À 17 a PT à d'au 27 à A "he rx ÈS af 10 AUTRES : L'2 AL eu PR. d'A Le Ch ALIEN Delatre fr { Imp 4. Hdelfèlt 1888 ut de d'apres le table. è « L œ 5 FE, Ce à HMS DE L'INSTITUT PASTEUR... Œors LE d sd ! + ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR (JOURNAL DE MICROBIOLOGIE) PUBLIÉES SOUS LE PATRONAGE DE M. PASTEUR PAR END'DCEMUX MEMBRE DE L'INSTITUT PROFESSEUR A LA SORBONNE Et un Comité de rédaction composé de MM. CHAMBERLAND, che le service à l’Institut Pasteur, D' GRANCHER, professeur à la Faculté de médecine. METCHNIKOFF, chef de service à l’Institut Pasteur. NOCARD, professeur à l'École vétérinaire d’Alfort. Dr ROUX, chef de service à l’Institut Pasteur. Dr STRAUS, professeur à la Faculté de médecine. TOME NEUVIÈME 1895 AVEC HUIT PLANCHES PARIS G. MASSON, ÉDITEUR LIBRAIRE DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN EN FACE DE L'ÉCOLE DE MÉDECINE CRT + 9me ANNÉE JANVIER 1895 No 1. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR SUR LA DÉSINFECTION DES MATIÈRES FÉCALES NORMALES ET PATHOLOGIQUES LC | ÉTUDE DE LA VALEUR COMPARÉE > * DES DIVERS DÉSINFECTANTS CHIMIQUES ACTUELS pe Par M. H. VINCENT Ves Médecin-major de deuxième classe, (Laboratoire de Bactériologie de l'Hôpital mililaire du Dey, à Alger.) a ————_—_— I Les progrès de l'Épidémiologie, secondée par les recherches de laboratoire, ont montré que bon nombre de maladies infec- tieuses redoutables : fièvre typhoïde, choléra, dysenterie, etc., se propagent par l'intermédiaire des matières fécales. Transmises par contact direct ou par contagion médiate, desséchées et mélangées aux poussières respirables, infiltrées dans le sol, dans la nappe aquifère ou dans les conduites d’eau, ces matières fécales trouvent ainsi autant de conditions propices qui leur permettent d'apporter, de propager et de perpétuer la maladie originelle. C’est donc un point d’une haute importance pratique que de connaître les moyens les mieux appropriés à leur désin- feclion efficace, facile et rapide. Bien qu'un certain nombre de recherenes aient été publiées sur ce sujet, la science ne possède que des documents assez contradictoires. Frankland, Lasgoutte, Descous, ont recom- mandé le sulfate de fer. Pour Uffelmann, Drossbach, les meil- Il 2 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. leurs désinfectants des liquides de vidange sont les. acides minéraux. D’autres (Liborius, Pfuhl, Richard et Chantemesse) préfèrent le lait de chaux. Baxter, Borchoff adoptent l'acide phénique; Fraenkel, Esmarch, Delplanque, Gautrelet, Remou- champs etSugg,Gerlach, Heyden préconisent l’un des dérivés de la houille tels que le lysol, le solvéol, le solutol. Et je ne cite pas ici tous les agents, tour à tour prônés et délaissés, qui encombrent aujourd’hui l’arsenal des désinfectants. Nous avons essayé de reprendre cette étude de la désinfection des malières fécales normales et pathologiques en nous aïdant principalement du contrôle bactériologique. Seul, en effet, ce dernier peut permettre d'établir, sur des données rigoureuses, la valeur comparée des divers agents parasilicides. Les tenta- tives déjà faites, par divers hygiénistes, pour vérifier, par les cultures, le pouvoir antiseptique des désinfectanis usuels n’échappent pas, en général, à un certain nombre d’objections ou de reproches, dont le plus grave découle de la technique expérimentale même qui a été employée. Le plus souvent, on s’est contenté, après avoir additionné les matières d’une quan- tité déterminée du désinfectant, de les ensemencer directement dans les milieux nutritifs. On introduit ainsi, dans ces derniers, en même temps que les germes des matières fécales soumises à la désinfection, une petite quantité de la substance antiseptique. Il se peut, dès lors, que les cultures révélatrices demeurent infécondes, alors que la semence n’est pas morte : il suffit qu’elle soit immobilisée par la faible dose d’antiseptique qui l’a accompagnée dans le nouveau milieu de culture. IT MÉTHODE DE RECHERCHE EMPLOYÉE Il n’était pas facile d'étudier l’action des désinfectants sur les matières fécales solides. La plupart des agents antiseptiques ne pénètrent pas très loin dans leur profondeur. Souvent, même, ils les coagulent à la surface et respectent les parties centrales, avec les germes qui s’y trouvent. Nous avons pratiqué les expériences de désinfection sur des matières fécales fluides ou Aélayées dans l'urine. N'est-ce pas sous cette forme, d’ailleurs, qu'elles se présentent le plus fréquemment dans les cas où la DÉSINFECTION DES MATIÈRES FÉCALES. 3 désinfection est le plus nécessaire? Les selles morbides, susceptibles de renfermer des microbes pathogènes tels que les bacilles de la fièvre typhoïde, du choléra, les microbes de la diarrhée verte, l’agent encore mal connu de la dysenterie, etc., offrent précisément ce caractère commun d’être à peu près fluides, souvent, même, très séreuses. D'un autre côté, le cou- tenu des fosses d’aisance présente la même consistance. Autant donc pour reproduire avec exactitude les conditions naturelles de la désinfection que pour faciliter la technique des expériences, on a opéré : 1° Sur des selles normales récentes, et délayées dans l'urine jusqu'à consistance semi-liquide; 20 Sur les mêmes selles anciennes et putréfiées, additionnées, dans certains cas, d'eau résultant de la lévigation d’une terre de jardin, afin d'accroître les difficultés de la désinfection ; 3° Sur des selles de {yphoïdiques fraîches ou anciennes, addi- tionnées, pour plus de sûreté, de cultures du bacille d’Eberth : 4° Sur desselles diarrhéiquesauxquellesonaajoutéundixième, en volume, d’une culture en bouillon d’un bacille du choléra d’origine indienne et très vivace. Pour l’étude de l’action comparée des divers désinfectants, voici comment il a été procédé. On prend un certain nombre de verres à expériences et l’on verse, dans chacun d'eux, 100 c.c. de matières fécales. Ces matières sont ensuite additionnées de proportions variées d’an- tisepliques, telles qu’elles correspondent à des doses progressi- vement croissantes de ceux-ci : 1, 2, 5, 10 grammes, elc., pour 100 ec. c. d’excréments, ou bien 1, 2, 5, 10 kilogrammes, etc., pour ! mètre cube de ces derniers. Les désinfectants salins ont été employés à l’état de solution concentrée et titrée, afin de permettre à leur action de s'exercer immédiatement. Le mélange était soigneusement agité, puis abandonné au repos, à la température ambiante (celle-ci a toujours été notée), mais à l’abri du soleil, des poussières et de la pluie. Après un certain nombre d'heures ou de jours, on a prélevé, à l’aide de pipettes stérilisées et dont la goutte était exactement jaugée, des parcelles de matières ainsi traitées, lantôt après avoir de nouveau agité le mélange. lantôt dans,la masse laissée au repos, mais comparativement dans la profondeur et près de 4 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. la surface, afin qu'aucun germe ne püt échapper à l’ensemen- cement. | Chaque pipette étant jaugée à l’avance, il était facile, après avoir dénombré les colonies développées dans les cultures sur gélatine, de faire, en même temps que l'analyse qualitative des germes, la détermination quantitative de ceux-ci. Mais avant de faire l'ensemencement des selles, on a pris soin de neutraliser, toutes les fois qu'il a été possible, l’anti- septique qu’elles contenaient, à l’aide d’un réactif chimique appro- prié, délayé lui-même dans du bouillon : acide acétique à 1/200, pour les bases alcalines (soude, potasse); courant de CO? ou acide sulfurique à 1 0/00, pour la chaux. Dans certains cas, on a employé, concurremment avec les désinfectants salins, des acides minéraux : ceux-ci ont élé saturés à l’aide de l’eau de chaux ou de l’ammoniaque diluée ‘. Enfin, pour certains désin- fectants tels que le bichlorure de mercure, et aussi pour d’autres substances telles que le sulfate de cuivre, le sulfate de fer, je me suis inspiré de la méthode qui a donné à J. Geppert des résultats si remarquables *. Avant d’en faire la culture, la parcelle dosée de matières fécales était délayée dans du bouillon contenant une petite quantité de sulfhydrate d’ammoniaque qui forme, avec les bases de ces sels, des sulfures insolubles. Pour quelques antiseptiques tels que les dérivés aromatiques de la houille (crésyl, lysol, etc.), on ne pouvait évidemment effectuer la neutralisation avec le même succès. On a obvié à cet inconvénient inévitable én diluant la goutte de matières fécales à ensemencer d'abord dans 1 c. c. de bouillon, puis dans une grande quantité de gélatine nutritive (20 c. c.), telle que le désin- fectant füt porté à un degré de dilution incapable de nuire au développement des microbes. La gélatine était ensuite répartie dans plusieurs boîtes de Petri ou dans les fioles de Gayon. Dans les cas où, pour faire la contre-épreuve, on n’a pas neutralisé le désinfectant, ou lorsqu'on a simplement ensemencé les matières dans un faible volume de gélatine peptonisée, il a 1. Gette neutralisation était faite goutte à goutte, et la quantité exacte de substance neutralisante était au préalable dosée dans un autre récipient servant de témoin et contenant 1 c. c. des mêmes matières. 2. Zur Lehre von den Antiseptica, etc. {Berliner AXlin. Wochensch., 1889, n° 36, et 1890, n° 11) DÉSINFECTION DES MATIÈRES FÉCALES. D été constaté que le nombre des colonies développées dans les cultures était moindre et même, parfois, que le milieu restait stérile alors qu’en réalité nombre de germes avaient survécu. Seize désinfectants ont été étudiés comparativement. Pour la commodité de notre exposé, nous les diviserons en plusieurs groupes. Le premier groupe comprend : sulfate de protoryde de: fer: sulfate de cuivre ; chlorure de zinc. Dans un deuxième groupe, nous avons placé le hichlorure de mercure. Le troisième sera constitué par les hypochlorites alcalins de chaux, de potasse et de soude. Le quatrième comprend les bases alcalines : chaux, potasse, soude. Enfin nous plaçons dans le cinquième l’acide phénique et les principaux dérivés industriels de la distillation de la houille : Huile lourde de houille, crésyl, lysol, solvéol, solutol. III SUR LE DEGRÉ DE DÉSINFECTION DES MATIÈRES FÉCALES QU'ON DOIT RECHERCHER DANS LA PRATIQUE La difficulté de la stérilisation des matières fécales ne résulte pas seulement de la nature même du milieu organique qui sert d'habitat aux bactéries et les protège, dans une certaine mesure, contre l’action offensive des antiseptiques; elle est encore fonc- üon du nombre considérable et de la qualité particulière de ces microbes, dont quelques-uns opposent aux agents de désinfec- tion une résistance extraordinaire. Lorsque, en effet, on fait agir des proportions progressivement croissantes de'désinfeetants sur les matières fécales mélangées à l'urine en fermentation depuis quelques jours, et qu’on opère, pour chacun de ces essais, des ensemencements de contrôle destinés à mesurer les effets bactéricides du désinfectant, on observe, le plus souvent, une diminution corrélative du nombre des germes. Non toujours, cependant; en effet, à partir d’un certain taux de l'antiseptique, les résultats obtenus ne sont plus aussi régulièrement en rapport direct avec la proportion employée. La destruction des bactéries s'arrête ou se ralentit et l’on rencontre, (E ANNALES DE L'ANSTITUT PASTEUR. dans les cultures, un certain nombre de microbes, presque tou- jours les mêmes, qui ont résisté. Pour obtenir leur mort, il devient nécessaire d'employer une très forte quantité du désin- fectant. Une expérience va le montrer. Un mélange de matières fécales, d'urine et d’eau de terre !, est abandonné, pendant quelques jours, à la putréfaction. On verse ensuite, dans un certain nombre de verres à expériences, 100 c. c. de celte émulsion et, à chaque récipient, on a successivement, en agitant avec soin, 2, 5, 10, 15 0/0... & d’une solution au douzième de chlorure de chaux du commerce titrant 110 litres de chlore au kilogramme. Les ensemencements systématiques pratiqués ultérieurement donnent les résultats suivants, à une température qui a varié de T à 15°, Proportion de la Nombre de bactéries restées solution de chlorure de chaux. vivantes par C. c. de matières. TT — Après 24 heures. Après 48 heures. 2 0/0 Innombrables, Innombrables. d = 20.000 15.600 8 — 4.800 3.400 40 — 4.500 » 45 — 4.100 » 20— 860 » 25 — 760 680 30 — »10 » 0 — » 0 60 — 0 » De cette expérience résultent deux conclusions. La première est l'énormité de la dose nécessaire pour amener la mort de tous les germes; la seconde, c’est qu’à partir de la dose de 15 0/0 jus- qu'à celle de 25 et 30 0/0 de la solution saturée d’hypochlorite de chaux, la diminution du nombre des microbes est beaucoup plus lente qu'avant. J’ajouterai que la nature des espèces bacté- riennes demeurées vivantes a été trouvée la même. J'ai toujours retrouvé cette double particularité. Il existe, par conséquent, dans les matières fécales et au point de vue spécial qui nous occupe, deux groupes de microorganismes ; les uns — et c'est le plus grand nombre, — peuvent être détruits par 1. L’addition d’eau de terre n’a pas seulement pour objet d’augmenter la diffi- culté de la désinfection, car, dans certains cas (feuillées, Earth system, etc.), les matières fécales sont effectivement mélangées à la terre, DÉSINFECTION DES MATIÈRES FÉCALES. 7 une proportion relativement faible de désinfectants; les autres, au contraire, exigent, pour succomber, une quantité beaucoup plus considérable de ces antiseptiques. Le premier groupe com- prend, entre autres, les bactéries pathogènes : les microbes du deuxième groupe sont, ainsi qu'on le verra, des saprophytes inoffensifs. ; Si la dose de désinfectants nécessaires pour tuer les uns et les autres microorganismes était peu différente dans les deux cas, on ne devrait point hésiter à employer la proportion la plus élevée afin de réaliser une stérilisation absolue. Maïs, pour obte- nir ce résultat dans tous les cas et avec une entière certitude, il faudrait des quantités véritablement énormes d’antiseptiques. Voici, comme preuve, le résultat fourni par cetordre derecherches. TABLEAU Indiquant la proportion approæimative ! de désinfectants nécessaire pour amener la stérilisation absolue des matières de vidange, après 24 heures et à 150. Sulfaterde fer du-commerce....#...... plus de 400 litres par mètre cube, SULAUE AE CUVE A 6 Lens dde 70 à 90 kil. — — Chlorure de zinc du commerce......... plus de 300 litres — -— Sublimé corrosif à 14/1000 additionné de : HEC pour LOOUITENACINE SE ER (ne stérilise pas à volume égal). Solution à 1/12 de chlorure de chaux .. 40 à 50 0/0 en volume. Liqueur de Labarraque................ 60 0/0. Bande ave RP TR — AIDE CACDAUX VIRE SAMU EME Len, plus de 90 0,0, Potasse caustique (sol. à 1/5 de)..... 10 0/0. Soude caustique (sol. à 1/5 de) ........ 30 0/0. AE 6 EM CRIER MORFORRENNRRNEEEEE plus de 100 kil. par mètre cube. Huiellourderde houle erreur (ne stérilise pas à volume égal). CTESV TERRE PEN NES EUR Mines 7 be A: 50 kil. par mètre cube. MY SO ARR ER ADR AN A RAC SN Ve Ru 60 kil. — — SOA) pe far DO M SR DDR EEE - 10 kil — — SUR ROIS ETES PUR RE LOC DEA 15 kil. — — Une désinfection complète serait donc très coûteuse, et, par là, pratiquement irréalisable. Elle serait en outre pratiquement inutile, car les germes les plus résistants ne sont nullement dan- gereux. On y trouve : le bacillus megaterium, le proteus vulgaris. Le bac. mycoïdes est plus rare que les précédents; il en est de 1. Les chiffres précédents ne sont qu'approximatifs ; peut-être, mème, quelques- uns d'entre eux sont-ils au-dessous de la réalité. Il faut compter en effet avec les difficultés techniques que présentent les ensemencements des matières addition- nées de proportions aussi considérables d'antiseptiques. 8 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. même d’un bacille à colonies blanches irisées, ne liquéfiant pas la gélatine ‘, etc. Parmi les plus fréquents figurent, ainsi qu'on pouvaits’yattendre, le bacillus subtilis et le B. mesentericus vulgatus, proche parent du premier, s’il n’en est pas une simple variété. A côté de ces bacilles, on trouve parfois des micrococcus doués d’une vitalité très grande: un qui fluidifie la gélatine, à colonies blanc-jaunâtres, assez analogue au staph. pyogenes aureus, quoique non pathogène pour les animaux ; lemicroc.versicolor, ete. Les antiseptiques de la série aromatique dérivés de la distil- lation de la houille, le crésyl par exemple, m'ont paru avoir, sur les bacilles sporulés, une influence microbicide plus grande que les désinfectants salins et les bases alcalines. Par contre, ils ont moins d'efficacité à l’égard du microcoque signalé comme ana- logue au staphylocoque doré. Aucun de ces microbes n'est dangereux pour l’homme qu'importe, dès lors, leur survie? On peut donc les négliger, dans la pratique : l'intérêt de leur destruction complète n’est nullement en rapport avec les efforts et les dépenses à faire pour cela. Puisque la stérilisation absolue des matières de vidange n’est guère réalisable dans la pratique, on est forcé de se con- tenter d’une désinfection relative qui, tout en se rapprochant le plus possible de la première, amènera, du moins, sûrement la mort : 1° Des microbes infectieux ou pathogènes: 2° Du bacillus coli communis : 3° Des microbes dits de la putréfaction. Ainsi posé, le problème se simplifie nettement, et nous allons essayer d’en fournir la solution. IN ÉTUDE DES DÉSINFECTANTS EN PARTICULIER A. — Premier groupe : Sulfate de fer, sulfate de cuivre, chlo- rure de zinc. Nous allons successivement passer en revue les substances désinfectantes énumérées plus haut, en insistant seulement un peu plus sur celles qui ont paru offrir quelque intérêt. 1. Nous avons encore rencontré, à diverses reprises, un bactérium ténu, immo- bile, à colonies grisâtres, fluidifiant la gélatine et dont les cultures, inoculées au lapin et au cobaye, sont demeurées sans action pathogène. DÉSINFECTION DES MATIÈRES FÉCALES. 9 Sulfate de fer. — Le sulfate de fer, communément employé pour la désinfection des matières fécales, est le sulfate ferreux dit du commerce. C'est une solution de densité égale à 1,24, et correspondant à 250 grammes de sel par litre. C’est ce liquide qui a été expérimenté. Or, même aux doses de 200 et 300 0/00, par conséquent, 200 kil. et 300 kil. de solution par mètre cube de matière, le sulfate de fer n’a pu amener qu’une stérilisation imparfaite des matières : le bac. coli communis a été retrouvé encore vivant après 43 heures d'action de l’antiseptique à la dose la plus forte indiquée ci-dessus. Malgré sa vogue, le sulfate de fer ne paraît donc posséder qu'une vertu désinfectante très faible à l'égard des microbes des matières fécales. Sulfate de cuivre. — D'après Miquel‘, ia proportion de sulfate de cuivre capable de prévenir la putréfaction d’un litre de bouillon de bœuf est de 0,90. Les expériences de Jalan de la Croix *. celles de O’Neal* classent le sulfate de cuivre parmi les agents les meilleurs. Le travail le plus complet sur les propriétés désinfectantes du sulfate de cuivre est dû à von Gerlocsky * ; pour la neutrali- satlon du contenu des fosses, celui-ci conseille 20 kilog. de ce sel pour 1 mètre cube d’excréments. Drossbach* en demande 16 kilog. Lorsqu'on mélange le sulfate de cuivre à des liquides orga- niques putréliés ou à des matières fécales, il se forme, à la surface, une écume verdâtre assez abondante; la partie moyenne du liquide reste à peu près claire. La désodorisation obtenue est faible. A la dose de 7 kilog. par mètre cube, le sulfate de cuivre détruit, dans les matières fécales fraîches et réduites à l’état d’émulsion par dilution dans l'urine, le b. coli communis ainsi que les germes de la putréfaction. Dans certains cas, même, une proportion de 6 kilog. fournit des résultats aussi favorables. 1. Antiseptiques et bactéries, Semaine médicale, 1883, p. 222. 2. Arch. fur experim. Pathol. 28 janvier 1881, t. XIIL, p. 175. 3. The relative power of some reputed antiseptic agents. Army med. Reports for 1871, Londres, 1872. 4. Versuche uber prakt. Desinf. von Abfallstaffen. Braunschweig, Vieweg und Sohn, 1889 et Wiener medic. Wochenschr., févr. 1889. 5. Wiener med. Presse, 1899, n° 40. 10 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Pour accroître davantage les difficultés de la désinfection, les selles additionnées d'urine ont été délayées dans de l’eau de terre de jardin, puis abandonnées à la putréfaction pendant quatre jours. L’odeur en était fétide, et les cultures témoins furent liquéliées en 36 heures par une prodigieusé quantité de bactéries. Ici, l'expérience s’est beaucoup compliquée par suite de l'addition de la terre, qui renferme des microbes très résistants, et de la putréfaction à laquelle le mélange à été soumis '. Aussi a-t-on pu aller jusqu'à 30 kilog. de sel par mètre cube sans faire disparaître le bacillus subtilis. Mais tous mes essais me permettent d'affirmer une désinfection excellente des matières fécales en 24 heures, à l’aide d'une dose de sulfate de cuivre comprise entre 7 et 8 kil. 500 par mètre cube de matière, où de 7 à 8*,5 par litre de celle-ci. La proportion de sulfate de cuivre qui peut détruire, dans les déjections, le microbe de la fièvre typhoïde en 24 heures est, en moyenne, de 6 pour 1,000. La mort du microbe pathogène est souvent amerée en moins de 12 heures. Le microbe du choléra a toujours été détruit, en moins de 12 heures, par une proportion de sulfate de cuivre égale à 4,5 0/00 de matières fécales. Chlorure de zinc. — Le chlorure de zinc du commerce, qu'on emploie usuellement pour la désinfection, est une solution à 40 0/0 environ de ce sel. Sa densité est 1,45. Ce désinfectant amène, dans les premières heures, une dimi- nulion momentanée et très nette des germes; mais leur chiffre se relève au bout de 12 à 20 heures, et se trouve même plus grand après 48 heures qu'après un jour. Avec une proportion de chlorure de zinc égale à 60 et 80 0/00, nous avons rencontré, parfois, dans les matières fécales putré- fiées, (outre le coli bacille), le bacille fluorescent liquéliant et le bactérium termo ; l'apparition des colonies dans les cultures sur gélatine est cependant retardée. Dans un cas, des selles putrides additionnées de 100 0/00 de chlorure de zinc contenaient encore une énorme quantité de microbes après trois jours; ces mêmes selles ont été abandonnées pendant 25 jours à la température 1. V. plus loin le paragraphe VI de ce travail. DÉSINFECTION DES MATIÈRES FÉCALES. it ambiante {+ 4,5 à + 17°), à l'abri de la lumière, des poussières et de la pluie, et contenaient encore, au bout de ce temps, dans leur dépôt, 3,000 microbes par centimètre cube. Le résultat de ces expériences témoigne du faible pouvoir microbicide du chlorure de zinc du commerce. Cette substance est donc un très bon désodorisant, mais un très médiocre désinfectant des matières fécales. B. — Deuxième groupe : Bichlorure de mercure. — serait superflu de rappeler les nombreuses recherches qui témoignent en faveur de l'énergie du sublimé corrosif comme antiseptique ; toutes lui assignent le premier rang. Bucholtz ‘, Th. Haberkorn ?, P. Kuhn*, Jalan de la Croix, Davaine‘, Warikoff, Hocb, Staltter, Rassimoff, etc., etc., ont conclu de leurs travaux expé- rimentaux que le sublimé est l’antiseptique par excellence. Cependant, si l’on passe aux applications pratiques fondées sur ces données, on voit que le bichlorure de mercure n'est pas également prôné par tout le monde et pour tous les cas. Pour ce qui concerne la désinfection des matières fécales, MM. Richard et Chantemesse ‘ préfèrent le lait de chaux au sublimé. Von Ger- loczky®, Drossbach? condamnent également ce sel pour la désinfection des excréments. Nous avons pratiqué nos expériences en ayant soin, selon la méthode de J. Geppert*, de neutraliser au préalable, et avant de faire les ensemencements, le sublimé contenu dans les selles à l’aide du sulfhydrate d'ammoniaque. On a employé la solution de sublimé à 1 0/00 additionnée de 5 gr. d'acide chlorhydrique. Cette solution a été mélangée en diverses proportions et, en particulier, à volume égal à des matières fécales: on agitait soigneusement le mélange. Or les cultures faites, après 4 jours 4. Antiseptica und Bakterien, Untersuchungen ueber der Temperatur au Bakterien-Vegetation. Archiv fur exper. Pathol., 1875, Id., Dissert. inaugurale, Dorpat, 1876. 2. Das verhalten von Harn-Bakterien gegen einige Antiseptica, Dorpat, 4579. 3. Ein Beitrag zur Biol. der Bakterien. Dissert. inaugurale, Dorpat, 1879. 4. Rech. sur le traitement des maladies charbonneuses chez l’homme. Académie de Médecine, 17 juill. 1880. 5. Désinfection des matières fécales au moyen du lait de chaux. Revue d'Hygiène et de Police sanitaire, 1889, p. 641. 6. Loco cit. 7. Désinfection usuelle des fosses d’aisance. Wiener med. Presse, 1892, n° 40 8. Berliner Klin. Wochenschrift, 1889, ne 36, et 1890, ne 11. 12 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de contact, montraient, dans tous les cas, une énorme quantité de colonies; celles-ci étaient tellement nombreuses qu’elles re pouvaient arriver à développement complet à la surface de la gélatine. Le coli bacille persistait, très abondant. La désodorisation est très faible. Nous croyons donc pouvoir conclure que le sublimé corrosif est un très mauvais désinfectant des matières fécales. C. Troisième groupe ; Hypochlorite de chaux: Eau de Labar- raque : Eau de Javel. Hypochlorite de chaux ou Chlornre de chaux du commerce. — L'action du chlorure de chaux sur les selles et le contenu des fosses n'a pas élé étudiée expérimentalement, sauf au point de vue de la désodorisation que produit cette substance. Les recherches déjà citées de R. Koch, surtout celles de Woronzoff, Winogradoff et Kolessnikoff', de Sternberg *, de Martens”, de Jaeger‘, de Nissen‘, accusent toutes l’activité très grande que possède le chlorure de chaux. L'important travail de Chamber- land et Fernbach° conclut à la supériorité pratique du chlorure de chaux sur les autres désinfectants, pour la désinfection des locaux et des poussières. Le sel qui m'a servi dans ces expériences titrait 110 litres de chlore par kilog. Il en a été préparé une solution saturée en faisant dissoudre 100 gr. de chlorure sec dans 1,200 gr. d’eau. Lorsqu'on fait agir cette solution sur des selles diarrhéiques très séreuses et récentes, on obtient, en 24 heures, une désinfection presque parfaite avec une proportion de 6 à 8 0/0 de ce liquide. Une quantité égale à 10 0/0 a même amené la stérilisation complète de ces selles en 24 heures. Le germe le plus résistant a été le bacillus coli. Mais on n'obtient pas, dans tous les cas, des effets aussi remarquables. C’est ainsi que, lorsqu'on opère sur des selles 4. Action des divers désinfectants sur la contagion du charbon. Æusskaia Medicina, 1886, nos 31 et 32. 2.Prelimin. Report made by the commitee of Desinf. ofthe Americ. publ. Health Assoc., Philadelphia med. News, 1, 1886. 3. Beitr. zur Kentniss der Antiseptica. Virchow's Arch., IT, 1886. 4. Arbeilen ans d. Kais. Gesundh, NV, 1889. 5. Ueber die disinficirende Eigenschaft des Chlorkalkes. Zeitschr. fur Hygq., 1890. 6. Ann. de l'Institut Pasteur, t. NI. 2 DÉSINFECTION DES MATIÈRES FÉCALES. 13: normales délayées dans l'urine, il devient nécessaire d'élever à 10 0/0 la proportion de la solution pour détruire, avec certi- tude, le bacille du côlon. Enfin, lorsqu'il s’agit de désinfecter des selles putréfiées, du purin ou le contenu des fosses d’aisance, il faut augmenter encore davantage ie taux de l’antiseptique. C’est, du reste, ce que va montrer le tableau ci-dessous, résumant une expérience faite sur des selles normales délayées dans de l’urineet addition- nées d’eau de terre. (Exp® LI, faite à une température variant de 139 à 16°5). Ce mélange putride, qui répandait une odeur fétide, a ensuite été abandonné à lui-même pendant 6 jours (Exp®® IF, temp. de 9°5 à 13°). TABLEAU I. S NOMBRE = PROPORTION — de = se MICROBES VIVANTS = NATURE DES MICROBES CHLORURE DE CHAUX É = Fe 1/12. par centimètres cubes Æ (solution au 1/12. après 24 heures. 2 2%p° 1100 Innombrables. Très faible. |Bact. de la putréfaction. B. coli. 5) — 38.000 — Id. | S — 7.400 Passable. [Quelques bact. de la putréfaction. B. coli LT très rare. 10 — 4.500 Assez bonne. | Surtout B. subtilis et B. megaterium. 15 — 1.200 _— Id. | 20 — 830 Bonne. B. subtilis. , 5 p. 100 27.100 Passable. |B. coli; B mycoides; Proteus vulg.; B. mesentericus vulg.; B. irisé; deux autres espéces bacillaires. 10 — 9.600 \ssez bonne, Id. Proteus vulq. très rare. TOME 5.000 = B. subtilis; B. mycoïdes; Bac. irisé. IL. Pas de B. col. 15 — 3.700 —- B. subtilis abondant. Nombreuses colo- nies d’un bacille fin, mobile, liquéfiant, 20 3.020 — \ à cultures grisâtres. 95e — 2.400 — B. subtilis à peu près seul. 0 620 Bonne. B. subtilis. Comme on peut en juger, les résultats obtenus ne sont pas toujours exactement superposables'. De ces expériences et d’autres que nous ne pourrions citer sans allonger à l'excès ce travail, il résulte, en effet, que tantôt on a obtenu une désin- fection satisfaisante des selles putrides en y ajoutant 12 0/0 de la solution saturée de chlorure de chaux, tantôt la proportion du désinfectant a dû être portée à 20 et même 25 0/0 par rapport 4, Voir plus loin le paragraphe VI de ce travail. 14 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. au volume des selles. L’explication de ces variations d'effet sera fournie plus loin. Quoi qu'il en soit, on voit que la solution de chlorure de chaux étant au douzième, les limites de la dose désinfectante de chlorure sec sont comprises entre 10 grammes et 16,66 pour 1000 cent. cubes du mélange fécal. Quelle est l’action du chlorure de chaux sur les selles patho- logiques, en particulier sur les selles typhoïdiques où cholériques ? Dans un travail déjà cité, Nissen expérimentait sur des déjections de typhoïdiques, qu’il stérilisait au préalable, afin de tuer les saprophytes, puis il réensemençait avec des cultures du bacille d'Eberth. Ce mode de recherches n’est pas exempt de critiques sérieuses. L'expérience se simplifie, mais sa valeur pratique diminue, parce qu'on supprime les réactions des microbes les uns sur les autres, parce qu’on coagule en chauffant une partie des matières albuminoïdes des selles, parce qu’on fait disparaître en partie au moins l’ammoniaque qui n'est plus là pour neutra- liser — à un degré très sensible, ainsi qu'on le montrera bientôt — le chlore qui se dégage à l’état naissant. Quoi qu'il en soit, Nissen a vu que 0,50 à 1 gramme de chlorure de chaux sec pour 100 c. c. de liquide, stérilisent toujours celui-ci. ù Nous nous sommes servi de selles typhiques fraîches ou anciennes, additionnées, dans tous les cas, de 1/10 d’une culture du bacille d'Eberth. Or, tantôt une proportion de 6 grammes à 8 grammes de chlorure sec pour 1000 c. c. de matières, a fait disparaître le bacille d’Eberth en 7 heures; tantôt ce microbe a persisté, même après 24 heures, après action de 10 grammes de chlorure de chaux. Pour obtenir sûrement et dans tous les cas la destruction du bacille typhique, en 24 heures, il est nécessaire d'employer le chlorure de chaux à la dose de 12 grammes pour 1000. Le plus souvent, le bacille n’est plus retrouvé déjà après 7 heures, Le microbe du choléra est plus facile à détruire. Une propor- tion de 5 0/0 de la solution au douzième de chlorure de chaux a souvent raison de tous les germes cholériques en 24 heures, mais elle respecte un nombre considérable de saprophytes, ainsi que Île B. coli. Pour amener, dans tous les cas, la mort du Komma-bacille, DÉSINFECTION DES MATIÈRES FÉCALES. 15 il faut porter à 10 0/0 la quantité de solution saturée de chlorure de chaux. Cette quantité correspond à 8“,33 de chlorure sec pour 1000 e. ce. de matières. Liqueur de Labarraque (Hypochlorite de soude). — Une pro- portion de 15 0/0 de liqueur de Labarraque permet d'obtenir souvent une excellente désinfection de matières; mais lorsque celles-ci sont anciennes et putréfiées, la disparition du coli- bacille et des microbes de la putréfaetion exige 25 pour 00 de liqueur de Labarraque. L'action de ce liquide à l'égard du bacille iyphique est un peu moins énergique que celle de la solution saturée (au dou- zième) du chlorure de chaux. L’addition de 1/20 de cette dernière à une culture du bacille la stérilise en moins de 15 minutes, tandis que la même proportion de liquenr de Labarraque pure n'a tué le bacille qu’en 22 minutes. Comme il est facile de le prévoir, ces mêmes proportions sont impuissantes à détruire le bacille d'Eberth, pendant le même temps, dans les déjections. Il a fallu porter à 18 pour 100 la quantité de liqueur de Labarraque pour tuer, en 12 heures, le bacille de la fièvre typhoïde dans les selles. Eau de Javel (Hypochlorite de potasse). — Nous ne nous étendrons pas longtemps sur les expériences faites avec ce liquide. Les résultats rappellent ceux qui ont été constatés avec l’hypochlorite de soude. Toutefois, le pouvoir antiseptique de l’eau de Javel a été trouvé supérieur à celui de l’eau de Labar- raque. Avec 20 pour 100 d’eau de Javel concentrée du commerce, on obtient une très bonne désinfection des matières fécales ramenées à l’état d’émulsion liquide. D. — Quatrième groupe; chaux, potasse, soude. Chaux. — C'est à dosetrès élevée que la chaux a, d’abord, été employée pour la désinfection des fosses d’aisance. Delplanque et Mosselmann, cités dans le classique Traité de la désinfection de M. Vallin (p. 751),recommandent d'incorporer #3 kilog. de chaux par mètre cube de matières. À la suite d'expériences faites à Paris, la chaux a été délaissée jusqu’à une époque assez récente, où elle a été l’objet de travaux destinés à la réhabiliter. C'est ainsi que pour P. Liborius", 25 c. e. de bouillon putréfié 4. Zeitschr, fur: Hyg., VI, 1887, 2e vo, 16 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. sont stérilisés, en 24 heures, par un volume double d’eau de chaux, une quantité de chaux égale à 0,074 suffit pour stériliser une eau renfermant, par c. c. 1 million de bacilles typhiques, Enfin 100 e. c. d'eau de chaux, mélangés à 400 c. e. de culture du bacille du choléra, stérilisent cette dernière en 6 heures. Des expériences d'Uffelmann *, il résulte aussi que le lait de chaux à 20 0/0 est un bon désinfectant des matières, mais à la condition d’en ajouter de une à deux parties et demie pour la stérilisation des selles typhiques. Von Gerlocsky * recommande une proportion plus faible : un dixième à un cinquième de lait de chaux. D'après Pfuhl *, il faut 2 0/0 de lait de chaux pour détruire le vibrion cholérique dans les déjections; le mélange doit être intime. En France, on doit à MM. Richard et Chantemesse des recherches analogues. Des selles typhiques ou dysentériques, traitées comparativement avec du sublimé à 1 0/0, ont été mieux stérilisées par la chaux que par les substances précédentes. M. Richard ‘ recommande d'ajouter aux matières une pro- portion de lait de chaux égale, au moins, à 2 0/0. Les expériences faites par d’autres hygiénistes n’ont pas toujours donné toutefois, des résultats aussi démonstratifs. Sans parler des recherches de R. Koch, de Jaeger , qui ont expéri- menté l’un sur la bactéridie charbonneuse, l’autre sur la bacté- ridie et le bacille de la tuberculose, et ont trouvé la chaux peu efficace, je dois mentionner les recherches de contrôle faites par Kitasato®; celui-ci est arrivé à des résultats bien moins favo- rables, pour la chaux, que ceux de Liborius. Eykmann a, de même objecté a Pfuhl que la chaux, assez efficace à l'égard des cultures du choléra, l’est beaucoup moins lorsque ce microbe existe dans lesselles. Aussi Pfuhl”, dans de nouvelles expériences, trouve-t-1l qu'ilest nécessaire d'ajouter aux selles cholériques un volume égal de lait de chaux et d’agiter pendant une minute et 1. Die desinfection infectioser Darmentleerungen. Berlines Klin, Wochens- chr., 1889. 2, Loc.\cit. è 3. Zeitschrift fur Hyg., NI, p. 97. 4. Précis d'Hygiène appliquée, p. 474. 5. Arbeiten a. d. Kais. Gesundh., V, 1889. 6. Zeitschr. fur Hyqg., NI. 1. Deutsche medic. Wochenschr., 1892, n° 39. DÉSINFECTION DES MATIÈRES FÉCALES. 17 demie. Au bout d’une heure, le bacille était tué; mais il n’en fut pas de même lorsque le lait de chaux était versé sans agiter le mélange. C’est à des résultats analogues, mais avec des restrictions plus accentuées, qu'est arrivé Borchotf ‘. Selon lui, le lait de chaux ne tue pas toujours le bacille virgule dans les conditions précédentes. Drossbach * rejette la chaux pour la stérilisation des matières fécales. Son seul avantage serait son bon marché; encore en faudrait-il une proportion élevée, 20 kilogrammes par mètre cube. Il n'était donc pas sans intérêt de reprendre cette étude. En face de résultats si contradictoires obtenus jusqu'ici, le praticien peut, en effet, être hésitant sur la confiance qu'il faut accorder à la chaux. Nous avons employé le lait de chaux à 20 0/0; ajouté à de l'urine putréfiée, à la proportion de un dixième, le lait de chaux la stérilise entièrement au bout de # heures. Une dose de un cinquième n’a pas tué tous les microbes de l'urine au bout d’une heure; mais après 2 heures, les ensemencements sont restés stériles. Ces expériences ont été faites à une température de 32°. Avec des selles diarrhéiques séreuses, c’est une proportion de 25 0/0 de lait de chaux qu'ii faut ajouter pour obtenir une désinfection satisfaisante des matières en 24 heures, et à 15°, Enfin, dans le cas où la difficulté de la désinfection est portée au maximum, c’est-à-dire quand on opère sur des selles très riches en gerines, additionnées d’eau de terre et d’une culture de B. coli, il devient nécessaire d’augmenter encore le taux du désinfectant. Il semblerait, à priori, que le pouvoir désinfectant de la chaux dût être toujours le mème, quelle que soit la quantité qu'on ajoute aux matières, puisque la quautité de chaux dissoute reste aussi la même. Contrairement à cette prévi- sion, l’expérimentalion démontre que l’excédent non dissous de chaux continue à jouer un certain rôle désinfectant. Il est à noter, d’ailleurs, qu'une partie de la chaux introduite dans les 1. Gagetle de Botkine, 26 janvier 1893, et Wratch, 1893, n° 6. 2, Wiener medic. Presse, 1899, n° 40. 18 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. matières de vidange se substitue à lammoniaque qui s'y trouvait à l'état de carbonate, de sulfure, ou combinée à des acides gras, ce qui explique déjà qu’on doit dépasser le taux de saturation. Le tableau suivant précisera davantage les résultats fournis par ces essais de désinfection par le lait de chaux de matières fécales normales, délayées dans de l’urine et additionnées d’eau de terre. Le mélange était putride. TagzeAU II. PROPORTIUN de LAIT DE CHAUX||. a heures. | 19 heures. TEMPÉRATURE AMBIANTE APRÈS 1 jour. Jonombr. 1.950 950 1.120 1.900 à jours. {unombr. NOMBRE DE GERMES PAR CENTINÈTRE CUBE ER 29 jours. 2,700 NATURE DES GERMES Microbes de la putréfaction. B. coli. d, Quelques germes puiridese B. TD: subtilis, Proteus B. sublilis, B. megaterium, B. coli. B. sublilis, B. megaterium, B. coli. encore quelques colonies de coli Après 25 jours, B. radiatus aquatilis, B. glaucus, B. | i Î \ (l l'E 1 et2 jours, il existe | mesentericus vulq. Ainsi, la proportion de 50 0/0 de lait de chaux réduit sans doute à un chiffre infime, au bout de 24 heures et 48 heures, le nombre des microbes contenus dans des matières très riches en bactéries; néanmoins, on peut encore trouver, parmi eux, que exemplaires du B. coli communis qui ont résisté. Au bout de 25 jours, la quantité de microbes a remonté et atteint 2,100 par centimètre cube. Ce résultat ne saurait surprendre, car la chaux, lentement transformée en carbonate calcique au contact de C0*?, perd peu à peu ses propriétés autizymotiques. C’est là un des inconvénients de cette substance, dont l’activité s’épuise assez vite en présence de l’air. Dans des matières ainsi additionnées de 50 0/0 de lait de chaux, nous avons ajouté, au houtde 25 jours, diverses cultures microbiennes telles que B. coli, bacille typhique, bacille du DÉSINFECTION DES MATIÈRES FÉUALES. 19 lait bleu, bacille de la diarrhée verte, bacille du choléra, Proteus vulgaris, St. pyogenes aureus. Tous ces microbes? sauf ceux du choléra et de la diarrhée verte, ont été retrouvés vivants, après 24 heures. Le coli-bacille s'était même un peu multiplié !. Bien que l’activité désinfectante du lait de chaux soit réelle, puisqu'une proportion de 20 à 25 0/0 ramène à une faible quan- tité le nombre des germes contenus dans les selles, 1l ne semble pas qu'on puisse faire grand fonds sur sa fidélité d'action. Parmi tous les germes contre lesquels il a à lutter, le Z. coli est un de ceux qui lui résistent le mieux * = Les résultats obtenus dans ces expériences sont donc moins favorables au lait de chaux que ceux qui avaient été fournis jusqu'ici par d’autres expérimentateurs. Ceci peut s'expliquer par cette raison que la plupart des expériences antérieures ont été faites sur des selles cholériques; or le microbe du choléra est un de ceux qui résistent le moins aux agents désinfectants. D'autre part, nous avons pris soin de neutraliser la chaux avant de faire les ensemencements ; celte précaution est d'autant plus indispensable que la pipette hp toujours, en même temps que les matières, une notable quantité de chaux non dissoute. ui sature et rend improductüf le milieu nutritif dans lequel on fait l’ensemencement.: Des essais faits sur des selles de typhoïdiques additionnées de culture de bacille d'Eberth, il résulte qu’il faut porter à 25-30 0/0 la proportion de lait de chaux pour assurer la mort du bacille en 24 heures et à la température moyenne de 15°. Les culiures du microbe du choléra restent fertiles lorsqu'on les additionne, même pendant 39 minutes, d’une proportion de lait de chaux correspondant à 1/10 de leur volume. À volume égal, le même agent tue le bacille en 3 minutes. Dans les selles, le komma-bacille est détruit en moins de 1 heures, à la température moyenne de 15°, par une dose de 15 0/0 de lait de chaux. Potasse. — D’après Uffelmann, la lessive de potasse, à volume égal, tue en 6 heures les microbes des matières fécales. Dans nos expériences, la dose de 15 grammes de potasse 1. La réaction de ces matières était encore nettement alcaline. 2. L’addition de 5 à 10 0/0 de lait de chaux à des matières fécales donne même un excellent moyen d’en isoler le bacille du côlon. 20 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. caustique pour 1,000 détruit, le plus souvent, le bacille du côlon en 24 heures et par une température moyenne de 15°. Lorsqu'on opère sur des selles très riches en germes, il est nécessaire d'élever à 20 grammes 0,00 la proportion de potasse caustique. Il va sans dire que, dans ces recherches, et même pour des quantités plus élevées du désinfectant, on constate, dans les cultures, la présence d’un certain nombre de microbes survivants, tels que le Proteus vulgaris, mais surtout le B. subtilis; un bactérium en haltère, à colonies jaunâtres, fluidi- fiant la gélatine ; un bacille long, articulé, immobile, à colonies présentant des reflets irisés. La désodorisation obtenue est médiocre. A l'inverse de la chaux, la potasse conserve son pouvoir antiseptique dans le milieu souillé. Il y a plus: le nombre des germes diminue progressivement dans les matières traitées par cet agent. C’est ainsi que des selles putréfiées, mélangées à de l’eau de terre, ont été additionnées de 18 grammes pour 1,000 de potasse caustique: Ces matières renfermaient : AIDÉS MANNEUTES MM EERRERN LE Ne 5,970 bact. par c. c. 4 — 2 jours > 190 — — 4 me HAE es La désinfection des selles typhiques, dans les cas où elle est le plus difficile, s'obtient en 7 heures, par une proportion de 20 de potasse caustique 0/00. Le milieu d’ensemencement peut même rester stérile. Pour désinfecter en 7 heures les selles cholériques, 11 faut 12 grammes de potasse pour 1,000 c. c. de déjections. Il va sans dire que, dans tous ces essais, il est indis- pensable de mélanger intimement l’antiseptique aux matières à désinfecter. Soude. — Des matières fécales, mélangées à de l’urine et de l'eau de terre et abandonnées à la putréfaction pendant plu- sieurs jours, ont été ensuite respectivement additionnées d’une même proportion de soude caustique, de potasse caustique, enfin de chaux vive : 10 grammes de chacune de ces bases pour 1,000 c. c. de matières. Les ensemencements comparatifs ont fourni les résultats suivants : DÉSINFECTION DES MATIÈRES FÉCALES. 24 Temp. ambiante. Durée de la Nombre de microbes vivants parc. c. désinfection. Potasse. Soude. Chaux. 100 4 heures [nnombrables 18.600 Innombrables à 94 — 11.000 4.500 id. 1405 51 — 1.600 112 id. Jaeger, ayant fait des recherches sur la valeur désinfectante de la soude et de la potasse, à l'égard des cultures de divers microbes, a conclu que ces deux substances possèdent une activité semblable. Cependant, dans une Revue critique consacrée aux antiseptiques, M. Duclaux objecte à cesrésultats qu'à cause de la différence des poids atomiques, la soude est, en réalité, à poids égal, plus alcaline que la potasse : il semblerait, par suite, que le pouvoir antiseptique de la première dût être égale- ment plus élevé !. C'est cette remarque qui nous a conduit à faire l’expérience citée plus haut. Il en résulte que, des trois substances : chaux, soude et potasse, c’est effectivement la soude qui possède Île pouvoir microbicide le plus élevé; la chaux est, au contraire, la moins active. Lorsqu'on fait agir, du reste, les mêmes substances sur des cultures de différents microbes, on remarque également que la valeur antiseptique de la soude est toujours un peu supérieure à celle de la potasse. Parfois même, et pour certains microbes, cette différence est considérable. C’est ainsi que le bacille typhique est tué, dans les cultures, en moins de 2 minutes par une proportion de soude caustique égale à 1/200 ; une quantité deux fois plus forte de potasse n’a pas toujours stérilisé, au contraire, la culture au bout de 30 minutes. A la proportion de 12 grammes 0/00, la soude amène, en 24 heures, et souvent avant ce délai, une stérilisation excellente des matières fécales récentes ou putréfiées. La désinfection des selles très liquides s'obtient facilement à l’aide de 10 grammes de soude par litre de matières. De mème que la potasse et à l'inverse de la chaux, la soude a une action antiseptique progressive et persistante : si l’on additionne du liquide de fosses d’aisances ou des selles putréliées et réduites à l’état fluide, d’une quantité de soude caustique égale à 10 0/00, le nombre des germes va en diminuant du premier au troisième jour : souvent le liquide est trouvé stérile après ce dernier délai. 4. Sur les Antiseptiques, Annales de l’Institut Pasteur, 1889, p. 671. 22 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. La destruction du bacille typhique dans les selles peut être obtenue avantageusement par la soude. En 24% heures, des déjections addilionnées de culture du bacille d'Eberth n’ont plus décelé de traces de ce dernier microbe après action d’une pro- portion de soude caustique égale à 9 ou 10 grammes pour 1,000. Une quantité de soude correspondant à 6 grammes pour 1,000, ajoutée à des selles diarrhéiques additionnées elles-mêmes d’une grande quantité de bacilles du choléra, a détruit ces derniers microbes en 24 heures. în résumé, des trois bases : chaux, potasse, soude, qui peuvent être employées pour la désinfection des matières fécales, la soude est certainement la plus efficace. Elle ne jouit pas seu- lement d'un pouvoir antiseptique beaucoup plus grand, elle possède encore une action désodorisante supérieure à celle des deux autres substances. La quantité élevée de chaux qu'il serait nécessaire d’ajouter au contenu des fosses d’aisances rend l'emploi de cette dernière substance presque aussi coûteux que celui de ia soude; la sécurité qu'offre la chaux est, en même temps, moins certaine, puisque son pouvoir microbicide s’alténue avec le temps, alors que celui de la soude est, au contraire, progressif. Au point de vue pratique, la soude caustique serait donc bier préférable à la chaux pour les usages de la désinfection. E. — Cinquième groupe de désinfectants : Acide phénique et dérivés antiseptiques de la houille. Acidephénique. — Laissant de côté les nombreux travaux sur l'acide phénique, je signalerai seulement ceux qui ont plus parti- culièrement trait à la désinfection des matières fécales. Selon Uffelman’, la solution d'acide phénique à 5 0/0, mélangée, à volume égal, à des selles de typhoïsants, n’amène pas la destruction du bacille typhique après 1 heure, mais seulement: après 24 heures. C’est là une proportion réellementtrès grande. Aussi, d’autres auteurs (voir (Gerloczky, Liborius, Green, Drossbach, Ziem, Kuchenmeister) rejettent l'emploi de l'acide phénique pour la désinfection des fosses d’aisances. {. Berliner Klin. Wochenschrift, 1889. DÉSINFECTION DES MATIÈRES FÉCALES, 23 Nous nous sommes servi d’une solution d’acide phénique pur; cet acide a élé lui-même préalablement dissous, non dans l'alcool, mais dans la glycérine". Lorsqu'on ajoute à des matières fécales une quantité d'acide phénique égale à 4 ou 5 grammes seulement pour 1,000 c. c. de matières, on observe, dans les cultures faites après 24 heures d'action, une diminution très grande du nombre des espèces bactériennes spéciales à la putréfaction. Alors que les cultures de contrôle sont rapidement fluidifiées par d'innombrables colonies dégageant une odeur nauséabonde, les cultures de matières phéniquées renferment un chiffre beaucoup plus faible de ces dernières. Cependant, pour en débarrasser totalement les selles, il est nécessaire de porter au moins à 9 grammes 0/00 la proportion d’acide phénique. Encore, à cette dose, le B. coli communis persiste. Il est en effet difficilement détruit, même après 24 heures, par 30 grammes d’acide phénique 0/00. Dans un cas, mème, et avec une dose de 50 grammes d'acide, il a été retrouvé quelques colonies vivantes du B. coli communis après 24 heures de désin- fection. | En résumé, la proportion de 10 grammes d’acide phénique pour 1,000 c. c. ou de 10 kilogrammes par mètre cube de matières fécales pourrait donner des résultats satisfaisants pour la des- truction des microbes dits de la putréfaction. Mais, si l’on veut tuer le coli-bacille avec certitude, il devient nécessaire d'employer l'acide phénique en proportion telle, que le prix de revient de ce mode de désinfection serait beaucoup trop onéreux. Huile lourde de houille. — Recommandée par Dussart * el par M. Emery-Desbrousses * pour la désinfection des latrines, l'huile lourde de houille est un mélange très complexe, riche en phénol et en homologues de ce dernier. Elle dégage une forte odeur empyreumatique, non désagréable, et l’on s'explique que son usage se soit très répandu pour la désinfection des 1. Ainsi que l’a établi Koch et que l’a confirmé Weber (Soc. de Médecine pratique, 41 oct. 1888), l’alcool diminue les propriétés antiseptiques de l'acide phénique. 2. Sur les propriétés antiputrides de l'huilelourde de houille, Union médicale, 92 août 1874, et C. À. de l’Académie des Sciences, 1874. 3. De la désinfection des fosses d’aisances par l'huile lourde de houille, Revue d'Hygiène, 1880, p. 505. 24, ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ‘fosses. Le commerce la fournit, du reste, à très bas prix. A des doses de 50, 60, 80, 100 grammes d'huile lourde pour 1,000 cent. cubes de matières (soit 50 à 100 kilogrammes par mètre cube), le nombre des colonies vivantes qui persistent après 24 heures est tellement élevé qu’il est très difficile d’en faire Ja numération dans les cultures en gélatine. Pendant les 12 ou 18 premières heures, on constate, il est vrai, une dimi- nution assez manifeste du chiffre des microbes; mais au bout de 24 heures, leur nombre augmente. Il y a plus : lorsqu'on mélange l'huile lourde aux matières el qu’on agite avec soin, une partie de l'huile surnage, l’autre partie se dépose au fond du récipient où elle forme un dépôt boueux noir. Or, si on ense- mence comparativement une goutte de matière prélevée à la partie moyenne de l'émulsion et une goutte prise dans ce dépôt, on constate que le nombre des germes vivants est plus considé- rable dans ce dernier, où cependant la substance antiseptique est en plus grande abondance. L'huile lourde de houilie est donc un très mauvais agent de désinfection des matières fécales. Elle présente seulement l'avantage de les désodoriser d’une manière très eflicace par substitution de son odeur à celle des excréments *. Crésyl. — L'acide crésylique (crésylol, erésol) et ses isomères forment les éléments désinfectants essentiels du crésyl. L'acide crésylique jouit de propriétés antiseptiques très énergiques sur lesquelles Egasse?, Gautrelet*, Delplanque*, Fraenkel*, Hans Hammer‘, etc., ont insisté dans leurs recherches *. Le crésyl participe donc des propriétés de ce dernier corps : lorsqu'on en 1. Les expériences de désinfection faites avec une Auile de houille émulsionnée ayant pour formule : Huile lourde de houille....... » kilogrammes. COÏODRANERERPRP PR PETER ere ü,500 grammes. Lessive de soude à 560 B..... 0k,500 — S'AVON VE EE UNE AUS 0K,500 — n’ont pas donné de résultats beaucoup plus satisfaisants. 2. Bulletin général de Thérapeutique, 1880, p. 542. 3. Journal de Médecine de Paris, 25 nov. 1888. (SE) 4. De Pacide crésylique et de sespropriétés antiseptiques. 7'hèse de Paris, 1888. 5. Zeitschrift fur Hygiene, 1889. 6. Archiv fur Hygiene, 1891. 7. Les antiseptiques de la série aromatique. Annales de l'Instilut Pasteur, NES DÉSINFECTION DES MATIÈRES FECALES. 29 verse soit dans l’eau, soit dans du liquide de fosses d’aisances, il ne s’y dissout pas, à proprement parler, mais s’y émulsionne bien. Dans nos expériences, le crésyl s’est montré un excellent désinfectant des matières fécales. C’est aussi un désodorisant parfait. Des selles diarrhéiques fraiches ont été mélangées de doses successives de 3, 5, 6, 8, 10 grammes decrésyl pour 1,000 cent. cubes de matières. La dose stérilisante relative a été de 5 à 8 grammes de crésyl par litre, soit 5 à 8 kilogrammes par mètre cube. Mais la disparition du coli-bacille n’a été obtenue qu'après 16 heures d'action du désinfectant. Les variétés micro- biennes appartenant aux diverses espèces de la putréfaction sont facilement anéanties, même avec 3 grammes de crésyl par litre de matières ; pour les autres bactéries, le développement dans la gélatine de culture se fait avec un retard plus où moins grand. On n’a pas la même constance dans les résultats si, au lieu de selles diarrhéiques fraîches, on s'adresse à des matières fécales un peu anciennes. La difficulté de la désinfection, qui a déjà été signalée pour les autres antiseptiques, se relrouve Ici. | Des doses de 3 à 5 grammes de crésyl 0/00 respectent une grande quantité de bactéries qui fluidifient la gélatine en répandant une odeur infecte. Avec 8 grammes, les cultures décèlent une diminution considérable dans le nombre des germes demeurés vivants. On retrouve cependant encore quelques rares colonies du bacillus coli communis, et de nom- breux exemplaires d’un microcoque blanc jaunâtre, très analogue au staph. pyogenes aureus, el qui à déjà été signalé dans le troisième paragraphe de ce travail. Ce microbe parait présenter une résistance très grande à l'égard des dérivés anti- septiques de la houille; nous l’avons vu survivre dans des matières fécales additionnées d'huile lourde de houille en proportion élevée. On le retrouvera encore dans les matières traitées par le lysol, Le solvéol et le solutol. Le crésyl ne le tue pas, même à la dose de 40 0/00, et après 48 heures de contact. Dans la pratique, la quantité de crésyl qui sera nécessaire pour désinfecter les fosses d'aisances et les matières fécales nor- 26 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. males est de 9 à 10 kilogrammes par mètre cube de matières, où 9 grammes à 10 grammes par litre. Les essais qui ont été pratiqués pour étudier la valeur désin- fectante du crésyl pour le bacille de la fièvre typhoïde dans les selles ont donné des résultats quelque peu variables. Le plus souvent, et avec une proportion de crésyl égale à 6 ou 71 grämmes 0/00, la disparition du bacille d'Eberth est obtenue en 24 heures. Dans certains cas, cependant, surtout si l’on opère sur des selles putréfiées et additionnées d’une forte quantité de bacilles typhiques immédiatement avant l’addition du désinfec- tant, il est nécessaire d'élever à 10 grammes la dose de crésyl. Ces faits semblent démontrer que le crésyl, malgré son activité désinfectante considérable, n’est pas l'agent de choix pour la neutralisation des selles typhoïdiques. Par contre, le microbe du choléra est tué avec une très grande facilité par de faibles doses de crésyl. Au taux de 3 grammes pour 1,000, il tue, dans les selles, le bacille virgule en moins de 7 heures. Le crésyl est donc l’un des meilleurs, sinon le meilleur parmi les agents de désinfection des déjections cholé- riques. Lysol. — La valeur antiseptique du lysol a été étudiée par divers auteurs ({rerlach, Schottelius, P. Cramer et P. Wehner, Havel, Haug, etc.). E. Remouchamps et Sugg', qui lui ont consacré un travail important, ont constaté que des morceaux de linge et de couvertures souillés par les matières fécales de: cholériques ou de typhoïdiques, sont rendus stériles par le lysol à 1 0/0 au bout de 2 heures, à la température ordinaire; et en 30 minutes, à 50°. La proportion de 5 0/0 stérilise les selles en » secondes. Je me bornerai à donner les conclusions les plus importantes qui se dégagent des expériences que j'ai faites. Les selles diarrhéiques très fluides, les matières fécales fraiches diluées, jusqu'à consistance liquide, dans l'urine, sont désinfectées, en 24 heures, par une faible proportion de lysol : 6 à 7 grammes pour 1,000 c. e. Seuls, quelques microbes inoffen- sifs peuvent persister, et à l’état très rare. Ces résultats se rapprochent donc de ceux qu'a fournis le crésyl. Mais lorsque les matières offrent une consistance un peu 4. Le mouvement hygiénique, NI, p. 367 et 409. DÉSINFECTION DES MATIÈRES FÉCALES. 27 plus grande, ou qu’elles ont subi une fermentation qui les rapproche de l’état du contenu des fosses d’aisances, il faut alors porter la proportion de lysol à 10 où 11 pour 1,000. La désinfec- tion des fosses exige donc 10 à 11 kilogrammes de lysol par mètre cube de matières fécales. Il est néanmoins utile de noter qu'à cette dose le lysol est un peu moins actif que le crésyl, car il respecte un plus grand nombre de bactéries indifférentes, telles que le microc. versicolor, le proteus vulgaris, le staphylocoque jauvue signalé précédemment, etc. La désinfection obtenue par le lysol est progressive, en ce sens que le nombre des germes diminue de jour en jour dans les selles traitées par ce corps. C’est ainsi que des matières addi- tionnées de 9 0/00 de lysol renfermaient : Au bout de 24 heures... ... 2,300 bactéries par centimètre cube. _ — DIODES RE AE 1,500 — — - 0, #jDurs 2x 900 — = Quelle est l’action du lysol sur le bacille de la fièvre typhoïde? Lorsqu'on ajoute, à une culture de ce microbe, une quantité de lysol égale à 1/200, le lysol tue le bacille d’'Eberth, dans les cul- tures, en 15 minutes. À ce point de vue, le lysol est un peu plus actif que le crésyl qui, au taux de 1 0/0, n'a pas encore tué le bacille typhique en 15 minutes (V. l'Appendice). Dans les selles, la. destruction du bacille pathogène est obtenue, en moins de 7 heures, à l’aide d’une proportion de lysol égale à 8 gramimes pour 1,000 centimètres cubes de matières, ou 8 kilogrammes par mètre cube. La désinfection des déjections cholériques est réalisée en 1 heures, par l'addition de 3,5 de lysol pour 1,000, et à la tempé- rature moyenne de 15°. Solvéol. — C'est à F. von Heyden et à Hueppe que l’on doit surtout l'introduction du solvéol parmi les désinfectants. D’après Hueppe', Hans Hammer’, von Heyden*, Koch Hagen ‘, le solvéol est plus actif que le lysol et les autres prépa- rations de crésylol. . Berliner Klin. Wochenschr., AS91, n° 45. . Archiv fur Hygiene, 1891, et Berliner Alin. Wochenschr., 1891, n° 45. . Archiv fur Hygiene, XV, 1892, p. 341. . Deutsche medie. Wochenschr., 1892, n° 23. & O2 LO — 28 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le solvéol dont je me suis servi avait un pouvoir anti- septique un peu inférieur à celui du lysol et du crésyl. Additionné, à la proportion de 2, 5 et 6 grammes dans 1,000 €. c. de matières fécales putréfiées, et comparativement avec des quantités égales de crésyl et de lysol, le solvéol détruit un nombre de bactéries manifestement moins considérable. Les cultures faites même avec les matières traitées par 6 0/00 de solvéol, renferment une abondante flore microbienne et répandent une odeur putride; le coli-bacille demeure intact. Voici, du reste, les résultats fournis par l’une de ces expé- riences comparatives; nous y joignons, par anticipation, les résultats donnés par un autre antiseptique, le solutol, dont il sera parlé après le solvéol. L'expérience a porté sur des selles normales, délayées dans l'urine, additionnées d’eau de terre, et soumises à la putréfaction pendant 2 jours. La température a varié de 9 à 159.6. Tagreau III. | F . EN À | RESULTATS DES CULTURES APRES 18 HEURES NATURE | NOMBRE DE MICROBES PAR C. C. DE MATIÈRES du | LA PROPORTION DE DÉSINFECTANT ÉTANT DE : ER" ee NS ——— DÉSINFECTANT | \ | 3 p. 1,000. 5 p. 1,000. 8 p. 1,000. | nr —#| = D —_—_—_—_—_—_————_——_—————— \ Innombrables. 3.900 1.400 HOTÉSYIMEEMAUAE B. de la putréfaction. B. coli abondant. Surtout Staph. jaune. | [l D PAC Quelques col. du B.coli. | \ Innombrables. 5.300 1.620 IVSOLRE TARN B. de la putréfaction. B. coli, etc. Pas de B. coli. 3. coli. | \ Innombrables. Solvéol.......... B. de la putréfaction. 10,900 4.600 | B. coli, etc. B. coli, St. jaune. J | À | Innombrables. 12.700 4.900 Solutol........... l — — B. coli, Staph. jaune. Pour désinfecter les selles normales, il faut une proportion de solvéol égale à 12 pour 1.000. Pour obtenir, en 7 heures, la disparition du bacille typhique dans les selles, il faut 10 grammes de solvéol pour 1,000 c. c. La destruction du bacilie virgule dans les déjections cholériques exige une quantité de solvéol égale à 6 pour 1,000. DÉSINFECTION DES MATIÈRES FÉCALES. 29 Solutol.. — Le liquide qui nous a servi dans ces expériences est livré dans le commerce sous le nom de so/utol brut. Il con- tiendrait 60 0/0 de crésol, dont 1/4 à l’état libre et 3/4 à l'état de crésolate de soude. * Les essais qui ont été faits avec le solutol ont donné des résultats à peu près analogues à ceux du solvéol. Peut-être. cependant, lui est-il un peu inférieur comme antiseptique. Y ‘COMPARAISON GÉNÉRALE DE L'ACTIVITÉ DES DIVERS DÉSINFECTANTS : ÉTUDIÉS Les documents qui précèdent vont permettre d'apprécier comparativement l'efficacité des principaux désinfectants chi- miques des matières fécales. De ces recherches se dégage déjà un fait important : c'est que, pour amener la stérilisation des fèces et du contenu des fosses d’aisances, il est nécessaire, en général, d'employer des proportions de désinfectants bien supérieures à celles qui sont recommandées dans la pratique. C’est ce que va, du reste, confirmer le tableau qui suit. Les substances étudiées dans le cours de ces recherches y sont rangées par énergie décroissante. Le même tableau indique le pouvoir désodorisant relatif de chacune d'elles aux doses efficientes qui lui sont assignées. Il relate, en outre, la quantité de chacun des désinfectants qu’il faut employer, par homme et par jour, dans une agglomération humaine; cette proportion est calculée d’après la quantité moyenne de déjections excrétées par un adulte, savoir : urine, 1,500 grammes ; matières fécales, 200 gr. Enfin, pour nous renfermer encore plus dans le but pratique qui a été imposé à ces recherches, nous faisons intervenir ici le prix de revient de chaque désinfectant dans les circonstances les plus usuelles, ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. IV Classification, par énergie décroissante, des divers désinfectants des matières fécalesnormales, récentes ou putréfiées. charte minima T'ABLEAU nécessaire pour chacun d'eux. F QUANTITÉ DE DESINFECTANT DÉPENSE = NÉCESSAIRE £ CA NATURE De 5% SPREX par = POUVOIR Fe de mètre cube! ne © du pour désinfecter |par homme et par OBSERVATIONS A désodorisant k ju REVIENT : Ê a PEER A 1,000 e. €. jour dans due lames 2 de matières fécales [une agglomération © é : di: . désinfecter. en 24 heures. humaine. . 1 |Sulfate de cuivre:| Pass. 7 à 8sr,5 12 à 146r,4 | O fr. 46 Afr. DMORÉSNIEET ARE Tr.bon. +9 &40-pr.e M5 à 417 gr. | L @E0 1145 OUAIS SE ee A. bon. 10 gr. 17 gr. 2 20 , [Chlorure ,de GhaUux ee Tr. bon.|10 à 168,7 | 17 à 28er,3.| O 29 4. 83 |Titre : 110 litres 4 de CI SMISOLVEOL ER A. bon. |11 à 12 gr.|18,11à20sr,4| 6 72 EAISolutolerre-se A. bon. 12 gr. 20sr,% » » È TMISQUAE CE EP Atbon242/c0r. JAgr. ? 24 S'Potasser ns. A. bon. 20 gr. 51 gr. à 40 e 9 |Acide phénique.| Bon. 30 gr. 340 gr, 208000 10: |Eau de Javel:..| Bon. 200 gr. 425 gr. OMRE1O LEE 0 11 |Eau de Labar- TAMUE EE SLI Bou. 250 gr. 170 gr. DE 0E) NES 122 Chatenet Pass. 100 gr. 13 |Chlorure dezinc.|Tr. bon.|plus de 150 c.|plusde 255gr| 0 30 | 45 Chlorure de zinc | du commerce titrant 400, * 14 | Huile lourde de houle "0% Tr. bon.|plus de 200gr|plusde340gr.| 0 30 | 60 15 |Bichlorure de : mercure à s p. 1,000 addit. de 5sr, d’HCI Det OUD ES Méd. » » » » Non pralique. 16 |Sulfate de fer..| A. bon. » » » » Sulfate de pro- toxyde de fer du commerce non pralique. Le tableau ci-dessus, qui résume mes expériences, permet d'éliminer, de la pratique de la désinfection des matières fécales, certaines substances dont l’activité antiseptique est nettement insuffisante. Tels sont : le chlorure de zinc du commerce, l’huilé lourde de houille, le sublimé corrosif, le sulfate de fer du com- merce. Leur emploi ne peut donner qu'une fausse sécurité. L'’acide phénique détruit parfaitement la plupart des sapro- phytes vulgaires des selles, à la proportion de 10 grammes par litre. Mais pour détruire le bacille du côlon, il devient néces - saire de porter à 30 0/0 au moins la dose de cet agent. Son emploi serait trop coûteux. DÉSINFECTION DES MATIÈRES FÉCALES. 31 Dans le même tableau, la chaux tient un rang assez peu élevé. Elle est au-dessous de la potasse et surtout de la soude. Nous sommes donc amenés à considérer comme les meilleurs agents désinfectants des matières fécales : en premier lieu, le sulfate de cuivre et le crésyl ; en second lieu, le /ysol, et le chlorure de chaux. De toutes ces substances, le sulfate de cuivre semble réunir le plus d'avantages, tant au point de vue de sa valeur antiseplique que de son faible prix de revient. Nous verrons mème bientôt qu'on peut renforcer artificiellement son activité désinfectante. Le sulfate de cuivre présente, cependant, un inconvénient : il désodorise peu les matières fécales. À cet égard, il est bien inférieur au crésyl. s D'une manière générale, il n’y a pas parallélisme entre le, pouvoir antiseptique et le pouvoir désodorisant de ces divers désinfectants chimiques. C’est ainsi que le chlorure de zinc est ur des plus efficaces comme désodorisant : des matières putréfiées, additionnées même d’une petite dose de chlorure de zine, devien- nent rapidement inodores. Or, ce: sel stérilise très mal les mi- crobes des matières fécales. Il faut remarquer, d’ailleurs, que les odeurs de putlréfaction ne sont pas toujours les mêmes et dues aux mêmes produits, la puissance désodorisante n’a donc qu'une valeur de second ordre, et il est inutile d'insister. VI DES CONDITIONS QUI MODIFIENT L EFFICACITÉ DES DÉSINFECTANTS. CONSÉQUENCES PRATIQUES. Les nombres qui précèdent, malgré la précision que j'ai cherché à leur donner, restent encore un peu contingents, parce que les matières fécales ne sont pas toujours, et surtout ne restent pas semblables à elles-mêmes. D'abord elles se peuplent, à mesure de leur putréfaction, d'individus nouveaux et d'espèces nouvelles qui accroissent, par leur présence, les difficultés de la désinfection : on sait en effet quel’action d’un antiseptique dépend du nombre et de la nature des microbes ‘. C’est là une des raisons 1. Coufer. Harold H. Mano. Action de certaines substances antiseptiques sur la levure. Annales de l'Institut Pasteur, 1894, n° 41. 32. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pour lesquelles les matières fécales en état de putréfaction offrent moins de prise à l’action des substances désinfectantes. Il existe, toutefois, une autre condition, conséquence directe de la précédente, mais qui la domine en importance. Je veux parler de la réaction alcaline des matières. Nous avons souvent vu qu’elles étaient plus difficiles à désinfecter quand on les avait laissées se putréfier. L’explication de ce faitne semble pas diffi- cile, et, comme à côté de son intérêt théorique, il peut en sortir des conséquences pratiques, on nous permettra d'insister un peu. L'alcalinité, peu sensible au début, s'accroît rapidement, surtout sous l'influence de la chaleur, en été et pendant les temps orageux ‘, par suite del’hydratation del’urée tout d’abord, puis par suite de la fermentation des amides cristallisables et des matières azotées. À cette formation d'ammoniaque, vient s'ajouter celle de l'acide sulfhydrique et de mercaptans. On comprend dès lors que lorsqu'on ajoute à des matières ainsi putréfiées des agents désinfectants, tels que les sulfates et les chlorures minéraux, on détermine la décomposition partielle de ces sels; le sulfate de cuivre donne un précipité d’hydrate d'oxyde de cuivre, les hypochlorites sont décomposés, les sels de zinc, de fer, de cuivre donnent des sulfures au contact du sulfhydrate d'ammoniaque; c'est exactement ce que nous avons fait expérimentalement en neutralisant, par une petite quan- tité de sulfhydrate d’ammoniaque, le sublimé et les autres sels additionnés aux matières fécales. Les effets d’un désinfectant ne peuvent donc pas être dans tous les cas identiques à eux-mêmes, et telle proportion d’anti- septique, qui était suffisante pour stériliser les selles à l’état récent, devient incapable d'amener le même résultat lorsqu'elles sont fermentées. 4. Ainsi que l’a montré M. Miquel (Étude sur la fermentation ammoniacale et sur les ferments de l’urée, Annales de Micrographie, t. 1, p. 478), la fermentation ammoniacale s’accomplit mieux à 30° qu’à des températures inférieures. Les microbes qui sont les agents les plus actifs de cette fermentation ont pour optimum de température une chaleur égale ou même supérieure à 30°. Mais, par contre, une partie de l’'AzH3 se volatilise sous l'influence de cette température, ou se neutralise par suite de sa transformation en carbonate : les matières perdent donc une partie de leur alcalinité. Si nous ajoutons, d’autre part, que la chaleur accroît l'efficacité des désinfectants, on voit quelle est la complexité du phé- nomène de la désinfection des matières fécales et de l'urine. DÉSINFECTION DES MATIÈRES FÉCALES. 33 La Notons, comme confirmation de ce que précède, qu'il estune catégorie de désinfectants dont l'application fournit des résultats à peu près constants, quel que soit l’état de putridité et d’alca- linité des selles. Ce sont précisément les bases alcalines ou alcalino-terreuses(potasse,soude,chaux) quinesauraienttrouver, dans la réaction alcaline préexistante du milieu, un obstacle capable de les neutraliser chimiquement et d’affaiblir leur vertu antiseptique. Pour l'emploi des désinfectants salins, tels que le sulfate de cuivre, le chlorure de chaux, il est donc indispensable de modi- fier la proportion de ces derniers, suivant que les matières fécales sont récentes ou qu'elles sont anciennes. Et c'est pourquoi Îles doses indiquées dans le tableau IV, n’ont pu être ramenées à un chiffre fixe pour certaines substances, etqu’elles sont, parexemple, de 7 grammes à 8*",5 pour le sulfate de cuivre, et de 10 grammes à 16,66 pour le chlorure de chaux. On peut tirer, semble-t-il, de ces expériences et des considé- ralions qu'elles soulèvent, une conséquence pratique intéres- sante. Si, en effet, l’alcalinité du contenu des fosses d’aisances et des matières putréfiées est une des causes qui atténuent la puissance microbicide de quelques agents désinfectants, ne peut- on restituer à ces derniers toute leur activité et renforcer même celle-ci en saturant, à l’aide d’un acide minéral, l’ammoniaque et les produits alcalins contenus dans ces liquides ? L’expérimentation a confirmé entièrement ces prévisions. Le sulfate de cuivre, le chlorure de chaux acquièrent, lorsqu'ils sont aidés du concours d’un acide, une énergie antiseptique consi- dérable sur les selles. Des essais comparatifs ont été faits sur des matières fécales putréfiées, mélangées à de l’urine fortement ammoniacale. On à employé, d’une part, le sulfate de cuivre seul, d’autre part, le même sel en ajoutant simultanément de l'acide sulfurique dans la proportion de 1 0/0 par rapport au volume des matières à désinfecter ‘. 1. Cette quantité d'acide sulfurique diminue, par elle-même, le nombre des bactéries contenues dans les selles putréfiées et alcalines, surtout dans les pre- mières heures. Mais après 24 heures leur chiffre s’élève; on ne peut donc attribuer à l'acide sulfurique seul les résultats si favorables que donne son adjonction au sulfate de cuivre. 3] ) 34 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Voici les résultats obtenus dans l’une de ces expériences. Temp. ambiante. Proportion de Nombre de germes par c. c. de matières, désinfectant. après 24 heures. "7 — — — Sulfate de cuivre seul. Sulfate de cuivre + SO1H2. 6° 3 0/00 Innombrables. 1.960 à 4 — 3,600 220 1406 5 — 1.320 60 6 — 860 14 En conséquence, et dans ces conditions nouvelles, la propor- ion maxima du sulfate de cuivre, qu'il est nécessaire d'ajouter aux matières fécales putréfiées et au contenu des fosses d’aisances, descend de 8,5 à 6 grammes et même à 5 grammes p. 1000 c. c. La désodorisation obtenue est également plus efficace. Le chlorure de chaux est, avec le sulfate de cuivre, celui des désinfectants qui bénéficie le plus de l'emploi simultané d’un acide minéral, tel que l'acide chlorhydrique. Il y a avantage, dans l’emploi de ce désinfectant, à acidifier au préalable les ma- üères par HCI avant d'y ajouter le chlorure de chaux. La neutra- lisation préventive des produits alcalins étant faite, l'excès d'acide provoque ensuite le dégagement de chlore à l’élat nais- sant dans le milieu même à désinfecter. La proportion active de chlorure de chaux sec, qui était de 16,66 0/00, descend à 9 ow 10 pour 1000. Le chlorure de chaux devient ainsi l’un des meilleurs agents de désinfection des selles, là où son odeur pénible n’en contre-indique pas l'emploi. Dans cette question essentiellement pratique de la désinfec- tion des matières organiques et du contenu des fosses d’aisances, il existe, à côté de la richesse du milieu en bactéries et de son degré d’alcalinité et de putréfaction, quelques autres facteurs qui méritent une mention spéciale. J'ai à peine besoin d'indiquer la fluidité plus ou moins grande des selles. Elle peut faire varier beaucoup la quantité de désinfectant à employer. Ajoutons enfin un dernier élément important : c’est la tempé- rature à laquelle s’opère la désinfection. Dans des travaux bien connus, Behring ‘, Heyden ?, Cham- berland et Fernbach ?, etc., ont établi que les substances anti- 4. Zeitschrift fur Hygiene, t. IX, n° 3, 1890. 2. Archiv fur Hygiene, t. XV, p. 341, 1892. s. Annales de l'Institut Pasteur, 1893. DÉSINFECTION DES MATIÈRES FÉCALES. 39 septiques possèdent une activité d'autant plus grande qu’elles sont employées à une température plus élevée. On conçoit, en effet, qu'à 59° et, & fortiori, au delà, la chaleur joint ses effets bactéricides propres à ceux du désinfectant. Mais elle n’a pas besoin d'être aussi élevée pour agir, et on peut constater que l'efficacité des désinfectants à l'égard des microbes contenus dans les matières de vidange varie avec la saison. C’est ainsi que, dans ces expériences pratiquées à Alger dans le courant des années 1393 et 1894, l'efficacité des désinfectants s’est montrée, toutes choses égales d’ailleurs, sensiblement plus grande en été eten automne, qu’en hiver. Pour contrôler ces résultats, des expériences ont été faites avec le sulfate de cuivre et le chlorure de chaux sur des matières de même origine et de mème ancienneté, placées, d’une part dans la glacière, d'autre part à une température un peu supérieure à la moyenne. Les résultats de l’une de ces expériences vont mettre en lumière le rôle de la température ambiante : à Nature du désinfectant. Nombre de germes vivants, par c. c. et après 24 heures : hs à la glacière à 180 — 240,5, Sulfate de cuivre : 4 0/00 2.675 1.050 Chlorure de chaux : 8 — 5,300 3.830 En résumé, il ne faut point négliger, dans la pratique, certains facteurs accessoires dont l’ensemble peut influer sur les résultats qu’on peut attendre des agents antiseptiques. Fluidité plus ou moins grande des matières de vidange, état récent ou ancien de celles-ci, degré d’alcalinité, origine normale ou pathologique des déjections, température ambiante, etc., sont autant de causes qui modifient, dans des proportions souvent très grandes, le pouvoir antiseptique des substances désinfec- tantes. VII DÉSINFECTION DES SELLES PATHOLOGIQUES Il nous reste à spécifier quels sont les agents désinfectants les mieux appropriés à la stérilisation des déjections patholo- giques, et plus spécialement de celles qui renferment le bacille de la fièvre typhoïde ou le microbe du choléra. . Notons lout d'abord que la désinfection des selles morbides 36 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. a été trouvée toujours plus facile que celle des matières fécales normales, putréfiées ou non. Cette remarque s'applique aussi bien aux déjecuüons contenant le bacille virugle qu’à celles qui renferment le bacille d'Eberth. D'ailleurs la flore microbienne de ces dernières est relativement restreinte, et se réduit princi- palement, lorsque les selles sont récemment émises, au Bac. coli communis et au bacille typhique. D'autre part, les déjections pathologiques sont toujours plus ou moins liquides, et par suite plus accessibles à la désinfec- tion. Le tableau qui suit indique la proportion minima de chaque désinfectant, que nécessite la destruction du bacille d'Eberth dans les selles typhoïdiques. Certains des saprophytes qui l’accompagnent habituellement comme satellites sont plus résis- tants que lui et, pour obtenir simultanément leur disparition, il faudrait, en réalité, se reporter aux chiffres fournis par le tableau IV. Nonobstant, et en raison même de la nature des selles, les doses indiquées dans le tableau suivant amènent une diminution considérable et parfois même, une disparition presque complète de tous ces saprophytes. T'ABLEAU (V.: Indiquant la proportion minima de désinfectants nécessaire pour tuer le bacille typhique dans les selles, en 24 heures et à 15°. PROPORTIONS DE DÉSINFECTANTS : : NATURE —————— © © NUMÉRO du 4. Pour 1.000 6. ce. de selles 2. Pour 1.000 c. c. de selles D'ORDRE Aie ME MAT Se PU A% RCE RES typhiques fraîches, typhiques putréfices, additionnées de bacille d'Eberth. aiditionnées de bacille d'Eberth. 1 Sulfate de cuivre... 5 grammes 7 grammes 2 Id. + 1 p.100 de SO4H? 381,5 4 grammes 3 Chlorure de chaux... 8 à 10 grammes 12 à 15 grammes 4 Id. + 1 p. 100 de HCI. 6 grammes 7 grammes ÿ LySOlE ER Mai cees » 9 grammes 6 CES y TR Eee ur » 10 grammes 7f Solvéol....... AU ER » 10 grammes 8 Soude--ee--rree » 10 grammes 9 Pptassé A MANne » 16 grammes 10 (CAP RS HHAES S 0 50 grammes 50 grammes Le sulfate de cuivre, acidifié par l'acide sulfurique, est donc le meilleur agent de désinfection des selles typhoïdiques. DÉSINFECTION DES MATIÈRES FECALES. 37 Pour obtenir la destruction du bacille typhique dans les mêmes selles en 1 heure, et à la température moyenne de 45°, il faut employer, pour 1,000 c. c. de matières, 10 grammes de sulfate de cuivre 10 grammes d'acide sulfurique. Le mélange doit être fait avec soin. La destruction du microbe du choléra, dans les selles, exige, d'une manière générale, une proportion de désinfectants plus petite encore que celle qui est nécessaire pour la mort du bacille typhique. Tasceau VE Jndiquant la proportion minima de désinfectants nécessaire pour tuer le bacille du choléra dans les selles, en 24 heures et à la tempé- rature moyenne de 159. QUANTITE NECESSAIRE ; NATURE EEE NUMÉRO | du {. Pour stériliser 1.000 c.c. de selles|2. Pour stériliser 1.000 c.e. de selles Las HÉSNRAE diarrhéiques récentes diarrhéiques putréfiées additionnées de bacille du choléra additionnées de bac. du choléra il CNESVISEErR Eee 3 grammes 3 à 4 grammes 2 BYSOIRAERAEE RE 2 361,5 kst,5 3 Sulfale de cuivre..... 4gr,5 6 grammes 4 Id.<+ 1p.de 100 SO4H? 361,5 ; crammes ÿ] Chlorure de chaux... 6 grammes 8sr,50 à 9 grammes 6 Id. + 1 p. 100 de HCI. 4 grammes 5 grammes 7 SOLVEDIPP EEE Eee 6 grammes 6 grammes 8 SOUTONE ER RER eue ere » 6 grammes 9 ÉOTASSGEN EE ee » 12 grammes 10 Ghauxé ere mes 25 grammes 25 a 30 grammes En conséquence, le crésyl, le lysol, Le sulfate de cuivre + acide sulfurique, le chlorure de chaux -L acide chlorhydrique, se partagent, à quelques faibles différences près, le premier rang pour la désinfection des selles cholériques. Le crésyl est cependant, de ces divers agents, celui qui possède, en réalité‘ l’activité la plus grande à l'égard du microbe du choléra, dans les matières fécales. Mais il est à noter que, lorsqu'il s’agit de désinfecter des déjections anciennes ou putréfiées qui renferment le komma-bacille, il peut encore y avoir avantage à employer, de préférence au crésyl, soit le sulfate de cuivre acidifié, soit le chlorure de chaux également acidifié; car, bien que le bacille du choléra soit également tué par les uns et par les autres aux 38 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. | 1 proportions sus-indiquées, le nombre des saprophytes sur- vivants est moins élevé lorsqu'on fait agir le sulfate de cuivre ou le chlorure de chaux acidifiés que lorsqu'on traite les mêmes matières par le crésyl. | Pour obtenir, en 1 heure, et à la température moyenne de 150, la destruction du bacille du choléra dans 1,000 cent. cubes de matières, il faut employer, au minimum : CRÉES ER NSP buoe RCE RSA 6 grammes ; Sulfatesde CUVE ACIDE EPP. ue 6 grammes ; Chlorure de.chaux acidifié ...,......!:.. 8 grammes ; Le mélange doit être fait avec soin. APPENDICE. Tous ces chifires, relatifs à la désinfection des selles, ne sont pas naturellement les mêmes que ceux qui correspondent à la ‘stérilisation d’un bouillon de culture, ensemencée avec les mêmes espèces pathogènes ou vulgaires. Pour juger du parallé- lisme des chiffres dans ces conditions très différentes, des cultures pures de quelques microbes ont été additionnées d’une pro- portion d’antiseptique rigoureusement égale à 1/200, 1/100, 4/50, etc., par rapport au volume de la culture. On agite et, après un certain nombre de minutes, on prélève, avec une pipette stérile, une goutte du mélange précédent. On neutralise, s’il y alieu, l’antiseptique de la même manière que pour les cul- tures de contrôle des matières fécales ; puis, on ensemence dans du bouillon neuf. Le tableau suivant condense les résultats de ces essais. Le signe + indique la survie du microbe ; le signe — indique que le microbe a été tué ; les proportions indiquées d’antiseptiques sont des millièmes, c'est-à-dire des grammes par litre, ou des kilogrammes par mètre cube. On verra, dans ce tableau, qu'il n’y a pas parallélisme exact entre d'action des désinfectants, d’une part, sur les microbes développés dans le bouillon, d’autre part sur ceux qui sont incorporés aux matières fécales. Le même tableau montre que la substance désinfectante la plus énergique envers les cultures microbiennes est le chlorure de chaux; cette conclusion est conforme aux résultats des expé- riences de MM. Chamberland et Fernbach, qui ont été signalées à plusieurs reprises dans le présent travail. 39 r r DÉSINFECTION DES MATIÈRES FECALES. RS RS SUR Ce qe en JP ee SN en se | eee el Re rer NUS = Cr FEES) ZE) = +fe fous = === FEE— = EE fo Loop om. es Reviee + Ù ; Pope Le ME Te APS AE 7E y } PU ep o8n01 °g — — — —|+ + pere RS 2 = — 0e fo ne mers AA SE gr + =£ + |Ler looqurerp er op ‘g = — = — | = + Ge SNL LE A a LE de ae zR - £ L ne (°°° Sapropfuu SP EE PS EE a | re = == — — + = + ne +- ir L + it 1 + ab nu SNI2PUL ‘T AE e de Perles + nee PTS SRE eme SR RE El TT ZE ferveponen-a EH =F|T + — = EP Ce ne EU PUR er PS de ji RP MES ele D fe PRE A ET) BE EE 14 | a enbrue{ooÂd ‘q = + FRE SE ee ne A EFocs de ARC Te mr ce en Re — — +|==|5 +) PR nee SEE Sr + ss AE as nr Gr sente dus 09 | — — | —- +|+ . = SANS) ee nel. Re ne ee Pen ee — | + + + +4 +4 + fe ('obudt ta dE Mar or er Û 06 OF © 06 67 S Or & CAC DFAC 00G 007 0G | 00 06 | 0G 08 06 OF | 00 08 | 0G OT | 0€ 0G DNS 0/0 0Z S “OILP Q9120009 NP | Æ HA FA © | 991 MULO) NP = RS 104A10S | ‘IOSAT | ‘TASHUD æanos | assÿI0 Ê xneuo opl 84 0007/5 | out | oo | jo ET] * : AS A A LV À gynvormo | ASOWOo gros | aunvoro | avans | aus | ET sop EE ET ER Rnre— — —t l e R 4e—— = AIALYN SLNVLOHANISHQ SH HUHNLVN = “XI AVSIVE —— ÉTUDES SUR LA DIPHTÉRIE Par M. Le Dr J. BARDACH La remarquable découverte de Behring, si féconde par ses résultats scientifiques et pratiques, a provoqué toute une série de travaux sur les propriétés préventives et thérapeutiques du sérum sanguin des animaux immunisés contre la diphtérie. J'ai moi-même fait sur ce sujet, depuis 1891, des études qui ont été publiées en russe en janvier 1893. Maintenant que, grâce surtout aux travaux de M. Roux, on peut considérer comme résolue la question de l'application thé- rapeutique du sérum, toutes les observations sur la diphtérie acquièrent un intérêt encore plus grand, et je crois utile d’ex- poser brièvement les résultats de mes études. RENFORCEMENT DE LA VIRULENCE DES BACILLES DIPHTÉRIQUES En 1889 j'avais obtenu une culture diphtérique très virulente avec les fausses membranes d’un enfant qui succomba à la diphtérie. Un quart de c.c. de cette culture faite dans du bouillon et âgée de 3 jours tuait un cobaye en 30 à 36 heures. Pendant les deux années suivantes, cette culture ne fut entretenue que par ensemencement sur gélose. Elle perdit par suite sa viruleuce à un tel point, qu’un centi- mètre cube de culture en bouillon, âgée de 2 jours, ne provo- quait plus chez le cobaye qu’une infiltration passagère au point d'inoculation. Il fallait 2 ec. c. pour rendre diphtérique un cobaye et le tuer en 7 à 8 jours. En 1891, j’eus besoin d’une culture virulente, et j'essayai de renforcer ma culture affaiblie en faisant des passages d’abord sur le cobaye, aveclequelje ne réussis pas mieux que ne l’avaient fait, avant moi, MM. Roux et Yersin; puis sur le lapin, avec lequel je n’eus pas de meilleur résultat. Quant aux chiens, ma culture, même à la dose de 20 c. c., ne les tuait pas. ÉTUDES SUR LA DIPHTÉRIE. 4 Je me demandai alors si la méthode de renforcement par passages continus sur des animaux de moins en moins sen- sibles, méthode si souvent utilisée à l’Institut Pasteur pour des maladies virulentes, s’appliquait aussi aux maladies toxiques, comme l’est la diphtérie. On sait que, dans cette maladie, les bacilles injectés ne se développent que localement, même lorsqu'ils sont très virulents: ils rencontrent donc dans l’organisme des conditions qui les empêchent de s’y répandre, et ceux qui subsistent au point d’in- jection doivent être les plus résistants, les plus toxiques. Je me disais donc qu’en isolant le microbe au moment de la lutte, c’est-à-dire au moment dela tension des forces en présence, on pourrait obtenir une culture des bacilles les plus virulents. J'inoculai donc à des chiens des doses énormes (40 ec. c.) de mes cultures affaiblies, âgées de 2 jours. Il se formait au point d’inoculation un œdème assez volumineux, dans lequel on retrouvait après 15 heures des bacilles diphtériques. Le liquide séreux de cet œdème fut ensemencé sur de la gélose et dans du bouillon. Ayant ainsi obtenu une culture pure, je l’ino- culai à un second chien; après 15 heures il s'était formé un œædème séreux gélatineux au point d'inoculation. Le liquide de cet œdème était pauvre en bacilles, et beaucoup d’ensemence- ments restèrent stériles. Le centre de cet œdème était occupé par un foyer de pus épais et gluant, dans lequel presque tous les leucocytes polynucléaires contenaient des amas de bacilles, dont quelques-uns ne se coloraient que peu ou point. La quantité des bacilles libres était comparativement beaucoup moins grande. Je continuai à faire des passages de la même manière, avec des cuitures provenant du pus, et en contrôlant la virulence de mes cultures par des inoculations à des cobayes. Ce n’est qu'après le 5° passage par le chien que j’obtins un certain renforcement, tellement faible, qu'un quart de c. c. de culture en bouillon mettait # jours à tuer les cobayes. Il en fallait 4 c. c. pour les tuer en 48 à 50 heures. Chez les chiens, une dose de 20-10 c. c. provoquait un ædème séreux-hémorragique avec des foyers purulents ; la phagocytose était très active dans ces foyers, et on ne trouvait que peu de bacilles non englobés. Les chiens étaient malades et avaient des vomissements biliaires fréquents. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. re LES) Ce n’est toutéfois qu'après 25 passages par le chien que j'obtins des cultures, dont un quart de c. c. était mortel pour le chien et 0,015 de c. c. pour le cobaye. La culture était donc devenue 80 fois plus virulente qu’au début. La dose mortelle était devenue 1/20000 du poids de l'animal pour le cobaye, et 1/60000 pour le chien. Les passages par le chien avaient donc exalté davantage la: virulence pour les chiens que pour les cobayes. Évidemment les bacilles diphtéritiques s'étaient adaptés à la lutte contre les cellules de l’organisme du chien. VACCINATION DES CHIENS PAR DES DOSES DE PLUS EN PLUS ÉLEVÉES DE CULTURES VIRULENTES Voulant immuniser une série de chiens contre la diphtérie, je m'arrêtai au procédé de vacccination par inoculation de petites doses croissantes de cultures virulentes. J'inoculais les chiens dans le flanc, en introduisant généra- lement une dose de culture inférieure à la dose mortelle, mais qui provoquait un malaise, souvent d'assez longue durée. Dans toutes les expériences, j’employai la même culture, provenant de l’ædème du chien du 25e passage, et âgée de deux jours. La réaction était locale et générale. La réaction locale se traduit par un œædème qui se résorbe plus ou moins vite: quelquefois, quand les tissus ne sont pas encore habitués au poison, la réaction ne se limite pas à la formation d’un ædème : les modifications du tissu sont si pro- fondes, qu’elles amènent quelquefois une nécrose superficielle. On observe aussi parfois la formation d’abcès, provoqués pendant la vaccination par de très petites quantités de culture. Souvent on peut constater la présence de bacilles diphtériques dans ces abcès. M. Wernicke avait aussi trouvé des bacilles très virulents dans les abcès pendant la vaccination de ses chiens. Mais la durée de leur vie dans l’organisme diminuait à mesure que l’animal devenait plus réfractaire. M. Wernicke croit que la virulence des bacilles subit de profondes modifications très tôt après l'injection; déjà après 3-4 jours, il ne trouvait plus de bacilles vivaces. Dans la plupart de mes expériences, les bacilles virulents restaient vivants au moins à jours. + ÉTUDES SUR LA DIPHTÉRIE. 43 Parmi les phénomènes de réaction locale, je dois citer encore la chute des poils, non seulement à l’endroit de l’inoculation, mais aussi à ses environs, ce qui doit être dû aux désordres de la nutrition cutanée. Les poils repoussent plus tard. La réaction générale se traduit par l’état de l’animal; sou- vent même, sans réaction locale, les chiens sont tristes, ne mangent point, et ceci dure pendant quelques jours. Souvent ils maigrissent, et leur poids diminue notablement déjà après l’intro- duction des premières petites doses de culture. Mais en général, si on procède à la vaccination avec beaucoup de précautions, les oscillations dans le poids ne sont pas bien grandes. Le poids diminue après les injections, mais redevient d'ordinaire bientôt normal. Mes expériences prouvent en général que les chiens s’accou- tument lentement aux inoculations du bacille diphtérique, du moins à celui de ma culture. Aïnsi j’ai des chiens qui, ayant déjà reçu en somme plus de 100 c. c. de culture virulente, continuent néanmoins à réagir à de plus fortes doses par des phénomènes locaux et généraux. Cette immunité, lentement établie, est donc relative et non absolue. Mais elle peut être poussée très haut avec le temps, et en augmentant les doses. VACCINATION ET TRAITEMENT DES COBAYES PAR LE SÉRUM DE CHIENS IMMUNISÉS 219 Après avoir immunisé une série de chiens, j'ai étudié les propriélés immunisantes de leur sérum. Celui-ci peut être conservé indéfiniment pur dans des réci- pients stériles, et je n’y ai jamais ajouté ni acide phénique, ni aucun autre antiseptique. Souvent je l'employais plus ou moins longtemps après la saignée, mais je n’observais jamais aucune modification dans les propriétés de ce sérum, conservé in vitro. J'ai commencé par m'assurer que le sérum du chien normal, non vacciné, inoculé à deux cobayes, ne les empêcha pas de succomber à une injection de culture diphtéritique. Par contre, le sérum des chiens immunisés avait des propriétés non seulement préventives, mais aussi thérapeutiques. .Je vais décrire une expérience concrète pour montrer Ja _ marche progressive du procédé d’inmunisation. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. = x Je fis une première saignée à un chien le lendemain du jour où il avait reçu 3 c. c. de culture diphtérique. Il en avait reçu en tout 17 ©. c., et avait réagi par un faible œdème qui s'était bientôt résorbé. On injecta 4 c. c. de son sérum à quatre cobayes, qui, 24 heures après, reçurent 0,06 c. c. de culture diphtérique. Deux survécurent et deux succombèrent à la diphtérie. Parmi les cobayes infectés par des doses deux fois moins grandes (0,03 c. c.), deux survécurent, un succomba à une cachexie diphtéritique presque un mois après, tandis que le témoin mourut le 6° jour. Enfin tous les cobayes qui avaient reçu 0,015 c. c. survécurent, tandis que leur témoin succomba le 7e jour. Là 2° saignée fut faite 13 jours après l’injection de 5 €. c. d’une culture diphtéritique; le chien avait très fortement réagi, il avait reçu en tout 33 c. c. de culture. Des cobayes ayant reçu 4 c. ec. de sérum de ce chien, se sont montrés après 3 mois réfractaires à la toxine. Après 4 mois, l'immunité n'était plus constante, et après 5, elle avait presque disparu. Ainsi uu des cobayes infectés guérit après une maladie de quatre semaines; deux cobayes furent longtemps malades et succombèrent à une cachexie diphtéritique; enfin un cobaye mourut de la diphtérie après une semaine. Une nouvelle saignée fut faite au même chien, qui avait déjà reçu en tout 49,5 c. e. de culture. On injectait le sérum en quantité de 1/90 du poids de l’animal. Introduit 24 heures avant l'infection, ce sérum se montrait préventif pour une dose 8 fois plus élevée que la dose mortelle. Une série d'expériences prouva que la propriété du sérum était très notablement renforcée. Ainsi un demi c. ©. préserva les cobayes contre l'infection de 0,25 ec. c. d’une culture diphtérique introduite 24 heures après, tandis que le témoin succomba dans 3 jours. La puissance immunisante du sérum qui, à la saignée précédente était de 1/500, était devenue 110000. -— Dans une seconde expérience, le pouvoir préventif du sérum était de 1/25000. Aïnsi 0,25 ce: c. de sérum avaient préservé deux cobayes, inoculés par 0,25 de culture diphtérique, tandis que le témoin mourut dans 3 jours. ‘Il faut ajouter que, dans cette expérience, deux cobayes vaccinés succombèrent après très longtemps à une cachexie diphtéritique. ÉTUDES SUR LA DIPHTÉRIE. 45 D'autant plus surprenant fut le résultat de l'expérience sui- vante, qui révéla une suspension du pouvoir immunisant du sérum. Le même chien avait été saigné le lendemain d’une injection de 7 c. c. de culture diphtérique. Il avait reçu en tout 70,5 €. c. de culture, et n'avait réagi que très faiblement à la dernière injection. Le pouvoir immunisant de son sérum était presque nul : tandis que précédemment 0,25 €. c. préservaient contre 0,25 e. c. de culture diphtérique, maintenant une quantité de sérum 16 fois plus grande (4 c. c.) ne préservait plus contre une une dose de culture 2 fois plus petite (0,125)! Pour me rendre compte de la durée de cette suspension du pouvoir immunisant, je saignai ce même chien après deux semaines. Son sérum se montra de nouveau actif à un haut degré : 0,125 c. c. étaient préventifs contre 0,25 c. c. d’une culture diphtérique qui tuait le témoin en 48 heures. La propriété immunisante était donc de 1/50000. Des cobayes vaccinés par ce sérum résistèrent à des injec- tions de cultures diphtériques 16 fois plus grandes que la dose mortelle, et faites après 3-4 mois. Le sérum avait été injecté dans la proportion de 1/300 à 1/1000 du poids de l'animal. Si on l’injecte en proportion de 1/2500 du poids de l’animal, l’immunité conférée n’est pas durable, mais les cobayes ne succombent néanmoins qu'après un très long temps à des doses qui tuent les témoins en 2-3 jours. Aïnsi, malgré la suspension passagère du pouvoir immuni- sant du sérum, on constate néanmoins qu'il s’a ccroît proportion- nellement au renforcement de l’immunité du chien. Les cobayes vaccinés réagissent d’une façon locale et générale aux injections de cultures diphtériques. La réaction locale se traduit par un œdème plus ou moins accentué à l'endroit de l’inoculation. Cet œdème se résorbe bientôt quand l’immunité conférée est déjà renforcée; dans le cas contraire, la peau et le tissu sous-cutané se nécrosent. J’ai pu dans certains cas retirer des bacilles diphtériques de dessous l’escharre, encore 12 jours après l’inoculation de la culture. Pendant la vaccination, on observe quelquefois des paralysies chez les cobayes. Parfois il y en a qui, après avoir résisté à l’in- fection, et augmenté en poids, meurent subitement. A6 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. L’autopsie ne démontre rien d’anormal. On se demande si la mort ne dépend pas, dans ces cas, de la paralysie des muscles ou des nerfs cardiaques ? À des cobayes ayant supporté une injection de culture diphté- rique après avoir été vaccinés, on a inoculé, 15 jours ou un mois après la dernière injection, suivant la réaction à laquelle elle avait donné lieu, des doses de toxine qui se sont élevées jusqu’à 200 fois au-dessus de la dose mortelle, et qui ont été bien supportées. L'immunité peut donc être portée à un degré très élevé, mais elle ne peut être conférée que lentement, et par des doses gra- duellement renforcées. Toute précipitation peut compromettre l'immunisation, et mème parfois faire perdre le terrain déjà conquis. Dans le cours de mes expériences sur la vaccination des | cobayes, J'ai étudié les méthodes de MM. Brieger, Kitasato et Wassermann. Je préparais le bouillon de thymus d’après les indications de ces savants. Les ensemencements n'étaient faits que dans ce bouillon, qui restait opalescent après la stérilisation, et qui formait un précipité blanc et floconneux après l’addition d'acide acétique. Les bacilles diphtériques s’y cultivaient moins bien que dans le milieu ordinaire.Des injections répétées de 2 c. c. d'une culture âgée de 3 jours, et chauffée pendant 1/4 d'heure à 60-70°, ont été faites dans le péritoine de cobayes qui, 9 jours après, furent inoculés avec une dose de 0,06 de c. c. d’une culture diphtérique. Ils saccombèrent tous à la diphtérie, quoique plus tard que le témoin. J’employais pour mes expériences des cobayes jeunes ou pas trop vieux, car je voulais étudier la vaccination etl'infection de la diphtérie surtout dans le jeune âge. Le sérum des chiens fortement immunisés a une propriété non seulement préventive, mais aussi thérapeutique à la dose de 1/3000. Il faut donc employer pour le traitement des cobayes une quantité de sérum au moins 30 fois plus grande que pour l’immunisation. Le sérum, injecté 24 heures avant l’inoculation de virus, agit déjà préventivement. L'immunité, conférée par le sérum, se conserve pendant des mois ; elle est d'autant plus durable, que la force du sérum pré- ventif est plus grande; si celle-ci est élevée, de petites doses peuvent conférer une immunité déjà durable. ÉTUDES SUR LA DIPHTÉRIE. 47 VACCINATION ET TRAITEMENT DES LAPINS PAR LE SÉRUM DES CHIENS IMMUNISÉS J'ai fait surtout des expériences sur les lapins, car M. Lœffler ayant montré qu’on pouvait provoquer chez eux des fausses mem- branes dans la trachée, le tableau de leur infection ressemble à celui de la diphtérie humaine. Dans mes premiers essais, j'injectais dans la trachée des lapins de petites doses de cultures diphtériques sur gélose, provenant des 6° à 8 passages par le chien. Je n’obtenais pas toujours des membranes, et quelquefois le lapin ne ressentait même aucun malaise, Alors je remplaçai ces cultures par des cultures dans du bouillon, ensemencées avec l’œdème du chien du 25° passage. J'obtins de meilleurs résultats, mais il fallait employer pourtant de grandes doses (0,5-0,3 c. c.) pour conférer la maladie au lapin. Pour adapter ma culture à l’organisme du lapin, je fis une série de passages par cet animal. J'inoculai aux lapins 5 c. ce. d’une culture âgée de deux jours (25° passage, ædème du chien), et je les sacrifiai le lendemain, comptant trouver des bacilles plus viru- lents dans le foyer phagocytaire. Mais la réaction est beaucoup moins forte chez le lapin que chez le chien, et ce n’est qu'une fois sur cinq que je trouvai un amas purulent avec une quantité insignifiante de bacilles, dont la virulence ne différait en rien de ma culture du 25° passage par le chien. Les bacilles qui étaieni puisés dans l’œdème séreux, et qui ne se développaient pas toujours après 24 heures, ne donnèrent non plus aucun renforcement de virulence, ni pour les lapins, ni pour les cobayes. J'essayai une autre méthode, indiquée par MM. Roux el Yersin : j'inoculais 0,5 e. c. de culture dans l'oreille du lapin, Je sacrifiais l'animal 6 heures après, j'éloignais les entrailles et l’estomac, que je remplaçais par du papier stérilisé, et je mettais le lapin dans l’étuve pendant 24 heures. J’obtenais quelquefois des cultures diphtéritiques de la rate et du foie, mais elles étaient presque toujours impures. Je m'’arrêtai donc à une troisième méthode, qui me donna de bons résultats : j'injectai 4-5 c. ce. de culture diphtéritique très virulente dans Ja veine de l'oreille d’un lapin. Il en mourait toujours après 48 heures, avec des phénomènes de dégénérescence graisseuse 43 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. aiguë du foie, une inflammation aiguë, hémorragique des intestins, et une hyperémie générale de tous les organes. J'obte- nais très souvent des cultures pures du foie, de la rate et du sang du cœur. J’inoculais ces cultures à un autre lapin, qui suc- combait à son tour en 24-48 heures. De cette manière j’obtins après quatre passages une culture dont la virulence n'avait pas augmenté pour le chien et le cobaye, mais seulement pour le lapin. Ainsi, tandis que la culture du 25° passage par le chien n'était mortelle pour le lapin qu'en dose d'un c. c., et cela en 6-8 jours et plus, la culture, obtenue par les passages de lapin à lapin, était mortelle à une dose de 0,5 e. c. en 5-6 jours. Une injection de 0,25 c. c. dans la trachée était suffisante pour provoquer une diphtérie mortelle, et presque toujours des fausses membranes. Une inoculation intraveineuse de 0,5 c. c. tuait le lapin en 2 jours. J'employai cette culture dans toutes les expériences suivantes. On peut donc, pour ainsi dire, adapter un microbe à la vie dans l'organisme d’un certain animal, pour lequel sa virulence sera accrue, sans avoir subi aucune modification pour les autres espèces. Quand sa virulence est très renforcée, le microbe peut quelquefois se développer dans les organes et même dans le sang. Ayant déterminé la virulence de ma culture pour les lapins, j'entrepris l’étude de leur vaccination et de leur traitement. Je fis en tout 34 expériences sur la vaccination. 20 des lapins immunisés furent inoculés de la diphtérie dans la trachée. 16 de ces lapins, dont 8 avaient été infectés 3 mois après la vaccination, résistèrent. Six autres lapins immunisés furent inoculés dans les veines et succombèrent tous. Enfin des 8 lapins immunisés et inoculés sous la peau, 4 succombèrent. Étudions la marche de la vaccination des lapins, suivant la virulence du sérum et la méthode d’inoculation. 4 lapins furent vaccinés par le sérum du 4° chien de passage. La force immunisante de ce sérum, contrôlée sur des cobayes, était de 1/3000. Un cobaye, ayant reçu 1/360 de son poids, supporta une dose de culture diphtérique 8 fois mortelle. J'in- jectai à mes 4 lapins 4 c. c. de sérum (1/200 de leur poids). ÉTUDES SUR-LA DIPHTÉRIE 49 Malgré la grandeur absolue et relative de cette dose, ils succom- bèrent tous en 4-8 jours à l’inoculation sous-cutanée d'un c. c. de culture diphtéritique (le témoin succomba le 7° jour). Ces lapins perdaient leur appétit, avaient la diarrhée, et un œdème plus ou moins notable à l'endroit de l’inoculation. Quand le lapin mourait le 4°-5° jour, on pouvait encore isoler quelque- fois de l’æœdème des bacilles diphtériques, A l’autopsie, ontrouvait une infiltration et une congestion des vaisseaux sous-cutanés, une hyperémie des organes parenchymateux et des ganglions lymphatiques, et une notable dégénérescence graisseuse du foie. Le résultat de cette expérience était tout à fait imprévu: on devait s’attendre à pouvoir immuniser plus facilement le lapin, animal peu sensible, que le cobaye, d'autant plus que la quantité de sérum et sa propriété immunisante étaient élevées. Il arrivait au contraire que le sérum, dont la force immuni- sante était de 1/3,000 pour les cobayes, ne préservait point du tout les lapins. A la suite de ce résultat, j'injectai aux lapins de plus grandes quantités de sérum des chiens plus immunisés encore. Quatre lapins furent inoculés par 8 c. c. de sérum chacun (1/100 de leur poids). La force immunisante de ce sérum était pour les cobayes de 1/10000. 24 heures après, j'inoculai à chacun des lapins 1 c. c. de culture diphtérique sous la peau; tous réagirent par un faible œædème et guérirent bientôt. Cette infection supportée renforça limmunisation des lapins. Un mois après, ils furent de nouveau inoculés par 1,5 de c. c. de culture diphtéritique et ne réagirent plus du tout. Cette expérience prouve que, seul, le sérum possé- dant une forceimmunisante très élevée pour les cobayes, préserve le lapin contre une infection diphtérique. En comparant les réactions produites par la vaccination du cobaye et du lapin, nous constatons que, pour qu’elles soient égales, il faut inoculer au cobaye une dose de sérum de 1/370 de son poids, tandis qu’au lapin la dose doit être de 1/106. Donc, pour immuniser un lapin contre une inoculation diphtérique sous-cutanée, 1l faut lui injecter une dose au moins 3, 3 1/2 fois plus grande qu’au cobaye. 11 faut en outre considérer qu'on inoculait au lapin une 4 50 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dose deux fois mortelle, tandis que la dose injectée au cobaye était 16 fois mortelle. | Il faut donc conclure que le sérum immunise plus facilement le cobaye, animal plus sensible, que le lapin, qui l’est moins. Cette conclusion montre, entre autres choses, qu’on n’est pas. autorisé à regarder l'effet du sérum comme une neutralisation du virus diphtérique introduit dans l'organisme. Ainsi, dans une expérience, j'injectai 4 c. c. de sérum (1/200 du poids de l'animal) à un lapin et à un cobaye (1/190). Le premier succomba et le second survécut à une inoculation de culture diphtérique. On voit donc que la même quantité de sérum est préventive pour un animal et ne l’est pas pour l’autre, Les expériences d'infection intraveineuse sont encore plus instructives. Tous mes lapins, vaccinés par 4 c. c. de sérum (1/3,000 du poids du cobaye), succombèrent à une infection diphtérique intraveineuse en même temps ou même plus tôt que le témoin. Ils avaient été inoculés par une dose minimale mortelle. Le sérum employé était le même qui avait préservé des lapins contre une infection diphtérique sous-cutanée ; il ne les préservait pas néanmoins contre une infection intraveineuse, faite 24 heures après la vaccination. D’après MM. Ehrlich et Behring, « l’immunité passive » des animaux vaccinés par le sérum serait due à des propriétés anti- toxiques, acquises par le sang. Je crois que les expériences exposées par moi parlent contre cette supposition. Si elle était juste, c’est précisément l'infection intraveineuse qui devrait être supportée le plus facilement, car le virus sécrété par les microbes devrait être détruit à mesure de sa production par le sang, qui est surtout porteur des propriétés antitoxiques. En réalité, c'est le contraire qui a lieu : justement l'infection intraveineuse est la seule contre laquelle je n’ai pu préserver aucun lapin. Je crois que la cause de ce fait peut être expliquée comme il suit : les bacilles, introduits dans la circulation sanguine, sont promptement transportés et éliminés dans les organes internes, où ils commencent à produire activement leur toxine. Celie-ci pénètre done simultanément dans divers endroits de l'organisme et y provoque de profondes modifications, surtout dans le foie. Les cellules ne peuvent pas s'adapter à la toxine en un temps si ÉTUDES SUR LA DIPHTÉRIE 51 court et succombent, malgré les grandes quantités d’antitoxines qui cireulent dans le sang. Par contre, dans l'infection sous-cutanée ou autrement locale, les cellules de l'organisme vacciné ont le temps de s'adapter à la toxine; certaines cellules des organes, étant en état de légère excitation fonctionnelle, due à la présence des antitoxines, sécrètent des contre-poisons. 1l est possible que les sécrétions cellulaires antitoxiques aient un caractère diastasique. (Des expé- riences de M. Gamaléia ont démontré que certains ferments solubles atténuent ou détruisent les toxines diphtériques.) Ces contrepoisons pénètrent dans le sang, sont transportés par tout l’organisme et stimulent les cellules à une sécrétion analogue d’antitoxines. L'immunisation de l'organisme en résulte. Je passe à la vaccination contre le troisième moyen d'infection par la trachée. La trachéotomie et l'injection sont bien suppor- tées par les lapins; la plaie guérit ordinairement par première intention; on ne fait qu'une ou deux sutures. Tousleslapins vaccinés avecle sérum, immunisantles cobayes à la dose de 1/3000 de leur poids, succombèrent à la diphtérie après 2-5 jours. Malgré la vaccination, les lapins eurent des fausses mem- branes, une respiration bruyante caractéristique, de l'asthme, de la faiblesse générale, et ils succombèrent à cet état. Un seul des lapins n'eut pas de fausses membranes. Dans l'expérience suivante, j'employai un sérum dont la force immunisante était de 1/10000 du poids du cobaye. Six lapins furent vaccinés avec 8 c. c. de ce sérum chacun, ce qui leur coaféra l’immunité à tous. Après l'injection de la culture diphtérique, la respiration ne se modifia pas chez trois de ces lapins ; ils n’eurent pas non plus de fausses membranes, du moins assez notables pour produire un effet. Les trois autres lapins eurent des fausses membranes, qui disparurent progressivement dans le courant d’une semaine; leur présence se traduisait par de l’asthme et une respiration bruyante caractéristique. Les lapins étaient faibles et se remettaient avec peine. Ainsi, un sérum d’un pouvoir immunisant élevé préserve le lapin d’une inoculation diphtérique ultérieure dans la trachée ; même la réaction locale — les fausses membranes — peut être D2 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. très insignifiante. La quantité de sérum employé était de 1/100 du poids du lapin. L'immunité des lapins fut contrôlée après un mois ; on leur irocula 4,5 c. c. de culture diphtérique sous la peau. Un seul des lapins réagit fortement et| succomba après 26 jours d’une cachexie diphtérilique, malgré la vaccination et l'infection, supportée la première fois. Les autres lapins résistèrent très bien. Je fis l'expérience suivante, dans le but d'étudier les proprié- tés immunisantes d’un sérum encore plus actif. Je vaccinai 40 lapins chacun avec 8 c. c. de sérum du chien du quatrième passage. (La propriété immunisante de ce sérum était de 1/20000 pour les cobayes.) Deux de ces lapins furent inoculés après 24 heures par une culture diphtérique dans la trachée. Tous les deux restèrent complètement bien portants les jours suivants ; leur respiration resta tout à fait régulière. (Le témoin succomba après 3 jours avec notables fausses membranes.) Les autres 8 lapins furent inoculés dans la trachée après trois mois. La majorité eut des fausses membranes qui provoquèrent une respiration bruyante caractéristique, accélérée et souvent irrégulière; les lapins perdaient tout appétit, devenaient faibles, mais finissaient par se rétablir. Le témoin succomba le troi- sième jour à la diphtérie. Ainsi le sérum des chiens fortement immunisés peut conférer une immunité durable aux lapins contre une infection dans la trachée. Pourtant cette immunité diminue avec le temps, car nous avons vu que les lapins infectés 24 heures après la vacci- nation supportaient l'injection dans la trachée, sans aucune réaction, tandis que ceux qui furent infectés trois mois après la vaccinalion réagirent tous. Nous avons vu que le sérum d’une force préventive faible ne confère pas d'immunité locale aux muqueuses; quand les pro- priétés préventives de ce sérum sont renforcées, la vaccination provoque une immunité locale des muqueuses, cette immunité locale disparaît avec le temps, tandis que l'immunité générale résiste. Ainsi l’immunisation des lapins est possible, mais elle exige des inoculations de sérum, dont les doses absolues et relatives au poids de l'animal doivent être plus grandes que celles qui vaccinent le cobaye. ÉTUDES SUR LA DIPHTÉRIE. 53 Peut-on guérir les lapins, déjà malades de la diphtérie? Pour résoudre cette question, j'ai fait des expériences d'infection des lapins par la trachée suivie d’un traitement, 24 heures après par le sérum de chiens très fortement immunisés. Dans la première expérience, les lapins étaient déjà très malades vers le début du traitement; beaucoup d’entre eux avaient des fausses membranes, respiraient irrégulièrement et bruyamment, et quelques-uns étaient affaiblis. Un seul se portait bien au début du traitement. Tous les 8 lapins de cette expérience furent vaccinés par 20 c. c. de sérum (1/40 de leur poids) chacun. (Ce même sérum avait préservé les lapins d'une infection ulté- rieure dans la trachée en proportion de 1/100 de leur poids.) Cette énorme quantité de sérum ne produisit aucun effet sur Les phénomènes morbides locaux. Ainsi chez 2 des lapins, les fausses membranes se formèrent après l'injection de sérum. Néanmoins, malgré les phénomènes morbides très prononcés au début du traitement, je réussis à guérir 4 des lapins d'une infec- tion absolument mortelle (les témoins succombaient en 2-4 jours), tandis que # autres succombèrent après 3 jours. Ainsi je parvins à sauver la moitié de mes lapins déjà très malades, en les traitant par une dose de sérum 2,5 fois plus grande que la dose vacccinante, Dans l'expérience suivante, j'infectai 10 lapins ; 2 d’entre eux ne furent point traités et sucombèrent en 1 et 5 jours; des 8 traités, 2 succombèrent et 6 guérirent. Le traitement fut com- mencé 24 heures après l'infection. Oninoculaitauxlapins 20 c. e. de sérum (1/40). Leur état était grave au début du traite- ment : tous avaient des fausses membranes, quelques-uns étaient fortement affaiblis. Néanmoins la sérumthérapie se montra très efficace (le pouvoir immunisant du sérum était du 150,000 pour les cobayes) car elle préserva des lapins qui avaient déjà des fausses membranes. Les doses thérapeutiques n'étaient que deux fois et demie plus élevées que les doses préventives. II est vrai que ces dernières étaient elles-mêmes très élevées. Dans le traitement comme dans la vaccination, l'effet du sérum est différent pour les cobayes et les lapins. Il est plus facile de vacciner les cobayes que de les guérir : le sérum dont la force immunisante est de 1/100000 n’est cura- tif qu’à la proportion de 1/3000. Il faut donc employer pour le 54 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. traitement des cobayes des doses au moins 30 fois plus grandes que celles qui les vaccinent. Chez les lapins, la propriété curative d’un sérum,même moins actif, n’est que de deux fois et demie moins grande que sa force immunisante. La cause de cette différence doit être cherchée en partie dans la différente manière dont se comportent les cellules du cobaye et du lapin enversles bacilles diphtériques. Les bacilles introduits dans l'organisme du lapin ne sont que faiblement englobés par ses phagocytes ; ils peuvent par suite librement sécréter leurs toxines qui, en s’accumulant eten empoisonnant les tissus, pro- voquent la mort de l’animal. Pour immuniser un lapin, il est donc indispensable de renforcer le pouvoir phagocytaire de ses cellules. Cet effet n’est obtenu qu’à l’aide de doses de sérum préventif plus grandes que celles qui sont employées pour les cobayes, dont la phagocytose est plus active. J'ai pu m'assurer de la justesse de cette supposition en expérimentant sur des lapins immunisés et non immunisés. La chimiotaxie positive est faible chez les lapins à l’état normal, ainsi que j'ai pu m'en assurer par des expériences directes. Après leur avoir injecté du sérum préventif, j'étudiai de nouveau chez les mêmes lapins la propriété chimiotaxique dans différentes périodes. Je constatai qu'elle était devenue notablement plus élevée. Je trouvai dans tous les tubes capillaires, introduits sous la peau de l'oreille de ces lapins, d'assez grands amas de leucocytes. Les cellules des lapins vaccinés sont donc plus facilement attirées par les ba- cilles diphtériques, qu’elles peuvent alors englober et digérer. Mais il faut une grande quantité de sérum préventif pour renforcer les propriétés phagocytaires des cellules du lapin, pro- priétés qui sont peu développées avant la vaccination. En résumé, je crois pouvoir tirer des expériences ci-dessus les conclusions suivantes : Lesbacilles diphtériques affaiblis, introduits dans l'organisme, y acquièrent, à un moment donné, une virulence renforcée. Ces bacilles ont un pouvoir pyogène, et l’on peut isoler du foyer purulent les bacilles les plus virulents. A côté de ceux-ci, on trouve, dans les phagocytes, des bacilles présentant tous les stades de destruction. ÉTUDES SUR LA DIPHTERIE. 55 On peut immuniser les chiens en leur injectant de petites doses, toujours croissantes, de cultures fortement virulentes. Mais l'immunité, si élevée qu’elle soit, reste relative. L'immunisation est due aux cellules de l’organisme qui s’accoutument à digérer les bacilles et à élaborer des contre- poisons diphtéritiques. Ces contre-poisons, en circulant dans le sang, provoquent une certaine excitation des cellules et per- mettent au tissu de Porganisme de combattre le virus en les accoutumant à son effet. Le pouvoir préventif et curatif d’un même sérum n’est pas égal pour les différentes espèces. L'immunité s'établit aussitôt après l'injection du sérum. Les cobayes sont réfractaires encore quatre mois après la vaccination, etleslapins résistent, trois moisaprèsla vaccination, à une infection dans la trachée, Les animaux, dont l’immunité est affaiblie, meurent pourtant notablement après les témoins. REVUES ET ANALYSES SUR LA SACCHARIFICATION DE L'AMIDON REVUE CRITIQUE L’amidon, dont j'ai étudié les propriétés dans le dernier numéro des Annales, subit, lorsqu'il est gélatinisé ou mêmeà l’état cru, sous l'influence de la salive, des sucs digestifs, ou du malt dans la cuve du brasseur, des transformations complexes dont l’étude préoccupe les chimistes et les physiologistes depuis le commencement du siècle. L’empois d’amidon se fluidifie, prend une saveur sucrée et une consis- tance gommeuse. Il s’y forme en effet un sucre, le maltose, et une substance qu’on a longtemps confondue avec la gomme et que M. Biot a appelée dertrine, après avoir constaté qu’elle différait de la gomme en ce qu'elle déviait fortement à droite le plan de polarisation de la lumière. Quant au sucre, son histoire est singulière, car il a été découvert plusieurs fois et plusieurs fois oublié. On la d’abord confondu avec le sucre d'amidon ou glucose, produit par l’action des acides sur l’amidon. Payen et Persoz' avaient bien remarqué que ce dernier est cristalli- sable, tandis que l’autre ne l’est pas. Mais cette distinction, d’ailleurs très contingente, avait d’autant moins frappé l'attention que Guérin- Varry * n’avait obtenu aucun résultat bien net en cherchant à diffé- rencier les deux sucres. C’est encore Biot * qui, en 1842, apporte un document précis en constatant que le sucre de malt a un pouvoir rotatoire double de celui du sucre d'acide : il proteste nettement contre leur identification. Biot, on le sait, avait beaucoup de peine à convaincre les chimistes de l’importance du pouvoir rotatoire ; il est suffisant, il est vrai, qu'il en ait convaincu M. Pasteur. Bref, son observation ne changea rien aux habitudes. Elles résistèrent même à l'assaut plus violent que leur livra, en 1846, M. Dubrunfaut *. Dans une revision attentive des propriétés des deux sucres, qu'il réussit à purifier mieux qu'aucun de ses devanciers, ce savant trouva que le pouvoir rotatoire du maltose était trois fois plus grand que celui 1 Ann deiCh. et de Phys, LIL %p-13; et t. LNI/Mp.1837 2. Journal ZL’/nstilut, 1835, n° 105. 3. Comptes rendus de l’Acad. des Sciences, 1842, p. 619. 4. Ann. de Ch. et de Phys., t. XXI, p. 178. REVUES ET ANALYSES. 57 du glucose, et signala en outre ce fait capital que le maltose chauffé avec les acides devenait du glucose. Il n’y avait donc plus moyen de con- fondre ces deux sucres, et il est vraiment curieux qu’au lieu d'accepter cette notion qui nous semble aujourd’hui si simple, les savants se soient si longtemps obstinés dans une vieille conception qui ralentissait . leur marche en embarrassant le chemin et en leur imposant une langue fausse. Pour bien comprendre la nature de l'obstacle, il faut savoir ceci : les matières provenant de la saccharification de l'amidon, sucre et dextrine, étant difficiles à séparer du liquide et à préparer à l’état pur, on ne lesisolait pas pour les peser séparément, quand on faisait l'étude d’un moût. On cherchait leur poids total et on faisait la distribution de ce poids entre la dextrine et lesucre, en utilisant soit les pouvoirs rotatoires de ces deux substances, soit leurs pouvoirs réducteurs sur la liqueur de Fehling, supposés connus une fois pour toutes. Le pouvoir rotatoire dela dextrine est assez exactement connu depuis longtemps : il est voisin de 2200. Si le pouvoir rotatoire de la liqueur étudiée est voisin de ce chiffre, elle ne contient que de la dextrine; s'il se tient au-dessous, il y a d'autant plus de sucre que la diffé- rence à220est plus grande: mais on conçoit que le calcul de proportion donnera des chiffres fort différents, suivant qu’on croira à la présence du glucose dextrose, dont le pouvoir rotatoire est de 529,5, ou à celle du maltose dont le pouvoir rotatoire est de 1379. Ce nombre de 137 partage à peu près en deux parties égales la distance de 529,5 à 2200. Il en résulte qu’un liquide dont le pouvoir rotatoire serait de 1370 contiendrait soit uniquement du maltose dans le cas où on se range à l'opinion de M. Dubrunfaut, soit un mélange à parties égales de dextrine et de dextrose, dans le cas où on accepte l'opinion courante du monde savant aux environs de 1850. Mêmes incertitudes au sujet du pouvoir réducteur. Cent parties de maltose ne réduisent pas autant de liqueur de Fehling que cent parties de dextrose. Elles en réduisent seulement autant que 64 parties de dextrose. On exprime ce fait en disant que le pouvoir réducteur du maltose est 61. Il en résulte que là où les fidèles du dextrose compte- ront 61, les croyants au maltose devront compter 100, c’est-à-dire augmenter environ des deux tiers les chiffres calculés pour le dextrose, C’est là la transposition que nous devrons faire subir tout à l’heure aux chiffres relevés jusqu'en 1872, année où le maltose a pris pied dans la science et dans les calculs. Mais il y a, au sujet du trouble qui a régné jusqu'à ce moment dans la science, une autre remarque à faire, c’est qu’il aurait suffi, pour l'empêcher de naître, d’un travail un peu soi- gneux et attentif. Il n’y avait, dans la question, aucune de ces diffi- 58 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cultés, aucun de ces traquenards dans lesquels on est excusable de tomber. Le maltose a un pouvoir rotatoire beaucoup plus fort et un pouvoir réducteur beaucoup plus faible que le dextrose. L'évaluation faite avec le polarimètre ne devait donc pas coïncider avec l’évaluation faite au moyen de la liqueur de Fehling. Par exemple, le liquide à pou- voir rotatoire de 1379, que nous citions tout à l'heure, et qui, dans l'hypothèse du dextrose, en renfermait 50 0/0 de sa matière dissoute, devait, dans l'hypothèse du maltose, avoir un pouvoir réducteur de 61 au lieu de 50, et cette différence n’était pas faite pour échapper, si on y avait regardé de près. C’est le grand mérite, la grande nouveauté du travail d’O’Sullivan‘, d’avoir fait la confrontation exacte du pouvoir rotatoire et du pouvoir réducteur, d’avoir montré qu’ils ne coïnci- daient que si on admettait une production de maltose, qu’il a du reste isolé. Et c’est ainsi que le maltose a été redécouvert une dernière fois par M. O’Sullivan, mais cette fois, il faut l’espérer, d’une façon définitive. La science lui a même donné un compagnon, l’isomaltose, préparé pour la première fois par Fischer * par l’action de l’acide chlorhydri- que concentré sur le dextrose, et retrouvé ensuite successivement par Scheibler et Mittelmeier * dans le sucre d’amidon commercial, et par Lintner ‘ dans le moût et la bière. Si cet isomaltose était produit en aussi grandes quantités que le maltose, il remettrait tout en question, même les exactes déterminations etles conclusions de M. O’Sullivan, car s’il a à peu près le même pouvoir rotatoire que le maltose (139° au lieu de 1437°) son pouvoir réducteur est sensiblement plus faible, et les nombres du calcul et de l'expérience ne seraient de nouveau plus d'accord. Heureusement pour les chimistes, cet isomaltose se forme en proportions très faibles quand les circonstances de la saccharificalion sont bonnes, et nous pouvons, après avoir visé sa présence, le confondre avec le maltose, en nous rappelant seulement, pour expliquer sa présence dans la bière, qu’il est un peu moins facilement fermentescible que lui. Il Nous avons maintenant une autre question à nous poser. Sous quelle influence l’amidon fournit-il de la dextrine et du maltose, lors- qu'il est soumis à l’action de la salive, des sucs digestifs du pancréas, ou noyé dans la cuve du brasseur ? On rapporte d'ordinaire au chimiste 4, Journal of the chem. Soc., 1872, p. 579. 