu sentir à Chenonceaux. Me Dupin, bonne et charitable, s'était concilié l’estime et l’af- fection de tous. Seulement, un jour, des démocrates vinrent la trouver afin qu’elle brûlât ses lettres de noblesse et les ie des {yrans qui ornaïent la galerie. Chenonceaux passa à M. le comte René de Villeneuve, petit- fils de M°° Dupin. Puis il fut vendu à M. Pelouse. Aujourd’hui, Chenonceaux est en pleine réparation; il est impossible de res- taurer un monument avec plus d'intelligence qu’on ne le fait à Chenonceaux ; la restauration n'empêche pas l'acquisition de magnifiques objets d’art. Chaque fois que l’occasion s’en pré- sente et nous avons vu avec un extrême plaisir le splendide tableau de Delacroix, la Mort de Sardanapale, tableau qui, sous la Restauration, fit révolution au salon, venir prendre place dans la belle galerie de peinture de ce royal château. La petite commune des Essards compte à peine trois cents habitants. Sur un coteau se trouve l’église, au bas le presbytère, 1 Cette allée existe encore. 2008 très-modeste demeure composée d’un rez-de-chaussée; du jar- din de la cure part un petit sentier escarpé qui sert à gravir la colline pour arriver à. l’église. Nous avons été étonné d'apprendre qu'aucun travail n’avait été fait sur cette antique église qui pourtant, à tant d’égards, mérite l'attention des archéologues. Une légende rapporte que deux chevaliers des Essards nom- més Macquaux furent faits prisonniers par les infidèles ; ils firent vœu de construire aux Essards une église en l’honneur de la sainte Vierge s’ils recouvraient la liberté. Dans la nuit, un ange leur ouvrit la porte de la prison où ils étaient renfermés, rompit leurs chaînes et les rendit à leur pays. En mémoire de cette miraculeuse délivrance, ils firent élever aux Essards une église qui fut dédiée à la sainte Vierge. Sur le mur gauche de l’église sont appendues les chaînes des deux captifs et au bas on lit cette inscripüon : VOICI LES CHAINES DES CHEVALIERS MACQUAUX QUI EN MÉMOIRE DE LEUR DELIVRANCE ONT FAIT BATIR CETTE EGLISE EN 1022. : L'église construite par les chevaliers Macquaux v'existe plus ou plutôt a été remaniée, car celle actuelle date du douzième siècle. Deux chapiteaux méritent d’être signalés : l’un représente le supplice des damnés et les joies des élus, l’autre le couronnement de la sainte Vierge. C’est, en petit, la reproduction des magni- fiques tympans de Notre-Dame de Paris et d'Amiens, aucun membre du comité n'avait vu jusqu'alors ces sujets développés sur des chapiteaux. Sur une clef de voûte est sculpté, comme à Saint-Serge d'Angers et à Saint-Pierre de Saumur : Abraham nimbé tenant dans son sein deux petites âmes nues et sans sexe. Au moyen-âge, dif Didron dans son Jconographie chrélienne, « on entre dans la vie éternelle comme dans la vie terrestre, on y vient petit et nu, mais avec la pleine conscience du passé. » Un curé a eu la malencontreuse idée de badigeonner toute l’imagerie de cette église. [l serait vraiment temps d'empêcher les desservants d’abîmer les monuments confiés à leur garde; 1l ne ART rs devrait pas être permis à un prêtre de faire des mnovations dans son église sans l’approbation de l'architecte diocésain. Le programme de l’excursion rempli, les membres du Comité se sont rendus à Tours où ils se séparérent, les uns afin de retourner chez eux, les autres pour se diriger vers Paris où les attiraient les expositions du palais des Champs-Élysées, de l’École des beaux-arts, et d’horticulture. L'ensemble des ouvrages de peinture, sculpture, architec- ture, gravure et lithographie des artistes vivants exposés au palais des Champs-Élysées, le 4° mai 1875, est loin, à beaucoup prés, de valoir celui de 1874. Nombre d'artistes de talent ont fait défaut et ceux qui ont exposé ont généralement été au-dessous de leurs envois des années précédentes. PEINTURE. En ce qui concerne l’Anjou, je ne vois au livret pour la peinture que M. PALIX {Victor-Emile), élève de MM. Dauban et Picot. Paysanne aiguisant sa faucille. de M. SAINT-GENYS (Arihur-Marie-Camille de) élève de d’Aligny Les dernières feuilles. PEINTURE SUR PORCELAINE. CHAILLERY (M°° Berthe), née à Rochefort-sur-Loire, élève de MM. J. Richard et Sabourin. Portrait de M. À L. SCULPTURE. Quant à la sculpture, le nombre des artistes Angevins est plus considérable que celui des peintres. En tête de cette liste, nous mettrons le Nestor de nos sculp- teurs. : MAINDRON (Etienne-Hippolyte}, né à Champtoceaux, élève de David d'Angers. Hors concours. L'avenir, groupe, plâtre. La France s'appuie sur la jeune armée. a ee a Puis, DENECHEAU (Séraphin), élève de David d'Angers et de Rude, deux grands maîtres dont l'artiste fera bien de se sou venir. Portrait de M*##, buste plâtre. DESBOIS (Jules), élève de MM. Dauban et Cavellier. Orphée , statue plâtre. Ce jeune artiste, qui ne compte pas plus de trois années d'atelier, vient d’obtenir pour cette statue une médaille de troisième classe. GRABOWSKI (Félix), élève de Ramey et de M. A. Dumont. Hors concours. Sainte Espérance: , bas-relief plâtre. TALUET (Ferdinand), élève de Mercier et de David d'Angers, Exempt. Brennus apporte la vigne , statue marbre. Commande du ministère de l'instruction publique et des beaux arts pour le jardin des Tuileries. Empédocle, statue marbre. Portrait du comte de C.., buste marbre. Tous ceux qui connaissent M. de C... ont eu peine à trouver dans ce buste la ressemblance du modèle; l'artiste a plutôt repro- duit les traits de l'acteur Grenier dans la Périchole que ceux de M. de C... Aussi, pourquoi avoir donné à M. de C... un air de foudre de guerre qu’il n’a pas? de l’avoir représenté les yeux en courroux et à fleur de tête, la moustache hérissée? Ce buste pour nous est complétement manqué et si nous avions quelque chose à en louer, ce serait la cravate que le sculpteur a fouillé avec une grande délicatesse de ciseau ; du reste, M. Taluet n’est pas à faire ses preuves, à chaque exposition 1l obtient des succès, et cette année encore pour ses deux statues. Aussi, est-il homme à prendre sa revanche. Ni) ee GRAVURE EN MÉDAILLES. DAVID (Adolphe), né à Baugé, élève de M. Jouffroy. Exempt. Daphné, camée sur onyx. GRAVURE. MÉAULLE (Fortuné-Louis), né à Angers, élève de M. H. Linton. Neuf gravures sur bois. Deux monuments indiens (pour le four du monde.) Trois sujets (pour l’iënsecte de Michelet.) Nature morte, d'après M. Vollon. : La collaboration, d'après M. Gérôme (pour le Monde illustré.) Bouclier de Benvenuto Cellini, Philippe-Marie Visconti (pour l’Art.) Dans deux vastes salles de l’École des beaux-arts se trouvait réunie l’œuvre entière du paysagiste Corot, on pourrait dire l'œuvre de deux peintres, car la première manière de Corot ne ressemble en rien à la seconde, qui lui a fait sa grande réputa- tion. Classique d’abord, Corot s’est ensuite lancé dans le pro- cédé, il est arrivé à obtenir des effets de lointains admirables, des ciels nuageux charmants, mais il faut bien le dire, qui a vu un de ses tableaux les a tous vus. L'exposition de fleurs de la Société d’horticulture de Paris, était charmante dans son ensemble. Rien n’était plus gracieux que ces massifs de belles roses, ces corbeilles de plantes an- nuelles ; les Nidularium splendens et Spectabile, le Medinella magnifica attiraient tous les regards ; puis ces hauts palmiers d’une vigueur admirable, etc. Nos horticulteurs angevins pourront toujours, lorsqu'ils le voudront, produire une exposition aussi riche. Mais ce qu’ils ne savent pas encore, comme leurs confrères de Paris, c’est de grouper les plantes avec cet art et cette intelligence qu’on ne trouve vraiment que dans la capitale de la France. Lorsqu’Angers sera doté d’un arboretum désiré depuis tant d'années, lorsque son Jardin des Plantes sera réorganisé, l’arbo- ns GA riculture et l’horticulture prendront chez nous encore un nou- veau développement. Que d’essais ne pouvons-nous pas faire pour l’acclimatation des végétaux exotiques, grâce à notre climat occidental | Nous avons une vieille réputation qu’il faut soutenir, il ne faut pas rester stationnaire. Il faut redouter les progrès sérieux que font en horticulture les villes qui nous environnent, et tâcher toujours de conserver le premier rang. La Société botanique de France a décidé, dans ses séances du 26 février et du 2 avril 1879, que sa prochaine session extraor- dinaire aurait lieu dans l’Anjou, et s’ouvrirait à Angers, le 21 juin. On nous avait adressé une invitation pour cette session. Les réunions de ce genre, toujours nombreuses, sont très- intéressantes pour les botanistes, mais aussi quelles sont funestes pour les localités ! Nous n’avons point eu à redouter de dévastations grâce à la sécheresse et à la saison avancée, et nous pourrons encore étu- dier avec fruit nos richesses florales des schistes, des terrains crétacés et des alluvions de la Loire. " Voici la lettre qui nous a été adressée : SOCIÉTÉ BOTANIQUE DE FRANCE Rue de Grenelle-Saint-Germain, 84, à Paris. — Paris, le 19 juin 1875. Monfieur le Président, Au nom du conseil d'administration de la Société Botanique de France , nous avons l'honneur de vous inviter à vouloir bien prendre part aux tra- vaux et aux excursions de la Société durant la session qu’elle va tenir en Anjou, et à honorer les séances de votre présence ; le concours que vous voudrez bien nous prêter en cette circonstance serait pour nos études un très-précieux encouragement. Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre trés-haute considération. Au nom du conseil : Le président, Ed. Bureau. Le secrétaire générai, W. DE SCHOENEFELD. À Monsieur Aimé de Soland, président de la Société Linnéenne de Maine-et-Loire, à Angers. SAN COTE C’est dans les salles de l’école communale de la rue Bodinier qu’eut lieu l’ouverture de la session extraordinaire de la Société Botanique de France ; deux cents personnes environ composaient l'auditoire. À une heure, les membres de la Société Botanique de France furent introduits et installés par le Maire de la ville d'Angers, qui prononça , à cette occasion, un discours plein de bonnes intentions. M. Edouard Bureau, professeur au muséum d'histoire naturelle de Paris et président pour cette année de la Société Botanique de France, après avoir vivement remercié M. le Maire , fit procéder à la composition du Bureau qui fut formé comme suit : Président, M. ERNEST GERMAIN DE SAINT-PIERRE. Vice-Président, M. AnDRÉ Leroy, membre de la Société Lin- néenne de Maine-et-Loire. Secrétarres, M. DouMeT-ADansoN, maire de Cette, membre cor- respondant de la Société Linnéenne de Maine et-Loire, M. le D' DEzANNEAU, membre de la Société Linnéenne de Maine-et-Loire. M. le Dr Lreuraup, professeur d'histoire naturelle à l’école se- condaire de Médecine d'Angers. La séance a presqu’entiérement été consacrée à la lecture d’un long éloge du comte Jaubert, ancien ministre sous le Gouverne- ment de Juillet, député du Cher à l’Assemblée nationale, et membre de la Société Botanique de France. Voir le programme de la session : Lundi 21 Juin. À UNE HEURE DE L’APRÈS-MIpi, séance publique dans la salle de la rue Bodinier. Mardi 22. Excursion à l'étang Saint-Nicolas. Mercredi 23. Visite du Jardin des Plantes et de l'établissement de M. André Leroy. Jeudi 24. Herborisation à Juigné-sur-Loire. era 20. HO — Vendredi 25. Excursion à l’île Saïnt-Aubin, afin de récolter l'Ilsanthes gratioloïdes. A mROIS HEURES DE L'APRÈS-MIDI, séance publique, salle de la rue Bo- dinier. Samedi 26. Herborisation à Saumur et à Champigny-le-Sec. Dimanche 21. À UNE HEURE DE L’'APRÈS-MIDi, séance de clôture. Je n'avais pu assister à la séance d'ouverture ni à l’excursion de Saint-Nicolas, je pris mes dispositions pour ne pas manquer la course de Juigné-sur-Loire. Je quittai donc Claye où je me trouvais, et muni de ma pioche , de ma boîte et de mon marteau, je me rendis sur la route des Ponts-de-Cé, au point où celle-ci se bifurque avec le chemin de Juigné, afin d’attendre la caravane des herborisants. Elle fut longue avant d’arriver. Enfin, lorsque midi sonnait à l’église Saint-Maurille des Ponts-de-Cé, un omni- bus chargé de voyageurs ayant boîtes et cartons en bandoulière, vint à passer. Une seule place se trouvait vacante, je m'en empa- rai et la voiture nous conduisit jusqu’à l'entrée du bourg de Juigné ; il était une heure de l'après-midi. Un autre omnibus nous avait précédé; bientôt tous les herborisants furent au complet, leur nombre s'élevait à trente. À l'exception de MM. Edouard Bureau , professeur de botanique au muséum d'histoire naturelle de Paris et de M. Jules Poisson, son aide naturaliste, je ne con- naissais absolument personne, mais entre botanistes on ne reste pas longtemps inconnus les uns aux autres, et sauf un môssieu à la forme cylindrique nous ne trouvâmes que des gens bien élevés et de bonne compagnie. La première plante qui fut observée fut le Genista purgans. Lorsque je songe au Genista purgans, je n’oublie jamais qu’en 1841 je risquai ma vie pour le récolter. Cette plante avait été découverte, en 1809, par mon savant oncle ere NE ae M. Pantin du Plessis, l’un des naturalistes les plus distingués de l’'Anjou. Lorsque mes études furent terminées à Paris, je revins à Angers en 1841. Elève d’Adrien de Jussieu, je connaissais beau- coup mieux les plantes des environs de Paris, que celles de Maine-et-Loire. Je me mis à explorer notre province, arrondisse- ment par arrondissement , et je puis affirmer que personne n’a -utant herborisé que moi en Maine-et-Loire. Le 1° juillet 1841, je retrouvai à Juigné-sur-Loire , le Genista purgans; pour l’atteindre il fallait arriver au sommet d’un coteau d’un accès difficile. Au moment où je saisissais une touffe de genêt afin de mesoutenir dans mon ascension, celle-ci vint à se détacher du roc, et je tombai à terre d’une hauteur de soixante pieds. Heureusement, j'en fus quitte pour de rudes écorchures. L'année suivante, je remarquai sur le plateau de ce même coteau de nombreuses touffes du Genista purgans et je pus le recueillir sans risquer ma peau. Toutes les bonnes plantes qui viennent à Juigné ont été récoltées dans cette herborisation ; on avait indiqué aux botanistes étrangers, une pelite boire, où, leur avait-on dit, croit l’Élodia Canadensis, une plante du Canada, à Juigné !! cela parut plus qu’étonnant, et chacun la regardait avec doute; tous avaient raison. Cette plante a été introduite dans la boire en question, il ya deux ans, par un triste personnage que nous pourrions nommer. Puisse-t-il pour le repos de sa conscience n’avoir à se reprocher que cette sotte plaisanterie. On eût pu pousser plus loin l’herborisation de Juigné, gagner Saint-Jean , Saint-Saturnin, Blaison, Montsabert , Saint-Remy-la- Varenne et venir prendre le chemin de fer à Saint-Mathurin. Mais les botanistes semblaient être exténués par la chaleur, je les aïttai donc à trois heures, pour regagner Claye , tandis qu’ils se dirigeaient vers Angers. | En longeant ces pittoresques boires de Juigné, en passant au pied de ces agrestes coteaux où, dans ma jeunesse, je fis de si fruc- tueuses herborisations, le vent m’apportait une gaie chanson que £ Li, FES chantaient en chœur de jeunes herborisants et dont j'ai retenu ce couplet : Le botaniste a sur le flanc Une grosse boîte de ferblanc, Et certes la boîte de Flore Vaut mieux que celle de Pandore. Ah! oui, vraiment, Le botaniste est bon enfant. Quant à l’excursion de Saumur, quelques-uns des rares Botanis- tes qui y ont pris part m’ontassuré qu’elle avait été complétement nulle. D'abord, la sécheresse depuis longtemps avait tout brülé ensuite, les herborisants n’avaient trouvé personne dans cette localité capable de nommer sérieusement les plantes. Depuis que M. Courtiller est mort, Saumur ne compte plus de Botanistes. La journée du 26 juin 1875 a plutôt été une journée de plaisir qu’une journée scientifique : Bacchus en était. Dans la séance de clôture, M. le président a présenté un Galium qu'ila trouvé sur les bords de la Loire et qu’il croit nouveau pour la science. En souvenir de la session botanique qui ses! tenue à Angers, il a nommé cette plante Galium Andegavense. Ïl y a quelques années M. Germain de Saint-Pierre créa deux genres nouveaux à Angers pour des démembrements du genre Rosa ; comme il se nomme Ernest il a appelé un Érnestea, et l'autre Saintpierrea. Il est fâcheux que M. Germain n’ait pu faire le genre Germainea c’eût été complet. Quand on prend du galon on en saurait trop prendre. Nous donnerons franchement notre opinion sur cette session. Elle a été loin de produire les résultats qu’on était en droit d’en attendre ; les botanistes étrangers ne connaissaient pas les plantes de notre région, ils ont herborisé, afin d'enrichir leur herbier. Aucune discussion critique ne s’est élevée dans l'assemblée et nous avons vu avec regret que les maîtres de la science n'étaient point venus prendre part aux travaux de la Société Botanique de France!. ' Il est très-regrettable que le 9 bugeau (section botanique), de l'Asso- = Espérons que, dans un temps peu éloigné, une autre session se tiendra à Angers , qu’elle aura lieu dans une saison plus propice ; en attendant , étrangers et Angevins garderont de cette réunion le plus agréable souvenir. Puisque nous sommes sur le terrain de la botanique, nous si° gualerons une nouvelle centaurée qui croît sur les bords de la Loire et s'élève communément à plus d’un mètre, c’est le Cen- taurea Ligerina, S.et que nous ne saurions trop recommander aux herborisants ; elle diffère en tout du Centaurea pratensis de Thuillier. Nous avons constaté le 15 juillet 1875 sur la métairie des Portes, !commune de Pontigné, arrondissement de Baugé, l'habitat du genêt d'Espagne. Spartium junceum, L. Cet arbuste se trouve en abondance dans les haïes et chaque année, nous a-t-on dit, il tend à se multiplier ; évidemment ce genêt est échappé des cultures, cependant il croît loin de toutes habitations. PRAIRIE E TE Lorsque nous traiterons l’importante section des sciences, la Société Linnéenne de Maine-et-Loire jouera un grand rôle dans ce livre. Cette Société, que nous avons fondée en l’année 1852, n’est que la continuation de deux autres Associations scientifiques : celle des Botanisles chimistes, qui a existé de 1777 à 1793, et celle des Naturalistes, de 1798 à 1830. Le dernier membre de cette Société fut le comte de Buzelet, décédé à sa terre de Millé, commune de Saint-Remy-la-Varenne, en l'année 1872, à l’âge de 95 ans. Nous serons heureux de faire connaître les travaux du savant ciation française pour l'avancement des sciences, et qui est composé comme suit : MM. Baïllon, président ; De Seynes, secrétaire. Faivre, De Saporta ; délégués des sections. Van Tieghem, ne soit pas venu à Angers, les réunions note auraient cu un bien plus grand intérêt. x 70 bénédictin de l’Esvière dom Fourmault, et ceux du baron Lu- thier de la Richerie, de Merlet de la Boulaye, de Renou, du baron de Tussac, auteur de la flore des Antilles, de Davy de la Roche, de Pantin du Plessis, de Desvaux, du docteur Guépin, etc. Fière de la position qu’elle occupe, et méprisant les lâches et anonymes insultes d’un être immonde, la Société a vu ses efforts couronnés dans la personne de plusieurs de ses membres. L'un, qui tient en Anjou, sans conteste, le premier rang dans le domaine de la science, notre vénérable et excellent ami M. Auguste Courtiller, fondateur du beau musée d'histoire na- turelle et d’archéologie de la ville de Saimur, directeur du Jardin des Plantes de cette ville et de sa remarquable École de vignes, auteur de Mémoires , d’une grande valeur scientifique, publiés chaque année dans nos annales, et, en dernier lieu, de l'important ouvrage sur les Éponges fossiles des sables du terrain crélacé supérieur, suivies des nullipores à squelette siliceux, a été nommé chevalier de la Légion-d'Honneur. Deux travaux ont attiré l’âttention de savants distingués, le premier a valu à son auteur une bienveillante sympathie et un puissant auxiliaire de la part d’un membre de l’Académie fran- çaise, Sainte-Beuve, passé maître dans l’art de la critique et de bien écrire. Quant au second, apprécié par des hommes compétents et par une Université célèbre, il a fait obtenir au naturaliste qui l’a composé des distinctions flatteuses. Enfin, à l'Exposition universelle de Vienne, un diplôme de mérite a été décerné à la Société Linnéenne de Maine-et-Loire. Ce diplôme est accompagné d’un diplôme français. Voici la copie de ces deux diplômes. ! Le docteur Guépin est avec Desvaux un des botanistes Angevins contre lesquels on s’est acharné avec le plus de haine uniquement parce que les deux hommes avaient du talent. Règle générale, on n'attaque jamais les imbéciles. Dans une récente biographie nous trouvons ce singulier passage concernant la flore de Maine-et-Loire du docteur Guépin : . « Une troisième édition en 1845 et trois suppléments (1850, 1854, 1857, in-12) , mais le tout au dire des maîtres, plus hasardeux qu’au début et vérifié de moins près. » Quels sont les maîtres qui auraient pu émettre une si inepte opinion, voilà ce qui serait bon de faire connaître à ASSIS SNS PIS SSI SSII SSP PSS SSII SSI SSI NS NSNININININI NI NINININNININI NN NN NN JISISIINSSISSSNSSIAININNNNNNNNNNNNNNINNINININS = a —— "£ÉLer 1sn8ny up usIM VU VY 9 Loue y OUPS 11/2 CUOISUUULON) =SAUNASNET USM] 40P JUOPISWAX 4P 4079249(T, 1042092) 4 INNVYUANZ ADoA-COAAn0D NO'IdIG- -SONANNAMMENV sep (uwrmuex) SHADNY V ‘2HI0T-L3-2INIVN 14 ANNAIINNIT 3131905 19 H XUNT HIVNOILVNALNI IQ 0- A0 NAME NI. 