UT AUSTIN - GEN LIBS WAREHOUSE 01380268 /DiS?iï{s^ *S, m SCIENCE77 V‘25 1911 201^3^(5555 LIFE GEJ %S«9K* w> y*; $ «ÜR r*îî ,<•* & S?* «è y* ->'W r -$ v A, THE LIBRARY OF THE UNIVERSITY OF TEXAS In*ï -te - _ &W0<5\ ynWK iA# ■%/ fJH*w \jiwrt ÿ»»V0 r& afcsan %Vv, $te0kH , *£?'.'. K- W>* ,lra^ VJ^C }?Æ'ê J» . > à a ii ÿjfc kUMA ROOM USE ONLY Digitized by the Internet Archive in 2017 with funding from IM LS LG-70-15-0138-15 m https://archive.org/details/annalesdelinsti2519inst_0 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR PARIS. — ■ L. MARETHEUX, IMPRIMEUR, 1, RUE CASSETTE. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR FONDÉES SOUS LE PATRONAGE DE M. PASTEUR PAR E. DUCLAUX COMITÉ DE RÉDACTION B1' CALMETTE, directeur /le l’Institut Pasteur de Lille; D'* CHANTEMESSE, professeur à la Faculté de médecine ; Dr LAVERAN, membre de l’Institut de France D1’ L. MARTIN, directeur du service de Sérothérapie; Pr METCHNIKOFF, sous-directeur de l’Institut Pasteur; Dr ROUX, directeur de l’Institut Pasteur; D1’ VAILLARD, membre de l’Académie de médecine. TOME VINGT-CINQUIÈME 1911 AVEC DOUZE PLANCHES PARIS MASSON ET Cie, ÉDITEURS LIBRAIRES DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, Boulevard Saint-Germain (6e). THE LIBRARY THE UNrVERSITY , - OF TEXAS 25e ANNÉE JANVIER 1911 N» 1 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS EXANTHÉMATIQUE ENTREPRISES A L’INSTITUT PASTEUR DE TUNIS PENDANT L’ANNÉE 1910 (DEUXIÈME MÉM3IRE) CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES par Charles NICOLLE. Nos recherches expérimentales de l’an dernier avaient établi principalement deux faits : la sensibilité du singe à l'inocu- lation du virus exanthématique et le rôle du pou du corps dans la transmission de la maladie. Le présent mémoire confirme ces données et en apporte de nouvelles; il continue donc celui de l’an passé publié ici même (1). Pour une meilleure intelligence de son texte et de la jg question, nous reprendrons plusieurs chapitres en détail; cer- & laines expériences se complètent, en effet; elles s’expliqueront mieux par ce rapprochement et des conclusions plus précises pourront être tirées de l'ensemble. Par contre, on ne trouvera ici aucune allusion à quelques points de détail effleurés l’an passé et dont l'importance nous a paru moindre ou la signification douteuse. Enfin, l’expérience nous a montré que quelques-unes de nos opinions devaient (1) C. Nicolle, Recherches expérimentales sur le typhus exanthématique entreprises à l’Institut Pasteur de Tunis pendant l’année 1909. Annales de V Institut Pasteur , t. XXIV, avril 1910, pp. 243-275. 1 j7 4 « ‘415881 2 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR être modifiées; nous nous en expliquerons avec tout le dévelop- pement nécessaire. Plusieurs des données nouvelles que nous apportons ont déjà fait l’objet de communications préliminaires à l’Académie des Sciences (1), d’autres sont inédites. L’an dernier, nous étions les seuls à nous occuper du typhus. Depuis nos premières publications, plusieurs auteurs se sont mis à l’étude de celte maladie. Anderson et Goldberger (2b Ricketts et Wilder (3), Gavino et Girard (4). JNous aurons à parler de leurs travaux, soit qu’ils confirment les nôtres, soit qu’ils en diffèrent par quelques conclusions, ou bien qu’ils portent sur des points que nous n’avons pas abordés. Ces recher- ches étrangères ont été poursuivies au Mexique où le typhus est désigné sous le nom de Tabardillo. Il n’y a point lieu de considérer que la maladie américaine soit différente de celle de l’ancien monde que nous étudions en Afrique mineure; tout, (1) G. Nicolle et E. Conseil, Reproduction expérimentale du typhus exan- thématique chez le macaque par inoculation directe du virus humain. Comptes rendus cle V Acad, des Sciences , 18 juillet 1910. C. Nicolle et E. Conseil, Données expérimentales nouvelles sur le typhus exanthématique. Comptes rendus de VAcad. des Sciences , 8 août 1910. C. Nicolle et E. Conseil, Propriétés du sérum des malades convalescents et des animaux guéris de typhus exanthématique. Comptes rendus de VAcad. des Sciences, 26 septembre 1910. C. Nicolle, A Conor et E. Conseil, Sur quelques propriétés du virus exan- thématique. Comptes rendus de VAcad. des Sciences, 17 octobre 1910. (2) J. F. Anderson et J Goldberger, On the relation of Roeky Mountain Spotted fever to the typhus fever of Mexico. A preliminary note. Public Health r ports , 10 décembre 1909, pp. 1861-1862. J. F. Anderson et J. Goldberger, A note of the etiology of tabardillo, the typhus fever of Mexico. Ibicl., 24 décembre 1909, p. 1941-1942. J. F. Anderson et J Goldberger, On the infectivity of tabardillo or Mexican typhus for Monkeys and studies on its mode of transmission. Ibid., 18 fé- vrier 1910, pp. 177-185. (3) H. T. Ricketts et Russell M. Wilder, The typhus fever of Mexico (tabardillo). Preliminary Observation. Journ. of the American Med. Association 5 février 1910, pp. 463-467. H. T. Ricketts et R. M. Wilder, The transmission of the typhus fever of Mexico (tabardillo) by mean of the louse. Ibid., 16 avril, p 1304-1307. H. T Ricketts et R. M. Wilder, The etiology of the typhus fever (tabar- dillo) of Mexico city. Ibid., 26 avril, pp. 1373-1375. H. T. Ricketts et R. M Wilder, Further investigalions regarding the etio- logy of tabardillo, Mexican typhus fever. Ibid., 23 juillet, pp. 309-311. (4) A. Gavino et J. Girard, Nota preliminar sobre el Lifo experimental en los monos inferiores. Nota preliminar sobre ciertos cuerpos encontratos en la sangra de los individuos atacados de tifo. — Segunda nota sobre el tifo exantematico en los monos inferiores. — Terceira nota sobre el tifo experi- mental en los monos inferiores. Publicaciones del Instituto bacteriologico nacio- nal de Mexico, 20 mai, 20 juin et 23 août 1910. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 3 dans l’étude expérimentale, démontre qu’il s’agit d’une seule et même infection : la symptomatologie n’offre aucune différence et l’agent de transmission dans les deux cas est le pou. Le typhus exanthématique est une maladie aussi ancienne dans l’histoire de l’humanité qu’elle est encore répandue sur le globe. Une description facilement reconnaissable en a été donnée dès le me siècle de notre ère par saint Cyprien, évêque de Carthage, dans son écrit de Mortalitate (1). Le ternie en usage dans la langue française pour désigner la maladie qui nous occupe offre quelque inconvénient par suite de l’analogie des mots typhus et typhoïde; on ne doit point, à notre avis, employer le terme typhus isolé, mais toujours le faire suivre de l’adjectif exanthématique. Nous éviterons autant que possible de nous servir ici du mot typhique pour désigner les malades ou le virus, nous lui substituerons le terme exanthématique. Nous dirons donc : les exanthématiques, le virus exanthématique et même la fièvre exanthématique . L’année 1909 avait été très favorable a nos recherches. Une épidémie grave frappait alors toute la Régence et la capitale elle-même. En 1910, les cas furent rares et disséminés. Nous avons du, pour réaliser nos expériences, établir le centre de nos investigations au pénitencier indigène du Djouggar, à 90 kilomètres au sud de Tunis. En dehors de nos expériences, nous y avons fait un certain nombre d’observations cliniques, dont les principales seront résumées ici ou rapportées ailleurs. Quelques recherches ont été pratiquées aussi, à partir de juillet , à l’hôpital d’isolement de la Rabta (Tunis). La dispari- tion du typhus en août a clos cette seconde série de nos expé- riences. Nous devons des remerciements particuliers à M. Blanc, secrétaire général du gouvernement tunisien, pour les facilités qu’il nous a données en nous permettant l’entrée du péniten- cier du Djouggar et en confiant à l’un de nous la direction de l’hôpital de la Rabta. t (1) Cf. les Archives de l'Institut Pasteur de Tunis , 1903, fasc. III, p. 133-234. La peste à Carthage en 253, par le R. P. Delattre. TxU 4 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Notre Maître le Dr Roux nous a continué cette année encore ses encouragements ; l’Institut Pasteur de Paris nous a offert trois chimpanzés et un lot de singes inférieurs. Nous lui en témoi- gnons notre reconnaissance. Nous remercions aussi M. Bartho- lomé, directeur de l’Agriculture, du Commerce et de la Coloni- salion, qui a bien voulu nous accorder une subvention spéciale. Ces importants secours nous ont permis d’étendre nos expé- riences et de les faire porter sur un nombre plus considérable d’animaux. Nous ne connaissons actuellement d’animaux sensibles au typhus exanthématique que les singes. Nous ne ferons aucune allusion aux essais tentés par nous-même ou par les auteurs sur les autres êtres vivants, puisque tous ont été jusqu’à pré- sents négatifs. Une réserve s’impose cependant pour le cobaye. Nos essais d’infection de cet animal feront l’objet d’un travail particulier. L’expérimentateur qui se propose d’étudier le typhus se trouve donc en présence d’un premier problème excessivement délicat : se procurer des singes et les conserver en bonne santé. Nous verrons plus loin que toutes les espèces de singes étudiées jusqu’à ce jour, y compris celles du Nouveau Conti- nent, se montrent sensibles à la maladie expérimentale. Plu- sieurs sont plus aisées à se procurer que d’autres. Nous avons fait usage principalement du bonnet chinois ( Macacus sinicus ) ; sa résistance en captivité est cependant infiniment moindre que celle du M. rhésus et du M. cynomolgus , espèces voisines. Un avantage du bonnet chinois sur ces deux espèces est sa tem- pérature normale plus basse qui permet de mieux apprécier les oscillations de la courbe thermique. Le magot [M. inaus ), singe de l’Afrique mineure, offre quelques inconvénients; il est plus farouche, l’absence de queue le rend plus difficile à manier, et, quoique notre voisin, il semble qu'il soit moins aisé de se le procurer même sur place que les macaques d’Asie et d’Jn- sulinde sur les marchés européens. Quelle que soit leur origine, tous les singes sont d’une grande délicatesse; leur intestin s’infecte avec la plus déplorable faci- lité. Une diarrhée épidémique et contagieuse, bien connue des marchands, chez lesquels vraisemblablement ils la contractent, HECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 5 décime, si l’on n’y prend garde, les élevages les mieux organisés. Cette maladie est si grave et si commune que tout singe arrivant dans un laboratoire doit être considéré comme suspect et mis pendant un mois en quarantaine. Les singes reconnus sains ne seront jamais placés par groupes de plus de deux ou quatre, Ja diarrhée présentant des rechutes même à longue distance. iVyant à compter avec cet ennemi que nous avons appris à connaître depuis longtemps et qui peut, en quarante-huit heures, tuer un singe parfaitement bien portant, nous avons, en vue de nos expériences, fait construire un bâtiment spécial permettant d’isoler an besoin un par un nos animaux d’expé- rience. Ce bâtiment comporte seize bacs fixes avec quatre parois sur six cimentées. Ces bacs sont disposés à un mètre du sol et garnis de sciure de bois qu’on renouvelle chaque jour ; chaque jour aussi, chaque bac est lavé au lysol. L’emploi de la paille comme litière est à rejeter; ce produit joue un rôle au moins favorisant dans l’infection intestinale dont nous venons de parler. La nourriture des singes doit être l’objet de soins des plus attentifs. L’eau, même bouillie, sera proscrite. On se trouvera bien surtout de riz, de pommes de terre, de purées de fruits (pommes, poires), de lait condensé et de pain. Les repas de nos singes étaient ainsi réglés : matin, pain; midi, pommes de terre et riz avec ou sans lait condensé (le tout bien bouilli et bien mélangé); soir, pain. On aura soin de faire le nettoyage des cages après le repas de midi, de façon à ne pas laisser la litière souillée par les débris alimentaires que l’animal répand de tous côtés. A titre préventif, tous nos singes reçoivent chaque matin une cuillerée à café de sous-nitrate de bismuth. Nous n’avons jamais admis, dans le bâtiment du typhus, que des singes reconnus indemnes par une longue observation antérieure et seulement à partir de la date de leur inoculation. L’aération du bâtiment doit être surveillée, surtout sous un climat comme celui de l’Afrique mineure où les différences de température sont extrêmes dans une même journée. Les thermomètres destinés à la prise de la température ont fait l’objet de précautions. Chaque singe avait son thermomètre et celui-ci était conservé dans un tube à essai portant le nom du singe et rempli d’alcool. 6 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Grâce à ces mesures, appliquées par un personnel conscien- cieux et spécial, nous avons pu poursuivre nos expériences du mois d’avril au mois de juillet sans constater un seul cas de diarrhée dans le bâtiment des animaux en expérience. Par suite d’un changement dans le personnel, une faute a été com- mise en août; la diarrhée, rendue plus dangereuse par suite d’une élévation torride de la température, y a fait son appari- tion et, en quelques jours, a tué la plupart de nos singes. Heureusement, nos expériences étaient à ce moment presque terminées. Il est indispensable de ne faire usage pour les expériences que de singes parfaitement bien portants . Tout animal présen- tant le plus petit degré de diarrhée et même tout singe conva- lescent doit être sévèrement proscrit. Si on utilisait ces ani- maux, non seulement les indications de leur courbe thermique ne pourraient être interprétées et l’observation perdrait toute valeur, mais on s’exposerait presque à coup sûr à les voir mourir quelques jours après l’inoculation du virus. La sensibilité du singe malade, ou convalescent de diarrhée, au sang étranger est extrême. Ayant vu autrefois, et l'an dernier encore, des singes inoculés dans ces conditions mourir quelques jours ensuite, nous en avions conclu que le sang et le sérum des exanthématiques étaient toxiques. C’était pour cette raison que, dans nos premières expé- riences, nous n’inoculions jamais que des doses faibles de sang et que nous employions la voie sous-cutanée à l’exclusion de la péritonéale, et c’est à cause de cela que nous n’obtenions point l’infection des singes inférieurs par l’inoculation directe du sang humain. Nous nous sommes rendu compte depuis que ces accidents étaient dus non à la toxicité du sang ou du sérum, mais à la sensibilité pathologique de l’animal malade. Aussi, dès que nous avons pu, sans danger, employer le sang à dose suffisante et par voie péritonéale, nous avons déterminé à coup sûr et facilement l’infection des singes inférieurs et même réalisé chez eux un nombre élevé de passages. Nous ne saurions trop insister sur ces points; ils sont d’une importance primordiale dans l’étude qui nous occupe. Le typhus expérimental ne se traduit guère chez le singe que par un pou de fatigue et d’amaigrissement; l’éruption est incons- RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 7 Courbe 8 ANNALES DE L’JNSTITUT PASTEUR RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 9 tante, non spécifique ; la courbe thermique constitue T élément principal et quelquefois le seul du diagnostic. Il importe donc au plus haut point qu’il ne puisse y avoir aucune difficulté d'interprétation à son sujet. Tout animal qui ne donne point une courbe irréprochable et constante doit être sévèrement proscrit. Dans les conditions où nous avons expérimenté, nos singes nous ont fourni des courbes parfaites; la moindre oscillation thermique y acquérait donc une signification précieuse. Les courbes 1, 2, 3 et 4 que nous donnons pour commencer appar- tiennent à une même série d’expériences; inoculations sans résultat à quatre bonnets chinois de sérum de malade non filtré ou filtré. En les examinant, on se rendra compte de la qualité de nos animaux au moment de nos expériences. La courbe 5 montre la perturbation qu’apporte un accès de diarrhée sur la température d’un singe infecté. Elle appartient au bonnet 52, inoculé avec un virus de passage très actif; le typhus a commencé au 6e jour ; il revêtait une marche clas- sique lorsque subitement, au 14e jour, la diarrhée est apparue; aussitôt, il y a eu chute de la fièvre, puis, après quelques oscil- lations, hypothermie et mort. Les courbes 6 et 7 montrent avec quelle rapidité des singes, convalescents de diarrhée, rechutent et succombent lorsqu’on 10 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR leur inocule un sang virulent; la dose inoculée pourtant était faible dans le premier cas : 1 centimètre cube sous la peau de sang de rhésus pour le bonnet 33 ( courbe 6); le second singe (bonnet 59) avait reçu 3 centimètres cubes de sang du bonnet 29 dans le péritoine ( courbe 7). 42 1 5 41 xi B on ne U 5 40 1 39 | / 38 / qY - 37 .3 ! 36 Y — Courbe 6. 42 1 5 41 il Bl V7/ iei ‘5 5 40 \T 39 A A 38 A \T V* S 37 1 * \ i 36 v> Courbe 7. Les courbes 8 et 9 traduisent les irrégularités thermiquesfau cours d’une diarrhée; il s’agit de deux bonnets chinois ino- culés avec un sang non virulent; le premier s’est rétabli. La plus petite diarrhée, non infectieuse et non contagieuse, amène chez les singes un abaissement tout à fait passager, mais sensible. Plusieurs des courbes qui seront publiées plus loin montrent de ces hypothermies, sans gravité, de quelques heures ; nous avons pris la précaution sur chaque courbe de mentionner cet accident toutes les fois qu’il a causé une chute éphémère de la température. 6i l’animal est bien portant, l’inoculation de sérum de conva- escent ou de malade ne détermine qu’une baisse légère et peu durable de la température. Les doses inoculées par nous ont atteint pour le sérum jusqu’à 18 centimètres cubes (le bonnet de la courbe 4 qui a reçu cette dose n’a présenté aucune réac- lion). Il n'en est pas de même du sang complet. Une dose trop TxU RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 11 élevée se montre toxique, meme mortelle. A ce point de vue, le magot, malgré sa taille généralement plus élevée, paraît plus 42 1 5 10 15 41 3 0/ 7/7 ei A '-6 40 1 N 39 A A V / 38 f ( y y j J 37 V Y V 36 1 \ sensible que les autres macaques. La courbe 10 appartient à un singe de cette espèce (magot 3), témoin des bonnets des courbes 12 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 1 à 4; 14 centimètres cubes de sang humain l’ont tué en six jours avec amaigrissement et hypothermie sans diarrhée. Avec une meme dose de sang virulent du bonnet chinois 39, le magot 2 (de très forte taille) est mort de même manière en treize jours. Nous avons cru devoir nous appesantir en commençant sur ces données. En négligeant d’en tenir compte et d’agir ainsi que nous l’avons dit, on risque de voir périr la plupart de ses animaux et de ne pouvoir interpré- ter les résultats fournis par les survivants. Il faut savoir que lorsque l’on expérimente sur les singes dans les conditions où nous nous trouvons en pays méditerranéen, tous les ani- maux qui arrivent doivent être tenus pour suspects, et que, sur trois qu’on reçoit, il n’en est pas plus d'un en fin de compte qui puisse être utilisé. L’ incubation du typhus pouvant être fort longue, il importe de pren- dre la température des animaux ino- culés pendant trente-cinq à quarante jours. Ce dernier délai est indispen- sable lorsqu’il s’agit d’expériences de transmission par les poux. Dans nos expériences sur l’homme et sur le chimpanzé, nous avons prélevé le sang nécessaire aux inoculations par ponction veineuse. Il est impossible d’opérer de même chez le bonnet chinois et les autres macaques dont le faible calibre des vaisseaux ne permet point facilement l'introduction de l’ai- guille. Nous avons eu recours chez ces animaux à la ponction du cœur ; cette opération se pratique sur le singe en suivant la technique décrite par nous au sujet de la ponction cardiaque du lapin (1); il faut avoir soin seulement d’employer une aiguille plus fine. Cette aiguille sera d’acier et neuve. Prati- quée dans ces conditions, la ponction cardiaque est inofïensive (1) Bull, de la Soc. de Biologie , 4 juillet 1903. THE LIBRARY THE UNIYERSITY OF TEXAS RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 13 chez le singe ; elle permet d’extraire une quantité notable de sang (4 à 5 centimètres cubes constituent la dose ordinaire et suffisante pour un passage de singe à singe; nous avons pu dans certains cas retirer du cœur des quantités infiniment plus élevées : 49 centimètres cubes en quarante-huit heures chez le bonnet 39 ; SI dans le même délai chez le bonnet 44). Une bonne précaution à observer dans les prélèvements de sang sera de rincer au préalable la seringue stérilisée avec une solution stérilisée de citrate de soude à 5 pour 100. Le retard apporté par cette substance dans la coagulation permet d’opérer plusieurs inoculations successives sans être pressé par le temps. I LE TYPHUS EXANTHÉMATIQUE EXPÉRIMENTAL DU SINGE ESPÈCES SENSIBLES. PASSAGES VIRULENCE DU SANG AUX DIVERSES PÉRIODES DE LA MALADIE. IMMUNISATION par CHARLES NICOLLE et E. CONSEIL. I. — Espèces sensibles. Dose. Voie d’introduction. Virulence. Nos expériences de l’an passé et de cette année ont montré la sensibilité au virus exanthématique humain ou de passage des espèces suivantes : Chimpanzé, Macacus sinicus (bonnet chinois), M. rhésus , M. cynomolgus , M. inuus (magot). A ces espèces, Gavino et Girard ont ajouté an singe du nouveau continent, Ateles vellerosus. Les expériences d’Anderson et Goldberger et celles de Ricketts et Wilder ont été pratiquées presque exclusivement sur le M. rhésus. En dehors du chimpanzé, que sa parenté avec l’homme rend plus sensible, ces diverses espèces paraissent se comporter de même façon vis-à-vis du virus exanthématique. Nous préférons le bonnet chinois aux autres macaques en raison de sa température plus basse qui rend mieux appré- ciables les variations de la courbe thermique. Une longue captivité semble abaisser la température normale de tous les singes inférieurs. 415881 14 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Plusieurs questions se posent au début de l'étude expéri- mentale du typhus, celles des doses à inoculer, de la voie à employer et de Y époque à laquelle le virus doit être prélevé sur l’homme ou l'animal malade. Nos expériences de cette année nous ont mieux renseigné sur ces points que ne rayaient fait nos premières recherches. Nous donnons ci-dessous un tableau de nos expériences de 1909 et 1910. Ce tableau comprend la liste de presque tous les singes inoculés pour la première fois avec un virus humain ou animal. Nous n’y avons point fait figurer les résultats des secondes inoculations de virus, même dans le cas où la pre- mière ne nous a semblé avoir conféré aucune immunité. SIÈGE de l’inoculation. DÉSIGNATION de l’animal inoculé. DOSE INOCULÉE (par cent. cube). PROVENANCE DURÉE do l’incubation. DUREE de la maladie expérimentale. GRAVITÉ et terminaison do cette maladie. Chimpanzé. I lcc » H. 3e j. 24 j. 7 jours. Mort parcachexie. Typh. exant. moy. 3 lec „ H. 4e j. 8 8 — Moyen. 4 lcc5 H. 7® j. 14 8 — Moyen. Bonnet ch. 1 » lcc >, Ch. 4e j. 13 j. 8 jours. Moven. 2 » lcc » Bt. 2e j. 14 10 — Moyen. 4 » lcc „ Bt. 6e j. 9 3 Abortif. 5,6 lcc „ Bt. 7e j. )) n Néant. 7,8 ICC „ Bt. 5« j. 12 3 — Abortif. • 9 » lcc „ Bt. 5e j. 2o 5 — Moven. o %Q) 15 » lcc » II. 6e j. » o Néant. G 15 bis. lcc » IL Sc- 1 0e j. » » Faible réaction 1 C3 | douteuse. G 16 » 0cc75 H. 4e j. » >) Néant. 0 l 17 » 0cc66 IL 4e j. 12 6 — Mortel. Ji 3 18 » 0CC50 IL 4e j. 23 3 — Abortif. 0 20 » lcc „ Ch. 2e j. 9 2 — Abortif. c n 27 .. lcc „ Bt. 2e j. )> b Néant, a donné l’immunité. 32 » lcc » Bt. 2e j. 8 4 — Abortif. M. rhésus. 1 lcc » Bt. 2° j. « !> Faible réaction douteuse. 2 lcc » H. 8°-l 0e j. » b Néant. M.cynomolgus. 1,2 lcc „ Bt. 2e et 3e j. )) » Néant. 3 » lcc „ IL 5e j. )) *> Néant. Magot. 1 » lcc » Bt. 2e j. » b Néant. jwr* RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SLR LE TYPHUS 15 r-+ O r<- — 'S c ce .E l1 4 O 7L C - •— 1 CO % -2 2 e ~ o co ^ •M • c 5 -§ O ^ O • Z s o a ° 02 *3 V - PROVENANCE DURÉE do l’incubation. DURÉE do la maladie oxpéri mon taie. GRAVITÉ et terminaison de cette maladie. Bonnet. 19 2CC » Ch. 2e j. 7 j- 10 jours. Grave. 23 4CC » H. 4e j. 12 2 — Abortif. 24 10cc » H. 5^ j. 12 10 — Grave. 30 3CC » Ch. 8e j. 10 10 jours. Mortel. 31 5CC » Ch. 2e j. 8 2 — Abortif. 34 5CC >» de défer- vescence. Bt. 7e j. 6 5 — Léger. 36 lec » Bt. 5e j. » )> Néant. 38 2CC » Ch 12e h. 7 11 — Grave. 39 3CC » Bt. 3e j. 7 Interrom- Grave. Mort. © 42 4cc5 Bt. 7e j. Bt. 5e j. 12 pue (1). 11 — Grave. as 44 3cc5 7 9 — Grave. •© 52 5CC » Mgt. 6o j. 5 11 — Grave. P o 56 5CC *> Bt. 5e j. H i Traité Grave. -p •© 58 5CC » H. 12e j. 5 par le sérum. 7 — Grave. £ 59 4cc „ H. 4e j. 8 7 — Moyen. -p 62 5CC » Mgt. 6e j. 5 14 — Moyen. M H M. Rhésus. 1 2e c » Ch. 2e j. 8 j- 1 9 jours. Moyen. 2 2CC » Ch. 2e j. 9 12 — Moyen. 4 5ce » H. 8e j. 12 8 — Grave. M.cynomohjus. 7 9CC » Bt. 6e j. 5 j. 11 jours. Grave. 8 5ec » Bt. 5e j. 10 3 — Abortif (il s’agit Magot. . 4 5CC » Bt. 5e j. 8j- Traité d’un 9e passage par singes.) Grave. o 4ce » H. 4 0-1 2e j. ' 4 par le sérum. M O — Grave. 7 5CC » Bt. 2e j. 9 10 — Grave. (1) Interrompue par une saignée considérable. Nous en avons supprimé également les expériences prati- quées dans des conditions spéciales. Sur ce tableau, l'observation résumée de chaque singe com- prend les données suivantes : 1° siège de l'inoculation; 2° dési- gnation de l’animal inoculé; 3° dose inoculée; 4° origine du virus et jour de la maladie auquel il a été prélevé (dans tous 16 ANNALES DE [/INSTITUT PASTEUR les cas, il s’agit de sang ) ; 5° durée de l’incubation ; 6° durée de la maladie expérimentale; 7° gravité de la maladie. Dans les cas négatifs, les trois dernières données sont remplacées par la mention néant. H., signifie homme; Ch., Chimpanzé; Rh., M. rhésus ; Bt., bonnet chinois; Cy., M. cynomolgus ; Mgt, magot. Nous n'avons pas tenu compte, dans ce tableau, d’un essai d’inocu- lation intraveineuse et d’un autre intracérébral pratiqués l’an dernier avec 1 centimètre cube de sang d’un bonnet de pas- sage ; la quantité de virus employée étant trop faible, le résultat en avait été négatif. Un examen rapide de ce tableau montre : 1° La supériorité de h inoculation péritonéale sur la sous- cutanée. Chez le chimpanzé seul, nous avons obtenu à coup sûr l’infection par cette dernière voie. Elle s’est montrée infi- dèle pour le bonnet chinois et les autres macaques ; et, dans les cas positifs, il y a eu presque toujours chez ces animaux allongement de la période d’incubation et infection peu grave. Cependant, nous avons noté des exceptions : le bonnet 17, inoculé par cette voie avec une dose très faible (2/3 de centi- mètre cube), a fait une infection mortelle. 2° La nécessité d'injecter une dose suffisante de sang, même par voie péritonéale ; l’inoculation d’un centimètre cube peut ne pas suffire ou bien donner un typhus abortif. Une dose de 4 à 5 centimètres cubes paraît utile. On peut la dépasser sans inconvénient à condition cependant de ne pas atteindre des quantités extrêmes ; il a été montré au chapitre préliminaire, en effet, que, chez le magot tout au moins, l’inoculation d’une dose de 14 centimètres cubes peut tuer l’animal avant qu’il se soit infecté. L’importance de ces deux données (dose suffisante, voie péri- tonéale) n’était pas connue de nous l’an dernier. Celte igno- rance, que l’expérience a corrigée, explique pourquoi nous n'avions pu réaliser l’infection des macaques par l’inoculation directe du sang humain et seulement celle du chimpanzé, animal plus sensible. Elle donne également la raison de la difficulté que nous éprouvions à obtenir des passages, alors que ceux-ci ont pu être réalisés, pour ainsi dire à volonté, dans nos expériences de cette année. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 17 3° 11 semble qu’en dehors de ces deux facteurs capitaux, il y ait lieu de tenir compte de la virulence variable du sang sui- vant chaque cas. Le bonnet 17 a contracté, avons-nous dit, une infection mortelle à la suite de l’inoculation sous la peau d’une dose de sang très faible (2/3 de centimètre cube), tandis que le bonnet 23, qui a reçu 4 centimètres cubes de sang humain dans la cavité péritonéale, n’a présenté qu’une maladie abortive. Le virus qui a servi à la plupart de nos expériences de 1910 était d'une virulence heureusement très grande; il provenait d’un cas humain grave ; celui de l’an passé, prélevé sur un cas humain bénin, nous avait donné, malgré les doses faibles employées et le mauvais choix de la voie d’inoculation (sous- cutanée), des résultats satisfaisants. Nous serions assez portés à croire que le passage par chimpanzé, réalisé au début de ces deux séries d’expériences, a augmenté l’activité du virus humain pour les petits singes. 4° Dans un paragraphe ultérieur, nous traiterons la question de la virulence du sang des malades et des animaux infectés aux diverses périodes de la maladie. Disons de suite que cette virulence dépasse la durée de la réaction thermique, qu’elle peut être constatée avant le début de la lièvre et après sa ter- minaison. De l'examen du tableau précédent, il semblerait résulter que le sang est plus actif dans les jours qui précèdent la défervescence. Cette donnée n'a point grande importance pratique. Dans la plupart de nos expériences, les prélèvements du virus ont été pratiqués dès les premiers jours et les résultats obtenus (à condition que la dose fût suffisante et la voie bien choisie) constants. IL — Le typhus exanthématique expérimental chez les diverses ESPÈCES SENSIBLES. A. Chimpanzés. — Nous rappellerons que l’an dernier nous avons pu infecter un animal de cette espèce ( chimpanzé 1) par l’inoculation sous-cutanée d’un centimètre cube de sang pro- venant d’un malade atteint d’un typhus exanthématique bénin au 3e jour de l'infection, quelques heures après l’apparition de l’éruption et la veille de la défervescence. La maladie, chez ce chimpanzé, se déclara après une incubation de 24 jours, 18 ANNALES DE L’JNSTITUT PASTEUR elle dura 7 jours, s’accompagna d’une éruption limitée à la face et se termina par une hypothermie mortelle au 20e jour après la chute de la température. Trois passages par bonnets chinois purent être réalisés avec le sang de cet animal prélevé au 4e jour de l’infection, et des poux nourris sur lui trans- mirent le typhus exanthématique à deux macaques de la même espèce. Nous avons expérimenté en 1910 sur trois nouveaux chim- panzés qui nous ont été offerts par l’Institut Pasteur de Paris. Le premier, ( chimp . 2) est mort quelques jours après l'inocu- lation, nous n’en parlerons pas; les deux autres ont pu au contraire être facilement infectés et l'un a servi de point de départ à de nombreuses expériences. — Nous croyons utile de donner ici leurs observations avec quelque détail : Chimpanzé III. — Inoculé sous la peau le 11 mai 1910 avec 1 centimètre cube de sang du malade 15 atteint d’un typhus exanthématique grave au 4e jour (température 39°5; pouls. 102 au moment de l’inoculation). La tempé- rature baisse à la suite, puis elle revient à la normale le 4e jour. Incubation, 9 jours. Le 10e, ascension à 39°7 le matin, baisse le soir à 38°2; le lendemain matin, 38°6, puis, le soir, ascension définitive et brusque à 41 degrés. Durée de la période fébrile, 8 jours. Une saignée abondante (150 centimètres cubes), pratiquée dans la nuit du 11e au 12e jour de l’inoculation (2e à 3e jour de fièvre), n’a déterminé qu’une baisse momentanée. Hypothermie de 24 heures de durée le 21e jour (4e jour de convalescence), retour très rapide à la normale . L’état général est demeuré indemne jusqu'au 4e jour de la fièvre; à ce moment, l’animal ne mange plus, il devient triste, sa langue est blanche, ses yeux brillants et larmoyants; il présente quelques marbrures sur le tronc, mais pas d’éruption véritable; l’urine contient des traces d’albumine, des pigments biliaires, pas de sucre. Un amaigrissement progressif se montre ensuite et persiste jusqu’au 15e jour environ de la convalescence; l’animal accuse en même temps de la fatigue, il se déplace moins volontiers et moins vite, souvent il reste couché dans sa cage. L’appétit revient peu à peu. Un mois après la fin de sa maladie, le chimpanzé avait repris son poids normal et sa santé. Le sang de cet animal s’est montré virulent et a été utilisé pour des passages les 2e et 8e (dernier) jours de la fièvre et le second jour après la fin de celle-ci ; il a servi de plus à des expériences sur la filtration; en outre, des poux infectés sur lui ont permis de transmettre le typhus exanthéma- ma tique par piqûre à deux bonnets chinois (Ces expériences seront rappor- tées plus loin). Quarante-quatre jours après la terminaison de sa maladie ce chimpanzé a été éprouvé par l’inoculation péritonéale de 4 centimètres cubes de sang du malade 37 (virulent pour deux témoins); il ne s’est pas à nouveau infecté. Nous donnons ci-joint la courbe thermique de ce singe ( courbe 11). Des numérations leucocytaires ont été pratiquées sur lui pendant l'incubation et RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 19 toute la durée de l'infection; leurs résultats sont consignés sur la courbe thermique. Chimpanzé IV. — Inoculé le 2 juin 1910 sous la peau avec 1 centimètre cube et demi de sang du malade 24, atteint d’un typhus grave au 7e jour. Légère hypothermie avec perte d’appétit les quatre jours qui suivent l’inoculation; normalement, l’animal est moins vif, il s’alimente moins bien que le précé- dent, il ne quitte guère sa cage; sa température est aussi plus basse. Incuba- tion. 14 jours. Maladie de 8 jours de durée sans grande réaction fébrile (maximum 39°4). L’état général a été atteint dès les premiers jours de la fièvre; de même que chez le singe précédent il y a eu perte d’appétit, tristesse, fatigue et amaigrissement progressif surtout marqué à la fin de la maladie et au début de la convalescence. Une hypothermie de 4 à 5 jours de durée a été notée dès le lendemain de la défervescence. L’animal s’est cependant rétabli. Le sang de ce chimpanzé s’est montré virulent à la 12e heure environ de son infection pour le bonnet chinois 38; prélevé deux jours avant le début de la fièvre il n’a pas infecté le bonnet 37, mais lui a conféré l’immunité 20 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR contre le typhus expérimental (Ces expériences seront rapportées en détail plus loin). Nous donnons ci-joint la courbe thermique de ce singe ( courbe 12). Des numérations leucocytaires ont été pratiquées sur lui pendant l’incubation et toute la durée de l’infection; leurs résultats sont consignés sur la courbe thermique. B. Bonnets chinois. — Nous résumerons ici les observations de tous les bonnets chinois utilisés dans nos expériences, sous cette réserve qu’elles ne présentent point de particularités qui méritent leur classement dans des chapitres spéciaux. On y trou- vera par conséquent les observations de la plupart de nos animaux de passage et non celles des témoins de nos expériences de séro- thérapie ou de tiltration. Il n’y sera point non plus donné la seconde partie des observations des singes inoculés une pre- mière fois avec succès ou non par le sang virulent ou modifié, le sérum ou les poux, puis éprouvés avec ou sans résultat par une nouvelle inoculation de sang virulent. De l’ensemble des observations que nous relaterons dans ce chapitre, il nous sera facile de tirer une description des divers types cliniques de la fièvre exanthématique expérimentale du singe. 1. Cas négatifs. — Bonnet 16. Inoculé sous la peau le 7 mai 1910 avec 0,75 centimètre cube de sang du cas humain 13, au 4e jour d’une infection moyenne (Temp. 39°9; p. 120 au moment de la prise du sang). — Résultat négatif. Il nous paraît inutile de rapporter ici sa courbe. L’immunité de ce singe n’a pas été éprouvée ultérieurement. Bonnet 27. Inoculé sous la peau le 24 mai avec 1 centimètre cube de sang du bonnet 17, au 2e jour d’une infection grave et mortelle. Résultat négatif. Il nous paraît inutile de reproduire la courbe thermique. Eprouvé, 41 jours après cette première inoculation négative, par l’injection d’un sang virulent pour les témoins (sang du bonnet 44), ce singe s’est montré réfractaire (Voir plus loin paragraphe Immunisation). Bonnet 36. Inoculé le 10 juin dans le péritoine avec 1 centimètre cube de sang du bonnet 28, au 5e jour d’une infection grave et mortelle, transmise par les poux. Résultat négatif (il nous paraît inutile de rapporter la courbe). L’immunité de ce singe n’a pas été éprouvée ultérieurement. 2. Cas aboutifs ou douteux. — Bonnet 15 bis. inoculé sous la peau le 4 avril 1910 avec 1 centimètre cube de sang du malade 1, au 8- 1 0e jour d’un typhus grave (températre 39°8. P. 130 au moment de la prise de sang). Légère éléva- tion d’un demi-degré du 15e au 20e jour sans symptômes cliniques. La courbe que nous reproduisons ( courbe 13) est à rapprocher de celles des singes atteints de typhus abortif déjà données par nous l’an dernier (entre autres bonnets 4 et 7, rhésus 1). Éprouvé, 36 jours après cette première inoculation, par l'injection d'un sang virulent pour les témoins, ce singe a contracté une infection movenne • %j 5 RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 21 il n’avait donc point acquis l'immunité. (Voir plus loin, paragraphe Immu- nisation.) Bonnet 18. Inoculé sous la peau le 11 mai avec 1 centimètre cube de sang du malade 14, au 4e jour d'un typhus très grave (temp., 39°4 ; pouls, 120, au moment de la prise de sang). Incubation, 23 jours. Infection légère du 24e au 26e jour; quelques taches rouges sur la face; amaigrissement notable dans la convalescence. Cocrbe 13. Nous reproduisons ici la courbe thermique ( courbe 14). Éprouvé, 43 jours après la terminaison de son typhus abortif, par une inoculation de sang (bonnet 39) virulent pour les témoins, ce singe a con- tracté une infection moyenne. Il n’avait donc point acquis l’immunité. (Voir plus loin, paragraphe Immunisation.) 42 1 5 1Û 15 20 25 30 4i % 2 b O/ it 11 > 40 1 -A 39 t 5 $ 1 À r 38 T 4* 1 J V L , r / N \L / V n i K V ' V \ 37 V N V 36 > Courbe 14. Bonnet 20. Inoculé sous la peau le 21 mai avec 1 centimètre cube de sang du chimpanzé 3, au 2e jour d’une infection moyenne (temp., 41 degrés au moment de la prise de sang; voir plus haut). Incubation, 9 jours. Typhus abortif de deux jours, éruption confluente de la face et des oreilles; guéri- son sans hypothermie consécutive. La courbe thermique ( courbe 15) que nous donnons ici porte également les indications des numérations leucocytaires. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEL R 99 Plusieurs témoins inoculés dans la cavité péritonéale ont contracté un typhus de moyenne intensité. 42 1 5 i 10 15 41 v ?. 7/ ? e t. zo 2 A.ooO 40 “T A -✓ Z/o.ooo 39 — t A fl p , \ A^.O O® 38 T' 7 \ i / y là \ \ -(0000 37 1 V N* £ .0 OP 36 1 > Courbe 15. Éprouvé, 43 jours après la terminaison de sa première infection, par une inoculation de sang (malade 37) virulent pour les témoins, ce singe a con- tracté un typhus exanthématique grave. Il n’avait donc pas acquis l’immunité. (Voir paragraphe Immunisation.) Bonnet 23. Inoculé dans la cavité péritonéale le 22 mai avec 4 centimètres cubes de sang du malade 6, atteint d’une infection moyenne au 4e jour RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 23 (temp., 39 degrés). Incubation, 12 jours. Typhus abortif de 2 jours de durée, sans hypothermie consécutive, mais avec amaigrissement à la suite ( courbe 16). Eprouvé, 32 jours après la terminaison de son infection, avec un sang (bonnet 39) virulent pour les témoins, ce singe n'a pas réagi. Il avait donc contracté l’immunité. (Voir plus loin, paragraphe Immunisation.) Bonnet 32. Inoculé sous la peau le 29 mai avec 1 centimètre cube de sang du bonnet 19, au 2e jour de son infection (temp., 41°2). Un témoin injecté dans le péritoine fait un typhus grave. Chez le 32, incubation de 8 jours. Typhus bénin de 4 jours, sans hypothermie consécutive. Retour rapide à la santé. La courbe thermique que nous donnons ici ( courbe 17) porte également les indications des numérations leucocytaires. L’immunité de ce singe n’a pas été éprouvée ultérieurement. 3. Infections graves, parfois mortelles. — Bonnet 17. Inoculé sous la peau le 11 mai avec deux tiers de centimètre cube de sang du malade 15, au 4e jour d’un typhus exanthématique grave (témoin le chimpanzé 3, qui a contracté une infection typique). Incubation, 12 jours. Typhus expérimental grave de 3 jours de durée, suivi d’une hypothermie de 2 jours et de la mort de l’ani- mal. Les symptômes généraux de l’infection ont été très marqués : fatigue, yeux excavés, amaigrissement rapide. A l’autopsie, aucune lésion apparente, en particulier intestin sain (ce qui exclut l’idée de mort par entérite) ( courbe 18). Un centimètre cube de sang de ce singe, recueilli au 2e jour de la fièvre et inoculé sous la peau du bonnet 27, ne l’a pas infecté, mais lui a conféré l’immunité. Bonnet 19. Inoculé dans la cavité péritonéale le 21 mai avec 2 centimètres cubes de sang du chimpanzé 3, au 2e jour de son infection (temp., 41°2). Incubation, 7 jours; infection grave de 10 jours de durée, chute de la tem- pérature en lysis, pas d’éruption, pas d’hypothermie consécutive. 24 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR La courbe thermique ( courbe 19) porte les indications des numérations leucocytaires. 10 centimètres cubes du sérum de ce singe, prélevés au 3e jour de son typhus expérimental, ont infecté le bonnet 35 et servi à des passages. L’immunité du bonnet 19 n’a pas été éprouvée ultérieurement. Bonnet 24. Inoculé dans la cavité péritonéale le 22 mai avec 10 centimètres cubes de sang du malade 7, atteint de typhus grave au 5e jour (temp., 39°5; pouls, 132 au moment de la prise de sang). Incubation, 12 jours. Infection Courbe 19. grave de 10 jours, hypothermie de 2 jours, puis retour à la normale. Pas d’éruption, mais amaigrissement notable à la suite ( courbe 20). Éprouvé, 32 jours après la fin de son infection, par l’inoculation de sang (bonnet 39) virulent pour les témoins, cet animal n’a point réagi. Il avait donc contracté l’immunité. (Voir plus loin, paragraphe Immunisation.) RECHERCHES EXPERIMENTALES SUR LE TYPHUS 25 Courbe 21, Bonnet 39. Inoculé dans la cavité péritonéale le 16 juin avec 3 centimètres cubes de sang du bonnet 35, atteint d’un typhus expérimental au 3e jour. Incubation, 5 jours; infection grave in- terrompue par des saignées cardiaques importantes les 5e et 6e jours de la fièvre (49 centimètres cubes en 48 heures). L’état général, manifestement atteint dès le 3e jour de la maladie, s’est rapi- dement aggravé à la suite de cette perte considérable de sang, et l’animal est mort le 7e jour ( courbe 21). Des inoculations pratiquées sur plu- sieurs macaques avec son sang ont déterminé l’infection de ces animaux et servi à des passages. Bonnet 42. Inoculé dans la cavité péri- tonéale le 4 août avec 4 cent, cubes et demi de sang du bonnet 20, au 7e jour d'un typhus grave (veille de la défer- vescence). Incubation, 12 jours. Infection grave de 11 [jours; hypothermie, amaigrissement, guérison [courbe 22). Courbe 22. 26 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Bonnet 44. Inoculé le 24 juin dans la cavité péritonéale avec 3 cent, cubes et demi de sang du bonnet 39, au 5e jour d'un typhus exanthématique grave. Incubation, 7 jours; infection grave de 9 jours, hypothermie de 2 jours, retour rapide à la santé, malgré des saignées cardiaques importantes (51 centimètres cubes au total), pratiquées aux 4e et 5e jours de la fièvre ( courbe 23). Le sang de cet animal a infecté plusieurs macaques et servi à des passages. Éprouvé, 4 jours après la chute de la température, par l'inoculation d'un sang virulent pour les témoins, cet animal n'a point réagi. Il avait donc contracté l’immunité. (Voir paragraphe Immunisation.) 42 1 5 10 15 20 41 T b/ 7/ 76 Vf 4 40 <> / é A 1 X 39 V* 1 \ J . 4. 38 $ $ V V' / 37 1 > ■V 1 'S 1 36 0 ï <0 1 S _A_ Courbe 23. C. Autres macaques. — De même que pour les bonnets . chinois, nous ne donnerons dans ce paragraphe que les obser- vations de ceux de nos animaux qui n’ont point servi à des recherches d'ordre particulier. Rhésus 1. (Avait reçu avec un résultat douteux, en 1909, le sang d’un bon- net chinois infecté.) Inoculé le 21 mai 1910 dans la cavité péritonéale avec 2 centimètres cubes de sang du chimpanzé 3, au 2e jour de son infection (plusieurs témoins posi- tifs'. Incubation, 8 jours. Infection moyenne de 9 jours, yeux injectés, pas d’éruption, amaigrissement notable, pas d’hypothermie, guérison ( courbe 24). Rhésus 2. Inoculé sous la peau le 4 avril avec I centimètre cube de sang du malade 1, en môme temps que le bonnet 13 bis. Résultat négatif. Rhésus 3. Inoculé dans la cavité péritonéale, le 21 mai, avec 2 centimètres cubes de sang du chimpanzé 3, au 2e jour de son infection (plusieurs témoins positifs). Incubation, 9 jours. Typhus de 12 jours de durée. Hypothermie et amaigrissement consécutif. Il nous paraît inutile de donner les courbes de ces deux derniers singes RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 27 dont l’immunité n'a pas été contrôlée ultérieurement par une inoculation d’épreuve. Rhésus 4. Inoculé dans la cavité péritonéale le 22 mai avec 5 centimètres cubes de sang du malade 19, tu Le jour d'un typhus moyen (temp., 38°7 5 pouls, 124). Incubation, 12 jours. Infection moyenne de 8 jours, pas d’hypo- thermie consécutive, amaigrissement, retour à la santé assez rapide { courbe 25). Éprouvé, 32 jours après guérison, par l’inoculation d’un sang virulent pour les témoins, cet animal s’est montré réfractaire. (Voir plus loin para- graphe Immunisation.) Cynomolgus 7. Inoculé dans la cavité péritonéale le 25 juin avec 9 centi- mètres cubes de sang du bonnet 39, au 6e jour d’un typhus grave. Incuba- tion, 5 jours. Infection grave de 11 jours, pas d’hypothermie, amaigrissement modéré, retour rapide à la normale ( courbe 26). Le sang de ce singe, prélevé au 7e jour de son infection, s’est montré viru- lent et a servi à des passages. 28 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Mayots 4, 5, 7. Inoculés clans la cavité péritonéale avec des doses analogues de sang virulent, se sont comportés de la même façon que les autres maca- ques. Le 4 a été traité par le sérum des convalescents ; le 5 et le 7 ont servi de témoins à des expériences de sérothérapie; c’est pourquoi nous croyons préférable de renvoyer leurs observations et leurs courbes aux chapitres corresponclanls. 42 1 5 10 15 20 41 N | 3 'n )n 10 A Ut < ?' 40 4 / /' h p 39 U \ A \ 1 A A V— ■ X 38 ^ Tv 1/ »— s J 37 hj s ( 36 1 ON 1 ’ Coukbe 26. D. Réflexions. Description du typhus exanthématique du singe. — En dehors du chimpanzé qui paraît plus sensible (puisque l'inoculation sous-cutanée de doses faibles T infecte à coup sûr et ne donne que des résultats inconstants chez les macaques), les diverses espèces de singes expérimentées par nous se sont comportées d’une manière identique. 11 est seulement utile de tenir compte, dans l’appréciation des courbes, de la tempéra- ture plus élevée du M. rhésus et du M. cynomolgus , moindre du bonnet chinois et du magot. Lorsque les différents facteurs que nous avons reconnus nécessaires pour déterminer une infection certaine (dose suffisante, voie péritonéale, qualité du virus) sont réunis, on obtient à coup sûr chez le singe la reproduction d’une maladie fébrile qui, dans sa courbe thermique au moins, se montre identique au typhus exanthématique de l’homme. Dans cer- tains cas même, l’intensité des symptômes atteint celle des cas humains les plus graves, puisqu’il peut y avoir mort, soit au cours de la maladie, soit dans la convalescence après une période plus ou moins longue d’hypothermie et de marasme. Dans un cas, qui sera rapporté plus loin (bonnet 38), nous avons observé la mort subite après guérison par dégénérescence du myocarde. V RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 29 Le plus souvent, la maladie expérimentale revêt une allure moins sévère. En dehors de la fièvre, les symptômes sont modérés. L’incubation est toujours silencieuse et, les premiers temps de la lièvre, l’animal ne semble point malade. Ce n’est que vers le 3e ou le 4 e jour qu’on peut remarquer quelques symptômes anormaux : diminution ou perte de l’appétit, soif, fatigue, tristesse, poil hérissé, injection et larmoiement des yeux, rougeurs fugaces du visage, marbrures sur le tronc, éruption parfois. Ce dernier symptôme, assez fréquent chez nos animaux l’an dernier, s’est montré infiniment plus rare dans nos expériences de 1910. Nous ne l’avons noté de façon nette que chez quelques singes; les taches siégeaient exclusi- vement à la face et aux oreilles, isolées ou par groupes, et s’effaçaient par la pression. Exceptionnellement, nous avons remarqué à la suite une très fine desquamation. Presque toujours la chute de la fièvre est suivie d’une période d’hypothermie souvent très courte (1 à 2 jours), parfois plus longue. L’amaigrissement et la perte des forces sont des symptômes de la seconde partie de la période fébrile et du début de la convalescence, ils ne manquent pour ainsi dire jamais et permettent, avec l’hypothermie, de reconnaître le typhus, même dans les formes ahoriives, lorsque la fièvre n’a duré que quelques jours. Un autre signe important est fourni par les numérations leucocytaires. Une baisse nette du chiffre des globules blancs précède et accompagne le début de la fièvre. Nous reviendrons sur ces faits dans un chapitre spécial; il nous suffit ici de signaler leur importance pour reconnaître les formes frustes et pressentir pendant l’incubation l’éclosion prochaine de l’infection. La fièvre demeure donc le symptôme capital du typhus expérimental chez le singe. Elle se montre après un temps d’incubation variable dont la longueur est influencée par les trois facteurs : dose, voie d’inoculation, virulence. Nous l’avons vue atteindre 24 jours et se réduire à 4. Lorsqu’on emploie des doses suffisants de sang (4 à 5 centimètres cubes) et la voie péritonéale, elle est ordinairement de 5 à 8 jours. Elle pré- sente presque toujours une longueur égale pour deux singes inoculés dans les mêmes conditions le même jour. 30 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR La durée de la période fébrile, dans ces cas moyens ou graves (les seuls dont nous parlons en ce moment), oscille entre 5 et 14 jours; elle est en moyenne de 8 à 10 jours. Le début de la fièvre dans ces cas se fait tantôt par une ascension brusque de 40 à 41 degrés, premier stade d’un plateau qui oscille aux environs de 40 degrés; tantôt par une série d’élévations succes- sives sans rémissions matinales qui conduisent à un même plateau ; tantôt, et le dessin de la courbe dans ce cas est tout à fait spécial, par une ascension brusque de 40 à 41 degrés, suivie le lendemain d’une baisse qui, lorsqu’on n’est point prévenu, donne des doutes sur la réussite de l’infection expéri- mentale; la température remonte ensuite, et généralement par élévations progressives, aux environs de 40 à 41 degrés et s’y maintient en plateau. Ce crochet est très net sur les courbes publiées plus haut du chimpanzé 3 et des bonnets 17 et 19, il est indiqué seulement sur celles des bonnets 39 et 44; le bon- net 42, par exception, montre trois jours d’intervalle entre la première élévation thermique et la période fébrile proprement dite. Mais les courbes les plus caractéristiques à ce sujet seront données plus loin; ce sont celles des bonnets 30, 45, 50, 61 ; on remarquera la flèche aiguë que dessine sur elles la première élévation thermique, la baisse qui suit, puis la reprise de la fièvre sous forme d’une ligne courbe régulière ; l’ensemble dessine assez exactement la lettre N majuscule de l’écriture anglaise : N. La chute de la température dans ces formes moyennes ou graves de l'infection du singe est rarement brusque, mais généralement rapide; il est cependant des cas où elle se fait très lentement (courbe 19). Chez certains animaux, après un ou deux jours de retour à la normale ou d’hypothermie, il peut y avoir une nouvelle poussée éphémère; nous n’avons jamais noté de rechute (sauf chez les singes infectés par des poxw). Cette allure générale de la température et ces modems de son début et de sa chute se rencontrent, avec les mêmes carac- tères, chez l’homme. Dans les formes tout à fait légères et abortives, il y a généra- lement, mais non nécessairement, allongement de la période d'incubation. La fièvre, de durée très courte,, dessine des courbes variables ; les observations que nous venons de relater, RECHERCHES EXPERIMENTALES SUR LE TYPHUS 31 et les courbes qui les accompagnent, montrent mieux ces diffé- rents aspects que ne pourrait le faire une description. 11 est enfin des cas où l’ascension thermique est si faible que l’in- feclion en devient douteuse. Ces observations servent de tran- sition entre les formes abortives et les cas où l'infection ne se traduit par aucune manifestation du côté de la température. Nous avons vu (et nous reviendrons plus tard sur ce point) que si les formes légères peuvent ne conférer aucune immunité consécutive, il n’y a point là une règle absolue, et qu’un animal qui n’a pas réagi thermométriquement à une inocu- lation de virus peut, à la suite, avoir contracté l’immunité (bonnet 27, par exemple). Les symptômes généraux, dans ces formes frustes, ne sont guère appréciables, sauf un degré plus ou moins net d’amai- grissement consécutif qui ne paraît guère manquer. I1L — Passages. L’an dernier, nous avons pu réaliser, en partant de l’homme, une série de quatre passages de virus par singe (chimpanzé, puis successivement trois bonnets chinois). La voie d’inocu- lalion était la sous-cutanée et la dose inoculée 1 centimètre cube de sang. En dehors de cette série nous n’avions obtenu, en suivant la même technique, qu’une seule fois un typhus net chez un bonnet chinois inoculé avec le sang d’un autre bonnet (II, con- taminé par les poux) ; nos autres essais de passage de singe à singe ne nous avaient donné que des typhus abortifs ou des résultats négatifs. Nous avions conclu de ces faits que le virus perdait de son activité par le passage par singes. Cette manière de voir a été adoptée par les auteurs qui nous ont suivi. Il semble qu’elle soit à rapporter aujourd’hui. Nous avons obtenu en effet, cette année, des résultats positifs toutes les fois que nous avons tenté les passages dans les conditions que nous savons maintenant indispensables : dose suffisante, voie péritonéale. Les tableaux que nous publions ci-contre et où sont portées toutes nos expériences le démontrent. Ils présentent trois séries de passages que nous résumerons brièvement ici : Expériences de 1910. — Tableau I. Passages des divers virus humains expérimentés (à l'exception du virus Tableau II). Malade 1. Malade 6. Malade 7. Malade 13. Malade 14. Malade 19. Malade 24. Malade 31. RECHERCHES EXPERIMENTALES SUR LE TYPHUS 33 1° Avec le sang du malade 24, nous avons réalisé deux pas- sages : chimpanzé 4, puis bonnets 37 et 38. 2° Avec le sang du malade 37, deux séries de deux passages : bonnet 20, puis bonnet 42; magot 5, puis bonnet 63. 3° Enfin, avec le sang du malade 15, qui a servi pour la majeure partie de nos expériences, nous avons réalisé 4, 6, 8 et 9 passages. Savoir, pour la plus longue série : chimpanzé 3, bonnets 19, 35, 39, cynomolgus 7, bonnet 31, magot 7, bon- net 62, cynomolgus 3, et, pour les séries les plus courtes : à partir du bonnet 19, le bonnet 32; à partir du bonnet 39, le bonnet 44, puis toute une ligne de macaques divers issus de ce dernier; à partir du bonnet 31, le bonnet 45, puis le bonnet 34. Il ne semble point que ces passages aient amené la moindre baisse dans /’ activité du virus ; en effet voici, pour la série la plus longue, la liste des animaux successivement infectés, avec la dose inoculée, la durée de l’incubation et celle de la maladie : Chimpanzé 3, 1 centimètre cube sang (sous-cutané). Incubation 8 jours, typhus de 8 jours. Bonnet / .9, 2 centimètres cubes sang ((périt.). Incub., 7 jours, durée 10 jours. Bonnet 35, 10 centimètres cubes sérum non filtré (périt.). Incub., 8 jours, durée 8 jours. Bonnet 39, 3 centimètres cubes sang (périt.). Incub., 7 jours. Infection inter- rompue au 7e jour par la mort, à la suite de saignées cardiaques répétées. Cynomolgus 7, 9 centimètres cubes sang (périt.). Incub., 3 jours, durée 11 jours. Bonnet 31, 4 centimètres cubes sang (périt.). Incub., 11 jours, typhus très grave traité par la sérothérapie, Magot 7, 5 centimètres cubes sang (périt.). Incub., 9 jours, durée 10 jours. Bonnet 62, 5 centimètres cubes sang (périt.). Incub., 5 jours, durée 14 jours. Cynomolgus 3, 5 centimètres cubes (périt.). Incub. 10 jours, typhus abortif 3 34 ANNALES ÜE L’INSTITUT PASTEUR Nous donnons ci-joint la courbe de ce dernier animal ( courbe 27). Le médiocre résultat obtenu sur lui n’implique pas à notre avis une baisse dans l’activité du virus. Ce singe, de très lorte taille, avait subi l'an dernier sans résultat deux inoculations virulentes : l’une le 10 mai, de sang d’un malade ; l’autre le 30 juin, de sang du bonnet 1 infecté (un centimètre cube chaque fois sous la peau) ; ces deux inoculations ont pu lui conférer un certain degré d’immu- nité encore sensible au moment de l’épreuve tentée sur lui le 22 août 1910. Le bonnet 62, auquel le virus inoculé alors avait été emprunté, était atteint d’une infection grave dont il n’a pu être sauvé que par la sérothérapie; il se trouvait au moment de la prise de sang au 5e jour de la maladie. Notre provision de singes étant épuisée, nous n’avons pu inoculer le sang du cynomolgus 3 à un autre singe, et nous avons été obligés de nous arrêter à ce neuvième passage. Ces faits semblent démontrer que, contrairement à notre première opinion, adoptée par les auteurs qui nous ont suivi, le virus exanthématique ne s affaiblit point par les passages par singes. Il est à noter que, dans la série la plus longue, nous avons utilisé quatre espèces : chimpanzé, bonnet chinois, M. cynomolgus , magot. IV. — Virulence du sang aux diverses périodes du typhus exan- thématique CHEZ l’homme ET CHEZ LE SINGE INFECTÉ EXPÉRIMEN- TALEMENT. Nos expériences de l’an dernier nous ayant démontré le rôle du pou du corps dans la transmission du typhus exanthéma- tique, il était d’importance capitale de rechercher à partir de quelle époque et jusqu’à quel moment le sang, où le parasite vient puiser le virus qu'il transmet ensuite à l’homme sain, est infectant chez le malade. On conçoit l’intérêt de cette donnée au point de vue de la prophylaxie: si le sang est virulent avant le début et après la chute de la fièvre, l'individu en incubation et le convalescent doivent être suspectés comme réservoirs de virus au même titre que les malades et des précautions analogues doivent être prises contre~eux. Le problème n’est point sans intérêt non plus aux points de vue théorique ou purement expérimental. Sa solution nous enseignera, en particulier, s’il est utile pour réussir les inocula- tions et les passages de prélever le sang à une période de l’infec- tion de préférence à une autre. Il était donc indiqué que nous nous attachions à résoudre RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 35 cette question dans les expériences de cette année. Nous y sommes parvenus facilement grâce à l’abondant matériel (malades et singes) dont nous disposions. Nous avons pu nous rendre compte tout d’abord que nous obtenions à coup sûr l'infection du singe avec le sang des hommes malades pourvu que la dose fût suffisante et que nous employions la voie péritonéale, quelle que fût la période à laquelle ce sang ait été prélevé pendant la durée de la fièvre. Si nous relevons le tableau des seize expériences pratiquées au total par nous, en partant de malades, nous voyons que le sang humain s’est montré manifestement virulent dans 12 cas (les 3 cas négatifs et 1 douteux, que nous négligeons, correspondent à des inoculations sous-cutanées de doses insuffisantes : 1 cent, cube). Les malades utilisés en étaient respectivement aux 3° (2 fois), 4e (o fois), 5e (1 fois), 7e (1 fois), 8e (1 fois), 1 0-1 2e jours (2 fois) de leur maladie, et par rapport à la défervescence 1 jour (1 fois), 4 jours (I fois), o jours 1 fois), 6 jours (2 fois), 8 (5 fois), 9 (1 fois) et 14 (1 fois) jours avant la chute de la température. Nos expériences sur les singes inférieurs nous ont conduits à des résultats analogues; nous avons, chez eux, constaté la viru- lence du sang dès le début (2e jour, plusieurs fois) de l’infection, et jusqu'à la veille de la défervescence (bonnet 42 infecté avec le sang du bonnet 20 au septième et dernier jour de sa fièvre). Mais les résultats les plus démonstratifs et les plus complets nous ont été fournis par la recherche systématique de la viru- lence du sang chez les chimpanzés 3 et 4. Il est nécessaire de se reporter aux courbes lhermiques de ces deux animaux ( courbe 11 et 12) pour suivre le texte qui va suivre. Les époques de prises de sang y sont indiquées par des croix. Chimpanzé 3. La virulence du sang a été recherchée à trois dates : •lo Au 2e jour de la fièvre. Inoculation positive du sang aux bonnets 19 et 20 (le bonnet 19 a été le point de départ de 7 autres passages), aux rhésus 1 et 3 et par l'intermédiaire de poux infectés sur le chimpanzé à la même date aux bonnets 28 et 29. Les courbes de ces singes ont été données plus haut ou le seront plus loin. 2° Au dernier jour delà fièvre. Bonnet 30, inoculé dans la cavité péritonéale le 27 mai avec 3 centimètres cubes de sang. Incubation 10 jours, infection grave de 10 jours de durée, hypothermie consécutive interrompue par une nouvelle ascension d’une journée. L'animal, dont l’état général est très atteint, maigrit, se cachectise et meurt dans l’hypothermie 13 jours après la chute 36 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR définitive de la température. Nous donnons ici la première partie de la courbe de cet animal ( courbe 28). 3° Au lendemain de la chute de la température. Bonnet 31, inoculé dans la cavité péritonéale le 27 mai avec 5 centimètres cubes de «ang. Incubation 8 jours. Début de la fièvre revêtant le type ordinaire, puis après 2 jours baisse subite à la normale sans hypothermie consécutive, léger amaigrissement à la suite. Nous donnons ci-joint la courbe thermique de ce singe ( courbe 29). 42 1 5 10 15 20 41 'N y >0, n/ le y* 31 40 N 39 A l r A 1 L A 38 V V y 'v— » 7 / V J \ y y A s— 37 1 36 j 1 J Courbe 29. Eprouvé, 25 jours après la défervescence, par l’inoculation d'un sang viru- lent pour les témoins, le bonnet 31 a présenté un typhus grave dont il a été guéri par la sérothérapie (Voir paragraphe Immunisation) ; il n’avait donc point acquis l'immunité. Chimpanzé 4. Nous avons déjà dit qu’une baisse du nombre des leucocytes annonce quelques jours à l'avance le début pro- RECHERCHES EXPERIMENTALES SUR LE TYPHUS 37 chain de l’infection chez le singe inoculé. Dès que cette baisse s’est produite chez le chimpanzé 4 (on la remarquera sur sa courbe), nous avons inoculé de son sang au bonnet 37 ; puis 3 jours après, vers la 12e heure de l’infection, au bonnet 38. Les résultats ont été les suivants : 1° Bonnet 37, inoculé trois jours avant le début de l’infection (d'ailleurs modérée) du chimpanzé 4. La dose inoculée est de 2 centimètres cubes et demi et la voie choisie la péritonéale. Résultat absolument négatif. Il nous parait inutile de publier la courbe qui, à 4 dixièmes de degré près, s’est maintenue pendant les 35 jours de l’observation autour de 38 degrés. Eprouvé, 33 jours après cette inoculation négative, avec un sang humain virulent pour deux témoins, cet animal n’a pas réagi. Il avait donc contracté, du fait de sa première inoculation, et malgré l’absence des symptômes d’infection, une immunité solide. Ce fait, sur lequel nous reviendrons ultérieurement (paragraphe Immunisa- tion), est des plus curieux. 2° Bonnet 38, inoculé à la 12e heure de l’infection du chimpanzé 4. La dose inoculée est de 2 centimètres cubes et la voie choisie la cavité péritonéale. Incubation 7 jours ; infection grave de 11 jours de durée, légère hypothermie, amaigrissement. L’animal est complètement rétabli lorsqu'il meurt subitement vingt jours après la défervescence (myocardite). Nous donnons ci-joint la courbe thermique de cet animal ( courbe 30.) Coubke 30. Cet ensemble d’expériences montre que, dans le typhus exan- thématique, le sang est virulent non seulement] pendant toute la durée de la période fébrile , des premières heures au dernier jour, mais encore avant V apparition de la fièvre et au début de la convalescence (deuxième jour après la défervescence, bonnet 31). L’observation du bonnet 37 est particulièrement intéres- sante; l’inoculation d’une dose d’ailleurs relativement faible 38 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUK (2 centimètres cubes et demi) de sang du chimpanzé 4, prélevé sur cet animal 3 jours avant le début de la fièvre, ne lui a pas donné la maladie; le virus cependant était déjà en circulation dans le sang, car cette inoculation négative lui a conféré une immunité solide vis-à-vis d’un virus d’épreuve très actif pour les témoins. Il y aura lieu de tenir compte de ces données dans la pro- phylaxie du typhus exanthématique. Il semble que le sang, toujours virulent pendant la période fébrile, soit plus actif à mesure qu’on approche du jour de la défervescence. V. — Immunisation active. Une première atteinte de typhus exanthématique semble con- férer à l’homme une immunité solide vis-à-vis d’une seconde atteinte du même mal. Les récidives sont exceptionnelles. Le fait méritait d’être vérifié chez l’animal et étudié dans sa moda- lité. On pouvait espérer en effet trouver dans l’emploi du virus lui-même, modifié ou non, un procédé de vaccination préven- tive de la fièvre exanthématique. Nous avons éprouvé par une inoculation de sang à dose viru- lente l’immunité de la plupart des animaux soumis par nous à des inoculations préalables, quels qu’aient été la méthode employée et le résultat obtenu. Nous classerons leurs observations suivant la nature de ces essais et les etfets produits. 1° Singes inoculés sans succès avec le sang de malades ou DE SINGES ATTEINTS DE TYPHUS EXANTHÉMATIQUE. Nous rangeons également dans ce chapitre les singes inoculés avec un résultat douteux. Rhésus 1. — Inoculé avec un résultat douteux en juillet 1909 sous la peau, par 1 centimètre cube de sang du bonnet 2, infecté. Inoculation d'épreuve le 21 mai 1910 avec 2 centimètres cubes de sang du chimpanzé 3, au 2e jour de son infection : incubation 8 jours, typhus moyen de 9 jours. Donc, pas d'immunité. Cynomolgus 3. — Reçoit successivement à la dose de 1 centimètre cube et sous la peau le 10 mai 1909 le sang d’un malade au 5e jour; le 30 juin 1909, celui du bonnet 1 infecté : Résultat nul à la suite des deux inoculations. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 39 Eprouvé, le 22 août 1910, avec 5 centimètres cubes de sang virulent du bonnet 62, au 5e jour de son infection (voie péritonéale), il fait un typhus abortif. Nous avons déjà parlé de ce singe et donné sa courbe ( courbe 27) ; il s agissait, on s’en souvient, du 9e passage par singes du virus du malade 15. Il semble que les deux inoculations antérieures, et en apparence inactives, aient conféré à ce singe un certain degré d'immunité encore appréciable après un an. Bonnet 15 bis. — Réaction douteuse (dont nous avons déjà parlé), à la suite de l’inoculation sous-cutanée d'un centimètre cube de sang du malade 1, le 4 avril ( courbe 13, voir plus haut). Eprouvé, 36 jours après cette première inoculation, par l’injection sous- cutanée de 1 centimètre cube de sang du chimpanzé 3, ce singe, après une incubation de 14 jours, contracte un typhus moyen de cinq jours; pas d’érup- tion visible, mais une desquamation légère dans la convalescence, pas d’hy- pothermie, un peu d’amaigrissement, retour rapide à la santé. Nous donnons ci-joint la courbe de ce singe ( courbe 31). Eprouvé une deuxième fois, 27 jours après la fin de son infection, par l’ino- culation péritonéale de 5 centimètres cubes de sang du bonnet 44, très viru- lent pour les témoins, le bonnet 15 bis ne présente aucune réaction. Une première inoculation, ayant donné un résultat douteux, n’avait donc point conféré l'immunité à ce singe; l’injection consécutive à cette inoculation d’épreuve l’a rendu par contre réfractaire à une nouvelle inoculation viru- lente. Bonnet 27. — Inoculé sans résultat sous la peau avec 1 centimètre cube de sang du bonnet 17, atteint de typhus grave au deuxième jour. Eprouvé, 41 jours après cette inoculation négative, avec 5 centimètres cubes de sang du bonneU44, très actif pour les témoins (voie péritonéale), ce singe ne présente aucune réaction thermique. La première inoculation , non effective en apparence , lui avait donc conféré l'im munité. Bonnet 37. — Il s’agit de ce singe inoculé sans résultat dans le péritoine avec 2 centimètres cubes et demi du sang du chimpanzé 4, prélevé 3 jours avant le début de la fièvre. 40 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR L inoculation d’épreuve a été pratiquée 33 jours après cet essai négatif avec le sang du malade 37 (4 centimètres cubes dans la cavité péritonéale). Ce sang s’est montré virulent pour le bonnet 20 et le magot 5. Le bonnet 37 n’a pas réagi. L' inoculation non effective en apparence du sang du chimpanzé 4, prélevé 3 jours avant le début de la fièvre lui avait donc conféré l'immunité. 2° Singes ayant présenté précédemment, a la suite d’une ino- culation DE SANG VIRULENT, UN TYPHUS EXPÉRIMENTAL LÉGER. Bonnet 18. — Fièvre de 3 jours de durée après une incubation de 23 jours, à la suite de l’inoculation sous-cutanée d’un demi-centimètre cube de sang du malade 14 ( courbe 14, voir plus haut). Eprouvé, 43 jours après la défervescence, par l’inoculation péritonéale de 3 centimètres cubes de sang du bonnet 39, au 5e jour d’une infection grave, le bonnet 18 contracte un typhus moyen de 8 jours après une incubation de 5 jours, sans hypothermie consécutive ( courbe 32, ci-jointe). Donc, pas d'immunité chez ce singe après une atteinte légère. Bonnet 20. — Fièvre abortive de 2 jours de durée, après une incubation de 9 jours, à la suite de l’inoculation sous-cutanée de 1 centimètre cube de sang du chimpanzé 3 ( courbe 15, voir plus haut). Eprouvé, 43 jours après la défervescence, par l'inoculation péritonéale de 4 centimètres cubes de sang du malade 37 (aux 10e et 12° jours de son infec- tion), le bonnet 20 contracte un typhus grave de 7 jours de durée après une incubation de 16 jours. Hypothermie consécutive, amaigrissement et mort 6 jours après la fièvre ( courbe ci-jointe 33). Donc, pas d'immunité chez ce singe après une atteinte légère. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 41 Bonnet 23. — Fièvre abortive de 2 jours de durée après une incubation de 12 jours à la suite de l’inoculation péritonéale de 4 centimètres cubes de sang du malade 6 ( courbe 16, voir plus haut). Eprouvé, 32 jours après la défervescence, par l’inoculation de 2 centi- mètres cubes et demi du sang du bonnet 39, au 5e jour d’un typhus grave, ce singe n’a pas réagi (trois témoins infectés). Donc, chez lui, une atteinte légère a conféré l' immunité . Bonnet 31. — Inoculé dans le péritoine avec 5 centimètres cubes de sang du chimpanzé 3, le second jour après la défervescence. Fièvre de deux jours de durée après une incubation de 8 jours ( courbe 29, voir plus haut). Eprouvé, 29 jours après sa défervescence, par l’inoculation péritonéale de 4 centimètres cubes de sang du cynomolgus 7, au 7e jour d’une infection grave, le bonnet 31 a contracté, après 11 jours d’incubation, un typhus grave traité avec succès par la sérothérapie (L’observation de ce singe sera donnée en détail et la courbe publiée au paragraphe Propriétés des sérums). Donc, chez ce singe, une première atteinte légère n'a point conféré l immu- nité. 3° Singes ayant présenté précédemment, a la suite d’une ino- culation DE SANG VIRULENT, UN TYPHUS EXPÉRIMENTAL GRAVE. Chimpanzé 3. — Fièvre de 8 jours après une incubation de même durée {courbe 11, voir plus haut), à la suite de l’inoculation du sang du malade 15. Eprouvé, 44 jours après la terminaison de son typhus, par l’inoculation péritonéale de 4 centimètres cubes de sang du malade 37 (2 témoins, le bonnet 20 et le magot 5 infectés), le chimpanzé 3 n'a présenté aucune réaction. Donc, immunité cle ce singe par première atteinte effcace. Bonnet 24. Infection grave de 10 jours après une incubation de 12 jours {courbe 20, voir plus haut), à la suite de l’inoculation péritonéale du sang du malade 7. Eprouvé, 32 jours après la défervescence, par l’inoculation péritonéale de 3 centimètres cubes de sang du bonnet 39 (3 témoins positifs : bonnets 18 et 20, cynomolgus 7), le bonnet 24 n’a présenté aucune réaction. Donc, immunité de ce singe par première atteinte grave. Bonnet 44. Infection grave de 9 jours de durée après une incubation de 42 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 7 jours [courbe 23, voir plus haut), à la suite de l’inoculation péritonéale du sang de bonnet 39. Eprouvé, 4 jours seulement après la défervescence de son typhus, par l’inoculation péritonéale de 4 centimètres cubes de sang du malade 37, au 1 0-12e jour de son infection (2 témoins, bonnet 20 et magot 5 positifs), le bonnet 44 n’a présenté aucune réaction. Donc, immunité de ce singe par première atteinte grave. Rhésus 4. Fièvre de 8 jours de durée après une incubation de 12 jours (i courbe 25, voir plus haut), par suite de l’inoculation péritonéale de sang du malade 19. Eprouvé, 32 jours après la défervescence de son typhus, par l’inoculation péritonéale de 4 centimètres cubes de sang du bonnet 39 au 5e jour de son infection (3 témoins positifs : bonnets 18 et 20, cynomolgus 7), le rhésus 4 n’a présenté aucune réaction. Donc, immunité de ce singe par première atteinte grave. 4° Singes inoculés de sérum exanthématique non filtré ou FILTRÉ DE PROVENANCE HUMAINE OU ANIMALE. Un seul des singes, dont nous parlerons ici, a réagi, et seule- ment d’une façon douteuse ; les autres n’ont présenté à la suite de l'inoculation de sérum filtré ou non aucune élévation ther- mique ni aucun symptôme. Bonnet 21. Inoculé sous la peau le 22 mai et sans résultat, avec 2 centi- mètres cubes de sérum non filtré du chimpanzé 3. Eprouvé, 43 jours plus tard, par l’inoculation péritonéale de 5 centimètres cubes de sang du bonnet 44, au 4e jour de son infection, le bonnet 21 a con- tracté un typhus moyen de 8 jours de durée après 6 jours d’incubation; pas d’hypothermie consécutive ( courbe 34). Donc, pas d'immunité par inoculation ( négative ) de sérum non filtré de singe malade. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SLR LE TYPHUS 43 Bonnet 22. Inoculé sous la peau le 22 mai et sans résultat, avec 2 centi- mètres cubes de sérum filtré du chimpanzé 3. Eprouvé, 43 jours plus tard, dans les mêmes conditions que le bonnet 21, ce singe contracte un typhus grave après une incubation de 5 jours. Réino- culé au 5e jour de cette infection avec 3 centimètres cubes de sang du malade 37 (virulent pour 2 témoins), son état général s’altère, il maigrit rapi- dement et meurt en 48 heures ( courbe 35). 4 2 1 1 5 10 41 - 3 0/ 7/7 2 z •4 40 I \/ \ 39 > CA 9 \ / 38 N» '1 \ 37 s i vi s ? Cx \ 36 J 4 Courbe 35. Donc, pas d’immunité par inoculation [ négative ) de sérum filtré de singe malade. Bonnet 46. Inoculé dans la cavité péritonéale le 22 mai et sans résultat, avec 4 centimètres cubes de sérum filtré du chimpanzé 3. Eprouvé 44 jours plus tard par l’inoculation péritonéale de 5 centimètres cubes du sang du bonnet 44, le bonnet 46 a contracté une infection légère de 8 jours de durée après une incubation de 9 jours; hypothermie consécutive [courbe 36). Cependant, par rapport aux singes 21 et 22, inoculés avec le même sérum, ce singe a présenté un typhus moins grave. Donc, pas d'immunité , mais peut-être une légère résistance par inoculatiou ( négative ) de sérum filtré de singe malade. Bonnet 47. Inoculé sous la peau le 22 mai avec 6 centimètres cubes de sérum filtré du chimpanzé 3. Réaction discutable, en tout cas très faible, du 15e au 21e jour. Nous donnons la courbe [courbe 37). Eprouvé, 44 jours après cette lre inoculation, dans les mêmes conditions que le bonnet 46 et avec une dose un peu plus forte (6 centimètres cubes et demi de sang), cet animal n’a présenté aucune élévation thermique et aucun symptôme. Nous croyons inutile de donner sa courbe absolument normale. Donc, chez ce singe, immunité complète ci la suite d’une inoculation de sérum filtré de singe malade. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUU 44 Nous reviendrons plus loin sur cette expérience, qui offre un grand intérêt au point de vue des propriétés filtrantes du microbe inconnu du typhus exanthématique. 42 1 5 10 15 20 25 41 5 or 7/7 4 6 40 A 39 A A , A A f \ A- 38 7^ y \f A. 71 K V s T' V ^ N J1 A Y 7 — S 37 1 HT 7 38 i s - Courbe 36. 42 1 5 10 15 20 25 41 'X) JJ \ /S b/7, 3^4 7 40 a > 1 : 39 A J A IL, A L A A A 38 |i /d V 1a rr /' V V V \ Y A uè y 37 1 V V V Y V 38 ! * __ Courbe 37. Bonnet 48. Inoculé le 26 juin dans la cavité péiitonéale et sans résultat, avec 8 centimètres cubes de sérum non filtré du malade 3t. Eprouvé, 52 jours après cette première inoculation, par l’injection périto- néale de 5 centimètres cubes de sang du malade 38, au 3e jour d’un typhus mortel, le bonnet 48 a contracté une infection grave de 16 jours de durée après une incubation de 7 jours. La courbe sera donnée plus tard, ce singe ayant servi de témoin pour une expérience de sérothérapie. Donc, chez lui, pas d'immunité par inoculation [négative) de sérum non filtré du malade. Bonnet 50. Inoculé dans les mêmes conditions que le bonnet précédent, mais avec 12 centimètres cubes du même sérum filtré. Eprouvé, 52 jours plus tard, dans des conditions particulières qui seront rapportées plus loin, le bonnet 50 a contracté le typhus. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 45 Donc, chez ce singe, pas cl immunité par inoculation ( négative ) cle sérum filtré de malade. 5° Singe inoculé avec le virus chauffé. Bonnet 45. Ce singe (dont l’observation sera rapportée en détail dans un chapitre ultérieur), inoculé sans résultat le 25 juin avec 4 centimètres cubes et demi du sang (virulent pour les témoins), chauffé à 50°, du bonnet 39, a contracté à la suite de l’inoculation d'épreuve, pratiquée 25 jours plus tard (4 centimètres cubes de sang du bonnet 31 dans le péritoine), une infection grave après une incubation de 7 jours. Une inoculation préalabte et ineffective de sang chauffé à 50° ne donne pas l'immunité. 6° Singes piqués avec ou sans succès par des poux nourris sur DES SINGES INFECTÉS. Bonnet B. Ce singe, dont l’observation a été rapportée dans notre mémoire de l'an dernier, avait contracté un typhus des plus nets à la suite de piqûres par des poux nourris sur le bonnet 1 infecté; son sang inoculé au 5°' jour de l’infection au bonnet 9 lui avait transmis Je typhus. Eprouvé,, un an plus tard (le 21 mai 1910), avec le sang du chimpanzé 3, le bonnet B, seul d’une série de cinq animaux inoculés en même temps, n’a présenté aucun symptôme et aucune élévation thermique. Nous reviendrons avec plus de détails sur l’observation de cet animal au chapitre Etiologie. Donc, chez ce singe, une atteinte grave var poux a donné une immunité encore appréciable après un an. Bonnet 25. A subi sans résultat, du 24 au 27 mai 1910, 180 piqûres par poux nourris 1 à 3 jours auparavant sur le chimpanzé 3 et le bonnet 17 infectés. Eprouvé, 38 jours après les dernières piqûres, par inoculation péritonéale de 5 centimètres cubes de sang du bonnet 44 au 3e jour de son infection, le bonnet 25 a contracté un typhus grave de 11 jours de durée après 6 jours d'incubation. Sa courbe sera reproduite plus loin, au chapitre Etiologie. Donc, chez ce singe, pas d'immunité à la suite de piqûres ineffectives par poux nourris sur un singe infecté. Bonnet 34. A subi sans résultat, du 31 mai au 6 juin 1910, 145 piqûres par poux nourris 9 à 12 jours auparavant sur le chimpanzé 3 et le bonnet 17 infectés. Eprouvé, 55 jours après les dernières piqûres, par inoculation péritonéale de 5 centimètres cubes de sang du bonnet 45, au 7e jour d’une infection grave, le bonnet 34 a contracté un typhus moyen de 5 jours de durée après 6 jours d'incubation. Sa courbe sera donnée plus loin au chapitre Etiologie. Donc, chez ce singe, pas cl immunité à la suite de piqûres ineffectives par poux nourris sur un singe infecté. Conclusions. Si nous résumons cette longue liste cTobservations, nous voyons que nous avons obtenu : 46 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR A. — Une immunité complète vis-a-vis de l’inoculation d'épreuve. 1. Toutes les fois que lapremière inoculation a déterminé une infection grave, que celle-ci ait été conférée par le sang* viru- lent (4 fois sur 4) ou les poux (1 fois sur 1). 2. D'une façon inconstante dans les autres cas : Infection légère par sang (1 fois sur 3), nulle ou douteuse par sang (3 fois sur 5) ou sérum (1 fois sur 6). B. — L’ ABSENCE D’iMMUNITÉ I 1. A la suite de piqûres non effectives par poux (2 fois sur 2), ou cT inoculation de sang chauffé doO degrés (1 fois). 2. Dans bien des cas où la première inoculation de sang ou de sérum (filtré ou non filtré) n a déterminé aucun symptôme (sang 2 fois sur 5, sérum G fois sur 7) ou une infection abortive (2 fois sur 3). Il ressort des résultats dé ces expériences que pour obtenir à coup sûr T immunité vis-à-vis du typhus, il est nécessaire de réaliser chez le singe une infection grave. Cette constatation rend problématique l’espoir d’une vaccination préventive du typhus exanthématique chez l’homme par le virus lui-même. Notons que, dans les cas positifs, Y immunité peut s'établir très vite (bonnet 44 éprouvé sans résultat au 4e jour de sa défer- vescence) et durer longtemps (1 bonnet B et cynomolgus 3 encore réfractaires après 1 an). A signaler le cas particulier du bonnet 37 solidement immu- nisé par l’inoculation de sang prélevé sur le chimpanzé 4, 3 jours avant l’appparition de la fièvre. YI . — Immunisation passive. Sérothérapie du typhus EXANTHÉMATIQUE. Nous avons montré dans notre mémoire de l’an dernier qu’une inoculation de sérum humain non exanthématique ne vaccinait point préventivement le singe vis-à-vis d’une inocu- lation ultérieure du virus. Il en est de même de l’inoculation du sérum de chimpanzé ou de macaque sains; nous avons pu nous en rendre compte dans quelques cas où des animaux ayant subi ces injections par erreur ont pu être infectés ensuite avec succès par le sang virulent. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 47 Nos recherches de cette année nous ont démontré par contre que le sérum des malades convalescents et animaux guéris de typhus est doué de propriétés préventives vis-à-vis d'une ino- culation ultérieure ou simultanée de virus et curatives pour l’infection déclarée. Nous étudierons successivement ces deux propriétés. Pouvoir préventif du sérum des malades convalescents et des ANIMAUX GUÉRIS DE TYPHUS EXANTHÉMATIQUE. Exp. I. — Le bonnet chinois 57 reçoit, le 14 juillet 1910 à midi, sous la peau 4 cent, cubes d'un mélange de sérum filtré des deux malades 50 et 51 ayant présenté un typhus grave et guéris depuis onze et neuf jours. Le même jour, il est inoculé à six heures du soir, soit six heures plus tard , dans la cavité péritonéale avec 4 cent, cubes de sang du malade 37 atteint d’une infection grave au 10 ou 12e jour (4 jours avant la chute thermique). Résultat négatif, aucun symptôme, pas de réaction fébrile, ainsi que le démontre la courbe ci-jointe ( courbe 38). 42 1 5 10 15 - 20 25 41 <0 N À b 7/ le t 5. 7 40 P V N \\ .X 39 P II £ A S A -y A \ A s A 38 . 1> P 4 t N V J A t * Sr j A. N V" 37 - (2) 36 r- 3à ! *1 Courbe 38. Témoins. — Le magot 5 inoculé dans la cavité péritonéale avec une même dose de sang. Incubation 14 jours; typhus grave de 5 jours de durée, amai- grissement, hypothermie, mort dans le marasme au 29e jour de l’inoculation. Le sang de ce magot prélevé au 2e jour de sa fièvre s’est montré virulent pour le bonnet 63. Nous donnons ci-joint la courbe du magot 5 ( courbe 39). Un second témoin, le bonnet 20, dont la courbe a été reproduite plus haut (i courbe 33), inoculé dans le péritoine avec une dose égale du même sang prélevé la veille, a fait un typhus grave de 7 jours de durée après 16 jours d'incubation; il y a eu hypothermie et mort 6 jours après la fin de la fièvre. Le sang de ce singe, prélevé au 7e jour de son infection (veille delà défer- vescence), s’est montré virulent pour le bonnet 42 (voir plus haut, courbe 22). 48 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR CM 1 5 10 15 20 25 41 ! / t/c zç ■ i r 40 39 /N yA K, / h S \ H - 38 1 V’’ \ s V 37 $ 1 - 36 ï •Cl * Courbe 39. Exp. II. — Le magot 6 reçoit le 26 juillet à 6 heures du soir, sous la peau, 2 cent, cubes d’un mélange de sérum filtré des 3 malades 51, 52, 53, ayant présenté un typhus grave et guéris depuis 14 (le 51) et 11 jours (les deux autres). Le lendemain à 8 heures du soir, soit 26 heures plus tard, il est inoculé dans la cavité péritonéale avec 5 cent, cubes de sang du bonnet 31 (6e passage par singe) au 2e jour d’un typhus grave (voir plus bas, courbe 48). Résultat entièrement négatif (courbe 40, ci-jointe). 42 1 A. 5 10 15 20 41 7 'X * ? A Va 'Çt € 40 X > 4 39 i 1 4 A S. , \ 4 4 \ A f 4 A ! 38 y 4 i Y V V V \ 4 V 7^ »* *■ ' \ 4 T T 4 37 5 4 i > 36 * N 1 Courbe 40. Témoin : le magot 7, inoculé dans la cavité péiitonéale avec une même dose du même sang, le même jour, à la même heure. Incubation 9 jours, typhus grave de 10 jours, hypothermie, mort au 4e jour après la défervescence. Nous donnons la courbe ci-dessous ( courbe 41); la baisse thermique du 7e jour de la fièvre est l’effet d’une saignée cardiaque de 20 cent, cubes pratiquée la veille et qui a permis l’infection des bonnets 52 ( courbe 5), 61 et 62 (dont les courbes seront données plus loin). RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 49 Exp. III. — Les singes utilisés sont les bonnets 61 et 62 neufs, 52 et 53 ayant été piqués antérieurement sans résultat par des poux nourris sur des singes infectés. Tous les quatre reçoivent le 10 août dans la cavité péritonéale 5 cent, cubes de sang du magot 7 (voir observation précédente), au 6e jour d’un typhus grave. En même temps , les bonnets 61 et 53 sont inoculés sous la peau avec un mélange filtré des sérums des malades 37, 54 et 56 guéris depuis 14, 20 et 27 jours. Le bonnet 53 traité par le sérum est demeuré indemne; les bonnets 61 (traité par le sérum), 62 et 2 (témoins) ont fait un typhus grave, après 6, 5 et 5 jours d'incubation. Le bonnet 61 n'a donc tiré aucun bénéfice de l’inocu- lation sérique qui a protégé par contre le bonnet 53. Nous donnons ici les courbes des bonnets 53 ( courbe 42) et 61 ( courbe 43) ; on 4 Courbe 42. 50 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR remarquera, sur cette dernière, l’influence d’une diarrhée de quelques heures (baisse brusque et éphémère au 19e jour). La courbe du bonnet 52 a été donnée dans le chapitre Considérations générales ( courbe 5); le plateau thermique est interrompu par l’apparition d’une diarrhée grave mortelle. La courbe du bonnet 62, témoin, dont le sang a pu être inoculé avec succès au cynomolgus 3 (9e passage par singe, typhus léger), sera donnée au paragraphe suivant; la courbe de ce singe a été en effet modifiée par les inoculations de sérum de convalescents qui lui ont été faites pour le traiter. Exp. IV. — Le bonnet 50 reçoit sous la peau, le 16 août à 4 heures du soir, 2 cent, cubes du sérum non filtré du chimpanzé 3, guéri de son typhus depuis 3 mois et réinoculé sans résultat 35 jours auparavant avec le sang du malade 37 au 10e et 12e jour d'un typhus grave (ce sang est virulent pour les témoins : bonnet 20, magot 5). Le lendemain, à neuf heures du matin, soit 17 heures auprès, on lui injecte dans la cavité péritonéale ainsi qu’au bonnet 48 (témoin) 5 cent, cubes de sang du malade 38 au 3e jour d’un typhus mortel. Le bonnet 48 a contracté un typhus grave de 16 jours de durée après 7 jours d’incubation; le bonnet 50, un typhus moyen de 7 jours de durée après 12 jours d’incubation. Il y a donc eu chez ce dernier singe, traité par le sérum, un retard notable dans l'apparition du typhus et une infection moins grave. Nous donnons ici les courbes de ces deux singes ( courbe 45, bonnet 48 ; CouiiBE 44. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS v I 51 courbe 44, bonnet 50). On remarquera l’influence d’une diarrhée assez sérieuse sur la courbe du bonnet 48 au cours de la période fébrile (baisse aux 14e et 15e jours). Ces deux singes avaient été inoculés sans résultat 52 jours avant l’expé- rience que nous venons de rapporter, l’un avec 8 cent, cubes de sérum non filtré (bonnet 48) et l’autre (bonnet 50) avec 12 de sérum filtré du malade 31 (voir plus loin chapitre Filtration). Ces expériences prouvent l’action préventive du sérum des malades convalescents et des animaux guéris. Cette action s'est montrée complète avec le sérum prélevé chez les malades 9 et 11 jours après la chute de la température (expériences 1 et 2); elle a été incomplète ou infidèle avec des sérums recueillis à une date plus tardive chez l'homme ou le chimpanzé (expé- riences 3 et 4). Pouvoir curatif du sérum des malades convalescents de typhus EXANTHÉMATIQUE. Exp. V. — Le 21 juillet au soir, nous inoculons, sous la peau des bonnets chinois 31 et 56 et du magot 4, 2 cent, cubes du mélange de sérum utilisé pour l'expérience 1 ; une inoculation identique leur est pratiquée à nouveau le lendemain soir. Ces singes étaient, au moment de la première inoculation, atteints d'un typhus grave aux 5e (bonnet 31) et 9e jours (bonnet 56 et magot 4). Chez ces trois animaux, l'inoculation du sérum a produit une amélioration très rapide et saisissante de l’état général. La baisse de la température s'est produite en 48 heures pour le magot et lehonnet56, graduellement pour le bonnet 31; ce dernier animal, de très petite taille, présentait au moment où nous avons * commencé le traitement un état tout à fait grave ; il avait subi 3 jours aupa- 52 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ravant une saignée cardiaque assez importante. L'examen des courbes de ces 3 singes, que nous donnons ci-joint { courbes 46, 47, 48), est tout à fait instructif. 42 1 5 10 15 20 25 41 ? ‘lis J le n/ 76 5é 40 1 39 * i j A 38 1 A Y* A i Y J 1 y A 37 j i \ V 36 ■N & Voici quelques renseignements complémentaires sur le mode d'infection de ces 3 animaux : Bonnet 56 ( courbe 46), inoculé le 5 juillet dans la cavité péritonéale avec 5 c. cubes de sang du bonnet 44 au 5e jour d’un typhus grave ; incubation 1 jours. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 53 Magot 4 ( courbe 47), mômes conditions d'inoculation; incubation 8 jours. Bonnet 31 ( courbe 48), inoculé le 6 juillet dans la cavité péritonéale avec 4 cent, cubes de sang du cynornolgus 7, au Ie jour d’un typhus grave (6e passage par singe). Incubation 11 jours. Le sang du bonnet 31 prélevé au 2e jour de son typhus a infecté les magots 6 et 7 et le bonnet 43 et (par le magot 7) servi à 3 passages. Exp. VI. — Le bonnet 62, inoculé dans la cavité péritonéale avec 5 centi- mètres cubes de sang du magot 7 au 6e jour d’un typhus sévère, s'infecte après 14 jours d'incubatiôn. Il présente un typhus grave et vient de subir une saignée cardiaque de 5 centimètres cubes, lorsque, le 3e jour de sa fièvre au matin, on lui inocule sous la peau 2 centimètres cubes du mélange de sérums employé dans l'expérience III. Raisse immédiate de la température qui remonte le 6e jour au soir: on lui fait alors une 2e inoculation du môme sérum à même dose, baisse nouvelle de 24 heures de durée, puis réascen- sion; la maladie dure encore 4 jours, mais l’état général a été amélioré dès la première inoculation sérique, et la guérison, malgré la gravité première du typhus, se fait rapidement sans hypothermie. Le sang de ce singe, pré- levé avant le traitement, s’e«t montré infectant pour le cynornolgus 3. Nous donnons ci-joint la courbe du bonnet 62 ( courbe 49). Exp. VIL — Malade 58, atteint de typhus grave. Inoculation de 20 centi- mètres cubes du même mélange de sérums que dans l'expérience précé- dente le 10e jour de la fièvre, même dose le 11e , 10 centimètres cubes le 12e, amélioration rapide de l’état général; la température tombe le 13e jour, Courbes 49, 50. 54 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR mais remonte le 14 ; on lui inocule alors 20 centimètres cubes d un autre sérum filtré (sérum du malade 57 au 14e jour de sa défervescence); baisse immédiate, guérison au 16e jour, convalescence d’une brièveté remarquable. ( Courbe 50, ci-jointe.) Donc, au point de vue curatif , résultats analogues à ceux observés par l’emploi préventif de sérum : action très nette avec des sérums prélevés du 9e au 14e jour de la convales- cence, incomplète mais non nulle avec des sérums recueillis à une époque plus tardive. La disparition du typhus de Tunis, au mois d’août, ne nous a pas permis de poursuivre nos essais sur l’homme. Avant nous, MM. E. Legrain (1) et L. Raynaud (2), en Algérie, avaient obtenu des résultats inconstants par l’emploi du sérum des convalescents dans le traitement des exanthéma- tiques ; les doses inoculées étaient parfois très faibles, et ces auteurs ne semblent point s’être préoccupés de recueillir le sérum de leurs malades à une époque de la convalescence plutôt qu’à une autre. • M. Legrain note que, quelle que fût la dose de sérum inoculée par lui (2 à 20 centimètres cubes), l’effei le plus constant est l’abaissement de la température. « Cet abaissement proportionnel à la quantité inoculée n’est pas immédiat; il commence trois heures environ après l'injection et passe par un maximum vers la 15e heure. Le maximum d’abaissement obtenu a été de 2°3 avec 12 centimètres cubes. Toutefois, cet abaissement n’est pas durable. La fièvre reprend ses droits 40 heures après l’injection ; une nouvelle injection produit alors un semblable effet. Un résultat moins constant est l’augmentation de la sécrétion urinaire... Dans les cas de stupeur profonde et de coma, les injections de sérum donnent d’excellents résultats. » Ce traitement a été essayé sur 12 malades dont les observations ne sont pas rap- portées. M. Legrain ne pense point que les inoculations de sérum amènent une diminution dans la durée de l’infection ; il dit qu’ « elles paraissent devoir apporter une amélioration notable dans le traitement des cas graves ». Le sérum utilisé par M. Legrcin était recueilli sur des convalescents ne pré- sentant plus de symptômes fébriles depuis une semaine. M. Raynaud a traité vers la même époque sept malades atteints de typhus par la même méthode ; sur ces 7 malades, il y a eu 2 décès qui ne paraissent pas imputables au typhus, mais à des complications. Il a fait usage du sérum d’un malade guéri depuis 6 jours; ce sérum a été filtré pour deux essais, non pour les autres; les doses inoculées ont varié de.l c. c. 1/2 à 2 ou 3 centimètres cubes, et souvent répétées (jusqu’à 4 jours de suite). Les résultats les plus appréciables ont été, d’après l’auteur, l’augmentation de la diurèse, la disparition de l’albumine, la diminution de la fréquence du pouls, la diminution et la cessation assez brusque des phénomènes généraux, mais (1) E. Lkgrain (de Bougie), Sur les propriétés biologiques du sérum des convalescents de typhus exanthématique, Comptes rtndus de la Soc. de Biologie, séance du 19 janvier 1895, p. 32-33. (2) L. Raynaud (d’Alger), Essais de sérothérapie contre le typhus exanthématique. Alger, imprimerie Zamith, 1896. Brochure de 16 pages. Travail couronné par l’Académie des sciences (prix Barbier, 1896). RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS DO il n'a pas noté de diminution de la durée de la maladie ; l'influence sur la température est inconstante (les courbes des malades sont annexées au mémoire). Il est regrettable que MM. Legrain et Raynaud n'aient point poursuivi des essais qui leur avaient donné des résultats aussi encourageants. 11 manquait, il est vrai, à leurs observations la base expérimentale que nos expériences apportent, en parti- culier la notion d'un pouvoir préventif du sérum non déce- lable jusqu à ce que l'un de nous eût démontré la sensibilité des singes au virus humain. Conclusions. Nos expériences prouvent l'existence dans le sérum des malades convalescents et des animaux guéris de propriétés préventives. Elles confirment les constatations anciennes de MM. Legrain et Raynaud sur le pouvoir curatif de ce sérum et leur apportent une base expérimentale indiscutable. Elles montrent que nous possédons une méthode, sinon générale, du moins susceptible d’applications particulières, pour traiter le typhus exanthématique. Cette méthode est à employer en cas d'épidémie, que le bénéfice en soit réservé aux malades les plus gravement atteints, ou qu'en milieu indi- gène elle serve au traitement des membres du corps médical et du personnel administratif auxquels leur dévouemant fait payer un tribut si lourd au typhus. Dans l'Afrique mineure, ce béné- fice devrait appartenir plus spécialement aux Européens, infi- niment plus sensibles à la maladie, que les indigènes. A notre avis, il ne faut se servir que de sérum filtré. La fil- tration, que nous avons pratiquée, dans tous les cas, sur bougie Berkefeld. n’a pas seulement pour résultat de mettre le ma- lade traité à l’abri de l'inoculation toujours possible de la syphilis, mais aussi d’empêcher l'altération du sérum et de permettre sa conservation à la glacière. On devra inoculer des doses élevées 20 centimètres cubes au moins) et répétées. La voie intraveineuse est à tenter dans les cas graves. Rappelons en terminant qu i/ ne faut faire usage que du sérum des malades guéris depuis 10 à 12 jours tout au plus. Nos expériences démontrent, en effet, que les propriétés pré- ventive et curative ne paraissent se conserver dans le sérum que pendant un temps assez court après la défervescence. {A suivre .) LE GLOBULIN DE L’HOMME par M. AYNAUD ASSISTANT A L’HÔPITAL PASTEUR Sommaire. — I. Observation des globulins dans le plasma pur : morphologie, relations avec le réseau de fibrine, coagulation sans agglutination. — II. Action comparée des principaux anticoagulants sur le sang de l'homme et de quelques espèces animales. Stabilité du sang humain. — III. Altéra- tions morphologiques sous l’influence de substances étrangères. Aggluti- nabilité très faible des globulins de l'homme. — IV. Réactions histo- chimiques. — V. Interprétation des différents aspects morphologiques du globulin dans les observations sur le vivant et in vitro. De récents travaux parus en Allemagne [M. Grüber et Futaki (1), R. Schneider (2), E. Barreau (3), D. Ottolenghi) (4)] ont attiré l’attention sur la participation possible du troisième élément du sang à la genèse des propriétés du sérum sanguin. L'hypothèse semble devoir être d’autant plus prise en consi- dération que nous savons aujourd'hui, grâce aux recher- ches de Dastre et de ses élèves, que les leucocytes ne se détrui- sent pas pendant la coagulation : les globulins sont donc les seuls éléments du sang qui se détruisent, dans les conditions ordinaires où l’on se place pour recueillir le sang, et il semble tout à fait légitime de supposer que le sérum contient une ou plusieurs substances issues de ces éléments. Quelles sont ces substances? Interviennent-elles, comme cela a été avancé, dans la production de l’alexine et des anticorps, dans le mécanisme de l'immunité? Ce sont là autant de questions auxquelles il est impossible de répondre à l’heure actuelle. Avant d’étudier les (1) M. Grüber et K. Futaki, Ueber die Resistenz gegen Milzbrand und über die Herkunft der milzbrandfeindlichen Stoffe. Münchener medizin. Wochen- schrift, 1907, n° 6. (2) R. Schneider, Ueber die Præexistenz des Alexins im zirulierendem Blut. Archiv fur Hygiene, Bd LXV, 1908, p. 325. Die baktericide und haemolytische Wirkung der tierischen Gewebesflüs- sigkeiten, etc. Ibid., Bd LXX, 1909, p. 40. (3) E. Barreau. Ueber die Wirkung von Blutplattchenstoffen gegen Milz- branderreger. Archiv fur Hygiene , 1909, Bd LXX, p. 331. (4) D. Ottolenghi, Die Blutplâttchen als Alexinerzeuger. Miinch. mecl. Wochenschrift , 1907, n° 17. LE GLOBULIN DE L’HOMME hi propriétés du globulin, il était nécessaire d'établir son exis- tence, de préciser sa morphologie, ses causes d’altération, les conditions dans lesquelles on peut l'observer, le compter; il fallait faire pour le globulin ce que fait le bactériologiste pour un microbe : il 1 identifie, détermine ses conditions de culture et de vie, pour pouvoir étudier ensuite à loisir ses différentes propriétés. Dans des travaux antérieurs (1), j’ai étudié les conditions d’observation du globulin en général, et du glo- bulin de quelques espèces en particulier; le présent travail sera consacré au globulin de l’homme. Observation des globulins dans le plasma pur : morphologie, relations avec le réseau de fibrine, coagulation sans agglutination. Pour observer les globulins, la première condition — condition absolument indispensable — est de recueillir le sang dans un vaisseau, à l’abri du contact des tissus; ces derniers, en effet, contiennent des agglutinines et des lysines extrêmement actives sur les globulins (2) ; l’observation sera ensuite facilitée par l’exclusion du contact du verre, remplacé par le contact de la paraffine, et par l’emploi de quelques anticoagulants qui n’altèrent pas les globulins, ou même qui jouissent de pro- priétés conservatrices à leur égard. Il est possible, excepté chez les très jeunes enfants, d’arriver chez tous les sujets à prendre du sang dans la veine pour pratiquer une numération; mais, pour faire des observations délicates de morphologie, il est préférable de choisir un adulte ou un vieillard à veines bien développées, à parois épaisses, peu mobiles sous la peau. On recommande au sujet de tenir le bras allongé et immobile, en hyperextension; la peau, sommairement désinfectée au sublimé, est ensuite lavée à (1) Cii. Achard et M. Aynaud, Sur l’observation directe des hématoblastes dans le plasma sanguin. Comptes rendus de la Soc. de Biologie , 7 décembre 1907. — M. Aynaud, Le globulin des mammifères. Thèse de Paris, 1909. (2) L’action des tissus sur la coagulation du sang a été indiquée par Delezenne (1896-1897) qui a montré qu’on pouvait obtenir des plasmas stables d’ovipares par simple centrifugation, pourvu que le sang n’ait pas été souillé par le contact de la plaie. 58 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR l’eau bouillie tiède. Pour ponctionner la veine, j’emploie une seringue en verre cle 5 à 10 centimètres cubes, munie d’une aiguille d’acier de 15 millimètres de longueur, à très large lumière. La seringue est chargée de 1 ou 2 centimètres cubes d’une solution stérile tiède de citrate de soude à 10 p. 100; on fait sourdre le citrate à l'orifice de l’aiguille, la seringue est saisie de la main droite comme un trocart, et enfoncée d'un seul coup dans la veine ; le sang doit apparaître aussitôt dans la seringue; on en aspire quelques centimètres cubes et on retire la seringue. Le sang doit alors s’écouler de l’orifice de l’aiguille, avec un petit jet; on le recueille dans des tubes fraîchement paraffinés; la moindre poussière amène la coagulation. Il est préférable de recevoir tout le sang dont on a besoin dans un seul tube, quitte à le répartir ensuite dans d’autres tubes. Lorsqu'on reçoit le sang directement de la veine dans plusieurs tubes, on produit des déplacements de l’aiguille, des traumatismes de la veine, et le sang est souillé par le suc de la petite plaie. C’est pour la même raison qu’on ne peut pas recueillir une trop grande quantité de sang chez le même sujet; à la longue, l’aiguille se déplace et on a un sang très coagulable, à globulins très altérables. Le sang ainsi recueilli ne contient pas de citrate; dans un tube de verre, en effet, il se coagule dans un temps normal de dix à quinze minutes, alors que, dans un tube paraffiné, il reste liquide pendant plus d’une heure; il m’est même arrivé d’en conserver ainsi pendant cinq heures. Le sang sera soustrait aux causes de refroidissement pendant la sédimentation; celle ci avec certains sangs pathologiques est très rapide et, en quatre à cinq minutes, on obtient une couche de plasma incolore à la partie supérieure du tube; on en prélève une partie avec une pipette paraffinée et on la dépose sur une lamelle vaselinée; on en fait l’examen en goutte pendante, en utilisant une platine chauffante, ou plus simple- ment une cellule, si on opère dans un milieu chauffé ou en été. Les globulins peuvent apparaître sous deux aspects diffé- rents : tantôt sous forme de disques, tantôt sous forme de bâtonnets. L'aspect en bâtonnet est l’aspect normal, celui que l’on observe avec la plus grande facilité dans le plasma du cheval et de l’âne, immédiatement après la saignée; ce n’est LE GLOBULIN DE L'HOMME 59 qu au bout d un certain temps que les globulins changent d’aspect et revêtent la forme arrondie. Avec le sang humain, recueilli dans des conditions moins favorables que celui des animaux, on ne peut l’observer qu’assez difficilement (1). La figure 1 en est un exemple : quelques exemplaires seulement ont été dessinés; en réalité, ils sont beaucoup plus nombreux et arrivent presque au contact les uns des autres, tout en restant isolés. Ils se présentent sous forme de petits bâtonnets, ayant en général la moitié ou le tiers Je îa largeur des globules / / y Fig. 1. — Globulins humains dans le plasma pur, quinze minutes après la prise de sang. Dessin à la chambre claire : un globule rouge a été repré- senté comme terme de comparaison. rouges; ils sont de taille inégale et cetle différence dans leurs dimensions se retrouve chez tous les mammifères. Ils sont toujours absolument incolores, très pâles, très peu réfringents ; il faut diaphragmer fortement pour les voir; ils sont entourés d’un halo brillant et présentent de légers mouvements d’oscil- lation. Ils sont plus légers que les autres éléments du sang; on les trouve seulement dans la couche de plasma, il n'y en a jamais dans le culot de globules rouges; ils occupent seuls la (i) Tout récemment, j’ai eu l’occasion d’étudier, avec le Dr Léon Tixier, le sang d’une hémophile. La prise de sang ayant été faite à 10 heures du matin, nous avons pu constater la conservation des globulins pendant plus de six heures, avec leur forme allongée, dans du plasma simplement maintenu en milieu paraffiné. 60 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR partie supérieure de la goutte. Leur viscosité — lorsqu’on a opéré correctement, c’est-à-dire lorsqu’on a un sang qui se maintient liquide pendant plus d’une heure — est absolument nulle : ils n’ont aucune tendance à adhérer entre eux ou à s’accoler aux globules rouges el blancs. Si nous portons notre attention sur ces derniers éléments, nous verrons — et cela d'une manière absolument constante , aussi bien à /’ état normal qu'à V Hat pathologique (1) — les globules blancs sous tonne de disques parfaitement réguliers, à noyau non apparent; on n'observe pas de mouvements amiboïdes dans ces conditions. Les leucocytes, par leur aspect brillant, leur réfringence, se différencient nettement des globulins. Les globules rouges ont une forme arrondie, biconcave; ils se réunissent en piles et en amas, d’autant plus vite que le sang est plus rapidement sédimen table. Comme les leucocytes, ils ont une forme parfaitement régulière, sans le moindre indice de frag- mentation. On voit donc par cette observation, d’une sim- plicité absolue, — puisqu’elle exclut l’intervention de tout réactif et n’est somme toute qu’une réédition in vitro de l’obser- vation de Bizzozero in vivo, — que les globulins existent dans le plasma sanguin avant toute altération des autres éléments du sang; c'est donc d’une manière abusive que nombre d’au- teurs décrivent sous le nom de plaquettes-hématoblastes- globulins un élément qu'ils voient se produire, dans le sang extrait de l’organisme, aux dépens des globules rouges ou blancs; c’est d’une manière non moins abusive qu’on a voulu faire des globulins des produits de coagulation, puisque, pour les observer, il faut un sang liquide, qu’ils se conservent d'autant plus longtemps que l’échantillon de sang est plus lent à se coaguler et qu'au bout de quelques heures, comme nous allons le voir, ils sont complètement détruits et qu'on n’en voit plus de traces au milien du réseau de fibrine. Si on prolonge l'observation, on verra toujours, au bout d’un temps variable de dix à trente minutes, même en utilisant (1) Ces études ayant été faites à l’hôpital Pasteur, j’ai étudié surtout le sang de sujets atteints de maladies infectieuses (rougeoie, scarlatine, diphtérie, typhoïde); j’ai pu étudier cependant le sang d’une centaine d’autres sujets (normaux, leucémiques, anémiques, affections chroniques, tubercu- lose, lèpre, syphilis, etc.). LE GLOBULIN DE L'HOMME 61 la platine chauffante, se produire des modifications de forme des globulins. Les formes allongées, en fuseau, en bâtonnet, deviennent de plus en plus rares; un grand nombre sont ova- laires ou arrondis : ils apparaissent alors sous forme de petits disques, absolument plans, extrêmement pâles, limités à leur périphérie par un halo à peine marqué. Il en est d'autres, et ces formes vont devenir de plus en plus nombreuses à mesure que Inobservation se prolongera, qui ne sont plus diseoïdaux, mais bien globuleux : les bords perdent de leur régularité, de petites bosselures, de fines sailUes y apparaissent; enfin le globulin, qui, jusqu'ici, nous était apparu comme parfaitement homogène, devient granuleux. L aspect arrondi ou globuleux, avec ou sans fins prolongements sur les bords, et l'apparition d'une substance granuleuse à l'intérieur, représente l'une des formes d’altérations les plus fréquentes. Il en est d'autres, en particulier les formes d'altérations longues, qui sont beaucoup plus rares dans les conditions actuelles d'observation : le glo- bulin prend une forme beaucoup plus allongée que norma- lement, mais irrégulière, renflée en certains points, amincie en d'autres; ou bien encore, il peut se terminer par un pro- longement extrêmement fin simulant un flagelle. Au bout d'un temps variable, le réseau de fibrine va appa- raître : il apparaît simultanément en plusieurs points de la préparation; la coagulation fibrineuse est progressive et demande un certain temps, quelquefois jusqu'à cinq minutes. L'abondance du réseau est extrêmement variable; dans un certain nombre de cas, il manque presque complètement, bien que la goutte de plasma soit absolument gélifiée; le même phénomène se voit très souvent avec le plasma d’âne ou de cheval examiné dans les mêmes conditions. Quelles sont les relations du réseau fibrineux avec les globu- lins? Dans le sang recueilli au contact des tissus, réseau fibri- neux et altérations intenses des globulins se produisent très vite, et à un très haut degré; il semble bien que les globulins servent de point d'attache ou de départ aux filaments de fibrine. Il n’en est pas de même dans le plasma examiné par la méthode que je viens d’exposer. Lorsqu'on a un sang à coagulation très retardée et que les globulins sont très peu altérés, la plus grande partie d'entre eux n’ont aucune relation avec le réseau 62 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR de fibrine. Etant donné le grand nombre et des globulins et des filaments de fibrine, il est bien quelques-uns de ces der- niers qui semblent attachés à ces filaments, mais c’est l’excep- tion. En étudiant la coagulation du plasma humain à l'ultra- microscope, on observe plus nettement encore l’indépendance du réseau de fibrine et des globulins. 11 est donc bien possible d’observer la coexistence du réseau de fibrine et des globulins, dans le sang non souillé par le contact des tissus ; cependant cette survie des globulins au milieu du caillot n'est pas indéfinie; ils continuent à s’altérer, deviennent de plus en plus granuleux, ils prennent une teinte terne et grisâtre et, au bout d’une heure ou deux au maximum, ils ont complètement disparu. Je n'ai pas parlé jusqu'ici d'un phénomène bien connu, si constant qu'on a voulu en faire une propriété caractéristique des globulins : c'est leur agglutination et leur fusion en masses granuleuses; ce phénomène a été étudié par un certain nombre d’auteurs (Loeb, Ducceschi), sous le nom de premier temps de la coagulation. Le premier temps de la coagulation ne se produit pas chez l’homme si l'on recueille le sang dans un vaisseau, et si on l’examine en dehors du contact du verre. J’ai indiqué dans ma llièse que le même phénomène s’observait facilement chez l'âne; depuis j’ai pu m’assurer qu’il en était absolument de même chez le cheval. Chez le chien, les globu- lins s’agglutinent et se détruisent bien avant l’apparition du réseau de fibrine, tandis que chez le lapin et chez le chat les deux phénomènes se produisent à peu près simultanément. On voit donc que chez un certain nombre d’espèces (homme, cheval, âne), le sang, recueilli dans certaines conditions, se coagule sans que se produise l'agglutination des globulins (premier temps de la coagulation des auteurs). Les globulins de ces espèces semblent moins agglutinables et moins fragiles que ceux des autres; nous allons voir plus loin que mis en présence d’un certain nombre de réactifs, le sang de ces espèces se comporte également d’une manière différente. LE G LO BU LIN DE L’HOMME 63 n Action comparée des principaux anticoagulants sur le sang de- l’homme et de quelques espèces animales. Stabilité du sang humain. On sait que les différents anticoagulants n’ont pas une action uniforme sur les globulins; tandis que quelques-uns sont à peu près indifférents, il en est d’autres qui sont conservateurs ou destructeurs de ces éléments : les citrates et oxalates alca- lins, le métaphosphate de soude ont une action conservatrice, tandis que le fluorure de sodium, dont l’action anticoagulante Fig. 2. _ Sang humain citraté à 5 p. 1000, conservé 2 heures à 38 degrés. Dessin à la chambre claire. Un globule rouge a été représenté. est tout aussi marquée, altère ies globulins d’une manière très intense. J’ai fait un grand nombre d’observations sur l’action des anticoagulants sur le sang humain, sang recueilli toujours avec le môme procédé, maintenu dans la paraffine à une tempé- rature de 38 degrés; j’ai en général employé 1 de la. solution anticoagulante pour 9 de sang. La difficulté consiste à se pro- curer, dans les conditions que j’ai indiquées, des quantités suffisantes de sang pour faire sur un même échantillon des séries comparatives; je vais rapporter un certain nombre de 64 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ces observations; je laisserai de côté les observations très nom- breuses où je n’ai pu utiliser qu’un seul anticoagulant pour le même individu. Obs. 26. — Cardiaque. Ponction de la veine à la seringue. Le sang est recueilli directement dans des tubes paraffinés, contenant des proportions déterminées de solutions anticoagulantes. Les lubes, comme dans toutes les observations suivantes, ont été maintenus à l’étuve à 38 degrés. L'examen a été fait trois heures après la saignée. Sang fluoré. — 1 cent, cube de NaFl à 3 p. 100 pour 9 cent, cubes de sang, soit 3 p. 1000 de NaFl. Tous les globulins sont arrondis, granuleux, à bords irréguliers, étoilés; quelques-uns sont fusionnés en masses granu- leuses. Sang oxalaté. — 1 cent, cube oxalate de potasse à 2 p. 100 pour 9 cent, cubes de sang, soit 2 p. 1000 d’oxalate. Un grand nombre de globulins ont leur aspect normal allongé, quelques formes d’altérations longues. Pas d’agglutination. Sang citrate. — 1 cent, cube citrate à 10 p. 100 pour 9 cent, cubes, soit 10 p. 1000 de citrate. Presque tous les globulins ont leur aspect normal. Pas d’agglutination. Sang métciphosphaté. — 1 cent, cube métaphospbate de soude à 5 p. 100 pour 24 cent, cubes de sang, soit 2 p. 1000. Les formes d’altérations sont un peu plus nombreuses que dans le sang citraté. Obs. 38. — Femme normale. Ponction de la veine à la seringue. Le sang recueilli dans un tube paraffiné est réparti dans les différents anticoagu- lants. Extrait de sangsue préparé la veille, par macération de têtes dessé chées dans l’eau salée (douze heures). 1 tète = 1 cent. cube. 9 cent, sang -f- 1 cent, cube oxalate à 1 p. 100 (par dilution de la solution à 2 p. 100 avec l’eau salée physiologique), soit 1 p. 1000 d’oxalate. Au bout de deux heures les globulins sont isolés, la moitié ont leur aspect normal. Même résultat avec 1 cent, cube d’extrait de sangsue, bouilli et non bouilli, pour la même quantité de sang. Obs. 39. — Sujet convalescent de diphtérie. Sang recueilli dans les mêmes conditions. Examen au bout de quatre heures. Sang oxalaté. — 9 cent, cubes + 1 cent, cube oxalate 1 p. 100, soit 1 p. 1000 d’oxalate. Pas d’agglutination. Un quart des globulins ont leur aspect normal. Sang fluoré. — 9 cent, cubes sang -j- 1 cent, cube NaFl 3 p. 100, soit 3 p. 1000 de NaFl. Globulins extrêmement altérés, granuleux, irréguliers; masses gra- nuleuses. Sang au ferro et au ferricyanure de potassium. — 1 cent, cube de solu- tion à 10°/opour 9 cent, cubes de sang, soit 10 p. 1000. Même résultat qu'avec l'oxalate. Obs. 41. — Enfant de neuf ans, convalescent de scarlatine. Prise de sang dans les mêmes conditions. Le sang pur a coagulé en onze minutes dans la paraffine. Métaphosphate de soude à 10 p. 100. 1/20 cent, cube + 5 cent, cubes de sang = 1 p. 1000. Au bout de 60 mi- nutes, agglutination faible, globulins très altérés. CM 'O LE GLOBULIN DE L'HOMME 65 2/20 cent, cube + S cent, cubes de sang r= 2 p. 1000. Au bout de 60 mi- nutes, globulins isolés, mais très altérés. 5 cent, cubes peptone 30 p. 100 dans NaCl 7 p. 1000 + 5 cent, cubes sang * Au bout de 60 minutes, globulins isolés, arrondis. En 20 heures, agglutination forte. Obs. 42. — Femme convalescente de diphtérie. Prise de sang dans les mêmes conditions. / 20 cent, cubes citrate à 10 p. 100 -f- 5 cent, cubes sang = 2 p. 1000 citrate. / 20 cent, cubes citrate à 10 p. 100 + 5 cent, cubes sang = 5 p. 1000 citrate. Au bout de 60 minutes, à 2 p. 1000 agglutination moyenne, un certain nombre de globulins ont leur aspect normal ; à 5 p. 1000, presque tous les globulins normaux, pas d’agglutination. Obs. 43. — Femme de soixante-cinq ans. Leucémie myéloïde. Même technique. 0 cent, cube 5 citrate 10 p. 100 + 9 cent, cubes sang — 5 p. 1000. Au bout de 60 minutes la moitié des globulins sont encore en bâtonnet; au bout de 4 heures tous arrondis. Ferrocyanure de potassium à 10 p. 100. 1 cent, cube + 9 cent, cubes sang = 10 p. 100. 0 cent, cube 5 + 9 cent, cubes 5 sang == 5 p. 1000. Au bout de 4 heures, la moitié des globulins ont leur aspect normal. Mêmes résultats avec le ferricyanure de potassium dans les mêmes con- ditions. Obs. 48. — Homme de soixante-quinze ans. Érysipèle, Même technique. 1 cent, cube citrate 10 p. 100 + 19 cent, cubes sang = 5 p. 1000. Au bout de 3 heures, les deux tiers des globulins normaux. On a sensible- ment le même résultat dans un tube non paraffiné. Dans un tube paraffiné, à la glacière, tous les globulins sont arrondis. 1 cent, cube oxalate 2 p. 1000 + 19 cent, cubes sang = 1 p. 1000. Au bout de 3 heures 15, des globulins normaux. Peptone Wilte à 25 p. 100 dans Veau salée. 5 cent, cubes peptone + 5 cent, cubes sang. Au bout de 3 heures, pas d’agglutination ; altérations légères. Métaphosphate de soude à 5 p. 100. 1 cent, cube + 20 cent, cubes sang = 2,5 p. 1000. 0 cent, cube 5 + 20 cent, cubes sang = 1,25 p. 1000. A 2,5 p. 1000, glo- bulins arrondis mais isolés; à 1,25 p. 1000 traces d’agglutination. Même temps. Sulfate de soude cl saturation. 5 cent, cubes + 5 cent, cubes sang. Au bout de 3 heures, agglutination forte. Venin de cobra. Solution à 1 p. 100 dans l’eau salée. Avec le venin frais ou chauffé à l’ébullition, en prenant 1 cent, cube ou 0 cent, cube 5 p. 10. il est impossible d'observer les globulins. Obs. 51. — Femme. Erysipèle. Extrait de sangsue. Tètes conservées 5 jours dans l’alcool et dessé- chées. On fait macérer 3 heures avant l’emploi dans l'eau salée. 1 tête = 2 cent, cubes. 2 cent, cubes + 10 cent, cubes sang. Au bout de 2 heures, globulins sub- normaux; 36 heures, tous arrondis et agglutination légère. o 06 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 2 cent cubes -f- 20 cent, cubes sang. Même résultat en deux heures. Coagulation en 36 heures. Ferrocyanure à 10 p. 100. 0 cent, cube 5 -J— 10 = 5 p. 1000. Au bout de 2 heures, globulins isolés, normaux. Obs. 54. — Femme syphilitique. Ponction de la veine à la seringue; le sang est recueilli directement dans les solutions suivantes : 1 cent, cube citrate 10 p. 100 4- 19 cent, cubes sang = 5 p. 1000. Au bout de 3 heures, la moitié des globulins normaux. 0 cent, cube 5 citrate -j- 19 sang — 2,5 p. 1000. Meme temps, même résultat. Un petit caillot rouge au fond du tube. 0 cent, cube 5 métaphospliate -f- 25 sang = 1 p. 1000. Au bout de 60 mi- nutes, globulins arrondis, agglutination légère. Extrait de têtes de sangsues desséchées dans l'alcool , macérées 12 heures. 1 tête — 1 cent. cube. 1 cent, cube + 20 cent, cubes sang. 2 cent, cubes + 20 cent, cubes sang. 1 h. 20. globulins isolés peu altérés. 2 h. 20, formes granuleuses et légère agglutination. Sulfate de soude à saturation. 5 cent, cubes sulfate -f- 5 cent, cubes sang. 3 heures, légère aggluti- nation. Sulfate de magnésie à 30 p. 100. 5 cent, cubes sulfate -f- 5 cent, cubes sang. En 3 heures, agglutination forte. On voit, d’après les expériences que je viens de rapporter, que, chez l'homme comme chez l’animal, il y a des anticoagu- lants qui conservent les globulins, d'autres qui sont indiffé- rents ou possèdent une action nocive. Le fluorure de sodium est nocif dans toute la série des mammifères ; les citrates et oxalates alcalins permettent la survie des globulins un temps plus ou moins long et empêchent leur agglutination. J’ai indiqué plus haut que le sang humain coagulait sans aggluti- nation des globulins, mais qu’il était nécessaire d’avoir un sang recueilli suffisamment correctement pour obtenir, par l’emploi de la paraffine seule, un retard de coagulation d’au moins une heure. Les échantillons de sang utilisés pour l’étude des anti- coagulants ont été recueillis dans des conditions assez défec- tueuses : j'ai d’abord réservé les sujets à système veineux par- ticulièrement favorable pour mes observations sur le plasma pur; j’ai, pour les observations sur les anticoagulants, utilisé des sujets à système veineux souvent peu développé, des femmes, des enfants; de plus, j’ai dû recueillir d’assez grandes quantité de sang, souvent en changeant les tubes, toutes LE G LO 13 U LIN DE L’HOMME 67 conditions qui hâtaient la coagulation dn sang recueilli simple- ment dans la paraffine; un grand nombre de ces échantillons de sang coagulaient dans la paraffine en 10' à 15', avec aggluti- nation et destruction des globulins; il ressort donc de ces expériences que les citrates et oxalates alcalins, le métaphos- phate de soude ont une action conservatrice sur les globulins et empêchent leur agglutination ou plus exactement la retardent. Fig. 3. — Sang humain cilraté à 1 p. 100 après 4 heures de séjour à la glacière. Formes d’altérations granuleuses. En effet, en examinant les tubes de sang après plusieurs jours de séjour à l’étuve, on constate une agglutination partielle et des altérations morphologiques très marquées de globulins (formes granuleuses). Les citrates et oxalates alcalins sont donc conservaleurs des globulins, mais ne les fixent pas, les globulins s'altérant au bout d'un temps plus ou moins long dans les plasmas citrates et oxalates. On peut aussi, par des agents physico-chimiques, produire rapidement des altérations des globulins oxalates ou citrates; c'est ainsi que le froid se comporte par rapport aux globulins humains de la même manière qu'à l’égard de ceux des mammifères. Obs. 37. — Sang citraté à 1 p. 100. Une partie est conservée à l’étuve à 38 degrés, l’autre à la glacière. Examen au bout de quatre heures : tandis 68 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR que dans le sang maintenu à l’étuve presque tous les globulins sont nor- maux, dans le sang conservé à la glacière tous les globulins sont granu- leux, arrondis et contractés à bords irréguliers. Les altérations ne sont pas toujours aussi intenses et, après un séjour moins prolongé à la glacière, on observe des formes simplement arrondies. Le taux pour cent de l’anticoagulant, nécessaire pour empê- cher l’agglutination des globulins, varie suivant les espèces ani- males. C’est ainsi que chez le chien, il faut en général 2 p. 1.000 d’oxalate et 10 p. 1.000 de citrate, en milieu paraffiné, dans le mélange sang + solution anticoagulante (1 ). J’ai indiqué qu’il en fallait beaucoup moins pour le sang de l’âne. En ce qui con- cerne le lapin et le chat, il faut des proportions un peu plus fortes que chez l’âne, mais beaucoup plus faibles que chez le chien ; si l’on veut bien se rapporter aux expériences exposées plus haut, on verra que chez l’homme une dose de 5 p. 1.000 de citrate et de 1 p. 1.000 d’oxalate est largement suffisante. On peut dans certains cas avoir des résultats avec 2,5 p. 1.000 de citrate. On voit donc que le sang de l’homme se rapproche beaucoup de celui de l'âne et est très différent de celui du chien ; il est de plus intéressant de constater que moins le sang a de tendance à s’agglutiner spontanément (homme, âne), moins il faut employer de citrate. On observe des résultats analogues avec les ferri et les ferro- cyanures alcalins; à la dose de 5 p. 1.000 ils suspendent l’agglu- tination des globulins chez l’homme alors que chez le chien on a toujours de l’agglutination et parfois même de la coagulation. La très grande stabilité du sang humain citraté ou oxalaté (obs. 48) permet de le conserver dans des tubes de verre; cette constatation permet une simplification de technique, très appréciable pour les recherches cliniques, et actuellement, pour la numération des globulins, je n’utilise plus la paraffine. Le sulfate de soude (parties égales de sang et d’une solution saturée de sulfate), le sulfate de magnésie (parties égales de sang et de sulfate à 30 p. 100), qui sont de bons anticoagulants, donnent, chez l’homme comme chez les animaux, de mauvais (1) Pour empêcher simplement la coagulation on peut employer des doses un peu plus faibles : doses anticoagulantes et antiagglutinantes varient parallèlement. LE GL0BUL1N DE L’HOMME 69 résultats en ce qui concerne les globulins. 11 en est de même du venin de cobra. Par contre, l’extrait de sangsue etlapeptone, qui donnent de très mauvais résultats avec le sang du chien, permettent chez l’homme d’observer les globulins isolés pen- dant de longues heures ; ce sont cependant des anticoagulants beaucoup moins puissants que le citrate ; le sang coagule en général au bout de vingt-quatre heures, mais il ne rétracte pas, bien que ces substances conservent les globulins de l’homme. J’ai fait également quelques essais avec le chlorure de sodium ; la coagulation et l’agglutination des globulins sont suspendues par l’adjonction de 1 ou 2 centimètres cubes d’une solution à 20 p. 100 à 8 ou 9 centimètres cubes de sang, mais, en général, on n’obtient que des globulins plus ou moins altérés. III Altérations morphologiques sous l’influence de substances étrangères. Agglutinabilité très faible des globulins de l'homme. Un certain nombre de substances ajoutées au plasma oxalaté ou citraté ont la propriété d’altérer morphologiquement les glo- bulins, et cela indépendamment de toute action due à la tem- pérature, à la dilution ou à la concentration moléculaire ; la quinine à 1 p. 1.000 leur fait prendre rapidement la forme arrondie ; il en est de même de la cocaïne; sur ce point, il n’y a aucune différence entre le globulin de l’homme et celui des autres mammifères ; de même en ce qui concerne le rouge neutre et le bleu de méthylène qui colorent à leur intérieur, chez l'homme et l’animal, un certain nombre de vacuoles. Il est extrêmement facile, chez le chien, dans le plasma oxalaté à 2 p. 1.000, de produire l’agglutination des globulins ; il suffit d'ajouter une faible quantité de peptone, de gélatine, d'extrait d’organes, de sérums, de colloïdes métalliques ; un très grand nombre de solutions colloïdales agglutinent les glo- bulins du chien ; j’ai longuement exposé la question dans ma thèse et je n’y reviens pas. En me plaçant dans les mêmes conditions ou même en employant du sang plus faiblement oxalaté, j’ai échoué avec le sang humain; je n’ai jamais eu de résultats qu’avec le sérum de porc, et encore je n’ai jamais eu 70 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR l’agglutination complète qu'il est si chien. facile d'obtenir chez le Fig. 4. — Sang humain citraté à 5 p. 1000, après une heure de séjour à l'étuve à 38 degrés, en présence de 1 p. 1000 de chlorhydrate de qui- nine. Obs. 20. — Sang oxalaté, 1 p. 1000. — Au bout de 3 heures, quelques rares amas ; ce sang étant donc à la limite d’oxalate nécessaire, l’adjonction à 9 de sang, de peptone à 10 p. 100, et de t d'électrargol, n’a déterminé en 3 heures aucune agglutination. Obs. 27. — Sang oxalaté, 1 p. 1000. — Contact, 3 heures. 9 sang + 1 NaCl 7 p. 1000 Agglutination nulle. 9 sang + 1 sérum antidiphtérique — nulle. 9 sang + 1 électrargol — nulle. 9 sang + 1 mastic Traces d’agglutination. Obs. 31 — Sang oxalaté , 1 p. 1 000. — Sérum chauffé à 36 degrés. Contact heures. 9 sang + 1 sérum antidiphtérique Agglutination nulle. 9 sang -j- 1 — âne — nulle. 9 sang +1 — lapin — nulle. 9 sang + I liquide hydatique — nulle. 9 sang + 1 sérum porc — moyenne. Obs. 33. — Sang oxalaté , 1 p. 1000. — Contact, six heures. 9 sang + 1 Na Cl Agglutination nulle. 9 sang -f- 1 extrait de muscles d’écrevisses. — nulle. 9 sang q- 1 solution saturée d’ovalbumine. Traces d’agglutination. 9 sang + 1 mastic Agglutination nulle. Obs. 48. — Sang oxalaté, 1 p. 1000. — Contact trois heures. 9 sang -j- 1 peptone 30 p. 100 Agglutination nulle. 9 sang -j-1 sérum porc.' — légère. LE G LO BU LIN DE L'HOMME 71 11 est intéressant d'opposer les différentes manières dont se comportent le sang de l’homme et celui du chien : chez le chien, les globulins s’agglutinent spontanément et se détruisent avant l’apparition du réseau de fibrine; pour empêcher leur agglutination, il faut avoir recours à des taux élevés de citrate ou d’oxalate ; enlin, on peut, en milieu oxalalé, très facilement les agglutiner avec un grand nombre de solutions colloïdales. Chez l’homme, au contraire, on peut aisément observer la coagulation sans agglutination des globulins ; des doses minimes de citrate ou d’oxalate suffisent à maintenir les globu- lins isolés ; enfin, les substances qui agglutinent les globulins du chien n’agissent pas sur ceux de l'homme. La stabilité des globulins, c’est-à-dire leur plus ou moins grande résistance à l’agglutination spontanée ou par des solu- tions étrangères, varie suivant les espèces : elle représente un coefficient caractéristique de chaque espèce. Elle ne paraît pas due au globulin lui-même ; les globulins déplasmatisés, d’après des expériences actuellement en cours, semblent être pas ou peu agglutinables. Je reviendrai ultérieurement sur ce sujet. IY Réactions histo-cliimiques. Le globulin de l'homme se comporte à l’égard des différents réactifs histo-chimiques exactement comme celui des autres mammifères. Lorsqu’on fait tomber quelques gouttes de sang dans de l’eau distillée ou dans une solution d’acide acétique, même très concentrée, les globules rouges se dissolvent ; les leucocytes résistent et leur noyau devient apparent ; les globulins prennent leur forme arrondie, granuleuse : ils se comportent donc diffé- remment des globules rouges, mais contiennent une substance qui, comme la substance nucléaire des leucocytes, devient apparente sous l’action de l’acide acétique. Ils résistent par contre beaucoup moins aux alcalins ; les solutions même éten- dues de soude, de potasse les transforment en masses granu- leuses absolument impossibles à identifier. Les globulins humains ne contiennent ni graisse ni glyco- 72 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR gène ; ils ne présentent jamais de granulations analogues aux granulations leucocytaires (neutrophiles, éosinophiles, mast- granula) ; ils ne renferment pas davantage de formations nucléaires colorables par l’hématéine, la safranine ou le vert de méthyle. Par la méthode de Giemsa, il est possible, après étalement et fixation, de mettre en évidence des granulations colorées en rouge violet, variables de nombre, de taille et d’aspect ; on obtient le même résultat avec les méthodes de Leischmann, de Laveran au bleu Borrel-éosine, de Reuter. On échoue par les procédés de Jenner, de May-Grunwald. En un mot, on réussit par les seuls procédés dérivés de la méthode de Romanowsky. Cette affinité des globulins pour le rouge de méthylène se retrouve quel que soit le fixateur employé : chaleur, osmium, sublimé, acide picrique, acide acétique, alcool, acide chromique. Déplus, cette substance granuleuse, à affinité pour le rouge de méthy- lène, que j’appellerai chromatophile par abréviation, est extrê- mement résistante; elle ne se dissout pas dans l’eau ni dans l’acide acétique, et on peut facilement la mettre en évidence sur des globulins extrêmement altérés dans leur morphologie et retirés depuis plusieurs jours de l'organisme. Cette grande résistance, ces caractères d’insolubilité aussi bien que ces réac- tions tinctoriales différencient nettement cette subslance chro- matophile des granulations leucocytaires et la rapprochent des substances nucléaires. Entre les masses granuleuses colorées en violet, on peut voir, surtout avec le Leischmann, une substance faiblement colorée en bleu ; cette dernière a des affinités tinctoriales très faibles et se teint aussi bien, mais toujours d’une manière peu intense, par les colorants acides que par les basiques. Les globulins ont donc une structure complexe ; par les méthodes de coloration vitale, on peut démontrer à leur inté- rieur des formations à affinités soit pour les bleus basiques soit pour le rouge neutre, et nous venons de voir que l’histo- logie montre qu’ils sont constitués par au moins deux subs' tances différentes. Cette structure se retrouve absolument identique chez tous les mammifères étudiés jusqu’ici : singe, âne, cheval, porc, mouton, bœuf, chien, chat, lapin, cobaye, rat, souris ; il est intéressant d’opposer cette constance des LE G LO BU LIN DE L’HOMME 73 réactions tinctoriales du globulin à la variai) ililé de la mor- phologie et de la structure leucocytaires chez les memes espèces. La disposition de Ja substance chromatophile en masses granuleuses isolées, qui est la disposition indiquée par les auteurs (Argutinsky,Foa, Vallet, etc.), est celle que j’ai toujours observée sur le sang étalé avant fixation. Lorsqu’au contraire on reçoit directement du vaisseau dans l’acide osmique quelques gouttes de sang humain, et que l’on colore après centrifugation et lavage prolongé à l’eau, les globulins apparaissent sous forme de petits disques, colorés en violet uniforme, à bordure extrê- mement nette. Il semble que chez l'homme comme chez l’animal, les deux substances dissociées par l’histo-chimie, soient en réalité intimement mêlées l une à l’autre, peut-être même combinées ensemble. Y Interprétation des différents aspects morphologiques du globulin dans les observations sur le vivant et in vitro. J’ai indiqué plus haut les différents aspects, forme allongée, forme arrondie, sous lesquels se présentait le globulin au microscope, c’est-à-dire vu par une seule face ; nous devons maintenant nous demander quelle est sa forme réelle, essayer de le voir sur plusieurs faces simultanément. L’aspect allongé, en bâtonnet, doit être considéré comme l’aspect normal du globulin: Bizzozero (1) l’avait déjà figuré ainsi, chez l’animal vivant, et Eberth et Schimmelbusch ^2) en ont également donné de très belles images d’après leurs nombreuses observations sur le vivant. Mes observations sur l’animal vivant sont entièrement d’accord avec celles de ces auteurs. L’aspect allongé est l’aspect que l’on observe sur le sang extrait de l’organisme, chez l’homme aussi bien que chez les mammifères, au début de l’observation ; à mesure que l’obser- (1) Bizzozero, D’un nouvel élément morphologique du sang, etc. Arch. ital. Biol., t. H, et III, 1882-1883. (2) Die Thrombose. Stuttgard, 1888. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 74 vation se prolonge, ou bien lorsqu'on se place dans des condi- tions de température extra-physiologiques, les formes arrondies deviennent de plus en plus nombreuses. On peut constater les deux formes successivement sur le même élément, voir un globulin présenter au début la forme d’un fuseau typique, 1res allongé, se rentier de plus en plus, jusqu’à prendre la forme d'un disque absolument circulaire, ayant pour diamètre la longueur du fuseau primitif, mais absolument plan. J’insiste sur ce point: le globulin, dans sa forme simplement arrondie, réfracte la lumière comme un disque absolument plan ; il ne saurait être question d'un disque concave ou convexe, et pour- tant, si l'on admet l’hypothèse qu’il s’agisse d’un élément, invariable de forme, mais se présentant tantôt de face, tantôt de profil, puisqu'il apparaît en fuseau renflé en son millieu lors- qu’on le voit par la tranche (nombre d’auteurs le considèrent comme une lentille elliptique biconvexe), il devrait, vu de face, réfracter la lumière comme un objet biconvexe ; son centre devrait s’éclairer, ses bords s’assombrir lorsqu'on éloigne l’ob- jectif, et inversement. Il n’en est absolument rien : toute sa surface s’éclaire et s’assombrit en même temps. La notion de la mobilité du globulin permet d’interpréter ces deux aspects, en supposant qu’il s’agisse d’un disque abso- lument plan et circulaire, se présentant dans les conditions physiologiques par la tranche, mais animé, comme il est facile de s’en assurer en essayant de le dessiner à la chambre claire, de mouvements d'oscillation perpétuels. Ces mouvements, extrêmement rapides, font apparaître à l’œil le bord du globulin comme un fuseau ; ils expliquent de plus l’existence du halo périphérique qui est toujours très marqué sur les éléments allongés et qui manque sur les éléments arrondis, à peu près immobiles. Entre la forme allongée et la forme arrondie, il n’y a donc qu’une différence de position ; la preuve en est qu'on obtient les mêmes images en observant des globulins fixés par l’acide osmique, c’est-à-dire ayant une forme immuable. Toutefois, il est absolument nécessaire de faire parvenir dans l’acide osmique des globulins au sortir du vaisseau ; si l’on fait agir d’acide osmique sur des globulins altérés, sur des formes con- tractées, ils se présentent, quelle que soit leur position, avec LE G LO BU LIN DE L’HOMME 75 un aspect arrondi et une convexité notable Les formes d’alté- rations contractées ont pour effet de transformer le disque en une sphère, de rayon beaucoup plus petit que le disque originel. Je considère donc le globulin normal comme un disque absolument arrondi et absolument plan, qui se présente parla tranche à l’observateur, aussi bien in vitro qu’m vivo ; ce disque est d’une minceur extrême et l’on peut presque dire que le globulin se résume en deux surfaces; de tous les éléments du sang, c’est celui qui, sous la plus faible masse, a le plus de points de contact avec le plasma environnant. En possession de ces données précises sur la morphologie et les réactions microchimiques du globulin, il est possible d'étu- dier ses relations avec les autres éléments du sang; dans un travail antérieur en collaboration avec M. Achard (1), basé surtout sur des observations chez l’animal, j’avais conclu à l’indépendance absolue du globulin par rapport aux autres éléments du sang ; les observations chez l’homme aboutissent à la même conclusion. Un premier fait me paraît avoir la plus grande importance ; si l’on veut se donner la peine de recueillir du sang avec la technique indiquée et d’examiner rapidement le plasma pur, on verra toujours des globules rouges et des globules blancs absolument intacts ; les globules rouges sont parfailement régu- liers; leur élasticité est quelquefois diminuée comme chez les anémiques, mais jamais on ne verra s’en détacher de bourgeons incolores qui pourraient représenter l’origine des globulins ; il en est de même en ce qui concerne les leucocytes : ces der- niers en goutte suspendue, en dehors du contact du verre, ne présentent jamais le moindre signe de fragmentation. Quant aux globulins, ils se présentent avec l’aspect que je viens de leur décrire ; donc coexistence au début de l’observation des troiséléments du sang, dans une intégrité parfaite. Les premiers éléments à s’altérer et à disparaître sont les globulins et on comprend mal que quelques auteurs, récemment encore, aient (1) Ch. Achard et M. Aynatjd, Indépendance des globulins par rapport aux globules rouges et blancs du sang. Archives des maladies du cœur , des vais- seaux et du sang , t. II, p. 129, 1909. 76 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR voulu faire naître les globulins de la fragmentation de grandes masses nébuleuses, puisque les vrais globulins ont disparu bien avant qu'apparaissent les altérations leucocytaires. Un autre fait en faveur de l'indépendance des globulins, c’est leur répartition dans les différents liquides de l'organisme ; les sérosités, normales et pathologiques, ne contiennent jamais de globulins, comme je m'en suis maintes fois assuré sur des liquides de pleurésie, d'ascite ou de méningite; la lymphe, qui ne contient jamais de globulins chez le chien, ne semble pas en contenir davantage chez l’homme (observation négative chez un sujet atteint de fistule lymphatique à la suite d'érysipèles à répétition . Les liquides pathologiques, tels que le pus et les urines purulentes, sont toujours dépourvus de globulins. Et pourtant ces différents liquides contiennent des globules rouges et blancs en quantité, globules altérés dans certains cas, en fragmentation, en dégénérescence, c'est-à-dire dans des con- ditions particulièrement favorables à produire des globulins si ces derniers représentaient simplement des produits de destruc- tion des autres éléments du sang. Un grand nombre de travaux ont été consacrés, surtout en Allemagne, à la théorie de l'origine globulaire de la plaquette ; les auteurs ont décrit des plaquettes endoglobulaires ; ces pla- quettes, visibles seulement sur des préparations de sang fixé et coloré, occuperaient le centre du globule et par leur volume se rapprochent du globulin ; sur les réactions colorantes de la plaquette les auteurs ne sont pas d’accord, et l'on doit admettre plusieurs espèces de plaquettes. Certains plaquettes (type Hirschfeld) se colorent par les bleus basiques ; nous savons que les globulins ont une affinité extrêmement faible pour ces colo- rants, et sans aborder ici la question de la signification de ces plaquettes, nous pouvons admettre qu’elles n’ont rien de com- mun avec les globulins. Il existe un autre type de plaquettes endoglobulaires, que constitueraient, après leur expulsion, les plaquettes sanguines, et qui ont pour le Giemsa et les réactifs analogues l’affinité du globulin légitime (plaquettes de Preisich et Heim, de Brockbank). Ces auteurs décrivent an (ceiitre du globule rouge des formations arrondies, homogènes ou granu- leuses, qui rappellent singulièrement le globulin par leur taille, leur morphologie et leurs réactions colorantes. Uai moi-même LE G LO BU LIN DE L’HOMME 77 bien souvent constaté de pareilles ligures et je n'hésite pas à les considérer comme des globulins, globulins simplement accolés sur la portion excavée du globule rouge par la ma- nœuvre de l’étalement, mais non endoglobulaires. Sacerdotti avait déjà signalé cette tendance des globulins à s’accoler aux globules rouges, et mis en garde contre les interprétations qu’on pouvait en tirer. Il est facile de se convaincre : il suffit d’étaler non plus du sang entier, mais des globules rouges purs tels qu’on les obtient facilement par sédimentation du sang dans un tube paraffiné ; dans ces conditions, on n’observe jamais un de ces prétendus globulins endoglobulaires. D’autres faits, non moins démonstratifs, militent contre rhypotlièse de la préexistence du globulin dans le globule rouge : à i’ultra-microscope, les globulins sont parfaitement visibles ; or, il est absolument impossible d’en voir dans les globules rouges. Les globulins sont beaucoup plus résistants que les globules rouges à l’action de l’eau distillée ou de l'acide acétique, même concentré; ils se conservent très longtemps dans ces liquides qui sont des hémolysants énergiques ; que l’on soumette des globules rouge purs à l’action de l’eau dis- tillée ou de l’acide acétique, que l’on examine la préparation à l’éclairage direct aussi bien qu'à l’éclairage latéral, on ne verra pas un seul globulin se développer aux dépens d'un globule rouge. Les différentes considérations que je viens d’exposer sont basées non seulement sur l’étude du sang de sujets normaux, mais aussi sur le sang de sujets malades : infections, leucé- mies, anémies pernicieuses, chloroses ; la présence d hématies nucléées, d’hématies basophiles, de formes leucocytaires em- bryonnaires ne modifie en rien la morphologie des globulins et ne permet pas davantage de trouver un lien génétique avec les autres éléments du sang. De plus, l’étude des variations numériques (1) des différents éléments du sang montre qu’il n’y a aucun rapport entre le nombre des globulins et celui des autres éléments du sang ; au cours des anémies en particulier, on peut voir des chiffres normaux, des augmentations ou des diminutions. (1) M. Aynaud. Modifications numériques des globulins à l’état patholo- gique. Comptes rendus de la Soc. de'Biolofjie, 9 juillet 1910. 78 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Une démonstration complète de l'indépendance du globulin par rapport aux autres éléments du sang exigerait l’étude des organes hématopoiétiques ; les globulins manquent dans la moelle des os et les ganglions ; on peut en déceler dans la rate, mais l’absence d’une technique permettant de les identifier sur les coupes histologiques ne permet pas de préciser leurs rap- ports avec les autres éléments spléniques et de savoir s’il s’agit d’un élément autochtone ou importé. La splénectomie n’en- traîne pas la disparition des globulins, ce qui n’est pas en faveur de la genèse du globulin dans la rate. Malgré cette lacune rela- tivement aux rapports du globulin avec les organes hémato- poiétiques, je crois devoir le considérer comme un élément histologique indépendant du sang, en me basant sur les faits suivants : le globulin est un élément morphologique, de struc- ture complexe, tou jours identique à lui-même ; il ne représente ni un débri de globule rouge ni un fragment leucocytaire; il est impossible dans le sang circulant normal ou pathologique de trouver un rapport entre lui et les autres éléments qui y sont contenus : il varie numériquement, indépendamment des globules rouges et blancs. Ces faits me paraissent légitimer la conception de Bizzozero, si combattue dans ces trente der- nières années, d’un troisième élément du sang; cette concep- tion me paraît devoir être maintenue, même si on démontrait un jour une filiation entre le globule rouge ou le globule blanc et le globulin ; le spermatozoïde est un élément histologique, quoique dérivé de l’épithélium séminal, et, sans quitter le domaine de l’hématologie, il ne faudrait pas remonter très haut dans le développement embryonnaire pour trouver une souche commune à deux éléments aussi différenciés par leur structure et leurs propriétés que le globule rouge et le leucocyte. SUR L’ÉLEVAGE DES MOUCHES STÉRILES CONTRIBUTION A LA CONNAISSANCE DU ROLE DES MICROBES DANS LES VOIES DIGESTIVES par le Dr Eugène WOLLMAN. (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff.) La vie animale est-elle possible sans le concours des micro- organismes? En posant cette question en 1883 (1), Pasteur croyait, « sans vouloir rien affirmer », qu'elle devait être réso- lue dans le sens négatif. L’année suivante, Nencki (2) fit valoir des considérations théoriques en faveur du point de vue opposé, mais ce n’est que beaucoup plus tard que le problème fut abordé par voie expé- rimentale. Nuttall et Thierfelder (3) élèvent stérilement des cobayes mis au monde par section césarienne. Ces cobayes gagnent de 4 p. 100 à 19 p. 100 en poids au sixième jour après la nais- sance. Les cobayes témoins normaux gagnent de 16 p. 100 à 25 p. 100 dans le môme intervalle, tandis que le poids de cobayes non stériles extraits par section césarienne et nourris au lait de vache reste stationnaire. Les auteurs concluent que la vie animale est possible dans les conditions de stérilité abso- lue. Malheureusement, h la suite de difficultés techniques, les expériences devaient être interrompues au bout d’un temps trop court (treize jours au maximum) pour mettre les résultats obtenus à l’abri de la critique. Dans une série d’expériences remarquables, Schottelius (4) arrive à des conclusions diamétralement opposées. 11 montre que les poussins élevés dans des conditions d’asepsie parfaite dépérissent rapidement. 11 suffit d’ajouter à leurs aliments du colibacille pour que les poussins reprennent forces et se déve- loppent normalement. (1) Comptes rendus de l Acad, des sciences , vol. 100. (2) Arch. für experim. Pathol., vol. 20, 1886. (3) Zeitschrift für physiol. Chemie , vol. 21, 22, 23. (4) M. Schottelius, A rch. für Hyy., vol. 34, 42, 67. 80 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Mme O. Metchnikoff (1) arrive à des résultats analogues en tra- vaillant sur des têtards de grenouille : les têtards stériles sont deux fois plus petits que leurs témoins. D’ailleurs, ces der- niers eux-mêmes étaient très arriérés par rapport aux têtards normaux du même âge. Moro (2) répète ces expériences sur des têtards de crapaud et en confirme les résultats. Gomme on le voit, toutes les données, à l’exception de celles de Nuttali et Thierfelder sont concordantes : les animaux nou- veau-nés se développent mal en absence de microbes. Un pareil fait semble difficilement compatible avec nos con- naissances sur l’activité des sucs digestifs d'une part, sur la distribution des bactéries dans le Iractus intestinal de l’autre. Nous savons que les glandes digestives déversent dans l’intestin une grande quantité de ferments dont la puissance peut être mise en évidence in vitro. Nous savons encore que ce sont jus- tement les parties de l’intestin où la digestion se fait le plus activement qui sont très pauvres en microbes (3). E. Metcli- nikoff (4) a déjà indiqué que cette incompatibilité peut n'être qu’apparente et due à ce qu’on expérimente sur des animaux nouveau-nés qui ne sont pas encore en possession de toutes les ressources de leur tube digestif (5). Ces animaux sont d’ailleurs aliments et les conditions artificielles des expériences; on le voit en comparant les témoins non stériles avec les animaux normaux de même âge. Pour ces raisons, il semblait intéressant de reprendre les (1) Mme O. Metchnikoff, Annales de l'Institut Pasteur , vol. 15, 1901. (2) E. Moro, Jahrbuch für Kinderheilkunde. 1906. (3) Portier, Comptes rendus de la Soc. de Biologie. 1905, a montré que les larves de certains microlépidoptères ne contiennent pas de microbes dans leur tube digestif. (4) Metchnikoff, Weinberg, Pozerski, Distaso et Berthelot, Annales de l'Ins- titut Pasteur , 1909. (5) L’amylase manque dans le pancréas de lapins et de chiens nouveau- nés tués 5 à 14 heures après la naissance. D’après Langendorff ce n'est que deux mois après la naissance que le suc pancréatique de l’homme aquiert son pouvoir sacchariflant ; à un an il aurait à poids égal la même action que celui de l’adulte (Roger, Digestion et nutrition , p. 137, 1910). Pour Zweifel, l'amylase n’existe qu’une fois sur neuf dans le pancréas du nouveau-né. Pour Korowin, comme pour Langendorff, elle n’apparaît qu’au deuximèe ou troisième mois après la naissance et ne montre d'action marquée qu’au sixième mois (Landois, Tr. de Physiol., p. 298). La trypsine n’existe qu’en petite quantité pendant les premières semaines de la vie extra-utérine (Huti- nel, Maladies des enfants , vol. III, p. 17). SUR L’ÉLEVAGE DE MOUCHES STÉRILES 81 expériences de Bogdanow (1) sur l’élevage de mouches sté- riles. La technique de ces expériences est, en effet, relativement simple, et on peut se rapprocher assez bien des conditions naturelles dans lesquelles ces insectes se développent; tout en préférant la viande fraîche (2), à son défaut la mouche à viande pond sur de la viande cuite ou rôtie, comme trop souvent on a l’occasion de s’en assurer. Dans son premier travail, Bogdanovv arrive à la conclusion que le concours des microbes est nécessaire au développement normal de la larve. Dans les meilleurs cas, les larves stériles atteignaient 0,8 centimètre de longueur et mouraient sans don- ner de pupes. D’ailleurs, il n’avait eu qu’une seule fois affaire à quelques larves stériles ; les autres étaient contaminées de cocci, qui, d’après Bogdanow, seraient contenus dans l’œuf même. Ce sont ces larves que l’auteur considérait comme « stériles » en les comparant à des larves développées en pré- sence de bactéries protéolytiques. Toutefois, Bogdanow pense qu’il reste encore des fautes de technique, car, même dans ce dernier cas, les larves ne se développaient pas normalement; une seule fois il a pu avoir deux pupes allongées, qui, d’ail- leurs, ont péri sans donner de mouches (3). Dans ses expériences ultérieures, Bogdanow a eu des résul- tats meilleurs. 11 a pu avoir plus souvent des larves stériles et a vu une fois ces larges atteindre la taille et le poids normaux. 11 a même pu avoir une mouche stérile parfaitement normale. L’auteur pense qu’il s’agissait là d’un fait exceptionnel; les mouches ayant pondu ces œufs auraient été nourries mieux que d’ordinaire. Comme, dans ce cas, les larves placées sur gélatine la liquéfièrent particulièrement vite, Bogdanow a eu l'ingénieuse idée d’ajouter de la trypsine à quelques-uns de ses élevages stériles; dans ces conditions, les larves stériles se développaient généralement très bien. Bogdanow conclut : 1° Dans la viande stérilisée, les larves de Calliphora se déve- loppent généralement très mal; 2° pour que le développement (1) Bogdanow, Arch. f. die Gescimmte Physiol ., 1906 ; Arch.f. Anat. und Physiol., supplément Band, 1908. (2) Megnin, La faune des cadavres , p. 30. (3) Bogdanow stérilisait la viande en chauffant à deux reprises à 134 degrés pendant 25 minutes. Comme on le verra plus loin, c'est là une condition très défavorable, 6 82 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR se fasse normalement, il faut ajouter une bactérie protéoly- tique ou de la trypsine. En passant à l’exposé de mes propres expériences je note deux points importants établis par le Iravail de Bogalanow : 1° On peut assez facilement avoir des œufs de mouches parfaitement stériles. 2° Les larves stériles peuvent (rarement, il est vrai) se déve- lopper et donner naissance à des mouches normales. Le but de mon travail était d’étudier le développement de larves sans le concours de microbes ainsi qu’avec des cultures pures de certaines espèces microbiennes. Technique . — Les œufs provenant de mouches ( Ccilliphora vomitoria) (1} tenues en captivité, ou bien recueillis sur des morceaux de viande exposés au dehors, étaient stérilisés extérieurement au moyen de sublimé à 1/1.000 ou 4/1.000, ou bien -d’eau oxygénée à 10 volumes (2). Voici comment j’ai procédé. Les œufs étaient placés sur un morceau de coton de verre préalablement mouillé et étalé. A l’aide de deux pinceaux, on dissociait l’amas cle manière à. éparpiller les œufs sur toute la surface. Le coton de verre était ensuite roulé en tube dont les deux bouts, aplatis el repliés, fermaient la lumière. On liait et on plongeait dans un tube de verre fermé d'un bouchon en caoutchouc d’un côté et effilé de l’autre. Dans ce tube, on faisait arriver alternativement un courant de sublimé et d’eau stérile (3) de telle manière que les œufs étaient soumis à l’action du sublimé pendant cinq à six minutes. Le tube de coton de verre était alors transporté dans une boîte de Pétri stérile; le fil le liant élait coupé et le tube déroulé à l’aide de fils de platine flambés. Cela fait, on transportait les œufs un à un (à l’aide d’une anse de platine flambée chaque fois) dans des tubes con- tenant de la viande stérilisée à 115°-120° (4) pendant vingt minutes. Les témoins étaient de trois sortes : 1° des œufs non stérilisés sur viande crue; 2° des œufs non stérilisés sur viande stérilisée et contaminée ensuite par contact avec la viande sur laquelle les mouches avaient pondu; 3° des œufs stérilisés sur viande stérilisée et contaminée ensuite de la même manière. Je dirai dès maintenant qu’il n’y avait aucune différence entre les trois catégories de témoins, pour peu que la viande (stérilisée) ait été conta- minée un ou deux jours avant l’expérience. Les larves étaient gardées à la température de la chambre en été, à l’étuve à 22 degrés pendant l’automne. La stérilité des larves était contrôlée de la façon suivante : Des morceaux de viande de tous les tubes étaient ensemencés sur gélose inclinée et (plus rarement) dans du bouillon. Ceux qui se montraient conta- minés étaient rejetés. Les tubes conservés subissaient une nouvelle vérification. (1) Une fois de Lucilia César. (2) L’eau oxygénée neutre était fournie parla dilution du perhyrol « Marck. » Je n’en ai fait emploi que dans mes premières expériences. (3) En stérilisant à l’eau oxygénée on plongeait les œufs alternativement dans des verres d’eau oxygénée et d’eau stérile. (4) On met au fond des tubes un peu de coton hydrophile pour absorber le liquide qui exsude pendant la stérilisation. SUR L’ELEVAGE DE MOUCHES STERILES 83 Lorsqu’il s’agissait d’avoir des mouches, je profitais du moment où Ja larve, cessant de manger, venait s’enfouir dans le bouchon d’ouate. Je trans- portais alors bouchon et larve dans un autre tube stérile et je remplissais de bouillon ou de gélatine celui où s’était développée la larve. Comme ce tube renfermait les restes de viande, ainsi que les déjections de la larve cette épreuve m’a semblé suf- im Usante ; les aérobies et les anaérobies se développent très bien dans ces conditions, ainsi que j’ai pu le voir dans le cas d’élevages contaminés. Dans les cas de stérilité, le bouillon res- tait clair; la gélatine se liqué- fiait par suite de la présence de ferments protéolytiques dans les déjections, mais restait claire (fig. 1). Lorsqu'il ne s’agissait pas de conserver la larve en vie, on versait le bouillon ou la gélatine dans le tube renfermant la larve. Enfin dans quelques cas j’ai attendu l’éclosion de la mouche pour vérifier ensuite la stérilité de la pupe par le même procédé. I . Développe men t des lar- ves sans le concours de mi- crobes. — Les expériences ont porté sur plus de Irois cents œufs. Déjà les obser- vations préliminairesfailes en septembre et octobre 1909 m’avaient montré que i m. î. r 1 . Tubes de viande dans lesquels les larves les larves stériles attei- stériles arrivées à complet développe- gnent assez fréquemment gélatine liquéfiée reste stérile et transpa- la taille et le Doilts nor- rente au bout de trois semaines d’étuve à A 22 degrés. maux (1 ). Mais ce n’est que pendant l’été et l’automne de cette année que j’ai pu suivre les choses de plus près. Les œufs éclosent généralement vingt-quatre heures après la ponte. Dès le deuxième jour il y a une différence marquée entre les larves stériles et les témoins. Tandis que ceux-ci se distinguent par leur vivacité et fouillent la viande en décom- (1) J’ai pu avoir à ce moment sept mouches de grandeur normale. U ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR position, les larves stériles ont des mouvements plus lents et se promènent indifféremment sur la viande et sur les parois du tube. La différence de taille s’accentue les jours suivants. Elle est des plus frappantes le troisième et le quatrième jour, (lig. 2); les témoins atteignent presque leur taille maximum, les stériles ayant peu grandi. Par la suite, la différence tend à s’effacer. Les témoins ne grandissent plus ou presque plus; les larves stériles, au contraire, semblent vouloir rattraper le temps perdu et vers le sixième, septième, huilième jours (quel- quefois même un peu plus tard) atteignent à leur tour la taille et le poids normaux (1), (lig. 3). Pourtant les particularités individuelles semblent jouer un rôle plus marqué chez les larves stériles que chez leurs témoins. Tandis que la taille de ces derniers diffère peu pour les larves d’une même ponte, les différences entre larves stériles de même âge sont souvent considérables. Il arrive de voir (fig. 4) des témoins rester très petits et mourir sans donner de pupes, mais c’est très rare; un certain nombre de pareilles larves « arriérées » est la règle dans les élevages stériles. A quoi tiennent ces différences individuelles? L’expérience suivante montre qu’il s’agit, en partie au moins, d’une diffé- rence dans la production de ferments. Le 27 octobre, je porte sur de la gélatine trois larves stériles âgées de cinq jours, dont deux de 1,4 cent, et une de 1 centimètre de long, ainsi qu’une larve stérile âgée de six jours et ne mesurant que 0,5 cent. Le 28 octobre, la gélatine se montre en grande partie liquéfiée dans les tubes renfermant les deux larves de 1,4 cent. ; elle est très peu liquéfiée par la larve de 1 centimètre et ne l’est pas du tout par celle de 0,5 cent. La gélatine liquide s’est montrée parfaitement stérile dans les trois premiers tubes. D’autre part la différence dans les allures des larves stériles et de leurs témoins m’a fait penser que l’odeur de la viande décomposée excitait peut-être les larves à manger. J’ai préparé, par conséquent, une macération de viande décomposée dans de l’eau, que j’ai stérilisée ensuite soit à l'autoclave soit par filtration sur (1) D’après Weinland ( Zeitschrift f. Biologie, vol. 47, 1908) le poids moyen d’une larve adulte serait de 0,09-0,11 grammes. J’ai trouvé pour les témoins 0,08-0,10 immédiatement avant la métamorphose; pour les stériles à ce moment 0,08-0,10 grammes. En prenant le poids à d’autres moments on trouve jusqu’à 0,16 grammes pour les larves adultes stériles et témoins. La différence est due au fait que la larve vide son intestin avant la mé amor- p liose. SUR L’ÉLEVAGE DE MOUCHES STÉRILES 811 bougie (malheureusement, dans les deux cas, l’odeur de la macération s’était fortement affaiblie), et j’en ajoutai quelques gouttes à un certain nombre de tubes de viande stérile. Dans une expérience faite de cette manière, j'ai vu 6 larves sur 7 ayant reçu quelques gouttes de macération atteindre la taille normale au cinquième jour (la stérilité a été vérifiée), tandis que 1 larve seulement sur 4 n’en ayant pas reçu était à ce moment de taille presque normale. Dans d'autres expériences, les résultats étaient beaucoup moins nets. Fig. 2. 2, Deux larves stériles (b et c) et leur témoin (a), au quatrième jour après l'éclosion. — 3, Larves stériles adultes. — 3,, Larves témoins adultes. — 4, Larve témoin « arriérée »> âgée de dix jours. — 5, Mouche stérile naine. — 5t, Mouche « témoin » naine. — 6, Mouches stériles et leurs pupes res- pectives. — 6t, Mouches capturées dans la cour de l'Institut Pasteur. — 6*, Pupes témoins; (à), pupe vide; (6) pupe pleine. Toutes les figures, excepté la figure 5, représentent la Calliphora vomitoria ; la figure 5 représente une Lucilia César. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 86 J’ai voulu me rendre compte de l’influence que pouvait avoir la stérilisation de la viande sur la croissance des larves (comme je l’ai déjà dit plus haut, ce facteur semble ne jouer aucun rôle dans le développement des larves témoins, pourvu que la contamination de la viande soit assez précoce). Malgré de nombreuses tentatives je n’ai réussi qu’une fois à avoir plusieurs (4) morceaux de viande crue stérile. Des quatre larves élevées, deux se sont montrées contaminées de strepto- coques. Les deux larves stériles ne présentaient aucune diffé- rence, meme pendant les premiers jours, par rapport aux témoins correspondants. Des résultats intéressants dans le même sens ont été obtenus avec de la viande tyndalisée (1). Les larves stériles se distin- guent très peu des témoins correspondant^. La taille normale est atteinte dès le cinquième, sixième jour. La transformation en pupes se fait plus tôt que sur viande stérilisée à 120 degrés. Le nombre de larves « arriérées » est aussi moins considérable. Nous voyons donc que le chauffage à 120 degrés présente une condition défavorable (2). Les microbes facilitent dans ce cas le développement des larves en dissociant et en digérant la viande ainsi durcie et coagulée. Leur rôle de « producteurs de fer- ments » a été démontré avec élégance par Bogdanow : en ajou- tant de la trypsine à la viande stérilisée, les larves se déve- loppent aussi bien que les témoins contaminés. J’ai répété ces expériences (3) et ne puis qu’en confirmer les résultats. J’ajou- terai seulement que tandis que ces larves peuvent dépasser en grandeur les témoins pendant les premiers jours, leur taille déli- nitive n’est pas supérieure à celle de ces derniers ou à celle de larves stériles complètement développées. Je ne parlerai ni de la pupe ni de la mouche, la taille et le (1) Je chauffais la viande quatre ou cinq jours de suite pendant 1 heure à 65 degrés. (2) La modification porte probablement surtout sur la coagulation des albuminoïdes en les rendant plus difficilement assimilables. Mais on doit aussi accorder un rôle important au changement de la consistance. La viande tyndalisée ainsi que la viande en décomposition ou celle digérée par la trypsine se laissent facilement entamer avec une fine anse de platine, ce qui n’est pas le cas pour la viande stérilisée à 120 degrés. (3) La solution de trypsine à 2 p. 100 était filtrée sur bougie; on en ajou- tait quelques centimètres cubes aux tubes de viande et on mettait à l’étuve pendant 2-3 jours; avant de déposer l’œuf on enlevait l'excès du liquide à l’aide d’une pipette. SUR L’ÉLEVAGE DE MOUCHES STÉRILES 87 poids de celles ci étant déterminés par ceux delà larve adulte. Je n’ai pu voir que deux mouches stériles naines comme Bogdanow en a décrit (fig. o). Presque toujours les larves « arriérées » languissent et meu- rent, souvent assez tard, mais sans se transformer en pupes (1). La proportion de ces larves « arriérées » varie d’un élevage à 1 autre. Dans un cas seulement je l’ai vue atteindre les deux tiers du nombre des larves stériles. Dans la majorité des cas elle en forme le quart ou le sixième. Voici à titre d’exemple la marche d’une expérience. 21 octobre. — Stérilisé : 38 œufs, sublimé à 4 p. 1000, pendant 6 minutes. 22 octobre. — Eclos : 10 larves sur viande, avec trypsine. Nos 1 à 10 7 larves sur viande stérilisée à 120° (+ M) (2) N°s 11 à 17 4 larves sur viande stérilisée à 100°. Nos 18 à 21 8 larves sur viande tyndalisée. . . Nos 22 à 29 5 témoins sur viande stérilisée contaminée. 24 octobre. — Larves sur viande tyndalisée plus grandes que celles sur viande stérilisée à 120 degrés, presque aussi grandes que les témoins. 26 octobre. — Une larve stérile et une larve témoin sont mises dans du formol. 27 obtobre. — Larves sur viande à trypsine et témoins atteignent leur taille maximum (3). Larves (+ M), nos 11, presque maximum; 12, petite; 13, 14, 15, 16, 17, maximum Un morceau de viande de chaque tube est ensemencé dans du bouillon. Larves sur viande stérilisée à 120 degrés : nos 18, presque maximum; 19, petite; 20, 21, petites. Larves sur viande tyndalisée : nos 22, 23, 24, 25, 28, presque maximum; 26, assez grande; 27, petite; 29, maximum. 30 octobre. — Se sont montrées stériles, les larves tyndalisées, nos 22, 23, 26, 28, ainsique toutes les larves sur viande stérilisée à 120 degrés. 31 octobre. — Les larves sur viande tyndalisée ne mangent plus. 2 novembre. — Larves sur viande tyndalisée ont donné des pupes; nos 18, 20, 21, maximum; 19, presque maximum. 4 novembre. — Nos 13, 18, 19 ayant donné des pupes, je remplis de bouillon les tubes de viande. Le bouillon reste stérile au bout de trois semaines d’étuve à 37 degrés. Les mouches nos 13, 18, 19 sont écloses respectivement les 13, 14, 16 novembre (fîg. 6). Comme on le voit dans cette expérience toutes les larves stériles sont arrivées à complet développement (4). (1) D’autre part, j’ai pu voir des mouches naines dans un tube témoin dont la provision de viande s’était épuisée de bonne heure (fig. 5). (2) (+ M) = ayant reçu quelques gouttes de macération de viande décom- posée, filtrée sur bougie. (3) Comme il est très difficile de mesurer avec un peu de précision les larves à l’état vivant, j’ai dù me contenter d'apprécier grossièrement leurs dimensions. Les mesures n’ont été faites que sur les larves fixées au tormol. La taille des larves adultes varie de 1 cent. 5 à 2 centimètres. (4) La viande des tubes dans lesquels les larves sont arrivées à complet développement prend un aspect humide (elle reste sèche dans les tubes à larves « arriérées »). Elle est absolument inodore. Weinland (ouvr. cité) attri- 88 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR II. Développement de larves avec cultures pures de certains microbes. — J’ai étudié le baclerium coli; le proteus vulgaris ; le staphylocoque doré; le putrificus. Les larves au bacterium coli se développaient aussi bien que celles avec les espèces liquéfiantes, la gélatine, et, dans le cas des quatre premières espèces, le développement était aussi rapide que celui des témoins. Par conséquent la thèse de Bogdanow, qu’ « une espèce microbienne protéolytique est nécessaire au développement normal des larves », ne saurait être soutenue. De toutes les espèces étudiées, le putrificus seul semble être nuisible. En effet, des cinq larves élevées sur de la viande infestée plusieurs jours auparavant par le putrificus, toutes sont mortes sans donner de pupes (1). Le nombre d’expériences avec le putrificus est évidemment trop faible pour permettre des conclusions (2) et je me propose de les reprendre au printemps prochain. En résumé nous voyons que la larve de la mouche à viaode, qui vit normalement dans les milieux très riches en microbes, arrive facilement a se passer de leur concours. Pendant les premiers jours de la vie, les larves stériles se développent plus lentement que les témoins contaminés, probablement parce que les glandes digestives ne fonctionnent pas encore normalement à ce moment et que la viande stérilisée est difficilement atta- quable. Plus tard ces différences tendent à s’effacer, et les larves stériles atteignent le poids et la taille de larves adultes normales. Le retard des premiers jours est imputable à la stéri- lisation de la viande à haute lempérature et disparait en grande partie lorsqu’on stérilise par tyndalisation. Cet exemple d’un être qui, à l’état naturel, semble vivre en association étroite avec les bactéries, montre clairement que la vie animale est possible en dehors de toute intervention des microorganismes. bua à tort aux larves l’ammoniaque produit par l’activité de microbes. J'ai pu montrer à l’aide des réactions de Nessler et de Trillat qu’?7 n'y a pas for- malion d'ammoniaque par les larves stériles. Les tubes témoins (contaminés) en contenaient de grandes quantités. (1) Le tube de viande recevait quelques centimètres cubes de culture de putrificus en bouillon ; on faisait le vide et on mettait à l’étuve à 37 degrés pendant trois à quatre jours. On enlevait ensuite l’excès du liquide avec une pipette. (2) Ce cas est peut-être à rapprocher de celui de témoins contaminés qui meurent souvent sans donner de pupe lorsque la putréfaction de la viande est trop avancée. ACTION DES INJECTIONS INTRAPLEURALES DE MELLIN’S FOOD SUR LA MARCHE DE CERTAINES INFECTIONS (CHOLÉRA DES POULES CHEZ LES LAPINS) Par le D1' Marguerite MARGOULIÈS (Laboratoire du professeur Metchnikoff. ) La leucocytose et la phagocytose jouent un rôle prépondé- rant dans la marche des maladies infectieuses. Il était, par conséquent, tout à fait logique de se demander si la leucocytose provoquée artificiellement par certaines substances pouvait augmenter la résistance de l'organisme en augmentant le nombre des leucocytes capables d’englober les microbes. Les expériences entreprises dans cet ordre d’idées sont très nom- breuses et datent déjà de fort longtemps. Dès 1897, Jacob étudia l’influence excercée sur la septicémie des souris par des injections d’albumose, qui active considérablement la leuco- cytose. Les souris infectées au stade d’hyperleucocytose survi- vaient, tandis que celles qui étaient infectées pendant l’hypo- leucocytose passagère du début succombaient toutes, de même que les témoins n’ayant pas reçu d’albumose. Lœwit et Richter, Krausmann, Tchistowitch, Issaeff ont fait un grand nombre d’expériences analogues très variées ayant pour but d’opposer à l’infection envahissante une hyperleuco- cytose artificielle provoquée soit par injections directes dans la circulation, soit par injections sous-cutanées de substances leuco-activantes, telles que le nucléinate de soude, la spermine de Pœhl, la protalbumose, etc. Lœwit voulut même s’attaquer de cette manière aux intoxications, mais les résultats ne furent pas satisfaisants. Une autre série d’expériences se rapporte à ce fait que l’on peut empêcher ou, au moins, retarder le développement d’une affection péritonéale en injectant au préalable, dans cette même cavité, une substance activant la leucocytose locale, c’est-à-dire amenant l’apparilion d’un exsudât riche en leucocytes. Là 90 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR aussi, les substances employées étaient assez diverses, à commencer par l'eau physiologique et le bouillon, jusqu’aux érythrocytes lavés d'une autre espèce. Dans nos expériences, nous nous sommes trouvée en face d’un moyen, un peu détourné, d’amener une hyperleucocytose de l’animal et d’accroître ainsi sa résistance vis-à-vis de l’infection. Nous nous proposions d’obtenir des exsudats riches en poly- nucléaires, et pour ceci nous nous sommes servi, d’après l’ai- mable indication du Dr Besredka, du mellin’s food, poudre déjà employée au laboratoire de M. Metchnikoff par M. Korschun (1 ). Nous avions commencé des injections intra-pleurales de cette substance sur deux lapins pris dans un lot de dix lapins fraîchement arrivés, lorsque nous nous trouvâmes en présence d’une épidémie grave qui enleva en trois jours successivement 7 de nos lapins. L’autopsie et l’ensemencement du sang du cœur nous montra que nous avions affaire à une épidémie de choléra des poules. Mais, chose curieuse, des trois lapins ayant survécu, et qui se trouvaient dans la même cage que ceux qui avaient suc- combé, deux avaient reçu, le lendemain de leur arrivée, 5 cen- timètres cubes de mellin's food au dixième dans chaque plèvre. Le troisième lapin reçut immédiatement aussi du mellin’s food dans les plèvres, et il survécut également. Il nous a paru intéressant de vérifier ces observations en infectant des lapins avec le choléra des poules, tout en leur injectant simultanément, à titre préventif, du mellin’s food dans les plèvres. Nous avons employé, au début de nos expériences, le mel- lin’s food préparé par la méthode indiquée par Gengou pour la gluten-caséine. Dilution dans une solution de potasse à 0,5 p. 100, chauffage à 100 degrés, puis stérilisation, pendant deux jours, un quart d’heure, à 100 degrés. Mais le liquide jaunâtre et louche ainsi obtenu contenait, malgré tous les soins qu’on apportait à broyer finement la poudre, de gros grumeaux fort gênants, et dont il fallait se défaire par filtration préalable; or, le liquide ainsi obtenu nous a paru moins effi- cace au point de vue de l’activation de la leucocytose. 11 en a (1) Annales de V Institut Pasteur, 1908. ACTION DES INJECTIONS INTRAPLEURALES DE MELLIN’S FOOD 91 été de même lorsque nous avons essayé de filtrer les cultures sur bougies Chamberland. On obtenait un liquide limpide, par- faitement stérile, se conservant pendant très longtemps, et ayant une composition plus uniforme que celle de l’émulsion, mais il restait toujours un résidu dans le filtre, et n'était-ce pas là, peut-être, la partie la plus active du produit9 C’est pour- quoi nous nous sommes servi, dans nos expériences, de mellin’s food non stérilisé. Nous le dissolvions au dixième dans le sérum physiologique stérile, nous le mélangions aussi rapi- dement que possible dans un verre à pied stérile à côté d’un bec Bunsen allumé. Dans aucun cas, l’exsudât' de leucocytes ne s’est montré infecté. La méthode d’injection intrapleurale du mellin's food a été essayée sur le cobaye, mais les résultats n’ont pas été satisfai- sants, parce que les cobayes souffraient pendant plusieurs jours de dyspnée grave, avec perte d’appétit et amaigrissement. Le lapin, au contraire, après une dyspnée très intense, durant une heure ou deux, se remettait parfaitement après l'injection. Tout d’abord, nous avons voulu nous rendre compte des modifications provoquées dans le sang (nombre des leucocytes) par les injections de mellin’s food. (Tableaux A et B.) La réaction d’hyperleucocytose a été tout à fait passagère, puisqu’au bout de quarante-huit heures elle avait à peu près disparu. Elle a été un peu plus durable après injection d’une émulsion non filtrée de mellin’s food. La réaction la plus vive, mais aussi la plus passagère, se trouvait chez les lapins ayant reçu l’injection directement dans la veine. (Tableau G.) Le maximum de leucocytose se trouve, dans les deux cas, vingt-quatre heures environ après l’injection de mellin’s food. C’est ce moment que nous avons choisi pour infecter l’animal avec le choléra des poules. La culture dont nous nous servions était celle qui fut isolée par nous dans la petite épidémie pendant laquelle sept de nos lapins moururent. Cette culture avait l’énorme inconvénient d’augmenter de virulence, et la dose mortelle dut être plusieurs fois modifiée dans le courant de nos expériences, quoique, bien entendu, nous nous servions toujours de la même culture que nous réensemencions avant chaque inoculation, et non des cul- tures obtenues plus tard sur les animaux morts en expérience. 92 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR TABLEAUX A et B. FORMULE LEUCOCYTAIRE AYANT L’INJECTION Nos des LAPINS POIDS NOMBRE de leucocytes. Polynucléaires. Mononucléaires. Lymphocytes. Éosinophiles. INJECTIONS D’ÉMULSION DE MELLIN’s FOOD I. igr. 3.300 6.150 p. îoa 55 p. 100 40 p. 100 4 p. 100 1 Dans le péritoine .... 5 c.c. IL 3.730 10.200 55 40 31/2 i v. Dans la veine de l'oreille. 5 c.c. III. 2.620 9.600 60 31 7 2 Dans la plèvre droite . . 5 c.c. IV. 2.300 8.900 62 32 7 1/2 1/2 Sous la peau 5 c.c. NOMBRE DE LEUCOCYTES, APRES INJECTION DE FILTRAT DE MELUN S FOOD des LAPINS 1 houro après. Xfl C 00 C Ch c: « 4 heures après. 5 heures après. 6 heures après. 7 heures après. CTj O VI +3j* U. SV CM C =- O Ch -C CC 48 heures après. I. 5.900 >) » 11.300 » 11.000 8.900 9.100 II. 6.650 » 13.250 )) )) 21.530 9.800 9.500 III. » 9.200 )) » 11 850 12.900 14.500 8.400 IV. )) 7.900 » 9.000 » 9.000 8.400 8.250 TABLEAU C. NOMBRE DE LEUCOCYTES Nos POIDS INJECTIONS des en 1 24 48 3 D EMULSION DE MELLIN S FOOD heure heures heures îours LAPINS gr. après. après. après. après V. 2.400 Dans la veine . 5 c. c. 6.000 16.200 14. ICO 10.200 VI. 2.260 Dans les 2 plèvres. 5 c.c. 5.050 12.600 11.950 11.500 VII. 2.350 Dans les 2 plèvres . 5 c. c. 2.450 11.500 10.800 10.500 Nous dissolvions une anse de culture de vingt-quatre heures sur gélose dans une quantité donnée de sérum physiologique (100 gouttes), puis nous faisions des dilutions successives. ACTION DES INJECTIONS INTRAPLEURALES DE MELLIN’S FOOD 93 EXPÉRIENCE I Le 3 mai. — Lapin 1, p. 2.370 grammes, reçoit 4 centimètres cubes de mel- lin’s food dans la plèvre droite, 3 centimètres cubes dans la gauche. Lapin 2, p. 2.480 grammes, témoin (1). Le 4 mai . — Les deux lapins reçoivent 1/15 d’anse de choléra des poules en injection sous-cutanée. Le 7 mai. — Lapin 2 est trouvé mort le matin. A l’autopsie, suppuration très étendue sous la peau du ventre. Le pus est épais, d’un roux sale, con- tenant une grande quantité de microbes du choléra des poules. Péritonite fibrino-purulente. Taches blanches de péricardite. Le sang du cœur sur frot- tis contient également des microcoques. L’ensemencement du sang du cœur donne une culture pure de choléra des poules. Lapin 1, énorme leucocytose. — Le 8 mai , 27.200 leucocytes. Le 9 mai, 29.80o leucocytes. Les jours suivants, ce nombre, tout en restant élevé, descend un peu. Le 16 mai, 19.400. Le nombre des polynucléaires varie entre 80 et 91 p. 100. Le 17 mai, le lapin succombe à une maladie inconnue, sans lésions appré- ciables. Le poids étant descendu à 1.400 grammes. Ensemencement du sang du cœur reste stérile. EXPÉRIENCE II 13 mai. 14 mai. Lapins. Poids. Injections. 3 2.570 gr. Reçoit dans le péritoine 5 gr. de mellin's food. Reçoivent / 1/15 d’anse de 4 2.400 gr. Reçoit dans la plèvre droite 3 gr. ; dans la plèvre gauche, 2 gr. de mellin’s food. > choléra 5 2.375 gr. Reçoit sous la peau 5 gr. de mellin’s food. I des poules \ sous 6 2.820 gr. Témoin. 1 la peau. UNE HEURE APRÈS u’iNKECTION : NOS NOMBRE in O lires. G fj O O NOMBRE C/2 O 72 O 03 73 O 72 <9 ‘O O p SL) î5’'» O r— des de O 3 O 23 O CL O <—* de "o 23 O g O Æ p O ? O . O g ~72 lapins. leucocytes. O p O rO leucocytes. O O O « p. 100 p. 100 p. 100 p. 100 p. 100 p. 100 p. 100 p. 100 3 10.000 65 21 12 2 12.200 72 18 1/2 4 » 5 1/2. 4 12.500 66 30 3 1 11.400 44 36 10 1/2 9 1/2 M O 13.000 81 11 5 3 9.900 74 . 20 4 1/2 1 1/2 6 12.000 66 24 3 7 8.600 61 19 20 )) (1) Dans toutes nos expériences, le lapin témoin a un poids supérieur à celui qui est en expérience. 94 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 15 mai, 24 heures après l’inoculation. NUMÉROS des lapins. NOMBRE de leucocytes. Poly- nucléaires. Mono- nucléaires. Lympho- cytes Éosinophiles. 3. 9.750 70 0/0 15 0/0 14 0/0 1 0/0 4. 8.100 40 0/0 34 0/0 20 0/0 6 0/0 5. 10.200 50 0/0 38 1/2 0/0 10 0/0 1 1/2 0/0 6. 8.200 82 0/0 10 0/0 5 0/0 3 0/0 Le lapin 6 (témoin) meurt le 16 mai. A l'autopsie, on trouve une suppura- tion étendue dans la région du ventre, à l’endroit de l’inoculation. Pus épais. Les poumons sont congestionnés, rouge foncé. Péricardite fibrineuse. Ense- mencement du sang du cœur donne une culture pure de choléra des poules. Lapin n° 3. Lapin n° 4. Lapin n° 5. 17 mai, 72 heures après l’inoculation : Poids : 2.270 grammes. — 2.120 grammes. — 2.085 grammes. 3.100 leucocytes. 13.400 — 8.200 — Le lapin 3 meurt à 6 h. 1/2 du soir, vingt-quatre heures après le lapin témoin. Autopsie, péritonite tuberculeuse. Le 18 mai : Lapin 4 : 15.600 leuc. ; polyn., 62 p. 100; mono., 30 p. 100; lymph., 8 p. 100. Lapin 5 : 12.400 leuc.; polyn., 82 p. 100; mono., 14 p. 100; lymph., 4 p. 100. Le 19 mai . — Lapin 5 meurt à 8 heures du matin, ayant survécu au témoin soixante- deux heures. Lapin 4 meurt à 12 heures, ayant survécu soixante-six heures au témoin. EXPÉRIENCE III 2 juin. 3 juin. Lapins. Poids. Injections. 7 2.285 gr. Reçoit 4 c. c. de mellin’s food dans la veine de \ Reçoivent l'oreille. 1/4000 8 2.260 gr. Reçoit dans les 2 plèvres 5 c. c. de mellin's! d’anse food. de 9 2.180 gr. Reçoit dans les 2 plèvres 5 c. c. de mellins’l choléra food. ] des 10 2.270 gr. Témoin. / poules. ACTION DES INJECTIONS INTRAPLEURALES DE MELLIN'S FOOD 95 Nos des lapins. 4 juin. NOMBRE des leucocytes. Polynucléaires. Mononucléaires. Lymphocytes. Eosinophiles. 5 juin. NOMBRE des leucocytes. 6 juin. NOMBRE des leucocytes. 7 16.200 p 100 56 p 100 21 p. 100 21 p. 100 2 14.500 13.800 * 8 12.000 59 25 15 1 10.950 12.200 9 9.950 45 32 1/2 22 1/2 » 12.550 11.725 10 8.650 82 12 4 1/2 1 1/2 9.200 10.350 ** * Tous les lapins guérissent. ** Présente encore trois jours de la suppuration, au lieu d'inoculation. EXPÉRIENCE IV m C/l G C Tl Nos g O cri O 7 juin. 8 juin. 'G G *G >-> O des — — ü O zz C o t O INJECTIONS LAPINS POIDS POIDS G G >* O G O G O «— 1 Gh m Q w i— 1 Reçoivent dans : gr- gr. p. 100 p. 100 p. 100 p. 100 11 2.400 La veine de l'oreille, 17.200 14 8 78 (( Reçoivent 4 c . c. de mellinsf. 1/1000 12 2.120 Chacune des plèvres, 15.150 54 40 1 5 d’anse 5 c. c. de mellin’s f. de choléra 13 2.775 Témoin. 11.350 56 29 14 1 des poules. Nos des 9 juin. NOMBRE «3 G 5 'G W > O « leucocytes. p. 100 p. 100 p. 100 p. 100 11 24.150 13 20 67 )> 18.350 » Mort le matin (. Suivie 12 h.). 12 11.350 46 39 4 1 12.200 )) Mort à 5 h. s. ( Survie 22 h,). 13 13,600 60 38 2 )) 14.400 Heurt à 7 h. du s. 96 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR EXPÉRIENCE Y 4 et 5 juillet. 6 juillet. Lapins. Poids. Injections. 14 1.920 gr. Reçoit 2 jours de suite dans les 2 plèvres , Reçoivent 5 c. c. de mellin’s food. 1/3000 15 2.095 gr. Reçoit 2 jours de suite 0 c. c. 5 de mycolisine d’anse sous la peau. l de choléra 16 2.305 gr. Témoin. ) des poules. Le 9 juillet, les lapins 15 et 16 meurent. Autopsie et ensemencement : Choléra des poules. Le 11 juillet, meurt le lapin 14, avec quarante-huit heures de survie. Conclusions. — 1 . Les expériences que nous venons de relater nous ont démontré qu'il était possible d’augmenter la résistance de l’animal en lui injectant dans la plèvre une émulsion de mellin’s food, substance leuco-activante (1). 2. Lorsque la dose inoculée était inférieure à la dose mor- telle, le lapin ayant reçu le mellin’s food guérissait plus vite que le témoin. 3. Lorsque la dose inoculée était supérieure à la dose mor- telle, les lapins ayant reçu une injection intrapleurale de mellin’s food survivaient toujours aux témoins. 4. Il semblerait résulter de notre première observation qu’il est possible d’enrayer une affection spontanée déjà existante avec une injection intrapleurale de mellin’s food. En terminant, il nous est particulièrement agréable de remercier M. le professeur Metcbnikoff, qui a bien voulu nous recevoir dans son laboratoire, et M. le Dr Besredka pour la bienveillance avec laquelle il a suivi nos expériences et nous a guidé dans nos recherches. (1) Nous ne faisons que mentionner les quelques expériences positives que nous avons obtenues en injectant du mellin’s food sous la peau du cobaye et de la souris, pour la péritonite typhique chez le premier et le charbon chez la seconde, comme n'entrant pas dans notre sujet. Le Gérant : G. Masson. Paris. — L. Maretheux, imprimeur, 1, rue Cassette. 25e ANNÉE FÉVRIER 1911 N° 2 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS EXANTHÉMATIQUE ENTREPRISES A L’INSTITUT PASTEUR DE TUNIS PENDANT L’ANNÉE 1910 (Suite et fin.) II PROPRIÉTÉS DU VIRUS EXANTHÉMATIQUE par Charles NICOLLE, A. CONOR et E. CONSEIL I. — Microscope. Ultramicroscope. Le sang des singes infectés, examiné aux diverses périodes de la maladie expérimentale, ne nous a montré aucune forme microbienne. Les corps décrits par Ricketts et AVilder sont trop rares dans le sang des malades pour qu'on puisse les considérer comme les agents pathogènes du typhus exanthé- matique ; nous ne nous en occuperons donc pas. IL — Filtration du virus. Question de la virulence du sérum non filtré. Nous avons été précédés dans nos recherches sur la viru- lence du sérum et la filtration du virus par Anderson et Gold- berger d’une part, Ricketts et Wilder de l’autre. Nous rappel- lerons leurs expériences afin de les comparer aux nôtres. Nous tirerons ensuite une conclusion de l’ensemble. *7 i 98 ANNALES DE L’INSTITÜT PASTEUR Nos prédécesseurs américains ont utilisé dans tous leurs essais le sérum obtenu par centrifugation du sang défibriné ; ils le diluaient dans l’eau physiologique et le filtraient sur bougie Berkefeld. 1. — Expérience d'Anderson et Goldberger (unique) : Macacus rhésus , inoculé dans la cavité péritonéale avec 5 centimètres cubes de sérum humain filtré, - ' . ! , . ' - | • résultat négatif. Deux M. rhésus témoins, inoculés avec 6 et 8 centimètres cubes de sang défibriné du même malade, typhus typique. 2. — Expériences de Ricketts et Wilder. Première expérience : M. rhésus , inoculé dans la cavité péritonéale avec 8 centimètres cubes de sérum humain filtré, résultat négatif; éprouvé un mois plus tard avec 1 centimètres cubes de sang virulent, ce singe prend le typhus. Témoin, un M. rhésus inoculé avec 8 centimètres cubes de sérum humain non filtré du même cas, typhus mortel. Deuxième expérience : Cette expérience, citée sans détail par les auteurs, aurait été pratiquée dans les mêmes conditions et aurait donné les mêmes résultats. . r — y" ' * Ni 37 i 1 36 $ <4 ■ • Courbe 51. Dans une autre expérience plus récente, ces mêmes auteurs ont constaté la destruction du virus dans le sang défibriné chauffé à 55 degrés pendant un quart d'heure (inefficacité de 4 centimètres cubes de sang ainsi traité inoculés dans la cavité péritonéale; deux témoins positifs). On peut conclure de ces expériences que le microbe du typhus exanthématique est détruit versas 0-55 degrés. Il ne semble point probable, contrairement aux espérances de Gavino et Girard, que l’emploi de sang chauffé permette la vaccination préventive du typhus. Il a été exposé en effet, dans un chapitre précédent, que seule une première infection sévère donnait à coup sûr l’immunité contre une inoculation d’épreuve. Il ne faut donc point compter sur les effets immunisants d'une inoculation ineffective. IV. — Action du sérum « in vitro » sur le virus exanthématique. Cette action paraît nulle. Rappelons en effet que le sérum du bonnet 19, inoculé au bonnet 35 neuf heures après le prélève- RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 100 ment clu sang, s’est montré hautement virulent pour cet animal à la dose de 10 centimètres cubes dans la cavité péritonéale. Le sang aussitôt recueilli avait été placé à une température de -j- 12 degrés environ. III ÉTIOLOGIE DU TYPHUS EXANTHÉMATIQUE par Charles NICOLLE et E. CONSEIL Nos expériences de Lan passé ont démontré le rôle joué par le pou dans la transmission du typhus exanthématique. Deux bonnets chinois, en effet, avaient été infectés avec succès par des poux nourris sur un animal de la même espèce atteint de la maladie expérimentale. Rappelons en quelques lignes les conditions de leur infection : Bonnets A et B. Le 30 juin 1909, nous plaçons sur la peau du bonnet chinois 1, au 3e jour d’un typhus expérimental grave, 29 poux conservés à jeun depuis 8 heures. Le lendemain et les jours suivants, nous les reportons sur les bonnets A et B. Le bonnet A a été piqué pendant 6 jours consécutifs par 15, puis 12, 13, 8, 6 et 3 de ces poux, le bonnet B 12 jours par 14, puis 15, 13, 9, 7, 6, 5, 4, 2 poux et 1 pou. Chaque jour, après la piqûre, les poux étaient mélangés et placés à une température de-j-20 degrés environ. Les deux animaux ont con- tracté le typhus , le bonnet A après 22 jours (il a présenté une rechute au cours de laquelle il est mort), le bonnet B après 40 jours d’incubation. Le sang de ces singes a été inoculé à d’autres bonnets (1 centimètre cube sous la peau, dose insuffisante et voie médiocre) qui ont contracté en général des infections abortives; l'un d’eux cependant, le bonnet 9, a fait un typhus typique. Ces expériences montrent que les poux nourris sur un singe infecté peuvent communiquer la maladie pendant une période comprise entre le premier et le sixième jour qui suivent le repas infectant. Depuis la publication de notre mémoire, le rôle, du pou dans la transmission du typhus expérimental a été admis par la généralité des auteurs, et des règlements sanitaires prescrivent, dans plusieurs pays déjà, la destruclion des poux comme le moyen à employer par excellence pour la prophylaxie du typhus. 110 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR En outre, nos expériences ont été contrôlées par Rickétts et Wilder. ! / 1 Leurs essais sont au nombre de 3; il nous paraît utile de les résumer ici : Première expérience. — Des poux adultes sont placés sur un homme atteint e typhus exanthématique au 10-1 Ie jour, le lendemain sur un autre malade au 10e jour, le troisième et le quatrième jour sur un troisième malade au 9'\ puis au 10e jour. Soit quatre repas* infectants. Le jour qui suit, on commence à les nourrir sur le singe 1, qui subit pen- dant sept jours consécutifs 40, 23, 0, 12, 13, 11 et 9 piqûres. Courbe thermique négative. Éprouvé. 32 jours après la première piqûre par poux, avec 7 cen- timètres cubes rie sang humain virulent pour 2 témoins, le singe 1 ne con- tracte aucune infection; une seconde épreuve analogue (1 témoin positif) ne donne non plus aucun résultat. Les auteurs concluent que l’immunité observée est due aux piqûres des poux. Deuxième expérience . — Des poux sont placés sur le singe 7, atteint de typhus expérimental, les 6e, 7e et 8e jours de son infection, puis pendant les huit jours qui suivent, sur le singe 12 (le premier jour 81 poux; le dernier, par suite de la mortalité de ces insectes, 9 seulement). Courbe thermique négative. Éprouvé, 17 jours après la première piqûre par poux, avec un sang humain virulent pour les témoins, le singe 12 ne s'infecte pas; même résultat un peu plus tard à la suite d’une 2*> inoculation d’épreuve (virulente pour un témoin). Rickétts et Wilder tirent de cette expérience la même conclusion que de la précédente. Troisième expérience. — Trois jours après le repas infectant sur le singe 7. ces auteurs ont recueilli les crottes de plusieurs poux de l’expérience pré- cédente et les ont mélangées au contenu intestinal de trois poux de la même série, puis le tout, délayé dans l'eau physiologique, a été déposé à la surface de scarifications pratiquées sur la peau du ventre du singe 13. Cet animal n’a rien présenté de net à la suite de ce traitement; mais soumis à une inoculation d’épreuve de sang virulent pour trois témoins, 15 jours après l’expérience, il ne s’est pas infecté; une seconde inoculation dépreuve, virulente pour un témoin et pratiquée un mois plus tard, n'a donné égale- ment qu’un résultat négatif. De cette expérience, les auteurs concluent que le virus exanthématique se conserve trois jours au moins dans l’intestin du pou. Nous ne rappellerons pas ici une quatrième expérience de Rickétts et Wilder relative à la transmission héréditaire de l’infection chez le pou, ni une expérience négative qu'ils ont faite avec des punaises nourries sur un malade, parce que ces essais ne nous paraissent pas concluants. Une dernière expérience de ces auteurs est à retenir : un singe piqué par des puces nourries sur plusieurs malades atteints de typhus exanthématique n’ont ni infecté, ni immunisé leur singe 41. Rickétts et Wilder concluent de cette constatation au rôle négatif de la puce dans la transmission du typhus exanthématique. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SLR LE TYPHUS 111 Nous apporterons dans ce mémoire un certain nombre de faits nouveaux, tous à l’appui du rôle du pou dans la trans- mission du typhus exanthématique. A. — Faits d’observation. 1° Un gardien européen du pénitencier du Djouggar, que ses occupations mettaient rarement en contact avec les pri- sonniers sur lesquels sévissait une épidémie de typhus, ressent à la suite d’une visite dans leur dortoir, une démangeaison au niveau du cou. Un de ses collègues lui enlève un seul pou en train de le piquer. Douze jours après, début d’un typhus grave. 