2. Ber. d.d, chem. Gesellsch., t. 93. p, 3687 3. Lbidem, t. 24, p. 301. 4. Zeitschr, f. d. gesammte Brauwesen, 1891 et 1592. REVUES ET ANALYSES. )9 Kirchoff ! l’honneur d’avoir montré que cette saccharification peut s’accomplir à la température ordinaire, sous l’influence d'une matière contenue dans le gluten putréfié ; mais, dans les conditions où opérait Kirchoff, l'intervention des infiniment petits était inévitable, et peut- être nécessaire au résultat. Son expérience a par suite perdu aujour- d’hui toute force probante au sujet de la déduction qu'on en tire; les mêmes objections s’adressent à celle de Saussure ?, qu’on cite aussi, et c’est à Payen que nous devons de connaître une matière capable de produire sous un poids très faible, et dans un temps très court, la saccharification d’une grande quantité d’amidon : c’est la substance qu'il a appelée diastase, et que nous appelons aujourd'hui amylase pour la distinguer des autres diastases similaires découvertes depuis. Payen lui a donné son premier nom, en a indiqué la source la plus pure et la plus abondante, l’orge germé,.et a proposé le mode de pré- paration qui, avec quelques modifications apportées par Lintner, sert encore aujourd’hui. Lorsqu’on mélange un empois à 5 ou 6 0/0 d’amidon avec un peu de cette amylase dissoute dans l’eau tiède, ou plus simplement avec le liquide filtré d’une macération de malt broyé, et qu’on surveille la marche du phénomène, trois choses peuvent frapper. 1o Le mélange se fluidifie et se clarifie en quelques instants, 2,3,4 minutes, suivant la température. On n’y voit plus nager, au bout de ce temps, que quelques pellicules flottantes, qui du reste persistent jusqu’à la fin, et appartiennent évidemment aux parties les plus cellulosiques du grain d’amidon. 2° Soumis de temps en temps à l’épreuve de la liqueur d’iode, le liquide, qui se colorait d’abord en bleu, se colore ensuite en violet, qui devient de meins en moins foncé, et vire au rouge, puis au jaune. Finalement la teinte ressemble à celle que donnerait la même quantité d’iode dans l’eau pure. Nous retrouvons là la succession de teintes que nous avons visée dans notre dernière Revue, et que nous avons considérée comme révélant surtout la désagrégation graduelle du grain d’amidon, son passage de l’état colloïdal à l’état liquide, et non, comme on le dit d'ordinaire, la dégradation, la dislocation de sa molécule chimique. Nous n’avons attribué à ce phénomène qu’une importance médiocre quand nous avons étudié l’amidon: nous en agirons de même à propos des dextrines. Du moment que l’amidon soluble peut présenter, suivant son degré de dilution, toutes les teintes qui ont servi à distinguer les dextrines en colorables et non colorables, en erythrodextrines et achroodextrines, nous pouvons faire passer au 4. Schweigger’s Journal 1815, p. 389. 2. Pogg. Ann., t. 52. 1858. 60 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. second rang cette distinctionqui a paru trop essentielle, et nous aurions même le droit de dire que dans les érythrodextrines, qui se colorent en rouge plus ou moins foncé sous l’action de Piode, il y a un mélange d'achroodextrine, ou de dextrine incolorable, avec quelques résidus d’amidon soluble, mais non encore dextrinifié, et communiquant leur coloration propre à la masse avec laquelle ils se trouvent mélan- gés. Je ne sais, dans la science, aucun argument de fait contraire à cette manière de voir: elle ne heurte que les habitudes prises, et nous l’accepterons, comme la plus logique. Elle nous permet de renoncer à l’action de l’iode pour l'étude théorique du phénomène de saccha- rification, et à toutes les distinctions parfois subtiles auxquelles cet emploi a donné lieu. 3° Ce sont les pouvoirs réducteur et rotatoire qu'il faut envisager de préférence, et ils nous disent ceci : Le pouvoir rotatoire du mélange décroit et le pouvoir réducteur croît rapidement jusqu’à une certaine limite, variable avec la température, mais toujours la même, à la condition que la dose d’amylase ne soit pas forcée. A partir de cette limite, le phénomène devient très lent, et il faut des heures et des jours pour ce qui exigeait seulement des minutes avant cette limite. Si on prend, un peu arbitrairement, il est vrai, pour un état d'équilibre cette limite rapidement atteinte et lentement dépassée, on peut, en dosant les quantités de dextrine et de maltose produites, traduire par une équation latransformation subie par l’amidon jusqu’à ce moment. La formule brute de l’amidon est C!'2 H°?° Of. La formule brute de la dextrine est la même : celle du maltose en diffère par l’addition d’une molécule d’eau H° O, et peut par conséquent être écrite C'? H?? O!!, Quand une molécule de dextrine devient une molécule de maltose, l'équation de transformation est, en appelant 4 la molécule de dextrine, e la molécule d’eau, m la molécule de maltose. dÆe=m A chaque molécule d'amidon ou de dextrine qui se transforme en maltose correspond la fixation d’une molécule d’eau. Ii en résulte que le nombre de molécules d’eau fixées est toujours égal au nombre de molécules de maltose produit, et le nombre de molécules d’amidon égal à la somme des moléculesde dextrineet des molécules de maltose. Cela posé, nous pouvons préciser le problème dont les chimistes cherchent depuis si longtemps la solution. Pour quelques-uns, et Payen était du nombre, la molécule d’ami- don devient une molécule de dextrine sans rien gagner ni rien perdre, par un changement de position des atomes constituants, qui sont les mêmes et en même nombre dans l’une et dans l’autre : c’est un REVUES ET ANALYSES. 61 simple phénomène d’isomérie. C’est ensuite cette dextrine qui donne du maltose en se combinant avec une molécule d’eau. Pour d’autres, l’amidon ne peut se transformer en dextrine sans donner en même temps du maltose: c’est un dédoublement avec hydratation. Les deux phénomènes de production de dextrine et de maltose, au lieu d’être successifs et indépendants comme le pensait Payen, sont simultanés et solidaires. La molécule d’amidon est com- posée d’un ensemble de feuillets qui se détachent et s’isolent: les uns sont des feuillets de dextrine, les autres deviennent du maltose en s’hy- dratant: c'est là la théorie de l’effeuillement, de la disiocation de la molécule d’amidon : elle devient un polymère qui se dépolymérise. III Il est clair que ce n’est pas à la réaction terminée qu'il faut demander des arguments pour ou contre l’une de ces explications, et qu’on déciderait bien nettement entre elles si on pouvait prouver que, du commencement à la fin de la saccharification, il y a un rapport constant entre la dextrine et le maltose produits. La théorie de la dislocation pourrait seule rendre compte de cette constance. Mais on n’a pas fait cette preuve, qui est en effet impossible à faire; il y a peu de maltose et beaucoup de dextrine au début de la réaction, et la proportion des deux corps est incessamment véritable. On a même infirmé d'avance la valeur de cet argument en admettant que l’effeuil- lement ne se fait pas avec la même vitesse dans toutes les molécules, et que par conséquent, au même moment, toutes ne sont pas également avancées. C’est au moment où la réaction se ralentit, où apparaît cette sorte d'état d'équilibre dont nous parlions tout à l'heure, qu’on fait l'analyse du liquide, et ce sont les proportions de dextrine et de mallose trouvées à ce moment qu’on a fait entrer en ligne. Musculus ‘, qui a le premier mis en faveur cette théorie de la dislocation, à surtout invoqué ensa faveur deux sortes de raisons. La dextrine, disait-il, n’est pas transformable en sucre par la diastase, car il en reste toujours, à la fin de la saccharification, qui s’obstine à ne pas disparaître, quel que soit le temps qu’on lui donne pour cela. Ce n’est pourlant pas que la diastase manque, car si, dans un liquide de saccharification où la dextrine reste inerte, on ajoute de nouvel amidon, il va se saccharitier à son tour en laissant, lui aussi, un résidu irréductible de dextrine. Ce premier argument est devenu un peu caduc depuis qu'il a été prouvé que cette dextrine, sinon inattaquable, du moins peu atta- quable à la température à laquelle elle était formée, pouvait être attaquée à plus basse température, surtout si on ajoutait de la diastase fraiche. IL n’est plus douteux que, comme le voulait Payen, la KTATS 1. Ann. de ch. et de phys., t. LX (3), p. 205, et t. VI. (4) p. 177. 62 ANNALES DE L’INS TITUT PASTEUR. dextrine ne puisse donner du maltose sous Paction de la diastase, et dès lors cette théorie précise de la dislocation de la molécule d’amidon, en sucre et en dextrine inattaquable par la diastase, perdait de son caractère incisif. Mais il y'avait un autre argument en sa faveur, et il est clair qu’elle gagnerait beaucoup en créance si les nombres de molécules de dextrine et de maltose résultant de la dislocation d’une molécule complexe d’amidon étaient toujours dans un rapportsimple. Cettesim- plicité s'explique bien dans une théorie, pas où mal dans l’autre, et pourrait servir de criterium entre les deux; c'est ce qu'avait bien vu Musculus quand il annonçait, dans son premier travail, qu’une molécule d’amidon donne une molécule de sucre et deux de dextrine. Il est vrai que cette évaluation était fausse. Musculus, qui dosait le sucre avec la liqueur de Fehling, l’avait pris pour du dextrose,et c'était du maltose, dont le poids était plus grand, pour unemême quantité de cuivre réduit, dans le rapport de 100 à 61. Musculus croyait que dans son mélange saccharifié il y avait environ 34 de dextrose et 66 de dextrine. Il y avait en réalité 55 de maltose et 45 de dextrine. Le rapport était loin d'être aussi simple qu'il le supposait. Il est vrai que plus tard, il a renoncé au bénéfice de cette première expérience, qu’il n’a pu reproduire. Mais il n'en reste pas moins ce fait curieux d’une théorie nouvelle introduite dans la science par un dosage qui pe l’appuie pas, qui la combat même dans une certaine mesure. Tant est grande, même dans la science, la vanité des jugements humains ! Cet argument relatif au maltose n’était pas vaiable au moment du travail de Musculus, et ne lui fut pas opposé. Payen ‘ fit observer seulement que la limite de 34 0/0 de sucre était largement dépassée, tant dans les opérations de l'industrie que dans celles du laboratoire puis, que la proportion de dextrine et de sucre variait notablement avec la température; de sorte qu’il fallait admettre que la molécule d’amidon pouvait subir plusieurs modes de dislocation différents. A cela, Schwarzer ajouta que la proportion de dextrine et de maltose dépendait en outre de la quantité de diastase, de sorte que la théorie de Musculus était bien ébranlée lorsqu'elle trouva un appui dans un travail de M. O’Sullivan. Il est vrai que cet appui n'était pas formel, qu'O’Sullivan semblait même peu partisan de la théorie de la disloca- tion: mais les faits bien observés qu'il apportait se conciliaient si bien en apparence avec cette théorie qu’ils lui servirent de passe-partout pour un grand nombre d’esprits. O’Sullivan à étudié la saccharification en maintenant plus constante qu'on ne l’avait fait avant lui la température pendant la 4. Zbidem, t. IV (5), p. 286, et t. VII, p. 382. REVUES ET ANALYSES. 63 durée du phénomène. Il a constaté qu’à chaque température corres- pondait un état d'équilibre particulier, rapidement atteint, lentement dépassé, et que de la température ordinaire à 70°, limite supérieure d'activité de la diastase, il y avait trois de ces états d'équilibre. A ces trois états, il en a ajouté depuis un quatrième, dont il n’a pas bien précisé les conditions de température, et l’ensemble de ses résultats peut être traduit par les formules schématiques suivantes, écrites avec la convention faite plus haute : = Au delà de 68-700 Ga + 6e — m + 54 (1) De 640 à 680-700 Ga + 2e — 2m + 4d (2) Vers 649 ? Ga + 3e — 3m +3d (3) Au dessous de 63° Ga + 4e — 4m +24 (4) Ces formules forment une série régulière, et nous font assister aux progrès de lPhydratation et à l’augmentation de la proportion de maltose, à mesure que la température s’abaisse au-dessous de 70°, Comme c’est toujours la même quantité 64 d'amidon qui entre en jeu, il paraît naturel de considérer la formule (C'*H°?°0!°)° comme repré- sentant la molécule d’amidon,*pouvant subir les quatre modes simples de dislocation représentés dans les formules qui précèdent. À cela on pourrait répondre que cette simplicité est peut-être appa- rente. Les nombres des équations ci-dessus ont été déterminés en sup- posant d’abord que les dextrines n'avaient aucun pouvoir réducteur, puis, que le coefficient de réduction du maltose, défini comme nous l’avons fait plus haut, était 0,66, tandis qu'il est de 0,61. Cela dérange la simplicité des rapports. Par exemple pour l'équation (3), qui corres- pond à la formation de 50 molécules de maltose et de 50 de dextrine, pour 400 d'amidon, la correction donnerait 54 molécules de maltose et 46 de dextrine, ce qui n’est plus du tout aussi simple. Mais mettons ces différences au compte des causes d’erreurs et des incertitudes du procédé; admettons que toutes ces dislocations observées par M. O’Sullivan aient la formule simple indiquée par les équations. Contentons-nous de remarquer qu’on ne pourrait établir sur elles une théorie que si elles étaient constantes, et se retrouvaient les mêmes, toutes les fois qu’on se met dans les mêmes conditions pour les obtenir. Elles embrassent l’échelle entière des températures usitées pendant la saccharification. Les savants qui se sont occupés de ce sujet auraient donc dù retomber constamment sur l’une ou sur l’autre, suivant le degré thermométrique atteint. Or, c’est ce qui n’est pas. Prenons seu- lement les travaux où on s’est préoccupé de maintenir constant et où on à bien spécifié le chiffre de la température. Märcker trouve à 60° 64 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. une équation tout à fait différente de l’équation (4) d’O’‘Sullivan, et qui est : Aa + 3e — 3m + d Au-dessus de 65°, il trouve aussi une équation différente de l'équation (2) 4a + %e — 9m + 24 De même Brown et Héron, qui ont publié récemment un travail très soigné sur l’action de la diastase, disent formellement qu’à 60°, tem- pérature où ils auraient dü retrouver la dernière équation d’O’Sullivan, ils n’ont trouvé aucun point d’arrêt correspondant à cette proportion de maltose et de dextrine. La réaction continue rapidement, et ne s’arrêle qu’à un état d'équilibre correspondant à l'équation. 104 + 8e — 8m + 24 De même à 75-76°, au lieu de l’équation (1) d'O’Sullivar, MM. Brown et Héron trouvent : 104 + 3e — 3m + 7d Je ne parle pas des modes de dislocation différents qu'ils ont obtenus en faisant varier l’alcalinité de la diastase employée. On voit que nous sommes déjà loin de là conception simple de Mus- culus. Il ne s’agit plus d’un simple dédoublement de la molécule d’amidon : il faut en accepter plusieurs, correspondant chacun à un état d'équilibre. On n’a pas le droit de rejeter arbitrairement les résultats d'O’Sullivan, pour n’accepter que ceux de Märcker ou de Brown et Héron. Bien qu'ils n’aient pas été obtenus par les mêmes savants, du moment qu'ils ont été bien observés, tous ces modes de dislocation doivent exister en puissance dans la même molécule d’amidon, et comme ils sont irréductibles, il faut qu’une molécule d’amidon, pouvant se plier à la fois aux équations ‘d’O’Sullivan, de Märcker, et de Brown et Héron contienne 6 X 10 — 60 molécules &, c’est-à-dire soit écrite (G'*H°01°)9, C’est beaucoup. D’un autre côté, on ne peut pas songer à substituer à cette molécule compliquée et volumineuse 60 molécules indépendantes et identiques, car alors il y aurait à se demander com- ment, étant identiques, elles ont dans les mêmes conditions des sorts si différents. Mais je ne veux pas entrer dans la discusion de la solution donnée au problème. Je me contente pour le moment de l’avoir posé et d’avoir montré combien il est complexe. Son examen fera l’objet d’une prochaine Revue. DucLAUX. Le Gérant : G. MAssoN. Sceaux. — linprimerie Charaire et Cie. 9me ANNÉE FÉVRIER 1895 No 2. ANNALES L'INSTITUT PASTEUR CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE LA SWINE PLAGUE, DU HOG CHOLÉRA, ET DE LA PNEUMOENTERITE DES PORCS Par M. ce Dr W. SILBERSCHMIDT Assistant à l’Institut d'Hygiène, à Zurich. Travail du laboratoire de M. Roux, à l'Institut Pasteur. Les auteurs qui se sont occupés de la swine plaque et du hog cholera, surtout en Amérique, ont enrichi la bibliographie du sujet d’un nombre de publications tel, qu'il est nécessaire, pour parvenir à s'orienter, de donner un aperçu des principaux mémoires parus sur la question. Je passe rapidement sur ceux qui sont antérieurs à l’ère bac- tériologique; ils sont dus à Sutton (1850-1858), Snow (1861), Axe (1875), Law (1875), et Detmers (1877). C’est Detmers qui, vers 1876-1877, découvrit, dans le sang de porcs morts de la maladie qu’on était convenu d’appeler hog cholera, un microbe qu'il considéra comme spécifique. Billings contirma cette découverte. Quelques années plus tard Schutz (45) décrivait un microbe trouvé et isolé lors d’une épidémie porcine en Allemagne, microbe que Læffler avait déjà vu avant lui, et qui est connu sous le nom de bacille de Læffler-Schutz. La maladie s’appelle : deutsche Schoeineseuche; est-elle différente de la swine plaque ? c’est un point sur lequel Billings et Klein (24) ne réussissent pas à se mettre d'accord. En 1886, Salmon (35), aidé de son assistant Th. Smith, décri- vait un deuxième organisme et faisait de la swine plaque et du Log cholera deux maladies distinctes. Billings (3, 4, 10) s’efforçait, de son côté, de prouver qu’il n’y avait qu’une seule épidémie 6) 66 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. régnante, qu'il appelait sivine plague, et qu'il attribuait au micro- organisme découvert dans un cas de hog cholera par Detmers et confirmé par lui, Billings. Dans son rapport de l’année 1885, Salmon différencie nette- ment le Log cholera du rouget, tant par l'aspect et la localisation des lésions que par les différences entre les deux microbes. Smith, de son côté (51), étudie le pléomorphisme du microbe de la swine plague, et la confusion augmente encore à la suite d’une nouvelle publication parue en 1887, où Salmon et Smith propo- sent d'appeler swine plague la maladie qui portait jusque-là le nom de hog cholera, et intitulent Log cholera ce qu'ils appelaient d’abord swine plaque. La swine plaque de Billings paraît être identique au hog cholera de Salmon. Pour augmenter le désarroi, Salmon et Smith relatent que dans une épidémie porcine ils ont trouvé, sur 15 cas examinés, les microbes du hog cholera et de la swine plaque réunis dans 6 cas : les caractères différentiels qu'ils assignent aux deux microbes ne semblent du reste pas assez nets pour entrainer les convictions. Enfin, vers la même époque, MM. Cornil et Chantemesse (18,19) décrivent les caractères d'une épidémie qu'ils appellent pneumoentérile infectieuse des porcs de Gentillv, et étudient les propriétés biologiques et pathogènes ainsi que l’atténuation du microbe qu’ils considèrent comme l'agent spécifique de celte maladie. Rietsch et Jobert (30) retrouvent ce même microbe dans une épidémie des porcs à Marseille, et Galtier (22) montre que ce microbe, qu’on croyait spécifique pour le porc, est pathogène dans certaines conditions pour beaucoup d'animaux domos- tiques. Enfin Bang, puis Selander (48) étudient,en Suède et en Danemark, une épidémie porcine dont l'agent spécifique est un microbe différent de celui de l'épidémie allemande, mais iden- tique, d'après ces auteurs, à celui de la maladie américaine. En résumé, parmi les maladies du porc appelées swine plaque, où Log choler« en Amérique, Schweine seuche en Allemagne, pneumoentérile en France, et svin pest en Suède, quelles sont celles qu'il faut identifier, quelles sont celles qu'il faut distin- guer? C’est une question qui recevait les réponses les plus con- MALADIE DES PORCS 67 tradictoires lorsqu'on s’adressait soit aux propriétés des microbes, soit à la nature et à la localisation des lésions. Ces incertitudes étaient les mêmes lorsqu'on recourait à la vaccination et à l’immunisation. Déjà, en 4885, Salmon et Smith avaient réussi à immuniser des pigeons au moyen de cultures stérilisées : c'étaient même les premières vaccinations par des substances chimiques. Billings avait proposé de son côté une méthode de vaccination que Salmon considérait au contraire comme dangereuse, et ses arguments paraissent fondés, car Billings, dans un nouveau travail, admet le danger d'infection de porcs frais mis au contact d'animaux en voie de vaccination, et va jusqu’à ne recommander sa méthode que dans les localités où l’épidemie sévit déjà. Jelfries (23), après avoir étudié deux épidémies, se range du côté de Salmon, et ne voit pas de raison d'identifier les deux maladies. En 1889, Salmon publie en collaboration avec Smith une monographie (39) très complète du kog cholera, où il distingue une forme aiguë et une forme chronique, moins grave. A l'autopsie, la forme aiguë est surtout caractérisée par une tuméfaction avec hémorrhagies des diverses glandes, et par des épanchements sansuins des séreuses, entre autres du péritoine et de la plèvre. La maladie chronique, la plus commune, est localisée au gros intestin, où l’on trouve des lésions nécrotiques et ulcéreuses circulaires, légèrement proéminentes. Jaunâtres ou noirâtres à la surface, à fond gris ou blanc, ces ulcérations sont plus ou moins étendues, suivant la durée de la maladie, et présentent parfois une membrane diphtéroïde. Elles sont localisées au cœæcum, à la valvule et à la moitié supérieure du colon; ce n’est que dans les cas graves qu’elles descendent jusqu’à la partie inférieure du gros intestin. Les microbes du hog cholera sont surtout nombreux dans la rate (50 cultures sur 56 ensemencements) et le foie; puis viennent Les poumons et les glandes lymphatiques ; dans le sang les microbes sont rares. Les cultures sur plaques de gélatine donnent en 48 heures des colonies sphériques, nettement délimitées, sans cercles concentriques; les colonies superficielles sont moins régulières. L'injection de 1/400,000 de c. c. de culture peut tuer un lapin. Le 68 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. microbe conserve très longtemps sa virulence. La chaleur hu- mide le tue en 15 minutes à 58-59°, tandis qu'il résiste 15 minutes à 80° avec la chaleur sèche; il supporte le froid etla dessiccation, et peut vivre quelque temps dans l’eau. L'infection a lieu par le canal digestif et peut-être par la voie respiratoire. Les expériences de vaccination par inoculation répétée de très faibles doses de cultures, par ingestion de cultures virulentes ou par injection de culture stérilisée, n’ont pas donné de résultats définitifs. Les essais d'atténuation de la virulence par la cha- leur ont amené Salmon à renoncer à ce moyen de vaccination, vu l'impossibilité d'obtenir des cultures uniformes à une même température. Les propriétés biologiques, la mobilité par exemple, ne sont pas toujours constantes. Salmon considère la swine fever des Anglais, l'épidémie suédo-danoise et la pneumoentérite de Marseille comme des variétés du Log cholera. Au contraire, Raceuglia (28, 29) différencie la swine plague de” la maladie de Lætffler-Schutz. Il obtint par inoculation dans l'intestin, et par ingestion de culture de swine plague, une maladie ressemblant à la dysentérie et amenant la mort des pores, tandis que les animaux résistèrent au bacille de Læffler-Schutz. Ce dernier occasionnait une réaction locale très forte, tandis qu’elle était à peine visible après injection sous-cutanée de swine plaque. WU parait que la culture de siwine plaque était très virulente, tandis que celle du bacille de la Schwveineseuche l'était beaucoup moins. L'auteur essaye aussi de différencier les deux microbes au point de vue morphologique, et arrive à la con- clusion qu'il s’agit de deux maladies différentes quant à leur microbe spécifique et à la localisation des lésions anatomi- ques. Frosch (20) étudie les bacilles de la swine plaque de Billings, du hog cholera de Salmon, de la deutsche Schweineseuche, du cho- léra des poules, de la septicémie des lapins et de quelques maladies de la même catégorie. Se fondant surtout sur Îles caractères morphologiques, la virulence et les lésions anatomi- ques, il identifie le hog cholera de Salmon et la swine plague de Billings. En 1890, Selander (49) identifie le microbe de la soin pest MALADIE DES PORCS. 69 avec ceux du hog cholera américain et de la pneumoentérite infec- hieuse étudiée en France. En dehors des caractères morphologiques du bacille, l’auteur s’est surtout occupé du renforcement de sa virulence, et de la toxine de la svin pest. Par passages successifs par le lapin et par le pigeon, il a obtenu une virulence telle qu'il tuait les lapins en 12 à 15 heures par injection sous-cutanée de très faibles doses (0,01-0,25 ce. c.). En chauffant le sang virulent ou la culture à 57° pendant une heure, le microhe était tué, mais il restait une toxine qui, injectée au lapin à la dose de 3,5 ©. e. dans la veine, ou de 8 c. ©. sous la peau, amenait la mort en quelques heures avec des sympiômes identiques à ceux obtenus avec le microbe viru- lent. Selander admet que cette toxine est la cause de la mort; il a réussi à immuniser des lapins contre le microbe, mais pas contre la toxine. au moyen d'injections répétées de petites doses de sang stérilisé. L’atténuation de la virulence obtenue par Cornil et Chantemesse, en maintenant des cultures à 43° pendant 30 jours, n’a pas pu être constatée par Selander, le microbe de la svin pest périssant en 24 heures à la température de 41-41,80. En 1891, Smith publie, sous la direction de Salmon, une monographie de la swine plague (53) analogue à celle parue deux ans auparavant sur le hog cholera. Encore cette fois, ce sont surtout les caractères morphologiques et la localisa- tion des lésions qui servent à différencier les deux maladies. Ce travail résumant les publications antérieures des deux auteurs sur le même sujet, je vais en rappeler les principaux passages. Le microbe de la swine plague est plus petit que celui du hkoq cholera, immobile, moins résistant aux divers agents, pousse moins abondamment sur les divers milieux de culture, pas du tout sur pomme de terre, ne produit ni fermentation du glu- cose, niindol; par contre, il formerait du phénol. Au point de vue de l’action pathogène, Smith distingue une forme aiguë, tuant le lapin à faible dose en 16-20 heures, une forme subaiguë qui occasionne la mort en 2-7 jours, et une forme chro- nique caractérisée par une infiltration et la production de pus. Fait à noter, car nous y reviendrons en relatant nos propres expériences, les lapins vaccinés présentent, après inoculation de cultures très virulentes, les mêmes symptômes que les lapins neufs avec le microbe de la forme alténuée. Parmiles animaux 70 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de laboratoire, le lapin est le plus sensible au virus, puis vient la souris, le cobaye, le pigeon et la poule. Les pores sont géné- ralement réfractaires aux inoculations sous-cutanées, mais meu- rent le plus souvent après une injection intraveineuse ou intra- thoracique. Pour Smith, la swine plague et la deutsche Schweineseuche sont identiques; il fait remarquer à juste titre que la localisation peut varier avec le mode d'infection. Quant à la relation entre les deux maladies américaines, Smith prétend que les épidémies où l’on trouve l’un des microbes à l’état de pureté sont les plus virulentes, tandis que lorsque les deux microbes sont ensemble, aucun des deux ne serait virulent. Il admet que les deux maladies existent souvent à l’état chro- nique; une cause extérieure peut alors être subitement le point de départ d’une épidémie grave. Une forme atténuée du microbe de la swine plaque se trouve dans la salive des pores, et se trans- mettrait sans occasionner le moindre symptôme. Smith nie le. retour à la virulence ; il admet par contre que, dans certains cas ‘où une maladie d’un autre genre sévit sur les porcs (ascarides, psorospermies, etc.), un microbe alténué de hog cholera ou de swine plague peut pénétrer et se développer dans l'organisme affaibli, et faire croire à yne véritable épidémie (!). Telles sont les opinions de Bureau of animal industry. Les nouvelles publications de Salmon et Smith, ainsi que de Billings, ont laissé la question pour ainsi dire stationnaire. La vaccina- tion par injection sous-cutanée de culture âgée a donné de très mauvaisrésultats à Salmonet à Smith, tandis que, d’après Billings, l'injection intraveineuse répétée de doses croissantes de virus donnerait une plus grande immunité. Citons encore les travaux de Welch (50), de Shakspeare (54) et les expériences de vaccination contre le Log cholera et contre la swine plaque de Schweinitz (46, 47) avec des substances chimi- . ques extraites des cultares. Du fait que des cobayes immunisés contre la siwine plaque sont morts après injection de hog cholera, ce savant conclut que les deux maladies sont différentes. Dans un travail ultérieur, il relate des expériences de sérumthérapie; des cobayes immunisés par injection d’albumose extraite de culture de hog cholera ont fourni un sérum qui conférait l’immu- nité à d’autres cobayes. Dans un seul cas, il a pu, au moyen MALADIE DES PORCS. 71 d'inoculations répétées à partir du 2 jour après l'injection du virus, guérir le cobaye; les autres animaux traités résistèrent 8 à 10 jours de plus que les témoins. Il est à remarquer qu'il ne s’agit que de quelques expériences, et que le virus était peu actif, ne tuant les animaux témoins qu'au bout de 7 jours. Citons enfin les conclusions contradictoires de Caneva (17), de Bunzl-Federn (15) au sujet de l'identité de la swine plague, du hog cholera et de la svin pest, les recherches de Veranus Alva Moore sur la morphologie des microbes, et arrivons au travail de M. Metchnikoff sur le microbe du hog cholera français. Ce savant a confirmé les résultats obtenus par Selander avec la toxine de la suin pest,et a constaté que chez le lapin le sang chauffé produit les mêmes symptômes que le virus. Le microbe se développe sous son aspect normal dans le sérum d'animaux _vaccinés; ce sérum n'’exerce également aucune influence sur la toxine, mais il confère l’immunité contre le microbe du hog cho- lera à des lapins neufs lorsqu'on l’injecte dans la veine. Les animaux guéris par le sérum ne fournissent pas à leur tour un sérum préventif. D'après les recherches de M. Metchnikoff, la propriété préventive d’un sérum est proportionnelle à la quantité de toxine injectée. Le sérum préventif, n’agissant ni sur le microbe ni sur la toxine, doit exercer son influence sur l'organisme même soumis au traitement. Il n'est pas nécessaire, je crois, de faire remarquer après l'exposé ci-dessus que l'étude des maladies du porc connues sous les noms de Log cholera, de swine plaque, de svin pest et de pneumoentérite infectieuse n’est pas encore achevée. On s’est prononcé généralement pour l'identification de la siwine plaque de Billings, du og cholera de Salmon et de la svin pest suédo-danoise, . mais les relations existant entre les deux formes décrites par Salmon n’ont pas encore été suffisamment étudiées. Jusqu'ici, la plupart des auteurs s’en sont tenus à une étude comparative des caractères morphologiques des microbes en question, de leur virulence, et des lésions anatomiques trouvées à l’autopsie. Or, les différences morphologiques existant entre les microbes de la swine plaque et du hog cholera ne sont pas bien évidentes : 1o Les dimensions varient suivant l’âge et le milieu de culture ; 72 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 20 La mobilité du hog cholera peut disparaître, d’après Smith lui-même ; 3° La croissance généralement plus active du hog cholera diminue lorsque le microbe devient plus virulent: 40 Salmon et Smith sont obligés de distinguer des variétés de hog cholera, les unes plus saprophytes que les autres. Au point de vue des symptômes morbides, la confusion est plus grande encore. Les animaux morts de hog cholera ont sou- vent, au dire des auteurs américains, des lésions pulmonaires, et la swine plaque, qu’on localisait aux poumons, occasionne généralement aussi des troubles et des lésions du tube digestif. Le fait que les deux microbes se trouvent souvent dans une même épidémie paraît tout au moins bizarre. Il fallait chercher à résoudre la question par un autre pro- cédé de comparaison. À présent que la vaccination est entrée dans la période de succès, il était de haut intérêt de savoir si des animaux vaccinés contre l’une des deux maladies présentaient aussi l’immunité vis-à-vis de l’autre. De Schweinitz est le seul auteur qui, à notre connaissance, ait fait des expériences dans ce sens; comme nous l'avons vu, il différencie la swine plague du hog cholera parce que des cobayes vaccinés contre la première maladie ne se sont pas montrés réfractaires à l’autre. Les expé- riences citées sont trop peu nombreuses; en outre, l'épreuve inverse n'ayant pas été faite, on peut admettre que le deuxième virus était plus actif que le premier. Sur la proposition de M. Roux et grâce à l’obligeance de M. Metchnikoff, qui me remitdes cultures de hogcholera et de swine plague envoyé par M. Smith à l’Institut Pasteur, ainsi que de nombreux tubes de sang de lapins morts du microbe retiré de l’épidémie de Gentilly, j'entrepris de comparer ces trois agents spécifiques. Avant de relater mes expériences, je tiens à témoigner toute ma reconnaissance à M. Roux pour l'intérêt soutenu qu'il a porté à mes recherches et pour ses précieux conseils. J’adresse éga- lement tous mes remerciements à M. Metchnikoff pour ses nom- breuses indications et pour sa grande amabilité à mon égard. Je commencerai par l'étude comparative des microbes de la swine plague et du hog cholera, et je parlerai ensuite de celui de la pneumoentérite infectieuse observée en France. Afin d'éviter MALADIE DES PORCS. 73 toute confusion, je répéterai qu'il s’agit des deux formes (0 cholera et swine plague) américaines différenciées par Salmon. PROPRIÉTÉS BIOLOGIQUES DES MICROBES DE LA SWINE PLAGUE ET DU HOG CHOLERA Je les ai trouvées à peu près identiques à celles décrites par Smith et Salmon. Le microbe de la swine plaque est un coccobacille très petit, immobile, se colorant aux deux pôles avec la solution aqueuse de bleu de Læffler, dans son entier avec le violet de gentiane, et prenant facilement les couleurs d’aniline usuelles en bactério- logie; ilse décolore par la méthode de Gram. — Les colonies sur plaque de gélatine n'apparaissent qu’au bout de quelques jours; elles sont foncées, de structure réticulée dans leur masse, arron- dies et à bords plus ou moins nets. — Ensemencé en strie sur gélose, le microbe de la siwine plague donne au bout de 24 heures des colonies rondes, nettement délimitées, de diamètre très variable, s’irisant par transparence à une lumière vive. Très souvent, elles sont fusionnées. — La culture dans le bouillon de viande, de même que dans l’eau peptonisée alcalinisée, se trouble uniformément en 24 heures; ce trouble est souvent léger et le liquide parait alors opalescent. Au bout de quelques jours, un dépôt se forme au fond du ballon de culture et, petit à petit, le bouillon redevient elair; le liquide est de nouveau limpide après trois semaines environ ; le précipité devient manifeste en agitant le ballon. — Il n’y a pas de formation d’indol; la réaction avec le nitrite de potasse, après adjonction de quelques gouttes d'acide sulfurique, n'a donné qu'exceptionnellement une coloration très légère dans de vieilles cultures, jamais dans des cultures de quelques jours. — La culture en bouillon glucosé avec adjonction de carbonate de chaux n'a pas donné lieu à une production de gaz. Des ensemencements réitérés sur pomme de terre n’ont pas fourni de culture apparente. Le microbe de la swine plaque ne fait pas coaguler le lait. A première vue, le microbe du hog cholera se distingue sensiblement du précédent. C’est aussi un coccobacille, mais à dimensions un peu plus grandes. Sa mobilité, nulle en culture sur milieu solide, ne m'a pas paru bien évidente dans les cultures liquides; je n’ai pas réussi à colorer les cils. 74 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Sur plaque de gélatine, les colonies apparaissent déjà en 24 à 48 heures. Elles ne présentent, en dehors du développe- ment plus rapide, pas de caractères différentiels bien nets vis-à-vis de la swine plaque: elles sont généralement un peu plus claires, arrondies et à contours plus réguliers. Il n’y a pas de liquéfac- tion. — La culture sur gélose est beaucoup plus apparente, plus épaisse que celle de la swine plague: les colonies plus grandes ont un aspect plutôt blanchâire, luisant, crémeux. — Le bouillon se trouble davantage et présente parfois une collerette qui a aussi été visible à la surface du liquide dans quelques cultures de swine plaque. L’eau peptonisée donne une culture analogue. Î n'y a pas non plus formation d'indol dans les jeunes cultures. — Dans le bouillon glucosé, la culture faite en présence d'une petite quantité de carbonate de chaux a régulièrement donné lieu, après 24 à 48 heures, à un dégagement abondant de gaz, et la quantité de chaux en dissolution était plus grande que dans le tube témoin. — La culture sur pommede terre esttrès abondante; jaunâtre d’abord, elle apparaît bientôt sous forme d’une épaisse couche brune luisante. — De même que pour la swine plaque, le lait n’a pas été coagulé par la culture du microbe du hog cholera. Dans le sang, les 2 microbes présentent généralement. le même aspect que dans la culture; ils m'ont paru de dimensions un peu plus grandes et souvent par couples. Dans les cas de mort rapide, leur nombre est beaucoup plus grand que celui des glo- bules sanguins. Pour le Log cholera, la croissance en stries sur gélose est surtout abondante quand on fait des cultures successives; si par contre on passe plusieurs fois par l'animal sans avoir recours à la culture, le premier ensemencement sur milieu artificiel donne une culture moins bien fournie qu'à l'ordinaire, et ressemblant plutôt à celle de la swine plaque. En procédant de même avec Ja swine plague, il m'est arrivé, après plusieurs injections de sang virulent, de ne plus obtenir trace de culture avec un sang très riche en microbes. Les colonies devinrent apparentes lorsque j'eus recouvert la surface de la gélose d’un peu de sang. Quant à la résistance des deux microbes aux divers agents, je puis confirmer les données des auteurs américains. Les cultures et le sang virulent sont stériles après avoir été exposés pendant 1 heure à 1 heure 1/2 à la température MALADIE DES PORCS. 7 de 58° dans un bain-marie. J’indique un temps un peu plus long, parce qu'il m'est arrivé parfois d’obtenir des cultures de og cholera en ensemençant du sang riche en caillots, stérilisé à 58° peudantune demi-heure. J’ai pu constater à cette occasion que le hog cholera était plus résistant à la chaleur que la swine plaque. La stérilisation avec l’acide thymique est des plus simples ; il suffit de placer quelques petits cristaux de thymol dans un tube rempli de sang virulent. Les microbes sont détruits après un temps variable, et ici encore le hog cholera a résisté plus longtemps (3 semaines et 1 mois) tandis que le microbe de la swine plaque était détruit après 8 à 15 jours de contaet. J'ai également obtenu la stérilisation complète du sang de swine plague en ajoutant dix gouttes d'une solution d’aldéhyde formique à 2 0/0 à 10 c. c. de liquide. Quant à la vitalité des cultures, un bouilion ensemencé et maintenu à l’étuve depuis plus de 3 mois est généralement stérile. Sur gélose, la survie paraît pouvoir être beaucoup plus longue, une culture abondante de Log cholera àgée de plus de 10 mois ayant fourui une culture virulente par réensemencement. Con- servés dans des tubes de verre effilés et fermés à la lampe, à l'abri de la lumière, les microbes restent vivants et virulents pendant un temps beaucoup plus long. Une goutte de sang de swine plaque retirée depuis 11 mois a tué une souris en 24 heures; le sang du cœur de cette souris a fourni une culture abon- dante. D’après ce qui précède, on peut différencier morphologi- quement les deux microbes que j’ai examinés par les caractères suivants : le bacille du hog cholera présente par rapport à celui de la siwine plague : 1° De plus grandes dimensions ; 2° Une croissance plus rapide sur gélatine et une culture plus abondante sur gélose ; 3° La croissance sur pomme de terre ; 49 Un dégagement de gaz dans la culture en bouillon glucosé en présence du carbonate de chaux ; 5° Une plus grande résistance aux agents physiques et chi- miques. Les 3 derniers caractères sont les plus importants. 76 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. PROPRIÉTÉS PATHOGÈNES DES DEUX MICROBES L'an et l’autre microbe se sont montrés pathogènes pour le lapin, le cobaye, la souris et le pigeon. Mes ‘expériences ont porté surtout sur le lapin. Le microbe de la siwine plaque a été très virulent dès le début. Une injection sous-cutanée ou intraveineuse de 14/10 — 1/40 c. e. de culture tuait le lapin à coup sûr; de même 2 pigeons sont morts, l’un en 18 et l’autre en 36 heures, après avoir reçu 1/2 et 3/10 c. e. sous la peau. L'injection intraveineuse de 1/2 c. c. de culture ‘ou de sang tuait le lapin en.5 à 10 heures, après 7 heures en moyenne; l'injection sous-cutanée de 1/20 c. c. occasionnait la mort de l'animal dans l’espace de 24 heures; dans aucun cas le lapin n’a survécu à l'injection de la plus faible dose. La virulence du microbe du hog cholera était moindre, surtout dans mes premières expériences. L’injection intraveineuse ou sous-cutanée d’un c. c. de culture ne tuait le lapin que dans un espace de temps variant entre 36 et 90 heures. Le pigeon mourait en 2 à 10 jours avec cette même dose de 1 c. c.; dans quelques cas, il a survécu à de faibles doses, de moins de 1/2 c. ce. mais en présentant un fort amaigrissement. Les passages successifs par sang de lapin n'ont pas augmenté sensiblement la virulence ; le procédé de Selander réussit mieux. J’ai pu, eninjectant la rate broyée d'animaux morts du hog choléra, après l'avoir fait séjourner quelques heures’à l’'étuve dans un verre flambé, tuer le lapin en 6 heures 1/2, 7 heures 1/2 et 8 heures. Mais à l'encontre de la siwine plaque, cette virulence a diminué aussitôt que je n’ai plus fait;de passages par la rate, et il fallut recom- mencer le même procédé à plusieurs reprises. Je suis parvenu à obtenir ainsi une virulence presque aussi constante et aussi grande que pour la swine plaque, surtout en injectant directement le sang; 1/20 à 1/2 c. c. injecté sous la peau produisit la mort du lapin en moins de 24 heures. Le cobaye meurt en 1 à 2 jours avec une injection de 1/10 à 3/10 c. c. de sang virulent sous la peau; la swine plague a paru agir un peu plus vite que le hog cholera. La souris meurt en 24 heures après injection de 1/20 c. c. de sang de swine plaque, et résiste 1 à 3 jours de plus au hog cholera. MALADIE DES PORCS. 77 EFFETS DE LA TOXINE Comme nous l’avons vu ci-dessus, les microbes du hog cholera et de la swine plaque sont tués après avoir été maintenus à 58° pendant un certain temps. A cet effet, je chauffais la culture ou le sang recueilli dans un tube effilé, fermé ensuite à ses deux extrémités à la lampe, dans un bain-marie maintenu à une température constante. L’ensemencement du sang ou de la culture ainsi chauffé reste stérile, et l'injection de faibles doses de liquide (1/2 c. c. par exemple) n’occasionne aucun trouble chez le lapin. Par contre, l'injection de plus fortes doses de ces liquides n’est plus aussi anodine; elle peut occasionner la mort par intoxication. Parlons d’abord de la toxine de la swine plaque, dont je me suis plus particulièrement occupé. Mes expériences me per- mettent de souscrire entièrement à celles de Selander ; comme je n’ai pas injecté de quantités de sang toxique aussi considé- rables que lui, je n’ai pas à enregistrer de cas de mort aussi rapide. Une injection intraveineuse de 2 à 4 c. c. de sang tue le lapin en 12 à 24 heures. 1l y a des différences individuelles; tandis que le virus tue à coup sûr en un temps déterminé, quel- ques animaux résistent mieux que d'autres à l’action de la toxine. Il faut distinguer deux modes d'intoxication : l’intoxication aiguë et l’intoxication chronique. Dans la première forme on constate les mêmes symptômes morbides qu’à la suite de l’injec- tion de virus; la forme chronique occasionne après un temps variable la mort par cachexie. Pour la swine plague, les résultats ont été sensiblement les mêmes quel que soit le liquide injecté : sang chauffé, sang sté- rilisé à l’acide thymique ou avec l’aldéhyde formique; cultures en bouillon ou sur gélose émulsionnées dans le bouillon et stérilisées par la chaleur, ou encore cullures dépourvues de leurs microbes par filtration à travers la bougie Pasteur. Les quantités injectées ont varié entre 1/10 et 10 e. c. Les cullures étaient tolérées à plus forte dose que le sang, d’où l'on peut conclure qu’elles renfermaient moins de toxines. D'autre part le sang stérilisé avec l'acide thymique s’est montré plus 78 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. toxique que le sang chauffé, et il m’a paru que l’action pro- longée ou répétée de la chaleur diminuait le pouvoir toxique. Le plus grand nombre des lapins intoxiqués sont morts de cachexie. Les quantités de liquide toxique n’excédant pas 1 c. c. étaient généralement bien tolérées; dans un cas cependant, 1 c. c. de sang a occasionné la mort en 20 heures. L’iujection de 2 c. c. de sang ou de 3-5 c. c. de culture stérilisée occasionnait une dimi- nulion notable de poids, pouvant aller jusqu'au quart et même au tiers du poids total du lapin. On constate cette diminution maxima au bout de quelques jours (1-3) après l'injection ; puis, si l'animal résiste, il augmente graduellement pour atteindre son poids initial en un espace de temps très variable. D’autres fois, la diminution de poids est progressive et amène la mort de l'animal en 8, 15 jours, 1 mois et même davantage. Je cite quelques expériences : Ne 47. 15,600. — Injection de 2 c. c. de sang stérilisé par la chaleur Mort en moins de 24 heures. Sang et cultures stériles. N° 63. 15,750. — Injection de 2 c. e. 1/2 de sang stérilisé par la chaleur. Mort en moins de 16 heures. Sang et cultures stériles. N° 86. 2k5, — Injection de 1 ce. c. de sang stérilisé par la chaleur avec adjonction de 2 gouttes de solution de Gram. Mort en moins de 20 heures, Sang et cultures stériles. N° 213. — Injection de # c. c. de sang dilué à peu près de son volume d’eau, stérilisé au contact de l'acide thymique. Mort en 12-16 heures. Sang et cultures ctériles. Ne 51. 46:,960. — Injection de 3 c. c. de sang stérilisé par la chaleur avec adjonction de 6 gouttes de solution de Gram. Le lendemain le poids est de 4%5,810, le 3° jour de 145,660, le 9° 1k<,810. N° 9. 4kg,575. — 4 injections faites à 5-6 jours d'intervalle, chacune de 4 à 4 c. c. 1/2 de sang dilué de moitié d’eau et stérilisé à 58°. Après la 4° injection, le lapin pèse 1%s,785. N° 54. 166,835. — Injection de 2 c. c. 4/2 de sang stérilisé à 58°. Le surlen- demain le lapin pèse 4k,690,7 jours plus tard 1,900. Plusieurs injections de doses successives plus faibles (1/2 et 1 c. c.) sont tolérées sans symptômes. N° 199. 255,100. — Injection de 4 c. c. de culture en bouillon filtrée à la bougie Pasteur. Le 3° jour, le lapin pèse 1%<,870; le 4 1%5,775; le 40° {x<, 760; et.5 jours plus tard 1K°,570. Il meurt dans la nuit du 20° jour. Le sang et les cultures restent stériles. La rale est très petite. N° 1445. 1k:,900. — 3 injections successives de 1 c. c. de culture chauffée à 60°. Légère diminution de poids; après la 3° injection, 1,870; 5 jours plus tard, nouvelle injection de 4 c. c. de culture ayant séjourné à l'étuve pendant 4 mois 1/2 et stérilisée ensuite à 58°. Le lapin ne pèse plus que 1*,575 MALADIE DES PORCS. 19 e 8 jour, {ks,510 le 13°, puis augmente progressivement et atteint son poids initial au bout d'un mois. Il continue à se bien porter. N° 183. 15,710. — Injection de 1 c. c. de culture filtrée à la bougie Pasteur. Le lendemain 15,550, puis 14,670, et après 12 jours 1,725, Une 2 injection faite alors de 2 c. c. de la même culture fait tomber le poids à #k5,54ÿ; puis le lapin se remet petit à petit après 15 jours. N° 237. 2,150. — Injection de 9 c. c. de culture filtrée à la bougie Pasteur. Le 4° jour, 145,945; le 7°, 1k,745 ; le 18°, 165,980 ; après 4 mois, 1k5,895 ; après 45 jours, {k,615 etle lapin meurt le 57° jour après l'inoculation. Rate très petite. Sang et cultures stériles. N° 195. 25. — Injection sous-cutanée de 12 c. c. de culture de 17 jours, chauffée pendant 5 minutes à 120°. Le 2 jour, 1ks,655; le 4°, 1,83) ; le 41e, 1ks,725; le 24e, 4K5,810 et au bout d’un mois %=£. N° 338. 1ks,910. — Injection sous-cutanée de 11 c. c. de culture stérilisée à 120° pendant 5 minutes. Pendant 11 jours le poids se maintient entre 4ks,520 et 1K5,650; le lapin n’a pas été observé plus longtemps. Ne 339. 1Kk8,610. — Injection sous-cutanée de 4 c. c. de la même culture stérilisée à 120° pendant 5 minutes. Le surlendemain, le lapin pèse 1ks,440, le 5° jour 1k:,335, et le 14° jour 46,125, il est moribond (n’a pas été observé au delà). Les injections qui ne sont pas spécifiées ont été faites dans la veine mar- ginale de l'oreille. Dans quelques cas, j'ai ajouté 2 à 6 gouttes de solution de Gram au liquide à injecter dans le but d'obtenir une vaccination plus efficace, mais il n'en a pas été ainsi; les quantités minimes d'iode sont bien tolérées. Pour le hog cholera, les résultats sont analogues ; seulement, comme au début le microbe n'avait pas une virulence constante, il est arrivé que certains lapins supportaient de fortes doses de sang ou de culture stérilisée, tandis que, dans d’autres cas, de petites quantités de toxines occasionnaient des symptômes graves. La stérilisation avec l'acide thymique était plus longue et moins sûre que pour la sine plaque. Voici également le résumé de quelques expériences : N° 218. — Injection intraveineuse de 4 ce. ce. de sang dilué (2 c. c. au plus de sang pur) stérilisé au contact de l'acide thymique. Mort en 36 heures. Sang et cultures stériles. N° 262. — Injection de 2 c. c. 1/4 de sang dilué stérilisé à l’acide thymique. Mort en {2 heures environ. Sang et cultures stériles. N° 140. 245,160. — Injection de 3 c. c. de culture chauffée à 58°, Mort en 2 jours 1/2. Diminution de poids de 450 grammes. Sang et cultures stériles. N° 131. 1k5,810. — Injection de 3/4 ce. c. de sang stérilisé par la chaleur le 3° jour 1k5,540; le 12e 1k5,690: le 24° 4k£,840. N° 268. 1k5,720. — injection de 1/2 c. c. de sang stérilisé au contact de 80 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l'acide thymique; le surlendemain, 2° injection de 1 c. ce. Forte diminution de poids : le 5° jour 16,515; le 6° 1k5,400 ; le 8e 1k6,375; le 16° 1k6,415; le 21e 1ks,480; le 28° 1k6,650; et le 34° 1k£,800. N° 146. 1k8,640. — Injection de 1 c. c. de culture sur gélose diluée en bouillon et stérilisée. Poids initial le 8° jour. 28 jours après la 1° injection, le lapin reçoit 2 c. c. 1/2 de culture égale- ment stérilisée par la chaleur. Le surlendemain, il pèse 1k5,535, 8 jours plus tard 1k6,450. Une 3e injection faite 10 jours après la % fait tomber le poids à 1k5,250, et l'animal met plus d'un mois (40 jours) avant de recouvrer son poids initial. N° 254, 4k2,700. — Injection de 1 c. c. de sang stérilisé à l'acide thymique ; le surlendemain 1k#,860; 2° injection de { c. c. suivie d’une légère diminu- tion de poids (1k5,760 le 3° jour). La 3% injection de même sang a lieu 8 jours plus tard (poids 1k8,835), le surlendemain 1k£,600; ce poids persiste et le lapin meurt 9 jours après la dernière inoculation. Rate petite. Sang et cultures stériles. Les deux dernières expériences citées prouvent le peu d’ac- coutumance de l’organisme à la toxine. Nous pouvons résumer les résultats dans les propositions suivantes : 1° En règle générale, le sang et les cultures de sivine plague et de hog cholera dont je me suis servi ont occasionné des phé- nomènes d'intoxication chez le lapin à partir de la dose de 1/2:c70.: 2 Les phénomènes d'intoxication sont de 3 ordres : a) Intoxication aiguë et mort en 24 à 48 heures avec des symptômes analogues à ceux que l’on obtient par injection de cultures virulentes ; b) Intoxication chronique avec amaigrissement et cachexie, suivie de mort en un espace de temps variant entre quelques jours et 1 à 2 mois ; à l’autopsie on ne constate qu'une rate très petite el pas de lésions ; e) Intoxication chronique, suivie durétablissementdel’animal au bout d’un temps variable ; 30 Les faibles doses, jusqu’à 1 ©. c., sont ordinairement bien tolérées sans amener de troubles appréciables ; 4° Je n’ai pas pu constater d’accoulumance à la toxine; les lapins qui avaient reçu plusieurs injections de petites quantités de toxines diminuaient de poids lorsqu'on augmentait la dose. 5° Le sang d'animaux morts à la suite d'injection d'un des microbes stérilisé par la chaleur ou par l’acide thymique est plus MALADIE DES PORCS. 81 toxique que des quantités égales de cultures stérilisées ; 6° Les cultures filtrées à la bougie Pasteur ou chauffées pen- dant quelques minutes à 100 ou à 120° ne perdent pas leur action toxique, et amènent des symptômes analogues à ceux qu'occa- sionnent les cultures chauffées à 58° ; . T° Les propriétés des toxines ne permettent pas de différencier le hog choléra de la sivine plaque. VACCINATION CONTRE LA SWINE PLAGUE ET CONTRE LE HOG CHOLERA Les animaux qui ont résisté à plusieurs injections de toxines se sont montrés réfractaires à l’inoculation de virus. Pour la siwine plaque, j'ai réussi à vacciner les lapins de diverses manières, à savoir par des injections répétées 1° De sang stérilisé par la chaleur (58-60°) ou par l'acide thymique ; 2° De cultures stérilisées par la chaleur (58-60°) ; 3° De cultures filtrées à la bougie Pasteur. En outre, j'ai obtenu des résultats partiels, mais évidents, avec : 49 Des cultures stérilisées à 120°; 5° Du sang d'animaux vaccinés. Voici quelques exemples à l’appui de ces données : N°9. Poids le 28/[V, 1k5,575. — %injections en tout 5 c.c. 1/2 de sang dilué stérilisé à 58°; le 28/V, c’est-à-dire un mois après la {re injection, le lapin reçoit 1/20 c. c. de culture virulente. Le témoin meurt en moins de 24 heures. Deuxième injection d'épreuve le 6/VI; le témoin meurt également en moins de 24 heures. Le lapin vacciné présente au bout de quelques jours un abcès au point d'inoculation traité par incision et cautérisation au fer rouge. Troisième épreuve le 26/VIT avec résultat identique, bien qu'il se soit écoulé plus d’un mois et demi depuis la dernière injection, Le témoin meurt. Dans cet espace de 2 mois, le lapin a, de plus, augmenté de 480 grammes. N° 54. Poids le 26/VIT, 1k5,835. — 4 injections, en tout 5 c. c.1/2 de sang stérilisé par la chaleur. La première épreuve à lieu le 18/VIIL, deux jours après la quatrième injection; le témoin meurt en moins de 16 heures, le lapin vacciné résiste. Après lui avoir de nouveau injecté en trois fois? c, e. 1/2 de sang chauffé, il est soumis à une 2° épreuve le 98/X, à laquelle il résiste en présentant, il est vrai, un abcès que je cautérise douze jours plus tard; il pesait alors 2,250 (augmentation de plus de ‘400 grammes). 6 82 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. N° 2%. Poids le 3/IV, 1k5,730. — 6 injections; en tout 8 c. c. de culture en bouillon et de culture sur gélose délayée dans du bouillon stérilisé; les injections sont faites à de grands intervalles au début, à cause.de la dimi- nution de poids. Première épreuve le 17/XII, 13 jours après la dernière injection de toxine ; le lapin pèse 2k4,450 ; le témoin meurt en moins de 18 heures; 2 autres épreuves sont également très bien tolérées. N° 224. Poids le 2/III, 1k£,960. — 4 injections, en tout 18 ce. e. de cultures en bouillon stérilisées à 58-600. Première épreuve le 29/IV ; le lapin présénte un petit abcès qui s'ouvre spontanément, le témoin meurt en moins de 10 heures ; trois nouvelles épreuves les 47/V, 10/VI et 14/VE. N° 183. Poids 17/1, 4k5,710. — 3 injections, en tout 5 ce. ec. 1/2 de culture en bouillon filtrée à la bougie Pasteur. Le lapin résiste à 2 épreuves les 49/IT et 14/IIT, après avoir reçu 2 c. c. 4/2 de culture filtrée le 2/11. Le 23/IN, il pèse 1k5,925. N° 197. Poids le 29,1, 1x5,600. — 4injections, en tout 8 ec. c. de sang dilué (environ de moitié d'eau) stérilisé à l'acide thymique. Epreuve le 10/IIT; le témoin meurt en moins de 16 heures; deux autres épreuves les 19/IV et 2/V, avec témoin dans ce dernier cas. Le 17/V, le lapin pèse 2ks,300. N° 198. Poids le 29/1, 1k£,620.— 3 injections, en tout 9 c. c. de sang dilué, stérilisé au contact de l’acide thymique. 3 épreuves les 19/11, 27/IE et 7/III. Le témoin injecté à la 3° épreuve meurt en moins de 16 heures. Le lapin pèse 2ks,100 le 13/III. N° 195. Poids le 27/1, 2 kilog. — édite de 12 €. c. de culture chauffée à 120° pendant 5 minutes; fort amaigrissement. Le lapin a recouvré son poids initial le 26/IT ; on lui injecte, comme à la plupart des lapins à éprouver, 1/20 c. c. de culture virulente sous la peau de l'oreille. Abcès très considérable et mort dans la nuit du 5/6 mars. A l’autopsie, on constate du côté correspondant à l'oreille injectée une pleurésie purulente avec foyers purulents au poumon gauche. L’ensemencement du sang et d’un des petits abcès fournit des cultures pures de swine plaque. Je tiens à faire remarquer que la plupart des animaux ont présenté, pendant la durée de la vaccination et après les injec- tions d’épreuve, une augmentation notable de leur poids initial, ce qui prouve que la toxine n’a pas d'effet néfaste durable sur l'organisme. Les essais de vaccination par le sérum seront relatés dans un chapitre à part. Quant au hog cholera, les résultats des vaccinations sont loin d’être aussi brillants; cela provient surtout de ce qu’au début la virulence du microbe était beaucoup moindre, et, de plus, incons- tante : de même sa toxicité. Plus tard, les résultats ont été meilleurs. N° 132. Poids le 10/XI, 1k8,910. — 5 injections de sang et de cultures MALADIE DES PORCS. 83 stérilisés par la chaleur (5 c. e. 1/2 de sang et 6 ec. c. de cultures). Le lapin résiste le 1/I[ à une 1" épreuve qui tue le témoin, mais meurt après une 2e injection de virus, le 23/11, en moins de 24 heures. Cultures pures de Log cholera. N° 139. Poids le 21/XI, 2k2,160. — 4 injections, en tout 8 c. c. de culture stérilisée. Epreuve le 19/IT : le lapin, qui pesait 2kg,240, meurt en moins de 16 heures. Le sang fournit une culture pure. N° 146. — Poids le 30/XT, 1K,640. Après 7 injections de culture stéri- lisée, en tout 18 c. c., le lapin succombe le 31/IIT, moins de 24 heures après l'injection d'épreuve. N° 173. — Poids le 6/1, 1x,750. Reçoit 19 e. e. 1/2 de culture stérilisée en 7 injections et pèse 2k£, 370 le 31/V, date de l’épreuve. Le témoin meurt en 18 heures, tandis que ce lapin résiste 60 heures environ. Cultures pures. N° 178. — Poids le 13/1, 1*5,600.7 injections, en tout 34 c. c. de cultures stérilisées, les unes par la chaleur, d’autres par filtration à la bougie Pasteur. Épreuve le 27/III. Poids 14,990. Le témoin meurt en 48 heures, le lapin traité en 9 jours 1/4. Il y avait donc survie de plus de 7 jours. — À l’autop- sie on constate que l’abcès, qui avait fortement tuméfié toute l'oreille, s’est propagé jusqu'à la nuque; pleurésie purulente droite; petits abcès super- ficiels aux deux poumons, le poumon gauche est hépatisé en grande partie. Les cultures du pus et du sang sont positives, cette dernière faible. N° 260. — Poids le 3/IV, 1k5,860. 6 injections, en tout 8 €. c. de sang stérilisé à 60°. Première épreuve le 12/VI. Poids 2k5,430; le témoin meurt en 24 heures, le lapin traité continue à se bien porter; une deuxième injection de culture de Log cholera est bien tolérée le 19/VIX. No 341. — Poids le 18/V, 1K5,680. 4 injections, en tout 7 c. c. 1/2 de sang dilué stérilisé au contact prolongé de l'acide thymique. Injection d’épreuve le 22/VI, poids 1k6,900, pas de troubles notables; le témoin meurt en moins de 18 heures. N° 314. — Poids le 21/V,1*,720. 6 injections, en tout 6 c. c. 1/2 de sang slérilisé à 58°. L'injection d’épreuve, faite le 13/VI, tue le témoin en {8 heures et occasionne, chez le lapin vacciné, un petit abcès qui reste localisé au point d’inoculation. La vaccination contre Le kog cholera est possible et s’effectue comme celle contre la swine plaque. Les cultures ne m'ont pas donné de bons résultats, parce qu’elles n'étaient pas assez viru- lentes, et qu’elles ne renfermaient probablement, après stérilisa- tion, pas assez de toxines. En résumé, les lapins sont susceptibles d'être vaccinés contre la swine plaque etcontre le Log choicra. Pour la swine plague, j'ai obtenu, grâce à la virulence du bacille, des vaccinations efficaces par injections répétées de sang stérilisé, de cultures chauffées à 58° ou filtrées. La quantité injectée chaque fois doit être faible, 1 c. e. ei même moins pour le sang, 1-2 c. c. pour 84 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. les cultures. Ces doses sont tolérées sans symptômes appréciables, et il est possible de faire suivre les injections à de courts inter- valles, et d'obtenir rapidement l’immunisation contre le virus. Si, par contre, on injecte une trop grande quantité de toxine, l’ani- mal diminue considérablement de poids, périt souvent, ou, s'il résiste, met très longtemps pour recouvrer son poids initial. En outre, le degré de vaccination ne dépend pas directement de la quantité absolue de toxine injectée, comme maintes observations me l'ont prouvé : des lapins ont été vaccinés en une dizaine de jours par injection quotidienne de 1/10-2/10 c.c. de sangstérilisé, alors que la même quantité, injectée en une seule fois, occasion- nait un fort amaigrissement et ne suffisait pas à la vaccination. À vant d’injecter une nouvelle dose, il faut attendre que l’anima ait atieint son poids normal, sinon on risque fort de le voir mourir, ou dans tous les cas de le voir maigrir davantage, et la vaccination traîne d'autant plus en longueur. En règle générale, les lapins ont résisté à l'inoculation d’épreuve après avoir reçu 3-5 c. c. de sang stérile; pour les cultures, la quantité nécessaire à la vaccination est plus grande, et varie dans de plus larges limites, bien que dans deux cas 7 c. c. aient suffi. Il est bien évident que les quantités de cultures chauffées à 100 ou à 120° doivent être beaucoup plus grandes pour produire le même effet. | Au point de vue de le vaccination du lapin, il n’y a donc que des différences quantitatives entre le Log cholera et la swine plague. Il me reste à parler de la vaccination d’un chien contre la sine plague ; il s'agissait d'un animal de petite taille, pesant 5 kilogrammes environ. « Après une première injection de 4/5 c. ec. de culture virulente de swine blague, faite le 22/11, l'animal tombe très malade : le lendemain, il reste couché sur le côté, ne mange pas et gémit au lieu d’aboyer; sa température monte de 38,4 à 40°; cet état très grave dure trois jours. Le 98/II je procède à l'ouverture d’un abcès de la grosseur d’une noix qui s'était formé au point d'inoculation; il s'écoule un pus rougetre renfermant beaucoup de leuco- cytes et de microbes (j'ai obtenu une culture pure par ensemencement) ; le chien se remet bientôt : le 3/1T, l'abcès est guéri. Deux jours plus tard, deuxième inoculation sous-cutanée de 6/10 c. c. de culture de swine plaque en bouillon. Le chien paraît un peu souffrant les jours suivants, mais ne tarde pas à guérir sans présenter d’abcès. La 5°injection de 4 c. e. 5 de culture a lieu le 12/11; comme l'animal continue à se bien porter, il reçoit 4 e. c. 25 de sang virulent le 14/IIL, et MALADIE DES PORCS. 85 De parait malade le lendemain. 8 jours plus tard, le 22/ITT, 5° injection de 3 c. c. de culture en bouillon: le 24/11, 6e inoculation de 2 €. c. à de sang virulent. A la suite de celte dernière injection, le chien est malade les jours suivants, et présente un abcès, analogue au premier, que j'ouvre le 27/11. Le 30/III, 7e injection de 2 c. c. 5 de sang virulent. Très malade le lende- main, le chien n'a rien mangé, mais se remet petit à petit et paraît tout à fait guéri le 5/IV. La 8° injection est faite le 19/IV : l'animal reçoit 3 c. c. de culture en bouillon, qu'il tolère sans présenter de symptômes morbides. Cette expérience nous prouve que le chien est sensible au microbe de la swine plague à un moindre degré que le lapin, qu'il s’y accoutume facilement et parvient à supporter des doses de virus relativement très grandes. A volume égal et même inférieur, le sang a produit des symptômes beaucoup plus graves que la culture ; il n’est pas possible de dire si c’est à cause de sa plus grande virulence ou à cause de sa plus grande toxicité. SYMPTOMES MORBIDES ET LÉSIONS OCCASIONNÉS PAR LES DEUX MICROBES Commençons par étudier la réaction locale. L'injection sous-cutanée de culture ou de sang de swineé plaque n’occasionnait qu’une faible réaction locale. Je faisais en règle générale l’inoculation du virus à l’oreille, afin de mieux pouvoir en apprécier l'effet. Les lapins neufs présentent une très faible réaction locale : au bout de quelques heures, on remarque une légère hyperémie se localisant de plus en plus. Cette hyperémie était encore visible à l’autopsie, ainsi qu'un léger œdème local; sur une coupe on apercevait un peu de liquide séreux peu trouble, ei l'examen microscopique décelait la présence d’un nombre infini de bacilles avec une quantité varia- ble de leucocytes. Cette réaction locale, si faible chez les lapins neufs, était très considérable chez les lapins vaccinés, et surtout chez ceux qui ne résistaient pas jusqu’au bout. — Les animaux bien vac- cinés présentaient, à la région de l’inoculation, un œdème ren- fermant, au bout d’un ou de deux jours, un pus épais, très riche en globules blancs et en microbes; ceux-ci étaient beaucoup moins nombreux après quelques jours, bien que l’abcès subsistât encore. Plus l’animal était bien vacciné, plus l’abeès était petit et disparaissait vite. — Les lapins, qui, par un traitement pré- x 86 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ventif, n'avaient été vaccinés qu'incomplètement, présentaient déjà 24 heures après l'injection un œdème généralisé à toute l'oreille; celle-ci était pendante, grossissait encore les jours suivants progressivement jusqu'à la mort. Souvent l’état de ten- sion de la peau était tel qu’il survenait des déchirures, d'où s’'écoulait un liquide séro-sanguinolent; j'ai même observé parfois la formation de vésicules à la surface de l'oreille œdé- matiée au maximum, vésicules provenant, je pense, de troubles trophiques occasionnés par la compression des nerfs. Si la sur- vie était de 5 à 6 jours par exemple, l'œdème se propageait, comme nous allons le voir. Pour le hog cholera, l'injection sous-cutanée de culture viru- lente chez les lapins neufs était généralement accompagnée d’une réaction locale beaucoup plus manifeste. Il y avait forma- tion d’abcès, l'oreille était pendante, et comme pour la swine plague, plus la maladie durait longtemps, plus l’œdème était considérable. Lorsque le virus fut plus fort, la réaction locale diminaa et se rapprocha de celle observée pour la siwine plaque; les lapins vaccinés présentaient les mêmes lésions locales. Comme symptômes morbides dans les cas aigus des deux maladies, il faut citer avant tout l’élévation de température, appréciable au bout de deux à trois beures après l'injection et allant jusqu'à 420-420,5, Tôt après, l'animal est pris d’une diarrhée, surtout intense pour le hog cholera, durant jusqu’à la mort. Peu à peu survient une parésie progressive des extrémités postérieures. La mort, qui arrive dans un temps variable, comme nous l'avons vu plus haut, est précédée d’une courte période de spasmes d'extension, et souvent le lapin pousse un cri aigu en expirant. Quant aux lésions constatées à l’autopsie, elles élaient égale- ment analogues dans les deux maladies. L’intestin grêle conte- nait un liquide séreux; lorsqu'on aspirait le contenu intestinal dans une pipette stérilisée, on remarquait après quelque temps, surtout pour le hog choléra. un dépôt plus ou moins abondant, formé de particules solides, et au-dessus un liquide faiblement coloré et transparent; l’ensemencement du contenu de l'intestin grèle fournissait généralement ure culture pure de bacterium coli présentant une grande analogie avec le microbe injecté. Les glandes de Peyer étaient tuméfiées, mais je n’ai pas observé MALADIE DES PORCS. 87 d’ulcérations. Tous les vaisseaux du mésentère étaient dilatés et remplis de sang. — Comme autre lésion constante, il faut citer l'augmentation de volume de la rate; la tuméfaction était plus considérable dans les cas de Log choléra. Les reins fortement hyperémiés ne présentaient pas de lésions macroscopiques. La vessie était presque toujours vide. Rien d’anormal aux autres organes. Le sang, ainsi que les divers organes (rate, foie, rein), ren- ferme beaucoup de microbes; leur nombre est le plus souvent de beaucoup supérieur à celui des globules sanguins. La colo- ration simple au bleu de Loœffler, à la solution aqueuse de bleu de méthylène et à la thionine, ainsi que la coloration double à l'éosine et au bleu de Laiffler, m'ont donné de très jolies prépa- rations. J’ai fait à chaque autopsie l'examen du sang et deux ensemencements, l’un sur gélose, l’autre en bouillon. Les lésions que je viens de décrire sont celles que l’on constate chez les lapins neufs, mourant 1 ou 2 jours après l'ino- culation. Dans les cas où la maladie dure plusieurs jours, soit à cause de la faible virulence du liquide injecté, soit parce que le lapin n’est qu'incomplètement vacciné, on observe encore diverses autres lésions qui ne présentent pas la même constance. La séreuse péritonéale est fortement injectée et présente par- fois, surtout dans la région inférieure du colon ascendant, de nombreuses pelites ecchymoses ; elles sont beaucoup plus rares à l'intestin grêle. Dans les cas de propagation de l’æœdème local de l'oreille, la partie avoisinante de la nuque ou de la face était ordinairement tuméfiée et présentait un vaste abcès sous-cutané; à plusieurs reprises, j'ai constaté une pleurésie purulente du côté correspon- dant à l'oreille injectée, accomp2gnée de petits abcès plus ou moins nombreux aux deux poumons, et d'hépatisation partielle du tissu pulmonaire, de préférence aux lobes inférieurs. L’ense- mencement de ces abcès ou du liquide de la plèvre m'a donné des cultures pures. Une ou deux fois, dans des cas à marche très lente, j'ai observé une péritonite purulente accompagnant la pleurésie: j'ai aussi remarqué, très rarement il est vrai, une péritonite séro- fibrineuse. \ 88. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. La présence d’abcès miliaires au foie a été constatée dans 4 ou 5 cas,et deux fois 1l y avait simultanément de petits abcès à la rate. Il me reste encore à citer deux cas où l'injection sous-cutanée de virus à l'abdomen, chezdeslapins en voie de vaccination contre la siwine plaque, avait occasionné la mort par propagation de l’abcès local sous la peau du ventre, du thorax et du dos. J’ai examiné le cerveau à plusieurs reprises sans y trouver trace de lésion. Dans les cas d'intoxication aiguë, le symptôme diarrhée exis- tait comme après l'injection de culture virulente : souvent, sur- tout après injection de toxine de hog cholera, il y avait aussi une tuméfaction de la rate. Dans les cas chroniques, par contre, on constatait de l’amaigrissement, de la cachexie, une diminution notable du volume de l'estomac, et surtout une atrophie souvent excessive de la rate. Bien entendu, dans les deux cas, les ense- mencements restaient stériles. En résumé, les lésions anatomiques sont analogues dans les cas aigus de Log cholera et de siwine plaque : la diarrhée plus intense et l'augmentation plus considérable du volume de la rate ne sont que des différences quantitatives, peut-être en rapport avec la durée un peu plus longue de la maladie ; eiles ne suffisent pas à différencier le hog cholera. La réaction locale à la suite d'injection sous-cutanée ne permet pas davantage de distinguer les deux maladies. Au début, cette réaction était plus faible pour la swine plague, mais nous avons vu qu’elle diminue aussi pour le hog cholera à mesure que la virulence augmente. En outre, dans les cas de vaccination partielle et incomplète contre la swine plaque, la tuméfaction était beaucoup plus forte qu'après l'injection de virus de hog cholera à un lapin neuf. D’après ces faits, je me crois autorisé à tirer les conclusions suivantes : 4° Les lésions anatomiques et les symptômes morbides ne permettent pas de différencier les deux maladies ; 2 Il est impossible, comme l'ont fait plusieurs auteurs, de distinguer les deux maladies d’après la plus ou moins grande extension des foyers purulents, puisque nous avons démontré que, pour une seule et même maladie, on peut observer tous les | MALADIE DES PORCS, 39 degrés de réaction locale, depuis la simple hyperémie circonscrite, jusqu'aux abcès généralisés avec pleurésie purulente, péritonite et foyers purulents aux poumons; 3° Dans les nombreuses autopsies que j'ai faites chez plu- sieurs centaines de lapins, je n'ai pas pu constater une localisa- tion pulmonaire des lésions pour la sine plague, et une localisa- tion plutôt intestinale pour le hog cholera. PNEUMOENTÉRITE INFECTIEUSE DES PORCS M. Metchnikoff a bien voulu me remettre une quantité de tubes de sang de lapins morts à la suite d'injection du bacille de la pneumoentérite infectieuse des pores. Ce sang, retiré depuis plus d'un an, ne contenait plus qu’un petit nombre de microbes vivants; j'ai obtenu une culture pure après injection de 2,5 c. e. de ce sang à un lapin, et c’est en partant de cette culture que j'ai fait mes expériences. Au point de vue morphologique, le microbe que j'ai étudié présente une grande ressemblance avec mon bacille de la swine plaque : petites dimensions, colonies transparentes sur gélose et pas de formation de gaz dans le bouillon glucosé, en présence du carbonate de chaux. — La virulence était plus faible, moins constante et se rapprochait plutôt de celle du hog cholera au début. En injection sous-cutanée, il fallait 0,2 e. ce. à 0,5 ce. c. de culture ou de sang virulent pour tuer le lapin à coup sûr. Dans un cas, un lapin a résisté à une injection de 0,1 c.c.,etun deuxième n’est mort qu'au bout de 22 jours, de cachexie. Suivant la dose injectée, la mort survenait en 18 heures ou en 2 à 3 jours. L'injection intraveineuse de 1/2 c.c. et davantage tuait en 12 à 24 heures en moyenne. — La réaction locale qui, comme nous l'avons vu, se comporte en sens inverse de la virulence, était toujours considérable, et dépassait même celle produite par l’in- jection sous-cutanée de hog cholera : Voreille injectée présentait toujours un œdème assez étendu avec formation d’abcès. — A l’autopsie, les lésions étaient analogues aux deux autres mala- dies. Le cobaye meurt en 12 à 24 heures après une injection sous- cutanée de 3/10 à 1 c. c. de sang virulent ; une souris, qui avait reçu 4/10 c. c. de ce mème sang, est morte le 8° jour. 90 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. La toxicité des cultures et du sang stérilisés est aussi plus faible; des quantités de 2 et de 2 c. c. 5 ont été tolérées en injec- tion intraveineuse sans symptôme appréciable; un lapin qui avait reçu 2,15 ©. ©. a présenté, après 48 heures, une diminution de poids de 150 grammes. Mes expériences ne sont pas aussi nombreuses que pour les deux microbes étudiés précédemment. Il est beaucoup plus facile de vacciner des lapins contre la preumoentérite que contre la siine plaque et le hog cholera. J'ai obtenu cette vaccination par injections répétées : 1° De petites quantités, 1/4à 1 c.c. desang virulent âgé de plus d’une année ; 2° De sang virulent frais ou âgé, stérilisé au bain-marie à 58°; 3° Dans un cas, par injection de très pelites quantités de culture et de sang virulents. Voici quelques exemples de chacun de ces modes de vacei- nation : N° 238. — 1ks,980, 3 injections intraveineuses de sang âgé non stérilisé. Après la 3 injection de 1,%5 c. e. forte diminution de poids (4ke,575 le 3° jour). Le lapin se remet et résiste à 2 épreuves. N° 274. — 9ks,15,9 injections de 2,75 c. e. et de 2,5 c. c. de sang virulent stérilisé à 580 pendant une heure. Le lapin résiste à 3 épreuves, les deux pre- mières sans témoins; le témoin de la 3e meurt en 45 heures. N° 232. — 9ks,300, 5 injections, en tout 8.25 c. c. de sang âgé stérilisé. Le lapin résiste à l'injection d’épreuve, et pèse 2ke,500 un mois plus tard; le témoin meurt par cachexie. N° 284. — A8/IV, 1ks,485. Injection de 1/10 de culture virulente en bouil- lon; fort œdème, l'oreille est pendante. Le 27/IV, 1k2,345 ; le 21/IV, 1kg,580 2% injection de 4/40 c. e. de culture virulente; le 23/V 1ks,800; le 1/VI, 1ks,960 3e injection de 1/10 c. c. de sang virulent, 11/VI, 2ks,135. N° 255. — 27/III, 1k8,640. Injection sous-cutanée de 1/20 c. c. de culture virulenteen bouillon; 28/IIL, 4k5,140, œdème de l'oreille; 31/LIE, 4k8,690, l'æœdème continue; 7/IV, {ke,480, l'œdème a diminué; il ne reste plus qu'un gros abcès bien délimité; 14/IV, 1ke,265 ; 17/IV, 1k8,120. Mort le 18/IV au matin. Le sang et les cultures restent stériles. Comme on le voit par ces quelques exemples, le microbe de la pneumoentérite des pores dont je me suis servi ne se différencie des deux microbes étudiés précédemment que par sa moindre virulence et le peu de toxicité deses produits : il est probable que, de mème que poar le Log cholera, des passages successifs par lapin auraient augmenté sa virulence, Les cultures présentent MALADIE DES PORCS. 91 beaucoup moins de constance dans leur action aussi lornigtemps que le virus n'a pas atteint une cerlaine intensité; j'ai fait la mème remarque avec le hog cholera. RÉSISTANCE DES LAPINS VACCINÉS CONTRE L'UNE DES MALADIES AU VIRUS DES DEUX AUTRES Arrivons au but principal de notre travail. Il s'agissait de savoir comment des animaux vaccinés contre l’une des maladies résisteraient aux deux autres. Le microbe de la siwine plaque étant le plus virulent, nous avons surtout expérimenté sur des lapins vaccinés contre ce virus. Je commencerai par relater mes expériences : N° 445. 30/XI, 4k5,950. Vacciné au moyen de 7,5 c. c. de cultures stéri- lisées injeetées en 4 fois; épreuve contre la swine plaque le 2/1, le témoin meurt en 20 heures. Le 4/IV, 1ks,990, injection de 1/20 c. c. de culture de og cholera tuant 2 témoins en moins de 24 heures ; 2° épreuve de hog cholera le 7/V (2ke,20), le témoin meurt en 40 heures; 3e épreuve le 21/V ; 4 épreuve le 8/VI. Un mois et demi plus tard, ce même lapin résiste à une 2° injection de virus de swine plague tuant le témoin en 24 heures. N° 198. — Vacciné au moyen de 3 injections de sang de swine plague dilué, stérilisé au contact de l'acide thymique. Résiste à 5 épreuves de virus de swine plaque. Un mois après la dernière injection, le lapin regoit 1/4 c. c. de sang virulent de hog cholera sans présenter de symptômes morbides; le témoin meurt en moins de 20 heures. N° 221. — Vacciné au moyen de 6 injections de sang dilué stérilisé au contact de l'acide thymique. Résiste à 2 épreuves de culture virulente de swine plague. Un mois et demi après la dernière épreuve, injection de 2/10 c.c- de culture de Log cholera tuant le témoin en 40 heures. Le lapin présente de l'œdème au point d'injection, qui disparaît au bout de # jours. 24 jours apres la première, deuxième épreuve contre le hog cholera: le témoin meurt en 16 heures ; ce lapin présente un petit abcès localisé au point d'injection (douze jours plus tard, il est atteint d’une myélite traumatique ascendante ; on extrait son sang de la carotide.) N° 183. — Vacciné ‘avec 5,5 c. c. de culture filtrée à la bougie Pasteur injectée en 3 fois; deux épreuves contre la swine plaque sans témoin. 9 jours après la 2% épreuve, injection de 4/20 ce. c. de cullure de pneumoentérite française (témoin mort en 22 jours); le lapin diminue considérablement dé poids : pendant environ 4 mois il reste au-dessous de son poids initial et présente une tuméfaction (abcès) qui occupe d'abord toute l'oreille, puis se localisée au point d'injection ; il existe en outre sur le dos tout le long de la colonne vertébrale une deuxième tumeur fluctuante qui parail aussi être un vaste foyer purulent limité; malgré l'augmentation progressive du volume de ce deuxième foyer, le lapin. qui pesait 1ke,900 lors de la première 92 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. épreuve, a un poids de 2k:,430 deux mois plus tard, et résiste à une injection intraveineuse de 1/10 e. c. de sang virulent de pneumoentérite. 45 jours plus tard, il reçoit 2/10 ec. c. de sang virulent de hog cholera dont 1/10 €. e. tue un lapin neuf en 24 heures. Un mois plus tard, troisième épreuve contre la swine plaque; le témoin meurt en moins de 24 heures. Ce cas, très intéressant puisqu'il s’agit d'un animal ayant résisté aux trois virus, est surtout remarquable par la forte réaction locale qui a suivi la première injection de pneumoentérite. Il faut probablement en chercher l'explication dans la petite dose de culture filtrée que le lapin a reçue. N° 197. — Vacciné par 4 injections de sang dilué stérilisé par l'acide thymique, 8 c. c. en tout. Résiste à 5 épreuves de swine plugue ; les témoins meurent en moins de 24 heures. 3 semaines après la dernière épreuve, le lapin reçoit 3/10 c. c. de sang virulent de pneumoentérite, et présente un petit abcès localisé qui s'ouvre spontanément; le témoin meurt le 3e jour. — 5 semaines plus tard, épreuve de hog cholera virulent supportée sans aucun symptôme morbide ; le témoin meurt en moins de 16 heures. J'ai moins d'expériences comparatives faites avec le hog cholera et la pneumoentérite à relater, vu que j'avais vacciné un plus petit nombre de lapins contre ces deux virus ; je les cite toutes : N° 284. — Vacciné par 3 injections de petites quantités, 4/20 et 1/10 c. c. de cultures virulentes de pneumoentérite ; 12 jours après la dernière injec- tion, il reçoit 1/20 e. c. de sang virulent de hog chotera; le témoin meurt avant 18 heures. Notre lapin résiste 4 jours de plus, et présente à l’autopsie, en dehors d’un œdème très considérable à l'oreille injectée, une forte hype- rémie, ainsi que des foyers d'hépatisation aux deux poumons; la rate est peu augmentée de volume; le sang renferme des microbes du hog cholera et fournit des cultures pures. N° 232. — Vacciné contre la pneumoentérite par 5 injections, 8 c. ce. 75 en tout, de sang stérilisé à 58°. Résiste à une épreuve de pneumoentérite. Un mois plus tard, il reçoit une injection de 1/40 c. c. de culture virulente de swine plaque. Le témoin meurt en 17 heures 1/2.en présentant les lésions typiques à l’autopsie. Ce lapin résiste 2 jours 1/2, c'est-à-dire qu'il présente une survie de 40 heures sur le témoin ; dans aucun cas un lapin neuf n'a résisté aussi longtemps. A l’autopsie, on constate comme lésions internes : une péritonite fibrineuse sèche avec un très grand nombre de microbes; la séreuse intestinale est fortement hyperémiée et trouble. Le foie est recouvert à son bord inférieur d’une membrane jaunâtre envelop- pant également la rate. Le sang donne une culture pure de swine plague. N° 260, — Vacciné contre le hog cholera; 6 injections de sang stérilisé par la chaleur, 8 c.c, en tout. Résiste à une épreuve de kog cholera ; 4 jours plus tard, il reçoit 3/10 e. c. de sang virulent de pneumoentérite ; 2 témoins meurent en ? et en 3 jours; il y a formation d’œdème à l'oreille injectée, MALADIE DES PORCS. 93 qui disparaît en quelques jours. Nouvelle épreuve contre le Log cholera un mois. plus tard, réaction locale faible ; 7 jours après, injection de 1/20 c. €. de culture virulente de swine plaque: fort abcès à l'oreille injectée, le lapin paraît malade, mais se remet bientôt tout à fait. Un témoin, qui avait reçu la même dose de virus, est mort en moins de 24 heures, et un 3° lapin, insuffisamment vacciné, éprouvé de même meurt le 4 jour. Le chien vacciné contre la swine plaque reçoit une injection de 2 c. c. 1/2 de sang viruient de pneumoentérite qui le rend malade pendant quelques jours; peu de temps après, il résiste également à l’inoculation de 2 c. ec. 1/4 de sang virulent de Log cholera. Afin d'être complet, je relaterai encore l'expérience faite sur le lapin n° 85 vacciné, contre la swine plague : il résiste à l'injection d'épreuve le 4/XI. Le 2/XIT il reçoit une injection de 2 c. c. de culture de swine plague stérilisée à 589,et le 4/XIT une injection de sang virulent de og cholera. Son poids, qui était de 9k<,530 le 2/XI1, n’est plus que de 2k,375 le 4/XII avant l'épreuve. Le 7/XII, le lapin présente un gros abcès très étendu; poids 24,180; le 16/XII, 2%5,510, le 4/E, 2k5,640 ; Le 13/I, 2,500. L’abcès est ouvert et cautérisé. Le lapin meurt le 23/I[, et présente, en dehors de l’abcès, un estomac dilaté et une grosse rate. Le témoin meurt 15 jours plus tôt. IL'est à remarquer que l’inoculation d’épreuve contre ie hog cholera a été faite deux jours seulement après une injection de toxine desivineplaque,etquelelapinavait diminué de 150 grammes, ce qui indique déjà l’action débilitante de la toxine. Je crois que nous devons faire abstraction de cette expérience. Dans tous les autres cas, les lapins vaccinés contre la swine plaque ont résisté à l’inoculation de virus de hog cholera ou de pneumoentérite infectieuse, alors que les témoins ont tous succombé. Fait à noter, il semble que la résistance à ces deux derniers microbes est proportionnelle au degré de résistance à la swine plaque; ainsi le lapin n° 183, qui n’avait reçu qu’une dose relativement faible de toxine de sine plague, a présenté la plus forte réaction après l'injection de pneumoentérite. Un lapin vacciné contre le hog cholera a très bien toléré une inoculation de pneumoentérite qui a tué 2 témoins, et a résisté ensuite à une injection de culture de swine plaque, mortelle pour le témoin et pour un lapin insuffisamment vacciné. Deux animaux vaccinés contre la pneumoentérite sont morts après injection de swine, plaque ou de hog cholera, mais ils ont présenté, contrairement aux témoins, une résistance “plus grande : la durée de la maladie à été pluslongue que chez tousles lapins neufs, et les lésions anatomiques étaient plus complexes. 9% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Il s'agissait avant tout de savoir si les animaux vaccinés contre la siwine plaque, c'est-à-dire contre le microbe le plus virulent, présenteraient aussi l’immunité vis-à-vis des deux autres virus: ce fait a été confirmé par mes expériences, répétées plusieurs fois sur le même animal. Il était à prévoir d'autre part, que la vaccination contre un microbe moins virulent, comme l'était celui de la pneumoenié- rite, ne suffirait pas pour préserver tout à fait les animaux contre la swine plaque et le hog cholera: elle n'a amené qu'un retard notable de la mort. Je n’ai pu expérimenter que sur un lapin vacciné contre le hog choléra, mais les résultats n’en sont pas moins concluants. Cetanimal, vacciné avec une forte dose de sang qui s'était mon- tré très virulent avant la stérilisation, à résisté à l'épreuve de la pneumoentérite et à celle de la siine plaque. Le microbe de la sine plague qui m'a été remis était excessi- vement virulent pour le lapin dès le début; par une série de passages successifs par animal j'ai réussi, non sans peine, à rendre le microbe du hog cholera presque aussi virulent; j'aurais sans doute pu augmenter de la même manière la virulence de la pneumoentérite. Il n’y avait dans nos 4 microbes qu'une différence dans l'in- tensité de la virulence, et il est probable que le même fait se sera produit dans les diverses épidémies étudiées. De ce que les lapins vaccinés contre la pneumoentérite sont morts de hog cholera ou de sine plaque, nous ne pouvons pas con- clure, comme de Schweinitz paraît lavoir fait, qu'il s’agit de microbes différents ; il faut, d'une part, comparer leur réaction à celle des lapins neufs et avant tout tenir compte de l’expé- rience inverse. En résumé : 1° les lapins vaccinés contre la swine plaque; ont résisté au hog cholera et à la pneumoentérite infectieuse, sans perdre pour cela leur immunité contre la swine plaque. 20 Un lapin vacciné contre le hog cholera à résisté à la pneumoentérite et à la swine plaque: 30 Deux Japins vaccinés contre la pneumoentérite infectieuse sont morts, l’un 2 jours 4/2 après l'injection de culture virulente de swine plague (le témoin a succombé en 17 heures 1/2) Pautre 4 jours 1/2 après l’inoculation de virus du hog cholera, tandis MALADIE DES PORCS. 95 que le témoin périssait dans l’espace de 18 heures. De plus, les 2 lapins ont présenté à l’autopsie les lésions décrites plus haut chez les animaux insuffisamment vaccinés succombant à l’in- jection d’épreuve ; 4° Un chien vacciné contre la siwine plaque a résisté à linjec- tion de fortes doses de virus de pneumoentérite et de hog cholera. Les expériences rapportées dans ce chapitre nous permettent de conclure à l'identification des trois virus de la swine plaque du hog choléra et de la pneumoentérite infectieuse des porcs. ESSAIS DE SÉROTHÉRAPIE A. Sioine plaque. — J'ai fait les expériences sur des lapins et des cobayes avec du sang retiré aseptiquement de la carotide ou de l’artère fémorale d'animaux vaccinés et éprouvés contre la swine plaque où contre la pneumoentérite infectieuse. Le sang, recueilli dans un tube stérilisé, était mis pendant quelques jours dans un endroit frais jusqu'à séparation complète des caillots, puis le sérum était aspiré. Je vais relater quelques-unes de ces expériences. N° 299. — Recçoit 5 c. c. de sérum du lapin n° 101 dans la veine de l'oreille. Epreuve après 18 heures; le lapin meurt dans la nuit du 8° jour. A l’autopsie, on constate, en dehors de l'œdème très prononcé de l'oreille, une petite rate, une forte congestion avec petits foyers purulents disséminés aux deux poumons. L'ensemencement du sang fournit une cul- ture pure. — Le témoin reçoit d'abord à €. c. de sérum d’un lapin neuf; il meurt environ 22 heures après l'injection d’épreuve, sans présenter d'autre lésion qu'un petit abcès au point d'inoculation. Il y a eu survie de 7 jours environ. N° 246. — Injection de 4, 5 c. c. desérum du lapin n°198. Épreuve au bout de 30 heures avec 1/20 e. c. de culture de swine plague en bouillon. Fort ædème de l'oreille, avec abcès qui s'ouvre spontanément. Mort en 5 jours. A l’autopsie, on voit que l’abcès s’est propagé sous la peau de la tête ; la rate est augmentée de volume, peu de microbes dans le sang. — Le témoin meurt en 20 heures. Survie de 4 jours. N° 247. — Injection de 3 c. c. de sérum du lapin n° 498. Épreuve après 25 heures. Mort en 5 jours 1/2. L’ædème est très volumineux et l’abcès se propage sous la peau jusqu’au devant du sternum. Le témoin meurt en 20 heures. Survie de 4 jours 1/2. N° 280. — 3 injections, en tout 41, 5c. ec. de sérum du lapin n° 198. La 3° injection de 6 €. c. est faite 8 jours après les deux premières. L'épreuve a lieu environ 2 jours après la dernière inoculation; le témoin 96 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. . meurt en moins de 12 heures, un lapin moins bien vacciné en 30 heures. Notre lapin présente au point d'injection une légère hyperémie qui disparait au bout de 4 jours. Une 2° épreuve, faite 12 jours après la première , tue le lapin en 36 heures environ. N° 253. — 2 injections, l’une intraveineuse de 4, 5 c. c., l’autre sous- cutanée de 3 c.c. de sérum du lapin n° 498, faites à5 minutes d'intervalle ; épreuve après 2 heures. Un 2 lapin soumis à la même épreuve après avoir reçu un autre sérum meurt au bout de 7 jours.— Le lapin ne présentant pas de symptômes morbides, il reçoit 5 jours après la première inoculation d’épreuve 1/20 c. c. de culture virulente de swine plague, et meurt dans la nuit du 7° jour. N° 276. — Injection sous-cutanée de 11 c. c. de sang de chien vacciné contre la swine plague. Épreuve au bout de 49 heures. Le lendemain 41°,6, forte tuméfaction à l'oreille, diarrhée intense et mort en 51 heures. Le témoin meurt en moins de 18 heures. Survie de 1 jour 1/2. N° 252. — Injection sous-cutanée de 10 €. c. de sang de chien vacciné contre la swine plague:le lendemain, nouvelle injection de 6 €. ce. de ce même sang. Épreuve au bout de quelques heures; l'ædème de l'oreille, très considérable le 2° jour après l'inoculation d'épreuve, diminue pour augmen- ter à nouveau vers le 6e jour; le lapin meurt en 7 jours 1/2. Donc retard notable. De petites quantités de ce sang de chien vacciné n'ont retardé la mort que de quelques heures. N° 291. —9 injections sous-cutanées de 6, 5e. c. et de 3, 5 c. c. de sang de chien vacciné contre la swine plaque, faites à 93 jours d'intervalle. Épreuve le 6e jour après la 2° injection : le lapin meurt à peu près en même temps que le témoin en 12-16 heures. No 331. — Injection de 3 c. e. de sérum du lapin n° 107. Épreuve au bout de 24 heures ; immédiatement après, nouvelle injection de 3/4 ec. c. de sérum; ces injections de sérum sont répétées les jours suivants : le lende- main, fort œdème de l'oreille, 2 injections de 1 c. c. chacune; les deux jours suivants : { injection de 1 c.c.; le 4° jour, l’œdème augmentant, je fais 2 injections de À c.c 1/2 chacune ; le 5° jour j'injecte 1,25 ce. c; le lapin meurt pendant la nuit, c'est-à-dire 5 jours 1/2 après l'épreuve, le témoin était mort en moins de 16 heures. Donc survie de à jours. A l’autopsie, on cons- tate, à côté d’un œdème énorme de l'oreille gauche, une pleurésie purulente unilatérale du côté gauche, également accompagnée de péricardite. N° 333. — 4/VI, 1k8,750. A 3 heures 55, injection de culture virulente de swine plague tuant le témoin en 16 heures. À 7 heures 1/4, c'est-à-dire après 3 heures 1/2, le lapin reçoit 4, 5 c. c. de sérum du lapin n° 107. Le lendemain, la température est de 39,1 le matin, de #1°,1 à 4 heures de l'après-midi ; 2 injections de 2 et de 1e. ec. de sérum. 6/VI, 462,665. Oreille œdématiée; 499,4 à dix heures du matin. Injection de 1 c. e. de sérum; à 4 heures, 42. Injection de? c. c. 1/4 de sérum. 7/VI, 9 heures, 39°,9, 1 k8, 550. Injection de { c. ce. 1/2 de sérum ; 7 heures 1/2 du soir 415: injection de MALADIE DES PORCS. 97 4/2 c.c. de sérum. 8/VI, 168,550; 9 heures, 390,7. [Injection de 1,75 c. c. de sérum et 2 injection de la même dose à 5 heures du soir. Le lapin meurt pendant la nuit : il a résisté 4 jours de plus que le témoin. A l’autopsie, on trouve des lésions à peu près identiques à celles du n° 331 ; oreille très tuméfiée et ouverte, pleurésie purulente du côté cor- respondant avec péricardite, une petite partie du poumon est hépatisée. Microbes dans le sang et dans le pus; cultures pures. N° 535. — 8/VI, 155,655. À 9 heures du matin, injection de 1/20 c. c. de culture virulente de swine plaque; la température rectale était de 39 avant l'inoculation. Le témoin meurt pendant la nuit. À 2 heures 45, 3 heures 3/4 après l'injection d’épreuve, le thermomètre indique 40°,2. Injection de 7,5 c.c. de sérum du lapin no198.9/VI, 40°. 1 injec- tion de 2 c. c. à 10 heures du matin. 10/VI, 41°,4 à 10 heures du matin, injection de 2,5 c. c. de sérum. 1M/VI, 1ks,770. L’œdème augmente, 409,3. Injection de 3 ec. c. de sérum. Le 12/VI l'oreille étant trop tuméfiée, je fais quelques petites scarifications avec lavage au sublimé et badigeonnage à la teinture d’iode; j'injecte en outre 3 c. c. de sérum le malin et 2c. c. le soir. 13/VI, #0°,3. Poids 1k8,625. Injection de 2,15 c. ec. le matin et 2 c. c. le soir. Le 14/VI au matin, le lapin est couché sur le côté et, malgré une dernière injection de 3,5 c. c. de sérum, il meurt vers 11 heures du matin. Survie de 5 jours 1/2. Autopsie : Abcès disséminés aux poumons avec hépatisation circonserite aux deux bases. Le sang fournit une culture pure, mais peu abondante. Je n'ai réussi que dans deux cas à préserver le lapin contre la sine plague au moyen d'injections préventives de sérum de lapin vacciné; dans les deux cas, une deuxième épreuve a tué l'animal, ce qui prouve que l’immunité conférée de cette manière n’est pas durable. Dans mes nombreuses expériences, les lapins ont présenté, après injection préventive de 2 ©. ec. et plus de sérum d'animaux vaccinés, une survie évidente et constante vis à vis des témoins, survie qui n'a jamais été constatée chez un lapin neuf. Pour préserver les animaux jusqu'au bout, il eüt fallu avoir à sa disposition un sérum plus actif. Néanmoins il est permis d’affir- mer, d’après les faits cités et de nombreux résultats analogues, que le sérum d'animaux vaccinés, injecté à des lapins neufs, a une action préventive, vaccinante et thérapeutique. Cette action est beaucoup plus manifeste après l'injection intraveineuse qu'après l’inoculation sous-cutanée. Fait à noter, le chien qui avait résisté à plusieurs reprises à des inoculations de 2,5 ce. e. de sang virulent, et qui était par conséquent beaucoup mieux vacciné que les lapins, a fourni un sérum très peu actif; cela tient 7 98 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. probablement à ce qu’il a reçu une quantité de toxine beaucoup moindre relativement à son poids. Je crois pouvoir souscrire à l’opinion émise en premier lieu par M.Metchnikoff, à savoir que le pouvoir préventif du sérum d'animaux vaccinés ne dépend pas de l’état d'immunisation de l’animal, mais qu'il est en rapport direct avec la quantité de toxine injectée. L'action thérapeutique du sérum est à peu près aussi grande que son action préventive, les deux expériences citées en der- nier lieu le prouvent: les lapins traités quelques heures après l'inoculation du virus, à un moment où ils présentaient déjà une élévation notable de température, ont résisté aussi long- temps que ceux qui avaieni reçu le sérum préventif avant linjection du virus. On peut espérer qu’en augmentant la dose de toxine à injecter on pourra, par l'injection du sérum, non seu- lement préserver, mais aussi guérir les animaux déjà malades. A plusieurs reprises, j’ai mélangé de petites doses de culture avec le sérum d'animaux vaccinés; ce mélange, ensemencé au bout de quelques minutes, de quelques heures ou de quelques jours, a régulièrement donné une culture, etson inoculation à des animaux a amené la mort aussi rapidement que l'injection de la culture sans sérum. Conczusioxs : 1° Le sérum d’animaux vaccinés contre ia swine plague n'a pas d'action bactéricide in vitro, et, injecté avec le virus, ne retarde pas la mort du lapin. 20 Deux lapins ont résisté à une injection de culture virulente de swine plaque qui a tué les témoins, à la suite d'inoculation préalable de sérum d'animaux vaccinés. Dans un grand nombre d’autres cas, la résistance a été d’une durée limitée, et les ani- maux sont morts avec un retard sur les témoins, variant de quelques heures à 6 jours. Le retard dépend de l'activité du sérum, de la dose injectée, du mode d’inoculation (dans la veine ou sous la peau) et de lPespace de temps qui s'écoule entre l'injection du sérum et celle du virus. Dans mes expériences, l'injection de sérum n’a plus eu d'action préventive, si l’injection d'épreuve était faite 6 jours après la première; Poptimum paraît se trouver dans les premières 24 heures, mais il vaut mieux attendre quelques heures entre les deux injections. 3° L'injection de sérum faite après celle du virus, lorsqu'il y a déjà élévation de température, retarde la mort à peu près dans MALADIE DES PORCS. 99 la même mesure que l'injection préventive. En augmentant l’acti- vité du sérum on pourrait, d’après ces résultats, obtenir un effet préventif et thérapeutique efficace. 4° Les animaux ayant résisté à une épreuve de culture virulente, grâce au sérum préventif, n’ont pas acquis de ce fait une immunité durable; une deuxième injection d'épreuve a occasionné la mort avec un faible retard vis-à-vis des témoins. 5° Les injections de petites doses de sérum continuées après l'injection d'épreuve, m'ont paru retarder la mort, mais pas en proportion de la quantité totale injectée. B. Pneumoentériie. — Pas plus que pour la swine plaque, je n'ai constaté 1c1 de pouvoir bactéricide in vitro; des microbes de pneumoentérite, laissés pendant plusieurs jours au contact du sérum d'animaux vaccinés, ont toujours donné des cultures par ensemencement, je n'ai pas examiné si la virulence avait été atténuée. Par contre, l’action préventive a été plus accusée que pour la swoine plague, bien qu'il se fût agi d’un microbe beaucoup moins virulent, et que le sérum dont je me suis servi ait été retiré d’un lapin vacciné avec une quantité de toxine relativement faible, ce qui me porte à croire qu'il y a encore un autre facteur en Jeu. Les deux lapins qui ont reçu des injections de ce sérum ont survécu à l'épreuve, à savoir : N° 326. — 30/V, 13,800. Injection de À ce. c. de sérum du lapin n° 238 vacciné contre la pneumoentérite. Le lendemain, injection de 3/10 e. ce. de sang virulent. Le témoin meurt avant 48 heures. 1/VI, 39°,6 Tuméfaction de l'oreille. 2/VI, 409,7 le matin, 40°,5 à 7 heures du soir; deuxième injection de 2 c. c. 3/VE, 168,810; 390,5 à 2heures de l'après-midi; injection del c. c. de sérum. 4/VE, 165,700; à { heure 39°,5, quatrième injection de 4,5 e. c. de sérum. L'abcès de l'oreille commence à se ramollir; le 9/VE, la peau recouvrant cet abcès se détache et le lapin se remet entièrement, N° 346. — 15/VI, 1k8,710. Injection de 10 c. c. de sérum du lapin n° 938. Une heure plus tard, injection de 3/10 e. c. de sang virulent de pneumoen- térite. 16/VI,8 heures du matin 41°; { heure soir, 40°,7. 17/VE, 400. L8/VE, 4k8,550; 39,7 à 4 heures de l'après-midi; injection de 5 €. c. de sérum. 20/VI, 1%8,415. Nouvelle injection de 5 ce. c. de sérum. A partir de ce jour, l'animal augmente de poids, se remet et continue à se bien porter. ? témoins, dont l’un avait reçu du sérum de lapin normal, sont morts le 17 et le 18/VE. 100 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. On peut, au moyen d’injections de sérum de lapin vacciné, immuniser des lapins contre une injection de pneumoentérite virulente. Ce résultat confirme ceux de M. Metchnikoff. C. Expériences comparatives de sérothérapie.— Il était intéressant de savoir si le sérum de lapins vaccinés contre la swine plague conférait aussi un certain degré d’immunité contre les virus du hog cholera et de la pneumoentérite. Voici des expériences entreprises à cet effet : N° 325. 30/V.— Injection de 5 c.c. de sérum du lapin n° 107 vacciné et éprouvé contre la swine plague. 31/V, après 24 heures, injection de 1/10 de c.c. de sang virulent de Log cholera. Le témoin meurt en 18 heures. Le 1/VI forte hypérémie ; le 2/VI, le lapin accuse 42° de température à 8 heures du matin; l'oreilleestpendante; deuxième injection de sérum à6 heures du soiret mort à 7 h. 1/2. Le lapin inoculé avec le sérum préventif a résisté 30 heures de plus que le lapin neuf. N° 307. 1k8,440. — Injection de 4,5 c.c. de sérum du lapin n° 107 vac- ciné contre la swine plague; inoculation d’épreuve de Log choléra au bout de > heures. Le lapin présente un fort œdème et meurt 21 heures après l'in- jection du virus; le témoin, qui pesait 1k£,715, meurt 5 heures plus tôt. Ici aussi l’action était évidente. mais le lapin était trop jeune. N° 324. 30/V. — Injection de 4 c. c. de sérum du lapin n° 107 vacciné contre la swine plaque. 31/V, après 24 heures, injection de 3/10 c. ce. de sang virulent de pneumo-entérite. Le témoin meurt en 42 heures. A/VI,9 h. 30 matin 410,6. Oreille tuméfiée. 2/VI,8 h. 30 du matin, 402,5, injection de 2 c. c. de sérum.3/VI, 39°,7; nouvelle injection de 1 c.c. de sérum. 4/VI, 400,6, injection de 1/2 c. e. de sérum, et le 5/VI, dernière injection de 4 c.c. Le lapin avait reçu en tout 9 c. c. de sérum : il avait été éprouvé et traité parallèlement avec le lapin n° 326 qui a été préservé au moyen de 8 c. c. de sérum de lapin vacciné contre la pneumoentérite. Cobaye n° 6. 17/VII. Injection sous-cutanée de 2 c. c. de sérum du lapin n°107 vacciné contre la swine plague. 18/VIX, injection de 3/10 c. ce. de sang de pneumoentérite. Le témoin meurt dans la nuit du 19 au 20/VII. Le cobaye a de la fièvre les jours suivants (40°,3 le matin) avec tuméfaction au point d'inoculation ; au bout de quelques jours, l’abcès se délimite et le cobaye continue à se bien porter. Cobaye n° 3. 12/VIL. 10 h. Injection sous-cutanée de 2 c. c. de sérum du lapin ne 107 vacciné contre la swine plaque: nouvelle injection de 2 c. c. le 14/NIT. Un quart d'heure après, injection de 3/10 c. c. de sang virulent de pneumoentérite qui tue le témoin en 52 heures; le cobaye ne tarde pas à se remettre. Ce même sérum de lapin vacciné contre la swine plaque a été injecté à la dose de 2 e. €. à un autre cobaye (n° 5), que j'ai éprouvé ensuite contre la swine plaque; l'animal a succombé en 25 heures, 3 heures seulement après le témoin, MALADIE DES PORCS. 101 Ces quelques expériences nous montrent qu'un sérum de lapin vacciné contre la swine plaque, impuissant à préserver des animaux contre cette maladie, immunise des lapins et des cobayes contre la pneumoentérite. Son action préventive contre le virus du og cholera est aussi évidente que pour celui de la swine plaque. Ces résultats confirment ceux obtenus avec les animaux vaccinés et viennent à l'appui de la conclusion émise plus haut. CONCLUSIONS GÉNÉRALES 1. Les maladies des pores connues sous les noms de swine plague (Salmon), hog choléra (Salmon) et pneumoentérite infec- tieuse sont dues à un seul et même virus. Bien que différant par quelques caractères morphologiques, les trois microbes se sont montrés analogues au point de vue des produits microbiens, des propriétés pathogènes, des symptômes morbides et des lésions chez les animaux {lapin, cobaye, souris, pigeon). 2. Les différences de virulence et de toxicité ne sont que quantitatives. On peut admettre qu’elles ont été occasionnées par des influences extérieures, vu que ces différences ne sont pas constantes. 3. La vaccination des lapins contre le microbe virulent a été obtenue au moyen de sang et de cultures stérilisés; elle dure au moins quelques mois. Les animaux vaccinés contre le virus le plus actif sont réfractaires aux microbes moins virulents, mais l'inverse n’a pas lieu : les animaux immunisés contre le microbe le moins virulent ont succombé à l'injection d’un microbe plus exalté, en présentant, il est vrai, une résistance de beaucoup supérieure à celle des témoins. Pour généraliser la méthode et obtenir des résultats certains, ilest donc indispensable de prendre le microbe le plus virulent comme point de départ. 4. L'immunisation est également possible au moyen d’in- jections de sérum d’animaux vaccinés; dans ce cas, elle n’est que passagère. 5. Tout porte à croire que ces résultats s’appliquent aussi au porc et, en continuant les expériences sur cet animal, on peut espérer obten’r un sérum capable d'exercer une action préven- tive et thérapeutique efficace. 102 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. BIBLIOGRAPHIE 4. ArANASSIEFF W. À. Arb. d. Inst. zu Tubingen., t. I, 1892. 2. Banc. Résumé dans Baumgarten Jahresberich, 1892. 3. Brzuncs Frank S. The Nebraska Farmer, 1887, n° 17. 9. 10. 11. 12, 43. 14. 15. 16. 1e 18. Ibid. No 21, p. 462. è Siwine plaque. Lincoln, Nebraska, 1888. D' E. Salmons Swine plague and Hog Chotera critically considered. Lincoln, Nebraska, 1889. American noturalist., 12 mars 1890. Evidence showing that the report, ete. Lincoln, Nebraska, 1890. Prevention of siwine plaque by inoculation. Chi- cago, 1890. The Times and Register. 30 août 1890. Ibid., 1891, n0 4. | The journal of comp. med. et vel. arch. AS91, vol. XII, p. 415. Western Resources. Janvier 1892. Inoculation a preventive of siwine plaque. etc., 1892, Bunzz FEDERN E. Arch. f. Hygiene. Vol. XII, p. 198, 1891. Centralbl f. Bakt. u Paras. Vol. IX, n° 24, 1891. CANEvA G. Jbid. Vol. IX. no 17, 1891. CorniL et CHANTEMESSE. C. R. de l'Ac. des Sc., 1887, p. 1281. 49: 20. 91% 22. = Ibid. 1888, t. OVI, p. 612. Froscn. Zeitschr. [. Hygiene. Vol. IX, p. 235, 1890. Ibid. Vol. X, p. 507, 1891. GazTier. C. R. de l’Ac. d. Sc., 1889, t. CVIIT, p. 626 et p. 822. 23. JerrRies. The journ. of comp. med. el vetler. arch. 1890, XI, p. 681. 24. Kzei E. Fortschr. d. Med. 1888, vol. VI, p. 929. 25. Mercnnixorr E. Ces Annales. 1892, p. 289. . 26. Nocarp. Bull. de la Soc. centr. de méd. vet. 1892, XLI, p. 242. 27. 28 29: 30 31. 32. Novy. Medical News. 1890, no 10. . Raccucua. Centralbl. f. Bakt. u Paras. VIE, 1890, no 10. Arbeiten d. Institut zu Tubingen, 1899, vol. [, 2% cahier. . Rirscu et JogerT. C. R. de l'Ac. d. Sc., 1888, t. CVI, no 15. SALMON E. Second annual report. Washington, 1886. et Suira TH. The american monthly microsc. Journal. 1886, novembre. Report of the Commissioner of Agriculture for the year 1886, p. 603. Washington, 1887, Ibid. 1888. The journ, of comp. med. et surg. 1889, vol. IX, no 2. MALADIE DES PORCS. 103 — Report of the Agric. Department, 1889, p. L48. — Ibid. 1889. — Hog cholera. Washington, 1889. — Report of the Agric. Department, 1889, p. 159. — The journ. of comp. med. and veler. arch. Vol. XI, 1890, p. 41. — Siuine plague. Annual Report of the Bureau of animal industry, VE et VII. = Results of experiments with inoculation for the prevention of Hog cholera. Washington, 1892. = Annual Report, VI et VIT. D. ScHUTZ. Arb. a. d. Kais. Ges. Amt. 1886, t. I, p. 376. DE SCHWEINITZ. Philadelph. Medic. Nerws, 1890, p. 237. — Ibid. 1892, 24 septembre. SELANDER. Centralbl. f. Bakt, 1888, vol. IT, no 12. — Ces Annales, 1890, p. 546. . SHAKESPEARE E. Supplemental Report, 1891. . Suiru TH. Centralbl. f. Bakt, IX, n° 8/10, 1891. — Zeischr. f. Hygiene, 1891, vol. X, p. 480. — Special Report on the cause and prevention of swine plague. Washington, 1891. Wecca. The Johns Hoplins Hospital Bulletin, 1889, 1% décembre. MYÉLITES INFECTIEUSES EXPÉRIMENTALES PAR STREPTOCOQUES Par MM. F, VIDAL er F. BEZANCÇON (Travail du Laboratoire de M. le Professeur Cornil). AVEC LES PLANCHES I ET II I Depuis une douzaine d'années, la question de l’origine infec- tieuse des myélites aiguës et des scléroses cérébro-médullaires est à l’ordre du jour. Le mémoire fondamental de M. Marie : a été un des points de départ de cette orientation étiologique. Les arguments cliniques en faveur de cette thèse s'accumulent de jour en jour plus nombreux, et l’on devait s'attendre à voir les expérimentateurs s'efforcer de donner une sanction à cette opi- nion, en tentant de reproduire, chez les animaux, des lésions encéphalo-médullaires, après inoculations microbiennes. Il a été fait, dans cette direction, diverses recherches que nous allons d’abord résumer. La rage est, parmiles maladies expérimentales, celle qui a été tout d’abord connue pour déterminer des paralysies chez le lapin. L'étude symptomatique de ces paralysies a été faite par M. Roux : dans sa thèse inaugurale. Les lésions médullaires ont été depuis l’objet des recherches de Gamaleia *, de Schaffer ‘, de Babes’, de Golgi 5, de Letinois *. MM. Babinski et Charrin* ont signalé des paralysies con- sécutives à l’inoculation du bacille du pus bleu. , MM. Grancher, H. Martin et Ledoux-Lebard”°, ont déterminé des paralysies se généralisant aux quatre membres, par inocula- 4. Marie, Progrès médical, 1884, p. 287. 2. Roux, 7h. de doctorat, Paris, 1883. 3. GAMALEIA, Sur les lésions rabiques, Ann. de l'Institut Pasteur, A887, Be Re en Nouvelle contribution à la pathologie et à l’histo-pathologie de la rage humaine, Annales de l'Institut Pasteur, 1889, p. 644. . BABES, Annales de l'Institut Pasteur, 1592, p. 209. . Goccr, Berlin. Klin. Wochenschrift, 1894, p. 325. . Leninois, Rage paralytique du lapin, 7h. Bordeaux, 1895. . BaBinskr et CHaRRiN, Soc. de biologie, 10 mars 1888. 9. GrancHeR et Leboux-LeBarp, Soc. de biologie, 14 février 1891, et Arch. de Médecine expériment., mars 1891. IQ © co Annales de l'Institut Pasteur. BAT À. Fermanski ad.nat del.et lith. Impiss Lemeroier, Paris. 1steur nsütut Fa 1 1 JT es de li | L Anna À.Karmanskiadnat.del. MYÉLITES INFECTIEUSES EXPÉRIMENTALES. 105 tions de culture de tuberculose aviaire. MM. Gilbert et Lion * ont fait semblable constatation chez un cobaye inoculé avec du tubercule humain. MM. Roux et Yersin * avaient, dès 1888, déter- miné des paralysies par inoculation du bacille de la diphtérie ou de sa toxine, et n'avaient pu constater de lésions appré- ciables du système nerveux. Chez trois chiens ayant reçu une injection sous-cutanée de toxines diphtéritiques, Enriquez et Hallion * ont observé des lésions importantes de la moelle. Deux fois sur trois, ils ont noté dans la substance blanche des foyers de sclérose névro- glique, au premier stade de son évolution, avec destruction de fibres nerveuses. M. Vincent ‘ a observé un cas de myélite ascendante aiguë chez un lapin inoculé avec un bacille d'Eberth associé lui-même à un microbe pathogène d'espèce indéterminée. Dans ce cas, existaient simultanément des lésions de myélite diffuse er de névrite périphérique. MM. Gilbert et Lion 5 avaient déjà produit des paralysies par inoculation, au lapin, d’un bacille trouvé dans un cas d’endocar- dite, microbe qui n’était sans doute qu'une variété de coli-bacille. Plus tard, inoculant des lapins par voie intra-veineuse avec un coli-bacille retiré des selles normales d’un homme adulte, ces auteurs © ont vu se développer une paralysie tantôt sans lésion médullaire histologiquement appréciable, tantôt avec dégéné- rescence des cellules multipolaires. Récemment, MM. Thoinot et Masselin ? ont repris cette étude et l’ont développée avec tous les détails qu’elle comporte. Des paralysies consécutives à l’inoculation intra-veineuse de staphylococus pyogenes aurens provenant d’un cas d’acné pilaire, avaient déjà été obtenues par MM. Gilbert et Lion *. Elles 4. Gizserr et Lion, Des paralysies infectieuses expérimentales, Gaz. hebdomad. de médec. et de chirurg , 1891, p. 271. 2. Roux et Yersin, Annales de l'Institut Pasteur, 1888, p. 629, et 1889, p. 273. 3. EnRiouez et Hazcion, Myélites expérimentales par toxine diphtéritique- Revue neurologique, 1834, D. 282. 4. H. Vincexr, Sur un cas expérimental de poly-myélite infectieuse aiguë, Archives de médecine exprimentale, 1893, p. 376. 5. GizBerr et Lion, Société de biologie, avril 1888. 6. GizBerT et Lion, Société de biologie, 13 février 1892. 7. Taoinor et MasseziN, Deux maladies expérimentales à type spinal, Revuede médecine, 1894, p. 449. 8. Gicsert et Liox, Des paralysies infectieuses expérimentales, Gaz. hebdomad. de médec. et chirurg., juin 4891, 106 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ont également fait l’objet d’une étude récente et détaillée de MM. Thoinot et Masselin !. Nous arrivons à Phistoire des paralysies expérimentales à streptocoques. Manfredi et Traversa* ont produit des accidents paralytiques ou convulsifs passagers, chez la grenouille, le lapin ou Le cobaye, par injections de cultures de streptocoques stéri- lisés. MM. Vaillard et Vincent* ont signalé incidemment ce fait que l’inoculation du streptocoque dans le sang du lapin amène quelquefois une paraplégie flasque du train postérieur, suivie de la mort plus ou moins tardive de l'animal. Roger ‘ a déterminé chez des lapins une atrophie musculaire progressive à évolution lente, par inoculation d’un streptocoque dontla virulence-s’était atténuée après culture successive, pendant dix mois, sur du sérum de lapin. Anatomiquement, la lésion était caractérisée par des dégénérescences des cellules nerveuses, limitées aux cornes antérieures de la moelle, sans altération de la substance blanche. C'est encore en inoculant un streptocoque sans virulence que Bourges ” obtint par hasard chez un lapin une myélite à corps granuleux, ayant détruit presque entièrement la moelle au niveau du renflement lombaire, et altéré les cellules ner- veuses de la substance grise, sur toute la hauteur de la moelle. Cette myélite avait produit une paraplégie complète du train postérieur avec paralysie des sphincters, eschare fessière et atrophie musculaire des membres. Tel est à peu près le bilan de nos connaissances sur les para- lysies infectieuses expérimentales. . L'étude des lésions médullaires occasionnées par l’inoculation du streptocoque et la recherche des conditions étiologiques présidant à leur développement nous ont paru présenter un intérêt tout particulier, et mériter de nouvelles recherches systé- matiques. De tous les microbes saprophytes de l’homme, le 1. Taoïnor et MAssELiN, Loc. cit. 2. Marreot et TraversA, Giorn. tntern. delle scienze mediche, 1888, p. 456, 3. Varzzarp et Vixcexr, Recherches bactériologiques sur la grippe. Société médicale des hôpitaux, 1890, p. 87. 4. Rocer, Atrophie musculaire progressive expérimentale. Annales de lfnst. Pasteur, 1892. 5. Bources, Myétite diffuse expérimentale En érysipélocoque, Archives de médecine expérimentale, 1893. , MYÉLITES INFECTIEUSES EXPÉRIMENTALES. 107 streptocoque est, en effet, celui qui récupère le plus facilement sa virulence. N’avons-nous pas sans cesse à en redouter les assauts francs ou sournois, qu'il agisse comme facteur d'infection primitive dans l’érysipèle ou diverses septicémies, où comme facteur d'infection secondaire dans la fièvre typhoïde, la variole, la scarlatine, la rougeole, la diphtérie, toutes maladies qui peuvent se compliquer de myélites ? Il Nous avons cherché à reproduire chez le lapin des myélites expérimentales en nous rapprochant autant que possible des conditions de la clinique. Pour cela, nous avons, avec des strep- tocoques de provenances les plus variées, inoculé un grand uombre d'animaux, que nous avons laissés longtemps en obser- vation. Depuis le mois de novembre 1893 jusqu’au mois de mai 1894, nous avons inoculé 116 lapins avec les cultures de 89 streptocoques, provenant des sources les plus diverses et doués des virulences les plus variées. Voici l’'énumération des sources où nous avions puisé nos streplocoques : 20 bouches normales, #9 bouches pathologiques (érysipèle, scarlatine, rougeole, variole, angines pultacées, phlegmoneuses, pseudo- membraneuses, diphtéritiques, fièvre typhoïde, grippe, pneu- monie, etc.), un duodénum normal, dix infections puerpérales, une lymphangite, cinq plaques d’érysipèle, un abcès typhique, un purpura, une mammite contagieuse. Chez 7 animaux sur 116, soit dans 6 0/0 des cas, nous avons assisté au développement de symptômes paralytiques, variables dans leur allure clinique, et apparaissant de sept jours à deux mois après l’inoculation. Les streptocoques dont l’inoculation a déterminé des paralysies provenaient une fois de la bouche d'un érysipélateux, uue fois de la bouche d’un varioleux, une fois de l'utérus d’une femme atteinte d'infection puerpérale, deux fois d’une même bouche normale (dans ces deux cas la virulence du streptocoque avait été exaltée par association avec le coli-bacille). Dans les deux derniers cas, la paralysie avait été obtenue par inoculation en série d’un streptocoque retiré d'une fausse membrane pseudo-diphtéritique. Les sept animaux devenus paralytiques avaient été inoculés 108 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de la façon suivante : quatre d’entre eux dans Île tissu cellulaire de l’oreille avec 1,5 c. c. de culture, deux autres simultanément dans les veines et le tissu cellulaire. Le dernier enfin avait reçu dans le tissu cellulaire d’une oreille 1,5 c. c.de culture de strep- tocoques, etlelendemain 1,5 c. c.de culture decoli-bacille virulent dans le tissu cellulaire de l’autre oreille. Dans deux cas l’inoculation avait été immédiatement suivie de l’évolution d’un érysipèle intense, dans un cas de tuméfaction localisée de la base de l'oreille avec fièvre et symptômes généraux; dans deux cas de tuméfaction de l'oreille avec fièvre légère, dans un cas de tuméfaction localisée au point d'inocu- lation sans fièvre, dans un cas de fièvre légère sans réaction locale. L'apparition des phénomènes paralytiques n’est pas néces- sairement liée à l'atténuation de la virulence du streptocoque. comme semblaient le prouver les cas observés par Roger et. Bourges; nos observations montrent qu'ils peuvent survenir aussi bien à la suite d’érysipèle que d'infection atténuée. Dans nos sept cas, la paralysie s’est terminée par la mort, 13 jours, 15 jours, 25 jours, 32 jours, 37 Jours, 45 jours, 70 jours après l’inoculation. Tantôt la myélite a suivi sans rémission les symptômes infectieux consécutifs à l’inoculation, tantôt les troubles morbides ont évolué en deux temps : après la disparition de l’érysipèle ou de l’abcès local, la fièvre était tombée, l'animal semblait guéri, lorsque brusquement la température se relevait et cette ascen- sion était suivi à bref délai de l’évolution d’une paralysie. Dans quelques cas enfin, l’inoculation n’avait pas été suivie de symp- tômes infectieux appréciables, et la paralysie avait été pour ainsi dire la première manifestation clinique de l'infection. En général les symptômes médullaires apparaissent brus- quement, sans cause appréciable, et au moment où l'on sy attend le moins. Dans un cas cependant, nous avons pu saisir ne cause provocatrice immédiate. Un lapin mâle inoculé depuis deux mois avait toujours été en parfaite santé. On l’approcha d'une femelle et il! tomba brusquement en paralysie, dès son premier essai d’accouplement. Sa moelle était déjà malade, sans doute, et la cause occasionelle n’avait fait que précipiter l’appa- rition de la paralysie préparée par l'infection antérieure. En MYÉLITES INFECTIEUSES EXPÉRIMENTALES. 109 pathologie humaine, le coup de froid ou la fatigue ne jouent probablement pas un rôle plus important dans la genèse des myélites aiguës dites spontanées. TTL Les symptômes médullaires ont présenté suivant les cas une évolution différente. Tantôt ils ont revêtu l'allure d’une para- plégie flasque, tantôt celle d’une paraplégie avec contracture. Dans trois de nos observations, la paraplégie flasque a porté sur le train postérieur. L'aspect de l’animal était caractéris- tique; les membres postérieurs étaient affaissés et tout le poids du corps portait sur les pattes de devant. L'animal n’avancait qu'avec une peine extrême, en rampant et en traînant pour ainsi dire à la dérive ses deux membres postérieurs. Suspendu par les oreilles, l'animal ne cherchait pas à se débattre, ses pattes pen- daient inertes, et ne réagissaient pas aux piqures ou excitations. La paralysie était flasque, si bien que les pattes pouvaient être étendues ou fléchies sans qu'on y sentit de contracture. Dans un cas, læ paralysie élait devenue partiellement ascen- dante et avait gagné le membre antérieur du côté droit. Aussi l'animal au repos restait incliné du côté droit et ne pouvait garder l'équilibre quand on cherchait à le redresser. La para- plégie flasque a toujours eu une évolution rapide variant entre 2, 3 et 4 jours. Dans trois cas, nos animaux ont présenté des contractures d’une allure toute spéciale. Deux fois, les contractures étaient généralisées aux quatre membres, au tronc, et mème à la tête qui était renversée en arrière, en opisthotonos. Ces contractures s’exagéraient par paroxysme, et à cerlains moments donnaient à l'animal les atti- tudes les plus bizarres. Dans un cas l’animal présentait parfois de véritables syncopes. Un troisième animal eut des contractures localisées à un seul côté du corps, de forme hémiplégique, et se présentant dans des conditions telles, qu’elles méritent d'être rapportées avec quelques détails. Ce lapin, 12 jours après son inoculation, commence par présenter une démarche sautillante, boîte à cer- tains moments et déjà est atteint d'une maigreur extrême. 110 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Lorsqu'on le tient suspendu par les oreilles, la patte droite pend plus inerte que la gauche. Les jours suivants, la tête s’in- cline à droite en contracture, et présente des mouvements spas- modiques parfois réguliers. Elle résiste quand on veut la ramener dans la rectitude et reste toujours inclinée à droite. À certains moments cependant, la contracture semble céder quelque peu. Bientôt le corps, contracturé dans toute la moitié droite, reproduit un arc de cercle dont la concavité est tournée à droite. Cette contracture diminue &'intensité à certains moments ; l'animal peut alors marcher, mais toujours contracturé à droite. De temps en temps ilest pris de mouvements giratoires qui l'entraînent de façon à lui faire faire un tour complet sur lui- même et toujours à droite. Quand on le met sur le dos ou seulement sur le côté, 1l se redresse avec la plus grande diffi- culté et quelquefois en roulant plusieurs fois sur lui-même. Cinq jours après le début de la contracture, une détente semble se manifester. La démarche est plus habile, mais le corps est toujours en demi-cercle à droite, avec contracture du même côlé. Les jours suivants, la contracture reparaît aussi intense, l’animal saute constamment dans sa cage en décrivant toujours un arc de cercle à droite. La tête, sans cesse contracturée de ce côté, est inclinée aussi bas que possible. Remis à terre sur le flanc droit, l'animal est repris de mouvements gyratoires, pre- nant parfois l’allure épileptiforme. Les yeux sont convulsés en haut et présentent des oscillations nystagmiformes verticales. L'animal mourut 13 jours après le début de ces contractures, avec une température de 41°. Depuis le jour de l’inoculation, la température n'avait d'ailleurs cessé d’être élevée. Tous nos animaux ont présenté un amaigrissement considé- rable de leurs muscles périphériques. Nous avons noté presque toujours de la diarrhée, de l’incontinence des matières fécales, de la rétention d'urine. Nous avons observé non seulement des syncopes, mais encore parfois une dyspnée, caractérisée par une fréquence extrème des mouvements thoraciques. Nous avons pu compter jusqu’à 100 respirations par minute. La fièvre enfin n’a jamais manqué pendant l'évolution de la maladie dont la durée, dans nos cas, a varié entre 2 et 13 jours, MYÉLITES INFECTIEUSES EXPÉRIMENTALES. 