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Aujourd’hui nous trouvons dans le journal l’Abeille d’Etampes un curieux article sur Guettard'; nous nous empressons de le reproduire. Nous agirons toujours ainsi pour tous nos travaux, chaque fois qu’il nous sera permis de les com- pléter. Opinion d’un savant du xx siècle sur l'observation des fêtes et dimanches. Un critique qui, de nos jours, fait autorité, a dit : « Au xvrrr° siècle, on était philosophe par un mouvement commun des esprits, par entraînement, par amusement, par amour de la nouveauté et de l'invention littéraire. » (En. THIERRY, Moniteur du 16 mars 1858). Un des personnages les plus considérables du xvm° siècle, et par sa naissance et par la position élevée qu’il occupait dans l'État, Chrétien Guillaume de Lamoignon Malesherbes, à la fois membre de l’Académie des Sciences, de celle des Inscriptions et de l’Académie française, le futur défenseur de Louis XVI, est un des hommes qui « ont le plus aidé à la philosophie lorsqu'elle corrompait les cœurs. (Mémoires du prince de Talleyrand, publiés par la comtesse 0... du C..., t. IN, p. 210 et s.). Direc- teur de la librairie, il laissa publier et protégea même de son autorité et de ses conseils les ouvrages les plus contraires à la religion et à l'autorité royale. Il favorisa avec la plus grande indulgence la publication de l'Encyclopédie. Tout dévoué aux Philosophes, il recherchait leur société ainsi que celle des savants, et les réunissait chez lui les jours de fêtes et les diman- ches à des heures qui, si l’on en croit la lettre de Guettard, que nous allons rapporter, concordaient trop avec celles des offices religieux. ‘ Cet article est de M. de Fonchères, ancien magistrat, ne Tee Jean-Etienne Guettard :, né à Etampes, le 22 septembre 1715, docteur régent de la Faculté de Médecine de Paris, était aussi de l’Académie des Sciences, et l’un des membres les plus labo- rieux de cette Société. « Quand on analyse l’œuvre de Guettard, » a dit son dernier biographe, M. Aimé de Soland (Annales de la Société Linnéenne de l’Anjou), » on est étonné qu’une vie ait pu suffire à un tel labeur. » Guettard fut toute sa vie très religieux, et son amour pour les sciences ne lui fit jamais négliger la pratique de la religion. Il avait été le condisciple de Malhesherbes chez les jésuites ; plus tard, leur goût commun pour les sciences naturelles les avait rapprochés, et en 1755, Guettard avait accompagné Malesherbes 1 La famille Guettard est une des plus anciennes familles d'Etampes; bien qu’elle occupât un rang modeste dans la cité, on trouve fréquemment des membres de cette famille remplissant des emplois publics ou des fonctions municipales. En 1517, la ville d'Etampes put profiter pour la première fois des privi- léges que lui avait accordés Louis XII, à l’occasion du mariage de sa fille Claude avec le duc d'Angoulême, et nommer son maire et ses échevins ; Jean Guettard, drapier, fut l’un des quatre échevins nommés à la suite de cette élection, et en 1539, il fut choisi pour maire par ses concitoyens. En 1556, un Charles Guettard, bourgeois, prit part à la rédaction de la Coutume. Dans une étude sur Etampes en 1616, publiée dans le numéro du 20 juin 1874, l’Abeille d’'Etampes a cité, parmi les censitaires du prieuré de Saint- Pierre, à cette époque, un Symon Guestard et deux veuves nommées l’une Jehanne Guestard et l’autre Cantienne Guestard. Nous trouvons encore dans les annales d'Etampes, Thomas Guettard, maire en 1591, et Pierre Guettard, échevin en 1767. Dans le procès-verbal de la translation des reliques des saints patrons de la ville d’Etampes, faite le 12 avril 1621, par Henry Clansse, évêque de Châlons-sur-Marne, nous voyons figurer Claude Guettard parmi les notables habitants de la ville présents qui ont signé le procès-verbal. Jean Guettard, le grand-père de notre savant, était, au moment du ma- riage de son fils avec Marie-Françoise Descurain (26 juillet 1706), marchand et trésorier de l’église Notre-Dame d'Etampes. Enfin, en 1745, ce fut un Guettard, marchand, qui se rendit adjudicataire, pour la somme de 4,500 livres, de l’illumination à l’occasion du séjour à Etampes du roi Louis XV et du dauphin, son fils, qui venaient à la ren- contre de Marie-Thérèse, infante d'Espagne, fiancée du dauphin. = NN lee dans un voyage à Vichy et en Auvergne ; nos deux savants étaient donc doublement en relations. Guettard avait été invité aux réu- nions de savants qui se tenaient chez Malesherbes ; son absence de ces réunions avait sans doute été remarquée, et lui avait attiré quelques reproches. C’est pour se justifier qu'il adressa à Malesherbes la curieuse lettre suivante, qui, en même temps qu’elle nous fait connaître ses sentiments en matière religieuse, nous révèle le caractère de l’homme mieux que ne pourrait faire le plus fidèle portrait. Nous publions cette lettre, en nous conformant scrupuleuse- ment à l'orthographe, d’après l'original que nous possédons, écrit en entier de la main de Guettard. La lettre ne porte pas de suscription, mais on lit en haut de la lettre, dans le coin à gauche, ces mots d’une écriture du temps : « Guettard à M. de Malesherbes. « Du 298 juillet 1752. e Monsieur « Les motifs que vous me pretez de ne pas repondre aux in- vitations que vous me faites seraient trop deraisonnable pour que je ne vous prie pas de me permettre de m'expliquer. Vous croyés que je ne veux pas me trouver avec M'° De Lacademie je les respecte trop pour que je pense ainsi. Je me regarde comme tres honoré de pouvoir me trouver la ou il y en a quelqu'un. Je ne fais acception de personne. Ils me sont touts egaux. Celuy de touts qui me mepriseroit le plus, ne meloigneroit pas de luy : je ne l'en estimerois pas moins. Plus d’une chose en moy pouroit meriter qu'il me meprisat sans que je dusse luy rendre la pa- reille. Ainsi Monsieur soyés persuadés que je les estime touts, que je les aime même si vous voulés. Quels sont donc mes mo- tifs. Les voici je ne rougis pas de le dire et ne le dois pas même. « L’on se met a table dans des maisons comme la votre trop tard pour que je puisse les festes et dimanches remplir des de- ob Re voirs auxquels je me crois obligé. J’ay toujours pensé que ces jours devoient se passer a autre chose qu’à faire festins, et si je n’ay pas toujours agi conséquemment à ce principe, je regrette . maintenant ce temps perdu et si mal employé. Dans toutes les religions il y a eu des jours consacrés au culte de la divinité et les peuples se sont toujours fait un devoir de remplir ce culte tel qu'il fut, pourquoy m’exempteroije de m’aquitter de celuy que la notre exige de nous. Je n'entre point dans les raisons que d’autres peuvent avoir de la mepriser ce ne sont pas la mes affaires, je ne reponderai pas pour eux, leurs occupations au reste peuvent peut etre leurs permettre de se donner ce jour la un délassement tres sage en luy même. Pour moy je ne crois pas que les miennes soient si essentielles pour que j'en neglige une qui est la plus necessaire. « Voici Monsieur mes motifs, je ne scai si ils vous paroitront justes et raisonnables. Je sens aussi bien que tout autre tout ce que la plaisanterie et ce qu’on appelle le bon ton, peuvent laisser de badin contre ma façon de penser, mais les badineries ne sont pas des raisons et la raison doit etre preferée a tout. Je me suis fait une loix de la suivre autant qu’il m’a été donné de le faire. Malheur à moy si je me trompe quelquefois, mais dans le cas dont il s’agit quand elle ne seroit pas de mon coté, autant qu’elle l'est, je n’aurois rien à craindre de me tromper au lieu que de l'autre côté, je vois un cahos de troubles et de craintes. Est ce pusallinimité de ma part, est ce force d’esprit et de genie de la part des autres? c’est ce que je ne puis décider. Je laisse cette grande question a décider à celuy qui est la raison même et la vérité par essence. « Vous allés dire, ce que vous m'avés fait l'honneur de me dire une fois et ce dont je ferai mon profit que je m’arrete aux menuties et que je suis avec tout cela colere, vindicatif, emporté, meprisant les autres, presomptueux. Je serois bien malheureux si cela étoit mais ce serait toujours la un bon avis dont je vous ai toute l'obligation possible. J'avoue que je suis vif Mais lorsque ma vivacité m'emporte je fais en sorte que ce ne soit pas contre RON les personnes mêmes, mais contre leurs mauvais principes et leurs mauvaises raisons. La vérité est ce que je cherche et lors- que je la crois attaquée, je ne puis m'empêcher de le dire, j’a- voue qu’on peut le faire avec paix, mais le caractere est Loujours ce qu’on vainct le dernier. Au reste mon cœur est tranquille, si l'esprit est agité et soyés persuadé Monsieur que je scai ceder lorsqu'on me donne de bonnes raisons. Les ..… outre cela ont quelquefois plus d’amour propre que les gens d’un ton elevé. Un air d'importance en impose et est oppiniatre. La vivacité se de- cele et s’evapore. Je suis assez puni de mes vivacités par la peine quelles me font lorsque je suis rendu à moy même pour qu’on ne me les impute qu’avec indulgence, et jespere que vous en aurés pour moy plus que tous ceux qui me veulent quelque bien. « Il est vrai que ma facon de penser au sujet de nos occupa- tions academiques deveroit ne me jarnais laisser sortir de l’état de tranquilité, ce sont des amusements et qui s'amuse ne doit pas s’emporter, mais les enfants se battent quelquefois pour un fêtu. Voyés donc, M" si je dois etre presomptueux et pensèr ainsi, doi je être à plus forte raison vindicatif. Je voudrois me trouver dans le cas de faire du bien à mes plus grands ennemis si j'en ai de tels et je le feroi de tout mon cœur. Soyés en, j'ose vous en conjurer, tres persuadé. Enfin Monsieur tel que je pusse être a vos yeux rien ne m’empechera de vous etre tres sincerement at- taché, de vous regarder comme un de mes bienfaiteurs et de mes protecteurs et comme celuy que je respecterai le plus toute ma vie. a J'ai l'honneur detre avec un profond respect, « Monsieur v _« Votre tres humble obeissant serviteur « GUETTARD. » LEO NP Au moment ou nous terminions cet avant-propos, l’Echo Saumurois à la date du 27 avril 1875, nous apportait une bien triste nouvelle. Voici ce que nous lisions dans ce journal : Notre ville vient de perdre un de ses citoyens dont à juste titre elle a le droit d'être fière. M. Courtiller , Auguste , directeur du Musée de Saumur et du Jardin botanique , a succombé hier, dans sa 81° année, à la suite d’une maladie qui n’a entravé ses études que quelques semaines seulement. M. Courtiller a coopéré avec MM. Calderon , Lange père et Joly-Leterme à la création de notre Musée. Naturaliste distingué , il s'était chargé plus particulièrement de la partie géologique et minéralogique , et l’on sait avec quel désintéressement et quelle modestie il a poursuivi cette entreprise. C'est à M. Courtiller que l’on doit encore la belle collection de ces cépages mul- tipliés , qui ont donné un essor si grand à la viticulture dans notre pays et une réputation si brillante et si étendue à notre Jardin des Plantes. Pour toute récompense de ses peines et soins et de son désintéressement, M. Courtiller a été fait chevalier de la Légion-d'Honneur à la fin de l'Empire! M. Auguste Courtiller était né à Saumur, le 20 février 4795 ; ses études terminées, on peut dire que, dès cette époque, il con- sacra sa vie entière à la science. Archéologue distingué, aucun de nos anciens monuments n’échappa à ses investigations et, au Congrès archéologique qui se tint à Saumur, ilse fit remarquer entre tous par sa vaste éru- dition. Quant à l’histoire naturelle, il était passé maître dans chacune des branches de cette vaste science. Quel est l’homme, dans notre province, qui à fait progresser la géologie, la zoologie et la bo- tanique comme M. Auguste Courtiller? Si ce modeste savant avait consigné dans un ouvrage toutes ses observations et ses décou- vertes, on serait étonné que seul il eût pu arriver à un tel résul- tai. Qu’on nous permette ici une digression. En l’année 1865, mon savant ami, M. Emile Blanchard, membre de l’Institut, profes- seur-administrateur au Muséum d'histoire naturelle de Paris, officier de la Légion-d’Honneur, me dit un jour dans son cabi- net : Cherchez donc l’argyronète ; en 1748 le Père de Lignac avait rencontré cette singulière araignée aux Bordeaux, près du Mans, et il serait fort possible que vous puissiez aussi la trouver dans vos contrées. 6 SANIPR AE" L’argyronète est, comme on sait, une petite araignée dont la forme et les couleurs n’ont rien de remarquable il est vrai, son corps est entièrement d’un brun terne et uniforme, mais elle possède cette singulière faculté de vivre dans l’eau où elle établit sa demeure, d'y pondre ses œufs, tendre ses fils et d’y pour- suivre sa proie. L’hiver, l’argyronète s’enferme dans sa coque, en calfeutre l'ouverture et s’y engourdit. Je fis part à M. A. Courtiller de ce que m'avait dit M. Blanchard, et immédiatement M. Courtiller se mit à la recherche de l’argy- ronèête. J’en fis autant de mon côté, mais je ne la découvris dans le Bas-Anjou que bien après M. Courtiller ; celui-ci s’empressa de me communiquer les observations qu’il avait faites sur cette curieuse araignée; je le sollicitais de les publier dans nos Annales ; il ne le voulut jamais, sachant que j'en avais fait quel- ques-unes de mon côté; aujourd’hui que cet excellent homme n’est plus, je ne craindrai point de froisser sa délicatesse, je possède ses notes, je les livre à l'impression, ce sera un travail de plus à l’acquit de son immense savoir. L’argyronète construit dans les étangs ( on ne la trouve que là, les eaux courantes ne lui conviennent pas } une coque de soie remplie d'air. Pour former sa coque elle monte à la superficie de l’eau, la tête en bas, ne laissant passer à la surface, que l'extrémité de son abdomen, dilate ses filières, puis immédiatement replonge. Il résulte de cette opération une petite bulle d'air qui se trouve attachée à son anus. L’argyronète choisit alors la plante où elle veut établir son nid; généralement ce sont des thypha. Alors elle détache une bulle d’air qui adhère à la tige. L’argyronète remonte à la surface pour reprendre une autre bulle et recommence ainsi jusqu'à ce que la coque ait atteint la grosseur d'environ une noix ; alors elle l'enveloppe d’une toile, puis ensuite l'entoure entièrement d'une couche de boue brillante ; pour tenir sa demeure en équilibre elle l'assujettit par des fils nombreux aux thypha et aux pierres. Elle se nourrit d'insectes de toute nature er, lorsque les captures sont nombreuses, elle tue celles qu’elle ne peut manger pour les tenir en réserve. x Le musée de Saumur, l’un des plus intéressants des musées de province, fut organisé par M. Courtiller, cet établissement scientifique fut entièrement son œuvre. « Dans l’année 1829, dit M. Courtiller (Introduction du catalogue du Musée saumurois), je proposai à deux de mes amis, MM. Lange et Cal- deron, de réunir les antiquités celtiques et romaines qui avaient été res trouvées dans nos environs, aux objets d'histoire naturelle que j'avais déjà rassemblés à cette époque, de les réunir à l’hôtel de ville et de for- mer ainsi le commencement d’un musée saumurois. Cette proposition fut acceptée, et l'administration mit à notre disposition une des salles de la Mairie. M. Lange joignit aux nombreuses antiquités qu'il donnait, un médailler composé d’à peu près six cents monnaies anciennes d’or, d'ar- gent et de bronze, et plusieurs beaux portraits, au nombre desquels un, dit-on, de Jeanne d'Aragon, aussi beau que celui qu’au Louvre ;on re- garde comme l'original de Raphaël. Malheureusement la mort vint bien- tôt éclaircir nos rangs ; resté seul depuis bien des années, j'ai continué l’œuvre que nous devions faire en commun, » Non-seulement M. Courtiller était le directeur du musée, mais encore il en était le préparateur. C’est lui qui a monté tous les animaux et les oiseaux, organisé les magnifiques collections d’in- sectes, il avait trouvé le moyen de conserver aux libellules leurs fraîches couleurs. Enrichir son musée était le but continuel de ses études ; le 11 décembre 1874 il m’écrivait ceci : « Mon cher Président, « Quoique je ne puisse plus m'occuper sérieusement d'histoire natu- relle, je ne laisse pas cependant passer inaperçu les faits qui se présen- tent ; ainsi, je crois que notre faune vient de s’augmenter d’une nouvelle espèce, j'ai monté pour notre musée un canard Kasarka, que je n'avais pas encore rencontré. C'est un jeune mâle, mais au plumage presque complet. S’ii n’est pas nouveau pour la France, c’est au moins une es- pèce très-rare. C’est donc une bonne aubaïine qui me fait bien finir l'an- née et donne bon espoir pour celle qui va bientôt commencer, etc, » Cette découverte ornithologique qui fut, hélas! la dermière de notre savant collègue, est extrêmement importante, et nous comptions, à l’acquit de l’auteur, la signaler dans nos annales, mais autrement que dans une notice nécrologique. Si Dieu avait encore conservé quelques années à M. Cour- tiller, 1l serait arrivé à faire ce qui manque complétement en Maine-et-Loire, une faune. C’est grâce à M. Courtiller et à ses bons conseils que j’ai com- mencé plusieurs travaux sur la faune de Maine-et-Loire (mammi- fères, ophidiens et poissons); ces travaux m’ont valu quelques succès dans le monde savant et de grossières injures dans une publication locale. AU tee Ce n’est qu’une bien faible partie de traitée, il reste encore un vaste champ à moissonner ; avis aux naturalistes. Dans l’ancien couvent des Célestins, est établi le Jardin des Plantes de la ville de Saumur. Sa situation exceptionnelle et la manière dont il était dirigé par M. Courtiller, en font un établis- sement scientifique hors ligne. C’est dans ce beau jardin, comme je voudrais que celui d’An- gers fût tenu, que M. Courtiller avait établi sa remarquable école de vignes où il obtint de semis le museat, connu dansle commerce sous le nom de précoce de Saumur. (Ge muscat müûrit au rois d'août). a Il faut, dit-on, nous écrivait M. Courtiller, une grande patience pour faire des semis de vigne, attendre douze ans, quinze ans ! C’est vrai; mais il n’est pas plus long de mettre en terre les semences de la vigne qu’une autre semence, le temps fait le reste, il passe vite, el si vous avez pu, par vos découvertes, contribuer à rendre l'existence commune plus agréable, n’avez-vous pas aussi contribué au bonheur de la vôtre, et placé sur le sillon si vite effacé de la vie, quelques jalons pour en mar- quer la trace ? » Voici la liste des Mémoires publiés par M. Auguste Courtiller, dans les annales de la Société Linnéenne de Maine-et-Loire. 