2° Le Ür L..., méd plusieurs typhiques, éprouve des démangeaisons et se découvre quinze poux sur la peau. Cinq jours après, début d’un typhus mortel. Ces observations sont à joindre aux deux auxquelles nous avions fait allusion dans notre premier mémoire et qui avaient trait, l’une à un officier piqué par plusieurs poux, l’autre à une dame piquée par un seul pou au niveau du cou; tous deux ont contracté, dix jours environ plus tard, le typhus et la seconde malade en est morte. D’autre part, le Dp Cardaliaguet, de Kairouan, nous a rapporté un fait personnel. Examinant un malade atteint de typhus exanthématique, il s’est senti piqué au dos de la main par une puce. Cette piqûre n’a point été suivie d’infection. IL — Expériences. I. — Le bonnet B, infecté avee succès par les poux en 1909, est éprouvé le 21 mai 1910, exactement neuf mois après la fin de son typhus, par l'ino- culation sous-cutanée d’un centimètre cube de sang du chimpanzé 3, au 2° jour de sa maladie expérimentale. La quantité de virus employée était évidemment très faible, mais deux autres singes inoculés de la même façon et avec la même dose ont contracté un typhus, abortif dans un cas (bonnet 20), net dans l’autre (bonnet 15 bis). Le bonnet B n'a présenté aucun symptôme et aucune réaction thermique; nous avons donné plus haut les courbes des témoins, il nous paraît inutile de reproduire ici celle du bonnet B absolu m en t no rmale . Une première atteinte par poux confère donc au singe une immunité encore solide au bout de neuf mois. ecin militaire à Sfax, appelé à soigner 412 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR IL — Nos expériences de l'an passé ayant prouvé le rôle du pou, nous avons cherché par des expériences nouvelles à pré- ciser l’époque à laquelle, après un repas infectant, les poux devenaient infectieux. Il était intéressant de savoir si le pou se montre immédiatement actif ou s'il ne le devient qu’au bout d’un certain nombre de jours et s’il le demeure longtemps. Cette dernière donnée est d’importance pratique, les deux autres sont surtout d’intérêt théorique. S'il était démontré, en effet, qu’un certain laps de temps fût nécessaire pour que le pou devienne virulent, il faudrait admettre que, de même que l’hématozoaire du paludisme chez le moustique, le microbe inconnu du typhus subit dans le corps du pou des transfor- mations et que, par conséquent, cet animal n'agit pas comme une simple lancette, mais comme hôte intermédiaire spécifique. Pour trancher cette question, nous avons combiné la série d'expériences suivante : Dans la nuit du 21 au 22 mai, vers minuit, nous avons nourri sur le chimpanzé 3, alors au 2e jour de son infection expérimentale, un certain nombre de poux; d’autres poux ont été placés sur le même singe le soir du 22 à 6 heures; nous avons infecté une dernière série de poux en les plaçant sur le bonnet chinois 17 atteint de typhus très grave, au 3e jour de la maladie (ce bonnet avait été inoculé du même cas humain que le chimpanzé 3). Nous avons ensuite réparti ces poux sur les bonnets 25, 2G, 28, 29 et 34 de telle façon que : 1° Les bonnets 25 et 26 ont subi : le 25, 180 piqûres, dont 30 de poux infectés depuis 1 jour, 103 de poux infectés depuis 2 à 3 jours, 47 de poux infectés depuis 3 à 4 jours; le 26, 206 piqûres, dont 34 de poux de 1 jour, 113 de poux de 2 à 3 jours, 59 de poux de 3 à 4 jours ; 2° Les bonnets 28 et 29 ont subi : le 28, 123 piqûres, dont 48 de poux infectés depuis 5 jours, 43 de poux infectés depuis 6 jours, 32 de poux infectés depuis 7 jours ; le 29, 132 piqûres, dont 53 de poux de 5 jours, 41 de poux de 6 jours, 38 de poux de 7 jours ; 3° Le bonnet 34 a subi 145 piqûres, dont 50 de poux infectés depuis 9 jours, 39 de poux infectés depuis 10 jours, 31 de poux infectés depuis 11 jours, et 25 de poux infectés depuis 12 jours. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 113 Les poux étaient conservés à une température de IG à 18 degrés environ, mélangés chaque jour et nourris dans l’in- tervalle des expériences sur un m. cynomolgus qui n’a pas été suivi, mais qui est mort de cachexie, probablement due à ces piqûres, 10 jours après la fin des expériences. 11 est nécessaire de nourrir les pouv tous les jours si on veut en conserver un certain nombre de vivants au bout d’une douzaine de jours. Notre expérience nous a montré qu’on pouvait, grâce à ces pré- cautions, garder quelques poux en vie pendant un mois; la mort de ces insectes semble surtout amenée par les trauma- tismes, impossibles à éviter, qu'on leur fait subir au cours des manipulations. Les résultats de ces expériences sont des plus instructifs : Le bonnet 25 (poux de I à 4 jours) n’a présenté ni symptômes ni troubles du côté de la température relevée pendant 40 jours. Nous croyons inutile de reproduire sa courbe absolument normale. Le bonnet 26 (poux de 1 à 4 jours) n’a présenté aucun trouble jusqu’au 29e jour; à cette date, il commence à maigrir, sa température s’abaisse le 33e jour; l’amaigrissement est de plus en plus marqué, pas de diarrhée. Hypothermie franche le 35e jour, mort le 37e. 11 nous paraît inutile de donner la courbe de ce singe, absolument normale sauf la baisse et l'hypothermie terminales. Le bonnet 28 (poux de 5 à 7 jours), après une incubation de 10 jours, a présenté un typhus grave de sept jours de durée, suivi d’hypothermie et de mort au 3e jour après la défervescence. A partir du 4e jour de la fièvre, l’état général de l'animal a été atteint; les yeux sont brillants, battus, on note de 8 114 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR l’agitation, de la soit; puis une dimi- nution des forces, un amaigrissement rapide, une coloration cyanique des lèvres; tous ces symptômes s’exagè- reut jusqu’à la mort. Nous donnons ici la courbe de ce bonnet ( courbe 52); elle est aussi typique que celle d’un singe infecté par inoculation de sang. Le bonnet 29 ( poux de 5 à 1 jours ) après une incubation de 26 jours mon- tre un typhus net de 10 jours de durée suivi d'une hypothermie légère, puis d’une rechute du 43e au 45e jour; l’état général a été atteint surtout pendant la première période fébrile; un amai- grissement notable fut remarqué dans la convalescence, puis l'animal se réta- blit entièrement. Il esl à observer que, chez ce singe comme chez le bonnet A de nos expériences de i’an der- nier, il y a eu double période fébrile . Sur i animaux infectés avec succès parles poux, nous avons noté par conséquent deux fois une rechute; or, sur une soixan- taine d’inoculations positives de sang, nous n’avons observé ja- mais qu’une seule période fé- brile. Nous donnons ici la courbe de ce singe [courbe 53). Le bonnet 34 ( poux de 9 à 12 jours). Résultat entièrement négatif. Tempé- rature prise régulièrement pendant 40 jours. Nous croyons inutile de re- produire ici la courbe absolument nor- male. Nous avons soumis deux de ces singes (bonnets 25 et 34), non infectés parles piqûres de poux, à une inoculation d’épreuve; tous deux ont contracté un ty- «/ RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 115 phus expérimental des plus nets ainsi que le montrent leurs observations et courbes ci-jointes : Bonnet 25. Eprouvé le 4 juillet, 38 jours après la dernière série de piqûres de poux, par l’inoculation péritonéale de 5 centimètres cubes de sang du bonnet 41, au 41' jour de son infection (témoins positifs). Incubation 6 jours, typhus grave de 11 jours, hypothermie, amaigrissement, guérison ( courbe 54, ci-jointe). Donc,m infection , ni immunité par piqûres ineffeclives de poux chez te bonnet 25. 42 1 5 10 15 20 25 41 -N ‘ on y* Z5 40 <4- '' f H ht s, A 39 Y rr jv* A 38 Y J 37 Y / A Y 36 1 « y Courbe 54. Bonnet 34. Eprouvé le 31 juillet, 55 jours- après la dernière série de piqûres de poux, par l’inoculation péritonéale de 5 centimètres cubes de sang du 42 1 5 10 a u 8 or, i/o et 3‘ i 40 1 / 39 "-à— 38 h 37 36 Courbe 55. \ 16 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR bonnet 43 au 7° jour d’une infection grave. Incubation 6 jours, typhus assez bénin de 3 jours, hypothermie éphémère, guérison rapide ( courbe 35, ci-dessus). Donc, ni infection, ni immunité par piqûres ineffectives de poux chez le bonnet 25. A ces expériences, nous pouvons ajouter les deux observa- tions suivantes concernant l’un de nous et un aide préparateur de l’Institut Pasteur de Tunis. N, piqué accidentellement par un pou infecté sur le chimpanzé 3, 1 à 2 jours auparavant. Résultat négatif. A, piqué accidentellement par 3 poux infectés sur le même singe ou sur le bonnet 17 (2 de 2 jours, 1 de 3 jours). Résultat négatif. Si nous résumons sous forme de tableau nos expériences des deux années 1909 et 1910, nous constatons : 1° Que le typhus exanthématique a été transmis par nous, du chimpanzé ou du bonne! chinois infectés à 4 bonnets chinois, avec des poux ayant piqué les animaux malades depuis : 1 à 12 jours (Bonnet A). 1 à 6 jours (Bonnet B). 5 à 7 jours (Bonnets 28 et 29). 2° Que nous avons, par contre, obtenu des résultats négatifs , c’est-à-dire ni infection , ni immunisation (1), sur les trois bonnets 25, 26 et 34 piqués par des poux nourris sur un animal infecté depuis : 1 à 4 jours (Bonnets 25 et 26). 8 à 12 jours (Bonnet 31). A noter que le bonnet 26, sans avoir présenté de réaction fébrile, a succombé de cachexie au 37e jour de l’expérience et qu’il en a été de même d’un m. cy nomolgus (non suivi) qui servait à nourrir les poux dans l’intervalle de leurs repas sur nos animaux d’expérience (Ce cynomolgus n’a jamais été piqué par des poux de 5 à 7 jours). Ajoutons que des poux infectés depuis 1 à 3 jours n’ont point contaminé deux membres du personnel de l’Institut Pasteur qu’ils ont piqués, alors que, dans deux observations citées plus haut, il a suffi de la piqûre d’un seul pou pour (1) La non-immunisation chez les seuls bonnets 25 et 34; le 26 était mort avant d’avoir pu être éprouvé. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 117 infecter l’homme et déterminer un typhus grave dans un cas, mortel dans l’autre. Une conclusion semble très nettement ressortir de ces expé- riences et de ces faits, c’est que la piqûre par poux est effective du 5e au 1° jour après le repas infectant et qu 'elle ne paraît point l'être avant , ni plus tard. Cette constatation vient à l'appui de l'hypothèse que nous avons formulée plus haut, d’une évolu- tion du microbe inconnu du typhus dans V organisme du pou ; elle le rapproche de l’agent inconnu de la fièvre jaune, de l’hémato- zoaire du paludisme et de divers protozoaires voisins de celui- ci. Il est infiniment probable, dans ces conditions, que le microbe du typhus appartient au règne animal, et, comme l’évo- lution des protozoaires est strictement liée à une espèce, tout au plus à un genre d’êtres vivants, quï/ ne peut y avoir pour h agent du typhus qu'un seul hôte , le pou du corps , ou tout au plus un seul genre d’hôtes : les pédiculidés. Les expériences de Ricketts et Wilder, malgré leurs résultats imparfaits sont confirmatives des nôtres et de cette opinion. Les poux qui ont donné l’immunité à leurs singes 1 et 12 étaient infectés depuis 1 à 7 et 1 à H jours. La vaccination d’un animal n’a pas moins de valeur que son infection; elle témoigne d’une virulence moindre, mais d'une action aussi spécifique. La troisième expérience des auteurs américains montre la présence du virus dans l’organisme et les déjections du pou 3 jours après le repas, la dernière le rôle nul de la puce, que confirme l’observation humaine négative citée par nous. Il est à remarquer qu’en Tunisie il y a concordance saison- nière entre le nombre de poux rencontrés sur l'homme et les cas de typhus. Les poux sont très rares en septembre, oclobre, novembre, mois où le typhus ne se rencontre plus; ils abondent par contre au printemps et au début de l’été, époque où la maladie sévit avec le plus d’intensité. Il n’en est nullement de même des puces et des punaises, rares ou absentes dans la saison du typhus. Ces données importantes ne prouvent pas seulement le rôle du pou dans la transmission du typhus exan- thématique, elles permettent encore de saisir les conditions dans lesquelles celte transmission se produit. Il nous a paru inutile de démontrer le rôle négatif des autres facteurs incriminés autrefois. L'observation seule des faits 118 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR avait suffi à notre collaborateur C. Comte et à nous-mêmes pour nous prouver que les épidémies de typhus étaient liées au pou du corps et point à d’autres parasites. Est-il utile de le rappeler, la puce manque en Tunisie dans des régions éprouvées par le typhus, elle existe au contraire en abondance dans d’autres régions (mines de phosphates) où les Européens piqués par elles ne prennent point la maladie, tandis que leurs compagnons de travail indigènes sont fortement frappés. Le typhus n’est pas une infection de maison, comme le serait une maladie transmise par les punaises , hôtes d’ailleurs si répandus qu’on ne comprendrait point, en ce cas, que le fléau ne règne point en permanence sur Européens et indigènes dans toutes les villes des pays atteints (Afrique-Mineure, Mexique). C’est, au contraire, une maladie mobile, suivant l’homme dans ses déplacements, campant aux relais où il couche, partant de là pour accompagner à leur tour ceux qu’il y a fréquentés, affection liée à sa peau et aux vêtements intimes comme le pou lui-même et qui s’arrête avec lui au seuil des hôpitaux et par- tout où l'homme rencontre de l’eau, du savon et du linge propre. Car le typhus n’est point directement contagieux dans un hôpital bien tenu, et nous avons pu nous rendre compte sur nous-mêmes et sur nos aides, par des contaminations mul- tiples et durables, que le sang, hautement virulent, n'infecte ni la peau saine ou éraillée largement et longuement souillée aux cours d’expériences si nombreuses ou les muqueuses sur lesquelles le sang a été plusieurs fois projeté. Ajoutons que plusieurs piqûres accidentelles avec des aiguilles de seringues souillées de virus n'ont point communiqué l'infection. Le pou, et dans les seules conditions que nous avons déterminées, nous apparaît, par conséquent, dans la nature comme l’unique agent de transmission du typhus exanthématique. Nos recherches expérimentales ne démontrent pas seule- ment le rôle des poux dans la transmission du typhus ; elles permettent encore de suivre dans quelles conditions se produit l'infection du parasite. Si l’on se souvient, en outre, que d’autres expériences nous ont montré la présence du virus dans le sang des malades du deuxième jour avant le début de 119 RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS la lièvre, au second jour après la défervescence, il devient aisé de concevoir avec une parfaite exactitude comment la maladie se transmet et l’importance des deux facteurs : homme (ma- lade, en incubation ou en convalescence) et pou. Les notions nouvelles apportées par ces faits devront servir désormais de base à la prophylaxie du typhus exanthéma- tique. Le jour où les progrès de l’hygiène auront amené la dis- parition du pou, le typhus ne sera plus sur le globe qu’une maladie bis t or i q ne. 1Y HÉMATOLOGIE NUMÉRATIONS LEUCOCYTAIRES AU COURS DU TYPHUS EXANTHÉMATIQUE EXPÉRIMENTAL DES SINGES ' » par Charles NICOLLE et E. JAEGGY Nous nous bornerons dans ce chapitre à l’exposé des résul- tats des numérations leucocytaires pratiquées sur quelques- uns de nos animaux d’expériences. Nos autres recherches hématologiques feront l’objet d’un travail spécial qui sera publié ultérieui ement. On trouvera dans noire mémoire de l’an passé le tableau et les courbes du nombre des globules blancs de deux singes atteints, l’un ( bonnet 2) d’une infection sévère, l’autre ( bonnet 4) d’un typhus abortif. Chez ces deux animaux, nous avions noté une baisse du nombre total des leucocytes dans les jours qui précédaient l’infection et dans les premiers jours de celle-ci. Nous avons fait cette année des constatations analogues. Cinq singes ont été suivis régulièrement à ce point de vue : les chimpanzés 3 et 4 et le bonnet 19 atteints de typhus grave, les bonnets 20 et 32 de typhus abortif. Nous donnons ci-dessous les résultats de nos numérations ; pour tous ces animaux, la courbe du nombre des leucocytes a été mentionnée sur la courbe thermique. Le lecteur aura donc à se reporter aux courbes de ces singes, insérées plus haut dans ce mémoire ( courbes 11, 12, 13, 17, 19). Chimpanzé 3 (voir courbe 1 1), inoculé le 11 mai, incubation 120 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR huit jours, fièvre de même durée, infection expérimentale sévère, Chiffres des globules blancs . Avant l’inoculation : 2 mai. — 10.000 10 mai. — J 0.000 Depuis l’inoculation : 12 mai. 14 mai. 16 mai. 18 mai. 20 mai. 22 mai. 24 mai. 26 mai. — 27 mai. — 29 mai. — 2 juin. 4 juin. 6 juin. 8 juin. 12 juin. 7.300 10.000 11. 000 12.000 11.000 (1er jour de l'infection). 20.000 (saignée très abondante : 150 cent, cubes). 15.000 22.030 25.000 (dernier jour de la fièvre). 16.500 (1er jour de la convalescence). 23.000 14.000 11.000 9.000 9.500 La courbe leucocytaire de ce singe ne présente point la baisse ordinaire caractéristique de la fin de la période d’incu- bation et du début de celle d’infection. Cette exception tient sans nul doute au fait suivant que nous n'avons point signalé à propos de l'observation de ce chimpanzé. Avant l'inocu- lation effective du 11 juin, une première inoculation avait été pratiquée sur lui, le 7 mai, avec 1 centimètre cube de sang d'un malade suspect de typhus exanthématique. L’évolution de la maladie chez cet individu ne nous ayant pas paru classique, nous avons préféré, plutôt que d’attendre, répéter l’ino- culation du chimpanzé avec un cas certain. Il nous parait probable que ce premier malade était atteint d’une forme bénigne de l’infection; le chim- panzé 3 aurait donc reçu deux inoculations consécutives, à quatre jours d’intervalle, de sang exanthématique, et ce serait là, sans doute, la raison pour laquelle sa courbe leucocytaire a différé dans sa première partie des courbes des autres singes. Plus tard, il y a eu relèvement, puis dépassement de la nor- male, enfin retour à celle-ci, comme dans les autres cas. A noter également l’influence évidente sur cette courbe d’une saignée abondante (150 centimètres cubes) pratiquée le deuxième jour de l’infection (22 mai). RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 121 Chimpanzé 4 ( Courbe 12), inoculé le 2 juin, incubation quatorze jours, typhus moyen de huit jours. Chiffres de globules blancs. Avant l’inoculation : les juin 8.000 Depuis l'inoculation : 3 juin 10.000 4 juin 10.000 5 juin 11.000 6 juin 6.500 7 juin 10.000 8 juin 10.500 9 juin 9.000 10 juin 9.000 11 juin 8.500 12 juin 9.500 13 juin 7.000 14 juin 5.000 15 juin 6.500 16 juin (1er jour de l’inf.). 7.500 17 juin 15.000 18 juin 14.000 19 juin 13.000 20 juin 13.000 Ce dernier jour, le chimpanzé a reçu une inoculation nou- velle (1 c. c. 1/2 dans la cavité péritonéale) de sang d’un malade que nous supposions atteint de typhus exanthéma- tique et qui ne l’était pas. Nous voulions, par cet essai, juger de l’influence d’une deuxième inoculation de sang au cours de la maladie expérimentale. Les numérations leucocytaires effectuées à partir de ce moment n’ont donc point une portée générale. Nous les publions sous cette réserve : 22 juin. 16.500 24 juin 10.000 26 juin • . 8.000 1 er juillet 9.000 5 juillet 8.000 Donc, chez ce singe infecté avec succès, augmentation légère du nombre des leucocytes à la suite de l’inoculation, puis baisse classique avant le début de l'infection et, pendant les premiers jours de celle-ci, relèvement, dépassement du nombre normal (exagéré, sans doute, par la seconde inoculation san- guine), enfin retour à la normale. Donc, courbe classique. Bonnet 19. — Inoculé le 21 mai, incubation 7 jours, infec- tion sévère de 4 0 jours, défervescence en lysis, amaigrisse- ment dans la convalescence (courbe 19). ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUK 122 Chiffres des globules blancs. 25 mai 18.000 5 juin 10.000 2* mai 17.000 6 juin 11.000 29 mai (2e jour de l'infec- 7 juin (1er jour de la dé- tion) 9.500 fervescence^ 14.000 31 mai 8.500 8 juin 12.000 l r juin 6.000 9 juin 15.000 2 juin 8 500 11 juin 23.000 3 juin 8.500 13 juin 4 juin 7.000 15 juin. 12.000 Nous retrouvons chez ce singe, dont les numérations leu- cocytaires n’ont commencé qu'après l’inoculation, la phase d’augmentation consécutive à celle-ci, la baisse du début de la période d’infection, puis le relèvement, le dépassement et le retour au chiffre normal. Bonnet 20. — Inoculé le 21 mai, incubation 9 jours, typhus aborlif de 2 jours ( courbe 1 o) . Chiffres des globules blancs. 26 mai 16. 500 4 juin. . . . 8.500 28 mai 13. 000 6 juin. . . . 15.000 29 mai (1er jour de l in- i juin. . . . 14.000 fection) 9. 500 9 juin. . . . 10.500 31 mai (1er jour de la dé- 10 juin. . . . .... 21.500 fervescence) 14. 500 11 juin. . . . 16.000 Ie r juin 13. 000 13 juin. . . . 12.000 2 juin 7 500 15 juin. . . . 13.000 Nous retrouvons chez ce sin- ;e la phase d augmentation cou sécut ive à l’inoculation de san 87 la baisse éphémère (29 mai accompagnant une infection aussi courte, puis le relèvement rapide, le dépassement et le retour à la normale. Bonnet 32. — Inoculé le 29 mai, incubation 8 jours, typhus bénin de 4 jours ( courbe 17). Chiffres des globules blancs. 2 juin 22 000 10 juin (1er jour de l’inf.). 8 000 3 juin .... 17 500 11 juin 10 500 4 juin .... 8 000 13 juin (1er jour de la dé- O juin .... 22 550 fervescence) 14 500 6 juin .... 18 000 15 juin 13 000 8 juin .... 16 500 17 juin 10 .000 9 juin .... 14 .000 19 juin. .... 10 000 Courbe ae tous points comparable à celle du bonnet précé- dent et dont l'examen conduit aux memes réflexions. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 123 Nos constatations nouvelles conlirment celles de l’an passé. Elles montrent que, dans le typhus expérimental du singe, Les variations du nombre des globules blancs dessinent une courbe identique. Que l’infection soit sévère ou bénigne, on observe, en effet, de façon constante, la succession des phases suivantes : augmentation du nombre des globules blancs à la suite de F inoculation, retour à la normale, baisse dans les derniers jours de la période d' incubation se poursuivant pendant la première moitié de la période fébrile , relèvement , dépassement dans la convalescence , puis retour au bout d'un mois environ au chiffre normal. Le dessin de cette courbe et la succession des diverses phases sont assez constants et assez caractéristiques pour permettre de reconnaître le typhus dans ses formes abortives. La baisse qui précède le début de la lièvre constitue une indication précieuse pour l’expérimentateur, qui peut deviner ainsi l'imminence de l’infection. Nous avons utilisé celte donnée chez le chim- panzé 4 pour pratiquer des inoculations du sang, de cet animal à un au Ire singe avant le début de la période fébrile, et nous avons ainsi pu constater que la virulence du sang était anté- rieure dans Je typhus exanthématique à l’ascension thermique. Il serait intéressant de pratiquer chez l’homme des numé- rations analogues; la précocité et l’intensité du relèvement du chiffre des leucocytes au cours de I infection donneraient, sans doute, des indications favorables, et les résultats inverses, des indications fâcheuses pour le pronostic de la maladie. V QUELQUES OBSERVATIONS AU SUJET DU TYPHUS EXANTHÉMATIQUE DE L’HOMME par Chaules NICOLLE et E. CONSEIL Au cours des deux épidémies de typhus qui nous ont fourni les éléments de nos recherches expérimentales, il nous a été donné de suivre un nombre Irès grand de malades et de faire à leur sujet un certain nombre de remarques dont quelques-unes nous paraissent pouvoir prendre place dans ce mémoire. 124 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR I. — Observations de malades chez lesquels la température A ÉTÉ PRISE JOURNELLEMENT, DU DÉBUT DE LA PÉRIODE D’iNCUBATION A LA CONVALESCENCE. Opérant au pénitencier du Djouggar en milieu épidémique et recherchant des cas tout à fait au début pour certaines de nos expériences, nous avons eu la curiosité de suivre la tem- pérature de plusieurs prisonniers ayant été en contact intime avec des malades et tout à fait suspects au point de vue d’une contamination. Quelques-uns ont contracté, en etfet, le typhus; un seul nous a fourni une courbe complète et journalière. Nous la publions ci-dessous ( courbe 56). L’incubation chez ce malade (N° 6 de nos expériences) semble avoir été de onze jours ; les premiers symptômes (mal de tête, malaise) ont exacte- ment accompagné l ascension de la température. L'infection fut de gravité moyenne. Le bonnet chinois 23, inoculé dans la cavité péritonéale avec 4 centimètres cubes de sang de cet individu au quatrième jour de son typhus, a contracté une infection nette et bénigne qui lui a conféré une immunité consécutive. Nous portons sur la courbe les chiffres donnés par la recherche du pou- voir agglutinant du sang du malade sur le micrococcus melitensis. L’un de nous a signalé, avec Comte, la fréquence de cette curieuse propriété au cours du typhus exanthématique. L’observation du malade 6 montre les con- ditions de développement de l’agglutinine non spécifique : absente avant l’apparition des symptômes et même dans les derniers jours de l’incubation, elle se montre au lendemain même du début de la fièvre, présente son maximum quelques jours après, et persiste, à peine diminuée, au commen- cement de la convalescence. Coup.be 56. RECHERCHES EXPERIMENTALES SUR LE TYPHUS 125 Le malade 58 traité par le sérum de convalescents et dont nous avons publié plus haut la courbe ( courbe 50) était suivi depuis quatorze jours pour paludisme, forme apyrétique, et traité par la quinine lorsqu’il a pré- senté son typhus. Chez lui, l’incubation de cette maladie a été au minimum de quatorze jours. Sa courbe, à laquelle nous renvoyons, est aussi complète que celle du malade 6 et lui est de tout point comparable. On remarquera sur toutes deux le crochet du début de la fièvre, observé sur nos singes et si caractéristique du typhus exanthématique. II. — Typhus exanthématique de l'enfant. Au cours des diverses épidémies de typhus exanthématique que nous avons suivies durant ces dernières années, nous avons été frappés de la rareté des cas chez l’enfant. En 1906, 1907 et 1908, nous n’avons eu connaissance que de cas chez l’adulte ; en 1909, sur 836 exanthématiques signalés à Tunis, nous ne trouvons que 8 enfants (4 de cinq à dix ans, 4 de trois à cinq ans, aucun au-dessous de trois ans) ; en 1910, 6 enfants (3 de cinq à dix, 3 au-dessous de 5 ans). Dans tous les travaux relatifs aux épidémies récentes de typhus que nous avons parcourus, même fait est noté (Dormier, Gardon en Algérie, etc.). Celte immunité de l’enfance est encore plus marquée lors- qu’on examine la mortalité; jamais à Tunis les statistiques n’ont enregistré de décès au-dessous de cinq ans et seulement 2 de cinq à dix ans. On pouvait supposer d’après ces faits, ou bien que le typhus élait véritablement rare chez l’enfant, ou bien qu’il se présen- tait chez lui sous une forme si bénigne que les cas en passaient inaperçus. C’est cette dernière opinion qui est la vraie. Nous avons pu, en effet, recueillir pendant l’année 1909 trois observations authentiques et bénignes de typhus exanthéma- tiques chez des enfants. Dans les deux premiers cas, il s'agissait de 2 enfants indi- gènes d’un même gourbi et dont les parents, ainsi qu’un frère adolescent (quatorze ans), étaient atteints de fièvre exanthéma- tique classique. Ces enfants ne paraissaient point malades et seule l'élévation J 26 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR de la température permit de reconnaître chez eux la maladie. Voici leurs observations résumées : Obs. I. — Sexe masculin, sept ans. L’enfant est grognon; à cela près les seuls symptômes à l’entrée, malgré une température de 39°8, sont la blan- cheur de la langue et la constipation; l’enfant cherche à se lever, ne veut pas demeurer au lit. Trois jours plus tard, nous notons de l'abattement et quelques taches, puis un peu d’agitation et de délire. Défervescence au huitième jour de notre observation, convalescence immédiate. Obs. IL — Frère du précédent, cinq ans. A l'entrée (température 38°7), langue blanche, aucun autre symptôme. Un peu d’abattement les jours sui- vants. Complication d’otite suppurée. Convalescence très rapide à partir de l’ouverture spontanée de l’abcès. En dehors de ces deux enfants, de leur grand 'frère ma- lade el de leurs parents, une petite sœur de huit mois se trouvait dans le même gourbi. Elle était allaitée par sa mère. Nous avons suivi cet enfant et sa température a été prise pendant vingt jours consécutifs; elle n’a jamais présenté aucun symptôme, si léger lut-il, ni la moindre élévation ther- mique. Nous jugeons inutile de reproduire ici sa courbe absolument normale; par contre nous donnons celles de ses deux petits frères ( courbes 57 el 58). Courbe 57. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 127 M fo CM d3o 41 j. £ 7f m 't . 2 JZo 40 ■ JL* ,\ ! \ \ M 0 39 v \ s ''1 i \ \ fi • \ A 00 33 / V / \ ' \ % % ■% w- - ' i 1 9o 37 50 36 t J Courbe 58. Obs. III. — Enfant indigène du sexe masculin, trois ans, provenant d’un gourbi où ont été trouvés plusieurs malades. Lors de notre premier examen, l’enfant, malade depuis deux jours, pré- sente, malgré une température de 3b°9 et un pouls à 160. un état général Courbe 59. 128 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR assez satisfaisant; il joue sur son lit et ne se plaint guère que de douleurs de tète. Quelques jours après, les symptômes s’aggravent : langue sabur- rale, abattement, diarrhée, quelques taches. Durée de l’infection huit jours. La convalescence est interrompue par une complication (bronchopneumonie) qui cède elle-même bientôt ( Courbe ci-jointe, 59). Le bonnet chinois 59, inoculé dans la cavité péritonéale avec 4 cent, cubes de sang de cet enfant au quatrième jour environ de sa fièvre, contracte une infection typique de sept jours de durée, après une incubation de huit jours. Ces observations montrent que le typhus exanthématique peut frapper ï enfant aussi bien que V adulte , mais qu'il revêt chez lui un caractère si bénin que , sans la notion de contagion et les indications du thermomètre , il passerait inaperçu. L’analogie entre le typhus exanthématique et la fièvre jaune est à ce point de vue complète; l’enfant contracte ces deux maladies comme l’adulte, il montre une sensibilité infiniment moindre que celui-ci et d’autant plus faible qu’il est lui-même plus jeune. Le tableau clinique de l’enfant atteint de fièvre exanthématique rappelle très exactement celui des singes infectés : au début, nul signe malgré une température souvent très élevée; plus tard seulement paraissent les symptômes communs : abattement, faiblesse, perte d’appélit, amaigrisse- ment, etc., puis, quelques jours après la défervescence, retour rapide à la santé. Les tout jeunes enfants paraissent réfractaires. Nous avons vu que, seule de sa famille (cinq cas dont deux sur des frères de sept et cinq ans), une petite fille de huit mois, nourrie par sa mère, a échappé à une contagion à laquelle elle était exposée au même degré que ses parents et frères. Son état général et la courbe thermique prise pendant vingt jours n’ont pas révélé le moindre trouble de sa santé. Il y a là un point intéressant sur lequel nous attirons l’atten- tion et qu’il faudra plus tard confirmer et expliquer. Peut être aussi la vaccination préventive du typhus exanthé- matique, par l’inoculation du virus, serait-elle réalisable sans danger dans les premiers mois de la vie. « III. — Le typhus exanthématique apyrétique des auteurs. Chez le singe et l’enfant, à peine souffrants les premiers jours de l’infection, mais aussi chez l’adulte plus sensible, les symp- RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SLR LE TYPHUS 129 lômes du typhus exanthématique sont surtout accentués à partir du cinquième ou sixième jour de la période fébrile. On observe alors dans la [plupart des cas ce tableau si frappant d'individus émaciés, à langue rôtie, aux yeux hagards, à la démarche vacillanle, incapables de marcher sans aide et de se tenir debout, s’affaissant à terre dès qu'on les fait lever, n’entendant point et méritant le nom imagé qui leur a été donné de typhiques , tellement ils paraissent frappés de stupeur. Tantôt ces symptômes cèdent en quelques jours en même temps que la température tombe brusquement à la normale, tantôt ils persistent plus ou moins longtemps après la chute de celle-ci que suit une hypothermie plus ou moins durable. Le pouls peut conserver aussi son caractère fréquent et filiforme, le délire persister et l’éruption ne point s’effacer de quelques jours. Si l'on ne voit le malade qu’à cette période, ce qui arrive souvent chez les indigènes et que tout commémoratif échappe, circonstance bien ordinaire, on comprend qu'on puisse penser, ainsi que l’ont fait certains auteurs, que Je typhus puisse revêtir une forme apyrétique (hypothermique mémo). Nous croyons que dans ces cas, il y a eu période fébrile anté- rieure, mais que celle-ci par sa brièveté, son absence habi- tuelle de symptômes et l'incertitude des commémoratifs est passée inaperçue. IV. — Difficulté du diagnostic clinique du typhus EXANTHÉMATIQUE CHEZ LES INDIGÈNES DE l’AfRIQUE MINEURE. Lorsqu’on étudie la fièvre exanthématique sur les indigènes de Tunisie, on est vite frappé des difficultés du diagnostic cli- nique. L’exanthème, donné par la plupart des auteurs comme caractéristique, manque souvent ou bien ne peut être décelé sur une peau pigmentée et couverte de lésions d’une phtiriase invétérée. Sa présence ne saurait non plus entraîner la conviction. 11 nous est arrivé souvent d’examiner, à la fin de Tépidémie de cette année, des malades envoyés à l’hôpital d’isolement de la Rabta avec l’étiquette typhus exanthématique et qui en présen- taient en effet tout le tableau clinique : langue et lèvres fuligi- neuses, délire violent ou stupeur comateuse, pouls rapide et 9 130 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR petit, lièvre élevée, éruption généralisée. Chaque fois, nous por- tions d’abord sur eux le diagnostic de typhus jusqu’à ce qu'un examen de sang nous eût montré la présence des hématozoaires. Beaucoup de ces malades venaient de régions impaludées où le typhus, en voie de disparition dans toute la Régence, ne sévis- sait point ou plus à ce moment; plusieurs moururent dans les premières heures de l’entrée, les autres se rétablirent rapi- dement après quelques injections de quinine. Nous avons noté que, chez ces malades, l’éruption était plus prononcée et, si l’on peut s’exprimer ainsi, mieux caractérisée que dans les cas authentiques de typhus exanthématique. On ne peut admettre, chez ces malades, l’association des deux infections; plusieurs fois avant que nous ayons acquis la connaissance de ces faits, des singes 'ônt été inoculés par nous avec ce sang supposé exanthématique et ce sont précisément les résultats négatifs de ces expériences qui nous ont mis sur la voie du diagnostic. Il y a donc lieu pratiquement, en pays impaludé, de ne point confondre le typhus exanthématique avec les formes éruptives du paludisme et de ne point méconnaître celle maladie lors- qu’elle s’accompagne d’éruption. CONCLUSIONS par Charles NICOLLE Les conclusions que nous formulons ici sont communes à l’ensemble des travaux poursuivis à l’Institut Pasteur de Tunis sur le typhus exanthématique ; elles englobent, par conséquent, la totalité de nos recherches (mémoire de 1909, présent mé- moire). . 1. — Le typhus exanthématique est inoculable de l’homme au chimpanzé et aux macaques : Macacus sinicus (bonnet chi- nois), M. rhésus, M. cynomolgus , M. inuus (magot). A ces espèces, il faut joindre, d’après Gavino et Girard, un singe du Nouveau Continent, Ateles vellerosus. Les autres ani- maux, à l’exception du cobaye , qui fera l’objet d’une étude ultérieure, ne paraissent pas sensibles. 2. — La délicatesse du singe en captivité oblige l’expérimen- tateur à de grandes précautions. On ne doit faire usage que RECHERCHES EXPERIMENTALES SUR LE TYPHUS 131 d’animaux parfaitement bien portants, en observation depuis plusieurs semaines, et présentant une température absolument normale et régulière. Tout singe atteint ou convalescent de diarrhée doit être sévèrement proscrit. 3. — Le chimpanzé offre une sensibilité plus grande au virus exanthématique que les macaques. On reproduit chez lui, à coup sûr, la maladie par l'inoculation sous-cutanée d’un centi- mètre cube de sang humain. Les macaques peuvent être parfois1 infectés au moyen de doses aussi faibles inoculées par la même voie, mais le plus souvent ils ne présentent dans ces cas qu’une maladie abortive ou même une réaction fébrile nulle. Pour réaliser à coup sûr l'infection du macaque, il convient d’inoculer une dose suffisante de sang (4 à 5 centimètres cubes) et d’employer la voie péritonéale. La virulence du sang paraît plus grande vers la fin de la période fébrile; elle semble augmenter pour les macaques par le passage par chimpanzé ; elle varie suivant l'origine du virus. 4. — Les symptômes et l’évolution du typhus exanthéma- tique expérimental sont les mêmes chez les diverses espèces de singes étudiées par nous. Lorsque les conditions reconnues nécessaires pour obtenir une infection sévère se trouvent réunies (dose suffisante de virus, voie péritonéale), la maladie revêt un tableau clinique voisin de celui qu’on observe chez l’homme, à peu près iden- tique au typhus exanthématique de l'enfant. Après une inoculation d’une semaine de durée environ, la température s’élève brusquement pour retomber dans les cas typiques le lendemain et remonter progressivement les jours* suivants, dessinant ainsi une flèche suivie d'un angle ouvert en haut, puis d’une ligne courbe d'ascension. Suit un plateau de sept à dix jours que termine une baisse ordinairement rapide. Une hypothermie presque constante, de durée souvent courte, s’observe après la défervescence ; enfin, en quelques jours, la température revient à la normale. En dehors de la fièvre, les svmptômes sont modérés. L'incubation est généralement sileun cieuse: ce n’est que vers le troisième et quatrième jour qu’on remarque quelques signes anormaux : perte de l’appétit, tris- tesse, poil hérissé, injection des yeux, éruption parfois. L’érup- 132 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Lion a toujours pour siège la face. Un amaigrissement manifeste suit la chute de la température. Dans les cas très graves, la mort survient, soit dans la période fébrile, soit dans la période d’hypothermie par laquelle débute la convalescence. Dans les formes légères ou abortives, il y a d’ordinaire • allongement de la période d’incubation; la lièvre ne dure que quelques jours, l’hypothermie est éphémère, les symptômes snbj ectifs inconstants, sauf un certain degré d’amaigrissement qui ne paraît point manquer. Entin, il est des cas tout à fait frustes dans lesquels aucun signe n’indique une réaction de l’organisme, et cependant l’im- munité peut être acquise parfois à la suite de cette infection silencieuse. 5. — On peut réaliser sur les singes, avec le virus exanthé- matique, des passages en nombre indéfini. Nous en avons réussi jusqu’à neuf en faisant alterner quatre espèces de singes. 6. — Le sang dans le typhus exanthématique est virulent pour le singe dès les premières heures de la fièvre; il l’est encore au début de la convalescence (2e jour). L’immunisation, sans infection, d’un bonnet chinois inoculé deux jours avant le début de la fièvre nous a montré la présence du virus exan- thématique dans le sang dès cette époque précoce. 7. — Une première atteinte de typhus expérimental donne au singe une immunité solide toutes les fois que la maladie a été grave et quel qu’ait été le mode d’infection (sang, poux). Une atteinte légère ou abortive n’est pas suivie à coup sûr d’im- munité. Celle-ci cependant peut s’observer exceptionnellement dans les cas mêmes où l’inoculation de virus n'a déterminé aucune réaction fébrile apparente. Dans les cas positifs, l’immunité semble s’établir très vite. Nous l’avons constatée an quatrième jour après la défervescence. 8. — Le sérum des malades convalescents on des singes guéris présente des propriétés préventive et curative très nettes vis-à-vis de l'infection expérimentale du singe ou de la ma- ladie naturelle de l'homme. Ces propriétés, manifestes dans les dixième et douzième jours qui suivent la défervescence, dis- paraissent rapidement plus tard et le sérum, après quinze à vingt jours, semble avoir perdu toute activité. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 133 Ces constatations nous paraissent appelées à servir de base aune méthode de traitement du typhus exanthématique humain par le sérum de convalescents. Nous avons été précédés dans cette voie par les essais de MM. Legrain et Raynaud, qui dès 1895 avaient obtenu des ré- sultats encourageants. 9. — Ni le microscope, ni l’ultra-microscope ne montrent dans le sang des malades ou des animaux infectés la présence de formes microbiennes. Les corps singuliers découverts dans le sang des exanthématiques par Ricketls et Wilder sont trop rares pour qu’on puisse les considérer comme les agents spéci- fiques de la maladie. 10. — Le sérum non filtré des malades ou des animaux infectés est virulent pour le singe de façon constante lorsqu’il provient de ia centrifugation du sang défibriné; il ne l’est qu’exceptionnellement lorsqu’il est obtenu par coagulation pure et simple. Ces deux sérums diffèrent totalement l’un de l’autre, le premier contenant les débris et le contenu des cel- lules du sang détruites dans les manœuvres de la défibrina- tion et toujours un certain nombre de cellules entières, l'autre ne contenant de cellules et débris cellulaires que si sa sépa- ration d’avec le caillot n’est point parfaite (dans ce cas seule- ment, il sera virulent). 14. — Le sérum de centrifugation du sang défibriné, filtré sur bougie Berkefeld, n’a jamais été virulent ni immunisant dans les expériences d’Anderson et Goldberger ou de Ricketts et Wilder. Le sérum de coagulation, filtré sur bougie Berkefeld, dans une de nos expériences, s’est montré immunisant (peut-être même virulent) pour un bonnet chinois. Cette expérience posi tive est suffisante, à notre avis, pour démontrer que l’agent spécifique du typhus est un microbe filtrant. S’il ne traverse point les bougies dans les expériences de filtration du sérum de sang défibriné, c’est parce que les débris cellulaires et les colloïdes contenus dans ce liquide encollent immédiatement le filtre et substituent aux porosités de celui-ci une membrane imperméable aux microbes les plus fins. Il les traversera facilement, au contraire, dans les expériences 134 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEL) R de filtration dn sérum de coagulation, dépourvu de débris cellulaires, mais en trop faible quantité généralement pour donner lieu à une infection. 11 peut arriver cependant que le nombre des microbes y soit suffisant pour que cette infection se réalise (surtout lorsque la dose inoculée est considérable). . Nous pensons que le microbe du typhus exanthématique est intracellulaire. 12. — Le virus exanthématique est détruit vers 50-5o de- grés. L'inoculation du sang chauffé à cette température n' im- munise pas le singe. 13. — Le sérum sanguin n’a point d'action bactéricide sur le virus (en 9 heures à la température de -f- 12 degrés). 14. — L’étude des épidémies qui ont sévi en Tunisie depuis 1906 nous a permis de reconnaître que l’agent de dissémination et de transmission de la maladie ne pouvait être qu’un parasite du corps ou du vêtement, accompagnant l’homme dans ses déplacements, campant aux relais où il couche, ne s’arrêtant qu’au seuil des hôpitaux et là où l’homme rencontre de l’eau, du savon et du linge propre. Nous avons donné les raisons pour lesquelles on ne pouvait penser ni à la punaise, ni à la puce. Enfin, nous avons rapporté quatre observations humaines où le typhus exanthématique a suivi une ou plusieurs piqûres par pou. Ce que l'observation permettait de deviner, nos recherches en ont apporté la preuve expérimentale. Nous avons transmis en effet le typhus exanthématique à quatre singes au moyen de la piqûre de poux préalablement infectés sur des singes malades. 11 nous a été en outre possible de déterminer les conditions dans lesquelles les poux devenaient virulents. De l’ensemble de nos expériences, il résulte que la piqûre par poux est effective du 5e au 7e jour après le repas infectant et qu’elle ne parait pas l’être avant, ni plus tard. Cette constatation semble indiquer que le microbe inconnu du typhus exanthématique subit dans l’organisme du pou une évolution particulière; il se comporte donc à ce point de vue ainsi que l'hématozoaire du paludisme et l’agent invisible de la fièvre jaune. Or l’évolution de ces êtres est strictement limitée à une espèce ou un genre d’hôtes. Pour cette raison encore, il y a donc lieu de considérer les RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 135 poux comme les agents uniques de transmission, dans la nature, du typhus exanthématique. En dehors du facteur pou , il y a lieu de tenir compte dans l’étiologie et pour la prophylaxie du facteur homme. Nous avons vu que le sang du malade était virulent de deux jours avant le début de la fièvre jusqu’au 2e jour de la défervescence. Le pou peut donc s’infecter, non seulement sur le malade, mais encore sur celui qui va le devenir et sur le convalescent. 15. — Des numérations journalières, pratiquées sur plu- sieurs de nos animaux d’expérience, nous ont permis de cons- tater que le nombre total des globules blancs dessinait, dans le typhus expérimental, une courbe identique. Ou observe en effet dans tous les cas (bénins ou graves), la succession des phases suivantes : augmentation du nombre des globules blancs con- sécutive à l’inoculation, retour à la normale, baisse dans les derniers jours de l’incubation, se poursuivant pendant la pre- mière partie de la période fébrile, relèvement, dépassement dans la convalescence, puis retour au bout d’un mois environ au chiffre normal. La lmbse qui précède le début de la fièvre permet de deviner l’imminence de celle-ci. 16. — Dans un travail spécial (1), nous avons signalé l'existence fréquente, dans le sérum des exanthématiques, d’une agglutinine acti ve sur le Micrococcus melitensis’,. plusieurs courbes humaines publiées dans le présent mémoire montrent les conditions d’apparition et de développement de cette pro- priété sur laquelle nous n'avons point insisté, nous réservant d’y revenir dans un travail ultérieur. 17. — Au cours de nos recherches, il nous a été donné de faire un certain nombre de remarques intéressantes sur le typhus exanthématique de l’homme. Nous avons prouvé l’existence peu connue de la maladie chez l’enfant, montré sa bénignité dans ce cas et signalé la résistance des nourrissons. Les enfants peuvent jouer un rôle dans la conservalion du virus, et l’on doit tenir compte çle ce fait pour la prophylaxie. ; , , , (1) G. Nicolle et C. Comte, Sur la présence fréquente d’un pouvoir agglu- tinant vis-à-vis du Micrococcus melitensis dans le sang des malades atteinte de typhus exanthématique. Bull, de la Soc. de Pat/i. exotique, 9 avril 1910, p. 214-216. ’ • i. !; Si 13G ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Le typhus apyrétique des auteurs correspond pour nous à la convalescence de malades dont la période fébrile n’a pas été suivie. Enlin, nous avons signalé la difficulté qu’on éprouve à reconnaître le typhus exanthématique des formes éruptives du paludisme. Plusieurs questions ont été réservées qui feront l’objet de publications ultérieures (hématologie, propriétés agglutinantes du sérum, infection du cobaye). PIÈCES JUSTIFICATIVES I. — Observations résumées et courbes thermiques res malades dont le sang A ÉTÉ UTILISÉ POUR i/lNFECTION DES SINGES DE NOS EXPERIENCES (1). Malade 1. — A. b. H. b. A., vingt-cinq ans, enchir Zitoun près Souk el Khemis (150 kilomètres de Tunis). Malade depuis huit à dix jours au moment de l’examen (4 avril). Temp., 40 degrés; pouls, 124. — Inoculation ce même jour à 9 heures du soir au bonnet 15 bis. Le malade a été suivi par le Dr Tomasini, de Souk el Khemis, mais sa courbe n’a pu être prise réguliè- rement. Typhus moyen. Défervescence le 10 avril. Malade 6. — M. b. A. b. Y., vingt ans, pénitencier du Djouggar, en contact avec des malades atteints; a pu être suivi depuis le début de l’incubation. Sa courbe a été donnée plus haut [courbe 56). Infection de moyenne intensité. Le 22 mai (4e jour), inoculation intrapéritonéale de 4 centimètres cubes de sang au bonnet 23. Malade 7. — K. b. H. M., dix-huit ans, pénitencier du Djouggar. En contact intime avec des exanthématiques le 6 mai; ce jour, temp., 38°6, pas de pou- voir agglutinant du sang sur le M. melitensis; le lendemain, temp. 36°9, reprend son service. Entre à l’infirmerie le 22, se plaint d’être malade depuis cinq jours. Temp.,39°5 à midi; pouls, 132; inoculation de 10 centimètres cubes de son sang dans le péritoine du bonnet 24 ; sérodiagnostic sur le M. meli- tensis négatif. Typhus sévère, pouvoir agglutinant sur le M. melitensis au 3e jour de la défervescence : 1Ü ( courbe 60, ci-jointe). Malade 13. — M. b. H. b. B. A., vingt et un ans, pénitencier du Djouggar. Entre à l’infirmerie le 7 mai, au 4e jour d’un typhus de moyenne gravité; ce jour (Temp., 39°9; pouls 120), inoculation sous-cutanée de 3/4 de centi- mètre cube de son sang au bonnet 16. Défervescence le 13 mai ( courbe 61, ci- jointe). Pouvoir agglutinant sur le M. melitensis le 7e jour de l’infection, 15, le 8e, 10; trois jours après la défervescence, nul. (i) Les chiffres portés sur les courbes indiquent le taux du pouvoir agglu- tinant du sérum des malades sur le Micrococcus melitensis. RECHERCHES EXPERIMENTALES SUR LE TYPHUS 137 Malade 14. — H. b. A. b. F., quinze ans, pénitencier du Djouggar. Entré à l'infirmerie le 9 mai, au 2e jour d’une infec- tion sévère. Le il mai (4e j.), état très grave, syncopal. Temp. 39°4; pouls, 120. très faible, intermittent; inocula- tion sous-cutanée d’un demi-centimètre cube de sang au bonnet 18. Défervescence le 11e jour ( courbe ci-jointe). Pouvoir agglutinant sur le M. melilensis le 4e jour de l’infection, 10; le 5e jour, 20; le 10e jour, 10; le 3e et le 5e jour après la dé- fervescence, nul. Malade 15. — M. b. A. b. O., trente-trois ans, pénitencier du Djouggar. Entré à l'in- firmerie le 10 mai, au 2e jour de son typhus. Le 11 mai, état sévère; à 3 heures du soir, temp.,39°5; pouls, 102; inoculation sous-cutanée d’un centimètre cube de sang au chim- panzé 3 et de deux tiers de centimètre cube au bonnet 17. L’infection du malade a été sévère. Défervescence au 12e jour, convalescence longue [courbe 63, ci-jointe). Pouvoir agglutinant sur le M. meli- tensis : le 3e jour de l’infec- tion, 20; le 4fc jour, 20; le 8e jour, 10; le 3e jour après la défervescence, 10. Le virus de ce malade, par l’intermédiaire du chimpanzé 3, a été utilisé pour la plus grande partie de nos expé- riences. Malade 19. — K. b. S. b. IL, dix-huit ans, pénitencier du Djouggar. Entré à l’infir- merie le 18 mai au 4e jour de son infection. Le 22 mai (8e jour), état sévère, Temp., 38 degrés; pouls, 124; inocu- lation péritonéale de 5 centi- mètres cubes de sang au rhésus 4. Défervescence le 13e jour ( courbe 64). 42 6°. -/OLO‘ 41 / % ck ? 40 pm 39 /■ ■i 38 0 § — JO 37 36 J S Courbe 60. 138 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Pouvoir agglutinant sur le M. melitensis au 6e jour de l'infection, nul; le 8e jour, 10; le 5e jour après la défervescence, 10. Malade 24. — B. b. E.. trente ans, pénitencier du Djouggar. Entré à l'infir- merie le 29 mai au 3e jour d’une infection sévère. Le 2 juin 7e jour), temp., 40; pouls, 129; inoculation sous-cutanée d’un centimètre cube de sang RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 139 ail chimpanzé 4. Défervescence le 17e jour. Pouvoir agglutinant sur le M. meli tensis le 6e jour de l’infection 30, le jour de la défervescence 10 ( courbe 65). CoURtsE 64. Malade 31. — M. b. M., trente ans, trouvé avec deux autres malades dans un gourbi de la banlieue de Tunis, transféré à l’hôpital Sadiki (service du Dl* Broc). Le 26 juin, 12e jour environ de son infection, temp.,39); saignée de 100 centimètres cubes; ce sang est utilisé pour des expériences de filtrai ion sur les bonnets 48, 49, 50, 51. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR \ 40 Défervescence le 19e jour [courbe 66, ci-jointe). Pouvoir agglutinant sur le M. melitensis au 12e jour. 10. Malade 37. — S. b. A. O., dix-huit ans, entré à l’hôpital Sadiki le 11 juillet, transféré à la Rabta le 13. Ce jour, 10 à 12e d’une infection grave, inoculation péritonéale de sang au chimpanzé 3 et aux bonnets 20, 22, 44; le lendemain, inoculation péritonéale de sang au magot 5 et aux bonnets 37 et 57. Défer- vescence cinq jours plus tard. Une saignée a été pratiquée sur ce malade le 14e jour après la défervescence pour des expériences de sérothérapie [ bon- nets 53, 61 et 62; malade 58). L’infection a été très sévère, abcès de fixation, convalescence longue et difficile [courbe ci-jointe)- RECHERCHES EXPERIMENTALES SUR LE TYPHUS 441 Malade 38. — H. b. M. K., trente ans, entré à la Rabta le 16 août au 3* jour d'un typhus très grave. Le 17 août, temp., 39°8, inoculation péritonéale des bonnets 48 et 50. La courbe se maintient dix-huit jours en plateau, symptômes d’infection profonde. Une amélioration sensible se produit le 19e jour; le même jour se développe une parotidite double. L’état général semble s’amé- liorer quelques jours, mais le malade succombe du fait d’une complication purulente ( courbe 68, ci-jointe). Malade 54. — IL b. C. b. S., vingt-quatre ans, entre à la Rabta au 12e jour d'un typhus grave. Ce jour même (Temp., 39°, 8), inoculation péritonéale de son sang au bonnet 58 et d’un quart de centimètre cube de sérum filtré à l'un de nous. Abcès de fixation le 13 juillet, la fièvre dure encore (en plateau) sept jours ( courbe 69, ci-jointe). Une saignée a été pratiquée sur ce malade le 20e jour de la défervescence pour des essais de sérothérapie ( bonnets 53, 61 et 62 et malade 58). Courbe 69. IL — Observations résumées et courbes thermiques des malades dont le sérum A ÉTÉ UTILISÉ DANS LA CONVALESCENCE POUR DES ESSAIS DE SÉROTHÉRAPIE. Malades 37 et 54. — Observations et courbes données au paragraphe pré- cédent. 142 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Malade 50. — A. b. S., vingt-cinq ans, entré à l’hôpital Sadiki le 29 juin, transféré à la Rabta en pleine convalescence; l’infection semble avoir été d’intensité moyenne ( courbe 70, ci-jointe). Le 14 juillet (11e jour de la défer- vescence), saignée pour nos expériences de sérothérapie ( bonnets 57, 31, 50 et maqoi 4). Malade 51. — M. b. S., trente-cinq ans, entré à la Rabta le 4 juillet au 10e à 12'* jour d’une infection qui semble avoir été sévère, car le malade est dans un état comateux ( courbe 71, ci- j ointe). Courbe 70. Courbe 71. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 143 Le 14 juillet (9e jour de la défervescence), saignée pour nos expériences de sérothérapie ( bonnets 57, 31, 56 et magot 4); le 19 juillet (14e jour), seconde saignée dans le même but ( magot 6). Malade 52. — S. b. B., trente-cinq ans, entré à l'hôpital Sadiki le 5 juillet el à la Rabta le 9 juillet, jour de sa défervescence. L’infection semble avoir été chez ce malade d'intensité moyenne {courbe 72, ci-jointe). Le 19 juillet (11e jour de la défervescence), une saignée est pratiquée sur lui pour nos expériences de sérothérapie ( magot 6). Courre 72. Courbe 73. 144 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Malade 53. — M. b. S. E., quarante ans, entré à la Rabta le 5 juillet au 5e jour environ d’une infection grave (délire, agitation); défervescence le 8 juillet; otite suppurée dans la convalescence .( courbe 73, ci-jointe). Le 19 juillet (11e jour de la défervescence), saignée pour nos expériences de sérothérapie ( magot 6). , . Malade 56. — M. b. B., quarante-deux ans, entré à l’hôpital Sadiki, le 5 juillet, transféré à la Rabta le 9 juillet (jour de la défervescence). L’infection semble avoir été profonde ; à l’entrée, très mauvais état général, persistant long- temps après la chute de la température (torpeur, surdité, diminution de l’in- telligence); saignée le 5 août (27e jour de la défervescence), pour nos expé- riences de sérothérapie ( bonnets 53, 61, 62 et malade 58) ( courbe 74, ci-jointe). Malade 57. — A. b. R. b. A., vingt ans, entré à la Rabta, le 28 juillet, au 10° jour d’une infection qui parait avoir été relativement bénigne. Déferves- cence le 31 ( courbe 75, ci-jointe). 42 -40° -joLO y 1 41 U OLC te JT 7 T -1 40 "î 39 \ V-, il 1 38 Y 37 ! 4 1 | 36 y \ V ? Courbe 75, Saignée le 15 août (14e jour de la défervescence), pour nos expériences de sérothérapie ( malade 58). OBSERVATIONS SUR L’EMPLOI DES FILTRES DE COLLODION 145 OBSERVATIONS SUR L’EIYIPLOI DES FILTRES DE COLLODION par J. DUCLAUX et A. HAMELIN. Nous employons depuis plusieurs années les filtres de collo- dion pour l’étude des substances colloïdales, suivant lamélhode préconisée en premier lieu par Malfitano, et nous avons fait a ce sujet un certain nombre d’observations. » I. — Les filtres de collodion (ou plutôt de nitrocellulose) présentent f inconvénient de ne pouvoir être desséchés sans perdre leur perméabilité d'une façon complète et définitive. De plus, ils ne peuvent pas être commodément stérilisés par Ja chaleur : chauffés à 100 degrés, même au contact de l'eau, ils se contractent et durcissent de telle sorte que leur capacité diminue et que leur pouvoir filtrant est fortement réduit. Nous avons cherché si l’on pouvait éviter ces inconvénients en employant des manchons de cellulose, préparés en partant d’une solution de cellulose dans la liqueur de Schvveitzer, par un procédé identique à celui qui permet d'obtenir les filtres de nitrocellulose. Mais, quoique nous ayons pu effectivement obtenir de cette manière des filtres fonctionnant bien, pouvant être desséchés et stérilisés sans perdre leurs propriétés, la réussite en a toujours été difficile et nous ne sommes pas arrivés à obtenir de bons résultats d’une façon constante. Nous avons trouvé beaucoup plus simple de partir de man- chons de nitrocellulose et de les dénitrer en copiant exacte- ment l’opération correspondante dans l’industrie de la soie artificielle de Chardonnet. Le dénitrant qui nous a donné les meilleurs résultats est le sulfhydrate d’ammoniaque du com- merce ; étendu de quatre volumes d’eau et chauffé vers 40 degrés, il dénitre parfaitement les filtres en une demi-heure environ. L’opération se fait très simplement : on remplit le manchon filtrant d’une solution tiède de sulfhydrate et on le plonge dans la même solution, de telle sorte que la déuitration se fasse simultanément sur les deux faces. Quand elle est 10 146 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR achevée, on rince le fil 1 re avec de l’eau ammoniacale (pour empêcher le dépôt de soufre qui pourrait se produire par oxydation), puis avec de l’eau distillée. La perméabilité du filtre est peu changée par cette opération : en général, elle est réduite de 10 à 20 p. 100, c'est-à-dire que le diamètre des pores est très légèrement diminué. Pratique- ment, les qualités du manchon dénitré sont celles du manchon initial : si celui-ci avait des pores de grande dimension et filtrait vite, il en sera encore de même après dénitration; si, au con- traire, le filtre était très dur et propre à retenir les plus fines particules, il les retiendra encore. Il est donc facile d'obtenir un filtre de cellulose ayant des propriétés voulues à l'avance, comme on sait le faire pour les filtres de collodion. Les filt res dénitrés peuvent être placés dans l’eau bouillante sans être aucunement modifiés. Ils ne changent pas de volume et leur perméabilité n'est pas changée, même après une demi- heure d’ébullition. Ils se prêtent donc facilement à la stérilisa- tion par la chaleur humide. Ils peuvent être desséchés un nombre quelconque de fois, et redeviennent instantanément perméables au contact de l’eau, à l’inverse de ce qui se produit pour les filtres de collodion. Cependant, ils durcissent notablement à la suite de la première dessiccation : les pores deviennent plus fins, et la vitesse de filtration est d’autant plus diminuée qu’elle était plus grande. Le volume d'eau qu’ils laissent passer, dans un temps donné et sous une pression donnée, peut tomber après dessiccation à 1/7 de ce qu'il était pour un filtre très mou et à 1 /2 pour un filtre dur. On peut leur rendre, du moins en partie, leur per- méabilité première en les traitant pendant une heure par une solution d’ammoniaque à 10 p. 100, chauffée vers 00 degrés; mais ce traitement a l’inconvénient de diminuer assez notable- ment leur résistance. Le resserrement des pores par dessiccation, qui est nuisible si l'on se propose de filtrer de grands volumes de liquide, est avantageux au contraire si on emploie les manchons dénitrés pour la dialyse. En effet, une membrane dialysante doit être* d’un tissu serré, pour ne pas laisser passer les substances complexes qu elle sert à purifier; en même temps, elle doit être aussi mince que possible, pour que les impuretés s’échappent i OBSERVATIONS SUR L’EMPLOI DES FILTRES DE COLLODION 147 rapidement. Il est assez difficile de satisfaire à ces deux condi- tions, si l’on emploie des manchons de collodion non dénitré: car on ne peut les obtenir à pores ti ’ès fins qu en partant de collodions très concentrés (5 à 8 p. 100) donc très visqueux, qui ne se prêtent pas à la fabrication de manchons très minces. La dénitration permet de résoudre le problème, et pour obtenir des manchons dialysants, voici quelle est la meilleure marche à suivre : On part d’un collodion à 4-5 p. 100, dont on fait un manchon très mince, sur un moule en verre, d'après le procédé clas- sique de Borrel-Malfitano : on monte ce manchon sur un tube de verre, on le laisse se dessécher complètement en main- tenant à l’intérieur une faible pression d’air, pour éviter autant que possible la déformation ; puis on le dénitre. Les manchons dialysants ainsi préparés ont une épaisseur très faible ; je l’ai trouvée, par exemple, dans un cas, de 0,014 millimètres sur un manchon sec ; dans un autre, de 0,010 millimètres (sec) ou 0.030 millimètres (mouillé). Les membranes ordinaires sont beaucoup plus épaisses. Papier sulfurisé (papier à beurre) ser 0,045 Papier parchemin 0,11 Viscose 0.07 La différence, on le voit est considérable. Aussi les man- chons dénitrés se prêtent à des dialyses très rapides, ainsi qu’il résulte des expériences suivantes: A. — 5 centimètres cubes de solution saturée de NaCl ont été dialysés dans un manchon de 14 millimètres de diamètre et 60 millimètres de longueur : après cinq heures, la quantité de sel à l’intérieur du manchon était rédui te à \ /500. B ^ — 12 centimètres cubes d’une solution de lactose (sub- stance qui diffuse très lentement) ont été dialysés sur le même manchon pendant vingt-quatre heures ; après ce temps, il ne restait que 1/50 du lactose. Les manchons dénitrés peuvent servir aux filtrations et dialyses de solutions dans l’alcool, l’éther, l’acétone ; ils résistent indéfiniment à l’action de ces dissolvants, pris séparé- ment ou ensemble. Ils résistent même à une solution anrnio- 148 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR niacale d'oxyde de cuivre (dissolvant de la cellulose), pourvu qu’elle ne soit pas trop concentrée. Leur emploi est donc nota- blement plus étendu que celui des filtres de nitrocellulose. Nous décrirons en autre lieu leur emploi en analyse quantita- tive, comme succédanés des filtres en papier. II. — La filtration sur collodion peut être considérée comme une opération rapide, si les particules à retenir sont assez grosses pour être arrêtées par les collodions les plus mous (à 2 p. 100 de nitrocellulose, par exemple). Avec l’appareil si simple de Malfitano, composé seulement d'un manchon de collodion ficelé au bout d’un tube de verre, on arrive très faci- lement h iiltrer 500 centimètres cubes dans une heure, tout en retenant toutes les particules assez grosses pour troubler ou louchir le liquide. Le maniement (et notamment le montage) de ces filtres très mous est un peu délicat à cause de leur fra- gilité. Nous avons donc cherché un moyen d'augmenter le déhit des filtres après montage, et nous avons reconnu qu’il suffisait pour cela de les laisser tremper pendant une heure dans de l’alcool à 95 degrés. Le débit est souvent doublé, et l’effet n’est, pas dû à la présence de l'alcool, car il subsiste après que tout celui-ci est éliminé. Pour les filtres dénitrés, sur lesquels l’alcool est sans action, nous avons indiqué plus haut qu’on pourrait le remplacer par l’ammoniaque. III. — Les manchons préparés de manière à retenir les par- ticules les plus fines (de 0,002 u, par exemple) ont l’inconvé- nient de iiltrer très lentement, en raison justement de la peti- tesse de leurs pores. On accélère d’ordinaire la filtration en exerçant sur le liquide une pression au moyen d’air comprimé; mais il est difficile de préparer des filtres supportant par eux- mêmes plus de 1 à 1,5 atmosphère, à moins qu’ils ne soient de très petit diamètre, et on ne peut les soutenir extérieurement sans compliquer notablement l’appareil (Bechhold). Nous avons pensé qu’on pourrait arriver au même résultat, sans aucun danger pour le manchon, en remplaçant la pression hydrostatique par une pression toute différente, de nature osmotique. En effet, si on plonge le manchon dans la solution d’un corps qui ne puisse pas le traverser, solution dont la OBSERVATIONS SLR L'EMPLOI DES FILTRES DE COLLODION 149 pression osmotique soit P, on aura exactement, au point de vue de la filtration, le même résultat que si on exerçait sur I intérieur du manchon une pression égale à P; mais le manchon ne supportera en réali lé aucun effort et ne courra aucun risque de se rompre, ce qui permettra de le faire beau- coup plus mince. Il n’y a pas, malheureusement, beaucoup de substances qui présentent à la fois les deux qualités nécessaires : pression osmotique notable et grosses molécules incapables de traverser les filtres. Cependant, nous avons obtenu de très bons résul- tats avec le rouge Congo, matière colorante d’un emploi très courant. L’expérience a été faite de la manière suivante : un filtre très dur, plongé jusqu’à une certaine hauteur dans l’eau distillée, filtrait 10 centimètres cubes d'eau en 220 minutes. Immergé, jusqu’à la même hauteur, dans une solution de rouge Congo à 0,4 p. 100, il filtrait le même volume d’eau en 60 minutes et, dans une solution à 1,3 p. 100, en 36 minutes, c’est-à-dire sept fois plus vite que dans les conditions initiales. II y a donc là un moyen simple d'accélérer très notablement les filtrations. Le rouge Congo doit être préalablement dialysé pour le priver des sels qu’il contient (sulfate de soude) ainsi que d'une matière colorante rouge dont il renferme une très faible quan- tité, et qui traverse les filtres les plus fins. Lorsqu'il est purifié, aucune trace de rouge ne traverse le filtre du dehors au dedans et ne vient se mélanger au contenu de ce filtre, quelle que soit la concentration extérieure ; ce contenu reste donc inalléré. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 150 LES FACTEURS DE TOXICITÉ DES BACTÉRIES PREMIER MÉMOIRE ÉTUDE DES BACILLES DIPHTÉRIQUES par M. NICOLLE et G. LOISEAü. On peut isoler, des organismes malades , trois groupes de bacilles offrant, pour le reste, les caractères essentiels du microbe de Loffler. Le premier groupe comprend les individus susceptibles de fournir plus ou moins de « toxine soluble » dans les liquides de culture. Ils sont toxiques par eux-mêmes, car, introduits sous la peau des cobayes, ils les tuent, à dose suffisante, et, en tout cas, déterminent la production d’une eschare sèche. — Le second groupe comprend les bacilles inca- pables de fournir du poison dans les liquides, mais toxiques par eux-mêmes (à un degré d’ailleurs variable) et de façon identique aux précédents. — Le troisième groupe, enfin, com- prend les individus qui ne fournissent aucune toxine dans les liquides et qui, introduits sous la peau, ne provoquent ni la mort des animaux, ni i’escharification locale (nous verrons que leur nocuité se manifeste autrement : par la formation d’un bourbillon hypodermique). — Ces trois groupes de bacilles peuvent vivre également chez les sujets sains. En possession de germes issus de l’une ou l’autre prove- nance, nous avons voulu nous rendre compte très exactement des « facteurs de toxicité » du bacille diphtérique — soit résoudre les deux questions suivantes : 1° Le poison des bacilles est-il identique à celui des filtrats (bien caractérisé par ses effets sur les animaux et sa neutrali- sation à l’aide du sérum antidiphérique)? 2° Quel est le degré et le mode de toxicité du bacille lui- même, c’est-à-dire de sa substance propre (que nous appelle- rons, dorénavant, substance fondamentale )? Pour aborder ce double problème, nous nous sommes adressés au « matériel biologique » que voici : 1° « Toxine soluble ». — Il s’agit d’un ancien filtrat du « bacille américain n° 8 », conservé depuis plusieurs années, LES FACTEURS DE TOXICITÉ DES BACTÉRIES Toi dans mie cave (température constante), entre toluène et chlo- roforme. Son activité n'a point varié sensiblement au cours de nos recherches (deux ans et demi). 2° Bacilles atoxiques. — Nous en avons étudié, comparati- vement, plusieurs échantillons, qui se sont montrés identiques à tous égards. L’un d’eux, « Brienne B » (du nom de la ville habitée par le malade chez lequel le D1' Louis Martin l’a isolé), sera pris comme type de description. 3° Bacilles très toxiques. — Nous possédons quelques germes de cette catégorie, absolument équivalents quant à leur no- cuité. Le bacille américain n° 8, dont le poison est utilisé, chez nous, pour l'obtention du sérum antidiphtérique, sera pris comme type de description. 4° Bacilles de toxicité variée. — Nous ne les décrirons point individuellement, cela va sans dire. 5° Sérum « médicinal ». — C’est le sérum de V Institut Pas- teur, préparé en injectant aux chevaux de grandes masses de filtrats très actifs du bacille américain n° 8. L’échantillon qui nous a servi pendant toutes nos recherches titrait 800 unités. Mentionnons encore que nos bacilles, toxiques ou non, ont toujours été cultivés pendant quarante-huit heures, à 37 degrés, en boîtes de Pinoy, sur gélose à la pomme de terre (voir la formule de celle-ci dans le travail de l’un de nous : Morve expé- rimentale du cobaye — ces Annales , 1906). Les échantillons toxiques ont conservé intégralement leur activité depuis deux ans et demi. — Ajoutons que les germes, issus de « por- teurs sains », nous ont été aimablement offerts par MM. les Drs Cal boire et Henry, qui les avaient isolés au cours de recherches épidémiologiques des plus intéressantes. Nous sommes heureux de pouvoir remercier ici nos deux collègues. Comme animaux d' expérience, nous avons employé des cobayes mâles, de 500-600 grammes, soigneusement choisis, conservés au laboratoire et examinés chaque jour. Tous les cas d’infection surajoutée ont été l’objet d'une étude serrée, pour- suivie avec le concours de MYL Truche et Grenier, dont nous ne saurions trop louer l’obligeance. Comme voies d administration de la toxine et des bacilles, nous avons donné la préférence aux deux extrêmes, voie sous- cutanée et voie intra-veineuse ; les seules, d’ailleurs, qui per- 152 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR mettent d injecter exactement la quantité voulue et de l injecter exactement où l’on veut. Notre mémoire se divise donc, ipso facto , en deux parties : étude des injections sous-cutanées et étude des injections intraveineuses. Avant d’aborder le détail des expériences, quelques considé- rations théoriques nous paraissent indispensables. Dans son travail sur les anticorps, l'un de nous (avec Abt et Pozerski) a divisé les antigènes en deux groupes : toxines (et enzymes) d’une part, albu- minoïdes (humeurs ou cellules) de l’autre. Il a admis que tout antigène peut engendrer deux sortes d 'anticorps opposés, coagulines (agents essentiels de l’immunité) et lysines (agents essentiels de l’hypersensibilité) et que, d une façon habituelle, une forte proportion d’antigène engendre surtout des coa- gulines et une proportion modérée des lysines. La to.iine diphtérique peut donc donner naissance à une lysine, notamment chez les animaux devenus hypersensibles (Nicolle et Pozerski, Armand- Delille) et à une coaguline (antitoxine). Le sérum « médicinal »>, obtenu en injec- tant aux chevaux de grandes masses de filtrats très actifs, doit être, par conséquent (et est réellement), peu ou pas lytique (nous n’y insisterons point ici) et fort coagulant (fait de connaissance banale) vis-à-vis de la toxine diph- térique. Aussi sera-t-il pour nous le réactif de cette toxine. La substance fondamentale du microbe de Loffler peut engendrer, elle aussi, une lysine (des albuminoïdes figurés — bacilles — ou des albuminoïdes non figurés — extraits bacillaires), et une coaguline (agglutinine des bacilles ou précipitine des extraits, seul et. même anticorps). Le sérum « médicinal », obtenu en injectant, somme toute, de faibles quantités d’albuminoïdes micro- biens, doit être, par conséquent (et est réellement), peu ou pas coagulant (fait de connaissance banale) et très lytique (nous le démontrerons plus loin) vis-à-vis de la substance fondamentale du bacille diphtérique. Aussi sera-t-il, pour nous, le réactif de cette substance in vivo (expériences d’hypersen- sibilité passive). ÉTUDE DES INJECTIONS SOUS-CUTANÉES Toxine soluble. Nous avons administré des quantités régulièrement décrois- santes, échelonnées entre 1 centimètre cube et 0,001 centi- mètre cube (voire même inférieures à cette dernière dose). Les lésions locales observées appartiennent à un type bien défini : Yeschare sèche , que nous appellerons, conventionnellement, le type A. Au-dessus de 0,02 centimètre cube (environ), la mort vient interrompre le cours des accidents locaux; d'autant, plus vite, naturellement, qu’on se rapproche davantage de 1 centimètre cube. LES FACTEURS DE TOXICITÉ DES BACTÉRIES 153 Evolution locale des lésions. — Faisant, pour le moment, abstraction de cetle éventualité et négligeant les différences quantitatives (un peu qualitatives aussi, au voisinage des limites), qui se relient à la question des doses, nous distingue- rons trois périodes dans l’histoire symptomatologique locale : période d'augment (œdème sous-cutané, avec macéra- tion légère de l’épiderme, puis mortification progressive) ; pé- riode d'état (eschare constituée) et période de réparation (chute de l’eschare et cicatrisation de l’ulcus qui lui succède). Période d'augment. — Le lendemain de l’injection, on observe, loco lœso, une tuméfaction molle et généralement allongée, avec pâleur correspondante de la peau. Les couches superfi- cielles de l’épiderme se détachent par le frottement, et la sur- face qu’ elles recouvraient apparaît toujours nettement humide. Parfois, une tache violacée, plus ou moins étendue, signale de suite le point maximum des lésions tégumentaires. Le surlen- demain, l’œdème a augmenté et des croutelles ambrées rempla- cent l’exsudation de la veille, totalement ou en majeure partie. Après trois jours, l’empâtement demeure stationnaire, mais devient plus rénitent. Il est recouvert d'une croûte continue, élastique, arrondie ou ovalaire, de couleur gomme-gutte, qui peut être encore débordée par l'humidité épidermique. Période d'état. — Vers le 5e jour, la tuméfaction locale se réduit notablement, en s’indurant. Elle ne forme, assez souvent, qu’un simple disque à bords étroits, enchâssant l’eschare. Celle-ci sèche, dure, assez mince, de surface irrégulière, offre une teinte d’abord brun foncé, puis franchement noire. Sa périphérie demeure quelquefois à l’état de croûte foliacée (as- pect en cocarde). Période de réparation. — Vers le #e — 9e jour, l’empâtement s’est résorbé complètement (ou presque). L’eschare tombe, dans la règle, du IP au 1 T jour, laissant à sa place un ulcus atone, couleur maigre de jambon, bientôt recouvert d’une fine croù- telle ; la réparation ne progresse que lentement. Lorsque la chute de l’eschare reste plus tardive, la cicatrisation s’opère suivant le type sous-crustacé. Les bords de la partie mortifiée disparaissent alors lentement par usure, en même temps que les tissus se régénèrent et, au moment de l’exfoliai ion, on ne rencontre qu’une perte de substance superficielle, vite comblée. 154 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Marche des accidents, suivant les doses administrées. — Nous envisagerons maintenant, successivement, le cas des doses non mortelles et celui des doses mortelles. La limite qui les sépare correspond, assez exactement, à l’intervalle 0,02-0,03 centi- mètre cube; on note de temps en temps, bien entendu, des empiètements dans un sens ou dans l’autre, mais cette péné- tration éventuelle ne va jamais très loin. Doses non mortelles (0.02 à 0,001 c. c.). — De 0.03 à 0,005 centimètre cube , les lésions locales, absolument conformes au type qui vient d’être décrit, diminuent assez régulièrement d’étendue. L’eschare descend de la surface d’une pièce de 5 francs à celle d’une pièce de 2 francs et l’empâtement sous- cutané varie parallèlement. Les animaux maigrissent pendant les dix à douze premiers jours, puis reviennent au poids initial. Vers 0,02 centimètre cube, apparaissent quelquefois des para- lysies et, dans les « cas de passage », la mort par cachexie a même pu être observée. De 0,004 à 0,001 centimètre cube, l'eschare conserve l’étendue (moyenne) d’une pièce de 2 francs, mais se montre moins épaisse; l’induration sous-cutanée reste aussi moins accusée. Les cobayes maigrissent peu et seulement durant les quatre ou cinq premiers jours. Au-dessous de 0,001 centimètre cube , les lésions locales sont encore plus réduites, surtout en profondeur; leur description n'offrirait aucun intérêt. Doses mortelles (de 0,03 à 1 centimètre cube). — De 0,03 à 0,1 centimètre cube , l’œdème local devient énorme ; quarante- huit heures après l’injection, il occupe toute la paroi thoraco- abdominale. Cependant, la croûte qui représente le début de l'eschare ne dépasse jamais, comme dimensions, celles qu’on observe avec 0,02 centimètre cube. La mort survient en sept à cinq jours, rarement plus (« cas de passage »). De 0,3 à 1 centimètre cube, l’œdème diminue au contraire progressi- vement, ainsi que la zone humide épidermique. Les animaux succombent après trois à un jour. Infections surajoutées. — Toute intoxication favorise le déve- loppement d’infections générales et d’infections locales (le cas échéant). L'un de nous a déjà très souvent insisté sur ce point; il a également montré qu’en dehors des épidémies de pseudo- tuberculose on n’avait guère affaire, chez le cobaye, qu'aux ef- fets de la pasteur ella et du pseudo-pneumocoque , isolés ou LES FACTEURS DE TOXICITÉ DES BACTÉRIES 155 associés. Nous avons observé de plus, dans nos recherches, qu il existe des périodes à pasteurella, des périodes à pseudo- pneumocoque et des périodes à infection double. Les infections générales , rapidement mortelles, se mani- festent soit par des septicémies , soit par des épanchements des séreuses (intéressant volontiers à la fois le péricarde, les plèvres elle péritoine); on y trouve, séparément ou conjointement, les deux bactéries citées plus haut. Les infections locales peuvent se diviser en rapide et tardive. Infection rapide. — Due à la pasteurella. Lors des premiers jours qui suivent l’injection de la toxine, on voit brusquement 1 œdème augmenter de volume ; sa consistance demeure molle. La ponction donne issue à un liquide rougeâtre ou même à du sang pur. Les animaux succombent le plus souvent (à l'autopsie : exsudai hypodermique jaunâtre, ferme et élastique) ; sinon, la guérison traîne en longueur. Infection tardive. — Due soit à la pasteurella, soit au pseudo- pneumocoque, soit auxdeux. La base de l’eschare ou de la perte de substance qui lui succède s’empâtent notablement. Le fond de l’ulcus est bientôt tapissé d’un exsudât jaune et, à la pression, quelques gouttes de pus sortent de son angle inférieur. Le pro- nostic demeure bénin, mais la cicatrisation se trouve retardée. Bacille atoxique I Briexxe IL — vivant Les cobayes ont reçu des quantités décroissantes de germes vivants (émulsionnés dans l'eau physiologique), quantités s'étendant de 20 centigrammes à 1 centigramme (et moins). Les lésions locales obtenues se résument en la formation d’un bourbillon sous-cutané, qui se résorbe ou s'élimine selon les cas. Nous désignerons ce type clinique sous le nom de type D. Les phénomènes généraux font toujours défaut (même avec r 20 centigrammes), ce qui démontre péremptoirement le carac- tère atoxique (au sens « toxine soluble ») du microbe étudié. Evolution locale des lésions. — Résumant par conséquent toute la symptomatologie, elle peut être divisée en trois périodes : période d'augment (empâtement sous-cutané, de consistance croissante), période cT état (empâtement dur, bour- billon constitué), et période terminale (résorption ou élimina- ISO ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUK tion du bourbillon). Nous négligerons d’abord, comme nous l’avons fait pour la toxine, les différences quantitatives et qua- litatives (ces dernières très secondaires), liées à la question des doses. Période d'augmeni. — Le lendemain de l'injection, on note, localement, la présence d’une tuméfaction rénitente, d’ordi- naire allongée, avec pâleur correspondante de la peau. Le sur- lendemain, l’empâtement est devenu plus ferme et commence à rétrocéder. Période d'état. — Vers le 3a jour, la diminution de volume, très appréciable, coïncide avec le maximum d’induration (si on sacrifie l’animal, on se convainc aisément que l’exudat sous- cutané est déjà totalement nécrosé). Période terminale . — Lorsque les lésions évoluent vers la résorption , la consistance de la tumeur se modifie à partir du 5e jour (environ); elle devient élastique, voire fluctuante et diminue progressivement : tout est terminé avant la fin du deuxième septénaire. Lorsque les lésions évoluent vers V élimina- tion, la fluctuation augmente de plus en plus, la peau s’amin- cit, rougit ou non, puis noircit en un point limité (comme si on l’avait brûlée au thermocautère) et cède. Il sort une ou deux gouttes de pus séreux et l’on aperçoit le bourbillon, jaune clair et sec, que la pression évacue aisément. La cavité, demeurée libre, est tapissée d’un exsudât puriforme peu épais. Elle ne tarde pas à se combler, l’orifice cutané s’efface rapidement et la guérison ne demande pas plus de quinze jours. Marche des accidents, suivant les doses administrées. — Le type clinique précédent correspond exactement aux effets produits par 5 à 20 centigrammes de bacilles. Suivant la quantité de germes injectés, l’étendue de l’empâtement initial va de 3 cen- timètres (longueur) sur 1 centimètre (largeur) à 5 centimètres sur 2 centimètres et le volume de la tumeur constituée (période d’état) d’une aveline à une petite noix. Avec des doses décrois- santes, de 4 à 1 centigramme , les lésions diminuent régulière- ment d’importance et évoluent plus rapidement ; l’évacuation du bourbillon n’a jamais lieu. Avec 5 milligrammes , on observe un simple œdème transitoire Infections surajoutées. — Purement locales, mais par contre très fréquentes. D’origine endogène, selon nous (comme cela v LES FACTEURS DE TOXICITÉ DES BACTÉRIES 157 doit être aussi le cas pour la plupart, au moins, des infections succédant à l’injection de toxine — voir plus haut), elles sont dues, ici encore, aux deux agents habituels : pasteurella et pseudo-pneumocoque (rarement au staphylocoque). On les observe seulement parmi les cas où le bourbillon s’élimine. Peut-on supposer qu’elles augmentent la proportion de ces cas? Il est permis de le penser, car, si les bourbillons infectés cons- tituent la majorité quand la fluctuation est déjà avancée, ils demeurent, par contre, le petit nombre au début du processus de ramollissement. L’évolution est d'ailleurs absolument la même , soit qu’il n’existe de germes ni au microscope ni à la culture, soit qu’il n’en apparaisse qu’à la culture, soit enfin qu’on en voie déjà un plus ou moins grand nombre lors de l’examen microscopique. Le seul indice qui puisse faire penser à l’infection, c’est l’émulsion de plus en plus marquée du bour- billon dans le pus, lorsque croît le nombre de microbes. Le pronostic n’est donc nullement influencé par le développement local de la pasteurella ou du pseudo-pneumocoque et c’est là un phénomène réellement curieux, sur lequel il a paru nécessaire d’insister quelque peu. Bacille très toxique (américain n° 8) — vivant. Nous avons adminislré des quantités régulièrement décrois- santes de germes vivants , allant de 10 centigrammes à 0,1 cen- tigramme (et moins). Au-dessus de 0,5 centigramme (environ), les animaux périssent rapidement; au-dessous, ils résistent presque toujours et offrent des lésions d 1 eschare sèche. Ces lésions ne sont guère discernables de celles qu’on observe après injec- tion de toxine (type A), et il n’y a là rien qui doive nous sur- prendre puisque, dans les cas où la dose de substance micro- bienne introduite suffirait à produire un bourbillon, la mort en précède toujours l’apparition. (Notons, cependant, qu’entre 0,5 centigramme et 1 centigramme, la réaction locale forme passage avec le début du type B — voir plus loin.) Doses non 7nor telles. — De 0,4 à 0,1 centigramme , les lésions tégumentaires correspondent assez exactement à celles que déterminent les volumes de 0,02 à 0,005 centimètre cube de toxine; de même, pour les phénomènes généraux. Au-dessous 158 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR de 0,1 centigramme , la mortification locale diminue vite d’éten- due et surtout d’épaisseur; corrélativement, la santé des cobayes se montre de moins en moins touchée. Doses mortelles . — De 0.5 à 1 centigramme , la mort survient en trois jours et demi à un jour et demi; de 3 à 10 centi- grammes, en un jour et demi à moins de vingt-quatre heures. Bacilles de toxicité variée — vivants. À mesure que le pouvoir toxique diminue, il faut élever pro- portionnellement les doses pour amener la mort des animaux; jusqu’à ce que l’on arrive, en lin de compte, à des bacilles incapables de tuer le cobaye, même sous la masse de 10 centi- grammes (et plus). L’ascension progressive de la dose mortelle (c’est-à-dire du poids de microbes injecté) se traduit, localement , par l'appari- tion, puis l’intensité croissante de la lésion-bourbillon, qui l’em- porte, de plus en plus, sur la lésion-eschare . On réalise donc une gamme complète d’altérations tégumentaires, allant du type A au type D. Nous ne choisirons, dans cette série con- tinue, que deux termes intermédiaires : le type B, ou type à eschare prédominante (équidistant de A et de G) et le type C, ou type à bourbillon prédominant (équidistant de B et de D). Nous laisserons de côté ce qui concerne le volume des lésions, dans ses rapports avec la quantité de germes administrée, ainsi que ce qui a trait aux infections surajoutées ; tout cela est faci- lement imaginable. Type B (eschare prédominante). — L’intérêt de sa description consiste dans la comparaison avec le type A; voici les diffé- rences observées. A la période d' augment , rien de bien net. A la période d’état , l’eschare, plus épaisse, est entourée d’un disque plus large et plus saillant. A la troisième période, les parties mortifiées se détachent plus vite; on voit alors appa- raître un sillon à fond jaunâtre. Si on soulève l’eschare, on trouve sa face inférieure tapissée par la majeure partie du bourbillon, qui lui adhère intimement. L'ulcus sous-jacent, grisâtre et semé de points saignants, est bordé d'une couronne nécrotique citrine, représentant le reliquat du bourbillon et prolongée dans le disque qui circonscrivait l’eschare. Celle-ci LES FACTEURS DE TOXICITÉ DES BACTÉRIES U59 tombée, la couronne bourbillonneuse s'élimine rapidement ; l’ulcus bourgeonne très vite et la cicatrisation ne tarde pas à s’opérer. Type C (bourbillon prédominant). — Voici les particularités qui le séparent du type D. .4 la période d'augment , une croûte peu étendue, précédée d'une humidité légère de l’épiderme, com- plique l’empâtement initial. A la période d'état , l’eschare con- sécutive, de dimensions modérées, surmonte l’induration limitée due au bourbillon. A la période terminale , tout dépend princi- palement de la profondeur des parties mortifiées. Si l’épais- seur de l’eschare n’est pas trop grande, celle-ci se détache vite, laissant à sa place une érosion saignante qui guérit bientôt; dans le cas contraire, la chute de l’eschare détermine la forma- tion d’un ulcus véritable et le bourbillon, mis à nu, s’évacue forcément au dehors. Toutefois, il peut arriver qu’après cicatri- sation de l’érosion consécutive à une eschare mince, le nodule sous-cutané se ramollisse progressivement et se vide comme dans le type D. Action du sérum « médicinal » sur la toxine et les bacilles. . . : r v Y ' Nous diviserons nos expériences en deux groupes, suivant que le sérum a été administré séparément (mais en même temps) ou par mélange. Sérum a distance dans les musclés gastrocnémienst Action sur la toxine. — Tandis qu’il suffit d injecter 0,0 1 centimètre cube de sérum pour prévenir la mort des cobayes qui ont reçu 1 centimètre cube de toxine, il faut monter jusqu’à 1 centimètre cube de sérum pour prévenir les effets locaux de 0,1 centimètre cube de toxine. Le sérum se montre donc bien moins actif vis-à-vis du f acteur-escharification que vis-à-vis du facteur-intoxication générale. On peut, du reste, s'en con- vaincre d’une autre façon. Si l’on emploie de fortes doses de toxine (1 centim. cube) et des quantités de sérum ne dépassant guère celles qui empêchent la mort à coup sûr (0,01 centim. cube), les animaux offrent des eschares énormes , inconnues avec 160 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR les doses subléthales de poison chez les sujets neufs (et sources fréquentes d 'infections surajoutées). Action sur les bacilles atoxiques. — Elle demeure, absolu- ment nulle. Action sur les bacilles très toxiques. — Tandis que 0,01 cen- timètre cube de sérum permet la survie des cobayes qui ont reçu 8 centigrammes de microbes, on est obligé d’administrer 1 cen- timètre cube de sérum pour éviter l’ escharification avec cette même dose de germes. Tout se passe, alors, comme si l’on avait introduit, sous la peau, 8 centigrammes de Brienne B. Ouand on injecte, en même temps qu’un centimètre cube de sérum, des quantités de bacilles dépassant progressivement 8 centigrammes, on voit reparaître les effets de la toxine non neutralisée : types C, puis B, puis A. Ici encore, le sérum se révèle donc bien moins actif sur la lésion locale que sur l’empoisonnement de l'organisme. Ici encore, les cobayes qui ont reçu de fortes doses de germes et des quantités limitées de sérum montrent des eschares très étendues. (Il serait superflu d’étudier l'action du sérum sur les bacilles de toxicité variée ; on se représente aisément comment elle se traduit. ) MU S;\ ’ . , f ■ , •• • % j " ' J Sérum par mélange. (Une demi-heure de contact.) Action sur la toxine. — On retrouve toujours la différence entre le pouvoir antitoxique quoad mortem et quoad læsionem ; inutile d’y insister. — Le chauffage de la toxine détermine, d’ailleurs, les mêmes effets que le sérum (ce qui n’a rien d étonnant, si l'on considère, avec nous, l’antitoxine comme une coaguline); ainsi, 3 centimètres cubes de poison, portés o minutes à 100 degrés, tuent régulièrement le cobaye; 2 cen- timètres cubes n’amènent point constamment la mort et, chez les survivants, engendrent des eschares énormes. Action sur les bacilles atoxiques. — Le sérum , mélangé à ces bacilles, a toujours pour effet d exagérer les lésions locales , principalement au début ; d’où une fréquence plus grande des infections surajoutées. LES FACTEURS DE TOXICITÉ DES BACTÉRIES 161 Action sur les bacilles très toxiques. — 1 centimètre cube de sérum , mêlé avec 1 à 8 centigrammes du bacille américain, empêche la mort des sujets c/, de plus, neutralise complètement les effets escharifiants ; mais il exagère la tuméfaction sous- cutanée. Tout se passe, alors, comme si on avait injecté 1 centi- mètre cube de sérum, mêlé avec 1 à 8 centigrammes de bacille atoxique (Brienne B). Le chauffage des bacilles toxiques (5 minutes à 100 degrés) les rend, lui aussi, absolument inof- fensifs, en ce qui concerne les effets de la toxine (survie et absence d’escharification), mais, contrairement au sérum, il n’aggrave point la lésion hypodermique. L'étude des injections sous-cutanées du poison diphtérique et des bacilles (toxiques ou non), soit seuls, soit combinés avec le sérum (introduit par mélange ou à distance), répond déjà , dans une large mesure, aux deux questions posées en débutant. L’identité de la toxine des microbes et de celle des filtrats ne saurait être contestée. Quant à la substance fondamentale , nous connaissons maintenant ses effets locaux, absolument les mêmes lorsqu’on s’adresse aux germes atoxiques et lorsqu’on opère avec les germes toxiques neutralisés (pour leur facteur « toxine ».) par le sérum « médicinal » introduit ci distance. Ces effets locaux, le sérum les exalte constamment, en vertu de son pouvoir albuminolytique, quand on le mélange aux bacilles (toxiques ou non) (1). L’histoire des injections intravei- neuses va nous révéler les effets généraux de la substance fon- damentale chez l’animal neuf et leur exagération chez le sujet hypersensible. ÉTUDE DES INJECTIONS INTRAVEINEUSES Toxine soluble. Nous avons administré des doses croissantes, allant de 0,01 centimètre cube (et au-dessous) à 10 centimètres cubes. 11 faut dépasser 0,01 centimètre cube pour tuer régulièrement les animaux; la survie se montre d’autant plus courte que l’on injecte plus de toxine, mais il existe une durée minima cfincu- (1) Rien de tel, quand on remplace le sérum « médicinal » par du sérum équin normal. 11 .162 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR bation qui ne saurait être abrég environ. ée et qui répond à huit heures Bacille atoxique (Brienne B) — vivant. Les cobayes en supportent jusqu’à 15 centigrammes, sans aucun accident immédiat ni tardif (on note, éventuellement, une légère émaciation transitoire). Avec 20 centigrammes, la mort survient, soit dans la nuit, soit après un jour (rarement davantage); 25 centigrammes tuent constamment dans la nuit, et 35 centigrammes en quelques heures. Les symptômes et lésions sonl les mêmes que chez les sujets hypersensibles (voir plus loin); toutefois, on ne réalise ici que le type, lent et encore au prix de doses élevées. Bacille très toxique (Américain n° 8) — vivant. 10 à 15 centigrammes ne déterminent jamais d’accidents immédiats, mais la mort arrive toujours dans la nuit, par l’effet de la toxine. Avec 20 centigrammes, on obtient le type lent, qui s’aggrave de l’empoisonnement diphtérique après incubation habituelle. Il faut atteindre 35 centigrammes pour tuer en quelques heures et 40 à 50 centigrammes pour produire le type rapide (et non le type brutal — voir plus loin). Bacilles de toxicité variée — vivants. Mêmes doses « forcées », si l’on veut que les sujets suc- combent en quelques heures. D’ailleurs, l’empoisonnement surajouté (toxine) fait que les accidents évoluent plus ou moins vite selon la dose et l’échantillon choisis. Somme toute, la nocuité de la substance fondamentale 'pavait sensiblement constante et sans rapport, par conséquent, avec la fonction toxigène. VcTION DU SÉRUM « MÉDICINAL » SUR LA TOXINE ET LES BACILLES. Action sur la toxine. — Chacun sait que le sérum immu- nise facilement les animaux contre F injection intraveineuse de toxine . Nous l’avons vérifie, pour notre compte, dans des con- ditions variées, mais le détail de ces expériences n’importe pas ici; nous n’en dirons donc rien. Action sur les bacilles atoxiques et toxiques. — Personne LES FACTEURS DE TOXICITÉ DES BACTÉRIES 163 ne soupçonnait , avant nos recherches, que le sérum hypersensi- hilise vis-à-vis de /’ injection intraveineuse de bacilles (toxiques on non). Avant d’établir ce dernier point, il convient d’esquisser la symptomatologie des divers types d’hypersensibilité, lesquels ne diffèrent pas, dans leurs traits essentiels, de ceux qu’on observe avec d’autres antigènes. Nous séparerons, pour plus de clarté, les cas mortels des cas non mortels. Cas mortels. Ils comprennent un type brutal , un type rapide et un type ' lent. Type brutal. — En voici le schéma (tel ou tel signe clinique, d'importance secondaire, peut faire défaut sans que la physio- nomie générale des accidents se trouve sérieusement modifiée). A peine détaché de l’ appareil qui le contenait, l’animal, placé sur la table, demeure immobile et inquiet. Sa respiration s’accélère et il présente presque toujours de l’exorbitisme et du nystagmus. Puis, il s’allonge (émettant souvent de l’urine, plus rarement des fèces), ou bien cherche à marcher et ne pro- gresse qu’en titubant. Les éternuements saccadés sont assez fréquents. Soudain, on voit le cobaye sauter verticalement, tout d’une pièce, comme un automate (suivant la comparaison ori- ginale, mais fort heureuse, de notre ami Pozerski, on dirait un de ces petits lapins postiches vendus dans les rues et que le marchand fait bondir par saccades, en pressant sur une poire). Les sauts augmentent de fréquence et d’intensité, jusqu’à ce que le sujet tombe de coté, épuisé, semi-comateux et anhélant. 11 reprend ses sens, se relève, bondit et tombe de nouveau une ou deux fois (rarement davantage). Finalement, le coma reste définitif, la soif d’air succède à une dyspnée croissanle, la cornée devient insensible et la respiration s’arrête, le cœur continuant à battre pendant un certain temps. L'autopsie montre de la congestion des viscères, notamment des viscères abdominaux. — Le type brutal évolue d'ordinaire en 5 à 10 minutes. Type rapide. — Nous retrouvons ici, dans la majorité des cas, la plupart des symptômes qui viennent d’être décrits; mais iis apparaissent, habituellement, moins vite et ne déter- 164 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR minent la mort qu’après une demi-heure à une heure. Les accès convulsifs, d’abord légers, brefs, espacés et suivis d’un retour complet à l’état normal, n’acquièrent que progressive- ment leur summum de gravité, et encore le coma terminal dure- t-il toujours un certain temps. Parfois, les accidents revêtent l’allure parétique : les animaux s'allongent et demeurent immo- biles; ou bien, cherchant à progresser, ils n’y arrivent que péniblement et par reptation. Mais, même dans ces cas, les secousses convulsives ne font jamais totalement défaut, bien que fort réduites en fréquence et en intensité. Ajoutons que, vers la lin, le ventre se montre toujours ballonné et très sensible au palper. — Le type rapide est caractérisé, post rnortem , par une violente congestion des viscères (surtout abdominaux), pouvant aller jusqu’à l’hémo-péritoine (chez certains des sujets qui présentaient, cliniquement, le météo- risme douloureux dont nous venons de parler). Type lent. — La mort survient après trois à six heures, quel- quefois davantage. Les accidents débutent plus ou moins vite, suivant les cas. Tantôt, on observe tout d’abord quelques phé- nomènes d’excitalion, tantôt, l’état de somnolence qui traduit cette forme d’intoxication s’installe peu à peu. À la « période d’état », les sujets demeurent immobiles, indifférents aux choses qui les entourent; le poil se hérisse et les yeux devien- nent chassieux. Finalement, apparaissent le ballonnement et la sensibilité du ventre, puis un coma progressif termine la scène. — A l’autopsie, mêmes lésions que pour le type rapide (y compris l’hémopéritoine). Cas non mortels. Les animaux qui offrent, indubitablement , des symptômes d’hypersensibilité peuvent ne point succomber, soit parce que ces symptômes n’atteignent pas une intensité suffisante, soit parce que, tout violents qu’ils se manifestent, l’organisme arrive à en triompher. Il convient donc de distinguer entre les cas légers (plus ou moins) et les cas curables ; dans les uns et les autres, les accidents débutent constamment peu après l’in- jection des bacilles. Cas légers. — Nous trouvons, ici, le tableau clinique du type brutal quantitativement atténué , quelquefois même très t LES FACTEURS DE TOXICITÉ DES BACTÉRIES 105 atténué, mais cependant assez caractéristique pour permettre à un œil exercé d’affirmer l’hypersensibilité. Cas curables. — Il s’agit maintenant, inversement, du type brutal dans toute sa violence. Au moment où, après une série d’accès convulsifs, le sujet, couché sur le côté, flasque, inerte, à la cornée presque insensible, va être « porté mort », on est stupéfié de le voir ressusciter en quelques instants, définitive, ment guéri. La lyse des bacilles diphtériques et la libération consécutive d'un poison vrai peuvent seules rendre compte des phénomènes qui viennent d’être décrits (pour plus de détails, nous renvoyons aux recherches de l’un de nous : Travail sur les anticorps, avec la collaboration de Pozerski et Abt). Les diverses modalités cliniques observées s’expliquent aisément par les combi- naisons variées de trois facteurs : vitesse de décoagulation de la substance fondamentale, d’un côté; vitesse de neutralisation et d’élimination du poison vrai, de l’autre ; et tout indique que ee poison vrai porte principalement son action sur le centre vaso-moteur. Pour démoiitrer que le sérum « médicinal » hyper sensibilise passivement les cobayes vis-à-vis des bacilles diphtériques, il suffit de leur administrer, la veille de l’injection microbienne et par une voie quelconque, 5 centimètres cubes de ce sérum (nous n’avons pas essayé des doses inférieures). Les résultats, toujours probants, deviennent absolument schématiques quand on choisit la voie intraveineuse et, surtout, quand on s'adresse à du sérum frais (Le sérum normal de cheval n’a jamais mani- festé la moindre efficacité). Le lendemain de l’injection sérique, on introduit, dans la jugulaire, 10 à 15 centigrammes de bacilles vivants (toxiques ou non) et l'on voit apparaître les symptômes caractéristiques de l'hypersensibilité, le plus souvent sous la forme du type brutal. La netteté d’un tel phénomène nous dispense de tout commentaire ultérieur. Mentionnons que les animaux qui ne succombent point à l’administration de germes toxiques n’offrent jamais trace d’empoisonnement con- sécutif. Une seule et même expérience établit donc la coexis- tence des pouvoirs albuminoly tique et toxinocoagulanl (anti- toxique) du sérum « médicinal » (comme pour les injections sous-cutanées de mélanges « bacilles toxiques et sérum »; voir plus haut). Nous avons pu réaliser le type brutal de l’hypersensibilité, en administrant le sérum frais, par la voie intraveineuse, une heure avant les bacilles. Mêmes 16G ANNALES DE L’INSTITUT PASTEL' K résultats en introduisant, dans la jugulaire des cobayes neufs , un mélange de sérum frais et de bacilles (4 centimètres cubes de sérum et 10 centi- grammes de bacilles), après une heure de contact à la température ordinaire. L'étude des injections intraveineuses confirme l'identité de la toxine des microbes et de celle des filtrats. Elle complète , d'autre part , l'histoire de la substance f ondamentale , en prou- vant que celle-ci peut déterminer la mort quand elle pénètre, à dose suffisante, dans le système sanguin. Celte dose, qui paraît sensiblement la même pour les divers bacilles (toxiques ou non), s'abaisse notablement quand on passe des animaux neufs aux sujets hypersensibilisés soit passivement, — comme nous venons de le montrer, — soit activement, — comme il résulte de ce qui va suivre. Si l'on administre, par la voie intra-musculaire, 5 centigrammes de germes atoxiques, très toxiques ou de toxicité variée (quand il s'agit de microbes toxiques, on introduit, dans les muscles de l’autre patte, 1 centimètre cube de sérum), les sujets ainsi traités, éprouvés, à partir du vingt et unième jour, par la voie intra-veineuse (10 à 15 centigrammes de bacilles, toxiques ou non), suivant le mode direct ou croisé, se comportent absolument comme les cobayes passivement hypersensibilisés avec le sérum « médicinal ». (Pour ce qui concerne les échantillons toxiques , on peut affirmer que l’admi- nistration parallèle de sérum n'influe aucunement sur les résultats obtenus, car les animaux « témoins », qui ont reçu 1 centimètre cube de sérum en même temps que des germes atoxiques, ne sauraient être différenciés, lors de l’épreuve, de ceux auxquels on a uniquement injecté des bacilles.) CONCLUSIONS Parmi les facteurs de toxicité du bacille diphtérique , Pun, constant , est représenté par la substance fondamentale ; l’autre, inconstant , par la « toxine soluble ». Celle-ci se forme en plein corps microbien et passe ou non, selon les échantillons, au sein des milieux liquides appropriés. La toxine trouve, dans le sérum « médicinal », un de ses anticorps, la coaguline (antitoxine), qui permet de l’identifier aisément. La substance fondamentale y rencontre également un de ses anticorps, ici la lysine, réactif non moins fidèle. Et l’existence de cette lysine du sérum offre une importance majeure, car la fonction toxigène, si précieuse pratiquement pour le diagnostic du bacille diphtérique, ne représente, on le sait, qu’une propriété surajoutée. En l’absence du poison spé- cifique, force est bien de s’adresser au seul élément permanent du microbe de Lôffler, à sa substance propre. DU SON DE PADDY DANS I.E TRAITEMENT DU BÉRIBÉRI 107 DU SON DE PADDY DANS LE TRAITEMENT PRÉVENTIF ET CURATIF * • ' • DU BÉRIBÉRI par B RÉ AUD AT et DENIER Travail de l'Institut Pasteur de Saigon.) I. — Historique. Comme loules les affections dont l’étiologie n'est point encore nettement démontrée, le Béribéri fait l’objet de nombreuses controverses. Actuellement, bactériologistes et médecins se divisent en deux camps : les uns sont partisans de la théorie alimentaire, les autres de la théorie infectieuse. Cette dernière est basée sur des localisations spéciales. Une salle dans un hôpital (Scriba), un vaisseau dans une escadre, un groupe de maisons dans un quartier constituent souvent un foyer de Béribéri, alors que tous les alentours restent indemnes. Manson cite, comme exemple de contagion, la prison de Singapore où le quartier des hommes fut décimé par celle affection, alors que celui des femmes restait indemne. 11 nous est impossible de relater ici tous les mémoires qui traitent des faits de contagion. Mention en sera faite à l'index bibliographique. Malheureusement, tous les travaux faits jusqu'à ce jour pour mettre en évidence le germe pathogène du Béribéri ont donné i les résultats les plus variables. Les partisans de la théorie alimentaire s’entendent générale- ment pour établir une relation entre le Béribéri et l’usage régu- lier du riz blanc ou riz d’usine. Mais leur interprétation devient d’une variabilité extrême dès qu’il s’agit d'expliquer les faits. Les uns attribuent les accidents béribériques à une alimen- tation défectueuse, dans laquelle les matières grasses ou albu- minoïdes seraient en quantité insuffisante. D’après Eijkmann et de Yordermann, au contraire, ils seraient produits par la con- sommation d’un riz avarié. En 1896, le premier expérimentateur fît chez les gallinacés 168 ANNALES 1)E L’INSTITUT PASTEUR toute une série d'expériences dans lesquelles il constate qu’un régime exclusivement composé de riz décortiqué cuit détermine chez ces . animaux., des . symptômes de polynévrite dont la physionomie rappelle, à s’v méprendre, le Béribéri. L’inges- tion de riz décortiqué cru aboutit à des accidents identiques, mais en un temps plus long. Enfin, il suffisait d’employer dans l’alimentation de ces ani- maux du riz cru ou cuit, fraîchement décortiqué ou simplement dépouillé de son péricarpe, pour éviter tous ces accidents. Des essais entrepris à la suite de ces expériences, dans un certain nombre de prisons, aboutirent à des constatations intéressantes. Dans les instructions de 1903 publiées par le Ministère des Colonies, concernant les maladies endémiques, épidémiques et contagieuses, M. l’inspecteur général Kermorgant signale des expériences faites à Madagascar, dans lesquelles on utilisa pour le traitement du Béribéri des décoctions de paddy à la dose journalière de deux litres. De 1904 à 1907, le détachement du premier régiment de tirailleurs annamites cantonné au Cap Saint-Jacques a été mis au régime du riz rouge. Les résultats de cette longue expérience n’ont point été publiés. . En 1906, Thésé, au pénitencier de Poulo-Condore, en subs- tituant au riz blanc d’usine du riz fraîchement décortiqué, jugula en quelques mois une épidémie extrêmement meur- trière qui sévissait alors dans cet établissement. Il pense que le riz dépouillé complètement de ses enveloppes contient une quantité insuffisante de phosphates. C’est de cette insuffisance que naîtraient les accidents béribériques. En 1909, Fraser et Stanton publient deux mémoires sur la question. Sur 443 personnes entrant dans leurs expériences, 220 prennent du riz blanc ordinaire, tandis que les autres consomment ce qu’ils appellent le « perboiled rice ». 11 s'agit là d’une manipulation spéciale, donnant au paddy traité un goût très apprécié de l'indigène des états malais. Le premier lot eut vingt cas de Béribéri nettement constaté, tandis que le deuxième restait indemne. Ils renversent l’expérience et constatent que le Béribéri accompagne toujours l’usage du riz blanc. Les pre- mières atteintes ne se produisirent qu après quatre-vingt-six jours de ce nouveau régime. Ils ont apporté un soin tout spécial DU SON DE PADDY DANS LE TRAITEMENT DU BÉRIBÉRI 109 à l'examen de leurs malades. Ils écartent d’une façon absolue Faction des vers intestinaux dans le Béribéri, ainsi que la conta- gion d’homme à homme. Des expériences entreprises chez les gallinacés aboutirent à des résultats identiques à ceux d’Eijkmann. Ils attribuent les accidents cliniques et expérimentaux observés à une alimenta- tion insuffisante en acide phosphorique, le riz blanc n'en con- tenant qu'une infime quantité. L’un de nous, à la Société de Pathologie exotique (janvier, février, mars, mai 1910), a exposé dans une série de notes que le riz décortiqué détermine, comme l’avaient déjà vu Eijkmann, Mauser, Fraser et Stanton, chez certains animaux (poule, cobaye, singe, chien), des phénomènes de polynévrite analogues à ceux observés dans le Béribéri. Les accidents dis- paraissent si, au riz décortiqué, se Irouve ajoutée une certaine quantité de son de paddy. Les animaux nourris de paddy, d’autre part, résistent indéfiniment. Il pense que les accidents ainsi produits sont dus à la transformation, sous Faction d’un vibrion ferment, des éléments nutritifs du riz en substances ayant perdu toute qualité d’aliments ou toxiques. Des essais de traitement curatif, tentés dans les divers hôpi- taux ou hospices de Saïgon et de Cholon, aboutirent à des résultats encourageants. Enfin, tout récemment, le dernier Congrès médical tenu à Manille en mars 1910 a émis le vœu suivant : « L’association pense que des preuves suffisantes ont été fournies aujourd’hui à l’appui de cette conception, que le Béribéri est lié à la con- sommation continuelle du riz blanc (décortiqué) comme denrée principale et base de la nourriture, et l’association désire, en conséquence, que ce point soit porté à la connaissance des gouvernements intéressés. » Etant donné les résultats mentionnés plus haut et d’autre part la similitude des accidents observés chez les animaux et les malades atteints de Béribéri, il était intéressant de voir quelle serait Faction préventive et curative du son de paddy dans cette affection. Ces expériences ont été faites au Cap Saint-Jacques, de juin 1909 à avril 1910, sur les troupes indi- gènes de la garnison. Nous devons remercier d’une façon particulière MM. les 170 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR médecins-majors Fargier et Bernoud, ainsi que M. le médecin aide-major Rebufat, pour le concours qu’ils nous ont apporté dans les expériences sur le pouvoir préventif. Les expériences sur le pouvoir curai if ont été faites dans le service de M. le médecin-major de 2e classe Jojot. II. Étude clinique de l’épidémie 1909-1910. L’épidémie pendant laquelle nous avons fait nos recherches sur l’activité préventive et curative du son de paddy a été d une gravité moyenne. Les accidents nerveux observés inté- ressent à la fois la sensibilité subjective et objective ainsi que la motilité. Les malades accusent des douleurs dont les principales localisations sont les mollets et les genoux. Les autres régions incriminées sont, par ordre de fréquence, les éminences thé- nars et hypothénars, l’extrémité des orteils et des doigts. Nous devons citer, comme tout à fait rares, la sensation si pénible de constriction du thorax, la localisation de la douleur aux articulations du coude et aux régions cervicale et dorsale de la colonne vertébrale (Points de Gayet). Les troubles de la sensibilité objective observés intéressent DU SON DE PADDY DANS LE TRAITEMENT DU BÉRIBÉRI 171 la partie la plus superficielle de la peau, la sensibilité pro- fonde ainsi que la réaction aux températures hautes et basses. L’ordre de réapparition des sensibilités est, en général, le sui- vant : contact, sensibilité profonde, sensibilité thermique. Parmi les malades chez lesquels le diagnostic de Béribéri s'est trouvé maintenu, 38 p. 100 seulement présentent des désordres de sensibilité objective. L’anesthésie superficielle la plus généralement observée intéresse le pied et la jambe (obs. n° 51). Parfois elle dépasse le genou, remonte symétriquement ou non vers la racine des deux membres. De là, elle peut gagner tout le corps, respec- tant, de ci de là, les régions les plus variables. Dans un cas (obs. n° 8). l’anesthésie est complète, moins l’occiput, la nuque, la région scapulaire et la face postérieure des bras qui gardent toute leur sensibilité, ainsi qu’une bande située au niveau de la région fessière et le sommet des deux mollets. Dans un autre cas, on constate seulement une bande de sensibilité de 10 centimètres de largeur, passant au niveau de l’ombilic. Nous avons trouvé, d’autre part, des anesthésies en plastron de chemise, en gant, en chaussette. Le malade n° 59 présente de l’anesthésie des jambes, les pieds exceptés. Nous constatons d’autre part, chez ce meme malade, à la face postérieure du 472 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR corps, une zone trapézoïdale d’anesthésie, limitée en haut par l’angle inférieur de l'omoplate droite, en bas par la crête iliaque, en dedans par la colonne vertébrale, en dehors par une ligne unissant le creux axillaire droit et la crête iliaque correspondante. Les troubles moteurs ont été rares aux membres supérieurs. Dans un seul cas nous avons trouvé la griffe béribérique clas- sique. Une autre fois (Obs. ne 83), nous avons observé une para- lysie complète des mains et des avant-bras. En général, il n’y a guère qu’un peu d’adynamie musculaire. La paraplégie fut complète ou presque complète dans 5p. 100 des cas (Obs. 68, 77, 80, 83). Les accidents se limitent en général à une simple parésie, se traduisant par un peu d'hésitation de la marche, ainsi que par une certaine difficulté à soulever les pieds, qui paraissent cloués au sol. Dans certains cas, on constate de la projection du pied en avant, ou bien les malades ne marchent qu'en écartant les cuisses, l'un ou l’autre membre restant en exten- sion. A un stade plus avancé, les malades ne pouvaient se déplacer sans soutien, présentant ainsi l’attitude classique du Béribéri. Les pieds ne reposent plus alors sur leur face plan- taire, mais sur leur bord externe. A ce stade la locomotion DU SON DE PADDY DANS LE TRAITEMENT DU BÉRIBÉRI 173 devenait rapidement impossible, toute tentative de déplacement aboutissant à un effondrement du malade. Ces accidents, suivant la gravité des cas, se sont accompagnés de l’impossibilité, dans la position horizontale, de lever ou croiser les jambes. Le signe de Romberg, celui de l’escalier ou de la marche au commandement ont été observés dans les cas les plus graves. Le signe d’Àrgyll Robertson ne paraît point exister. Le réflexe rotulien est absent, mais sa disparition ne précède point obligatoirement les grands troubles de la moti- lité ou de la sensibilité. La présence du réflexe crémastérien est constante, le pha- ryngien varie avec les individus, le réflexe plantaire est presque toujours absent. Nous noterons, à ce propos, que le soldat indigène marche, comme la moyenne partie des Asia- tiques, pieds nus. Dans ces conditions, la couche cornée de la face plantaire des pieds est extrêmement épaisse. Les accidents cardiaques existent chez presque tous nos malades. Ils ont même dominé le tableau clinique pendant les derniers mois de l’expérience. Le cœur est nettement aug- menté de volume. Ce symptôme est mis en évidence non seu- lement par la percussion, mais encore par les déplacements de la pointe. La pulsation cardiaque est rapide, douloureuse dans les cas graves. Ses ondulations peuvent s’étendre au creux épigas- trique et même à l’ombilic (Obs. n° 83). Cet éréthisme entraîne, du côté des carotides et des jugulaires, des batte- ments violents, perceptibles à la région cervicale. L’auscultation du cœur donne des renseignements d’une variabilité extrême; rien, en un mot, des signes observés dans les lésions valvulaires classiques. Ici, le cœur est affolé, entiè- rement désorganisé, les bruits sont rapides, irréguliers, d’in- tensité variable. Le premier bruit à la pointe est souvent soufflé, dur, râpeux, prolongé. Les syncopes sont fréquentes. En un mot, éréthisme et tachycardie, telles sont les deux carac- téristiques du cœur dans le Béribéri. Des troubles circulatoires importants accompagnent ces troubles cardiaques. On compte de 80 à 140 pulsations à la minute. Le pouls est dépressible, irrégulier. 11 traduit fidèle- ment les poussées de tachycardie qui ont des tendances à se 174 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR reproduire chaque trois à quatre jours. Nous avons, d’autre part, quelquefois trouvé du dicrolisme. Les grands œdèmes, résultant des troubles cardiaques dont il est fait mention ici, ont été rares. Le malade n° 86 a présenté un œdème généralisé aux membres inférieurs, au scrotum, à la paroi abdominale et au péritoine. Généralement les hydropi- sies se sont limitées aux membres inférieurs (région prétibiale de préférence), à la face (bouffissure modérée sans cyanose des lèvres), au bras. Nous n’avons jamais constaté d'hydrothorax. Le sang, coloré par les procédés ordinaires, nous a permis de constater de la polynucléose dans quelques cas. Nous avons trouvé, d’autre part, l'hématozoaire de Laveran dans un seul cas (Obs. n° 42, petites formes endoglobulaires). Les cas graves accusent une sensation de soif assez vive. Les digestions sont parfois lentes, s’accompagnant de troubles dyspeptiques. L’intestin est évacué chaque jour dans des con- ditions normales. La recherche des parasites intestinaux, chez tous nos malades, a abouti aux constatations suivantes : 1° Malades présentant des Ankylostomès 33,33 p. 1000 2° Malades présentant des Ankylostomès et Douves . . 7,01 — 3° Malades présentant des Ankylostomès et Ascaris . . 3,51 — 4° Malades présentant des Douves 5,27 — 5° Malades non parasités 50,87 — Pour donner à ces chiffres leur physionomie réelle, nous devons ajouter que les béribériques n’absorbèrent que 3 gr. de thymol. Les parasites intestinaux se sont montrés, d’autre part, plus fréquents et plus variés chez des malades entrés à l’hôpital pour des affections d’ordre médical ou chirurgical étrangères au Béribéri. . La matité de la rate à la percussion s’étend, dans quelques cas, sur trois à quatre travers de doigt; mais c’est là un phé- nomène assez rare. En général, cette matité n'est point per- ceptible. L’urine des malades ne contient jamais d’albumine. Les fonctions génitales sont quelquefois supprimées. Les téguments, surtout dans la convalescence des œdèmes, pré- sentent un état pityriasique. Nous n’avons constaté, chez les malades entrant dans nos expériences, ni adénites spécifiques DU SON DE PADDY DANS LE TRAITEMENT DU BÉRIBÉRI 175 ni cicatrices de chancres antérieurs. Nous avons relevé une tois une éruption de nature spécifique, chez un malade éliminé de notre statistique (Obs. n° 35). La courbe de la température est caractérisée par un plateau se maintenant entre 36 degrés et 37 degrés. Nous devons men- tionner, touiefois, une légère élévation thermique accompa- gnant l’entrée du malade à l' hôpital. Nous ne saurions, enfin, terminer cette étude clinique sans attirer l'attention, d’une façon toute spéciale, sur la coexistence du Béribéri avec une épidémie concomitante d’oreillons. Ce fait, qui a été mentionné déjà, méritait d’être mis en évidence ici. Les autopsies faites ont porté sur des béribériques décédés à la suite d’accidents brusques. Les corps étaient dans un bon état de nutrition et présentaient un développement musculaire normal. Quelques-uns avaient un peu d’infiltration œdéma- teuse de la face. Tous présentaient de l’épanchement péricar- dique, et le poids du cœur au-dessus de la moyenne. Le myocarde était pâle, décoloré. Les poumons étaient souvent congestionnés; les épanchements pleurétiques et l'ascite, très rares. La rate était le plus souvent hypertrophiée. Les reins étaient souvent congestionnés. La plupart des malades présen- taient à la face interne de l’estomac et du duodénum des suffu- sions sanguines, d’étendue, de situation et d’importance très variables. lia été trouvé un ascaris lombrieoïde dans l'estomac d’un sujet et dans le duodénum d'un autre. Chez la moitié des malades, les méninges étaient congestionnées, et, dans un cas, il y avait un foyer hémorragique important dans l’hémi- sphère cérébral gauche. En résumé, épidémie mixte, participant du Béribéri sec et du Béribéri humide, et de gravité moyenne, avec prédominance marquée des accidents cardiaques, telle nous parait être la caractéristique de l’épidémie de Béribéri qui a sévi cette année dans les troupes indigènes du Cap Saint-Jacques. III. Examen des urines et du sang. 1° Urine. — Les urines de béribériques présentent ceci de particulier, qu elles ne contiennent jamais d’éléments patholo- 176 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR giques. A peine y décèle-t-on parfois des peptones, et toujours en quantité très faible. Nous n’avons jamais rencontré d'albu- mine, de nueléo-albumine, de sucres, d’alkaptone, de pigments hématiques ou biliaires, d'urobiline, d'acétone, d’acide oxybu- tyrique ou acétyl acétique. Le plus souvent, on y trouve, en suspension, des éléments anatomiques du rein, surtout des tubes hyalins, parfois por- teurs d’un petit nombre de leucocytes. Leur composition physiologique est d'une pauvreté extraor- dinaire en matières dissoutes, organiques et minérales. Dans certains cas graves d’œdème généralisé, observés dans le ser- vice de M. le médecin-major Ferrandini, à Choquan (1), l’un de nous a rencontré des urines de densité 1003, donnant par vingt-quatre heures : 15 gr. 74 seulement de matières dissoutes ; 1 gr. 73 de cendres ; 0 gr. 54 de chlorure de sodium; 0 gr. 82 d’acide phosphorique ; 9 gr. 50 d’urée. Dans les cas ordinaires, ces chiffres sont un peu plus élevés, mais encore très faibles; voici les résultats moyens de quinze analyses, se rapportant à quinze cas de Béribéri bien carac- térisés et de gravité moyenne, en apparence. Volume de 24 heures. . . Réaction Densité Eau Éléments dissous Matières organiques . . . Urée . Cendres (réelles) Chlorure de sodium . . . Acide phosphorique (IL805) 1.100 cent, cubes. Faiblement acide. 1008,6 1082,1 27.4 18,9 11.5 8,5 5,2 0,9 Malheureusement, ces résultats se rapprochent tellement de ceux que fournissent les urines des sujets en bonne santé appa- rente, qu’ils ne peuvent être d’aucune utilité pour le diagnostic. Mais il n’en est pas de même, nous le verrons ailleurs, lors- qu’on étudie les origines des accidents béribériques. Nous donnons ci-dessous des chiffres moyens, provenant de huit examens d’urines de sujets sains, de 18 à 45 ans et de 42 à (1) Nous prions M. le médecin-major Ferrandini d’agréer tous nos remer- ciements pour le précieux et savant concours qu’il a bien voulu nous offrir à l'hôpital de Choquan. DU SON DE PADDY DANS LE TRAITEMENT DU BÉRIBÉRI 177 57 kilogrammes. Nous rapprochons ces résultats d’une urine normale d’Européen. ANNAMITE EUROPÉEN Volume de 24 heures . . . . 1.097 cent, cubes. De 1.400 à 1.500 c. cubes. Réaction Faiblement acide. Acide. Densité 1011,8 1.018 à 1.022 Eau 1080,4 1.350 à 1.450 Éléments dissous 29,4 LO CO Matières organiques . . . . 18,6 36 à 38 Urée 9,6 25 à 38 Cendres (réelles) 10,8 12 à 14 Chlorure de sodium 8,7 10 à 12 Acide phosphorique (P2Os) . 0,8 2,50 Nous donnons plus loin, au chapitre vi, des moyennes pro- venant de cinq examens d'urines de malades, après traitement par le son. 2° Sang. — Nous avons également examiné le sang de six malades, en opérant sur 4 à 5 cent, cubes de ce liquide, prélevé à l’aide d’une seringue dans une veine du pli du coude. Ces malades étaient au nombre des quinze dont nous avons observé les urines, et les dosages ci-dessous ont été pratiqués dans les huit jours de leur entrée à l’hôpital. Nos résultats se rapportent à 100 grammes de sang. BÉRIBÉRIQUES SUJETS annamites sains. SANG Moyennes dé 6 analyses. 2 analyses. d'Européen. E 9,11 81,12 79,90 78,80 Extrait sec 19,17 20,09 21,15 Matières organiques . 18,04 19,17 20,23 Cendres 1,10 0,92 0,96 Il ressort de ce tableau que le sang des béribériques est nota- blement plus pauvre en matières organiques, que le sang des individus sains (différence 1,13 p. 100) et, à plus forte raison, plus pauvre que le sang des Européens (différence 2,19 p. 100), dont la nourriture est plus riche. Le taux des éléments minéraux variant peu, il s’ensuit que le sang des béribériques est notablement plus riche en eau que le sang des individus sains. 12 178 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR IV. — Le son de paddy. Le son qui a servi à nos expériences provenait des usines à décortiquer de Cliolon. Il est connu dans le commerce sous la désignation : « Son de Paddy, première qualité ». Au point de vue anatomique, c’est un mélange de diverses couches cellulaires comprenant : 1° Un spermoderme formé de trois assises de cellules aplaties, écrasées entre l’albumen et le péricarpe : 2° une couche de cellules larges, polyédriques, gor- gées de substances protéiques, désignées sous le nom de cellules à gluten. Au point de vue chimique, sa composition est la suivante, comparée à celle du riz : SON DE PADDY RIZ BLANC Eau 12.00 12,80 Protéines 9,87 9,12 Graisses 7,20 0,29 Matières non azotées .... 6? .93 76,99 Cendres 6.10 0,80 100 »» 100 » Phosphore total 1.41 0,20 Employé aussi frais que possible, il subissait, avant de servir à la préparation dont nous donnons plus loin la formule, un passage à travers un tamis métallique n° 60, dans le but de séparer les parcelles de périsperme (halles), entraînées par les opérations de décorticage et capables d’irriter les parois du tube digestif. Y. — Action préventive du son de paddy. Les règlements empêchant de donner du riz fraîchement décortiqué ou riz rouge aux militaires indigènes et de faire prendre, par conséquent, le son en même temps que le repas, le son de riz a été donné sous la forme pilulaire, préparé de la façon suivante : Son de riz tamisé 100 grammes. Sirop de sucre 60 — Alcoolé d’essence de menthe du Codex ... 1 cent. cube. DU SON DE PADDY DANS LE TRAITEMENT DU BERIBERI 179 Faire une masse pilulaire et diviser en \ 0 boulettes. Ces pilules furent préparées, sur place, dans les infirmeries du Cap. L'essai de traitement préventif commença, au 5e régiment d’artillerie, le lor juillet 1909 et prit fin le 1er mars 1910. Les indigènes des 5e et 12e batteries furent mis d’office au traitement préventif : leur effectif était d’environ 80 hommes. Les hommes des 8e, 9e et 11e batteries, au nombre de 160, cons- tituèrent le lot témoins. Les deux lots contenaient des individus déjà touchés par le Béribéri. Ils furent, au mois d'octobre, mo- difiés par les libérations et l’arrivée des nouvelles recrues. Du 1er juillet au 15 septembre, les hommes en expériences reçurent 20 grammes de son par jour. Il n’y eut aucun cas de Béribéri dans la série traitée, contre 1 cas de première invasion et 3 récidives chez les témoins. Du 15 septembre au 1er mars, la ration journalière est portée à 40 grammes. Nous constatons 4 cas de Béribéri dans le lot en expérience, et 6 chez les témoins. Un des militaires du lot soumis au son et atteint de Béribéri est signalé comme suivant irrégulièrement le traitement. Il y eut aussi 3 récidives dans le lot soumis au son et une seule dans le lot témoin. Du lep mars au 1er mai, après que l’expérience eût cessé, il y eut un cas de Béribéri dans une des batteries qui avaient pris du son et quatre dans celles qui constituaient le lot témoin. En ce qui concerne les 1 23 recrues incorporées en octobre 1909, parmi les 42 recrues qui prirent 40 grammes de son jusqu’au 1er mars 1910, il n'y eut pas de Béribéri, tandis qu'il y eut sept cas parmi les 81 recrues des batteries constituant le lot témoin. Au détachement de tirailleurs, les expériences de traitement préventif commencèrent le 23 juin 1909. Un ordre rendit néces- saire l’assentiment des indigènes soumis au son. Ceux-ci ne furent donc pas pris au hasard et désignés d’office. Les volon- taires, au nombre de 210, appartenaient aux quatre compagnies. Les hommes ne prenant pas de son étaient 31 1 . Sur les 210 tirail- leurs soumis au son, 37 avaient déjà eu le Béribéri : le lot témoin renfermait 49 anciens béribériques. La composition des deux lots fut modifiée en octobre par les libérations. Huit hommes du lot soumis au son, 37 du lot témoin furent libérés. Les expériences furent arrêtées fin janvier. 180 t ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Les quantités de son distribuées aux lirailleurs ont été du 23 juin au 9 août, 20 grammes; du 9 août au 15 septembre, 30 grammes; du 15 septembre au 1er février 40 grammes. Les résultats furent les suivants, en ce qui concerne les premières atteintes du Béribéri. Du 23 juin au 9 août, il y eut 3 cas dans le tôt soumis au son, 9 cas dans le lot témoin, dont deux suivis de décès. Du 9 août au 1 5 septembre, il y eut 1 cas dans le lot soumis au son et 12 dans le lot témoin. Du 15 septembre au 1er février, il n’y eut aucune première atteinte parmi les hommes prenant du son et 33 cas parmi les témoins dont 4 suivis de décès. Ces 33 cas se sont produits chez d’anciens soldats. Comme nous ne fûmes point autorisés à faire entrer des recrues dans la série traitée, nous avons cru devoir négliger dans cette statistique 31 cas de Béribéri survenus parmi les recrues. Les jeunes et les anciens soldats sont dans des conditions trop différentes pour pouvoir être comparés. Sur les 37 hommes soumis au son et qui avaient eu des atteintes de Béribéri avant le 23 juin, 12 ont présenté des récidives malgré le son. Deux d’entre eux ont eu deux réci- dives chacun et 1 est décédé. Parmi les 49 hommes du lot témoin qui avaient eu le Béribéri avant le commencement des expériences, 14 présentèrent des récidives : 2 d’entre eux eurent chacun deux récidives. Il n’y eut pas de décès. En résumé, du 23 juin au 9 août, les hommes prenant 20 grammes de son et ayant eu une atteinte ont fourni 17 cas p. 1.000, les témoins ont eu 34 cas p. 1.000. Du 9 août au 15 septembre, les hommes qui cnt pris 30 grammes de son ont eu 5 cas p. 1.000, les témoins ont eu 45 cas p. 1.000. En octobre, le lot des indigènes soumis au son est réduit à 165 hommes et le lot des témoins à 189. Il n’y a aucun cas de première atteinte de Béribéri parmi ceux qui prennent du son, tandis que le lot témoin du 15 septembre au Ie1’ février a une morbidité de 174 p. 1.000. VI. — Action curative du Son de Paddy. i i\' i Les expériences sur les propriétés curatives du son de paddy ont commencé, à l’ambulance du Gap Saint-Jacques, à la date DU SON DE PADDY DANS LE T H AIT E ME NT DU BÉRIBÉRI 181 du lu septembre 1909 et se sont continuées sans interruption, jusqu’au 5 avril 1910. Pendantcette période, il y eut 119 entrées pour Béribéri. Pendant le premier mois, tous les malades, sans distinction, furent mis au régime du son. Mais à compter du 15 octobre la méthode alternante fut employée et, à leur entrée, les malades se trouvaient classés dans le lot des témoins ou celui des traités. Nombre de cas Qüanhté de son Jl Ji W io9 Juil. À o ui Sept' Ocio*. Noyf Déc1: Janr. 1910 Févr. Mars Ami £ VS >». T* 1 c'r> ''O £ £ $ V. •'r'> £ >> £ S >v £ VN T) 10 15 10 5 -JL.. 80 60 ZO 0 Qu en ’fl V d> ,V> n Té TU 50k » 1005,8 1012,4 22,7 38,9 N» 1 1 1 15 39 )) 45 » 1007,2 1013,3 17,2 25,3 N° 15 91 41 )> 49,5 1003,3 1018,4 16,8 34,57 N° 22 134 34 )) 49 »> 1008,7 1019 » 23,6 44 » N» 12 70 63 » 71 » 10U9 » ion .. 35,8 1 55,7 Sous l’influence du son, le poids des malades augmente régulièrement, en même temps que s’élève la quantité des matières dissoutes dans l’urine et, par suite, la densité. L’une et l’autre peuvent atteindre les chiffres de l’urine normale fournie par un régime alimentaire européen (1). (I) Ces expériences, longues et coûteuses, en raison de l’éloignement du cap Saint-Jacques, ont été faites aux frais de l'Institut Pasteur de Saigon . Nous prions M. le Dr Yersin, directeur des Instituts Pasteur d’Indo-Chine, d'agréer tous nos remerciements, pour le large crédit qu'il a bien voulu nous ouvrir. 184 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Conclusions. 1° La forme clinique du Béribéri observé au Cap Saint- Jacques (juin 1909-avril 1910), participe du Béribéri sec et du Béribéri humide, avec prédominance des accidents cardiaques. 2° Le son de paddy, employé même à liante dose, n’a, en général, provoqué aucun trouble digestif. 3° Employé préventivement, à la dose de 40 grammes par jour, au détachement des tirailleurs notamment, il a présenté nettement une influence protectrice. Par contre, son action, à cette dose, a semblé nulle chez les hommes dont la première atteinte était antérieure aux expériences. 4° Au point de vue curatif, à la dose de 40 grammes et au- dessus, le son employé comme moyen de traitement unique, sans rien changer à V alimentation ordinaire des indigènes , a donné les mêmes résultats que les nombreux agents théra- peutiques préconisés jusqu à ce jour, associés au régime euro- péen. 11 présente l’avantage d'être plus simple, infiniment moins coûteux, et toujours sous la main de l'indigène. Nous ne saurions terminer ce travail sans adresser nos respectueux remerciements à M. le gouverneur général de l'Indo-Chine, à M. le général Geil, commandant en chef, à M. le médecin inspecteur Primet, pour le bienveillant intérêt qu'ils nous ont témoigné. Nous adressons également un souvenir respectueusement ému, au regretté général de Beylié, qui nous aida à surmonter bon nombre de difficultés. Enfin, nous remercions vivement le commandant Gay, qui participa de tout son pouvoir à la bonne organisation de nos expériences. DU SON DE PADDY DANS LE TRAITEMENT DU BÉRIBÉRI 185 186 ANNALES DE LTNSTITUT PASTEUR BIBLIOGRAPHIE Adriani P). — Béribéri en de rijstvergifhypothese. Geneesk. courant., Amst. 1903, LVII, 181-183. P. Vax Axdel. — A Contribution to the etiology and treatment of Béribéri. Journal of Tropical med., t. XII, 1909, p. 63-64. Andersox (SS'. . — Kakké. Sc-Thomas Hosp. Rep.,YU. 1876. — Lectures on Kakke, Yokohama, 1879. Axdrixux. — Épidémie de Béribéri observée à Poulo- Condor, 1897-189S. Ann. de méd. et hyg. col., 1900, III, p. 183-189. Aron IL). — Phosphorus starvation with spécial reference to Béribéri, Philippine Journ. of sc., B. med. sc ., février 1910, p. 81-97. Arox et Hocsox. — Idem. Loco citato . p. 98-122. Ashmeàd (A.-S.). — Kakké. Sei-i-Kwaï Al. J., Tokio, 1895, XIV, 51, 69, 87, 105. 123, 143, 159. — Le Béribéri à Nantes. 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Klin., Stuttg., 1903, VII, 119. 190 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR IMMUNITÉ HÉRÉDITAIRE DE LA CHÈVRE VIS-A-VIS DE LA RICINE par CII. TRUCHE et E. ALILAÏRE. La ricine qui a servi à nos expériences a été préparée, par U un de nous, de la façon suivante : Du tourteau de ricin, venant de l’industrie, est réduit en poudre gros- sière et mis à macérer dans l’eau pendant 20 à 24 heures à la température du laboratoire. La masse pâteuse obtenue est pressée, afin d’en obtenir le liquide, que l’on filtre clair ou que Ton fait couler, en mince filet, dans le double environ de son volume d’alcool à 96°, en agitant fortement. Les albu- minoïdes se coagulent sous forme de flocons caséeux, qui contiennent la toxine. On laisse reposer le précipité pendant quelques minutes et on décante la partie claire, afin de remplacer cet alcool aqueux par de l’alcool plus con- centré. On agite et on jette sur un filtre placé dans un entonnoir à filtration parle vide. La masse, essorée rapidement, est redissoute dans l’eau distillée, filtrée pour enlever les albuminoïdes coagulés et les sels insolubles et pré- cipitée à nouveau par de l’alcool concentré. On essore et on lave à l’alcool absolu deux fois, puis on fait sécher la matière, déjà pulvérulente, dans le vide. Celte ricine, préparée d’une façon très simple, est beaucoup plus soluble dans l’eau que celle du commerce. Mais il est nécessaire, pour obtenir ce résultat, de faire la précipitation, les essorages et la dessiccation le plus rapidement possible; ce qui se conçoit facilement, étant donné le pouvoir coagulant de l’alcool. Une ricine, conservée 20 jours dans l’alcool absolu et injec- tée à dose massive sous la peau d’une souris, n’a tué l’animal qu’après un temps fort long et avec les symptômes et lésions inhabituels. Avec notre ricine (dont il a été déjà fait mention dans le travail de MM. Nicolle etTruche [ces Annales, décembre 1910]), nous avons immunisé une chèvre et un bouc. Les détails con- cernant cette immunisation et les propriétés des sérums des animaux traités, seront publiés ultérieurement. Nous nous contenterons, aujourd’hui, de mentionner les résultats obtenus en éprouvant 5 petits, nés de la chèvre et d’un père neuf, et un petit né d’une mère neuve et du bouc. Ces épreuves ont été IMMUNITE DE LA CHEVRE VIS-A-VIS DE LA HICINE 191 Faites avec une solu- tion contenant 1 milli- gramme de ricine sèche par goutte, 3 animaux, nés de parents neufs, ont servi de témoins. Notre chèvre a eu deux gestations au cours de l’immunisation ; pen- dant ces deux gesta- tions, les injections de ricine ont été suspen- dues. Ce sont, bien en- tendu, des produits des deux ges tations qui figu- rent dans le tableau ci-contre. Ce tableau montre d’abord V extrême toxi- cité de la ricine pour la chèvre (nous avons tué jadis, en peu de temps, un bouc de forte taille avec 4 milligrammes). Il indique ensuite que V immunité maternelle semble de règle. Au début de la vie, les animaux, nés de mère immunisée , résistent admirablement à des doses plusieurs lois mortelles. Après quel- ques mois, cette résis- tance ne paraît pas avoir fléchi. Plus tard (sans doute bien avant seize mois), elle a dis- paru totalement ; la che- v9 g SL* .JJ . ri O . © g g 2 g -2 =- GrG w ’o'ooo p'o G Td .tp ^ 2 Z* es r* O tJl C-H "G . c a 3 ~i a ce G PS G H CO C 3 -1 «o CO ‘G î— B -fi ^ ^ rf) rH î-H “H G G -G "O g^g G G GP a îh g G G « O O — < -a (d *H /— H C) ‘O £ £ ,D X H •G» -O G G ,0 G CD CO -#^o ■H 03 5 G G « ooe^og S rj H 0) 5 o — i H-3 -ni .O +H .1) —> 4J HJ 4-3 sh'GGS’O 2-h Sh Sh G co ao O [rj d) nj o O O O &H CJ S O Ch O S • • . . r— r v-f oo ^ '-f -o co o to ® -H OO (M CM r- co cm a il a il a il Sh a a a a CL CL CL CL CL CL cr. 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METCHNIKOFF et A. BESREDKA. 1 Introduction. Plus de trente ans se sont écoulés depuis qu’Eberth a signalé la présence d’un microbe particulier dans les organes des per- sonnes mortes de fièvre typhoïde, et pourtant l’étude de cette maladie reste toujours inscrite à l’ordre du jour des labora- toires et conserve le même caractère d’actualité qu’au début de Eère bactériologique. Et dire qu’il n’existe peut-être pas de maladie contre laquelle on semble plus armé : on a des vaccins antityphiques à profu- sion; il ne manque pas de sérums munis de belles statis- tiques ; on sait dépister le bacille typhique même chez des personnes inoffensives en apparence, et néanmoins la fièvre typhoïde continue à faire des victimes, en jetant ainsi un défi aux statistiques et même aux expériences de laboratoires les mieux conduites. Devant cette faillite apparente du laboratoire, tous les doutes se donnent libre carrière, et nombreux sont aujourd’hui ceux qui, trente ans après la découverte d’Eberth, en sont encore à se demander si la bactériologie n’avait pas vécu jusqu’ici sur une erreur, et si le bacille décrit par Eberth est réellement l agent pathogène de la maladie. 13 194 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR On verra au cours de cet article ce qu’il y a de fondé dans ce scepticisme. Mais d'où vient ce désaccord entre le labora- toire et la pratique? Pourquoi des moyens aussi puissants, en général, comme sérums, vaccins et mesures épidémiologiques ont si peu de prise sur la fièvre typhoïde? En réservant la discussion des sérums pour un travail ulté- rieur, nous ne voulons nous arrêter ici que sur les vaccina- tions antityphiques, d’une part, et sur les mesures épidémiolo- giques telles qu’on les pratique aujourd’hui, d’autre part. Aucune des maladies infectieuses n’a à son aclif autant de vaccins que la lièvre typhoïde. Paladino-Blandini, qui eut la patience d’en faire une étude d’ensemble, en compta déjà dix- sept en 1905; à l’heure actuelle il pourrait en enregistrer plus de vingt. Et, fait curieux, tous ces vaccins sont efficaces; il y en a qui le sont plus que les autres, qui confèrent une immu- nité plus longue ou plus rapide que les autres, mais tous sa- tisfont à cette condition réputée comme essentielle : ils pro- tègent les cobayes contre une ou plusieurs doses mortelles de bacilles typhiques dans le péritoine. Certains auteurs signalent un autre fait en faveur de leurs vaccins : ils invoquent notamment l’apparition dans le sang des vaccinés de propriétés bactéricides ou bactériolytiques vis-à-vis du bacille typhique. Or, une substance peut protéger un cobaye contre la périto- nite typhique ou faire naître, dans le sang, des propriétés bac- téricides sans pour cela constituer nécessairement un vaccin contre la fièvre typhoïde. Entre la péritonite typhique du cobaye et la fièvre typhoïde de l'homme, il n’y a de commun que le nom du microbe ; on ne saurait donc logiquement conclure d'une de ces maladies à l’autre. Quant aux propriétés bactéricides que l’on voit apparaître à la suite de l’injection de microbes ou de produits microbiens, leur signification n’est rien moins que démontrée : un individu auquel on introduit sous la peau des corps de micro- bes ou des autolysats microbiens, ne peut faire autrement que de réagir en fabriquant tantôt des agglutinines, tantôt d<-s sensi- bilisatrices, tantôt des bactériolysines; mais en conclure que ce sont là autant de manifestations d’une immunité antityphique, nous paraît un peu hasardé. Quoique personne n’eût encore émis ouvertement des doutes RECHERCHES SUR LA FIÈVRE TYPHOÏDE EXPÉRIMENTALE 195 sur la valeur des vaccinations anti typhiques, il n’a pu échap- per à la clairvoyance de Koch que ce n'est pas dans ces vaccinations qu’est la solution du problème typhique. Aussi s’est il atlaché, depuis une dizaine d’années, à orienter la lutte contre la fièvre typhoïde dans un sens différent. Nul n'ignore que c’est à lui que revient le mérite d’avoir mis en relief les infections par contact, et que c’est lui qui a montré que le grand coupable dans la dissémination du virus typhique, c’est l’homme, et que c'est à l’homme qu’il faut remonter chaque fois que l’on veut trouver la cause première d’une épidémie typhique ; rappelons que la notion des porteurs de germes, dont l’importance épidémiologique n’est plus à démontrer, doit son origine aux recherches faites sous l’inspiration de, Koch. Voyant, d’une part, que les vaccinations antityphiques sont de faible secours ; convaincu, d’autre part, que la fièvre typhoïde se transmet par l’homme malade ou guéri, ou ayant été seulement en contact avec le malade, Koch eut cette idée, belle par l’audace de sa conception, mais d’une réalisation difficile, qui est de détruire purement et simplement tous les bacilles typhiques qui se trouvaient sur le territoire allemand. A cet effet, il couvrit l’empire d’un réseau de stations antity- phiques ayant pour mission de pourchasser les bacilles typhiques partout où ceux-ci sont susceptibles d’être trouvés. Ces stations (Typhusuntersuchungstation) eurent et ont encore aujourd’hui pour tâche non seulement de dépister les typhiques dès le début de la maladie et de permettre un isolement aussi rapide que possible, mais elles doivent encore remonter à la source de l’infection pour pouvoir la couper à son origine ; une fois le diagnostic établi, la station est astreinte à veiller sur les malades jusqu'à la disparition des bacilles des selles et, dans les cas où, guéris, ceux-là deviennent des porteurs chro- niques de bacilles, à ne pas les perdre de vue, à les mettre en observation pendant des mois ou même des années, jusqu’au jour où l’examen répété des selles aura permis de constater la disparition définitive des bacilles. La surveillance de la station doit se traduire par l’éducation individuelle des porteurs, en vue des mesures prophylactiques à prendre, par l'examen mensuel des selles et des urines et la 196 ANNALES I)E L’INSTITUT PASTEUR distribution des antiseptiques aux porteurs de germes, aigus et chroniques. Yoici huit ans environ que ces stations fonctionnent; des milliers de typhiques ont pu être diagnostiqués et isolés aussitôt de leur entourage; des milliers de porteurs de germes sont suivis de mois en mois, et, grâce aux fiches admirable- ment tenues, on est exactement renseigné sur la date où leurs matières renfermaient ou ne renfermaient pas de bacilles lyphiques; dans les campagnes sont distribuées des tonnes d’antiseptiques et leur emploi est contrôlé par des équipes de* désinfecteurs constamment en tournée; des centaines d’exa- mens de selles et d'urines sont journellement pratiqués par des médecins ayant acquis une compétence exceptionnelle en la matière. Mais, le bacille typhique est-il devenu pour cela plus rare, depuis que l’on a mis à ses trousses onze laboratoires des mieux armés? Cela ne paraît pas : Que ces stations rendent de grands services, que leur nombre doive être augmenté au lieu d’être diminué (1), que leurs archives renferment des documents d’un intérêt épidé- miologique capital, cela nous parait indéniable ; mais ce qui n'est pas moins certain, c’est que, dans les régions infectées, la fièvre typhoïde apparaît tous les ans avec une régularité déses- pérante et que, d’une manière générale, cette maladie fait sen- siblement autant de victimes dans le sud-ouest de l’Alle- magne que dans les pays voisins où les stations antityphiques n'existent pas. 11 est probable que sans le concours de ces sta- tions, la fièvre typhoïde aurait fait encore plus de ravages, mais, ce qui n’est pas moins à considérer, c’est que l'idée ini- tiale de Koch, bien que réalisée sur une grande échelle, avec le concours d’hommes de haute valeur scientifique, n’a pas donné, après huit ans, les résultats attendus. Même des parti- sans convaincus de la campagne antitypbique de Koch, tel que Klinger (2), sont d’avis que la lutte contre la typhoïde ne saura être eflicace tant que l’on n’aura pas de remède pouvant guérir les porteurs chroniques. (1) Le gouvernement allemand a fermé au mois d’avril six stations sur onze. (2) Arbeit. a. d. k. Gesundheitsamt , p. 603, 1909. RECHERCHES SUR LA FIÈVRE TYPHOÏDE EXPÉRIMENTALE 197 Nous voyons donc que, de quelque côté que l’on se tourne, on rencontre des difficultés très grandes pour lutter contre la lièvre typhoïde, et il faut bien avouer que, à l'heure qu’il est, malgré tout notre outillage bactériologique, nous ne sommes pas encore arrivés à nous en rendre maître. Nous n’avons pas la prétention dans ce travail, de résoudre le problème de la fièvre typhoïde, si difficile et si compliqué. Nous avons simplement voulu contribuer, par des expériences nouvelles, à l'éclaircissement de quelques points le concer- nant ; notre travail, commencé depuis un an, est loin d’être terminé; nous croyons cependant utile de présenter au lecteur les résultats acquis dans cette première série de nos recherches. Il Typhoïde expérimentale. Des tentatives très nombreuses ont été faites dans l'intention d’obtenir, chez des animaux, une maladie expérimentale com- parable à la fièvre typhoïde de l'homme. 11 était de toute évi- dence que la péritonite des cobayes, développée à la suite des injections intra-péritonéales de bacilles typhiques, ne pouvait guère être confondue avec la typhoïde. Afin de résoudre le problème, il a fallu administrer le virus typhique par la voie naturelle, c’est-à-dire par la bouche. Inulile d’encombrer cet article par le récit des expériences multiples, faites par plusieurs chercheurs ainsi que par nous- mêmes, dans le but d’obtenir, chez des animaux de laboratoire, une fièvre typhoïde. Ce n’est que dans des cas très rares que l’on a pu constater quelques manifestations morbides dans le sens positif. Même chez les chimpanzés, étudiés à cet effet par Grünbaum (1) et autrefois par nous-mêmes, les résultats paraissaient peu encourageants. Etant donné que ces expériences étaient presque toutes exécutées avec des bacilles typhiques en culture pure, on avait le droit de se demander si là ne résidait pas la cause d’insuccès. \ (1) The British mecl. journ., p. 817. 1904. 198 ANNALES LE L’INSTITUT PASTEUR Tout le monde connaît l'impression produite par l’histoire du microbe du Hog-Choléra. Pendant des années on avait pris pour tel un coccobacille du groupe des paratyphiques, lorsqu’un jour il fut établi que le véritable agent étiologique était un microbe invisible filtrant, tandis que le coccobacille ne présen- tait qu’un élément tout à fait secondaire. N'y aurait-il pas quelque chose d’analogue dans la typhoïde (1)? G nid és par cette considération, notre première expérience était faite, non pas avec des cultures pures du bacille typhique, mais avec des matières fécales d’une malade de l’hôpital Pasteur, atteinte de fièvre typhoïde des plus typiques. L’examen bactériologique de ses matières révéla en abondance des bacilles typhiques. Cette expérience, ainsi qu’il a été relaté par un de nous (2), amena un résultat positif. Le jeune chimpanzé accusa une ascension thermique entre 39 et 40,5 à partir du huitième jour après l'absorption de matières typhiques. L’apparition de la diarrhée, ainsi que la pénétration des bacilles typhiques dans la circulation et le développement du pouvoir agglutinatif du sérum, accusaient une telle ressem- blance avec la typhoïde humaine que le doute ne pouvait plus subsister sur la possibilité de produire expérimentalement cette maladie chez le chimpanzé. (Y. Appendice, courbe i.) Ce résultat ayant été obtenu après l’absorption des matières typhiques, il a fallu résoudre la question, est-ce le bacille typhique contenu dans ces matières, ou bien quelque microbe invisible qui a joué le rôle principal ou unique dans notre expé- rience ? Dans cette intention nous avons fait boire à deux jeunes chimpanzés une partie du liquide résultant de la filtration des matières typhiques, dont le reste leur fut injecté sous la peau. Quelques jours après, la même expérience (ingestion et injec- tion de matières filtrées) fut répétée encore une fois. Chez le premier chimpanzé se produisit, le septième jour après le début de l’expérience, une élévation de température au-dessus de 40 degrés, qui ne dura qu'une seule journée. Cette ascension thermique fut suivie de deux autres poussées passagères au- (1) The British med. journ ., p. 817, 1909. (2) Comptes rendus de C Acad, des Sciences , 21 mars 1910, t. CL, p. 795. RECHERCHES SUR LA FIÈVRE TYPHOÏDE EXPÉRIMENTALE 190 dessus de 39 degrés, de très courte durée. Chez le second chimpanzé, la température ne dépassa pas la normale pendant tout le temps de cette expérience. Elant donné l’effet négatif du filtrat des matières typhiques chez ces deux chimpanzés, au point de vue de la production de la typhoïde, nous avons voulu établir si ce filtrat était capable de vacciner f organisme contre cette maladie. Dans ce but, nous avons administré par la bouche, aux mêmes anthropoïdes, des matières et des cultures typhiques. Le premier des deux chim- panzés a reçu, vingt-six jours après la première administration du filtrat, 10 centimètres cubes de cultures typhiques mélangées. Neuf jours après il succomba avec des signes incontestables de typhoïde. Bien que pendant toute cette période la tempéra- ture, au lieu de monter, fût en baisse progressive jusqu’à la mort, à l'autopsie l’intestin grêle se présenta à l’état hyperémié et rempli de mucus sanglant. Les ganglions mésentériques se trouvèrent congestionnés et hypertrophiés. Les plaques de Peyer, multiples, étaient nettement marquées. Le sang du cœur et de la rate donna naissance à des cultures pures du bacille typhique. (Y. Appendice, courbe n.) Chez le second chimpanzé, auquel nous avons fait boire, vingt-huit jours après le début de l’expérience avec le filtrat, un mélange de matières fécales et de cultures typhiques, le résultat a été encore plus probant. Le septième jour après l’ad- ministration de ce breuvage, la température commence à monter, pour atteindre 39 degrés. Quarante-huit heures après, le sang donne une culture pure de bacille typhique et le sérum, qui jusque-là se montrait dépourvu du pouvoir agglutinatif, devient capable d’agglutiner à raison de 1 : 50. (Y. Appendice, courbe ni. ) Ces données ne laissent aucun doute sur l’éclosion de la typhoïde chez ce chimpanzé et prouvent, par conséquent, l’inef- ficacité du liquide de filtration des matières typhiques à titre préventif. Dans l'impossibilité d’attribuer dans la typhoïde un rôle quelconque à un virus filtrant, il a fallu faire de nouvelles tentatives afin d’obtenir .cette maladie après l’administration des cultures pures du bacille typhique. Supposant que l’effet incertain des expériences deGrünhaum, 200 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ainsi que de la première expérience exécutée par un de nous avec des cultures typhiques, résultait de ce qu’elles étaient faites avec des bacilles provenant de l’homme, nous avons installé plusieurs expériences avec des cultures pures ayant déjà passé par l’organisme du chimpanzé. De même, dans toutes nos autres expériences avec les anthropoïdes, nous nousconten- lions de leur faire ingérer le virus, sans recourir à quelque changementde régime, ni à aucun autre moyen pour augmenter leur sensibilité. La première de ces expériences a été exécutée sur un gibbon adulte, auquel nous avons administré par la bouche la moitié d’une culture sur gélose, sur boite de Pétri, ayant pour origine le bacille typhique isolé du sang d’un des chimpanzés précédemment mentionnés. Déjà au troisième jour de cette expérience, la température commença à monter pour atteindre un maximum de 40°6. La fièvre s’est maintenue pendant près d’un mois. Le dixième jour de la maladie le sérum agglutinait en raison de 1 : 400, et le sang, retiré deux jours plus tard, donna une culture pure du bacille typhique. (V. Appendice, courbe iv.) Cette expérience si démonstrative ne laisse déjà aucun doute sur le pouvoir du bacille typhique en culture pure de provoquer la typhoïde typique. Trois autres expériences exécutées sur des chimpanzés, sont venues confirmer ce résultat. Seulement, dans ces derniers exemples d’injections de bacilles typhiques, il s’est agi de mélanges de cultures d’origine humaine et simienne. Dans plusieurs autres expériences nous nous sommes servis de mélanges de cultures typhiques avec des matières fécales de personnes atteintes de typhoïde. Sur seize expériences, exécu- tées avec des anthropoïdes (15 chimpanzés et 1 gibbon), nous n’avons eu qu’un seul échec. Un jeune chimpanzé, ayant reçu à deux reprises des mélanges de cultures et de matières typhiques, accusa bien le développement du pouvoir agglutinant jusqu’à 1 : 200, mais ne manifesta pas d’autres symptômes de typhoïde et surtout ne donna pas de cultures du bacille typhique avec son sang. Les quinze autres expériences ont toutes été couronnées de succès (1). La fièvre typhoïde se présenta chez les 15 anthro- poïdes sous forme plus ou moins typique et, dans la plupart d^s (U La présence des vers intestinaux n'est nullement nécessaire pour que les anthropoïdes prennent la typhoïde. RECHERCHES SUR LA FIÈVRE TYPHOÏDE EXPÉRIMENTALE 201 cas, bénigne. Nous n’avons enregistré que 3 exemples de mort due à cette maladie. Dans le premier, un très jeune chimpanzé qui ne pesait pas plus de 3 kilos, mourut dix jours après la première absorption de cultures mélangées avec des matières typhiques. La veille de la mort, son sérum agglutinait à 1 : 800. Le sang du cœur, les ganglions mésentériques, la rate, le foie et la bile renfermaient des bacilles typhiques. Ce cas, où la mort est survenue si rapidement après le début de l’expérience, est aussi intéressant comme exemple de fièvre typhoïde expérimentale, dans lequel il ne s’est pas produit d’as- cension thermique tant soit peu notable, la température n’étant montée qu’une seule fois à 38°4. (Y. Appendice, courbe v.) Dans toutes nos autres expériences, il se produisait toujours une poussée fébrile plus ou moins longue. On sait que la température normale des anthropoïdes est sujette à des variations assez considérables et que des tempéra- tures rectales de 38 degrés et au-dessus se rencontrent fréquem- ment dans un état de sanlé parfaite. Ce ne sont que des tempé- ratures de près de 39 degrés et au delà qui dénotent la fièvre. La température maximale que nous avons observée dans la typhoïde expérimentale, était de 40°8. Par contre, dans un cas exceptionnel, où la température normale d’un jeune chimpanzé oscillait entre 36°2 et 38°2, une ascension de température pendant trois jours, avec des maximums de 38°5, 38°6, doit être considérée comme un état fébrile dû à la typhoïde. Com- mencée le seplième jour après l’absorption de cultures et de matières typhiques, cette poussée thermique s’esttrouvée accom- pagnée de la présence du bacille typhique dans le sang et d’un pouvoir agglutinatif à 1 : 200. Il résulte de ces données que, dans la typhoïde expérimentale, il faut juger delà valeur des températures en tenant compte de leur rapport non pas avec la moyenne générale, mais avec les températures normales individuelles des anthropoïdes soumis à l’expérience. Un autre facteur dont il faut tenir compte dans les recher- ches sur la typhoïde, est la propriété du sérum sanguin d’agglutiner le bacille typhique. Le sérum normal de chim- panzé est dépourvu de cette propriété. Dans les cas rares, il s’est montré capable, de même que le sérum normal de notre / 202 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR unique gibbon, d’agglutiner le bacille typhique tout au plus à 1 : 25. Mais, après l'absorption de ces bacilles par la bouche, le pouvoir agglutinatif augmente dans tous les cas, quoique dans des proportions variables. Quelquefois il n’agglutine qu’à 1 : 50, plus souvent à 1 : 100 — 1 : 400. Dans les cas plus rares, le titre agglutinatif est monté à 1 : 800. Ce titre présente quelquefois des changements très brusques. Ainsi, dans une de nos expériences (Y. Appendice, courbe v), le sérum, d’abord inactif à 1 : 25, s'est montré, trois jours plus tard, capable d’agglutiner à 1 : 800. Ce titre, si exceptionnel et développé si rapidement, s'est abaissé le lendemain de moitié (1 : 400). Un élément des plus importants dans la recherche de la typhoïde expérimentale est la pullulation du bacille typhique dans le sang. Afin de l’établir, nous ensemencions du sang de nos anthropoïdes dans de la bile de bœuf stérilisée, après quoi nous faisions le lendemain des ensemencements sur des plaques de Conradi v. Drygalski. Généralement, le sang donnait des cultures typhiques au début de la poussée fébrile. Les bacilles s’y maintenaient pendant un nombre de jours variable. C’est cet ensemencement qui nous donnait la certitude du résultat positif de nos expériences. Ce critère bactériologique était d’autant plus important que les symptômes purement cliniques de la typhoïde ne sont pas toujours très prononcés chez les anthropoïdes. Parmi ces derniers, il n’y avait que le gibbon qui était arrivé à l'âge adulte, tandis que tous nos chim- panzés étaient des sujets très jeunes ne pesant que de 3 à 10 kilo- grammes. De même que la fièvre typhoïde des enfants est moins typique et plus bénigne que celle de l'homme adulte, la typhoïde expérimentale de nos chimpanzés se distingue par les mêmes particularités. Ces animaux n’accusent pas générale- ment de prostration, ni de faiblesse, comparables à celle de la typhoïde humaine typique. Les chimpanzés se tiennent assis et n’éprouvent pas le besoin de rester longtemps couchés. Leur appétit n’éprouve pas une grande diminution et leur langue n’est point chargée. Les fonctions intestinales n’accusent pas non plus de grands changements. Il s’est produit, dans plusieurs cas de typhoïde expérimentale, de la diarrhée plus ou moins prolongée. Mais ce symptôme est si fréquent chez les jeunes RECHERCHES SUR LA FIÈVRE TYPHOÏDE EXPÉRIMENTALE 203 chimpanzés qu'il serait imprudent de lui attribuer une trop grande importance, de même qu’à la présence de bacilles typhiques dans les déjections, vu que les animaux ont absorbé une grande quantité de ces microbes. La recherche des taches de roséole n’avait été pratiquée que rarement. La fréquence de petites érosions cutanées est si fréquente chez les chimpanzés que nous avions peur de tomber dans l’erreur. Le gibbon, beaucoup plus âgé que nos chimpanzés, a pré- senté des symptômes cliniques beaucoup plus accusés. Il s’est montré visiblement malade. Ayant perdu son agilité habituelle, il restait bloqué dans un coin. Etant très gourmand pendant son état de santé, il ne mangeait que très peu pendant sa typhoïde. LesseJles sont à cette période devenues diarrhéiques. Après un état fébrile de près d’un mois, la santé ne lui est plus revenue. Notre gibbon s’affaiblissait de plus en plus, présentant des accès fébriles et accusant des streptocoques dans son sang. Deux mois et demi après le début de l’expérience, il mourut avec des symptômes d’entérocolite, confirmée par l’autopsie. En effet, la muqueuse de l'intestin grêle était hyperémiée ; dans l’iléum on distinguait sept plaques de Lever à peine saillantes et non ulcérées. Le gros intestin, à partir du cæcum, était rempli de liquide grisâtre renfermant une masse énorme de bactéries et une quantité de cellules épithéliales desquamées. Ainsi que nous l'avons déjà mentionné, nos chimpanzés ne mouraient qu’à titre exceptionnel des suites de la typhoïde. Dans la plupart des cas ils mouraient de bronchopneumonie ou de colite. A l’autopsie, en dehors des signes de ces maladies, on remarquait des plaques de Peyer souvent nombreuses et presque toujours saillantes, avec des bords lobés et hypertro- phiés. Parfois quelques-unes de ces plaques étaient hyperémiées, mais jamais nous n’avons observé d’ulcérations ni fraîches, ni cicatrisées. Généralement, de même que cela s’observe chez des enfants morts de typhoïde, les ganglions mésentériques étaient hyper- trophiés, souvent congestionnés, renfermant dans leur inté- rieur des masses nécrosées et des bacilles typhiques. Par contre, la rate, dont l’hypertrophie n’était jamais considérable, n’accusait oint de lésions profondes. Souvent son ensemence- 204 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR r • i j • ; i 1 i : • J ment donnait des cultures du bacille typhique, soit à Tétât de pureté, soit en mélange avec d’autres bactéries d’espèces di- verses. Après avoir obtenu la typhoïde des anthropoïdes, nous nous sommes demandé si , avec le virus ayant passé par l’orga- nisme de ces animaux, il n’y aurait pas possibilité de repro- duire la maladie chez des singes inférieurs et même chez des rongeurs de laboratoire. L’issue positive de nos tentatives aurait pu faciliter beaucoup l’étude des problèmes touchant à la typhoïde, car l’emploi exclusif des anthropoïdes est sujet à beaucoup d’inconvénients. Nos expériences ont porté sur 10 cobayes, 18 lapins âgés de six à douze jours, 6 lapins adultes et 51 singes inférieurs (. Macacus cynomolgus , Rhésus , Cynocephalus , Cynopithecus), Tous ces animaux étaient infectés par la voie buccale. Sui- vant les cas, on leur donnait tantôt des cultures de bacilles typhiques pures, tantôt des matières fécales provenant des typhiques, tantôt, et le plus souvent, le mélange des unes et des autres. Les bacilles typhiques employés en ingestion étaient isolés oit du sang des personnes atteintes de fièvre typhoïde, soit du sang des chimpanzés à l’acmé de leur infection. Pour favoriser l’éclosion de la maladie chez nos animaux d’expériences, nous leur administrions le virus largct manu : nous leur donnions jusqu’à une demi-boîte de Roux, en renou- velant la dose, parfois deux et même trois fois. Chez certains singes, nous frottions les gencives avec un fort pinceau imbibé de culture typhique et de selles ; à d’autres nous introduisions dans la bouche des cultures mélangées avec du verre pilé. Plusieurs singes ont été infectés avec une race de typhique, qui a été cultivée pendant des mois dans du bouillon spécial, préparé avec les organes de singe. Enfin, à deux singes nous avons fait ingérer des bacilles qui avaient été isolés du sang de deux macaques ayant pris la maladie. Or, excepté les deux macaques en question, dont on trouvera les courbes dans l’Appendice, courbes vi et vu, aucun de nos ani- maux n’a contracté la fièvre typhoïde. Ni l’examen répété du RECHERCHES SUR LA FIÈVRE TYPHOÏDE EXPÉRIMENTALE 205 sang, ni la prise journalière de là température matin elsoir, pen- dant au moins un mois ayant suivi l'inoculation, n’ont permis de révéler la moindre trace d'infection. Nous nous croyons donc autorisés à conclure que ni les cobayes, ni les lapins même très jeunes, ni les singes infé- rieurs ne manifestent, à de très rares exceptions près^ de sensi- bilité à l’ingestion du virus typhique. III * - .1 _ " V ■ f ‘ , _ ' 5 ■ ‘ • * ï Essais de vaccination. - % J Ne pouvant douter, d’après l’ensemble de faits que nous venons de rappeler, qu'il soit possible de reproduire la typhoïde chez les anthropoïdes, nous avons voulu essayer de lutter contre cette maladie, encore si redoutable aujourd’hui. Nous n’avons pas cru nécessaire de commencer par la sérothérapie, car les chimpanzés guérissent au bout de peu de jours, sans aucun traitement, et aussi parce que l’emploi de sérum anti- typhique, à titre préventif, ne pourrait jamais avoir une impor- tance pratique. i Nous nous sommes adressés plutôt à des vaccins préparés soit à l’aide de bacilles typhiques, soit à l’aide de leurs pro- duits. Etant donné que les expériences sur les anlhropoïdes présentent de nombreux inconvénients, à cause de leur prix très élevé, leur extrême fragilité et la difficulté que l’on a à s’en procurer en quantité suffisante, nous avons dû restreindre, autant que possible, le champ de nos recherches. Considérant les vaccins vivants, bien qu’atténués, un peu trop risqués pour la santé de ceux qui y seraient soumis, nous nous sommes limités à essayer les vaccins préparés avec des microbes , morts ; ce sont, du reste, les seuls qui aient été, jusqu’à présent, employés dans, la pratique humaine. La base fondamentale des vaccinations est étayée sur deux principes théoriques : d’abord, sur la conviction que les vaccins capables de préserver le cobaye contre la péritonite typhique, doivent en même temps être doués d’un pouvoir pré- ventif contre la fièvre typhoïde humaine; ensuite, que l’immu- nité acquise contre cette maladie, peut, être mesurée par les 206 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUK propriétés humorales des sujets soumis à l’action des vaccins. Rien n’est plus facile que de vacciner les cobayes contre l’infection mortelle produite par l’injection de cultures typhiques dans le péritoine. 11 suffit pour cela de leur introduire préala- blement des bacilles typhiques tués par la chaleur ou par les antiseptiques, ou bien des bacilles tués et imprégnés de sérum antityphique (bacilles sensibilisés). Le môme effet peut être obtenu par des macérations de bacilles typhiques ou par des liquides de culture débarrassés de microbes. Yu que, dans la fièvre typhoïde, dès le début, il y a généra- lisation du bacille typhique dans le sang, on pouvait supposer, à juste titre, que les vaccins capables d’empêcher l’infection chez le cobaye, pouvaient être aussi efficaces vis-à-vis de la lièvre typhoïde chez l’homme. Néanmoins, étant donnée l’importance du problème, il a fallu soumettre cette hypothèse au contrôle de l’expérience. La difficulté de conserver vivants les chimpanzés pendant toute la durée des expériences de vaccination, puis celles d’épreuve, a fait que plusieurs de nos essais sont restés infruc- tueux; ainsi, sept de nos chimpanzés sont morts prématuré- ment sans donner de résultat autre que celui de montrer que l’ injection ou l’ingestion de vaccins amène, au bout de quelques jours, un pouvoir agglutinatif allant jusqu’à 1 : 100. Dix autres chimpanzés ont vécu assez longtemps pour pou- voir comporter une conclusion précise. Un de nous ayant établi, depuis plusieurs années, que la vaccination de cobayes s’obtient d’une façon certaine à l’aide d'injections, sous la peau, de bacilles typhiques a sensibilisés », nous avons soumis deux jeunes chimpanzés à ce traitement. Le premier (Appendice, courbe vm) avait reçu, à deux reprises, sous la peau, du vaccin sensibilisé; douze jours après la pre- mière injection, il lui fut administre par la bouche, ainsi qu’à un chimpanzé neuf, témoin, un mélange de culture et de matières typhiques. Après six jours d’incubation, tous deux ont contracté la fièvre typhoïde ; au cours de l’ascension fébrile, faible d’ailleurs (38°6 à 38°2), qu'a présentée le ^chimpanzé vacciné, nous avons pu isoler de son sang le bacille typhique. Un second essai de vaccination avec des bacilles tués et r sensibilisés a été aussi infructueux que le premier : il s’agissait RECHERCHES SUR LA FIÈVRE TYPHOÏDE EXPÉRIMENTALE 20? d’un chimpanzé qui, après avoir été injecté à trois reprises, sous la peau, avec du vaccin sensibilisé, a été pris, sept jours après l’ingestion d’épreuve (de culture et de matières typhiques), d’une typhoïde des plus typiques, avec bacilles d’Eberth dans le sang. (Appendice, courbe ix.) La vaccination par le procédé de Vincent, qui consiste à injecter des autolysats de bacilles typhiques, n’a pas donné de bien meilleurs résultats. Dans une première expérience (V. Appendice, courbe xi), un chimpanzé reçut à trois reprises du vaccin de Vincent sous la peau et, de plus, par la bou- che, des bacilles chauffés à 60 degrés. A partir du dixième jour, après l'inges- tion d’épreuve de matières et des cultures typhiques, la température com- mença à monter; un état fébrile s’est établi pendant toute une semaine, et cela jusqu’à la mort de l’animal, précipitée par un rhume intercurrent. Le résultat négatif de l’ensemencement du sang indiquerait l’efficacité de la vac- cination, mais l’accroissement du pouvoir agglutinant jusqu’au titre excep- tionnel de 1 : 5.000 plaide plutôt dans le sens contraire. L’issue imprécise de cette expérience en nécessita une seconde. Celle-ci fut réalisée sur un chimpanzé, en môme temps qu’il fut procédé au second essai du vaccin sensibilisé. A trois reprises, il lui a été injecté sous la peau 1 centimètre cube de produit de macération préparé d’après le pro- cédé de Vincent. Deux semaines après la première injection, il fut administré à ce chimpanzé, par la bouche, ainsi qu’à un chimpanzé neuf, témoin, un mélange de bacilles typhiques d’origine humaine et simienne et de déjec- tions typhiques humaines. Le neuvième jour après cette ingestion d’épreuve, la température s’est mise à monter, pour atteindre bientôt le maximum de 40°8. On vit s'établir un état fébrile prononcé, qui dura deux semaines, jusqu’à la mort de l’animal. Ensemencé au début de la fièvre, le sang prélevé au pli du coude donna une culture abondante de bacilles typhiques, mélangée à quelques staphylocoques. Le pouvoir agglutinant était à ce moment à 1 : 400. Ensemencé la veille de la mort, au moment où le chimpanzé se trouvait dans un état de forte prostration, le sang demeura stérile, mais il accusa un léger accroissement de la propriété agglutinative (1 : 800). L’autopsie ne révéla rien de particulier. Le cœur baignait dans un liquide transparent; les poumons étaient normaux; l’iléon accusa des plaques de Peyer, relativement peu développées. L’ensemencement du sang du cœur, de la bile, du liquide péricardique et des organes (foie, rate) demeura stérile. (V. Appendice, courbe xi.) La mort doit donc être attribuée à une intoxication typhique, consécutive à une typhoïde, la plus grave que nous ayons pu observer chez nos chimpanzés. 208 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Tout autre fut le cas du témoin. . « » r Après avoir absorbé le même mélange que le chimpanzé vacciné par le procédé de Vincent, le témoin accusa une ascension thermique le même jour que ce dernier. Seulement, chez lui, la température tomba dès le lendemain pour ne se relever ensuite que deux fois, d’une façon très fugace. (V. Appen- dice, courbe xii). Le sang, prélevé au premier jour de la poussée fébrile, de- meura stérile, son titre agglutinatif fut de 1 : 400, et il monta plusieurs jours après à 1 : 800; une seconde prise de sang faite à ce moment, n’a pas donné de culture non plus. En comparant les deux chimpanzés de cette expérience, on a l’impression que les trois injections vaccinales, au lieu de diminuer la sensibilité, avaient plutôt augmenté celle-ci, et cela d une façon très marquée. 11 a été fait encore une troisième expérience sur deux chim- panzés; l’un a été injecté trois fois avec le vaccin de Vincent et l’autre a servi de témoin; mais il est inutile de la relater, vu que les deux chimpanzés, soumis ensuite au virus, restèrent indéfiniment indemnes. (V. Appendice, courbes xm, xiv.) Les deux sortes de vaccins qui ont été ainsi inefficaces chez les chimpanzés, furent essayés par nous simultanément chez des cobayes, et tous les deux se montrèrent capables de protéger sûrement ces animaux contre plusieurs doses mortelles de bacilles typhiques. Il ressort donc de ce fait, d’une façon évidente, que la typhoïde des chimpanzés, qui est, en général, bénigne, et la péritonite typhique des cobayes, qui est mortelle, ne peuvent nullement être considérées comme une seule et même maladie. On n’a donc aucun droit de fonder des méthodes de vaccination contre la typhoïde humaine, en se guidant sur les résultats obtenus chez des cobayes. Un autre fait qui a été invoqué dans les essais de vaccination de l’homme, est relatif à l’accroissement de certaines de ses propriétés humorales; il a été dit que cette modification du sang impliquait nécessairement l’acquisition ou l’accroisse- ment de son immunité. Nous ne pouvons entrer ici dans l’étude détaillée de ce pro- blème. Contentons-nous de rappeler que, pendant longtemps, on considérait que le pouvoir agglutinant pouvait traduire le degré de l’immunité, et que l’on a été ensuite obligé de renoncer à cette manière de voir. On s’est attaché alors au pouvoir opso- RECHERCHES SUR LA FIÈVRE TYPHOÏDE EXPÉRIMENTALE 209 nique ou bactéricide (sensibilisateur) des humeurs; mais de ce côté aussi les chercheurs ont éprouvé des déboires. Les faits les plus significatifs dans cet ordre d’idées sont ceux qui se rapportent à la tuberculose. Dans la dernière période de son activité scientifique, le tant regretté Robert Koch qui, pendant si longtemps, tenait l’éten- dard des théories humorales de l’immunité, a dû reconnaître qu’il était impossible déjuger de l’état réfractaire de l’individu d’après l’évaluation de ses propriétés humorales. Dans le tra- vail du Dr Jochmann (1), exécuté en collaboration avec le célèbre créateur de l’école bactériologique allemande, nous trouvons les conclusions suivantes au sujet du traitement de la tuberculose : « Nous avons eu des malades dont un certain nombre ont été traités par la tuberculine pendant un an et qui ont guéri en accusant un accroissement en anticorps; par contre, chez d’autres malades, nous avons obtenu le même effet clinique sans qu’il y eût production d’anticorps; nous avons même observé des cas où, malgré la production crois- sante d’anticorps, l’état du malade s’empirait pour aboutir à la mort... Tout le problème de la formation d’anticorps est encore loin d’être mûr à l’heure actuelle. » (P. 977.) Depuis les recherches de l’un de nous sur l'immunité, remon- tant à une vingtaine d’années, il a été soutenu cette thèse que les anticorps ne sont pas capables de rendre compte du degré de résistance de l’organisme. Comme on le voit, cette idée com- mence à se manifester du côté où l’on s’y attendait le moins. Il ne faut pas s’étonner que les méthodes de vaccination contre la fièvre typhoïde, basées sur des principes insuffisants ou défectueux, tels que immunisation des cobayes ou évaluation des propriétés humorales, n’aient donné dans la pratique humaine que des résultats peu précis ou imparfaits. D'après les statistiques de l’armée allemande, publiées par Ph. Kuhn (2), les vaccinations contre la typhoïde n’ont abaissé la morbidité que de moitié. D’après le relevé des vaccinations antityphiques, publié par M. Vincent (3), portant sur plus de (1) Deutsche meclizin. Wochenschr., 26 mai 1910. (2) Deutsche militaraerztl. Zeitschr., f. 8; 1907. (3) Bull, de l'Académie de médec., t. LXV; séance du 24 janvier 1911; pp. 63-103. 14 210 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR cent mille sujets, « les vaccinés ont présenté un chiffre de cas de fièvre typhoïde au moins deux fois plus faihle que les non vaccinés ». Même d'après les statistiques de Leishman (1), les plus favo- rables qui aient jamais été publiées, les vaccinations n’ont abaissé la piorbidité de la fièvre typhoïde que de cinq à six fois. Or, les données que l’on possède relativement à ces vaccina- tions, sont trop insuffisantes pour en permettre une analyse approfondie; mais il suffit déjà de les comparer aux résultats des vaccinations qui ont pour base des expériences de laboratoire bien assises, pour saisir aussitôt toute la différence. Ainsi, pour ne prendre que les vaccinalions antirabiques, par exemple, on sait que, bien que pratiquées sur des sujets déjà en puis- sance du virus, elles sont à même de diminuer la mortalité d’au moins vingt fois. Dans l’impossibilité de fonder une bonne méthode de vacci- nation contre la fièvre typhoïde, autrement que sur des expé- riences avec les anthropoïdes, nous nous sommes adressés à ces derniers pour établir s’il n’y avait pas moyen d’obtenir quelque résultat par l’administration buccale de bacilles typhiques lues à 60 degrés. Une première expérience faite dans cette voie nous a paru encourageante. Deux chimpanzés dont l’un absorba par la bouche, en deux fois, lo centimètres cubes de culture typhique chauffée à 60 degrés, et l’autre, témoin, reçurent, onze jours après le début de l’expérience, chacun une demi-boîte de culture typhique vivante. Le chimpanzé ayant reçu préalablement par la bouche des bacilles chauffés, a présenté une ascension ther- mique de peu d’importance; le pouvoir agglutinatif de son sérum monta à 1 : 200, mais l'ensemencement du sang, fait à trois reprises différentes, resta toujours négatif. (Y. Appen- dice, courbe xv.) Par contre, le témoin qui reçut parla bouche la même dose de culture vivante que le précédent, eut une poussée fébrile durant plusieurs jours, et, à deux reprises, le sang prélevé au pli du coude donna une culture pure de bacilles typhiques. (1) Journal of the Royal Instit. of Public Hea/ili : vol. XVII!; septembre 19R). RECHERCHES SUR LA FIÈVRE TYPHOÏDE EXPERIMENTALE 211 Même au début de ia défervescence, on a pu isoler du sang le bacille typhique à l'état pur (V. Appendice, courbe xvi. En revanche, une seconde expérience faite dans les condi- tions analogues, a donné un résultat tout autre. Un chim- panzé reçut par la bouche, à deux reprises, un mélange de plusieurs cultures typhiques chauffées à 60 degrés. Dix jours après le début de l’expérience, ou lui administra par la bouche des bacilles typhiques vivants, à la dose équivalente à une boîte de Pétri, mélangés avec des matières fécales typhi- ques. Six jours après, la température commençait à monler, et pendant plusieurs jours il s'est établi un état fébrile, au cours duquel on a pu isoler du sang le bacille typhique à l'état de cullure pure. (Voy. Appendice, courbe xvn.) Nous ne pensons pas que nos essais de vaccination, qui ont ' abouti à des résultats plutôt négatifs, aient déjà dit le dernier mot. Il est évident que l’emploi de bacilles morts, macérés, sensibilisés ou non, ne confère aucune protection certaine; mais il est possible qu'avec d'autres méthodes on arrive à de meilleurs résultats. De nouvelles recherches sont donc à tenter; seulement, lorsqu’on voudra essayer des vaccinations sur l’homme, il faudra les réaliser dans des conditions autre- ment bien définies que celles qui ont été faites jusqu'à ce jour. Puisqu’on ne peut compter sur les vaccins existants, les personnes désireuses de se prémunir contre la typhoïde doivent, en attendant, recourir aux mesures hygiéniques. Les tentatives pour empêcher la dissémination du virus par les porteurs de bacilles typhiques, ne se sont montrées ni faciles ni efficaces. Dans ces conditions, l'essentiel est d'empêcher la pénétration des microbes dans le tube digestif; les mesures à prendre sont connues et pas aussi difficiles à appliquer que l'on a l'habitude de le croire. Voici un exemple capable de le démontrer. D’après les renseignements fournis parM. Netter 1), il s'est produit, dans l’espace de cinq années (1903-1907 inclus), six cas de typhoïde parmi les infirmières des salles des typhoï- sants à l’hôpital Trousseau. « Sur ces six infirmières, cinq (1) Cité par >1. Vincent. Bull. Ac. Méd.. 24 janvier 1911, p. 101. 212 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR étaient des veilleuses de nuit, plus jeunes, plus réceptives et plus ignorantes ou négligentes des précautions à prendre. » Il n’y a eu donc qu’un seul cas parmi les infirmières plus ins- truites. Combattre l’ignorance et la négligence constitue donc un facteur important de la lutte contre la typhoïde et capable de rendre souvent la vaccination inutile, tant que celle-ci ne comportera pas de résultats certains et constants. Conclusions. 1. Il est possible de produire la fièvre typhoïde par la voie expérimentale ; 2. Seuls les anthropoïdes accusent une sensibilité nette pour le virus typhique administré par la voie buccale ; 3. Les singes inférieurs ne sont capables de contracter la fièvre typhoïde que dans des cas exceptionnels. Les rongeurs, même les lapins à la mamelle, sont réfractaires à cette maladie; i. Le virus typhique est constitué par le bacille d’Eberth ; les cultures pures de ce dernier sont capables de produire la lièvre typhoïde chez les anthropoïdes; 3. Il n’existe pas de virus filtrant, capable de jouer un rôle étiologique dans la fièvre typhoïde ; 6. Les méthodes de vaccination par des bacilles tués, macérés ou sensibilisés, qui sont capables de protéger sûrement le cobaye contre l'infection péritonéale, sont insuffisantes dans la fièvre typhoïde expérimentale; 7. La péritonite expérimentale des rongeurs, provoquée par l’injection de bacilles typhiques, ne doit pas être identifiée avec la fièvre typhoïde provoquée par l'ingestion du virus typhique. APPENDICE N° 1. — Chimpanzé Clément. 21 janvier 1910, a absorbé à trois reprises un peu de déjections typhiques de Mlle L... Poids du cadavre, 4.900. Poids de la rate, 21. Longueur, 6. Largeur, 4. Poids du foie, 124. — U plaques de Peyer. — Colite dysentérique. RECHERCHES SUR LA FIÈVRE TYPHOÏDE EXPÉRIMENTALE 213 N° II. — Chimpanzé Nestor . 16 fé- vrier 1910, a reçu à boire du filtrat de déjections typhiques; de plus, une certaine quantité de ce liquide lui a été injectée sous la peau; le 18 février, filtrat des matières ty- phiques par la bouche; puis, sous la peau, du sérum sanguin filtré provenant d’un malade en pleine typhoïde. 15 mars 1910, administration de cultures typhiques par la bouche. 24 mars 1910, Mort. — Poids du cadavre, 5.730. Poids de la rate, 16. Dans l’iléum, nombreuses plaques de Peyer. — Dégéné- rescence graisseuse du foie. N° III. — Chimpanzé Benoite , 12 avril 1910, reçoit par la bouche, et sous la peau, du filtrat de déjections typhiques. 20 avril 1910, boit du liquide obtenu après filtration des déjec- tions et des cultures typhiques. 26 avril 1910, reçoit par la bouche un mé- lange de cultures et de matières typhi- ques. Mort le 18 mai 1910. — Poids du cadavre, 4.000. Poids de la rate, 17 ; longueur, 7 ; largeur, 4,2. — Cœur et poumons normaux. — Foie hypertrophié, gras. — Muqueuse de l’intestin grêle hyperé- miée. — Dans l’iléum, 15 plaques de Peyer, dont quelques - unes très hypertrophiées. — La muqueuse du gros intestin contient de nombreuses ecchy- moses. — Le côlon Courbe 2. Courbe 214 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR cæcum est très congestionnée et couverte renferme du sang coa- gulé. — Enlérocolite dy- sentérique. N° IV. — Gibbon, re- çoit, 27 mais 1910, p^r la bouche, une demi- boîte de Roux de bacille typhique provenant du chimpanzé Nestor. 6 mai 1910, diarrhée. f HT Après sa typhoïde, le Gibbon a maigri et s’est notablement affaibli. Il est mort le 11 juin 1910. — Poids du cadavre, 3.460. — Dans les pou- mons , de nombreux petits points d’anthra- cose. — Foie hyperémié, rouge. — Muqueuse de l'intestin grêle hyperé- miée. — Dans l’iléum, Co 7 plaques faisant a g peine saillie. — Nom- g breux ganglions mésen- u tériques renfermant du pigment noir. Entérocolite mortelle. N°1V. — Chimpanzé Justine. 12 avril 1910, a bu un mélange de ma- tières et de cultures tv- phiques. Mort le, 22 avril 1910. — Poids du cadavre , 2.800. Poidsde la rate, 8. — Poumons normaux. — tUn peu de liquide clair dans le péricarde. — Foie par endroits très gras. — Reins for- tement hyperémiés. — L’intestin grêle conges- tionné partiellement est rempli de matières fé- cales très liquides. — ■ Dans l’iléum, 7 plaques de Peyer. — La plaque la plus rapprochée du d’extravasations sanguines . RECHERCHES SUR LA FIÈVRE TYPHOÏDE EXPÉRIMENTALE 215 Courbe 216 ANNALES I)E L’INSTITUT PASTEUR I — Un grand nombre de ganglions mésentériques. — Le gros intestin, congestionné dans sa partie supérieure, est rempli de liquide purulent grisâtre. N° VI. — Macacus cynomolgus n° 97, reçoit, le 26 avril 1910, parla bouche, 5 centimètres cubes de mélange de cultures, provenant du sang du Gibbon, des chimpanzés Nestor et Justine, et de matières fécales typhiques humaines. Le macaque est sacrifié le 7 mai 1910. — Pas de lésions caractéristiques dans l’intestin. — L’ensemencement de la rate, des ganglions lymphatiques a donné des cultures pures de bacille typhique ; on en trouve aussi dans le contenu intestinal. N° VII, — Macacus cynomolgus n° 8, reçoit à boire, le 7 mai 1910, 15 centi- mètres cubes d’émulsion (demi-boîte de Roux) de bacille isolé du sang du macaque précédent (n° 97) pendant la vie. Le macaque est sacrifié le 13 mai 1910. — Pas de lésions caractéristiques à l’autopsie. — Sang stérile. N° VIII. — Chimpanzé Jules. 14 avril 1910, reçoit sous la peau 1 centimètre cube de vaccin sensi- bilisé. 19 avril 1910, injection d’une seconde dose du même vaccin. 26 avril 1910, administration par la bouche de déjections et de cultures typhiques. Mort le 30 mai 1910. — Poids du cadavre, 4.150. Poids de la rate, 30. Longueur, 11. Lar- geur, 4,5. Pneumonie double. Beaucoup d’ascarides dans l'intestin grêle. — 8 plaques de Peyer. — Jéjunum congestionné. N° IX. — Chimpanzé Lucie. 12 décembre 1910, a reçu sous la peau 1 centi- 26 décembre 1910, administration par la bouche d’une épaisse émulsion de cultures typhiques (races humaines, H., Pierre, Okhubo; chimpanzés: Hé- lène, Victor) et de matières typhiques. No X. - Chimpanzé Suzanne. 16 août 1910, a reçu sous la peau du vaccin Vincent. 21 août 1910, a bu le. contenu d'un quart de boîte de Roux d’une culture 218 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR sur gélose de bacilles typhiques tués à GO degrés. 24 et 31 août 1910, deux injections du vaccin Vincent sous la peau. 6 septembre 1910, adminis- tration par la bouche de cultu- res typhiques. Suzanne était mourante le 23 septembre 1910. Le même jour, elle a été tuée au chlo- roforme.— Autops>e : Poumons partiellement congestionnés. — Quelques centimètres cubes de liquide trouble dans le péri- carde. — Dans l’iléum, 5 pla- ques de Peyer saillantes. — Congestion partielle du cô- lon. N° XI. — Chimpanzé Cons- tance. 12, 16 et 21 décembre, reçoit chaque fois, par 1 cen- timètre cube, du vaccin Vin- cent. 26 décembre 1910, admi- nistration par la bouche de cultures typhiques d’origine 2 humaine (H., Pierre, Okhubo), g simienne (Hélène , Victor) et S de matières typhiques hu- u maines. N° XII. — Chimpanzé Nicaize sert de témoin aux chimpanzés Lucie et Constance, et reçoit à boire, le 26 décembre, la même émulsion de cultures typhiques et les mêmes ma- tières typhiques qu’eux. N° XIII. — Chimpanzé Hed- wige, reçoit à trois reprises du vaccin Vincent sous la peau : les 13, 20 et 27 octobre 1910. Le 3 novembre, boit des matières typhiques humaines et des cultures typhiques provenant d’hommes (H., Pierre, Okhubo) et de chimpanzés (Hélène, .Iules). 21 novembre, une nouvelle administration de matières typhiques et de cultures : (IL, Pierre, Okhubo; chimpanzés : Odette, Jus- tine, Hélène). ★ J. ire : Pas de bacilles typhiques dans le sang. Courbe 13 Courbes 11 et 12. 220 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR N° XIV. — Chim- panzé Laure sert de témoin à Hedwige et reçoit les mômes vi- rus. le 3 et 21 no- vembre 1910. N° XV. — Chim- panzé Didier.— Poids 4.100. — 20 mai 1910, boit 10 centimètres cubes de culture chauffée à 60 de- grés. — 26 mai, boit 5 centimètres cubes de même culture chauffée à 60 degrés. — 31 mai, boit 20 centimètres cubes de culture de bacilles typhiques vi- vants (une demi- boîte de Roux). Mort le 24 juin 1910. N° XVI. — Chimpanzé Odette. — Poids, 9.900. — 31 mai 1910, reçoit par la bouche 20 centimètres cubes de culture typhique (une demi-boîte de Roux). — Morte le 8 août 1910, ^de co- lite. Courbes 14 et 15. Courbe 16. RECHERCHES SLR LA FIÈVRE TYPHOÏDE EXPÉRIMENTALE 221 Congestion du poumon droit, — Foie plaques de Peyer. gras. — Dans l'iléum. traces de No XVII. — Chim- panzé Anne. Le 22 juil- let 1910, administra- tion par la bouche de 3 centimètres cubes de bacilles typhiques, chauffés une heure à 60 degrés. 24 juillet, nouvelle administration, par la même voie, de bacilles typhiques tués à60de- grés. lcr août, adminis- tration de virus par la bouche : cultures humaines (H., Ok- hubo) et simiennes (Gibbon; chimpanzés Nestor et Justine) et matières typhiques d’homme. Anne est morte le 11 septembre 1910, — Poids du cadavre, 4.500. Cœur, poumons, reins, normaux. Rate petite, nor- male, pèse 10 gram- mes. Partie supérieure de l’intestin grêle faible- ment congestionnée. Une grosse plaque de Peyer au voisi- nage de la valvule de Bauhin. Les ganglions rétro- cæcaux sont très con- gestionnés. Le caecum et le côlon sont remplis dune quantité de matières tiè molles. loi] R RR 17. ÉTUDE DE LA STABILISATION DES GLOBULES ROUGES DE IYIAIYIIYIIFÈRES (DU MOUTON EN PARTICULIER) PAR LES SOLUTIONS TRÈS DILUÉES DE FORMOL par P. ARMAND-DELILLE et L. LAUNOY. L’importance de plus en plus grande prise en clinique parle séro-diagnostio de la syphilis pratiqué selon la méthode de Wassermann, a conduit les chercheurs à se poser le problème de la conservation des globules rouges. A vrai dire, on peut considérer le problème comme résolu, quand on peut disposer d’une glacière. On sait depuis longtemps que des globules rouges (globules de mouton par exemple), gardent intactes à la glacière (8 à tO degrés) leurs propriétés biologiques pendant une période qui varie de 5 à 8 jours. Dans les conditions ordinaires de la récolte des globules prélevés à l’abattoir, forcément sans grandes précauûons, on peut considérer celle durée de 5 à 8 jours comme un maximum. C’est-à dire que la nécessité de renouveler constamment les globules nécessaires à la pratique de la déviation du complet ment, offre déjà quelque difficulté à la diffusion de la méthode de Wassermann. Notre intention a été de mettre à la disposition des cliniciens un procédé simple leur permettant de conserver à ta tempéra- ture ordinaire , pendant 8 jours au moins, des globules rouges provenant d’animaux sacrifiés aux abattoirs. Nous avons atteint ce but par l’addiiion de très petites quantités d’aldéhyde formique aux émulsions globulaires. Dans la pratique courante, nos résultats paraîtront suffisants, quand nous aurons dit que nous avons pu nous servir, comme indicateurs dans la réaction de Wassermann, de globules conservés pendant trois semaines à 20-24 degrés. La durée de conservation pour une même espèce globulaire varie d’ailleurs dans des limites assez étendues; elle n’estjamais inférieure à 12 ou 15 jours. STABILISATION DES GLOBULES ROUGES DE MAMMIFÈRES 223 Technique de La formalisation. — Les globules sont lavés deux fois à l’eau physiologique. Il convient d’effectuer le lavage aussitôt que possible après la prise du sang. Dans les éprouvettes à lavage nous mettons une partie de globules pour quatre parties d’eau salée contenant 9 gr. 5 p. 1000 de chlorure de sodium. Les globules sont séparés de l’eau de lavage par centrifugation: il faut éviter une centrifugation trop rapide et trop prolongée dont le résultat serait d’abaisser beaucoup la résistance globulaire. Cette dernière est d'ailleurs déjà très diminuée du fait de manipulations nécessaires à l’éloigne- ment du sérum sanguin. La masse globulaire lavée, ramenée par addition d’eau salée à son volume primitif, est répartie à raison de 5 centimètres cubes par tube, dans des tubes ordinaires stérilisés. On additionne chaque division globulaire de la quantité de formol nécessaire. En dernier lieu, nous nous sommes arrêtés à la dilution de 2 p. 1.000. On prendra donc : i . . . Globules lavés 5 cent, cubes. Solution de formol du commerce, diluée au 1/10, dans l’eau salée 0 c.c. 1 ■ ;':.n . • ; ' ; ' ' ; . •; ’.jf'U p;; ' ' ' -i La dilution au 1/10 de la solution commerciale d’aldéhyde formique doit être faite au moment du besoin. Les tubes de globules formolés sont conservés bouchés au coton. Nous donnons ci-après le détail : 1° Des expériences relatives h Faction du formol sur les globules; 2° Des recherches qui nous ont permis d établir notre technique de stabilisation des globules rouges et d’en justifier l’emploi. L’action fixatrice du formol sur les cellules animales est depuis longtemps connue. Relativement au pouvoir fixateur de ce corps sur les globules rouges, il faut accorder à Be- nario [1] (1) le mérite de l’avoir démontré pour la première fois; toutefois, dans les recherches de Benario, il s’agissait de fixations sur lames. C’est réellement Marcano [2] qui le pre- mier fit une étude systématique de l’action de l’aldéhyde for- mique sur les globules rouges. Dans le travail de Marcano nous apprenons que le formol additionné au liquide de Ilayem, dans la proportion de 1 : 100, donne des solutions dans lesquelles les globules rouges sont peu déformés, se conservent longtemps et se sédimentent (I) Pour les chiffres mis entre crochets, voir l’Index bibliographique. 