114 IV La moelle a été examinée dans quatre cas. — A l’œil nu et à l’étatfrais,elle ne présentait aucune lésion appréciable. On ne trou- vait ni altération méningée, nifoyer de ramollissementmédullaire. Dans un cas, après deux mois de séjour dans le liquide de Müller, l’une des moeiles présentait, sur des sections transver- sales pratiquées à divers étages, une modification très apparente, consistant en une décoloralion très marquée des cordons posté- rieurs el de la partie postérieure des cordons latéraux. La cou- leur blanchâtre de ces parties tranchait nettement sur la teinte brune des autres régions. À première vue, on aurait pu croire à une sclérose systématisée, mais l’examen histologique va nous montrer tout à l'heure que ces zônes blanchâtres correspondaient simplement à des foyers de dégénérescence aiguë plus marquée des tubes de la substance blanche. Nous insistons sur cet aspect qui pourrait facilement prèter à une erreur d'interprétation. Remarquons que Schalfer ({. c.. p.248), a vu et figuré des bandes de dégénérescence, se présentant macroscopiquement sous un aspect analogue, au niveau des cordons postérieurs dans des moelles rabiques durcies dans le liquide de Müller. Chez celui de nos lapins dontla moelle présentait cette alté- ration macroscopique, les symptômes paralytiques avaient duré pendant 13 jours. La paralysie des trois autres animaux n'avait duré que 2 à 3 jours. Étude histologique. — Les coupes de moelles de nos ani- maux ont été lraitées par la méthode de Pal, et colorées au picro- earmin et à l’hématoxyline, à la safranine et au bleu de méthy- lène phéniqué. La recherche des streptocoques a été pratiquée par la méthode de Weigert. L'examen histologique a révélé dans tous les cas des lésions diffuses, de nature dégénérative et d'intensité variable, portant sur les divers segments, et frappant à la fois l’axe gris et les cor- dons blancs. Ces lésions étaient à leur maximum, précisément dans le cas où existaient des altérations visibles à l'œil nu, après durcissement dans le liquide de Müller. Substance grise. — Elle est intéressée dans toute la hauteur de la moelle, mais les lésions portent principalement au niveau du renflement lombaire. 112 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Les grandes cellules multipolaires des cornes antérieures sont les éléments les plus profondément modifiés de la substance grise ; elles présentent des degrés variables de dégénération ; quelques-unes même paraissent épargnées par le processus. Sur certaines préparations on voit disposées, dans le champ du microscope, des cellules voisines présentant divers degrés d’altération (fig. 1, planche 1) et frappées de dégénérescence granuleuse, vacuolaire, vitreuse ou d’atrophie. Dégénérescence granuleuse. — Les cellules frappées de dégéné- rescence granuleuse sont très hypertrophiées. Leurs angles sont émoussés, leur contour arrondi et leur aspect globuleux. Les prolongements protoplasmiques ont disparu et le prolongement de Deiters, tuméfié, persiste seul dans certains cas. Le proto- plasma coloré enrose pâle par le carmin est semé de nombreuses et fines granulations. Le noyau est en général normal et le nucléole presque toujours apparent. Sur certaines cellules cependant, le nucléole n’est plus visible. Dégénérescence vacuolaire. — Ge mode de dégénérescence pré- sente, suivant les cellules, des degrés variables d'intensité. La dégénérescence granuleuse et la dégénérescence vacuolaire se trouvent parfois combinées dans le même corps cellulaire. Les vacuoles sont parfois en petit nombre, et siégent alors au centre ou aux extrémités de la cellule. Souvent elles sont abondantes; tantôt alors elles sont localisées à la périphérie et donnent au contour cellulaire un aspect polycyclique, tantôt elles envahissent toute la cellule, qui ne se distingue plus que par son noyau et par quelques minces brides protoplasmiques intervacuolaires (fig. IE, planche 1). Ces cellules en dégénérescence vacuolaire sont tou- jours considérablement augmentées de volume. Atrophie cellulaire. — La dégénérescence vacuolaire, si la lésion progresse, aboutit à l’atrophie cellulaire. Lorsque la vacuo- lisation est devenue complète, la cellule disparaît ou n’est plus représentée que par une mince lame de protoplasma et par un noyau atrophié refoulé contre les parois de la loge qui semble alors complètement vide. Sur certains points, plusieurs loges voisines apparaissent ainsi vides de tout élément et la région correspondante de l'axe gris apparait criblée de trous. Dégénérescence vitreuse. — Les cellules frappées de ce mode de _ MYÉLITES INFECTIEUSES EXPÉRIMENTALES. 113 dégénération apparaissent en général tuméfiées, informes, réfrin- gentes, semblables à de gros blocs vitreux qui semblent coulés dans la loge à la place des cellules. Parfois ces cellules sont comme ratatinées. Elles prennent mal les matières colorantes, leurs prolongements ne sont plus visibles el leur noyau ne peut plus en général être isolé par les réactifs. Dans certains cas pourtant, en faisant varier la mise au point du microscope, on finit par deviner les vestiges du noyau. La névroglie de la substance grise est peu modifiée ; ses fibrilles sont légèrement tuméfiées et plus difficiles à distinguer qu'à l’état normal, et l’on ne constate aucune trace de réaction inflam- matoire de ce tissu. De place en place, au voisinage des cellules multipolaires malades, on constate quelques gros corps granuleux. La figure 3, planche I, représente un de ces corps abordant une cellule en dégénérescence. Les tubes nerveux sont en général peu altérés. Le cylindre- axeestcependantsur certains points manifestement hypertrophié. Le canal de l’épendyme est normal. Les lésions vasculaires sont très intenses au niveau de l'axe gris, et portent principalementsur les capillaires des cornes anté- rieures et des commissures. Ces vaisseaux très apparents sur les coupes sont gorgés de sang, particulièrement au niveau du ren- flement lombaire. Les parois sur certains points sont rompues, et le sang extravasé forme dans le parenchyme voisin de véri- tables infarctus hémorrhagiques. Maisles vaisseaux, pas plus que la névroglie, ne présentent trace de processus inflammatoire ; leurs parois ne sont pas épaissies, et l’on ne décèle pas d'infiltra- tion leucocytique à leur intérieur ou à leur périphérie. Les lésions de la substance grise dans nos cas présentaient une intensité beaucoup plus marquée que dans ceux de Roger. Cet auteur dit que, dans la plupart des cellules des cornes anté- rieures de ses animaux, le noyau résistait longtemps et contras- tait par son intégrité relative avec la dégénérescence du proto- plasma. Dans les moelles que nous avons examinées, les lésions de certaines cellules se rapprochent de la nécrose de coagula- tion et ressemblent, en cela, à celles que produit le coli-bacille. Les lésions de la substance blanche n'offraient pas moins d'intérêt. 8 114 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Cordons blancs. — Ils présentaient des degrés d’altération variables. Discrètes dans les trois cas, où la moelle durcie dans le liquide de Müller ne présentait pas de modifications appréciables à l'œil nu, les lésions histologiques étaient à léur maximum dans la moelle qui offrait au niveau des cor- dons postérieurs cette décoloration toute spéciale dont nous avons parlé. Les zones décolorées, rappelant à première vue l’as- pect de bandes de sclérose, correspondent à des lésions dégénéra- tives en foyer de la substance blanche. La méthode de Pall ne per- met pas, en effet, de faire de différenciations sur les coupes entre les diverses parties de la substance blanche comme dans les cas de sclérose. Une plaque sclérosée tranche nettement sur le reste de là préparation par suite de l'absence de myéline; la plaque de dégénération où la myéline, quoique modifiée, est cependant conservée, se confond au contraire à un faible grossissement avec les autres régions des cordons blancs. L'étude des coupes traitées par le picro-carmin et l’héma- toxyline décèle les détails de la lésion. Toute la zone dégénérée est uniformément teintée en rose pâle ; à son niveau, on ne trouve plus trace de structure, et son aspect tranche ainsi sur les régions avoisinantes qui présentent un aspect de mosaïque fourni par la juxtaposition des cylindre-axes, sectionnés transversalement. Par ce procédé, on peut voir que tout le cordon postérieur n'est pas uniformément altéré. Seules, les zones correspondant aux faisceaux de Goll et de Burdach chez l’homme sont dégénérées, tandis que la zone sulco-marginale et la zone marginale externe dé Westphall sont relativement conservées. I y a là une topographie des lésions qui rappelle celle obser- vée dans certains cas de tabes cervical au début, Les lésions histolosgiques observées sont identiques dans les quatre cas et ne diffèrent, nous l’avons dit, que par leur intensité, de sorte que, pour les cordons blancs comme pour la substance grise, On peut faire uñe étude d'ensemble des lésions. Les lésions sont d'ordre dégénératif et frappent chaque tube isolément, de sorte qu'on rencontre des tubes sains épars au milieu de tubes malades. On peut étudier ainsi sur des tubes voisins toute la gamme des lésions dégénératrices de la myéline et du cylindre-axe. En certains points, la lésion à frappé non plus isolément, mais en bloc, un certain nombre de tubes voi- MYÉLITES INFECTIEUSES EXPÉRIMENTALES. 415 sins, constituant ainsi dans la substance blanche de véritables foyers nécrosiques. Les tubes sont atteints dans leurs diverses partiés consti- tuantes. La gaine de myéline est profondément modifiée, disten- due, bosselée, souventinforme. La myélineestgranuleuse, à peine colorée, en général, par la méthode de Pall; elle ne se distingue parfois que par un liséré noirâtre enserrant dans son intérieur la partie granuleuse. Souvent toute trace de gaine a disparu, et l'on ne voit plus sur le champ de la préparation que des gout- telettes d'apparence graisseuse, parfois énormes. Le cylindre-axe présente des altérations qui semblent parfois avoir été les premières en date. La myéline est encore peu altérée, quelquefois même normale, et le cylindre-axe apparaît déjà hypertrophié. En général, les lésions de la myéline et du cylindre-axe suivent une marche parallèle, et le cylindre-axe doublé, triplé et même quintuplé de volume, apparaît au milieu de la myéline granuleuse avec laquelle 11 se confond facilement. Le cylindre-axe présente de plus des contours irréguliers ; il est déformé, bosselé, et prend sur les coupes transversales des aspects en Z ou en croisssant; son hypertrophie n’est d’ailleurs pas généralisée à toute sa longueur, elle ne se voit que sur cer- taines parties du trajet, de sorte que sur les coupes longitudi- nales, le cylindre apparaît variqueux, moniliform'e (fig. 2, planche Il), renflé en massue (fig. 3, planche IT). Sur certains points, myéline et cylindre-axe sont à peine visibles ou même ont complètement disparu. La trame névro- glique qui le$ sépare est extrêmement distendue; dans certains cas elle s’est rompue où même a disparu, au point de laisser de place en place des loges vides d'éléments. Il est enfin des régions où la névroglie, de même que dans la substance grise, est peu modifiée ; elle n’est le siège d'aucun phé- nomène inflammatoire, mais participe plutôt, surtout au niveau des cordons postérieurs et des petits foyers de dégénération des cordons latéraux, au processus nécrotique des éléments paren- chymateux. De gros corps granuleux chargés de myéline apparaissent en grand nombre à ia périphérie de la substance blanche, dans les espaces lymphatiques que l’on trouve au niveau des encoches ou des sillons. On en rencontre encore au milieu des cordons, 116 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dans les gaines périvasculaires. Les corps granuleux sont beau- coup plus nombreux dans les cas où la mort de l’animal est survenue peu de temps après le début de la paraplégie. ( Notons enfin que, dans aucun cas, nous n’avons trouvé de lésion appréciable soit des ganglions, soit des racines rachi- diennes; à l'examen histologique des nerfs périphériques et des muscles atrophiés, nous n'avons pu déceler la moindre altération. Y En résumé, si nous comparons nos résultats avec ceux jusqu'ici publiés, nous voyons que les myélites expérimentales déterminées chez le lapin par inoculation du streptocoque peuvent se traduire symptomatiquement, soit par des atrophies musculaires à marche progressive (cas de Roger), soit par des paraplésies flasques à marche suraiguë (un cas de Bourges et quatre observations personnelles), soit par des paralysies avec contractures plus ou moins généralisées (trois observations personnelles). Dans tous ces cas, la paralysie s’accompagnait d’amaigrissement très marqué des muscles. Les streptocoques dont Roger et Bourges s'étaient servis pour leurs inoculations étaient très atténués dans leur virulence. Deux de nos obser- vations prouvent que cette atténuation n’est pas nécessaire, et qu'un streptocoque assez virulent pour provoquer un érysipèle intense peut aussi déterminer une myélite aiguë. Dans les quatre cas, dont nous avons pratiqué l'examen, les grandes cellules de la substance grise présentaient toute la série des altérations déjà décrites par Roger, Bourges, Gombault, Thoinot et Masselin. Les lésions de la substance blanche pré- sentaient par contre une intensité que l’on ne retrouve guère que dans les cas de MM. Thoinot et Masselin, cas développés à la suite d’inoculations de coli-bacilles ou de staphylocoques. Les myélites expérimentales occasionnées par le streptocoque reproduisent donc la plupart des lésions décrites dans la myélite aiguë diffuse dite spontanée de l’homme. Il suffit de se reporter à la description et aux planches données par M. Hayem ‘, dans son mémoire de 1874, pour juger de l’analogie de la lésion humaine et de la lésion expérimentale. 1. Haye, Note sur deux cas de myélite aiguë centrale et diffuse, Archives de Physiologie, 1874, p. 603. MYÉLITES INFECTIEUSES EXPÉRIMENTALES. 447 Dans les myélites aiguës humaines, d’origine spécifique, dans celles consécutives, par exemple, à la rage ou à la syphilis, on trouve également des altérations à peu près analogues, por- tant sur les éléments parenchymateux de la substance grise ou de la substance blanche, comme en font foi les examens de Schaffer dans les myélites rabiques, et de Sottas' dans les myélites syphilitiques aiguës. Dans nos cas expérimentaux, deux traits cependant manquent au tableau : le diapédèse leucocytique périvasculaire, et l'hyper- trophie de la névroglie, si fréquemment observées dans les cas de myélite aiguë de l’homme. MM. Auché et Hobbs*?, Œttin- ger et Marinesco *, ont récemment retrouvé en abondance le streptocoque dans la moelle de varioleux morts de myélite aiguë. Dans nos observations, la moelle n’a pas été le dernier refuge du streptocoque : nous n'avons pu le retrouver dans les centres ner- veux ni par la culture ni par la coloration des coupes, et cepen- dant, dans quelques cas, nous avions pu l’isoler du sang et des vis- cères. On ne pouvait donc incriminer l’action directe du microbe pour expliquer les lésions. Les expériences de Spronck ont démontré qu'il suffisait de pratiquer l’ocelusion de l’aorte, pen- dant une heure chez un animal, pour observer, deux jours après cette opération, la dégénérescence des cellules nerveuses de la substance grise et des tubes nerveux de la substance blanche. Ces altérations seraient la conséquence de l’anémie consécutive à l’occlusion passagère de l’artère. Or, dans nos cas, il n’exis- tait pas dans la moelle d’oblitération vasculaire, comme dans certains faits de syphilis médullaire aiguë, et la dégénérescence des éléments ne pouvait s’expliquer par l’anémie. Tout porte donc à croire que les lésions par nous décrites sont de nature toxique et résultent de l’imprégnation des centres ner- veux par les substances solubles d'origine microbienne. La nature dégénérative detoutes ces altérations, qui portent presque unique- ment sur les éléments nobles de l'organe, cellules et tubes ner- 1 Sorras, Paralysies spéciales syphilitiques. Th. Paris, 1894, p. 137. 2. AucHé et Hogss, Contributions à l'étude des complications médullaires de la variole. Congrès de Lyon 1894. 3. OErrinéer et MariwNesco, De l’origine infectieuse de la paralysie ascendante aiguë. Semaine médicale, 30 janvier 4815, p. 45. k. SproNCk, Contribution à l’étude expérimentale des lésions de la moelle épi- nière déterminées par l’anémie passagère de cet organe. Archives de physiologie, janvier 1888. 118 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. veux. etle fait que ces altérations ne sontpas commandées par des lésions vasculaires, sont autant d'arguments plaidant encore en faveur de cette opinion. Il y avait là, véritablement, myélite parenchymateuse diffuse dégénérative. Ajoutons que dans les maladies expérimentales toxiques ou traumatiques, surtout celles décrites par Popoff (Beitr. zur Kenntn. d. acuten tox. Myeli- tis, 1882) et par Babes (Experim Beitr., etc. Arch. [. Dermat.. 1878), on observait, dit ce dernier auteur, une lésion plutôt parenchyma- teuse, avec hyperémie, exsudation de masses hyalines, dégéné- rescence des cellules et surtout des fibres nerveuses, tandis que les lésions inflammatoires des vaisseaux étaient moins pronon- cées. Des lésions dégénératives des cellules des cornes anté- rieures ont été observées également par Achard et Soupault! dans l’intoxication alcoolique aiguë. Enfin le développement dans la moelle de toutes les lésions que nous avons décrites peut être très rapide. Il y a longtemps déjà que M. Joffroy ?, déterminant chez les animaux des myélites expérimentales, en traumatisant la moelle et en l’irritant avec des caustiques, a vu se développer au bout de cinq jours une hypertrophie caractéristique du cylindre-axe. Cette même lésion a été retrouvée par Charcot chez un soldat, mort 24 heures seulement après que la moelle avait été sectionnée par une balle. Les altérations des grandes cellules des cornes anté- rieures ne sont pas moins rapides dans leur développement. Dans un cas de Thoinot et Masselin, il n’a pas fallu plus de 15 heures pour les amener à un état vacuolaire très pro- noncé. L'étude des myélites expérimentales à colibacilles à déjà donné la clé de la pathogénie des paralysies des urinaires. Cette étude des myélites expérimentales à streptocoques peut aider à comprendre la genèse des myélites aiguës, dites primitives, de l'homme. Une infection à streptocoque peut être assez minime et assez profondément cachée pour passer inaperçue, et prêter à l’éclosion d'une myélite en apparence spontanée. Rappelons à ce sujet que chez le malade qui fait l’objet de la première observation du mémoire de M. M. Hayem ({. c.), on ne put à l’au- 4. Acarp et Soupauir, Deux cas de paralysie alcool. à forme aiguë et géné- ralisée. (Arch. de Méd. expérim. 1893, p. 359.) 2, Jorrroy, Comptes rendus de la Société de Biologie, 1873, p. 287, MYÉLITES INFECTIEUSES EXPÉRIMENTALES. 149 topsie enlever que la moelle et le rein droit, et l'on fut surpris de trouver le viscère farci d’abcès miliaires. Plus ou avance dans l’histoire des myélites infectieuses expé- rimentales, plus on voit combien leur pathogénie se rap- proche de celle des endocardites, des pleurésies, des méningites aiguës, etc.; elles sont réalisées le plus souvent par les quelques germes vulgaires, qui déterminent en général ces localisations. Rappelons en terminant la systématisation possible du pro- cessus dégénératif aigu à certains faisceaux des cordons blancs, comme le fait ressortir une de nos observations. On peut émettre l’hypothèse que si dans ce cas l’animal avait sur- vécu, la lésion parenchymateuse systématique des cordons blancs n'aurait pu guérir qu'au prix d'une cicatrice, et cette sclérose d’origine infectieuse n'aurait pas été conduite par des lésions vasculaires. EXPLICATIONS DES FIGURES PLANCHE I Fig. I. — Fragment d'une corne antérieure dont les cellules multipolaires sont à divers stades de dégénérescence: 1, dégénérescence granuleuse; 2, dégénérescence vacuolaire; 3, dégénérescence vitreuse. Fig. Il. — Grosse cellule vacuolaire isolée. Fig. HE. — Gros leucocyte granuleux abordant une cellule Te la substance grise eù dégénérescence granuleuse. Fig. IV. — Infarctus hémorrhagique par rupture d’un capillaire dans la substance grise. PLANCHE II Fig. L. — Coupe transversale d’un segment du cordon latéral :1, cylindre axe hypertrophié; 2, gaine de myéline dilatée. Fig. IL. — Coupe longitudinale de tubes nerveux de la substance blanche, montrant des cylindre-axes d'aspect variqueux, moniliforme. Fig. IL. — Cylindre-axe sectionné et renflé en massue. Fig. IV. — Coupe transversale d’un segment de la substance blanche. La préparation a été traitée par la méthode de Pal et l'on voit la distension des gaines de myéline etla mise en liberté de grosses gouttelettes graisseuses, REVUES ET ANALYSES LES THÉORIES DE LA SACCHARIFICATION REVUE CRITIQUE Les deux théories qui ont été proposées ! pour expliquer la trans- formation de l’amidon en maltose et en dextrine sous l'influence du malt expliquent toutes deux certains phénomènes de la saccharifi- cation, et en laissent d’autres dans une ombre discrète. Payen, qui avait vu la dextrine dominer dans le mélange au commencement de la réaction, et le sucre y augmenter peu à peu, avait cru et dit que l'amidon devait d’abord donner de la dextrine, par un procès d’iso- mérie, puis elle-ci du maltose, par un procès d’hydratation, entièrement indépendant du premier. Il n'avait pas expliqué pourquoi onavait pres- que toujours, sinon toujours, un résidu irréductible de dextrine, et pourquoi ce résidu persistait à ne pas vouloir s’hydrater ; ou plutôt, il en avait donnéuneexplication qui plus tard n’a pas étéreconnue fondée. Musculus, de son côté, ne disait rien de la variabilité du rapport entre la dextrine et le sucre pendant la durée du phénomène, variabi- lité que n’expliquait guère sa théorie du dédoublement de la molécule d’amidon en dextrine et en maltose : d’un bout à l’autre de la réaction, si cette théorie était exacte, le sucre et la dextrine eussent dù être formés en mêmes proportions. C'est à la réaction terminée, prise au moment où la transformation y est devenue très lente, que s’attaquait Musculus, et il montrait alors deux choses, en apparence inconci- liables avec la théorie de Payen : 1° que le sucre et la dextrine étaient dans un rapport fixe et simple; 2 que la dextrine formée restait inattaquable, alors même qu'on renouvelait les doses de diastase. Sur le premier point, Musculus s’était trompé : le rapport n'est ni fixe ni simple. Il varie avec la température, surtout de 64 à 700, au voisinage du degré de chaleur auquel la diastase se détruit ou perd toute action. À une même température, il varie avec la quantité de diastase ajoutée, avec son degré d’acidité ou d’alcalinité, proba- blement aussi avec la nature de l’amidon ou le mode de préparation de l’empois. Si des observateurs aussi consciencieux et aussi habiles 4. Voir la Revue Critique de janvier dans ces Annales. REVUES ET ANALYSES. 194 que M. O0’ Sullivan d’un côté, MM. Brown et Heron de lautre, n'ont pas obtenu les mêmes résultats en saccharifiant de l’empois de fécule à la même température, c’est peut-être parce que MM. Brown et Heron employaient porportionnellement plus de diastase que M. O? Sul- livan, peut-être aussi parce que ce dernier faisait son empois avec de la fécule ordinaire, tandis que MM. Brown et Heron se servaient de fécule préalablement macérée en présence de potasse et d’acide chlorhydrique faibles. Mais ce n'est pas seulement l’idée de la fixité du rapport qui a été atteinte, c'est aussi l’idée de sa simplicité. Il est vrai que M. O0? Sul- livan a pu, comme nous l’avons vu, résumer ses résultats dans les quatre formules relativement simples. Au delà de 68-700 6,Q Le — 0m + 5 de (1) De 64° à 67-700 6a+2e —2m+z4d (2) Vu 64° Ga+3e —3m+3d (3) Au-dessous de 63° Ga+tie —km +2 dd (4) où 4, m, d, e représentent respectivement une molécule d’amidon, de maltose, de dextrine et d’eau. Mais, outre que les coefficients de cette équation ne sont qu’approximatifs, outre les objections que nous avons faites, à la fin de notre dernière Revue, sur la grosseur qu’il faudrait donner à une molécule d’amidon pour la rendre capable de fournir, en se brisant, à autant de combinaisons diverses que celles que réalise l'expérience, il y a un défaut plus grave dans l’échafaudage théo- rique construit sur ces formules. C’est qu'elles n’ont qu’une existence conventionnelle. Les dosages qu’elles traduisent ne sont pas ceux de la réaction terminée, mais ceux de la réaction au moment où elle se ralentit, Pour les établir, M. O’ Sullivan doit en outre s’astreindre à ne pas dépasser une cer- taine proportion de diastase, et est obligé d’interrompre la réaction au bout de 10 ou 20 minutes après le commencement, sans quoi elle continue et aboutit à d’autres rapports entre le maltose et la dextrine. Les conditions dans lesquelles il faut se mettre pour obtenir cette prétendue simplicité des rapports sont donc très étroites et très mal définies, et, en réalité, le phénomène de la dislocation ou de la disso- ciation de la molécule d’amidon semble être un phénomène continu, dans lequel c’est un peu artificiellement qu'on provoque ou qu’on suppose des phases. C'est un plan incliné; ce n’est pas une rampe d'escalier. Si on veut y voir, ce dont on a toujours le droit, un acte d’'effeuillement, de dislocation d’une molécule complexe, il faut se représenter la molécule d’amidon comme un gros livre in-18 dont les feuillets se déchirent les uns après les autres pour devenir du maltose, pendant que ceux qui restent encore adhérents deviennent de la dex- 122 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. trine. Il peut y avoir çà et là des feuilles cousues moins solidement et qui se détachent par paquets, simulant ainsi des dissociations en proportions simples: mais, dans l’ensemble, cette simplicité est toujours fictive, et il faut que la théorie de la dislocation fasse son deuil de cet argument qui, au contraire des arguments solides, s’est évanoui quand on a cherché à le serrer de près. IT L'un des étais de la théorie de Musculus est donc devenu bien fragile. Voyons maintenant celui qui s’appuie sur l’existence de dex- trines inattaquables par la diastase. Celui-ci semble, au premier abord, très solide. Il est certain qu’il reste d'ordinaire, dans toute saccharification, un résidu de dextrine que l’amylase, présente et encore active, ne réussit pas à transformer en maltose, comme le voudrait la théorie de Payen. Ce n’est pas, comme on l’a dit, le maltose déjà formé qui empêche la réaction de continuer; car, d'une part, si on rajoute de l’empois d’amidon, il se forme de nouveau maltose sans que la dextrine préexistante disparaisse; de l’autre on peut produire une saccharification en mettant à l’origine dans le liquide du glucose ou du maltose; la transformation progresse à peu près du même pas que s’il n'y avait pas de sucre, et aboutit à peu près au même point. ‘On peut du reste isoler ces dextrines résiduaires, en les précipitant par l'alcool. Séparées du maltose qui les accompagnait, et remises en présence du malt dans les conditions mêmes où elles avaient été pro- duites, elles résistent : ou du moins il y en a qui résistent, car l’expé- rience ne réussit pas toujours, et présente une part d'imprévu, due sans doute à des différences dans la constitution et la réaction des milieux, sur lesquelles l'attention ne s’est pas suffisamment portée jusqu'ici. Tout ce qu’il faut pour notre thèse, c’est qu'il y ait des dextrines inattaquables par de nouvelle diastase dans les conditions mêmes où elles se sont formées, et il y en a de telles. Mais 0° Sullivan a fait voir que si on abaissait, même légèrement, la température au-dessous de celle de la formation de ces dextrines, loin d’être inattaquables, elles se disloquaient facilement en maltose et en dextrines nouvelles, attaquables elles-mêmes à plus basse tempé- rature, de sorte que nous retrouvons là cette continuité, ce plan incliné que nous signalions tout à l'heure au sujet de la dislocation de la molécule d'amidon. L’augmentation dans la quantité de maltose, et la diminution dans la quantité de dextrine, à mesure que la tempé- rature s’abaisse au-dessous de 709, peut être rattachée à ce fait que les dextrines sont d'autant moins facilement attaquables que la tempé- rature s'élève davantage. L'ordre de faits auquel je fais allusion, et REVUES ET ANALYSES, 123 que j'emprunte à M. O’Sullivan, n'a pas été édifié par lui en vue de la conclusion que j'en tire. Il se préoccupait de savoir si les résidus dextriniques dd, 4d, 3d, 24 de ses quatre équations obéissaient aux mêmes lois que la molécule d’amidon 64 elle-même, en ce qui regarde l'influence de la température sur la saccharification. Mais ses essais peuvent servir à mettre nettement en évidence deux choses: la première, défavorable à la théorie de Musculus, c’est qu’il n’y a pas de dextrines inattaquables par l’amylase; la seconde, favorable à cette théorie en ce qu'elle est contraire à la théorie de Payen, c’est qu'il n’y a pas qu'une dextrine, il y en a plusieurs. Dans les résultats de O’Sullivan, la dextrine 5d, résidu de son équation (1), se comporte à peu près, sous l’influence du maltet de la température, comme le ferait l'amidon Ga à une température plus basse de { ou 2°; la dextrine 4d, de l’équa- tion {2), ne donne que le tiers de son poids de maltose au-dessous de 63°; celle de l'équation (4) se disloque au contraire régulièrement et se transforme presqueintégralement en maltose, sans qu’on puisseobserver dans la réaction aucun point d’arrêt sensible, aucun stade bien défini. Il y a donc dextrine et dextrine, du moins en ce qui concerne l'influence de la diastase aux diverses températures, et la façon dont elles se dissocient. Si on applique la théorie de la dislocation à l'inter- prétation de ces différences, on se dira que chacune de ces dextrines forme elle-même, comme la molécule d’amidon initiale, un livre à feuillets inégalement labiles; les plus gros de ces livres, les plus grosses de ces molécules étant celles des dextrines formées à haute température, celles qui proviennent de l'élimination du nombre minimum de molécules de maltose de la molécule complexe amylacée. Et, dès lors, nous avons à nousdemander si ces différences de grandeur moléculaire, dans les dextrines diverses, n’auraient pas une autre traduction que leur façon de se comporter vis-à-vis de l’amylase : façon de se comporter un peu contingente, après tout, car la dextrine n'est pas seule à y jouer un rôle, et la diastase y intervient, comme nous le verrons bientôt. Il nous faudrait des caractères distinctifs appar- tenant aux molécules de dextrine elles-mêmes. nn Malheureusement la dextrine est encore mal connue : on a pourtant sur elle quelques renseignements qui ne sont pas sans importance. En premier lieu, son pouvoir rotatoire : il est à peu près le même pour toutes les dextrines, et voisin de 2209. Cela est bien singulier si les molécules de dextrines sont aussi inégales que peut nous le faire supposer la théorie de la dislocation, appliquée aux faits que nous envisagions tout à l'heure, Surtout avec nos idées actuelles sur la 124 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. relation entre le pouvoir rotatoire et la stéréométrie de la molécule, it est singulier que des molécules aussi dissemblables amènent des rota- tions égales sur le plan de polarisation de la lumière. C’est ce qui résulte pourtant des expériences concordantes d’O’Sullivan, sur des dextrines purifiées du maltose qu’elles contenaient par des précipitations alcoo- liques multipliées, et de celles de M. Effront, dans lesquelles on se débarrassait du maltose par une fermentation lactique. Dans aucun cas, on ne pouvait accuser le procédé d'élimination du maltose d'attaquer sensiblement les dextrines, et celles-ci, isolées, se compor- taient de même dans le polarimètre. Elles se comportaient aussi de même quant à leur pouvoir réduc- teur sur la liqueur de Fehling qui était nul, ou à peu près nul, dans les expériences d’O’Sullivan comme dans celles d’Effront. Je sais bien que d’autres chimistes, Lintner et Dull, Scheibler et Mittelmeier, contestent ce fait: mais comme toute dextrine mal purifiée réduit la liqueur de Fehling, et que cette purification est difficile; comme, en outre, à mesure qu’elle progresse, le pouvoir réducteur du mélange diminue, la logique commande d’accorder plus de créance aux savants qui attribuent à la dextrine pure un pouvoir réducteur nul ou très faible, qu'à ceux qui, comme Musculus et Gruber, par exemple, ne sont pas arrivés à préparer des dextrines ayant un pouvoir réducteur inférieur à 10 0/0 de leur poids de glucose. Il faut ajouter, du reste, que largument tiré du pouvoir réducteur des dextrines est également bon, que ce pouvoir réducteur soit nul, comme le pensent O’Sullivan et Effront, ou égal à 10, suivant Musculus et Gruber. Il suffit qu’il sit le même pour des dextrines diverses pour qu’on soit autorisé à conclure que les différences relevées par la théorie de la dislocation ne sont pas clairement écrites dans la constitution de la molécule. Un troisième argument d’assimilation est meilleur : c’est celui qui résulte de la détermination du poids moléculaire par les méthodes cryoscopiques, introduites dans la science par M. Raoult. En faisant congeler de l’eau dans laquelle on a dissous de la dextrine, et en mesurant la température de formation de la glace, on a un abaisse- ment au-dessous de 0°, qui est le même pour différentes substances solubles, lorsque les poids de ces substances, dissoutes dans l’unité de poids du dissolvant, sont proportionnels aux poids moléculaires de ces substances. On peut donc, en comparant la dextrine au maltose dont le poids moléculaire est bien connu et égal à 342, avoir une idée du poids moléculaire de la dextrine, qui devra être bien plus grand, le double si une molécule de dextrine donne deux molécules de maltose, le décuple si elle en donne 10, le centuple si elle en donne 100, et ainsi de suite. REVUES ET ANALYSES. 425 Or Brown et Morris, en opérant sur des dextrines purifiées, mais provenant de saccharifications interrompues plus ou moins près de leur début, de façon à fournir des dextrines de moins en moins com- plexes, ont trouvé à celles-ci, quelle que fût leur origine, un poids moléculaire à peu près constant et voisin à 6,000, ce qui correspond environ à 18 molécules de maltose. Dans une expérience indépendante, MM. Lintner et Dull ont trouvé pour une érythrodextrine dont le pou- voir rotatoire était de 1960, et le pouvoir réducteur de un [environ, un poids moléculaire de 5,800, ce qui est à peu près le même chiffre. Il est vrai que les mêmes savants ont trouvé un chiffre de 1,900 pour une achroodextrine, mais cette dextrine avait un pouvoir réducteur de 10, contenait environ, par conséquent, environ 16 0/0 de maltose, si la dextrine n’a pas de pouvoir réducteur. Or quand on soumet, non pas un corps pur ou à peu près pur, mais un mélange à la cryoscopie, l’abais- sement thermométrique n’a plus aucune signification bien précise ‘. En échange, la concordance entre les résultats sur des dextrines pures doitfrapper l'attention, et nous faire admettre que les diverses dextrines, qui se comportent d’une façon différente vis-à-vis de la diastase, ont pourtant des poids moléculaires égaux. La valeur absolue de ce poids moléculaire importe peu pour le moment, parce qu’elle est mal connue : la cryoscopie a des bizarreries d’humeur et reste un peu sujette à cau- tion, surtout quand il s’agit de substances colloïdales et à propriétés chimiques mal définies, comme les dextrines. Mais nous pouvons affirmer deux choses, c’est que ce poids moléculaire des diverses dex- trines varie peu; c'est aussi qu’il est supérieur, mais non pas très supérieur à celui de la molécule du maltose. IV Tous ces détours ralentissent notre marche, mais ne nous empé- chent pourtant pas d’avancer, car voici que nous trouvons, en somme, 4. Chacune des substances présentes produitalors son effet, proportionnellement au nombre de molécules présentes. À ce point de vue, si une molécule de dex- trine donne 18 molécules de maltose, une faible proportion de dextrine saccha- rifiée peut donner un grand nombre de molécules de maltose, et le calcul qui suit présente quelque intérêt. Calculons les nombres » et n' de molécules de dextrine et de maltose existant dans l’achroodextrine de Lintner et Dull d’après le poids moléculaire du mélange, en admettant que 6,000 soit le poids moléculaire de la dextrine pure. Nous avons pour cela l’équation : 4900 (n + n°) — 6000 nr + 549 n° d’où on tire n = 2,7 n. D'un autre côté, s’il y à 45 0/0 de maltose et 85 0/0 de dextrine comme l'indique le pouvoir réducteur, on a : ss re LB] go0o © * — 332 d'où on tire #/—= 3,1 n. Les deux évaluations sont assez concordantes, étant données les incertitudes des points de départ. n = 126 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. que siles dextrines ont un poids moléculaire supérieur à celui du mal- tose, et si chacune de leurs molécules doit donner en se dédoublant plu- sieurs molécules de sucre, nous ne trouvons aucune trace de ces dédou- blements successifs dont nous parlait la théorie de la dislocation. Etu- diées par les méthôdes qui nous renseignent le mieux sur leur structure et leur volume moléculaire, les dextrines nous apparaissent identiques. Elles ne nous semblent différentes qu’au regard de l’action qu'elles subissent de la part de l'amylase, et nous sommes par suite tout natu- rellement conduits à nous demander si ce réactif, infiniment plus important que les autres au point de vue pratique, leur est comparable au point de vue documentaire et théorique. Jusqu'ici la production des diastases diverses nous a paru subor- donnée à des conditions de température : avec le même amidon, eten apparence la même diastase, nous obtenions à des températures diffé- rentes des quantités inégales de dextrines diverses, et les équations d’O’Sullivan nous donnent une idée de leurs proportions. Or, voici.un fait curieux, découvert par O’Sullivan, confirmé par Brown et Heron, c’est que si on chauffe au préalable une solution d'extrait de malt, à : une température supérieure à celle où on le fait agir sur l’amidon, la proportion de dextrine et de maltose produits dépendra non de la tem- rature d'action sur l’empois, mais de celle à laquelle a été portée antérieurement l’amylase, de sorte que ce n’est pas la température à laquelle elle se produit qui détermine la qualité de la dextrine, c’est la température maxima à laquelle a été portée la dissolution de diastase. Chauffée trop haut, au-dessus de 809, cette diastase est devenue inac- tive, alors même qu'on le ramène à la température la plus favorable ; cela; on le savait; mais, ce qu’il y a de curieux, c’est que chauffée à une température voisine de celle qui la détruit, elle reste pour ainsi dire estropiée, et ne peut plus reprendre à aucune température son acti- vité complète. Cette activité, qui nous paraissait être si une par sa cons- tance et sa régularité, la chaleur l’a dissociée, et non seulement la quan- tité, mais aussi la qualité des dextrines produites à une même tempé- rature sont en rapport avec ce degré de dissociation. C’est donc le réactif qui a subi le changement dont résulte le chan- gement de la dextrine, et nous avons le droit de mettre cette altération du réactif en rapport avec une autre altération visible qui se produit dans l'extrait de malt quand on le chauffe. Même aux températures les plus favorables à son action, cet extrait s’affaiblit peu à peu, et il s’y produit un précipité floconneux qui se forme d'autant plus vite que la température est plus haute. La coagulation est déjà très apparente à 500. D’après Brown et Heron, elle va en augmentant rapidement jusqu'à 76°, température à laquelle les 90 centièmes de la matière REVUES ET ANALYSES. 127 albuminoïde sont coagulés dans un extrait fait avec 100 grammes de malt et 250 c. c. d’eau. Le coagulum, comme c’est l’ordinaire, entraîne la diastase, et ce qu'il y a de particulier, c’est que la portion qui per- siste n’a plus les propriétés de la diastase originelle. Tout se passe en apparence comme s’il y avait plusieurs diastases, précipitables ou coagulables à diverses températures, et dont celles qui produisent des dextrines persisteraient alors que celles qui donnent du maltose serdient détruites. V Les apparences sont même tellement saisissantes dans cette direc- tion qu'on s’est demandé si elles ne cachaient pas une vérité. Quelques arguments semblent,en effet.témoigner de l’existence de deux diastases résistant inégalement à l’action de la chaleur et des réactifs. Dubrunfaut a vu que de l’extrait de malt chauffé à 85° cesse de donner du maltose, tandis qu’à 90°, il peut encore liquéfier l’amidon et lui enlever sa pro- priété de bleuir par l’iode. De leur côté, Brown et Héron ont vu que l'acide salicylique, qui, à dose très faible, arrête brusquement la saccharification d’un empois additionné de malt, est beaucoup moins actif pour empêcher sa liquéfaction et sa dextrinification. Mais, d’effets pareils, on ne pourrait arguer à l’existence de deux ou plusieurs dias- tases que si on ne pouvait pas les produire avec la même diastase etau moyen d’une simple dilution. Or, c’est ce qui est facile. Une solution très étendue de malt peut liquéfier de l’empois et donner de la dextrine sans fournir en même temps de sucre en proportions sensibles. Peut- être est-ce parce que la lenteur de l’action qu'elle exerce lui permet de s’oxyder, et de passer ainsi à l’état inerte : mais rien ne nousdit qu'il n’en soit pas de même avec les solutions de diastases chauffées, affai- blies en quantité par la coagulation sans être atteintes en qualité. D'un autre côté, plus on étudie les antiseptiques, plus on voit qu’ils agissent en provoquant des phénomènes de coagulation, et en se substituant ainsi, pour tout ou partie, à l'action de la chaleur. En somme, rien ne nous autorise à croire à l'existence de deux diastases dans le malt, une à dextrine, l’autre à maltose ; et du reste,nous n’aurions fait que reculer le problème, car nous aurions encore à expliquer pourquoi la même diastase à dextrine produit des dextrines différentes à des.températures différentes. Ce serait le même problème que pour l’amylase, à la fois saccharifiante et dextrinifiante, que nous avons envisagée jusqu'ici. Avant d’en aborder la solution, il y a une dernière remarque à faire. Les dextrines produites au-dessous de 639 se ressemblent telle- ment qu'elles peuvent être considérées comme identiques. Il n’y a de différences sensibles qu'entre celles qu'on obtient entre 64° et 70°, c’est- 128 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. x à-dire entre des limites étroites de température comprises entre celle où la coagulation de l'extrait de malt est déjà rapide, et celleoù ilest détruit. Si donc il est utile de chercher à se faire une idée des causes qui amènent ces différences entre ces dextrines, il faut pourtant éviter de leur donner trop d'importance : elles traduisent l’effet d’une cause qui va en s’affaiblissant pendant qu'elle agit, et qui se trouve de ce fait dans les plus mauvaises conditions d’étude. E. Duczaux. ERRATUM. — Lire ainsi qu'il suit le tableau IV du travail de M. Vincent (p. 30), qu'une transposition de chiffres avait rendu partiel- lement incorrect : TaBLeau IV Classification, par énergie décroissante, des divers désinfectants des matières fécales normales, récentes ou putréfiées. Quantité minima nécessaire pour chacun d'eux. NBITE DE DESINFECTANT DÉPENSE La NÉCESSAIRE : = NATURE fe Re Dore A UT par = POUVOIR de mètre eube e © du pour désinfecter |par homme et par OBSERVATIONS A désodorisant ï REVIENT : : SINE STATS 1,000 €. c. Jour dans D tres a 2 de matières fécales lune agglomération È \ PRE désinfecter. en 24 heures. humaine. 1 |Sulfate decuivre.| Pass. 7 à 8sr,5 12 à 14er,4 | O fr. 46 4fr. HICTÉSUE EUR. Mrbon | /aM0Ecr AM MT er MEME DNA S AIEYSOIE PESTE A. bon. 10 gr. 17 gr. 2 20 4 |Chlorure de ChANXErAE Tr. bon.| 10 à 168,7 | 17 à 28er,3 | O0 : 29 4 83 [Titre : 110 litres de CI. BAIISOIVÉOI:- 5.572 A. bon.|11 à 12 gr.|18,71à20sr,4| 6 72 62/Solutol--"#""" A. bon. 12 gr. 20gr,4 » » TMISOUdeREREC A A. bon d2Rrr 208r,4 2 24 SN |POtASSeFE ee 0Te \. bon 20 gr. 34 gr. 2 40 9 |Acide phénique.| Bon. 30 gr. ol gr. 9 10002 02009 6 10 |Eau de Javel...| Bon 200 gr. 340 gr. 04041820 114 |Eau de Labar- ECO OBS Bou 250 gr 125 gr. 02720225 AA Cha Pere Pass. 100 gr 170 gr. 20 . 43 |Chlorure dezinc.|Tr. bon.|plus de150 c.|plusde255gr| 0 30 | 45 Chlorure de zinc du commerce titrant 400, 14 [Huile lourde de houille #"%".2% Tr. bon.|plus de 200 gr |plus de340gr.| 0 30 | 60 45 |[Bichlorure de mercure à p. 1,000 addit, de 5er, d’HC] DAMAODOS7E- Méd. » » » Non pratique. 16 |Sulfate de fer..| A. bon. » ) » Sulfate de pro- | toxyde de fer du commerce non pratique. Le gérant G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire et Gie, PLANCHE III IX EUR, t. ANNALES DE L'INSTITUT PASTI (er), 9 16 17 16 4 4 [om NI » 22 (a à Di A 24 Ho À L A TT — PRSEUL Ÿ EU 9me ANNÉE MARS 1895 No 3. ANNALES L'INSTITUT PASTEUR LES VIBRIONS. INTENTINAUX ET LA PATHOGÉNIE DU CHOLÉRA Par M. ce D' J. SANARELLI Professeur d'Hygiène à l'Université de Sienne. l ORIGINE DES VIBRIONS CHOLÉRIQUES TROUVÉS DANS LES EAUX Les récents progrès de la technique bactériologique ont ébranlé la doctrine étiologique du choléra au lieu de lui fournir, comme on aurait pu s'ÿ attendre, un appui de plus en plus ferme. La découverte de vibrions cholériques dans une foule d'eaux ', en dehors de toute épidémie actuelle ou récente de choléra, constituait, au regard de la doctrine de Koch, une diffi- culté ou une objection dont on a cherché de diverses manières à atténuer l'importance. M. Dunbar*, après avoir retrouvé comme moi des vibrions cholériques dans les eaux de localités indemnes de choléra. a cherché, sans y réussir, des réactions différentielles entre ces vibrions’et les vibrions cholériques vrais. J'avais bien remarqué que parmi ceux que j'avais découverts dans les eaux de Paris et de Versailles, il y en avait qui n'étaient pas pathogènes pour les animaux, ne fournissaient pas la réaction rouge caractéristique, et présentaient d'autres carac- tères de culture que les vibrions isolés des selles de cholériques; mais, après avoir vu que ces derniers, après un long séjour dans l'eau, se rapprochaient par leurs caractères des vibrions bydri- ques, j'ai admis que ceux-ci n'étaient que les premiers, désé- nérés à la suite d'une longue vie saprophytique. 1. Voir à ce sujet mon mémoire inséré dans ces Annales, 1593, p. 693. "2. Arbeiten d. A. Gesundheitsamte, t. IX, 1892, p. 379. 9 » | . LR 130, + ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Dunbar n'accepte pas ces conclusions, mais j'ai eu le plaisir de les voir confirmer par les récentes observations de MM. Celli et Santori‘, sur l'épidémie cholérique de Rome en 1893, et de MM. Pestana et Bettencourt ? sur la récente épidémie de Lis- bonne. Ces savants ont isolé, de déjections cholériques authen- tiques, des vibrions ayant les mêmes caractères que les miens, et aucun bactériologiste ne distinguerait le vibrion de Lisbonne, que je tiens de M. Bettencourt, de ceux que j'ai trouvés en abondance dans les eaux de Paris et de Versailles. La solution de cette question étiologique du choléra doit sortir, du reste, d'autre chose que de subtils artifices de diagnose différentielle, et il faut chercher d’où proviennent ces vibrions de l’eau, et par quels moyens ils peuvent reprendre leur puis- sance pathogène sur l'homme. NA Sur ce dernier point, M. Metchnikoff a fait faire à la question un grand pas en nous donnant les moyens de reproduire sur l’homme le tableau caractéristique du choléra, à l’aide des -vibrions que j'avais isolés des eaux de la Seine, à Saint-Cloud, et d'une fontaine publique à Versailles. | Du moment qu'on ne peut les considérer ni comme des survivants d’anciennnes épidémies, puisque Versailles a toujours été indemne, ni comme des hôtes vulgaires ethabituels des eaux, puisqu'il n’y en a pas partout, il reste à se demander d'où ils venaient dans les eaux où on les a rencontrés. J'ai pensé et dit, dans mon mémoire, qu'ils provenaient de l'intestin de l'homme ou des animaux. Déjà M. Rumpel”, à Ham- bourg, M. Metchnikoff, à Paris, avaient trouvé des vibrions cholériques dans les selles d'individus bien portants; M: Vogler dans celles d’un malade traité à l'hôpital d’Altona pour du délire; M. Ivanoffe dans celles d’un typhique à Berlin. Les partisans de Koch eux-mêmes admettaient que le vibrion virgule peut vivre et se multiplier abondamment dans l'intestin d'un homme en temps d’épidémie cholérique, sans lui donner le choléra. Mais il semble exister aussi en l'absence de toute épidémie,etsionna . Centralbl. f. Bakt., 1894, n° 21. . Revista de Medic. e Cirurgia, 1894, n° 10. . Deutsche med. Wochenschrift, 1893, p. 160. . Ces Annales, 1893, p. 502. . Deutsche med. Woch., 1893, n° 35, . Zeitschr. [. Hyg., 1893, p. 494. & 2 D & © L1 ES Vs VIBRIONS INTESTINAUX ET CHOLÉRA. 131 pas constaié plus souvent sa présence dans çes conditions, c’est que les recherches ne se font guère que pendant les périodes épidémiques. Déjà, à l’occasion de quelques tentatives pour donner le choléra, aux cobayes, j'avais vu que des cobayes robustes, qui . RoRLr r r x 3 % & vw f auraient pu résister séparément à l’inoculation intrapéritonéale d'une dose de poison typhique, et à l'injection gastrique d’une abondante émulsion de vibrions de Massouah dans du bicarbo- nate de soude, succombent en quelques heures quand on asso- cie ces deux injections, et présentent un tableau tout à fait pareil à celui du choléra humain. Leurs masses intestinales apparaissentcongestionnées, hémorragiques, distenduesetexces- sivement diarrhéiques. L’intestin grêle est plein d'un liquide séreux, transparent, dans lequel nagent un grand nombre de flocons blanchâtres; le gros intestin est toujours si dilaté par le contenu diarrhéique et par les gaz, qu’il détermine, presque à lui seul, l'énorme distension du ventre invariablement observée en pareil cas. d Au premier aspect, il semble qu'il s’agit d’un cas authentique de choléra intestinal; mais une observation plus attentive ne justifie pas cette supposition. Les vibrions sont .extrèmement rares dans le contenu intestinal; l'intestin grêle, rempli d'un abondant transsudat séreux, riche en flocons épithéliaux détachés des parois, ressemble à celui qu’on observe dans les cadavres des cholériques ; mais les bacilles injectés y font presque complètement défaut. En somme on voit, avec évidence, que les altérations anatomiques ne sont pas en rapport avec la multipli- cation des microbes introduits du dehors. ; * L'examen du contenu diarrhéique du gros Intestin, lequel est également profondément frappé, est encore plus intéressant. . Ici encore les vibrions de Massouah se distinguent assez bien au milieu des microbes si variés de l'intestin, maisils ne sont Jamais prépondérants, et, à côté d’eux, on observe un nombre parfois colossal de spirilles et d’autres vibrions caractéristiques, appartenant indubitablement à des espèces différentes. Ces spirilles se colorent, en général, avec une certaine diffi- culté, même en employant la fuchsine phéniquée de Ziehl quelques-uns sont gros au centre et effilés aux extrémités à la manière des spirochæte; quelques-uns sonttrès minces, en forme 132 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. d’élégantesspirales ; d’autres, d’un diamètre uniforme, présentent sur leur longueur deux ou trois courbures ; d’autres, enfin, ont simplement l’aspect de petites virgules. Toutes ces variétés de vibrions semblent trouver, dans l'intestin diarrhéique des cobayes, le milieu le plus propice à leur multiplication. En goutte pendante, quelques-uns de ces spirilles sont très agiles et traversent le champ avec rapidité; d’autres possèdent seulement un mouvement vibratoire lent et régulier; d’autres enfin semblent presque absolument immobiles. Quant à leur provenance, il ne peut y avoir aucun doute ; j'en avais déjà observé de pareils, spécialement certaines formes nettement spirillaires, dans l'intestin de cobayes normaux, et l'unique circonstance notable était celle de leur énorme multi- plication dans l'intestin diarrhéique. | J'échouai dans une longue série de tentatives d'isolement de ces microbes, en les prenant soit dans les cobayes des expé- riences ci-dessus, soit sur des cobayes normaux, ou des cobayes tués au moyen de l'injection intrapéritonéale de toxine typhique à fortes doses. En rapprochant cetinsuccès de leur prodigieuse multiplication dans l'intestin diarrhéique des animaux, je me demandai s'ils ne trouvaient pas dans l'intestin malade des conditions propices à leur développement, et j'en vins à essayer de déterminer, chez les cobayes, une forme d’entérite toxique grave et, autant que possible, d’une certaine durée. Il était supposable que, durant ce processus inflammatoire un peu prolongé, quelques-uns des vibrions saprophytes de l'intestin pourraient parvenir à acquérir des propriétés dont ils sont d'ordinaire dépourvus, surtout celle de se cultiver dans les milieux nutritifs des laboratoires. On sait, en effet, que les vibrions, habitués à vivre dans un milieu déterminé, en acceptent difficilement un autre. J'ai observé souvent ce fait dans les vibrions hydriques ; MM. Celli et Santori l'ont retrouvé pour les vibrions isolés des déjections cholériques, et qui n'ont pris qu’au bout de 8 mois de culture au laboratoire la propriété de fournir la réaction rouge et de se développer en bouillon, en gélose et en solutions de peptone à 910. De même, le fait que, dans certaines formes d'entérite toxique, comme, par exemple, dans la fièvre typhoïde, .les * VIBRIONS INTESTINAUX E€ CHOLÉRA. 153 microbes intestinaux (B. coli), d'ordinaire non pathogènes, prennent rapidement une grande virulence, fait croire que les graves processus entériques peuvent favoriser le réveil d’un grand nombre de propriétés biologiques Chez les microbes inoffensifs des fèces. Parmi les moyens que j'ai employés pour provoquer chez les cobayes une entérite toxique, le meilleur est l’intoxication par la toxine cholérique, avec ou sans le concours de la toxine typhique. Avant tout, je crois utile d'indiquer brièvement la préparation de ces toxines. Pour la toxine cholérique, on ensemence des vibrions viru- lents dans un grand ballon contenant 2 litres de solution de gélatine peptone (2 0/0 de peptone, 2 0/0 de gélatine, et 1 0/0 de sel marin). Au bout d'un mois à 37°, on alcalinise forte- ment avec de l’hydrate sodique et on fait évaporer lente- ment, à 60°, presque jusqu’à consistance sirupeuse. Au résidu, on ajoute environ 10 ec. c. de glycérine et on le maintient pen- dant environ deux semaines à la température de l’étuve. Cette longue macération désagrège le protoplasma des vibrions. On relire le liquide de l’étuve, on y ajoute de l’eau distillée jusqu’à le ramener au quart du volume primitif, on neutralise exactement avec de l’acide lactique, et ensuite on stérilise à 1200. Le liquide ainsi préparé à un grand pouvoir toxique. Il est brunâtre et très trouble; le corps des vibrions cholériques est extraordinairement résistant, même aux agents chimiques les plus énergiques, et, malgré le traitement prolongé avec de la soude caustique et de la glycérine, il ne se désagrège que par- tiellement. Le contraire a lieu pour quelques autres microbes, par exemple, pour le bacille typhique dont le protoplasma, beaucoup moins résistant, se laisse attaquer avec facilité et, pour la plus grande partie, dissoudre dans le liquide de macération. La toxine typhique, que j'ai parfois employée dans ces recherches, n'avait subi aucun traitement spécial ; elle était simplement représentée par une vieille culture en bouillon gly- cériné, stérilisée à 120”, laquelle tuait les cobayes à la dose mini- ma de 8 c. c. Les toxines vibrioniennes, au contraire, étaient mortelles L . * M 02 $ L 0 * i # 134 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. * pour le$cobayes, à petites doses : 0,5 à { c. ce. dans le Nr tuait infailhblement en 12-24 heures :. On sait que tous les poisons microbiens connus jusqu'à présent sont tout à fait inattifs lorsqu'on les administre seuls par la voie gastrique. Ma toxine cholérique fait exception, car, injec- tée dans l'estomac, pendant deux jours de suite, à la dose de 3c. ©. dilués dans un volume égal d'une solution saturée de bicarbonate de soude, elle tue presque régulièrement les cobayes * quelques heures après la seconde injection. De plus, injectée dans l’estomac, même sans bicarbonate sodique, à li dose de 0,5 0/0 du poids de l'animal, elle tue les cobayes en 2#heures, lorsqu'on injecte en même temps, dans le péritoine, 2 ec. c. de toxine typhique, c'est-à-dire une dose presque inoffensive. Si l’on porte la quantité de toxine cholérique susdite à 1 0/0 du poids de l’animal, celui-ci meurt en 8-10 heures. : Enfin, en alcalinisant l'estomac des cobayes avec 6 c. c. de la solution saturée de bicarbonate (dose qui est tolérée par les cobayes, sans aucun trouble, pendant un grand nombre de jours consécutifs) et en injectant ensuite, dans le péritoine, 2 c. ce. de la toxine typhique. les animaux suecombent rapidement comme s'ils avaient recu la dose mortelle de toxine cholérique. En résumant ces données, sur lesquelles se baseront presque exclusivement ces recherches, on voit la grande influence qu'un liquide aussi peu alcalin que le bicarbonate de soude exerce sur la muqueuse digestive, lorsque, sur celle-ci, agit simultanément un poison ER comme celui du typhus ou du choléra. Dans tous les cas où l’action du bicarbonate fut exclue, on l’a remplacé par l'injection intrapéritonéale de la toxine typhique, laquelle, comme onle sait”, n’agit sur la muqueuse intestinaleque par la voie de la circulation, déterminant une grave entérite toxique desquamative. La mort des animaux ayant subi un des traitements qui viennent d’être décrits se produit toujours à peu près de la mème manière. [ls présentent le tableau de l’entérite cholérique: aiguë, produite au moyen de l'injection gastrique de vibrions 1. Dans la suite du présent travail, j’aurai Souvent l’occasion dé rappeler ces toxines. Il va donc sans dire que j’entendrai toujours désigner celles qui ont été préparées de la manière décrite et qui, par conséquent, sont douées du pouv oir tonus indiqué plus haut. 2. Annales de l'Institut Pasteur, 1894. p. 193. : VIBRIONS INTESTINAUX Er CHOLÉR A. 135 vivants et associée à |? injection péritonéale de toxine typhique, et le contenu diarrhéique de leur intestin, extrêmement caracté- ristique, renferme presque toujours des vibrions qu'on peut observe nettement dans les préparations et qu'on peut isoler dans les milieux ordinaires de culture. : il LA LES VIBRIONS INTESTINAUX DES COBAYES La méthode que j'ai préférée pour produire, chez les cobayes, une entérite toxique grave et d'une certaine durée, était celle de linjection gastrique de toxine cholérique diluée dans du bicarbonate de soude. Dans ce cas, on peut obtenir la . mort des cobayes, à volonté, au bout de 2, 3, 4, etc., jours de . maladie, en tenant compte de la diminution quotidienne du «poids du corps et en diminuant ou en augmentant, dans une . certaine proportion, les doses toxiques. J'ai obtenu moins fréquemment de bons résultats de l'iñjec- tion gastrique de toxine cholérique et de l'injection intrapé- ritonéale de toxine typhique. Dans un cas, je pus obtenir égale- * ment de la diarrhée avec des vibrions, au moyen de l'injection intraveineuse de la toxine du vibrion de Paris. * Parmi les différentes toxines cholériques que j'ai préparées, .j'ai donné la préférence à celle du vibrion de Ghinda (Massouah) comme étant la plus énergique ; mais, comme on le verra, j'ai parfois employé, avec un égal succès, la toxine du vibrion de Paris (1892). La toxine du vibrio Metchnikowi, au contraire, ne m'a encore donné, jusqu'à présent, aucun résultat. Voici mon procédé opératoire habituel : On place derrière les incisives de l'animal un morceau de liège percé au centre, et, par le trou, on introduit dans l'estomac une sonde urétrale n° 6, de Collin. A l’orifice de cette sonde est adapté un petit tube de caoutchouc, uni à une seringue au moyen de laquelle on fait l'injection gastrique. La sonde, ainsi que les autres instruments, les liquides, etc., étaient, chaque fois, soigneusement désinfectés ou stérilisés. Les cobayes provenaient, tour à tour, de localités les plus dispa- . rates de la campagne environnante, et, avant les expériences, 2 136 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. » on les tenait dans un milieu absolument à l'abri de toute con- tamination. , , Dès que les animaux étaient morts, on pratiquait l’autopsie et l'examen microscopique du contenuintestinal, que l’on semait, en même temps, dans divers tubes contenant la solution de géla- tine-peptone. Au bout de 12-16 heures de séjour dans l’étuve, on exami- nait indistinctement tous ces tubes au microscope; mais à l’exception de deux cas, dans lesquels je pus retrouver des vibrions qui ne produisaient pas de pellicule, celle-ci représenta toujours, dans les cultures, l'indice le plus sûr de la présence des vibrions, lesquels étaient ensuite isolés au moyen des cultures ordinaires, sur plaques de gélatine. Je vais, maintenant, décrire chacun des cas dans lesquels il me fut possible d'isoler les vibrions intestinaux des cobayes : Cobaye A-B. 2/V. gr. 370. Injection gastrique de 2 c. c. de toxine cholérique de Ghinda + 2 c. c. de bicarbonate. 4/N. gr. 405. Injection gastrique de 3 e. c. de toxine cholérique de Ghinda + 3 c. c. de bicarbonate. . 6/V. gr. 380. Injection gastrique de 3 c. c. de toxine cholérique de Ghinda + 3 c. c. de bicarbonate. 7, V. l'animal est très mal; diarrhée profuse; sensibilité abdominale, apparition de crampes et d'accès convulsifs prolongés. 12 heures environ après la manifestation des crampes et de la diarrhée, l'animal meurt dans un violent accès de crampes. | Autopsie : Masses intestinales pâles; intestin gréle jaunâtre et diar- rhéique; gros intestin excessivement distendu par des gaz et contenant un abondant liquide diarrhéique. Le contenu de l'estomac, de réaction alca- line, est de nature muqueuse, plein de flocons jaune grisàtre, formés par une énorme quantité de leucocytes en dégénérescence granulaire et par des cellules épithéliales dégénérées. Le contenu de l'intestin grêle est également alcalin et constitué par un liquide jaunâtre, trouble, avec un grand nombre de flocons formés par des amas énormes de cellules épithéhales, de leuco- cytes et de globules rouges bien conservés; on observe également un grand nombre de microbes de formes diverses. Le contenu du gros intestin, à réac- tiôn alcaline, est un liquide brunâtre, composé de résidus alimentaires, d'éléments épithéliaux et de bactéries. Parmi celles-ci ressort une énorme quantité de spirilles et surtout d'amibes de toutes les dimensions et très mobiles. Cultures : à la surface, déjà au bout de 14 heures, des cultures pres- que pures de vibrions. Les cultures successives à plat, en gélatine, per- # * VIBRIONS INTESTINAUX ET CHOLÉRA. 137 mettent d’en isoler deux variétés qui, à première vue, se distinguent en ce que la première ne produit pas de pellicule superficielle, tandis que, dans la deuxième, on l’observe déjà au bout de quelques heures. 1 viBriON À. — Morphologie : bätonnets mobiles et minces. Cultures en gélatine : formation rapide de la bulle d’air, et liquéfaction le long de la piqüre. Au bout de trois jours, la culture présente les carac- tères classiques des cultures de bacilles virgules. , Cultures dans les solutions de gélatine-peptone : rapide développement avec absence de pellicule; le troisième jour commencent à apparaitre à la surface quelques flocons et, le quatrième jour, une pellicule fragile est déjà formée. Les vibrions sont de forme spirillaire et filamenteuse. Cultures sur gélose : développement rapide et abondant, non différen- ciable de celui des vibrions cholériques. Cultures sur pomme de terre : faible développement avec formation d’une couche d’abord grisàtre et ensuite jaune brun. Réaction indol-nitreuse : au bout de 24 heures elle est d'une couleur rouge marquée; au bout de 48 heures elle apparaît rouge fuchsine. " Action pathogène sur les animaux : à petites doses (1/6-1/8 de culture sur gélose) il tue les cobayes inoculés dans le péritoine, en 5-6 heures. L'exsudat péritonéal est très riche en vibrions typiques. Le sang est tou- iours stérile. Il n’est pas pathogène pour les pigeons. . 2° vigriON B. — Morphologie : bätonnets très incurvés, mobiles, souvent en forme de spirilles un peu plus gros que les précédents. Cultures en gélatine : formation rapide de la bulle d’air et liquéfaction le long de la piqüre. La culture entière présente bientôt les mêmes caractères que les vibrions cholériques ordinaires. Cultures dans la solution de gélatine-peptone : petits bätonnets en forme de virgule, parmi lesquels on observe des filaments très recourbés ; ils s’y développent rapidement, formant déjà, au bout de 12 heures, une belle pellicule superficielle. « Cullures sur gélose : rapide et abondant développement égal à celui des vibrions ordinaires. Cultures sur pomme de terre : développement un peu faible sous forme d’une pellicule jaunâtre qui, avec le temps, devient d'une couleur brun intense. Réaction indol-nitreuse : au bout de 24 heures, elle est déjà d'un rouge cerise; au bout de 48 heures elle est, comme dans le vibrion précédent, d'une couleur rouge fuchsine. » Action pathogène sur les animaux : à la dose de 1/6 de culture sur gélose, il tue les cobayes en 10-12 heures. Les vibrions qui se sont dévelop- pés dans l'abondant exsudat péritonéal sont extrêmement caractéristiques. Ils apparaissent très longs, spirillaires, groupés ensemble en manière de buisson, formant de très élégants entrelacements. Le sang est toujours stérile. Ils ne sont pas pathogènes pour les pigeons. . - # + v: " _... 4 | : d + À , n ' è C1 138 ANNALES, DE L'INSTITUT PASTEUR $ Cobaye C. : " *8/V. gr. 289. Injection gastrique de 2 c. e. de toxine de Ghinda,e + 2 c. c. de bicarbonate. | 9/V. gr. 320. lInjection gastrique de 3 c. .c. de toxine de Ghinda, + 2 c. c. de bicarbonate. 10/V. gr. 300. Injection gastrique de 3 €. c. de toxine de Ghinda,” + 3 c. c. de bicarbonate. . L'animal meurt 5 heures après la dernière injection. Autopsie : masses intestinales un peu congestionnées. "Gros intestins énormément distendu par l'abondant transsudat diarrhéique et par les gaz. La réaction de tout le contenu gastro-entérique est nettement alcaline. Le contenu de l'intestin grêle est citrin, transparent, riche en flocons: épithéliaux ; le transsudat du gros intestin présente la même physionomie que celui qui a été déerit chez le cobaye A-B; le liquide brunâtre, extraor- dinairement riche en éléments cellulaires, semble une culture pure d’amibes et de spirilles de toute espèce. Cultures : les solutions de gélatine-peptone, ensemencées avec le contenus intestinal, présentent déjà, au bout de 12 heures, une pellicule superficielle constituée par une culture, presque pure, de vibrions. Les cultures sur plaques permettent d'isoler le 3 vigrioN C. — Morphologie : batonnets mobiles, plus longs et plus, incurvés que les précédents, ressemblant un peu, par leur minceur, aux bacilles tuberculeux. Cultures en gélatine : bulle d'air caractéristique au bout de 36 heures, et développement typique avec liquéfaction, tout le long de la piqûre. à Cultures dans les solutions de peptone-gélatine : formation rapide d'une pellicule superficielle, mince et résistante ; le liquide ne se trouble presque aucunement. : Cultures sur gélose : rapide et abondant développement, non différent de celui des vibrions cholériques authentiques. Cultures sur pomme de terre : développement assez abondant et rapide, sous forme d'une belle pellicule brunâtre luisante. \ Réaction indol-nilreuse : au bout de 24 heures elle est plus.forte encore, que dans les vibrions À et B; au bout de 48 heures, elle apparait d'un rouge fuchsine intense. Action pathogène sur les animaux : ce vibrion tue les cobayes en 16, 18 heures à la dose de 1/6 de culture de 24 heures sur gélose. Dans l’abon- dant exsudat péritonéal, contrairement à ce qui a lieu pour les vibrionsy A et B, on trouve, d'ordinaire, de rares vibrions sous forme de filaments très longs et contournés, ou de petites virgules très incurvées. Le sang reste” stérile. Hs ne sont pas pathogènes pour les pigeons. * Cobaye D. | | 13/V. gr. 385. Injection gastrique de 2 ec. e. de la toxine de Ghinda + 2c.c. de bicarbonate. e a) +’ VIBRIONS INTESTINAUX ET CHOLÉRA. , * 139 v18/V. gr. 400. Injection gastrique de 3 ce. ec. de la toxine de Ghinda +3 c. c. de bicarbonate. L'animal meurt le jour suivant. Aulopsie : liquide citrin dans le péritoine. Masses intestinalgs peu con- gestionnées, mais fortement diarrhéiques et distendues. Intestin gréle rempli d'un transsudat dense, rosé, constitué presque totalement par des cellules épithéliales desquamées; gros intestin peu diarrhéique avec rares amabes, et quantité restreinte de spirilles. Cultures : au bout de 18 heures, à la surface de deux des trois tubes de solution nutritive ensemencée avec le contenu de l'intestin grèle, apparaît la pellicule caractéristique, constituée par une culture pure de vibrions. Dans les cinq tubes ensemencés avec le contenu du gros intestin, 1] ne se forme aucune pellicule et, à l'examen microscopique, on constate l’absence * de vibrions. Avec les plaques de gélatine, on isole done de l'intestin grêle. le 4e VIBRiON D. — Morphologie : petites virgules très mobiles, un peu grosses, difficilement colorables avec la fuchsine phéniquée ou avec le violet de gentiane. Cultures en gélatine : développement le long de la piqûre avec liquéfac- tion et formation rapide de la bulle d'air habituelle. Cultures, dans la solution de gélatine-peptone : rapide apparition de la pellicule superficielle. Cultures sur gélose : identiques aux précédentes. Cultures sur pomme de terre : abondant et rapide développement d'une belle couche jaune brunâtre. Réaction indol-nitreuse : au bout de 2% heures, elle est rose pale: au bout de 48 heures, eile est rouge intense. Action pathogène sur les animaux : la dose de 1/6 de culture de 24 heures sur gélose tue les cobayes en 7-8 heures. Dans l'exsudat péritonéal. les vibrions sont rares, filamenteux, minces, avec un grand nombre de cour- bures. Le sang reste toujours stérile. Les pigeons sont réfractaires. Cobaye E. 2/VI. gr. 325. Injection gastrique de 2 c. c. de la toxine de Ghinda seule. 4/NI. gr. 330. Injection gastrique de 3 ec. c. de la toxine de Ghinda seule. 6/VI. gr. 350. Injection gastrique de 3 €. c. de la toxine de Ghinda seule. 8/VI. gr. 360. Injection gastrique de 3.6 c. c. de la toxine cholérique susdite (= à 1 0/0 du poids du corps), et injection péritonéale simultanée de 2 c. ce. de toxine typhique. L'animal meurt au bout de 24 heures. Autlopsie : masses intestinales extrêmement diarrhéiques. Intestin grôle très pâle, distendu, rempli d’un transsudat jaune grisàtre à réaction alea- line ; l’estomac est également plein d’un liquide hémorragique à réaction fortement alcaline. Le gros intestin, énormément distendu, est rempli d'un liquide verdâtre à réaction alcaline. L'intestin grélescontient une quantité innombrable de cellules plus ou moins dégénérées et un grand nombre de microbes, parmi lesquels quelques “gros spirilles et quelques amibes; le gros intestin ressemble à une culture 140 | ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. LU d'amibes aux formes les plus variées, à mouvements protoplasmatiques très actifs : présence des spirilles pléomorphes habituels. Le contenu de l’esto- mac et de l'intestin grêle est absolument privé de résidus alimentaires. Cultures : du péritoine et du sang, on isole des colonies de B. coli. Dans les tubes de solution nutritive ensemencés avec le contenu du gros intestin, il ne se forme, au bout de 12 heures, aucune pellicule; mais l'examen microscopique révèle la présence des vibrions. Au moyen des cultures plates en gélatine on isole, en effet, le De VIBRION. E. — Morphologie : vibrions mobiles, flexueux, minces et peu colorables. Cultures en gélatine : à plat, on obtient des colonies très liquéfiantes, “avec petit noyau central et large zone transparente de liquéfaction. Dans les tubes on observe le développement avec liquéfaction le long de la piqûre et formation de la bulle d'air caractéristique. Cultures dans les solutions de gélatine-peptone : dans les 24 premières heures on n'observe ni la pellicule superficielle ni un trouble évident du liquide ; au bout de 48 heures, le liquide est déjà troublé et, à sa surface, apparaît un voile très mince et très délicat ; au bout de 3 jours la pellicule superficielle est complètement formée. Cultures sur gélose : rapide et abondant développement. Cultures sur pomme de terre : accroissement très modéré avec formation d'une légère pellicule superficielle jaune brunâtre. Réaction indol-nitreuse : au bout de 24 heures elle est à peine visible; au bout de 48 heures elle est d'un rouge écarlate. Action pathogène sur les animaux : ce vibrion tue, en S-12 heures, les cobayes de moyenne taille, à la dose d'environ 1/4 de culture de 24 heures sur gélose. Dans l’exsudat péritonéal, il se développe avec une abondance extraordinaire, sous forme de bâtonnets presque spirillaires, très incurvés, parfois filamenteux. Il ne passe pas dans le sang circulant et n’est pas pathogène pour les pigeons. Cobaye F. 10/VI. gr. 320. Injection gastrique de 2 c. c. de toxine de Ghinda + 2 c. c. de bicarbonate. 11/VI. gr. 310. Inj. gastr. de 2 c. c. de tox. de Ghinda + 3 c. c. de bic. 13/VT. gr. 285. Inj. gastr. de 3 c. c. detox. de Ghinda + 3 c. c. de bic. L'animal meurt quelques heures après la dernière injection, présentant une abondante diarrhée et des crampes musculaires générales. Aulopsie : quantité restreinte de liquide dans le péritoine ; masses intes- tinales congestionnées et diarrhéiques; l'intestin grèle est plein d'un trans- sudat très limpide, légèrement coloré en rose. La réaction est alcaline. Le gros intestin, excessivement distendu par l’abondant contenu diarrhéique et par des gaz, présente çà et là des taches hémorragiques. La réaction est. ici encore, nettement alcaline. Le contenu de l'intestin grêle est représenté presque exclusivement par des éléments cellulaires desquamés et par des leucocytes, avec faible quan- VIBRIONS INTESTINAUX ET CHOLÉRA. 141 tilé de microbes ; le contenu du gros intestin présente les mêmes caractères que ceux qui ont été observés dans les expériences précédentes, c'est-à-dire : énorme quantité d'amibes, d'éléments cellulaires et de vibrions. Cultures : les liquides nutritifs ensemencés avec le contenu intestinal présentent déjà, au bout de 12 heures, une beile pellicule superficielle dont on isole le r Ge vigrion G. — Morphologie : vibrions très mobiles, incurvés, virguli- formes, peu colorables. Cultures en gélatine : développement régulier et liquéfaction le long de la piqûre, avec rapide formation de la bulle d'air superficielle. Cultures dans les solutions de gélatine-peptone : rapide formation de la pellicule superficielle sans trouble du liquide. Cultures sur gélose : rapides et abondantes. Cultures sur pomme de terre : développement rapide et abondant avec production d’une belle pellicule brunâtre très foncée. + Réaction indol-nitreuse : au bout de 24 heures, elle apparaît d'une cou- leur rose; au bout'de 48 heures, elle est déjà d'un beau rouge fuchsine. Action pathogène sur les animaux : ce vibrion tue en 6-8 heures les cobayes de moyenne taille à la dose de 1/4 de culture sur gélose de 24 heures. Dans l’exsudat péritonéal, il se développe à peu près comme le précédent. il ne passe pas dans le sang et n'est pas pathogène pour les pigeons. Cobaye G. 12/VIL. gr. 380. Injection gastrique de 3 c. c. de toxine de Ghinda + 3 c.c. de bicarbonate. 14/VII. gr. 565. Même traitement. 15/VIL. gr.s 350. Même traitement. L'animal meurt quelques heures après la dernière injection, présentant une énorme distension du ventre avec abondante diarrhée. Autopsie : masses intestinales peu congestionnées, mais excessivement distendues; intestin grêle, à réaction alcaline, distendu par un transsudat dense et transparent ; gros intestin dilaté par des gaz, contenant une énorme quantité de liquide diarrhéique, vesdàtre, très ténu, à réaction alcaline. L'intestin grêle contient, comme d'ordinaire, une très grande quantité de cellules épithéliales et de leucocytes, avec quelques microbes; le contenu du gros intestin, au contraire, vu au microscope, semble presque un champ mouvant, à cause du nombre extraordinaire d'amnibes de toutes formes et de toutes grandeurs !. Au milieu de celles-ci, on trouve également, en grande quantité, les spi- rilles habituels. Cultures : quelques liquides nutritifs, ensemencés avec le contenu de l'intestin grèle et du gros intestin, présentent déjà au bout de 24 heures une pellicule superficielle dont on isole le 1. J'appelle sur cette singulière trouvaille, qui représente la règle dans toutes les entérites toxiques des cobayes, l'attention des savants qui s'occupent d’élu- cider le rôle étiologique des amibes dans la pathologie humaine, surtout au regard de certaines affections intestinales. À 1u2 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. : 7e vrerion G. — Morphologie : petits vibrions virguliformes, très mobiles, très ineurvés, peu coiorables. * Cultures en gélatine : accroissement rapide tout le long de la piqüre, avec production de la caractéristique bulle d'air superficielle. Cultures dans les solutions de gélatiñe-peptone : formation rapide de la pellicule superficielle avec trouble très léger du liquide. Cultures sur gélose : accroissement rapide et abondant. Cultures sur pomme de terre : développement abondant et formation d'une belle couche jaunâtre. Réaction indol-nitreuse : au bout de 24 heures, elle est d’un beau rose vif; au bout de 48 heures, elle apparaît, comme dans tous les autres vibrions. d'un rouge fuchsine très intense. Action pathogène sur les animaux : ce vibrion tue les cobayes ‘en 12- 14 heures, à la dose de 1/6 de culture sur gélose, de 24 heures. Il se développe très bien dans Fexsudat péritonéal, à peu près comme les autres, et n'envahit jamais le courant sanguin. Il n'est pas pathogène pour les pigeons. , Cobaye H. 9/VII. gr. 285. Injection gastrique de 3 c. ce. de la toxine de Ghinda + 3 € de bicarbonate. 10/VII. gr. 255. Même traitement. L'animal meurt le jour suivant; poids du cadavre : gr. 235. Autopsie : intéstin grêle pâle, transparent, diarrhéique, à réaction alca- line. Le gros intestin est également pâle, peu distendu, mais plein d’un transsudat diarrhéique. Le contenu du premier est un liquide presque ver- dâtre, plein de cellules épithéliales desquamées : on en voit des lambeaux très étendus qui occupent parfois tout le champ du microscope; c’est un véritable amas de cellules cylindriques, la plupart encore bien conservées: un grand nombre de bactéries et aucune amibe. Le gros intestin apparait, ainsi que d'ordinaire, comme le vrai paradis des amibes et des spirilles. On en voit de toutes formes et de toutes dimensions. Quelques spirilles sont très gros et doués d'un mouvement très lent; d’autres sont, au contraire, très * minces, très mobiles, courts, arqués, en forme de virgule: d’autres, enfin. sont de longs+spirilles doués d'un rapide mouvement spiral. Cultures : on ensemence 3 tubes du contenu du gros intestin et 3 tubes du contenu de l'intestin grèle. Le matin du Jour suivant, dans les 3 tubes de l'intestin grèle, on observe une belle et mince pellicule, complète, constituée par des vibrions en culture pure. Des 3 tubes du gros intestin, déux seule- ment présentent un mince voile où se trouvent un grand nombre de vibrions. Au moyen des cultures plates en gélaline on isole le , 8 vigrion H. — Morphologie : vibrions très mobiles, flexueux, minces. peu colorables, sans formes filamenteuses. ñ , Cultures en gélatine : développement caractéristique avec liquéfaction le long de la piqüre et production de la bulle d'air. Cultures dans la solution de gélatine-peptone : au bout de 12 heures, il & *° ? VIBRIONS INTESTINAUX ET GHOLÉRA. 145 s'est déjà formé une belle et résistante pellicule superficielle, sans trouble du liquide nutritif. Cullures sur gélose : : développement habituel, rapide et abondant. Cultures sw pomme de terre : accroissement assez rapide avec formation d'une pellicule jaune brunûtre. Réaction tndol-nitreuse : au bout de 24 heures, elle apparait d'une couleur rouge framboise; au bout de 48 heures, elle est, comme toutes les autres, rouge fuchsine très intense. Action pathogène sur les animaux : ce vibrion tue les cohayes de moyenne grosseur, à la dose de 1/6 de culture de 24 heures sur gélose, en 8-12 heures. Dans l'exsudat péritonéal, il se développe peu abondamment, prenant des formes filamenteuses très incurvées. Il ne passe jamais dans le sang circulant. Il n'est pas pathogène pour les pigeons. Cobaye LI. 12/VIL. gr. 540. Injection gastrique de 3 c. c. de la toxine de Ghinda + 3 c. cc. de bicarbonate. | 14/VIL. gr. 325. Inj. gastr. de 1 c. c. de tox. de Ghinda + 1 c. e. debic. 16/VITI. gr. 310. Inj. gast. de 3 c. c. de tox. de Ghinda + 3 c. €. de bic. L'animal meurt 4 heures après la dernière injection, avec diarrhée. régurgitation fécale par la bouche, crampes et forte distension du ventre. Aulopsie : Absence de liquide dans le péritoine; masses intestinales médiocrement injectées de sang: Intestin grêle, à réaction alealine, forte- ment distendu par un transsudat diarrhéique d'aspect fécal; gros intestin plein de gaz et d'un liquide diarrhéique semblable à celui de l'intestin gréle. à réaction alcaline. Le contenu de l'intestin grêle aussi bien que celui du gros intestin pré- sentent les mêmes caractères macroscopiques et microscopiques. Evidemme nt, dans ce cas, les forts. mouvements antipéristaltiques de tout le canal digestif ont déterminé le passage du contenu du gros intestin jusqu’à l'estomac, d'où s'est produite ensuite la régurgitation par la voie de l'æsophage. On y observe, comme d'ordinaire, une grande quantité d’élé- ments épithéliaux, d'amibes et de vibrions. Cullures: on ensemence divers tubes de solution de gélatine-peptone avec le contenu de l'estomac, de l'intestin grêle et du gros intestin. Le jour suivant, on observe une belle pellicule dans deux tubes de l'estomac, dans un tube de l'intestin grèle et dans un du gros intestin. Les cultures en surface sur gélatine mettent en évidence le % viBRioN [. — Morphologie : vibrions mobiles, plus courts, plus gros et plus incurvés que les précédents; ils sont peu colorables. Cultures en gélatine : développement et liquéfaction le long de la piqüre, « avec formation de la bulle d'air superficielle. Cultures dans les solutions de gélatine-peplone : au bout de 12 heures, il se forme une belle et résistante pellicule superficielle; le liquide sous-jacent n'apparait presque pas trouble. Gullures sur gélose : habituel développement rapide et abondant. ht 144 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. , ; + Cultures sur pomme de terre: accroissement abondant et rapide sous forme d'une belle pellicule brunâtre. Réaction indol-nitreuse : au bout de 24 heures, elle est d'une couleur rouge cerise; au bout de 48 heures, elle apparaît rouge fuchsine très intense.” Action pathogène sur les animaux : ce vibrion tue les cobayes en 12- 14 heures, environ, à la dose de 1/4 de culture sur gélose de 24 heures. Dans l’exsudat péritonéal, il se multiplie abondamment sous forme de virgules incurvées; on y observe rarement des formes filamenteuses. Il ne passe jamais dans le courant sanguin. Il n’est pas pathogène pour les pigeons. Cobaye K. 18 VII. gr. 335. Injection gastrique de 3 c. c. de la toxine de Ghindas +3 c. c. de bicarbonate. 19/VII. gr. 320. Même traitement. L'animal meurt le lendemain de la dernière injection, présentant un fort météorisme abdominal. : Autopsie : masses intestinales fortement injectées ; intestin grêle, efflanqué et distendu par une énorme quantité de transsudat dense et transparent, légèrement hémorragique. Le gros intestin est extraordinairement distendu par des gaz et du liquide; il est beaucoup plus volumineux que le gros intestin d'un lapin adulte. Le contenu de l'intestin grêle démontre la présence d'une énorme quan- tité de cellules épithéliales, de leucocytes et de globules rouges, parmi lesquels on observe un grand nombre de microbes; le contenu du gros intestin présente la physionomie habituelle, qui a déjà été décrite dans les cas précédents; ici encore, on remarque une grande quantité d’amibes, de vibrions et d'éléments épithéliaux. Cultures : les tubes ensemencés avec le contenu instestinal démontrent, le jour suivant, la présence de diverses pellicules de vibrions. Les cultures plates en gélatine mettent en évidence le 10e visrion K. — Morphologie : vibrions mobiles, courts, tout à fait identiques aux précédents, mais beaucoup moins colorables avec les moyens ordinaires de coloration. Cultures en gélatine : développement rapide avec liquéfaction tout le long de la piqûre, et production de la caractéristique bulle d'air super- ficielle. Cultures dans les solutions de gélatine-peptone : au bout de 12 heures, on * observe, à la surface du liquide, une pellicule belle et résistante, tandis que le liquide sous-jacent se maintient encore très limpide. Cultures sur gélose : identiques aux précédentes. Cultures sur pomme de terre: développement un peu tardif sous forme d'une pellicule jaunâtre luisante, laquelle, avec le temps, devient d'un brun très intense. Réaction indol-nitreuse : au bout de 24 heures elle est d'un rouge fram- boise; au bout de 48 heures, elle apparait d’un rouge bordeaux. VIBRIONS INTESTINAUX ET CHOLÉRA. 145 Action pathogène sur les animaux : ce vibrion tue les cobayes de moyenne grosseur, en 40-12 heures, à la dose de 1/4 de culture de 24 heures sur gélose. Dans l’exsudat péritonéal, il se multiplie très peu abondamment, sous forme de bâtonnets, plus ou moins filamenteux et incurvés. I ne passe jamais dans le sang et n’est pas pathogène pour les pigeons. Cobaye L. 24/VII, 10 h. m. Injection intraveineuse de 2 ce. c. de la toxine de Paris filtrée. 24/VIX, 44 D. m. Température rectale : 369,7’; 5 h. s. : 35°,2’. On n'observe aucun météorisme abdominal, mais une paraplégie générale. L'animal se maintient cependant assez bien et ne présente aucun des caractères que l'on observe à la suite de l'injection péritonéale de virus ou de toxine cholé- rique. On constate seulement une sensibilité abdominale exagérée. 24/NIL, 7 h. s. Température rectale : 350,6’; 11 h. s. : 35°,7!. Le lendemain matin on trouve le cobaye mort. Autopsie : L'aspect que présente l'abdomen est identique à celui qu'on observe dans l'intoxication 4h ore avec la toxine cholérique de Ghinda. L'intestin gréle est dilaté, congestionné et rempli de transsudat diarrhéique: le gros intestin, énormément dilaté, présente, sur quelques points, de larges taches ecchymotiques, son contenu est diarrhéique, alcalin, brunâtre. Dans l'intestin grêle on trouve une grande quantité d'éléments épithéliaux des- quamés:; on observe jusqu'à d’entières villosités qui conservent encore la forme primitive; dans le gros intestin on remarque des amibes et les spirilles habituels. Les poumons sont fortement congestionnés; la rate apparait petite, noirâtre et facilement friable. Dans la cavité pleurale existe du transsudat citrin. ‘ Cultures : les cultures du sang restent stériles, les cultures en solution de gélatine-peptone, du contenu intestinal, ne montrent la formation d'aucune pellicule; toutefois, dans quelques-unes d'entre elles, l'examen microscopique révèle la présence de vibrions. Les cultures plates en gélatine mettent, en effet, en évidence le 11° VisrioN L. — Morphologie : sur gélose apparaissent des vibrions très petits, très irréguliers, de diverses dimensions; quelques-uns semblent des coccus, d’autres sont un peu plus longs, plus gros, et prennent l'aspect de bactéries ordinaires ; les cultures semblent presque contaminées, Tous ces vibrions se colorent très faiblement; dans les solutions de gélatine-peptone, ils apparaissent un peu plus minces. mais toujours petits et irréguliers. Cultures en gélatine : développement très lent et mesquin le long de la piqûre, sans Jliquéfaction de la gélatine. Culture dans les solutions de gélatine-peptone : on obtient un développe- ment très lent, sans formation de pellicule; le liquide reste un peu troublé, même après plusieurs jours de permanence dans l'étuve à 379 ou à la tem- pérature du milieu. Cultures sur gélose : le développement est régulier et diffus, mais beaucoup plus restreint que pour les autres vibrions. 10 € 146 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Cultures sur pomme de terre : négatives. Ÿ A Réaction indol-nitreuse : elle fait défaut même au bout de plusieurs jours. Toutefois, le réactif de Griess (acide sulfanilique + naphthylamine + acide acétique) révèle une grande quantité de mitrites. La réaction deeLegal-Weyl (nitroprussiate de soude + hydrate sodique + acide acétique) révèle des traces minimes d'indol. Action pathogène sur les animaux : ce vibrion lue les cobayes en 6 heures, à ja dose de 1 culture entière sur gélose de 24 heures; il tue en 24 heüres à la dose de 1/2 culture. Les animaux présentent une péritonite exsudative très intense; l’exsudat est riche en vibrions, petits, trapus, peu incurvés, en forme de grosses virgules. Les cultures du sang restent stériles. Les pigeons sont réfractaires. Cobaye AL. L A0/VIN, gr. 330. Injection gastrique de 4 €. ec, de la toxine de Paris (concentrée) +3 c. c. de bicarbonate. 11/VIN, gr. 370. Le même traitement. 42/VIIL, gr. 360. L'animal apparaît très malade et se trouve en proie à une très forte diarrhée un peu hémorragique. Il est assailli, à l'improviste, d'un violent accès de crampes et meurt. Autopsie : très légère injection des masses intestinales ; l'intestin grêle est pâle, d'aspect cireux, mais énormément dilaté, aminci et plein d'un transsudat riziforme dense et séreux; le gros intestin, dont les plaques lym- phatiques apparaissent rougies et tuméfiées, est énormément dilaté et plein d'un liquide diarrhéique verdàtre. Le contenu de l'intestin grêle, composé d'un liquide transparent, de couleur citrine, riche en flocons muqueux, con- tient une grande quantité de virgules presque à l'état de culture pure. Dans les préparations colorées, elles apparaissent identiques à celles des déjections humaines ; elles sont très grosses et incurvées. Les cultures exécutées immédiatement, dans les solutions de gélatine- peptone, présentent, le jour suivant, une pellicule superficielle dont on isole, au moyen des cultures plates, le 12 Vigrion M. — Morphologie : vibrions très mobiles, un peu plus gros que les précédents, mais très incurvés. Cultures en gélatine : développement à peu près identique à celui des autres vibrions. Cultures dans les solutions de gélatine-peptone : la pellicule superficielle apparait déjà au bout de 12 heures; le liquide sous-jacent se trouble très | légèrement. Cultures sur gélose : identiques au précédentes. Cultures sur pomme de terre: accroissement rapide et abondant sous forme d'une belle pellicule jaune brunâtre. Réaction indol-nilreuse : très faible au bout de 24 heures, Mais très mar- quée au bout de 48 heures. Action pathogène sur les animaux: ce vibrion tue les cobayes de 3-400 grammes à {rès petites doses, dont la limite #inima n'a pas été bien VIBRIONS INTESTINAUX ET CHOLÉRA. 147 précisée. Un cobaye de 370 grammes mourut en 5 heures, à la suite d’une injection péritonéale de 1/4 de culture sur gélose; un deuxième cobaye, de 200 grammes, mourut en 8 heures, après avoir reçu, dans le péritoine, 0,5 c. c. d’une culture en solution de peptone de 24 heures; un troisième cobaye, de 505 grammes, mourut à peu près dans le même temps, après avoir reçu 0,2 c. c. de la même culture en bouillon. Dans ces cas, il ne passe jamais dans le sang, Il n’est pas pathogéne pour les pigeons. [II SIGNIFICATION BIOLOGIQUE DES VIBRIONS INTESTINAUX En étendantces recherches à un plus grand nombre de cobayes et à d’autres, animaux, on aurait certainement fait une moisson plus variée, plus riche et plus intéressante. Mais les 12 vibrions que je me suis borné à isoler suffisent à nous donner, au sujet du concept unitaire du bacille virgule et de la théorie actuelle sur l’étiologie du choléra, des notions toutes différentes de celles qui ont cours. Aucun bactériologiste ne pourrait sûrement différencier ces vibrions des vibrions des déjections cholériques, et je doute que dans aucun cas de choléra humain on ait vu un exsudat intes- tinal plus riche en virgules caractéristiques que celui du cobaye M, signalé plus haut, que je considère comme m'ayant présenté le cas le plus typique de mes recherches. Quant aux réactions ordinaires de ces microbes, elles sont tellement prononcées que ce sont les vibrions cholériques authentiques qui, à ce point de vue, semblent atypiques ou dégénérés. Des vibrions de diverses provenances que j'ai dans mon laboratoire et que j'ai bien étudiés, aucun n’a une action patho- gène aussi marquée que le vibrion A. Pas plus pour lui que pour les autres, je n’ai recherché la dose minima mortelle, ce qui eût exigé une hécatombe d'animaux. Je me suis borné à étudier la rapidité avec laquelle la mort arrivait sous l'influence de propor- tions déterminées (1/2, 1/4, 1/6) de cultures sur gélose. C’est le vibrion A qui, toutes choses égales d’ailleurs, est le plus rapide- ment mortel. De plus, au cours de quelques vaccinations sur les- quelles je reviendrai tout à l'heure, j'ai vu que ce vibrion À est plus toxique que le vibrion de Ghinda et même celui de Ham- 148 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. bourg. Le vibrion C, au contraire, bien que très pathogène, est le moins toxique de ceux que j'ai étudiés, et on vaccine très facilement les cobayes contre lui. Mais ces microbes intestinaux ont surtout ceci de remarquable qu'ils donnent Ja réaction rouge avec une intensité supérieure à celle de tout autre vibrion cholérique. Très marquée au bout de 24 heures, cette réaction colore le liquide, au bout de 48 heures, avec une telle intensité qu'on pourrait le confondre avec une solution de fuchsine à 4 et 2 0/0. Ces vibrions produisent donc, dans les solutions de peptone, beaucoup d'indol, comme on peut le démontrer aussi avec la réaction de Legal-Weyl, et réduisent activement les nitrates, comme le montre le réactif de Griess. Tout en constatant que mes vibrions intestinaux l’emportent à ce point de vue sur les vibrions cholériques authentiques, ilne faut pas oublier que ce caractère est un peu flottant. Les vibrions de Rome et de Lisbonne ne donnent aucune réaction rouge ; celle des vibrions de Massouah est faible et difficile à mettre en évidence; d’autre part, la plus grande partie de mes vibrions hydriques, non pathogènes, en sont presquecomplètement privés. Cette réaction indol-nitreuse ne peut donc nullement servir à une diagnose différentielle. Les autres caractères de culture ne permettent pas non plus de séparer nos vibrions intestinaux des vibrions virgules : ils sont les mêmes dans leur ensemble, pour les uns et les autres : ainsi pour le pléomorphisme. Dans la solution de peptone, les vibrions isolés des déjections cholériques à Massouah, à Ham- bourg, à Lisbonne, à Rome, ne produisent pas tout de suite une pellicule superficielle. Il en est de même pour les vibrions intes- tinaux À, B,E, L; le vibrion E en donne une au bout de trois jours ; ceux de Massouah, de Hambourg et les vibrions A, B, L en donnent au bout de quatre jours, tandis que ceux de Lisbonne et de Rome n’en fournissent jamais. Cependant, après quelques passages par les animaux, le vibrion A donne une pellicule au bout de 12 heures, et de même pour les autres. Enfin, si nous passons à la morphologie, nous trouvons dans les vibrions cholériques authentiques des types plus variés que ceux de nos vibrions intestinaux. De sorte que, en résumé, il faut renoncer à la diagnose bactériologique du choléra telle qu'on la faisait autrefois. VIBRIONS INTESTINAUX ET CHOLÉRA. 149 Mais les recherches qui précèdent n’ont pas seulement pour effet de prouver qu'il n’y a aucun critérium différentiel entre les bacilles des épidémies et ceux de l'intestin : elles éclairent l’ori- … gine des premiers, qui semblait si mystérieuse. Elles font plus, * ellesouvrent la question de la valeur spécifique qu’on doit accorder à ces vibrions intestinaux dans la pathologie humaine. M. Metchnikoff a prouvé que les vibrions hydriques pouvaient devenir cholériques. S'ils sont les mêmes que les vibrions intes- tüinaux, c'est en nous-mêmes, dans notre intestin ou celui des animaux domestiques, que nous devons rechercher l’origine des épidémies de choléra. Cette conclusion est en parfait accord avec l'étude de quel- ques épidémies récentes, celle de Paris en 1892, celle que M. Treille a décrite dans la province de Constantine. Mais elle paraîtra suspecte aux partisans de l’origine exotique du choléra, qui récusent l'exemple d’autres microbes, hôtes habituels de . notre organisme, capables pourtant, dans des circonstances déter- minées, de développer de véritables épidémies de choléra-nostras, d’entérites infectieuses, de dysenterie, de pneumonie, etc. Les recherches de M. Metchnikolf sur la production d’un véritable choléra au moyen des vibrions hydriques sont venues développer danswune direction nouvelle les notions fournies dès 1887 par M. Hueppe ?, confirmées et élargies ensuite par MM. Macé et Simon *, Lesage *, Macaigne ”, Gilbert et Girode ‘, sur l'étiologie des entérites infectieuses et du choléra-nostras. Ces recherches ont montré que le B. coli, hôte habituel et inoffensif de notre intestin, peut acquérir la virulence et la con- tagiosité à la suite des troubles les plus variés de lappareil digestif. Dans le cas de M. Hueppe, c'était une absorption excessive de bière fraiche qui avait provoqué une véritable altaque de choléra à Z. coli: dans le cas de MM. Gilbertet Girode, c'était une consommation d’eau de Seine, et ainsi de suite. Les lésions entériques qui donnent la virulence aux coli- 4. Le Choléra africain dans la province de Constantine en 1893 : Alger 1894. 9, Berl. KXlin. Wochenschr., 1887, n°° 39-40, 3. Revue Générale de clinique et de thérapeutique ; 1891 no 49. 4. Société de Biologie, janvier 1892. 5. Le B. coli commune, son rôle dans la pathologie, Paris, 1892, p. 55. 6. Cité par M. Macaigne, /. e., p. 63. 150 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. bacilles ‘ ne semblent pourtant pas capables de réveiller l’activité pathogène des bacilles cholériques intestinaux. Dans un cas seulement, après une violente intoxication obtenue par injection intraveineuse de toxine cholérique, nous avons pu isoler d’une cobaye, après 24 heures seulement de maladie, un vibrion (L)? moins pathogène, il est vrai, que les autres, plus rapproché de l’état saprophytique. : Ù Pour que les désordres et les vibrions se rapprochent de ceux du vrai choléra, il faut, comme avec le cobaye M, déterminer, dans lappareil digestif, un processus morbide d’une gravité exceptionnelle, pâr sa durée et par la nature des lésions änato- miques et fonctionnelles qu'il détermine. Dans d’autres cas, laamanifestation de propriétés pathogènes de la part des vibrions intestinaux est également explicable, suivant les dernières découvertes de M. Metchnikoff, lequel a trouvé que, dans l'intestin des animaux il existe, normalement, des microbes susceptibles de favoriser activement le développe ment et la virulence des vibrions cholériques. Nous devons donc croire que la manifestation de propriétés pathogènes de la part des vibrions intestinaux normaux n'est possible qu'exceptionnellement, dans la nature, de même qu’elle n'a pu être qu'exceptionnellement mise en évidence dans les expériences de laboratoire et dans les cas cliniques rappelés plus haut. IV » VACCINATIONS SPÉCIFIQUES ENTRE LES DIVERS VIBRIONS Une fois démontrée l'impossibilité de différencier, d’une manière certaine, les vibrions hydriques des vibrions choléfiques, se posait la question de savoir siles premiers pouvaient vacciner contre les seconds, et vice versa. Quelques expériences anciennes * m'avaient montré que la réciprocité vaccinale, par le péritoine, n'était pas constante non seulement entre vibrions hydriques et cholériques, mais même entre vibrions cholériques authentiques. Sur ces entrefaites, l'importance théorique de la vaccination cholérique, chez les cobayes, a beaucoup diminué depuis que les expériences de 1. Voir a çe sujet mon mémoire inséré dans ces Annales 1894, p. 115. s 2. Ces Annales, 1893, p. 729. * VIBRIONS INTESTINAUX ET CHOLÉRA. 151 M. Klein‘, confirmées par celles de Sobernheim*, Issaeff*, Pfeiffer ‘, ont montré que l'injection intrapéritonéale ou sous- cutanée de microbes divers pouvait rendre les cobayes très résis- tants contre l'injection intrapéritonéale d’une dose mortelle de vibrions cholériques. Nous reviendrons plus tard sur la signification des observa- tons de Klein. Pour le moment, nous avons à nous arrêter sur un mémoire où MM. Pfeiffer et Issaeff ; indiquent le moyen de distinguer les vrais vibrions cholériques des faux. Ce moyen est le suivant : Le sang des animaux rendus réfractaires contre une espèce microbique déterminée doune un sérum doué de propriétés immunisantes contre ce microbe. En conséquence, le sérum d'un cobaye vacciné contre un vibrion cholérique authentique doit immuniser les cobayes contre tous les vibrions qui aspirent à être considérés comme cholérigènes, et lorsqu'un vibrion, quelle que soit sa provenance, ne répond pas à cette condition sine qua non, il doit être exclu du nombre des facteurs étiologiques du choléra. Il peut paraître surprenant de voir cette spécificité de l’action préventive surgir de nouveau, à propos du choléra, à un moment où s'accumulent les travaux qui lui font perdre le rang qu’elle avait pu espérer occuper dans la science : ceux de MM. Cesaris- Demel et Orlandit, de M. Dunschman’, de MM. Pfeitfer et Issaeff ® eux-mêmes, qui ont trouvé le sérum de cheval normal aussi préventif contre les vibrions cholériques que celui des animaux vaccinés contre le choléra; à un moment enfin où M. Roux° nous a révélé les actions qu'exercent sur le venin du serpent les sérums des animaux protégés contre le tétanos et contre la rage. La spécificité réciproque relative au choléra n’en eût pas moins constitué une découverte très précieuse si elle avait été réellement démontrée, sans restrictions et sans ambages. Je ne 4. Centralbl. f. Bakt., 1893. p. 426. 2. Hygienische Rundschau, 1895, p. 22. 3. Zeitschr. f. Hyg., 1892, p. 287. 4. Jbidem, 1894, p. 355. v5. Zhidem, 1894. . Archivio p. l. Sciense Mediche, 1893, n° 14. . Ces Annales, 1894, p. 203. SLPIC, pe 2108 9. Ces Annales, 1894. 152 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. m’arrêterai pas aux objections déjà faites à MM. Pfeiffer et Issaeff. En les entendant affirmer, par exemple, qu'on ne peut être sûr de la nature cholérigène d’un vibrion que lorsqu'on l’a retiré du contenu intestinal d'un cholérique, durant une épidémie étendue de choléra, je me demande s’il y aurait des vibrions déterminant des épidémies étendues et d’autres des épidémies restreintes ou des cas isolés. Jusqu'ici le degré de gravité ou d'extension d’une épidémie n’avaitété rattaché qu'à des différences dans l'influence des circonstances extérieures (auxquelles il faut joindre, depuis M. Metchnikoff, celle des microbes antagonistes et favorisants), ou bien à des différences de virulence dans les vibrions. Cette dernière idée, que j'ai déjà explicitement énoncée dans une autre occasion, a été contestée par MM. Pfeiffer et Issaeff, mais elle a reçu une ample confirmation des faits. Aux épidémies bénignes de Paris, de Rome, de Lisbonne, correspondent autant de vibrions qui se distinguent de celui de la grave épidémie de Hambourg ; le microbe de Massouah est devenu classique pour sa toxicité et sa morphologie, et M. Pasquale ‘, quil’a découvert, dans un puits de Ghinda, près Massouah, l'avait considéré dès l'origine comme tout à fait distinct de celui de M. Koch. Au lieu d'accepter ces notions, MM. Pfeiffer et Issaeff, ayant trouvé que ce vibrion de Ghinda tue les cobayes traités préven- tivement par le sérum d’un animal immunisé contre le vibrion de Hambourg, lui dénient le caractère de vibrion cholérique. Ils en font de mème pour l’autre vibrion dit de Massouah, isolé par M. Pasquale. Et pourtant, à l’aide du vibrion de Ghinda, fourni par moi, M. Metchnikoff a obtenu un choléra intestinal typique chez les animaux, et M. Fermi a observé un cas de choléra très grave, suivi de guérison, chez un homme qui en avait ingéré spontanément une culture. M. Fermi publiera plus tard cette observation très caractéristique. Mais nous pouvons conclure tout de suite que le critérium de MM. Pfeiffer et Issaeff est en contradiction avec l’expérience, et qu'il y a des races diverses de vibrions cholériques inégalement virulents. MM. Pfeiffer et Issaeff avaient comparé tous les vibrions au vibrion de Hambourg, considéré comme typique, et c'était le sérum d'animaux vaccinés contre le vibrion de Hambourg qui 4. Giorn. medico del R9 esercito, Roma, 1891: VIBRIONS INTESTINAUX ET CHOLÉRA. 153 leur servait à prononcer les admissions et exclusions. J'ai voulu étendre ces essais, et j'ai vacciné quelques séries de cobayes contre autant de races de vibrions de provenances variées. Puis j'ai essayé l’action préventive réciproque des divers sérums. Pour les vaccinations, j'ai employé les vibrions suivants : Vibrions isolés des déjections cholériques. 1° V. de Hambourg ou de Pfeiffer, fourni par M. Metchnikoff; 20 V. de Massouah, isolé par M. Pasquale, en 1890-1891 ; 3 V. de Paris, trouvé par M. Netter, à Courbevoie, en 1892; 49 V. de Cassino, tiré des déjections d'un cholérique à Cas- sino, en 1893. Vibrions isolés des eaux. 5° Vibrion de Ghinda, tiré par M. Pasquale des eaux d’un puits à Ghinda, et qui a fait le tour des laboratoires d'Europe, sous le nom de vibrion de Massouah. Il se développe en petites virgules minces, le plus souvent non filamenteuses, sur gélatine-peptone, gélose, là ou le V. de Massouah donne de longs filaments. Avec ce dernier. la pellicule parait au bout de 3 ou 4 jours, tandis qu'elle se forme en 24 heures avec le V. de Ghinda. En outre, l’'auréole de liquéfaction autour des colonies sur gélatine est transparente avec le V. de Ghinda, trouble avec le V. de Massouah ; 6° V. de Versailles, trouvé par moi en 1893, dans une fon- taine publique de Versailles, et reconnu cholérigène pour l’homme par M. Metchnikoff. Vibrions intestinaux des cobayes. 1° Vibrion À, décrit plus haut, et trouvé dans l'intestin d'un cobaye à la suite d’une entérite toxique expérimentale. La période de vaccination a duré 3 mois, du commencement de juiu au commencement de septembre. On inoculait à diverses reprises, sous la peau des cobayes jeunes (les vieux sont moins résistants aux toxines), des cultures en bouillon stérilisées à la 154 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. à : chaleur. Ensuite on injectait sous la peau des cultures vivantes. Ces injections sous-cutanées sont indiquées quand on veut donner au sang des propriétés spécifiques, car elles permettent l'introduction de quantités de virus que n'aurait jamais sup- portées le péritoine. Lorsque les animaux avaient reçu 2 ou 3 fois du virus vivant sous la peau, je commençais à inoculer dans le péri- toine d'abord des cultures stérilisées, et ensuite, à plusieurs reprises, des cultures vivantes. C’est le sérum de ces animaux bien immunisés qui servait à procurer l’immunité aux cobayes contre les vibrions indiqués ci-dessus. On l’inoculait à la dose de 0,3 c. c.,0,5c.e.,1 c. c. sous la peau d'autant de petits cobayes de 2 à 300 grammes, auxquels, au bout de 24 heures, on injec- tait, dans le péritoine, la dose minima mortelle du vibrion contre lequel on voulait essayer la propriété immunisante du sérum. Cette dose minima, nécessaire pour tuer les cobayes en moins de 12 heures, fut différente pour les divers vibrions. Pour le vibrion de Hambourg, elle était de 1/4 de e. c. de culture de 24 heures sur gélatine-peptone ; pour Les vibrions de Massouah et de Ghinda, de 1/10 de culture de 24 heures sur gélose ; pour les vibrions de Paris, de Cassino et de Versailles, de 1/6 de la mème culture de 24 heures sur gélose; pour le vibrion À, de 0,3 c. c. de la culture de 24 heures en solution de gélatine-peptone, Dans certains cas, comme on le verra dans les tableaux suivants, on a fait l'injection de sérums préventifs dans le péritoine en même temps que celle du virus. ” A po LA LJ ” LL x . j VIBRIONS INTESTINAUX ET CHOLERA. 155 SÉRIE L — Vibrion cholérique d'Hambourg. = = + . 0 < $ C'rs PROVENANCE No |POIDS| QUANTITÉ ENDROIT DATE DOSE du ds brau Je en de du [RÉSULTATS SÉRUM animaux | corps | injecté. | © ECTION À ixpecriox | virus 9 2 S 94 a 2} Survé Sérum. de coLayes| e SE de Ge: Sous RÉnens 24 heures. |!, nu SES vaccinés contre le. jj] 965 [10 — :# 5 _ nm v. de Hambourg. | 14 300 | 0,5 —| Péritoine. |Avecle sérum.| — — # : 305 | 0 Sous 24 /4 S écu. Sérum de, cobayes| : ie CÈ ee Sous EE 24heures. ||, AAC VE vaccinés contre led jy vol 0 LE à, [= x 33 v. de Ghinda. | IV 235 | 05 Péritoine. |Avec lesérum.| — -- | Î 94 3 S 04 1, S r8 Sérum de cobayes| i + Le c.c.|Sous RE 24 ICE l he SEE vaccinés contre le: jj} 200 |10 — Fi si: EL Fe v. de Massouah. | 1y 255 | 0,5 —| Péritoine. |Avecle sérum.| — — | , x £ ns See" dé cobayes| i + RE ac Sous Jsipenu, 5 HUE { PSE Survécu. vaccinés contre le. jj] 280410 — Le . æ = AUS LE | IV 360 | 0,5 —!| Péritoine. |Avecle sérum. — — 370 3 . [So a 24 res 1 D écu. Sérum de ee e ane “ EE Sous RESSE l'on “on || no. SEE on Pose niNe- one © FÉQUUIE | IV 290 | 0,5 —| Péritoine. |Avecle sérum.| — = & Mis È 9, 4 Sérum de al L 4 De ce Sous ETC 2 LATE 1/4 c.c.| Survécu. vaccinés contre le” }] 988 [10 — E r : ) LA PRE , = D = ms — v. de Paris. l IV 300 | 0,5 —| Péritoine. |Avec lesérum. — — | DC: 3 c S 94 pe 74 Sérurt de cobayes| d EL. ne c É Sous Len 24 HE 1/4 c.c Survécu. vaccinés contre le: jj} 305 NE — — Ex = va de Versailles. | jy 290 | 0,5 —| Péritoine. |Avecle sérum.| — — | Sérum de cobayes| 280 À 1,0 c.c.|Sous la peau.| ?#%heures. |1/4 c.c.|Morten12h. neufs . U I 395 [1,0 — | Péritoine. |Avec le sérum. — [Morten2#h. | Le ri . à su SÉRIE I. — Vibrion cholérique de Massouah. PROVENANCE No |POIDS| QUANTITÉ ENDROIT DATE DOSE du ds | à ea, de du [RÉSULTATS ’ el DIINIECTION ; SÉRUM animaux | conPsS | injecté. L'INFECTION | VIRUS fl 280 | 0,3 c.c.|Sous la peau.| Z2+heures. |{/10decul.|Morten 12h. Sérum de cobayes| sur gélose. vaccinés contre le/ II 9260 | 0,5 — er ré LE a v. de Hambourg. / III 295% | O0 — als =E ee TE | IV 300 | 0,5 — | Péritoine. [Avec le sérum. — Survécu. | L Sérum de cobayes\| L sa Le EE Sous a 24 heures. _ Morten{2h. vaccinés contre le! j}] 303 [10 — 4 sis œ # v. de Ghinda. | IV 290 | 0,5 —!| Péritoine. |Avec le sérum. —= Survécu. | : r 9 : ‘ (a z 94 . +2 Se 1) Sérum. de * cobayes| D pe 0 € Sous EE 94 DAS “ Nos vaccinés contre le. j;;} 298 | 4.0 — = ED ra) PTE à x0s HE le IV 305 | 0,5 —!| Péritoine. |Aveclesérum. — — 1956 PROVENANCE du SERUM A —_—_—_———— Sérum de cobayes vaccinés contre le v. À. Sérum de cobayes vaccinés contre le v. de Cassino. Sérum de cobayes vaccinés contre le v. de Paris, Sérum de cobayes vaccinés contre le v. de Versailles. Sérum de cobayes neufs. Ke { (4 | l No des POIDS du animaux | corps QUANTITÉ du SÉRUM injecté 0,3 c-c- ENDROIT D'INJECTION Sous la peau. Péritoine. .[Sous la peau. Péritoine. .[Sous le peau. Péritoine. .|Sous Ja peau. Péritoine. .|[Sous la peau. Péritoine. DATE de L'INFECTION 24 heures. Avec le sérum. 24 heures. Avec le sérum. 24 heures. Avec le sérum. 24 heures. Avec le sérum. 24 heures. Avec le sérum. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. DOSE du VIRUS RÉSULTATS 1/10 de eul.|Morten 18 h. sur gélose. Survécu. Morten 24h. Survécu. Morten10h. Morten 24h. Survécu. | Morten12h. Survécu. Mort en 6 ] h. h. PROVENANCE du SERUM Sérum de cobayes vaccinés contre le v. de Hambourg. Sérum de cobayes vaccinés contre le v. de Ghinda. Sérum de cobayes vaccinés contre le v. de Massouah. Sérum de cobaye: vaccinés contre le v. intestinal À. Sérum de cobayes vaccinés contre le v. de Cassino. Sérum de cobayes vaccinés contre le v. de Paris. Sérum de cobayes vaccinés contre le v. de Versailles. Sérum de cobayes neufs. | | | l n | | l | | | No des animaux 340 280 300 290 325 380 325 275 290 340 310 280 295 310 290 QUANTITÉ du SÉRUM injecté ENDROIT D'INJECTION .[Sous la peau. :.|Sous la peau. .[Sous la peau. |. Péritoine. .| Sous la peau. .[Sous la peau. .[Sous la peau. .[Sous la peau. .|Sous la peau. Péritoine. DATE de L'INFECTION 24 heures. 24 heures. 24 heures. Avec le sérum. 24 heures. 24 heures. 24 heures. 24 heures. 24 heures. Avec le sérum. DOSE du [RÉSULTATS VIRUS 1/6 decult.| Survécu. sur gélose. Survécu. Morten12h., Survécu. Survécu, Survécu. Mort après 4 j. Survécu. Survécu. Morten 10h. VIBRIONS INTESTINAUX ET CHOLÉRA. 157 - T r* . Tire . SÉRIE. IV. — Vibrion cholérique de Cassino. PROVENANCE No |POIDS JERTES ENDROIT DATE DOSE , du des ( (7 A FPE de du |RESULTATS SÉRUM animaux] corps | injecté. | D ''NTECTION LIN RECTION VIRUS Sérum de cobayes I 380 | 0,3 c.c.|Sous la peau.| 2%heures. |{/6decult.| Survécu. vaccinés contre le) sur gélose. v. de Hambourg. | IT 9658411050 — = = — = Sérum de cobayes xs : 3 ; = PV Fe le : de qe c.c.|Sous la peau.| ?4heures. — ? FA v. de Ghinda. | F Dr re = — | Mort après 5 j. Sera Te cobayes| Il 310 | 0,3 c.c.|Sous la peau.| 24 heures. — [Mort aprèsi2 h. Mme CU à QUE IT 340 |0,5 — — — — — V''ÉR AS ‘) ny Se me = Péritoïne. Avec le sérum, F SusNécu, | Sérum de cobayes EE c ; : Sr AS CUT ê ne ue c.c.|Sous la peau.| ?#heures. = Survécu. v. intestinal 4. | d ES à F LA LA a | Sérum de cobayes 7 2 : 9, Le vaccinés contre le L sed De GP QUE Jggpean FACE Cu Survécu. v. de Cassino. HS 4 ce | Sérum de cobayes G + 4 94 mr vaccinés contre 1) : sn de c.c.|Sous la peau| 24 SERGE æ a après 4j. v. de Paris. | BG T urvécu. , AE Le i 2e qe c.c.|Sous la peau.| 24 heures = Survécu. v. de Versailles. | 4 VE #4 hr #3 Sérum de cobayes( ] 260 | 0,5 c.c.|Sous la peau.| 24 heures. Mort en 8 h. neufs. OT 345 | 1,0 —!| Péritoine. Morteu12h. | Avec le sérum. SÉRIE V. — Vibrion hydrique de Ghinda. PROVENANCE N° |POIDS| QUATITE |ENDROIT DATE DOSE du Modes de de du |RÉSULTATS SÉRUM animaux | corps | injecté | L’INIECTIOoN L'INFECTION VIRUS Sérum de cobayes I 215 | 0,4 c.c.|Sous la peau.| 24heures. |1/10decul.| Survécu. vaccinés contre le sur gélose. v. de Hambourg. Il 260 [0,6 — — — = 8 * Sérum de cobayes 99 a ee 91 : ciné! contre le) L 20 DE 0 Sous ET 24 IGUIRS ri si après 6 j. v. de Ghinda. | AA : RE Eu Sérum de cobayes| I 310 | 0,3 c.c.|Sous la peau.| 24 heures. — |Morten12b, > IT 365 | 1,0 — _— — Mort après 6]. vaccins contreple nr 280 | 0,5 —!| Péritoine. |Avec le sérum —— Survécu v. de Massouah. | jy : , Tue È : à IV 310 | 1,0, — — — _ = | 3 : Sérum de STE Il 250 | 0,3 e.c.|Sous la peau.| 24 heures, — Mort après 48 h. vaccinés contre le) II 325 | 0,5 — — — Survécu. v. intestinal 4. À III 300 [0,3 — = _ — — Sérum de cobayes © : 9, : Se Re detre ra) Es 250 qe € "ce Sous la peau’ 24 heures” Suryéeu. v. de Cassino. l , “ 158 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. PROVENANCE No |POIDS| QUNNTÉ | ENDROIT DATE DOSE x du des, | du Ve de de du [RÉSULTATS SÉRUM animaux | corps| injecté L'INJECTION | L'INFECTION VIRUS 5 Sérum de cobayes| I 245 | 0,4 c.c.|Sous lapeau.| ?24heures. |{1/{0decul.| Survécu. te contre le: sur gélose. . de Paris. | el 230 | 0,4 — = — = —_ # 17 | Sérum, de cobayes 280 | 0,4 c.c.|Sous la peau.| 24 heures = Survécu. vaccinés contre le II 595 104 — je 4 in: SF + v. de Versailles. ÿ ? : | Sérum de cobayes| ]| 320 |0,5 c.c.|Sous la peau.| 2% heures _ Mort après 8 h. neufs. | Il 340 | 1,0 — = = = — {0h. E] SÉRIE VI. Vibrion hydrique de Versailles. PROVENANCE No [POIDS] QUANTITÉ |[ENDROIT DATE DOSE du des | du |, de de du | RÉSULTATS SÉRUM animaux | corps | injecté. L'INJECTION L'INFECTION VIRUS Sérum de cobayes| ] 260 |0,3 c.c.|Sous la peau.| 24 heures. |1/6 de cul.| Survécu, vaccinés sontre le ; sur gélose. v. de Hambourg. | II 25 DORE Æ — =: — Sérum de co I 340 [0,4 c.c.|Sous la peau.| 24 heures. = Survécu. vaccinés contre où | II 20 DIS ee par # a CE v. de Ghinda. | de Sérum de RODANE) I 315 |1,0 e.c.|Sous la peau.| 24 heures. — (ortaprès 24h Ft | LU 290 |[1,0 —| Péritoine. |Aveclesérum.| — Survécu. | Sérum de cobayes| 975 |0,4 c.c.|Sous la peau.| 24% heures. — Survécu. vaccinés contre 1e) Il 960 104 ve = 2e a v. intestinal 4. * Sérum, de cobayes| | 325 |0,3 c.c.|Sous la peau.| 24 heures. 4 Survécu. vaccinés contre Île: il Je [05 — Le Gi RE as v. de Cassino. { si Ë Sérum de cobayes| ; 290 |0,3 c.c.|Sous la peau.| 24 heures. — Survécu. vaccinés contre Je) Il 330 [05 — 4 te a ‘Æ v. de Paris. \ d ? Sérum. de cobayes Il 315 |0.4 c.c.|Sous la peau.| 24 heures. — Survécu. vaccinés contre le Il 340 |0 4 #— A Æ ei 2e v. de Versailles. ? Sérum de cobayesi I 320 |0,8 c.c.| Péritoine. [Avec lesérum.| — |Morten 12h. neufs. VIT 320 |1,0 — |Sous la peau.| 24 heures. — — <5 VIBRIONS INTESTINAUX ET CHOLÉRA. L SÉRIE VII. — Vibrion intestinal A. # 159 PROVENANCE No |POIDS| QUANTITÉ | ENDROIT DATE DOSE du des dun PE £ AL + de de de RESULTATS SÉRUM animaux] corps | injecté, L'INJECTION L'INFECTION VIRUS Sérum obaves( nos à x x TRS | FOIS Are À Il 325 | 0,5 c.c.|Sous la peau.| 24 heures. 0,3 c.c.| Survécu. Le C « ps % ) a LUMIQUz — —. ee = Le v. de Hambourg. | Il PF Sérum de cobayes I DA Surlé 94} : 03 DS RES contre le ï 300 | 0,5 c.c.|Sous la peau.| ?2# heures. ,3 C.C.| Survécu. x 29005 — — A D v. de Ghinda. CAO NUE ? * Sérum de cobayes I 320 | 0,5 c.c.|Sous la peau.| ?2#heures. | 0,3 c.c.|Mort en 12 h. vaccinés contre le Il 20000 EE — — = — Survécu. v. de Massouah: {HI 275 | 0,5 —!| Péritoine. |Avecle sérum.| — Mort après 9 j. Sérum d cobayes! Se À a ù ; : À LATE en I 345 | 0,5 c.c.|Sous la peau.| ?#heures. | 0,3 c.c Survécu. É : 960 | 0,5 — = = — — v. intestinal A. il 0 | 0,5 Sérum de cobayes! i g : < : ; LE ES ee le) Il 389 | 0,5 c.c.|Sous la peau.| 24 heures. D'aree Survécu. EUR < Il SONDE Le ELA ie AY v. de Cassino. { ? Sérum de cobayes! Ë à ; M ; vaccinés ee I 00 ne c.c.|Sous la peau.| ?%heures. |0,3 c.c Survécu. v. de Paris. "# AT 7 sd Ta fa Sérum «€ bayes| : : L ; pue contre le) I 320 | 0,5 c.c.|Sous la peau.| 24 heures. 0,3 c.c Survécu, r = ? DRD NO 5 == — _ — v. de Versailles. ! 2! ONE Sérum de cobayesi TI 340 | 1,0 c.c.|Sous la peau.| 24 heures. 0,3 c.c.|Mort en 12 h.|f- neufs. LM 05 | 1,0 —!| Vléritoine. |Avec le sérum. — — | Les résultats qui ressortent de ces tableaux nous empêchent d'insister. On voit que le sérum de cobayes vaccinés contre des vibrions de provenances variées est doué indistinctement de propriétés préventives contre tous les vibrions expérimentés. Un seul semble faire exception à la règle : celui de Massouah. Mais, même là, c’est seulement une question de degré. S'il n’est très préventif nulle part (sauf dans les séries V et VIT), lorsqu'il est inoculé 24 heures auparavant sous la peau, il l’est lorsqu'on l'injecte dans Le péritoine en même temps que le virus. Les autres sérums ne se sont pas montrés non plus préven- tifs contre Je vibrion de Massouah, sauf quandils étaient injectés dans le péritoine en même temps que le virus. Les causes de cette différence entre le V. de Massouah et les autres nous échap- pent pour le moment, mais nous n’en voyons pas moins que le critérium proposé par MM. Pfeiffer et Issaeff est inexact, car 1] nous force à exclure du cercle des vibrions cholérigènes celui de 160 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Massouah, et nous oblige à y admettre le vibrion A de l'intestin du cobaye normal. Une dernière remarque ressort de la comparaison des expé- riences que MM. Pfeiffer et Issaeff d’un côté, et moi de l’autre, avons faites avec les vibrions de Hambourg et de Ghinda. MM. Pfeiffer et Issaeff ont trouvé que le sérum des animaux vaccinés contre le premier n’était pas préventif pour le second, tandis que j'ai vu, à diverses reprises, non seulement que les deux sérums et les deux vibrions ont des propriétés vaccinantes réciproques, mais encore que le sérum d’autres vibrions cholé- riques authentiques, comme ceux de Paris et de Cassino, vacci- nent contre le vibrion de Ghinda et réciproquement. Pour expliquer cette contradiction, 1lfaut, ou que MM. Pfeiffer et Issaeff aient confondu le vibrion hydrique de Ghinda avec le vibrion fécal de Massouah, ou que le sérum qu'ils ont employé eût une insuffisante activité préventive. Cette dernière hypothèse est d'accord avec ce fait que MM. Pfeiffer et Issaeff considéraient leurs animaux comme immunisés quand ils pouvaient supporter l'injection intrapéri- tonéale d’une dose mortelle de virus de Hambourg, dose qui, nous l’avons vu, est toujours très faible. Mais nous verrons bien- tôt que cette injection intrapéritonéale ne verse pas dans l'or- ganisme une dose de toxine suflisante pour rendre le sang énergiquement préventif, et MM. Pfeiffer et Issaeff ont vu eux- mêmes qu'un cobaye pouvait tolérer dans son péritoine une dose mortelle de vibrions cholériques sans que son sérum devienne vaccinant. C’est que la vaccination péritonéale des cobayes contre la péritonite vibrionienne est un phénomène d’accoutumance locale, qui ne reste pas absolument lié à la vaccination générale et aux modifications spécifiques des humeurs de l'organisme. C’est pour cela que j'ai toujours commencé par des injec- tions sous-cutanées la vaccination de mes cobayes, qui pouvaient être considérés comme parfaitement vaccinés, et les différences entre les résultats de MM. Pfeiffer et Issaeff et les miens, surtout relativement à un vibrion aussi toxique que celui de Massouah, peuvent peut-être s'expliquer par la différence d'activité des sérums préventifs employés aux expériences. . VIBRIONS INTESTINAUX ET CHOLÉRA. 161 \V/ EXTENSION DES PROPRIÉTÉS PRÉVENTIVES RÉCIPROQUES DES SERUMS Arrivé en ce point, et en songeant aux résultats de M. Roux auxquels j'ai fait allusion plus haut, je devais me demander si les propriétés préventives du sérum pris sur des animaux vac- cinés n'étaient pas un phénomène plus général et moins spéci- fique qu’on ne l’a cru jusqu'ici. SÉRIE VIII. — Vibrio Metchnikoui. [l SE LE OO PROVENANCE du SÉRUM Sérum de cobayes| vaccinés contre le v. de Hambourg. | Sérum de Ényes| vaccinés contre le v. de Ghinda. { Sérum de cobayes| vaccinés contre le. v. de Massouah. | vaccinés contre le Sérum de cobayes v. intestinal 4. | | Sérum de cobayes vacciiés contre le v. de Cassino. Sérum de vaccinés contre le v. de Paris. \ | mare Sérum de cobayes| neufs. | | No des animaux POIDS du CORPS QUANTITÉ du SÉRUNM injecté. ENDROIT de L'INJECTION .|Sous'la peau. :.|Sous la peau. Sousla peau. >. Sous la peau. .|[Sous la peau. :. [Sous la peau. .|Sous la peau. En DATE de L'INFECTION 2% heures. Avec le sérum. 24 heures. Avec le sérum. 24 heures. Avec le sérum. 24 heures. Avec le sérum. 24 heures. Avec le sérum. 24 heures. Avec le sérum. 24 heures. Avec le sérum. DOSE DU VIRUS (Sous la peau >. [Mort en {2-1 h. . [Mort en 12-18 h. [Mort en 12-18 h. . [Mort en 12-18 h. . [Mort en 12-18 h. >. [Mort en 12-18 h. RÉSULTATS [Mort en 12-[8 h. Mort en 24h. Mort en 12-18 h. On sait que M. Weibel' d’un côté, MM. Pfeiffer et Issaelf de l’autre, se trouvaient en désaccord au sujet de la vaccination réciproque entre le vibrion cholérique et le V. Metchnikovi, le premier soutenant qu'elle existe, les autres, qu’elle n'existe pas. Comme on peut le voir dans les tableaux (VIIT et VIII bis) j'ai voulu m'assurer aussi de la valeur de ce dernier caractère différentiel, et j'ai entrepris des expériences sem- blables aux précédentes, en employant le V. Wetchnikori authen- dl Archiv. f. Hyg., 1894, p. 22: 11 162 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tique, comme M. Weibél, MM. Pfeiffer et Issaeff avaient employé, de leur côté, un vibrion trouvé récemment (août 1893) par M. Pfuhl' dans l’eau de la Sprée, et que, d’après certains caractères morphologiques, et d’après son actiôn pathogène sur les cobayes et les pigeons, on avait identifié avec le vibrion isolé à Odessa, en 1888, par M. Gamaleia. 104 SÉRIE VIIL 5. — Vibrion cholérique de Hambourg. PROVENANCE No |POIDS| QUANTITÉ | ENDROIT DATE DOSE du des du cn de de ou virus RÉSULTATS SÉRUM animaux] corps | injecté. L'INJECTION | L'INFECTION | (Péritoine) 0,5 e.c.|Sous la peau,| 24 heures. 0,5 c.c.| Survécu. Sérum de cobayes 250 [0,5 — — — — vaccinés contre le CERN — — — v. Metchnikovi. SSH = — == _— - 0,5 — — Avec le sérum. — — Sérum de cobayes neufs. 1,0 c.c.|[Sous la peau.|. 