1854. — Entomologie. — Lépidoptères observées dans les environs de Saumur. Ce travail a paru sous les noms de MM. Acker- mann et Courtiller. 1857. — Note sur le diptère Olfersia Courtillieri (Fairmaire). Entomologie. — Faune Saumuroise, Catalogue des Coléoptères, avec la collaboration de M, Paul Lambert, Viticulture. — Sur les semis de vigne. Archélogie. — Epoque préhistorique. — Observations sur les armes et les campements des premiers peuples de nos contrées. 4858. — Entomologie. — Descriptions de Chrysides observées aux environs de Saumur. 1861. — Paléontologie, — Eponges fossiles des sables du terrain cré- tacé supérieur des environs de Saumur. (Etage Sénonien de d’Orbigny). 1862. — Entomologie. — Deux insectes non décrits. Paléontologie. — Notice sur le Nullipora excipiens. 1863. — Botanique. — Note sur une forme estivale du Thlaspi perfo= liatum. : 1864. — Paléontologie. — Observations sur les Nullipores et sur leur classification, rond ÉLUS Ds à" té PPS UNS à PPS CR EC EE Fu Se — 1865. — Botanique. — Observations sur quelques plantes disparues de notre sol. 1867. — Paléontologie. — Les Ammonites du tuffeau. 1868. — Les terrains crétacés des environs de Saumur. Catalogue raisonné du musée de Saumur. Ce catalogue est un chef - d'œuvre d’'érudition. Le chapitre concernant les mousses est plus que défectueux. Inutile de dire qu’il n'a pas été rédigé par M. Ceurtiller. 1870. — Un modeste aquarium. 1873. — Botanique. — Notice sur la floraison d’un agavé. 1875. — Ornithologie. — Note sur le canard Kasarka. Entomologie, — L'Argyronète. D’après cette liste, on voit que jusqu'aux derniers jours de sa vie M. Courtiller s’est dévoué à une œuvre scientifique d’une importance réelle. Au mois de novembre de l’année 1874, M. Courtiller fit pa- raître une seconde édition de son travail sur les Eponges fossiles des sables du terrain crétacé supérieur des environs de Saumur, suivi des Nullipores à squelette siliceux qu’il avait fait insérer en 1861 dans les annales de la Société Linnéenne. Cet ouvrage, considérablement augmenté, est orné de cent sept planches dessinées par M. Courtiller. Jamais livre d’une importance et d’une valeur pareilles n’a été publié sur cette matière. s L'étude des éponges ou spongiaires, dit-il en commençant, a tou- jours été assez négligée ; la difficulté de se procurer des sujets bien conservés, l'emplacement que leur réunion exige, la variété presque in- calculable des formes qu’elles présentent, soit comme espèce, variété ou différence d'âge, ont dû éjoigner bien des naturalistes de cette étude, et cependant on pourrait y puiser un grand enseignement, car je ne crois pas qu’il existe de familles d’êires organisés où les espèces se fondent plus les unes dans les autres, où les transitions sont plus in- sensibles, et on serait presque tenté de croire que toutes dérivent d'un type unique dont on peut suivre les modifications qui conduisent aux formes les plus éloignées du point de départ. » Nous ne dirons pas qu'avec M. Courtiller disparaît tout repré- sentant de la géologie en Maine-et-Loire, seulement nous ne connaissons personne se livrant en ce moment à cette étude et Co — nous avons grand peur d’être seul. Si ce que nous croyons est malheureusement vrai, nous tâcherons de nous tenir le plus pos- sible au courant des progrès de cette science, la première des sciences naturelles. C’est dans le but de faciliter les études géologiques que nous avons fondé le Musée de Chaussis-lès-Angers. Les hommes de science nous sont venus en aide au-delà de toutes nos espérances. Quant à d’autres, consultés sur notre établissement, ils ont cru pouvoir répondre défavorablement, sans même s'être fait ouvrir les portes du Musée et nous avoir demandé le moindre rensei- gnement ; il nous semble cependant que si quelqu'un était en cause, c'était nous, et lorsqu'on se croit esclave de la légalité, on devrait bien avoir présent à l’esprit cette maxime de notre vieux droit : Probatio incumbit ei qui dicit ,non ei qui negat, et mettre à même les gens de justifier ce qu’ils avancent. Dans les derniers temps de l'Empire, M. Auguste Courtiller fut décoré. Je pourrais presque dire que ce fut de guerre lasse et pour céder aux nombreuses démarches faites par les personnes les plus éminentes, que le ministre de l'instruction publique d’alors lui accorda cet honneur. Chose triste à dire, M. Courtiller voyait chaque année des fonctionnaires salariés ou non, plus ou moins méritants, obtenir le ruban de la Légion d'honneur. Quant à songer au savant qui faisait la gloire des Saumurois, personne n’y pensait; c'était en dehors de sa province que les hommes de science sollicitaient en faveur de ce consciencieux naturaliste. On sait combien notre compatriote, M. Eugène Chevreul, di- recteur du Muséum d'histoire naturelle de Paris, a déployé d'énergie et de patience pour faire élever au rang d’officier de la Légion d'honneur le savant M. Emile Blanchard, professeur administrateur au Muséum d'histoire naturelle de Paris, membre de l’Institut. Pendant deux années, en dehors de ses fonctions de professeur d’entomologie, M. Blanchard s’est livré à l’intelli- gente organisation de la ménagerie des reptiles que chacun au- jourd’hui visite avec tant d'intérêt. JR QER Le M. Auguste Courtiller peut à juste titre s’appliquer l'antique devise des de Mérode : Plus d'honneur que d’honneurs. Les hommes de science le tinrent toujours en haute estime. Son extrême bienveillance, son dévouement pour tous de- vraient faire croire qu’il n’eut jamais d’ennemi ; il en eut un, mais tellement abject, qu’on ne peut attacher la moindre impor- ‘tance à ses ignobles attaques. M. Courtiller est resté le dernier de cette petite colonie sau- muroise qui s’occupait sérieusement de sciences et qui était composée de MM. Ackermann, d’Espinay, Baron de la Gennevraye, l'abbé Dutertre , curé de Saint-Cyr-en-Bourg, tous membres de la Société Linnéenne. Les obsèques de M. Auguste Courtiller ont eu lieu en l’église Saint-Nicolas de Saumur. Au cimetière, deux discours ont été prononcés, l’un par M. Rosset, représentant l'administration municipale, dont M. Courtiller fit partie pendant quarante années ; l’autre, par M. Paul Ratouis. Absent de l’Anjou, nous avons appris trop tard la mort de M. Courtiller, car nous nous serions fait un devoir de prononcer sur sa tombe quelques paroles au nom de la science et de l’ami- tié. Si à Saumur de riches traitants ont prêté le flanc aux journa- listes * , si Honoré de Balzac y a trouvé M. Grandet, Saumur a fourni à toutes les époques de son histoire des personnages dis- 1 M. Félix Mornand ayant fait dans l’//lustration un spirituel article sur ces fils de Grandet qui amassent des biens stériles et énormes, s’attira de l’un d’eux cette réponse qui mérite de passer à la postérité : « Quant à vos critiques sur nos richesses et sur l’emploi que nous en faisons ou que nous n’en faisons pas, nous n'avons qu’un mot à répondre aux folliculaires qui les prendraient pour texte de leurs plaisanteries pré- tentieuses et impertinentes : c’est que nous payons comptant et que nos moyens nous permettent de vivre comme nous le voulons ; que nous n’a- vons pas besoin de gagner notre pain en dansant sur la corde roide du journalisme, et que nous resterons les maîtres, parce que la société est ren- fermée dans nos portefeuilles, moins les écrivains qui voudraient bien y tenir place. « Recevez, Monsieur, les salutations trés-humbles d’un bourgeois de AR tee tingués. Ne citerions-nous que pour l’époque moderne, M®° Da- cier ‘, François Bontemps ?, Qui prit, quitta, reprit la soutane et l'épée. Aristide Aubert, Du Petit-Thouars, Ernest Beulé, etc. Désormais le nom d’Auguste Courtiller viendra prendre place à côté de ceux de ses plus nobles enfants de cette cité. Espérons que la ville de Saumur fera placer au milieu de la salle principale de son musée le buste d’Auguste Courtiller, et en honorant ainsi la mémoire de ce savant qui ne fit jamais de la science avec des collections achetées, mais bien par un travail opiniâtre et des observations continuelles, elle s’honorera elle- même. Saumur, qui à eu la simplicité de quatrupler (sic) une fortune que son pére avait déjà doublée et qui serait loué et célébré par les hommes de plume s’il voulait les admettre dans son HOTEL. » Née à Saumur le 8 mars 1654. * François Bontemps sortit tonsuré du Séminaire d’Angers pour s’en- gager, le 4% avril 1722, dans le régiment du Roi infanterie où il arriva bientôt sergent, quitta le service pour entrer dans l'Ordre de Fontevrault ; puis, la Révolution arrivant, il partit en qualité d’aumônier avec le qua- trième bataillon de l'Eure. Insulté grossièrement par un officier, il lui dit : Le prêtre vous pardonne, mais le citoyen vous demande raison de l’in- sulte. On se rend sur le pré : l'officier quitte son habit, l’aumônier sa sou- tane ; le fer se croise, et, après quelques passes, l’agresseur tombe mort aux pieds de l’offensé. L'abbé, avec le plus grand sang-froid, se remit en garde et dit aux officiers qui étaient venus assister au combat : Vous allez sans doute, Messieurs, venger la mort de votre camarade ; je vous attends. Tous lui tendent la main. D’aumônier, Bontemps devint lieutenant de grenadiers ; en 1794, il était promu au grade de général de brigade, et, en 4804, nommé commandeur de la Légion d'honneur. Il mourut regretté de tous ses amis et des pauvres, le 29 octobre 1811, et fut enterré dans le cimetière de Var- rains, où sa famille lui à élevé un tombeau. THE PET A peine avions-nous terminé notre notice sur Auguste Cour- tiller, que nous nous trouvons dans la triste obligation de parler d’un des hommes les plus méritants de l’Anjou, d’un de nos collègues, M. André Leroy, pépiniériste, chevalier de la Légion- 288 ga d'Honneur, qui vient de décéder à Angers, le 23 juillet 1875, âgé de soixante-treize ans. Le nom d'André Leroy est connu de toute l’Europe et pendant cinquante, années il a dirigé un établissement qui n’a son égal nulle part. Fort jeune, André Leroy perdit son père qui, en 1780, avait fondé l'établissement horticole auquel son fils devait donner un si grand renom. Le jeune André Leroy avait ses études à faire, il fallait apprendre avant de pouvoir enseigner. Madame veuve Leroy eut le bonheur de rencontrer un jardinier devoué, connu des horticulteurs sous le nom de Printemps, qui prit la direction matérielle des affaires de la maison. Dés que M. André Leroy eut quitté le Lycée il comprit de suie la voie dans laquelle il devait entrer. Faire marcher la science de concert avec l’industrie; telle fut sa constante préoccupation. Peu d’années lui suffirent pour établir des pépinières excep- tionnelles. Une découverte horticole avait-elle lieu dans le monde savant, André Leroy qui toujours se tenait au courant du mou- vement scientifique en faisait de suite l’application. Apprenait_il qu'un arbre nouveau était introduit dans la culture, aucun Sacrifice ne lui coûtait pour se le procurer, et si l’Anjou, au point de vue de l’arboriculture, a une si grande réputation, notre province la doit entièrement à André Leroy. En un mot, tous ces beaux coniféres qui font l’ornement de nos parcs ont été pour la première fois cultivés en Maine-et- Loire dans les vastes pépinières de M. André Leroy. M. André Leroy aimait son pays et en a donné maintes preuves. Il est regrettable que pour nos promenades publiques, pour la réorganisation de notre pauvre jardin des plantes, cher seule- ment aux militaires et aux bonnes d’enfants, on ait pas toujours suivi ses conseils ni accepté ses offres généreuses. Il est à remarquer que chaque fois qu'un homme distingué veut se dévouer à la chose publique, il ne rencontre sur sa route qu’opposition et découragement. Ne citerions-nous que notre grand statuaire David de qui les artistes disaient : « Il faut qu'il ait le diable au corps pour faire des envois à sa ville natale. » pee Possédant de solides connaissances en géologie et en botanique, personne ne savait, comme M. André Leroy, approprier au sol les arbres qui lui convenaient; sans pédanterie, il se mettait au service de tous. Que d’heures agréables j'ai passéedans son cabinet et que de choses jy ai apprises. En 1855, M. André Leroy fit imprimer le catalogue descriptif et raisonné des arbres fruitiers et d'ornement cultivés dans son établissement. Ce catalogue sort des règles ordinaires affectées à ce genre de publication ; c’est un livre et un très-bon livre-dans toute l’acception du mot. La classification des arbres n’est point donnée au hasard, les noms scientifiques ont été vérifiés avec le plus grand soin. La grande œuvre de M. André Leroy est son dictionnaire de Pomologie, ouvrage sans précédent dans la science, donnant la description de l’arbre, sa fertilité, sa culture , l’analyse du fruit, sa maturité, sa qualité et l’historique. Quatre volumes grand in-8°, contenant la nomenclature de 915 variétés de poiriers et de 527 variétés de pommiers, sont publiés. Le volume sur les fruits à noyaux était sur le point d’être achevé quand M. André Leroy est mort ; puisse-t;il avoir laissé des notes suffisantes pour que ce labeur de toute sa vie reçoive sa complète exécution. La vie d'André Leroy fut une vie d'étude et de travail, personne n’a autant fait que lui pour son pays. Il a su élever l’Arboricul- ture à son apogée etson nom tiendra avant, comme après sa mort, la première place dans l’histoire des hommes qui ont fait pro- gresser l’Horticulture. Au cimetière M. le Maire d'Angers, dans un discours lu d’une voix émue, a retracé les grandes qualités d'André Leroy; nous avons constaté, dans cet adieu suprême, un oubli involontaire. Nous eussions désiré qu’on eût émis le vœu, devant cette foule énorme venue accompagner André Leroy à sa dernière demeure, que bientôt un ciseau Angevin reproduirait les traits de ce com- patriote qui a tant fait pour la science et pour la cité. RL S— unis à. CHAPITRE I. SOMMAIRE : Époque préhistorique, Age de pierre, Période paléolitique, Monuments druidiques , Période néolitique. Age de bronze, Habitations Lacustres. Souterrains-refuges, Age de fer. — Invasion gallo-romaine, Projet de David pour un monument à élever à la mémoire de Dumnacus, — Tombe d'esclaves. — Ouvrages à consulter, notice sur leurs auteurs. AGE DE PIERRE Période paléolitique. Les recherches que fit en 1847, dans uneancienñalluvion d’Abbeville, en Picardie, notre regretté et savant ami Boucher de Perthes, mirent à jour les ossements de mammifères éteints avec des silex d’un type grossier. Leur association était donc de nature à faire admettre que les restes organiques et les ouvrages d’art devaient être rapportés à une seule et même période. En effet, cet explorateur infatigable avait retiré des terrains diluviens de la Picardie, des instruments en pierre évidemment travaillés par la main de l’homme, mêlés à des ossements d’ani- maux dont les espèces ont disparu de l’Occident, tels que l’'Hip- popotame, le Mammouth et le Rhinocéros. On croyait que ces pachydermes avaient cessé d’exister en Europe avant l'apparition de l’homme. Les découvertes de Boucher de Perthes devaient donc produire une véritable révolution dans la science géolo- gique, et donner naissance à une autre science qui se rattache essentiellement à la géologie, la science préhistorique. SE 0: + [en « Bien que toutes nouvelles, les études préhistoriques ont marché à pas de géant, dit M. Gabriel de Mortillet (CZassement des diverses périodes de l'âge de la pierre.) Nous ne sommes plus, heureusement , au temps où il fallait prouver l'existence de l’âge de la pierre. Des recherches patientes, des observations précises, des travaux nombreux, sont venus éclairer tous ceux qui n'ont pas peur de la lumière. L'âge de la pierre s’est retrouvé partout, précédant toutes les civilisations, même les plus anciennes. Il a été reconnu non-seulement dans toute l'Europe du centre et du nord, et à plus forte raison chez tous les peuples sauvages, mais encore en Italie, en Grèce, en Palestine, en Assyrie, en Chine, dans l'Inde et en Egypte. Des recherches, faites successivement dans tous ces pays, ont montré que les instruments de pierre ont été employés dans chacun d’eux bien long- temps avant les métaux. » Les observations sont devenues si nombreuses, les faits se sont telle- ment multipliés, que pour les grouper et les classer tous, il a fallu créer des subdivisions dans l’âge de la pierre. » Dans les temps les plus anciens, du moins pour ce qui concerne nos régions, l’homme se contenta de tailler simplement la pierre. Ce ne fut que beaucoup plus tard qu'il songea à la polir pour améliorer certains instru- ments. De là, deux grandes coupes se sont imposées naturellement à l’es- prit des observateurs : période de la pierre simplement taillée, la plus ancienne, et période de la pierre polie, plus récente. Ces deux divisions, nées en France, ont été baptisées par les Anglais, qui les ont nommées paléolithique (ancienne pierre), et néolithique (nouvelle pierre). » L’Anjou a fourni largement son contingent à la science préhis- torique. On trouve, sur plusieurs points du département, de nombreux silex de la période paléolithique. L'abbé Delaunay, géologue distingué, découvrit en 1867, dans nos faluns , des ossements de Halitherium qui présentent des incisions profondes. Ces incisions, d’abord attribuées à la main de l’homme, furent reconnues, par M. Delfortie, de Bordeaux, comme étant l’œuvre d’un grand squale, le Carcharodon megalodon. C'est l’époque du Halitherium. Si la découverte de l’abbé Delaunay n’a pas été utile à la cause des géologues qui croient à l’existence de l’homme à l’époque tertiaire, il n’en a pas été de même des recherches de l’abhé Bourgeois dans le terrain miocêne de Thenay (Loir-et-Cher), où il a rencontré un grand nombre de silex portant les marques d’un travail humain. Ces silex furent présentés au Congrès inter- national d'anthropologie et d'archéologie préhistorique qui se tint +. ls à Bruxelles en 1872. Or, depuis cette époque, M. l’abbé Bour- geois a trouvé des silex encore plus caractérisés que ceux qui ont été admis déjà par les hommes vraiment compétents. Chaque fois que nous aurons à parler de cette grave question : apparition de l’homme sur la terre, nous n’aurons jamais de parti pris et nous soumettrons toujours au lecteur les diverses appréciations des géologues, lui laissant sa libre appréciation. 