224 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR rapidement. L’auteur s’est borné à des observations de mor- phologie pure. L’étude des propriétés biologiques de globules fixés est faite pour la première fois par G. N. Stewart [3] en 1901. Cet auteur s’était servi comme agents fixateurs de formol, d'acide osmique, de la chaleur. En 1902, Matthes [4 J étudie les propriétés des globules fixés par le bichlorure de mercure. En 1907, Dungern et Coca [5] observent que des globules rouges fixés par l'acide osmique peuvent être laqués par un sérum hétérogène. L’année dernière, Stewart [6], dans un volumineux mémoire consacré à l’exposé des recherches sur l'hémolyse, expose dans un paragraphe spécial les propriétés de globules fixés par le formol. Cet auteur remarque que, dans la fixation par le formol, l'hémoglobine est transformée en méthémoglobine ; les globules fixés par la méthode de Stewart (sang de bœuf, 1 volume; solution d’HCOH à 4 p. 100 in NaCl, 1 vol.) ne [sont pas laqués par Veau distillée ni par l'action des agents hémolytiques ordi- naires. Mais ils peuvent être laqués par le chauffage avec de l’eau ammoniacale. La même année (1 909) Guyot [7] observe que des globules tixés par le formol se laissent agglutiner par des sérums hétérogènes, par des sérums préparés et par des substances agglutinantes. Le stroma des globules se laisse également agglutiner. Les documents que nous venons d’analyser rapidement sont les seuls dont nous avons eu connaissance; nous devons dire immédiatement en quoi notre méthode diffère de celles de Stewart et de Guyot, qui paraît avoir entrevu le premier la possibilité d’employer en clinique des globules formolés. Ces auteurs ont étudié des globules fixés ; pour cela ils étaient obligés de faire agir des quantités relativement fortes d’aldé- hyde formique. Les globules fixés par le formol sont des globules dénaturés, qui ne pouvaient en aucune façon convenir pour le but spécial auquel nous les destinions. En effet, quand on fait agir sur des hématies les proportions de formol indiquées par Stewart ou Guyot, un certain nombre de globules sont laqués, le liquide est coloré; d’autre part, quand la fixation est complète, les globules formolés sont capables de résister aux procédés de laquage ordinaire des globules frais. STABILISATION DES GLOBULES BOUGES DE MAMMIFERES 225 Comme nous allons le démontrer les globules traités par le lormol en solution très diluée n’ayant aucun pouvoir lixateur, présentent tous les caractères biologiques des globules frais. I. — Action des différentes dilutions de formol SUR LES GLOBULES ROUGES. D une façon générale pour des globules de mouton lavés, les solutions de formol dans l’eau salée représentant des dilutions de 1 à 10 p. 1000 de la solution commerciale, ne provoquent pas immédiatement ï hémolyse. Les globules restent rouges, la viva- cité de leur coloration est même plus accentuée à partir des dilutions à 4 p. 1000. A partir des dilutions à 6 p. 1000, on observe de la métbémo- globination. En quelques heures (trois heures), à 23 degrés les globules plongés dans une solution chlorurée sodicjue contenant 8p. 1000 de HCOÏÏ à 40 p. 100 deviennent légèrement brunâtres; après quatre heures et demie d’action, la présence de méthémo- globine est très évidente déjà pour des dilutions à 7 p. 1000. La transformation de l’hémoglobine a lieu sans passage de matière colorante dans le liquide et sans déformation globulaire très accentuée. Cependant, pour des dilutions à 10 p. 1000 d’HCOII les globules perdent leur aspect biconcave, ils apparaissent sphériques, ils sont colorés en brun. Quand le contact des globules avec la solution de formol est prolongé pendant vingt-quatre heures, on note de la plasmolyse à partir des dilution à 10 p. 1000. Quand on fait agir sur les globules de mouton, des solutions de formol plus concentrées on observe mieux l’action plasmoly- tique de HCOH. La plasmolyse est rapide, elle s’accompagne de la transformation de l’hémoglobine en produits de couleur brune. Après une heure, à la température du laboratoire, pour une dilution à 20 p. 1000, l’hémolyse est incomplète, la coloration brune du liquide est peu accentuée. A partir des dilutions à 20 p. 1000 l’hémolyse est très rapide, la transformation de l’hémoglobine est simultanée à l’hémo- lyse. Quand on examine après vingt-quatre heures de contact des 15 226 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR tubes contenant un mélange de 9 centimètres cubes de solution formolée ~f- 1 centimètre cube d’émulsion globulaire, on note pour des dilutions égales ou supérieures à 20 p. 1000 d’HCOII, à 40 p. 100, l’aspect suivant : dans les tubes, abondant préci- pité brunâtre; l'examen microscopique démontre la présence, dans la masse amorphe, des stromas globulaires, sphériques. Les stromas globulaires sont le plus généralement agglutinés par petits paquets. Ces premières recherches démontrent en ce qui concerne les globales de mouton que : 1° Les dilutions de formol commercial inférieures à 1 0 p. 1 000 peuvent seules convenir à la stabilisation de ces éléments; les dilutions plus concentrées étant hémolytiques ; 2° Les dilutions de 1 à 10 p. 1000 d’aldéhyde formique du commerce ne provoquent pas de plasmolyse sensible, tout au moins pendant les premières vingt-quatre heures; 3° Les dilutions égales et a fortiori inférieures à b p. 1000 ne transforment pas l’hémoglobine en méthémoglobine, sauf après un contact prolongé; 4° L(*s dilutions même très faibles (1 p. 1000) de la solution d’aldéhyde à 40 p. 100 du commerce, provoquent rapidement la sédimentation globulaire. Ce que nous venons de conclure s’applique aux globules de bœuf, de cheval et de mouton. Cependant les globules de cheval sont un peu plus résistants à l’action hémolytique du formol. Les globules de bœuf se comportent sensiblement comme les globules de mouton. IL — Résistance des globules stabilisés par le fobmol ^ AUX SOLUTIONS HYPOTONIQUES Les recherches précédentes nous ont montré que seules des dilutions égales ou inférieures à 5 p. 1000, de la solution com- merciale d’aldéhyde à 40 p. 100, sont indiquées pour la stabili- sation des globules; nos expériences sur la résistance globu- laire aux solutions hypotoniques vont nous permettre de fixer la dilution la plus favorable à cette stabilisation. Nous donnons ci-dessous un modèle d’expérience, dans laquelle les globules de mouton étaient pris comme test. Expérience du 7 juillet. STABILISATION DES GLOBULES ROUGES DE MAMMIFÈRES 227 Examen des mêmes globules, le 11 juillet. 228 ♦ ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Examen des mêmes globules, le 18 juillet. STABILISATION DES GLOBULES ROUGES DE MAMMIFÈRES ! 230 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Ces globules avaient été prélevés le matin vers dix heures à l’abattoir de Vaugirard, ils avaient été lavés dans la soirée et formolés à six heures du soir. Dans l’intervalle compris entre la récolte des globules et la formolisation, les globules avaient été gardés à la température du laboratoire. Des globules témoins, lavés, sont conservés à la glacière. La lecture de ces tableaux d’expériences est suggestive. Tirons-en les conclusions qu’elle comporte : 1° ïd addition de traces de fonnol dans le but de conserver des globules rouges est préférable à l’emploi de la glacière ; 2° L’addition de traces de formol augmente la résistance globulaire aux solutions de NaCl hypotoniques. V augmentation de la résistance globulaire est transitoire , elle peut être observée pendant les cinq premiers jours qui suivent la formolisation; 3° La dilution à 4 p. 1000 de la solution commerciale stabilise fortement les globules; mais, au bout de quelques jours cette dose d’aldéhyde formique suffit à provoquer de la plasmolyse et transforme assez rapidement l’hémoglobine en méthémoglo- bine; 4° Les dilutions inférieures à 4 p. 1000 stabilisent fortement les hématies; les émulsions globulaires additionnées d’une dose de HGOH variant de 0, 50 p. 1000 à 2 p. 1000 présentent au bout de quelques jours une plasmolyse légère. La transformation de l'hémoglobine en méthémoglobine y est très lente. Pour ces raisons, la dilution à 2 p. 1000 paraît être de nature à réaliser nos desiderata. D’une façon générale, ces conclusions se retrouvent iden- tiques quand on examine d’autres protocoles expérimentaux. Toutefois, on constate d’assez grandes variations relativement au temps de conservation des globules. Ces variations sont d’ailleurs parallèles à la plus ou moins grande résistance glo- bulaire des éléments examinés. Chez le mouton en particulier, et pour des globules lavés, la résistance globulaire présente des variations non négligeables. Ces variations se retrouvent sur les globules après action de l’aldéhyde formique. Les tableaux ci-après démontrent ces différences de résis- tance. STABILISATION DES GLOBULES ROUGES DE MAMMIFÈRES 231 Résistance globulaire de globules de mouton prélevés sur différents individus. CONCENTRATION NaCl. GLOBULES DE MOUTON A. 21 juin. GLOBULES DE MOUTON B 24 juin. GLOBULES DE MOUTON C. 28 juin. 0,80 Nulle. Nulle. Nulle. 0,15 Nulle. Nulle. Nulle. 0,10 Nulle après 24 h. t Début après 24 li. Début après 4 h. 0,65 Début. )) Partielle. 0,60 Début net. Partielle. Partielle. 0,55 Partielle. Immédiate. Partielle. 0,50 Partielle. )) Immédiate. 0,45 Partielle. )> 0,40 Immédiate. » )) L’examen de la résistance globulaire des mêmes globules stabilisés par le formol à 2 p. 1000 nous donne (tableau ci-dessus) pour l’examen fait le 5 juillet, c’est-à-dire respectivement après : 15 jours de conservation, pour les globules A. 12 jours de conservation, — B. 9 jours de conservation, — C. Il est vraisemblable que les écarts observés dans la résistance globulaire des hématies provenant de différents moutons, sont en grande partie sous la dépendance de facteurs extrinsèques. Ces écarts peuvent reconnaître leur cause dans la différence du temps de secouage, au cours de la défibrination du sang par exemple, dans les différences survenues au cours des manipu- lations ayant trait au lavage et à la centrifugation des globules. 232 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Ces écarts se retrouvent comme nous le démontrons sur des globules stabilisés. CONCENTRATION NaCl. GLOBULES A. GLOBULES B GLOBULES c. ASPECT des globules. 0.75 Nulle. Début net. Nulle. A Globules rouge foncé. 0,70 Début net. Incomplète. Début. 0,65 Faible. Totale. Partielle. B. Globules rouge -brun clair. 0,60 Partielle. Rapide. Totale. 0,55 Totale. Immédiate. Immédiate. 0,50 Totale. » )) c. Globules rouge vif. 0 . 45 Immédiate. )) )) Les mêmes expériences nous permettent de conclure que : la stabilisation des globules est au maximum immédiatement après Uaclion de l’DCOH; après quelques jours (4 à 5 jours) la résistance globulaire des hématies stabilisées diminue ensuite régulièrement, mais lentement, pour devenir inférieure à celle des mêmes éléments examinés immédiatement après la prise du sang. Cette constatation nous autorise à dire que, dans notre pro- cédé de conservation globulaire, nous n’avons pas affaire à des globules fixés . Elle légitime l’emploi du terme stabilisés dont nous nous sommes servis pour qualifier les hématies traitées par des dilutions très faibles d’aldéhyde formique. Dans les tableaux qui précèdent nous n’avons donné que des résultats se rapportant aux globules du mouton. Nous avons des protocoles expérimentaux concernant les globules de bœuf et de cheval; il ne paraît pas intéressant pour notre thèse de multiplier dans ce mémoire les tableaux d’expériences. Qu’il nous suffise de dire que les conclusions formulées pour les STABILISATION DES GLOBULES BOUGES DE MAMMIFÈRES 233 “lobules de mouton s'appliquent à ceux de cheval et de bœuf. De même, le temps de conservation dans les tableaux ci- dessus, des globules dont nous avons calculé la résistance aux solutions hypotoniques ne dépasse pas quinze jours. Nous avons un grand nombre de tableaux de résistance pour des globules prélevés depuis un temps égal ou supérieur à cette période; il n'est d’aucun intérêt de les publier. Cependant, comme preuve des conclusions que nous avancerons ultérieu- rement, nous donnons ci-dessous l'état de la résistance glo- bulaire des globules déjà pris comme exemple [globules A), conservés dans le formol à 2 p. 1000, pendant vingt-cinq jours. Dans ce laps de temps la température du laboratoire a varié entre 18 degrés et 25 degrés. Elle était de 23 degrés le 15 juillet. L’examen des tubes à essais après vingt-quatre heures de contact, nous démontre que, dans les concentrations comprises entre 0,80 p. 100 et 0,63 p. 100, la solution chlorurée sodique est faiblement colorée, mais la sédimentation est très forte. Peu de globules sont laqués. Le liquide conservateur étant lui-même légèrement coloré en rouge du fait d’une légère plasmolyse spon- tanée des globules, on peut considérer l’hémolyse du fait de l’hypotonicité des solutions, comme nulle ou sensiblement nulle. L'hémolyse était totale à la concentration de 0,33 p. 100; elle était immé- diate à 0,3 p. 100. Si nous comparons ces résultats à ceux des précédents tableaux, nous remarquons que pendant cet espace de temps, égal à vingt-cinq jours, la résistance globulaire de nos éléments formolés s’était montrée sensiblement fixe. Cet exemple est d’ailleurs un des plus remarquables que nous ayons eus. III. — Action des sérums hémolytiques SUR LES globlles stabilisés par le formol. Les tableaux que nous donnons ci-dessous indiquent les résultats de nos expériences d'hémolyse des globules stabilisés au moyen de sérums hémolytiques, préparés et spécifiques (sérum lapin-mouton, sérum lapin-bœuf) ou de sérums norma- lement hémolytiques pour les globules de mouton (sérum de chien j. On verra par la lecture de ces tableaux que les globules sta- bilisés se comportent exactement de la même façon que des globules frais, pendant une période de quinze jours à trois semaines; cependant, il faut noter une légère diminution de 234 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR leur résistance aux hémolysines, parallèle au vieillissement, et absolument comparable à leur diminution de résistance aux solutions hypotoniques. Cette diminution de résistance n’offre d’ailleurs aucun incon- vénient pour le but que nous nous proposons, puisque, nous le verrons, les globules stabilisés se comportent comme les glo- bules frais dans les expériences de déviation de complément ; on pourrait presque dire que c’est un avantage, pour apprécier la fixation de l’alexine, puisqu'il rend encore plus sensible l’ac- tion du système hémolytique. Tableau I. — Action hémolytique du sérum lapin-mouton sur globules frais et globules formolés, à 2/1000 (28 juin 1910). ta r/) H RÉSULTATS & S o1 h-t a Z ryi O N 2 a P 2 P H !p * i— i j -P O HH - a s 1 60 Totale. )) » )) Incom. Totale. Totale. » (( 60 )) )) )) )) i> Pas tôt. » )) » ■ Globules à la glacière. Globules formolés. Quelques jours plus tard nous avons obtenu les résultats suivants : TEMPS QUANTITÉ DE SÉRUM EN CENTIMÈTRES CUBES d’action à 38 degrés en minutes. 5.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 15 0 0 0 0 Déb. 0 0 0 0 0 30 Nette. Tôt. Tôt. Tôt, Tôt. 0 Déb. Tôt. Tôt. Tôt. 45 Tôt. 0 Id. Id. Id. fncompl. Tôt. » )) )) Ces tableaux nous démontrent, en dehors des faits déjà sou- lignés au début de ce paragraphe : a) L’affaiblissement progressif de l’hémolysine ; b) La résistance plus grande des globules formolés, compa- rativement à celle présentée par les globules conservés à la glace. Les globules formolés avaient été conservés au laboratoire, à une température qui n’a pas été moindre de 18 à 28 degrés. IV. — Etude de la déviation du complément avec les hématies STABILISÉES, COMPARATIVEMENT AUX HÉMATIES FRAICHES. Nous en arrivons à la partie de notre étude qui paraît la plus intéressante au point de vue de ses applications journalières, STABILISATION DES GLOBULES ROUGES DE MAMMIFÈRES 239 » puisque les tableaux ci-dessous prouvent que, pour la pratique de la déviation du complément suivant la méthode de Bordet et Gengou, on peut aussi bien employer des hématies formo- lées depuis quinze jours au moins, et même après plus de trois semaines, avec des résultats absolument identiques à ceux que fournissent les hématies fraîches. C’est donc une grande simplification et économie de temps et de manipula- tions que notre procédé permet de réaliser pour nombre de labo- ratoires, en particulier pour les laboratoires d'hôpital qui sont loin des abattoirs, ou ne peuvent disposer que d’un personnel restreint. Notre première étude a porté sur l’expérience primordiale de Bordet et Gengou, avec le vibrion cholérique . Nous l’avons répétée avec le sérum antimèninqococcique et avec le sérum antidiphtérique en prenant la toxine diphtérique comme anti- gène ; partout et dans toutes nos expériences nous avons eu des résultats absolument parallèles avec les globules formulés et avec les globules frais. 1° Déviation du complément avec le vibrion cholérique sensibilisé par un sérum anticholérique. [Vibrions et sérums aimablement mis à notb'e disposition par M. Salimbeni.) Témoins : Antigène seul. Sérum seul. Sysl. hémol. Pas de sér. hémol. z O s J P s 'P 0.2 0.3 0.5 0,2 0,3 0,5 SÉRUM ANTICHOLÉRIQUE ALEXINE AU 1/4. EAU PHYSIOLOGIQUE GLOBULES 5 p. 100. SÉRUM HÉMOLYTIQUE 0,2 0,1 0,4 1 c. c. 0,1 0,2 0,1 0,3 t c. c. 0,1 0,2 0,1 0,1 1 c. c. 0,1 0.1 0,6 1 c. c. 0,1 — 0,1 0,5 1 c. c. 0,1 — 0,1 0,3 1 c. c. 0,1 0,2 0,1 0,6 1 c. c. 0,1 0,1 0,8 1 c. c. 0,1 0,1 0,9 1 c. c. ■ RESULTATS après 1/2 heure à 38°. GLOBULES frais. H. nulle. H. nulle. H. nulle. H. totale. H. totale. H. totale. H. totale. LI. totale. H. nulle. GLOBULES formolés de 12 jours. H. nulle. H. nulle. H. nulle. H. totale H. totale II. totale. H. totale. IL totale. H. nulle. On voit, dans cette expérience, qui s’est montrée absolu- 240 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ment schématique, puisque l’antigène, même à la dose de 0,5, n’était pas empêchant, tandis que le mélange antigène 0,2 et sérum était déjà complètement empêchant, que les globules formolés se sont comportés absolument de la même façon que les globules frais. JNous avons répété la même expérience avec deux races de méningocoques et du sérum antiméningococcique de Dopter, les résultats ont été aussi démonstratifs; voici le tableau de l’expérience. 2° Déviation du complément avec le méningocoque sensibilisé par le sérum antiméningococcique. ( Méningoccoques A. et 1. cl sérum anti- méningococcique aimablement mis à notre disposition par M. Dopteh.) ÉMULSION DE MÉNINGOCOQUES SÉRUM ANTIMÉNINGOCOCCIQ. ALEXINE AU 1/4. EA.U PHYSIOLOGIQUE GLOBULES a 5 p. 100. SÉRUM HÉMOLYTIQUE RÉSU après 1/2 h à GLOBULES frais. LTaTS eure d’étuve 18». GLOBULES formolés de 12 jours. 0,2 0,3 0,5 0,2 0,2 0,2 0,1 0,1 0,1 0,4 0,3 0,1 1 c. c. 1 c. c. 1 c. c. 0.1 0A 0,1 IL nulle. II. nulle. H. nulle. H. nulle. IL nulle. LI. nulle. \ 0,2 0,1 0,6 1 c. c. 0,1 IL totale. II. totale. \ 0,3 — 0,1 0,5 1 c. c. 0. 1 H. totale. H. totale. / 0,3 \ — 0,1 0,3 1 G. C. 0,1 H. totale. H. totale. 0,2 0,1 0,6 1 C. c. 0. 1 II. totale. H. totale. — 0,1 0.8 1 c. c. 0.1 II. totale. IL totale. 0,1 0.9 1 c. c. H. nulle. II. nulle. Témoins : Antigène seul. Sérum seul. Syst. hémol. Pas cle sér. hémol. Cette expérience s’est montrée aussi typique que la précé- dente, au point qu’après vingt-quatre heures les résultats étaient aussi nets. Dans les tubes où l’hémolyse était nulle, les globules frais, comme les globules formolés, étaient complè- tement sédimentés, et le liquide surnageant absolument clair. Les résultats se sont montrés aussi nets avec le sérum anti- diphtérique et la toxine diphtérique. Dans cette expérience, la toxine seule à la dose employée 0,3, était un peu empêchante, mais comme on le voit, les globules STABILISATION DES GLOBULES ROUGES DE MAMMIFÈRES 241 iormolés se sont comportés exactement de la même manière que les globules frais. Déviation du complément avec la toxine diphtérique en présence du sérum antidiphtérique. fVI r<. A 5c< h s et S 5 P 5 Z < a E> o co 63 S A O» RESULTATS (demi-heure à 38 degrés). 5 5 * 3 C pi g! r ? x H U X < X P5 -3 n EAU PHYSIOLOC ^ O o >— < iTï O P H P > P O CO p GLOBULES frais. GLOBULES formolés de 11 jours. 0,3 0,1 0,1 0.4 1 c. c. 0,1 Hémolyse nulle". Hémolyse nulle. Témoi ns : 0,3 0,2 0,1 0,3 1 c. c. 0,1 Hémolyse nulle. Hémolyse nulle. Sérum seul — 0,2 0,1 0,6 1 c. c. 0,1 Hémolyse totale. Hémolyse totale. Toxine seule. 0.3 — 0,1 0,5 1 c. c. 0,1 Hémolyse partielle. Hémolyse partielle. Système hémol. 0,1 0.8 1 c. c. 0,1 Hémolyse totale. Hémolyse totale. Pas de sér. hém. 0,1 0,9 1 c. c. Hémolyse nulle. Hémolyse nulle. De ces expériences, on peut donc conclure que les globules stabilisés par le formol peuvent être employés dans les mêmes conditions que les globules frais dans les expériences de dévia- tion du complément. Emploi des globules stabililisés dans la réaction de Wassermann. Ayant démontré que les globules stabilisés pouvaient être employés dans la méthode de Bordet et Gengou, nous avons vérifié leurs propriétés dans l’application de cette méthode à la réaction de Wassermann et à ses dérivés, et nous en avons cherché l'application dans un nombre suffisant de cas et en plusieurs séries. Nous sommes donc bien assurés que notre procédé peut devenir d’un usage courant. Etant outillés pour faire couramment la réaction de Wasser- mann, nous possédions un antigène rigoureusement titré. Aussi avons-nous pu d’emblée adopter le dispositif suivant, en faisant 16 242 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR chaque fois la réaction parallèlement avec des hématies fraîches et des hématies formolées. Voici le dispositif que nous avons employé, pour chaque cas examiné et chaque série d’expé- riences : Nous employons la technique de Wassermann modifiée par Levaditi, avec la dilution dans l’eau physiologique à 1/10 d’antigène constitué par la solution alcoolique au 1/30 de foie de nouveau-né syphilitique. Réaction de Wassermann avec globules frais et globules stabilisés par le formol. SÉRUM SYPHILI- TIQUE à examiner chauffé à 55o. ANTIG. DILUÉ au 1/40. i : ALEXINE PRAICHE 1/4. EAU PHYSIO- LOGIQUE 0,2 0,1 0,1 0,5 — 0,1 0,1 0,7 0,2 > — 0,1 0,6 — — 0,1 GO O — — 0,1 0,9 GLOB. 5 p. 100. SÉRUM HÉMOLY- TIQUE RÉSULTATS après 1/2 h. étuve à 38°. GLOBULES frais. GLOBULES formolés. 1 C. c. 0,1 H. nulle. IL nulle. 1 C. C. 0,1 H. totale. IL totale. 1 C. C. 0,1 H. totale. H. totale. 1 C. C. 0,1 H. totale. H. totale. 1 C. c. 0,1 H. nulle. H. nulle. Nous avons répété cette expérience avec différentes séries de globules formolés, avec des sérums syphilitiques fraîchement ou anciennement recueillis, la plupart dans le service du Dr Jeanselme, à l’hôpital Broca, que nous sommes heureux de pouvoir remercier ici de son obligeance; nous avons tou- jours eu des résultats identiques avec les globules stabilisés et les globules frais. Dans les cas où la réaction de Wassermann est intense, elle persiste pendant vingt-quatre et quarante-huit heures, c’est-à-dire que les globules se sédi mentent et le liquide reste absolument clair. Dans ce cas, nous avons eu toujours parallélisme absolu entre les globules frais et les glo- bules formolés. Voici le tableau résumant l'examen des différents cas que nous avons examinés : STABILISATION DES GLOBULES ROUGES DE MAMMIFÈRES 343 SERUMS EXAMINES DIAGNOSTIC CLINIQUE RÉSULTATS Cas n° 1. N Sér. + antig. Syphil Sér. seul. Témoin. Cas n° 2. Derp Sér. -f- antig. Syphil Sér. seul. Témoin. Cas n° 3. Ray Sér. -f- antig. Syphil Sér. seul. Témoin. Cas n° 4. Pa Sér. -f- antig. Syphil Sér. seul. Témoin. Cas n° 5. Dut Sér. -j- antig. Syphil Sér. seul. Témoin * Cas n° 6. X Sér. -f- antig Syphil Sér. seul. Témoin. Syphil. Cas n° 8. S. Syphil. . Cas n° 9. S. Syphil. . Cas n° 10. S Syphil. . Cas n° H. S Syphil. . Cas n° 12. S Syphil. . Cas n° 13. S Syphil. . Cas n° 14. S Syphil. . Cas n° 13. S Syphil. . Cas n° 16. S Syphil. . Cas n° 17. S Syphil. . Cas n° 18. S Syphil. . Sér. seul. Témoin Astruc, il. Sér. -j- ant. . . Sér. seul. Témoin, Astruc, 12. Sér. + ant. . . Sér. seul. Témoin. Astruc, 17. Sér. -f- ant . . Sér. seul. Témoin, Astruc, 18. Sér. + ant. Astruc, 30. Sér. -)- ant, . . Sér. seul. Témoin Astruc, 33. Sér. -j- ant. . . Sér. seul. Témoin. Astruc, 42. Sér. -j- ant . . Sér. seul. Témoin y. Swieten, 9. S. + ant, . . Sér. seul. Témoin v. Swieten, 21. S. -|- ant, ... Sér. seul. Témoin v. Swieten, 32. S -(-ant . . Sér. seul. Témoin Cas n° 19. N° A. . . . Sér. + antig Syphil Sér. seul. Témoin GLOR. FRAIS "■ — i « GLOB. FORMOLÉS ■ de il, 16 ou 21 jours,. H. nulle. H. totale. ' IL nulle. IL totale. II. nulle. IL totale. IL nulle. H. totale. H. nulle. II. totale. i IL nulle. IL totale. 1 IL nulle. , IL totale. IL nulle. , ; IL totale. ' H. nulle. IL totale. ' IL nulle. ! IL totale. II. nulle. H. nulle. Sérum seul dévie. Témoins II. totale. IL nulle. H. nulle. Sérum seul dévie. < Témoins H. totale. ■ IL nulle. , H. totale. H. nulle. H. totale. ' IL nulle. IL totale. H. nulle. H. totale. II. nulle. H. totale. ' IL nulle. H. totale. ■+_ : ' H. totale. H. totale. II. totale. _ H. totale. IL totale. IL totale. II. totale. H. totale. IL nulle. IL totale. ' H. nulle. , , H. totale. IL nulle. IL totale. 11. nulle. IL totale. H. nulle. , H. totale. H. nulle. IL totale. II. totale. H. totale. IL totale. IL totale. H. nulle. j_ . II. totale. II. nulle. , H. totale. 1 . H. totale. . IL totale. II. totale. H. totale. . IL totale. . IL totale. H. totale. IL totale. . IL nulle. ^ i . IL totale. ' H. nulle. IL totale. 244 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR SÉRUMS EXAMINÉS RÉSULTATS DIAGNOSTIC CLINIQUE GLOB. FRAIS GLOB. FORMULÉS de 11, 16 ou 21 jours. Cas n° 20. N° B. . . . Sér. -f- anlig. Syphil Sér. seul. Témoin. H. nulle. , H. totale. H. nulle. H. totale. Cas n° 21. N° C. . . . Sér. -f- antig. Pas de syphil. Sér. seul. Témoin H. totale. _ H. totale. II. totale. H. totale. Cas n° 22. N° D. . . . Sér. -j- antig. Pas de syphil. Sér. seul. Témoin. H. totale. H. totale. H. totale. H. totale. Cas n° 23. S. v. Swieten, 14. S. + arit. Syphil Sér. seul. Témoin. h! tôt ' Douteux- II. part. ^ . H. tôt. Douteux. Cas n° 24. S. v. Swieten, 19. S. -f- ant. » Sér. seul. Témoin. H. nulle. | H. totale. H. nulle. H. totale. Cas n° 25. S. v. Swieten, 4. S. -j-ant. » Sér. seul. Témoin. H. p. toi. H. totale. H. p. tôt. | H. totale. Cas n° 26. S. v. Swieten, 23. S. + ant. Sér. seul. Témoin. H. nulle. H. totale. ' H. nulle. | H. totale. ' Nous avons également contrôlé la valeur de nos globules dans l’examen du liquide céphalo-rachidien par la méthode de Wassermann et Brucke, les globules stabilisés se sont com- portés comme les globules frais. Enfin, nous avons pratiqué la méthode Ïïecht-Bauer en employant les globules stabilisés et les globules frais; là aussi, les résultats ont été identiques. Réaction de Hecht-Bauer avec les globules stabilisés. SÉRUM ANTIGÈNE GLOBULES RÉSULTATS EAU ALCOOLIQUE MOUTON FRAIS dilué au 1/10 PHYSIOLOGIQUE 5 p. 100. GLOBULES frais. GLOBULES formolés. 0,1 0,1 0,1 0,1 II émoi, nulle. Hémol. nulle. 0,1 — 0,2 0,1 Hémol. tôt. Ilémol. tôt. Nous avons répété ces examens sur deux séries avec des STABILISATION DES GLOBULES ROUGES DE MAMMIFÈRES 245 résultats toujours identiques pour les globules stérilisés et les globules frais. CAS EXAMINÉS DIAGNOSTIC RÉSULTATS GLOBULES FRAIS GLOBULES FORMOI.ÉS Cas n° 1 . . . Sérum -|- antigène. Syphilis . . . Sérum seul. Hémol. nulle. , Hémol. totale. Hémol. nulle. , Hémol. totale. Cas n° 2 . . . Sérum + antigène. Syphilis . . . Sérum seul. Hémol. totale. Hémol. totale. Hémol. totale. Hémol. totale. Cas n° 3 . . . Sérum -j- antigène. Syphilis . . . Sérum seul. Hémol. nulle. , Hémol, totale. Hémol. nulle. , Hémol. totale. ' Cas n° 4 . . . Sérum 4- antigène. Syphilis . . . Sérum seul. Hémol. nulle. , Hémol. totale. Hémol. nulle. , Hémol. totale. Cas n° 5 . . . Sérum -f- antigène Syphilis . . . Sérum seul. Hémol. nulle. , Hémol. totale. Hémol. nulle. , Hémol. totale. ‘ Cas n° 6 . . . Sérum -|- antigène. Syphilis . . . Sérum seul. Hémol. nulle. Hémol. totale. ' Hémol. nulle. , Hémol. totale. Conclusions. Quand on fait agir et laisse en contact sur des hématies lavées de mouton, de bœuf ou de cheval, des solutions de formol de concentration déterminée ( à ) 1 on cons- tate que, à la température ordinaire (18 à 25 degrés) : 1° Il ne se produit ni hémolyse ni formation notable de méthémoglobine pendant une période d’assez longue durée : environ quinze jours pour la dilution à 2/ 1000 ; 2° Les globules ainsi traités peuvent se conserver à la tem- pérature du laboratoire (18 à 25 degrés), en conservant intacts leurs caractères morphologiques; 3° Les mêmes globules conservent, peu modifiés par la for- molisation, leurs propriétés physiques; c’est ainsi que : 240 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 4° La résistance globulaire vis-à-vis des solutions hypo- toniques de NaCl n’est pas altérée. Pendant les 4 à 5 premiers jours qui suivent la formolisation, la perméabilité globulaire vis-à-vis de NaCl (9,5 p. 1.000) est diminuée, la résistance est plus grande. Dans les jours qui suivent, la perméabilité rede- vient normale, puis diminue graduellement jusqu’à devenir inférieure à celle des globules frais ; 5° Les globules stabilisés (et non pas fixés) par le formol sont en tous points comparables aux globules frais, lavés, quand on les examine au point de vue de leur résistance aux agents hémolytiques, tels que les sérums naturels (sérum de chien' ou préparés, ainsi qu’à la saponine; 6° La réaclion de Bordet-Gengou peut être obtenue avec les globules stabilisés par le formol, et conservés à la température ordinaire pendant trois semaines; 7° Le caractère des globules stabilisés par le formol, que nous venons d’étudier, nous a permis de nous en servir comme indicateurs dans le diagnostic de la syphilis, par les procédés de Wassermann et de Bauer; 8° La conservation des globules de mammifères (bœuf, cheval, mouton), par l’emploi du formol en solutions très diluées, est de beaucoup supérieure à celle réalisée par le froid. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE (1) Bënario. Kleins Deutsche medicinische Woch ., 1894, p. 572. (2) Marcano, Archives deméd. exp ., 1899, vol. 11, p. 434. (3) Stewart. (G. -N.), Journ. of Physiol., 1901, vol. 26, p. 494. (4) Matthes, -Münch. med. Woch., 7 janv. et 29 avril 1902. (5) Düngern et Coca, Perl. klin. Woch., 1907, p. 1417. (6) Stewart (G. -N.), The Journ. of Pharmcicol. and exp. Therap., 1909, n° 1, p. 51. (7) Guyot (G.), Central. /'. BakterioL, I. Abt. originale, vol. 48, fasc. 3, 1909, p. 330. (8) Armand-Delille, Antigène-Anticorps et Déviation du complément , Masson, éditeur, 3e édition, 1910. ÉTUDE DE LA FLORE BACTÉRIENNE DU GROS INTESTIN DU CHEVAL par Jean GHOUKÉVITCH (Laboratoire de M. Metchnikoff. ) D après les recherches de Metchnikoff [1-2], les bactéries qui vivent dans l'intestin de l’homme et des animaux et qui y déve- loppent toutes sortes de produits toxiques, deviennent la source de l’intoxication chronique de l’organisme; celte intoxication se termine par l’ensemble des symptômes morbides qui carac- térisent la vieillesse. Dans la série des questions qu'il est nécessaire de résoudre avant d’établir définitivement cette doctrine, l’une des princi- pales est la suivante : Quelle action exercent les différents modes de nutrition des diverses espèces animales, et les différentes structures de leur tube digestif, sur leur flore intestinale? D’autre part, les particularités spécifiques rie la flore intes- tinale de différents animaux exercent-elles une influence sur leur vitalité ? C’est ainsi que nous arrivons à la nécessité d’une étude com- parée de la flore intestinale. Cette étude est intéressante sous deux rapports : premièrement, parce que le cheval présente le type pur de l’herbivore ; secondement, parce que le gros intestin du cheval, où commence, à proprement dire, la multiplication des bactéries, atteint des dimensions très considérables, et forme un réservoir très développé pour emmagasiner de grandes masses alimentaires. Autant qu’il est possible d’en juger a priori, ces deux cir- constances peuvent exercer deux actions contraires sur la com- position de la flore intestinale. Tandis que la nourriture végétale présente un milieu moins propice au développement des bactéries que la nourriture ani- Nola. — Les chiffres entre crochets se rapportent à l’Index bibliographique annexé au mémoire. 248 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR male, et devrait, semble-t-il, provoquer une certaine pauvreté de la llore, les grandes dimensions du gros intestin favorisent un séjour plus prolongé des masses alimentaires, et créent des conditions favorables au développement des bactéries. Sons ce dernier rapport, le cheval est le contraire de la roussette, dont le gros intestin n’a qu'un faible développement et dont la flore intestinale est très pauvre, comme on le voit d’après les recher- ches de MetchnikofF et Distaso [3]. Nos connaissances sur la flore intestinale des herbivores, et du cheval en particulier, sont encore à l’état embryonnaire. Voici ce que nous en savons : Dyar et Keith [ 4 ] ont décrit depuis longtemps le microbe nommé le b. intestinalis equi(k ), qui do- mine dans l’intestin du cheval. Plus tard, Baruchello [5] a cons- taté la présence constante du b. coli, du paracoli, du strepto- coque. Mereshowski (6), en étudiant les déjections de deux chevaux, a constaté la présence du b. acidophilus Moro et d’un autre acidophile que Mereshowski désigne sous le numéro I. Quelques auteurs ont ensuite trouvé dans les déjections du cheval et dans son contenu intestinal le b. tétanique (Schaner et Yeillon[7] ; Hoffmann, Sormani et Molinari [8 J) et des micro- bes du groupe paratyphi B (Fitze et Weichel). A l’étude de la llore intestinale des bovidés sont consacrés les travaux d’Ankerschmitt [9], Nebayer [ 101 et Huttermann [1 1]. Ankerschmitt, qui s’est occupé surtout de déterminer la quantité des bactéries dans les diverses parties de l’intestin des bovidés, est arrivé à la conclusion que l’on peut observer la multiplication des bactéries dans le gros intestin, et que parmi celles-ci il n'y a que le b. coli et le b. Günther, presque exclusivement, qui se multiplient, tandis que les autres, qui s’introduisent dans la région intestinale avec les aliments, la traversent sans se multiplier. Il n'y a peut-être encore que les microbes du sol qui peuvent se multiplier, jusqu’à un certain point, dans le gros intestin. Ankerschmitt a observé dans l’in- testin des bovidés des microbes capables de fermenter la cel- lulose et l’hémicellulose. Parmi ces derniers, il a isolé dans (*) (*) La description des propriétés du microbe est très incomplète. Mainte- nant, cette communication ne peut avoir qu’un intérêt historique. FLORE BACTERIENNE DU GROS INTESTIN DU CHEVAL 249 plusieurs cas des cultures pures du b. asterosporus. Enfin, il a pu isoler dans un cas le b. putri ficus , et aussi une fois, dans l’intestin d'un veau, une nouvelle espèce anaérobie qu'il a nommée b. clostridieformis. Nebayer, qui s’est occupé spécialement de la question des anaérobies dans l’intestin des bovidés, n'a obtenu qu'une tois une culture d’anaérobies. Huttermann n’a pas trouvé du tout d’anaérobies; selon cet auteur, dans l'intestin des bovidés dominent le b. coli et le b. subtilis. Dans l'intestin des bovidés et des moutons, ainsi que dans l'intestin des chevaux, a été constatée la présence du b. têtard (*) (K. Joseph 14 ■, et du paratyphique B (Uhlenhut [42], Andreeff 13]). Ces recherches nous donnent donc à croire que la flore intestinale des herbi- vores est très pauvre, et qu'il n'existe que très peu de bactéries capables de se développer dans les intestins de ces animaux. 11 faut reconnaître que la question difficile et complexe de la llore intestinale des herbivores exige encore de longues études. Ce travail présente les résultats de mes recherches sur la flore du cæcum et du côlon du cheval. J’ai étudié ces parties de Y in- testin, parce que c'est là précisément que la multiplication des bactéries a lieu, et là également que sont absorbés tous les pro- duits d’échanges de ces microbes. Je me suis servi des intestins de chevaux tués aux abattoirs de Paris. Si nous étudions au microscope des frottis du contenu du gros intestin, coloré par le Gram, avec coloration supplémentaire par la fuchsine, voici ce que nous observons : La masse principale des bactéries se compose de minces bâ- tonnets qui ne prennent pas le Gram et qui ressemblent au b. coli par leur forme et leurs dimensions; la plupart ont éprouvé une certaine dégénérescence et rappellent ce que l'on voit dans les vieilles cultures; il faut considérer comme des exceptions à la règle générale les cas où les bâtonnets conservent une apparence complètement normale. A côté de ces bâtonnets, on voit en grande quantité de petits cocci, isolés, ou accouplés deux par deux, et des chaînettes de streptocoques. Ces cocci prennent souvent le Gram, mais ils perdent en partie cette propriété et (*) Quelques auteurs ont exprimé la pensée que généralement le b. telani est l’habitant constant de l’intestin des herbhores. Cependant, Vincent n’ad- met pas cette supposition. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 250 présentent à cause de cela des degrés différents de déformation. En quantité moins considérable, on rencontre toujours des bâ- tonnets très minces (0,3 g) qui prennent le Gram. Dans certain cas, les streptocoques sont en quantités très grandes. De plus, on peut toujours constater la présence de ba- cilles et de cocci qui prennent le Gram, qui diffèrent considéra- blement des précédents par leurs formes et leurs dimensions et se rencontrent en quantité bien moindre : quelquefois, il faut examiner plusieurs coins de la préparation avant de les décou- vrir. Leurs formes et leurs dimensions sont variées; beaucoup contiennent des spores; on voit aussi des spores en liberté. Dans certains cas, qu’il faut considérer comme (les excep- tions, on peut constater la présence d’une quantité considérable «le ces « formes rares ». Gela a lieu surtout pour les bacilles gros (1-1 /2 g) et longs, qui forment des chaînettes et des fila- ments. D’après l’examen microscopique, il est donc permis de sup- poser : 1° que dans le gros intestin du cheval, on rencontre sur- tout une quantité considérable de bâtonnets semblables au coli, de menus cocci et des streptocoques; 2° que les quantités res- pectives de ces microbes sont des valeurs plus ou moins cons- tantes, qui ne varient que dans des cas très rares. Cette supposition est confirmée par les ensemencements du contenu intestinal dans une série des tubes de Yeillon ou des plaques de gélose. Dans les derniers tubes, là où des colonies sont assez isolées pour que chacune d’elles puisse être examinée à part, on rencontre toujours, et même quelquefois exclusi- vement, le b. coli, des entérocoques et des streptocoques, c’est-à-dire les formes dominantes, comme nous permet de le constater l’examen au microscope. On pourrait conserver quelques doutes en constatant la pré- sence d’une grande quantité de streptocoques, dont les chaî- nettes caractéristiques ne se rencontrent pas toujours sur les frottis, comme il a été dit plus haut. Ce phénomène pourrait s’expliquer de la manière suivante : La plupart des formes bactériennes qui se rencontrent dans le gros intestin du cheval présentent des degrés variés de dégé- nérescence et rappellent, par leur aspect, les formes que nous rencontrons dans les vieilles cultures. Dans ces cas, il est connu FLORE BACTÉRIENNE DU GROS INTESTIN DU CHEVAL 2ol que le streptocoque perd sa propriété de prendre le Gram, les chaînettes deviennent confuses, se détachent en cocci isolés, etc. Mais comme de pareils streptocoques sont encore capables de pousser, malgré qu'il soit difficile de les distinguer au micro- scope des entérocoques, néanmoins, quand on les ensemence sur gélose et ensuite dans le bouillon, la différence de ces deux microbes devient évidente (*). Outre les streptocoques, les entérocoques et le b. coii, on peut quelquefois isoler une ou plusieurs espèces de microbes, dont on parlera ultérieurement. Cependant, on ne les rencontre pas régulièrement, et s’il était possible de tirer une conclusion générale et définitive sur la composition de la flore intestinale du cheval, en nous basant sur les données obtenues par l'ensemencement du contenu in- testinal dans les tubes Veillon, ou bien sur les plaques de gélose, il faudrait dire que seuls le b. coli, le streptocoque et l’enté- rocoque sont toujours présents dans le gros intestin du cheval; quant aux autres microbes, ils s'y trouvent accidentellement. 11 est cependant difficile d’admettre celte conclusion. C'est qu’au moyen des tubes Veillon et des plaques de gélose, il n'est possible d’isoler que les espèces dominantes ; si, par exemple, la malière ensemencée contenait 500-1.000 fois plus de microbes A que de microbes B, on ne réussirait jamais à isoler ces derniers au moyen des tubes Veillon ou des plaques de gélose. La question ne sera pas davantage résolue si l’on chauffe préalablement, à 80 degrés, le produit à ensemencer pour éloigner le b. coli, les streptocoques et les entérocoques; car, dans ces conditions, même quand on ensemence des quantités considérables du contenu intestinal (0,1-0, 2 cent, cubes), il ne se forme qu’une petite quantité de microbes, et parmi eux on rencontre le plus fréquemment le b. mesenlericus et le slrepto- b. anaerobius magnus. (*) Remarque. — Raruchello écrit que le streptocoque du cheval qu'il avait isolé ne prenait pas le Gram. Cependant, le streptocoque que j’ai isolé pre- nait bien cette coloration. Je crois, toutefois, que cette distinction s’explique par les différences des procédés de coloration, et non parce que Raruchello et moi avons isolé des streptocoques différents. En général, les strepto- coques que j’ai isolés de l’intestin du cheval ne se distinguaient en rien des représentants typiques de ce groupe de microbes. 252 ANNALES DE L INSTITUT PASTEUR Par conséquent, s’il s'agit de l’étude complète de la flore intestinale, il faut, autant que possible, varier les méihodes non seulement pour éloigner les formes dominantes, mais aussi pour provoquer la multiplication énergique des autres microbes. La méthode la plus simple et la plus productive consiste à soumettre le contenu intestinal à la putréfaction. A la décom- position des masses alimentaires, auront pris part bien des groupes de microbes, chacun étant dominant dans une des phases de la décomposition. Si au moyen des tubes de Yeillon nous étudions périodiquement le contenu intestinal du cheval, quand cette matière est soumise à la putréfaction, nous réussi- rons à isoler certains microbes que nous n’aurions pu obtenir en étudiant le contenu intestinal de cheval tout frais. J’ai procédé ainsi : Un fragment du gros intestin (côlon ou cæcum), lié aux deux extrémités, est flambé et au moyen d’une pipette assez grosse on en soutire 30-50 cent, cubes de liquide que l’on conserve dans des tubes stérilisés. On en fait deux por- tions : l’une est chauffée à 80°, pour faciliter la multiplication des microbes qui forment des spores, l'autre n’est pas chauffée. Pour faciliter le développement des anaérobies, on fait le vide dans ces tubes. J’ai employé aussi une série de milieux spéciaux ; 1° Le milieu Achalme-Passini, pour les microbes protéoly- tiques (*); 2° Le bouillon acide de Ueymann (bouillon glucose addi- tionné de 1/2 p. 100 d’acide acétique), pour les acidophiles. Le bouillon ordinaire avec J p. 1 00 d’acide acétique peut être quelquefois utile pour isoler certains microbes dont nous parlerons ultérieurement; dans ce bouillon, les espèces domi- nantes (le b. coli, l’entérocoque et le streptocoque) périssent assez rapidement et, d’autre part, les microbes acidophiles ne se développent pas, car ces derniers exigent pour leur dévelop- pement la présence de glucose ou de lactose. En même temps, certains microbes contenus dans le gros intestin du cheval, tout en ne pouvant se développer dans ce bouillon acide, supportent la réaction acide du milieu bien mieux que les espèces domi- (*) Remarque. — Des tubes avec la solution physiologique, qui contient des fragments de blanc d’œuf cuit. On peut remplacer la solution physiologique par du bouillon, ce qui donne de meilleurs résultats. FLORE BACTÉRIENNE DU GROS INTESTIN DU CHEVAL 253 riantes et peuvent être isolés à cause de cela dans des cultures pures; 3° Le milieu Oméliansky pour les microbes qui provoquent la fermentation de la cellulose; i° L’eau de peptone à 1 p. 100 additionnée de 1 p. 100 de lactose; ou du lait pour isoler le b. perfringens ou le b. amylo- bcicter ; 3° L’eau peptonisée (1 p. 100) additionnée de 5 à 6 p. 100 d’amidon, — pour les microbes qui peuvent faire fermenter l’amidon; 6° Pour les microbes qui font fermenter l'hémicellulose, j’ai employé des éprouvettes de solution physiologique contenant des morceaux de pomme de terre d’un volume de 1 centimètre cube environ (Ankerschmitt). Afin d’extraire autant que possible les hydrates de carbone solubles de ces morceaux de pomme de terre, il faut faire bouillir ces morceaux dans de l’eau pendant dix à vingt minutes. A ce milieu, aussi bien qu’au précédent, il est nécessaire d’ajou- ter de la craie. Pour abréger, je désignerai le milieu qui con- tient l’amidon Am, celui qui contient la pomme de terre, Pm. Bien entendu, ces milieux ne servent qu’à la multiplication préalable de certains groupes de microbes et, pour obtenir des cultures pures, il est nécessaire de faire des réensemencements dans les tubes de Veillon, ou sur des plaques de gélose. En combinant ces -méthodes, j’ai trouvé dans l’intestin du cheval une quantité considérable d’espèces microbiennes ; les méthodes d’isolement seront indiquées à leur place. Remarquons que sur un domaine aussi peu connu que celui de la flore intestinale, on doit se poser un double problème. Premièrement, il faut déterminer les espèces de microbes qui se renconlrent dans l’intestin, et sous ce rapport nos connais- sances sont très faibles et très embrouillées; secondement, il s’agit de savoir si l’espèce que l’on vient de trouver se rencontre toujours dans l’intestin. Cette dernière partie du problème me paraît la plus ardue. Il est donc préférable de diviser la question. Il faut donc d’abord étudier les espèces de microbes qui se rencontrent habituellement dans l’intestin, et chercher ensuite chacune des espèces intéressantes dans un nombre déterminé de cas. Ensuite, il faut avoir en vue, qu’un seul ensemence- 254 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUli ment du produit que nous étudions dans des tubes Veillon ou sur des plaques de gélose ne permet pas toujours de conclure si le microorganisme cherché se trouve ou non dans le pro- plusieurs fois dans chaque cas. * -¥■ Un intérêt particulier s’attache aux microbes qui sont ca- pables de provoquer la putréfaction; car c’est pendant la putré- faction que se développent les produits toxiques, qui peuvent devenir une source d’intoxication aiguë ou chronique. Metchnikoff [15] a démontré que la propriété de déve- lopper de tels produits appartient au b. Welchii , au b. putri- ficus et au b. sporogenes. Pour isoler les microbes de putréfac- tion et en général les microbes protéolytiques, on se sert du milieu Achalme-Passini (*). En ensemençant dans une série de ces tubes environ 0,5 c. c. de liquide intestinal, j’ai obtenu dans presque tous les tubes la putréfaction du blanc d’œuf, qui a commencé au bout de deux à dix jours (**). Ce qui prouve que, dans le gros intestin du cheval, il y a toujours des agents de putréfaction Cependant, l’examen détaillé de ces tubes avec le blanc d’œuf putréfié ne rend pas un compte exact de toutes les espèces des microbes de la putréfaction contenus dans le gros intestin du cheval. C’est que, quand on ensemence dans ce milieu, les espèces de la putréfaction dont la quantité domine dans la semence, étouffent le développement des autres qui y sont contenus en moindre quantité. C’est pourquoi il arrive souvent que, dans un cas, on réussit à isoler le b. Welchii et le b. pulri ficus, dans l’autre cas — le b. sporogenes , etc. Bref, (*) Remarque. — Afin d’isoler les cultures pures des microbes anaérobies de la putréfaction, il est nécessaire de produire l'ensemencement des tubes Achalme-Passini dans la gélose glucosée chauffée à 80-90 degrés, pour tuer tous les microbes non sporulés. (**) Remarque. — Dans certains cas, même après avoir ensemencé 0,5 c. c. de liquide intestinal dans le milieu Achalme-Passini, la putréfaction n’avait pas lieu, il fallait alors abandonner à la putréfaction pendant plusieurs jours le liquide intestinal, conservé de la manière déjà citée, et l’ensemencer alors'. FLORE BACTÉRIENNE DU GROS INTESTIN DU CHEVAL on a l’impression que la flore de putréfaction clu cheval ne possède pas une composition déterminée. Afin d’éviter cet inconvénient, il faut examiner périodique- ment, au moyen des tubes Achalme-Passini, le liquide intestinal en putréfaction, conservé par le procédé indiqué. On réussit ainsi à isoler une quantité considérable de microbes de la putréfaction et on peut établir une certaine règle relativement à la présence de certains de ces microbes dans le gros intestin du cheval. J’ai trouvé les espèces suivantes de microbes agents de la putréfaction. I. — Proteus vulgaris. Le moyen le plus commode et le plus rapide d’ob- tenir une culture pure de ce microbe est le suivant. On verse 1-2 centi- mètres cubes du liquide au moyen d’une pipette dans la partie inférieure d’un tube de gélose incliné. On place ces tubes verticalement dans l’étuve. Au bout de vingt à trente-six heures, le proteus, grâce à sa très grande mobilité, parvient à l’extrémité supérieure de la gélose où il est à l'état pur, tandis que tous les autres microbes, au moins ceux qui sont contenus dans l’intestin du cheval, restent dans la partie inférieure. En ensemençant ainsi le contenu frais de l’intestin, j'ai réussi à constater la présence du proteus dans le quart des cas examinés. Bien plus souvent, on réussit à isoler le b. proteus en laissant putréfier de grandes quantités de contenu intestinal en tubes stérilisés et, après, en ensemençant ce liquide directement sur la gélose; ou bien, afin de faciliter le développement des microbes protéolytiques, en l’ensemençant préalable- ment dans le milieu Achalme-Passini. On peut conclure que le proteus est souvent contenu dans le gros intestin du cheval, mais dans une proportion si faible, que l’on ne peut le découvrir que dans des quantités considérables de liquide intestinal, après que ce liquide a été soumis à la putréfaction et que tous les microbes de putré- faction et parmi eux le b. proteus se sont multipliés. II. — B. Welchii ( perfringens ) se rencontre toujours dans le gros intestin du cheval et, en apparence, en plus grande quantité que le proteus. J’ai, du moins, réussi sans grande peine à isoler le b. Welchii en ensemençant préa- ablement le liquide intestinal frais ou putréfié et chauffé à 80 degrés dans le lait ou dans le milieu d’Aclialme-Passini. III. — B. putrificus ( Bienstock ) [16 et 17]. En parlant du b. putri ficus, je consi- dère celui dont la caractéristique a été donnée dans les travaux de Metch- nikoff [15] et Tissier [18]. Dans l’intestin du cheval, on rencontre toujours un microbe qui est presque identique à celui que ces auteurs ont étudié et qui se distingue par son action sur le lait. Ce microbe, qui se rencontre dans 1 intestin du cheval, se distingue du b. putrificus typique par sa pro- priété de coaguler d’abord le lait, et ensuite, mais très lentement, dans un délai de deux ou quatre mois, de dissoudre la caséine. Sous ce dernier rapport, le microbe dont il est question est intermédiaire entre le b. putrificus , qui peptonise le lait sans le coaguler préalablement, et le b. par apütri ficus, qui coagule le lait, et ne dissout pas ensuite la caséine. Comme d’après ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 25 G toutes ses autres propriétés il ne se distinguait en rien du b. pulrificus typique, il ne peut donc être question d’une nouvelle espèce ou d’une forme différente. IV. — B. sporogenes (Metchnikoff). Les trois microbes ont été si bien étudiés, et leurs caractères sont si typiques, qu’il ne semblait pas nécessaire de s’arrêter à leur description. Malheureusement on ne peut pas en dire autant de ce groupe de microbes anaérobies qui jouent un rôle plus grand, et peut-être même prépondérant dans la putréfaction. Bien des auteurs ont isolé certaines espèces de ce groupe et les ont décrits sous des noms différents. (Liborius [26], Lüderitz [19], Klein [20], Salus [21], Tissier [18], Kedrowsky [22], Botkin [23], Sanfelice [24], Metchni- koff [15], Flugge [25].) Par leurs propriétés morphologiques et biologiques, tous ces microbes manifestent une grande ressemblance avec le b. du charbon symptomatique ou œdème malin. Le groupe du sporogenes n’est pas du tout pathogène ou bien ne l’est qu’à un très faible degré. Metchnikoff, qui a constaté la présence constante des microbes de ce groupe dans l’intestin de l’homme, a proposé le terme général de b. spo- rogenes, que je vais employer dans mon exposition ultérieure. Je dois remarquer en même temps que sous le nom de sporogénès je ne com- prendrai pas une espèce déterminée, mais le groupe de microbes du même genre. Il est bien possible que l’étude plus détaillée des représentants de ce groupe nous force à les diviser en quelques espèces distinctes. J’ai isolé les représentants suivants du groupe sporogenes du gros intestin du cheval. I. — B. sporogenes A. (Metchnikoff). Morphologie : Bâtonnets mobiles, droits, qui prennent le Gram, d’une largeur de 0,5-0, 8 g et d’une longueur de 5 à 8 g; dans les vieilles cultures, on les trouve en filaments longs. Ces bâton- nets forment des spores, et la vitesse et l’intensité avec lesquelles ces spores sont formés, varient considérablement chez les différentes races de ce microbe. Les spores se disposent presque toujours à une des extré- mités des bâtonnets, mais la forme de ces derniers ne varie pas; quelquefois on rencontre des spores disposées plus près du milieu des bâtonnets, on rencontre rarement des spores dans la forme de plectrides ou paraplectrides. Culture : Se cultive bien à 37 degrés et à la température de la pièce. Anaérobie strict. A 37 degrés, dans la gélose glucosée, les colonies devien- nent visibles au bout de 12 à 24 heures; les colonies ont l’apparence de boules duvetées, qui sont entourées d’une masse de lins prolongements; si les colonies sont isolées, elles peuvent atteindre des dimensions consi- dérables, dépassant la grandeur d’un petit pois; elles deviennent en même temps très épaisses. Au microscope, on peut apercevoir que les colonies sont composées d’un centre foncé entouré d’un réseau de prolongements longs et fins, qui se réunissent souvent en longs paquets ondulés. Ce microbe produit très peu de gaz sur la gélose glucosée et même souvent n’en produit pas du tuut; souvent un liquide blanchâtre s’amasse entre la gélose et les parois du tube, ce liquide est une épaisse émulsion du microbe et atteint peu à peu la surface de la gélose. Les cultures sur gélose glucosée émettent une odeur qui rappelle vaguement celle de l’huile à brûler. Dans la géla- tine, le développement est perceptible au bout de deux jours environ; la , gélatine se liquéfie bientôt. Le lait se peptonise au bout de 6 à 7 jours, sans se coaguler préalablement. Dans le milieu Achalme-Passini, ce microbe dissout le blanc d'œuf assez rapidement, et un fragment de celui-ci se teint en noir. Les cultures FLORE BACTERIENNE DE GROS INTESTIN DU CHEVAL 257 dans la gélatine, dans le lait et dans le milieu Achalme-Passini émettent une forte odeur de putréfaction. Ensemencé sur Am ou sur Pm, il provoque dans les premiers jours une faible fermentation, et produit une petite quantité de gaz. Mais cette fermentation s’arrête bientôt et en même temps, on n’observe pas de dissolution sensible d'amidon ou de pomme de terre. Ce microbe n’est pas pathogène pour les animaux d’expérience. De toutes les autres anaérobies de la putréfaction, ce microbe est le plus facile à isoler du gros intestin du cheval. Ceci s’explique en partie par le fait qu’il dissout rapidement le blanc d’œuf et, par conséquent, on peut supposer qu’il se développe plus vite que les autres dans le milieu Achalme-Passini. Dans tous les cas où j’ai étudié le contenu intestinal du cheval, à propos des microbes de la putréfaction, j’ai toujours réussi à isoler le microbe en question. Il faut remarquer que dans les tubes Achalme-Passini. ce microbe s’isole presque constamment sur la gélose avec le b. putrificus. Comme ces deux microbes ont des traits sem- blables, cela peut donner l’occasion de prendre un microbe pour un autre, surtout si les cultures ne sont pas parfaitement pures. Pour les reconnaître, on peut prendre comme point de repère les caractères suivants, d’après lesquels le microbe que nous décrivons se distingue du b. putrificus : 1° Caractère général de formation de spores; 2° dimensions plus grandes; 3° différence des cultures sur gélose, propriété de former des colonies denses et très grandes. Comme le montre la description, le microbe dont il est question res- semble le plus au b. spor. A. de Metchnikoff et au b. saprogenes carnis Salus. Le microbe que j’ai isolé se distinguait de ces deux derniers microbes en cela seulement qu’il produisait très peu de gaz sur la gélose glucosée. En tout cas, s’il faut considérer les « sporogenes » comme un groupe de microbes de la même famille, il faudrait considérer également le spore A, le b. saprogenes carnis et le microbe que j’ai isolé comme une seule espèce. U. — B. sporogenes fœthlus. Cet anaérobie de putréfaction, qui se rencontre souvent dans l’intestin du cheval, a beaucoup de propriétés communes avec le clostridium fœtidium de Liborius [26] et de Salus [21], et lui est peut- être identique. Il est plus difficile d’isoler le bac. spor. fœtidus du contenu intestinal du cheval que le b. spor. A. Autant que j’ai pu le remarquer, le b. spor. fœtidus se rencontre en plus grandes quantités dans les phases plus avancées de décomposition du liquide intestinal. Morphologie : Faiblement mobiles dans les cultures jeunes (de 12-24 heures)., les bâtonnets prennent le Gram, ont une longueur de 3-5 y. et une longueur de 1 u. environ; dans les vieilles cultures, ils présentent des filaments. Déjà, au bout de vingt-quatre heures, une partie de ces bâtonnets prennent une forme ovoïde, qui rappelle celle des clostridies; ensuite, dans ces formes ballonnées paraissent de menues spores, plus fréquemment situées à une des extrémités et plus rarement au milieu. On observe quelquefois l’apparition des spores sous forme de paraplectrides ; dans ces cas, les bâtonnets restent très courts et semblent un appendice de la spore. On rencontre quelques races de ces microbes qui ne forment pas du tout de clostridies et les spores sont situées à une des extrémités ou au milieu d« bâtonnet, sans le déformer. Cultures : Se développe à 37 degrés et aussi à la température de la pièce. Anaérobie strict. A 37 degrés, sur gélose glucosée, le développement est perceptible 12-16 heures après l’ensemencement et se termine au bout de 17 258 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 30-48 heures. Les colonies sont généralement peu denses. Elles sont de deux genres : tantôt elles présentent l’aspect de petites plaques aux bords inégaux, tantôt on les aperçoit entourées d’une zone peu épaisse de légers prolongements. Au microscope, ces colonies ont aussi des aspects variés: tantôt elles paraissent sombres, avec des bords inégaux et sinueux, tantôt, elles présentent une agglomération de fils réunis en paquets enchevêtrés d’épaisseurs différentes. Au bout de quinze jours ou trois semaines, les colonies en contact avec la zone anaérobie se colorent souvent en brun foncé ou en rose pâle. Dans la gélose glucosée, elles ne produisent pas de gaz pour la plupart; il arrive quelquefois que la gélose se fragmente, grâce à la formation d’une certaine quantité de gaz. Les cultures sur gélose, aussi bien que sur d’autres milieux nutritifs, répandent une odeur fortement fétide, qui ne se laisse pas mieux déter- miner. Une. fœt. se développe en abondance dans le bouillon et y produit la formation du gaz et un trouble uniforme. Il décolore le lait au tournesol et le coagule au bout de 3 à 5 jours. Ensuite commence la dissolution lente de la caséine, qui n’est achevée que dans 3 ou 4 semaines. Le bue. fœt. liquéfie la gélatine et dissout le blanc d'œuf dans le milieu Achalme-Passini, en formant des produits putrides de la décomposition. Ajoutons encore que la décomposition du blanc d’œuf provoquée par le dont. /œt. a lieu plus tard et est plus lente, relativement, que celle que produit le b. sporogenes A. L'action du clostricl. fœtid. est la même sur Am et Pm que celle du sporogenes A. Pour les cobayes et les souris blanches, le b. fœtid. n'a pas été pathogène* J’ai réussi à isoler ce microbe dans la plupart des cas étudiés, en ense- mençant préalablement le contenu intestinal putréfié dans le milieu Achalme- Passini, et de là, au bout de cinq à sept jours, en l’ensemençant dans la gélose glucosée chauffée à 90 degrés. D'après ces descriptions, nous voyons que le microbe que j'ai isolé se distingue des microbes de Liborius et Salus, en ce qu’il ne dégage pas de gaz sur la gélose glucosée, et en ce que ses spores sont plus petites qu les spores des microbes de Liborius et Salus. III. — Dans deux cas, j’ai isolé un microbe évidemment identique avec le H. ligu. maynuz de Liideritz [19] et avec le sporogenes B. de Metchnikoff [loi. Morphologie : Des bâtonnets mobiles, droits, qui prennent le Gram, d’une épaisseur d’environ 1-1,5 p et longs de 6-8 g ; ces bâtonnets sont accouplés deux par deux ou bien forment des chaînettes de longueurs diflérenles; dans les vieilles cultures on rencontre des filaments qui ne sont pas démembrés. Vingt-quatre heures après l’ensemencement ce microbe com- mence à former des spores, dont la quantité est toujours grande. Les spores se trouvent au milieu des bâtonnets, sans provoquer une déformation sen- sible de ces derniers. Culture v : Se développe à 37 degrés et à la température de la pièce. Anaérobie strict. Dans la gélose glucosée à 37 degrés, le développement est perceptible au bout de dix à douze heures ; il se produit beaucoup de gaz qui fragmente la gélose. Les colonies ont l’apparence de boules grisâtres, entourées d’une épaisse couche de prolongements; si elles sont isolées, elles peuvent arriver à la grosseur d’un pois. Dans d’autres cas, elles prennent l’aspect de plaques arrondies aux bords inégaux, comme déchi- quetés. Au microscope, les colonies ont l’aspect d'une agglomération de fils embrouillés dans toutes les directions ; souvent, ces fils se présentent flore bactérienne du gros INTESTIN DU CHEVAL 259 rassemblés en paquets ondulés. Les cultures sur gélose, aussi bien qu<* les cultures sur tous les autres milieux répandent une odeurputride intense. Ce microbe trouble le bouillon d’une façon uniforme et produit beaucoup de gaz, liquéfie la gélatine rapidement ; il dissout aussi rapidement le blanc d œuf dans le milieu Achalme-Passini et peptonise le lait dans cinq à huit jours, sans le coaguler. La décomposition du blanc d’œuf provoquée par ce microbe est toujours accompagnée d'un abondant dégagement de gaz. N’est pathogène ni pour les souris, ni pour les cobayes. IV. — Entin, dans deux cas, j’ai isolé un anaérobie, que je n'ai pu iden- tifier avec aucune des espèces connues. Le caractère général des propriétés biologiques et morphologiques de ce microbe le rapproche du groupe sporogénès. Morphologie : Bâtonnet droit, mobile, qui prend le Gram ; a des bords coupés presque droits : largeur environ 0.8 ;x et longueur 4-6 u ; on rencontre souvent des individus accouplés deux par deux. Ce microbe perd bientôt sa propriété de prendre le Gram, et se transforme en formant des granula- tions. Il est capable de former des spores, mais en très petite quantité et après avoir passé bien des jours à l'étuve. Il arrive souvent que l’on a à examiner bien des préparations, avant de trouver des spores. Celles-ci sont presque rectilignes et assez longues; leur largeur est environ celle des bâtonnets ; ces derniers périssent aussitôt après la formation des spores : ces dernières sont disposées au milieu des bâtonnets. Cultures : Se développe à 37 degrés et à la température de la pièce. Anaé- robie strict. Le développement est perceptible sur gélose glucosée à 37 degrés au bout de douze à trente heures après l’ensemencement. Les colonies ont l’aspect de menues rondelles ou de petites boules aux bords inégaux, déchiquetés; quelquefois certaines colonies sont entourées de petits prolongements. Si elles sont isolées, au bout de quelques jours leur diamètre peut atteindre de 3 à 5 millimètres. Dans la gélose glucosée, ce microbe forme des gaz qui fragmentent la gélose, qui perd en même temps une quantité considérable d’eau de condensation. Les cultures sur gélose répandent une odeur putride, douceâtre. Ce microbe trouble le bouillon d'une manière uniforme. Le lait au tournesol est d'abord décoloré, puis coagulé ; ensuite après trois ou quatre semaines, il se redissout. Ce microbe liquéfie la gélatine et dissout très lentement le blanc d’œuf dans le milieu Achalme-Passini. Les cultures dans la gélatine, dans le milieu Achalme-Passini. le lait et le bouillon répandent une odeur putride. Ce microbe forme de l’acide et du gaz en présence de la glucose, et n est pas pathogène, ni pour les cobayes, ni pour les souris. Ces données témoignent que, dans le gros intestin du cheval, on rencontre une quantité considérable d’espèces de microbes capables de provoquer la putréfaction ; les unes s’y rencon- trent constamment, les autres seulement dans certains cas. Tous ces microbes, en ce qui concerne les cas normaux, sont -contenus dans 1 intestin du cheval en quantité bien moindre que les espèces dominantes. Cependant, si l’on considère le volume du gros intestin du cheval, il devient évident que la quantité absolue des microbes de la putréfaction qui y sont 260 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR contenus est encore assez grande, et que leur action ne peut être que nocive. ★ * * En dehors des agents de la putréfaction, on rencontre beau- coup de microbes qui sont capables de dissoudre le blanc d’œuf, mais qui n’en amènent pas la décomposition aux der- nières limites, comme on l’observe pendant la pul réfaction. De toutes les espèces connues qui appartiennent à ce groupe j’ai rencontré le plus souvent les représentants du groupe du b. mesentericus ; j’ai ensuite rencontré quelquefois un microbe identique au b. aerophilus ; et aussi une fois chacun des microbes : le b. pyocyaneus , staph. albus , et le b. mégathérium. Dans deux cas, j’ai isolé le microbe qui se rapporte au groupe du b. subtilis , mais qui se distingue des représentants typiques de ce groupe par sa propriété de se développer dans des conditions anaérobiques. J’ai rencontré d’autres microbes qui n’avaient jamais été décrits ou bien l’ont été incomplètement, je vais en donner la description détaillée. I. — B. fœticlus albus. Morphologie : Bâtonnet mobile droit, aux bords arrondis, d’une largeur de 0,5 g et d’une longueur de 3 à 6 u, prend le Gram. Quatre ou cinq jours après l’ensemencement, ce microbe commence à former des spores : une extrémité du bâtonnet se gonfle en forme de fuseau; cette augmentation de largeur est relativement très grande et son diamètre égale 1-1 1/2 [j., ici, à l'endroit élargi du bâtonnet, et se forme une grande spore ovale, entourée d'une enveloppe épaisse, d’un contour net. Après la forma- tion des spores, les bâtonnets perdent rapidement la propriété de prendre le Gram, se désagrègent et les spores deviennent libres. Cultures : Se développe à 37 degrés et à la température de la pièce. Anaérobie facultatif. A 37 degrés le développement ne se remarque pas à la surface de la gélose avant trente à quarante-huit heures. Au commence- ment, il se forme une pellicule translucide qui recouvre progressivement toute la surface de la gélose, Les jours suivants, cette pellicule s’épaissit et enfin, se transforme en enveloppe dense, épaisse, unie, d’une couleur blanche qui adhère fortement à la surface de la gélose. Dans une gélose glucosée, le b. fœt. albus se développe, formant de petites colonies arrondies aux bords unis; il ne se produit alors jamais de gaz. On remarque un faible trouble dans le bouillon au bout de deux à trois jours; il se forme ensuite à la surface du bouillon une dense pellicule blanche; le liquide s’éclaircit alors, et un léger dépôt se. forme au fond du tube. Le h. fœt. albus coagule le lait, en formant des quantités minimes d’acide; le lait coagulé se redissout ensuite lentement. 261 FLORE BACTÉRIENNE DU GROS INTESTIN DU CHEVAL Il liquéfie la gélatine, dissout le blanc d'œuf dans le milieu Achalme-Pas- sini, et alors, un fragment de blanc d’œuf se colore au commencement en brun. Sur la pomme de terre, il se forme, au bout de trois à cinq jours, un voile épais, d un gris jaune, qui forme le lendemain une quantité de légères rides, et, grâce à cela, a une certaine ressemblance avec la culture sur pomme de terre du b. mesentericus. Les cultures du b. fœtid. albus répandent une faible odeur désagréable, qui ne se laisse pas déterminer; dans tous les cas, cette odeur se distingue de celle que l'on observe pendant la putréfaction. Ce microbe ne produit pas d’indol. N est pas pathogène pour les cobayes et les souris. On peut isoler le b. fælidus albus en ensemençant le contenu intestinal du cheval en putréfaction, chauffé à 70 degrés, sur la surface de gélose inclinée; ou bien en ensemençant préalablement ce contenu en putréfac- tion dans le milieu Achalme-Passini. Dans sept cas, tandis que je cherchais spécialement le b. fœt. albus , je n'ai pu obtenir que trois fois des cultures pures de ce microbe. Comme je peux croire, le b. fœt. albu >• présente une certaine ressem- blance avec le b. circulans Flügge [271. Malheureusement, la description de ce dernier est si incomplète, qu'il est impossible de se prononcer d’une manière déterminée. IL — H. Botriosporus aromaticu v. Morphologie : Mince bâtonnet droit, mobile, prenant le Gram, d'une largeur de 0,3 à 0.4 pi et d’une longueur de 4 à 7 p.; dans les vieilles cultures on rencontre des filaments d’une longueur de 10 à 20 pi. Ce microbe commence rapidement à former des spores. Avant la for- mation de celles-ci, sur une des extrémités des bâtonnets se produit une grosseur arrondie, dans laquelle se forme ensuite une grande spore (0,5 p. - I jx) ronde ou légèrement allongée. Après la formation des spores, les bâton- mets se désagrégèrent rapidement et les spores sont mises en liberté. Cuhurts : Se développe à 37 degrés et à la température de la pièce. Anaé- robie facultatif. A 37 degrés, à la surface des plaques de gélose, le déve- loppement devient apparent au bout de trente à quarante-huit heures. Il se forme alors de menues colonies grisâtres, translucides, entourées de fins prolongements, ressemblant aux colonies du b. anthr. La même ressem- blance se manifeste au microscope. Dans ces cas, les colonies ont l’aspect d'agglomérations de paquets filandreux embrouillés dans toutes les direc- tions. A mesure qu elles se développent, les colonies deviennent opaques, blanchissent et se confondent peu à peu. Sur la surface de la gélose incli- née, au bout de trente à quarante-huit heures, il se développe une pellL cule mince et translucide qui devient ensuite douce, épaisse et blanche Dans la gélose glucosée, le h. hoir. arom. se développe en formant de petites colonies enveloppées d’une zone de fins prolongements. Il ne se forme jamais de gaz dans ces conditions, Dans le bouillon, le b. botr. arom. développe un faible trouble; ensuite le bouillon redevient limpide, un léger dépôt se précipite au fond du tube, et à la surface du bouillon se forme une épaisse pellicule blanche. Ce microbe dissout lentement la gélatine; il dissout aussi le blanc d'œuf dans le milieu Achalme-Passini. Il coagule le lait en formant une certaine quantité d'acide; en présence de la glucose, il forme aussi de l'acide. Il ne produit pas d'indol. A la surface de la pomme de terre, le développement n'est pas apparent. II se développe dans Pm ; les morceaux de pomme de terre se dissolvent 262 ANNALES L)E L’INSTITUT PASTEUR partiellement, et se brisent en fragments isolés. Il se forme en même temps une petite quantité de gaz. Cette propriété de dissoudre la pomme de terre n est pas commune à toutes les variétés de ce microbe. Les cultures répandent une odeur assez forte et agréable, qui ne se laisse pas déterminer exactement. Il n’est pathogène ni pour les cobayes, ni pour les souris. Dans sept cas de recherches spéciales, il n’a été isolé que deux lois. Pour isoler ce microbe, on se sert de la même méthode que pour le pré- cédent. Autant que la description du b. n° 4 de Sévérine [28] me permet d’en juger, le b. botr. arom. a bien des points de ressemblance avec celui-là. Cepen- dant, il existe entre ces deux microbes des différences essentielles, de sorte que je ne me décide pas à les considérer comme appartenant à la même espèce. Ainsi, le microbe de Sévérine est un aérobie strict, tandis que le b. botr. est un anaérobie facultatif. Ensuite, le microbe de Sévérine donne sur pomme de terre une culture abondante, tandis que le b. botr. arom. ne donne pas de culture visible sur la surface de la pomme de terre. Enfin, les formes des colonies de ces deux microbes ne sont pas identiques. Le B. bo- triosporus manifeste également une certaine ressemblance avec le b. n° XI de Flugge [25]. Malheureusement la description du microbe de Flügge est fort incomplète. III. — B. hastiformis. Morphologie : Bâtonnet droit, mobile, prenant le Gram; largeur, 0, 8-1,0 \i et longueur 4-7 ; dans les v ieilles cultures, on rencontre des individus plus longs encore. Ce microbe commence à former très rapi- dement des spores. A une extrémité du bâtonnet paraît un renflement à bout pointu, d’une forme lancéolée; ensuite, dans ce renflement se forme une petite spore arrondie. Après la formation des spores, les bâtonnets se désa- grègent aussitôt et les spores se trouvent en liberté. Les spores libres sonl entourées d'une épaisse enveloppe. Cultures : Se développe à 37 degrés et à la température de la pièce. Aérobie strict. A 37 degrés, ensemencé sur plaques de gélose, il produit 10 à 12 heures après, un nombre considérable de colonies. Les colonies qui se trouvent au fond de la gélose présentent au microscope l’aspect de petites boules couvertes d’une zone épaisse de légers prolongements. Celles de la surface ont l’aspect de disques clairs aux bords réguliers ; au bout de quelques jours, ces bords deviennent inégaux, se couvrent d’escarpements, de longueurs et d’épaisseurs variées; les colonies plus vieilles paraissent composées de plusieurs couches concentriques; on peut souvent constater, dans ces dernières, la présence de cristaux. Au microscope, les colonies paraissent convexes, grisâtres, translucides, avec des bords réguliers; dans les plus vieilles, les bords paraissent finement dentelés. En étalant la semence sur la gélose, on forme un voile doux et grisâtre, qui prend ensuite une teinte jaunâtre» B. hastiformis se développe abondamment dans le bouillon, provoquant un trouble uniforme et donnant un sédiment qui se dépose au fond du tube. Liquéfie la gélatine très lentement. Ne fait pas coaguler le lait. Décolore le lait au tournesol au bout de dix à quinze jours et le peptonise ensuite très lentement. Sa réaction reste toujours alcaline. Développe sur la pomme de terre un voile brillant, d’un jaune foncé. B. hastif. ne forme pas d’indol ; ne forme pas d'acide en présence de glu- cose. N’est pathogène ni pour les souris, ni pour les cobayes. J’ai isolé le b. hastiformis en ensemençant sur gélose le contenu intestinal en putré- FLOUE BACTÉRIENNE DE GROS INTESTIN DU CHEVAL 263 faction et chauffé. J’ai rencontré le microbe dans tous les cas étudiés (*). C. flavescens liquefacv-ns. Morpholo >ie : Bâtonnet droit, mobile, qui prend le Grain, a les extrémités arrondies, une largeur d’environ l a et une longueur de 3 à 5 g. Dans les vieilles cultures, on peut voir beaucoup de tormes d’involution, par exemple, les formes en massue, renflées, amincies, qui ne prennent pas le Gram, etc. B. fl, liquef. forme des spores; elles prennent naissance après un séjour prolongé des cultures à l’étuve, et toujours en quantité faible. Les spores se disposent à une des extrémités ou au milieu des bâtonnets, dont la forme ne change pas d’habitude. Aussitôt après la formation des spores, les bâton- nets se désagrègent. La forme des spores est arrondie, leur diamètre ne dépasse pas 1 y.. Cultures : Se développe à 3T degrés et à la température de la pièce. Aérobie strict. A 37 degrés, à la surface des plaques de gélose, dans dix ou douze heures environ, paraissent des colonies grises, brillantes, plates, à bords réguliers. Ces colonies augmentent peu à peu de volume, et prennent une teinte jaunâtre en partant du centre. Dans leur périphérie, se déve- loppent quelquefois des prolongements de longueurs et de largeurs diffé- rentes. Dans certains cas, la colonie ^primaire est entourée de couches concen- triques d’épaisseurs variables, résultant du développement ultérieur de la colonie. Au microscope, on distingue un centre plus foncé, entouré d’une zone périphérique plus claire, aux bords inégaux, déchiquetés. Les colonies qui se trouvent au fond de la gélose ont l’aspect arrondi, aux bords réguliers, et sont d’une couleur foncée. Plus tard, les colonies peuvent se couvrir de courts prolongements. Quand on étale la semence à la surface de la gélose, il se forme une pelli- cule douce d'un gris jaunâtre. Avec le temps, cette teinte jaune s’accentue. Dans le bouillon, le b. fl. liq. se développe en abondance, en le troublant iortement et en formant un sédiment abondant. Les cultures dans le bouillon répandent une odeur désagréable, dans laquelle on sent l’hydrogène sulfuré, dont la présence peut être constatée par l’acétate de plomb. Le b. fl. liq . liquéfie la gélatine et dissout le blanc d’œuf dans le milieu Achalme-Passini. Il ne coagule pas le lait, mais le peptonise lentement. J’ai constaté la présence de ce microbe dans tous les cas que j’ai étudiés, en examinant les tubes d’ Achalme-Passini ensemencés avec le contenu intestinal chauffé et putréfié. Il faut ajouter encore que 1 e b. fl. liq. est souvent associé au 6. hastiformis et qu’il n’est pas toujours facile de les séparer l'un de l’autre. V. — Bacillus clessicans. Morphologie : Bâtonnet droit, mobile, prenant le Gram, aux bords arrondis, à la largeur de 1 à 1 jx 1/2 et à la longueur de 4 à 7 g. Dans les cultures sur milieux solides, prédominent les formes courtes et épaisses; sur milieux liquides, des formes plus longues et plus minces. Quelques jours après le début de son développement, < e microbe se met à former des spores ; au commencement, le protoplasma se détache de l'enveloppe, prenant une forme sphérique, et le reste de la cellule bactérienne se désagrège ; puis, ce sont ces formations semblables (*) Le b. hastiformis manifeste une certaine ressemblance avec le b. n° I de Flugge [25]. 264 ANNALES DE [/INSTITUT PASTEUR à des cocci qui se transforment en spores. Dans d’autres cas, plus rares, les spores prennent naissance sans que la cellule bactérienne soit soumise aux modifications que nous venons de citer. Cultures : Se développe à 37 degrés et à la température de la pièce. Aérobie strict. A 37 degrés, à la surface des plaques de gélose, il se forme au bout de dix a vingt heures des colonies régulièrement arrondies, tout a fait plates, d’une couleur blanchâtre ; les jours suivants, elles augmentent de volume et peuvent atteindre 0,8-1 centimètre de diamètre ; ensuite, la surface des colonies se recouvre de plis et de petites gradations ; on y distingue un centre plus dense, entouré de couches concentriques plus claires. Avec le temps, ces colonies se dessèchent et deviennent vitreuses. Au microscope, elles ont l’aspect de formations granulées, composées de plu- sieurs couches concentriques. On peut y constater toujours la présence de cristaux. Quand on étale la semence à la surface de la gélose, il se forme une pellicule douce et blanchâtre. Par transparence, elle semble composée de grains isolés, homogènes, enfermés dans un produit translucide, homo- gène. Au bout de quelques jours, cette pellicule se sèche et devient vitreuse. Dans le bouillon se produit un trouble uniforme et, au bout de quelques jours, apparaît à la surface du bouillon une pellicule mince et fragile. Ce microbe liquéfie rapidement la gélatine; dissout vivement le blanc d'œut dans le milieu Achalme-Passini, et le blanc d’œuf devient transparent comme du verre avant d’être dissout. Le lait est coagulé, et le coagulum se redissout peu à peu. En présence de glucose et de lactose, il produit une petite quantité d'acide, il ne forme pas d’indol. N’est pathogène ni pour les cobayes, ni pour les souris. A la surface des pommes de terre, le b. dessicans forme une pellicule blanche, douce et abondante. Les cultures répandent une faible odeur rappelant l’odeur du fromage. J’ai rencontré deux fois ce microbe; je l’ai isolé dans les deux cas, en étu- diant les tubes avec le milieu Achalme-Passini, ensemencé avec le contenu intestinal, mis en putréfaction et chauffé. VI. — J’ai isolé trois fois un microbe qui paraît identique au microbe n° IX de Sévérine. Mais comme la description n’est pas complète dans le tra- vail de Sevérine, je vais citer en détail les propriétés de mon microbe. Morphologie : Bâtonnet mobile, droit, qui prend le Gram; sa largeur est de 0,8 g environ, sa longueur de 4 à 7 u . Deux jours environ après avoir com- mencé à se développer, ce microbe commence à former des spores, dis- posées au milieu, ou, plus rarement, à une des extrémités des bâtonnets : la largeur des spores est considérablement plus grande que celle des bâton- nets, et ceux-ci sont élargis à l’endroit où sont disposés les spores ; cela leur donne une certaine ressemblance avec un fuseau, ou le bouchon d'une ligne. Cultures : Se développe à 37 degrés et à la température de la pièce. Aérobie strict. A 37 degrés, au bout de dix à douze heures, paraît à la sur- face de la gélose une pellicule mince, grisâtre, qui s'épaissit les jours sui- vants, devient sèche, prend une coloration mate et devient d’un blanc jaune. Au bout de quelques jours, les cultures commencent à répandre une odeur fétide, dans laquelle on reconnaît l’ammoniaque. Les colonies isolées sont petites, convexes, avec des bords unis ; au microscope, elles ne présentent rien de caractéristique. Dans les cultures sur gélose de ce microbe, il se dépose toujours une grande quantité de cristaux. Dans le bouillon, il produit FLOUE BACTÉRIENNE DU GROS INTESTIN DU CHEVAL 265 un trouble uniforme et au fond, un dépôt floconneux très abondant; au bout de quelques jours, il se forme à la surface du bouillon une pellicule très mince et très fragile, qui tombe au fond à la moindre secousse imprimée au tube. Le b. Severini liquéfie très lentement la gélatine et dissout le blanc d’œuf dans le milieu Achalme-Passini ; cependant, la dissolution complète n’a pas lieu, la plus grande partie reste intacte. Le lait au tournesol est décoloré au bout de quelques jours, et il le peptonise ensuite très lentement sans pré- cipiter préalablement la caséine. Sur la pomme de terre se forme un voile abondant, doux, brillant, couleur de café, qui enveloppe les morceaux de pomme de terre de tous côtés. Le b. Severini ne forme ni de gaz, ni d’acide en présence de la lactose ou de la glucose. Ses cultures répandent une odeur désagréable, ammoniacale. Ce microbe n’a été pathogène ni pour les cobayes, ni pour les souris. J’ai isolé le b. Severini du milieu x\chalme-Passini, ensemencé par le con- tenu intestinal en putréfaction et chauffé. J’ai entrepris des recherches spéciales de ce microbe dans huit cas, et je n'ai obtenu de résultats positifs que dans trois cas. VIL — Bacillus arachniformis. Morphologie : Bâtonnet mobile, droit, qui prend le Gram, d’une largeur de 1 à 1 i/2 g et d’une longueur de 3 à 5 u ; on rencontre quelquefois des individus d’une longueur plus grande. Ce microbe forme des spores rondes ou ovales, d’un micron environ de diamètre, situées au milieu, ou, plus rarement, à l’une des extrémités du bâtonnet. La plupart des bâtonnets ne changent pas leur forme alors, et l'on ne peut rencontrer que rarement des formes élargies, ovoïdes, qui rappellent les clostrides. Cultures : Se développe à 37 degrés et à la température de la pièce. Aérobie strict. Au bout de douze heures et à 37 degrés, il se forme sur la plaque de gélose des petites colonies grises, translucides, d’une forme arrondie irrégu- lière. Les colonies qui se trouvent au fond de la gélose ont l’aspect de petites boules entourées de fins prolongements. Ensuite, elles augmentent de volume ; elles émettent dans le milieu des prolongements de grosseur diffé- rente, qui se composent en partie de filaments, et aussi de petites boules, qui donnent à ces colonies l'aspect d’une araignée. Les colonies superficielles ont l’apparence de petites rondelles claires, aux bords unis; avec le temps elles augmentent considérablement de volume; leur partie centrale devient foncée, la périphérie se recouvre de prolongements de longueurs et d’épais- seurs variées. Dans les vieilles colonies, on peut toujours apercevoir des cristaux. Quand on ensemence sur la surface de la gélose inclinée, il se forme un voile gris, translucide, qui s’épaissit et devient jaunâtre. Dans le bouillon ce microbe produit un trouble uniforme et dépose un sédiment gris au fond du tube. Liquéfie lentement la gélatine ; dissout lentement le blanc d’œuf dans le milieu Achalme-Passini. Décolore le lait au tournesol; précipite alors la caséine sous forme de flocons légers; la caséine Se dissout ensuite lente- ment; le lait donne tout le temps une réaction neutre ou faiblement alcaline. Sur la pomme de terre se développe un voile jaune foncé. Ce microbe ne produit pas d’indol; n’est pathogène ni pour les cobayes, ni pour les souris. Les cultures répandent une odeur rappelant celle du vieux fromage. J’ai rencontré une fois le bacillus arachniformis en ensemençant le contenu intestinal, en putréfaction et chauffé, sur la gélose inclinée. VIII. — En ensemençant le contenu intestinal frais, j’ai réussi dans trois cas à isoler le microbe qui, comme je peux conclure selon la description de 266 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Matzuschita, présente beaucoup de ressemblance avec le b. helvolus de Zim- mermann. Morphologie : Bâtonnets de i g de largeur environ, et d’une longueur de 4-6, plus rarement de 7-10 pu, réunis par deux ou par courtes chaînettes. Ce microbe est immobile, prend le Gram et ne forme pas de spores. Cultures : Se développe à 37 degrés, et à la température delà pièce. Aérobie strict. A 37 degrés, dans douze à vingt heures se forme à la surface de la gélose un voile assez épais, d'une teinte jaune pâle. Les colonies isolées sont rondes, plates, leur diamètre peut atteindre 4 à 5 millimètres. On peut en voir quelquefois qui paraissent formées de cercles concentriques. Ce microbe liquéfie très lentement la gélatine, ne fait pas coaguler le lait, et produit dans le bouillon un faible trouble uniforme. Sur pomme de terre, il produit une culture abondante, ayant l’aspect d’un voile épais, d’un jaune grisâtre. Ce microbe ne produit pas d’indol et n’est pathogène ni pour les lapins, ni pour les cobayes. Le h. helvolus de Zimmermann se distingue du microbe que j’ai isolé en ce qu’il produit sur gélose un pigment jaune intense, et ses cultures sur pomme de terre prennent une teinte verdâtre. IX. — Coccobacillus proteolyticus mobilis. Morphologie : Coccobacille d’une largeur de 1 g environ, et d’une longueur de 2 à 3 g, aux boçds fortement arrondis, on en rencontre quelquefois qui sont encore plus longs. Il est mo- bile, prend le Gram, et ne forme pas de spores. Dans les vieilles cultures, on rencontre de nombreux filaments de longueurs variées. Cultures : Se développe à 37 degrés et à la température de la pièce. Aérobie strict. A la surface de la gélose, il forme un voile maigre, grisâtre. Les colo- nies isolées sont rondes et convexes ; leurs bords sont unis; au bout de quelques jours ils s'épaississent et sont entourés de cercles concentriques. Dans le bouillon, ce microbe produit un trouble uniforme assez faible, liquéfie la gélatine, peptonise lentement le lait et ne se développe pas sur la pomme de terre. Il ne produit pas d’indol, ne forme pas de gaz en présence de la glu- cose, et n’est pathogène ni pour les lapins, ni pour les cobayes. Je n’ai isolé le coccobacillus prot. mob. qu’une fois en ensemençant du contenu intestinal frais sur de la gélose inclinée. X. — Bacillus annulosporus. Morphologie : Bâtonnet droit et mobile qui prend le Gram, d’une largeur de 0,5 g et d’une longueur de 4-7 g; dans les vieilles cultures et particulièrement dans les cultures sur milieux liquides, il appa- raît un grand nombre de filaments de longueurs variées. A 37 degrés, à l’étuve, le b. annulosporus commence à former des spores au bout de 5 à 7 jours. Ges spores sont relativement grandes (diamètre de 1-1 1/2 g), sont parfaitement rondes et sont entourées d’une épaisse enveloppe; elles sont toujours disposées à l’extrémité même des bâtonnets avec lesquels elles sont généralement liées faiblement et dont elles se détachent facilement. Cultures : Se développe à 37 degrés et à la température de la pièce. Aérobie strict. A 37 degrés, à la surface de la gélose, se produisent le lendemain de l’ensemencement, des colonies blanchâtres, opaques, convexes, aux bords unis; les jours suivants elles prennent une teinte jaune de miel, et deviennent aplaties. Les colonies qui se développent dans le fond de la gélose ont l’aspect de petites boules aux bords unis. Au microscope, les colonies de la surface ainsi que celles du fond ne présentent rien de caractéristique. Quand on frotte la semence à la surface de la gélose, il se forme un voile blanchâtre, qui prend ensuite une colo- FLORE BACTÉRIENNE DU GROS INTESTIN DU CHEVAL 267 ration jaune foncé. Dans le bouillon ce microbe produit un trouble uniforme: ensuite, au fond du tube se produit un dépôt volumineux, qui ressemble à un tampon d'ouate, tandis qu’à la surface du bouillon se forme une mince pellicule, qu’en secouant on fait tomber facilement au fond. Le b. ann . sp. liquéfie la gélatine, et dissout le blanc d œuf dans le milieu Achalme- Passini au bout de vingt à trente jours. Il peptonise le lait, sans précipiter préalablement la caséine. A la surfaee de la pomme de terre, il forme un voile jaune foncé, uni, peu épais. Le b. an. sp. ne forme pas d’indol et ne produit pas de gaz, ni d’acide en présence de glucose ou de lactose. Il n’esl pathogène ni pour les souris, ni pour les cobayes. Le b. an. sp. a été isolé par moi trois fois en étudiant le contenu des tubes Achalme-Passini, ense- mencés du contenu intestinal du cheval en putréfaction. Ce microbe a une certaine ressemblance avec le b. n° XII de Flugge [25]. Enfin, on pourra aussi rapporter à ce groupe le b. amylolyticus , dont la description sera faite ultérieurement, dans la partie suivante. En somme, dans le gros intestin du cheval, on rencontre constamment des microbes protéolytiques, et ces espèces sont assez nombreuses. La plupart sont des aérobies stricts et sont vraisemblablement incapables de se développer avec quelque succès dans le gros intestin. Quanta l’action que peuvent exercer, parmi ces microbes protéolytiques, ceux qui sont capables de végéter dans l’intestin, il faut considérer qu'ils peuvent aider à la putréfaction, en en accélérant les premières phases. Ensuite, beaucoup de ces microbes, bien qu’ils ne provoquent pas la putréfaction typique, peuvent développer des produits fétides ou aromatiques par la décomposition du blanc d’œuf. En un mot, tout ne se borne pas ici à la simple peptonisation du blanc d’œuf, mais le processus continue, et il est très possible qu’il se développe en même temps des produits qui exercent une action nocive sur l'organisme animal. Puisque dans le gros intestin du cheval on rencontre con- stamment un nombre considérable d’espèces protéolytiques et de microbes de la putréfaction, on peut conclure que l’ali- mentation végétale n’exclut nullement par elle-même la possi- bilité de l’exislence et du développement de ces microbes dans l’intestin. L’alimentation du cheval se compose d'une grande quantité d’amidon, d'hémicellulose et de cellulose, dont une partie pénètre dans le gros intestin sans être décomposée. C’est donc ici que naissent les conditions favorables au développement 268 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR (les microbes qui provoquent la fermentation de toutes ces matières. Ce sont des microbes décrits par Oméliansky [29] et Van Iterson [30], qui sont considérés comme les agents de la fer- mentation de la cellulose. Malheureusement, les microbes décrits par ces auteurs n’ont pas encore été isolés à l’état de pureté. En étudiant la cellulose fermentée dans le milieu d Ome- liansky, ensemencé par le contenu du gros intestin du cheval, j’ai toujours pu isoler un bacille mince, qui produit des spores à une extrémité et qui prend alors l’aspect d'une baguette de tambour (le b. gazogène ci-dessous) ; c’est-à-dire que j’ai isolé un microbe qui ressemble morphologiquement à ceux que Oméliansky a décrits comme agents de la fermentation de la cellulose Malheureusement, ce microbe n’a pu faire fermenter la cellulose. Je n’ai pas pu non plus obtenir la fermentation de la cellulose avec aucun des microbes que j’ai isolés de l’intestin du cheval, et dont j’avais toujours étudié les pro- priétés (*). Le l'ait de l'existence, dans l’intestin des herbivores en géné- ral, et dans l’intestin du cheval en particulier, d’agents capables de provoquer la fermentation de la cellulose, est connu depuis les recherches de Tappeiner et Hoffmeister. Der- nièrement Ankerschmitt [10] l’avait confirmé relativement au contenu intestinal des bovidés. De mon côté, en ensemençant quelques gouttes du contenu intestinal du cheval dans le milieu d’Oméliansky, j’obtenais toujours la fermentation de la cellu- lose. Les agents de la fermentation de la cellulose existent donc toujours dans le gros intestin du cheval. Ainsi bien, en ensemençant quelques gouttes du contenu intestinal du cheval sur Pm et Am, j’obtenais toujours la fermentation de la pomme de terre et de l’amidon; par consé- (*) Il a été déjà remarqué qu’à l’ét-ude microscopique du contenu intestinal du cheval, on pouvait toujours constater la présence de bâtonnets minces, qui prenaient le Gram; selon leur aspect au microscope, ces bâtonnets sont très semblables au b. gazogènes , quand on les cultive dans la gélose ordi- naire (dans la gélose glucosée le b. gazogènes est quelque peu plus gros); au b. tennis non ligue fa* iens, au b. B. du groupe Rodella (voyez plus bas), et aux bâtonnets que l’on peut voir en étudiant la cellulose en fermentation. Il faut observer que dans le contenu intestinal ces bâtonnets minces ne sont pas sporulés, tandis que dans le milieu nutritif ils peuvent sporuler. FLORE BACTÉRIENNE DU GROS INTESTIN DU CHEVAL 269 q Lient, F intestin du cheval, à côté des agents de la fermen- lation de la cellulose, contient aussi les agents de la fermen- tation de l’amidon et de l'hémicellulose. En passant à la description des agents de la fermentation de l’hémicellulose et de l’amidon, je dois dire quelques mots à propos de l’importance et des propriétés caractéristiques du b. amylobacter ( butyricus ), car cette question a une histoire fort longue et fort embrouillée. Trecul . 31 ] et Van Tieghem [32] ont décrit avant Oméliansky le microorganisme qui semblait être capable de provoquer la fermentation de la cellulose et qui était nommé bacillus amylobcicter . Comme il est démontré main- tenant, Behrens [33], Oméliansky [34]), Trecul et Yan Tieghem ont eu affaire, non pas à des cultures pures, mais à un mélange de divers microbes, et ce mélange a été capable de provoquer la fermentation de l’hémicellulose, mais non pas de la cellulose pure. Yan Tieghem et Prazmowsky avaient considéré le b. amy- lobacter comme identique au vibrion butyrique de Pasteur; en dehors de la ressemblance morphologique, ce qui les avait con- vaincus, c’était que le b. amylobacter , aussi bien que le vibrion de Pasteur, donnait l’acide butyrique comme résultat delà fer- mentation. Il faut ajouter que le caractère du b. amylobacter est de contenir des grains qui sont colorés par l’iode en bleu sale, d’où le nom à' amylobacter. Les dernières recherches ont cependant prouvé que la fer- mentation butyrique des hydrates de carbone peut être provo- quée par bien des microbes appartenant à des espèces diffé- rentes. Parmi ceux-là : b. Welchii (Grassberger et Schat- tenfroc) [33], le b. du charbon symptomatique (les mêmes) [36], quelques microbes anaérobies de la putréfaction, qui appartiennent au groupe sporogenes (microbes de Botkin Kedrowsky). En dehors de ces auteurs, Gruber [40], Beijerinck [37], Grass- berger et Schattenfroh 38 , Klecki [39] ont décrit, sous des noms différents, des microorganismes qui ont bien des pro- priétés communes et qui provoquent la fermentation butyrique du lait; ce sont ces microbes que l’on désigne le plus souvent sous le nom de bacilles butyriques. D'autre part, Friebs [41], Beijerinck [37], Behrens [43], Stormer [42] ont aussi décrit sous des noms différents des microbes capables de fermenter 270 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR l’hémicellulose, et qui présentent aussi bien des points de res- semblance. La question des rapports mutuels de tous ces microbes est restée obscure, et ce n'est que le travail de Brede- mann [44] (1909), qui a beaucoup contribué à l’éclaircir. Selon Bredemann, les deux groupes de microbes qui viennent d’être cités, appartiennent à la même espèce, que Bredemann propose de nommer le b. amylobacter . En dehors de ceux-ci, se rapportent au b. amylobacter les microbes : clostridium Pasterianum ( Wynogradsky) [45], b. orthobutylicus (Grimberi) T46] et quelques autres. D'après Bredemann, on peut réunir ces microbes en une seule espèce, en se basant sur la similitude de leurs parlicu- larités morphologiques, de leur développement sur les milieux nutritifs et des échanges. Quant à leur action sur les hydrates de carbone, et, en parti- culier sur l’hémicellulose, cette propriété des diverses races de b. amylobacter est, selon Bredemann, fort peu stable et varie, par exemple, sous l’action de réensemencements répétés, même pour une même race de b. amylobacter . Voilà pourquoi l'ac- tion exercée sur l'hémicellulose ne peut servir de caracté- ristique. Dans mes recherches, je me suis servi du schéma proposé par Bredemann, et j'ai rapporté aux b. amylobacter tous les microbes qui entraient dans ce schéma. Comme leurs particu- larités sont bien décrites dans le travail de Bredemann et, en partie, dans les travaux plus anciens de Klecki, Grassberger et Schattenfroh, je ne veux pas m’arrêter à leur description. Je n’ai pas réussi à isoler le b. amylobacter du gros intestin du cheval dans tous les cas étudiés. Pour isoler ce bacille, la meilleure méthode consiste à ensemencer dans du lait, dans de l’eau peptonisée avec 1 p. 100 de lactose, ou sur Am, quelques gouttes du contenu intestinal chaude et en putréfac- tion depuis quelques jours dans des conditions d’anaérobiose ; au bout de quelques jours, quand le b. amylobacter a donné des spores, il faut faire des cultures sur gélose glucosée chauffée à 80 degrés. Le b . Welchii , qui se développe abon- damment dans les milieux indiqués et qui n’y produit pas de spores, succombe, ce qui facilite considérablement l’isole- ment du b. amylobacter . Dans huit cas, où j’ai cherché spé- FLORE BACTÉRIENNE DU GROS INTESTIN DU CHEVAL 271 ■cialement le b . arnylobacter , je n’ai pu constater sa présence que cinq fois. Je m’intéressais à l’action des races du b. arnylobacter , ren- contré dans 1 intestin du cheval, sur les hydrates de carbone et surtout sur l'amidon et l’hémicellulose. J’avais à ma disposition sept races de ce microbe, qui avaient été toutes isolées du gros intestin du cheval. Deux d“ ces sept races fermentaient énergiquement le glu- -cose, le lactose, l’amidon et l'hémicellulose. Ensemencés sur Pm, ils provoquaient une fermentation énergique, tandis que le fragment de pomme de terre diminuait de volume, ses angles s'arrondissant, et finalement il se brisait en morceaux. Cependant, la dissolution de la pomme de terre n’était jamais complète. Trois de ces races fermentaient la lactose et le glucose et ne fermentaient ni l’amidon, ni l'hémicellulose. Enfin, les deux dernières différaient un peu du type générai des b. arnylobacter , tant par leurs propriétés morphologiques que biologiques. Ces deux races précisément, quoique capables également de former des clostridies. donnaient des formes clostridium plus petites que les normales, et ne donnaient que rarement la réaction de la granulose. Ensuite, dans la gélose glucosée, ils formaient de petites colonies qui ne dépassaient pas la grandeur d’une tête d’épingle ; quand l’ensemencement était dru, ces colonies étaient si menues, qu'il était impossible de les distin- guer à l'œil nu; la couche supérieure seule, qui était à la limite de la zone aérobie, était composée de colonies distinctes qui se coloraient en brun au bout de quelque temps. Ces deux races ne produisaient pas de gaz sur gélose gfucosée, et ce n'est qn’après plusieurs passages qu'ils commencèrent à en produire, quoique en petites quantités. Ils décoloraient le lait au tournesol, mais ne le coagu- laient pas et ne provoquaient pas de fermentation butyrique. Ensemencées sur Pm, ces deux races provoquaient la fermentation avec dégagement de gaz, qui durait plusieurs mois en présence de craie. Les fragments de pomme de terre se dissolvaient en partie, et se brisaient en morceaux. Le deuxième microbe que j’ai toujours rencontré dans l'in- testin du cheval et qui est capable de provoquer la fermentation de l'hémicellulose et de l’amidon, est le b. gazogènes parons. Je l’ai nommé gazogènes pour sa propriété de former une quantité considérable de gaz en présence de glucose. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEL K 970 Morphologie : Mince bacille, d'une largeur de 0.5 g et. d’une longueur de 4 à 5 y., aux extrémités arrondies; accouplés quelquefois deux par deux; dans les vieilles cultures se rencontrent des filaments d'une longueur de 15 à 25 ix. Il est mobile, et les jeunes cultures prennent bien le Gram; sous l’action de l'acide qu’il forme, il perd bientôt cette dernière propriété et. par exemple, sur gélose glucosée, déjà vingt-quatre heures après l’ense- mencement, la plupart des bâtonnets ne prennent plus le Gram. Il faut ajouter que dans les cultures plus anciennes, on rencontre fréquemment des bâtonnets déformés. Le B. gazogènes forme des spores arrondies relativement grandes, dispo- sées toujours aux extrémités des bâtonnets. Dans la gélose glucosée, la formation des spores a lieu au bout de vingt à trente heures; la quantité de bâtonnets portant les spores n’est pas considérable, habituellement. Cultures : Se développe bien à 37 degrés et un peu plus lentement à la tem- pérature de la pièce. Anaérobie strict. Cependant l’anaérobiose du b. gazo- gènes n’est pas aussi prononcée que chez les espèces typiques d’anaéro- bies. Ainsi, quand il est ensemencé sur gélose glucosée, malgré qu'il ne parvienne pas à la surface de la gélose, la zone d’aérobie qu’il laisse stérile, est environ deux fois plus mince que chez les autres microbes anaé- robies. Dans la gélose glucosée, à 37°, au bout de douze heures, il se développe une culture abondante, avec formation abondante de gaz qui fragmente la gélose. En même temps, la gélose perd une grande quantité d'eau de con- densation, troublée par la présence d’une grande quantité de microbes. Pendant les premières heures du développement, l'eau de condensation s’amasse à la surface de la gélose; ensuite, quand la gélose éclate par le gaz formé, l'eau s'écoule dans la partie inférieure du tube. Pour que le développement ait lieu sous forme de colonies isolées, il faut faire de grandes dilutions du produit ensemencé. Alors, il se produit des- colonies blanches, plates, qui ressemblent par leur forme et leurs dimen- sions aux colonies de b. Welchii. Le b. gazogènes ne liquéfie pas la géla- tine. Dans le bouillon glucosé, il développe une culture abondante, le- bouillon se trouble et un dépôt grisâtre, abondant, se précipite au fond:, il se produit en même temps beaucoup de gaz. En présence de la glucose, le b. gazogènes produit beaucoup d’acide. Comme il est très sensible à l’action de ce dernier, dans les milieux glucosés son développement s’arrête bientôt. Il décolore le lait au tournesol au bout de dix à vingt heures après Pense- . mencement. Habituellement, le lait n'est pas coagulé. Mais dans les cas où cela arrive, ce n’est jamais avant un à deux mois après l’ensemencement. Bac. gazog. se développe à la surface de la gélose ordinaire (dans des condi- tions d'anaérobiose), en formant un voile gris brillant, qui ne présente rien de bien caractéristique. Ensemencé sur Pm, le b. gazogènes provoque la formation de gaz et d'acides. Cette fermentation dure plusieurs mois; pour l’entretenir, il est nécessaire de secouer souvent les tubes, afin que la craie déposée au fond puisse mieux neutraliser les acides naissants, à l’action desquels le b. gazogènes est très sensible. Les fragments de pomme de terre se désagrègent peu à peu et se dissolvent en partie; au fond du tube se précipite un dépôt sous forme de poudre blanche. Tout ce processus est fort lent. Le b. gazogènes peut produire la même fermentation quand on l’ensemence sur Am et alors l’amidon se dissout peu à peu. FLORE BACTÉRIENNE DU GROS INTESTIN DO CHEVAL 273 Le b. gazogènes ne produit pas d’indol et n’est pas pathogène pour les ani- maux d’expérience. J’ai isolé le b. gazogènes dans tous les cas étudiés en ensemençant le con- tenu intestinal putréfié dans la gélose chauffée à 90 degrés; ou bien, en ense- mençant préalablement le contenu intestinal dans le milieu Omeliansky, Pm ou Am. Comme on le sait, bien des microbes sont capables de pro- duire la décomposition de l’amidon ; les uns, comme par exemple le b. Weichii , le b. amylobacler , amènent la décomposition de l'amidon jusqu’à la production d’acides et de gaz; d’autres, comme le b. mesentericus , se bornent à produire la diastase, qui décompose l’amidon en glucose. Comme nous l'avons déjà vu, dans l’intestin du cheval on rencontre constamment des microbes, d’une façon ou d’une autre, qui décomposent l’amidon . Je ne m’arrêterai que sur un seul de ces microbes,. que j’ai isolé du gros intestin du cheval. Il est intéressant à cause de sa propriété de transformer énergiquement l’amidon en glu- cose. A cause de cela, je l’ai nommé b. amyloly tiens. Morphologie : Bâtonnets droits, mobiles, aux bords arrondis; largeur de 0,6 à 1 g, longueur de 3 à 5 g, souvent accouplés deux par deux ; dans les cultures plus vieilles on rencontre des individus plus longs et plus minces; dans les jeunes cultures, ces bâtonnets prennent bien le Gram, mais au bout de quelques jours, on en rencontre déjà qui ne le prennent pas. Rapide- ment, vingt ou vingt-quatre heures après l’ensemencement, le b. amy- loly tiens forme des spores; elles sont disposées pour la plupart à une des extrémités des bâtonnets ; avant le commencement de la formation des spores l’extrémité correspondante du bâtonnet grossit un peu et il se forme ensuite une spore étroite, allongée; au début, la forme du bâtonnet se modifie peu, mais ensuite, grâce au développement de la spore, l'extré- mité qui la porte s’élargit plus ou moins; enfin, le bâtonnet se désa- grège, et la spore se trouve en liberté. Dans les cultures de gélose de qua- rante-huit à soixante heures, on aperçoit une masse de spores libres ; elles ont l’aspect de formations longues, presque rectangulaires, d’une largeur de 0,8 g et d’une longueur de 1 à 1 1/2 y. Cultures : Le bacille se développe à 37 degrés ou à la température de la M pièce. Anaérobie facultatif. A 37 degrés, au bout de douze heures, à la sur- face de la gélose paraissent des petites colonies circulaires, convexes, d’un blanc grisâtre, aux bords unis. Au microscope, elles ont la forme de disques grisâtres aux bords unis; dans les colonies plus anciennes, on peut remar- quer la différence entre le centre plus foncé et la périphérie plus claire. Dans la gélose glucosée profonde, les colonies ont l’aspect de lentilles, aux bords unis. Quand on étale le microbe à la surface de la gélose, il se développe un voile doux, gris blanc. Il liquéfie la gélatine, dissout le blanc d’œuf dans le milieu Achalme-Passini, sans produits fétides de décompo- sition. Dans le bouillon, il produit un trouble uniforme, assez faible; au bout 18 274 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR de quelques jours, il y paraît des flocons qui se déposent au fond. Il coagule le lait vingt-quatre à quarante-huit heures après l’ensemencement. Ense- mencé sur Am, le b. amylolyticus liquéfie l’amidon en quelques jours, en formant des glucoses. Comme ce bacille est très sensible à l’action de l’acide, la décomposition ultérieure des glucoses en acide est arrêtée au début. Il ne paraît pas se développer sur pomme de terre, ce qui s’explique par la réaction acide de la pomme de terre. Il ne se produit pas d’indol. N’est pathogène, ni pour les souris, ni pour les cobayes. B. amylolyticus n'a été isolé par moi qu’une fois, en étudiant le contenu intestinal chauffé après avoir été soumis à la putréfaction pendant vingt quatre heures. De ces données, nous pouvons déduire que dans l’intestin du cheval sont toujours contenus des microbes capables de faire fermenter F amidon, l’hémicellulose et la cellulose, ce qui in- dique une certaine corrélation entre la llore intestinale et la composition chimique des aliments. Dans les travaux qui se rapportent à la question, on avait émis l’opinion que les microbes qui font fermenter les matières citées peuvent être d’une certaine utilité à l’animal, car, au moyen de ces fermentations, les matières non assimilables se transforment en matières assimilables. Je ne m’occuperai pas ici de ce point spécial. Je voudrais attirer l’attention sur un autre côté de la question : la nocivité que tous ces microbes exercent sur le cheval. Premièrement : pendant la fermentation de l’amidon, de l’hémicellulose et de la cellulose, il se produit des acides gras, et parmi eux de l’acide butyrique, qui ne peuvent être consi- dérés comme inoffensifs. Secondement, il est à observer que pendant la fermentation de toutes ces matières, il se produit toujours de grandes quan- tités de gaz; et nous savons qu’un violent développement de gaz dans le gros intestin occasionne la tympanite, affection assez grave du cheval. Nous pouvons donc en conclure, en nous ba- sant sur la constitution chimique du contenu du gros intestin du cheval, qu’un développement exagéré des microbes de la fer- mentation de la cellulose, de l’hémicellulose et de l’amidon doit être considéré comme dangereux pour le cheval. Microbes acidophiles : Le premier microbe aeidophile a été isolé par Moro [47], et, indépendamment de lui, par Finkel- stein [61], du contenu intestinal des nourrissons. Ce microbe FLORE BACTÉRIENNE DU GROS INTESTIN DU CHEVAL 275 a été nommé ainsi à cause de sa propriété de se développer non seulement dans un milieu alcalin, mais aussi dans un milieu acide, contenant une quantité d’acide qui habituelle- ment empêche le développement des microbes. Tissier [48J avait déjà émis la supposition de l’existence de plusieurs espèces de microbes acidophiles. Celle supposi- tion a été confirmée par les recherches de Mereshowsky |6], Hodella [49], Jacobson [50], Cippolina [52], Weiss [57] Dis- taso (3). Grâce à ces recherches, nous connaissons aujourd’hui une grande quantité d'espèces acidophiles, parmi lesquelles se trouvent des bacilles, des cocci, des microbes protéolyti- ques, etc. 11 est devenu évident, en un mot, que la propriété acidophile ne peut servir de particularité caractéristique d'une espèce. Cependant, au milieu de ces microbes acidophiles, « il existe quelques espèces qui manifestent entre elles une parenté biologique ; les types caractéristiques sont le b. cicidophilus Moro et le b. acidophilus N° I de Mereshowsky. Quand on parle des microbes acidophiles, c’est que l’on a en vue ordinairement ceux-là. Ces deux microbes ont l’aspect de bâtonnets d’une largeur de 0,5 à 1,0 g, et d’une longueur de 4 à 10 a; pour la plupart par couples ou réunis en chaînettes; dans les vieilles cultures ils forment de longs tilaments. Autant que j’ai pu l’observer, le microbe de Mereshowsky forme, dans les vieilles cultures, des bâtonnets et des filaments tellements minces, qu’on pourrait se demander s'il ne s’est pas développé un autre microbe, résultat d'une souillure. Ces deux microbes sont immobiles, prennent le Gram, et ne forment pas de spores. Ils se développent peu ou pas du tout dans les milieux ordinaires, et se développent bien dans les milieux qui contiennent du glucose et du lactose, ne liquéfient pas la gélatine, font coaguler le lait, et ne se développent pas du tout sur pomme de terre, ou très mal; ils préfèrent l’anaérobiose, quoiqu'ils puissent vivre au contact de l’air; eu présence du lactose et du glucose, ils développent une quantité considérable d’acide. Ils ne sont pas pathogènes pour les animaux d’expérience. La distinction la plus importante observée entre les microbes Moro et Mereshowsky consiste dans la forme des colonies; tandis que le microbe Moro présente des 276 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUIi colonies qui s’entourent de prolongements, le Mereshowsky forme des colonies unies. Comme le montrent les recherches de Mereshowsky, et de ses collaborateurs, ces microbes se rencontrent non seulement dans l’intestin des mammifères, mais aussi dans l’intestin des animaux à sang froid. Les microbes de Rodella [49], Cahn [531, Boas Opler [54], manifestent une grande ressemblance avec les microbes de Mereshowsky et de Moro, formant ainsi une même famille. Dans ces derniers temps, on a observé (Kuntze [55]) que ce groupe de microbes acidophiles présente une grande ressem- blance avec quelques microbes que l’on trouve en étudiant les diverses varié! és de lait caillé et de fromage. Parmi ceux-là nous avons le b. Lebenis (Rist et Knoury 6]), le « kôrnchen- baciilus (Louersen et Khun [57]), le b. hulgariciis (Massol; Cohendy [60]), le b. Mazun (Weigemanu, Gruber et Hess [58]) ; on peut y joindre aussi une partie des microbes que Lohnis [59] a réunis dans le groupe de b. casei. Il est hors de doute qu’entre ces microbes et les microbes acidophiles déjà cités, il y a bien des propriétés communes, mais la détermination plus précise de leurs rapports exige des recherches ultérieures. (. A suivre.) I . SUR LE MÉCANISME DE LA RÉACTION DE BORDET-GENGOU par le D1' CRENDIROPOULO. ( DEUXIÈME MÉMOIRE ) LE ROLE DES ANTIHÉMOLYSINES DES SÉRUMS . f Dans ia première partie de notre travail (1), nous sommes arrivés aux deux principales conclusions suivantes : 1° Les vibrions sont capables d’absorber une assez forte quantité d’alexine sans le concours d’aucun adjuvant; 2° Le sérum spécifique, au contact des vibrions, enlève une partie de la substance que ces derniers contiennent normale- ment et qui a la propriété d’agir sur l’alexine. C’est cette subs- tance qui, après son passage dans le sérum, confère à celui-ci le pouvoir anticomplémentaire. Mais avant de nous arrêter à cette dernière opinion, nous avons émis une autre hypothèse que nous avons dû laisser de côté. En effet, nous disions : « ...on pourrait supposer que le sérum spécifique possède normalement le pouvoir anticomplé- mentaire, mais qu'une substance formée pendant le traitement de l’animal empêche ce pouvoir de se manifester. Mis en contact avec les microbes, il cède à ceux-ci ladite substance et dès lors l’action anticomplémentaire a lieu... »; et nous ajoutions : « Si nous prenons en considération l’existence des antihémolysines dans les sérums normaux et si, d’un autre côté, nous nous rappelons que toutes les cellules enlèvent aux sérums préparés contre elles certaines substances, cette hypo- thèse paraît très plausible. Malheureusement, dans ce cas par- ticulier, les faits ne parlent pas en sa faveur... » Il convient d’examiner plus à fond ce point de vue, d’autant plus que. deux autorités en la matière, MM. Bordet et Sachs, l’ont exprimé avant nous et paraissent l’adopter. Nous y pui- serons peut-être de nouveaux arguments en faveur de l’idée que nous défendons. (1) Annales de l'institut Pasteur , septembre 1908. 278 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR D'après cette supposition, il y a un antagonisme entre les sensibilisatrices et les antihémolysines contenues dans chaque sérum, antagonisme qui, naturellement, cesse dès que l’une de ces substances disparaît du liquide, et comme seule la sensi- bilisatrice se fixe sur les globules, c’est toujours le pouvoir antihémolytique qui se manifeste après l’épuisement du sérum. Les faits confirment en apparence l’idée. Ajoutons à diffé- rentes quantités (0,05 cent, cube, 0,01 cent, cube, 0,02 cent, cube) de sérum de lapin, chauffé à 56 degrés, un peu d’une émulsion à 25 p. 100 de globules de moutons lavés et une minime quantité de sérum frais de cobaye comme alexine, puis complétons les mélanges avec de l’eau physiologique jusqu’à concurrence de 1 centimètre cube. Nous voyons que les glo- bules hémolysent, en présence du sérum neuf de lapin, plus promptement et plus complètement que dans le tube témoin qui ne contient que du sérum frais de cobaye. Nous voyons en outre que plus le mélange contient du sérum neuf de lapin, plus l’hémolyse est forte; et pourtant ce sérum est incapable à lui seul d’hémolyser les globules de mouton. 11 renferme donc une sensibilisatrice pour cette espèce d’hématies. Tâchons d’enlever cette substance par un contact convenable du sérum avec les globules de mouton et répétons l'expérience ci-dessus avec le liquide ainsi traité. Il n’y aura plus aucune hémolyse dans les tubes qui contiennent le sérum épuisé et, seul, le tube témoin, qui renferme le sérum frais de cobaye, nocif pour les hématies de mouton, en accusera une. Le traite- ment subi par le sérum de lapin ne lui a pas seulement enlevé le pouvoir sensibilisateur, mais lui a conféré en outre la nou- velle propriété d’inhiber l’hémolyse que le sérum frais de cobaye aurait produit. En d’autres termes, il l'a rendu anti- hémolytique. Tous ces faits sont connus depuis les beaux tra- vaux de Pfeiffer et Freiberger, de Sachs et de Bordet. Le même sérum normal de lapin contient encore une légère sensibilisatrice pour les globules de bœuf, comme Bordet l’a vu le premier. Puisque nous possédons un sérum sensibilisant plusieurs espèces de globules, tâchons de voir si l'anlihémo- lysine naturelle de ce sérum, mis en évidence après son traite- ment par les globules de bœuf, est capable d’empêcher aussi l’hémolyse des globules de mouton, et vice versa. SUR LE MÉCANISME DE LA RÉACTION DE BORDET-GENGOU 279 Exp. I. — 3 cent, cubes de sérum chauffé de lapin neuf sont mis en contact avec 1 cent, cube du dépôt de globules de mouton, qui reste après les cen- trifugations du lavage et 3 autres cent, cubes du même sérum avec la même quantité de globules de bœuf ayant subi le même traitement. Le tout est mis à l’étuve à 37 degrés. Trois heures après, les deux tubes sont centrifugés et les sérums surnageants décantés séparément. Pour abréviation, nous appellerons sérum lapin-mouton le sérum qui a été traité par les hématies de mouton, et sérum lapin-bœuf celui qui a été épuisé par les globules de bœuf. L’alexine du cobaye dont nous nous servons dans toutes nos expé- riences date de 18-22 heures à partir de la prise du sang. Les globules sont constamment lavés à trois reprises et étendus à 25 p. 100 dans l’eau phy- siologique. Expérience I. N° d’ordre. SÉRUM Lapin Bœuf. SÉRUM Lapin Mouton. ALEXINE Cobaye. SÉRUM Lapin chauffé. EAU physio- logique. GLOBULES Mouton. RÉSULTAT après LS heures. 1 cent. cub. » cent. cub. )> cent. cub. 0,03 cent. cub. 0,1 cent. cub. 0,87 cent. cub. o,i Légère. 2 » )) 0,03 0,2 0,77 Forte. 3 » )) 0,03 0,3 0.67 — Forte. 4 » )) 0.03 0.4 0.57 — Très forte. y » )) 0,03 0,5 0,47 — Complète. 6 0,1 » 0,03 )) 0.87 — Très légère. 7 0,2 )) 0,03 )) 0,77 — Très légère. 8 0,3 )) 0,03 » 0,67 — Légère. 9 0,4 » 0,03 » 0,57 — Forte. il! 0,5 » 0,03 0,03 )) 0,47 — Très forte. il )) o.i )) 0,87 — Nulle. 12 » 0,2 0,03 0.03 )) 0,77 — Nulle. 13 )) 0,3 )) 0,67 — Nulle. 14 )) 0,4 0,03 » 0,57 0,47 — Nulle. 15 )) 0.5 0.03 » — - Nulle. 16 )) )) 0,03 » 0,97 “““ “ Légère. On voit que si les globules de mouton hémolysent moins avec le sérum lapin-bœuf qu’avec celui de lapin normal, cette inhibition de l’hémolyse est minime et hors de comparaison avec l’action antihémolytique du sérum lapin-mouton. Si nous répétons la même expérience avec les globules de bœuf très légèrement sensibilisés, le même résultat se produit : le sérum lapin-bœuf empêche l’hémolyse des globules bovins, mais très peu celle des hématies de mouton. Nous rencontrerons le même fait si, au lieu des hématies de mouton, nous employons celles de l’homme ou encore le sérum de mouton avec les hématies de bœuf et de lapin. Parmi les sérums et globules que nous avons essayés, nous 280 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR avons pourtant rencontré une exception : le sérum normal de lapin, traité par les globules cle mouton, préserve à peu près au même degré les hématies de chèvre, et vice versa. Expérience II. w 5 ■y* O A O K SÉRUM ALEXINE Cobaye. EAU physiol. GLOBULES RÉSULTATS après 18 heures. Lapin normal. Lapin- Mouton. Lapin- Chèvre. Mouton. Chèvre. c. cubes. c. cnbes. c. cubes. c. cub. c. cub. c. cubes. c. cubes. 1 » » » 0.03 0,97 0,01 )) Légère. 2 0.1 » )) 0,03 0,87 0,01 » Presque complète. 3 0.1 0.1 » 0.03 0,77 0 01 » Très légère. 4 0.1 0,2 )) 0,03 u, 67 0,01 )) Presque nulle. 5 0.1 0,3 » 0.03 0,57 0,01 » Nulle. 6 0.1 » » 0.03 0,97 )) 0,01 Nulle. 7 0.1 )) )) 0,0H 0,87 » 0,01 Presque complète. 8 0,1 0,01 )) 0,03 0,77 )) 0,01 Assez forte. 9 0,1 0,02 )) 0.03 6,67 » 0,01 Très légère. 10 0,1 0.03 » 0.03 0,57 )) 0,01 Minime. 11 0,1 )) 0,01 0,03 0,77 0,01 )> Assez forte. 12 0.1 » 0,02 0,03 0,67 11,01 » Très légère. 13 0,1 » 0,03 0,03 0,57 0,01 )) Minime. 14 0,1 )) 0,01 0,03 0,77 » 0.01 Légère. 15 0.1 » 0,02 0,03 0,67 » 0,01 Très légère. 16 0,1 » 0,03 0,03 0,57 )) 0.01 Nulle. Ceci s’explique très bien par le fait que les deux espèces de globules sont influencées par la même sensibilisatrice. Si nous traitons les globules de chèvre par une minime quantité de sérum antimouton, ils sont sensibilisés assez fortement, quoi- que à un degré inférieur à ceux du mouton, il est bien entendu que, dans cette expérience, nous nous assurons que la même quantité de sérum normal de lapin n’est pas capable de sensi- biliser les globules de chèvre. Le sérum normal manifeste donc un pouvoir antihémoly- tique très prononcé pour l’espèce de globules avec lequel il a été traité, à moins que deux genres différents d’hématies ne répondent à la même sensibilisatrice. On pourrait nous objecter que, si les globules de bœuf continuent à hémolyser en pré- sence du sérum traité par les hématies de mouton, c’est que celui-ci, gardant entière sa sensibilisatrice pour ces globules, augmente leur sensibilisation de façon telle que l’antihémoly- sine devient impuissante à manifester son action. Mais nous SUR LE MÉCANISME DE LA RÉACTION DE BORDET-GENGOU 281 ferons remarquer que cette sensibilisatrice est excessivement légère, et que le pouvoir antihémolytique du sérum mis en évidence après traitement, étant capable de préserver des glo- bules de mouton assez fortement sensibilisés, doit, à plus forte raison, pouvoir neutraliser une quantité si minime de sensibi- lisatrice. En effet, si nous traitons pendant trois heures à l’étuve 1 centimètre cube de globules de mouton avec 3 centimètres cubes de sérum normal de lapin, puis que nous centrifugions, décantions et lavions le dépôt, nous voyons que les globules ainsi sensibilisés résistent à i l’hémolyse en présence de ce même sérum, tandis que les globules de bœuf, traités de la même manière, sont hémolysés. Expérience III. NUMÉRO d’ordre. SÉRUM Lapin Mouton. ALEXINE Cobaye. EAU physiologique. c GLOBULES Mouton sensibilisés. GLOBULES Bœuf. sensibilisés. RÉSULTATS après 18 heures. 1 c. cubes. » c. cubes. 0,03 cent, cubes. 0,97 cent, cubes. 0,1 cent, cubes. » Forte. 2 0,05 0,03 0,92 0,1 » Très légère. 3 0,01 0,03 0,87 0.77 0,1 » Nulle. 4 0,02 0.03 0,1 » Nulle. 5 » 0,03 0,97 » 0,1 Légère. 6 0,03 0.03 0,92 )) 0 : 1 Légère. 7 0.01 0.03 0,87 ») 0,1 Légère. 8 0,02 0,03 0.77 » 0,1 Très légère. Il y a donc là une spécificité prononcée, sinon absolue, qui ne s’accorde pas avec l’hypothèse des antihémolysines nor- males. Cette théorie exclut toute action spécifique et MM. Bordel et P. Gay semblent en convenir puisque, dans leur travail (1), ils expliquent l'empêchement de l’hémolyse par la propriété qu’a le sérum normal de maintenir l’alexine, au sein du liquide, dans un état d’équilibre plus stable, ce qui l’empêche de se précipiter sur les éléments qui l’attirent. En effet, les antihémolysines de sérums normaux peuvent agir plus effica- cement sur une espèce de globules que sur une autre, mais elles ne présentent pas la spécificité que nous venons de signaler. (1) Annales de l'Institut Pasteur , août 1908. 282 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Elles n’ont pas, d’ailleurs, besoin de ce traitement pour se manifester quand elles existent. Si l’on met dans une série de tubes des quantités croissantes de sérum normal, en présence de globules non sensibilisés et d’une minime quantité d’alexine, on voit que dans certains tubes avancés de la série, l’hémolyse diminue ou cesse complètement, si le sérum sensibilise très légèrement les globules, comme il arrive avec le sérum de lapin en présence des hématies de bœuf ou le sérum de mouton avec les globules de lapin. Il faut naturellement tenir compte de la différence que peuvent présenter deux sérums provenant de la même espèce animale, différence qui peut être assez pro- noncée. Mais ces antihémolysines dont nous-mêmes, après d’autres, avons confirmé l’existence dans un travail antérieur fait en collaboration avec le Dr Ruffer (1), ne jouent aucun rôle dans la réaction Bordet-Gengou et, si elles interviennent, avec l’em- ploi de certains sérums, c’est plutôt pour fausser l’expérience comme W. Sanadjé l'a montré (2). Elles interviennent encore moins dans le cas que nous étudions. En effet, ici le même sérum qui accusait un pouvoir antihémolytique nul ou minime avant son contact avec une espèce déterminée de globules, acquiert après ce traitement une force inhibitoire très pro- noncée, particulièrement pour ces hématies. Cette spécificité ne peut être due qu'à l’apport dans le sérum d’un nouveau pro- duit spécifique tirant son origine de ces mêmes globules. Le pouvoir anticomplémentaire de cette substance seule ne suffit plus à expliquer cette spécificité. Il faut qu'un autre agent y contribue, la cellule. C’est le complexe, substance -\- alexine -)- cellule qui devient antihémolytique. Dans deux tubes à centrifuger, mettons les mélanges suivants : U, 3 centi- mètres cubes de sérum normal de lapin traité par les globules de bœuf + 0,01 centimètre cube d’alexine de cobaye -I- 0,69 d’eau physiologique et laissons à l’étuve pendant une heure. Au bout de ce temps ajoutons au tube n° 1, 0,1 centimètre cube d’une émulsion à 25 p. 100 de globules de bœuf légèrement sensibilisés (par le sérum normal de lapin) et remettons à l’étuve pendant une heure. Centrifugeons, décantons le liquide du tube et versons sur ce même liquide ainsi que dans le tube n° 2, 0,1 centimètre cube de l’émul- (1) Journal de physiologie et de pathologie générale , n° 4, juillet 1906. (2) Comptes rendus de la Société de Biologie , 25 juillet 1908. SUR LE MÉCANISME DE LA RÉACTION DE BORDET-GENGOU 283 sion de globules de mouton (sensibilisés par le sérum normal de lapin). L’hémolyse ne paraîtra cpie dans le tube témoin; dans l’autre il n’y en aura pas trace L’alexine a été absorbée par le complexe substance + globules de bœuf, tandis que là où les globules ne sont pas intervenus elle est restée libre. Cette substance manifeste donc les mêmes propriétés qu’un ambocepteur. Comme les sérums préparés ou non, les cellules contiennent aussi des sensibilisatrices. Quand on met un sérum spécifique en présence des cellules contre lesquelles il a été pré- paré, diverses combinaisons prennent naissance et se détruisent, selon les affinités des deux constituants du mélange. Parlinter- vention de la sensibilisatrice du sérum qui se tixe sur les cellules, un ou plusieurs principes de celles-ci se détachent des combinai- sons dans lesquelles ils se trouvaient normalement et se déver- sent dans le liquide ambiant, ou bien se déplacent tout simple- ment dans le corps même des cellules en effectuant des com- plexes nouveaux très antihémolytiques. C’est ainsi qu’on peut expliquer le fait que les microbes, après l’action du sérum spé- cifique et son enlèvement par centrifugation, voient quel- quefois augmenter leur pouvoir antihémolitique, comme le D1 2 3 4' Rodet l’a signalé, et souvent le perdre en grande partie, comme nous l’avons montré dans la première parlie de ce travail. L’existence des principes anticomplémentaires contenus dans les microbes et les globules a été surabondamment prouvée par plusieurs auteurs. Pour ne citer que quelques-uns, Àxamit(l), Rodet (2),$anadjé (3) ont vu que le vibrion cholérique, le bacille typhique cèdent à l’eau physiologique à GO degrés un produit qui détourne l’alexine des globules sensibilisés. Levaditi et Mütrelich (4), en traitant le vibrion cholérique par de l’alcool à 85 degrés, ont pu séparer une substance provoquant le phé- nomène de Bordet-Gengou, qui est insoluble dans l’alcool absolu, l’éther et l’acétone, qui est spécifique et n’a aucun rapport avec les lipoïdes du corps microbien, ni avec les substances albuminoïdes précipitables par l’alcool à 85 degrés. (1) Cenlralbl. für Bakteriologie , t. XLII, 1906. (2) Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 14 novembre 1908. (3) La réaction Bordet-Gengou, Thèse de Montpellier , 1908. (4) Comptes rendus de la Soc. de Biologie , 16 mai 1908. 284 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Nous-même, en traitant par l’alcool à 80 degrés, pendant vingt- quai re heures, à la température du laboratoire (22-28°), des glo- bules frais de poule ou de bœuf, nous avons pu souvent obtenir, après évaporation de l’alcool à 56 degrés, un corps jaunâtre s’émulsionnant bien dans l’eau physiologique et possédant une action antihémolytique franchement, sinon totalement spéci- fique. Nous avons obtenu le meme résultat en macérant à 56 de- grés pendant vingt-quatre heures les stromas des globules de mouton dans l’eau physiologique. De pareilles substances pa- raissent exister dans des liquides organiques dépourvus de tout substratum cellulaire. Parvu(l) a retiré, au moyen de l’alcool à 85 degrés, du liquide hydatique, un principe donnant spéci- fiquement la réaction Bordet-Gengou. Indépendamment de leur nature il y a donc, dans les cellules et les liquides qui en proviennent, des substances qui ont la propriété de fixer l’alexine, seules ou en combinaison avec d’autres éléments. Mais ces principes cellulaires ne sont pas tous spécifiques, il y en a qui possèdent une certaine affinité pour des cellules tout à fait étrangères et peuvent former avec elles des com- plexes plus ou moins antihémolytiques. Iscovesco (2) a isolé des stromas globulaires secs du cheval, un lipoïde insoluble dans l’acétone et soluble dans l’éther, qui est franchement antihémolytique, mais dépourvu de toute spécificité. Dans la réaction de Bordet-Gengou, quand les microbes restent présents, toutes ces substances, spécifiques et non spécifiques, entrent en jeu en masse, et alors il y a absorption d'une quantité d’alexine relativement énorme ; mais quand ceux-là sont écartés, les prin- cipes non spécifiques restent seuls à agir et, selon leur affinité pour les hématies, il y a prompte hémolyse, ou bien retard, ou encore inhibition de celle-ci, proportionnellement à la quantité d’alexine et de sensibilisatrice sérique qu’on ajoute. Bordet et Parkes Gay ont vu que les globules de chèvre, faiblement sen- sibilisés par une petite dose de sérum de lapin neuf, puis plongés ensuite dans la solution physiologique, s’hémolysent plus vite que des globules semblables par une dose double de sérum de lapin, mais qu’on maintient dans ce liquide, la (1) Comptes rendus de la Soc. de Biologie , lo mai 1909. (2) Comptes rendus de la Soc. de Biologie , 22 février 1908. SUR LE MÉCANISME DE LA RÉACTION DE BORDET-GENGOU 285 même dose d’alexine étant ajoutée dans les deux cas. De notre côté nous avons prouvé, en même temps et indépendam- ment de ces auteurs, que le vibrion cholérique fixait, en pré- sence du sérum spécifique, trois fois plus d'alexine. Mais les savants précités expliquent ce résultat par l'effet antago- niste des sensibilisatrices et antihémolysines existant norma- lement dans le sérum. « En éloignant, disent-ils, le sérum, nous avons éliminé le pouvoir antagoniste et l'hémolyse s’en trouve considérablement accélérée. » Dans notre expérience, le matériel employé nous permettant de produire un troisième témoin, où toute action de sérum était exclue, nous avons pu voir que les microbes traités par le sérum qui a été préala- blement enlevé, fixent l’alexine, non seulement moins bien que ceux qui restent en présence du liquide, mais encore moins que les microbes normaux qui n’ont subi aucun traitement. Si donc, en éloignant le sérum, l’hémolyse s’accélère, c'est parce qu’on éloigne en même temps la substance anticomplé- mentaire que les cellules ont perdue. Le sérum hémolytique lui -même, qui entre dans la réaction de fixation comme sensi- bilisatrice des globules postérieurement ajoutés, s’il est mis en forte proportion comme Bordet le recommande, et n'est pas ensuite enlevé, renforce pour une bonne part l’action hémo- lytique du mélange, et il est certain que, dans ces conditions, l’expérience réussit mieux, quelquefois même quand elle ne le doit pas. Pour que la fixation de l’alexine ait lieu dans la réaction de Bordet-Gengou, l’intervention de la sensibilisatrice sérique est indispensable. C’est par son affinité très forte pour certains constituants de la cellule que les divers échanges prennent place. Elle est une véritable lysine dans le sens que M. Nicolle attribue à ce mot. Sa présence est nécessaire. Si pour cette réaction, au lieu de sérum cholérique on emploie deux sérums normaux, dont l’un ne contient aucune sensibilisatrice pour le vibrion cholérique, comme le sérum de lapin, et l’autre en renferme comme le sérum de chèvre, ou voit qu’avec ce der- nier la réaction a lieu plus ou moins complètement, tandis qu’avec l’autre l’hémolyse est plus rapide que dans le tube témoin qui ne contient aucun sérum. Dans ce cas encore, si nous faisons agir pendant un temps convenable (trois heures), 286 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR le sérum normal de chèvre sur le vibrion cholérique et si nous centrifugeons et décantons, nous trouvons que Je dépôt microbien a perdu une portion de son pouvoir de fixer falexine. C’est par l’intermédiaire de la sensibilisatrice conte- nue normalement dans le sérum de chèvre que les échanges ont eu lieu entre microbes et sérum. Dans l’hypothèse des antihémolysines normales, on est obligé d’admettre que la sensibilisatrice se trouve dans le sérum en quantité supérieure à celle de son antagoniste. Il est possible de s’en assurer en mesurant la force anti hémolytique de ces sérums après traitement. Débarrassons autant que pos- sible une partie d’un même sérum normal de lapin de sa sen- sibilisatrice, en la traitant par les globules de mouton, et voyons quelle quantité du même sérum non traité celui-ci peut neu- traliser. Dans cette expérience, J es globules de mouton sont émulsionnés dans l’eau physiologique dans la proportion de 25 p. 100 et ne sont pas sensibilisés. Expérience IV. No d’ordre. SÉRUM Lapin- Mouton. SÉRUM Lapin normal. ALEXINE Cobaye. EAU physiologique. GLOBULES Mouton. RÉSULTATS après 18 heures. c. cubes. c. cubes. c. cubes. cent, cubes. c. cubes. 1 )) )) 0,(13 0,97 0,01 Légère. 2 )) 0,05 0,03 0.92 0.01 Légère. 3 » 0,1 0,03 0,87 0.01 Prononcée. 4 0,05 » 0,03 0,92 0,01 Nulle. 5 0,1 )) 0.03 0.87 0.01 Nulle. 6 0,05 0,05 0,03 0.87 0,1 Nulle. 7 0,05 0,08 0.03 0.84 0,1 Nulle. 8 0,05 0,01 0.03 0,82 0,1 Légère. 0,05 de sérum normal de lapin influencent à peine l’hémo- lyse occasionnée par l’alexine de cobaye, tandis que cette même quantité de sérum traité, non seulement neutralise une quantité supérieure de sérum normal, mais il inhibe encore l’hémolysine contenue dans le sérum frais de cobaye. La quantité d’anti hémolysine se trouve donc être, dans ce sérum, supérieure à celle de la sensibilisatrice. Si elle existait nor- SUR LE MÉCANISME DE LA RÉACTION DE BORDET-GENGOU 287 malement, elle n’aurait pas besoin de la disparition de cette dernière pour manifester son action, le sérum devrait être franchement antihémolytique ou au moins neutre, et ce n’est pas le cas. Plus on laisse en contact le sérum avec les globules (jusqu’à une certaine mesure, bien entendu, parce que si le contact est trop prolongé, les complexes antihémolytiques ont le temps de se former dans la cellule), plus il gagne en force antihémo- lytique pour ces mêmes globules. Mais il y a des exceptions, et cette inconstance des résultats donne un appui plus fort à notre opinion. Maintes fois, il nous est arrivé de traiter un sérum normal préparé avec les globules sans le voir acquérir le pouvoir antihémolytique, au moins en quantité appréciable, et pourtant les globules étaient plus ou moins sensibilisés. Il en a été de même avec le sérum cholérique. Traité par les vibrions et séparé de ceux-ci par centrifugation, il ne don- nait pas toujours la réaction. Si, dans ce cas, on ajoutait de l’alexine au dépôt des microbes, on voyait apparaître des gra- nules en grand nombre. Les vibrions ont dû fixer au moins une sensibilisatrice, la bactériolytique, mais ils n’ont rien donné en échange au sérum, et l’inhibition de l’hémolyse n'a pu avoir lieu. Le professeur Rodet a beaucoup insisté sur ces faits. Pour terminer, nous ne croyons pas mieux faire que de citer textuellement ce que le même professeur de Montpellier disait dans une de ses dernières communications à la Société de Biologie (1) : « Les bactéries contiennent normalement un pro- duit doué de la propriété antialexique, qui, sans doute, les protège contre la citase. L’action d'un sérum spécifique anti- bactérien consiste surtout à extraire le principe antialexique. Il peut s’y joindre une action fixatrice sur ce principe libre, pour augmenter son avidité pour l’alexine. » D’après ce qui précède, nous pouvons résumer le mécanisme de la réaction Bordet-Gengou de la façon suivante : 1° Les cellules contiennent normalement certaines substan- ces ayant la propriété de fixer l'alexine en se combinant avec d’autres principes existant dans ces mêmes cellules, en d’autres (1) Comptes rendus de la Soc. de Biologie , 14 novembre 1908. 288 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR termes, des substances spécifiques et d’autres non spécifiques, dont les affinités peuvent se porter aussi sur des cellules étran- gères. Il est possible qu'il en existe une troisième catégorie, plus rare, qui fixent le complément par elles-mêmes. 2° La sensibilisatrice sérique, au contact des cellules, par sa très grande affinité pour certains constituants de celles-ci, libère ces substances qui, arrachées de leur combinaison natu- relle, se déversent dans le liquide ou restent dans le corps de ces cellules en formant de nouveaux complexes fortement anticomplémentaires. 3° Dans la réaction de la fixation, quand les cellules ou mi- crobes restent présents, le pouvoir antihémolytique du mélange est fortement augmenté, parce que toutes les substances, spé- cifiques et non spécifiques, entrent dans des liaisons anticom- plémentaires. Quand ces corps ont été écartés, les principes spécifiques ne pouvant plus se combiner, le pouvoir antihémo- lytique dépend uniquement de l’affinité que les produits non spécifiques possèdent pour les hématies, et alors ce pouvoir est ordinairement faible. 4° La force inhibitrice de l'hémolyse qu’un sérum sensibili- sant acquiert, après traitement avec une espèce de globules, est due aux substances que celui-ci leur enlève et se dirige plus spécialement contre ce genre d’hématies. Elle est quelquefois plus forte que le pouvoir sensibilisateur que ce même sérum possédait avant son traitement. Le Gérant : G. Masson. Paris. — L. MaretheUx, imprimeur, 1, rue Cassette. , 25e ANNÉE AVRIL 1911 N° 4 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR LES PHÉNOMÈNES DE FERMENTATION SONT DES ACTES DE DIGESTION NOUVELLE DÉMONSTRATION APPORTÉE PAR L’ÉTUDE DE LA DÉNITRIFICATION DANS LE RÉGNE VÉGÉTAL par P. MAZÉ. I La fermentation alcoolique a été envisagée à l’origine comme une anomalie physiologique. J’ai montré qu'elle doit être considérée comme un phéno- mène de digestion. Si les apparences ont permis de la classer dans la catégorie des manifestations pathologiques d’orga- nismes aérobies privés d’air, c’est parce que la levure indus- trielle, chez laquelle on a développé cette fonction autant qu'on l’a pu, ne se montre pas toujours capable d’assimiler l’alcool qu’elle a produit. Le nombre de preuves expérimentales accumulées aujour- d’hui à l’appui de la conception que j’ai établie est assez imposant pour nous permettre de la considérer désormais comme une notion bien assise. La démonstration en a été laborieuse à cause des tendances conservatrices de l’esprit qui ne se dégage pas sans effort des traditions ou des questions de sentiment, bien qu’elles n’aient aucun rôle à jouer dans la science expérimentale. L’alcool offert en excès aux plantes et aux animaux est toxique parce qu’il ne peut circuler à l’état libre dans l’orga- nisme sans produire d’aldéhyde, corps essentiellement nocif. 19 . 290 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Cette propriété, dont la constatation est à la portée de tous, a été opposée, sans raison, à des faits probants, car elle ne se manifeste que dans des conditions qui sortent du cadre des démonstrations physiologiques. 11 est bien évident qu'on ne peut pas abuser impunément de l’alcool, parce que l'expérience prouve qu'il est un produit de digestion. L’organisme doit rester maître de ses processus d’assi- milation, et tout y est arrangé de façon à ce qu’aucun aliment soluble n’y circule jamais en excès, pas même les sucres, et encore moins lés peptones; c’est la condition même de son existence. Un autre argument susceptible de faire naître un certain flottement dans l’opinion du monde scientifique, c’est la multi- plicité des fermentations auxquelles se prêtent les hexoses. Toutes les subtances qui en découlent ont reçu la même inter- prétation fonctionnelle; ce sont des produits gênants pour la cellule qui les forme, impropres par conséquent à l’entretien de sa vie. Quand on établit que l’un d’eux doit être considéré comme un produit de digestion, on ne peut étendre la même conclusion aux autres, à moins de se contenter d’une déduction par analogie. Ce raisonnement a servi sans doute à étayer la première interprétation; mais l’attrait qu’il présente, surtout lorsqu’il comporte des conséquences aussi étendues, ne sau- rait le justifier d’une façon sérieuse. Une généralisation légitime ne peut trouver sa raison que dans les faits, et c’est dans le but de parvenir à ce résultat que j’ai entrepris d’étudier une autre fermentation tout aussi importante au point de vue physiologique, la dénitrification. Considérée dans ses rapports avec l'objet de ce travail, cette question offre sur les fermentations des hexoses l’avantage énorme d’être plus simple, mieux délimitée, et plus facile à suivre au point de vue chimique. Théoriquement les phénomènes de dénitrification ont trouvé jusqu’ici une interprétation très simple, dans ce fait que l’acide nitrique capable de céder facilement de l'oxygène à des microbes aérobies privés d’air leur permet de se développer dans des conditions d’anaérobiose. Tous les microbes ne possèdent pas la propriété de réduire l’acide nitrique; la dénitrification, c’est-à-dire la décomposi- tion des nitrates, constitue donc un caractère particulier à un FERMENTATION ET DIGESTION 291 nombre limité d’espèces microbiennes; elle devient ainsi un facteur de différenciation assez intéressant. -le me propose de démontrer que cette conception n’attribue pas sa véritable signification à la réduction des nitrates par les microbes ; cette fermentation est une conséquence accidentelle de l’assimilation de l’azote nitrique. Le plus souvent, l’acide azotique passe directement à l’état d’ammoniaque sans qu’on puisse mettre en évidence l’existence de corps intermédiaires. La dénitrification révèle leur présence dans quelques cas parti- culiers et permet ainsi d’aftirmer qu’ils existent toujours comme ternie de passage. Pour pousser cette démonstration jusqu’au bout, j’établirai successivement les propositions suivantes, parmi lesquelles la deuxième et la troisième ont été déjà prouvées maintes fois : 1° La réduction des nitrates ne modifie pas la nature des fermentations que produisent les microbes dénitrifiants. 2° La réduction de l’acide nitrique par les ferments anaéro- bies est due à un dégagement d’hydrogène. 3° Tous les ferments capables de produire de l'hydrogène ne sont pas des ferments dénitrifiants. 4° La réduction des nitrates par les ferments anaérobies producteurs d’hydrogène peut se faire sans formation de termes de passage apparents. 5° Les nitrates entretiennent la vie anaérobie comme la vie aérobie. 6° L’hydrogène de fermentation est l’agent chimique que les anaérobies mettent en œuvre pour assimiler l’azote de l’acide nitrique, le soufre de l’acide sulfurique et peut-être le phos- phore de l’acide phosphorique ; il est possible que le formène joue le même rôle vis-à-vis de l’acide phosphorique. 7° Les ferments dénitriiiants les plus actifs doivent être consi- dérés comme les mieux adaptés àl’assimilation de l’acide nitrique. 8° Les milieux minéraux que Winogradsky a utilisés pour isoler les ferments nitriques sont aussi des milieux d’élection pour les ferments dénitrifiants. 9° Les b. dénitriiiants I et 2 (1) conservent leur caractère d’aé- robies stricts en présence des nitrates. (1) V. page 306. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 9Q9 10° Les b. dénitrifiants 1 et 2 produisent de l'acide nitreux en milieux minéraux de composition spéciale. 11° Les b. dénitrifiants 1 et 2 décomposent les nitrates alca- lins au contact de l’air, mais non à l’abri de l’oxygène. 12° Les végétaux supérieurs réduisent les nitrates avec formation d’acide nitreux et de dérivés gazeux de l’acide nitreux dans des conditions particulières. 13° Dans une solution de nitrite de potassium à 1 p. l.OOO, les végétaux supérieurs produisent un dégagement d’oxygène dans le vide et à l’obscurité. 14° Les végétaux supérieurs assimilent l’acide nitreux et se développent normalement lorsqu’on le leur offre comme source unique d’azote combiné. II La réduction de l'acide nitrique ne modifie pas la nature des fermentations- que produisent les microbes dénitrifiants. Les microbes capables de décomposer l’acide nitrique avee formation d’acide nitreux sont très nombreux; les plus connus appartiennent à un groupe de bactéries qui produisent de l'hydrogène; ce sont plus particulièrement des ferments pro- pioniques. Le b . lactis aerogenes , le 'pneumobacille de Fried- lândèr , les b. coli figurent dans ce groupe; ce sont les deux premiers que j’ai utilisés dans mes démonstrations. Lorsqu'on additionne des cultures de ces deux microbes en bouillon sucré, de 1 p. 1.000 de nitrate de potassium, on voit cesser aussitôt tout dégagement gazeux apparent. On en conclut que les microbes perdent leur propriété de faire fermenter les sucres, parce que les nitrates leur fournissent de l'oxygène et leur permettent de vivre comme des ferments aérobies dont la caractéristique est de produire des combustions totales. Le b. lactis aerogenes et son voisin le pneumobacille de Fried- lànder sont, comme on le sait, des anaérobies facultatifs; quand on admet que les nitrates leur procurent de l’oxygène à l’abri de l’air, et en font des ferments de combustion, on suppose implicitement que les anaérobies facultatifs peuvent réaliser indifféremment des combustions totales en présence FERMENTATION ET DIGESTION 293 d’oxygène libre ou combiné, ou des fermentations complexes lorsqu’ils en sont privés ; mais il ne faut pas oublier que cette affirmation n’a pas reçu de sanction expérimentale. La dispari- tion de l’hydrogène en présence de nitrates semble cependant la confirmer. L’hydrogène est, en effet, brûlé par l’oxygène de l’acide nitrique, et il est permis de supposer que tous les produits de la fermentation subissent le meme sort, ce qui revient à dire qu’ils ne se forment pas et que le sucre subit la combustion totale . Dans une culture faite en milieu sucré ordinaire, sans nitrate, l'hydrogène prend naissance dans la transformation du sucre en alcool propylique et en acide propionique ; on sait qu’il se forme en outre de l'anhydride carbonique, de l’alcool éthylique, de l’acide acétique et de l’acide lactique. Ces alcools et ces acides sont liés à la vie anaérobie de la même manière que l’hydrogène, et si on constate qu'ils se forment en présence d’acide nitrique, on aura le droit de conclure que les nitrates ne changent en rien la nature des fermentations que produisent les microbes en question. Il s’agit donc de déterminer d’un côté les produits gazeux de la fermentation du sucre, de l'autre les substances retenues par le liquide et de comparer ceux qui sont formés en présence et en l’absence de nitrates. Les cultures ont été faites en bouillon Martin additionné de 4 p, 100 de saccharose et de 4 p. 1000 de nitrate de potassium. Le volume employé pour chaque culture était de 1230 c.c. Les récipients utilisés étaient des ballons de 3 litres où l’on faisait le vide à la pompe à mercure; les bouchons et les joints en caoutchouc étaient protégés par des manchons remplis de mercure. L’analyse des produits gazeux de la fermentation a fourni les résultats suivants Tableau I. B. LACTIS AEROGENES BACILLE DE FRIEDLANDER Avec nitrate. Sans nitrate. Avec nitrate. Sans nitrate. cent, cubes. cent, cubes. cent, cubes. cent, cubes. Volume gazeux. 628,4 1.713,13 548,9 1.118,9 CO2 p. 100 . . . 57,6 64,7 69,3 62,9 II p. 100 .... 0,0 33,4 0,0 35 » O O Q 0 £ 6,7 0,0 1,2 0,0 N2 O p. 100 .. . 2.3 0,0 0,0 0,0 N 23.4 Résidu 29,5 Résidu indéterminé. indéterminé. 204 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Ces chiffres sont très probants, comme on le voit. L’hydrogène disparaît entièrement en présence des nitrates et I on trouve, comme résultat de la décomposition de l'acide nitrique de l’azote gazeux, du protoxyde et du bioxyde d'azote, de l’acide nitreux en solution dans le liquide. Mais si l'acide nitrique fixe l’hydrogène, ce que l'on peut admettre en anticipant sur les conclusions, sa présence ne suffit pas à supprimer tout dégagement gazeux; on se demande donc pourquoi on n'observe pas de fermentation visible en ballons ouverts. Dans le vide on observe une production de mousse en pré- sence des nitrates; si le même phénomène n'est pas visible au contact de l'air, c’est parce que le gaz carbonique 11e se forme pas en quantité suffisante pour saturer le liquide, et parce que l’azote ne représente que le quart environ du volume d’hydro- gène dégagé dans les cultures privées de nitrates. L’azote est sensiblement soluble, et, comme la fermentation est ralentie, grâce à la formation d’acide nitreux, ce gaz ne devient lui- môme apparent que sous pression réduite. Dans le liquide on trouve, en présence de nitrate, de l’alcool propylique et de l'acide propionique, de l'alcool éthylique, de l'acide acétique et de l’acide lactique. Dans les cultures témoins, on trouve les mêmes substances en plus grande abondance ; je ne les ai pas évaluées quantitativement; ce détail importe peu ici, en raison du doute qui persisterait malgré tout sur leur origine, car les matières azotées donnent naissance aussi à des alcools, des acides volatils et fixes, de l’azote en présence d'acide nitreux capable de mettre en liberté l’azote des acides amidés. Leur détermination qualitative ne présente pas de difficultés ; mais je dois dire que l’usage de l'iode, employé dans le but de provoquer la formation d’iodoforme dans le liquide distillé m’a rendu un bon service. Le liquide de culture, distillé en présence d’un léger excès de chaux, laisse passer seule- ment les alcools avec un peu d’ammoniaque. Le produit de cette opération, soumis à son tour à la distillation fractionnée en présence d'un excès d’acide tartrique, fournit les alcools à l’état de pureté. L’alcool éthylique passe, on le sait, dans la première moitié du liquide ; si on traite les prises successives de 10 centimètres cubes par l’iode en présence de soude en introduisant dans un tube d’essais 5 centimètres cubes de liquide, 3 ou 4 gouttes de lessive à 40° B., une paillette d’iode, on obtient une production instantanée d’iodoforme à froid, résultat qui ne s’observe :amais avec l'alcool éthylique FERMENTATION ET DIGESTION 295 dilué; l’aldéhyde à la concentration de 1/200.000 la donne également; mais ce corps n’existe pas dans le liquide; la réaction ainsi caractérisée persiste* d'ailleurs, jusqu’à la 10e prise, en diminuant toutefois d’intensité. Parmi les produits volatils des fermentations microbiennes, l’alcool propylique seul donne cette réaction, lorsqu’on distille 100 centimètres cubes sur 110 par fractions de 10 centimètres cubes. Parmi les acides, la distillation frac- tionnée permet de déceler l’acide propionique. Ces deux corps ont été mis en évidence par ces procédés dans les cultures additionnées ou non de nitrates, avec cette différence, je le répète, qu'ils sont plus abondants dans le milieu privé de nitrate. L’acide nitreux dont la concentration varie de 1/50.000 à 1/100.000 dans les milieux fermentés joue, en effet, le rôle d’anti- septique vis-à-vis des microbes en question ; mais il n’empêche pas leur développement quand on l’introduit préalablement dans les milieux de cul- tures à la dose de 0,1 p. 1.000. Il joue, d'ailleurs, vis-à-vis des produits gazeux de la fermentation le même rôle que l’acide nitrique; une expérience très simple permet de matérialiser ce résultat : on additionne de la gélose nutri- tive sucrée de 1 p. 1.000 de nitrate de potassium et de 0,1 p. 1.000 de nitrite de potassium et on ensemence dans la masse suivant le procédé de Libo- rius et de Veillon ; les cultures nitritées et nitratées ne produisent pas de dégagement gazeux apparent, les tubes témoins sans nitrates ou nitrites présentent, au bout de douze à seize heures à 30 degrés un émiettement complet de la gélose, qui se trouve même expulsée hors des tubes si l’ense- mencement est abondant. Les tubes additionnés de nitrite donnent des cul- tures bien moins abondantes que ceux qui ont reçu des nitrates ; l’action antiseptique de l’acide nitreux est donc évidente; mais son rôle vis-à-vis de l’hydrogène de fermentation est identique à celui de l’acide nitrique ; je n’ai pas cherché à établir la nature des produits de fermentation formés en pré- sence des nitrites, mais ils pourraient être facilement mis en évidence, car, lorsqu’on utilise des milieux nitratés, les fermentations se produisent, en réa- lité, en présence de nitrites. On pourrait également se proposer d’établir le rapport qui existe entre l’acide nitrique décomposé et la quantité d’oxy- gène cédé par ce corps et ses dérivés pour en déduire le volume d’hydrogène qui a été fixé de ce fait. Mais ces milieux complexes ne se prêtent pas à des déterminations de ce genre ; l’oxygène des nitrates a pu aussi bien se fixer sur du carbone pour donner du gaz carbonique; l'azote libéré ne provient pas non plus en totalité des nitrates, puisque la présence simul- tanée d’acides amidés et d'acide azoteux libre en rend la for- mation possible par voie purement chimique. La réduction de l'azote oxydé dépasse sûrement le terme Az et va jusqu’à la formation d’ammoniaque. Pour loutes ces raisons, il est inutile de demander autre chose à ces expériences que les faits qui établissent d’abord la conclusion suivante : « L’addition de nitrates aux cultures de ferments dénitri- 296 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR liants ne modifie pas la nature des fermentations que pro- duisent ces microbes à l’abri de l’oxygène. Les proportions seules en sont changées, grâce à l'influence paralysante qu’exerce l’acide nitreux formé sur le développement des microbes. III La réduction des nitrates par les ferments anaérobies est due au dégagement d’hydrogène. Cette conclusion résulte également des expériences précé- dentes et elle dérive directement de celle que je viens de formuler à la fin du chapitre II. Les produits solubles de la fermentation n'étaient pas supprimés par la présence des ni- trates, l’hydrogène qui se forme en même temps que ces produits, d’après les équations connues de la fermentation propionique, a donc été mis en liberté ; et s’il n’apparaît pas parmi les produits gazeux delà fermentation, c'est parce qu’il est retenu par l’acide nitrique. La décomposition de l'acide nitrique est donc produite par l’hydrogène. 1Y Tous les microbes producteurs d’hydrogène ne sont pas des dénitrifiants. A côté des ferments propioniques capables de produire de l’hydrogène, il existe un groupe très importaut de microbes anaérobies qui jouissent de la même propriété ; mais elle est liée à la fermentation butyrique des sucres, des celluloses, des alcools, des acides, etc., et les ferments en question sont con- nus sous le nom générique de ferments butyriques, bien que l’acide butyrique ou l’alcool butyrique ne soient pas toujours les produits dominants de la décomposition des sucres et des alcools ; tous produisent de l'hydrogène et du gaz carbonique ; si un dégagement d’hydrogène est suffisant pour effectuer la réduction de l’acide nitrique, les ferments butyriques s’imposent donc a priori comme ferments dénitrifiants. Or, il n’en est pas FERMENTATION ET DIGESTION 297 ainsi. MM. Gayon etDupetit (1) ont montré, en effet, dans leur remarquable travail sur la dénitrification, que le b. amylobac- ter, le plus actif des ferments butyriques des sucres et des matières amylacées, ne réduit pas l’acide nitrique, bien qu’il produise un abondant dégagement d’hydrogène. Ils ont constaté, d’autre part, que le vibrion septique, qui se range aussi parmi les ferments butyriques par ses propriétés physio- logiques, réduit l’acide nitrique ; voici donc deux ferments anaérobies qui produisent de l’hydrogène et qui se comportent de façons différentes vis-à-vis de l’acide nitrique. J’ai répété ces expériences en utilisant le procédé de culture que j’ai déjà décrit p. 293, tout en les étendant à d'autres espèces de ferments butyriques isolés du milieu que j’ai utilisé dans l’étude de la fermentation forménique [C. R ., 1903]. Les ferments butyriques qui produisent de l’hydrogène dans le bouillon Martin additionné de 4 p. 100 de saccharose et de 2 p. 1000 de nitrate de potassium sont : Le bacillus amylobacter qui, d’après MM. Guyon et Dupetit, produit un volume d’hydrogène légèrement supérieur à la moitié du volume du gaz dégagé. Le pseudo-tétanique à spore terminale ovoïde, pour lequel le rapport de l’hydrogène à l’acide carbonique est : En présence de nitrate : En l’absence de nitrate : H1 2 CO2 H2 GO2 =. 1,18. = 1,81. Le bacille en baguette de tambour étudié par M. Oméliansky sous le nom de ferment hydrogénique, qui produit des volumes d’hydrogène et d’acide carbonique dans les rapports suivants : il2 Avec nitrate : fqjâ = 0,80. IP Sans nitrate : = 0,97, Le vibrion septique décompose au contraire les nitrates en produisant de l’acide nitreux et en dégageant du bioxyde (1) Recherches sur la réduction des nitrates par les infiniment petits. Berger- Levrault et Cie. Nancy, 1886. 298 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR d’azote, du protoxyde d’azote et de 1 azote libre exactement comme le b. bactis aerogenes ; tout l'hydrogène est fixé par l’oxygène de l’acide nitrique. On voit donc que tous les producteurs d’hydrogène, ne sont pas, comme on l’a déjà dit, des dénitrifiants ; on constate aussi que le processus de décomposition de l’acide nitrique ne carac- térise pas un groupe physiologique de microbes, puisqu’on observe les mêmes modes de fermentation chez des ferments propioniques aérobies facultatifs et des ferments butyriques anaérobies stricts. V La réduction des nitrates par les ferments anaérobies producteurs d’hydro- gène peut se faire sans formation de termes de passage apparents entre l’acide nitrique et l’ammoniaque. La dénitrification par les bactéries peut passer inaperçue chaque fois que les produits intermédiaires entre l’acide nitrique et l’ammoniaque font défaut. Les champignons et les végétaux supérieurs sont des dénitrifiants très actifs, mais ne sont pas considérés comme tels parce que la réduction est totale et que, dans les conditions normales, aucun terme de passage ne permet d’émettre aucune hypothèse sur l'existence d'une transformation graduelle de l’acide nitrique en ammo- niaque. On peut affirmer que des bactéries nombreuses procèdent de la même manière; mais on conçoit que le fait soit difficile à mettre en évidence dans toute sa généralité. Chez les microbes aérobies, une telle réaction passe inaperçue parce qu’une trans- formation de nitrates en ammoniaque, limitée aux besoins des microbes en azote, ne peut entraîner qu’une destruction insigni- fiante de nitrates. C’est donc aux ferments producteurs d’hydro- gène qu’il faut s’adresser de préférence pour vérifier l’existence de ce processus, parce qu’une faible quantité d’azote nitrique exige un volume sensible d’hydrogène pour passer à l’état d’ammoniaque. J’ai obtenu ce résultat avec un mélange de deux ferments butyriques, le bacille du tétanos et un microbe indéterminé qui FERMENTATION ET DIGESTION 299 se confond morphologiquement avec le premier, la spore exceptée. Cultivés dans du bouillon Martin additionné de 5 p. 1000 de nitrate de potassium, en présence de 4 p. 100 de saccharose, ils laissent le milieu alcalin et ne décomposent pas l’acide nitrique ; l’hydrogène se dégage dans le bouillon nitrate exac- tement comme dans le bouillon privé de nitrate. La réduction ne se fait qu’en présence de glucose, parce que les deux microbes ne sécrètent pas de sucrase. La nature des gaz et les volumes dégagés par des cultures faites dans 200 cen- timètres cubes de bouillon additionné de 4 p. 100 de dextrose et de 5 p. 1000 de nitrate de potassium à 38 degrés, sont fournis par le tableau suivant : Tableau II. AVEC NITRATE SANS NITRATE Volume des gaz à 0 degré sous 760. . 307,6 457,8 CO1 2 p. 100 100 »> 49,87 Hydrogène 0 » 50,83 Le nitrate a été entièrement décomposé sans formation de produits intermédiaires; l’azote ne peut donc se trouver qu'à l’état d’ammoniaque ou de dérivés de l’ammoniaque; mais il ne faut pas songer à en faire le départ dans un milieu aussi riche en matières azotées que le bouillon Martin. La détermination des autres éléments intéressants de la culture a fourni les résultats suivants (1) : Tableau III. AVEC NITRATE SANS NITRATE Acidité totale en acide lactique par litre 5 grammes. 5 grammes. Acidité volatile en acide butyrique par litre. . . 0,063 0,089 Dextrose détruit par litre 13,950 11,299 L’acidité totale est la même dans les deux cultures, ce qui prouve que c’est l’acidification du milieu qui a arrêté la (1) La toxicité du liquide filtré sur bougie est la même dans les deux cul- tures. Injecté à des cobayes de 500 grammes environ, il les tue en trois jours, au lieu de vingt-sept à vingt-huit heures, comme les cultures privées de nitrate et de dextrose. Ce résultat est d'accord avec ce que l'on sait de l’influence des acides sur la toxicité des cultures filtrées. 300 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR fermentation du dextrose ; on constate qu'elle est plus avancée en présence de nitrate de potassium, parce que l’ammoniaque formée et la potasse libérée ont permis aux microbes de pousser plus loin la destruction du sucre. Ce résultat se traduit d’abord par la disparition d’une plus grande quantité de dextrose et, par voie de conséquence, par la production d’une quantité de gaz carbonique plus grande. Ce gaz carbonique provient en partie de la dislocation du sucre, peut-être en totalité ; mais il importe de vérifier, autant qu’il est possible s’il ne provient pas à la fois de la combustion du sucre et des matières azotées. Un gramme de N03K exige environ 80 milligrammes d’hy- drogène pour se transformer en ammoniaque, potasse et eau suivant la formule : N03K + 8H = 2H20 + NH3 + KOH H2 Or, si on admet que le rapport est le même dans les cultures additionnées de nitrate et dans celles qui en sont privées, on peut calculer que la quantité d’hydrogène mise en jeu dans le milieu nitraté est de 27 milligr. 9 ; mais les fermen- tations ne sont pas identiques dans les deux cas, ce que l'on peut voir d’après l’écart qui existe entre les chiffres de l’aci- dité volatile ; ces différences ne suffisent pas à combler le déficit de 52 milligrammes accusé par l’analyse entre la quan- tité d’hydrogène trouvée et celle que la réduction de 1 gramme de nitrate de potassium exige ; d’un autre côté, la rareté des alcools dans le témoin et la culture additionnée de nitrate prouve également que ce n'est pas la formation des alcools qui entraîne un dégagement d’hydrogène aussi important. L’oxygène de l’acide nitrique disparu a donc été absorbé par des réactions qu’il est impossible de démêler, mais qu’il est légitime de ranger parmi les phénomènes de combustion aboutissant plus ou moins directement à un dégagement d’acide carbo- nique; en d’autres termes, F oxygène du nitrate a été utilisé par les microbes anaérobies de la même manière que par les cellules aérobies . 11 eût été intéressant de dissocier l’action combinée des deux ferments ; malheureusement cette étude n’a été possible que pour le bacille du tétanos, son associé ayant péri dans les FERMENTATION ET DIGESTION 301 cultures avant son isolement ; en raison de cette lacune, je n’aurais pas fait état de ces résullats si je n’avais pas déjà eu l’occasion d’enregistrer des faits analogues à propos de la fermentation forménique [C. /?., 1903). Le bacille du tétanos cultivé seul dans les conditions indi- quées donne à la fois du gaz carbonique, de l’hydrogène et de l’azote; mais il a une action peu marquée sur l’acide nitrique qu’il ne décompose pas entièrement, même à la dose de 1 gramme de nitrate de potassium par litre. J’ai réuni dans le tableau IV les chiffres relatifs aux données les plus intéressantes fournies par quelques cultures effectuées dans 200 centimètres cubes de bouillon Martin glucosé placés dans des fioles de 1 litre, où le vide était fait à la pompe à mercure. Tableau IV. Richesse du milieu en nitrate de potassium litre par 1 1 1 Durée des cultures en jours 11 34 38 Volume de gaz dégagés à 160 et à 0 degré. . . 33 c.c. 47,88 51,28 V CO1 2 76,09 12,385 10,92 Composition centésimale (1) j H 12,08 7,20 8,65 ( N 11,83 8,41 8,1 Azote nitrique disparu, milligr )) 16,41 22,1 Azote dégagé à l’état gazeux, milligr • )) 5,025 8,1 Azote transformé en AzII3 ou en ses dérivés . )) 12,35 16 Ces résultats nous montrent que quelques microbes anaé- robies réduisent l’acide nitrique tout en n’absorbant qu’une partie de l’hydrogène de fermentation ; on observe alors un dégagement simultané d’azote et d’hydrogène, résultat tout à fait vraisemblable. (1) Je n'ai pas constaté la présence du formène parmi les produits gazeux: quand on a recours à l'analyse eudiométrique, on constate que le mélange gazeux renferme des traces de CO2 après le passage de l’étincelle; mais ce gaz provient des composés sulfurés volatils. 302 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR VI L’hydrogène de fermentation est l’agent chimique que les anaérobies met- tent en œuvre pour assimiler l’azote des nitrates, le soufre des sulfates, et peut-être le phosphore des phosphates; il est possible que le formène joue le même rôle vis-à-vis des phosphates dans la fermentation formé- nique. L’hydrogène de fermentation constitue en apparence une anomalie physio- logique dont on n'a pas donné jusqu’ici une interprétation satisfaisante; il est cependant tout à fait légitime de le considérer comme un résidu inutili- sable de la décomposition plus ou moins médiate de l’eau par des fer- ments incapables d’emprunter leur oxygène à l’air. A ce titre, il apparaît comme un produit de fermentation qui cadre bien avec la conception que l’on s’est faite de l'origine des substances issues de l’action des ferments. Mais de quelque façon qu’on l’envisage, il reste comme un témoin irrécusable d'un gaspillage énorme d’énergie. Les résultats que je viens d’exposer prou- vent qu’il a un rôle actif à jouer dans l’assimilation de l’azote de l’acide nitrique par les anaérobies. Ce qui surprend dans son action, c'est qu’elle n’est pas toujours orientée vers ce but, puisqu’un grand nombre d’espèces microbiennes le mettent en liberté en présence d’acide nitrique comme s’il était indifférent vis-à-vis de ce corps. On est contraint d’invoquer, pour expliquer des faits de cette nature, une organisation anatomique des microbes qui aboutit à une localisation des actions chimiques qu'ils peuvent produire. Quand l’hydrogène se dégage librement dans un milieu de culture nitraté, cela prouve que l’acide nitrique ne le rencontre pas à l’état naissant. L’hydrogène de fermentation n’est donc pas nécessairement lié à la pro- priété que possèdent les anaérobies d’assimiler l’azote de l’acide nitrique, et dès lors le rôle que je viens de lui assigner manque de généralité. Mais il n’est pas difficile de combler cette lacune; les microbes sont capables aussi d’emprunter leur soufre aux sulfates, leur phosphore orga- nique aux phosphates; le fait est évident en ce qui concerne le soufre des sulfates. Les ferments butyriques sont des producteurs très actifs d’hydro- gène sulfuré, et cet hydrogène sulfuré a comme origine le soufre des sul- fates et l’hydrogène de fermentation toutes les fois qu’on produit une fermen- tation butyrique de l’amidon ou de la cellulose dans un milieu minéral où les sulfates sont abondants. La fermentation hydrogénique de la cellulose du papier Bcrzélius, étudiée par Omélianskv, est toujours accompagnée d'une production abondante d’hydrogène sulfuré qui forme, à la surface du mercure de l’éprouvette disposée pour recueillir les gaz, une couche très sensible de sulfure de mer- cure. Nous nous trouvons donc là encore en présence d’une action de l'hydrogène de fermentation, qui peut être assimilée à celle qu’il exerce vis- à-vis de l’acide nitrique, et qui explique, en partie du moins, pourquoi il se dégage en liberté en présence de nitrate quand les sulfates manquent et vice versa , suivant que les ferments peuvent emprunter ou non leur azote à l’acide nitrique ou leur soufre à l’acide sulfurique. Le dégagement de l’hydrogène s’explique donc par la composition arbi- traire de nos milieux de cultures; nous agissons en réalité comme des ismo- rants vis-à-vis de fonctions physiologiques que nous sommes d’ailleurs bien FERMENTATION ET DIGESTION 303 incapables d’envisager en connaissance de cause; et quand nous disons que les anaérobies empruntent leur oxygène à l'eau, nous traduisons ce résultat de la façon suivante, sans nous soucier autrement de la valeur de la conclu- sion : l'oxygène est indispensable aux anaérobies puisqu’il est absorbé; l’hydrogène est certainement inutile puisqu’il est rejeté. Loin d'atténuer la partie de cette conclusion qui présente les faits sous un jour trop étroit, nous cherchons à l'exalter en rompant l’équilibre qui doit exister entre les diverses substances alimentaires du milieu, au profit de celles qui nous semblent les plus intéressantes, tels les sucres par exemple. Une pareille méthode trouve sa justification dans une question d’intérêt particulier qui a souvent prévalu sur les préoccupations d'ordre purement scientifique pour tout ce qui touche aux phénomènes de fermentation. Les conditions que nous réalisons dans nos milieux de culture n’existent pas dans la nature, et si notre intervention peut les créer accidentellement, le libre jeu des lois naturelles ne tarde pas à remettre les choses dans l’ordre. Une autre source d'errements réside dans la nécessité où l’on se trouve actuellement d’étudier les propriétés physiologiques d une espèce considérée isolément. C’est encore une condition qui n’existe pas dans la nature, les exemples bien connus des parasites animaux et végétaux mis à part. Les associations microbiennes, qui se forment spontanément dans le sol, s’orga- nisent, en réalité, de façon à ne rien laisser perdre des sources d'énergie dont elles disposent. Dans les cultures artificielles, les ferments propioniques et butyriques dégagent de l’hydrogène lorsque la composition des milieux de culture s’y prête; il en est de même dans la terre où les substances organiques et minérales ne sont pas non plus réparties de manière à éviter toute déperdition d’hydrogène; mais ici, on voit alors intervenir des espèces qui possèdent la propriété de fixer entièrement l'hydrogène, quel que soit le microbe qui lui donne naissance. J’ai montré que c'est là surtout une des fonctions intéressantes du ferment forménique. Le rôle de cette pseudo- sarcine est de s’emparer de tous les produits des fermentations butyriques, propioniques, acétiques, et de les transformer en acide carbonique, en for- mène et en eau. L’hydrogène passe donc en totalité ou en partie à l’état de formène. Cette transformation n’est pas réglée non plus dans un but d'éco- nomie bien entendue de l'énergie. Mais il est probable qu’on n’observe son dégagement que dans le cas où le formène est en excès sur la quantité que la pseudo-sarcine met en œuvre. Ce que nous venons d'observer en ce qui concerne l'hydrogène de fermentation nous autorise à nous demander si le formène ne peut pas être fixé sur les acides minéraux, et en particulier sur l’acide phosphorique. Le ferment forménique, par ses propriétés physiologiques et même mor- phologiques, par sa résistance non pas à l’isolement, mais à la culture pure, par ses rapports avec l’hydrogène de fermentation, constitue un des éléments les plus curieux des nombreuses associations microbiennes qui existent dans la nature. L’élude de ces associations réserve certainement des surprises ; l’exemple que je viens de mettre en lumière page 298 est intéressant également; nous allons en aborder d’autres chez les dénitrifiants aérobies. 304 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Y II Les ferments dénilrifiants les plus actifs sont les mieux adaptés à l’assimilation de l’azote nitrique. Les phénomènes de dénitrification perdent tout caractère de spécificité puisqu’ils doivent être envisagés comme des trans- formations qui démontrent que l’acide nitrique est un aliment azoté des microbes. On peut prévoir la possibilité de la for- mation d'un ou de plusieurs produits intermédiaires entre l’acide nitrique et l’ammoniaque comme on peut s’attendre fréquemment à constater leur absence ; on a même le droit de pousser plus loin ces déductions si l’on fait observer que les termes intermédiaires doivent apparaître eu disparaître dans certaines conditions dont on a souvent la libre disposition,, exactement comme on est à peu près en mesure de favo- riser ou d’entraver la formation de l’alcool, terme de passage de l’assimilation des sucres. Je vais fournir de toutes ces assertions une démonstration expérimentale, en m’adressant cette fois à des bactéries aérobies. Partant de cette conclusion que l'azote nitrique est un ali- ment des microbes, on est conduit à chercher des ferments de l’acide nitrique dans les milieux naturels où ce composé est la seule substance azotée dont ils puissent disposer. Les eaux de drainage remplissent ces conditions ; elles sont généralement privées d’azote organique et ammoniacal, presque toujours pourvues de nitrates; elles doivent donc être peuplées de ferments dénitrifiants. Malgré la facilité avec laquelle on peut se procurer ces eaux, je me suis dispensé d’v recourir parce que de tels milieux peuvent être aisément pré- parés de toutes pièces. On sait d’ailleurs que ces milieux exis- tent dans la technique bactériologique; ce sont ceux que Wino- gradsky a utilisés pour l’isolement et l’étude des ferments nitrifiants. On sait avec quel succès Winogradsky a tiré parti de ces milieux « d’élection » dont la conception a dominé toutes les recherches de Pasteur. Le milieu minéral qui lui FERMENTATION ET DIGESTION 305 a servi pour l’isolement de ses nitromonades constitue aussi, si mes prévisions sont exactes, un milieu de choix pour la conservation, tout au moins, des ferments dénitrifiants. Tout microbe susceptible de vivre dans ce milieu doit, en effet, assimiler l’acide nitreux ou l’acide nitrique, sans quoi les cultures successives linissent nécessairement par l’éliminer. Or, c’est M. Winogradsky lui-même qui nous apprend qu’il a été trompé dans l’espoir qu’il avait tout d’abord conçu d’arriver à obtenir des cultures pures de nitromonades en éliminant les espèces étrangères par des cultures successives dans un milieu de composition aussi rustique. 4 ou b espèces de bactéries ont résisté à ce traitement et ont persisté jusqu’au bout à demeurer les associées des nitromonades, sans apporter cepen- dant de trouble nuisible dans la nitrification, en raison de l’absence de matières organiques. Tous ceux qui ont eu l’occasion d'isoler de la terre les fer- ments nitrifiants ont pu vérifier ce fait. Ces bactéries étrangères doivent être, je devrais dire ne peuvent être, que des ferments dénitrifiants. L’expérience justifie rigoureusement ces déductions. Les bactéries en question, isolées sur les milieux organiques usuels, se sont révélées comme des ferments dénitrifiants, dont quelques-uns sont incomparablement plus puissants que les dénitrifiants propioniques les plus actifs. Len ai isolé, à différentes reprises, plusieurs espèces : deux produisent de l’acide nitreux en même temps que des dérivés gazeux de l’acide nitreux dans les milieux organiques addi- tionnés de nitrates; trois décomposent l’acide nitrique en pro- duisant une fermentation très active, semblable par l’abon- dance du dégagement gazeux à une fermentation alcoolique ; elles ne forment pas d’acide nitreux, mais fournissent du pro- toxyde d'azote et de l’azote gazeux dans les milieux ordinaires ; j’ai isolé, enfin, deux espèces qui semblent dépourvues d’action visible sur les nitrates, ce qui ne veut pas dire, nous le savons, qu’elles n’assimilent pas l’acide nitrique ; mais, comme la transformation de l’acide nitrique en ammoniaque rentre dans le cadre des phénomènes généraux bien établis, j'ai délaissé ce côté de la question pour ne m’attacher qu’aux espèces les plus actives dont j’ai retenu 2 sur 3; j’ai négligé également celles 20 306 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR qui produisent de l’acide nitreux comme dénuées d'intérêt, du moins au point de vue où je me place. On voit ainsi que les ferments dénitrifiants les plus actifs sont les mieux adaptés à l' assimilation de l'acide nitrique ; on a constaté également que les milieux nitrifiants de Wino- gradsky sont des milieux d'élection pour la séparation des fer- ments dénitrifiants en entendant par là, non pas les milieux les plus favorables à leur développement, mais bien les milieux susceptibles de les conserver indéfiniment tout en les débar- rassant des espèces innombrables du sol qui ue peuvent pas s'y multiplier. VIII Les bacilles dénilrifiants aérobies conservent leurs de microbes aérobies dans les milieux additionnés caractères de nitrates. Les deux bacilles que j'ai conservés parmi les espèces isolées des milieux minéraux de Winogradsky sont aérobies stricts, très mobiles; ils forment des voiles sur les bouillons orga- niques d’origine animale ou végétale additionnés de sucres; le n° 1 produit sur gélose des cultures très riches et sécrète un mucilage extrêmement abondant ; ses cultures rappellent si bien comme aspect celles du B. radicicola que j’ai dû vérifier une fois de plus, sans obtenir d’ailleurs plus de succès qu’autrefois, que ce dernier ne possède pas la propriété de décomposer l'acide nitrique avec production abondante de gaz. La masse mucilagineuse coule à la surface des tubes placés verticalement et se réunit au fond en formant un dépôt siru- peux de plus d'un centimètre d'épaisseur. Le n° 2 possède à peu de chose près les mêmes propriétés physiologiques que le n° 1, les cultures eu milieu liquide se ressemblent beaucoup ; celles du n° 1 sont plus visqueuses et le voile imparfait est plus épais et plus gras; sur gélose le n° 2 donne des cultures moins abondantes, sans mucilages; les colonies sont blanches, opaques, proéminentes, de surface légèrement chagrinée; des stries se détachent, avec l’àge, des diverticules filiformes dont les sinuosités forment quel- FERMENTATION ET DIGESTION 307 quefois un lacis assez élégant sur la gélose qui borde les cul- tures. Comme ils sont strictement aérobies, je vais tout d'abord examiner l’influence que l’acide nitrique, en raison, comme toujours, de la facilité avec laquelle il cède son oxygène, exerce sur leur développement au contact de l'air ou à l’abri de l’oxygène. J'ai montré que les nitrates ne modifient pas la nature des fermentations que les anaérobies facultatifs ou obligés sont capables de produire ; des préoccupations du même ordre que celles qui m’ont suggéré futilité d'établir ces points m’obligent encore à démontrer, en guise d'introduction au chapitre des dénitrifiants aérobies, que ces microbes ne peuvent pas se passer d’oxygène libre, même dans les milieux nitratés ou nitrités. Quand on ensemence des tubes de bouillon de viande ou de haricots sucrés à 2 p. 100 et additionnés de nitrate à 1 p. 100, on constate que la culture se développe fréquemment au voisi- nage de la surface pour se propager peu à peu dans toute la profondeur du liquide ; mais la localisation de la prolifération microbienne dans les régions superficielles est parfois si pro- noncée que la fermentation y devient déjà apparente pendant que le fond est encore limpide; cette particularité est moins nette et fait même complètement défaut si l’on part d’une semence empruntée à une culture sur milieu solide âgée seule- ment de deux ou trois jours; ces faits, peu importants par eux- mêmes, laissent cependant supposer que des semences âgées ne peuvent se multiplier tout d’abord qu’au contact de l'air malgré la présence de nitrate, tandis que des bacilles jeunes développés sur milieux solides sont en mesure de décomposer les nitrates. Si ces interprétations sont justes, il est légitime d'en déduire les deux conclusions suivantes : 1° Les bacilles dénitrifiants aérobies décomposent plus rapi- dement les nitrates dans les cultures liquides en couche mince que dans le même volume de bouillon en couche épaisse. 2° La décomposition des nitrates dans les récipients vidés d’air par la pompe à mercure est pénible ou même impossible. 308 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Pour démontrer la première proposition j’ai réparti 40 centimètres cubes de bouillon de viande à 2 p. 100 de saccharose et 1 p. 100 de nitrate de potassium dans des fioles d’Erlenmeyer de 200 centimètres cubes, et dans des tubes de 22 millimètres de diamètre ; dans les premiers récipients l’épais- seur du liquide atteint 15 millimètres, dans les tubes, 100 millimètres. La semence empruntée à une culture en bouillon nitraté en pleine fermen- tation est introduite dans chaque récipient en quantités strictement égales. Le tableau V donne les temps employés par les bacilles 1 et 2 pour décomposer entièrement le nitrate ; les évaluations sont faites à partir du moment où commencent les fermentations qui partent d’ailleurs en même temps dans les deux sortes de récipients, jusqu’à la disparition de la réaction des nitrates, le réactif employé étant le sulfate de diphénylamine. Tableau V, BACILLE n° 1- BACILLE n° 2. En fiole. En tube. En fiole. En tube. Temps Temps Temps Temps en heures. en heures. en heures. en heures. — — — Culture I . . 24 58 34 58 Culture II . . 24 72 34 58 Comme on le voit, les différences sont très nettes. Elles sont encore plus frappantes lorsqu’on réalise les cultures en fioles vides d’air, le vide étant fait à la pompe à mercure. Je n’ai pas cherché à obtenir un résultat absolu, mais l’absence complète de développement serait certainement observée si on passait d’une semence empruntée à une vieille culture en milieu liquide ; j’ai utilisé au contraire des cultures jeunes sur milieu solide, et je me suis servi de préférence du bacille n° 2 qui d’après les résultats précédents supporte mieux la privation d’oxygène. Tableau VI. Durée des cultures Volume de gaz recueilli en c. c. sous 760 et à 0 degrés CO2 p. 100 NO. . . Azote Nitrate détruit en grammes. . . Azote dégagé en grammes . . . Azote correspondant au nitrate détruit Azote transformé en AzlI3 ou en dérivés d'AzIl3 CULTURE I CULTURE II lrc prise. Reste. 6 jours. 13 jours. 33 jours. 83,28 67,8 181,3199 151,98 21,39 33,19 28,39 19,63 34,06 50,22 47,18 41,68 1,0726 1,318 0,1385 0,1499 0,1486 0,1826 0,0101 0,0327 Les cultures ont été réalisées dans du bouillon de haricot additionné de FERMENTATION ET DIGESTION 309 2 p. 100 de saccharose et de 1 p. 100 de nitrate de potassium. Le volume employé était de 150 centimètres cubes dans des fioles de 1 litre en- viron. Les résultats des deux cultures sont consignés dans le tableau VI. Dans l’une d’elles le gaz a été analysé à deux époques différentes : Le bacille ne 2, privé d'air, ne détruit pas entièrement le nitrate de potas- sium au bout de trente-trois jours à 30 degrés; le microbe réensemencé sur gélose ne peut d'ailleurs être rajeuni au bout de ce temps. Ce résultat comparé à celui qui s’observe avec des cultures en couche mince, au contact de l'air, montre bien que la décomposition de l’acide nitrique n’est pas une conséquence de la privation d'oxygène chez les microbes strictement aéro- robies, mais bien le résultat d’un processus d’assimilation de l’azote nitrique ; ce dernier point reste encore à établir, il est vrai, mais j’y reviendrai plus loin. A part ce résultat, les chiffres de ce tableau, que je donne à titre d'indication, ne pré- sentent aucun intérêt ; les rapports des volumes gazeux peuvent en effet varier à l’infini, de même que les quantités absolues dégagées, puisque nous nous sommes placés dans des condi- tions indéterminées en raison de l'influence capitale de l’âge et de l'origine de la semence sur le développement de la culture. Il n'est pas difficile de préciser à quoi tient cette influence de la semence. L'assimilai ion des nitrates par les microbes aérobies est un phénomène de digestion ordinaire qui se présente comme une fonction normale d’une cellule en état de vie active, et en cela, cette assimilation se fait exactement comme chez les microbes anaérobies. Chez ces derniers, c’est cependant l'hydrogène qui en est l’agent initial; la réduction de l’acide nitrique exige donc dans ces conditions une ou plusieurs actions diastasiques préalables. Il en est de même chez les cellules aérobies; les diastases (I) qui décomposent l'acide nilrique se forment en vie aérobie, et si on prive d’air les microbes dénitrifiants, on les place dans l'impossibilité de renouveler ces diastases. Nous retrouvons donc ici un phénomène analogue à celui que présente la levure (1) Le mot diastase est employé ici par analogie seulement. Rien ne prouve, en effet, a priori, qu’on se trouve ici en présence de substances qui répondent à la définition classique d’ailleurs conventionnelle. 310 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR alcoolique qui peut, on le sait, sécréter sa zymase pendant les quelques heures qui suivent le moment où l’oxygène fait défaut. Les bacilles dénitrifianls 1 et 2 n’agissent pas autre- ment, et comme on a toute latitude pour user de semences d’âge et par suite de puissance zymogène variable, on peut régler, presque à sa guise, l’allure des cultures anaérobies des bacilles dénitrifiants aérobies, mais la présence des nitrates ne provoque pas chez eux la formation de diastases appropriées à la vie anaérobie. 11 est d’ailleurs facile de montrer, par l'emploi de tubes en U soudés â un ballon-pipette que l’obtention de cultures suc- cessives, à l’abri de l’air, des bacilles dénitrifiants, est impos- sible en présence de nitrate. On fait le vide dans le système, et on utilise le bouillon du ballon, préalablement ensemencé, comme culture destinée à absorber l’oxygène résiduel. Si ce bouillon n’est pas additionné de nitrate, le développement n’a pas lieu; mais si on y a introduit quelques millièmes de nitrate, on observe une proli- fération microbienne très nette accompagnée d’une fermentation qui prend, sous l’influence du vide, l’allure d’une action très énergique. Elle est pourtant limitée, et s’arrête assez vite; quand elle s’est éteinte, on transvase dans une des branches du tube en U quelques centimètres cubes de la culture; elle y reste absolument inerte, résultat facile à prévoir après l'examen des faits mis en lumière par les cultures dans le vide. On peut aussi remplacer les nitrates par les nitrites pour faire cette démonstration. Les bacilles 1 et 2 se développent en effet en présence de 1 p. 1000 de nitrite de sodium dans les cultures aérobies; ils détruisent assez vite l’acide nitreux pour rendre le dégagement gazeux sensible. L'acide nitreux est donc, en principe, une source d’oxygène pour les microbes dénitri- liants, plus efficace que l’acide nitrique puisqu’il esl plus fragile, mais il a l’inconvénient de posséder des propriétés antisep- tiques très marquées. Aux conditions défectueuses créées aux dénitrifiants 1 et 2 par la privation d’oxygène libre, s’ajoute l’influence paralysante du nitrite ; les deux actions suppriment même toute velléité de développement parce que l’acide nitreux détruit la provision de diastase empruntée à la vie aérobie, et, FERMENTATION ET DIGESTION 31 I comme il n'y a pas d’oxygène disponible pour les renouveler, les microbes restent inertes en présence d’une source d’oxygène combiné extrêmement labile, parce que l’oxygène, combiné seul, ne peut pas faire face aux besoins de la vie aérobie. Yoici donc un produit de fermentation qui se montre très toxique pour les microbes qui le produisent s'il s' accumule dans les milieux de culture , et qui constitue pour eux un aliment normal. J’anticipe sur la démonstration en exprimant une telle con- clusion, car je n’ai pas encore établi que l’acide nilreux se forme dans la décomposition de l’acide nitrique parles bacilles 1 et 2, ni que cette décomposition constitue un stade du processus d’assimilation des nitrates. Dans le tableau Y j’ai reconnu implicitement qu'une certaine fraction, faible il est vrai, de l’azote nitrique est transformée en ammoniaque ou en ses dérivés; mais lorsqu’on recherche l’ammoniaque libre ou combinée dans le liquide de culture, on n’en trouve pas de trace. On conçoit, en effet, que de petites quantités d’ammoniaque se perdent à l’état gazeux pendant l’extraction des gaz à la pompe à mercure, car le liquide est très alcalin, riche en bicarbonate de potassium qui relient la plus grande partie du gaz carbonique, que je n’ai pas évalué parce que sa connaissance ne m'est d'aucun secours. J’ajouterai immédiatement que les cultures aérobies n’en renferment pas non plus lorsqu’elles sont réalisées en bouillon de haricot en présence de 2 p. 100 de sucre et de 1 p. 100 de nitrate de potassium. Cela tient sans doute h la cause que je viens de signaler; mais il est bon cependant de ne pas perdre de vue que dans le bouillon de haricot, peu riche en azote, l’ammoniaque formée peut être assimilée en totalité ou en partie. Les milieux peptonés peuvent, au contraire, en raison de leur richesse en azote organique, favoriser la production d’ammoniaque par une voie différente de celle qui nous intéresse. Il faudrait donc recourir au procédé ordinaire qui consiste à faire le bilan de l’azote mis en jeu, pour montrer l’enrichis- sement de la culture en azote organique et ammoniacal, aux dépens de l’azote nitrique. 312 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR J’ai utilisé la méthode indirecte qui est tout aussi probante dans les conditions rigoureuses où je l’ai appliquée; mais avant d’en venir à ce point, je vais montrer d’abord comment on peut faire apparaître l’acide nitreux dans les cultures, et établir que ce composé est un terme de passage obligé de l’as- similation de l’azote nitrique. (A suivre.) L’OXYHÉMOGLOBINE PEUT-ELLE FONCTIONNER COMME [PEROXYDASE? par J. WOLFF et E. DE STGECKLIN (Travail du laboratoire de M. A. Fernbach). I Dès les premiers travaux sur les oxydases, avant meme que la distinction entre oxydase et peroxydase eût été établie, la question s’était posée de savoir si la fonction qui consiste à activer un peroxyde pouvait concourir et prendre part, dans f organisme, aux phénomènes d’oxydation biologique. O. Loew (1) a soutenu que l’activation des peroxydes par une peroxydase ne saurait se produire au sein d’organismes vivants en raison de la toxicité des peroxydes; ceux-ci ne pourraient donc, selon lui, exister dans les tissus sans y occasionner des troubles considérables. Bien que partageant cette opinion, Pfeffer a montré que cette toxicité est moindre qu’on ne l’avait supposé, puisque, ayant introduit de l’eau oxygénée dans les organes végétaux, ceux-ci ont continué à vivre malgré ce trai- tement. D'autre part, il ressort des expériences de Chodat et Bach (2) que certains champignons peuvent vivre et se développer nor- malement au contact d’un milieu contenant une notable quan- tité de peroxyde d’hydrogène. De plus, ces auteurs ont pu déceler (3) la présence de peroxydes dans certains végétaux. Quoi qu’il en soit, l’on n’a guère rencontré jusqu’ici, dans l’organisme animal ou végétal, de substances justiciables de la peroxydase; les expériences entreprises avec cet enzyme n’ont porté que sur des phénols et des amines généralement absents des liquides physiologiques, comme aussi des cellules vivantes. On peut par contre extraire normalement de végétaux divers : le bolétol, l’orcine, la tyrosine, l’alcool, l’acide salicylique, etc., qui sont attaqués par diverses oxydases. (1) O. Loew, U. S. Dept. of Agric., 68, 1900. (2) Chodat et Bach, Arcli. Société Physique. Genève, 17, 1904. - (3) R. Chodat, Abderhalden'sche Biochem. Arbeitsmethoden , 4, 44. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 314* Depuis peu cependant, S. Kostytschew (4) a réussi à oxyder certains produits de dégradation du glucose en faisant agir simultanément sur ces substances une peroxydase végétale et de l'eau oxygénée. Ces données sont-elles suffisantes pour conclure, avec Gabriel Bertrand, que la peroxydase n’est pas une diastase physiologique et que, dans l’organisme, le rôle oxydant est dévolu aux oxydases? Si les faits énoncés dans la dernière publication de Kostytschew se confirment, cette opinion deviendra bien hasardeuse. Quant à nous, nous réservons notre opinion en ce qui concerne le rôle possible joué par les peroxy- dases dans le mécanisme d’oxydation de la matière vivante. Toutefois, nous ne croyons pas inutile de répéter ici, au sujet de la constitution des enzymes oxydants, ce que nous avons déjà indiqué ailleurs (2). Nous ne considérons pas l’enzyme en lui-même, mais la fonction catalytique dont il est le support. Cette fonction est liée à la fois à un élément déterminé bien que variable, le fer par exemple, et à une fonction chimique d’où dépend la lahilité des agents actifs. Il est possible aussi que l’état colloïdal puisse intervenir dans ces phénomènes comme facleur important. Dans le cas des peroxydases, il semble bien que le fer puisse jouer un rôle ad if essentiel dans les actions particulières à ces enzymes ainsi que l’ont montré J. Wolff (3), Spitzer (h) et Gola (5). Néanmoins, on ne saurait affirmer que la présence de ce métal soit indispensable à ces actions puisque E. de Stoecklin (6), Rosenfeld (7) et Bach (8) ont obtenu des peroxy- dases exemptes de fer. Ces considérations ne représentent pas de simples vues de l’esprit, elles correspondent aux faits que nous avons observés et résument les conclusions que nous en avons tirées. Il impor- tait de les établir succinctement ici afin d'éclairer le lecteur sur (1) S. Kostytschew, Hoppe Seyle>''s Zeitschrift, jiiillct 1910. (2) J. \V«>lff et E. de Stoecklin, Ann. Pasteur, novembre 1909. (3) J. AVolff, Thèse de doctorat. Paris, avril 1910. C. R. de VAc. de Sc., T. CXLVI, p. 781, 1908. (4) Spitzer. Pflugers Archiv, 37, 613, 1897. (5) Gola, Ann. di Bolanica. V, 441, 1907. (6) E. de Stoecklin, Thèse, Genève, 1907. (7) Rosenfeld, Pharmac. Instit. Kaiser. Milit. Petersburg, 1906. (8) A. Bach, Beric-hte , 1910. L'OXYHEMOGLOBINE COMME PEBOXYÜASE 315 l’état d’esprit qui nous a guidés au cours de ces recherches et de fixer le point de vue qui en a déterminé la direction. II On sait depuis longtemps que la partie pigmentaire du sang exerce sur l’eau oxygénée un pouvoir catalytique manifeste. La réaction classique du bleuissement de la teinture de gaiac, sous l’influence de traces de sang et d’un peu de térébenthine vieillie, n’est qu’une illustration déjà ancienne des propriétés activantes des globules rouges. On sait aujourd’hui que l’es- sence de térébenthine n’intervient dans cette réaction que parce qu elle est le véhicule de petites quantités de peroxyde d’hydrogène qui se forment spontanément au sein du liquide, par contact prolongé de l'essence avec l’oxygène atmosphé- rique. On a montré que la fonction activante du sang est liée à l’hémoglobine et à l’oxyhémoglobine. Celle-ci est le produit cristallin qui se dépose des solutions salines du contenu des globules rouges. L’oxyhémoglobine fraîchement préparée est très soluble dans l’eau : elle contient une part d’oxygène libérable qu elle est susceptible de céder sous l’action du vide; on peut de la sorte la faire passer à l’état d’hémoglobine. En vieillissant elle devient de moins en moins soluble et fixe définitivement l oxy- gène libérable; elle subit de la sorte une transformation notoire bien que la forme cristalline primitive n’ait pas changé. Il y a eu pseudomorphose. Le produit ainsi formé porte le nom de méthémoglobine. Nous avons expérimenté la substance active du sang sous ses trois formes (1), et nous n'avons relevé entre elles aucune différence appréciable en ce qui concerne leur pouvoir peroxy- dasique. Nous en avons conclu que la propriété activante du produit cristallin est liée, non pas à la molécule cristalline dans son ensemble, mais, ce qui était conforme à nos prévi- sions, à un groupement moléculaire stable commun aux trois (1) Hémoglobine , oxyhémoglobine , méthémoglobine. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 316 formes citées, demeurant inaltéré au cours de ces transforma- tions. Du point de vue qui nous intéresse, il importe peu de savoir auquel de ces produits nous avons affaire. Nous désignerons désormais pour plus de simplicité par le terme d’oxyhémoglo- bine la substance active employée au cours de ces essais et qui est le produit de cristallisation du contenu des globules san- guins débarrassé des stromas. Tl importe pour ce qui va suivre de rappeler sommairement quelques-unes des données essentielles que la chimie nous fournit sur la composition de l oxyhémoglobine. C’est un com- posé ferroglobulinaire contenant du soufre et 0,308 p. 100 de fer, d’après Yila et Piettre (1). Ce corps est susceptible de se scinder pour donner naissance, d’une part à une globuline incolore et de l'aulre à des composés organiques colorés du fer. Au nombre de ces derniers nous citerons : l’hémoporphyrine, l’hématine, que Yila et Piettre ont obtenues à l’état cristallin; puis viennent d’autres dérivés : l’hémine, l’acétbémine de Nencki, extrêmement voisins de l’hématine. Bien que très fragile dans ses propriétés catalytiques ainsi que nous le verrons plus loin, on estime généralement que l’oxyhémoglobine résiste assez bien aux agents chimiques. Cependant Szreter (2) a montré récemment que ce corps est facilement attaqué par l’eau oxygénée, sous b influence de laquelle la substance se décolore en donnant un produit lamel- laire d’un poids moléculaire supérieur à celui du corps pri- mitif et plus riche que lui eu oxygène. I)e notre côté, nous avons fait l’expérience suivante : Dans un tube à essai on met en contact une solution contenant 10 millU grammes d’oxyhémoglobine exempte de catalase avec 2 centimètres cubes 1P01 2 à 2 p. 100 pendant trois minutes. Au bout de ce temps on voit la liqueur, qui tout d’abord s'est colorée en rouge très vif, se décolorer peu à peu et déposer au fond du tube un léger précipité. Si l’on ajoute alors une goutte d’acide chlorhydrique, puis une goutte de ferrocyanure de K, on voit aussitôt se produire la coloration due à la formation du bleu de Prusse. Dans un tube témoin où l’eau oxygénée a été remplacée par de l’eau dis- tillée, on n’observe ni précipité ni coloration par addition de HCl et de (1) Vila et Piettre, Comptes Rendus , p. 734 et 1044, 1905. (2) Szreter. Comptes Rendus, juillet 1910. L’OXYHÉMOGLOBINE COMME PEKOXYDASE 317 ferrocyanure. L'eau oxygénée a donc déplacé le fer dans l oxyhémoglobine ; ce point est important à retenir. Il est également utile de se souvenir que si l’oxyhémoglobine extraite du globule rouge sans intervention d’aucun agent chi- mique peut être considérée comme un produit physiologique, il n’en est pas de même des autres corps que nous avons men- tionnés et qui tous sont tirés de l’hémoglobine par destruction de la molécule; de sorte que lorsque l’on a affaire à l'un d’eux, on ne sait à quoi il correspond dans la molécule d’hémoglobine, ni même s’il correspond à un groupement chimique existanl dans cette substance. Lorsqu’on fait bouillir une solution d’oxyhémoglobine, la substance se coagule et il reste un liquide clair. L’addition d'une goutte de ferrocyanure au liquide colore en bleu de Prusse certaines parties du coagulum, ce qui montre bien que l’ébullition a détruit la combinaison globulinaire en dégageant le fer sous une forme ioni sable. L’oxyhémoglobine présente cette particularité curieuse d'un corps cristallin donnant avec l’eau une solution colloïdale. III Nous nous sommes demandé, étant donné ce qui précède, si l’oxyhémoglobine ne pourrait pas jouer un rôle catalytique analogue à celui d’un ferrocyanure du fer colloïdal mis en lumière par J. Wolff, c’est-à-dire remplacer les peroxydases -dans les réactions typiques de ces enzymes? La question est très controversée. Elle est grosse de consé- quences en raison du rôle physiologique important de 1 hémo- globine dans le phénomène de la respiration. L’action activante que l’oxyhémoglobine exerce sur l’eau oxygénée est indéniable, et les phénomènes d’oxydabilité aux- quels l’action simultanée de ces deux substances donne nais- sance sont nombreux. Nous avons cité le bleuissement de la teinture de gaïac. R. et O. Adler ont publié toute une liste de substances oxydables par le système oxyhémoglobine-peroxyde d'hydro- gène : amines, phénols, acides aromatiques, etc. Peut-on assi- 318 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR mi 1er ces oxydations à celles que provoquent les peroxydases et l’eau oxygénée? Nous ne le pensons pas pour les raisons suivantes : 1° La plupart de ces réactions ne se passent qu’en milieu acide ou alcalin; 2° la plupart des corps oxydés ne le sont pas par les enzymes oxydants; 3° aucun des produits d'oxydation obtenus n’est identique à ceux que l’on obtient par le moyen des peroxydases; 4° on peut arriver à produire les oxydations signalées par ces auteurs en remplaçant l’oxy- hémoglobine par la plupart des sels de fer. Or, on ne saurait confondre l’action catalytique des sels de fer vis-à-vis de l’eau oxygénée avec celle des peroxydases ; nous l’avons montré ailleurs il ), l'activation provoquée par les sels de fer (2) est d’une soudaineté et d'une violence qui ne sont point le fait des enzymes. • Si l'on se souvient maintenant que l'oxyhémoglobine est un corps très sensible à l'action destructive de l'eau oxygénée et si on considère, comme nous le verrons plus loin, que cette sensibilité s’accroît au contact des acides, des bases et des phénols, on comprendra que, dans ces conditions, la mise en liberté d'un composé de fer plus simple est inévitable. Dès lors, les faits signalés par O. et K. Adler n'ont rien que de normal et les oxydations qu'ils ont observées sont dues, selon toute probabilité, à l’action catalytique du fer séparé de l'hémo- globine. O L'admission de l’oxyhémoglobine, corps cristallise , au rang de peroxydase n'est pas sans présenter, pour notre esprit habitué à une autre conception des diastases, quelque chose de singulier et de choquant. En effet, lorsqu’on a comparé l’action catalytique de la substance pigmentaire à celle des autres peroxydases animales, on a trouvé des différences notables. La comparaison n'est pas heureuse. Ainsi il n’est pas certain, comme le croit Carnot (3), que la peroxydase de la salive soit d’origine animale; Gilbert et Lippmann (4) ont montré que le canal de Stenon est envahi par toute une flore (1) J. Wolfp et E. de Stokcklin, loc. cit. (2) E. de Stoecklin et Vulquin, Comptes Rendus de V Acad, des sciences , CXLII, 1904. (3) Carnot, Comptes rendus de La Soc. de Biologie , 373, 1094. (4) Gilbert et Lippmann, Comptes rendus de la Soc. de Biologie , 375, 1904. LOXY HÉMOGLOBINE COM ML PEBOXYDASE 319 anaérobie. Nous avons observé à ce sujet que, chez l’homme, la présence de peroxydase dans la salive est facultative. Pour ce qui est de la peroxydase de l'urine. Carrière (1 n’en a trouvé que dans les urines pathologiques. Il base son diagnostic sur le dégagement d'oxygène (confondant ainsi la peroxydase et la catalase) et sur la réaction du gaïacol, bien aléatoire lorsqu’on n'obtient pas de tétragaïacoquinone. D’autres ont recherché dans l’urine la peroxydase par le moyen de la teinture de gaïac; nous savons trop combien peu on peut se lier à celle réaction. Reste la peroxydase du pus que Abelous et Biarnès (2) ont réussi à faire passer dans les solutions salines; c'est la seule jusqu’ici qui ait donné des résultats constants. Encore est-on bien certain de n’avoir pas entraîné avec le pus des traces d'oxyhémoglobine? La présence d’autres peroxydases relevées dans les tissus est bien problématique, car il est difficile d’obtenir des macérations d’organes exemptes d'oxyhémo- globine. Nous ne voulons pas prétendre qu’il n'existe pas de peroxy- dases animales, mais simplement indiquer combien sont dan- gereuses et peu sûres les comparaisons que l'on peut être tenté d’établir entre l’oxyhémoglobline et les catalyseurs du même genre extraits de l’organisme animal. C’est pourquoi nous nous sommes attachés à n’établir de parallèle qu’entre l’oxy- hémoglobine et les peroxydases végétales; ces dernières sont du reste bien mieux étudiées que celles du règne animal. Lorsqu’on parcourt la littérature pour se renseigner sur la nature des phénomènes peroxydasiques dus à l'hémoglobine, on est étonné bien moins de la contradiction des opinions et de la diversité des interprétations qui ont été proposées pour élucider le problème que de l’obscurité qui règne dans le sujet et de l’absence de données permettant d’établir un critérium du phénomène. C’est ainsi que G. Bertrand (3) pense que le bleuissement du gaïac est dû à une action peroxydasique du pigment; (1) Carrière, Comptes rendus de la Soc. de Biologie , 51, 561, 1899. (2) Abelous et Biarnès, Arch. physiol., 30, 664, et Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 49, 285, 493, 576. (3) Bertrand, Bull, de l'Institut Pasteur , 398, 1904. 320 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Liebermann (1) attribue l’activité de la substance à la méthémo- globine. Pighini (2) croit à une scission hydrolytique de la molécule avec mise en liberté d’hydroxyde de fer colloïdal actif. Bredig (3), Palladin (4), Kostytschew (5), pour des raisons théoriques, estimant que l’oxyhémoglobine est un réservoir d’oxygène, lui refusent la fonction peroxydasique. Moitessier (6) ne croit pas non plus à l'action peroxydasique de ce corps; il base son opinion sur le fait que l’ébullition ne fait pas disparaître les propriétés catalytiques de l’oxyhémoglobine vis-à-vis des réactifs de Adler et de la teinture de gaïac. Nous avons fait justice du premier argument; pour ce qui est du bleuissement du gaïac, nous savons qu'il est aussi bien pro- voqué par les sels de fer que par les pcroxydases. Gessard (7) a du reste montré que cette réaction s'étend à presque tous les extraits d’organes. Moitessier attribue l’activité de Poxyhémoglobine à l'héma- tine, qui donne la réaction du gaïac, tandis que l’hémopor- phyrine ne la donne pas. Nous avons dit combien il est hasardeux de vouloir attribuer à l’hématine un rôle prépondé- rant dans l'action de l’hémoglobine. Czylharz et O. v. Fürth se rangent à l’opinion de Moitessier. Ces auteurs pensent trouver une confirmation de leurs vues dans les faits suivants : à savoir que l’hémoglobine est incapable de catalyser l’eau oxygénée en présence d’iodure de potassium et que, de plus, dans son action sur la leucobase du vert malachite en présence de peroxyde d’hydrogène, la courbe de la progression est tout à fait differente de celle que l’on obtient par l’emploi de la peroxydase du raifort. Nous avons déjà indiqué ailleurs (8) qu’il n’en est rien et que l’oxyhémoglobine se comporte vis-à-vis de l’iodure de potas- sium comme une peroxydase très active, et nous allons le montrer. Nous ferons voir également que la leucobase du vert fi) Liebermann, Pflüger's Arch ., 104, 108, 119, 489, 498. 2) Pighini, Arch. Physiol. , 4, 57. (3) Palladin, Hoppe Seyler's Zeitsch., 221, 1908. (4) Bredig, Anorganisch. Ferment ., 87, 1901. (5) Kostytchew, Hoppe Seyler's Zeitsc/i., juillet 1900. (6) Moitessier, Comptes rendus de la Soc. de Biologie. 56, II, 373, 1904. (7) Gessard, Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 55, 637, 1903. (8) J. Wolff et E. de Stoecklin, Comptes Rendus de L'Acad. des Sciences , août 1910. L’OXYHÉMOGLOBINE COMME PEROXYDASE 321 malacliite n’est pas justiciable de l’oxyhémoglobine, mais bien de l’hématine. Du reste, les auteurs se sont servis d 'hématine, et non pas d’oxyhémoglobine, pour faire leurs mesures. IY Si Ton n’a pas réussi jusqu’ici à mettre en évidence d’une façon nette les propriétés peroxydasiques de l'oxyhémoglobine, c’est que, d’une part, l'on n'avait pas de critérium assez sûr pour se guider et que, d’autre part, on n’a pas tenu compte de l’extrême fragilité de la fonction peroxydasique du corps en question. Nous espérons, au cours de ce travail, établir l’un et montrer l’autre. Lorsque Czylharz et v. Fürth ont tenté de réaliser la cata- lyse de l’eau oxygénée en présence d'iodure de potassium par l’entremise de l’oxyhémoglobine, ils se sont servis de la méthode de Chodat et Bach, qui consiste à doser l'iode déplacé de l’iodure en ajoutant de l'acide acétique très dilué, afin de neutraliser l’alcali mis en liberté à mesure qu’il se forme. On peut représenter les différentes phases de la réaction par les équations suivantes : 2 IK + H202= I5+ 2 KO II KOH -f CH3COOH = CH3COOK -f IPO. L’iode libre se dose alors par une solution titrée d’hyposulfite de soude. Opérant dans ces conditions, ces auteurs n’ont constaté aucune activation du phénomène; ils ont conclu de ce fait à l’inactivité de l’oxyhémoglobine dans cette réaction. Nous allons montrer qu’il n’en est rien; mais auparavant, nous indiquerons le mode opératoire auquel nous nous sommes arrêtés dans nos expériences, nous réservant de faire connaître en cours de route les raisons qui nous ont fait modifier la méthode préconisée par Chodat et Bach pour ces mesures. Nous nous sommes servis de fioles coniques d’une contenance de 80 à 80 centimètres cubes, dont une seule suffit pour les mesures de chaque essai. On introduit dans cette fiole 5 centimètres cubes dune solution — . 21 322 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR de IK, 10 centimètres cubes d'acide acétique ou de citrate disodique (suivant N les cas), au titre de—, quelques gouttes dune solution d’amidon servant d’indicateur, puis des quantités variables de catalyseur et, immédiatement après, 2 centimètres cubes d’eau oxygénée (Perhydrol Merck) à 1 ou 2 p. 100 suivant les cas. Au fur et à mesure de son apparition, on dose l’iode dégagé par une solution centime d'hyposulfite de soude, en ayant soin de noter bien exactement aux temps indiqués les quantités d'hyposulfite employées. Ces quantités consignées dans les colonnes de nos tableaux mesurent l'action catalytique. Les essais avec catalyseur ont été contrôlés par des essais témoins sans catalyseur et nous avons soustrait des chiffres fournis par les premiers ceux que nous ont donnés les seconds. Étant donné les variations que subit la catalyse de l’iode sous l’ influence de la température et des moindres changements dans la concentration de la solution de H202 si peu stable, les différents tableaux ne sont pas toujours rigoureusement comparables entre eux. Seuls, les essais d’un meme tableau, faits en une même série, sont parfaitement comparables. Reprenant les expériences de Czylharz et v. Fürth, nous n’avons pas tardé à nous apercevoir que si l’oxyhémoglobine paraît inerte, ce n'est pas par défaut de sa propriété peroxyda- sique, mais par son impuissance d’agir en présence d’acide acétique ; ce corps paralyse la fonction catalytique de l’oxyhé- moglobine, et cela proportionnellement à la concentration de l’acide. C’est ce qui ressort du tableau I. Nous avons vérifié que Faction inhibitrice de l'acide acétique s’étend aux acides en général, qu’elle est donc un effet de l'acidité libre et non pas de telle substance particulière. Chaque essai contient 5 c.c. IK, 2 c. c. H202, 5 milligr. oxy. hémogl. (sauf les témoins). On complète tous les essais à 17 centimètres cubes. On laisse le catalyseur 5 minutes en contact avec l'acide avant de mettre la réaction en marche. Tableau I. © Ü s TÉMOINS © O g -7— < . TEMPS &1 .x & 'O 2 c. c. 2 c. c. v— __ o 1/2 c. c. 1 c. c. 2 c. c. 5 c. c. 0 m. 30 c5 S. 0,20 0,20 tv 1,50 0,40 0,30 0,20 1 m. » 0,40 0,40 2,40 0,75 0,60 0,40 1 m. 30 S. 0,60 0.60 2,90 1,20 0,90 0,60 2 m. » 0,80 0.80 3,10 1,60 1,20 0,80 2 m. 30 s. 1 » 1 » 3,20 2 »> 1,50 1 » 3 m. » 1,20 1,30 arrêt. 2,40 1,80 1,20 4 m. » 1,60 1,70 — 3,20 2,40 1 » 5 m. » 1.90 — — 3,90 3,00 1,30 Exceptionnellement, ces chiffres n'ont subi aucune correction. L’OXYHÉMOGLOBINE COMME PEROXYDASL 323 Ce tableau montre bien que, en présence de 5 centimètres cubes d’acide acétique, dose habituellement employée pour les essais de cette nature, l’action catalytique de l’oxyhémoglobine est nulle. En réduisant à 2 centimètres cubes la dose d’acide on observe une action très faible qui va croissant à mesure que la quantité d’acide diminue. En se plaçant ici dans les meil- leures conditions, on ne peut obtenir, même d’une façon appro- chée, les effets que l’on observe avec les peroxydases végétales. A la suite de ces observations, nous avons pensé que l’on parviendrait peut-être à mettre en évidence les propriétés acti- vantes de l’oxyhémoglobine dans toute leur plénitude, en la faisant agir dans un milieu exempt d’acide libre, mais capable néanmoins de saturer la base déplacée dans la réaction. A cet effet, nous avons substitué à l'acide acétique le phosphate acide de potassium et les équations précédentes se sont trans- formées en celles-ci. 2 ik + IPO2 = i2 + 2 KOH KOH + P04IPK = P04IIK2 + IPO. Grâce à cette substitution, l'activation provoquée par l'hémo- globine est comparable, tant par l'intensité de son action que par la progression dans la marche du phénomène, à celle de n'importe quelle peroxydase végétale; c’est ce que montre le . tableau II. Tableau II. I II m IV V TEMPS 5 mgr. Oxyh. 5 mgr. Oxyh. . 2 mgr. Oxyh. 3 mgr. Oxyh. 5 mgr. Oxyh. 5 cent, cubes 5 cent, cubes 10 cent, cubes 10 cent, cubes 10 cent, cubes acide. acide. POTUK P04H2K PO‘H2K 0 m. 30 s. 0,10 0 » 1,25 1,75 2,70 1 m. » 0,30 0,15 2,15 2,90 4,30 1 m. 30 s. 0,60 0,30 2,75 3,75 5,80 2 m. » 0,90 0,45 3,10 4 , 35 6,60 2 m. 30 s. 1,20 0,55 3,50 4,60 7,50 3 m. » 1,50 0,70 3,65 4,95 8 » 4 m. » 1,70 0,90 3,90 5,20 9 « 5 m. » 2 » MO 4 » 6,30 9,80 Le phosphate bi basique que nous avons également expéri- menté s’est montré tout à fait empêchant à cause de sa basi- cité trop forte ; il s’en forme cependant de très petites quan- 324 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR tités au cours de la réaction avec le phosphate acide, mais» elles sont sans influence sur le catalyseur tant qu’il reste un excès de monophosphate. Celui-ci cependant n’est pas inof- fensif ; on peut s’en rendre compte facilement en comparant son action à celle du citrate disodique. C'est ce que nous montre le tableau III. Nous avons cherché, par l’emploi de divers sels, à réaliser les conditions de neutralité nécessaires au hon fonctionnement de l’oxyhémoglobine, et nous nous sommes définitivement arrêtés au citrate bibasique, acide à la phtaléine et alcalin à N l’orangé. Une solution u— de ce sel constitue le milieu de choix pour de telles expériences. Ce point ressort également du tableau III. Tableau III. l 2 3 4 5 TEMPS 5 mgr. Oxyh. 5 mgr. Oxyh. 5 mgr. Oxyh. 3 mgr. Oxyh. 3 mgr. Oxyh. 10 cent, cubes 10 cent, cubes 10 cent, cubes 10 cent, cubes 10 cent, cubes- PO'IPIv P04II2K POTPK PO’HUv citrate. 0 m. 30 s. 1,90 1,6 2 »» 1,5 2,1 1 m. » 3,20 3 ». 3,2 2,8 4,3 1 m. 30 s. 4,30 3,6 4 » 3,6 5,5 2 m. )) fi .» 4,15 4,5 4 » 6,2 2 m. 30 s, 5,5 4,40 5 » M 6,3 3 m. 5,9 4,70 5,3 4,5 7,2 4 m. 6,2 5 » 5,8 4,7 7,4 5 m. 6,5 5,20 6 » 4,9 7,7 Dans l’essai I, la réaction a été mise en marche sans contact préalable du catalyseur avee- lo milieu; dans l’essai II, il y a eu 6 minutes de contact préalable avec le phosphate; et dans l’essai III, 6 minutes de contact avec IK. Les essais IV et V sont sans contact aucun. Le tableau III nous montre qu’au contact de IIv (3) le cata- lyseur ne subit guère de retard dans son action ; le contact du phosphate monobasique (2) lui est au contraire très préju- diciable ; les nos 4 et 5 témoignent également de l’influence retardatrice du phosphate comparée à celle du citrate bibasique alcalin à l’alizarine et à l’hélianthine. Le citrate seul n’exerce aucune action inhibitrice sur l’oxyhémoglobine. Nous avons fait à ce sujet les mêmes observations que nous avons relevées à propos du phosphate, à savoir que la petite quantité de citrate tribasique qui se forme au cours de la réaction est sans influence sur la marche du phénomène ; nous avons de plus constaté que l’adjonction de petites quantités de citrate mono- L’OXYHÉMOGLOBINE COMME PEROXYDASE 325 sodique est également sans action. Toutefois, qu’il s'agisse de citrate tribasique ou de citrate monobasique, ces sels employés seuls empêchent la réaction de se produire. Cela n'a du reste rien d’étonnant pour le cas du citrate tribasique, ce sel ayant ses trois atomicités saturées. Un des facteurs les plus puissants delà destruction de l'oxy- hémoglobine est assurément l'iode qui se dégage dans cette réaction ; nous l'avons constaté par les expériences que voici : Si l’on met en train deux essais contenant 5 centimètres cubes IK, 10 cen- timètrescubes P04H2K, 2 centimètres cubes H202 à 2p. 100 et3 milligrammes d'oxyhémoglobine, et qu’on abandonne le premier à lui-même pendant cinq minutes avant de doser l’iode, au lieu de le saturer au fur et à mesure qu’il se dégage, comme dans le deuxième essai, on emploie dans le premier cas 4,2 c. c. et dans le second 5 c. c. de solution d’hyposulfite de soude. La même expérience répétée avec 5 milligrammes d’oxyhémoglobine donne respectivement 6,6 c. c. et 9,6 c. c. Ces chiffres montrent bien toute la toxi- cité de l’iode ; les différences entre les chiffres du premier et du second «ssai sont en effet d’autant plus considérables que la quantité d’iode mise en liberté a été plus grande. Du reste, lorsqu’on suit de près ces réactions, on observe au bout de deux minutes de contact de l’oxyliémoglobine avec l’iode une précipitation de la matière albuminoïde qui va en augmentant à mesure que le temps de contact se prolonge. Ce fait explique pourquoi nous n'obtenons de progression régulière dans l’effet activant de notre cata- lyseur que pendant l’espace de deux minutes. Chodat et Bach, ainsi que E. de Stoecklin, ont déjà mon- tré (1) qne l’eau oxygénée exerce une action destructive mar- quée sur la peroxydase du raifort ; nous avons constaté que cette action nuisible du peroxyde d'hydrogène se manifeste d’une façon bien plus considérable encore sur l’oxyhémoglo- bine. Tableau IV. — 2 centimères cubes H202 a 1 p. 100 par essai. Peroxydase du raifort, 3 gouttes. Oxyhémoglobine, 3 milligrammes. TEMPS I II ni IV V VI sans 3 m. contact 5 m. contact sans 3 m. contact 5 m. contact contact. avec H202 avec I1202 contact. avec H202 avec H202 6 m. 30 s. 1,65 1,30 1,20 M 0,50 0,10 1 m. ■ » 2,90 2,60 1 ,95 2,6 0,90 0,30 1 m. 30 s. 3,50 3,25 2,50 3,9 1,30 0,40 2 m. » 4,10 3,80 3 » 4,7 1,50 0,50 2 m. 30 s. 4,70 4,20 3,35 5,3 1,90 0,60 3 m. » 5,10 4,55 3,70 6 » 2,05 0,65 4 m. » 6 »> 5,10 4,20 7,0 2,40 0,80 5 m. » 6,40 5,50 4,55 7,9 2,65 1,15 (1) E. DE Stoecklin, Thèse, Genève, 1907. 326 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR La peroxydase végétale qui nous a servi dans ces essais a été extraite du raifort par précipitation alcoolique et dissoute ensuite dans l’eau à une concentration telle qu’une goutte de sa solution correspondait, comme activité, à 1 milligramme d’oxyhémoglobine. Ainsi qu'on peut le voir en comparant les nos I et IV du tableau, l’oxyhémoglobine se montre non seule- ment plus active que cette peroxydase, mais elle imprime encore à la réaction une marche plus conforme à la règle indi- quée par Chodat et Bach que la peroxydase du raifort elle- même. C'est donc bien à une action peroxydasique que nous avons affaire. Ce tableau fait voir en outre l'extrême sensibilité du cata- lyseur animal vis-à-vis de l’eau oxygénée ; le tableau sui- vant fait ressortir mieux encore cette action inhibitrice du peroxyde ; de plus, il met en lumière un fait curieux, à savoir que le citrate, sans action par lui-même sur Foxyhémoglobine, favorise par sa présence Faction inhibitrice du peroxyde. Tableau Y. — 2 centimètres cubes II202 a 1 r. 100, 5 MILLIGRAMMES OX YHÉMOGLOBINE. TEMPS I II Ill 0 m. 30 s. 1,6 0,75 » 1 m. )) 3,2 1,40 0,10 1 m. 30 s. 1,90 0,15 2 m. b 5,6 2,30 0,20 2 m. 30 s. 6,4 2,60 0,35 3 m. )> 7 »> 3 » 0,50 4 m. » 8 »> 3,60 0,80 M 0 m. )) 9 »> 4 *> 1,10 L’essai I a été conduit normalement; dans l’essai II, on a mis en contact l’oxvhémoglo- bine 5 minutes avec IPO2 avant de faire partir la réaction; l’essai III a été fait comme II sauf qu’on a mis le catatyseur en contact à la fois avec H202 et avec le citrate. Nous avons indiqué plus haut les causes qui font que l'hémo- globine perd ses propriétés peroxydasiques au contact de l’eau oxygénée ; nous venons de montrer également que Faction nocive de l'iode est le résultat de son action destructive qui précipite la matière globulaire active ; il nous reste à définir le rôle inhibiteur de Facide acétique. A cet effet, nous avons institué les expériences suivantes : L’OXYHÉMOGLOBINE COMME PEROXYDASE 327 On prépare une série de flacons contenant chacun 5 centimètres cubes d’acide acétique — dans lesquels on ajoute 5 milligrammes d’oxyhémoglo- bine. On laisse les deux substances en présence pendant des temps très exactement mesurés, au bout desquels on neutralise exactement l’acide introduit par une quantité correspondante de soude, puis on met la réaction en marche comme d’habitude en présence de citrate disodique ; voici les résultats obtenus. Tableau VI. I II III IV V VI VII VIII TEMPS Essai normal sans acide. 10 sec. de contact. 5 min. de contact. 20 min. de contact. 2 h. 1/2 de contact. 48 h. de contact. 72 h. de contact. 72 h. de contact av. H30 sans ac. 0 m. 30 s. 1,40 1,40 0,60 0,35 0,50 0,35 0,25 1,20 1 m. » 2,85 2,60 1,35 0,90 1 »» 0,70 0,45 2,65 1 m. 30 s. 4,20 3,60 2 »» 1,45 1,45 1,05 0,60 3,65 2 m. » 5,15 4,45 2,45 1,95 1,95 1,35 0,80 4,65 2 m. 20 s. 6 » 5,25 2,90 2,25 2,25 1,60 0,95 5,35 3 m. » 6,65 6,95 3,20 2,55 2,50 1,75 1,05 5,45 4 m. » 7,85 7,15 3,90 3,15 3.50 2,20 1,25 6,90 3 m. » 8,70 8 » 4,40 3,60 3,40 2,50 1,40 7,65 Si l'on compare ce tableau au premier, Ja première conclu- sion qui s’impose est que l’acide acétique est empêchant par le fait de la réaction acide, puisque le fait de neutraliser l’acide rend au catalyseur la presque totalité de son énergie si le temps de contact est court. Si l’on pousse l’observation plus avant, on constate que l’acide acétique exerce en plus sur le cataly- seur une action destructive croissante qu’on ne peut remonter en neutralisant la liqueur; il est probable qu’à la longue l’acide acétique dédouble l’oxyhémoglobine. L’eau seule ne produit pas ce dédoublement, ainsi qu’en témoigne la dernière colonne de ce tableau. Nous savons que l’oxyhémoglobine est un corps très instable ; il importait de savoir si elle conserve ses fonctions peroxyda- siques en vieillissant. Un autre problème de la plus haute importance se posait à notre esprit : ces propriétés peroxyda- siques de l’hémoglobine lui sont-elles bien particulières ou bien sont- elles le produit d’une impureté accompagnant le dépôt pigmentaire cristallin. Le tableau VII répond aux deux questions: 328 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Tableau VII. TEMPS 0 m. 30 s. 1 m . » 1 m. 30 s. 2 m. » 2 m. 30 s. 3 m. » 4 m. » 5 m . » I Oxyhémogl. 5 milligr. vieille de 1 jour. 1,80 3,60 4.80 6.80 6,70 7,20 8,40 9,30 II Oxyhémogl. 5 milligr. vieille de 75 jours. 1,40 2,60 3.60 4,50 o,20 5,90 6,80 7.60 III Oxyhémogl 5 milligr. vieille de 5 ans. 1.15 2.15 2.85 3,40 3.85 4.15 4,60 4.80 IV Oxyhémogl. 5 milligr. -Jre cristallisation. 1.30 2.70 3.70 4,50 5,15 5,65 6.30 6.80 V Oxyhémogl. 5 milligr. 2e cristallisation 1,45 3 » 3,95 4.90 5,55 6,15 6.90 7,85 Il ressort de la première partie de ce tableau que l’oxyhémo- globine conserve son action en vieillissant, bien que le produit frais possède une activité supérieure au produit ancien ; ceci est bien conforme à ce que bon observe chez tous les enzymes en général. La seconde partie du tableau nous montre que le produit le plus pur est aussi le plus actif; il est donc certain que Faction peroxydasique est liée à Foxyhémoglobine et non pas à une impureté l’accompagnant. Afin de ne pas surcharger ce mémoire de chiffres et de tableaux, nous allons résumer ici la suite de nos expériences et en donner la substance. Tout d'abord, nous avons comparé entre elles différentes peroxydases que nous avons fait réagir sur Fiodure de potas- sium, concurremment avec Foxyhémoglobine; nous avons observé qu’en choisissant un milieu convenable, les peroxy- dases du raifort, de l'extrait de malt et de la salive se com- portent comme Foxyhémoglobine; leur action catalytique imprime au phénomène une marche qui s’exprime graphique- ment par une courbe tout à fait analogue à celle que l'on obtient avec le composé ferro-globulinaire. Il convient néan- moins d’ajouter que les milieux au phosphate et au citrate, qui sont ceux qui conviennent à Foxyhémoglobine, ne permettent pas aux autres peroxydases d’agir. Nous avons vu que l’inverse est également vrai. L’oxyhémoglohine agit à doses infinitési- males; son action, comme celle des peroxydases végétales, est proportionnelle à sa masse. Quant à l'eau oxygénée, elle n'est activée qu’à partir d'une concentration donnée; l’influence de 329 L'OXYIIÉMOGLOBINE comme peroxydase la dose de peroxyde joue d’ailleurs un rôle considérable sur la marche de la réaction; son action n’est pas directement pro- portionnelle à sa masse ; elle ne suit pas dans la réaction la loi de Guldberg et Waage. C’est ainsi que, dans les conditions de nos expériences, c’est-à-dire en opérant avec 23 centimètres cubes de liquide total environ et 3 milligrammes d’oxyhémo- globine, 2 centimètres cubes d'eau oxygénée à 0,1 p. 100 sont insuffisants pour amener le déclanchement du phénomène catalytique. 11 faut une quantité de peroxyde cinq fois supé- rieure, soit 2 centimètres cubes à 0,5 p. 100, pour obtenir un effet appréciable; si, dans ces conditions, on dose l'iode mis en liberté au bout de cinq minutes, on obtient le chiffre de N 1,75 centimètre cube mesuré en hyposulfite de soude Si l'on double la dose en employant 2 centimètres cubes H*02 à 1 p. 100, le chiffre d'hyposulfite monte brusquement à 6,10 centimètres cubes. Si l’on augmente encore la concentra- tion du peroxyde, la quantité d'hyposulfite s’élève encore, mais faiblement; la réaction subit ensuite une régression et faiblit. On voit donc que pour obtenir l'effet catalytique optimum, il faut faire la part de ces divers facteurs. Quelques essais préparés avec de l’oxyhémoglobine conte- nant une faible proportion de catalase nous ont montré que ce dernier enzyme ne diminue pas sensiblement l'action peroxy- dasique de V o xy hémoglobine . Les deux phénomènes catalytiques provoqués, l'un par la catalase et l’autre par la peroxydase, coexistent, et le partage de leur action se fait normalement. Y Ainsi que nous l’avons mentionné plus haut, Czylharz et v. Fürth, n’ayant pas réussi à activer l’action de l'eau oxygénée sur l’iodure de potassium par l'intermédiaire de l'oxyhémoglo- bine, ont cru pouvoir conclure de ce fait que cette substance ne possède pas les propriétés catalytiques des peroxydases. Afin d’établir plus fortement le bien fondé de leur opinion, ces auteurs ont imaginé de choisir, parmi les phénomènes cataly- tiques dus à l’oxyhémoglobine réagissant sur l'eau oxygénée, 330 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR une réaction facile à mesurer et de mettre en parallèle, dans cette réaction, l’oxyhémoglobine avec la peroxydase du raifort. Ils ont eu recours, à cet effet, à la leucobase du vert malachite en solution acétique qui, mise en contact avec de l’eau oxy- génée, se transforme peu à peu en une belle matière colorante verte (vert malachite) sous l’influence, soit de l’oxyhémoglo- bine, soit d'une peroxydase. On mesure l’intensité de la réac- tion au spect»’oscope. Or, Czylharz et v. Fürth (1) ont observé que la réaction provoquée par la peroxydase végétale suit dans sa marche la meme courbe que celle que donnent Chodat et Bach pour cet enzyme agissant sur IK, tandis que l'oxyhémo- globine imprime à la réaction une progression différente pou- vant se représenter graphiquement par une ligne droite. Nous avons vu par nos expériences que l’acidité du milieu suffit pour abolir, chez l’oxyhémoglobine, toute action peroxy- dasique et que si la réaction avec la leucobase se produit en suivant une marche différente, elle est due à une fonction catalytique autre que celle que nous avons mise en évidence avec l’iodure de potassium et que nous avons caractérisée comme peroxydasique ; du reste, le verdissement de la leuco- base persiste même après que la fonction peroxydasique de l’hémoglobine a été abolie par l’ébullition. De plus, nous avons observé qu’on retrouve dans l'hématine et dans la plupart des dérivés de l’hématine ce même pouvoir d’oxyder la leucobase du vert malachite eu présence de peroxyde. Czylharz et v. Fürth (2) ont fait la même observation, si bien que, dans leurs expériences, ils se sont servis, pour mesurer l’action catalytique du pigment, non pas d’oxyhémoglobine, mais d’hématine et d’acéthémine. En poursuivant les mêmes expériences avec la peroxydase du raifort, nous avons constaté que la réaction du vert malachite demandait, pour se produire, des quantités relativement massives du catalyseur végétal. De (1) V. Czylharz et V. Fürth. BeitrCige zur chem. Physiologie u. Pathologie , t. X, p. 358, 1907. (2) Comme nous l’indiquons à plusieurs reprises au cours de notre travail, Czylharz et V. Fürth se sont attachés à démontrer que l’oxyhémoglobine est dénuée des propriétés d’une peroxydase. Nous ne nous expliquons pas com- ment, dans une note récente (C. R., 16 janv. 1911), parue pendant l’impression du présent travail, MM. G. Bertrand et Rogosinski ont pu attribuer à ces auteurs une opinion exactement contraire. L’OXYHEMOGLOBINE COMME PEHOXYDASE 331 deux solutions de peroxydase, l’une impure et peu active, 1 autre débarrassée de nombreux éléments inutiles, très active, celle qui s’est montrée la plus énergique dans son action sur la leucobase était précisément la première. Or, la première conte- nait une quantité de fer notable que la seconde avait perdu en partie. Dans ces conditions, nous sommes fondés à dire que la réac- tion du vert malachite n’est pas justiciable de la fonction peroxydasique de l’oxyhémoglobine, mais bien du groupement . hématique stable contenu dans cette substance, et que, si les peroxydases végétales étendent leur action à cette base, il n’est pas improbable que cette action émane d’un groupement fer- rique particulier accompagnant la matière active. A ce propos, il nous a paru nécessaire d’établir une distinc- tion entre les actions peroxydantes et les actions peroxyda- siques. Les premières sont des phénomènes d’activation des per- oxydes d’ordre général, elles semblent liées à l’ion métallique, leur déclanchement brusque et rapide ne se poursuit que pen- dant un temps très court; leur action n'est spécifique ni par les substances sur lesquelles elle s’exerce, ni par les produits d’oxy- dation formés, qui sont généralement multiples et indéfinis. Les actions peroxydasiques, au contraire, dans leur activa- tion des peroxydes, ont pour particularité de diriger la réaction dans un sens précis et bien délimité; elles semblent liées a un groupement moléculaire particulier où l’élément métallique introduit dans le complexe active un état de labilité spécial qui détermine sa spécificité. Cette spécificité est manifeste autant par les corps attaqués que par les produits fixes qui en résultent. De plus, les actions peroxydasiques sont caractérisées par un déclanchement relativement lent de la réaction se pour- suivant ensuite pendant un temps assez long. La confusion qui règne dans les idées touchant les phéno- mènes qui nous occupent provient précisément du fait que jusqu'ici on n’a pas établi nettement la différence qui existe entre les actions per oxydant es et les actions peroxydasiques. Mais les propriétés peroxydasiques de l’oxyhémoglobine ne s’arrêtent pas là, leur analogie avec celles des peroxydases végétales va plus loin. 332 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Nous avons mentionné plus haut déjà les expériences de O. et R. Adler, dans lesquelles ces auteurs oxydent toute une série de composés organiques au moyen du système oxyhémo- globine eau oxygénée, et nous avons dit pourquoi nous ne pou- vons pas assimiler ces phénomènes à ceux que provoquent les peroxydases. Nous estimons que ces réactions sont du même genre que celles que l'on obtient par l’emploi des sels de fer et du peroxyde d’hydrogène. Nous pensons que ces réactions ne sont pas attribuables à l’oxyhémoglobine proprement dite ou, tout au moins, pas au même groupement actif que celui qui provoque la catalyse de beau oxygénée en présence d’iodure de potassium, mais au groupement organométallique stable qui se trouve à la base de l’hématine et de ses dérivés : ce sont des actions peroxydantes qui sont ici en jeu et non pas des phéno- mènes peroxydasiqnes. Si l'on examine dans les expériences de R. et O. Adler celles qui portent sur les phénols employés comme substrata d’oxy- dation des peroxydases, on constate que ces auteurs n'obtien- nent, comme produit final de la réaction, aucun des précipités caractéristiques de ces enzymes. Nous avons indiqué ailleurs (1) et nous insistons encore sur l'importance du produit final d’oxydation dans la caractérisation des phénomènes oxyda- siques. Nous adressant aux trois phénols les plus couramment employés dans cet ordre de recherches : l'hydroquinone, le pyrogallol et le gaïacol, nous sommes parvenus à les trans- former en quinhydrone, purpurogalline et tétragaïacoquinone en les soumettant, avec certaines précautions, à l’action de l’oxyhémoglobine et de l’eau oxygénée. Disons de suite que l’oxyhémoglohine bouillie conserve ses propriétés oxydantes, mais ne fournit plus alors, avec ces phénols, les substances cristallines que nous avons mentionnées et qui sont spécifiques des peroxydases. Ici donc, l’action peroxydante persiste après la disparition du phénomène peroxydasique. Si ces réactions si CARACTÉRISTIQUES N’ONT PAS ÉTÉ MISES EN ÉVIDENCE PLUS TÔT, IL FAUT L’ATTRIBUER A L’EXTREME FRAGILITÉ DE LA FONCTION PEROXYDASIQUE DE l’oxybémoglobine. Le groupement labile de cette substance est (1) J. Wolff et E. de Stoecklin. Annales de l'Institut Pasteur, novembre 1909. L’OXYHEMOGLOBINE COMME PEROXYDASE 333 très sensible à l'action caustique des phénols, ce qui fait qu’on ne peut obtenir le résultat cherché qu’en se servant de solutions phénoliques très diluées. Or, la réaction n’est possible avec l’hydroquinone qu’à l’aide d’une solution saturée du phénol ; aussi est-il nécessaire, pour arriver au but, d’employer des doses relativement massives d’oxyhémoglobine. Dans ces condi- tions, il se forme au bout de peu de temps de beaux cristaux noir vert de quinhydrone. Pour le pyrogallol, la solution doit être abaissée bien au- dessous de la concentration usitée en pareil cas pour les recherches peroxydasiques ; la liqueur jaunit et se trouble peuà peu sous l’influence du catalyseur et du peroxyde, etilse dépose, au fond du vase où se passe la réaction, un dépôt jaune rouge formé, en partie, de cristaux de purpurogalline qu’on reconnaît par la belle coloration bleue qu'ils donnent en présence d’am- moniaque, en partie d’un précipité de globuline détaché de l’oxyhémoglobine sous l’influence destructive du phénol. 11 est utile pour obtenir un résultat net d’ajouter au liquide en expérience 1 à 2 centimètres cubes de citrate disodique ou de N phosphate monobasique — , qui facilitent la réaction. Avec le gaïacol, on suit la même technique en agitant sans arrêt le récipient où se poursuit le phénomène ; au bout de peu de temps les cristaux de tetragaïacoquinone se déposent. Il est ici nécessaire d’avoir recours au citrate ou au phosphate. VI Arrivés au terme de notre exposé, nous résumons les points acquis dans les conclusions suivantes : 1° L’oxyhémoglobine réagit vis-à-vis de l’iodure de potas- sium et de l’eau oxygénée à la manière d’une peroxydase végétale, tant au point de vue de l’intensité de son action catalytique qu’à celui de la progression qu’elle imprime à la réaction. En effet, si l'on représente les phénomènes provoqués par l’oxyhémoglobine et la peroxydase du raifort par un gra- phique, tous deux s’expriment par des courbes analogues. 2° L’acidité libre, même en trace, gêne considérablement 334 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR la réaction; elle va parfois jusqu’à l’annihiler complètement. L’effet de l’acide est double; il agit à la fois comme paralysant de la réaction et comme destructeur de Loxyhémoglobine. 3° Les sels acides tels que le phosphate monobasique exercent également une action inhibitrice appréciable sur Loxyhémoglobine. Parmi tous les sels essayés, le citrate biba- sique est celui qui convient le mieux à l'action du catalyseur. Les sels basiques à dose massive et les bases libres à faibles doses sont absolument empêchants. Le sérum sanguin entrave la réaction. 4° Le produit de la réaction, l’iode, est un puissant agent de destruction de l oxyhémoglobine ; aussi faut-il avoir soin de le saturer, au fur et à mesure qu’il se dégage, par de l’hypo- sulfite de soude, pour obtenir des résultats favorables. 5° L eau oxygénée exerce également une action nocive considérable sur L oxyhénioglobine, aussi ne faut-il l’employer qu'avec précaution et à une grande dilution. 6° Les fonctions peroxydasiques de Loxyhémoglobine appar- tiennent également à la méthémoglobine; elles disparaissent par l'ébullition. 7° Les fonctions peroxydasiques de Loxyhémoglobine sont distinctes des fonctions catalytiques peroxydantes qui persis- tent dans ce corps après qu’il a été soumis, soit à l’ébullition, soit à l'action des acides ; ces dernières sont du même ordre que celles que provoquent dans les mêmes conditions l’hématine et ses dérivés. 8° Les propriétés peroxydasiques de l oxyhémoglobine appar- tiennent bien à un groupement de la molécule cristalline de la substance pigmentaire du sang et non pas à une impureté. Ces propriétés persistent dans la molécule, même après plusieurs années, bien que subissant avec le temps un certain affai- blissement. 9° L’action peroxydasique de Loxyhémoglobine se poursuit normalement en présence de très petites quantités de catalase; les deux enzymes semblent se comporter comme si chacun d’eux agissait seul. 10° L oxyhémoglobine réagit comme la peroxydase du raifort, soit sur l'hydroquinone, soit sur le pyrogallol, soit sur le gaïacol pour former à partir de ces corps des produits cristallins définis. L’OXYIIÉMOGLOBIINE COMME PEROXYDASE 335 Ces faits nous permettent d’affirmer qu’il n’existe pas de différences essentielles entre loxyhémoglobine et les peroxy- dases végétales. Y 11 Nous avons montré que l’oxyhémoglobine possède des pro- priétés peroxydasiques indiscutables; il est possible qu’à titre exceptionnel cette fonction du pigment sanguin trouve effecti- vement à s’exercer dans l’organisme, mais on ne saurait tou- tefois accepter cette conjecture qu’à titre d'hypothèse. Nous considérons é oxy hémoglobine comme un catalyseur oxydasique d'un caractère particulier , concourant dans une certaine mesure au phénomène de la respiration , et qui doit une partie de son activité à la forme spéciale sous laquelle le fer est engagé dans la molécule . En mettant en évidence les propriétés peroxydasiques de l’oxyhémoglobine, nous n’avons pas eu la prétention de faire ressortir le rôle physiologique de cette substance en tant que peroxydase; d’au Ire part, il résulte pour nous, d’expériences en cours, que les phénomènes de fixation et de cession d’oxygène par l’hémoglobine diffèrent à bien des égards de ceux que nous avons étudiés jusqu’ici avec les oxydases. D’une façon générale, nous pensons que le rôle dévolu aux enzymes oxydants (laccase, tyrosinase) dans l’organisme est accessoire, ou se borne à des actions purement locales. Le phénomène respiratoire de la cellule nous semble différer sensiblement des actions oxydasiques particulières, telles que nous les connaissons aujourd’hui. Cet exposé n’est qu’une indication. Des recherches plus approfondies dans ce domaine demandent à être poursuivies; c'est à quoi nous allons nous consacrer. Octobre 1910. SUR LE SORT DES COMPOSANTS DU SUC PANCRÉATIQUE AU COURS DE SON ACTIVATION par M. NICOLLE et E. POZERSKI. Dans le but d’élucider diverses questions de biologie géné- rale, nous avons été amenés à expérimenter sur le suc pancréatique. Les déductions théoriques qui découlent des recherches rapportées ici et de celles que nous publierons ultérieurement seront présentées en temps et lieu. Nous dési- rons montrer simplement, aujourd’hui, ce que deviennent les composants du suc lorsqu’il passe de l’état inactif à l'état actif, mentionnant très brièvement les faits déjà connus et insistant sur les autres en proportion de leur nouveauté. Le suc inactif contient : une gangue albuminoïde, que nous désignerons sous le nom, volontairement imprécis, de subs- tance fondamentale (1) ; des enzymes vrais (nous n'envisa- gerons que l’amylase et la monobutyrinase), des enzymes bruts (nous n’envisagerons que la gélatinase et l’albuminase, sans nous demander, maintenant, si elles diffèrent qualitativement ou quantitativement l’une de l’autre) ; un poison brut (très- mal connu jusqu’à nos recherches). Lorsque l’on active le suc, voici ce que l'on remarque objec- tivement : autodigestion (disparition progressive de la subs- tance fondamentale) ; disparition progressive de l’amylase et de la monobutyrinase ; transformation des protéases brutes en enzymes vrais, puis disparition progressive de ceux-ci ; trans- formation du poison brut en poison vrai (escharifiant), puis disparition progressive de celui-ci. Telle est l'histoire que nous nous proposons d’exposer, avec le moins possible de commen- taires. Aütodigestion du suc. Nos études ont porté sur le suc pancréatique de chien (fistule temporaire — injection intraveineuse de secrétine). Comme (1) Comme nous l’avons fait, avec G. Loiseau, pour la gangue albumi- noïde ou substance propre des bacilles diphtériques ( ces Annales , février 1911). — M. N. SUR \Æ SORT DES COMPOSANTS DU SUC PANCRÉATIQUE 337 activateur , nous avons employé d'ordinaire l'entérokinase, mise gracieusement à noire disposition par M. Carrion. Il suffit de faire macérer celle-ci (titre habituel : 10 p. 100) une demi-heure, à 37 degrés, dans 1 eau physiologique, et de filtrer ensuite sur bougie, pour obtenir un liquide de grande efficacité. En partant d’une provision convenable de kinase, on assure la compara- bilité des expériences. Lorsque Ton remplace le produit précé- dent par du suc intestinal de chien (recueilli chez un animal porteur d une fistule düodénale), passé sur Berkefeld, on observe les mômes phénomènes fondamentaux. Le suc pancréatique subit, dès qu’on l'additionne de kinase (ââ), une autodigestion fatale et progressive. L’emploi de l’acide trichloracétique, comme réactif, révèle, en effet, la pré- sence d’un coagulum de moins en moins abondant et finale- ment nul. A la disparition des albuminoïdes naturels corres- pond l’apparition de peptones et jamais d’albumoses. Technique. — On fait bouillir, rapidement, les mélanges étudiés avec volume égal d’acide trichloracétique à 10 p. 100. On jette sur filtre taré. On lave à l’eau bouillante. On dessèche le filtre (105 degrés' . On pèse le précipité. — Le liquide clair, qui a traversé le filtre, reste parfaitement limpide après refroi- dissement (absence d’albumoses, ; alcalinisé par la lessive de soude et additionné de sulfate de cuivre, il donne la réaction du biuret 'présence de peptones). Ayant observé qu'à 40 degrés, température habituellement choisie dans les expériences sur le suc pancréatique, l'auto- digestion évolue trop lentement pour que l'ensemble des phé- nomènes s'accomplisse dans une journée : convaincus, d'autre part, que cette autodigestion pourrait avoir lieu à des tempé- ratures supérieures, nous avons opéré à 30 degrés, puis à 60 degrés. A 30 degrés, les mélanges étudiés perdent la moitié de leurs albuminoïdes coagulables en deux heures, la totalité en quatre heures. A 60 degrés, la moitié en vingt minutes, la presque totalilé en une heure (passé ce temps, Faction s’arrête ; il était donc inutile de s’élever au-dessus de 60 degrés). Disparition de l’amylase et de la monobutyrinase. Technique. — Amylase. On porte, à 50 degrés, 50 centimètres cubes d’empoi- d’amidon (1 p. 100) ; on ajoute i centimètre cube du mélange « suc + kinase » 99 338 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR (qui se trouvait, selon les cas, à 50 ou à 60 degrés) et, après cinq minutes, on fait bouillir et dose le sucre par la liqueur de Fehling. — Monobulyrinase. On porte, à 50 degrés, 20 centimètres cubes de monobutyrine (1 p. 100) ; on ajoute 1 centimètre cube du mélange « suc + kinase » (qui se trouvait, selon les cas, à 50 ou à 60 degrés) et, après cinq minutes (ou, encore mieux, dix), on fait bouillir et dose l’acide libre par la soude centinormale. — On fait, bien entendu, des témoins (amylase et monobutyrinase) avant l'activation. A 50 degrés, l’amylase disparaît progressivement ; après une heure, elle a perdu la moitié de son activité ; après deux heures, elle est réduite au septième; après trois heures, au dixième; puis elle devient rapidement indécelable. A 60 degrés, réduction de moitié après trente minutes ; affaiblissement considérable après une heure ; puis, disparition totale. A 50 degrés, la monobutyrinase a perdu la moitié de son activité après une heure ; après deux heures, elle est réduite au quart ; après trois heures, on n’en trouve plus que des traces. A 60 degrés, réduction de moitié après trente minutes ; après une heure, simples traces. Par conséquent, l’amylase et la monobutyrinase disparaissent, à 50 degrés, avant F autodigestion complète du suc et, à 60 degrés, au moment où cette autodigestion, presque totale, va définitivement s’arrêter. Apparition, puis disparition des protéases « vraies ». Pour apprécier l’évolution des enzymes protéolytiques vrais qui apparaissent puis disparaissent au cours de l'activation du suc (plus encore que pour suivre le fléchissement progressif de l’amylase et de la monobutyrinase), il était indispensable de réaliser des expériences susceptibles de fournir une réponse très rapide, des « expériences de cinq minutes à 50 degrés ». Aucune difficulté en ce qui concerne la gélatinase , car, à son maximum d’activité, elle attaque presque instantanément la gélatine. Il n’en va pas de même de F albuminase , vis-à-vis de son réactif habituel, le blanc d’œuf coagulé. Durant la lente digestion de celui-ci, le suc kinasé continue à subir des modifications qui rendraient illusoire toute appréciation quantitative, même grossière, du ferment étudié. 11 fallait donc chercher ailleurs. Nous avons trouvé un test-objet excellent dans le sérum de cheval, préalablement additionné SUR LE SORT DES COMPOSANTS DU SUC PANCRÉATIQUE 339 de quatre parties d’eau physiologique et porté cinq minutes à 4 00 degrés. Gélatinase. Technique. — On fait fondre, à 50 degrés, 2 centimètres cubes de gélatine (solution à 10 p. 100 dans l’eau physiologique) ; on ajoute 1 centimètre cube du mélange « suc + kinase » (qui se trouvait, selon les cas, à 50 ou à 60 degrés) et, après cinq minutes à 50 degrés, on refroidit sous un courant d'eau. A 50 degrés, la gélatinase n'est pas encore apparue après trente minutes ; après une heure, son activité lui permet de liquéfier complètement le tube de gélatine ; après six heures, cette activité n’a point varié, mais elle fléchit ensuite et dispa- raît peu à peu. A 60 degrés, activité maxima après dix minutes; efficacité encore conservée après une heure et demie ; dispa- rition après deux heures. Par conséquent, à 50 degrés, l’apparition de la gélatinase suit de près le début de l'autodigestion du suc ; l’activité maxima est atteinte avant que cette autodigestion ne soit arrivée à moitié; elle se maintient, ensuite, après la disparition des albuminoïdes coagulables. A 60 degrés, l’apparition de la gélatinase suit de plus près le début de l’autodigestion ; l’efficacité se maintient au cours de celle-ci et disparaît après quelle a atteint son état stationnaire. Albuminase . Technique. — On porte, à 50 degrés, 2 centimètres cubes de sérum de cheval (préparé comme il a été indiqué plus haut) ; on ajoute 1 centimètre cube du mélange « suc + kinase » (qui se trouvait, selon les cas, à 50 ou à 60 degrés) et, après cinq minutes à 50 degrés, on dose les albuminoïdes coagulables par l'acide trichloracétique, d’après la méthode ordinaire. On fait, à l’aide de témoins, la somme des albuminoïdes coagulables contenus, d'une part dans le sérum de cheval, d’autre part dans le mélange étudié (au moment de chaque prise) ; et l’on compare le chiffre obtenu avec celui que donne le titrage du mélange « suc actif -j- sérum » ayant séjourné cinq minutes à 50 degrés (en négligeant l’autodigestion du suc pendant ce temps très court, erreur des plus vénielles). A 50 degrés, l’albuminase n’est pas encore apparue après trente minutes ; après une heure, elle est capable de digérer les deux tiers du sérum ; après deux heures, elle offre son acti- vité maxima (digestion des trois quarts du sérum) ; après trois 340 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR heures et demie, elle commence à fléchir et disparaît rapide- ment après six heures. À 60 degrés, après dix minutes, on observe la digestion d’un tiers du sérum ; après vingt minutes, des deux tiers ; après trente minutes, des six septièmes ; puis, déclassement et disparition presque totale après quarante- cinq minutes. Par conséquent, à 50 degrés, l’apparition de l’albuminase suit de près le début de l’autodigestion ; l’activité maxima s’observe lorsque celle-ci est arrivée à moitié ; le fléchisse- ment a lieu avant qu’elle soit complète. A 60 degrés, l’appa- rition de l’albuminase suit de plus près le début de l’ auto- digestion ; le maximum d’efficacité coïncide avec la fonte des deux tiers des albuminoïdes du suc et la chute définitive pré- cède l’état stationnaire de l’autodigestion. [La gélatinase appa- raît plus vite que l’albuminase et lui survit toujours longtemps.] Le suc actif, incapable de digérer le sérum frais de cheval à 37 degrés, l’attaque énergiquement à 60 degrés (il digère encore très bien la gélatine à 65 degrés). Nous nous contentons de mentionner, aujourd’hui, ce fait intéressant qui établit, entre l’albuminase vraie du suc pancréatique et celle du suc de papayer (1), une relation des plus suggestives. Apparition, puis disparition d’un poison kscharifiant a vrai ». Pour apprécier l’évolution du poison vrai, qui apparaît puis disparaît au cours de l’activation du suc, il fallait être certain que cette activation ne se continue point in vivo , sans quoi on eût commis fatalement les mêmes erreurs qu’en employant l’ovalbumine coagulée pour l’étude de l'albuminase in vitro. Avec cette différence, toutefois, qu’on aurait eu, dans certains cas, des réponses très rapides , puisque le suc actif, à son maximum de toxicité, détermine, en dix minutes, l’apparition d'une eschare humide. Heureusement, l’expérience prouve que le complexe « suc -j- kinase », injecté sous la peau immédial e- ment après le mélange des composants, à la dose de 1 centi- mètre cube, demeure quasi inoffensif (type D — infra). 11 ne se produit donc, in vivo , qu’une activation des plus limitées : affaire de résorption rapide et d'influence « anti » des humeurs. (1) Delezenne, Mouton et Pozer^kt. — Thèse de Pozerski. SUR LE SORT DES COMPOSANTS DU SUC PANCRÉATIQUE 341 Les effets du poison escharifiant, contenu dans le suc actif, n ont guère été étudiés avant nos recherches ; aussi nous pardonnera-t-on d’insister quelque peu sur le sujet. Nous avons employé, comme animaux d’expérience, les cobayes mâles de 400-500 grammes. Le suc pancréatique inactif se montre inoffensif pour eux sous la peau (2 centimètres cubes et plus), dans les veines (2 centimètres cubes) et même dans le cerveau (4/4 centimètre cube); la kinase Carrion également. Le suc actif , inoffensif dans les veines (2 centimètres cubes) et le cerveau (1/4 centimètre cube), détermine, sous la peau, une Ranime de lésions en rapport avec son degré d’activité. On peut les ramener à 4 types principaux, entre lesquels existent tous les intermédiaires. Ce sont, par ordre décroissant : X eschare humide (type A), Y eschare sèche (type B), la croûte (type C) et Yœdème transitoire (type D). Lorsque l'on injecte 1 centimètre cube de suc, plus ou moins actif, les altérations tégumentaires correspondantes oscillent, grosso modo, entre l’étendue d'une pièce de 0 fr. 50 et l'étendue d’une pièce de 1 franc. 11 est indispensable de bien connaître cliniquement ces altérations, tant pour la compréhension de nos recherches actuelles que pour celle de travaux ultérieurs. Type A. — On voit apparaître, au bout d’une dizaine de minutes, un œdème très mou et elliptique, à grand axe longitudinal (2-3 centimètres de hauteur, pour 1 à 1,5 centimètre de largeur). La peau sus-jacente ne tarde point à prendre une coloration verdâtre ; puis, elle se dénude, progressivement, sur la majeure partie ou la totalité de son étendue. Dans ce dernier cas, l'eschare humide est simplement limitée par un piqueté de nuance vineuse; dans le premier, elle s’entoure d’une mince couronne de taches violacées, de plus en plus confluentes, qui se substituent à la teinte verte antérieure des téguments. La région dénudée, d’aspect brillant ou nacré, peut demeurer presque plane et suinter modérément, ou bien bomber assez fort et offrir une exsudation abondante. Le lendemain , on trouve les lésions en voie de dessiccation plus ou moins avancée; corrélativement, leur étendue a diminué et ce « rétrécissement » imprime, d'ordinaire, une direction transversalement allongée aux parties atteintes de nécrose. Tantôt, le centre de celles-ci, encore humide, rappelle l'aspect du parchemin mouillé, tandis que le reste acquiert une fermeté de plus en plus marquée et un ton brun de plus en plus foncé, à mesure qu’on s’avance vers la périphérie. Tantôt, on aperçoit une eschare homogène, sem- blable, par sa couleur ou sa consistance, à du varech séché au soleil. Dans les deux cas, l’œdème de la veille est demeuré stationnaire, ou bien a déjà diminué (parfois, notablement). 342 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Le surlendemain , c'esl constamment une eschare sèche; elle noircit vite, en même temps qu’elle adhère fortement aux parties saines voisines. L’œdème, toujours décroissant à ce moment, aura disparu un ou deux jours après. L’eschare se soulève vers le dixième jour; elle tombe vers le douzième, laissant à sa place un ulcus bourgeonnant, dont la cicatrisation demande environ une semaine. Type B. — Tout d’abord, on observe le même œdème que dans le type A, un peu moins brusque, il est vrai, en son développement. Bientôt après, les téguments correspondants prennent un ton vert très pâle et la portion atteinte se limite par un cercle vasculaire rouge sombre, continu ou non. Puis, apparaissent peu à peu des maculat ures violettes, qui confluent en dessinant des figures très variées. Les couches superficielles de l’épiderme qui recouvre la région malade s’exfolient par le frottement, laissant à leur place une surface modérément humide. Le lendemain, la peau, encore violacée au pourtour de la zone atteinte, commence à brunir vers le centre. L’humidité superficielle persiste, ou bien s’est concrétée en croûtes; l’œdème reste stationnaire, ou commence à rétrocéder. Le surlendemain , on trouve une eschare foncée, d'ordinaire allongée trans- versalement, qui noircira de plus en plus. L’œdème, très diminué, disparaîtra vite. L’eschare se détache du sixième au dixième jour et l’ulcus, qui lui succède, guérit à la fin du deuxième septénaire. [On observe, avons-nous dit, tous les termes de transition entre les types A et B. On peut en schématiser la gamme descendante de la façon qui suit. Les taches violacées l’emportent de plus en plus, comme étendue, sur la dénudation tégumentaire ; c’est-à-dire que le procès d’escharification sèche l’emporte de plus en plus sur le procès d’escharification humide. Finalement, toute manifestation de ce dernier vient à faire défaut et l’on passe alors d'un type B à évolution plus rapide au type B « normal ».] Type C. — Ici, l’œdème initial n'atteint son maximum qu'au bout d’une heure environ. La peau sus-jacente ne change pas de couleur; l’épiderme demeure sain d’apparence, ou bien s’exfolie un peu par le frottement, en laissant une surface légèrement humide. Le lendemain, la majeure partie de la zone malade est recouverte de croûtes disséminées et, sur le reste, l’exfoliation épidermique (provoquée) et l'humidité corrélative ne font jamais défaut. L’œdème est en voie de dispa- rition rapide. Le surlendemain, les croûtes se sont réunies et étendues ; elles recouvrent une surface érodée et saignante. On ne trouve plus guère trace de l’œdème sous-cutané. Les jours suivants, on voit les croûtes se détacher et se reformer à plu- sieurs reprises. Leur épaisseur diminue peu à peu et les érosions sous- jacentes saignent de moins en moins. Il faut cependant dix à quinze jours pour que la réparation soit complète. [On passe, schématiquement, du type B au type C de la façon suivante. Les maculatures cutanées deviennent de plus en plus pâles, jusqu’à dispa- SUR LE SORT DES COMPOSANTS DU SUC PANCRÉATIQUE 343 raître, en fin de compte; corrélativement, l'eschare qui leur succède devient une croûte-eschare, perdant peu à peu son caractère vraiment nécrotique.] Type D. — L'œdème se dessine encore plus lentement que dans le type C. Le lendemain, il commence déjà à diminuer et, le surlendemain, il n'en est plus question. La peau demeure toujours absolument saine. [Dans les types intermédiaires entre C et D. on observe, sur les téguments sus-jacents à l'œdème, des croùtelles de plus en plus minces, bientôt rem- placées par un simple furfur qui manque, à la fin, quand on arrive au type D.] L'injection sous-cutanée de suc actif ne détermine point de phénomènes généraux (tout au plus peut-on observer, dans cer- tains cas, une légère baisse de poids); elle n’en favorise pas moins, éventuellement, la naissance d 'infections générales ou locales. (Inutile de revenir ici sur cette influence favorisante des intoxications, étudiée très complètement par l'un de nous, dans plusieurs travaux antérieurs.) Comme cause d 'infection générale , on note presque toujours la pasteu- rellose; les infections locales , habituellement dues, elles aussi, à la pasteu- rella des cobayes, peuvent se diviser en précoce, rapide et tardive. Nous n'en dirons que quelques mots. Infection précoce. — Propre au type A et d'origine pasleurel ligue. Elle s’an- nonce, dès le lendemain de l'injection, par un développement anormal de l’œdème sous-cutané, dont la consistance demeure très molle. La peau sus- jacente, macérée et couverte de sugillations, laisse s’écouler un liquide rous- sàtre. A la coupe, le tissu cellulaire montre un exsudât compact de couleur jaune bois. Cette infection entraîne la mort dans un certain nombre de cas et ralentit notablement la guérison dans tous les autres. Infection rapide. — Observée avec les types A et B ; encore due à la pasteu- rella. Vers le quatrième jour, on voit l'œdème reparaître ou s’étendre. A la ponction, sérosité rouge ou même sang pur; à la coupe, exsudât jaune serin, de consistance élastique. La mort n’est pas exceptionnelle ; ailleurs, guérison constamment ralentie. Infection tardive. — Dans les types A et B ; due à la pasteurella ou au pseudo- pneumocoque (agent de la « maladie du nez » des cobayes). Elle se traduit par l’empâtement de la base de l’ulcus qui succède à l’eschare. Le fond de cet ulcus (plus ou moins allongé verticalement) prend un ton jaunâtre et, sous l’angle inférieur, on voit apparaître une petite collection purulente. La mort ne survient jamais dans l’infection tardive, mais il y a toujours ralentisse- ment du procès cicatriciel. A 50 degrés, le poison escharifîant apparaît avant la pre- mière heure et acquiert presque d'emblée son maximum d'ac- 344 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR tivité (type A) ; il conserve cette activité pendant deux heures et ne tarde pas à disparaître ensuite. A 00 degrés, appa- rition après vingt minutes ; efficacité maxima presque d’em- blée ; disparition après trente minutes. [A 40 degrés , apparition et disparition plus tardives qu’à 50 degrés; c'est cette tempé- rature qu'il faut choisir quand on veut Aroir passer le poison par tous ses stades d'activité, croissante puis décroissante.] A 50 degrés, l’apparition du poison survient au moment où les deux cinquièmes du suc sont autodigérés et sa disparition alors que les quatre cinquièmes ont été déjà transformés. A fiO degrés, apparition quand la moitié de l'autodigestion est accomplie et disparition quand le suc a perdu les deux tiers de ses albuminoïdes coagulables. A 50 degrés, l'évolution du poison suit assez rigoureusement celle de Falbuminase ; à 60 degrés, le poison apparaît avec l’en- zyme, mais disparaît avant lui. Il ne saurait être question de les identifier, puisque l’albuminase n’agit point sur les humeurs (ni les tissus) à la température du corps, celles-ci se « défen- dant » par des propriétés « anti » très accentuées. ÉTUDE DE LA FLORE BACTÉRIENNE DU GROS INTESTIN DU CHEVAL par Jean CHOUKÉVITCH (Laboratoire de M. Metchnikoff.) (Suite et fin.) Le B. bifidus (Tissier [48]) manifeste également une certaine ressemblance avec les microbes acidophiles. Il y a môme eu des tentatives d’identification du B. bifidus avec le B. acidoph. Moro (Rodella), ou bien avec le B. acidoph. N° I (de Mereshowsky). Ces tentatives n’ont pas eu de succès. Il est impossible de nier cependant la possibilité de créer un groupe de microbes sinon identiques, mais du moins appartenant à la même famille, dont le B. bifidus ferait également partie. Après avoir ensemencé le contenu du gros intestin du cheval dans le bouillon de Hayemann, j’ai obtenu dans tous les cas des microbes acidophiles correspondant au microbe de Moro ou à celui de Mereshowsky. Ordinairement ce dernier se ren- contre en plus grande quantité que le microbe de Moro, de sorte que l’on ne réussit pas toujours à isoler le Moro. De plus, au moyen du bouillon de Hayemann, j’ai isolé trois microbes acidophiles, non identiques aux précédents. D'après le caractère de ses cultures, le premier ressemblait beaucoup au microbe de Mereshowsky, ne se distinguant que par cette particularité qu’au fond et à la surface de la gélose glucosée, ses colonies atteignaient de grandes dimensions. Au microscope, il avait l'aspect de bâtonnets qui prenaient le Gram, aux bords légèrement affilés, d'une largeur de 0,5 à 0,8 g et d'une longueur de 4 à 7 g; ces bâtonnets étaient pour la plupart accouplés deux à deux. En étudiant les cultures à la surface de la gélose glucosée, on pouvait remar- quer au bout de quelques jours que ce microbe a des formes d involution qui rappellent beaucoup celles qui sont caractéristiques du B. bifidus. Ce microbe n’a été isolé qu’une fois, et je laisse la question ouverte, s'il est possible de l’identifier avec le microbe de Mereshowsky, ou bien s'il est nécessaire de le considérer comme une forme particulière du B. bifidus. Ensuite j’ai isolé dans deux cas un microbe ayant l’apparence d'un cocco- bacille, d’une largeur de 1 g ef d'une longueur de 2 g; dans le bouillon il présentait des formes encore plus courtes, qui rappelaient celles de cocci. Ce microbe était immobile et prenait le Gram. D’après le caractère de ses cultures il ne se distinguait en rien du précédent microbe. Enfin, j'ai isolé en deux cas un coccus acidophile. Il prenait le Gram et 346 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ses dimensions étaient à peu près celles du staphylocoque. 11 se dévelop- pait bien à 37 degrés, moins bien à 22 degrés. Dans la gélose glucosée, il forme des colonies blanches, lenticulaires, assez volumineuses, aux bords unis. A la surface de la gélose ordinaire, il ne se développait pas du tout; à la surface de la gélose glucosée, il se développait en produisant un trouble uniforme; faisait coaguler le lait au bout de quelques jours, ne liquéfiait pas la gélatine et ne se développait pas du tout sur pomme de terre. En pré- sence de la glucose, il produisait une quantité considérable d’acide, et, à cause de cela, ses cultures sur gélose glucosée devenaient troubles au bout de quelques jours. Ce microbe n’était pas pathogène pour les lapins et les cobayes. Tout en reconnaissant l’importance des microbes acidophiles dans la flore intestinale du cheval, il faut considérer que ces microbes, autant que l’on peut en juger, ne peuvent être nui- sibles à l’organisme des animaux dans l'intestin desquels ils vivent. Ensuite, comme ils sont capables de développer une quantité considérable d’acide en présence de certains hydrates de carbone, il est très vraisemblable qu’ils arrêtent le dévelop- pement d’autres microbes. Il est fort peu probable, cependant que, dans le gros intestin du cheval, cette action puisse s’exercer à un certain degré, par la simple raison qu’on y trouve très peu de microbes acidophiles, et parce que la réaction du con- tenu du cæcum et du côlon du cheval est d’ordinaire faiblement alcaline ou neutre; il est donc évident que ce n’est pas l’acidité qui arrête le développement des microbes qui se trouvent dans le cæcum et le côlon du cheval (1). Evidemment, la multiplication des microbes acidophiles dans l’intestin est favorisée surtout par le régime lacté. En effet, la plus grande quantité de microbes acidophiles se rencontrent dans l’intestin des enfants et des animaux alimentés par le lait. Je reviendrai sur cette question. J’ai isolé, en dehors de ceux que je viens de décrire, toute une série de microbes qui ne liquéfient pas la gélatine et qui ne provoquent la fermentation ni de la cellulose ni de F hémi- cellulose. Pas un de ces microbes n’a pu être isolé dans tous les (I) La réaction du contenu du rectum est souvent acide, mais, même dans ce cas, les microbes acidophiles ne forment pas une masse considérable. FLORE BACTÉRIENNE DU GROS INTESTIN DU CHEVAL 347 cas sans exception. Sont-ils ajoutés accidentellement à la flore intestinale du cheval, ou bien jouent-ils- un rôle quelconque dans l’existence de l’organisme? (Test ce que des recherches ultérieures pourront démontrer. Yoici la description de ces microbes, afin de faciliter l'orien- tation dans le kaléidoscope interminable des microbes qui pas- sent devant les yeux de ceux qui étudient la flore intesti- nale. I. • — Streptobacillus anaerobicus magnus. J’ai constaté la présence de ce microbe dans la moitié des cas étudiés. On réussit à l’isoler en ensemençant une quantité considérable de contenu intestinal dans la gélose glucosée chauffée à 90 degrés, ou bien en ensemençant préalablement en anaérobie le contenu intestinal dans du bouillon acide (1 p. 100). En ensemençant le contenu intestinal sur de la gélose glucosée refroidie à 43 degrés, je n’ai jamais pu réussir à isoler le str. an. m ., car il ne se rencontre dans l’intestin du cheval qu’en quantité relativement très petite, et les autres microbes arrêtent facilement son développement. Morphologie. Dans les jeunes cultures, il a l’aspect d'un bâtonnet droit, épais, aux bords arrondis, d'une longueur de 6 à 10 u. et d’une largeur de 1 à 1 1/2 g; les bâtonnets sont souvent assemblés en chaînettes de longueur différente. Dans les cultures plus vieilles, on rencontre des filaments. Ce microbe est immobile et prend bien le Gram dans des cultures jeunes, mais peu à peu les plus anciennes perdent cette propriété. Comme je l’ai déjà dit, j'ai réussi quelquefois à isoler le sir. an. m ., en ensemençant le contenu intestinal sur de la gélose chauffée à 90 degrés. Ceci permet de supposer que l’on rencontre dans l'intestin des formes sporulantes de ce microbe. Cependant, je n’ai pu découvrir la présence de spores dans les cultures sur gélose glucosée et dans du bouillon. J’ai rencontré, quelquefois seulement dans les cultures sur gélatine, une petite quantité de formes sporulantes de ce microbe, et alors les grandes spores arrondies se trouvaient disposées aux extrémités des bâtonnets. Cultures. Se développe à 37 degrés et à la température de la pièce ; anaérobie strict. Au bout de 12 à 20 heures, à 37 degrés, le développement se manifeste sur gélose glucosée ; il se forme alors des colonies grisâtres translu- cides, qui ressemblent à des houppes d’ouate ; on y distingue quelquefois un centre plus épais ; au microscope, ces colonies ont l’aspect de paquets de fils enchevêtrés dans toutes les directions. Il faut ajouter encore que ces colonies sont si intimement liées à la gélose qu’il n’est pas toujours facile de les détacher. Les microbes ne forment jamais de gaz sur gélose glucosée A la surface de gélose inclinée (cultures anaérobies), on n’a pas obtenu de développement. A la température de la pièce, le str. an. m. se développe sur gélatine, sans la liquéfier. Se développe très faiblement dans du bouillon ordinaire et dans du bouillon glucosé, en formant au fond un dépôt à peine perceptible. Il se développe aussi très peu dans du bouillon glucosé acide, en éliminant un produit intermédiaire glaireux. Ne modifie pas le lait tournesolé. N’est, pathogène ni pour les lapins, ni pour les cobayes. Le B. strp. ana. m. n’est 348 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR pas stable, et si on ne le réensemence pas, il périt au bout de quelques jours. Il a été dit plus haut que, pendant l'examen microscopique du contenu intestinal du cheval, j’ai rencontré quelques cas anormaux, où l’on apercevait sur les frottis beaucoup de grands bâtonnets qui prenaient le Gram. Ces bâtonnets montraient une grande ressemblance avec le b. str. an. m. ; comme dans ces cas il était facile d'isoler ce microbe en cultures pures, il faut en conclure que la quantité anormalement considérable de ces grands bâtonnets dans l’intestin, qui prennent le Gram, est due à la multiplication excessive du b. str. an. m. II. — B. irregularis. Comme le précédent, ce microbe se rencontre fréquem- ment dans le gros intestin du cheval. Je l'ai isolé six fois en cultures pures, parfois en ensemençant le contenu intestinal dans de la gélose glucosée chaude (90°), d’autres fois en ensemençant préalablement le contenu intes- tinal dans du bouillon acide. Morphologie. Dans les jeunes cultures, il a l’aspect de bâtonnets aux bords arrondis d'une largeur de 0,5 m, et d’une longueur de 4 à 7 g, réunis deux à deux pour la plupart ; ils prennent le Gram et sont faiblement mobiles. Au bout de plusieurs jours, il parait dans les cultures une quantité de formes d'involution, qui remplacent progressivement les formes normales; les bâtonnets apparaissent tantôt effilés, tantôt renflés en massues; leur proto- plasma se désagrège en grains isolés, etc.; on rencontre en même temps beaucoup de filaments, tordus de la manière la plus fantaisiste et même quelquefois roulés en spirale. A 37 degrés, dans 5 à 7 jours, le B. ir. forme des spores, dont la quantité est toujours minime. Les spores sont dans la partie médiane, ou à l’extrémité des bâtonnets, provoquant un renflement correspondant. On rencontre quelquefois des bâtonnets qui ont une spore à chaque extrémité. J’ai nommé ce microbe « irregularu », pour sa tendance à former les formes d’involution que je viens de citer. Cultures. Se développe à 37 degrés et à la température de la pièce. Anaé- robie strict. A 37 degrés, sur la gélose glucosée, le développement est visible au bout de 11 à 24 heures; les colonies qui se forment sont blanches, opaques; leur forme est lenticulaire, les bords sont unis. Il ne présente rien de caractéristique au microscope. Si les colonies ne* sont pas gênées dans leur développement, au bout de quelques jours elles peuvent atteindre 3 à 5 millimètres de diamètre. B. irreg. ne produit jamais de gaz sur la gélose glucosée. A la surface de la gélose ordinaire, il se développe dans des conditions d’anaérobie, en formant des colonies circulaires grisâtres aux bords unis. Ne liquéfie pas la gélatine. Il produit un trouble uniforme dans le bouillon ordinaire et, dans le bouillon glucosé, et quelques jours après, il se forme dans le fond un dépôt d’aspect visqueux. Ne fait pas coaguler le lait, ne forme pas d’indol et produit de l'acide en présence de la glucose. Il n’est pathogène ni pour les lapins, ni pour les cobayes. III. — B. bifurcatus gazogènes. Ce microbe a été isolé trois fois, et dans les trois cas après un ensemencement préalable du contenu intestinal dans du bouillon acide (1 °/0). Morphologie. Dans les jeunes cultures, il a l’aspect de gros bâton- nets (1 à 2 g) d'une longueur de 6 à 15 g, réunis deux par deux ou en chaî- nettes de longueurs différentes. Dans les cultures plus anciennes, on ren- contre de longs filaments. On voit fréquemment les extrémités des bâtonnets FLORE BACTÉRIENNE DU GROS INTESTIN DU CHEVAL 349 ou des filaments se ramifier en deux courts prolongements. Ce microbe est immobile, prend le Gram et n'est pas sporulent. Cultures. Se développe bien à 37 degrés, mais pas du tout à 22 degrés. Anaérobie strict. Dans la gélose glucosée, il se développe des colonies blanchâtres, opaques, de forme arrondie, irrégulière, dont le diamètre peut atteindre 0,5 cent.; elles se recouvrent quelquefois de prolongements minces et assez longs. Au microscope, ces colonies se présentent sous l’aspect de formations de couleur foncée, arrondies irrégulièrement, aux bords déchiquetés, ou bien sous forme d'une agglomération de petites boules réunies entre elles par un épais réseau de minces prolongements; ou bien, enfin, ces colonies présen- tent un centre compact, entouré d'un réseau de prolongements de longueurs différentes. Dans la gélose glucosée le développement de ce microbe est déjà percep- tible au bout de 12 heures après l'ensemencement et, dans ces cultures, il se forme une grande quantité de gaz qui fragmente la gélose; enfin, la réaction alcaline de la gélose devient acide. Dans le bouillon acide ou dans le bouillon glucosé alcalin, ce microbe se développe très faiblement, en for- mant un léger sédiment au fond du tube. Il ne liquéfie pas la gélatine, ne modifie pas le lait au tournesol et n’est pathogène ni pour les lapins, ni pour les cobayes. IV. — Tetracoccus anaerobicus. Il a été isolé deux fois après l’ensemence- ment préalable du contenu intestinal dans le bouillon acide (1 0/0). Morpholor/ie. Coccus assez volumineux, d’un diamètre d'environ^.5 ^>, qui prend le Gram; les cocci sont souvent réunis par quatre, formant des tétrades; on rencontre rarement des paquets formés de huit éléments. Cultures. Se développe bien à 37 degrés, pas du tout à 22 degrés. Anaérobie strict. A 37 degrés, sur gélose glucosée, on observe le commencement du développement 24 à 48 heures après l'ensemencement ; il se forme en même temps beaucoup de gaz qui fragmente la gélose. Il se produit d’abord de petites colonies grisâtres; quand elles sont isolées, elles atteignent les jours suivants 2 à 3 millimètres de diamètre et prennent alors un aspect caracté- ristique : elles s’entourent de quelques prolongements coniques et cela les fait paraître couvertes d’épines, ce qui se remarque mieux quand on examine la colonie à la loupe. Dans la même culture, on peut voir habituellement des colonies de dimensions différentes et de différents degrés de développement. Dans le bouillon glucosé alcalin et dans le bouillon acide, ainsi que dans le bouillon ordinaire, le développement est très faible et forme au fond du tube un sédiment à peine perceptible. Il ne liquéfie pas la gélatine, ne modifie pas le lait au tournesol et n’est pathogène ni pour les lapins, ni pour les cobayes. Ce microbe a une existence très courte; sans réensemen- cement il périt au bout de 10 à 15 jours. V. — J’ai rencontré plusieurs fois dans l’intestin du cheval des microbes ayant une certaine ressemblance avec le B. N. III de Rodella [62]; cette ressem- blance ne permettait cependant pas de les identifier. Evidemment, il existe un groupe de microbes anaérobies de la même famille, dont le premier représentant a été isolé par Rodella. Il est plus commode de conserver à ce groupe de microbes anaérobies la dénomination de b. de Rodella. Je vais donner plus bas la description de deux microbes anaérobies appartenant à ce groupe. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 3 TO A. Ce microbe a été isolé dans trois cas, après l’ensemencement du contenu intestinal dans du bouillon acide ou sur de la gélose chauffée à 90 degrés. Morphologie : Bâtonnet mobile, prenant le Gram, d’une largeur de 0,5 g. et d'une longueur de 5 à 7 g; deux ou trois jours après le commencement du développement de ce microbe, il forme des spores rondes, situées aux extré- mités des bâtonnets; ces derniers ressemblent alors au b. tetani. Cultures. Il se développe à 37 degrés et à la température de la pièce. Anaé- robie strict. Sur gélose glucosée à 37 degrés, le développement devient perceptible au bout de 36 à 48 heures après l’ensemencement. Il se forme alors des colonies grisâtres, irrégulièrement arrondies, aux bords inégaux, dont les dimensions ne dépassent pas celles d'une tète d’épingle. Au micros- cope, elles présentent l’aspect arrondi avec des bords inégaux, couverts de petits prolongements. Dans le bouillon, ce microbe se développe en produisant un trouble uni- forme ; dans le bouillon acide (glucose), il se développe mal, en formant un faible dépôt granulé au fond du tube. Il ne liquéfie pas la gélatine, ne fait pas coaguler le lait, ne forme pas d’indol et ne modifie pas les réactions des milieux glucosés. N’est pathogène ni pour les lapins, ni pour les cobayes. B. Le deuxième microbe qui se rapporte à ce groupe n’a été isolé qu’une fois. Au microscope, il a présenté l’aspect d’un bâtonnet mince (0,3 g), qui prenait le Gram, formait des spores ressemblant aux spores caractéristiques du b. N. III de Rodella. Ce microbe se développait en général sur tous les milieux nutritifs très lentement et très mal. Dans la gélose glucosée, ses colonies présentaient l’aspect de houppes de ouate. Il ne se distinguait pas autrement du microbe précédent. VI. — B. clostridieformis. Ce microbe a été isolé pour la première fois par Ankersclimit, de l'intestin du veau. J’ai réussi une fois à isoler un microbe anaérobie qui ressemblait à celui d’Ankerschmidt par ses propriétés princi- pales, en ensemençant le contenu intestinal du cheval dans du bouillon acide, ils ne diffèrent qu’en ceci que le b. clostridieformis est immobile, d’après la description d’Ankerschmit, tandis que le microbe que j’ai isolé est très mobile dans les cultures jeunes (à 37 degrés, après les premières 24 heures); ce n'est que plus tard, sous faction de l'acide qu’il avait produit, qu’il per- dait sa mobilité. Comme je n’ai pas observé d’autres différences, j’en conclus que le microbe que j’avais isolé présente une des variétés du b. clostridie- formis. YII. — Streptobcicillus anaerobicus reclus. Morphologie. Bâtonnets immobiles, qui prennent le Gram, aux bords coupés droit, de 0,8 jx de largeur et de 5 à 7 g de longueur. Ces bâtonnets sont pour la plupart accouplés deux par deux, ou réunis en chaînettes de longueurs variées. Ce microbe donne des spores allongées, disposées dans la partie médiane ou vers une des extré- mités du bâtonnet ; mais la forme des bâtonnets n’est pas modifiée et, après la sporulation, ils se désagrègent rapidement. Cultures. Se développe à 37 degrés et aussi à 22 degrés. Anaérobie strict. A 37 degrés, dans la gélose glucosée, le développement est perceptible dans vingt à trente heures après l’ensemencement. Les colonies ont l’aspect de petites boules denses, blanchâtres, à surface inégale; les jours sui- vants, elles augmentent un peu de volume, et si elles se trouvent isolées elles peuvent atteindre dans quelques jours le volume d’un pois. En même temps, les colonies se couvrent de petits prolongements, ce qui les fait FLORE BACTÉRIENNE DU GROS INTESTIN DU CHEVAL 351 paraître couvertes de duvet. Au microscope, on peut distinguer dans ces colonies un centre dense, entouré d'une zone de prolongements en forme de fils. En présence de la glucose, ce microbe ne produit pas de gaz. mais il donne une certaine quantité d’acide. Dans le bouillon alcalin, il se développe bien, produit un trouble uniforme et un dépôt au fond; dans le bouillon acide, il se développe faiblement, forme un dépôt blanchâtre peu considérable et ne trouble pas le bouillon. Il ne fait pas coaguler le lait, ne produit pas d’indol. ne liquéfie pas la géla- tine et n’est pathogène ni pour les lapins, ni pour les cobayes. J'ai isolé une fois seulement le strept. an. rect., après avoir ensemencé le contenu dans du bouillon acide. VIII. — Après avoir ensemencé le contenu intestinal dans du bouillon acide, j’ai pu isoler un microbe identique au b. oviforrnis (Tissier, [63]), par ses propriétés morphologiques et biologiques. IX. — B. megalosporus. A été isolé une fois en ensemençant le contenu intestinal sur de la gélose chauffée à 90 degrés. Morphologie. Bâtonnet assez épais (1 y.) et court (3 à 5 g). aux bords arrondis, prenant le Gram; dans les vieilles cultures on en rencontre de plus longs. Quand le développement commence, trois ou quatre jours après, ce microbe forme des spores rondes, volumineuses, disposées à une des extrémités des bâtonnets; relativement aux dimensions des bâtonnets, les spores sont très volumineuses et occupent souvent la plus grande partie de la cellule bacté- rienne. Dans les jeunes cultures, ils prennent bien le Gram, mais en vieillissant ils perdent bientôt cette piopiiété. Cultures. Anaérobie strict. Il se développe à 37 degrés et à la température de la pièce. Sur gélose glucosée,à 37 degrés, on observe un développement 12 à 20 heures après l’ensemencement. Il se forme alors de fines colonies lenticulaires, aux bords unis. En présence de glucose, ce microbe ne produit pas de gaz. mais de l'acide. Il se développe dans le bouillon, en y provoquant un trouble uniforme, ne fait pas coaguler le lait, ne liquéfie pas la gélatine et ne produit pas d’indol. Le cobaye auquel on avait fait une injection intra- péritonéale de 4 cent, cubes de culture en bouillon de ce microbe a succombé au bout de 3 jours à une péritonite fibro- purulente. Dans l’exsudât de l’abdomen et dans la rate, on a pu constater la présence d’une quantité con- sidérable du b. megalosporus. Le lapin auquel on avait fait une inoculation sous-cutanée de la même quantité de culture en bouillon n’a pas manifesté de phénomènes pathologiques. X. — B. tetani. Je n'ai jamais réussi à isoler ce microbe au moyen des tubes de Veillon, du contenu intestinal du cheval frais, ni de ce contenu soumis à la putréfaction, ni des tubes de milieux spéciaux, ensemencés de ce contenu. Pour pouvoir résoudre la question de la présence de ce microbe dans le gros intestin du cheval, j'ai fait à des souris des injections sous-cutanées du contenu intestinal de ce dernier. Dans cette intention, j’ai injecté à une souris 1/2 cent, cube du contenu intestinal frais; à une autre, la même quantité du contenu intestinal chauffé à 90 degrés; et ensuite, à une troisième, la même quantité du contenu intes- 352 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR linal chauffé et putréfié. J'ai ainsi étudié le contenu intestinal de dix-huit chevaux, et la présence du b. tetani n'a été constaté que dans deux cas. Dans le premier cas, en injectant le contenu intestinal frais, et, dans l’autre cas, le même produit putréfié. Il faut ajouter que la plupart des souris injec- tées par le contenu intestinal frais ont péri de l’injection mixte (du b. coli et du streptocoque). Il en résulte donc que l'on ne réussit pas toujours à mettre en évidence la présence du b. tetani dans le gros intestin du cheval, et, même alors que le b. tetani se rencontre dans le gros intestin du cheval, il s’y trouve en si petite quantité qu’il est impossible de l'isoler du mélange des autres microbes. XI. — B. tennis non liquefaciens. Morphologie. Dans les jeunes cultures, il présente l’aspect d'un bâtonnet mince (0,3 g), d'une longueur de 3 à 5 g. Dans les cultures plus anciennes, on rencontre des chaînettes, composées de plu- sieurs individus, et aussi des formes d’involution, ressemblant à des mas- sues, à des clostridies, etc. Ce microbe est capable de produire des spores ; les spores ne prennent naissance qu’après un séjour assez prolongé des cultures à l'étuve, et ne sont jamais bien nombreuses. Elles sont petites, d’une forme arrondie ou allongée, situées pour la plupart aux extrémités des bâtonnets, plus rarement dans la partie médiane, en provoquant le ren- flement correspondant. La forme de ces renflements est variée; tantôt elle rappelle une boule, tantôt elle a un aspect irrégulier avec une extrémité effilée. Le b. ten. non liqu. est mobile et prend le Gram. Cultures. Se développe à 37 degrés et à la température de la pièce. Anaérobie facultatif. A 37 degrés, le lendemain de l’ensemencement, il se produit à la surface de la gélose, des colonies petites, grisâtres, translucides, qui rappellent les colonies des streptocoques. Les jours suivants, les colonies augmentent un peu de diamètre, mais restent toujours plates et minces. Quand on étale la semence à la surface de la gélose, il se forme un voile grisâtre, translu- cide, très mince. Au microscope, les colonies superficielles, aussi bien que celles qui sont profondes, présentent l'aspect de disques aux bords unis. Ce microbe provoque dans le bouillon un trouble uniforme, puis il se forme à la surface une pellicule grisâtre, fragile. Les cultures de bouil- lon répandent une odeur qui rappelle celle de l'huile à brûler. Ce microbe ne coagule pas le lait , n’a pas de développement sur pomme de terre, ne produit pas d’indol ; en présence de glucose ou de lactose, ne produit ni gaz, ni acide. Ne liquéfie pas la gélatine. N’est pathogène ni pour les cobayes, ni pour les souris. J’ai isolé ce microbe en examinant le contenu intestinal en putréfaction et chauffé. Dans huit cas, quand j'ai cherché à constater sa présence, je n'ai obtenu de résultats positifs que trois fois. XII. — Bacillus tarclus. Morphologie. Dans les jeunes cultures, c’est un bâtonnet droit, mobile, qui prend le Gram, d'une largeur de 0,5 à 0,6 g et d’une longueur de 3 à 5 g ; dans les vieilles cultures, surtout dans les milieux liquides, se forme un grand nombre de filaments. Ce microbe donne des spores relativement volumineuses, situées dans la partie médiane des bâtonnets. Cultures. Se développe à 37 degrés et à la température de la pièce. Aérobie strict. A 37 degrés, à la surface de la gélose, au bout de trente à quarante-huit heures, le développement commence ; il se forme à la surface FLOUE BACTÉRIENNE DU GROS INTESTIN DU CHEVAL 353 de la gélose de petites colonies légères, grisâtres, qui paraissent recou- vertes de petits plis quand on les examine au microscope. Quand on létale à la surface de la gélose, au bout de deux jours environ se développe un voile léger, à peine perceptible, qui s’épaissit ensuite, devient opaque et prend une teinte grise. Dans le bouillon, ce microbe pro- duit un trouble uniforme; il ne liquéfie pas la gélatine et ne coagule pas le lait. Il ne produit pas d'indol et ne forme ni gaz, ni acides en présence de la glucose et de la lactose. N'est pathogène ni pour les cobayes, ni pour les souris. J’ai isolé ce microbe trois fois en étudiant le contenu intestinal, chaulfé à 80 degrés et putréfié. NUI. — Coccobacillus mobilis non liquefaciens. Ce microbe a été isolé deux fois, en ensemençant sur gélose le contenu intestinal frais. Morphologie. C est un coccobacille d'une largeur de 0,8 g environ et d'une longueur de 1 1/2 à 2 g, aux bords arrondis, quelquefois effilés; on rencontre rarement des formes plus longues. Il est mobile, prend le Gram et ne forme pas de spores. Cultures. Il se développe à 37 degrés et à la température de la pièce. Anaérobie facultatif. Le développement est perceptible à 37 degrés, à la surface de la gélose, au bout de deux jours environ; il se forme alors un voile grisâtre, translu- cide, très mince ; ou bien de très fines colonies, translucides, qui rappel- lent les colonies des streptocoques. Dans la gélose glucosée profonde se forment des colonies blanches, lenticulaires, aux bords unis. Il n’y a jamais de dégagement de gaz dans ces conditions. Dans le bouillon, ce microbe produit un trouble uniforme, ne liquéfie pas la gélatine, ne modifie pas le lait au tournesol, ne produit pas d’indol, ne se développe pas sur pomme de terre. XIV. — B. rosescens. Bâtonnet mobile, prenant le Gram, aux bords arrondis, d’une largeur de 0,5 et d’une longueur de 4 à 10 g; à mesure que les cultures vieillissent, il apparaît beaucoup de fils de longueur différente. Au bout de sept à dix jours, ce microbe forme des spores à 37 degrés ; le nombre des bâtonnets qui présentent des spores est très restreint. Il se forme alors des spores arrondies d'un diamètre de 0,8 à 1,0 g, situées aux extré- mités des bâtonnets et qui causent leur élargissement correspondant. Cultures. Se développe à 37 degrés et à la température de la pièce. Aérobie strict. A 37 degrés, à la surface de la gélose, paraissent le lende- main même des colonies grises, complètement circulaires, aux bords unis et au centre légèrement surélevé, qui atteignent au bout de quelques jours 0,5-1 centimètre de diamètre. Par transparence, les colonies semblent composées d'une série de cercles concentriques. Au microscope, les colo- nies profondes et les colonies superficielles ne présentent rien de caracté- ristique. Quand on étale la semence à la surface de la gélose, il se forme un voile gris, homogène. Ce microbe produit un pigment rosé qui se diffuse dans la gélose. Cette faible teinte rosée de la gélose se manifeste nettement dans la première semaine du développement du b. ros.; ensuite la gélose devient plus foncée et sa teinte rosée n’est plus perceptible. Dans le bouillon, le b. ros. se développe très lentement; il se forme en même temps, au fond du tube, une petite quantité de sédiment bianchàtre ; puis, au bout de dix A douze jours, il se produit un léger trouble daus le bouillon. B. ros. ne 23 354 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR modifie pas le lait au tournesol, ne liquéfie pas la gélatine et produit sur la pomme de terre un voile jaune, peu abondant. Ce microbe ne produit pas d’indol, et en présence de glucose et de lactose ne forme ni gaz, ni acides. 11 n’est pathogène ni pour les cobayes, ni pour les souris. J’ai isolé deux fois le 6. rosescens en étudiant le contenu iutestinal en putréfaction. XV. — Coccobacillus plicalus. Morphologie. C’est un coccobacille immobile, qui prend le Gram, et dont la forme et les dimensions rappellent le b. du choléra des poules. Cultures : Se développe à 37 degrés et à la température de la pièce. Aérobie strict. A la surface de la gélose se développe une pellicule assez épaisse et fragile, qui rappelle la culture de la tuberculose des oiseaux. Les colo- nies isolées peuvent atteindre des dimensions considérables et occu- pent quelquefois toute la surface du tube. Leur surface est ridée, les bords sont fortement sinueux. Dans le bouillon, ce microbe produit un faible trouble, et à la surface du bouillon se développe une mince pellicule, composée de fines écailles. Sur pomme de terre, le coc. plie, forme un voile sec et ridé de nuance jaunâtre. Le coc. plie, ne modifie pas le lait au tournesol, ne donne pas d’indol, ne produit ni gaz, ni acide en présence de glucose, et n’est pas pathogène pour les lapins et les cobayes. Ce microbe a été isolé une fois en ensemençant sur gélose du contenu intestinal frais. XVI. — En ensemençant sur gélose du contenu intestinal frais, j'ai isolé dans trois cas un coccus qui présente une certaine ressemblance avec le micrococeus roscidur , à en juger d'après la description de Matzuschita. Morphologie. C’est un coccus de dimensions très variées. On le ren- contre, dans la même préparation, de dimensions plus grandes et de dimen- sions plus petites que les staphylocoques. Coloré par le Gram, ce microbe se décolore facilement et semble se trouver sur la limite entre les microbes qui prennent cette coloration et ceux qui ne la prennent pas. Cultures. Il se développe à 37 degrés et à la température de la pièce. Anaérobie facultatif. A la surface de la gélose, il forme un voile gris, doux, assez abondant, d’un aspect visqueux. Les colonies isolées sont assez volu- mineuses et ont l’aspect de gouttes glaireuses. En piqûre sur gélatine, ce microbe se développe, formant une mince tige, de laquelle rayonnent des prolongements courts et minces ; la gélatine n’est pas liquéfiée en même temps. Sur pomme de terre, il forme un mince voile d'un jaune clair. Dans le bouillon, il produit un trouble uniforme, ne coagule pas le lait, ne produit pas d’indol, et en présence de glucose ne forme pas d’acide. N’est pas patho- gène pour les lapins et pour les cobayes. Enfin, j’ai isolé une fois le microc. caudicans , et une fois une sarcine qui paraissait identique avec la sarcina vermicularis de Gruber; une fois la levure grise et plusieurs fois l 'aclinomgces ( streptothrix ) albus. Tous ces microbes ont été isolés en ensemençant du contenu intestinal frais sur de la gélose. FLORE BACTÉRIENNE DU GROS INTESTIN DU CHEVAL 355 ★ * * Grâce à la bienveillance de M. Metchnikoff, j’ai eu l’occa- sion d’étudier la flore intestinale d’un poulain nourri au lait de vache stérilisé. Certaines circonstances, indépendantes de ma volonté, m’ont empêché d’achever mes recherches, mais les quelques données que j'ai obtenues méritent une mention. Premièrement, nous voyons, à l’examen au microscope du contenu intestinal de ce poulain, que la quantité de bacilles qui prennent le Gram est très grande relativement à celle que nous avons vue chez le cheval adulte; quelquefois la quantité de ces microbes est plus grande que celle des microbes qui ne prennent pas cette coloration. Secondement, en ensemençant en gélose glucosée refroidie à 43 degrés le contenu intestinal de ce poulain, j’ai réussi â isoler entre autres les microbes suivants : le b. acidophilus MorOy le b. acidophilus n° I de Mereshoivsky , le b. bifidus , le b. clos tridie for mis , le b. ventriosus (1) (Tissier) [63], et quel- ques autres anaérobies qui seront décrits plus loin. Comme nous l’avons vu, il m’a été impossible d’isoler du contenu intestinal du cheval adulte certains de ces microbes; et ceux que j’ai vus chez le cheval adulte (microbes acidophiles, b. clostriedieformis ) n’ont pu être isolés qu'après un ensemen- cement préalable du contenu intestinal en bouillon acide, c’est-à-dire après élimination des espèces dominantes. Ainsi, dans la ilore intestinale de ce poulain nourri au lail, les espèces de microbes qui dominaient dans la flore du cheval lie b. coli, l’entérocoque, le streptocoque), étaient délogées et leur place était prise par les microbes cités plus haut. Evi- demment, ce caractère de la flore du poulain tient au régime lacté qui favorise la multiplication des microbes acidophiles et du b. bifidus. Voici la description de quelques microbes isolés de l’intestin (1) Le microbe que j'avais trouvé coagulait le lait, se distinguant par là du microbe de Tissier. Cette différence n’est cependant pas essentielle et ne permet pas de considérer le microbe que j'ai isolé comme une espèce particulière. 356 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR de ce poulain. Autant que je sache, ces espèces n’ont pas encore été décrites. I. — Coccobacillus anaerobicus parvus. Petit eoccobacille immobile, d'une largeur de 0,5 g, d'une longueur de 1 à 1 1/2 g; souvent réunis deux à deux ou en courtes chaînettes. Quelques jours après, le protoplasma de ce coc- cobacille se désagrège en 2 à 5 articles, ce qui lui donne une certaine res- semblance avec le streptocoque. Le coc. an. parvus prend bien le Gram. Cultures : Anaérobie strict. Ne se développe pas à 22 degrés. A 37 degrés, sur gélose glucosée, le développement a lieu le troisième ou le quatrième jour. Les colonies sont petites et ont l’aspect de petites boules d’un gris blanc, aux bords unis. Il ne se produit pas de gaz dans ces conditions. 11 se développe mal dans le bouillon ordinaire, très abondamment dans le bouillon glucosé, en produisant un trouble violent et un sédiment volumineux au fond du tube. Il coagule le lait, mais très lentement, pas avant 20 à 25 jours après l’ensemencement. Ne liquéfie pas la gélatine. N’est pathogène ni pour les lapins, ni pour les cobayes. II. — Le micrococcus gazogènes. Ce coccus prend le Gram, a un diamètre de 2 il environ ; quelquefois réuni deux par deux ou en courtes chaînettes. Cultures : Anaérobie strict. Ne se développe pas à 22 degrés. A 37 degrés, sur gélose glucosée, le développement commence au bout de 24 heures. Si l'ensemencement est abondant, il se produit, dans la gélose glucosée, un trouble compact qui atteint la zone d’anaérobie. Si l’ensemencement n’est pas abondant, il se développe des colonies volumineuses, blanches, d'une forme lenticulaire, aux bords unis. Il se produit en même temps beaucoup de gaz qui fait éclater la gélose, et la réaction alcaline de celle-ci se trans- forme en réaction acide. Il se développe abondamment dans le bouillon glucosé en produisant un trouble uniforme; très faible développement dans le bouillon ordinaire. 11 ne coagule pas le lait, ne liquéfie pas la gélatine. Il est peu stable et périt dans 5 à 7 jours si on ne le réensemence pas de nouveau. J'ai enfin isolé un microbe qui ressemble beaucoup au b. thetoides. Le microbe que j’ai isolé se distingue de celui-ci par sa propriété de ne pas former de filaments. CONCLUSIONS On rencontre une grande quantité d’espèces microbiennes dans le gros intestin du cheval. Les unes, auxquelles se rapportent le b. coli, l’entérocoque, le streptocoque, les microbes acidophiles de Mereshowsky et Moro, le B . Welchii , le B. putribcus, le B. sporogenes A, le b. gazogènes , les agents de la fermentation de la cellulose, le b. hastiformis , le b. flavescens liqu., ont pu être isolées dans tous es cas sans exception, employant la technique propre à les mettre en évidence. FLORE BACTÉRIENNE DE GROS INTESTIN DU CHEVAL 357 Tous les autres microbes n ont pu être isolés que dans un certain nombre de cas. Selon l’habitude établie, on aurait dû les rapporter à ce que l’on appelle « la flore accidentelle », tandis que les premiers constituent évidemment la flore cons- tante. Cependant, cette conclusion admet une certaine réserve, car nos méthodes d’isolement sont encore tellement impar- faites, et la détermination complète de tous les microbes con- tenus dans l’intestin demande un travail si considérable, qu’il faut y regarder à deux fois avant de tirer des conclusions de faits négatifs. Je crois donc que bien des microbes que je n’ai pu isoler dans tous les cas appartiennent néanmoins à la flore constante. Cette remarque s’applique surtout au b. amylobacter et au b. mesentericus. Comme nous l’avons déjà vu, dans le gros intestin du che- val, le b. coli, l’entérocoque et le streptocoque, autant qu’il s’agit de cas normaux, sont bien supérieurs en quantité à tous les autres microbes, lesquels se trouvent ainsi relégués au second plan. Bien entendu, les propriétés chimiques du contenu intes- tinal étant le milieu dans lequel se développent les microbes intestinaux, doivent jouer un rôle prépondérant dans la déter- mination des différents caractères de la flore. Ces propriétés chimiques du contenu intestinal sont déterminées, d’une part, par les propriétés des aliments, et, d’autre part, par le caractère de la digestion. La composition de la flore intestinale des chevaux est donc déterminée par les propriétés de leurs aliments, c’est-à-dire par l’alimentation végétale (foin, avoine) et par le mode de la digestion qui leur est propre. 11 est permis de demander s’il n’existe pas d’autres facteurs et si cette composition, dans laquelle les espèces dominantes sont le h. coli, le streptocoque et l’entérocoque, peut être expli- quée par le fait que les propriétés chimiques du contenu du gros intestin du cheval n’admettent le développement abon- dant que de ces trois microbes, au détriment des autres mi- crobes qui y sont contenus. Dans des tubes stérilisés, j’ai introduit environ 30 cc. de contenu intestinal et, ayant pratiqué le vide dans ces tubes, je les portais à l’étuve. J’examinais tous les jours au micro- scope le contenu de ces tubes. J ai pu me convaincre de happa- 358 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR rition de nouvelles espèces bactériennes, les bâtonnets de formes et de dimensions variées, prenant le Gram. Cette pro- duction de nouvelles formes était assez lente pendant les 2 à 3 premiers jours, et n'atteignait son maximum qu’au bout de 3 à 5 jours. Il en résulte que les propriétés du contenu intes- tinal n’excluent donc pas le développement abondant d’un grand nombre de microbes qui y sont contenus; car si, dans les conditions normales, dans le gros intestin du cheval ces microbes ne se développent pas au degré qu'ils atteignent dans le liquide intestinal putréfié, c’est parce que le développement de ces microbes est relativement lent et que les masses fécales sont entraînées au dehors avant que les microbes aient eu le temps de se multiplier pour atteindre les limites indiquées. Nous devons donc admettre un certain rapport entre la com- position de la flore intestinale du cheval et le temps pendant lequel les masses fécales séjournent dans l’intestin, c’est-à- dire entre la composition de la flore intestinale et la structure et la fonction de l'intestin. Ce n’est pas tout. Si nous prenons un tube avec du liquide intestinal, et si nous le chauffons à 80 degrés avant de le porter à l’étuve, afin d’éloigner les microbes asporulés, nous verrons que, dans le liquide chauffé, la production de nouvelles espèces bactériennes est plus rapide que dans les tubes de contrôle qui contiennent le liquide non chauffé. Parfois, au bout de 24 heures déjà, on peut apercevoir dans les préparations faites avec le liquide chauffé une grande quantité de bâtonnets, de formes et de dimensions variées, et qui prennent le Gram, tandis que dans le liquide intestinal non chauffé, et dans le même temps, on n’aperçoit pas de nouvelles espèces, ou seulement une très faible quantité. Au bout de deux à cinq jours, la différence entre les tubes s'efface, car, dans le liquide intestinal chauffé, les bâtonnets commencent à former des spores et à se désagréger, tandis que, dans le liquide non chauffé, la production de nouvelles espèces bactériennes avance toujours lentement. Il faut noter encore que les caractères morphologiques des espèces bacté- riennes dans le liquide intestinal chauffé et dans le liquide non chauffé sont loin d’être identiques. Dès le début, afin d'établir une égalité parfaite dans les conditions de l’expé- FLORE BACTÉRIENNE DU GROS INTESTIN DU CHEVAL 359 rience, j’introduisais le liquide intestinal dans un seul tube ; je le secouais avec précaution, et je le partageais ensuite en deux parties égales, dont l’une seulement était chauffée. Il s’est rencontré des cas où il était impossible de reconnaître une différence dans le développement d’une nouvelle flore bac- térienne entre tubes chauffés et non chauffés. Ces irrégularités s’expliquent par la constitution chimique différente du liquide intestinal, et par les quantités variables de microbes sporulés qui s’y trouvent. Mais, en somme, les cas où des différences ont été consta- tées nous permettent de conclure qu’il existe beaucoup de microbes dans l’intestin du cheval, qui pourraient se dévelop- per plus rapidement et plus abondamment, si d’autres microbes (qui périssent à 80 degrés, selon notre expérience) ne gênaient leur développement. Par conséquent, les rapports des espèces dans le gros intes- tin du cheval sont déterminés par la même loi générale qui détermine les rapports entre les espèces de la flore ou de la faune de quelque région ou de quelque contrée, — par la loi de la lutte pour l’existence. Si le b. coli, l’entérocoque et le streptocoque sont les espèces dominantes dans le gros intestin du cheval, il est très vraisem- blable que ce sont eux surtout qui empêchent le développement des autres microbes. Comme le b. coli, le streptocoque et l’en- térocoque ne forment pas de spores et sont détruits par le chauffage; cette supposition se trouve en accord parfait avec les résultats des cultures dans le liquide intestinal, chauffé et non chauffé. Metchnikoff [64] a depuis longtemps exprimé l’idée que les rapports entre les germes intestinaux sont déterminés par les conditions de la lutte pour l’existence, et qu’il pourrait se trouver, dans l'intestin, des microbes qui empêcheraient le dé- veloppement d’antres microbes. Il a, lui aussi, isolé certains microbes capables d'empêcher le développement du vibrion du choléra. Tissier considère que le b. bifidus , qui domine dans la flore intestinale des nourrissons, est capable d’empêcher le dévelop- pement des autres espèces. A quel degré cette capacité d’empêcher le développement 360 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR est-elle propre aux trois espèces dominantes citées? Sur le b. coli, nous possédons un grand nombres d’indications, qui malheureusement sont encore contradictoires. Depuis long- temps, Bienstock [65 et 66] avait exprimé la supposition que le b. coli est capable d'empêcher la putréfaction. Escherich admet également que le b. coli peut empêcher le développe- ment d’autres microbes. Quant à la cause de cette action du b. coli, Tissier et Marthely [18], Passini [67] considèrent que le coli peut empêcher le développement des autres microbes dans un milieu contenant des hydrates de carbone, grâce à l’acide qu’il produit par la décomposition de ces derniers. D’autre part, quelques autres auteurs (Eijkmann [69], Konradi etKurpjuweit [70], Moro etMurath [68]), considèrent que le coli est capable de produire un corps thermolabile qui arrête non seulement son propre développement, mais aussi celui de quelques autres microbes. Mauteufel [71] nie l’existence d’un pareil produit. Bien entendu, cette action exercée par n’im- porte quel microbe dépend de la composition du milieu et des microbes sur lesquels elle doit s’exercer. Pour répondre à la question posée ci dessus, nous devons élucider si le b. coli, le streptocoque et l’entérocoque, ensemencés dans le liquide intes- tinal du cheval, peuvent empêcher le développement des au! res microbes qui s’y trouvent. Dans le tube avec contenu intestinal chauffé, j’ai ajouté le b. coli, l’entérocoque et le streptocoque, et ensuite, comme dans les cas précédents, j'ai suivi le développement de nou- velles espèces bactériennes. Les résultats obtenus étaient véri- fiés par comparaison avec des tubes de contrôle. J’ai observé que le b. coli peut arrêter le développement d’autres microbes et que parfois, dans les tubes avec le contenu intestinal chauffé et additionné du b. coli, le développement des nouvelles espèces bactériennes est plus lent que dans les tubes avec le contenu intestinal non chauffé. Pour obtenir ce résultat, il est nécessaire d’ajouter deux ou trois cultures de 24 heures du b. coli pour 20 cent, cubes de liquide intestinal. La réaction de ce liquide, avec ou sans le b. coli, restait toujours neutre ou faiblement alcaline. Celte action entravante du b. coli n’ajamais été absolue et la différence dans le développement des nouvelles formes bacté- FLORE BACTÉRIENNE DU GROS INTESTIN DU CHEVAL 36î riennes entre les tubes contenant le b. coli et les tubes ne le contenant pas disparaissait au bout de quelques jours. Les expériences correspondantes, faites avec le streptocoque et l’entérocoque n’ont pas donné de résultats concluants. Gela peut s’expliquer, peut-être, par la lenteur relative du dévelop- pement du streptocoque et de l’entérocoque, qui permet aux autres microbes contenus de se développer avant que l’enté- rocoque et le streptocoque aient pu exercer leur action. Il n’y a donc rien d’invraisemblable dans la supposition que, dans le gros intestin du cheval, où existe de longue date la prédominance quantitative du b. coli, de l’entérocoque et du streptocoque, non seulement le b. coli, mais aussi le slrepto- coque et l'entérocoque, exercent l’action empêchante sur les autres microbes. Il est possible qu’il se trouve encore d’autres microbes capables de la même action, très vraisemblablement des microbes acidophiles. Cependant, comme ces derniers sont en très petite quantité, il est douteux que leur action empê- chante ait une grande puissance. Cette action empêchante n'est pas absolue et ne dure pas long- temps, et nous savons déjà que dans le contenu intestinal non chauffé du cheval, et conservé dans des tubes stérilisés, il se pro- duit aussi le développement de nouvelles espèces bactériennes, quoique plus lentement que dans les tubes avec contenu intestinal chauffé. Par conséquent, le temps pendant lequel les masses alimentaires séjournent dans le gros intestin agit sur la composition de la flore intestinale; si, dans les conditions normales, le b. coli, le streptocoque et l’entérocoque gardent la prédominance, cela provient de ce que les masses alimen- taires sont évacuées au dehors bien avant que la quantité infinie des autres espèces puisse surmonter l'action des espèces dominantes. Il existe donc une certaine corrélation harmonique entre la composition des aliments, la structure du gros intestin et la composition de la flore intestinale du cheval, et cette corréla- tion est avantageuse au cheval. En effet, il s’amasse dans le gros intestin du cheval une grande quantité de matières alimentaires qui contiennent des microbes tels que le b. Welchi , le b . patrificus , le b. sporo- genes , le b. tetani , etc. ; et si tous ces microbes, se développant 362 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUtt sans entrave, atteignaient la limite indiquée par la composi- tion chimique du contenu intestinal, il est évident, que l’hôte serait constamment intoxiqué par la grande quantité de pro- duits toxiques dégagés, sa vie normale serait impossible. De plus, on rencontre constamment dans l’intestin du cheval des agents de la fermentation de la cellulose, de l’hémicellulose et de l’amidon. Pendant la fermentation de ces matières, il se forme des acides gras et beaucoup de gaz, ce qui, comme nous l’avons dit plus haut, présente un danger assez considérable pour les chevaux. C’est donc également une condition indis- pensable de vie normale, que P arrêt de développement des agents de la fermentation des matières déjà citées. Le fait que chaque microbe (à l’exception du h. coli, de l’entérocoque et du streptocoque) qui pénètre dans le gros intestin du cheval dans des conditions normales ne se déve- loppe que très lentement corrige dans une certaine mesure le développement exagéré du gros intestin. En poussant plus loin cette idée, nous pouvons dire que les facteurs de la sélec- tion naturelle, qui ont amené le cheval à ce développement exagéré du gros intectin, n’auraient pu manifester leur action, si, dans les conditions données d’alimentation, les rapports mutuels des espèces du gros intestin ne garantissaient pas la pauvreté relative de la flore intestinale. D'ailleurs, l’accord entre la composition de la flore intesti- nale et la structure du gros intestin, qui est une création inconsciente de la nature, en vue de la conservation de l’es- pèce, ne manque pas de défauts essentiels quand il ne s’agit que de l’existence et de la santé de l'individu. Bien que le développement des microbes nuisibles qui pénètrent dans le gros intestin du cheval rencontre des obstacles, l’obstacle n’est pas absolu, et les microbes nuisibles peuvent se développer dans de certaines limites, formant les produits toxiques qui leur sont propres. Le danger n’est pas supprimé; l’intoxication aiguë est rem- placée par l’intoxication chronique, d’autant que les espèces dominantes elles-mêmes peuvent à peine être considérées comme inoffensives, si l'on envisage particulièrement le b. coli (Metcbnikoff). Enfin, l’action empêchante porte sur tous les microbes en FLORE BACTÉRIENNE DU GROS INTESTIN DU CHEVAL 363 général qui pénètrent dans le gros intestin; non seulement sur les microbes nuisibles ou indifférents, mais aussi sur ceux qui, comme les acidophiles, pourraient être plus utiles que le b. coli, le streptocoque et l’entérocoque. Ceci accentue encore une fois la nécessité de remplacer la flore intestinale « sauvage » par une flore « cultivée », c’est- à-dire de résoudre le problème qu’est pour Metchnikoff le but final de l’étude de la flore intestinale. En terminant, je me fais un agréable devoir d’exprimer ma profonde reconnaissance à M. Metchnikoff qui a eu la bien- veillance de m’offrir ce sujet d’étude et de m’avoir guidé dans l’exécution de ce travail. .Je remercie MM. Burnet, A. Besredka et Weinberg d’avoir cherché à me le faciliter. 10 avril 1910. Mon travail était déjà terminé quand furent publiées les recherches de M. Iluber (1) sur la flore intestinale du cheval. Ces recherches avaient été entreprises dans un autre but et avec des méthodes différentes des miennes. L’auteur a trouvé que, dans l'intestin du cheval, on rencontre constamment des microcoques, des sarcines, des streptocoques, des b. coli, des microbes de l’eau, qui liquéfient la gélatine. Il a isolé des microbes qui se rapprochent du groupe paraty- phique B, mais qui s’en distinguent par certaines propriétés. Il n’a pas pu isoler les microbes acidophiles, ce qui s’ex- plique par le fait que, pour favoriser le développement des microbes acidophiles dans les cultures, il s’était servi de bouillon ordinaire additionné de I p. 100 d’acide acétique; or, les microbes acidophiles ne se développent pas dans ce milieu. Finalement, Iluber a trouvé un microbe anaérobie, qui lui paraît ressembler au h. putri ficus, mais il n'a pas pu constater (1) riuBER. Beitrüge zur Bcikteriologie des normcden Pfercledarmes mil beson- derer Berücksichtigung der Bakterien der Coll-Typhus Gruppe. Dissertation, 1910. 364 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR chez ce microbe la formation de spores, et n’a pas établi non plus comment ce microbe se comporte vis-à-vis du blanc d’œuf et de la gélatine. y BIBLIOGRAPHIE 1. Metchnikoff. — Essais sur la nature humaine, 1903. 2. 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Rodella. — Centralbl. fur Bakter., Bd 29. 50. Jacobson. — Annales de l'Institut Pasteur, 1908. 51. Weiss. — Centralbl. fur Bakter. Orig., Bd 36. 52. Cippolina. — Centralbl. fur Bakter., Orig., 1902. 53. A. Cahn. — Centralbl. fur Bakter., Orig., Bd 30. 54. Rodella. — Centralbl. für Bakter., Orig., 47. 55. Kuntze. — Centralbl. für Bakter., Orig., II Abth., 21. 56. Rist et Knoury. — Annales de l'Institut Pasteur, 1902. 57. Louersen und Khun. — Centralbl. fur Bakter., II Abth., Bd 20. 58. Weigmann, Gruber et Hess. — Centralbl. fur Bakter., II Abth, Bd 19. 59. Lohnis. — Centralbl. für Bakter., Bd 18, Abth. II. 60. Cohendy. — Comptes rendus de la Soc. de Biologie , 1906. 61. Finkelstein. — Deutsche medic. Wochensihr., 1900. 62. Rodella. — Zeitschr. für Hyg., Bd 39. 63. Tissier. — Annales de l'Institut Pasteur, 1908. 64. Metchnikofï. — Annales de l'Institut Pasteur, 1894. 65. Bienstock. — Annales de l'Institut Pasteur, 1900. 66. Bienstock. — Arch. fïir llyg., 39. 67. Passini. — Wiener, klin. Woch., 1906. 68. Moro et Murath. — Wiener, klin. Woch., 1906. 69. Eikmann. — Centralbl. für Bakter., Orig., 37. 70. Konradi und Kupriuweit. — Milnch, med. Woch., 1905. 71. Manteufel. — Zeitschr. für Hyg., Bd 57. 72. Metchnikofï. — Bull, de l’Institut Pasteur, 1903. EXPLICATION DES FIGURES 1, 2, 3, bac. sporogenes A. — 4, bac. sporogenes B. — 5, bac. sporogenes fœlidus. — 6 et 6 bis, bac. fœtidus albus. — 7, bac. botriosporus. — 8, bac. dessicans. — 9, bac. arachni fournis . — 10 et 11, bac. hastifonnis. *— 12, bac. Sewerini. — 13, bac. annulosporus . — 14 et 15, bac. gasogenes. — - 16, bac. amylolythicus. — 17, Sîreptobacillus anaerobicus magnus. — 18 et 19, bac. irregularis. — 20, bac. bifurcalus gasogenes. — 21, tetracoccus anaerobicus. — 22, bac. anaerobicus rectus , — 23, bac. B., du groupe de Bodella. — 24, bac. tenais non ligue faciens . — 25, bac. rosescens. — 26, coccobacillus anaerobicus parvus. — 27, micrococcus gasogenes. — 28, bac. clostridieformis. — 29, bac. megalosporus. 366 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR N ' V N* \\ ^ / X 11 FLORE BACTÉRIENNE DU GROS INTESTIN DU CHEVAL 367 308 ANNALES DE [/INSTITUT PASTEUR ERRATA Numéro du 25 mars 1911. Mémoire de MM. Metchnikoff et Besredka. Page 198, ligne 7, supprimer le renvoi (1) et le point d'interrogation (?). Le renvoi (1) du bas de la page se trouve annulé. Même page, ligne 14, le renvoi (2) se trouve devenir (1) et par conséquent le renvoi (2) du bas de la page devient (11. Page 200, ligne 3 du petit texte, au lieu de i sur boite de Pétri, lire : sur boite de Roux. Le Gérant : G. Masson. Paris. — L. Maretheux, imprimeur, 1, rue Cassette. 25e ANNÉE MAI 1911 N® 5 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR LES PHÉNOMÈNES DE FERMENTATION SONT DES ACTES DE DIGESTION NOUVELLE DÉMONSTRATION APPORTÉE PAR L’ÉTUDE DE LA DÉNITRIFICATION DANS LE RÈGNE VÉGÉTAL par P. MAZE. (Suite et fin.) IX Les b. dénitriliants 1 et 2 produisent de l'acide nitreux aux dépens de l’acide nitrique des nitrates, dans des milieux de composition spéciale. Lorsqu’on étudie les bacilles 1 et 2 en vue de leur faire produire de l’acide nitreux, on remarque que le bacille 1 se prête mieux à cette démonstration que le bacille 2. Chaque fois que le milieu de culture est de qualité médiocre, le bacille 1 produit de l’acide nitreux. Le bouillon de viande ordinaire sans pcptone, additionné de 5 p. 1000 de nitrate de potassium, ense- mencé avec le bacille 1, renferme au bout de quelques heures à 30 degrés des quantités très sensibles d’acide nitreux, ce qui n’empêche pas le développement d’une fermentation active; mais l’acide nitreux ne disparaît pas. Le même milieu additionné de 2 p. 100 de saccharose réagit de la même manière, mais plus énergiquement; l’acide nitreux disparaît au bout de six jours à 30 degrés. 370 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Le milieu minéral composé de la façon suivante : Phosphate de I\ 1 » Sulfate de magnésium. . . 0.5 Sulfate ferreux 0,02 Chlorure de sodium. ... 0,02 Carbonate de calcium . . 1 Glucose 20 Nitrate de sodium 5 Eau distillée 1.000 ensemencé avec b. 1, contient de l’acide nitreux au bout de quarante-huit heures; la fermentation est lente, mais elle est suffisante pour détruire tout le nitrate et le nitrite résultant au bout de dix à douze jours à la température de 30 degrés. Le b. 2 soumis aux mêmes influences n'a jamais produit d’a- cide nitreux; il semble donc plus rustique que le b. 1 qui otïre, on le voit, les plus grandes analogies avec le bacilliis denitri- ficans de Gayon et Dupetit. Il résulte de ces faits, si toutefois l’épithète médiocre appli- quée aux milieux précédents e-t juste, que pour provoquer la formation d’acide nitreux aux dépens de l’acide nitrique il suffit de gêner le développement des dénitrifiants. Comme le b. 2 semble assez résistant aux divers facteurs qui agissent sur le b. 1, j’ai tenu à examiner l’influence de la concentration du nitrate de potassium; le bouillon de Haricot avec 2 p. 100 de saccharose, qui convient le mieux à l’un et à l’autre microbes, m’a fourni les résultats suivants : Tableau VIII. Concentration en nitrate. . 1 p. 100 2 p. 100 5 p. 100 8 p. 100 Bacille n° 1. Action sur le nitrate . . Fermente. Fermente. Ne fermente pas. Ne fermente pas. Réaction nitreuse. . . . 0 0 + -F Temps employé à la des- truction du nitrate . . 2 jours. 7 jours. )> » Bacille n° 2. Action sur le nitrate . . Fermente. Fermente. Ne fermente pis. Ne fermente pas. Réaction nitreuse. . . . 0 0 0 + Temps employé à la des- truction du nitrate . . 2 jours. 3 jours. » » Le b. 2 produit donc aussi de l’acide nitreux comme le b. 1, ce qui prouve que l’acide mtreux existe toujours comme terme de passage; c’est le résultat que je tenais à mettre en évi- FERMENTATION ET DIGESTION 371 dence; il est probable que j'y serais parvenu encore par d’au- tres moyens; mais cette démonstration suffit. Le groupe des b. subtilis est connu également par la propriété que possèdent ses représentants de produire de l’acide nitreux en présence de nitrates. ’ J’en ai examiné 17 espèces qui proviennent toutes du lait; ensemencées dans du bouillon de haricot sucré et additionné de 0,5 p. 1000 de nitrate de potassium, toutes ces espèces ne se comportent pas de façon identique vis-à-vis de l’acide nitrique. 6 produisent de l’acide nitreux; 11 n'en donnent pas; sur ces dernières 1 seule espèce produit une fermentation visible. Parmi les 11 espèces qui ne donnent pas la réaction de l’acide nitreux, 8 détruisent l’acide nitrique : 3 en trois jours, 4 en quatre jours, 1 en sept jours; l’observation n’a pas été poussée plus loin. En présence de 5 p. 1000 de nitrate de potassium, deux espèces donnent naissance à de l’acide nitreux. Ces deux espèces sont comprises, bien entendu, parmi les onze qui ont donné une réaction nitreuse négative en présence de 0,5 p. 1000 de nitrate. Si on avait poussé plus loin la concentration en nitrate, il est probable que quelques autres représentants du groupe seraient venus grossir le nombre de ceux qui produisent de l’acide nitreux. Les microbes aérobies se comportent donc vis-à-vis des nitrates de façons très variées, si on considère même les espèces appartenant à des groupes physiologiques très bien définis, comme celui des b. subtilis. La destruction des nitrates sans formation apparente de produits de passage est fréquente; mais il est probable que si on recueillait les gaz on constate- rait un dégagement d’azote ou de protoxyde d’azote; la forma- tion d’acide nitreux en quantité dosable est également com- mune; et là où la destruction se fait sans apparition d'acide nitreux, il est toujours possible de provoquer sa mise en liberté. Si enfin on considère une espèce dénitrifiante quelconque, la variation des termes de passage entre 1 acide nitrique et l'am- moniaque est la règle; c’est la nature des milieux qui com- mande la nature et le nombre de ces produits, ainsi que MM. Gayon et Dupetit l’avaient déjà constaté. 372 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Tous les résultats que je viens d’exposer peuvent être obtenus au moyen de cultures sur gélose nitratée. Dans ces conditions, toute influence de la privation d’oxygène doit être écartée, si bien que l’acide nitrique et l’acide nitreux disparaissent ainsi en présence de l’air dans les milieux solides, par voie d’assimi- lation, exactement comme les sucres. Je conseille donc d’uti- liser de préférence ce mode de contrôle parce que les procédés les plus simples sont toujours les meilleurs. Il me reste maintenant à montrer que les bacilles dénitri- fiants 1 et 2 transforment une partie au moins de l’azote nitrique en ammoniaque. Pour établir cette proposition, j'ai eu recours aux milieux minéraux; si on place les bacilles 1 et 2 dans des conditions telles qu’ils ne disposent d’aucun autre aliment azoté que l’acide nitrique, on pourra affirmer qu’une fraction sensible de cet azote passe à l’état d’ammoniaque, si la culture se développe normalement. La solution que j’ai utilisée est celle de la page 370. Dans cette solution le bacille 1 produit de l’acide nitreux qui disparaît d’ailleurs à la longue; mais la présence de l’acide nitreux place la culture dans un état de souffrance qui enlève à la démonstration la force probante que lui donnent les cultures du bacille 2. A côté de ces cultures, j’en ai placé d’autres, effectuées dans le même milieu additionné de 0,5 p. 1000 de sulfate d’ammoniaque; une troisième série comportait enfin l’emploi du sulfate d’ammoniaque à l’exclusion du nitrate, autre moyen détourné de prouver que l'ammoniaque est aussi un excellent aliment azoté pour les bacilles 1 et 2. La pureté chimique du glucose vis-à-vis de ces microbes a été mise en évidence par des cultures effectuées dans le même milieu minéral privé de tout Composé azoté. Les observations relatives à ces cultures, exposées à la tempé- rature de 30 degrés sont consignées dans le tableau suivant. NATURE DE l' ALIMENT azoté. 1. So4(AzH4)s + Azo3Na . IL Azo3Na III. (AzII4)2So4 IV. Sans azote Tableau IX. NOMBRE DE JOURS écoulés avant l’apparition de la fermentation. Bacille 1. Bac. 2. NOMBRE DE JOURS écoulés avant la destruction totale du nitrate. Bac. 1. Bac. 2. 4 6 8 12 16 Ne fermente pas. Réaction nitreuse. Les deux [microbes se développent comme dans le milieu I. Les cultures ne se développent pas. FERMENTATION ET DIGESTION 373 Les cultures, faites dans 100 centimètres cubes de solution nutritive placés dans des fioles d’Erlemmeyer, de 500 centimètres cubes, étaient à dessein, largement aérées. Les microbes poussent d’abord au fond du liquide où ils •agglutinent la mince couche de carbonate de calcium en une masse de con- sistance mucilagineuse; puis, vers le troisième jour, le liquide se trouble et la fermentation commence, pour devenir très active les jours suivants. Les bulles de gaz entraînent la membrane du fond à la surface où elle se recon- stitue en un voile régulier quand la fermentation est finie. Lorsqu'on laisse les cultures au repos pendant plusieurs jours après l’arrêt de la fermen- tation, elles se ressemblent toutes, quels que soient les aliments azotés qu’on leur ait offerts à l’origine. Mais les débuts sont moins pénibles, cela se con- •coit, en présence de l'ammoniaque. La conclusion de ces observations, c’est que les bacilles déni- trifiants 1 et 2 assimilent l’azote nitrique et le transforment préalablement en azote ammoniacal. LA DÉNITRIFICATION CHEZ LES VÉGÉTAUX SUPÉRIEURS X Aspect de la question. Les végétaux supérieurs assimilent, on le sait, l'azote nitrique. L’ammoniaque et l’acide cyanhydrique représentent, dans les conditions ordinaires, les premiers termes de ce tra- vail de digestion. Après ce que je viens d’exposer au sujet de l’assimilation des nitrates par les microbes aérobies, l’existence de termes de passage entre l’ammoniaque et l’acide nitrique se présente comme une nécessité physiologique, même chez les végé- taux supérieurs. L’acide nitreux a été signalé depuis longtemps par Hoppe-Seyler; il a constaté sa formation, en plaçant des plantules ou des organes végétaux dans des solutions très diluées de nitrates; mais il ne s’était pas suffisamment mis en garde contre l’intervention possible des microbes. L’étude de la ques- tion a été reprise par Laurent (1), qui a conclu de ses recherches (1) E. Laurent, Annales de l'Institut Pasteur, t. IV, p. 722. 374 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR que les levures, les champignons et les végétaux à chloro- phylle produisent de l’acide nitreux aux dépens de l’acide nitrique. E. Laurent a utilisé le réactif de Griess, pour la recherche de l'acide nitreux ; c’est ce qui lui a permis de géné- raliser ses conclusions; le réactif de Griess est d’une sensibilité extrême, et les petites quantités d’acide nitreux qu’il peut déceler dans une solution de nitrate à 1 p. 100, où l’on intro- duit des champignons ou des végétaux vivants, ne résultent pas nécessairement d'une action physiologique; l'acide nitrique est l’aliment azoté le plus répandu des végétaux supérieurs ; c’est par tonnes qu'il s’absorbe sous nos yeux et c’est par grammes qu’il faut l’offrir à une plante volumineuse comme le maïs, si on veut en assurer le développement. Si, par conséquent, l'acide nitreux se présente comme un produit normal de la digestion de l'acide nitrique, il doit se former en quantités pondérables lorsqu’on en provoque l'apparition ; le réactif de Tromsdorff peut être considéré comme très, suffisant pour déceler sa pré- sence dans les recherches sur les végétaux supérieurs, et je pense même qu’il est prudent de ne pas ranger parmi les résul- tats positifs ceux qui ne reposent pas sur une réaction nette, immédiate et intense. En immergeant des plantules de pois, d’âge variable de trois à quinze jours, étiolées ou vertes, privées de microbes, dans une solution de nitrate de potassium à 1 p. 100, on observe une transformation de l’acide nitrique en acide nitreux ; la réduction devient perceptible au bout d’un temps plus ou moins long. Si on fait la même expérience dans le vide obtenu au moyen de la pompe à mercure, il ne se forme pas d’acide nitreux, quelle que soit la durée de l’expérience. Autre anomalie : les graines de pois placées sous l’eau nitratée, toujours à l’abri des microbes, ne réduisent pas l’acide nitrique avec formation d’acide nitreux, d'après les observations de E. Laurent ; j’ai constaté que l’acide nitreux peut apparaître au bout d’un temps très long, pour dispa- raître ensuite lentement; mais la réaction reste toujours relativement faible. La disparition des nitrites formés en présence de plantules de pois immer- gées a été, observée par E. Laurent; dans mes expériences, ils ont persisté pendant quatre mois ; mais j’ai noté cependant une diminution sensible de 1 intensité de la réaction. Les graines de pois immergées dans l’eau nitratée à 1 p. 100, et placées dans le vide, transforment à la longue les nitrates en nitrites; si on réalise des essais en série en plaçant les graines dans des tubes scellés, l’ap- parition des nitrites se fait en quelques heures, ou en quelques jours si FERMENTATION ET DIGESTION 375 on laisse rentrer l’air après un séjour plus ou moins prolongé dans le vide. Voici donc une fonction qui présente encore, aussi bien chez les graines de pois que chez les plantules, une allure très capricieuse ; tous ces résultats sont néanmoins possibles, et si on veut bien se rappeler toutes les variations de même nature que les bacilles dénitrifiants (1) et (2) nous ont permis d’enregistrer, ils sont, a priori , tout à fait vraisem- blables. Il est vraisemblable aussi, chacun le devine aisément, que la transformation des nitrates en nilrites, ou dérivés gazeux de l’acide nitreux, en ammoniaque même, constitue une série d’actions physiologiques ou d’actions diastasiques parfaitement ordonnées chez les végétaux supérieurs où on n’en saisit que les deux termes extrêmes, mais susceptibles d’être dissociées de bien des façons, suivant que l'une ou l’autre, les unes ou les autres prédominent ou faiblissent. Les bacilles dénitrifiants aérobies 1 et 2 ne se prêtent pas à l’isolement des diastases qui président à la décomposition de l’acide nitrique ; les procédés employés couramment dans ce genre de préparations ne don- nent aucun résultat ; les bacilles 1 et 2, cultivés en grande surface, sur gélose nitratée, produisent des cultures abon- dantes ; si on racle ces cultures pour les introduire dans une solution de nitrate à 1 p. 100, additionnée ou non de 2 p. 100 de glucose, de façon à obtenir une émulsion très riche de corps de microbes vivants et jeunes, on n’observe pas, pendant les premières heures, de dégagement gazeux; mais il se déclare néanmoins au bout de six à huit heures, à la température ordi- naire ; cette particularité rappelle bien la manière dont se com- porte la levure traitée de la même façon ; les diastases qui détruisent ou disloquent l’acide nitrique et nitreux ne s’accu- mulent pas dans les microbes cultivés sur milieux solides; elles résistent mieux en milieux faiblement aérés et c’est en s’adressant aux cultures effectuées dans ces conditions qu’on pouvait escompter la possibilité de préparer des diastases actives ; mais ces prévisions ne se réalisent pas non plus, sans doute parce que la dénitrification exige un concours compliqué de diastases. Il est en effet facile de montrer que la dislocation 376 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR de l’acide nitrique exige au moins deux diastases distinctes : des plantules de pois de 3 à 4 centimètres de tige sont placées dans le vide, fait à la pompe à mercure, et immergées dans des solutions de nitrate de potassium à 1 p. 100 ou de nitrite de potassium à 1 p. 1000. Les plantules placées dans la solution nitrique ne décomposent pas l’acide nitrique du nitrate avec formation de produits intermédiaires. Celles qui sont immer- gées dans la solution nitreuse produisent de Y azote, du pro- toxyde d'azote , et de Y oxygène libre aux dépens de l’acide ni- treux. Voici donc un résultat qui prouve bien l’intervention d’au moins deux diastases distinctes dans la dislocation de l’acide nitrique. Leur recherche dans le suc de plantules de pois est tout indiquée ; mais comme il est nécessaire d’employer des sucs filtrés sur bougie, de façon à. éviter les perturbations causées par la présence de microbes, on obtient un liquide qui est privé de la plus grande partie des substances actives. Le liquide filtré, additionné ou non de nitrate, donne instantané- ment la réaction de l’acide nitreux, lorsqu’il est exposé à l’air ; on est donc, en réalité, en présence d’un corps qui présente la réaction de l’acide nitreux, mais qui ne dérive pas de l’acide nitrique. Placé dans le vide, le même liquide additionné de nitrate ne donne plus la réaction de l’acide nitreux. Les phénomènes de dénitrification provoquée se présentent donc sous un aspect un peu complexe; il convient maintenant de les examiner méthodiquement. Les résultats ne deviennent intéressants que lorsqu’on place les graines et les plantules dans le vide ; il est donc nécessaire de faire, dans les fioles où l’on introduit les graines et les plan- tules, un vide aussi complet que possible au moyen de la pompe à mercure, tout en assurant l’élanchéité rigoureuse des joints et des fermetures en les recouvrant de mercure. FERMENTATION ET DIGESTION 377 XI Dénitrification par les graines et les plant ules immergées en récipients ouverts. Les plantules de pois âgées de cinq à quinze jours, cultivées à l’abri des microbes, à la lumière ou à l’obscurité, immergées dans une solution de nitrate de sodium à 1 p. 100, produisent •de l’acide nitreux au bout d’un temps variable. Le temps qui s’écoule entre le moment de l’immersion et l’apparition de l’acide nitreux dépend du volume de la solution rapporté à une plantule. Plus ce volume est grand, plus lentement se fait la mise en liberté d’acide nitreux. On peut aussi faire germer des graines de pois par le procédé ordinaire, à raison d’une graine par tube à essai, sur 10 centimètres cubes d’eau dis- tillée. Ouand elles sont suffisamment développées, on les pousse au fond du liquide qu’on additionne d’une solution de nitrate préalablement stérilisée, de façon à obtenir une concentration de 1 p. 100. Dans des tubes ainsi pré- parés, la réaction de l'acide nitreux devient perceptible au bout de huit jours d’immersion ; les plantules immergées dans l’eau distillée ne donnent pas 3a réaction de l’acide nitreux. J’ai employé en même temps des fioles d'Erlemmeyer dans lesquelles le •support des graines était formé de perles de verres; avec ce dispositif, on peut faire germer de 25 à 50 graines de pois sur environ 50 centimètres cubes d’eau distillée. Immergées ensuite dans 100 centimètres cubes d'eau nitratée à 1 p. 100, ces plantules produisent de l'acide nitreux en moins de quarante-huit heures; la réaction devient extrêmement intense avec le temps, puis décroît peu à peu ; elle a persisté plus de trois mois dans les tubes ; dans les fioles d’Erlemmeyer, elle a duré également plus de deux mois et demi ; les plantules immergées dans l’eau distillée ne donnent pas la réaction de l’acide nitreux. Les graines de pois immergées dans les mêmes conditions ne réduisent pas les nitrates ; cependant la réaction de l’acide nitreux apparaît au bout d’un temps très long (trois à quatre semaines), lorsqu’on introduit 20 à 30 graines dans un tube à essai avec un volume de solution de nitrate juste suffisante pour les recouvrir. Si on utilise le même dispositif, et qu’on scelle les tubes à la lampe après y avoir fait le vide, on constate que l’acide nitreux se forme au bout de quelques jours, lorsqu’on casse la pointe des tubes scellés pour laisser rentrer l’air. Après un séjour de neuf jours dans le vide, et sept jours de contact avec l'air, la réaction nitreuse est très intense. Les tubes ouverts au bout de dix-sept jours ne donnept pas la réaction de l’acide nitreux, au moment où on laisse rentrer l’air; le- liquide réduit le bleu de méthylène, l’iodure ■d’amidon, etc. ; l’acide nitreux se forme après quelques jours de contact avec l’air. Si on analyse le liquide nitraté à 1 p. 100 après un séjour de soixante- deux jours dans le vide afin de déterminer la quantité d’acide nitrique 378 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR décomposé, on constate que celui-ci demeure intact ; la fermentation alcoo- lique n’est pas sensiblement gênée par la présence du nitrate de potassium. En 62 jours, 107 graines immergées dans 100 cent, cubes de solution de nitrate à 1 p. 100 produisent à 20 degrés environ : Alcool COs en poids J^tQ- = 1,036. Chiffre théorique = 1,045. Les graines de maïs ou les plantules de maïs ne décom- posent pas non plus les nitrates à l’air ni dans le vide, si on prend comme moyen de contrôle la formation d’acide nitreux. J’ai constaté une seule fois la réaction nitreuse avec les graines du maïs immergées, après douze jours d'immersion; la réac- tion est restée faible; l’acide nitreux a disparu peu à peu; après trente-neuf jours la réaction redevient négative. Tous ces fails s’expliquent si on admet, ainsi que je l’ai montré, que la réduction de l’acide nitrique et la décomposi- tion de l’acide nitreux constituent deux phénomènes physio- logiques accomplis par deux diastases distinctes. Si les graines ou les plantules sont placées dans des condi- tions de vie normale, la décomposition des nitrates s’effectue sans formation apparente de produits de passage, parce que les diverses phases du phénomène se déroulent dans des condi- tions d’équilibre parfait. Lorsqu’on les prive d’air, la décom- position s’arrête en apparence encore; en réalité elle se pour- suit lentement; mais la décomposition de l'acide nitreux marche de pair avec la réduction de l’acide nitrique, et, des petites quantités de nitrate détruites par les plantules à l’abri de l’oxygène, il ne reste rien qui permette de saisir le procédé suivant lequel se fait la dénitrification. Mais la privation presque totale d’oxygène, telle qu’on la réalise par l’immersion des plantules, détruit l’équilibre entre les deux phénomènes. On peut même avancer ou retarder la rupture en réduisant ou en augmentant l'aération par la dimi- nution ou l'accroissement du volume de la solution mise à la disposition de chaque plantule. C’est donc un phénomène d'assimilation complète ou, tout au moins, une transformation de l’acide nitrique en ammo- niaque qui se réalise pendant les premiers jours ; puis, lorsque l'acide nitreux apparaît, c'est la réduction de l’acide nitrique 1 gr. 12894 1 gr. 069 FERMENTATION ET DIGESTION 379 qui progresse plus vite que la décomposition de l’acide nitreux; l’équilibre des deux actions se rompt donc en faveur de la réduction de l’acide nitrique; si on poursuit l'expérience, on voit peu à peu la deuxième phase du phénomène reprendre Je pas sur la première, si bien que l’acide nitreux finit par dispa- raître à peu près complètement. Jusqu’ici, les faits relatifs à la dénitrification par les plantules de pois n'échappent pas à une interprétation rationnelle. On peut cependant se demander pourquoi les graines sont si peu actives : il suffit de rappeler, à ce sujet, que l'assimilation des nitrates par les végétaux est surtout localisée dans les feuilles, les pousses et les bourgeons pour en trouver la raison; dans les graines en voie de germina- tion, on constate aussi que l'acide nitrique est absorbé surtout dans les régions terminales de la tigelle; les cotylédons n’in- terviennent que peu ou pas dans le phénomène; c’est pour cela que les graines se montrent si peu actives et qu il est très difficile de mettre en évidence l'acide nitreux qu’elles forment aux dépens des nitrates. XII Réduction de l'acide nitrique et de l’acide nitreux par les plantules de pois et de maïs placées dans le vide. La décomposition de l'acide nitreux par les plantules im- mergées est probablement accompagnée d'une déperdition d’azote gazeux ou de composés oxygénés dérivés de l’acide nitreux, comme chez les microbes aérobies; mais il n'est pas facile de mettre le fait en évidence en présence de l’air; le phénomène ne porte en effet que sur des quantités très faibles d'acide nitreux; on ne peut donc en donner une démonstration précise qu’à la condition d’utiliser des solutions nitreuses et de placer les plantules dans le vide. Le tableau X renferme les principales données fournies par les expériences réalisées dans ces conditions. Pour établir la décomposition de l'acide nitri- que dans le vide, j’ai placé en même temps des lots de plan- tules identiques dans des solutions de nitrates à 1 p. 100 et dans de l’eau distillée. Le volume des solutions employées, le même partout, était de 100 centimètres cubes. 380 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Tableau X. Première série d’expériences. Pois. Age des plantules développées à 20 degrés .... 5 jours. Nombre de plantules dans chaque lot 14 — Nature des solutions NITRITE NITRATE EAU de sodium de potassium distillée 1 p. 1000 1 p. 100 Durée de l’expérience, en jours 44 » 43 » 42 » Volume de gaz recueilli, en cent, cubes. . . . 2 G » 145 » 135,5 CO2, en cent, cubes 20,3 145 » 135,5 Poids du CO2, en milligr ...... 284,2 265,5 Alcool formé, en milligr 31,25 318 » 287,3 Résidu gazeux non absorbé parKOH, en c. c. 5,7 Traces. Traces. Composition des résidus, en cent, cubes : 0 2 »> » )) N*0 M )) » N 2,6 ‘> » Deuxième série. Age des plantules développées à 22 degrés . . . 9 jours >• Nombre de plantules dans chaque lot . 20 — Nature des solutions NITRITE NITRATE EAU ✓ de de sodium potassium distillée Durée de l'expérience en jours 1 p. 1000 36 » 1 p. 100 33 *> 28 »» Volume de gaz recueillis, en cent, cubes. . . . 46,47 188,05 187,94 CO2, en cent, cubes . 35,71 188,05 187,94 CO2, poids en milligr . 70,00 368,57 368,36 Alcool formé en milligr . 65,62 366,8 410,4 Nitrite ou nitrate détruits en milligr 67,4 40,6 » Résidu gazeux non absorbé par KO H, en c. c . 10,76 Traces. Traces. Composition du résidu gazeux en cent, cubes 0 2.28 )) )) N20 1,20 » )) N 7.28 » » Les résultats fournis par les plantules de maïs traitées de la même façon sont identiques aux précédents. Ils sont résumés dans le tableau suivant. FERMENTATION ET DIGESTION 381 Tableau XI. Première série. Maïs. Nombre de plantules dans chaque lot 10 Age des plantules développées à 30 degrés. ... 7 jours. Nature des solutions NITRITE NITRATE EAU de sodium de potassium distillée 1 p. 1000 1 p. 100 Durée de l’expérience en jours . . . / . 24 » 55 » 59 » Volume de gaz recueilli, en cent, cubes . . . 64,38 433,1 330,3 CO2 en cent, cubes 55,40 433,1 330,3 CO* en milligr 103,58 899 ». 647,5 Alcool trouvé en milligr 101 » 895 .» 712,25 Résideux gazeux non absorbé par KOH en c.c. 8,98 Traces. Traces. Composition du résidu en cent, cubes : 0 3,33 » )) N20-f N 5,65 )) )) Nitrite ou nitrate détruits en milligr 67,4 40,6 )) Deuxième série. Nombre de plantules dans chaque lot . 10 Age des plantules développées à 30 degrés. . . 6 jours. Nature des solutions NITRITE NITRATE EAU de de sodium potassium distillée p. 1000 p. 100 Durée de l’expérience en jours 20 » 8 » 9 »> Volume gazeux recueilli, en cent, cubes .... 18,91 225,7 249,3 CO2 en cent, cubes 11,10 225,7 249,3 CO* en milligr 21,75 442,37 481,3 Alcool trouvé en milligr » 432,2 499,32 Résidu gazeux non absorbé par KOH en c. c. . 7,81 Traces. Traces. Composition du résidu en cent, cubes : 0 3,4 )) )> N20 2,61 )) » N 1,80 )) » Nitrate ou nitrite détruit en milligr 50 » 31,8 )) Les mêmes expériences, répétées sur les graines de pois et de maïs en présence de nitrite ou de nitrate, ne donnent pas de produits de décomposition appréciables de l’acide nitreux ou de l’acide nitrique. Deux faits importants ressortent de l’examen de ces tableaux : 1° La destruction des nitrates par les plantules à l'abri de 382 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR l’air sans formation de substances dérivées de l’acide nitrique; 2° La décomposition de l’acide nitreux avec mise en liberté d'oxygène, de protoxyde d'azote et d’azote. La quantité de nitrate détruit est faible ; elle se traduit par un appauvrissement de la solution et par un dégagement sensible de gaz carbonique, en excès sur la quantité correspondant à l’alcool trouvé. Cet excès est plus élevé que les chiffres accusés par l’expérience, car les plantules de pois et de maïs renfer- ment en moyenne 2 milligrammes à 2 milligr. 8 d'alcool par pied, au moment où on les met en expérience ; cet alcool resto dans la plante pendant que le gaz carbonique correspondant est enlevé par la pompe à mercure ; c’est pour cette raison aussi que l’alcool trouvé dans les solutions nitreuses ne provient pas de la fermentation alcoolique accomplie en présence du nitrite de sodium ; il résulte, en effet, de la comparaison des chiffres de gaz carbonique obtenu dans les différentes conditions que le nitrite de sodium détruit la zymase, tandis que le nitrate de potassium est sans action sensible sur elle. L’influence des nitrates sur le développement des plantules reste donc sans effet sensible à l’abri de l'air ; j’ai remarqué cependant que, pendant les premiers jours de privation d'oxy- gène, les plantules de maïs obéissent aux sollicitations géotro- piques en présence du nitrate, bien plus que dans l’eau dis- tillée ; elles conservent, d’ailleurs, les unes et les autres, la propriété de se développer pendant huit à dix jours lorsqu’on les remet à l'air; le nitrite de sodium détruit rapidement leur faculté végétative. L'absence de nitrite dans les solutions de nitrate s'explique par le fait que la réduction de l’acide nitrique s’effectue plus lentement que la décomposition de l’acide nitreux; cette déduc- tion ne résulte pas de l’expérience faite en présence de nitrate, mais bien de la propriété que possèdent les plantules de décom- poser les nitrites. La solution de nitrate, enrichie des matières réductrices provenant des plantules, reste d’ailleurs capable de réduire le bleu de méthylène, l’iodure d’amidon, etc., à la lin de l’expérience, ce qui n’a pas lieu en présence de nitrite. Considérons maintenant le fait le plus imprévu p^armi ceux qui sont consignés dans le tableau X, la décomposition de l’acide nilreux avec dégagement d’oxygène. FERMENTATION ET DIGESTION 383 Au premier abord, ce fait semble paradoxal si on tient compte des conditions d’anaérobiose auxquelles les plantes sont sou- mises. Mais si on veut bien considérer les modes de dislocation des substances fermentescibles par voie diastasique, on est bien obligé d’admettre que l’oxygène émigre avec autant de facilité que l’hydrogène. L’oxygène est donc virtuellement un produit de fermenta- tion comme l’hydrogène ; mais il se combine très facilement soit avec une partie de la mo- lécule désintégrée, soit avec d’autres substances oxydables toujours présentes dans la cel- lule vivante. Mais on conçoit qu’il puisse se dégager comme l’hydro- gène, si la substance fermen- tescible peut céder, en se dislo- quant, des quantités d’oxygène plus que suffisantes pour oxy- der tous les corps susceptibles de l’absorber. C’est ainsi que s’explique très simplement le dégage- ment d’oxygène ; et comme l’acide nitreux détruit la plus grande partie des diastases de la cellule, à en juger par son action sur la zymase, tout en respectant naturellement celles qui le décomposent, du moins à la concentration de 1 p. 1000, le dédoublement de l’acide nitreux se poursuit assez longtemps pour fournir des quantités dosables d’oxygène. Le dégagement d'oxygène peut être mis en évidence par des procédés très simples. Parmi les réactifs capables de déceler sa présence dans un espace clos, on n’a que l’embarras du choix; j’ai accordé la préférence au bleu de méthylène. Pour en faciliter l’emploi, on l’introduit dans une gélose préparée avec de l’eau distillée. La gélose dissoute à 100 degrés est addi- 384 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR tionnéede petites quantités de glucose, 1 dix millième environ, alcalinisée très légèrement avec de la soude et enfin colorée en bleu foncé par une solution de bleu de méthylène dans l’eau distillée. La gélose se décolore en une minute ou deux à 100 degrés, elle est introduite au moment voulu dans la tubu- lure latérale l jusqu’au niveau n [B, fig. 1]. Les plantules sont placées dans 1 e petit ap pareil [À, fig. 1 ] dont la fonction et le maniement s’expliquent d’eux-mêmes. On fait le vide en balayant plusieurs fois à l’acide carbonique ; quand ce résultat est obtenu, on introduit la gélose par l’effilure dont on casse l’extrémité c, fermée jusque-là, en l’appliquant contre le fond du tube de gélose maintenu au bain-marie à 100 degrés, La pince p permet de fixer le niveau de la gélose au point voulu. Ceci étant fait, on ferme la tubulure verticale à la flamme et on obtient ainsi l’appareil B absolument hermé- tique. Dans ce tube, la solution de nitrate à 1 p. 100 reste incolore dans l’obscurité ; en présence de plantules de pois ou de maïs la leucobase du bleu de méthylène ne présente pas trace de bleuissement. Dans les solutions de nitrite de sodium à 1 p. 1000, les plantes produisent une coloration uniforme jaune-rougeâtre en présence du pois, acajou clair avec le maïs. Le bleu apparaît à la surface de la gélose malgré ses propriétés légèrement réduc- trices ; il y persiste pendant toute la durée de l’expérience, c’est- à-dire plusieurs semaines à 30 degrés. XIII Influence de la température sur la destruction des substances qui interviennent dans la décomposition de l’acide nitreux. J’ai employé jusqu’ici l’expression diastase pour désigner les substances capables de produire la décomposition de l’acide- nitrique et de l’acide nitreux, bien que je n’aie pas cherché à les caractériser comme telles. 11 importe peu d’ailleurs que leurs propriétés cadrent avec celles des substances qui sont classées sous cette dénomination ; la résistance à la chaleur est plus ou moins grande chez les diastases classiques ; le peu de résistance FERMENTATION ET DIGESTION 385 qu’on leur reconnaît est plutôt une conséquence des relations étroites qu’elles présentent avec les substances albuminoïdes qui sont, on le sait aussi, plus ou moins difficiles à coaguler par le chauffage suivant leur nature, et surtout suivant leur degré -de concentration. Soumises à une température de 100 degrés pendant quinze minutes, les plantules de pois et de maïs conservent la propriété de décomposer l’acide nitreux avec dégagement d’oxygène. En prenant les précautions les plus minutieuses pour me mettre à l’abri des causes d’erreur et en faisant le vide à la pompe à mercure j’ai obtenu, avec les plantules de pois âgées de huit jours, les résultats suivants : Tableau XIÏ. Nombre de plantules, dans chaque lot 12 Durée de l’expérience . 21 jours. Volume de la solution nitreuse employée, le nitrite de sodium étant introduit après chauffage 100 cent, cubes. Concentration de la solution en nitrite 1 p. 1000. PLANTULES PLANTULES chauffées, non chauffées. Volume de gaz recueilli, réduit à 0 degré sous la pression 760, en cent, cubes 4,3 32,6 Composition centésimale : CO2 14,15 70,58 O 16,64 6 .» N2Ü 10 » 10 » N 59,21 13,42 Nitrite détruit, en milligr 12,32 50,4 On voit donc qu’un chauffage très sévère n’abolit pas com- plètement la propriété que possèdent les plantules de pois de décomposer l’acide nitreux. Les plantules de maïs se compor- tent exactement de la même façon. XI Y Assimilation de l’acide nitreux par les végélaux supérieurs. Il me reste maintenant à démontrer que les végétaux supé- rieurs assimilent l’azote de l’acide nitreux et se développent 25 385 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR bien lorsque celui-ci constitue le seul aliment azoté dont ils disposent. Le tableau XIII montre que la germination des graines de pois et de maïs est possible en présence de doses assez élevées de nitrite. J’ai réuni dans ce même tableau les observations relatives à la marche de la germination en présence de solu- tion de nitrate de sodium, afin de permettre d’établir une comparaison entre l'influence des nitrates et celle des nitrites. Tous les essais ont été réalisés à l’abri des microbes ; chaque lot comprenait dix graines. Tableau XIII. Pois. Durée de la germination, à 20 degrés 3 jours. 5 j- 8 j- Nitrite de sodium : 1 p. 1000 Graines germées. 3 gr. 6 gr. 6 gr* — 2 — — ' 3 — 6 — 6 — — 5 — — 0 — 0 — 0 — Nitrate de sodium : 5 p. 1000 Graines germées. 10 gr. 10 gr. 10 gr. — 10 — — 5 — 6 — 8 — — 20 — — 0 — 0 — 0 — — 40 — Maïs . 0 — 0 0 Durée de la germination, à 30 degrés 3 j. 4 j i. 3 j- 9 .}• Nitrite de sodium : 1 p. 1000 Graines germées. 10 g. 10 g- 10 g. 10 g- — 2 — — 3—7 — 8 — 10 — — 5 — — 0—4 — 7 — 7 — Nitrate de sodium : 5 p. 1000 Graines germées. 9 g. 9 g- 10 g. 10 g. — 10 — — 5—7 — 9 — 10 — — 20 — 0—0 — 0 — 5 — — 40 — — 0—0 — 0 — 0 r Les graines sont considérées comme germées lorsque la radicelle est bien sortie; ce caractère n’indique pourtant que le début de la végétation ; mais comme elle se poursuit plus ou moins vite, suivant la concentration des solutions, quand la radicelle se montre, j’ai choisi ce caractère comme terme de comparaison. Comme on peut s’en rendre compte, le maïs supporte mieux le nitrite de sodium que le pois ; toutes les plantules qui se sont développées ont donné à la longue des végétaux normaux ; cependant, du côté des racines, on observe les modifications FERMENTATION ET DIGESTION 387 qui dénotent une concentration trop élevée des solutions ou la présence d’un antiseptique dans l’eau de germination : la racine principale cesse de s’allonger dès qu’elle plonge dans la solution, ou bien elle se contourne sur elle-même et revient vers le tampon de coton qui porte la graine, pour sortir du liquide lorsque son action nocive n’est pas trop pro- noncée. Dans les solutions les plus concentrées, le dévelop- pement de la racine s’arrête net ; de nouvelles ramifications partent soit de la base de l’axe, soit de la tigelle, et s’arrê- tent à leur tour dès qu’elles plongent dans la solution. Tous ces phénomènes peuvent se résumer dans l’énoncé sui- vant d’une loi constante : la plante règle sa surface d’absorp- lion radiculaire en raison inverse de la concentration des solutions minérales dans lesquelles plongent ses racines. Les tiges de maïs ne présentent rien d’anormal ; celles des pois ont un aspect très curieux : l’axe principal ne s’allonge pas dans les solutions à 2 p. 1000 de nitrite de sodium; il atteint à peine 3 centimètres de longueur; de nombreuses rami- fications partent de sa base; celles-ci donnent de nouveau nais- sance à d’autres semblables et ainsi de suite sans qu’aucune ne dépassse sensiblement la première développée, si bien que l’ensemble rappelle une inflorescence de chou-fleur qui com- mence à monter. Il ressort de ces essais que la germination des graines de pois et de maïs est possible en présence de 1 p. 1000 de nitrite de potassium, avec une résistance plus marquée à l’action antiseptique du nitrite chez le maïs. Comme celui-ci se prête très bien à des cultures en solution minérale, j'ai réalisé ces cultures dans les solutions suivantes, où le seul aliment azoté est le nitrite de sodium à la concen- tration de 0,5 p. 1000. Eau distillée 1.000 Nitrite de sodium 0,5 Phosphate bipotassique . . 1 Sulfate de magnésium . . 0,2 Sulfate ferreux 0,1 Chlorure de manganèse. . 0,05 Chlorure de zinc . / T Silicate de potassium . . ) Carbonate de calcium. . . 2 » Les plantules dont la germination s’est faite sur l’eau dis- tillée sont placées dans des flacons de 3 litres non munis de 388 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR tubulures latérales, car il ne s’agit pas de pousser le dévelop- pement jusqu’à la formation des graines, mais de montrer que l’azote de l'acide nitreux peut subvenir à la nutrition azotée de la plante. Les débuts de la végétation sont pénibles, et les plantes au nombre de trois présentent un retard considérable sur les témoins. Fig. 2. La première photographie permet déjuger l’état de la végé- tation pendant les premières semaines de l'expérience, par comparaison avec une plante témoin développée dans la solu- tion suivante : Eau Nitrate de sodium Sulfate d'ammonium . . . Phosphate bipotassique. . Sulfate de magnésium . . 1.000 »» 1 » 0,23 1 » 0,2 Sulfate ferreux ...... Chlorure de manganèse. . Chlorure de zinc . ... ) Silicate de potassium . . ) Carbonate de calcium. . . 0,1 0,05 Traces. 2 »» * La chlorose des deux plantes les plus avancées est très pro- noncée; le n° 3 plus chétif ne présente pas de chlorose au début, FERMENTATION ET DIGESTION 389 mais elle apparaît dès que la végétation prend un essor plus vigoureux. Cette chlorose disparaît peu àjpeu et assez brusque- ment quand le temps, très peu propice au début, se remet au beau pendant la première quinzaine d’août 1909. Les racines se développent mal également tant que la solution ne s’affaiblit pas par les progrès de l’assimilation ; elles n’atteignent pas le dépôt calcaire du fond où se réunis- Fig. 3. sent les bases terreuses et alcalino-terreuses [précipitées sous l’influence de la stérilisation; cette particularité joue un rôle très important dans la marche de la végétation et dans la chlorose qui se manifeste à côté de l’influence spécifique du nitrite de sodium. Quand les extrémités radiculaires parviennent jusqu’au dépôt insoluble, les plantes prennent de la vigueur; leur teinte devient normale, les nouvelles racines qui se forment sont également normales et rien ne dénote plus la présence du nitrite de sodium dans l’aspect de la plante; la couleur de la solution nutritive seule reste jaune jusqu’à la fin de l’expé- 390 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR rience, résultat dû à l’oxydation des régions superficielles des racines et des substances organiques qu’elles laissent diffuser dans le liquide nutritif. La deuxième [photographie a été prise au moment où les plantes ont leur aspect normal; la troisième photographie montre le développement des plantes au moment où l’on a mis fin aux expériences. Le n° 3 a été arrrêté bien plus tard Fig. 4. que les nos 1 et 2, quand toute la solution minérale a été com plètement absorbée. Le tableau XIV donne les poids respectifs des plantes : Tableau XIV. Durée des cultures. Poids sec des plantes. N° 1 63 jours. 12.538 grammes. N» 2 65 — 12.966 — N° 3 83 — 16.312 — On voit donc que les plantes de maïs alimentées avec de FERMENTATION ET DIGESTION 391 l’acide nitreux, à l’exclusion de tout autre aliment azoté, se sont bien développées, en absorbant entièrement tout l’acide nitreux de la solution nutritive. L’acide nitreux, terme de passage de l’assimilation des nitrates, ou, si l’on préfère, produit de fermentation de l’acide nitrique, est un aliment des végétaux supérieurs. Le problème posé au début de ce travail est donc bien démontré dans toute sa généralité. DE L’ANAPHYLAXIE ET DE L’ANTIANAPHYLAXIE VIS-A-VIS DU BLANC D'ŒUF (onzième mémoire) par A. BESREDKA et J. BRONFENBRENNER (de New- York). (Laboratoire du professeur Metchnikoft.) Toute étude d’anaphylaxie et d’antianaphylaxie peut se ramener à l’étude de trois fonctions : sensibilisante, toxique et vaccinante (1). I Fonction sensibilisante. Pour étudier l'anaphylaxie vis-à-vis du blanc d'œuf, nous nous adressons à des cobayes jeunes, pesant de 200 à 350 grammes. Suivant les besoins de l’expérience, nous sensibilisons d’une manière active ou passive. Pour réaliser une sensibilisation active , nous injections, au début, sous la peau, 0,5 centimètres cubes de blanc d’œuf dilue dans son volume d’eau physiologique; l’état anaphylactique apparaît dans ce cas à partir du 16e et, mieux encore, à partir du 20e jour. Plus tard, nous avons vu qu’on arrivait à anaphy- lactiser des cobayes avec des doses beaucoup plus faibles : avec 1 / 1 00 centimètre cube de blanc d’œuf, on réussit à rendre les cobayes hypersensibles et cela même au bout d’un délai plus court, au bout de douze jours, en moyenne. La propriété sensibilisigène du blanc d’œuf résiste-t-elle à des températures élevées, comme le fait a été constaté par un de nous pour le sérum et le lait? En d’autres termes, le blanc d’œuf chauffé à 100 degrés conserve-t-il la propriété de sen- sibiliser les cobayes? (1) Nous laissons de côté la partie chimique du problème qui a été étu- diée par Vaughan et Wheeler, Journal of infect, cliseas., t. IV, p. 476; par Wells, Ibid., t. V, p. 449; t. VI, p. 506, et par Armit, Zeitschr. f. Immunilâtsf.r t. VI, p. 703. L’ANAPHYLAXIE, L’ANTIANAPHYLAXIE ET LE BLANC D’OEUF 393 27 octobre. Trois cobayes reçoivent sous la peau, chacun, 2 cent, cubes de solution de blanc d'œuf dilué au quart avec de l’eau distillée et chauffée à 100 degrés pendant 10 minutes. 12 novembre. Un de ces cobayes est éprouvé dans la veine jugulaire avec 1/100 cent, cube de blanc d’œuf normal, non chauffé; aussitôt après, l’animal est pris d’accès de toux et de dyspnée, mais se rétablit vite. 21 novembre. Les deux autres cobayes sont éprouvés également par la voie veineuse : un avec 1/100 cent, cube, l'autre avec 1/10 cent, cube de blanc d’œuf normal; le premier cobaye présente des troubles anaphylactiques d’intensité moyenne (toux, dyspnée, soubresauts); le deuxième a des acci- dents graves aboutissant à la mort au bout de deux minutes. Deux autres cobayes, témoins, avaient été sensibilisés à la même date (27 octobre) avec une solution correspondante de blanc d’œuf non chauffé; éprouvés le 21 novembre avec 1/100 cent, cube de blanc d’œuf, ils succom- bèrent tous les deux au milieu des accidents classiques, en moins de deux minutes. Cette expérience montre que tout en étant atténuée par le chauffage à 100 degrés, la fonction sensibilisante du blanc d’œuf est thermostabile ; elle peut être nettement constatée lorsque l'épreuve est faite avec du blanc d’œuf non chauffé. Nous allons revenir encore sur cette thermostabilité dans la suite, quand il sera question des épreuves faites avec des solu- tions de blanc d'œuf chauffées. ★ * * Pour réaliser une sensibilisation passive , nous nous adres- sons au sérum de lapins immunisés contre le blanc d’œuf. Nos lapins, fournisseurs de sérum anaphylactisant, ont été traités de la façon suivante : le 10 octobre, ils ont reçu dans la cavité péritonéale 5 cent, cubes de solution de blanc d’œuf à 50 p. 100; le 11 octobre, 10 cent, cubes,, et le 12 octobre, 20 cent, cubes de cette solution dans le péritoine ; le 15 octobre, 5 cent, cubes, et, le 16 octobre, 10 cent, cubes de cette solution dans les veines; pour éviter des thromboses, les injections ultérieures ont été faites dans le péritoine : 17 octobre, 20 cent, cubes; 28 octobre, 10 cent, cubes; 3 novembre, 10 cent, cubes de solution de blanc d’œuf à 50 p. 100. Le 11 novembre, le matin, on saigne un des lapins ainsi préparés, et dans l’après-midi on injecte avec son sérum quatre cobayes, dans le péritoine, en raison de 1,5 cent, cube de sérum par cobaye; les cobayes pèsent de 210 à 230 grammes. 12 novembre. On éprouve les quatre cobayes d'hier par la veine jugulaire: deux cobayes sont injectés avec 1/100 cent, cube de blanc d’œuf et deux autres avec 1/500 cent. cube. Dans les deux minutes qui suivent l’injection, tous les cobayes sont pris d’accidents classiques d’anaphylaxie, et ils suc- combent en une à trois minutes. Il résulte de cette expérience que l’on peut créer chez des 394 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR cobayes neufs, en l’espace de vingt-quatre heures, un état ana- phylactique des plus prononcés, en les sensibilisant passive- ment avec du sérum de lapins préparés. Cette anaphylaxie passive ne le cède en rien, en intensité, à l’anaphylaxie active; souvent même elle lui est supérieure. Seulement, cette anaphylaxie passive, si rapide qu’elle soi I , n’en exige pas moins un certain délai pour s’établir. Les expériences montrent que les cobayes ont besoin d’être imprégnés de sérum pendant quelque temps avant de passer à l’état anaphylactique; ainsi, si l’on injecte en même temps du sérum anaphylactisant et du blanc d’œuf, on n’observe jamais, de choc anaphylactique. 2 cent, cubes de sérum anaphylactisant, provenant d'un lapin préparé, sont mélangés avec 1/100 cent, cube de blanc d’œuf, et le mélange est injecté à deux cobayes dans la veine jugulaire. Un des cobayes présente, aussitôt après l’injection, une forte dyspnée, du malaise, mais se remet assez vite; l'autre cobaye n’a qu’une légère gêne respiratoire; mais ni l'un ni l’autre ne manifestent aucun trouble anaphylactique. Dans une autre expérience, un cobaye de 200 grammes a reçu dans la veine jugulaire un mélange de 1,5 cent, cube de sérum anaphylactisant et de 1 cent, cube de solution de blanc d’œuf au 1/10. Pas de réaction. Par analogie avec ce qui a été observé pour les sérums (Doerr et Russ, Friedberger), on a pu se demander si le précipité que l’on obtient après mélange de blanc d’œuf et de sérum spéci- fique ne serait pas toxique en injection intraveineuse. 2 cent, cubes de sérum de lapin préparé, très sensibilisant, sont mélangés avec 4 cent, cubes de blanc d’œuf; le mélange est laissé en contact pendant toute une nuit. Le lendemain, il s’est formé un précipité volumineux; on le sépare de la partie liquide par centrifugation, puis, après l’avoir délayé dans 1 cent, cube d’eau physiologique, on injecte l’émulsion, à parties égales, dans la veine jugulaire de deux cobayes neufs. Aucun d’eux ne présente le moindre trouble toxique. Dans une autre expérience, un cobaye de 200 grammes reçoit dans la veine jugulaire le précipité obtenu après contact de 1,5 cent, cube de sérum de lapin préparé et de 1 cent, cube de solution de blanc d’œuf en 1/10. Pas de réaction. Il s'ensuit donc que ni le mélange de précipitogène avec de la précipitine, ni le précipité seul ne sont capables de déter- miner des troubles anaphylactiques, tandis que ces derniers éclatent avec une violence extrême lorsque la précipitine est injectée d’abord et le précipitogène quelque temps après. L’ANAPHYLAXIE, L’ANTIANAPHYLAXIE ET LE BLANC D’ŒUF 395 Est-ce réellement le précipitogène qui préside à la sensibili- sation de l’animal, nous ne saurions l’affirmer; pour ne rien préjuger de la nature de la substance qui sensibilise, nous pré- férons ne pas la spécifier. ★ * * Un animal sensibilisé conserve-t-il pendant longtemps son état particulier ? Pour ce qui concerne les cobayes sensibilisés, nos expé- riences sont encore trop récentes pour comporter une réponse précise; ce que nous pouvons dire pour le moment, c’est que les cobayes ayant reçu la première injection de blanc d’œuf, il y a huit mois, sont encore parfaitement sensibles. Par contre, nous pouvons être plus précis pour ce qui con- cerne la durée de l’anaphylaxie passive. 23 novembre. Trois cobayes reçoivent dans le péritoine du sérum de lapin préparé, en raison de 1,5 cent, cube par animal. 24 novembre. Un de ces cobayes, éprouvé avec 1/100 cent, cube de blanc d’œuf dans la veine, succombe en quelques minutes, après avoir présenté des troubles classiques d’anaphylaxie. 28 novembre. Le deuxième cobaye est éprouvé, cinq jours après, dans les mêmes conditions; une minute après, il a des phénomènes qui sont suivis rapidement de mort. 13 décembre. Le troisième cobaye, éprouvé avec 1/100 cent, cube de blanc d’œuf, 20 jours après, ne présente pas le moindre phénomène. Cette expérience montre que l’anaphylaxie passive peut être constatée cinq jours après l’injection sensibilisante, mais qu’elle n’existe plus au bout de vingt jours. En d’autres termes, la durée de l’anaphylaxie passive est celle de l’immunité passive : c’est celle de la présence de sérum étranger dans l’organisme animal. II Fonction toxique. Pour mettre en évidence la toxicité du blanc d’œuf, nous pouvons nous adresser indifféremment à des cobayes sensibi- lisés activement ou passivement. Deux voies s’offrent à nous 396 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR pour le faire : la voie intraveineuse et la voie intracérébrale. Dans un cas comme dans l’autre, il suffit de pratiquer l'in- jection d’épreuve avec une dose minime de blanc d’œuf, pour provoquer aussitôt le syndrome anaphylactique, en tout sem- blable à celui de l’anaphylaxie lactique ou sérique. Par la voie intrapéritonéale, il est rare d’observer des sym- ptômes graves de l'anaphylaxie. Nous n’en avons jamais vu se produire par la voie sous-cutanée. Ces différences de sensibilité suivant la voie de pénétration du blanc d’œuf, lors de la deuxième injection, tiennent évidem- ment à la consistance de l’œuf et à la plus ou moins grande ra- pidité de sa résorption ; celle-ci est très rapide lorsque l’injection est faite dans la circulation générale; elle l’est un peu moins,, lorsqu’on dépose le blanc d’œuf sous la dure-mère; elle est, par contre, lente lorsque le blanc d’œuf se trouve dans la cavité péritonéale, et elle l’est encore beaucoup plus dans le cas d’injection sous-cutanée : d’où la toxicité si inégale du blanc d’œuf chez des cobayes pareillement sensibilisés. Nous y revien- drons plus loin. Yoici quelques exemples pour donner une idée de la toxicité du blanc d'œuf. I. — 10 octobre. Cinq cobayes (nos 1 à o) reçoivent sous la peau chacun' 1 cent, cube de blanc d’œuf à 50 p. 100 (dans l’eau physiologique). 27 octobre. Epreuve par la veine jugulaire et par le cerveau : — Cobaye n° 1, 310 gr., reçoit 1/2 cent, cube de blanc d’œuf dilué à moitié d’eau physiologique dans la veine jugulaire. — Cobaye n° 2, 180 gr., reçoit dans la veine jugulaire 1 cent, cube de- solution de blanc d’œuf au 1/500. •*— Cobaye n° 3, 320 gr., reçoit dans la veine jugulaire 1 cent, cube de solution de blanc d’œuf au 1/1000. — Cobaye n° 4, 340 gr., reçoit dans la veine jugulaire 1 cent, cube de- solution de blanc d’œuf au 1/2000. Sur les quatre cobayes, seul le dernier a résisté; tous les autres ont été pris, dans les 2 minutes qui ont suivi l’injection, de troubles anaphylac- tiques, et ils y ont succombé en quelques instants. — Cobaye n° 5, 270 gr., reçoit 1/100 cent, cube de blanc d’œuf sous la dure-mère; une minute après, il présente les mômes phénomènes que les- cobayes précédents et il meurt en 3 minutes. IL — 11 novembre. Quatre cobayes neufs (nos 71 à 74) reçoivent dans le péritoine chacun 1,5 cent, cube de sérum de lapin, lequel a été préparé par des injections multiples de blanc d'œuf dans la veine et dans le péri- toine. L’ANAPHYLAXIE, L’ANTIANAPHYLAXIE ET LE BLANC D'ŒUF 397 12 novembre. Epreuve par la veine jugulaire et par le cerveau : — Cobaye n° 71, 210 gr., 1/100 cent, cube de blanc d’œuf dans la veine jugulaire; accidents classiques suivis de mort en 3 minutes. — Cobaye n° 72, 160 gr., 1/100 cent, cube de blanc d’œuf dans le cerveau; troubles anaphylactiques sérieux; se remet. — Cobaye n° 73, 230 gr., 1/500 cent, cube de blanc d’œuf dans la veine jugulaire; troubles anaphylactiques; mort en 2 minutes. — Cobaye n° 74, 210 gr., 1/100 cent, cube de blanc d’œuf sous la dure- mère; troubles légers; l’animal se rétablit vite. III. — 14 novembre. Cinq cobayes neufs (79 à 83) sont anaphylactisés avec •du sérum (1,5 cent, cube) de lapin préparé : 15 novembre. Cobaye n° 79, 190 gr., reçoit dans la veine jugulaire 1/500 cent, •cube de blanc d’œuf; mort au bout de 7 minutes (c’est probablement la dose minima mortelle). — Cobaye n° 80, 200 gr., reçoit 1/40 de blanc dans le cerveau; symptômes classiques suivis de mort en 2 minutes. — Cobaye n° 81, 150 gr., reçoit 1/100 cent, cube de blanc d’œuf dans le cerveau; accidents et mort en 1 minute. — Cobaye n° 82, 160 gr., reçoit 1/200 cent, cube de blanc d’œuf dans le cerveau; accidents et mort en 2 minutes. — Cobaye n° 83, 150 gr., reçoit 1/400 cent, cube de blanc d’œuf dans le cerveau; l’animal a des troubles légers et se remet vite. Nous voyons donc que les cobayes, qu’ils soient anaphylac- tisés activement ou passivement, sont extrêmement sensibles à la deuxième injection de blanc d’œuf, surtout lorsque celle-ci est faite directement dans la circulation générale. Une dose renfermant 1/500 centimètre cube de blanc d’œuf, et quelque- fois 1 / 1 .000 centimètre cube, est déjà fatale, alors que, chez des cobayes normaux, l’injection de 1 ou 2 centimètres cubes de blanc d'œuf pur, soit d’une dose 500 et 1.000 fois supérieure, ne détermine jamais le moindre trouble. * * Et le blanc d’œuf chauffé, est-il toxique aussi ? Rappelons que pour les sérums, nous avons vu que leur toxicité diminue en raison directe de la température à laquelle ils sont chauffés, et que les sérums chauffés à 100 degrés, même non coagulés, sont dépourvus de toute toxicité (1). Pour ce qui concerne le lait, nous avons vu, au contraire, que même chauffé à 100 degrés, il ne perd pas sa toxicité; (1) Comptes rendus Vl>h>MC iLV-of >nt: u*\&o#KrQ\ *?£ ,5 ÇHJttJE PLAN DV 1 Malawi .*4 ?V>cm£>t£ V£TEfîme.5j?fc MiC-P^CPE %tTEPiK NTAYK3 fv- 1N5T1TVT PA5TEVFL; D ALGERIE LABORATOIRES ■4-} oo PLAN DV PEZ-DE-CHAV55EE Le 7 mars de cette année 1911, le Conseil d’administration et de perfec- tionnement de l’Institut Pasteur d’Algérie, sous la présidence de M. Jonnart et en présence de M. Vallery-Radot, procédait à l'installation de ses services. Le terrain sur lequel s’élèvent les nouvelles constructions occupe une superficie d’un peu plus d’un hectare dans un des plus beaux sites de la 490 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR banlieue d’Alger. Le bâtiment principal est à trois étages, dont deux occupés par leg laboratoires, le troisième étant affecté au logement du directeur. Au rez-de-chaussée ont été groupés le service vétérinaire, une série de laboratoires de recherches, un laboratoire de chimie des industries de fer- mentation avec tout l’outillage industriel pour la préparation des levures destinées aux viticulteurs. Au premier étage sont installés les laboratoires de bactériologie appliquée à la médecine, le service antipaludique, la bibliothèque et un vaste labora- toire destiné aux médecins de colonisation et à tous les travailleurs français ou étrangers désireux de se familiariser avec les méthodes pastoriennes ou d’entreprendre des recherches. Quatre bâtiments annexes abritent les écuries, les étables, de vastes locaux pour les petits animaux d’expériences et des logements pour le per- sonnel auxiliaire. Dans les jardins sont disséminées diverses petites constructions pour l’élevage des moustiques et autres insectes propagateurs de maladies infec- tieuses ou pour l'isolement d’animaux en observation ou contaminés. L’architecture de tous ces bâtiments est des plus simples, en style mau- resque, sans aucune ornementation coûteuse, mais les détails d’aménage- ment intérieur ont été soigneusement étudiés de manière à réduire au strict minimum les dépenses d’entretien et à fournir aux travailleurs toutes les commodités désirables. Les laveries, chambres-étuves, glacière, chambre noire, réserves de verrerie et de produits chimiques sont à proximité de chaque service. Partout la lumière du jour est répandue à flots et le groupe- ment des laboratoires sur la façade exposée au nord-est empêche qu’on soit gêné par le soleil pour le travail au microscope. Toutes les ouvertures sont pourvues de grillages métalliques en laiton, et chaque porte est intérieurement défendue par un tambour également gril- lagé, afin de prévenir de la manière la plus absolue l’introduction d’aucun insecte ailé, mouche ou moustique, à l’intérieur. L’ensemble, entouré de jardins magnifiquement fleuris, offre un aspect des plus attrayants et, des fenêtres de son laboratoire, chaque travailleur peut reposer ses regards sur l’un des plus beaux panoramas du monde, embras- sant toute la baie d’Alger. En outre de ce groupe d’édifices principaux, l’Institut Pasteur d’Algérie dispose de deux importantes annexes : l une, située en pleine ville à proxi- mité des hôpitaux et de la Faculté de médecine, était autrefois et reste encore affectée au service des vaccinations antirabiques. Elle comporte des salles d’attente, une salle d’inoculations, un laboratoire, une salle d’autopsie pour chiens et un local pour les lapins qui servent à la préparation du virus rabique. L’autre annexe est hors de la ville, à Kouba, éloignée de deux kilomètres. Elle est réservée au service de sérothérapie anticlaveleuse et aux études expérimentales de pathologie vétérinaire. Elle occupe un vaste espace d’un peu plus de cinq hectares, au sommet d’une colline d’où la vue s’étend d’un côté sur l’Atlas, les hautes montagnes de Kabylie et la plaine de Mitidja, de l’autre sur tout le golfe depuis Alger jusqu'au cap Matifou. Là sont construits les immenses parcs qui abritent plusieurs centaines de moutons producteurs de sérum anticlaveleux et un laboratoire spécialement aménagé pour la pré- paration de ce sérum, qui doit servir à immuniser contre la clavelée le bétail ovin exporté chaque année en France des différents ports d’Algérie. Le personnel de l’Institut Pasteur d’Algérie est entièrement placé sous la L’INSTITUT PASTEUR D’ALGERIE 491 direction scientifique et administrative de 1 Institut Pasteur de Paris. Il se compose, outre le directeur et le directeur adjoint, de chefs de service, de chefs de laboratoires et de préparateurs (1). Un Conseil de surveillance et de perfectionnement a été institué pour établir une collaboration étroite et per- manente entre les services techniques de l’Institut et les représentants les plus autorisés de la Colonie. Ce Conseil, présidé par le Gouverneur général, comprend trois membres nommés pour trois années par le Gouverneur général, deux membres élus par le Conseil supérieur, deux membres élus par les Délégations financières à chaque renouvellement de ces assemblées, et quatre délégués de l’Institut Pasteur de Paris. Telle est l’organisation de la nouvelle maison de travail que, pour accom- plir un acte de reconnaissance, qui est en même temps un acte de foi, les disciples de Pasteur viennent de fonder dans la métropole de notre Afrique française. (1) Pour la première formation, le personnel scientifique de l’Institut Pas- teur d’Algérie comprend : Direction : Professeur A. Calmette ; Dr Edmond Sergent, directeur-adjoint. Service de la rage : Dp Murat, chef de service; Service de bactériologie médicale : Dr L. Nègre; Dr» Gillot et Lemaire, chefs de laboratoire; Dr Raynaud, assistant. Service de microbie agricole et de phytopathologie : Professeur Trabut, chef de service; Musso, chef du laboratoire des levures. Service vétérinaire : Bridré, chef de service; Lhéritier et Boquet, vétérinaires adjoints; G. Tsapalos, assistant. CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DE L’INFLUENCE DU PHÉNOL SUR LE VIRUS RABIQUE par le Dr W. SAWTSCHENCO Assistant de l’Institut bactériologique de Charkoff. Le phénol joue, au point de vue de l’immunisation, un rôle important pour la préparation des antigènes bactériens ou cel- lulaires. 11 est reconnu que le phénol à 0,5, 0,7 et 1 p. 100 tue les microbes sans détruire les substances spécifiques aux anti- gènes. Pourquoi ajoute-t-on le phénol à 0,5, 0,6 p. 100 à la plupart des vaccins, celui du choléra, de la dysenterie, etc.? La première indication sur la propriété que possède le phénol de détruire les germes encore inconnus de la rage, fut donnée par Blasi et Travali, en 1890. Voici leur conclusion : le phénol à 5 p. 100 détruit la viru- lence du virus fixe en cinquante minutes, à 3 p. 100 en une heure, à 2 p. 100 en trois heures. Les auteurs ont injecté dans le péritoine de lapins le virus fixe traité par le phénol. Les lapins étant restés vivants, les expérimentateurs en ont con- clu que le virus fixe est détruit par le phénol. On ne peut accepter cette explication parce qu’il est démontré par les tra- vaux de Marx, Moukarinsky et d’autres auteurs que le virus fixe pur, injecté dans le péritoine, non seulement est inoffensif pour l’animal, mais lui confère même l’immunité antirabique. Dans l’un de ses travaux : Immunisation contre la rage , le professeur Fermi dit que le virus fixe, trai té par le phénol, perd rapidement sa virulence tout en conservant en même temps la propriété immunisante. Gomme preuve à l’appui, il nous cite les expériences avec les souris blanches, lesquelles, après injection sous-cutanée de virus fixe carbolisé, demeuraient indemnes, tandis que les témoins succombaient. Vérifiant les observations du professeur Fermi, le Dr Kraüs- chkine a obtenu des résultats négatifs (Voir sa note prélimi- naire : « Immunisation antirabique par la moelle normale du lapin »). Les lapins injectés avec le virus fixe carbolisé contrac- INFLUENCE DU PHÉNOL SUR LE VIRUS RABIQUE 493 tèrent la rage comme le témoin, bien que le virus fixe fût traité par le phénol à 1 p. 100, huit jours à froid. Il est évident que le phénol à 1 p. 100 n’a aucune action sur le virus fixe. Dans une monographie anglaise récemment parue (1), il est dit que le phénol à 2, 5 p. 100 détruit le virus rabique en 1 à 2 heures. Dans F « Etude expérimentale de la rage », de Marie (1909, p. 125), on trouve des expériences faites avec une plus forte dilution de phénol. « Un cobaye a reçu en vingt-quatre heures, dans l’encéphale, un mélange à parties égales d’une émulsion virulente centésimale et d’acide phénique neigeux à 5 p. 100. Onze jours après l’inoculation, l’animal a présenté un début de paralysie qui, avec des hauts et des bas, a duré cinq jours entiers. A partir de ce moment l’amélioration a persisté. » Les faits mentionnés plus haut montrent que la question de l'influence du phénol sur le virus rabique est encore loin d’être élucidée. Le 19 octobre 1908, avant l’apparition du travail du Dr Kraüschkine, j’ai infecté un lapin avec l'émulsion de virus fixe contenant du phénol à 0,5 p. 100. Le lapin prit la rage le 1er novembre et mourut le 2, après une incubation de treize jours. Pendant ce temps l’émulsion avait été conservée à l’abri de la lumière à la température de la chambre. Le 3 novembre, j’ai infecté avec cette émulsion un nouveau lapin, lequel de- vint malade le 13 et mourut le 15, F incubation fut de dix jours. Cette expérience montre que la propriété virulente du virus fixe n’est pas changée dans une émulsion contenant du phénol à 0,5 p. 100 et conservée quinze jours à la température de la chambre. J’ai obtenu un résultat identique avec le virus des rues. Le 15 janvier 1909 était préparée une émulsion décimale dans l’eau physiologique (0,85 p. 100, phéniquée à 5 p. 100) du cerveau d’un chien ayant succombé à l’infection par le virus des rues. L’émulsion lut conservée à l’abri de la lumière et à la température de la chambre. Au bout de six jours, c’est-à- dire le 21 janvier, les 3 lapins ont été injectés avec cette émul- sion. Ils ont pris la rage après une incubation de six jours. Quatorze jours après la préparation de l’émulsion, j’ai encore (1) Kierel, Stuiies in radies, 1909, p. 314. 494 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR infecté trois lapins ; l'un d’eux devint malade huit jours après, les deux autres au bout de neuf jours. Les travaux de Fermi, de Kraüchskine, ainsi que mes expé- riences personnelles, m’ont conduit à étudier l’action du phénol en dilutions plus forles. Le 4 4 juillet, une série de lapins fut injectée avec les émulsions de virus fixe contenant du phénol à 1, 2, 3, 4 et 5 p. 100, conservées plus ou moins longtemps à la température de la chambre. Ces émulsions centésimales ont été filtrées à travers une batiste de lin stérile . TABLEAU I PHÉNOL P. 100 DURÉE D’ACTION du phénol sur le virus fixe. PÉRIODE d’incubation. DURÉE D’ACTION du phénol sur le virus fixe. PÉRIODE d’incubation. DURÉE D’ACTION du phénol sur le virus fixe. PÉRIODE d’incubation. DURÉE D’ACTION du phénol sur le virus fixe. PÉRIODE d'incubation. DURÉE D’ACTION du phénol sur le virus fixe. PÉRIODE d’incubation. 1 p. 100 2 p. 100 3 p. 100 4 p. 100 5 p. 190 w 3 43 r* CN Jours. 8 50 39 62 10 ; (1) La prolongation de la période d’incubation après trois heures d’action du phénol peut tenir à ce que l’infection de cette série de lapins était obtenue avec la couche super- ficielle de l’émulsion, toutes les autres séries étant infectées après agitation de Pémul- sien. (2) Le signe — signifie mort précoce du lapin par septicémie. On voit par ce tableau que le phénol à 1,2, 3, 4 et 5 p. 100 ne détruit pas le virus tixe. Dans la plupart des expériences la période d’incubation est plus longue, mais cette prolongation ne présente pas de régularité constante. Ainsi par exemple : infection avec émulsion de virus fixe traité par le phénol pen- dant vingt-quatre heures, aux dilutions indiquées, donne avec la dilution : à 5 p. 100, une incubation de dix jours; à 2 p. 100, cinquante jours; les émulsions traitées douze heures avec le phénol à 1 p. 100, quarante jours; à 2 p. 100, dix jours. La cause de cette irrégularité peut dépendre de l’impossibilité de INFLUENCE DU PHÉNOL SUR LE VIRUS RABIQUE 495 préparer une émulsion contenant, sous le même volume, la même quantité d'unité active . J’ai fait ensuite des expériences dans le but d’étudier l’in- lluence du temps pendant lequel le virus fixe est traité par le phénol. J’infecte une série de lapins avec l’émulsion contenant du phénol à 0,5 p. 100 et après un temps variable après la prépa- ration de cette émulsion : sept, dix, vingt et un, vingt-huit jours. Le témoin fut infecté avec une émul- sion conservée vingt-quatre jours sans phénol, dans les mêmes conditions. Le lapin prit la rage et mourut après une incubation de trente-sept jours. Dans la même direction j’ai fait des expériences avec les dilutions contenant du phénol à 1, 3, 5 p. 100, un, trois, cinq, sept jours après la préparation de l'émulsion. Les expériences citées plus haut mon- trent que le phénol à 0,5 p. 100 ne dé- truit pas le virus fixe, même après une période de vingt jours. Les fortes dilutions de phénol (3, 5 p. 100) sont sans action sur le virus fixe pendant 7 à 5 jours. Continuant nos recherches, nous pouvons, en nous basant sur les expériences déjà faites, ne pas être d’accord avec les auteurs qui affirment que le phénol détruit rapidement le virus rabique. Les instituts Pasteur allemands ont un procédé pour purifier, avec le phénol à 1/2 p. 100, les moelles envoyées à l’examen. L’émulsion est préparée avec le cerveau en question, traitée par le phénol à 1/2 p. 100, laissée au repos vingt-quatre heures, centrifugée, lavée à l'eau physiologique et injectée. La cause de la résistance du virus rabique envers le phénol n’est pas connue. Le microbe de la rage ne contient pas de spores, car il périt en une heure à la température de 60 degrés. Le virus rabique passe à travers le filtre, est par conséquent excessivement petit, et l'on peut supposer que le virus rabique se trouve dans la cellule nerveuse, laquelle le défend de l’ac- TABLEAU II PHÉNOL p. 100. DURÉE D’ACTION du phénol sur le virus fixe. PÉRIODE d’incubation. Jours. Jours. O O 7 7 14 14 d. 21 31 rM 28 30 496 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR tion nuisible du phénol, de même que sont protégés les microbes dans les membranes diphtériques ou dans le crachat, de l’action du sublimé et d’autres substances désinfectantes. TABLEAU III O O ■çH ci ►j O SS sa K c. DURÉE d’action du phénol sur le virus fixe. PÉRIODE d’incubation. ; DURÉE D’ACTION du phénol sur le virus fixe. PÉRIODE d’incubation. DURÉE D’ACTION du phénol sur le virus fixe. PÉRIODE d’incubation. DURÉE D’ACTION ; du phénol sur le virus fixe. PÉRIODE d’incubation. Jours. Jours. Jours. Jours. 25 42 m * w té 03 1 3 67 B 15 s-, 3 10 t- 3 9 p. 100 O — O — .© — O — — CO — ïO r- 7 19 71 Ut — w U 22 m u — 03 22 0 3 3 3 3 Q p. 100 O _o O O o ■erl — CO — so — r» 8 9 14 — 43 5? 49 w Ut — o> — 03 7 5 p. 100 O — Zj — ' 3 — 3 O 23 ' CO ■ an t— 8 22 BIBLIOGRAPHIE Blasi et Travàli. — Centralblatt. für Bakteriol , 1890. Molkarinscky. — Rapport à la Société des Médecins du Caucase en 1901. Fermi. — Ueber die Immunisierung gegen Uutkrankheit Zeitsclir. für Hygien ., B. 52, t. 2. Ueber die immunisierende Kraft der normalen Nervensubstanz, vergleichen mit der Wutnervensubstanz der Wut gegenüber. Centralblatt. für Bakteriol., B. 46. Orig. Marie. — Etude expérimentale de la rage, 1909. Kraüsckkine. — Vratch, 1909. Keirle. Sludies in Rabies, 1909. Le Gérant : G. Masson. Paris. — L. Maretheux, imprimeur, 1, rue Cassette. 