24 heures. Mort en 7 h. On voit nettement que le sérum des cobayes vaccinés contre le vibrion aviaire a une action préventive nette contre ce même vibrion de Hambourg employé par MM. Pfeiffer et Issael. Au contraire le sérum des cobayes vaccinés contre les autres vibrions cholériques, hydriques ou intestinaux ne semble nul- lement préventif à l’égard du vibrion aviaire, pas même lors- qu'il est inoculé sous la peau en même temps que le virus. Mais je ne vois toujours là qu'une question de degré d'activité. L'activité pathogène, toxique, et par conséquent vaccinante, des divers vibrions cholériques est inférieure à celle du V. Metchni- kovi. L'activité préventive des sérums doit suivre la même marche, et dès lors, la vaccination peut se faire dans un sens et pas dans l’autre, du V. Metchnikovi pour les vibrions cholériques, mais non inversement. 4 Du reste, cette question de la non spécificité des sérums vaccinants m'a paru d’ailleurs suflisamment résolue par une dernière série d'expériences dans lesquelles j'ai étudié le pou- voir vaccinant, vis-à-vis du vibrion de Hambourg, du sérum des cobayes vaccinés et d’un lapin hypervacciné contre le bacille 1. Zeitschr. f. Hyg., 1894, p. 23#. VIBRIONS INTESTINAUX ET CHOLÉRA. typhique ’. Ces sérums étaient conservés depuis un an à l’obs- curité, dans des tubes scellés à la lampe, et voici les résultats qu'ils m'ont fournis. . & WE 7 s > , Q ‘ À SÉRIE IX. — Vibrion cholérique de Hambourg. PROVENANCE No [POIDS] QUANTITÉ [ENDROIT DATE DOSE du des | -du. |." de de du | RÉSULTATS SÉRUM SÉRUM 2 [animaux | corps | injecté L'INJECTION | L'INFECTION [VIRUS l 265 |1,0 c.c.|Sous la peau.| 24 heures. |0,5 c.c. Mort après 12 h. Sérum de cobay es| Il 290 | 1,0 — — = — — 48h. vaccinés contre le/ III 310 |0,5 — = — — 20h bacille typhique. IV 240 |1,0 — | Péritoine. |[Avecle sérum.| — — 14121h" 4 229 110 0 — = — — — 12h. | 275 |1,0 — |Sous la peau.| 24 heures. |0,5 c.c.| Survécu. Sérum d'un Jlapin\ II 290 |1,0 — — _ — Mort après 6 jours hyper vacciné con-) III 230 [0,5 — — — — Survécu. tre le bacille typhi-\ 1V 935 | 0,5: — -- — = — que. V 220. 110,5 — = — = Æ VI 315 | 0,5 — | Péritoine. |Avec le sérum. — — ; : : - 250° | 1,0 — |Sous la peau.| 24.heures. |0,5 c.c.|Mort en 16 h. Sérum de’lapin neuf. | Il 265 | 1,0 — | Péritoine. [Avec le sérum. — — 24h. Sérum de cob. neuf.| HI 955 | 1,0 — — _— — — 16h. 163 On voit que le sérum d'animaux vaccinés contre le bacille d'Eberth est immunisant vis-à-vis des vibrions de Hambourg, au moins avec le lapin hypervacciné. Quant à celui des cobayes, peut-être avait:l perdu un peu de son activité; peut-être les cobayes étaient-ils insuffisamment vaccinés. En tous cas, il reste établi que le sérum d'animaux vaccinés contre un microbe pathogène peut non seulement être doué de propriétés immunisantes vis-à-vis des variélés de la même espèce de microbes, comme cela est le cas pour les vibrions cho- lériques, mais encore vis-à-vis de microbes d'espèces différentes. La diagnose bactériologique du vibrion cholérique basée sur l'emploi de ces sérums est donc une pratique sans garantie. L 1 VI LA PÉRITONITE CHOLÉRIQUE EXPÉRIMENTALE.ET SON ACCOUTUMANCE La découverte du bacille virgule a fait entrer dans une voie nouvelle nos idées sur le choléra. Les vibrions cholériques, dit 4. V. ces Annales, 1894, p. 378. | - = CR. 225. _ 164 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. M. Koch!, fabriquent, dans l'intestin, un poison puissant qui esl absorbé par l'organisme, et détermine la manifestation des graves et caractéristiques symptômes qui composent le tableau clinique du choléra asiatique. Tout récemment, M. Gaffky, à Wiesbaden, soutenait que le choléra était un empoisonnement du sang pro- voqué par la diffusion du poison intestinal, quelque chose d’ana- logue au tétanos et à la diphtérie. C’est là un point de vue qui mérite d’être étudié de près. Les empoisonnements par voie intestinale peuvent quelquefois résulter d’une action tout à fait locale (alcalis, acides, drastiques, etc)., quelquefois produire une intoxication générale, ettel paraît être le cas pour le choléra. Toutefois,comme le vibrion cholérique ne pénètre jamais, ou seulement en proportions négligeables dans les organes, la fabrication de la toxine est localisée dans l’intestin, et dès lors, il va à se demander pourquoi, en pénétrant dans l'organisme, elle n'y éveille aucune des réactions habituelles, par exemple, aucun symptôme fébrile, même pendant la période prodromique. L'inoculation sous-cutanée du poison ou du virus cholé- rique, amène chez le cobaye une élévation de température fugace si la dose est rapidement mortelle, plus longue lorsque l’amimal peut réagir et survivre. Or, le choléra a au contraire un cours nettement apyrétique, et, même dans les cas suivis de guérison, ou ceux qui ont été précédés de symptômes prodromiques pro- longés, il n’y a pas de mouvement fébrile saisissable, ou, quand il y en aun, on est en droit de l’attribuer à la pénétration dans le sang du vibrion ou de quelque autre microbe intestinal. On ne trouve pas davantage, après la guérison, les traces ordinaires du passage du poison microbien par l'organisme, je veux dire l’immunité contre une attaque nouvelle, se traduisant par une action préventive ou thérapeutique du sang de l'animal guéri. C’est ce qui résulte des recherches de M. Metchnikoff, qui n'a pas trouvé la propriété préventive du sérum plus développée chez les malades guéris du choléra que chez ceux qui ne l'avaient jamais eu *?. L'absence de la réaction fébrile pendant la maladie, et de toute propriété préventive dans le sérum après la guérison chez l’homme, ne plaident donc pas en faveur d’un empoisonnement 1. Fortschr, d. Medisin, 1884, p. 154, 152. 2. V. ces Annales, |. VII, p. 403. VIBRIONS INTESTINAUX ET CHOLÉRA. 165 général et aigu de l'organisme. Pour les animaux, les variétés de formes morbides sont telles, qu'on risque de s’égarer, si on ne spécifie pas. _ Commençons par ce qui est considéré aujourd'hui comme la maladie cholérique classique des animaux, je veux dire l'infection intrapéritonéale des cobayes. On sait que les vibrions injectés ne se multiplient guère, qu'il n’est pas nécessaire qu'ils soient vivants, puisque, aux mêmes doses, des virus stérilisés produi- sent à peu près les mêmes effets ; enfin, que la dose mortelle sous le péritoine est à peu près inoffensive sous la peau. Aussi les avis sont-ils partagés sur le mécanisme de l’action : Pour les uns, il s’agit d’une infection ; pour d’autres, d’une intoxi- cation; pour d’autres enfin, d’un processus mixte, d’une toxo- infection. Il'est bien plus probable qu'il s’agit d’une simple péritonite, comme M. Metchnikoff' l’a dit le premier. En effet M. Klein avait vu * qu'on pouvait vacciner des animaux contre les vibrions cholériques à l’aide d’injections péritonéales de microbes non pathogènes {proteus, b. typhi, b. coli, b. prodigiosus, ete.) et ses résultats avaient été confirmés par Sobernheim*. Plus tard, Issaeff ‘ montra qu’on pouvait arriver au même résultat avec du bouillon, de l'urine, et même avec la solution physiologique de sel marin. En outre, ilobserva ce fait curieux qu'un cobaye vacciné est encore réfractaire au choléra alors que son sang a perdu tout pouvoir vaccinant. Il explique cette espèce d'immunité locale en signalant l'intervention, dans la muqueuse enflammée, de leuco- cytes phagocytaires. La leucocytose n’aurait dans ce cas rien de spécifique, et ne serait que l’application du moyen général de défense de l’orga- nisme. J'ai cependant observé qu'elle est impuissante à sauver l'animal quand, après l’avoir provoquée par du sel marin, de l'urine ou de l'acide lactique, on fait arriver sur le péritoine, non pas des vibrions cholériques, mais des bacilles typhiques. Cette leucocytose non spécifique n'est donc même pas toujours protectrice, et la cause principale de la résistance du péritoine contre les vibrions cholériques doit être cherchée ailleurs. . Ces Annales, t. NIT, p. 257. Centralbl. f. Bakt., 1895, p. 456. . Hygienische Rundschau, 1893, p. 22. ….Zeitschr. f."Hyg:, 1893, p. 287. + De 166 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. J'ai déjà fait voir ‘ que l’accoutumance peut rendre l'intestin des cobayes tout à fait insensible à la toxine typhique, qui à précisément sur lui une action élective très marquée. J'ai mon- tré en outre que cette accoutumance n’a pas de caractère spéci- fique, et peut être obtenue par des moyens très divers. Les analogies avec l’accoutumantce péritonéale vis-à-vis des vibrions cholériques s’imposaient donc à l'esprit, et la question se posait d'habituer le péritoine, par un moyen quelconque, à supporter une dose mortelle minima de vibrions. J'avais trouvé, il est vrai, que cette accoutumance n'était pas protectrice contre l’inoculation des bacilles typhiques dans le péritoine ; mais ceux-ci s’y mulüplient, et produisent rapidement des doses mortelles de toxine. Il se pouvait qu'il en füt autre- ment avec les vibrions cholériques, qui ne se multiplient presque pas dans le péritoine, et où leur action se borne à produire une péritonite vulgaire. Avec cette idée, on comprend qu'un processus inflamma- toire quelconque, obtenu préalablement, soit par l'injection directe dans le péritoine de sérum normal, d'urine, d'acide lac- tique, etc., soit par l’inoculation sous-cutanée de poisons micro- biens, qui exercent une action inflammatoire-toxique sur la cavité abdominale, suffise à rendre tolérable un processus péri- tonitique ultérieur, qui, autrement, aurait pu être mortel. Ainsi s’expliquerait le fait signalé par Me Jssaef], de ces cobayes vaccinés, dont le sang a perdu tout pouvoir préventif, et qui résistent néanmoins aux injections Mn de vibrions € holériques. Mes expériences n’ont, du reste, laissé aucun doute sur la vraisemblance de cette interprétation. J'ai, en effet, obtenu cette accoutumance péritonéale des cobayes aux vibrions ou, comme l'appelle M. Ælein, cette vacci- nation auticholérique, non seulement au moyen de la simple injection sous-cutanée du poison pulride, mais encore avec une . substance chimique bien définie : le chlorhydrate de muscarine. On sait que les produits de la putréfaction, aussi bien que es sels de muscarine, injectés dans l'organisme, agissent d’une manière particulière sur la cavité péritonéale et sur les intestins, y déterminant de graves processus inflammatoires, de nature 4, Ces Annales, t. VII, p. 357. « VIBRIONS INTESTINAUX ET CHOLÉRA. 167 toxique, qui peuvent aller jusqu’à la complète desquamation de l'épithélium intestinal, et par conséquent jusqu’à une intoxica- tion générale accompagnée d’une entéro-péritonite mortelle. Mais si, pendant plusieurs jours de suite, on inocule, sous la peau des cobayes, une dose tolérable (2 c. c.) d’une infusion putride de viande stérilisée, la cavité abdominale de ces animaux, d'abord plus ou moins gravement atteinte, commence peu à peu à supporter, sans troubles ultérieurs, les injections successives du poison putride. Au bout de 15-20 jours de ce traitement, le péritoine des cobayes est toujours en état de tolérer une dose mortelle de vibrions de Massouah, vivants ou morts. On peut obtenir le mème résultat avec la muscarine. Le chlorhydrate de muscarine, à la dose de 10 milligrammes, tue, en quelques heures, tout cobaye de taille moyenne, en déter- minant les graves lésions de la cavité abdominale que jai déjà comparées, ailleurs, à celles qui sont produites par la toxine du bacille d'Eberth ‘ Cependant, si on injecte, à plusieurs reprises, sous la peau, 5 milligrammes de la même substance, chaque fois à un inter- valle de deux ou trois jours, les animaux peuvent tolérer ce traitement pendant très longtemps. Ainsi, par exemple, je suis arrivé, dans l’espace de 20 jours, à faire tolérer à un cobaye la dose énorme de 60 ROUES de chlorhydrate de muscarine. D'abord, les animaux, comme cela a lieu dans tout autre cas, maigrissent rapidement, non seulement par l'effet de l’intoxica- tion générale, mais encore à la suite des lésions intestinales qui troublent extrêmement le processus mécanique et chimique de la digestion des aliments. Toutefois, en suspendant le traitement, peu à peu les cobayes finissent par se rétablir, et alors la cavité abdominale non seule- mént est en état de résister aux lésions toxiques, si graves et si caractéristiques, produites aussi par la toxine typhique, mais elle tolère impunément une dose mortelle d'une culture vivante ou morte de vibrions cholériques. Comme on le voit donc, dans ces cas, on ne peut parler ni de vaccinalion générale, ni de vaccination locale : c'est pourquoi 4, Annales de l’Institut Pasteur, 1894, p. 529. 168 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. la vaccination anticholérique de M. Klein se réduit simplement à un phénomène d'accoutumance locale, sans aucune signification spe- cifique. VII L'ENTÉRITE CHOLÉRIQUE EXPÉRIMENTALE La péritonite cholérique des cobayes, malgré son imposant cortège symptomatologique, n’a évidemment aucune analogie avec le choléra humain, qui est réellement d’origine intestinale. Toutes les tentatives de Koch et de son école pour reproduire chez les animaux un processus analogue n’ont donné que des résultats nuls ou douteux, et c’est M. Metchnikoff qui a réussi le premier‘, par une méthode originale, à provoquer à coup sûr, chez les lapins encore à la mamelle et chez les cobayes nou- veau-nés, un choléra intestinal typique. Au moment de l'apparition de ce travail, j'avais perdu depuis longtemps l'espoir d'obtenir quelque succès par les méthodes ordinaires, et j'avais essayé l’action favorisante d’un produit microbien, dont les effets sur l’organisme des cobayes m'étaient bien connus, la toxine typhique. J'ai mentionné brièvement plus haut les résultats qu'on obtient à la suite de l'injection péritonéale de cette toxine, chez des cobayes ayant reçu dans l’estomac une abondante émulsion de vibrions cholériques dans une solution de bicarbonate de sodium. Le processus morbide, produit dans ces conditions, mérite d'être étudié de près. Comme je l'ai dit plus haut, ma toxine typhique n'était mor- telle, pour les cobayes de 300 à 400 grammes, qu'à la dose de 8 c. c. Avec 2 c. c. dans le péritoine, on ne produisait qu'un malaise passager ; mais si, simultanément ou aussitôt après, ou injectait 3 cultures sur gélose de vibrions cholériques, en sus- pension dans 3 c. c. de solution de bicarbonate de soude, ces animaux succombaient en quelques heures, présentant le tableau intestinal caractéristique que j'ai mentionné au commencement de ce mémoire. Outre cela, si l’on employait, comme virus cholérique, le vibrion de Ghinda, on observait toujours à l’autopsie sa diffusion 4. Ces Annales, 1894, p. 209. VIBRIONS INTESTINAUX ET CHOLÉRA. 169 dans le sang: mais, avec le vibrion de Paris (1892), la lésion res- tait localisée dans l'intestin, et les cultures du sang et du péri- toine étaient stériles. La mort des animaux pouvait donc aussi être obtenue exclusivement comme conséquence du seul proces- sus intestinal. De quelle nature pouvait être ce processus ? Comme j'ai déjà dit que, dans ce cas, il ne se produit d'ordi- naire, dans l'intestin, aucune multiplication importante des vibrions, et que je suis parvenu ensuite à obtenir les mêmes résultats en injectant dans l'estomac, non plus les cultures vivantes, mais les cultures stérilisées, même sans adjonction de bicarbonate sodique, je fus amené à exclure l'hypothèse d’une infection, et à croire que ce processus intestinal devait être con- sidéré. comme dû au poison cholérique, représenté par le corps mème des vibrions injectés. Dans ce cas, l'influence de la petite dose de toxine typhique devait donc être interprétée en ce sens que, en faisant tomber l’épithélium de la muqueuse intestinale, elle rendait immédiat le contact entre le corps des vibrions et la paroi, déjà malade, de l'intestin. On arrivait par conséquent à observer un phénomène à peu près identique à celui que nous avons déjà étudié dans le péri- toine, c'est-à-dire un processus inflammatoire local, de nature toxique. Dès lors, j’abandonnai définitivement l'emploi des eul- tures vivantes ou stérilisées et je commençai à préparer la toxine cholérique, dans le but de reproduire, chez les animaux, le pro- cessus intestinal spécifique qu'il n’était pas possible d'obtenir avec les mêmes microbes vivants. J'ai déjà parlé du mode de préparation de ces toxines et de leur action sur l'intestin, lorsqu'elles y ont été introduites en même temps que le bicarbonate de sodium ou qu'elles sont accompagnées de l'injection intrapéritonéale de toxine typhique. Dans les deux cas, ces substances exercent, sur les parois intestinales, à peu près la même fonction; la toxine typhique, comme nous le savons déjà, desquamme l'intestin en arrivant par la voie de la circulation générale ; le bicarbonate de soude, au contraire, comme d’autres purgalifs salins', n’agit pas sur le 1. Voir : Fusariet Marfori, Azione dei purganti salini sulla mucosa digerente. (Annali di Chimica e Farmacologia, 1844, n0 2, p. 97.) 170 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sang, mais, en contact immédiat avec la muqueuse, il suscite des phénomènes d’irritation et détermine le détachement des cellules épithéliales de la muqueuse et des villosités. Ges lésions épithéliales de la muqueuse entérique, de quelque façon qu'elles soient provoquées, représentent donc la condition la plus opportune et peut-être indispensable pour obtenir, chez les cobayes adultes, au moyen de la toxine cholérique, le pro- cessus morbide intestinal que nous avons déjà longuement décrit et que, pour le moment, nous appellerons : entérite cholé- rique expérimentale. Cependant, jé me hâte d’ajouter que cette forme d’entérite expérimentale n’est pas spécifique pour la toxine ou les vibrions du choléra. Nous pouvons, en effet, provoquer chez les cobayes un pro- cessus tout à fait analogue, même sans l'injection gastrique du poison cholérique. Il suffit pour cela d'injecter, dans le péritoine, la dose habi- tuellé de 2 c. c. de toxine typhique après avoir introduit dans l'estomac le seul bicarbonate sodique à la dose de 6 €. c.!. Dans ce cas, il se développe invariablement chez les cobayes une entérite mortelle produite par le b. co. Les animaux succombent en 6-8 heures, présentant tous les phénomènes de ceux qui meurent d’entérite cholérique, c'est-à- dire : hypothermie, grand météorisme, diarrhée, etc. Les cul- tures du péritoine, du sang et des diflérents organes restent presque toujours stériles ; on doit donc exclure l’idée d’une infec- tion générale ; l'intestin, au contraire, et surtout le transsudat diarrhéique abondant de l'intestin grêle, contient des quantités énormes de b. coli virulent et à l’état de culture pure. Le mécanisme biologique de cette forme d’entérite est donc probablement le suivant : la toxine typhique, non seulement produit des altérations anatomiques et fonctionnelles sur la muqueuse entérique, mais elle exalte encore la virulence du B. coli intestinal. Celui-ci, à son tour, reste extraordinairement favorisé dans son développement par l’alcalinisation marquée 4. Il est à remarquer que cette dose de bicarbonate, injectée dans l'estomac, seule, même pendant un grand nombre de jours de suite, est tolérée impuné- ment par les cobayes, au point qu'on ne parvient pas même à observer une petite diminution de leur poids. +* L , VIBRIONS INTESTINAUX ET €HOLÉRA. 171 du milieu et par les désordres fonctionnels que le bicarbonate sodique ajoute à ceux qui ont déjà été produits par le poison tvphique. Il se détermine par conséquent une véritable entérite produite par le b. coli, laquelle se distingue de l’entérite cho- lérique comme certaines entérites infectieuses de nos pays se distinguent du choléra asiatique, c’est-à-dire par la nature et par l’activité différentes des microbes et de leurs poisons respectifs. Une alcalinisation adéquate des sucs entériques, une consé- cutive altération anatomique et fonctionnelle de la muqueuse et la présence de microbes virulents, capables de pouvoir se multiplier sans limites dans l'intestin, sont donc des éléments suffisants pour le développement d’une entérite mortelle. En con- séquence, si chez les cobayes adultes nous ne pouvons obtenir, d'ordinaire, une entérite produite par des vibrions vivants, comme on l’obtient expérimentalement aussi chez l'homme et comme elle se produit chez les animaux avec le B. coli, cela dépend évidemment de quelque obstacle qui s'oppose à la libre multiplication des vibrions cholériques dans l'intestin de ces animaux. Cet obstacle a déjà été signalé par M. Metchnikoff et, désor- mais, il est établi qu'il consiste dans la présence de microbes antagonistes aux vibrions cholériques. En possession de ces connaissances, j'en ai largement pro- fité pour étudier de plus près l’entérite cholérique expérimentale des cobayes, déterminée par la seule injection gastrique de toxine cholérique et de bicarbonate sodique. Les toxines cholériques que j’ai préparées pour cette étude ont été de trois qualités; la 1° fut préparée avec le vibrion de Ghinda; la 2° avec le vibrion de Paris (4892), la 3° avec le vibrio Metchnikouur. Les vibrions employés pour la préparation des toxines étaient toujours rendus très virulents au moyen de passages consé- cutifs à travers le péritoine des cobayes. La solution de peptone ensemencée était chaque fois en quantilé de 2 litres : la période de développement était loujours égale, c’est-à-dire d'un mois environ; enfin la concentration de la culture et'les traitements successifs étaient toujours identiques. LZ2 " 172 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. :4 Malgré cela, la toxine du vibrion de Ghinda fut plus active que celle du vibrion de Paris, et celle-ci plus active que celle du V. Metchnikoui. Avec la 1"°et la 2°, je parvins en effet, à obtenir régulière- ment l’entérite cholérique aiguë; la 3°, au contraire, se montra d’une action très faible. J'ai déjà décrit plus haut, en détail, les caractères les plus saillants et les résultats de l’entérite qu’on peut obtenir à volonté chez les cobayes à la suite de l'injection gastrique de toxine cholérique et de bicarbonate de sodium, répétée pendant quelques jours. Je dois cependant ajouter que les seules expériences rap- portées en entier au commencement de ce travail sont celles qui m'ont permis d'isoler les vibrions intestinaux : il manque donc quelques autres expériences sur l’entérite cholérique qui tue les animaux en quelques heures après une seule injection gastrique. Je suis parvenu, en effet, à obtenir aussi cette forme très aiguë, foudroyante, d’entérite. L'occasion m'en fut fournie par une toxine cholérique préparée avec le V. de Ghinda, et que j'avais réduite à une forte concentration, après l’avoir laissée macérer dans l’étuve pendant environ un mois en présence d'hydrate potassique. Après cela le protoplasma des vibrions avait fini par se désagréger pour la plus grande partie, et le liquide qui en était résulté se montra d’une toxicité exceptionnelle. Il suffisait de l'injection gastrique de 3 ce. c., dilués dans la même quantité de bicarbonate sodique, pour tuer les cobayes en 5-6 heures, avec les symplômes les plus marqués du cho- léra humain : hypothermie, excessive sensibilité abdominale, crampes, vomissement, diarrhée, etc. Dans ces cas, cependant, je ne parvins jamais à isoler des vibrions. Évidemment la maladie intestinale était de trop courte durée pour favoriser la complète transformation des vibrions saprophytes en vibrions pathogènes. Malgré cela, ce processus morbide très aigu, accompagné d'une symptomatologie et de données anatomiques extrêmement caractéristiques, réalise, après la méthode de M. Metchnikoff, le vraitype du choléra expérimental chez les animaux. VIBRIONS INTESTINAUX ET CHOLÉRA. 173 VIII L'ACCOUTUMANCE INTESTINALE DES COBAYES AUX POISONS CHOLÉRIQUES * La vaccination contre le choléra a donné lieu jusqu'à pré- sent, à diverses interprétations dues à l'insurmontable difficulté de reproduire, chez les animaux, une maladie spécifique ana- logue à celle de l'homme. Ainsi par exemple, tandis que d’une part, MM. Gamaleia, Haffkine, Brieger, Klemperer, Kitasato et Wassermann soutiennent que les cobayes vaccinés par voie sous-cutanée ou intrapérito- néale deviennent réfractaires à la maladie intestinale produite par les vibrions injectés par la voie gastrique, MM. Pfeiffer et Wassermann ‘, Sobernheim *, arrivent d'autre part à des conclu- sions opposées. Toute tentative d’immunisation qui s’efforcerait de mettre en jeu un pouvoir préventif du sang semble vouée à l’insuccès, si on se réfère à ce qui est connu pour l’homme, depuis que M. Botkine d’une part a montré que le sang de la plupart des individus qui meurent du choléra est doué de propriétés préven- tives, et que M.Metchnikoff a fait voir que la guérison du choléra peut se produire sans que le sang acquière ces propriétés. On a donc cherché à obtenir l’immunité contre le choléra en faisant agir directement les substances vaccinantes sur l'intestin, et nous rappelons ici les noms de MM. Klemperer*, Sawtchenko et Zabolotny', Hasterlik’, Metchnikoff. La conclusion a été que pour que la vaccination intestinale soit efficace contre l’en- térite mortelle, il faut que l'intestin ait subi une entérite bénigne. Or, chez les cobayes adultes, s'il n’est pas possible de pro- duire le choléra avec des vibrions vivants, il se produit, cepen- dant, avec les toxines cholériques, une entérite spécifique analogue au choléra humain. [l était donc intéressant d'essayer la vaccination de ces animaux contre l’action révulsive , diar- rhéique et mortelle de la toxine. 1. Zeistchr. fur Hygiene (1893, p. 46). 2. Ibidem (1893, p. 493). 3. Berl. klin. Wochenschr. (1892, n° 50). 4, Wratch (1893. p. 562). 5. Wiener klin. Wochenschr. (1893, p. 167). ® 174 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. . ; Il y a déjà quelque temps que j'ai commencé des essais dans cette direction. Les premiers que j'ai faits, avec la toxine de Ghinda, n’ont pas été heureux. Cette toxine est trop éner- gique : diluée ou vieillie, elle n’attaque pas les parois intesti- nales el ne donne‘aucune immunité ; concentrée, elle détermine une cachexie«dont l’animal ne se remet guère. ” J'ai mieux réussi avec la toxine des vibrions de Paris : les animaux maigrissent sous son influence, maïs peu, etse réparent vite quand on suspend l’ingestion du poison. Quelques jours après la fin du traitement, ils sont en état de supporter sans inconvénient une dose de toxine de Ghinda, mortelle pour les cobayes témoins. Voici le résumé de mes expériences sur ce sujet. Exp. I. — Cobaye n° 1, du poids de 305 grammes. On lui donne tous les jours, à partir du 9 juillet, 3 c. c. de la toxine du V. de Paris, diluée dans 3 c. c. de bicarbonate. Voici les résultats des pesées journalières : Dates 10, M4, 12, 15, 15 juillet. Poids en gr. 285 320 320 315 330 Le 15, on suspend le traitement. Le 24, on donne à ce cobaye et à un cobaye témoin, tous les jours, 3 c. c. de la toxine de Ghinda, difuée dans 3 6. c. de bicarbonate. Voici les pesées : Dates 24, 25, 26, 27% 284, 29 juillet. Cobaye immunisé. 380 380 385 400 400 On suspend le traitem. Cobaye témoin. 310 285 260 — _ LES #5 0 Le cobaye témoin meurt le 27, dans la nuit, d'une entérite cholérique grave. Exe. Il. — Cobayes n° 1 et2. Injection journalière, à partir du 12 août, de 3 c. c. de la toxine de Paris diluée dans 3 c. c. de bicarbonate. Voici les pesées : Dates 42, 13, 14, 1% 48 août. Cobaye n°1 430 5 395 400 390 Cobaye n°2 385 370 360 350 345 Les deux cobayes, laissés en repos pendant 12 jours, reçoivent ensuite, en même temps que deux cobayes témoins, l'injection de 3 c. c. de la toxine de Ghinda et de 3 c. c. de bicarbonate. Les cobayes témoins meurent d’entérite cholérique, avec un fort amaigrissement, après la 3° injection. Les cobayes traités eu supportent cinq, en maigrissant d'abord un peu et se rétablissant ensuite. Exp. III. — Cobayes 1 et 2 traités comme les précédents à partir du 16 août. VIBRIONS INTESTINAUX ET CHOLÉRA. 175 Dates 16, AT: 18, 49, 20, 21 aoùt. Cobaye n° {. 370 360 399 940 330 320 Cobaye n° 2. 39% 380 305 340 325 320 Ce traitement de 6 jours a amaigri les animaux, dont l'un, le cobaye n° 2, meurt bientôt de cachexie; l’autre se rétablit et se répare. Le 16 sep- tembre, on le soumet à la toxine de Ghinda, en même temps qu'un cobaye témoin, qui succombe à la 3° ingestion, tandis que l’autre en supporte à sans faiblir. , Je ne rapporte que ces expériences, qui donnent une idée assez nette de ce qui se passe. On voit qu'il ne s’agit guère que d’un phénomène d’accoutumance locale, analogue à celui que _ j'ai déjà constaté chez les cobayes, accoutumés à l’action intesti- nale de Ja toxine typhique. Mais le traitement préventif avec la toxine du V. de Paris n'en doit pas moins être fait avec beaucoup de précautions. Il faut en mesurer la durée et l'intensité d’après la tolérance mani- festée par les animaux, s’arrêler lorsqu'ils maigrissent trop, etne commencer les épreuves avec le vibrion de Ghinda que lorsque, après un repos, qui doit être au moins de 40 ou 15 jours, ils ont repris ou même dépassé leur poids primitif. J'ai dit plus haut qu'avec la toxine du V. Metchnikovi, je ne suis jamais parvenu à obtenir chez les cobayes une entérite cholérique analogue à celle que donnent les autres toxines vibrionniennes. L'animal ne subit aucun trouble apparent, sauf une légère diminution de poids, et, chose singulière, il peut résister cependant à l’ingestion de la toxine de Ghinda. C est ce que montre l'expérience suivante : Exp. IV. — 2 cobayes reçoivent tous les jours l'ingestion gastrique de 4e. c. de toxine du V. Metchnikovi, dilués dans 4 c. ce. sol. de bicarbonate. Dates ARLON 5 GS EN M 010, LA: AS VASE Cobaye n° 1 325 305 315 310 310 310 315 320 335 340 345 Cobaye n° 2 315 300 300 305 305 310 320 335 335 335 340 Le traitement reste suspendu 11 jours. Le 24 juin, on soumet les 2 cobayes en même temps que 2 témoins, à l'ingestion gastrique journalière de 3 c. c. de la toxine de Ghinda. Voici les pesées : Cobaye n° 1. Cobaye n° 2. Cobaye témoin. Cobaye témoin. 24 495 390 M5 440 95 410 375 380 410 26 HO 360 355 375 27 410 360 Mort. Mort. 28 415 360 176 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. * Ce qui précède montre bien qu'on peut vacciner des animaux contre l’entérite cholérique. Mais le traitement préventif est long et délicat. J'ai cherché si on ne pouvait pas arriver plus vite et j'y ai réussi à l’aide de la toxine du V. de Ghinda. Elle détermine, comme nous savons, une entérite toxique rapidement mortelle, quand elle est introduite dans l'estomac à la dose de 3 c. c., dilués dans un volume égal de solution de bicarbonate. Mais si on injecte ces 3 c. c. sans bicarbonate, ou 2 c. c. avec bicarbonate, les cobayes maigrissent rapidement et progressivement pendant plusieurs Jours; mais, au bout de 20 à 30 jours, ils reprennent leur poids initial, et peuvent alors résister à l’ingestion gastrique de la dose mortelle, ainsi qu’en témoigne l'expérience suivante : Exp. V. — Cobayes1 et 2. Les 16 et 19 août, injection gastrique de3 c. c. de toxine de Ghinda, dilués dans 3 c. c. d’eau. Les cobayes sont malades, présentent du météorisme et de la sensibilité abdominale, mais ils se réta- blissent au bout de 24 heures, bien qu'ils s’amaigrissent. Le 6 septembre, ils ont regagné leur poids primitif. On leur fait ingérer alors, de même qu'à deux cobayes témoins, 3 c. c. de toxine de Ghinda dilués dans 3 €. c. de bicarbonate. Les témoins meurent le jour même. Les autres sont un peu malades dans les heures qui ont suivi l’ingestion, mais sont rétablis le soir. Exp. VI. — Un cobaye reçoit le 17 août 2 c. c. de la toxine de Ghinda. dilués dans 3 c. c. de bicarbonate. Malaise, météorisme, sensibilité abdomi- nale. Le poids varie peu. Dates 17; 18, 19, 20, 24 29° 23 août. Poids: 1325 319 320 317 330 330 340 Ce cobaye reçoit le 23 août, en même temps qu'un témoin, 3 c. c. à de la toxine de Ghinda, dilués dans 4 c. c. de bicarbonate. Le cobaye témoin meurt en 10 heures d'une entérite cholérique; l'autre cobaye, après avoir présenté un peu de malaise, se rétablit le jour même, perd un peu de son poids les Jours suivants, mais le 30 août, il était tout à fait réparé et rétabli. Ces expériences ne laissent aucun doute sur la possibilité de préserver les animaux contre une dose mortelle de toxine pro- duisant une entérite cholérique dont les analogies avec le choléra humain ne peuvent échapper à personne. IX RÉSUMÉ En revenant aux notions développées dans le courant du présent travail, nous voyons d’abord que, à côté des vibrions VIBRIONS INTESTINAUX ET CHOLÉRA. A7 \hydriques, il faut placer d’autres vibrions des intestins des |animaux. Tous ces vibrions sont des vibrions cholériques, et ! ceux des eaux ne sont ni des survivants des anciennes épidémies, ni des saprophytes vulgaires, ils proviennent sans doute de l'intestin des animaux et peut-être de l’homme lui-même. La méthode proposée par MM. Pfeiffer et Issaeff pour dis- ünguer des pseudo-vibrions cholériques les vibrions cholériques authentiques, conduit à des conclusions paradoxales et n’est pas d'accord avec les faits. Tout au plus peut-on conclure, des essais auxquels elle à donné lieu, que dans l'espèce vibrion cholérique, il y a des variétés pouvant fournir des substances toxiques et vaccinantes d'activités différentes. Relativement à l’action de ces vibrions dans l'organisme, nous avons d’abord refusé le caractère d'une infection générale à l'affection péritonéale ordinaire des cobayes: c’est une péritonite sans caractère spécifique. L'interprétation est la même pour le processus morbide qui se développe dans le tube intestinal. Ici encore les vibrions ne détermineraient ni une infection, ni une intoxication générale; ils détruiraient seulement l'épithélium intestinal, rendant transsudantes des parois absorbantes ‘. La cause de la mort par le choléra intestinal ne doit donc pas être recherchée dans un empoisonnement du sang. Les toxines cholériques, même celles des vibrions les plus actifs, ne sont pas absorbées dans l'intestin quand l’épithélium est intact, et il n’y a plus d'absorption quand l’épithélium est tombé. Comme l'a montré M. Metchnikoff, on ne peut obtenir l’immunité contre l’entérite cholérique ni en faisant acquérir au sérumdes propriétés préventives, ni en administrant par l'estomac des vibrions vivants. Il faut d'abord déterminer une entérite béni- gne qui, une fois guérie, peut protéger contreuneentérite mortelle. * Nous avons vu que celte accoutumance intestinale peut être réalisée au moyen des toxines. Comme le choléra humain n'est au fond qu’une entérite toxique, on peut prévoir la possibilité d’une méthode prophylactique basée sur l’accoutumance intes- tinale aux poisons cholériques. 1. La priorité de cette idée me semble revenir à M. Pacini, qui l'a émise en 1879. Voir : Del processo morboso del cholera astiatico, Firenze, 1879, p. 20. 12 EL 178 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. _ S w # - " _ + nm _Sawrs Fe mms li EXPLICATION DES PLANCHES s D TS = Es PLANCHE TITI Æz 1. vibrion de Paris. — 2, vibrion de Cassino. — 3, vibrion de Ghinda. — 4, vibrion de Massouah. — 5, vibrion de Hambourg. — 6, vibrion À. — 7, vibrion de Lisbonne. — 8, vibrion B. — 9, vibrion C. — 10, vibrion D. — 11, vibrion E. — 12, vibrion F. — 13, vibrion G. — 44, vibrion H. — 15, vibrion I. — 16, vibrion K. — 17. vibrion L. — 18, vibrion M. PLANCHE IV {. Vibrion de Hambourg? cullure de 24 heures sur gélose. er 2, Vibrion de Cassino, == de 3. Vibrion de Ghinda, — _ 4. Vibrion de Massouah. — — 3. Vibrion de Lisbonne, : — = 6. Préparation provenant du gros intestin d’un cobaye mort d'entérite cholérique toxique. 7. Vibrion A, culture de 24 heures sur gélose. 8. Vibrion A. exsudat péritonéal d'un cobaye. 9. Vibrion B, culture de 24 heures sur gélose. 10. Vibrion B, exsudat péritonéal d'un cobaye. {{. Vibrion C, — — 12, Vibrion L, non liquéfiant, culture de 24 heures sur gélose. $ CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DU VIBRION SEPTIQUE | Par A. BESSON Médecin aide major adjoint au laboratoire de bactériologie du Val-de-Gràce. PREMIER MEMOIRE ÉTIOLOGIE x Le vibrion septique est le germe pathogène anatrobie le plus anciennement connu et étudié. En 1877, Pasteur fixait la mor- phologie et la biologie de ce microorganisme, en même temps qu'il décrivait, sous le nom de seplicémie expérimentale aiguë, la maladie qui succède à son introduction dans le tissu cellulaire sous-cutané des animaux de laboratoire. Plus tard, MM. Chau- veau et Arloing découvraient le vibrion de Pasteur dans la gan- “grène gazeuse foudroyante des hôpitaux de Lyon, l'érysipèle bronzé de Velpeau. En 1887, enfin, MM. Roux et Chamberland réussissaient à vacciner des animaux contre le vibrion en leur injectant des cultures stérilisées par la chaleur; dans le même mémoire, Ces savants montraient que les cultures stérilisées peuvent encore, à haute dose, provoquer la mort des auimaux réceptifs : ils avaient découvert le poison septique. Après ces travaux, 1] peut sembler téméraire de vouloir ajouter quelque chose à l’histoire du vibrion septique. Il nous’a cependant paru que certains points de l'étiologie de la septicé- … mie gangréneuse. étaient restés œbscurs. Notre attention a été atlirée par l’ancienne fréquence de cette maladie opposée à sa disparition presque complète à l'heure actuelle, malgré l'ubiquité du vibrion et la résistance de ses spores à nos agents antiseptiques. Les travaux de MM. Vaillard, Vincent et Rouget sur l'étiologie * du tétanos, puis ceux de M. Metchnikoff sur l’étiologie du cho- léra ont donné une telle importance aux associations micro- biennes que l’on devait se demander si les faits auxquels nous n à LE] Fr 180 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. à” venons de faire allusion n'étaient pas justiciables d'une explica- tion tirée de cette féconde conception. Utilisant la voie tracée par M. Vaillard et ses élèves, c’est en appliquant les méthodes de ces expérimentateurs que noûs avons entrepris l'étude de la septicémie gangréneuse. | Point n’est besoin, avant que d'aborder notre sujet, de rap- peler les caractères morphologiques et biologiques du vibrion septique; il n’y a rien à ajouter aux descriptions de, Pasteur. Disons seulement qu'un grand nombre d'espèces animales sont réceptives pour le vibrion septique ; parmi lesanimaux de labora_ toire, la souris, le cobaye, le lapin sont des plus sensibles. Davaine avait vu depuis longtemps qu'un millionième de goutte de sérosité septique suffit pour tuer un cobaye. Le chat présente aussi une grande réceptivité; le rat blanc vient ensuite, mais le rat d'égout est à peu près réfractaire : il ne meurt que sous l'influence d’une très forte dose d’un virus très actif, après avoir présenté une grosse lésion locale purulente. Dans nos recherchés, nous avons utilisé de préférence le cobayeetlelapin._ Les passages successifs par le cobaye accroissent rapidement la virulence du microbe : à des dilutions très élevées, une trace de sérosité tue alors le cobaye et le lapin en moins de 8 heures. Avec ces virus exaltés, la lésion locale est très peu accentuée: à peine note-t-on un léger œdème limité au point d'inoculation. La sérosité de l’œdème ne renferme point de leucocytes, elle est très riche en vibrions; jamais dans l'organisme vivant ces vibrions ne forment de spores; celles-ci, au contraire, appa- raissent quelques heures après la mort, et surtout quand on porte un peu de sérosité à l’étuve à 35° à l'abri du contact de l'air. Les spores du vibrion septique sont douées d'une grande résistance vis-à-vis des agents de destruction. MM. Chauveau et Arloing ont montré que les antiseptiques usuels-étaient sans action sur ces germes; seul l'acide sulfureux leur a semblé posséder quelques propriétés destructives. Les spores septiques, à l’état humide, supportent, sans perdre de leur vitalité, la tem- pérature de 80° pendant plusieurs heures, et résistent plus d'une demi-heure à 90°. D'après San Felice, elles ne*sont pas atteintes par une dessiccation prolongée pendant plusieurs mois ni par une exposition de cinquante heures à la lumière solaire. æ ÉTUDE DU VIBRION SEPTIQUE. 181 : Il LE POISON SEPTIQUE Les poisons bactériens ont pris une telle place dans la patho- génie des maladies infectieuses que l’on ne peut omettire, dans un travail consacré à un microbe pathogène, l’étude de la toxine que ce microbe prépare : aussi, dès le début de ce mémoire, devons-nous nous préoccuper de la nature et des pro- priétés du poison septique. Dès 1887, MM. Roux et Chamberland ont étudié le poison que le vibrion septique produit dansles cultures et dans l’orga- nisme vivant. Après l'inoculation, le vibrion se multiplie et envahit rapidement la totalité de l'organisme envahi : il ne faut donc pas s'attendre à ce que sa toxine ait la même activité que celle des microbes qui, comme les bacilles du tétanos et de la diphtérie,se cultiventuniquement au point d’inoculation. Alors que les loxines de ces derniers microbes amènent la mort des petits animaux de laboratoire à des doses presque infinitési- males, le filtrat des cultures du vibrion septique ne produit une maladie mortelle, chez les mêmes animaux, qu’autant qu’on en injecte plusieurs centimètres cubes. A. Cultures filtrées. — Dans nos recherches, nous avons utilisé des cultures filtrées à la bougie Chamberland, et aussi, après semblable filtration, de la sérosité recueillie sur des ani- maux venant de succomber à la septicémie expérimentale aiguë. Pour les cultures, il faut choisir un milieu permettant au microbe de fabriquer la plus grande quantité possible de matière toxique. Les culturesen bouillon ordinaire conviennent mal : elles sont très peu actives, et, après filtration, tuent diffi- cilement le cobaye. Mieux vaut s’adresser à du bouillon de bœuf peptonisé à 8 ou 10 0/0 {peptone Chapoteaut) et fortement alcalinisé. Nous avons obtenu de meilleurs résultats encore en utilisant un mode de culture que nous a indiqué M. Roux. Dans un flacon de 1,200 à 1,500 c. c. de capacité, on met 500 grammes de viande de bœuf hachée et quelques centimètres cubes d’une solution de soude à 1 0/0; le flacon, bouché à l’ouate, est porté à l’autoclave à 415° C. pendant vingt minutes. Après refroidis- sement, on ensemence avec un peu de sérosité prise sur un 182 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cobaye mort de septicémie. Au bouchonsde ouate, on substitue un bouchon de caoutchouc stérilisé portant deux tubes dont l’un plonge dans le contenu du flacon, se recourbe à angle aigu et se termine par une extrémité effilée : il servira à décanter le liquide, après culture. L'autre tube s'arrête à la partie supérieure du flacon; à l'extérieur il est coudé à angle droit, renferme une bourre de ouate et porte umétranglement près de-son extrémité. C’est àece dernier tube que l’on adapte la machine à vide. Le vide fait dans le flacon, le tube est fermé d’un trait de chalumeau, au niveau de l’étranglement, et le flacon est porté à l'étuve à 31. Au bout d'une vingtaine d'heures, de nombreuses bulles de gaz viennent crever à la surface de la bouillie pâteuse que contient le flacon, la viande prend une teinte rose vif caracté- ristique. et il tend à se former deux couches: dans un liquide trouble et rougeâtre, baigne une masse semi-solide, crevassée, irrégulière. Vers la fin du deuxième jour, il est utile de casser avec une pince l'extrémité du tube que l’on a fermé au chalu- meau : les gaz dégagés par la culture s’échappent immédiate- ment en sifflant, et une odeur infecte se répand dans la salle : . r .- : - “ces gaz, formés en grande abondance et comprimés dans le flacon, gènent la culture et, faute de leur donner issue, on n'obtiendrait jamais qu'un produit peu toxique. Après leur éva- cuation, la culture se poursuit à l'abri de l'air, le flacon étant constamment rempli, à la pression atmosphérique, par l'acide. carbonique et l'hydrogène dégagés par le développement de la. “bactérie. e . . L'expérience a montré que le maximum de toxicité des cul- tures se rencontre vers le 6° jour, puis leur activité baisse rapi- dement : c’est done à ce moment que le flacon sera retiré de l'étuve. La partie liquide est décantée, la partie solide est passée à la presse à viande et la sérosité obtenue est mêlée au produit de la décantation; le tout est filtré sur une bougie Chamberland. La toxine ainsi obtenue est beaucoup plus active que celle que préparaient MM. Roux et Chamberland. A la dose de 3 à 5 c. c.injectés dansle péritoine, des cobayes de 450 à 600 grämmes Le # présentent une affection passagère, dont tous les symptômes rappellent les phénomènes terminaux de la septicémie, mais = qui guérit rapidement. Une dose inférieure à 2 c. c. ne donne lieu à aucune manifestation morbide. C’est ce que démontrent 2 L2 Lé * ÉTUDE DU VIBRION SEPTIQUE. 183 L , , ’ # les quelques expériences suivantes, choisies parmiles très nom- breuses que nous possédons. < æ Exp. — Un cobaye mâle de 420 grammes reçoit, le 30 janvier 1894, un centimètre cube de filtrat, dans le péritoine. Rien à la suite. Exp. — Cobaye mâle. Poids 475 grantmes. Reçoit, le 3 juin 1893, dans le péritoine, 3 c.c. de filtrat. Rapidement, la température rectale tombe de 390,5 à 370,5, puis à 35,9. L'animal se met en boule, son poil se hérisse. Le lendemain la température est redevenue normale, on constate un peu d'œdème au point de pénétration de l'aiguille. Tout symptôme a disparu le > juin au matin. , , , Exp. — Cobaye mâle. Poids 450 grammes, Reçoit le 31 janvier 1894, à 4 heures du soir, dans le péritoine, 4 c. c. de filtrat. Un quark d'heure après l'injection, la température est tombée de 390,3 à 360,5, el au bout de 2 heures, à 340,9, L'animal est immobile, son poilest hérissé, ses membres sont agités de fréquents Soubresauts; il tient les yeux fermés. Bientôt il tombe sur le flanc, présente un état comateux. Il semble mourant à 7 heures du soir. Le lendemain matin on retrouve l'animal sur ses pattes, le poil est encore hérissé, la température rectale est de 36°,7. Cet état s'améliore progressivement, et le 3° jour l'animal est en parfaite santé. Des doses analogues, ou plus considérables, injectées dans le tissu cellulaire sous-cutané, ont beaucoup moins d'influence sur l’état général, et ne font guère varier la température : mais, localement, elles produïsent soit un œdème très marqué, soit une eschare. ExPÉRIENCE. — Cobave. Poids 419 grammes. Le 3 juin 1893, reçoit sous V O J , Ç la peau de l'abdomen ÿ c. c. de filtrat; à la suite, aucun phénomène général; apparition d'un œdème dur au point d’inoculation, Le soir, cet æœdème s'étend à une large portion de la paroi thoraco-abdominale; il persiste trente-six heures. - Exp. — Cobaye. Poids 460 grammes. Le 20 mai 1893, reçoit sous la peau de l'abdomen 4e. c. de filtrat. Rapidement se produit un œdème volumineux ; ‘animal se met en boule, son poil se hérisse, sa température baisse de deux degrés. Le lendemain, l’état général est redevenu normal; l'œdème ne disparaît qu'au troisième jour. Exe. — Cobaye. Poids 460 grammes. Le 20 mai 1895, reçoit sous la peau de l'abdomen 4 c. c. de filtrat. Pas de phénomènes généraux. Le soir appa- _rition d'un œdème qui s'étend à toute la paroi abdominale et persiste jusqu’au lendemain soir. . Exe. — Cobaye. Poids 330 grammes. Le 3 juin 1893, reçoit sous la peau de l'abdomen 5 ce. e. de filtrat. Aucun accident le jour même. Le lendemain, induration, rougeur de la région; le troisième jour se dessine une zone de mortification qui aboutit à l'élimination d'une large eschare. Guérison. -_ Exp. — Cobaye. Poids 420 grammes. Le 30 mai 1893, reçoit sous la peau Le à 2 184 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de l'abdomen, 5 c. ce. de filtrat. Dès le lendemain formation d’une eschare de l'étendue d’une pièce de deux francs. Élimination. Guérison. Dans aucun des cas où nous avons noté de l'æœdème (33 expé- riences), l'examen microscopique d’une gouttelette de la sérosité, prélevée purement, n’a dételé la présence d’un vibrion. Ce liquide d’œdème, à l’œil nu, paraissait transparent, un peu rosé, et, au microscope, l'on y rencontrait d'assez nombreux globules rouges ; les leucocytes y étaient très rares: leur proportion, par rapport aux globules rouges, était à peu près la mème que dans le sang. Les ensemencements sont toujours restés stériles. Quand on injecte, à un cobaye ou à un lapin, de petites doses plusieurs fois répétées du produit de filtration d’une culture en- viande, on observe une véritable intoxication chronique ; nous aurons plus tard l’occasion de dire qu'ilest à peu près impossible de vacciner les animaux par ce procédé. Exp. — Cobaye. Poids 460 grammes. Reçoit, du 3 au 20 juin 1893, tous les trois jours, une dose de 2 à 4 c. c. Dès la troisième inoculation., il perd l'appétit, son poil se hérisse, il commence à maigrir. Le 20 juin, on est forcé de suspendre les inoculations; l'animal meurt quelques jours après en pleine cachexie. Exp. — Cobaye. Poids 475 grammes. Du,3 juin au 12 juillet 1893, reçoit 38 c. c. de filtrat, en doses fractionnées, répétées tous les quatre jours. La santé reste bonne jusqu'au 12 juillet; à ce moment, l'animal devient triste, maigrit, son poil se hérisse; les inoculations sont suspendues jusqu'au 25 juillet : à cette époque, l'animal est redevenu vif, son poids est de 470 grammes, son poil est luisant; on recommence les inoculations, mais dès la deuxième (3 centimètres cubes) les symptômes morbides réapparaissent, et l'animal meurt de cachexie le 20 août. L'injection iutrapéritonéale de doses comprises entre 5 et 10 c. c. tue rapidement des cobayes de 300 à 400 grammes. Exp. — Cobaye. Poids 325 grammes. Reçoit dans le péritoine 6 c. c. de filtrat. En une heure, la température tombe de 39° à 34°. Le cobaye se met en boule, son poil se hérisse; surviennent des mouvements convulsifs, du coma; le lendemain matin l'animal est mort dans sa cage (6 mai 1893). Exp. — Cobaye. Poids 305 grammes. Le 15 juin, à 7 heures du soir, reçoit dans le péritoine 7 €. c. de filtrat. Le lendemain matin l'animal est dans le coma; des convulsions fréquentes agitent ses membres, la tempé- rature rectale est de 33°,1; la mort survient au milieu de la journée. L’addition de solution iodée semble modifier très peu les propriétés de la toxine septique. La chaleur a plus d’action : le ÉTUDE DU VIBRION SEPTIQUE. 183 chauffage des cultures à 80° et 100° diminue notablement l’activité du poison, qui devient ainsi susceptible d'être toléré à dés doses beaucoup plus fortes."Le vieillissement de la toxine à la température de 35°, à la lumière diffuse, en altère rapidement les propriétés. Il n’en est pas de même du vieillissement en vase clos, à l’abri de l’air et de la lumière, à la température du labo- ratoire : dans ces condilions le poison conserve toute son activité. Exp. — Un filtrat, tuant un cobaye de 325 grammes à la dose de 6 c. c. injectés dans le péritoine, est conservé pendant un an, en tubes scellés, dans une armoire obscure. Le 10 juillet 1894, un cobaye de 295 grammes reçoit dans le péritoine 6 c. c. de ce filtrat âgé d’un an : bientôt l'animal se met en boule, sa température baisse, il tombe dans le coma et meurt dix heures après l’inoculation. Dans tous les cas où la mort succède à une injection intra- péritonéale de toxine, on trouve; à l’autopsie, l'intestin conges- tionné, le péritoine rouge hortensia, etilexiste un peu de sérosité stérile daus la cavité péritonéale. __ B. Sérosité filtrée. — Le produit obtenu en filtrant de la sérosité d'æœdème de cobayes et de lapins récemment morts de septicémie s’est montré beaucoup moins actif que la toxine fournie par les cultures en viande. Injectée à la dose de 2 à 10 c. c. dans le péritoine de cobayes de 280 à 350 grammes, celle sérosité filtrée a toujours été inoffensive. Chez le cobaye de 300 grammes environ, on obtient une maladie plus ou moins grave, mais aboutissant toujours à la guérison avec une dose de 15 à 20 c. c. La mort n’a été obtenue qu'après injection intrapéritonéale de 30 à 40 c. c. Propriétés chimiotaxiques. — La toxine du vibrion septique possède des propriétés chimiotaxiques négatives. Suivant un procédé classique, des tubes capillaires sont emplis de toxine préparée en bouillon peptonisé; puis, avec un léger trait de chalumeau on les ferme à une extrémité : on obtient ainsi de petits tubes, longs de 2 à 3 centimètres, pleins de toxine et ouverts à un seul bout. Ces tubes sont introduits, au moyen de très petites incisions, sous la peau de lapins et de cobayes; au bout de 8. 10 et 20 heures on les enlève et examine leur contenu. Tandis que des tubes témoins, renfermant un peu du bouillon qui a servi àla culture, et introduits en même temps sous la 186 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. peau, contiennent à ce moment @n liquide. louche, très riche en ‘leucocytes, le contenu des tubes de toxine est resté limpide el l'examen microscopiquen’y décèle auçun leucocyte. Cen'estue” pour des durées d’inclusion de 24 à 30 heures que ces derniers tubes peuvent présenter des leucocytes, soit qu’au contact prolongé des tissus vivants les propriétés du poison aient subi des modifications, soit que la toxine ait diffusé et ait été remplacée par de la lymphe. Le chauffage à 85° pendant deux à trois heures, qui, comme nous l'avons dk altère le poison septique, modifie absolument ses propriétés chimiotaxiques : de négatives elles deviènnent positives, et les tubes insérés sous la peau des lapins et des ‘cobayes ne tardent pas à se remplir de leucocytes. IL à À L'ÉTAT DE PURETÉ, LES SPORES DU VIBRION SEPTIQUE NE SE DÉVELOPPENT PAS DANS LES TISSUS. VIVANTS ET SAINS Pour vérilier l'hypothèse que nous avons émise dès le début de ce travail, le premier point à démontrer est que la spore du . vibrion septique, telle qu’elle existe dans la terre, n’est pas en état de se développer dans les tissus vivants et sains quand elle y pénètre à l’état de pureté. I fallait pour cela nous procurer des spores pures. Dans les cultures, les germes existent à côté dela toxine; or nous avons vu que celte dernière s’altère quand on l’expose. pendant plusieurs heures à la température de 80°; au contraire les spores résistent dans ces conditions. Tel est le procédé auquel nous avons eu le plus souvent recours : une culture âgée de 15 à 20 jours est enfermée dans un petit tube de verre fermé aux deux bouts, le tube est maintenu au bain-marie pendant trois heures à 80°; une petite portion de cette culture chauffée est alors prélevée et ensemencée avec les précautions ordinaires: tou- jours cet ensemencement donne lieu à une culture virulente. Une autre méthode, employée par MM. Vaillard et Vincent dans leurs recherches sur le tétanos, consiste à laver les spores pendant plusieurs jours sur un culot de filtre Chamberland; la toxine est entraînée par l'eau et les spores restent sur le filtre ; ES ch ol = ÉTUDE DU VIBRION SEPTIQUE. 187 il faut que le lavage soit prolongé, car il est très difficile de débarrasser ainsi les germes de la totalité de leur toxine. = Enfin l'expérience nous a appris que, dans les cultures de vibrion Septique abandonnées plusieurs mois à l’étuve à 35°, la .toxine finit par disparaître : on se trouve alors en présence de spores pures. Dans toutes nos expériences, nous avons utilisé des cultures très abondantes et très virulentes préparées avec de la sérosité recueillie sur des cobayes récemment morts de septicémie, et mêlée à son volume de bouillon de bœuf peptonisé. . Les spores pures, obtenues par l’un des précédents procédés, ont pu être ‘injectées en très grande quautité à des cobayes et à des lapins sans déterminer aucun accident chez ces animaux. L Trente-cinq cobayes et quatre lapins ont reçu, sans incon- vénient, des millions de ces spores dans Île lissu cellulaire sous- cutané. Dans beaucoup de ces expériences on a recherché, par des numérations en gélatine, quel était, approximalivement, le nombre des spores contenues dans la quantité de culture inoculée. Dans tous les cas, les cultures chauffées ont été injectées sous la peau à des doses variant de 0,1 à 0,8 c. c. Quand on a utilisé pour l’inoculation des spores privées de toxine par le lavage, ces : germes, recueillis purement sur le filtre, ont été délayés dans une quantité d’eau égale au volume primitif de la “culture. Pour fixer les idées, nous reproduisons ici les résultats de quelques-unes de nos expériences. Expérience IL. — Cobaye. Poids 230 grammes. 20 mars 1893. Reçoit * sous Ja péau de l'abdomen 0,1 c. e. de culture chauffée. Aucun accident consécutif. LT Exp. V. — Cobaye. Poids 460 grammes. L avril 1893. Reçoit 0,3 ce. ec. de culture chauffée. Aucun accident conséeutif. Exp. IX. — Cobaye. Poids 360 grammes. 25 avril 1893. Reçoit 0,5 c. c de culture chauffée. Aucun accident conséculif. : Exp. XI. — Cobaye. Poids 460 grammes. Le 25 avril 14893, reçoit 4,7 d'une culture chauffée. Aucun accident consécutif. Exp. XV, — Cobaye. Poids 640 grammes. Le 8 juin 1895, nest 0,2:e. c: ‘d'une culture chauffée. Aucun accident consécutif, Exe. XVII. — Cobaye. Poids 510 grammes. Le 8 juin 1893, reçoit 0,4 c.c _de spores lavées Den au volume de la culture). Aucun accident à la suile. 188 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Exp. XXI. — Cobaye. Poids 550 grammes. Le 18 octobre 1893, reçoit 0,2c. ce. d'une culture chauffée, soit environ 2,207,900 spores. Aucun accident à la suite. Exp. XXII. — Cobaye. Poids 780 grammes. Le 20 octobre 1893, recoit 0,5 c. ce. d'une culture chauffée, soit environ 5.000,000 de spores. Aucun accident consécutif. Exp. XXIV.. — Lapin. Reçoit, le 18 novembre 1893, 1,2 c. c. d’une culture chauffée, soit à peu près 14,760,000 spores. Aucun accident consécutif. Exp. XXVIII. — Cobaye. Poids 530 grammes. Reçoit, le 31 octobre 1893, 0,6 c.-c. d'une culture chauffée, soit approximativement 3,407,040 spores. Aucun accident à la suite. Exp. XXIX. — Cobaye. Poids 500 grammes. Reçoit, le 31 octobre, 0,5e. c. d'une cullare chauffée, soit 2,839,000 spores. Rien à la suite. LÉ XXI. — Cobaye. Poids 665 grammes. Reçoit, le & novembre 1893, 1 c.c. d'une culture chauffée, soit 5.678.000 spores. Aucun accident consé- st chauffée, soit 12,357,600 spores. Aucun accident consécutif. Exp. LVIIT. — Cobaye. Poids 530 grammes. Reçoit, le 2 février 1894, 0,5 c.c. d’une culture chauffée, soit 1,450,000 spores. Rien dans la suite. ExP. LXIL. — Cobaye. Poids 630 grammes. Reçoit, le 10 août 1894, sous la peau de l’abdomen, 0,8c. c. d’une culture vieille de trois mois et conservée à l’étuve à 35°. Aucun accident à la suite. Exp. LXVIIL. — Cobaye. Poids 365 grammes. Reçoit, le 29 août 1894, sous la peau de l'abdomen, 0,2 c. c. d’une culture conservée 10 semaines à l'étuve à 35°. Aucun accident consécutif. Exp. LXX. — Lapin de 6 mois. Reçoit, le 4 septembre 1894, sous la peau de l'abdomen. 1 c. c. d’une culture conservée 10 semaines à l’étuve à 35°. Aucun accident consécutif. ... Nous arrêterons là celte énumération d'expériences : il est surabondamment démontré que l’inoculation de spores pures en quantités énormes (jusqu’à 5,000.000 pourle cobaye et14,000,000 pour .le lapin) n’a entrainé aucune maladie chez ces animaux. C'est là un point définitivement acquis : dans les conditions où nousnous sommes placés, les spores pures ne germent point dans les tissus sains. Reste à établirle mécanisme de ce phénomène. Mais, avant tout, il importe de bien remarquer que, si, dans les expériences précédentes, l'injection sous-cutanée des spores n'a pas provoqué la septicémie, la cause n’en est point que l’activité pathogène de ces spores fut amoindrie : il suffit en effet d'ajouter un peu d'acide lactique à une trace de nos cultures chauffées pour provoquer, à coup sûr, une affection mortelle chez les cobayes et les lapins inoculés. Exp. XXXIX. — Lapin. Reçoit, le 24 novembre 1893, 1 e. c. d’une culture * j ÉTUDE DU VIBRION SEPTIQUE. 189 HI : POURQUOI LES SPORES DU VIBR'ON SEPTIQUE NE GERMENT PAS QUAND ELLES SONT INJECTÉES PURES DANS UN TISSU SAIN. — ROLE DE LA PHAGOCYTOSE Dans les expériences précédentes, quand on injecte, sous la peau de l'abdomen d'un cobaye, une dose de 0,1 c. ce. à 0,8 c. c. d'une culture chauffée de vibrion septique, il se produit rapide- ment, au lieu d'inoculation, une légère tuméfaction du tissu conjonctif. Cette tuméfaction se limite bientôt et aboutit, vers la 30° heure, à la formation d'une petite nodosité de consistance ferme. À J'incision, cette nodosité se montre constituée par une masse blane jaunâtre SC formée de leucocytes polynu- cléaires. En faisant, à divers moments, à l’aide d’une pipette effilée, des ponctions pre ces foyers, on retire un peu d'un * liquide épais. L'examen de ce liquide par la méthode générale de coloration des spores (coloration à la fuchsine de Ziehl, déco- loratior du fond par l'acide nitrique étendu, recoloralion par le bleu de méthyiène aqueux) permet de se rendre un compte exact du phénomène qui aboutit à la destruction des germes. Vers la 24° heure, les leucocytes sont très abondants au lieu d'inoculation; la plupart d'entre eux renferment des spores bien colorables par la fuchsine de Ziehl; un certain nombre de leuco- cytes contiennent 2 ou à spores, quelques-uns seulement en renferment # à 8. En dehors des leucocytes, on voit un très petit nombre de spores libres » il est probable que ces spores ont été englobées, mais que les manipulations ont détruit quelques phagocytes et mis en liberté les germes qu'ils contenaient, Ce que nous savons de la biologie du vibrion rend inadmissible que des spores aient pu rester libres 24 heures dans les tissus du * cobaye sans germer. Jamais on ne rencontre de bacilles Vers la 30° ou 36° heure, le nombre des spores contenues dans les leucoéytes diminue notablement; beaucoup d’entre elles se colorent mal, les autres ont complètement disparu, mais sont remplacées, à l’intérieur des noyaux, par des vacuoles ne prenant aucune coloration, et qui sont les derniers vestiges de la digestion « des germes. Ces vacuoles seules se retrouvent après 3 el & jours : il est exceptionnel de rencontrer alors des spores colorables à l’intérieur des leucocytes; ce n’est que vers le 6° LL D: ? 4 : 9 190 ANNALES DE L’ INSTITUT PASTEUR. | ou 8° jour que les vacuoles elles-mêmes disparaissent ; É te cyte devient granuleux, son noyau se colore irrégulièremeni. La :nodosilé persiste pendant 10 à 12 jours, puis elle se résorbe et disparaît complètement. à A l'inoculatiou des spores pures succède donc un afflux de” cellules phagocytaires; les spores du vibrion septique, comme, » celles du tétanos, sont rapidement ingérées, puis détruites par . les leucocytes. Il est cependant possible de provoquer la mort des animaux d'expérience à l’aide des spores pures du vibrion septique. Le pouvoir protecteur des phagocytes n'est pas indéfini; on conçoit que, si l’on injecte une dose de spores telle que les leucocytes soient débordés, ne puissent suffire à l’englobement des germes, la septicémie doive se déclarer. Cette limite de la résistance “cellulaire est d'autant plus facile à atteindre que les spores du vibriou germent rapidement dans les tissus: pour que la septi- cémie ne se manifeste pas, il importe que leur immobilisalion par les phagocytes ait lieu dans les premières heures qui suivent l'inoculation; passé ce temps, les spores ont germé, les bacilles ontcommencé à élaborer leur toxinenégativementchimiotaxique, la route est fermée aux cellules amæboïdes ; la septicémie est fatale. On ne peut prévoir, 4 priori, que elle dose exacte de spores pourra être inoculée sans danger : il y a là une affaire de récep- tivilé individuelle variable d'espèce à espèce, d'animal à animal. Le lapin résiste à des doses fatalement mortelles pour le cobaye. Cependant, pour une même espèce, la faculté de résistante semble être, jusqu’à un certain point, fonction du poids de l’ani- mal. Un cobaye de 600 grammes, par exemple, supporte 0,8 c. c. d’une culture chauffée, alors que 0,6 e. ce. de la même culture tue sûrement un cobaye de 225 grammes. L'état de santé de l'animal semble également jouer un rôle important dans l'aptitude à la résistance; plusieurs fois des cobayes atteints d'affections diverses furent inoculés avec des spores chauffées, et, presque toujours, des doses minimes de ces spores, inoffensives pour des cobayes sains de même poids, les tuèrent en peu d'heures. Il semble que, dans ce cas, l’activité phagocytaire ait été diminuée du fait de la maladie préexis- tante. # L æe- ge + D. “0 he = ETUDE DU VIBRION SÉPTIQUE. 191 fe hé IV LES SPORES GERMENT ET PROVOQUENT LA SEPTICÉMIE QUAND ELLES SONT PROTÉGÉES CONTRE LES PHAGOCYTES ‘ L'examen de la lésion consécutive à l’inoculation de spores pures dans le Lissu cellulaire du cobaye et du lapin nous à aid xè permis de reconnaître que la germination de ces spores est empèê- _chée par les phagocytes; nous aurons fourni de ce fait une nouvelle preuve plus concluante encore si nous établissons que, protégées contre les cellules amæboïdes, les spores peuvent se développer et infecter l'organisme animal. Les substances chimiotaxiques négatives, jouissant de la propriété d'empêcher l’émigration leucocytaire, soustraient à l’action des éléments cellulaires les germes inoculés en même temps qu’elles. Une des plus actives de ces substances est l'acide lactique : un cobaye qui supporte sans accidents deux ou trois millions de spores septiques pures succombe infailliblement à J'inoculation d'une centaine de ces mêmes germes si on à eu préalablement le soin de les délayer dans un peu d’eau contenant une goutte d'acide lactique. Nous avons dit plus haut que la toxine septique jouit de propriétés chimiotaxiques négativess il suffit d'ajouter un à deux centimètres cubes de cette toxine à une faible quantité de spores pour amener, en quelques heures, la mort du cobaye inoculé. Dans ces cas, l'exsudat leucocytaire est nul ; peu après l'ino- culation apparaît un œdème crépitant; le tissu conjonctif est infiltré par un liquide clair dépourvu d'éléments figurés amœæ- boïdes; la culture se généralise et l’auimal ne larde pas à suc- comber. Après l’inoculation de spores additionnées d’acide lactique, l’œdème est toujours très marqué, la peau est distendue, .Lépiderme se desquame, Le derme mis ànu prend une teinte livide et laisse suinter un liquide sérosanguinolent d’'odeur putride; la ressemblance est très grande avec la gangrène gazeuse de l’homme. À l’autopsie, les muscles sous-jacents sont dissociés, infiltrés de sérosité, les cartilages articulaires sont souvent décollés, l’os mis à nu. | Les procédés mécaniques de protection contre les phagocytes M$ to à © : > # 192 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. utilisés par MM. Vaillard et Rouget dans leurs recherches sur l’étiologie du tétanos, peuvent être employés avec succès pour permettre aux spores pures du vibrion septique de se développer dans l’organisme. On obtient en particulier une expérience très démonstrative en s'adressant à la méthode ulilisée par ces savants pour réfuter les objections que Koncali avait opposées à leurs travaux. we: On taille purement, dans un morceau de gélose peptonisée stérilisée, un petit cube de 0,005 de côté; avec uue aiguille , chauffée on creuse ce cube d’une petite cavité qui reçoit une très fine gouttelette (moins de 100 ‘spores) d’une culture de vibrion préalablement chauffée deux heures à 80, puis, avec une goutte de gélose fondue, on obture le petit orifice. Le cube ainsi préparé est placé, avec la plus grande pureté, sous la peau de l’aine d’un cobaye, et l’on suture la petite plate résultant de l'opération. Un cobaye témoin, de même poids, recoit, le même jour, une dose de 0,4 à 0,5 c.c. (800,000 à 1,200.000 spores) de la même culture, et reste sain les jours suivants. Le cobaye qui a reçu le cube, au contraire, meurt sûrement le 3e ou le 4° jour après l'inoculation, avec tous les symptômes de la septicémie. Une dose minime de spores suflit 12 dans ce cas pour infecter l'animal, la mort, il est vrai, D’arri- vant qu’au bout de plusieurs jours; l'œdème n'apparaît jamais avant quarante-huit heures, et l'animal ne succombe que le 3° jour, au plus tôt. L'examen du cube de gélose, pratiqué immédiatement après la mort, donne l'explication de ces faits. Au centre des parties œdématiées, on trouve le cube entouré par une membrane épaisse, blanchâtre, assez résistaute, et unique- ment constituée par des leucocytes polynucléaires ; les arêtes du cube sont émoussées; ses couches les plus superficielles renfer- ment de nombreux leucocytes, mais, dès qu’on atteint une pro- fondeur de un millimètre à un millimètre et demi, les leucocytes - re fi © deviennent rares : ils font absolument défaut au centre. Jamaisss on n’observe trace de phagocytose dans ces cellules. Au centre. du cube, toutes les spores ont germé et sont remplacées par de nombreux vibrions. Ces vibrions ont traversé les parois du cube, où on les retrouve en abondance, etont fini par atteindre le tissu cellulaire où ils ont pu se développer, l'émigration leu- cocytaire ayant été rapidement arrêtée par la ditfusion de la ÉTUDE DU VIBRION SEPTIQUE. 193 toxine produite par la culture à l’intérieur du cube. La longueur relative de l’incubation de la maladie est due à la durée de la culture, latente pour ainsi dire, dans le cube : les premiers symptômes n'apparaissent qu’au moment où les vibrions et leurs produits atteignent le tissu cellulaire. Une expérience de contrôle vérifie les faits énoncés : deux cubes avec spores sontpréparés d’une façon identique et inoculés à deux cobayes semblables; l'inoculation terminée, un cobaye est gardé comme témoin; chez l’autre, on écrase le cube en le serrant entre les doigts, sous la peau de l'animal. Le cobaye témoin meurt de septicémie, le cobaye au cube écrasé reste indemne. En mêlant des spores pures avec une certaine quantité de sable fin, on protège, dans une certaine limite, les sporés contre les phagocyles; on peut ainsi obtenir la mort avec de petites quantités de spores. Un centimètre cube d’une culture chauffée, renfermant approximativement 2,900,000 spores, est mélangé à 8 grammes de sable fin stérilisé ; il suffit d’une quantité du mélange ayant le volume d’une tête d’épingle pour tuer un fort cobaye ; or cette quantité correspond à un très petit nombre de. germes. Que, dans cette expérience, il s'agisse bien d’une protection toute mécanique des spores par les grains de sable, c'est ce que prouve la contre-épreuve suivante. Un cobaye recoit, en un point du tissu cellulaire sous-cutané de la paroi abdo- minale, gros comme une tête d’épingle du mélange de sable et de spores; il meurt le lendemain. En même temps que celui-là, un cobaye de même poids a reçu une quantité double du même mélange, mais cette quantité a été répartie en six poiuts différents du tissu cellulaire sous-cutané de l’animal : ce cobaye ne prend pas la septicémie. L'’explication de ce fait est simple : les leucocytes qui n’ont pu réussir à englober, en un point de l'organisme, une certaine quantité de spores mêlées de grains de sable, ont la tâche rendue plus aisée par le seul fait que la masse à englober est répartie en différents points ; son action ainsi divisée, la fonction phagocytaire s'exerce au moyen d’un nombre beaucoup plus grand de cellules amæboïdes, chaque foyer d’inoculation provoquant autour de lui un exsudat leucocytaire qui a facilement raison d'une quantité minime du corps étranger à détruire. 13 + . " au ANNALES,DE. L'INSTITUT PASTEUR. Par toutes ces expériences, nos conclusions du précédent chapitre se trouvent confirmées : les leucocytes polynucléaires englobent les spores inoculées à l’état pur et préservent l'orga- nisme ; entrave-t-on la fonction phagocytaire, les spores ger- ment et la septicémie éclate. . V CONDITIONS DE L'INFECTION NATURELLE A. Les microbes favorisants. Une parcelle de terre de jardin, inoculée à un*cobaye, lui donne, à peu près à coup sûr, une septicémie mortelle; nous avons en notre possession une terre dont l’inoculation d’une quantitétégale au volume d’une tête d’épingle ordinaire tue fala- lement le cobaye. Or, un pareil volume de la même terre chauffée 2 heures à 80° est sans action pathogène sur le même animal; nous avons dit précédemment que du sable additionné d’une grande quantité de spores était inoffensif à cette dose. Il y a donc dans la terre de jardin un agent qui favorise le développement des spores; or, d” après ce que nous avons établi, un tel facteur ne peut intervenir qu à la condition d'agir sur la fonction phagocytaire, et, après les recherches de MM. Vaillard, Vincent et Rouget sur l’étiologie du tétanos, on doit penser, & priori, à attribuer cette action favorisante à des associations microbiennes. Pour vérifier cette hypothèse, nous nous sommes * d’abord adressé aux bactéries qui avaient, dans les travaux des auteurs précédents, favorisé la germination des spores téta- niques en tissus sains, et nous avons inoculé, à des cobayes, comparativement des spores sepliques pures el des mélanges de spores et des microbes favorisants du tétanos. Aucun de nos animaux n'a succombé; une petite nodosité se produisait après l'inoculation, la phagocytose s’y montraittrès active, etles germes inoculés Re bientôt. Les microbes favorisants du télanos écartés, il restait à déterminer si un rôle analogue vis-à- vis du vibrion septique était dévolu à d’autres bactéries. Pour cela, nous avons entrepris systématiquement l'étude des microbes qui se trouvent dans la terre à côté des spores septiques. Un sobaye recoit une petite parcelle de terre'et meurt de septicémie au bout de 22 heures; à l’autopsie, on trouve, au point d'inocu- an. ; + ETUDE DU VIBRION SEPTIQUE. 195 lation, les grains de terre environnés d’une très petite quantité d’uu pus épais. Une trace de ce pus est ensemencée dans une fiole de Vivien contenant une très faible couche de bouillon; la fiole est portée à l'étuve : le développement, dans ces conditions, se fait au contact de l'air ; le vibrion ne peut se cultiver; seules les bactéries aérobies se multiplient, le liquide se trouble, prend une teinte verdâtre et dégage une odeur putride. Le 3° jour on réensemence une petite gouttelette de la culture dans une nou- velle fiole de Vivien; on fait ainsi # à 5 passages consécutifs. Le dernier passage terminé, on injecte un demi-centimètre cube de la culture sous là peau de l'abdomen d’un cobaye; l'animal ne prend pas la septicémie, mais ilse forme, au lieu ‘d’inoculation, un abcès volumineux. Une gouttelette du pus de cet abcès est ensemencée en bouillon, une autre sert à faire des isolements en boîte de Petri. Au bout de 4 à 5 jours, de nom- breuses colonies apparaissent sur la gélatine des boîtes; ces colonies sont de quatre sortes : certaines, de couleur blanche. liquéfient la gélatine et sont constituées par un gros bacille à bouts arrondis; d'autres sont formées par un fin bacille, assez analogue au bacille fluorescent liquéfiant, et communiquant aux cultures une odeur putride et une coloration verdâtre: d’autres encore sont formées par un coccus blanc; les dernières enfin par un coceus rouge produisant de la triméthylamine. En dehors des spores septiques, la terre en expérience ren- fermait donc quatre bactéries qui ont résisté au passage par l’orga- nisme animal; c'est parmi elles que nous devons rechercher l'existence de microbes favorisants. Injectons à un cobaye une trace de spores septiques pures et quelques dixièmes de centimètre cube de la culture totale en bouillon de nos quatre bactéries de la terre, l'animal prend la septicémie et meurt au bout de 24 heures. Un cobaye témoin résiste au contraire à l’inoculation d’une dose dix fois plus con- sidérable de spores pures. De même, une trace de terre chauffée 2 heures à 80°, donne la septicémie au cobaye à la condition qu’on l’fnocule avec un peu de la même culture en bouillon. Il est inutile de dire que cette culture des microbes favorisants, inoculée à plusieurs cobayes. ne leur a jamais donné la septicémie. La terre de jardin renfermant des bactéries capables de favo- riser le développement des spores septiques, nous avons 196 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. recherché si ce rôle favorisant est l'apanage de quelques-unes seulement, ou de la totalité des espèces que nous avions isolées. Le coccus rouge et le coccus blanc se sont montrés très actifs; 1l suffit d'injecter, avec un petit nombre de spores, quelques dixièmes de centimètre cube de leur culture pure en bouillon, pour communiquer au cobaye une septicémie rapide; il en a été de même du bacille à culture verdâtre; cependant nous avons constaté que les propriétés favorisantes de cette dernière bactérie disparaissaient assez vite dans les cultures en milieux artificiels : après un mois de culture le bacille est deveuu tout à fait inactif. Le bacille à bouts arrondis n’a jamais favorisé le développement de.la septicémie. | L'existence de microbes favorisants démontrée dans la terre, nous avons recherché si différentes bactéries prises dans les milieux extérieurs, les plaies suppurées, etc., pouvaient jouer un rôle analogue. Le micrococcus prodigiosus s'est révélé favorisant très actif; ses cultures, même à très faibles doses et après stérilisation à 100°, injectées avec une trace de spores septiques, ont déter- miné le développement de la septicémie et la mort des animaux (cobayes et lapins). Le staphylocoque doré jouit aussi de propriétés favorisantes, mais à la condition qu'il soit utilisé peu de temps après son passage par l'organisme vivant : tandis qu'un staphylocoque récemment isolé du pus d’un furoncle s’est montré très active- ment favorisant, nous avons échoué en nous servant" de cultures entretenues pendant plusieurs mois au laboratoire. # Un diplocoque rencontré dans le pus d’un abcès spontané, chez un lapin, a aussi, à la dose de 0,3 à 0,5 e. c.. favorisé le développement des spores septiques chez le cobaye et le lapin, Dansles milieux extérieurs, il existe donc des bactéries dont la présence est nécessaire pour la germination des spores dans les tissus sains : grâce à ces associations microbiennes, les quelques germes contenus dans un fragment de terre échappent à l’action destructive des phagocytes. et infectent.à côup sûr l'organisme vivant. Ces microbes associés sont beaucoup moins résistants que les spores septiques aux différents agents de des- truction; un léger chauffage, le contact des solutions antisepti- ques usuelles les tuent facilement. On conçoit dès lors qu'après ÉTUDE DU VIBRION SEPTIQUE. 197 souillure d’une plaie par un agent contenant les spores du vibrion, un pansement antiseptiquemette le patient à l'abri de la gangrène gazeuse : les microbes dont l'association est nécessaire à la germi- nation des spores sont mis dans l'impossibilité de se développer, et celles-ci, abandonnées à elles-mêmes, sont facilement englo- bées et digérées par les cellules amæboïdes. Ainsi s'explique la disparition presque absolue de la gangrène gazeuse foudroyante devant les méthodes antiseptiques. Les plaies souillées par la terre et principalement les plaies de guerre sont fatalement mises au contact de spores sepliques, si répandues dans la nature : l’antisepsie chirurgicale, qui n’a aucune action immé- diate sur ces germes, détruit les bactéries favorisantes, et livre les spores sans défense aux phagocytes protecteurs. B. Le traumatisme. Si grand que soit le rôle des associations microbiennes dans l'étiologie de la septicémie gangréneuse, il ne faut pas oublier la part qui revient à la nature du traumatisme, aux caractères physiques de la plaie. Les faits établis par MM. Vüaillard et Rouget, à propos de l’étiolosie du tétanos, montrent quelle est l'importance de l'influence de ces facteurs sur la phagocytose; nous ne pouvions les négliger dans l'étude de la septicémie. “Plaies profondes. — MM. Chauveau et Arloing ont montré que le vibrion septique ne se développe que dans les plaies profon- des; ce fait trouve son explication dans la biologie du vibrion septique * anaérobie strict, le germe ne se cultive qu'en l'absence absolue du contact de l'air. Reprenant sur le cobaye et le lapin les expériences de MM. Chauveau et Arloing, nous n'avons jamais pu infecter des animaux porteurs de plaies superficielles, d'excisions de la peau faites d’un coup de ciseau, par exemple. Après les recherches de Novy, qui vient de démontrer (Zeüsch. f. , Hygiene; 1894; T.XVII; p. 209.) qu'une espèce particulière de vibrion septique se développesur la gélose inclinée à la condition d'être ensemencée en même temps que d’autres microbes, tels que le Proteus vulgaris, le Micrococcus prodigiosus, nous devions rechercher, si, associé à des microbes favorisants, le vibrion de la septicémie gangréneuse ne pouvait infecter des plaies superficielles. Des cobayes et des lapius, après de larges 198 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Li excisions faites sur la peau du dos, reçurent dans la plaie de fortes doses de cultures de vibrion septique en même temps que les différents microbes reconnus favorisants : jamais la septicémie ne s’est déclarée chez ces animaux. La profondeur de la plaie est dohc une condition essentielle pour le développement de la septicémie gangréneuse. Nécrose des tissus. — Les spores du vibrion septique, comme celles du tétanos, rencontrent dans les tissus mortifiés des condi- tions favorables à leur culture. Après injection d’une trace de spores pures sous une eschare obtenue par cautérisation de la peau à l’aide d'un agitateur dë verre porté au rouge, le cobaye et le lapin prennent la septicémie et*meurent au bout de 20 à 30 heures. C’est la confirmation de l'expérience du bistour- nage de MM. Chauveau et Arloing. , Une violente contusion, amenant un épanchement sanguin, favorise aussi le développement des spores, mais il est néces- saire que cette contusion amène la mortification des tissus: encore cette expérience ne réussit-elle que chez le cobaye; dans les mêmes conditions le lapin a toujours résisté. Fractures. — Le cobaye et le Japin résistent à l’inoculation d’un petit nombre de spores pures dans un foyer de fracture sous-cutanée. Si, au contraire, lafracture est ouverte, compliquée, la mort survient chez le cobaye au: bout de 30 à 50 heures; chez les trois animaux sur lesquels nous avons répété cette dernière expérience, nous avons trouvé; à l'autopsie faite immédiatement après la mort, des microbes étrangers associés au vibrion, au niveau de la fracture: ces microbes se sont montrés faYorisants dans des expériences de contrôle : la perforation de la peau avait joué le rôle étiologique dominant en permettant l'introduction de ces germes. , Corps étrangers. — Après ce que nous avons dit au chapitre IV sur le rôle protecteur des corpsétrangers vis-à-vis des phagocytes, il est à peine utile de dire que l'introduction dans une plaie d'une certaine quantité de terre, de sable, mettant les spores à l'abri des leucocytes, peut en permettre la germination; dans la pra- tique, cependant, l'introduction de corps étrangers de cette espèce est fatalement liée à celle des microbes favorisants très abondants dans les milieux extérieurs, et auxquels est dévolu le rôle étiologique capital. | | { ñn ÉTUDE SUR LA PÉNÉTRATION DES NACRÔBES INTENTINAUX a DANS LA CIRCULATION GÉNÉRALE PENDANT LA VIE Par M. Le D' L. BECO (Travail du Laboratoire d'anatomie pathologique et de bacttriologie à l'Université de Liège). i Depuissque, dans la séance du 20 avril 1863, M. Pasteur montrait à l’Académie des sciences du sang et de lurine, prélévés à l’étatsoù ils existent dans des organismes sains. et conservés au contact de l'air pur sans s'être modifiés ou putréfiés, les savants diseutent sur l'interprétation à donner à cette expérience. Signilie-t-elle que toujours les profondeurs du corps d’un animal sain sont fermées à l'introduction des germes extérieurs, et que, lorsqu'on en rencontre, ces germes sont des germes nocifs, ou du moins en puissance de le devenir? Ne, pourrait-il pas y avoir, dans des conditions particulières, qui restent normales en tant qu’elles ne troublent pas sensiblement la santé de l'animal, pénétration à l'intérieur des tissus des microbes qui peuplent d'ordinaire le canal digestif? Cette même pénétration ne pourrait-elle pas se réaliser dans le courant d’une maladie, par suite des changements que cette maladie amène ? Cet envahissement subsidiaire de tout ou partie de l'organisme serait alors un épiphénomène, sans relation nécessaire avec la marche de la maladie qui l’a amené. » 4 Dans cet ordre d'idées, Wurtz et Herman‘ ont établi que dans les viscères profonds des cadavres pris au hasard dans les salles d’autopsie, 24,à 36 heures après la mort, on trouve, dans la moitié des cas, le bacterium colècommune. Ces recherches ont été contrôlées par d’autres auteurs, notamment Malvoz?, de Rekowsky*, Marfan et Marot'. Tous 1. Archives de médecine expérimentale, 1891. u 2. Marvoz, Recherches bactériologiques sur la fièvre typhoïde, 1892, HWémoires Acad, méd. de Belgique. 3. DE Rexowsxy, Archives des sciences biologiques de Saint- Pétersbourg, 1892. 4. Manrax et Manor, Gazette hebdomadaire de médecine, n° 31 et 35, 1893. “ * 200 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. admettent, sans le démontrer cependant, que l'envahissement ainsi constaté à l'autopsie s’est effectué pendant la vie. 1 D'après Lesage.et Macaigne ‘, l’envahissement se réaliserait post mortem : peut-être commencerait-il dans les dernières heures : de la vie, par les voies biliaires; en tout cas, il serait lié aux deux facteurs suivants : altération ou trouble fonctionnel de l’in- testin d’une part, d'autre part virulence spéciale du bacterium coli. À côté de ces travaux de recherche systématique, la biblio- graphie renferme un nombre considérable d’observations iso- lées, consignées dans une Revue de Wurtz*®. Dans quelques-unes d’entre elles, notamment dans celle de Hanot*°, on a décelé le b. coli dans une culture du sang ou des organes profonds, faite sur le vivant. Outre que ces observations ne constituent que des faits isolés, nous ferons remarquer que, dans la plupart d’entre elles, on a établi une relation entre la présence du b. coli et l’état morbide. HU Partant du fait constaté par Wurtz et Herman et des idées de Lesage et Macaigne, nous nous sommes posé les deux ques-. tions suivantes : 1° L’envahissement de la circulation générale par les microbes intestinaux se fait-il pendant la vie ou après la mort? 2 Cet envahissement est-il lié à l'existence d’affections intes- tinales, c’est-à-dire d’altérations ou de troubles fonctionnels de l'intestin ? Pour répondre à ces questions, nous avons entrepris des recherches de deux ordres; l'étude bactériologique d’une série * de cadavres'et quelques recherches expérimentales. ÏJ. — ÉTUDE BACTÉRIOLOGIQUE DES CADAVRES F Nous avons cultivé la pulpe splénique des cadavres à un moment aussi rapproché que possible de la mort. Ce délai a varié entre 1/4et 3/4 d'heure. Dans ces conditions, il nous a paru qu'ilne pouvait être question d’un envahissement par putréfaction. La culture a été faite en gélatine et en bouillon. La rate était lais- mn . Lesace et Macaiexe, Archives de médecine expérimentale, 1892. . Wurrz, Le coli-bacille, Archives de médecine expérimentale, 1593. . Hawor, Ictère hypothermique coli-bacillaire. Société de médecine et Gazette des hôpitaux, mai 189#. ; FLE 4. Cette étude a été faite en hiver pendant les mois de novembre, décembre, janvier, février. ©2 19 ’ PÉNÉTRATION DES MICROBES INTESTINAUX. 201 sée en place. Lors de l’autopsie complète, pratiquée en moyenne 24 heures après, nous avons de nouveau cultivé la rate incisée en un point différent. Souvent nous avons ensemencé aussi la pulpe du corps thyroïde et le sang du cœur. La culture de la rate immédiatement après la mort à été faite 25 fois. La culture de la rate à l’autopsieaété pratiquée chez les 25 mêmes cadavres; aous y ajoutons deux observations supplé- mentaires. Nous avons cultivé 11 fois le corps thyroïde et 12 fois le sang du cœur. Les tableaux suivants donnent le résumé de nos constatations : L. — Observations où le B. coli a été ‘trouvé dans la rate, imimé- diatement après la mort. | FIST RENSEIGNEMENTS DIAGNOSTIC ANATOMIQUE | de | | et È $ | CLINIQUES L'INTESTIN Myocardite chronique. SAS er de — | Aucune lésion apparente. | Diarrhée intense. Carcinome vésical. Ammoniémis......... — Pas de diarrhée. Néphrite chronique. Urémie . .:......... — Pas de diarrhée. Casinos GRO 6 M SRE EEE — Diarrhée. Carcinome de l’estomac.............. 50 — Diarrhée septique. nfection puerpérale et septico-pyémie., ...| Injection. Diarrhée prolongée. Imsufisancesmitrale mStase mr EEE | Slase intestinale. Diarrhée modérée — — etnéphrite granuleuse| Chronique : roi A Aucune lésion. Pas de diarrhée. Néphrite chronique. Urémie ....... SAR — Pas de diarrhée. Tubercuiose pulmonaire.................. Entérite catarrhale. Diarrhée intense. Néphrite chronique. Urémie ............. | Aucune lésion apparente. Diarrhée modérée. h Il. — Observations où le B. coli a été trouvé dans la rate du cadavre à l’'autopsie et pas de suite après la mort. MOMENT ETAT MICROBES OBSERVÉS à DE SUITE DIAGNOSTIC de de L ; ; : ë À L'AUTOPSIE L’AUTOPSIE L’INTESTIN APRÈS LA MORT ns Aucune lésion. | Sfreptoc. pyogen. Coli et bacill.liquéf. | Pas de diarrhée. 9 Brysipèle gangre on. ap. la mort. eux 2e \Inject. intestinale. û B. Coli. l Diarrhée. Insuffisance car- 10 h. (Entérite tubercul. | B. Coli. |Diarrhée notable, | Tubercul.pulmon.|2?8 h. _ \ Ulcère tuberculeux. ) B. Coli. Tubercul.pulmon.|26 h. Mb doldanifce: | 202 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. HI. — Observations où les cultures de la rate ont donné des résul- tats différents au moment «de l'autopsie et immédiatement après la mort, le résultat étant positif dans les déux cas. : * ÉTAT MOMÆENT DIAGNOSTIC de de RÉSULTAT RES PIRSS a . APRÈS LA MORT L'AUTOPSIE L’INTESTIN L’AUTOPSIE Myocardite. Stase Rien à noter. |34 h. ap. la mort.|B. Col et staphyl. B. Coli. À pyog. Septico-pyémie... Injection. 18 h. — B. Coli rares, |B. Coli nombreux, F staphyl.nombreux.| Staphyl. rares. Insuffisance mi- “ Stase. 24 h. B. Coli et staphyl. B. Coli. Rien à noter. |17 h. D. Coli et staphyl. B. Coli. IV. — Observation où B. coli a été décelé seulement dans le sang du cœur. DIAGNOSTIC MOMENT MN 7 | RENSEIGNEMENTS ÊTAT DE L’INTESTIN ANATOMIQUE DE L'AUTOPSIE CLINIQUES a Tubercul. pulmonaire..|9 heures après la mort.| Ulcères tuberculeux. Diarrhée notable. V. — Observations où leB. coli a été décelé seulement dans le corps dhyroïde (dans sept autres cas il était constaté dans le corps tluyroïide en même temps que dans la rate.) ® DIAGNOSTIG | MOMENT RENSEIGNEMENTS | ÉTAT DE L'INTESTIN | & ANATOMIQUE | DE L’AUTOPSIE CLINIQUES » | | Pneumonie franche. .,.| 38 h. après la mort. Rien à noter. Pas de diarrhée. « EC Insuffisance mitrale. DIAGNOSTIC MOMENT RTE OS , RENSEIGNEMENTS ETAT DE L'INTESTIN ANATOMIQUE “DE L’AUTOPSIE CLINIQUES ñ 1122 » : A Tuberculose pulmox.….. . après Ja mort. | Ulcères tuberculeux. Diarrhée. Carcinome de l’estomac.| 22 h. _ æ Rien à noter. Forte diarrhée prolongée. Syphilis cérébrale 20 h. — i— Pas de diarrhée. Hémorragie intestinale. | 23 h. — — Carcinome de l'estomac. : — Péritonite séro- Diarrhée continue fibrineuse. intense. Tubercul. pulmon 24. h. — Rien à noter. . Pas de diarrhée. Choléra asiatique h Lésions cholériques. Choléra algide.s Remarque. — Dans cinq de ces sept observations la culture du corps thyroïde n'a pas été faite. + PENETRATION DES MICROBES INTESTINAUX. 203 La première conclusion qui se dégage de notre étude est que nous ävons constaté dans 11 cas (tableau 1), immédiatement l'après la mort, la présence du b. coli dams la rate. La seule inter- prétation rationnelle, c’est qu’il y a été amené par la circulation pendant la vie. À , Si nous étudions comparalivement les cuitures de la rate, faites au moment de la mort et les cultures faites à l’autopsie, nous constatons que dans quatre observations seulement, le b. coli a été trouvé dans la rate à l’autopsie. alors qu’au moment de la mort les cultures ne l'avaient pas décelé. Il semble tout naturel d'expliquer ce fait en admettant un envahissement post mortem. Nous repoussons cette explication. Tout d’abord on peut se demander & priori pourquoi, si l'en- vahissement est cadavérique, il ne s'effectue pas chez tous les cadavres autopsiés dans les mêmes délais ou plus tard encore. Ensuite, si Le b. coli franchit les barrières intestinales seulement après la mort, il doit se propager de proche en proche, ou bien suivre les voies lymphatique ou sanguine. Or, dans des recherches analogues, Malvoz : ne l’a rencontré ni dans le liquide péritonéal, ni dans les veines mésentériques, ni dans les ganglions. De plus nous n’avons nullement besoin de l'hypothèse d'un envahissement cadavériqué pour expliquer les résultats consi- gnés dans le tableau Il. En effet, si nous étudions bactériologi- ‘quement la rate au moment de la mort et au moment de l’au- topsie, nous rencontrons des différences considérables : a) À Fautopsie les bouillons se peuplent toujours plus rapi- dement et plus énergiquement qu’au moment de la mort. b) Sept fois sur onze cas positifs, nous observons ce fait vrai- ment étrange que l’ensemencement direct en gélatine restait stérile au moment de la mort, alors qu'à l’autopsieilse montrait fertile. (Disons en passant que sans læ culture en bouillons, nous aurions conclu à l'absence de b. coli dans ces cas). €) Quatre fois au moment de la mort, nous constatons une association du b. coli et de staphylococcus. et à l'autopsie le b. coli “est presque seul constaté (tableau IH). En résumé, il apparaît que dans les heures qui séparent la mort du moment de l’autopsie, il se fait une multiplication des bacilles du groupe coli existant dans la rate au moment de la 4. Marvoz, loco cilato. CR D + = 8 et 204 _ ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. mort. Cette multiplication (associée peut-être à une vitalité indi- viduelle plus grande) peut être assez considérable pour assurer à ces bacilles la prédominance exclusive au bout d'un cerlain* temps, alors qu’au moment de la mort on les trouvait associés à d'äutres espèces. On admettra parfaitement dès lors que l’on décèle le b. coli au moment de lautopsie, alors qu'au moment de la mort on ne l'avait pas trouvé, sans qu’il soit besoin de recourir à l'hypothèse d'un envahissement post inortem. Disons aussi dès maintenantque cesontsurtoutnosrecherches expérimentales qui ont déterminé notre manière de voir sur cette queslion. Si nous recherchons maintenant les causes déterminantes de l’envahissement pendant la vie, nous voyous que cet envahisse- ment n’est nullement lié à la présence de maladies à iocalisation intestinale. Dans plus de la moitié de nos cas positifs, l'examen macroscopique ne révélait existence d'aucune lésion, etpendant la maladie on n'avait observé aucun trouble fonctionnel de l'in- testin. D'autre part, plusieurs fois l’autopsie montrait l'existence de lésions notables, d’ulcérations tuberculeuses, par exemple, la diarrhée avait été forte et prolongée, et nos cultures restaient stériles. Évidemment, il est possible que les conditions détermi- | nantes de l’envahissement se rencontrent au maximum dans les entérites primitives (choléra nostras.infantile...): nous ne contes- tons pas cela, mais nous insistons seulement sur ce fait que ces conditions se rencontrent aussi en dehors de ces affections. Quelle est la fréquence de l'envahissement ? Nous avons constaté la présence du b. coli de suite après la mort dans 11 cas sur 25. Si l’on admet, comme nous le croyons, que l’envahissement constaté à l'autopsie s’est effectué aussi pendant la vie, nous devons ajouter les observations dans lesquelles les cultures de la rate ont poussé seulement à l’au- topsie. Naturellement nous devons aussi Lenir compte des obser- valions où nous avons décelé le b. coli, non dans la rate, mais dans le sang du cœur ou la pulpe du corps thyroïde. Nous arri- ” vons ainsi à une proportion de 20 cas positifs sur 27 cas exa- minés. Mais il convient de faire remarquer que dans les 7 cas négalifs, l'examen n’a porté dans à cas que sur la rate exclusi- vement. Peut-être, si le corps thyroïde ou d'autres organes PÉNÉTRATION DES MICROBES INTESTINAUX. 205 profonds avaient été examinés, le nombre des cas négatifs aurait-il encore été réduit! Nous sommes ainsi conduit à nous demander si l'envahissement de la circulation générale par les microbes intestinaux n’est pas un phénomène en quelque sorte banal, se rencontrant dans la grande majorité des cas de mort naturelle, s’effectuant à un moment plus ou moins rapproché ou éloigné de la mort, et intervenant, à un titre quelconque, dans la terminaison fatale. Les cultures du sang des gros vaisseaux et du cœur ont été fréquemment stériles. — Le fait a été souvent signalé. Les cultures du corps thyroïde nous fournissent des résultats intéressants. Sur 11 cas, nous avons trouvé le b. coli 9 fois, et 2 fois nous ne l'avions pas constaté dans la rate. Il n'y a fà rien qui doive étonner ; le corps thyroïde est un organe richement vascularisé, eton sait que les travaux modernes lui attribuent un rôle important dans la défense de l'organisme contre les agents morbides (Abelous) : A la suite de ces considérations, nous nous croyons autorisé à poser les conclusions suivantes: 1° L'envahissement de la circulation générale et des organes profonds par les microbes intestinaux se réalise chez beaucoup de malades avant la mort; 20 [l n’existe pas une corrélation étroite entre cet envahisse- ment et l'existence d’affections intestinales : 3° [l est probable que les microbes que l’on trouve dans les organes profonds, lors des autopsies pratiquées dans les délais habituels, y ont été amenés pendant la vie par la circulation (peut-être y aurait-il lieu de faire des réserves pour les périodes de forte chaleur): 4° Le corps thyroïde paraît être, au même titre que la rate, le foie, la moelle osseuse, un organe de dépôt pour les microbes en circulation dans le sang. II. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES. Dans les expériences qui suivent, ik s’agit d'animaux (des lapins pour la plupart) qui ont été soumis à l’action d'irritants de l'intestin variés, de manière à amener leur mort en un espace de temps déterminé. 1. ABeLous, Revue générale des sciences pures et appliquées, 15 mai 1893. [ ë * 206 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Après un certain délai, variable Suivant les cas+les animaux * ont été autopsiés: le sang du cœur ebde la veine porte, la pulpe du foie et de la rate ont été ensemencés dans de nombreux bouil- lons; les bouillons ont été portés à l'étuve à 37°. S'ils se trou- blaient, on déterminait ultérieurement les espèces par cultures sur les milieux habituels. ‘ & + à . Trois lapins normaux, en pleine santé, sont sacrifiés brusque- 4 : à - VE . ment. Les cultures des viscères profonds restent indéfiniment stériles. Nous avons tenu à contrôler sommairement les expériences de Wurtz sur le choléra arsenical. On administre de l’arsenic à 3 lapins ; aux deux premiers, de lR liqueur de Fowler en injections sous-cutanées, au troisième, de l’acide arsénieux en ingestion. Mort entre 15 et 30 heures, Chez chacun de ces animaux, bon nombre de bouillons de cul- ture se troublent. Sur plaques on retrouve le bacillus subulis, un streptocoque, le proieus vulgaris et le +. coli. Conclusion. Ges expériences confirment pleinement les résul- tats publiés par Wurtz' $ IL [2 Nous nous sommes demandé si d’autres irritants de l'intestin “avaient pas, comme l'arseuic, la propriété de provoquer le passage des microbes intestinaux dans la circulation. Nous nous sommes adressé d’abord à la cantharide et à la cantharidine. Nous avons administré l’une ou l’autre de ces substances par la bouche à 1 chien et# lapins. La mort est arrivée au bout de 6 jours, 24 heures, 20 heures, 5 jours, 12 heures. Autopsie presque immédiate. Chez tous les animaux elle révèle un catarrhe gastro-intestinal hémorragique violent. Chez un lapin quisa vécu seulement 12 heures, toutes les cultures sont restées stériles. Chez les 3 autres et chez le chien, elles ont donné des résultats sensiblement analogues à ceux qui ont été consignés dans le $ précédent. Attendu que ces cultures Ÿ 1. Wurrz, Comptes rendus de la Soc. de Biologie, nes 39 et 40, 1592. * A EL. M É +" 3 PÉNÉTRATION DES MICROBES INTESTINAUX. 207 a ont été faites à un moment très rapproché de la mort, nous pou- vons conclure que l'ingestion de cantharidine* à dose convenable détermine le passage des microbes intestinaux dans la circulation. SAVE Nous avons ensuite employé l'émétique. et les expériences que nous avons faites avec ce produit ont porté sur un nombre beaucoup plus considérable d'animaux (27 lapins). «+ L'émétique présente en effet beaucoup d'avantages sur la cantharidine. Sa toxicité est infiniment moindre, sa sulubilité notablement supérieure : on peut plus Fe teron graduer les effets à obtenir ; enfin on peut administrer par voie sous-cutanée. A. Nous nous posons d’abord la question suivante : L'émétique détermime-t-ùl le passage des microbes entestinaux dans le sang pendant la vie? | * L'expériente porte sur 7 lapins auxquels on administre de l'émétique en PARLE sous-cutanées, de manière à amener la mort en un délai de 2 à 7 jours. L’autopsie et aussi les cul- tures des viscères ou nu à un moment très rapproché de la mort, même chez quatre animaux alors que le cœur se contracte encore. L’autopsie montre l'existence d’un catarrhe gastro- intestinal assez intense, moindre cependant que la gastro-entérite déterminée par l’arsenic ou la cantharide. Chez tous les lapins, la plupart des bouillons de culture se. troublent, et nous y trouvons associées un certain nombre d'espècesmicrobiennes qui toutes se rencontrent dans l'intestin, ainsi que nous nous en sommes plusieurs fois assuré. Nous croyons pouvoir conclure de ces expériences que : l'émé- tique administrée en injections sous-cutances, en espaçant les doses de telle manière que lu mort arrive dans un délai minimum de 2 4/2 à 3 jours, détermine chez les lapins le passage des microbes intestinaux dans la circulation. «+ B. 6 lapins sont intoxiqués par l'émétique, la mort arrive dans un délai maximum de 24 heures ; autopsie presque immédiate, les cultures sont toutes stériles. Conclusion : Chez les lapins intoxiqués par l'émétique, lorsque la mort arrive dans un délai de 24 heures, les cultures des organes pro- fonds et du sang restent stériles. s LA 208 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR C. 9 lapins sont intoxiqués rapidement comme dans les expé- riences B. " Après leur mort, ils sont abandonnés dans une chambre à une température de 14 à 16° pendant les laps de temps respec- uifs suivants : 24 heures, 28 heures, 36 heures, 3 jours, 4 jours, % jours 1/2, 5 jours 1/2, 6 jours et 9 jours; puis il sont autopsiés. . . Lésions de putréfaction peu avancées. On cultive les viscères Léo Les bouillons abanäonnés pendant un temps très long à l’étuve ne se sont pas troublés. e Conclusion : Chez les lapins intoriqués par l'émétique, si l'envalns- sement du sang par les microbes intestinaux ne s'est pas effectué pen- dant la vie, il ne peut se faire que très tardivement après la mort. Ce sont ces faits auxquels nous faisions allusion dans les conclusions de l’étude bactériologique des cadavres (page 6). Lorsque nous constatons que chez des lapins dont l'intestin a été irrité, dont les cadavres ontétéexposés àune température moyenne de 15°,.la rate après 5, 6, 9 jours même, ne renferme pas de microbes intestinaux, il nous semble difficile d'admettre que chez des cadavres humains abandonnés pendant 24 ou 36 heures à une température en dessous de 5°, l’envahissement de la rate puisse se faire post mortem. D. 5 lapins sont iutoxiqués lentement par l’émétique comme dans les expériences A. Que la mort, on abandonne les cada- vres pendant { jour 1/2 à 2 jours, à là température de 15°. Alors seulement on fait l’autopsie et les cultures. La plupart des bouillons se troublent, et dans les plaques nous ne retrouvons exclusivement que le b. coli. Conclusion : Chez les lapins intoxiquis lentement par l'émétique, le b. coli amené pendant la vie dans les organes profonds, pullule après la mort et élouffe les espèces associées. Remarque. — Chez les cadavres humains nous avons pareil- lement constaté après la mort la réduction des espèces micro- biennes et la prédominance du b. coli (page 6). Ex résumé. — Nos expériences sur l'intoxication par l’émé- tique établissent les points suivants : Chez les lapins : A. L'intorication lentement mortelle détermine l'envahissement de la circulation par les microbes intestinaux peigne la vie. PÉNÉTRATION DES MICROBES INTESTINAUX. 209 B. L'intorication rapidement mortelle ne détermine pas cet enva- hissement. C. Si l’envahissement de l'organisme par les microbes ne S'est pas produit au moment de la mort, il ne s'opère que très tardivement sur le cadavre intact. D. Le B. coli ayant envahi l'organisme pendant la vie se multiplie dans les organes après la mort et prédomine sur les espèces associées. s RÉFLEXIONS Nous croyons avoir démontré que l’envahissement du sang et des organes profonds par les microbes intestinaux se réalise chez un grand nombre d'individus avant la mort. De plus, on ne peut voir dans ce fait rien de spécifique, c’est-à-dire qu'on ne peut'faire de cet envahissement un symptôme exclusif, spécial à certaines maladies microbiennes à localisation intestinale pri- milive. Quelle est l'importance pratique de ces conclusions? En terminant leur mémoire, Wurtz et Herman : faisaient remarquer, qu'en tenant compte de la présence si fréquente du B. coli dans les organes des cadavres morts d’affections quel- conques, il ne fallait accepter qu'avec réserve les résultats d’au- topsie attribuant au B. coli la cause de la mort. Cette conclusion, nous l'avons corroborée en établissant, par des faits cliniques et expérimentaux, que dans les organes où la circulation l’a amené, le B. coli pullule après la mort et étouffe les espèces associées. Une observation récente de Charrin et Veillon ? est sous ce rap- port typique. Mais il y a plus. Attendu que l'infection des organes profonds par le B. coli, constatée à l’autopsie, se fait, dans la plu- part des cas, sinon dans tous, pendant la vie, nous nous croyons en droit de donner à la conclusion de Wurtz et Herman une portée plus considérable et de la formuler ainsi : On ne peut se baser uniquement sur la présence du B. coli dans le sang et les organes profonds, alors méme qu'elle est constatée avant la mort, pour établir une relation entre ce microbe et la maladie. » 1. Wurrz et HERMAN, loco citato. 2. CHarnx et VeiLzon. Comptes rendus de la Soc. de Biol., 5 janvier 1894. ESSAIS DE VACCINATION ANTIRABIQUE AVEC LE VIRUS ATTÉNUÉ PAR LA CHALEUR Par MM. E. PUSCARIU gr M. VESESCO (Travail de l'Institut antirabique de Jassy.) é Re RS . æ. » Personne ne doute plus aujourd’hui de l'efficacité de la méthode de vaccination antirabique créée par M. Pasteur, et nous en avons tiré les meilleurs résultats ici, dans une pratique des ans et demi, pendant lesquels nous avons traité 460 personnes, Elle présente pourtant quelques inconvénients, sensibles surtout dans les instituts mal pourvus de ressources: la stérilité des moelles est difficite à obtenir; leur diminution de virulence dépend de la marche de la dessiccation, qui dépend à son tour de la tempéra- ture, de l’état hygrométrique de l'air et de la grosseur du frag- ment. Enfin l'obligation d’avoir en réserve ce qu'il faut de . moelles pour parer à l'imprévu augmente les dépenses, souvent en pure perte. C’est pour cela que nous avons entrepris, avec la collaboration de M. le D' Lebell, assistant de l’Institut, une série de recherches destinées à obvier à quelques-uns de ces inconvénients. 1. Essais DE VACCINATION AVEC DES ÉMULSIONS DE VIRUS FIXE à GHAUFFÉES À 80°. Le point de départ de ces essais a élé une observation faite par l’un de nous et M. Babes ‘, sur la possibilité de vacciner avec une émulsion de virus fixe chauffée à 80°, et appliquée à doses croissantes. Nous avons commencé par répéter l’expérience sur une plus large échelle. Un cerveau de lapin, mprt de rage, est trituré dans un mortier avec 100 e. c. d’eau stérilisée ; l’émulsion, filtrée au travers d'um linge stérilisé, est maintenue 15 minutes dans un bain-marie à 80°. 1. Ges «Annales, 1889. . r + “ * L ‘ C! VACCINATION ANTIRABIQUE. ” 244 Are ExPÉRIENCE. — Trois chiens reçoivent quotidiennement, pendant 10 jours, des doses de cette émulsion commençant par » €. ©. pour arriver à 50 c. c. Le T° jour du traitement, ils sont infectés par trépanation avec le virus des rues, en même temps qu'un chien de contrôle et deux lapins. Ces trois animaux meurent de rage 16 el 17 jours après l'infection. Sur les chiens vaccinés, deux résistent; le 3° meurt de rage le 21° jour après l'infection. FA | 2° ExpéRIENCE. — Deux chiens et deux lapins de contrôle reçoivent par trépanation du virus destrues. Les chiens subissent ensuite le même traite- ment que ceux de la première expérience. Les deux lapins meurent 25 et 27 jours après la trépanation ; l’un des deux chiens meurt rabique 30 jours après l'infection; l'autre chien était mort le 27° jour, sans symptômes rabiques. | 9e EXPÉRIENCE, — Le 15 mars 1893, trois chiens recoivent le même trai- tement qué ceux de la première expérience ; trois autres reçoivent, pendant deux périodes successives de 4 jours, 5, 10, 15, 20 c. c. d'émulsion chauffée à 80°; puis, après un repos d'un jour, et pendant 5 jours, 10 €. c. de la même émulsion. Le 30 mars, tous ces chiens, et un chien et deux lapins de contrôle, sont inoculés, dans la chambre antérieure de l'œil, par le virus des. rues. Les animaux de Contrôle meurent de 18 à 21 jours après l'infection. Trois des chiens vaccinés meurent rabiques, dont un de la première série ef, deux de la seconde. Les trois autres restent bien portants. 4° ExPéRIENCE. — Onze chiens sont injectés, le 29 décembre 1893, par du virus des rues dans la chambre antérieure de l'œil. Neuf d’entre eux reçoivent en 15 jours les doses suivantes d'émulsion chauffée : 5, 10, 15, 20, 10, 15, 204 10, 15, 10, 10, 10, 10, 10 c. c. Les deux autres restent commes chiens de contrôle. Ces derniers meurent du 25° au 24 jour après l'infection. Parmi les autres, cinq meurent de 25 à 28 jours après l'infection, quatre restent bien portants. Les émulsions chauflées à 80% sont done impuissantes à vac- ciner Sürement les chiens contre la rage; mais comme leur bon effet n’est pas douteux, après les expériences qui précèdent, nous les avons fait entrer peu à peu comme adjuvants du traitement de M. Pasteur, et nous les substituons maintenant au bouillon .danslequel sont émulsionnées les moelles. Voici quelques chiffres donnant une idée des résultats de cette pratique : Du 6 août 1891 au 16 juillet 1893, on s’est contenté d’injecter 10 c. c. d’émulsion chauffée dans le cas de morsures graves faites par des loups. Il y a eu une mort survenant plus de‘15 jours après le traitement, sur 244 traités, soit 0,41 0/0. — Du 15 juil- let 1893 au 24 novembre 1893, on a préparé'avec de l’émulsion chauffée toutes les moelles à partir de celle de 4 jours. Morta- lité 0, sur 47 traités. — Bu 25 novembre 1893 jusqu’à aujourd'hui, 2 2 212 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. toutes les moelles étant préparées avec l’émulsion chauffée, il y a eu 169 traités, n'ayant fourni aucune mort. Il faut attendre que cette statistique porte sur un plus grand nombre de cas pour en tirer une conclusion solide. On voit pour- tant dès à présent que cette introduction de l’émulsion chauffée dans le traitement amène de bons résultats, puisque, sur 215 cas, la mortalité a été nulle. | IT. Essais DE VACCINATION AVEC DES ÉMULSIONS DE VIRUS FIXE CHAUFFÉES À DIVERSES TEMPÉRATURES. Les résultats obtenus avec l’émulsion chauïée à-80° nous ont fait penser à étudier les propriétés virulentes d’une échelle d'émulsions chaulfées à diverses températures, dans l'espoir d’en tirer un nouveau système de vaccination. Voici le résumé des recherches que nous avons faites dans cette direction : 17e ExPÉRIENCE. — Le 19 février 1894, le cerveau d’un lapin mort de rage à virus fixe est émulsionné dans 100 €. c. d’eau stérilisée, et l'émulsion est partagée entre neuf éprouvettes, qu'on laisse dix minutes dans un bain-marie chauffé aux températures marquées au tableau ci-dessous. Aussitôt après on inocule 3 gouttes du liquide de chacune de ces éprouvettes aux lapins de la colonne n° 3; leur sort est inscrit dans la colonne n° 4. Éprouvettes. Températures. Lapins. Résultats. 1 80° I Survie. 2 700 Il — b) 600 III — 4 50° IV et V Morts au bout de 11 jours 1/2 5 450 VI et VII — — IL — 6 40° VIII et IX — — 10 — 7 35° X et XI — — 9 jours 1/2. 8 30° XII et XIII — — 9 — 9 Non chauffée. XIV — - S — Le virus est donc tué entre 50 et 60, et sa destruction est précédée d'une atténuation sensible. Une seconde expérience, faite le 5 mars, a donné à peu près les mêmes résultats. Voici maintenant ce qu’a donné cette échelle de substances virulentes dans la vaccination des animaux : 2° EXPÉRIENCE. — Le 18 mars, 10 chiens sont infectés par voie intra- oculaire. Ils forment trois groupes. Le premier, composé de 4 chiens, reçoit par jour deux injections de 2 grammes chacune, des émulsions 2 à 9, en répétant chaque matin le der- nier numéro de la veille : par exemple, le {tr jour 2 et 3; le lendemain 3 on VACCINATION ANTIRABIQUE. 243 et 4, et ainsi de suite. On recommence ensuite une série de 2 à 9 sans répé tition; on termine par une dernière série identique &la première. Ces quatre chiens sont restés bien portants. Un second groupe de # chiens a subi la première série de vaccinations comme le groupe précédent. Pour la seconde série, au lieu d'aller de 2 à 9, on est revenu de 9 à 2. Deux de ces chiens ont succombé, le premier à une maladie intercurrente, le second à la rage, 24 jours après l'infection. Le troisième groupe était celui des animaux de contrôle, injectés, mais non vaccinés. Ils sont morts 20 et 22 jours après l'infection. Le traitement s’est donc montré efficace. Pour l’abréger, nous Pavons appliqué d'une manière plus intensive dans l'expérience suivante : 4 3° ExpÉRIENCE. — Le 20 mai 1894, 9 chiens sont infectés dans là chambre antérieure de l'œil avec le virus des rues. 8 d'entre eux sont ensuite soumis au traitement suivant : Le premier jour, on leur injecte 2 c. c. de chacune des émulsions de 1 à 4 Le second, on leur injecte de même les émulsions de 4 à 9. Le troisième jour, nouvelle série de 7 injections. Dans les quatre jours suivants, nouveile série en répétant deux fois le même numéro. Enfin. les six jours suivants, on injecte la série entière. En tout 13 jours de traitement. De ces chiens, 2 seulement meurent rabiques 20 et 25 jours après l'infection. Le chien de contrôle était mort 18 jours après l'infection. 4e EXPÉRIENCE. — Analogue à la précédente et portant sur 10 chiens dont un, gardé comme animal de contrôle, meurt rabique, de même qu. deux chiens infectés, puis vaccinés. Un autre chien meurt d'une maladie intercurrente. Les six autres demeurent bien portants. On peut donc conclure qu'il est possible de préserver de la rage des chiens infectés par le virus des rues, en leur injectant des émulsions chauffées d’une moelle rabique. Il reste à étudier de plus près cette atténuation produite par l’action de la chaleur, qui semble plus sûre et plus régulière que l’atténuation produite par la dessiccation, et dont l'utilisation ferait disparaître quelques-unes des difficultés que rencontre l'emploi de la méthode Pasteur dans quelques Instituts antirabiques. (Décembre 1894.) A REVUES ET ANALYSES AMIDONS, DEXTRINE ET MALTOSE REVUE CRITIQUES * ” # Le spectacle auquel nous avons assisté en étudiant la saccharilica- tion de l'amidon ne laisse pas que d’être curieux. Au début, les phénomène semble simple, et Payen le résume en disant : une molé- cule d’amidon devient par transposition isomérique, sans rien perdre ni rien gagner,une molécule de dextrine; puis celle-ci devient une molécule de sucre en s’ajoutant une molécule d’eau. Cette conception s'implantait tout doucement dans la science quand arrive Musculus, quida combat avec des expériences inexactes et mal interprétées, mais en apportant une idée nouvelle, c’est que la saccharification est le résultat d’un dédoublement : ce n'est pas une seule molécule d’amidon qu'il faut envisager comme donnant successivement, par des actions indépendantes, quoique consécutives, une molécule de dextrine d'abord, une molécule de maltose ensuite : ce sont plusieurs molécules d'amidon groupées qui se séparent à la fois les unes des autres, pour donner les unes du maltose, les autres de la dextrine. Les travaux faits depuis nous ont conduit à faire, de ce groupe “initial de molécules d’amidon, quelque chose de très complexe et de très volumineux, si nous voulons.qu’il puisse suffire à expliquer la multi- tude de débris variés qu’il donne en se disloquant et en s’écroulant. La physionomie simple que présentait, à son entrée dans la science, la conception de Musculus, a donc aussi disparu à son tour,'et les théo- ries qui veulent lui rester fidèles se représentent, àl'heureactuelle, la molécule d’amidon comme un livre plus ou moins gros, pouvant s'effeuiller sous l’action de la diastase, et donner, en proportions variables suivant les cas, des feuillets de dextrine et des feuillets de mältose. Je me trompe : si nous avons le droit de parler de feuillets de maltose, parce que dansle maltoseil n’y a que deux groupementsde sucre C°H'°0°,soudés par l'élimination d’une molécule d’eau, et repré- sentant les deux pages imprimées dos à dos sur le feuillet du livre, nous n'avons pas ledroit de parler de même des dextrines, que nous L REVUES ET ANALYSES. à à ? 275 savons être plus complexes, et dont le poids moléculaire nous a paru comporter l’équivalent de 48 molécules de maltose: de sorte que, tou- jours dans notre conception schématique, les dextrines seraient des feuilles d’un livre in-18, qui resteraient intactes pendant lasaccharifi- cation de l’amidon, pendant que d’autres feuilles se disloqueraient en feuillets de maltose. 17 Cette conception, plus compliquée que les précédentes, n’est à son tour pas suffisante pour ceux qui admettent que toutes les dexirines produites à diverses températures ne sont pas identiques et présentent des différences foncières. Il faut alors admettre qu'il peut y avoir des dextrines à plus de 18 feuillets, et une fois dans cette voie, on peut aller aussi loin qu'on veut, suivant le degré d'importance qu’on ajoute aux différences que l'expérience relève entre les diverses dextrines. Il'est bien entendu que c’est en gros seulement que j'expose la théorie de la dislocation de la molécule d’amidon : je veux la débar- rasser des schémas un peu rébarbatifs sous lesquels on la masque d'ordinaire. Ils n’en disent pas beaucoup plus long que notre repré- sentation sous la forme d’un livre, et ils sont beaucoup moins clairs. Je continuerai en disant que tous les savants ne sont pas d'accord sur la façon dont est broché le livre. Les diverses feuilles, les divers feuillets sont-ils simplement rapprochés par un peu de colle sur le dos de la brochure, ce qui les rend aussi faciles à disloquer que des livres du jour de l’an? Ou bien sont-ils cousus, et dans ce cas le fil de cou- ture est-il de même résistance partout? N'a-t-il pas, de place en place, des points faibles où il se brise plus volontiers? Voilà une foule de questions qu’on s’est posées sans leur avoir encore trouvé autre chose que des embryons de réponses, et que nous passerons par suite sous silence. Toujours est-il que, dans cette conception, nous trouvons à la fin des différences qui n’existaient pas au début. Le livre qui nous sert e point de départ est implicitement supposé être toujours le mème, c'est. le groupement moléculaire d’amidon, le mot amiden représentant une individualité chimique aussi nette que la saccharose ou le chlorure de sodium. Et c’est ce groupement moléculaire supposé toujours iden- tique à lui-même qui, en se disloquant de façons différentes, donne lieu à toutes les différences de quantité dans le maltose, de guantité et de qualité dans les dextrines, les différences de qualité étant rattachées au nombre de feuillets restés adhérents pour former une molécule de ces dextrines. Mais il est bizarre de voir, dans cette conception, des différences dans le nombre des feuillets créer des différences entre des dextrines, et ces différences s’effacer quand le livre est reconstitué 216” ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. en entier. Qu'on ne croie pas que mon objection n’a de valeur que par l'image qui me sert à la traduire. On peut la recommencer avec l’une quelconque des formes savantes données à la théorie de la dislocation de la molécule d’amidon : elle aura un autre énoncé, mais elle restera la même, car elle revient à ceci : comment disparaissent, dans la molécule d’amidon, les différences que l'expérience découvre, et que la théorie consolideentre les molécules des diverses dextrines ? Ce raisonnement nous conduit à rechercher s’il n’y en aurait pas de pareilles dans les molécules d’amidon. Si nous en trouvons, voici ce que nous y gagnons, c’est qu’elles sont préexistantes à la saccha- rification, et que celle-ci n’est pas chargée de les expliquer. Peut-être trouverons-nous quelque simplification dans l’aspect du phénomène, en essayant de marcher dans cette voie. Bien qu’elle n'ait pas été fré- quentée, je n'hésite pas à m’y aventurer. IT Un fait apparaît tout d’abord, quelespremièresobservations avaient laissé dans l’ombre : c’est l'inégalité des divers amidons. O’Sullivan avait cru que l’extrait de malt n’agissait pas à la température ordi- paire sur l’amidon non gélatinisé. Baranetzky ‘ a montré que cela n'était vrai qu'avec l’amidon de pommes de terre dont s’était servi O0’ Sullivan, mais que les autres amidons étaient plus facilement attaquables, même à froid. Lintner a donné les chiffres suivants pour les proportions en centièmes de l’amidon qui reste inattaqué lorsque, sans le gélatiniser à l’avance, on le traite par le malt à différentes températures. Température d'attaque. Température de 50° 55° 60° 65° gélatinisation. Pomme de terre. ..... 0.1 5.0 HOT 90.3 65° OPEN RE 12.4 5318 92.8 96.2 80° Maltivert.#:.2 1700. 29.7 58.6 92.1 96.2 &> Malt touraillé,........ 13.0 56.0 91.7 93.6 » HrOMONtT ER ANNEE » 62.2 91.1 94.6 75-S0° RIZ UE ere de A 6.6 9.7 197 11 80° à MAIS ES ER Rs 21 » 48.5 4,6 150 . On voit qu’il ne se dissout pas les mêmes quantités des divers amidons aux mêmes températures. On voit aussi que le phénomène n'a aucun rapport avec la température de gélatinisation, car l’amidon de pomme de terre, qui se gélatinise à 65°, est, à toutes les températures, même à celle de sa gélatinisation, plus résistant que Lamidon d’orge qui se gélatinise à 800. De même l’amidon de riz, qui se gélatinise aussi à 80°, est trois fois plus résistant à 65° que l’amidon d'orge. Il y a plus, ces inégalités de résistance se retrouvent dans un même 4. Die Slärkeumbild. Fermente in d. Pflansen. Leipzig, 1878. LE LO REVUES ET ANALYSES. 