1l en sera de même lorsque nous aurons à nous occuper d’une lutte qui existe en Maine-et-Loire entre, nous dit-on, (car nous ne connaissons aucun travail sur ce sujet) un partisan acharné du système Plutonien et M. l’abbé Choyer, qui vient de publier d’après ce que nous lisons dans la Semaine religieuse, une bro- chure intitulée La Géologie sans cataclysmes. Voici la note de la Semaine religieuse du diocèse d'Angers, Revue liturgique et historique, en date du 8 août 1875 : «€ On lira avec intérêt l'importante brochure : La Géologie sans, cataclys- mes, que vient de publier notre savant compatriote, M. l'abbé Choyer. » En laissant aux géologues le soin de se prononcer sur l'autorité et la valeur d’un tel ouvrage , nous voulons du moins le signaler comme un tra- vail consciencieux, applaudir aux efforts d’un prêtre instruit, le féliciter de poursuivre, avec courage et persévérance , sans s’émouvoir des contradic- tions , l’étude de problêmes si difficiles et, jusqu’à ce jour, si imparfaitement résolus. » Nous nous contentons, pour le moment , d'annoncer la mise en vente de l’opuscule ; mais nous nous proposons de revenir sur ce travail et d'en donner une analyse et une critique motivée. » La revue des Matériaux pour l’lustoire primitive et naturelle de l’homme, dirigée par notre savant collègue Emile Cartailhac, contient dans la 2° série du tome 1v, 1° livraison 1873, le compte- rendu du congrès international d'anthropologie et d’archéologie préhistorique, session de 1879, août, Bruxelles, nous y trouvons le passage relatif aux silex de M. l’abbé Bourgeois. On se rappelle qu’une commission avait été nommée pour étudier les Silex tertiaires présentés par M. l'abbé Bourgeois. Elle eut bien de la peine à se réunir et, quand elle le put, on ne lui laissa qu’un temps bien limité, Cependant, voici ses conclusions, dont M. Dupont donna lecture : La commission chargée d'examiner les silex recueillis par M. l'abbé Bourgeois dans le terrain tertiaire, s’est réunie le 27 sous la présidence de ni M. Capellini. M. l’abbé Bourgeois, après avoir produit bon nombre de silex de diverses formes et donné tous les renseignements de nature à éclairer la question, s’est retiré. Les membres de la commission ont examiné soi- gneusement les 32 échantillons produits par M. l'abbé Bourgeois, chacun d'eux a formulé son opinion. — M. Worsaæ, parmi les silex, en reconnaît plusieurs travaillés par les uains de l’homme. — M. Van Beneden déclare ne pouvoir se prononcer. — M. Desor n’admet pas que ces silex portent les traces du travail hu- main. — M. Engelhardt accepte l’origine humaine des grattoirs, des poinçons et des haches. — M. Waldemarr Schmidt reconnaît un certain nombre d'objets fabriqués par l’homme. — M. de Vibraye estime que la question géologique doit être étudiée avec plus de détails , en vue des eaux thermales et du métamorphisme. — M. Franks reconnaît la bonne foi de M. l'abbé Bourgeois, et s’en remet à la déclaration quant au gisement. Il admet l'origine humaine pour un des objets , le grattoir. — M. Steenstrup ne peut pas admettre que ces objets portent des traces évidentes de travail humain. — M. Virchow partage l'avis de M. Steenstrup. — M. Neyrinck ne considère pas non plus comme évidentes les traces du travail humain. — M. de Quatrefages reconnaît comme travaillés par l’homme les poin- cons et les racloirs. — M. Cartailhac accepte également quelques objets comme travaillés par l'homme ’. — M. Capellini a accepté les couteaux et les perçoirs. Il émet le vœu qu’une commission fasse sur place de nouvelles recherches, et se prononce ensuite, comme on a fait pour la question d’Abbeville. — M. Fraas ne voit aucune trace de la main des hommes à la surface des silex exposés. — M. l'abbé Bourgeois regrette que M. Belgrand soit parti, car il a vu le gisement et l’a étudié avec beaucoup de soins et en a reconnu l'authen- ticité. Sur sa demande, M. Valdemar Schmidt déclare qu'il est allé à Thenay qu'il a vu le gisement et qu'il n'a aucun doute sur son authenticité. 1 Il m'a semblé que les morceaux de silex en question n'avaient pas été taillés, mais simplement choisis parmi des éclats naturels ; ce qui est positif, c’est qu’ils ont servi à racler ou à percer. Selon moi, ils présentent les traces indiscutables d'une semblable utilisation. E. C TO TUE « Toutes les fois qu’un fait nouveau et saisissant, a dit le professeur Agassiz, se produit au jour dans la science, les gens disent d’abord : ce n’est pas vrai, ensuite : — c’est contraire à la religion et à la foi; — il y a longtemps que tout le monde le savait. » « La Genèse, dit l'abbé Bourgeois, nous représente l’homme comme le couronnement de la création ; mais elle ne dit pas que la puissance divine n'ait rien produit depuis. Qui pourra prouver que ces paroles : Déeu se re- posa le septième jour, doivent être nécessairement prises dans ce sens ? Gar- dons-nous bien de mettre sur la même ligne que les dogmes, des opinions peu fondées ; car si la science, qui est un moyen d'interprétation biblique, venait à renverser ces opinions, les ignorants, trop nombreux aujourd'hui, s’imagineraient que le dogme est atteint. C'est par suite d’une confusion de ce genre que certains savants incrédules ont fait de l'archéologie préhis- torique une machine de guerre contre la religion, et que, d'un autre côté, quelques défenseurs de la vérité religieuse n’ont pas voulu reconnaitre ce qu'il y a de sérieux et de vrai dans cette nouvelle science. » Ici, naturellement, se présente cette question : À quelle époque doit-on assigner la présence de l'homme sur la terre, d’après les témoins muets des premiers âges qu’on rencontre en Anjou ? Sur les côtes du Layon, la trace de l’homme a été constatée dans les terrains quaternaires, c’est-à-dire à la fin de la période du Mammouth et de l'Ours, et au début de celle du Renne. Quant aux ossements qu’on trouve dans le terrain falu- nien, il est fort possible qu’un grand nombre de ces ossements aient été incisés par les dents d'animaux aquatiques qui cher- chaient à en manger la moëlle. Mais nous en avons vu dont les incisions avaient un tel caractère de travail fait par l’homme, que nous avons été porté à croire à son existence à cette époque, Toutefois, nous sommes loin de vouloir trancher cette question, et nous attendons que la lumière jaillisse de nombreuses obser- vations qui se produisent chaque jour sur cette grave matière. Si la science préhistorique est une science nouvelle, on peut dire que Buffon, dont nous aurons longuement à parler dans cet ouvrage, l’avait devinée, comme il est facile d'en juger par ce remarquable passage : « Les hommes, témoins des mouvements convulsifs de la terre, encore récents et très-fréquents, n'ayant que les montagnes pour asiles contre les inondations, chassés souvent de ces mêmes asiles par le feu des volcans, tremblants sur une terre qui tremblait sous leurs pieds, nus d'esprit et de Es corps, exposés aux injures de tous les éléments, victimes de la fureur des animaux féroces, dont ils ne pouvaient éviter de devenir la proie, tous également pressés par la nécessité, n’ont-ils pas cherché promptement à se réunir d’abord pour se défendre par le nombre, ensuite pour s’aider à tra- vailler de concert à se faire un domicile et des armes ? » Ils ont encore commencé par aiguiser, en forme de haches, ces cailloux durs, ces jades, ces pierres de foudre que l’on a crues tombées des nues et formées par le tonnerre, et qui, néanmoins, ne sont que les premiers monuments de l’art de l’homme dans l’état de pure nature. Il aura tiré le feu de ces mêmes cailloux en les frappant les uns contre les autres; il aura saisi la flamme des volcans ou profité du feu de leurs laves brûlantes, pour la communiquer, pour se faire jour dans les forêts, dans les broussailles ; car, avec le secours de ce puissant élément , il a nettoyé, assaini, purifié les terrains qu'il voulait habiter. Avec la hache de pierre il a tranché, coupé les arbres, menuisé le bois, façonné les armes et les instruments de première nécessité; et, après s'être munis de massues et d'autres armes pesantes et défensives, ces premiers hommes n'ont-ils pas trouvé le moyen d’en faire d'offensives, plus légères, pour atteindre de loin ? Un nerf, un tendon d'animal, des fils d’aloës ou l’écorce simple d’une plante ligneuse, leur ont servi pour réunir les deux extrémités d’une branche élastique, dont ils ont fait leur arc. Ils ont aiguisé d’autres petits cailloux pour armer la flèche. Bientôt ils auront eu des filets, des radeaux, des canots. » On dirait vraiment que ce passage a été écrit de nos jours, tant, à peu de choses près, il se trouve en rapport avec la science préhistorique. Ce qu’il y a de remarquable dans le style de Buffon, c’est qu’il est toujours soutenu ; jamais de faiblesse. On ne voit pas chez lui, comme chez Victor Hugo, par exem- ple , après de ravissantes descriptions de la nature, des phrases qui sentent le galimatias et qui tournent au ridicule. Ainsi, dans son livre Quatre-Vingt-Treize nous lisons : « Ce matin-là, jamais le ciel frais du jour levant n’avait été plus char- mant. Un vent tiède remuait les bruyères ; les vapeurs rampaient molle- ment dans les branchages ; la forêt de Fougère, toute pénétrée de l'haleine qui sort des sources, fumait däns l'aube comme une vaste cassolelte pleine d’encens ; le bleu du firmament , la blancheur des nuées, la claire transpa- rence des eaux, la verdure, cette gamme harmonieuse qui va de l'algue- marine à l’'émeraude, les groupes d’arbres fraternels, les nappes d'herbes, les plantes profondes, tout avait cette pureté qui est l'éternel conseil de la nature à l'homme. » Et cette peinture charmante achevée, aussitôt arrive ceci : Rd cod tint mien EE Le OR = « Au milieu de tout cela s’étalait l’affreuse impudeur humaine; au milieu de tout cela, apparaissaient la forteresse et l’échafaud, la guerre et le sup- plice, les deux figures de l’âge sanguinaire et de la minute sanglante ; la chouette de la nuit du passé et la chauve-souris du crépuscule de l’ave- nir.. » Monuments druidiques. « Les seuls monuments que les* Gaulois aient laissés 1 sont ceux qu’on nomme druidiques ; tantôt c’est une pierre isolée, dont le sommet est libre ou porte une table horizontale, tantôt une grande quantité de pierres énor- mes sont plantées en allées, ainsi que des bornes gigantesques, comme à Carnac, ou bien elles sont disposées en cercle. Souvent sur deux pierres debout une troisième est posée de champ; c'est ce qu’on appelle un Dol- men. Parfois plusieurs de ces Dolmens, placés l’un auprès de l’autre, se prolongent en galerie de cinquante à soixante pieds, soit à la surface du sol, soit sous la terre ; telles sont les dispositions principales de ces mysté- rieux monuments. » On a fait sur leur destination primitive de nombreux systèmes, et, selon moi, on est parti de deux idées fausses. On a cherché partout le même motif, un seul emploi, et les croyant particuliers au pays Gaulois, on a rapporté exclusivement leur origine aux Druides. » Or, la présence de ces monuments n’est nullement restreinte aux pays qu'ont habité les Druides, et par conséquent le nom de Druidiques ne sau- rait leur rester. On en a trouvé, dit-on, de semblables à ceux de la France dans une foule de contrées et jusqu’au fond de l’Asie; jene sais, mais ils existent certainement en très-grand nombre dans les pays Scandinaves, en Danemark, en Suède, en Norwège, en Islande et jusqu'au Groënland ; il est difficile de faire voyager si loin les Druides. Ces monuments avaient-ils tous la même destination? Dans les pays où la tradition en dit quelque chose, on sait par elle que cette destination était fort diverse ; en Scandinave, par exemple, la tradition varie pour chaque monument. Les uns, d’après elle, ont servi aux élections et aux assemblées des chefs; d’autres à des jeux publics ; à des courses de chevaux ; il y en avait qui étaient de véritables lieux destinés aux combats singuliers. Faudrait-il en conclure que tel était l'emploi de tous ces monuments ? Non, sans doute; il est bien certain que d’autres se rapportaient au culte, particulièrement aux sacrifices humains. Ainsi, le dolmen des environs de Saumur “, au pied duquel on a trouvé un squelette avec un couteau de pierre dans le flanc, n’était probablement ! Histuire littéraire de la France avant le XIl° siècle, jar notre regrelté ami et maître d.-J, Ampère, de l'Académie Française, tome 4, pages 38 à 40. ? Allée couverte de Bagneux. LOUE pas sans rapport avec ces affreux sacrifices. Enfin, les interdictions répétées des conciles qui défendent de prier et d'allumer des flambeaux devant les pierres, ad lapides, montrent que des souvenirs de la religion gauloise se rattachent à ces pierres. Il faut donc reconnaître que ces monuments ont été érigés par des popu- lations différentes et pour des fins diverses. » Mais quelle est la cause générale qui les a fait élever ? La nécessité et l'insuffisance de l'architecture à une certaine époque de la civilisation; je m'explique : l'architecture publique des Gaulois était nulle ; cependant ils avaient une religion, il leur fallait des temples. Or, il n'existait point chez eux de temples véritables. Ce que les auteurs grecs, qui ont parlé de la Gaule appellent téron, était une forêt sacrée, un sanctuaire qui fut plus particulièrement pour eux la résidence de la divinité : de même, il leur fal- lait un lieu qui pût servir à leurs assemblées de chefs, à leurs conciles de Druides. » Comment suppléer à l'architecture religieuse et civile ? Les Gaulois et d’autres peuples placés dans les mêmes circonstances, ont fait ce que font les enfants quand ils conviennent que tel objet en représentera tel autre dans leurs jeux. Les enfants jouent à l’église, les peuples enfants jouent à l'architecture ; leur imagination a besoin d’un symbole monumental, et ils conviennent facilement qu'une galerie sera le temple, un Dolmen le sanc- tuaire ou l'autel; douze pierres figureront le lieu du jugement ou de l'as- semblée. Je crois donc qu'à un certain âge de la civilisation l'impuissance de l'architecture à satisfaire les besoins sociaux des peuples, amène une espèce de compromis entre ce qui leur manque et ce qu'ils peuvent exécu- ter ; de là résultent des monuments qui sont des signes, des hiéroglyphes ; de là naît une architecture de convention, une architecture symbolique, expression idéale et assez uniforme de nécessités positives et très- variées. » La Bretagne et l’Anjou furent les provinces qui comptèrent le plus de monuments druidiques. Pendant longues années, ces grossiers autels, ces gigantesques pierres levées, etc., restèrent en repos. Le laboureur, croyant à la puissance des fées et aux artifices des lutins, n’osait toucher à ces œuvres d’une époque barbare. De nos jours, il en est autrement : l’industrie leur fait une guerre continuelle ; tel peulvan qui échappe aux fabricants d: macadam est brisé par les constructeurs de rouleaux. Le paysan, souvent imbu des idées du philosophe de village, se persuade que sous ces lourdes pierres se trouvent des riches- ses enfouies avec des corps de victimes immolées ; il creuse dans l'espoir de mettre au jour un trésor ; ne trouvant rien, il ne se rebute pas, il creuse toujours, jusqu’à ce que l’édifice s’écroule. Den 5 pps C’est ainsi que depuis une vingtaine d’années nous avons vu plus d’un Dolmen disparaitre de la sorte. Nous avons cherché à étudier les Men-hirs, Dolmens, allées couvertes, Tumulus, Gal-gals, Pierres fatidiques, Cromlechs, etc., qui existent encore sur le sol de l’Anjou. Nous nous sommes aussi attachés à connaître le nombre de ceux qui avaient été détruits, afin de faire une statistique complète de ces primitifs monuments, rappelant les sanglants sacrifices célébrés en l’hon- neur du terrible Kirk, le Dieu des vents, ou de Tarana, l'esprit du tonnerre. Les monuments les plus simples de l’art celtique, les Peulvans ou Men-hirs, composés d’une pierre de forme allongée, plantée verticalement en terre, sont connus dans nos campagnes sous les noms de Pierre-du-Diable, Pierre-Fixée, Haute-Borne, Pierre- Fonte, Chaire-du-Diable, Pierre-Longue, Grande-Pierre. Voici les Men-hirs les plus remarquables qui se trouvent sur le sol de l’Anjou : COMMUNES. NOMS VULGAIRES. PÉBEMMFOUN Ù LR an Pierre-du-Cogq '. ROME te te le Dire Pierre-du-Géant ©. La Lande-Chasle. . . . . Pierre-Frite. Saint-Martin-d'Arcé . . . Pierre-Frite. La Tourlandry . . . .”. Grosse Pierre de la Rigaudière. RME. 6 Us Pierre de la Petite-Foucherie. Villedieu — La Blouère . . La Haute-Borne. Saint-Martin-de-Beaupreau . Pierre-Obrée. Saint-Christophe-du-Bois . . Pierre-du-Diable. La Séguinière. . . . . . La Borne. Saint-Macaire. : . Pierre-Levée. CRaUdTON su SAV ter. 20 La Lune. Pierre de la Bretellière s. ! D'après la légende du pays, le vulgaire croit que cette pierre tourne sur elle-même aux pre- miers chants du coq. .* En 1834, le maire de Pontigné a fait briser ce peulvan pour ferrer le chemin tendant de Pon- tigné à Baugé. Ge peulvan a fourni à l'entrepreneur douze mètres cubes de macadam, La Révellière- LAranx , dans sa notice sur nos monuments druidiques , imprimée en 1806 , fait mention de ce beau peulvan. 5 La Révellière-Lépeaux, dit, en parlant des deux peulvans de Saint-Macaire : « Ce que nous distinguâmes dans ce beau menbhir (pierre de la Bretellière) sans pouvoir en interpréter l'objet, c'est l'existence de huit coches peu profondes , mais très-bien marquées , lesquelles entaillent le sommet beaucoup plus applati que la partie inférieure ; ces coches descendent en mourant de l’un et de l'au- = Fe 15 ou 18 centimètres, nous remarquâmes la même singularité sur la pierre levée de la retellière. » COMMUNES. | Le Fief-Sauvin . . . . . Chapelle-Saint-Florent. . . Montisnér- We heNER- La Boissière . . . . . . sb one et otc Trémentines . . . . . . Martigné-Briant. . . Saint-Georges-des-Sept-Voies. (rennes PNEU DCE Chacé te gamme ere Bagneux 1.0 FAIEUNe Cürent ant nr Montreuil-Bellay. DIEM ONE ES A Re Te AVIFELE MAMA HIS ES A Freigné (deux peulvans) . . AT ET Eine 0Ee La Potherie . Montguillon . . 100 — +, NOMS VULGAIRES. Pierre du Moulin-Neuf. Pierre-Courte. Pierre-Creuse. La Petite-Borne. Pierre de la Rochetière.’ Pierre de Parchambault. Pierre de Gargantua. Pierre de Nid-de-Vesle. Pierre de Nezan. De la Filouzière, Pierre d’Avort. Pierre-Fixe. La Pierre-Longue. La Pierre-des-Hommes. La Grande-Pierre. Pierre-Fixée. Pierre-Debout,. Les Pierres-Levées. Pierre-Frite. La Grosse-Pierre. La Pierre-True. Le Dolmen, du celtique dol, table et men, pierre ?, se com- pose d’une table de pierre plus ou moins large, plus ou moins régulière, épaisse d’un à trois pieds, et posée à plat et horizonta- lement sur d’autres pierres placées à terre verticalement sur leur partie étroite, hautes de trois à quatre pieds, et au nombre de trois au moins et de quinze au plus. Çes monuments affec- tent, en général, la forme d’un carré long ; leur table, qui figure un comble, est souvent sur un plan légèrement incliné ; leur intérieur est quelquefois divisé par des pierres posées de champ. On a remarqué que, s'ils étaient ouverts d’un côté, cette ouver- ture regardait toujours vers l'Orient. Les tables sont ordinaire- ! On rencontre assez fréquemment , surtout dans l'arrondissement de Cholet , des champs dans lesquels se trouvent une grande quantité de pierres levées qui ont été prises pour des men-hirs. Ces pierres sont naturellement fixées au solet n'ont jamais été travaillées de main d'homme. : Voir sur l’époque celtique les Eléments d'archéologie nationale du doc- teur Louis Batissier. Sur la statistique des Monuments gaulois de l’Anjou, le Mémoire de M. Godard père. LOG d bn he — 101 — ment creusées en bassins arrondis, formant des espèces de vases qui communiquent entre eux par des rigoles destinées à faire écouler le sang des victimes immolées. Enfin, elles peuvent être percées d’un trou; de telle sorte, qu’en se plaçant sous le Dol- men, on pouvait être arrosé par les libations faites sur l’autel et recevoir le baptême de sang, que ce fût un animal ou un être humain qui füt offert en sacrifice. Les Dolmens sont tantôt isolés, tantôt réunis ; fréquemment ils sont accompagnés de Peulvans. Le Dolmen quelquefois est formé de quatre pierres : trois ver- ticales supportent la quatrième posée à plat. Les Dolmens, appelés vulgairement Pierres levées, Pierres couvertes; Tables de César, sont encore assez nombreux sur le sol de l’Anjou, comme on en peut juger par la liste suivante, liste fort incomplète sans doute, mais nous avons toujours l'habitude de ne parler que de ce que nous connaissons. Arrondissement d'Angers. LOCALITÉS. NOMS DES DOLMENS. La Meignanne . . . . . Dolmen de Fessine. Soucellese tuftre L'on à Pierre Sezée. Sainte-Gemmes-sur-Loire ‘ . Pierre Couverte. RATE RARE Pierre couverte du Lonchereau. FES MEME Prérens 2e Pierre Couverte. ÉD APAUNQL, So CU Pierre Couverte. Millevéquesl£l Auol.: 200 0, La Pierre. Saint-Rémy-la-Varenne . . Pierre couverte de la Bajoulière. CAT MENRPER RENR Pierre Couverte. ! Ce dolmen n'existe plus. Claude Robin dans ses recherches sur ces origines s'exprime ainsi : « I existait un dolmen dans notre camp de César au confluent des deux rivières au village d'Em- pyré ou nous voyons encore de larges pierres cabrées les unes presque sur les autres a moitié enfon- cées en terre. » 5 2 Grégoire Bordillon , ancien préfet de Maine-et-Loire , en 4848, adonnéun exemple qui devrait bien être imité ; un paysan de Beaulieu , possesseur d'un champ nommé le Lonchereau où se trouve un dolmen , voulut le détruire sous prétexte qu’il gênait le labourage , Grégoire Bordillon acheta le dolmen et en fit don au département, 5 Détruit. 