25e ANNÉE JUILLET 1911 N° 7 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR IDENTIFICATION ET ESSAI DE CLASSIFICATION DES TRYPANOSOMES DES MAMMIFÈRES par M. A. LAVE R AN La question des trypanosomes et celle des maladies qu’ils produisent ont pris depuis quelques années une importance considérable. On ne connaît encore, d’une façon précise, qu’un seul trypanosome pathogène pour l’homme, le Tr. gambiense , agent de la maladie du sommeil, mais le nombre des trypa- nosomes, pathogènes ou non, qui ont été observés chez des animaux est très grand. Je ne m’occuperai, dans ce travail, que des trypanosomes des Mammifères, et je me bornerai à étudier ces parasites au point de vue de leur identification et de leur classification. I. — IDENTIFICATION DES TRYPANOSOMES L’identification des trypanosomes doit être basée d’abord sur les caractères morphologiques; mais, comme ces caractères sont souvent insuffisants pour différencier les espèces, il est nécessaire de faire intervenir les caractères biologiques et en particulier les propriétés pathogènes ou non pathogènes des parasites, et de recourir dans certains cas à des méthodes spéciales. 32 498 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR A. — Identification des trypanosomes d’après leurs carac- tères morphologiques. — Certains trypanosomes ont des carac- tères morphologiques qui permettent de les reconnaître faci- lement. L’absence du centrosome caractérise le trypanosome du mal de caderas; Tr. Theileri et Tr. ingens se reconnaissent à leurs grandes dimensions. La disposition du flagelle à la partie antérieure des trypa- nosomes fournit un bon caractère différentiel. Tantôt le flagelle présente une partie libre chez tous les try- panosomes; c’est le cas de Tr. Evansi et de Tr. Brucei, agents du surra et du nagana. Tantôt le flagelle n’a jamais de partie libre, le protoplasme se prolongeant jusqu’à son extrémité antérieure; c’est le cas de Tr. congolense et de Tr . dimorphon. Tantôt enfin on trouve des formes longues avec partie libre du flagelle et des formes courtes sans flagelle libre ; c’est le cas de Tr. Pecaudi , agent de la baléri, dont le dimorphisme est très caractéristique et aussi de Tr. gambiense , agent de la maladie du sommeil. Dans le but de faciliter la comparaison des trypanosomes au point de vue morphologique, Lingard a proposé de pratiquer, d’une façon systématique, une série de mensurations indiquées dans la figure 1 ci-contre (1) : 1° Distance (a) existant entre l’extrémité postérieure et le centre du centrosome (fig. 1); 2° Distance (b) existant entre le centre du centrosome et le bord de la partie postérieure du noyau ; 3° Longueur du noyau (c) ; 4° Distance existant entre le bord de la partie antérieure du noyau et le point où se termine antérieurement le corps proto- plasmique ( d ); 5° Longueur de la partie libre du flagelle ye)\ 6° Largeur maximum du parasile. En additionnant les cinq premières mesures, on a la lon- gueur totale du trypanosome. Pour chaque trypanosome, on fait un grand nombre de men- surations; la valeur pour cent de la moyenne de chacune dos (1) A. Lingard, Jovrn. of trop, veter. science, janvier 1906, l. I, p. 5. IDENTIFICATION DES TRYPANOSOMES 490 cinq premières mesures est calculée en prenant la longueur moyenne totale pour 100. Cette méthode trypanométrique serait excellente si les try- panosomes d’une même espèce se présentaient toujours sous les mêmes aspects et avec des dimensions se rapprochant des dimensions types qu’on établit en suivant les règles posées par Lingard; malheureusement, il n’en est rien. Beaucoup de trypanosomes ont de petites formes et de grandes formes, et il est très important de connaître dans quelles limites les dimensions varient; on s’exposerait à l’erreur en adoptant, pour les dimensions de ces trypanosomes, la moyenne artifi- cielle calculée d’après la méthode de Lingard. a b . c ! d • • - — -"TT— "T" \ e 1 — : ; * 1 » , : Fig. 1. La forme de l’extrémité postérieure varie pour un même trypanosome; tantôt cette partie s'allonge, tantôt elle se rac- courcit; dans le premier cas, la distance qui sépare l’extrémité postérieure du centrosome augmente; dans le second cas, elle diminue. Lingard, comme première application de sa méthode de mensuration ( op . c«L), a été conduit à décrire, sous le nom de TV. longocaudense , un trypanosome de Mus niveiventer ayant une partie postérieure très effilée et très longue; il parait démontré que cette forme, qui coexiste toujours avec des Try- panosoma Lewisi types, ne constitue pas une espèce, mais une simple variété de 7>. Lewisi 1). La distance qui sépare le centrosome du noyau peut varier beaucoup chez des trypanosomes d’une même espèce. On trouve, chez les Bovidés, des trypanosomes qui diffèrent du type ordinaire de Tr. Theilcri par ce fait que le centrosome ; . i J (1) Voir notamment : G. Strickland et N. II. Swelelengrebel, Pdrasitology , 30 décembre 1910. 500 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR est très rapproché du noyau, et qui, cependant, paraissent être de même espèce (1). La mensuration systématique des trypanosomes par la méthode de Lingard peut fournir d'utiles indications, mais en l’appliquant d’une façon générale à l’identification des trypa- nosomes, on commettrait certainement de graves erreurs. B. — Identification des trypanosomes d’après leurs caractères biologiques. — Certains trypanosomes sont particuliers à une espèce animale ; les inoculations faites à d’autres espèces, même très voisines, donnent des résultats négatifs; c’est le cas des trypanosomes non pathogènes des petits Mammifères et des grands trypanosomes des Bovidés. Bon nombre de trypanosomes sont pathogènes pour la plu- part des espèces de Mammifères, tels sont les trypanosomes du surra et du nagana; d’autres ne sont pathogènes que pour certaines espèces. Lorsqu’un trypanosome n’est inoculable qu’à des animaux de même espèce, on en conclut actuellement à sa spécificité, si grandes que soient ses ressemblances avec d’autres trypa- nosomes. On doit cependant se demander s’il ne s’agit pas de l’adaptation prolongée d’un même parasite chez des espèces animales différentes. Sur mon conseil, M. Roudsky a entrepris de rechercher s’il ne serait pas possible de modifier la virulence du Tr. Lewisi du rat, de manière à permettre à ce trypanosome de s’adapter à la souris et à d’autres petits Rongeurs. Roudsky a réussi d’abord à renforcer la virulence du Tr. Lewisi pour le rat et, au moyen des cultures anciennes de ce virus renforcé, il a inoculé avec succès des souris en série; enfin le trypanosome est devenu pathogène pour les souris (2). Delanoë a montré que les inoculations du Tr. Lewisi faites directement de rat à souris réussissent dans un certain nombre de cas et que les succès sont nombreux lorsqu’on inocule aux (1) A. Laveran, Comptes rendus de V Acad, des sciences , 3 mars et 3 novem- bre 1902. — A. Theiler, Journ. of compar. path. a. lherap ., 1903. (2) D. Roudsky, Comptes rendus de la Soc. de Biologie , 5 mars et 12 novem- bre 1910, 6 et 13 mai 1911, et Comptes rendus de l'Acad. des sciences , 3 jan- vier 1911. IDENTIFICATION DES TRYPANOSOMES 501 souris (les cultures du Tr. Lewisi du rat (1). Mais les inocula- tions en série, chez la souris, faites par cet observateur, ont donné des résultats négatifs dès le quatrième ou le cinquième passage, alors que Roudsky a dépassé 80 passages. Ces expériences tendent à démontrer que certains trypano- somes, considérés actuellement comme constituant des espèces, ne sont en réalité que des variétés de trypanosomes souches. 11 y aura lieu de poursuivre ces recherches; pour le moment, je crois qu’il est prudent de continuer à admettre comme espèces particulières les trypanosomes qui, dans les conditions ordinaires, ne sont transmissibles qu’entre animaux de même espèce. Le fait qu’un trypanosome est ou n’est pas pathogène a une grande importance. Les modes de Faction pathogène : durée de l’évolution chez les différentes espèces animales, symptômes, terminaison, alté- rations anatomiques, fournissent d’utiles indications. Les symptômes de la dourine, chez le cheval, diffèrent de ceux du surra ou du mal de caderas. L’évolution des infections produites par Tr. Evansi ou par Tr. Brncei est beaucoup plus rapide que celle des infections dues au Tr. soudanense , etc. Malheureusement,; la symptomatologie et l’anatomie patho- logique de beaucoup de trypanosomiases présentent de grandes ressemblances. Le mode de propagation doit aussi entrer en ligne de compte. La dourine a mérité le nom de mal du coït. Plusieurs trypanosomiases africaines, la maladie du sommeil entre autres, sont propagées par les Glossina ou tsétsé et ne paraissent pas pouvoir être transmises par d’autres insectes. Le surra et les infections dues au Tr. soudanense sont pro- pagés par différentes mouches piquantes autres que les Glossina. D’après R, Koch, il faudrait tenir grand compte de l’évolu- tion que les trypanosomes subissent chez les animaux inver- tébrés qui les propagent (2). 11 serait évidemment peu pra- tique, pour identifier un trypanosome, de rechercher comment (1) P. Dela^oe, Comptes rendus de la Soc. de Biologie , 29 avril 1911. (2) R. Ivoch, Ueber die Unterscheidung der Trypanosomenarten, Sitzungs- berickte der KÔnigl. preussische Akademie der Wissenschaflen, 1905. >02 ANNALES UE L'INSTITUT PASTEUR le parasite évolue dans les insectes qui le propagent, d’autant que la question, bien qu’elle ait fait de grands progrès dans ces dernières années, est loin d’èlre encore complètement élucidée. C. — Méthodes spéciales d’identification des trypanosomes. — L’étude, morphologique et biologique des trypanosomes ne fournissant pas toujours des données assez précises, on a cher- ché des méthodes d’identitication plus sûres. Épreuve de ï immunité croisée. — Deux trypanosomes A et B étant donnés, on recherche si un animal ayant acquis l’immu- nité pour A possède ou non l’immunité pour B, et récipro- quement. S’il y a immunité croisée, les virus sont de même espèce; dans le cas contraire, on peut conclure qu’il s’agit de deux virus différents. Cette méthode que nous avons préconisée, M. Mesnil et moi, a fait ses preuves; elle a servi à résoudre maint problème dif- ficile (1). Nous savons, grâce à elle, que Tr. Brucei et Tr. Evansi appartiennent à deux espèces bien distinctes; que le surra de Nha-Trang ne doit pas être identifié au suera indien; que Tr. congolense diffère de Tr. dimorphon; Tr. pecorum de Tr. congolense; Tr. hippicum de Tr. Evansi; que le trypano- some de la mbori est une simple variété de Tr. Evansi ; que le surra de Maurice doit être identifié au surra de l’Inde, et Tr. soudanense aux trypanosomes des épizooties algériennes con- nues sous les noms d’el-debab et de mal de la Zousfana. Les chèvres, les moutons et les Bovidés qui, placés dans de bonnes conditions, offrent une grande résistance aux trypano- somiases, et qui acquièrent, d’ordinaire l’immunité à la suite d’une première atteinte, sont les animaux de choix pour l’épreuve d’immunité croisée. Bien entendu, avant de déclarer qu’un animal est guéri d’une trypanosomiase donnée, il faut s’assurer en inoculant à des animaux sensibles de fortes quan- tités de sang (30 à 50 centimètres cubes) que la guérison est réelle; lorsqu’on a acquis cette conviction, l’animal est réino- culé avec une forte dose du même virus; une quinzaine de (1) Voyez notamment A. Laveran et F. Mesnil, Comptes rendus de l'Acad. des sciences , 27 mars 1905. — A. Laveran, Comptes rendus de l'Acad. des sciences , 27 février 1911. IDENTIFICATION DES TRYPANOSOMES 503 jours après cette réinoculation, on injecte de nouveau du sang (30 à 50 centimètres cubes) à des animaux d’épreuve, et c’est seulement lorsqu’on s’est assuré que ces animaux ne sont pas infectés qu’on inocule le virus à identifier. De ce que des animaux ayant acquis l’immunité pour un trypanosome s’infectent quand on leur inocule un trypanosome d’une autre origine, on ne peut pas conclure qu’il s’agit de parasites d’espèces différentes, des animaux qui résistent à une variété peu virulente d’un trypanosome pouvant être infec- tés par une variété plus virulente; l’épreuve d’immunité croi- sée, telle qu’elle est définie plus haut, répond à cette objec- tion. On peut reprochera cette épreuve la longueur des expériences qu elle nécessite, aussi a-t-on cherché des méthodes d’identi- fication plus rapides. Méthodes de séro-diagnostic . — En 1906, nous avons appelé l’attention, M. Mesnil et moi, sur les services que peut rendre le séro-diagnostic. Le sérum d’un animal qui a acquis l'immunité contre un trypanosome se montre actif quand on l’emploie, à dose suffi- sante, en mélange avec le sang contenant ce trypanosome, inactif quand on fait le même essai avec d’autres trypano- somes; le sérum acquiert donc souvent, à un degré assez élevé, des propriétés spécifiques qui peuvent être utilisées pour l'identification des trypanosomes (1). Le sérum d’un animal qui a acquis l’immunité contre un trypanosome peut conserver pendant longtemps son activité spécifique en mélange. J'ai cité l'exemple d'un sérum de bouc qui avait conservé son activité dix-sept mois après gué- rison d’une infection par Tr. dimorphon et celui d'un mouton qui était encore actif en mélange deux ans et six mois après guérison d’une infection par le même trypanosome (2). Il résulte des recherches de Mesnil et Brimont que le sérum des animaux atteints d'une trypanosomiase à marche subaiguë, et surtout à marche chronique, peut avoir une activité suffi- sante pour protéger les animaux auxquels on l'injecte en mélange (1) A. Laveran et F. Mesnil, Comptes rendus de V Acad, des sciences , 25 juin 1906. (2) A. Laveran, Comptes rendus de l'Acad. des sciences , 9 janvier 1911. 504 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR avec le sang virulent (1); il n'est donc pas indispensable, pour cette épreuve de séro-diagnostic, de posséder un animal ayant acquis l’immunité contre le trypanosome servant de test. Thiroux a constaté que le sérum des sujets atteints de mala- die du sommeil était actif en mélange avec du sang contenant des Tr. gambiense , propriété que ne possède pas le sérum humain normal. J'ai montré que le sérum humain normal a une activité remarquable sur les Irypanosomes du nagana, du mal de cade- ras et du surra; très actif en mélange, il a en outre des pro- priétés préventives et même curatives (2). Ces propriétés du sérum humain peuvent être utilisées pour le séro-diagnostic. Thiroux et d’Anfreville ayant observé chez des chiens indigènes, au Sénégal, des infections produites par un trypanosome qui, au point de vue morphologique, rappelait Tr. gambiense , ont recherché si le sérum humain était actif sur ce trypanosome. Les résultats positifs des expériences ont per- mis de conclure qu’il ne s’agissait pas de Tr. gambiense (3). Des recherches ultérieures ont montré que ces infections des chiens étaient dues à Tr. Pecaudi. Pour s’assurer si un sérum spécifique a des propriétés actives, en mélange, sur un trypanosome qu’il s’agit d’identifier, on procède de la manière suivante; je suppose qu’il s’agit d’un trypanosome inoculable à la souris. Du sang d’un animal infecté par le trypanosome à identifier est mélangé à un peu d’eau physiologique citratée. Quatre verres à expériences stérilisés et numérotés reçoivent chacun deux à trois gouttes du mélange auxquelles on ajoute : verre n° 1, 0 c. c. 30 du sérum normal d’un animal de la même espèce que l’animal ayant fourni le sérum spécifique; verre n° 2, Oc. c. 23 du sérum spécifique; verre n° 3, 0 c. c. 30 du sérum spécifique; verre n° 4, 1 centimètre cube du sérum spécifique. On agite le contenu des 4 verres, on laisse en contact pendant cinq minutes, puis on injecte à 4 souris, dans le péritoine, le . (1) F. Mesnil et E. Brimont, Annales de l'Institut Pasteur , 1909, t. XXIII, p. 129. (2) A. Laveran, Comptes rendus de V Acad, des sciences , 1er avril 1902, 6 juil- let 1903 et 22 février 1904. (3) A. Thiroux et L. cTAnfreville, Comptes rendus de P Acad, des sciences , 31 aoyt 1908. IDENTIFICATION DES TRYPANOSOMES sor; contenu des 4 verres. La souris inoculée avec le contenu du verre n° 1 sert de témoin. Cette méthode fournit des indications très utiles, mais l'activité des sérums des animaux infectés ou guéris et immu- nisés est trop variable pour qu'on puisse attribuer aux résultats obtenus une valeur absolue. Il est à noter qu'en général les sérums actifs en mélange n'ont pas, in vitro , d'action microbicide sur les trypanosomes. La recherche de l’agglutination des trypanosomes au moyen de l’adj onction d’un sérum actif en mélange sur ces trypa- nosomes donne parfois des résultats intéressants. C’est ainsi que le sérum des rats immunisés contre Tr. Lewisi a un pou- voir agglutinant spécifique sur les trypanosomes du rat. J'ai constaté que le sérum de moutons immunisés contre le nagana ferox d’Ehrlich agglutinait fortement les trypanosomes du nagana de Werbitzki, ce qui a fourni une preuve de l'identilé des agents de ces deux infeclions (1). Malheureusement, cette réaction d’agglutination est bien loin d'être constante. Les propriétés trypanolytiques des sérums des animaux infectés peuvent fournir d'utiles indications (2), mais il résulte des expériences de Léger et Ringenbach que des sérums de cobayes infectés de nagana ou de surra détruisent non seule- ment les trypanosomes homologues, mais souvent aussi des trypanosomes hétérologues (3). Levaditi et Mutermilch ont montré que les trypanosomes du nagana soumis in vitro à l'action d’un sérum spécifique, préala- blement chauffé à 55 degrés, acquièrent la propriété de s’atta- cher aux leucocytes, et ils ont conclu d’expériences portant sur les trypanosomes du nagana indien, du nagana-Togo, et sur Tr. dimorphon , qu'il était possible de faire le diagnostic en se basant sur le phénomène de rattachement des trypanosomes aux globules blancs frais ou morts) provoqué par le sérum (1) A. Laveran, Soc. de path. exotique , 10 mai 1911. (2) C. Levaditi et S. Mutermilch, Zeitschr. f. Immun. Forsch., Orig., 1909, t. II, p. 702. (3) A. Léger et J. Ringenbach, Comptes rendus de la Soc. de Biologie , 4 mars 1911. La technique est la suivante : à 5 gouttes de sérum fraîchement recueilli, on ajoute 1 goutte d’eau physiologique citratée et 1 goutte de sang de souris infectée. Les tubes contenant le mélange sont mis à l 'étuve à 37 degrés et examinés tous les quarts d’heure pendant quatre heures. On ne tient compte que de la trypanolyse absolue. 506 ANNALES UE L’INSTITUT PASTEUR sanguin des animaux trypanosomiés et d’identifier les trypa- nosomes, à la condition de se servir de sérums actifs employés comme tests (1). Les leucocytes sont obtenus en injectant de l’aliment Mellin dans le péritoine d'un cobaye. On prépare de l’aliment Mellin en suspension à 5 p. 100 dans de l’eau stérilisée, et le mélange est chauffé deux jours de suite pendant deux heures, au bain- marie, à 58 degrés. On injecte dans la cavité péritonéale d'un cobaye 5 centimètres cubes du mélange stérilisé . Au bout de vingt-quatre heures, le cobaye est sacrifié. On ouvre aseptique- ment la cavité péritonéale, en évitant l’écoulement de sang, on répand sur l'intestin 15 centimètres d’eau physiologique à 8 p. 100, on brasse l'eau avec l exsudat et on aspire avec une pipette a boule. On centrifuge dans un tube paraffiné (demi- heure à vitesse moyenne), on décante, puis on remplace l’eau physiologique retirée, on remet les leucocytes en suspension et on centrifuge de nouveau ALe dépôt est mis en suspension dans de l’eau physiologique stérile et conservé dans un tube à la glacière. Le sérum spécifique est obtenu en saignant un animal infecté par un trypanosome donné, au moment de la première crise trypanolytique ; il est chauffé pendant trente minutes à 55 degrés ; on s’assure qu’il est actif sur le trypanosome ayant produit l'infection. Pour identifier un trypanosome, on met dans de petits tubes stérilisés : 2 gouttes de l’eau physiologique tenant en suspen- sion des leucocytes, 2 gouttes du sérum spécifique pur ou dilué à 1 /50 ou à 1/100, enfin une goutte du sang de l’animal infecté par le trypanosome à identifier. Il est nécessaire que les trypa- nosomes soient nombreux et qu’ils ne s’agglutinent pas entre eux, comme cela arrive souvent pour TV. dimorphon. On pro- cède à l’examen histologique quelques minutes après que le mélange a été fait, on recherche si des attachements des trypa- nosomes aux leucocytes se sont produits, et dans quelle pro- portion. Les expériences que j’ai faites, en collaboration avec M. Thi- (1) C. Levaditi et S. Mutermilch, Comptes rendus de la Soc. de Biologie , 24 décembre 1910. IDENTIFICATION DES TRYPANOSOMES 507 roux, d’après ces indications, ont donné les résultats suivants (1). Avec du sérum nagana-Togo et des Tr. togolense , qui nous ont été remis très obligeamment par M. Levaditi, des attache- ments nombreux (sérum pur ou dilué à 1/50 ou à 1/100) ont été nolés. Avec du sérum surra-Maurice et des Tr. Evansi , des attache- ments nombreux se sont également produits (sérum pur ou -dilué). Mais les mêmes résultats ont été obtenus en faisant agir le sérum nagana-Togo sur les Tr. Evansi ou le sérum surra-Mau- rice sur les Tr. togolense. Faut-il conclure de cette expérience que nagana-Togo=:Surra? Nous ne le croyons pas. Cette conclusion serait en contradiction avec ce fait qu’un animal ayant l’immunité pour le surra s’infecte par Tr. togolense comme un animal témoin (2). Il est probable que les résultats, discordants en apparence, fournis par les deux méthodes tiennent à ce que la méthode in vivo est plus sensible que la méthode de séro-diagnostic in vitro. Déjà Mesnil et Brimont avaient constaté que le sérum surra avait une cer- taine activité (en mélange) contre Tr. togolense. Les sérums nagana-Togo et surra n’ont pas donné d’atta- chements avec les trypanosomes nagana- Ouganda, nagana ferox , Tr. gambiense et Tr. dimorphon. Les sérums d’un cobaye et d’un chien intectés avec Tr. gam- biense,, et saignés en crise, n’ont pas donné d’attachements des Tr. gambiense , même lorsque ces sérums ont été employés purs. Le sérum d’un cobaye saigné en pleine infection s’est montré plus actif que le sérum du cobaye saigné en crise; encore n'a- t-il pas produit des attachements nombreux avec Tr . gambiense , et il a donné des attachements, en petit nombre à la vérité, avec Tr. congolense. Le sérum d’un cobaye infecté avec le trypanosome du nagana- Ouganda, et saigné en crise, a donné des attachements avec les trypanosomes correspondants, mais le phénomène, limité à un nombre restreint de parasites, n’a pas été caractéristique. Les sérums de cobayes infectés par Tr. congolense et par Tr. ^ ^ . J^WKBAN 0i X. 1 H 1 HOUX, CoTUpteS CeucluS de l /I CCLcl . (les SCÎSJICBS . il février 1911. (2 F. Mesnil, Bull. Soc. path. exotique , t. III, 1910. p. 37S. 508 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR t pecorum et saignés en pleine infection (1) ont donné des atta- chements avec les trypanosomes correspondanls ; pas d'attache- ments avec les trypanosomes hétérogènes. La réaction a été malheureusement limitée à un nombre assez restreint de para- sites, comme dans le cas précédent. Le sérum du cobaye infecté par Tr. congolense n’a pas produit d’attachements avec les Tr. pecorum, non plus que le sérum du cobaye infecté par Tr. pecorum avec les Tr. congolense, ce qui confirme l’opinion que j’ai émise sur la spécificité de ces deux trypanosomes (2). Le sérum d’un mouton ayant acquis T immunité contre Tr. dimorphon, actif en mélange avec ce virus, essayé avec du sang riche en Tr. dimorphon, n’a pas produit d'attachements, ce qui prouve qu'il ne s’agit pas d'une réaction d’immunité. Il ressort de ces expériences que la réaction d’attachement peut fournir des indications utiles pour l'identification des try- panosomes, mais qu’on s’exposerait à l’erreur en lui attribuant une valeur absolue, exclusive. De nombreux essais de diagnostic des trypanosomiases par les méthodes de fixation ou déviation du complément de Bordet et Gengou et de Wassermann ont donné des résultats peu nets ou inconstants (3). En résumé, l’identification des trypanosomes doit être basée d’abord sur l'ensemble des caractères morphologiques et biolo- giques que présentent ces parasites ; dans les cas où ces carac- (1) Il n’est pas toujours possible de saigner les animaux trypanosomiés pendant une crise trypanolvtique bien marquée; il était donc intéressant de savoir si le sérum obtenu en saignant un animal en pleine infection pouvait servir à la recherche des attachements. L’activité du sérum obtenu dans ces conditions n’est pas douteuse; du sérum de cobaye infecté de Tr. gambiense, saigné en pleine infection, s’est montré plus actif que les sérums d’un cobaye et d’un chien saignés en crise. Ce sont toutefois les sérums d’animaux sai- gnés en crise qui nous ont donné les plus belles réactions d'attachement. (2) A. Laveran, Soc. de path. exotique , 14 décembre 1910. (3) Weber, Zeitschr. f. exper. Path. u. Ther., 1901. — Levi della Vida, Ann. d'ig. sperim., 1907, t. XVII. — Landsteiner, Müller et Potzl, Wiener klin. Woch ., 1907, nos 46 et 50. — Levaditi et Yamanouchi, Soc. de path. exoliqup , 1908, t. I, fasc. 3. — Hartoch et Yakimoff, Wiener klin. Woch., 1908, n° 21. — Blu- mfntjial, Berlin, mediz. Gesell. in Berl. klin. Woch., 1908. — Schilling et Hosslin, Deutsche m edi z. Woch., 1908. — Manteufel et Woithe, Arb. a. d. Kais. Gesund- heiisamte , 1908. — C. Levaditi et S. Mutermilch, Zeitschr. f. Imm. Forsch. u. exper. Thérapie , 6 juillet 1909. — M. Beck, Arb. a. d. Kais. Gesundheitsamle, août 1910, t. XXXIV, fasc. 2. CLASSIFICATION DES TRYPANOSOMES 509 tores sont insuffisants pour permettre l'identification, il est indiqué de recourir à l’épreuve de l’immunité croisée ; les méthodes de séro-diagnostic exposées plus haut peuvent fournir aussi de très utiles indications. R - CLASSIFICATION DES TRYPANOSOMES DES MAMMIFÈRES Lühe a proposé de créer le genre Try panozoon pour les trypa- nosomes des Mammifères (I) ; si le groupement des trypano- somes par familles des hôtes nous paraît indiqué, nous ne croyons pas qu’on puisse transformer ce groupement en une véritable classification en créant des genres tels que le genre Trypanozoon qui n’est pas basé sur des caractères différentiels suffisamment précis. Beaucoup de trypanosomes des Oiseaux, voire même des Reptiles et des Batraciens, ont une structure tout à fait comparable à celle des trypanosomes des Mammi- fères. Le moment ne nous paraît pas encore venu de créer des genres nouveaux. La classification des trypanosomes des Mammifères présente de sérieuses difficultés, en raison des ressemblances morpholo- giques de trypanosomes appartenant à des espèces distinctes, et des aspects différents que peut présenter, au contraire, un môme trypanosome. La morphologie fournit des caractères précieux qui suffisent à l’identification de quelques espèces : petitesse des centrosomes chez Tr. equimim , grandes dimen- sions du parasite chez Tr. Theileri , dimorphisme de Tr. Pecaudi ; i mais le plus souvent on est obligé d’avoir recours, en même temps qu’à la morphologie, à d’autres caractères : action patho- gène ou non pathogène, nature des accidents produits, espèces animales sensibles ou réfractaires, mode de transmission ; enfin, dans certains cas difficiles, il faut recourir à des procédés spéciaux d’identification qui ont été indiqués plus haut : épreuve de l’immunité croisée, séro-diagnostic. Avec la plupart des auteurs, nous diviserons les trypano- somes des Mammifères en deux grands groupes suivant qu’ils sont pathogènes ou non. (I) Lühe, H and bue h der Tropenkrankheiten de C. Mense, 1906, i. III. ÏHO ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR I. — Trypanosomes non pathogènes. Les trypanosomes non pathogènes des Mammifères com- prennent : 1° Les trypanosomes non pathogènes des petits Mammifères; 2° Les grands trypanosomes des Bovidés. Ces trypanosomes sont presque toujours spécialisés à une espèce animale ou à quelques espèces voisines. Après une période active de multiplication, les trypanosomes deviennent très rares dans le sang où ils peuvent demeurer pendant longtemps à l'état latent. Les animaux guéris ont Timmunité. Les trypanosomes non pathogènes se cultivent facilement dans les milieux appropriés, si bien que la culture est souvent le procédé le plus commode pour constater leur présence. 1° Trypanosomes non pathogènes des petits Mammifères. La plupart de ces trypanosomes sont du type Tr. Lewisi et le principal caractère spécifique est fourni par ce fait qu'ils ne sont pas inoculables d'une espèce animale à l’autre. Les trypanosomes non pathogènes des petit s Mammifères peuvent être divisés, d’après leurs hôtes, en trypanosomes des Rongeurs, ce sont de beaucoup les plus nombreux, et Irypano- somes des Chéiroptères, des Insectivores, des Edentés, des Carnivores. A. Trypanosomes des Rongeurs. Tr. Lewisi Kent 1881. — Trouvé chez Mus decumanüs , M. rattus , M. rufescens. — Tr. longocaudense Lingard 1906 trouvé chez Mus niveiventer doit sans doute lui être identifié. — Très répandu dans toutes les parties du monde. — Tr. Lewisi mesure 24 à 25 y de long, sur 1 u 1/2 de large environ ; la membrane ondulante est étroite et peu plissée ; le flagelle a une partie libre. La multiplication ne peut être observée qu'au début de l’infeclion ; elle a lieu souvent par division multiple du noyau et les formes jeunes ont l’aspect dit en rosace. — Culture facile sur milieu de Novy. Tr. Duttoni Thiroux 1905. — T rouvé chez la souris dômes- CLASSIFICATION DES TRYPANOSOMES 511 tique Mus musculas au Sénégal, à Panama, en Italie, au Caucase. — Du type Tr. Le ici si. Tr. Grosi Laveran et Pettit 1909. — Trouvé chez le mulot, Mus sylvaticus, en Russie et en France. — Du type Tr. Lewisi. Tr. microti Laveran et Pettit 1909. — Trouvé chez le cam- pagnol, Microtus arvalis Pallas, en France et en Russie. — Du type Tr. Lewisi. Tr. Blcinchardi Brumpt 1905. — Trouvé chez le lérot Myoxus nitelciy en France et en Portugal. — Du type Tr. Lewisi. Tr., myoxi Blanchard, trouvé chez Myoxus avellanarius , doit être identifié probablement à Tr. Blcinchardi. Tr. criceti Lühe. — Trouvé chez le hamster, Cricetus frumen- tarius , en Allemagne et dans le sud de la Russie, — Du type Tr. Lewisi. Tr. spermophili n. sp. — Trouvé en Russie chez Spermophi/us musivus , Sp. guttatuseï Sp. Eversmanni. — Du type Tr. Lewisi. Tr. cunicidi Blanchard. — Trouvé chez le lapin Lepus cuni- culus et L. domesticus , en France, en Angleterre, en Ecosse, en Portugal, en Sardaigne. — Du type Tr. Lewisi. Tr. indicum Lühe. — Trouvé chez un écureuil de l'Inde, Sciurus palmarum. — Du type Tr. Lewisi. Tr. olo spermophili Wellmann et Wherry. — Chez un écureuil de Californie Otospermophilus Beecheyi. — Du type Tr. Lewisi. L'existence de trypanosomes du type Tr. Lewisi a été signalée en outre chez les rats rayés d’Afrique : Arvicanthis pumilio Sparrmann et Arvicanthis barbants pulchellus Cray. Kunstler a vu chez le cobaye, Cavia porcellus L, un flagellé qui est très incomplètement connu. B. Trypanosomes des Chéiroptères. Tr. vespertilionis Battaglia 1904. — Trouvé chez Vesperugo noctula , Pipistrellus pipistrellus , et chez plusieurs autres espèces de chauves souris. Très répandu. — Tr. Nicolleorum Ed. et Et. Sergent et Tr. Dionisii Bettencourt et França doivent être identifiés probablement à Tr. vespertilionis. — Le trypanosome est du type Tr. Lewisi. Tr. megadermæ Wenyon 1908. — Trouvé chez une chauve- souris du Soudan anglo-égyptien : Megadermci frons. — Trypa- nosome du type Tr. Lewisi , notablement plus grand que Ti\ ves- pertilionis. 512 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR r G. Trypanosomes des Insectivores. Tr. talpæ Nabarro. — Trouvé chez Talpa europæa en Angle- terre, chez T. europæa et chez T. cæca en Portugal. — Du type Tr. Leivisi. D. Trypanosomes des Edentés. Tr. Legeri Mesnil et Brimont 1910. — Trouvé chez un four- milier, Tamandua tridactyla , en Guyane française. — Ce trypa- nosome s’éloigne notablement du type Tr. Leivisi. Il mesure 42 à 45 y de long, sur 5 à 6 y de large ; le centrosome est volu- mineux et il existe un grain centrosomique à l’extrémité libre du flagelle. Brimont a signalé l’existence d’un trypanosome chez un autre Edenté de la Guyane française : Choîœpus didactylus ou Unau. E. Trypanosomes des petits Carnivores. Tr. Pestanai Bettencourt et França 1905 est la seule espèce non pathogène connue chez un Carnivore. Ce trypanosome a été observé chez le blaireau, Meles taxus , en Portugal; il mesure 30 à 32 y de long sur 5 à 6 y de large; le flagelle a une partie libre. 2° Grands trypanosomes non pathogènes des Bovidés. Tr. Theileri Laveran 1902. — Très répandu à la surface du globe (1). — Les grandes formes atteignent 60 à 70 y de long, sur 4 à 5 y de large. La partie libre du flagelle est longue. — Les hippohosques sont les agents de transmission les mieux connus. Tr. ingens Bruce 1909. — Bœuf, antilopes. — Ouganda. — Les grandes formes atteignent 100 à 122 y de long, sur 7 à 10 y de large. La partie libre du flagelle n’est pas longue. II. — Trypanosomes pathogènes. Nous diviserons ces trypanosomes en trois grands groupes, en nous basant sur l’aspect que présente l’extrémité antérieure. (1) Il faut probablement rapporter à Tr. Theileri les trypanosomes tels que Tr. americanum dont l’existence a été révélée par le procédé de culture dans le sang de Bovidés en apparence sains, sur un grand nombre de points du globe, et Tr. Franki Frosch 1909. CLASSIFICATION DES TRYPANOSOMES 513 1° Trypanosomes chez lesquels le flagelle présente toujours une partie libre. 2° Trypanosomes chez lesquels le flagelle ne présente pas de partie libre. 3° Trypanosomes ayant des formes avec flagelle libre et des formes sans flagelle libre. 1° Trypanosomes chez lesquels le flagelle présente toujours une partie libre. Les trypanosomes dont les noms suivent sont pathogènes pour la plupart des Mammifères : Tr . Evans?, Tr. annamense , Tr. togo/ense , Tr. Bnicei , Tr. soudanense , Tr. hippicum, Tr. vene- zuelense , Tr. equinum ; ce dernier trypanosome, agent du mal de caderas, se distingue facilement de tous les autres trypano- somes par l’absence ou la petitesse du centrosome ou blépha- roblaste. Les deux trypanosomes dont les noms suivent sont très peu pathogènes ou non pathogènes pour un certain nombre de Mammifères : Tr. Cazalboui , Tr. equiperdum . On peut résumer comme il suit les principaux caractères des trypanosomes de ce groupe. Tr. Evansi Steel 1885. — Agent du surra. — Equidés, Bovidés, chameau, éléphant. — Inde, Indes néerlandaises, Philippines, île Maurice. — Tr. Evansi mesure de 22 à 30 g. de long, sur 1 y, 5 à 2 y de large. La maladie est propagée par les tabanides. — Tr. Evansi a une variété qui est l’agent de la mbori,nous désignerons cette variété sous le nom de Tr. Evansi var. mborà (dromadaires. — Ouest africain). Le trypanosome de la mbori est moins virulent que celui du surra. Les animaux ayant l'immunité pour le surra ne s’infectent pas par la mbori et réciproquement. Tr. cinnamense n. sp. — Agent de la trypanosomiase des chevaux de l’Annam. — Equidés, Bovidés. — Annam, Tonkin. — Le trypanosome est du type Tr. Evansi. L’épreuve de l’im- munité croisée montre que Tr. annamense n’est pas de la même espèce que Tr. Evansi. — La maladie est transmise par les tabanides et les hippobosques. Tr. togolense Mesnil et Brimont 1909. — Equidés, Bovidés. 33 514 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR — Le trypanosome est du type Tr. Evansi. Des animaux ayant l’immunité pour le nagana du Zoulouland ou pour le Surra indien restent sensibles au Tr. togolense. Tr. Brucei Plimmer et Bradford 1899. — Agent du nagana. — Equidés, Bovidés. — Zoulouland, Ouganda. — Le trypano- some qui a les mêmes dimensions en longueur que Tr. Evansi est d’ordinaire plus large, moins effilé que ce dernier; la partie libre du flagelle est moins longue que chez Tr. Evansi. — La maladie est propagée par les Glossina , Gl. morsitans en particulier. Tr. soudanense Laveran 1907. — Agent du tahaga (droma- daires, Haut-Niger) de el debab (dromadaires, Sud algérien), du mal de la Zousfana (Equidés, Sud algérien). — Le trypano- some est du type Tr. Evansi , mais l’épreuve de l'immunité croisée montre qu’il n’appartient pas à la même espèce que ce dernier. — La maladie est transmise par les tabanides. Tr. hippicam Darling 1910. — Equidés. — Zone du canal de Panama. — Le trypanosome mesure 18 à 28 y. de long, sur 1 y, 5 à 3 y de large. — Mode de transmission inconnu. Tr. venezuelense Mesnil 1910. — Equidés. — Venezuela. — Le trypanosome est du type de Tr. Evansi. — Mode de trans- mission inconnu. Tr. equinum Voges 1901. — Agent du mal de caderas. — Equidés. — Amérique du Sud. — Le trypanosome qui mesure 22 à 24 y de long, sur i y 5 de large environ, se distingue faci- lement de tous les autres trypanosomes par l’absence ou la peti- tesse du centrosome. — Mode de transmission inconnu. Tr. Cazalboui Laveran 1906. — Equidés, bovidés. — Haut- Niger, Guinée française, Côte d’ivoire, Dahomey. — Le trypa- nosome mesure, en moyenne, 21 y de long, sur 1 y 5 de large; l’extrémité postérieure est conique, non effilée. — La souris, le rat, le cobaye, le lapin, le chien, le singe sont réfractaires. — La maladie est propagée par les Glossina (Gl. palpalis,Gl. tac/ii- noïdes , Gl. longipalpis). Tr. equiperdiim Doflein 1901. — Agent de la dourine. — Equidés. — Europe, Afrique du Nord, Etats-Unis d’Amérique. — Le trypanosome mesure 25 à 28 y de long. — Très peu patho- gène pour les ruminants et les singes. — La maladie se traduit par des symptômes caractéristiques chez les Equidés : locali- CLASSIFICATION DES TRYPANOSOMES 515 sations sur les organes génitaux, plaques cutanées. — La trans- mission se fait par le coït, d’où le nom de mal du coït donné quelquefois à la dourine. 2° Trypanosomes chez lesquels le flagelle ne présente pas de partie libre. Ces trypanosomes sont au nombre de quatre : Tr . dimorphon , Tr. congolense , Tr. pecorum , Tr. nanum ; les trois premiers sont pathogènes pour la plupart des Mammifères; le quatrième n’est pathogène que pour les Ruminants. On peut résumer comme il suit les principaux caractères des trypanosomes de ce groupe. Tr. dimorphon Laveran et Mesnil, 1904 I). — Equidés. — Gambie, Sénégal, Côte-d'Ivoire, Dahomey, Soudan anglo- égyptien. — Le trypanosome a des formes longues (20 à 25 y. de long sur 1 y a à 2 y de large) et des formes courtes ( 10 à 15 y de long sur 1 y h 1 y 5 de large) ; le flagelle n'a. de partie libre ni dans les formes longues ni dans les courtes. — La maladie est propagée par les Glossina , notamment par Gl. pal pal u. Tr. congolense Broden, 1904. — Equidés, Bovidés, Ovinés, Dromadaires. — Congo belge, Congo français, Rhodesia nord- est. — Le trypanosome mesure 10 à 17 y de long, sur 1 k 2 y de large. Extrémité postérieure conique, non effilée. Les animaux ayant l'immunité pour Tr. congolense restent sensibles à Tr. dimorphon et à Tr. pecorum. La transmission se fait par les Glossina. Tr. pecorum Bruce, 1910. — Bovidés. — Ouganda. — Le trypanosome a, au point de vue morphologique, une grande ressemblance avec Tr. congolense , mais il est plus virulent que ce dernier, notamment pour la souris et la chèvre. Les animaux qui ont l’immunité pour Tr. congolense et pour Tr. dimorphon restent sensibles à Tr. pecorum. — La transmission se fait probablement par les tabanides. Tr. nanum Laveran 1905. — Bovidés. — Soudan anglo- (1) Nous avons décrit sous ce nom, en 1904. M. Mesnil et moi, un trypano- some provenant de Gambie qui nous avait très obligeamment été envoyé par MM. Dutton et Todd : ces éminents confrères ont décrit, sous le même nom un trypanosome qui diffère notablement du nôtre et qui se rapproche de Tr Pecaudi. Il paraît évident que Dutton et Todd avaient rapporté de Gambie plusieurs virus. 516 'ANNALES DE LTN.5TITUT PASTEUR égyptien, Ouganda. — Le trypanosome mesure 10 à 14 g de long, sur 1 g 5 à 2 g de large. Paraît spécial aux Bovidés. Les lapins, les chiens, les singes sont réfractaires. — Mode de trans- mission inconnu. 3° Trypanosomes ayant des formes à flagelle libre et des formes sans flagelle libre. Ces trypanosomes sont au nombre de deux : Tr. Pecaudi et Tr. gambiense. Les principaux caractères de ces trypanosomes peuvent être résumés comme il suit : Tr. Pecaudi Laveran 1907. Agent de la baleri. — Equidés, Bovidés. — Haut-Niger, Sénégal, Dahomey, Côte-d’Ivoire, Soudan anglo-égyptien. — Le trypanosome a des formes longues et minces (25 à 35 g de long, sur 1 g 5 de large), avec une partie libre du flagelle, et des formes courtes et larges (14 à 20 g de long, sur 3 à 4 g de large), sans partie libre du flagelle. Le sérum humain actif en mélange sur Tr. Pecaudi est inactif sur Tr. gambiense. Un animal ayant l’immunité pour Tr. Pecaudi peut s’ infecter par Tr. gambiense ou par Tr. dimorphon. — La maladie est propagée par Glossina longipalpis , plus rarement par Gl. palpalis et par G/, tachinoïdes. Tr. gambiense Dutton 1902. Agent de la maladie du som- meil. — Homme. — Afrique intertropicale. — Le trypanosome a des formes longues (25 à 28 g de long, sur 1 g 5 à 2 g de large), avec une partie libre du flagelle, et des formes courtes et larges (17 à 20 g de long, sur 2 à 3 g de large), sans partie libre du flagelle ; enfin des formes intermédiaires. — La maladie est propagée par Glossina palpalis et probablement aussi par d’autres espèces de Glossina. 111. — Espèces douteuses ou insuffisamment connues. Tr. vicax Ziemann 1905. — Bovidés, moutons et chèvre*. — Cameroun, Togo. — Ce trypanosome se rapproche, par ses caractères morphologiques, de Tr. Cazalboui , mais il est patho- gène pour le chien et le rat. Il est probable que deux espèces au moins de trypanosomes ont été confondues sous le nom de Tr. vivax. Tr. suis Ochmann 1905. — Porc. — Dar-es-Salam (Est afri- CLASSIFICATION DES TRYPANOSOMES 517 cain allemand). Trypanosome plus court et plus épais que Tr. Bi ’ acei . Insuffisamment connu. Tr. Wrubleskii. Trouvé en Lithuanie chez un bison, par \\ rubleski, en 1908. Insuffisamment connu. Tr. Montgomeryi. Découvert en 1909, par Montgomery et Kinghorn, sur une vache de Rhodesia. — Le trypanosome mesure 11 à 19 g de long, sur 3 g à 3 y- 75 de large. Partie libre libre du flagelle absente ou très courte. Tr. elephantis. D. Bruce et ses collaborateurs ont décrit sous ce nom, en 1909, un trypanosome trouvé dans le sang d’un éléphant de l’Ouganda ; il s’agit probablement de Tr. soudanense . Tr. capræ Kleine 1910. — Chèvre. — Région du Tanganyka. — Trypanosome plus large que Tr. Brucei. Parmi les éléments parasitaires, les uns ont une partie libre du flagelle, les autres n'en ont pas. Tr. uniforme. D. Bruce et ses collaborateurs ont décrit sous ce nom, en 1911, un trypanosome trouvé chez quelques bovidés de l’Ouganda et ressemblant beaucoup à Tr. Cazalboni. Tr. rhodesiense Stephens et Fantham 1910. Ce trypanosome, trouvé chez un malade qui s’était infecté en Rhodesia, diffère de Tr. gambiense par cela que, dans les formes courtes et tra- pues, le noyau est situé à la partie postérieure; de plus, la transmission ne paraît pas se faire, comme pour Tr. gambiense , par les Glossina palpalis. Schizotry panum Cruzi Chagas 1909. Ce flagellé, qui a été trouvé dans le sang de l'homme, au Brésil, a une évolution qui diffère notablement de celle des trypanosomes; il existe un stade endoglobulaire et on trouve, dans le poumon des cobayes inoculés, des formes schizogoniques très spéciales. Une punaise, du genre Conorhinus , parait être l’agent de trans- mission. Tr. Prowaseki von Berenberg Gossler 1908. — Trypanosome d’un singe sud-américain, Brachyurus calvus , ressemblant mor- phologiquement à Tr. gambiense . Pathogène (?). Tr. minasense Chagas 1909. — Trouvé au Brésil chez le ouistiti Hapale penicillata et H. jacchus ; non inoculable aux animaux de laboratoire. Ne paraît pas pathogène. Tr. Vickersæ Brumptl909. Trouvé chez Macacas cynomolgus. Inoculable aux animaux de laboratoire. Paraît pathogène. LA TUBERCULOSE THORACIQUE DU BŒUF N'EST PAS D’ORIGINE DIGESTIVE par P. CHAUSSÉ Vétérinaire-inspecteur à Versailles. Nous ne voulons point refaire ici l'histoire de l’inhalation et de l’ingestion en matière de tuberculose expérimentale; nous rappellerons seulement quelques-uns des travaux les plus récents et particulièrement ceux sur lesquels a été édifiée il y a quelques années la théorie digestive. Nocard et Rossignol (1900), sur 5 bovins à ingestion de ma- tière tuberculeuse bovine, n’avaient obtenu que deux résultats positifs avec lésions peu avancées des ganglions cervicaux et mésentériques, mais rien au poumon ; sur 4 bovins à inhala- tion, dans des conditions expérimentales sévères (pulvérisa- tions dans un cac de toile assujetti sur le mutle ou pulvérisation intranasale) et à haute dose, ils avaient eu par contre quatre résultats positifs; et ils concluaient : « V appareil respiratoire constitue la voie ordinaire et la plus efficace de /’ infection tuberculeuse . » En 1904, MM. Kossel, Weber et Reuss infectèrent aussi des veaux par inhalation de cultures de type bovin à doses éle- vées. C’est avec raison que, par suite des conditions artificielles réalisées par les auteurs précédents, le public médical ne vou- lut point admettre leurs conclusions. Du reste, si les travaux étayant la doctrine, alors classique, de l’inhalation dans la pathogénie de la tuberculose avaient été scientifiquement pro- bants, l’hypothèse de Behring (1903) n’eût pas été émise, et, dans le cas où son auteur l’eût néanmoins livrée à la publicité, elle n’eût pas reçu l'accueil favorable qu’elle a rencontré. M. le professeur Vallée (1) fit téter à deux reprises, à 48 heures d’intervalle, à 4 veaux, une vache atteinte de mam- mite tuberculeuse. Les 4 animaux furent tués du 54e au (1) Vallée, Annales de l'Institut Pasteur, 25 octobre 1905. la tuberculose thoracique du bœuf 519 156e jour après l'ingestion. « Tous les quatre avaient, à l’autopsie, des lésions nettes des ganglions bronchiques et médiastinaux; chez 3 d’entre eux, ces altérations étaient beaucoup plus mar- quées que celles des ganglions mésentériques, qui étaient vrai- ment discrètes chez tous et invisibles à l’examen direct chez le premier sacrifié d’entre eux. » Par contre, des veaux inoculés dans la trachée avec des cultures, ou soumis à des pulvérisa- tions de bacilles dans le naso-pharynx, n’ont que des lésions locales au point d’inoculation et dans les ganglions cervicaux. L’auteur conclut que « des divers modes d’infection , l'in- gestion est celui gui réalise le plus sûrement et le plus vite la tuberculisation des (ganglions annexes du poumon , et que cette infection d’ origine digestive peut se produire sans qu’il y ait de traces dans la muqueuse intestinale ou les ganglions mésentériques ». Quant à la voie suivie de l'intestin au pou- mon, M. Vallée admet le passage à travers le centre phrénique et ainsi les ganglions pulmonaires seraient primitivement atteints. Simultanément MM. Calmette et Guérin (1) publient un pre- mier travail dont les conclusions sont analogues. En faisant téter par des chevreaux des chèvres affectées de mammite tuber- culeuse expérimentale, ils obtiennent de la tuberculose mésen- térique énorme et de la tuberculose pulmonaire secondaire, tandis que 3 caprins adultes ayant pris à la sonde, en 4 fois, 20 centigrammes de culture tuberculeuse bovine, sont tués 1 mois 1/2 à 2 mois après et n’ont alors que de petits tuber- cules mésentériques avec de la tuberculose pulmonaire secon- daire. De ceci ces auteurs déduisent : « Dans l'immense majo- rité des cas , la tuberculose pulmonaire ne se contracte pas par inhalation , mais bien par ingestion de poussières ou de produits bacillifères ; les poussières sont infectantes non parce quon les respire , mais parce qu’on les déglutit . » Remarquons dès main- tenant que celte conclusion ne résulte pas selou nous des expériences rapportées; toujours les ganglions mésentériques ont été lésés, mais à un moindre degré chez l’adulte ; or, chez les animaux tuberculeux au début, les ganglions mésentériques sont le plus souvent indemnes. (1) Annales de l'Institut Pasteur , 1905, p. 601. 520 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR En 1906, MM. Calmette et Guérin (1) font paraître un deuxième mémoire consistant dans l’infection de 4 bovins adultes par ingestion à la sonde de 1 gramme, 0 gr. 50, 0 gr. 25 et 0 gr. 10 de bacilles tuberculeux bovins. Tués du 50e au 75e jour, le premier (30 jours) n’a rien d’apparent, mais ses ganglions mésentériques et pulmonaires sont virulents; les 3 derniers (45, 60 et 75 jours) ont des tubercules mésenté- riques; un seul a de petites granulations dans les ganglions médiastinaux; deux ont des lésions pulmonaires peu avancées. La conclusion confirme la précédente : « La tuberculose pulmo- naire, dite primitive , est le plus souvent d'origine intestinale; de tous les modes de contamination, F infection par le tube digestif est à la fois le plus efficace et celui qui s'accorde le mieux avec les conditions normales de C infection naturelle . » Un troisième mémoire des mêmes auteurs (2) apporte des documents et des conclusions identiques. En 1906 également, M. le professeur Vallée rapporte une nouvelle et intéressante série d’expériences : 11 veaux tubercu- linés négativement tètent pendant trois mois 4 vaches nor- mandes dont 3 réagissent à la tuberculine, et dont l’une seu- lement montre à l’autopsie ultérieure une faible lésion mammaire spécifique. Les veaux sont tués à l’àge de 90 à 100 jours : 9 ont des tubercules calcifiés des ganglions bron- chiques et médiastinaux, 2 portent une unique lésion pulmo- naire plus récente, en apparence, que la lésion ganglionnaire : « Pas un seul ne présente la plus petite altération de F un quel- conque des ganglions mésentériques » ; mais la plupart de ceux-ci sont virulents pour le cobaye. Se basant sur ces résul- tats M. Vallée conclut que : « Tout comme celle de C adulte, la tuberculose pulmonaire du jeune sujet, considérée comme pri- mitive et d'inhalation , peut résulter d'une infection intesti- nale. » En 1907, M. le professeur Chauveau revendique la priorité de la théorie digestive de la tuberculose thoracique, dite primi- tive, d’après ses expériences faites sur le bœuf de 1868 à 1873 ; il avait à cette époque, chez 3 sujets sur 20, obtenu de la (1) Annales de V Institut Pasteur , 1896, p. 353. (2) Annales de V Institut Pasteur, 1906, p. 609. LA TUBERCULOSE THORACIQUE DU BŒUF 521 tuberculose thoracique sans lésions intestinales ou ganglion- naires mésentériques. En 1907 et 1908, et même en 1909, la théorie digestive est en grande faveur. M. le professeur Yallée enseigne qu’il n’existe pas une seule bonne expérience d'inhalation dans toute la mé- decine expérimentale, parce que l’on a fait en même temps de 1 ingestion ; il développe la théorie digestive dans diverses réu- nions. M. Calmette la défend parallèlement à la théorie diges- tive de l'anthracose dans plusieurs sociétés médicales et dans des articles de vulgarisation. Dans la Revue scientifique du 31 octobre 1908 il écrit : « La tuberculisation 'par inhalation est possible mais exceptionnelle >> ; pour la réaliser « il faut se placer dans des conditions extraphysiologiques ». M. le professeur Moussu fait une part importante à l’ingestion et en tient compte largement dans l’exposition d’une méthode prophylac- tique de la tuberculose bovine. Dans une appréciation d’ensemble de ces divers travaux concluant à la contamination par l’ingestion, nous dirons que ceux du professeur Vallée paraissent les plus probants. Eu effet nous savons que dans les conditions naturelles, la tuberculose bovine au début consiste en des lésions pulmonaires peu impor- tantes et des lésions connexes des ganglions correspondants. Or MM. Calmetle et Guérin produisent de la tuberculose mésen- térique primitive et de la tuberculose thoracique secondaire; ils devraient donc conclure en faveur de l’inhalation et contre l’ingestion. M. le professeur Chauveau opérait, en 4 868, dans un milieu infecté, et la preuve nous en est donnée en ce que ses animaux témoins étaient tuberculeux (1); en outre, les lésions étaient manifestement trop avancées dans le court délai des expériences; il n’était pas possible à cette époque d’éli- miner les sujets infectés à l’avance, et cela n'enlève rien à la gloire de cet éminent savant. Mais les deux séries d’expériences de M. le professeur Yallée sont un peu contradictoires, et cela ne peut manquer de nous troubler. Dans la première, sur 4 animaux tuberculeux, dont 3 avec lésions pulmonaires, 3 ont des lésions mésentériques; dans la seconde, sur 9 animaux tuberculeux, aucun n’a de (1) Congrès pour l’avancement des sciences. Lyon, 1873. 522 ANNALES ÜE L’INSTITUT PASTEUR lésions mésentériques. Nous écrivions en 1909 que, malgré le soin apporté dans ces recherches, une cause d’erreur insoup- çonnée, par exemple l'inhalation concomitante de particules excrémentielles infectées par les ingestions lactées, avait pu intervenir. C'est pourquoi, ayant à diverses reprises fait part de nos doutes à M. Vallée, nous lui avons fait connaître notre désir d’exécuter des expériences d’inhalation sur le hœuf dans des conditions aussi physiologiques et aussi rigoureuses que possible. C'est M. Vallée qui a mis à notre disposition les moyens d'expérimenter sur le bœuf; notre reconnaissance à son égard est d’autant plus grande qu'il connaissait notre con- viction et notre intention de combattre la théorie digestive, c’est-à-dire celle qu'il soutenait; cela fait grand honneur à son esprit scientifique. Un certain nombre de travaux ont été publiés récemment en faveur de l’inhalation : ce sont ceux de Findel (1907), Kuss et Lobstein (1907), Pfeiffer et Friedberger (1907), Alexander (1908), Bruno Heymann i 1 908) , Kôhlisch (1908), Kuss (1908), Reichenbach (1908), Titze et Weidanz (1908). Nous ne don- nerons point ici une analyse sommaire de ces travaux; avec M. le Dr Calmette nous dirons qu’ils ont été réalisés dans des conditions extraphysiologiques; la plupart des expériences ont été exécutées sur le cobaye dans un espace restreint et en répandant dans l'atmosphère une quantité énorme de ba- cilles; en outre, les animaux étaient assujettis étroitement; enfin, certaines expériences ont été réalisées par une plaie de trachéotomie (Findel, Titze et Weidanz). Aussi, avons-nous cru, malgré cette abondance de faits, qu’il y avait utilité à pratiquer d'autres expériences en employant des produits sus- ceptibles de réaliser la contagion dans les conditions natu- relles, c'est-à-dire des crachats oit de la matière caséeuse, et non des cultures; en laissant les animaux respirer librement dans un local spacieux, en n'utilisant que des doses minimes et con- nues de produits virulents et en évitant enfin la projection directe sur les orifices nasaux. Notre religion avait été préala- blement éclairée par des résultats obtenus chez le cobaye, le lapin, le chat et le chien en observant les mêmes règles expé- rimentales. Dans les expériences d'ingestion et d'inhalation, étant donnée LA TUBERCULOSE THORACIQUE DU BOEUE la. possibilité de créer de la tuberculose mésentérique occulte, nous avons en outre inoculé les filtres ganglionnaires digestifs, pour savoir s’ils ne renfermaient pas de bacilles. T. — Ingestion chez le mouton. Nous rapporterons d'abord quelques expériences exécutées sur le mouton. Le mouton se comporte comme le bœuf quant a la réceptivité. M. le professeur Moussu a démontré qu’il peut être infecté dans les conditions naturelles par cohabitation avec des bovins tuberculeux. Nous avons tenté d'infecter de jeunes animaux par ingestion parce que, dans le jeune âge, l'infection est réputée plus facile. En outre, on admet que les petites doses passeraient dans les ganglions digestifs sans les léser, pour aller déterminer de la tuberculose thoracique primitive en apparence. Agneau n° 1. — Cet agneau a été nourri par sa mère pendant les huit pre- miers jours de son existence; puis, celle-ci étant sacrifiée, il fut alimenté au biberon avec du lait bouilli fourni par plusieurs vaches successivement. Du 13 au 22 février 1908, nous lui faisons faire huit ingestions de matière caséeuse bovine; la quantité totale de matière ingérée fut de 1 gr. 3 déci- grammes. Celle-ci était toujours broyée soigneusement au mortier, puis mélangée chaque fois à 230 centimètres cubes de lait que l'animal prenait avidement. Le produit virulent, généralement peu riche en bacilles, fut prélevé sur 6 bovidés différents; sa teneur moyenne était environ de 10.000 bacilles par milligramme de substance, soit en tout 13.000.000 de- germes. Dans le cours des ingestions l’animal est frappé d une atteinte d’entérite dont il se remet assez vite ; par la suite il devient vigoureux et se main- tient toujours en bon état, sans présenter aucun symptôme d’affection tho- racique. Il est tué le 4 mai* soit 71 jours après la dernière ingestion et 80 jours après la première. A ce moment il est aussi fort que le comporte son âge. L’autopsie montre les lésions suivantes : un ganglion mésentérique gros comme une petite pomme, c’est-à-dire assez fortement hypertrophié, est tuberculeux; la substance corticale est partiellement caséeuse; les autres ganglions mésentériques sont indemnes ainsi que les ganglions cervicaux. Le poumon contient une dizaine de petits tubercules translucides dont les plus petits sont à peine visibles, les plus volumineux ayant de 1 à 2 milli- mètres de diamètre et présentant déjà un point caséeux central peu appa- rent. Les ganglions pulmonaires ne sont pas visiblement atteints. Le foie contient plusieurs petits tubercules inégaux, translucides ou caséeux au centre, mais les ganglions hépatiques n’ont rien. La rate con- tient un seul tubercule translucide. Comme il pouvait exister des doutes sur la nature des lésions relevées, ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR nous pratiquons l'examen histologique de celles-ci : le ganglion mésenté- rique est bien tuberculeux ; sa substance caséifiée montre de nombreux bacilles ; les lésions pulmonaires, hépatiques et spléniques contiennent aussi des cellules géantes avec bacilles. Il s'agit donc d'une tuberculose mésentérique primitive avec tubercules pulmonaires secondaires et généralisation dans le foie et la rate; l’autopsie fait voir nettement la succession des localisations ; la lésion ganglionnaire mésentérique est de beaucoup la plus importante. Agneau n° 2. — Cet animal fait dans les mêmes conditions que le précé- dent, du 14 au 15 janvier 1909, 10 ingestions de matière tuberculeuse prove- nant de 5 bovidés et de la même richesse bacillaire approximative ; la quan- tité ingérée à chaque fois fut de 5 centigrammes seulement : en tout 5.000.000 de bacilles. L’animal n’était âgé que de douze jours au moment de la première ingestion. Il est tué le 28 avril suivant, soit 94 jours après la dernière ingestion et 105 jours après la première. L'autopsie le montre indemne de toute lésion tuberculeuse abdominale ou thoracique ; en outre, les ganglions mésenté- riques sont broyés et inoculés sous la peau de 6 cobayes; ces derniers ne deviennent pas tuberculeux. Agneau n° 3. — A l'âge de dix jours nous lui donnons comme précédem- ment, en 4 fois, 12 milligrammes de crachats de 2 bovins ; la quantité de bacilles y contenue est de 380.000. Ce sujet est tué 140 jours après ; il est reconnu indemne et ses ganglions mésentériques sont inoculés avec résultat négatif à 6 cobayes. IL — In HALATION CHEZ LE MOUTON. Agneau n° 4. — Cet animal est âgé de quatre mois et demi au moment de l'expérience : 0 gr. 25 de matière caséeuse bovine ont été broyés au mortier et mélangés à 400 centimètres cubes d’eau ordinaire ; cette matière était très riche en bacilles : elle en contenait environ 300.000 par milligramme, soit en tout 75.000.000 de germes. Le mouton étant placé avec quelques cobayes et lapins dans une salle de 15 mètres cubes la pulvérisation du liquide virulent fut faite en 45 minutes, par fractions, avec des intervalles de repos, et alternativement par deux ouvertures pratiquées à lm 60 de hauteur ; l'appareil employé était le pulvé- risateur de Richardson. Ayant exposé [de petits animaux en divers points de la salle nous avons vu que toutes les parties inférieures et moyennes de l'atmosphère étaient dangereuses au même degré. Pendant l’expérience le mouton était libre dans la pièce ; le jet du pulvérisateur passait à environ lm10 au-dessus de sa tète. Cet animal étant tué 35 jours plus lard, le poumon contient environ 300 tubercules gris dont les plus gros ont 7 ou 8 millimètres de diamètre ; tous ces tubercules sont au début de la caséification ; entre eux on en voit d’autres de dimensions extrêmement faibles. Les ganglions pulmonaires sont légère- ment hypertrophiés et lésés dans la partie corticale ; on y distingue déjà LA TUBERCULOSE THORACIQUE DU BŒUF parfaitement des points caséeux. La répartition de ces lésions est uniforme dans tout le poumon. A l’examen histologique ultérieurement pratiqué, leur nature n’est pas douteuse ; dans le poumon et les ganglions, les bacilles sont aisément mis en évidence. Tous les autres organes sont indemnes. Les ganglions mésentériques sont prélevés aseptiquement, écrasés avec du sable stérile et inoculés à 6 cobayes qui ne deviennent pas tuberculeux. Agneau n° 5. - Cet animal est du même âge que le précédent. Dans la même salle et dans les mêmes conditions nous pulvérisons en 40 minutes, avec des intervalles de repos, 80.000.000 de bacilles bovins (matière caséuse pulmonaire). Ce mouton est tué 38 jours plus tard. Comme dans l’expérience ci-dessus, le poumon contient de nombreuses lésions tuberculeuses (environ 300) ; les plus développées sont légèrement caséeuses au centre. Les ganglions bron- chiques et médiastinaux sont hypertrophiés et présentent des points caséeux dans leur substance périphérique ; ces dernières lésions rappellent la tuber- culose du veau. Le foie contient aussi un certain nombre de tubercules plus récents, mais ses ganglions sont indemnes en apparence; il n’y a aucune autre localisation tuberculeuse visible. Les ganglions mésentériques sont inoculés à 6 cobayes qui restent bien portants. III. — Intkkprétation des expériences réalisées sur le mouton. Nous avons constaté qu’avec de petites doses de bacilles '(380.000 à 13.000.000) l’infection par ingestion est incertain * ; dans les deux nas où des lésions n’existaient pas, les ganglions mésentériques n’étaient pas virulents ; si le virus traverse l’intestin pour arriver aux ganglions mésentériques, ceux-ci édifient rapidement une lésion de caractères habituels; la tuberculose abdominale (mésentérique) est alors prédominante et la tuberculose thoracique nettement secondaire. Ces résultats concordent avec la loi de Cohnheim, que nous croyons rigoureusement exacte, et avec toutes les expériences publi ées par MM. Calmette et Guérin. Nos deux derniers moutons ont bien été infectés par inha- lation puisque les ganglions mésentériques n’étaient ni lésés ni virulents. Sans vouloir déterminer d’une façon absolu- ment précise la dose mini ma nécessaire pour infecter le mouton par inhalation, c’est-à-dire pour produire un seul tubercule pulmonaire initial, nous pouvons cependant, par diverses déductions, arrivera une approximation satisfaisante. Dans l’essai de cette détermination il faut tenir compte : 1° De la quantité bacillaire pulvérisée ; 2° De la rapidité du dépôt des particules virulentes ; 3° De la proportion des goutteleltes 526 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR • pathogènes sur la quantité totale pulvérisée, proportion qui dépend du fonctionnement de l’appareil utilisé ; 4° De la quan- tité d'air inhalée pendant le temps de l’expérience. La première donnée nous est connue. La rapidité du dépôt des gouttelettes nous a été indiquée par des expériences consistant en des pulvérisations de liquides colorées ou de germes, et dans l'exposition de feuilles de papier, de récipients, de milieux de culture ou de cobayes à des délais divers après la cessation de la pulvérisation. Sur la quantité totale pulvérisée avec notre appareil, d’une hauteur de 2m40t nous avons trouvé qu'il reste en suspension : 5 secondes après 1/3 10 — après 1/10 20 — après 1/22 40 — après 1/40 6o — après 1/80 etc... Mais la proportion des particules pathogènes, c'est-à-dire susceptibles, en raison de leur petitesse, d’atteindre les plus lînes divisions bronchiques et les alvéoles, est très faible ; toutes les gouttelettes visibles à l’œil nu ou à un faible grossis- sement sont incapables de pénétrer assez profondément dans le poumon ; elles sont arrêtées dans les premières voies respira- toires — cavités nasales, pharynx, larynx, trachée, bronches — et rejetées avec le mucus. Seules les gouttelettes visibles à un grossissement de 100 à 200 diamètres peuvent pénétrer dans les bronchioles et les alvéoles, seules elles peuvent tuber- culiser parce qu'elles arrivent au contact de tissus très délicats qui sont immédiatement lésés. Nous avons constaté qu'avec notre pulvérisateur, lequel donne cependant une pulvérisation fine et abondante, 1/100 au plus de la quantité pulvérisée est tuberculisante pour le cobaye. Et comme ce sont des conditions semblables qui interviennent pour la rétention chez les diverses espèces réceptives, les dimensions des fins conduits aériens étant peu différentes, nous croyons pouvoir étendre les résul- tats obtenus chez le cobaye aux autres animaux. Nous tablerons donc sur cette proportion de 1/100 pour la masse des goutte- lettes tuberculisantes. Si l’on ne voulait admettre ce chiffre de 1/ (00, nous ferions observer que le dépôt rapide des particules LA TUBERCULOSE THORACIQUE DU BOEUF 527 nous conduirait au même résultat ; nous ne pouvons en effet compter avec la totalité du virus puisque en quelques secondes la quantité suspendue est infiniment moindre ; ces deux méthodes d’appréciation sont au surplus solidaires, parce que seules les gouttelettes pathogènes restent suspendues au delà d’une minute. Selon Colin (1), un mouton de 50 kilogrammes inhale par vingt-quatre heures 3.000 litres d’air; un agneau de 12 kilo- grammes ne doit en consommer que 1.000 litres au plus, soit dans les seize minutes de pulvérisation - ^ Y ïïïï — 12 litres 24 bO environ. Or 12 litres sont égaux à 1/1083 du local. Comme 1/100 des gouttelettes peuvent arriver dans la profondeur du poumon, notre sujet n’a pu recevoir ainsi que 1/108.300 de la quantité pulvérisée, soit 738 bacilles. Et dans ces conditions il a présenté environ 300 lésions primitives; la dose minima infectante est donc 300 fois moindre, c’est-à-dire de 2 à 3 bacilles. En réalité cette dose minima est d’un bacille, car on ne conçoit pas qüe le bacille tuberculeux puisse se comporter autrement que toutes les graines; une unité doit suffire an développement de la colonie initiale. Nous avons reproduit chez le mouton, par ingestion de la tuberculose abdominale primitive, par inhalation de la tuber- culose thoracique primitive ; cette dernière, obtenue sans aucune contrainte et avec la plus grande facilité, correspond aux caractères de la tuberculose humaine ou bovine spontanée. Etant donné l’état des lésions pulmonaires 35 et 38 jours après l’inhalation, on peut en déduire qu’elles étaient macros- copiquement apparentes vers le 20° jour au plus tard. Il faut noter aussi que les lésions d’inhalation des agneaux 4 et 5 étaient beaucoup plus prononcées dans les délais de 35 à 38 jours que celles de l’agneau infecté par ingestion avec un délai de 70 à 80 jours. Nous retirons encore un enseignement de ces expériences r c’est que nous aurions pu, si nos appréciations sont exactes, pulvériser beaucoup moins de microbes ; les résultats suivants (1) Traité de physiologie, 1888, 1. II. 528 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR obtenus sur le bœuf vont nous confirmer que nous sommes peu éloignés de la vérité. IV. — Inhalation chez le bœuf. (Travail du laboratoire de M. le professeur Vallée, à Alfort) (1). Dans une salle de 36 mètres cubes nous avons placé 4 jeunes bovins préalablement éprouvés à la tuberculine et n’ayant pas réagi ; ces animaux étaient attachés comme dans l’état de stabulation (voir fig. 1). A Fig. 1. Comme produit virulent nous avons recueilli avec peine dans les bronches d’une vache saisie pour tuberculose généralisée (vache n° 156) 3 grammes de mucosités légèrement purulentes ; ces dernières sont peu riches en bacilles: la numération pratiquée par la méthode que nous avons décrite (2) nous indique le chiffre de 1.555 bacilles par milligramme de substance, et nous avons constaté que ce produit peut en contenir parfois 200.000 ou 300.000; dans les 3 grammes de virus il y avait donc 4.665.000 bacilles. Si l'on établit un rapport avec la quantité pulvérisée dans les deux expé- (1) Ce travail a fait l’objet d’une note à l’Acad. des Sciences le 28 novembre 1910. (2) Comptes rendus de La Soc. de Biologie , 1910. 529 LA TUBERCULOSE THORACIQUE DU BOEUF riences précédentes, on constate que cette fois la densité du virus répandu dans l'air est 80.000.000 4.665.000 36 X ~ ^ fois moindre. Le» 3 gi animes de crachats, additionnés d un peu de sérum physiologique, ont été mis pendant 2 heures au broyeur à billes; le liquide trouble obtenu a été délayé avec une quantité d’eau suffisante pour faire un litre. La pulvérisation fut réalisée avec le même pulvérisateur Richardson, pai les ou\ ertures A, B et C, pratiquées a 1 métré environ au-dessus de la tète des animaux ; les ouvertures B et C sont éloignées de lm20 à lm50 des tètes des bovins ; la distance de A est de 3^50 ; la moitié du liquide est pro- jetée par A et les deux autres quarts par B et C, en faisant à chaque instant varier la direction du jçt ; le temps total de la pulvérisation est de 50 minutes environ. La figure 2, faite de profil, permet de se rendre compie que,, même par les orifices B et C, les plus rapprochés des animaux, la projection n’a pas lieu directe- ment sur les naseaux; le liquide pulvérisé retombe verticalement en gouttelettes très fines suscep- tibles d’ètre inhalées. Vingt-six jours après la séance unique d'inhalation, les 4 bovins réagissaient à l’intra-dermo-réac- tion ; ils furent conservés un cer- tain temps, puis tués dans l’ordre suivant : Bovin n° I. — Veau nivernais femelle, âgé de quatre mois en- viron au moment de l’expérience, pesant approximativement 120 ki- logrammes. Tué au bout de 90 jours; les lésions sont localisées au thorax. Les pou- mons contiennent 43 lésions parfaitement distinctes et uniformément dissé- minées, de mêmes caractères, nettement caséeuses ; dans certaines, la caséification est un peu plus avancée que dans les autres et le centre ramolli ; chaque lésion est grosse environ comme une noisette. Les ganglions pul- monaires sont hypertrophiés et caséeux; ils rappellent ceux de la tubercu- lose spontanée du veau. Des végétations commencent à se former sur la plèvre pulmonaire et la plèvre costale. A l’examen le plus minutieux, on ne trouve rien dans les organes abdominaux. Pour répondre aux deux objections possibles, voie cervicale et voie digestive sans lésions visibles, les ganglions cervicaux et mésentériques sont prélevés aseptiquement, broyés avec du sable stérile et inoculés à 10 cobayes pour chaque groupe de filtres lymphatiques; le résultat de ces inoculations est négatif. Bovin n° II. — Veau choletais femelle, âgé de six mois environ et pesan 140 kilogrammes au moment de l’expérience. Tué 102 jours après l'inhalation. Comme précédemment, le poumon et ses ganglions sont seuls lésés. Il y a dans le poumon environ 53 tubercules 34 530 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR • identiques à ceux que l'on trouve dans la tuberculose spontanée, gros comme de petites noix ou des noisettes, uniformément répartis dans le territoire pulmonaire; les ganglions annexes contiennent tous des nodules caséo- calcaires dans leur substance corticale. Nous inoculons 20 cobayes avec les ganglions cervicaux et mésentériques et obtenons le même résultat négatif. Bovin n° III. — Normand, femelle, âgé de treize mois environ et pesant 300 kilogrammes. Tué 104 jours après l’inhalation; l’autopsie révèle toujours les mêmes lésions, mais il y a cette fois environ 100 tubercules primitifs: les ganglions pulmonaires contiennent des tubercules caséeux peu nom- breux. Mêmes inoculations de ganglions digestifs et mêmes résultats. Bovin n° IV. — Normand, femelle, âgé de quinze mois et pesant environ 330 kilogrammes. Tué 104 jours après l’inhalation. Le poumon contient environ 80 lésions distinctes; il y a aussi des tubercules ganglionnaires. Mêmes inoculations avec résultat négatif. Y. — Interprétation des expériences réalisées sur le bœuf. Nos expériences sur les bovins, exécutées avec une dose très faible, correspondant à environ 1/8 de milligramme de culture, dans une pièce de 36 mètres cubes, nous ont cepen- dant donné line infection intense; cela nous démontre que le danger des particules liquides, n’ayant subi aucune dessiccation préalable, est considérable. Et ici la démonstration est d’au- tant meilleure, selon nous, que nos animaux étaient dans les conditions de bovins sains et infectés cohabitant ensemble. Sans doute, dans les conditions naturelles, les particules sont moins fines et la plupart ne sont pas respirables, mais il suffit qu’une seule gouttelette pénètre dans la profondeur du poumon pour infecter un sujet sain; notre expérience n'a duré qu’une heure, tandis que dans la contagion spontanée elle dure des mois et même des années. Il est, du reste, possible et probable que les particules desséchées depuis peu jouent le même rôle. Il est indiscutable que nos bovidés ont été infectés par inhalation, puisque les inoculations négatives des ganglions cervicaux et mésentériques mettent ces deux voies hors de cause. L'examen histologique des lésions pulmonaires a confirmé leur identité de structure avec celles de la tuberculose spon- tanée ; ce sont des tubercules à centre caséo-calcaire, riches en cellules géantes, mais avec bacilles peu nombreux. Les gan- glions pulmonaires, également examinés, nous ont montré des LA TUBERCULOSE THORACIQUE DU BŒUF 531 tubercules corticaux au même stade et d’innombrables folli- cules tuberculeux en évolution. Essayons de déterminer approximativement quelle est la quantité minima infectante. On ne saurait nous refuser que les lésions dénombrées sont primitives; elles sont au même état de développement et toujours séparées par 5 ou 6 centi- mètres de parenchyme pulmonaire sain ; en outre, dans de nombreuses autres expériences, nous avons constaté que les animaux placés dans le même air infecté ont un nombre de lésions proportionnel à la densité bacillaire de cet air et à leur capacité respiratoire; enfin, lorsqu'il y a éruption secondaire, le simple examen macroscopique permet de distinguer les lé- sions récentes et les anciennes. Ce nombre des lésions primi- tives est forcément un élément de notre calcul ; bien entendu, nous ne cherchons qu’à établir des chiffres pouvant varier du simple au quintuple. D’après Colin ( loc . cit .), un bœuf d’environ 500 kilogrammes inhale par jour 19.000 litres d’air. Nous pouvons en déduire qu’un animal de même espèce, du poids moyen de 235 kilogr. (120 -j- 140 -|- 300 -j- 350 = 910 : 4 = 235), inhale environ 10.000 litres d’air; cela nous donne en 40 minutes de pulvéri- sation 277 litres d’air ou 1/130 du local. Mais 1/100 de la quantité bacillaire pulvérisée est pathogène, et nous avons encore 70 lésions pulmonaires primitives ! La dose minima infectante est donc approximativement dans cette expérience de : 4.665.000 130 X 100 X 10 = 5 bacilles. Enfin dans nos interprétations des résultats obtenus sur le mouton et sur le bœuf, nous n'avons pas tenu compte que le 1/100 du virus pathogène n’est pas lui-même suspendu indéfi- niment; il se dépose aussi sans doute plusieurs fois dans les temps de 16 et de 40 minutes, de pulvérisation ; la quantité suspendue n’étant que de 1/100 au bout de 80 secondes, il est vraisemblable d’admettre qu’après 10 minutes elle est de 1/1.000 ou peut-être de 0 ; la détermination de ces proportions est d’autant plus difficile qu’elles sont plus faibles ; quelques expériences en cours nous fixeront peut-être à ce sujet. S’il en est ainsi que nous le supposons, nos chiffres seront réduits à l'unité. 532 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR • Au surplus, si les partisans de l'ingestion multipliaient cette unité pathogène, qui nous paraît correspondre à la réalité dans la tuberculose d’origine respiratoire, pur 100 ou 1.000, com- bien nous serions encore éloignés des doses de 10, 20, 50 cen- tigrammes de culture données à la sonde, pour ne pas obtenir toujours de la tuberculose pulmonaire! 10 centigrammes de culture représentent, en effet, 4.000.000.000 de bacilles. De cette expérience il résulte donc, avec la plus grande évidence, que /’ infection tuberculeuse du bœuf par inhalation est extrêmement facile , et cela avec du virus naturel , sans aucun appareil de contention , sans réaliser aucune condition pouvant faire songer à de /’ inhalation forcée. VI. — Chez le bœuf tuberculeux au début, les ganglions MÉSENTÉRIQUES INDEMNES SONT RAREMENT VIRULENTS. 11 était indiqué de rechercher si, chez le bovin tuberculeux avec lésions limitées, les ganglions mésentériques apparem- ment indemnes étaient virulents. Il faut pour cela opérer aussi près que possible du début de la maladie, car la virulence cons- tatée lorsque le sujet a de la tuberculose ouverte, serait sans signification; et en outre M. Guérin est d’avis que les ganglions mésentériques du bœuf peuvent se débarrasser de leurs bacilles au bout de quelques mois; le bovidé aurait alors de la tuberculose thoracique apparemment primitive, mais cependant d’origine abdominale. Chez 20 bovid és atteints de lésions limitées, de caractères récents, les ganglions mésentériques indemnes ont été prélevés aseptiquement, broyés et inoculés à des cobayes. Une seule fois la virulence fut constatée. D’autre part, chez deux bovins atteints de tuberculose pulmo- naire dite ouverte, les ganglions mésentériques sains en appa- rence étaient virulents. En réalité la tuberculose pulmonaire est toujours ouverte et il n’est pas surprenant que nous trouvions un cas de virulence sur 20 sujets tuberculeux peu avancés. Il faut également consi- dérer que l’inhalation de particules virulentes s’accompagne d’ingestion d’une partie de celles-ci; l'infection peut avoir lieu des deux côtés à la fois ou successivement; par conséquent la LA TUBERCULOSE THORACIQUE DU BOEUF 533 virulence mésentérique possible n'implique pas qu’une tuber- culose thoracique concomitante soit d’origine digestive. Quoi qu’il en soit, il résulte de ces recherches que chez le bovin tuberculeux au début les ganglions mésentériques appa- remment indemnes sont très généralement dépourvus de viru- lence. VIL — Argument anatomo-pathologique : le ganglion MÉSENTÉRIQUE RÉAGIT COMME TOUT AUTRE GANGLION DE L’ORGANISME. Nous avons également recherché systématiquement dans la tuberculose bovine les proportions et l’importance comparée des lésions thoraciques et mésentériques aux diverses phases de la maladie. Nous avons trouvé : 1° Au début les lésions pulmonaires sont très faibles en général; cependant celles des ganglions annexes sont d’ordi- naire prononcées. Sur 100 cas de tuberculose thoracique à ce degré initial il y a une forte proportion, 49 p. 100, de tuber- cules mésentériques; mais ces dernières lésions sont très peu importantes comparées aux altérations des ganglions pulmo- naires, et nous ne pouvons admettre qu’elles soient les pre- mières en date, qu’elles aient déterminé la tuberculisation pulmonaire; du reste elles s’expliquent beaucoup mieux par infection simultanée ou successive et par auto-infection diges- tive. Très exceptionnellement, peut-être une fois sur 100, la tuberculose abdominale est nettement prédominante et l’on doit alors accepter la tuberculisation par voie digestive avec tuber- cules secondaires du poumon (cela est conforme aux résultats obtenus par MM. Calmette et Guérin); 2° Dans une phase moyenne, lorsque la tuberculose pulmo- naire a déversé dans le tube digestif une quantité importante do bacilles, nous trouvons 75 à 80 p. 100 de tuberculose mésen- térique ; 3° A la lin de la maladie on relève la tuberculose mésenté- rique dans 95 p. 100 environ des cas; si la proportion n’est pas de 100 p. 100, c’est que la tuberculose évolue parfois sur les séreuses et par voie sanguine, sans donner lieu à une auto- infection digestive suffisante. Tels qu’ils sont, ces chiffres nous fournissent une première ANNALES DE L'INSTITUT PASTEÜH 534 objection à la théorie de la perméabilité du ganglion mésen- térique u étant donnée la progression constante des lésions mésentériques, du commencement à la fin de la maladie, si nous admettions l’hypothèse de la perméabilité sans réaction il faudrait la compléter ainsi : 1° la perméabilité sans réaction n’existe que chez la moitié des sujets, puisque nous démontrons que 49 p. 100 de ceux-ci ont, dèsle début, des tubercules mésen- tériques; 2° la perméabilité sans réaction chez cette moitié des sujets n’est que lemporaire; en d’autres termes le ganglion ne manque de réagir qu’à une première infection; il réagit par la suite puisque nous avons plus tard 95 p. 100 de lésions. Gela est, comme on le pense, fort difficile à admettre. Mais cette conception nous semblera complètement réfutée lorsque nous aurons ajouté que : non seulement la proportion des lésions mésentériques s’accroît continuellement au cours de 1’évolution de la tuberculose, par suite de l’auto-infection digestive, mais l’importance des tubercules mésentériques pro- gresse parallèlement; tout comme un ganglion pulmonaire ou musculaire le ganglion mésentérique du bœuf adulte peut s’hypertrophier par le développement de masses tuberculeuses ayant tous les caractères possibles : types nodulaire ou hyper- trophiant, ramolli ou non, etc.; les ganglions mésentériques atteignent communément le volume du poing. Nous dirons donc, contrairement aux partisans de l’inges- tion, que : le ganglion mésentérique de /’ adulte réagit comme tout autre ganglion du même organisme, qu’il produit des lésions dans les délais d’incubalion exigés par l’état du sujet; ou plus simplement : qu’il remplit son rôle physiologique de défense. L'absence de lésions abdominales dans la tuberculose récente , ou les caractères de ces lésions lorsqu'elles existent , nous condui- sent à admettre que très rarement la tuberculose du bœuf est d'origine digestive. VIII. — Chez LE VEAU DE LAIT LUI-MÊME LA TUBERCULOSE EST RAREMENT d’oRIGINE DIGESTIVE. ^ | • • i * \ * Aux arguments expérimentaux et anatomo-pathologiques qui précèdent nous pouvons en ajouter un dernier tiré de l’étude de la tuberculose du veau de lait. LA TUBERCULOSE THORACIQUE DU BOEUF 535 Selon l’hypothèse de Behring, la tuberculose humaine a pour principale source la maladie bovine et elle est contractée pen- dant la période de l’allaitement artificiel. S’il en est ainsi, le veau (jui boit ce lait cru à doses très élevées, et qui est très sensible au virus, doit être très fréquemment tubercuiisé par les voies digestives; les classiques admettent, du reste, bien qu’aucune démonstration n’en ait été faite, que la tuberculose du veau est généralement d’origine alimentaire; ou peut-être cette opinion repose-t-elle sur l’autopsie de veaux atteints de tuberculose avancée et présentant des altérations secondaires du tube digestif. Les nécropsies de veaux tuberculeux au début ne peuvent manquer de nous fixer sur le bien-fondé de l’hypothèse de l’éminent bactériologiste allemand. Nous remarquerons tout d’abord que la tuberculose du veau de Irois mois environ est très rare; sur 19.840 veaux examinés de très près nous avons découvert 30 tuberculeux, soit 0,15 p. 100 ou 1 pour 666, tandis que les nourrices de ces veaux sont tuberculeuses dans la proportion moyenne de 11 p. 100, soit 73 fois plus. Gela nous donne déjà à penser qu'une petite partie seulement de ces nourrices tuberculeuses sont dange- reuses, tant par inhalation que par ingestion, et que le danger n’existe vraisemblablement que lors de lésions mammaires. Mais la tuberculose du veau est loin d’être toujours d’origine digestive. Voici en effet ce que donnent les autopsies complètes des 30 veaux tuberculeux ci-dessus, dont la plupart avaient des lésions peu avancées. Nous diviserons les sujets en trois caté- gories bien distinctes, d’après la topographie des altérations tuberculeuses : 1° Tuberculose d'origine aérienne : lésion pulmonaire unique ou multiple avec tubercules ganglionnaires correspondants; rien dans les ganglions cervicaux et mésentériques; tous les autres viscères et ganglions généralement indemnes parce que la généralisation n’a pas encore eu le temps de s’effectuer; 2° Tuberculose cT origine digestive : lésions des ganglions mésentériques avec en même temps tuberculose du poumon et de ses ganglions; 3° Tuberculose d'origine congénitale : lésions prédominantes du foie et de ses ganglions, lésions secondaires du poumon et des autres organes. 536 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Or, sur nos 30 veaux, il y en avait au moins 25 à classer comme ayant de J a tuberculose d’origine aérienne, 1 , ou peut- être 2, comme ayant de la tuberculose d’origine digestive, et 3 comme atteints de tuberculose congénitale. Il y a une objection possible à notre raisonnement : ces animaux classés par nous comme infectés par inhalation, parce qu’ils n’ont pas de lésions mésentériques, sont peut-être infectés par ingestion ; M. le professeur Vallée a démontré que les ganglions mésentériques du veau laissent passer le bacille, tout comme ceux de l’adulte, sans produire de tubercules, et que, dans ce cas, la plupart des ganglions mésentériques sont virulents. Nous avons prévu cette objection; il y a en effet un intérêt capital à s’assurer de la virulence ou de la non-virulence des ganglions mésentériques non lésés de ces jeunes sujets tuber- culeux, et nous n'avons pas manqué de le taire pour un certain nombre d’entre eux. Si, chez l’adulte, on pouvait nous opposer la résorption possible des bacilles quand la virulence n’était pas constatée, ici cela ne saurait être valablement soutenu : ii s’agit de veaux de 2 mois 1/2 à 3 mois 1/2; tout le monde est d’accord pour dire que la résorption n’a pu avoir lieu dans ce court délai. Chez 11 des veaux que nous venons de déclarer infectés par inhalation, les ganglions mésentériques ont été prélevés asep- tiquement, broyés et inoculés à des cobayes (en moyenne 6 cobayes par veau); un seul veau avait des ganglions mésen- tériques virulents. Mais il n’en résulte pas qu’il ait été infecté par ingestion, car l’infection simultanée ou successive par les deux voies est possible; en outre, la prédominance des lésions thoraciques de ce sujet établit suffisamment son infection par inhalation. Nous avons noté aussi plus haut que 2 veaux avaient des tubercules mésentériques; or ceux-ci étaient de mêmes carac- tères que les lésions thoraciques, caséeux au même degré. Nous en déduisons donc que les ganglions mésentériques du veau réagissent contre les bacilles tuberculeux , comme 1 indi- quent en particulier les expériences de MM. Calmette et Guérin, et que l’absence de réaction, jointe à l’absence de viru- lence, permet de rejeter la théorie digestive. LA TUBERCULOSE THORACIQUE DU BŒUF 537 Le lait de vache tuberculeuse ne déterminerait donc la tuber- culose du veau qu’une fois environ sur ^ ^ - — J 095. Nous ne prétendons pus que ce chiffre soit absolument précis, mais il suffit à nous démontrer que rarement le lait de vache tuber- culeuse est dangereux pour son produit parce que les lésions bacillaires sont très généralement localisées au thorax et peu avancées. Pour une proportion de vaches tuberculeuses égale à 11 p. 100 le lait serait donc infectant, sur l’ensemble des femelles, environ 1 fois sur 1095 X 100: 11 = 9954 (ou 15 X 666 -= 9990). En d’autres termes, sur 10.000 veaux sacri- fiés, il y a 15 tuberculeux dont 1 par ingesiion. Mais ces chif- fres ne reposent que sur une période d’allaitement de 2 à 3 mois qui est celle des veaux examinés par nous ; ils seraient dimi- nués par la prolongation de cet allaitement; c’est-à-dire que la maladie serait plus souvent transmise par un allaitement plus prolongé pour les deux raisons suivantes : l’affection mater- nelle fait des progrès et la répétition des repas favorise la transmission. Quoi qu’il en soit, la tuberculose bovine n’évolue très généralement qu’avec une extrême lenteur, et nous croyons pouvoir dire, en restant au-dessous de la vérité, que sur 2.000 femelles bovines , dont 11 p. 100 sont tuberculeuses , il en est peut-être une qui infecte son produit par ingestion. En ce qui concerne l’alimentation humaine, le danger d’in- fection digestive est considérablement réduit par la dilution et l'ébullition. Si sévères que puissent être les critiques adressées à nos conclusions statistiques, il faut malgré tout reconnaître que là n’est point la source de la tuberculose infantile; ce ne peut être qu’une source exceptionnelle. Conclusions. Nous croyons pouvoir terminer en formulant les conclusions suivantes : : 1° L’inhalation est le procédé le plus sûr et le plus rapide pour réaliser chez le bœuf la tuberculisation du poumon et des ganglions pulmonaires avec la dose la plus infime; 2° L’infection expérimentale par inhalation donne seule des ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 538 lésions thoraciques primitives répondant entièrement aux caractères de la tuberculose bovine spontanée; 3° La tuberculose bovine de l'adulte est d’origine inhalatoire 98 fois sur 100, sinon davantage; 4° La tuberculose du veau est d'origine inhalatoire 90 fois environ sur 100, d’origine digestive et congénitale dans les autres cas ; 5° Le lait de la femelle bovine étant peu dangereux à l’état cru, pur et à haute dose pour le veau, il l’est à un degré insi- gnifiant pour l’entant qui le boit généralement mélangé et bouilli. L’hypothèse de Behring est controuvée. Mais nous ne prétendons pas que pour l’espèce humaine la prophylaxie de la tuberculose d’origine animale soit inutile; notre pensée est que, sans négliger aucune source, il faut lutter avant tout contre la contagion humaine et familiale. La prophylaxie de la tuberculose bovine doit s’inspirer de ces mêmes conclusions. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE DES TRAVAUX CITÉS Alexander. — Zeitschr. f. Hyg ., 1908, vol. LX, p. 467. Behring. — Congrès de Cassel , 1903. — Soc. de mêd. interne de Berlin , 1903. — Berlin, klin. Woch., 1903. Galmette. — Bull, de l'Institut Pasteur, 1907. — Conférence de Vienne , 1907. — • Bevue génér. de mécl. vétér ., 1907, vol. IX. — Revue scientifique , 31 octobre 1908. Galmette et Guérin. — Ann. de C Institut Pasteur , 25 octobre 1905. — Ann. de l'Institut Pasteur , 1906, pp. 353 et 609. Chauveau. — Revue génér. de méd. vétér., 1er mai 1907. Findel. — Zeitschr. f. Hyg., 1907, vol. LVII, p. 104. Heymann (Bruno). — Zeitschr. f. fjyg., 1908, vol. LXIX, p. 490. Kôhlisch. — Zeitschr. f. Hyg., 1908, vol. LX, p. 508. Kossel, Weber et Heuss. — Tuherkulosearheit . a. d. k. Gesund heitsamt , 1904, livre III. Kuss et Lobstein. — Bull, médical , 21 septembre 1907. Kuss. — Bull, médical, 5 août 1908. Moussu. — Recueil d'Alforl , septembre 1909. Nocard et Rossignol. — Bull, de la Soc. de mélecine vétér. pratique , 1900, p. 170. . ■ , Reichenbach. — Zeitschr. f. Hyg., 1908, vol. LX, p. 446. Titze et Weidanz. — Tuberkulosearb. a. d. k. Gesund heitsamt, 1908, livre IX. Vallée. — Ann. de l'inst. Pasteur, 25 octobre 1905. — Congr. de la tuberculose, octobre 1905. — Comptes rendus de V Académie des Sciences, mai 1906. — Ann. de médecine vétérinaire, 1907. ESSAIS DE TRAITEMENT DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE D’AFRIQUE PAR L’ARSÉNOBENZOL « 606 » RÉACTION MÉNINGÉE DE LA TICKFEVER CHEZ L'HOMME! par les Drs J. RODHAIN , C. PONS et F. VAN DEN BRANDEN , (Mission scientifique du Katanga). En cours de route pour le Katanga, la mission a pu s’arrêter pendant quelque temps dans la zone du Maniéma. La région est fortement infestée par Y Ornithodorus moubata ( kimputus ), et nous avons eu l’occasion d’y étudier neuf cas de fièvre récurrente. Nous avons traité six malades au moyen du médicament contre les spirilles 606, dont M. Ehrlich avait bien voulu mettre à notre disposition une certaine quantité. Nous tenons h remercier ici le professeur de Francfort de sa grande bienveillance. Des neuf noirs atteints de spirillose que nous avons observés, sept, venant de régions où les « kimputus » n'existent pas, n’avaient jamais eu à subir les morsures de ces tiques. Deux autres avaient souffert antérieurement de fièvre spirillaire; quoique leur affection remontât h plus de dix ans, nous avons préféré ne pas les soumettre au traitement. Nous nous sommes servis, pour la préparation des solutions du 606, de la méthode indiquée par le professeur Alt (1). Un seul des malades a été injecté sous la peau; chez les cinq autres, le 606 a été introduit directement dans le sang par une veine du pli du coude, en solutions diluées à raison de 5 centi- grammes d’arsénobenzol pour 30 centimètres cubes d'eau phy- siologique. La dose de médicament administrée a été toujours calculée proportionnellement au poids des malades et a été respective- (1) Das neueste Ehrlich-Hatapràparat gegen Syphilis. Münchèner medizi- nische Wochenschrift , n° 11, 1910. 540 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR • ment de 0,005 gr., 0,008 gr. et 0,01 gr. par kilogr. de poids. Le 606 a été injecté au moment de la fièvre, alors que des spirilles existaient en plus ou moins grand nombre dans le sang, et cinq fois sur six lors du premier paroxysme. Employé dans ces conditions, le dioxydiamido-arsénobenzol détermine, même aux doses faibles de 0,005 gramme par kilogramme de poids, la disparition des parasites du sang, la chute de la température et la sédation des autres symptômes cliniques, signes de l'intoxication spirillaire. Pour contrôler la disparition progressive des spirilles, nous avons fait des examens de sang étalé sur des lamelles en couche épaisse et coloré au Laveran-Borrel après extraction de l'hémoglobine par le procédé Ross-Ruge. Dans les préparations faites aussi toujours de la même façon, nous comptons le nombre des spirilles qui se présentent dans 100 champs microscopiques (oculaire 111, immersion 1/12 homogène Zeiss), avant, puis après l’injection. Voici 3 exemples qui montrent la diminution, puis la dispa- rition des parasites du sang sous l’influence du médicament. TABLEAU I NOM NOMBRE DE SPIRILLES COMPTÉS DANS 100 CHAMPS MICROSCOPIQCES et dose injectée. Avant l’injec- tion. 2 heures après l’inject. 4 heures après. 6 heures après. 8 heures après. 17 heures après. 20 heures après. Yaya $ 0,005 gr. par kilogr. 92 — 92 8 8 1 dans 150 champs 0 Anna $ 0,005 gr. par kilogr. 240 184 90 28 — 0 )) Johan c ? 0,008 gr. par kilogr. 220 — — ; 1 0 • » Dans le cas Pierre Kadillo (voir plus loin, graphique IV), qui reçut 0,01 par kilo, et où les spirilles étaient particuliè- rement nombreux dans le sang, leur disparition était à peu près complète après sept heures. ce Ÿ^. ce TRAITEMENT DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE D’AFRIQUE 541 Chez les deux autres malades injectés de la meme dose, les parasites avaient disparu de la circulation sanguine, chez l’un quatre heures, chez l’autre seize heures après l’admi- nistration du médicament. Immédiatement après l’in- jection, nous avons noté, chez trois malades sur cinq, une légère ascension ther- mique précédée ou non d’un frisson. Elle peut durer de quatre à cinq heures, puis J a chaleur du corps tombe progressivement et l’accès de fièvre est régulièrement terminé 20 heures après l'in- tervention. En môme temps, la céphalée et la douleur dans la nuque s’améliorent et les symptômes gastriques ou intestinaux, quand ils existent, s’amendent. Comme on peut le voir par la comparaison des gra- phiques I, II, III, IV, qui re- produisent les courbes ther- miques, la chute de la tem- pérature est plus rapide après l’administration de 0,01 gramme par kilogr. qu’après une dose de 0,005 gramme. Nous considérons cette dernière comme la limite de la dose active. Si, dans un cas, elle fit dispa- raître les spirilles du sang en dix-sept heures, dans un autre, les parasites y persistèrent encore, quoique en très petit nombre, dix-neuf heures après l’injection. C 542 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Fig. 2. — Anna. Fig. 3. — Johan Akuma. Dates il ii /3- 14 15 5s CO -ououi CO spnejr) d 05 co •S91A'oOJ9if J\[ O o f-H 20 ■«H = d SP CO CM r- *=* 05 •sai^ooongq 20 CO s CO P] ■rH •S9p£ooqduiA’{ 0 01 CO 20 sqxpd d CO CM CM •sgjieppnu O o co -0U0UI ** ZD :P> spuejp) d •ÇH •S9lÆoopc(j\[ O o s o 20 CM d OO CO «o o 20 20 •sopCooongq * ■çH pi a- 20 "N CO CO s •sacpvooqduiAj O PI co SJTPd d OO ZD •soaie^jona O o t— 5 «r* -ouora T— < 03 spuBjp) d CM r- 00 PI CO ■sg'jXoopÀ’jv O B . ® P P ü P ’c «5 P « '?p. -03 ►" Z, O- g p, ce g « co p p p — • 3 P P (h a p æ ^ p -p> p . O "* P P ü P p ^ p to Si (O .P'p P CL CLP « S CO ■*-J p 2p 3 _ PP P PP OO «N *0" ,p p CL P P P 3 3 O t-s P P P P 3 co p p p p CL'® 3 «g- — 1 CP 05 P""“ 2 S £■ ®* p ce p S*0 -p Sc S.§ - o »sl< Cd P CO p p 3 P J3 P P P ’p A 'P S O CO O ,(JJ p o 7? o .£ 3 £ B p T3 3 P PL 3 P > s a o u* w o — » O P K 3 05 O Q CS 'p _cS P 3 te S 0+--2 o ' ^ ^ p ® Csa -® ^ & O - =2 ®. a o ■- iS bD O 'oS U d et ^ • ^ s* o SD “î 00 o o fl o 35 546 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Nous avons également étudié la formule leucocytaire chez certains de nos malades, au cours de l’accès fébrile, avant l’in- jection du 606, puis après la disparition des spirilles et la chute de la température. Il résulte^ des numérations faites, que l’injection de l’arsé- nôbenzol dans la veine n’est pas suivie de leucocytose. Celle-ci existe pendant la fièvre et disparaît vingt-quatre heures après la défervescence fébrile. Le nombre de cas que nous avons pu traiter est trop peu élevé, pour nous renseigner d’une façon définitive sur toute l’activité du nouveau composé arsenical dans la récur- rente africaine. Dans les conditions où nous l'avons employé, les résultats obtenus nous paraissent néanmoins suffisamment nëts pour nous autoriser à formuler les conclusions suivantes : 1° Injeciée dans le sang, lors du premier paroxysme, une dose d'arsénobenzol « 606 » correspondant à 0,01 gramme par kilogramme de poids du malade détermine la disparition des spirilles de la circulation en quatre à six heures, et provoque la chute de la température au plus tard en vingt heures. 2° Dans quatre cas sur quatre, la destruction des spirilles fut complète, leur disparition définitive, la guérison radicale. 3° Des doses plus petites, correspondant respectivement à (f,005 gramme et 0,008 gramme par kilogramme de poids, injectées dans les mêmes conditions, déterminent également la stérilisation du sang, mais celle-ci n’est que temporaire. La destruction des spirilles est incomplète et des rechutes se pro- duisent. 4° Dans tous les cas traités, l’introduction directe de la solu- tion médicamenteuse dans le sang, en pleine période fébrile, fut bien supportée et ne fut suivie d’aucune réaction désa- gréable. 5° Nous ne pouvons pas affirmer si, injectée lors d’une rechute, ou entre les intervalles de deux rechutes, la même dose pré- viendrait des accès de fièvre ultérieurs. De nouveaux essais sont nécessaires pour élucider cette ques- tion. Il se pourrait en effet que des formes de repos, endoglobu- laires ou autres, dont certains auteurs admettent l’existence TRAITEMENT DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE D’AFRIQUE 547 pendant les périodes apyrétiques, soient moins atteintes par l’action de 1 arsénobenzol 606. Peut-être aussi qu’au cours de ta multiplication active des parasites, qui marque le premier paroxysme, quelques spirilles pénètrent dans des organes où le médicament ne peut les ren- contrer à la même concentration que dans le sang. Ici nous devons envisager en tout premier lieu la possibilité de la pénétration du spirochète dans le liquide encéphalo- rachidien. Thiroux et Dufougeré(l) ont relaté, au début de 1910, un cas de persistance de l’infection des méninges chez un cercopi- thèque, guéri sans médication d’une infection sanguine à spi- rilles naturelle. L’animal avait présenté, au cours de sa maladie, des crises épileptoïdes à type jacksonien. Plus récemment Laveran et A. Pettit (2) ont fait chez un singe, au cours d’une infection due au même Spirillum pitheci, une ponction lombaire. Ils ont constaté une mononucléose du liquide lombaire, mais n’oni pas réussi à y trouver des parasites. Soulié (3) a pratiqué une ponction lombaire chez un indigène musulman, trouvé sans connaissance et présentant, comme phénomènes méningés, de la raideur de la nuque et le signe de Kernig. Le dépôt du liquide recueilli contenait de très nom- breux spirochètes; le sang contenait aussi des spirochètes assez rares. Nous avons pu examiner le liquide encéphaio-rachidien chez deux de nos malades au cours même de l’infection. Ce qui nous a déterminés à procéder à la ponction lombaire, c’est la céphalée intense dont se plaignaient les malades. Cette céphalée persistante n’était en rapport ni avec l’élévation thermique, ni liée à la présence de spirochètes dans le sang. Très intense, elle donnait une impression d’abattement particulier au malade, et s’accompagnait d’un léger degré de rétrécissement des pupilles. La première ponction faite chez le malade Emile (graphique V ) (1) Bulletin de la Société de Pathologie exotique , t. III, 12 janvier 1910. (2) Bulletin de la Société de Pathologie exotique , t. III, 13 juillet 1910. (3) Comptes rendus de la Soc. de Biologie, séance 2 i juillet 1907, p. 149. 548 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ramena un liquide franchement louche quand on le regardait d'en haut. Centrifugé pendant vingt minutes ce liquide donna un culot abondant de leucocytes. Ceux-ci présentent les caractères des lymphocytes et sont constitués par de petits lymphocytes et des mononucléaires plus grands. Nous n’y avons pas trouvé de grands éléments macrophages, ni de cellules en forme de mûre -(plasmazellen dégénérées?). La numération au Thomas-Zeiss donna 312 éléments cellu- laires par millimètre cube de liquide, et le dosage de l’albumine d’après Tchukaya environ 0,85 gr. p. 1.000 d’albumines totales. , Malgré nos longues recherches, nous n’y avons pas trouvé de spirochètes visibles. Le culot, mélangé à 10 centimètres cubes de liquide centrifugé, fut injecté à un singe cercopithèque. L’animal ne contracta pas d’infection. Ce premier malade, au moment où il subit la ponction lom- baire, ne montrait pas de spirochètes dans son sang. Le deuxième malade, dont le liquide lombaire fut examiné, avait reçu 0,40 gramme de dioxydiamido-arsénobenzol, au cours de la première rechute (voir graphique III). Une céphalée intense se déclara chez lui accompagnée de légères ascensions thermiques, six jours avant la réapparition des spirilles dans le sang. Une ponction lombaire, faite la veille de cette appari- tion, donna un liquide légèrement louche et renfermant 349 petits lymphocytes et mononucléaires par millimètre cube. Le taux des albumines totales dosées fut de 0,8o p. 1.000. Pas de spirilles à l’examen très prolongé du culot. Une nouvelle ponction lombaire put être faite ici trois jours après, en pleine période pyrétique, alors qu'il y avait de nom- breux spirilles dans le sang. Elle ramena le même liquide louche, riche en éléments cellulaires, mais paraissant indemne de parasites. Il fut inoculé à un singe cercopithèque. Quelle est la signification réelle de cette forte altération du liquide cérébro-spinal que nous avons constatée? Il est difficile d’admettre que cette réaction des méninges soit le seul résultat d’une action, même élective, exercée sur les tissus nerveux par les toxines élaborées par les spirilles au cours des accès fébriles. Nous croyons qu’elle est aussi l’indice d’une véritable infection des méninges par les spirochètes. Quand celle-ci se produit-elle, TRAITEMENT DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE D’AFRIQUE 549 et jusqu’à quel point les spirilles peuvent-ils pulluler dans le liquide sous-arachnoïdien? Nous ne pouvons pas le dire actuel- lement. Les parasites paraissent pourtant devoir y être plutôt rares, vu le résultat négatif de nos examens. Il sera intéressant d’examiner le liquide cérébro-spinal des malades qui présentent des lésions nerveuses consécutives à une fièvre récurrente, telles la paraplégie signalée parfois pour la Ttckfever et les lésions oculaires profondes qui sont assez fréquentes. Une autre question, qui se pose également, est celle de la durée de cette « réaction méningée ». D’aulre part, on doit se demander aussi par quels processus d’immunisation les spirilles sont finalement détruits dans le liquide céphalo-rachidien, car la guérison complète sans lésions nerveuses définitives est la règle dans la récurrente africaine. Il est très probable que cette « réaction méningée » ne se produit pas chez tous les malades. Nous avons dit au début de notre note que 2 des 9 malades observés avaient subi, anté- rieurement à l’accès que nous avons constaté, une première atteinte de spirillose. Aucun de ces malades ne présenta une rechute, quoique le premier paroxysme fébrile fût très violent et persistât pendant quatre jours. Nous avons pratiqué chez l’un de ces deux malades une ponc- tion lombaire, vingt-six jours après la chute de la température. Elle ramena un liquide clair, absolument normal tant au point de vue cytologique qu’au point de vue chimique. L’immunité que cet homme avait acquise lors de sa première infection (d’après ses dires il fut malade pendant deux mois) s’était perdue, puisqu’il fit une récidive violente. Mais il faut admettre que, lors de la crise, les anticorps ont réapparu en grande quantité et ont déterminé la destruction complète des parasites. Il ne s'est point produit non plus de « réaction méningée ». Cette absence de rechute concomitante avec l’absence d’altération du liquide cérébro-spinal fait croire à une relation entre les deux phénomènes. Si la facilité avec laquelle le Spirochæte Duttoni s’immunise contre les anticorps (1) peut expliquer la fréquence des rechutes, (1) Levaditi et Stanesco, Immunisation des spirilles par action des anti- corps in vitro. Bulletin de la Société de Pathologie exotigue, 8 juin 1910. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUK 350 l’infection méningée peut y jouer également un certain rôle. Nous sommes ici de l’avis de Thiroux et Dufougeré (1) quand ils disent que les parasites, dans le liquide céphalo-rachidien, sont à l’abri de l’action brutale des substances immunisantes qui circulent dans le sang. Ils peuvent réapparaître pourtant dans la circulation, ayant acquis des propriété nouvelles, s'étant immunisés contre les anticorps spirill icides. Nous nous proposons de revenir, dans une noie ultérieure, sur les moditications du liquide cérébro-spinal au cours des infections produites par le spirille de Dutton. Aussi longtemps que l’infectiosité de ce liquide n’aura pas été prouvée, l’infec- tion méningée reste douteuse, et le terme de « réaction mé- ningée » peut seul être employé pour désigner les altérations cellulaires et chimiques que nous avons constatées dans le liquide lombaire chez l’homme. Dans un récent article, Werner (2) établit que la préparation « 606 » agit nettement sur le paludisme. 11 a trouvé que l’action du médicament était beaucoup plus énergique sur la tierce bénigne que sur la tierce maligne. Deux de nos malades, infectés du spirille de Dutton, avaient également dans leur sang des formes de Plasmodium præcox. Le sang du premier renfermait des formes sexuées de 1a, tierce tropicale, ils ne disparurent point sous l’influence du médica- ment. Le sang de la deuxième (voir tableau II) montrait de jeunes anneaux de la même espèce malarienne. Ils y persis- taient encore vingt-quatre heures après l’injection endovei- neuse de 0,01 gramme par kilo de poids de « 606 », donné en deux fois. Ils disparurent ensuite momentanément pour réap- paraître plus tard. Ces résultats confirment ceux obtenus par Werner. Kongolo (Congo belge), le 15 février 1911. (1) Bulletin de la Société de Pathologie exotique , 12 juillet 1910. (2) Deutsche med. Woch., 29 septembre 1910. .. I , î . . EXPÉRIENCES SUR LE VENIN DU TRIMERESURUS RIUKIUANUS par M. NICOLLE et A. BERTHELOT. Grâce à l’obligeance du Dr Calmette, nous avons pu faire un certain nombre de recherches sur le venin de l’ophidien japo- nais, Trimeresurus riukiuanus (ou flavoviridis ), qui vit dans les îles Riou Kiou et Amami et qu’on nomme vulgairement serpent habou. Nous allons résumer, brièvement, les résultats de quel- ques-unes de ces recherches. Le venin du T comme celui des autres vipéridés, contient divers principes toxiques, notamment une « hémorragine », un « poison capable de tuer brutalement les animaux dans les veines » et une « neurotoxine ». C’est le premier de ces com- posants qui occasionne, sous la peau, la produc! ion rapide d’une eschare suintante et hémorragique; dans les muscles, le développement d’une tuméfaction marquée, avec nécrose éga- lement humide et sanguinolente ; dans le péritoine, une poussée d’extravasations séreuses et viscérales ; dans l’œil, enfin, l’appa- rition d’une violente conjonctivite, susceptible d’entraîner la perte de l’organe. Le poison qui tue rapidement par la voie sanguine amène la mort « sur la table », ou tout au moins en quelques minutes, quand on l’injecte à dose suffisante. Les cas de mort plus lente présentent une symptomatologie (générale) analogue à celle que déterminent les autres modes d'admi- nistration du venin et relevant principalement de la neuroto- xine. — Nous ri étudierons, dans cette note , que la mort rapide par injection intraveineuse chez les lapins (animaux de 500-800 grammes). La petite quantité de venin que possédait le Dr Calmette et dont il a bien voulu se priver en notre faveur — nous sommes heureux de le remercier ici — se composait de grains différents quanta leur volume, leur transparence, leur « solubilité » et, aussi, leur pouvoir toxique. Celui-ci n’atteint point d emblée son maximum ; il faut que les solutions mûrissent, après quoi 552 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR on voit leur activité baisser progressivement. La maturation (qui va de pair avec un éclaircissement du liquide) et le fléchis- sement consécutif évoluent d’autant plus vite qu’on se rapproche davantage de la température du corps. Les résultats les meil- leurs ont toujours été obtenus en faisant usage de l’eau glycé- rinée (ââ) comme véhicule et en laissant les solutions à l’étuve durant une nuit. Le lendemain, I goutte (= 1/50 de cent, cube), représentant 1 milligramme de venin sec (ou même moins), tuait le lapin, « sur la table », par injection intraveineuse. Voici quelques chiffres, destinés à montrer l'activité variable des grains. Quatre grains sont dissous séparément dans l’eau glycérinée (de telle façon que I g. = 1 milligr.) et éluvés une nuit. Le lendemain, III g. de la sol. (I) tuent en 4 heures — III g. de la sol. (2) tuent en quelques instants, II g. en une demi-heure; I g. ne tue pas — II g. de la sol. (3) tuent en quelques instants, I g. en un quart d’heure — I g. de la sol (4) tue en quelques instants. Il n’y a aucun avantage à mélanger, après les avoir broyées finement, quelques grosses particules de venin, car les grains très actifs constituent la minorité ; d'où une grande complica- tion dans les expériences. Les données suivantes, prises au hasard, montreront Vin- fluence de la température sur la maturation et le fléchissement des solutions toxiques. Exp. I. Température ordinaire. A 10 heures du matin, III g. (sol. fraîche) tuent en 2 h. 1/2 ; à 3 heures de l’après-midi, III g. tuent en quelques instants. — Exp. IL Glacière. Le 11 du mois, I g. (sol. fraîche) ne tue pas, II g. tuent en 2 heures; le 13, II g. tuent en 1 heure; le 14, I g. tue en quelques instants; le 29, II g. tuent en 2 heures, III g. en quelques instants. — Exp. III. Etuve (37 degrés). Après une nuit, 1 g. tue en quelques instants ; après 4 jour 1/2, II g. tuent en plusieurs heures. Chacun des chiffres indiqués représente la moyenne d’au moins deux injections intraveineuses. ★ * * D’après Phisalix, la tyrosine est susceptible d’immuniser le cobaye contre le venin de vipère. Nous avons pu nous con- vaincre qu elle demeure sans action sur le venin de 7\, injecté SUR LE VENIN DU « TRIMERESURUS RIUKIUANUS » 553 dans les veines du lapin, quelles que soient les doses admi- nistrées (jusqu’à un gramme) et quel que soit le temps qui s écoule avant l’épreuve (de 4 heures à 10 jours). Au contraire, les éthers de la tyrosine (chlorhydrates) manifestent un pouvoir préventif des plus remarquables. Quelques-uns de ces dérivés (éthers méthylique, éthylique, propylique, isobutjdique, isoamylique, octylique secondaire) ont été obtenus en suivant la méthode de Curtius. Nous n’avons pas manqué de tenir compte de ce fait qu’au fur et à mesure que la molécule grossit, on voit sa stabilité diminuer parallèlement. Aussi a-t-il été fait exclusivement usage de composés purifiés avec soin et fraîchement préparés, afin d’éviter des mécomptes, surtout pour l’éther octylique et les expériences in vitro (1). Par mélange (une demi-heure de contact), les éthers neu- tralisent d’autant mieux le venin qu’ils occupent une place plus élevée dans la série. Ainsi, par exemple, quand on veut rendre inoffensives 1-2 doses mortelles (mortelles « sur la table »), il faut 2 centigrammes d’éther méthylique, 1 demi- centigramme d’éther isoamylique et des traces d’éther octy- lique. Les éthers éthyliques du glycocolle, de la leucine, de l’acide aspartique... demeurent absolument inactifs. Rien plus intéressantes sont les recherches in vivo. Pour neutraliser 1-2 doses mortelles, il suffit d’injecter, cinq minutes auparavant et dans la veine : 8 centigrammes d’éther méthy- lique, 5 centigrammes d’éther éthylique, 3 centigrammes des éthers isobutylique et isoamylique et 1 milligramme d’éther octylique, — ou bien, une heure auparavant, dans le muscle, des doses dix fois supérieures de ces composés. Les expériences sont toutefois fort délicates, car elles nécessitent l’emploi de solutions qui n’aient pas dépassé leur phase d’activité maxima. Sinon, on se voit obligé de forcer la dose et on se heurte, alors, aux effets de la neurotoxine, laquelle ne partage pas la fra- gilité du « poison qui tue brutalement dans les veines » et demeure, sans doute pour cela, insensible aux éthers de la tyrosine. Pareillement, même avec les liquides très actifs, il est impossible de dépasser deux doses mortelles; la mort immé- diate sera bien évitée, mais non la mort plus lente. Empressons- (1) Nous adressons nos plus vifs remerciements à M. Macquaire, auquel nous sommes redevables de la tyrosine employée dans notre étude. 554 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR nous d’ajouter qu'afin de ne conserver aucun doute sur l’inter- prétation des faits, nous avons toujours éprouvé chaque animal, chimiquement immunisé, « en sandwich » entre deux témoins. Lorsque ceux-ci ne succombaient pas immédial ement, l’expé- rience était considérée comme sans valeur. J1 est évident qu’avec un venin aussi rapidement mortel dans les veines, mais moins neurotoxique que celui du 7\, on pourrait pousser bien plus loin la neutralisation in vivo (et in vitro). INous n’avons pas, malheureusement, rencontré jusqu’ici un tel venin. Les lapins immunisés, qui ont résisté à l’épreuve, se mon- trent ultérieurement aussi sensibles que les sujets neufs. Le traitement chimique « escamote » donc simplement l’intoxi- cation, sans créer d’état réfractaire consécutif. Les éthers de la tyrosine ne neutralisent ni in vitro ni in vivo le venin de cobra (neurotoxine). Ils neutralisent, au contraire^ dans les deux cas, le venin de daboïa quant à son « poison qui tue brutalement dans les veines » et à celui qui détermine des coagulations intravasculaires (veine porte, artère pulmonaire) et intracardiaques (cœur droit) lors de mort rapide, — mais point quant à sa neurotoxine. Comme celle-ci est plus abon- dante que chez le J., on comprendra aisément que les éthers de la tyrosine, convenablement maniés, puissent toujours retarder la mort sans jamais l’empêcher. Les éthers se sont montrés inactifs vis-à-vis d’une toxine « cholérique » qui tuait le lapin « sur la table » par injection intraveineuse, ainsi que dans le cas des cobayes-Theobald Smith (hypersensibilisation au sérum équin). TABLE CHAUFFANTE A TEMPÉRATURE RÉGLABLE par C.-L. GATIN Cet appareil a été construit dans le but de permettre le collage et le séchage simultané d’un grand nombre de coupes prove- nant d'inclusions à la paraffine. En effet, lorsqu’on se livre à des recherches nécessitant la pratique constante de coupes en série, on est frappé de l'insuf- fisance des « platines chauffantes » actuellement en usage, et des inconvénients que présente leur emploi. Ces inconvénients sont, en premier lieu, l’exiguïté de la surface de ces appareils et, en second lieu, l’inégalité de tempé- ratures des différents points de leur surface. Il est bon d’ajouter que la température de ces platines n’est jamais bien réglée, de sorte qu'il est nécessaire d'exercer sur elles, pour éviter les surchauffes, une surveillance de tous les instants. La Table chauffante à température réglable a été construite dans le but de parer à ces divers inconvénients. Description de l’appareil. En principe, cet appareil est constitué par une petite table construite de manière que les divers points de sa surface puissent être maintenus à une température sensiblement égale. Celte table est chauffée au gaz et pourvue de dispositifs acces- soires qui la rendent particulièrement apte h l’emploi auquel elle est destinée. 1° Table chauffante. — La table est une boite parallélipipé- dique en cuivre, très aplatie; elle est remplie d'une poudre particulière, constituée par un mélange d’oxydes métalliques. La composition de ce mélange et le mode de remplissage ont été réglés de manière à assurer une égale réparlition de la chaleur, en même temps qu’une déperdition minime. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUK 2° Chauffage. — Le chauffagè est assuré par une rampe à gaz qui est maintenue rigoureusement parallèle à la table, de façon à ce que la chauffe soit aussi uniforme que possible. Cette rampe est percée de cinq trous, constituant cinq veil- leuses, et elle est pourvue d’une prise d’air qui évite le char- bonnement des flammes contre la paroi de la table. Le réglage est obtenu à l’aide d’un robinet pointeau, à pas micrométrique. Ce robinet est mû par l’intermédiaire d un bouton dont le tambour est pourvu d’une graduation. Celle-ci se déplace devant un repère, ce qui permet de retrouver les positions du robinet qui correspondent aux températures désirées. 3° Dispositions accessoires. — a) La table est supportée par quatre pieds, dont trois à vis calantes, ce qui assure son hori- zontalité. On évite ainsi le déplacement des rubans de coupes à la surface des lames porte-objet au début du collage. b) La surface de la table est pourvue d’une nervure contre laquelle viennent s’appuyer les lames porte-objet, placées de chaque côté et dans une position perpendiculaire. Cette surface a été recouverte par un vernis noir granité. Ce vernis, grâce à sa rugosité, évite l’adhérence des lames mouillées. De plus, sa couleur permet d'observer aisément les rubans de paraffine et les objets inclus. c) A l’une des extrémités de la table chauffante, on a fixé une petite plaque de cuivre nickelé. Cette plaque s'échauffe par contact à une température infé- rieure de plus de dix degrés à celle de la table, et elle sert à opérer le déplissage des rubans de paraffine. TABLE CHAUFFANTE A TEMPÉRATURE RÉGLABLE oo / d) Les trous de remplissage de la table chauffante sont cons- truits de telle façon que leurs bouchons métalliques puissent être remplacés par des thermomètres. Emploi de l’appareil. L'appareil qui a servi aux essais, et qui est représenté par notre figure, a été construit pour recevoir 33 préparations : 28 sur la table et 5 sur la petite lame annexe de cuivre nickelé. Pour l'échauffer, on l’adapte tout d’abord sur une prise de gaz, le robinet pointeau étant au zéro de sa graduation, c’est-à- dire complètement fermé. On ouvre alors la prise de gaz, puis le robinet pointeau d’un quart de tour, et on allume les veil- leuses. Dans ces conditions, la table s’échauffe rapidement, et, après un quart d’heure, atteint une température voisine de oO degrés. On ferme alors un peu le robinet, de manière à l’amener à la division 7, et, en le maintenant ainsi, on conserve une tem- pérature très favorable à l'accomplissement des opérations de déplissage (sur la petite lame annexe) et de collage (sur la table j des rubans de paraffine (1). Un imperceptible déplacement du robinet suffit à contreba- lancer l'influence que peuvent avoir, sur la température de la table chauffante, les variations de pression du gaz et les variations de température du laboratoire. Outre l’usage principal auquel elle est destinée, cette table chauffante se prête encore bien au séchage rapide des prépa- rations montées au baume du Canada, de même qu’à la pro- duction de réactions microchimiques exigeant une température déterminée. (1) Les essais ont été effectués à Versailles, avec des rubans de coupes obtenus dans des blocs d’une paraffine fondant à 55 degrés, la température de la pièce étant de 20 degrés. LES VACCINATIONS ANTIRABIQUES A L’INSTITUT PASTEUR EN 1910 par Jules VI AL A Préparateur au service antirabique. Pendant l’année 1910, 401 personnes ont subi le traitement antirabique à l’Institut Pasteur aucune mort n’a été signalée. La statistique s’établit donc ainsi : Personnes traitées 401 Mort 0 Mortalité 0 Le tableau ci-dessous indique les résultats généraux des vac- cinations depuis l’origine. ANNÉES PERSONNES TRAITÉES MORTS MORTALITÉ 1886 2.671 25 0,94 p. 100 188"i 1.770 14 0,79 — 1888 1.622 9 0,55 — 1889 1.830 7 0,38 — 1890 1.540 5 0,52 — 1891 1.559 4 0,25 — 1892 1.790 4 0,22 — 1893 1.648 6 0.36 — 1894 1.387 7 0,50 — 1895 1.520 5 0,38 — 1896 1.308 4 0,30 — 1897 1.521 6 0,39 — 1898 1.465 3 0,20 — 1899 1.614 4 0,25 — 1900 1.420 4 0,28 — 1901 1.321 5 0,58 — 1902 1.005 2 0.18 — 1903 628 2 0,32 — 1904 755 3 0,39 — 1905 721 3 0.41 — 1906 772 1 0,13 — 0,38 — 1907 786 3 1908 524 1 0,19 — 1909 467 1 0,21 — 1910 401 0 0,0 — VACCINATIONS ANTIRABIQUES 559 Les personnes traitées à l’Institut Pasteur sont divisées en trois catégories correspondant aux tableaux suivants : Tableau A. — La rage de l’animal mordeur a été expéri- mentalement constatée par le développement de la maladie chez des animaux mordus par lui ou inoculés avec son bulbe* Tableau B. — La rage de l’animal mordeur a été constatée par examen vétérinaire. Tableau G. — L'animal mordeur est suspect de rage. Nous donnons ci-après la répartition, entre ces catégories, des personnes traitées en 1910. ANNÉE 1910. MORSURES à la tète. MORSURES aux mains. MORSURES aux membres. TOTAUX Traités, i U O s Mortalité. Traités. i Sx O S Mortalité. Traités. 1 Sx O N© 13 O S Traités. i Sx O s 1 Mortalité. i Tableau A . . . 32 0 0 41 0 0 25 0 0 98 0 0 Tableau B . . . 14 0 0 95 0 0 34 0 0 143 0 0 Tableau C . • . 13 0 0 81 0 0 60 0 0 160 0 0 59 0 0 223 0 0 119 0 0 401 0 0 Au point de vue de leur nationalité, les personnes traitées se répartissent de la façon suivante : Angleterre Espagne . 3 8 560 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Répartition par départements des 390 Français traités. Aisne . . 6 Loir-et-Cher Allier . . 13 Lot . . . 15 Ardèche . . 3 Lozère Aube. . Morbihan 2 Aveyron O Nièvre , . ... 3 Cantal Oise . . . 13 Charente 9 Pas-de-Calais ... 4 Charente-Inférieure . . . 2 Puy-de-Dôme ... 9 Cher Sarthe ... 29 Corrèze . . 12 Savoie O Creuse . . 14 Sèvres (Deux-) .... ... 3 Côtes-du-Nord . . 7 Seine-Inférieure .... Doubs Seine et-Marne .... f* Eure . . 4 Seine-et-Oise ... 9 Eure-et-Loir 9 Seine . . . 119 Finistère . . 15 Somme . . . 15 Ille-et-Vilaine 2 Vendée 2 Indre-et-Loire . . 5 Vienne O Loire-Inférieure . . 8 Vienne (Haute-) .... . . . 14 Loiret Yonne . . . 4 Le Gérant : G. Masson. Paris. — L. Maretheux, imprimeur, 1, rue Cassette. 25e ANNÉE AOUT 1911 N° 8 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR CONTRIBUTION A L’ÉTUOE DE L'ACTION DU SÉRUM DE BŒUF ET DU SÉRUM DE CHEVAL SUR LE CŒUR ISOLÉ DU COBAYE par L. LAUNOY I ACTION DU SÉRUM DE CHEVAL ET DU SÉRUM DE BŒUF SUR LE CŒUR ISOLÉ D ANIMAUX NORMAUX L’étude de l’action des sangs et des sérums hétérogènes sur le cœur isolé des vertébrés a déjà fait l'objet de nombreuses recherches. Dans cet ordre d'investigations le cœur isolé du cobaye n’a pas été utilisé d’une façon systématique, en raison de la facilité avec laquelle il entre en trémulations fibrillaires et meurt, peu de temps après sa sortie de l’organisme. Préoc- cupé d'élucider quelques points particuliers de la physiologie du cœur chez les animaux rendus immuns ou hypersensibles à des substances déterminées, j’ai été conduit à entreprendre l’étude méthodique de l’action de ces deux sérums sur le cœur normal de cobaye. Le cœur de cobaye s'imposait à moi comme objet d’expéri- mentation; on sait en effet que le cobaye représente l’animal de laboratoire éminemment propice à l'étude de certains pro- blèmes de l’immunité, celui de l'anaphylaxie par exemple. Dans cette étude j'ai utilisé (sauf mention spéciale) des 36 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 562 sérums frais provenant de l’exsudât du caillot de coagulation, et non pas de la défibrination du sang. Technique. Voici comment je pratique l'isolement du cœur. L’animal est saisi dans la main gauche; avec le pouce on tient la tête rejetée en arrière; avec l’index on récline à gauche la trachée; il faut éviter soigneusement d’oblitérer cet organe; le cœur des ani- maux morts en asphyxie est le plus souvent arrêté, il est gorgé de sang, il ne reprend que difficilement ses contractions (1). A travers une incision latérale pratiquée d’un coup de ciseau, on va à la recherche de la carotide droite, on l’isole avec un passe- fil ou une sonde, on la sectionne. Quand l'animal n’accuse plus de soubresauts agoniques on le porte sur un plateau à dissec- tion; il ne faut pas attendre. On fait sauter le plastron sterno- costal en évitant de léser le péricarde. On se débarrasse du thymus, on met le cœur et l’aorte à nu; sous l'aorte on passe un fil d’attente. Par une boutonnière faite à l’aorte, on intro- duit une petite canule en rapport par un tuyau de caoutchouc avec un entonnoir contenant de l’eau physiologique chaude i 35°-37°) . Tout ce système a été purgé d’air au préalable. Sur le trajet du tuyau de caoutchouc se trouve une pince de Mohr qui permet à volonté l'écoulement ou l’arrêt de l’eau salée contenue dans l’entonnoir. Pendant l’introduction de la canule dans l’aorte, on laisse s'écouler l’eau physiologique; on évite ainsi la formation d’embolies gazeuses dans le système coro- naire. La canule étant en place, on la fixe au moyen du fil d’attente; on sectionne la veine cave inférieure et l’artère pul- monaire; on laisse encore écouler l’eau salée de façon à bien laver le cœur. Ceci fait, on détache l’organe en ayant soin de ne pas léser les oreillettes. Le cœur est alors porté sur l’appa- reil de perfusion, prêt à fonctionner, et réglé de façon à ce que le liquide arrive sous une pression égale à 2 cent, de Hg; la (1) Mac. Cuire et Kronecker puis Saltet (1905) ont démontré l’action nuisible de COa sur le cœur. Saltet a vu que le sang asphyxique arrête le cœur de grenouille. L’acide carbonique rendrait les albumines du sérum impropres à nourrir le cœur. ACTION Di; SÉBUM DE CHEVAL ET DU SÉBUM DE BOEUF 563 température sera de 37 degrés. Avec un peu d’habitude l'isole- ment d’un cœur de cobaye et sa fixation sur l’appareil à per- fuser n exigent pas plus de cinq à six minutes. Comme liquide de perfusion on se sert du liquide de Ringer- Locke. En rapport avec ce liquide le cœur bat vigoureusement et irrégulièrement tout’ d’abord, puis il se ralentit et se met en régime régulier. Comme appareil de perfusion je me suis servi de l’excellent appareil du professeur Pachon I (*). Les meilleurs résulta Is seront obtenus par l’emploi du cœur de jeunes animaux (de 300 a 400 grammes); chez les animaux âgés on trouve souvent des lésions de l’aorte et du péricarde. Action du sang total et du sérum de bœuf SUR LE CŒUR ISOLÉ DU COBAYE. Les résultats de ces recherches peuvent être énoncés sous la forme de conclusions dont les tracés annexés à ce mémoire font la preuve. J’ai pu constater que : 1° Le liquide de Ringer-Locke (NaCl 8,50; CaCl* anhydre 0,20; KC1 0,20; HCONa 0,20; glucose 1 gramme, eau distillée \ .000 centimètres cubes) oxygéné ou non est insuffisant à entre- tenir les battements d’un cœur isolé de cobaye. Dans les condi- tions spécifiées ci-dessus le cœur isolé de cobaye peut survivre en Ringer-Locke quinze à vingt minutes, exceptionnellement trente minutes; 2° L’addition au liquide de Ringer-Locke de 2.5 p. 100 à 5 p. 100 de son volume de sang de bœuf frais, défibriné et filtré (sur coton de verre) permet au cœur de battre longtemps. Le sang de bœuf renforce l’amplitude des contractions d’un cœur non épuisé; l’amplitude passe de 1 à 2, elle atteint son optimum très rapidement (tracé 1); mais ce renforcement s accompagne d’arythmie. Cette arythmie est des plus nettes dans les trois lignes à) b) et c) du tracé 1, elle peut revêtir la forme de groupes de Lucciani encore que la période de repos (*) Les chiffres entre crochets se rapportent à l’index bibliographique. 504 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR O S- O 030 O *rH CB "«■© • o g*® 5 c c ■ r- £3 C "CS O C6 CB — > -0J •- — "C • ce JS 03 ü I sjj>3^ •o 73 ^ o c 0 Jj ^ *-> 2 o> '-? — • • O 03 ■ — t> CB te c c c .' •— s s te 2 32 S §si : aiM 5 CB I ^ CO £ CL ^ S ^ üc <2 S c ® o 73 O) 4- &p ; ce + & + 5. ce •c c <Ü c- 1 *» 1 a> O- O I SJ L *> 7 «o « 3 "O CT1 *>*> + 5 * r" * _ >5 rv; èP^Ü — £ Ç — 3 O -~ ce cj — : ~ «' CB CO &C^ O ~ C ACTION DU SÉRUM DE CHEVAL ET DU SÉRUM DE ROEUF 365 diastolique soit peu prononcée entre cliacun des groupes de contractions régulières. La même modification s’observe dans le tracé II (lignes A et c), c'est là un fait constant avec le sang total de bœuf. La modification la plus ordinaire consiste dans le dicrotisme des contractions ; 3° Le sérum de bœuf ajoute au liquide de Ringer-Locke se montre renforçant, mais son action Ionique est inférieure à celle du sang total; de plus, elle est de courte durée; par contre, le rythme des contractions reste le plus souvent très régulier (tracé II, ligne s 13 G A ? 13 xn •O _ a^ S c .J O IL S •S CB «3 ci CJ 13 O O — ; -1 j ,i 5 C3 fcc fcc a a «as S -13 ~ ^ xl rs 13 . o + | *« -f « ~ .a s s 574 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR durée. Mais il faut observer que la diminution du nombre des contractions ne coïncide pas avec la diminution de l’ampli- tude. 11 faudrait donc dire plus justement : Dans l’action excitante du sérum de cheval sur le cœur isolé, on peut le plus souvent distinguer deux phases. Pendant la première, le cœur s’accé- lère, l’amplitude des contractions est augmentée; pendant la seconde, l’amplitude des contractions redevenant normale ou même inférieure à la norme, leur nombre reste toutefois supé- rieur à la normale et peut même être progressivement crois- Thacé VH. — Il avril 1911. Action du sérum de cheval. a) En + le cœur est en Ringer-Locke ; il est perfusé depuis 3 h. 17. À 3 li. 29, on fait passer c’est-à-dire Ringer-Locke additionné de 25 p. 100 de sérum de cheval. Courtes périodes; puis rythme régulier. b) Le même cœur, après vingt-cinq minutes de survie en + + • sarit. La première phase est de courte durée; la seconde peut au contraire se maintenir longtemps; elle peut aboutir soit à un état de fatigue caractérisé par des périodes alternatives de lenteur et de rapidité des contractions cardiaques, soit enfin h un état d’hypertonicité intense. Ce dernier état se manifeste par des systoles très courtes, incomplètes, extrêmement nom- breuses et dont la ligne d’inscription s’élève subitement au- dessus du niveau normal. Objectivement, un tel état est représenté par les tracés VIII, IX et X; il peut conduire à un arrêt rapide du cœur, par suite vraisemblablement de l’insuflisance des diastoles. i ACTION DU SÉRUM DE CHEVAL ET DU SÉRUM DE ROEUE 575 Ce rythme spécial caractérise sans aucun doute une pro- fonde intoxication de la fibre cardiaque el du système nerveux propre du cœur; il coïncide avec un stade d’hyperexcitabilité (a l’excitation électrique) du cœur. Il peut survenir longtemps (quinze à trente minutes et plus) après le début de l’expérience. Tkacé VUE — 11 avril 1911. Action du sérum de cheval. a) En — Se cœur est en Ringer-Locke. Eu +4- on fait passer Ringer Locke additionné de 10 p. 100 de sérum de cheval. h) On observe de 1 augmentation du tonus; mais le cœur ne s'arrête pas c) Le même cœur vingt et une minutes après le début de l’expérience pen- dant laquelle on a fait passer alternativement du Ringer-Locke pur, du Ringer-Locke -j- (10 p. 100 de sérum (-{--(-) et de Ringer-Locke + 25 p. 100 de sérum). Le cœur est depuis huit minutes en 4- 4-: il devient périodique; il garde ce rythme jusqu’au moment où l'on interrompt l'expérience. Il peut également s'observer quelques instants après le passage du sérum, l'intoxication étant alors atteinte d’emblée (tracé Y, ligne b) (1 ). (1) Je signale que Lussana ( Comptes rendus de la Soc. de Biol., 191)8, p. 1050, 13 juin) a vu que l’excitabilité du cœur de grenouille à l’excitation électrique est plus grande en présence de sérum qu’en présence de diffé- rentes solutions salines. ANNALES L)E L'INSTITUT PASTEUK y •>/» ■j 76 mis ion —M __ „ O *® < 3 •N O — =3 s £ « - £ 3 • Si ce 3 ce 8 3 ^ g o # ■ '■« (—4 P-~ 3 b 3 > 3 <13 ce *» ”3 *■3 ce 3 .g -8 ^ O 3 C5 T" ce 2 3 a CO • . d 3 1 + =- 3 CD +f o O N-H ü a) B 5 > g. O < ce 3 £ + H 3 ""' ce 3 + ce 3 3 o 3 — û, 3 x w © 513 3 3 3 ■<4 3 O t un ce 3 ~C — ce 'ce" CD i 3 3 b 3 3 3 3 3 OC - — • 3 G £ 3 3 3 CD £ r* 3 S 3 3 ÔC -3 3 O. 3 CD — 2-4 3 7 2-4 3 3> 3 ' O £c 3 3 3 3 8 3 •,"1 "3 ’> 0? Bh 3 3 ce -3 (• ACTION DU SÉRUM DE CREVAI. ET DIJ SÉRUM DE BŒUF 577 Je dois spécifier ici qu'il- ne s’agit pas, dans la diffé- rence des niveaux sur lesquels se fait le tra ce des con- tractions , d’une différence de pres- sion dans le svs- « / tème coronaire. Si cela était, une as- cension de la ligne de tracé coïncide- rait, comme Iler- litzka l’a démon- tré [7 , avec une baisse de pression, peu compatible avec un état d'hy- «/ pertonicité de la libre cardiaque. Une telle moditi- cation de pression ne peut pas avoir lieu quand on se sert de l’appareil de Pachon, dans lequel la pression se maintient cons- tante, automati- quement; 4° Les troubles d ' hyperactivité présentés par un cœur isolé sous l'influence d'un sérum hétérogène (sérum de cheval) sont liés à l’exci- 37 d’amplitude, phase courte. L’accélération du cœur continue à progresser, mais l’amplitude des systoles diminue. Il n’y a pas eu d’arrêt. 578 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEL!! (/) -f -f- le cœur est perfusé avec Ringer-Locke additionné de 5 p. 100 de sang total de cobaye. tKn 4 \ 4 on passe en Ringer-Locke additionné de 15 p. 100 de sérum de cheval ; hypertonicité. b ) On laisse le cœur en 4 + 44 douze minutes après le début des accidents signalés en a le cœur qui est en Ringer-Locke est à nouveau perfusé avec 4 + + - Les accidents ci-dessus ne se renouvellent pas. l'Accoutumance?) ACTION DU SÉRUM DE CHEVAL ET DU SÉRUM DE BŒUF 579 tation continue «déterminée par le sérom; ils cessent avec le passage de ce liquide. Ceci d’une façon générale. Exceptionnel- lement, quand le liquide sérique est resté pendant trop long- temps en circulation, le cœur reste intoxiqué, il s’affaiblit graduellement. Je me suis préoccupé tout particulièrement de déterminer si la répétition de l’excitation cardiaque par le sérum de cheval était suivie de la répétition des phénomènes déterminés primi- tivement par ce sérum. J’ai pu voir qu’il n’existait pas d’accoutumance du cœur pour le sérum dans les conditions spéciales qui sont lixées ici. Presque toujours, quand, après avoir perfusé avec du liquide de Ringer-Locke un cœur isolé ayant subi déjà Faction du sérum de cheval, on repasse du sérum de cheval, les résul- tats observés dans ce second passage sont moins apparents que pour le premier, mais ils sont du même ordre. 11 faut faire intervenir ici la fatigue du cœur pour expliquer cette différence de degré dans les résultats, bien plutôt qu’un phé- nomène d’accoutumance ( 1 ). BIBLIOGRAPHIE Je ne donne dans cei index que les noms des auteurs dont j'ai invoqué l’opinion ou cité les travaux au cours du présent mémoire. La bibliographie des travaux sur l’action des sérums sur le cœur isolé sera donnée dans une revue critique que je prépare spécialement sur ce sujet. 1. Pachon, Comptes rendus de ta Soc. de Biologie , t. LWIII, 27 nov. 1909, p. 599. 2. Battelli et Mionï, Comptes rendus de La Soc. de Biologie . t. LV, 1903, p. 1548. 3. Kroneckek el Mac Guire, Arch. f. Vhysiol 1878, p. 321. 4. Langendorff, Arch. f. die gesammte Vhysiol vol. 93, 1903, p. 286. 5. Br^sdenburg, Arch. f. die gesammte Vhysiol ., vol. 95, 1903, p. G25. DE L’ANAPHYLAXIE ALIMENTAIRE (i) PAR LA CRÉPITINE par Charles RICHET. Les expériences faites jusqu’à ce jour sur l’anaphylaxie ali- mentaire, inaugurée par Rosenau et Anderson, n’ont donné que des résultats assez incertains. Même les faits signalés par Rosenau et Anderson n’entraînent pas la certitude, car les savants physiologistes américains n’ont pas pu déterminer la cause de tels écarts dans leurs résultats. Avec la crépitine, j’ai pu obtenir des effets d’anaphylaxie alimentaire extrêmement nets, et je les exposerai ici briève- ment. I Méthode et préparation. En essayant de séparer la crépitine en crépitine jaune et crépitine noire, j'ai obtenu une assez grande quantité d’un produit intermédiaire, pour ainsi dire, qui, pendant longtemps, a été laissé au contact d'alcool à 65 p. 100. Le précipité a été recueilli, desséché, pulvérisé, formant une poudre jaunâtre qui se conserve très bien, et qui est soluble en toutes propor- tions dans l’eau. C’est ce produit, que j’appelle crépitine brute, qui a servi à mes expériences. J'en avais, en effet, une quantité notable, 135 grammes environ, de sorte que je pou- (1) Nous appellerons anaphylaxie alimentaire l’anaphylaxie obtenue par l’ingestion de telle ou telle substance, quelle qu’elle soit, dans les voies digestives, et non, d’une manière restrictive, V anaphylaxie par les aliments. Ainsi, en faisant ingérer à des chiens de la crépitine avec des aliments, encore que la crépitine ne soit nullement un aliment, nous réalisons une anaphylaxie alimentaire. L’anaphylaxie obtenue par l’ingestion d’aliments normaux n’a pas été prouvée encore; il est même douteux qu’elle existe, même dans le cas de surcharge digestive par des aliments ingérés en trop grande quantité. DE L’ANAPHYLAXIE ALIMENTAIRE PAR LA CRÉPITINE 581 vais en donner par dose alimentaire des quantités considé- rables. Je rappellerai, pour mémoire, que la dose toxique de cré- pitine était de 0,001 par kilogramme dans mes expériences antérieures; que, pour la crépitine noire, elle était identique, et que, pour la crépitine rouge, soluble dans l’alcool à 50 p. 100, la dose toxique n’était plus que 0,020. Pour la crépitine brute, employée dans les expériences d’anaphylaxie alimentaire que je vais décrire, la dose toxique a été voisine de 0,0015, comme l’indique le tableau suivant, pour des chiens ayant reçu la toxine en injection intraveineuse. NUMÉROS NOMS DES CHIENS DOSE DE CRÉPITINE brute en milligr. par kilogr SURVIE en jours. 187. Esteban. 3.8 14 188. So?ioro. 2.6 8 189. Avenus. 2.0 13 190. Castillo. 1.7 Survie. 191. Padillo. 1,6 il 192. Bar b osa. 1,0 Survie. 193. Toucan. 1 .4 Survie. Je n’insiste pas sur les symptômes de cette injection intra- veineuse de crépitine. Immédiats, aux doses indiquées ici, ils sont nuis. Après l’injection, l’animal est gai et bien portant, avec de F appétit pendant les deux ou trois premiers jours. Puis surviennent l’inappétence, la faiblesse, l’amaigrissement, la diarrhée, et la mort dans un coma hypo thermique. Pour faire prendre par la voie alimentaire de la crépitine à un chien, rien n'est plus simple. Il suffit de peser la quantité voulue de crépitine et d’ajouter à cette masse une ou deux gouttes d’eau. Alors la poudre desséchée se gonfle en s’hydra- tant, et on a ainsi une massse gélatineuse, visqueuse, une sorte de bol pilulaire qu’on met dans un morceau de viande crue, et le chien l’avale avec avidité sans mâcher. Cette ingestion de crépitine, même à très forte dose, ne pro- voque jamais aucun phénomène. Montevideo , après l’énorme dose de 9 grammes (capable de tuer en injection veineuse 000 chiens de 10 kilogrammes), n’a rien éprouvé, ni immédia- tement, ni les jours suivants. De même pour Silva , Normandie , 582 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR et d’autres encore, ayant reçu une très forte dose. Le seul symptôme, peut-être, de cette ingestion alimentaire de crépi- tine, c’est, au bout de deux ou trois semaines, un certain degré de prurit. Encore ce prurit est-il déterminé plutôt par la gale (rouge) des chiens que par toute autre cause, fil me paraît pos- sible que l' ingestion de crépitine tende à faciliter l'invasion de la gale.) Voici les chiens ayant reçu une dose de crépitine supérieure à 0 gr. 6 par kilo gramme. NUMÉROS NOMS des chiens. DOSE en milligr. par k il. REMARQUES 196. Montevideo. 2000 Très galeux. Sacrifié le 40e jour. 197. Normandie. 1700 Sacrifiée le 62e jour. 198. Silva. 1400 Ingestion ultérieure de crépitine. 199. Sierra. 1000 Survit. 200. Mississipi. 600 Ingestion ultérieure de crépitine. 201. Ariel. 600 Survit. II Crépitine en ingestion déchaînante. Donc les symptômes sont nuis si la crépitine est ingérée par un animal neuf. Mais il en est tout autrement si l’animal a antérieurement reçu une ingestion ou une injection de cré- pitine. Je vais en donner quelques exemples très nets. I. — Barbosa (n° 192), qui a reçu une injection intraveineuse de 0,0015 de crépitine le 3 décembre, reçoit en ingestion avec de la viande, le 30 décembre, c’est-à-dire au 25e jour, 4 grammes de crépitine (chiffre absolu), soit 0,42 par kilogramme. A 3 h. 15, vomissements répétés, intenses. L’animal vomit toute la viande qu’il avait prise. (Que lui reste-t-il dans l’estomac?) A 3 b. 22, après une courte période de diarrhée, qui succède aux vomisse- ments, il est pris d’un prurit tout à fait extraordinaire. Il se frotte le nez contre le paillasson, se roule par terre avec frénésie, se gratte de tous côtés. Mais ce prurit extrême dure peu, et, à 3 h. 35, tout est fini. Le lendemain et les jours suivants, santé intacte. IL Toucan (n° 193) a reçu, le 9 janvier, 0,0014 de crépitine brute en injec- tion intraveineuse. Le il février, c’est-à-dire au 33e jour, il reçoit en inges- tion 0,3 (par kilogramme) de crépitine, à 8 h. 50. A 9 heures, diarrhée, déman- geaisons. A 9 h. 10, les démangeaisons deviennent intenses; il ne sait de quel, côté se gratter. Il se secoue les oreilles énergiquement. A 9 h. 30 tout symptôme a disparu. DU 1/ ANAPHYLAXIE ALLMEXTAHŒ l'\\\ LA CKÉP1TINE 583 III. — Castillo (n° 190 a reru, le 9 janvier, 0,0017 de crépitine brute en injection intraveineuse. Le 11 février, c’est-à-dire au 33e jour, il reçoit en ingestion Q^3 (par kilogramme) de crépitine à 8 h. 45. A 8 h. 50, diarrhée, A 8 h, 51, démangeaisons rectales; à 9 heures, il se gratte avec force, et les démangeaisons prennent une grande intensité pour s'atténuer bientôt et disparaître complètement à 10 h. 5. IV. — Ariel , qui avait reçu en octobre une injection de sérum de cheval, reçoit, le 3 décembre, une injection de 0.002 de crépitine. Cette dose, qui est mortelle pour un animal neuf, n'a pas été mortelle pour lui, et, de plus, le 30 décembre, après ingestion de 0.6 de crépitine, il n’est nullement malade. Il n’a meme pas île démangeaisons. Mais on ne peut, par suite de l’injection antérieure de sérum de cheval, le comparer à un animal intact. Donc, de ces expériences (car 1 expérience faite avec Ariel n’est pas négative), résulte eu fait évident que l'ingestion (ali- mentaire) de crépitine peut être déchaînante à la suite d’une i n j e c t i on pré paran te . On peut prouver aussi que l’ingestion est encore déchaînante quand, au lieu d’une injection préparante, on a déterminé une ingestion préparante. Mais les etfels sont beaucoup moins in- tenses, et je me contenterai de citer deux cas. (202) Miquel ingère, le 16 janvier, la minime quantité de 0,034 (par kilo- gramme) de crépitine. Le 17 février, au 32e jour, on lui fait ingérer, à 9 h. 34, 0,3 (par kilogramme) de crépitine. A 9 h. 55, il vomit à diverses reprises, se secoue les oreilles, et vomit encore. A 10 h. 20, il a de la diarrhée, et il y a du sanq dans les liquides diarrhéiques. (203) Chrysanthème ingère, le 27 décembre. 0,36 par kilogramme) de crépi- tine. Le 23 janvier, au 28“ jour, elle ingère 0,14, à 2 h. 10. Nul phénomène jusqu’à 4 h. 2. Alors, vomissements. K 11 e vomit toute sa viande, puis, comme elle n'est pas malade, la reprend. A 3 h. 5, elle est prise d’un prurit très fort, extrêmement net, qui se prolonge assez, longtemps et a cessé tout à fait à 5 h. 15. En général, à l’ingestion déchaînante, les chiens vomissent; même assez souvent ils ne peuvent se décider à prendre la viande qu’on leur donne, et c'est alors, dans toute sa netteté, que se manifeste le rôle protecteur du vomissement anaphy- lactique. Comme le vomissement est le premier symptôme de l’anaphylaxie, dès que s’institue, même très faiblement, l’état anaphylactique, aussitôt le vomissement survient, et l’animal n’a plus à craindre d’intoxication ultérieure. Le tableau suivant indique nettement quelles sont les doses de l’ingestion déchaînante capables de provoquer l’anaphylaxie. On verra que ces doses doivent être assez fortes. Au contraire, même dans le cas où l’ingestion préparante a été à faible dose, 584 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR F anaphylaxie est nette, comme dans le cas de Chicago , si l’ingestion déchaînante est suffisante comme quantité. Afin de faciliter la lecture de ce tableau, nous indiquerons par des chiffres, assez arbitraires, mais suffisants pour donner une idée nette des différences, ces divers degrés de l’anaphy- laxie : 5 sera l'anaphylaxie foudroyante, avec mort rapide, très rare chez le chien, paralysie immédiate et totale de la sensi- bilité et de la motilité ; 4, anaphylaxie très forte, avec perte de la conscience, coma, hémorragies rectales, vomissements, mais, au bout d'une heure ou de trois quarts d'heure, retour à la conscience et à la mobilité volontaire; 3, anaphylaxie forte, diarrhée, vomissements plus ou moins sanguinolents, étal demi-comateux, respirations difficiles, presque asphyxiques; 2, anaphylaxie moyenne, caractérisée par un prurit très fort, de rabattement, des vomissements, retour rapide à l’état normal ; 1, anaphylaxie faible (nette cependant) caractérisée par des vomissements, du prurit plus ou moins marqué et un certain état de lassitude vite réparé. DATE par kil. en grammes de l’ingestion antérieure préparante. NUMÉROS ET NOMS des chiens. DOSE par kil. en grammes de 1‘ i i gestion déchaînante. DURÉE de la période intermédiaire, (en jours) entre l’ingestion préparante et l'ingestion déchaînante. DEGRÉ de l’anaphylaxie. 0.1 214. A Ig é rie. 0.45 22 1 0.034 202. Miquel. 0.3 32 3 0.3 203. Macbeth. 0.3 39 9 0.014 204. Chicago. 0.3 23 2 0.37 205. Caliban. 0.17 33 0 0.36 206. Chrysanthème. 0.14 28 3 0.31 207. Christophe. 0.1 28 ? 1.70 197. Normandie. 0.1 35 2 0.01 208. Missouri. 0.1 55 0 0.49 209. Macduf]'. 0.09 34 ? 0.01 210. Tatou. 0.05 28 0 0.25 211. CEidet. 0.04 28 0 1.00 199 Sierra. 0.03 53 0 0.02 212. Illinois. 0.025 28 0 0.60 200. Mississipi. 0.02 28 0 0.30 213. Xevada. 0.01 14 1 DE L’ANAPHYLAXIE ALIMENTAIRE PAR LA CREP1TINE :;8o Nous avons alors, pour l'anaphylaxie consécutive à l’ingestion déchaînante, le tableau qui précède, dans lequel les chiens sont sériés d’après la dose de l’ingestion déchaînante. Ces faits prouvent qu'à des doses inférieures à 0,1, il n’y a pas d’anaphylaxie par ingestion déchaînante, quelle qu'ait été la dose de l'ingestion préparante , tandis qu’à des doses supé- rieures à 0,1, il y a presque toujours anaphylaxie, quelle qu'ait été la dose de /’ ingestion préparante. (Bien entendu, les doses préparantes doivent être supérieures à 0,015) (1). III Crépitine en ingestion préparante. La crépitine en ingestion préparante est extrêmement efficace pour anaphylactiser, beaucoup plus qu’on ne pourrait le sup- poser, en prenant seulement les cas dans lesquels il y a inges- tion préparante et ingestion déchaînante. En effet, l’ingestion d’une forte dose de crépiline met l’animal dans un état compa- rable à celui des animaux le plus fortement anaphylactisés. Je présenterai plus loin le tableau d'ensemble de nos expé- riences sur ce point. Mais, pour indiquer à quel degré intense se manifeste l’anaphylaxie (par ingestion préparante et injec- tion déchaînante), je rapporterai l’expérience d 'Alonzo. Alonzo (7 kil. 100) reçoit, le 26 novembre, 5 grammes de crépitine, soit 0,7 par kilogramme. Il n’est malade ni le premier jour, ni les jours suivants. Le 26 décembre (Poids = 6,300), à 2 h. 27, je lui fais une injection intraveineuse d’une solution de crépitine à 2 p. 1.000 à la dose de 9 centimètres cubes, soit 0,0026 par kilogramme ; immédiatement, pendant l'injection même, il vomit. Les vomissements sont intenses, douloureux, convulsifs. A 2 h. 35, état de stupeur intense. Cataplexie musculaire. A 2 h. 37, les phénomènes s’aggra- vent. Il tombe. Les pattes antérieures ne peuvent plus le soutenir. Il n'y a pas de cécité psychique absolue, mais l’insensibilité est complète. Respi- ration angoissée, difficile. A 2 h. 50, il réagit à peine ; sur le flanc, ne pou- vant se tenir debout. A 3 h. 20, il se relève. Il meurt dans la nuit. (1) Le cas de Nevada est un peu exceptionnel. Il est à remarquer que l’épreuve a été tentée seulement au 14e jour après l’injection. Est-ce à cela que nous devons une anaphylaxie très nette après une ingestion déchaî- nante de 0,01 ? 586 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Pour comparer les effets de l’ injection déchaînante et de l’ingestion déchaînante, l'expérience sur le chien Caliban est très instructive. Caliban avait ingéré 0,39 (par kilogramme) de crépitine le 30 décembre. Le 1er février, au 33e jour, on lui fit ingérer 0,175 (par kilogramme) de crépitine sans déterminer aucun phénomène. Alors, deux heures après, je lui injecte dans la veine 0,0017 (par kilogramme) de crépitine, et on observe alors des accidents anaphylactiques modérés, mais extrêmement nets. La respiration est difficile, anxieuse. Il est pris d’une lassitude extrême et a grande peine à se relever. Par conséquent, F injection a été efficace pour déchaîner l’anaphylaxie, alors que l’ingestion avait été sans effet. Voici le tableau résumant ces effets de l’injection déchaî- nante après ingestion préparante : DOSE de crépitine en g r. par kil. en ingestion préparante. NUMÉROS ET NOMS des chiens. DOSE de crépitine en gr. par kil. en injection déchaînante. PÉRIODE d’intervalle (en jours). SORT de l’animal. DEOHÈ de l’anaphylaxie. 1. 1 197. Normandie. 0.0f 5 61 Mort. A o 0.3 204. Chicago. 0.004 38 Survie. o 0.3 202. Miguel. 0.004 38 Survie. a 0.3 213. Nevada. 0.004 31 Mort. 5 0.29 215. Falkland. 0.3039 31 Survie. 0 0.49 209. Macduff. 0.0034 Survie. o O 0.7 216. Alonzo. 0.0026 29 Mort. 4 0.16 217. Aragon. 0.0018 29 Mort. 4 0.06 218. Petruccio. 0.0017 29 Survie. 1 0.37 205. Caliban. 0.0017 33 Survie. 1 0.09 219. Rosario. 0 6513 15 Mort. T 0.25 220. Œillet. 0.00125 34 Survie. 1 0.44 221. Barthélemy . 0.0012 31 Survie. 9 a 0.125 222. Dahlia. 0.0011 24 Survie. 4 1.4 198. Silva. 0.0011 37 Mort. 4 0.22 223. Aubépin. 0.0010 47 Survie. 2 il ressort de ce tableau ce fait que, dans une très large mesure, l anaphylaxie est indépendante de la dose de 1 injection déchaî- nante. Silva 198) a eu une anaphylaxie extrêmement forte a\ec 0,004. D’autre part, la dose de l’ingestion préparante n’a pas, non plus, grande importance, puisque Dahlia a eu une très forte anaphylaxie après ingestion de 0,125. L)E L ANAPHYLAXIE ALIMENTA1KE PAH LA GRÉ PI UNE 587 Ce qui ressort aussi (le ce tableau, c’est que l’injection est bien plus efficace pour déchaîner l’anaphylaxie que f ingestion. Presque tous les chiens ayant reçu une injection déchaînante ont été très malades. Or les choses sont tout autres, quand il s’agit d’une ingestion déchaînante. Aussi bien, si l’on voulait, pour une expérience de cours, dé- montrer le fait de l’anaphylaxie alimentaire, faudrait-il procéder de la manière suivante : donner à un chien de 10 kilogrammes b grammes de crépitine le 1er mai, par exemple, et un mois après, le Pr juin, lui injecter 0 gr. 01 (soit 0,001 par kilo- gramme). Cette dose, qui est absolument inoffensive pour un chien normal, déterminera alors certainement une très forte anaphylaxie, et la réalité de 1 anaphylaxie alimentaire sera démontrée d’une manière éclatante. IV ÀNTIANAPHVLAXIE PAR INGESTION ALIMENTAIRE. Le fait que l’ingestion de crépitine détermine de l’anaphy- laxie implique nécessairement ceci, comme l’avait d’ailleurs indiqué Besredka, qu’une certaine quantité de crépitine passe dans la circulation, et alors, tout naturellement, il s’ensuit qu’on pourra anaphylactiser par cette voie. C’est ce que j’ai pu obtenir dans l’expérience suivante que j’ai résumée dans les comptes rendus de la Société de Biologie (janvier 1911) et que je donne ici in extenso : Christophe prend, le 30 décembre, en ingestion, 0.31 de crépitine, et Barthé- lemy prend ie même jour 0,44. Alors, le 27 janvier, on fait ingérera Christophe 0,1 (par kilogramme) de crépitine, ce qui détermine un très léger état ana- phylactique, douteux même. Le 31 janvier, on lui injecte, par la veine, 0,0015 (par kilogramme) de crépi- line; il ne paraît nullement malade; mais il a de la défécation avec un ténesme rectal assez marqué. Au bout d’une dizaine de minutes, tout symp- tôme a disparu. On peut en conclure qu'il avait été anaphylactisé par l’inges- tion alimentaire du 27 janvier. Au contraire, Barthélemy, après injection, à 3 h. 40, de 0,0012 de crépitine, présente, à 3 h. 45, une anaphylaxie extrêmement nette. 11 ne peut plus se tenir debout, titube, ne réagit pas au pincement des pattes. Il n’a pas cepen- dant encore de cécité psychique, mais un état d’inertie, cataleptoïde, qui 588 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR devient de plus en plus grave. A 3 h. 47, il peut encore se tenir debout, mais les pupilles sont dilatées et 1 hébétude est complète. Le contraste est saisis sant entre lui et Christophe, qui parait indemne. A 3 h. 50, il se remet un peu. A 3 h. 55. même état, qui s’améliore. A 4 heures, la respiration est un peu difficile, mais l’état général est meilleur. A 4 h. 30, il parait complètement remis. Il résulte de cette expérience que l’ antianaphylaxie, suivant la méthode de Besredka, peut être obtenue par l'ingestion ali- mentaire. Y Immunité par ingestion alimentaire. De même que l’antianaphylaxie, l'immunité par ingestion alimentaire est la conséquence nécessaire de la pénétration des toxines dans le sang, après ingestion. Pour établir le fait de cette immunisation par voie alimentaire, je citerai les expé- riences suivantes, décisives. Rappelons que la dose toxique de crépitine en injection intraveineuse est voisine de 0,0015.] Asturie , Chicago, Miguel , Nevacla reçoivent, le même jour chacun, en injec- tion intraveineuse, 0,004 par kilogramme (le 27 mars) (crépitine à 2 p. 1.000). Nevada avait ingéré, le 10 février, 0,3, et le 24 février, 0,01. Miguel avait ingéré, le 17 janvier, 0,03, et le 17 février, 0,3. Chicago avait ingéré, le 25 janvier, 0,2, et le 17 février, 0,3. Asturie avait reçu, le 15 février, une injection de 0,001, et le 10 mars avait ingéré 0,02. Tout de suite après l'injection, l’anaphylaxie se déchaîne avec une intensité extrême chez ces quatre chiens, et, au début, les symptômes sont à peu près identiques (vomissements, titu- bation, hébétude, défécation, diarrhée sanglante). Mais deux heures après l’injection, en peut prévoir à peu près le résultat. Nevada est très malade, inerte, incapable à peine de se relever. Tempéra- ture, 34°3. Elle meurt dans la nuit. Asturie a une diarrhée intense, mais ne paraît pas très malade. Tempéra- ture, 34°5. Miguel parait assez malade, avec diarrhée intense, hémorragique. Température, 40°8. Chicago ne semble pas bien malade. Il est même assez vigoureux encore pour avoir quelques démangeaisons. Température, 39°8. DE L’ANAPHYLAXIE ALIMENTAIRE PAR LA CREPITINE 589 La température permettait déjà d’établir un pronostic, et, de fait, ce pronostic se justifie, car Nevada et Astarie meurent dans la nuit, tandis que Chicago et Miguel survivent. Cette différence entre quatre chiens à peu près identiquement traités ne doit pas surprendre. Tous les physiologistes qui ont essayé des immunisations savent qu'ils ne sont jamais assurés, quand ils l'éprouvent avec de fortes doses, qu'il n’y aura pas mort de l'animal. A ces deux chiens Chicago et Miguel , ayant résisté à la dose (fatale pour un chien neuf] de 0.004, il faut ajouter encore Falkland , qui, après avoir ingéré 0,29 le 27 janvier, reçoit le 28 janvier 0.0038 en injection et survit; Macduff , qui, après avoir ingéré 0.49 le 27 décembre, et 0,07 le 31 janvier, reçoit le 14 février une injection de 0.0034 et survit. Voici donc quatre chiens, Chicago , Miguel , Falkland et Macduff , qui par l’ingestion alimentaire ont été non seulement anaphylactisés, mais immunisés. Il est inutile d’insister sur l’importance de ce fait, qui intro- duira peut-être de nouvelles méthodes d’immunisation, encore qu’il soit nécessaire de se mettre en garde contre toute géné- ralisation prématurée, car ce qui est vrai de la crépitine peut très bien ne pas s’appliquer aux autres toxines albuminoïdes bactériennes ou animales. VI Leucocytose et anaphylaxie alimentaire. Il ne s’agira ici que de la leucocytose déterminée par l’inges- tion alimentaire de la crépitine. Nous n’étudierons pas les effets des injections intraveineuses, réservant cette étude pour un autre travail. Nous rappellerons 1° que chez le chien normal le nombre moyen des leucocytes est de 10.000 par millimètre cube; 2° qu’ après une injection très forte de toxine il y a leucocytose; 3° qu’après une injection très faible de toxine chez un animal anaphylactisé il y a encore leucocytose. Il fallait donc s’attendre à trouver, après ingestion, les mêmes résultats qu’après l’injection, et il ne pouvait guère en être autrement ; mais, dans ce cas, la question intéressante, et 590 ANNALES DE L INSTITUT PASTEL K même la seule question intéressante, c'était de savoir quelles doses de crépitine en ingestion, soit sur ranimai normal, soit sur l'anaphylaclisé, sont capables de provoquer la lencoeytose. La numération était faite de i à (i heures après l’ingestion (ou î injection), par la méthode de IJayem. 1° Ingestion préparante. — (Première* ingestion.) NOMBRE ABSOLU NOMBRE RELATIF NOMS des chiens. POSE de crépitine par kilogr. (en grammes). de leucocytes par millimètre cube (en de leucocytes, le chilTre antérjeur sur le même animal MOYENNNE centaines). étant 100. Sierra. 1.00 178 164 171 Mississipi. 0.60 124 1 16 120 Nevada. 0.30 1 55 1 26 140 A Igérie. 0.10 62 120 91 Ville do. 0.02 131 174 152 Illinois. 0-02 178 210 194 T atou. 0.0! 77 •7 77 Missouri. 0,01 108 172 140 o0 Ingestion déchainante. — (S econde ingestion.) Castillo. 0.30 200 138 170 Toucan. 0.30 193 193 193 Chicago. 0.30 130 120 135 Mig uel. 0.30 217 190 203 Macbeth . 0.30 1S5 114 150 Missouri. 0. ! 0 124 134 128 Tatou. 0.035 70 220 145 Sierra. 0 . 030 232 186* 209 Castillo. 0 . 025 139 360 250 Illinois. 0.023 121 96 109 Chrysanthème. 0.020 108 126 117 Christophe. 0.020 170 1 44 157 Barbas a. 0 . 020 108 140 124 Aslurie. 0.020 93 85 89 Mississipi. 0.021) 217 250 233 Sombrero. U . 020 218 140 179 Chicago. 0.016 148 1 40 144 Dahlia. 0.01 124 1 24 124 Pelruccio. 0.01 155 166 160 Nevada , 0,01 100 130 115 Falkland. 0,01 209 250 230 Ariel. 0.01 116 130 123 Si nous faisons la moye mJ une général e, nous voyons qu’après une p rem n u*e ingestion, par conséquent lorsqu’il s’agit de DE L’ANAPHYLAXIE ALIMENTAIRE PAR LA CREPIT! NE 591 chiens normaux, pour des doses égales ou inférieures à 0,3 par kilogramme, le chiffre leucocytaire moyen est de 132. Pour les chiens anaphylactisés, le chiffre leucocytaire moyen est de 138 ; autrement dit dans les deux cas il y a leucocytose, mais elle est beaucoup plus intense chez les anaphylactisés. Même lorsque les symptômes de Fanaphylaxie font complè- tement défaut, on peut encore constater une intense leuco- cytose. Ainsi, dans l’expérience du 29 avril, trois chiens anaphy- lactisés prennent de la crépitine en ingestion : Tatou, 0,033 ; Cas- tillo , 0.023; Chicago , 0,016. On ne peut alors constater aucun effet anaphylactique extérieur ; mais cependant la leucocytose à la cinquième heure est très intense, car on leur trouve respective- ment 143; 230; 144. Un autre exemple plus net encore est celui de Falkland , qui, après ingestion de 0.011 (p. k.), a le chiffre énorme de 230, sans avoir eu le plus faible phénomène ana- phylactique, ce qui d'ailleurs s’explique, car i! avaitété immu- nisé et avait résisté à la dose de 0.0038 en injection veineuse. On remarquera la faiblesse de la dose nécessaire pour pro- voquer la réaction leucocylaire lors de l’ingestion déchaînante. En prenant les chiens ayant reçu une ingestion déchaînante égale ou inférieure à 0 gr. 02 (par kil. ), ce qui est fort peu puisqu’un chien ne meurt pas, même après ingestion de 2 grammes, on a un chiffre moyen de 149, e’est-k-dire, en somme, assez voisin du chiffre obtenu chez les chiens ayant reçu une dose supérieure à 0,02, chiffre qui est de 168. Par conséquent la leucocytose nous apparait comme un phé- nomène réactionnel extrêmement délicat, susceptible de ma- nifester Fanaphylaxie alors que les autres réactions font défaut, t ) 11 faut évidemment rapprocher la leucocytose après injection de toxines, et la leucocytose après ingestion d’albumines solubles. J’ai démontré récemment avec P. Lassablière (2) que (1) Il faut, bien entendu, attendre quelque temps avant de faire la numé- ration. Algérie , chienne anaphylactisée, prend en ingestion 0.45, c’est-à-dire une dose très forte. Deux heures et demie après on minière ses leucocytes; elle a le chiffre très faible de 93. II faut donc au moins trois heures pour que la réaction s’établisse. (2) Leucocytose digestive après ingestion de viande. Comptes rendus de la Soc. de Biologie , 1911, p. 637. Toutes les numérations de leucocytes que je donne ici ont été faites par P. Lassablière. 592 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUIi la digestion des albumines solubles entraînait la leucocytose, tandis que celle des albumines insolubles ne changeait presque pas la proportion des globules blancs. On sait d’autre part que l'introduction dans la circulation d’albumines hétérogèues entraîne la leucocytose (Hamburger et Preussen). Par consé- quent la leucocytose digestive est l’indice que des albumines solubles, non transformées parles sucs digestifs, ont passé dans la circulation (sans qu’on puisse cependant refuser toute stimulation leucocytaire à un travail digestif intense). Conclusions. 1° 11 y a une anaphylaxie alimentaire due à la pénétration d’une petite quantité d’antigènes qui ont échappé à l’action des sucs digestifs; 2° Cette pénétration d’antigènes équivaut à une injection in- traveineuse. On peut donc par l’absorption digestive arriver aux memes résultats que par l'injection veineuse, c’est-à-dire à l’anaphylaxie, l’antianaphylaxie et l’immunité; 3° 11 est probable que ces phénomènes s’appliqueront aux diverses toxines, encore qu’ils n’aient été prouvés que pour la crépitine. Les différences entre les toxines dépendront d’une part de la facilité d’absorption du poison par la muqueuse gastro-intestinale, d’autre part de sa résistance à l’action pro- téolytique des ferments digestifs; 4° La leucocytose décèle la pénétration des toxines soit lors de l’ingestion préparante, soit surtout lors de l’ingestion déchaînante. C’est un phénomène réactionnel extrêmement délicat qui indique l’anaphylaxie, alors même que les autres symptômes anaphylactiques font défaut. PLASMODIUM DES MACAQUES DU TONKIN par C. MATHIS et M. LEGER (Avec la PI. I.) (Travail des laboratoires d'Hanoi, Tonkin). Les singes macaques ( Macacus rhésus , Macacus lasiotis tche- liensis ) du Tonkin sont assez fréquemment parasités par un hématozoaire du genre Plasmodium , voisin de l'hématozoaire du paludisme. Sur quarante animaux examinés, nous en avons trouvé cinq infectés. Cliniquement, l’infection naturelle ne se traduit par aucun symptôme, et seul l'examen du sang permet de recon- naître les singes porteurs d'hématozoaires. Les parasites, dont le nombre varie d'un jour à l’autre, peuvent persister très longtemps. Il convient cependant de remarquer que l’infection s’atténue progressivement, pour disparaître à la longue. Des singes parasités ont été suivis pendant deux ans ; au bout de ce temps, certains présentaient encore des hématozoaires; chez d’autres, ceux-ci avaient dis- paru définitivement. r Etude morphologique. Nous avons étudié le parasite à l’état frais et sur prépa- rations colorées, soit par le Giemsa, soit par le Leishman. Examen a l’état frais. — A l'état frais, les hématozoaires apparaissent dans les globules rouges comme de petits corps sphériques, ovoïdes ou amiboïdes. Les formes les plus jeunes n’ont pas de pigment. Dans les formes plus développées, le pigment est à grains assez gros très mobiles. Aux stades les plus avancés, les grains de pigment n’ont plus qu’une faible mobilité. La formation des microgamètes a lieu une dizaine de minutes après la sortie du sang des vaisseaux. Les flagelles, extrême- ment mobiles, qui bousculent les globules rouges, atteignent 38 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 594 en longueur environ 21 g (c'est-à-dire trois fois le diamètre d'une hématie du singe). Examen sur préparations colorées. — L’aspect des parasites est un peu différent, suivant que l'on colore par le Giemsa ou par le Leishman, et il est bon de pratiquer les deux colorations. Nous décrirons successivement l’état du globule rouge para- sité, les formes asexuées et les formes sexuées. Globule rouge parasite. — Les globules rouges envahis par les parasites ne subissent aucun changement de volume, mais ils présentent des granulations du type Schüffner( fig. 23 , 25 , 27 , PL I) . Ces granulations ne sont pas toujours décelées. Le nombre considérable de frottis que nous avons colorés nous permet d’affirmer que la mise en évidence de cette altération du globule rouge tient surtout au colorant employé. Avec le Leishman, nous avons souvent obtenu le pointillé, d’autres fois nous avons échoué à le rendre manifeste, sans que nous puissions préciser la cause de ces insuccès. Avec nos échan- tillons de Giemsa additionnés ou non de solution de carbonate de potasse ou de bleu azur, nous n’avons jamais coloré les grains de Scbüffner. Formes asexuées. — Au stade le plus jeune (fig. 2, PL I), le schizonte, annulaire ou ovoïde, de 3 y de diamètre, est cons- titué par un liséré de protoplasma bleu clair non pigmenté, circonscrivant le noyau vésiculeux, lequel comprend une va- cuole volumineuse, à travers laquelle apparaît souvent l’héma- tie et un karyosome. Celui-ci, toujours excentrique, situé à un des pôles, apparaît comme un gros grain, de couleur rouge rubis, pouvant mesurer plus de 1 \j. de diamètre. On observe parfois deux karyosomes (fig 3), de grosseurs égales ou inégales; ils sont situés à un meme pôle du parasite, ou au contraire aux extrémi tés d’un même diamètre transversal . A ce stade, l’hématozoaire du singe offre la plus grande ressemblance avec les jeunes formes de Plasmodium præcox. Nous avons assez rarement rencontré deux schizontes para- sitant le même globule. A un état de développement plus avancé, le schizonte devient piriforme, triangulaire, ovalaire ou demi-sphérique (fig. 4, 5, 61 ; d’autres fois, il a l’aspect nettement amiboïde (fig. 25, 26, 30); exceptionnellement, il rappelle la forme en bandeau de P las- PLASMODIUM DES MACAQUES DU TONKIN 595 moclium malariæ (fig. 24). Le protoplasma bleu clair se charge de pigment verdâtre, dont les grains en fine poussière donnant au parasite une teinte tirant sur le vert. Le karyosome apparaît comme un anneau allongé (fig. 22), formé de petits grains chromatiques; le bord externe s’épaissit, tandis que l’interne s’amincit et finit, par se rompre (fig. 25); le karyosome est alors en arc de cercle, et la chromatine est séparée du proto- plasma par un espace clair de dimension très variable. La segmentation du schizonte commence bien avant qu’il n’ait envahi entièrement l'hématie (fig. 8). Dans des formes ne mesurant pas plus de 5 g, on note déjà deux ou plusieurs masses chromatiques. La fragmentation se fait par division mitotique successive et non par division simultanée du noyau : on rencontre ainsi des schizontes ayant 2, 4, et jusqu’à 16 noyaux. Dans le parasite en segmentation, le protoplasma ne se colore plus uniformément; il existe des aires claires plus on moins étendues (fig. 9, 31, 32). Le pigment à grains fins et jaune verdâtre, d’abord assez également réparti, tend de plus en plus à se réunir en amas (fig. 14, 34). Chaque noyau con- siste en un groupement de filaments chromatiques tassés les uns contre les autres, revêtant un aspect étoilé irrégulier. Ces masses chromatiques sont entourées d’une aréole claire. Elles sont distribuées sans ordre dans le parasite. Lorsque les noyaux sont au nombre de seize (fig. 15), ils perdent leurs prolongements, deviennent sphériques et com- pacts. Ils se disposent de façon assez régulière à la périphérie. Le protoplasma se condense alors autour de chacun d’eux. Le pigment se rassemble au centre en un amas serré. Dans l’ensemble, le parasite a le plus souvent l'aspect d’une mar- guerite, comme chez Plasmodium malariæ . o 7 La segmentation est alors complète. Seize mérozoïtes sont mis en liberté, constitués chacun par un gros noyau rouge lilas qu’entoure un mince liséré de protoplasma bleu clair. Formes sexuées. — Les macrogamètes adultes sont libres. Dans leur forme typique (fig. 19, 37), ils sont sphériques ou légèrement ovoïdes; plus volumineux que les schizontes adultes, ils mesurent de 7 à 8 a, dépassant donc très légère- ment le volume moyen des hématies du singe, 596 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Le protoplasma, homogène et dense, constitue la plus grande partie du parasite. Il prend une coloration bleue, plus foncée que celle des schizontes. Dans certaines formes, on distingue au centre une vacuole incolore. Le pigment a une teinte brun verdâtre. Les grains, irrégu- liers, sont plus foncés et un peu plus gros que ceux des schizontes. Ces grains sont assez uniformément répartis ; néan- moins, ils sont un peu plus abondants à la périphérie du parasite. Le noyau, généralement excentrique, peu volumineux, a un karyosome irrégulier, formé de grains chromatiques en amas compact, et, le plus souvent, séparé du protoplasma par un espace incolore ou faiblement teinté en rose. Il n'y a pas de membrane nucléaire. Les macrogamètes jeunes (fig. 16, 17), encore inclus dans les hématies, présentent les memes caractères que les formes adultes, mais le karyosome assez lâche est toujours excentrique et arrondi. Une vacuole, incolore et de grande dimension, lui est accolée. Le protoplasma, en demi-lune autour de la vacuole, se rejoint par ses deux branches au niveau du karyosome. La vacuole diminue au fur et à mesure que te parasite grossit. Dans les tout premiers stades de développement, la distinc- tion entre les gamétocytes et les schizontes est impossible. Les microgamétocytes extraglobulaires (fig. 20, 40) sont irrégulièrement sphériques; ils sont plus déformables que les macrogamètes et d’une taille un peu moindre, 6 y. environ. Le protoplasma est coloré en bleu cendré. 11 est parsemé de grains de pigment jaunâtre, moins foncés, moins abondants et plus gros que ceux du macrogamète. Ces grains, de grosseurs différentes, ont tendance à se grouper en traînées ou en amas. Le noyau, volumineux, moins dense que chez la $, peut occuper le tiers du parasite. Il forme une masse arrondie, rose, sur laquelle se distinguent des grains plus foncés. Infection expérimentale. L'infection expérimentale est réalisée sans la moindre diffi- culté. Nous avons inoculé avec succès six macaques : deux par la voie péritonéale, quatre autres par la voie sous-cutanée, avec du sang de singe infecté. PLASMODIUM DES MACAQUES DU TONKIN 597 Singe 1. — Du poids de 2 kil. 270. Inoculé dans le péritoine, le 6 mai 1908, avec le sang du singe 4, naturellement infecté, contenant des schizontes à tous les stades et des gamétocytes. Les parasites, très rares le 17, rares les 18 et 19, non rares les 20, 21 et 22, ont été nombreux les 23 et 24 mai, très nombreux les jours suivants. L’examen du sang du singe 1 a encore été trouvé positif le 13 septembre 1909, le 15 septembre 1910 et le 18 février 1911 (parasites très rares). Singe 3. — Du poids de 2 kil. 820. Inoculé le môme jour et dans les mêmes conditions que le précédent. Les parasites, très rares les 17, 18, 19, 20, 21 mai, ont été ensuite non rares, puis nombreux et très nombreux. L’animal fut examiné le 13 septembre 1909; son sang contenait encore des hématozoaires. Le 12 septembre et le 4 novembre 1910, l’examen fut négatif. Singe 25. — Du poids de 3 kil. 280. Inoculé le 16 mars 1910 avec le sang du singe 22 à infection naturelle, les parasites étant rares. 598 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUK Les parasites, rares les quatre premiers jours, sont devenus ensuite non rares, puis nombreux et très nombreux. Le 13 octobre 1910, l’examen fut encore positif. Il en fut de môme le 4 no- vembre 1910 et le 18 février 1911. Singe 27. — Du poids de 2 kil. 870. Inoculé une première fois le 3 no- vembre 1910, sous la peau, avec du sang du singe 25, une deuxième fois le 24 novembre 1910, avec le sang du singe 29. Les parasites ont apparu le 30 novembre. La température prise matin et soir pendant deux mois n’a pas montré d’élévation thermique marquée. Singe 28. — Du poids de 1 kil. 800. Inoculé le 3 novembre 1910, sous la peau, avec le sang du singe 29, montra des hématozoaires le 20 novembre. Chez cet animal, la température s'éleva à plusieurs reprises à plus de 40 degrés. Singe 29. — Du poids de 2 kil. 200. Inoculé le 3 novembre 1910, dans les mêmes conditions que le précédent. Infecté le 15 novembre. Les parasites, d’abord extrêmement rares, puis rares, deviennent assez nombreux et très nombreux. Notons que, chez cet animal, le nombre des hématozoaires fut relativement beaucoup plus élevé que chez les deux autres singes. La température cependant ne dépassa que rarement 40 degrés. Chez les deux premiers singes, inoculés dans le péritoine, la période d’incubation a été de onze jours. L’apparition des para- sites chez les quatre singes injectés sous la peau eut lieu le douzième jour dans deux cas, le dix-septième jour dans un troisième cas. Quant au quatrième cas, l’examen du sang pra- tiqué quotidiennement ayant été négatif pendant vingt et un jours, il fut réinoculé, et les hématozoaires apparurent six jours après cette deuxième injection : il est difficile de dire, dans ce cas particulier, si la période d’incubation a été de vingt-sept jours ou seulement de six jours. La voie péritonéale peut être considérée comme la plus sûre et la plus rapide. La voie sous-cutanée, toutefois, se montre à peu près aussi efficace. L’apparition des hématozoaires dans la circulation périphé- rique ne se révèle par aucun trouble apparent. La vivacité de l’animal n’est pas affaiblie, et on n’observe pas de modification dans ses allures. Cependant on peut noter une élévation de température qui dépasse 40 degrés. Ces phénomènes d’hyper- thermie n’ont aucune périodicilé et ne se produisent que dans les premières semaines de l’infection. Il n’y a aucune corrélation entre le degré thermométrique et le nombre des parasites dans le sang périphérique. Ceux-ci, PLASMODIUM DES MACAQUES DU TONKIN 590 du reste, varient de nombre d'un jour à l’autre. Cependant, d’une façon générale, on constate que, très rares au début, ils augmentent notablement pour atteindre un maximum. Ils diminuent ensuite progressivement, mais très lentement. L’infection expérimentale, comme l’infection naturelle, est de très longue durée et dépasse un an. L’absence de périodicité dans les phénomènes fébriles ne permet pas de préciser la durée de la phase asexuée de l’héma- tozoaire. L’examen quotidien du sang ne renseigne pas davan- tage sur le temps exact que la schizogonie met à se produire. En effet, dans un même frotlis de sang, on constate des para- sites à tous les stades de développement, depuis les formes jeunes intraglobulaires jusqu’aux schizontes en segmenlation. En raison de la présence dans le sang de plusieurs généra- tions de parasites, il est difficile de fixer de manière absolue la durée de l’évolution asexuée de cet hématozoaire. Cependant, le pourcentage des formes en segmentation par rapport aux autres formes, pratiqué chez le même animal, durant plusieurs jours consécutifs, semble indiquer que la schizogonie a lieu en quarante-huit heures, comme pour l’hématozoaire de la tierce bénigne de l’homme. Le Plasmodium de Macacus rhésus et Macacus lasiotis tche- iiensis du Tonkin est nettement différent de Plasmodium Kochi Laveran 1899 (1), Plasmodium pitheci Ilalberstœdter et Pro- wazek 1907 (2), et Plasmodium hrasilianum Gonder et von Berensberg-Gossler 1908 (3). Il paraît identique à Plasmodium inui décrit par liai bers- tædter et Prowazeck chez le Macacus cynomolgus et nemes- trinus des Indes néerlandaises, auquel a été rattaché Plasmo- dium cynomolgi , découvert par Mayer (4) chez un Macacus cynomolgus provenant de Java. Il ne détermine pas l’hypertrophie du globule, mais une altération de l’hématie, qui se traduit par la formation de (1) Laveran, Cinquantenaire de la Société de Bioloqie. Volume jubilaire. Paris. 1899, p. 127. (2) IGlbers toedter et Prowazek, Avb. a. d. haiserl. Gesundh., t. XXVI, 1907. (3) Gonder et von Berensberg-Gossler, Arch. f. Protistenk ., t. XVI, 1908. (4) Mayer, Mediz. klinik , 1907, n° 20. 000 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR granulations de Sclmffner. Ce caractère, non signalé chez Plasmodium inui , mais seulement chez Plasmodium cynomolgus, n a pas, à notre avis, une importance primordiale, puisqu'il paraît dépendre du colorant employé. L'hématozoaire du Macaque du Tonkin, comme Plasmodium inui , a des schizontes à 16 mérozoïtes; son évolution se fait approximativement en quarante-huit heures, et, dans l'infection expérimentale, la période d’incubation est de onze jours en moyenne. Si ce parasite, par certains caractères, se rapproche de la tierce bénigne de l'homme, il présente dans son cycle évolutif des formes rappelant Plasmodium præcox et Plasmodium mala- riæ , et, comme ces derniers, n'amène pas l’hypertrophie du globule. EXPLICATION DE LA PLANCHE I. De 1 à 20, coloration au Giemsa. De 20 à 40, coloration au Leishman. Toutes les figures sont représentées au même grossissement (1.800 diamètres). 1 . . . Hématie normale du singe. 2. 3. . Jeunes schizontes. 4, 5, 6 • Schizontes en voie de développement . 7 . . . • • Début de la segmentation. 8 à 14. • • Stades successifs de la segmentation. 15. . . Segmentation complète (16 éléments). 16, 17, 18. Macrogamètes. 19, 20. • • Microgamétocytes. 21, 22. • , Jeunes schizontes. 22 à 30 • * Schizontes à divers stades de développement. 23, 25, 27. Présence de granulations de Schüfîner. 24. . . Schizonte en bandeau. 31 à 35 Stades successifs de la segmentation. 36, 37. • Macrogamètes. 38, 39, 40. Microgamétocytes. NOTE SUR LES TROPISMES DU BACTERIUM ZOPFII “ KURTH ” par H. KUFFERATH Ingénieur agricole, docteur en sciences naturelles Assistant à l' Institut Pasteur du Brabant à Bruxelles. (Avec les PL II, III, IV.) (Travail de l'Institut Pasteur du Brabant.) Le Bacterium Zopfù cultivé sur gélatine maintenue vertica- lement, pour autant que la couche de gélatine soit assez épaisse, a la propriété de donner des filaments plus ou moins verticaux dirigés en sens opposé à celui de la direction de la pesanteur. Ce curieux phénomène a, depuis quelques années déjà, attiré l'attention de divers chercheurs. Les explications qui furent données du mode de croissance tout particulier du B. Zopfù sont variées. En dernière analyse, elles attribuent à ce microbe la propriété de réagir à des actions mécaniques ou physiques externes; autrement dit, elles ont permis de considérer cet organisme comme réagissant par des tropismes. La conception que l'on s’est formée de ces tropismes n’a cessé de varier, et il n’est pas sans intérêt de rappeler briève- ment les diverses opinions qui furent émises à ce propos. Boyceet Evans 1] (*) signalent chez B. Zopfii du géotropisme négatif. C'est la première explication : la disposition caractéris- tique des filaments, obtenue dans la gélatine, est déterminée par la pesanteur et la force centrifuge. Un an après, en 1894, le professeur Beijerinck [2] émet l'idée que ces formations ont pour cause la très grande sensi- bilité du B. Zopfù à des différences de température. Les fila- ments suivent exactement les parties de la gélatine qui sont les plus chaudes. En 1903, M. Zikes [3 étudie à nouveau le phénomène; il (*) Les chiffres entre crochets’se rapportent à l’index bibliographique. 002 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR s'élève contre l’explication de Beijerinck et admet le géotro- pisme comme cause active. En 1906, le même auteur [4] revient sur ce sujet et pense, d’après ses expériences, qu’il s’agit non de géotropisme, mais de géotaxisme négatif, au sens de Wiesner, interférant avec des actions chimiotaxiques dues aux substances émises par la bactérie dans la gélatine. Presque en même temps, E. Sergent et Jacobsen publièrent des mémoires intéressants accompagnés de photographies et de dessins instructifs. Dans son premier mémoire, Sergent 6^ conclut à l’action du géotropisme négatif, mais il y aurait, « en dehors du tro- pisme commandé par la pesanteur, des réactions dues à des tropismes provoqués par des forces qui semblent conditionnées par le voisinage d’élevures à la surface de la gélatine ». 11 rattache à l’attraction produite par des élevures à la surface de la gélatine celle due au voisinage des parois de verre des fla- cons et tubes de culture. Reprenant cette question, Sergent, dans son deuxième mé- moire [7], confirme les vues de Jacobsen par diverses expé- riences; il conclut ainsi : « Mes expériences confirment donc l'existence chez le Bacte- ticité possédée par la gélatine (élasticotropie). » « Quand la gélatine est étirée, les filaments suivent la direc- tion de la force de tension. » « Quand elle est comprimée, les filaments suivent une direc- tion perpendiculaire à la force de pression, ou, mieux, la cul- ture est nulle. » Jacohsen [5], sous la direction du professeur Beijerinck, apporta de nouvelles et importantes contributions à cette ques- tion. Pour lui, il faut considérer l’influence du facteur tempé- rature sur la disposition des filaments, et il appuie cette opi- nion par des expériences, mais il ne s’attache guère à pousser ses recherches dans cette voie. L’opinion de Jacohsen peut se résumer comme suit : la dis- position caractéristique des filaments du Bact. Zopfii est due à une force (élasticotropisme) se combinant avec un thermo- tropisme déterminé par les parois des vases de culture. Le fait intéressant qu’établit Jacobsen est que le B. Zopfit NOTE SUR LES TROPISMES DU BACTEllIUM ZOPFII KURTH 603 réagit à des tractions de la gélatine. Il propose d’appeler ce phénomène élasticotropisme. Des expériences ingénieuses, accompagnées de dessins, montrent combien grande est F in- fluence de la gélatine sur la disposition des filaments de la bactérie. D’après les expériences des auteurs précédents, la force agis- sant sur la gélatine était la pesanteur ou la force centrifuge. Jacobsen, en étirant ou comprimant la gélatine de diverses ma- nières, a déterminé dans celle-ci des équilibres et des tensions n'ayant aucun rapport avec ceux dus à la pesanteur. Il a montré que, dans ces conditions, le B. Zopfii modifie la dispo- sition de ses filaments, tantôt perpendiculairement à la force de pression, tantôt parallèlement à la force de traction. C'est là une preuve bien établie que dans la gélatine les filaments du B. Zopfii croissent dans des directions déterminées par l’état d’équilibre de cette gélatine. Jacobsen, de plus, a montré que des variations de la quantité d'eau en des endroits différents de la gélatine produisent dans celle-ci des tractions qui déterminent la direction des filaments du microbe. Dans la dernière partie de son travail, Jacobsen montre que cette propriété de produire des filaments dans la gélatine esl commune à diverses bactéries, liquéfiantes ou non, et que l’on pourrait établir parmi les microbes un groupe de bactéries caractérisées par leurs propriétés élasticotropiques. Ph. Eisenberg [8] a montré que, dans des conditions bien déterminées le bacille du charbon possède des propriétés élasti- cotropiques. Bien que la manifestation de cette propriété du Bacillus Anthracis ne soit pas très marquée, il est pourtant intéressant de rapprocher l’aspect des colonies superficielles du charbon et celles du B. Zopfii sur la gélatine. Dans l'un et dans l’autre cas, nous assistons à la formation de colonies étalées dans lesquelles les filaments se placent parallèlement les uns aux autres selon le pian de la surface de la gélatine (PI. 111, fig. 1 B). La propriété de produire des arborisations existe chez di- verses bactéries; elle a été mise en évidence pour un bacille thermophile par Catterina [11], et chez divers bacilles du 604 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR groupe Bacillus mycoïdes Flügge par Holzmüller [12] notam- menl. Gruber [13] a décrit chez Pseudomonas Fragariæ des ramifications sur gélatine. L’aspect caractéristique des colonies du Bacillus Anthracis est trop connu pour qu’il y ait lieu d'insister longuement sur ce point. Non seulement les cultures sur gélatine, mais aussi les cul- tures sur gélose, présentent des ramifications des colonies. Sur ce dernier milieu, divers microbes peuvent donner des cordons ramifiés de filaments; nous l’ayons constaté pour B. muscoïdes , Proteus mirabilis, P. Zenkeri, P. vulgaris , B. Zopfii. 11 existe une grande différence entre les cultures sur gélose et celles sur gélatine. Dans les premières, les microbes à ramifications et particulièrement B. Zopfii ne pénètrent pas dans le milieu. La colonie ne se développe que superficielle- ment. Au contraire, la pénétration des filaments de ce dernier microbe dans la gélatine est aisée. Il faut évidemment attribuer cette manière différente de se comporter pour un même orga- nisme à la nature du milieu nutritif. Les différences sont grandes entre les milieux gélosés et gélatinés, rien qu’au point de vue physique par exemple. Ainsi la gélatine est élastique, la gélose se brise dès qu’on l’étire; d’autre part, la gélose perd facilement une partie de l'eau qu’elle renferme (eau de condensation), ce que la gélatine ne fait pas. Ce sont là des faits familiers aux bactériologistes. Les filaments du B. Zopfii sur gélose ne pénètrent pas dans le milieu nutritif; c’est comme si les microbes trouvaient à la surface de la gélose un obstacle à leur pénétration. Il est diffi- cile de décider si cet obstacle est dû à la constitution même de la gélose (au doigt la gélose est beaucoup plus dure que la gélatine) ou à la dessiccation de la surface en contact avec l'air. Faisons remarquer que l'on ne connaît que quelques orga- nismes liquéfiant la gélose; la digestion de celle-ci doit en elfet préparer et faciliter la pénétration des microbes dans le milieu; or ce phénomène n'existe pas pour les microbes étudiés. La digestion de la gélatine par les microbes (liquéfaction), au contraire, est un phénomène des plus remarquables observé pour de nombreux microorganismes. Nous avons vu, tout en faisant l’historique de la question, le rôle important joué par la gélatine dans la détermination de la NOTE SUR LES TROPISMES DU BACTERIUM ZOPFII KURTH 605 direction des filaments du B. Zopfii. Les conclusions de Jacob s en et de Sergent permettent de dire que cette bactérie doit aux propriétés élastiques de la gélatine sa manière de se comporter dans ce milieu. Il nous faudra considérer le facteur gélatine et le facteur microbe pour expliquer ce phénomène. Quel est Je rôle joué par l’un et l'autre de ces facteurs dans la réalisation de colonies d’arborisations ramifiées dans les cultures sur géla- tine? C’est ce que nous allons examiner. Comme nous l'avons vu, Faction de la gélatine a bien été déterminée par Jacobsen; grâce à ses propriétés élastiques, la gélatine est tendue sous l’influence d’une force, la pesanteur par exemple. Par suite des tractions résultant de cette force, on considère qu’il se produit dans la gélatine des couches stra- tifiées plus ou moins denses. La forme et la direction de ces couches détermine la direction des microbes qui pénètrent dans la gélatine. Supposons qu’une cellule de B. Zopfii se trouve engagée entre deux couches de gélatine, ces couches étant séparées par une autre de densité moindre. Les conditions étant favorables, la bactérie se développe, s’allonge et, en se multipliant, donne naissance à un filament formé d’un chapelet de cellules placées bout à bout. Ce filament est engagé entre deux couches denses de gélatine; ces couches offrent une résistance à la croissance du microbe; aussi le filament se développe-t-il seulement dans la couche moins dense qui forme comme un couloir limité par les couches de densité supérieure. Les microbes prospèrent dans des veines « de moindre résis- tance » et l’ensemble de ces veines remplies de bactéries donne l’image de jolies arborisations observées pour le B. Zopfii. Ce phénomène dépend des propriétés de la gélatine et la disposi- tion des filaments n’est due qu’aux tensions qui se manifestent dans ce milieu sous l’influence de diverses forces (pesanteur, . tractions, pressions, torsions, etc.}. Ces phénomènes ne seraient pourtant pas possibles si le B. Zopfii ne possédait la propriété de réagir à des actions externes. Ainsi, l’on doit admettre que dans la gélatine ce microbe perçoit des différences de compacité, de résistance à la pénétration entre les diverses couches de ce milieu soumis à 606 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR l’action de la pesanteur, etc... Nous aurions alors un phéno- mène analogue à celui qui fut observé pour certains infusoires (Rothert, Jennings) et pour les zoospores de myxomycètes (Kusano). Ces organismes sentent des différences de concentra- tion chimique dans un même milieu et ne peuvent s’écarter des zones dans lesquelles ils ont pénétré, grâce à leur sensibilité chimiotaxique. Pour le B. Zopfii il y aurait sensibilité à des différences de compacité de la gélatine, autrement dit sensibilité de con- tac t . Il est aussi permis de penser que les veinules créées dans la gélatine par diverses forces (pesanteur, etc.) sont plus ou moins riches en eau. Les veines les plus riches en eau renferment une gélatine moins concentrée, plus fluide que celle des zones environnantes. La bactérie n’est-elle pas attirée par l’eau que renferment ces veines plus aqueuses? Ce serait un phénomène d’hydrotropisme que Ton peut rapprocher d’autres qui furent bien étudiés. On voit en effet que l’eau détermine des orienta- tions chez beaucoup d’organismes végétaux. C’est ainsi que le professeur L. Errera [14] a montré que l’hygroscopicité de barres d’acier provoque des courants de vapeur d’eau qui dé- terminent la courbure des filaments aériens de Phycornycesy observée par Effving. Ce qui caractérise le B. Zopfii , c'est, en premier lieu, de donner des filaments de cellules placées bout à bout et qui conservent dans leur ensemble une forme rigide (Pl. III, fig. 1 A); ensuite, la faculté que possède ce microbe de péné- trer dans la gélatine, tout en ne la liquéfiant pas. Les filaments qui se développent à la surface de la gélatine ont un aspect caractéristique : ou bien ils sont isolés et alors parfois onduleux sans que l’on remarque de désarticulation de l'ensemble (PL 111, fig. 1 A), ce que Swellengrebel [9] décrit en ces termes : « Les bâtonnets sont réunis en longues chaînes ondulantes, dans lesquelles on ne peut souvent retrouver les différents individus ou bien ils forment de larges colonies étalées dont tous les filaments sont parallèles les uns aux autres. Ici encore, nous voyons qu’une file de filaments (PL 111, fig. 1 B) ne se désarticule pas. Ce mode de croissance tout particulier, qu’on ne trouve pas NOTE SUH LES TROPISMES DU BACTERIUM ZOPFII KURTII G07 chez d’autres bactéries, ne se manifeste pas toujours pour les lilaments qui ont pénétré dans la gélatine. S’il y a des filaments qui ne se désarticulent pas, on ren- contre souvent dans la gélatine des colonies de forme arrondie constituées par des cellules courtes et non filamenteuses (PI. II, fig. G). Ces formes du microbe ont été considérées, soil comme des coccus, soit comme des arthrospores (Lafar, Tech- nüche Mykologie , Bd I, p. 124-125). Ces colonies sphériques se forment volontiers sur le passage des filaments qui ont pénétré dans la gélatine ; elles sont en général plus abondantes et plus volumineuses près de la surface de la gélatine. La pénétration du B. Zopfii dans la gélatine se fait perpen- diculairement à la surface de la gélatine, ainsi que le montrent les fig. 2 C et 3 C. PI. II. Ce phénomène est tout à fait net vers le bas des cultures, là où les phénomènes de tension de la géla- tine sont les moins actifs. La rigidité des filaments du B. Zopfii est telle que l'on eu observe qui poussent au-dessus de la surface de la gélatine, ne conservant que quelques points de contact avec celle-ci. On voit (PI. III, fig. 1 B) qu’un filament d’une colonie superficielle est soulevé au-dessus de ses voisins disposés selon le plan de la surface de la gélatine. Cette action est sans doute due à la compression latérale produite par les filaments de la colonie, compression qui a pour conséquence de faire sortir le filament du plan formé par les filaments delà colonie. Le filament ainsi isolé de ses voisins continue sa croissance; par suite de sa pesanteur, il ne reste pas droit, mais s’abaisse ; il arrive ainsi à pousser au-dessus de ses voisins et s’écarte de la colonie. II arrive bientôt en contact avec la gélatine. Tant que le filament reste plus ou moins parallèle à la sur- face de la gélatine, il ne peut la pénétrer, il glisse sur cette surface. Mais lorsque le filament, à la faveur d’un enroulement qui lui sert de point d’appui, présente son grand axe perpendi- culairement à la surface, il perce celle-ci et pénètre dans le milieu grâce à sa rigidité. Une fois entré dans la gélatine, le filament subit l’influence du milieu et est obligé de suivre la voie qui lui est tracée par les phénomènes de tension propres à la gélatine, ainsi que nous l'avons signalé plus haut. 608 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Ces constatations permettent d’expliquer tous les phénomènes de tropisme attribués au B. Zopfii . De nombreux arguments permettent déconsidérer cette explication comme vraie. L’examen macroscopique des colonies du B. Zopfii sur géla- tine fournit un certain nombre de faits intéressants. Alors que les cultures sur gélatine maintenues horizontale- ment donnent un fouillis de filaments dirigés en tous sens, les cultures maintenues verticalement ont l’aspect typique décrit par les auteurs. Nous avons utilisé pour nos cultures de grands cristallisoirs profonds, où la couche de gélatine avait. 