17 granule, et c’est ici le cas de rappeler la façon dont ces granules se dis- solvent à froid, tant sous l'influence de l’amylase que sous celle des acides, ou sous les deux actions combinées. Parfois l’attaque a lieu par la périphérie et concentriquement, révélant ainsi une homogénéité parfaite du granule : mais cela est rare. Le granule est en général cor- rodé irrégulièrement, et prend, avant de disparaître, les formes les plus variables. D’autres fois, il se creuse, dès l'origine, de trous, de canaux ou de fentes radiées irrégulières, témoignant de lexistence de places ou de régions de moindre résistance, et confirmant ainsi les idées les plus récentes sur la constitution du globule d’amidon, idées d’après lesquelles le granule ne s’accroitrait pas seulement par intus- susception, comme le croyait Nægeli, mais aussi par recouvrements successifs, de façon que sa surface présente des régions inégalement tassées et inégalement compactes. Il est bien entendu que si on chauffe ou si 6n gélatinise, ces diffé- rences dans le degré d’agrégation doivent tendre à disparaître. Elles n'atteignent pas la molécule chimique: l’amidon plus ou moins cohé- rent reste de l’amidon, et s’il passe à la cellulose quand la cohésion a atteint et dépassé un certain degré, Payen nous a appris, comme nous l’avons signalé dans notre première Revue, la façon simple de revenir de la cellulose à l’amidon colorable par l'iode. D'un autre côté, les observations de Fitz, de Grimbert, nous ont montré que l'on pou- vait également revenir de l'amidon à la cellulose. Toutefois, si la gélatinisation ne fait pas disparaître ‘absolument toutes les différences de compacité dans les diverses parties du gra- nule, puisqu'on les voit reparaître quand on refroidit l'empois, elle les atténue sensiblement. Il y a encore des différences dans le degré de résistance des divers empois à l’action d’une même quantité de dias- tase à différentes températures, mais elles sont moindres que celles que révèlent les nombres de Lintner, reproduits plus haut, entre les divers amidons non gélatinisés. Je ne sais pas de travail fait spécia- lement sur ce sujet, et dont je pourrais citer les résultats. Je ne m 'ap- puie que sur ce qu’enseigne l’observation courante des phénomènes de saccharification, et je ne crois pas qu'aucun chimiste connaissant ce sujet conteste mes conclusions. « _ Pour faire disparaître toute différence dans le degré de compacité des divers amidons et des diverses parties d’un même granule d'amidon, il faut avoir recours à l’action des acides, naturellement dans les condi- tions où ils ne fournissent pas de glucose ou en donnent peu, c'est- à-dire en les faisant agir à froid sur de l’am:don cru, et en laissant à action, lente dans ces conditions, le tempsd> s'accomplir. Oa to:nbe alors sur l’amylodextrine de Nægeli, produite en laissant en contact, PA >» $ 218} ‘ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pendant quelques mois, de l'amidon cru Avec une solution contenant environ 12 0/0 d’acide chlorhy drique. Rién ne change, en apparence, jusqu” au 20% jour : Que on voit peu à péu le granule se disloquert, te plus se colorer qu’en violet par l’iode, puis en rouge brun, puis en Jaune rougeätre. Une partie passe en solution : l’autre, qui repré- sente une fraction notable de l’amidon employé, reste comme résidu. On la purifie en jetant sur un filtre, lavant à fond, et redissolvant dans l’eau chaude. En refroidissant à 0° 14 solution, il se précipite une poudre brillante, formée de sphérocristaux analogues à de linuline, et dont l’homogénéité est évidemment très grande. Leur pouvoir rotatoire est de 206° et leur pouvoir réducteur est de 10 environ, ce dont on pourrait conclure qu'il y a environ 15 0/0 de maltose. Mais Brown et Morris regardent ce corps comme un composé défini, à cause deson aspect cristallin, et de ce qu’onne le dissocie ni par précipitation fractionnée ni par dialyse. En outre il n’est pas fermentescible. Peu importe du reste, au point de vue auquel nous nous sommes placés, qu'il contieñne ou non du maltose. Il suffit qu’il y ait une forte propor- tion de matière jouissant des propriétés des dextrines, mais pourvue d’une homogénéité que les dextrines ne possèdent pas. Il est bien entendu que ce dont je parle ici, c’est de l'homogénéité physique, c'est du degré de cohérence, de quelque chose d’analogue au degré de coagulation. La caséine coagulée et la caséine en suspen- sion dans le lait, l’albumine de l’œuf cuit et celle de l'œuf cru sont encore de la caséine et de l’albumine, et toutes les chinoïseries qu’on a accumulées autour de l’interprétation de ces phénomènes n’ont fait que lés compliquer sans les rendre plus clairs. Tout ce que je veux dire, c’est qu’il y a entreles divers amidons ou les diverses parties d’un même amidon des différences analogues. Je n’aborde pas pour le moment la question de savoir comment se produit cette condensation, ce rapprochement des molécules. Y a-t-il seulement soudure par attractions mutuelles, à la façon du mode de rapprochement des molécules dans un cristal? Y a-t-il adhésion moléculaire entre dés molécules hétérogènes, à la facon de l’eau qui s'attache aa verre où de a matière colorante qui se fixe sur un tissu? Ÿ a-t-il soudure chi- mique, par élimination d’une molécule d’eau comme dans le cas de la soudure d'une molécule de glucose et d’° une molécule de lévulose pour faire une molécule de saccharose, où par un autre mécanisme? C’est ce que je ne recherche pas pour le moment. Tout ce que je voudrais, c'est faire accepter que ces modes de jonction, quels qu'ils soient, sont plus ou moins solides, plus ou moins résistants, que la gélatinisation ne les fait pas tous disparaître, et que c’est dans l'amylodéxtrine de Nægeli, encore plus que dans Pamidon soluble, qu’ils sont les plus " * + REVUES ET ANALYSES 219 uniformisés. Le jour où on aurait un amidon cristallisé, les liens de jonction existeraient peut-être encore, mais leurs différences auraient disparu. s ET È , III Cela posé, voyons comment se traduisent ces inégalités dans la #* cohésion, quand oh fait intervenir la diatase de l'orge, et pour cela, commençons par cette amylodextrine homogène dont nous venons dé parler. Ici, le résultat est très net : sous linfluence de l’amylase, l’amylodextrine se transforme intégralement en maliose : le pouvoir® fotatoire tombe rapidement de 206° à 1919, et il n’y a dans le résidu aucune trace sensible de dextrine. De plus, la loi d'augmentation du maltose est la loi générale de l’action des diatases, ja loi logarithmique. Quand la quantité d’action est, à chaque instant, proportionnelle à la quantité de matière pouvant subir cette action, la quantité de matière transformée augmente proportionnellement au logarithme du temps! Or c’est ce qu’on vérifie assez nettement! sur la courbe donnée par Brown et Morris dans leur mémoire sur la saccharification de l'amylo- dextrine. En somme, nous avons là un phénomène simple, tout à fait assimilable au phénomène d’interversion du saccharose, c’est-à-dire d’un produit pur,stoujours identique à lui-même dans toutes ses , parties. L’amylodextrine semble lui ressembler à ce point de vue, et ne nous fournit aucune trace de ces dextrines résiduaires qu'on obtient avec les empois dans les conditions ordinaires. A Si ces dextrines traduisent des différences duns le.degré de gélati- nisation des divers amidons par l'eau bouillante, on devrait, il semble, relever entre les divers empois, traités par une même quantité d 4 d'amylase, des différences analogues à celles que nous avons vu sortir plus haut des expériences de Lintner. Je ne sache pourtant pas que l'expérience ait été faite, et il faut dire qu'elle serait plus difficile. qu'avec l’amidon cru. Quand l’empois est liquéfié, ce qui arrive au bout des 2 ou 3 premières minutes de contact avec l'amylase, il est presque impossible de séparer la dextrine qui augmente de l’amidon "qui n’a pas encore disparu. Les ‘deux se précipitent ensemble sous # 1. La formule de l’action est y — yo e — Kt, où est#le temps, compté à partir du moment où la quantité y d’amylodextrine était 7; À doit être une constante si la formule est applicable, Or, sur la courbe dressée par Brown et Morris, on trouve, en prenant pour y et y, les pouvoirs rotatoires à l’origine et au temps £, et en prenant la diminulion d’amylo-dextrine comme mesurée par la diminution des pouvoirs rotatoires, K — 0,56 pour { — 5 minutes, de même que pour { — 10’, , c’est-à-dire pour la période de la réaction pendant laquelle les mesures sont les plus précises. En deçà, le témps est trop court : au delà, la réaction trop lente. On arrive aux mêmes conelusions en partant des nombres de Kjeldahl. (Wedde- lelser fra Carsberg laboratoriel, 1879.) # # 220 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l’action de l'alcool, et ont des propriétés physiques ou chimiques trop voisines pour que l’analyse du mélange soit possible. Il faut donc renoncer jusqu’à nouvel ordre à apprécier autre- ment qu'en gros, ainsi qu'on le fait par l’expérience journalière, les différences qui existent certainement entre les divers empois d’amidon, au sujet de leur résistance à l’action de l’amylase, et qui doivent se traduire par un retard dans la saccharification des portions d’amy- locellulose les plus cohérentes, et même éventuellement par un arrêt au niveau dextrine pour les parties les plus compactes. Nous voyons ainsi apparaître dans un ordre logique toute la série des phénomènes de la saccharification : au premier abord la liquéfaction de l'empois, très rapide, presque instantanée, qui est la destruction de l’état muqueux, la dissolution d’un coagulum analogue à celles qu’amènent dans un coagulum de phosphate tribasique de chaux quelques gouttes d'acide ou de citrate d'ammoniaque; puis la saccharification com- mence sur les portionsles pluslabiles de l'empois : à mesure que celles-ci se transforment en dextrine d’abord, en isomaltoseet en maltose ensuite, de nouvelles masses amylacées sont attaquées, et fournissent leur con- tingent de dextrine et de sucres. Ce n’est guère qu’au moment ou l'iode ne donne plus de réaction queJl’amidon a disparu; mais alors il reste encore des dextrines provenant des portions les plus difficilement attaquables, et dont quelques-unes sont tellement lentes à disparaître qu'on les retrouve comme résidu à la fin de l'opération, lorsqu'on l'interrompt au, moment où sa première rapidité à cessé, et où le mélange semble devenu inerte. En réalité l’action s'y continue plus lente, surtout si l’amylase active y est protégée contre l'oxydation ou la coagulation par la chaleur, car si elle se détruit pendant la réaction, non par suite de la réaction elle-même, mais par suite des circonstances qui l’accompagnent, il ne faut pas s’étonner que la saccharification s’immobilise et s'arrête à un niveau donné Cette conception qui établit, entre le point de départ et le point d'arrivée, toute une série de gradations insensibles et quilaisse prévoir une foule d'états d'équilibre terminaux; est au premier abord en contra- diction apparente avec l'expérience qui nous montre, au contraire, dans les expériences de O’Sullivan, de Mærcker, de Brown et Heron, toute une série d’échelons inégalement distants, mais tous d’une hauteur fixe et déterminée. Maïs j'ai fait remarquer, lorsque j'en ai parlé, qu'il y avait une bonne part de fantasmagorie dans létablis- sement de ces échelons : on les a trouvés parce qu’on les a cherchés, qu’on s'est dit « priori qu'ils devaient être séparés les uns des autres par l’épaisseur d’au moins une molécule d'amidon,et peut-être davan- tage. C’est la théorie de la dislocation qui avait fait naitre cette idée : REVUES ET ANALYSES. 221 d'une molécule d'amidon unique, mais complexe, il fallait faire sortir toutes les combinaisons que révèle l’expérience entre les proportions de dextrine et de maltose. La complexité de la molécule originaire d'amidon était nécessairement d’autant plus grande que les combi- naisons de ses produits de dislocation étaient plus nombreuses; si on veut bien me permettre une comparaison, la molécule d’amidon était un cube de briques, dans lequel devaient entrer d'autant plus de briques qu’il y avait plus d’arrangements possible dans les produits de démolition; mais chacun de ces produits, maltose ou dextrines diverses, devait différer de celui qui s’en rapprochait le plus au moins de l'épaisseur d’une brique, c'est-à-dire d’une molécule C°H!°0*. Dans la réalité, ce n'est qu’approximativement qu’on trouve ces différences, et c'est en donnant un coup de pouce aux chiffres qu’onles met d'accord avec l'idée préconçue. Nous avons du reste vu que le nombre des degrés intermédiaires qu'on établissait ainsi devenait d'autant plus grand qu’on y regardait de plus près. Entre un escalier à marches nombreuses et usées que révèle l’expérience, et le plan incliné qui résulte de notre conception, il n'y à pratiquement aucune différence. L'interprétation que je propose ne se heurte donc à aucune contra- diction expérimentale, et a l'avantage de faire disparaître toutes les obscurités relatives aux dextrines. Elle ne nous en montre qu'une, plus ou moins difficile à saccharifier, mais toujours la même, de même qu’elle ne nousändique qu’un amidon, plus ou moins difficile à gélati- niser et à dextrinifier suivant son degré de cohérence, mais toujours semblable à lui-même par ses propriétés chimiques. En cela, notre conception reste d’accord avec les enseignements de la cryoscopie, de la mesure du pouvoir rotatoire, de celle du pouvoir réducteur, qui tous nous disent : nous n’apercevons aucune différence entre les dextrines préparées à diverses températures et inégalement difficiles à saccharifier. C’est ici le moment de remarquer que ces dextrines différentes, dont l’interprétration a soulevé tant de difficultés et fait naître tant de théories, sont celles qui se produisent entre 649 et 70°, c'est-à-dire dans des limites étroites de température, précisément voisines de celle où la diastase se coagule et se détruit sous l’action de la chaleur. Au-dessous de 63° et jusqu’à la température ordinaire, aucuned ifférence entre les dextrines produites. Au-dessus de 64 et jusqu'à 709, trois dextrines au moins d’après O’Sullivan, qui est le plus modéré danss es évaluations, un plus grand nombre suivant d’autres savants, et c’est sur ces dex trines de la zone dangereuse que s'appuient toutes les théories, car pour celle au-dessous de 63°, cela va tout droit, sans explication. 229 ANNAÏES DE L'INSTITUT PASTEUR. : + Pour nous, ces dextrines au-dessus de 63° sont des dextrines en voie de dislocation physique, en voie de perdre leur état de coagulation. Si on veut bien se rapporter à une Revue sur les phénomènes de coagu- lation, insérée dans ces Annales (L. VE. p. 584), on verra qu’il peut y avoir coagulation même dans un liquide où il n’y a pas de-précipité. Les dextrines difficiles à dissocier et à saccharifier doivent précisément dominer dans le mélangè, quand la diastase est affaiblie ‘par l’action de la chaleur,c’est-à-dire aux températures qui précèdent sa destruction. Plus la diastase s’approche de ce point, plus elle laisse de dextrines intactes, ou mélangées d'amidon intact, et en somme, tout ce que nous faisons, dans notre conception, c’est de refuser le premier plan aux phénomènes qui se passent au moment où la diastase se détruit, pour y laisser ceux que peut produire cette diastase dans ses meilleures conditions d’agtivité. s é IV L Nous avons un dernier pointsà viser en terminant. La théorie de la saccharification, introduite dans la science par Musculus, mettait en avant un certain nombre d'arguments que les progrès faits depuis ont beaucoup ébranlés. D'abord le mode de dislocation de la molécule d’amidon, que Musculus croyait simple, s'est compliqué de plus en plus.”"Il croyait que la dextrine formée par cette dislocation était inattaquable par l’amylase. Nous savons aujourd’hui que c’est « peu attaquable, ou lentement attaquable » qu’il faut dire. En plus, les différences entre les dextrines, différences qui avaient fait accepter comme possibles une foule de modes de désintégration d'une même molécule amylacée peuvent, comme nous l'avons vu, recevoir une autreexplication. En somme, nous ne trouvons plus aucun argument pour étayer cette dislocation graduelle de la molécule d'amidon, cet effeuillement avec séparations simultanées de feuillets de dextrines et de feuilles de maltose. L’aspect du phénomène s’accorde tout aussi bien avec l’idée d'une molécule amylacée donnant de la dextrine qui donnerait à son tour du maltose, par un procès analogue à celui de la théorie de Payen. Seulement celte transformation en dextrine d’abord, en maltose ensuite, ne marche pas avec la même rapidité pour lés divers éléments constituant du grain d’amidon. Certains sont déjà saccharifiés alors que d'autres sont encore à l’état de dextrine, d’autres même encore intacts, et.nous nous expliquons ainsi cette augmentation graduelle dans la quantité de maltose, cette diminution correspondante dans la quantité de dextrine que Musculus avait dû laisser dans l'ombré, incapable qu'il était de l'expliquer. La théorie de la dislocation voulait en effet qu'il y eût, dès l'origine, un rapport constant entre la quantité de dextrine et la quantité de maltose. . . Li REVUES ET ANALYSES. 224 Si de ce côté nous revenons aux idées de Payen, nous gardons pourtant de celles de Musçculus le mot de dislocation, car il est devenu imposible de croire, avec Payen, que c’est une molécule d'amidon qui donne une molécule de dextrine et celle-ci une molécule de sucre. Nous savons que le poids moléculaire de la dextrine est plus considérable que celui dusmaltose, 18 fois plus grand environ, s’il faut accorder une confiance absolue à la cryoscopie et aux nombres qu'en ont tiré MM. Brown et Morris. La formule de transformation de la dextrine en maltose est donc peut-être : (CPE LOIS — 18 C'°H2°0!° où une molécule de dextrine donne 18 molécules de maltose. De même,en partant du nombre de 17,500 environ, trouvé par MM. Lintner et Dull pour le poids moléculaire de lamylodextrine, on pourrait conclure qu’une molécule d'amylodextrine donne 3 molécules de dextrine et, par suite, 54 molécules de maltose. C'est du dédoublement, ceci, sans être pourtant ce dédoublement graduel des théories actuelles, et c’est ainsi que la science prend ce qu’elle croit bon dans la théorie de. Payen et dans celle de Muscules, parce que les hommes et les noms lui sont indifférents, et que sa seule ambition est de se rapprocher des choses. DucLaux. . <ù 294 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR INSTITUT PASTEUR STATISTIQUE DU TRAITEMENT PRÉVENTIF DE LA RAGE OCTOBRE, NOVEMBRE. DÉCEMBRE 1894 A B | c | | | | Morsures”. à#la ‘tête ( simples." « s| 2 » |14) »| 2) < ; é 4 21 6 et à la figure | multiples : . . .| »| 2. PE LA >| 4! Cautérisalions effCUCES AMEN NN > om) ST 5: #18 » — IREINEUCESRS Ne er 8 9) DAS ES ea LSTS Buse CAUtErRISQUOET ELLE ONE | es » | 46] » | » | 4] » |» | A ESIMPIES-re 0 »| » 1631 »|11; Morsures aux mains en SE , 4527 k 631126 4 15126 Gautérisalions efficaces 4 Mn D 31» |» 41.51 5 pl ol = inefficaces Dome A Le 15! » » 53| » » 131» » Pas:de'cuutérisation. :1. Mrs... : Jin | | 69! » |. » 11431611.» one aux mem- { simples... . .| » 176 » 125, 59| ’|15/93 res et au tronc multiples... .| »| 9; » [34 » [48 Cautérisations efficaces . . . . . .. .. ONE On ER | » | »l» |» — inefficaces 50001. VaoUior à 12| » » 28| » » |19{ » » Pas DCE SAONIE: LE EE 13) es 18 > |. » AM ERS EL DUS A EGCRATES RENE ER OU 0 25| » » 49! » »y |32| » » MOrSUrES À AU. Le. LOMME HR Av | pe (40! » (fl lo Morsures multiples en divers points du ) » | » » COLDDSS RE Le ACIDE Me on MS Le D 4 |» 144 »|[» |» Gauterisations efficaces." LU. OS ER Pelle dy 0 L Sn ÉNCINCUCES EEE el 1»), 191, » »| » | » Pastdercaulérisalon eee TER. 2140) 5 A2 ENS » »|» |» Hubits LÉCRITÉS SN CN CNRS ll» » a » » »1 D) » IMOTSUTES NUS ER PORN De D EE » | »l» |» Français et Algériens. .1 |38/, 1470) 56 RUES Etrangers tire | A0 ne | 40 \ 2e 9 165 A B C I mm MOTAGENERAT ERP RER 333 Les animaux mordeurs ont été : chats, 17 fois; chiens, 316 fois. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire et Cie. : + r : Lu 9me ANNEE AVRIL 1895 N° FSS ANNALES 22 ! L'INSTITUT PASTEUR * CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES VENINS,, DES TOXINES ET DES SÉRUMS ANTITOXIQUES Par M. LE D' A. CALMETTE Médecin principal des Colonies, directeur de l'Institut municipal Pasteur de Lille. (Travail du laboratoire de M. Roux, à l’Institut Pasteur.) Me é L'étude des sérums antitoxiques et de leurs propriétés curatives se poursuit activement dans tous les laboratoires de bactériologie, et il importe, de connaître exactement à quelles applications pratiques la méthodeest capable de nous conduire en ce qui concerne la pathologie humaine. Depuis lapublication de mon dernier mémoire surles venias ", j'ai continué mes recherches sur ce sujet dans le laboratoire et - sous la direction de M. Roux. Quelques-uns de mes résultats ont été énoncés par lui au congrès récent de Budapesth ?, particulièrement ceux relatifs au pouvoir préventif du sérum des animaux vaccinés contre la rage vis-à-vis du venin des ser- pents, et à l’action nettement antitoxique #n vitro du sérum d’ani- maux immunisés contre le tétanos ou contre l’abrine, vis-à-vis de ce même venin. L’expérimentation à l’aide des venins est très commode ence sens que l’action toxique de ces substances se manifeste avec une extrême rapidité, et avec une précision très grande; d’autre part, le venin est beaucoup moins sensible à l’action des agents physiques (chaleur, lumière, etc...) que la plupart des toxines microbiennes. On peut le chauffer, par exemple, assez longtemps, À. Ces Annales, mai 1894. 2. Sur les sérums antitoxiques, ces Annales, octobre 1894. 226 ANNALES DE RANETFMUT PASTEUR. à 80° et même à 90°, sans que son pouvoir toxique soit diminué, de sorte qu'il se prête admirablement aux recherches. . Avant d'exposer mes résullats en ce qui concerne les sérums, je dois dire quelques mots d’un certain nombre de venins d'origines diverses que j'ai pu expérimenter depuis la publica- tion de mon dernier mémoire, et dont j’ai comparé le pouvoir toxique à ceux que j'avais déjà étudiés. TOXICITÉ RELATIVE DES DIVERS VENINS DE SERPENTS Le concours obligeant de plusieurs de mes collègues et de beaucoup de médecins et de naturalistes étrangers m’a permis de me procurer soit des échantillons de venins à l’état sec ou en solution concentrée dans la glycérine, soit des serpents vivants provenant de toutes les parties du globe où ces reptiles sont réputés le plus dangereux ‘. ” Les espèces de nn vivants que j'ai eues à ma disposition et dont j'ai pu étudier le venin à l'état frais, sont lês suivantes : Naja ins (cobra capel, variété à monocle de l'Indo- Chine), dont j'ai reçu cinq spécimens vivants ; Crotalus durissus de l'Amérique du Nord Fe à sonnette); Bothrops lanceolatus de la Martinique (Fer-de-lance); Naja haje d'Égypte (aspic de Cléopâtre); Cerastes d'Égypte (vipère à cornes). Celles dont le venin m'a été adressé à l’état sec et parfaite- ment conservé sont : | Pseudechis porphyriacus d'Australie (serpent noir, black snake) ; Hoplocephalus curtis — (serpent tigre, tiger snake); Hoplocephalus variegatus — (Broad headed snake) ; Acanthophis antarcticu — (Death adder) ; Trimeresurus viridis (Trigonocéphale du bananier, de l'Indo- Chine). ‘ ‘ à 4. Je dois des remerciements tout particuliers à MM. les docteurs Pineau, - directeur de l’Institut bactériologique de Saïgon; A Loir, directeur de l’Ins- titut Pasteur de Tunis; Piot, vétérinaire du gouvernement égyptien au Caire; Mac Garvié Smith, de Sydney; Rettlie, de New-York, et à MM. les médecins ou pharmaciens des colonies ou de la marine Lecorre, Pignét, Tricard, Mirville, de la Martinique; Gries, de la Guyane; Pottier, de la Nouvelle Calédodier Lafage, du Gabon; Alquier, de Porto-Novo; Sallebert et Mondon, du Tonkin. VENINS, TOXINES ET SÉRUMS ANTITOXIQUES. 227. Tôus ces venins présentent naturellement entre eux des différences de toxicité très marquées et qu'il était intéressant de comparer. Mais, fait plus intéressant encore, j'ai pu constater que la toxicité de la sécrétion venimeuse d’un même serpent varie dans des proportions considérables, suivant l’état de jeûne plus ou moins long qu'il a subi, et peut-être suivant d’autres conditions malaisées à déterminer. J’ai conservé, pendant huit mois, au laboratoire un naja haje d'Égypte, qui n’a jamais voulu se nourrir, quels que fussent les aliments que je lui ai présentés (souris, grenouilles, œufs). Lors de son arrivée, je l'ai fait mordre dans un verre de montre, et le venin recueilli par ce procédé et aussitôt desséché dans le vide, tuait en 4 heures un lapin de 1,700 grammes, à la dose de O"ër,7 (poids du venin sec). Deux mois après, la sécrétion de ce même serpent était devenue toxique pour le lapin, à la dose de 0®2r,25. Lors de la mort de l’animal, au bout: de 8 mois, le venin extrait des glandes et évaporé dans le vide, était tellement toxique qu'il suffisait de 0%:,1 pour tuer un lapin d’environ 2 kilogrammes. J'ai observé le même fait pour un naja tripudians qui est resté trois mois dans uné cage sans boire et sans prendre la moindre nourriture: Pour un même serpent que l’on fait mordre à intervalles rapprochés, 8 à 15 jours par exemple, le poids du venin excrété est assez sensiblement constant. Un cobra de 2 mètres de lon- gueur lance, en moyenne, à chaque morsure, 135 milligrammes de venin liquide, donnant, à l’évaporation, de 30 à 45 milli- grammes de résidu sec. Un cobra, qui n’a pas mordu depuis deux mois au moins, peut fournir jusqu'à 220%: de salive toxique. La quantité totale maxima de venin que j'ai trouvée contenue dans les deux glandes extirpées après la mort, s’est élevée une seule fois à 4#,136, ayant donné 0:r,480 de résidu sec. J'ai pesé régulièrement le résidu sec de 41 morsures faites sur un verre de montre par deux najas haje arrivés en même temps au laboratoire et placés dans la même cage. Ces deux najas avaient à peu près 1,70 de longueur. Pendant toute la durée de l'expérience, qui a duré du 20 avril au 4% août 1898, 228 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ? , . . . . “ L aucun d'eux n'a pris de nourriture, mais ils buvaient de l’eau et se baignaient fréquemment. Voici les résultats que j'ai obtenus : ; Naja haje ne 1. Naja haje ne 2. EE © — Date de la morsure. Poids du Poids da Poids du Poids du venin frais. venin desséché venin frais. venin desséché dans le vide. dans le vide. DIRGAIA MESSE 429mgr 34mgr RCA JURA AA A51mer 43wer A1 maR ss EL 492%m8gr 3omgr J10MAL. ENT 132mgr 37mer 28VMaAls.--. TEE 9fmer 4A9mer JAUNE a. 197megr 39msr ASSIETTE A21mgr 43mgr Asrjuillet:: 32,0 78mgr . 26mgr DAULIELEE EEE 199mgr 418mgr DONC EEE LAR Aimer 34mer 26 juillet... AS 79mer 21mgr s On voit combien est variable la proportion du résidu sec, c’est-à-dire de l’albumine, des selseet de la substance toxique ; elle oscille de 20 à 35 0/0. Elle est d'autant plus forte que l’ani- mal n’a pas mordu ou qu’il jeûne depuis plus longtemps. M. Mac Garvie Smith, de Sydney, expérimentant sur les serpents venimeux d'Australie, a dressé pour M. Roux un tableau semblable, dont les résultats sont tout à fait d'accord avec les miens. D'après ce physiologiste, un gros serpent noir (pseudechis porphyriacus) donne à chaque morsure une quantité de venin variant de 100 à 160 milligrammes avec 24 à 46 milligrammes de résidu sec. Un serpent tigre (hoplocephalus curtis) fournit de 65 à 150 mil- ligrammes de venin, avec 17 à 55 milligrammes de résidu sec. Dans toutes les expériences de M. Mac Garvie Smith, la pro- portion du résidu sec a varié de 9 à 38 pour 100 parties du venin liquide excrété par l'animal. Un trigonocéphale fer de lance de la Martinique, de moyenne taille, m'a fourni, par l'expression de ses deux glandes, 320 milli- grammes de venin liquide et 127 milligrammes d'extrait sec. Deux vipères à cornes d'Égypte m'ont donné, l’une 123 milligrammes, l’autre 85 milligrammes de venin liquide, dont la dessiccation a laissé respectivement 27 milligrammes et 19 milligrammes de venin sec. , Dans les mêmes conditions, un crotale de l'Amérique du Nord, que j'ai conservé deux mois au laboratoire, m'a fourni 370 milli- VENINS, TOXINES ET SÉRUMS ANTITOXIQUES. 229 grammes de ‘venin liquide et 105 milligrammes d'extrait sec. Voyons maintenant quelle a été, pour le lapin et pour le cobaye, la toxicité comparée des divers échantillons de venin desséché dans le vide que j'ai pu expérimenter. Je résume mes expériences dans le tableau ci-après : Dose mortelle en 3-4 heures Dose mortelle en 2-3 heures pour le lapin pour le cobaye pesant 1k,600 à 2 kilos. de 450 à 550 grammes. Naja tripudians n°9 1. Omer,5 Omer, 05 . — n° 2. Omer, 6 — n° 3. Omer,3 Naja haje n° 4. Omer,7 Omer,07 — n° 5. Omgr,3 = n° 6. Ongr,6 Céraste n° 7. {mers Omgr 1 — n° $. 9mgr Crotale n° 9. amer Ongr,3 Trigonocéphale n° 10. 2mgr,5 Omer,2 Hopl. variegatus n° 11. 2mgr,5 Acanthophis antarctica n° 12. 1mer Omer,08 On voit, par les chiffres de ce tableau, que la sensibilité respective du lapin et du cobaye à l'égard d’un même venin n'est nullement proportionnelle au poids de ces animaux. Pour tuer 500 grammes de lapin, il faut à peu près deux fois plus de venin que pour tuer 500 grammes de cobaye. On peut faire la même observation si l’on expérimente sur des chiens. Il faut 6 milligrammes de venin du naja n° À pour tuer un chien de 7 kil. en 12 heures, alors que la même quantité de venin donne la mort en 3 heures à 12 kilogrammes de lapin. Le pouvoir toxique des divers venins est donc très variable, suivant l’espèce animale choisie pour l’expérimentation, l'espèce ‘des serpénts, et aussi selon l’époque à laquelle le venin est re- cueilli, plus ou moins longtemps après un repas ou une morsure. Ces résultats, en somme, sont en concordance avec l’obser- vation faite depuis longtemps en France au sujet de nos vipères : on sait, en effet, que les morsures de ces reptiles sont beaucoup plus dangereuses au printemps, après la période d’hibernation, quependant l'automne. IT SÉRUM ANTIVENIMEUX J'ai exposé, dans mon précédent mémoire, les méthodes à l’aide desquelles on peut immuniser les petits animaux de labo- 230 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ratoire contre le venin, etij'ai montré ‘que le Léa de ces animaux vaccinés est antitoxique in viro, préventif et théra- peutique. Le pouvoir antitoxique in vitro apparait déjà nettement chez les lapins et chez les cobayesscinq'à six jours après ume seule inoculation d’une quantité de venin égale à la moitié de la dose mortelle.minima. , Mais pour que le sérum deïces animaux puisse devenir pré- ventif, et surtout curatif, il est nécessaire de leur faire subir un traitement très long; il faut’leur inoculer tous les deux ou trois jours, pendant quatre ou cinq semaines au moins, des doses très faibles de venin (un vingtième ‘d'abord, puis un dixième de la dose mortelle), en surveillant attentivement leur poids, et en suspendant les inoculations si les animaux maïigrissent, Passé ce délai, on les laisse reposer quelques jours, et on les éprouve avec une dose deux fois mortelle. Tous ceux que j'ai traités ainsi ont résislé. On peut ensuite, graduellement, leur injecter des doses de plus en plus considérables, espacées chacune de 8 à 10 jours. "Je suis arrivé par cette méthode à immuniser des lapins contre des quantités de venin véritablement colossales. J'en conserve plusieurs qui sont vaccinés depuis plus d’un an, et qui supportent sans le moindre malaise jusqu'à 40 milligrammes de venin du naja tripudians n° 1, en une seule injection, c'est-à-dire une dose capable de tuer 80 lapins de 2 kilog. ou 5 chiens. Cinq gouttes du sérum de ces lapins neutralisent parfaitement in vitre la toxicité de 1 milligramme de venin n°1. J'ai immunisé, ‘parle même procédé, deux ânes, qui ont reçu, l’un 220 millig. de venin de naja, du 25 septembre au 31 décembre 1894, l'autre 160 millig. du 15 octobre au 31 décembre. Le sérum du'premier a actuellement un pouvoir antitoxique tel qu’à la dose de 1/2 c. ., il détruit la toxicité de 1 millig. de venin n° 4 ‘. Quatre c. c. de ce sérum, injectés 4 heures avant l'inoculation d’une dose deux fois mortelle de venin, préservent sûrement l'animal. Il est également thérapeutique dans les mêmes conditions . L. Je continue à injecter du venin à ces deux ânes et j’espère arriver à donner à leur sérum un pouvoir antitoxique beaucoup plus considérable. Je tiens des échantillons de ce sérum.à la disposition des médecins ou des physiologistes qui désireraient l’expérimenter soit sur l'homme soit sur les animaux. e VENINS, TOXINES ET SÉRUMS ANTITOXIQUES. 231 que j'ai déjà précisées, c’est-à-dire que si on inocule d’abord à un lapin une dose de venin qui tue les témoins en 3 heures, et que, une heure après l’inoculation venimeuse, on injecte sous la peau du ventre de l'animal 4 à 5 c. c. de sérum, la guérison est la règle. Lorsque l'intervention est plus tardive, les résultats # sont incertains, et, dans toutes mes expériences, le délai d’une heure et demie est le maximum que j'aie pu atteindre. Ge sérum antivenimeux d'âne possède les mêmes propriétés antitoxiques que j'ai déjà signalées antérieurement vis-à-vis de tous les venins de serpents : il est également actif in vitro, pré- ventif et thérapeutique à l’égard du venin de céraste, de trigono- céphale, de crotale et des quatre sortes de venins de serpents d'Australie, que M. Mac Garvie Smith a envoyés à M. Roux. Tous ces venins, d’ailleurs, ne présentent entre eux que des différences d'intensité. Ils tuent un poids déterminé d'animal à des doses variables, comme je l'ai indiqué tout à l'heure; mais, dans tous les cas, le mécanisme de la mort reste le même. J'ai observé toutefois que les effets locaux sont plus violents avec les venins de crotale, de céraste et avec celui du trigono- céphale de la Martinique qu'avec les venins d'Australie. L'œdème se développe plus vite au point d'inoculalion et il persiste plus longtemps. Même chez les animaux immunisés, les injections de venin s'accompagnent toujours d'un œdème plus ou moins étendu, qui disparaît au bout de cinq ou six jours. M. Chatenay, qui a étudié à l’Institut Pasteur, sous la direc- tion de M. Metchnikoff, le sang et l'œdème sur mes lapins vaccinés et sur les témoins, a montré que, chez les animaux vaccinés, chaque injection de venin s'accompagne d’une hyper- leucocytose très marquée, tandis que, chez les animaux non vaccinés, on observe au contraire de l’hypoleucocytose!. Le chauffage des venins à 80° leur fait perdre une grande partie de leur pouvoir phlogogène sans diminuer sensiblement leur pouvoir toxique. Ce fait a déjà été signalé d’ailleurs pour le venin de la vipère par MM. Phisalix et Bertrand. Tous les venins que j'ai expérimentés sont rendus inoffensifs par le mélange avec une très faible proportion d'hypochlorite de chaux ou de chlorure d’or. Le traitement local des morsures de 1. Les réactions leucocytaires vis-à-vis des toxines végétales et animales, Thése de Paris, 1894. a] 232 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR serpents venimeux, par les lavages et les injections hypo- dermiques d’'hypochlorite de chaux à 1/60 (titrant environ 01,850 à 0!,900 de chlore par 1,000 c. c.). est parfaitement efficace, quelle que soit l'espèce du venin. . Il s'ensuit que, dans tous les cas, en présence d’une morsure de serpent dont on n'a pu reconnaître l'espèce, la première pré- caution à prendre est de laver la plaie avec une solution d'hypo- chlorite à 1.60, aussi récente que possible; de faire une liga- ture sur le membre mordu pour arrêter, pendant quelques instants, la circulation en retour, et de pratiquer tout autour de la morsure huit à dix injections disséminées d’hypochlorite, de 1 c. c. chacune. On peut, aussitôt après, enlever la ligature, frictionner légèrement la région lésée et s'occuper dès lors d’injecter au blessé, sous la peau du ventre, 20 ou 30 c. e. de sérum antivenimeux si On en a à sa disposition. , IT VENIN DE SCORPION Le D' À. Loir, de. Tunis, et M. Piot, du Caire, ont eu l’obli- geance de m'envoyer des scorpions vivants qui m'ont permis d'étudier le venin de ces arachnides comparativement à celui des serpents. Ces scorpions d'Égypte ou de Tunisie appartenaient tous à la variété scorpio afer. J'ai extrait leur venin en coupant le dernier segment caudal (le telson), le triturant dans un verre conique avec un peu d’eau distillée, filtrant et évaporant dans le vide le liquide filtré. J'ai obtenu ainsi 46 milligrammes d'extrait sec pour uu total de 28 scorpions. Cet extrait, repris par de l'eau distillée glycérinée à 20 0/0, tuait la souris blanche, à la dose de 0m"sr,05. en 2 heures environ, avec de l’ædème sanguinolent au point injecté, des spasmes convulsifs, puis des symptômes de paralysie et d'asphyxie assez semblables à ceux qui accompagnent l'inocu- lation du venin de serpents. Une dose de 0,5 tue un cobaye de 500 grammes en moins de 24 heures. Ce venin, mélangé à l’hypochlorite de chaux (4 gouttes de solution à 1/60 pour 0"#,5), au chlorure d’or, et à la solution iodo-iodurée de Gram, perd complètement ses pro- priétés toxiques pour la souris. L VENINS, TOXINES ET SÉRUMS ANTITOXIQUES. 230 Mélangé à la dose de 1 milligramme avec 3 c. c. de sérum antivenimeux d’un lapin immunisé contre le venin de cobra, il ne tue plus le cobaye, alors que la même dose, mélangée à la même quantité de sérum normal de lapin, a tué un cobaye témoin. Deux cobayes, immunisés contre le venin de vipère de France, dont ils supportaient sans malaise jusqu'à 3 mil- ligrammes, dose 15 fois mortelle, ont parfaitement résisté à l'inoculation de 1 et 2 milligrammes de venin de scorpion. Il semble donc que les propriétés physiologiques et les réac-* tions de ce venin, sans être identiques à celles du venin des serpents, en sont, du moins, très voisines. Il est intéressant de constater ces rapports, et, dans les pays, comme l'Afrique septentrionale, où la piqûre du scorpion produit parfois des accidents graves, il peut être utile de savoir que l’hypochlorite de chaux constitue un excellent remède contre elle. IV IMMUNITÉ DES SERPENTS CONTRE LE VENIN. — TOXICITÉ COMPARÉE DU SANG DE DIVERS SERPENTS VENIMEUX ET DES ANGUILLES Plusieurs physiologistes, parmi lesquels il convient de citer Fontana, R. Blanchard, Phisalix et Bertrand, S. Jourdain, ont signalé la présence de glandes venimeuses chez la couleuvre ou chez d'autres ophidiens non venimeux, et ont expliqué, par l'existence d’une sécrétion interne de venin, l’'immunité dont iouissent ces animaux à l'égard de ce poison. .#« Un sait également, d’après les travaux des mêmes expéri- mentateurs, que le sang de la vipère, celui de la salamandre et du crapaud sont toxiques. J'ai reconnu, de mon côté (Soc. de bol., 13 janvier 1894), que le sang de cobra capel possède les mêmes propriétés. Depuis, j'ai pu m’assurer qu'il en est ainsi pour toutes les espèces d’ophidiens venimeux que j'ai eu l’occasion d'étudier au laboratoire, mais, fait très important et qui n’a pas été signalé, j'ai constaté que le pouvoir toxique du sang d’ophidien est sen- siblement le même quelle que soit l'espèce du serpent qui l’a fourni, tandis que nous savons que les venins présentent, au contraire, entre eux, de grandes diflérences de toxicité. Le sang de naja tripudians, celui de naja haje et celui de 234 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. vipère à cornes (céraste), tuent le"cobaye à la même dose que celui de la vipère de Frarice (4/2 c. c. par voie intrapéritonéale). Il en est de même du sang de crotale. Par voie sous-cutanée, la dose minima mortelle pourfles trois premiers est de 2 ec. c. Le sang de vipère et celui de crotale* sont un peu moins toxiques : on ne tue sûrement le cobaye qu'avec 3 c. c. injectés sous la peau. LA J'ai étudié, par comparaison, le sérum d’anguille, dont Mosso, de Turin, avait déjà signalé la toxicité, et j'aitrouvé qu'il en fallait 3 c. c. pour tuer un cobaye, et 0 c. c. 25 pour tuer une souris (par injection sous-cutanée). On pense généralement aujourd'hui que les sangs des ophi- diens venimeux ou non venimeux, comme celui de la salamardre et du crapaud, sont toxiques parce qu'ils contiennent une certaine quantité de venin en dilution dans la masse du liquide. J'ai pensé que, si cette hypothèse était exacte, il serait facile de la vérifier en profitant de ce fait que le venin n'est pas modifié par le chauffage à 68°. En chauffant du sang d’ophidien pendant dix minutes à cette température, le venin contenu dans ce sang ne devait pas être altéré, et en l’inoculant dans le péri- toine d’un cobaye, on obtiendrait les mêmes effets d'intoxication que s'il s'agissait de sang non chauffé. J'ai exécuté cette expérience avec le sang de quatre espèces différentes de serpents : naja tripudians, naja haje, crotale et céraste, et j'ai injecté chaque fois le sang chauffé dans le péritoine de 2 cobayes et de 2 souris. Tous mes animaux ont survécu, alors que ceux qui recevaient le sang non chauffé, aux mêmes, doses, sont {ous morts. La même expérience, repétée avec du sang d'anguille, m'a donné un résultat identique. Le pouvoir toxique du sang des ophidiens venimeux et des anguilles n’est donc pas dû à la présence du veniu en nature dans ce liquide, mais à d’autres principes diastasiques cellulaires indéterminés. Peut-être ces principes diastasiques sont-ils eux- mêmes des éléments constituants du venin, car. en l’absence de tout chauffage, on constate que le sang de serpent et celui d'anguille, mélangés par parties égales avec du sérum antiveni- meux, ne tue pas. Le sang des serpents ne produit pas, chez les animaux aux- VENINS, TOXINES ET SÉRUMS ANTITOXIQUES. 235 quels on l’inocule, les mêmes effets que le venin. Il ne tue jamais dans un délai très court. Mème les souris, avec de fortes doses de sang, succombent rarement en moins de 2 ou 3 heures, et les He en moins de 6 heures. Lorsqu'on inocule les animaux dans le péritoine, on constate toujours une inflamma- tion énorme des intestins et de la paroi au niveau du point inoculé. L’injection sous-cutanée produit des elfets moins intenses, mais elle s'accompagne d’un œdème considérable. Toujours dans le but de rechercher si Le principe toxique du sang des serpents n’est autre chose que du venin produit par une sécrétion interne, j'ai fait l’intéressante expérience que voici : A un gros #aja tripudians nouvellement arrivé au laboratoire, j'ai injecté successivement, sous la peau, à 15 jours d'intervalle, 12, 20 et 24 c.c. de sérum antivenimeux de lapin, très actif. Deux semaines après la dernière injection, j'ai chloroformé mon serpent, et je lui ai pris tout le sang du cœur pour compa- rer sa toxicité avec celle du sang d’un autre naja arrivé en même temps que le précédent et non traité. Le sang de ce dernier tuait le cobaye en injection intrapéri- tonéale à la dose de 0,5 c.c.; en injection sous-cutanée à la dose de 2 c. c.; et la souris, en injection sous-cutanée, à la dose de 125c:c: Le sang du naja, traité par le sérum antitoxique, n’était plus toxique du tout. Il ne tuait même pas la souris à la dose de 0,15 c. c. et le cobaye à la dose de 2 c. c. dans le périloine. Son venin, au contraire, recueilli par expression des glandes et aussitôt évaporé dans le vide, avait la même toxicité que celui du naja non traité. Il tuait le lapin à la dose de 0,5. La toxicité du sang d'un reptile peut donc être supprimée, au moins temporairement, sans que la sécrétion des glandes veni- meuses soit modifiée, et sans que la santé de l'animal soit altérée. Il semble, par suite, que le principe toxique du venin s’élabore dans les cellules des glandes. Voici maintenant le résumé de quelques-unes des expé- riences faites pour rechercher si les animaux vaccinés contre le venin étaient également réfractaires à l’intoxication par le sang, et si ceux qui avaient reçu du sang de serpent à dose non mortelle devenaient, par la suite, plus résistants au venin. + # 236 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. CosAve 4. — P. 560grammes: vacciné depuis deux mois contre le venin du naja n° 1 dont il supporte Amsr,5; reçoit le 2 octobre, à {1 heures, 2c. c. de sang défibriné de,naja haje dans le péritoine. — Mort le 4 octobre matin. COBAYE b. — P. 445 grammes; vacciné comme le précédent; reçoit le 5 octobre 2 c. c. de sang de céraste dans le péritoine. — Mort dans la nuit du 7 au 8 octobre. CoBAYE. — P. 480 grammes; avait reçu le 22 novembre 1 c. c. de sang de cobra sous la peau; s'est rétabli après plusieurs jours de malaise ; inoculé le 11 décembre avec 2 c. e. de sang d’un autre cobra. Résiste. Le 21 décembre, ce cobaye reçoit Omsr, de venin de cobra. — Mort 2 heures après. COBAYE. — P. 610 grammes ; avait reçu le 11 novembre 2 c. c: de sang de crotale sous la peau. S’est rétabli après plusieurs jours de malaise. Inoculé le {1 décembre avec Omer, de venin de naja (n° { la dose mortelle minima est Omgr,05). Résiste. Le 21 décembre, il reçoit Omsr,2 du même venin et suc- combe 1 heure après. CoBAyE. — P. 390 grammes; reçoit dans le péritoine, le 12 novembre, un mélange de 2 €. c. de sang de cobra et 2 c. c. de sérum antivenimeux d'âne. N'a pas été malade. Deux souris blanches reçoivent chacune sous la peau 0,5 c.c. de sang de cobra mélangé à 0,5 €. c. de sérum antivenimeux d'âne, Toutes deux résistent. " CoBaye. — P.535 grammes; vacciné depuis trois mois contre le venin du naja n° { comme «a et b: reçoit le 17 décembre 3 c. c. de sang d’anguille dans le péritoine. Mort le 21 décembre. Deux souris blanches reçoivent chacune sous la peau 0,5 c. c. de sang d'anguille et 0,5 c. c. de sérum antivenimeux d'âne. Elles résistent. Une souris témoin inoculée avec 0,25 c. c. seulement de sang d’anguille meurt 12 heures après. Une autre souris, inoculée avec 0,5 c. c. de sang d'anguillé mélangé à 0.5 c. c. de sérum normal de lapin, succombe dans la nuit suivante, en moins de 12 heures. On voit, par ces résultats, que le principe toxique du sang des serpents et des anguilles diffère notablement par ses effets du venin, et que, si les animaux qui ont reçu antérieurement du sang sans avoir été malades peuvent ensuite supporter une dose assez considérable de venin, ceux qui sont vaccinés contre le venin ne supportent pas avec la même facilité l'inoculation du sang. Il me paraît donc probable, comme je l'ai dit plus haut, que, dans le sang des ophidiens et dans celui des anguilles, nous avons affaire à un principe diastasique toxique particulier, différant du venin par ses effets physiologiques et par sa manière de se com- porter vis-à-vis de la chaleur, mais dont les éléments entrent sans doute en jeu pour constituer cette sécrétion spéciale. VENINS, TOXINES ET SÉRUMS ANTITOXIQUES. 237 $ V IMMUNITÉ NATURELLE DES MANGOUSTES DES ANTILLES A L'ÉGARD DU VENIN On a signalé depuis longtemps ce fait que certains animaux à sang chaud, le mangouste, le porc et le hérisson par exemple, présentent une immunité naturelle à l'égard des morsures de serpents. Le porc dévore très volontiers les vipères et on ledresse même, dans quelques pays, à détruire ces reptiles. J'ai eu l’occasion il y a deux ans, en Indo-Chine, d’inoculer à un jeune porc une dose de venin de cobra capable de tuer un chien de forte taille : l'animal a résisté, mais je n’ai pas pu répéter cette expérience. A l'Institut Pasteur, j'ai étudié seulement un échantillon de sérum de porc provenant de l’abattoir, et j'ai cons- taté que 3 c. c., 5 c. c. et 8 c. c. de ce sérum, mélangés à 0m5°,5 de venin de cobra, n'ont manifesté accun effet antitoxique. Les lapins qui avaient reçu ces mélanges sont morts dans le même temps qu'un témoin inoculé avec 0"#",5 de venin dilué dans 8 c. c. d’eau. Grâce à l’obligeance de M. le médecin en chef des colonies Lecorre et de M. Pignet, pharmacien des colonies à la Marti- nique, j'ai pu me procurer six mangoustes vivants provenant de la Guadeloupe, et j'ai constaté que le dicton antillien qui attribue à ces petits carnassiers (Viverridés, g. herpestes) une immunité réelle à l'égard des morsures de trigonocéphale fer de lance, est parfaitement fondé. Les mangoustes sont très friands des serpents et des rats, qui abondent dans les planta- lions de cannes à sucre pour le plus grand malheur des colons. On a donc cherché à les acclimater à la Martinique, où il n'en existait pas à l’état sauvage. A la Guadeloupe, au contraire, ils pullulent, et il n'existe pas de serpents venimeux dans cette île. Les six mangoustes qui m'ont été envoyés n'avaient jamais été laissés en liberté à la Martinique : leur immunité à l'égard du venin ne pouvait donc pas provenir d'une accoutumance aux morsures des reptiles venimeux. En arrivant au laboratoire, j'ai placé l’un de ces mangoustes dans une cage en verre avec un cobra capel de forte taille. Le cobra, se dressant aussitôt en dilatant son cou, s’est jeté avec 238 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. fureur sur le petit carnassier qui, très agile, put éviter d’être saisi, et s’est réfugié, un instant effaré, dans un coin de la cage. Mais, très vite revenu de sa stupeur, au moment même où le cobra s’apprêtait à fondre de nouveau sur lui, le mangouste se précipita, la gueule ouverte, sur la tête du reptile, lui mordit vigoureusement la mâchoire supérieure et lui brisa le crâne en quelques secondes. Au point de vue expérimental, cette bataille aussi émouvante que rapide ne noûs apprenait pas grand’chose, si ce n’est qu'un mangouste de la taille d'un gros écureuil peut facilement venir à bout d’un cobra de deux mètres de longueur. Il était impossible de savoir sûrement si le mangouste avait été mordu par le reptile. | J'inoculai donc, par comparaison, un second mangouste avec { milligramme de venin (dose mortelle en 3 heures pour 2 kilogrammes de lapin) : l'animal résista parfaitement à cette inoculation et n'éprouva pas le moindre malaise. Je prélevai alors du sang à trois autres mangoustes en leur liant une carotide, sans les sacrifier. Voici les expériences que j'ai effectuées avec leur sérum : + 26 août. — Lapin 198. P. 1k#,660, recoit sous la peau du ventre un inélange de Over 5 de venin du naja n° 1 avec 2 c. c. de sérum de man- gouste a. Mort seulement le troisième jour. : Lapin 199. P. 1k6,500, reçoit sous la peau du ventre 2 c. c. de sérum de mangouste b, préventif. 3 heures après, il reçoit sous la peau de la cuisse droite postérieure, Omer,5 de venin n° 1. Mort avec un retard de 14 heures sur le témoin, qui a succombé #4 heures après l'inoculation vénimeuse. 22 sept. — Lapin M. 1. P. 1k6,780, reçoit 5 c. c. de sérum de man- gouste €, à titre préventif, et, 6 heurés après, { milligramme de venin n° 1 (dose mortelle en moins de 3 heures). Mort avec un retard de 30 heures. Lapin M. 2. P. 1ke,630, reçoit un mélange de 1 milligramme de venin n° { avec 4 c. c. de sérum de mangouste d. Mort 18 heures seulement après l'inoculation. * 14 nov. — Lapin M. 3. P. 1,819, reçoit sous la peau du ventre T €. c. de sérum de mangouste à titre préventif, et, { heure après, 1" de venin n° 4 “Mort seulement le 17 nov., soir. Lapin M. 4. P. 1K5,600, reçoit un mélange de 8 c.c. de sérum de man- gouste avec { milligramme de venin n° 4. Ce lapin n'a pas été malade. Le témoin est mort en moins de 3 heures. Le mangouste, qui a fourni ce sérum, avait subi, le 24 août précédent, une inoculation avec 1 milligramme de venin, sans malaise. Il avait peut-être acquis, par suite.de cette épreuve, un certain degré d'immunité. VENINS, TOXINES ET SÉRUMS ANTITOXIQUES. 239 L'ensemble de"ces expériences prouve, néanmoins, que le sérum du mangouste est peu antitoxique, même 0» vitro, mais que son pouvoir préventif est insuffisant pour préserver sûre- ment les animaux. Tous les lapins qui ont reçu préventivement une dose variant de 2 à 7 c. © de sérum de mangouste ont*suc- combé à l’inoculation venimeuse avec un retard bre able sur les témoins. J'ai cherché ensuite à déterminer la limite de tolérance du: mangouste à l'égard du.venin. Deux de ces animaux, qui n'avaient jamais été mis en contact avec des serpents au laboratoire, et qui n'avaient jamais élé inoculés, ont reçu, l’un, # müili- grammes, l’autre 6 milligrammes de venin du cobra n° 1. Le premier n’a pas été malade, le second est resté souffrant pen- dant deux jours, puis s’est rétabli. Un troisième mangouste, auquel j’ai injecté 8 milligrammes du même venin, a succombé après 12 heures. Le mangouste des Antilles est donc peu sensible au venin et il est capable d’en Hporer sans malaise des doses très consi- dérables relativement à sa taille. Son immunité partielle et son agilité extrême lui permettent de lutter avec avantage contre des reptiles très dangereux. MIE ACTION DE DIVERS SÉRUMS NORMAUX SUR L£ VENIN Il était intéressant de rechercher si cette immunité du mangouste, à l'égard du venin, constitue une exception, ou si d’autres animaux la possèdent à un degré quelconque. J'ai donc entrepris une :10hgue série d'essais avec lous les sérums d'animaux sains que j'ai pu mesprocurer. Toutes mes expériences ont été faites de la manière suivante : je mélangeais 0,5 de venin du naja n° 1, successivement avec 3,» et 8 c. c. du sérum à étudier, et j'inoculais chacun de ces mélanges à un lapin, après 5 minutes de contact environ. J'ai éprouvé ainsi : Trois échantillons de sérum normal humain t,. 4. C'est M. le Dr Répin qui a eu l’obligeance de me procurer ce sérum, qui pro- venait de malades atteints d’affections chirurgicales à Lariboisière, Je tiens à l’en TCINETCIET 1C1. 240 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, Deux échantillons de sérum normal dé cheval. Un — — — de porc. Un — — — de veau. Un = — — de bœuf. Quatorze — — — de lapins. Deux = — — de cobayes. , Cinq — —. — de chiens. Tous ces sérums, sauf deux, se sont montrés inactifs sur le venin. Les deux sérums actifs provenaient de deux chiens : les mélanges de 8 c. c. et 5 c. c. de ces sérums avec 0"*",5 de venin ne tuaient pas. Le mélange avec 3 c. c. tuait. J'ai répété l'expé- rience en opérant sur quatre nouveaux pue el j'ai obtenu le même résultat. A quelle circonstance particulière pouvait être dû le pouvoir antitoxique du sérum de ces deux chiens? — Leur histoire pathologique m'était inconnue : ces deux animaux, venant de Ja fourrière, n'avaient encore servi à aucune expérience. Il est peu probable qu'ils aient été mordus antérieureme par des vipères. Peut-être, une maladie quelconque dont ils avaient guéri pouvait les avoir rendus plus résistants à cer- taines intoxications ou à certaines infections. M. Pfeiffer, dans cet ordre d'idées, a annoncé que des cobayes auxquels on injecte une petite quantité de sérum normal humain, ou même de sérum de cheval, deviennent fréquemment réfrac- taires à l'infection cholérique par la voie péritonéale. M. Roux, de son côté, m'avait fait faire une expérience qui nous avait montré que le sérum antitélanique de cheval, mélangé au venin, rend celui-ci inoffensif. Je devais donc supposer qu'un phénomène de ce genre éta la cause du fait qui se présentait pour mes deux chiens, et, dès lors, guidé par les conseils de M. Roux, je commençai à immu- niser plusieurs séries d'animaux contre divers poisons végétaux plus ou moins semblables au venin des serpents (ricine et abrine du jéquirily), contre des toxines microbiennes et contre des microbes pathogènes. Je me proposai en même temps de recher- cher si l’accoutumance à des microbes non pathogènes ou à des poisons chimiques bien définis, tels que les alcaloïdes et les glucosides, était capable de communiquer au sérum des pro- priétés antitoxiques soit à l'égard du venin, soit à l'égard des toxines microbiennes ou végétales les mieux connues. «= ° VENINS, TOXINES ET SÉRUMS ANTITOXIQUES. 241 Pour cette partie de mes recherches, j'ai eu deux collabora- teurs,de D' G. Lépinay, médecin des colonies, et M. Eugène Viala, préparateur au service de la rage. Je Les remercie de l’obligeant concours qu'ils m'ont prêté. VII ACTION DU SÉRUM ANTIVENIMEUX SUR QUELQUES TOXINES MICROBIENNES ET VÉGÉTALES J'ai d’abord étudié comment se comportait le sérum de lapin, de chien et d'âne, immunisés contre le venin de serpent, vis-à-vis des toxines microbiennes de la diphtérie et du tétanos, et vis-à-vis de.deux toxines végétales, l’abrine et la ricine, dont les travaux d'Ebrlich nous ont fait connaître les relations étroites avec les précédentes. Tous mes sérums anlivenimeux, même celui d'âne qui est le plus actif sur le venin, se sont montrés inactifs sur la toxine diphtérique, par mélange in vitro, aux doses de 2, 3 et 5 c. ce. de sérum avec 0,25 c. c. de toxine, etsur la ricine aux mêmes doses avec { milligramme de ce poison. Il en est de même pour la toxine tétanique. Les animaux immunisés contre le venin n’ont pas l’immunité contre elle. Nous verrons tout à l'heure que la réciproque n’est pas vraie, et que le sérum antitélanique a une action manifeste sur le venin. Mélangé à l’abrine, le sérum antivenimeux retarde considé- rablement l'action toxique de cette substance, etl'empèche même quelquefois complètement. Ua de mes lapins, inoculé avec un mélange de 5 c. c.de sérum et 1 milligram me d’abrine, a résisté. Deux autres sont morts plus de 50 heures après les témoins. La dose mortelle de l’abrine que j'employais est de O5r,1 par kilogramme de lapin. Deux lapins fortement immunisés contre le venin ont sup- porté sans malaise 2 milligrammes d’abrine. Physiologiquement, les effets toxiques de l’abrine ne ressem- blent pas du tout à ceux du venin. L’abrine, comme les toxines diphtérique et tétanique, ne tue, quelle que soit la dose injectée, qu'après une période d’incubation plus ou moins longue, durant toujours au moins 24 heures. On observe, au niveau de l'inocu- lation, un œdème hémorrhagique très étendu. L'animal est 16 Li 4 L 2 - & 212 . ANNALES DE INSTITUT PASTEUR. pris, quelques heures seulement avant la mort, d'une diarrhée profuse, souvent sanguinolente, de convulsions cloniques et de paralysie bulbo-médullaire. À l’autopsie, on trouve les #eins fortement congestionnés, le foie gros et rouge, le péritoine pariélal et les intestins couverts d’un piqueté hémorrhagique. La vessie renferme toujours de l'urine trouble, très chargée d'albumine. VII SÉRUMS ANTITOXIQUES A. — Sérums antidiphtérique et antitétanique. — Le sérum antidiphtérique de cheval, contenant 160 unités curatives par €. c., est inactif par mélange in vitro à l'égard” du venin. Il est également inactif à l'égard de la toxine tétanique, de l’abrine et de la ricine. Le sérum antitétanique de cheval, au contraire, est lrès net- tement actif sur le venin, tandis qu'il n’a aucune action sur la ricine et l’abrine. Mélangé aux doses de 8 c. c. de sérum avec 1 millig. de venin de cobra, ou de 3 c. c. avec O"fr,5 de veñin, il en empêche les effets toxiques on les retarde notablement. Ce même sérum, injecté préventivement 2 ou 3 heures avant le venin, retarde la mort de l'animal, mais ne le préserve pas. J'ai vacciné deux lapins contre le tétanos avec de la toxine qui m'a été obligeamment fournie par M. Vaillard. Six c.c. du sérum de l’un de ces lapins neutralisait in vitro Oer,5 de venin. Tous les deux ont néanmoins succombé à une inoculation d’épreuve par ! milligramme de venin, avec un retard de 4 à 5 heures seulement. Bien que leur sérum füt anlitoxique vis-à-vis du venin, ils avaient donc pas l’immunité contre cette substance. B. — Sérum antiabrique. — L'immunisation contre l’abrine est facile à réaliser chez le lapin si l’on prend soin de traiter pendant longtemps ces animaux, au début, par des doses quoti- diennes et très faibles, ne dépassant pas 0:',002 *. Au bout de deux mois, ils peuvent supporter 4 milligrammes de ce poison, et ensuite, si on les inocule avec des doses crois- 4. Pour plus de sûreté, on peut commencer, comme pour le venin, par injec- rer des mélanges d'abrine et d’hypochlorite de chaux. L’abrine est rendue inoffen- sive par l’hypochlorite, comme le venin La solution iodo-iodurée de Gram agit le mênre, tandis qu’elle est inefficace contre le venin. ÿ VENINS, TOXINES ET SÉRUMS ANTITOXIQUES. 243 santes, convenablement espacées, leur immunité se renforce, à tel point qu'ils reçoivent sans malaise jusqu'à 40 milligrammes en une seule injection. : " Le sérum de ces lapins est très nettement antitoxiqüe, pré- ventif et thérapeutique à l’égard de l’abrine. Si on inocule à un lapin 1 milligramme d’abrine, et, 6 ou 8 heures après, 4 c. c.de sérum antiabrique, l’intoxication ue se produit pas. : Ce sérum est'également anliloxique, in vitro, à l'égard du venin. Les lapins qui reçoivent un mélange de venin et de sérum antiabrique résistent ou succombent avec un long retard sur les témoins. Mais ceux qui reçoivent le sérum préventivement, et le venin quelques heures après, succombent toujours. H est encore antitoxique vis-à-vis de la toxine diphtérique. Sur trois cobayes qui avaient reçu 0 c. c. 25 de toxine mélangée à 3 c. c. de sérum antiabrique, un a survécu, les deux autres ont succombé après cinq et six-jours, landis que les témoins mou- raient 30 heures après l'inoculation. IL est également antitoxique vis-à-vis de la ricine, aux doses de 3et5 c. c. pour 1 milligramme de ricine {la dose mortelle de ricine est, pour le lapin, Owsr,3 par kilogramme). Il n’a, au contraire, aucune action sur la toxine tétanique. Nous avons constaté, mon ami le D' Marchoux et moi, que les lapins capables de supporter de fortes doses d’abrine peuvent devenir réfractaires à l'infection par la bactéridie charbonneuse. Sur trois expériences que nous avons faites en commun, nous avons obtenu, dans un cas, un résultat des plus nets. L'animal a parfaitement résisté, et il n'existait pas d’æœdème au paint d’inoculation, alors que les témoins inoculés en même temps sont morts en moins de trois jours. Le sérum des lapins immunisés contre l’abrine n’est cepen- dant pas du tout actif vis-à-vis du charbon. D'autre part, nous avons pu voir que les lapins vacciñés contre le charbon résistent très bien à l’inoculation de 4 milli- gramme d'abrine, alors que leur sérum est absolument inactif in vitro sur celle substance. [9 CS ps ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. IX SÉRUM DES ANIMAUX ACCOUTUMÉS A DIVERS POISONS APPARTENANT À # LA CLASSE DES GLUCOSIDES ET A CELLE DES ALCALOIDES s À. — Ouabaïne et curare. — Il est très difficile d’habituer les lapins à supporter des doses fréquemment répétées d'ouabaïne ou de curare, même en leur injectant pendant longtemps des quantités très faibles de ces substances. Ils ne tardent pas à mai- grir et succombent à une véritable cachexie, sans lésions bien caractéristiques. La dose minima mortelie de l'ouabaïne que j'employais est de 0":",6 pour les lapins pesant 2 kilog. environ. Celle du curare est de 6 milligrammes *. J'ai injecté pendant deux mois à des lapins des ue progressivement croissantes de ces poisons, en commençant par un vingtième de la dose mortelle. Je répétais mes injections chaque jour ou tous les deux jours, et je les suspendais pour un temps variable, lorsque les animaux maigrissaient. Je suis parvenu ainsi à faire supporter, à trois lapins sur sept, un maximum de 8 milligrammes de curare, et à deux lapins sur cinq 4 milligramme d'ouabaine. Au bout de deux mois et demi, leur sérum, mélangé in vitro à l’ouabaïne et au curare, n’empéchait nullement l'into- . Xication, etil n’avait aucun pouvoir antitoxique vis-à-vis du venin, de la toxine diphtérique, de l’abrine et de la ricine. Les animaux qui avaient fourni du sérum ne possédaient eux-mêmes aucune immunité à l'égard du venin et de l’abrine: tous ont succombé à l'inoculation d’épreuve d’une dose minima mortelle de ces poisons, dans le délai normal. La poule est extrèmement résistante à l'empoisonnement par l’ouabaïne. On peut lui en injecter plusieurs fois de suite jusqu'à 10 milligrammes par voie intraveineuse, sans qu’elle soit malade. Elle ne succombe qu'avec 20 milligrammes. J'ai pu me convaincre cependant que son sérum ne possède aucune propriété préventive à l'égard de ce poison. B. — Srrychnine. — J'ai éprouvé les mêmes difficultés que 4. L’ouabaïne que j'ai eue à ma disposilion provenait du laboratoire de M. le professear Arnaud, du Muséum. Le curare m'a été fourni par la maison Poulenc frères, de Paris. . LE VENINS, TOXINES ET SÉRUMS ANTITOXIQUES. 245 pour le curare et l’ouabaïne dans mes essais d’accoutumance à la strychnine chez le lapin. Sur six animaux mis en traitement avec des doses de 0%:,05 (la dose minima mortelle étant 1 mil- ligramme), je n'ai pu en conserver qu'un pendant deux mois, et je suis parvenu à lui faire supporter 1%:,5 du poison. Son sérum était absolument inactif vis-à-vis du venin. des toxines microbiennes et végétales que j’étudiais, et vis-à-vis de la strych- _nine elle-même. Le cobaye supporte beaucoup plus facilement que le lapin des doses progressivement croissantes de strychnine. En opé- rant avec beaucoup de prudence et lenteur, j'ai pu faire supporter à deux cobayes { milligramme de strychnine, alors que ces petits animaux sont tués normalement par Omer,2, Les deux cobayes ainsi préparés ont succomhé dans le même délai que les témoins au venin et à la toxine diphtérique. X SÉRUM DES ANIMAUX VACCINÉS CONTRE DIVERS MICROBES PATHOGÈNES On peut facilement immuniser les lapins contre divers microbes pathogènes, tels que ceux du choléra, de la fièvre typhoïde, de l’érysipèle et du rouget des porcs, par le procédé qui consiste à leur injecter plusieurs fois des cultures chauffées, puis des cultures virulentes. Pour le rouget, on inocule d'emblée, sous la peau, des doses croissantes du premier, puis du second vaccin. Le sérum des animaux vaccinés contre le rouget et contre le bac. typhique s’est montré complètement inactif par mélange vis-à-vis du venin, des toxines diphtérique et tétanique, de l’abrine et de la ricine. Le sérum des lapins vaccinés contre l’érysipèle est actif sur le venin, mais il ne l’est pas sur les autres poisons. J'ai expé- rimenté deux échantillons de sérum antiérysipélateux. L'un m'a été fourni par mon collègue et ami, le D' Marchoux: il neutra- lisait ox vitro Omer,5 de venin à la dose de 5 c. c. L'autre prove- nait d’un moulon vacciné à Alfort par M. Marmorec. 2 c. c. de ce dernier empêchaient l’action toxique de 1 milligramme de venin par mélange. C'était donc un sérum très antitoxique in vitro, mais j'ai constaté qu'il n’avait aucun pouvoir préventif. 246 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le sérum d’un lapin vacciné contre le choléra par M. Bordet s’est montré également antitoxique, quoique à un degré beaucoup plus faible, aux doses de 3 et 5 c. c. avec Om#,5 de venin. Le lapin qui a reçu le mélange avec 3 c. c. est mort plus de douze heures après son témoin. Le second, qui a reçu le mélange avec 5 c. c., n’a succombé que le 5° jour. XI SÉRUM DES ANIMAUX QUI ONT RECU DES INOCULATIONS RÉPÉTÉES DE MICROBES NON PATHOGÈNES Nous avons traité, le D'Lépinay etmoi, pendantdixsemaines, lrois séries de lapins par des injections fréquemment répétées et à doses croissantes de cultures en bouillon de bacillus subtilis, de prodigiosus et de B. coli commune. Aucun de nos animaux n’est mort. Ceux qui recevaient du prodigiosus et du subtilis ont eu seulement quelques abcès dont la résorption s’est effectuée spontanément. Leur sérum, essayé par mélange in vitro avec le venin ei avec les toxines que j’expérimentais, s’est montré abso- lument inactif. Dans chaque série un lapin a reçu une dose mi- nima mortelle du venin, et a succombé dans le délai normal. XII SÉRUM DES ANIMAUX VACCINÉS CONTRE LA RAGE On sait que le sérum des animaux vaccinés contre la rage n'a aucun pouvoir préventif contre la rage elle-même, mais qu’il détruit très bien in vitro le virus rabique après un contact plus ou moins prolongé. Ce sérum a une action des plus remar- quables sur le venin des serpents, et cette action s'exerce, comme nous allons le voir, non seulement in vitro, mais même ne quefois préventivement. J'ai étudié le sérum d’un veau vaeciné à Alfort par M. Donne et celui de quatre chiens vaccinés à l'fnstitut Pasteur par M.E. Viala. Tous se sont montrés antitoxiques et préventifs à l'égard du venin. Le sérum de deux des chiens avait été éprouvé avant la vaccination rabique et il était inactif. Trois semaines après la VENINS, TOXINES ET SÉRUMS ANTITOXIQUES. 247 FO vaccination, il neutralisait in vitro O"x",5 de venin à la dose de .3 c. c.. et 1 milligramme à la dose de 8 c. c. Un chien vacciné depuis décembre 1892 et qui, depuis lors, a reçu à diverses reprises de fortes doses de virus rabique, m'a fourni un sérum presque aussi actif que le sérum antivenimeux. 2 c. c. détruisaient in vitro la toxicité de 05,5 de venin, et 8 c. c., injectés préventivement 5 heures avant la mème dose de venin, empêchaient l’envenimation. Un autre chien (n° 2), vacciné du 10 juin au 7 juillet, a recu pendant ce laps de temps un total de 109 c. c. d'émulsions de moelles de 14 à 3 jours. Le 13 juillet, il est inoculé pour épreuve, dans la chambre antérieure de l'œil, en même temps qu'ux témoin, avec le bulbe d’un cobaye mort de rage des rues. Le 23 juillet, le chien témoin est pris de rage. Du {1 octobre au 20 novembre, le chien n° 2 reçoit de nouveau, en 11 injections, 33 c. c. de virus de passage. Le 30 novembre, son sérum est éprouvé else montre actif à la dose de 3 c. c. pour Owsr,5 de venin, de 10 €. c. pour 1 milligramme, in vitro, et pré- ventif pour de lapin à la dose de 12 c. c. contre 0,5 de venin. Le 7 décembre, ce chien est éprouvé par 10 milligrammes de venin. Îl succombe au bout de 12 heures. Voilà donc un animal hypervacciné contre la rage, dont le sérum est notablement antitoxique vis-à-vis du venin, et même préventif pour le lapin, et qui, cependant, à succombé à l'injec- tion d’une dose de venin supérieure de deux tiers seulement à la dose mortelle minima. Deux lapins vaccinés contre la rage depuis plus de cinq mois ‘avaient.un sérum antitoxique à la dose de 3 et 2 c. c. pour Ouer 5 de venin. L'un reçoit sous la peau 1 milligramme de venin. le second 2 milligrammes; ils résistent parfaitement. Un troisième lapin, vacciné depuis le même temps, supporte sans malaise 3 milligrammes. Je le réinocule deux jours après avec 5 millig.: il succombe. Un quatrième lapin, vacciné seulement depuis trois semaines, est éprouvé par 1 milligramme de venin:ilrésiste. Son sang, prélevé avant J’inoculation venimeuse, n’est cependant antitoxique qu'à la dose de 8 c. c. pour 0,5 de venin. Le sérum anlirabique de lapin ou de chien n’a aucune action sur les toxines diphtérique et tétanique, ni sur l’abrine et la ricine. 248 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. J'ai étudié le sérum d’un chien mort de rage des rues et celu d’un lapin rabique de passage, prélevé dans la carotide quelques heures avant la mort. Ces deux sérums n’avaient aucun pouvoir antitoxique vis-à-vis du venin. J'ai fait quatre expériences à l'effet de rechercher si les ani- maux fortement immunisés contre le venin étaient rendus, de ce chef, réfractaires à la rage. Deux lapins, vaccinés contre le venin depuis plus de huit mois, ont été lrépanés et inoculés sous la dure-mère avec du virus rabique fixe. Is ont pris la rage et ont succombé avec un relard de deux jours sur les témoins. Deux autres lapins vaccinés contre le venin depuis la même époque que les précédents, et entretenus depuis lors avec soin pour fournir du sérum antivenimeux, ont été inoculés le 7 octobre, par voie intraoculaire, avec du virus rabique des rues, provenant d’un cobaye. Un témoin inoculé en même temps a pris la rage le 29 octobre (22° jour). Les deux lapins immu- nisés n’ont pas été malades. | Ces faits ne sont pas encore assez nombreux pour être très probants par eux-mêmes, mais il importait de les indiquer néanmoins. M. Eug. Viala, sur ma demande, a bien voulu se charger de faire d’autres expériences à l'effet de rechercher si le sérum antivenimeux d'âne que j'ai mis à sa disposition a quelque action sur le virus de rage fixe ou de rage des rues, par mélange direct, et après un contact plus ou moins prolongé. Nous publierons ces résultats ultérieurement. XIII SÉRUM NORMAL DE L'HOMME Au cours de mes expériences, j'ai eu l’occasion, grâce à l'obligeance du D' Répin, d'étudier deux échantillons de sérum humain et un liquide d’ascite, qui, tous trois, m'ont fourni des résultats très positifs à l'égard de la diphtérie et de la ricine. Mais ils n'avaient aucune aclion sur le venin, l’abrine et la toxine létanique. Les cobayes qui ont reçu 0,25 ce. c. de toxine diphtérique mélangée à 2 et 3 c. c. de ces sérums et du liquide d’ascite ont LL VENINS, TOXINES ET SÉRUMS ANTITOXIQUES. 219 résisté, alors que les témoins sont morts en 30 heures. Les mélanges in vitro des mêmes doses de sérum avec 1 milligramme de ricine nous ont donné des résultats aussi favorables. J'ignore si les sujets qui ont fourni ce sérum et le liquide d’ascite que nous avons expérimentés ont eu autrefois la diphté- rie. Mais je dois dire que, tout récemment, M. Abel, en Alle- magne, a trouvé de son côté que le sang de beaucoup d'hommes sains, entre la vingtième et la quarantième année, qui, d’après les commémoratifs, ne paraissaient pas avoir eu cette maladie, élait immunisant pour des cobayes vis-à-vis du bacille de Lœlfler. M. Wassermann a fait la même constatation. Tous ces fails sont des documents pour l'avenir. XIV CONCLUSIONS En résumé, nous avons vu à propos des venins que certains animaux, comme le mangouste des Antilles, possèdent une immunité relative très manifeste, et que leur sérum est un peu antitoxique. Nous avons vu, en outre, que parmi les espèces animales qui ne jouissent pas normalement du même privilège, tels que les chiens, on peut rencontrer quelques sujets dont le sérum est actif in vitro sur le veuin. Élargissant le champ de nos expériences, nous avons con- stalé, avec d'autres expérimentateurs, que le sérum normal de l’homme est quelquefois antitoxique vis-à-vis de la diphtérie, et que beaucoup de sérums d'animaux immunisés soit contre des toxines, soit contre des virus pathogènes, acquièrent, par le fait du traitement vaccinal, un certain pouvoir antitoxique et même préventif à l’égard d’autres toxines ou d’autres virus. C’est ainsi que les lapins vaccinés contre le venin deviennent résistants, à l’empoisonnement par l’abrine; que ceux vaccinés contre l’abrine peuvent acquérir un certain degré d’immunité à la fois contre le venin, contre la diphtérie, contre la ricine, et mème contre l'infection par la bactéridie charbonneuse. C'est ainsi encore que les animaux vaccinés contre l’érysipèle 4. Semaine médicale, 26 décembre 1894, p. 574. LL 250 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ou contre la rage ont un sérum tellement actif sur le venin que, dans certains cas, il peut même devenir préventif! ” Tous ces faits montrent donc que le sérum des animaux immuuisés contre certains virus ou certains poisons peut devenir capable de donner l’immunité contre d’autres virus ou d’autres poisons. Ils montrent aussi que Le degré de résistance d’un ani- mal n’est pas toujours corrélatif du pouvoir antitoxique de son sérum vis-à-vis du virus ou du poison contre lequel il a été immunisé. Pouvons-nous en conclure que les sérums antitoxiques n’ont point de spécificité réelle, et sommes-nous en droit d'espérer qu'on découvrira peut-être quelque jour un sérum idéal donnant l'immunité contre les poisons microbiens les plus redoutables ? L'hypothèse, quelque séduisante qu’elle puisse paraître, ne semble pas admissible, car nous ne connaissons pas un seul sérum capable de modifier avec la même énergie plusieurs toxines, et réciproquement. Le sérum antivenimeux, parexemple, est beaucoup plus actif sur le venin qu'aucun autre sérum anti- toxique, et nous voyons qu'il en est de même en ce qui concerne l'abrine, la diphtérie et du tétanos. Mais nous devons considérer comme très probable que les. sérums antitoxiques ne modifient pas la toxine avec laquelle on les mélange, et qu'ils se bornent à exercer, à côté de celle-ci, une action contraire, de telle sorte que ses effets nocifs ne peu- vent plus se produire. Au récent congrès de Budapesth, M. Roux a cité l'expérience suivante que j'ai faite sous sa direction, et qui montre que, dans. un mélange de toxine et de sérum, ces deux substances se com- portent comme si chacune d'elles agissait séparément : Profitant de ce fait que le venin, à l'encontre de ce qui se produit pour la plupart des toxines végétales ou microbiennes, supporle sans rien perdre de sa toxicité un chauffage même prolongé à 68°, j'ai inoculé une série de quatre lapins à peu près du même poids (1,700 grammes environ), de la manière sui- vante : Lapin n° 1. — Reçoit { milligramme de venin mélangé à 3c. c. de sérum antivenimeux très antitoxique, après 40 minutes de contact. Le lapin n'a pas été malade. Lapin n° 2. — Reçoit { milligramme de venin mélangé à 3 c. c. du même LE) VENINS. TOXINES ET SÉRUMS ANTITOXIQUES. 251 sérum antivenimeux. Le mélange, après 19 minutes de contact, est chauffé, dans un tube scellé, au bain-marie, pendant 10 minutes à 680. Mort 2h,40 après l'inoculation. Lapin no 3. — Reçoit la même dose du mélange précédent, chauffé 10 minutes à 680 dans un second tube scellé. Mort 4 heures après l'inocu- lation. Lapin no 4. — Reçoit { milligramme de venin mélangé à 3 c.c. de sérum normal de lapin. Le mélange est chauffé 10 minutes à 680 commeles mélan- ves de sérum antivenimeux, en tube scellé. Mort 3h,30 après l'inoculation. Aïnsi, le chauffage à 68°, qui fait perdre au sérum son pou- voir antivenimeux, laisse intact le venin, dont la toxicité ne s’est - pas trouvée amoindrie malgré son mélange préalable avec l’an- titoxine. La chaleur a agi sur le mélange comme elle l'eût fail sur le sérum et sur le venin isolément. Il faut bien en conclure que le venin n’a été ni modifié ni détruit par le sérum, et qu'il ne s'était formé aucune combinaison de ces deux substances, ou que la combinaison réalisée était, au moins, très instable. Par suite, on peut penser que si le sérum est préventif et thérapeutique, que si, injecté avec le venin, il empêche celui-ci d'agir, c'est, comme l’expliquait M. Roux, parce qu’il insensi- bilise en quelque sorte, d'emblée, à l'égard du venin, ies cellules de l'organisme. | Sans doute, le mécanisme de cette action échappe encore à . notre observation, mais les lois de la phagocytose. si brillamment #1 étudiées par M. Metchnikoff, nous permettent de comprendre que les fonctions remplies par les leucocytes à l'égard de tant de virus et de tant de corps étrangers les plus divers, puissent s'exercer de même à l'égard de divers poisons. RECHERCHES BACTÉRIOLOGIQUES SUR LES DÉJECTIONS DANS LA FIÈVRE TYPHOIDE Par M. A. WATHELET (Travail du laboratoire d'anatomie pathologique et de bactériologie de l'Université de Liège.) La question de la présence du bacille d’'Eberth dans l'intestin des typhiques est fort controversée. M. Nicolle' a tout récem- ment signalé la difficulté de déceler le B. typhosus dans les déjections. M. Sanarelli*, frappé de la rareté du bacille spéci- fique dans l’intestin, va jusqu’à renoncer à faire de la fièvre typhoïde un processus infectieux d'origine et de localisation intestinales. Gaffky lui-même avait déjà reconnu la presque impossibilité de retrouver dans les déjections typhiques le bacille spécifique qu'on trouve dans la rate, mais il expliquait cet échec par la difficullé de rechercher le bacille au milieu des Phone intestinaux. Il est vrai qu'après lui, divers savants, entre autres Kar- linski*, ont retrouvé dans l'intestin le microbe spécifique, du moins à certains stades de la maladie; mais c'était à une époque où les caractères du B. typhosus étaient moins bien établis qu'ils ne le sont aujourd'hui. Grâce aux cils, à l’action sur les sucres, etc., il est relativement facile maintenant de distinguer le bacille d'Éberth du B. coli, avec lequel il a été souvent confondu. C’est cette recherche que j'ai faite, sur de nombreuses déjec- tions tvphiques, dans la clinique de M. le professeur Masius, à Liège. J'ai examiné de nombreux malades pendant toute la durée de leur affection, et pour ainsi dire jour par jour. Mes résultats me semblent intéressants, tant au point de vue de la 1. Ces Annales. Décembre 1894. 2. 1bidem. Avril 1894. SCeNtrAlO NF. Bart UNIL p.65, 1889. = DÉJECTIONS DANS LA FIÈVRE TYPHOIDE. 253 conception générale de la fièvre typhoïde que du diaguostic clinique. Je les résume brièvement. Contrairement à ce qui se passe pour le bacille cholérique de Koch, iln’y a pas de méthode permettant de séparer aisément le bacille d'Eberth des autres microbes avec lesquels il est mélangé. Celles de MM. Chantemesse et Widal, Holz, Uffelmann, Vincent, ne permettent pas de l'isoler du B. coli, qu’il serait pourtant si important d'écarter. Force est donc de se contenter de faire des plaques de gélatine, avec des dilutions telles que les colonies _ hese gênent pas mutuellement, et d'étudier celles de ces colonies qui ressemblent le plus au B. typhosus. On choisit les plus fines, les plus translucides, et comme sur gélatinele B. {yphosus pousse un peu moins rapidement que le B. coli avec lequel on pourrait le confondre, on choisit les colonies les moins avancées en développement. = Mes recherches étant surtout cliniques, il ne pouvait être uestion d'identifier toutes les colonies observées ; il fallait bien _se limiter. Mais les examens ont été assez nombreux pour qu'on puisse éliminer la part du hasard dans les faits observés. Sur chaque plaque de gélatine, on a choisi 12 colonies présen- tant les caractères que nous venons de signaler. On les a exami- nées au microscope, et coloré leurs microbes. Lorsque ceux-ci présentaient l'aspect, le modé de groupement, et les dimensions du B.typhosus, on les ensemencçait en géloselactosée et en bouillon peptonisé non sucré. -Si, le surlendemain, ces cultures, maintenues à 37°. ne don- naient ni bulles de fermentation pour la gélose, ni indol pour le bouillon, on classait les microbes comme pseudo-typhiques, comme l'ont proposé MM. Germano et Maurea ‘. Dans le cas contraire, on poursuivait la recherche et on ensemencçait en lait stérilisé, et en gélatine à l’eau de malt. De plus on recherchait les cils par l'excellente méthode de M. Van Érmengen. Lorsque je constatais 10-12-15 cils bien nets, quand le lait n'était pas coagulé après un mois à 37°, quand le développement était 4. Pathol. Reiträge, de Ziegler, t. XIL, 1895. 29 4 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Les . maigre sur gélatine à l’eau de malt, le microbe était considéré comme identique au bacille de la rate des typhiques. Je crois que ce diagnostic est suffisant, au moins pour la clinique. " Mes observations ont porté sur 42 malades chez lesquels la fièvre typhoïde était bien caractérisée; pour plusieurs d’entre eux l’autopsie a confirmé le diagnostic. J'ai étudié les déjections de ces malades à des intervalles rapprochés, de deux en deux jours, de trois en trois, pendant la durée de leur séjour à l'hôpi- tal. On trouvera, ci-dessous, la température du malade au moment de la prise : le nombre de colonies contenant du B. coli sur les 42 examinées; le nombre de colonies contenant des bacilles typhiques ; et enfin, marqués du signe. les cas dans lesquels on ne trouvait sur les plaques que les colonies fines et translucides formées par le B. coli ou le bacille typhique ; marqués du signe —, les cas où, à côté de ces colonies, on observait d'autres espèces microbiennes. lempérature. _B. coli. Bac. typhique. Aspect des cultures. OBsERY. I. 4re prise 40° 12 0 2 2e — 380,9 12 0 + SURRNE 390,4 9 3 à ss 4e — 39° 12 0 > + 5e — 399,8 12 0 + Ge — 39° 12 0 + Te — 390,4 12 0 KE 8e — 380,4 12 0 + OgBserv. El. . lre prise 390,4 10 2 Æ 2e — 399,2 12 0 _ 3e — 39° 12 0 — ge _— 380,5 12 0 — De — 31° 12 0 — OBsERv. III. {re prise 39°,8 12 0° == 2e — 38° 12 0 + 5 CNE JU 12 0 + Intestin à l’autopsie. 12 0 — Ogserv. IV. - {re prise 38°,4 10 2 — 22 — 31°,3 12 0 _ — 3 — 379 12 0 + 4e 3e 970 19 0 dis 4 æ à DÉJECTIONS DANS LA FIÈVRE TYPHOIDE, 23 em + »+'OBsERv:dV7 ré ” . {re prise 40°,2 12 (l 3 2% — 390,4 9 3 Le SENS 390,2 12 0 je Lo 39,8 12 () + 5e — 390,8 12 0 == 6e. — 38°.,4 12 0 — GE 380,8 12 0 2 OBserv. VE lre prise 390,4 12 0 se 2e) mn — 38° 12 0 — + 3e — 380,6 12 0 _ ‘OBserY. VII. lre prise 40° 12 (] + > "2e — 39° 12 0 — SE QIUE 39,6 Liquéfaction rapide — Le -—= 390,8 12 0 — De — 40° 42 () — (TRES 38°,6 12 û 2 O8serv. VIII. lre prise 35° 12 0 — “OBSERV. IX. . ° «re prise 399,2 12 0 <= Do — 390,2 12 vor) de Sue 390 8 12 0 se je se 390 12 (] -- : spaces 3806 12 0 à DORE 380 12 () Me ‘OBsERvV. X. Autopsie. Int. grêle 12 0 +- Id. Gros intestin. 19 0 a Ogserv. XI. lre prise 40° 12 0 ee 2e = | 390,4 12 () == Je — 310 12 (D) e OBserv. XII. Autopsie. Int. grèle. 12 (] _ Id. Gros inteslin. 12 0 — Donc, sur 600 colonies recueillies dans des selles typhiques, et ayant les caractères communs au B. coli (variété transparente) et au bacille typhique, ce dernier n'a été trouvé que 10 fois. Plusieurs malades n'ont pas donné une seule fois le B. typhosus. Quelle différence avec les cultures presque pures du microbe spécifique qu'on trouve quelquefois dans les cas de choléra! Il faut avouer que cette extrème rareté du bacille d'Eberth dans - Ÿ . 256 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l'intestin s'accorde mal avec les "théories courantes dela fièvre typhoïde, et qu'on se rend bien mieux compte des faits en admettant, avec M. Sanarelli, que, dans cette maladie, le microbe envahit d’abord le système lymphatique {rate, ganglions mésen- tériques), et ne se trouve qu'accidentellement éliminé à travers les tuniques intestinales dans les déjections. Nous avons, dans ces études, retrouvé le fait si souveat observé, à savoir qu’à l’autopsie le tube digestif se trouve rempli du B. coli à l'exclusion du B. typhosus, tandis que c’est absolument le contraire dans. la rate. Ce fait a été fréquemment constaté à Liège, mème 40 heures après la mort. Si on le rapproche de ce qu’on sait sur l'invasion rapide du B. coli dans les organes, non seulement de suite après la mort, mais déjà pendant l'agonie (Wurtz et Hermann, Malvoz, de Rekowski, Beco, etc.), on s'étonnera de ne pas voir cette bactérie se trouver régulièrement dans la rate avec le bacille typhique, dans une maladie caracté- risée par des ulcères béants de la paroi digestive. Nicolle a observé une fois cette coexistence. C’est un cas tout à fait excep- tionnel, comme l'a montré M. Malvoz dans ses recherches sur la fièvre typhoïde ‘, et comme je l'ai vu moi-même. Il y a là un problème sur lequel M. Malvoz a appelé l'attention, et qui, tant qu'il n’est pas résolu, fournit un des meilleurs arguments invo- qués par les partisans de la théorie de la transformation du B. coli en bacillus typhosus dans les organes typhiques. On voit aussi, sur le tableau résumé de mes expériences, que souvent je n'ai trouvé que du B, coli, sur les plaques de gélatine, à l'exclusion de tous autres microbes, notamment du Proteus, du B. subtilis, et autres hôtes habituels des selles : les cas marqués du signe + comprennent plus de la moitié des essais. Ce fait n'est pas particulier à la fièvre typhoïde. M. Sanarelli la rencontré dans ses recherches sur la fièvre typhoïde expérimen- tale, et on l'observe dans beaucoup d'autres affections : mais il est encore inexpliqué. I Après avoir constaté cette rareté des bacilles de Gaffky dans les selles, il restait à en trouver l'explication. C’est dans ce but 1, Mémoires couronnés de l'Ac. de med. de Belgique, 1893, et Journal des connaissances médicales, 24 juin 1894, DÉJECTIONS DANS LA FIÈVRE TYPHOIDE. 257 que j'ai fait, sur l’antagonisme du B. coli et du B. typhosus, quelques expériences, antérieures en date à celles de M. Grimbert, mais qui n'ont pas été publiées'. On me permettra de les résumer ici, à cause de quelques particularités qu'elles pré- sentent. Ensemençons comparativement. dans du bouillon peptonisé, du B. typhosus recueilli fraîchement dans la rate et du B. coli, et laissons 4 jours à 37°. Ensemencçons .alors, dans dix tubes de bouillon, 3 anses de la culture de B. typhosus et une seule de la culture de Z. coli. Laissons encore ces tubes à 37°. Si, au bout de 5, 10, 15, 20, 25 jours, on fait au moyen des ces bouillons des plaques de gélatine, on n'y voit se développer que des cultures pures de B. coli. Mème résultat si, en même temps _qu'une anse de culture de B. coli, on a ensemencé dans les tubes de bouillon non plus seulement 3 anses, mais 4 € c. de culture de B. typhosus. On peut encore opérer autrement : à 10 c. c. d’une cultureen bouillon du bacille de Gaffky, laissée 4 jours à l’étuve, on ajouteun demi-centimètre cube de culture de B. coli. Après 5 jours, des plaques ne montrent que des colonies de B. coli, faisant fer- menter le lactose et donnant de l’indol, etc. Dans un autre groupe d'expériences, j'ai opposé à chacun des bacilles les produits d’une culture de l’autre, filtrée sur bougie Chamberland. Le bouillon filtré d’une culture de bacille de :Gaffky nourrit très bien le B. coli, mais la réciproque n’est pas vraie, et dans un bouillon de culture de B. coli, non seu- lement le bacille de Gaffky ne prolifère pas, mais il meurt rapidement. Les constatations cliniques chez les typhiques sont en accord avec ces faits expérimentaux. Il semble dès lors bien difficile d'admettre que le microbe de la fièvre typhoïde existe régulière- ment dans l'intestin, si ce microbe est bien le bacille de Gafiky ; la théorie de Sanarelli rend beaucoup mieux compte des faits, avec cette réserve qu'elle n’explique pas que le Z. coli soit presque régulièrement absent dans la rate des cadavres typhiques, lorsqu'il y est si commun dans une foule d’autres affections. 1. Mon travail à ce sujet a été envoyé en juin 1893 au concours des bourses de voyage de Belgique et couronné par le jury, mais il est resté manuscrit. 17 SUR ENE VARIÉTÉ DU BACTÉRIUM CHAUVEI PAR MM. LES DOCTEURS - G. P. PIANA Er B. GALLI-VALERIO Directeur. Assistant. (Institut pathologique de FÉcole Supérieure de médecine vétérinaire de Milan.) À côté de la forme typique du Bacterium Chauvæi, existent deux autres formes, récemment décrites, et qui en diffèrent par leurs caraclêres morphologiques et par leur virulence. L'une, rencontrée en 1894 par M. Kerry ‘ dans les muscles d'un bœuf mort avec le diagnostic de charbon symptomatique, tue les cobayes, les lapins et les souris en 7-48 heures. C’est un bacille épais, isolé ou en courtes files, muni de cils et dépourvu de spores. Il ne se développe pas à la température ordinaire, mais prolifère dans le vide à 26°. Sa virulence diminue dans les cultures successives. La mème année, M. Klein * trouva, dans la rate d'un mouton mort avec le diagnostic de sang de rate, un bacille plus court et plus épais que le bacille charbonneux et qui en culture, ressem- blait au B. Chauvæi. Un cobaye, inoculé avec un fragment de rate, mourut avec les symplômes de charbon symptomatique ; mais les cultures du bacille ne luaient pas le cobaye: elles ame- naient seulement une tuméfaetion qui durait 48 heures. L'étable d'où ‘provenait le mouton contenait en outre des bovidés restés absolument sains. M. Klein est convaincu d’avoir eu affaire à une variété de la forme typique du B. Chauvwi. Au mois de novembre 1894, M. le D' Omodeo, de Eos (Lombardie) nous envoya des fragments du tissu musculaire et du poumon d’une vache morte avec les symptômes du charbon symptomatique. Nous y avons trouvé un bacille très petit, se 1. Oest. Zeilschr. f. Wissensch. Vet. 1894. 9, Centratbl.f. Balit. u. Parasit. 1894. 2 x EN GES SUR UNE VARIÉTÉ DU B! CHAUVOEI. 359 rapprochant par ses dimensions du bacille du rouget du porc. Ilest très réfringent, mobile, et se colore fortement avec les cou- leurs d’aniline. Nous n'avons jamais réussià y retrouver lesformes usuelles et les spores du B. Chauvwi, et nous avons pensé à le comparer à du virus desséché du charbon symptomatique authen- tique, que nous devons à l’obligeance de M. le professeur Arloing. LE — Dans les tumeurs symptomatiques provoquées chez les cobayes avec le virus de Lyon, nous avons trouvé les formes variées ci-dessous (fig. 1), qui se comportaient différemment vis-à-vis d’une solution aqueuse saturée de bleu de méthyle, d. fl ne y { \ 0 TL Sr dus + ë f # 4 ô PIS # # # RER lp ë ANS Ye | “ Fig. 1. Fig. 2 _additionnée de quelques gouttes de solution alcoolique de thymol C'étaient ; a) Des coques sphériques ou ovoïdes de 1 à 2%, se colorant fortement: b) Des bacilles minces de 2à 5 v, prenant une coloration forte et homosène ; FA c) Des bacilles parfois minces, parfois épais, cylindriques, à bouts arrondis, de 2 à 9 y, se colorant faiblement sauf 1 ou 2 corpuscules fortement colorés, et placés tantôt à une extrémité, tantôt aux deux, tantôt au milieu; d) Des bacilles faiblement colorés, de 2à Lu, avec granula- tions pigmentaires irrégulhièrement distribuées : “ e) Des bacilles renilés, faiblement colorés, effilés à une extré- … 1. Ces corpuscules, précédant la formation des spores ont déjà été notés par - Rivolta (Giorn. di anat. e. fisiol. 1881) et par Kitasato (Zeitschr. f. Hyg. 1581 C4 260 ANNALES DE L'INSTITUT "PASTEUR. mité et renfermar t un corpusecule sphérique ou ovoïde fortement coloré ; f) Des microbes renflés ou en battant de cloche, faiblement colorés, avec une spore ovoïde et incolore placée à un bout ou vers le milieu. Parfois, à côté de cette spore, on voyait nu résidu de matière fortement colorée, reste des corpuscules que nous avons signalés. IT. Dans les tumeurs symplomatiques provoquées chez les cobayes avecle virus de Gambolô, on rencontre des microbes qui se différencient des précédents par les caractères suivants : a) Leur forme est moins variée (fig. 2) : sauf quelques rares exceptions, ce sont des bacilles ayant de 2,5 à 3 , de longueur, et une largeur égale à 1/4 de la longueur ; b) Dans la tumeur, ils étaient tous sans spores. Toutefois ils présentaient fréquemment des corpuscules fortement colorés par le bleu au thymol, placés tantôt à un bout, tantôt aux deux, et se différenciant du reste du protoplesme qui se colorait moins bien. Dans un eas, on a trouvé des bacilles plus gros, à une extrémité eflilée. , III. Pour les expériences d’inoculation du virus de Gambolô, on a pris de la pulpe musculaire, broyée dans un mortier stérilisé avec son poids d’eau distillée; le magma était filtré sur un linge stérilisé. Le liquide était inoculé avec une seringue Pravaz dan la cuisse des animaux en expérience. Les cobayes qui reçoivent dans les muscles 1/2 c. c. de ce liquide meurent en général en moins de 2% heures, tandis qu'avec l'inoculation sous cutanée ils ne meurent qu'eu #8 heures, ou même résistent: ces cobayes qui ont résisté sont ensuile réfractaires à une nouvelle inoculation intra- musculaire. Deux chiens, inoculés chacun avec une demi-seringue de Pravaz, l’un sous la peau, l’autre dans les muscles de la cuisse, ne présentèrent qu'une tuméfaction de quelques jours de durée. De même un lapin supporta très bien une demi-seringue, puis une seringue dans les muscles de la cuisse. Tout à fait réfractaires ont été un poulet (0,5 ce. ce. dans les muscles pectoraux), une souris blanche (0,25 c. ce. sous la peau), 2 grenouilles et 2 Triton cristatus (0,25 c. c.). Au contraire un rat blanc, inoculé avec 0,25 c. c. dansles muscles de la cuisse, à S SUR UNE VARIÉTÉ DU B. CHAUVOEL 261 mourut en 48 heures avec tous les symptômes du charbon symptomalique. IV. Nous n’avons réussi à cultiver la semence prise sur les cobayes inoculéssavec le virus de Gambolô, que sur gélatine peptonisée, recouverte de parafñne, à 38-40°. Ces cuilures for- maient un dépôt floconneux au fond de la gélatine, fluidifiée à cette haute température. Enlesréensemençanten gélalinesans paraffine à 20°, nous avons obtenu un développement, mais très lent, sous forme de petit points blanchâtres le long de la piqüre. Dans toutes ces cultures, on a trouvé des microbes analogues à ceux des tumeurs symptomatiques des cobayes (fig. 3), plus minces pourtant, et quelques-uns étaient effilés. Ils se coloraient Se ET \ | ‘#2 4 1e Je f #7; Fig 3, fortement en bleu. Dans les cultures à 38-40°, il y avait aussi des formes filamenteuses. Un cobaye inoculé avec une première culture à 40° sous paraffine, mourut en 48 heures du charbon symptomatique, et, dans l’exsudat, on trouva des bacilles avec une spore ovoïde incolore, placée vers un bout, rarement vers le milieu, etrenflant le bacille à son niveau. Un autre cobaye résista à une inoculation d’une culture à 18-20°, datant de plus d’un mois, et survécut ensuite 3 jours à l'inoculation de virus frais. V. Préparé de la façon que nous avons indiquée, le virus de Gambold se montra plus actif que celui de Lyon : 1l tuait les cobayes en 24-36 heures à la dose de 0,25 c. c., tandis que celui de Lyon ne les tuait qu’à la dose de 1 c. c. Toutefois le virus de Gambolô montra une résistance moindre que celle qu'on “« : ( € - e s 1e 262 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. admet d'ordinaire. Une cuisse de cobaye portant une tumeur produite par ce virus, reçut un thermomètre et fut chautfée dans de l’eau. La température monta en 10 minutes de 50 à 90°. À ce moment, on prit des fragments de muscle dans le trou du thermomèire, et on en it une bouillie qu on inocula dans la euisse d’un cobaye. L'animal résista. Un autre cobaye résista de même à l'inoculation dans la cuisse d'une émulsion faite avec une tumeur desséchée pendant quelques heures à 60. Un troisième cobaye, inoculé avec une émulsion de muscles desséchés seulement à 50° (virus de Gambolô), mourut du char- bon symptomatique en 48 heures. Le premier de ces cobayes, qui avait résisté à l’inoculation des muscles chauffés à 90°, reçut après 20 jours, dans les muscles de la cuisse, 0,5 c. c. de virus de Gambolô, et mourut en 24 heures; au contraire le second, qui avait survécu à linocula- lion du virus desséché à 60°, résista à une inoculation sous- cutanée de virus frais, qui tua en trois jours un cobaye témoin. Dans des cobayes morts du charbon symptomatique, et restés pendant plus d'un mois au froid, à une température qui 2 se SUR UNE VARIÉTÉ DU B. CHAUVOEL. 263 arriva à — 10°, la virulence du bacille n’a subi aucune variation. VI. Chez quelques animaux inoculés soit avec le virus de Lyon, soit avec celui de Gambolô, nous avons.étudié la phago- cytose (fig. 4). Dans l’exsudat des cobayes inoculés avec le second de ces virus, on observe, après coloration au bleu au thymol, des phagocytes parfois rares, parfois nombreux, englobant 2, if VE £ me Ÿ “ 1767 < 3 bacilles et quelquefois un beaucoup plus grand nombre. Les cellules qui en contiennent trop sont difficiles à étudier, car elles sont très fragiles dans ces préparations(a, fig. #).. On les voit au contraire très bien dans les coupes de la tumeur, comme nous le dironstoutà l'heure. Plusieursdes bacilles englobéssontfortement colorés, mais d’autres sont très pâles et difficiles à distinguer. Aucun ne possède les corpuscules fortement colorés dont nous avons parlé. Fréquemment, on observe dans les phagocytes des granulations fortement colorées (b, fig. 4), isolées ou côte à côte avec des bacilles, et que nous considérons comme des résidus de la substance chromatophile des bacilles., 264 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Cette phagocytose s’observe non seulement sur l’animal mort, mais sur le vivant, 2, 3 heures et plus après l’inoculation. Lesbacil- les sont alors fréquemment englobés par la substance nucléaire des phagocytes. Tous ces faits ont été aussi observés sur le lapin; le rat blanc et la grenouille inoculés avec le virus de Gambolô. Chez le cobaye qui, après avoir résisté à l’inoculation d’une vieille culture, survécut3 jours à l'inoculation du virus frais, on trouva presque tous les bacilles englobés par les phagocytes. Les cobayes inoculés avec le virus de Lyon présentent les mêmes phénomènes. Nous avons noté que ces bacilles englobés étaient tous minces, et que leur coloration, forte ou faible, était très homogène. Ils n'avaient pas de spores, landis qu’on en voyait chez les bacilles libres, parmi lesquels il y en avait de très gros. Dans les coupes des muscles au niveau des tumeurs produites avec le virus de Gambolô, et traités au bleu de thymol, on trouve une infiltration bacillaire très prononcée, non seulement dansles espaces intermusculaires et dans les lymphatiques, mais aussi dans les fibres dégénérées (fig. 5). On y voit en outre des phagocytes remplis de bacilles. Les noyaux des fibres musculaires présentaient une segmentation de la substance chromatique. Les conclusions que nous croyons pouvoir tirer de ces obser- vations, sont les suivantes : 1° A côté du B. Chauvwi à formes variables de MM. Arloing, Cornevin et Thomas‘, et des variétés observées par MM. Kerry et Klein, il faut placer celle que nous avons observée et qui se distin- gue par sa forme trèspeu variable, ses petites dimensions, la dif- ficulté avec laquelle elle donne des spores chez les animaux, et la facilité avec laquelle elle se développe dansles milieux de culture; 2° Ce virusestmoinsrésistantàlachaleur quele virus ordinaire. Ce fait est probablement en relation avec l’absence des spores: 3° Le charbon symptomatique donne lieu à de la phagocytose, plus accentuée chez les animaux plus résistants : 40 Les bacilles englobés sont toujours petits, sans spores et sans corpuscules fortement colorés ; 5° Dans les muscles des tumeurs, à côté des fibres dégéné- rées et de l'invasion bacillaire observées par Galtier *, on trouve une infiltration phagocytaire. 4. Le charbon symptomatique. Paris, 1887. 2. Traité des maladies contagieuses. Paris, 1892. +. SUR LB DOSAGE DEN ALCOOS ET DEN ACIDEN VOLATIEN Par M. DUCLAUX Les alcools et les acides gras sont des produits fréquents de l’ac- tion des microbes, etilest souventutile deles doser. Malheureuse- ment, c'est souvent en très faible proportion qu'ils apparaissent, surlout les alcools et acides de degrés supérieurs, et comme leurs propriétés sont très voisines, il est presque impossible de les séparer par les procédés ordinaires de distillation, de solubilité des sels, etc. J'ai imaginé et décrit depuis longtemps des méthodes plus rapides et plus précises, qui ont en outre l'avantage de pouvoir s'appliquer à de petites quantités de produits. Mais mes indications à ce sujet sont disséminées dans divers Recueils, et on m'a souvent demandé de les rassembler dans un exposé pratique, de les débarrasser du formulaire ma- thématique dont j'avais cru devoir les revêtir pour en faire l'étude théorique. C’est ce que je fais d'autant plus volontiers que la méthode générale peut d'ordinaire se simplifier beaucoup quand il s’agit d'étudier des liquides de fermentation. - Généralement, en effet, les alcools et les acides volatils, sans y être abondants, y existent en quantités sensibles, et on peut se contenter pour les isoler d’une seule distillation. On commence naturellement par séparer les alcools, en distillant le liquide au tiers environ, après l'avoir saturé pour retenir les acides volatils. On met ensuite ces acides en liberté en ajoutant un acide fixe. Je me sers toujours pour cela d'acide tartrique, qui a l'avantage, dans le cas fréquent où le liquide de fermentation contient des sels de chaux, de donner, si on attend quelques heures, un pré- cipité cristallin de tartrate de chaux, facile à séparer par décan- tation. En débarrassant ainsi le liquide à distiller de tout ou partie de sa chaux. on diminue sa richesse en éléments fixes, et on le rend plus favorable au dosage des acides volatils, dosage qui est d'autant plus précis que le liquide à étudier se rapproche plus d’une simple dissolution d'acides volatils dans l’eau pure. La 266 » ANNALES DE L'INSTLTUT PASTEUR-2 =", 2e PREMIER MÉMOIRE DOSAGE DES ACIDES VOLATILS Principe de la méthode. — Le principe de la méthode est le suivant: supposons une solution à 1 ou2 0/0, au maximum, d’un acide volatil quelconque; amenons-la à un volume constant, par exemple de 110 c. c., et distillons-la dans un ballon de 250 à. 300 c. c., en relation avecun réfrigérant ordinaire. Recueillons, dans cette distillation, 10 prises successives, chacune de 10 c. c., exactement mesurés Chacune de ces prises est saturée à part, à l’aide d’une solution alcaline quelconque, et on inscrit à la suite des unes des autres les lectures faites successivement sur ia burette, à la suite de ces opérations partielles. Supposons que la quantité d’acide total introduite dans le ballon exige 100 ce. e. de la solution alcaline employée. Les lectures successives représen- teront alors, en centièmes, les proportions de cet acide existant dans les 10, 20, 30, 40, etc., premiers centimètres cubes passés à la distillation. Cela posé, on peut considérer comme démontrees les trois lois suivantes : 4° La marche des nombres dans celte série d'opérations est caractéristique de l’acide volatil employé; 20 Il existe un rapport constant entre la quantité d’acide introduite dans le ballon et la quantité qui a distillé à un moment quelconque, de sorte que de la quantité passée dans les 10, 20, 30, 40... premiers c. c., on peut conclure à la quantité d’acide total introduit dans le ballon de distillation; 3° S'il y a deux acides mélangés, chacun se comporte comme s’il était seul et suit les lois de sa distillation propre. Voyons maintenant comment on peut uuliser ces lois dans la pratique. Cas d'un seul acide. — Examinons d’abord le cas où il n’y à qu'un seul acide présent dans le liquide à distiller. L’opé- ration marche alors toute seule. On mesure exactement 110 e. c. On distille assez vite pour que l'opération ne dure pas plus de 40 ou 45 minutes. Chacune des prises de‘10 c. c., reçue dans un flacon jaugé à col étroit, est saturée à son tour avec une liqueur alcaline, de l’eau de chiux de préférence, qui se trouve naturellement, lorsqu'elle est saturée, d’un degré de concentra- y La DOSAGE DES ACIDES VOLATILS. 267 tion très convenable à ces essais. Pour la saturation à la teinture de tournesol, il faut arriver au bleu franc, et le virage est facile à saisir, même avec les acides gras comme l'acide butyrique et l'acide valérianique, pour lesouels le bleu définitif est précédé pendant longtemps d’une teinte violette, tenant à ce que les sels de chaux de ces acides sont un peu alcalins. Si on cherche le rapport des volumes d’eau de chaux nécessaires pour saturer les 10, 20, 30... premiers c. c. au volume nécessaire pour saturer l’acide total du ballon, on trouve les rapports suivants pour les acides volatils les plus habituellement rencontrés dans les fermentations. A" TABLE Acide Acide Acide Acide Acide formique. acétique. propionique. bulyrique. valérianique. 10.1 3.9 52) 1 45) {07 309 20 — di 12.2 22:.8 32.1 D3.0 30 — 11.3 1 33.9 47.0 69.5 40 — 15.5 25.6 44.0 D8.9 S1.0 5 — 202 32.7 54.0 68.8 88.5 Go 25.5 40.4 63.3 11.5 93.5 AUS — 31.1 48.7 72.5 S4.3 96.5 80 — 33.0 91.9 81.0 90.5 98.3 90 — 48.0 675 88.) 94.6 09 LUE )9.0 80.0 95.0 945 100.0 La marche de ces distillations se traduit dans les courbes suivantes, et on voit que les acides divers passent d'autant plus facilement dans les premières portions du liquide disüllé qu'ils sont moins volatils. Avec l’acide formique et l'acide acétique, le titre des diverses prises augmente constamment : avec l'acide propionique il y a décroissance du titre acide de la première à la dixième ; mais la décroissance est lente. Elle est rapide pour l’acide butyrique, encore plus pour l'acide valé- rianique, qui se concentrent ious deux dans le liquide distillé, tandis que lés acides acétique et formique se concentrent au contraire dans le liquide resté dans la cornue, ainsi qu'on peut le voir par les nombres de la table. à Il résulte de cela que la marche des chiffres d'une prise à l'autre suflit souvent pour indiquer l'acide auquel on a affaire, et une fois qu’on est assuré de sa nature, on peut, en s'arrêtant 268 ANNALES DE L'INSTITÜT PASTEUR. à une prise quelconque, et en cherchant dans le tableau ci-dessus le facteur correspondant, savoir la quantité d'acide volatil existant dans le liquide dwballon. Par exemple si on a fait dix prises, et que la marche des nombres coïncide avec celle de ’acide acétique, 1l suffira, le facteur cor respondant à 100 c. c. 100'E a : —F _ Rssn ess RES ER n NS LE 90E EÉFFEE Re FFE EEE EE RE RREE EEE (RE EEPPE PERS RSR IE FFE HÉSPFÉRER A ÉEEEtES £ ! 80 D ? nm! L JE Rue FH 557 au EEE HÉRREWPEE TA EEERET a 3 JE à it 10 : - 252 RE, NBBURE LEFT + ++ [e eus 1+ L RECRÉER EEE EEE EE Er AT É - + HAE CAE 1 G Hi CARE ae - ++ ++—+ 222 —— 60 CÉRAAREE RARE | HE LHÉE 5 ee = CGE ET EE DR 40 l — — ——- EE E RER : 30 DHÈE EE epiet in 3 20 er —— : 10E se FH HE 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 19 recueillis étant 80,0. de multiplier par 100/80 ou plus simple- ment par 5/4 le poids d'acide trouvé dans les 10 prises pour avoir le poids de l'acide de la liqueur distillée. Le nom de l'acide est donc fourni par la marche des nombres fournis par les diverses prises successives. Au lieu d'évaluer ces nombres en centièmes de l'acide du ballon, sur lequel on nesait rien à l’avance, il est plus commode de les évaluer en centièmes de l'acide passé dans les 100 c. c. du liquide recueilli. Cela revient à prendre le rapport des nombres contenus dans les ei s L] DOSAGE DES ACIDES VOLATILS. 269 colonnes du tableau ci-dessus au nombre du bas de la colonne, et on a alors un autre tableau, qui est le suivant : 2° TABLE Acide Acide Acide Acide Acide formique. acélique. propionique. bulyrique. valérianique. dOSer"c. 9.9 7.4 4241 126 39.9 oDb — 12.2 15.2 24.0 33.6 53.0 39 — 19.0 23.4 30.9 AT.D 69.5 40 — 26.4 32.0 46.2 69.0 81.0 D0 — 34.4 40.9 D0.8 79.6 88.) 60 — 43.2 90,5 66.7 19.5 93.5 70 — 02.8 60,9 76.2 86.5 96.9 80 — 64.6 ES 85.0 92.5 98.3 99 — 79.6 84.4 93.0 9720 99.5 1009 — 100.0 109.0 100.0 109.0 109.0 C0 90 : ÊRE ass É étepeses 80 + pu: riit E AË | 4 pus Ë eat tal È 8 æ n 210 ANNALES DE L’INSTITUT, PASTEUR. 3 Les courbes ci-dessus traduisent encore la marche de ces * nombres. On voit qu'elles se séparent moins que les précédentes, car, parties du même point 0, elles doivent aboutir au même point 100, mais elles sont encore assez distinctes pour bien dif- férencier les acides. Ilest donc facile, en comparant aux nombres des tableaux ceux que fournit l'expérience, de savoir à quelacide on a affaire, avec la 2° table, et de conclure ensuite, à l’aide de la 4", du poids qui en a passé dans la distillation au poids n total contenu dans le liquide distillé. Cas d'un mélange de 2 acides. Le cas d’un mélange de deux acides volatils est un peu plus compliqué. J’ai dit plus haut que chacun d'eux se comporte comme s'il était seul, et suit la marche de sa distillation. Si par exemple nous avons un mélange à équivalents égaux d’acide acétique et d'acide butyrique, la marche des nombres correspondants à la distillation de ce mélange sera la moyenne des nombres correspondants à cha- cun des deux acides dans l’un quelconque des tableaux, et la courbe de la distillation sera celle qui, dans chacune des figures qui précèdent, se liendrait à égale distance, dans le sens vertital, de la courbe de l'acide acétique et de l'acide butyrique. S'il y a au contraire 2 molécules d'acide butyrique contre 1 d'acide acétique, il faudra, pour avoir les nombres de la distillation, ajouter deux fois le nombre correspondant à l’acide bulyrique au nombre correspondant à l'acide ue et prendre le tiers de la somme obtenue. ; Réciproquement, étant donnés les nombres fournis par l'expérience, on peut, en les ordonnant ou en les traduisant sous forme de courbe, voir s'ils coïncident avec l’une des deux courbes de la figure 2,et s’il n’y a pas coïncidence, voir entre quelles courbes de la figure la courbe trouvée vient se placer. Une fois cette courbe tracée, la question de savoir à quels acides elle est due devient une question de tâtonnements méthodiques, au milieu desquels un peu d'habitude apprend rapidement à se débrouiller. Pour un mélange d'acide formique et d'acide acétique, dont les deux courbes ont la convexité tournée du même côté, la courbe résultante a une courbure régulière tournée dans le même sens, et les nombres sont régulièrement croissants du premier au dernier. ee = = Me » > Pod APE ER - ‘ DOSAGE DES ACIDES VOLATILS. 271 De même, mais en sens inverse, pour les mélanges d'acide butyrique et d'acide valérianique, dont les courbures sont aussi de même sens, la courbe résultante a une courbure régulière intermédiaire, et les nombres des diverses prises sont régulière- ment décroissants, intermédiaires entre ceux des deux acides, ee | EURE CRE HS MER set [EEE TT > - “et d'autant plus voisins de ceux de l’un d’eux que Pautre est moins abondant. De ce côté, donc, aucune difficulté. Envisageons maintenant le mélange de deux acides à modes de“distillation opposés, et pour aller aux extrêmes, prenons un mélange d'acide formique et d'acide valérianique à équivalents égaux. Les nombres correspondant à la distillation de ce mélange sont les suivants, qu’on obtient en prenant la moyenne de # ceux de’la 2° table : 272 ANNALESSHDE L'INSTITUT PASTEUR. 10 2() 30 40 50 60 70 S0 90 100 182 326 412 330015 CSA 71126 D 815 D SJ 00 et la courbe correspondante (fig. 3) est une courbe à double courbure, où les titres des prises décroissent au début, parce que l’acide valérianique distille à ce moment, puis croissent à la fin parce que c'est le tour de l'acide formique. De mème le mélange de 2 d’acide valérianique avez 1 d'acides formique donne naissance à la courbe 2 : le mélange de 2 d'acide formique avec 1 d'acide valérianique à la courbe 3, et on voit que la position du point d’inflexion de la courbe varie avec la proportion des acides mélangés. Une courbe à double courbure, si peu accentuée qu’elle soit, ou une marche irrégulière dans la croissance ou la décroissance des nombres indique donc un mélange d'acide supérieur à l'acide propiouique avec de l'acide acétique ou formique, et dès lors, il n’y a qu’à chercher, soit au moyen des courbes, soit en combinant convenablement les chiffres des lableaux, quelle est la com- binaison d'acides qui donne la marche de la distillation la plus voisine de celle qu’on a trouvée par l’expérience. Nature des acides mélangés. — Ici, comme tout à l'heure, le problème se décompose en deux: trouver d’abord la nature et le nom des deux acides: déterminer ensuite leurs proportions. Dans les tâlonnements au sujet de la nature, on peut s’aider de tous lés renseignements qu'on a sous la main :.c'est ainsi que l'acide valérianique se distingue facilement de l'acide bu- tyrique par son odeur, l'acide formique de l’acide acétique par son aclion sur le nitrate d'argent à l’ébullition. En somme il est facile, quand on est assuré, par la forme de la courbe, d’avoir affaire à un mélange binaire d'acide butyrique ou d’acide valérianique, avec de l'acide acétique ou del’acide formique, de savoir quels sont les deux acides auxquelson a affaire. Nous reviendrons tout à l'heure au cas de l'acide propionique. En résumé, la marche régulière des nombres, ou la forme régulière des courbes avertit si on a affaire à un mélange d'acide acétique avec l'acide formique ou d’acide butyrique avec l'acide valérianique. La marche irrégulière, décroissante d'abord, croissante ensuite, des nombres de distillation, ou la double cour- bure des courbes avertissent d’un mélange d’un des deux premiers DOSAGE DES ACIDES VOLATILS, 273 acides avec un des deux derniers, et à moins que l’un de ces acides ne soit présent en quantités très faibles, il est en général facile de savoir le nom des deux acides mélangés. Reste à savoir leur proportion dans le mélange. Proportion des acides mélangés. — C'est encore comme tout à l'heure l’étude des nombres ou des courbes qui nous la fournit. Les nombres fournis par l'expérience partagentla différenceentre les nombres normaux, correspondant aux deux acides, en parties inversement proportionnelles aux quantités d’acide présent dans la liqueur. On prend donc la différence des nombres de l’expé- rience aux nombres supérieur et inférieur correspondants de la 2° table, et le rapport de ces différences donne une valeur approximative du rapport de l'acide inférieur à l'acide supérieur. On peut, si on veut, déterminer 9 de ces valeurs approximatives et prendre leur moyenne, mais il est évident que celles qui correspondent à la région où les courbes sont les plus écartées lune de l’autre, ont une précision supérieure à celles qu’on détermine au voisinage du commencement ou de la fin de l’ex- périence, où les courbes sont très voisines et finissent par se confondre. Pratiquement, on se contentera de prendre la moyenne des rapports correspondant à 30, 40, 50, 60, 70 €. c., et on aura le rapport cherché, avec une exactitude supérieure à celle que donnerait tout autre procédé d'analyse connu jusqu'ici. Une fois ce rapport connu, il n’y a plus de difficulté. On cherche, au moyen de la table I, dans quelle proportion devrait passer, dans les dix premières prises, un mélange d'acides dans le rapport trouvé, et on passe ainsi facilement du volume d’eau de chaux employé à saturer le liquide distilé à celui qui serait nécessaire pour saturer les acides volatils du ballon. Connaissant ce que peut saturer d’eau de chaux le mélange, le titre de l’eau de chaux, et la proportion en équivalents des acides mélangés, il est facile de savoir ce qu'il y a de l’un et de l’autre. Cas de l'acide propionique. — Revenons maintenant un instant à l’acide propionique, intermédiaire entre les acides acétique et butyrique, et qui est resté si longtemps confondu, sous le nom d'acide métacétique, avec une combinaison équimoléculaire de ces deux corps. La ressemblance se continue ici. La marche des nombres de la distillation est à peu près la même pour l'acide propionique, préparé au moyen du cyanure d’éthyle, et le mé- 13 274 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. lance à équivalents égaux des deux acides voisins, ainsi que le O . O » ) montrent les chiffres suivants : 20 ED EE AOEISON" 60%". 70 80. 90 100 Acidepropion. 142.1 24.0 35.3 46.2 56.8 66.7 76.2 850 93.0 100 ne dune, 125 244 355 #60 55.7 65.0 73.7 822 90.7 4100 Les différences se traduisent mieux sur les courbes, parce que celle de l'acide propionique conserve la courbure régulière, bien que peu prononcée, qu'elle a sur la figure 2, tandis que celle du mélange présente la double courbure, habituelle aux mé- langes, que nous ävons signalée plus haut. Néanmoins, commeles diflérences sont faibles, elles peuvent échapper, et on est ex- posé par suite à confondre de l'acide propionique avec un mé- lange d'acide acétique et d'acide butyrique. Il y a heureusement un moyen très simple d'éviter cette indé- cision, c'est de distiller à moitié la liqueur sur laquelle on a des doutes, et d’en recueillir séparément les deux moitiés. Si l'acide qu'elle contient est pur, les deux fractionnements contiendront le mème acide, et, soumis séparément à une nouvelle distillation fractionnée aux 10/11, ils donneront les mêmes nombres de distillation. Si, au contraire, c’est un mélange d'acide butyrique et d'acide acétique, le premier acide passera de préférence dans le premier fractionnement, l'acide acétique dans le dernier, et, à une distillation fractionnée nouvelle, les deux moitiés se comporteront différemment, de façon à lever tous les doutes. Ce fractionnement à moitié ou au tiers, ou au quart, suivant les cas, est à recommander toutes les fois que, l’un des acides mélangés étant en faible proportion par rapport à l’autre, l'étude” faite sur le liquide en bloc en laisse la nature et la quantité douteuse. [l est alors toujours possible, par la distillation, de concentrer cet acide soit dans les premières portions, si c’est de l'acide butyrique ou de l’acide valérianique; dans les dernières si c'est de l’acide acétique ou formique, de façon à ce qu'il y existe en proportions suffisantes pour être reconnu. Enfin, cette même méthode des distillations préliminaires peut aussi rendre des services quand on à affaire à des mélanges de 3 acides auxquels notre méthode ne s'applique plus. Des mélanges aussi complexes sont très rares dans les fermentations pures, et quand ils se produisent, l’un des 3 acides, généralement “ LA 3 4 DOSAGE DES ACIDES VOLATILS.* 275 « celui dont le poids atomique est le plus élevé, n'existe qu’en proportions infinitésimales. On profite alors pour le séparer de ce que, dans les 20 premiers centimètres cubes du liquide recueilli dans les conditions de la méthode, il y a la moitié de l'acide valérianique et les 60 centièmes de l’acide caproïque. Ce qui reste dans la cornue, à ce moment, est donc débarrassé d’une forte proportion du troisième acide, et s’il n’y en avait au départ que très peu, ce qui reste est en trop faible quantité pour gêner l'application de la méthode. | Exemples pratiques. — Ce long exposé resterait peut-être un peu confus sans quelques exemples. Je les emprunte à un travail inédit sur les ferments bacillaires de l’amidon. L'un d'eux a été ensemencé dans un ballon contenant 20 grammes de glycérine et grammes de carbonate de chaux dans 250 c. c. d’une solution étendue de bouillon Liebig. Dans ce liquide, le bacille s’est abondamment développé sans donner jamais de dégagement gazeux, et a fini par former à la surface une couche grisâtre de bacilles courts et enchevêtrés. Distillé au bout de 51 jours, après addition de la quantité d'acide tartrique néces- saire pour mettre tout l’acide volatil en liberté, ce liquide a fourni les nom- bres suivants : Eau de chaux. Rapports. 1Uveue: LOMCNC: 17.2 20 — 91.0 — , SR 0) 30 — 293.6 — 47.0 A0 — 67.9 — 29.5 d RQ) 2 80.1 » — : 70.1 60 2 90.7 — 79.4 70 — , 99.2 — 86.8 80 — 106.0 — 92.8 J A — 110.9 — 97.1 100 — 1142 — 100.0 La série des rapports est presque exactement celle qui correspond à l'acide butyrique. L'eau de chaux étant au titre de 21,4 c. c. pour 88 milligrammes d'acide butyrique, il y en avait 470 milligrammes dans le produit de la distilla- tion, et410/97,5 — 480 milligrammes dansles 110 c. c. introduits dans la cornue. , Le bacille qui m'a donné de l'acide butyrique pur avec de la glycérine donne avec d’autres aliments un mélange d'acide butyrique et d’acide acétique. Voici par exemple les acides qu'il fournit avec de la semoule, bouillié avec de l’eau de touraillons, et fermentant sans addition de carbonate de chaux. Le problème 236 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. du dosage étant un peu plus complexe, je vais en MONET tous les éléments. Le tableau suivant indique dans la 2e colonne les quantités d’eau de chaux nécessaires à la saturation de chacune des 10 prises successives de 10 c. c.; dans la quatrième, les sommes correspondant à la saturation des 10, 20, 30... premiers €. c. comptés dans la troisième colonne; dans la cinquième, les rapports centésimaux que nous connaissons, el, dans la sixième, la proportion de l'acide acétique à l'acide butyrique que nous allons apprendre à en déduire. ; Eau de chaux. L - Eau de chaux. Rapports. Valeur de 5 1 prise 14.0 c.c. 10 ce. c. 110 197 1.5 D 19.3 — 20 . — 21.3 22.9 1.5 9e =— 9.6: — DD — 30.9 DOI 4.6 Bei 9.4 — 40 — 40 .4 42.6 1.6 Se — 9.0 — 90 — 49.4 02.4 120 PB — 8.60 — 60 — 8.0 60.6 A1 TÈ — 8.9 — 70 — 66.5 70.4 » 1.6 Qu 8.8 — 80 — 15e 19:6 107 9e — 9:93: — QI — 84.06 59.3 1 10. — 19.0 — 100 — 94,6 100,0 — On voit d'abord que les volumes d’eau de chaux correspondant à la satu- ration des diverses prises, après avoir diminué d’abord, augmentent ensuite. I y a donc un mélange d'un acide, de degré supérieur ou égal à l'acide propionique, avec de l'acide acétique cu de l'acide formique. Pour savoir de quoi se compose le mélange, il faut faire la somme des volumes d’eau de chaux de la 4 colonne, caleuler les rapports centésimaux de la cinquième et chercher à quelle combinaison d'acides convient le mieux cette série de rapports. Ici l'odeur des premières prises avertit qu'on a affaire à de l'acide buty- rique. D'un autre côté, la production d'acide formique en quantités aussi abondantes n'a jamais été observée. Il est donc indiqué de songer à un mélange d'acide butyrique ou d'acide acétique. S'il en est ainsi les chiffres de la 5e colonne doivent couper l'intervalle entre les chiffres correspondants de la distillation de l'acide butyrique et de l’acide acétique purs, en parties inversement proportionnelles aux quan- tités de ces acides entrant dans le mélange. On fait donc la différence des chiffres de la 5e colonne avec ceux de l'acide butyrique et de l'acide acétique dela p.269, eton divise ces deux différences l'une par l’autre. Par exemple, pour les quatre premières prises, on fait la différence de 42,6 chiffre du tableau, avec le chiffre 60,0 correspondant à l'acide butyrique et le chiffre 32 corres- pondant à l'acide acétique : on trouve ainsi les nombres 17,4 et 10,6, dont le rapport est 1.6. C'est ainsi qu'ont élé calculés tous les nombres de la DOSAGE DES ACIDES VOLATILS. 277 sixième colonne. Il est clair qu'ils n’ont pas tous le même degré de préci- sion. Les courbes dont ils proviennent se séparent au départ, au point 0, et se rejoignent à l’arrivée, au point 100. Au voisinage de ces deux points, elles sont peu distantes, et la moindre erreur dans le tracé de la courbe intermédiaire, c'est-à-dire une ou deux gouttes en plus d'eau de chaux ajoutées en plus ou en moins, modifient sensiblement les résullats. C'est dans la région où les deux courbes sont les plus distantes que les mesures ont le plus de précision. Dans notre cas, ce sont évidemment les chiffres allant de la 3° à la 8e prise qui sont les mieux établis. On voit qu'ils donnent approximativement le même chiffre 4,6 pour le rapport de l'acide acétique à l'acide butyrique. Il y avait donc, dans le liquide soumis à la distillation, 16 molécules d'acide acétique contre 10 d’acide butyrique. Le tableau de la p. 267 nous montre que, sur les 16 molécules d'acide acétique, il en est passé 16 >< 0,80 — 12,8 dans le liquide distillé. Il est de mème passé 10 X0,975—9,7 molécules d'acide butyrique à la distillation. Il y avait donc dans ce liquide 12,8 molécules d'acide acétique et9,7 molécules d'acide butyrique, soit en tout22,5 molécules. Or 100 c. c. de ce liquide exigeaient, nous l'avons vu, 94,6 c. c. d’eau de chaux. Les 12,8/22,5 de cette eau de chaux correspondaient donc à de l'acide acétique; les 10,2/22,5 à de l'acide butyrique. Le calcul donne 53,8 c. c. pour l'acide acétique et 40,8 c. c. pour l'acide butyrique; cette eau titrant 20,8 c. c., on trouvait dans ce liquide distillé 155 milligrammes d'acide acéti- que et 172 milligrammes d'acide butyrique, soit, pour les 110 €. ce. du liquide soumis à la distillation, 155/0,80 — 05193 d'acide acétique et 172/0,975 = 05,177 d'acide butyrique. Ces calculs, qui semblent compliqués, vont très vite quand on les a bien saisis et qu'on y est habitué. Ce qui est de beaucoup le plus long, ce sont les tätonnements et les calculs relatifs à la proportion des acides mélangés. Mais on peut les simplifier notablement par l'emploi des tables suivantes, qui donnent la marche de la distillation pour des mélanges divers des acides les plus fréquemment rencontrés dans les fermentations. On ne s’est astreint, pour tous ces mélanges, qu’à calculer les rapports pour la région dans laquelle les courbes s'écartent le plus, et où les mesures sont les plus précises. Cette région est variable d’un mélange à l’autre, etindiquée parle volume des prises pour lesquelles elle commence et elle finit. Voici quels sont, dans ceslimites, pour Les mélanges d'acides dont les proportions sont indiquées dans la première colonne, les rapports de distillation qu’on peut déduire des nombres de la p. 269. 278 h# # ANNALES DEu%L’INSTITUT PASTEUR. ä MÉLANGES D'ACIDE Acide valérianique pur D3.0 Vale ac Me 2 20 a. 10 oœ Le] F (is TO) Te 48.8 1 RES #7.6 111 an 0) 7 1 45.4 10 00430 1,— 40.4 AS L'STAN DURE 27.8 DO — 24.6 HOT S DRE CN MAIE Un f0) # TOME 45.6 Acide Acélique pur 15.2 MÉLANGES D'ACIDE BUTYRIQU . o0 Acide Butyrique pur 47.9 10 ac. But. lac. Ac) 4553 5 — 1 — 43.5 n _— 1 — 42.6 34 — 1 — : 41.5 2 — LL — 39% 1 — PO — 35.2 1 — 2 €. 31.4 1 — 3 — 29.4 1, — K: — 28:2 1 — 5 — 27.4 1 - — 10 — 25.6 Acide Propionique pur 9 Prop eat ACER 3 5 ac. mn + ne es pen © LE x MÉLANGES D'ACIDE PROPIONIQUE ET D'ACIDE ACÉTIQUE — nee € a Hs 1H O2 CO CO © co O6 EN C0 RO = = re = Le) NG © 1 © 1g (TA CS VALÉRIANIQUE ET D'ACIDE ACÉTIQUE 30 69. 67. GDF 64. 62. 61. 60. DS. D4 46. 98. 34. IE 30. 28.: 27. 25. 23. & = © © © (erd nu = O CO Où © æ OO à & 40 60. EC OO = QE 1 En _ . _ 40 46: 43 43. 42. 44. 39. 36. 39. 34. 34. CIE = OO À © = 2 40 S1. 78. 76. 74. WA: 72 71. 68 04. 26. 48. E ET -D'ACIDE ACGÉTIQUE © © I © 19 —. —— © à SE Oo L] D © + 00 50 70. 67. 6. 64. 63. 60. 6 9 30 )6. D4.2 D3. " 62. 50 88.5 80 84. 83. s1. 80. 19. 76. 70. 64. D6. 92 50. 48. 47 46. 45. 43. 40, 1 19 19 Lo © mn Pam — © = IN IN =1 © à © O0 I = OO 60 79.5 76. 74. 19 72 69. 65. © © # Qt Ce © C9 CO 1 NO © © KO er © # # DO (y Co [ES 00 66. 64. 63. 61. DS D4. D3. Re ). N 1 © © © CL Où à © “I 70 86. 84. 82. 83. 80. 78. Te 69. 67. 66. 65. 63. 70 76. 13. [er 162 À ‘ Apte = 12 ‘TA 68 66. 64. (ER 63. Ye O7 À © Où mi = 9 CO oo urk © © N D — S © E 1 19 Ro CE N = — DOSAGE DES ACIDES VOLATILS. À 279 È MÉLANGES D'ACIDE VALÉRIANIQUE ET D’ACIDE BUTYRIQUE 10 20 30 40 50 OU C. CC. . CL . A € 5» we à » ro > ny Le Acide Valérianique pur 30. 