4 Détruit. 5 Détruit en 4797. — 102 — Arrondissement de Baugé. LOCALITÉS. NOMS DES DOLMENS. Corée HN TONER T TRE Dolmen de la Morelière. Deauveaui. 0. AA MS AE Dolmens des Mollières. BrOCHLEC 0 ISA SIDE Pierre Couverte. Fontaine-Guérin. . . . . Pierre couverte dela Raujardière. Pontigné !. Pierre Couverte. Macs 7 OS M DaRonde lo eh TB Arrondissement de Saumur. LOCALITÉS. NOMS DES DOLMENS. Gouturedp ut .20 290 CLLOE Table de César. Denezé. à Pierre Couverte. Chemellier. . . . . . . Dolmen de la Pauverdière. Dolmen de la Magdelaine. — Gennes. — de la Pagerie. — d’Avort. LenCoudraye st 1-20 Pierre Couverte. Bagoguxac l : nl Jivrte Petite pierre couverte de Ba- gneux. IDE no ve But D ct etet ren ER ÈE Pierre Couverte. Grangé 09 9H "23608 POULE Pierre Couverte. Saint-Georges-Châtelaison * . Pierre Couverte. Louressen ae Ion -HAUR Pierre couverte de la Bournée. LENS Le ARBRE LL Petite pierre Couverte. SARBTO SE UNE vas Pierre Couverte. HeSUIMEES RE AUS Ter vec Si Pierre Couverte. Chenehutte-les-Tuffeaux . . Dolmen du ruisseau d’Enfer. Saint-Georges-des-sept-Voies. Dolmen de la Forêt. Arrondissement de Segré. ; | LOCALITÉS. NOMS DES DOLMENS. LaPerrière!:2 00 JC Dolmen de Putifais. Miré. : ABMIES JT Pierre couverte de lu Ferrière. Saint-Sauveur-de-Flée. ‘. . Maisons des Fées. Saint-Martin-du-Bois . . . Dolmen de Mortier-Crolle. Ee Lion-d'Angers Pierre couverte de Mâchefer- ? Détruit, * Détruit en 4798. 5 Détruit. — 103 — Dolmen dont la table est ras le sol. Un Dolmen, d’une formeparticulière, est celui de Saint-Hilaire- Saint-Florent, situé au bois Brard, près Saumur. Les supports de ce Dolmen sont entièrement fichés en terre. En 1837, ont fit des fouilles sous la table, et on trouva trois couches d’osse- ments : des humérus et des tibias étaient placés en croix et sur- montés de têtes dont la face était tournée vers le Nord; des haches en silex ; des bouts de lances en silex; trois poignards en dents de sanglier emmanchées dans des os, un seul complet; des débris de vases en terre noire, mélangée de grains de sable. Tous ces objets font partie du beau Musée de Saumur, fondé par M. Auguste Courtiller. Il y a quelques années, M. le comte Louis du Rouzai, éleva au milieu d’une lande, à Saint-Jean-des-Mauvrêts, deux Dolmens, qui font un très-bel effet en cet endroit aride. Les pierres qui composent ces deux Dolmens ont été placées avec un tel soin et une telle entente des monuments druidiques, que des antiquai- res les ont signalés et décrits comme datant de l’époque où les Celtes habitaient nos contrées ! Les Dolmens, dont la table repose par une de ses extrémités sur le sol, tandis que l’autre extrémité est soutenue par des piliers verticaux, sont appelés demi-Dolmens. On en compte deux dans notre province : celui du Lion-d’An- gers et celui de Thouarcé, dit des Trottières *. Des allées couvertes, formées d’une série de Dolmens placées sur une même ligne, les unes à la suite des autres et ayant leur ouverture dirigée suivant le même axe, sont devenues très-rares ; il en existe encore en France trois très-remarquables : C’est d’a- bord la Roche aux Fées d’Essé (Ille-et-Vilaine), qui a cinquante- six pieds de longueur sur seize de largeur. Ce monument est composé de quarante-deux pierres d’un schiste rouge, trente- trois sont debout et recouvertes par les neuf autres ; puis vien- ' Ce demi-Dolmen situé sur la métairie des Trottières, commune de Thouarcé , est aujourd’hui détruit. — 104 — nent ensuite celle de Bagneux, près Saumur. Elle a soixante pieds de longueur sur neuf de hauteur. Il existe dans quelques contrées des monuments formés de Men-hirs Lichavens, rangés à une certaine distance, sur un plan circulaire elliptique ou demi-circulaire ‘. Quelques-uns de ces monuments, nommés Cromlechs, sont concentriques les uns aux autres ; il y en a qui sont entourés de fossés ; plusieurs enfin sont accompagnés de Dolmens. Le nom- bre des pierres qu’on y compte est sacré ; il n’y en a pas moins de douze, on en trouve parfois dix-neuf, trente ou soixante ; ces nombres coïncident avec ceux des Dieux ; au centre on voit en- core souvent un Men-hirs, qui représente la divinité suprême. Quelquefois le diamètre des Cromlechs était assez étroit pour qu’on püt recouvrir le monument de pierres en forme de toit. On pense généralement que les Cromlechs servaient de Tem- ples et de Cour de justice. C’est là que se faisaient les assemblées militaires, les inaugurations de chefs et souvent leur inhuma- tion. Il existe des enceintes qui n’ont pas été faites de main d'homme, c’est-à-dire qu'on a formé un cercle avec des pierres qui se trouvaient placées naturellement sur le sol. Ces enceintes, qui se rencontrent dans des lieux complantés d'arbres séculaires, ont-elles été tracées par les Druides ? Rien ne nous le prouve; tous les cercles de pierres signalés jusqu’à ce jour, sont formés de pierres libres, rangées intentionnelle- ment. Les Cromlechs que nous avons étudiés, sont : Le Cromlech du Moulin - Moreau, commune de Botz; ce Cromlech était en partie intact il y a quelques années. Au cen- tre, se trouvait un Lichaven ; aujourd’hui, il ne reste plus de ce monument que quelques Peulvans, chose très-rare en Anjou ; plu- sieurs d’entre eux sont en-schiste. Martigné-Briant, Cromlech du plateau des Noyers-Amenard. " Les Lichavens sont formés de trois pierres dont deux posées vertica- lement, à une courte distance l’une de l’autre supportent une troisième pierre horizontalement posée comme une architrave , plusieurs auteurs pen- sent que c'étaient des espèces d’autels d’oblation. Res, — 105 — Ce Cromlech pouvait avoir une demi-lieu d’étendue, on suit seu- lement son contour. Pocé, Cromlech de la butte à Matto. Trémentines, Cromlech de la Haute-Tigeoire. Les pierres branlantes ou probatoires, formées par deux énor- mes blocs de rochers, dont l’un supporie l’autre, équilibrés de telle façon que le moindre choc dans une certaine partie du bloc, suffit pour le mettre en mouvement, étaient destinées à faire connaître la culpabilité d’un accusé. On était convaincu du crime imputé, quand on ne pouvait remuer le rocher mobile. Ces pierres sont assez communes en Bretagne. Dans l’Anjou, on ne connut pendant longtemps que la pierre de Torfou, dite pierre Tournisse. Philippe Béclard a signalé en 1855 l’existence de deux autres pierres branlantes : l’une, située dans la commune de Saint-Germain, sur la métairie de la Da- vière ; l’autre, dans la commune de la Renaudière, près le mou- lin Normandreau. M. Godard en indique une à la Séguiniére, arrondissement de Cholet. La pierre fatidique de Torfou, une des plus belles qui existe, fut naguère menacée de ruine. Un spéculateur voulut connaître la dureté du granit dont elle est composée, afin de savoir sil serait propice à former des rouleaux pour battre le blé. Heureu- sement pour la conservation de ce curieux monument des pre- . miers âges, le résultat des investigations de l'industriel n’a pas été satisfaisant ; mais les parties enlevées à ce gigantesque bloc empêchent de le mettre en mouvement. Sur le sommet de la pierre Tournisse, est une excavation qui a donné lieu à bien des conjectures de la part des savants. D’a- près les plus accréditées, on serait porté à croire que cette entaille servait à recevoir le sang des victimes immolées. Les Tumulus ou tertres, composés de cailloux ou de terre, affectant la forme conique, étaient presque toujours des monu- ments funéraires. Les plus remarquables que nous connaissions en Anjou, sont : un à Montrevault et deux au Petit-Montrevault ; un à Méron ; un à la Mothe-Bourbon. Il en existait un très- élevé, à Pontigné ; ilest en partie détruit ; un à Saint-Florent-le- Vieil, appelé le Cavalier, sur lequel on a érigé une colonne en l'honneur du passage de la duchesse d'Angoulême; trois à — 106 — 5 Montfaucon, dont un est détruit ; un à Antoigné!; un à Saint- Cyr-en-Bourg. Tombes Circulaires. Sur la commune de Saint-Georges-du-Bois, canton de Beau- fort-en-Vallée, arrondissement de Baugé, on remarquait encore il y a quelques années un tombeau d’un chef Gelte. Cette tombe, de forme circulaire, d’un diargètre de deux mètres, était formée de pierres brutes, posées les unes sur les autres, variant de grandeur et de grosseur. La curiosité fit fouiller le tombeau, et on trouva, après avoir enlevé les pierres du centre, à une pro- fondeur environ de cinquante centimètres, des ossements d’ani- maux et d'hommes, enfouis pêle-mêle *. Il est regrettable que ce tombeau n'ait pas été conservé sur place, ou tout au moins transporté au Musée des antiquités de la ville d'Angers ; il eût été facile de le placer dans les jardins de l’ancien hôpital Saint-Jean-l’Evangéliste. Nous avons vu une tombe analogue dans les jardins du Musée de Cluny; elle est également d’un chef Celte, et a été trouvée à la Varenne-Saint-Hilaire, près Paris. Des tombes de ce genre ont été observées à Saint-Georges-le- Toureil et à Montrevault. Période Néolithique. La période de la pierre polie ou néolithique, ne fournit pas autant de sujets d’étude que la paléolithique; on ne trouve pas pour la néolithique comme pour la paléolithique de ces ateliers où les peuples demi-sauvages exerçaient leur industrie rudimen- * Outre les victimes humaines , les Celtes offraient encore à leurs Dieux des animaux de toutes espèces, des bœufs , des brebis, des pourceaux , des chèvres et des chiens. Le guerrier offrait ses chevaux, et le berger ses chiens. (Pelloutier, Histoire des Celtes.) LS à EDP TU CU CL, 2 PAR on he ES — 107 — taire, et fabriquaient ces grossiers instruments nécessaires à l'usage de leur vie. Ce n’est que dans les défrichements, dans les défoncements, que de temps à autre surgit au milieu des terres remuées, de ces haches en amphiboles de granit, en grès, etc. ; on en rencontre de toutes dimensions, depuis onze centimètres jusqu’à vingt et même plus. Notre Musée en possède de très beaux types; mais c’est surtout celui de Saumur, qui renferme sur cette époque la col- lection la plus précieuse. Le Directeur, M. Auguste Courtiller, qui a organisé le Musée de Saumur et qui en était l’âme, nous a émis sur les haches celtiques une opinion que nous partageons parfaitement : « Des armes, dit-il ?, aussi faibles que les premières, ne pourraient cer- tainement pas être Hat et sont inadmissibles comme moyens de défense ; cependant ne pourrait-on pas trouver l'explication de cette diffé- rence dans nos habitudes mêmes ? Ne donnons-nous pas à nos enfants des diminutifs de tous les objets à nos usages ? Ne serait-il pas naturel de pen- ser que les hommes de ce temps ont mis entre les mains de leurs enfants des haches légères pour habituer leurs jeunes bras à manier avec aisance l'arme qui devait un jour protéger leur existence ? C’est une simple suppo- sition, mais qui peut cependant expliquer cette différence de grandeur dans les armes primitives. » TER PET —- AGE DE BRONZE. Le bronze servit d’abord à perfectionner les instruments pri- mitifs avant de les remplacer. Malgré la rapidité avec laquelle ce métal paraît s’être répandu, les anciens usages ne disparurent pas en un jour, et l’on dut utiliser longtemps encore quelques pièces du premier âge. Cette survivance fut particulièrement lon- gue en tout ce qui tient au Culte; les prêtres ne changèrent que difficilement la matière des instruments consacrés aux cérémo- nies religieuses. La pierre subsista longtemps après la décou- ’ Musée géologique et gallo-romain de Chaussis-lès-Angers. * Annales de la Société Linnéenne de Maine-et-Loire, tome n. — 108 — verte du bronze, et celui-ci était encore employé sur les autels, alors que le fer était d’un usage général. Nos collections renferment de curieux spécimens de l’âge de bronze, tels que haches et bracelets. Ces derniers surtout offrent un fini d'exécution qui étonne, quand on songe au point où l’art était à cette époque. | Voici ce que nous écrivions sur ces bracelets en l’année 1861 ! : — Vers le milieu du mois de janvier 1861, un cultivateur des Quintes des Ponts-de-Cé, en défonçant un champ dépendant de la terre de Pouillé, trouva, à un mètre soixante à peine de pro- fondeur, prés le canal de l’Authion, un vase en terre de forme grossière. L’inspection de ce vase, ou plutôt de cette urne, an- nonçait que celui qui l’avait modelée connaissait à peine les no- tions les plus élémentaires de l’art du potier, art poussé à une si grande perfection dans nos contrées, sous la domination romaine. L’impatience ou la cupidité firent bientôt briser cette poterie, et au lieu de voir l'or ou l'argent tomber en abondance à ses pieds, le pauvre travailleur ne vit qu’une certaine quantité d’ob- jets en bronze, d’une valeur intrinsèque fort minime, couverts de cet oxyde de cuivre, que les savants appellent dans leur langue la robe antique. Cette découverte, au point de vue de l’art, est d’une grande importance, et Je crois que c’est la première de ce genre qui ait été faite en Anjou. Elle consiste en neuf bracelets de bronze, de grandeurs différentes. Une inspection attentive nous fit recon- naître qu’ils dataient de l’époque celtique. a Les Celtes, dit Simon Pelloutier, dans son savant ouvrage sur les Cel- tes, t. 2, p. 186 et suivantes, faisaient usage d’un ornement qui leur était particulier. Ils portaient au cou des chaînes ou des colliers; ils avaient aussi autour des bras et autour du poignet des bracelets ; autant qu’il est possible d'en juger, cet ornement servait à distinguer les nobles et particu- lièrement ceux qui avaient quelque commandement dans les troupes. Ainsi Polybe, représentant une armée de Gaulois rangés en bataille, dit que le premier rang était tout composé de gens ornés de colliers et de bracelets, c'est-à-dire de gens de qualité, qui se battaient toujours à la tête des ar- mées. Hérodote, parlant de Mardonius, que Xercès laissa en Grèce pour y Voir le Bulletin historique et Monumental de l'Anjou, année 1864, pages 94 à 96. EN (1 LEE continuer la guerre, remarque aussi qu'il choisit tout ce qu’il y avait de gens à colliers et à bracelets, c’est-à-dire l'élite de la noblesse. » C'est peut-être pour cette raison, qu'en parlant de quelques vic- toires remportées par les Romains sur les Gaulois, Tite-Live spécifie ordi- nairement le nombre des colliers et des bracelets gagnés sur l'ennemi. » C'était une marque pour juger du nombre des officiers et des person- nages de distinctions qu'ils avaient perdus dans la bataille. Les guerriers qui avaient coutume de sortir des camps et de se présenter entre les deux armées pour faire un défi aux plus braves des ennemis, étaient ordinaire- ment de ces gens à colliers, qui voulaient signaler leur noblesse et se faire un nom chez leurs compatriotes par quelque action d'éclat. » Quoi qu'il en soit, il est certain que les Celtes étaient extrémement jaloux de cette sorte d'ornement. Les colliers et les bracelets trouvaient place parmi les présents que les particuliers offraient aux princes qui étaient en réputation de bravoure. Aussi les Romains en firent-ils des récompenses militaires, dès qu'ils eurent employés des troupesCeltes dans leur armée. » Les bracelets que portaient les Celtes n’étaient point seulement des objets d'ornement, ils étaient aussi une arme défensive. Leur poids et les aspérités en forme d'amande qui couvraient leur face extérieure en faisaient aux bras des Celtes une arme redouta- ble. Le nombre des bracelets variait suivant l'importance du chef dans l’armée. Ces bracelets s’adaptaient aux bras, sans laisser de vides. Sa partie appuyée sur la face palmaire de l’avant-bras était plate ; celle au contraire posée sur la face dorsale était convexe. Les premiers bracelets partaient du poignet et montaient quel- quefois graduellement jusqu’au coude; ceux dont nous parlons sont au nombre de neuf et du poids de deux kilos. En examinant attentivement les losanges et la finesse des autres ornements gravés sur ces bracelets, on est étonné de trouver une si grande pureté d'exécution, car les travaux des Celtes annoncent presqu’en tout l'enfance de l’art :. Les Celtes avaient deux modes d’inhumation : souvent le corps 1 Nous lisons dans la description des antiquités et objets d'arts contenus dans les salles du palais des arts de la ville de Lyon, par le docteur A. Comarmond, le passage suivant : « Quatre-vingt-un bracelets ont été découverts en 1852 dans le canton de Saint-Jean-de-Maurienne, en Savoie, dans une sépulture où gisaient les ossements de trois corps; dans la même fosse on a trouvé divers autres objets qui ont été acquis en même temps par la ville. Ces quatre-vingt-un — 4110 — du défunt, revêtu de tous ses ornements, était déposé dans son tombeau, ses armes près de lui. C’est ainsi qu’en Bretagne on a trouvé des squelettes ayant au bras des anneaux du genre de ceux dont nous donnons la description. Quelquefois il arrivait qu’on brülait le cadavre, et les restes étaient déposés dans une urne ; dans une autre, on plaçait les pa- rures, signe de sa puissance militaire. Nous croyons que le corps du chefCelte, auquel appartenaient les bracelets trouvés à Pouillé, ne fut point enterré mais brülé. Ces bracelets figurèrent à la grande exposition universelle de Paris en l’année 1867, où nous avons obtenu pour cet envoi une médaille de bronze. Actuellement, ils sont un des objets les plus - curieux du musée géologique et Gallo-Romain de Chaussis-lès- Angers. | D’autres bracelets, d’une importance bien moins considéra- ble, ont été découverts dans un bois dépendant de la propriété de Lassay, commune de Faveraie (1847), et à Rou-Marson, ar- rondissement de Saumur. bracelets étaient enfilés dans les os du même bras d’un des trois squelettes qui étaient rangés de front dans la même fosse ; leur nombre à ce même bras s'élevait à quatre-vingt-dix-neuf, mais M. le curé de la commune en a gardé dix-huit. En calculant la longueur du membre, il ne restait entre eux qu'une très-faible distance ; ils étaient échelonnés sur le bras et l’avant- bras, d’après leur diamètre qui correspondait à la grosseur de la partie qu'ils entouraient. Aussi, croyons-nous que leur diamètre et la force de leur tige décroissent depuis l'épaule jusqu’au poignet. Il est probable qu'ils étaient cousus sur une manche en étoffe, sans cela ils