4 à o centimètres d’épaisseur. Après avoir laissé la gélatine se figer, nous avons ensemencé, soit en piqûre au centre du eristallisoir, soit en strie selon son diamètre. Après quoi les cultures étaient main- tenues verticalement. Nous avons noté l’aspect macroscopique des cultures ayant poussé dans ces conditions. Voyons en détail ce qui se passe pour chaque mode d’inoculation du microbe. Piqûre centrale. Le développement du B. Zopfii est très rapide. Au bout de deux jours, à la température de 20 à 22° C, la colonie a atteint son plein développement. A partir de l’endroit de l’inoculation, la colonie s’est étendue de tous les côtés. On remarque immédiatement l’aspect caractéristique des filaments qui croissent dans la gélatine. Ces filaments sont nettement dirigés vers le haut (PL II, 2 C). 11 apparaît visiblement qu’a côté du développement carac- téristique de la colonie dans une direction opposée à celle de la pesanteur, il y a eu une croissance superficielle énergique en tous sens ; dans le cas présent, la colonie s’est étendue circula i- rement environ à un centimètre du point d’inoculation. Voilà donc que dans une même colonie les microbes poussent tantôt dans une direction opposée à celle, de la pesanteur, tantôt dans toutes les directions, toutes autres conditions étant égales. Cela devient incompréhensible dans l’hypotbèse où l’on admet que B. Zopfii est négativement géotropique. En réalité, à la surface de la gélatine, les filaments poussent indifféremment dans toutes les directions, ainsi que nous le constatons plus loin. Le trajet des filaments dans la gélatine indique la direction NOTE SUR LES TROPISMES DU BACTERIUM ZOPFII KURTH G09 des lignes de force et de tension de ce milieu maintenu verti- calement. Cet aspect, si caractéristique, est tout à fait indépen- dant de la nature du microbe; il est bien expliqué par les expé- riences et les conclusions de Jacobsen et de Sergent. Remarquons la disposition des filaments qui ont pénétré dans la gélatine ^Pl. II, 2 C). D ans le bas de la culture, au début de la pénétration dans le milieu solide, des filaments sont dirigés perpendiculairement à la surface de la gélatine. Au fur et à mesure que le développement du filament se poursuit, il s’in- curve de plus en plus vers le haut. Dans les parties supérieures des cultures maintenues verticalement, les filaments semblent se diriger immédiatement dans une direction opposée à celle de la pesanteur (PI. II, 2 A et 2 C) ; la verticalité et l’allure de ces lilaments est due à la forte tension d’étirement que subit la gélatine en cet endroit. Ces circonstances modifient complète- ment la marche des filaments dans la gélatine, ainsi qu’on l’observe dans la partie inférieure de la culture. Strie verticale. L’aspect général rappelle celui de la culture qui vient d’être décrite. Au bas de la strie (PI. II, 3 A), les filaments enfouis dans la gélatine ne sont plus verticaux, ils sont hori- zontaux, ce qui se comprend. En cet endroit, la gélatine est com- primée du haut en bas, et, ainsi que font montré Jacobsen et Sergent, dans ces conditions, les filaments suivent une direction perpendiculaire à la force de pression. Tout au contraire, à l’extrémité supérieure de la strie PI. II, 3 A), la gélatine est fortementé tirée, les filaments suivent la direction de la force de tension. Entre ces deux positions extrêmes, les filaments se trouvent dans toutes les positions intermédiaires. En profondeur (Fig. II, 3 C), les filaments se développent comme nous l’avons montré précédemment. Il est à remarquer que, dans le bas de la culture, les filaments restent presque hori- zontaux et ne s’incurvent que légèrement vers le haut. Jacobsen Fig. 3, p. 56, ouvrage cité [5]) figure une disposition ana- logue des filaments poussant dans la gélatine. L’étude de l’aspect macroscopique des cultures du B. Zopfii sur gélatine nous permet de distinguer, d’une part, la crois- sance superficielle de ce microbe, croissance qui se fait dans toutes les directions-, et celle des filaments dans la gélatine. La 39 610 ANNALES ÜE L’INSTITUT PASTEUR direction de ces filaments dans la gélatine est facilement expli- quée au moyen des théories de Jacobsen et de Sergent. Examinons maintenant l’aspect microscopique des colonies superficielles et profondes du B. Zopfii obtenues dans nos cul- tures. Dans les cultures sur gélatine, maintenues horizontalement, nous observons que la surface de la gélatine est couverte d’un réseau irrégulier de filaments se croisant en tous sens. Dans ce réseau se forment de place en place des colonies à contours tlexueux (PI. III, fig. 2 A). Les filaments se développent au hasard dans toutes les directions. A 0,5 millimètre dans la gélatine, on observe que les filaments microbiens (PI. III, fig. 2 B) sont également dirigés en tous sens; de temps en temps, on voit des colonies arrondies, petites, jalonnant les filaments. A 4 millimètres sous la surface, les filaments sont plus rares. Ici encore, on observe qu'ils sont dirigés en tous sens, d’une manière indifférente (PL III, fig. 2 C). Examinons de même une culture maintenue verticalement. Prenons un endroit, à la partie supérieure de la culture, où à l’œil nu tous les filaments paraissent verticaux (PL II, fig. 2 A). JNous voyons (PL IV, fig. 1 A) que la surface de la g latine est couverte de filaments dirigés dans tous les sens. De grandes colonies à bords sinueux rappellent ce que nous avons vu pour les cultures maintenues horizontalement. De plus, nous cons- tatons qu’il y a de nombreux filaments dont la direction ne correspond pas avec celle de la verticale. Ces filaments, quand ils sont enfouis sous la surface de la gélatine, obéissent aux tensions de ce milieu (PL IV, fig. 1 A), et sont jalonnés de petites colonies rondes (PL III, fig. 1 C). Ce sont les colonies situées immédiatement sous la surface de la gélatine (1) qui, par leur réunion, produisent les arborisations si spéciales des cultures du B. Zopfii , que l'on trouve dans tous les traités de bactériologie et qui sont désignées en allemand comme wurs- tartige Formen. (I) Lehmanm et Neumann, dans leur Traité de bactériologie (lre partie, 1904 tab. B XII), écrivent au sujet des cultures du B. Zopfii sur gélatine : « Les for- mations tuberculeuses..., qui forment souvent des rubans, se trouvent dans la profondeur du milieu de culture. » NOTE SUR LES TROPISMES DU BACTERIUM ZOPFJI KURTH 611 Comparant les cultures maintenues verticalement et les cultures horizontales, nous ne trouvons entre elles que peu de différences, à ne considérer que les cultures superficielles. L’aspect des cultures dans la gélatine présente par contre de grandes différences. Alors que pour les cultures horizontales nous avons observé des filaments dirigés en tous sens, nous voyons à 5 millimètres sous la surface des cultures maintenues verticalement, que les filaments microbiens sont orientés selon la verticale (PL IV, fîg. 1 B). Les filaments apparaissent au microscope comme des rangées de petits grains; ces filaments sont sinueux et il en est quel- ques-uns qui ont des directions plus ou moins obliques par rapport à la verticale. Au fur et à mesure que les filaments pénètrent dans la gélatine ^Pl. IV, fig. I C), on voit leur obliquité s’atténuer, leur direction finit par se confondre avec celle de la verticale. L’aspect des cultures à 4 et à 8 millimètres sous la surface (PL IV, fig. I G) diffère totalement de celui de la cul- ture horizontale à la même profondeur (PL III, fig. G). L’examen microscopique nous a permis de préciser le fait que nous avons signalé : la croissance superficielle du B. Zopfii sur gélatine se fait dans toutes les directions, quelle que soit la position de cette surface. D’autre part, dans la gélatine main- tenue verticalement, les filaments poussent suivant les direc- tions déterminées par les phénomènes d’équilibre et de tension qui s’établissent dans le milieu. Pourtant la direction de ces filaments, qui coïncide à peu près avec celle de la pesanteur, n’est pas constante. On voit qu’il y a des filaments obliques ou perpendiculaires à la verticale (PL IV, fig. 1). Ges faits sont en contradiction avec l’hypothèse d’une force de géotaxisme négatif. La réaction à la pesanteur paraissant devoir être la même pour chacune des cellules de la colonie, on ne peut s’expliquer les directions variées prises par les filaments dans la gélatine, et encore moins celles de la culture super- ficielle. On devrait admettre qu’il y a des cellules ne subissant pas l’action de la pesanteur, ou bien qu’il se produit des inter- férences avec d’autres actions. Mais on ne voit pas bien alors pourquoi certaines cellules obéiraient à la pesanteur alors que d’autres, peu distantes des premières, obéissent à un ensemble de forces dont la pesanteur ne serait qu’une des composantes. 612 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR De toutes les explications qui furent données des tropismes du B. Zopfii , aucune ne satisfait. La nature même du tropisme est des plus discutées, puisque les uns en font du géotropisme ou du géotaxisme négatif, d’autres du thermotropisme, d’autres de l’élasticotropisme ; on a invoqué une certaine attraction par Je verre (1), du chimiotropisme, etc... Ce qui frappe, dès l’abord, c'est que ces tropismes ne se manifestent que pour un milieu de culture bien défini, la géla- tine. Il n’est pas probable que l’on puisse attribuer ces phéno- mènes au géotropisme négatif; nous avons vu que les faits ne concordent pas avec une telle hypothèse. Des filaments très voisins du B. Zopfii sont les uns dirigés verticalement, les autres horizontalement. Remarquons que pour les plantes faction de la pesanteur est égale et constante pour un même organe. Ainsi la radicule de haricot se dirige vers le centre de la terre, qu'elle soit placée dans l’air humide, dans du sable, dans du son, dans le mercure. Le géotropisme est inhérent an végétal, et quelles que soient les conditions d'existence, il se manifeste d’une façon constante et régulière. On peut se demander comment il se fait que ces tropismes du B. Zopfii ne se manifestent pas dans les cultures sur gélose, ou même dans les cultures sur gélatine étalée en plaque mince. On ne comprend pas ces nombreuses exceptions et l'on ne voit pas pourquoi le même microbe se comporte de façons si diffé- rentes. Peu d’exemples d'action géotaxique sur les microbes sont connus. J. Behrens (2) écrit : « Einen Einllus der Schwerkraft auf die Bewegung der Bakterien iand bisher nur Massart (3), fur einige marine Spirillen, von denen die eine negativ, die .:ndere als positiv geotaktisch sich erwies. » Quelle peut-être l’utilité pour un microbe de posséder un (1) E. Sergent (1er mémoire, 1906, p. 1014) s’exprime comme suit : L’épaisseur de la couche de gélatine est de quelques millimètres. « Dans ces conditions, la culture verticale se fait en arborisations en tous sens et ne peut pas se distinguer d’une culture horizontale : ni l’action de la pesanteur, ni celle des élevures ne se font sentir. Peut-être peut-on interpréter ce résultat par l’influence, à travers la mince couche de gélatine, du voisinage de la paroi de verre. » (2) J. Behrens, dans Lafar Technische Mykologie, Bd I. p. 481. (3) Bull. Ac. Roy. de Belgique , 1891, 3e série, vol. XXII, p. 138. NOTE SUR LES TROPISMES DU BACTERIUM ZOPFII KURTH 613 géotropisme négatif ? Bien qu’il soit difficile de répondre à une telle question, nous pouvons constater que le B. Zopfii est un microbe de putréfaction. Comme tel, il doit avoir avantage à pénétrer partout dans les matières qu’il exploite. Nous avons vu qu’en gélatine maintenue horizontalement, les filaments microbiens fouillent tout le milieu. C’est avantageux et com- préhensible. On ne voit pas quels bons arguments on ferait valoir pour expliquer l’avantage qu’aurait le B. Zopfii à réagir à la pesanteur. N est-il pas bien plus utile pour accomplir son important rôle de microbe qu’il se faufile partout, qu’il pénètre dans les coins et recoins des matériaux à détruire ? Nous trou- vons l’indication de telles aptitudes dans la position des fila- ments dans la gélatine. Ces quelques objections montrent que les hypothèses et explications des tropismes du B. Zopfii, émises par divers auteurs, ne permettent pas de se rendre exactement compte du phénomène. Nous avons essayé d’apporter quelques éclair- cissements à la question. Nous avons vu qu’en tin de compte on devait attribuer au B. Zopfii de la sensibilité au contact (haptotropisme) et sans doute aussi de F hydrotropisme. Sergent [6] avait déjà posé la question et se demandait si l’influence des élevures relève de phénomènes dus à l’hygroscopicité ou à d’autres causes. Nous pensons que si le microbe est attiré par l'eau, c’est par celle qui se trouve dans les couches les moins denses de la gélatine. Si nous admettons l'existence de ces propriétés chez le B. Zopfii. nous pourrons expliquer les phénomènes observés pour ce microbe. Il faut que certaines conditions se réalisent tant pour la bactérie que pour le milieu de culture. Passons-les rapidement en revue. Nous avons déjà fait remarquer la rigidité que possèdent les filaments du B. Zopfii. Ces filaments restent entiers, sont droits ou sinueux, mais ne se fragmentent pas, au début de la culture du moins, en leurs éléments constitutifs. Or, c’est là un fait capital. La plupart des microbes ne poussent pas ainsi; pour le colibacille , par exemple, les cellules se séparent les unes des autres. Les filaments des champignons présentent un aspect tout différent, ils restent rigides (turgescence, solidité de la paroi) . Grâce à cette propriété, il se forme des colonies ramifiées dont ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 0 1 4 l’aspect général se rapproche de celui des colonies du B. Zopfii Mais alors que ce dernier organisme est plus plastique, il peut s'enrouler facilement sur lui-même de manière à former des nœuds, des volutes, les champignons conservent leur rigidité qui les empêche de se replier sur eux-mêmes, au moins dans les cellules végétatives. On trouve de pareils enroulements par exemple dans la formation des zygotes, ainsi que le montrent les figures classiques de la formation du périthèce de Pénicil- lium glaucum. Les filaments du />. Zopfii possèdent donc une plasticité telle que, tout en restant rigides et entiers, ils peuvent facilement s’enrouler sur eux-mêmes. Ces propriétés ne sont pas spéciales au B. Zopfii ; elles se retrouvent chez des microbes voisins tels que B. mycoïdes Flügge, divers Proteiis, B. Anthracis , etc... La forme du microbe est un élément qu’il faut également considérer. Mors que, exception faite pour quelques strepto- coques, il n'y a pas un seul microbe de forme arrondie ( Coccusr Streptococcus, Sarcina, levures) qui donne des colonies à rami- fications, on observe que précisément les microbes donnant des colonies ramifiées sont tous du type bacillaire. Par exemple, B. Zopfii , Proteiis Zenkeri , P. mirabilis, P. vulgaris, les diverses races du B. mycoïdes , B. Anthracis. Ces constatations permettent d’affirmer que la forme du microbe est un élément important dans la constitution des colonies ramifiées. Les microbes se développant en donnant des ramifications ont tous la propriété de conserver leurs filaments entiers. Ce phénomène se retrouve d'ailleurs chez des algues vertes filamenteuses, Stichococcns flaccidns entre autres, chez des Oscillaires qui donnent des colonies en forme de boucles (PL 1Y, fig. 2). Nous avons vu que les colonies superficielles sinueuses du B. Zopfii sont constituées par des filaments entiers, parallèles les uns aux autres, et que dans les colonies profondes, sphé- riques, le B. Zopfii prend une forme de coccobacille. Ces faits viennent encore confirmer les vues que nous venons d'exposer, la relation qu’il y a entre la forme du microbe et la forme de sa colonie. L’observation minutieuse des colonies superficielles du B. Zopfii nous a montré que la croissance de ce microbe se fait en tous sens, quelle que soit la position de la surface de la NOTE SUR LES TROPISMES DU BACTERIUM ZOPFII KURTH 615 gélatine. Ce mode de croissance, qui se manifeste même dans les endroits où les filaments paraissent le plus négalivement géotropiques, permet au B . Zopfii de former des colonies éten- dues dont le développement n’est pas influencé par l’action de la pesanteur. Enfin mes observations ont permis de déterminer le mode de pénétration du B. Zopfîi dans la gélatine. Cette pénétration se fait perpendiculairement à la surface de la gélatine. 11 est pro- bable que les zymases sécrétées par le microbe facilitent sa pénétration dans le milieu, mais l’action de ces zymases n’est que locale, vu que le B. Zopfîi ne liquéfie pas la gélatine. Il est évident qu’un bacille tel que B. mycoïdes , qui est un liquéfiant énergique, pénètre par les mêmes moyens dans la gélatine. C’est d’ailleurs un fait connu que les filaments de ce microbe pénètrent d’abord dans la gélatine, qui ne se liquéfie qu’ulté- rieurement. La pénétration de ces microbes dans la gélose ne se fait pas, attendu qu’ils ne digèrent pas cette substance. Il y a lieu de distinguer chez le B. Zopfîi la croissance des colonies à la surface de la gélatine et la croissance dans ce milieu. Pour que les tropismes du B. Zopfîi puissent se manifester, il faut le cultiver sur gélatine. Nous ne reviendrons pas sur la croissance de ce microbe dans ce milieu. Les phénomènes qui se produisent dans ces conditions ont été bien mis en lumière, et l’on peut les résumer en disant que les équilibres de tension de la gélatine déterminent la direction des filaments, ainsi que l’ont montré Jacobsen et Sergent. Nous terminons en interprétant quelques expériences qui furent réalisées antérieurement avec le B. Zopfîi. On sait, c’est là une expérience fondamentale, que les tro- pismes du B. Zopfîi apparaissent lorsque la gélatine placée ver- ticalement a une certaine épaisseur. Quand la couche de géla- tine est mince (quelques millimètres seulement) le phénomène ne se produit pas. Dans l’hypothèse du géotropisme négatif des filaments, toute explication de ces deux faits contradictoires en apparence doit échouer. Sergent a bien invoqué des attractions dues au verre à travers la couche de gélatine, mais ce n’est là qu’une hypo- 616 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR thèse. En fait, on ne voit pas pourquoi le même microbe, cul- tivé sur le même milieu, se comporte de façons si diflé- rentes. Dans le cas présent, nous pensons que B. Zopfii se développe dans tous les cas à la surface de la gélatine et forme un réseau de filaments disposés en tous sens. En disant cela, nous ne faisons que constater les fails. Parmi ces filaments, il en est qui pénètrent dans la gélatine. Lorsqu'il y a une couche épaisse de gélatine, celle-ci peut se tasser ; il se produit des lignes de force dues à la pesanteur, elles déterminent la direction des filaments qui ont pénétré dans la gélatine. Par contre, lorsque la gélatine est en couche mince, ces filaments pénètrent encore dans le milieu, mais sa faible épaisseur empêche la formai ion de tensions dans la gélatine. Les lignes de force ne se produi- sent pas, il n'est pas possible de constater la formation de ramifications « négativement géotropiques ». Prenons au hasard une des expériences les plus frappantes de Jacobsen [5], celle représentée dans son travail (p. 06, phot. 1 de la planche). Elle représente l'action de la chaleur sur la formation de ramifications. On y voit que la colonie est beaucoup plus développée à la partie supérieure, qui a été exposée à 22 degrés centigrades, qu'à la partie inférieure tenue a 12 degrés. Dans cette portion de la culture, le développement est faible, la gélatine élant tenue à une basse température est moins tluide que celle qui est soumise à 22 degrés centigrades. Il en résulte que les phé- nomènes de tension dans la gélatine à 12 degrés centigrades seront moins marqués que dans la partie supérieure où, en plus de la tension très forte que subit la gélatine, il faut tenir compte de sa fluidité, ce qui augmente encore l'action des forces de tension. C’est ce que montrent les filaments du B. Zopfii qui sont bien développés en cet endroit. La température de 22 degrés centigrades est d’ailleurs, d’après Swellengrebel [9], plus favorable à la culture que celle de 12 degrés. L’expérience de Jacobsen montre qu'à 22 degrés centigrades, le développement de la culture est plus grand, que les forces de tension de la gélatine sont plus grandes, mais ne prouve pas qu’il y ait un thermotropisme des filaments. Si les filaments étaient sensibles à la chaleur, on devrait voir des filaments de NOTE SUR LES TROPISMES DU BACTERIUM ZOPFII KURTH 617 la partie inférieure de la culture se diriger vers les parties plus chaudes, or il n’en est rien. L’aspect si caractéristique de la photographie de Jacobsen dépend moins du microbe que des propriétés de la gélatine placée dans des conditions spéciales d’expérience. En terminant, je désire dire à mon maître, M. le professeur J. Massart, toute ma reconnaissance pour les conseils qu’il m’a donnés et pour l’intérêt bienveillant qu'il m’a témoigné au cours de la rédaction de ce travail. BIBLIOGRAPHIE 1. Boyce et Evans. — Upon the action of gravity on Bacterium Zopfii. Proc. Boy. Soc. London, vol. LIV, 1893, p. 300, et Centralbl. fur Bakt.. II, Bd 11, p. 59. 2. Beijerinck (M. W.). — Centralbl. f. Bakt., Bd 15, 1894, p. 799. 3. Zikes (IL). — Die W achslumsercheinungen von Bacterium Zopfii auf Pepton- gelatine. Centralbl. f. Bakt., II, Bd 11, 1903, p. 59. 4. Zikes (H.) — (Jeber geolaktisclœ Bewegungen des Bacterium Zopfii , Sitzungsber. d. Kais. Akad. d. Wissensch. in Wien, Math. -Nat. Liasse, t. CXV, p. 1, janvier 1906. Résumé dans Bull. Institut Pasteur, 1907, p. 19, et Centralbl. f. Bakt.., II, Bd 17, p. 547. 5. Jacobsen II. G.). — Ueber einen richlenden Einfluss beim Wachstum g evdsser Bakterien in gélatine. Centralbl. f. Bakt., II Bd 17, 1006, p. 53. 6. Sergent (E.). — Des tropisme v du Bacterium Zopfii Kurth. Annales de l'Institut Pasteur , t. XX, 1906, p. 1005. 7. Sergent (E.). — Des tropismes du Bacterium Zopfii Kurth (2e note). Annales de l'Institut Pasteur , t. XXI, 1907, p. 842. 8. Eisenberg (Th.) — Ueber elastiko-tropische Ersclteinungen beim Wachstum des Bacillus Anthracis und verwandter Bacillen auf Serumnührboden. Cen- tralbl. f. Bakt., I, Originale Bd 48, p. 125. 9. Swellengrebel (N.). — Quelques notes sur la morphologie et la biologie du Bacterium Zopfii [Kurth). Annales de l'Institut Pasteur, 1904, p. 712. 10. La far. — Technische M ykolokie, 1905, Bd 1. 11. Catterina (G.). — Centralbl. f. Bakt., II, Bd 12. p. 353. 12. Ilolzmüller (R.). — Die Gruppe des Bacillus mycoidcs Flügge. Centralbl. f. Bakt., II, Bd 23, 1909, p. 304. 13. Gruber(Th.). — Pseiulomonas Fragariæ. Centralbl. f. Bakt., II, Bd 9, 1902, p. 705. 14. Errera (L.). — Recueil de l'Institut botanique, t. VI, p. 303-366. Bruxelles. 1906. 618 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR EXPLICATION DES PLANCHES Planche IL Enc 1. A. — Culture du Bacterium Zopfii sur gélatine maintenue horizonta- lement. Aspect de la colonie vue de face (1/3 grandeur naturelle), âgée de deux jours. Fig. 1, B. — La même culture vue de côté. Fig. 2, A. — Culture du B. Zopfii sur gélatine maintenue verticalement. Ino- culation en piqûre. Aspect de la colonie vue de face, âgée de deux jours (1/3 grandeur naturelle). Fig. 2, B. — La même culture vue du bas. Fig. 2, C. — La même culture vue de côté. Fig. 3, A. — Culture du B. Zopfii sur gélatine maintenue verticalement. Inoculation en strie. Aspect de la colonie vue de face, âgée de deux jours (1/3 grandeur naturelle). Fig. 3, B. — La même culture vue du bas. Fig. 3, C. — La même culture vue de côté. Toutes ces figures sont schématisées. Planche III. Fig. I, A. — Filament onduleux poussant dans la gélatine. Fig. 1, B. — Détail d’une colonie superficielle et filament poussant librement, en s’enroulant sur lui même, au-dessus de la surface de la gélatine. Fig. 1, C. — Colonie profonde, sphérique, formée de cellules courtes (géla- tine). Copié à la chambre claire de Nachet, obj. 7, oc. 3. Fig. 2, A. — Culture sur gélatine maintenue horizontalement, une grande colonie sinueuse sert de repaire pour les dessins suivants. Culture âgée de deux jours. Fig. 2, B. — Aspect des filaments de la même culture à 0.5 millimètres sous la surface de la gélatine. Fig. 2, C. — Aspect des filaments de la même culture à 4 millimètres sous la surface de la gélatine. Copié à la chambre claire de Nachet, obj. 3, oc. 3. Planche IV. Fig. I, A. — Culture sur gélatine maintenue verticalement. Aspect des colonies superficielles de la culture figurée pl. 1, tig. 2, A à l’endroit indiqué par une croix. La flèche indique la direction opposée à celle de la pesan- teur. Une colonie superficielle sert de repaire pour les dessins suivants. Culture âgée de deux jours. Fig. 1, B. — Aspect de la même culture 0.5 millimètres sous la surface de la gélatine. Fig. 1, C. — Aspect de la même culture à 4 et à 8 millimètres sous la sur- face de la gélatine. Fopié à la chambre claire de Nachet, obj. 3, oc. 3. Fig. 2. — Culture sur gélose d’une-Cyanophycée, Phormidium automnale (Ag.) Gom. en association avec des bactéries, culture âgée de deux mois. A peu près demi-grandeur naturelle. Phot. de F. Lambert, Bruxelles. SUR L'AGGLUTINATION DES MICROBES IMMOBILES PAR LES SÉRUMS NORMAUX par L. NÈGRE et M. RAYNAUD (Institut Pasteur d’Algérie et Clinique médicale de la Faculté de médecine d’Alger). Certains auteurs ont émis l'idée que le degré d’agglutination d’un microbe était fonction de sa mobilité et dépendait par conséquent de la richesse de son revêtement cilié. Ce n’est qu’une hypothèse puisque les phénomènes d’agglutination appartiennent tout aussi bien aux microbes immobiles qu’aux microbes mobiles. Les épreuves du sérodiagnostic sont utili- sées, dans la pratique courante, pour les uns comme pour les autres, et, jusqu'à présent, aucun fait expérimental, pouvant établir une différence, au point de vue de l’agglutination, entre les deux groupes de microbes, n’a été mis en évidence. Nous nous proposons dans ce travail de démontrer que les microbes mobiles et les microbes immobiles ne se comportent pas de la môme façon dans les phénomènes d’agglutination et d’en tirer les conclusions pratiques que ces recherches com- portent au point de vue des épreuves du sérodiagnostic. I. — Dans nos recherches sur l’agglutination du M. meli- tensis nous nous sommes rendus compte que ce microbe se laissait facilement agglutiner par les sérums normaux. Nous entendons par sérum normal un sérum qui n’a pas d’agglutinine spécifique pour un microbe déterminé. Nous nous sommes servis, dans nos expériences, d’émulsions en eau physiologique, de cultures sur gélose de quatre à cinq jours, filtrées sur papier. Au 1/30, à 37 degrés, avec le sérum normal humain, l’ag- glutination peut se produire quelquefois dès la première heure. On peut toujours la constater au microscope, au bout de quatre à cinq heures, et souvent à l’œil nu, sous la forme d’une multitude de petits agglutinats. Au I /30, à la température du laboratoire, l’agglutination dans les cinq premières heures est fréquente, mais elle se pro- 620 ANNALES DE I/INSTITUT PASTEUR duit avec moins de régularité qu’à 37 degrés. Elle a toujours lieu de six à douze heures après et peut être constatée microsco- piquement et souvent même macroscopiquement. Au 1/50, à 37 degrés, il y a souvent un début d’agglutina- tion au bout de cinq à six heures et, à la température du labo- ratoire, au bout de douze à vingt-quatre heures. Cette aggluti- nation ne se produit pas avec la même régularité qu’avec la dilution au 1 / 30 , et, quand elle existe, on ne peut la voir qu’au microscope sous la forme de très petits amas. Au 1/100, nous n’avons trouvé que plus rarement une agglu- tination par les sérums normaux. Mais dans quelques cas nous avons pu l’observer microscopiquement au bout de quatre ou cinq heures. Le pouvoir agglutinant des sérums normaux, vis-à-vis du Micrococcus melitensis , est supprimé par le chauffage à 56 degrés, pendant trente minutes. 11 disparait aussi par le vieillissement au bout d’une huitaine de jours à la tempéra- ture du laboratoire. Il y a donc pour le M. melitensis deux sortes d’agglutinations : 1° Une agglutination non spécifique par les sérums normaux. Dans cette agglutination non spécifique, le pouvoir agglutinant est supprimé par un chauffage de trente minutes à 56 degrés; 2° Une agglutination spécifique , dans laquelle le pouvoir agglutinant résiste à ce chauffage, comme nous avons pu nous en convaincre nous-mêmes après d’autres expérimentateurs. Ces résultats ne sont pas propres à une espèce unique. Nous avons pu constater que d’autres microbes immobiles tels que le staphylocoque, le tétragène, le pneumocoque se laissent agglutiner par les sérums normaux. Pour ces derniers microbes, comme pour le M. melitensis , nous avons trouvé dans les sérums humains examinés deux sortes d’agglutinations : 4° Une agglutination spécifique avec des agglutinines résis- tant à un chauffage de trente minutes à 56 degrés. Nous l’avons observée fréquemment dans les sérums que nous avons étudiés. Cela n’a rien d’étonnant : ces microbes sont des hôtes banaux de notre organisme et peuvent provoquer des affec- tions à type septicémique qui donnent lieu à la formation d’ag- glutinines ; SUR L'AGGLUTINATION DES MICROBES IMMOBILES 621 2° Une agglutination non spécifique , où le pouvoir aggluti- nant disparait comme pour le M. melitensis par un chauffage du sérum à 56 degrés, pendant trente minutes. Pour ces microbes, les agglutinations non spécifiques se produisaient, comme pour le M . melitensis , à des taux variant entre le 1/20 et le 1/40, et étaient constatées microscopique- ment au bout de Irois ou quatre heures de contact à la tempé- rature du laboratoire. Les sérums examinés ont présenté un pouvoir agglutinant non spécifique tantôt sur tous les microbes, tantôt sur deux, tantôt sur un seulement, sans qu’il soit possible de dire à quelle règle obéissent ces variations. IL — N ous avons cependant recherché les conditions dans lesquelles cette agglutination non spécifique se produisait le plus fréquemment. Pour cela, nous avons étudié comparativement l’action agglu- tinante du sérum d’individus apyrétiques et d’individus fébri- citants sur ces microbes. Pour le M. melitensis , sur 39 sérums examinés, 8 ont donné une agglutination partielle au 1/100; 14 ont donné une agglu- tination au 1/50; 17 n'ont donné aucune agglutination. Les résultats étaient observés microscopiquement après un séjour de quatre heures à la température du laboratoire. Les sérums se répartissent ainsi : NOMBRE DE SÉRUMS agglutinants. Typhiques 18 11 soit 61 p. 100 Fébricitants 11 6 soit 54 — Apyrétiques 10 5 soit 50 — Pour les autres microbes, staphylocoque, tétragène, pneu- mocoque, nous avons obtenu les résultats suivants : NOMBRE DE SÉRUMS Staphylocoque. . $ Fébricitants. . ‘ ' ! Apyrétiques. . 19 10 agglutinants. soit 52 D. 100 9 4 soit 44 — Tétragène . . . . ^ Fébricitants. . ( Apyrétiques. . 19 10 soit 52 p. 100 9 2 soit 22 — Pneumocoque J. . $ Fébricitants. . 6 4 soit 66 p. 100 ■ ‘ \ Apyrétiques. . 10 6 soit 60 Ces résultats montrent que le pouvoir agglutinant non spé- 622 ANNALES DE L’INSTITLT PASTEUR cifique du sérum humain sur ces microbes est plus fréquent dans les états fébriles qu à l'état normal. III. — La suppression de ce pouvoir agglutinant par un chauffage à 56 degrés de ces sérums et par leur vieillissement, sa constatation plus fréquente dans les états fébriles où le pou- voir alexique augmente, permettent de supposer que ce pouvoir agglutinant est sous la dépendance de l'alexine et peut-être en relation avec la teneur en alexine de ces sérums. Pour vérifier s’il y avait une relation entre le pouvoir agglu- tinant et la teneur en alexine, nous avons titré le pouvoir alexique de tous les sérums examinés en même temps que leur pouvoir agglutinant. Pour le titrage de l’alexine, des quantités croissantes de la dilution du sérum au 1/10 étaient mises dans une quantité tixe de 3 centimètres cubes d’eau physiologique en présence de 3 gouttes de sérum hémolytique et de 2 gouttes de globules de chèvre lavés. La lecture des résultats était faite après trente minutes de séjour à l’étuve à 37 degrés et revisée après deux heures à la température du laboratoire. Nous n’avons trouvé aucune concordance entre la teneur en alexine des sérums et leur pouvoir agglutinant. Certains ont présenté un pouvoir alexique très élevé sans donner d’agglu- tination et d'autres avec un pouvoir alexique très faible agglu- tinaient le melitensis jusqu’au 1/100. Le pouvoir agglutinant des sérums ne paraissant pas en rap- port avec leur pouvoir alexique, nous avons voulu vérifier si l’alexine n'agirait pas uniquement en se fixant sur une sub- stance inconnue de ces sérums. Cette substance ne serait pas détruite à 56 degrés, mais aurait besoin, pour provoquer l'ag- glutination, du concours de l'alexine. Nous avons pour cela essayé de réactiver des sérums qui avaient présenté un pouvoir agglutinant et qui l’avaient perdu par le chauffage à 56 degrés, à l’aide d’une alexine provenant d’un sérum non agglutinant. Dans ces conditions, nous n'avons pas pu rendre ses pro- priétés agglutinantes au sérum chauffé. Si ce pouvoir agglutinant des sérums normaux n’est pas en relation directe avec leur teneur en alexine, a-t-il un rapport SUR L’AGGLUTINATION DES MICROBES IMMOBILES 623 avec la destruction leucocytaire, comme Ch. Nicolle en a émis l hypothèse? Il a constaté la fréquence du pouvoir agglutinant sur le M. melitensis des sérums de malades atteints de typhus exanthématique, affection dans laquelle la destruction leucocy- taire est intense, et il a supposé que ce pouvoir agglutinant non spécifique devait être produit par les diastases mises en liberté par les leucocytes détruits. Nous-mêmes, nous avons constaté le plus fréquemment l’agglutination du M. melitensis dans la lièvre typhoïde, où l’hypoleucocytose est la règle. 11 nous a donc semblé qu’il pou- vait y avoir, selon la remarque de Ch. Nicolle, une relation entre la destruction leucocytaire et la production du pouvoir agglutinant, bien que nous ayons constaté cette agglutination dans d’autres affections fébriles à hyperleucocytose. Nous avons voulu vérifier cette hypothèse en étudiant sur le M. melitensis le pouvoir agglutinant d’échantillons de sang pour lesquels nous avions pratiqué la numération leucocytaire. AGCLUTINATION NOMBRE des leucocytes. POLY- NUCLÉAIRES MONONU- CLÉAIRES LYMPHO- CYTES ÉOSINO- PHILES TRANSI TION Positive au 1/30 . 3.900 69 19 7 », 0 5 » Négative 13.700 68 10 18 »> 1 3 » Positive au 1/30 . 4.760 65 17 13 » 0 5 » Positive au 1/40 . 8.660 58 6 30 >, 1 5 » Négative 17.600 84 . ) 3 » 0 8 „ Négative 6.000 68 24 3 », 0 5 >» Négative 2.300 66 23 7 » 0 4 » Positive au 1/30 . 12.800 83 4 U ,5 0 1,5 Négative 6.400 73 13 12 » 0 2 » Comme le montre le tableau ci-joint il ne paraît pas y avoir de relation entre l’état d’hypoleucocylose et la propriété agglu- tinante des sérums ; pas de relation non plus avec la prédomi- nance de l’un des éléments leucocytaires. Tels sont les résultats que nous avons obtenus dans l’étude du pouvoir agglutinant des sérums normaux sur certains microbes immobiles, choisis parmi ceux pour lesquels l’épreuve de 1’ agglutination est le plus souvent pratiquée. De ces re- cherches nous pouvons tirer les conclusions suivantes : 1° Les microbes immobiles se laissent agglutiner aux taux taibles de 1 /20 à 1 /oO par les sérums normaux (agglutination mi- croscopique constatée rarement dans les deux premières heures de l’expérience, le plus souvent trois ou quatre heures après); ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 62 1 2° C’est un pouvoir agglutinant non spécifique , puisqu'il est détruit par un chauffage de trente minutes à 56 degrés; 3° Ce pouvoir agglutinant est plus fréquent dans les états fébriles qu’à l'état normal; 4° Il ne paraît pas en relation avec la teneur en alexine des sérums ; 5° Il ne paraît pas dépendre de la destruction leucocytaire. Pour les microbes mobiles, typhique, paratyphique, coli et vibrion cholérique, nous n’avons rien trouvé de pareil. Toutes les fois qu’un sérum présente un pouvoir agglutinant, meme léger sur un de ces microbes, il est impossible de le faire disparaître par un chauffage de trente minutes à 56 degrés. Faut-il en conclure que c’est un pouvoir agglutinant spéci- fique? C’est probable, car ces agglutinines résistent toujours à un chauffage de 30 minutes à 63-65 degrés au moins. En tout cas, pour les microbes mobiles, typhique, paraty- phique, coli, v. cholérique, il n’y a pas de pouvoir agglutinant disparaissant, comme pour les microbes précédents, par un chauffage de 30 minutes à 56 degrés. Il y a donc là un caractère différentiel net entre le groupe des microbes mobiles et celui des microbes immobiles. 11 nous est impossible de voir actuellement les conclusions qu’on peut en tirer au point de vue de l’explication du méca- nisme de l’agglutination. Nous nous bornons, dans ce travail, à constater ce tait expé- rimental et à en tirer les conséquences qu’il comporte au point de vue de la pratique de l’épreuve du sérodiagnostic. Nous considérons comme essentiel , chaque fois qu’il s'agit de faire un sérodiagnostic avec un microbe immobile , de chauffer préalablement le sérum à 56 degrés pendant trente minutes. Cette précaution évitera, d’après les constatations que nous avons pu faire nous-mêmes, de nombreuses causes d’erreur. Il était d’autant plus intéressant d’attirer l’attention des expérimentateurs sur ces causes d’erreur qu’elles sont plus fréquentes dans les affections fébriles, où les épreuves du séro- diagnostic sont presque exclusivement pratiquées. Le Gérant : G. Masson. Paris. — L. Maretheux, imprimeur, 1, rue Cassette. Annales de l’Institut Pasteur. 9 » » P] : e *v# 'V « - «F . v*# . -S - % » , Jfe ;J -!v «ffÜ 1 £ % * m J m? * V % •V|* ** «\ « i«l *#* 1 ?;^\î *:• ; ; 4® - * '#• ' . £* y V*f v ■-*. ,. IL — Génisse n° 67, de même âge et de même race que les précé- dentes, reçoit aux mêmes doses les mêmes mélanges de bacilles biliés -f- sérum dans le tissu conjonctif sous-cutané de l’encolure. Aucune réaction locale après les deux injections. Elle est éprouvée trente jours après, le 1er mars 4911, par inoculation intraveineuse de 3 milligrammes de tubercu- lose virulente. La température le jour suivant n'a pas dépassé 39°2. Elle est restée normale dans la suite. DEFENSE DE L’ORGANISME ET INFECTION TUBERCULEUSE 633 Abattue 120 jours après l’épreuve, le 30 juin 19jl, elle ne présente aucune trace de lésion tuberculeuse. Ses ganglions bronchiques sont triturés en totalité et le produit de la trituration est inoculé sous la peau de la cuisse de 12 cobayes. Tous ces cobayes présentent au 45e jour l'adénite spécifique. Exp. III. — Génisses nl)S 68. 69 et 10, de même âge et de même race que les précédentes, reçoivent aux mêmes doses dans les veines à trente jours d'intervalle deux inoculations de 1 et 3 milligrammes de bacilles biliés sans sérum. Trente jours après, le 1er mars 1911, elles sont éprouvées par inocu- lation intraveineuse de 3 milligrammes de tuberculose virulente. La tempé- rature de la génisse 68, qui jusqu'alors était restée normale, s’élève le jour suivant jusqu’à 40°6 et oscille pendant quatre jours ensuite entre 39 et 40°3 ; puis tout rentre dans l'ordre. Les nos 69 et 70, restés en parfaite santé, sont conservés pour des expériences ultérieures. L’inoculation d’épreuve a déterminé, chez toutes deux, une ascension de température qui a duré trois jours pour len° 69 et vingt-quatre heures seulement pour le n° 70. Le n° 68 est abattu cent vingt jours après l’épreuve, le 30 juin 1911. Aucune trace de lésion tuberculeuse à 1 autopsie. Les ganglions bronchiques, triturés comme il a été dit ci-dessus, sont inoculés à 12 cobayes. Tous ces cobayes présentent au 45e jour l’adénite spécifique. Exp. IV. — Génisse n° 71, du même lot que les précédentes, reçoit aux mêmes doses, à trente jours d’intervalle, deux inoculations sous-cutanées de bacilles biliés sans sérum dans le tissu conjonctif de l’encolure. Aucune réaction locale après l’injection. Elle est éprouvée trente jours après, le 1er mars 1911, par 3 milligrammes de tuberculose virulente dans les veines. Après l’injection, la température ne s’élève pas au delà de 39°3 et redevient normale le surlendemain. Abattue cent vingt jours après l’épreuve, le 1er juillet 1911, elle ne présente aucune trace de lésion tuberculeuse. Ses ganglions bronchiques, triturés en totalité, sont inoculés sous la peau de 12 cobayes. Tous ces cobayes présentent au 43e jour l’adénite spécifique. Exp. V. — Génisse n° 72, du même lot que les précédentes, reçoit sous la peau de l'encolure 3 milligrammes de bacilles biliés mélangés à 100 centi- mètres cubes de sérum après quarante-huit heures de contact, puis, immédia- tement après , elle est éprouvée par 3 milligrammes de tuberculose virulente dans les veines. Trente jours après, le 1er mars 1911 elle reçoit encore, de l’autre côté de l’encolure et sous la peau, 3 milligrammes de bacilles biliés mélangés à 100 centimètres cubes de sérum après 48 heures de contact. Abattue le 30 juin 1911, 120 jours après la première inoculation. On trouve dans les ganglions bronchiques et médiastinaux de nombreux follicules tuberculeux caséeux, riches en bacilles. Les poumons et les autres viscères sont indemnes. Exp. VI. — Génisse n° 73 du même lot, sert de témoin aux expériences précédentes et reçoit seulement, le 1er mars 1911, 3 milligrammes de tuber- culose virulente dans les veines, le même jour que les 13 autres génisses. A partir du 14e jour après l’injection la température s’élève et oscille entre 40 degrés et 40°6 jusqu’à la mort, qui a lieu le 41e jour après l’épreuve (11 avril 1911), avec des lésions de tuberculose miliaire aiguë étendues à la 634 ANNALES DE L’INSÎITUT PASTEUR totalité des deux poumons et aux ganglions annexes qui, décuplés de volume, se trouvaient farcis de follicules tuberculeux caséeux. Il ressort nettement de ces expériences : 1° Que, conformément aux résultats que nous avons obtenus antérieurement (1), l'élimination des bacilles d épreuve se fait rapidement chez les animaux préparés au préalable par des inoculations de bacilles biliés mélangés à du sérum d’animal hyperimmun ; 2° Que l’élimination des bacilles d’épreuve s’effectue plus facilement lorsque ces mélanges bacilles biliés -)- sérum ont été inoculés dans les veines, que lorsque l’inoculation de ces mêmes mélanges a été faite par voie sous-cutanée. II r Elimination des bacilles tuberculeux par l’intestin CHEZ LES ANIMAUX VACCINÉS. S'il est permis d'escompter, au point de vue de la vaccination des bovidés contre la tuberculose, quelques effets favorables du sérum d’animaux hyperimmuns pour la sensibilisation des bacilles atténués par cultures successives en présence de bile de bœuf, il faut avouer qu’en ce qui concerne l’action préven- tive ou thérapeutique de ce sérum nos expériences sur les cobayes et sur les bovidés ne sont pas encourageantes. Pourquoi l’inoculation d’aussi fortes doses de notre bacille atténué à des génisses qui n’en paraissent souffrir aucun dom- mage, et chez lesquelles il ne produit pas de lésions, ne confère- t-elle pas à leur sérum des propriétés analogues à celles qui caractérisent les sérums antimicrobiens? Ce que nous savons du bacille tuberculeux, de sa résistance toute spéciale aux actions digestives des leucocytes, nous porte à penser que sa résorption dans l’organisme, même lorsque sa virulence est atténuée, ne peut être qu’extrêmement difficile et en tous cas très lente. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que les sérums de tels animaux, de même que ceux des sujets (1) Comptes rendus de V Acad, des Sciences , 4 juillet 1910. DÉFENSE DE L’ORGANISME ET INFECTION TUBERCULEUSE 035 humains porteurs de lésions tuberculeuses, se montrent doués de propriétés agglutinantes et précipitantes relativement si peu marquées ou même fréquemment milles. Mais alors, si la résorption des bacilles tuberculeux est si pénible, quel est le sort de ces quantités énormes de microbes qui, chaque mois, sont injectées dans les veines de nos ani- maux immunisés, et qui ne manifestent leur présence par aucun désordre apparent? Plusieurs expérimentateurs, en particulier Schrœder et Cotton (1), ont insisté sur la faculté que possèdent les bovidés tuberculeux non porteurs de lésions ouvertes et réagissantsim- plement à la tuberculine, d’émettre des bacilles virulents dans leurs excréments. Philip et Porter (2) ont fait la même obser- vation chez l’homme. Nous-mêmes avons montré (3) que des bacilles tuberculeux, injectés dans les veines d'un animal assez peu réceptif comme le lapin, sont retrouvés peu après dans la vésicule biliaire, d’où ils sont éliminés dans l'intestin. C’est dans ce sens que nous avons dirigé nos recherches, en nous servant d'une de nos génisses hyperimmunisées. Expérience. — Génisse bretonne âgée de trois ans, en cours d'immunisa tion avec le bacille bovin bilié, depuis le 21 mai 1909, avait reçu au moment de l'expérience rapportée ci-après, 2 gr. 165 de bacilles dans les veines. Son état de santé était très satisfaisant. Le 13 mars 1911, l’animal reçoit dans la jugulaire sa dernière inoculation de 200 milligrammes de bacilles biliés du 37e passage. Dès le lendemain, on commence l’épreuve des excréments par inoculation au cobaye. Pour ces inoculations, 1 gramme d’excréments très frais est dilué dans 10 centimètres cubes d'eau stérile; le tout est exprimé sur batiste fine, et 4 cobayes reçoivent chacun sous la peau de la cuisse 1 centimètre cube de cette dilution. Il est utile de faire remarquer que l’ex- périence est faite sur une quantité très faible d'excréments, si l'on considère que la quantité moyenne émise par l’animal en vingt-quatre heures est de 8 kilos. Sur 120 animaux ainsi inoculés, 10 cobayes sont morts dans les premiers jours après l’inoculation, d'infection locale. L’observation des 110 animaux restants a été faite quarante-cinq jours après l'inoculation sous-cutanée de la dilution d’excréments. 73 cobayes sont à ce moment porteurs de l'adénite spécifique. De ces derniers, 51 avaient été inoculés dans les quinze jours qui ont suivi l’injection de 200 milligrammes de bacilles biliés à la génisse. Il semble donc que, plus on s’éloigne du moment de l’infection, plus les bacilles (t) Schroeder et Cottox, Bureau of animal Industry, Washington. Bull., n° 99. 1907. (2) Piiilii et Porter, Brilish Med. Jo' mal, 1910. (3) Comptes rendus de l' Acad, des Sciences, 8 mars 1909. ANNALES I)E L’INSÏITUT PASTEUR 636 diminuent dans les excréments. Cependant, trente jours après l’inoculation de la génisse, 2 cobayes sur 4 présentaient l’adénite inguinale. Ce délai de trente jours est donc insuffisant pour que l’animal puisse se débarrasser de cette quantité énorme de 200 milligrammes de bacilles. La santé des 73 cobayes ainsi infectés reste parfaite et, au 75e jour après- l’inoculation, aucun d’eux n’est mort. Ils sont tous sacrifiés, et ceux qui sont porteurs de l'adénite montrent à l’autopsie des ganglions sous-lombaires caséeux et, pour un certain nombre, des lésions discrètes de la rate, du foie et des poumons. La présence de ces lésions discrètes atteste cependant que, comme nous l’avions déjà constaté dans d’autres expériences rapportées précédemment, la virulence du bacille bilié d’origine s'est sensiblement accrue par son passage dans l’organisme du bovidé immunisé; en effet,. 4 cobayes inoculés sous la peau, le même jour que la génisse, avec 1 milligramme de bacilles biliés du même passage (37e) et sacrifiés soixante- quinze jours après, sont en excellent état, et, à part la présence d’un gros ganglion inguinal, on ne peut déceler aucune lésion tuberculeuse dans les organes. Peut-être cette augmentation de virulence est-elle la manifestation du contact in vivo des bacilles biliés injectés avec le sérum de la génisse,, sérum dont nous avons indiqué les propriétés. Le 14 avril, c’est-à-dire trente jours après l’inoculation des bacilles biliés,. la génisse reçoit dans les veines 10 milligrammes de bacilles bovins viru- lents. A part l’élévation ordinaire, brutale, de la température dans les pre- mières heures qui suivent l’inoculation, la génisse reste dans un état parfait de santé. Comme précédemment, on continue dans les mêmes conditions l’inocula- tion quotidienne de 4 cobayes pendant vingt-quatre jours consécutifs, en sui- vant la technique indiquée plus haut. Sur 96 cobayes inoculés, 16 sont morts- dans les premiers jours après l'injection, d’infection septicémique. L'obser- vation des 80 animaux restants a été faite quarante-cinq jours après l’inocu- lation sous-cutanée de la dilution d'excréments. 55 cobayes sont trouvés por- teurs de l’adénite spécifique. En outre du ganglion induré, la plupart mon- trent, au niveau du point inoculé, une lésion en voie de suppuration. Six de ces lésions locales sont déjà ouvertes; les cobayes s’amaigrissent avec rapidité. 13 sont morts, du 52e au 68e jour après l’inoculation, de tuberculose généralisée. Les autres sont sacrifiés au 75e jour. 57 sont porteurs de lésioms- viscérales étendues dont la gravité ne peut être comparée avec celle des- lésions discrètes produites dans le même délai par les dilutions d'excré- ments ne contenant que des bacilles biliés. Il n’est pas douteux que, seuls, les bacilles tuberculeux virulents, rejetés avec les excréments après l'inocu- lation à la génisse de 10 milligrammes de tuberculose d’épreuve (souche lait, de Nocard), sont susceptibles de produire les lésions généralisées que nous avons observées chez ces cobayes. Pour clore cette expérience, la génisse utilisée a été abattue soixante jours après l’inoculation virulente de 10 milligrammes de bacilles. L’animal était en excellent état d’embonpoint. L'examen le plus minutieux des organes n'a pas permis de déceler la moindre trace de lésion tuberculeuse. Toutefois les ganglions bronchiques, triturés et inoculés à 12 cobayes, renfermaient encore des bacilles qui provoquèrent l'évolution de la tuberculose chez ces animaux. DEFENSE DE L’ORGANISME ET INFECTION TUBERCULEUSE 037 111 Elimination des bacilles par l’intestin CHEZ LES ANIMAUX TUBERCULEUX. INous nous sommes demandé si les sujets déjà tuberculisés ne possédaient pas, eux aussi, cette remarquable faculté des organismes rendus artificiellement résistants à l’infection tuber- culeuse, d’éliminer en nature les bacilles tuberculeux avec leurs excréments, et si ce phénomène n’était point en relation étroite avec leur aptitude à résister aux réinfections. Nous avons cherché à nous en rendre compte par l’expérience suivante, réalisée sur un bovidé tuberculeux, porteur de lésions éten- dues : Expérience. — Vache hollando-flamande, âgée de sept ans, ayant réagi à la tuberculine chez son propriétaire. Une seconde tuberculination faite à son arrivée à l’Institut est également positive (2°4) ; de plus, à l’auscultation, on peut affirmer qu'il existe des lésions étendues des deux poumons. Néan- moins, l’animal est en bon état d’embonpoint ; sa température est normale. Pendant trente jours consécutifs, 4 cobayes sont inoculés chaque jour avec une dilution d’excréments suivant la technique que nous avons précédem- ment indiquée; puis la vache reçoit dans les veines, en une seule dose, 10 milligrammes de bacilles bovins virulents (souche lait, de Nocard), Une violente hyperthermie se manifeste dès la cinquième heure, pour atteindre s^on maximum à la neuvième (40°9) ; puis la température reste le soir autour de 40 degrés pendant sept jours, et coût rentre dans l’ordre. L’appétit est toujours satisfaisant. Pendant trente jours consécutifs à partir de celui de l’inoculation, 4 cobayes sont inoculés chaque jour sous la peau avec une dilution d’excréments. Sur 113 cobayes inoculés au cours des trente jours qui ont précédé l’inoculation virulente, 7 sont porteurs, au 45e jour, de l’adé- nite spécifique. Sur 109 cobayes inoculés ou cours des trente jours qui ont suivi l’inoculation, 47 sont porteurs, au 45e jour, de l'adénite spécifique. La vache, abattue le 60e jour après l'injection intraveineuse, montre à l’autopsie des lésions étendues calcifiées des deux poumons, surtout dans le droit; les ganglions bronchiques et médiastinaux sont quadruplés de volume et farcis de lésions tuberculeuses. A part deux petites lésions tuber- culeuses anciennes du foie, les viscères de la cavité abdominale sont indemnes. L’examen le plus minutieux des parties saines des poumons ne permet pas de déceler la moindre trace de tubercules miliaires jeunes qui auraient été la signature de la réinfection. Cette vache tuberculeuse se trouvait, au point de vue cle la résistance à l’infection, dans un état que l’on peut rapprocher de celui de l’animal hyperimmun dont il a été fait mention 638 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR plus haut. Elle avait acquis l’aptitude à éliminer des bacilles avec ses excréments. La dose énorme de 10 milligrammes de bacilles virulents que nous lui avons injectée dans les veines n’a pas provoqué chez elle d’aggravation des lésions qu’elle portait déjà et, après cette réinfection, elle a évacué avec ses fèces une plus grande quantité de bacilles qu’auparavant. La preuve en esl fournie par ce fait que 7 cobayes seulement ont été infectés sur 113 inoculés avec les déjections avant l’injec- tion virulente, tandis qu’après celle-ci, 47 cobayes sur 109 ont pris la tuberculose. La constatation des résultats qui précèdent nous a conduits à rechercher quel est le sort des bacilles tuberculeux chez les bovidés atteints de septicémie bacillaire ou typho-bacillose expérimentale non mortelle (forme de tuberculose si bien indi- vidualisée chez l'homme par Landouzy, et que nous reprodui- sons aisément chez les animaux de l’espèce bovine avec nos bacilles cultivés en séries successives sur bile de bœuf). Expérience. — Génisse bretonne, âgée de six mois, indemne de tuberculose, reçoit dans la jugulaire, en une seule dose, 100 milligrammes de bacilles biliés du 27e passage. La température reste normale jusqu’au 6e jour. A partir de ce moment, elle s'élève brusquement pour se maintenir aux envi- rons de 40° pendant vingt-quatre jours consécutifs, en même temps que l’état général se modifie L'appétit est considérablement diminué, l’amai- grissement est rapide ; le nombre des mouvements respiratoires varie de 30 à 50 par minute; l'animal fait entendre fréquemment une petite toux brève. A partir du vingt-quatrième jour, la température s'abaisse lentement; l'état général devient meilleur; l’appétit réapparaît, les mouvements respi- ratoires reprennent leur rythme normal; la génisse reprend du poids, et c’est dans un excellent état de santé qu’elle est abattue, sept mois après l’inoculation. Pendant tout ce temps, l'épreuve de la virulence de ses excré- ments est effectuée par inoculation au cobaye, suivant la technique que nous avons indiquée. A partir du premier jour de l’expérience, 4 cobayes sont inoculés tous les dix jours. Les cobayes inoculés les 1er et 10e jours restent indemnes; 2 sur 4 inoculés le 20e jour après le début de l’expérience présen- tent l’adénite spécifique; puis, pendant quatre mois, bien que la santé de la génisse soit redevenue parfaite, 32 sur 44 des cobayes inoculés sont porteurs de l’adénite inguinale. On n’en observe plus que 4 sur 18 pendant les deux mois qui suivent. Au moment de l’abatage, sept mois après le début de l’expérience, la génisse émettait encore des bacilles dans ses excréments. A l’autopsie, l’examen le plus minutieux de tous les organes et de tous les ganglions ne permet pas de déceler la moindre lésion tuberculeuse. Cependant, à l’inoculation, les ganglions bronchiques renferment encore des bacilles (2 cobayes sur 8 présentèrent l’adénite spécifique). Parallèlement aux expériences précédentes, nous avons enfin DÉFENSE DE L’ORGANISME ET INFECTION TUBERCULEUSE 639 recherché comment se comporlait, quant à cette élimination des bacilles avec les excréments, un bovidé indemne de tuber- culose et soumis à une inoculation intraveineuse d une quan- tité de bacilles virulenis déterminant une infection rapidement mortelle. Expérience. — Veau mâle âgé de cinq mois, de race flamande, indemne de tuberculose, reçoit dans la veine jugulaire 5 milligrammes de bacilles bovins virulents (souche lait, de Nocard). L’animal présente le tableau clinique connu. Élévation de température à partir du 13e jour. Perte de l’appétit. Amaigrissement. Toux fréquente, mouvements respiratoires accélérés. Le veau, incapable de se lever, est abattu in extremis le 32e jour après l’inocula- tion. jL’autopsie montre que les organes et ganglions de la cavité abdominale paraissent sains. Les deux poumons sont farcis d’un nombre incalculable de tubercules dont les plus gros atteignent la dimension de la tête d'une épingle; beaucoup sont translucides; un certain nombre, les plus gros, déjà caséeux au centre. Les ganglions bronchiques et médiastinaux, décuplés de volume, renferment des amas de follicules tuberculeux caséeux. Quatre jours avant l’inoculation de ce veau et pendant les trente et un jours de sa maladie, quatre cobayes ont été inoculés chaque jour avec la dilution d’excré- ments préparée comme nous l’avons indiqué. Des 16 cobayes inoculés avant le début de l’expérience, 2 sont morts d infection septicémique; les 14 restants sont, au 45e jour, absolument indemnes de lésion locale. Des 124 cobayes inoculés après l’injection bacil- laire infectante, 40 sont morts d’infection septicémique dans les quatre premiers jours. L’observation des 84 cobayes restants, faite soixante-quinze jours après l’inoculation de la dilution d’excréments, a montré que onze seulement sont infectés, Les soixante-treize autres sont indemnes. Le premier des cobayes infectés avait reçu les excréments du 16e jour après l’inoculation du veau; 1 les excréments du 19e jour; 1 ceux du 25e jour; 1 ceux du 27e; 1 ceux du 29e; 2 ceux du 30e; 2 ceux du 31e et 2 ceux du 32e jour, date de l’abatage in extremis de l’animal. Donc, pendant les 15 premiers jours, c’est-à-dire durant toute la période pendant laquelle le veau a lutté contre l’infection en constituant ses lésions folliculaires, il n’a éliminé aucun bacille. Cette élimination n’a commencé à s'effectuer (d’ailleurs très faiblement si on la compare à celle que nous avons observée chez les animaux vaccinés ou tuberculeux résistants aux réinfections) que trois jours après le début de la période fébrile de la ma- ladie, c’est-à-dire lorsque les tubercules caséifiés ont libéré dans la circula- tion un grand nombre de bacilles. Elle s’est ensuite poursuivie jusqu’à la fin de la maladie. CONCLUSIONS 1. — Le sérum clés bovidés hyperimmunisés contre la tuber- culose par injeclions intraveineuses répétées de bacilles modifiés par cultures en séries sur bile de bœuf, ne s est montré , dans les condilions de nos expériences, ni préventif ni curatif de la 640 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR tuberculose chez le cobaye. En mélange avec des bacilles atté- nués ou virulents, ce sérum favorise manifestement la rapidité d’évolution et l’extension des lésions chez cet animal. II. — Ce même sérum, injecté à haute dose aux bovidés, n’exerce aucune action nettement favorable, préventive ou thé- rapeutique. Il paraît seulement retarder l’évolution de la maladie et favoriser l’élimination des bacilles par les émonctoires nor- maux de l’organisme (foie et intestin). III. — Les bovidés hyperimmuns ont acquis la faculté d’éli- miner en nature avec les excréments, non seulement les bacilles atténués, mais aussi les bacilles virulents d’épreuve, ces der- niers ne provoquant, au cours de leur passage dans l’orga- nisme, aucune lésion tuberculeuse. IV. — Les bovidés atteints de tuberculose sont doués de cette même faculté à laquelle paraît être liée leur résistance aux réinfections expérimentales. V. — Les bovidés atteints de typho-bacillose expérimentale curable guérissent sans lésions et émettent, à partir de la con- valescence, des bacilles tuberculeux avec leurs excréments pen- dant plus de sept mois. VI. — Les bovidés indemnes de tuberculose et expérimen- talement infectés par une quantité de bacilles tuberculeux susceptible de déterminer une maladie aiguë à évolution rapi- dement mortelle, ne possèdent la faculté d’émettre des bacilles en nature avec leurs excréments qu’après le début de la phase fébrile et jusqu’à la lin de la maladie. Pendant toute la période de lutte apyrétique, c’est-à-dire tant que les lésions tubercu- leuses ne sont pas caséifiées et suppurantes, aucun bacille n’est éliminé par la voie bépatico-intestinale. ★ * Les nombreuses expériences que nous avons effectuées depuis plusieurs années, tant sur l’infection tuberculeuse expérimen- tale que sur la vaccination des bovidés, et celles relatées dans le présent mémoire, nous portent à admettre que la plus ou moins grande résistance conférée aux bovidés à b égard de la tuberculose par b emploi des diverses méthodes de vaccination DÉFENSE DE L’ORGANISME ET INFECTION TUBERCULEUSE 641 préconisées depuis Behring (y compris celle que nous étudions actuellement et qui repose sur l’emploi de bacilles d’origine bovine modifiés par cultures successives sur bile de bœuf), parait être sous la dépendance de la plus ou moins grande apti- tude acquise par T organisme des animaux cT éliminer les bacilles tuberculeux , en nature , avec les déchets cellulaires , par la voie hépatico-intesti nal e . Tant que cette aptitude persiste, — et elle peut être plus ou moins fugace, — les bacilles tuberculeux se comportent, à l’égard des organismes résistants, non comme des parasites actifs, susceptibles de provoquer des réactions de défense (lésions folliculaires), mais comme de simples corps étrangers inoffensifs que les émonctoires naturels de ces corps étrangers évacuent à l’extérieur. il NOTE A PROPOS DU MÉMOIRE DE M. CHAUSSÉ par A. CALMETTE et C. GUÉRIN. Le mémoire qui précède était écrit lorsque nous avons pris connaissance du travail de M. Chaussé paru dans ces Annales sous le litre : La tuberculose thoracique du bœuf rt est pas d'ori- gine digestive (1). Nous avons précédemment exposé dans ce même recueil les nombreuses expériences sur lesquelles s’appuie la conviction que nous sommes dans la vérité scientifique, en affirmant après von Behring, avec Ravenel, Aufrecht, Klebs et beaucoup d’au- tres expérimentateurs, que chez les bovidés et chez tous les animaux sensibles à la contagion tuberculeuse, y compris l’homme, « la tuberculose pulmonaire résulte dans l’immense majorité des cas d’une infection primitivement lymphatique, puis sanguine, ayant son origine dans l’absorption de bacilles tuberculeux par la voie digestive ». Cette conviction ne se trouve pas ébranlée par les faits que rapporte M. Chaussé et dont il nous paraît nécessaire de dis- cuter l’interprétation. Lorsque M. Chaussé place ses animaux (veaux, moutons) dans une salle de 15 mètres cubes, dans l’atmosphère de laquelle il répand avec un pulvérisateur Richardson des parli- cules de crachats tuberculeux ou de matières caséeuses, de telle sorte que l’air pénétrant dans les poumons renferme sûre- ment de nombreux bacilles, il réalise à coup sûr l’infection pulmonaire d’emblée, primitive. Nous l’avons réalisée nous- mêmes maintes fois dans des conditions analogues, et nous pensons qu’elle se produit dans certaines circonstances, — que nous croyons exceptionnelles, — par exemple chez le jeune enfant dont la mère ou la nourrice, atteinte de tuberculose pulmonaire grave, tousse devant sa bouche ouverte, en quête (1) Ces Annales, 25 juillet 1911. NOTE A PROPOS DU MÉMOIRE DE M. CHAUSSÉ G43 du sein qui va l’allaiter. Dans de tels cas, particulièrement rares, l’infection d’origine aérienne se manifeste par des lésions de tuberculose dont les foyers primitifs sont intra-alvéolaires et dont 1 évolution rapide aboutit bientôt à la caséification, à la fonte purulente : c’est la pneumonie caséeuse du jeune âge. Les lésions expérimentales produi tes par l’inhalation de cra- chats frais ou de cultures finement divisées présentent des caractères analogues. Elles se constituent primitivement dans les alvéoles , et nous avons pu suivre leur formation chez le cobaye en sacrifiant les animaux deux jours, quatre jours, etc., jusqu’à deux semaines après une seule inhalation infectante. Il est alors facile de constater que les bacilles qui ont pénétré dans une alvéole y déterminent bientôt un aftlux de leucocytes polynucléaires, puis une véritable desquamation des cellules épithéliales de la paroi, et le tout forme bientôt, au centre de l'alvéole, un amas qui s’organise en follicule tuberculeux. Celui-ci ne tarde pas à se caséifier et le début de celte matu- ration du tubercule est immédiatement révélé par l'engorge- ment du ganglion lymphatique le plus voisin. ld évolution de ces lésions primitivement alvéolaires est tou- jours rapide , même chez les grands animaux. Ce sont des lésions de cette nature qu’a réalisées M. Chaussé dans ses expériences sur les moutons (qui portaient déjà 35 et 38 jours après l'unique séance d'inhalation 300 tubercules en voie de caséification et des ganglions bronchiques caséifiés), et dans ses expériences sur les veaux (dont l’un au bout de 90 jours mon- trait de véritables abcès tuberculeux gros connue des noisettes, avec des ganglions pulmonaires caséeux et des végétations sur les deux plèvres). Ce sont également des lésions de même nature qu’avaient oblenues Nocard et Rossignol dans leurs expériences de 1900, lorsqu’ils faisaient inhaler à leurs bovidés des poussières d'émulsion tuberculeuse, et qu’ils frouvaient déjà deux mois après les poumons farcis de tubercules. Or, ces lésions ne ressemblent en aucune manière à celles que l’on observe soit après l'infection expérimentale par voie inlravcineuse, soit après l'infection expérimentale par inges- tion, et ces dernières sont identiques à celles que réalise l’in- fection naturelle. Leur point de départ est le plus souvent un 644 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEL K des lins capillaires qui entourent les lironchioles terminales ou qui rampent dans le tissu élastique périlobulaire. Autour d'un leucocyte parasité par des bacilles, d’autres leucocytes s’amas- sent et créent une véritable embolie qui, avec la participation de l’endothélium vasculaire, donne naissance au futur tuber- cule. Lorsque celui-ci est constitué, s’il évolue vers la caséifi- cation, son contenu de bacilles, de noyaux leucocytaires et de matière caséeuse se déverse soit dans l’alvéole voisine dont îa paroi finit par se rompre, soit dans un vaisseau sanguin, soit dans les lymphatiques avoisinants, et les bacilles ainsi libérés, aussitôt englobés par d’autres leucocytes, vont créer alors des foyers secondaires dans les ganglions bronchiques , dans les alvéoles , dans d’autres capillaires du poumon ou dans des organes plus éloignés. Tout ce processus s’accomplit avec une lenteur qui contraste avec la rapidité dévolution des tubercules primitivement alvéolaires. On peut l’étudier comme nous l’avons fait, en ino- culant par voie intraveineuse au cobaye de très petites doses de bacilles, par exemple un millionième de milligramme. Les animaux résistent à l’infection pendant des mois, et il n’est alors pas rare de voir se constituer dans le poumon de véri- tables cavernes entourées de tissu fibreux, présentant la plus grande analogie avec les lésions habituellement rencontrées dans la tuberculose pulmonaire chronique de l'homme. L’infection par ingestion réalise ce même processus. L’objec- tion invoquée par M. Chaussé, après Flügge et son élève Findel, que la quantité de microbes nécessaire pour la pro- duire est beaucoup plus grande que celle qui suffit h infecter par inhalation (un seul bacille d’après M. Chaussé), n'est pas soutenable, car rien ne prouve qu’un seul bacille, absorbé par les chylifères de l’intestin et déversé dans la circulation lym- phatique, puis sanguine, 11e suffise pas lui aussi à créer plus tard une lésion tuberculeuse dans le poumon ou dans tout autre organe. Fort heureusement, tous les microbes ingérés ne sont pas absorbés. Un très petit nombre d'entre eux seule- ment franchissent la muqueuse intestinale. Mais la réalité de cette pénétration ne laisse plus place au doute, et l’on sait aujourd’hui, après les travaux de Schottmuller et de très nom- breux expérimentateurs, sans parler des nôtres, que non seule- NOTE A PROPOS L)LT MÉMOIRE DE M. CHAUSSÉ 645 ment le virus tuberculeux, mais aussi le bacille typhique, les paratyphiqucs, le pneumocoque, les staphylocoques, le virus de la poliomyélite épidémique même, s’introduisent dans le sang par la voie digestive. Enfin les vétérinaires savent égale- ment que la morve pulmonaire, maladie du système lympha- tique, si proche parente de la tuberculose, est le plus généra- lement contractée par ingestion, et qu’il suffit à un cheval d’absorber quelques bacilles morveux dans l'eau de boisson pour développer chez lui des lésions de granulie morveuse aiguë disséminées dans toute l’étendue des deux poumons. M. Ch a ussé se monlre vivement préoccupé de démontrer l'exactitude constante de la loi de Conheim. Toutes les notes qu’il a publiées avant son mémoire accusaient déjà cette pré- occupation. Or, il se trouve que ses propres expériences dé- montrent que la loi dont il s’agit est en défaut dans 51 p. 100 des cas. Il nous dit lui-même que la perméabilité de l'intestin sans réaction des ganglions mésentériques « n’existe que chez la moitié des sujets » et que 49 p. 100 de ces derniers seule- ment ont, dès le début, des tubercules mésentériques. Il ajoute, il est vrai, que « la perméabilité sans réaction chez cette moitié des sujets n'est que temporaire; qu’en d'autres termes le ganglion ne manque de réagir qu'à une première infection », mais qu'il réagit par la suite, secondairement, « par auto-infection ». C’est donc que la loi de Conheim est désuète, et nous esti- mons qu’en effet elle ne répond pas à la réalité des faits actuellement connus. Nous crovons avoir suffisamment démontré, et de nombreux auteurs ont prouvé également, que les ganglions mésenté- riques retiennent parfois pendant très longtemps des bacilles tuberculeux sans que ceux-ci créent de lésions folliculaires macroscopiquement ou microscopiquement visibles. Les ba- cilles restés ainsi latents disparaissent à la longue, soit qu’ils soient détruits par les lymphocytes (J. Bartel), soit qu’ils soient déversés, avec les plia gocytes qui les véhiculent, dans la circulation lymphatique et sanguine, arrêtés plus tard dans quelque capillaire du poumon ou de tout autre organe, ou éliminés par le foie avec les pigments biliaires et les autres déchets de l’organisme. Le mémoire que nous publions ci- 646 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR dessus a justement pour objet de préciser les conditions de cette élimination. Dans tous les cas, les infections non productrices de lésions folliculaires, c’est-à-dire les infections latentes , dont l’extrême fréquence nous est aujourd’hui révélée par les réactions tuber- culiniques positives chez un si grand nombre de sujets sains, ne s’accompagnent d’aucune réaction locale ni d’ aucune réac- tion ganglionnaire au voisinage du point de pénétration du virus infectant. Dans ces infections latentes, le bacille se comporte comme un saprophyte que les cellules leucocytaires véhiculent plus ou moins longtemps à travers l’organisme, sans que ce dernier en soit autrement incommodé. Une lésion ganglionnaire n’apparaît que lorsqu'un tubercule se constitue primitivement dans le ganglion lui-même ou lorsque ce gan- glion est appelé à « filtrer » la lymphe provenant d’un tuber- cule caséeux développé dans son « territoire ». C’est seulement dans ce sens que la loi de Parrot , ou loi des adénopathies simi- laires, et aussi la loi de Conheim , peuvent être considérées comme exactes. Nous sommes donc très loin de la conception qu'a déve- loppée M. Chaussé dans son mémoire et, contrairement à ses conclusions, nous restons convaincus par nos propres expé- riences que les lésions caractéristiques de la tuberculose pul- monaire dite primitive résultent d’une ou plusieurs infections récentes ou anciennes, le plus souvent d'origine intestinale. SUR LE PASSAGE DE L’ANTITOXINE DIPHTÉRIQUE ET TÉTANIQUE DANS L’HUMEUR AQUEUSE par V. MORAX et G. LOISEAU. De nombreuses expériences ont été faites dans le but de rechercher si les anticorps passent du sang dans l'humeur aqueuse. Le problème offre en effet un double intérêt : intérêt de physiologie générale, parce que nous ignorons comment les substances immunisantes se répartissent dans les tissus, et en dehors des espaces vasculaires, dans les conditions normales ; intérêt de physiologie oculaire, en raison des obscurités qui existent encore sur la nature de l’humeur aqueuse considérée par les uns comme le produit d’une sécrétion, par les autres comme le résultat d’une simple filtration. Généralisant d’emblée les données du problème, la plupart des expérimentateurs qui se sont occupés de celte question ont cherché, à l’aide de méthodes indirectes, à déterminer chez les animaux immunisés activement ou passivement la présence d’hémolysines, d’agglutinines, de précipitines, de substances bactéricides, etc., pour en déduire ce qu’ils ont appelé les con- ditions d'immunité de la chambre antérieure, ils ont, par contre, presque toujours négligé la recherche des antitoxines, si bien que nous ne sommes pas encore à même d’affirmer si, dans les conditions normales de l’appareil visuel, l’antitoxine diphtérique ou tétanique se retrouve en quantité appréciable dans l’humeur aqueuse des animaux immunisés. C'est là le problème que nous nous sommes proposé de résoudre. Sans connaître la nature de l’antitoxine diphtérique ou téta- nique, nous avons des procédés expérimentaux qui permettent d’en démontrer la présence et même d’en préciser la quantité relative. Il est aussi aisé en effet de faire le titrage en anti- toxine de l’humeur aqueuse que du sérum, à la condition cependant de faire le prélèvement sur un grand animal comme 648 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR le cheval, de l'œil duquel on extrait facilement 1 et meme 2 cen- timètres cuhes d'humeur aqueuse. Technique opératoire. MM. Roux et Martin ont bien voulu mettre à notre disposi- tion des chevaux immunisés pour l'obtention du sérum anti- diphtérique ou antitétanique. MM. Prévost, Barbier et Pernin nous ont été de précieux col- laborateurs et nous tenons à les remercier de leur extrême complaisance. Fig. 1. — Dispositif pour le prélèvement de l’humeur aqueuse. En haut et à gauche, coupe de l’œil du cheval montrant la situation de l’aiguille sur une coupe antéro-postérieure. G, cornée; I, iris; Ch. ant., chambre antérieure. — L’aiguille (A) est fixée à frottement sur un embout (E), et celui-ci réuni à l’ampoule de verre P> par un tube en caoutchouc. — D, pavillon pour l’aspiration. Le cheval étant immobilisé par l’application d'un garrot, on instille deux gouttes de collyre au chlorhydrate de cocaïne à t/50 dans le sac conjonc- tival, puis on fait une rapide irrigation des culs-de-sac conjonctivaux avec la solution physiologique de chlorure de sodium stérilisée. En écartant les paupières avec une main, on transfixe la cornée avec une fine et courte aiguille adaptée sur le petit appareil dont la figure 1 montre suffisamment la disposition. La brièveté de l’aiguille empêche la blessure du cristallin ou de l’iris, d'ailleurs facilement évitable si l’on a quelque habitude de la chirurgie oculaire. Le tube de caoutchouc qui réunit l’ampoule de verre à l’aiguille permet d’éviter tout tiraillement de la cornée, l’œil du cheval DE L’ANTITOXINE DIPHTÉRIQUE ET TÉTANIQUE 649 n élant jamais complètement immobilisé. D’autre part, le caoutchouc qui réunit l’ampoule aux lèvres de l’opérateur rend possible une aspiration délicate et continue. Comme nous l’avons fait dans quelques-unes de nos premières expé- riences, on peut aussi se servir d’une seringue à frottement très doux, mais les résultats sont moins constants et, si l'animal n’est pas très docile, il arrive que le prélèvement soit imparfait ou qu’un traumatisme cornéen fausse les résultats d’une deuxième ou troisième ponction. L’appareil que nous indiquons nous a permis de répéter les ponctions un grand nombre de fois sur le même animal sans qu’il en résultât aucun inconvénient pour l’œil. Uecheiiches sur l’antitoxine diphtérique. Nos premières expériences ont porté sur l’antitoxine diphté- rique. Nous avons choisi des chevaux à différents degrés d immu- nisation et dont le sérum présentait des pouvoirs antitoxiques assez dissemblables. Le titre du sérum antidiphtérique est exprimé en unités d'après la notation d’Ehrlich. En disant que le sérum titre 800 unités, on traduit ce fait que 1/800 de centimètre cube neutralise, quo ad mortem , une dose déterminée de toxine (le L -)- ou limite mortelle d’Ehr- lich). Cette dose correspondait presque exactement à dix doses mortelles pour le cobaye, ou à treize doses mortelles pour le pigeon, de la toxine diphtérique qui nous a servi à titrer l’an- titoxine de l'humeur aqueuse. Quelques premiers essais nous avaient en effet montré que la faible proportion d'antitoxine contenue dans l’humeur aqueuse, rendait nécessaire l’épreuve des animaux avec des doses inférieures à celles qui sont utilisées pour titrer le sérum. Nous nous sommes servis du cobaye et du pigeon et nous avons injecté des animaux témoins pour chaque groupe d’expé- riences. Nous en relaterons quelques-unes dans les tableaux que l'on trouvera plus loin. Dans l’expérience I, on voit que l'humeur aqueuse, injectée à la dose de I/o de centimètre cube, a neutralisé une dose de toxine diphtérique qui tuait le cobaye en cinq jours et demi. Avec le pigeon comme animal réactif au lieu du cobaye, cette même quantité d’humeur aqueuse a retardé la mort de sept jours : le pigeon qui reçut l’humeur aqueuse et une dose de Tableau I. — Expériences sur l antitoxine diphtérique. 6o0 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUK a 6 ' 4 £ B = G: :G G: G ~ S £ 2 S £ S i 'O S-H o o H c o 20 co co Ol a es H S-h P o c3 s P C/2 P o y o O 20 O H H t-3 U C/D ‘W c/j . oi oi oi — fi '-l '‘H ^ _ • • J ^ .fi, fi — CfiCMOl-r-l-fiLO.fi.-Hjn^''^ O -cf -r 4 — i ■rH PP -«+++ CM CM CM CM ■ -fi -r4 —H G ■C/3 (M «th -h wfl A ~+^+4~ oi 01 01 O — > n *r 03 Ol 0 1 CM i~ » ci § G CO -O - cS oi 03 t'- es -© Z O O — «S — i 03 o H t» o ”2 X ® -o O Z JS a O C3 « O © m P ■a -o o Oi 8 0 01 ~ (fi O o O CO • c« i firo; O -fi g G ^ O ^os g «S co . ce fi . C fi . t3 G O > S CC.G , • -o fi G .2-oi .fi, G "G «o G: g O ® _ î— ) .G.fiice^G 0 I . fi 4© © 1 ®.2 Z ^ ^ X -fi X w X W DE L’ANTITOXINE DIPHTÉRIQUE ET TÉTANIQUE 05 1 toxine mourut le onzième jour, alors que le témoin mourait en quatre jours et demi. Le pigeon se montre par conséquent, vis-à-vis de la toxine diphtérique, plus sensible que le cobaye. Le cheval qui a fourni celle humeur aqueuse avait un sérum contenant 800 unités antitoxiques. On peut se faire une idée approximative du rapport existant entre la teneur en antitoxine du sérum et de l’humeur aqueuse en disant que si 0,2 centimètre cube d’humeur aqueuse neu- tralise une dose de toxine, il ne faut que 0,000125 centimètre cube de sérum pour neutraliser une dose égale. Le rapport est comme 1 à 1.600 pour le cheval 72. Nous devons admettre par conséquent qu'il y a 1.600 fois moins d'antitoxine dans l'humeur aqueuse que dans le sérum; mais on aurait tort de généraliser cette indication, et l’expé- rience 111 en est la démonstration. Le cheval 13 avait un sérum peu actif, titrant 250 unités anti toxiques, et cependant l'humeur aqueuse, prélevée dans les mêmes conditions, dans l’œil droit, a neutralisé, à la dose de 1/5 de centimètre cube, une dose mortelle pour le cobaye (témoin mort en trois jours et demi). Ici le rapport n'est plus le meme : 0,2 centimètre cube d’humeur aqueuse neutralise une dose mortelle, alors qu'il ne faut que 0,0004 de sérum pour neutraliser la même dose. Le rapport est comme 1 à 500. Pour l’œil gauche du cheval 13, il a été fait, vingt minutes avant la ponclion, une injection sous-conjonctivale d’eau salée à 6 p. 100. Malgré cette injection, le titre en antitoxine de l’humeur aqueuse n’a subi aucune variation appréciable. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de revenir sur ce point lorsque nous nous occuperons de l’antitoxine tétanique. Recherches sur l’antitoxine tétanique. La toxine et l’antitoxine tétaniques consl ituent des tests infiniment plus sensibles que la toxine et l’antitoxine diphté- rique. On obtient aisément des toxines actives à des doses infinitésimales et des sérums dont la cent millième partie d'un centimètre cube neutralise 100 doses mortelles. IJ était donc ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUU vraisemblable, a priori , que l’élude de l’humeur aqueuse des chevaux fournisseurs de sérum antitétanique nous amènerait à des résultats encore plus précis. Lorsqu'on éprouve l’ activité d’un sérum antitétanique, on recherche quelle fraction de centimètre cube neutralisera l’effet d une dose 100 fois supérieure à la dose mortelle pour le cobaye. Nous avons procédé d’une manière analogue pour l’appréciation du titre en antitoxine de l’humeur aqueuse, avec cette seule différence que nous avons pris pour test habituel une dose mortelle pour le cobaye, c’est-à-dire la quantité de toxine tétanique qui, injectée dans les muscles de la patte, tue le cobaye de 300 grammes dans un temps moyen de 5 à 6 jours. Comme pour le titrage du sérum, le mélange de toxine et d'humeur aqueuse est laissé en contact pendant trente minutes avant d’être injecté dans la patte du cobaye. On trouvera, dans les tableaux suivants, les résultats inté- graux des expériences faites pour le dosage de l’humeur aqueuse. Nous nous sommes, par contre, contentés d’indiquer le titre trouvé pour le sérum. Lorsque nous disons qu’un sérum tient à 10.000, nous exprimons le fait que 1/10.000 de centimètre cube a neutralisé dans les conditions indiquées plus haut 100 doses mortelles pour le cobaye. C’est là, évi- demment, un chiffre relatif, et si nous en avons rapproché le chiffre relatif du pouvoir antitoxique de l’humeur aqueuse, c’est pour que l'on se représente plus aisément le rapport exis- tant entre le sérum et l'humeur aqueuse. Nous avons eu soin de faire coïncider les prélèvements d’humeur aqueuse avec les prélèvements de sérum. Dans un petit nombre d’expériences seulement, l'animal réactif a été la souris au lieu du cobaye. Les expériences IV à XIII démontrent d’une manière évi- dente la présence de l’antitoxine tétanique dans l’humeur aqueuse de chevaux immunisés. Mais alors même que le titre antitoxique du sérum est extrêmement élevé, le titre anti- toxique de l’humeur aqueuse demeure très faible. Nous voyons, par exemple, que chez le cheval D 81, dont le sérum titre 10.000 (1/10.000 de centimètre cube neutralise 100 doses mortelles), l’humeur aqueuse ne titre que 0,5 (1/10 centimètre cube neutralise 5 doses mortelles). DE L’ANTITOXINE DIPHTÉRIQUE ET TÉTANIQUE 653 Elle atteint 1,25 chez les chevaux dont le sérum titre 100.000, mais il y a lieu de remarquer de suite que I on ne peut établir qu’un parallélisme très relatif entre l’activité de l'humeur aqueuse et celle du sérum. Les expériences relatées au troisième tableau ont eu pour ’ but d’établir les modifications quantitatives que provoquent les ponctions successives sur le passage de l’antitoxine dans l’humeur aqueuse. On sait, en effet, que lorsqu'on ponctionne à nouveau l’humeur aqueuse, trente minutes ou une heure après un premier prélèvement, on obtient une deuxième humeur aqueuse dont les propriétés sont très différentes de la première et résultent du passage des albumines du sérum dans la chambre antérieure, en l’absence de toute hémorragie. Avec, les albumines du sérum passent aussi les anticorps contenus dans ce liquide, et tous les observateurs ont signalé les diffé- rends existant entre la première et la deuxième humeur aqueuse pour ce qui est de la teneur en agglutinine, hémolysine, etc. On voit, par ces expériences (exp. XIY, notamment), que l'humeur aqueuse prélevée trente minutes après une première ponction (exp. X) contient environ 100 fois plus d’antitoxine. Alors que 0 c. c. 2 de l’humeur aqueuse normale neutralise 5 closes mortelles, 0,025 de l’humeur aqueuse de deuxième ponction neutralise 50 doses mortelles. On a démontré que l'humeur aqueuse reprenait assez rapi- dement ses propriétés normales et que, notamment, les sub- stances albuminoïdes revenaient en moins de dix heures au taux normal. On a admis que l'humeur aqueuse se renouvelait assez vite et qu’il y avait un véritable courant de liquide entre l’iris et le corps ciliaire, organes supposés d’élaboration, et l’espace irido-cornéen où l’évacuation se produirait. Ayant un test infiniment plus sensible que le dosage des albumines, nous avons cherché à nous rendre compte du temps nécessaire pour que l'excès d antitoxine dans 1 humeur aqueuse provoqué par la première ponction ait disparu, en d autres ternies pour cpie l’humeur aqueuse ait repris sa teneur normale. Les expériences X, \Y, XYIÏ, XVIII établissent que l’anti- toxine persiste longtemps en proportion anormale dans 1 hu- meur aqueuse. I aiîl^au II. — Expériences sur l’antitoxine tétanique. Humeur aqueuse normale (lie ponction). 1 654 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR I O O O O 1 O c^> o o -o o (—y> o o o O . . • • 'O C o o o o H *® 1 1 1 - i i X -S O O o O 0 O O • te . té . te’ té . te H o O O fi) . fi fi - , , , fi fi , i 0 i fi fi . J te te te ce te te | , te ce te H o 5 p- « -s g s < O *. s O c 1 fie CO 1 1 1 1 O C ‘ T3 "O C 1 C C 1 P c 20 O -rH 20 O 20 O CO> 20 O 20 O 20 -p 20 O ; a ■eH (N 20 O -^H CJ\| -H CM ^ C ■rH P H =3 © O *h a) 52 ‘O ■sH — t CM CM CM CM pp^(? 1 15 G tu ü S 3 0 O y g' '5* O a - o o o O O O O O O O O O O O o ~ ~ ~ o o o c ; *W P r, •— 0 O P O K) ‘0 ci ci ci o ci h h d > K 5 o o < 2h -O t> ^ ? t- O» rC* Ch fi> • • • o CM CM CM CM a3 fi fi fi fi fi o O P P c P3 O) »— W te H O T O o c O C o O o C o — 1 1 fi — — — — — — <î *— i— H "■P G — - — - - __ “O -o vp • -c H F- C-I H 0 O g P 0 vw o *r ^ ^ -g P. IV >> X 1> ■ X G Oh X X X X r_*i Oh K X ® H w hP X r_^ 656 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUU DE L’ANTITOXINE DIPHTÉRIQUE ET TÉTANIQUE 657 Sh P CO ce c _o X ce c o P-1 © m cO C . or o - fH © C/} £ te o ^ -é_ G ce O s 3 Zj CÆ oX s G O ’co Aj O F— G n • © a x _o 05 *© b a G O CL 3 LC © O 3 "“ ’ CTco -0) F c. G O n 0) •?o CM w CO O CM o 3 CM 3 Cü d r"v CO © (V ce-— Ce © 3 3 LiJ S* O ” -© ce C — ' . O- O . £ £ £ « X © 53 o r £ = S 5 3 O £;©-^ cr o 3 d ce c c Cl X © X a; o O o o o O ® o CD o o o ! O O o o o -rH S 2 ■ftH H "1b ■ : 3 20 © ^ 20 20 CM ’O o 2 2 £> m -eu c l"“‘ D 3 ao QO CM X ~ CÛ 05 co CM x ■— ce r' — 3 05 •—H 20 > X d x W > X d x w X X x w X X d x W r W /“N C O O O Q C ce> 20 20 20 co 05 05 O 05 2 1 C Q c Q £ -© . . • H «_L “G *© "G *© h H H H 42 ■658 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Alors que le titre de l’humeur aqueuse atteignait 20 lors de la deuxième ponction (trente minutes après la première), il est encore de 5, cinq jours après, et alors que l’humeur aqueuse de l’œil gauche, prise comme témoin le même jour (exp. XIX), n’indique qu’un titre de 2,5. Nous ne voulons cependant pas donner à ces chiffres une valeur trop absolue, d’autant que le titre du sérum a subi des variations et que nous voyons ce titre passer de 10.000 à 100.000 entre le moment où ont été faites les première, deuxième et troisième ponctions et celui où nous avons pratiqué la qua- trième. On a prétendu que la teneur de l’humeur aqueuse en anti- corps pouvait subir des variations importantes sous l’influence de causes irritatives s'exerçant sur les membranes externes du globe. On a attribué notamment un rôle important aux injec- tions sous-conjonctivales hypertoniques et même aux injections d’eau salée physiologique. Miyashita injectait sous la conjonctive du lapin une solution chaude de chlorure de sodium à 0,85 p. 100 (0 c. c. 5). Il con- statait une augmentation des hémolysines après injection d’air chaud ou d’eau salée. Les expériences XXII et XXIII montrent l’action de l’injec- tion sous-conjonctivale de doses élevées de solution de chlo- rure de sodium hypertonique. L’humeur aqueuse de l’œil gauche du cheval D 57 est celle d’un œil normal chez un animal immunisé, mais dont le titre en anticorps n’est pas très élevé puisque 0 c. c. 2 ne neutra- lise pas 3 doses mortelles et que les souris qui reçoivent le mélange d’humeur aqueuse toxine meurent dans des condi- tions sensiblement égales à celles qui ne reçoivent que de la toxine. 11 en est absolument de même de l’humeur aqueuse de l'œil droit de ce même cheval qui avait reçu trente minutes avant la ponction une injection de 2 centimètres cubes de solu- tion salée à 6 p. 100; le résultat est le même chez le cheval D 50 qui reçut sous la conjonctive 2 centimètres cubes d’une solution de Na Cl à 0,8 p. 100. Ces quelques expériences nous semblent indiquer que les injections sous-conjonctivales d’eau salée ne provoquent aucune modification dans la teneur en antitoxine de l’humeur aqueuse. Tableau IV. — Expériences sur l’antitoxine tétanique. Effets des injections sous conjonctivales. DE L’ANTITOXINE DIPHTÉRIQUE ET TÉTANIQUE Go 9 660 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR L'expérience III faite avec l’antitoxine diphtérique nous avait conduit à un résultat identique. 11 y aura lieu, sans doute, de poursuivre ces expériences en faisant varier la nature des irritations péri-oculaires. Conclusions. Chez un animal fortement immunisé et dans les conditions phvsiologiques, il est toujours possible de déceler la présence d’antitoxine dans l’humeur aqueuse, mais la proportion de cet anticorps étant excessivement faible par rapport à la proportion contenue dans le sérum de ces mêmes animaux, il est nécessaire de recourir à des méthodes très sensibles. L'antitoxine téta- nique convient tout particulièrement à celte démonstration, et nous avons pu établir que le titre de l’humeur aqueuse variait de 0,1 à 1,25 chez des chevaux immunisés pour la toxine téta- nique dont le titre antitoxique du sérum variait de 1.000 à 100.000. Le titre en antitoxine de l'humeur aqueuse n'est pas rigou- reusement proportionnel au titre en antitoxine du sérum. xVinsi que cela a déjà été établi pour d’autres anticorps, agglutinines, précipitines, hémolysines, l'humeur aqueuse de deuxième ponction (qui contient toujours de fortes propor- tions d’albumine) peut renfermer des proportions 100 fois plus considérables d'antitoxines. Cette augmentation du titre anti- toxique de l'humeur aqueuse va en diminuant à partir de la deuxième ponction, et l’humeur aqueuse reprend peu à peu son titre normal par résorption de l’antitoxine; néanmoins, après trois semaines, il est encore possible d’en mettre en évidence des proportions plus grandes que dans l’humeur aqueuse de première ponction. Il semble donc que le renouvellement de l’humeur aqueuse soit infiniment plus lent qu'on ne l’a sou- tenu ou que de faibles altérations créées par une première évacuation de l'humeur aqueuse persistent assez longtemps en modifiant les conditions normales de sécrétion de ce liquide. L’injection sous-conjonctivale d’eau salée faite une demi- heure avant la ponction de la chambre antérieure n’a pas modifié la teneur en antitoxine de l’humeur aqueuse. RECHERCHES SUR LA PRÉSENCE DES ANTICORPS DANS L’HUMEUR AQUEUSE DES ANIMAUX IMMUNISÉS (BACILLE TYPHIQUE, VIBRION CHOLÉRIQUE) par Y. MANOUÉLIAN (Travail des laboratoires de MM. Metchnikoff et Morax.) Parmi les nombreux travaux auxquels a donné lieu la recherche des anticorps dans l'humeur aqueuse des animaux immunisés, quelques-uns ont en déjà pour objet la mise en évi- dence des anticorps produits par les bacilles typhiques ou le vibrion cholérique. Nous signalerons entre autres le travail de A. Leber paru dans les Archiv far Ophtalmologie en 1906. Ses recherches ont été faites sur le lapin et l’immunisation a été réalisée par injec- tion sous-cutanée ou sous-conjonctivale de cultures de bacilles typhiques et de vibrions cholériques. D’après Leber, la recherche des agglutinines dans l’humeur aqueuse normale a toujours été négative. Ainsi, avec un titre de 1 p. 5, il ne s’est jamais produit d’agglutination pour le bacille typhique et le vibrion cholérique. Chez les animaux immunisés, le titre d’agglutination était toujours faible et oscillait entre 1 p. 10 et 1 p. 20; dans un cas de choléra il a atteint 1 p. 40. Leher fait remarquer que l’injection sous-conjonctivale d’eau salée augmente nettement, après une demi-heure, le titre d’ag- glutination ; il serait doublé ou décuplé. Néanmoins le titre de l’humeur aqueuse est toujours inférieur à celui du sérum : alors que le sérum agglutinait à 1 p. 1000, l’humeur aqueuse n’agglutinait qu’à 1 p. 5 chez un lapin, à 1 p. 20 chez un autre. Leber a cherché également les agglutinines contenues dans l’humeur aqueuse de lapins qui avaientreçu une injection sous- cutanée de sérum anticholérique. L’activité de l’humeur attei- gnait 1 p. 5 après une demi-heure et n’avait pas augmenté après vingt-quatre heures. G62 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR D'autre part, Leber a utilisé le phénomène de Pfeiffer pour étudier le pouvoir bactéricide de l’humeur aqueuse. L'humeur aqueuse était additionnée de bouillon de façon à obtenir 1 centimètre cube en tout. On ajoute 1 demi-centimètre cube d'une émulsion de bacilles ou de vibrions en bouillon et on introduit le mélange dans la cavité péritonéale du cobaye. Après une heure, on ponctionne le contenu de la cavité abdomi- nale et l'on examine. Leber a constaté qu'avec l’humeur aqueuse normale on n’obtenait pas le phénomène de Pfeiffer, et les cobayes mou- raient fréquemment. Avec l’humeuraqueusedes animauxcontre le choléra et le typhus, on obtenait nettement le phénomène de Pfeiffer et les cobaves survivaient. «/ Il nous a semblé intéressant de contrôler ces résultats et de les compléter par les méthodes de la fixation du complément et des précipitines. Les recherches que nous relatons dans ce travail ont trait au bacille typhique et au vibrion cholérique. Pour exécuter ces recherches, nous nous sommes adressé : 1° à la méthode de la fixation du complément de Bordet-Gengou ; 2° aux agglutinines ; 3° aux précipitines. Pour l'immunisation de nos lapins, nous avons employé des cultures sur gélose de vingt-quatre heures dans des tubes de 17 centimètres. Nous avons fait une émulsion dans 10 centi- mètres cubes d'eau physiologique et injecté dans les veines auriculaires. Au début de l'immunisation, nous avons chauffé nos émulsions à 60 degrés; plus tard, nous avons inoculé des microbes vivants. Pour toutes nos réactions, l’humeur aqueuse et le sérum des animaux traités, ainsi que ceux des lapins neufs étaient inactivés par chauffage à 36 degrés pendant une demi- heure. Les émulsions de microbes étaient également chauffés à 60 degrés pendant une heure. Rarement, nous avons employé des microbes vivants. Chez les lapins traités, nous avonsprocédé, ordinairement une semaine après la dernière injection, à ia saignée et au prélève- ment de l'humeur aqueuse. Nous avons répété quelquefois ces prélèvements, mais en ayant soin de laisser entre eux un temps qui n’a jamais été inférieur à deux ou trois jours. RECHERCHES SUR LA PRÉSENCE DES ANTICORPS 063 ★ Recherches par la méthode de Bordet-Gengou. Comme antigène, nous nous sommes servi des cultures en gélose âgées de vingt-quatre heures. Pour les bacilles typhiques, il nous a suffi de délayer des cultures provenant de tubes de 17 centimètres dans 15 centimètres cubes d’eau physiologique. Pour les vibrions cholériques, une pareille dilution était trop forte; nous avons dû employer 25 à 30 centimètres cubes d’eau physiologique. Ces émulsions étaient, nous le répétons, stéri- lisées par le chauffage à GO degrés pendant une heure. Au 1 ieu de faire de longues descriptions, voici des tableaux qui fixeront mieux les idées. Suivant la technique habituelle, les tubes contenant l’eau physiologique, l’antigène (A), le sérum ou l’humeur aqueuse (B) et l’alexine (C) sont portés à l’étuve à 37 degrés; après un séjour de une heure et demie, on ajoute le sérum hémolytique (D) et l’émulsion de globules rouges (E) ; après un nouveau séjour d’une demi-heure à l'étuve, la réaction est terminée : les tubes sont examinés et l’on constate la dissolution complète des glo- bules (hémolyse complète), la dissolution partielle (hémolyse incomplète), ou l’absence de dissolution (pas d’hémolyse). Le lapin qui a servi à l’expérience ci-dessus avait reçu, en trois semaines, 3 centimètres cubes d’émulsion au centième de bacilles typhiques chauffés; 1 centimètre cube par semaine. Depuis, ce lapin a reçu, dans l'espace de trois mois, 10 centimè- tres cubes d’émulsion chauffée et non diluée et 27 c. c. 1/2 d’é- mulsion de bacilles vivants. Or, après ce traitement, son sérum et son humeur aqueuse n’avaient pas acquis un pouvoir empêchant sensiblement supérieur à celui que nous avons relaté et qui avait été obtenu après trois semaines. Le sérum empêchait l’hémolyse à la dose de 0 c.c. 00005, et l’humeur aqueuse partiellement à la dose 0 c. c. 1 ; elle n’empêchait pas à 0 c. c. 05. Un lot de 4 lapins a reçu, dans l’espace de trois mois, 4 cen- timètres cubes d’émulsion au centième chauffée, 8 centimètres cubes non diluée et chauffée, et 15 centimètres cubes d’é- mulsion de bacilles vivants. 664 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR NUMÉROS DES TUBES EAU PHYSIOLOGIQUE B ÉMULSION de bacilles chauffés à 60 degrés. B SÉRUM DE LAPIN traité inactivé. C SÉRUM DE COBAYE frais à 50 p. 100. D SÉRUM HÉMOLYTIQUE de lapin inactivé. E SANG DÉFIBRINÉ de mouton à 5 p. 100. RÉSULTATS 1 C. c. 1,6 8 . O O c. c. c. c. 0,1 c. c. 0,1 c. c. 1 Hémol. compl. 2 1,0 — 0,2 0,1 0,1 1 Hémol. compl. O 0 1,6 0,1 0,2 0,1 0,1 1 Pas d’hémol. 4 1,6 0,1 0,1 0,1 0,1 1 Pas d’hémol. 5 1,2 0,1 0,05 0,1 0,1 1 Pas d hémol. 6 1,6 0,1 0,01 0,1 0,1 1 Pas d’hémol . 7 1,2 0,1 0,005 0,1 0,1 1 Pas d’hémol. 8 1,6 0,1 0,001 0,1 0,1 l Pas d’hémol. 9 1,2 0,1 0,0005 0,1 0,1 1 Pas d'hémol. 10 1,6 0,1 0,0001 0,1 0,1 1 Pas d’hémol. 11 1,2 0,1 0,00005 0,1 0,1 1 Hémol. compl. 12 1,6 0,1 0,00001 0,1 0,1 1 Hémol. compl. 13 1,2 0,1 Humeur aqueuse de lapin traité inactivé. 0,5 0,1 0,1 1 Pas d’hémol. 14 1,2 0,1 0,05 0,1 0,1 1 Hémol. compl. 15 1,5 0.1 Sérum de lapin neuf inactivé. 0,2 0,1 0,1 1 Hémol. compl. 16 1,6 — 0,2 0,1 0,1 1 Hémol. compl. 17 1,6 0,1 0,1 0,1 0,1 1 Hémol. compl. 18 1,2 0,1 0,05 0,1 0,1 1 Hémol. compl. 19 1,2 0,1 Humeur aqueuse de lapin neuf inactivé. 0,5 0,1 0,1 1 Hémol. compl. 20 1,8 — — 0,1 0,1 1 Hémol .compl. 21 2 » — — — — 1 Pas d’hémol. Un autre lot avait reçu dans l’espace de quatre mois 4 cen- timètres cubes au centième chauffée, 8 centimètres cubes non diluée chauffée et 25 centimètres cubes de bacilles vivants. Enfin, un lapin a reçu dans l’espace de six mois 8 centimètres RECHERCHES SUR LA PRÉSENCE DES ANTICORPS 665 cubes de culture stérilisée au centième et 115 centimètres cubes de microbes vivants. Or, 15 expériences nous ont confirmé ce fait, qu’à partir d’un certain degré rapidement atteint, il n’y avait plus de progression dans le pouvoir empêchant du sérum et de l’hu- meur aqueuse. Ainsi, malgré la quantité considérable d’émul- sion reçue, notre dernier lapin a fourni en dernier lieu un sérum qui fixait le complément à la dose de 0 c. c. 0001 et partiellement à 0 c. c. 00005. Quant à 1 humeur aqueuse, elle fixait à 0 c. c. 5, mais elle n avait aucun pouvoir empêchant à 0 c. c. 1 et à 0 c. c. 05. Ces résultats étaient sensiblement analogues à ceux obtenus à quatre reprises au cours de l’immunisation de ce même animal. Ceci étant dit, voyons quelle est la richesse comparative du sérum et de l’humeur aqueuse en anticorps. Or, chaque fois que le sérum a un pouvoir empêchant à la dose de 0 c. c. 0005 à 0 c. c. 0001 , l’humeur aqueuse empêche à 0 c. c. 5, à 0 c. c. 45, elle n’empêche pas à Oc.c. 25, à 0 c. c. 1, ou empêche très peu. Dans ce cas, le sérum empêche partiellement à 0 c. c. 00005. L’humeur aqueuse contient donc 1.000 à 5.000 fois moins d’anticorps que le sérum sanguin. Ce que nous venons de dire à propos des lapins traités par des cultures typhiques, est absolument exactaussi pour les ani- maux inoculés avec les vibrions cholériques. Le tableau précé- dent peut servir parfaitement à cet effet. Ainsi nous avons inoculé comme précédemment 3 centimètres cubes d’émulsion au centième de vibrions chauffés à 1 lapin : 1 centimètre cube par semaine. Après une semaine de la der- nière injection, le sérum fixait le complément à 0 c. c. 0005 alors que l’humeur aqueuse ne fixait pas du tout à 0 c. c. 25. Depuis, ce lapin a reçu des doses considérables de culture : 15 centimètres cubes de culture chauffée et non diluée et 29 centimètres cubes de microbes vivants dans l’espace de quatre mois environ. Or, au cours de l’immunisation, nous avons fait à trois reprises la réaction de llordet-Gengou, et nous avons constaté que le pouvoir du sérum était sensiblement le même. L’humeur aqueuse fixait à 0 c. c. 5. 666 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Nous avons inoculé à un lot de 4 lapins 4 centimètres cubes d’émulsion au centième, 6 centimètres cubes de vibrions chauffes et non dilués, et 10 centimètres cubes de microbes vivants, dans l’espace de trois mois. A un autre lot de 4 lapins, nous avons inoculé 4 centimètres cubes d’émulsion au centième, 6 centi- mètres cubes de microbes chauffés et 25 centimètres cubes de vibrions vivants, dans l’espace de quatre mois. Un autre lapin a reçu en six mois 7 centimètres cubes d’émulsion au centième 10 centimètres cubes de vibrions chauffés et 100 centimètres cubes de microbes vivants. Or, au cours de l’immunisation, nous avons fait la réaction à cinq reprises et nous avons constaté que le sérum fixait totalement le complément à 0 c. c. 0001 et par- tiellement à 0 c. c. 00005. L'humeur aqueuse fixait totalement à 0 c. c. 5 et à 0 c. c. 4 et quelquefois partiellement à 0 c. c. 1. Résultat analogue à celui que nous avons obtenu avec nos lots de lapins dans un certain nombre d'expériences. En tout,. 16 expériences nous autorisent d’affirmer. * -¥ Recherches sur les agglutinines et les précipitines typhiques ET CHOLÉRIQUES. Nous avons fait huit expériences avec des immuns-sérum typhiques et huit autres avec des immuns-sérum cholériques. Constamment, les premiers possédaient un pouvoir agglutinant plus fort que les seconds. Notre tableau d’agglutination est celui d’un sérum obtenu par des bacilles typhiques. Les sérums cholériques n’agglutinent bien qu’à 0 c. c. 001. Ici aussi nous avons les mêmes résultats quanta la force agglutinatrice : au bout de quelques injections, le sérum acquiert des pro- priétés nouvelles qui atteignent rapidement un maximum, qu’il est impossible de dépasser, malgré de fortes charges en microbes. Veut-on des exemples? Il n’y a qu’à regarder ce que nous avons dit dans le chapitre précédent à propos de la réaction Bordet-Gengou. Les choses se passent absolument de la même façon. RECHERCHES SUR LA PRESENCE DES ANTICORPS 66 7 Voici notre tableau d’expérience pour les agglutinines : Nos des tubes. EAU physio- logique. SÉRUM de lapin traité inactivé. 1 cent, cubes. 0,5 cent, cubes. 2 — 0,5 3 0,4 0,01 4 — 0,005 5 0,4 0,001 6 — 0,0005 7 0,4 0,0001 8 — 0,00005 9 0,4 0,00001 10 Humeur aqueuse de lapin traité inactivé. 0,5 11 0,4 0,1 12 Sérum de lapin neuf inactivé. 0,5 13 0,4 0,1 14 Humeur aqueuse de lapin neuf inactivé. 0,5 ÉMULSION de microbes chauffée. RÉSULTAT APRÈS 2 HEURES de séjour à l’étuve à 37 degrés. cent, cubes. 1 Pas d’agglutination. 1 Agglutination. 1 Agglutination. 1 Agglutination. 1 Agglutination. 1 Agglutination. 1 Agglutination. 1 Agglutination légère. 1 Agglutination légère. 1 Agglutination. 1 Agglutination légère. 1 Pas d’agglutination. 1 Pas d’agglutination. 1 Pas d'agglutination. Pour ce qui est des précipitines, nous avons fait aussi cinq expériences avec des immuns-sérum typhiques et cinq autres avec des immuns-sérum cholériques. Mêmes considérations que précédemment et même conclusion en ce qui concerne la richesse des précipitines de sérum et de l’humeur aqueuse. Pour nos recherches sur les précipitines, nous avons employé des cultures de vibrions cholériques et de bacilles typhiques en bouillon peptoné âgées de dix jours. Nous avons filtré ces cultures à travers une bougie Chamberland F. Voici un tableau : 668 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Nos des tubes. EAU physio- logique. SÉRUM de lapin traité inactivé. FILTRAT RÉSULTAT après 3 heures de séjour à l’étuve. cent, cubes. 1 cent, cubes. 0,5 cent, cubes. cent, cubes. 1 Pas de précipité. 2 0,3 0,2 1 Précipité. 3 0,4 0,1 1 Précipité. 4 — 0,05 1 Précipité. 5 0,4 0,01 1 Léger précipité. 6 — 0,005 1 Léger précipité. 7 0,4 0,001 1 Pas de précipité. 8 Humeur aqueuse de lapin traité inactivé. 0,5 1 Très léger précipité. 9 0,4 0,1 1 Pas de précipité. 10 0,3 Sérum de lapin neuf ipactivé. 0,2 1 Pas de précipité. 11 0,4 0,1 1 Pas de précipité. 12 — 0,05 1 Pas de précipité. 13 — Humeur aqueuse de lapin neuf inactivé. 0,5 1 Pas de précipité. Conclusions. Il résulte des expériences précédentes : Que chez les animaux immunisés, on peut mettre en évi- dence, par la méthode de la fixation du complément, la présence d'anticorps dans l’humeur aqueuse, et par les procédés spéciaux, celle des agglutinines et précipitines. Pour toutes ces substances, le rapport entre les quantités contenues dans le sérum et celles contenues dans l’humeur est de 1 à 5.000; 1, représentant la quantité contenue dans l’hu- meur aqueuse. RECHERCHES SUR LA PRÉTENDUE ACTION BACTÉRICIDE DE L’HUIYIEUR AQUEUSE A L’ÉGARD DE LA BACTÉRIDIE CHARBONNEUSE par Y. MANOUÉLIAN Nuttall (1), dans ses expériences sur les actions bactéricides des humeurs de l’organisme, a étudié l’action de l’humeur aqueuse normale du lapin sur la bactéridie charbonneuse virulente. Il a fait des examens en goutte pendante et des numérations de colonies après ensemencement d’un mélange de bactéridies et d’humeur aqueuse. Toutes ses expériences montrent une action nettement bacté- ricide se traduisant soit par un processus de dégénération, soit par un arrêt de développement se manifestant déjà après une heure de contact. Buchner (2) arrive à des résultats analogues en faisant agir l’humeur aqueuse normale du chien et du lapin sur du bacille typhique. Les conclusions de ces auteurs ont été admises sans que, pour la bactéridie charbonneuse au moins, elles aient été sou- mises à une vérification expérimentale. 11 nous a donc paru utile de reprendre ces recherches. Si l’humeur aqueuse normale est réellement bactéricide pour la bactéridie charbonneuse, on doit pouvoir exagérer cette action, et, chez un animal fortement immunisé, l’humeur aqueuse doit acquérir un véritable pouvoir empêchant. Pour le vérifier, nous avons injecté à un mouton hyperimmu- nisé 0 gr. 50 de culture de charbon virulent et sporogène sur gélose âgée de vingt-quatre heures; cette culture était émul- (1) Nuttall, Expérimente ueber die bakterienfeindliechen Einflüsse der Thierschen kôrpers. Zeitschrift f. Hygiene , 1888, vol. IV, p. 353. (2) Buchner, Untersuchungen ueber die bakterienfeindliechen Wirkungen des Blutes und Blutserums. Arch. f. Hygiene , 1890, vol. X, p. 94. G70 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR sionnée dans de l’eau physiologique. Au bout de trois semaines, nous avons prélevé l’humeur aqueuse. Nous avonsfaitun second prélèvement dans des conditions identiques. Voici notre tableau d’expériences : W r- M ° -O . o 7Z O ci O JS ' O ■a 2. z S 2s H © 2 ® D lO - -g £ S D, 3 © js S) 2 ^ p, > o © g • P— * »"■' *—■* - p-j © •— < V % Z. 2 ? Æ 00^ g U ^ _ S O O r£ 3 ® ‘O bt) <03 1 goutte. 1 goutte. I goutte. 1 goutte. 1 goutte. B0UILL0.\-PEPT. ou humeur aqueuse. 3 gouttes. Bouillon-pept. 3 gouttes. Humeur aqueuse de lapin neuf. 3 gouttes. Humeur aqueuse de mouton neuf. 3 gouttes. Humeur aqueuse de mouton hvperimmunisé. 3 gouttes. On ensemence immédiate- ment le mélange dans de la gélose à 1 1/2 p. 100 et on fait 3 boîtes le Pétri. Après 2 heures de contact, on ensemence le mélange dans de la gélose à 1 1/2 p. 100 et on fait 3 boîtes de Pétri. Iclem. Idem. Idem. w © O os £ z » 7 1.15 — — 4 30 16 4 0.28 0.20 0.11 0.01 0.00 )) )) » 4 0.61 0.93 0.82 5 40 20 5 0.25 0.16 0.07 0.00 )> » )) )) 3 0.48 0.80 0.51 Avec la dilution, l’activité de mon suc diminue plus vite que celle du suc de Buchner; cela signifie qu’un changement plus profond du milieu se produit, ce qui n’est pas étonnant, étant donné que mon suc est non seulement, plus actif, mais en général beaucoup plus riche en résidu sec. Le suc que j’ai employé pour les expériences précédentes en contenait 15,87 p. 100. S’il est plus riche en extrait sec, il est plutôt plus pauvre en matières albuminoïdes que le suc de broyage. Il est à remarquer que mon suc fermente en général deux fois plus longtemps que celui-ci, ce qui s’explique par ce (!) Loc. cit., p. 160. 686 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR fait, comme on le verra plus loin, qu’il contient beaucoup plus de coenzymes. Si Ton tient compte de ce fait (changement de milieu avec la dilution) on pourrait croire, surtout en se basant sur les expériences de Buchner, que si la dilution n’est pas trop grande (la dilution exagérée diminue, comme on l’a vu plus haut, la stabilité de la solution colloïdale), la quantité de CO2 formée ne dépend, toutes autres choses égales, que de la quan- tité de zymase. Ainsi, les expériences précédentes semblent permettre de conclure que la zymase n’est pas un enzyme, mais elles ont toutes le même défaut de ne pas tenir compte de la présence de la coenzyme, comme on le verra dans les expériences sui- vantes. Exp. 4 a. — Pour cette expérience, on a employé la levure de Munich, mais reçue de M. Schroder un mois plus tard. Le suc contenait 15, 46 p. 100 de résidu sec dont 4 p. 100 seulement étaient formés par des albuminoïdes coagulables; néanmoins, il était très actif. On a pris une certaine quantité de suc et on a ajouté du sucre de sorte qu'il en contienne 32 p. 100. De même on a pris de l’eau sucrée à 32 p. 100. Chaque fiole contenait 25 cent, cubes du suc pur, sucré, ou mélangé avec de l’eau sucrée de façon à ce que le volume total soit toujours de 25 cent, cubes et la concentration 32 p. 100. Il n’est pas besoin de répéter qu’on se servait pour toutes les expériences du toluène comme antiseptique. Les fioles 1, 2, 3, 4, 5 et21, 31, 41, 51 ont été mises simultanément dans le thermostat à 25 degrés. Tableau IV. NUMÉROS CENT PAR . CUB. FIOLE DILUTION 5 GRAMMES DE PAR JOUR CO2 I DURÉE ; QUANTITÉ CO3. GRAMMES GO2 multipliés par le coefficient de dilution. de suc. d’eau. 1 2 3 4 6 7 8 9 1 25 » » 1 0.62 0.50 0.35 0.24 0.15 0.02 0.00 )) 7 1.88 1.88 2 12.50 12.50 2 0.22 0.19 0.12 0.12 0.16 0.04 0.03 0.00 8 0.88 1.76 3 6.25 18.75 4 0.12 0.11 0.06 0.04 0.03 0.03 0.00 » 6 0.36 1.44 4 5.00 20.00 5 0.08 0.07 0.03 0.02 0.01 0.00 » » 6 0.21 1.05 5 3.70 21.30 7 0.04 0.04 0.02 0.01 0.01 0.01 0.00 » 6 0.12 0.84 Exp. 4 b. — Au lieu d’eau, on a ajouté le même suc, mais bouilli au bain- marie dans un flacon bouché (1), filtré, refroidi et additionné du sucre jusqu’à 32 p. 100. (1) J’ai vérifié que le suc bouilli ne faisait pas fermenter le saccharose. LA ZYMASE EST-ELLE UNE D1ASTASE ? 687 Tableau Y. c X 'Cd CENT par CUB. fiole. îs c H 3 GRAMMES PAR DE CO2 JOUR w se >w H H " * Z o p J p ^ O p » de suc de suc bouilli C 1 2 3 4 6 7 8 9 10 11 13 14 O1 21 12.50 12.50 2 0.26 0.30 0.27 0.22 0.30 0.10 0.07 0.05 0.04 0.02 0.01 0.00 12 1.64 31 6.25 18.75 4 0.17 0.19 0.20 0.17 0.27 0.10 0.09 0.05 0.04 0.03 0.03 0.00 13 1.34 41 5.00 20.00 5 0.12 0.13 0.15 0.14 0.23 0.10 0.08 0.06 0.05 0.03 0.03 0.00 13 1.12 51 3.70 21.30 l 0.09 0.10 0.12 0.11 0.20 0.07 0.06 0.06 0.02 0.01 0.00 » 11 0.84 Cette expérience prouve que si l’on dilue avec du suc bouilli au lieu de beau, la fermentation devient plus régulière et plus longue, se rapprochant de la fermentation par la levure; la quantité d’acide carbonique augmente presque propor- tionnellement à la quantité de coenzyme ajoutée. En effet, les quantités totales d’acide carbonique multipliées par les coefficients de dilution (3, 4, 5 et 7) dans l’expérience 4 a) sont presque égales à celles de l’expérience 4 b non multipliées par les coefficients correspondants : 4 a 1,76 1,44 1,05 0,84 grammes. 4 b 1,64 1,34 1,12 0,84 grammes. Etant données les conditions compliquées du milieu dans lequel se produit la réaction, on ne saurait prétendre à une meilleure concordance de chiffres. Exp. 5. — Aussi était-il important de voir quelle influence avait sur la fer- mentation la concentration du sucre. Pour cette expérience, aussi bien que pour les suivantes, je me suis servi de la levure de Munich. Le suc contenait 16, 47 p. 100 de résidu sec et était, comme on va le voir, extrê- mement actif. J’ai pris neuf fioles et ajouté, 1, 2, 4, 6, 8, 10, 12, 14 et 16 grammes de sucre et 20 cent, cubes de suc à chacune; j’ai ensuite mis de l’eau dans toutes les fioles à l’exception de la dernière (n° 9), pour que le volume soit toujours égal à 30 cent, cubes, 16 grammes de sucre augmen- tant en se dissolvant le volume de liquide à peu près de 10 cent, cubes (voii le tableau VI). On constate, voir le tableau VI (1) : 1° que le maximum de sucre fermente' atteint est entre 28 et 33 p. 100; 2° que la quan- (1) Pour simplifier, j’ai admis qu’un gramme d’hexose donne 7* gr. de CO2 et 72 gr. d’alcool. Tableau VI. 688 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR sanOavwaa •uoiiB{nSeoo ap sied : sbj 1 •uojieinSBOO ap nad : naj î •uorpejnSeoa : -Seo9 \ •?inofe aaons me ijoddej uo 9IU9maej aaons 9p 001 s ai 74.2 82.9 77.6 71.1 62.4 50.0 b8.4 31.3 24.5 •9IU9XXU9J 9J0BS 9p ooi ‘d saa 2.6 5.8 10.9 14.9 17.5 17.5 16.1 15.3 13.7 •pîlI9TUJ9J aaans aa sai\ntfvuo 0.78 1.74 3.26 4.48 5.24 5.24 4.84 4.60 4.12 ’cOD sp aivxox axuxivaO 0.39 0.87 1.63 2.24 2.62 2.62 2.42 2.30 2.06 •UOIIB1U9UIJ0J 9p aaana tMcocccocococcr-~GO î N w a £ w s Q o *' — 3 rr) U w CB S Oh S < OS V 00 o ; r-~ • • I 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.02 0.07 co • * • • • • 0.02 0 08 0.05 0.15 0.09 0.17 0.27 Coag. *st 0.00 0.03 0.05 0.12 0.17 0.15 0.16 0.32 Peu. co 0.00 0.01 0.05 0.09 0.34 0.31 0.29 0.32 Coag. 0.45 Pas. O 50 50 co co o o r~ o oc co 05 t— i— 1" 50 CO CO CM Ol "H 001 'd no aiuaivaaa aaons CO 05 50 50 50 1" 50 05 CM 50 05 O O CO «r. 'O . o o^uomaoj ayons aa sawiAYao CO C5 O0 CO CO CO CM co oo 00COO5^-^H^-|5O^tOJ O 'O (M co' CO co CO co co soo axixNvnO 0,40 0,80 1,49 1,58 1,58 1,58 1,16 1,73 1,64 aaana cm 50 o t" ce r— co O' co -O CM CM CO ^ ^ 5Ô aaons aa sawwvao -rHG^^cboOOCQ^ci), "rH tH CENT. CUBES _ par fiole d’eau 0200200200200 ^ I" 20 CN O 1^ 20 GM O OOOl^OaOCOOl^HO ■«H «r-i -t- «sr-i «s-H ■*H de suc ~3~~"S3 = î: soaaivnM -rH cm ce '-o 50 te 00 C5 Tableau VIII. LA ZYMASE EST-ELLE UNE DIASTASE ? 694 sanOviynaa nod saj] : nad \ix — Tione{nSieoo : \oe03 p^nolie 9J0Tis nu ijoddej u a o^iiorajaj gjons np 001 'd saq GM cm GO O O GO O l~^ O 07 -T O CO CM ■» H CG 50 GM 001 ’d U9 ajLvaKaaa avions 20 CM GO 20 12,6 16,1 GM r- CO r- CO »- -i 15,3 2 1 p^uauuaj aaons aa sawKvao 0,76 1,74 OO r- co 4,84 CO 20 CO GM 20 CM o CO 20 CM CM OO f— 07 CM OO o *o CO soo aumvnO CO GO OC •<— 20 CO CM -r- O O G1 G] GM CM CM G1 aavma | O X3 1 2 3 4 5 6 £3 Q CO2. % fermenté. 1 20 8 1.17 0.52 0.45 0.12 0.05 0.0? 6 2.33 4.66 2 )) 8 1.60 0.47 0.28 0.06 0.02 0.00 5 2.43 4.86 Exp. 7 b. — Absolument les mêmes conditions, mais les deux sucs ont été deux fois dilués. Tableau X. 77 O ce H CENT. par CUBES fiole. w ce o GRAMMES DE CO PAR JOUR H •W ce QUANTITÉ GRAMMES de sucre U — CO2. K de suc. ; d'eau. i 1 3 4 5 ! 6 ! T 8 fermenté. 1 10 j 10 8 0.41 0.69 0.19 ! 0.09 0.05 0.02 0.00 7 1.35 2.70 2 » i )) J » 8 0.57 0.76 0.16 O O oo O O O O 0.00 7 1.63 3.26 La fermentation par le suc (n° 2) va le premier jour plus vite (1,60 grammes de CO2, au lieu de 1,17 grammes), mais elle se ralentit rapidement à cause de la coagulation des albuminoïdes. Avec les sucs deux fois dilués, la fermen- tation est plus régulière et la différence en acide carbonique dégagé est trois fois plus grande (0,280 au lieu de 0,100 grammes CO2) (1). (1) Il va de soi que si la dilution dépasse cette limite, l’activité du suc diminue sensiblement. LA ZYMASE EST-ELLE UNE DIASTASE? 693 Le tableau suivant, dont les chiffres résument les expé- riences o et 6, montre d’une manière frappante que la quantité d acide carbonique, à partir d’une certaine concentration du sucre (21 p. 100), diminue considérablement si l’on dilue le suc avec deux fois son volume d’eau; mais elle ne change pas si l’on dilue avec du suc bouilli, c’est-à-dire que le résultat linal de la fermentation dépend non pas de la quantité de zymase mais de la quantité de coenzyme. Tableau XI. CONCENTRATION en hexose. suc non dilué. SUC DILUÉ aveu de la coenzyme. SUC DILUÉ avec de l'eau Grammes de GO2. Grammes de GO2. Grammes de CO2. ■ 3,3 p. 100. . . 0.39 0.35 0.40 7 — . . . 0.87 0.87 0.80 14 — . . . 1.63 1.89 1.49 21 — . . . 2.24 2.42 1.58 28 — . . . 2.62 2.58 1.58 35 — . . . 2 62 2.60 1.58 42 — . . . 2.42 2.46 1.76 49 — . . . 2.30 2.29 1.73 56 — . . . 2.00 2.11 1.64 Enfin, pour montrer que la zymase peut faire fermenter de nouvelles quantités de sucre ajouté à la lin de la fermentation, j’ai fait l'expérience suivante qui confirme les expériences de Buchner et Iviatte (1) avec le suc obtenu par broyage : On a pris quaire fioles et ajouté à chacune 10 cent, cubes de suc de levure de Munich et 0,2 de toluène; en outre, aux fioles 1 et 3 on a ajouté 1 gramme et, aux fioles 2 et 4, 2 grammes de saccharose. Après deux jours, la fermen- tation finie, on a ajouté, aux fioles 1 et 2, 10 cent, cubes du même suc bouilli.; aux fioles 3 et 4, 10 cent, cubes d’eau. En outre, aux fioles 1 et 3, on a ajouté 1,8 gramme et, à celles 2 et 4, 3 gr. 3 de saccharose pour com- penser la perte en sucre subie pendant la fermentation. Dans toutes les fioles on a mis de nouveau du toluène. Le suc pour cette expérience a été obtenu de la levure de Schroder, macérée pendant deux heures à 35 degrés avec trois parties d’eau. On a constaté que la quantité d’acide carbonique produite après l’addition du suc bouilli et du sucre a doublé (au lieu de (1) Loc. cit. ANNALES L)E L’INSTITUT PASTEUR 69 i R, 36 et 0,61 gramme, 0,67 et 1,38 gramme); seulement la fermentation s’était ralentie (an lieu d'un jour, trois à quatre jours), ce qui se comprend d’ailleurs bien aisément si l’on envi- sage que la concentration de la zymase est devenue deux fois plus faible et que, d’autre part, son activité était considérable- ment affaiblie par la coagulation partielle du suc après le pre- mier jour de fermentation. Ce dernier phénomène se produit toujours quand la concentration du sucre est faible comparati- vement à son activité, surtout avec le suc de levure de Munich. Tableau XLI. o » « a a ZD CG O O , o . c n W . O 3 GRAMMES DE CO2 PAR JOUR O £ 0 2 © * ~7 ç* cC O • ‘"7 Cli O CÆ O ©■ C/2 r— en w gis ■«! rs -t—5 «» g ^ CG C ’ c-î m es.tS CD ’TGJ a o CG -r '3"" U y P O es « r". Cl CENT. P s < c 1 2 suc bouil i’eau) sucre. sucre gr. 3 5 6 7 < c, ® 13 « a C3 05 1 1 > o Tl ce o ^ T* 1 10 1 0.36 0.00 ,5 2 0.61 0.0(1 ,2 Oaj 3.3 0.52 0.65 0.21 0.00 1.38 1 4 3 » 1 0.3S 0.00 — O "rd CO 0.03 0.02 0.00 » 0.05 1 3 3 4 » 2 0.69 0.00 3.3 0.05 0.02 0.00 )) 0.07 1 Je décrirai dans le mémoire suivant les expériences qui font très probable l’existence de la présure (lab-ferment) dans le suc de levure. De tout l’ensemble des faits relatés ici, se dégagent claire- ment les déductions principales suivantes : 1° La zymase du suc de macération est une diastase typique; 2° La quantité de sucre fermenté est à peu près proportion- nelle à la quantité de coenzyme, si celui-là se trouve dans une concentration convenable, c’est-à-dire d’au moins 20 p. 100 (pour les sucs très actifs) ; 3° L’activité énorme du suc extrait d’après ma méthode est due à sa richesse en coenzyme. Ce fait donne droit de penser que l’activité de la levure dépassant toujours de beaucoup celle du suc ne dépend pas de ce qu’elle contient plus de zymase, mais qu’au fur et à mesure que la coenzyme sous forme orga- nique est détruite pendant la fermentation, de nouvelles quan- tités en sont formées par le pouvoir synthétique de la cellule. ETUDE DE L’INULASE D’ASPERGILLUS NIGER par J. BOSELLI. (Travail du laboratoire de M. Fernbach, à 1 Institut Pasteur.) L’inulase a été découverte par Green (Armais of Botany, I, 1888) et extraite par ce savant de plusieurs plantes de la famille des Composées dans lesquelles l’hydrate de carbone de réserve est Finuline. Comme source d’inulase, on a aussi utilisé dés moisissures, pénicillium et aspergillus niger. Rourquelot ( Jonrn . danat. et de phgs ., 1886, p. 193; et C. R., cxvi-1143), en ensemençant Y aspergillus niger dans un liquide Raulin con- tenant de l’inuline comme hydrate de carbone, a observé la production d’inulase par le végétal. Cet auteur a vérifié en outre que Finuline, après hydrolyse par l’inulase d’aspergillus, fermentait par la levure, tandis que Finuline non hydrolysée par le ferment de la moisissure ne fermentait pas. Nous avons étudié certaines propriétés et conditions de sécré- tion de Finulase d’ aspergillus niger. Nos recherches ont porté sur les points suivants : 1° Loi d’action de Finulase; 2° Optimum d’acidité et de température; 3° Conditions de sécrétion; dosage du ferment dans le végé- tal; influence sur la sécrétion de l’aliment hydroearboné et de l’aliment azoté. Avant de donner nos résultats, nous indiquerons notre mé- thode expérimentale. L aspergillus a été cultivé sur liquide Raulin ordinaire, dans lequel l’hydrate de carbone était Finuline; cependant, dans nos expériences relatives à l’influence de l’aliment hydroearboné et azoté, nous avons employé le saccharose, le glucose, le lévu- lose et le sucre de lait. Le ferment était extrait de la façon suivante : supposons que 100 centi- mètres cubes de liquide Raulin aient été ensemencés ; lorsqu’on a retiré la culture (qui a lieu à 37 degrés) une partie du liquide nutritif s’est évaporé; on recueille le liquide restant, on lave avec un peu d’eau distillée la face 696 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR inférieure du mycélium, on ajoute au liquide restant l’eau de lavage et com- plète à 100 centimètres cubes. Le mycélium est broyé avec du sable et un peu d’eau sur plan de verre dépoli et à la molette suivant une méthode employée par M. Fernbach (Thèse de doctorat, 1890) pour l’étude de la sucrase; on laisse digérer la pâte obtenue pendant douze heures avec 50 centimètres cubes d’eau dis- tillée; on essore et lave à la trompe; on ajoute au filtrat les eaux de lavage et complète à 100 centimètres cubes. Nous avons vérifié à plusieurs reprises ([ue le résidu ainsi épuisé était complètement inactif. Dans nos premiers essais, nous nous sommes servis d’inu- line de chez Poulenc; ensuite nous avons employé une inuline préparée au laboratoire par une méthode indiquée par M. Wolff; elle consiste à extraire à la presse le jus de racines de chicorée améliorée; on fait bouillir ce jus, ce qui coagule des albuminoïdes et d’autres substances, et on filtre à chaud; le filtrat refroidi laisse déposer après vingt-quatre heures une certaine quantité d’inuline qu’on recueille et essore à la trompe ; l’ inuline dissoute dans le liquide surnageant est obtenue par congélation. On purifie par plusieurs dissolutions successives dans l’eau chaude. Loi d’action du ferment. Avant d’étudier l’activité du ferment dans différentes condi- tions, il y a lieu de définir cette activité. Pour éliminer la complication provenant de concentrations initiales différentes d’inuline, nous nous sommes astreints, dans toutes nos mesures d’activité sans exception, à avoir tou- jours la même concentration initiale d’inuline. Les solutions dans lesquelles agissait le ferment étaient telles qu’en sup- posant l’inuline entièrement hydrolysée, la concentration du lévulose fût de 2 p. 100. Dans ces conditions, nous avons observé que la loi d’action du ferment est à peu près loga- rithmique, c’est-à-dire que l’on a sensiblement la relation : (1) -jj = K c (2 — x) . x concentration au temps t du lévulose formé, exprimée en grammes par 100 centimètres cubes; c concentration du ferment exprimée par le nombre de cen- timètres cubes de la solution diastasique (liquide de culture 697 ÉTUDE DE L’IN UL A SE D’ASPERGILLUS NIGER (1 aspergillus ou liquide de broyage des cellules) contenus dans 100 centimètres cubes de la solution diaslase-j- inuline. La relation (1) fournit l’expression : Pour la commodité des calculs, nous avons pris comme me- sure de l’activité du ferment la constante Kl proportionnelle à K et donnée par la relation (3) E, = Yc %i 0 2~; ï le temps t étant exprimé en minutes. Kt peut être considéré comme mesurant l’activité du ferment, à condition de faire agir ce ferment clans les solutions dont la concentration initiale en inuline est telle que cette inuline tota- lement hydrolysée donne une solution à 3 p. 100 cle lévulose. Voici les résultats d’une expérience faite à 51 degrés, mon- trant les variations de h mesure que l’hydrolyse s’effectue : c = 50 acidité en SOlII2 0,5 — Yqq normale Valeurs de : x t Ei — — — 0,51 120 2,15 X 10-3 0,90 240 OO ■r-* G'f 1,20 360 2,23 1,45 -480 2,33 L’expérience résumée dans le tableau précédent a été faite de la façon suivante : on a ajouté à 50 centimètres cubes de liquide de broyage du mycélium d’une culture d ' aspergillus sur inuline un volume convenable d’une solution d’inuline préala- blement titrée et une certaine quantité de S04II2 titré; puis, la solution a été complétée à 100 centimètres cubes; la quantité d’inuline était telle qu’en supposant l'hydrolyse totale la solu- tion contienne 2 grammes de lévulose; le liquide de broyage était préalablement neutralisé par rapport à l’hélianthine, et la concentration de la solution inuline -j- inulase en S04Hâ 1 était normale. Comme l’acide seul hydrolyse à 51 degrés 1 inuline d'une façon notable, un témoin était fait de la façon suivante : Dans ■608 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR le thermostat à eau contenant le mélange A inuliné -f- inulase étaient placés 100 centimètres cubes d'un mélange J! inuline -f- inulase bouillie contenant 50 centimètres cubes de liquide de broyage bouilli et la même quantité d’inuline et d'inulase que A; À et B ayant été placés simultanément, des prélève- ments simultanés furent effectués après 2, 4, 6 et 8 heures; après chaque prélèvement, on arrêtait l'hydrolyse en ajoutant un léger excès de soude (procédé que nous justifierons ulté- rieurement), et fou faisait des dosages au Fehling. Les valeurs de x du tableau sont donc les différences entre les poids de lévulose formés en A et B. D'autres expériences faites dans d'autres conditions de tem- pérature, d’acidité et de concentration du ferment nous ont montré que la loi logarithmique est dans tous les cas approxi- mativement vérifiée, à condition, bien entendu, d’hydrolyser Cette solution minérale stérilisée à 120 degrés pendant vingt à trente minutes ne conserve pas sa composition. Les bases ter- reuses sont mises en liberté, ou précipitées à l’état de carbo- nates ou de phosphates. Le liquide stérilisé est parfaitement limpide en raison du collage qu'il a subi pendant le chauffage; le dépôt de carbo- nates et de phosphates est assez cohérent et peu facile à mettre en suspension. La solution a une réaction acide à la phénol-phtaléine. Les caractéristiques de la partie limpide sont les suivantes : Extrait à 100 degrés par litre en grammes 2,724 Extrait au rouge par litre en grammes 1,622 Alcalinité des cendres p. 10 0 6,42 Acidité de la liqueur limpide par litre exprimée en NaOH employée pour la neutraliser : Avant stérilisation 0,384 gr. par litre. Après stérilisation 0,184 — par litre. Si on introduit des plantules de maïs âgées de dix à douze (1) La nature des recherches que j’expose dans ce mémoire exigeait la substitution de l’eau de Seine à l’eau distillée. Cette précaution est une garantie sûre de la présence des cendres rares dans la solution nutritive, ce qui permet d’attribuer les résultats observés aux seules influences que l’on met en œuvre par les modifications apportées à la composition de la solu- tion nutritive. 712 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR t jours dans celte solution en prenant la précaution de ne pas l’agiter, on observe le fait’suivant. Les plantes placées dans^des llacons de 2 litres se dévelop- pent plus vite que celles qui sont introduites dans des flacons de 3 litres et celles-ci prennent une avance marquée sur celles des flacons de 10 litres (photo. 1). En suivant le développement [des racines, on: découvre les raisons de cette particularité. Dans les llacons de 2 litres, les racines atteignent le dépôt insoluble quelques jours plus tôt que Photo. 1. dans les llacons de 3 litres. A partir du moment où elles par- viennent jusqu’au dépôt, elles absorbent les substances inso- lubles qui le forment et la végétation acquiert un surcroît d’activité. Dans les llacons de 10 litres, les racines ne peuvent pas atteindre le dépôt insoluble. Celles qui partent des premiers * nœuds, plus grosses et plus rigides que la racine principale, produisent des ramifications si longues et si ténues qu’elles remontent à la surface du liquide au lieu de progresser vers le fond. Pour faire cesser l’état de souffrance ou plutôt le retard qui résulte de cet inconvénient, il suffit d’agiter le liquide pour mettre le dépôt en suspension; les particules solides viennent RECHERCHES SUR LA PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE 713 alors se poser sur les racines et les plantes prennent à leur tour un esskr régulier, mais le retard reste acquis. Ces faits tendent à prouver que les racines absorbent facile- ment les substances nutritives insolubles grâce sans doute à des sécrétions radiculaires. On attribue ce résultat à l’acide carbonique. Quand les racines se développent dans un milieu solide comme le sol, elles enserrent les particules terreuses d’un feu- trage très adhérent de radicelles et de poils radicaux. On peut supposer que la mince lame d’eau qu’elles entretiennent autour d’elles, en vertu des forces capillaires, est plus riche en acide carbonique que celle qui s’étend autour des particules solides; mais quand il s’agit d’une solution nutritive, tout l’acide carbonique diffusé se répartit dans la masse liquide : l’effet me semble dans ces conditions hors de proportion avec la cause qui le produit, car l'acide carbonique existe dans le liquide à une concentration fixée par la pression qu’il possède dans l’atmosphère, et son action dissolvante s’exerce d’une façon permanente ; l’effet observé ne se produit cependan t que lorsque les racines prennent contact avec le dépôt, et comme il devient immédiatement sensible, on est porté à supposer l'in- tervention d’un acide plus énergique que l’acide carbonique. Mais alors on doit se demander aussi pourquoi cette action d’un acide énergique ne se fait pas sentir plus tôt ; elle appelle donc la même objection que celle que je viens d’adresser à l’acide carbonique, car ce dernier est plus abondant aussi au voisinage de son point de dégagement. La différence s’explique cependant très bien par ce fait que l’élongation des racines devance la diffusion des acides forts, de sorte que leur présence ne se révèle qu’à partir du moment où le dégagement se pro- duit au contact du dépôt même, tandis que l’acide carbonique, préalablement dissous dans la solution, aurait pour résultat de masquer ou d’atténuer la solubilisation du dépôt, s’il était seul en jeu. Si les racines excrètent des acides, on doit admettre aussi qu’elles peuvent éliminer des bases. L’alcalinisation delà solu- tion nutritive doit donc se produire aussi facilement que son acidification; je dois ajouter d’ailleurs que dans ce que je viens de dire au sujet de la solubilisation du dépôt au contact des 714 ANNAI.ES DE L’INSTITUT PASTEUR racines, je n'ai envisagé qu’un côté de la question. Les bases agissent comme dissolvants au meme titre que les acides. L’exos- mose de la sonde est aussi vraisembable que celle des acides sulfurique ou chlorhydrique. Ceci étant dit, voyons les faits. Les maïs cultivés dans SP se développent avec une régularité très satisfaisante lors- qu'ils sont placés dans des solutions d'égal volume. La photo- graphie 2, prise le 7 juillet, en donne une idée. Le 20, les solu- tions nutritives sont réduites de près de moitié en raison des Photo. 2. pertes produites par la transpiration. A partir de ce moment, on partage les plantes en deux lots qui reçoivent respectivement les solutions suivantes. A Nitrate de sodium. . , . . 2,125 Phosphate de potassium . 1 » Sulfate d’ammonium ... 0,4 Carbonate de magnésium . 1 » Eau de la Seine 1000 » Sulfate ferreux Traces. B Nitrate d’ammonium. . . . 1,275 Phosphate de potassium . 1 » Sulfate de magnésium. . . 0,4 Carbonate de magnésium . 1 » Eau de la Seine 1000 » Sulfate ferrreux Traces. Ces solutions stérilisées à 120 degrés sont introduites dans les flacons avec les précautions usitées pour éviter la contamination parles germes extérieurs. Ellessont distribuéesau fur etàmesure des besoins; ce sont donc les plantes qui transpirent le plus RECHERCHES SUR LA PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE 715 qui reçoivent les volumes les plus grands. Il s’agit, en effet, de mettre en évidence le rôle de la soude; la solution A renferme de grandes quantités de soude ; la solution B n’en contient pas; de plus, l’azote de B étant assimilable sans résidu, la réaction de la liqueur ne peut varier qu’avec la concentration; on aura ainsi un milieu qui conservera à peu près sa réaction primitive et qui pourra servir de témoin à la solution A, dans laquelle j’ai introduit une petite quantité de sulfate d’ammonium afin d’éviter une concentration trop élevée en nitrate de sodium. La végétation est très active dans ces solutions; mais comme la concentration s’élève rapidement, elle s’arrête après la florai- son. Nous avons donc à ce moment des plantes qui sont para- lysées par excès d’aliments. Cela me permettra de revenir sur faction des solulions nutritives trop concentrées sur le dévelop- pement du maïs, par comparaison: 1° avec des plantes témoins qui ont évolué en milieu moins riche ; 2° avec des plantes soumises à l’alimentation interrompue telle que je l’ai définie page 710. Le tableau I donne la nature et la grandeur des réactions des solutions nutritives à la fin de l’expérience, c’est-à-dire à une exception près, le n° 5, au moment où l’on constate que les plantes ne se développent plus. L’acidité est évaluée en acide sulfurique, l’alcalinité en soude par litre, t’une et l’autre étant déterminées au moyen de la phénolpbtaléine. Dans ce tableau, c’est l’alcalinité seule qui nous intéresse ; elle ne peut être attribuée qu’à la soude; l’acidité, qui reste très sensible mêmeaprès la stérilisation à 120 degrés en présence de carbonate de calcium, est due au phosphate acide que j’ai utilisé en pensant, à tort, que la neutralisation serait assurée par le carbonate de calcium. Si ces cultures avaient été réalisées dans les conditions ordi- naires, c’est-à-dire en présence de microbes, on aurait trouvé sans peine la raison de l’acidification ou de l'alcalinisation des milieux nutritifs. Dans la solution B, la nitrification de l’ammoniaque est pos- sible dans les conditions ordinaires; l’acide nitrique ainsi formé déplace une partie des acides sulfurique, phosphorique, chlor- hydrique et carbonique présents dans la solution; et comme il n’y a pas de raison d’admettre que, dans ces conditions, le car- 716 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR t bonate de calcium en excès neutralise ces acides, puisque la neutralisation n’est déjà pas complète même à chaud, l’acidité résultant de la nitrification reste très sensible. TABLEAU I N°S d’ordre. POIDS de la plante sèche en grammes. VOLUME de liquide restant. ALCALINITÉ en NaOII par litre. ACIDITÉ en S04H2 par litre, i 31,82 Solution A. 560 cent, cubes. 0,192 )) 2 28,735 660 — 0,171 )) 3 21,341 (1) 460 — 0,530 )) 4 41,54 460 — 6,800 )) 5 69,211 2.600 — 0,336 )> 6 42,12 Solution B 530 cent, cubes. » 0,999 7 30,42 370 — )) 0,392 7 38,46 570 — )) 0,833 8 18,90 (1) 750 — )) 1,444 (1) Ces deux plantes, qui appartenaient à la même série que les autres, se sont mal développées dès le début sans cause apparente; elles sont toujours restées en retard, mais elles ont fleuri normalement. D'un autre côté, la solution A aurait donné lieu à une déni- trification très active; la décomposition de l’acide nitrique a, comme conséquence immédiate, une alcalinisation de la liqueur. Ce phénomène a certainement faussé les recherches de cette nature bien plus souvent qu’on ne le pense. Mais dans les solutions stérilisées, l’acidification ne peut pas se justifier de cette manière, c’est bien à l’influence immé- diate de la plante qu’il faut l’attribuer; lien ne nous autorise cependant à affirmer que la soude mise en liberté par l’assimi- lation de l’acide nitrique ait été excrétée par les racines après une absorption préalable à l'état de nitrate de sodium. 11 est donc nécessaire de montrer que les substances minérales absor- bées par les racines et non utilisées par la plante font retour à la solution nutritive. RECHERCHES SUR LA PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE 717 l . .. I\ Excrétion des substances minérales par les racines. La méthode de l'alimentation interrompue va nous per- mettre de résoudre le problème posé. Des plants de maïs développés dans la solution S. P. sont privés à un moment convenable du reste de leur solution nutri- tive. On lave les racines à deux reprises différentes avec de l’eau distillée stérilisée et on soumet les plantes ainsi préparées à l’action des trois liquides suivants répartis respectivement dans des tlacons de 3 litres, et stérilisés à la température de 120 degrés. N° 1. Eau distillée 1.000 Carbonate de calcium. . . s. 2 N « 2. Eau distillée 1.000 Nitrate de sodium 1 Carbonate de calcium 2 N° 3. Eau distillée 1.000 Phosphate de potassium 1 Carbonate de calcium. 2 La présence du carbonate de calcium a pour but de repro- duire les conditions que la plante trouve dans le sol qui ren- ferme toujours une certaine quantité de calcaire. J’aurais pu employer comparativement les mêmes liquides sans carbonate de calcium; mais ces expériences réclament beaucoup de soins et de surveillance et il est prudent de ne pas trop entreprendre à la fois; chaque sujet sera abordé à son tour. Les plantes 2 et 3 n’ont pas développé de nouvelles feuilles pendant toute la durée de l’expérience; la photographie [3] prise le 20 septembre donne donc une idée de l’état initial des 3 plantes et reproduit leur état final. Le n°l a formé un grand nombre de feuilles ; il a donné un épi mâle stérile; l’épi femelle est resté à l’état embryonnaire. La plante n° 1 a évaporé près de 6 litres d’eau; quand les 3 premiers litres ont été réduits à 300 centimètres cubes envi- ron. on a siphonné le résidu pour le soumettre à un examen 718 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR analytique, et on a rempli de nouveau le flacon avec 3 litres d’eau distillée. Cette opération a été faite dix-huit jours après le début de l’expérience; le liquide restant dans les n°" 2 et 3 n’a été examiné qu’à la fin de l’expérience ; à ce moment le n° 1 avait absorbé le contenu de son flacon jusqu a la dernière goutte. Photo. 3. J’ai résumé dans le tableau suivant les résultats qui con- cernent fexosmose radiculaire. TABLEAU II NUMÉROS des plantes. DURÉE de l’expérience. POIDS SEC des piantes. VOLUME RESTANT de la solution. ALCALINITÉ en NaoH par litre. EXTRAIT à 100 degrés par litre. EXTRAIT au rouge. DIFFÉRENCE des deux extraits. jours grammes cent, cubes grammes grammes grammes grammes i 18 30,59 300 Neutre. 0,400 0,134 0,266 o 58 19,456 570 0,140 7,132 5,902 1,230 3 58 7,564 1.320 0,600 2,310 2,075 0,235 Tous ces liquides renferment des substances minérales et des matières organiques; celles-ci proviennent de la plante et RECHERCHES SUR LA PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE 719 renferment de petites quantités de sucres réducteurs; mais la différence des deux extraits fournis par le n° 2 est due en grande partie à la décomposition des nitrates au rouge. L’extrait au rouge donne des cendres fusibles, alcalines qui renferment des chlorures et des sulfates, mais pas d’acide phos- phorique (nos 1 et 2). Dans la plante n° 3, les chlorures sont abondants, les deux extraits sont déliquescents; abandonnés à l’air, ils deviennent liquides; 2 gr. 5782 d’extrait à 100 degrés absorbent à l’air libre 0,7382 gr. d’eau; cette déliquescence est due aux chlorures et au carbonate de potassium. Chauffé au rouge ii restel, 7012 gr. d’extrait qui absorbent 3,0566 gr. d’eau dans l’air saturé d’humidité (1). Les nos 1 et 2 donnent des extraits non déliquescents, ce qui s’explique par ce fait que ces deux plants ont gagné beaucoup de poids; la réserve de substances minérales empruntées à la solution S. P. a été utilisée; l’extrait des liquides restants ren- ferme cependant beaucoup de sulfates, peu de chlorures, car le chlore a été donné avec parcimonie (voir p. 11). La plante n° 3 a abandonné à l’eau distillée une partie sen- sible de ses réserves, parce qu’elle ne s’est pas développée. Pendant la stérilisation à 120 degrés, l’acide phosphorique précipite sous forme de phosphate tricalcique; le liquide est alcalin et arrête complètement le développement de la plante qui devient, d’ailleurs, chlorotique. L’alcalinité finale, qui est très élevée, ne doit pas être attribuée aune action directe de la plante. Il n’en va pas de même de l'alcalinité de la solution. Il ne se produit pas d’échanges entre le nitrate de sodium et le carbonate de calcium, même à 120 degrés. La solution reste neutre; si elle devient alcaline, c’est parce que le nitrate de sodium est décomposé, l’acide nitrique est partiellement transformé en ammoniaque ; la soude mise en liberté est excrétée par les racines ; la plante n° 2 a gagné 5 grammes, ce qui justifie cette assimilation d’azote nitrique. La conclusion qui se dégage de ces faits est donc très nette. La plante excrète les substances minérales qu’elle n’utilise pas ; si dans les aliments minéraux qu’on lui offre la base est (1) J'y ai trouvé en outre de la magnésie, du zinc et du fer. 720 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR assimilée, c’est l’acide qui fait retour à la solution nutritive ; si c’est la base qui est retenue, c'est l’acide qui est excrété (tableau I). Le nitrate, le phosphate de sodium produiront toujours une alcalinisation de la solution nutritive; le sulfate, le chlorure d’ammonium l'acidifieront; le nitrate, le phosphate d’ammonium offerts à un état de concentration convenable la laisseront neutre. J’aurais pu analyser ces extraits en détail, et apporter des chiffres à l’appui de mes conclusions; c’est une lacune qui sera comblée par des recherches ultérieures ; je me suis attaché d’abord à déterminer les conditions du phénomène; et comme ces mêmes plantes ont servi en même temps à d’autres démonstrations, le peu de substances dont je disposais aurait rendu les déterminations quantitatives assez difficiles. L'existence de la fonction d’excrétion chez les racines étant établie, il sera facile par la suite de pénétrer dans le détail du phénomène. On conçoit toute l’importance de cette conclusion, car tout le mécanisme de défense de la plante vis-à-vis des substances toxiques, vis-à-vis des excédents de matières minérales que les racines absorbent, réside dans ce mécanisme. Son mode d’action sur les substances minérales insolubles y trouve son explication, et toutes les anomalies que présente la compo- sition des cendres végétales, qui n’ont pu se justifier jusqu'ici que par des artifices de raisonnement, reçoivent une interpré- tation aussi simple qu’évidente. Elle apporte, enfin, l’argument tant invoqué en faveur de la nécessité des assolements, car si dans les fumures minérales ou organiques on ne se soucie guère de la restitution des acides minéraux autres que l’acide phosphorique, il est facile de con- cevoir que les emprunts inégaux d’acides minéraux, ou, si l’on préfère, de soufre et de chlore, etc..., épuisent inégalement les réserves du sol et obligent le cultivateur à recourir aux cul- tures alternantes. II est non moins aisé de découvrir, avec le concours de la fonction excrétrice des racines, que les éléments nutritifs ne sont pas les seuls qui importent dans la ferlilité effective du sol parce qu'ils font partie intégrante du végétal; à côté de ce rôle alimentaire, l’acide sulfurique et l’acide chlor- hydrique peuvent exercer, en outre, un rôle utile, soit comme 721 RECHERCHES SUR LA PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE véhicules pour l’élimination de la §oude et de la chaux en excès, soit encore comme moyen d’action de la plante sur les aliments insolubles; la soude elle-même agit comme dissol- vant à mesure qu'elle est restituée au sol par les racines à Fétat de carbonate de sodium ; voici donc des influences qu’on n’a jamais fait intervenir dans les rapports de la plante avec le sol; je montrerai qu’ elles se manifestent d’une manière per- manente et souvent avec une grande énergie, en reprenant les théories de la nutrition minérale des végétaux dans les parties qui, jusqu’ici, ne satisfont guère l’esprit. Il est curieux, cependant, de constater avec quelle assurance Liebig avait âdmis l’exosmose des substances minérales par les racines (1); mais il semble que, sur ce point particulier, il ne soit pas resté longtemps fidèle à son opinion première. Il n’y fait plus allusion dans les 50 aphorismes où il résume les principes de sa théorie minérale (2). Dehérain a tenté de démontrer l’existence de la fonction excrétrice chez les racines ; mais les essais qu’il a réalisés avec des lentilles d’eau (Lemna ïïiinor) ne lui ont dont donné que des résultats négatifs (3). Ses expériences confirment donc les conclusions de Walter dont les recherches ont porté sur des végétaux terrestres. Quand on soumet les racines d’une plante au traitement imaginé par Walter, il est facile de concevoir que le végétal absorbe surtout l’eau dis- tillée et non la solution minérale incomplète qui renferme du chlore ou de l’acide sulfurique à l’état de sels solubles ; la diffusion des sels de la solution minérale vers l’eau distillée se fait donc très lentement, si on admet toute- fois qu’elle est possible, puisqu’elle est constamment gênée par le courant inverse qui est très sensible ; on peut prévoir que l’expérience ainsi réalisée donnera des résultats négatifs, le plus souvent, d’après les chiffres du tableau II ; mais si on avait recherché dans la solution minérale les sub- stances étrangères que la plante y avait laissé diffuser, on y aurait trouvé un certain nombre d’éléments minéraux qu’on n’y avait pas introduits. Je n’ai pas répété l’expérience de Walter parce qu’elle ne se prête pas à l’application des méthodes de cultures sans microbes; mais je l’ai repro- duite avec deux plantes séparées, et j’ai obtenu ainsi des résultats avec l’eau distillée comme avec les solutions minérales incomplètes, avec cette diffé- rence qu’ils sont bien plus accusés dans ces dernières ; mais il ne faut pas oublier que mes expériences ont duré plusieurs semaines ; le temps est, en effet, un élément essentiel de succès dans ces sortes de recherches. Quant à la méthode des impressions radiculaires, elle ne peut donner que des résultats irréguliers puisque les excrétions peuvent être acides, neutres ou alcalines suivant la nature du sol ou la composition des solutions nutritives. (1) Liebig, Chimie organique appliquée à la physiologie végétale et à l'agri- culture (p. 104). Traduction Ch. Gerhardt (Masson et Cie), 1841. (2) Grandeau, Chimie et physiologie appliquées à V agriculture et à la sylviculture (Berger-Levrault et Cie), i879. (3) Traité de chimie agricole , p. 185. Masson, édit., 1892. 4G 722 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Je dois revenir maintenant sur queiques-unes de mes observations anté- rieures qui prennent une signification précise quand on les envisage à la lumière des résultats que je viens d’exposer. Quand on place de jeunes plantules de maïs dans des solutions minérales incomplètes, on constate qu’elles se décolorent complètement à la lumière, pendant que les plantules placées dans l’eau distillée conservent leur cou- leur verte. A part la disparition de la chlorophylle on n’observe aucune diffé- rence sensible entre les deux groupes déplantés; j’ai interprété ces résultats en disant que la solution minérale incomplète soustrait à la plantule les éléments inorganiques que la graine lui fournit pendant la période germina- tive. Les faits que j’ai relatés dans ce chapitre confirment cette hypothèse. J’ai décrit aussi en détail l’infiuence de l’azote nitrique et de l’azote ammo- niacal sur le développement du maïs ou, plus exactement, linfluence du nitrate de sodium et du sulfate d’ammonium. Après avoir montré que le sulfate d’ammonium constitue pour le maïs un aliment azoté aussi efficace que le nitrate de sodium, j’ai enregistré un certain nombre de faits sans les commenter pour la raison bien simple qu’ils me paraissaient difficiles à inter- préter. C’est ainsi, par exemple, que dans une solution minérale où l’on intro- duit un mélange de nitrates et de sels ammoniacaux en proportions variables, on constate parfois que c’est l’azote ammoniacal qui est absorbé de préfé- rence; parfois c’est l’azote nitrique qui disparaît en plus grande quantité. Ces résultats, qui peuvent varier à l’infini avec la composition de la solution nutritive, obéissent à une loi générale que l’on pourra établir parla suite, et qu’on entrevoit dès maintenant à la faveur de la fonction d’excrétion des racines; en anticipant sur les faits, il semble qu'on puisse la formuler de la façon suivante : L'azote basique, et l'azote acide sont assimilés dans un rapport tel qu'il n'en résulte pas de changement de réaction dans la sève végétale ou dans la liqueur nutritive. J’ai donné enfin sur l’influence du sulfate d’ammonium des renseignements qu’il est utile de modifier ou de compléter. Le maïs se développe très vigou- reusement dans les solutions de sulfate d’ammonium; mais quand la con- centration de ce sel dépasse 0,5 p. 4.000, les racines prennentun aspect carac- téristique ; les racines adventives courtesetrigidesprésententdes ramifications nombreuses; mais ces ramifications ne s'allongent pas non plus, et, à mesure que la concentration s’élève jusqu’à 1,5 et 2 p. 1.000, l’ensemble du système radiculaire donne de plus en plus l’impression d’un buisson d’épines. En même temps, la couleur des feuilles passe du vert foncé au vert brun. Dans une solution de concentration donnée, ces caractères peu accentués au début de la végétation s’accusent avec les progrès de la plante; ils se pré- sentent donc comme la conséquence d’une modification dans la composition de la solution nutritive survenue au cours de la végétation; cette modifica- tion devient plus sensible avec le temps, car elle est suffisante pour faire périr en quelques semaines une plante qui a développé 4 ou 5 feuilles normales à la faveur de conditions moins défavorables. Il est clair que la concentration de la liqueur en sulfate d’ammonium, que j'avais seule mise en cause, n'est pas l’unique facteur qui intervient dans ces conditions; la plus grande part d’action revient au contraire à l’acidification progressive de la sève et de la solution par l’acide sulfurique non assimilé. C’est à l’acide sulfurique aussi qu’il faut attribuer l’exaltation du vert chlo- rophyllien; son action est peut-être plus ou moins médiate; mais il est certain que ce résultat ne s'observe pas au même degré ni avec le nitrate d’ammonium ni même avec le chlorure, en prenant la précaution de fournir RECHERCHES SUR LA PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE 723 dans tous les cas l’ammoniaque en quantités équivalentes. L’acide sulfurique apparaît donc comme un antidote de la chlorose. Quand on préconise le sulfate de fer comme remède à la chlorose végétale, c'est plutôt à l’acide sulfurique qu’il faut rapporter les effets observés : voilà une déduction qu’il sera facile de vérifier; ce n’est pas la première fois que cette opinion a été formulée. Tous les vignerons savent par expérience que les sulfatages anlicryptoga- miques exaltent la couleur verte des feuilles. V Excrétion des substances organiques. Puisque l’exosmose radiculaire des substances minérales existe, l’excrétion des substances organiques est possible. Quand on fait l’extrait du résidu de la solution nutritive qui a alimenté un pied de maïs, on constate qu’il renferme des quantités sensibles de matières organiques. Quand le liquide est envahi par les bactéries, leur pullulation est une preuve visible de la présence des substances organiques solubles. La désagrégation de la coiffe et la chute des poils absorbants four- nissent sans doute une partie de ces matières; mais on se demande jusqu’à quel point ces substances sont capables de subvenir aux besoins de véritables cultures microbiennes. L’abondance d<*s microbes est si grande qu’on ne peut admettre sans réserve qu’ils ne soient pas alimentés par des composés plus favorables à leur développementque les malières cellulosiques ou pectiques qui proviennent des poils absor- bants. On m’a objecté que les substances réductrices dont j’avais signalé la présence dans l’eau distillée où plongent les racines de plantules de pois, proviennent de la désagrégation des coiffes; je n’ai pas relevé la critique, mais cela ne veut pas dire que je me sois incliné devant cette interprétation, qui ne mérite pas la moindre considération. Parmi les substances organiques les plus faciles à caracté- riser se trouvent en effet les sucres et les acides organiques; les matières azotées sont aussi faciles à mettre en évidence, mais j’ai limité mes investigations aux deux premiers groupes, Dans la série de plantes que j’ai cultivées pendant l'été 724 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR f de 1909, j’en ai rencontré peu qui se prêtaient à la recherche des sucres, et cela pour deux raisons. C'est d’abord la saison, qui a été très peu favorable à la syn- thèse active des sucres; ce sont ensuite les conditions de l'expé- rience, qui rendaient l’accumulation des sucres difficile puisque les solutions minérales ont été enrichies à dessein pour provo- quer l'arrêt de la végétation par pléthore de substances nutri- tives. Mais les pieds cultivés dans la solution S. P. jusqu'à épuise- ment à peu près complet du liquide ont donné des résultats probants. L'un d’eux, arrêté le 7 août, après huit jours consécutifs de beau temps, au moment où les 3 litres de solution S. P. étaient réduits à 130 centimètres cubes, avait laissé passer dans la solution 57 milligrammes de sucres réducteurs. L’extrait est légèrement acide, sirupeux et douceâtre au goût; en présence de phénylhydrazine il donne à chaud des cristaux acidulés groupés en houppes ou en blanches de genêt, assez courts, très bien formés, et très longs au contraire par refroi- dissement; ces cristaux sont donc des cristaux de glucosazone ou de lévulosazone ; les cristaux de maltosazone n'existent pas. La plante pesait à l’état sec 11 gr. 798; elle renfermait en tout 231 milligr. 5 de sucresréducteurs,àpeine A foisplus que la quantité trouvée - de la mère, le broyage du foie et de la rate de la mère, le sang de trois fœtus, le broyage des organes de trois petits. L'inoculation du sang de la mère détermine l’infection au quatrième jour; cette infection reste extrêmement légère; le broyage du foie maternel donne une infection très légère au sixième jour; le broyage de la rate donne une infection légère au troisième jour. L’inoculation du sang du fœtus reste négative dans un cas et dans un autre cas donne une infection extrê- mement légère au huitième jour; l’émulsion du foie du fœtus donne un résultat négatif dans un cas, une infection extrêmement légère dans un autre cas, au dixième jour; l’émulsion du placenta donne au troisième jour une infection forte. De ces expériences, il est facile de tirer des conclusions pré- cises. Au moment de la crise, le placenta est plus riche en spirilles que le sang ou J es organes de la mère ou des fœtus. Au moment de la crise, les spirilles, extrêmement rares dans le sang maternel, le sont plus encore dans le sang fœtal. Chez le fœtus, comme chez la mère, les spirilles, au moment de la crise, paraissent être plus nombreux dans les organes que dans le sang circulant. L’examen des coupes histologiques a, d’ailleurs, confirmé et précisé un point de ces expériences. Nous venons de voir que le broyage du placenta fournissait une émulsion dont l’inocu- lation déterminait une spirillose grave, à marche rapide; l’examen des coupes imprégnées par l’argent démontre éga- lement qu’il est toujours facile, au moment de la crise, de retrouver un grand nombre de spirilles inclus dans le proto- plasma plasmodial de la zone réticulée du placenta. Dans une dernière série d’expériences nous avons recherché si les petits nés d’une femelle atteinte de spirillose possédaient une immunité congénitale contre cette affection. Sept de nos expériences se rapportent à des cas où la femelle fut inoculée dans la deuxième période de la gestation : Exp. 1. — Une femelle met bas trois jours après l'inoculation (spirilles assez nombreux); deux petits sont inoculés vingt-quatre heures plus tard; l'infection commence après vingt-quatre heures, infection forte. Exp. 2. — Une femelle met bas trois jours après l’inoculation (spirilles assez nombreux); deux petits sont inoculés vingt-quatre heures plus tard; L’HÉRÉ DO-CONTAGION DES SPIRILLOSES 7üi l'infection commence pour l’un d’eux après quatre jours, pour l'autre après six jours, infection forte. Exp. 3. — Une femelle met bas trois jours après l’inoculation (spirilles non rares); un petit est inoculé deux jours plus tard; l’infection commence après quarante-huit heures, infection légère. Exp. 4. — Une femelle met bas trois jours après l’inoculation (spirilles innombrables); un petit est inoculé cinq jours plus tard; l’infection commence après vingt-quatre heures, infection forte. Exp. 5. — Une femelle met bas deux jours après l’inoculation (spirilles assez nombreux); deux petits sont inoculés cinq jours plus tard; l’infection commence après vingt-quatre heures, infection très forte. Exp. 6. — Une femelle met bas trois jours après l’inoculation (spirilles assez nombreux); un petit est inoculé cinq jours plus tard; l’infection com- mence après quarante-huit heures, infection très forte. Exp. 7 — Une femelle met bas quarante-huit heures après l’inoculation (spirilles nombreux); un petit est inoculé douze jours plus tard; l’infection commence après quarante-huit heures, infection très forte. Dans ces sept expériences, la spirillose maternelle ne déter- mina donc pas X immunité congénitale des petits; cependant, dans six de ces sept cas, nous avions pu démontrer que les spirilles maternels avaient pénétré dans l’organisme fœtal. Ces faits s’expliquent facilement : au moment où nous inocu- lions les rats nouveau- nés, les rares spirilles qui avaient traversé le tissu placentaire n’avaient, pas encore provoqué l’infection des petits; l’immunité active ne pouvait donc encore être acquise. Seule, une immunité passive aurait pu être pro- duite par le passage d’anticorps à travers le placenta. Nos expériences démontrent précisément qu’un semblable fait ne se réalise pas. Par contre, lorsqu’on laisse vivre les petits, l’infection spirillaire évolue chez eux et, après un temps plus ou moins long, ils acquièrent parfois une immunité active : il en fut ainsi dans deux de nos expériences. Toutefois, lorsque l’infection spirillaire congénitale est très peu intense, elle peut soit ne pas évoluer, soit ne point conférer une immunité active aux petits : il en était ainsi dans deux des expériences de Breinl. Lorsque l’inoculation d’une femelle est faite au début même de la gestation les faits se présentent bien différemment : Exp. 8. — Une femelle met bas seize jours après l'inoculation, treize jours après le début de la première crise. Dès le jour de la mise bas, un petit est inoculé, l’infection spirillaire ne se réalise pas. Dans ce cas, l’infection maternelle survenant dès le début ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR même de la gestation avait déterminé une infection intense de l’embryon, dont la spirillose eut le temps d’évoluer avant la mise bas, déterminant ainsi une immunité active congénitale. De l'ensemble des expériences que nous avons résumées dans ce travail, nous pouvons tirer les conclusions suivantes : 1° Les spirilles de la fièvre récurrente, qu’il s’agisse du spi- rille d’Obermeier ou du spirille de Dutton, peuvent passer de la mère au fœtus. Nos recherches ne nous ont pas permis d’éta- blir que cette hérédo-contagion fût constante et nous ne l’avons guère observée dans plus de 80 p. 100 des cas. 2° Lorsque la gestation est à son début, l’infection spirillaire fœtale est massive, tandis que pendant la seconde moitié de la gestation, l'hérédo-contagion se réalise d’une façon plus discrète. 3° Il n’est pas nécessaire qu’il exisle des lésions placentaires pour que les spirilles puissent passer de la mère au fœtus : les spirilles, en effet, sont aptes à traverser les éléments ectoder- miques du placenta et à franchir les endothéliums des capil- laires fœtaux. Au début de la grossesse, chez le rat et la souris, les spirilles semblent surtout se propager par l’intermédiaire des membranes et de leurs vaisseaux, tandis que, sur les femelles à terme, la migration se fait à travers la portion spongieuse du placenta. 4° Lorsqu’une inoculation est pratiquée au début de la gesta- tion, les fœtus au moment de la naissance peuvent posséder une immunité active. Lorsque la femelle est inoculée peu de temps avant la mise bas, les petits ne possèdent pas d’immu- nité dans les premiers jours qui suivent la naissance et ne deviennent réfractaires que tardivement lorsque l’hérédo-con- tagion a enfin déterminé chez le nouveau-né l’apparition de l’infection spirillaire. L’HÉRÉDO-CONTAGION DES SPIRILLOSES 753 EXPLICATION DE LA PLANCHE VIII Fig. 1. Pénétration des spirilles dans la cavité de la vésicule oinbilicale , vers le début de la gestation ( sp . d' Obenneier). — Les spirilles, nombreux dans les vaisseaux maternels et dans les tissus ectoplacentaires de la zone marginale du placenta du rat, traversent la cuticule ectodermique et l'endoderme distal ; ils tombent ainsi dans la cavité de la vésicule ombilicale située à gauche de la figure (imprégnation à l’argent. Imm. 12, ocul. 6). Fig. 2. Pénétration des spirilles dans les tissus embryonnaires. — A droite de la figure, on reconnaît deux spirilles dans la cavité générale de l’embryon (imprégnation à l’argent. Imm. 12, ocul. 6 . Fig. 3. Pénétration des spirilles dans le plasmode , vers le milieu de la ges- tation. — Les vaisseaux maternels , facilement reconnaissables à leur paroi dépourvue d'endothélium et à leurs hématies plus petites, contiennent d'assez nombreux spirilles colorés en un noir franc par l’argent; les vaisseaux fœtaux ne renferment aucun parasite; le plasmode est riche en spirilles qui s’im- prègnent moins fortement que les spirilles libres; en haut et à droite de la ligure, on voit un spirille passant d’un vaisseau maternel dans le plasmode (imprégnation à l’argent, surcoloration à l'éosine. Imm. 12, ocul. 6). Fig. 4. Pénétration des spirilles dans les membranes et les vaisseaux de V em- bryon. — A gauche, le placenta ; en haut, section d’un vaisseau maternel, riche en spirilles; dans les deux tiers inférieurs, le tissu mucoïde allan- toïdien dans lequel ont pénétré les spirilles; à la partie centrale de la figure, espace compris entre l’insertion placentaire de l’allantoïde et l’am- nios. — A droite , arnnios ; on voit les spirilles passer à travers les tissus de l’amnios et pénétrer dans ses vaisseaux. La coupe est faite sur la ligne médiane un peu en dehors de l'insertion du cordon chez un embryon de rat de moins d une semaine (imprégnation à l’argent. Imm. 12, ocul. 6). 48 ESSAIS DE TRANSMISSION DE LA SCARLATINE AUX SINGES par IŸ. LANDSTEINER et G. LEVADITI, en collaboration avec E. PRASEIv. (Avec les PL IX, X et XI) (Travail de l’hôpital Wilhelmine, de Vienne, et de l'Institut Pasteur de Paris.) Depuis les mémorables recherches de Metchnikoff et Roux sur rinoculabilité de la syphilis au chimpanzé, on a tenté de divers côtés la transmission de la scarlatine aux singes anthro- poïdes et aux catarrhiniens inférieurs. La plupart des essais sont restés infructueux, telles, entre autres, les expériences inédites de Metchnikoff et Yaillard et de Louis Martin, faites à l'Institut Pasteur. Seules les investigations antérieures de Grün- baum (1) ont abouti à des résultats encourageants. Le savant anglais a réussi, en effet, à provoquer une angine chez un chim- panzé, en badigeonnant la gorge de l'animal avec des produits prélevés sur les amygdales d'un scarlatineux. Toutefois cette angine ayant évolué sans que l'on ait observé de phénomènes éruptifs, on ne pouvait formuler rien de précis quant à l'ino- culabilité du virus scarlatineux aux anthropoïdes. Grâce à l'appui de l'Institut Pasteur, nous avons entrepris, depuis février 1911, une série de recherches dans le but de préciser si le virus scarlatineux est pathogène pour le chim- panzé et les singes en général, si la maladie offre, chez les simiens, les mêmes caractères que l’infection scarlatineuse humaine et si l’expérimentation n’ouvrait pas la voie à l’étude de cette infection. Ges recherches ont été réalisées en partie à Vienne (Hôpital Wilhelmine), en partie à l'Institut Pasteur de Paris. Dès le début, nous nous sommes convaincus des grandes difficultés qui entourent le problème, difficultés dues en grande partie à la sensibilité inégale des animaux, à l'impossibilité de disposer, au moment voulu, d’un nombre suffisant de chim- panzés afin d'assurer des passages réguliers et étudier la nature (1) Grünbaum, Brit. med. Journal , 1904. ESSAIS DE TRANSMISSION DE LA SCARLATINE AUX SINGES 755 du virus, au diagnostic souvent difficile de la scarlatine expé- rimentale, etc. Malgré ces nombreuses difficultés, nous pensons avoir obtenu des résultats assez intéressants pour que leur publi- cation, dès maintenant, soit justifiée. 11 ne s’agit, du reste, que de recherches d’orientation, recherches qui demandent à être répétées et que nous nous proposons de continuer (1). Expérience I. Notre première expérience date du 3 février 1911. A cette date, et pendant les jours suivants, nous badigeonnons la gorge d'un chimpanzé M avec du dépôt prélevé sur les amygdales et le pharynx de plusieurs enfants atteints de scarlatine avec angine (2). Trois jours après on enregistre une élévation de la température (38 degrés) et une rougeur, accompagnée d'une tuméfaction des amygdales et de la muqueuse du pharynx. Dans la suite, fièvre légère, les signes d'angine deviennent plus apparents, et on décèle des streptocoques dans le dépôt amygdalien. Le 7 février, nouveau badigeonnage de la gorge, et le lendemain on injecte sous la peau 75 centimètres cubes de sang défi- briné, retiré de la veine d'un sujet atteint de scarlatine à allures graves. Le 9 février la température atteint 40 degrés, l’animal vomit et on constate une rougeur et une tuméfaction intenses des amygdales , des piliers et de la muqueuse pharyngée . On relève, en outre, la présence de dépôts blanchâtres sur les amygdales, et on constate que la peau des extrémités, de la tète et du cou offre un exanthème formé de petites taches rougeâtres , en partie presque con- fluentes. Le lendemain, la température se maintient à 40 degrés, l'exanthème persiste, la langue est chargée, les papilles linguales tuméfiées. Le 11 février, rougeur et tuméfaction d’une des régions correspondant à l’inoculation de sang, exanthème, angine avec gros dépôts brun-jaunâtres, la langue rouge, les follicules apparents et tuméfiés; l’animal est malade. Le 12 février, tem- pérature : 39°5, état général mauvais, la muqueuse de la gorge rouge et tur- gescente, les papilles linguales très proéminentes; dépôts amygdaliens abondants. Sur la région thoracique, formation d’abcès au point d'injection du sang, avec streptocoques dans le pus. Sur le tronc et les extrémités, exan- thème, par places confluent. L'animal meurt le 13 février. Protocole détaillé. Le 2 février. Température avant l'inoculation : matin, 37 degrés; soir, 36°4. Le 3 février , matin : badigeonnage de la gorge avec dépôts amygdaliens d’un cas de scarlatine (n° 1). Température : matin, 36°9; soir, 36°6. Le 4 février , matin : nouveau badigeonnage avec des produits d'un autre cas de scarlatine (n° 2). Température : matin, 36°7 ; soir, 36°9. Le 5 février. Température : matin, 37°4; soir, 36°7. Le 6 février. Température : matin, 38 degrés; soir, 38 degrés. Examen de la gorge : Légère rougeur et tuméfaction du pharynx et des amygdales. Le 7 février. Température : matin, 38°5; midi, 38°2; soir (b heures), 36°8; soir (9 li. 1/2), 36°9. Examen de la gorge : rougeur et tuméfaction plus accentuées qu’hier, les follicules apparents. Diarrhée. Les frottis de la gorge montrent (1) Une partie de ces recherches ont été résumées dans une note commu- niquée à la Société de Biologie (29 avril 1911, t. LXX,'p. 641-643) et à l’Aca- démie des sciences (1911, séance du 1er mai). (2) Service de M. le I)r Pospischill. 756 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR f de nombreux streptocoques. Dans l’après-midi, nouveau badigeonnage de la gorge avec des produits scarlatineux (cas n° 3). Le 8 février. Température : matin, 37°8 ; soir, 38°5. Le matin on injecte sous la peau, en trois endroits (face interne des deux cuisses et thorax), 75 centi- mètres cubes de sang défibriné provenant d’un nouveau cas de scarlatine à allure assez grave (pris dans la veine). Le 9 février. Température : matin, 39°9; soir, 40 degrés. Forte tuméfaction et rougeur du pharynx, des amygdales et du voile palatin. Les follicules du bord de la langue paraissent plus tuméfiés. Dépôts blancs de la grandeur d’une lentille derrière les amygdales, sur la paroi pharyngée. Dans l’après- midi on constate un exanthème généralisé, plus accentué cependant sur les extrémités, la tète et le cou. Vomissements. Le 10 février. Température : matin, 40°1 ; soir, 40°5. Les follicules de la langue sont très tuméfiés, surtout sur les bords, la langue est chargée. Exanthème confluent, sous forme de petites taches rougeâtres, non proémi- nentes, sur les extrémités et le tronc, plus effacé sur la tête. L’animal ne mange pas. Tracé 1. — Température du chimpanzé M. Les flèches indiquent les inoculations; , angine; , exanthème. Le 11 février. Température : matin, 40°3; soir, 39°4. L’exanthème persiste, il est d’un rouge plus vif, la langue est chargée, les papilles tuméfiées. L’en- droit correspondant à une des injections de sang (côté droit) est tuméfié et rouge. Les deux régions inguinales sont douloureuses à la pression. L’animal ne mange pas. Examen de la gorge (fait l’après-midi) : Les deux amygdales sont couvertes d’un dépôt épais, consistant, brun-jaunâtre. La muqueuse des amygdales est très rouge et tuméfiée, les follicules amygdaliens et ceux des piliers sont apparents. La langue est plus rouge, ses papilles sont saillantes. L’animal est abattu, ne mange pas. Diarrhée. Le 12 février. Température : matin. 39°5; soir 39°8. L'animal est très malade. Les dépôts amygdaliens ne sont pas aussi confluents qu’hier, mais sont encore assez visibles. La muqueuse pharyngée rouge, les papilles linguales très proéminentes, la langue plus rouge qu’auparavant, en partie couverte de dépôts. Fétidité de l’haleine. L’abcès formé au point d’injection du sang s'est ouvert; dans le pus on constate de très nombreux streptocoques. L exanthème persiste sur les extrémités et le tronc , sous formé de petites taches rouges confluentes. Le soir convul- sions et dyspnée. L'animal meurt le 13 février entre trois, et six heures du matin. ESSAIS DE TRANSMISSION DE EA SCARLATINE AUX SINGES 7o7 Résumé. — L’inoculation de produits scarlatineux, pratiquée dans la gorge ( dépôts amygdaiiens) et sous la peau [sang scar- latineux:), a provoqué chez le chimpanzé : i 1° Une angine , caractérisée par la rougeur et la tuméfaction de la muqueuse du pharynx et des amygdales et par la forma- tion de dépôts épais, gris jaunâtres, sur la muqueuse amygda- lienne. Il y a eu également tuméfaction des follicules de la langue, dont la surface était, en parlie, couverte de dépôts et les hords rouges ; 2° Un exanthème généralisé , ressemblant à l’exanthème scar- latineux ; 3° Une infection fébrile , accompagnée de la formation d’un abcès à streptocoques, à l’endroit où fut pratiquée l’une des injections de sang, infection qui devint mortelle. , L’ incubation de l’angine, première manifestation de la maladie, a été de trois jours . Voici, en outre, les lésions que nous avons observées à la nécropsie de l’animal, pratiquée le 13 février, quelques heures après la mort : Dépôt blanc sur la partie antérieure de la langue ; les follicules sont proé- minents et rougeâtres, surtout ceux de la base de la langue et de la paroi pharyngée. Les amygdales sont très hypertrophiées, le tissu amygdalien blanc, mou, diffluent. Sur l’amygdale droite, dépôts gris-jaunàtrês, de la grosseur d’une lentille. La surface de l'amygdale gauche est ulcérée. Petit foyer de nécrose sur l’épiglotte. La muqueuse du pharynx et des piliers est tuméfiée. Les ganglions cervicaux sont très hypertrophiés, succulents, rouge- gris à la section, avec des taches rouge foncé; ils forment une chaîne qui descend des deux côtés le long des vaisseaux. Les masses ganglionnaires du médiastin antérieur sont également grossies, rouge foncé. Le thymus est gros, la muqueuse trachéale pâle. Fines membranes fibrineuses sur le péricarde. Le poumon d’aspect normal; sur le bord, quelques foyers atélectasiques Hémorragies punctiformes sur les plèvres. La rate très hypertrophiée ; la pulpe est épaisse, rouge foncée, les follicules plus apparents. Le foie jaune clair, uniforme sur coupe. Les reins sont tuméfiés, la surface unie, le paren- chyme mou, très succulent, l’écorce large de 1 cent. 5, jaune clair, les pyramides roses. Les ganglions de la veine porte sont tuméfiés, comme, d’ailleurs, ceux qui entourent le col de la vésicule biliaire et la région iliaque. Hypertrophie des follicules intestinaux et des plaques de Peyer; la muqueuse de l’intestin grêle légèrement turgescente. Deux des régions cor- respondantes à l’injection de sang montrent des hématomes, sans suppura- tion; la troisième, celle de la partie latérale droite du thorax, est le siège d’une collection purulente. Examen histologique. — Nous avons examiné des coupes d 'amygdale, de langue , de peau (excisée au niveau de l’exan- thème) et de rein. 758 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR t Amygdale (Y. pl. IX, fig. 3). L'épithélium de recouvrement montre une solution de continuité assez étendue; au voisinage de l’ulcération , les éléments épithéliaux sont dissociés par des cellules migratrices, la plupart des polynucléaires, en partie dégénérées. Le fond de l’ulcération est constitué par un tissu nécrosé, riche en grosses bactéries ne prenant pas le Gram, et en fibrine. La zone qui sépare le tissu nécrosé du reste de l’amygdale est constituée par de nombreux polynucléaires. Les cryptes sont obstruées par des bouchons fibrino-leucocytaires. Sur les coupes colorées au Gram, on constate la présence de véritables zooglées de coccus prenant le Gram; la plupart de ces microbes sont disposés en chaînettes de 6 à 8 éléments. Ces streptocoques sont abondants surtout vers la partie profonde des tissus nécrosés ; ils n’envahissent pas le reste de l’amygdale. Langue (Y. pl. IX, fig. 1). Les couches superficielles de l’épi- thélium montrent un état vacuolaire des élémenls constitutifs; les espaces clairs qui séparent les cellules épithéliales contien- nent des leucocytes polynucléaires, en partie dégénérés. Ce phé- nomène de vacuolisation et de dissociation par des éléments migrateurs est encore plus accentué au niveau de la couche basale. Les papilles sont grossies et fortement enflammées. L’in- flammation, généralement péri-vasculaire, est constituée sur- tout par des globules blancs mononucléaires. Les vaisseaux sont dilatés, et il en est de même de certains espaces lymphatiques. Peau (Y. pl. X, fig. 4). Au niveau de la couche cornée on constate, par endroits, une accumulation de polynucléaires, for- mant de petits foyers microscopiques, couverts d'une ou deux rangées d’éléments épithéliaux ayant subi la transformation cor- née. Ces foyers ressemblent en tous points a ceux que l’on observe sur des coupes de peau dans certains cas de scarlatine (Y. pl. XI, fig. 6). Le reste de l’épithélium ne montre pas de lésions. Par contre, au niveau des papilles, on observe une dilatation très marquée des vaisseaux. Ceux-ci sont, en partie, entourés d’une zone cellulaire formée par de rares polynucléaires et de nom- breux leucocytes à un seul noyau. Parmi ces derniers, on en distingue qui se rattachent au groupe des lymphocytes et dont le noyau est rond, petit et foncé, et d’autres dont le proto- plasma est plus abondant et le noyau vésiculeux plus pâle. Rein (V. pl. IX, fig. 2). Foyers interstitiels formés par des ESSAIS DE TRANSMISSION DE LA SCARLATINE AUX SINGES 759 leucocytes mononucléaires; pas de signes nets de néphrite épi- théliale. Expérience II. Un chimpanzé mâle C reçoit : Le 18 juin, 20 cent, cubes cle sang scarlatineux défibriné, sous la peau du ventre à droite ; on badigeonne la gorge avec des produits prélevés sur les amygdales du sujet qui a fourni le sang. Le 19 juin, 10 cent, cubes de sang d’un autre cas de scarlatine, sous la peau du ventre adroite ; badigeonnage de la gorge. Le 21 juin , 5 cent, cubes d'une émulsiou de ganglions cervicaux provenant d’un cas mortel de scarlatine, sous la peau du ventre à gauche (matériel envoyé de Vienne, conservé dans de la glycérine). Le 23 juin, 5 cent, cubes de sang scarlatineux sous la peau; badigeonnage de la gorge. Le 21 juin, soit trois jours après la première inoculation , on constate quel- ques points blancs sur la face postérieure des amygdales. Le lendemain, les signes d'angine deviennent plus apparents , la gorge est rouge, les dépôts amygdaliens plus étendus, les papilles linguales proéminentes, la base de la langue rouge. Le 23 juin, rougeur de la peau au point d’injection gan- glionnaire, sur une surface de 2 cent, carrés; angine. Le 24 juin, soit six jours après la première inoculation , on observe, au niveau de la région pubienne, un érythème sous forme de taches rouges , non proéminentes , confluentes ; la peau du cou et du thorax est plus rosée, l’angine intense (dépôts blanc-grisâtres sur les amygdales, rougeur de la muqueuse amygdalo-pharyngée). Dans l’après-midi, Y érythème s'étend ; il occupe tout le côté gauche de l’abdomen, s’arrête sur la ligne médiane et paraît plus marqué dans la région pubienne. Le 25 juin, angine plus forte qu’hier, érythème plus apparent et plus étendu; sur le côté gauche de l’abdomen, vers le milieu de la région où l’érythème est plus prononcé, on constate un point induré, correspondant à l’endroit où fut pratiquée l’injection de l’émulsion ganglionnaire. Le 26 juin, l’érythème semble rétrocéder, mais l’angine persiste. Le lendemain, on constate sur l’amygdale gauche des dépôts pultacés plus petits; la langue, saburrale, se desquame légèrement. L'animal meurt subitement le matin du 28 juin; à l’examen on trouve une éruption érythémateuse occupant le côté gauche du thorax , les trois quarts de V abdomen, une partie du cou et descendant sur le pubis. Empâtement et fluctuation, sur une surface de 2 cent, carrés, du côté gauche du ventre. Pas de forte élévation de la température pendant l’évolution de la maladie. Protocole détaillé. Le 18 juin. Température avant l'inoculation : 36 degrés. On injecte sous la peau 20 cent, cubes de sang défibriné obtenu par ponction veineuse d'un enfant atteint de scarlatine (forme légère). Badigeonnage de la gorge avec produits prélevés sur les amygdales du même malade. Le 19 juin. Température 36°4. On se sert de matériaux provenant de deux cas de scarlatine du service de M. le D1' Triboulet (1) (Hôpital Trousseau). Le premier malade présentait une éruption relativement discrète, avait une forte angine, du jetage et de la fièvre (39°5) ; le second était atteint d’une scarla- (1) Nous prions M. les Drs Pospischill, Triboulet et Rudinesco de recevoir nos remerciements pour l’amabilité avec laquelle ils nous ont fourni le ma- tériel dont nous avons eu besoin pour nos recherches. 700 ANNALES 1)E L’INSTITUT PASTEUH « fine assez grave, avec éruption et angine (temp. 38°8). On injecte sous la peau du chimpanzé 10 cent, cubes de sang du premier malade (après défi- brination) ; on mélange les dépôts amygdaliens des deux cas, on les émul- sionne dans de l’eau salée et on s’en sert pour badigeonner la gorge de l’animal. Le 20 juin. Rien de particulier. Température : 36°5. Le 21 juin. Température : 36°5. Des ganglions cervicaux provenant d’un cas mortel de scarlatine sont envoyés de Vienne, dans de la glycérine; ils arri- vent à Paris le 21 juin, sont triturés dans un mortier et suspendus dans de l’eau salée isotonique. L’émulsion est injectée à la dose de 5 centimètres cubes sous la peau de l’abdomen (côté gauche) et on s en sert également pour badigeonner la gorge du chimpanzé. L 'examen de la gorge montre deux petits points blancs sur 1 amygdale gauche, vers sa face postérieure. Le 22 juin. Température : 36°5. L’angine est plus développée ; les dépôts amygdaliens sont plus volumineux, la gorge est rouge, comme, d’ailleurs, la base de la langue; les papilles linguales sont proéminentes. Résorption com- plété, sans réaction visible , de l’émulsion ganglionnaire. Tracé 2. — Température du chimpanzé C. Les llèches indiquent les inoculations ; E, érythème. Le 23 juin. Température : 36°8. Examen de la gorge : rougeur et tuméfaction de la muqueuse amygdalienne et pharyngée; deux dépôts blanchâtres sur l’amygdale gauche, en arrière. La langue parait plus sèche. Légère rougeur à l’endroit correspondant à l’inoculation du ganglion. Nouveau badigeonnage de la gorge et injection de 10 centimètres cubes de sang défibriné, sous la peau (cas de scarlatine grave, avec angine nécrotique et éruption discrète, service de M. le Dr Ilallé). Le 24 juin. Température: 37°S. L’angine est très accentuée; sur la partie postérieure de l’amygdale gauche, plusieurs foyers blancs, de la grandeur d’une petite lentille ; sur le pilier postérieur de l’amygdale droite, fausse membrane blanc grisâtre, enchâssée dans une ulcération amygdalienne. La gorge et la base de la langue sont rouges. Sur la peau , au niveau du pubis, on constate une plaque érythémateuse rougeâtre, sans contour précis, sur une surface d’environ 2 centimètres carrés. La peau du cou et du thorax parait plus rosée. Dans l’après-midi, on constate que l’érythème, qui, le matin, était loca- lisé ou pubis, s’est étendu; il occupe tout le côté gauche de l’abdomen, s’arrête un peu au delà de la ligne médiane et paraît plus accentué au niveau de la région pubienne. A droite de la ligne médiane, au niveau de l’inoculation du sang, la peau est verdâtre (formation d’hématome). Le 25 juin. Température: 36°8. L’angine est plus prononcée qu’hier. Sur l'amygdale droite, grosse perte de substance couverte d’une fausse mem- ESSAIS DE TRANSMISSION DE LA SCARLATINE AUX SINGES 761 brane blanc grisâtre; angine pultacée, à petits points blancs, sur l’amygdale gauche. La gorge et la base de la langue sont rouges, la langue sèche, cou- verte de dépôts vers sa partie médiane. Frottis du dépôt amygdalien : diplocoques prenant le Gram. L'érythème est plus étendu qu'auparavant. Au milieu de la région abdominale gauche, on sent un petit empâtement qui paraît correspondre à l’endroit de l’inoculation du ganglion. Le 26 juin. Température : 36°8. Même état de la gorge et de la langue. L’éruption érythémateuse s’est en partie effacée ; elle persiste en bas, au niveau du pubis, et en haut, dans la région sternale supérieure. Le 27 juin. Température : 36°8. Sur l’amygdale droite, un gros dépôt pseudo-membraneux; sur l’amygdale gauche, dépôts multiples pultacés. La langue, sahurrale, se desquame légèrement. L’érythème a beaucoup pâli. Le 28 juin. A 8 heures du matin, l animal niccombe brusquement. A l’examen, fait sitôt après la mort, on constate que l’érythème, qui avait notablement pâli le 26 et le 27 juin, est devenu beaucoup plus apparent. Il s’agit d’une éruption rouge, formée de petites plaques non proéminentes, confluentes, et qui occupe le côté gauche du thorax, les trois quarts de l’abdomen et le pubis. Du côté gauche de l’abdomen, à l’endroit qui correspond à l’injection de l’émulsion ganglionnaire, la peau est violacée sur une étendue de 2 centimètres carrés environ ; on sent une légère fluctuation. Résumé. — Les résultats cle cette expérience sont compa- rables, en partie du moins, à ceux que nous avons obtenus dans notre première tentative. L’inoculation de produits scar- latineux ( dépôts amygdaliens , sang, ganglions ) a provoqué une maladie mortelle, ayant duré six jours, caractérisée par une angine avec fausses membranes et exulcération des amygdales et qui s’est accompagnée d’un érythème cutané. Cet érythème, plus localisé, a paru avoir, comme point de départ, le point d'inoculation des ganglions, là où il s'est formé, dans la suite, un abcès streptococcique. Le mouvement fébrile a été de beau- coup moins prononcé que chez notre premier chimpanzé. L'in- cubation de l’angine a été de trois jours. Nécropsie. — Du côté droit de l'abdomen, à l'endroit corres- pondant à l'inoculation de sang, on constate une ecchymose sous-cutanée. Petite collection purulente à gauche. Les pou- mons sont normaux ; le péricarde contient du liquide clair, sans fausses membranes; le foie paraît plus pâle, jaunâtre, dégénéré; la rate est grosse, congestionnée, avec les follicules apparents ; les ganglions mésentériques hypertrophiés, rouges, parsemés de taches violacées; la substance corticale des reins est plus pâle ; Y intestin normal. Sur Y amygdale droite on constate une ulcération assez pro- fonde, couverte d’une fausse membrane blanc grisâtre, peu adhérente. Petits foyers lacunaires sur l’amygdale gauche. La 762 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR f muqueuse pharyngée est rouge ; celle du larynx et de l’épi- glotte d’aspect normal. La base de la langue est rouge, avec les papilles proéminentes; la langue est couverte de dépôts blan- châtres. Les ganglions latéraux clu cou sont f ortement hypertro- phiés et turgescents ; la coupe est d’une couleur rouge vif et semée de taches rouge foncé, ecchymotiques. La vessie contient un peu d 'urine claire, renfermant des traces appréciables d’albumine. Examen microscopique. — Amygdales (Yoy. pl. XI, fig. 8 et 9). L’épithélium de recouvrement montre des solutions de conti- nuité plus ou moins étendues. Les cellules épithéliales sont en partie dégénérées et dissociées par de nombreux leucocytes polynucléaires. Les cryptes sont obstruées par des bouchons formés de globules blancs à noyaux polymorphes, la plupart nécrosés. Foyers de nécrose dans la partie centrale et profonde de la coupe, et dilatation vasculaire. Sur les préparations colo- rées au Gram (fig. 9) ou au bleu polychrome, on constate de nombreuses bactéries, surtout au niveau des bouchons qui obstruent les cryptes et dans les foyers nécrotiques. A la sur- face, on décèle de petits bâtonnets et des amas de coccus, mais dans la profondeur ce sont les streptocoques qui prédominent. On observe de véritables zooglées de coccus en chaînettes, plus nombreuses au point de contact entre les bouchons leuco- cytaires et le tissu amygdalien. Toutefois, les streptocoques n’envahissent pas le tissu propre de l’amygdale dans les régions où ce tissu a conservé son aspect normal. A remarquer la présence des streptocoques dans les foyers nécrotiques profonds. Peau (excisée au niveau de l’érythème, assez loin du foyer purulent). Les couches épithéliales de l'épiderme offrent un aspect normal. Les vaisseaux des papilles et des couches superficielles du derme sont dilatés et entourés de manchons leucocytaires. Vers la surface, on constate une prédominance des cellules mononucléaires; lymphocytes et éléments à noyau clair et à protoplasma abondent; vers la profondeur, le nombre des polynucléaires augmente sensiblement, et l’infiltration est moins nettement périvasculaire. Sur les coupes colorées au bleu polychrome, on constate /’ absence complète de microbes au niveau des infiltrations périvasculaires des papilles, mais, dans ESSAIS DE TRANSMISSION DE LA SCARLATINE AUX SINGES 763 la profondeur dn derme , au voisinage d’un foyer qui entoure un vaisseau dilaté, on décèle plusieurs amas de streptocoques . Langue. Les couches superficielles de l’épithélium sont vacuolisées et se desquament en partie. Les papilles sont le siège d’une infiltration intense. Les vaisseaux papillaires sont dilatés et entourés de manchons formés de cellules migratrices, pour la plupart des mononucléaires et des lymphocytes. Ganglions cervicaux. Dilatation des sinus et des vaisseaux ; hémorragies périvasculaires. Pas de microbes sur les coupes colorées au Gram ou au bleu polychrome . Examen bactériologique. — Sang du cœur : Cultures pures de streptocoque. Pus de l'abcès cutané : sur frottis, strepto- coques et petits bacilles minces, à points métachromatiques ; cultures : colonies de streptocoques associées à des amas de petits coccus prenant le Gram. Dans les deux expériences qui précèdent, l'inoculation de produits scarlatineux a été suivie de l’éclosion d’une angine et a provoqué des manifestations cutanées : exanthème généralisé dans la première, érythème localisé dans la seconde. Par contre, dans V expérience suivante , nous n avons eu à enre- gistrer que des phénomènes inflammatoires localisés aux amyg- dales, sans nul signe cutané. Chimpanzé femelle J. — Le 17 février, badigeonnage de la gorge avec des produits prélevés sur les amygdales d’un enfant atteint de scarlatine (intensité moyenne); injection de 56 centimètres cubes de sang provenant du même malade (sous la peau). Nouveaux badigeonnages le 18 et le 20 février; injection de 40 cent, cubes de sang le 20 février; inoculation sous-cutanée d’une émulsion de dépôt amygdalien le 21 février. L'angine a débulé le deuxième jour , a atteint son maximum le cinquième et a disparu complètement le huitième. Elle s’est accompagnée d'une élévation de la température et a présenté les caractères de l’angine observée chez nos deux premiers chimpanzés. Même aspect de la langue et jirésence de streptocoques dans les frottis faits avec les fausses membranes . Ces streptocoques ont pu être cultivés. Protocole détaillé. Le 17 février , avant l’inoculation. Température : matin, 37°6. On inocule sous la peau, en quatre points différents, 56 cent, cubes de sang défibriné provenant d’un cas de scarlatine. On badigeonne la gorge avec du dépôt amygdalien pris sur un autre malade. Avant l’inoculation, les amygdales ont l’aspect normal ; la muqueuse pharyngée est pâle, les follicules de la base de la langue et du pharynx sont peu apparents. 764 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR « Le 18 février. Température : matin, 39°4; soir, 39°7. Rien de particulier dans la gorge. Nouveau badigeonnage avec des dépôts amygdaliens provenant d'un autre sujet scarlatineux. Le 19 février. Température : matin, 39°2; soir, 39°3. Examen de la gorge : a gauche, légère tuméfaction et rougeur du pilier antérieur. Sur l’amygdale, en avant et en haut, au niveau d’une lacune, dépôt blanchâtre de la grandeur d'un grain de millet. Sur la face postérieure quatre points blancs. A droite , petits dépôts punctiformes. Diarrhée. Le 20 février. Température : matin, 39°3; soir, 40°3. Forte diarrhée. Examen de la gorge : les amygdales sont tuméfiées, manifestement plus rouges. Sur les amygdales, dépôts multiples, plus développés qu’hier, surtout sur la face postérieure. Les piliers rougeâtres, la langue chargée. Frottis du dépôt amygdalien : nombreux streptocoques (courtes chaînettes de 4 à 6 éléments) disposés par paquets. Cultures : streptocoques prenant le Gram et diplocoques Gram-négatifs. Tracé 3. — Température du chimpanzé J. Les flèches indiquent les inoculations; ...... angine. Nouvelle inoculation de sang. On injecte sous la peau, en trois endroits différents, 33 cent, cubes de sang pris dans la veine d’un scarlatineux, en pleine éruption, et 4 cent, cubes du même sang dans la cavité péritonéale. On badigeonne la gorge avec du dépôt amygdalien provenant du même malade. Le 21 février. Température : matin, 38°4; soir, 39°6. Examen de la gorge : l’amygdale gauche de la même grandeur qu’hier, mais plus rouge et exul- cérée. Sur l’amygdale droite, plusieurs taches punctiformes, blanchâtres (4 à 5 sur la face antérieure). Le pharynx et la partie postérieure de la langue sont rouges, les papilles linguales saillantes; la partie moyenne de la langue est chargée, blanc-grisâtre. Les piliers antérieurs plus rouges, avec des follicules légèrement saillants. Plus de diarrhée; pas d’albumine dans les urines. Frottis de la gorge : diplocoques et streptocoques prenant le Gram. Le matin on inocule dans l’épiderme, en deux endroits du thorax, du dépôt amygdalien provenant d’un cas frais de scarlatine (émulsion faite dans de l'eau salée). Le 22 février. Température : matin, 38°1 ; soir, 38°7. Examen de la gorge : base de la langue rouge, les amygdales hypertrophiées, bosselées; sur 1 amygdale droite fausse membrane blanc-grisâtre, la couvrant presque entiè- rement. On détache la membrane qui se montre consistante et s’écrase diffi- ESSAIS DE TRANSMISSION DE LA SCARLATINE AUX SINGES 765 cilement. L’amygdale gauche, également hypertrophiée, est couverte d’une fausse membrane ressemblant à la précédente, mais moins développée qu’elle. Frottis faits avec la membrane : nombreux leucocytes polynucléaires et streptocoques prenant le Gram. Le 23 février. Température : matin, 38°8; soir, 37°9. Les lésions de la gorge ont manifestement rétrocédé. On constate encore quelques petits points blancs (de 5 à 6) sur l’amygdale droite et d’autres, moins nombreux, sur l’amygdale gauche. Base de la langue rougeâtre. Le 24 février. Température : matin, 39°4; soir, 37°4. Examen de la gorge : sur l'amygdale gauche, dépôts ronds, punctiformes, blanchâtres; rien sur l’amygdale droite. Les amygdales paraissent avoir diminué de volume et sont moins congestionnées. La base de la langue rougeâtre, surtout sur les rebords ; les follicules sont apparents. Sur le corps, et en particulier sur la poitrine, on constate une teinte rosâtre de la peau. Le 25 février. Température : matin, 38°8; soir, 37°8. La gorgea presque repris son aspect normal. On constate cependant sur l'amygdale gauche la présence de deux petits points blancs, presque miliaires; quatre autres points analogues sur l’amygdale droite. Pas d’éruption. Le 26 février. Température : matin, 37°7; soir, 37°6. Aspect normal de la gorge. Les frottis montrent une flore bactérienne variée, sans prédominance des streptocoques. Résumé. — V inoculation de produits scarlatineux (dépôt amygdalien et sang), dans la gorge , sous la peau et dans le péritoine , a provoqué une angine, avec érosion de la muqueuse des amygdales et formation de fausses membranes . Cette angine est apparue après une incubation de deux jours , s’est accom- pagnée de diarrhée et d’une forte élévation de la température et a guéri au bout de six jours . Il n’y a pas eu de manifes- tations du côté de la peau. ★ Ces expériences nous ayant montré que l'inoculation des produits scarlatineux (dépôts amygdaliens) dans la gorge du chimpanzé engendre une angine typique, nous avons recherché quelles pouvaient être les suites d’une réinoculation pratiquée sur un animal guéri depuis peu. Nous nous sommes servi du chimpanzé J (V. expérience précédente) et nous avons cons- taté qu une première atteinte ne parait pas conférer /’ immunité, lorsque la réinoculation est pratiquée deux jours après la dispa- rition des signes d'angine. Voici les détails de cette expérience : Le 27 et le 28 février , badigeonnage de la gorge avec des dépôts amyg- daliens provenant de plusieurs cas de scarlatine d’intensité moyenne. Le 27 février. Température : 38°4. Rien de particulier. Première inoculation. Le 28 février. Température : 38 degrés. Rien de particulier. Deuxième inocu- lation. 