3.0 69.5 81.0 S8.2 93.5 — 40 ac. Val. : 1 ac. But. 29. DIF 67.9 OPA 86.9 922. — 5 5 Ho He 288 49.8 65.8 rire) 85.5 DIPDLEE Hate 1142692729 49.1 #8 65.1 76.8 84.9 JO SR ARE 07.3 48 .1 64.0 TDES 84.0 90.0 — 2 — Fret TP 46,5 62.9 74.0 82.5 Sa 1 — | TE 24.1 13.3 28.5 10.5 79.5 So 1 — Q" > 21:9 49.1 D4.8 67.0 76.6 84.2 — LH SDS 38.4 52.8 65.2 75.1 83.0 = 4 — 20, 909 01.5 51.9 64.9 74.9 82.2 — { —— ON — 19.8 au 0 51,2 63.9 7540 8118 — 4 — 10 — 18.8 3.4 49.5 61.8 TA s0.8 — Acide Buatyrique pur 147.6 33.6 47.5 650.9 10:6 795 MÉLANGES D'ACIDE VALÉRIANIQUE ET D'ACIDE PROPIONIQUE 20 30 {0 0 o0 AO C:,C. Acide Valérianique pur 53.0 69.5 81.0 88.5 93.3 96.5 — 1O ae. Val. : À ae. Prop. 50.4 66.4 HS 85.0 94.0 94.6 — 5 — lu 63.8 19.2 83.2 89.0 99.2. — 4 — 1 M 70) 62.6 74.0 82.9 88.1 92.4 — 3 _ 1 SN V7 60.9 TPS 80.6 86.8 91.4 — Dre Si, GNET MER PRE 58.1 69.4 Fire) 84.6 89.7 — 95 Do 68 64 TOUL (80. Let 8613 € 1 _- DIU = ef 39° 46.7 51.8 66.7 75.6 83.0 — il = Sy ME OH 43.8 54.8 64.7 73.4 81.3 — 1 _ APR IONES 49 ,1 DD 63.2 724 802 — il _ DRE SAS 41.0 52.0 62.1 71.0 TOUGE | — 111) 26.6 38.4 48 .4 59.7 69,1 rot (= se co © « Co Acide Propionique pur + 24. 46.2 6.8 66.7 76.2 — MÉLANGES D'ACIDE BUTYRIQUE ET D'ACIDE PROPIONIQUE La À 20 J0 +0 D0 60 10cCTeE: » Acide Butyrique pur 33.6 47.5 60.0 70.6 19.5 bo 8 ac. But. : À ac. Prop. 32.5 46.1 58.511 26974 78.4 Soi 4 — HA "49417 45.0 51.2 67.8 A 0 S4.,4 — 3 — des 91:.2 44.4 56.5 67.1 76.5 83.9 — 2 — 1 — 30.4 43.4 DD .4 66.0 75.1 83.3 — 1 — 1 — 28.8 4L.4 53.1 (Dr 73.1 81.3 — l — 2e —.: 27,2 39.4 50.8 61.2 71.0 19.6 — 1 —— 3: — " 26.6 38.3 49.6 60.2 69.9 78.8 — PAS AM 1 9). 9 97.7 49.0 59.5 69.2 78.2 — il — 8% — ; 25.0 SD 47.7 DS. 68.1 71.3 — Acide Propionique pur 24.0 39.9 46.2 DOS 66.7 76.2 — 280 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Ces tables facilitent singulièrement le travail. Une fois calculée la série des rapports centésimaux pour la fermentation soumise à l'étude, on est averti tout de suite, quand on à un peu d'habitude, soit par la marche des nombres, soit par l'odeur des premières ou des dernières prises, des acides auxquels on a affaire, et on contrôle cette première indication en cherchant sur les tables si la marche des nombres trouvés par l'expérience coïncide avec une des séries calculées. Cette coïncidence n'est naturellement jamais parfaite : les incertitudes de la méthode des distillations, les irrégularités inévitables dans la mesure des prises et dans les dosages ne le permettent pas. Il faut se déclarer satisfait quand la coïncidence a lieu à 1 ou 2 unités du dernier chiffre près, en plus ou en moins. Quand la série trouvée se confond avec ce degré d’approximation avec une des séries du tableau, ce tableau indique de suite la nature et la proportion des acides mélangés. Il arrivera plus souvent que la série se maintiendra entre 2 séries consécutives du tableau, tantôt à égale distance des deux, tantôt plus près de l’une que de l’autre. On pourra alors juger le plus souvent, rien que par un calcul _ mental, du rapport des deux acides dans le mélange. Ainsi, dans l'exemple cité plus haut (p. 276), la série , 92,7 49.6 92.1 60.6 70.4 79.6 se tient évidemment entre les deux séries de la 8° et de la 9° ligne du tableau relatif aux mélanges d'acide butyrique et d'acide acétique, c’est-à-dire qu'il y avait dans le liquide dis- tillé entre 4 et 2 d'acide acétique pour 1 d'acide butyrique; on voit aussi que les chiffres de l'expérience sont en général un peu inférieurs à la moyenne entre les séries du tableau, mais de peu. On peut donc admettre qu'il y avait un peusplus d'acide acétique que la moyenne entre 1 et 2, soit 1,6 d'acide acétique contre À d'acide butyrique. C’est précisément Ce que nous avons trouvé plus péniblement, mais avec plus de sécurité, dans le calcul détaillé que nous avons fait plus haut. J'espère avoir ainsi rendu plus pratique l'étude des acides volatils d'une fermentation. Je réserve pour un prochain mémoire ce qui est relatif à l'étude des alcools. —— REVUES ET ANALYSES PESPAMES STÉRILISES REVUE CRITIQUE L'histoire des laits pasteurisés ou stérilisés est singulière. Ce qu'on a tout d’abord demandé au chauffage, c’est d’être un moyen de conser- vation, On s’est avisé ensuite qu’il pouvait être un moyen de préser- vation contre les maladies auxquelles le lait peut servir de véhicule, soit que les germes en proviennent de la vache, comme pour la tuber- culose, la cocotte, le piétin, soit que ces germes proviennent de ce baptème auquel les laits échappent si difficilement, comme pour le choléra, la fièvre typhoïde, la scarlatine, etc. C’est en raison de ce dernier avantage qu’on a surtout recommandé le lait chauffé pour la nourriture des enfants, et on a découvert alors, avec quelque surprise, que l’usage de ce lait était très salutaire, surtout pour les enfants nourris au biberon, et que non seulement il les préservait de ces troubles de l'intestin si fréquents à cet âge, mais que souvent il suffi- sait à faire disparaître des diarrhées rebelles, et devenait une sorte de médicament. ’ L'opinion des accoucheurs et des médecins d'enfants semble faite à ce sujet. Elle n’est pourtant pas unanime. Les uns contestent en bloc les heureux résultats de l'emploi du lait stérilisé en s'appuyant sur les données de la statistique. Pauvre statistique! que ne lui fait-on pas dire! Mais elle est bonne fille, et répète tout ce qu’on veut. Il paraît donc, au dire de ces statisticiens, que le nombre de décès infantiles n'a pas diminué depuis l'emploi de plus en plus large du lait pasteurisé dans les maternités et dans le public. Que répondre à un argument pareil? De ce que le niveau d’une rivière ne baisse pas, malgré une saignée par laquelle on voit couler de l'eau, faut-il conciure que la saignée ne sert à rien? Non, évidemment, mais seulement qu'il arrive plus d’eau, ou que l'échelle des niveaux est flottante, bref, tout ce qu’on voudra, sauf qu’il ne coule pas d'eau dans le canal où on la voit couler. D’autres opposants, en arguant de quelques insuccès (car le lait stérilisé n’est pas la panacéé universelle), soutiennent que la faute en est à la méthode, à la confiance imméritée qu’elle inspire au public. Ce reproche est plus sérieux, et comme il a été fait avec quelque viva- cité par M. C. Flügge dans un travail récent, nous allons le discuter. ++ ” ro GO 19 = ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. “ j * » Examinons d'abord les reproches pratiques faits à la stérilisation: Il est certain que, comme le dit M. Flügge ‘, elle est souvent mal faite, et que des flacons vendus comme stériles renferment parfois un liquide qui n’est même plus du lait, tant il a été transformé par les infiniment petits qui s'y sont implantés. Pour bien comprendre comment cette transformation peut se faire sans devenir tout de suite apparente à l'œil, il faut revenir sur quelques notions relatives à l’action des ferments sur la caséine. Lorsque du lait se caille, c’est presque toujours sous l'influence de ferments lactiques dont les germes ont été empruntés au trayon de la vache ou aux vases qui servent à la traites Ces ferments ont une avance notable sur ceux de la caséine, dont ils rendent du reste le développement difficile par l'acidité qu'ils communiquent à la masse, si bien qu’ils prennent d'ordinaire possession à peu près exclusive du terrain. L’acide lactique provenant de la transformation du sucre de lait augmente, et, quand il à atteint une certaine proportion, d'autant plus faible que la température est plus haute, la caséine se précipite: c’est une précipitation d'ordre chimique, tout à fait analogue à celle qu’on obtiendrait en versant dans le lait une dose suffisante d'un acide quelconque. Son caractère essentiel est de s’accomplir en liquide acide. C'est M. Pasteur qui a vu nettement le premier, dans ses recherches Sur la génération spontanée, que du lait pouvait aussi se coaguler en restant neutre, sous l'influence des ferments : il a observé ce fait dans des échantillons de lait qui avaient été soumis à l'ébullition à 100°, et qui, contrairement à d’autres liquides traités demême, n'avaient pu être débarrassés par là des microbes qu'ils contenaient. Restait à trouver l'explication de ce fait. C’est ce que je crois avoir réalisé *, en mon- trant qu'il y avait des ferments de la caséine capables de sécréter une présure tout à fait identique à celle qu’on trouve dans l'estomac des jeunes mammifères en lactation, et qui sert, de temps immémo- rial, à coaguler le lait pour la fabrication des fromages. C’étaient des ferments de cet ordre qui étaient intervenus dans les essais de M. Pasteur, et si on ne les avait pas plus souvent observés, si M. Pas- teur ne les avait rencontrés que dans du lait bouilli au préalable, c’est que, d'ordinaire, ils sont annihilés par les ferments lactiques, mais que, pourtant, ils sont plus résistants qu’eux à la chaleur, de sorte qu'ils peuvent supporter l’ébullition qui tue sûrement leurs compéti- teurs, et leur laisse alors le champ libre. 4. Zeitschr. f. Hyg., t. XNII, 1894, p. 272. 2. Annales agronomiques, 1881. REVUES ET ANALYSES. 285 Ce n’est pas tout, et c’est ici que nous allons retrouver la cause de quelques-uns des défauts reprochés à la stérilisation. J’ai vu que ces ferments de la caséine ne se bornent pas à la sécrétion d’une présure coagulante. [ls sécrètent tous, en plus ou moins grande abon- dance, une seconde diastase antagoniste de la première, chargée de redissoudre le coagulum que celle-ci a formé. Quand cette seconde diastase a terminé son travail, le lait est redevenu liquide, et la coagu- lation passagère qu’il a subie peut même avoir passé inaperçue, tant elle a été légère. Agité et blanchi par l’égale répartition des globules gras, ce lait est opaque, un peu moins que du lait naturel. Abandonné au repos, sa crème remonte, et on s'aperçoit alors que le liquide sous-jacent n’a plus la blancheur ni l'opacité du lait écrèmé : il est trouble, de transparence cornée. Mais si on n'y regarde pas de près, la différence avec le lait naturel est faible, diminue encore si on agite, et c'est ainsi qu’on a pu considérer comme sains des échantillonsde lait vendu comme stérilisé, et pourtant envahi par les ferments de la caséine, parce que ce lait était liquide, et que son changement de couleur pouvait être mis sur le compte du brunissement que ces laits subissent plus ou moins pendant la stérilisation, suivant la dose de sels alcalins qu’ils contiennent. Siles apparences ont peu changé, la transformation subie n’en est pas moins profonde. Dans le laït, la caséine, on le sait’, n’est pas en solution véritable; elle esi en suspension, et forme avec le sérum une sorte d’émulsion stable, dont les éléments sont assez fins pour passer au travers des pores d’un filtre de papier, mais sont {trop gros pour tra- verser un filtre en porcelaine. Quand la seconde diastase a agi, la malière albuminoïde est entrée en solution complète, filtrable au travers de la porcelaine dégourdie. Mais elle n’est pas restée tout entière à l’état de matière burinoile, Une portion a été décomposée par les microbes et a donné la série de produits de dégradation de la caséine, qui aboutit au carbonate d’ammoniaque en passant par la tyrosine, la leucine, les sels ammoniacaux à acides gras. Le goût du lait est donc transformé, et s’est rapproché de celui du fromage. Maisil l’est parfois assez peu pour que M. Bernstein? ait pu récemment propo- ser de faire une « boisson » avec ce lait transformé par les microbes ferments de la caséine, car ce sont leurs propriétés déjà connues que Bernstein utilise exclusivement, et sa « pepton-bactérie » est un membre peut-être nouveau, peut-être déjà connu, de la tribu des ferments produisant à la fois les deux diastases dont je viens de parler, la présure coagulante, et la caséase dissolvant le coagulum formé. 4. Annales agronomiques, 1881. V. aussi mon livre : Le lait, 1887. Paris, Baillière. 2. Milch-Zeitung, A8%, n° 6. 284 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Je ne suis d'accord ni avec lui, ni avec Flugge, ni avec les savants allemands qui font une peptone de cette caséine redissoute et filtrable au travers de la porcelaine. Je sais bien que le mot de peptone est une sorte de vêtement élastique et commode, dont on peut se servir pour couvrir toute espèce de mannequins. Mais il n’en garde pas moins sa marque d'origine. La peptone a été longtemps le produit de l’action de la pepsine, c'est-à-dire d’une diastase digestive agissant en liqueur acide. La seconde diastase du lait, la caséase, agit au contraire en milieu neutre ou alcalin, et reste inerte en liqueur acide. Pourquoi identifier, en arguant de ce qu’on ne sait pas les distinguer, les produits de l’action de deux diastases que leurs conditions d'action nous montrent si différentes? Cela ne m'a pas paru possible, et j’ai appelé caséones les produits de l’action de la caséase. | Il La question hygiénique qui se pose est maintenant de savoir auxquels de ses microbes le lait doit les défauts qu’on lui trouve par- fois dans l'alimentation des enfants, surtout des nouveau-nés. Car personne, ou presque personne ne doute plus que ces diarrhées plus ou moins persistantes qu'on observe chez les enfants nourris au biberon ne soient exclusivement une question de microbes. Elles sont beaucoup plus rares chez les enfants nourris au sein. On les observe surtout en été, plus rarement en hiver. Elles sont plus abondantes à la ville qu’à la campagne, et augmentent à mesure des difficultés qu'il y a à se procurer du lait récemment trait. L’expérience des médecins leur a appris depuis longtemps que ces diarrhées s’amendent et disparais- sent avec l'emploi du lait bouilli. Enfin, dans les Maternités, elles sont devenues beaucoup plus rares depuis qu’on y fait exclusivement usage du lait pasteurisé ou stérilisé. Voilà bien des arguments probants, et la cause semble entendue. Mais les difficultés commencent quand il s’agit de savoir quels sont les microbes redoutables pour les enfants en bas âge, les ferments du sucre de lait qui rendent le liquide acide, ou ceux de la caséine, qui le rendent alcalin. J’ai toujours pensé, et Je pense encore, que ce sont les premiers. Mes raisons sont les suivantes. L'expérience apprend qu’il suffit, pour rendre inoffensif un lait destiné à l'alimentation, de le pasteuriser, c’est-à-dire de le chauffer à 70-759, température à laquelle les ferments lactiques sont tués *, mais à laquelle résistent fort bien non seulement les spores d'un grand nombre de ferments de la caséine, mais les 4. Kavser. Etudes sur la fermentation lactique. Annales, t. NII, p. 737. REVUES ET. ANALYSES. 285) _bacilles eux-mêmes. De même, du lait fraichement trait est d'ordinaire inoffensif au point de vue des affections du tube digestif. Il contient pourtant un grand nombre de microbes quand il provient de la vache: il en contient aussi quand il est puisé directement au sein d’une nour- rice, ainsi que l’ont vu M. Honigmann en 1893, et tout récemment M. Charrin”. Par contre, un lait conservé sans précautions et devenu acide n’est que difficilement toléré, même par l’estomac des adultes, et doit être encore plus fâcheux dans l’estomac du nouveau-né. Enfin, les ferments de la caséine, auxquels il faut bien s'adresser si on met hors de cause ceux du sucre de lait, sont présents partout, dans la terre, les eaux, dans toutes les déjections des enfants et des grandes personnes : leur caractère banal est des plus accusés, et on ne voit pas pourquoi ils seraient, dans les mêmes condilions apparentes, tantôt si méchants et tantôt si apprivoisés. M. C. Flugge est là-dessus d’un avis tout à fait opposé, et voici quel est son raisonnement : « Les désordres intestinaux des enfants dépendent tellement de la température, dit-il (/. e., p. 287), qu'il faut surtout viser les bactéries du lait qui se développent infiniment mieux aux températures élevées, entre 25 et 30°, qu'aux températures plus basses (18 à 20°). On doit aussi faire attention qu’en général le lait des nourrissons, même dans la population pauvre, est toujours bouilli avant l'emploi : cette ébullition le porte toujours pendant quelques ins- tants à 90-950. Elle tue un grand nombre d'espèces de bactéries, et ce sont seulement les survivantes qu'il faut étudier de plus près uIlNest vraisemblable que toutes ne sont pas également dangereuses: celles qui déterminent une décomposition facilement visible, avee coagula- tion de la caséine, dégagement gazeux, etc., doivent se trouver plus rarement en grand nombre dans le lait du nourrisson que celles qui, même en se développant beaucoup, changent peu son aspect extérieur et ne manifestent pas leur présence. » C’est mettre hors de cause les ferments lactiques, et accuser les ferments de la caséine. 'Jene peux m'empêcher de trouver ces raisons singulières. Est-ce que les ferments lactiques redoutent plus les hautes températures que ceux de la caséine? Hueppe avait indiqué 35 à 42° pour leur tempéra- ture optima, Liebig 30 à 35°, Mayer 30 à 40°. Plus récemment, M. Kayser (/. c., p. 742) a trouvé que cette température optima était variable d’une espèce à l’autre, mais qu'elle était toujours voisine de 30°. Quant à l'argument tiré de l’ébullition préalable du lait, il serait bien étonnant que cette température de 90 à 95° commande définitivement la nature des germes qui se développeront, car le sort ultérieur de ce 4. HoxiGmaxx. Zeitschr. f. Hygq.,t. XIV. 2. Cuarrix. Soc. de Biol., 2 février 1895, 286 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. lait chauffé dépend évidemment, surtout, du degré de propreté des biberons ou des vases dans lesquels on le transvase après l’avoir fait bouillir, et c'est précisément pour éviter les incertitudes de cet ordre queles pratiques nouvelles recommandent de se servir, comme biberon, du vase dans lequel le lait a été stérilisé. Il n’est du reste pas besoin d'alléguer des raisons de l’ordre scienti- fique. M. Flugge connaît-il en Allemagne beaucoup de cas dans lequel le lait conservé dans les ménages, pendant les chaleurs, et après avoir été bouilli, se caille autrement qu’en devenant acide, c’est-à-dire sous l'influence de ces ferments lactiques qu'il eroit avoir éliminés par son raisonnement ? S'il y a beaucoup de faits pareils, c’est que les choses se passent tout autrement qu'en France, où, sur 100 laits bouillis qui se caillent, dans la cuisine ou dans l'office, il n’y en a peut-être pas un qui ne subisse la coagulation acide. Quoi qu’il en soit, M. Flugge considère comme pégligeables, dans la production des désordres de l'intestin, les espèces mourant avant 90-95° (ferments lactiques, Proteus, diverses espèces du B. coh), etn’a 4 plus alors devant lui que des espèces qu'il divise en 2 groupes : celui des anaérobies absolus, et celui des aérobies ou des anaérobies facul- tatifs, comprenant les bacilles du foin, de la pomme de terre, etc. C’est ce qu’il appelle le groupe des bactéries peptonisantes : c'est ce que j'avais appelé le ‘groupe des ferments aérobies de la caséine. Je suis d'accord avec M. Flugge sur le peu d’importance des ferments anaérobies. Il m'est passé dans les mains bien des échan- tillons de lait envahi par les microbes, après stérilisation. Je ne me souviens pas d'en avoir rencontré de putrides, ou de saturés par les gaz provenant de la vie anaérobie. Il y en avait d’envahis par les mucédinées, un penicillium de préférence, à spores vertes, qui avait pénétré dans le flacon en passant entre le goulot et un bouchon trop grossier, ou fermant mal'. Presque ous contenaient un ou plusieurs des ferments de la caséine. Quelques-uns de ces derniers étaient amers, mais pas tous. J'ai montré _en effet en 1880 (L. c.) que certains de ces ferments produisaient des matières très amères, et Hueppe a con- 41. Je viens d'étudier, précisément à propos de cette Revue, trois flacons de lait stérilisé, que je surveille depuis 5 ans dans mon laboratoire, et qui ont laissé végéter et s’infiltrer, entre le goulot et le bouchon, un penicillium qui s’est développé au-dessous du bouchon, et de là est tombé à la surface de la crème. Il y à formé une sorte decroûte résistante, fructifiée à la surface, et dont le mycé- lium est feutré d’acides gras. Dans ces flacons, le lait s’est coagulé, puis le coagu- lum s’est redissous, et la caséine a évidemment servi d’aliment à la plante, car dans le flacon n° 1, celui qui était le plus avance, il n’en reste plus que quelques flocons muqueux, nageant au milieu d'un liquide,limpide, ayant pris la cou- leur d’un bouillon concentré. Dans le flacon n° 2, où la transformation était moins profonde, les flocons de caséine étaient un peu plus fermes, et la couleur du liquide limpide moins foncée. Dans le flacon n° 5, il y avait encore au bas », ù à RBVUES ET ANALYSES. 287 DJ firmé depuis cette observation. On n’a partant aucune raison d'appeler « bacilles du lait amer » les divers ferments de la caséine. M. Flugge en décrit 12 espèces qu'il ne donne du reste pas comme toutes nouvelles. Mais elles sont toutes également dangereuses en ce que le lait qu’elles ont transformé peut encore passer, lorsqu'on n'y regarde pas de près, pour du lait naturel, alors que la caséine y est deve- nue ce qu’il appelle de la peptone, dont on connaît les effets irri- tants sur l'intestin. En outre, trois de ces microbes peptonisants pro- . . ñ . x . . duisent des toxines, et lorsqu'on fait consommer à de Jeunes chiens du lait qu’elles ont transformé, on voit survenir de violentes diarrhées. Je ne conteste pas que l’alimentation continue et exclusive au moyen de peptones ne puisse irriter l'intestin, et que du lait où cer- taines espèces microbiennes ont épuisé leur action ne soit plus un ali- ment convenable. Il est certain qu'il faut rejeter les flacons ou boîtes de lait qui ne seraient stérilisés que sur l'étiquette, de même qu’on rejette des viandes avariées. Mais la question n'est pas là. Il s’agit de savoir si les microbes dangereux pour l'enfant au biberon sont ces ferments de la caséine, à spores résistantes, obligeant de chauffer le lait, si on veut le rendre inoffensif, à 110 ou 115°, ce qui exige Femploi d’un autoclave, ou bien si ce sont des ferments périssant au-dessous de l’ébullition, et permettant l'emploi du lait bouilli ou seulement pa$- teurisé à 70 ou 75°. C’est à ce point de vue, important à la fois dans la théorie et dansla pratique, qu'il faut discuter lesargumentsdeM. Flugge. Eh bien, là-dessus, je ne saurais encore être de son avis. Des peptones tout à à fait pareilles à celles qu’il accuse se produisent dans l'intestin. J'ai montré que c'était surtout sous l’action du suc pancréatique. De plus, l'intestin est peuplé, comme M. Flugge le reconnait lui-même, d’ espèces pareilles à celles qu’il incrimine. Il y a donc production inces- du flacon un épais coagulum surnagé par un liquide encore un peu louche. Chose singulière, dans aucun de ces flacons le sucre de lait n'avait été attaqué en quantités sensibles. On sait pourtant que le penicilliumle détruit volontiers, au libre contact de Pair. Dansces flacons, où la pénétration de l'oxygène était difficile, c'est aux dépens de la casèéine que la plante a vécu, et la transformation qu’elle a produite a été d’autant plus profonde que le bouchon fermait plus mal. Il y avait dans tous ces flacons un peu d’alcool, environ un millième du volume du liquide. La réaction du liquide était acide, mais cette acidité étant surtout formée par de l'acide butyrique, il y a à supposer qu’elle provenait surtout de la saponifi- cation de la matière grasse, que le penicillium réalise toujours, comme je lai montré. La proportion de la matière grasse saponifiée s'élevait à 40 0/0 pour le flacon n° 1, à 26 0/0 pour le flacon n° 2, à 15 0/0 pour le flacon n° 3. Enfin la proportion de caséine liquifiée et entrée en solution parfaite était environ la moitié de la caséine totale pour les flacons n° 1! et 2, de un sixième pour le flacon n° 5;ce qui revient à dire que pour ce dernier, elle ne s’éloignait pas beaucoup de la proportion qu'on trouve pour les laits frais. C'était aussi le mieux bouché et celui pour lequel la coagulation était la plus récente. Ba säveur du lait transformé m'était amère pour aucun de ces liquides, et se rap- prochait plutôt de celle d’une eau de macération de fromage. * # ® 238 ANNALES DE L'INSTITUT BASTEUR. di sante, dans l'animal ou l'enfant en bonne santé, de ces peptones qu'il dit dangereuses, et si quelquefois il y a des accidents du côté de l’in- testin, c’est que quelque chose d’extérieur est intervenu. En d’autres termes, en présence des milliards de germes, dits peptonisants, qui peuplent l'intestin, on a le droit de croire que les millions de germes analogues que peut apporter le lait normal ou un lait mal stérilisé, perdent toute importance. Il n’en est pas de même pour les ferments lactiques, car dans l’estomac de enfant, le lait est destiné à être coagulé par la présure et non à subir la coagulation acide. En résumé, l'intestin d'un enfant qui digère bien est habitué au contact de ces peptones, qui sont absorbées à mesure qu'elles se for- ment. Assurément la digestion, que l'on a longtemps considérée comme un procès régulier et physiologique, a perdu ce caractère depuis qu'on sait, par mes expériences, qu'eile s'accompagne toujours d’une digestion microbienne, de nature incertaine et variable. Très souvent, elle prend le caractère d'une intoxication temporaire, et le malaise qu’on éprouve en digérant correspond souvent à des irrégula- rités, à des inégalités dans la qualité, dans la quantité, dans la rapidité d'absorption de substances qu'on pourrait appeler toxiques, alors même qu’elles proviennent d’actions purement physiologiques, parce que toute matière qui, temporairement, gène la vie des tissus, est un toxique tant que son action dure. À ce point de vue, l'acide lactique surabondant d’une fermentation lactique est un toxique au même titre peut-être que les peptones d'une fermentation de caséine. Je suis donc d'accord avec M. Flugge sur le mécanisme qui entre en jeu dans les affections intestinales du jeune âge, mais non sur le rouage moteur de ce mécanisme. Je crois que ce sont surtout les ferments lactiques, ou plus généralement les ferments périssant avant 75°, qui entrent er jeu, et que par conséquent l’usage du lait pasteurisé suffit à éviter les accidents, à la condition que l’opé- ration soit bien faite, et lelait employé avant qu'il ait pu se repeupler. Au contraire, la logique de l’opinion de M. Flugge le conduit à pros- crire tout lait non absolument stérilisé. Assurément, il vaudrait mieux, il serait plus sûr, au point de vue de la conservation du lait, de substi- tuer la stérilisation à 115° à la pasteurisation à 75°. Cela vaudrait- il mieux au point de vue des qualités nutritives? C’est une question quin'est pas résolue et que j’examinerai dans une Revue prochaine. Bornons-nous à dire pour le moment que la stérilisation absolue, sans présenter aucun avantage assuré, nécessite des frais de plus, et par là, est moins pratique. Il faut se garder de rendre trop coûteuses les recom- mandations hygiéniques, si on veut que le public les adopte. Il ne faut pas que l’hygiéniste se montre intransigeant. E. Ducraux. ? Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imp. Charaire et Ci*. 9me ANNÉE MAL 1893 | PNo 5 ANNALES L'INSTITUT PASTEUR SUR LES CELLULES BOSINOPHILES Par M. J. SIAWCILLO , (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff, à l'Institut Pasteur.) 7 ge I Ebrlich (1) a donné le nom de cellules granuleuses aux élé- ments cellulaires dont les granulaiions se distinguent chimique- ment des substances albumineuses normales de la cellule. Une petite partie seulement de ces granulations, celles de oraisse, de pigment, nous sont suffisamment connues ; la nature chimique de la plupart des autres nous échappe encore, faute de bonnes méthodes de recherches. Ehrlich, pourtant, a réussi à en faire l'analyse et le diagnostic par des procédés de coloration. Leur propriété de prendre électivement certaines matières colo- rantes permet de les étudier dans des organes différents et chez divers animaux. Ebrlich suppose en outre que quelques-unes de ces granulations se rencontrent seulement dans certains éléments cellulaires, et sont aussi caractéristiques pour eux que le pig- ment pour les cellules pigmentaires, le glycogène pour les cellules cartilagineuses, etc. C'est pourquoi il a proposé de les nommer granulaiions spécifiques. En examinant les granulations spécifiques des corpuscules blancs du sang et des éléments cellulaires des organes desangui- fication de différents vertébrés, Ehrlich ét ses élèves (2) en ont mouse sept espèces, désignées par les lettres de l'alphabet grec, 8, y, 5, etc. La plus caractéristique est la granulation x, quise mon- ee nbôte aux couleurs d’aniline basiques, et prend toutes les PE 4 290 d ANNALES DE. L'INSTITUT PASTEUR. matières colorantes d’aniline acides. Parmi ces dernières, elle semble avoir une sorte d’affinité exclusive pour l’éosine, de sorte qu’elle se teint de cette couleur dans un mélange de couleurs acides où elle latrouve, tandis que les autres éléments pourront se teindre de toutes les autres couleurs qui entrent dans le mélange. Aussi Ehrlich a-t-1l proposé de la nommer granulation cosinophile, et les éléments cellulaires qui la contiennent, cellules cosinophiles (fig. 24, pl. V). Pour étudier le sang etles tissus, Ebrlich fait des préparations sur lamelles qu'il sèthe [à l'air, puis qu'il fixe par la chaleur sèche à 115° ou 130°. Pour découvrir les cellules éosinophiles, ôn colore, d’après Ehrlich et Schwarze (3), avec un mélange colorant contenant de l’aurantia, de l’induline et de l’éosine, dissoutes en certaine proportion dans la glycérine. L’hémoglo- bine des corpuscules rouges du sang prend la couleur orange de l’aurantia, les noyaux des cellules le bleu noir de l’induline, et NE sranules des cellules éosinophiles se teignent du rouge pourpre de l’éosine. En ce qui concerne la forme des granules, ils sont pour la plupart sphériques, plus rarement ovales, et parfois ils offrent l'aspect de petits bâtons arrondis aux deux bouts (cylindro-cris- talloïdes d’Ehrlich). La,distribution des granules dans les cellules est très variée. Les granules des préparations non colorées sont très réfringents, et d’une couleur jaune pâle, ce qui les fait con- fondre fréquemment avec des gouttes de graisse. Dans les pré- parations colorées, la réfringence des granules est également très grande. lis ne sont ne ni par l’eau ni par le bichromate de potasse à 2 0/0, ni par l'acide osmique à 1 0/0, ni par les solu- tions faibles d’autres acides, ni par la glycérine, l’alcool, l’éther, l'alcool amylique, le Libres de carbone, l'huile de girofle, €tc. Au fur à mesure qu’on porte plus haut la température de dessiccation de la préparation, la granulation perd son affinité pour les matières colorantes difficilement diffusibles. Dans le mélange triple d’éosine, d’induline et d’aurantia, les granules, quand la préparation a été peu chauffée, se teignent d’induline : puis, à mesure que la température s'élève, elles prennent d’abord J'éosine et ensuite l’aurantia. La présence de l’eau, l’insolubilité des granules dans Péther, et l'absence de réaction par l'acide osmique, distinguent ces SUR LES CELLULES ÉOSINOPHILES. 291 granulations des globules gras. Semmer et Pouchet (4) les ont identifiées avec l’hémoglobine, mais Ehrlich combat cette opi- nion eñ montrant que ces granules, à l'encontre de l'hémoglobine, ne sont pas solubles dans la glycérine et dans l’eau, où ils ne font que se gonfler ; plus loin, il montre que, dans son mélange, l’'hémoglobine se teint d’aurantia et non d’éosine. Mais il laisse indécise la question de leur nature chimique. Renaut}a émis l'hypothèse (5), et Weiss (6, 7) a prouvé, au moyen des nouvelles réactions microchimiques de l'albumine, proposées d'abord par Reichl et Mikosch (vanilline, cinnamyl- aldéhyde et salicylaldéhyde) que cette granulation est albumi- noïde, et comme elle a l’aspect ferme, résiste à la dissolution et ne se digère pas dans le suc gastrique, Weiss'laf place au nombre des nucléines et des protéïdes. Ebrlich attribue une grande importance aux cellules éosino- philes, qu'il a trouvées très répandues dans le règne animal. Il les a toujours rencontrées chez l'homme et chez les vertébrés étudiés par lui (cobaye, lapin, chien, veau, eheval, pigeon, gTre- nouille, triton, lortue), et en outre dans un stade embryonnaire très précoce du développement. Dans le sang d'un homme bien portant, d'après Ehrlich (8), Gollasch (9), Gabritscheyvsky (10), Ouskoff (11), Hayem (12), Canon (13), etc., la proportion de cellules éosincphiles oscille entre 2 0/0 et 4 0/0 du nombre total des leucocytes. Dans le sang des enfants, la quantité de cellules éosincphiles estconsidérableetconstammentélevée, d’après Rieder (14), Canon (13), Zappert (15). Ehrlich avait déjà remarqué qu’elle augmentait dans lefsang des leucémiques. Fr. Müller, Gollasch (9) et après eux Fink et Gabritschewsky (10, 16) ont trouvé que les crachats des asthmatiques contiennent presque exclusivement des cellules éosinophiles, et que leur quantité dans le sang augmente pendant l'accès. Schmidt en a vu beaucoup dans les mucosités nasales des asthmatiques. Ehrlich en a observé une multitude dans le tissu des polypes du nez, dans lesquels Lewy a vu aussi beaucoup de cristaux de Charcot-Leyden. Comme on retrouve cette coexistence de ces cristaux et de l'augmentation des cel- lules*éosinophiles chez les asthmatiques et les leucémiques, Fr. Müller et Leyden (19) croient à un lien génétique entre ces deux formations. + 292 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Outre ces affections, l'augmentation des cellules éosinophiles dans le sang a été observée dans les psychoses, les névroses fonctionnelles (Neusser) (20), (Zappert) (15), de même que dans la plupart des maladies de peau, aiguës, aussi bien que chroniques. Ainsi Neusser a observé leur augmentation dans le pemphigus, la pellagre et les différentes formes de l’eczéma ; Canon (13) dans le psoriasis, le prurigo et les différentes sortes d'éruptions syphi- litiques; Bieganski (48), Zappert (15), dans la sclérodermie et le lupus. Kotschetkolf (22) a de même observé celte augmentation dans la scarlatine; Dolega (23), Adehoff et Grawitz dans la fièvre intermittente; Neusser (20), Zappert (15) et Noorden (24) dans la néphrite; Weiss (2)et Zappert dans l’ emphysème ; Wieriuzsky (25) dans le scorbut; Janowski ( (26), Posner et Levin (27) dans la blennorrhagie, Krypiakiewicz dans une psychose sexuelle (47). Zappert a, au contraire, observé la diminution du nombre des cellules éosinophiles dans la plupart des maladies infectieuses (pneumonie, croupose, septicémie, érysipèle, fièvre intermit- tente, rhumatisme articulaireÿ maladies éruptives aiguës, etc.), lorsque la chaleur augmente : mais dès que la température tombe, la quantité des cellules éosinophiles devient souvent plus grande que dans l’état normal. Botkin (28) a vu que la quantité des cellules éosinophiles diminue à l’acmé de la réaction de la tuberculine, pour dépasser ensuite la normale (Zappert) (15) (et Tschistowitch) (29). Ebrlich (30) suppose que la quantité de leucocytes éosinophiles diminue à chaque leucocytose aiguë, ce qui, d’après lui, peut servir pour le diagnostic différentiel entre la leucocytose et la forme initiale de la leucémie. En outre, la diminution de la quantité de cellules éosinophiles a été observée pendant la phtisie sans fièvre et les tumeurs malignes (Zappert) (15). Pendant l’agonie, la quantité de cellules Fo ophile est con- sidérablement diminuée : quelquefois elles sont complètement absentes du sang. Pendant l’anémie et la chlorose, il y a des cas où leur quantité augmente, d’autres dans lesquels elle diminue. Neusser (20) a provoqué, par, la voie expérimentale, Faug- mentation de cellules éosinophiles èn faisant, dans le sang des animaux, des injections de pilocarpine, de tuberculine, de nucléine et de préparations de fer. Kourloff (31) a remarqué que # +. _ # SUR LES CELLULES ÉOSINOPHILES. 293 la quantité de cellules éosinophiles dans le sang des animaux augmente un an après l'opération de l’excision de Ja rate. D’ après Ebrlich, le point de formation des cellules éosinophiles se trouve chez les mammifères dans la moelle des os, d’où elles se répandent dans le système circulatoire, et de là émigrent dans les divers exsudats ou dans le réseau des tissus. Il est arrivé à cette conclusion en se basant sur ce que, de tous les organes étudiés, c’est dans la moelle des os qu'il a trouvé le plus de cellules éosinophiles. Indépendamment de la moelle des os, ilen a toujours trouvé (chez la grenouille) dans les tissus conjonctifs de tous les organes, à l’exception des tendons et de la cornée. C’est pourquoi il les fait volontiers dériver de la transformation des cellules du tissu conjonctif. Chez l’homme également, outre la moelle des os, ces cellules ont été trouvées dans le tissu interstitiel des divers organes, glandes lymphatiques (Hoyer) (32), réseau desvillosités intestinales (Heidenhain), le thymus (Schaffer). E. Soldmann (34) et Kanter (35) en ont trouvé beaucoup dans le tissu du lymphome malin. Du reste, Heidenhain (32) ne reconnaît pas définitive- ent comme cellules éosinophiles celles qu’il a étudiées dans le réseau des villosités intestinales. [l est intéressant que, chez les animaux à jeun, la quantité de ces cellules dans ces villosités est moindre que chez les animaux rassasiés. Jadassohn a observé pendant la réaction de la tuberculine une augmentation consi- dérable des cellules éosinophiles dans le tissu dela peau affectée de lupus. Comme elles sont parfois très nombreuses dans le réseau de quelques organes et dans quelques excrétions (par exemple dans les crachats des asthmatiques), tandis qu'il y en à relativement peu dans le sang, quelques auteurs pensent que ces cellules ne se forment pas exclusivement dans J& moelle des Ôs, mais aussi dans le réseau et les glandes de certains organes, dans la peau (Neusser), dans le poumon (Weiss, Leyden). . Au sujet de la provenance de la granulation éosinophile, il existe deux opinions principales : Le re (36) en fait une partie de cellule dégénérée saisie par les leutocytes au moyen de la phagocytose. Ehrlich (1), ainsi que la plupart des autres savants, pense que la granulation est un produit de l’action sécrétoire des cellules elles-mêmes. Quelques auteurs (Max Schultre, Zappert) (15) s’en tiennent à l'opinion que la granula- 294 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. # tion éosinophile est un stade ultérieur du développement de la granulation neutrophile à granules plus fins. Ils se basent sur ce qu'entre les deux espèces de granulations, il y a des formes transitoires. Les leucocytes éosinophiles sont mobiles, comme les autres leucocytes, mais cette mobilité est beaucoup moindre (Hayem) (12) (Tschlenoff) (37) que celle des leucocytes neutro- philes; dans la phagocytose, à l'encontre de ceux-ci, leur rôle est très réduit (Dolega) (23). Les cellules éosinophiles se divisent par karyokinèse (Fr. Müller) (38). Quant au rôle de leucocytes éosisophiles dans l'organisme, les savants différent d'opinion; Altmann ‘ leur donne un rôle dans le processus d’oxydation de l'organisme et leur attribue le nom d’ozonophores. Fromann suppose que les granulations grosses et menues qui se rencontrent dans les leucocvtes de l'hémo- lymphe des écrevisses, servent à la construction du novau; c’est pourquoi il est d'avis que ces granulations contiennent de la nucléine modifiée. Wagner et Cattaneo émettent l'hypothèse que la grosse granulation, qui se rencontre dans les Jeucocytes des animaux inférieurs et qui, d’après Lüwit (40), a beaucoup de points com- muns avec la granulation éosinophile chez les vertébrés, est un ferment qui sert à l'assimilation des substances albumineuses indigestes. Wagner suppose que ces cellules sont nécessaires à la nutrition et la formation des différentes cellules des tissus. Enfin, dans ces derniers temps, les savants anglais Hankin et Kanth2ck ont proposé une théorie, d’après laquelle la granu- lation éosinophile sert à la formation des alexines, qui donnent au sérum du sang ses facultés bactéricides. Il Mes recherches sur les cellules éosinophiles ont porté sur les poissons, dont le sang n'avait pas encore été étudié à ce sujet, et, sur le conseil de M. Metchnikot}, je me suis proposé de résoudre les questions suivantes : 4° les poissons ont-ils dans leur sang des cellules éosinophiles? 2° s'ils en ont, quel est chez eux le lieu de formation de ces cellules? 3° quelle est la composition chimique de leurs granules? 4° quelle est l'influence 1. Cité d’après Ebrlich (2). SUR LES CELLULES ÉOSINOPHILES. 295 du jeùne sur leur quantité dans le sang? 5° que vaut l'hypothèse de Hankin et de Kanthack? J'ai étudié le sang de trois espèces de poissons : Gobio fluviatilis (goujon), Cobitis fussilis (oche de Russie) et Raya den- ticulala (raie). | ; Pour les études, le sang était fixé sur les lamelles tantôt par la chaleur, comme dans le procédé d’Ehrlich : en d’autres cas, d’après le procédé de Nikiforoff (43), c'est-à-dire, dans un mélange d'alcool absolu avec l’éther. Ces deux méthodes ont donné une coloration égale, mais comme le mélange d'alcool et d’éther pouvait influencer les réactions microchimiques que je voulais faire, j'ai employé de préférence la méthode d'Ehrlich. Je colorais, soit par le mélange triple d'Ehrlich et Schwarze (2) soit par le procédé de Khenzinsky, c’est-à-dire en trempant deux minutes dans une solution à 10°/, d’éosine dans l’al- cool à 60° G. L. et ensuite, après lavage à l’eau, dans la solution aqueuse saturée de bleu de méthylène pendant près de trois minutes. Les dessins annexés au présent travail représen- tent des préparations colorées d’après la dernière méthode. Chez la loche, je n’ai pas trouvé dans les leucocytes la grosse granulation, qui correspond à la granulation éosinophile des autres vertébrés. En revanche l'étude du sang de la raie et du goujon a permis de constater la présence dans leur sang de très intéressantes cellules à gros granules. Arrêtons-nous d'abord sur le sang de la raie. Tous les élé- ments du sang de ce poisson sont très gros, et le plus long dia- mètre de leurs corpuscules rouges ‘ est presque trois fois plus grand que celui des globules du sang de l’homme. Les cellules éosinophiles, qui sont très nombreuses, ainsi que leurs granules, sont également très grandes, et le diamètre d’un granule égale presque la moitié du diamètre des corpuscules rouges du sang de l’homme. Cette granulation, dans toutes ses réactions, cor- respond à la granulation éosinophile des mammifères. Elle ne prend pas les couleurs basiques ni celles qui colorent le noyau, comme l’hématoxyline et le carmin; mais, au contraire, elle s’assimile bien toutes les couleurs acides, parmi lesquelles elle semble avoir une affinité élective avec l’éosine, 1. Voir pl. V. fig. 24 et 25, a, corpuscules rouges; b, cellules à grosses granu- lations. | ; ". \ 1 y 296 $ ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. | "EL. ” + 1 qui lui donne une belle nuance rouge pourpre. Elle est aussi très réfringente, aussi bien lorsqu’elle est colorée que lorsqu'elle ne l’est pas. Sa forme, comme chez les autres animaux, est la plu- part du temps sphérique ou ovale; de plus, ‘dans une même cellule, les granulations Se ressemblent tellement et sont d’une forme si régulière, qu’en les voyant, il semble impossible qu'elles proviennent du dehors et ne soient jpas un produit de l’activité vitale du leucocyte même. Outre ces cellules, on en rencontre encore dans le sang de la raie,'dont le protoplasme est rempli de cristaux de la forme de fines aiguilles *. Ces cristaux se colorent aussi avec de l’éosine, et peut-être y a-t-il entre eux et la granu- lation décrite un certain lien génétique, le même qui existe d’après Müller et Leyden entre les cellules éosinophiles de l'homme et les cristaux de Charcot-Leyden. * La grosseur si considérable de la granulation éosinophile de la raie m'a permis de la soumettre facilement à des réactions microchimiques. Celles-ci ont confirmé l'hypothèse de Weiss (6, 7), que la granulation éosinophile est une substance albunni- noïde. Je n’ai pas fait les réactions avec la vanilline, la cinna- mylaldéhyde et la salicylaldéhyde (les études de Weiss: m'étant encore inconnues); mais j ai essayé les réactions bien connues des matières albuminoïdes. En outre, au lieu d'amener le réactif sur la préparation en le faisant arriver par les bords de la lamelle, ce qui eût amené la coagulation du plasma du sang où se trouvent les cellules éosinophiles, et eùt empèché la pénétration du réactif, je portais directement celui-ci, comme on le fait pour la colora- tion, sur la préparation du sang sur lamelles séchées à l’air. Ce réactif servait en outre de fixateur, comme dans la méthode de Nikiforoff. Je chauffais légèrement les lamelles avec le réactif, et après lavage, séchage à l'air etmontage au baume de*Canada: j'ai vu que les granules se coloraient .par l’acide azotique en jaune passant au jaune orange sous l'influence de la réaction xanthoprotéique ; en rouge parle réactif de Millon; en brun sous l'influence de la solution d’iode et d’iodure de potassium. Les teintes sont assez durables, à l'exception de celle du réactif de Millon. Étant donné que la raie n’a pas de moelle et a beaucoup de cellules éosinophiles, il est difficile d'admettre l'opinion d'Ebr- 1. Voir planche V, fig. 25, c, cellules à granulation cristalline. æ SUR LES CELLULES ÉOSINOPHILES. 297 Lu . lich, que le seul endroit où se forme la granulation éosinophile est la moelle des os. J’ai surtout trouvé DÉS de cellules éosinophiles dans la rate de la raie. . Le goujon m'a aussi présenté des leucocytes à grosses granu- lations très intéressants. Les leucocytes granuleux ‘ de ce poisson sont ovales ou sphériques, et la plupart contiennent un noyau, disposé près de la périphérie. Leur protoplasme contient des granules de différente srandeur, de forme irrégulière, polyé- driques, et disposés de telle façon que la concavité d’une granu- lation correspond à la convexité de sa voisine; il en faut conclure que leur consistance est plus molle que celle du protoplasme lui-même, plus molle en tout cas que celle des granules.éosino- philes des autres animaux, avec lesquels ils ont cela de commun qu'ils prennent non les couleurs basiques, mais seulement les. couleurs acides d’aniline. Avec le mélange-‘triple d'Ehrlich, ils s'assimilent pour la plupart l’induline et non l’éosine; d’ailleurs. parmi les plus grosses granulations, il s’en trouve quelques-unes plus petites et d'une forme plus régulièrement sphérique, qui, dans ce même mélange, se teignent d’éosine. Cette granulation doit avoir beaucoup d’analogie avec la granulation observée par Ranvier (ŒESx et Lüvwit (40) dans les leucocytes des écre- visses. : : Mes recherches sur l'influence du jeûne sur la quantité de cellules CRÉIDLAREE contenues dans le*sang n’ont donné aucun résultat. La raie n’a pu vivre plus de deux ; es audaboratoiré: le goujon n’a pas vécu dans l'aquarium plus d’une semaine. Chez les loches, qui peuvent supporter la faim très longtemps. (j'ai gardé une loche de Russie, sans luisdonner à manger, pendant quatre semaines: une autre pendant cinq semaines, el une aûtre encore pendantdeux mois) ni avant le jeüne, ni après, je n'ai trouvé des leucocytes à grosses granulations. Les expériences que j'ai faites pour vérifier l'hypothèse de Hankin et de Kanthack n’ont pas confirmé leur opinion sur la signification des cellules éosinophiles, comme agents producteurs des alexines. J’ai opéré sur la loche et la raie. Bien que la pre- mière ne contienne pas d'éléments à grosses granulations et, . par conséquent, pas de matériaux permettant la formation des 4. Voir planche V, fig. 26, a, corpuscules rouges; à, cellules granulées. 298 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. alexines, elle a bien supporté l’inoculation du charbon sous la peau, ainsi que dans la région abdominale. Si, quelques heures après l'injection, on extrait de l'endroit de l'inoculation une goutte d'exsudat, et si l’on en fait une prépa- ration colorée par l’éosine et par le bleu de méthylène, on constate que les bactéries ont été saisies par les leucocytes. Toutefois la loche ne supporte l’inoculation que lorsqu'on la maintient dans un aquarium à la température ordinaire; mais si, après l’injec- tion, on la maintient à 28°, elle périt en quelques jours, tandis que les autres poissons de contrôle, et non inoculés, demeurent bien portants. Les cellules éosinophiles, que j'ai trouvées en si grande quan- tité dans le sang de la raie, n’ont évidemment aucun rapport avec les bactéries du charbon, car l'injection de ces bactéries à ces poissons n’entraine aucun changement remarquable dans le nombre et la qualité des cellules éosinophiles dans l’exsudat, pris à l'endroit où a été faite l’inoculation. Après trois heures, six heures, neuf heures, et au bout de vingt-quatre heures après l'injection, je n’ai trouvé aucun changement ni dans le nombre de cellules éosinophiles de l’exsudat, ni dans la quantité et la forme des granules dans les leucocytes. Enfin le charbon ensemencé dans une goutte de sang de la raie, malgré la présence d’une grande quantité de cellules éosino- philes, se multiplie très bien, conserve sa virulence; l'inoculation de la culture est mortelle aux cobayes et aux souris blanches. | Je ne m'arrêterai pas à l'examen critique de la théorie des alexocytes, parce qu'une critique détaillée de cette théorie a été faite par M. Metchnikoff (42). En terminant, je dois exprimer ma reconnaissance cordiale à M. le professeur Metchnikoff, qui a toujours été pour moi un guide attentif et grâce auquel je dois d’avoir pu mener ce travail à bonne fin. BIBLIOGRAPHIE (4) Dr P. Eurucu, Ueber die specifischen Granulationen des Blutes. (Verhand. der phys. Gesellschaft zu Berlin, 1878-79. N° 20.) (2) P. Ennucu, Ueber die Bedeutung der neutrophilen Kérnung. (Charité- Annalen, t. XIII.) SUR LES CELLULES ÉOSINOPHILES. 299 (3) Scawarze, Ueber Eosinophile Zellen. ({naugural Dissertation. Berlin, 1880.) (4) Poucuer, Evolution et structure des noyaux des éléments du sang chez le triton. (Journal de l'anatomie, 1879.) (5) Rexaur, Recherches sur les éléments cellulaires du sang. (Archives de Physiologie, 1881.) (6) J. Weiss, Eine neue mikrochemische Reaction der eosinophile Zellen (Ebrlich). Centralbl. f. d. med. Wissens, 1891.) (7) J. Weiss, Beiträge zur histologischen und mikrochemischen Kenntniss des Blutes. (Mittheil. aus dem Embryol. Institute der K. K. Universität Wien., 1892.) (8) P. Enrucn, Ueber einen Fall von Anämie mit Bemerkungen über regenerative Veränderungen des Knochenmarks. (Charïilé-Annalen, 1888.) (9) GozLascn, Zur Kenntniss des asthmatischen Sputums. (Fortschritte der Medicin., 1889.) (10) GABRITSCHEWSKY, Précis de morphologie normale et pathologique du sang. Moscou, 1891. (11) Ouskorr, Le sang comme tissu. Saïint-Pétersbourg. (12) Havem, Du sang et de ses altérations anatomiques. Paris. 1889. (13) B. Caxox, Ueber Eosinophile Zellen und Mastzellen im Blute Gesun- der und Kranker. (Deut. Med. Woch., 1892.) (14) H. Rieper, Beilräge zur Kenntniss der Leukocytose und verwandter Zustände des Blutes. Leipzig, 1892. (15) J. Zapperr, Ueber das Vorkommen der eosinophilen Zellen im menschlichen Blute. (Zeitschr. f. klin. Med., 1893.) (16: GagrirscHewsky, Ueber die Vermehrung der eosinophilen Zellen im Blute bei Asthma bronchiale. (Archiv. für Exper. Pathol., 1893.) (17) Swierzewsky, Sur les changements morphologiques du sang dans l'asthme bronchial. (Revue médicale russe, 1894.) (18) Lewy, Bert. klin. Wochenschr., 1891, p.,948. (19) Leypen, Bert. klin. Wochenschr., 4891, p. 1059. (20) Neusser, Klinisch-hämatologischen Mittheilungen. (Wiener lin. Woch., 1892.) (21) Eusex ManpyBur, Verkommen und diagnostiche Bedentung der oxyphilen und basophilen Leukociten im Sputum. (Wiener Med. Woch.) (22) Korscaerkôrr, Sur les changements morphologiques du sang dans la scarlatine. (Thèse, Saint-Pétersbourg.) (23) Doceca, Blutbefunde bei Malaria. (Fortschritte der Medicin., 1890.) (24) C. NooRpex, Beiträge zur Pathologie des Asthma bronchiale. (Zeitschr. klin. Med., 1892.) (25) Wreriuzsky, Maladies du sang el leurs méthodes de recherche clinique. Saint-Pétersbuurg. (26) W. Jaxowsky, Beitrag zur Kenntniss der weissen Blutkôrperchen. (Centralbl. f. all. Path., 1892.) (27) Posxer und LewiIN, Farbenanalytischen Untersuchungen über gonor- rhoïschen Eiter. (Dermatologische Zeitschrift, 1894.) 300 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR (28) S. Borkix. Hämatologischen Untersuchungen bei Tuberculininjectio - nen. (Deuts. Med. Woch., 1892.) (29) N. TscmisrowicH, Ueber die morphologischen Veränderungen des Blutes bei den Injectionen der Kochschen Flüssigkeit. (Bert. Klin. Woch., 1891.) (30) P. Enrzicn, Methodologische Beiträge zur Physiologie und Patholo- gie der verschiedenen Formen der Leukocyten. (Zeitschr. f. klin. Med. t. \.) (31) KourLorr, Sur le changement du sang chez les cobayes dératés dans la seconde année après l'opération. (Watch, 1892.) (32) J. Kanrer, Ueber das Vorkommen von eosinophilen Zellen im mali- gnen Lymphom und bei einigen anderen Lymphorüsen-Erkrankungen. (Centralbl. f. Allg. Path., 1894.) (33) R. HerbexaIx, Beiträgezur Histologie und Physiologie der Dünndarm- . schleimhaut. (Pfluger’s Archiv., 1888. Supplement Heft.) (34) J. ScHarrer, Ueber das Vorkommen eosinophiler Zellen in der menschlichen Thymus. (Centralbl. f. d. med. Wissensch., 1891.) (35) E. Gozomanx, Beitrag zu der Lehre von dem malignen Lymphom. (Centralbl. [. allg. Pathol., 1892). (36) TetTrennaMerR, Ueber die Entstehung der acidophilen Leukocytengra- nula aus degenerirender Kernsubstanz. (Anatomischer Anzeiger, J. 1893.) (37) Tscuzenorr, Mouvements amiboïdes des leucocytes du sang en dehors de l’organisme. (Thèse 1893. Moscou.) (38) H. Fr. Muzzer, Ueber Mitose an cosinophile Zellen. {Archiv. f. exper.-Pathol.) (39) BanxwarrH, Untersuchungen über die Milz. Die Milz de Katze. (Archiv. für mikrosk. Anat., 1891.) (40) Lowir, Ueber Neubildung und Beschaffenheit der weissen Blutkür- perchen. (Beitr. 3. pathol. Anat. E. Ziegler, 1891.) (41) Haxin, Ueber den Ursprung und Vorkommen von Alexinen im Organismus. (Centralbl. f[. *Bakt., 1892.) (42) E. Merscanixorr, La théorie des alexocytes. (Ces Annales, 1893.) (43) Nixtrororr, Pelit Traité de technique microscopique. Moscou, 1893. (44) L. Ranvier, Trailé technique d'histologie. Paris. (45) R. R. Limgecx, Grundriss einer klinischen Pathologie des Blutes. (46) J. Aroxsox und P. Pix, Ueber die Anfertigung von Sputumschnit- ten und die Darstellung der eosinophilen Zellen in demselben. (Deut. med. Woch., 1892.) (47) Krvyrraxiewicz, Einige Beobachtungen über das’ Blut der Geistes- kranken. (Wiener med. Woch., 1892.) (48) Brzcarsxi, Ueber die Veränderungen des Blutes unter dem Einfluss von Sÿphilis und pharmakologischen Gaben von Quecksilber-Präparaten. (Archiv. für Dermatologie und Syphilis. J. 1892.) (49) 3. Scarparerri, Ueber die eosinophilen Zellen des Kaninchen-knochen- markes. (Archiv. für mikrosk. Anat. J. 1891.) 24 Tschemodanoff del 25 26 k V Roussel lith. a, “3 LL (x tél r d 4 Jmp. A Lafontaine # Fils Paris. ; L SUR LE MODE DE RESISANIE DES VERTÉBRES INFÉRIEURS AUX INVASIONS MICROBIENNES ARTIMCIELLE CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'IMMUNITE Par M. A. MESNIL, Agrégé de VUniversité, préparateur à l’Institut Pasteur, L'— PLAN DÜ TRAVAIL. On sait où en est arrivée la grande discussion ouverte, au sujet de l’immunité, entre ceux qui l’expliquent par des actions cellulaires, et ceux qui veulent y voir l'effet d'une action atté- nuante ou bactéricide exercée par les humeurs du corps. Dans le courant des débats, ces derniers ont fait des concessions à leurs adversaires, et la théorie esquissée par M. Hankin (16,17) déve- loppée ensuile par MM. Kanthack et Hardy (23), emprunte quelque chose à la fois aux théories humorales et aux théories cellulaires. Elle admet, en effet, que les microbes sont entourés, à leur arrivée dans les tissus, par des cellules leucocytaires éosinophiles d'Ebrlich : les granulations contenues dans ces cellules seraient des glandules microscopiques sécrétant un poison qui tue les microbes, et ceux-ci, postérieurement à cette mort, seraient englobés par les phagocyles ordinaires. C’est au moins ce qui se passe, d'après ces savants, pour la bactéridie charbonneuse ino- culée à la grenouille et au lapin. On voit que cette théorie est, en partie au moins, une théorie cellulaire. Deux catégories de cellules leucocytaires y intervien- nent, l’une pour tuer les bacilles, en rendant toxique pour eux le milieu humoral où ils ont pénétré; l’autre, pour englober les microbes morts, comme elle englobe les matières inertes. Mais on voit aussi que cette théorie diffère de celle de M. Metchnikoff, 302 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. qui dit que les microbes sont absorbés à l’état vivant, et ne sont tués qu’à l'intérieur des phagocytes. Comment, dans une action à laquelle prennent part à la fois des cellules éosinophiles et des leucocytes ordinaires, faire une dissection assez fine pour établir et différencier la part des unes et des autres? [1 m’a paru qu'il y avait un moyen, c'est de s'adresser à une espèce vivante privée de cellules éosinophiles, et de voir comment fonctionne chez elle le mécanisme de résistance à l’action du bacïlle charbonneux. Il y a des poissons réfractaires au charbon et sans cellules éosinophiles : c’est à eux qu'il faut s’adresser tout d’abord.On passera ensuite aux poissons pourvus de cellules éosinophiles, QUE on remontera, en restant toujours parmi les vertébrés inférieurs, à la grenouille, sur laquelle MM. Kanthack et Hardy ont fait leurs expériences. Si le méca- nisme de la résistance est le même partout, il y aura des raisons de croire que les éosinophiles n’y jouent aucun rôle sensible. Sur mon chemin, j'ai rencontré des faits paradoxaux avancés par M. Lubarsch au sujet de la réaction de la grenouille vis-à- vis de la septicémie des souris. J'ai pu, je crois, les faire rentrer dans'les lois générales de la phagocytose. | 6 J'ai cherché en outre à me rendre compte de la façon dont se comporte la bactéridie dans le corps de la grenouille à 35°. Enfin, j'ai rassemblé quelques documents nouveaux éclai- rant un peu l’histoire encore si obscure des cellules éosino- philes. | : TI. — PROCÉDÉS DE RECHERCHES. À. — Les deux microbes qui ont servi dans ces recherches sont la bactéridie charbonneuse et le bacille de la septicémie des souris. ” | 1° Du premier, j'ai utilisé la forme ordinaire à spores et une variété asporogène préparée par le procédé des bouillons phé- niqués de M. Roux. Les cultures, faites sur gélose peptonisée, provenaient géné- ralement de l’ensemencement du sang d’un animal charbon- neux (cobaye ou lapin); de cette façon on a une idée assez exacte de la virulence de la bactéridie employée. Cette bactéridie devait tuer un lapin de poids moyen # RÉSISTANCE DES VERTÉBRÉS INFÉRIEURS. 303 (1,500 à 2 kilos) entre 24 et 48 heures. Avec le charbon à spores, j'employais toujours des cultures d’un jour pour avoir de beaux bätonnets se colorant d’une façon bien uniforme et peu de spores. J'ai exceptionnellement usé de cultures d’asporogène de deux jours. Une culture était diluée dans 6 à 8 c. ec. de bouillon de veau ordinaire. 2° Le bacille dela septicémie pousse mal sur tous les milieux solides. Je me suis contenté de cultures en bouillon de veau peptonisé à 1 0/0, de 1 à 2 jours. La culture n’est jamais très abondante; mais les résultats de l'inoculation de 1 c. c. aux grenouilles ont été si nets qu’il a paru inutile de chercher un meilleur milieu nutritif. B. — Mes préparations ont été surtout des préparations de lymphe, faites suivant le procédé recommandé pour le sang. Les organes à couper étaient fixés à l'alcool absolu, quelque- fois aussi par le sublimé à saturation et acide. Mais par ce der- nier procédé les granulations acidophiles ne prennent plus aussi bien la teinte de l’éosine. Les organes étaient ensuite inclus dans la paraffine et colorés sur lames. C. — Le meilleur mode de coloration de la lymphe est le x suivant. Colorer 5 minutes dans la solution : x Laver à l’eau. Colorer 15 à 20 secondes dans une solution aqueuse à 3 0/0 de bleu de méthylène. Laver très soigneusement à l’eau et laisser sécher; puis monter au baume. Les granulations éosinophiles et l'hémoglo- bine se colorent en rose; les noyaux et les microbes en bleu plus ou moins intense; le protoplasme en bleu très clair. Quelquefois la coloration à l’éosine, suivie d’un passage au Gram, est excellente pour permettre d’apercevoir facilement les microbes dans une préparation. Enfin, j'ai quelquefois employé le picro-carmin pour,colorer les noyaux, et le Gram pour les microbes. Pour ies coupes, la coloration au bleu de méthylène ne donne pas de bons résultats. Une double coloration à l’éosine-Gram permet de mettre bien en évidence les grains acidophiles et les microbes; mais les noyaux sont peu ou point nets. ée 30% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Un bon procédé est celui qui consiste à colorer les microbes par la méthode de Gram, et à porter ensuite la coupe un quart d'heure à une demi-heure dans le liquide de Biondi-Heiïdenhain, (mélange d'aurantia, de vert de méthyle et de fuchsine acide) Mais il faut que la fuchsine acide ne soit pas en excès dans le liquide, car alors les microbes se décolorent; on s’en apercoit d’ailleurs facilement, les granulations éosinophiles prenant alors la teinte fuchsine. Quand la fuchsine est en propor- tion convenable, les granulations : prennent une teinte jaune brunâtre, l’hémoglobine une teinte jaune orange, les noyaux se colorent en vertet le protoplasme est grisätre. On a ainsi, diffé- rentiés, tous les détails des cellules. Enfin je me suis servi de coupes colorées HAE heures dans le carmin boracique de Grenacher; puis décolorées quelques minutes dans l'alcool chlorhydrique. On a alors une bonne colo- ration des noyaux des cellules, avec élection de la couleur très nette sur la chromatine. Les cellules à granulations sontrecon- naissables. Les microbes sont ensuite colorés par la méthode de Gram. | II]. — RÉACTION DES POISSONS A LA BACTÉRIDIE. L'action de la bactéridie charbonneuse sur les poissons à été encore peu étudiée. On sait pourtant par M. de Giuxa (14) que diverses espèces de ces animaux sont réfractaires à l’'ingestion de bacilles charbonneux. L M. Lubarsh (32, 35), au laboratoire de Naples, a inoculé plu- sieurs espèces de poissons, toutes appartenant aux Elasmo- branches : Torpedo marmorata et ocellata, Scyllium canicula et catulus, et Raja. Les injections étaient faites sous la peau du dos * quand cela était possible (raies et torpilles), sinon dans le péri- toine. On cherchait ensuite comment disparaissaient Îles microbes introduits. Les résultats de M. Lubarsh sont peu A et ils se résument assez complètement par la dernière phrase de son exposé : Dans tous les cas, on ne saurait douter que les bacilles introduits ne meurent peu à peu, et que les phagocytes ne pren- nent au moins quelque part à cette mort. » . Ses expériences n’ont d’ailleurs pas toujours été ,couronnées de succès, comme il le déclare pour les squales. # RÉSISTANCE DES VERTÉBRÉS INFÉRIEURS. 305 I n’a pas recherché si la Iymphe avait un pouvoir bactéricide ou atténuant chez l'animal vivant ou in vitro. Enfin il n’a pas étudié d’une facon spéciale les leucocytes du point d’inoculation. Dernièrement MM. Sabraz:ès et Colombot (56) ont inoculé des Hippocampes, et constaté ce fait intéressant que, à la tempéraiure de 14 à 26°, ce poisson prend le charbon. Ce ne peut être là, ces auteurs l’ont bien remarqué, qu'une exception, explicable par ce seul fait que la proportion des globules blancs est relativement très faible. Presque tout était donc à faire au sujet de la façon dont les “poissons résistent aux inoculations de charbon. Mes recherches #. n'ont pu porter que sur des Téléostéens; mais je me suis attaché à montrer la grande généralité des faits observés. Mes expériences ont porté principalement sur Gobio fluviatilis et Perca fluviatilis. J'ai opéré aussi sur quelques Carassins auratus. Ces derniers mesuraient une dizaine de centimètres ; la longueur des autres variait entre 15 et 30 centimètres. Ces poissons vivent longtemps dans. un cristallisoir où l’eau se renouvelle à la température voulue par l'expérience. Tous mes poissons étaient inoculés dans la cavité périto- néale, sur la ligne médiane, à 2 ou 3 centimètres del’anus, c'est- à-dire dans la région où le tube digestif est rectiligne ; je per- çais obliquement la paroi du corps et j'inoculais 0,2 c. €. à 0,4 ©. c. d’une dilution de culture charbonneuse sur gélose, dans du bouillon. Les écailles du poisson fermaient la plaie, et les bactéries de l’eau ou de la surface de l'animal ne pénétraient que rarement à l'intérieur du corps, comme la suite de l'expérience le montrait. Les poissons, placés dans les conditions indiquées, résis- tent généralement aux injections charbonneuses, et j'en ai con- servé plusieurs mois dans leur petit aquarium. Quelques-uns succombaient, mais certainement par accident, soient qu'ils aient été manipulés un peu rudement, soit qu’une maladie parasitaire (due à une saprolégniée ou à une bactérie) ait élu domicile sur leurs écailles. Les poissons étudiés ne prennent donc pas le charbon. Et leur immunité n'est pas seulement relative, elle est absolue, pourvu que l'animal soit dans de bonnes conditions de vie. Les goujons et les perches inoculés et placés à 23° résistent aussi bien que + rene. 2m 2 dés * à * L4 —. © 305 ms ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. les autres; et pourtant la température de 23° est Lrès favorable _ au développement de Ia bactéridie charbonneuse. De quelle façon ces poissons résistent-ils au charbon? Si on prend un peu de lymphe au point d’inoculation, quelques heures après l'injection du charbon, on est frappé par ce fait que celte lymphe est très abondante : c’est uñ liquide trouble, blanchätre, qui s'élève à une certaine hauteur dans la pipette sans qu'il soit besoin d'aspirer. 11 contient en suspension un-nombre considé- rable de globules blancs. Le lendemain il y a encore de. l'exsudat au point d'inocula- tion, mais en proportion bien moins grande que le premier jour; on en tire à peine une goutte en introduisant le tube effilé :. Les jours suivants, l'exsudat diminue de plus en plus, ét il est nécessaire d'aspirer fortement pour en retirer une petite quantité. Donc leucocytose d’abord abondante, puis diminuant gra- duellement, Voyons maintenant la marche de la phagocytose. - Examinons une lame colorée (éosine, bleu de-méthylène)- faite avec de la lymphe d’un goujon retirée 6 h. 1/2 après l'in- jection, et au moment de la forte leucocytose. Un certain nombre de cellules contiennent à leur intérieur des microbes : les bacilles libres sont extrèmement rares ‘Il y a donc, chez ce goujon, déjà au bout de 6 h. 1,2, une phagocytose très nette et presque complète : le nombre des microbes libres est si faible qu'il peut être attribué “aux leucocytes éclatés. La phagocytose n’est pas toujours aussi avancée quelques heures après l'inoculation. Il y a évidemment des différences individuelles ; et surtout, au bout du même temps, la proportion , des microbes englobés aux extracellulaires est d'autant plus grande qu'il y a moins de microbes injectés. Dans le cas cité, il s’agissait d’un gros goujon qui avait recu 0,7 c. c. d'une culture en bouillon de 1 jour. D'autres-fois, si onexaminelalymphe retirée même 17 heures = 4 FE . + se, + % ° # # + après l’inoculation, on trouve que la moitié des microbes seule- EE » CELLES R : ment sont intracellulaires. Parmi les cellules renfermant les « : - bactéridies, beaucoup en contiennent un petit nombre. Quelques- unes seulement en sont bourrées ; leur volume a alors doublé # se + 0 = 4. Il est bien entendu que ces expériences sont faites à 13-200. — En expéri- mentant à 12, la leucocytose commence bien plus tard, et il faut attendre plus de 12 heures pour avoir un fort exsudat. : RÉSISTANCE DES YERTÉBRÉS INFÉRIEURS. 307 ou triplé. Fréquemment on observe autour des microbes des “vacuoles. Quoi qu’il en soit de la rapidité de l’ enslob tent des microbes ii les leucocytes, il se fait peu à peu (des préparations faites à des temps de plus en plus éloignés avec la lymphe d’un même poisson le prouvent nettement), et est d'autant plus lent que le moment de l’inoculation s'éloigne davantage. Deux ou trois jours après, on ne trouve plus.que quelques.microbes libres. à côté des microbes englobés :. Le lendemain de l'inoculation, on remarque que la plupart des microbes englohés se colorent mal. présentent des phéno® mènes de dégénérescence ; de certains on re voit plus que des races presque méconnaissables. Il y a destruction des microbes par les leucocytes. © * De tous ces faits, je crois pouvoir conclure que les microbes d: sé... CyteSx “5 . rs pe A quel état se fait cet englobement? Je vais montrer que les microbes englobés sont vivants et qu'ils sont virulents. Il est facile de se convaincre du premier point, car de la lymphe, mise à l’étuve en gouttes pendantes, donne, 24 heurès après, un abondant développement de‘bacilles charbonneux, ct cela qu'on l’ait conservée auparavant L ou 3 jours in vitro, à la température du laboratoire. L'humeur du poumon n'a donc pas de propriétés bactéricides. Pendant 2 : jours à 15-160, les leucocytes continuent à montrer des prolongements pseudopodiques. Ils sont donc encore vivants. On pourrait croire qu’au moins, dans leur intérieur, les bacilles ont été tués; il n’en est rien, car j'ai vu une goutte pendante de lymphe, conservée pendant 2 jours au laboratoire, donner, après 24 heures d’étuve, un développe- ment bactéridien aussi abondant que celui de gouttes portées dès le premier jour à l’étuve. L’humeur du poisson in vitro n’a dônc aucuñe action bactéri- ……… Cide: elle n'en a pas davantage sur l'animal vivant, car une - goutte de Iymphe prélevée même 8 jours après l'inoculation, _doune encore quelques colonies par ensemencement sur gélose. De plus en en faisant des gouttes pendantes, on assiste au déve- LL 4. Le nombre des microbes libres est si faible qu'ils peuvent provenir de | phagocytes éclatés, È “finissent toujours 1e ètre englobés et détruits par les leuco- 308 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. en des bacilles contenus même à l'intérieur des leucocytes: 24 heures après, ils ont fait éclater la cellule qui les renfermait. Nous pouvons donc affirmer que le plasma lymphatique de ce poisson n'a pas de propriétés bactéricides ni tn vitro, ni dans l'organisme vivant ; et que les microbes sont bien Don ee à l'ét at vivant par les leucocytes. — On peut même dire que, in vitro, l'humeur du poisson constitue un bon milieu de culture pour la bactéridie. Montrons maintenant que le plasma du poisson n’a pas de propriété atténuante. Les expériences ont porté sur plusieurs goujons, perches el poissons rouges, et ont été faites, sauf les dernières, avec un bacille charbonneux, à spores, très virulent (tuant sûrement un lapin entre 24 et 48 heures). — Ces poissons ont servi à deux séries d'expériences : s 1° On prend, à divers intervalles, avec une pipètte eflilée, un peu de lymphe, qu'on inocule à des cobayes pour voir s’il y à des changements dans la virulence. Voici mes résultats : dE - TEMPS ECOULE PCIDS DU COBAYE TEMPS MIS ESPECE DE POISSON | ENTRE L'INOCULATON , PAR LE COBAYE et la prise de lymphe. CA 4 à mourir. | | Goujon. 6 heures. 450 grammes. 80 heures. Id. Dur = 450 — ET — [d. S — | 500 — L1 _ Id. EEE SD ER Ta » Poisson rouge. 7% — . 395 -- 32 — Goujon. 175 — )22 — 61 — Poisson rouge. 223 _ 115 — 44 — Perche. BAIl —- 389 — 35 — Des cobayes inoculés avec un peu de culture sur gélose, d'âge variant entre 2 et 7 jours, sont morts entre 30 et 60 heures. On voit que la bactéridie n’a pas subi la moindre atténuation, mème en restant plus de 9 jours dans le corps du poisson, c’est-à-dire longtemps après son englobement par les leucocytes. Les propriétés atténuantes que la lymphe n’a pas in viro, elle ne les a pas davantage in vitro, ainsi qu'on peut s’en convaincre en inoculant à des cobayes de la lymphe conservée plus ou moins longtemps après le moment du prélèvement sur ‘animal. À a RÉSISTANCE DES VERTÉBRÉS INFÉRIEURS. 309 Goujon T1. — Lymphe prise 6 h, 1/2 après l’inoculation. Une goutte pendante faite avec cette lymphe et conservée 2 jours à l’étuve tue un cobaye en 39 heures. Goujon 11. — Lymphe prise 6 h. 1/2 après l'inoculation; des gouttes pendantes sont faites avec cette lymphe. 1 goutte conservée 30 à. à l'étuve tue 1 gros cobaye en 63h 1/, 30h, € | moyen « 54 h. « 400 h. € ne tue pas un cobaye de 450 gr. « 2 jours dans le laboratoire et 3 jours à l’étuve tue un cobaye de 640 gr. en 69h 1/,. ' " Un cobaye de 4[8 grammes sert de témoin; il est inoculé avec une goutte du même charbon gardé 4 jours sur gélose; il meurt en 40 heures environ. Goujon IT. — Lymphe mise en gouttes pendantes 8 h. après l'inocula- tion. l-goutte conservée 4 j..et 8 J. à l’étuve tue 1 cobaye de 510 gr*en 46h1}/, « id. « id. « 32h, « 2 j. et 8 j. laboratoire « K75 er. « 60h, « id. ctuve « Gitrer. «54h; 4 jours laboratoire « 401 gr. « 86h. « 1j. + 64 étuve ( 392 gr. « Th. « 9 j. + 6h. laboratoire _ « 437 gr. « 661 Les cobayes témoins meurent, celui inoculé avec une culture sur gélose de? jours en 34 heures, celui inoculé avee une culture de 6 jours en 52h. 1/2. Les expériences sur la perche ont été faites avec du charbon asporogène : Lymphe prise 7 h. 1/2 après linoculation. 4 goutte conservée 2 jours à l'étuve tue 4 cobaye de 600 gr. en 42h, » 4 » 16% gr. en 50h 1/,. Un témoin de 716 grammes meurt en 42 heures. De ce qui précède, on peut conclure que le charbon s’atténue peu, même après un contact prolongé avec la lymphe de poisson. Jen'ai jamais observé l’exaltation de virulence de la bactéridie, comme MM. Sabrazès et Colombot l'ont vu sur l'hippocampe. Pour être complet, je dois ajouter que la Iymphe de poisson, ensemencée sur gélose, donne des colonies de bacilles charbon- neux demême virulence que ceux du point de départ. Je considère done comme démontré le fait suivant : |: Les bactéridies charbonneuses, introduites dans le corps d'un poisson, sont ingérées à l'état vivant et virulent par les leucocytes, et détruites peu à peu. Il me reste à étudier, pour pouvoir porter un jugement sur la ,® 310 ANNALES DE L'INSTITUT: PASTEUR. théorie de M. Hankin et de MM. Kanthack et Hardy, les leuco= | cytés du point d’inoculation. Ils sont peu variés de forme. Ce sont des globules de 12 à 15 y de diamètre, renfermant un pro- toplasme assez abondant occupant les deux tiers environ de la masse totale. Ce protoplasme se colore faiblement par le bleu de méthylène et d’une facon as$ez uniforme. Le noyau est en général formé d'une masse unique plus ou moins régulière (fig. 1), se colorant assez fortement par le bleu de méthylène; mais il n’est pas rare d’avoir un noyau en bissac (fig. 2), ou même formé de 21obes bien distincts, réunis par un mincefilament (fig. 3), Tout àsfait exceptionnellement, on trouve des noyaux à 3 lobes. Il existe donc un type unique de leucocyte dans l’exsudat du point d'inoculation ‘, et c'est naturellement ce leucocyte qui est doué de propriétés phagocytaires. Le plus souvent, le nombre des microbes englobés est peu considérable, et quelquefois ces microbes sont dans une vacuole (fig. 7). Quand les bactéridies intracellulaires sont nombreuses, elles sont généralement dans une large vacuole (fig. 5). — Notons enfin que les leucocytes peuvent épouser la forme des longs filaments bactéridiens englobés (fig..6). — Les microbes intra-cellulaires sont faciles à colorer par le bleu de méthylène, et on peut suivre tous les stades de leur dégénérescence. Ces phénomènes ont été si souvent décrits que nous n’insisterons pas. Existe-t-il dans l'exsudat péritonéal des cellules à granu- lations? Jusqu'ici on a trouvé ces cellules chez tous les vertébrés. MM. Kanthack et Hardy (23-24) les signalent chez la lamproie, et également (avec d’autres auteurs) chez l’écrevisse. Nous avons observé avec un soin particulier la perche et le gou- jon. Pour la première, la conclusion est des plus neltes : ; Jamais, à aucun monrent, ni avant l'inoculation, ni au bout d’un temps variable après, ni chez les animaux nouvellement capturés, ni chez ceux gardés plusieurs mois en captivité (et mourant quel- quefois d’affections parasitaires), je n’ai observé de cellules à granulations dans le péritoine, et cela, quel que soit le réactif d'Ebrlich employé. Il n’y en a pas non plus dans le sang. Les leucocytes du sang sont d'ailleurs ceux que je viens de 1. Citons nement pour mémoire les quelques rares lymphocytes qu’on y rencontre. RÉSISTANCE DES VERTÉBRÉS ANFÉRIEURS. 311 = fÙ ” SE ; z » décrire; la proportion des lymphocytes est simplement plus * forte quê dans l’exsudat péritonéal : ces lyMphocftes n'ayant aucun rôle phagocytaire, il est naturel que leur pouvoir chimio- tactique soit faible, sinon nul. Il est donc certains que chez la perche il ne peut y avoir aucune destruction des microbes par des produits bactérieides secrétés par les granulations cellulaires. Chez le goujon, notre conclusion doit être analogue « priori, étant donnée l'identité des phénomènes observés. Pourtant, chez ce poisson, 1l existe des cellules à granulations, Ces cellules sont excessivement rares: quelquefois mème on n’en trouve pas du tout. Généralement il en existe une pour 509 ou 1,000" leucocytes du point d’inoculation. Dans un cas, dans la lymphe d'un goujon prise 4 jours après l’inoculation, j'ai trouvé jusqu’à 7 ou 8 de ces cellules. Ces leucocytes diffèrent seulement des autres en ce que leur protoplasme, au lieu de prendre la teinte bleutée ordinaire, se colore faiblement par l’éosine, mais d’une facon non uniforme : on a tantôt une sorte de carrelage rose dont les diverses pièces sont séparées par des lignes bleues, tantôt de’ gros granules irréguliers de forme et de. dimensions assez variables’. Il ne s’agit donc pas là de véritables éosinophiles au sens d’Ehrlich, mais plutôt de pseudo-éosinophiles. : Quoi qu’il en soit, le fait que ces cellules à granulations manquent souvent, que toujours elles sont rares, exclut la pensée qu'elles puissent avoir un rôle dans la destruction &es bactéries. Dans le sang du Carassius auratus, je n'ai pas rencontré non.plus de cellules à granulations. J’ai cherché à étendre ces constatations à tout le groupe des Téléostéens. MM. Sabrazès et Colombot (56) n'indiquent pas d’éosinophiles chez l’hippocampe. Mes préparations de sang m'ont permis de constater la même absence chez un certain nombre de poissons marins : Merlanqus vulgaris, Pagellus centrodontus, Conger vulgaris, Scomber scombrus, Platessa vulgaris. Chez ces poissons, la forme de leucocyte qui domine est la forme mononucléaire, décrite et figurée chez le goujon et la perche. Les noyaux à 2 lobes sont rares. A côté de ces leuco- = 4. Fig. 26 b. de la pl. V. ‘ Lu 312 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cytes, on trouve toujours un certain nombre de lymphocytes, particulièrement considérable dans le sang du Conger vulgaris. Dans lalymphe prise 24 heures après l’inoculation d’un Cottus, j'ai également noté l’absence complète de cellules à granulations. On peut donc conclure d'une façon générale que les cellules. à granulations ne jouent aucun rôle dans la destruction des bac- téridies chez les poissons téléostéens. Le sang de la raie renferme un grand nombre de cellules éosinophiles. Je n’ai pas eu à ma disposition de raies vivantes pour examiner la réaction contre la bactéridie, mais M. Siawcillo a vu sur cetanimal(V.cen°, p. 289) que les éosinophilesne jouent aucun rôle dans la destruction des microbes charbonneux. IV. — RÉacrTioN DES GRENOUILLES A LA BACTÉRIDIE CHARBONNEUSE ET A LA SEPTICÉMIE DES SOURIS. Depuis les expériences de Koch (27), de Gibier (15), de Metchnikoff, la grenouille a souvent servi à des recherches sur le mécanisme de l’immunité dont jouissent ces animaux soit vis- à-vis du charbon, soit vis-à-vis de la septicémie ces souris. Il règne à ce sujet, dans la science, des contradictions et des incer- litudes que j'ai essayé de faire disparaître. Occupons-nous d'abord des injections de bacilles charbonneux dans le sac dorsal de la grenouille. A. Charbon. — J'ai emplové des cultures sur gélose diluées dans du bouillon à la dose de 0,5 ce. c. Tous les auteurs s'accordent pour décrire une leucocytose au point d'inoculation, et des microbes intracellulaires. Mais il y a divergence profonde sur le moment où commence la phago- cytose. Pour M. Nuttall (48-49), il n’y a jamais de phagocytose dans les-6 premières heures ; pour M. Kanthack (22), jamais dans les k premières, et même à la 4° heure, il n'apparaît que des Iympho- cytes et des éosinophiles. MM. Petruschky (51) et Fischel (12) ne voient pas de phagocy- tose dans les 3 premières heures ; MM. Klein et Hamer (26) dans les 2 premières. M. Lubarsh (35) a vu, suivant les cas, la phago- D. commencer au bout de trois quarts d'heure, 2 heures 1/2, : heures. RÉSISTANCE DES VERTÉBRÉS INFÉRIEURS. 313 Dans les conditions de mes expériences à 15-20°, les résul- tats ont été assez constants. | La phagocytose commence 2 heures ou 2 heures 1/2 après l'injection, et foujours en même temps que la leucocytose. Les leucocytes sont d’abord très rares au point d’inoculation: et quelques-uns renferment des microbes. Puis leur nombre augmente rapidement : 4 heures après l'inoculation, le liquide retiré contient en suspension un nombre considérable de leuco- cytes. Ce liquide est assez limpide: il n’est jamais trouble comme l'exsudat péritonéal du poisson. On a affaire à de la lymphe assez pure, qui se coagule rapidement. En examinant cette lymphe, fixée et colorée par les procédés indiqués, on constate qu’un nombre considérable de leucocytes, quelquefois mème la moitié ont ingéré des microbes. — Le rapport entre le nombre des microbes libres et des microbes ingérés est variable; en moyenne, il est égal à l’unité. Beaucoup des microbes ont, d'ailleurs, été entraînés loin du point d'inoculation, ont pénétré dans le courant sanguin. La plupart ont dû s’y rendre à l’intérieur des leucocytes, et on les retrouve à cet état dans les organes. Les microbes libres ne tardent pas à être englobés par les phagocytes fixes des organes. Après les 5 premières heures, le sac dorsal, jusque-là très succulent, va perdre peu à peu sa lymphe : 12 à 15 heures après l'inoculation, il en donne assez difficilement une goutte. Cette goutte est trouble et blanchâtre. Colorée, elle montre de nombreux leucocytes, mais peu de microbes. La plupart sont donc déjà digérés, puisque, dans les organes, leur nombre est déjà de beaucoup diminué. Ceux qui restent sont en partie intracellulaires, en partie libres. Au bout de 24 heures, le nombre des microbes libres est si faible que ces microbes peuvent provenir de leucocytes éclatés. Il est donc probable que, moins de 48 heures après l’inoculation, tous les microbes libres sont devenus intracellulaires. L'importance de la leucocytose au point d’inoculation esten rapport : 1° avec le nombre de microbes inoculés ; 2° avec la virulence de ces microbes 1° En injectant quelques gouttes de charbon dans le sac dor- sal, ce sac ne devient jamais succulent ; 914 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. a. 2° Le même fait s’observe quand on injecte du premier vac- cin charbonneux Pasteur. | .# La chimiotaxie exeftée sur les leucocytes est donc d'autant plus grande que la substance attirante esten plus grande quantité, Comme chez les poissons, ou observe donc une phagocytose très importante, et je suis convaincu que tous les microbes libres deviennent intracellulaires. Les microbes présentent souvent des formes d'involution, des phénomènes de dégénérescance, fré- quents surtout chez les microbes englobés, rares chez les autres. Comment se comportele microbe à l'intérieur du’ corps de la grenouille? Y reste-t-il longtemps en vie? Y conserve-t-il sa virulence? Presque tous les auteurs qui se sont occupés de l’ac- tion réciproque de la grenouille et du Bacillus anthracis, ont abordé cette question, mais les réponses ont été diverses. MM. Metchnikoff (38), Lubarsh (30), dans un premier mémoire; Petruschky (51), Voswinkel (60), Fischel (12), Klein (26). Kanthack (22) croient à une atténuation rapide, qui apparaîtrait du troisième au cinquième jour. M: Kanthack, mème, prétend que, dans la majorité des cas, l’atténuation commence dans les5 prémières heures, c’est-à-dire avant la phagocytose, si on emploie des cultures sans spores M. Fischel trouve que, non seulement les souris ne meurent pas, mais encore qu’elles acquièrent l'immunité pour le premier vaccin charbonneux. : M. Lubarsh, dans ses derniers mémoires, déclare qu'il y a quelquefois atténuation, mais, qu'en tout cas, elle est toujours passagère : des cultures de lymphe sur gélose tuent dans le temps normal. M. Trapeznikoff (59) obtient également des cultures sur gélose, virulentes, même cent jours après l’inoculation; mais il opère seulement avec des spores, forme très résistante. M. Nuttall (48) trouve que, mème dix-Sept jours après l'injec- tion de charbon, la lymphe n’a pas encore perdu sa virulence. Il a eu le tort d'employer la souris comme animal de contrôle ; cet animal est en effet sensible.mème à du charbon très ME viru- lent, comme le premier vaccin charbonneux. Dans toutes mes expériences, j'ai inoculé de la lymphe prise au point d'inoculalion, pour éviter cette objection que la bac- téridie avait pu reprendre sa virulence primitive en passant RÉSISTANCE DES VERTÉBRÉS INFÉRIEURS. 315 de la lymphe de grenouille à 15-20° sur de la gélose à 55°. : J'ai expérimenté sur 6 grenouilles. Le baeille charbonneux qui a servi à les inoculer, en culture sur gélose, tue 2 cobayes, respectivement de 500 et 448 grammes, en 3#:et 54 heures 1/2 = ; NUMÉROS TEMPS ÉCOULÉ POIDS TEMPS MIS DES. entre l’inoculation et la. prise DU COBAYE PAR LE. COBAYE GRENOUILLES de lymphe, injecté. 2 à mourir. { 8 heures. 500 srammes. Gb 4172 2 2 jours + 9 heures. 442 — “A4 3 o Jours + 7 heures. 560 — 65: * - 4 6 jours + 8 heures. 620 —- 62 5 8 jours. 392 = survitl: | 6 EH jours +5 heures. 557 — ‘44 h. 4/2. © Ces expériences montrent que, même {1 jours après l'inocu- lation, le bacille charbonneux de la lymphe est aussi virulent que celui conservé sur gélose. I n’y a donc pas atténualion notable de la bactéridie dans le corps de la grenouille. Ce résultat est très net, quoique opposé à la plupart de ceux de mes devanciers. Comme eux d'ailleurs, j'ai constaté que pour les cultures sur gélose du charbon pris au point d'inoculation, il n’y a jamais d'atténuation à constater. De ces expériences, on peut conclure que : : 4° Les microbes sont englobés à l'état vivant par les leuco- cytes, puisque cet englobement est complet 48 heures après l’inoculation ; 20 Les articles charbonneux peuvent rester un grand nombre de jours vivants et virulents à l’intérieur des leucocytes. La présence des leucocytes au point d’inoculation, et aussi la température peu favorable à laquelle j’opérais, expliquent qu’il n'y ait pas croissance notable de la bactéridie dans le sac dorsal. La lymphe constitue en effet, comme l'avait vu Nuttall, un bon milieu de culture pour la bactéridie. Mais il y avait lieu de se demander, mème après lui, si elle a des propriétés atté- nuantes soit in vivo, quand elle est prise sur l’animal, soit in vitro, après quelques jours de conservation. J'ai fait deux séries d'expériences, l’une avec le charbon à FL, Je-n’ai pu expliquer cette survie : le reste de la goutte de lymphe ensemencé ayant donné une belle culture pure de charbon. 316 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. spores (culture de 1 jour sur gélose), l’autre avec l’asporogène ‘. 1e série. — La moitié des gouttes est placée à l’étuve, et l’autre moitié laissée-dans le laboratoire où la température est de 16-18° et monte parfois jusqu’à 21°. — Les gouttes de l’étuve donnent le lendemain matin un développement très net, de charbon bactéridien ; le 2° ou le 3° jour, on a des spores. — Les gouttes du laboratoire poussent aussi, mais moins vite, à 21°; mais le développement s’arrêle quand la température revient à 16°. Les résultats de l’inoculation aux cobayes sont les suivants : GReNouILLE L. -— Lymphe prise 4 h. A[2 après l'inoculation. AGE DE LA GOUTTE POIDS DU COBAYE | TEMPS DE LA MORT 1 jour + 2 heures à l’étuve. 926 grammes. 56 heures. 3 jours + ? heures à l’étuve. 315 — 31 _ — dans le laboratoire. 449 — 56 == 5 jours — 2 heures à l'étuve. 650 — S5 — 7 jours + 2 heures laboratoire. 407 _— 33 _ 9 jours — 4 heures étuve. 425 = AT — laboratoire. 619 — 40 — 13 jours + 5 heures laboratoire. 450 _ 38 — GrexouiLze I. — Lymphe prise 6 heures après l'inoculation. AGE DE LA GOUTTE POIDS DU COBAYE | TEMPS DE LA MORT 0 heure, 7112 grammes. 46 heures, 1 jour étuve. D77 — 56 — 5 jours — 4 heures laboratoire. 602 — 67 — 7 Jours étuve. 317 — »6 — 11 jours — 6 heures laboratoire. 613 — survit ? id. id. | 465 — survit. La bactéridie qui a servi à ces deux séries d'expériences tuait en une quarantaine d'heures un cobaye de 500 grammes. 4. Ces gouttes pendantes étaient prélevées dans l’exsudat dorsal 4 à 7 heures après l’inoculation. 2. Pour la {re survie, le charbon inoculé était accompagné d'un autre microbe; dans le 2° cas, le charbon était pur. LA RÉSISTANCE DES VERTÉBRÉS INFÉRIEURS. 317 2€ SÉRIE. — CHARBON ASPOROGÈNE GRENOUILLE 1. — Lymphe prise 5 heures 1[2 après l'inoculation. AGE DE LA GOUTTE 2 jours — 3 heures. Etuve. POIDS DU COBAYE 587 grammes. TEMPS DE LA MORT | 45 heures. — — laboratoire. 639 _ 42 — 4 jours — 6 heures étuve., 670 —— Sono | — — étuve. 610 —— survit (impuretés.) | 6 jours — 3 heures laboratoire. 665 — 98 — 6 jours — 6 heures ctuve. DOS — survit. 9 jours — 7 heures laboratoire. d37 — 48 — | | GReNouiLLe IE — Lymphe prise 6 heures 1/2 après. AGE DE LA GOUTTE 1 jour 6 heures étuve. 3 Jours 2 heures étuve. Témoins. POIDS DU COBAYE 90 grammes. 477 — 605 == 66 — TEMPS DE LA MORT 53 heures, | 6h12; SO 74 == 98 — Ces deux séries d'expériences concluent très nettement à une non atténualion. La lymphe in toto constitue donc un bon milieu de culture pour la bactéridie charbonneuse. — L'étude de cette Iymphe nous donne une autre démonstration de ce fait que j'ai déduit de mes recherches sur la durée de vie du bacille dans le corps de la grenouille, à savoir que-les microbes sont englobés à l’état vivant: en observant une goutte à l’étuve, on constate que de petites colonies prennent naissance dans les leucocytes, et pro- viennent naturellement des microbes qui y sont inclus. Les leu- cocytes constituent eux aussi un milieu favorable, mais seule- ment quand ils sont morts. Il suffit de comparer ce que j'ai dit à propos des poissons avec ce que-nous venoi.s de voir pour se convaincre de la simi- litude absolue des phénomènes observés dans le mode de réaction de ces animaux contre le charbon. Et cette similitude doit suffire, à mon avis, MM. Kanthack et Hardy (23-24), non applicable aux poissons, ne doit pas l'être non plus aux grenouilles : les microbes sont pour prouver que la théorie de englobés à l'état vivant et virulent. L7 Di “dans cet englobement. 318. . : ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. » Examinons pour terminer quel rôle jouent les éosinophiles Fe 42%. Normalement, le sac Iymphatique dorsal renferme une le pelite quantité de lymphe. Si on cherche, à l’aide d’une pipette effilée, -.. à recueillir un peu de cette lymphe, .ôn n’en a jamais. qu'une ‘ uantité insignifiante. Il faut recourir aux artifices qué M. Ran- 8 eco -vier décrit dans'son traité d’histologie, pour s'en procurer une quañtité appréciable. Dans cette lymphe se trouvent les'3 sortes de cellules. 4 constituent les globules blancs des grenouilles. 10 Les lymphocytes, petites “tie à noyau unique, arrondi, prenant assez uniformément et assez fortement les couleurs basiques-d'aniline ; ce noyau occupe presque toute la cellule; le protoplasme tient une place extrèmement faible, et il prend le bleu de méthylène plus fortement que le noyau ; 6} 2° Les leucocytes ordinaires à noyau tantôt arrondi et de passage sont à QUE erver entre ces deux formes extrêmes; on peutavoir jusqu à 4 lobes. Ces lobes sont en général nettement séparés et unis entre eux par des ponts de substance d’une finesse et d’une ténuité extrèmes (fig. 8); on observe ces fils d'union comme une légère ligne bleue, un peu plus épaisse au voisinage des lobes. Dans des cas assez rares, on n’observe pas ces fils d'union; mais il semble impossible de.dire qu'ils n'existent pas. Ce noyau, si varié d'aspect, secolorebienpar lebleu de méthylène, aussi fortement que le noyau des lymphocytes. IL n'existe donc pas dans la lymphe de la grenouille deux types tranchés de globules blancs tels que les microphäges etles macro- phages humains. Les microphages existent seuls; maisils ne présentent pas toujours le type polynucléaire. Le protoplasme occupe un volume double du noyau,et se colore en bleu très clair, à peine granulé: Ce sont les leucocytes hyalins de MM. Kanthack et Hardy; | , .# ÿ AS ” >, . : : 2 à unique (c'est le cas Le plus rare), tantôt multilobé: tous les termes. re à had di. de fit RE æ Se … + + E 4 3° Les éosinophiles, Loue dimensions et comme forme du, noyau, rappellent tout à fait les leucocyles hyalins. Notons. near que le noyau ne prend pas loujours la couleur aussi fortement que celui de ces derniers. On a tous les degrés jusqu'au bleu très pâle. Tout l’espace extra- nucléaire est rempli de. granulations ones se colorant en rouge par l'éosinez en : o . …æ RÉSISTANCE DES VERTÉBRÉS INFÉRIEURS: 319 jaune sale par l'aurantia, et ayant tous les caractères des granu- lations # d'Ehrlich (Gg. aires Quel rôle jouent ces diverses formes de leucocytes dans la leucocytose et la phagocytose? j Dans la lymphe normale, dans lé sang, les lymphocytes sont eu proportion assez forte, quelquefois la moitié du nombre total des globules blancs. ; ; LUE —....…. -Dans l’exsudat dorsal, on en trouve à peine at 0, quelquefois … : ; pe moins; et jamais on ne trouve de microbes dans ces cellules. “ Leur chimiotaxie est nulle ainsi que leur pouvoir phagocytaire. 0 . Les vrais phagocytes, ce sont les leucocytes ordinaires, les leu- Re cocytes à protoplasme hyalin. Ils arrivent des premiers: dés « le commencement de la leucocytose, uous en voyous avec des = microbes à leur intérieur; et leur rôle continue jusqu’à la dispa- riiion complète de tous les microbes. Les uns'en contiennent peu à leur intérieur, les autres en sont bourrés; le noyau parait alors refoulé à une extrémité de DST. la cellule qui renferme une grande vacuole avec les microbes à son intérieur. Souvent les microbes isolés, englobés par les leucocytes, sont entourés d’un espace clair; ce qui indique nette- . ment qu’ils sont dans des vaeuoles. C’est probablement là le . stade initial de l’englobement. J'ai été maintes fois frappé par ce fait que, dans une cellule, les microbes englobés sont en majeure partie disposés parallè- lement les uns aux autres. Chaque leucocyte agit pour son propre comple, et jamais nous n'avons observé de ces plasmodes que décrivent MM. Kan- thack et Hardy. Tout au plus voit-on, assez rarement, plusieurs leucocytes bout à bout occupés à dévorer une longue chaîue ; bactéridienne. Nous sommes sur ce point d'accord avec tant £ d'auteurs qu'il est superflu d’insister. Les éosinophiles viennent au point d'inoculation et souvent mème en grand nombre. * D'autres fois, on n’en trouve que ! 0/0, surtout sil'on opère avec Räna esculenta. æ ne L'opinion unanime, dans la science, est que les cellules à | granulations n’ont aucun pouvoir phagocytaire. Et MM. Kan- thack et Hardy, qui ont porté leur attention sur celte variété de cellules; qui ont cherché, par de nombreuses expériences, à " préciser leur rôle, sont tout à fait affirmatifs sur ce point. Ils ei he + 320 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. » disent bien avoir souvent vu des microbes collés pour ainsi dire sur ces cellules, mais jamais ils n’en ont observé à leur intérieur. Il est difficile souvent de dire si un microbe est à l’intérieur d'une cellule ou à sa surface: maintes fois on hésite. Mais certains cas ne pouvaient être douteux, et j'ai dû me rendre à cette évidence que les éosinophiles sont des phagocytes : ils englobent des microbes. C’est là un fait qui est surtout impor- tant au point du vue de la physiologie générale du sang et de la lymphe. * Dans le cas de la grenouille, leur rôle phagocytaire se réduit à peu de chose, Ceux qui contiennent des microbes à leur inté- rieur sont rares, et ces microbes sont en général en très pelit nombre, 2 ou 3, 5 au plus. Les faits que je viens d'indiquer seront repris dans notre chapitre final quand nous chercherons à nous faire une idée du rôle de la cellule éosinophile. B. Septicémie des souris. — Dans son mémoire de 1889, M. Lu- barsh (32) s'exprime ainsi : « C’est un fait particulièrement remarquable que les bacilles de la septicémie des souris, qui se trouvent en si grande quantité dans les leucocytes des souris sensibles à la maladie, ne donnent lieu, dans le sac lymphatique dorsal de la grenouille, à des phénomènes de phagocytose, que si on en injecte une quantité considérable ; dans mesrecherches. il fallait au moins 5 à 6 ce. c. d'un liquide contenant beaucoup de microbes en suspension. » Ainsi donc les leucocytes de la grenouille n’engloberaient que dans des cas tout à fait exceptionnels le Bacillus murisepticus. Et de ce fait, M. Lubarsh (35), dans son grand travail d'ensemble sur le charbon, tire un très bon argument contre la théorie des phagocytes. Il m’a paru intéressant de rechercher s'il y avait réellement là une exception à la théorie de la phagocytose. Je me suis servi de septicémie des souris tuant la souris en 2 jours 1/2 à 3 jours à une dose variant entre 1/4 et 1 c. €. Entre ces limites, la quantité de culture injectée n'a pas d'influence sur la durée de l'infection. La culture était faite en bouillon de veau peptonisé, et on injectait dans le sac dorsal 1 ec. c. de cette culture âgée de 1 jour ou 2 au plus. RÉSISTANCE DES VERTÉBRÉS INFÉRIEURS. 321. Une petite quantité de Iymphe était prélevée au point d'ino culation à des temps variables après l'injection. L'examen des lames colorées permet de se rendre compte de la manière dont la grenouille réagit. Une heure après l'inoculation, pas ou extrèmement peu de leucocytes dans le sac dorsal GODISS ceux qui y étaient déjà) : donc leucocytose nulle. 1 heure 1/2 ou 2 heures après, on observe toujours une phagocytose, tantôt très faible, tantôt très active (avec des phagocytes bourrés de microbes). Deux à trois heures après, les microbes libres commencent à être moins nombreux. La phagocytose est de plus en plus importante. Quelquefois même, la moitié des microbes sont déjà intracellulaires, certains phagocytes sont tellement bourrés de microbes qu'ils ont triplé ou quadruplé de volume (fig. 12). Le résultat observé #4 heures après ne diffère pas sensible- ment de celui que je viens de décrire. On passe par un maximum d'action qui dure toute la quatrième heure. À ce moment, le sac dorsal est gonflé de lymphe, tout à fait comme dans le cas du charbon. Puis cet exsudat diminue sensiblement. Après 5 heures. le nombre des microbes libres diminue rapidement; le nombre des phagocytes également; les leucocytes bourrés de microbes deviennent plus rares. Si nous examinons la lymphe 17 heures après l’inoculation, nous observons très peu de microbes libres; et en revanche des phagocytoses nombreuses : la mauvaise coloration des microbes semble indiquer que beaucoup d’entre eux ne sont plus vivants. — Les phénomènes de dégénérescence sont des plus nets; les microbes se colorent faiblement en bleu, quelques points seule- ment prenant bien la couleur. On observe quelquefois aussi dans les cellules de petites boules bleu foncé, qui proviennentindubitablement des microbes. M. Metchuikoff en a figuré de semblables pour le rouget (#1). 29 heures après l’inoculation, la phagocytose est à peu près terminée. — Les microbes intracellulaires se colorant bien sont extrêmement rares. Les formes d’involution représentées (fig. 15 et 16), ne sont plus fréquentes. Dans beaucoup de cellules, on observe de petites masses tout à fait informes se colorant assez faiblement, mais mieux que le fond protoplasmique homogène. 21 + : 7329 ï ANN ALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Quelquefois la masse rappelle un peu une forme de bâtonnet. * Ce sont les derniers restes des microbes tués et bientôt digérés. Ainsi donc, la disparition des bacilles de la septicémie se fait peu à peu et dans les mêmes conditions que pour ceux du charbon. Il semble seulement que la leucocytose, et aussi la phagocytose commencent un peu plus tôt. Nous sommes loin de cette idée de M. Lubarsh, que les cul- tures de septicémie ont un pouvoir chimiotactique à peu près nul : il est supérieur à celui du charbon. Nous devons maintenant résoudre les questions} jusqu'ici ‘inabordées, de la vie et de la virulence du microbe sous la peau de la gr enouille! J'ai fait trois sortes d'expériences : 1° De la lymphe prise un temps variable après l’inoculation est ensemencée dans du bouillon; et, quand il y a culture pure de septicémie, le bouillon est injecté à une souris; . 2° De la lymphe prise au point d'inoculation est introduite sous la peau du dos d’une souris ; 3° De la lymphe est conservée à l’étuve ou dans le laboratoire “un temps variable et étudiée au bout de ce temps (colorations, cultures en bouillon, inoculations). : Les deux premières séries d'expériences traitant de l’action de la lymphe chez l'animal vivant, nous les examinerons ensemble. Elles se trouvent résumées dans le tableau suivant": &e- ER VONT EN set D 4e trail EE di, ne EE ROBE: “ie LIRE Fr ' ” à r2 L RÉSISTANCE DES VERTÉBRES INFÉRIEURS. 323 e QE DATE DE LA PRISE! . RÉSULTAT RÉSULTAT AGE ù [ENSEMENCEMENT ‘1 FRANS DE LYMPHE DE L'INOCULATION a DE L'INOCULATION après l’inoculation de la lymphe. b < de 1 c.c. en bouillon. de la grenouille. Souris meurt en: EE ce Souris meurt en : a 27 heures. Culture pure. |? j.et quelqu:s heures. 21 » id. Moins de 2 j. 20 Jp » » 24 Culture pure. 2j: ete 27 + id. 3j. etque lques heures. é 4 jours. » id. j.et quelques heures. 3]. et quelques heures. 4j. et quelques heures! Ne meurt pas. L tube sur 2 pousse » i id. id. ; SATA Culture pure. , iel. EEE VO id id. e meurt pas. Nul. 3hs 5 J. moins 8 Ne meurt pas. » Culture pure. Un certain nombre de faits ressortent. de ce tableau. Le bacille de la septicémie reste vivant longtemps dans Le sac lym- phatique dorsal; j'ai encore eu une cullure en ensemençant la lymphe 11 jours après Pinoculation. Ces cultures en bouillon tuent la souris dans le temps normal. Done, s'il y a atténuation, elle est tout à fait passagère, et dis- paraît dès qu'on transporte le bacille Sue un bon milieu de culture. « Eu At le résultat des inoculations de lymphe direc- tement à des souris, il semble qu'il y ait tantôt atténuation, tantôt perte complète de la virulence. Mais toutss les fois que la souris n'est'pas morte, nous devons remarquer que les cultures, faites avec de la lymphe prise en même temps que celle qui a servi à l’inoculation, ou bien n’ont rien donné, ou bien ont donné seulement une culture sur 2 tubes ensemencés. — Îl serait donc exagéré de chercher à tirer une conclusion de ces survies. Restent les cas oùies souris sont mortes, mais avec un retard sur le temps normal. En admettant que les bacilles qui ont tué les souris étaient atténués, ils ont vite repris leur virulence : une culture en bouillon du sang de ces souris tue dans le temps 1. Dans ce dernier cas, nous avions inoculé une culturé à une souris de poids double de la moyenne. 324 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR normal. — Mais je crois bien plutôt que le retard dans là mort est dû au pelit nombre de bactéries injectées. J'ai, en effet, inoculé plusieurs souris avec une aiguille à cataracte trempée dans une culture de septicémie, et il est évi- dent que j'inoculais ainsi un nombre de microbes incompara- blement plus grand que celui qui se trouve dans une goutte de lymphe plus de 4 jours après l'injection. Mes résultats ont été les suivants : AIGUILLE À CATARACTE ; : SOURIS MEURT EN PLONGÉE DANS e Culture de 1 jour. 2 jours 1/2 — id. Culture de 2 jours. S jours, — 3 jours 1/4 — b] jours 174 Culture de 7 jours. 4 jours 1/4 — 4 jours 1/2 — 4 jours 1/4 La moyenne est de 4 jours 1/2, et ce nombre se rapproche de ceux de la seconde colonne du tableau. » Remarquons même que la lymphe retirée 20 heures après l'inoculation tue en 4 jours 1/4: elle agit douc exactement comme la culture introduite par l'aiguille à cataracte. Je crois donc pouvoir conclure que le bacille de la septicémie se conserve au moins 8 jours dans le sac lymphatique dorsal, sans perdre sa virulence. Si nous rapprochons cette conclusion de celledéjà formulée sur l’englobement des bacilles, nous voyons que,les microbes sont englobés à l’état vivant et virulent, et qu’ils peuvent rester plusieurs jours vivants à l’intérieur des leucocytes. L'examen de la lymphe x» vitro va nous fournir une autre démonstration de ce fait. Le bacille de la septicémie pousse bien dans cette lymphe à 35°. Mais la culture est très discrète, et on ne la met bien en évidence qu'en desséchant la goutte, la fixant et la colorant par le Gram. Sion plonge a uparavant la préparation dans l’éosine, on note les faits suivants : Sur une goutte conservée 2 jours, les phagocytes se colorent L4 s RÉSISTANCE DES VERTÉBRÉS INFÉRIEURS. 329 mal: seuls, les grains éosinophiles prennent bien la couleur C’est là un fait tout à fait constant; les granulations éosino- philes, en dehors de l'organisme, se conservent longtemps inaltérées. M. Cuénot (8) dit avoir observé le même fait pour les éosinophiles d’écrevisse. Les phagocytes renfermant les microbes ne sont pas gonflés, mais les microbes ont déjà bien poussé; les articles sont isolés les uns des autres, et la colonie épouse la forme du Dr te. Les microbes ont donc bien été englobés vivants. Dans la préparation que je décris plus spécialement, la prise de lymphe avait été faite 20 heures après l’inoculation. Les microbes libres étaient donc très rares ; ils avaient poussé aussi; mais n'étant pas gènés par le contenu solide du leucocyte, ils avaient donné des arbuscules allongés. Tous les microbes prennent énergiquement la couleur, ce qui indique encore que le milieu de culture est favorable. A-til des propriétés atténuantes - Lymphe prise 3 heures après l'inoculation. Goutte conservée 1 jour à l’étuve tue souris en # jours 3/4. = — ne tue pas. ere 9 nr doit = 2 Jours Æ ( FX =- — tue 6 jours. fe NTI = 5 jours laboratoire tue 4 Jours 1/4. 1& . L he prise 4 | Je às li latio / | 1E ymphe prise 4 heures après l'inoculation. Let! Goutte conservée 2 jours à l’étuve ne tue pas souris. Verre NO — id. id. Ag AE — 4 jours tue souris en 3 jours 1,2 NY i — 6 jours — 4 jours 1/4 Dont — 8 jours — à Jours 1/2 — id. — 2 jours 5/4 Lymphe prise 19-20 heures après l'inoculation. Goutte inoculée immédiatement tue souris en 4 jours 1/4. Goutte conservée 2 jours 1/4 à l’étuye, — 11 jours. — — ne tue pas. ‘ = > jours tue en 4 jours 3/4. Enfin une goutte de lymphe prise 30 heures après l'inocula- tion, et conservée 7 jours à l'étuve, a tué la souris en 5 jours 1/4 È A NE SO . . : L] Li 32 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. . Je crois encore devoir conclure de ces expériences que la Jymphe in vitro n’a pas de propriétés atténuantes. Notons en effet que les insuccès portent surtout sur les inoculations de lymphe gardée peu de temps à l’étuve. Quand la lymphe datait de plus de 5 jours, les souris mouraient tou- jours, et certaines même en 5 jours. En résumé la grenouille se comporte vis-à-vis de la septi- cémie des souris exactement de la même manière que vis-à-vis du*charbon. La prétendue exception de M. Lubarsh à la théorie des phagocytes est-donc un argument de plus, et un argument des plus nets, à ajouter à la liste nombreuse de ceux déjà invoqués en faveur de cette théorie. Pour décrire les différents leucocytes qui viennent au point d'inoculation, pour parler du rôle phagocytaire de chacun d'eux, il faudrait répéter ce que j'ai dit dans le cas du charbon. Rare- ment j'ai vu des bacilles dans les éosinophiles ; et j’ai confirmé ce fait par l'examen des colonies poussées en goutte pendante; elle n’ont presque jamais pour centre un éosinophile: : Comme pour le charbon, les quelques éosinophiles renfer- mant peu de granulations paraissent avoir des propriétés phago- » cytaires plus marquées. La fig. 14 représente un de ces leuco- cytes avec quelques bacilles de la septicémie. Comme le charbon, la septicémie ne reste pas localisée au point d’inoculation; on la trouve dans le sang et les différents organes. 24 heures après une inoculation, une goutte de sang du cœur donne une culture, mais elle met au moins 48 heures à être apparente. J'ai noté qu’une portion de foie de grenouille prise 4 jours après l’inoculation avait tué une soufis en 4 jours 1/2 (encore ua nombre semblable à ceux donnés précédemment.) ? V. — GRENOUILLE ET CHARBON A 35°. Après avoir ainsi vu rentrer dans la règle générale les faits connus relatifs à l’immunité de la grenouille contre le charbon, à la température ordinaire, je me trouvais naturellement conduit à chercher pourquoi cette immunité disparaît, lorsque, ainsi que Va montré M. Gibier (15), la grenouille est placée dans de l’eau à 390-370, : = La . à … Ÿ ù * Li * + RÉSISTANCE DES VERTÉBRES INFÉRIEURS. 327 0 Ce fait a reçu «diverses explications, jusqu'au? jour où M. Lubarsch (35), puis M. Sanarelli (57) ont montré que les grenouilles ainsi Éauftées mouraient tout aussi vite, qu’on leur ait ou non inoculé le bacille charbonneux. La question,se posaït aussi sur un autre terrain, et j'ai cherché à voir ce que devenait le bacille LC grenouille inoculée. Pour cela, j'ai cru devoirs suivre le phénomène depuis le commeñcement jusqu’à la fin. Les*grenouilles étaient portées à la chambre étuve à 55°, dans un cristallisoir contenant une petite quantité d’eau, et ; légèrement incliné, afin que l’eau occupe seulement la moitié du fond. Ce cristallisoir était fermé par un treillis en toile métallique. L’eau était renouvelée une ou deux fois par jour. , Le point important est de mettre une quantité convenable d’eau. S'il y en a trop peu, le cristallisoir:se dessèche pendant la nuit, et le lendemain matin on risque de trouver les grenouilles mortes desséchées. S'il y en a trop, l'inconvénient est autre le corps de la grenouille porte une riche flore microbienne qui se développe rapidement dans l’eau à 35° et la corrompt; les grenouilles meurent alors empoisonnées ou asphyxiées. Naturellement, à côté des grenouilles inoculées, je mettais en * mème temps, et dans des conditions analogues, des grenouilles témoins appartenant au même lot que les premières. "4 En opérant comme je viens de le dire, un premier fait m'a | frappé : c'est la différence de sensibilité pour la chaleur des Rana esculenta et des Rana temporaria. | Les Rana esculenta, inoculées ou non, résistent très bien à l’action de la chaleur; j’en ai eu qui ont vécu des semaines à 35°. Pour cette espèce, l’'immunité à 35° pour le charbon ne fait , pas de doute ‘. TE La Rana temporaria. placée dans les mêmes conditions que la première, résiste moins bien ; elle meurt toujours entre 12 heures 4 jours, la température du laboratoire étant 20°*. Malsré les précautions prises, je n'ai pu en garder plus de 5 jours. Par une acclimatation lente et graduée, on arrive à faire vivre des Rana temporaria à 359. | " 1. L’étuve étant par hasard à 58°, une 2. esculenta y a vécu 5 jours et est morte accidentellement ; 6 heurestaprès l’inoculation, la moitié des bacilles étaient intra- cellulaires. ’ 4 é 2. Quand la température du AOCrAOITE est 12-150, les wrenouilles meurent à « l’étuve en moins de 12 heures. 328 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sa +. ”, Dans toutes ces expériences, les grenouilles étaient portées D brusquement de 20° à 35°. Elles étaient inoculées au moment d'être mises à l’étuve. J'ai reconnu, comme M. Lubarsh, que les grenouilles ino- culées et non inoculées mouraient exactement de la même facon. I! est donc évident que les grenouilles inoculées ne meurent pas du charbon. Que devient le charbon à l’intérieur du corps d’une grenouille à 35°? Mes recherches ont porté sur 3 points: A. — Examen de l’exsudat dorsal à des temps variables après l’inoculation ; B. — Examen des différents organes d’une grenouille tuée au moment où elle n’a plus qu’un petit nombre d'heures à vivre: C. — Examen du sang et des différents organes d’une gre- nouille morte à l’étuve. A. — D'une façon générale, on peut dire qu'il y a leucocytose aussi rapide que chez les grenouilles à 15-20°, mais moins intense. La phagocytose est des plus nettes. Sur ce point je suis en contradiction avec presque tous mes devanciers. Aussi vais-je préciser le fait par la description de quelques lames colorées. 1° RANA ESCULENTA. — Lymphe prise 4 heures après l'inoculation. Leuco- cytose moyenne; la grande majorité des bacilles est intracellulaire. Lymphe prise 6 heures après (autre grenouille); bonne leucocytose, phago- cytose très intense et tout aussi nette qu'à 15-20°. Les microbes libres sont rares. Lymphe prise 8 heures après (autre grenouille). — (Le maximum de leucocytose est dépassé.) Leucocytose faible; la moitié des leucocytes contiennent des bactéries dont quelques-unes se colorent mal; la majeure partie des bacilles sont libres. Lymphe de la même grenouille 24 heures après. Mème leucocytose que la veille; les bacilles libres sont rares. On voit beaucoup de leucocytes ayant englobé des microbes; mais dans la minorité des cas seulement. ces microbes sont bien colorés. : Lymphe de la même grenouille 53 heures après. Les microbes semblent avoir complètement disparu; on n’en voit plus de libres; dans quelques leucocytes, traces plus ou moins nettes. | 2° RaNA TEMPORARIA. — Lymphe prise 4 heures après. Leucocytose faible, 1/3 de leucocytes avec microbes; la moitié des microbes intracellulaires (cette grenouille meurt la nuit suivante avec charbon généralisé). Lymphe prise 5 heures après. Leucocytose faible. Une notable partie des leucocytes (1/3 ou 1/4) ont englobé des microbes; quelques-uns en sont v4 $ RÉSISTANCE DES VERTÉBRÉS INFÉRIEURS. 329 bourrés. Néanmoins les microbes libres sont plus nombreux que les intra- "cellulaires. , Lyinphe de la même prise T heures 1/2 apres. Faible leucocytose. La majeure partie des leucocytes renferment des. microbes : quelques-uns en assez grand nombre. La moitié au moins des microbes sont intracellulaires. Beaucoup d'éosinophiles. Lymphe de la même prise 24 heures après. Mème leucocylose que la veille. Très peu de microbes libres. Les englobés sont assez nombreux et paraissent encore peu dégénérés; — 1/8 d'éosinophiles. (Cette grenouille meurt la nuit suivante avec charbon généralisé). Lymphe prise 55 heures après. Il existe encore une leucocytose. La moitié au moins des globules renferment des microbes, en général en très grand nombre, et paraissant en bon état; les bacilles dégénérés sont peu communs. Les bacilles libres sont tellement rares qu'ils peuvent provenir de leucocytes éclatés. Cette grenouille meurt accidentellement (par dessiccation du cristal- lisoir) 4 jours 1/2 après l’inoculation ; aucune trace de charbon dans le sang et les organes. De tout ce qui précède résulte, il me semble, que la destruc- tion du charbon, au point d'inoculation, marche parallèlement chez les grenouilles à 35° et chez les grenouilles à la température ordinaire. Il y a simplement un léger retard pour les premières. * Le même parallélisme existe pour la destruction dans le sang et le foie. 2 Rana esculenta traitées de la même façon, l’une h! à 35°. l’autre à 20°, sont sacriliées 33 heures après l’inoculation. ? » POUR LA GRENOUILLE A 20° POUR LA GRENOUILLE A 35e 4 gouttes de sang donnent 6 colonies. | à gouttes de sang donnent 15 colonies. Le frottis d’un lobe de foie 10. 1 goutte — 5 — Frottis de foie 15 _ Les nombres sont bien comparables. B. — Avec un peu d'habitude, il est facile de diagnostiquer, quelques heures à l'avance, la mort des grenouilles. Je vais décrire brièvement ce que j'ai observé chez 2 grenouilles (R. tem- poraria) sacriliées l'une 12 heures, l’autre 45 heures après l’inoculation. La 1° appartenait à un lot de 3 grenouilles. Au moment où on la sacrifie, ses 2 compagnes sont mortes; elle parait très affaiblie ; mise sur le dos, elle ne se relève pas. Le sang observé sans coloration ne montre pas de bactéridies. Mais en ensemençant 2 gouttes de sang sur gélose, il pousse de nombreuses colonies. Au point d’inoculation, exsudat faible. L'examen de la lymphe dorsale, en lame colorée, montre des k % D) 330 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. microbes libres, mais la majorité des microbes sont à l'intérieur des leucocytes. Donc phagocytose très netté et très avancée. Les coupes du foie, colorées comme nous l'avons indiqué précédemment, montrent : Dans les vaisseaux, hyperleucocytose très nette. Nombreux microbes dans tout l’organe ; la grande majorité sont intracel- lulaires. Parmi les phagocytes, la plus forte partie sont des leucocytes, et se trouvent soit dans les grands, soit dans les petits vaisseaux. Ces leucocytes se distinguent nettement des cellules hépatiques proprement dites par leurs noyaux plus petits, à chromatine disposée d’une façon. plus dense et plus homogène. s Les cellules endothéliales rappellent, par leurs noyaux, les eucocytes : quelques-unes manifestent leurs propriétés phago- cytaires. Leur position+et la présence fréquente des grains de pigment brun à leur intérieur permettent de les reconnaître fagile- ment. Ces cellules du foie des grenouilles, appelées souvent « pigmentzellen », sont bien,connues : ce sont les homologues des cellules étoilées FE Kupfer du foie des mammifères; comme elles, ce sont des macrophages. Les microbes libres sont peu nombreux, toujours en filaments d’un très petit nombre d'articles; on n’observe pas encore dedéve- loppement net. : : Dans la rate, le nombre des microbes est proportionnellement moins grand que-dans le foie. La majorité de ces microbes sont englobés; il y en a aussi de libres, et certains ont mème légè- rement poussé (4 ou 5 articles au maximum). | Dans le rein, le phénomène est un peu différent. Là les microbes libres sont nombreux et il y en a dans la veine cave, dans la veine porte rénale, et dans les ramifications de ces veines. Sur aucune des coupes, je n’en ai observé dans l'aorte, à la hauteur du rein. Les microbes sont rares dans les glomérules. Ces bacilles paraissent avoir déjà poussé; et l’on remarque fréquemment des filaments d’une dizaine d’articies au moins. Quelques leucocytes renferment des microbes ; mais cespha- gocytes sont bien moins nombreux que dans le foie. Ainsi donc, cette grenouille, au moment où son agonie va commencer, montre des microbes englobés dans tousses organes, 4 ; e k * RÉSISTANCE DES VERTÉBRÉS INFÉRIEURS. 201 + . et cet englobement semble être surtout dû aux microphagss. Chez une autre grenouille, sacrifiée 45 heures après l’inoc U-, lation parce qu’elle paraissait malade (sa compagne, alors bien portante, meurt 20 heures après), l'examen des coupes d'organes ne révèle aucun bacille charbonneux. Deux gouttes de sang ense- mencées sur gélose ne donnent le lendemain que 3 colonies de charbon. La destruction des microbes était donc à peu près complètement terminée au moment où cette grenouille commen- çait à présenter des signes morbides C.— Les examens post mortem corroborent complètement ce que nous venons d'observer peu d'heures avant la mort. Voici, avec quelques détails, le résultat de l'examen des différents organes d’une grenouille ouverte comme morte 24 heures après ’inoculation, mais dont le cœur battait encore. Dans le sang, on voit de rares bacilles en filaments de quel- ques articles. Deux gouttes ensemencées sur gélose donnent le lendemain un gazon charbonneux à peu près uniforme. Dans le foïe, on voit un nombre considérable de microbes. Orn encontre des microbes libres surtout dans les gros vaisseaux qui sont gorgés de globules sanguins. Ces microbes sont déjà en chaînes, quelquefois d’une dizaine d'articles. Certaines coupes de vaisseaux montrent un réseau assez serré de microbes ; d’autres en montrent assez peu : et alors on peut voir nette- ment que les leucocytes bourrés de microbes bien colorés sont nombreux. Cette constatation est surtout facile à A dans les petits vaisseaux et particulièrement dans les capillaires; là les microbes ont peu poussé, et on en voit des quantités d’intracellulaires. Nous n’avons jamais vu de microbes dans les cellules endothé- liales des gros vaisseaux, cellules aplaties et à noyau allongé se nes par le carmin. Mais dans les capillaires, Les : ccllules endothéliales remplies de microbes ne sont pas rares, et surtout celles qui renferment du pigment; pourtant, quand le pigment remplit la cellule, on ne voit plus de microbes. Dans la destruc- tion des.bacilles, ces cellules macrophages paraissent jouer un rôle qui est environ le dixième de celui des leucocytes. Dans la rate, il y a incontestablement moins de microbes que dans le foie, la plupart intracellulaires. ns développement microbien. em . CUS © D perte mir — R > mie ni, - ..… 392 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le rein au contraire, contient un nombre considérable de bactéridies. Ce qui frappe à un faible grossissement, c’est Ja teinte violet foncé d’un certain nombre de glomérules. " Les petits vaisseaux de ces glomérules sont alors gorgés de microbes en filaments assez longs, souvent incurvés.pour suivre le trajet de ces vaisseaux. La veine-porte afférente est gorgée de sang; les microbes, en grande partie extra cellulaires, sont en filaments assez courts. Les vaisseaux de la face dorsale (artérioles et ramifications de la veine porte) sont remplis d'éosinophiles et de microbes ayant déjà bien poussé. Ceux de la face ventrale renferment peu de microbes. Malgré ce développement considérable de la bactéridie, il est facile de voir des bacilles intracellulaires disséminés un peu partout. Il y en a quelques-uns dans des cellules endothéliales. Ce tableau de la distribution des microbes dans les organes au moment de la mort, nous le retrouvons semblable chez tous les animaux morts avec du charbon généralisé. Si nous faisons au contraire l’autopsie de la Rana temporaria morte cinquante heures après l’inoculation, nous ne trouvons aucun microbe ni dans le sang ni dans les organes. Il en est de même pour les autres grenouilles mortes au bout d'un temps plus long. | D'après tout ce qui précède, il est facile de se faire une idée de la façon dont le charbon se comporte chez une grenouille à 35°. La destruction des microbes se fait comme chez la gre- nouille à 15-20° : destruction au point d’inoculation par les leu- cocytes : transport des microbes dans le courant sanguin, arrêt dans un certain nombre d'organes, en particulier le foie, où il ya une faible destruction par les « pigmentzellen ». La disparition des microbes demande un certain temps pour être à peu près complète. C’est ce qui arrive chez les grenouilles qui résistent à la température de l’étuve, et aussi chez celles qui réussissent à y vivre un certain temps, plus de 48 heures par exemple. Il est bon de faire remarquer que toutes mes expériences ont été faites avec du charbon asporogène,: En opérant avec des spores, M. Trapezmikoff (59) a eu mort avec charbon très longtemps après l’inoculation. * È . RÉSISTANCE DES VERTÉBRÉS INFÉRIEURS. 333 Chez les grenouilles qui meurent le premier oule deuxième jour, le charbon reste encore en grande quantité dans le sang et les organes. Beaucoup de microbes se trouvent à l’état libre arrêtés pari le filtre rénal. Quelques heures avant la mort, lorsque la période d’anesthésie commence, ily a probablement paralysie des leucocytes. Les microbes, étant dans un milieu nutritif favorable, à leur température optima, croissent. Et au moment de la mort on a un développement considérable du charbon dans les organes. La condition nécessaire, pour qu'une grenouille meure avec du charbon généralisé dansles organes, est donc que l'heure de la mort suive d'assez près celle de l’inoculation, pour qu'une partie notable des bacilles inoculés ne soit pas encore détruite. Et cela est vrai, non seulement à 35°, mais aussi à des tem- pératures plus basses. Suivant leur manière d'opérer, les auteurs ont trouvé que les grenouilles mouraient à telle ou telle tempé- rature, et avec charbon généralisé ‘. Dans une de mes expériences à 20°, une grenouille a été trouvée morte 24 heures après l’inoculation. En faisant l'étude de ses organes, j'ai retrouvé le tableau tracé pour une grenouille morte à l'étuve, avec cette différence que les microbes libres avaient bien moins poussé. Il faut évidemment expliquer de la même façon les résullats que MM. Klein et Coxwell (25) ont obtenu en narcotisant des grenouilles à la température ordinaire avec un mélange le chlo- roforme et d'éther. Les grenouilles, narcotisées puis injectées avec d'assez fortes doses de matériel charbonneux virulent, meurent avec charbon généralisé en 3 jours. Là encore, il a dû y avoir paralysie des leucocytes, et le développement du charbon a pu s’opérer. L'étude des coupes révèle ce fait que la rate paraît jouer un rôle bien moins important que le foie dans la destruction des microbes. Il m'a paru intéressant de rechercher si la bactéridie éprouve quelques variations dans sa virulence en passant par l'organisme chauffé de la grenouille. 1. M. Robhrschneider tue ses Æana esculenta à partir de 30° en2 à 3 jours. D'autres tuent les grenouilles à 25° avec charbon généralisé, "# n æ- + 334 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. PREMIÈRE EXPÉRIENCE. — (Charbon asporogène trés virulent.) 1 goutte de sang du cœur d’une Rana temporaria morte en 24 heures tue un cobaye de 325 gr. en 21 heures. ; 5 à 6 gouttes de sang d'une Rana temporar ia morte en moins de 24 heures, tuent un cobaye de 410 gr. en 30 heures et demi. 20 DEUXIÈME EXPÉRIENCE. — (Charbon asporogène tuant 2 cobayes de 600 gr. entre 36 et 40 heures.) 