auraient glissé les uns sur les autres dans le mouvement du bras. Le plus grand nombre de ces bracelets est orné de crénelures, d'autres de compartiments, de traits séparés entre eux par un losange uni ou par une espèce de carré tout lisse, et quelques-uns sont à surface unie. Ils sont en général d’une très-bonne conservation; la robe antique est lisse et d’un beau vert de malachite et de sédiment terreux dans les parties creuses. Le diamètre varie de six à huit centimètres; poids total, 800 grammes. — 411 — Habitations Lacustres !. Ce fut à la suite de la baisse extraordinaire des eaux, pendant l'hiver de 1853 à 1854, qu’on découvrit dans le lac de Zurich, vis- à-vis de Meilen, des restes de nombreux pilotis, au milieu desquels se trouvaient des dalles brutes d’anciens foyers, des charbons, des _ ossements concassés et des ustensiles divers, qui montraient que ce point avait été occupé fort anciennement *, Les recherches dirigées à Meilen par le docteur Ferdinand Keller, ne tardèrent ! Des personnes mal intentionnées, et il n’en manque pas, pourraient croire d'aprés ce titre, que nous avons l'intention de signaler des habita- tions Lacustres en Maine-et-Loire. Il n’en est rien, mais les gens malfai- sants saisissent le moindre prétexte pour vous décocher l’injure. Ainsi, en 1858 nous portâmes à l’ordre du jour de la séance du 40 avril, dela Société Linéenne, la note suivante : Villars en Anjou, ses succès à la Faculté de Médecine, ses herborisations. Cette note ne fut pas lue à la séance, l’ordre du jour étant trop chargé, depuis nous néeligeâmes de la porter à une autre séance, de sorte que qui que ce soit n'en a eu connaissance. Ce qui n’a point empêché un per- sonnage de l’analyser, de la commenter et de nous faire dire ce qui n’a jamais, au grand jamais, été dans notre pensée. Par exemple, nous aurions dit que Villars aurait fait ses études médicales à Angers, ce qui n’est pas vrai, Villars ayant acquis tous ses grades en Dauphiné, mais ce que nous eussions dit si nous avions lu notre note, c’eût été ceci : Villars vint au mois d'août 1779 soutenir un concours à Angers où il obtint un second accessit, pour son mémoire sur la fièvre miliaire et il profita de son séjour dans notre province pour y faire des herborisations avec les pro- fesseurs de l’Université qui le traitent, dans un mémoire imprimé que nous avons sous les yeux (Archives de la Faculté de médecine d’Angers), de Médecin très-versé dans la botanique. Villars était donc alors médecin et non étudiant, ce qui n’est pas tout un. : Mémoires et documents publiés par la Société d'histoire de la Suisse Romande, tome xvn ; habitations lacustres des temps anciens et modernes, par Frédéric Troyon, membre de la Société Linnéenne de Maine-et-Loire, pages 3, 4, 5. — Frédéric Troyon est mort. Ce fut un des hommes qui ont été le plus utile à la science préhistorique. — 112 — pas à se généraliser !, et l’on put bientôt se convaincre que les premiers habitants de la Suisse construisaient une partie de leurs demeures au-dessus de la surface des eaux, comme le font encore de nos jours plusieurs peuplades, entre autres les Papons de la Nouvelle-Guinée ?. Les huttes de ces sauvages, de forme circulaire ou carrée, sont coupées en îlots, séparés du rivage par une nappe d’eau de quelques centaines de pieds de largeur. Un pont léger conduit de la rive à ces habitations, construites sur une espèce de plate-forme en bois, élevée de plusieurs pieds au-dessus de l’eau, et supportée par de nombreux pilotis plantés dans la vase. Ce genre de construction en usage autrefois dans diverses con- trées de l’Europe, a été mentionné par quelques auteurs anciens, et tout spécialement par Hérodote * , qui rapporte que les Pæoniens du lac Prasias en Thrace, plantaient dans les eaux de grands pieux destinés à supporter un plancher sur lequel chacun avait sa cabane avec une trappe conduisant au lac. L’historien Grec ajoute que ces habitations communiquaient à la rive au moyen d’un pont étroit. | Ce sont les débris de construction du même genre qu’on re- trouve dans la plupart des lacs de la Suisse et de plusieurs autres pays; bien que les découvertes soient loin d’être épuisées, on pourra se faire une idée de leur importance, par le grand nom- bre des emplacements sur lesquels s’élevaient ces bourgades lacustres, ainsi que par les objets tombés à l’eau et accumulés dans la vase des lacs, en véritables couches historiques, pendant une longue série de siècles. Si les restes de ces constructions pré- sentent généralement une grande anaiogie, il n’en est pas de même des divers instruments qui les accompagnent. Les uns appartiennent à l’industrie la plus primitive, tandis que d’autres sont le produit d’un art plus avancé. Sur plusieurs points, tous les instruments sont en pierre et en os; ailleurs, les ustensiies * Em. Muller et le colonel Schawah ont exploré avec le plus grand succès le lac de Bienne. * Voyage autour du Monde, par Dumont d’Urville. 3 Livre v, chap. 16. — 113 — domestiques, les armes et les ornements sont en bronze; et le fer apparaît, dans quelques localités, avec des formes et des orne- ments d’un genre étranger aux autres emplacements. A l’époque des eaux basses et surtout pendant l’aride été de 1874, nous avons remarqué en maints endroits de la Loire, non loin de Sainte-Gemmes entr’autre, des pieux de grandeur égale, profondément enfoncés dans le sol. Depuis longtemps ces pilotis ont préoccupé les archéologues qui supposaient qu’ils devaient être la base d'habitations La- custres. Je ne crois pas à l’existence d'habitations lacustres le long des fleuves ; ces habitations étaient toujours sur les lacs, les ma- rais et les étangs. IL n’y a en France d'habitations lacustres, bien constatées, que dans le lac de Saint-Claude (Jura), époque de la pierre, et dans les lacs du Bourget (Savoie), et d'Annecy (Haute-Savoie), époque du bronze. Ces nombreux pilotis que nous avons remarqués sur la Loire, devaient supporter ou des moulins ou des ponts ; mais nous le répétons, dans tous ces anciens barrages de la Loire il ne faut pas voir des traces d'habitations lacustres. Souterrains-Refuges. Les souterrains-refuges, qui servaient d’asile aux premiers peuples de nos contrées, sont assez nombreux, surtout dans l'arrondissement de Saumur. Un des plus remarquables, est celui appelé les Caves de Doué, où en 1793 un grand nombre de Vendéens y furent enfermés et traités avec la plus cruelle barbarie. ’ Nous avons publié en 1855, dans le Bulletin historique el monumental de lV’Anjou, le récit émouvant des souffrances endu- rées en ces lieux par de malheureux prisonniers de la Répu- blique. Ce récit est dù à M. du Reau qui était au nombre de ces in- 8 — 114 — fortunés, il l’a tracé uniquement pour son dévoué ami le comte de Romain. _ Voici un passage de cette narration relative aux Caves de Doué : « On nous ouvre une porte par laquelle à peine pouvait-on passer de front ; elle servait d'entrée à un passage étroit pour arriver à une petite cour en carré long, qui était le moyen d'exploitation de quatre ouvertures de caves taillées dans le tuf. Les premiers qui entrèrent dans ce coupe-gorge ne pouvant entrer assez vite au gré de nos assassins retardèrent la marche, ainsi que l’exiguité du passage et le défaut de lumière. Pour nous faire hâter, on nous précipita à coup de plat de sabre, de baïonnette, de crosse de fusil et de tout ce que ces gens-là pouvaient trouver sous la main. Ainsi poussés par derrière, rétardés par ceux qui nous précédaient, nous fûmes bientôt entrelacés par nos cordes, et ceux qui étaient parvenus jusqu'à la porte au bout du boyau, furent atteints d'une décharge de coups de fusil, dont cinq tombèrent devant nous, et en se débattant nous couvrirent de leur sang. Qu'on se représente des hommes poussés d’un côté par les plus brutales violences, à l’autre bout des hommes attachés à la chaîne, frappés d’un coup mortel, et qui obstruaient le passage; l'impression du bruit de l'explosion qui faisait reculer d'horreur, et étranglés ou étouffés par nos cordes, tout cela fit une telle confusion et une telle presse, que ce n'était plus des gémissements qu’on entendait, mais des hurlements horribles. On ne pouvait remuer ni en avant ni en arrière ; plusieurs tombèrent de fai- blesse et deux furent étouffés, et toujours le cri féroce d'avancer. Enfin on parvint à faire entendre que nous étions retenus par nos cordes. Un citoyen, plus humain que les autres, nous cria d'avancer et qu'on ne tire- rait plus. 11 se convainquit de l'impossibilité de faire aucun mouvement et entreprit de passer devant nous ; mais le passage était absolument comble, il n’y parvint qu’en passant par-dessus nos têtes, et il coupa nos cordes à mesure que nous débouchions. Quelques lampes jetaient une lueur sombre dans la petite cour, et nous laisait voir des sabres et des baïonnettes briller sur le pourtour, et qui semblaient être là pour fusiller à mesure que nous paraissions. Cependant on ne fit plus de décharge et on nous ordonna d’en- trer dans une cave, au fond de la cour à gauche, dont l'ouverture large comme une porte cochère faisait présumer que la capacité répondait à son entrée. Mais on n’avait pas calculé notre nombre avec l'espace qui devait nous contenir. Les premiers entrés se trouvèrent bientot gênés par les murs et la foule qui se précipitait pour se soustraire aux mauvais traitements des soldats qui menäçaient de tuer tous ceux qui dépasseraient la porte. » Nous trouvons encore dans dom Haynes, histoire manuscrite de l’abbaye dé Saint-Florent, près Saumur, l'indication d’un sou- 1 MIT — 115 — terrain-refuge :. Voici à quel sujet dom Huynes en parle : Les moines de Saint-Florent, fuyant la persécution des Normands, vinrent chercher asile à l’abbaye de Turnus, en Bourgogne. Quand la paix fut rendue, les moines de Saint-Florent voulurent regagner leur ancienne demeure et emporter avec eux les pré- cieuses reliques de leur patron; mais les moines de Turnus s’y opposérent en disant : « Les habitants grands et petits ne veulent entendre votre requête, n’y permettre que la Bourgogne soit privée d’un tel patron. Nous autres aussi estant enrichis d'un tel présent par la permission divine, nous le retenons par droit de société et d'hospitalité et n’endurerons que vous le portiez autres parts. Partant qui désire vivre et mourir ici avec nous qu'il y de- meure, sinon qu'il aille demeurer où bon lui semblera. Retournez en votre pays si vous voulez, mais soyez assurés que vous ne remporterez ce saint fardeau que vous avez apporté. » » Un jeune religieux de Saint-Florent, nommé Absalon, qui s'était réfu- gié pendant l'invasion normande dans sa famille qui habitait le Mans, ayant appris le malheur qui frappait son abbaye, résolut d’y ramener le corps de Sant-Florent ; il se rendit à Turnus, contrefit le boiteux, sut se rendre aimable à tous et fut nommé sacristain. Cette fonction rendit facile le dessein qu’il avait d’enlever les reliques de Saint-Florent, ce qu’il fit pen- dant la nuit d'une fête où les religieux fatigués des offices reposaient dans leurs cellules. Après bien des vicissitudes, il arriva sur la paroisse de Nan- tilly, où il trouva une grotte à côté de la montagne, vers le septentrion, d’un agréable aspect, laquelle quelque petite et chétive, jugea toutefois assez commode à son dessein pour le temps, où déposant son fardeau avec une grande révérence, il le plaça au plus creux du rocher, s’y retirant pour y psalmodier et faire ses oraisons. Destitué du soulas, de la conversation humaine, cherchant à vivre au mieux qu’il pouvait, y demeurant longtemps inconnu, jusqu’à ce que des bergers s’avançant dans la solitude pour pai- tre leur troupeau, le trouvèrent en ces déserts ; mais lui, craignant de per- dre son trésor s’il était connu des hommes, les éloignait de soi par mena- ces ou autrement 2,» * L'original de l’histoire de l’abbaye de Saint-Florent, prés Saumur, par dom Huynes, bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, est aux archi- : ves de la préfecture : mais heureusement la bibliothèque municipale en . possède une copie complète et écrite avec beaucoup de soin, ce qui permet de pouvoir consulter facilement ce vaste travail. 2 Cette grotte n’était autre qu’un souterrain-refuge. AGE DE FER. Le troisième âge, l’âge de fer, n’a point commencé à la même époque dans les deux pays de l’Europe. En Grèce, le fer est an- térieur à Hésiode; dans quelques contrées du Nord, il était encore rare du temps de Tacite. La durée de cette transition a nécessairement varié d’après le développement des peuples, et selon que l’art de travailler le fer était introduit par une inva- sion, ou, conquis peu à peu, par l’industrie nationale, dans le même pays. Telle contrée, peu ouverte aux communications, devait présenter la même disparate qu’à la fin de l’âge de pierre! ; et, lorsque le fer fut généralement en usage, l’épée en bronze put encore se trouver dans la main d’un guerrier. Dans le moyen-âge, on vit même sur les champs de batailie le casse-tête armé d’une pierre, et la pointe de lance en bronze, d’où l’on ne pouvait conclure qu’on en était alors à une époque de transition. Enfin, dans les cérémonies religieuses, la matière consacrée par l’usage prend un caractère sacré, en sorte que ies instruments du culte furent longtemps encore en pierre ou en bronze, après l'introduction générale du fer. Cet âge nous conduit naturellement à la domination romaine dans les Gaules. Invasion Gallo-Romaine. L’invasion romaine dans les Gaules a peuplé l’Anjou d’édifices dont, à chaque instant, la pioche du travailleur met à jour les restes. Les travaux de la gare d’Angers dans le champdes Terres- Noires ont fait surgir du sol une grande quantité de vases, pote- ries, tombeaux, et qui font aujourd’hui l’ornement du Musée des Antiquités de la ville. 1 Frédéric Troyon (habitations Lacustres.) de TS En MT — _ La découverte de ces tombeaux fut le sujet de graves discus- sions entre les antiquaires, à cette époque (1848) dans les sociétés savantes ; Rumor erat in casä, surtout à l'égard d'un certain cer- cueil en plomb qui se trouve actuellement dans la salle de l’hôpi- tal Saint-Jean l’Évangéliste, et qui devait, d’après l’avis de M. Poi- trinas, renfermer le corps d’un charpentier gallo-romain ! Ce qui est certain, c’est que cette tombe contenait le corps d’un païen ; la pièce de monnaie très-fruste trouvée dans la main droite du squelette, main placée sur l’ombilic, indique claire- ment que cette monnaie, qu'on croit être de Constantin, était des- tinée à payer les frais de passage (Nautum). Le musée de Saumur possède le ménage d’un charpentier Gallo- Romain. Voici la description de ce ménage, extraite du catalogue du musée de Saumur, publié dans les Annales de la Société Lin- néenne de Maine-et-Loire, par le directeur, M. Auguste Courtil- ler (année 1868). « Deux clefs en fer, quatre équerres tenant le coffre qui renfermait tous ces objets, quatre grands clous, deux grandes-planes plates, une plane creuse, une bicorne avec tranche d’un côté, un couperet, trois herminettes à marteau, trois autres instruments tranchants, deux haches, trois compas, une scie à main, trois fragments d’une grande scie, une lame de couteau à fendre, un ciseau avec douille, un ciseau avec poignée, une gouge, trois tarières, un bec-d’âne, quatre lames de couteaux, un couteau avec son manche fait d’un andouillet de bois de cerf, une rainette, deux fers de varlope, deux grandes douilles , peut-être deux scies rondes, un tire-ligne, un fi! à plomb , un vase cylindrique en bronze, une tuba ou trompette ro- maine , deux aiguières en bronze, deux plats dont untrés-grand en bronze, un grand et un petit chaudron en bronze, une casserole en bronze fondu, sept vases en terre de différentes formes, à l’usage domestique, meules à moudre le blé, sa bourse composée de monnaies depuis Auguste jusqu’à Constantin. » Citer Les lieux où l’on trouve des traces du séjour des Romains, ce serait nommer à peu près toutes les communes de la province ; dans maints endroits on peut constater la situation des voies ro- maines ‘. C’est surtout à l’époque où le blé commence à mü- ! Nous avons, pendant près d’une lieue, suivi sur la propriété de Vernusse une voie romaine qui la traverse. Vernusse est situé commune de Pontigné près Baugé. Pontigné est une des communes du département les plus cu- — 118 — rir, qu’on peut aisément en suivre le parcours. D’abord, dans tout l’espace qu’elles occupaient, le blé est plus grêle et moins élevé que dans les autres parties des champs, et puis, faute de nourriture suffisante, il jaunit beauceup plus vite. Deux localités intéressantes au point de vue de l'occupation Gallo-Romaine, méritent d’être signalées. La première est celle de Chenehutte-les-Tuffeaux, arrondisse- ment de Saumur. Il n’est pas d'années que des découvertes ne soient faites à Chenehutte. Ainsi, en 1856, on mettait à jour un bassin rempli de cendres et de blés carbonisés; en 1857, une citerne, etc. Partout, dans les champs environnants, on remarque sur la terre un nombre considérable de poteries brisées, et la charrue du laboureur fait à chaque sillon surgir du sol des débris d'amphores, de vases destinés à l’usage domestique. C’est à Chenehutte que se trouvait la Statio Robrica à laquelle venait aboutir la voie romaine d'Angers à Tours. La seconde est celle du Fief-Sauvin, canton de Montrevault, arrondissement de Cholet. Comme Chenehutte, le Fief-Sauvin était une villa importante : c’est là qu'était la Mansion Segora où arrivait la voie romaine de Nantes à Poitiers. Des fouilles intelligemment dirigées au Fief-Sauvin , donne- raient de magnifiques résultats, si nous en jugeons par celles qui ont eu lieu jusqu’à présent, quoiqu’elles aient été faites sur une bien petite échelle. M. Martin (Tristan), propriétaire à Saint-Pierre-Montlimart, avait la passion des recherches, on peut même dire que c’était sa principale occupation. Sans cesse il sondait les lieux où il y avait trace d’un monument Gallo-Romain. Malheureusement ses rieuses à visiter. Le Géologue et le Botaniste peuvent y faire ample mois- son et l'Eglise de Pontigné est un des monuments les plus remarquables de l’Anjou , nous aurons à en parler lorsque nous serons arrivé à la période qui la concerne. Pontigné est un {pays affectionné des Baljacois; un vieux proverbe usité dans la contrée dit : Qui n’a pas de biens à Pontigné, N'est pas riche à Baugé. — 4119 — fouilles étaient toujours faites avec une extrême économie , ja- mais il ne remuait assez profondément le sol. Il fallait voir M. Martin auprès du terrassier qu’il mettait à l’œuvre : pas une motte de terre n’était soulevée, qu'il ne la prit, la broyät avec ses mains pour en connaître le contenu. Ses yeux s’animaient, lorsqu'il sentait la moindre résistance, et quand il avait le bonheur, ce qui lui arrivait très-fréquemment, de trou- ver une pièce de monnaie, il témoignait hautement son conten- tement par des cris d’allégresse. M. Martin était l’antiquaire par excellence, et n’eut d’égal que M. Poitrinas. On se figure peu tout ce qu’il a récolté au Fief-Sauvin. Jai vu chez lui, dans sa demeure du Verger, des boisseaux combles de monnaies à l’effigie d’Adrien, d’Antonin, de Trajan, de Marc-Aurèle, de Marc-Antoine, des statuettes en bronze, des épées, des pilum, etc. Ce bon vieillard était pré- cieux pour le canton de Beaupreau qu'il a observé pendant plus d’un demi-siècle. Depuis longues années , nous avons étudié avec un vif intérêt les découvertes qui ont été faites dans le haut et bas Anjou, tel qu’à Gennes qui possède un théâtre, un aquedue, des bains, une voie romaine; à Murs, des bains et un chatellier; à Sainte- Gemmes, des