766 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR t Le 1er mars. Température : 38°6. Aspect normal de la gorge. Le 2 mars. Température : 37°2. Examen de la gorge. Les amygdales sont rouges, les follicules apparents. Sur l’amygdale droite on constate un point blanchâtre. La langue est couverte au milieu d’un dépôt blanchâtre, ses bords sont rouges, les papilles saillantes. Le 3 mars. Température : matin, 37°3; soir, 38°6. L’amygdale droite hyper- trophiée; à sa partie inférieure on décèle quatre petits points blanchâtres, formés par un dépôt adhérent. La langue est plus propre, quoique encore blanche au centre. La base de la langue, les piliers, les amygdales et le fond du pharynx sont rouges. Le 4 mars. Température : 37°2. Sur l’amygdale droite, qui est plus rouge et hypertrophiée, on constate de nombreux dépôts blanc-grisâtre, puncti- formes; cinq à six points analogues sur la partie inférieure et postérieure'de l’amygdale gauche. La langue est chargée au milieu et rouge vers sa base. Frottis : nombreux streptocoques assez longs. Tracé 4. — Température du chimpanzé J. Les flèches indiquent les inoculations ; , angine. Le o mars. Température : 37°1. Les lésions de la gorge sont plus accusées qu’hier. Sur l’amygdale droite, principalement sur la face antérieure, de six à huit petits dépôts blancs. Sur la face antérieure de l’amygdale gauche fausse membrane de la grandeur d'une grosse lentille, couenneuse, blan- châtre ; sur la face postérieure, dépôts miliaires multiples. Le fond de la gorge est rouge, comme aussi la base de la langue. Les papilles linguales sont proéminentes, nettement visibles, mais pâles. Le 6 mars. Température : matin, 37°7; soir, 38°3. Les lésions de la gorge augmentent sensiblement d’intensité. L’amygdale droite est couverte d’une grosse fausse membrane consistante, adhérente, s’écrasant difficilement. Une fois cette membrane enlevée, la muqueuse apparaît ulcérée et sanguinolente Sur l’amygdale droite, on constate plusieurs follicules blancs, proéminents. Le voile du palais et le pharynx sont congestionnés, La langue est plus dé- tergée. Pas d’éruption ni d’hypertrophie ganglionnaire. Le 7 mars. Température : matin, 38°2; soir, 38°8. Les lésions de la gorge on légèrement diminué d'intensité. On constate encore un gros dépôt blan grisâtre sur l’amygdale gauche. L’amygdale droite, hypertrophiée et rouge, présente plusieurs points blanc-grisâtre, saillants. La base de la langue est rouge, les papilles sont hypertrophiées. Le dépôt qui couvrait le milieu de la langue est nettement moins étendu qu’hier. ESSAIS DE TRANSMISSION DE LA SCARLATINE AUX SINGES 767 Le 8 mars. Température : matin, 37°9 ; soir, 38°6. Fausse membrane sur l'amygdale gauche. L’amygdale droite est tuméfiée et rouge, la langue com- plètement détergée. Le 9 mars. Température : 38°2. Les amygdales sont toujours hypertrophiées et rouges. On observe encore un petit dépôt grisâtre sur l'amygdale gauche. Le 10 mars. Température : matin, 36°9 ; soir, 37 degrés. Guérison complète de la gorge. L'animal est resté en observation jusqu’au 23 mars; il n'a jamais présenté d’éruption ni de récidive. Résumé. — La réinoculation a provoqué une angine qui a débuté après une incubai ion de trois jours , qui a eu les mêmes caractères et a disparu complètement au bout de sept jours. Le mouvement fébrile a été toutefois moins prononcé que la première fois. ★ * -¥• Il résulte de ces expériences que l'inoculation dans la gorge des chimpanzés, de produits prélevés sur les amygdales d’en- fants atteints de scarlatine en pleine évolution, provoque une angine qui ressemble à celle des sujets scarlatineux. L’inflam- mation de la muqueuse des amygdales, des piliers et du pha- rynx apparaît après une incubation qui varie de deux à trois jours. Il y a formation de fausses membranes et de dépôts pultacés, la muqueuse amygdalienne s’exulcère, les cryptes s’obstruent par des bouchons fibrino-leucocytaires. Le plus sou- vent, l’angine s’accompagne d’un mouvement fébrile et parfois de diarrhée ; elle guérit au bout d’environ six à sept jours et ne crée pas d’état réfractaire, lorsque la réinoculation est pratiquée peu de temps après la guérison [deux jours). On peut dire que la transmissibilité de l’angine des scarlati- neux au chimpanzé réussit assez facilement, puisque nous l'avons réalisée quatre fois sur quatre expériences, et qu’un résultat analogue avait déjà été enregistré par Grünbaum (1). Deux fois sur quatre nous avons provoqué, par suite de l’ino- culation sous-cutanée de sang et de ganglions scarlatineux, une infection généralisée plus ou moins fébrile, qui a évolué en même temps que l’angine et qui s’est terminée par la mort des animaux. Dans une première expérience cette infection s’esl accompagnée d’une éruption généralisée ressemblant à l’exan- thème scarlatineux ; dans la seconde, un érythème localisé a (1) Loc. cit ., page 4754. 768 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR fait son apparition et a semblé avoir, comme point de départ, l’endroit où fut pratiquée l’inoculation de l’émulsion ganglion- naire. Quelle est T interprétation qu'il convient d'attribuer à ces faits , au point de vue cle la transmissibilité de la scarlatine aux singes anthropoïdes? Il est incontestable que nos expériences sont trop peu nombreuses pour résoudre définitivement le problème ; toutefois, un examen objectif de nos résultats semble pou- voir fournir quelques indications utiles à ce sujet. Considérons tout d’abord l’ histoire clinique et l'examen anatomo-patholo- gique de notre premier chimpanzé M . L’angine, l'infection géné- ralisée, l’état de la langue, l’exanthème sont autant de signes qui, au point de vue clinique, rattachent la maladie expérimen- tale à la scarlaline humaine. Au point de vue anatomo-patho- logique, les lésions macroscopiques de la gorge, en parti- culier de l'amygdale et du pharynx, celles de la langue, l'hypertrophie des ganglions du cou, leur turgescence et leur congestion intenses ne font que confirmer cette manière de voir. Enfin, l'examen histologique, montrant une ressemblance frappante entre les lésions de l’amygdale, de la langue et de la peau, chez notre chimpanzé, d'une part, et celles des mêmes organes chez les scarlatineux, d’autre part, vient à l’appui de notre hypothèse. En effet, l'examen comparatif des planches qui accompagnent ce travail montre que les altérations de la langue et de la peau de l'animal ne sauraient être distinguées de celles des mêmes tissus dans la scarlatine humaine. En ce qui concerne la peau, même dilatation des vaisseaux, même inflammation périvasculaire, mêmes lésions de l'épiderme et accumulation de leucocytes polynucléaires au niveau de la couche cornée. Pour ce qui a trait à la langue, des deux côtés on trouve une intense inflammation des papilles, une dégéné- rescence vacuolaire de l'épithélium, de la desquamation et de la dissociation des éléments épithéliaux. Enfin, les coupes d’amygdale montrent la nécrose et l'ulcération des couches superficielles, la formation de bouchons fibrino-leucocytaires dans les cryptes et les fausses membranes. L'infection strepto- coccique elle-même, si fréquente au cours de la scarlatine, ne manque pas, pour compléter la ressemblance entre la maladie engendrée expérimentalement et la scarlatine humaine. Nous ESSAIS DE TRANSMISSION DE LA SCARLATINE AUX SINGES 769 avons découvert le streptocoque dans les amygdales, sur frottis et sur coupes, et nous l’avons décelé dans l'abcès qui s’est formé au point d’inoculation sous-cutanée du sang. Donc aucune discordance, mais partout des analogies extrêmement suggestives. Notre seconde expérience est, par certains côtés, moins démonstrative que la première. L'inoculation du virus a bien provoqué une angine typique et une infection généralisée mor- telle ; il y a bien eu, ici aussi, pullulation locale du streptocoque (amygdale et abcès cutané) et même septicémie streptococcique (présence du coccus en chaînettes dans le sang du cœur). Tou- tefois, l’éruption cutanée, par le fait qu’elle a paru avoir comme point de départ l'abcès streptococcique, et que l'examen micros- copique a décelé des streptocoques dans le derme et une infil- tration polynucléaire dans la profondeur, ne saurait être, sans réserves, considérée comme un érythème scarlatineux. Il est vrai que la dilatation vasculaire et l'inflammation des vaisseaux papillaires sont prononcées dans des l égions de la peau fort éloignées des foyers streptococciques, et ne paraissent pas avoir évolué sous l’influence directe du microbe. Mais cet argument ne suffit pas, et nous devons considérer comme probléma- tiques les rapports entre l’érythème constaté chez notre second animal et le vrai exanthème scarlatineux. Quant aux lésions de l’amygclale et de la langue, elles sont analogues à celles que nous avons enregistrées dans notre première expérience et ressemblent à celles de la scarlatine humaine. Un autre argument que l’on pourrait invoquer en faveur de la nature scarlatineuse de la maladie engendrée expérimenta- lement est la durée de l'incubation de l'angine, qui correspond à celle de l’incubation de la scarlatine humaine. Dans nos recherches , cette incubation a été cle deux ci trois jours , à dater de la première inoculation. Or, chez l'homme, exception faite des incubations très longues de vingt et quarante jours, qui pourraient bien résulter d’observations imparfaites, on admet comme chiffres presque certains de quatre à sept jours , Wurtz (1) ; de quatre à sept jours, Leube (2) ; de deux à quatre (1) Wuivrz, Article « Scarlatine », dans le Traité de médecine de Brouardel et Gilbert , édit. 1895, p. 240. (2) Leube, Diagnostik, etc. 49 770 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR * ■jours, Strümpell (1) ; soit une incubation de courte durée. Dans nos dernières expériences, l’inoculation des produits scarlatineux (dépôts amygdaliens et sang) n’a provoqué que l’angine ; à aucun moment nous n’avons eu à enregistrer des manifestations bien nettes du côté de la peau. On sait cepen- dant, que, chez l’homme, rien n'est plus capricieux que la symptomatologie de l’ infection scarlatineuse et que des obser- vations de scarlatine avec forte angine, mais sans éruption, ont été relatées assez souvent. Voici comment Würtz (2) s’exprime au sujet de ces scarlatines non éruptives : « A la suite de contact avec un scarlatineux, il survient chez un individu une fièvre intense accompagnée de mal de gorge. La langue est d’un rouge vif, d’aspect vernissé. Le pharynx et les amygdales, le voile du palais et la hielte sont cramoisis, et il y a de l’adénite rétro-maxillaire. L’examen le plus minutieux ne peut révéler aucun changement de coloration de la peau , si faible qu’il soit ». Par contre, l’angine ne manque que très rarement, témoin Strümpell, qui affirme que « /’ inflammation de la gorge est, dans la scarlatine , la manifestation locale la plus fréquente. Elle ne manque complètement que dans des cas exceptionnellement rares » (3). Si nous tenons compte, d’autre part, du fait que le chimpanzé, tout en étant l’animal le plus rapproché de l’homme, peut jouir d’une certaine immunité naturelle à l’égard du virus scarlatineux, nous devons bien admettre que, chez lui, la scarlatine pourrait évoluer sous la forme d’une infection généralisée avec angine, mais sans exan- thème. Nous devons rappeler également que nous n’avons pas constaté d’exanthème de la bouche chez nos chimpanzés, sauf peut-être chez le premier, chez lequel la rougeur de la muqueuse buccale était très intense. Ce sont là les principaux arguments quinous semblent plaider en faveur de la nature scarlatineuse de la maladie expérimen- tale engendrée par l’inoculation du virus scarlatineux chez nos chimpanzés. Si cette hypothèse se trouvait confirmée et défini- tivement vérifiée à la suite de nouvelles recherches, on arrive- (1) Strümpell, Lehrb. der spec. Patholog. und Thérapie, è dit. 1897. (2) Loc. cit., p. 249. (3) Strümpell, Loc. cit. p. 63. ESSAIS UE TRANSMISSION DE LA SCARLATINE ALIX SINGES 771 rai t à envisager l’évolution de la scarlatine chez le chimpanzé, soit sous la forme d’une infection généralisée, avec angine et exanthème (scarlatine typique), soit, et peut-être plus fréquem- ment, sous l’aspect d’une maladie plus ou moins fébrile, ayant, comme symptôme principal, l’angine, et ne s’accompagnant pas d'éruption cutanée. Toutefois, nous nous gardons bien de formuler quoi que ce soit de définitif dans cet ordre d'idées. Ce serait trop nous avancer que de considérer nos essais comme absolument démons- tratifs, et affirmer la nature véritablement scarlatineuse de l'infection provoquée expérimentalement. Nos expériences sont trop peu nombreuses pour cela. Dès le début de nos recherches nous nous sommes de- mandé si la maladie que nous avons engendrée expérimen- talement n'était pas une simple infection à streptocoques, n’ayant aucun rapport avec le véritable processus scarlati- neux. On sait, en effet, avec quelle fréquence le streptocoque pullule chez les scarlatineux, dans la gorge, le sang ou les organes, et nous avons vu, d’autre part, que le coccus en chaînettes a été retrouvé soit dans la gorge, soit dans les abcès cutanés, soit enfin dans le sang de nos animaux. Il fallait donc entreprendre des expériences dans le but de préciser le rôle du streptocoque dans la genèse de la maladie expérimentale; tes tentatives suivantes se rattachent à cette question. Nous avons recherché tout d’abord si l’inoculation, dans la gorge d’un chimpanzé, de streptocoques cultivés de la gorge d’un autre anthropoïde présentant une angine typique, provo- quait des lésions amygdaliennes. a) Chimpanzé mâle N. Le 21 février. Température: 38°7. Avant l’inoculation, la muqueuse amygda- lienne parait plus rouge, sans dépôts. Le 23 février. Température : 38°2. On se sert d'une culture faite sur plaques de gélose, avec le dépôt amygdalien du chimpanzé J (voir page 763). Les colonies contiennent un diplocoque ne prenant pas le Gram et des strepto- coques. On badigeonne la gorge avec un tampon chargé de culture. Le 24 février. Température : 38°4. Nouveau badigeonnage avec une culture de troisième passage, contenant de nombreux streptocoques, émulsionnée dans de l’eau salée. Rien de particulier jusqu’au 1er mars. Ace moment (température : 36°8), on constate sur les deux amygdales un petit point blanc, gros comme un grain de millet, correspondant à une lacune. 772 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR t Dans la’ suite, l’animal ne présente ni angine, ni élévation de tempéra- ture. Tracé 5. — Température du chimpanzé N (inoculation de streptocoques). Les flèches indiquent les inoculations. b) Chimpanzé femelle R. Le 17 mars. On se sert d’une culture de streptocoques provenant de la gorge.du chimpanzé J (voir page 763), faite sur bouillon additionné de sérum de cheval. On centrifuge le contenu de quatre tubes, le dépôt est émul- sionné dans l’eau salée et sert à badigeonner la gorge de l'animal. Le 18 mars. Température : 37°3. On répète l’inoculation. Le chimpanzé reste en observation du 19 au 27 mars. On ne remarque, pendant ce temps, ni manifestation dans la gorge, ni fièvre, ni éruption. Tracé 6. — Température du chimpanzé R (inoculation de streptocoques). Les flèches indiquent les inoculations. ( c) Chimpanzé femelle H. Le 17 mars. Température : 36°7. On se sert d’une culture de streptocoques isolés de la gorge du chimpanzé ./ (voirp. 763) sur bouillon additionné de sérum de cheval. On centrifuge le contenu de quatre tubes, on suspend le culot dans de l’eau salée et on s’en sert pour badigeonner la gorge de l’animal. Le 18 mars. Température : 37°8. Pas de réaction dans la gorge. Nouveau badigeonnage avec la même culture. Le 19 mars. Température : 36°8. Pas de réaction dans la gorge. Le 20 mars. Température : 37°2. Pas de réaction dans la gorge. Le 21 mars. Température : 37°2. Pas de réaction dans la gorge. On centri- fuge cinq tubes de culture (bouillon-sérum de cheval) d'un streptocoque isolé 'l'un cas mortel de scarlatine. Le culot, émulsionné dans du bouillon, sert à ESSAIS DE TRANSMISSION DE LA SCARLATINE AUX SINGES 773 pratiquer un troisième badigeonnage de la gorge. De plus, on ajoute quinze gouttes de la même culture dans 20 centimètres cubes de sang humain nor- mal, préalablement défibriné. Le sang est injecté en deux endroits, sous la peau du ventre. L’examen microscopique du sang montre deux ou trois strep- tocoques par champ. Le 22 mars. Température : matin, 37°8; soir, 38°2. Pas de réaction dans la gorge. La langue chargée. Sur la peau de l’abdomen, au voisinage du point d’ino- culation à droite, taches rouge-vineuses, confluen- tes, non papuleuses. L’as- pect de ces taches est ma- nifestement ecchymotique ; elles occupent environ dix cent, carrés. Mêmes taches, moins développées, au ni- veau du pubis. Le 23 mars. T empérature : 37°4. Pas de réaction dans la gorge. Les taches ne se généralisent pas et pa- lissent. Le 24 mars. Température : 39°6. Même état. Du 25 au 28 mars. Les taches ecchymotiques disparaissent. Aucun signe d’angine, ni d’infection généralisée. d) Enfin, dans une dernière expérience, nous avons essayé la virulence de nos streptocoques scarlatineux pour les singes infé- rieur s. Nous nous sommes servi du streptocoque isolé du sang de notre second chimpanzé (voy. page 759), cultivé sur bouillon additionné de sérum de cheval. Macacus cynomolgus, n° 91. Le 7 juillet, on injecte sous la peau 2 cent, cubes d’une émulsion de corps microbiens, isolés par centrifugation de plusieurs tubes de bouillon. Le 10 juillet, il se forme un petit abcès au point d’injec- tion, mais l’état général n’a pas été influencé. Pas d’éruption, ni angine. Macacus Rhésus , n° 69, reçoit dans les veines 2 cent, cubes de la même émul- sion le 13 juillet. Aucune manifestation dans la suite. 11 résulte de ces expériences que le streptocoque , qu’il s’agisse de variétés streplococciques isolées de la gorge des chimpanzés atteints d’angine scarlatineuse, ou du sang de chimpanzé infecté, ou bien encore de coccus en chaînettes provenant de cas de scarlatine humaine, ne semble pas être l'agent causal de la ma- ladie provoquée chez les anthropoïdes par l' inoculation de pro- duits scarlatineux . 11 n’engendre pas l’angine quand on le dépose dans la gorge, et ne produit qu’une lésion locale inflam- matoire, suivie de suppuration, lorsqu’on l’injecte sous la peau. Sa pathogénité pour le Macacus cynomolgus et le rhésus paraît Tracé 7. — T empérature du chimpanzé H (inoculation de streptocoques). Les flèches indiquent les inoculations. 774 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR très faible. En somme, si notre hypothèse de la transmissibilité de la scarlatine au chimpanzé se trouvait confirmée à l’avenir, on devra admettre que le streptocoque, tout en accompagnant fréquemment le virus de V infection scarlatineuse, ne saurait être identifié avec ce virus, comme d’ailleurs le soutiennent la plu- part des auteurs. La véritable nature de l’agent pathogène de la scarlatine reste donc à découvrir. Ajoutons, pour clore l’exposé de nos recherches, que deux tentatives préliminaires de passage faite sur le chimpanzé, l’une avec les produits de l’angine du champinzé J (voy. page 763), l’autre avec du sang additionné de dépôts amygdaliens du même animal (inoculation dans la gorge et sous la peau), sont restées infructueuses. Peu de temps avant la publication de notre note prélimi- naire (1) ont paru deux travaux concernant la même question : l'un de M. J. Cantacuzène (2), l’autre de M. G. Bernhardt (3). Les auteurs affirment avoir transmis la scarlatine aux singes inférieurs de l'espèce Macacus rhésus, Macacus sinicus , Macacus cynomolgus, Cercopithecus cephus, Cercopithecus griseo -viridis , Cercopithecus fuliginosus, en leur inoculant des ganglions, du sang, du liquide péricardique (Cantacuzène), ou du raclage de la langue des sujets scarlatineux (Bernhardt). Ils ont obtenu une maladie éruptive fébrile, apparaissant après une incubation des plus variables et se terminant par une desquamation de la peau. Cantacuzène ne mentionne pas de lésions de la gorge, tout en étant très affirmatif au sujet de la nature scarlatineuse de l'in- fection observée par lui. Quant à Bernhardt, il dit avoir obtenu des passages en série, nie le rôle pathogène spécifique du streptocoque, et pense que le virus scarlatineux doit être classé parmi les microbes filtrants. B nous est impossible, pour l’instant, de confirmer les faits avancés par les auteurs précités. En effet, nous avons nous- mêmes réalisé un grand nombre d’expériences sur les singes inférieurs et des tentatives de ce genre ont été faites par plu- sieurs expérimentateurs* et sont restées inédites. Or, jamais (1) Comptes rendus de la Soc. de Biologie , séance du 29 avril 1911. (2) Comptes rendus de la Soc. de Biologie, séance du 17 mars 1911. (3) Deutsche med. Woch., 1911, n° 17; cf. également n° 23. ESSAIS DE TRANSMISSION DE LA SCARLATINE AUX SINGES 775 nous n’avons obtenu un résultat vraisemblablement positif. Tout ce que nous avons enregistré, et encore assez rarement, ce sont des abcès à streptocoques, au point d'inoculation du maté- riel scarlatineux; jamais d'angine, jamais d’éruption, ni de desquamation typique. Quant à la fièvre, on sait combien il serait erroné de tabler sur les oscillations thermiques chez les simiens inférieurs. Parfois, sans aucune cause bien apparente, d’autres fois h la suite d'un léger trouble digestif, on enregistre des élévations de la température dépassant 40 degrés, quitte à constater une température normale le lendemain, voire même quelques heures après. Ajoutons, pour être complets, que le nombre de nos singes inférieurs, inoculés avec des produits scarlatineux (exsudât de la gorge, sang, ganglions; injection sous-cutanée, périto- néale, intra-veineuse, badigeonnage de la gorge , a été de trente- cinq . Les espèces sur lesquelles nous avons opéré étaient : Macacus rhésus , sinicus , cynomolgus , nemestrinus et Cynoce- phctlus hamadryas. Vienne-Paris , 4 juillet 1911. EXPLICATION DES PLANCHES IX, X ET XI Pl. IX. — Fig. 1. Coupe de langue du Chimpanzé M (page 755). a, papilles linguales avec infiltration leucocytaire. Hématoxyline-éosine. Gross. 160. Fig. 2. Coupe de rein du même Chimpanzé, a , foyer d’infiltration intersti- tielle à leucocytes mononucléaires. Même coloration. Gross. 1 60. Fig. 3. Coupe d'amygdale du même Chimpanzé, a , nécrose du tissu amyg- dalien et ulcération ; 6, hyperplasie des follicules. Même coloration. Gros- sissement 1/30. Pl. X. — Fig. 4. Coupe de peau du Chimpanzé M (page 755 . c, foyer d'infil- tration leucocytaire dans la couche cornée de l’épiderme; a , b. vaisseaux dilatés; d , infiltration péri-vasculaire à éléments mononucléaires. Héma- toxyline-éosine. Gross. 1/60. Fig. o. Coupe de peau de scarlatine humaine (à comparer avec la figure 4). a, vaisseau dilaté; 6, infiltration péri-vasculaire à éléments mono- nucléaires. Même coloration. Gross. 1,60. Pl. XI. — Fig. 6. Coupe de peau de scarlatine humaine ''à comparer avec la figure 4). c, foyer d'infiltration leucocytaire dans la couche cornée de l'épi- derme; 6, vaisseau dilaté: d , infiltration péri-vasculaire à éléments mono- nucléaires. Hématoxyline-éosine. Gross. 1 60. Fig. 7. Coupe de langue de scarlatine humaine (à comparer avec la ligure «, papilles linguales avec infiltration leucocytaire; d, vaisseau dilaté. Héma- toxyline-éosine. Gross. 1/60. Fig. 8. Coupe d'amygdale du Chimpanzé C (page 739). f, follicule; n, g , crypte amygdalienne obstruée par un bouchon fibrino-leucocytaire, en partie nécrosé. Même coloration. Gross. 1/30. Fig. 9. Coupe de la même amygda’e. a. 6, leucocytes polynucléaires: c, amas de streptocoques; s, streptocoques. Carmin-Gram. SUR L’ORIGINE DES ANTICORPS CHEZ LES COBAYES TR YPANOSOIYIIÉS par le D1 2 3 4' Stefan MUTERMILCH (Travail du laboratoire de M. Levaditi à l’Instilut Pasteur.) Nous connaissons déjà lin certain nombre de travaux concer- nant l’origine des anticorps. Presque tous les auteurs attri- buent le rôle formateur des anticorps aux organes hémato- poïétiques et aux globules blancs. Ainsi Pfeiffer et Marx (1), dans leur mémoire sur l'origine des anticorps cholériques, affirment avoir trouvé chez les lapins immunisés avec des vibrions cholériques tués, le cin- quième jour après l’inoculation, la rate quatre fois plus active que le sérum; une seule fois ils ont constaté, vingt-quatre heures après l’injection sous-cutanée des vibrions, l’apparition d’anticorps vibriolytiques dans la rate, tandis que le sérum était encore totalement inactif. La moelle osseuse et les glandes lymphatiques se sont montrées parfois aussi actives que le sérum; au contraire, les leucocytes du sang et des exsu- dats ne semblaient pas pourvus de propriétés bactéricides. Wassermann (2) attribue le rôle formateur des anticorps, dans les infections typhiques et pneumococciques expérimen- tales, surtout à la moelle osseuse. De son côté, Deutsch (3) trouve dans la moitié de cas, chez des cobayes infectés avec le bacille typhique, la rate, et dans un quart à un cinquième de cas la moelle osseuse, plus actifs que le sérum. Levaditi (4) a trouvé des anticorps spir illicides dans la (1) R. Pfeiffer et Marx, Archiv für Hygiene, 1898, v. XXVII, p. 272. (2) Wassermann, Berl. klin. Woch., 1898, p. 209. — Deutsche med. Woch ., 1899, p. 141. (3) Deutsch, Annales de l'Institut Pasteur , 1899, p. 689. (4) C. Levaditi, Annales de l'Institut Pasteur, 1904, p. 511. ORIGINE DES ANTICORPS CHEZ LES CORAVES TRYPANOSOMIÉS 77~ moelle osseuse, les ganglions, la raie, l’épiploon, en même temps que dans le sérum, mais en quantité plus considérable. Une seule fois la moelle osseuse d’un lapin contenait des anti- corps avant les autres organes et le sérum. Kraus et Schiffmann (1), Kraus et Levaditi (2) et Canta- cuzène (3), ont étudié l'origine des précipitines et des aggluti- nines. Kraus et Schiffmann supposent que la genèse des précipi- tines (pour le sérum de cheval) et des agglutinines (pour le bacille typhique) s’opère dans le système vasculaire, proba- blement dans l’endothélium; mais dans d’autres expériences sur l’origine des précipitines pour le sérum de cheval, Kraus et Levaditi ont trouvé que, de tous les organes, seul l'épiploon des animaux immunisés fournissait des extraits capables de précipiter d'une façon manifeste le sérum de cheval, cela à un moment où le sérum de l’animal préparé n’était nullement précipitant. Cantacuzène, dans ses recherches sur l’origine des précipi- tines, a constaté que le deuxième et le troisième jours après l’injection du sérum de cheval aux lapins, l’extrait de rate donnait avec l'antigène un précipité abondant ; cette action précipitante augmentait le jour suivant, puis diminuait pour devenir nulle vers le 7e jour, moment où les précipitines apparaissaient dans le sang. Les ganglions, la moelle osseuse et les leucocytes fournis- saient des extraits précipitants avant l’apparition des précipi- tines dans le sérum, mais leur activité était plus faible que celle des extraits de rate. Il en résulte que ces auteurs attribuent le rôle formateur d’anticorps surtout à la rate, et aussi à la moelle osseuse et aux leucocytes du sang et des exsudais. Quant à l’apparition de ces anticorps dans les organes avant le sérum, le fait n’a été constaté qu’exceptionnellement dans les expériences de Pfeiffer et Marx, Levaditi et Cantacuzène. J’ai essayé de contrôler ces données en m’adressant au phé- (1) Kraus et Schiffmann, Annales de l Institut Pasteur , 1904, 5 avril. (2) Kraus et Levaditi, Comptes rendus de V Acad, des sciences , 1905. (3) Cantacuzène, Annales de l'Institut Pasteur , 1908, p. 54. 778 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR nomène de la trypanolyse des trypanosomes du Nagana pro- voqué par le sérum des cobayes infectés avec ces flagellés. Comme Font trouvé Massaglia (1), Rodet et Vallet (2) et d'autres, les cobayes infectés avec des trypanosomes subis- sent, au bout de 4 à 6 jours, une crise, à la suite de laquelle les trypanosomes disparaissent de la circulation générale; on constate en même temps l'apparition des anticorps trypano- lytiques dans le sérum. Je me suis efforcé de décrier ces anticorps dans les organes avant leur apparition dans le sang. Dans ce but j'infectais des séries de six à huit cobayes avec la même quantité de trypa- nosomes du Nagana et chaque jour je sacrifiais un ou plusieurs animaux par la saignée à blanc; les organes étaient broyés et on ajoutait 1 à 5 centimètres cubes d'eau salée. Les mélanges étaient conservés à 38 degrés pendant trois à quatre heures, puis centrifugés; il se formait ainsi à la surface une couche d’extrait d'organe qu'on éprouvait quant à la teneur en anti- corps trvpanolytiques. L'expérience était faite in vitro , en ajoutant une quantité suffisante d'alexine de cobaye et 1 à 2 gouttes de sang de souris trypanosomiée. Les extraits leuco- cytaires étaient préparés avec des exsudats péritonéaux pro- voqués chez le cobaye trypanosomié par l’injection préalable d’aleurone ou de bouillon; les leucocytes étaient lavés une fois, congelés et décongelés à plusieurs reprises, puis agités dans l’agitateur électrique. Il résulte de mes recherches qu’aucun des organes normaux de cobaye n'agit sur les trypanosomes. xVvec les cobayes infectés, l’expérience a été répétée huit fois avec des lots de 6 à 8 cobayes; parmi les animaux examinés comme il vient d’être indiqué, deux seulement ont fourni des organes agissant sur les trypanosomes, avant l’apparition des anticorps dans le sérum. Voici ces expériences : (1) Massaglia, Comptes rendus de V Acad, des sciences , 1907, vol. CXLV, p. 687. (2) Rodet et Vallet, Arch. de méd. expérim ., 1906, vol. XVIII. ORIGINE DES ANTICORPS CHEZ LES COBAYES TRYPANOSOMIÉS 779 Exp. I. — Les cobayes sont inoculés avec le Nagana le 6 décembre. 7 décembre. 8 décembre. 9 décembre. 10 décembre. il décembre. 12 décembre. 33 0 Rares. Très rares. Rares. Rares. 0 50 0 Rares. Non rares. Non rares. » )) 75 Très rares. Très rares. Très rares. Non rares. Non rares. )) 72 0 Très rares. Très rares. Rares. Rares. Nombr. 58 0 0 Non rares. 0 0 0 73 0 Rares. 0 )) » )) Le cobaye n° 73 est sacrifié le 9 décembre : pas de trypanolyse ni avec les extraits d’organes, ni avec le sérum. Le cobave n° 50 est sacrifié le 10 décembre : même résultat. */ Le cobaye n° 75 est sacrifié le 11 décembre : même résultat. Le cobaye n° 72 est sacrifié le 13 décembre : on prend 0,5 d’extrait d’or- ganes + 0,6 d’alexine de cobaye -4-1 goutte de sang de souris trypanosomiée : TRYPANOLYSE au bout de 15 minutes. au bout de 40 minutes. Foie partielle. presque complète. Rein 0 0 Rate presque complète. complète. Moelle osseuse presque complète. presque complète. Leucocytes 0 0 Sérum 0 0 Exp. II. — Les cobayes sont infectés le 3 mars. Nos 4 mars. 5 mars. 7 mars. 8 mers. 9 mars. 71 Rares. Non rares. Nombreux. Nombreux. 0 72 Rares. Non rares. Non rares. Non rares. 0 73 Rares. Non rares. Nombreux. Nombreux. 0 74 Rares. Non rares. Nombreux. Nombreux. )) 75 Rares. Non rares. Non rares. Non rares. )) 76 Rares. Rares. Nombreux. Nombreux. Nombreux. 77 Rares. Rares. Non rares. )) )) !i TRYPANOLYSE AVEC LES ORGANES DU COBAYE 74 au bout de 20 minutes. au bout de 45 minutes Foie -0 0 Rein 0 0 Rate presque complète. complète. Moelle osseuse 0 0 Leucocytes 0 0 Sérum 0 0 780 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Le cobaye n° 77 a été sacrifié le 7 mars; le cobaye n° 75, le 8 mars; pas d’anticorps dans le sérum et les organes. II en résulte que seule la rate du cobaye n° 74, sacrifié le 8 décembre, s’est montrée active, tandis que ni le sérum ni les autres organes ne renfermaient des quantités appréciables d’anticorps. Ces expériences montrent que les anticorps trypanoly tiques paraissent se former dans les organes , principalement dans la rate. Toutefois , il est difficile de les déceler à leur source , attendu qu'ils ne se produisent pas peu à peu, mais brusquement , au moment même de la crise ; or, on ne peut jamais prévoir le moment ou celle-ci commence . Au fur et à mesure qu’ils sont engendrés, il semble que les anticorps se déversent dans la circulation générale. Une fois la crise passée, certains organes producteurs d’an- ticorps, en particulier la rate, devraient en contenir plus que le sérum. Malheureusement, dans les expériences de trypa- nolyse, toute comparaison quantitative du pouvoir trypano- lytique des organes et du sérum est pratiquement impossible. Toutefois, j’ai eu l’impression que les tissus producteurs d’an- ticorps ne sont pas plus actifs que le sérum après la crise. En effet, les extraits d'organes entiers de cobayes (rate, foie, moelle osseuse, etc.), préparés avec un minimum d’eau salée (1-3 centimètres cubes), se sont toujours montrés très pauvres en anticorps. Le cobaye n° 9 (poids 350 gr.) est saigné à blanc le 7e jour après l’infec- tion, deux jours après la crise. Le foie entier (du poids de 8 gr.) est émulsionné dans 4 centimètres cubes d'eau salée. La rate entière (du poids de 0 gr. 8) est émulsionnée dans 2 centimètres cubes d’eau salée. La moelle osseuse de deux tibias est émulsionnée dans 1 centimètre cube d’eau salée. Ces mélanges sont conservés pendant trois heures à 38 degrés, après quoi on les centrifuge. Le foie a fourni 2 centimètres cubes d’émulsion, la rate 0,5 centimètres cubes, la moelle osseuse 0,6 centimètres cubes. Ces trois extraits et le sérum inactivé sont titrés quant à leur force trypa- nolytique en ajoutant à chaque tube 0,5 d’alexine + 1 goutte de sang de souris trypanosomiée. ORIGINE DES ANTICORPS CHEZ LES COBAYES TRYPANOSOMIÉS 781 Expérience de Trypanolyse. EXTRAIT ALEXINE 1/80 0,1 0,5 1/40 0,1 0,5 1/20 0,1 0,5 1/10 0,1 0,5 1/5 0,1 0,5 0,1 0,5 0,2 0,5 EAU TRYP. FOIE 0,1 1 goutte 0 0,1 1 goutte 0 0,1 1 goutte 0 0,1 1 goutte 0 0,1 1 goutte 0 0,1 1 goutte pr. compl — 1 goutte compl. RATE MOELLE osseuse. SÉRUM 0 0 part. 0 0 compl. 0 0 compl. 0 0 compl 0 0 compl. pr. compl. compl. compl. compl. compl. compl. Cette expérience montre que le sérum est encore partielle- ment trypanolytique à la dilution de 1 : 80, tandis que les organes fournissent des extraits qui tuent les trypanosomes seulement à la dose de 0, 1-0,2 centimètres cubes (non dilué). Ainsi les extraits d’organes paraissent être 80 fois moins actifs que le sérum, et pourtant nous n’avons ajouté que la moitié d’eau salée par rapport au poids du foie, et 2,5 fois d’eau par rapport au poids de la rate. Ajoutons que les extraits de leucocytes provenant d'exsudats péritonéaux des cobayes examinés après la crise ne se sont jamais montrés doués de propriétés trypanoly tiques. Il en résulte que la présence des anticorps dans les organes , après la crise , doit être attribuée au sang contenu dans le parenchyme de ces organes. Il serait intéressant de voir comment se comportent les extraits d’organes débarrassés de sang par un lavage abondant. Nous n’avons pas réussi à exécuter cette expérience avec la rate, organe qui nous intéressait le plus; mais le lavage du foie a montré que cet organe, après un lavage suffisant (100 à 200 centimètres cubes d'eau salée par la veine porte; les dernières eaux de lavage ne renfermaient plus d’anticorps), fournit des extraits complètement dépourvus de propriétés lytiques. Le cobaye n° 36 est saigné à blanc le. 5e jour après la crise. On lave le foie en injectant de l’eau salée par la veine porte; on injecte en tout 160 centi- 782 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR t mètres cubes; la dernière eau de lavage, dont on prend l’échantillon au niveau de la veine sus-hépatique, est incolore. TRYPANOLYSE (0,5 D’EXTRAIT, 0,5 D’ALEXINE) au bout de 15 minutes. au bout de 45 minutes. Rein Rate Foie lavé Dernière eau de lavage. Sérum complète, presque complète. 0 0 complète. complète. complète.' 0 0 complète. En se basant sur ces expériences, on serait en droit de con- clure que les éléments cellulaires ne renferment plus des anti- corps chez les animaux sacrifiés après la crise. Pourtant, ils doivent être capables d'en reproduire de nou- velles quantités in vivo , aussitôt qu’on prive l’organisme d’une certaine quantité des anticorps qui circulent dans son sang. L’expérience suivante semble le prouver. Le cobaye n° 66 est saigné le. 3e jour après la crise par la carotide : on retire à peu près 10-15 centimètres cubes de sang et immédiatement après on lui injecte dans la veine jugulaire 20 centimètres cubes d’eau salée; on fait encore une prise de quelques centimètres cubes du sang dans la carotide; le lendemain on retire encore quelques centimètres cubes de sang d’une veine de la patte postérieure. On a ainsi trois échantillons de sérum qu’on titre quant à leur teneur en anticorps trypanolytiques. Trypanolyse. SÉRUM ALEXINE EAU TRYP. lre PRISE 2e PRISE 31' PRISE 1/100 0,1 0,2 0,7 1 goutte. trace. zéro. trace. 0,5 0,2 0,3 1 goutte. pr. compl. partiel. pr. compl. 0,1 0,2 0,7 1 goutte. compl. compl. compl. 1/10 0,3 0,2 0,5 1 goutte. compl. compb compl. V 0,5 0,2 0,3 1 goutte. compl. compl. compl. 0,1 0,2 0,7 1 goutte. compl. compl. compl. Dans une dernière série d’expériences j’ai essayé de vérifier les constatations de Wassermann, qui admet la possibilité d’une formation d’anticorps à l’endroit même où l’on introduit l’antigène (formation locale d'anticorps). Dans ce but j’ai ORIGINE DES ANTICORPS CHEZ LES CORAYES TRYPANOSOMIÉS 783 injecté une série de lapins dans la cavité pleurale droite avec des émulsions de trypanosomes morts (1). J’ai sacrifié chaque jour un lapin, après lui avoir injeclé Je matin dans les deux cavités pleurales 5 centimètres cubes de bouillon stérile, et j’ai comparé la force trypanolytique des exsudats de deux plèvres avec celle du sérum du même animal. Or, jamais je n’ai constaté l’apparition des anticorps trypano- lytiques dans la plèvre droite (injectée avec des trypanosomes) à un moment où ces anticorps étaient absents dans le sérum. En outre, après l’apparition des anticorps dans le sérum, l’exsudât de la plèvre droite n’a pas été plus actif que le sérum et l’exsudât de la plèvre gauche. De même, en injectant une série de cobayes dans le péri- toine avec des trypanosomes morts, j’ai constaté que l’exsudât péritonéal n’était pas trypanolytique avant le sérum. Les lapins nos 95, 96, 97, 98, 99 et 100 reçoivent chacun 1 centimètre cube d’émulsion de trypanosomes morts dans la cavité pleurale droite, le 7 mai. Le lapin 95 est sacrifié le 10 mai Pas d’anticorps. — 96 — le 11 mai — — 97 — le 12 mai — — 98 — le 13 mai — — 99 — le 14 mai. Trypanolyse. ALEXINE EAU T R Y P . SÉRUM LAPIN 99 PLÈVRE droite. PLÈVRE gauche. ( 0,1 0,3 0,6 1 goutte. zéro. 0 0 1/10 J 0,2 0,3 0,5 1 goutte. 0 0 0 ( 0,5 0,3 0,2 1 goutte. 0 0 0 0,1 0,3 0,6 1 goutte. 0 0 0 0,3 0,3 0,4 1 goutte. compl. trace. trace. Le lapin n° 100 est sacrifié le 15 mai. (1) Ces émulsions étaient préparées de la façon suivante : on infectait trois gros rats blancs avec des trypanosomes, on les saignait trois jours après l’infection et on défibrinait le sang, qu’on soumettait à la centrifugation dans des tubes étroits, après dilution préalable du sang avec de l’eau salée dans la proportion de 1 : 1 ; il se forme ainsi une couche blanche de trypa- nosomes, qu’on aspire dans une pipette et qu'on chauffe pendant quelques minutes à 50 degrés. I 784 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Trypanolyse. aLEXINE EAU TPiYP. SÉRUM LAPIN 100 PLÈVRE droite. PLÈVRE gauche. l 0,1 0,3 0,6 1 goutte. 0 0 0 1/10 < 0,2 0,3 0,5 1 goutte. trace. 0 0 ! 0,5 • 0,3 0,2 1 goutte. pr. compl. 3 0 0,1 0,3 0,6 1 goutte. compl. part. part. 0,3 0,3 0,4 1 goutte. compl. compl. compl. Conclusions. 1° Chez les cobayes infectés avec le trypanosome du Nagana, les anticorps trypanol y tiques semblent se former dans les organes hématopoïétiques, en particulier dans la rate et la moelle osseuse; le foie parait également participer à cette élaboration des trypanolysines. Dès qu'ils sont fabriqués par les tissus, les principes trypanocides sont rapidement, peut- être même brusquement, déversés dans le sang circulant; 2° Après la crise, les organes contiennent autant d’anti- corps qu'il y en a dans le sang qu’ils renferment; 3° Les éléments cellulaires peuvent produire de nouvelles quantités d'anticorps trypanocides dès que, par des saignées successives, on prive l’organisme d’une partie des substances trypanolytiques circulantes ; 4° Il n’y a pas de formation d'anticorps à l'endroit où on introduit l’antigène (plèvre, péritoine) chez les lapins et les cobayes inoculés avec des trypanosomes morts. ERRATUM Mémoire de M. Manouélian, septembre 1911. Page 670, 2e colonne du tableau, lre expérience, au-dessus de 3 gouttes, lire : Bouillon-pept. Le Gérant : G. Masson. Paris. L. Maretheux, imprimeur, 1, rue Cassette. VOL. XXV FL. VII ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR (Mém Mazé) linp Bouchel, Cusset Annales de T Institut Pasteur Vol. XXV. pi.vnt ( M.éra . N attan-L amer. ) Ch. Constantin del. & lii h. ■ * ■ ; Imp. L .Lafontaine , Pans . t Annales de l’Institut Pasteur. Voixxv. pi.rx. f Mém. Levaditi, LancU'tenier &PTasek) .1. '■ V:-; *r*! '*• ,V'*V*,»1'r • * »,'• J •d& *>,*o » t&t ipt? •.«.j %/..■?* À'^A> •A wmmi w»0MS Èfe#É&#?É ’JSpM a a t Annales de l’Institut Pasteur Vol.XXV. Pl.X. ( Mém.. L evacLiti , Laruls'teiner SiPtasek) CA. Constantin del.hc lith. Imp . I. L âfontain s , P arm . « 3 *** *» ^ ** • ^ ‘Ï'V. s * *o *$? *• mO *‘ r » Ci* f>* __ • V'» ♦. 0‘ ® o O** o />.* 4.® ?'«,»' jfSSSÊ füâs» l|É&®i6fÉ » w'* ».< Îjîfe ,ra«v S#/ BiSliSliPiSiSiiS mmmm :mmm mmsmMmê' Æn^.Æm ï$æi®fâkj$$0%£jgigçig »ï®;®fÿiï '.M£ ><*» .r>~&' £#r# ••*•**■•>.. TrJîif/*^ ***// {»{*.' • •<*' -s,ï'- •;*i- ;**.f'" .,;V' -T' V* &r :' .*V* ,'*i '■•V/-' X -' «tS,* v.-.V.Vn'-- '/Sra; sæRgggta Annales de l’Institut Pasteur. I c VoLXXY PL XI. ( Mém.Ievaditi, laadsteinsr &Prasek) * ■ . '■ OS. ' - * - * • - • - . * *“ . ■ ■ 25e ANNÉE NOVEMBRE 1911 N° 11 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR RECHERCHES SUR L’ÉPIDÉMIOLOGIE DE LA TUBERCULOSE DANS LES STEPPES DES KALMOUKS par El. METCHNIKOFF, Et. BURNET et L. TARASSE VITCH. I Le fait qu’un très grand nombre d’hommes échappent à la tuberculose malgré l’extraordinaire diffusion du virus de cette maladie est le plus souvent interprété dans le sens d’une immunité naturelle antituberculeuse. On pense qu’il existe une résistance de races et, encore plus, une résistance indivi- duelle à la tuberculose. Ce n’est que dans ces derniers temps que l’on a commencé à envisager de plus près ce phénomène si important et en meme temps si extraordinaire. On s’est demandé si cette immunité, soi-disant naturelle, ne repose- rait pas sur une sorte de vaccination inconsciente, contractée pendant l’enfance, et rentrant par conséquent dans la catégorie des phénomènes d’immunité acquise. On connaît un cas analogue, celui qui concerne la fièvre typhoïde. Beaucoup de personnes, malgré leur contact fréquent avec le virus de la typhoïde, restent cependant indemnes, ce qui a fait penser autrefois que cette maladie n’est que peu ou pas du tout con- tagieuse. Mais le fait qu’un grand nombre d’hommes et sur- tout les enfants contractent souvent une typhoïde légère, capable de passer inaperçue, a suggéré l’idée d’un effet vac- cinant. Cette supposition cadre parfaitement avec tout l’en- 50 786 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ft semble des données sur la fièvre typhoïde, ce qui fait qu’elle est acceptée d'une façon générale. N’en serait-il pas de même pour la tuberculose? Pendant longtemps, trop longtemps même, on ne voulait pas admettre sa nature contagieuse, précisément à cause de ce fait que beau- coup d’hommes ne la prennent pas, malgré les très fréquentes occasions de la contracter. Parmi les signataires de ce mé- moire, il s’en trouve un qui, dans sa jeunesse, a été pendant plusieurs années en contact très intensif avec sa femme, atteinte de tuberculose mortelle, et qui cependant est absolu- ment resté indemne. A côté de ces cas d’immunité antituberculeuse, il en existe d’autres de caractère tout opposé. Lorsque les peuples primi- tifs ou peu cultivés entrent en contact avec les Européens, ils contractent fatalement la tuberculose grave, très souvent mor- telle. Romer(l), un des savants qui soutiennent la thèse que la résistance à la tuberculose repose sur une immunisation inconsciente, a réuni récemment plusieurs exemples typiques. D’après ses propres observations, la tuberculose est rare parmi les habitants des pampas argentines ; mais lorsque ces gens s’établissent dans la capitale, ils deviennent facilement tuber- culeux et meurent en grand nombre de consomption. Dans cet exemple, l’immunité relative des habitants permanents de Buenos-Ayres ne peut guère être expliquée par une résistance de race, car celle-ci est la même pour les individus venant des pampas à la ville. Il a été depuis longtemps signalé que les nègres africains échappent à la tuberculose dans leur pays natal, mais en meurent peu de temps après leur arrivée en Europe. Les médecins militaires autrichiens ont constaté que, dans les troupes, la tuberculose se rencontre le plus souvent parmi les soldats arrivés de Bosnie-Herzégovine, où justement cette maladie n’est pas du tout fréquente. Un exemple du même ordre a été depuis longtemps observé parmi les Kalmouks. Les Kalmouks adolescents qui aDandon- naient leurs steppes pour faire leurs études dans les villes con- tractaient la tuberculose presque fatalement et en mouraient le plus souvent. Dans son livre sur l'assainissement de la 1) Tuberkulose-Immunitàt, Medizinisch kritische Blütter , t. I. RECHERCHES SUR L’ÉPIDÉMIOLOGIE DE LA TUBERCULOSE 787 Russie, le professeur Khlopine (1) s’exprime comme suit à ce sujet : « Généralement, les Kalmouks qui font leurs études dans les écoles secondaires ne finissent pas les cours ; arrivés à la cinquième ou sixième année, ils commencent à s’affaiblir, deviennent anémiques et finissent par contracter la tubercu- lose. » Le mal est tellement général que l école des filles kal- moukes à Astrakan a été supprimée, et il est même question de transporter l’école secondaire des garçons de cette ville dans les steppes. En présence de ces faits, nous avons pensé qu’il était d’in- térêt général, dans l’étude de la tuberculose, de les examiner de plus près et avec la plus grande précision possible. Depuis la belle découverte de von Pirquet, il est devenu facile, par l’ap- plication de la cutiréaction à la tuberculose, d’établir d’une façon exacte l'extension de l’infection tuberculeuse dans une population. Aussi a-t-on fait plusieurs séries de recherches dans cette voie. Ainsi Monli et Hamburger (2) ont constaté à Vienne, sur un nombre total de 509 enfants âgés de un à qua- torze ans, qu’un grand nombre parmi eux ont donné la réac- tion positive de von Pirquet, ce qui prouve qu’ils renfermaient dans leur organisme quelque foyer bacillaire, sans que pour cela ils fussent atteints de tuberculose clinique. Seulement, tandis que les enfants de la deuxième année n’accusaient qu’un pourcentage faible (9 p. 100), les enfants âgés de dix à qua- torze ans manifestaient déjà la cutiréaction positive dans 93-94 p. 100 des cas. Ch. Mantoux (3) a étendu ces investiga- tions sur les enfants de Paris par un procédé d’intradermo- réaction, différent de celui de von Pirquet. Sur 174 petits malades de zéro à quinze ans, observés à l’hôpital des Enfants- Malades, la réaction positive dans la première année s’est pré- sentée dans 2,4 p. 100, tandis que dans la période de sept à quinze ans elle avait déjà atteint 82 p. 100. Chez l’adulte (de quinze à soixante ans) non cliniquement tuberculeux, l’intra- dermoréaction a été positive aussi dans 82 p. 100 des cas (sur H8 sujets hospitalisés). fl) Matériaux pour V assainissement de la Russie, Saint-Pétersbourg, 1911, p. 89 (en russe). (2) Beiblatt zu d. Mittheil. d. Gesellsch. f. innere Medizin , etc., Vienne, 1909, n° 3, p. 59. (3) La Presse médicale , 5 janvier 1910, il0 2. 788 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR t Plus récemment, Calmette, Grysez et R. Letulle (1) ont examiné 1.226 sujets lillois par Ja réaction de y. Pirquet. Ils ont établi que la contamination tuberculeuse à Lille est au moins aussi répandue qu’à Paris. Ainsi, déjà dans la pre- mière année, les enfants ont donné 8,7 p. 100 de réactions positives. Les enfants pris entre cinq et quinze ans ont pré- senté la réaction dans 81,4 p. 100 des cas, tandis que les enfants au-dessus de quinze ans avec les adultes l’ont donnée chez 87,7 p. 100. A côté de ces renseignements concernant les Autrichiens et les Français habitant les grands centres civilisés, il serait inté- ressant d’avoir, pour comparaison, quelques données sur les peuples plus primitifs. Dans cet ordre d’idées nous n’avons trouvé dans la littéra- ture que deux séries d’observations. Wagon (2), opérant simul- tanément avec la cuti et l’ophtalmo-réaction (qui d’ailleurs ont marché d’accord), à Kindia, en Guinée française, sur 100 adultes noirs pris au hasard des consultations médicales, a obtenu 12 réactions positives. Six de ces 12 sujets avaient des signes d’adénopathie trachéo-bronchique et quelques troubles respiratoires. Or ces 12 noirs (sauf un sur lequel on n’a pu avoir de renseignements) étaient des dépaysés et exerçaient des professions qui les avaient mis longtemps en contact avec des Européens coloniaux ou des négociants syriens, parmi les- quels la tuberculose sous toutes ses formes est notoirement fré- quente. Ainsi, sur la côte occidentale d’Afrique, les indigènes ne se tuberculisent qu’au contact des Européens. Les observations de Peiper (3) portent sur les nègres et les Indous des colonies allemandes de l’Afrique orientale. La réac- tion de v. Pirquet appliquée à un nombre restreint de ces sujels (156 nègres et 85 indous) a démontré que le résultat positif se rencontre beaucoup plus souvent chez ces Indous que chez les nègres; ceux-ci se contaminent auprès des premiers. La colo- ration noire de la peau des nègres n’empêcherait-elle pas de distinguer la réaction positive lorsqu’elle n’est pas très pro- noncée? Sous ce rapport, les Kalmouks conviennent beaucoup • (1) La Presse médicale, n° 63, 9 août 1911. (2) Bull. Soc. Pathologie exotique , 12 janvier 1910, et Caducée, 1910, n° 4. (3) Beihefte z. Archiv f. Schi/fs u. Tropenhygiene , t. XV, n° 2, 1911. RECHERCHES SUH L’ÉPIDÉMIOLOGIE DE LA TUBERCULOSE 789 mieux, car si leur peau est bronzée quelquefois, elle est toute blanche chez la majorité des sujets. Au commencement de nos études nous avons fait l’épreuve des deux méthodes. A un bras nous faisions deux petites scarifi- cations au vaccinostyle, que nous mouillions avec une solution à 50 p. 100 de tuberculine brute, tandis quà l’autre bras nous appliquions l’intradermoréaction en injectant dans le derme une goutte de solution de tuberculine (précipitée) a 1 p. 5.000. Les résultats, dans environ 300 cas, élant, à quelques excep- tions près, les mêmes des deux côtés, nous continuâmes nos recherches uniquement par la méthode de v. Pirquet, plus commode sous tous les rapports que l’intradermoréaction. Dans la très grande majorité des cas, la réaction positive ou négative se présentait avec une netteté qui ne laissait rien à désirer. Le petit nombre des cas tant soit peu douteux a été éliminé de notre statistique, qui compte en tout 3.264 sujets, dont 2.949 Kalmouks de tout âge et 315 d'autres nationalités (pour la plupart des Russes vivant dans les steppes kalmoukes, en faible partie des Tatars, Kirghises et Turkmens, habitant le Bazar des Kalmouks). II Avant de présenter au lecteur insuffisamment documenté les résultats de nos recherches, il est nécessaire de le ren- seigner en quelques lignes sur ce que c’est que les Kalmouks. Par ce nom on a désigné les Mongols restés dans les steppes de la rive droite de la Volga, après l’émigration d’une grande partie de leurs compatriotes en Dzoungarie à la fin duxvme siècle. Isolés des peuples voisins par leur religion bouddhiste lamaïte, ainsi que par certaines conditions géographiques, les Kal- mouks ont conservé leur type physique, aussi bien que leurs habitudes et leur langue, d’une façon beaucoup plus complète que les Tatars et les Kirghises de la région de la Volga. S’adon- nant pour la plupart â l’élevage des bestiaux (moutons, cha- meaux, chevaux et bovidés), la grande majorité des Kalmouks mènent une vie nomade, passant toute leur existence sous des tentes couvertes de feutre. Ce n’es! que dans les districts périphériques que les Kalmouks habitent pendant quelques 790 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR mois d'hiver dans des cabanes en terre glaise, de construction très primitive. Un certain nombre de Kalmouks des districts avoisinant la Yolga font le métier de pêcheurs, ce qui les rend plus sédentaires que les Kalmouks pasteurs. Malgré cela ils vivent aussi la plus grande partie de l’année sous des tentes et ne passent que l’hiver dans des cabanes. Les Kalmouks jouissent donc beaucoup du plein air et se trouvent sous ce rapport dans de bonnes conditions hy gé- niques, contrebalancées cependant par la malpropreté dans laquelle ils vivent et par l’abondance des insectes parasites qui peuplent leurs corps et leurs vêtements. Les Kalmouks se nourrissent de viande autant qu’ils le peuvent. Ils sont méprisés par les Russes et les musulmans, surtout à cause de leur habitude de manger la viande des bestiaux morts de maladies : ainsi ils se contentent d’enlever la pustule charbon- neuse du cadavre, dont la chair leur sert de nourriture. Le lait est en partie consommé comme tel, en partie transformé en koumiss (préparé avec le lait de jument) et surtout en une espèce d’eau-de-vie (araki). Les Kalmouks préparent avec la farine des céréales une sorte de galette qui leur tient lieu du pain, considéré comme une délicatesse. Bien qu’il n’existe pas de preuves suffisantes de la dépopula- tion des steppes kalmoukes (qui, sur une superficie de plus de six millions d’hectares, comptent environ 120.000 à 140.000 Kalmouks), il n’est point douteux que le nombre de ces Mongols est loin d’augmenter dans la même proportion que celui des Russes et des peuples musulmans voisins. Les familles ayant plus de trois ou quatre enfants sont rares et les vieillards de soixante ans et au delà sont peu nombreux. La mortalité infantile est considérable. La syphilis est très répandue et la contamination se fait surtout par voie extra-génitale, à l’aide de tasses et de pipes qui se promènent de bouche en bouche. Cette maladie, tout en faisant elle-même beaucoup de ravages, prépare le terrain à d’autres maladies, aidée en cela par l’al- coolisme, répandu parmi toute la population kalmouke. Aussi celle-ci se montre-t-elle très sensible même vis-à-vis de mala- dies relativement bénignes. La fièvre récurrente, qui générale- ment ne donne qu’une mortalité de 2 à 5 p. 100, enlève parmi les Kalmouks jusqu’à 20 p. 100 de ces malades, lesquels se RECHERCHES SUR L’ÉPIDÉMIOLOGIE DE LA TUBERCULOSE 791 contaminent certainement par l’intermédiaire des pous de vêtement, qui grouillent parmi eux. La variole fait [aussi beaucoup de victimes et ceci même malgré la vaccination jennérienne. Toutes les maladies qui se transmettent par le contact et sévissent surtout chez les peuples malpropres sont très répandues parmi les Ivalmouks : ainsi la gale et les diverses maladies des yeux, trachome, conjonctivites suppu- rées, etc. La fréquence de ces affections oculaires suffisait â nous faire rejeter l’ophtalmo-réaction. III Comme fléau principal des Ivalmouks, il faut compter, à côté de la syphilis, de la variole et de l’alcoolisme, la tuberculose. D’après les renseignements que nous avons pu recueillir au bureau de la statistique médicale du gouvernement d’As- trakhan, la tuberculose pulmonaire se rencontre dans toute l’étendue de ces steppes, mais présente une fréquence moins grande dans les districts centraux, plus éloignés de la popula- tion russe. La tuberculose des os et du système lymphatique est plus répandue que la phtisie pulmonaire et, dans sa distri- bution, elle accuse moins de régularité que cette dernière, étant parfois aussi fréquente dans le centre que dans certaines régions de la périphérie. Ces données se rapportent à la période de six ans 1905-1910. D’après le relevé du livre de consultation du district Ikitze- khouri (le plus central, et dont la population kalmouke, d’environ 10.000 habitants, se trouve la moins rapprochée des Russes), dans l’espace d’une année, il a été noté 14 cas de tuberculose pulmonaire et 40 cas de tuberculose d’autres organes, sans compter celle des ganglions lymphatiques. Dans le même district, dans l’espace de cinq mois (1er janvier- 31 mai 1911), se sont présentés à la consultation 5 malades atteints de tuberculose pulmonaire, 13 malades atteints de tuberculose d’autres organes (pour la plupart des os) et 15 malades souffrant de maladies du système lymphatique, parmi lesquelles la tuberculose ganglionnaire occupe une place prépondérante. Les observations de l’un de nous, recueillies pendant notre 792 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR t voyage dans les steppes kalmoukes en mai et juin 1911, ont permis de diagnostiquer parmi les Kalmouks la tuberculose pulmonaire dans 22 cas, la tuberculose des os et des articula- tions dans 25 cas, la tuberculose ganglionnaire dans 45 cas et le lupus dans un cas seulement. Tous les cas de phtisie pul- monaire bien caractérisée ont été observés dans les régions périphériques des steppes (14 cas dans le district méridional d'Elista, tout près des habitations russes, et 8 cas au Bazar des Kalmouks, localité située à quelques kilomètres de la ville d’Astrakhan). La tuberculose des os et des ganglions, bien qu’existante dans les districts centraux (2 dans une partie de lTkitzekhouri et 8 dans une partie de Kharakoussi), y est notablement moins fréquente que dans les régions voi- sines des Russes (11 à Elista; 9 au Bazar des Kalmouks) (1). Cet aperçu sommaire et purement approximatif indique que la tuberculose chez les Kalmouks est plus répandue dans la partie des steppes qui se trouve en rapports fréquents avec la population russe. Des données plus précises ont pu être four- nies par l’application des réactions à la tuberculine. C'est pen- dant les mois de mai et de juin de l’année courante qu'ont été exécutées ces recherches. Commencées à Astrakhan même, sur un petit nombre de Kalmouks résidant dans cette ville, elles ont été étendues vers les points les plus variés des steppes. Séparé d’Astrakhan par la Volga, se trouve le Bazar des Kalmouks, centre de commerce de bétail, habité par un millier de Kal- mouks, ainsi que par un nombre beaucoup plus petit de Russes, Tartares, Kirghises et Turkmen. De là, notre mission s’est dirigée vers la propriété du prince kalmouk Tioumène, située non loin de la Volga, et habitée par un grand nombre d’em- ployés du prince et des moines boudhistes. Des Kalmouks tra- vaillant dans les pêcheries de la Volga ont été examinés dans le district Iandiki, déchiqueté par une quantité de petites baies communiquant avec le fleuve. A côté de ces régions périphé- riques des steppes, au voisinage de la Volga, où les Kalmouks (I) Nous n’avons pas encore précisé la nature des bacilles tuberculeux dans les ganglions; il n’est pas probable qu’il s’agisse de bacilles bovins, étant donné que les bovidés des steppes kalmoukes ne sont que rarement tuberculeux, ainsi qu'il résulte des recherches de M. Choukevitch, qui seront publiées dans ces Annales. RECHERCHES SUR L’ÉPIDÉMIOLOGIE DE LA TUBERCULOSE 793 se trouvent en rapports continuels avec la population russe et musulmane, nous avons exécuté nos recherches sur des Kal- mouks habitant les districts limitrophes des gouvernements de Stavropol et de Saratoff ainsi que du pays des cosaques du Pai'he Nard du ■ Auiiok Erdent ® Stavka Icuidiki ° 1 district Mcilo- Derbéii Q / Stavka des Mcdo Derbéh ! ® 03 i < i Amta Bourqousta w i • O I ( c/3 ; LU J Q ! S lou vka du [ , ® co distr. Mamtch >- « < / a- / Tch ilgvure StavJcoL du. O dish\ Kli ai'akhouss i © Stavka du disk Ikitzek/iouri Zayan s eh Zayaj? 0 us souci Don, habités en majeure partie par des Russes : les districts de Manitch et de Malo-Derbéti. Nos investigations se sont étendues également sur les deux districts les plus centraux des steppes kalmoukes, ceux de Kha- rakhoussi et de Ikitzekhouri (v. la carte), dont la population est presque exclusivement composée de Kalmouks éleveurs de bestiaux et pasteurs, population la plus purement nomade, ne 794 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR t quittant pas les tentes (kibitkas), même en plein hiver. Les Russes ne se rencontrent dans ces districts que dans des centres administratifs sédentaires (stavkas) en qualité de fonc- tionnaires et de commerçants. RÉGIONS périphériques des steppes kalmoukes Population kalmouke. HOMMES FEMMES ENFANTS 0-5 ans. ENFANTS 6-10 ans. ENFANTS 11-15 ans. R. R. R. R. R. R. R. R. R. R. pcs. nég. pos. nég. pos. nég. pos. nég. pos. nég Ville d’Astrakhan 12 0 7 1 8( *) 5 Bazar des Ivalmouks . . . 61 1 18 3 6 7 15 0 14 1 Tiouménefka 18 0 11 2 2 4 3 2 20 3 District de Jandiki .... 183 31 84 53 18 96 53 63 42 16 District de Manitch .... 107 18 83 31 13 16 18 6 31 3 Partie nord du district Malo-Derbéti 94 3 66 12 19 29 38 12 24 1 Stavka des Malo-Derbéti . 113 18 49 8 11 3 19 2 12 1 Amta Bourgousta 58 5 22 3 1 5 9 ' 7 5 5 Total. . . 646 76 340 113 70 160 163 97 148 30 (*) Etant donné le petit nombre d’enfants, nous les avons réunis en une colonne. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les tableaux qui résument nos recherches pour s’assurer que la tuberculose est répandue dans toute l’étendue des steppes kalmoukes, sans en épargner les endroits les plus retirés. Seulement, la répartition des réac- tions positives à la tuberculine est loin d’être uniforme dans toute la population. De même que partout en Europe, les enfants en bas âge réagissent beaucoup moins souvent que les adultes et les adolescents. Rien que dans quelques cas nous ayons pu constater une réaction manifeste dès le sixième mois après la naissance, les enfants des cinq premières années nous ont donné de 50 à 100 p. 100 de résultats négatifs. Nous n’avons observé qu’une seule exception à cette règle dans le centre administratif du district de Malo-Derbéti, où plus des trois quarts d’enfants de cet âge (78,6 p. 100) ont présenté une réaction positive bien nette. Il ne faut pas du reste attribuer RECHERCHES SUR L'ÉPIDÉMIOLOGIE DE LA TUBERCULOSE 795 a ce cas une bien grande importance, étant donné que nous n avons pu examiner à cet endroit qu’un très petit nombre d enfants, — 14 en tout. Le même fait s’est reproduit sur les enfants âgés de six à dix ans du même endroit, chez qui la proportion des réactions positives a atteint 90, o p. 100. Le chiffre le plus élevé pour cette période de l'enfance a été observé au Bazar des Kalmouks, où 15 enfants examinés ont tous réagi d une façon évidente. Pour le restant des steppes, les enfants de six à dix ans ont donné de 13,4 à 87,5 p. 100 de réactions positives. Les adolescents de onze à quinze ans se rapprochent beau- coup des adultes. Le minimum des réactions positives s’est montré de 39,4 p. 100, tandis que le maximum s’est élevé à 96 p. 100. RÉGIONS PÉRIPHÉRIQUES DES STEPPES KALMOUKE5 Population kalmouke. — Pourcentage. HOMMES FEMMES ENFANTS 0-5 ans. ENFANTS 6-10 ans. ENFANTS 11-15 ans. R. R. R. R. R. R. R. R. R. R. pos. nég. pos. nég. pos. nég. pos. nég. pos. nég. Ville d’Astrakhan .... 100,0 0 » 87,5 12,5 61,5 38,5 n Bazar des Ivalmouks . . 89,4 10,6 85,7 14,3 46,0 54,0 100,0 0 » 93,3 6,7 Tiouméneika 100,0 0 » 84,6 15,4 33,3 66,7 60,0 40,0 87,0 13,0 District de Jandiki . . . 85,5 14,5 61,3 38,7 15,8 84,2 45,6 54,4 72,8 27,2 District de Manitch . . . Partie du nord du dis- 85,6 14,4 72,8 27,2 44,8 55,2 75,0 25,0 91,0 9,0 trict Malo-Derbéti. . . 96,9 13,1 84,6 15,4 20,8 79,2 76,0 24,0 96,0 4,0 Stavka des Malo-Derbéti. 86,3 13,7 86,0 14,0 78,6 21,4 90,5 9,5 92,3 7,7 Amta Bourgousta .... 92,0 8,0 88,8 11,2 16,7 83,3 56,2 43,8 50,0 50.0 Total. . . 89,5 10,5 75,0 25,0 30,4 69,6 62,7 37,3 83,1 16,9 (*) Voir note de la page 7 94. Parmi les adultes, dans toute l’étendue des steppes, les femmes ont réagi notablement moins souvent à ta tuberculine que les hommes, et ceci à une seule exception près (à Tchil- guire), où la proportion positive chez les femmes s’est montrée un peu plus élevée que chez les hommes (56,2 au lieu de 52,4 796 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR p. 100) (1). Ce fait si général indique que ce ne sont pas les conditions d’habitation qui jouent le rôle prépondérant dans la distribution de la tuberculose. Les femmes chez les Ivalmouks sont chargées de tout le travail dans l’intérieur des tentes et des cabanes en terre glaise (zemliankas), tandis que les hommes, lorsqu’ils travaillent, passent beaucoup de leur temps dans les steppes ou au bord de l’eau. Aussi se trouvent-ils en commu- nication beaucoup plus fréquente que les femmes avec la population sédentaire des Russes et des musulmans. Sous ce rapport, il est intéressant de comparer la fréquence des réac- tions positives à la tuberculine chez les Kalmouks qui habitent près des trontières des steppes et chez ceux qui sont cantonnés dans les districts centraux. Dans ce but, nous avons divisé nos résultats en deux parties : d’abord ceux qui ont été obtenus sur des Kalmouks vivant au milieu ou tout près des Russes, soit en ville, soit au Bazar des Kalmouks, aux bords du fleuve ou au voisinage de la frontière; et ensuite, ceux qui ont été constatés sur des Kalmouks qui habitent les deux districts les plus centraux des steppes. Le résultat de cette comparaison a été des plus nets. La réaction positive a été beaucoup plus fré- quente à la périphérie que dans le centre. Tandis que dans la première un dixième seulement de la population masculine (10,5 p. 100) s’est montrée indemne de foyers tuberculeux, plus d'un tiers des habitants mâles de la région centrale (36 p. 100) n’ont pas réagi à la tuberculine. Chez les femmes, le contraste est encore plus frappant, car, à la périphérie, 75 p. 100 d’entre elles ont manifesté la réaction positive et, dans le centre, elles ne l’ont donnée que dans la proportion de 43,10 p. 100. Les enfants, depuis la naissance jusqu’à l’âge de quinze ans, confirment la meme règle générale. Parmi eux, il ne s’est trouvé qu’une seule exception. Dans un pays situé dans une région des plus centrales — Tchilguire (v. la carte) — les enfants de six à dix ans ont réagi beaucoup plus fréquem- ment que dans tous les autres points des steppes. Cette excep- tion n’est cependant qu’apparente, car Tchilguire se trouve dans des conditions toutes particulières. Habité en partie par (1) Dans le nombre, il s'est trouvé quelques sujets, atteints de tubercu- lose pulmonaire très avancée, qui n’ont pas réagi à la tuberculine. RECHERCHES SUR L’ÉPIDÉMIOLOGIE DE LA TUBERCULOSE 797 héri que c les s tepp< 3S. Bazar des Kalmouks . . . 24 0 6 1 2 2 3 1 8 0 District de Iandiki .... 27 1 10 1 0 4 2 8 0 District de Manitch .... 9 0 11 2 Partie nord du district Malo-Derbéti 9 0 7 0 1 1 Stavka du district Malo- Derbéti 16 0 15 2 2 1 2 0 5 5 Amta-Bourgousta 5 3 5 1 1 1 Total. . . 90 4 54 7 4 8 11 7 21 5 Part ie ce ntral e des > ste] opes. Tchilguire 13 8 14 6 1 8 1 4 4 2 6 Stavka s des districts Kha- rakhoussi et Ikitzekhouri. 12 O O 7 3 7 6 Total. . . 25 11 21 9 1 8 11 10 2 6 (*) Voir la note p. 794. Depuis le commencement de nos études, nous avons porté notre attention tout particulièrement sur les Kalmouks écoliers. Arrivés à Astrakhan fin mai 1911, nous nous sommes adressés RECHERCHES SUR L'ÉPIDÉMIOLOGIE DE LA TUBERCULOSE 801 d’abord au directeur du pensionnat kalmouk dans le but de faire la réaction de la tuberculine sur les élèves. Mais, bien que l’on ne fût pas encore en vacances, la plupart de ceux-ci étaient déjà licenciés et renvoyés dans les steppes à cause de leur santé délicate. Il ne restait au pensionnat que six élèves d’écoles secondaires, considérés comme les mieux portants, sur lesquels cinq ont donné une réaction positive; le sixième, qui n’a pas réagi, se trouvant n’habiter Astrakhan que depuis un an. Plu- sieurs, parmi les élèves congédiés, ont pu être retrouvés dans les steppes et soumis à l’épreuve de la tuberculine. Sur 30 in ternes du pensionnat d’Astrakhan, 27 ont accusé une réaction positive, ce qui fait 90 p. 100, chiffre voisin de celui que pré- sentent les Européens adultes et les Russes de la ville d’As- trakhan. RUSSES ET QUELQUES MUSULMANS HABITANT LES STEPPES KALMOUKES HOMMES FEMMES ENFANTS 0-5 ans. R. R. R. R. R. R. pos. né g. pos. nég. pos. nég. | ENFANTS 6-10 ans. R. R. pos. nég. ENFANTS 11-15 ans. R. R. pos. nég. Parties périphériques des steppes. Pourcentage. Bazar des Kalmouks. 100 » 0 )) 85,7 14,3 50,0 50,0 75,0 25,0 100, 0 0 )) District de Iandiki . . 96,4 3, 6 91,0 9,0 0,0 100,0 40,0 60,0 100, 0 District de Manitch . 100,0 o, 0 84,6 15,4 50,0 50,0 Partie nord du dis- trict Malo-Derbéti . 100,0 o, 0 100,0 0,0 50,0 50,0 Stavka des Malo-Der- o béti 100,0 o, 0 88,0 12,0 75,0 25,0 100,0 o,Q 50 50 0 Amta Bourgousta . . 62,o 37, 0 83,3 16,7 50,0 50,0 Total. . . 95,7 4, 3 88,5 11,5 33,3 66,6 61,0 39,0 80 .8 19 2 Pari ;ie ce sntrale des stepj Des. Tchilguire 62,0 38 o 70,0 30,0 11,2 88,8 50,0 50,0 25 ,o 75 ,0 Stavka des districts Kharakhoussi etlki- 54,0 46,0 tzekbouri 80,0 20 ,0 70,0 30,0 Total. . . 69,4 30 ,6 70,0 30,0 11,2 88,8 52,4 47,6 25 ,0 75 ,0 v | ol 802 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Les élèves des écoles primaires kalmoukes situées dans les centres administratifs des districts dans les steppes, n’ont donné que 68,2 p. 100 de réactions positives (15 positives et 7 néga- tives sur 22 sujets), différence qui ne peut s’expliquer qu’en partie par l’âge un peu plus jeune de ces élèves par rapport aux internes du pensionnat d’Astrakhan. A ce point de vue, il est intéressant de comparer la proportion des réactions posi- tives parmi ces internes, non seulement avec les élèves des écoles de districts, mais aussi avec ceux des écoles religieuses disséminées parmi les couvents dans les steppes, car, parmi ces élèves, on rencontre des sujets du même âge que ceux de l’in- ternat d’Astrakhan. Or, la différence est encore plus sensible, car, sur 26 élèves monastiques, 17 seulement (65,4 p. 100) ont réagi à la tuberculine. Il ressort de ces données que le séjour des adolescents kal- mouks en ville pendant une grande partie de l’année, au milieu des écoliers russes, amène la contamination des premiers par le virus tuberculeux. Ce résultat justifie pleinement le projet des autorités russes, de créer une école secondaire pour les Kalmouks dans le centre administratif du district de Manitch, en fermant l’internat d'Astrakhan. La comparaison du taux des réactions positives des internes de ce pensionnat, 90 p. 100, avec celui des adolescents de onze à quinze ans qui habitent le centre des steppes, 53,3 p. 100, et même avec celui des hommes adultes de cette région, 64 p. 100, peut expliquer le fait général de la fréquence de la tuberculose grave parmi les élèves de la ville. Les adolescents des steppes, restés indemnes de l’infection tuberculeuse, la contractent après un séjour plus ou moins long à Astrakhan. Cet état d'indemnité leur a donc été funeste, ce qui corrobore l’opinion des médecins qui pensent que certaines scrofuloses de l’enfance exercent une action protectrice contre la tuberculose pulmo- naire grave. Il est à remarquer que la tuberculose mortelle devient moins fréquente depuis quelques années parmi les Kalmouks qui font leurs études dans les villes. On compte actuellement deux médecins, deux juristes et plusieurs orientalistes ayant terminé leur instruction universitaire, ce qui ne s’est jamais vu autrefois. C’est la dissémination plus grande de l’infection RECHERCHES SUR L’ÉPIDÉMIOLOGIE DE LA TUBERCULOSE 803 tuberculeuse dans les steppes qui a dû contribuer à ce résultat. A ce point de vue, il faut se demander si l’isolement des enfants de parents tuberculeux, préconisé actuellement par les médecins, ne serait pas une mesure à double tranchant, car il empêcherait l’immunisation pendant les premières périodes de l'enfance. Pour éclaircir ce problème d’une si grande impor- tance, il est nécessaire de continuer l’étude de l’épidémiologie de la tuberculose dans les conditions les plus variées et de préciser le mécanisme de l’infection par le bacille de Koch, qui amène à la réaction positive. Il doit être très utile aussi d'étudier le virus ou, probablement, les virus scrofuleux, parmi lesquels on trouverait peut-être le vaccin que Ton cher- che avec tant de zèle depuis la grande découverte de Koch. Il y a là un vaste champ de recherches, dont nos observations dans les steppes kalmoukes ne représentent que le premier jalon. 11 nous reste, en terminant ce mémoire, à accomplir un devoir des plus agréables. Nous adressons nos plus vifs et sin- cères remerciements à toutes les autorités du gouvernement d’Astrakhan, pour le concours précieux qu’elles n’ont cessé de nous prodiguer. Notre gratitude va, en premier lieu, à M. le gouverneur d'Astrakhan, général Sokolowski. Si notre enquête a pu être en peu de temps assez fructueuse, nous en sommes redevables, non seulement à l’aide matérielle qu’il nous a donnée, avec une générosité sans bornes, pour les voyages dans les steppes, mais encore et surtout aux sentiments de sympathie que son administration a conquis dans la population kalmouke. Le prestige de l'autorité, une organisation parfaite, les lar- gesses de l’hospitalité russe, toutes les prévenances et toute la bonne grâce possibles, mis au service d’une enquête scienti- fique, voilà ce que nous avons reçu de M. le général Sokolowski. En la personne de M. Kosine, le distingué chef de l’admi- nistration des Kalmouks, nous remercions tous les adminis- trateurs qui nous ont guidés et accompagnés, et nous remer- cions tous les médecins des steppes, russes et kalmouks, en la personne de leur chef si dévoué et sympathique, M. le Dr Zalkind. Nous souhaitons qu'il leur reste comme à nous, de cette collaboration, le meilleur souvenir. 804 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR APPENDICE d’après une note de M. le D1' Zalkind (d’Astrakhan) sur les écoliers kalmouks transplantés des steppes a Astrakhan Notre article était déjà imprimé lorsque nous avons reçu une communication du Dr Zalkind, dont nous donnons ici un bref résumé, étant donné son vif intérêt. Profitant de la ren- trée d’octobre des écoliers kalmouks, de retour de leurs steppes à Astrakhan, M. Zalkind les a tous soumis à la réaction de von Pirquet. Sur un ensemble de 53 élèves, 16 venaient d’arriver tout récemment à Astrakhan pour commencer leurs éludes. Agés de onze à quinze ans, et tous bien portants, 8 d’entre eux n’ont pas réagi à la tuberculine, tandis que 8 autres ont réagi, bien que faiblement. Sur les 37 élèves ayant séjourné plus d’un an à Astrakhan, un seulement, un garçon de quatorze ans, n’a pas manifesté de réaction, tandis que les 36 autres ont tous réagi, souvent même (dans 13 cas) à un degré considérable. La plupart de ces éco- liers (22) étaient âgés de douze à quinze ans ; parmi les 15 autres, 3 ont atteint leur vingtième année. Un des élèves des plus âgés (dix-huit ans) a dû, bientôt après son arrivée en ville, retourner dans les steppes pour cause d’anémie accompagnée de toux. Chez 3 autres (âgés de dix- neuf, dix-neuf et vingt ans) le D1’ Zalkind a trouvé des bacilles tuberculeux dans les crachats. Atteints de toux, ils sont sans doute destinés à ne pas terminer leurs études. Les faits constatés par le Dr Zalkind corroborent les résul- tats de nos observations et montrent une fois de plus l’action funeste du voisinage des tuberculeux sur les adolescents indemnes arrivant des steppes en ville. Il est facile à prévoir que les 8 élèves arrivés à Astrakhan sans être contaminés ne tarderont pas à le devenir auprès de leurs camarades plus anciens. On voit donc bien l’utilité déjà signalée dans notre article du transfert de l’internat kalmouk dans les steppes. Les observations du Dr Zalkind montrent une fois de plus que la tuberculose ne se contracte pas seulement dans la pre- mière enfance, mais que la contagion peut frapper les sujets neufs de tout âge. C’est une constatation que l’on ne peut guère faire avec cette netteté que dans les pays où entrent en con- tact une population tuberculisée et une population neuve. ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DE LA POLIOMYÉLITE AIGUË (MALADIE DE HEINE-MEDIN) SECOND MÉMOIRE par K. LANDSTEINER (Vienne) et G. LEVAD1TI (Paris), en collaboration avec M. PASTIA (Bucarest). Depuis la publication de notre mémoire sur l’étude expéri- mentale de la poliomyélite (1), nous avons continué nos recherches et nous avons établi un certain nombre de faits que nous désirons exposer dans le présent travail. Nos nouvelles expériences concernent, entre autres, la genèse des lésions au début de la maladie, quelques propriétés du virus, les relations entre le germe de la poliomyélite et celui de la rage, la conser- vation du virus dans le lait et l’eau, les voies de pénétration et d’élimination, la vaccination active, etc. Nous consacrerons un chapitre spécial à chacune de ces questions. 1. La genèse des lésions au début de la maladie. Nos premières recherches sur ce sujet, exposées antérieure- ment, avaient pour but la précision du moment où débutent les lésions inflammatoires et dégénératives qui caractérisent la maladie de Iïeine-Medin. Quatre Mac. cynomolgus furent infectés le même jour ; un servit comme témoin et montra des troubles paralytiques [paralysie faciale) après une incubation de onze jours ; les autres furent sacrifiés le deuxième , le quatrième et le septième jour. Or, tandis que chez le témoin, l’examen microscopique de la moelle épinière révéla des lésions typiques de poliomyélite, ces lésions étaient absentes chez les animaux sacrifiés au cours de la période d’incubation. Ces essais préliminaires paraissaient ainsi montrer que « les (1) Landstetner et Levaditi, Annales de l'Inslitut Pasteur , 1910, t. XXIV, p. 833. 806 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR lésions font leur apparition à un moment très rapproché de l’éclosion des troubles paralytiques ». Depuis, nous avons continué ces recherches et nous avons entrepris deux séries d’expériences disposées de la même manière. Exp. A. — Cinq Mac. cynomolgus, nos 63 à (57, sont infectés par voie céré- brale (0 c.c. 5) et péritonéale (1 c.c. 5) le 14 novembre 1910. Un d’eux, le n° 63, sert comme témoin; il se paralyse le 18 novembre ( Incub . de quatre jours) et meurt le lendemain. L’examen de la moelle montre des altérations de poliomyélite (hémorragies, infiltration discrète autour des vaisseaux, lésions dégénératives des cellules nerveuses). Les autres singes sont sacrifiés le deuxieme , le troisième, le quatrième et le cinquième jour. Or, le Cynomolgus n° 67, tué le quatrième jour, à un moment où l'examen clinique ne révélait aucun signe de paralysie bien apparente , était porteur de lésions nettes de la moelle cervicale , du bulbe et de la protubérance. Il s’agissait de foyers inflammatoires péri-vasculaires, de phénomènes de neuronophagie et de signes d’irritation méningée. Pas d’altérations de la substance grise et blanche de la moelle chez les autres animaux. Exp. B. — Le 14 mars 1911, on injecte par voie cérébrale et péritonéale deux Mac. cynomolgus nos 1 et 2, et deux Cynoceph. hamadryas nos 1 et 2. Le Cynomolgus n° 1 meurt le 17 mars, le Cynomolgus n° 2 se paralyse le 17 mars {Incub. de trois jours) et est sacrifié le lendemain (paralysie com- plète des quatre extrémités). L’examen histologique du système nerveux montre des lésions typiques chez les deux animaux. Le Cynocephalus hama- dryas n° 1 est pris de tremblements ; on le sacrifie dès l'apparition de ce premier signe de la poliomyélite. Voici le résultat de l’examen des centres nerveux : Moelle cervicale. — Pas d’infiltration des méninges, sauf au voisinage immédiat du septum antérieur, où on décèle une accumulation de cellules migratrices. L’examen montre, en outre, des manchons cellulaires épais autour des vaisseaux de la substance grise, manchons qui sont moins mar- qués dans la substance blanche. L'infiltration est constituée surtout par des leucocytes polynucléaires ; dans le protoplasma de certaines cellules rondes on découvre des granulations colorées en bleu (destruction partielle des noyaux?;. Parmi les cellules nerveuses, il y en a qui montrent une rétraction du protoplasma, avec formation d’un espace vide autour de l’élément cellu- laire ; le corps protoplasmique se colore d’une façon intense, est grossière- ment granuleux et on y révèle une destruction plus ou moins marquée des corpuscules de Nissl. Souvent, on constate un envahissement de la cellule nerveuse par des éléments leucocytaires et peut-être aussi une prolifération des cellules névrogliques qui l’entourent. Cà et là, on décèle la présence de quelques leucocytes dans les espaces péri-cellulaires mentionnnés plus haut, ce qui prouve que ces espaces ne sont pas tous des artifices de pré- paration. En outre, on observe des foyers d’infiltration en pleine subs- tance grise, renfermant des globules blancs éosinophiles. Ces foyers sont, par endroits, disposés autour des cellules nerveuses, dont le protoplasma est envahi par des leucocytes. ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DE LA POLIOMYÉLITE AIGUË 807 Moelle dorsale. — Au niveau du segment dorsal de la moelle épinière, les lésions sont moins intenses. On remarque des infiltrations péri-vasculaires accentuées seulement dans la substance grise; quant aux altérations inflam- matoires du septum antérieur, elles sont peu marquées. Moelle lombaire. — Ce segment médullaire ne semble pas lésé; par contre, on découvre quelques lésions inflammatoires dans le bulbe. Cynocephalus hamadryas n° 2 fut sacrifié à un moment ou il paraissait commencer à être malade ; il présentait, en effet, quelques traces d’agitation et de tremblement. L’examen de sa moelle ne révéla pas de lésions d’in- filtration péri-vasculaire ; seules les cellules nerveuses offraient quelques modifications. Sur les coupes colorées au Nissl, on constatait une des- truction partielle et une irrégularité de forme de la substance tygroïde. Quelles sont les conclusions qui découlent de ces données ? Disons tout de suite que la réalisation de pareilles expériences, dans des conditions idéales, est entourée de difficultés. Il est le plus souvent impossible de préciser d’avance la date exacte de l’éclosion des phénomènes morbides, la période d’incuba- tion variant sensiblement, non seulement suivant l’activité du virus à un moment donné, mais aussi d’après la réceptivité des espèces simiennes et des divers singes appartenant à la même espèce. Ainsi, si le témoin contracte la poliomyélite après cinq jours, par exemple, on ne peut savoir si les autres singes commenceront à être malades le même jour, avant, ou après cette date. Malgré ces écueils, nous avons réalisé trois fois des expériences qui se rapprochent assez du but. Or, nous voyons que chez deux de nos singes sacrifiés avant /’ appari- tion des 'paralysies ( Cynomolgus n° 67 et Cynoc. hamadryas n° 1), le système nerveux central était le siège d’altérations dont l’intensité nous semble dépasser celle que l’on ait pu prévoir d’après les quelques troubles de début (tremblements) constatés chez l’un d’eux ( Cynoceph . ham. n° 1). On peut donc conclure que, du moins dans quelques cas , lenemaxe subit des modifications inflammatoires et dégénératives quelque temps déjà avant C apparition des paralysies. Toutefois, il nous paraît que la genèse de ces modifications ne précède pas de beau- coup l’éclosion des phénomènes paralytiques, et qu’elle coïncide plutôt avec la période prémonitoire d’agitation et de tremble- ment; en effet, nous avons révélé une intégrité parfaite du système nerveux central chez certains animaux sacrifiés avant cette période et, d’an autre côté, il n’y avait pas d’inflamma- tion péri-vasculaire chez un de nos simiens ( Cynoceph . hama- 808 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR dry as n°2) tué au moment où il paraissait présenter clés traces de tremblement. Reste à savoir comment débutent les lésions de la polio- myélite, quel est le constituant du système nerveux central (méninges, vaisseaux et parenchyme de la substance grise, vaisseaux des cordons médullaires) qui subit le premier l’in- fluence du virus? Chez certains des singes de la première série d’expériences, nous avons bien constaté une légère réac- tion mononucléaire autour des vaisseaux des méninges mé- dullaires et bulbaires ; il nous est cependant impossible de préciser si ces lésions sont dues à l’action directe du virus, ou bien à l’irritation provoquée par l’injection intra-cérébrale d’une assez grande quantité de liquide. Par contre, nos consta- tations concernant le Cynocephalus n° 1 prouvent d'une façon indubitable que les altérations bulbo-médullaires peuvent naître et évoluer sans la participation primitive des méninges. On voit sur les coupes de moelle cervicale que, chez ce singe, l’inflam- mation des méninges a eu, comme point de départ, celle qui intéresse le septum antérieur et qu’elle s’est propagée, par conséquent, de l’intérieur vers la surface ; de plus, l’examen du segment dorsal, le moins atteint, montre que les lésions ont envahi le septum antérieur, se propageant le long des vaisseaux de la moelle. Il semble donc très probable que les modifications anatomo-pathologiques qui caractérisent la maladie de Heine- Medin débutent dans la substance grise de l'axe cérébro-spinal . Sont-ce les vaisseaux, ou le tissu interstitiel de la substance grise, ou encore les cellules nerveuses qui réagissent tout d’abord à l’action inflammatoire et dégénérative du virus ? Nous ne saurons l’affirmer d’une façon bien certaine, quoi- que les constatations se rapportant aux expériences qui pré- cèdent et aussi nos recherches sur l’anatomie pathologique de la poliomyélite (1), nous font incliner plutôt vers la dernière de ces hypothèses. Nous venons de voir, d'ailleurs, que chez un de nos ani- maux ( Cynoceph . hamadryas n° 2) les cellules nerveuses étaient le siège de modifications appréciables, alors que les vaisseaux de la substance grise et blanche paraissaient nor- (1) Voir notre précédent mémoire. ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DE LA POLIOMYÉLITE AIGUË 809 maux. Etant donné cependant que parfois il est difficile de préciser jusqu’à quel point les altérations du protoplasma des cellules nerveuses et la fonte des granulations de Nissl sont dues à des artifices de préparation (insuffisance des fixa- teurs), une certaine réserve s’impose à ce sujet (Cf. Leiner et Wiesner). A part cette restriction, les modifications très prononcées des cellules pyramidales, leur envahissement par les éléments migrateurs, la neuronophagie et la neuronolyse qui s’ensuivent et qui déterminent la résorption complète de ces cellules, tout cela pouvant coexister avec des lésions à peine marquées des vaisseaux, sont autant d’arguments qui plaident en faveur de V action directe du virus sur les cellules ganglionnaires. 2. Résistance du virus. a) Dessiccation . — Nous avons montré dans notre précédent mémoire que le virus de la poliomyélite, desséché dans le vide sur de l’acide sulfurique, conservait son activité pendant quinze jours au moins. Nous avons repris l’étude de cette question, dont l’importance est incontestable au point de vue du mode de transmission de la maladie de Heine-Medin. Les consta- tations récentes de Flexner et Lewis (1), de Laudsteiner et Levaditi (2) ont rendu très probable l’hypothèse de la pénétra- tion du virus par la voie naso-pharyngée et son élimination par les sécrétions de la muqueuse du nez et de la gorge. Cette notion de la présence du microbe dans le mucus nasal, fort plausible, sinon démontrée, pose donc le problème de la propa- gation de l'infection par les mucosités naso-pharyngées conta- minées et desséchées. Or, nos expériences montrent, à ce propos, que le virus , 'préalablement soumis à une dessiccation aussi rapide que complète , peut conserver son activité pathogène pendant un temps assez long. Expérience. — Une émulsion de moelle virulente est étalée en couche mince dans une lioîte de Pétri, puis desséchée rapidement dans le vide sur (1) Flexner et Lewis, The Journ. of the Americ. medic. Assoc., 1910, 12 février. (2) Landsteiner, Levaditi et Pastia, Comptes rendus de T Acad, des Sciences , 1911, t. CLII, p. 1701, 12 juin. 810 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR du P*03. Après vingt-quatre jours de conservation à l’état de dessiccation parfaite, on suspend la poudre dans de l’eau salée isotonique et on l'injecte dans le cerveau du : Rlacacus rhésus n° 1. L'animal se paralyse après une incubation de six jours ; il montre une paralysie des membres inférieurs et du ptosis. On le sacrifie sept jours après l’éclosion des phénomènes paralytiques, et l'examen microscopique montre des lésions typiques de poliomyélite. Il en résulte que le virus , parfaitement desséché et conservé en présence de P1 20% garde sa virulence au moins pendant vingt-quatre jours (Cf. Rœmer et Joseph) (1). b) Glycérine. — Nos expériences antérieures ont démontré la conservation de l’activité pathogène pendant vingt-deux jours, lorsque le virus est mis en contact avec de la glycérine diluée au tiers avec de l'eau salée isotonique (temp. de la glacière). D'après Rœmer (2), qui a confirmé cette constatation, la conservation peut être prolongée pendant cinq mois, sans inconvénient appréciable pour la virulence. Ayant repris nos recherches après les vacances de 1910, nous nous sommes servis de fragments de moelle ayant séjourné dans de la glycé- rine, à la glacière, du 3 avril au 22 octobre, soit 202 jours. Ces fragments se sont montrés parfaitement actifs, en injection intracérébrale et intrapéritonéale, comme il résulte de l’expé- rience suivante : On se sert de la moelle du rhésus n° 70, injecté le 21 mars 1910, paralysé le 30 mars et sacrifié le 3 avril. Le 22 octobre, on s’en sert pour préparer une émulsion aqueuse que l’on inocule dans le cerveau (0 c. c. 5) du : Macacus cynomolgus n° 7. Le 30 octobre ( Incub . de huit jours ) : Paralysie généralisée d’emblée. L’animal est sacrifié le lendemain; le passage fait avec sa moelle confère la poliomyélite. Le virus se montre donc actif après au moins WQ jours de conservation dans de la glycérine , à la température de la gla- cière. c ) Conservation du virus dans l'eau et le lait. — Les recherches / expérimentales de Leiner et Wiesner (3) ont montré que la transmission de la poliomyélite par le tube digestif est pos- (1) Rœmer et Joseph, Milnch. med. Woch ., 1910, n° 18. (2) Roemer, Die epidemische Kinderlàhmung . Berlin, Springer, 1911. (3) Leiner, Wiesner et Zappert. Studien ueber die Heine-Medinschen Krankheit Leipzig und Wien, Deuticke, 1911. 811 ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DE LA POLIOMYÉLITE AIGUË sible, quoique, d’après nos propres expériences, assez incons- tante. D’un autre côté, Wickman (1), s’appuyant sur des données épidémiologiques, admet que la maladie pourrait se propager par l’intermédiaire de cerl aines matières alimen- taires, en particulier le lait. Il était donc tout indiqué de rechercher si le virus se conserve dans le lait et l'eau, et com- bien de temps il garde intacte son activité dans ces conditions. Nous avons entrepris quelques expériences dans cette voie et nous sommes arrivés à des conclusions qui nous paraissent intéressantes. Expérience. — Le 13 mars 1911, on soumet à 100 degrés, pendant dix minutes (autoclave), plusieurs tubes à essai contenant chacun 10 centi- mètres cubes de lait; on chaude à la même température d’autres tubes ren- fermant de l’eau ordinaire. Après refroidissement, on introduit dans chaque tube 1 centimètre cube d’une émulsion de moelle virulente préparée le jour même. Les tubes, bouchés au coton, sont conservés à la température de la chambre et à la lumière. On essaie la virulence au début de l’expérience, le troisième, le seizième et le trente et unième jour. Lait. — Premier essai, sitôt le mélange préparé. Mac. rhésus n° 79, reçoit dans le cerveau (0 c. c. 23) et le péritoine (1 c. c. 75) le mélange de lait et de virus le 13 mars 1911. Le 20 mars ( Incub . de sept jours), agitation; le 21, tremble- ments généralisés, paralysie du bras droit; le 22, paralysie généralisée. L’animal est sacrifié; examen histologique positif. Deuxième essai , après trois jours de conservation. Mac. cynomolgus n° 97, infecté comme le précédent le 16 mars. Le 21 mars {Incub. de cinq jours ) ; l’animal parait malade ; le 22, paralysie à type supérieur; le 23, il est presque mourant, on le sacrifie. Lésions typiques de poliomyélite. Troisième essai , après seize jours de conservation. Mac. rhésus n° 0 esl inoculé comme le précédent le 28 mars. Le 1er avril {Incub. de quatre jours). l'animal est abattu, hésite à sauter. Le 2 avril, parésie des muscles du bra> et de la nuque, plus accentuée à gauche. On le trouve mort le 3 avril. Lésions histologiques typiques. Quatrième essai , après trente et un jours de conservation. Mac. sinicus n° 55, est inoculé comme le précédent le 14 avril. Le 22 avril {Incub. de huit jours), parésie des deux membres gauches. Le lendemain, paralysie généralisée. L’animal reste couché. Presque mourant le 24 avril, on le sacrifie. Lésions périvasculaires dans la moelle cervicale. De plus, après vingt-cinq jours de séjour à la température de la chambre, nous avons introduit VI gouttes du mélange lait + virus dans 10 cent, cubes de lait stérilisé. Le 14 avril, soit sept jours après l’ensemencement, nous avons de nouveau éprouvé la virulence. Mac. sinicus 57 reçoit le 14 avril dans le cerveau (0 c. c. 3) et le péritoine (0 c. c. 7) du premier ensemencement sur du lait. Le 10 mai {Incub. de vingt- sept jours), l’animal parait malade, hésite à sauter. Le 19 mai ( après trenle- (1) Wickman. Beitr. zur Kenntnis der Heine-Medinschen Krankheit. Berlin, Karger, 1907. 812 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR « six jours), paraplégie complète. Meurt le lendemain. A l’examen microsco- pique, on constate des lésions périvasculaires dans les segments cervical et lombaire de la moelle et des foyers hémorragiques dans la moelle lombaire. Eau. Le mélange d’eau et de virus est gardé à la température de la chambre du 13 mars au 14 avril, soit trente et un jours. On en injecte alors 0 c. c. 25 dans le cerveau et 1 c. c. 4 dans le péritoine du : Mac. sinicus n° 58. Le 24 avril ( Incub . de dix jours), faible parésie de la patte droite; le 26, paralysie généralisée; on le trouve mort le 28 avril. Examen microscopique : lésions typiques. Ces expériences montrent que le viras , mélangé à du lait stérilisé et conservé à la température de la chambre et à la lumière , garde son activité pathogène pendant au moins trente et un jours. Il se comporte de la même façon lorsqu'on le mé- lange avec de l'eau ordinaire stérilisée. Un premier passage, fait également dans du lait, après vingt-cinq jours, s’est montré actif pour le singe. Toutefois, nous ne pensons pas qu’il y eut, dans ces conditions, une véritable culture. En effet, l'incubation a été exceptionnellement longue [vingt-sept jours) et l’animal est paralysé trente-six jours après l'inoculation, ce qui plaide plutôt contre la multiplication du virus dans le lait. Nous attirons particulièrement l’attention sur la durée de la période d'incubation chez le Mac. sinicus n° 57, laquelle a été de vingt-sept jours et a dépassé sensiblement les incubations- les plus longues constatées par nous jusqu’à présent. Nous avons également recherché si la conservation du virus dans du lait ne se faisait pas mieux à la température du ther- mostat (37°) qu’à celle de la chambre et si, dans ces conditions, il n'y avait pas une pullulation réelle du microbe filtrant de la poliomyélite. L’expérience nous a montré que le virus paraît perdre assez rapidement son pouvoir pathogène à cette tempéra- ture. Le 28 avril, on mélange à volumes égaux du lait stérilisé et du virus filtré sur bougie Berkefeld. Le mélange est introduit dans un gros tube à essai, contenant une épaisse couche de gélose sucrée. Un premier essai, fait au moment même de l'ensemencement, montre que le mélange est actif pour le singe en injection cérébrale. Mac. sinicus n° 67, inoculé le 28 avril. Le 8 mai [Incub. de onze jours), l’animal paraît malade, hésite à sauter, titube. On le trouve mort le lendemain. Examen histologique : lésions pén-vasculaires, surtout au niveau des segments supérieurs de la moelle. Le tube contenant le lait ensemencé reste à l’étuve pendant onze jours. A ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DE LA POLIOMYÉLITE AIGUË 813 ce moment le lait n'est pas coagulé et ne contient pas de bactéries. On essaye sa virulence en l'injectant dans le cerveau (0 c. c. 3) du Mac. cyno- molgus n° 77, lequel survit sans avoir présenté de troubles apparents. 3. Action de la bile et du cerveau sur le virus DE LA POLIOMYÉLITE. Etant donné que les sels biliaires détruisent in vitro certains virus filtrants [Cf. les constatations de Kraus (1), v. Eisler (2) sur le virus de la rage; Cf. également les travaux de Russ (3), Rogers (4), Neufeld et Prowazek (5)], nous avons recherché si la bile des singes neufs ou clés simiens sacrifiés en pleine évolu- tion de la poliomyélite exerce quelque influence atténuante sur le microbe de la maladie de Heine-Medin. Expérience. — Le 13 mars, on recueille aseptiquement la bile d'un Macacus rhésus neuf et d’un rhésus infecté et sacrifié deux jours après l’éclosion des phénomènes paralytiques. On prépare les mélanges suivants : 1° Un c. c. virus frais, filtré sur papier -f 0 c.c. 5 bile de singe neuf. + 3 c. c. eau salée. 2° Un c.c. virus frais , filtré sur papier + 0 c.c. 5 bile de singe infecté. -f 3 c.c. eau salée. 3° Un c.c. virus frais, filtré sur papier -(-5 c.c. eau salée [témoin). Les mélanges sont gardés quatre heures à la température de la chambre et dix heures à celle de la glacière. Le 14 mars, on inocule : 1° Macacus sinicus n° 42, reçoit le mélange virus -{-bile de singe infecté (0,23 cer- veau et 1,0 péritoine); cinq minutes après l'injection, convulsions toniques et cloniques du côté gauche (l’injection intracérébrale a été pratiquée dans l'hémisphère droit), salivation abondante. Même état le soir. Le lendemain, l’animal est couché et respire à peine; il meurt le 16 mars. Nécropsie : Hémorragie méningée, épanchement hémorragique dans les ventricules et au niveau des tubercules quadrijumeaux. Moelle conges- tionnée. A l’examen microscopique, foyers hémorragiques surtout dans la moelle, avec légères infiltrations péri-vasculaires. Pas de lésions typiques de poliomyélite. 2° Macacus sinicus n° 43, reçoit le mélange virus -f bile de singe neuf. Pas de troubles après l'injection. Le 22 mars ( Incub . de huit jours), tremblements, paralysie des membres inférieurs. Paralysie généralisée le 23 mars; on sacrifie l'animal qui, est mourant, vers le soir. Examen de la moelle : lésions typiques. 3° Macacus sinicus n° 44, reçoit le mélange témoin virus -{-eau salée. Le 19 mars {Incub. de cinq jours), tremblements généralisés, agitation. Le 21 mars, paralysie généralisée. (1) Kraus, Zeitschr. f. Hyg., 1900, vol. XXXIV, p. 31. (2) v. Eisler, Centr. fur Bakt., 1908, vol. XLV, p. 71. (3) Russ, Arch. für Hyg., 1906, vol. LIX, p. 306. (4) Rogers, Zeitschr. für Hyg., 1900, vol. XXXV, p. 59. (5) Neufeld et Prqwazek, Arb. Kaiserl. Gesundheilsamle, 1907 , vol. XXV, p. 504. 814 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Le singe qui a reçu le mélange de bile d’animal infecté el de virus, étant mort très probablement par suite de l’action toxique de la bile injectée dans le cerveau, on ne peut rien conclure quant à Faction microbicide de la sécrétion biliaire des simiens sacrifiés en pleine évolution de la maladie. Il n’en fut pas de meme du Macacus sinicus n° 43, lequel a bien sup- porté l'injection intracérébrale de bile normale. Or, l’animal a contracté la poliomyélite après une incubation de huit jours et s’est comporté, à peu de choses près, comme le témoin, ce qui prouve que, dans les conditions où nous sommes placés, la bile normale ne 'paraît pas exercer une action stérilisante bien mani- feste sur le virus cle la poliomyélite. Des recherches analogues ont été réalisées par Leiner et Wiesner(l). Les auteurs se sont servis de bile normale d’homme et de singe, et aussi de bile provenant de deux simiens para- lysés; ils ont constaté comme nous que la sécrétion biliaire des animaux neufs ne détruit pas in vitro le virus, tandis qu'il y a eu survie des singes qui ont reçu le mélange contenant la bile des animaux poliomyélitiques. Les auteurs reconnaissent cependant que leurs expériences sont trop peu nombreuses pour que l'on puisse admettre d’ores et déjà la présence d’anticorps microbicides dans la sécrétion biliaire des animaux malades. Nous avons essayé de préciser si la substance nerveuse des singes neufs ou des simiens sacrifiés en pleine évolution de la poliomyélite contient des substances capables de neutraliser in vitro le virus. L'idée de rechercher cette propriété neutrali- sante des centres nerveux nous a été suggérée par l’observation suivante : au cours de nos nombreux passages faits de singe à singe, nous avons constaté que, de temps à autre, sans savoir pourquoi, Je pouvoir pathogène de l’émulsion nerveuse, pré- parée toujours dans les mêmes conditions, faiblissait au point que l'inconstance des résultats positifs rendait parfois impos- sible la continuation des expériences. Nous étions alors obligés de revenir en arrière et de recommencer nos séries avec du virus conservé dans de la glycérine à la glacière. Nous avons pensé (lj Zappeht, Wiesner et Leiner, Studien über die Heinc-Medinsche Krank- lieit ( Poliomyelilis acuta). Leipzig und AVien, Deuticke, p. 168, ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DE LA POLIOMYÉLITE AIGUË 815 ([no cette atténuation pouvait bien èlre due à l’apparition, dans les centres nerveux des animaux malades, de quelque principe (anticorps?) jouissant de propriétés microbicides. Cette hypo- thèse était d’ailleurs d’accord avec cet autre fait observé par Leiner et Wiesner, à savoir que les émulsions nerveuses for- tement concentrées, paraissent moins actives que les émul- sions diluées (sans dépasser une certaine limite, bien entendu). Les résultats que nous avons enregistrés n'ont pas confirmé notre supposition, ainsi qu’il résulte de l’expérience suivante : Expérience. — Le 14 mars 1911, on sacrifie un singe neuf ( r/iesus ) et un Mac. rhésus F, paralysé depuis deux jours. Le cerveau et la moelle sont triturés dans l’appareil de Latapie, émulsionnés avec de l'eau salée et centrifugés légèrement, de façon à ce qu'on élimine les gros grumeaux. On chauffe à 60 de- grés pendant une heure les deux émulsions N et I (normale et virulente; on a chauffé ainsi à une température qui détruit le virus, tout en respectant habituellement les anticorps). On prépare alors les mélanges suivants : 1° Un c. c. virus frais -j- 4 c.c. émulsion I ( cerveau et moelle infectés ). 2° Un c.c. — ~f- 4 c. c. émulsion N ( cerveau et moelle normaux). On laisse séjourner les mélanges trois heures à la température de la chambre et pendant la nuit à celle de la glacière. On injecte le 15 mars : 1° Mac. rhésus n° 74 (cerveau et péritoine) : mélange de virus + émulsion 1. Le 24 mars ( Incub . de neuf jours), l’animal paraît abattu et hésite à sauter; le lendemain légère, parésie; paralysie complète du train postérieur le 26 mars. Le même état dure jusqu’au 30 mars, et le 31, le singe, qui est com- plètement immobile, est sacrifié. Lésions inflammatoires et dégénératives du système nerveux. 2° Mac. Rhésus n° 63, reçoit par la même voie le mélange de virus + émul- sion N. Malade le 3 avril, paralysie passagère; survit. La matière nerveuse, qu’elle provienne d’un singe neuf ou d’un animal infecté, n’a donc exercé aucune action neutrali- sante bien nette à l'égard du germe de la poliomyélite. La longue durée de la période d’incubation chez le rhésus n° 03 (19 jours) peut s’expliquer, en effet, par une atténuation spon- tanée du virus pendant son séjour en dehors de l’organisme, avant l’injection. Ces résultats sont, d’ailleurs, d’accord avec ceux de Leiner el Wiesner (1); ces auteurs n’ont obtenu qu’un retard de quatre et cinq jours dans l’éclosion des phénomènes paralytiques, en ajoutant du cerveau de lapin au virus actif, et (1) Nous passons sous silence plusieurs autres expériences faites avec la substance nerveuse normale, et qui ont abouti à des résultats analogues. 816 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR n’ont enregistré aucune action .neutralisante dans des expé- riences faites avec de la lécithine fraîche, émulsionnée dans de l’eau salée (10 p. 100). De nouvelles recherches sont donc nécessaires pour expli- quer les faits auxquels nous faisions allusion plus haut. 4. Rapports entre le virus de la poliomyélite ET CELUI DE LA RAGE. Les analogies entre la poliomyélite et la rage sont des plus frappantes et ont attiré l’attention des observateurs dès le début des recherches sur la maladie de Heine-Medin. Ces ana- logies sont devenues encore plus étroites, lorsque l’expérimen- tation sur le singe mit en évidence la filtrabilité du virus de la paralysie infantile, sa propagation le long de nerfs, l’évolu- tion des lésions histopathologiques, etc. Nous nous sommes donc proposé d'entreprendre une étude comparative des deux germes filtrants, celui de la poliomyélite et celui de la rage, et, déjà dans notre premier mémoire, nous avons monlré que les singes qui jouissent d'une immunité marquée à V égard du virus de la paralysie infantile , se montrent sensibles à la rage , puisqu'ils contractent cette infection aussi facilement que les témoins. Nous avons continué ces recherches et nous avons examiné : 1° Comment se comportent , à V égard de /’ infection par le virus de la poliomyélite , les animaux qui ont subi un traitement anti-rabique préventif , et 2° Comment agit /’ immun-sèrum anti-poliomyélitique sur le virus rabique , et réciproquement . Voici les expériences qui se rapportent à ce sujet : Exp. 1. — Deux Mac. rhésus, nos 75 et 76, sont soumis au traitement anti- rabique avec les moelles qui servent au service anti-rabique de l'Institut Pasteur. Ils reçoivent sous la peau 2 centimètres cubes d’émulsion. (Voy. tableau, page 817.) Le 20 décembre 1910, soit 7 jours après la dernière injection, on essaye la sensibilité vis-à-vis de la rage. Inoculation intra-oculaire de virus rabique de passage. Rhésus n° 75. Le 3 janvier ( Incub . de 14 jours), l'animal paraît malade, tremble. Le lendemain, paralysie généralisée, couché. Mourant le 6 janvier, on le sacrifie. ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DE LA POLIOMYÉLITE AIGUI 817 Rhésus n° 76. Survit sans avoir été malade. 11 en résulte que malgré la vaccinalion anti-rabique, un des deux singes a contracté la rage; seul le 76 a résisté. Le 14 février, on essaye la réceptivité de ce dernier vis-à-vis du virus de la poliomyélite ( virus F); le Rhésus n° 67 sert comme témoin. Mac. rhésus n° 76 ( vacciné contre la rage, essayé avec le virus poliomyélitique F). Le 21 février ( Incub . de 7 jours), paraplégie presque complète, parésie des membres supérieurs; le lendemain, paraplégie, raideur de la nuque. Le 26 février, paralysie généralisée. Mac. rhésus n° 67, témoin. Le 20 février {Incub. de 6 jours), paraplégie d’emblée presque complète. Le 23 février, paralysie généralisée. Meurt le 27 février. Lésions histologiques typiques. Il en résulte que la vaccination anti-rabique ne conféré pas r immunité contre la poliomyélite. Exp. 2. — Mac. sinicus n° 49 est soumis au traitement anti-rabique du 11 avril 1911 au 7 mai; il reçoit du virus frais [du jour même) les 3, 5 et 7 mai. SINGE AVRIL MAI 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 1er 3 5 7 14 et 13 12 et 11 M oe lie d e ei 5 1 j ou rs ) = M oelle de (eu j-) ; Sinicuâ 49. 10 et 9 8 et 7 6 6 5 4 3 5 4 4 3 3 5 4 3 2 2 2 Frais. Frais . Frais. Le 13 mai, on essaye la sensibilité à l’égard du virus poliomyélitique F. Le Mac. sinicus n° 56 sert comme témoin. Mac. sinicus n° 49 ( vacc . contre la rage). Le 2 juin [Incub. de 20 jours), para- lysie des membres inférieurs. Meurt le lendemain. Lésions typiques. Mac. sinicus n° 56 [témoin). Le 22 mai [Incub. de 9 jours), faible parésie des 52 818 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR pattes, tremblements. Le 23, paralysie complète des membres supérieurs et des muscles de la nuque, parésie des membres inférieurs. Meurt le 24 mai. Lésions typiques. Donc, même résultat que dans C expérience précédente . Toute- fois, il y a lieu de remarquer que l’incubation, chez l’animal vacciné contre la rage a été sensiblement plus longue que chez le témoin (20 jours au lieu de 9). Quoi qu’il en soit, ces recher- ches montrent bien que la vaccination anti-rabique ne confère pas une immunité bien solide vis-à-vis de l’infection par le virus de la poliomyélite. Les expériences concernant l’action directe et croisée du sérum anti-rabique et anti-poliomyélitique confirment ces con- clusions. En voici la preuve : Exp. 1. — Sérums anti-poliomyélitique et anti-rabique, en mélange avec le virus de la poliomyé.1 te. On se sert du sérum du Mac. rhésus n° 78, saigné 15 jours après le début de la paralysie. On emploie le sérum anti-rabique de mouton, mis obligeamment à notre disposition par M. le Dr A. Marie, de l'Institut Pasteur. Virus poliomyélitique de passage (émulsion dans de l’eau salée, filtrée sur papier). On prépare les mélanges suivants : 1° Deux cent, cubes de virus -)- 2 c. c. sérum de mouton neuf [contrôle). 2° Deux cent, cubes de virus -f 2 c. c. sérum anti-rabique. 3° Deux cent, cubes de virus -f 2 c. c. sérum de Rhésus neuf [contrôle). 4° Deux cent, cubes de virus + 2 c. c. sérum anti-poliomyélitique. Les mélanges sont conservés pendant trois heures à la température de la chambre, et pendant la nuit à la glacière. Le 29 novembre 1910, on inocule : Mac. sinicus n° 83, mélange virus -j- sérum mouton neuf [témoin). Le 6 dé- cembre [Incub. de 7 jours), paraplégie nette. Le lendemain, paraplégie com- plète; mourant. Lésions typiques. Mac. sinicus n° 79, mélange virus + sérum anti-rabique. Le 12 décembre [Incub. de 13 jours), paraplégie; le 14, l’animal est couché; il meurt le 15 décembre. Mac. sinicus n° 81, mélange virus -j- sérum de singe neuf [témoin). Le 4 dé- cembre [Incub. de 3 jours), tremblements généralisés, plus accentués dans la tète. Le lendemain, l’animal reste couché, paralysie généralisée. On le tue au gaz. Lésions typiques. Mac. sinicus n° 82, mélange virus -f- sérum anti-poliomyélitique . Survit sans avoir montré de troubles. L’expérience montre que si le sérum anti-poliomyélitique agit sur le viras de la paralysie infantile , par contre , le sérum anti-rabique de mouton n exerce pas d' action microbicide mani- feste sur ce virus. ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DE LA POLIOMYÉLITE AIGUË 819 Exp. 2. — Sérums anti-rabique et anti-poliomyélitique en mélange avec le virus rabique. On se sert du même sérum anti-poliomyélitique, qui s’est montré microbicide vis-à-vis du virus de la paralysie infantile, et du sérum anti-rabique de mouton. Virus rabique de passage, émulsion à 1 : 100, filtrée sur papier. On prépare les mélanges suivants : 1° Un cent, cube de virus -j- un cent, cube sérum anti-poliomyélitique. 2° Un cent, cube de virus -f- un cent, cube sérum singe neuf [témoin). 3° Un cent, cube de virus + un cent, cube sérum anti-rabique. 4° Un cent, cube de virus -f- un cent, cube sérum mouton neuf [contrôle). Les mélanges sont conservés pendant quatre heures à la température de la chambre, et pendant la nuit à la glacière. Le 29 décembre 1911, on inocule (0,5 dans le cerveau) : MÉLANGE LAPINS lî AGE MORT 1 Positif , le 8 janvier. Le 10 janvier. Sérum anti-poliomyélitique. 2 Positif , le 6 janvier. Le 10 janvier. i 3 Positif , Je 6 janvier. Le 9 janvier. Sérum singe neuf ) r ^ )) Le 9 janvier. Sérum anti-rabique . . . . 5 0 0 t 7 Positif , le 6 janvier. Le 11 janvier. Sérum mouton neuf. . . . \ § 1 Positif, le 1 janvier. Le 10 janvier. Cette expérience montre que le virus rabique est neutralisé par le sérum anti-rabique , tandis qu'il résiste au sérum anti-po- liomyélitique. Une seconde expérience, où nous avons employé une émul- sion de virus rabique au dixième au lieu du centième, a abouti à un résultat analogue, sauf en ce qui concerne le sérum anti- rabique : un seul des deux lapins inoculés a survécu, l’autre a contracté la rage, ce qui ne surprend pas, étant donnée la trop grande richesse de l’émulsion en virus rabique. I l en résulte que la vaccinat ion active , ainsi que F action directe et croisée clés sérums spécifiques , permettent de différen- cier le virus poliomyélitique de celui de la raye . 820 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Celle différence entre les deux virus ressort également des essais de neutralisation résumés ci-dessous : En 1910 et 1911, dans deux notes parues dans les Comptes rendus de ï Académie des Sciences (1), M. A. Marie a fait connaître des expériences concernant l'action neutralisante exercée vis-à-vis du virus rabique, par une substance isolée des centres nerveux, au moyen d'un procédé spécial (2). Nous avons, de notre côté, grâce à l'obligeance de l’auteur, recherché si cette substance se comportait de la meme manière à l’égard du virus de la maladie de Heine-Medin. Voici les détails de nos essais : Le 30 mars 1911, on prépare une émulsion de fragments de moelle (polio- myélite) conservés pendant deux jours à la glacière. L’émulsion est filtrée sur papier, puis mélangée à volumes égaux avec l’extrait de substance nerveuse préparé par M. Marie et dont le pouvoir anti-rabique avait été éprouvé. D’un autre côté, on fait une dilution de virus dans de l’eau salée, servant comme témoin. Les mélanges restent pendant la nuit à la glacière. Le Ie1' mai 1911, on inocule : Mac. rhésus n° 73 reçoit dans le cerveau (0,5) et le péritoine (1,25) le mélange virus -j- extraite érébral. Le 7 mai ( Incub . cle 6 jours), l’animal paraît abattu, hésite à sauter. Le 10, paraplégie complète, parésie des membres supérieurs. Le 11, paralysie complète; on le sacrifie. Lésions typiques. Mac. rhésus n° 74, témoin. Le 10 mai {Incub. de 9 jours), tremblements de la tète et parésie des membres inférieur et supérieur droits. Paralysie géné- ralisée le 12. On le sacrifie. Lésions typiques intenses. L’expérience montre que l’extrait de matière nerveuse pré- paré par M. Marie, qui jouit de propriétés antirabiques mani- festes in vitro , ne neutralise pas dans les mêmes conditions le virus de la poliomyélite. o. Voies de pénétration du virus. Nous avons essayé d’éclaircir plusieurs points encore obscurs se rattachant au mode de pénétration du virus de la poliomyé- lite dans l’organisme. En premier lieu, nous avons tenté de préciser l’infectiosité du virus administré par la voie intraveineuse. Flexner et Lewis (3) ont réussi une fois à conférer la paralysie infantile (1) T. CL, p. 1775 (1910); t. CL11, p. 1514 (1910). (2) Yoy., pour les détails de la préparation, les notes citées ci-dessus. (3) Flexner et Lewis. Journ. of the americ. med. Assoc., 1909, xii, n° 4. ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DE LA POLIOMYÉLITE AIGUË 821 en injectant l’émulsion virulente dans les veines; par contre, Leiner et Wiesner(l) n’ont enregistré que des résultats néga- tifs, il est vrai dans des circonstances peu favorables, étant donné que la plupart de leurs animaux ont succombé à des infections intercurrentes. Nous avons, en outre, communiqué nous-même une expérience montrant que l’introduction du virus dans une ramification de la veine mésentérique pro- voque la paralysie infantile chez le singe. Une nouvelle tentative nous a permis de constater que, con- formément aux affirmations de Flexner et Lewis, l'injection de l’émulsion infectante dans la veine jugulaire aboutit également à l’éclosion des phénomènes paralytiques. En voici les détails : Mac. rhésus X reçoit, le 28 novembre 1910, dans la veine jugulaire gauche [bout central ), 2 cent, cubes d’une émulsion virulente fraîche, filtrée sur papier. Le 8 décembre [Incub. de 10 jours), l’animal est couché; il s'est para- lysé d’emblée , sans que l’on ait observé chez lui le moindre symptôme précur- seur la veille au soir. On le sacrifie, et l’examen histologique révèle des lésions intenses intéressant la moelle dans toute sa longueur. Quels effets obtient-on lorsqu'on pratique l'injection du virus non pas dans la veine jugulaire, mais dans Y artère carotide ? La question est intéressante au point de vue de la pathogénie de la forme polioencéphalique de la maladie de Ileine-Medin. Nous avons réalisé une seule tentative de ce genre et le résultat a été négatif. Quoique cette unique expérience soit insuffisante pour résoudre le problème, nous en exposons néanmoins les détails, nous proposant de revenir ultérieurement sur ce sujet : Le 5 juillet, un Mac. Rhésus reçoit dans l 'artère carotide (bout périphérique), 2 cent, cubes de virus frais. L’artère a été ligaturée en dessous de la piqûre et le lien a été maintenu durant un quart d’heure, pendant et après l’injection. On a ligaturé en même temps la veine jugulaire correspondante. L’animal a survécu pendant plusieurs mois, sans avoir jamais présenté de troubles moteurs apparents. La réceptivité de Y appareil digestif pour le virus de la polio- myélite est loin d’être précisée à l’heure actuelle. Nos nom- breuses tentatives de transmission de la paralysie infantile par la voie gastrique, faites non seulement sur des singes inférieurs, mais aussi sur le chimpanzé, sont toutes restées infruc- (1) Leirer et Wiesner, loc. cit., p. 147. 822 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR t tueuses (1). Seuls, Leiner et Wiesner ont réussi à transmettre F infection par cette voie, et aussi par l’intestin, il est vrai dans des conditions qui diffèrent sensiblement du mode de contami- nation naturelle (ingestion de teinture d’opium, injection directe clans l’intestin). Ayant constaté que le virus se conserve bien dans du lait, nous avons essayé d’infecter les singes en leur faisant ingérer du lait contaminé, ou en leur introduisant un tel lait dans le rectum. Or, malgré la longue durée de é expé- rience et la quantité relativement considérable de lait virulent administrée par F une ou l'autre de ces voies , nous n avons pas réussi à infecter nos animaux. Ces animaux n ont pas acquis non plus ï immunité , attendu qu'ils ont contracté la paralysie infan- tile lors d’une inoculation d’épreuve, faite quelque temps après. Voici, d’ailleurs, les détails de ces expériences : Mcicacus sinicus n° 56 reçoit par la sonde stomacale, du 18 avril 1911 au 5 mai, tous les jours, 20 cent, cubes d’un mélange de lait et de virus conservé à la température de la chambre (200 cent, cubes de lait + 100 cent, cubes d’émulsion virulente), soit en tout 340 cent, cubes. Aucun trouble apparent jusqu'au 13 mai. A ce moment, infection d’épreuve. Le 22 mai ( Incub . de 9 jours), faible parésie des membres inférieurs, tremblements. Le 23, para- lysie complète des membres supérieurs et des muscles de la nuque, parésie des membres inférieurs. Meurt le 24 mai. Lésions typiques. Mac. rhésus n° 68 reçoit dans le rectum, par la sonde, du 29 avril au 23 mai, tous les jours, 5 cent, cubes de lait additionné de virus, soit en tout environ 130 cent, cubes. Pas de troubles morbides jusqu’au 26 mai. Eprouvé à cette date, il se paralyse le 2 juin et est sacrifié le 3 ; lésions typiques. Gomme nous l’avons déjà dit dans notre premier mémoire, {'infection par la voie digestive paraît impossible dans les condi- tions habituelles. Si Leiner et Wiesner ont réussi à transmettre la maladie par cette voie, c’est qu’ils se sont placés dans des conditions particulièrement favorables, qui s’écartent sensible- ment de celles de la vie normale. La question est de savoir si, au cours des épidémies, de telles conditions se trouvent réa- lisées et si la contamination par le canal alimentaire entre alors en ligne de compte. L’élude épidémiologique de la mala- die, aidée par des investigations expérimentales faites avec des matériaux humains (muqueuse digestive, ganglions mésenté- riques) pourra peut-être résoudre définitivement ce problème. A) Cf. notre précédent mémoire. ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DE LA POLIOMYÉLITE AIGUÉ 823 En attendant, il nous a été donné de recueillir une observa- tion digne d’intérêt au point de vue du mode de pénétration et d’élimination du virus de la paralysie infantile (1). La voici : Observation. — P... A..., âgé de deux ans, entre dans le service (hôpital Wilhelmine, de Vienne), le 7 avril 1911, pour une pleurésie tuberculeuse. Pas de changement appréciable dans l’état du malade jusqu’au 7 mai. A ce moment, on constate des vomissements, de la fièvre (38°5), une rougeur de la gorge et des dépôts blanchâtres sur les amygdales. Le lendemain, la gorge est très rouge, mais les dépôts se sont détachés en partie. Le 10 mai, dans la matinée, l’enfant est agité, ne peut plus s’asseoir, et l’on observe une paralysie flasque des deux membres inférieurs, des muscles du dos et de la nuque; les réflexes sont abolis. L’après-midi, paralysie des membres inférieurs et du bras gauche. Le malade succombe dans la nuit par suite d’une paralysie des centres respiratoires. Nécropsie (11 mai) : Polyomyélite aiguë ; hypertrophie des amygdales avec dépôts dans les lacunes ( angine lacunaire ), hypertrophie des follicules de la base de la langue, des ganglions du cou et du mésentère. Pleurésie tuber- culeuse gauche. L 'examen microscopique de la moelle montre des lésions typiques de polyomyélite aiguë ; celui de X amygdale permet de constater les modifications suivantes : l’épithélium est exulcéré partiellement; ses cou- ches superficielles sont desquamées, et les cellules épithéliales sont dégé- nérées, parfois dans toute l’épaisseur du revêtement muqueux. Souvent l'épi- thélium est traversé par des éléments migrateurs , en particulier par des leucocytes à noyaux polymorphes ; ces leucocytes se dirigent de la profondeur vers la surface et finalement pénètrent dans la masse exsudative qui couvre la muqueuse. De plus, on décèle au niveau de l'exsudât, de nombreux amas de coccus. Des fragments d’organes sont placés dans de la glycérine au tiers et envoyés à l’Institut Pasteur. On les reçoit le 15 mai et l’on en prépare des émulsions dans de l’eau salée isotonique, émulsions que l’on injecte aux singes, à la dose de 0,5 cent, cube dans le cerveau, et 1 cent, cube, 5 dans le péritoine. Mac. rhésus n° 82, inoculé avec la moelle ép'rnière. Le 22 mai ( Incub . de 7 jours) : Parésie des deux membres droits, tremblements généralisés. Le 23, para- lysie complète. L’animal est sacrifié le 24 mai. L’examen histologique de la moelle montre des lésions intenses de poliomyélite aiguë (inflammation péri- vasculaire, infiltration leucocytaire de la substance grise, neuronophagie). Un passage fait sur le Mac. sinicus n° 72 a donné un résultat positif. Mac. rhésus n° 83, inoculé avec l'amygdale. Le 23 mai [Incub. de 8 jours) : L’animal hésite à sauter et paraît présenter une parésie des membres infé- rieurs. Le 25, paralysies des orbiculaires des paupières , tremblement de la tête, parésie des membres inférieurs. Le 26, paralysie du membre supé- rieur gauche, surtout de l’avant-bras et de la main, paralysie du membre (1) Landsteiner, Levaditi et Pastia, Comptes rendus de l'Acad. des Sciences , t. GLII, p. 1701, 12 juin 1911. 824 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR inférieur droit. Le 27, même état; le 28, l'animal est couché, paralysie géné- ralisée, avec prédominance du type supérieur. On le sacrifie et, à l’examen histologique, on constate des lésions typiques et intenses de poliomyélite. Mac. rhésus n° 25, inoculé avec le pharynx. Le 31 mai ( Incub . de 16 jours ) : agitation; le lendemain, tremblements de la tête et incoordination des mou- vements. Le 3 juin, l’animal tombe quand il saute, parésie des membres gauches. Le 5 juin, paralysie presque complète. Survit en conservant ses paralysies qui rétrocèdent en partie. Un singe inoculé le 15 mai avec les ganglions cervicaux et trois autres injectés le 26 mai avec la rate , la glande salivaire et les ganglions mésenté- riques ont survécu sans avoir présenté des troubles moteurs ou autres. L’intérêt de cette observation réside dans le fait que la 'polio- myélite a débuté chez /’ enfant par des symptômes manifestes d'angine lacunaire , et que le virus spécifique a été décelé préci- sément dans les amygdales et le pharynx , en dehors du système nerveux central. En effet, l’inoculation de l’amygdale, du pharynx et de la moelle épinière a conféré la paralysie infan- tile, tandis que la même inoculation faite avec les ganglions cervicaux, la rate et les glandes lymphatiques du mésentère a été inoffensive. Il semble donc très probable que le microbe fil- trant de la poliomyélite a eu , comme porte dl entrée , dans notre cas , les amygdales et la muqueuse du pharynx. En outre, lapré- sence du virus dans l' amygdale et le pharynx rend de plus en plus vraisemblable sa pénétration dans les sécrétions de la gorge et, par conséquent, la possibilité d'une contamination au moyen de ces sécrétions. Nous avons vu sur les coupes d’amygdales de nombreux éléments migrateurs abandonner les couches profondes pour s’insinuer entre les cellules épithéliales, se déverser au dehors et prendre part à la constitution de l’ex- sudât qui couvre par places cette muqueuse; nous avons cons- taté, d’autre part, que cette muqueuse était, çà et là, exulcérée. Ce sont là autant de conditions qui doivent faciliter la sortie du virus et sa pénétration dans les sécrétions pharyngées (1). Ces faits, et aussi les expériences antérieures de Flexner et Lewis (2), concernant la présence du germe de la maladie de (1) Les coupes montrent une pullulation abondante de staphylocoques à la surface de la muqueuse amygdalienne, au niveau de l’exsudât et surtout là où on constate l’infiltration de l’épithélium par des éléments migrateurs. Nous nous demandons si des infections microbiennes locales et banales ne pour- raient faciliter ta pénétration du virus de la poliomyélite dans l'amygdale et le pharynx. (2) Flexner et Lewis, Journ. of the Americ. med. Assoc., 1911. ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DE LA POLIOMYÉLITE AIGUË 825 Heine-Medin dans la muqueuse nasale des singes infectés, met- tent ainsi en lumière l’importance du naso-pharynx au point de vue du mode de pénétration et d’élimination du virus de la poliomyélite (1). (Juoi qu'il en soit, nos recherches prouvent qu’il est tout indiqué d’examiner dorénavant, au moyen de 1 inoculation au singe, les amygdales des sujets atteints de poliomyélite, et aussi dans les cas suspects, au point de vue de leur teneur en virus. L’observation dont nous venons d’exposer les détails nous paraît intéressante à un autre point de vue. Grâce à l'obli- geance de M. le Dr Foltanek (2), chef de service, nous avons lait une enquête dans le but de préciser, si possible, les rela- tions de contagiosité entre notre cas et d’autres cas de poliomyé- lite avec lesquels notre malade a pu venir en contacta l’hôpital même, ou au dehors. Cette enquête nous a permis de recueillir les données suivantes : Le dernier cas de poliomyélite aiguë qui a été reçu dans le service, avant notre malade, y a séjourné du 42 janvier 1910 au 30 janvier de la même année. Notre malade, qui a été hospi- talisé le 7 avril 1911, est donc entré dans le service environ quatorze mois après ce dernier cas de paralysie infantile. Il mon- tra les premiers symptômes de poliomyélite le 7 mai et succomba le 10 du même mois. Or, il y a quelques semaines, un second enfant se présente à la clinique avec une paralysie de la jambe nettement poliomyélitique; à l’interrogatoire, on apprend que ce second malade, avant qu’il soit atteint de paralysie, a séjourné dans la même salle que le premier sujet du 11 au 30 avril, soit à un moment où ce premier sujet ne présentait pas encore des signes de poliomyélite (il n’eut, en effet, l’angine que sept jours après cette date). Ces données permettent de for- muler deux hypothèses : ou bien les deux enfants se sont-ils infectés à la même source, à F hôpi tal, ou bien l ’un d’eux a infecté l’autre, d’où il s’ensuivrait que l’un ou l’autre était (1) Dans un autre cas, dont l’observation a été publiée en collaboration avec Froin et Pignot [Bull, de la Soc. méd. des Hôp., séance du 3 février 1911), il nous a été impossible de déceler le virus dans les amygdales. (2) Nous prions M. le Dr Foltanek de recevoir ici nos meilleurs remercie- ments pour l’amabilité avec laquelle il a mis ces renseignements à notre dis- position. 826 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR t porteur de virus. Ce qui nous semble probable, c’est qu’il y a eu relation intime entre 1rs deux cas, attendu qu’à ce moment il n'y avait pas d’épidémie de poliomyélite à Vienne. Dans ce cas, nous devons admettre que le second malade a conservé le virus, sans montrer des phénomènes morbides, pendant au moins quatre mois. Est-il possible de conférer la paralysie infantile au singe en déposant tout simplement dans le nez des sécrétions nasales recueillies sur d' autres simiens paralysés ? C’est là une question qui mériterait d’être examinée expérimentalement d’une façon suivie. Nous en avons ébauché l’étude, sans toutefois réussir à obtenir un résultat positif, malgré le soin que nous avons eu de nous adresser au chimpanzé, animal très sensible au virus de la poliomyélite. Voici les détails de l’expérience en ques- tion : On se sert, comme source de virus, d‘un Mac. rhésus n° 31, injecté le 6 mars et qui a commencé à se paralyser le 17 mars. L'animal présentait une para- lysie de la jambe droite, qui s'est généralisée au bras et à la main gauche en quelques heures. On badigeonne la muqueuse nasale avec de l’huile de croton, ce qui provoque une congestion intense de la muqueuse. Au bout de dix minutes environ, on lave la muqueuse avec 2 centimètres cubes d’eau salée, à deux reprises. L’eau de lavage sert à badigeonner la mu- queuse nasale du chimpanzé E , au moyen d'un tampon de coton. Le chim- panzé survit sans avoir jamais présenté des troubles paralytiques. Nous nous proposons de poursuivre l’étude de cette ques- tion. 6. Essais de vaccination. Nous avons montré, dans notre précédent mémoire, qu’il est possible de vacciner le singe au moyen d’injections répétées de moelles desséchées, suivant le procédé de Pasteur appliqué à la rage. Par contre, le virus tué par un chauffage à 55 degrés s’est montré incapable de conférer l’immunité. Depuis, Rœmer (1) a relaté quelques expériences qui mettent en évi- dence l’action vaccinante des émulsions de moelles chauffées à 50 degrés. Nous avons fait, de notre côté, quelques essais (1) Rœmer, Die evidemische Kinderlo ihmung . Berlin, Springer, 1911, p. 208-209. ETUDE EXPÉRIMENTALE DE LA POLIOMYÉLITE AIGUË 827 dans la même voie et nous avons obtenu les résultats sui- vants : Exp. 1. Le 20 avril, on chauffe à 50 degrés, pendant une demi-heure, une émulsion de moelle virulente et on en injecte 0 c. c. 5, par la voie sous- cutanée, au Mac. cynomolgus A. Le 5 mai, on éprouve sa sensibilité, en même temps que celle d’un Mac. sinicus servant comme témoin. Le témoin se paralyse le 12 mai ( Incub . de sept jours), et meurt le 13 ; le traité tombe malade deux jours plus tôt, se paralyse progressivement et meurt le 20 mai. D après cette expérience, une seule injection de virus chauffé à 50 degrés ne paraît pas vacciner efficacement. En est-il de même lorsqu’on répète l’inocu- lation à plusieurs reprises? Exp. 2. — Des fragments de moelle et de cerveau provenant d’un singe infecté avec le virus F et sacrifié en pleine évolution de la poliomyélite, sont triturés dans l’appareil Latapie, puis émulsionnés dans 100 centimètres cubes d’eau salée additionnée de 30 p. 100 de glycérine. L’émulsion est centrifugée légèrement, de façon à la débarrasser des grumeaux, puis chauffée dans des tubes à essais, pendant deux heures à 50 degrés. On conserve les tubes à la température de la chambre. Deux jours après la préparation du vaccin, on essaie sa virulence pour le singe, en injections cérébrale et péritonéale : Mac. rhésus n° 36, reçoit le 15 février 0.5 dans le cerveau et 1,5 dans le péritoine. Le 24 février [Incub. de neuf jours), l’animal est abattu; le lendemain, para- lysie généralisée, raideur de la nuque. Mort le 26 février. Lésions typiques . Cette expérience montre que le vaccin ( virus chauffé à 50 degrés) renferme du virus actif en injection intracérébrale. Vaccination. Mac. rhésus n° 28, reçoit du 15 lévrier au 6 mars, tous les jours, sous la peau, 2 centimètres cubes de vaccin ; du 8 mars au 16 mars, on répète les injections quotidiennes avec une autre préparation de vaccin, faite de la même manière. Le 25 mars, soit neuf jours après la dernière inoculation vaccinante, on essaie sa sensibilité, en même temps que celle du témoin Mac. rhésus n° 30. Le 31 mars, le vacciné parait agité, mais il est tout à fait bien portant le 3 avril. Survit. Le témoin montre des tremblements le 31 mars, hésite à sauterie 2 avril. Le 4, les tremblements sont très accusés, parésie du train postérieur. Survit. Mac. rhésus n° 29, reçoit du 15 février au 6 mars, tous les jours, 2 centi- mètres cubes du même vaccin. Il est éprouvé le 6 mars, en même temps que le témoin Mac rhésus n° 78. Le témoin se paralyse le 12 mars [Incub. de six jours) (paralysie des membres supérieurs, tremblements de la tête). Le 13, paralysie généralisée; on le sacrifie. Lésions typiques. Le vacciné survit , sans avoir jamais montré de troubles morbides. f Il semble donc résulter de ces expériences que l'injection sous-cutanée , souvent répétée, de virus chauffé à 50 degrés confère un état réfractaire appréciable. Les émulsions portées pendant deux heures à cette température continuent à être actives en injection intracérébrale, tout en se montrant 828 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR inoffensives pour le singe lorsqu'elles sont inoculées sous la peau (1). 7. Recherches sur l’amyotrophie spinale du type Werdnig-Hoffmann. .En collaboration avec MM. Prâsek et Zatelli) (2). Étant donné ce que l'on a établi au sujet de l'étiologie spéci- fique de la poliomyélite aiguë, on est en droit de se demander si d’autres affections chroniques de la moelle épinière, en par- ticulier celles qui s’accompagnent de lésions des cornes anté- rieures, ne sont pas engendrées par le même virus, ou par un virus se rapprochant plus ou moins de celui de la maladie de Heine-Medin. Le fait déjà connu de la conservation de certains microbes dans l'organisme pendant longtemps, rend l'hypo- thèse fort plausible. Des recherches de ce genre peuvent être effectuées, soit en inoculant des matériaux humains (système nerveux central, ganglions lymphatiques) à des animaux sen- sibles, en particulier à des singes, soit en s’adressant aux pro- priétés spécifiques du sérum. Nous avons pu réaliser une telle expérience d'inoculation avec la moelle épinière d’un sujet atteint d’une affection chronique des cornes antérieures; voici ce que nous avons constaté : Il s’agit d’un cas rare d atrophie spinale progressive des jeunes enfants , du type Werdnig-Hoffmann (3), dont les carac- tères cliniques correspondent à ceux décrits par les auteurs qui ont étudié cette affection (4). L’enfant, dont la sœur est atteinte de la même maladie, a succombé à la suite d’une pneumonie intercurrente. La moelle épinière fut inoculée dans le cerveau de deux Cynocephalus hamadryas le 27 fé- (1) Nous avons également fait quelques essais dans le but de guérir des singes déjà paralysés ou de prévenir l'infection. Nous nous sommes servis d’arsénobenzol (0 gr. 025 dans le péritoine) et de Y Urotropine (Cf. Flexner et Clark. Journal o fthe Americ. med. Assoc ., 18 février 1911), mais nous n’avons enregistré que des résultats négatifs. (2) Communication préliminaire à la fr. Verein. fur Mikrobiolog. Dresde. 1911 (Cf. Centralblatt fur Bakt., 1911, Vol. L, Ref. p. 38). 3 ' YVerdnig, Arch. Psych., 1911; Hoffmann, Deutsche Zeitschr. für Nervenheilk. , 1893; Rltter, Jahrb. f. Kinder heilk., y o\. LIX. (4) Lne courte description de ce cas a été publiée par Popper, Gesel. fier inn. Med. und Kinder heilkunde. Vienne, séance du 22 avril 1909. ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DE LA POLIOMYÉLITE AIGUË 829 vrier 1911. Le 31 mars, les deux animaux sont malades (trem- blements); l’un d’eux se couche, puis meurt le meme jour; l’autre succombe le 2 avril. L’examen histologique de la moelle montre des infiltrations péri-vasculaires tout à fait compa- rables à celles de la poliomyélite, des foyers inflammatoires dans la substance grise et des phénomènes de neuronophagie. L inoculation a donc été suivie d'un résultat nettement positif. Malgré ce résultat, il nous est, pour l’instant du moins, impossible d’affirmer quoi que ce soit de précis au sujet de 1 étiologie de l’amyotrophie spinale du type Werdnig-Hoffmann. En effet, les deux animaux inoculés ont été en contact pendant quelques jours avec d’autres singes infectés avec le virus de la poliomyélite, de sorte qu’on ne peut pas exclure, avec toute la certitude voulue, la possibilité d’une contamination. Toutefois, une telle contamination est peu probable, si l’on tient compte du fait que jamais, ni nous-mêmes, ni les autres chercheurs qui ont étudié la poliomyélite expérimentale du singe, n'avons constaté des cas certains de contagion en cage (Cf. Leiner et Wiesner, Flexner, Rœmer). Cela enlève une grande partie de sa valeur à l’objection qui vient d’être formulée. Mais, d’un autre côté, il y a lieu d'observer que la maladie amyotrophique de Werdnig-Hoffmann possède certains caractères qui rendent, jusqu’à un certain point, surprenante l’existence d'une relation étiologique intime entre cette maladie d’une part, et la polio- myélite d’autre pari. On sait, en effet, que cette forme d'amyo- trophie est essentiellement familiale et qu’elle atteint non seu- lement plusieurs enfants appartenant à la même famille, frères et sœurs, mais encore plusieurs générations successives. Nous devons donc envisager avec une certaine réserve les résultats de l'expérience qui précède, malgré leur netteté, tout en insis- tant sur l’intérêt qu'il y aurait à entreprendre des recherches suivies dans cette voie. Vienne-Paris, le 20 septembre 1911. MALADIES A PROTOZOAIRES ET LÉSIONS DES CAPSULES SURRÉNALES par M. ELMASSIAN On connaît les lésions de presque tous les organes internes de l’homme et des animaux dans les infections provoquées par les Protozaires. Cependant, on sait peu de chose sur les altérations d’un organe fort important, la capsule surrénale. Étant donnés son rôle physiologique considérable, et, d’autre part, sa grande vulnérabilité vis-à-vis des agents pathogènes, en général, on aurait pu, semble-t-il, s’en occuper davantage. Au point de vue théorique, on peut se demander si les lésions des surrénales, au cours des infections parasitaires, sont iden- tiques ou non à celles que l’on rencontre dans les affections bactériennes. Au cas où ses altérations seraient spéciales, quels en seraient les caractères? Telles sont les questions que nous nous sommes posées au début de ces recherches. Au point de vue pratique, la solution de ces problèmes com- porte certains avantages : la connaissance exacte des lésions des surrénales dans les maladies à Protozaires, permettrait peut-être de mieux faire la part des troubles fonctionnels qui reviennent à chaque organe. En outre, dans les cas d’infec- tions spontanées, chez l'homme, dues aux mêmes agents patho- gènes, nous pourrions profiter en toute connaissance de cause de l’opothérapie, ne fût-ce que comme palliatif. F. Luksch (1905), pour mettre en évidence les troubles fonc- tionnels des surrénales chez des animaux artificiellement infectés, préparait leur extrait et injectait aux lapins neufs, et suivant le degré de l’hypertension produite, il concluait à leur plus ou moins grande altération. M. Goldzieher (1908) , se basant sur la réaction colorante d'adrénaline de Zanfrognini (coloration rose en présence d’une solution d’adrénaline ou de l’extrait des surrénales et d’hyper- manganate de potasse, en milieu acide) a cherché à évaluer, dans les surrénales malades (affections septiques, artérioslé- MALADIES A PROTOZOAIRES 831 rose, etc.) leur teneur en adrénaline, et d’en inférer leurs modi- fications. Tous ces procédés, soigneusement exécutés, peuvent donner d’appréciables résultats, mais nous font faire un grand détour. La réaction du système chromaffine, siège de la production de l’adrénaline, au contact du bichromate de potasse, est fort suf- fisante, pensons-nous, pour déterminer les troubles histolo- giques et, partant, les troubles fonctionnels des surrénales. 11 nous semble plus simple d’y recourir pour s’en rendre compte dans un cas donné. Comme matériel d’étude, nous avons choisi trois espèces de Protozaires appartenant chacune à un groupe différent : le Tryp. Brucei , le Spir. Duttoîii, et le Piropl. canis. Des souris ont été infectées avec les deux premiers, et des chiens avec le troisième. Dans ce dernier cas, l’infection se produisant chez un animal qui peut en être spontanément atteint, nous nous sommes trouvé dans de meilleures conditions de recherches. Quant à la technique adoptée, elle consiste à tuer les ani- maux par un coup violent à la nuque (éviter le chloroforme et la saignée, qui, suivant plusieurs auteurs, provoqueraient l’épuisement des cellules chromaffmes), prélever immédiate- ment les capsules surrénales, en lixant l une dans de la solu- tion de sublimé corrosif, ou ses mélanges, et l’autre dans le liquide d’Orth. La première servira à la coloration ultérieure des coupes par la nouvelle méthode de Giemsa, pour laquelle la fixation au sublimé est indispensable ; la seconde à contrôler la réac- tion du système chromaffine, avec du bichromate de potasse. Voici le mélange que nous employâmes comme fixateur au sublimé : Sol. sat. aqueuse de sublimé corrosif \ Sol. sat. aqueuse d’acide picrique > ââ Alcool absolu ; Laisser les pièces dans le liquide de six à vingt-quatre heures; lavage à l’alcool à 70°. Laver une dernière fois les coupes avant de les porter dans les bains colorants, d’abord avec de l’alcool iodé à 70 degrés (deux heures), puis les laisser 832 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR quelque temps clans de l’alcool à 70 degrés simple, et enfin, les passer à l’eau distillée pour chasser l’alcool. On colore les coupes dans une solution diluée du colorant de Giemsa (2 centimètres cubes p. 100 d’eau distillée) durant au moins douze ou seize heures, et on les monte au baume en les déshydratant rapidement dans de l'acétone pure. Par ce pro- cédé, on obtient, non seulement une double coloration, mais en même temps celle des parasites et des granulations cbromaffines. Les pièces fixées au liquide d’Orth sont lavées rapidement dans de l’alcool à 70 degrés pendant quelques heures, et incluses sans retard dans de la paraffine. Le système chromaffme est imprégné de la sorte d'une couleur ocre jaune foncé. Il suffit de passer les coupes un moment dans une faible solution d’héma- toxyline, ou du bleu detoluidine, en ayant soin que les prépara- tions soient à peine colorées, et l’on n'aura pas masqué ce qu’il y a de plus intéressant dans les coupes : les parties chromisées. MM. les Drs Delanoë et Ciuca ont bien voulu nous céder quelques-uns de leurs animaux en expérience, nous trouvons ici l’occasion de leur présenter nos plus vifs remerciements. Lésions des surrénales provoquées par le « Piropl. canis >;. — Dej eunes chiens de trois à cinq mois recevaient dans le péri- toine de 5 à 10 centimètres cubes de sang défibriné et parasité. Habituellement, après quarante-huit heures, apparaissent quel- ques piroplasmes dans le sang; les jours suivants, ils y deviennent très nombreux. La crise dure un ou plusieurs jours, il y a une ou deux rechutes, et les animaux guérissent encore assez souvent. Ils succombent parfois à la cachexie pro- gressive; ou en pleine infection, d’ailleurs rarement. Nous avons sacrifié nos chiens à ces diverses périodes d’infection, et nous avons pu ainsi nous rendre compte des variations des processus pathologiques des surrénales. En règle générale, les lésions étaient d’autant plus étendues et graves que l’atîection durait depuis plus longtemps, ou que les parasites persistaient en plus grand nombre dans la circulation périphérique. Un chien inoculé par M. Ciuca avec du Piropl. canis , et préalablement dératé, présenta de nombreux para- sites dans le sang pendant quarante-cinq jours de suite, et succomba dans un état de profonde cachexie. MALADIES A PROTOZOAIRES 833 Cette persistance anormale des piroplasmes dans la circu- lation périphérique serait-elle due à ce que l’animal ayant arraché son pansement, après l'opération, portait une large plaie abdominale? Il est difficile d’y répondre. En tout cas, ses capsules surrénales, que M. Ciuca a bien voulu nous remettre, se montraient, à l’examen microscopique, très pro- fondément altérées. 4 D’habitude, à l’autopsie des chiens piroplasmés, on ne trouve rien à noter, en dehors d’une légère hypertrophie et hyperémie de ces organes. Mais à l’examen des coupes, l'attention est de suite attirée par l’énorme accroissement du volume de la couche médullaire qui peut atteindre parfois le double de ses ilimensions normales ; et c’est à cela qu’est due l’exagération totale du volume des surrénales. Les lésions destructives qu’on trouve en abondance dans les travées médullaires ne sont pas produites par l’action directe de l’agent nocif, mais bien par la réaction inflammatoire et proliférative du tissu interstitiel, auquel vient s’ajouter encore une invasion leucocytaire. Les éléments les plus atteints sont ceux de l'endothélium épithélial des capillaires et des petits vaisseaux : ils ont subi une très forte multiplication et s’accumulent en amas entre les travées de la médullaire, tous hypertrophiés et hyperchromatiques, recon- naissables seulement aux caractères de leurs noyaux. Ces cel- lules endothéliales, avec quelques leucocytes polynucléaires, ont pénétré dans les interstices du tissu parenchymateux en y provoquant un désordre considérable. Les cellules chromaf- lines sont comprimées, déchiquetées par leur masse, et par endroits réduites à des fragments informes. En un mot, il y a là tous les signes d’une inflammation subaiguë du tissu con- jonctivo-vasculaire qui, à elle seule, était capable d’altérer profondément, et même sur certains points, de détruire com- plètement les travées médullaires. Quant aux lésions essentiellement parenchymateuses, nous les envisagerons suivant l’état des grains chromaffines, et les modifications des cellules qui les contiennent. Dans les coupes des pièces chromisées, les points lésés se trahissent ou par l’aspect homogène du contenu cellulaire, ou par la diminution de sa couleur spécifique, ou enfin, par la complète disparition du produit sécrétoire. Il est nécessaire 53 834 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR • ; d’éclairer très suffisamment ces coupes à l’examen microsco- pique, car une partie des granulations qui se trouve à l’état dissous dans les cellules peut masquer les granulations solides. Les parties saines sont d’un jaune d’ocre finement granuleux, tranchant facilement sur les parties atteintes, même à un faible grossissement. Nous avons constaté que les lésions parenchymateuses sont surtout localisées dans la médullaire autour des grosses veines. Il n’est même pas rare d’y trouver des zones entières ne pré- sentant plus trace de la réaction chromique, mais néanmoins reconnaissables à leurs caractères morphologiques comme Fig. 1. — La couche médullaire transformée en partie en une cavité hémorragique- faisant partie de la couche médullaire. Dans toutes les zones, les cellules chromaffines ne sont pas d’ailleurs intactes : elles sont hydropiques avec leur protoplasma distendu et leurs noyaux multipliés. C’est là, d’ailleurs, les premiers signes de leurs altérations. Le nombre des noyaux, dans ce cas, peut atteindre 6-8; ils sont entassés les uns sur les autres, et tou- jours mal colorables. On le voit, aucune de ces lésions n'est destructive en elle- même. La perte du parenchyme médullaire, encore que limitée, est l’œuvre, comme il a été dit, de la réaction inflammatoire de la charpente conjonctive et vasculaire. Nous voulons dire deux mots sur la coloration des grains chromaffines par les teintures basiques. Etant donnée leur affi- nité pour les colorants nucléaires, on peut les rendre plus ou moins visibles par ces derniers. Mais cela très insuffisamment, MALADIES A PROTOZOAIRES 835 pour avoir une idée sur l’intégrité de ces grains; soit parce que ceux-ci sont peu aptes à fixer les colorants, soit qu’ils se déco- lorent facilement au moment de la déshydration des coupes, même en employant l’acétone. C’est seulement par la méthode de Giemsa que nous avons pu obtenir quelques résultats appréciables, et dont il a déjà été question au début de cet exposé. Hâtons-nous d’ajouter que les préparations faites avec cette méthode ne sont jamais aussi instructives que celles des pièces ehromisées, car dans ces dernières ce ne sont pas seule- ment les grains qui sont révélés, mais toute trace de la sub- stance chromaffine dissoute ou non. Pour ce qui est des lésions de la corticale, dans la maladie que nous étudions, elles sont à peine marquées, du moins autant que notre technique peut nous permettre de l’affirmer. De petites portions de la corticale, égarées dans la médullaire, se trouvaient intactes au milieu des tissus lésés, alors que des ilôts de cellules chromaffines enclavées dans la corticale étaient toujours manifestement altérés. Lésions des surrénales provoquées par le « Spir. Duttoni ». Si ces spirochètes ne sont pas très virulents, ils ne tuent pas les souris par inoculation intrapéritonéale. Ils provoquent chez elles, on le sait, une légère infection passagère de quelques jours, et après une ou deux rechutes, les souris finissent par guérir. Il n’est pas rare cependant, de les voir succomber à la cachexie. On a donc tout le loisir nécessaire pour étudier les lésions des surrénales en pleine infection, ou dans la période cachectique. C’est dans cette période, ou immédiatement après les rechutes, que les altérations des organes se sont montrées le plus étendues. Comme lésions secondaires importantes, nous avons à signaler la très forte congestion des sinus intertrabéculaires. Ces espaces, distendus d’une façon exagérée, sont deux à trois fois plus larges qu’à l’état normal. Les travées médullaires comprimées, amincies, sont rupturées en plusieurs points ; d’où la formation de nombreuses flaques sanguines, qui, s’unis- sant éntre elles, peuvent transformer toute la couche médul- laire en une cavité unique (fig. 1). Souvent on peut voir celle-ci communiquer avec des nappes hémorragiques extérieures ou par 836 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUK l’intermédiaire de la veine surrénale dilatée, ou par la rupture de la couche corticale (fig. 2). Chose curieuse, ces sinus très élargis peuvent être parfois totalement vides de sang. Toute la médullaire présente alors un aspect grossièrement spongieux, dont on explique difficilement la formation. Cette hémorragie est donc fatale pour la partie la plus importante de l’organe, et par ce processus on peut rappro- cher l’infection que nous étudions de la plupart des cas de toxi- infection, dont la scarlatine et la diphtérie sont les plus typiques. Il est donc à peine nécessaire d’ajouter que, dans les cas graves de spirochétose des souris, les troubles généraux, et, peut-être même, le dénoûment fatal doivent être attribués aux altérations hémorragiques des surrénales. Les lésions parenchymateuses de la médullaire des souris infec- tées, comme dans le cas des chiens piroplasmés, sont caracté- risées par la multiplication et l’hypertrophie des noyaux, l’état hydropique et vacuolaire du pro- toplasma des cellules sécrétrices. Dans les pièces bichromatées, on voit que ces cellules ont perdu leur aspect finement granuleux. Elles sont pâles, à peine jaunâtres, plutôt d’une couleur saumonée, et, en outre, bourrées de noyaux difficilement colorables. A un degré plus avancé du processus, le réticulum du cyto- plasma est rupturé, vide de granulations, parfois même tout à fait déchiqueté. Les noyaux en nécrose, dépourvus de leurs réseaux chromatiques, sont réduits à leurs membranes d’ail- leurs très épaissies, et fortement teintées (fig. 3). Comme on le voit, ces lésions graves des cellules parenchy- mateuses ne sont pas dues cette fois à la réaction du tissu con- jonctif, celui-ci n étant que peu altéré, mais à l’aclion du para- site ou de ses substances solubles qui atteignent directement la cellule et provoquent sa dégénérescence. Jusqu’à quel point ces lésions sont-elles fatales à l’organe, et d’abord sont-elles susceptibles de retroceder a la longue? Les souris infectées Fig. 2. — Rupture de la corticale à la suite d’hémorragie. MALADIES A PROTOZOAIRES .837 meurent en grande partie; les cas de guérison complète sont fores. Dans la piroplasmose du chien, nous avions noté l’état d’ap- parence normal de la corticale. Nous nen dirons pas autant en ce qui concerne les souris infectées par Spir. Duttoni. Il semble que la corticale par simple voisinage participe aux troubles histologiques médullaires. Dans les infections graves comme dans les infections bénignes, une réaction corticale périmédul- laire est constante. Elle varie seulement dans sa modalité. Dans les cas légers, elle est caractérisée par le boursoufle- ment des cellules de la couche la plus interne de la corticale, c’est-à-dire de la zone appelée réticu- laire, et cela sur 4-5 rangs à partir de sa limite centrale. Les noyaux de ces cel- lules, très vivement colorés, sont à tel point grossis de volume qu'à un faible grossissement on croit à l’existence au- tour de la médullaire d une intense in- vasion leucocytaire (fig. 4). Cependant, il n’en est rien. A un examen avec un fort objectif, on voit de suite qu’il s’agit des noyaux des cellules fixes, très hy- pertrophiés (2-3 fois) qui ont fixé vi- vement le colorant. Une partie de ces noyaux sont en pycnose , et apparais- sent comme des petits disques compacts. On en voit, en nombre diminuant, jusqu’à la couche glomérulaire qui paraît tout à fait saine. Ici, nous devons rappeler qu'à l’encontre de l'assertion de Minervini, selon laquelle, chez les rongeurs, les trois zones de la corticale ne seraient pas distinctes, chez les souris tout au moins, cette assertion ne correspond pas à la réalité. Nous expliquons cette réaction périmédullaire de la corti- cale, qui ne dérive assurément pas de l’action directe des para- sites en cause, mais plutôt par l’irritation spéciale exercée par les parties médullaires très altérées, à la manière d’un foyer d’inflammation sur les tissus environnants. Jusqu'ici, il n’a été question que des cas bénins. Dans les cas très graves, toute la zone réticulaire est le siège d’un mouve- Fig. 3. — Trois cellules de la médullaire ; deux à droite peu altérées, l’au- tre à gauche en nécrose, avec 4 noyaux dont un normal (col. par la mé- thode de Giemsa) 1x500. 838 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ment inflammatoire et dégénératif très accusé. Au milieu des capillaires distendus de la région, on trouve les travées gon- flées, contournées, entourées d'une mince couche de tissu con- jonctif devenu très visible. La section de ces travées en boudin apparaît comme des îlols de cellules isolées, simulant gros- sièrement un aspect glandulaire que beaucoup d'auteurs ont pris pour un adénome en formation. Tout dernièrement, A. Gold- schmidt (1910), en étudiant les lésions des surrénales de rhomme dans différents cas de maladies, insiste sur cette Fig. 4. — Réaction des cellules corticales autour de la médullaire très altérée; les parties foncées de la médullaire sont celles qui ont fixé le bichromate et qui sont saines. particularité tissulaire en l’interprétant comme une néoplasie. En réalité, ce ne sont là que des cellules trabéculaires très altérées, plus grosses, plus claires qu’on ne les observe d'habi- tude. Elles peuvent d’ailleurs être plus lésées et se présenter comme d'immenses placards cellulaires en pleine dégénéres- cence. Les limites disparaissent entre elles; leur protoplasma très vacuolaire est d'aspect homogène, et au contact du colo- rant du Giemsa il a pris une teinte bleu verdâtre, au lieu d’êlre d'un ton rosé. Ces placards contiennent de nombreux noyaux groupés en amas, les uns encore peu altérés, mais dont la plu- part à l'état vésiculeux et franchement nécrosé. Voilà donc une nouvelle forme de réaction de la corticale, et beaucoup plus sérieuse que celle mentionnée quelques lignes MALADIES A PROTOZOAIRES 839 plus haut. Nous sommes d'avis qu’avec de tels désordres his- tologiques, ajoutés à ceux de la médullaire, les troubles fonc- tionnels des surrénales doivent être considérables. Il est vrai que la physiologie de la couche corticale n’étant pas encore établie, on peut faire des réserves sur les conséquences de ses altérations pathologiques. En tout cas, il est très vraisemblable qu elle ait un rôle autrement intéressant que la production des substances lipoïdes, ainsi qu’il est admis un peu partout, et nous pensons avec J. AYiesel qu'elle peut être « une glande à sécrétion interne d’une importance vitale pour l’organisme ». Quoi qu’il en soit, l’infection à Spiroch. Duttoni chez les souris s’est montrée, au point de vue des lésions surrénales, la plus grave des trois maladies à protozoaires que nous avons choisies pour nos éludes. o. — Deux c llules de la médullaire du chien ; celle de gauche peu altérée, celle de droite hydropique, va- cuolaire, dépourvue de granulations(color. par la méthode de Giemsa) 1 X 500. Lésions des surrénales , provoquées par Tr. Brucei. — Nous avons très peu à dire sur les altérations corticales et médullaires provoquées chez la souris par le Tr. du pIG> Nagana. En dehors de l'hyperémie et de l'hypertrophie des organes, plus accusées que dans les deux cas précédents, il n'y a rien à signaler. Dans les coupes (chromisées), nous trou- vons la série d'altérations histologiques, se rapprochant plus ou moins de ce que nous avons observé dans la médullaire des chiens piroplasmés ; pour éviter les redites nous ne les mentionnerons pas. Notre attention a été surtout attirée par le profond épuisement des cellules chromaffines. On en trouve rarement qui ait gardé sa couleur jaune d’ocre vive, et son aspect granuleux. L’absence de lésions plus graves est due, dans le cas présent, à l'évolution très courte de l'infection à laquelle nous avons soumis nos souris, infection qui, on le sait, ne dure pas plus de quatre à cinq jours, l'incubation comprise. En serait-il de même dans les trypanosomiases à longue évolution, comme par exemple dans la maladie du sommeil chez l'homme? La prostration des sujets atteints dans cette affection, leur état comateux final, et tant d’autres signes de 840 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR dépression nous autorisent à les rapporter, au moins en partie, aux troubles sécrétoires des capsules surrénales. En résumant les résultats de ces investigations, nous pou- vons avancer que, dans les maladies à protozoaires, les lésions parfois très graves des surrénales sont localisées a la médul- laire ; elles ne paraissent nullement différer de celles consta- tées dans les infections bactériennes, et n’ont aucun caractère spécial. ★ Pendant que ce travail était à l'impression, nous avons eu l'occasion d'examiner les capsules surrénales de deux singes inoculés avec des trypanosomes humains de différentes ori- gines par M. F. Mesnil (1), qui a bien voulu les mettre à notre disposition. Nous l’en remercions vivement. Les résultats de cet examen corroborent en tous points ceux que nous avions obtenus chez les souris blanches inoculées avec le T. de Bruce. Chez les singes, les lésions sont plus manifestes et plus étendues. L’un des singes (. Macacus rhésus) avait subi à plusieurs reprises des inoculations de T. gambiense et en était guéri ; mais il avait succombé à une infection ultérieure par le T. rhodesiense. Cet le dernière maladie avait duré vingt-sept jours. Les altérations que présentèrent les surrénales de ce singe ne différaient pas notablement de celles que nous constations chez les souris infectées par le T. Brncei. Elles étaient loca- lisées surtout à la couche médullaire, se caractérisant par l'épuisement des cellules chromaffines. Les noyaux de celles-ci, parfois très hypertrophiés, jusqu'à atteindre le double de son volume normal, contenaient d’énormes vacuoles bien limitées et pleines d’un liquide clair, mal colorable. On trouvait le proto- plasma des cellules trouble, hydropique, ou réduit de volume et parsemé de petites cavités vides. Mais ce qui attira notre attention d'une façon particulière, ce fut l'existence dans les cellules de la corticale (zone fasciculée), (1) Sur les affinités du Tryp. humain de Rhodesia et du Tryp. gambiense par F. Mesnil et J. Ringenbach. Comptes rendus de la Soc. de Biologie , t. LXXI. p. 271. MALADIES A PROTOZOAIRES 84» de corpuscules à réaction colorante basique, tels que ceux qui ont été décrits par un grand nombre d’auteurs, dans le même organe, mais à J a suite d’infections microbiennes (diphtérie, scarlatine, streptococcie, etc.), ou de nature encore indéter- minée comme la rage. Dans ce dernier cas, on est allé même jusqu’à les considérer comme des corpuscules de Negri. Chez le singe en question, ces inclusions se trouvaient dans les cellules de la corticale en grand nombre, et en forme de virgules, de courts bâtonnets ou simplement de sphérules de petites dimensions (voir fig. 6). Elles sont d’autant plus nom- breuses et volumineuses que le noyau de la cellule est plus pâle et plus altéré. Fig. 6. — Inclusions cellulaires dans la zone fascieulée (singe n° 1). Le second singe, aussi un Macacus rhésus , était inoculé avec du T. rhodesiense , et il est mort en dix jours et demi. L'incu- bation avait duré moins de trois jours, et l’animal avait pré- senté une infection très intense. Malgré cela, les lésions des surrénales n’étaient pas plus accusées que chez le premier Macaque, sauf le fait qu’on ne trouvait point d'inclusions cel- lulaires. Des inoculations faites par le Trypanosome humain sur les souris blanches, n’ont pas montré non plus trace de corpuscules intracellulaires. Dans ce cas, il est impossible d’attribuer leur formation à l'action des parasites inoculés, et, en reprenant le protocole d'autopsie du premier singe dans la communication de MM. Mesnil et Ringenbach, nous avons vu que le sang du cœur avait donné lieu à des cultures de streptocoques. Jusqu’à plus ample informé, nous sommes donc porté à croire que les protozoaires ne provoquent pas d'inclusions cellulaires dans les surrénales, et c’est peut-être là une des caractéristiques des lésions qu'ils y produisent. 842 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES Bernard et Bigard. — Journ. de Phys, et de Path., 1902. Bogomolez. — Zur Frage über die Verânderungen der Nebennieren bei exper. Diph. Beitràpe z. pathol. Anatomie und allgem. Patholog ., Bd XXXVIII- Charrin et Langlois. — Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 1894-1896. Comby (J.). — Insuffisance surrénale dans les maladies infectieuses. Arch. de méd. des Enfants, 1910 (revue générale). 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Au commencement de février dernier, nous avons été invité par le ministre de l’ Agriculture de Saint-Paul, à nous rendre au plus tôt dans l’État de Santa-Catherina, pour étudier une maladie qui sévissait parmi les vaches et les chevaux. Il importait de fixer rapidement le diagnostic de cette maladie, car les éleveurs de Saint-Paul étaient très alarmés par le fait que, dans un rapport qu’on venait de publier, un vétérinaire, chargé officiellement de l’étude de l’épizootie, avait affirmé qu’il s’agissait de peste bovine (2). (1) En particulier, ces Annales (t. II, p. 158) ont longuement analysé les intéressants rapports de Cope et Horsley sur une épizootie de rage qui a sévi en 1886-1887 sur les daims du parc de Richmond, en Angleterre, et publié le travail d’Adami (t. II, p. 658), sur une autre épizootie de daims du comté de Suffolk. (2) Comme il était facile de le prévoir, l’alarme ne tarda pas à s’étendre aux républiques voisines, qui menaçaient de prendre des mesures très sévères pour empêcher l’introduction de la maladie dans leur pays. Heu- reusement, il a été facile, même avant de fixer d’une façon sûre le dia- gnostic de rage, de démontrer qu’il ne s’agissait pas de peste bovine, et cela à cause de l’absence des lésions anatomo-pathologiques caractéristiques de la peste bovine. En outre, les chevaux étaient attaqués de la maladie, tandis qu’ils sont naturellement réfractaires à la peste bovine; et finalement, l'ino- culation des animaux atteints ne reproduisait pas la maladie chez les sujets sensibles. Actuellement, deux Commissions de vétérinaires, l’une envoyée par le gouvernement de l’Argentine, l’autre par celui de l’Uruguay, se trou- vent sur place pour se rendre un compte exact de la nature de l’épizootie et pour suivre de près les mesures mises en pratique pour l’éteindre. 844 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR La maladie en question régnait dans l’État de Santa-Cathe- rina depuis quelques années déjà. Elle avait commencé, on ne sait pas bien comment, dans une petite localité du littoral, et de là elle s’est propagée peu à peu dans les régions avoisi- nantes. Elle montra toujours peu de tendance à se propager; aujourd’hui, la zone infectée s'étend sur un rayon d’à peine une vingtaine de kilomètres et comprend une bande située entre la sierra et la mer, au fond de l'île de Santa-Catherina, où se trouve Florianopolis (ancienne Desterro), capitale de l’État. Les communes -les plus ravagées sont celles de Bignayù (d'où le nom d’épizootie de Biguayù), S. José, Sanlo-Amaro, Palhoça, S. Pedro, etc. Les pertes ont été assez considérables; faute de statistiques exactes, il faut se fier aux informations recueillies, mais on peut calculer sans crainte d'exagérer que près de 4.000 bovidés et 1.000 chevaux ont péri. La popula- tion de ces régions, composée pour la plupart de petits pro- priétaires, pauvres cultivateurs, s’est trouvée ainsi privée des animaux destinés aux travaux des champs et aux transports des produits agricoles. 11 s'agit d’animaux qui ne sont pas sta- bulés, mais qui, le travail fini, sont abandonnés dans les pâtu- rages. La maladie se présente sous deux formes cliniques bien différentes : dans l'une prédominent les symptômes de para- lysie (forme paralytique); dans l’autre, au contraire, ceux * d'excitation (forme furieuse). Les symptômes sont les mêmes chez les bovidés et chez les chevaux. La forme paralytique est de beaucoup la plus fréquente. Les animaux atteints se mon- trent tristes, avec les poils hérissés et ne ruminent plus régu- lièrement. Ces symptômes ne durent que deux ou trois jours; apparaît ensuite un certain désordre dans la marche, spécialement dans le train postérieur; les animaux sont agités, anxieux, ne trou- vant pas de repos ni debout ni couchés. La paralysie s’accentue, la marche devient difficile et même impossible ; les animaux tombent et ne peuvent plus se relever. Dans la forme furieuse, on note, dès le commencement, des phénomènes d'excitation ; les animaux atteints, en proie à une SUR UNE GRANDE ÉPIZOOTIE DE RAGE 845 forte agitation, s’éloignent d’abord des autres; après, ils devien- nent agressifs et cherchent à attaquer les hommes et les autres animaux : on note des élévations de température, mais la fièvre est loin d’être constante. On a observé plusieurs fois une hyperesthésie cutanée et on a vu les animaux se frotter jusqu’au sang et même se gratter et se mordre jusqu’à déchirer la peau et la chair. La durée totale de la maladie est à peine de quelques jours et dans les deux formes la mort arrive en complète paralysie. Tous les animaux atteints meurent, et les paysans des régions infectées le savent si bien, qu’ils n'essayent plus aucun remède, parce qu’ils les ont vus tous échouer. La viande et la peau ont été souvent utilisés et nous n’avons pas eu connais- sance d’inconvénients. Nous avons pratiqué l'autopsie de trois vaches qui venaient de mourir et qu’on avait sacrifiées au dernier moment, sans rencontrer des lésions macroscopiques dignes d’être mentionnées ; nous avons trouvé simplement une hyperémie des méninges et de tout le système nerveux central. La symptomatologie nous a fait penser tout de suite à la rage, et nos soupçons étaient renforcés par le fait que, dans presque toutes les localités où nous avons rencontré des ani- maux malades, avait été signalée la présence récente de chiens enragés. Afin de contrôler expérimentalement notre diagnostic, sur chaque animal, nous avons recueilli des morceaux de bulbe, de corne d’Ammon et de cervelet, dont une partie a été con- servée dans la glycérine et l’autre fixée dans l’alcool et dans la formaline. A notre retour, au laboratoire, l'examen des coupes nous montre chez tous les animaux examinés la présence de nom- breux corpuscules de Negri bien caractéristiques, quelques- uns avec leurs formations internes bien visibles. Sur les coupes des bulbes, on a pu voir aussi une infiltra- tion très manifeste autour des vaisseaux capillaires, et une prolifération des cellules de la capsule endothéliale, comme on l’observe chez les animaux morts de rage. Les inoculations sous-méningées pratiquées avec le système nerveux conservé dans la glycérine ont reproduit la rage chez 84G ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR les lapins, mais, chose curieuse, nous n'avons pas réussi à déceler chez ces lapins, et non plus chez ceux du deuxième passage, la présence de corpuscules de INegri (1). 11 est bien curieux que cette épizootie ait pu régner pendant plusieurs années avec tant d intensité, mais sa véritable nature ayant été méconnue, on a complètement négligé toutes les mesures sanitaires adéquates, spécialement celles de police canine. Mais il y a encore une chose intéressante à noter à propos de l'épizootie de Bignayu, c’est que le nombre des chiens enragés observés dans la région 11e paraît pas en proportion de celui des vaches et des chevaux atteints de rage, de sorte qu’il est probable que des animaux sauvages jouent le rôle de trans- metteurs de l’affection. Ainsi, à S. Pedro d’Alcantara, plusieurs personnes dignes de foi nous ont assuré avoir vu, dans les pâturages, des chauves-souris, en plein jour, se lancer sur les bovidés et les mordre. Ces bovidés seraient tous morts quelque temps après. Il aurait été intéressant de vérifier expérimentalement si vraiment ces chauves-souris étaient enragées et si elles peu- vent en effet transmettre la rage, mais il ne nous a pas été possible de nous en procurer dans de telles conditions. (1) Ce fait 11'autorise d'aucune manière à mettre en doute notre diagnostic de rage; d'autant plus qu’à l’Institut Oswaldo Cruz de Manguinhos, on a fait aussi de nombreuses inoculations positives, et, en contrôlant notre dia- gnostic, on a constaté la présence des corpuscules de Negri dans le système nerveux des animaux inoculés expérimentalement. Il est, du reste, connu qu’on peut observer, quoique très rarement, des cas de rage bien établie où, malgré des recherches très minutieuses, on ne trouve pas de corpus- cules de Negri. SUR LE MÉCANISME DE LA FERMENTATION ALCOOLIQUE par Alexandre LEBEDEFF. Faisant en 1908 (1) des recherches cynétiques sur la marche de la fermentation alcoolique, j’ai constaté que la décomposi- tion du sucre et le dégagement de l’acide carbonique sont deux processus différents. En cherchant le produit intermédiaire qui devait se former, j’ai pu isoler l’éther d’un sucre avec l'acide phosphorique (2), précipitable par de l’acétone, pouvant donner des sels avec des métaux ^3), qui traité par de la phényl- hydrazine en solution neutre, a donné l’osazone de la formule C24H31j\1 2 3 4 5 6P07 ; c’est-à-dire une combinaison de la phényldrazine avec l’osazone de l’éther d’un hexose avec l’acide phospho- rique. Ainsi a été établie pour la première fois la nature du sucre faisant partie de cet éther, lequel avait été isolé en 1907 par Yvanoff (4), et plus tard par Joung (o). Dans ce mémoire, j’ai établi en outre que le glucose et le lévulose forment le même éther. Trois mois plus tard a paru le mémoire de Joung (6) dans lequel il est arrivé aux mêmes conclusions que moi, mais il n’a pu obtenir aucune osazone. D'après lui, la composition de l’éther devrait être GTIl0O4 (P04R)2. Poursuivant l’élude de l’osazone que j’avais isolée, j'en ai confirmé la composition dans ma première communication (7) sur le phosphate de l’hexose, mais j’ai émis des doutes, que la composition de l’éther soit d’une molécule de sucre pour deux molécules de H3P04, n’admettant qu’une seule possibilité pour indiquer la diffé- rence entre les deux formules établies par moi et par Joung, (1) Biochem. Zeits., t. X, p. 454, 1902. (2) Loc. cit ., t. XX, p. 114, 1909. (3) Loc. cit., t. XX, p. 124, 1909. (4) Zeits. f. physiol. Chem., t. L, p. 281, 1907. (5) Proceed. of. the Chem. Soc., t. XXIII, p. 65, 1907. (6) Proc. Roy. Soc. B., t. XXCI, p. 528, 1909. (7) Loc. cit. t. XXVIII, p. 213. 1909. 848 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR c’est que sous l'action de la phénylhydrazine une molécule de H1 2 3P04 soit séparée. Dans le même mémoire j’ai constaté la formation des hydrazones avec phénylhydrazine et p-brom- phénylhydrazine, mais je n’ai pu les recristalliser pour l’ana- lyse. En en continuant l’étude j’ai pu, traitant la phényl- hydrazone de l’éther avec de la formaldéhyde, obtenir l’éther même qui m’a donné le sel de Ca de cette composition C3H502CaP04. D'aulre pari, j’ai pu recristalliser p-brom- phénylhydrazone et m’assurer qu’il contenait deux molécules d’acide phosphorique pour une d’hexose (1) et que la formule de l’éther devait être celle donnée provisoirement par Joung : C6Hl0O4(RPO4)2. Dans le mémoire dont je viens de parler, j’ai mentionné, en outre, que toutes mes tentatives d’isolement d’un éther pouvant se former pendant la fermentation de la dioxyacétone ont échoué (2). Les expériences que j’ai reprises de nouveau avec du suc de levure obtenu d’après ma méthode (3), m’ont donné des résultats inattendus qui jettent une lumière nouvelle sur la première phase de la fermentation alcoolique et dont je rends compte ici. Pour ces expériences, je me suis servi cette fois encore de la dioxyacétone préparée d’après l’excellente méthode de G. Ber- trand (4) ; je n’en décrirai brièvement que trois, les autres étant analogues. Fermentation de la dioxyacétone. Exp. I. — J'ai pris pour cette expérience trois fioles d’Erlenmeyer (A, B et C), et j’ai mis dans chacune 20 cent, cubes de suc plus 0,2 cent, cube de toluène. J’ai ajouté en outre à la fiole A, 1 gramme de saccharose; à la fiole B, 1 gramme de dioxyacétone, et à la fiole C, 1 gramme de celui-ci et 0 gramme 5 de NaeHP04. Les fioles ont été mises au thermostat à 25 degrés. Les quantités de GO2 dégagé en quarante-huit heures étaient les suivantes : (A) 0,390 ; (B) 0,385, et (C) 0 gramme 295. Exp. IL — Mêmes conditions, six fioles (A,B,C, A'B'C'), contenant chacune 20 cent, cubes de suc ont été chargées respectivement de 2, 3 et 4 grammes (1) Ces expériences feront l’objet de ma deuxième communication sur « l’éther phosphoré de l’hexose », qui paraîtra prochainement. (2) Loc. cit., p. 214. (3) Comptes rendus de l'Académie des Sciences , séances des 3 janvier et 24 avril. Bullet. Soc., t. IX-X, ch. iv, p. 76, 411, 672, 744 (1911). (4) Ann. de Chim. et de Phys., 8e, t. III, p. 181, 1904. , . SUR LE MÉCANISME DE LA FERMENTATION ALCOOLIQUE 849 de dioxyacétone (A, B etC) et de 2, 3 et 4 grammes de saccharose (A' B' etC'). Quantités de CO1 2 dégagé en trois jours : A — 0 gramme 49, B — 0 gramme 52, G — 0 gramme 63 ; A' — 0 gramme 90, B' — 1 gramme 12, Cf — 1 gramme 44. On constate que les solutions de dioxyacétone à la concen- tration de o p. 100 fermentent aussi bien que les solutions de saccharose; au-dessus de 5 p. 100, une moitié seulement de la dioxyacétone entre en fermentation. Ces résultats sont beau- coup plus favorables que ceux obtenus par Buchner et Meisen- heimer(l), parce qu’ils n’ont pu faire fermenter qu’une solu- tion contenant 2 p. 100 de dioxyacétone. Au-dessus de cette concentration les quantités de l’acide carbonique dégagé étaient presque les mêmes qu’avec la solution à 2 p. 100. En outre, ils ont opéré dans les conditions artificielles, en concen- trant le suc dans le vide et en ajoutant à celui-ci de la coen- zyme (suc bouilli) concentrée. Isolement de l’éther phosphoré. Exp. III. — 60 cent, cubes de suc, plus 3 grammes de dioxyacétone, plus 2 grammes de phosphate bisodique et 1 gramme de phosphate monosodique ont été mis dans une fiole comme ci-dessus et, après la dissolution des substances ajoutées, l’acide phosphorique précipitable a été dosé. La teneur en P205 était de 1 gr. 1907. En une heure vingt-cinq minutes la fiole a dégagé 0,195 gramme de CO2. La teneur en P205 était de 0.5292 gramme, c’est-à-dire que 0,6615 gramme sont rentrés dans une combinaison organique. La fermen- tation a été ensuite interrompue par l’addition au suc en fermentation de 4 volumes d’alcool. La masse a été laissée une nuit, ensuite filtrée et le résidu du filtre pressé. Le filtrat a été concentré dans le vide et traité ensuite par de la phénylhydrazine à froid. L’osazone formée, en lamelles recristallisées 5 fois dans de l’alcool dilué, avait comme point de fusion 131 degrés. Le dosage de l’azote a donné pour N — 20,70 p. 100. Calculé pour glycérosazone N — 20,82 p. 100. L’oxyme obtenue d’après Pilotty et Ruf (1) avait le point de fusion 82 à 83 degrés. On voit que le filtrat contenait encore de la dioxyacétone. Le résidu pressé était laissé une heure avec 100 centimètres cubes d’eau, ensuite filtré et pressé à nouveau. Cette opération a été répétée deux fois. Les filtrats réunis ont été concentrés dans le vide jusqu’à 30 centimètres cubes et on y a ajouté un (1) Ber. cl. Ch. Geiss., t. XLIII, p. 1773, 1910. (2) Ber. d. Ch. Geiss., t. XXX, 1656, 1897. 54 850 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR volume égal d’acétone. AussitôPaprès l'addition, une couche de liquide épais apparut au fond du flacon. Après avoir laissé reposer le tout une nuit, on a décanté et précipité le sirop resté par une solution d'acétate de plomb. Le précipité lavé par une solution faible d’acétate de plomb, jusqu'à ce que le filtrat soit incolore, a été décomposé par H2S. Le filtrat traité par de la phénylhydrazine a donné l’osazone qui, recristallisée dans l'alcool à 85 p. 100 (on en a obtenu 1/2 gramme) avait le point de fusion 150-152 degrés, c'est-à-dire identique à celui de l'osazone de l'éther qui se forme pendant la fermentation du saccharose. Les 60 centimètres cubes de , suc témoin ont été traités absolument de la même façon, mais aucune osazone ne s’était formée. Une solution de 0 gramme 6 de dioxyacétone, de 0 gramme 4 de Na2HP40 et de 0 gramme 2 de NalUPO4 dans 10 centimètres cubes d’eau, laissée au thermostat pendant deux jours à 35 degrés et traitée après de la même manière, n’a donné que de la glycérosazone. Calculé pour C24II31N0O7P : C — 52,75 ; H — 5,68; N — 15,38 ; P — 5,68. Trouvé : C — 52,75; H — 5,81 ; N — 15,43 ; P — 5,84. En outre, j’ai analysé le sel de lia de l'éther qui se forme pendant la fermentation du saccharose (a) et de la dioxyacétone (b), après l’avoir débarrassé de l'acide phosphorique par de la liqueur ammoniaco-magnésienne. Calculé pour C6 H10O4 (P04Ba)2 : C — 11,75 ; H — 1,64 ; P — 10,12; Ba — 14,99. Trouvé pour (a) : C — 11,78; H — 1,67; P — 10,18 ; Ba — 44,70. Trouvé pour (b) : C — 11,51 ; H — 1,89 ; P — 10.42 ; Ba — 44,76. On voit que les deux formules OIUO-POtBa et C6H10Ol (P04Ba)2 étant identiques, ce n’est que grâce aux osazones et hydrazones que j’ai obtenues qu’on peut identifier la nature du sucre engagé dans cette combinaison, parce que, en hydrolysant l'éther par ébulition prolongée (Joung)(l) ou par de l’acide et de l’alcali (Lebedeff), le triose, s'il en faisait partie, serait sûre- ment détruit. J’ai déjà démontré que le produit du glucose et du lévulose forme la même osazone et j’ai acquis la certitude (1) Loc. cil,, p. 214, 1910. SUR LE MÉCANISME DE LA FERMENTATION ALCOOLIQUE 851 que le produit du mannose se comporterait de même, ce qui a été confirmé plus tard par Joung (1). D’après les résultats de mes expériences, on peut affirmer que, quel que soit le sucre fermentescible, le même éther se produit au commencement de la fermentation. Ce fait ne peut être expliqué que si l’on admet que l’hexose soit décomposé au début jusqu’au triose qui, se combinant à son tour avec de l’acide phosphorique, donne un éther C3H5ORP04 qui se condense immédiatement en C6H10O4 (RPO4)2, et ce n’est que pendant l’hydrolyse de l’éther que l’alcool et l’acide carbo- nique se forment. La première phase de la réaction — l’hy- drolyse de l’éther — s’effectue avec une vitesse mesurable, mais la seconde — décomposition de Fhexose (très probable d’un acrose) par falcoolase — a lieu avec une telle vitesse, qu’aucun des produits intermédiaires, s’il s'en forme, ne peut être décelé tant que l’on n’a pas trouvé un catalyseur spécifique négatif pour retarder cette phase de la réaction. Tous ces faits relatés plus haut, ainsi que les considérations théoriques, font admettre que la fermentation alcoolique s’effectue d’après le schéma suivant : t i ) : 1° CBH“06 =2C1H603 ; 2“ 2OH60» + 2RHP0‘=2C1Hs0sRP0‘ + 2Hs0 ; 3° 2C3EPORPO‘ = G*H10O* (RPO1)3 ; 4° CeH'»0 (RP0‘)8+ IPO =OIPOII + CO+ C3H50*RP0‘ -f RHPO‘, ou: 5° C6H‘»04 (RP0‘)8+2H!0 = 2C1Hs0H + 2C0*+2RHP0'. Je rne réserve (le continuer ces recherches ainsi que les recherches analogues avec l'aldéhyde glycérique. » .n rr r- rr ( n -fk . ■) . 1 (1) Loc . ci/., p. 177, 1911. j ) -v ■; LE BACILLUS PROTEUS SA DISTRIBUTION DANS LA NATURE par Ch. CANTU. (Laboratoire de M. Metchnikoff.) L'objet de ce travail est l’étude du proteus et de sa distri- bution dans la nature, particulièrement dans ses rapports avec l'homme. Nous en avons fait la recherche dans 1 air, l’eau, le sol; dans des substances alimentaires variées que l’on consomme à l’état cru, dans les selles humaines, normales et pathologiques, dans les matières fécales des animaux, dans les fumiers, sur les mouches, etc. : ces données sont réunies plus loin en un tableau. La méthode qui m’a donné les meilleurs résultats, lorsque le proteus se trouvait en petit nombre, est celle de Metchnikoff. On ensemence par piqûres dans de la gélatine profonde, à 10 p. 100, un peu de la substance à examiner ; après quelques jours, à la température de la chambre (20 degrés), si le proteus existe, la gélatine commence à se liquéfier. En diluant dans du bouillon une ou deux gouttes de cette gélatine fondue et en faisant des dilutions dans de nouveaux tubes de gélatine coulés ensuite dans des boîtes de Pétri, on isole très aisément le proteus. Pour aller plus vite, au lieu d’isoler les germes dans cette seconde gélatine, on peut faire usage de la gélose inclinée. Quand on dépose une ou deux gouttes de la dilution dans l’eau de condensation, en ayant soin de ne pas toucher la sur- face de la gélose, et en maintenant toujours le tube droit, on remarque, après douze à vingt heures d’étuve à 37 degrés, que l’eau de condensation se trouble et que la surface de la gélose commence à se recouvrir de bas en haut d’un enduit blan- châtre et nacré. Grâce à sa grande mobilité, le proteus remonte facilement LE BACILLUS PROTEUS 853 et rapidement le long de la surface de la gélose et, au bout de peu de temps, on le trouve en général à l’état de pureté dans les parties les plus hautes, juste à la limite de la couche microbienne. On prélève alors avec une anse une petite quantité de la partie supérieure de cette couche et on la dépose à nouveau dans l’eau de condensation d’un autre tube. Si dans ce cas la culture n'est pas encore pure, on n’a qu’à répéter la même manipulation. Les milieux de culture employés sont les milieux ordinaires. On sait, en effet, que le proteus se développe dans tous les milieux, de préférence dans les mi- lieux un peu alcalins. Yoici la technique que nous avons employée pour la recherche du proteus dans l’air : Nous nous sommes servi de l’appareil suivant (V. fîg. 1) : Une éprouvette A est fermée par un bouchon de caoutchouc percé de deux trous. Dans l’un de ces trous passe un entonnoir à long tube qui plonge dans de l’eau physiologique (10 centimètres cubes) et dont le haut est fermé avec de l’ouate. Dans l’autre trou est adapté l’extrémité d’un tube de verre courbé D, dont l’autre extrémité pénètre par un bouchon de caoutchouc dans l’éprouvette B. Ce bouchon est aussi percé d’un second trou de façon à laisser passer un tube de verre C qui descend jusqu'à quelques millimètres du fond de l’éprouvette. L’extrémité libre de ce tube, bouché avec de l’ouate, est mise en communication avec un aspirateur. L’appareil ainsi monté, est stérilisé à l’autoclave. On le place dans l’air à étudier. Oa enlève de l’entonnoir le tampon d’ouate et on fait fonctionner l’aspirateur. L’air aspiré, pénétrant par l’enton- noir vient se laver dans l’eau du tube A et y laisse tomber toutes les parti- cules qu’il a entraînées. Après aspiration de quatre mètres cubes d’air, l’appareil est détaché de l’aspirateur. On souffle alors par le tube C pour faire remonter plusieurs fois le liquide dans le tube de l’entonnoir de manière à en laver les parois. L’eau de l’éprouvette est centrifugée. On peut alors l’ensemencer. L’air qui a servi aux expériences était prélevé, soit dans les laboratoires où l’on étudie le proteus, soit dans cerlains appar- tements de la rue de Vaugirard et du boulevard Pasteur. 854 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR « Quant à la poussière, elle était prise sur des meubles de divers endroits, puis ensemencée directement dans de la géla- tine, le bouillon et la gélose inclinée. Nous nous sommes servi aussi des boîtes de Pétri, conte- nant une couche de gélose ou de gélatine exposée à la pous- sière de l’air pendant une heure environ. Cette poussière provenait du laboratoire ou des appartements mentionnés plus haut.. En ce qui concerne l’eau, nous avons examiné l’eau potable et beau prélevée dans les caniveaux. L’eau potable était traitée selon la méthode de Schueder. On ajoutait h deux litres d’eau placée dans une haute éprouvette, 20 centimètres cubes d’une solution d’hyposulfite de soude à 7,75 p. 100 et 20 centimètres cubes d'une solution de nitrate de plomb à 10 p. 100. On agitait et on laissait au repos pendant une vingtaine d’heures. On décantait alors et le précipité était dissout dans 14 centimètres cubes de solution saturée d’hyposulfîte; le liquide final était ensemencé. L'hyposulfite et le nitrate de plomb, dans les proportions employées, n'exercent aucune action nocive sur le proteus. Concurremment avec ce procédé, nous employions le sui- vant : A 500 centimètres cubes de la même eau, on ajoutait 50 cen- timètres cubes du mélange suivant, préalablement stérilisé à l’autoclave : peptone et gélatine, ââ 10; sel marin, 5 grammes; eau, 100 centimètres cubes. L'eau à examiner étant ainsi trans- formée en milieu de culture, était placée à l’étuve à 37 degrés et laissait pousser les germes qu'elle contenait. L’eau des caniveaux des rues était centrifugée et le dépôt ensemencé. La glace alimentaire, préalablement fondue à la température de 40 degrés, était traitée par la même méthode que l’eau potable. Pour le lait, on en mettait 3 centimètres cubes dans 50 cen- timètres cubes de bouillon et, d’autre part, on ensemençait directement de la gélatine pour les plaques. Les échantillons de lait examinés provenaient des diverses crémeries de Paris. Certains échantillons étaient du lait pasteurisé ; d’autres pro- venaient directement de la ferme. LE BACILLUS PROTEÜS 855 Nous avons examiné la pâte ainsi que la croûte des fromages, en faisant des émulsions qui étaient ensuite ensemencées. Pour les saucissons crus, on a raclé d’une part la peau, d autre part la chair. Pour les huîtres, on ensemençait des raclures prélevées sur le corps du mollusque, avec un couteau stérilisé. Une partie des selles (humaines, normales et diarrhéiques; animales; provenant des poules nourries, les unes de grain, les autres de viande) ont été émulsionnées et ensemencées. Un a ensemencé aussi de l’eau préalablement stérilisée, qui avait lavé la peau et de l’eau ayant servi à rincer la bouche. De même pour le sol, on a fait des émulsions avec des échan- tillons prélevés à la surface et en profondeur dans divers jardins, en des points toujours à l’ombre. EXAMENS RECHERCHES positives. POURCENT. Air 0 0 »» Air du laboratoire 1 1,11 Poussière d’appartement . 70 0 0 » Poussière du laboratoire . 50 1 2 »> Eau potable . 80 1 1,25 Glace alimentaire 0 0 « Pain . 100 0 0 » Lait 7 3,5 Saucissons crus . 30 10 33,3 Beurre 1 2 » Fromages . 20 3 15 » Bananes . 40 6 15 » Melon 7 23,3 Raisin 0 0 » Prunes 86 0 0 » Poires . 98 0 o » Cornichons . 50 1 2 » Céleris . 40 7 17,5 Salades 20 4. 20 » Viandes pourries . 22 22 100 » Fumier . 25 20 80 » Mouches d’appartement . 50 0 0 » Mouches de fumier . . 50 6 12 » Selles humaines normales . 50 15 30 » Selles humaines diarrhéiques . 40 16 40 » Bouche . 40 5 12,5 Peau , 30 2 6,6 Excréments de poules, alimentation norm . 30 4 13,3 Excréments de poules, alimentation carnée . 30 20 66,6 Sol de jardin . 