2 cobayes sont inoculés avec le sang d’une grenouille (R. temporaria) sacrifiée #5 heures japrès l'inoculation. L'ensemencement d'une petite quantité de sang sur gélose nous permet de compter approxi- mativement le nombre de bacilles inoculés: Cobaye de 435 gr. reçoit 5 bacilles, meurt en 60 heures environ. — GET Mao = 68 heures et demie. En se rapportant aux nombres donnés par M. Lubarsh (32) pour la survie des cobayes inoculés avec une bactéridie ou un nombre très faible, on constate que les chiffres ci-dessus ne témoignent d'aucune atténuation de la bactéridie. Je peux donc généraliser ce que j'ai dit dans un chapitre précédent : La lymphe de grenouille n’a de propriétés atténu- antes ni chez l'animal vivant, ni in vitro, ni à 15-200, ni à 35°. ù VI. — ROLE DES DIFFÉRENTS ORGANES DE LA GRENOUILLE DANS LA RÉACTION CONTRE LE CHARBON INTRODUIT PAR VOIE INTRAVAS- CULAIRE. | : . L'étude de l'inoculation du charbon par voie intravasculaire n’a été qu'ébauchée jusqu'ici. M. Hess (19) injecte 1 c. c. de culture, diluée dans la solution physiologique de sel marin, dans la veine crurale des gre- nouilles, et recherche, à des temps diflérents, les bacilles dans le sang et les organes. Au bout de 3 heures, il trouve peu de bacilles dans le sang, la plupart dans.les leucocytes. Au bout de de 6 heures, les bacilles libres sont très rares. Il y a hyperleuco- cytose dans le sang, et un sixième des leucocytes renferment des microbes ( (tantôt 1, tantôt 15 et plus). 6 ou 8 heures après l'injection, les microbes se trouvent seulement dans les tapil- laires du foie (dans les leucocytes et les « pigmentzellen »). La rate, observée 16 ou 20 heures après l'inoculation, montre quantité de microbes dans les cellules de la pulpe. Dans la moelle des os, il y a peu de microbes, et ils sont presque tou- jours dans de grosses cellules mononucléaires. M. Hess observait avec soin la dégénérescence des microbes, * . RÉSISTANCE DES VERTÉBRÉS INFÉRIEURS. ‘335 et iken concluait que les leucocytes ont un faible pouvoir bac- à téricide, qu'ils ont surtout pour mission de porter les bacilles au foie et à la rate où sont les phagocytes fixes qui les détrui- sent. + ‘ M. Lubarsh (30), en faisant des injections par la veine abdo- minale, confirme les résultats de M. Hess ; il note surtoût ce fait que les bacilles morts sont englobés bien moins rapidement que les vivants. Toute autre est la conclusion de M. Voswinkel (60). Il con- state la disparition des bacilles du sang en 3 heures et leur dis- À -paritionçomplète en six jours. Mèmes résultats, quand ilinjecte, À avant le charbon, dans les veines de la grenouille, une solution à À "salée. De ses recherches, il conclut que la phagocytose ne joue ‘1 aucun rôle dans la destruction des microbes. ” Je me suis surtout préoccupé de saisir les premières phases | à de la destruction des microbes. Pour cela, je fixais les organes à des temps variables entre 2 minutes et 2 heures après l’injec- tion; les premières injections ont été faites pen la veine abdo- minale qui se rend directement au foie. L'injection, même faite assez lentement, (3 minutes pour le. c.), produit un gonflement notable du foie qui cesse envi- ron dix minutes après la fin de l'injection. Le premier fait qui frappe dans l'examen, des organes, c’est que presque tous les bacilles sont arrêtés dans le foie. Le sang s est chassé par l'injection, et les microbes sont arrêlés dans ies capillaires hépatiques. Aussi, dans les 2 heures qui suivent l'injection, ne trouve- t-on que peu de bacilles dans la rate et le rein ; il faut quelque- ‘. fois parcourir plusieurs coupes de la rate pour rencontrer une bactéridie; et les coupes du rein en montrent une très faible quantité. Examinons le foie. Trois minutes après l'injection, tous les penis vaisseaux sont gorgés de microbes extracellulaires. Il n'est pas rare, néanmoins, d'observer quelques microbes dans R des cellules endothéliales. | Dix minutes après, le nombre des microbes n’a pas sensible- ment diminué; mais il yen aun plus grand nombre dans les cellules endothéliales. Une demi-heure après, l’axe des vaisseaux est encore rempli # à + 396 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de microbes; leur nombre a néanmoins diminué. De plus,son observe une leucocytose abondante ; les microbes sont entourés deleucocytes; mais la minorité seulement sont englobés ; en forte majorité ils restent libres. L’englobement par les cellules endo- théliales du foie est bien plus intense que dans les stades précé- ” dents! On observe de nombreuses cellules pigmentaires renfer= mant des bacilles, généralement en petit nombre. |: Deux heures après, les bacilles ne se rencontrent plus guère dans l’intérieur des vaisseaux; on n’en voit plus qu'un nombre assez restreint ; quelques-uns très rares, libres. La plupart des phagocytes sont des cellules pigmentaires. Ainsi, 2 heures après l'inoculation, nous observons une disparition presque complète des microbes du foie, et nous voyons le rôle important des cellules endothéliales de cet organe. Dans tous ces phénomènes, les éosinophiles semblent n'avoir aucun rôle; ils sont en général très rares, bien plus rares que dans la rate où il ne se passe rien. | À L'inoculation par la veine abdominale a un double inconvé- nient; elle chasse pour un temps le sang du foie et les microbes sont arrêtés dans cet organe. Aussi j'ai fait également des injec- tions par la crosse aortique. Le. bacille du charbon se trouve alors distribué également dans toutes les parties du corps. De toutes les préparations examinées, je conclus que : 1° Le foie a un rôle important dans la destruction des microbes. Huit minutes après l'injection, on y trouve un petit nombre de microbes. Plus de la moitié de ces microbes sont intracellulaires ; mais une bonne partie des phagocytes sont des cellules endo- théliales ; les microbes contenus dans ces cellules sont toujours en petit nombre. Il n'y a déjà plus de microbes dans les gros vaisseaux. Les éosinophiles peuvent déjà manifester leurs pro- priétés phagocytaires. Mais leur petit nombre indique qu'ils ne doivent avoir aucun rôle à jouer avant l’englobement des microbes par les microphages ordinaires ou par les macro- phages. | A mesure quele moment de l’inoculation s'éloigne, le nombre des microbes libres dans le foie diminue. Déjà 20 minutes après, on n’en observe que rarement d’extracellulaires. Ils sont en mino- rité dans les leucocytes, en majorité dans les cellules pigmen- RÉSISTANCE DES VERTÉBRÉS INFÉRIEURS. 391 taires. Mais il y a encore quelques microbes libres 1 heure après l'injection. L'englobement ne va donc pas aussi vite que chez les ani- maux à sang chaud ‘. Cela tient évidemment à ce que les pro- priétés chimiotactiques des leucocytes de la grenouille sont, comme l’a montré M. Gabritchewsky (13), bien moins puissantes que celles des globules blancs du lapin; 2° Les coupes de rates, fixées 20 minutes ou 1 heure après l'injection, montrent très rarement des bacilles. En revanche, elles renferment des quantités d’éosinophiles ; 3° La moelle des os, prise une heure après l'injection, montre quelques microbes très rarement libres. Dans une coupe trans- versale de moelle de fémur, on compte en moyenne 2 microbes ; 4° Enfin, il paraît y avoir dans le rein une sorte de rendez- vous de leucocytes chargés de microbes. C'est dans la coupe d’un rein fixé 20 minutes après l’injec- tion que nous avons observé les exemples les plus nets et les plus indiscutables de leucocytes éosinophiles renfermant des microbes à leur intérieur. Les figures 10 et 11 représentent deux de ces éosinophiles phagocytes. Dans ce rein, la moitié des phagocytes étaient des cellules à granulations. Le premier fait à retenir de cette étude, c’est que la destruc- tion des microbes daus le sang, ou mieux leur englobement par les phagocytes, se fait très rapidement après leur entrée dans les vaisseaux. 11 a lieu incomparablement plus vite que dans le sac dorsal. Cette constatation permet de répondre à üne objection for- mulée par M. Klein (26) contrt la théorie de la phagocytose. 1l inocule des grenouilles dans le sac lymphatique dorsal, et il recherche les bacilles dans le sang et la rate depuis 10 minutes jusqu'à 24 heures après l’inoculation. Il constate ainsi que beau- coup de microbes disparaissent du sang dans les deux premières heures. Or, dit-il, la phagocytose n’a pu intervenir, puisqu'elle ne se manifeste jamais au point d'inoculation dans les trois pre- mières heures. Mes expériences prouvent qu'elle se manifeste plus vite dans le sang, et les microbes que M. Klein ne retrouve plus ont dû disparaître par ce processus. 1. Voir le travail de M. Werigo (63), et celui de MM. Kanthack et Hardy (24), 929 em ere ou “ Li 338 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Un deuxième fait sur lequel j'appelle l'attention, et qui ressort non seulement de ces expériences d’injections intraveineuses, mais encore de celles sur les grenouilles à 35°, c’est le faible rôle de la rate dans la destruction des microbes. Enfin, j'ai vu le rôle important des « pigmentzellen » dans la destruction des microbes injectés dans les vaisseaux. Ge rôle est bien moins grand quand les microbes sont inoculés dans le sac dorsal. Cela tient évidemment à ce que la plupart des leuco- cyles que l’on observe dans les coupes du foie, ont pris leurs microbes au point d’inoculation. VII. — ConNTRIBUTION A LA CONNAISSANCE DES ÉOSINOPHILES. À. Origine. — L'origine des cellules éosinophiles est encore bien obscure. M. Ehrlich (10) prétend qu'elles naissent dans la moelle des os. Chez la grenouille, elles sont en effet particulière- ment développées dans ces organes; mais elles n’y sont pas plus nombreuses que dans la rate. En tout cas, il faut leur chercher une autre origine chez la raie, qui contient de nombreux éosino- philes et n’a pas de moelle des os. Beaucoup d'auteurs tendent d’ailleurs à admettre quesouvent elles dérivent de leucocytes polynucléaires à protoplasme hyalin. MM. Massart, Demoor et Mie Everard (37), chez le cobaye et le lapin, ont montré tous les passages. Et ainsi une autre question se pose : celle de savoir comment naissent les granulations. Sont-elles un produit d'activité secré- . toire de la cellule, comme le veut M. Ehrlich, ou bien ont-elles une origine extra-cellulaire ? Un certain nombre de faits nous semblent militer en faveur de cette secônde hypothèse. x M. Tettenhamer (58) a observé, chez des salamandres dont Jes testicules étaient en voie de dégénérescence, que « par la dégénérescence des noyaux des spermatocytes, il se forme, aux dépens de la chromatine, une substance acidophile. » Et de l'ob- servalion minutieuse des rapports entre cette substance acidophile et les leucocytes, il croit pouvoir conclure qu’elle pénètre à l’in- térieur des globules blancs par phagocytose et y constitue des granulations «. M. Tettenhamer note également que, dans les organes lym- LS e RÉSISTANCE DES VERTÉBRÉS INFÉRIEURS. 339 7 ee os" 2 phoïques du cobaye, il a vu beaucoup de noyaux en dégé- nérescence et, dans ces noyaux, de la substance acidophile. MM. Hardy et Lem Boon Keng (18), étudiant la réaction de la grenouille injectée avec du curare, remarquent qu’au second stade de la réaction, des globules rouges sont englohés par les leucocytes, et que ces débris de globules prennent l’éo- sine ; ils constituent ainsi dans les leucocytes des masses éosino- philes irrégulières. M. Metchnikoff (4 et 46), chez des cobayes vaccinés contre le choléra, à qui il injecte des vibrions, a vu certains de ces vibrions se colorer en rose vif par l’éosine, au lieu de prendre la teinte bleu de méthylène. Il a également vu des granulations + rangées de façon à rappeler exactement la forme d’un vibrion. C'est évidemment là le 1° stade de l’émiettement d'un vibrion « éosinophilisé ». Dans mes recherches sur le mode de résistance des Lacertu viridis à la bactéridie charbonneuse, j'ai constaté avec la plus grande netteté la transformation des microbes en granulations éosinophiles. Chez un lézard injecté sous la peau du cou, j'ai vu que, 24 heures après l’inoculation, la plus grande partie des microbes sont intracellulaires. Parmi ces microbes, il en est à peine la moitié qui prennent la coloration bleue; on trouve toutes les gammes entre le bleu et le rouge. On saisit donc tous les stades de la transformation “en éosinophiles de nos microbes. La teinte violette indique que le microbe se colore à la fois par le bleu de méthylène et par l’éosine; il passe par le stade amphophile. Dans les préparations colorées uniquement par l’éosine, une -pelite quantilé de-microbes sont colorés en rouge aussi foncé. que les granulations « typiques; d’autres sont colorés en rose pâle : ce sont probablement des microbes qui prennent la teinte violette dans le cas d’une double coloration. Dans l’exsudat du mème lézard, 52 heures après l’inocula- tion, il n'existait plus guère que des microbes rose violacé et rouge franc. Ne Le stade d'émiettement du microbe est assez rare à observer. Cette transformation des microbes peut se produire assez vite. + J'ai trouvé bon nombre de microbes ainsi transformés dan 340 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l'exsudat d’un lézard, 5 heures après l'injection dans le péri- toine. Malgré des observations répétées, je n’ai jamais constaté de phénomène semblable dans la destruction de la bactéridie par la grenouille. L La conclusion s'impose donc : dans un certain nombre de cas bien observés, les granulalions éosinophiles proviennent de l’englobement par les phagocytes de matériaux présentant déjà ou non la réaction acidophile. B. Nature et rôle des jranulations. — Les opinions les plus diverses ont été émises sur la nature de ces granulations. Les anciens auteurs les considéraient, les uns comme des globules eraisseux, les autres comme formés d'hémoglobine. Des travaux de MM. J. Weiss {62), Lüvit (29), Siawoillo, il résulte que ces granules manifestent les réactions des matières albuminoïdes et en particulier des globulines. MM. J. Weiss et Metchnikoff (43) ont d’ailleurs montré que les cristalloïdes des grains d'aleurone qui existent souvent dans les réserves végétales, prennent la couleur de l’éosine; il en est de mème des granulations vitellines, d’après M. Ehrlich. De ces analogies, il semble qu'on puisse conclure que les oranulations éosinophiles sont des matières de réserve. C. Propriétés des cellules & granulations x. — J'ai montré que dans un certain nombre de cas, c’est en manifestant des pro- priétés phagocytaires que les cellules se chargent de granules éosinophiles. Les cellules remplies de ces granulations ont-elles encore gardé quelques traces de leurs propriétés phagocytaires ? Ces propriétés sont au nombre de trois :. 19 Chimiotaxie positive exercée par certaines substances ; 2 Ingestion des microbes ou des matières étrangères ; 3° Digestion de ces matières. 1° Parmi les nombreux savants qui se sont occupés des variations dans la proportion des globules blancs du sang, con- comitantes à certaines affections de l’organisme humain, un certain nombre se sont préoccupés des changements dans Île nombre relatif des éosinophiles. De cestravaux, pour la bibliographie desquels nousrenvoyons RÉSISTANCE DES VERTÉBRÉS INFÉRIEURS. 341 au mémoire de M. Siawcillo (p. 289) et à la revue critique de M. Metchnikoff (45), il ressort que les leucocytoses éosinophiles sont rares; dans la plupart des cas de leucocytoses intenses, quand la proportion relative des phagocytes typiques augmente considérablement, celle des acidophiles varie peu. Les éosinophiles manifestent donc une chimiotaxie moindre que les leucocytes hyalins. MM. Massart, Demoor et M'° Eve- rard (37) arrivent aux mêmes conclusions chez le cobaye et le lapin. Les éosinophiles de la grenouille sont-ils doués de chimio- taxie positive? MM. Kanthack et Hardy l'affirment et ils pré- tendent mème que, dans les premiers temps qui suivent l'inocu- lation, il y a uniquement leucocytose éosinophile. Chez les nombreuses grenouilles que j'ai inoculées dans le sac dorsal, j’ai souvent compté le nombre des éosinophiles, et cela de 2 à 6 heures après l’inoculation, c’est-à-dire depuis le commencement de la leucocytose jusqu’après son maximum, et j'ai toujours trouvé la même proportion de ces cellules. C'est seulement lorsque la phagocytose est déjà très avancée que la proportion des éosinophiles diminue. Dans la première période, cette proportion est variable avec les individus. Pour les Rana temporaria, elle est en général comprise entre 10 et 25 0/0. Mais elle peut dépasser ce chiffre. Dans un lot de grenouilles recueillies aux environs de Paris à la fin du mois de mai 1894, eile était supérieure à 50 0/0; quelques-unes mème présentaient au point d’inoculation 80 éosinophiles contre 20 leu- cocytes hyalins. Chez les Rana esculenta, la proportion est bien moindre; souvent elle n’atteint pas 1 0/0 ; elle dépasse rarement 10 0/0. Quoique je n'aie pas fait d'observation attentive sur ce point, j'ai gardé cette impression que la proportion des éosinophiles ne diminue pas pendant l'été. Examinons maintenant les variations de cette proportion avec letempsqui suitl'inoculation et avecl’endroit de cetteinoculation. J'ai injecté des grenouilles à la fois dans le sac lymphatique dorsal et dars la chambre antérieure de l'œil. En ce second point, il n’y à pas normalement de leucocytes, et ces cellules ont une certaine difficulté à arriver. M. Metchnikoff a montré que la leucocytose ne commençait que 18 à 24 heures après l’inoculation. # e + ee ” 942 ” ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Auparavant, si la température n’est pas trop basse, il y a crois- sance des bactéridies. J'ai également constaté ces faits : PROPORTION DES» ÉOSINOPHILES Inoculation du 31 mai à 2 heures du soir. PRISES DE CL YNEPRNE EE — . SAC DQARSAL fe CE: GRexouLLE LL. — (R. temporaria.) 84/mai, 6théures.: 2. ./ : 4 SPAIN 76 0/0 le puinrheuress tr Pr AR 42 0/0 »355°0/0 2AjUIn FO LD OUTES MAN AAC 20 à %5 0/0 6 à 7 0/0 GRENOUILLE TE. — (R. temporaria.) SUN ANAOBNEUTES PEER ER 67 0/0 — 1 UIOS Sieures st RFO RUE + æ 40 0/0 44 0/0 AFIN LOBMEULESR RL RER 25 0/0 29 0/0 e * < / » GRENOUILLE TE. — (A. esculenta.) - PIN AN SOPNEUTES RER Mere 41 0/0 ter juin, ANEUROS A RENE Te A — 2 0/0 2HIUIM ONNEUTES EP PEN UC ART ET US Le — 2 0/00 Il est clair que les nombres pour l'œil doivent être comparés aux nombres de la veille pour le sac dorsal , puisque lesleucocytes mettent environ 1 jour à pénétrer dans la chambre antérieure de l'œil. La proportion des éosinophiles est donc notablement ne ies jours qui suivent celui de l’inoeulation; j'ai bien à ce sujet une trentaine d'observations toutes concordantes; les expé- riences citées donnent une idée de la diminution relative des éosinophiles. Il y a également proportion moindre quand on observe le phénomène dans la chambre antérieure de l'œil. Il ma semblé que ces faits pouvaient s'expliquer en admet- tant que les éosinophiles ont un pouvoir chimiotactique moindre que les phagocytes ordinaires. La substance attirante au point d'inoculation diminue en effet à mesure que le moment de l'ino- -culation s'éloigne. Et, dans la chambre antérieure de l'œil, celte substance est en moins grande quantité que dans le sac dorsal; de plus, la difficulté de pénétration des leucocytes doit être un obstacle à la manifestation de leurs propriétés chimiolactiques. Pour vérifier l'exactitude de cette hypothèse, j'ai cherché si RÉSISTANCE DES VERTEBRÉS INFÉRIEURS. 243 la proportion des éosinophiles attirés dans le sac dorsal varie : . » 1° Avec la quantité de virus charbonneux inoculée; 2° Avec sa qualité. * Pour chaque série, on opér ait avec deux 2 lots de grenouilles: chaque lot recevait : ire SÉRIE ter LOT Ile LOT D'abord: 1 goutte de charbon, 1/2 cm. cübe. 10 jours après: 1/2 cm. cube. 1 goutte. Ile SÉRIE ter LOT Ile LOT D'abord : 1/2 cm. cube. 1 vaccin. 1/2 cm. cube charbon virulent. 12 jours après: Charbon virulent. ” ler yaccin. « Les expériences étant disposées de cette façon, les variations dans le nombre des éosinopliles dues soit à l'influence du jeûne, soit à celle d’une première inoculation, soit à toute autre cause, se trouvent annulées. Avec les 10 grenouilles qui ont servi à ces expériences, j'ai obtenu 8 résultats conformes à mon hypothèse; dans 2 cas, le nombre des éosinophiles n’a pas varié. Je crois donc, de cet ensemble de faits, pouvoir conclure que les éosinophiles de la grenouille ont un pouvoir chimiotaclique très net, mais moindre que celui des leucocytes à protoplasme hyalin. Le pouvoir chimiotactique des leucocytes du lézard est éga- lement considérable. Sur des lézards expérimentés en septembre et octobre 1894, j'ai compté en moyenne 80 0/0 d’éosinophiles au point d'inoculation. Chez un individu, ce nombre à mème atteint 90 0/0. — Chez un autre, il n’a été que de 50 0/0. Chez les reptiles, les ul sont d’ailleurs très nom- breux dans le sang. M. Saint-Hilaire l’a déjà constaté chez la couleuvre. 20 Les éosinophiles ingèrent des microbes. — J'ai déjà, dans les paragraphes précédents, noté le fait chez la grenouille. Il suffira de le rappeler ici, en répondant à deux objections possibles. MM. Kanthack et Hardy disent n'avoir jamais vu de microbes dans les éosinophiles de grenouille. — Ils insistent _ sur ce fait que souvent les microbes sont collés-à la surface des _éosiuophiles, et qu'à un examen superficiel, on peut croire qu'ils sont à leur intérieur. J'ai moi-même été frappé de ce fait que souvent les microbes “ x 344 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sont à côté des éosinophiles, et non dedans. Mon interprétation diffère de celle des savants anglais. Pour moi, grâce à ses pro- priélés chimiotactiques, le leucocyte s’est approché du microbe; ik n’a pu l’englober, déjà rempli qu’il est de matières nutritives. Mais il est des cas où l’ingestion a lieu. Je l’ai maintes fois observé dans l’exsudat lymphatique dorsal; et j'ai cité le cas d'une grenouille inoculée par le bulbe aortique, où le phéno- mime était d’une grande fréquence dans le foie, et surtout le rein. MM. Hardy et Lem Boon Keng notent qu’au second stade de la réaction des grenouilles contre le curare et le charbon, beaucoup de leucocytes à protoplasme hyalin englobent des éosinophiles, se les assimilent peu à peu et finalement prennent tout à fait l’apparence d’un éosinophile typique. Et pourtant, disent les auteurs, ces cellules conservent leurs propriétés pha- gocytaires. Il me semble que les leucocytes hyalins parvenus à cet état sont de véritables éosinophiles, et que le fait qu'ils absorbent des malières étrangères plaide en faveur de l’idée que je souliens. ' Mais les éosinophiles dont j’ai constaté le pouvoir pha- gocytaire, sont probablement des éosinophiles de plus ancienne date que ceux de MM. Hardy et Lem Boon Keng. Je les ai en effet observés dès les premiers temps de la phagocytose dans le sac dorsal, el 8 minutes après l'injection par le bulbe aortique, dans le foie:les phénomènes pathologiques décrits par MM. Hardy et Lem Boon Keng n'avaient pas encore pu se produire. D'ailleurs, l'observation du noyau montrait qu'on avait affaire à une cellule unique. Cette propriété des éosinophiles est, je l’ai dit, peu accusée. On doit la considérer comme un reste des propriétés phagocy- taires des cellules qui ont mis en réserve les granulations acido- philes. Les éosinophiles du lézard ont aussi le pouvoir d’englober des microbes (fig. 22). Et bien que j'aie fait à ce sujet peu d'observations, je crois que ces cellules jouissent, à ce point de vue, des mêmes propriétés que celles des grenouilles. 3° Les cellules éosinophiles digèrent-elles les microbes ? — On s’ac- eorde à reconnaitre qu'il est bien difficile d'observer avec " certitude les stades de digestion des microbes à l’intérieur des phagocytes. Cette difficulté se complique, chez les éosinophiles, de ce que ces granulalions, masquent en partie les microbes englobés. Je n'ai rien observé, à ce point de vue, chez la grenouille. Chez le lézard, j'ai vu des microbes, indubitablement absorbés par des cellules à granulations, montrer del’affinité pour l'éosine fig. 23). C’est là une preuve qu'une transformation des microbes a lieu à l’intérieur des éosinophiles. La digestion peut-elle être complète ? C’est ce qu'il nous est impossible de dire. — En résumé, je crois que les éosinophiles sont d'anciens phagocytes, bourrés de matières de réserve, et qui possèdent encore quelques restes de leurs propriétés phagocytaires. La différence la plus importante entre les éosinophiles et les pseudo-éosinophiles tombe donc. — Il est probable que ces deux sortes de granulations représentent 2 stades de Pévolution ou de la transformation d’une même matière albuminoïde. C’est d’ailleurs à cette conclusion que tendent les recherches de MM. Ehrlich et Schwarze (pour M. Ebrlich, ces granulations ne diffèrent chimiquement que par la teneur en eau); et aussi celles de MM. Massart, Demoor et M'e Everard, et de M. Cantacuzène, qui, chez le lapin et le cobaye, trouvent tous les passages entre ces deux sortes de granulations. Chez l'homme, où les éosinophiles existent avec les neutro- philes, MM. Max Schultze, Ehrlich, H.-F. Müller, Maragliano et Lappert ont observé également tous les passages entre ces deux sortes de cellules. Les cellules à granulations +, 6 et : d'Ehrlich ne diffèrent donc que par des détails secondaires ; MM. Kantack et Hardy proposent, avec raison, de réunir ces trois sortes de granulations sous le nom de granules oryphiles : et je crois, avec beaucoup de mesdevanciers, que les granulations éosinophiles représentent le stade ultime de ces sortes de corps. CONCLUSIONS GÉNÉRALES I. Les poissons téléostéens résistent à la bactéridie charbon- neuse par le processus phagocytaire. La lymphe du poisson n’a n1 propriétés bactéricides, ni propriétés atténuantes. Les cellules RÉSISTANCE DES VERTÉBRÉS INFÉRIEURS. 345 - + Le * « + CRE LL — - “ - + 5 " # … 46 ANNAEES DE L'INSTITUT PASTEUR. à granulations sont en nombre nul ou insignifiant chez ces poissons. . a Il. La grenouille, chez qui les éosinophiles sont quelquefois très abondants, résiste au charbon de la même façon que Les poissons. Elle lutte également au moyen de ses phagocytes, englobant les microbes vivants et virulents, contre la septicémie des souris. . IT. À 35°, la grenouille a encore l’immunité contre le char- bon; la destruction de la bactéridie s’effectue comme à 20°. Mais chez les grenouilles qui meurent moins de 2 ou 3 jours après l’inoculation, par suite de la paralysie des leucocytes, les microbes encore vivants se développent abondamment dans le sang et les organes. IV. Les microbes introduits directement dans le sang sont saisis bien plus tôt que ceux déposés dans le sac dorsal. — Les macrophages du foie jouent un rôle important dans cette des- truction. V. Les éosinophiles-de la grenouille et du lézard sont doués de chimiotaxie positive, Die que celle des phagocytes ordinaires ; ils englobent des microbes. Les cellules à tone du lézard sont au moins capables de commencer la digestion des bactéries englobées. 7 Se EL e + Fe vd A CL = . + ee “+ : Le = me e qe RÉSISTANCE DES VERTÉBRÉS INFÉRIEURS. 347 EXPLICATION DE. LA PLANCHE V EC Tous les dessins sont faits à la chambre claire. Grossissement Leitz Oc. 4. 1. H.1/12. Les préparations étaient colorées à l’éosine, bleu de méthylène, à l'exception de celles contenant les leucocytes figurés en 10 et 11. — Ils proviennent d'un rein de grenouille fixé à l'alcool absolu et coloré au Gram suivi du liquide de Biondi-Heidenhain (les couleurs ont été changées). F 1, 2et 5. — Leucocytes de Gobio fluviatilis. Fig. 4 et 5. — Id. avec microbes du charbon. Fig. 6 et 7. — Leucocyles de Perca fluvialilis avec microbes du charbon. Fig. 8. — Leucocyte à noyau multilobé de Rana temporariu. Fig. 9. — Éosinophile de R. lemporaria. Fig. 10 et 11. — Éosinophiles du sang du rein (R. esculenta) contenant à leur intérieur des bacilles charbonneux. < Fig. 12 et 135. — Leucocytes de Rana lemporaria contenant à leur inté- rieur des bacilles de la septicémie des souris (proviennent du sac dorsal > heures après l'injection). Fig. 14. — Leucocyte de R. lemporaria contenant un petit nombre de granulations et quelques bacilles de la septicémie (3 heures après l'inocu- lation). Fig. Fig. 15 et 16. — Bacilles «de la septicémie intracellulaires montrant des phénomènes de dégénérescence (29 heures après l’inoculation). Fig. 17. — Éosinophile de Lacerta viridis. Fig. 18. — Leucocyte de L. viridis avec quelques microbes. Fig. 19 et 20. — Id. avec microbes à divers stades de transformation. Fig. 21. — Leucocyte de L. viridis avec quelques granulations contenant 2 microbes colorés uniquement par l’éosine. Fig. 22. — Éosinophile de L. viridis avec une chaîne de bacilles char- bonneux. Fig. 23. — 143 (Les microbes ont pris la teinte de l’éosine.) + EE RE | 348 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. BIBLIOGRAPHIE Î. BAUMGARTEN. — Beiträge zur pathologischen Mykologie. — Experi- mentelle Arbeiten über die Bedeutung der « Phagocyten » für Immunität und Heïlung. (Centr. für K1. Med., n° 29, 21 juill. 1888, p. 513.) 2, In. — Ueber das « Experimentum crucis » der Phagocytenlehre. (Ziegler's Beilräge, T;ap. 3.) 3. Birrer. —- Kritische Bemerkungen zu E. Metschnikoffs Phagocyten- lehre. (Zoitschr. f. Hyg., 4 1888, p. 318-353.) 4. CaNTacuzÈNE. — Recherches sur le mode de destruction du vibrion cholérique dans l'organisme. Paris, 1894. >. Cuénor. — Etudes sur le sang et les glandes lymphatiques dans la série animale ({'e partie, Vertébrés\. (Arch. z0ol. exp. et gén., 2% série, 7, [894; p.-1.) 6. In. — Id. (2° partie, Invertébrés). (Arch. +001. exp. et gén., 9, 1891, p. 43, 365 et 593.) 7. In. — Études physiologiques sur les gastéropodes pulmonés. (Arch. de biologie, 12, 1892, pl. XXIIL.) 8. In. — Études physiol. sur les crustacés décapodes. (Arch. de biol., 13, 1893, p. 245, pl. XI-XIIT.) 9. Ducraux. — Sur les théories de l’immunité. (Revue critique. Ann. Inst. Pasteur, 2, 1888, p. 494.) 10. Erica. — Farbenanalylische Untersuchungen, ete. Berlin, 1891. 11. FanrexHozrz. — Beiträge zur Kritik der Metschnikoffschen Phagocy- tenléhre auf Grund eigener Infektionsexperimente mit Milzhbrandsporen am Frosch. (Inaugural. Dissertation. Kônigsberg 1. P. 22 mars 1889.) 12. Fiscez. — Untersuchungen über die Milzbrandinfection bei Froschen und Kroten. (Fortsch. der Med., 9, n° 2, 15 janv. 1891, p. 45-61, pl. L.) 13. GABRITCHEWSKY. — Sur les propriétés chimiotactiques des leucocytes. (Ann. Inst. Pasteur, #4, 25 juin 1890, p. 346.) 14. De Graxa. — Ueber das Verhalten einiger pathogener Mikroorganis- men im Meerwasser. (Zeitschr. f. Hygq., 6, 1889, p. 162-224.) 45. Gisrer. — De l'aptitude communiquée aux animaux à sang froid à contracter le charbon par l'élévation de leur température. (C. R. Ac. Sc. Paris, 94, 1882, p. 1605.) 16. Haxkix. — Ueber den Ursprung und Vorkommen von Alexinen im Organismus. (Centr. f. Bakt. und Paras., 12, n° 22 et 23, décembre 1892, p. 711 et 809.) 17. In. — Ueber die Theorie des Alexocyten. (Centr. f. Bakt. und Par., 14, n° 25, 23 décembre 1893, p. 852. RÉSISTANCE DES VERTÉBRÉS INFÉRIEURS. 349 18. Harby ET LEem Boo KEXG. — On the changes in the number and character of the wandering cells of the Frog induced by the presence of urari or of Bac. anthracis. (The Journal of. Physiology (Cambridge), 15, 1894, p. 361-375, pl. XL.) 18 bis. R. HeibenHAIX. — Beiträge zur Histol-und Physiol. des Dünndarm- schleimhaut. (Archiv. für die gesammte Phys., 1S88, suppl. Helft.) 19. Hess. — Untersuchungen zür Phagocytenlehre. (Fürchow’s Archi. 109, 1887, p. 365, pl. XI.) 20. Huerre, — Bemerkungen zu Petruschky's Mittheilung in n° 42 d. Zeitschrift über den Verlauf der Phagocyten controverse. (Fortschr. der Med., n°13, 4 juill.1890, p. 492.) 21. Huerre. — Neuere Arbeiten über Abschwächung von Micro-organis- men und Immunität. (Fortschr. d. Md., 4° mai 1890, p. 355.) 22. KaxrHack. — lmmunity, Phagocytosis and Chemotaxis, (British Md. Journal, 5 novembre 1892.) 23. KanTHack ET Harpy. — On the characters and behaviour of the wandering (migrating) cells of the Frog, especially in relation to micro- organisms. (Comm. prélim. dans Proc. of the Roy. soc. of. London, 52, 4er novembre 1892, p. 267, et Phil. Trans., 185, 1894, p. 279-318.) 24, Ip. — The morphology and distribution of the wandering cells of mammalia. (The Journal of Physiology (Cambridge), 17, 4894, p. SI. pl. IL.) 25. KLEIN ET CoxWELL. — Ein Beitrag zur Immunitätsfrage. (Centr, für Bakt. und Par., 11, 1892, p. 464.) 26. Kzeix ET HaumEer. — Ein weiterer Beitrag zur Immunitätsfrage. (Centr. {. Bakt. und. Par., 11, 1892, p. 598.) 27. Kocu. — Untersuchungen über Bakterien. V. Die Aetiologie der - Milzbrandkrankheiït, begründet auf die Entwicklungsgeschichle des Bac. anthracis. Conns Beitrüge sur Biologre der Pflansen, 2, 1876, p. 277-311, DIEXT:) 2e 28. Kowarewsky. — Etudes expérimentales sur les glandes lympha- tiques des Invertébrés. (Comm. prélim. Mél. biol. tirés du Bull. de l'Acad. impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, 13, p. 437, 10 novembre 1893.) 29. Lôovir. — Ueber Neubildung und Beschaffenheit der weissen Blut- kôrperchen. (Beilräye zür path. anatomie, 10, 1891, p. 213, pl. XITI-XV.) 30, Lugarsa. — Ueber Abschwächung der Milzbrandbacillen im Frosch- kôrper. (Fortschr. d. Med.. 6, 1888, p. 121-130.) 31. 1n. — Ceber die Bedeutung der Metchnikoff schen Phagocytenefür die Vernichtung der Milzbrandbacillen im Froschkôrper. (Tagebl. der 61 Nalur- forscher Versammlung in Kôln, 1885.) 32, In. — Ueber die bakterienvernichtenden Eigenschaften des Blutes und ihre Beziehungen zur Immunität. (Centr. f. Bakt. und. Par., 6, 1859, nos 19-20, p. 481 et 529.) 33. In. — Ueber Bakterienvernichtung im Froschkôrper. (Forlschr. der Med18:1890/n°13/p87.) 34. In. — Ueber die Ursachen der Immunität. (F. der M., 8, 1" sep- Lembre 1890, p. 665.) va 350 æ . . ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 35. In. — Untersuchungen über die Ursachen der angeboren und erwor- benen Immunität. (Zeitschr. f. Kl. Med., 18 et 19, 1891.) ; 36. In. — Uecber Immunität und Schutzimpfung. (Thiermedizinische Vor- träge, 2, avril 1892.) 91. MAssaART, DEMOOR Er EVERARD. — Sur les modifications des leucocytes dans l'infection et dans l'immunisation. (Ann. Inst. Pasteur, T, 1894, p. 165, pla) : : 38. Mercaxikorr. — Ueber die Beziehung der Phagocyten zu Milzbrand- bacillen. (Virchow’s Archiv., 97, 1884, p. 502-527, pl. XVI et XVIT.) un. 39. In. — Sur la lutte des cellules de l'organisme contre l'invasion des microbes. (Ann. Inst. Pasteur., 1, 1887, p. 321-337.) : 40. In, — Ueber das Verhalten der Milzbrandbacillen im Organismus. (Virchow’s Archiv., 114, décembre 1888, p. 465-493.) 41. In. — Etudes sur l'Immunité. — I. Immunité des lapins contre le bacille.du rouget des porcs. (Ann. Inst. Pasteur, 3, 1889, p. 289, fig. 9.) 42. In. — Deux travaux du laboratoire de M. Baumgarten dirigés contre la théorie des phagocytes. (Ann. Inst. Pasteur, 4, 1890, p. 35.) 43. Ib. — Préface de l'édition anglaise de la pathologie comparée de l'inflammation. 44. In. — L'immunité dans les maladies infectieuses. (Semaine médicale, 42, n° 59, 26 nov. 1892, p. 469.) L 45. In. — La théorie des alexocytes. (Revue crilique. Ann. Inst. Pasteur, 1, 1893, p. 50:) 46. In. — Réponse à quelques critiques de la théorie des phagocytes (Revue critique. Ann. Inst. Pasteur, 8, 1894, p. 58.) 47. Ib. — L'état actuel de la question de l'immunité. (Rapport au Congrès international de Buda-Pest. Ann. Inst. Pasteur, 8, 1894, p. 706.) 48. Nurrazz. — Experimente über die bakterienfeindlichen Einflüsse des thierischen Kôrpers. (Zeitschr. [. Hyg , 4, 1888, p. 352, pl. IV+) 49, Iv. — Beiträge zur Kenntniss der Immunität. ({naug. Dissert. Gôttingen, 1890.) 90. OGaTa Er JastrHaRAa. — Dans les Mittheilungen d. med. Fakultät der. Kaiserl. jap. Universilät Tokio, 4, n° 4. (Cité d'après l'analyse de Lœæffler dans Centr. f. Bak. und. Par., 9, 1891. p. 25.) -ô1. Perruscaky. — Untersuchungen über die Immunität des Frosches gegen Müzbrand (Inaug. Dissert. léna, 1888 et Ziegler's Beiträge, 3, 1888, p. 351-387.) ; | - 92. In. — Die Einwirkungen des lebenden Froschkôrpers auf den Milz- brandbacillus. (Zeitschr. f. Hyg., T, 1889, p. 75, pl. L.) 93. Ip. — Der Verlauf der Phagocytencontroverse. ( Fortschr. d. Med., 15 juin 1890, p. 449.) 94. ROHRSCHNEIDER. — Experimentelle Untersuchungen über die bei Froschen durch Verweilen in hôherer Temperatur erzeugte Disposition für Milzbrand. (Ziegler's Beiträge, 9, 1891, p. 515-523.) 95. ROUDENKO. — Influence du sang de grenouille sur la résistance des souris contre le charbon. (Ann. Inst. Pasteur, 5, 1891, p. 515-517.) œ … s L à É + 6 Les dl ‘ PR MR Éiscdins ni CU re Te RÉSISTANCE DES VERTÉBRÉS INFÉRIEURS» » 351 56. SABRAZÈS ET COLOMBOT. — Action de la bactéridie charbonneuse sur un poisson marin, l'hippocampe. (Ann. Inst. Pasteur, 8, 1894, p. 696.) 57. SANARELLI. — Le cause dell'immunita’ naturale contre il carbonchio. (Rivista d’Igiene e sanità pubblica, anno 2, n° 3, 1e" février 1891, et enallemand dans : Centr. f. Bakt. und Par., 9, 1891, p. 467, 497 et 532.) “ engranula aus degenerirender Kernsubstanz. (4nat. Anz., 8, 1893, p. 223.) 59. Trapeznixorr. — Du.sort des spores de microbes dans l'organisme - -animal, (.Aun. {nst. Pasteur, 5, 1891, p. 362-395, pl. X et XL.) 60. VoswiNkeL. -— Ueber Bakterienvernichtung im Froschkôrper. (Fortschr. der Med., 8, 1890, p. 9.) 61. Wacxer. — Le charbon des poules.(Ann. Inst. Pasteur, 4. 1890, p. 570.) | 62. J. Weiss. — Ein neue mikrochimische Reaction der eosinophile Zellen (Ehrlich). (Centr. für die medicin. Wissensch., 1891.) 63. WeriGo. — Les globules blancs protecteurs du sang. (Ann. Inst. Pasteur, 6, 1892, p. 478.) = —— 6%. Zarpert.. — Ueber das Vorkommren “der, eosinophilen Zellen im menschlichen Blute. (Zeitschr. für klin. Med., 23, 1892, p. 227.) é “ , , e s F La + " # # + 6 Fr F EL 3 A €- L Li E LE . » # - + Æ 2, “ LI 58. TETTENHAMER. — Ueber die Entstehung der acidophilen Leukocy- À — 2 Sig ? — 7 “ “4 . ne, ol 5 Re De Eh 4 2 REVUES ET ANALYSES LA DIGESTIBILITÉ DU LAIT STÉRILISÉ REVUE CRITIQUE A côté des savants qui soutiennent que le lait ne gagne rien à être stérilisé ‘, viennent naturellement se placer ceux qui disent qu’il perd au chauffage. Ceux-ci sont, en majorité, des chimistes. A les en croire, le mode de coagulation du lait stérilisé dans l’estomac est tout autre que celui du lait naturel : les grumeaux résistent davantage à l’action des sucs intestinaux, si bien qu'une portion plus considérable passe au travers du canal digestif sans être utilisé. Il y a plus. Le chauffage change aussi, disent-ils, quelque chose à la matière grasse, non pas à sa nature, mais à la stabilité de son émulsion : sur du lait stérilisé qu'on a fait tiédir pour l’usage, on voit quelquefois le beurre former, à la surface, des yeux analogues à ceux du bouillon, et il n’est pas du tout sûr, que dis-je, il n’est pas du tout probable, d’après les adver- saires du chauffage, que la matière grasse du lait soit aussi complè- tement digestible sous cette nouvelle forme. Pour répondre à de pareilles objections, il faut délibérément renoncer à scruter les transformations successives subies par le lait dans le canal digestif, à comparer les aspects du coagulum formé dans l'estomac par le lait naturel ou le lait stérilisé, à rechercher s’il y a des différences dans le degré d’émulsion pendant le séjour dans l'intestin grêle. Toutes ces différences sont fort mal définies, et il semble bien, « priori, qu’elles n'aient aucune importance. Comment s’effaroucher, par exemple, des yeux que donne, en fondant, la matière grasse d’un lait qu’on a assez fortement secoué pour la transformer en beurre ? Est-ce que le beurre fondu, les huiles, les graisses ne sont pas encore moins émulsionnées quaud elles arrivent dans le canal digestif? Discu- terons-nous sur la dimension que doivent avoir les yeur pour que la matière grasse soit absorbable ? Il faut laisser ces vétilles de côté et 1, Voir la Æ#evue du mois d’avril dans ce volume, p. 281. + REVUES ET ANALYSES. 393. aller droit au fait, ont dit d’autres savants. Nous allons nourrir un animal, un enfant, pendant une période assez longue, avec une quantité déterminée de lait naturel; puis, pendant une seconde période égale, avec une quantité déterminée du même lait pasteurisé ou stérilisé. L'analyse de ce lait étant faite, on sait ce qu'il a été ingéré, pendant chacune de ces deux périodes, de caséine et de matière grasse. En recueillant d'un autre côté la totalité des urines et des excréments pendant chacune des périodes, on peut, en les analysant, savoir ce qu’il y a eu d'azote total éliminé, et le comparer avec l'azote de la caséine ingérée. On peut rechercher aussi ce qu’il y a eu de matière grasse évacuée, et comparer avec celle que contenait le lait. On verra ainsi lequel de ces deux laits, naturel ou chauffé, est le plus complè- tement utilisé par l’organisme. Il Ainsi qu'il arrive souvent, ce programme est facile à écrire; mais que vaut-il ? Se modèle-t-il exactement sur les réalités ? Qu’est- on fondé à en attendre ? Voilà ce que je voudrais examiner ici. Je v’insiste pas sur ce qu’il comporte des détails peu ragoütants : les chimistes ont suffisamment prouvé qu'ils étaient capables de tous les dévouements et de toutes les audaces. Je veux seulement montrer que ce programme, si simple et si probant en apparence, soulève de nom- breuses difficultés de théorie et de pratique, sur lesquelles il faut être bien renseigné, si on veut juger sainement des résultats de l'expérience. Si on le regarde de près, on voit qu’il est entièrement d’accord avec l’ancienne conception qui revenait à assimiler l'organisme à une sorte de machine à vapeur dont le charbon serait la matière alimen- taire : on en introduit dans la machine une certaine quantité, dont une partie disparaît par la cheminée après avoir produit du travail méca- nique. Dans l’espèce, la cheminée, chez l'être vivant, est représentée par l’exhalation pulmonaire et par l’excrétion urinaire; tout ce qui sort par ces deux voies est censé avoir été utilisé, avoir joué son rôle dans l’organisme, et en sortir usé, comme l'acide carbonique et la vapeur d’eau dans la cheminée de la locomotive. Par contre, dans celle-ci, quand elle à fini son parcours, quand on arrête le feu et qu’on interrompt l'expérience, on trouve sur le foyer de la machine ou dans son cendrier des matérieux mal utilisés ou non utilisables, qui sont l'équivalent de ceux qui, chez l’animal, traversent le canal digestif sans être absorbés. Il faut retrancher leur poids du poids du charbon mis dans le foyer pour connaître exactement le poids du combustible entré en action, et le comparer au travail produit. En 23 + : + k 394 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 0 d’autres termes, notre programme de comparaison entre le lait naturel et le lait stérilisé n’est pas autre que celui que nous mettrions en œuvre s'il s'agissait de comparer, dans une machine à vapeur, le charbon de Charleroi au charbon de Cardiff. Le malheur est qu’un être vivant ne ressemble pas à une machine à vapeur dans ses relations avec la matière alimentaire. Toute celle qu’on ne retrouve pas dans le foyer ou le cendrier ne s’est pas évaporée sous forme d’eau et d'acide carbonique. Une portion de l'aliment est entrée dans le bâti de la machine, s’est incorporée à ses divers organes, et en fait désormais partie pour quelque temps. A la place de cette matière alimentaire, emmagasinée sous forme de réserves putritives ou bien assimilée, organisée, devenue vivante, la machine abandonne un peu de sa substance, celle qui était usée et avait besoin d’être remplacée. Or, cette seconde portion n’est pas nécessairement égale à la première. Elle est plus petite chez l'enfant qui grossit et gagne en poids ; elle est à peu près égale, sauf les variations journa- _ lières, chez l'adulte dont le poids se maintient; la recette est inférieure à la dépense chez le vieillard qui dépérit, ou chez le malade qui se creuse, et c’est ainsi que nous rentrons forcément dans cette question de détails dont notre programme semblait d’abord devoir nous affran- chir, et que nous ne sommes pas assurés de pouvoir conclure à l’équi- valence d’un lait naturel et d’un lait stérilisé qui auraient donné le même résultat dans les deux moitiés de l'expérience de compa- raison, s’il y à eu une variation de poids positive ou négative pen- dant la période d’épreuve. Si l'animal a perdu de son poids, nous retrouvons, dans son urine ou dans ses excréments, de l’azote qui ne provient pas du lait ingéré; s’il a augmenté de poids, il a retenu sous forme vivante une partie de l’azote de la caséine. Il faudra tenir compte de cette variation de poids dans l'interprétation des résultats, et cette interprétation devient alors fort difficile. | Elle l’est même quand il n’y a pas de variation de poids, car rien n’assure que l’équilibre pondéral entre les matériaux assimilés et les matériaux désassimilés pendant le même temps s’accompagne d’une identité de constitution qui assure l'identité des proportions d'azote dans les deux cas. Toutefois, la cause d'erreur provenant de ce fait est certainement médiocre, et nous pouvons ne pas nous y arrêter, d'autant que nous avons à en signaler encore de plus graves. Envisageons pour cela, non plus la comparaison des deux parties de l'expérience, mais chacune d’elles séparément. Connaissant la quantité de lait absorbé et sa composition élémentaire, nous pouvons savoir exactement ce que l’animal en expérience a reçu d’azote. Supposons, pour simplifier, qu'il n'ait pas augmenté de poids, et que PL $ REVUES ET ANALYSES. 399 ‘ sa machine n'ait fait que remplacer ses pièces de déchet par des pièces neuves, de même matière et de même dimension. Suivons-y la migra- tion de l'azote. Le voici subissant l’action Aou sucs digestifs et amené à un état tel qu'il puisse entrér dans l’organisme, et y servir à la construction de pièces neuves qui remplaceront poids pour poids, suivant notre hypothèse, des pièces de déchet dont les matériaux s’élimineront surtout par l'urine. Si urine n’emmenait que de l’azote provenant de cette origine, l’étude de cet azote donnerait une idée assez précise du travail de désassimilation et par suite du travail d’assimilation qui, par hypothèse, lui faitéquilibre. L’azote de l’urine pourrait être compté comme azote assimilé, utilisé dans la machine, et ressortant à l’état inerte ou usé, sous forme d’urée, d’urates ou autres composés azotés. Mais l'urine ne draine pas seulement les tissus vivants; elle draine aussi le canal digestif et son contenu, en voie de transformation inces- sante {sous l'action des microbes qui l'habitent. Ceux-ci donnent, en quantité variable suivant les cas, des produits analogues à ceux que l'urine emporte, leucine, tyrosine, urée même, comme je l’ai montré, et la portion d'azote de l'urine qui provient de ce drainage ne peut évidem- ment être comptée, comme l’autre, comme de l’azote assimilé. C’est au contraire de l'azote perdu, ayant traversé l'organisme sans y avoir produit d’effet utile, quelque chose d’analogue à la chaleur perdue . d’une locomotive, ou à celle qui sort par la cheminée, mais sans avoir servi à chauffer pour sa part la moindre quantité d’eau. Cette portion d'azote de l'urine devrait rester dans le canal digestif et en ressortir avec les matériaux non utilisés. La fiction qui nous fait considérer l’azote sorti par l’urine comme de l'azote assimilé n’est donc jamais exacte : et pour que nous puissions, en revenant à notre expérience comparative sur l’action du lait naturel et du lait stérilisé, mettre en comparaison les deux moitiés de l'expérience, il faut que nous admet- tions que la digestion microbienne du canal digestif s’est faite de la même façon dans les deux cas. Nouvelle hypothèse à superposer à la première. CEpx HR Arrivonsmaintenant au résidu resté dans le canal digestif, et évacué dans les fèces. Représente-t-il bien, comme on l’admet d'ordinaire, la portion inutilisable de la matière alimentaire, et lorsque nous trou- verons plus d’azote dans les excréments d’un enfant nourri avec du lait stérilisé que lorsqu'il est alimenté avec du lait naturel, serons-nous en droit absolu de conclure que ce dernier est préférable à l’autre ? Cette question revient à la suivante : admettons qu’il y ait un aliment dont l'azote serait complètement assimilable; les excréments d’un animal *qui ’en nourrirait seraient-ils débarrassés d’azote ? 396 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. e Hélas! l’ambroisie a été jusqu'ici le seul aliment ne donnant pas de résidus, et les Dieux immortels les seuls dispensés de certaines visites. L’azote d'un lait serait complètement assimilable qu'il y aurait encore de l’azote dans les excréments, car le canal digestif est aussi une voie d’excrétion, recevant les sucs digestifs, la bile, les autres sécrétions glandulaires; viennent y tomber aussi ou s’y réunir des leucocytes, des cellules épithéliales, etc. Tout cela contient de l’azote, qui s’ajoute fatalement, dans nos calculs, à l’azote inutilisé de la caséine ingérée, et en grossit le total. Par contre, ce total se trouve réduit du poids d’azote, amené à l’état gazeux par les actions micro- biennes du canal digestif, et dont il nous est impossible de tenir compte, à moins de recourir au dispositif compliqué des expériences de Regnault et Reiset, qui ont précisément permis de découvrir ces pertes d’azote gazeux. Concluons, en résumé, que pour que notre méthode soit applicable, il faut admettre que ces causes d'erreur, que nous ne pouvons éviter, ont la même importance dans les deux moitiés de l’expérience, et ceci est évidemment très chanceux. Nous avons à peine le droit de croire qu’il en est ainsi, si l’animal reste en bonne santé pendant la durée des essais. Mais, pour peu qu’il soit malade, d’une façon apparente, tout notre échafaudage d’hypothèses s’écroule, 4 et toutes les conclusions redeviennent sujettes à caution. I Nous venons de voir ce que vaut la méthode au point de vue théo- rique : il est trop clair qu’elle n’est pas digne de la confiance aveugle qu'on lui accorde, et du relâchement avec lequel on l’applique. Étudions-la maintenant au point de vue pratique. Ainsi qu'on le voit sans trop de peine, elle est difficilement appli- cable aux enfants nourris au sein. Elle exige en effet qu’on connaisse la quantité et la qualité de l’aliment ingéré. Or, il n’est pas commode, même par des pesées soigneuses au commencement et à la fin de chaque tétée, de savoir ce que l’enfant a consommé de lait. Il est encore plus difficile de connaître la qualité de ce lait; à quelque condition qu’elle appartienne, dans nos pays civilisés, la femme n’a pas cette vie rêveuse de vache laitière vers laquelle tendent consciemment ou inconsciemment les nourrices sur lieux. Par suite des répercussions extérieures, la composition du lait est plus variable chez la femme qu'ailleurs. On peut pourtant, avec des moyennes, se faire une idée approxi- mative de la quantité d'azote et de matière grasse ingérée par un, enfant qui tette : c’est à la sortie que les difficultés commencent. Le REVUES ET ANALYSES. 397 moutard ne prévient pas : son urine et ses excréments se mélangent dans les langes. On ne réussit à les séparer qu’au prix de dispositifs compliqués, en faisant déboucher l'urine dans un réservoir appliqué à demeure sur le canal de l’urèthre; en allant recueillir sur les linges, avec une râclette et du papier buvard, les déjections solides. Avec des enfants de 2 ou 3 ans, ou avec des adultes, la séparation et la récolte sont plus faciles, mais la question est moins intéressante, car c’est surtout pour les nouveau-nés que le problème de l’alimen- tation avec des laits divers se pose et doit être résolu. Les choses ne vont du reste pas encore toutes seules, avec des enfants plus âgés, car leur alimentation n’est pas d'ordinaire exclusivement lactée : leur régime est assez varié: il ne saurait être uniformisé sans qu il en résulte un état de souffrance pour l’organisme, et, dès lors, les différences à l'entrée et à la sortie dans l’azote et la matière grasse ne sont pas uniquement imputables aux changements dans le lait. Toutefois, si le lait est encore l’aliment principal, comme il ne s’agit, pour nous, que de comparer du lait naturel au lait pasteurisé ou stérilisé, on peut encore, si les autres aliments sont restés les mêmes en quantité et en qualité, attribuer au chauffage du lait les différences trouvées. Il faudra seulement opérer sur le même animal ou le même enfant, plier pendant quelques jours son organisme au régime nouveau, s'assurer au moyen de la balance que l'enfant ne souffre pas, voir si ses déjections sont normales, et, quand l'équilibre semble bien établi, commencer l'expérience de mesure. I! faudra que cette expérience dure quelques jours, le plus possible, pour éliminer l'influence des fluctuations journalières et des petits changements dans la qualité des digestions. La première moitié de l'expérience finie, quand il s’agit de comparer deux laits, on pourra faire commencer immédiatement ou presque immédiatement la seconde : il est inutile ou même nuisible, lorsque l’animal ou l'enfant grandissent, de laisser un intervalle notable entre les deux moitiés de l'expérience. On s’expose à ne plus pouvoir les comparer. Ceci exige que nous ayons un moyen d'apprécier nettement le commencement et la fin d’une série d’essais, non seulement à l'entrée, mais encore à la sortie du canal digestif, et que nous puissions éviter toute confusion, en ce point, entre les matériaux provenant des repas d’épreuve et ceux des repas antérieurs ou postérieurs. Cette dernière partie du problème n’est pas facile à résoudre : la preuve, c’est qu’elle a été l’objet de diverses solutions. On peut, avant de commencer, purger l'enfant ou l'animal; mais c’est bien mal com- mencer une expérience de digestion normale, et sortir des conditions de régularité et de stabilité que réclame l’emploi de la méthode. On 358 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. peut aussi intercaler la période d'expérience entre deux autres où l’ali- mentation est tout à fait différente, et se fier sur la différence de couleur ou de consistance des déjections pour séparer le bon grain de l’ivraie; mais on s’expose alors à toutes les irrégularités d’un changement brusque de régime, et la méthode a, comme principe, l'horreur des irrégularités. Il vaut mieux faire avaler, au commencement et à la fin d'une période d'expériences, une poudre colorée, qui forme barrière entre ce qu'il faut prendre et ce qu'il faut rejeter. F4 On a proposé cela la poudre de charbon, mais elle s’égrène dans l'intestin, y sème des retardataires, et la ligne de frontière devient une zone indécise. M. Bendix la remplace avec avantage par de la poudre d’os, broyéeet stérilisée, et incorporée dans du sirop, pour que enfant la prenne sans répugnance : cette poudre sort en bloc. Il recommande encore, et peut-être de préférence, des baies d’airelles saupoudrées de sucre : les pellicules de ces baies sortent en masse, presque sous forme de bouchon, et délimitent ainsi nettement le commencement et la fin d’une expérience. Dès lors, on n’a plus devant soi qu'une question d'analyse. On recueille l'urine; on recueille les déjections, qu'on dessèche de suite et dont on fait un mélange homogène, sur lequel on prélève une prise d'essai. L’azote peut être dosé par le procédé Kjeldahl: la matière grasse par l’éther ou le sulfure de carbone. Les mêmes méthodes servent à l'analyse du lait à l’entrée et à la sortie. On peut donc faire la balance, Voyons maintenant ce qu’ont donné les expériences faites. 184 La question de la digestibilité du lait a été très étudiée. On a com- paré le lait aux autres aliments azotés, puis les différents laits entre eux, puis le lait bouilli, stérilisé, au lait naturel. On a employé pour cela diverses méthodes. Je me bornerai, dans cette Revue, aux travaux ayant pour objet l'étude comparée des laits chauffés et non chaulffés, et, parmi eux, à ceux dont la méthode se rapproche plus ou moins de celle dont nous venons de discuter la valeur probante et la mise en pratique". 4. Pour faire l'étude complète de la question, il faut avoir recours aux mémoires suivants : Azeu, Die Beschaffenheit quter Kuhmilch, 1880.— Souruaxx, Breslauer art:l. Zeitschr., 1881, n° 44 et 12. — Munx, Deutsche med. Woch., 1881, p. .36. — Horrmanx. Vérdaulichkeitd. Caséins, etc. Diss. Berlin, 1881. — RercHmanx , Zeifschr. f. Klin. Med. t. IX, p. 565. — Urrezmanx, Pfluger's Archiv., 1882, p. 367. — Vixay, Lyon médical, juillet 1891. — Oniuc, Jahrbuch f. Kinderheilk. L XXX, 1889, p. 88.— Unrun, Jahresb. d. Gesells. f. Natur und Heilkunde zu Dresden, 1889- 4890. — Rex, Archiv. [. Hyg.,t. XNIL, p. 318. — Leevs et Davis, Aer. Journal of the med. sc., 1891. dre nt F REVUES ET ANALYSES. | 3530 de comparer le lait naturel et le lait stérilisé. Sa méthode de travail est celle que nous venons d'indiquer, mais ilest loin d’en avoir suivi les diverses prescriptions, et son travail en reste singulièrement boi- teux et incertain. Voyons en effet. Il a choisi le chien comme animal d'expérience, et a fait sur lui une expérience préliminaire qu'il cite en bref, puis deux autres expériences, dont il donne les détails. J'en laisse de côté une quatrième, dans laquelle le lait était additionné d’un peu d’acide chlorhydrique, ce qui le fait sortir des conditions normales du lait d'alimentation. Les trois expériences dont je veux parler ont été faites environ à un mois de distance l’une de l’autre : pendant la première, le chien était en voie de croissance : pendant la seconde, il s’est arrêté et a gardé un poids stationnaire : pendant le troisième, le chien a perdu 7 0/0 de son poids. Il est évident que l'animal n’est pas resté comparable à lui-même. Les expériences ont été trop espacées, faites sur un animal à croissance aussi rapide. On pourrait dire pourtant que chacune d’elles ayant comporté deux ” périodes, l’une dans laquelle on servait du lait naturel, et Pautre où le lait était stérilisé, l'animal était comparable pendant ces deux périodes de quelques jours chacune. Nous allons voir, en entrant dans le détail, que cela n’est pas tout à fait exact, et que les incertitudes provenant de ce point de départ se retrouvent au point d’arrivée. Examinons pour cela ce qui est relatif à l'absorption de l'azote. Nous avons à ce sujet les résultats de l'expérience préliminaire que M. Raudnitz cite en bref, et ceux des deux expériences détaillées, que l’auteur considère comme d'accord avec la première. Elles se résument dans les chiffres suivants : sur 100 parties d'azote contenues dans ce lait, voici ce qu’il en à passé dans l’urine, dans les déjections, et ce qui, n'ayant pas été retrouvé dans ces évacuations, peut être considéré comme retenu, comme assimilé par l'organisme. AZOTE 1re EXPÉRIENCE 28 EXPÉRIENCE 3° EXPÉRIENCE EE EE — 7 — Lait Lait Lait Lait Lait Lait naturel stérilisé naturel stérilisé naturel stérilisé Déjéctions 2 2: 12,3 13,6 13,3 18,6 43,0 46,0 rie er 76,3 74,9 en) art 82,1 80,6 Azote assimilé. . . 41,4 dAË5 9,4 »,1 4,9 3,4 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 400,0 Il y à deux manières de lire cé tableau. La première consiste à 1. Uber die Verdaulichkeit gekochter Milch. Zeitschr. f. phys. Chemie, t. XXIV; p- 1, 4890. » 360 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, remarquer que dans chacun des trois groupes de deux expériences, l'azote des déjections est invariablement plus élevé et l'azote de l'urine plus faible avec le lait stérilisé qu'avec le lait naturel; que, par consé- quent, ce lait stérilisé donne une moins grande proportion de produits de désassimilation, une plus forte proportion de résidu, et est par conséquent moins nutritif que le lait naturel. C’est la conclusion de M. Raudnitz. Mais il y a une autre façon de lire le tableau qui en change la con- clusion, et c’est ici que nous allons retrouver l'influence défavorable de ces variations physiologiques ou pathologiques du poids de l'animal que nous signalions plus haut, et auxquelles M. Raudnitz a eu le tort de ne pas faire assez attention. Ce qui importe, a-t-on le droit de dire, c’est ce qui reste d’azote dans l’organisme, le gain réalisé par l'animal sur l'aliment qu’on lui fournit, c’est-à-dire les nombres de la dernière ligne, et non ceux des deux premières. Qu'im- porte la façon’ dont il distribue ce qu'il rejette entre ses excréments et ses urines? C’est ce qu'il retient qu'il faut étudier. Or, nous voyons que, dans la première expérience, il y à eu autant d’azote assimilé » avec le lait stérilisé qu'avec le lait naturel. Pour les deux dernières, le lait naturel l'emporte; mais n'oublions pas que pendant leur durée le chien terminait sa croissance, restait stationnaire pendant la deuxième expérience, diminuait depoids pendant la troisième. Or, dans un chien qui conserve son poids, il doit n’y avoir pas d’azote assimilé; dans un chien qui dépérit, l'azote de l’urine et des déjections doit dépasser l'azote ingéré. Il n’y a rien de pareil dans les résultats de M. Raudnitz, et on ne saurait s’en étonner, car, sur ce sujet, nos méthodes d'expé- rience et de raisonnement sont encore imparfaites. Toutefois on devait au moins observer, à mesure que le chien avançait en âge, une dimi- nution graduelle dans les nombres relatifs à l’azote assimilé. Or, c’est en effet ce qui arrive : cette décroissance est même assez régulière, et ne semble pas tenir compte du remplacement du lait naturel par le lait stérilisé. Elle n’en aurait probablement pas davantage tenu compte si on avait interverti l’ordre des essais dans chacune des deux expé- iences, et si on avait servi à l’animal tout d'abord du lait stérilisé, mais du lait naturel. Mais alors nous aurions trouvé une conclusion inverse, et le lait etérilisé eût montré une petite supériorité sur l’autre. En d’autres termes, si on envisage les nombres du tableau sans se préoccuper de l’animal d'expérience, le lait naturel apparaît préférable au lait stérilisé. Si on fait intervenir dans l'interprétation de ces nombres les conditions réalisées pour l'animal d'expérience, les deux. laits apparaissent identiques. Et voilà comment l’oubli ou la mécon- naissance des postulats de la méthode peut amener un savant conscien- # REVUES ET ANALYSES. 361 cieux, et qui a beaucoup travaillé, à ne rien prouver du tout, ou même à conclure contre la vérité. Ajoutons que M. Raudnitz, après avoir conclu à l'inégalité des deux laits au point de vue de l'azote, conclut qu'ils se valent au point de vue de la matière grasse. C’est ce que montre le tableau suivant, construit comme celui qui précède, sauf qu’on y a supprimé l'urine, qui n’entraîne que des quantités négligeables de corps gras. En outre, les chiffres relatifs à la première expérience manquent. MATIÈRE GRASSE 2e EXPÉRIENCE 3e EXPÉRIENCE RS E Lait Lait Lait Lait naturel stérilisé naturel stérilisé, Déjections 4." 4,4 6,2 5,6 4,1 NS SITE: ee 2 200 95,6 93,8 94,4 95,9 100,0 400,0 100,0 400,0 On voit que les coefficients d’utilisation sont à peu près les mêmes, et que, s’il y a des différences, elles sont dans un cas à l’avantage du lait naturel, et dans l’autre à celui du lait stérilisé. Concluons donc, en bloc, que les différences entre la valeur alimentaire totale du lait naturel et du lait stérilisé sont bien faibles, et qu’il faut des expé- riences mieux combinées que celles qui précèdent pour les mettre en évidence, ou indiquer dans quel sens elles s’accusent. y Nous arrivons maintenant à un travail de M. Bendix' sur ce sujet, et ce que nous y rechercherons tout d'abord, ce sont les conditions d’appli- cation de la méthode. Notre première remarque est que M. Bendix a fait seulement la comparaison entre du lait bouilli et du lait stérilisé à 1150. Cela est bien regrettable, et c'était se mettre de gaieté de cœur dans un mauvais chemin. Il ne semble pas, d'après ce que nous savons, qu’une différence d’une quinzaine de degrés au-dessus de la tempéra- ture d’ébullition change grand’chose à la constitution du lait. Le prin- cipal changement apparent se fait au-voisinage de la température de pasteurisation, vers 70°, et si M. Bendix avait eu l’idée de comparer soit le lait naturel, soit le lait pasteurisé, au lait bouilli ou au lait sté- rilisé, non seulement il eût eu plus beau jeu à faire apparaître des différences, mais encore il eût fait une œuvre plus profitable à la pra- tique. M. Bendix a fait trois expériences comparatives sur trois enfants 4. Jahrbuch f. Kinderheilk,t. XXXNHI, p. 393. 362 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. différents. Aucune d'elles n’a été complète : ils’est contenté de doser la matière grasse et l’azote dans les aliments ingérés d’un côté, et de l’autre dans les fèces, considérant comme employé aux besoins de l’or- ganisme tout ce qu’il ne retrouvait pas à l'extrémité du canal intesti- nal, et laissant confondus les matériaux éliminés par l'urine et les matériaux ayant servi à l’augmentation de poids de l’enfant en crois- sance. Nous avons vu plus haut ce qu’il faut penser de la justesse de cette idée. Quand.on a affaire à un enfant dont le poids augmente, il faut, nous l'avons vu, ne pas trop allonger la période d’expérience, de façon que la comparaison des deux laits puisse être supposée faite sur le méme animal. Les enfants sur lesquels a opéré M. Bendix étaient assez âgés pour que leur croissance, devenue lente, autorisât à les considérer comme à peu près identiques pendant les deux moitiés d’une même expérience. Mais à les prendre aussi vieux, on perd d’abord ceci, que les résultats ne sont pas immédiatement applicables aux enfants à la mamelle, ce qui leur enlève une grande partie de leur intérêt; on y perd aussi que la diète de l’enfant ne peut pas être exclusivement lactée, et qu'il faut y introduire des aliments dont l’intervention complique inévitahle- ment l'interprétation des résultats de l’expérience. M. Bendix a commencé par un enfant de deux ans et demi, qu’on a nourri pendant 7 jours au lait stérilisé, et, aussitôt après, pendant 1 autres jours, au lait bouilli : 4,250 c. c. par jour. L'enfant rece- vait en outre 70 grammes de pain blanc, 622,5 de chocolat et 20 grammes de gelée de pommes; sa santé est restée bonne et il a augmenté de370 grammes. Le lait servi pendant les deux moitiés de l’expérience était du lait du jour. Il n'était donc pas absolument le même : de plus, la diète n’avait pas été assez exclusivement lactée. Pour éviter le premier inconvénient, dans chacune des deux autres expériences, c’est le même lait qu'on a servi, d’abord bouilli dans la première moitié de l'expé- rience, puis sterilisé dans la seconde. Le second enfant, une fillette de 2 ans, recevait par jour 1,500 c. c. de lait, et en outre, 45 grammes de pain. Sa santé est restée bonne; elle a augmenté de 520 grammes, ce qui est énorme, comparé à la moyenne pour cet âge. Elle a pourtant eu un peu de diarrhée pendant l’expérience, et son augmentation de poids n’a pas été régulière. En outre, elle avait eu quelques troubles digestifs auparavant, ce qui permet de supposer qu’elle était souffrante au commencement des épreuves, et que son augmentation de poids était due, en partie au moins, à un travail de réparation. Pour être plus sûr de la santé de l’enfant et la surveiller mieux, REVUES ET ANALYSES." 363. M. Bendix a fait sa troisième expérience sur sa propre fillette, âgée d'un an et neuf mois, à laquelle il a fait prendre journellement 1,500 c. c. de lait, et 824,5 de pain. La santé est restée bonne; l'augmentation du poids pendant les 8 jours qu'a duré l'expérience, a été de 200 grammes. L'étude microscopique des fèces n’y à Jamais révélé de résidus alimentaires, mais seulement de rares gouttelettes de matière grasse, du mucus en filaments, et, çà et là, descristaux d'acides gras et de phosphate ammoniaco-magnésien. Cela posé, voici les nombres qui indiquent, pour chacune de ces trois expériences, ce qu'il est ressorti, sous formede fèces, sur 100 parties d'azote et de matière grasse de la matière alimentaire, dans un cas avec le lait bouilli, dans l’autre avec le lait stérilisé. lre EXP, 2e ExP, 3e EXP, Lait bouilli 15,3 8:5 7,6 1, VADIT PRE ETES Ë 22 AUS ré . i Lait stérilisé 45,7 9,1 1,Ù Mare ets Lait bouilli 9,1 8,8 6,4 L LINE 4r “ ss 3 5 Le Lait stérilisé S,9 9,0 A On voit que tous ces chiffres comparatifs sont aussi voisins que possible, et qu’il n'y à HisANement aucune différence dans la diges- tibilité des deux laits, puisqu’en les remplaçant l’un par l’autre dans le régime alimentaire, rien n’est changé au régime des excrétions. Seulement, cette conclusion ne vaut que pour les laits mis en expé- rience, pour le lait bouilli et lait stérilisé à 1159. On ne voit vraiment pas pourquoi M. Bendix n’a pas abordé le problème plus important de la comparaison entre le lait naturel et le lait chauffé. Rien, ilsemble, ne lui était plus facile que de nourrir ces enfants, d’abord avec du lait frais provenant d'une vache ou d’une vacherie, etde conserverpar pas- teurisation ou chauffage une partie de ce lait pour la secondepartie de l'expérience. Peut-être at-il craint, en se servant d'abord de lait conte- nant des microbes, puis de lait stérilisé, de rendre moins nettement comparables les deux moitiés de chacun de ses essais, ou même de provoquer, par l'emploi du lait non bouilli, des diarrhées troublantes. Mais ces craintes semblent imaginaires. En tout cas, les résultats de M. Bendix, si intéressants qu'ils soient, ne peuvent servir à élucider la question vraiment topique que les médecins et les mamans ont si souvent à se poser : le lait pasteurisé, bouilli, stérilisé, est-il l'équiva- lent exact du lait naturel au point de vue des qualités nutritives ? VI Personne encore, je crois, n’a abordé ce problème par la méthode visée dans cette Revue. On peut cependant trouver dans les mémoires Se 30% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de Rubner ‘, de Prausnitz*, de Uffelmann *, de Camerer ‘, de Forster ’, et de Lange, des documents épars permettant de combler en partie cette lacune. Il n’y a aucune utilité à rassembler ici ces matériaux, l'édifice qu'ils servent à construire étant peut-être fort fragile. Mais je peux bien dire dans quel sens ils amènent à conclure. Lange a nourri au biberon neuf enfants, avec du lait de vache coupé avec une solution de sucre de lait, de façon à lui donner à peu près la composition du lait de femme, et de plus pasteurisé à l'appareil Soxhlet. Il a vu qu'en moyenne il ne passait dans les fèces que 4,5 0/0 de l’azote du lait. Ce chiffre est très inférieur à ceux de Raudnitz et de Bendix, et on serait tenté tout d’abord de conclure que le lait pasteu- risé est supérieur au lait bouilli ou au lait stérilisé. Mais la comparai- son est impossible pour plusieurs raisons : avec Raudnitz, parce que celui-ci a opéré sur un chien; avec Bendix, parce que celui-ci ne faisait pas consommer que du lait, et que ses sujets d'expérience étaient plus âgés que ceux de Lange. Or, la proportion d’azote inutilisé augmente avec l’âge. Il y en a en moyenne 4,5 0/0 de perdu chez les nourrissons, 6 0/0 chez les enfants au-dessus de 4 ans, 9,4 0/0 chez les adultes. Rien ne permet donc de conclure jusqu'ici que le lait pasteurisé soit inférieur ou supérieur au lait bouilli. Tout ce qu’on peut affirmer, c’est que les différences, s’il en existe, sont faibles. Arrivons maintenant à la comparaison du lait pasteurisé avec le lait naturel. M. Lange a déterminé approximativement (car nous avons vu que les mesures précises sont difficiles) la proportion d’azote inutilisée et passant dans les fèces chez un enfant à la mamelle. Elle était de 2,4 0/0, chiffre sensiblement inférieur à celui que donnait, avec des enfants du même âge, l'emploi du lait pasteurisé à l'appareil Soxhlet. Si de nouvelles recherches confirment cette conclusion, on peut donc dire que le lait puisé au sein de la nourrice est un peu meilleur que le lait pasteurisé, celui-ci est un peu meilleur que le lait bouilli et que le lait stérilisé. Mais, pour la méthode, et au point de vue chimique, les différences sont faibles et négligeables. Qu'importe, en effet, qu'il y ait 98 0/0 du lait utilisé lorsque l'enfant le prend au sein, et 96 lorsque l'enfant le prend au biberon, en présence de l’avantage de pouvoir remplir ce second biberon quand on veut ct à beaucoup moins de frais que le premier! Ceci nous amène à une conclusion qu’il faut bien avoir le courage de tirer, c'est que ces 4. Zeitschr. f. Biol., t. XV, 1879. 2. Id., it. XXV. 3. Pfluger’s Archiv, t. XXIX, 1582. 4. Zeitschr. f. Biol., t. XIV. HO AE-EX AN. 6. Jahrbuch f. Kinderheilk., t. XXXIX, p. 216, 1595, REVUES ET ANALYSES. 369 études chimiques sur la digestibilité du lait ne sont pas adéquates à la question à résoudre. Elles n’ont fait que revêtir d’une forme plus savante cette notion qui avait déjà été fournie par la pratique, que tous ces divers laits se valent à peu près. Et cela est tellement vrai, que si les expériences avaient conclu en sens contraire, c’est elles qu’on aurait eu le droit d'ineriminer, La pratique n’avait donc quasi rien à apprendre d'elles. Ce qu’elle demandait à la science, c’est de lui fournir l’explication des anomalies qu'elle rencontre quelquefois, et qui la troublent en lui enlevant toute confiance. C'est ainsi qu’au dire de médecins d’enfants, le lait bouilli ou stérilisé, et même quel- quefois le lait pasteurisé, n’égale pas toujours le lait fraîchement trait ou le lait d’une bonne nourrice. L’enfant qui en reçoit à satiété, n’est pas malade, n’a pas de troubles intestinaux, mais ne grossit pas. Il a bonne mine, mais reste fluet. Pourquoi ? Ce n’est évidemment pas ici une question de quantité qui entre en jeu. Est-ce une question de nature ? Non encore, car ce même lait, qui ne réussit pas chez un nourrisson, réussit très bien chez un autre. Ilsemble donc que ce soit une question d'adaptation. Peut-être ce lait a-t-il besoin d’arriver déjà chargé de microbes dans la bouche de l'enfant. Peut-être le lait stéri- lisé se prête-t-il moins à la digestion microbienne intestinale que le lait naturel? Voilà des sujets de recherches, que je propose volontiers à ceux qui-sont en mesure de les entreprendre, et qui devront être abordés par d’autres méthodes que celles que nous avons vues à l’œuvre dans cette Revue. Il faudra consentir à faire ce dont la méthode statistique avait cru pouvoir se dispenser, suivre le long du canal intestinal les transformations microbiennes et chimiques qui s'y produisent, voir si la populacion microbienne de ce canal est aussi nombreuse et aussi variée avec le lait stérilisé qu'avec le lait naturel, à quel état ressort la caséine non utilisée, en d’autres termes, faire œuvre de chimiste et non pas seulement œuvre de douanier. En atten- dant, tenons-nous-en à cette conclusion générale que ie lait pas- teurisé, chauffé ou stérilisé, est encore du lait, devant la science comme devant la pratique, et que si son emploi présente parfois des incon- vénients, ceux-cisontlégers et amplement compensés par ses avantages. E. DucLaux. À. GAErRTNER. La tourbe comme agent de désinfection des matières fécales, avec des observations sur la désinfection des excréments en général, sur le système des fosses fixes ou mobiles, de même que sur la ventilation des cabinets d’aisances. Zeitschr. f. Hyg.1894. La question de la désinfection des matières de vidanges est à l'ordre du jour dans tous les pays, où on se préoccupe non seulement < 306 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. | de réduire leur rûle comme agent propagateur des maladies conta- gieuses, mais aussi de rendre inoffensif leur emploi comme engrais. Ce qui fait la difficulté de la question, c’est que la, solution doit être économique ; elle ne sera donc pas toujours la même ; il faudra qu’elle se plie aux lieux et aux circonstances. Dans les pays riches en tourbe s’introduit par exemple de plus en plus la pratique du Earth-system de H. Moule, dans lequel chaque selle se trouve recouverte immédia- tement d’une couche de tourbe pulvérisée. Les composts qui s’accu- mulent ainsi dans les fosses sont très maniables et très peu odorants. Ils se prêtent très bien aux manipulations, aux transports et à l’épan- dage ; ils ont en outre l’avantage, au point de vue chimique, de bien retenir les éléments fertilisants contenus dans les déjections. Mais quel est leur valeur antiseptique ? C’est ce qu'ont étudié successivement Klipstein ‘, Stutzer et Bury *, Frankel et Klipstein *, et ce qu'étudie à son tour M. Gaertner, dans un mémoire très intéressant, mais dont l'analyse minutieuse nous entraînerait au loin. Il est du reste d'accord avec M. Vincent, dont on trouvera le Mémoire dans ce volume (p. 1), au sujet de l'influence favorable de l’acidification des matières, au sujet de l'influence défavorable de l’étéet de l’automne. L'hiver, la désinfection lui a paru, toutes choses égales d’ailleurs, plus facile à opérer. Comme M. Vincent, il envisage à part les sa prophytes vulgaires et les microbes pathogènes et contagieux. Comme conclusion . générale de ses expériences, il arrive aux propositions suivantes : « La tourbe, même après un mélange intime avec les matières fécales, est incapable d’assurer la désinfection des germes contagieux qui y sont contenus, spécialement de ceux du choléra et du typhus. Les bacilles du choléra y périssent vite, il est vrai, mais il en reste par-ci par-là qui vivent plusieurs jours. Les bacilles du typhus vivent longtemps dans la tourbe. « On amène sûrement et vite la destruction des bacilles du choléra et du typhus en mélangeant à la tourbe 20 0/0 de superphosphate de chaux, ou en y ajoutant l'équivalent de 2 0/0 d’acide sulfurique anhydre, mais toujours à la condition d'assurer le mélange intime des matières fécales de la tourbe et du désinfectant». Il faut doncune manipulation qui peut, il est vrai, se faire sur le champ d'épandage, mais qui n’en est pas moins une complication. et c’est encore là que se présente la question de choisir entre une désinfection absolue, prati- quement irréalisable, et une désinfection incomplète, mais accessible à toutes les bourses, et gagnant en étendue ce qu’elle perd en puissance. Dx. 4. Hyg. Rundschau, &. WT. 9, Zeitschr, [. Hyg., t. XIV. Sad: XV REVUES ET ANALYSES. 307 INSTITUT PASTEUR OCTOBRE, NOVEMBRE ET DÉCEMBRE 189% Personnes mortes de rage après traitement. SAuUssoL, Louise, 33 ans, de Cessenon (Hérault). Mordue le 5 juillet: traitée à l’Institut Pasteur du 10 juillet au 27 juillet. Les morsures, au nombre de quatre, toutes pénétrantes, ayant beaucoup saigné, siégeaient sur la périphérie du tiers moyen de l’avant-bras droit. L'animal mordeur, un chien errant, a parcouru le pays en mordant une autre personne, traitée à l'Institut Pasteur et actuellement en bonne santé, et plusieurs animaux. Mne Saussol est morte de la rage le 15 août. Meyapter, Achille, 39 ans, de Sidi-bel-Abbès (Algérie). Mordu le 11 août, traité à l'Institut Pasteur du 19 août au 2 septembre. Les morsures, au nombre de trois, siégeaient à l'index de la main droite, toutes avaient saigné. L'animal, un chien errant, abattu le même jour, a été reconnu enragé après autopsie par M. Sevigny, vétérinaire. Meynardier est mort de la rage le 12 octobre. Prévost, Joseph, 58 ans, de Issy (Seine), mordu le 30 juillet, traité à l’Institut Pasteur du 4 août au 18 août. Les morsures, au nombre de cinq, siégeaient à la face antérieure du tiers inférieur de l’avant- bras gauche. Le chien mordeur, abattu le 31 juillet, avait été porté à l’école d’Alfort, où M. Nocard, après examen, avait conseillé le traitement. Prévost est mort de la rage le 22 novembre. Barray, Séverin, 62 ans, de Vattetot-sur-Mer (Seine-Inférieure), mordu le 7 décembre, traité à l’Institut Pasteur du 12 au 27 décembre. La morsure unique siégeait au tiers moyén de la jambe gauche, elle avait été faite au travers d’un pantalon et d'un caleçon déchirés; elle avait saigné. J Le chien mordeur avait été reconnu enragé à l’autopsie par M. Pernet, vétérinaire à Criquetot. Barray est mort le 15 janvier 1895. Rio, Julien-Marie, 7 ans, de Missillac (Loire-Inférieure), mordu le 368 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 20 décembre 1894, traité à l’Institut Pasteur, du 23 décembre 1894 au 42 janvier 4895. Les morsures, au nombre de cinq, siégeaient au front, sur l’arcade sourcilière gauche et sur la lèvre supérieure, l'enfant avait eu deux dents cassées par le chien. Toutes les morsures péné- trantes avaient saigné. Le chien mordeur, un chien errant, n’a pu être rejoint, il s'est jeté sur plusieurs autres personnes. Rio est mort de la rage le 22 janvier 1895. Garriques, Élisabeth, 29 ans, de Castelsarrazin (Tarn-et-Garonne). Mordue le 15 janvier 1895, traitée à l’Institut Pasteur, du 18 janvier au 2 février. Les blessures, au nombre de neuf, toutes pénétrantes, siégeaient sur la main droite, sur l’avant-bras et sur la main gauche. L'animal mordeur, un chat, est mort le 15 janvier, et M. Dexageaux, vétérinaire à Castelsarrazin, a déclaré à l’autopsie l’animal suspect de rage. Mue Garrigues est morte le 14 février. NE ER ee PTE Re UE Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imp. Charaire et Ci*. \ PR 0 #nnales dé lines BlMetchnikoff del. | LR Î 9me ANNÉE JUIN 1893 N° 6. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ÉTUDES SUR L'IMMUNITÉ SIXIÈME MÉMOIRE Par EL. METCHNIKOFF SUR LA DESTRUCTION EXTRACELLULAIRE DES BACTERIES DANS L'ORGANISME AVEC LA* PLANCHE VI I Les phénomènes biologiques présentent une telle complexité qué lorsqu'on a établi une règle les concernant, il faut toujours s'attendre à des exceptions plus ou moins nombreuses. Quoi de plus général que la coquille chez les mollusques ou les dents chez les vertébrés, comme moyens principaux de défense? Et cependant combien d’exceptions à cette règle! À côté des mol- lasques nus ou munis d’une coquille mince comme du papier, dont la défense est assurée par une nage rapide, nous en voyons d’autres qui échappent à leurs ennemis à l’aide d’une sécrétion d'encre noire, ou bien des vertébrés qui au lieu de dents ont des becs ou des griffes pour se protéger. IL était donc tout naturel, après avoir trouvé dans le système phagocytaire des animaux leur principal moyen de défense contre les microbes, de supposer qu'à côté des phagocytes :l existe encore d’autres moyens de résistance de l'organisme attaqué. Toutes les fois que mes recherches, dirigées depuis une douzaine d'années vers ce point, m'ont mis en présence de la réaction phagocytaire, dans les cas les plus variés de :ésistance 28 134 ANNALES"DE L'INSTITUT PASTEUR. " des animaux inférieurs ou supérieurs contre l'invasion des para- sites des plus divers (bactéries, coccidies, champignons, vers), je n'ai jamais omis de mentionner qu'à côté de la phagocytose 1l existait peut-être encore d’autres moyens de défense qui nous échappent pour le moment. Beaucoup de savants de divers pays se sont mis avec zèle à la recherche de ces moyens, et un nombre de travaux très con- sidérable a été publié, pour démontrer que l’organisme animal possède un pouvoir microbicide très efficace, indépendant de toute action phagocytaire. Je n'ai pas besoin de rappeler au lecteur tout ce qui a été dit au sujet de la propriété bactéricide des humeurs, qui a servi de base à plusieurs théories de l’im- munité. Je me contenterai de signaler le résultat général de ces tentatives. Malgré la découverte d’un grand nombre de faits sur cette propriété bactéricide du sérum sanguin et d’autres liquides, tous les efforts pour démontrer leur action dans le sein de l’or- ganisme ont complètement échoué. Même dans les cas où le pouvoir bactéricide des humeurs est le plus manifeste *comme la destruction de la bactéridie charbonneuse par le sang des rats, et celle du vibrion cholérique par le sang des cobayes vaccinés contre ces microbes, on a pu facilement constater que les phéno- mènes qui se produisent #» vitro ne ressemblent pas aux pros cessus se passant dans l’organisme. On était prêt à abandonner la théorie humorale de la pro- priété microbicide des humeurs. lorsque un de ses partisans les plus distingués, M. R. Pfeilfer, directeur des recherches scienti- fiques à l’Institut de M. Koch à Berlin, et auteur de plusieurs découvertes d’une grande valeur, a fourni en sa faveur des argu- ments nouveaux d'une importance incontestable et très grande. Au lieu de se contenter, comme ses devanciers, d'étudier l’in- fluence des humeurs en dehors de l'organisme, 1l s'est mis à rechercher, à l’aide d’un procédé aussi simple que pratique, comment se fait la destruction des microbes dans l’organisme infecté. Il est arrivé à conclure qu'un animal, vacciné contre la péritonite provoquée par le vibrion cholérique ou ses congénères, se débarrasse des vibrions par un processus de destruction 4. Voir pour la Maladie des Daphnies les Archives de Virchow, 1853, f. 96, p. 491: pour le Streptocoque de l’érisypèle, #bèd. 1887, f. 107, p. 225; pour les microbes en général; #b1d. 4888, f. 11%, p. 490,etc. | 4 DESTRUETION EXTRACELLULAIRE DES BACTÉRIES.* 435 extracellulaire à l’aide des liquides, processus qui n’a rien à faire avec une action des phagocytes. Avant la publication de cette découverte, M. R. Pfeiffer avait abordé, dans une série de mémoires (1889-1894), le problème de la résistance de l'organisme contre l'invasion des microbes. Dès le début il s’est montré partisan zélé de la théorie bactéri- cide des humeurs et adversaire convaincu de la théorie des pha- gocytes. Déjà dans son travail sur le vibrion de Gamaleïa (V. Meichnikovi), M. Pfeiffer ‘ avait dit que, malgré un séjour très prolongé dans le corps des cobayes vaccinés, ce microbe ne se trouve jamais dans l’intérieur des phagocytes. Dans un autre mémoire *, sur le poison du vibrion cholérique, ce même savant a soutenu l'opinion que la péritonite cholérique des cobayes est produite par les corps des vibrions, détruits par le liquide transsudé. Dans ses études ultérieures, M. Pfeiller a pu s'assurer à maintes reprises de la fréquence de l’englobement des microbes par les leucocytes. Ainsi il a constaté ce fait chez les personnes atteintes de l’influenza : vers la fin de la maladie, le bacille (dont la découverte est un de ses principaux titres de gloire) se ren- contre surtout dans l'intérieur de nombreux leucocytes : M. Pfeiffer s’est gardé cependant d'interpréter ce fait en faveur de la théorie des phagocytes. Plus tard, dans son travail exécuté en collaboration avec M. Wassermann, M. Pfeiffer ‘ s'assure de la grande extension de la phagocytose dans le péritoine des cobayes, vaecinés contre la péritonite cholérique. Malgré cela, ces savants attribuent un rôle purement secondaire aux phagocytes, et admettent que les vibrionus doivent être détruits préalablement par un facteur humoral. Les leucocytes n’engloberaient par conséquent que les cadavres des vibrions. Cette étude de Pimmunité contre la péritonite cholérique des cobayes a été poursuivie dans le laboratoire de M. Pfeiffer par M. Issaelf, qui auparavant s'était convaincu du rôle impor- tant de la phagocytose dans l’immunité expérimentale contre 1. Zeitschrift f. Hygiene, t. 1, 1889, p. 360. 2. Jbid., t. 119 1892, p. 400. 3. Zeitschr. f. Hygiene, t. UK,4893, p. 370. 4. Ibid, 1893, t. XIV, p. 50. 436 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. le pneumocoque. Ce savant ' a démontré, dans üne série de recherches très intéressantes, que les leucocytes s’emparaient des vibrions vivants et arrêtaient ainsi l'infection du péritoine. Il a prouvé aussi que des injections préalables de ‘solution physiologique du chlorure de sodium, de bouillon et d’autres liquides, renforcaient l’activité phagocytaire, et pouvaient ser- vir à préserver l’organisme contre la péritonite cholérique. M. Pfeiffer *, témoin de ces expériences, exécutées avec ‘un grand soin, a dù accepter le résultat principal de M. Issaef. Mais dans la protection des animaux par le bouillon et les autres liquides qui attirent les leucocytes dans le péritoine, M. Pfeiffer ne voit qu'un phénomène de résistance, bien diffé- rent de celui de la vraie immunité. Celle-ci, étant beaucoup plus durable, doit être attribuée à d’autres facteurs. En poursuivant ses recherches dans cette voie, M. Pfeiffer * a été amené à découvrir un phénomène particulier, qui se passe dans le péritoine des cobayes, et qui consiste en une destruction extracellulaire des vibrions cholériques par les liquides de l’or- ganisme. Pour l’observer, il injecte des vibrions, suspendus dans 1 c. c. de bouillon, dans le péritoine de cobayes hyper- vaccinés, ou bien il introduit dans la cavité péritonéale de cobayes neufs la même émulsion, additionnée d’une faible quantité de sérum d'animaux très bien vaccinés contre le vibrion à l'étude. Le liquide péritonéal, retiré 10, 20, 30 minutes après l'injection, moutre une quantité de petits granules immobiles et ronds qui ne sont autre chose que des vibrions dégénérés et morts. Cette destruction, évidemment extracellulaire, ne peut ètre attribuée à une action phagocytaire, car le liquide péritonéal ne renferme qu'une quantité minime de leucocytes. Ces cellules n'arrivent que plus tard, lorsque les parties liquides de Pexsudat péritonéal se sont déjà débarrassées de la totalité des vibrions injectés. M. Pfeiffer arrive à conclure que, « pour infection cholérique . intrapéritonéale des cobayes, la théorie des phagocytes de Metch- nikoff doit être définitivement considérée comme erronée. La destruction des vibrions de Koch est provoquée non par des 4. Zeitschr. f. Hygiene; 1894, t. XNI, p. 287. 2. Tbid.,4p. 282. 9. 1bid., 41894, t. XVIII, p. 1. DESTRUCTION EXTRACELLULAIRE DES BACTÉRIES. 137 CECI phagocytes, mais par des forces de toute autre nature. La pha- gocytose peut être complètement absente, et ne constitue par conséquent pas le côté essentiel du processus, mais représente un phénomène concomitant de valeur secondaire » ({. €., p. 4). L'action du liquide péritonéal n’est pas non plus due, d’après M. Pfeiffer, à cette propriété bactéricide du sérum sanguin des cobayes vaccinés qui a été mise en lumière surtout par les recherches de MM. Bebring et Nissen. Le péritoine des cobayes, dans lequel les vibrions se transforment en granules sphériques, se comporte, d’après M. Pfeiffer, d’une façon active. Le liquide péritonéal devient bactéricide à la suite d’une sécrétion rapide de Ja part des cellules du péritoine. Dans son premier mémoire sur ce sujet, M. Pfeilfer a émis la supposition que celte sécré- tion bactéricide est due aux éléments endothéliaux, dont l'acti- vité peut se manifester même quelque Lemps : après la mort de l'animal. Après certaines objections que j'avais formulées ! con- tre cette manière de voir, M. Pfeiffer * a admis que les leuco- cyles de la lymphe péritonéale pouv aient bien contribuer aussi à la sécrétion des substances bactéricides, mais il maintient le rôle des cellules endothéliales, ajoutant du reste que toute cette question de la participation des éléments cellulaires lui parait d’une importance très médiocre. M. Pfeiffer est persuadé que la découverte de la destruction extracellulaire des vibrions présente une portée générale et très grande pour l'étude des phénomènes de limmunité dans leur ensemble. Il a réussi lui-même * à constater des faits analogues chez des animaux vaccinés contre le bacille de la fièvre ty- phoïde. M. Dunbar ‘ a observé la destruction extracellulaire des différents vibrions (cholériques. phosphorescents) et des bacilles typhique et A NUUES J'ai pu moi-même * m'assurer de l’existence réelle de cette destruction extracellulaire des vibrions dans le péritoine des cobayes. M. Max Gruber ‘ confirme de son côté « qu'il se pro- duit, conformément à l'assertion de M. Pfeiffer, une destruction Ces Annales, 1894, p. 716. . Zeilschr. [. Hygiene, 1885, €. XIX. p. 87. . Deutsche med. Wochenschr., 1894, n° 48 . 1bid., 1895, n° 9. . Ces Annales, 1894, p. 714. 6. Münchener medicinische Wochenschrift, 1895, n° 14. r à © IN — . 138 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. en masse des vibrions sous l'influence directe des liquides de l’'exsudat, et que cette destruction est d'autant plus grande que l'animal est plus immunisé. » On voit bien. comme il était du reste facile de le prévoir, qu'une découverte provenant d'une source si autorisée et si compétente, a su attirer sur elle l'attention générale des micro- biologistes. M. Pfeiffer lui-même n'en à pas fait une arme contre la théorie des phagocytes en général, mais d’autres savants, moins versés dans la question de l’immunité, ont déjà tenté d'en ürer un argument pour critiquer cette théorie. C’est ainsi que M. Fränkel ! a cru possible d’affirmer que la décou- verte de M. Pfeiffer rend inutile l'attribution aux phagecytes de la propriété de détruire les microbes. La découverte de la destruction extracellulaire des microbes dans le liquide péritonéal, ou de ce qu’on peut appeler le « phé- nomène de Pfeiffer », suggère toute une,série de questions tou- chant le problème général de l'immunité. Cette destruction extra- cellulaire des microbes est-elle un phénomène indépendant du système de défense phagocytaire. et constitue-t-elle une manifestation d'une force réactionnelle toute particulière de l'organisme” Le phénomène de Pfeiffer est-il bien dù à une sécrétion des cellules fixes où mobiles du péritoine ? Ce moyen de défense par la destruction ertracellulaire des microbes est-il répandu dans la nature. el peut- il être mis en parallèle avec la défense phagocytaire qui S'observe à chagie pas dans toute l'échelle animale? Afin d'obtenir une réponse à ces questions, je me suis mis à étudierle phénomène de Pfeiffer dans des conditions aussi variées que possible. Je n’ai pas cru devoir introduire ici mes recherches sur laspécificité de la destruction extra-cellulaire des vibrions, qui rentrent mieux dans l’étude sur le choléra. Il Quoique le phénomène de Pfeiffer ait déjà été suffisamment décrit par son auteur, je dois néanmoins commencer la partie descriptive de ce travail par une esquisse sommaire de la des- truction extracellulaire des vibrions dans le péritoine. P La cavité péritonéale renferme à l’état normal une quantité 1 Ueber Schutsimpfung: und Impfschutz. Marburg, 1895. é Li DESTRUCTION EXTRACELLULAIRE DES BACTÉRIES. 439 plus ou moins grande de lymphe, troublée par un grand nombre de leucocytes de toutes sortes. L'injection de substances diverses dans le péritoine provoque presque immédiatement une hypo- leucocylose tellement marquée, que la ly mphe devient presque complètement transparente. Get état dure pendant un certain nombre de minutes ou d'heures, après quoi il cède la place à un stade d’hyperleucocytose plus ou moins prononcée. Ces change- ments ont déjà été brièvement indiqués par M. Issaeff dans son mémoire sur l’immunité dans le choléra. Lorsqu'on injecte, d’après le procédé de M. Pfeiffer, une émulsion de vibrions cholériques dans du bouillon, dans le périloine de cobayes très bien vaccinés contre ce microbe, ou bien la même émulsion, additionnée d’un peu de sérum d’ani- maux vaccinés, dans le péritoine de cobayes neufs, on réalise les meilleures conditions pour l'observation du phénomène de Pfeiffer, et en même temps on provoque une forte hypoleucocy- tose de la lymphe péritonéale. M. Pfeiffer a porté son attention surtout sur les changements que subissent les vibrions dans ces conditions. À peine arrivés dans le péritoine, ils deviennent immobiles, et bientôt ils perdent leur forme allongée en se trans- formant en corps ovales d’abord, ronds ensuite. Le liquide péri- tonéal fourmille alors de petits corps sphériques qui ressemblent beaucoup plus à des coccus qu'aux vibrions (pl. IV, fig. 1). La meilleure méthode pour les observer est la suivante. On prépare une goutte pendante avec la lymphe péritonéale, retirée 10, 20 ou 30 minutes après l'injection. et on y ajoute une trace de solution aqueuse de bleu de méthylène. Les granules de Pfeiffer se colo- rent aussitôt en bleu distinct, ce qui rend très facile leur étude. Au bout de quelque temps, les granules deviennent rares et finissent par disparaître complètement. M. Pfeiffer considère cette disparition comme une dissolution des granules dans le liquide péritonéal. L’obse rvation directe n ne confirme pas cette manière de voir, Jamais on ne voit ces corps ‘ronds se dissoudre dans une goutte pendante : ils y conservent leur forme indéfini- ment. L'immobilisation des vibrions et leur transformation en gra- nules indiquent une influence délétère du liquide péritonéal. il faut A que ce changement de er Et une réaction du vibrion coutre l’action nuisible du milieu environ- L] ? 440 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. nant. Une transformation analogue s’observe dans des vieilles cultures, qui ne renferment plus que des petits granules ronds (les arthrospores de M. Huppe). On sait bien que ces corps, transplantés dans un milieu de culture convenable, donnent des vibrions typiques. Les granules, qu’on trouve dans le liquide, péritonéal sont aussi au moins en partie vivants et capables de reproduire des vibrions. M. Pfeiffer en a vu qui étaient encore doués de toute leur mobilité. Lorsque les vibrions sont tués rapidement, ils ne se transforment pas en granules. L'observation directe démontre du reste, d’une facon très précise, l’état vivant de ces granules. Après un séjour de quel- ques heures dans la goutte pendante de liquide péritonéal, ils s’allongent et se transforment de nouveau en vibrions et même en spirilles assez longs (fig. # et 5). Sous l'influence des condi- tions artificielles dans la goutte pendante, en dehors de l’orga- nisme, l’action nuisible du contenu péritonéal a dû s'arrêter, ce qui à permis aux granules de se développer. M. Pfeiffer, frappé par la rareté des leucocytes dans le liquide péritonéal renfermant les granules, a conclu que les globules blancs sont complètement étrangers à la dégénérescence des vibrions. Aussi n’a-t-il pas suivi la disparition des leucocytes du péritoine. Lorsqu'on retire le liquide péritonéal peu de minutes (1-5) après l'injection des vibrions, on y trouve encore un assez grand nombre de leucocytes, mais dans un état absolument anor- mal. La plupart d’entre eux sont devenus tout à fait immobiles ; on n’aperçoit que de râres et faibles mouvements de quelques leucocytes assez bien conservés. À côté de ceux-ci. on en trouve d’autres, gonflés ou désagrégés en lambeaux. Beaucoup de leu- cocytes se réunissent en amas plus ou moins volumineux et entourés d’une couche glaireuse. Tous ces changements abou- tissent à la dissolution de certains leucocytes, et à la disparition des amas qu'ils forment et qui se fixent sur la paroi des organes abdominaux, ce qui rend le liquide péritonéal presque complè- tement transparent. Dans une phase intermédiaire, il perd son trouble homogène, et se présente comme un liquide clair, renfer- mant des grumeaux visibles à l'œil nu. Plus tard ces grumeaux, qui sont précisément des amas de leucocytes, disparaissent de la façon indiquée. Cette hypoleucocytose peut être envisagée comme une véri- s DESTRUCTION:EXTRACELLULAIRE DES BACTÉRIES, 441 table phagolyse, car elle ne s'étend qu'aux vrais phagocytes du liquide péritonéal, c’est-à-dire aux leucocytes polynucléaires, mononucléaires et éosinophiles. Les lymphocytes ne sont nul- lement impressionnés par l'injection, et résistent bien aux influences si nuisibles pour les phagocytes. Aussi ce sont les seuls globules blancs qui se maintiennent dans le liquide péri- tonéal (fig. 1). L'état anormal des phagocytes pendant les premières minutes après l'injection des vibrions explique suffisamment cette absence de phagocytose, sur laquelle insiste M. Pfeiffer. On est vraiment frappé de voir ün grand nombre de leucocytes entiè- rement recouverts de vibrions et incapables d’en englober un seul. Cette période de phagolyse est de courte durée. Une demi- heure après l'injection péritonéale ou plus tard. les leucocytes normaux commencent à réapparaître dans l’exsudat. Ce sont d'abord les ymphocytes, auquels s'associent bientôt d’autres catégories, notamment les polynucléaires. Aussitôt commence la phagocytose. Des microphages s'emparent de granules vibrio- uiens, et en englobent souvent de’grandes quantités. Le liquide péritonéal, enrichi de leucocytes, se trouble, et on n’y retrouve plus ni vibrions, ni granules libres. Il ne reste plus que les gra- nules intraleucocytaires, dont un certain nombre persiste à l’état vivant pendant 10 à 15 heures. et même davantage. Lorsqu'on prépare des gouttes pendantes avec cet exsudat, il reste stérile malgré une influence prolongée de températures convenables (30-382). Mais, ensemencé dans des milieux nutritifs, comme l’eau peptonisée ou la gélose, il donne des cultures abondantes. Sur ce dernier milieu on voit pousser des colonies nombreuses, très rapprochées les unes des autres. Cet aperçu de la destruction des vibrions dans le péritoine nous révèle deux phases consécutives principales : destruction extracellulaire, ou phénomène de Pfeiffer, et ensuite, destruc- tion dans l’intérieur des leucocytes. L'étude détaillée de la pre- " mière phase rend très probable l'intervention aussi de ces cel- lules. En retrant le liquide péritonéal très peu de minutes après Tinjection, on y trouve une quantité très grande de vibrions dans l'entourage immédiat des leucocytes mononucléaires (fig. 4), polynucléaires, et même éosinophiles (fig. 3). Seuls les lympho- 142 : ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, cytes, comme les globules rouges, ne se présentent jamais entou- rés de bactéries (fig. #. 1.). Les amas de leucocytes renferment dans la couche hyaline qui les recouvre des masses de granules ig. 2). Par contre. les rares cellules endothéliales, détachées du périloine et entraînées dans l’exsudat, ne présentent jamais aucun rapport visible avec les microbes. En étudiant le sort des vibrions englobés par les leucocytes, on constate couramment et avec la plus grande facilité que ces microbes se transforment dans l’intérieur des cellules en granules sphériques, tout à fait pareils à ceux que l’on rencontre dans le phénomène de Pfeiffer. Il est donc probable qu'ici aussi la transformation a été provoquée par des produits leucocytaires, échappés pendant la phagolyse. Mais. s'il en est ainsi. la déforma- tion des vibrions en granules devrait se produire aussi en dehors de l'organisme, dans les liquides renfermant des leucocytes. Je dois rappeler au lecteur que M. Pfeiffer, dans son dernier mémoire, a décrit une méthode pour obtenir la transformation des vibrions en dehors de l'organisme. Dans ce but il injecte préalablement dans le péritoine des cobayes du sérum très pré- ventif, et prélève ensuite l’exsudat péritonéal. Dans des gouttes pendantes de celui-ci, il introduit une petite quantité de vibrions qui. au bout de peu de temps. se transforment en granules bien caractéristiques. M. Pfeiffer interprète cette expérience en disant que l'injection du sérum préventif seul, sans addition de vibrions. suffit déjà pour que les cellules du péritoine sécrètent leur liquide bactéricide qui transformera les vibrions en granules. Il se croit d'autant plus autorisé à accepter cet acte vital de sécré- tion que, dans ses expériences, où il n'injectait préalablement dans le péritoine que du bouillon seul, l’exsudat retiré ne mani- festait aucune propriété vibrionicide, malgré l'addition de sérum préventif dans les gouttes pendantes. Ce sérum devait donc provoquer quelque réaction active des cellules vivantes du péritoine (endothélium?) pour que le phénomène de Pfeiffer se produise en dehors de l'organisme. Nous ne pouvons pas accepter cette théorie qui alribue le phénomène de Pfeiffer à une sécrétion endothéliale, d’abord parce à 3 : : : & # qu'il estimpossible de confirmer le fait qui lui sert de base. Il est parfaitement exact que le liquide péritonéal, retiré après une injection préalable de sérum préventif, transforme très bien les ñ DESTRUCTION EXTRACELLULAIRE DES BACTÉRIES. 443 « vibrions en granules. Mais le même liquide, retiré après une . simple injection de bouiilon, est tout aussi capable d'opérer cette même transformation, à condition qu'on ajoute à la goutte peudante un peu de sérum préventif. Bien plus, 1l suffit de retirer simplement une goutte de lymphe péritonéale à un cobaye neuf, qui n'a subi aucune injection préalable, et d'y ajouter un peu de vibrions et de sérum préventif pour que le phénomène de Pfeiffer se produise de la façon la plus typique. Dans cette expé- rience, le rôle sécrétoire des cellules endothéliales est certaine- ment éliminé, ce qui n'empêche cependant pas la transformation des vibrions en granules. Les seuls éléments cellulaires qui se trouvent dans la lymphe ainsi retirée sont les leucocytes, qui par conséquent seuls peuvent être impliqués dans la production du phénomène de Pfeiffer. Et encore on n’a pas le droit de sup- poser ici une fonction sécrétoire des leucocytes. La lymphe péritonéale, retirée depuis plusieurs jours et ne renfermant que des leucocytes morts, est tout aussi capable de transformer les vibrions en granules, à condition que l’on ajoute un peu de sérum préventif à la goutte de cette Ilymphe. Dans une série d'expériences qui vont être décrites dans un des prochains chapitres, ainsi que dans les expériences nombreuses et variées de M. J. Bordet, relatées dans ce même numéro des Annales, on. trouvera d’autres preuves de ce fait fondamental, que le phéno- mène de Pfeiffer est dû à des produits provenant des leucocyles morts, etagissant sur les vibrions en présence du sérum préventif. A l’aide de toutes ces données, voici comment il faut inter- préter la destruction extracellulaire des vibrions. Le mélange de ces microbes avec du sérum préventif et du bouillon, injecté dans la cavité péritonéale de cobayes neufs, provoque d’abord la phagolyse. Les phagocytes s’altèrent plus ou moins profondé- ment, s’agglomèrent en amas, et deviennent immobiles et inca- pables de saisir les microbes. Il se dégage de leur corps le liquide bactéricide qui transforme les vibrions en granules, et en détruit un grand nombre. Maïs ce produit des phagocytes atteints ou désagrégés est impuissant à détruire la totalité des microbes. L’exsudat, ne renfermant que peu de leucocytes, donne en effet toujours des cultures plus ou moins abondantes de vibrions. Ces microbes sont englobés et détruits par les leucocytes qui arrivent dans le péritoine pendant la seconde phase de la réaction, et qui : — ® 144 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. se montrent absolument normaux dans leur fonction de se, mouvoir, de saisir et de digérer les vibrions. La conclusion de ce chapitre peut donc être précisée de la façon suivante : La destruction extracellulaire des vibrions dans le périloine n'est point due à un acte de sécrétion endothéliale ou autre, mais se présente conne la manifestation bactéricide du liquide issu des leucocytes atteints ou désagrégés pendant la phase de phagolyse. TITI L'interprétation que je viens de proposer au lecteur se trouve en parfaite harmonie avec les faits établis, mais elle n'est pas d'accord avec les idées de M. Pfeilfer sur le rôle des leucocytes. Persuadé que la destruction extraceliulaire des vibrions est étrangère aux globules blanes, M. Pfeiffer ‘ suppose que ces cellules, englobant un certain nombre de vibrions, les préservent par cet acte de phagocytose de l'influence délétère du liquide bactéricide de l’exsudat péritonéal. Le rôle des leuco- * cytes serait done plutôt nuisible qu'utile dans la lutte de Forga- nisme contre les vibrions. Cette contradiction peut être facilement levée à l’aide d’expé- riences précises. Si la destruction extracellulaire des vibrions est le résultat d’une phagolyse passagère, qui gêne les phagocytes dans leur fonetion normale, le renforcement des leucocytes devrait supprimer le phénomène de Pfeiffer et restituer la pha- socvtose habituelle. Dans le cas où l’englobement des vibrions par les cellules servirait à soustraire les microbes à l’action bactéricide du liquide, la suppression du phénomène de Pfeiffer et son remplacement par la phagocytose devraient être nuisibles à l'animal. Une injection de trois centimètres cubes de bouillon peptonisé, comme on l'emploie pour la culture des microbes, injection faite 24 heures avant l'expérience, suffit complètement à préserver les leucocytes de la phagolyse. Lorsqu'on injecte à un cobaye, préparé de cette façon, le mélange employé par M. Pfeiffer pour provoquer son phénomène, il ne se produit ni hypoleucocytose. ni phagolyse. mais bien une phagocytose très iniense. Déjà dans l’exsudat, retiré une minute après l'injection des vibrions, l. Zeitschr. f. Hyg.. 1895, t. XIX, p. 80. DESTRUCTION EXTRACELLULAIRE DES BACTÉRIES. 149 la grande majorité de ceux-ci est englobée par lés phagocytes, _nôtamment par les polynucléaires. L'exsudat péritonéal, extrait 3, 4 ou > minutes après l'injection, ne renferme plus du tout de vibrions extracellulaires, tandis que les leucocytes sont entièrement bourrés de ces microbes, dont le plus grand nombre est déjà transformé en granules (intracellulaires) (fig. 6). Tandis que chez les témoins qui ont reçu les vibrions sans injection préalable de bouillon, et chez lesquels les choses se passent comme dans les expériences de M. Pfeiffer, le liquide de l’exsudat, retiré 10 à 30 minutes après l'injection, renferme une quantité de granules; chez les cobayes préparés de la façon indiquée, à la période correspondante, il n’y a plus du tout de microbes autres que ceux qui sont englobés par les phagocytes*. Mais peut-être, dira-t-on, l'injection préalable de bouillon a renforcé non seulement les leucocytes, mais aussi les cellules endothéliales ou autres qui produisent le liquide bactéricide ? Cette supposition est écartée par le fait que, dans ces conditions _de l’expérimentation, le phénomène de Pfeiffer est complètement supprimé. Les vibrions qu'on rencontre en dehors des leucocytes, pendant les premières minutes aprèsl'injection, conservent leur forme vibrionienne, et les granules ne se retrouvent que dans l'intérieur des phagocytes. Cette phagocytose, des plus intenses, se manifeste vis-à-vis de vibrions sûrement vivants. Pours’en assurer, il suffit de sou- mettre l'exsudat à une influence favorable aux microbes et nui- sible aux leucocytes. Une goutte pendante d’uu exsudat qui ne 1. Cette rapidité d’englobement ne paraïitra pas étonnante après les constata- tions faites par M. Werigo pour le bacille charbonneux, et M. Borrel pour le bacille tuberculeux. Beaucoup de ces microbes, injectés dans les veines des lapins, sont déjà au bout de deux ou trois minutes saisis par les leucocytes. Tout récemment MM. Goldscheider et R. Muller (for{schritte d. Medic., A895, p. 351) ont voulu infirmer ces faits à la suite de leurs expériences avec les bactéries, injeetées dans le système sanguin des lapins. Quoique ces observateurs aient trouvé des microbes englobés, déjà moins de deux minutes (145) après l'injection, ils se sont assurés cependant que, même une demi-heure plus tard, la grande majorité des bactéries se trouvaient en dehors des cellules. Comme les recherches de MM. Werigo et Borrel ont été en grande partie exécutées dans mon laboratoire, j'ai pu m’assurer de mes propres yeux de l'exactitude de leurs affirmations sur la grande rapidité de lPenglobement des microbes. Le résultat opposé obtenu parles auteurs allemands cités tient peut-être à ceci : qu'au lieu de faire les injections dans la veine marginale de l'oreille, ils se sont servis de la veine jugulaire, ce qui pouvait affaiblir la résistance cellulaire des lapins. D’un autre côté, au lieu d'injecter les bactéries choisies par MM: Werigo et Borrel, MM. Goldscheider et Muller ont injecté des vieilles cultures (de 14 jours) du bacille pyocyanique, des pneumocoques, streptocoques, etc. 446 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. à contient plus de vibrions libres, soumise à une température de + 38°, donne une culture abondante de vibrions cholériques. Dans ces couditions, on voit une quantité de leucocytes morts, dans l'intérieur desquels les vibrions englobés se multiplient rapide- ment, etremplissent le contenu de la cellule (fig. 10-13). Ilse pro- duit des boules, composées uniquement de vibrions nombreux ; elles percent le leucocyte et sortent à l’extérieur (fig. 14). Lei le développement continue jusqu’à ce que les vibrions remplissent la majeure partie de la goutte pendante. Cette expérience démontre bien que la masse des vibrions, englobée en quelques minutes, était bien vivante et que ni le liquide péritonéal, ni même le contenu de tant de leucocytes morts n’a pu empècher le développement de ces microbes. Voilà done un cas où le rôle des leucocytes, supposé,si néfaste par M. Pfeiffer, devrait bien se manifester ; où les ani- maux dont les phagocytes ont en si peu de minutes soustrait les vibrions à l’action des liquides devraient s’en ressentir. Eh bien ! l’observation démontre nettement que ce, danger n’existe pas en réalité, et que l'animal se débarrasse de ses ennemis encore plus vite que dans le cas où le phénomène de Pfeiffer suit son plein cours. L’exsudat péritonéai des cobayes, préparés par l'injection du bouillon, devient de plus eu plus riche en leucocytes. Les vibrions et les granules deviennent par contre de plus en plus rares, et finissent par être définitivement digérés par les phago-. cytes. Il se produit un stade où les gouttes pendantes de l’exsu- dat péritonéal, transportées à l’étuve, ne donnent plus de cultures, tandis que les portions du même exsudat, ensemencées sur des milieux de culture, donnent encore une riche moisson de vibrions. Enfin arrive le moment où le liquide péritonéal, épais et troublé par la quantité de leucocytes qu'il renferme, ne donne plus de eulture par aucun moyen. Cette digestion définitive demande encore une série d'heures, mais elle est en général plus rapide que chez les cobayes témoins qui n’ontpas été injectés : préalablementavec du bouillon, et chez lesquels la transformation extracellulaire en globules se fait exactement.comme dans les cas de M. Pfeiffer. Ainsi, dans une expérience, l'exsudat péritonéal, retiré d’un cobaye préparé par du bouillon, neuf heures et demie » . , je x . = DESTRUCTION EXTRACELLULAIRE DES BACTERIES. 447 après l'injection des vibrions avec du sérum preventif!, n’a pas donné de culture dans l’eau peptonisée, tandis que l'exsudat péri- tonéal du témoin (qui $e trouvait dans les conditions des expé- riences de M. Pfeiffer), retiré 11 heures après l'injection du même mélange, a donné une culture très riche du vibrion cholérique. L'action phagocytaire, précoce chez le premier cobaye, n’a donc fait autre chose que de faciliter la destruction des microbes. Les,résultats sont les mêmes dans les cas d’immunité active ou passive, c’est-à-dire lorsqu'on injecte des vibrions, suspendus dans un €. c. de bouillon, dans le péritoine de cobayes très bien vaçcinés (hypervaccinés), ou lorsqu'on introduit dans le péritoine de cobayes neufs cette mème émulsion, additionnée d’une cer- taine quantité de sérum préventif. Le vibrion cholérique que j’employais dans la grande majorité de mes expériences m'avait été fourni par M. Pfeiffer, à Berlin, sous l'étiquette de vibrion de la Prusse orientale. Le sérum pré e lif, dont je me servais surtout, m'avait été aussi obligeamment donné par M. Pfeiffer et provenait, dans la plupart des expériences, d’une chèvre dont le titre préventif était de 0,0002. J’exprime ici toute ma reconnaissance à M. Pfeiffer pour son si aimable concours. Lesfaits, rapportés dans ce chapitre, imposent la conclusion que le renforcement des leucocytes, par une injection préalable de bouillon, supprime le phénomène de Pfeiffer, ainsi que la phagolyse, et permet à l'animal de se débarrasser des vibrions par une action phago- cylaire très intense. La disparition simultanée de la phagolyse et du phénomène de Pfeitfer fournit un argument de plus en faveur de lapinion qui explique celui-ci par celle-là. IV Les données, réunies dans les deux derniers paragraphes, expliquent suffisamment pourquoi nous ne pouvons pas consi- dérer avec M. Pfeiffer l'application de la théorie des phagocytes à la péritonite vibrionienue des cobayes comme « définitivement 1. La méthode qui permet d'observer très bien la transformation des vibrions en globules est aussi très convenable pour Pétude de la reproduction des vibrions daus les phagocytes. Dans ce but, on ajoute à la goutte pendante de l’exsudat qui a séjourné pendant quelques heures à l’étuve, un peu de solution aqueuse de bleu de méthylène. + Æ 448 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. erronée ». Bien au contraire. Lorsqu'on opère sur des cobayes L hypervaccinés, ou sur des cobayes neufs auxquels on injecte du sérum des animaux hypervaccinés, une simple injection préalable: de bouillon suflit déjà pour révéler le grand rôle des phagocytes restés intacts. Quand les leucocytes ne sont pas renforcés, il se produit cette transformation des vibrions en granules qui a tant frappé M. Pfeiffer. Mais même cette destruction extracellulaire, si elle n’est pas un acte de phagocytose, représente une action bactéricide, due aux liquides produits par les phagocytes, et échappés pendant un état passager de malaise ou de désagré- gation de ces cellules. Mais l’histoire de la péritonite vibrionienne est loin d'être épuisée par ces exemples où les vibrions sont introduits seuls dans le péritoine des cobayes hypervaccinés, ou injectés en mélange avec dutsérum préventif dans la cavité péritonéale des cobayes neufs. Il y a aussi immunité contre la péritonite vibrio- nienne lorsque le nombre. des vibrions est limité, ou lorsque la résistance de l'organisme est renforcée. Comment se comportent les phagocytes dans ces conditions, et y a-t-il lieu de nier le rôle de ces cellules comme le fait M. Pfeiffer ? Injectons une dose non mortelle de vibrions Hess frais dans le péritoine d’un cobaye neuf. L'examen du liquide périto- néal, retiré peu de temps après, nous apprend que le plus grand nombre des leucocytes a disparu de la lymphe péritonéale. Il s’est produit une hypoleucocytoseetune phagolyse, mais pas trace de phénomène de Pfeiffer.Les vibrions libres nagent dans le liquide. marifestant des mouvements très rapides et une reproduction qu'on peut suivre dans toutes ses phases. Cet état dure pendant une heure et plus, après quoi les leucocytes commencent à réappa- raîtré. Leur nombre devient de plus en plus considérable, et com- posé surtout par les polynucléaires.+ Quelques-uns d’entre eux commencent à englober des vibrions, mais cette phagocytose est rare au début. Lorsque, 3 à 5 heures après l’inoculation, les leucocytes deviennent très abondauts, il se produit une pha- gocytose très active. Lés leucocytes, mononucléaires et polynu- cléaires, saisissent des vibrions notoirement vivants et intacts. Quelquefois on les peut observer dans l’intérieur des vacuoles du contenu leucocytaire, en état de mouvements très actifs. Mais une fois englobés, beaucoup de vibrions se transforment ên DESTRUCTION EXTRACELLULAIRE DES BACTÉRIES. 449 granules ronds. Seulement cette transformation ne s’opère point dans le liquide péritonéal, mais uniquement dans l'intérieur des phagocytes. Le phénomène de Pfeiffer fait complètement défaut, et cependant l'organisme se débarrasse des vibrions, grâce, à l’activité de ses phagocytes. Au fur et à mesure que le nombre de ces cellules augmente, et que la phagocytose se poursuit d'une façon active, les vibrions libres deviennent de plus en plus rares dans l’exsudat. Sept heures après l'injection des microbes, lorsque le liquide péritonéal, surchargé de leuco- x . . cytes, est devenu épais et trouble, il reste encore quelques rares vibrions qui présentent toujours leur forme et leur mobilité normales. Une goutte de cet exsudat, maintenue pendant quel- ques heures à 38°, donne une culture abondante de vibrions très mobiles. On voit donc bien que la partie liquide de l’exsudat était impuissante à détruire et même à immobiliser les vibrions, tandis que les phagocytes vivants se sont montrés capables de les englober et les digérer. L’exsudat péritonéal, retiré huit heures après le début de l'expérience et plus tard, ne renferme plus du tout de vibrions libres, mais dans l’intérieur de quelques leucocytes il se trouve encore quelques vibrions,.en majeure partie transformés en granules Cet exsudat donne des cultures du vibrion pendant 2% heures encore, ou à peu près. La des- truction des vibrions se fait donc plus lentement que chez les co- bayes vaccinés ou neufs, chez lesquels les vibrions ont été intro- fluits avec une dose de sérum préventif, mais elle se fait tout de même, grâce aux phagocytes qui débarrassent définitivement l'organisme de ses envahisseurs. Déjà M. Max Gruber avait répondu à M. Pfeiffer que les phago- cytes sont bien capables d’englober les vibrions vivants. Après l'exposé que je viens de faire, 1l est impossible de mettre ce fait en doute. L'étude des cas où l'organisme, renforcé par une injection préventive de bouillon ou d’autres substances, résiste malgré l'introduction d'une dose mortelle (pour les témoins) de vibrions cholériques, confirme pleinement les données de M. Issaeff sur le rôle capital des phagocytes. Même dans les exemples où l’animal succombe à l'attaque des vibrions après une période de réaction prolongée, on constate une phagocy- tose très prononcée. Dans l’intérieur des leucocytes on trouve des vibrions en partie conservés dans leur forme naturelle. Ce 29 : 9 # 450 L ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. fait peut être surtouttrès bien observé sur les vibrions très allon- gés, comme c’est le cas pour lé vibrion cholérique de Courbevoie. Les leucocytes mononucléaires (fig. 7), aussi bien que les poly- nucléaires (fig. 8, 9), saisissent les vibrions en forme de minces spirilles, et présentent alors un aspect tout à fait semblable à ceux des leucocytes de la rate des singes et de l’homme dans la fièvre récurrente. Le gros volume des vibrions permet de suivre les phases consécutives de leur digestion. Pour cela, ils n’ont pas be- soin d'être transformés nécessairement en granules. J’ai observé souvent, dans l'intérieur des polynucléaires, des vibrions dont la forme était encore bien conservée, mais qui fixaient la colo- ration rose, lorsqu'on les colorait avec le bleu de méthylène et l’éosine. Il est incontestable qu’au moins une partie des granu- lations éosinophiles des leucocytes est due à la, transformation des corps englobés, comme cela a déjà été confirmé par M. Can- tacuzène ‘ et M. Mesnil *?. L'opinion que l'application de la théorie des phagocytes à la péritonite vibrionienne soit une erreur définitive, ne peut plus être maintenue. À Plusieurs observateurs ont été frappés par la contradiction entre les dernières affirmations de M. Pfeiffer et les conclusions antérieures de ce même auteur et de ses collaborateurs, MM. Wasserman et Issaeff. Les faits que je viens de relater permettent de concilier ces diverses opinions. La phagocytose joue un rôle des plus importants dans la péritonite vibrio- nienne, conformément à l’avis de M. Issaeff, auquel il faut joindre aussi M. Cantacuzène. Ce dernier observateur, qui a exécuté dans mon laboratoire un travail très détaillé sur ce sujet, a bien vu des cas de destruction extracellulaire des vibrions (1. c., p. 86), mais il s’est assuré que ce mode était beaucoup moins important que la ‘destruction par les phagocytes. Le phénomène de Pfeiffer existe bien dans la nature, mais 1l ne se manifeste que dans certaines conditions particulières, et peut être réduit à une action des produits liquides des phagocytes. En outre des cas où les vibrions virulents pénètrent dans le péritoine des cobayes hypervaccinés, ou bien des cas où les 4. Recherches sur le mode de destruction du vibrion cholérique dans l’orga- # nisme, Paris, 1894. 2. Ces Annales. 1895, p. 301. DESTRUCTION EXTRACELLULAIRE DES JBACTÉRIES. 451 “vibrions sont injectés à des cobayes neufs#avec du sérum pré- veutif, le phénomène de Pfeiffer peut encore être observé dans certains exemples d'immunité naturelle. Ici encore il s’agit d’une destruction des vibrions par des produits de leucocytes à “état de phagolyse. * Si l'on envisage la péritonile cholérique des cobayes dans son ensemble, on se persuade facilement de l'application de la théorie des phagocytes à cet exemple d'infection bactérienne: mn V + Toutes les expériences de M. Pfeiffer sur la destruction extra- cellulaire des microbes, ainsi que celles qui ont été relatées dans les précédents chapitres, ont été exécutées sur le cobaye. Il est important de savoir si le phénomène de Pfeiffer est géné- ral, et nous allons chercher tout d’abord s'il se produit de la même manière dans la cavité péritonéale d’autres vertébrés. Le lapin et le rat, auxquels onnjecte des vibrions cholé- riques, mélangés avec du sérum préventif, dans le péritoine, présentent les mêmes phénomènes de transformation en globules et de destruction extracellulaire. Chez le rat, qui est particulière- ment résistant au virus cholérique, on peut observer souvent le phénomène de Pfeilfer, même sans addition de sérum. Dans ce cas il se produit aussi une hypoleucocytose et uné phagolyse comme chez le cobaye. Mais en général on observe moins de régularité dans la marche de la destruction des vibrions chez le _rat que chez le cobaye. Les cellules d’'Ehrlich, si nombreuses dans la lymphe des‘rats, se comportent d’une façon tout à fait passive pendant le phénomène de Pfeiffer, comme les lympho- cytes. Ce sont encore les leucocytes mononucléaires et polynu- cléaires qui manifestent les mêmes changements et la même sensibilité extraordinaire que chez les cobayes et les lapins. Dans une expérience, le phénomène de Pfeiffer était ter- miné lorsqu'une piqüre maladroite avec le tube effilé lésa un peu l'intestin. Ce traumatisme léger suffit cependant pour affai- blir la réaction des phagocytes. Les vibrions cholériques réappa- rurent de nouveauet furent englobés par une nouvelle quantité de leucocytes sous forme de vibrions bien typiques. L'animal} guérit de la lésion intestinale et des vibrions, mais son exsudat # 452 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. péritonéal, retiré 24 Reures après le début de l'expérience, ren- fermait dans l'intérieur des leucocytes encore une quantité de vibrions en apparence normaux, et donnait des cultures abon- dantes et pures de ce microbe. Si chez les rongeurs la destruction des bios injectés dans le péritoine avec du sérum préventif, se fait d’après le mème schéma, cette règle ne peut pas être étendue à tous les vertébrés. Chez les amphibies et les poissons, le phénomène de Pfeiffer ne se produit pas. Injectés dans la cavité péritonéale de l’axolotl, les vibrions cholériques, additionnés de 0,02 c.'c. de sérum préventif de chèvre (du titre 0,0002) persistent pendant plusieurs heures sans être modiliés. Ils sont ensuite détruits par les leucocytes qui arrivent en masse, les saisissent à l’état de vibrions, les transforment dans leur intérieur en eranules sphériques, et finissent par les digérer totalement, ce qui rare une période de plusieurs jours. Des gouttes pendantes de l’ex- sudat péritonéal, retiré 43 heures après le début de l’expérience, et qui ne renferme que des vibrions intraleucocytaires, se peu- plent à l’étuve d’une culture abondante de vibrions. Chez la carpe, les choses se passent d’une façon analogue. Les vibrions cholériques, injectés dans le péritoine avec addi- tion de 0,04 c. c. du même sérum préventif, ne subissent pas de phénomène de Pfeiffer, mais conservent leurs propriétés pen- dant plusieurs heures. Six heures après l'injection commence une phagocytose très active, qui aboutit bientôt à l’englobement de tous les vibrions. Ces microbes se transforment en globules, dans l’intérieur des leucocytes, mais cette transformation ainsi que la digestion intracellulaire s’opèrent avec une lenteur extraordinaire. L’exsudat, retiré 96 heures après l’inoculation péritonéale, renferme une quantité de leucocytes bourrés de vibrions. Maintenu à 38°, il donne des cultures qu’on voit se produire d’abord dans l’intérieur des phagocytes morts. Des : cultures sur la gélose peuvent être obtenues encore avec l’exsu- dat extrait dix jours après le début de lexpérience. M Ces faits indiquent un faible pouvoir bactéricide des phago- cytes des vertébrés inférieurs, et expliquent pourquoi le liquide, échappé des leucocytes affaiblis ou morts (il existe chez eux aussi une phase de phagolyse passagère), est incapable de transfor- mer les vibrions en granules en dehors des cellules, c ’est-à-dire L DESTRUGTION EXTRACELLULAIRE DES BACTÉRIES. 