bains. En 1847, un paysan d’Allençon trouva dans un champ nommé les Chatres, commune de Chavagnes-les-Eaux, des masques, figurine, canthares, le tout en argent. Ces précieux objets, désignés sous le nom de Trésor d’Allençon, furent cédés. par le curé du lieu qui en avait fait l’acquisition, à M. Toussaint Grille , bibliothécaire de la ville d'Angers, pour la somme de 4,200 francs. A la mort de ce collectionneur, le Trésor d’Allençon fut mis en vente ; chose triste à dire, on l’a laissé partir de l’An- jou : c’est le musée du Louvre qui en a fait l'acquisition. Nousen avons vu quelques parties dans une de ses galeries où elles sont classées avec une désignation fort vague, ainsi nous lisons ceci : « Monuments antiques trouvés en 4847 dans la commune de Notre- Dame d’Allençon près Brissac, Maine-et-Loire. » Ce classement a dû étonner les savanis qui se sont si longtemps disputés pour savoir si l’ensemble du trésor d’Allençon formait un Sacellum ou un Cimelium. Quoi qu'il en soit, il est fâcheux que la municipalité d'alors ne se soit pas un peu plus désintéressée, et n’ait pas alloué — 120 — au directeur du Musée des antiquités, une somme suffisante pour conserver à l’Anjou une série d’objets qui eussent fait le plus bel ornement de la salle d’archéologie. La vente du cabinet de M. Toussaint Grille, qui eut lieu en l’année 1857, nous remet en mémoire le fait suivant : On avait mis cn adjudication un manuscrit composé de dix- huit volumes in-folio sur papier, XXVII° siècle, d'Audouys, intitulé : Recherches généalogiques sur les familles d'Anjou. Le titre était affriolant et on se disputait à l’envi cet ouvrage ; M. Marchegay, archiviste paléographe du département dont, au- jourd’hui qu’il n’habite plus l’Anjou, l'immense savoir fait tant défaut aux travailleurs consciencieux, et M. Lemarchand, actuel- lement conservateur en chef de la Bibliothèque municipale de la ville, poussèrent, au nom de l’Administration, l'ouvrage jusqu’à 815 francs ; leurs ressources étant plus qu'épuisées, en gens pru- dents, ils n’osèrent, sur une trop grande échelle, dépasser le crédit alloué par la ville. M. le comte Ernest de Coeslin, membre de la Société Linnéenne de Maine-et-Loire, voyant les forces épuisées, vint à la rescousse, poussa jusqu’à 900 francs l’enchère, et, lorsque l'ouvrage lui fut adjugé, il dit à M° Marie, commissaire-priseur, qui inscrivait son nom comme acquéreur : « Mettez celui de la ville d'Angers. » Tout le monde présent au Palais des Marchands, rue Baudrière }, lieu où se faisait la vente, s’empressa de louer le désintéresse- ment de ce gentilhomme si sympathique et de si bonne compa- gnie, mais ce fut tout; personne ne songea à limiter, et cepen- dant, avec un peu de bonne volonté, que d’épaves on eût pu sau- ver du cabinet Grille. Du reste, la Maison de Ville s'était, dans cette circonstance, montrée peu généreuse, il s’agissait de questions artistiques, cela n’a jamais trop préoccupé nos bons édiles. * Le Palais des Marchands, situé rue Baudrière, a disparu en grande par- tie, depuis que le Tribunal de Commerce a préféré se réfugier dans les anciens bâtiments affectés au Tribunal de premiére Instance, rue Saint- Michel, puis place du Champ-de-Mars dans le nouveau palais de Justice. La belle grille qui donnait accès au Palais des Marchands a été vendue à M. le comte Théodore de Quatrebarbes, elle est actuellement-placée à l’en- trée du magnifique parc de Chanzeaux. ts 2 dis male 0 tintin “à nb 7 AS lime rtetié nie, — 1921 — Quant à l’ouvrage d’Audouys, c’est un mauvais pamphlet dans toute l’acception du mot, rempli de haine et de fiel, fait sans con- trôle et au hasard, c'est un roman Lilieux qu’on prend trop faci- lement, hélas ! de nos jours, pour modèle. En ce qui concerne la période Gallo-Romaine, nous ajouterons qu’on peut la connaître en consultant les témoins muets qui exis- tent encore, tels qu'aqueducs, bains, enceintes, théâtres, amphi- théâtres, etc. On voit au jardin des Plantes, dit Bodin dans son excellente histoire d'Anjou’, un tombeau antique qui était avant la révolution dans le cime- tière Saint-Julien, où il servait de piédestal à une croix, comme il sert encore aujourd’hui à une colonne. Ce tombeau est de granit, sa forme est carrée dans la partie inférieure et octogone dans la partie supérieure, la hauteur est de trois pieds un pouce et la largeur de deux pieds sept pouces et demi ; il est du troisième genre des tombeaux romains, c’est-à-dire du genre le plus simple, celui qui était spécialement affecté aux personnes peu riches. Sur l’une de ses faces on lit cette épitaphe : VXORI. OPTIMAE. T. FLAVIVS. AVG LIB. ASIATICVS. « C'est-à-dire Titus Flavius Asiaticus affranchi de l’empereur, à son ex- cellente épouse. » Comme les affranchis prenaient ordinairement lenom de leur patron, on peut croire que cet affranchi, devant la liberté à Vespasien, ou à Tite, ou à Domitien qui portait ces noms et prénoms : Titus Flavius le Cognom Asiaticus, annoncerait qu'il avait fait la guerre en Asie. L'inscription gravée sur ce cippe funéraire commence à peu près à devenir illisible, elle est entièrement couverte par les lichens ; il serait temps de l’enlever du triste jardin des plantes où elle se trouve, et de la transporter au Musée des antiquités de la ville, sa place naturelle. Il y avait à Chaussis-lès-Angers, en 1810, une maison gallo- romaine entièrement conservée. Un crime y fut commis, et le propriétaire d'alors, voyant cette demeure avec horreur, la fit malheureusement démolir. Nous en possédons de nombreux 1 Recherches historiques sur l’Anjou et ses monuments. Angers et le bas-Anjou, par J. F. Bodin, député de Maine-et-Loire. — 192 — vestiges qui sont déposés à notre Musée géologique et gallo- romain. « Le Grand-Chaussis et le Petit-Chaussis, qui en dépend, sont situés, d’un côté, près le vieux couvent de la Baumette, le chemin des Moines seul les en sépare; de l’autre, près le petit clos Chanzé; le plateau de Montecler fait la limite des deux pro- priétés. Le petit clos Chanzé est l’ancienne villa de la famille de la Pastandry. Il faut bien se garder de confondre, comme on l’a fait avec une assurance incroyable, le petit clos Chanzé, situé commune de Sainte-Gemmes, avec le féodal manoir de Chanzé, situé sur les bords du Layon, commune de Faye. Lorsque nous aurons à nous occuper de René d'Anjou, nous ferons l’énumération de ses nombreuses résidences qui, s’il fal- fait en croire tout ce qu’on en raconte, auraient été bien misé- rables. Nous dirons seulement que si les morts revenaient en ce monde, le bon M. de la Pastandry serait bien étonné d'apprendre que sa très-modeste maison du petit clos Chanzé, construite vers la fin du xvrrr° siècle, fût une résidence royale ; mais celui dont l’étonnement serait plus grand encore, ce serait le roi René! On prétend qu’il y aurait (ce que nous n’avons pu découvrir malgré nos plus actives recherches et ce qui toutefois n’est pas une preuve en faveur de la négative) aussi dans les environs deux autres Chaussis (orand et petit) ; le premier, le grand, aurait appartenu à Yves de la Barre qui, en 1903, l’aurait donné à Yves de Tessé, lequel l'aurait légué, le 23 novembre 1537, au chapitre de Saint-Maurice, sur qui il aurait été vendu nationale- ment le 7 septembre 1791. Le second, le petit, serait une appar- tenance de l’abbaye du Louroux. Quoi qu’il en soit, il est de notoriété publique que le Grand- Chaussis ‘ et le Petit-Chaussis, qui joignaient la chapelle de la Pie sont notre propriété, qu'ils sont dans notre famille depuis plus de quatre siècles ? par une alliance avec la famille de Boussac et qu’ils y resteront jusqu’au jour où un communard viendra s’en emparer ou les pétroliser. Akas Beauregard. ? Nous tenons notre Chartrier à la disposition de qui voudra le consulter. — 193 — On trouve encore sur le territoire de Chaussis, maints débris de poteries qui ne sont, quoi qu'on en dise, nullement de l'époque gallo-romaine ; ils proviennent du couvent de la Bau- mette. Ce monastère fut élevé sur le rocher de Chaussis, par ordre du roi René, afin d’y établir des révérends Pères Capu- cins. Ce fut pour se rendre dans ce pieux asile que Rabelais, à l’âge de dix ans, quitta sa plantureuse Touraine où l’on trouve « force mestairies, force granges, force sens, force mas, forces bordes et bordaux, force cassines, force prés, vignes, bois, terres laboura- bles, pastis, étangs, moulins, jardins, saulsayes, bœufs, vaches, brebis, moutons, chèvres, truyes, pourceaux, asnes, chevaux, canards et du menu... D Ce fut donc dans l’austère demeure des Pères Capucins de la Baumette que le futur créateur de Pantagruel, de Gargantua et du rusé Panurge commença son éducation, en compagnie des deux du Bellay qui, un jour, devaient tenir un haut rang dans Eglise et dans l'Etat. Rabelais s’est rappelé plus d’une fois, dans sa vie, le séjour qu'il fit dans cette placide retraite. Il avait conservé le souvenir des cellules à double rang, placées au sommet du couvent, et dont le couloir débouchait de plein pied devant la porte de la cave percée dans le roc. « Je scay, dit-il, des lieux à Lyon, à la Basmette.... et ailleurs où les estables sont au plus haut du Logis. » Au commencement du siècle, un digne et brave homme, qui n'avait rien de sinistre dans le regard, vint trouver M. de Jully, propriétaire du couvent de la Baumette et de la terre de Château- briant, afin de lui demander la permission d’utiliser les anciens bâtiments des Pères Capucins qui avaient été abandonnés depuis l'êre révolutionnaire, et y établir un atelier de poteries. M. de Jully, qui était la bonté même, s’empressa d’accéder aux désirs du pauvre artiste, mais à la condition expresse que la porte du couvent serait toujours ouverte à ceux qui se rendraient en péle- 1 Rabelais était né à Chinon en 1485. — 124 — rinage à la chapelle. Bientôt l'installation fut faite et l’ouvrier se mit à l’œuvre. Le père Jacques, c’est ainsi qu'on l’appelait, était d’une adresse extrême ; on se rendait en partie de plaisir d'Angers au couvent de la Baumette, afin de le voir travailler et lui acheter ces mille riens qu’il faisait pour les enfants, et qui dénotaient un véritable talent. Malheureusement la terre qu’il prenait était peu propice à la poterie. Aussi était-il obligé de jeter un grand nombre de vases, etc., qui étaient mal cuits, et dont on trouve à Chaussis et dans les environs tant de débris sur lesquels plusieurs anti- quaires ont cru voir ce qui réellement n'existait pas. Le père Jacques se vit, à son grand regret, obligé de quitter le couvent de la Baumette et de chercher une contrée où il put trouver les matériaux nécessaires à son art. Abandonné longtemps après la Révolution, le couvent de la Baumette est devenu une maison de plaisance qui conserve, malgré toutes les additions et changements qu’on lui a fait subir, son caractère claustral ; chaque fois que le touriste passe au pied de cet ancien monastère ,il croit que les échos de la chapelle vont lui répéter les chants sacrés des cénobites, et est tout étonné de n’entendre que des sifflets et les aboiements des chiens. Revenons à l’époque gallo-romaine : nous nous sommes posé cette question : Ÿ a-t-il eu un camp romain sur les bords de la Loire et de la Maine ? c’est-à-dire depuis Frémur et ses Châtel- liers d'un côté, les Mazeries, les Mazières, Murs, le Fée-de-Murs, Frémur et les Châtelliers-de-Murs de l’autre côté ; existait-il une enceinte qui constiluât un camp ? Les découvertes faites aux Mazeries d'habitations gallo-ro- maines, les bains des Mazières, en un mot ce qu’on trouve chaque année dans ces contrées, ainsi que les fouilles des 6hä- telliers de Frémur, qui ont mis à jour un établissement de bains ; tout cela prouve que sur les bords riants de la Maine et de la Loire, depuis Juliomagus jusqu'aux confins de la commune de Murs, les Romains avaient établi de confortables habitations, où ils jouissaient des plaisirs de la villégiature. Si l’on admet, ce qui pour nous ect une certitude, qu'après avoir levé le siége de Poitiers, Dumnacus qui avait passé la Loire, — 4195 — poursuivi par les troupes de Caninius et de Fabius, accepta le combat dans les champs qui portent aujourd’hui le nom du Moulin-à-Vent, commune de Murs, près la route des Sables- d'Olonne, on comprend facilement qu’un chef aussi intelligent que Dumnacus ne fût pas venu de plein gré se jeter au milieu d’un camp, lorsqu'il savait que des forces triples des siennes venaient lui livrer bataille. Notre éminent statuaire, P.-J. David, avait visité le lieu où Dumnacus a si énergiquement résisté aux légions de César et où il mourut :, sur un sol jonché de plus de douze mille cadavres. Aussi le patriotique crayon de David a-t-il tracé le plan d’un monument à élever à la mémoire du chef des Andes qui, maintes fois victorieux, succomba sous le nombre en combattant pour l'indépendance de son pays. Voici le prejet que nous remit David : Au centre d’un gigantesque peulvan est sculpté en creux un coq gaulois, foulant sous ses pattes, en poussant un cocorico d’al- légresse, des aigles et des armures romaines. Au bas on lit : A L'HÉROIQUE DUMNACUS MORT POUR LA PATRIE Populariser par la sculpture le souvenir de Dumnacus, fut le rêve de David. Le regretté comte de Quatrebarbes avait confié à ce grand artiste le soin d’exécuter la statue de René d’Anjou et les douze ravissantes statueites qui ornent le piédestal. Lorsqu'il eut terminé les maquettes, il écrivit à M. de Quatre- barbes pour l’inviter à venir dans son atelier visiter l’ensemble de l’œuvre. « Vous y verrez, lui disait David, un certain Dumnacus qui vous fera plaisir. » 1 C’est une erreur qui à fait dire à plusieurs écrivains que Dumnacus, après cet héroïque combat, s'était réfugié d’abord chez les Carnutes, qui ne tardérent point à se soumettre et ensuite chez les peuples de l’extrême- Gaule où il serait mort — 196 — A l’époque où David nous remit son dessin, il était assez diffi- cile de donner suite à la pensée de l’artiste. L'Empire était à son apogée et, avec les préfets à poigne de ce régime, on n’eût pas manqué de voir dans ce bas-relief une allusion au gouvernement impérial ; le fameux système des interprétations si spirituellement chansonné par Béranger était en pleine vigueur, et le plus pru- dent fut de laisser dans nos cartons ce magnifique projet, en attendant l’occasion favorable qui peut-être se présentera un jour. David se trompait à l’égard de Dumnacus : il voyait dans l’en- nemi de César un héros aux aspirations républicaines. C'était de la part de l'artiste une grave erreur. Dumnacus était chef de sa race et en même temps qu’il voulait affermir l'indépendance de son pays, il voulait aussi assurer à perpétuité à ses descendants le gouvernement de la nationalité angevine. Tombes d’eselaves. Le 31 décembre 1839, un sieur Clavier était occupé avec ses fils à défoncer un champ au lieu nommé la Grande-Carte, fau- bourg Saint-Laud. Tout-à-coup, sous la pioche d’un des terras- siers, une résistance se fit sentir. Le père Clavier ayant entendu parler des découvertes fréquentes qui avaient lieu dans les envi- rons, agit avec prudence afin de ne rien briser, déblaya douce- ment la terre et retira du sol une urne cinéraire en cuivre sur l’anse de laquelle était une figurine symbolique. Dans l’intérieur de l’urne se trouvaient cinq clous à tête plate de huit centi- mètres de long, qui évidemment avaient subi l’action du A feu. Plus loin ils rencontrèrent un squelette dont la tête était ap-. puyée sur une tuile creuse. Mais ce qui attira surtout leur attention, fut une tombe renfer- mant deux squelettes sur lesquels était placée une chaîne en fer de quarante-six centimètres de long ; les anneaux de cette chaîne ont la forme d’un 8. nÉnRn l , +, . 22 NOR CO OT TS — 4197 — Le musée des antiquités de la ville n’était pas encore fondé : les deux têtes des squelettes et la chaîne furent déposés au ca- binet d'histoire naturelle. De 1839 à 1875, on s’est livré sur cette découverte à mille conjectures et de toutes ces discussions la lumière ne s’est point encore produite. Les antiquaires ne sont pas d’accord jusqu’à ce moment, chacun a tenu à son opinion. Humble travailleur, nous oserons donner notre avis après celui des grands maîtres de la science, prêt toutefois à l’abandonner si on nous en présente un meilleur. Nous croyons que cette tombe contenait les corps de deux es- claves. Chez les Romains le maître était propriétaire (Dominus) de l’es- clave, sa puissance s’appliquait à deux choses, à la personne et aux biens. Quant à la personne, le maître pouvait disposer à son gré de l’esclave, le vendre, l’abandonner ou même lui donner Ja mort; quant aux biens tout ce que l’esclave avait ou acquérait, était à son maître. L’esclave portait un costume particulier qui le rendait toujours reconnaissable, il était la chose de son maître et n’avait rien qui ne fût à ce dernier. Nous pensons que, dans la tombe même, la marque de la servitude se faisait sentir et que la chaine qu’on a trouvée dans le tombeau qui nous occupe était placée là, pour indiquer que les corps qui y étaient renfermés appartenaient à des gens frappés de captivité par la conquête (manu capti), à qui le vainqueur avait conservé la vie (servati). À la fin de chaque série nous indiquerons autant que possi- ble les ouvrages qu’on pourra consulter , relativement à l’his- toire des diverses périodes dont nous avons parlé. Et nous ajouterons une courte notice biographique sur leurs auteurs. Voir donc pour les temps primitifs et l’époque Gallo-romaine : 4. Le Mont-Glonne, ou recherches historiques sur l’origine des Celtes, Angevins, Aquitains, Armoriques. 2. Remarques sur le camp de César ou canton d’'Empyré et de Frémur, et autres ouvrages des Romains. Avec cette épigraphe : Invenies illic et facta domestica nobis, Sæpe tibi pater, sæpe legendus avus. Vous trouverez ici plusieurs faits curieux. Lisez et relisez vos pêres, vos aïeux. — 198 — » 3. Recherches sur le châtellier de Chenchutte, par Claude Robin, docteur en théologie, ancien recteur de l’Université, premier curé-cardinal de la ville d'Angers, pélerin apostolique et patron perpétuel des pélerins de Saint-Jacques. » Voici le spirituel portrait que Bodin fait de cet auteur, dans ses Recher- ches historiques, Angets et le bas Anjou, tome 2, pages 391, 392. » Lorsque je vais à Angers je ne passe point dans la rue des Forges, sans jeter un coup d’œil sur la troisième maison à gauche ! en descendant de la place à la rue Saint-Laud ; cette maison était la cure de Saint-Pierre. Je crois voir encore, sur le seuil de la porte, le dernier curé de cette paroisse, sa soutane déboutonnée, son bonnet enveloppé d’une coiffe de toile, placé de côté sur la tête, les cordons de son caleçon tombant sur seS bas ; les yeux vifs sont ombragés d’épais sourcils, son nez, sa lèvre supé- rieure et sa veste sont couverts de tabac. Son air railleur et distrait, le dé- sordre de ses vêtements, tout est parfaitement assorti à son maintien. Sa tête est un peu penchée en avant, une de ses mains est dans la ceinture de sa culotte, et, de l’autre il fait un geste aux grisettes ou aux artisans qui passent en leur adressant quelques mots plaisants, parfois malins, mais jamais offensants. Il en reçoit gaiement la riposte et rit le premier des rail- léries qu'on échanseayecduiss 14. .Mfttt. LENOIR » Ces ouvrages ne sont point sans mérite, mais ils sont si chargés d’éru- dition, souvent sans aucun rapport avec le sujet, et il y règne si peu d'ordre, qu'il est difficile d’en continuer patiemment la lecture, quoiqu'ils contiennent une multitude de faits propres à piquer la curiosité. » Louis-Marie La Révellière-Lépeaux, J.