52 23 44,2 856 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Quant aux mouches, elles ont été ensemencées directement dans le milieu de culture. Elles étaient prises dans le labora- toire, dans des appartements et près des fumiers. Pour les fruits (poires, pommes, prunes, bananes, figues fraîches), l’écorce seulement a été examinée après avoir été raclée; les raisins (frais et pourris), les salades et les céleris ont été lavés dans de l’eau stérilisée et, dans cette eau, nous avons recherché le proteus, en précipitant et en centrifugeant. TECHNIQUE Formes et caractères des cultures. Le nom de proteus donné par Hauser à ce microbe est très bien choisi. Sa taille, ses fonctions biologiques sont des plus variables. Par exemple, une de ses fonctions principales, la liquéfaction de la gélatine par une protéase, prend les aspects les plus divers. Ainsi, des échantillons qui, au premier ense- mencement, liquéfiaient en doigt de gant, liquéfiaient au repi- quage suivant, en cylindre ou en entonnoir. En raison de cette variabilité, et pour éviter de se perdre dans des détails secondaires, on ne peut donner qu'un ensemble de caractères moyens qui, d’ailleurs, suffît pour identifier ce microbe. La forme comme les dimensions en sont très variables. Il présente tantôt la forme d'un coccobacille, tantôt celle d’un bâtonnet à bout arrondi, de 0.4 à 0.6 ja. de largeur sur 1.25 à 3.5 de longueur. Souvent ces bâtonnets se trouvent réunis bout à bout et forment des filaments droits et hélicoïdaux. Cette der- nière forme est plus fréquente dans les cultures en milieux liquides sucrés. Le proteus est très mobile. Cette mobilité a son maximum dans les cultures âgées de douze à quarante heures, à la tem- pérature de l'étuve; elle diminue ensuite et, après trois jours environ, le bacille est immobile. La température et la nature du milieu peuvent avoir une influence sur la mobilité. En effet, elle est plus grande en milieux glucosés. Ce microbe est recou- vert de cils et ne produit pas de spores. Toutes les races de proteus que nous avons isolées se colorent avec toutes les cou- LE BACILLUS PROTEUS 857 leurs basiques [ d’aniline, et mieux encore si l’on fait inter- venir un mordant. Le proteus ne prend pas le Gram. Il est anaérobie facultatif, mais aérobie de préférence. Il croit aussi, mais un peu lentement, à des températures relativement basses. La température la plus favorable paraît être de 25 à 37 degrés. Gélatine en plaques. — Les colonies de proteus ont quel- quefois un aspect très caractéristique. Après quarante-huit heures, à 20 degrés, petites colonies rondes, jaunâtres, presque transparentes, paraissant, à un grossissement moyen, grises et finement granuleuses. A la surface, elles donnent une petite tache à centre jaunâtre opaque et à bords hyalins, transparents et luisants. La périphérie prend un contour irrégulier et émet des prolongements d’abord peu nombreux qui vont en augmentant. La colonie primitive forme au centre une masse opaque, visqueuse, entourée d'une zone filamenteuse. De la masse cen- trale partent, vers la zone périphérique, des prolongements de forme bizarre qui vont s’insinuer dans le milieu. Ce sont des prolongements plus ou moins longs, sinueux ou tortueux, parfois en tire-bouchon, de diamètre très irrégulier, le plus souvent de forme ovoïde. Ces prolongements, fréquemment fusiformes, sont unis à la colonie par un pédicule délié ; quel- quefois alors, ils arrivent à se séparer de la colonie et restent libres dans la gélatine. Lorsqu’on ensemence le proteus dans la gélatine à 6 p. 100 et qu’on maintient la plaque à 22 degrés, on remarque que les prolongements sont quelquefois animés de mouvements bien évidents. Ils peuvent ainsi se déplacer lentement dans le milieu en s’éloignant de la colonie mère. En peu de temps, toute la surface de la gélatine peut être ainsi recouverte de ces colonies aberrantes. La liquéfaction se fait alors très vite et la gélatine a une réaction alcaline et dégage l’odeur de putréfaction propre à ce microbe. Dans ce milieu, le proteus produit une plus grande quantité d’ammo- niaque que dans les autres. Si la gélatine n’est pas visqueuse, les mouvements ne sont pas appréciables. Dans l’épaisseur de la gélatine, on peut voir, avant la liqué- 858 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR faction, des colonies rondes à contours nets et à centre quel- quefois granuleux. Gélatine profonde. — On observe d'abord, le long de la piqûre, le développement d’une strie blanchâtre qui s’étale à la sur- face. Au bout de vingt-quatre à quarante-huit heures, selon la quantité de substance ensemencée et selon la variété du microbe, la gélatine commence à se liquéfier de haut en bas La forme de la liquéfaction est très différente, avec un même échantillon de proteus. Elle peut avoir la forme d’un entonnoir, d’un cylindre, ou d’un doigt de gant. Peu à peu, la gélatine devient fluide et trouble, des flocons blanchâtres se déposent au fond, et le liquide supérieur commence à s’éclairer. L’éclair- cissement complet ne se fait qu'au bout d’un temps très long et seulement pour certains proleus. Il faut noter que, dans les espèces d’origine animale, l’éclaircissement de la gélatine liquéfiée commence en général dans la zone moyenne et y reste quelquefois cantonné. On a alors une zone clarifiée, entre un fond et une surface troubles. Le dépôt floconneux, d’abord blanc, devient en vieillissant d’une couleur jaunâtre. D’autres fois, dans l'épaisseur de la gélatine profonde, autour de la piqûre on voit se former de petites colonies blanchâtres. L’en- semble des colonies présente l’aspect de l’inflorescence du châ- taigner. La liquéfaction, dans ce cas, peut commencer sur deux points : autour de l'inflorescence et à la surface libre. Cette forme de colonies est fréquente pour les échantillons de proleus provenant des substances animales ou des selles, quand ils sont aux premières générations. Lorsque le proteus est piqué dans de la gélatine concentrée (25 p. 100), il ne parvient pas à la liquéfier. Si, après l’avoir piqué successivement plusieurs fois dans le même milieu, on le transporte dans la gélatine à 10 p. 100, il a perdu la propriété delà liquéfier rapidement et la liquéfaction est pénible, irrégu- lière et tardive (elle demande par exemple un mois). La gélatine liquéfiée est très alcaline. Cette piopriété de liquéfaction est également affaiblie par une série de passages consécutifs sur la gélose. Sur la gélose ordinaire inclinée, quand le proteus est ensemencé de la façon décrite plus haut, il fournit un enduit blanchâtre, nacré, visqueux. LE BACILLES PROTEÜS 859 Sur la gélose en plaques, les colonies ne présentent rien de caractéristique. En gélose profonde et glucosée, on observe un fort dégagement de gaz. Les cultures en milieux liquides ne présentent pas de caractères spéciaux. Le bouillon est troublé en douze a vingt-quatre heures ; jamais de voile à la surface, il se forme un dépôt blanchâtre au fond du tube, le liquide est fortement alcalin et il se produit de l'ammoniaque et de l’indol. Les flocons tombés au fond de l’éprouvette et qui, primitive- ment, étaient blanchâtres, deviennent jaunâtres ; en vieillissant, le bouillon prend la même couleur. Les sucres sont attaqués par tous les proteus. Avec le lactose seulement, l’attaque n’est pas constante avec toutes les races et avec un même proteus. Les races isolées des viandes et, en général, des substances animales pourries, attaquent les sucres avec une violence qu’on ne retrouve pas dans les cultures de proteus isolées des végétaux : cette différence est vraie des pre- mières cultures; elle s’efface quand les proteus ont été réense- mencés plusieurs fois et s’éloignent, pour ainsi dire, des condi- tions naturelles. Dans les tubes de liquides sucrés et tourne- solés, la couleur disparaît dans le fond ; elle reparaît si l’on insuffle de l’air chargé d’oxygène ; mais après plusieurs insuf- flations, elle cesse de réapparaître et le liquide reste décoloré ; la décoloration finit par gagner la surface. Le bouillon glucosé et additionné de carbonate de chaux (1 gramme de carbonate de chaux pour 10 centimètres cubes) donne lieu à un dégagement de bulles qui forment à la surface une écume d’une épaisseur variable selon l’activité du proteus. Dans l’eau peptonée, on observe le même trouble : la pro- duction des mêmes substances que dans le bouillon et la colo- ration jaunâtre des vieilles cultures. La production d’indol est plus forte avec les échantillons de proteus provenant des subs- tances animales. Dans le bouillon contenant un petit cube d’al- bumine d’œuf coagulée, le proteus se développe très rapidement. Après cinq à six jours, l’albumine perd son opacité et devient transparente. Peu à peu, elle est dissoute. Le bouillon dégage alors une forle odeur de putréfaction; il contient une certaine quantité d’hydrogène sulfuré et de l’ammoniaque. Au bout de deux jours, le lait est tout à fait coagulé, avec rétraction du caillot et exsudation d’un sérum limpide dont la 860 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR t réaction est d'abord acide. Il peut se produire, dans ce milieu, des bulles de gaz. La culture dégage alors une odeur très nette d'acide butyrique. Après cinq à six jours, le caillot est lente- ment attaqué et dissous. Le liquide, après la dissolution du caillot, est d'une couleur jaune sale. 11 a une réaction fortement alcaline et il dégage une odeur caractéristique de putréfaction. Les proteus qui proviennent des substances animales alté- rées sont ceux qui produisent la plus forte coagulation du lait. Lorsque la pénétration de l’air dans le tube est insuffisante, la coagulation du lait se trouve ralentie. Jusqu’ici, nous avons décrit les cultures aérobies, mais le proteus croît aussi à l'abri de l’air. Le bouillon et l’eau peptonée se troublent fortement ; la gélatine est plus lentement et incom- plètement liquéfiée; elle devient très limpide, car tous les germes tombent de suite en flocons dans le fond. Le lait est coagulé moins vite, quelquefois après une semaine. L'albumine coagulée est attaquée sans devenir transparente. Dans les tubes de bouillon avec de l’albumine, on obtient une forte quantité d’hydrogène sulfuré et de l’ammoniaque. Le glucose, le saccharose, le maltose sont fermentés; dans le vide, le lactose ne fermente pas toujours. Ensemencé dans le vide en bouillon tournesolé, le proteus le décolore, après dix à douze heures d'étuve à 37 degrés. Toutes nos cultures de proteus en bouillon, en eau peptonée, en gélatine, gélose non additionnée d’autres substances, soit au contact ou à l'abri de l'air, dégagent une mauvaise odeur, très forte, caractéristique du proteus. Les cultures en plaques de gélatine produisent une bien plus grande quantité d'ammoniaque que dans les autres milieux. Tous ces caractères sont, à divers degrés, communs à tous les proteus, mais ils sont bien plus nets pour les échantillons qui proviennent de substances animales en voie de putréfaction. Agglutination. — A défaut des différences morphologiques, peut-on distinguer les espèces de proteus au moyen de l’agglu- tination? Dans le but de répondre à cette question, nous avons injecté à des lapins des émulsions de cultures des différents échan- tillons de proteus, afin d’obtenir un sérum spécifique. Les échantillons étaient au nombre de neuf. Ils provenaient LE BACILLES PROTEUS 861 des selles humaines normales , diarrhéi- ques , de mouches des fumiers, de la viande pourrie, du lait, des bananes, des excréments de poules nourries au régime normal et de poules nourries de viande. Les cultures sur la gélose inclinée étaient de vingt - quatre heures. Nous avons versé dans cha- que tube 9 centimè- tres cubes d'eau - physiologique. L’é- mulsion filtrée sur papier était tenue pendant trois quarts d'heure à 60 degrés. Les injections étaient faites dans le péri- toine et à sept jours d’intervalle. On injecte la pre- mière fois 0,25 d’é- mulsion, la deuxième 0,o0, la troisième 1 centimètre cube. La quatrième injec- tion (1 cent, cube) est de culture vi- vante. Après 5 à 6 jours, on saigne l'ani- mal et on éprouve le pouvoir agglutinant du sérum vis-à-vis 862 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR des autres échantillons. Le tableau ci-joint donne les résultats obtenus. A une dilution supérieure à 1/10, le sérum n’agglutinait que l’ échantillon qui avait servi à le préparer. A 1/10 et au-dessous, il agglutinait quelquefois aussi les autres échantillons. Dans ce dernier cas, il les agglutinait plus lentement que les échantillons qui avaient servi à préparer F animal. Quand on injecte aux lapins une plus grande quantité de proteus, grâce à l’addition du liquide du Gram, à l’émulsion microbienne, le sérum agglutine ce proteus à un titre plus élevé que dans l’expérience précédente, mais la différence de l’agglutination des divers proteus est, en somme, à peu près la même. Une fois seulement, un échantillon de proteus provenant des mouches a été agglutiné, au même titre, par un sérum de lapin traité avec du proteus du fumier. Sans doute, ces mouches, capturées au voisinage du fumier, avaient pris sur celui-ci le même proteus. CONCLUSIONS. Les examens dont nous donnons les résultats ont été prati- qués de telle manière, sur des substances si nombreuses et de qualités si diverses, qu’ils nous permettent, en les groupant, de tirer quelques conclusions. Comme on le voit, nous avons cherché a nous rendre compte de la fréquence de ce microbe dans l’ambiance, en envisageant surtout les diverses sources de contamination pour l’homme. Le proteus se trouve constamment dans les putréfactions de toute nature. En effet, dans la viande en voie de décomposition, c’est un microbe constant et des plus actifs; nous l’avons trouvé à chaque ensemencement. Dans les fumiers, où s’opèrent des putréfactions variées, il existe presque constamment. Si nous ne l'avons trouvé que clans 80 p. 100 des cas, c'est qu’à la surface du fumier, le proteus se trouve dans de mauvaises con- ditions, par suite de l'action de la dessication et de la lumière. Nos observations sur les saucissons crus indiquent que le microbe est fréquent dans cet aliment. Dans l’air des appartements, nous ne l'avons pas trouvé; deux fois seulement dans l’air du laboratoire. LE BACILLUS PROTEUS 863 11 faut noter que dans l’eau potable de Paris nous ne l’avons jamais trouvé eu ensemençant de petites quantités ; nous avons obtenu un résultat positif sur quatre-vingts examens en ense- mençant de grandes quantités d’eau. Au contraire, il est très fréquent dans les eaux des ruisseaux des rues qui renferment .des substances en putréfaction et qui véhiculent toutes sortes d’ordures. Nous devons noter aussi que nous l’avons trouvé dans le lait pasteurisé vendu dans les crémeries de Paris. On sait que le proteus ne résiste pas à la température de 60 degrés : On doit donc expliquer sa présence par la contamination posté- rieure à la pasteurisation; et cette observation nous semble d’autant plus juste que le lait provenant directement des fermes le contient plus rarement. En somme, le proteus est rare dans le lait qui n’est pas manipulé malproprement. Dans les huîtres, le microbe est rare et provient certainement des eaux contaminées où elles vivent. Plus intéressants nous paraissent les résultats obtenus avec les aliments végétaux. Nous pouvons distinguer deux cas : les produits végétaux qui sont en contact direct avec le sol contiennent souvent le proteus; son absence dans les autres végétaux est la règle. Font exception les bananes qui sont peut-être contaminées pendant la récolte ou le transport. La température joue un rôle important dans la contamination des produits végétaux par le proteus. En été, ce microbe est plus fréquent qu'en hiver; il est bien probable que la température extérieure favorise son déve- loppement. Sans doute, les principales sources de contamina- tion sont les matières en décomposition; en effet, tandis que les mouches des appartements ne renferment pas de proteus, les mouches voisines des fumiers et des viandes putréfiées le véhiculent souvent. Les propriétés du proteus sont variables d’une génération à l’autre. Elles ne peuvent donc servir à distinguer plusieurs espèces. L’agglutination permet d’établir une différence entre le proteus qui a srervi à préparer un sérum et d’autres proteus, 864 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR mais ces différences ne sont pas de celles qui permettent de distinguer des espèces. L'étude bactériologique ne nous donne en somme aucune raison de distinguer diverses espèces de ce microbe. Il n'y a donc pas lieu de chercher un lien entre leurs caractères biolo- giques et les propriétés pathogènes qu’ils peuvent posséder. Tous les proteus pouvant être pathogènes, leurs propriétés pathogènes doivent être étudiées dans chaque cas particulier. Cette question fera l'objet d'un second mémoire où nous étudie- rons le proteus au point de vue de l'immunité : vaccination, fixation de l'alexine, indice opsonique et sérothérapie. En terminant, je dois exprimer toute ma reconnaissance à M. le professeur Metchnikoff, qui a bien voulu nu accueillir dans son laboratoire et me guider dans mes recherches. Le Gerant : G. Masson. Caris. — L. Maretheux, imprimeur, 1. rue Cassette. 25e ANNÉE DÉCEMBRE 1911 N° 12 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR DES VACCINATIONS ANTITYPHIQUES DEUXIÈME MÉMOIRE Par Él. METCHNIKOFF et A. BESEEDKA. Les chimpanzés qui absorbent le virus typhique par la bouche contractent la fièvre typhoïde; ils la contractent alors même qu’ils ont reçu préalablement des vaccins; tel est le bilan de nos expériences exposées dans le premier mémoire (1). Rappelons que nos essais de vaccinalion ont été faits, d'une part, au moyen de bacilles typhiques chauffés et sensibilisés et, d’autre part, au moyen d’autolysats préparés d’après le procédé de Vincent. Alors que ces vaccins confèrent aux cobayes une immunité très solide contre la péritonite typhique, ils échouent dans la fièvre typhoïde expérimentale telle qu’on la reproduit chez les chimpanzés. Cet échec peut provenir, soit de la trop grande réceptivité des animaux au virus typhique, soit de la trop forte dose de virus absorbé, soit, enfin, de l’insuffisance des vaccins employés. Or, ni la réceptivité des chimpanzés, ni la dose de virus ne sauraient être sérieusement invoquées : si sévère que soit le mode d’inoculation, la fièvre typhoïde du chimpanzé évolue, en général, d’une façon tout à fait bénigne; la période fébrile dure de trois à six jours, au plus, et, bien que coïncidant avec la présence de bacilles dans le sang, elle ne s’accompagne que (1) Ces Annales, mars 1911; p. 193-221. 55 866 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR « rarement d'un état général grave; la défervescence est rapide et la guérison est la règle. Si donc les vaccins ne parviennent pas à préserver contre une affection aussi légère, il faut admettre de deux choses l une : ou le chimpanzé ne se prête point à la vaccination, ou les vaccins employés ne répondent pas à leur but. Les expériences qui suivent montrent que le chimpanzé n’est pas du tout réfractaire à la vaccination; force nous est de con- clure que l’échec de vaccination dans nos premières expériences est imputable à la qualité des vaccins employés. Depuis notre premier mémoire sur la fièvre typhoïde, nous avons fait quatre nouvelles séries d’expériences, chaque série comprenant deux, trois ou quatre chimpanzés, suivant les cas. Nous allons les exposer l’une après l’autre, en suivant l’ordre dans lequel elles ont été faites. PrEx\iière série. Elle a porté sur trois chimpanzés et a eu pour objet de nous renseigner sur la valeur vaccinale de deux préparations micro- biennes, bacilles paratyphiques et bacilles typhiques vivants. 1. Agathe a reçu par la bouche, à titre de vaccin, des bacilles paratyphiques vivants. 2. Julienne est injectée avec des bacilles typhiques vivants sous la peau. 3. Adolphe est réservé comme témoin. Quinze jours plus tard, les trois chimpanzés ont été soumis à l’épreuve d’ingeslion du virus typhique. Seul le chimpanzé témoin, Adolphe , a pris une fièvre typhoïde typique ; les deux autres, Agathe et Julienne , sont restés réfrac- taires. Le résultat de cette expérience, joint à l’examen des courbes thermiques des trois chimpanzés (voir l’appendice), nous auto- rise à formuler les conclusions suivantes : 1° Le bacille paratyphique B vivant, administré à dose massive, par la voie buccale, donne lieu à une réaction ther- mique intense et vaccine contre la fièvre typhoïde. 2° Le bacille typhique vivant, injecté sous la peau, déter- mine une vive réaction thermique et confère une immunité contre la fièvre typhoïde. DES VACCINATIONS ANTITYPHIQUES 867 Deuxième série. Quatre vigoureux chimpanzés ont fait les frais de cette série. 1. Parfait reçoit par la bouche, à titre de vaccin, des bacilles paraty- phiques B vivants. 2. Anselme reçoit sous la peau, à titre de vaccin, des bacilles typhiques vivants, sensibilisés (1). 3. Ida est réservée en qualité de témoin. 4. Emma , qui est comprise dans cette série, reçoit par la bouche des excré- ments d'une jeune femme qui est porteuse de bacilles typhiques; ces excré- ments renferment des bacilles typhiques en quantité énorme et très virulents pour le cobaye. Ce chimpanzé devait nous fixer, d'abord, sur la virulence des bacilles véhiculés par la porteuse. Disons de suite qu’à notre surprise, malgré la dose énorme de bacilles typhiques qu'elle a ainsi ingérés, Emma n'a pas pris la maladie. Dix-huit jours plus tard, nous avons administré aux quatre chimpanzés simultanément du virus typhique par la bouche. Sur ces quatre chimpanzés, trois ont contracté la maladie : ce sont Ida , Parfait et Emma ; seul Anselme , qui a été vacciné avec des bacilles typhiques sensibilisés, n’a rien eu du tout. La plus éprouvée des trois fut Ida , le témoin ; les deux autres, Parfait et Emma , ont eu une fièvre typhoïde atténuée, ce qui indique peut-être qu’ils avaient été légèrement vaccinés, l’un par les bacilles paratyphiques, l’autre par les bacilles de la porteuse. Cette expérience, dont on trouvera dans l'appendice les détails relatifs à l’examen bactériologique du sang et à la réaction thermique, comporte les conclusions suivantes : 1° Le bacille paratyphique B vivant, administré par la voie buccale, à dose faible, provoque une réaction thermique faible, et ne vaccine pas contre la fièvre typhoïde. 2° Le bacille typhique vivant provenant d’une porteuse chro- nique, tout en étant très virulent pour le cobaye, ne donne pas la fièvre typhoïde; de plus, il ne met pas à l’abri d’une nouvelle atteinte de fièvre typhoïde. 3° Le bacille typhique vivant sensibilisé, injecté sous la peau, provoque une réaction thermique minime et en même temps il vaccine contre la fièvre typhoïde. (1) Voir Comptes rendus de l'Acad. des sciences , 2 juin 1902; Annales de l’Ins- titut Pasteur, décembre 1902; Bull, de V Institut Pasteur, 30 mars 1910. 868 ANNALES DE LÏNSTITUT PASTEUR » Troisième série. Par suite d une mortalité élevée parmi les singes, nous avons dû limiter cette expérience à deux chimpanzés ; un d’eux, Denise , était neuf; l’autre, Ida , a fait déjà partie de la série précédente. 1. Denise est injectée à trois reprises, à huit jours d'intervalle, avec de l'au- tolysat typhique de Vincent, préparé par l'auteur lui-même. Neuf jours après la dernière injection, on fait absorber à cet animal, par la bouche, du virus typhique. 2. Ida , qui a eu la fièvre typhoïde un mois auparavant, absorbe le même jour, par la bouche, la même dose de bacilles typhiques que Denise. Sur ces deux chimpanzés, un seul prend la maladie; c’est Denise , qui a été vaccinée avec des autolysats de Vincent; quant à Ida , elle n’a jamais cessé de jouir d’une parfaite santé. Si à ces résultats nous ajoutons les renseignements fournis par l'examen des courbes (voir l'appendice), nous pouvons déclarer que : 1° L’injection des autolysats, tout en provoquant une réac- tion thermique intense, n'empêche pas le chimpanzé de prendre la fièvre typhoïde. 2° Une première atteinte de fièvre typhoïde assure au chimpanzé une immunité vis-à-vis d'une nouvelle infection typhique. Quatrième série. Cette expérience devait porter sur trois chimpanzés dont un a dû recevoir, à titre préventif, du sérum antityphique anti- endotoxique, un autre du vaccin sensibilisé, le troisième devait servir de témoin. Le premier de ces chimpanzés étant mort au cours de l’expé- rience, nous fûmes ainsi amenés à refaire l'essai du vaccin sensibilisé, éprouvé déjà précédemment (voir chimpanzé An- selme, deuxième série). 1. Barthélemy est injecté à deux reprises avec des bacilles typhiques vivants sensibilisés, sous la peau. 2. Sophie sert de témoin. Dix-huit jours après la première injection de vaccin, on admi- BES VACCINATIONS ANTITYPHIQUES 869 nistre à Barthélemy , ainsi qu’à Sophie , une forte dose de virus typhique par la bouche. Une semaine environ se passe sans que Ton puisse remarquer le moindre fait anormal; au septième jour, la température commence à monter chez Sophie ; elle atteint 40 degrés, et l’ensemencement du sang fait à ce moment révèle la présence du bacille d’Eberth. Pendant ce temps, Barthélemy , qui avait absorbé, le même jour que Sophie , la même dose de même virus, ne présenta pas la moindre réaction, ni locale, ni générale. Cette expérience confirme donc, ce que nous avons observé antérieurement, à savoir que la vaccination par le virus sensi- bilisé vivant, tout en étant inoffensive, confère au chimpanzé une immunité solide contre la fièvre typhoïde. Faisons remarquer, en terminant, que, chez l’homme aussi, ce vaccin sensibilisé ne provoque qu'une réaction locale peu marquée. Deux personnes ayant reçu sous la peau un centième et deux centièmes de culture sur gélose, sensibilisée, ont pré- senté, pendant trois jours, de la rougeur et un peu de douleur au niveau de l’injection; la température et l'état général n'ont accusé rien d'anormal. Le lecteur trouvera des détails concernant les deux premiers essais de vaccination avec du virus sensibilisé dans l'appen- dice ; il y trouvera également l’histoire complète de tous les chimpanzés. Les courbes thermiques qui y sont adjointes sont suffisamment explicites pour ne pas nécessiter de longs com- mentaires; aussi allons-nous faire un bref résumé de l’ensemble des expériences exposées dans ce travail. Conclusions. Les vaccins antityphiques constitués par des microbes morts ou autolysats n’empêchent pas le chimpanzé de prendre la fièvre typhoïde. Les bacilles typhiques éliminés par un porteur chronique, tout en étant pathogènes pour les animaux de laboratoire, ont été cependant impuissants à donner la fièvre typhoïde au chimpanzé. L’ingestion des matières avirulentes d’un pareil porteur chronique ne met pas le chimpanzé à l’abri de l’infection 870 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR t typhique, lorsque plus tard on lui fait absorber des bacilles ou des matières typhiques virulentes. Par contre, une première atteinte de hèvre typhoïde vraie assure au chimpanzé l’immunité contre une nouvelle infection. La vaccination au moyen de microbes vivants est seule capable d’assurer l’immunité solide. Le paratyphique B vivant, pris par la bouche, peut faire office du vaccin antityphique à la condition d’être administré à dose massive donnant lieu à une réaction fébrile intense; à dose faible, il ne vaccine pas. Par contre, le bacille typhique vivant, injecté sous la peau à dose faible, préserve sûrement contre la fièvre typhoïde; il vaccine au prix d’une réaction locale et générale intense. Le bacille typhique vivant, mais sensibilisé , donne lieu, en injection sous-cutanée, à une réaction locale faible et à une réaction générale et thermique à peu près nulle; il vaccine contre la fièvre typhoïde et d’une manière aussi solide que les bacilles vivants ordinaires. Chez l’homme, l’injection des bacilles typhiques vivants sensibilisés détermine une réaction locale et générale peu marquée. APPENDICE Premième série. Agathe (courbe 1) reçoit le 13 février, par la bouche, une dose de bacilles paratyphiques B, équivalente à une boîte de Roux. Cette culture nous a été obligeamment fournie par M. Rajchmann, de Londres; elle provenait du sang d’une per- sonne morte d’infection paratyphique. A la suite de cette ingestion, le chimpanzé a eu une très forte réaction thermique qui a duré une quinzaine de jours. A deux reprises, nous avons ensemencé son sang dans du bouillon et dans de la bile, dans l’espoir d’y trouver le paratyphique, mais les deux fois les tubes sont restés stériles. Le 1er mars, nous faisons absorber au chimpanzé du virus typhique; il en reçoit une demi-boîte de Roux. Ce virus est composé de bacilles d’origine humaine (H, Pierre) et d’origine simienne (Victor, Lucie, Constance). L’ingestion du virus DES VACCINATIONS ANTITYPHIQUES 871 typhique n’est suivie d’aucun effet. Le sang ensemencé le 8 mars, c’est-à-dire sept jours après l’infection, reste stérile; d ailleurs, la température du chimpanzé reste normale pendant toute la durée de l’expérience. Faisons remarquer que le témoin de cette série, Adolphe, infecté dans les mêmes conditions le 1er mars, a pris, sept jours après, une lièvre typhoïde caractéristique. Agathe est morte le 27 mars, à la suite d’une complication de pemphigus généralisé qui lui a été inoculé. A l’autopsie, il a été constaté une quantité énorme de pentastomes dans la cavité péritonéale. Pas de lésions macroscopiques dans les organes. Le sang et la rate étaient stériles; l'ensemencement du foie a donné une culture d’un petit coccus qui n'a pas été étudié de plus près. Dans l'intestin grêle il a été constaté des plaques de Peyer. Julienne (courbe 2) reçoit le 13 février, en injection sous- cutanée, une émulsion de bacilles typhiques vivants, à la dose équivalente de 1/10 de culture sur gélose. Cette émulsion est composée de bacilles de provenance humaine (Pierre) et simienne (Victor, Lucie, Constance). A la suite de cette injection, l’animal présente une vive réaction locale et ther- mique; comme la température dépasse à certains moments 39 degrés, nous nous demandons si nous ne sommes pas en présence d'une septicémie éberthienne. Aussi ensemençons- nous le sang du chimpanzé dans de la bile et du bouillon à l’acmé de la fièvre (24 février); mais les tubes restent stériles. Le pouvoir agglutinant monte de 1 : 2o0 à 1 : 2.000. Le 1er mars, c’est-à-dire quinze jours après l’injection sous- cutanée, nous administrons au chimpanzé 1/2 boîte de bacilles typhiques par la bouche; Je virus est composé de bacilles humains (H, Pierre) et simiens (Victor, Lucie, Constance). Il n’a été constaté aucune réaction fébrile consécutive à l’ingestion du virus. Le sang ensemencé le 8 mars n’a pas donné de culture. Julienne est morte le 25 mars; à l'autopsie, il a été constaté un très grand nombre d’ascarides qui obstruaient littéralement l’intestin. Le sang, le foie, la rate étaient stériles; de la bile il a été isolé un microbe ayant les caractères du bacille para- 872 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR t typhique et qui se laissait agglutiner à 1 : 100 par le sérum antiparatyphique. Dans l'intestin grêle il y avait un grand nombre des plaques de Peyer gonilées et congestionnées. Adolphe (courbe 3 , le témoin de cette série, a absorbé par la bouche, le 1er mars, c’est-à-dire en même temps que Agathe et Julienne , la valeur d'une demi-boîte de Roux, composée de bacilles typhiques humains IL, Pierre) et simiens (Victor, Lucie, Constance . Pendant les cinq-six premiers jours qui ont suivi cette ingestion de virus, la température était normale, DES VACCINATIONS ANTITYPHIQUES 873 puis elle s’est mise à monter pour atteindre 4-0°3. L’ensemen- cement du sang fait dans de la bile (8 mars) a donné une cul- lure pure de bacilles typhiques. La température restait élevée pendant une huitaine de jours. Il est mort le 26 mars. De la bile il a été isolé un coli. Le sang, la rate, le foie sont restés stériles. Les organes ne pré- sentaient rien d'anormal. 11 y avait des plaques de Peyer hypertrophiées dans l’intestin grêle. Deuxième série. Parfait (courbe 4) reçoit le 15 avril, par la bouche, au moyen d’un pinceau, un quart de boîte de Roux de bacilles para- typhiques. Dans les premiers jours qui ont suivi cette ingestion, la température se maintenait aux environs de 38 degrés; elle est même montée à 39 degrés pendant plusieurs jours. Le 3 mai, on lui administre, en même temps qu'à Anselme , Ida et Emma , du virus typhique par la bouche; il a reçu la valeur d'une demi-boîte de Roux de bacilles d’origine humaine (Pierre, Okhubo) et simienne (Adolphe, Constance, Lucie, Victor). Pendant plusieurs jours, la température est restée normale après cette ingestion ; au sixième jour de la période d’incubation (9 mai , la température s'étant mise à monter, on prélève au pli du coude 2 cent, cubes de sang que l'on ensemence dans un tube de bile de bœuf. Le lendemain on obtient une culture pure de bacilles typhiques. Notons que chez ce chimpanzé la période fébrile n'a duré que quatre jours; de plus, elle n'a pas présenté l'intensité de réaction observée chez le témoin (voir Ida). Le chimpanzé est mort le 16 mai. A l'autopsie, il a été cons- taté une congestion des poumons; la rate était énorme (40 gr.), le contenu intestinal était diarrhéique sur une très longue étendue; il y avait une trentaine de plaques de Peyer, peu surélevées et de petites dimensions. L'ensemencement de la rate et du foie a donné une culture pure et abondante du bacille d’Eberth; celui du sang et de la bile a donné une culture de Proteus. La recherche du bacille paratyphique B dans la rate, le foie et le sang a donné un résultat négatif. 874 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Anselme (courbe 5) reçoit le 15 avril, en injection sous- cutanée, la valeur de I/o de culture sur gélose de bacilles humains (J., Pierre) et simiens (Constance, Adolphe) sensibi- lisés. La sensibilisation était opérée de la façon suivante : une culture de vingt-quatre heures est diluée dans un cent, cube d’eau physiologique; on y ajoute dix gouttes de notre sérum antityphique; puis, après avoir laissé le mélange en contact pendant cinq heures au laboratoire, on centrifuge, on décante la partie liquide et on délaye le culot dans 10 cent, cubes d’eau physiologique. Les bacilles typhiques ainsi sensibilisés se montrent, chez le cobaye, en injection intrapéritonéale, au moins quatre fois moins virulents que la même dose de microbes non sensibi- lisés : dans nos expériences, avec 2/10 de culture non sensibi- lisée on tuait le cobaye de 250-280 grammes en moins de dix- huit heures; or, les cobayes du même poids supportaient facile- ment 8/10 de culture, après qu’elle eut été sensibilisée. Le 25 avril, il a été injecté, la deuxième fois, 1/5 de culture sensibilisée sous la peau; la réaction consécutive à l’injection a été à peine marquée. Le 3 mai, il est soumis à l'épreuve, en même temps que Parfait , Emma et Ida (une demi-boîte d’un mélange de bacilles typhiques — Pierre, Okhubo, Adolphe, Constance, Lucie, Victor). Après six jours d’incubation, la température ne s’élevant pas, nous ensemençons (9 mai) néanmoins le sang dans de la bile et dans du bouillon; les tubes restent stériles. Anselme est mort le 24 mai; à l’autopsie, adhérences péri- cardiques et hépatiques. Rate moyenne (20 gr.). L’intestin grêle est parsemé de petits points hémorragiques. Pas de plaques de Peyer. Le sang et le foie sont stériles. La bile donne une culture de coli et la rate une culture de Pro- teus. Emma (courbe 7) reçoit à deux reprises, le 15 avril et le 16 avril, par la bouche, une dose massive d’excréments de MUe J... Cette jeune femme n’a jamais eu de fièvre typhoïde cliniquement dia- gnostiquée ; mais, à l'occasion d’un cas de fièvre typhoïde qui s’est produit dans son entourage, elle a été reconnue comme étant DES VACCINATIONS ANTITYPHIQUES 875 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 876 une porteuse de bacilles typhiques. Mlle J. dit avoir observé, au cours de ses déplacements fréquents, plusieurs cas de lièvre typhoïde chez les personnes qu'elle approchait. Ses excréments, que nous examinons tous les jours depuis trois mois, présen- tent. à certains moments, une culture presque pure de bacilles typhiques. Ces derniers, lorsqu'ils sont fraîchement isolés des matières, se montrent très virulents pour le cobaye : avec J 40 de culture de vingt-quatre heures sur gélose on tue, en injection intrapéritonéale, un cobaye de 300 grammes en dix -huit heures; après plusieurs passages sur gélose, la viru- lence s'atténue et, pour provoquer la mort dans les mêmes conditions, il en faut injecter 1/20-1/15 de culture. A la suite d'ingestion des matières en question, le chimpanzé Emma a présenté pendant plusieurs jours une température élevée. A deux reprises (20 et 26 juin) nous avons ense- mencé son sang dans du bouillon et delà bile, mais sans aucun résultat; cette élévation de la température était due probable- ment à une cause étrangère à l’absorption du bacille typhique. Le 3 mai, la température étant redevenue normale, nous faisons absorber à Emma, par la bouche, du virus typhique demi-boîte de Roux), composé de microbes d'origine humaine Pierre, Okhubo) et d'origine simienne (Adolphe, Constance, Lucie. Victor . Pendant les cinq jours qui ont suivi cette inges- tion de virus, il n'y eut rien d'anormal; au sixième jour (9 mai , la température s'est mise à monter; elle a atteint 39 degrés environ; à ce moment, nous saignons l'animal et nous ensemençons son sang (1.5 cc.) dans de la bile ; le lende- main, nous obtenons une culture pure de bacilles typhiques. La fièvre a duré encore pendant quatre à cinq jours, puis tout est rentré dans l'ordre. Le chimpanzé est mort le 31 mai. A l'autopsie, on a constaté une forte congestion de la base des poumons. La rate était petite (13 gr.). Dans la cavité péritonéale, un grand nombre de kystes noirs, remplis de pentastomes. Colite intense. L’ensemen- cement du sang a donné une culture de pneumocoques; de la rate et du foie il a été isolé le Proteus. Ida (courbe 6), qui sert de témoin aux chimpanzés de cette série, reçoit par la bouche le 3 mai la même dose de virus DES VACCINATIONS ANTITYPHIQUES 877 typhique que les autres : une demi-boîle de bacilles humains (Pierre, Okhubo) et simiens (Adolphe, Constance, Lucie, Vic- tor). Après une période d'incubation se caractérisant par l’ab- sence de fièvre, la température monte brusquement à 39°4 ; à cette hauteur elle se maintient pendant plusieurs jours, puis elle s’élève encore davantage et dépasse 40 degrés. Chez Ida 1 état fébrile revêt un caractère d’intensité particulière: de plus, cet état dure sept jours, après quoi la température baisse rapi- dement jusqu'à la normale. Un mois plus tard, cet animal est soumis à une nouvelle épreuve d'ingestion de virus typhique ; voir les détails plus bas. Troisième série. Denise (courbe 8) reçoit sous la peau 1 ,5 cent, cube de vaccin de Vincent le 19 mai; 2 cent, cubes, le 26 mai; 3 cent, cubes, le 2 juin. A la suite de la troisième injection d’autolysat, on voit apparaître un état fébrile, avec des rémissions matinales, durant plus de huit jours et rappelant un peu la vraie fièvre typhoïde. Le 10 juin, c’est-à-dire neuf jours après la dernière injec- tion de vaccin et vingt-deux jours après la première, nous admi- nistrons à cet animal, par la bouche, un mélange de bacilles typhiques provenant des singes des séries antérieures (Ida, Emma, Parfait, Constance). Pendant les sept jours d'incubation ayant suivi l'ingestion de virus, la température était normale avec plutôt une tendance, surtout à la fin de cette période, à l'hypothermie. Le 17 juin, c'est-à-dire sept jours après l’absorption du virus, la température s’étant brusquement élevée, nous sai- gnons Denise et nous ensemençons son sang (1,3 cent, cube) dans de la bile de bœuf. Nous réensemençons la bile sur une plaque de Conradi-Drigalskv, et, vingt-quatre heures après, nous vovons apparaître sur celle-ci des colonies clairsemées de bacilles typhiques. Le chimpanzé est mort le 23 juin, dans la nuit, après avoir présenté de l’hypothermie pendant plusieurs jours. L’en- semencement du sang, de la rate, du foie et de la bile a donné une culture de coli. Dans la cavité péritonéale et sur une 878 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR grande étendue de la paroi intestinale, il y avait une quantité innombrable de kystes de pentastomes. L’intestin grêle présen- tait, à l’incision, un long chapelet de plaques de Peyer dont une extrêmement longue (8-9 cent.). Ida (courbe 9) a fait déjà, au commencement du mois de mai, une lièvre typhoïde typique (bacilles typhiques dans le sang le 9 mai; voir la courbe 6), dont elle était complètement remise au moment de cette nouvelle expérience. Le 10 juin, c’est-à-dire un mois après, on la soumet à une nouvelle épreuve, en même temps que Denise. Contraire- ment à cette dernière, Ida n’a point eu la moindre réaction thermique. Nous avons néanmoins ensemencé son sang le 17 juin, en même temps que celui de Denise. Le tube est resté stérile. La température persistant à osciller dans les limites normales, entre 37 degrés et 38 degrés, on l’emploie pour d’autres recherches. Elle est morte le 3 septembre, de conges- tion pulmonaire. Pas de plaques de Peyer. DES VACCINATIONS ANTITYPHIQUES 879 Quatrième série. Barthélemy (courbe 10) reçoit le 23 septembre sous la peau, à titre de vaccin, un quart de culture sur gélose de bacilles typhiques humains (H) sensibilisés. Pour la technique de la sensibilisation voir le chimpanzé Anselme (page 874). Le 2 octobre, on pratique la deuxième injection vaccinale : on mélange trois cultures sur gélose, préalablement sensibi- lisées (Pierre, Constance, Adolphe), on injecte une dose équi- valente à un demi-tube de gélose. Aucune des deux injections n’est suivie d’élévation de la température; localement, au niveau de 1 injection, on constate, le premier jour, un très léger épaississement des tissus qui disparaît sans laisser trace. Le 10 octobre, au moyen d’un pinceau trempé dans une émulsion très chargée de bacilles typhiques (une demi-boîte , d’un mélange de bacilles humains (Géry) et simiens (Ida, Emma, Constance, Parfait), on introduit à Barthélemy, ainsi qu’à son témoin Sophie , le virus dans la cavité buccale. 880 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR \ \ \ Huit jours après, bien que la température reste normale, nous prélevons au pli du coude 4 cent, cubes de sang et nous les ensemençons dans de la bile de bœuf ; le tube reste stérile. Deux jours plus tard, on saigne de nouveau t’animai; l'ense- mencement. reste de nouveau négatif. Sophie (courbe 11), qui sert de témoin au précédent, reçoit le 10 octobre par la bouche, au moyen d’un pinceau, une demi- boîte d’un mélange de bacilles typhiques humains (Géry) et simiens (Ida, Emma, Constance, Parfait). Après une période d'incubation ayant duré six jours, apyrétique, la température s’est mise à monter; elle s’est maintenue pendant trois jours entre 39°6-39°9, après quoi elle a baissé rapidement en des- cendant même au-dessous de la normale. L'ensemencement du sang (4 cent, cubes), dans de la bile, fait le 17 et le 19 octobre, à l’acmé de la fièvre, a donné une culture de bacilles d'Ebertb. Injection à F homme de bacilles typhiques vivants sensibilisés. 1) MmeP..., âgée de 40 ans, reçoit le 7 juin 1911, sous la peau de la cuisse gauche, 1 / 100 d’une culture (sur gélose) de bacilles typhiques vivants sensibilisés, dans 1 cent, cube d’eau physio- logique. Pendant les trois jours qui ont suivi l’injection, la malade a présenté une plaque érythémateuse, large comme une pièce de cinq francs, un peu douloureuse à la palpation. La température est restée normale, en oscillant entre 36°8 et 37°6; la malade est restée en observation pendant plusieurs mois. 7 8 9 10 11 12 13 14 15 juin. juin. juin. juin. juin. juin. juin. juin. juin. Temp. soir, 37°6. Temp. matin, 37°4; soir, 37°4. Temp. matin, 37°3; soir, 37°4. Temp. matin, 37°2; soir, 37°2. Temp. matin, 37°1 ; soir, 37°6. Temp. matin, 37°2 ; soir, 37°6. Temp. matin, 36°8 ; soir, 37°4. Temp. matin, 37°»; soir, 37°4. Temp, matin, 37°3; soir, 37°6. DES VACCINATIONS ANTITYPHIQUES 881 2) Mlle I..., âgée de 33 ans, reçoit le o juillet 1911, sous la peau de la cuisse, 2/100 d’une culture (sur gélose) de bacilles typhiques vivants sensibilisés, dans 1 cent, cube d’eau physio- logique. Le lendemain de l’injection, la malade présente de la rougeur diffuse au niveau de la piqûre, et une légère sensation de douleur au toucher. Au quatrième jour, il ne reste aucune trace de l’injection. La température reste normale, en oscillant entre 36°3 et 37°6 ; la malade est restée en observation ensuite pendant plusieurs mois. 6 juillet. Temp. matin, 37°3 ; soir, 37°6. 7 juillet. Temp. matin, 37°2 ; soir, 37°3. 8 juillet. Temp. matin, 36°8; soir, 37°4. 9 juillet. Temp. matin, 36°9; soir, 36°8. 10 juillet. Temp. matin, 36°9; soir, 36°6. H juillet. Temp. matin, 36°3. 56 DE LA PRÉPARATION DE RACES DE TRYPANOSOMES RÉSISTANTES AU SÉRUM DE CYNOCÉPHALES ET AU SÉRUM HUMAIN par A. LEBOEUF, Médecin-major des troupes coloniales. (Travail du laboratoire de M. Mesnil, à l’Institut Pasteur.) Martin Jacoby annonça, en 1909 (1), avoir obtenu chez la souris une race de Nagana réfractaire au sérum humain : les Trypanosomes ne disparaissaient pas de la circulation des animaux de passage après l’injection sous-cutanée de 2 cent, cubes de sérum (dose maxima que la souris pouvait supporter). En terminant sa première communication, il émettait la crainte que de pareilles races ne fussent pathogènes pour l’homme. Dans le but de vérifier cette hypothèse, nous nous sommes demandé si, partant d’un Trypanosome inoffensif pour un animal donné, il ne serait pas possible de l’amener à la viru- lence pour cet animal, en le rendant aussi résistant que pos- sible à son sérum dans un organisme intermédiaire. Pour éléments d’expérience nous avons choisi : 1° comme virus, le Nagana ; 2° comme animal intermédiaire, la souris; 3° comme animaux réfractaires au Nagana et producteurs de sérum, des singes Cynocéphales. Sachant, d’une part, que 0,01 cent, cube de sérum frais de nos Cynocéphales faisait, en générai, disparaître les parasites en moins de vingt-quatre heures du sang de la souris, et, d’autre part, assurés que notre Nagana évoluait chez cette dernière avec une parfaite régu- larité, nous étions dans les meilleures conditions pour suivre pas à pas la formation de races résistantes. Nous avons utilisé le sérum de trois Cynocéphales de forte taille (6 à 8 kilogrammes), appartenant au genre Papio , qui 1) Mediz. Klin n° 7, février 1909, p. 252, et Zeitschr. f. Immunit. forsch., t. II, juillet 1909, p. 689-701. DE LA PRÉPARATION DE RACES DE TRYPANOSOMES 883 furent saignés aussi souvent que cela fut nécessaire. Toute- fois, pour économiser nos animaux dans le but d’avoir des sérums aussi comparables que possible entre eux, nous avons cherché à conserver les produits de nos saignées sous un état qui permît de leur garder, pendant un certain temps, la plus grande partie de leur activité. Nous avons d’abord eu recours à la dessiccation : aussitôt faite la séparation du caillot, le sérum était placé dans un appareil évaporateur (vide et acide sulfurique), puis, la dessiccation obtenue, recueilli en ampoules scellées. Le sérum frais et le résidu sec ayant été pesés, rien n’était plus facile, au moment de l’emploi, que de restituer à la substance desséchée l’eau qu’elle avait perdue. Mais, ce mode de préparation étant un peu long, nous eûmes finalement recours à la distribution pure et simple du sérum en petites ampoules scellées, immédiatement mises à la glacière. Dans ces conditions, le sérum conservait assez longtemps un pouvoir trypanocide in vivo assez puissant, qui, d’ailleurs, se trouvait constamment vérifié sur les nombreuses souris que nous avions en expérience. Notre point de départ fut le suivant : Le 23 novembre 1909, une souris RG reçoit 1/4 de cent, cube de sérum frais de Cynocéphale à 11 heures du matin; elle présentait dans son sang des T. brucei assez nombreux ; à 5 heures du soir, les parasites étant devenus très rares, on inocule une souris SM avec le sang de RG. SM prend dans un délai assez long; le 19 novembre, les Trypanosomes sont nom- breux; la souris reçoit à il heures du matin 1/4 de cent, cube de sérum; à 6 heures du soir, les parasites ne sont plus qu'assez nombreux ; on fait alors sur SM une souris RT. RT prend assez rapidement; le 23, les Trypanosomes sont nombreux ; on lui injecte 1/4 de cent, cube de sérum à 11 h. 30 du matin; à 5 heures du soir, les parasites sont rares, on fait sur RT une souris RO, qui prend assez rapidement : Tryp. nombreux le 27 novembre. A partir de ce moment, nous nous sommes uniquement servi de Trypanosomes de récidives pour faire nos passages, en prenant toujours un quart de cent, cube de sérum comme dose initiale de traitement des souris nouvellement infectées. Voici l’histoire de la souris RQ (1) : (1) Pour le tableau ci-contre, comme pour les suivants, les lettres de la ligne supérieure figurent le nombre des Trypanosomes au moment des injections (n., nombreux; r., rares ; t., très ; a., assez), les chiffres de la même ligne représentent en centim. cubes ou fractions de centim. cubes les doses de sérum injectées, les chiffres de la ligne inférieure sont les dates des inter- ventions. 884 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR RQ inoculée avec RT le 23 novembre 1909. N. 0.25 0 N. 0.25 0 T. n. 0.25 N. 0.25 27 nov. 28 nov. 6 déc. 7 déc. 14 déc. 21 déc. T. n. 0.50 0 A. n. 0.50 0 A. n 0.50 0 22 déc. 23 déc. 31 déc. lep janv. 10 janv. 11 janv. A. n. 0.50 0 A. n. 0.50 0 A. n. 0.50 0 18 janv. 19 janv. 27 janv. 29 janv. 4 février. 5 février. A. n. 0.50 0 N. 0.50 0 A. n. 0.50 A. n. 0.50 9 février. 10 février. 18 février. 19 février. 22 février. 25 février. N. 0.50 N. 1 N. 1 N. 2 T. r. A. n. 26 février. 27 février. 1er mars. 2 mars. 3 mars. 6 mars. Dans cet intervalle de trois mois et demi environ (du 27 no- vembre 1909 au 6 mars 1910), de nombreuses souris furent inoculées avec les Tryponosomes des différentes rechutes de RQ, mais aucun de ces animaux ne nous ayant conduit à l’obtention d'une race réfractaire, nous les laissons entière- ment de côté. Quoi qu’il en soit, devant ce résultat, nous renonçâmes aux doses initiales de 1/4 de cent, cube, pensant que, trop fortes, elles espaçaient trop les rechutes, nous éloi- gnant ainsi du but à atteindre, et nous décidâmes de com- mencer le traitement de nos souris de passage par des doses de 0,10 cent, cube, que des essais antérieurs (1) nous avaient montré être la dose thérapeutique minima pour un virus normal et du sérum frais. Le 6 mars 1910, le sang de RO fut inoculé à une nouvelle souris RQ qui se comporta de la façon suivante : RQ inoculée le 6 mars 1910 avec RQ du 23 novembre 1909. N . 0.10 0 N. 0.10 0 A. n. 0.10 0 9 mars. 10 mars. 15 mars. 16 mars. 20 mars. 21 mars. n. 0.10 0 N. 0.10 A. n. 0.10 ]S L 0.10 N. 0.15 — — — — — — 24 mars. 25 mars. 28 mars. 31 mars. 2 avril. 3 avril. A. n. 0.20 N. 0.30 N. 0.50 T. n. 2 Mort. 4 avril. 5 avril. 6 avril. 7 avril. 8 avril. (1) F. Mesnil et A. Leboeuf, Comptes rendus de la Soc. de Biologie , t. LXIX, p. 382, 12 novembre 1910. DE LA PRÉPARATION DE RACES DE TRYPANOSOMES 885 Nos prévisions se confirmaient pleinement ; en prenant comme point de départ la dose thérapeutique, nous arrivions en vingt-huit jours à obtenir, chez la souris en expérience, des drypanosomes réfractaires à la dose de sérum maxima. Qu'al- laient devenir, sur une souris de passage, les parasites ainsi modifiés ? Ouvrons ici une parenthèse pour faire remarquer une fois pour toutes que chacune des souris, dont nous donnons l'his- toire, a servi à faire, non pas une, mais plusieurs souris de passage, et cela non seulement au moment de l'obtention de l’état réfractaire des parasites chez la souris en expérience, mais encore lors de récidives antérieures. Nous laissons complètement de côté ces animaux, soit que nous n’ayons pu arriver à rendre leurs Trypanosomes suffi- samment résistants avant leur mort (morts dues le plus sou- vent à des infections banales, bien rarement à des phéno- mènes d'anaphylaxie sérique), soit que les passages faits sur eux n’aient conduit qu'à des résultats imparfaits. Une nouvelle souris RQ fut inoculée le 8 avril 1910, sur la souris RO mou- rante. RQ inoculée le 8 avril sur RQ du 6 mars 1910. N. r. 0.10 N. r. 0.20 0 A. n. 0.20 N. 0.50 N. 1 10 avril. 11 avril. 13 avril. 15 avril. 16 avril. 17 avril. 0 N. 1 A. n. 2 N. Mort. 18 avril. 20 avril. 21 avril. 22 avril. 24 avril. Dès le début, il y eut résistance à la dose thérapeutique. La préparation marcha dès lors rapidement ; les rechutes se succédèrent à de brefs intervalles ; en six jours, les parasites supportèrent 0,50 cent, cube de sérum, et en onze jours 2 cent, cubes. Deux des souris de passage, faites avec les Try- panosomes de récidive de RQ, donnèrent des races résistantes, l'une faite le 17 avril (race B), et l'autre le 22 avril (race A). Nous allons les étudier succinctement l’une après l’autre. 886 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Race B. Souris N inoculée le 17 avril 1910 sur RQ du 8 avril. A. n. 0.10 T. n. 0.30 Extr. n. 1 E. n. 2 A. n. 2 T. n. Mort. 19 avril. 20 avril. 21 avril. 22 avril. 27 avril. 28 avril. 30 avril. En deux jours, les parasites se montrèrent réfractaires à 1 cent, cube et en huit jours à 2 cent, cubes. Le 28 avril, une souris RDle fut faite sur N. RDte. N. r. 2 A. n. 2 0 Mort. 29 avril. 30 avril. 1er mai. 14 mai. Ainsi donc la résistance semblait bien s’être transmise à travers les passages dans tonte son intégrité , puisque le sérum injecté était du sérum dans toute son activité (animal produc- teur saigné le 25 avril), et avait été donné à la souris alors qu’elle présentait seulement des Trypanosomes non rares. Les parasites ne résistèrent pas, toutefois, à deux doses succes- sives : ils disparurent le lendemain de la seconde injection. Mais, malgré ces doses énormes données coup sur coup, les Trypanosomes reparurent assez vite et la souris mourut le 14 mai. A partir de cette souris, les passages furent faits avant de soumettre l’animal infecté à l’action du sérum. Une souris RG, faite le 29 avril sur RDte, reçut également d’emblée 2 cent, cubes de sérum. Les Trypanosomes disparurent, mais en quarante- huit heures seulement; la récidive se produisit assez rapidement; mort le 14 mai. RG du 29 avril. • A. n. 2 N. 0 Mort. 1er mai. 2 mai. 3 mai. 14 mai Une souris RDte faite sur RG se comporta exactement de la même façon. L’état réfractaire avait donc sensiblement diminué ; aussi donnâmes-nous seulement 1 cent, cube de sérum à une souris RG, inoculée avec cette der- nière RDte. RG N. 1 T. n. Mort. 8 mai. 9 mai. 11 mai. DE LA PRÉPARATION DE RACES DE TRYPANOSOMES 887 La race possédait encore un degré de résistance fort appré- ciable, puisqu’elle tenait contre 1 cent, cube de sérum, c’est- à-dire 10 fois la dose thérapeutique et 100 fois la dose capable de faire disparaître les parasites en vingt-quatre heures. Suc- cessivement les souris RQ, RDte, RT, RQ et JG furent faites en série : chez toutes, la résistance se maintint au même taux. Nous cessâmes alors d’essayer après chaque passage la valeur de l’état réfractaire et nous inoculâmes en série les souris JQ, JD, JDte, JG, RT, RQ, RDte. Sur cette dernière souris, la race n’avait plus eu de contact avec le sérum depuis 15 passages ; les Trypanosomes se montrèrent encore résistants à 1 ceut. cube. RDte. N. 1 T. n. 9 juin. 10 juin. Les passages sur souris furent continués et l'état réfractaire contrôlé de nouveau après 52 passages, le 5 novembre 1910. La résistance avait presque complètement disparu, car 1/4 de cent, cube fit disparaître les Trypanosomes en moins de vingt-quatre heures, qui reparurent au bout de sept jours. Race A. Souris RT inoculée le 22 avril 1910 sur RQ du 8 avril. A. n. 0.25 N. 1 T. n. 2 Extr. n. Mort. 23 avril. 24 avril. 25 avril. ' 26 avril. 27 avril. En deux jours, nous atteignions la résistance à 2 cent, cubes, alors que nous avions mis huit jours pour arriver à ce résultat avec les Trypanosomes du 17 avril (race B). Deux souris furent faites le 26 avril, l’une RT qui va continuer la race A, et l’autre RQ que nous retrouverons tout à l’heure sous le nom de race G. Les Trypanosomes de la souris RT se montrèrent réfractaires d’emblée à 2 cent, cubes. — Il en fut de même au 2e passage, mais au 3e passage (souris RDte) la résistance commença à fléchir. En effet : RDte. N. 2 T. n. 0 Mort, mai. 2 mai. 7 mai. 12 mai. 888 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Les choses semblent dès lors exactement calquées sur ce qui s'est passé pour la race B : nous constatâmes, sur les souris de passage qui suivirent, que le taux de la résistance se maintenait à 1 cent, cube de sérum. L’état réfractaire fut encore essayé après 15 passages ; les Trypanosomes d’une souris RD résistaient encore à 1 cent cube. RD. N. 1 T. n. Extr. n. 11 juin. 12 juin. 13 juin. Mais au bout de 54 passages, le 4 novembre 1910, la résis- tance avait presque complètement disparu. f. r. 1/4 0 0 0 0 0 — — — — — — 4 nov. o nov. 7 nov. 8 nov. 9 nov. 10 nov. . r. 1/4 T. r. 0 N. r. N. Meurt 21-22 2 nov. 13 nov. 16 nov. 18 nov. 20 nov. nov. Comme on le voit, une certaine résistance a reparu vite. Race C. Point de départ , souris RQ faite le 26 avril sur souris RT (race A). — Les Trypanosomes se montrèrent d’emblée réfrac- taires à 2 cent, cubes de sérum; le lendemain nous injectâmes de nouveau 2 cent, cubes de sérum à la souris : les parasites disparurent. Lors de la récidive, nous eûmes la curiosité de rechercher ce qu’étaient devenus ces Trypanosomes de rechute : nous vîmes que leur résistance avait baissé, et il fallut de nou- veau travailler la souris pendant un mois et demi pour faire tolérer à ses parasites la dose de 2 cent, cubes de sérum. Pour arriver à la résistance transmissible par passages, nous dûmes travailler, en deux mois, trois souris faites avec des Trypano- somes de récidives. Au bout de trois mois et demi (le 10 août), nous obtenions une souris RT dont les parasites supportèrent l’assaut de deux doses successives de 2 cent, cubes de sérum chacune. DE LA PRÉPARATION DE RACES DE TRYPANOSOMES 889 RT inoculée le 10 août 1910. A. n. 2 Extr. n. 2 E. n. Mort. 12 août. 13 août. 14 août. 15 août. Le sérum utilisé était encore très bon, l aminai producteur ayant été saigné le 30 juillet. Au bout de deux passages, la résistance se maintenait encore à 2 cent, cubes. Par la suite, au 30 octobre 1910, après vingt-sept passages, la résistance avait disparu comme dans les cas des races A et B. En somme, nous avons obtenu assez facilement trois races de Nagana résistantes au sérum de Cynocéphales. 1° La race B, réfractaire au début à 2 cent, cubes, a vu presque aussitôt son taux de résistance baisser et n’a plus sup- porté que 1 cent, cube, mais cela pendant un temps assez long (persistance de cet état réfractaire au quinzième passage). 2° La race A, qui s’est comportée exactement de la même façon que la race B, avec cette seule différence que la résis- tance à 2 cent, cubes n'a cessé qu’à partir du troisième passage. 3° La race C, qui a exigé une préparation plus longue que les deux premières, mais a pu supporter au début deux doses successives de 2 cent, cubes de sérum. Aucune de ces races n’a pu se maintenir indéfiniment. Chez nos souris, l'état réfractaire n’est jamais apparu d’em- blée, mais a au contraire suivi en général une marche assez régulièrement progressive, depuis la résistance aux doses faibles jusqu à la résistance aux doses les plus élevées. Enfin nous n’avons jamais observé, chez une souris que nous cessions de traiter, la transformation de l’infection trypanoso- mique aiguë en infection subaiguë ou chronique. + * Dans le but d'entreprendre certaines expériences destinées à déterminer les affinités des substances actives des sérums d'homme et de cynocéphales, nous avons essayé également d'obtenir chez la souris une race de Nagana résistante au sérum humain. Nous avons commencé nos essais en mars 1910 ; en octobre nous n’avions pu encore obtenir une seule fois la 890 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR • transmission par passages sur souris cle l'état rétractaire, bien qu'il nous fût arrivé à diverses reprises de posséder des souris chez lesquelles les parasites résistaient à l’injection d’une et même de deux doses successives de 2 cent, cubes de sérum humain. Exemple : JQ inoculée le 12 juillet 1910. N. r. 2 0 N. 2 Extr. n. 0 N. 2 13 juillet. 14 juillet. 22 juillet. 23 juillet. 24 juillet. 29 juillet. T. n. 2 R. A. n. 2 T. r. A. n. 2 T. n. 2 Mort 30 juillet. 31 juillet. 2 août. 3 août. 4 août. 5 août. 6 août. Malgré cela, les Trypanosomes d'une souris J D faite le 5 août sur JQ n’ont pas résisté à 2 cent, cubes injectés d’emblée. Nous croyons pouvoir expliquer facilement l’impossibilité où nous nous sommes trouvé d’obtenir une race résistante par ce fait que nous n'avons jamais eu à notre disposition (par suite de circonstances indépendantes de notre volonté) qu’un nombre limité d’individus fournisseurs de sérum. Nous ne pouvions obtenir ce dernier, grâce surtout à l’aimable obligeance de M. le Dr Aynaud, de l’hôpital Pasteur, que par très petites quantités provenant chaque fois d’individus différents. Or, nous avons constaté à maintes reprises des écarts d'activité considérables entre les sérums humains d’ori- gines diverses; et une différence d’activité de un sur deux par exemple prend, à notre sens, dans le cas particulier, une grande importance, si l'on songe que la dose thérapeutique pour un sérum humain actif est généralement comprise entre 1/4 et 1/2 cent. cube. Cette hypothèse trouve d’ailleurs sa confirmation dans les fortes variations de résistance que nous avons très souvent observées dans nos expériences, alors que nous chan- gions de sérum. Nous estimons que deux des premières condi- tions nécessaires pour obtenir des races de Trypanosomes résistantes à un sérum sont : 1° d’employer un nombre de four- nisseurs de sérum aussi réduit que possible; 2° que ces sujets possèdent des sérums d’activités d’autant plus voisines qu'ils sont eux-mêmes moins trypanocides. Il ne nous est arrivé qu’exceptionnellement d’observer des phénomènes d’hypersensibilité au sérum humain comme en DE LA PRÉPARATION DE RACES DE TRYPANOSOMES 891 signale Martin Jacoby : peut-être faut-il en voir la raison dans la multiplicité d'origine des sérums utilisés? Il convient toute- fois de remarquer que ces phénomènes se sont aussi montrés l’exception au cours de la préparation de nos races résistantes au sérum de Cynocéphales, où nous n'avons utilisé que trois productenrs de sérum ; nous avons pu traiter fort longtemps certaines souris, notamment celle du 23 novembre 1909, qui a été travaillée pendant trois mois et demi et a reçu 18 injec- tions de sérum durant ce laps de temps. ★ * * L’essai d'infection du Cynocéphale par une de nos races réfractaires au sérum de celte espèce animale (essai qui d’ailleurs a donné un résultat négatif), ainsi que la compa- raison des substances actives des sérums d’homme et de cyno- céphale, fait partie d’un travail commencé en collaboration avec M. Mesnil, et qui sera publié ultérieurement. ÉTUDE BIOLOGIQUE ET CHIIY1IQUE DE L’ADSORPTION DES TOXINES DIPHTÉRIQUE ET TÉTANIQUE PAR LA SUBSTANCE NERVEUSE ET DES PHÉNOMÈNES CORRÉLATIFS par Guy LAROCHE et A. GRIGAUT. (Travail des laboratoires des professeurs A. Chauffard et Pierre Marie.) L étude des affinités spécifiques de la substance nerveuse pour les toxines a eu pour point de départ l’expérience célèbre de Wassermann et Takaki (1). En injectant une ou plusieurs doses mortelles de toxine tétanique à des souris blanches, ces auteurs remarquèrent qu’on pouvait réduire considérablement et même annihiler l'effet du poison en le mélangeant préala- blement à une émulsion de cerveau. C’était la découverte du pouvoir neutralisant de la matière nerveuse. Cette expérience si simple a ouvert la voie à toute une série de travaux qui pré- sentent un rapport plus ou moins éloigné avec le phénomène de neutralisation, mais qui tous, comme lui, procèdent d’un même fait; l’adsorption de la toxine par la substance nerveuse. On chercha d’abord à préciser les conditions et le mécanisme de cette neutralisation et Metchnikoff (2) et ses élèves mon- trèrent qu’à ce point de vue, la substance nerveuse diffère du sérum antitétanique en ce que son action antitoxique est plus lim itée dans l’espace et dans le temps. C’est ainsi qu’on préserve sûrement un cobaye en lui injec- tant de l’émulsion cérébrale dans la cavité péritonéale et, vingt- quatre heures après, la dose mortelle de toxine tétanique au (1) Wassermann, Ueber eine neue Art, von kunstliche Immunitat. Berl.klin. Woch ,, 1898, n° 1, p. 4. Wassermann et Takaki, Ueber Tetanus antitoxische Ergeschaften cler nor malen Centralnervensystems. Berl. klin. Woch., 1898, ne 1, p. 5 et 6. (2) Metchnikoff, Recherches sur l'influence de l’organisme sur les toxines (3e mémoire). Toxines tétaniques et leucocvtes. Annales de l'Institut Pasteur , 1898, p. 262-212. DE U’ADSORPTION DES TOXINES DIPHTÉRIQUE ET TÉTANIQUE 893 même endroit, mais le cobaye prend le tétanos mortel si l'ino- culation du poison est faite quarante-huit heures ou plus long- temps après l’injection de la substance nerveuse. D'autre part, comme l’a prouvé Marie (1), pour obtenir un effet antitoxique, « une action de contact entre les éléments nerveux et la téta- notoxine est indispensable ». Ln lapin prendra le tétanos après inoculation d'une dose mortelle de toxine dans la patte posté- rieure, alors même qu’on lui aura injecté préalablement de l’émulsion cérébrale dans l'autre patte postérieure, ou même dans une région du corps plus rapprochée du lieu d inocula- tion. Ces expériences de Marie, rapprochées des recherches de Blumenthal (2), indiquent que la neutralisation n'est pas due à une antitoxine soluble et diffusible issue de la matière cérébrale, mais bien à la matière cérébrale elle-même. Ceci revient à dire que pour être neutralisée, la tétanotoxine doit s’aller fixer préa- lablement sur la substance nerveuse et que cette neutralisation n’est qu’une conséquence d'un phénomène plus général, l’adsor- ption. On sait d’ailleurs depuis longtemps combien sont grandes les affinités de la toxine tétanique pour le tissu nerveux; Knorr(3) centrifugeant un mélange en proportions convenables de toxine tétanique et de matière cérébrale, puis inoculant à des souris le liquide alors privé de la substance nerveuse, reconnut que celui-ci avait perdu presque toutes ses propriétés téta- nigènes. Il mit ainsi en évidence le pouvoir absorbant consi- dérable de la substance nerveuse pour la toxine tétanique. La toxine ainsi adsorbée, bien qu'ayant perdu sa toxicité, n’est pas détruite et il semble que la neutralisation dépende d’une réaction de l’organisme sur le mélange cerveau -|- toxine. Metchnikotf (4) fait remarquer en effet qu'un tel mélange, peu toxique pour un animal déterminé, peut se montrer éminem- ment toxique pour un autre animal. 11 y a plus, et chez le même animal inoculé en des régions différentes, du corps, (1) A. M\rie, Recherches sur les propriétés anitétaniques des centres ner- veux de l’animal sain. Annales de l'Institut Pasteur , 1898, p. 262-272. (2) Blumenthal, Ueber der Veranderung des Tetanusgiftes in Thierkôrper und seine Beziehung zum Antitoxin. Deutsche med. Woch ., 24 mars 1898, p. 185-188, (3) Knorr, Das Tetanusgift und seine Beziehungen zum thierischen Orga- nismus. Münch. med. Woch., 1898, n° 12, p. 362-367, et id. n° Tl, p. 321-325. (4) Loc. cit., p. 1. 894 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR • il peut produire des effets différents. C’est ainsi qu’un vo- lume déterminé d'un mélange en proportions convenables de cerveau -\- toxine injecté chez un cobaye dans les mus- cles de la cuisse produit un tétanos grave, alors qu’il n’a que peu ou pas d’effet lorsqu'il est déposé dans 1a. cavité péritonéale, mais dans ce dernier cas, apparaît une réaction leucocytaire locale plus intense et beaucoup plus rapide que celle qui suit l'injection intramusculaire. Metchnikoff conclut que la neutralisation est due à un phénomène de phagocytose englobant la matière cérébrale et, partant, la toxine qui s’y trouve fixée. I ne autre preuve que la toxine adsorbée par la matière céré- brale n'est nullement détruite réside dans ce fait qu’on peut lui rendre son activité première, et la mettre en liberté en détruisant ou tout au moins en modifiant l'intégrité de l’élé- ment nerveux qui lui sert de support. Marie et Tiffeneau (1) tétanisèrent des souris avec un mélange atoxique cerveau + toxine, soumis à l'action protéohydrolytique de la papaïne ou ayant subi le contact de l'éther ou de l’alcool. C’est par un phénomène analogue qu’en desséchant ce même mélange, on lui rend son pouvoir tétanigène. Restait à savoir, en second lieu, a quel principe le tissu ner- veux doit ses propriétés neutralisantes. Dès les premières recherches, les auteurs reconnaissent à cette substance une nature protéique, à cause de sa coagulabilité et de sa fragilité vis-à-vis des agents physico-chimiques les plus faibles. C’est ainsi que, en 1902, Morax et Marie (2) montrent que le cer- veau desséché perd 97 p. 100 de son pouvoir neutralisant. En 1905, Landsteiner et Eisler (3) notent que la substance cérébrale simplement mélangée à l’éther, et abandonnée à l'air pour permettre à l’éther de s’évaporer, n'était plus antitoxique. En 1907, Marie et Tiffeneau reprennent ces expériences et les complètent par l'expérience inverse qui consiste à faire agir (1) Marie et Tiffeneau, Etude de quelques modes de neutralisation des toxines bactériennes. Annales de l' Institut Pasteur, t. XXII, p. 289-299, et p. 644- 657, 1908. 2) Morax et Marie, Note sur les propriétés fixatrices de la substance céré- brale desséchée. Comptes rendus de la Société de Biologie, 27 déeembre 1902. 3 Landsteiner et Eisler, Ueber Agglutien und Lvsinzwirkung. Cent, fur Baki. Origin., t. XXXIX, 28 juillet 1905, p. 309-319. DE L’ADSORPTION DES TOXINES DIPHTÉRIQUE ET TÉTANIQUE 895 1 éther sur le mélange neutre cerveau toxine : la substance nerveuse perd ainsi son pouvoir neutralisant et le poison recouvre sa toxicité primitive. Ils constatent de plus que les choses se passent d'une manière identique quand on remplace, dans ces expériences, l'éther par l'alcool. Essayant, d'autre part, d’annihiler le pouvoir neutralisant de la matière céré- brale en la soumettant à l’action lipolytique de la stéapsine, ils n obtinrent que des résultats négatifs. Tous ces faits, joints à l’expérience de la papaïne relatée plus haut, plaident bien en faveur de la nature protéique de la substance nerveuse neutra- lisante. Les auteurs cherchèrent ensuite si cette propriété n'apparte- nait pas à d'autres groupes chimiques, et ils furent amenés à étudier systématiquement l'action sur la toxine tétanique des corps entrant dans la composition du cerveau et de différentes substances, dont les propriétés physiques et chimiques rap- pellent de plus ou moins loin les constituants nerveux. Landsteiner et Botteri (1) mettent la substance émulsionnée ou finement pulvérisée en contact, à la température ordinaire, avec une solution plus ou moins diluée de toxine. Au bout d une heure, le mélange filtré donne un liquide clair dont la toxicité est mesurée par injection à des cobayes. De cette façon, ils reconnaissent que la lécithine et la cholestérine possèdent un pouvoir adsordant faible et que le protagon montre pour la toxine une 'grande affinité. C'est ainsi que, dans leurs expé- riences, 0 c. c. 2o de protagon adsorhent nettement la toxine diluée au 1 / 300, au 1 / 200, et même au 1/100, tandis que Oc. c.oO de cholestérine n’adsorhent pas la toxine diluée au 1/800. Ils constatent parallèlement que le pouvoir neutralisant du pro- tagon est élevé. O Dans les mêmes conditions, l’acide stéarique neutralise une grande quantité de toxine, mais il s’agit là d'un phénomène destructif banal, commun à tous les acides; la tristéarine, bien privée d’acide, ne présente d'ailleurs aucune propriété anti- toxique. Des différentes matières protéiques qu'ils étudièrent ensuite : (1 Landsteiner et Botteri, Ueber Verbindungen von Tetânustoxin mit Lipoïden. Centr. für Bakt., t. XLI1, Heft 6, 29 octobre 1906, p. 562. 896 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR albumine du sérum coagulée par la chaleur ou desséchée, légumine, etc., la caséine seule se montra légèrement adsor- bante. Ils purent déterminer des phénomènes tétaniques avec 0 c. c. 05 de cette substance, mis en contact avec une dilution de toxine au 1/200, puis injectés après lavages à des souris. Marie et Tiffeneau poursuivirent l’étude du pouvoir neutrali- sant des différentes substances chimiques du cerveau vis-à-vis de la toxine tétanique. D’après leurs recherches, la névrine et la choline sont nettement antitoxiques, mais il s’agit là d’une action destructive analogue à celle des hases et des acides. Les lipoïdes : cholestérine, lécithine, céphaline, ne sont pas neutra- lisants, à l'exclusion toutefois du protagon qui se montre légè- rement actif, car 0 c. c. 05 de cette substance peuvent neutra- liser environ deux doses mortelles de tétanotoxine. Ces faits sont bien à l’appui des conclusions auxquelles ces auteurs étaient déjà arrivés en 1902, à savoir que le cerveau doit aux protéines les 97 p. 100 de son pouvoir antitoxique. Les tentatives qu'ils firent ensuite pour isoler la matière albuminoïde neutrali- sante ne les conduisirent cependant qu’à des résultats négatifs et, ni la dialyse de diverses solutions salines ayant macéré avec la matière nerveuse, ni la précipitation par l'acide acétique des protéines cérébrales dissoutes à la faveur des alcalis, ne leur permirent d’obtenir des produits neutralisants. Takaki (1), en reprenant l’élude de ce phénomène, aboutit à des conclusions tout à fait différentes. Pour lui, c’est l’alcool qui enlève le mieux à la matière cérébrale sa substance active, et l’extrait alcoolique doit lui-même ses propriétés aux céré- brosides et plus spécialement à l’acide cérébronique : 1 gramme d’acide cérébronique adsorberait jusqu’à 12.000 doses mortelles pour la souris, de toxine tétanique. Enfin, on doit rapprocher de ces expériences le fait signalé par L. Petit (2), à savoir que dans la réaction de Calmette (venin de cobra, lécithine et hématies], les toxines tétanique et diphtérique sont capables d'empêcher l'hémolyse en adsorbant la lécithine. Considérant l'ensemble de ces recherches, on voit que les (1) Takaki, Ueber Tetanusgift binclende Bestandteile des Gehirns. Beitr. zur chem. Ph. und. Path., 1908, t. XI, p. 238. In Bulletin Pasteur , 1908, p. 603. (2) L. Petit, Sur les propriétés lécithinophiles des toxines tétanique et diphtérique. Comptes rendus de la Société de Biologie , 9 mai 1908. DE L’ADSORPTION DES TOXINES DIPHTÉRIQUE ET TÉTANIQUE 897 auteurs sont loin d’être d’accord et qu’ils attribuent le rôle pré- pondérant dans les phénomènes d adsorption de la toxine téta- nique à des substances différentes. D’où viennent ces diver- gences? Sans mettre en cause l'état chimique, peut-être variable avec les auteurs, des mêmes corps soumis à l’étude, la diver- sité, en tout cas, des techniques employées n’y est pas étran- gère. Il ne faut pas oublier non plus que l’adsorption de la toxine tétanique par le cerveau n’est pas un phénomène simple. Déjà en 1903, llesredka (1) insiste sur ce fait qu’on ne doit pas con fondre le pouvoir fixateur et le pouvoir protecteur de la substance nerveuse. Dans l'expérience de Wassermann et Takaki, la toxine adsorbée se trouve entièrement neutralisée, mais la matière cérébrale est capable d’adsorber plus de toxine qu’elle n’en peut neutraliser et, dans ce cas, une partie du poison, quoique adhérent à la substance nerveuse, garde ses propriétés tétanigènes. L’étude des affinités de la substance nerveuse pour la toxine tétanique peut donc être comprise de plusieurs façons et, pour la clarté des faits, croyons-nous utile de spécifier ce que l'on entend exactement par pouvoir adsor- bant, pouvoir fixateur, pouvoir neutralisant d’une sublance. Le pouvoir adsorbant est la quantité de toxine qu’un poids déterminé de substance est susceptible de soustraire à un cer- tain volume d’une dilution donnée de celte toxine. La toxicité du liquide débarrassé de la matière adsorbante en est la mesure. Le pouvoir neutralisant est la quantité maxima de toxine qu’un poids déterminé de substance peut rendre inactive en injection à des animaux. Le pouvoir fixateur &e mesure par la toxicité qu’acquiert un poids donné de substance plongée dans une certaine dilution de toxine, et privée ensuite du poison en excès par lavages répétés. Il est bien entendu que ce terme ne présume en rien du sort de la toxine, que celle-ci soit intégralement fixée ou en partie neutralisée. Tels sont les faits pour le cas particulier de la toxine téta- nique, mais l’adsorption peut s’accompagner, pour d’autres toxines, de phénomènes extrêmement différents et même (1) Besredka, De la fixation de la toxine tétanique par le cerveau. Annales de l'Institut Pasteur , 25 février 1905, p. 138-147. 898 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR opposés. C'est ainsi que certaines toxines (diphtérique, tuber- culine, malléine) sont non plus neutralisées, mais au contraire activées, soit qu'il s'agisse réellement d'une augmentation de la toxicité (tuberculine, malléine), soit qu'il s’agisse simple- ment d'une réduction de l'incubation ou de la maladie expéri- mentale (toxine diphtérique). Ces données permettront, selon le cas, de mesurer le pouvoir activant. ADSORPTION DE LA TOXINE DIPHTÉRIQUE PAR LA SUBSTANCE NERVEUSE I. — Etude du pouvoir fixateur. Les travaux précédents, déjà nombreux, concernent presque uniquement la tétanotoxine et l'on peut se demander pourquoi l’étude de la toxine diphtérique a été si longtemps laissée de côté. C'est que les auteurs, ayant constamment en vue le phénomène si curieux de la neutralisation signalée par Was- sermann et Takaki, reconnurent vite que le cerveau ne possé- dait aucun pouvoir neutralisant vis-à-vis de la toxine diphté- rique, et que celle-ci ne pouvait, par conséquent, nullement convenir à leurs recherches. Envisageant cette étude d'une façon beaucoup plus large et cherchant à préciser non la seule neutralisation, mais le phénomène général de l'adsorption des toxines avec toutes ses modalités, nous avons été amenés à étudier les^ affinités spéciales du tissu nerveux pour la toxine diphtérique (1). Les faits cliniques et expérimentaux que nous avions observés mettaient nettement en évidence ce phénomène biologique de la fixation de la toxine diphtérique sur le tissu nerveux in vivo\ poursuivant ces recherches, nous avons pu constater qu’on pouvait la reproduire facilement in vitro. Il suffit en effet de mettre en contact la toxine diphtérique avec de la substance nerveuse pour conférer à celle-ci des pro- priétés toxiques qui subsistent, malgré des lavages répétés à l’eau physiologique. 11 s'agit donc bien là d'une fixation, et (1) Laroche et Grigaut. Adsorption et activation de la toxine diphtérique par la substance nerveuse et les lipoïdes phosphorés. Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 1er avril 1911. DE L’ADSORPTION DES TOXINES DIPHTÉRIQUE ET TÉTANIQUE 899 nous avons entrepris l’étude de ce pouvoir fixateur en nous adressant à la technique suivante : 0 gr. 50 de matière cérébrale ou de substance à étudier sont mis en contact à la glacière, soit dans un ballon, soit dans un tube couché, avec 20 centi- mètres cubes de toxine diluée au 1/20, 50 centimètres cubes d’une dilution au 1/50, 100 centimètres cubes d'une dilution au 1/1000, etc. La substance est recueillie après douze heures de macération et placée dans un tube à cen- trifugation, d'environ 50 centimètres cubes, rempli d'eau physiologique. On laisse en contact une demi-heure à une heure et on centrifuge. Le dépôt est recueilli, placé dans un autre tube de sérum artificiel et traité identiquement. Après quatre ou cinq lavages, l’excès de toxine non fixée est complètement éliminé. Il nous a été d’ailleurs facile de nous assurer à plusieurs reprises que les derniers liquides de lavage, injectés en plus ou moins grande quantité dans la cavité péritonéale ou dans le tissu sous-cutané des cobayes, ne déterminaient aucun trouble. Il va sans dire, d’autre part, que ces diverses manipulations doivent être conduites aseptiquement et, en particulier, l’on ne doit employer que des instruments, des vases et de l’eau physiologique stériles. La substance recueillie après un dernier lavage est égouttée et injectée à des cobayes, à la dose de t/5 de centimètre cube par voie sous-cutanée intrapéritonéale ou par inoculation sous- dure-mérienne, selon le cas. Cette dernière pratique est de beaucoup la plus sensible et permet de déceler des traces de poison. Elle est aussi la plus précise, car c’est la seule qui puisse donner des résultats toujours comparables, le pro- duit toxique étant porté immédiatement au niveau du tissu nerveux sans le secours de l'organisme. La maladie expérimentale déterminée par cette injection intra-cranienne de cerveau toxique dure exceptionnellement plus de vingt-quatre heures; l'animal ne présente aucun trouble immédiatement après l'injection et dans les heures qui suivent, puis il tombe sur le tlanc et meurt généralement entre la sixième et la huitième heure. Des cultures ont prouvé qu’il n'y avait pas d'infection secon- daire et, d’ailleurs, la rapidité de l’évolution de la maladie est telle qu’elle permet de rejeter toute cause infectieuse. En outre, des expériences de contrôle ont été faites chaque fois, avec les mêmes substances, ayant subi toutes les manipulations, à l’exception du contact avec la toxine, et les cobayes témoins sont toujours restés indemnes. D’autre part, on ne trouve à l’autopsie aucune trace de 900 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR • piqûre cérébrale et les cas s’accompagnant d’hémorragie mé- ningée accidentelle ou de troubles immédiats, par suite d’une injection mal faite, doivent être rejetés, quel que soit le résultat tinal de l'injection. Avec un peu de pratique, l’inoculation intra-cranienne se fait, d’ailleurs, avec grande facilité, et ces accidents, très facilement reconnaissables , se produisent rarement. La matière cérébrale possède un pouvoir fixateur considé- rable vis-à-vis de la toxine diphtérique (t), puisque, traitée par la solution de toxine au 1/20, puis injectée après lavages sous la peau des cobayes, elle détermine une intoxication diphtérique typique ; les résultats sont encore plus probants si l'on a recours à l'inoculation intra-dure-mérienne, car on peut provoquer ces accidents même avec la toxine diluée au 1/200. La substance nerveuse toxique possède les propriétés de la toxine diphtérique et peut être neutralisée in vitro par l'anti-toxine : du cerveau toxique mis à macérer pendant douze heures avec de l'antitoxine, puis lavé et injecté à des cobayes, ne détermine plus aucun trouble. Le parallélisme d’action se poursuit dans l'expérience de Roux et Borrel, et si l'on injecte de la substance nerveuse toxique dans la cavité crânienne de cobayes immunisés par le sérum antidiphtérique, la mort ou des paralysies peuvent s’ensuivre tout comme avec la toxine diphtérique. Du fait de cette première série d'expériences, on peut dire que : la substance nerveuse a fixé énergiquement la toxine diphtérique et que le poison ainsi fixé n1 a perdu aucune de ses propriétés biologiq lies. Nous avons cherché ensuite à préciser ce phénomène en essayant de déterminer les substances auxquelles le tissu ner- veux doit ses affinités pour la toxine diphtérique. Tout d'abord, les extraits obtenus, en épuisant le cerveau desséché successivement par l'alcool, l'éther, le chloroforme, et évaporant ensuite ces liquides dans le vide, se sont montrés énergiquement fixateurs, contrairement au résidu final de ces divers épuisements, qui contenait les substances protéiques dés- (1) Guillaix, Laroche et Grigaut. Fixation de la toxine diphtérique sur la substance nerveuse. Société médicale des hôpitaux , 12 novembre 1909, p. 544- o47. DE L’ADSORPTION DES TOXINES DIPHTÉRIQUE ET TÉTANIQUE 901 hydratées. Le rôle actif des lipoïdes apparaissait ainsi nettement. Dans le but de préciser ce premier fait, différents principes ont été extraits du cerveau et étudiés isolément. Nous avons tou- jours évité, dans leur préparation, l'emploi d’agents physiques ou chimiques trop énergiques, susceptibles d’altérer leurs caractères physiques essentiels ou de modifier trop profondé- ment leur état chimique initial. Nous avons cherché ainsi à sauvegarder, dans la mesure du possible, les propriétés bio- chimiques que ces corps possèdent in vivo ; aussi croyons-nous nécessaire, avant d’exposer ces recherches, d’indiquer les modes de préparation suivis, afin que les résultats obtenus puissent être comparés et discutés, s’il y a lieu, avec fruit. Les constituants chimiques du cerveau se répartissent, au point de vue des phénomènes d’adsorption, en groupes de sub- tances ayant chacun une attitude spéciale vis-à-vis d’une toxine déterminée et répondant, d’ailleurs, exactement aux groupes chimiques naturels. I. Le groupe de la cholestérine , corps ne renfermant ni phos- phore ni azote. Le produit qui a servi à nos recherches a été préparé en épuisant par l’acétone la bouillie de cerveau déshy- dratée par lavages répétés à l’alcool. Les solutions acétoniques abandonnent, par évaporation, la cholestérine cristallisée que l’on purifie ensuite par plusieurs cristallisations successives dans un mélange d’alcool et d’acétone. IL Le groupe des cérébrosides , corps ne renfermant ni phos- phore ni azote, mais caractérisés par le fait qu’ils donnent du galactose à l'hydrolyse. Nous avons employé la cérasine et la phrénosine, extraites du cerveau d’après la technique de Thu- dichum (t), et la cérébrine préparée selon les indications de Parkus (2É III. Le groupe des phosphatides , corps phosphorés et azotés. Nous devons à t'obligeance de M. Cousin deux de ces sub- stances, la lécithine et la céphaline, retirées d’un cerveau humain et préparées à froid selon les techniques qu’il a décrites. IY. Le groupe du protagon , substance qui, par ses produits (1) Die Chemische Constitution des Gehirn, Tübingen, 1901. (2) Journ. f. prakt. Chem., XXIV, 310, 1881. 902 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR de dédoublement, appartient à chacun des deux groupes précé- dents et semble être une combinaison de lipoïdes phosphores et de cérébrosides. Ce corps est très instable et les diverses techniques qui servent à sa préparation donnent des produits différents. Pour l'obtenir, en réduisant au minimum les chances d'altération, la bouillie de cerveau, lavée plusieurs fois à l’éther glacé, est épuisée par l’alcool à 85 p. 100 à la température de 45 degrés, et les solutions alcooliques réunies sonl filtrées à la même température, puis abandonnées à la glacière. Le protagon se dépose, mêlé à des traces de phosphatides et de cholesté- rine; on le purifie en le lavant plusieurs fois à l'éther froid, le reprenant par l'alcool à 85 degrés tiède et laissant refroidir lentement la solution. Nous avons obtenu ainsi des flocons blancs, neigeux, d'un protagon parfaitement cristallisé, qui a été lavé à l'eau pour éliminer les dernières traces d'alcool et soumis aux expériences biologiques sans être desséché. Tableau I. Pouvoir fixateur du cerveau et de ses constituants, vis-à-vis de la toxine diphtérique (Injections sous-cutanées au cobaye). SUBSTANCE INJECTÉE sous la peau des cobayes à la dose de 0,2 ccnt. cube. TITRE DES SOLUTIONS DE TOXINE DIPHTÉRIQUE dans lesquelles ont séjourné 12 heures 0 gr 50 de la substance injectée, et résultats obtenus. 1/100 1/50 1/20 1/10 pure. Cerveau (*) . nég. )> nég. » pos. nég. Extrait alcoolique » » pos. )) pos. Protagon )) )) nég. nég. nég. Albuminoïdes » )) nég. nég. nég. nég. neg. nég. (*) Le nombre des mots nég. et pos. indique le nombre des cobayes inoculés. Y. Le groupe \ des protéines. — Les meilleurs résultats nous ont été fournis par les substances albuminoïdes préparées de la façon suivante : un cerveau humain, privé de sang et débarrassé de ses méninges, est réduit en bouillie, puis placé dans un DE L’ADSORPTION DES TOXINES DIPHTÉRIQUE ET TÉTANIQUE 903 récipient avec 5 litres de solution de chlorure de sodium à 10 p. 100. On agite énergiquement et on abandonne le mélange à la glacière pendant vingt-quatre heures. La matière cérébrale se dépose et le liquide surnageant, décanté et filtré, est addi- tionné de 1.500 grammes de sulfate d’ammoniaque, puis replacé à la glacière. Tableau II. Pouvoir fixateur du cerveau et de ses constituants vis-à-vis de la toxine diphtérique (Injections intra-craniennes au cobaye). SUBSTAXCE INJECTÉE dans le crâne des cobayes à la dose de 0,2 cent. cube. TITRE DES SOLUTIONS DE TOXINE DIPHTÉRIQUE dans lesquelles ont séjourné 12 heures 0 gr 50 de la substance injectée, et résultats obtenus. 1/200 1/100 1/50 1 20 1/10 pure. Cerveau frais (*). pos. pos. pos. » pos. pos. pos. pos. pos. pos. pos. Cerveau desséché. )) pos. )) » » )) Extrait alcoolique » )) pos. pos. » )) (formé en majeure partie pos. pos. de lipoïdes phosphorés). pos. pos. Extrait chloroformique. » pos. pos. pos. )) )) pos. pos. Extrait éthéré (formé )> pos. pos. pos. )> )) de lipoïdes phosphorés pos. et de cholestérine). pos. Prolagon. » nég. pos. pos. pos. » Résidu de cerveau traité » )> » née’. » )) par l’alc., éther, chloroforme nég. (ne contient que des albuminoïdes déshydratées). Cholestérine. )> » )> nég. » nég. nég. nég. i ' . neg. neg. Cérébrine. )) )) » nég. » nég. neg. nég. nég.. Cérébroprotéines. » » » nég. )> nég. nég. nég. (*) Le nombre des mots nég. et pos. indique le nombre des cobayes inoculés. 904 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Au bout de douze heures, les matières protéiques qui se sont séparées sont recueillies et privées, par une centrifugation énergique, du liquide qui les accompagne, puis soumises à la dialyse. 11 va sans dire que ces diverses manipulations doivent être conduites aseptiquement, et l’on ne doit employer que des vases et des liquides stérilisés. La substance que l’on obtient, formée par les globulines et la cérébronucléoalbumine, est soumise immédiatement aux épreuves d'adsorption. Dans le cas particulier de la toxine diphtérique, les lipoïdes appartenant aux deux premiers groupes : cholestérine et céré- brosides, possèdent un pouvoir fixateur nul, c’est-à-dire que, fdongés même dans la toxine pure ils ne manifestent, après lavages, aucune propriété toxique. Les lipoïdes phosphorés du troisième groupe sont les substances fixatrices par excellence et ce sont eux qui donnent aux extraits de cerveau mentionnés plus haut toute leur activité. Le protagon, quoique moins éner- gique, fixe encore la toxine dans les dilutions au 1/20, et son infériorité sur les autres phosphatides n’a rien qui doive nous surprendre si l'on songe que dans sa molécule entre une forte proportion de cérébrosides, corps qui ne fixent pas la toxine diphtérique. Quant aux substances protéiques isolées, suivant le procédé ([ue nous avons exposé, elles se sont montrées inaptes à fixer la toxine diphtérique. Ce résultat est d’autant plus inté- ressant que ces mêmes substances mises en présence de la toxine tétanique, comme nous te verrons plus loin, la fixent énergiquement et sont capables ensuite de tétaniser des souris. Il ne faut pas perdre de vue que, d'une façon générale, ces phénomènes de fixation se produisant in vitro sur des corps séparés brutalement de la matière nerveuse ne peuvent donner qu’une indication générale sur le rôle réel de ces substances dans l’organisme, là où leur activité peut se trouver consi- dérablement accrue grâce à l’ intégrité de leurs propriétés phy- sico-chimiques. DE E’ADSORPTION DES TOXINES DIPHTÉRIQUE ET TÉTANIQUE 005 II* — Phénomènes secondaires a l’adsorption de la toxine DIPHTÉRIQUE PAR SUBSTANCE NERVEUSE. PROPRIÉTÉS DES COMPLEXES FORMÉS PAR LE TISSU NERVEUX OU SES CONSTITUANTS CHIMIQUES AVEC LA TOXINE. A. — Pouvoir activant de la substance nerveuse et de ses lipoïdes phosphores vis-à-vis de la toxine diphtérique . Les expériences précédentes démontrent que le cerveau et ses lipoïdes phosphorés rendus toxiques gardent les propriétés du poison diphtérique : le cerveau toxique est neutralisé in vitro par l’antitoxine, et injecté dans la cavité crânienne de cobayes immunisés par le sérum antidiphtérique, il les tue tous comme la toxine libre. Mais il y a plus, car nous avons constaté que non seulement la toxine fixée n'a perdu aucune de ses propriétés biologiques; au contraire, le simple fait d’être combinée à la substance nerveuse semble lui avoir conféré une recrudescence de toxicité. Le cerveau et ses lipoïdes phosphorés possèdent, en effet, un pouvoir activant très net vis-à-vis de la toxine diphtérique. 1° Ils raccourcissent la pér iode dé incubation de h intoxication diphtérique . Avec la toxine pure et malgré des doses considérables, on ne peut réduire cette période à moins de dix heures (tableau III); le cerveau ou les lipoïdes toxiques, au contraire, tuent le cobaye en huit ou trente-six heures après une incubation de trois heures et demie à six heures. Tableau III. Survie des cobayes injectés avec de la toxine diphtérique pure par voie intracérébrale. COBAYES DOSE DE TOXINE PURE injectée pai voie intracérébrale. PHÉNOMÈNES PRÉSENTÉS par les cobayes. N° 1. Poids : 350 . . . . 0,2 Malade à la 12e heure. Mort à la 48e heure. N» 2. Poids : 520 ... . 0,15 Malade à la 15e heure. Mort en 36 heures. N° 3. Poids : 400 .... 0,5 » Malade à la 10e heure. Mort en 12 heures. 906 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 2° Ils raccourcissent la durée de* la maladie . Le phénomène se produit en mélangeant simplement les phosphatides et la toxine au moment même de 1 injection. Les expériences du tableau IV montrent que la lécithine toxique tue le cobaye plus vite que la toxine seule par voie intra-céré- brale, et celles du tableau Y prouvent que l’addition de cépha- line à la toxine diphtérique au moment même de l’injection active son action par voie sous-cutanée. Des expériences poursuivies indépendamment des nôtres, par de Waele (1), confirment ces faits. Par addition de léci- thine à la toxine diphtérique en injection sous-cutanée ou intracérébrale, cet auteur constate que l’incubation est rac- courcie, la mort plus rapide. Pensant qu’il s’agissait d’un pro- lécithide qui, réuni à la lécithine, donnerait un toxolécithide analogue à ceux isolés par Morgenroth et Garpi dans le venin du scorpion ou de l’abeille, de Waele a essayé, mais en vain, d’isoler cette combinaison de toxine diphtérique et de léci- thine. Tableau IV. Activation de la toxine diphtérique par les lipoïdes phosphorés (injection intracérébrale). COBAYES TOXINE DIPHTÉRIQUE diluée à moitié dans l’eau stérilisée, à 7 p. 1000. DOSE DE LÉCITHINE ajoutée in vitro à la toxine, avant l’injection. MORT des cobayes. N° 1. V gouttes. 1/4 de milligramme. 24 h. N° 2. Y — 1/2 milligramme. 21 h. N° 3. V — 1 milligramme. 24 h. N° 4. V — 6 milligrammes. 12 h. N° 5. V — 0 36 h. Tableau V. Activation de la toxine diphtérique par la céphaline (injection sous-cutanée). Nous ne citerons qn'une expérience entre quelques autres dont elle est le type. (1) De Waele, Recherches sur l’anaphylaxie contre les toxines et sur le mode d’adsorption des toxines. Zeits. fur Imunitat , Bd III, Heft 5, p. 478-503, 1909, et Ibid. Du rôle des lécithines dans l’adsorption et l’action des alca~ loïdes. Bd III, 1909, p. 503. DE L’ADSORPTJON DES TOXINES DIPHTÉRIQUE ET TÉTANIQUE 907 Cobaye I: Reçoit Oc. c. 1 de toxine pure additionnée de 1/4 de milligramme de céphaline. Mort en vingt-quatre heures (Poids, 420 grammes). Cobaye 2 : témoin, reçoit Oc. c.i de toxine pure. Mort en quarante-huit heures (Poids : 480 grammes). B. — Pouvoir neutralisant de la substance nerveuse vis-à-vis de la toxine diphtérique . Plus ieurs expérimentateurs et nous-mêmes avons pu cons- tater que, par suite de l’injection sous-cutanée d une seule dose mortelle de toxine diphtérique mélangée à une grande quantité de matière cérébrable ou de lécithine (un quart de cerveau de cobaye, par exemple), le cobaye inoculé survit. S’agit-il d’une action neutralisante ? Le phénomène serait tout à fait intéressant ; une petite dose de cerveau activerait la toxine, une grosse dose la neutraliserait. De Waele pense qu’il s’établit un coefficient de partage du poison entre la lécithine injectée et les lipoïdes tissulaires, au désavantage de ces derniers. On peut supposer que la toxine, qui ne se libère que lentement et d'une manière progressive de cette masse de lipoïdes, peut ainsi se trouver facilement dé Iruite par l’organisme. Conclusions. Il résulte de ces faits que le poison diphtérique se fixe énergiquement sur la substance cérébrale et , en particulier , sur ses lipoïdes phosphorés , et que ses propriétés toxiques s en trou- vent activées. La matière nerveuse se montre donc , dans ce cas , adsorbcinte , fixatrice et activante. ADSORPTION DE LA TOXINE TÉTANIQUE PAR LA SUBSTANCE NERVEUSE r I. — Etude du pouvoir fixateur. Contrairement au pouvoir neutralisant, le pouvoir fixateur du cerveau pour la tétanotoxine a été peu étudié. Seule, une expérience de Besredka (1) permit à cet auteur de distinguer (1) Besredka, De la fixation de la toxine tétanique par le cerveau. Annales de l'Institut Pasteur , 25 février 1905, p. 138-147. 908 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR le pouvoir fixateur du pouvoir protecteur. Faisant macérer le cerveau avec la toxine tétanique, il constata que la substance nerveuse lavée était capable de donner le tétanos (cerveau toxique sursaturé) et que le pouvoir fixateur était plus grand que le pouvoir neutralisant. L’excès de toxine neutralisée et fixée a conservé encore ici les propriétés de la toxine tétanique pure et, tout comme celle-ci, elle peut être neutralisée par de l’antitoxine. Tableau VI. Pouvoir fixateur des constituants lipoïdes du cerveau vis-à-vis de la toxine tétanique (Injections sous-cutanées à la souris). S 3 .2 s1 in O xfi CD MOIS DE MAI SUBSTANCE « PS O © ■*-= H w Ti ^2 HH " a *® P* S -s * O © nerveuse. h rt 0) C " — 5 CC fl O 3 ‘H O CL. CS 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 Cerveau desséché. 1/50 0,1 0 0 T T T M )) )) )) » Pure. 0,1 0 0 0 0 T T T T T 0 — - 0,2 0 T T T T M » )) » » Lécithine. 1/20 0,1 0,15 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1/50 0,1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 Pure. 0,1 0 0 0 0 0 0 0 M1 » » Protagon. 0,2 0 0 0 0 0 0 0 0 ü 0 1/20 0,1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 Pure. 0,2 0 0 M » » » » » » » Cérébrine. 1/20 0,1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 — 0,2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 Cholestérine. Pure. 0,1 0,2 0 0 0 0 0 0 0 0 T T T T T M T M M » » )> Les lettres T indiquent l’apparition des signes de tétanos; les lettres M la mort de l’animal; M1 mort sans tétanos. UE L’ADSORPTION DES TOXINES DIPHTERIQUE ET TÉTANIQUE 909 Nos expériences (1) ont défini quelles étaient les substances fixatrices de la toxine tétanique dans le tissu nerveux. Elles ont été faites suivant la technique que nous avons indiquée pour la toxine diphtérique, mais en pratiquant les inoculations à des souris par voie sous-cutanée. Les résultats obtenus montrent en premier lieu que le cerveau desséché reste en partie fixateur, malgré la destruction des substances pro- téiques. Les lipoïdes phosphorés (lécithine), le protagon, les lipoïdes non phosphorés (cholestérine, cérébrine) sont actifs, mais ils le sont très peu, car, plongés dans une solution de toxine au 1/20, puis lavés, ils ne tuent plus la souris (tableau VII). Tableau VII. Pouvoir fixateur de l’albumine du cerveau vis-à-vis de la toxine tétanique (injections sous-cutanées à la souris). TITRE de la solution DOSE d’albumine toxique inoculée après lavage à la souris. MOIS DE MAI de toxine tétanique. 13 14 15 16 17 18 19 20 Pure. 0,1 0 0 T M )) )) » » — 0,2 0 0 T T M )) » )) — 0,3 0 0 T T M » )> )) 1/20 0,1 0 0 T M » » )) )) — 0,2 0 0 T (*) )) )) » )) » (*) Mort, le même jour. Par contre, l’albumine du cerveau, préparée comme il a été dit plus haut, nous a toujours donné des résultats positifs, même avec la toxine diluée au 1/50. Elle jouit donc d’un pou- voir fixateur intense vis-à-vis de la loxine tétanique, et cette constatation s’oppose au pouvoir fixateur nul que possède la même albumine vis-à-vis de la toxine diphtérique (tableaux VIII, IX, X, XI). En résumé, nous pouvons conclure que parmi les consti- tuants chimiques du cerveau, ce sont en partie les lipoïdes, mais surtout l’albumine, qui fixent la toxine tétanique. (1) Laroche et Grigaut, Rôle des protéines dans l’adsorption et la neutra lisation de la toxine tétanique par la substance nerveuse. Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 1911, p. 657. 910 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Tableau VIII. Pouvoir fixateur de l'albumine du cerveau vis-à-vis de la toxine tétanique (même technique). DE LA SOLUTION de ine tétanique. IINE TOXIQUE rès lavage ouris MOIS DE MAI . : < i ET JUIN f * ? fiai hJ « ea ce _j œ — . <%.ce ... TITRE tox ^ O o Q 31 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Pure 0,1 0 0 T M » » )) » )) » » » )) 1/10 0,1 0 0 0 0 T T T M )) )) )) )) » 1/20 0,1 0 0 0 0 T T T T T T M » )) 1/50 0,1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 T T T M — 0,1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 M1 )) )) )) M1 Mort sans tétanos. Tableau IX. Pouvoir fixateur de 1 albumine du cerveau vis-à-vis de la toxine tétanique (même technique). TITRE de la solution de toxine tétanique. i ! DOSE d’albumine toxique inoculée après lavage a la souris. 11 MOIS DE 12 JUILLET 13 14 1/10 0,1 0 T M «. ; ; » 1 1/20 0,1 0 T T M 1/20 0,1 0 T T M Tableau X. Pouvoir fixateur de l’albumine du cerveau vis-à-vis de la toxine tétanique (même technique). TITRE de la solution de toxine tétanique. 1/10 1/20 1/50 1/100 DOSE D’ALBUMINE inoculée après lavage à la souris. 0,1 0,1 0,1 0,1 MOIS DE JUIN 14 15 16 17 18 19 20 21 V 0 0 T T M » » » 0 0 0 0 T T T 0 Négatif. Négatif. 'DE L’ADSORPTION DES TOXINES DIPHTÉRIQUE ET TÉTANIQUE 911 II. — Phénomènes secondaires a l’adsorption de la toxine TÉTANIQUE PAR LA SUBSTANCE NERVEUSE. Propriétés des complexes f ormés par le tissu nerveux ou ses constituants chimiques avec la toxine. Tous les expérimentateurs, après Wassermann et Takaki, •ont pu reproduire facilement le phénomène de neutralisation de la toxine tétanique par la substance nerveuse. Le problème est plus délicat lorsque l’on cherche à réaliser ce phénomène avec différents corps extraits du cerveau. Sans vouloir revenir sur cette question, il ressort des recherches multiples faites à cet égard que le protagon et le cérébron seuls ont pu être isolés chimiquement, avec conservation de leurs propriétés anti toxiques. Dans nos recherches, nous avons constaté, comme Marie et Tiffeneau, que le protagon jouit de propriétés anlitoxiques très faibles si on les compare aux propriétés antitoxiques de la substance nerveuse totale. Il nous a fallu 10 centigrammes de protagon pour neutraliser cinq doses mortelles, pour la souris, de toxine tétanique. Tableau XI. Pouvoir neutralisant du protagon et de lalbumine du cerveau vis-à-vis de la toxine tétanique [*). (Injections sous-cutanées à la souris.) SUBSTANCE étudiée. DOSE de la substance ajoutée à la toxine tétanique avant l’injection. DOSES de toxine tétanique. RÉSULTATS NOTÉS chez les souris inoculées. Protagon. : 10 centigr. 10 — " 10 — 1 dose. 5 doses. 10 doses. Pas de tétanos. Pas de tétanos. Tétanos, le 3e jour. Mort, le 5e. Àlbu mine. 3 centigr. 5 — “ 5 — 5 — 1 dose. 5 doses. 10 doses. 20 doses. Pas de tétanos. Pas de tétanos. • Tétanos, le 3e jour. Mort, le 4e. Tétanos, le 2e jour, Mort, le 3e. Témoin. 0 — 1 dose. Tétanos, le 3° jour. Mort, le 10®. (*) Cette toxine tétanique était active pour la souris à la dose de 0,003 (une dose mortelle). 912 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR » Nous avons pu obtenir des effets antitoxiques très nets avec les matières albuminoïdes isolées, comme il été mentionné plus haut, et 0 gr. 05 de ces substances ont neutralisé jusqu’à cinq doses mortelles d’une toxine tétanique (tableau NII). Ce pouvoir neutralisant, quoique faible, est déjà un progrès sur les résultats absolument négatifs fournis par l’albumine du cer- veau, desséchée ou modifiée de toute autre manière. 11 permet de présumer l'action considérable que cette substance doit avoir in vivo , là où elle possède la plénitude de ses moyens d’action, grâce à la complète intégrité de ses propriétés physico- chimiques, jointe à la promiscuité de ses congénères nerveux qui, en s’unissant à elle, peuvent multiplier ses effets. Conclusion. 11 résulte de ces faits que le cerveau fixe énergiquement la toxine tétanique , grâce surtout à ses substances protéiques, et que ces mêmes substances se montrent en même temps neutralisantes. Elles sont donc , ci son égard , adsorbantes, fixatrices et neutra- lisantes. III. — Considérations générales sur l’adsorption DES TOXINES DIPHTÉRIQUE ET TÉTANIQUE PAR LA SUBSTANCE NERVEUSE. Parallèle entre les deux toxines. — Ces faits dans leur ensemble éclairent la physiologie pathologique des deux toxi- infections diphtérique et tétanique Ils montrent les caractères qui les rapprochent et les éloignent, et ces différences trouvent leurs raisons dans des combinaisons avec des substances diffé- rentes du tissu nerveux. La clinique a montré que toutes deux sont des maladies caractérisées par une infection restant toujours pour les uns, presque toujours pour les autres, localisée au point d’inocula- tion. Les bacilles y sécrètent des toxines qui, par la voie des nerfs, remontent jusqu’aux centres nerveux. Nos faits cliniques et expérimentaux prouvent que ces toxines peuvent se retrouver fixées sur les cellules nerveuses au niveau de centres qui correspondent au siège des phéno- mènes cliniques, mais ici s’arrêtent les points communs. DE L’ADSORPTION DES TOXINES DIPHTÉRIQUE ET TÉTANIQUE 913 Cliniquement on sait combien le tableau est différent : la toxine diphtérique, se combinant avec la substance nerveuse, détermine des paralysies; la toxine tétanique produira le plus souvent des contractures. L’expérimentation, entin, nous apprend que la toxine téta- nique est fixée et neutralisée, et que la toxine diphtérique est activée par le tissu nerveux. Il existe donc un contraste cli- nique et biochimique très net entre les deux intoxications. Peut-on éclairer ces faits, d’apparence si opposés? Des recherches précédentes il résulte que les deux toxines adsorbées par le tissu nerveux contractent avec lui une combi- naison complexe qui jouit d’une stabilité très marquée. Ce complexe résiste aux lavages énergiques et répétés et, pour le dissocier, il faut avoir recours à des moyens plus effi- caces. C’est en détruisant l’élément nerveux qui lui sert de sup- port que l’on met la toxine en liberté et c’est en se fondant sur l’affinité considérable que possèdent les toxines pour les anti- toxines correspondantes que l’on pourra libérer la substance nerveuse de cette combinaison et la rendre susceptible de fixer de nouvelles quantités de toxine. Les expériences précédentes montrent, en outre, que la toxine diphtérique est fixée et activée par les éléments lipoïdes phosphorés du tissu nerveux et que la toxine tétanique est fixée et en particulier neutralisée par les substances protéiques. Ces faits ne sont, d’ailleurs, pas isolés et nous verrons qu'ils se relient à toute une série d’observations faites sur d’au- tres poisons et toxines. Il y a donc opposition très nette entre les deux toxines. Peut-on supposer que la toxine tétanique est convulsivante parce qu’elle s’attaque aux éléments albuminoïdes de la cel- lule nerveuse, et que la toxine diphtérique est paralysante parce qu’elle se fixe sur les phosphatides cellulaires? Il est actuellement encore impossible de répondre à cette question, et là encore des expériences et des recherches nouvelles sont nécessaires pour compléter ces faits. DE L’ÉTIOLOGIE DE LA PÉRIPNEUMONIE par le Dr E.-J. MARTZINOVSKI. (avec la PL XII) Depuis que le microbe de la péripneumonie a été découvert en 1898, par Nocard et Roux, aucune étude n’avait été faite en ce qui concerne la morphologie de ce microbe, de sorte que le récent travail de Bordet et celui de Borrel, Dujardin-Beau- melz, Jeantet et Jouan sont les premiers qui traitent de cette question. Les conclusions de ces auteurs ne sont toutefois pas sem- blables, car Bordet incline à considérer le microbe de la péri- pneumonie comme se rattachant aux espèces des vibrions et des spirilles, tandis que Borrel, Dujardin-Beaumetz, Jeantet et Jouan sont d’avis que le nom d'Asterococcus mycoïdes exprimerait mieux ses caractères. On peut s’expliquer le désaccord des auteurs par ce fait que le microbe en question n’était étudié jusqu’alors que dans des cultures où il donne lieu facilement à des formes d’involution. Quand nous avions entrepris nos recherches sur le microbe de la péripneumonie en 1909, les travaux mentionnés ci-dessus n'étaient pas encore publiés. Nous nous sommes demandé ce qu’est le virus de la péri- pneumonie, si c'est une bactérie ou s’il représente un stade quelconque de l’évolution d’un protozoaire? xNous nous sommes donc proposé de faire des recherches, en premier lieu pour obtenir des cultures du virus, et en second lieu pour découvrir des protozoaires ainsi que des bactéries dans le sang, l'exsudât pulmonaire et dans les autres organes parenchymateux. Pour nos recherches, nous avons utilisé l’exsudât pulmonaire de deux vaches atteintes de péripneumonie et nous l’avons ensemencé sur des milieux convenables (gélose et bouillon Martin additionnés de sang de veau). D’autre part, nous avons fait des frottis avec ! 'exsudât et le tissu pulmonaires et avec d’autres organes. DE L’ÉTIOLOGIE DE LA PÉRIPNEUMONIE 915 Nous avons prélevé des échantillons de tous les organes de ces deux vaches en vue de recherches histologiques dont les résultats seront publiés ultérieurement. N’ayant pu constater la présence de protozoaires dans l’exsu- dât pulmonaire, pas plus que dans les tissus des organes, nous étions amené à cette conclusion que les protozoaires n’ont aucune part dans la production de la maladie, et ainsi notre tache se trouvait facilitée. Il ne nous restait plus que de tenter d’obtenir des cultures du microbe de Nocard et Ptoux et surtout de constater la pré- sence de ce microbe dans les tissus de l’organisme infecté. Dans ce but, nous colorions des frottis sans fixation préa- lable, car la matière organique, lors de la fixation soit par la chaleur, soit par l'alcool absolu, se contracte, et ses dimensions diminuent. Le microbe de la péripneumonie est de dimensions tellement petites qu’on ne peut pas distinguer sa forme en se servant des grossissements les plus puissants qui soient à notre disposition, et il devient encore plus petit après fixation. Il va sans dire que toutes les manipulations, au cours de la coloration des frottis, doivent être faites avec les plus grands soins. Les diverses méthodes de coloration ont été essayées : solu- tion de Ziel, Gram, encre de Chine et Giemsa (4 à 6 heures). Les meilleurs résultats nous ont été donnés par le Giemsa. Le microbe de la péripneumonie ne prend pas le Gram; la solution de fuchsine et les autres couleurs d’aniline surco- lorent le fond des frottis et, par conséquent, ne peuvent être utilisées; sur des préparations colorées à l’encre de Chine, le microbe, à cause de ses dimensions trop petites, est peu visible au milieu des cellules en voie de destruction. Notre méthode de coloration des frottis sans fixation préa- lable nous a donné des résultats excellents, car nous avons pu constater, en nous servant du grossissement de 1000, une énorme quantité de microbes très petits qui se dégagent nette- ment sur le fond. En comparant des frottis colorés comme il est dit ci-dessus, avec des frottis fixés par l’alcool, on peut se convaincre encore mieux des avantages de notre méthode. Sur des préparations fixées par l’alcool, on ne peut pas déceler les microbes, ceux-ci 910 ANNAI.ES DU L’INSTITUT PASTEUR f se présentant sous l’aspect d une substance finement granu- leuse ne permettant de distinguer aucune forme précise. Le microbe de la péripneumonie, d’après nos recherches, est immobile, très polymorphe, entouré d’une gangue muqueuse à peine visible, fait déjà signalé par les auteurs précités. Ce microbe affecte l'aspect de cocci allongés, isolés ou réunis en diplocoques, ou encore en courtes chaînettes formant quelque- fois un anneau. Il affecte aussi l’aspect de bâtonnets renllés en leur milieu, isolés ou réunis en filaments. Parfois entin, la forme des éléments rappelle celle des vibrions el des spirilles. En dépit de cette multiplicité de formes apparentes, ce mi- crobe est ordinairement un coccobacille. Il faut noter que le nombre des microbes existant sur des préparations varie suivant l’origine du prélèvement. Dans f exsudât pulmonaire, dont on se sert d’ordinaire pour l'ense- mencement sur des milieux, il n'y a que très peu de microbes; il en esl de meme dans les foyers d’hépatisation rouge ; au con- traire, dans ceux d’hépatisation grise, les microbes sont en extrême abondance. Nous avons rencontré, sur quelques-unes de nos prépara- tions, à côté du microbe de la péripneumonie, un diplostrepto- coque qui prend le Gram. L’ensemencement sur les milieux mentionnés plus haut ne nous a pas donné de résultats favorables; dans un seul tube de bouillon au sang, nous avons obtenu une culture pure du microbe de la péripneumonie, tandis que dans tous les autres tubes le développement de celui-ci a été étouffé par un gros diplostreptocoque. Pour débarrasser l’exsudât pulmonaire des microbes étran- gers à la péripneumonie qui peuvent s’y trouver, nous avons filtré l’exsudât avant l’ensemencement (quelquefois aussi le bouillon au sang déjà ensemencé) au moyen d’une bougie Chamberland ou de plusieurs couches de papier-filtre, ce qui a donné des résultats très satisfaisants. Quand le développement du microbe de la péripneumonie se produit, le bouillon se trouble un peu et devient opalescent. Pour déceler le microbe dans des cultures, nous avons cen- trifugé, dans des pipettes courtes et effilées, le bouillon dans lequel s’est développé le microbe. La centrifugation terminée, DE L’ETIOLOGIE DE LA PERIPNEUMONIE 917 après avoir cassé l’extrémité de la pipette, nous avons placé le contenu sur une lame et l'étalement a été fait avec une petite quantité de blanc d'œuf. L’aspect que nous a alors donné le microbe dans des cultures a été le même que celui que nous avons observé dans des frotlis de 1 exsudât pulmonaire, avec cette ditïérence que des formes d involution, filaments, spirilles et d’assez grosses for- mations globuleuses, apparaissaient rapidement. Ainsi, l'étude du microbe de la péripneumonie, dans les tissus de 1 organisme infecté et dans les cultures, nous permel de ranger le microbe de Nocard et Roux dans le groupe des coccobacilles, de sorte que le nom de coccobacillus mycoïdes peripneumoniæ lui conviendrait parfaitement, car il indique toutes les propriétés de ce microbe singulier. BIBLIOGRAPHIE Nocard et Roux. Le microbe de la péripneumonie. Annales de l'Institut Pasteur , 1898, p. 240. J. Bordet. La morphologie du microbe de la péripneumonie des Bovidés. Annales de l Institut Pasteur , 1910, p. 161. Borrel, Dujardin-Beauwetz, Jeaxtet et Jouan. Le microbe de la péripneu- monie. Ibidem, p. 168. EXPLICATION DE LA PLANCHE XII 1, 2. Frottis du poumon. On voit au milieu un gros amas de cocci et coccobacilles. Coloration au Giemsa. Grossissement 1100. 3. Frottis du poumon. On voit bien, au milieu d’un amas de microbes, des formes bacillaires. Mêmes coloration et grossissement. 4, 5. Frottis du poumon. Formes variables du microbe de la péripneu- monie. Coloration au Giemsa. Grossissement 2100. 6. Préparation N3. Grossissement 2100. 7. Frottis d’une culture du microbe de la péripneumonie. Coloration au Giemsa. Grossissement 1100. 8. Préparation précédente. Grossissement 2100. On voit, au milieu, des formes rappelant les vibrions ou les spirilles. DU POUVOIR HÉMOLYTIQUE DES STREPTOCOQUES par Fr. JUPILLE (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff). C’est à Borclet que revient le mérite d’avoir signalé (1) la propriété hémolytique clés streptocoques. Quelques années plus tard, Besreclka (2) a démontré que cette propriété relève d’une substance particulière qui est sécrétée par les streptocoques et qui peut en être séparée par filtration à la manière des toxines ; cette substance hémolytique, débarrassée des corps microbiens, a été désignée par Besreclka sous le nom de streptocolysine. 11 était intésessarit de savoir si parmi les streptocoques, sapro- phytes et pathogènes, qui se rencontrent dans la nature, on en trouve beaucoup qui soient doués du pouvoir hémolytique ; si tous les streptocoques hémolysants sécrètent la streptocolysine avec la même facilité; si cette propriété hémolytique est fonc- tion de l’âge des cultures, de leur mode de développement ou du pouvoir pathogène. Pour résoudre ces différents problèmes, nous nous sommes adressé aux streptocoques de la collection qui sert à la prépa- ration du sérum antistreptococcique, et qui sont au nombre de trente- trois ; ceux-ci proviennent des infections les plus variées de l’homme et des animaux (septicémie, scarlatine, fièvre puer- pérale, angine grave, suppuration, érysipèle, gourme, etc.). Pour chacun de ces trente-trois streptocoques nous avons étudié le pouvoir hémolytique des cultures de vingt-quatre heures, de la streptocolysine correspondante (de 24 heures) et des cultures de cinq jours ; nous notions en passant l’aspect que revêtaient macroscopiquement les cultures de vingt-quatre heures. Voici quelques mots sur la technique employée. Tous les streptocoques étaient cultivés dans le mélange recom- (1) Ces Annales , 1897, p. 177. (2) Ibid., 1901, p. 880. 1)U POUVOIR HÉMOLYTIQUE DES STREPTOCOQUES 919 mandé par Besredka (1), composé de parties égales de bouillon et de sérum chaude (56 degrés) de cheval. Pour la recherche de l hémolyse, nous ajoutions à 1 centimètre cube de liquide à examiner — culture entière ou culture filtrée — 1 /2 centimètre cube d’émulsion de globules rouges de lapin à 5 p. 100, lavés à ORIGINE des streptocoques. POUVOIR hémolytique des cultures de 24 heures. Ar. Nul. Ar. virulent- Nul. Va lié 1. 13 minutes. Vallé 2. 20 — Carré. 30 — Legroux. 45 — Frasey. 25 — Sergent. 40 — Burnet 1. 1 h.incompl. A. 35 minutes. B. 15 — C. 23 — D. 50 — E. 30 F. 35 — N° 1. 40 — No 2. 43 N° 3. 20 — N° 4. 50 N° 5. i*j v 00 — N° 6. 45 — N° 1. 35 N° 8. 35 — N° 9. 30 2 O o 45 — N° 11. 40 N° 12. 25 N° 13. 35 — N° 14. 30 — N° 15. 15 — N» 16. 25 — N° 17. 25 — N° 18. 1 heure. N° 19. 30 minutes. POUVOIR hémolytique de la streptocolysine. POUVOIR hémolytique des cultures de 5 jours. Nul. Nul. Nul. Nul. 20 minutes. Nul. 25 — 1 heure. 35 — Nul. 1 h. incompl. Nul. 35 minutes. Nul. Nul. Nul. 1 h. incompl. Nul. 40 minutes. Nul. 40 Nul. 20 — Nul. 45 Nul. 25 Nul. 30 — Nul. 1 h. incompl. Nul. Nul. Nul. 45 minutes. Nul. . Nul. Nul. Nul. Nul. 50 minutes. Nul. 45 — Nul. 50 Nul. 35 — Nul. Nul. Nul. Nul. Nul. 30 minutes. Nul. 40 — Nul. 35 — Nul. 20 1 heure. 32 — Nul. 28 — Nul. Nul. Nul. 35 minutes. 45 minutes. ASPECT macroscopique des cultures. Louche, légèrement. Louche, légèrement. Limpide. Louche. Limpide. Opalescent. Limpide. Opalescent. Opalescent, fortement. Limpide. Limpide. Limpide. Louche, légèrement. Limpide. Louche, légèrement. Louche. Louche. Louche. Louche. Louche. Limpide. Louche. Limpide. Louche. Limpide. Limpide. Limpide. Limpide. Limpide. Limpide. Louche. Limpide. Opalescent. Limpide. (1) Ibid., 1904, p. 364. 920 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR l'eau physiologique. Nous portions le mélange à l’étuve à 37 degrés, et nous marquions le temps qui était nécessaire pour la dissolution complète des globules; au bout d’une heure de séjour à l'étuve, on retirait tous les tubes en notant le degré de l’hémolyse accomplie. Il résulte de l’examen du tableau ci-joint que : 1° La grande majorité des streptocoques pathogènes, d’origine humaine ou animale, sont hémolytiques lorsqu'on s’adresse à des cultures de vingt-quatre heures; l’hémolyse s’opère dans des délais variant de quinze à cinquante minutes; il existe cependant des exceptions : ainsi, un de nos streptocoques, quoique très virulent pour le lapin et surtout pour la souris dose mortelle pour la souris = 1 : 1.000.000 cent, cube), laisse les globules rouges intacts, même après un contact d’une heure à l'étuve à 37 degrés; 2° Les cultures de vingt-quatre heures, filtrées sur bougie Chamberland, renferment une quantité notable de streptocoly- sine; par comparaison avec la culture entière non filtrée, la streptocolysine se montre d’habitude un peu moins active; elle est généralement en retard sur la première de cinq minutes ; mais, il y a des cas — ils ne sont pas rares — où le strepto- coque cède péniblement sa streptocolysine au milieu ambiant et d'autres cas, très rares il est vrai, où il ne la cède presque pas ; 3° Le pouvoir hémolytique des streptocoques est une pro- priété éphémère : les streptocoques qui se montrent fortement hémolytiques dans les vingt-quatre premières heures le deviennent de moins en moins et cessent généralement de l'être complètement dans les cultures de cinq jours ; il n’y a qu'un très petit nombre d'origines qui puissent encore hémolyser après cinq jours (3 sur 33) ; i° Au point de vue du développement dans le bouillon-sérum, il y a lieu de distinguer trois sortes de streptocoques : a) les uns cornèrent au milieu une opalescence très marquée ; notons en passant que sur quatre de ces streptocoques, trois se sont montrés d’emblée pathogènes pour la souris (dose mor- telle = 1 : 100 cent, cube); b) d’autres se développent en troublant le milieu et en lui donnant un aspect louche ; c) il y en a enfin — ceux-ci sont aussi nombreux que les précédents — qui poussent agglutinés, sous forme de petites granulations DU POUVOIR HÉMOLYTIQUE DES STREPTOCOQUES 921 et forment, au bout de vingt-quatre heures, au fond du tube, un dépôt que surnage un liquide tout à fait transparent ; aucun lien n’a pu être établi entre l’aspect des cultures et leur pou- voir hémolytique ; 5° Ces différences individuelles se maintiennent avec une grande constance, bien que ces streptocoques soient cultivés dans des conditions identiques de milieu et de température depuis des mois et même des années ; cela nous donne le droit de ne pas nous rallier à la théorie uniciste qui veut que tous les streptocoques de l’univers appartiennent à une seule et même espèce. INFLUENCE DU FER SUR LA CULTURE DE QUELQUES IYÎOISISSURES par B. SAUTON Dans le présent travail je résume quelques observations faites en cultivant certaines moisissures sur un liquide Raulin, assez dépourvu de fer pour qu'on n’y puisse plus déceler cet élément par les réactifs les plus sensibles. Influence du fer sur le poids de récolte. — Raulin a indiqué que sur ce milieu Y A. niger fournissait un poids de récolte beaucoup plus faible que sur le milieu complet. On observe le même fait avec A. fumigatus , P. glaucum , P. candidum. Tout au contraire, d'après mes expériences, Mucor mucedo , Rhi- zopus nigricans, Racodium cœllare semblent pouvoir, sinon se passer de fer, du moins se contenter de traces infinitésimales de cet élément qui auraient, à mon insu, subsisté dans le liquide. C'est ainsi, par exemple, que dans les mêmes condi- tions d’expériences, on obtient pour/?, cœllare , en présence ou en l'absence de sulfate de fer, sensiblement je même poids de plante. Action du fer sur la sporulation. — En l'absence de sulfate de fer, le mycélium (Y A. niger est jaune, lisse, vermiculé. Cet aspect vermiculé, caractéristique, et qui fait défaut si on introduit la moindre quantité de sulfate de fer(l) (pur Merck) dans le liquide, s'observe, dans les mêmes condilions, avec A. fumigatus (2), P. glaucum , P. candidum. Au microscope, ce mycélium avec ses extrémités renflées pré- sente l’aspect particulier d’un mycélium immergé. Il est inté- ressant de constater que cet aspect ne s’observe pas en l’absence d’un élément autre que le fer ou l’oxygène et de noter cette première analogie entre les phénomènes résultant de la sup- pression de l’un ou l'autre de ces deux éléments. (1) J’ai observé ce même aspect en présence de citrate de fer ammoniacal. (2) Il est beaucoup plus facile de réussir l’expérience avec cet organisme qu'avec A. niger. DU FER SUR LA CULTURE DE QUELQUES MOISISSURES 923 Ce mycélium lisse est une variété morphologique qui ne comporte pas d’appareil sporifère. Quand le sulfate de fer ou l’oxygène font défaut, il y a absence totale de spores. Au contraire, si on supprime lout autre élément, la plante, si grêle soit-elle, achève son cycle de végétation et aboutit à la formation de spores, même plus rapidement que sur un milieu complet (1). Raulin, qui n'a sans doute pas évité l'in- troduction d’une petite quantité oe fer dans les liquides qu’il en croyait privés, n’a pas constaté lasporulation ; mais le phé- nomène n’a pourtant pas échappé complètement à cet auteur qui écrit : « En l’absence des sels de fer, les spores se for- ment de plus en plus péniblement à mesure que le milieu d’où elles naissent a déjà produit un plus grand nombre de récoltes. » Dans les mêmes conditions, A. fumigatus, P . glaucum, P. candidum ne forment pas de spores. Le phénomène ne paraît pourtant pas susceptible d’être généralisé et je n'ai pas réussi à entraver la sporulation d qM. miicedo , B. nigricans , Bac. cœl- lare (2), même par plusieurs cultures successives sur milieu sans fer. Tout au contraire, parce procédé, les champignons du genre Aspergillus et Pénicillium perdent la propriété de spo- ruler, même sur un liquide Raulin complet, où on les ense- mence ultérieurement ( 3'i. \ t Pour étudier l'influence du fer sur la sporulation de VA, niger , j’ai effectué les expériences suivantes : Trois litres de liquide Raulin, sans fer , sont répartis entre douze cuvettes en porcelaine, en prenant les précautions nécessaires pour n'y pas introduire de traces de fer par les impuretés du matériel ou des produits employés. On en fait trois séries de quatre essais, la première sans aucune addition; la deuxième avec addition de 1 centimètre cube de S01 2 3 4Fe -|- 7 fTO à 0,l2o p. 100 pour 250 centimètres cubes de liquide; la troisième avec addition de 10 centimètres cubes de la même solution. La dilution du fer dans ces deux dernières (1) C’est ce qui a lieu, par exemple, en l’absence de zinc (Javillier). (2) Pour ce dernier organisme, l’absence de fer se traduit pourtant par un retard notable dans la sporulation. (3) Pinoy a constaté que VA. fumigatus ne sporulant plus sur le liquide Raulin complet était encore susceptible de former des spores quand on l’en- semençait sur gélose Sabouraud. 92* ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUK séries est donc respectivement égale à 0,001 p. 100 et 0,0001 p. 100. Tous les liquides sont ensemencés aussi également que pos- sible par des spores d’A. niger , puis abandonnés à l’étuve à 36 degrés. Ap rès soixante-cinq heures, la surface des cul I ures est com- plètement noire, dans les essais contenant 1 milligramme de fer p. 100. Dans ceux qui en ont reçu seulement 0 milligr. 1 , la sporu- lation est peu avancée, meme après quatre jours ; ce retard très net dans l’apparition des spores ne correspond pas à un ralentissement dans le développement de la culture, car la plante fournit très sensiblement le même poids (sec à 105 degrés) de récolte que dans les essais témoins et consomme la même quantité de sucre. Quant aux essais sans sulfate de fer, ils ne sporulent pas après plusieurs semaines. APRÈS 85 HEURES Sans fer. Omsl de fer p. 100. lms de fer p, 100. Poids Sucre Poids Sucre Poids Sucre de récolte. consommé. de récolte. consommé. de récolte. consommé 0 . 692 6.96 4.015 11.61 4.320 11.63 0.64 6.30 4.095 11.64 4.240 11.61 0.63 6.40 3.860 11.56 4.290 11.62 0.69 6.30 3.650 11.31 4.180 11.01 Formation d'acide sulfocy unique (?) en l' absence de fer . — On pourrait penser que dans ces expériences, la sporulation est entravée par Faction d’un composé toxique. En effet, Raulin a montré qu’en l’absence de fer il se forme, dans le liquide de culture de Y Aspergilhis niger , une substance qui est peut-être l'acide sulfocyanique. D’autre part, A. Fernbach (1) a signalé qu’en présence de sulfocyanure d’ammonium Y Aspergillus se développe normale- ment, mais ne forme pas de spores, même après six jours (2). (1) Comptes rendus de l'Acad. des Sciences, 1902, 135, p. 51. (2) On obtient le même résultat avec l’todure de potassium, l’acide liydro xamique, etc. Il serait intéressant de rechercher si l’identité de l’action in vitro - de l'iodure et du sulfocyanure s’observe également in vivo. nu FER SUR LA CULTURE DE QUELQUES MOISISSURES 925 11 n est pourtant pas certain qu’on puisse, avec Raulin, attri- buer le phénomène à l’action de l'acide sulfocyanique. Les liquides de culture contenant 0mgrl de fer p. 100 ne donnent pas de coloration rouge avec les sels de sesquioxyde de fer. La quantité d’acide sulfocyanique qui prendrait naissance dans ces conditions est donc extrêmement faible et son action toxique pratiquement négligeable. La sporulation est pourtant retardée nettement dans ces essais. D’autre part, dans un liquide sans fer, où l’ Aspergilliis ne forme pas de spores, l’acide sulfocyanique peut être, après trois jours de culture, évalué colorimétriquement à 0,05 p. 1.000. Or, l expérience monlre que cette dose, à l’état de sulfocyanure d’ammonium, est insuffisante pour entraver la sporulation ; elle la retarde seulement. 11 est vrai que la substance, non identifiée par Raulin, peut être autre et plus active que l’acide sulfocyanique. Elle paraît s’en distinguer par le fait qu'elle entrave le développement de la culture. Je n'ai d’ailleurs jamais réussi, même en concentrant le liquide, à obtenir les réactions de l'acide sulfocyanique réduction à froid du calomel, coloration du papier gaïac- cuivre). L’action d’un composé de cette nature sur la formation des spores de l’ Aspergillus est rendue peu probable par l’expé- rience suivante : Si l'on ajoute 0gr01 de SG4Fe p. 100 dans un liquide sur lequel, faute de fer, Y Aspergillus végète depuis trois jours sans sporuler, la culture sp couvre de spores en moins de vingt- quatre heures, alors qu’un essai témoin n’ayant pas reçu cette addition tardive ne sporule pas. Cette expérience paraît pro- bante en ce qui concerne l'action des sels de fer, et elle démontre aussi que la formation des spores a lieu malgré la présence de la substance toxique. En effet, l’addition des sels de fer ne détruit pas le composé formé en leur absence et celui- ci manifeste d’ailleurs son influence en arrêtant le développe- ment de la culture aussi bien dans l’essai sporulé que dans le témoin sans spores. En substituant une quantité équivalente de manganèse au fer dans l’expérience précédente, j’ai également provoqué la sporulation; mais le sulfate de manganèse employé n’étant pas 020 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR t complètement exempt de fer, je ne puis — bien que frappé par l'extraordinaire petitesse de la dose de fer (1) qui aurait agi dans cet essai — tirer aucune conclusion sur la possibilité soit de la substitution d’un de ces éléments à l’autre dans le liquide Rauiin, soit d’un rôle spécial à chacun d’eux, dans le cas où le manganèse serait utile à la végétation de VA. niger (2). Il est à observer que le sulfocyanure de fer empêche la spo- rulation. Le résultat obtenu par une addition tardive de sulfate de fer ne saurait donc être attribué h une saturation de l’acide sulfocyanique par le fer. J’ajouterai enfin qu’en l’absence simultanée du fer et du soufre, la formation des spores n’a pas lieu bien que, dans ces conditions, la substance toxique ne prenne pas naissance. On obtient un voile mince, uni, qui reste absolument blanc, mais qui sporule rapidement dès qu’on ajoute du sulfate de fer au liquide nutritif. Il semble donc n’y avoir aucun lien entre la formation de l’acide sulfocyanique et celle des spores. Les observations con- signées dans le tableau suivant confirment cette opinion : EN L ABSENCE DE SULFATE DE FEH Spores. Acide sulfocyanique (?) A. niger + A. fumigatus .... . . — + P. glaucum . . — - + P. candidum .... . . — + M. mucedo — R. nigricans + — Rac. cœllare ■ • Hr + Il résulte de ce qui précède qu’on ne saurait, avec Rauiin, attribuer l’asporulation en l’absence de fer à l’action de l'acide sulfocyanique. Influence du fer sur la f ormation du pigment. — Une expli- cation différente du phénomène a été donnée par Linossier. Cet auteur a décelé dans les spores de VA. niger un pigment ferru- (1) Cette dose est nécessairement très inférieure à 0mel p. 100, quantité qui n'a pas provoqué la sporulation dans l’expérience précédente. (2) Bertrand et Javillier. Comptes rendus de i'Acad. des Sciences, 1911, t. CLII~ p. 1337. DU FER SUR LA CULTURE DE QUELQUES MOISISSURES 927 gineux, analogue à l’hématine du sang. Selon cet observateur, l’asporulation en l’absence de fer s’expliquerait par ce fait que le pigment, qui est un élément essentiel de la spore (1), ne peut se former dans ces conditions. En réalité, l’importance du rôle du pigment est à démontrer. La pigmentation est le dernier acte de la sporulation et il est probable que l’absence de fer conduirait à la production de leucospores, si le fer intervenait seulement pour la formation du pigment. Dans les conditions de l’expérience, ce n'est d’ailleurs pas seulement le pigment ou la spore qui font défaut, c’est l’appa- reil sporifère tout entier. La plante présente un aspect lisse, qui est celui d'un mycélium asphyxié, et il me paraît vraisem- blable d’admettre que l'asporulation, en l'absence de sulfate de fer, est due à la même cause que l'asporulation en l’ab- sence d'air. Supprimer le fer, c’est peut-être supprimer à la plante le moyen de fixer l'oxygène. De l’expérience de Linossier, il ne résulte pas moins qu'en l’absence de fer, le pigment des spores, étant donné sa nature, ne pourrait se former; on sait qu’il en est de même en l’ab- sence d’air et nous retrouvons ici l’analogie déjà signalée. ★ La présence simultanée du fer et de l'oxygène semble néces- saire à la formation des spores; elles apparaissent d’abord dans les parties de la culture qui ont le plus libre accès de l'air. La sporulation paraît s’accompagner d’une fixation d’oxy- gène, probablement par l’intermédiaire du fer et par un phé- nomène analogue à celui signalé par Wolff. Le fer s’oxyde et se réduit avec une grande facilité. Il est possible que d’une manière générale il se comporte dans le liquide Raulin comme porteur d'oxygène. Les quelques analo- gies observées entre les phénomènes résultant de la suppres- sion du fer ou de l’oxygène semblent venir à l’appui de cette hypothèse, sans la démontrer (2). L’analogie ne se pour- (1) Comptes rendus de l'Acad. des Sciences , 1910, t. CLI, p. 1075. (2) La macération glycérinée du mycélium d ’A. niger , cultivée en présence ou en 1 absence de fer, n’oxyde ni l’hydroquinone, ni le gaïac, ni la tyrosine. 928 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR « suit d’ailleurs pas d’une manière étroite. L'absence d’air augmente la production d’acide oxalique par Y Aspergillus niger. L’absence de fer diminue au contraire cette formation. D'autre part, la suppression du fer ne conduit pas à la forma- tion d’alcool, observée dans le cas où l’oxygène fait défaut. On sait que, d’après Duclaux, l'alcool serait un des termes de la combustion du sucre, terme insaisissable dans la vie aérobie, où l’alcool serait brûlé dès sa formation. Dans le cas où le rôle du fer dans le liquide Raulin serait celui d’un porteur d’oxygène, on retrouverait sans doute cet alcool non brûlé dans le liquide de culture dépourvu de fer. L’expérience ne confirme pas cette hypothèse. C'est ainsi qu'on ne constate aucune forma- tion d'alcool en cultivant, sur une membrane tendue à la sur- face du liquide sans fer, Mucor Mucedo ou Rhizopas nigri- cans (1) qui, en l’absence d’air, sont de bons ferments alcoo- liques. 11 en est de même pour A. niger. L’interprétation de ces quelques faits, qui ne conduisent pas à une conclusion d’ordre général, ne saurait être tirée qu’à la lumière d’expériences nouvelles sur le rôle physiologique du fer. (1) Ces moisissures ont tendance à tomber dans le fond des liquides de culture. J’ai dû, pour obtenir une vie strictement aérobie, les cultiver sur une membrane constituée par un voile de Baclerium xylinum pressé, des- ché, soigneusement lavé dans des bains alcalins et acides, et que je dois à l’obligeance de M. Fouard. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR VOL. XXV. — FL. XII (Mém. Martzinovski) lmp Bouchet, Gussct TABLE DES MATIÈRES Recherches expérimentales sur le typhus exanthéma- tique, entreprises à l’Institut Pasteur de Tunis pen- dant l’année 1910 (2e mémoire), par Ch. Nicolle et E. Conseil 1 Le globulin de l’homme, par M. Aynald 56 Sur l’élevage des mouches stériles. — Contribution à la connaissance du rôle des microbes dans les voies digestives, par le D Eug. Wolmann 79 Action des injections intrapleurales de Mellin’s food sur la marche de cer laines infections (choléra des poules chez les lapins), par le D1' Marguerite Margouliès. . 89 Recherches expérimentales sur le typhus exanthéma- tique, entreprises à l lnstitut Pasteur de Tunis pen- dant l’année 1910 [suite et fin ), par Charles Nicolle, A. Conor et E. Conseil 97 Observations sur Remploi des filtres de collodion, par J. Duclaux et A. IIamelin 145 Les facteurs de toxicité des bactéries (1er mémoire). Étude des bacilles diphtériques, par M. Nicolle et G. Loiseau 150 Du son de Paddy dans le traitement préventif et curatif du Béribéri, par Bréaudat et Denier 167 Immunité héréditaire de la chèvre vis-à-vis de la ricine, par Ch. Truciie et T. Alilaire . 190 Recherches sur la fièvre typhoïde expérimentale, par El. Metchnikoff et A. Besredka 193 Etude de la stabilisation des globules rouges de mammi- fères (du mouton en particulier) par des solutions très diluées de formol, par P. Armand-Delille et L. Lalnoy 222 59 930 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUU » * Etude de la flore bactérienne du gros intestin du cheval, par Jean Choukévitch 247 Sur le mécanisme de la réaction de Bordet-Gengou (2e mémoire), par le Dr Crendikopoulo . 277 Les phénomènes de fermentation sont des actes de diges- tion. Nouvelle démonstration apportée par l’étude de la dénitrification dans le règne végétal, par P. Mazé '. 289 L’oxyhémoglobine peut-elle fonctionner comme peroxy- dase ? par J. Wolff et E. de Stœcklin 313 Sur le sort des composants du suc pancréatique au cours de son activation, par M. Nicolle et Pozerski. . . . 336 Etude de la flore bactérienne du eros intestin du cheval O ( suite et fin), par Jean Choukévitch 343 Les phénomènes de fermentation sont des actes de diges- tion. Nouvelle démonstration apportée par l’étude de la dénitrification dans le régime végétal (suite et fin), par P. Mazé 369 De l’anaphylaxie et de l’antianaphylaxie vis-à-vis du blanc d’œuf (11e mémoire), par A. Besredka et J. Bronfenbrenner 392 De l’influence de l’arsénobenzol (606) sur la formule leu- cocytaire du sang, par W. S.-L. Yakimoff 415 Recherches sur le choléra, par Jean Choukévitch 433 Quelques remarques sur les vaccinations à propos du * mémoire de J. Choukévitch sur le choléra, par Elie Metchnikoff 450 Remarques sur la vaccination anti typhique, par H. Vin- cent 455 Réponse de Metchnikoff et Besredka 461 La maladie du sommeil et ses troubles mentaux. Démence trypanosomiasique et démence paraly- tique, par le Dr Gustave Martin 463 Etudes sur le pneumocoque, — Virulence du pneumo- coque humain pour la souris, par Ch. Truche, A. Cramer et C. Cotoni 480 L’Institut Pasteur d’Algérie, par le Dl A. Calmette. . . . 487 Contribution à l’étude de l’influence du phénol sur le virus rabique, par le Dr W. Sawtschenco 492 TABLE DES MATIÈRES 931 Identification et essai de classification des trypanosomes des mammifères, par A. Laveran 497 La tuberculose thoracique du bœuf n’est pas d’origine digestive, par P. Chaussé 518 Essais de traitement de la fièvre récurrente d’Afrique par l’arsénobenzol « 606 ». Réaction méningée de la tick lever chez l’homme, par les D,s J. Rodhain, C. Pons et F. Van den Branden 539 Expériences sur le venin du Trimeresurus riukiuanus, par M. Nicolle et A. Berthelot 551 Table chauffante à température réglable, par C.-L. Gatin. 555 Les vaccinations antirabiques à l'Institut Pasteur en 1910, par Jules Viala 558 Contribution à l’étude de l’action du sérum de bœuf et du sérum de cheval sur le cœur isolé du cobaye, par L. Launoy 561 Del’ anaphvlaxie élémentaire par la crépitine, par Charles Richet 580 Plasmodium des macaques du Tonkin, par C. Mathis et M. Leger (avec la planche I) 593 Notes sur les tropismes du bacterium Zopfii « Kurth », par H. Ivufferath (avec les planches II, III et IV). . 601 Sur l’agglutination des microbes immobiles par les sérums normaux, par L. Nègre et M. Raynaud 619 Recherches expérimentales sur la défense de l’organisme contre l’infection tuberculeuse (sérothérapie, immu- nité), par A. Calmf.tte et C. Guéhin 625 Note à propos du mémoire de M. Chaussé, par A. Cal- mette et C. Guérin 642 Sur le passage de l’antitoxine diphtérique et tétanique dans l’humeur aqueuse, par A7. Morax et G. Loiseau. 647 Recherches sur la présence des anticorps dans l’humeur aqueuse des animaux immunisés (bacille typhique, vibrion cholérique), par Y. Manouéltan 661 Recherches sur la prétendue action bactéricide de l’humeur aqueuse à l’égard de la bactéridie charbonneuse, par Y. Manouélian 669 Trypanosomes des batraciens du Tonkin, par C. Mathis et M. Léger (avec les planches V et VI) 671 932 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR « La zymase est-elle une diastase? par A. Lebedeff. . . . 682 Etude de l’inulase d’aspergillus Niger, par J. Boselli. . . 695 Recherches sur la physiologie végétale, par P. Mazé (avec la planche VII) 705 L hérédo-contagion des spirilloses, par L. Nattan-Larrier (avec la planche VIII) 739 Essais de transmission de la scarlatine aux singes, par E. Landsteiner, G. Levaditï et E. Prasek (avec les planches IX, X et XI). 754 Sur l’origine des anticorps chez les cobayes trypanoso- miés, par le Dr Stéfan Mutermtlch 776 Recherches sur l'épidémiologie de la tuberculose dans les steppes des Kalmouks, par Elie Metchnikoff, Et. Burnet et L. Tarassevitch 785 Etude expérimentale de la poliomyélite aiguë (maladie de Heine-Médin), par K. Landsteiner, G. Levaditï et M. Pastia 805 Maladies à protozoaires et lésions des capsules surrénales, par M. Elmassian 825 Sur une grande épizootie de rage, par A. Carini 843 Sur le mécanisme de la fermentation alcoolique, par Alexandre Lededeff 847 Le Proteus, sa distribution dans la nature, par Ch. Cantu. 852 Des vaccinations antityphiques (2e mémoire) par El. Metch- nikoff et A. Besredka . 865 De la préparation de races de trypanosomes résistantes au sérum de cynocéphales et au sérum numain, par par A. Lebœuf 882 Étude biologique et chimique de l’absorption de toxines diphtériques et tétaniques par la substance nerveuse, et des phénomènes corrélatifs, par Guy Laroche et A. Grégaet 892 De l’étiologie de la péripneumonie, par E.-J. Martzi- nowski (avec la planche XII) 914 Du pouvoir hémolytique des streptocoques, par Fr. Jupille. 918 Influence du fer sur la culture de quelques moisissures, par B. Sauton. Table des matières 922 929 TABLE ALPHABÉTIQUE PAR NOMS D’AUTEURS Alilaire (E.) Ar.uand-Delille(P.) etLAU- NOY (L.). ....... Aynaud (M.) Berthelot (A.) Besredka (A.) — et Bronfenbrenner . Boselli (J.) Branden (F. Van déni . . Bréaudat et Denier . . . Bronfenbrenner (J.) . . . Burnet (Et.) Calmette (A.) — et Guérin (G.). . . . — et Guérin. . . Cantu (Ch.). . . • Carini (A.) . . . . Chaussé (P.). . . . Choukévitch (Jean). Conor (A.) Conseil (E.) Cotoni (L.) Cramer (A.) Voir Truche (Ch.) Etude de la stabilisation des globules rou- ges de mammifères (du mouton en par- ticulier) par les solutions très diluées de formol Le globulin de l’homme \Toir Nicolle (M.) Voir Metchnikoff 193, 461, De l’anaphylaxie et de l’antianaphylaxie vis-à-vis du blanc d’œuf (1 Ie mémoire) . Etude de l’inulase d’aspergillus niger . . Voir Rodhain (J.) Du son de Paddy dans le traitement pré- ventif et curatif du Béribéri Voir Besredka (A.) Voir Metchnikoff (Elie) L’Institut Pasteur d’Algérie Recherches expérimentales sur la défense de l’organisme contre l’infection tu- berculeuse (sérothérapie, immunité). Notes à propos du mémoire de M. Chaussé. Le Proteus, sa distribution dans la nature Sur une grande épizootie de rage. . . . La tuberculose thoracique du bœuf n’est pas d’origine digestive Etude de la flore bactérienne du gros in- testin de cheval 247, Recherches sur le choléra Voir Nicolle (Ch.). Voir Nicolle (Ch.) 1, Voir Truche Voir Truche 190 222 56 551 865 392 695 539 167 392 785 487 625 642 852 842 518 345 433 97 97 480 480 934 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Crendiropoujlo. . Denier DucLAux(J.)et Hamelin(A). Elmassian (M.) Latin (G.-L.) Grégaut (A.) Guérin (C.) Hamelin (A.) Jupille (Fr.) Kufferatii (H.) . Landsteiner (K.), Levaditi et Prasek (E.) Landsteiner (K.), Levaditi et Pastia Laroche (Guy) et Grégaut (A.) Launoy (L.) La ver an (A.). . Lebedeff (A.) . Lebœuf (A.) Léger (M.). . . Levaditi (G.) . . Loiseau (G.). . Manouélian (Y.). Sur le mécanisme de la réaction de Bor- det-Gengou (2e mémoire). Le rôle des antihémolysines des sérums Voir Bréaudat Observations sur l’emploi des filtres de collodion Maladies à protozoaires et lésions des cap- sules surrénales Table chauffante à température ré- glable Voir Laroche Voir Calmette 625 Voir Duclaux (J.) Du pouvoir hémolytique des strepto- coques Note sur les tropismes du bacterium Zopfii Kurth 167 145 829 555 892 642 145 918 601 Essais de transmission de la scarlatine aux singes(avec les planches IX, X, XI). 754 Etude expérimentale de la poliomélyte aiguë (maladie de Ileine-Medin). . . . 804 Etude biologique et chimique de l’ad- sorption des toxines diphtérique et tétanique par la substance nerveuse, et des phénomènes corrélatifs 892 Voir Armand-Delille (P.) 222 Contribution à l’étude de l’action du sé- rum de bœuf et du sérum de cheval sur le cœur isolé du cobaye 561 Identification et essai de classification des trypanosomes des mammifères. . 497 La zymase est-elle une diastase?. . . . 682 Sur le mécanisme de la fermentation alcoolique 846 De la préparation de races de trypa- nosomes résistantes au sérum de cy- nocéphales et au sérum humain . • • 882 Voir Mathis (G.) . . . . 593 671 Voir Landsteiner (K.). . 754 804 Voir Nicolle (M.) 150 Voir Morax (V.) 647 Recherches sur la présence des anticorps dans l’humeur aqueuse des animaux (bacille typhique, vibrion cholérique). 661 TABLE DES MATIÈRES 935 Manouélian (Y.) . Margouliès (Marguerite) . Martin (Gustave) Martzinowski (E.-J.) . . . Mathis (C.) et Léger (M.). — et Léger (M.). . . . Mazé (P.) Metghnikoff (Elie). . . . — et Besredka (A.) . . — et Besredka (A.) . . — et Besredka (A.) . . — Burnet (Et.) et Ta- RASSEVITGH (L.) . . . . Morax (V.) et Loiseau (G.). Mutermilch (Stefan) . . . Nattan-Larrier (L.) . . . Nègre (L.) et Raynaud (M.). Nicolle (M.) et Berthe- LOT (A.) — et Loiseau (G.) . . . Nicolle (M.)et Pozerski(E.) Recherches sur la prétendue action bac- téricide de l’humeur aqueuse à l’égard de la bactéridie charbonneuse .... 669 Action des injections intrapleurales de Mellin’s food sur la marche de certaines infections (choléra des poules chez les lapins) 89 La maladie du sommeil et ses troubles mentaux, démence trypanosomiasique et démence paralytique 463 De l’étiologie de la péripneumonie . . . 914 Plasmodium des macaques du Tonkin. 593 Trypanosomes des batraciens du Tonkin. 671 Les phénomènes de fermentation sont des actes de digestion. Nouvelle démons- tration apportée par l’étude de la déni- trification dans le règne végétal. 289 369 Recherches sur la physiologie végétale (avec la planche VII) 705 Quelques remarques sur les vaccinations à propos du mémoire de M. Chouké- vitch sur le choléra 450 Recherches sur la fièvre typhoïde expé- rimentale 193 Réponse de MM. Metchnikoff et Besredka à la note de M. Vincent 461 Des vaccinations antityphiques (2e mé- moire) 865 Recherches sur l’épidémiologie de la tu- berculose dans les steppes des Kalmouks 785 Sur le passage de l’antitoxine diphtérique et tétanique dans l’humeur aqueuse. 6i7 Sur l’origine des anticorps chez les cobayes trypanosomiés 776 L’hérédo-contagion des spirilloses (avec la planche VJII). 739 Sur l’agglutination des microbes immo- biles par les sérums normaux .... 619 Expériences sur le venin trimeresurus riukiuanus 551 Les facteurs de toxicité des bactéries (1er mémoire). Etude des bacilles diph- tériques 150 Sur le sort des composants du suc pan- créatique au cours de son activation. 336 936 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Nicolle (Gli.), Cqnor (A.) et Conseil (E.) Pastia (M.) Pons (C.) POZERSKI (E.) Phaser (E.) Raynaud (M.) Richet (Ch.) Rodhain (J.), Pons (C.) et Van den Branden. . . . Sauton (B.) Sawtschenco (W.) .... Stœcklin (E. de) Tarassevitch (L.) . . . . Truche (Ch.) et Alilaire. — Cramer (A.) et Co- TONI (L.) Viala (Jules) Vincent (H.) Wolf f (J.) et Stœcklin (E. de) WOLMAN (Eug.) Yakimoff (W.-L.) Recherches expérimentales sur le typhus exanthématique entreprises à l’Institut Pasteur de Tunis, pendant l’année 1910 1 97 Voir Landsteiner (K. ). 804 Voir Rhodain (J.) 639 Voir Nicolle (M.) 336 Voir Landsteiner 754 Voir Nègre (L.) 619 De l’Anaphylaxie par la crépitine . . . . 580 Essais de traitement de la fièvre récur- rente d’Afrique par Tarsénohenzol « 606 » 539 Influence du fer sur la culture de quel- ques moisissures 922 Contribution à l'étude de l'influence du phénol sur le virus rabique 492 Voir Wolff (J.) 313 Voir Metchnikoff (Elie) 785 Immunité héréditaire de la chèvre vis-à- vis de la ricine 190 Etudes sur le pneumocoque 480 Les vaccinations antirabiques à l’Institut Pasteur en 1910 558 Remarques sur la vaccination antityphi- que 455 L’oxyhémoglobine peut-elle fonctionner comme peroxydase? 313 Sur Télévage de mouches stériles. Contri- bution à la connaissance du rôle des microbes dans les voies digestives. . 79 De l’influence de l'arsénobenzol « 606 » sur la formule leucocytaire du sang. . 415 TABLE DES PLANCHES Pl. I Mémoire de MM. C. Mathis et M. Léger . . 593 Pl. II, III et IV. . . — M. H. Kufferath 601 Pl. V et VI. . . . — MM. C. Mathis et M. Léger . . 671 Pl. VII — M. Mazé 705 Pl. VIII — M. L. Nattan-Larrier .... 739 Pl. IX, X et XI . . . — MM. K. Landsteiner, C. Leva- diti et E. Prasek . . . 754 Pl. XII — M. Martzinovski 914 TABLE GÉNÉRALE ALPHABÉTIQUE PAR NOMS D’AUTEURS DES TOMES XXI A XXV Abrami (P.). — Voir Widal (F.) XXIV 1 Abt (G.). — Voir Nicolle (M.) XXII 132 Adil-Bey. — Voir Nicolle (M.) . XXI 20 Agata (Joseph d’). — Sur la vaccination anlicharbonneuse par des bacilles très virulents préalablement mélaDgés dans le bouillon- culture du bacille pyocyanique XXIV 330 Agulhon (Henri). — Influence de la réaction du milieu sur la fermen- tation des mélanines par oxydation diastasique . . . XXIII 668 — Présence et utilité du bore chez les végétaux. . . . XXIV 321 — Influence de l’acide borique sur les actions diastasiques. XXIV 493 Alilaire (E.). — Voir Nicolle (M.) XXIII 347 — Voir Truche (Ch.) XXV 190 Armand-Delille (P.) et Launoy (S.). — Etude de la stabilisation des globules rouges de mammifères (du mouton en particulier) par les solutions très diluées de formol XXV 222 Aubert (P.). — Voir Mesnil. XXI i — Voir Simond XXIII 861 978 — Cantaloube (P.) et Thibault (E.). — Une épidémie de fièvre de Malte dans le département du Gard. — Contribution à î’épi- démiologie de la fièvre de Malte en France XXIV 376 Aynaud (M.). — Le globulin de l’homme XXV 56 Bartoszewicz (S.) et Schwarzwasser (J.). — Sur une nouvelle forme de diplocoque XXII 927 Belanovsky (J.). — Influence du ferment lactique sur la flore des excréments de souris XXI 991 Berthelot (Albert). — Etude biochimique de deux microbes anaéro- bies du contenu intestinal XXIII 85 — Voir Metchnikofe XXIII 937 — Voir Nicolle (M.) XXV 551 Bertrand (Gabriel). — Recherches sur l’influence paralysante exercée par certains acides sur la laccasc XXI 673 TABLE DES MATIERES 939 Bertband (Gabriel), — Recherches sur la mélanogenèse ; action de la tyrosinase sur la tyrosine XXII — et Compton (A.). — Recherches sur l’individualité de la cellase et de l’émulsine . XXIV — et Duchacek (F.). — Action du ferment bulgare sur les princi- paux sucres XXII I — et Holderer (M.). — Recherches sur la cellase, nouvelle diastase dédoublant la cellose XXIV — et Mutermilch (W.). — Recherches sur le mode de coloration du pain bis XXI — et Mlle Rozenband (M.). — Recherches sur l’action paralysante exercée par certains acides sur la peroxydase XXIII — et Bosenblatt (M.). — Sur la façon dont la tyrosinase agit sur la tyrosine racémique XXII - — et Rosenblatt. — Sur la température des tyrosinases végé- tales XXIII Besredka (A.). — Toxicité des sérums thérapeutiques, sa variabilité et son dosage XXI — Comment peut-on combattre l’anaphylaxie XXI — Du mécanisme de l’anaphylaxie vis-à-vis du sérum de cheval. XXII — De l’anaphylaxie (6e mémoire) ; de l’anaphylaxie lactique. XXIII — De l’anaphylaxie (8° mémoire). Nouvelle étude sur le méca- nisme de l’anaphylaxie XXIII — De l’anaphylaxie. — Le procédé de petites doses et les injec- tions subintrantes (9e mémoire) XXIV — - Voir Metchnikoff (Elie) XXV 193 — et Bronfenbrenner (J.). — De l’anaphylaxie et de l’antianaphy- laxie vis-à-vis du blanc d’œuf (11e mémoire) XXV — et MIIe Lissofsry (S.). — L’anaphylaxie rachidienne et les moyens de s’en préserver (10e mémoire) XXIV — et Steinhardt (Edna). — De l’anaphylaxie et de l’antianaphy- laxie vis-à-vis du sérum de cheval. XXI — et Steinhardt (Edna). — Du mécanisme de l’antianaphylaxie. XXI Billet (A.). — La peste dans le département de Constantine en 1907. Recherches particulières sur les rats, leurs ectoparasites et leurs rapports avec l’épidémie XXII Bissérié. — Procédé simple et rapide de préparation de milieux gélosés et gélatinés XXI Bongiovanïst. — Voir Tizzoni (G.) XXI 237 Bordet (Jules). — La morphologie du microbe de la péripneumonie des bovidés XXIV — et Gengou (O.). — Note complémentaire sur le microbe de la coqueluche XXI — et Gengou (O.). — Le microbe de la coqueluche. Réponse à l’ar- ticle de M. Reyher XXI — et Gengou (O.). — L’endofoxine coquelucheuse XXIII — et Fally (V.). — Le microbe de la diphtérie des poules . XXIV 381 931 402 180 833 314 425 653 777 950 496 166 801 879 461 392 935 117 384 658 235 494 161 720 733 415 563 940 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Bordet (Jules) et Pareer-Gay (F.). — L’absorptiou de l’alexine et le pouvoir antagoniste des sérums normaux XXII — et Sleeswyk. — Sérodiagnostic et variabilité des microbes sui- vant le milieu de culture • XXIV Bories. — Voir Sergent (Edmond) XXII Borrel (A ). — Le problème éliologique du cancer XXII — Acariens et Lèpre XXIII — Parasitisme et tumeurs. Rapport présenté à la dernière confé- rence internationale pour l’étude du cancer, tenue à Paris du 1er au 6 octobre 1910 XXIV Borel, Dujardin-Beaumetz. Jeantet et Jouan. — Le microbe de la péripneumonie XXIV — Gastinel et Gorescu. — Acariens et cancer. ...... XXIII Boselli (J.). -—Etude de l’inulase d’aspergillus niger XXV Bouet (G.). — Les trypanosomiases animales de la Basse-Côte d'ivoire XXI 468 — et Roubaud (E.). — Expériences diverses de transmission des trypanosomes par les glossines XXIV Bouffard (G). — LaSouma, Trypanosomiase du Soudan français. XXI — La Baleri, Trypanosomiase animale du territoire de la boucle du Niger XXII — Glossina palpalis et Trypanosoma Cazalboui. XXIV Bourret (G.) — Voir Marchoux (E.) XXIII Branden (F. Van den). — Voir Rodhain (J.) XXV Bréaudat et Denier. — Du son de paddy dans le traitement préventif et curatif du Béribéri XXV Breton (M.). — Voir Calmette (A.) XXI — Recherches expérimentales sur la tuberculose vésicale. . XXIV Bridré (J.). — Recherches sur le cancer expérimental des souris. XXI Brimont (E.). — Voir Mesnil (F.) XXII — Voir Mesnil (F.) XXIII Brissaud (Et.). — Voir Widal (F.) XXIV Bronfenbrenner (J.). — Voir Besredka (A.) XXV Broquet (Ch.). — Le rouge du papillon du ver à soie en Cochin- chine XXIV — Procédé de consei’vation des organes pesteux pour le dia- gnostic XXIV Burnet (Et.). — Diphtérie expérimentale chez le Chimpanzé. . XXIV — Voir Metchnikoff (Elie) XXV Calabreze (A). — Sur le traitement de la rage par le radium (Ré- ponse à M. Tizzoni) XXI — Sur le traitement de la rage par le radium (2e et 3e réponses à MM. Tizzoni et Bongiovanni) XXI 489 Calmette (A.). — L’hérédo-prédisposition tuberculeuse et Je terrain tuberculisable XXIV — L'Institut Pasteur d’Algérie XXV — Guérin (G.) et Breton (M.). — Contribution à l’étude de la 625 476 217 509 125 776 168 97 695 969 658 587 1 276 513 539 167 401 820 760 856 129 1 392 529 888 114 785 156 496 771 487 TABLE DES MATIÈRES 941 tuberculose expérimentale du cobaye (Infection et essais de vaccination par la voie digestive) XXÏ 401 Galmktte (A), et Guérin (G.). — Contribution à l’étude de la vacci- nation des Bovidés contre la tuberculose par des voies diges- tives XXI 525 — et Guérin. — Nouvelle contribution à l’étude de la vaccination des Bovidés contre la tuberculose XXII 689 — et Guérin. — Recherches expérimentales sur la défense de l’organisme contre l’infection tuberculeuse (sérothérapie, immunité) XXV 625 — et Guérin. — Note à propos du mémoire de M. Chaussé. . XXV 642 — et Massol (L). — Relations entre le venin de cobra et son . antitoxine XXI 929 — et Massol (L.). — Les précipitines du sérum antivenimeux vis- à-vis du venin de cobra XXIII 155 Cantacuzène (J.). — Recherches sur l’origine des précipitines. . XXII 54 — et Riegler (P.). — De la maladie toxique provoquée par l'injec- tion intra-stomacale de bacilles morveux tués XXI 194 Cantaloube (P.). — Voir Aubert (P.) XXIV 376 Cantu (Ch.). — Le Proteus, sa distribution dans la nature. . . XXV 852 Carini (A.). — Stades endoglobulaires des trypanosomes . . . XXIV 143 — Sur quelques parasites semblables à des bacilles rencontrés dans les hématies du « leptodactiius ocellatus ». . . . XXIV 152 — Sur une moisissure qui cause une maladie spontanée du « lep- todactilus pentadactilus » XXIV 157 — Sur une grande épizootie de rage XXV 842 Cazalbou (M.). — Contribution à l’étude des Trypanosomiases de l’Afrique occidentale; quelques modifications de virulence. XXI 911 Chamberland (Ch.). — Notice nécrologique sur XXII 369 Chaussé (P.). — Méthodes de coloration communes à l’actinobacil- lose, l’actinomycose et la botryomvcose XXIII 503 — La tuberculose intestinale chez le bœuf (Etude de pathologie comparée) XXIII 692 809 — La tuberculose thoracique du bœuf n’est pas d’origine diges- tive XXV 518 Choukévitch (J.). — Recherches sur l’immunité des lapins contre le b. suipesticus XXIV 728 — Etude sur la flore bactérienne du gros intestin du cheval. XXV 247 345 — Recherches sur le choléra XXV 433 Cohen. — La méningite cérébro-spinale septicémique XXIII 273 Compton (A). — Voir Bertrand (G.) XXIV 931 Conor (A.). — Voir Nicolle (Ch.) XXV 97 ‘ Conseil (E.). — Voir Nicolle (Ch.) XXV 1 97 Cotoni (L.). — Voir Truche (Ch.) XXV 480 Cramer (A.). — Voir Truche (Ch.) XXV 480 942 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Crendiropoulo (Milton). — Sur le 'mécanisme de la réaction Bordet-Gengou (1er mémoire) XXI 1 — Sur le mécanisme de la réaction Bordet-Gengou (2e mémoire). — Le rôle des antihémolysines des sérums XXV Denier. — - Sur un piroplasme du cervus aristotelis de l’An nam. XXI — Voir Bréaudat XXV Distaso. — Voir Metchnikoff. XXI If Dobrowolsiu (K.). — Des microbes producteurs de phénol . . XXIV Dopter (Ch.). — Voir Vaillard XXI Vaccine préventive contre la dysenterie bacillaire (ses bases expérimentales) XXI fl — La sérothérapie antiméningococcique XXIV Dubourg (E.). — Recherches sur le sucre neutre des sucres bruts de canne XXIV Duchacek (F.). — Voir Bertrand (Gabriel) XXI II Duclaux (J.) et Hamelin (A.). — Observations sur l’emploi des filtres en collodion XXV Dujardin-Beaumetz. — Voir Borrel (A.) XXIV Dunschmann (IL). — Etudes sur la fièvre typhoïde XXII I Eisenberg (Philippe). — Des leucocidines et hémolysines chez les anaérobies XXII Elmassian (M.). — Maladies à protozoaires et lésions des capsules sur- rénales XXV Fally (V.). — Voir Bordet (J.) XXIV Faroy (G.). — Recherches anatomo-pathologiques sur l’hérédo- syphilis du pancréas et de la parotide XX II 1 Fitzgerald (J. -G.). — Etudes sur les sérums normaux et spécifiques (spermatoxiques) XXIV Foley (Henri). — Voir Sergent (Edmond) XXIV Fornario (Giuseppe). — Sur la vaccination contre la peste par le tube digestif, voie gastrique et voie rectale XXII Fortineau (Louis). — Note sur le traitement du charbon par la pyo- cyanase XXIV Fouard (E.). — Recherches sur les propriétés colloïdales de l’amidon, et sur un mécanisme de migration de l’amidon dans les végé- taux XXI Froin (A.). — Voir Nicolle (M.) XXI — Voir Thomas (Pierre) XXIII Gastinel. — Voir Borrel (A) XXIII Gatin (C -L.). — Table chauffante à température réglable . . . XXV Gengou (O.). — Voir Bordet XXI 720 — Voir Bordet XX 1 II Gillot (V.). — Voir Sergent (Edmond) XXII Goebel (Oswald). — Pouvoir préventif et pouvoir curatif du sérum humain dans l’infection due au Trypanosome du Na- gana XXI 728 277 657 167 937 595 241 674 96 467 402 145 168 29 430 829 563 567 974 337 353 956 475 443 261 97 555 733 415 209 882 table des matières 943 Golovine (E.). — Eludes sur les cellules pigmentaires des verté- brés XXI Gorescu (G.). — Voir Borrel (A.) XX 1 1 1 Guérin (C.). — Voir Calmette (A.) XXI 401 — Voir Calmette (A.) XXII — Voir Calmette (A.) XXV 625 Guiraud et Mandoul. — A propos de la signification du Bacillus coli x dans les eaux potables XXII Hamelin (A.). — Voir Duclaux (J.) XXV Heckenroth (F.). — Sur un essai d'obtention d’une race de Nagana résistante d’emblée à l’émétique XXIV Herman (M.). — Sur la coloration du bacille tuberculeux. . . . XXII Holderer (M.). — Voir Bertrand (G.) XXIV Ikonnikoff (P.). — Passage des microbes à travers la paroi intesti- nale dans l’étranglement expérimental XXIII Intosh (J.-M.). — Voir Levaditi XXI Jacobson (Grégoire). — Contribution à l’étude de la flore normale des selles du nourrisson . . . XXII Javillier (Maurice). — Le zinc chez les plantes. Becherches sur sa présence et son rôle XXII — Sur la migration des alcaloïdes dans les greffes de Solanées sur Solanées . XXIV Jeantet. — Voir Borrel (A.) XXIV Joltrain (E.). — Voir Widal (F.) XXIV Jong (A. de). — Bapport entre la tuberculose aviaire et celle fies mammifères . . . XXIV Jordansky (V.) et Kladnitsky (N.). — Conservation du bacille pesteux dans le corps des punaises XXII Jouan (Ch.). — Voir Borrel ' . XXIV — Voir Nicolle (M.) XXIV Kladnitsky (N.). — Voir Jordansky XXII Koch (Robert). — Nécrologie XXIV Korentchewsky (W.j. — Contribution à l’étude biologique du B. Per- fringens et du B. Putrificus XXIII Korschun (C.). — Sur l’action bactéricide de l’extrait leucocytaire des lapins et des cobayes XXII Kozewaloff. — Statistique antirabique de l’Institut Pasteur de Char- kow, pour une période de vingt et un ans (1888-1909). XXIV Kufferath (H.). — Notes sur les tropismes du bacterium Zopffii Kurth XXV Lafont (A.). — Sur la présence d’un Leptomonas parasite de la classe des Flagellés, dans le latex de trois Euphorbia- cées XXI \ Landsteiner (K.) et Levaditi (C.). — Elude expérimentale de la Polio- myélite aiguë, maladie de Heine-Médin XXIV — Levaditi (C.) et Prasek (E.). — Essais de transmission de la scarlatine aux singes XXV 858 97 525 689 642 917 145 721 92 180 921 784 300 720 569 168 1 895 455 168 928 455 433 91 586 239 601 205 833 754 944 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Landsteiner (K.), Levaditi (C.) et PaStia. — Etude expérimentale de la poliomélyte aiguë (Maladie de Heine-Médin). . . XXV Lasserre (A.). — Application de la méthode de distillation fractionnée de Duclaux à la recherche et au dosage des acides isobuty- rique et valérique normal XXI — Analyse de quelques mélanges d’acide gras volatils. . . . XXI Launoy (L.). — Contribution à l’étude histo-physiologique de l’auto- lyse aseptique du foie. XXIII 1 — Voir Armand-Delille (P.) XXV — - Contribution à l’étude de l’action du sérum de bœuf et du sérum de cheval sur le cœur isolé du cobaye XXV Laveran (A.). — Sur les trypanosomiases du Haut-Niger. . . . XXI — Contribution à l’étude de trypanosoma congolense. . . . XXII — Nouvelle contribution à l’étude de trypanosoma congolense Broden XXIV — Identification et essai de classification des trypanosomes des mammifères XXV — et Thiroux (A.). — Sur le rôle de la rate dans les trypanoso- miases XXI — et Thiroux (A). — Recherches sur le traitement des trypano- somiases XXII Lazarus (Eléonora). — Sur la protéolyse de la bactéridie charbon- neuse XXIV Lebedeff (A.). — La zymase est-elle une diastase? XXV — Sur le mécanisme de la fermentation alcoolique XXV Lebœuf. — Voir Martin (Gustave) XXII — et Rinjenbach. — Sur quelques hématozoaires du Congo : trypanosomes, microfilaires, leucocytozoaires XXIV Léger (M.). — Le sang dans la trypanosomiase expérimentale, action sur la formule hémato-leucocytaire du traitement par l’émétique XXIII — Voir Mathis (C.) XXV 593 — et Mathis (C.). — Leucocytozoon de la perdrix duTonkin. XXIII Lemaire (G.). — Voir Sergent (Edmond) XXII Levaditi (C.). — Voir Marie (A.) XXI — Le mécanisme d’action des dérivés arsenicaux dans les trypa- nosomiases XXIII — Voir Landsteiner (K.) XXIV — Voir Landsteiner (K.) XXV — Voir Landsteiner (K.) XXV — et Intosh (J.) XXI — et Manouélian. — Recherches sur l’infection provoquée par le spirille de la tick fever XXI — et Nattan-Larrier. — Contribution à l’étude microbiologique et expérimentale du Pian XXII — et Rosembaum (A.). — Actions des substances hémolytiques sur les protozoaires, les spirochètes et les vibrions .... XXII 804 76 829 979 222 561 321 833 81 497 595 97 577 682 846 518 946 70 671 740 209 138 604 833 754 804 784 295 260 323 TABLE DES MATIÈRES 945 Levaditi et Yamanouchi (T.). — Recherches sur l'incubation de la syphilis XXII 763 Lissofsky(S. Mlle). — Voir Besredka (A.) XXIV 935 Loiseau (G.). — Voir Nicolle (M.) XXV 150 — Voir Morax (V.) XXV 647 Manceaux (L.). — Voir Nicolle (Ch.) XXIV 673 Mandoul. — Voir Guiraud XXII 917 Manouélian (Y.). — Voir Levaditi XXI 295 — Recherches sur la présence des anticorps dans l’humeur aqueuse des animaux immunisés (bacille typhique, vibrion cholérique) XXV 661 — Recherches sur la prétendue action bactéricide de l’humeur aqueuse à l’égard de la bactéridie charbonneuse . . . XXV 669 Marcandier (A.). — Voir Sabrazès (J.) XXI 312 Marchoux (E.) et Bourret (G.)- — Recherches sur la transmission de la lèpre XXIII 513 Margouliès (Marguerite). — Action des injections intrapleurales de Mellin’s food sur la marche de certaines infections (choléra des poules chez les lapins) XXV 89 Marie (A.). — Recherches sur le sérum antirabique XXII 271 — Voir Tiffeneau (M.) XXII 644 — et Levaditi (C.). — Les « anticorps syphilitiques » dans le liquide céphalo-rachidien des paralytiques généraux et des tabétiques XXI 138 — et Tiffeneau (M.). — Étude de quelques modes de neutralisation des toxines bactériennes XXII 289 Marino. — Méthode pour isoler les anaérobies XXI 1005 Martin (Gustave). — Les Trypanosomiases animales de la Guinée française XXI 357 — La maladie du sommeil et ses troubles mentaux, démence try- panosomiasique et démence paralytique XXV 463 — et Lebœuf. — Diagnostic microscopique de la trypanosomiase humaine. — Valeurs comparées des divers procédés . XXI 1 518 Martin (L.). — Maladie du sommeil. — Cinq nouveaux cas de trypa- nosomiase chez les blancs. — Essais de traitement. . . XXI 161 Massol (L.). — Voir Galmette (A.) XXI 929 — Voir Galmette (A.) XXIII 155 Mathis (G.). — Voir Léger (M.) . XXIII 740 et Léger (M.). — Plasmodium des macaques du Tonkin. . XXV 593 et Léger. — Trypanosomes des batraciens du Tonkin . . XXV 671 Mazé (F.). — Note sur la production d’acide citrique par les citro- myces [Wehmer] XXIII 830 Technique fromagère. Théorie et pratique. . . XXIV 395, 435 543 Les phénomènes de fermentation sont des actes de digestion. Nouvelle démonstration apportée par l’étude de la dénitrifi- cation dans le règne végétal XXV 289 369 — Recherches sur la physiologie végétale XXV 705 60 946 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Mesnil (F.) et Brimond E. . — Sur les propriétés des races de Trypa- nosomes résistantes aux médicaments XXII — et Brimond (E.). — Sur les propriétés des animaux trypanoso- miés. — Races résistantes à ces sérums XXI 1 1 — et Nicolle (M.). — Traitement des infections expérimentales à Trypanosoma gambiense. — Résultats tardifs XXI — Nicolle (M.) et Aubert (P.). — Recherches sur le traitement des infections expérimentales à Trypanosoma gambiense . . XXI Metchnikoff (Élie). — Sur la prophylaxie de la syphilis. . . . — Etudes sur la flore intestinale — Étudps sur la flore intestinale (2e mémoire). — Poisons intesti- naux et scléroses XXIV — Quelques remarques sur les vaccinations, à propos du mémoire de M. Choukéwitch sur le choléra XXV — et Besredka (A.). — Recherches sur la fièvre typhoïde expéri- mentale XXV — et Besredka. — Réponse de MM. Metchnikoff et Besredka à la note de M. Vincent XXV — Burnet (Et.) et Tarassewitch. — Recherches sur l’épidémiologië de la tuberculose dans les steppes des Kalmouks. . . . XXV — Weinberg, Pozerskt, Distaso et Berthelot. — Roussettes et microbes XXIII Meyer (de). — Glycolyse, hyperglycémie, glycosurie et diabète. XXII Morax (V.). — Manifestations oculaires au cours des Trypanoso- miases XX r — et Loiseau (G.). — Sur le passage de l'antitoxine diphtérique et tétanique dans l’humeur aqueuse XXV Mouton (H.). — Voir Nicolle (M.) XXIV Mutermitch (Stefan). — Sur l’origine des anticorps chez les cobayes trypanosomiés XXV Mutermitch (W.). — Voir Bertrand (Gabriel) XXI Nattan-Larrier (L.). — Voir Levaditi (C.) XXII — L’hérédo-contagion des spirilloses XXV Nègre (L.). — Quelques recherches sur le cancer spontané et le cancer expérimental des souris XXIV — et Raynauû (M.). — Sur l'agglutination des microbes immobiles par les sérums normaux XXV Nicolle (Charles). — Le Kala-azar infantile XXI II 361 — Recherches expérimentales sur le typhus exanthématique entre- prises à r Institut Pasteur de Tunis pendant l’année 1909. XXIV — Conor (A.) et Conseil (E.). — Recherches expérimentales sur te typhus exanthématique entreprises à l’Institut Pasteur de Tunis, pendant l’année 1910 XXV 1 97 — et Manceaux (L.). — Recherches sur le bouton d’Orient Cul- tures, reproduction expérimentale, immunisation . . . XXIV 673 Nicolle (M.). — Voir Mesnil (F.) XXI 1 — Séro-immunité vis-à-vis du choléate de soude XXI 26 856 129 946 1 753 929 (•y y /55 450 193 461 785 937 778 47 647 924 776 833 260 739 125 619 441 243 TABLE DES MATIEUES 947 Nicolle (M.) — Contribution à l’étude du phénomène d’Arthus. XXI 128 — Etudes sur la morve expérimentale du coba)re (compléments). XXI 281 — Action du bacillus subtilis sur diverses bactéries XXI 613 — Voir Mesnil (F.) XXI 946 — Une conception générale des anticorps et de leurs effets. 3° Les anticorps normaux XXII 237 — et Abt (G.). — Une conception générale des anlicorps et de leurs effets; 2° les anticorps des albuminoïdes et des cellules. XXII 132 — et Adil-Bey. — Action de la bile sur le pneumocoque et diverses autres bactéries XXI 26 — et Alilaire (E.j. — Note sur la production en grand des corps bactériens et sur leur composition chimique XXIII 547 — et Berthelot ( A.). — Expériences sur le venin trimeresuros riu- kiuanus XXV 551 — et Froin (A.). — Action de la pipéridine et de quelques autres amines sur les bactéries et, en particulier, sur le bacille de la morve XXI 443 — et Jouan (C.). — A propos de Faction de la chaleur sur les anti- toxines XXIV 928 — et Loiseau (G. . — Les facteurs de toxicité des bactéries (1er mé- moire). — Etude des bacilles diphtériques XXV 150 — et Mouton (H.i. — Note sur la toxine et l'antitoxine tétanique. XXIV 924 — et Pozerski (E.j. — Une conception générale des anticorps et de leurs effets : 1° les anticorps des toxines solubles . . . XXII 26 — et Pozerski (E.). — Sur le sort des composants du suc pancréa- tique au cours de son activation XXV 336 — et Trlche (Ch.). — Note sur la conservation des toxines so- lubles XXIV 921 Noc (F.). — Etude sur l’ankylostomiase et le béribéri en Cocliin- chiue ‘ XXII 896 955 — Recherches sur la dysentérie amibienne en Cochinchirie. XXIII 177 — Voir Simond XXIII 864 1009 No wa k (Jules). — Le bacille de Bang et sa biologie XXII 541 Pampoukis. — Contribution a l’étude des causes d’insuccès du traite- tement antirabique XXII 463 Panisset (S.). — Etude de l'infection du cobaye par le microbe de Preisz-Nocard XXIV 519 Parker-Gay (F.). — Voir Bordet (J.) XXII 625 Pasteur (Mme). — (Nécrologie) XXIV 753 Pastia (M.). — Voir Landsteiner (K.) XXV 804 Perdrix (L.). — Action antiseptique du méthanal sec aux différentes températures sur les germes microbiens, et en particulier sur les spores du bacillus subtilis XXI 701 Pinoy (Ernest). — Rôle des bactéries dans le déve'oppement de cer- tains Myxomycètes XXI 622 686 948 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR f Pons (C.). — Voir Rodhain (J.) XXV 539 Pozerski (E.). — Voir Nicolle (M.) XXII 26 — Contribution à l’étude physiologique de la papaïne. Etude d’un phénomène de digestion brusque. Immunisation des ani- maux XXIII 205 321 — Voir Metchnikoff XXIII 937 — Voir Nicolle (M.) XXV 336 Prasek (E.). — Voir Landsteiner (K.) XXV 754 Raynaud (M.). — Voir Nègre XXV 619 Remlinger (P.). — Contribution à l’étude de la transmission hérédi- taire de l’immunité antirabique XXIII 430 — La rage et le traitement antirabique à Constantinople. . XXIII 644 — Contribution à l’étude de latence du virus rabique dans les centres nerveux XXIV 798 Répin. — Quelques expériences sur la biologie du virus vaccin. XXIII 729 Reyher. — Le microbe de la coqueluche. Remarques sur le travail de MM. Bordet et Gengou XXI 727 Richet (Charles). — De l’anaphylaxie en général et de 1 anaphylaxie par la mytilo-eongestiue en particulier XXI 497 — De l’anaphylaxie et des toxogénines XXII 465 - — Etudes sur la crépitine (toxine de Hura crepitans). . . . XXIII 745 — Nouvelles expériences sur la crépitine et l’actino-congestine (anaphylaxie et immunité) XXIV 609 — De l’anaphylaxie parla crépitine XXV 580 Riegler (P.). — Voir Cantacuzène XXI 194 Rinjenbacu. — Voir Lebœuf (A.) XXIV 946 Rodhain (J.), Pons (C.) et van den Branden. — Essais de traitement de la fièvre récurrente d’Afrique par l’arsénobenzol « 606 ». XXV 539 Romanovitch (M.). — Voir Weinberg XXI 960 Rosembaum (A.). — Voir Levaditi (C.) XXI 1 323 Rosenblatt (M. ). — Voir Bertrand (G.) XXII 425 — Voir Bertrand (G.) XXIV 653 Rosenblatt (M. et Mme). — Influence de la concentration en saccha- rose sur l’action de certains acides dans la fermentation alcoolique XXIV 748 — et Rosenband (MUe). — Recherches sur l’influence paraly- sante exercée par certains acides sur la fermentation alcooli- que XXIV 196 Roubaud (E.). — Transmission de trypanosoma dimorphon par glossina palpalis R. desv XXI 466 — Stomoxydes nouveaux du Congo XXI 666 — Note biologique sur un type adapté de simulium reptans du Congo équatorial XXI 670 — Voir Bouet XXIII 658 Rozenband (Mlle). — Voir Bertrand (G.) XXIII 314 — Voir Rosenblatt (M. XXIV 196 Sabrazès (J.) et Marcandier (A.) XXI 312 TABLE DES MATIERES 949 Salimbeni (A). — Nouvelles recherches sur la toxine et l’antitoxine cholériques XXII 172 — Les modifications des globules blancs dans l’immunité acquise. XXIII 558 — Le choléra à Saint-Pétersbourg. Quelques essais de sérothérapie anticholérique XXIV 34 Sauton. — Voir Trillat (A.) XXI 1 244 — Voir Tr illat XXV 296 302 310 Sawtschenco (W.). — Contribution à l’élude de l’influence du phénol sur le virus rabique XXV 492 Schein (H.). — Hématozoaires des bovidés en Indo-Chine. . . . XXI 659 — Contribution à l’étude du surra d’Indo-Chine XXI 739 — Observations sur la piroplasmose des bovidés d’fndo-Chine et constatation de piroplasmose chez les buffles XXII 1004 Schwarzwasser (J.). — Voir Bartoszewicz (S.) XXII 927 Sergent (Edmond). — Des tropismes du bacterium Zopfii Kurth (2e note . XXI 842 — Etudes sur la fièvre méditerranéenne, recherches expérimen- tales en 1907 XXII 225 — Note sur l’histoire, pendant un an, du trachome dans une agglomération algérienne XXIII 253 — Etudes sur la lièvre méditerranéenne dans le village de Kléber (Oran) XXII 217 — et Foley (Henri). — Recherches sur la fièvre récurrente et son mode de transmission dans une épidémie algérienne . XXIV 337 — Gillot (V.) et Lemaire (G.). — Etudes sur la fièvre méditerra- néenne chez les chèvres algéroises en 1907 XXII 209 — et Sergent (Et.). — Etudes épidémiologiques et prophylactiques du paludisme (5e campagne en Algérie 1906) .... XXI 28 81 — et Sergent (Et.). — Etudes sur les hématozoaires d’Oiseaux (Algérie 1906) XXI 251 — et Sergent (Et.). — La « Chim’ni », myase humaine d’Algérie causée par « OEstrus ovis L. » XXI 392 — et Sergent (Et.). — Sur des régions paludéennes prétendues indemnes d’Anophélines en Algérie XXI 825 — et Sergent (Ét.). — Etudes épidémiologiques et prophylactiques du paludisme (6e campagne en Algérie, 1907 XXII 390 — et Sergent. — Etudes épidémiologiques et prophylactiques du paludisme (7e et 8e campagnes en Algérie, 1908-1909) XXIV 55 907 Sergent (Et.). — Voir Sergent (Edmond) XXI 28 81 — Voir Sergent (Edmond) XXI 251, 392 825 — - Voir Sergent (Edmond XXII 390 — Voir Sergent (Edmond) XXIV 55 907 Sicre (A.). — Sensibilisatrice spécifique dans les sérums des animaux traités par le « M. Melitensis » et dans le sérum des malades atteints de fièvre méditerranéenne XXII 616 950 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Simond, Aubert et Noc. — Contribution à l’étude de l’épidémiol ogie amarile, origine, causes, marches et caractères de la fièvre jaune de la Martinique de 1908 XXIII 864 1009 Skrzynski (Z). — Nouveau microbe pathogène pour les chats. . XXII 682 Sleeswyk (J. -G.). — Contribution à l’étude des opsonines. . . . XXI 983 Sleeswyk. — Voir Bordet (J.) XXIV 476 Sobrel (F.). — Iodure de potassium et tuberculine XXIII 533 Steinhardt (Edna). — Voir Besredka (A.) XXI 117 384 Stœcklin (Eloi de). — Voir AVolff (J ) XXIII 841 — Voir Wolff (J.) XXV 313 Strada (Ferdinand). — Sur la filtration au travers des membranes en collodion, de quelques diastases protéolytiques XXII 981 Sulima (A.). — Sur le rôle des leucocytes chez les animaux neufs et immunisés, infectés artificiellement par le microbe du cho- léra des poules XXIII 911 Swellengrebel (N. N.). — Sur la cytologie comparée des spirochètes et spirilles XXI 448 562 Tarassevitch (L). — Voir Metchnikoff (Elie) XXV 785 Tchistovitch (S.). — Sur les antiphagines du microbe du choléra des poules XXII l 834 — et Yourevitch (XL). — Sur les opsonines et les antiphagines dans l’infection pneumococcique XXII 611 Teppaz (L.). — Voir Thiroux (A.) XXI 211 — Voir Thiroux (A.) XXII 561 — Voir Thiroux (A.) XXJII 240 426 — Voir Thiroux (A.) XXIA’ 220 234 Thibaud (E.). — Voir Aubert (P.) XXIV 376 Thiroux (A.). — Voir Laver an (A.) XXI 595 — Voir Laveran (A.) XXII 97 — et Teppaz. — Les trypanosomiases animales au Sénégal. . XXI 211 — et Teppaz. — Traitement des trypanosomiases chez les chevaux (Souma et tryponosomiase des chevaux de Gambie), par l’or- piment seul ou associé à l’atoxyl XXI11 240 — et Teppaz. — Contribution à l’étude de la lymphangite épi- zootique des équidés au Sénégal XXIII 420 — et Teppaz. — Traitement des trypanosomiases chez les chevaux par l’orpiment seul ou associé à l’atoxyl XXIII 426 — et Teppaz. — Traitement des trypanosomiases chez les che- vaux par l’orpiment seul ou associé à Tatoxyl ou à l’émé- tique de potasse XXIAr 220 — et Teppaz. — Traitement du Surra chez le dromadaire par l'orpi- ment seul ou associé à l’émétique ou à l’atoxyl .... XXIV 234 Thiroux (A.), Wurtz (R.) et Teppaz (L.). - Rapport de la mission d’étude de la maladie du sommeil et des trypanosomiases animales, sur la petite côte et dans la région des nyayes au Sénégal. XXII 561 Thomas (Pierre) et Froin (Albert). — L’émulsine intestinale chez les animaux supérieurs XXIII 261 TABLE DES MATIERES 951 Tiffeneau (M.). — Voir Marie (A.) XXII 289 — el Marie (A.). — Eludo de quelques modes de neutralisation des toxines bactériennes XXII 644 Tissier (H.). — Recherches sur la llore intestinale normale des enfants âgés d’un an à cinq ans XXII 189 Tizzoni (G.) et Bongiovanni. — Sur le traitement de la rage par le radium. Réponse à M. Calabrèse XXI 237 • — et Bongiovanni. — Le radium et la rage, dernière réponse an Dr Calabrèse XXI 494 Trautmann (R.). — Etude expérimentale sur l’association du spirille de la tick fever et de divers trypanosomes XXI 808 Trillat (A.). — L’aldéhyde acétique dans le vin : son origine et ses effets . XXII 704 753 876 — et Sauton. — L’amertume du lait et des fromages, étude d'un cas particulier XXII 244 — et Sauton. — L’aldéhyde acétique est- il un produit normal de la fermentation alcoolique ? XXIV 296 — et Sauton. — Rôle des levures dans la formation de l’aldéhyde acétique en milieux alcooliques . XXIV 302 — et Sauton. — Sur la disparition de l’aldéhyde acétique en pré- sence des levures XXIV 310 Truche (Ch.). — Voir Nicolle (M.) . . * XXIV 921 — et Alilaire (E.). — Immunité héréditaire de la chèvre vis-à-vis de la ricine XXV 190 Cramer (A.) et Cotoni (S.). — Études sur le pneumocoque. XXV 480 Vaillard et Dopter (Ch.). — La sérothérapie dans le traitement de la dysenterie bacillaire XXI 241 Vallée (H.). — Recherches sur l’immunisation antituberculeuse. XXIII 585 — Recherches sur l’immunisation antituberculeuse (2e mémoire). XXIII 665 Vansteenrerghe (P.). — Le passage du bacille tuberculeux à travers la paroi intestinale XXIV 316 Vasconcellos (de) (Figueiredo). — Prophylaxie de la peste à Rio de Janeiro XXII 819 Vassal (J -J.). — Sur un hémocytozoaire d’un cheiroptère . . . XXI 224 — Nouvelle contribution à l’étude de l'hématozoaire de l’écureuil (Hæmamœba Vassali Lav.) XXI 851 Vaudremer. — Action de quelques microbes sur la tuberculine. — Contribution à l’étude de la nature de la tuberculine . XXIV 189 Viala (Jules). — Les vaccinations antirabiques à l’Institut Pasteur en 1906 XXI 485 — Les vaccinations antirabiques à l’Institut Pasteur en 1907. XXII 557 — *si en 1908. XXIII 509 _ — — — en 1909. XXIV 429 — en 1910. XXV 558 952 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Vincent (H.). — Recherches sur les microbes anaérobies des eaux. — Contribution à l’étude bactériologique des eaux potables.’ XXI — Étude expérimentale sur le soit de la toxine tétanique dans le tube digestif XXII — Remarques sur la vaccination anlityphique ^ . XXV Weil (A.). — Voir Widal (F.) XXIV Weinberg. — Du rôle des helminthes, des larves d’helminihes, et des larves d’insectes dans la transmission des microbes patho- gènes XXI 417 — Action de l’extrait de sclérostomes sur le sang de cheval. XXI — Séro-diagnostic de l’échinococcose XXIII — - Voir Metchnikoff XXIII — et Romanovitch. — Lésions de l’intestin grêle du porc produites par l’Echinorynque géant XXI Widal (F.), Abrami (P.), Joltrain (E.), Brissaüd Et. et Weil (A.). XXIV Wolff (J.). — Relations entre les phénomènes oxydasiques naturels et artificiels XXIV — et de Stoecklin (Eloi). — Contribution à l’étude des enzymes oxydants XXIII — et de Stoecklin (Eloi). — L’oxyhémoglobine peut-elle fonc- tionner comme peroxydase? XXV Wolman (Eugène). — Action de l’intestin grêle sur les microbes. XXIV — Sur l’élevage de mouches stériles. — Gontributiou à la connais- sance du rôle des microbes dans les voies digestives. . XXV Wurtz (R.). — Voir Tiiiroux (A.) XXII Yakimoff (W. L.) et Mme Yakimoff (Nina-Kohl). — Contribution à la chimiothérapie de la tick fever « 606 » et la couleur de benzi- dine XXIV — De l’influence de l’arsénobenzol « 606 » sur la formule leucocy- taire du sang XXV Yamanouchi (T.). — Voir Levaditi (C.) XXII — Sur la diminution de l’excitabilité des nerfs chez les animaux préparés avec le sérum d’une espèce étrangère. . . . XXIII Yourevitch (V.). — Voir Tchistovicth (N.) XXII 62 341 455 1 533 798 472 937 960 1 789 841 313 807 79 561 826 415 763 577 611 TABLE ANALYTIQUE DES SUJETS TRAITÉS DANS LES TOMES XXI A XXV Acide citrique. Sa production par les citromyces, XXIII, 830. Acides gras volatils. Analyse de quelques mélanges, XXI, 825. Acide isobutyrique. Application de la distillation fractionnée à sa recherche et à son dosage, XXI, 76. Agglutination. Des microbes immobiles par les sérums normaux, XXV, 619. Alcaloïdes. Leur migration dans les greffes de solanées sur solanées, XXIV, 569. Aldéhyde. A. acétique dans le vin, son origine, ses effet5, XXII, 704, 753, 876. — Disparition de VA. acétique en présence des levures, XXIV, 310. — L’A. acétique est-il un produit normal de la fermentation alcoo- lique, XXIV, 296. — Rôle des levures dans sa formation, XXIV, 302. Alexine. Absorption de VA. et pouvoir antagoniste des sérums normaux, XXII, 625. Amidon. Ses propriétés colloïdales et son mécanisme de migration dans les végétaux, XXI, 475. Anaérobies. Leur recherche et étude bactériologique des eaux potables, XXI, 62. — Méthode pour les isoler, XXI, 1005. — Des leucocidines et hémolysines chez les A., XXII, 430. — Etude biochimique de deux microbes du contenu intestinal, XXIII, 85. Anaphylaxie. De VA. et de l’anti-A. vis-à-vis du sérum de cheval, XXI, 1 17. — Du mécanisme de l’anti-A., XXI, 384. — De VA. en général par la mytilo-congestine, XXI, 497. — Comment on peut la combattre, XXI, 950. — De TA. et de ses toxogénines, XXII, 465. — Son mécanisme vis-à-vis des sérums de cheval, XXII, 496. — De TA. lactique, XXIII, 166. — Etude de son mécanisme, XXIII, 801. — De l’anti-A., procédé des petites doses, XXIV, 879, TA. rachidienne et les moyens de s’en préserver, XXIV. 935. — A. et anti-A. vis-à-vis du blanc d’œuf, XXV, 392. — A. par la crépitine, XXV, 580. Ankylostomiase et béribéri en Cochinchine, XXII, 896, 955. Anticorps. Conception générale, de leurs effets, XXII, 26, 132, 237. — Leur recherche dans l’humeur aqueuse des animaux immunisés, XXV, 661. — Leur origine chez les cobayes trypanosomiés, XXV, 776. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 954 Antiphagines. Sur les A. des microbes du choléra des poules, XXIÏI, 834. Antitoxine. Passage de VA. diphtérique et tétanique dans l’humeur aqueuse, XXV, 647. Arsénobenzol. Son influence sur la formule leucocytaire du sang, XXV, 415. Bacille d'Eberth. Action du vin, XXI, 312. Bacille coli. Sa signification dans les eaux potables, XXII, 917. Bacillus Perfringens. Etude biologique du Bac. P. et du Bac. Putri ficus , XXIII, 91. Bacillus sabtilis. Son action sur diverses bactéries, XXI, 613. — Action du Méthanal sec, XXI, 701. Bactéries. Sur la production en grand des corps bactériens, XXÏII, 547. Bacterium Zopfii. Ses tropismes, XXI, 842; XXV, 601. Bang. Son bacille et sa biologie, XXII, 541. Béribéri. Traitement préventif par le son de paddy, XXV, 167. Bile. Son action sur le pneumocoque bactérien, XXI, 20. Bore. Sa présence et son utilité chez les végétaux, XXIV, 321. — Influence de l’acide borique sur les actions diastasiques, XXIV, 493. Bouton d'Orient. Cultures, immunisation, XXIV, 673. Cancer. Expérimental des souris, XXI, 760. — Le problème étiologique, XXII, 509. — Acariens et cancers, XXIII, 97. — Recherches sur le C. spontané et leC. expérimental, XXIV, 125. — Parasitisme et tumeurs, XXIV, 778. Cellase. Nouvelle diastase dédoublant le cellose, XXIV, 180. — Sur l'indi- vidualité de la C. et de l’émulsine, XXIV, 931. Charbon. Vaccinations anticharbonneuses par des bacilles très virulents, XXIV, 330. — Sur la protéolyse de la bactéridie charbonneuse, XXIV, 577. — Action bactéricide de l’humeur aqueuse de la bactéridie char- bonneuse, XXIV, 669. — Son traitement par le pyocyanose, XXIV, 956. Choléra. Recherches sur sa toxine et son antitoxine, XXII, 172; à Saint- Pétersbourg, essais de sérothérapie, XXIV, 34; Recherches, XXV, 433; Remarques sur les vaccinations sur le choléra, XXV, 450. Choléra des poules. Action des injections intrapleurales de Mellin’s food, XXV, 89. Colorations. Méthodes communes à l’actinobacillose, l’actinomycose et la botryomycose, XXIII, 503. Coqueluche. Note complémentaire sur son microbe, XXI, 720; Remarques sur le travail précédent, XXI, 727; son microbe, réponse à un article de M. Reyher, XXI, 733; son endotoxine, XXIII, 415. Crépitine. • Son étude; toxine de Hura crepitans, XXIII, 745 ; expériences sur la C. et lactinocongestine, XXIV, 609. Diastases. Sur leur filtration au travers des membranes en collodion, XXII, 981 ; action paralysante par certains acides sur la peroxydiastase, XXIÏI, 314. Diphtérie. D. expérimentale chez le chimpanzé, XXIV, 114; le microbe de la D. des poules, XXIV, 563. Déviation du complément. Sur le mécanisme de la réaction Bordet-Gengou, XXII, 728. TABLE DES MATIERES 955 Dysenterie. Vaccination préventive contre la D. bacillaire, XXIII, G74 ; la sérothérapie dans le traitement de la D. bacillaire, XXI, 241 ; la D. ami- bienne en Cochinchine, XXIII, 177. Echinococcose. Son séro-diagno'tic, XXIII, 472. Emulsine. E. intestinale chez les animaux supérieurs, XXIII, 261. Enzymes. Etudes des E. oxydants, XXIII, 841. Extrait leucocytaire. Action bactéricide de VE. L. des lapins et des cobayes, XXII, 586. Fermentotion. Influence paralysante exercée par certains acides sur la F. alcoolique, XXIV, 196; influence de la concentration du saccharose sur l’action de certains acides dans la F. alcoolique, XXIV, 748; méca- nisme de la F. alcoolique, XXV, 846; les phénomènes de F. sont des actes de digestion, XXV, 289, 369. Ferments. Influence du F. lactique sur la flore des excréments des souris, XXI, 991 ; action du F. bulgare sur les principaux sucres, XXIII, 402. Fièvre joune. Epidémie de la Martinique en 1908, XXIII, 864, 1009. Fièvre méditerranéenne. Son étude en Algérie en 1907, XXII, 209, 217, 225; dans le Gard, XXIV, 376. Fièvre récurrente. Une épidémie algérienne, XXIV, 337; son traitement par l'arsénobenzol, XXV, 539. Fièvre typhoïde. Son étude, XXIII, 29; XXV, 193; sur la vaccination, XXV, 455, 461. Vaccination antilyphique, XXV, 865. Filtres , en collodion, XXV, 145. Flore intestinale normale des enfants de 1 à 5 ans, XXII, 189; des selles du nourrisson, XXII, 300, 929; et poisons intestinaux, XXIV, 755; du gros intestin de cheval, XXV, 247, 345. Foie. Etude histo-physiologique de l’autolyse aseptique du F., XXIII, 979. Glycolyse. G. Hyperglycémie, glycosurie et diabète, XXII, 778. Helminthes. Leur rôle dans la transmission des microbes pathogènes, XXI, 417, 533. Hématozoaires des Oiseaux en Algérie, XXI, 251 ; des bovidés en Indo-Chiné!, XXI, 659 ; de l’écureuil, XXI, 851 ; du Congo, XXIV, 946. Hémocytozoaire, d'un Cheiroptère, XXI, 224. Hémolysines des sérums, XXV, 277. Hémolytiques. Action des substances H. sur les protozaires, les spirochètes et les vibrions, XXII, 323. Immunité , vis-à-vis du choléate de soude, XXI, 26; transmission hérédi- taire de VI. antirabique, XXII I, 430; modification des globules blancs dans VI. acquise, XXIII, 558; des lapins contre le bacille suipesticus, XVIV, 728; de la chèvre vis-à-vis de la ricine, XXV, 190. Institut Pasteur d’Algérie, XXV, 487. Inulase d’aspergillus niger, XXV, 695. Kala-Azar infantile, XXIII, 361, 441. Laccase. Sur l’influence paralysante exercée par certains aides, XXI, 673. Laiterie. Amertume, étude d'un cas particulier, XXII, 244; technique froma- gère, XXIV, 395, 435, 543. Lèpre et acariens, XXIII, 125; sa transmission, XXIII, 513. 956 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR « Leptomonas. Sa présence dans le latex de trois euphorbiacées, XXIY, 205. Leucocytes. Leur rôle chez les animaux neufs et immunisés par le microbe du choléra des poules, XXIII, 911. Leucocytozoon de la perdrix du Tonkin, XXIII, 740. Lymphangite épizootique des équidés au Sénégal, XXIII, 420. Mélanines. Influence de la réaction du milieu sur leur formation, XXIV, 668. Melitensis. Sensibilisatrice spécifique dans les sérums des animaux traités par le M. M ., XXII, 616. Méningite cérébro-spinale septicémique, XX11I, 273; — sérothérapie anti- méningococcique, XXIV, 96. Microbes. Nouvelle forme de diplocoque, XXII, 927 ; — nouveau M. patho- gène pour les chats, XXII, 682; — leur passage à travers la paroi intestinale, XXIII, 921 ; — Roussettes et 4L, XXIII, 937 ; — séro-diagnostic et variabilité des M. suivant le milieu de culture, XXIV, 476; — infec- tion du cobaye par le M. de Preisz-Nocard, XXIV, 519; — producteurs de phénol, XXIV, 595; — action de l’intestin grêle sur eux, XXIV, 807; — leur rôle dans les voies digestives, XXV, 79. Milieux de culture gélosés et gélatinés, XXI, 235. Moisissures causant une maladie spontanée du leptodactylus pentadactylus, XXIV, 157; leur culture en présence du fer, XXV, 922. Morve. De la maladie toxique provoquée par l’injection intrastomacale de bacilles morveux tués, XXI, 194; — expérimentale du cobaye, XXI, 281 ; — action de la pipéridine sur son bacille, XXI, 443. Myxomycètes. Rôle des bactéries sur leur développement, XXI, 622, 686. Nagana. Essai d’obtention d’une race résistante à l’émétique, XXIV, 721. Nécrologie. Ch. Chamberland, XXII, 369; — Robert Koch, XXIV, 433; — Mme Pasteur, XXIV, 753. Neurologie. Sur la diminution de l’excitabilité des nerfs chez les animaux préparés avec le sérum d’une espèce étrangère, XXIII, 577. Opsonines. Contribution à leur étude, XXI, 983 ; — et anliphagines dans l’infection pneumococcique, XXII, 611. Oxydases. Relations entre les phénomènes oxydasiques naturels et artifi- ciels, XXIV, 789. Oxyhémoglobine. Peut-elle fonctionner comme peroxydase, XXV, 313. Paludisme. Etudes épidémiologiques et prophylactiques en Algérie, XXI, 28, 81 ; XXII, 390; XXIV, 55, 907; — régions paludéennes prétendues indemnes en Algérie, XXI, 825. Pain. Sur le mode de coloration du pain bis, XXI, 883. Papaïne. Son étude physiologique, digestion brusque, XXIII, 205, 321. Parasites. Sur quelques P. semblables à des bacilles, rencontrés dans les hématies du leptodactylus ocel'atus, XXIV, 152. Péripneumonie. Son microbe, XXIV, 168; — morphologie de son microbe chez les bovidés, XXIV, 161. — Son étiologie, XXV, 914. Peste. Vaccination par le tube digestif, XXII, 353; — conservation de son bacille dans le corps des punaises, XXII, 455; — dans le département de Constantine, XXII, 658; — sa prophylaxie à Rio de Janeiro, XXII, TABLE DES MATIERES 957 819; — conservation des organes pesteux pour le diagnostic, XXIV, 888. Phénomène d'Arthus. Contribution à son étude, XXI, 128. Physiologie végétale. Recherches, XXV, 705. Pian. Etude microbiologique et expérimentale, XXII, 260. Pigments. Cellules pigmentaires des vertébrés, XXI, 858. Piroplasmes du Cervus aristotelis de l’Annam, XXI, 657. Piroplasmose des bovidés de lTndo-Chine, XXII, 1004. Plasmodium des macaques du Tonkin, XXV, 593. Pneumocoque. Son étude, XXV, 480. Poliomyélite. Etude expérimentale, XXIV, 833; XXV, 804. Précipitines , Sur leur origine, XXII, 54. Proteus. Sa distribution dans la nature, XXV, 851. Protozoaires. Maladies à P. et lésions des capsules surrénales, XXV, 829. Rage. Son traitement par le radium, XXI, 156, 237, 489, 494, 496; — vacci- nations à l’Institut Pasteur, XXI, 485; XXII, 557; XXIII, 509 ; XXIV, 239 ; XXIV, 429; XXV, 558; — causes d’insuccès de son traitement, XXII, 463; — son traitement à Constantinople, XXIII, 644; — étude de la latence du virus rabique dans les centres nerveux, XXIV, 798; — influence du phénol sur son virus, XXV, 492; — sur une grande épizootie, XXV, 842. Sang. Le globulin de l’homme, XXV, 56; — stabilité des globules rouges de mammifères par les solutions très diluées de formol, XXV, 222. Scarlatine. Sa transmission aux singes, XXV, 754. Sclérostomes. Action de l’extrait sur le sang de cheval, XXI, 798. Sérodiagnostic. S. mycosique et diagnostic de la sporotrichose et de l’acti- nomycose, XXIV, 1. Sérums, leur toxicité; sa variabilité et son dosage, XXL 777; S. antira- bique, XXII, 271; S. normaux et spécifiques, XXIV, 974; — action du S. de bœuf et du S. de cheval sur le cœur isolé du cobaye, XXV, 561. Simulium. Sur un type adapté de S. reptans du Congo équatorial, XXI, 670. Spirillose . Hérédo-contagion, XXV, 739. Spirochètes. Cytologie comparée des S. et Spirilles, XXI, 448, 562. Stomoxydes. S. nouveaux au Congo, XXI, 666. Streptocoques. Leur pouvoir hémolytique, XXV, 918. Suc pancréatique. Sort de ses composants au cours de son activation, XXV, 336. Sucres. S. neutre des S. bruts de canne, XXIV, 467. Surra de lTndo-Chine, XXI, 739; — son traitement chez le dromadaire par l’orpiment seul ou associé à l’atoxyl, XXIV, 234. Syphilis. Les anticorps syphilitiques dans le liquide céphalo-rachidien des paralytiques généraux et des tabétiques, XXI, 138; — sur sa prophy- laxie, XXI, 753; — sur son incubation, XXII, 763; — l’hérédo-syphilis du pancréas et de la parotide, XXIII, 567. Table chauffante à température réglable, XXV, 555. Thim'ni. Myase humaine d’Algérie, causée par OEstrus ovis L., XXI, 392. Tick fever. Infection provoquée par son spirille, XXI, 295; — Etude expé- 958 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUlt t rimentale sur l’association de son spirille et de divers trypanosomes, XXI, 808; — sa chimiothérapie ^606) et la couleur de benzidine, XXIV, 826. Toxicité des bactéries, facteur de T.; — bacilles diphtériques, XXV, 150. Toxines. — tétanique dans le tube digestif, XXII, 341 ; — quelques modes de neutralisation, XXII, 289, 644; — conservation des T. solubles, XXIV, 921; — et antitoxine tétanique, XXIV, 924; - - action de la chaleur sur les antitoxines, XXIV, 928. — Diphtérique et tétanique, XXV, 892. Trachome. Son histoire pendant un an en Algérie, XXIII, 253. Tréponème. Culture du T. pallidum, XXI, 784. Trypanosomes. La transmission du dimorphon par Glossina palpalis, XXI, 466; — propriétés des races résistantes aux médicaments, XXII, 856; — étude du Congolense, XXII, 833; XXIV, 81; — stades endoglobu- laires, XXIV, 143; — Glossina palpalis et T. cazalboui, XXIV, 276; — leur transmission par les glossines, XXIV, 658; — identification et essai de classification, XXV, 497; — des batraciens du Tonkin, XX V, 671; — préparation de races résistâmes à divers sérums, XXV, 882. Trypanosomiases. Traitement des infections expérimentales à T. gamhiense, XXI, 946; — manifestations oculaires, XXI, 47; — cinq nouveaux cas chez les blancs, essai de traitement XXI, 161 ; — T. animales au Sénégal, XXI, 211 ; — du Haut-Niger, XXI, 321; — T. animales de la Guinée française, XXI, 357 ; — de la Basse-Côte d’ivoire, XXI, 468, 969; du Soudan français, XXI, 587 ; — sur le rôle de la rate, XXI, 595; — pouvoir préventif et curatif du sérum humain dans l'infection due au Tr. du Nagana, XXI, 882; — de l’Afrique occidentale, quelques modi- fications de virulence, XXI, 911; — la Baléri, Tr. animale des terri- toires de la boucle du Niger, XXIi, 1 ; — recherches sur leur traite- ment, XXII, 97 ; — diagnostic microscopique de la T. humaine, valeurs comparées des divers procédés, XXII, 518; — rapport de la mission d’études de la maladie du sommeil, au Sénégal, XXII, 561 ; — le sang dans la T. expérimentale, XXIII, 70; — sur les propriétés protectrices du sérum des animaux trypanosomiés, XIII, 129; — leur traitement chez les chevaux par l’orpiment seul ou associé à Tatoxyi, XXIII, 240, 426; XXIV, 220; — mécanisme d’action des dérivés arsenicaux dans les T., XXIII, 604; — la maladie du sommeil et ses troubles mentaux, XXV, 463. Tuberculine et iodure de potassium, XXIII, 533 ; — action de quelques microbes, étude de sa nature, XXIV, 189. Tuberculose. Infection et vaccination des bovidés par les voies digestives, XXI, 401, 525; — coloration de son bacille, XXII, 92; — vaccination des bovidés, XXII, 689; — sur l'immunisation antituberculeuse, XXIII, 585, 665 ; — T. intestinale du bœuf, XXIII, 692, 809 ; passage du bacille à travers la paroi intestinale saine, XXIV, 316; — hérédo-prédisposi- tion et terrain tuberculisable, XXIV, 771; — recherches expérimen- tales sur la T. vésicale, XXIV, 820; — rapport entre la T. aviaire et celle des mammifères, XXIV, 895; — la T. thoracique du bœuf n’est TABLE DES MATIERES 959 pas d’origine digestive, XXV, 518, 642; — défense de l’organisme (sérothérapie), XXV, 625; — dans les steppes desKalmouks, XXV, 785. Typhus exanthématique. Recherche expérimentale à Tunis en 1909, XXIV, 243; — en 1910, XXV, 1, 97. Tyrosinase . Son action sur la tyrosine, XXII, 381 ; — sur la tyrosine racé- mique, XXII, 425; — sur la température des T. végétales, XXIV, 653. Vaccin. Expériences sur la biologie du virus vaccin, XXIII, 729. Venins. Relation entre celui de cobra et son antitoxine, XXI, 929; — les précipitines du sérum antivenimeux vis-à-vis du venin de cobra, XXIII, 155; V. trimeresurus riukiuanus, XXV, 551. Ve> ’S à soie. La maladie du rouge en Cochinchine, XXIV, 529. Z inc. Sa présence et son rôle chez les plantes, XXII, 720. Z ymase. Est-elle une diastase? XXV, 682. Le Gerant i G. Masson. Paris. — L. Maretheux, imprimeur, 1, rue Gasselte. T " f Ô- ’ t ' ' ' > / * . . . V . -, ' ' - . * \ « i 0 * r . / I • ) ,'V ' I J v J V / I I % / \ ) l s % ) I * ,3* -i vvt yiVA9F,«