-B. Leclerc et Urbain Pilastre, publièrent en octobre 1806 avec six figures, une inté- ressante notice des monuments celtiques du département de Maine-et-Loire. En tête de la notice se trouve la lettre suivante, qui explique le plan de l'ouvrage : « L.-M. Révellière-Lépeaux, membre de l’Académie cEqRE » à M. Johanneau, secrétaire perpétuel de la même Académie. » Mon cher confrère, » Vous devez vous rappeler que, lorsque vous quittâtes une retraite où vous nous aviez procuré des moments bien agréables, et malheureusement 1 Cette maison est occupée aujourd'hui par un marchand d’objets de pêche. — 129 — trop courts, j'étais moi-même sur le point de partir de la Rousselière pour le Maine-et-Loire. Pendant le peu de loisirs que mes affaires m’y ont laissé, j'ai fait des recherches relatives aux monuments druidiques. J’ai en consé- quence parcouru plusieurs endroits de ce pays, en octobre dernier, avec mes deux amis Pilastre et Leclerc, habitants de ce département, le premier associé correspondant de la Société d'Agriculture de la Seine, le second de l’Institut national et tous les deux également zélés pour tout ce qui peut être utile aux hommes et hâter le progrès de nos connaissances. » Tandis qu'avec le secours d’une érudition à la fois vaste et bien di- rigée, vous faisiez la découverte de tout un ancien monde, nous nous esti- mions trop heureux d’en rencontrer quelques fragments isolés que nous observions avec une religieuse attention. » Je vous fait passer la notice du peu que nous avons recueilli, accom- pagné de quelques conjectures hasardées sur les monuments qui nous ont paru remarquables par quelques circonstances particulières, veuillez bien en faire hommage à l’Académie celtique si vous jugez que cela peut l’in- A la Rousselière, commune d’Ardon (Loiret), le 45 janvier 1807. » L.-M. RÉVELLIÈRE-LÉPEAUX. » Louis-Marie La Réveillière-Lépeaux, naquit à Montaigu en bas Poitou, le 25 août 1753. Elève distingué du collége de Beaupréau, des Oratoriens et de l’Université d'Angers, il se livra de bonne heure à l’étude des langues vivantes et de la philosophie. Fixé en Anjou, il se mit à étudier la botanique ; membre de la société des Botanistes-chimistes, dont la Société Linnéenne de Maine-et-Loire n’est que la continuation, il fut chargé par ses collègues de faire le cours de botanique et se fit remarquer par la clarté et le charme de son enseignement. La Révolution vint changer momentanément la direction de ses études ; il fut, comme on sait, député du Tiers aux États- Généraux, à la Constituante, à la Convention, Président du Con- seil des Anciens, du Directoire. Il mourut à Paris, le 27 mars 1824. Les travaux fournis par La Révellière à l’Académie celtique sont : 4. Lettre sur une hache de pierre ét autres monuments druidiques. 2. Notice sur le patois vendéen suivie de chansons et d’un vocabulaire vendéen. 9 — 4130 — Ces travaux sont très-estimés et fort recherchés des biblio- philes. Jean-Baptiste Leclerc était né à Chalonnes, le 29 février 1756. Conseiller à l'élection d'Angers, il consacrait ses loisirs à l’étude de la musique, de la littérature et de la philosophie. Il était membre de l’Académie des sciences et belles-lettres d'Angers, fut député aux États-Généraux, à l’Assemblée constituante, à la Convention, puis membre du Conseil des Cinq-Cents, du Corps législatif, dont il fut nommé Président, 9 février 1801. Ayant signé l’acte additionnel, il fut proscrit et se retira à Liége, où il selivra tout entier aux études historiques et littéraires. Il mourut le 46 novembre 1826. Il a laissé de nombreux travaux, entre autres un Curieux ouvrage intitulé : René d'Anjou, roi, duc, comte, peintre, poète, musicien et fleuriste. Puis un Recueil des mémotres et fragments divers avec ou sans anno- tations du copiste, pour servir & l'histoire de l'Anjou. René-Urbain Pilastre de la Brardière naquit à Soudon, com- mune de Cheffes, le 10 octobre 1752. Après avoir fait de bril- lantes études chez les Oratoriens d’Angers, il entreprit de longs voyages. En 1789, il fut élu, par le Tiers-État de la sénéchaussée d'Angers, député aux États-Généraux. Il devint maire d'Angers en 4791, puis député à la Convention nationale. Lors la journée du 41 mai, il donna sa démission. Poursuivi par la Montagne, il parvint à se soustraire à la mort en exerçant, à Montmorency, la profession de menuisier". En 1795, il entra au Conseil des An- ciens, dont il fut le secrétaire. Nommé membre de la Chambre des députés, il y resta jusqu’en 1802, se retira à sa propriété de Soudon, où il se livra à l’étude des lettres. Il mourut le 24 avril 1830. Pilastre était un véritable savant, aussi modeste qu’ins- truit. 1 Dans sa jeunesse Pilastre comme passe-temps s'amusait à faire de ja menuiserie, Tr TR ROUTE EI — 131 — Jean-François Bodin naquit à Angers, le 26 septembre 1766. Son père, habile maître maçon, demeurait à Beaupréau. C’est ce qui fait croire à beaucoup de personnes que notre illustre histo- rien était Bellopratin. Bodin, après avoir terminé ses études à Angers, revint près de son père, qui voulait lui faire suivre sa carrière; mais Jean Bodin était déjà plus qu’un maître maçon : c’était un savant architecte, un peintre. Il débuta dans la vie artistique en composant les fresques de la chapelle du collége de Beaupréau. Lorsque la Ré- volution éclata, Bodin fut nommé, en 1799, administrateur du district de Saint-Florent. L’anarchie et le mal qu’il voyait de toutes parts désolèrent son cœur généreux : il avait vu dans la Révolution une ère nouvelle pour la France, et non la proscrip- tion et l’échafaud. Il passa, en qualité de payeur, à l’armée de l'Ouest. La paix conclue (1796), Bodin se hâta de reprendre ses travaux d'artiste. L'Institut avait mis au concours le monument qu’il voulait élever aux armées françaises ; Bodin prit part à ce concours, en- voya un projet qui fut reçu à l’unanimité, mais qui ne put être exécuté, parce qu’il entraînait l’État à une dépense trop consi- dérable. Nommé receveur particulier à Saumur, il s’y maria et vécut dans une position heureuse et modeste, qui fut troublée par la mort de sa femme. Bodin, dans son malheur, chercha des conso- lations dans l'étude ; il publia, de 1812 à 1815, ses Recherches historiques sur Saumur et le haut-Anjou. L’immense succès qu’obtint cette publication engagea Bodin à poursuivre son œuvre; aussi, pour être plus libre, il donna sa démission de receveur particulier en 1817. Il ne devait pas longtemps rester dans l’inaction : les habitants de Saumur l’envoyèrent, en 1820, à la Chambre des députés. Bodin fut un de nos représentants les plus laborieux, et à la fin de chaque session il publiait des Lettres à ses commeltanis, sur les travaux de l’Assemblée à laquelle il avait pris part. De 1820 à 1822, Bodin fit paraître les Recherches sur Angers el le bas-Anjou, À vol. in-80, et une suite des Monuments celtiques ; ce travail fut inséré dans le tome r11 des Mémoires de la Société royale des Antiquaires de France ; le succès de ces nouvelles pu- blications fut égal à celui des premières. Bodin, comme tous les hommes de valeur, fut poursuivi par des haines implacables : le mensonge, la calomnie, le ridicule, rien ne fit défaut pour l’accabler; mais cet esprit supérieur, mé- prisant les viles attaques de ces gens si bien caractérisés par Piron dans son épigramme à l’abbé Desfontaines, finit, comme cela devait être aux yeux des personnes intelligentes, par avoir bon marché de toutes ces criailleries. On a accusé Bodin d’être irréligieux, d’être philosophe dans la plus mauvaise acception du mot, enfin d’être libre-penseur. Rien qui puisse justifier pareil reproche ne se rencontre dans son consciencieux travail. On rapporte qu'avant de publier ses Re- cherches sur le haut-Anjou, il en confia le manuscrit à un savant chanoine qui avait été son condisciple. Le chanoine, en rendant à Bodin son manuscrit, lui dit en riant : « Pour des gens méticuleux, il y aurait bien des choses à dire, quant à moi je n’y vois rien. » Bodin appartenait au parti libéral qui eut le malheur de faire la révolution de Juillet. On sait que ce parti cherchait souvent noise au clergé, mais entre des attaques dont la politique était la base, et l’irréligion, il y a un abîme. Bodin, à la suite de son livre sur l’Anjou, fut nommé corres- pondant de l’Institut, déjà il faisait partie de la Société royale des Antiquaires de France. Rentré dans la vie privée, Bodin, épuisé par le travail, se consacra entièrement à l’éducation de son fils Félix, et s'étant retiré dans son charmant ermitage de Launay, situé aux Tuffeaux, presque aveugle, la mort vint, non le surprendre, car il l’attendait, mais le trouver au milieu des tra- vaux qu’il préparait pour la nouvelle édition de ses œuvres dont il laissa le soin à son fils, dans les bras duquel il s’éteignit le 9 février 1898. ÉLUS ÈS 0 — 1933 — Plusieurs éditions des œuvres de Bodin ont été publiées: l’une d’elles, éditée au mois d’avril 1845 par MM. Dubosse et Godet, imprimeurs à Saumur ’, souleva une vive polémique au sein de la Société industrielle d'Angers en l’année 4846, entre MM. Eu- gène Talbot, substitut du procureur du roi, Godard-Faultrier, directeur du Musée des antiquités d'Angers, et Eugène Bonne- mère. Nous renvoyons les lecteurs aux brochures publiées par ces trois auteurs; et tout ce que nous pouvons ajouter, c’est que Bodin n’était point un mécréant, qu’il mourut comme il avait été élevé, c’est-à-dire dans la religion de ses pères : « Architecte, agent comptable, administrateur, historien, littérateur, dit Eugène Bonnemère, Bodin fut en tout le fils de ses œuvres. Il était d’une taille élevée, d’une stature un peu grèle, d’un tempérament maladif. Le ciseau si poétiquement fidèle de David a rendu avec bonheur l’expres- sion mélancolique et calme de sa noble physionomie, ses formes étaient graves : il ne riait jamais, fuyait la discussion, évitait les cercles d'hommes, les sociétés nombreuses ou d’apparat. Artiste avant tout, enthousiaste, gé- néreux, d’une confiance naïve et crédule, il se lançait peu dans la conversa- tion. Il ne l’acceptait qu’autant qu'il connaissait bien ses interlocuteurs. Dans la société des femmes il était expansif : il disait qu’à Saumur l'esprit était tombé en quenouille. » 4. Recherches historiques sur quelques monuments anciens et modernes de l'arrondissement de Saumur, in-8° de 80 pages, 1809. 2 Recherches historiques sur Saumur et le haut Anjou, 1812, 1815, 2 vol. in-89, avec planches. 3. Recherches sur Angers et le bas Anjou, 1820, 1822, 2 vol. in-&. 4. Suile des monuments celtiques du haut Anjou, 1821, publié dans les mémoires de la Société royale des Antiquaires de France, tome 3. En 1845 les recherches sur Saumur et sur Angers furent réimprimées, les nombreuses additions apportées à cette nouvelle édition ont enlevé à l'ou- vrage son Caractère d'originalité qui avant tout devait lui être conservé. Une réimpression eut lieu en 1847 par les soins de la famille de l’auteur, Jean-François Bodin, député de Maine-et-Loire, correspondant de l'Institut, Académie des inscriptions et belles-lettres, et de la Société royale des Antiquaires de France. ! Les œuvres de Bodin eurent trois éditions : la première publiée par l’auteur en 1812 et 1823, la seconde par MM. Dubosse et Godet, édition revue et considérablement augmentée, 2 volumes in-8, la troisième édition 2 volumes in-12, par MM. Cosnier et Lachèse mpccoxLvil. — 134 — Bodin fut enterré dans le mausolée qu’il avait fait élever à sa femme, sur le territoire de Bournan. Parmi tous les travaux que cet homme éminent a publiés sur l’Anjou, nous devons encore ajouter une Lettre à M. Éloy Johanneau, sur la tour d'Évraud, à Fontevrault. Le buste de Bodin, fondu et coulé à Saumur, était le produit de nombreuses médailles romaines cumulées avec tant de soin pendant sa recette particulière. Son fils Félix en fit couler en plâtre de nombreux exemplaires qu’il offrit aux anciens amis de son père. Sur le socle du buste de Bodin, qui est au logis Barrault, dans la galerie David, on lit ces mots : TOUT A MON PAYS. Etat historique ecclésiastique et civil de l’Anjou avant la Révolution de 1789, par l'abbé Jacques Rangeard, archi-prêtre d’Andard, député aux Etats-Généraux de 1789, membre de l’Assemblée Constituante. Cet ouvrage manuscrit renferme des documents curieux sur les bains de l’Esvière, sur l’Amphithéâtre de Grohan, sur le camp de César, sur les voies Romaines, etc. L'abbé Rangeard était un homme instruit et laborieux qui passait du grave au doux, du plaisant au sévère. Personne ne tournait comme lui un madrigal, et he savait mieux faire un bouquet à Chloris. « Les travaux de l'abbé Jacques Rangeard, manuscrits pour la plupart, sont fort nombreux. Voici ceux indiqués dans le catalogue de la Biblio- thèque de là ville *. Annotations sur divers manuscrits, Discours historiques sur les commencements des quatre maisons souveraines qui ont possédé l’Anjou, Sur le progrès des sciences et des beaux-arts sous Louis XIV, Sur 1 Bibliothèque municipale de la ville d'Angers. # Voir le Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque d'Angers, par M. le conservateur Lemarchand. | — 135 — la religion, Dissertation sur l’origine des rois Capétiens, Eloge de M. Cotelle de Lecorvaisier, de Louis XV, de Mathias Poncet, évêque de Troyes, de Claude-Gabriel Poquet de Livonnière, de l'abbé Riffault, curé de Ville- vêque, de M. de la Sauvagère, Etat historique ecclésiastique et civil de Anjou avant la Révolution, Extraits de divers manuscrits ou imprimés pour servir à l’histoire d'Anjou, Histoire de l’Académie d'Angers, Histoire civile et ecclésiastique de l’Anjou, Histoire des comtes d’Anjou, Jean de Bauveau et le cardinal Balue, Lettre à M. Dangeul, Mandements pour Mon- seigneur de Grasse, Mémoires pour servir à l’histoire du calvinisme en Anjou, Noms des prêtres déportés en Espagne, Note sur l’interrogatoire de René Marchand, curé de Pressigné, soupçonné d’hérésie, Notes sur l'Anjou, Notes sur la famille du Bellay, sur la Fronde en Anjou, Origine des levées de la Loire, Les philosophes du club des Jacobins, comédies, poésies jyriques, fables et allégories, poésies diverses, Réflexions sur la dernière guerre de la France avec la Grande Bretagne, Vie des saints évêques d’Angers, Vie de Jean-Michel, évêque d'Angers. » Félix-François Leroyer de la Sauvagère, appartenant à une famille originaire de la Flèche, était né à Strasbourg en l’année 1707. Entré au service il devint capitaine au corps royal d’artil- lerie, puis colonel. Il passa ensuite dans le génie, fut ingénieur en chef des îles d’Oleron. Archéologue et naturaliste passionné il quitta ses fonctions pour se livrer à ses chères études. Retiré dans sa petite propriété située en Touraine, il publia un grand nombre de travaux historiques. Parmi ceux qui concernent | Anjou nous citerons : « Recueil de dissertations où recherches historiques et critiques sur le temps où vivait le solitaire saint Florent au Mont-Glonne en Anjou; Sur . quelques ouvrages des anciens romains nouvellement découverts dans celte provincè et en Touraine; Sur l'ancien lit de la Loire de Tours à Angers, et celui de la rivière de la Vienne; Sur le prétendu zombeau de Turnus & * Tours ; L'assiette de Cæsarodunum, première capitale des Turones, sous Jules César ; Les Ponts-de-Cé et le camp près d'Angers, attribués à cet empereur, et celui de Chenehutte & trois lieues au-dessous de Saumur ; Avec de nouvelles assertions sur la végétation spontanée des coquilles du château des Places , des dessins d’une collection de coquilles fossiles de la Touraine et de l'Anjou; De nouvelles idées sur la falunière de Touraine et plusieurs lettres de M. Voltaire, relatives à ces différents objets. » Ces travaux qui dénotent chez leur auteur un savant d’une — 136 — valeur véritable, ne furent pas appréciés. La Sauvagère lutta en vain contre ses ennemis en publiant sans cesse et révélant dans chaque ouvrage des observations nouvelles qui firent pro- gresser les sciences auxquelles il se livrait ; la haine et le déni- grement furent ses récompenses. Abreuvé de chagrin et de dé- goût, il mourut le 26 mars 1781 complétement ruiné. Ses recherches et ses publications dispendieuses avaient absorbé toute sa fortune. Quand cet homme distingué ne fut plus, on lui rendit justice ;, le dédain qu’on avait témoigné pour ses livres se changea en louanges, mais il était trop tard. Si de la Sauvagère avait été intrigant et flatteur, s’il avait attaqué les œuvres de ses collègues afin de se faire un piédestal, nul doute qu’il ne fût parvenu aux honneurs, c’est ainsi qu’agis- sent les vulgaires ambitieux. Mais il avait l'âme trop élevée pour se livrer à de pareilles turpitudes, il vécut dans la retraite, pie, juste, sobrie, ne sollicita aucune faveur et mourut dans la misère *. C’est toujours la fable du Bouvreuil et du Corbeau et nous ne pouvons mieux terminer notre chapitre qu’en citant ces jolis vers de Florian : LE BOUVREUIL ET LE CORBEAU. Un bouvreuil, un corbeau, chacun dans une cage, Habitaient le même logis. L'un enchantait par son ramage, La femme, le mari, les gens, tout le ménage ; L'autre les fatiguait sans cesse de ses cris : Il demandait du pain, du rôti, du fromage, Qu'on se pressait de lui porter, Afin qu’il voulût bien se taire. \ De la Sauvagère eut le sort de tous les hommes qui aiment les lettres et les sciences pour elles-mêmes. Voyez le grand Corneille, il mourut mal- heureux, triste, à peu prés oublié de tous, pauvre, en butte aux critiques quotidiennes des petits jaloux, n’ayant pour toute oraison funébre que ces simples lignes de Dangeau : « Aujourd'hui est mort le bonhomme Corneille, » dei à - — 137 — Le timide bouvreuil ne faisait que chanter. Il ne demandait rien : aussi, pour l’ordinaire, On l'oubliait ; le pauvre oiseau Manquait souvent de grain et d’eau. Ceux qui louaient le plus de son chant l'harmonie N'auraient pas fait le moindre pas Pour voir si l’auge était remplie. Ils l’aimaient bien pourtant, mais ils n’y pensaient pas. Un jour on le trouva mort de faim dans sa cage. Oh ! quel malheur ! dit-on, car il chantait si bien ! De quoi est-il donc mort ? Certes, c’est grand dommage, Le corbeau crie encore et ne manque de rien. AIMÉ DE SOLAND. LISTE Des membres de la Société Linnéenne admis depuis la publication du dernier volume. MM. Emise Rivière. DoumEeT-Apanson, maire de Cette. EMILE CARTAILHAC, rédacteur de la Revue de l'histoire primitive et naturelle de l’homme. Vicomte d’'ARLINCOURT. JULES Poisson, aide-naturaliste au muséum d’histoire naturelle de Paris. Comte JuzEs DE BRECEY. Docteur SAUVAGE, aide-naturaliste au muséum d'histoire naturelle de Paris. Ÿ TABLE DES MATIÈRES Contenues dans ce volume. Ornithologie. — Les Colombiens, par L.-A. Bourguin Le Macareux Moine ou “Re par Auguste Besnard. Observations sur la nourriture des pics-verts, par Auguste Besnard. . Note sur une variété de Mésange à longue queue, par Auguste Bes- nard . ; Botanique — Sur quelques monstruosité niv par Arrondeau Histoire — Les Angevins à Naples au xive siécle par le docteur Pompée Mabille. L'Art, l'Industrie , les Lettres et les Sciences en Anjou, (période préhistorique et gallo- romaine, par Aimé de Soland. Entomologie. — L’Argyronète , par Auguste Cour- tiller Re Note sur le canard Caraska, par Auguste Courtiller . Liste des membres de la Société Linnéenne admis de- puis la publication du dernier volume. TEGERSYDSS- 31 3h 36 12 91 82 85 138 Rx è À » 4 : * d 4) 2 | t de Jr v / s; LE / = 4 . . | | L4 1 CN . « {1 “ { . s ; 33 é . ‘ Î 11 £ < ? UN ch 7 2. ‘ = € | ' : : , | M 1 Lan . | { { i ' 7 . gd y : F ss à . , LL À | / { cm , ï fr \ i 1} : } # + F ! $ ? è _ li # - - L ns RE L “= ‘ | X » \ sn ; V7 } à : Tu | % f - LA ; è : 4 < +