453 incapable de donner le phénomène de Pfeiffer. D'un autre côté, ces mêmes faits démontrent que la loi de la réaction phagocy- taire s’applique très bien‘à ces animaux. Si même le péritoine n’est pas loujours capable de montrer le phénomène de Pfeiffer, il y a lieu de se demander comment se passent les choses dans les autres régions de l’organisme? L'inoculation, dans le tissu sous-cutané des cobayes et des lapins, de vibrions mélangés avec quelques gouttes (0,02 — 0,04 c. c.) de sérum préventif (du titre de 0,0002), n’est pas suivie du phénomène de Pfeiffer. Les microbes restent pendant quelques heures intacts, après quoi les leucocytes arrivent au lieu d’invasion et les saisissent à l’état non modifié. La trans- formation en granules ne s'opère que dans l’intérieur des pha- gocytes. Dans ces conditions, l’'englobement et la destruction des vibrions se font plus lentement que dans le péritoine. L’exsudat de cobayes, étudié 24 heures après l'injection, sous la peau de la cuisse, des vibrious avec du sérum préventif, renferme encore un certain nombre de ces microbes à l'état libre et non modi- fiés. Retiré 42 heures après le début de l'expérience, l’exsudat a donné des cultures de vibrions dans les milieux nutritifs. Ense- mencé 26 heures plus tard, il est resté stérile. Pour me faire une idée sur le processus de la destruction des vibrions cholériques dans les différents points de l'organisme, je me servais aussi de lapins, auxquels j'inoculais le mélange de . ces microbes (émulsion de culture sur gélose en bouillon) avec LE du sérum préventif dans le péritoine, sous la peau et dans la chambre antérieure de l'œil. Dans le premier de ces organes, les vibrions disparaïssaient au bout de très peu de temps, et leur présence ne pouvait être révélée alors qu’à l’aide de cultures. Le même mélange, introduit en petite quantité sous la peau de l'oreille, provoque une inflammation intense. Pendant toute une série d'heures (6 à 20) le liquide de l’exsudat, pauvre en leuco- cytes, renferme des vibrions mobiles et parfaitement intaûts. On ne voit pas trace du phénomène de Pfeiffer. Plus tard les leucocytes arrivent en nombre toujours croissant, amenant le changement de l’exsudat qui, de transparent et liquide, devient trouble et épais. Les leucocytes saisissent des vibrions non mo- difiés, et c’est seulement dans l’intérieur de ces cellules qu'ap- paraissent des granules. Après la cessation de l’inflammation, a mé F7 #: LA é + L 44 | + A54 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. LL # l’'exsudat purulent persiste pendant os jours. il, ne ren- fermê plus que des vibrions intraleycocytaires, et donne des cul- tures (dans des milieux nutritifs) encore quatre jours après le début de l’expérience. Les vibrions vivants se conservent encore plus longtemps dans la chambre antérieure de l'œil. Ici on rencontre des vibrions mobiies et libres pendant deux jours et même plus. Le phéno- méne de Pfeiffer ne $e produit pas du tout, mais les vibrions deviennent la proie dés leucocytes qui arrivent dans la chambre antérieure et y déterminent un vrai hypopyon. On trouve alors de nombreux vibrions dans les phagocytes; un grand nombre de ces microbes conservent leur forme normale, d’autres se trans- forment en granules ovales où ronds. Après l’englobement total des vibrions, le pus de l'œil donne des cultures jusqu’à six jours après le début de l'expérience. Le septième jour il s’est montré stérile. . Pour observer la réaction de l’organisme dans d’autres con- ditions, je provoquais, à l’aide d'anneaux de caoutchouc, des œdèmes par ralentissement de circulation’ sur l'oreille des lapins et sur la cuisse des cobayes. Après la formation d’un empâtement considérable, j'injectais dans le tissu œdématié le mélange des vibrions cholériques avec du sérum préventif. Le liquide clair, retiré plusieurs minutes et plusieurs heures plus tard, ne renfermait pas de leucocytes, mais beaucoup des vibrions normaux et mobiles qui ne présentaient pas de phéno-g mène de Pfeiffer. Mème 22 heures après l'injection, le liquide de l’ædème du cobaye renfermait encore un assez grand nombre de vibrions très mobiles. La disparition de ces microbes se faisait. à l’aide de leucocytes nombreuxequi se dirigeaient vers le point inoculé et englobaient les vibrions. L’œdème,de l'oreille, retiré 50 heures après l'injection, donnait des cultures abondantes des vibrions. . L'introduction des vibrions cholériques (su$pendus dans du bouillon et additionnés de sérum préventif) sous la peau des . vertébrés inférieurs a donné le même résultat. Injectés dans le tissu sous-cutané du caméléon, ces microbes n’ont subi aucune transformation exiracellulaire, mais trois à cinq heures après 4e début de l'expérience, ils ont été englobés à l’état de vibrions allongés par des leucocytes nombreux, immigrés vers le point : 4 L DESTRUCTION EXTRACELLULAIRE DES BACTERIES. 455 envahi. Dans l’intérieur de ces phagocytes, un grand nombre de microbes s’est modifié en granules. L'injection des vibrions cholériques avec du sérum préventif, dans le sac lymphatique dorsal des grenouilles, est générale- ment suivie d'une réaction phagocytaire intense. Les vibrions, non transformés en granules, restent libres dans le liquide pen- dant quelques heures, après quoi ils sont peu à-peu englobés par les leucocytes. La digestion intracellulaire se fait avec une telle lenteur que la lymphe, retirée neuf jours après le début de Porte donne encore des cultures abondantes de vibrions dans" des milieux nutritifs. L'ensemble des faits, réunis dans ce chapitre, nous amène à. ce résultat que l'organisme animal, soumis à l'influence du sérum préventif cholérique, se débarrasse des vibrions cholériques beaucoup. : (l plus souvent à l'aide de la réaction phagocytaire typique, que par l'intermédiaire de la destruction extracellulaire. Le phénomène de Pfeiffer ne se produit que dans les cas où les vibrions pénètrent dans un milieu qui d'avance renferme des leucocytes en nombre suffisant . Et encore \l ne se manifeste que chez les animaux dont les produits. leucocytaires possèdent une force bactéricide considérable. Le fait que, pour la production du phénomène de Pfeiffer, la présence anté- rieure des leucocytes constitue une condition essentielle, fournit encore un argument important à l’appui de l'opinion que ce phénomène même est dû à une action des produits leucocytaires. NE Certains faits, recueillis par MM. Pfeiffer et Dunbar, faisaient prévoir ‘que les règles, établies pour les vibrions cholériques, devaient être applicables aussi à d’autres bactéries. Dans le but de me former un jugement personnel, je me suis mis à étudier les phénomènes de la destruction du bacille rouge de Kiel dans le péritoine des cchayes hypervaccinés contre ce microbe, cobayes mis à ma disposition par M. Latapie. Le bacillerouge a été découvert par M. Breunig ‘ dans les eaux de Kiel, et étudié plus tard par M. Laurent*. Injecté en quantité suffisante, il provoque une péritonite mortelle chez les,cobayes * 1. Bacteriol. Untersuch. des Trinkwa$sers d. St. Kiel, 1888. 2, Ces Annales 1890, p. 465. 456 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. mais ces animaux peuvent être facilement vaccinés contre cette maladie, ce qui a été réalisé par M. Latapie.+Les cobayes qu'il avait mis à ma disposition étaient soumis à une vaccination intensive pendant plus de six mois, et recurent à 22 reprises de fortes doses de cultures stérilisées et vivantes. Mes expériences se sont bornées à l’étude de l’immunité active de ces animaux. L'injection, dans le péritoine des cobayes hypervaceinés, d’une anse de platine d’une culture fraîche du bacille de Kiel sur ‘gélose, suspendue dans 1 c. c. de bouillon, provoque d’abord une hypoleucocytose très marquée. Au bout de peu de minutes, presque tous les leucocytes disparaissent du liquide péritonéal. sauf les lymphocytes qui n’éprouvent aucun changement. Les bacilles restent libres dans ce diquide, sans manifester aucune transformation appréciable de leurs propriétés normales (ces microbes sont toujours immobiles). Je n’ai pas besoin de décrire en «détail le processus de la disparition des leucocytes, car ce serait répéter ce que j'ai dit au sujet des vibrions. Mais, malgré les mêmes conditions du côté des leucocytes, les bacilles de Kiel ne subissent pas de phé- nomène de Pfeiffer dans le péritoine. [ls restent libres, con- servant leur forme normale pendant toute la durée de ce stade d'hypoleucocytose et de phagolyse, stade qui dure à peu près 4 heure. Cette différence avec les vibrions doit être expliquée par la solidité plus grande de la membrane du bacille de Kiel. Dans la phase d’hyperleucocytose, pendant laquelle Îles .leutocytes, notamment les polynucléaires, arrivent en grande quantité, la phagocytose très intense suit la phagolyse. Les leucocytes englobent les bacilles, qui, même dans l’intérieur de ces cellules, conservent leur forme normale de bacilles à bouts arrondis. Leur digestion se fait aussi plus lentement que celle des vibrions. Dans l’exsudat, retiré 25 heures après l’inoculation, on trouve,‘au milieu d’un très grand nombre de leucocytes (dont la très grande majorité est composée de polynucléaires ampho- philes et de mononueléaires, les lymphocytes étant rares, les éosinophiles plus rares encore), quelques-uns renfermant des bacilles qui ne se colorent que très faiblement, mais conservent toujours Jeur forme allongée. Pendant la première péripde de la réaction, les gouttes pendantes de l’exsudat, soumises à une température convenable, + % DESTRUCTION EXTRACELLULAIRE DES BACTÉRIES. 457 le se peuplent bientôt de cultures abondantes du bacille de Kiel. Quelquefois il m'est arrivé d'observer dans ces gouttes, au milieu de bacilles qui se reproduisaient activement, des corps difformes ou ronds, provenant des bacilles transformés. Il peut se produire donc quelque chose d’analogue au phénomène de Pfeiffer, mais seulement en dehors de l'organisme. Ceci s'explique par l'influence sur les bacilles des produits des leucocytes, détruits dans ces conditions artificielles et accumulés dans une petite goutte. Des gouttes pendantes de l’exsudat péritonéal, retirées plu- sieurs (3 à 5) heures après l’inoculation, c’est-à-dire longtemps après l’englobement total des bacilles, donnent régulièrement, lorsqu'élles sont soumises a des températures assez élevées, des cultures dans l’intérieur des leucocytes. Le groupe des bacilles, représenté sur les fig. 19 et 20, s'était développé dans l’intérieur d’un leucocyte polynucléaire chez lequel on pouvait très bien voir le point par lequel les filaments s’échappaient au dehors. L’exsudat avait été retiré 3 heures 50 minutes après l’injection. Dans une expérience, j'ai observé le développement des bacilles, allongés en longs filaments, dans une goutte pendante de lexsudat, pris 19 heures et demie après l’injection dans le péri- toine. Lorsque arrivele momentoülesgouttes pendantes de l’exsudat ne se peuplent plus, ce liquide, ensemencé sur des tubes de gélose, donne encore des cultures assez abondantes. Il est à noter que ces cultures, maintenues à des températures pas trop élevées (dans le voisinage de 20°), donnent une coloration rouge encore plus intense que celle des cultures normales, qui n'avaient jamais subi de passages par l’organisme animal. La bacille de Kiel ne présente donc pas de phénomène de Pfeiffer dans le péritoine des cobayes hypervaccinés. Mais son injection dans la cavité abdominale est suivie d’une phase d’hypoleucocytose et de phagolyse marquées. Pourles supprimer, iln'y a qu'à préparer ces cobayes par une injection préalable de bouillon peptonisé dans le péritoine. L'inoculation des bacilles. pratiquée le lendemain ‘, est suivie d'une phagocytose tellement abondante, qu’on en voit rarement de pareille dans la nature. 4. Il est utile d’injecter le bouillon, renfermant les bacilles, maintenu à une température de 38° ou à peu près. LE $ 458 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. L À Déjà une minute après l'injection on trouve, à côté desbacilles libres non modifiés, une quantité de leucocytes, dont un grand nombre est rempli de bacilles. L'exsudat péritonéal, retiré quatre minutes après l'introduction des bacilles, ne renferme que peu de ces microbes libres; la très grande majorité est englobée par les nombreux leucocytes. Des gouttes pendantes de cet exsudat, maintenues pendant quelques heures à une température assez élevée (18°-38°) présentent une abondance de cultures intracellu- laires comme je n’en ai jamais vue ailleurs. Si on pouvait con- server encore quelque doute sur ce fait que les microbes sont englobés par les phagocytes à l’état vivant, il n'y aurait qu'à étudier ces gouttes pendantes. À côté de leucocytes qui ne ren- ferment dans leurs vacuoles que des bacillesisolés (fige 15, 16), on en trouve d'autres qui présentent tous les degrés possibles de développement de cultures abondantes, remplissant d’abord tout le contenu cellulaire (fig. 16-18), et finissant par faire éclater les leucocytes et se répandre dans le liquide de l’exsudat. Il va sans dire que cette phagocytose extraordinaire ne conslitue aucun danger pour l'animal, et que celui-ci se déba- rasse au contraire plus vite des bacilles que les cobayes qui n ont pas été traités préalablement avec du bouillon. Ainsi les gouttes pendantes de l’exsudat, retiré 4 heures après l’injection des bacilles, gouttes maintenues pendant longtemps à l’étuve, de donnent pas de culture. Pour s'assurer de la présence des bacilles vivants dans cet exsudat, il faut le semer sur la gélose, où l’on obtient des cultures d’un rouge extrèmement vif. Les bacilles rouges de Kiel, injectés dans le péritoine de cobayes hypervaccinés, ne subissent pas le phénomène de Pfeiffer. Après une phase d'hypoleucocytose et de phagolyse passagères, il s'établit une hyperleucocytose et une phagocytose des plus prononcées. + ’ NI , CONCLUSIONS. Les matériaux réunis dans les précédents chapitres per- mettent de répondre aux principales questions, formulées au début de ce travail. La destruction extracellulaire des vibrions dans le péritoine des animaux, à l’état d’immunité active ou passive, ne peut être * Li DESTRUCTION EXTRACELBULAIRE DES BACTÉRIES. 459 4 attribuée à l'existence d’un moyen particulier de défense de l'organisme. Il ne s’agit pas ici d’une sécrétion bactéricide des cellules endothéliales, parce que le même phénomène de transfor- mation des vibrions en granules peut être obtenu en dehors de l'organisme, dans une goutte de lymphe, sans aucun concours de LU Il ne s’agit pas non plus d’une sécrétion bactéricide de la part des leucocytes en pleine activité, car le phénomène de Pfeiffer s’observe aussi dans la lymphe, retirée de l'organisme après la moït de tous'les globules blancs, et aussi par ce que le renforcement des leucocytes supprime ce phéno- mène. La destruction extracellulaire est due à une substance bactéricide, échappée des leucocytes morts ou avariés. Voilà pourquoi il ne s’observe que dans les points, où une quantité notable de ces cellules préexiste avant l'introduction des vibrions. Le péritoine, avec sa lymphe si riche en leucocytes, est le meilleur milieu pour l’accomplissement du phénomène de Pfeiffer. Dans le tissu sous-cutané, dans l’œdème par ralentissement de circu- lation ou dans la chambre antérieure de l’œil, où il n’y a que fort peu ou point de leucocytes préformés, la destruction des vibrions s'opère par le procédé régulier de phagocytose, sans intervention du phénomène de Pfeiffer. Mais le péritoine, pour être indemne vis-à-vis des yibrions, n’a pas besoin du concours de la destruction extra-cellulaire de” ces microbes. Chez les cobayes on voit souvent l’immunité de la cavité péritonéale se manifester par une simple action des pha- gocytes, ce quiest la règle générale pour les vertébrés inférieurs (ichtyopsides). Il est donc impossible de dire que l’immunité contre la péritonite vibrionienne présente un exemple qui ne relève pas de la théorie des phagocytes. Quoique la destruction extra-cellulaire des vibrions ne puisse pas être envisagée comme un acie de phagocytose, elle présente cependant un phénomène particulier, lié à la défense pha- gocytaire de l'organisme, car il s’agit ici d’une action bactéricide, exercée par des ht Te des leucocytes pendant une phase passagère de phagolyse. Le phénomène de Pfeiffer, qu'il est impossible d'interpréter comme une manifestation d’un moyen particulier de réaction contre les vibrions, doit être plutôt considéré comme un épisode de la lutte de l’organisme par l'intermédiaire de ses cellules amiboïdes. Ce phénomène, * e _ 460 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. qui n’est pas une action phagocytaire proprement dite, peut être désigné comme un processus phagolytique de destruction des vibrions. Si l’on compare l'extension des phénomènes de phagocytose avec la destruction extra-cellulaire, phagolytique, on voit que sous ce rapport la différence entre les deux processus est très grande. Le phénomène de Pfeiffer ne s’observe que lorsqu'il y a pénétration de certains microbes dans des régions occupées préalablement par de nombreux leucocytes, et encore ne se produit-il pas toujours dans ces conditions, comme nous l’avons vu chez les cobayes qui avaient reçu du bouillon, et chez les vertébrés inférieurs. La réaction phagocytaire, au contraire, a lieu dans tous les cas d'immunité naturelle ou acquise vis-à-visdes microbes les plus divers, chez les vertébrés supérieurs ou infé- rieurs, dans le péritoine comme sous la peau ou dans la chambre antérieure de l’œil, etc. Au début de ce mémoire, j'ai parlé de la probabilité théorique d'exceptions à la règle générale de la défense phagocytaire dans le monde animal. L'examen détaillé du phénomène de la des- truction extra-cellulaire nous montre bien que celui-ci ne rentre pas dans cette catégorie. EXPLICATION DES FIGURES DE LA PL."vI. Fig. 1. — Phénomène de Pfeiffer dans l’exsudat d’un cobaye neuf, retiré 10 minutes après l'injection de 1 e. c. de bouillon, renfermant une anse de culture du choléra de Constantinople et 0,04 c. c. de sérum préventif (du titre de 1/8mer). Coloration par le bleu de méthylène : {, lymphocytes. Grossissement : ocul. 3, système 1/18 Zeiss. Fig. 2. — Masse de granules réunie autour d'un amas de leucocytes. Exsudat d'un cobaye, retiré 9 minutes après l'injection de 1 c. c. de bouillon, additionné d’un tiers d'une culture de choléra Prusse orientale et de 0,04 e. c. de sérum cholérique préventif de chèvre (titre 0,0002). Ocul. 2, syst. D. Zeiss: Fig. 3. — Un leucocyte granuleux entouré d'une zone de granules vibrioniens. L'exsudat a été extrait 25 minutes après l'injection péritonéale de 1/10 d'une culture de vibrion de Massaoua sur gélose. Ocul. 2,syst. 1/18. Fig. 4. — Deux leucocytes mononucléaires, entourés de granules, un ly mphocyte (/) et une hématie (4) du même exsudat. Même grossissement. Fig. 5. — Les mêmes cellules après un séjour de 3 heures 1/2 à 26°. Fig. 6. — Cinq leucocytes polynucléaires de l’exsudat, retiré 4 minutes après l'injection dans le périloine d'un cobaye (hypervacciné et préparé par 3 c. c. de bouillon) de 1 c. c. de bouillon avec un tiers de culture de Prusse DESTRUCTION EXTRACELLULAIRE DES BACTÉRIES. 461 orientale sur gélose : n, noyau d'un macrophage écrasé. - Coloration avec le bleu de méthylène. Oc. 5, syst. 1/18. ' Fig. 7. — Un leucocyte mononucléaire, rempli de vibrions du choléra de Courbevoie. Exsudat péritonéal de cobaye. Ocul. 3, syst. 1/18. Fig. 8 et 9. — Deux leucocytes polynucléaires du même exsudat. Les vibrions, colorés en gris sur la planche, sont des vibrions dans la phase éosinophile. Oc. 3, syst. 1/18. Fig. 10-14. =— Différents stades de formation de cultures du vibrion cholérique (Prusse orientale) dans l'intérieur des leucocytes. Goutte pendante, colorée par le bleu de méthylène, de l’exsudat de cobaye hypervacciné pendant presque six mois et préparé par 3 €. c. de bouillon. L’exsudat a été retiré quatre minutes après l'injection péritonéale d'un tiers de culture cholérique sur gélose, suspendue dans 1 c.c.de bouillon et maintenuefà 38°, Oc. 3, syst. 1/18. Fig. 15-18. — Différents stades de formation de cultures du bacilie rouge de Kiel dans l'intérieur des leucocytes. La goutte pendante a été maintenue pendant 20 heures à 17° et faite avec l’exsudat d’un cobaye hyper, vacciné et préparé avec une injection de 3 c. c. de bouillon. L’exsudat a été retiré 4 minutes après l'introduction des bacilles de Kiel dans le péritoine. Oc. 3. S. 1/18. Fig. 19-20. — Deux stades consécutifs d’une culture de bacille rouge de Kiel qui a poussé de l'intérieur d’un leucocyte polynuclaire dans une goutte pendante de l’exsudat péritonéal. Cette goutte a été préparée avec l'exsudat d'un cobaye hypervacciné, retiré 3 heures 50 minutes apres l'injection de bacilles de Kiel dans le péritoine : n, noyau. Oc. 2, syst. 1/18. 4 + . # ; ë % LES EEUCOCYTES ET LES PROPRIETE ACTIVES DU SÉRUM CHEZ LE VACCINÉS Par Le Dr JULES BORDET . (Travail du laboratoire de M. DR s L é Il À la suite des recherches persévérantes de ces dernières années, la théorie phagocytaire s’est montrée capable d’expliquer entièrement le phénomène de l’immunité : l’intérvention des phagocytes se constate d’une façon régulière chez les animaux qui se défendent contre les parasites, et leur concours aide puissam- ment à la guérison des organismes infectés. Il est des cas cepen- dant où l'importance de cette intervention a été, récemment encore, considérée comme secondaire, et où le rôle essentiel dans la destruction des virus a été, conformément à des idées déjà anciennes, attribué à des substances bactéricides dissoutes dans les humeurs. Cette manière de voir est défendue surtout pour ce qui concerne les infections que produisent les microbes appartenant au groupe des vibrions, et c’est sur le terrain du choléra, en particulier, que s’est portée la lutte entre la doctrine phagocytaire et la théorie dite « bactéricide des humeurs ». Il existe en effet, dans ces cas spéciaux, une corrélation évidente entre l'apparition du pouvoir antiseptique du sérum et celle de l’état réfractaire. Ce pouvoir bactéricide, faible chez les animaux neuis, devient très marqué chez les organismes vaccinés. Et si l’on prouvait que chez ces derniers, la matière microbicide que l’on retrouve dans le sérum est, pendant la vie, uniformément dissoute dans les humeurs, le concours des phagocytes ne parai- trait plus aussi nécessaire à 14 destruction de virus. Mais ce point précisément n'est pas démontré. Les recherches de divérs observateurs, de M. Metchnikoff en particulier, tendent à faire admettre que les parties liquides des tissus ne possèdent poin£ pendant la vie, un pouvoir bactéricide comparable ‘à celui dont le sérum est doué in vitro. À 4 st in dd ERA œ : , : ) + + É” | Br n : ù LEUCOCYTES ET SERUM CHEZ LES VACCINES. 463 Toutefois, il reste à se demander si, chez l'organisme vivant, les matières actives ne sont pas renfermées dans des cellules déterminées, — et si, par exemple, ce ne sont pas les leucocytes qui contiennent la matière bactéricide, si l'élaboration de cette substance n’est pas une manifestation spéciale de leur activité * protectrice, et ne résulte pas d’une adaptation subie par ces * éléments sous l'influence de la vaccination. Si telle était l’ori- gine de cette matière, l'apparition du pouvoir bactéricide dans le sérum des animaux Vaccinés ne serait que l'indice d’un réel” perfectionnement de la phagocytose. . TPE D'ailleurs, quelle que soit l'intensité de la fonction bactéricide | chez les animaux vaccinés contre le choléra, la phagocytose n’en apparaît pas davantage comme un phénomène d'importance secondaire pour la destruction du vibrion. Certes on peut constater . — M. Pfeiffer l’a montré récemment — que les vibrions injettés à un vacciné, dans la cavité péritonéale, où l’on trouve toujours des leucocytes, peuvent en bonne partie périr dans le liquide ambiant sans avoir été capturés par les phagocytes; mais il 4 n’en est pas moins exact que beaucoup d’entre eux sont englobés, ainsi que M. Metchnikoff l’a prouvé. M. Pfeiffer attache, 1l est vrai, très peu d'importance à ce dernier fait. Supposons avec lui, que les phénomènes de phagocytose ne jouent qu'un rôle acces- soire, et que la destruction du vibrion dans l’organisme vacciné: soit due en première ligne à l’action des humeurs en dehors de l'intervention cellulaire; il est légitime de conclure alors que cette action humorale se manifestera avec la plus grande inten- sité, à l'exclusion de la phagocytose, dans les milieux de l’orga- nisme le plus richement dotés en matières bactéricides. Si le sang d'un lapin ou d’un cobaye immunisé contre le choléra contient plus de matières antiseptiques que l’exsudat péritonéal, il est à présumer que c’est dans le sang que l’on observera le , moins de phagocytose, et, que dans ce liquide surtout, le vibrion » périra et disparaîtra en dehors du protoplasme cellulaire. . Or, on peut démontrer que le sérum d’un lapin vacciné contre * le choléra est plus bactéricide que son exsudat péritonéal. Voici le compte rendu d’une des expériences faites à ce sujet : - L ë , | a + 64 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR, Bapin pesant 1,720 grammes, bien vacciné contre le vibrion cholérique de Massaouah ; 15 jours après la dernière injection immunisante, on retire une petite quantité de sang, d’où l'on sépare le sérum 1; puis l’on introduit dans le péritoine deux éponges préalablement lavées à l’eau bouillante, stérilisées ensuite et séchées (14/VI 94). On les retire le surlendemain; elles sont “worgées de liquide que l’on exprime dans des verres stériles. Le nombre des leucocytes contenus dans ce liquide est assez faible (environ 500 par millfm. cube); un nombre assez grand de globules sont restés attachés à l'éponge. Nou- velle prise de sang (sérum Il) ; ce sang contient 8,200 leucocytes. On distribue les échantillons de sang et d'exsudat péritonéal dans des tubes, en quantités égales ({ c. c. de liquide) ei l’on compare leur puissance bactéricide vis-à-vis du vibrion de Massaouah, par la méthode des plaques. L'animal possédant, ainsi qu'on l’a reconnu au préalable, un sérum fortement bactéricide, on fait un ensemencement copieux (une large anse d’une forte culture sur zélose, âgée de 24 heures, délayée dans 3 c. c. de solution de NaCl à 0,60 0/0). Ensemencements le 16/VI 94 à 5 heures. LIENS E 4 z EXSUDAT EXSUDAT JHEURES DES PRISES. SERUM 1. SERUM IT. : péritonéal I. péritonéal IT. [5 " soir) 45/VI 94. 25 200 23 400 24 000 22 200 Nb) 25/7 0 0 35 20 II (9° 1/2 m.) 16/VI. 0 0 innombrable |innombrable À volume égal, la partie liquide du sang renferme donc plus de matière bactéricide que l’exsudat péritonéal. De plus, la masse totale du sang est de beaucoup supérieure à celle du contenu liquide de la cavité péritonéale; elle contient par conséquent une somme beaucoup plus considérable de cette matière. Des vibrions introduits dans le torrent circulatoire et délayés dans le liquide sanguin sont donc exposés autant qu'il est possible à être détruits par le pouvoir bactéricide. Si l’on admet que le con- cours des phagocytes n’est pas indispensable à la destruction du vibrion inoculé dans le péritoine, on doit admettre qu’il sera bien moins nécessaire encore à la destruction de ce wibrion injecté dans les veines. Et cependant, dans ces conditions, la phagocy- tose s'opère activement et rapidement. a) Cobaye pesant 420 grammes, hypervacciné contre un vibrion de Koch provenant de la Prusse orientale. Injection dans la jugulaire de 4/3 de cul- ture de ce vibrion sur gélose, âgée de 24 heures et délayée dans la solution de NaCI à 0,6 0/0. On prend, à différents intervalles, une goutte de sang à la patte ou à l'oreille, et on étend ce sang sur lames. On sacrifie l’animal LEUCOCYTES ET SÉRUM CHEZ LES VACCINÉS. 465 au bout de 1/4 d'heure ; on fait des préparations avec le suc du foie, de la rate, et le sang du cœur. On colore par la méthode d’Ehrlich (éosine et bleu de méthylène) après avoir fixé le sang non pas par la chaleur, mais par l'acide phénique à 4 ou 5 0/0, ce qui paraît préférable. Les préparations du sang retiré Z, 5, 9, 13 minutes après l'injection montrent des phagocytes contenant des vibrions. Ces phagocytes sont pari- culièrement nombreux dans le sang extrait au bout d’un temps très cour (# à 5 minutes) après l'introduction des microbes ; on voit, au milieu du pro- toplasme, les vibrions bien colorés, avec leur forme normale et parfaitement intacts. On trouve dans le sang retiré 9 ou 13 minutes après l'injection, et surtout dans le suc du foie et de la rate, des phagocytes renfermant, à côté de vibrions normaux, des granulations peu distinctes et des vibrions se colo- rant irrégulièrement et incomplètement. L'ensemencement sur gélose par le sang du cœur donne encore quelques colonies ; l'ensemencement fait aux dépens du sang de foie et surtout de la rate donne des colonies beaucoup plus nombreuses. b) Cobaye de 530 grammes, très vacciné. (Vibrion de la Prusse orientale.) Injection de 1/3 de culture dans la jugulaire. L'animal est sacrifié 1/2 heure après l'injection ; le chiffre de leucocytes est tombé à ce moment de 16,500 à 8,000. Phagocytose dans le sang retiré 5, 8, 12, etc. minutes après l'injection. Beaucoup de polynucléaires dans le suc de la rate et du poumon. Les leucocytes de la rate contiennent des vibrions déformés, ne se colorant pas sur certains de leurs points, et prenant une teinte rougeâtre ou violacée ; c'est là un témoignage des altérations chimiques que ces vibrions ont subies. On trouve encore dans le sang du cœur (1/2 heure après l'injection) de rares phagocytes renfermant des vibrions intacts ét bien colorés en bleu. Le sang du cœur ensemencé sur gélose donne de très rares colonies ; les cultures faites aux dépens du sang de foie et surtout de la rate sont riches. c) Injection de 1/2 culture dans la jugulaire d’un cobaye vacciné (480 grammes). La dose injectée étant trop forte, l'animal meurt au bout de 4 minutes, avec des symptômes asphyxiques. Néanmoins la phagocytose s'est déjà manifestée, ainsi qu'en témoignent les préparations de sang extrait au moment de la mort. . Lorsque la quantité des microbes injectés dans les veines n’est pas trop considérable, le sang devient rapidement stérile, tandis que les organes internes contiennent encore des vibrions vivants, capables de se développer sur gélose ‘. En même temps le nombre des leucocytes du sang baisse d’une façon très mar- quée. Les phénomènes qu'on observe après injection de vibrions du choléra duns les teines des vaccinés sont donc semblables à ceux: qu'on observe dans les mêmes conditions pour les autres microbes pathogènes ; le virus capturé par les phagocytes est transporté par eux dans les 1. Les vibrions qui ont été mis en contact avec les substances bactéricides perdent souvent la propriété de se développer sur gélatine. 30 466 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. , organes internes où il s'accumule. Le mécanisme de limmunité cholérique à ce point de vue rentre donc dans le cadre commun. L'activité des phagocytes ne paraît point se laisser facilement abattre, car l’accumulation du vibrion dansles organes internes, et la disparition des leucocytes du sang se constatent même chez les animaux plongés dans le sommeil chloroformique. Une dose de chloroforme capable d’anesthésier les centres nerveux ve suffit pas à engourdir l’activité des phagocytes. | CoBAYE À, pesant 100 grammes, très vaGciné ; on le chloroformise le plus complètement possible, de façon à abolir tout réflexe. Après 5 minutes de ce sommeil profond, on lui injecte dans ia jugulaire 1/6 de culture.» (VWibrion de la Prusse orientale.) On continue la narcose ; l'animal meurt au bout de 20 minutes après l'injection, le chloroforme ayant été donné à dose exagérée. Le nombre des leucocytes qui était &e,13,000 est descendu à ce moment à 4,300. Le sang du cœur reste stérile, tandis que les sucs de foie,. rate, poumons donnent des cultures. | Co. B, Lémoin, pesant 490 gr., vacciné comme le cobaye A: On ne lui administre pas de chloroforme, mais on lui injecte également 1/6 de culture. Le nombre des leucocytes tombe au bout de 20 minutes de 9,500 à.5,000. A ce moment le sang est stérile ; le foie, le poumon, la rate donnent des cultures.” LES LEUCOCYTES ET LE POUVOIR BACTÉPICIDE » , j | k Ï La phagocytose n'est pas, dans le mécanisme de l'immunité cholérique, une fonction d'importance secondaire. Les leucocytes englobent les vibrions, et eeux-ci subissent bientôt, au milieu du protoplasme, des allératiïons de forme et de colorabilité qui trahissent l'influence d’une matière nocive. La matière bactéricide qu'on trouve dans le sérum ne vient-elle pas des leucocytes? C’est M. Metchnikoff qui, le premier (1887), a émis l’idée que les substances bactéricides du sérum pourraient bien être d'origine leucocytaire : il écrit en 1889‘ : « .… Encore dois-je ajouter qu'en affirmant l’exclusion complète des leucocytes dans l’action du sérum vis-à-vis des bactéries, on n’a pas tenu compte de l'existence, dans le sérum préparé, des substances mises en liberté à la suite de la destruction des leucocytes. On a . constaté à plusieurs reprises qu’en sortant de l'organisme un nombre considérable de ces cellules éclate, et rejette son contenu dans le liquide environnant. » . 1. Annales de l'Institut Pasteur (décembre 89). : + LA ZA RE . L + * LEUCOCYTES ET SÉRUM CHEZ LES VACCINÉS. 467 Plus tard, M. Hankin, puis M. Denys et ses élèves, cher- chèrent à réconcilier la théorie de :a phagocytose avec la théorie « bactéricide des humeurs ». M. Hankin est l’auteur de la théorie des alexocytes; on sait la part qu'il attribuait aux leucocytes éosinophiles, dans la sécrétion des alexines et, les objections graves que sa manière de voir a fait naître. M. Bdchner incline à croire que les leucocytes jouent un grand rôle dans la formation des matières bactéricides. " - | Le problème qui se pose est double : il faut rechercher à la fois si ce sont lesleucocy tes qui élaborent la substance bactéricide, et, dans l’affirmative, s’ils retiennent pendant la vie cette matière fixée en eux, ou la laissent diffuser librement tdans le liquide ambiant. Ce second point, qui est cependant capital, a bien peu attiré l’attention jusqu'ici. * | | Pour pouvoir tirer de l'expérience des déductions énjables d'accroître nos notions relatives à l’immunité, il faut s'occuper , LA surtout, non pas de ce pouvoir bactéricide spontané, observable chez les animaux neufs, dont le sérum du lapin vis- ä-vis du charbon nous offre un exemple ,'et dont la signification au point de vue de l’immunité n’est pas nettement établie; mais bien de ce pouvoir bactéricide amené à la suite d’ injections vaccinantes, et dont la corrélation avec l’état réfractaire est évidente. Il faut donc étudier dans son point d'origine et sa localisation, ce pouvoir bactéricide que l’on trouve très marqué chez les vaccinés, et dont les animaux neufs ne sont que faiblement pourvus. Le choix du vibrion du choléra est donc fort indiqué pour ce genre de recherches. { * Nous nous sommes servi principalement de deux vibrions cholériques, le vibrion de Massaouah isolé par M. Pasquale, et un vibrion provenant de la Prusse Orientale. Nous ne distuterous pas ici la question de savoir si le vibrion de Massaouah appar- tient ou non à la même espèce que le vibrion typique de Koch. . L L ® 1. L'humeur aqueuse du lapin est bactéricide pour le chärbon. Ce liquide ne contient pas de leucocytes ou n’en contient qu’une quantité Mrès faible; il serait bien difficile d’attribuer à ce pouvoir une originet cellulaire. Mais ce pouvoir bactéricide existe chez un animal parfaitement réceptif pour le charbon: il n’est donc paslié à l’état réfractaire. Il diffère d’ailleurs, par ses caractères, du pouvoir antiseptique qui apparait dans certains cas avec l'immunité ; c’est ainsi qu'il résiste à l’action prolongée pendant une heure d’une température de 60% On peut, semble-t-il, considérer ce pouvoir bactéricide comme analogue à celui que possèdent certains liquides tels que le bouillon. s é , 168 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. * Les recherches de M. Pfeiffer tendent à faire admettre qu'il existe, parmi les vibrions cholériques de diverses provenances. des caractères différentiels assez nets pour qu’on ne puisse les considérer tous comme appartenant à une variété microbienne unique. 1] y aurait ainsi plusieurs races de vibrions cholériques, l’une de ces races, très répandue et fort importante, étant repré- sentée par le vibrion de Koch, auquel M. Pfeiffer accorde même le monopole absolu dans la production des épidémies. Quoi qu'il en soit, les animaux vaccinés contre le vibrion de Massaouah possèdent un sérum doué d'énergiques propriétés préventive et bactéricide, et répondent par conséquent à la condition requise. De plus, ce vibrion présente l’avantage fort appréciable de posséder à la fois une virulence élevée et relativement très constante. Nous avons cherché à produire chez l'animal vacciné contre le choléra une séparation du liquide sanguin d’avec les éléments cellulaires. 11 fallait pouvoir recueillir du plasma sanguin plus ou moins complètement purgé de cellules. On y arrive en provo- quant, par compression veineuse, un œdème d’un membre ou d’une oreille. Le liquide d’æœdème représente du plasma sanguin filtré sous pression et assez complètement débarrassé de cellules. Les parois vasculaires ne sont pas assez imperméables pour les retenir toutes; le liquide obtenu contient-généralement quelques slobules rouges et de très rares leucocytes. Ce résultat obtenu, il fallait comparer le pouvoir bactéricide de ce liquide transsudé avec celui du sérum appartenant au même animal, sérum qui s’est formé lors de la coagulation dans le liquide sanguin très riche en cellules. Si pendant la vie, les substances bactéricides sont fixées dans les cellules, et n’en diffusent que lorsque le sang est retiré du corps et se coagule, une différence apparaîtra entre les deux liquides soumis à la comparaison. Un lapin pesant 1790 grammes a été vacciné contre le choléra de Massaouah. On éprouve son sérum, au préalable, au point de vue des pouvoirs bactéricide et préventif; on lui reconnait une propriété bactéricide {très marquée. Quant au pouvoir préventif, 1/5 de c. c. est préventif contre la dose de 1/15 de culture âgée de 24 heures, dose mortelle, et même contre la dose de 1/10 de culture. Peu de temps après, on produit chez ce lapin un œdème, en comprimant la base de l'oreille par un anneau en caoutchouc (œdème A). + % # : # : LEUCOCYTES ET SERUM CHEZ LES VACCINÉS. 469 L'une des pattes antérieures est soumise un peu après au même trai- tement (ædème B} On ponctionne et l'on obtient un liquide clair, un peu rose, pauvre en leucocytes (100 à 200 par millimètre cube). On retire, immédiatement après, quelques c. c. de sang; ce sang contient 3,600 leucocytes. On dispose les liquides dans des tubes contenant chacun 1 c. c. Ensemencement par une anse de fil de platine, aux dépens d’une culture de 24 heures délayée dans ù c. c. de solution de NaCl à 0,6 0/0. EXPÉRIENCE FAITE AVEC L'OEDÈME A (PROVENANT DE L'OREILLE) one DU à SÉRUM ŒDÈME SÉRUM HEURES DES PRISES. ” du vacciné. du vacciné. de lapin neuf. À 2 5ise (27/1 294)" 15 000 | 14 000 12 900 st (lu d 0) ) 830 16 1/2(uid; : 180 DRM id 490 V. 91/4 m. (28/IV).| { | innombrable innombrable EXPÉRIENCE FAITE AVEC L'OEDÈME B D ÉUREN | SÉRUM | ŒDÈME SÉRUM HEURES DES PRISES. | | | | du vacciné: du vacciné. de lapin neuf. | | I. Gls. (29/IV 94)... 18.900 | 20 000 24 000 IL. 6"1/2s. (29/IV 94) 0 7 2 100 IT: 763/Æs0(. id. )] 0 ( | 780 ['IV.1014/2s.( id. ) ( 2 | 1 200 UN V. NIUE (30/1V ox 0 , innombrable innombrable Le lendemain de l’ensemencement, le sérum normal et le liquide d’ædème sont troubles et remplis de vibrions; le sérum du lapin vacciné reste clair. Deux jours après, l’ensemencement fait sur gélose aux dépens de ce sérum démontre qu’il est resté stérile. La différence qui existe, au point de vue du pouvoir bac- téricide. entre l’œdème et le sérum du même animal vacciné, est évidente. Bien que le vibrion du choléra se soit développé abondam- ment dans le liquide d'œdème, ce liquide a manifesté, pendant les premiers temps de la culture, un pouvoir bactéricide assez à #70 ' ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. intense, beaucoup plus faible à la vérité que celui dont le sérum est doué: Le sérum normal possède aussi une certaine puissance antiseptique. On voit que 3 ou 4 heures après l’ensemencement, la plaque de gélatine faite avec le transsudat d'æœdème est restée stérile. Et cependant, dans ce transsudat, tous les microbes n'étaient pas tués, comme en témoigne le développement éner- gique constaté le lendemain. IL faut remarquer à ce propos — et la remarque est importante — que la gélatine n "est pas un milieu très favorable pour le vibriôn cholérique. Des vibrions simple- ment allaiblis, mais encore bien vivants, peuvent ne plus se* développer sur gélâtiné, alors qu'ils poussent encore très bien sur gélose. nous avons souvent remarqué ce fail: aussi l’ense- mencement sur gélose.est un Critérium nécessaire de la stérilité d’un sérum préalablement ensemencé. On place un anneau de caoutchonc à la base d’une patte antérieure de cobaye bien vacciné par des injections répétées de culture vivante ou stéri- lisée de vibrion cholérique de la Prusse orientale. Formation d’œdème. Ponction. On retire du sang ; il contiènt 11,000 leucocytes par €. c. Le liquide d'œdème est assez fortement teinté de rouge; il n’est pas complète- ment dépourvu de cellules et renferme quelques leucocytes. Ensemencement du sérum et du liquide d’ædème'aux dépens d’une culture de vibrion de la Prusse orientale âgée de 2# heures. HEURES DES ENSEMENCEMENTS. SÉRUM, COŒDÈME. EE I. 11bm. (23 I 93)..: TT: 15 000 IL. 1%1/2 (28 11)* , | 0 III, 6% (2311) .. | 660 IVS 40% ne BAINS. ru | « innombrable Le liquide d'œdème est trouble'le lendemain, et l'on y constate, au microscope, la présence d'un nombre énorme de vibrions: lé sérum est clair el l'on n'y trouve pas de microbes. Le liquide d'œdème a cependant une activité suffisante pour affaiblir les vibrions dans les premiers témps de la culture, et les empêcher de croître dans la gélatine. — Le sérum ne donne pas de culture sur gélose. M C’est en produisant,un œdème qu’on obtient aussi complète- ment que possible la séparation des cellules et du plasma san- guin. Maïs on peut également, pôur étudier l'influence que les’ variations de la teneur en leucocytes exercent sur la puissance ” , , x UN OT ee ee 4 FINE | LI LEUCOCYTES ET SÉRUM CHEZ LES VACCINES. 471 bactéricide du sang, employer un autre procédé. Ce procédé consiste à faire baisser arüliciellement le nombre des leucocytes conteaus dans le liquide circulant; on relire une certaine quantité de sang avant et après l’ expérience, etlon compare, au point de vue du pouvoir bactéricide vis-à-vis du choléra, les deux sérums obtenus. Le moyen le‘plus éfficace pour abaisser le nombre des leuco- cytes consiste dans l'injection intra-veineuse de bactéries; ce procédé ne peut être employé dans le cas présent, l'introduction de substances chimiques d’origine bactérienne pouvant par elle- même exercer une iufluence sur la valeur bactéricide du sang. Il faut donc remplacer les bactéries par une émulsion de poudre fine inerte, telle que la poudre de carmin. On a dit que le refroi- dissement obtenu par un séjour assez prolongé de l'animal dans l'eau fraîche abaisse le nombre des leucocytes du sang; ce moyen ne nous à pas réussi. L'injection de carmin donne assez géné- ralement une hypoleucocytose rapide; cependant il est encore des cas où elle n'est suivie d'aucun abaissement notable du nombre des globules® blancs. Il est probable que la capture des grains de carmin par les phagocytes est déterminée par la sen- sibilité tactile de ces éléments. En effet, le liquide que nous injectons, et qui tient le carmin en suspension, n’exerce sur les globules blancs aucune influence chimiotaxique positive, ainsi que l'essai par le procédé des tubes capillaires le démontre. + Cobaye pesant 355 grammes, très vacciné contre le vibrion de Massaouah. On lui retire une petite quantité de sang; ce sang contient 41,000 leucocytes. On injecte ensuite avec lenteur dans la jugulaire, 1/10 de c. c. d’une émul- sion assez épaisse de carmin dans la solution de NaCl à 0,60 0/0 (50 centi- grammes de carmin pour 10 c. c. de liquide). Deux heures après, le chiffre des leucocytes est tombé à 3,000. On retire de nouveau une petite quantité . de sang: on répartit des quantités égales (1 c. €.) des deux sérums dans des CE P q - tubes. Ensemencement par une culture de Massaouah âgée de 24 heures (anse de la culture délayée dans 10 ce, c. solution NaCl à 0,60 0/0). SÉRUM SÉRUM ;3S DES ENSEMENCEMENTS. re. = HEURES/DES ENSEMENCEMENTS conten. 11 000 leucocytes. |conten. 3 000 leucocvytes. Por sSH(OTVII 94). 9 6 10 000 IL: 74s. (5 VII 94) 2 VIT. 411: m. (6 VIT 94) l innombrable 472 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. . Parfois, ainsi que nous le disions plus haut, les injections de carmin, même répétées, ne donnent pas d'hypoleucocytose manifeste. On ne trouve point, dans de tels cas, de différence entre le pouvoir bactéricide du sang retiré avant l'injection de carmin et du sang recueilli après l'introduction de l’émulsion.— Le carmin n a par lui-même aucune action sur les matières bac- téricides ; on peut ajouter du carmin à du sérum sans rien enle- ver à celui-ci de son activité. Il L L'injection aux animaux neufs d'une assez grande quantité de sérum provenant d'un organisme non vacciné suffit pour accroître notablement, chez ces animaux, le pouvoir bactéricide du sérum. Le pouvoir bactéricide qu'on constate dans ces conditions n'est pas comparable, comme intensité, à celui que possède Le sérum des vaccinés, et n’est pas dirigé spécialement contre tel ou tel vibrion. L’injection de sérum neuf ne fait que fortifier. sans lui imprimer de caractère particulier, le pouvoir bactéri- cide spontané, peu puissant, qu'on trouve chez les animaux qui n’ont été soumis à aucune inoculation de vibrions. Nous avons recherché si le pouvoir microbicide qui se développe à lasuite de pareilles injections est plus manifeste dans un liquide riche en leucocytes que dans une humeur qui n’en contient qu'un petit nombre. On retire, à un cobaye neuf, une petite quantité de sang (nombre des leucocytes — 8,000): ce sang donne le sérum A: puis on.lui injecte dans la . cavité péritonéale 5 c. c. de sérum de cobaye neuf. Le lendemain, on lu place un anneau de caoutchouc à la patte: trois heures après, l'æœdème s'étant déjà produit, on ponctionne et l’on retire de nouveau un peudesang (norubre des leucocytes — 6,000) (sérum B). On ensemence les liquides. disposés dans des tubes en quantités égales, au moyen d'une culture de vibrion de la Prusse orientale, âgée de 24 heures. HEURES DES ENSEMENCEMENTS. SÉRUM A. ŒDÈME. SÉRUM B. | Il PAGE IUT95) Era 5 700 | 5 400 6 480 (PTS MES ARMES) | EEE ST 5 520 12 000 600 OM 21). RE 6 420 iunombrable! 540 TT LEUCOCYTES ET SÉRUM CHEZ LES VACCINÉS. 73 Le liquide d'æœdème, qui a transsudé très peu de temps avant le moment où l’on a extrait le sang qui a donné le sérum B, doit être comparé surtout avec ce dernier. — Au bout de 4 heures et demie de séjour à 37°, le nombre des vibrions n’a guère augmenté dans le sérum A :1il a très notablement baissé dans le sérum B; dans l'œdème, la multiplication du microbe S'est faite immédiatement et sans entraves. Les préparations sont plus frappantes encore que les plaques; elles montrent une quantité considérable de vibrions dans l'œdème, peu dans le sérum A, moins encore dans le sérum B. Les colonies apparaissent aussi, sur les plaques ensemencées avec l'æœdème. notablement plus tôt que sur les autres. L'augmentation du pouvoir bactéricide du sang, produite sous l’action du sérum neuf injecté, parait due à une réaction des leucocytes, et non à une den du nombre de ces cellules présentes dans le sang, car elle ne s’est point accom- pagnée d'hyperleucocytose. Au ho le nombre des globules blancs du sang a légèrement baissé. Une autre expérience assez semblable a été faite : on a injecté non plus du sérum normal, mais simplement des bouillons. Le résultat est identique. On ne constate pas davantage l'apparition d’une hyperleucocytose du sang (8,500 leucocytes avant, 7,400 vingt-quatre heures après l'injection.) ” III Les conclusions qu’on est autorisé à tirer de l’ensemble des expériences précédentes ne sont point douteuses. Le sang dont on a diminué pendant la vie, au sein de l'organisme, la teneur en leuco- cyles, est moins bactéricide que le sang renfermant la totalité de ses leucocytes. Le plasma sanguin. séparé, au moins partiellement, pendant la vie, au sein de l'organisme, des éléments cellulaires, est loin de posséder un pouvoir antiseptique égal à celui du sang complet. Maïs si la séparation des parties liquides et des éléments cellulaires qui constituent le sang se fait hors de l'organisme, par la coagu- lation, de telles différences ne sont plus observables : le sérum des animaux vaccinés, si dépourvu de cellules qu'il soit, est énergiquement bactéricide. Ces résultats, nous aurons plus loin l’occasion de les confirmer encore. Il est légitime d'admettre non seulement que la ou les matières baétéricides siègent dans les leucocytes, mais encore que les globules blancs du sang, retiré des vaisseaux, laissent bientôt diffuser dans le liquide ambiant, dans le sérum, les substances microbicides qu'ils rete- $ #. + A, À < . À. ae se Sa.” Put * 14° ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. naient fixées en eux lorsqu'ils se trouvaient dans leurs conditions normales d'existence. Ainsi s'explique pourquoi le pouvoir bacté- ricide des humeurs, si marqué in vitro, est en général beaucoup moins accusé pendant la vie. Ce point a été établi en particulier par M. Metchnikolf, et l'on savait que les fails constatés in vitro ne représentent point toujours exactement ce qui se passe dans h -l’organisme. Les phagocytes qui capturent les microbes injectés ont donc à leur disposition un moyen efficace et rapide de détruire les paräsiles dont ils se sont emparés. Beaucoup de microbes, les vibrions cholériques en particulier, lorsqu'ils se trouvent conte- nus dans les phagocytes, trahissent par des changements dans .leur,forme, leur colorabilité, les altérations que les sécrétions leucocytaires leur font subir. CEE 7 “ LES LEUCOCYTES ET LA PROPRIÉTÉ PRÉVENTIVE DU SÉRUM e . Ce qui est vrai relativement à la propriété bactéricide l’ést- il aussi pour ce qui concerne la propriété préventive ? Les sub- stancés qui communiquent au sérum des vaccinés son pouvoir préventif sont-elles, chez l'organisme vivant, uniformément répandues dans les humeurs ? Sont-elles au contraire renfermées, en grande partie tout au moins, dans les globules blancs? Les procédés expérimentaux indiqués plus haut peuvent être également mis en œuvre pour résoudre cette queslion. On peut comparer la valeur préventive du sérum à celle du liquide d’œdème, ces deux liquides provenant, bien entendu, du .même animal vacciné. On peut comparer de même, au point de vue du pouvoir préventif, deux échantillons de sang extraits du même organisme, mais dont les teneurs respectives “en. cellules blanches sont différentes. C’est ce que nous avons fait. . Nous nous sommes servis, dans ce but, du vibrion de Massaouah, ‘lequel présente, pour ce genre d'essais, deux avantages impor- tants : sa virulence. est suffisamment constante; 1l est assez virulent pour qu’on ne soit pas obligé d’injecter aux animaux des quantités de culture qui, par elles-mêmes et en dehors de toute multiplication des microbes, sont déjà fortement toxiques. Lorsqu'on se sert de vibrions cholériques peu virulents et cependant bien toxiques (choléra de la Prusse orientale, par LP LEUCOCYTES ET SÉRUM CHEZ LES WACCINÉS. LT i exemple). il arrive qu'à l#suite d’une injection de la dose mor- #telle minima, des cobayes très bien vaccinés meurent nonû pas # ti d'infection. mais d'intoxication. On sait que l'immunisation par le sérum ou par les cultures ne diminué pas la sensibilité 00 des animaux envers la toxine. De tels virus sont évidemment à éviter quand on veut comparer la valeur préventive de deux . « liquides. Le vibrion de Massaouah dont nous disposions tuait les cobayes, à la dose de 1/15 de culture sur sélose, (âgée de | 24 heures) injectée dans le péritoine. : L'injection des liquides préventifs se er dans le pér!- * | toine: elle précédait de 24 heures l’inoculation intrapéritonéale .# du virus. La culture sur gélose qui sert à l'injection est délayée . | dans un volume de liquide (solution de NaCl à*0,60 0/0) déter- miné, et y forme une émulsion homogène qu’il est facile de *+ doser exactement. . & Lapin A, vacciné contre le Massaouah. Le sang et le liquide d’œdème de ce lapin ont été étudiés au point de vue du pouvoir bactéricide. On injecte les deux liquides à doses de 1/4 c. c. dans le péritoine de 2 cobayes: celui qui reçoit le Sérum pèse 330 grammes, — l’æœdème, 345 grammes. , Injection 24 heures après, ainsi qu'à un témoin (400 gre) de 1/15 de culture. — | | Le témoin geurt rapidement. Les? cobayes injectés préventivement résistent. Dans cette expérience, le liquide d'œdème, comme le sérum, « se montre doué de qualités préventives. Mais ces qualités ne sont pas développées au même degré dans ces deux liquides, ainsi qu'on le constate si l’on soumet les animaux à une épreuve plus sévère, en augmentant la dose de virus et diminuant légè- rement les quantités des liquides préventifs injectés. . Cobaye pesant 500 grammes reçoit 1/5 c. c. de sérum du lapm vacciné; cobaye pesant 525 grammes 1/5 c. c. d'œdème: cobaye (535 gr.) reçoit * 1/5 c, ce de sérum de lapin neuf. Injection, après 24 heures, de 1/10 culture: l'injection est faite le soir. Le lendemain matin les cobayes injeclés d'œdème et de sérum neuf sont trouvés morts; le cobaye qui a reçu le sérum pré- ventif paraît un peu malade, mais il se rétablit ensuite. On trouve un nombre assez considérable de leucocytes dans l’exsudat péritonéal du cobaye injecté d’ ædème, très peu de leucocytes chez le témoin qui a reçu du sérum neuf, Quand les doses de virus inoculées sont nds ou que les cobayes sont petits, et qu’alors l'immunité procurée par le sérum lui-même est insuffisante, on constate toujours que le D . 476 . ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cobaye injecté de sérum meurt avee un grand retard sur le cobaye qui a reçu le liquide d'æœdème. # Cobaye À (245 gr,) reçoit 1/5 ec. c. sérum; cobaye B (255 gr.), 1/5 c. c. œædème. Inoculation le lendemain soir, ainsi qu'à un témoin C (395 gr.) de 4/10 de culture. Le lendemain matin le cobave injecté d'æœdème et le témoin sont morts; le cobaye injecté de sérum préventif ne meurt que le jour suivant, retard très notable lorsqu'il s'agit d'une maladie à évolution aussi rapide que la péritonite cholérique. Dans de pareils cas, l'examen des exsudats péritonéaux est intéressant. On trouve que l’exsudat du témoin est extrêmement pauvre en leucocytes et fourmille de vibrions; l'exsudat du cobaye qui a reçu l'injection d'œdème contient notablement plus de cellules que celui du témoin, mais #l en renferme beaucoup moins que l'exsudat de Tanimal injecté de sérum: chez ce dernier, les vibrions sont beaucoup plus rares. La proportion des leucocytes dans l'exsudat décèle le degré*de résis- tance de l’organisme. » L] 2’ Lapin bien vacciné contre le Massaouah; 18 jours après la dernière injection vaccinale, on produit un œdème. On retire du sang qui contient 5.000 leucocytes. ‘ -«) Cobayes assez gros. — Cobaye pesant 455 grammes reçoit 3/10 €. c. de liquide d'æœdème:; cobaye (430 gr.) 3/10 c. c. sérum. Le lendemain injec- tion de 1/10 culture, ainsi qu'à un témoin (450 gr.). Le témoin seul meurt. b) Cobayes plus petits. — Cobaye (240 gr.) reçoit 1/5 ec. c. de sérum; cobaye (265 gr.) 1/5 e. c. œdème, — 1/10 de culture ainsi qu'au témoin (300 gr.). L'injection est faite le soir. Le témoin et le cobaye injecté d'æœdème sont morts le lendemain. Le cobaye injecté de sérum résiste. €) Cobaye (325 gr.) reçoit 1/5 c. c. sérûm; cobaye (350 gr.) 1/5 €. c. œædème; cobaye (340 gr.), témoin. Injection de 1/10 de culture, au soir. Le lendemain matin, le témoin et le cobaye injecté d'œdème sont morts. ie cobaye injecté de sérum meurt 2 jours après, probablement d'intoxica- tion : le sang du cœur est stérile ; l’exsudat péritonéal contient une quantité très considérable de leucocytes; ces cellules sont rares dans les exsudats des deux autres cobayes. , Examinons quelle est la valeur préventive de deux échan- tillons de sang, retirés au même animal. mais qui contiennent un nombre différent de leucocytes. . Cobaye bien va cciné contre le Massaouah, reçoit une injection de carmin on prend du sang avant (sérum A, nombre des leucocytes — 11,000) et après cette injection (sérum B, nombre des leucocytes — 3,000). Les deux sérums ont été étudiés au point de vue du pouvoir bactéricide (voir plus haut). | a) Cobaye (360 gr.) reçoit 3/10 c. c. sérum A (sang retiré avant l'injection de carmin); cobaye (390 gr.) reçoit 3/10 c. ce. sérum B. Cobaye témoin pèse 445 grammes. Le lendemain soir, injection de 1/13 culture de Massaouah, Le témoin seul meurt. 07 LEUCOCYTES ET SÉRUM CHEZ LES VACCINES. ar | b) Rendons l'épreuve plus sévère. Cobaye (345 gr.) reçoit 1/5 c. c. de sérum À; cobaye (375 gr.) 1/5 c. c. sérum, B. Témoin pesant 440 grammes. Le lendemain soir, injection de 1/10 de culture. Le témoin et le cobaye qui a reçu le sérum B (nombre faible de leucocytes) sont morts le lendemain malin; le cobaye qui a reçu le sérum A meurt le mème jour à 4 heures: son exsudat péritonéal est le plus riche en leucocytes. La dose de virus injectée est trop forte. c) Cobaye (340 grammes) reçoit 1/5 ec. c. séruin A; cobaye (350 grammes) reçoit 1/5 e. ec. sérum B; cobaye (355 grammes) témoin. Injection de 1/10 de culture. Les deux derniers cobayes meurent le lendemain dans la matinée. Le cobaye qui a recu le sérum A survit. Le sérum possède donc, au point de vue desa valeur prévenuve, une supériorité sur le plasma pauvre en leucocytes, transsudé à la faveur d’une compression veineuse. Le sérum provenant du sang complet est, de mème, plus préventif que celui qui dérive d’un sang moins riche en leucocytes. Bien que le liquide d’ædème ne soit pas complètement dépourvu de valeur préventive, ces faits suffisent à indiquer nettement la part importante qui revient aux leucocytes dans la possession des substances préventives. Qu'il puisse y avoir néanmoins, pendant la vie, une certaine diffusion des substances préventives hors des leucocytes, le fait est possible, sans qu'on puisse décider exactement si cette diffusion se fait dans des conditions tout à fait normales, ou si elle est favorisée par la stase veineuse que provoque, dans nos expériences sur lœdème, la compression de l'anneau élastique. SPÉCIFICITÉ DU POUVOIR BACTÉRICIDE La propriété bactéricide qu'on constate dans le sérum d’un animal vacciné s’exerce-t-elle uniquement vis-à-vis de la race vibrionienne qui a servi à la vaccination de cet organisme ? Est- elle, au contraire, assez générale, et se manifeste-t-elle à l'égard de la plupart des microbes appartenant au groupe des vibrions”? M. Pfeiffer, on le sait, admet que le pouvoir bactéricide des sérums des vaccinés estspécifique. Nous avons fait quelques expé- riences à ce sujet. Nous avons solidement immunisé des cobayes ou des lapins contre divers vibrions. Nous avons recueilli les sérums de ces animaux, et nous avons essayé le pouvoir bactéri- cide de chacun d'eux vis-à-vis de divers vibrions. SÉRUM DE LAPIN VAOCINÉ CONTRE LE MASSAOUAH. é S = ee Q = HEURES n RARES: | Le EME 4 des ensemencements. = 4 = = z = = . É ee - | LI CEE E EE . ’ ; 1 I, 44/2 s. (30/IV 94)... 16 800! 13 800! 7 800! 13 500| 17 40/12 000 | 11. 6?! 1/4 1 (30/[IV) PR RCE A | 46 200! o P 0 10 165 S00 20 | III. 414% 1/4 11. (1/M 924). Rise |innonbra le | 0 0 120 innombrable inmombrable LL | à | : SERUM DE COBAYE VACCINÉ CONTRE LE VIBRION DE MASSAOUAH. « » oo ———…—…… …—…—…—…—…—…—“—….…__ _ __—_—_———__—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—__ ; + LU E = É Se = E = eo ) = vs EE EE Æ = = s" HEURES LE SENS ENS « = SU S SI NET A EME : DE APS SUN MENAREMINERS des ensemencements. USE Er Ven ea GE E à = = Æ ss AE = = EAN M at FEMMES me(20/1195) Pre 4150] 1200! 1380] 1280! 600! DAME CUT) ER ERA 4920 (Q 210 240! 420! AU REA A LES SEE ONE 1: BAS EE ETS innombrable 9 Linnombrabie| innombrable |innombrable À NÉRUM DE COBAYE VACCINÉ CONTRE LE VIBRIO METCHNIKOVI, LAON II OS) ER RRT E 1200! 6 600! 12 420| 12 900! 9 000 | REA ON A EE PP PRES . (] 90! 4320] 4800! 5700 | LL. 10h m. (SH 95) ee ANS 9. (0) 240 |innombrable |innombrable |innombrabie À SÉRUM DE COBAYE VACCINÉ CONTRE LE NIBRION CHOLÉRIQUE DE LA PRUSSE ORIENTALE” | M ; EAÆRSC (C/O NES ce Eee 7 | 15 200! 12 409! 16 000! 14 300/16 800 LEO SS AE ONE FN RP SR TE Pa 6200! 950 0 0 03: LH 24051/8 m2 (1/0 Rte imombrable | innombrable 0 0 0 | EE Nous n'avons pas jugé nécessaire de pousser plus loin ces expériences, d’abord parce qué leurs résullats concordent avec ceux qu'ont obtenus récemment divers “observateurs, ensuite parce que nous disposons, pour constater si un sérum préventif Li . ‘ ms , de D 7 0 PR TNT RS GTA ee à nm -® Fr “ LEUCOCYTES nt SÉRUM CHEZ LES VACCINES. 79 epmbactéricidé vis-à-vis a un vibrion donné, d’un procédé plus facile à appliquer que la méthode des plaques de gélatine. Ce procédé, sur lequel nous insisterons plus loin, consiste à déceler l’action bactéricide, dans le cas où elie existe, par la transforma- tion granuleuse (phénomène de Pfeiffer) que subit dans ce cas le vibrion introduit dans le sérum préventif employé seul, ou mélangé préalablement avec une certaine quantité de sérum neuf bien a Nous voyons, par lesstableaux ci-dessus, que le pouvoir bac- téricide d’un sérum est toujours le plus marqué pour les vibrions identiques à célui dont on s’est servi pour vacciner l’animal dont ce sérum provient, et pour quelque congénère appartenant à la même espèce pathogène. L'influence microbicide est sans aucun doute bien spécialisée; car, quelles que soient la parenté et la ressemblance des divers vibrions au point de vue dé*la forme, des caractères de culture, etc., plusieurs supportent impunément le séjour dans un liquide funeste pour d’autres. On voit qu’au sein même de l’espèce « viprion cholérique », il existe à ce point de vue des différences entre les divers types. Le vibrion de Mas- saouah, par exemple, ne se comporte pas comme le font dans les mêmes conditions les vibrions cholériques de la Prusse orien- tale, de Constantinople, de Hambourg. Cela ne prouve, d’ail- leurs, à aucun titre, qu’il ne possède pas les mêmes propriétés pathogènes que ces derniers. Le sérum des vaccinés est un réac- tif délicat, mais nous ne savons pas si les différences qu'il révèle entre les vibrions sont toujours des différences profondes. On a sûrement le droit de réunir en une espèce distincte tous les vibrions qui réagissent de même vis-à-vis d'un sérum donné, et de séparer cette espèce de toutes les autres, si l'on a soin . d'exprimer que la distinction n’est juste que relativement au cri- térium choisi. Les groupements en espèces ne se font plus tou- jours de la même Due quand le critérium distinctif est changé. Il n'esi pas prouvé qu'une classification basée sur la re wis-à- =vis du sérum soit forcément et inévitablement calquée sur celle qui se fonde sur le caractère pathogène. On ne voit donc pas bien pourquoi.l’on pourrait conclure que le vibrion de Mas- saouah est incapable de provoquer des cas asolés ou épidémiques de choléra, parce qu'il résiste au sérum fourni par les animaux inmunisés contre le choléra de la Prusse orientale, par exemple. 24 De PT et 480 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. NATURE DE LA SUBSTANCE BACTÉRICIDE DU SÉRUM DES VACCINÉS # L'organisme dispose, vis-à-vis du microbe contre lequel il a élé vacciné, d’un moyen de défense bien adapté äu but, et dirigé exclusivement contre l’espèce vibrionienne dont il a subi le con- tact répété. L'organisme neuf possède un pouvoir bactéricide, peu énergique à la vérité, capable cependant, ainsi que M. Pfeiffer l'a montré, de détruire assez activement les divers vibrions, lorsque ceux-ci, cultivés très longtemps sur les milieux artificiels, ont perdu toute accoutumance aux liquides organiques et en même temps toute virulence. La substance bactéricide des animaux neufs et celle qui est spéciale aux animaux vaccinés ont ce carac- tère commun qu'elles se détruisent vers 60°. Les sérums portés à cette température deviennent d'excellents milieux de culture. Mais ces.deux matières se distinguent très nettement l’une de l’autre en ce que l’une, peu active, celle qu’on trouve dans le sérum neuf, n'est pas spécifique, tandis que l’autre, énergique, celle des vaccinés, possède à haut degré le caractère de la spéci- ficité. Ces deux substances apparaissent donc comme bien diffé- rentes. De plus, la substance bactéricide du sérum des vaccinés diffère de la substance préventive que lon trouve dans ce même sérum. Les recherches de MM. Fraenkel et Sobern- heim ont montré que la matière préventive résiste à l’action mème prolongée d'une température de 70°, tandis que la sub- stance bactéricide est dans ces conditions entièrement détruite: Le sérum qui a été chauffé à 70° est, comme l’ont montré ces savants, aussi capable que le sérum frais d’immuniser les ani- maux. Bien qu'ilne possède lui-même aucune action antiseptique, il produit chez les animaux injectés l'état bactéricide des humeurs. Il semble done qu’il y ait dans le sérum au moins trois substances actives et pouvant jouer un rôle dans l'immu- nité : deux substances bactéricides distinctes et une substance préventive. En réalité, les choses ne semblent pas aussi compli- quées. Tout se passe comme si la matière bactéricide des animaux vaccinés et celle des animaux neufs, bien que l'une soit active et spécifique, et que l'autree ne possède pas ces caractères, étaient cependant identiques. Peu active dans le sérum neuf, cette matière agit énergiquement dans le sérum es vaccinés, sous l'influence dé la matière préventive qui, se 4 LEUCOCYTES ET SÉRUM CHEZ LES VACCINÉS. 481 trouvant à côté d'elle, en exalte le nouvoiret en même temps lui commuaique l'impulsion spécifique. Il suflit en effet d'ajouter à du sérum neuf, par lui-même peu bactéricide, une pelite quantité de sérum anticholérique, soit frais, soit préalablement chauffé vers 60° et dénué ainsi d'action nocive envers les vibrions, pour lui communiquer un pou- voir bactéricide très marqué. Done deux liquides, bactéricides à peine isolément, forment un mélange fortement antiseptique. Ce pouvoir antiseptique, nous le verrons plus loin, est spécifique; il ne se manifeste qu'envers l'espèce microbienne qui a servi à Yacciner l'animal dont le sérum préventif dérive. L'apparition du pouvoir bactéricide s’observe tout aussi bien, que les sérums tiennent en suspension quelques globules ou qu'ils soient com- plètement limpides et totalement dépourvus de cellules. On peut exprimer le fait en d’autres termes, en disant qu'il suffit, après avoir chauffé du sérum préventif, d'y ajouter du sérum neuf, pour lui rendre son pouvoir bactéricide intense et spécifique. On laisse déposer du sérum neuf de cobaye, récemment obtenu. On sépare la partie supérieure du liquide; cette partie est tout à fait limpide et dépourvue de cellules, la partie inférieure contient des globules rouges et blancs. On dispose dans des tubes : 10 12 gouttes de sérum de chèvre hyper- vaccinée contre le choléra de la Prusse orientale; ce sérum à été chauffé pendant une heure à 580; 2 12 gouttes de sérum de cobaye neuf, bien limpide; 30 12 gouttes d'un liquide composé de : 8 gouttes de sérum de cobaye bien limpide, 4 gouttes de sérum de chèvre qui a été chauffé à 58; 49 12 gouttes d’un.liquide composé de la même façon, sauf qu'on emploie, comme sérum de cobaye neuf, la partie inférieure qui contient des cellules. On ensemence ces tubes avec une culture de choléra de la Prusse orientale âgée de 24 heures, et délayée dans 10 c. c. de solution à NaCI à 0,60 0/0. Plaques de gélatine. — 1. CE ' Sigouttes 8 gouttes SERUM PREVENTIF SERUM LIMPIDE |dersérom limpide| de sérum rouge HEURES | du cobaye neuf .| du cobaye neuf. de chèvre : cobaye neuf — — | des ensemencements. | 4 gouttes | 4 gouttes (12 gouttes). | (12 gouttes). | de Ps du ; sérum de chèvre. |sérum de chèvre. | + Gus. (22/1V95)>. 8 649 9 600 10 200 9129 II. 7h4/25s. (22/IV 95) 4 320 2 160 0 Ï HETOM'S. 2e C1 00 6 480 3 600 0 {V. 19! ‘m. (23/1V)..! innombrable | innombrable 0 k + ! ° é 482 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Ê Il suffit donc d’ une très petite quantité de sérum préventif pour rendre le sérum neuf fortement bactéricide. Ce pouvoir se constate par la méthode des plaques ; mais on peut le déceler aussi en ajoutant au mélange une souttelette de liquide tenant en suspension les vibrions : ceux-ci se transforment rapidement en granulations. Le « phénomène de Bfeiffer » se produit ainsi in vitro; nous reviendrons plus loin sur ce point. De même qu'une petite dose de sérum préventif, qui vaccine les animaux, leur confère le pouvoir bactéricide vis-à-vis du vibrion, de même une trace de ce liquide « vaccine » en quelque sorte le sérum neuf, en lui donnant un pouvoir bactéricide intense à l’égard dé ce même vibrion. SPÉCIFICITÉ DU POUVOIR PRÉVENTIF DU SÉRUM Le sérum des animaux solidement immunisés contre un vibricvu contient une matière préventive. Gette matière, on le sait, est différente de la substance bactéricide dont ce sérum est également pourvu. Est-elle spécifique ? Le sérum d'animaux vaccinés contre un vibrion de Koch, est-il préventif contre: l'infection cholérique ? La question est encore débattue. Certains savants affirment par exemple que le sérum des vaccinés contre le vibrio Metchnilsovi met les animaux à l'abri de la péritonite® cholérique ; cette assertion est contestée par d’autres. Les expériences qu’on peut faire pour élucider cette question Re SAN. 8 F o E M z z : * de la spécificité sont d’exécution facile, mais leur interprétation peut prêter à des méprises. L'injection de certains liquides, ainsi qu'on le sait depuis les recherches de M. Issaelf, peut conférer aux animaux une certaine immunité contre l'infection cholérique, sans que ces liquides soient hens cela doués de propriétés préventives énergiques. ; La péritonite cholérique est une maladie qui évolue promp- tement; les cobayes auxquels on injecte le vibrion sont rapide- ment tués ou guéris, les péripéties de la lutte entre l'organisme et les parasites sont brèves. Quand la quantité de virus injectée est inférieure à la dose mortelle, la*rapidité de la guérison montre que les moyens de défense de l'organisme sont efficaces à brève échéance; on sait d’ailleurs que le vibrion s’altère vite à l’intérieur des phag ocytes. D'autre part, le vibrion se multi LEUCOCYTES ET SÉRUM CHEZ LES VACCINÉS. 483 plie très rapidement et sécrète des poisons actifs. Il en résulte que si l'organisme ne se défend pas immédiatement après l'injection dû virus, il se trouvera, au bout d'un temps assez court, en présence d’un nombre consirable d’envahisseurs, et toute résistance de sa part deviendra bientôt inutile. La précocité de la défense est donc une condition extrêmement importate pour ia guérison. Des influences même légères, mais capables de hâter le moment où l'organisme réagit contre le virus, suffiront donc souvent à décider de l’issue du combat. Cet ainsi que les injections de bouillon, de sérum normal, se montrent préventives ; ces liquides accroissent. légèrementil est vrai, la propriété bactéricide ; ils exercent aussi sur les leucocytes une certaine action attractive. Ces influences préventives faibles suffisent pour que la défense de l’organisme commence sans relard, et à ce titre, elles peuvent très bien pro- voquer le rétablissement complet de lanimal. Ce résultat considérable, la guérison, peut ètre amené par l'intervention de causes en elles-mêmes peu puissantes. On ne peut en effet com- parer la valeur préventive des liquides Que nous venons de mentionner à celle du sérum spécifique. On est donc exposé à ne point juger toujours à ,sa juste valeur, par le simple aperçu des résultats, le pouvoir préventif dont est doué le liquide que l’on met à l'épreuve. Le sérum d'animal vacciné contre le Vibrio Metchnikovi, pour citer un exemple, attire énergiquement les leucocytes des cobayes. Injecté dans la cavité péritonéale, il peut en conséquence, en augmentant le nombre des leucocytes quis’y trouvent, préparer organise à se défendre contre un vibrion quelconque inoculé ultérieurement dans cette région. Mais cette injection amène un résultat bien plus frappant : elle provoque chez l’animal un pouvoir bactéricide énergique vis-à-vis du Vibrio Metchnikovi. Les phagocyte$ possèdent donc, après l'administration du sérum, uu moyen de destruction puissant contre ce vibrion. Mais, ainsi qu’il est facile de s’en assurer, la substance anti- septique, funeste pour ce dernier, est sans action à l'égard du vibrion cholérique. On prend une petite quantité de sang à un cobaye neuf (sérum I). Onlui injecte ensuite, dans la cavité péritonéale, 1 c. c. de sérum provenant d'un ET CENT ee CT 484 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cobaye très vacciné contre le Vibrio Metchnikovi: 24 heures après, on retire de nouveau une petite quantité de sang, (sérum IT). On détermine, par la méthode des plaques+les pouvoirs bactéricides de ces deux sérums vis-à-vis du Vibrio Metchnikovi et du vibrion cholérique de la Prusse orientale. HEURES SÉRUM I. SÉRUM IL. EE | — des ensemencements. + nl _. = : d Fr ai U Vib. Metchnikovi.|Vib. cholérique.|Vib. Metchnikovi.|Vib. cholérique. . 4h s. (28/11195) 4 500 2 040 4 800 1 800 7 TS NE 12 000 180 420 III. 1181/2s.( id. )'innombrable 7 800 7 050 : On ne peut comparer, nous semble-t-1l, la valeur préventive que possède contre le Vibrio Meichnikori, le sérum employé, à celle qu’il peut manifester à l'égard de l'infection cholérique. L'organisme, sous l'influence du sérum, acquiert une arme visant directementle Vibrio Metchnikovi. parait légitime de n’accorder à un sérum l’épithète de «préventif, à l’égard des vibrions, » que lorsque son administration produit dans l'organisme, vis-à-vis de ce microbe, un pouvoir bactéricide bien accusé. L'expérience que nous venons d'indiquer nous fournit un exemple de la spé- cificité du pouvoir préventif. Elle ne démontre point qu'il n'existe pas où qu'il n’existera jamais de vibrion cholérique assez sem- blable au vibrion de Metchnikoff pour que l'infection qu'il peut occasionner soit prévenue par l'emploi du sérum actif contre ce dernier. Elle montre simplement que la nature des substances protectrices que l'organisme se crée est en corrélation étroite avec la nature du microbe dont cet organisme a subi arilérieure- ment les atteintes, et contre lequel il s’est immunisé. Nous savons que le pouvoir bactérieide du sérum des vaccinés s'exerce uniquement contre l’espèce vibrionienne qui a servi à limmunisation. Or, à quoi est due cette spécificité du pouvoir bactéricide ? Nous avons vu que la substance bactéricide du sérum des animaux immunisés ne diflère point de la substance antisep- tique non spécifique qu'on rencontre chez les organismes neufs aussi bien que chez les vaccinés. C’est à la substance préventive contenue dans le sérum que cette matière microbicide doit son cachet de spécificité. La spécificité du pouvoir bactéricide trahit { enr g LEUCOCYTES ET SÉRUM CIEZ LES VACCINÉS. 485 donc la spécificité du pouvoir préventif. Le pouvoir préventif est donc spécifique au même titre que le pouvoir bactéricide. a NATURE DE LA SUBSTANCE PRÉVENTIVE DES SÉRUMS Les matières préventives que contiennent les sérums des divers animaux vaccinés respectivement contre les divers vibrions ne sont pas identiques. Leur diversité se manifeste en ce qu’on ne peut point, dans le but de prévenir l'infection produite par l'un des vibrions, employer indifféremment l’un ou l’autre sérum. Il y a donc là une corrélation entre la nature des matières pré- ventives et celle des substances microbiennes introduites pendant les injections immunisantes. Or, il est bien difficile d'admettre à priori que l'organisme soit, au point de vue chimique, doué d’une souplesseet d'uneplasticité telles, qu’il puisse,suivant les besoins, fabriquer de toutes pièces et aux dépens de ses propres matériaux, des subtances justement et aniquement préventives, lantôt con- tre l’un, tantôt contre l’autre des vibrions. Il ést donc assez naturel de supposer que la matière préventive pourrait bien être une sub- stance microbienne plus ou moins élaborée et transformée. Cette hypothèse a été formulée, par Buchner en particulier, pour des affections telles que la diphtérie ou le tétanos. Se fondant sur certaines analogies que présentent dans leurs caractères la toxine et l'antitoxine diphiérique, Buchner pensait que la seconde dérivait de la première. Cette idée expliquait entre autres faits que la puissance préventive d'un sérum dépend plutôt de la quantité de toxine injectée que de la valeur de limmunité réelle dont l'animal est doué‘. Nous ne connaissons pas la nature chimique de la substance préventive du choléra-sérum, et nos notions concernant la toxine que fabrique le vibrion de Koch sont tout à fait nulles. Nous ne savons même pas si, parmi les diverses malières renfermées dans les cultures, c'est la toxine proprement dite qui provoque chez l'animal la réaction d’où nuit la substance préventive, ou si ce rôle d’excitant est joué par quelque autre substance vaceinante. Dans cet état d'incertitude complète où nous nous trouvons, il 4, Fait établi nôn seulement pour les cas (tétanos, diphtérie) où il y a anti- toxicité du sérum, mais aussi pour ceux où l’antitoxicité n'existe pas (exemple : sérum des vaccinés contre le Log choléra, étudié par M. Metchnikoff). ‘ * “ % L2 ” # E ‘ 486 " ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. fallait d’abord passer en revue diverses propriétés que possèdent d'une part.les sérums préventifs, d'autre part, les produits micro- biens, et noter les différences ou les analogies que ces propriétés peuvent présenter entre elles. ” Les produits de culture du vibrion cholérique attirent énergi- quement les leucocytes. Le sérum préventif manifeste-t-il “E même propriété? Comment se comporte sous ce rapportle sérum normal? On sait que l'introduction de sérum préventif dans la cavité péritonéale est suivie d’une augmentation du nombre des glo- bules blancs contenus dans cette cavité. On ne pourrait conclure de ce fait, avec une complète certitude, que cet afflux de leuco- cytes soit dû à une attraction exercée par le sérum. Le chimio- täxisme n’est pas le seul agent dont dépend la répartition des leucocvtes. Il est possible qu’il soit une des causes de la sortie des leucocytes hors des vaisseaux ‘, mais il y a, en outre, un facteur tout différent, Pétat des vaisseaux, qui intervient dans le phénomène de l’éufigration. Une substance dénuée d’attion chimiotaxique observable, la solution de NaCI à 0, 60 0/0, injectée dans la cavité péritonéale peut, d’après M. Issaeff, y augmenter le nombre des cellules. . On obtient donc des renseignements plus exacts en se servant du procédé qui consiste à introduire la substance étudiée dans des tubes capillaires fermés à une extrémité. Ces tubes sont placés ensuite dans la cavité péritonéale et y restent quelques heures. Quand le liquide introduit dans les tubes a lis qualités d’un bon milieu de culture — et c'est le cas pour le sérum — il faut prendre des précautions d’asepsie soigneuses. Après avoir retiré les tubes et les avoir examinés au microscope, il faut aussides vider et en étaler le contenu sur une lame. On eut alors, en colorant, déteruiiner la variété des leucocytes qu’on a sous les 2 A yeux, et constater si aucun microbe ne s'est développé dans les tubes; si des bactéries s’y étaient développées, leurs sécrétions auraient pu produire des phénomènes d'attraction qu’il serait erroné d’atlribuer au sérum lui-même. Il est recommandable, quand on recherche si un liquide quelconque attire les 4. Il est démontré que leur sensibilité envers certaines substances chimiques permet aux leucocytes de s’approcher du point d’où ces substances émanent, mais il n'est pas prouvé que l'influence chimiotaxique se fait sentir sur les leucocytes contenus dans les vaisseaux avec assez d'énergie pour les en gaire sortir ; peut- ètre ce facteur n’acquiert-il grande importance qu’au moment où l'émigration s'est déjà faite, et où les leucocytes se sont déjà transportés dans les tissus. LAURE OR ji dt Ed x A , 4 Li + 4 4 ù - LEUCOCYTESSET SERUM CHEZ 'LES VACCINES. 487 e leucocytes, de placer dans la cavité péritonéale, en même temps que les tubes contenant ce liquide, d'autres tubes renfermant un liquide dont les propriétés attractives ont été antérieurement bien constatées. Ces de PNIErS tubes ;ouent le rôle de témoins. On constate ainsi que le sérum de lapin ou de cobaye neufs n’atiire les leucocytes de la souris, des cobayes neufs ou vac- cinés contre le choléra, que d'une manière très faible. L'attrac- # tion exercée sur les leucocytes, chez ces animaux, par le sérum de lapins ou de cobayes vaccinés, est beaucoup plus accusée. Dans l’une des expériences, on se procure du sérum de *cobaye vacciné, on en remplit des tubes, et on introduit ces une forte attraction. — On constate aussi que les cultures de choléra, délayées dans un grand volume de solution de NaCl à 0,60 0/0 (une culture dans 200 grammes d’eau), attirent encore fortement les leucocytes. Les leucocytes qui entrent dans les tubes sont des polynucléaires amphophiles. Ajoutons que Île sérum préventif conserve ses propriétés attractiv es après avoir été chauffé pendant 1 heure à 70°. Existe-t-il d'autres ressemblances. dans leur action sur l'or- ganisme, entre les’ substances existant dans les cultures et les matières appartenant au sérum préventif? L’une des propriétés les plus remarquables de ce sérum consiste en ce qu'il peut immuniser à faible dose, et avec une grande rapidité, L'expé- rience montre que de faibles quantités de culture cholérique stérilisée, injectées dans la cavité périlonéale 24 heures avant l'inoculation du virus, peuvent préserver lescobayes. On injectait par exemple = — de Culture, stérilisée à 100° de Massaouah sur gélose âgée de 24 heures, et délayée dans la solution de Na CL Une dose plus fable est encore efficace si la culture est un peu plus âgée. Les témoins recevaient une dose égale de solution de NaCI ne contenant pas de bactéries : ils succombaient, tandis que les cobayes qui avaient reçu des doses minimes de culture résistaient très bien. — Mélangées à volume égal, avec de l'eau contenant 0,6 0/0 de NaCl et 0,5 0/0 de CO*K*, puis chautfées à 100°, ces quantités minimes de culture restaient vaccinantes. De même, le sérum provenant de lapins très vaccinés contre le Massaouah ‘(et non additionné d'acide phénique) mélangé à volume égal avec cette solution, puis chauffé à 100°, ne se coagulé LS n n ‘ tubes dans la cavité péritonéale du même cobaye: il se produit , = ass és © es 488 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. * pas, et garde, tout au moins en parlie, ses qualités préventives. D'après ces données seules, on n’est pas autorisé à rejeter l'hypothèse que le sérum devrail ses qualités préventives à ce que l'organisme a conservé certaines malières ‘éminemment vaccinantes, d’origine culturale, qui y ont été introduites lors de la vaccination. Mais si l’on étudie de plus près le genre d’immu- nité que procurent les injections de faibles quantités de culture, on constate qu'il n’est pas comparable à celui que donne le sérum préventif. Après l'injection de celui-ci, l'animal possède un sérum fortement bactéricide. Rien de pareil ne se produit après l'administration de petites doses de vibrions tués par la chaleur. Il est probable que ces petites doses de cultures agis- sent parce qu’elles attirent les leucocytes. I semble donc que si la matière préventive tire son origine des produits microbiens, ainsi que la spécificité même de cette matière paraît l'indiquer, ce n’est pas directement, mais à la suite d’une élaboration qui imprime à ces produits des caractères particuliers. LE € PHÉNOMÈNE DE PFEIFFER » Il M. Pfeiffer a vu que si l’on injecte dans la cavité périto- néale d'un cobaye ou d’un lapin solidement immunisé contre le choléra, une certaine quantité de vibrions cholériques délayée dans du bouillon, un grand nombre de ces vibrions subissent au bout d’un temps très court une modification extrêmement inté- ressante. [ls sont devenus presque tous immobiles, et beaucoup d’entre eux ont revêtu la forme de granules arrondis. Cette transformation se fait, pour la grande part, en dehors des cellules, dans le liquide péritonéal. Plus tard, ces granules deviennent moins colorables, se désagrègent, et la culture subit de ce chef une destruction assez rapide. Le même phénomène se produit si l’injection du vibrion est faite à un animal neuf, à condition qu'on injecte simultanément une petite dose de sérum préveatif. Cette dose varie nécessairement avec l’activité du liquide, mais elle peut être très petite si l’on se sert d'un sérum puissamment préventif. M. Pfeilfer a vu que le sérum provoque encore le phénomène quand on l’a dépouilé au préalable de tout pouvoir bactéricide eu le chauffant à 60 ou 70°. — D'après M. Pfeilfer, il * $ LEUCOCYTES ET SÉRUM CHEZ LES VACCINÉS. 489 faut toujours, pour que le phénomène se produise, le concours de l'organisme. Suivant cet auteur, la métamorphose des vibrions se fait en dehors de toute intervention des leucocytes. Cette transformation des vibrions, qui précède sa destruction. trahit évidemment chez lui l’état de souffrance que lui font subir - les matières bactéricides de l'organisme. Ces malières, nous l'avons vu, sont l'apanage des leucocytes: on peut donc présu mer, contrairement à l’opinion de M. Pfeiffer, que les microbes se modifient parce que les leucocytes de la cavité péritonéale laissent, en présence des vibrions, diffuser dans le liquide ambiant les substances qu'ils ont élaborées et qu'ils retiennent habituellement fixées en eux. M. Metchnikoif vient de prouver que cette hypothèse légitime est conforme à la réalité. I pro- duit in vitro le phénomène de Pfeilfer en ajoutant à un mélange de sérum préventif et de.culture délayée dans du bouillon, des leucocytes extraits de la cavité péritonéale d’un cobaye neuf. M. Pfeiffer, en découvrant ce phénomène de transformation vibrionienne, et quelles que soient d'ailleurs les déductions qu'il a tirées de ses observations, a rendu un très réel service à l'étude de l'immunité. Par cette modification visible, immédia- tement décelable sous le microscope, le vibrion révèle l’action que les humeurs organiques exercent sur lui, et nous renseigne exactement sur leurs propriétés bactéricides. Nous avons fait sur le « phénomène de Pfeiffer » quelques expériences qui ont rapport à des questions assez diverses, mais que nous relaterons néanmoins toutes ensembles dans le but d’en rendre la description plus aisée et plus claire. La méthode expérimentale reste en elfet toujours à peu près la mème, et il suffira de l'indiquer brièvement une fois pour que nous soyions dispensé d’en répéter l'exposition. - Il M. Metchnikolf produit in vitro le phénomène de Pfeitter en mélangeant le vibrion cholérique à du sérum préventif, et en ajoutant à ce mélange des leucocytes extraits de la cavité péri- tonéale. Mais ces leucocytes peuvent avoir une autre provenance. Nous avons constaté que le vibrion cholérique de la Prusse orien- tale, introduit dans un mélange de sérum préventif et de sang délibriné de cobaye neuf, se transforme rapidement en granula- 490 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tions arrondies. Cette métamorphose se produit dans ces con- ditions aussi complètement que dans l'organisme même; elle s'opère plus promptement à l’étuve (37°) qu’à la température ordinaire. On s'assure naturellement de ce que le phénomène ne se produit pas dans Je sang défibriné employé seul, sans addi- üon de sérum préventif. Quand celui-ci est absent, l’inmense majorité des vibrions reste très mobile, et la modification ne* porte que sur quelques individus. Dans ce cas cependant, et lorsqu'on emploie du sang défibriné bien frais, il arrive que les phagocvtes englobent à la température de l’étuve, in vitro, quel* ques microbes. On trouve alors, presque toujours, des vibrions transformés dans le A des phagocytes (siège de la matière bactéricide.) On peut se servir pour celte expérience de sang de cobaye, d'homme, de rat, de Fou, de chèvre. Mais c’est avec le sang d'homme ou de cobaye qu'on obtient les granules les plus He et les plus colorables. Lorsqu'on se sert de sang de rat ou de lapin, un grand nombre de vibrions dispa- raissent ; les granules formés se désagrègent assez rapidement ou perdent toute colorabilité. On peut très bien remplacer le sang défibriné par du sérum neuf, pourvu qu'il soit bien frais. Le sérum comme le sang défibriné, conservés pendant # à 6 jours, # même à l'abri de toute lumière vive, commencent à perdre de leurs propriétés. Il suffit d’une trace de sérum activement pré- ventif pour provoquer le phénomène. La transformation en granules est l'indice de l'influence bactéricide qu'exerce sur le vibrion le liquide organique où il baigne. Cette influence bactéricide est spécifique ; elle ne se pro- duit bién fortement qu’envers les vibrions identiques à celui qui a servi à vacciner l'animal d'où provient le sérum. M. Pfeiffer et plus récemment M. Dunbar ont montré en effet, par des expé- riences nombreuses, que l’on peut considérer comme vibrions de nalure sûrement cholérique tous les Microbes, ressemblant d'ailleurs au vibriôon de Koch par leurs caractères de culture, etc., et qui se transforment en granules lorsqu'on les injecté, en même temps que du choléra-sérum, dans la cavité péritonéale, d’un cobaye neuf. Cette méthode de diagnostic n’exige pas une srande dépense de sérum préventif, mais elle nécessité l'emploi d'animaux, et elle devient coûteuse et difficile lersqu'on a un certain nombre de vibrions à examiner, ou lorsqu'on n'a pas à LE HE RTS DUT, Re Um 6, 7 Pa PANTIN ON - 4 ) 1.7 LA Ù e LE LEUCOCYTES ET SÉRUM CHÉZ LES VACCINÉS. 494 + sa disposition un laboratoire très bien monté. Il serait désirable que l’on püt se servir, comme moyen de diagnostic, de la méthode qne nous indiquons, car elle est d’une application facile et économique. Elle ne nécessite en effet que de très faibles quantités de sérum préventif et de sang neuf. Recherchons done tout d’abord si l’on peut obtenir, in vitro, sous l’action de notre sérum, la transformation en granules, non seulement de vibrions cholériques provenant de la Prusse orien- tale, mais d’autres vibrions appartenant à l'espèce vibrion de Koch, telle que M. Pfeiffer l’a définie. ” PHÉNOMÈNE VIBRIONS. PHÉNOMINE | | Hambourg Hollande A, B.( ERnpoure (de M. Pfeifler)..| AP SR TR Clin. | Dantzig V. detM. Hankin (Agra).... Polfer Saint-Cleud Vibrio Metchnikovi Nordbafen | Pilon(Saint-Denis,M. Netter). Finkler _ Inovrazloff Olin (Saint-Denis, M. Netter). Constantinople A, B,C, D, E, Sakharoff } vibr. des eaux F,G.H.L.J.K (M. Nicolle). Rechtsamer| de Tiflis. Cassino Caleutta +++ ++ +++ cose++++ Quelques-uns de ces vibrions, qui donnent le « phénomène de Pfeiffer », le présentent à un certain degré quand on Îles transporte a le sérum neuf sans addition de choléra-sérum. Ce sont là des vibrions peu virulents, très sensibles aux moyens de destruction que l’orgamisme possède. Le plus remarquable, sous ce rapport, nous a paru être le vibrion G de Constantinople. Mais il faut remarquer que cette transformation granuleuse du vibrion sous la seule influence du sérum neuf est toujours assez limitée, etn'est que très rarement comparable à celle qui se produit sous l'action combinée du sang ou sérum neuf et du choléra- sérum. * En règle générale, il suffit, pour produire in vitro le. phéno- mène, d'une quantité très-faible de sérum préventif bien actif : voici comment nous procédions habituellement : nous laissions 4 w #Æ 492 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tomber sur une lame une goutte de l'émulsion de culture âgée de 24 heures, délayée dans 6 c. c. de solution de NaCI à 0,60 0/0. Nous nous hornions alors à introduire dans cette goutte le con- tenu d’une anse (fil de platine) de choléra-sérum. Nous prenions une goultelette de cette mixture, où le choléra-sérum est en quan- tité minime, et nous la mélangions à une gouttelette de sérum neuf, de volume sensiblement égal. Mais pour obtenir la trans- formation du vibrion de M. Pfeiller et du V. de Saint-Cloud, nous avons dû introduire une dose de sérum un peu plus grande. Rien d'étonnant d’ailleurs à ce que certaines races Eésistent mieux que d’autres à l’action du sérum. Les vibrions qui ne produisent pas in vitro le phénomène, ne le présentent pas davantage lorsqu'on les injecte avec le choléra- sérum dans la cavité péritonéale des animaux. Il y a concordance complète entre les essais pratiqués tn vitro et les éxpériences faites sur l’organisme vivant. On peut donc, avec la certitude d'obtenir plus facilement et à moins de frais les mêmes résultats, remplacer la méthode diagnostique de M. Pfeilfer par celle dont nous venons de parler. Si l’on veut mettre ce procédé en usage, il est utile de se conformer à quelques indications opératoires précises : On prend une culture jeune (24 heures) de la culture du vibrion soumis à l’'examen.-On la délaye dans environ 5 à 7e. c. de bouillon ou de solu- tion de NaCI à 0,60 0/0. On laisse tomber, d'un tube effilé, sur une lame ou un verre de montre, 2 gouttes de cette émulsion; on y ajoute 1 goutte de sérum préventif (nous admettons pour fixer les idées qu'on possède un choléra-sérum à peu près aussi actif que le nôtre); cette dose est d'ailleurs beancoup plus forte qu'il n'est nécessaire, mais il faut prévoir le cas où l’on se trouverait en présence de vibrions exceptionnéllement résistants. On mélange, et l’on prend, au moyen d’une anse, une gouttelette que l'on dépose sur une lamelle; on prend de méme, après avoir flambé le fil de platine, une gouttelette de sérum neuf bien frais (ou de sang defibriné: on pourrait même se servir d’une goutteletle de sang humain); on la place sur la lamelle à côté de la première; on mélange-ensuite intimement les deux gouttelettes, et on place la lamelle retournée sur une lame à godet ; les bords de la cavité sont enduits de vaseline, et la goutte suspendue se trouve ainsi en chambre humide. On place à l’étuve pendant deux heures, temps largement suffisant pour que la transformation se produise. Nous insis- tons sur ces détails, car il faut que les trois éléments du mélange, vibrion, sérum neuf, sérum préventif soient en proportions assez exactement déter- minces. Îlest bon, en effet, pour que l'expérience ait un résultat décisif, de LEUCOCYTES ET SÉRUM CHEZ LES VACCINÉS. 493 faire deux autres préparations en suivant exactement la mêine méthode; ces préparations servent de témoins. L'une de ces préparations sera faite au moyen du vibrion typique.de Koch, capable de se transformer à coup sûr sous l'influence des sérums actifs. On reconnaitra, par ce témoin, si les sérums dont “on se sert: ont les qualités voulues. Une autre contiendra le microbe que l’on examine, ainsi que du sérum neuf; on aura eu soin, pen- dant qu'on fait les mélanges, de remplacer la goutte de sérum préventif par une goutte de solution de NaCI à 0,60 0/0. On verra. grâce à cette dernière préparation, si le vibrion examiné n'est pas un microbe très atténué, apte à se transformer dans le sérum neuf, en l'absence de choléra- sérum, aussi complètement qu'en présence du dernier liquide. Dans ce cas, qu'en vérité nous n'avons pas rencontré, on ne pourrait évidemment tirer de l'expérience aucune conclusion valable sur la nature cholérigène du vibrion étudié. Les préparations ne restant à l'étuve que deux heures au plus, il n’est pas indispensable d'observer, nendant la confection des gouttes suspendues, les précautions de rigoureuse asepsié destinées à empêcher l'introduction de tout microbe étranger. On peut examiner les gouttes suspendues à l'état frais, ou en faire des préparations colorées. Le vibrion du choléra tranformé en granules ne se colore pas trés facilement, surlout iorsque la goutte sus- pendue a fait un séjour prolongé à l'étuve, et que le pouvoir bactéricide a pu ainsi agir longtemps. La coloration par la thionine phéniquée est recom- mandable. On fixe en chauffant la lamelle assez fortement; on colore une minute par la thionine : on obtient ensuite une décoloration relative du fond en plaçant la préparation dans l'eau jusqu'à ce qu'il ne diffuse plus beaucoup de matière colorante (10 minutes environ quand la préparation contient beaucoup de globules, #4 à 5 minutes quand on s'est servi de sérum limpide). Les granules prennent alors une teinte bleue viclacée ; les glo- bules rouges sont verdàtres. Un trop long séjour dans l’eau finirait par décolorer complètement les granulations: on évite la formation de cristaux de thionine en séchant la préparation par le papier à filtre. On peut aussi colorer au moyen de bleu de méthylène en solution concentrée dans l'eau, ou pas la fuchsine de Ziehl fortement diluée. Cette méthode n'est évidemment qu'une modification, une simplification de la méthode recommandée par M. Pfeiffer ; elle repose sur le même principe, et sa valeur peut, au même titre que pour cette dernière, être révoquée en doute. Les résultats qu'elle permet d'atteindre sont-ils à l’abri de toute incertitude ? En rai- son de la spécificité très réelle que présententles sérums bacté_ ricides, il nous paraît qu'un vibrion apte à « donner le phéno- mène », peut être considéré à bon droit, s’il en partage d’ailleurs les autres caractères, comme identifiable au vibrion cholérique typique. Mais si nous avions sous les yeux un vibrion prove- nant d'un cas de choléra cliniquement caractérisé, possédant 7 dt Li id dés dir di ds 3 & A Ë 194 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Û les propriétés morphologiques et culturales du vibrion de Koch, mais ne se transformant pas sous l'influence du choléra-sérum, nous ne nous Croirions pas pleinement autorisé, dès à présent, à déclarer que l'affection constatée n’est point de nature choléri- que, et que le vibrion trouvé n'a rien de commun avec le vibrion spécifique. Les vibrions cholériques de diverses prove- nances manifestent en effet, vis-à-vis des sérums, une résistance variable. Il faut plus de sérum pour transformer le vibrion de Saint-Cloud, par exemple, que pour obtenir avecyle vibrion de la Prusse Orientale la même modification. Les sérums qu’on emploie sont actifs, mais leur puissance a des limites. Le vibrion de Saint-Cloud eut été un peu plus résistant, ou le sérum dont nous disposons un peu plus faible, et le phénomène ne se serait vraisemblablement pas produit. On n’a pas prouvé jusqu'ici qu'il faille considérer comme inexacte, l’idée qu'il y a peut-être des vibrions, le vibrion de Massaouah, par exemple, qui tout en étant cholérigènes et de même essence que le vibrion de Koch, aient franchi, dans la voie de la résistance aux agents organiques de destruction, un pas de plus que les vibrions fréquemment observés. Néarmoins, comme la généralité des vibrions cholériques recueillis dans les selles des malades donnent lieu au phénomène, il est recommandable d'employer la méthode, tout en n’acceptant qu'avec une certaine réserve les résultats négatifs auxquels elle peut parfois conduire. I ÊI Tous les vibrions, même les plus virulents, sont-ils aptes à se transformer, en dehors du protoplasme leucocytaire, lorsqu'on les injecte dans la cavité péritonéale des cobayes vaccinés contre eux? Le Vibrio Metchnikovi, dont on connaît la grande virulence, se laisse-t-il aisément altérer par le liquide péritonéal? — A un cobaye hypervacciné par une longue série d’injections de cultures stérilisées ou vivantes, et possédant un sérum très préventif, nous avons injecté 1/10 de culture de Vibrio Metchnikovi sur gélose, âgée de 24 heures. On constate que très rapidement les microbes se sont rassemblés en amas, mais le nombre des microbes altérés dans leur aspect est restreint : au bout d’une heure par exemple, L » no LEUCOCYTES ET SÉRUM CHEZ LES VACCINÉS À 495 il y a, dans ces amas, à côté d'un grand nombre de vibrions intacts, quelques individus désagrégés en granulations fines, et . d’autres qui ont conservé leur forme, mais sont devenus peu colorables. On fie trouve la transformation typique en grosses eranulations que dans le protoplasme des leucocytes polynu- cléaires qui, d'ailleurs, renferment aussi des vibrions intacts. Une .ou deux heures après l'injection, ces leucocytes sont groupés en amas. Plus tard ils arrivent en grand nombre et beaucoup sont épars dans le liquide ; six heures après l'injection, le nombre des leucocytes est tout à fait considérable, et Les vibrions très rares. On trouve cependant, dans une préparation d’exsudat extrait 6 heures 20 après l'injection, un amas de vibrions non encore euglobés, et qui ont conservé leur forme. Tous les vibrions ne se prêtent donc pas également bien à subir la transformation granuleuse. 4 4 IV “* Reprenons l'expérience dans laquelle on produit in vitro, sous l'influence"combinée du sérum neuf et du sérunt de chèvre vac- cinée, la. transformation du vibrion cholérique en granules. Insistons encore sur ce point, que, comme le sérum préventif, le sérum neuf peut être tout à fait limpide, ne contenir aucune cellule. et donner lieu néanmoins de la facon la plus complète au « phino- «mène de Pfeiffer. » Trois facteurs sont nécessaires à l'expérience; il nous sera aisé d'étudier chacun de ces trois facteurs, de rechercher s'il eXiste des conditions qui les rendent impropres à la production du phénomène, de déterminer si l’un d’eux peut être omis ou remplacé par un autre. L'un de ces facteurs, c'est le vibrion cho- lérique. Nous avons vu qu’on peut remplacer le vibrion cholé- rique de la Prusse orientale, qui à servi à la production du choléra-sérum, par d’autres vibrions de Koch. Restent les deux autres facteurs, le sérum neuf et le sérum préventif. Leur con- cours simultané est-il nécessaire? Peut-on supprimer l’un d’eux et obtenir néanmoins le phénomène ? Telles sont les questions qui se présentent les premières à l’esprit. — On sait déjà que le sérum neuf employé seul, ne modifie que très partiellement ou pas du tout les vibrions dans leur forme. | Le sérum préventif que’ nous avons employé surtout pour LL] 496 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR: ces recherches, provient d’une chèvre très vaccinée contre le vibrion cholérique de la Prusse orientale. Il ne provoque, quelle qu’en soit la dose, aucune métamorphose vibrionienne, lorsqu'on ne l’associe pas au sérum neuf. Dans ces conditions, la seule action manifeste qu'il exerce sur les vibrions consiste dans limmobilisation de ces derniers; une quantité très faible de ce sérum paralyse rapidement leurs mouvements. On constate aussi que ces vibrions se réunissent en amas flottants dans le liquide’. Ce sérum était retiré de la chèvre depuis trois semaines au moins, lorsqu'on l'a utilisé pour les expériences. Nous avons essayé alors le sérum provenant du même animal, mais récem- ment extrait. Ce sérum provoque la transformation cholérique sans le concours du sérum neuf. Le phénomène, ilest vrai, n’est pas complet; certains vibrions restent inaltérés ; d'autres semblent avoir été tués avant toute modificalion et ne prennent plus bien. la couleur; le sérum de chèvre vaccinée n’est pas un milieu aussi favorable à la transformation que le s#um ou le sang de cobaye vacciné. Ce sérum bien frais provoque à lui seul une transformation parfaite : n'est aucunement nécessaire de l'additionner de sérum neuf. Continuons néanmoins pour le moment à nous servir du sérum préventif incapable d'occasionner à Jui seul le phénomène de la transformalion granuleuse. Le concours du sérum neuf élant nécessaire, nous avons l’occasion d’éludier facilement les influences qui modifient Pactivité de ce sérum. — Ces expé- riences, ainsi que presque toutes les suivantes, sont modelées en quelque sorte sur lexpérience fondamentale, et pour lui être comparables, elles doivent être exécutées d'une manière iden- tique; il faut qu'un seul facteur, le facteur sérum neuf, soit modilié. Aussi les gouttes suspendues que nous examinôns sont toujours constituées de la même façon. Le sérum neuf emplové seul provoque assez souvent une transformation partielle du vibrion; l’action, nous l’avons vu, est faible. Or, nous savons qu'une injection de sérum normal 1. Nous ne pouvons décider encore si cette réunion en amas est un phénomène acüf dû au vibrion lui-même, ou si c'est là un phénomène purement physique. Si l’on dépose des giobules rouges dans du sérum neuf de cobaye, ils se répartis- sent d’une façon homogène et bientôt se réunissent à la partie la plus déclive de la goutte suspendue. Mais lorsque ce sérum neuf a été additionné de notre sérum préventif de chèvre, les globules s’agglomèrent en amas bien séparés les uns des autres, et la goutte apparait pointillée de rouge. # , + LEUCOCYTES ET SÉRUM CHEZ LES VACCINÉS. A97 dans le péritoine du cobaye neuf augmente, dans de faibles limites, il est vrai, le pouvoir bactéricide non spécifique dont le sérum de ce cobaye neuf est doué. Cette augmentation peut être décelée par notre méthode. On prend un peu de sang à un cobaye; on lui injecte ensuite 4 c. c. de sérum normal de cobaye; 24 heures après, on retire de nouveau une petite quantité de sang; on compare l’action des deux sérums obtenus, en les faisant agir sur le vibrion (Prusse orientale), non additionné de choléra-sérum. Le sérum que fournit le sang extrait après l’injec- tion produit une tranformation étendue à un plus grand nombre de-vibrions que l’autre; il y a aussi plus de vibrions immobilisés. Le phénomène n’est néanmoins encore que tout à fait partiel, et la métamorphose n’est complète que si l'on ajoute du sérum préventif. La substance bactéricide du sérum neuf existe-t-elle encore dans le sang d'animaux qui ont succombé à certaines infections ou intoxications? Le sang d’un cobaye mort du charbon, le sang d’un lapin qui venait de succomber à l’infection pneumococcique, la sérosité pleurale (qui contient des leucocytes) d’un cobaye mortintoxiqué par le poison diphtérique, le sang d’un cobaye très vacciné contre le choléra et qui a succombé à la toxine cholérique, donnent tous lieu au phénomène de Pfeiffer, en présence de choléra-sérum. Le sang au dernier animal, malgré l’intoxication mortelle, provoque très bien la transformation, sans addition de choléra-sérum : ce sang est donc resté à la fois bactéricide et pré- ventif; le fait de la persistance du pouvoir préventif dans de telles conditions a du reste été déjà signalé, notamment par M. Metchnikoff. Le sang de cobayes solidement immunisés contre le Vibria Metchnikovi ou le V. de Massaouah, incapable de produire par lui-même le phénomène, le provoque très bien en présence du sérum préventif. La matière bactéricide est donc très généralement répandue chez nos animaux d'expérience; elle persiste même après des infections mortelles, elle existe tout à la fois dans le sérum des animaux vaccinés et dans celui des animaux neufs. Action de la chaleur sur le sang défibriné (ou le sérum) frais de cobaye neuf. — Du sang défibriné frais de cobaye neuf est réparti en plusieurs tubes. L'un de ces tubes n’est pas chauffé; les 32 + a | 6 » F 498 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. * ; autres sont portés pendant ÿ,minutes à des températures de 50° 530, 600, 64°. GOUTTES SUSPENDUES. PRODUCTION du phénomène. | Chol., sér. prév. chèvre id. GO: 4 GA La substance bactéricide nécessaire à la prédaction du phé- nomène, et que le sérum neuf possède, devient donc inactive lorsqu'elle est portée à la température de 50 à 55°, pendant 5 minutes. Remarquons que là mème où il n'y à aucune trans- formation. les vibrions sont immobilisés et réunis en amas; c’est là une conséquence constante de la présence du sérum préventif. Action de lu chaleur sur le sérum préventif. — M. Pfeiffer a vu récemment que le sérum préventif préalablement chauffé à 65°, introduit dans la cavité péritonéale avec la culture cholérique, provoque très bien la métamorphose du vibrion. Le même fait peut se constater x vitro. Mais il est intéressant d'étudier parti- culièrement l'action de la chaleur sur le sérum bien frais de cobaye vacciné ; ce sérum est, nous l'avons vu, capable de pro- duire le phénomène de Pfeifler par son action‘propre et sans le concours de sérum neuf. On chauffe .à 50°, 55°, 60°, 64°, pen- dant 5 minutes, des tubes contenant du sérum provenant d'un cobaye hypervacciné. On mélange chaque échantillon de sérum avec l'émulsion cholérique. La transformation du vibrion se produit encore bien avec Je sérum chauffé à 50°; elle ne se produit plus avec le sérum porté à des températures supérieures; la substance bactéricide se délruit donc dans le sérum des vaccinés à la même température que dans le sérum neuf. Mais ce sérum chautfé, devenu incapable de provoquer à lui seul la transfor- mation, la fait parfaitement apparaître lorsqu'il est associé à du sérum neuf, et son activité dans ce cas n’est pas visiblement diminuée. L'addition du sérum neuf rend donc au sérum d'un animal vacciné contre le choléra ce que la chaleur lui avait fait perdre. En mélangeant ces deux liquides, qui isolément ne sont ” * L LEUCOCYTES ET SÉRUM CHEZ LES VACCINÉS. 99 Le ee ‘ . pas notablement bactéricides, on obtient une mixture douée, à l'égard du vibrion cholérique et de celui-là seul, d'une puissante action antiseptique. La même expérience a été décrite plus haut; nous décelions alors l'apparition du pouvoir bactéricide non pas “en constatant la production du phénomène de Pfeilfer, mais par les ensemencements sur plaques de gélatine. Quelles sont les déductions auxquelles ces faits nous con- duisent ? Nous les avons formulées plus haut, et les expériences qui viennent d'être mentionnées ne font que leur donner plus de certitude. Tout se passe comme si le sérum des animaux vaccinés ne possédrit point de substance bactéricide qui lui soit particulière; læ substance bactéricide, toujours lu inême, est répandue dans le sangneuf comme dans celui des organismes immunisés. Lorsqu'elle n'est point mélangée à la substance préventive, elle w’est point spécifique, et ne manifeste beaucoup d'activité qu'à l’égard des vibrions très atténués. Il lui faut, pour que son action soit éner- gique, la présence simultanée d'une substance préventive, dont seul le sérum des waccinés est largement doté. Peut-être cette matière pré- ventive spécifique exerce-t-elle par elle-même sur les vibrions une certaine influence défavorable, qui les prédispose à ressentir plus vivement le pouvoir de la substance bactéricide. On peut en tout cas lui dénier les propriétés d’un réel antiseptique, car elle est incapable de stériliser un ensemencement peu abondant, et même de s'opposer à la multiplication. Mais elle imprime à la matière bactéricide qui se trouve à côté d'elle, une remarquable puis- sance, en même temps qu'elle lui donne le caractère de la spéci- ficité. A l’état frais, le sérum des vaccinés possède à la fois ces deux substances: conservé pendant longtemps ou chauffé à 55° pendant quelques minutes, il ne possède plus que la substance préventive; pour lui rendre son énergie antiseptique, il faut lui ajouter du sérum frais. Et il est indifférent alors que la matière bactéricide de ce sérum frais provienne d'un animal neuf, d’un ‘animal vacciné contre lux ou l'autre vibrion, où même d’un organisme qui vient de succomb:r à des infections telles que le charbon ou bien le preumocoque. Cette matière bactéricide se trouve-t-elle répandue dans des proportions comparables, chez les animaux neufs et chez ceux qui sont immunisés contre le choléra? L'organisme qu'on immu- nise, en même temps qu'il élabore la matière préventive spéci- 500 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. fique, n’accroit-il pas beaucoup la quantité de substance bacté- ricide dont il était déjà pourvu avant toute injection vaccinante? On peut juger, d'une manière Hppouiee tout au moins, de la quantité de principe bactéricide qu’on trouve dans le sérum neuf et dans le sérum des vaccinés. Portons une anse de sérum de: cobaye hypervacciné dans une goutte d'émulsion cholérique. Établissons, par une expérience préalable, qu’une gouttelette de ce mélange, jointe à une gouttelette de sérum neuf, donne complètement lieu au phénomène. Il y a donc, dans Ja goutte d’émulsion, une quantité suffisante de substance préventive. Le sérum préventif employé est, il faut le remarquer, apte à donner par lui-même la métamorphose vibrionienne, sans le concours de sérum neuf. Cependant lorsqu'on n’en transporte qu'une anse dans une goutte d’émulsion cholérique, et qu'on se borne là, on ne voit pas de phénomène : il y a là pourtant, nous en avons eu la preuve, une quantité suffisante de matière préven- tive; c'est donc la matière bactéricide qui n'est pas assez abondante. Transportons une deuxième anse dans de liquide vibrionien ; le phénomène se produit alors nettement; il apparaît plus complètement si l’on ajoute une troisième anse. De même, déposons dans une goutte d’émulsion cholérique, une anse de notre sérum de chèvre très préventif, mais incapable de provoquer par lui-même la modification; nous verrons qu'il faudra 3 anses de sérum neuf dans cette goutte, pour que le phénomène s’y produise avec l'intensité que nous sommes accoutumés à lui voir. Les quantités de sérum frais, soit neuf, soit de vacciné, qu’il faut ajouter à la substance préventive, sont donc faibles dans les deux cas et ne diffèrent pas dans de bien larges limites. On peut donc admettre que la quantité de subs- tance bactéricide que renferme le sérum de vaccinés, bien que paraissant la plus grande, n’est pas extraordinairement supé- rieure à celle que contient le sérum neuf. V Les expériences relatées dans la première partie de cet article ont fait voir que la substance bactéricide, pendant la vie, siège dans les leucocytes. Lorsque le sang est retiré des vaisseaux, celte substance diffuse dans le milieu ambiant et donne au séru QG LEUCOCYTES ET SÉRUM CHEZ LES VACCINÉS. JO des propriétés antiseptiques. Le sérum que donne un sang privé d’une partie de ses leucocytes, le liquide d'æœdème, sont moins bactéricides que le sérum obtenu dans les conditions normales: ils sont aussi moins préventifs. Il est facile de rechercher si le liquide d'œdème associé avec le sérum préventif, produit le phénomène de Pfeiffer. On prépare des gouttes suspendues contenant d’une part le vibrion chalérique, une trace de sérum préventif, du sérum de cobaye neuf, d'autre part le vibrion, le sérum préventif et le liquide d'æœdème provenant du même cobaye neuf; on se conforme naturellement à la manière de faire habituelle, qui permet de doser les 3 éléments de chaque préparation. On constate que la préparation où se trouve le liquide d’œdème ne produit pas le phénomène. La teneur de ce liquide en matière bactéricide est donc trop faible. La transformation est complète dans l’autre préparation. On s'assure de mème que le lait (chèvre), l'humeur aqueuse (cobaye), l'urine, les larmes, la salive (homme), associés au sérum préventif, sont tout à fait incapables de provoquer la métamor- phose. L'œdème d'un cobaye charbonneux, l’épanchement pleural d’än cobaye tué par la toxine diphtérique produisent le phénomène: on trouve dans ces liquides des amas de leucocytes. Commment se comporte le liquide d’œdème d’un cobaye hypervaceiné contre le choléra? Le sérum frais de cet animal provoque à lui seul le phénomèae, il contient à lui seul la substance bactéricide et la substance préventive, On reconnaît que l’æœdème, employé seul, ne lui est pas équivalent; il ne donne pas lieu à la métamorphose du vibrion. Les deux substances lui manquent-elles totalement, ou lune d'elles seulement fait-elle défaut? Nous avons remarqué antérieurement que le liquide d'ædème possède un pouvoir préventif qui n’est pas négligeable; il est inférieur néanmoins, sous ce rapport, au sérum. Pour recounaître si c'est la substance bactéricide qui manque, on prépare une goutte suspendue contenant le vibrion, le sérum préventif de chèvre, et l'ædème. Le vibrion ne se transforme pas. L'œdème des vaccinés, de mème que celui des animaüx neufs, ne contient pas assez de matière bactéricide. Est-il dénué complètement de matière préventive ? Le liquide d'œdème était, à un-certain degré, préventif pour les animaux. 502 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. On fait une préparation, au moyen de vibrion, du liquide d'œdème, et du sérum neuf : la transformation se produit. L'œdème contient donc assez de substance préventive pour que cette matière, active d’ailleurs à faible dose, manifeste ses effets. Il est très difficile d'obtenir un liquide d'œdème tout à fait privé de leucocytes. D'aillenrs, bien que les leucocytes aient une part importante dans la possession de la substance préventive, il se peut très bien qu’une certaine quantité de cette substance diffuse pendantla vie dans le liquide circulant, et s’élimine ensuite parles émonctoires : le pouvoir préventif baisse en effet assez rapide- ment, on le sait, quant on interrompt les injections de cultures. L'humeur aqueuse, qui est presque totalement privée de cellules, ne possède, chez les cobayes très vaccinés, aucune propriété bactéricide ni préventive. Mélangée soit à du sérum neuf, soit au sérum de chèvre vaccinée, elle ne provoque aucune altération du vibrion. Dans le choléra humain, le vibrion n’est pas un parasite des tissus. Il n’envahit pas l’organisme, il ne s’y répand que rare-. ment, au moment de la mort. Son habitat, c’est l'intestin, son milieu de culture, la transsudation intestinale; les propriétés que celle-ci peut manifester sont donc importantes, à connaître. M. Metchnikoff est arrivé, on le sait, à provoquer chez les'jeunes rongeurs le vrai choléra intestinal. On trouve, à l’autopsie des jeunes lapins, l'intestin distendu et rempli d’un liquide assez clair, fourmillant de vibrions. M. Metchnikoff montre que ce choléra intestinal peut se produire chez les animaux qui ont reçu de fortes injections d’un sérum préventif puissant, aussi bien que chez les animaux qui n'ont été soumis à aucun traitement préalable. Il voit que chez tous, le vibrion pullule dans l'intestin, reste mobile et n'est point modifié. On se convainc facilement de ce que cette transsudation intestinale, additionnée de notre sérum préventif, ne provoque en aucune façon la métamorphose du vibrion. Mème résultat négatif si au lieu de sérum préventif, on additionne de sérum neuf le liquide intestinal d’un jeune lapin mort malgré l'injection préventive, de choléra-sérum. Et cepen- dant le sang de ce lapin est fortement bactéricide, et modifie la forme du vibrion. — Cette transsudation ne contient pas de leucocytes: elle renferme des cellules épithéliales ; celles-ci ne communiquent au liquide aucune activité constatable. : LE PEAR ET à D OR A ee ee ON du À “ 4 cb À H 8 - é LEUCOCYTES ET SÉRUM CHEZ LES VACCINÉS. 505 # VI Le vibrion cholérique s’accoutume-t-il aux sérums bacté- cides ? Peut-il, à la suite de passages répétés dans ces liquides, s'adapter à ne plus ressentir l’action antiseptique avec la même intensité, età ne plus présenter dans ces milieux la transforma- tion granuleuse ? Ensemencçons le vibrion cholérique 4e la Prusse orientale, en quantité assez forte, dans le mélange de sérum frais de cobaye neuf et de notre sérum de chèvre vaccinée. Rapidement, la métamorphosese produit. L'ensemencement ayant été copieux, le vibrion pousse cependant, et au bout de 24 heures, on trouve dans le liquide d'assez nombreux vibrions à forme normale. Enseïnençons quelques gouttes de cette culture dans un mélange identi- que au premier. Attendons que la culture se soit produite, et faisons un nouveau passage. On a répété 20 fois cette opération. et toujours l’on à constaté, après ensemencement, la métamorphose rapide du vibrion. On retrouvait même dans les liquides, au bout de un ou deux jours d’éluve, un grand nombre de ces granulations, à côté de vibrions normaux. Au bout de vingt passages dans le sérum bactéricide, le vibrion est encore apte à se transformer tout aussi complètement qu'au début. Il est donc certain que le vibrion n'acquiert point d’accoutumanée marquée, et ne s'adapte pas à ne plus ressentir l'influence antiseptique du liquide. Toujours il se transforme en granules; cette modification, qui n’est pas due à une désa- grégation, mais bien à une contraction active du microbe, parait être utile à ce dernier. Ea elfet, lorsqu'il prend cette nouvelle forme, il présente, pour le même volume, une surface de contact moindre avec le liquide ambiant set se dérobe le plus qu'il est possible à l’action funeste du milieu. Le fait que le vibrion ne s’habitue pas à supporter impuné- ment le contact des substances bactéricides d’origineleucocytaire, nous paraît expliquer assez bien la difficulté qu'on rencontre à renforcer de beaucoup la virulence de ce microbe. On arrive assez rapidement, après quelques passages par le corps des animaux, à une virulence déterminée qu'il devient alors bien malaisé d'augmenter encore. Le vibrion cholérique ne semble pas posséder les caractères voulus pour devenir un redoutable _ parasite de l'organisme entier, pour donner des infections géné- ralisées. Mais pour vivre dans le contenu intestinal et y fabriquer ses toxines, le vibrion ne doit pas nécessairement posséder une “. L 22 e” w 504 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. grande résistance vis-à-vis des matières bactéricides de l’orga- nisme ; ces matières, en effet, n'existent pas dans la transsudation intestinale. [l n’est donc pas prouvé du tout qu'un vibrion, très peu virulent quand on l’injecte dans la cavilé péritonéale, ne puisse devenir à un moment donné, un hôte fort dangereux de notre tube digestif. L'IMMUNITÉ CONFÉRÉE PAR LE SÉRUM PRÉVENTIF Quelques conclusions qui ont trait à l'étude de l’immunité conférée par le sérum, se dégagent de l’ensemble des faits que nous avons passés en revue. Le choléra-sérum, on le sait, n’est pas antitoxique; les enimaux vaccinés n'ont eux-mêmes, d’ailleurs, aucune immunité réelle contre la toxine que fabrique le vibrion. Le sérum ne produit donc que l’immunité vis-à-vis du microbe lui-même. Il contient, lorsqu'il est frais, deux substances, une substance bactéricide, une substance préventive. Dans le sérum conservé depuis longtemps, ou mieux encore dans le sérum qui a été chauffé à 55°, la matière bactéricide n’existe plus. MM. Fraenkel et Sobernheim, les premiers? ont montré que le sérum dépouiilé de cette dernière substance conserve toutes ses qualités immu- nisantes. Il est facile de concevoir nettement pourquoi la présence de cetie malière bactéricide n’est pas indispensable à l’activité du sérum préventif. Elle n’est pas spéciale à ce sérum, elle existe dans le sérum neuf. L'animal neuf à qui l’on injectera le choléra- sérum pour le mettre à l’abri de l'infection, possède déjà cette matière : il est inutile de lui en fournir une quantité addition- nelle. Ce que l'animal neuf ne possède pas, c'est la substance préventive; c’est cette dernière par conséquent qu'il importe de lui donner, etl’on se demande par quel mécanisme’cette matière introduite dans les tissus provoque l'immunité. Il est certain que les leucocytes, en tant que cellules vivantes, sensibles, capables de réaction, perçoivent la présence du sérum préventif. Sous son excitation, ils sont capables de réagir par un mouve- ment; ils manifestent, envers le sérum préventif, un chimio- taxisme posilif prononcé. En outre, on est frappé de voir, e LEUCOCYTES ET SÉRUM CHEZ LES VACCINÉS. 905 L lorsqu'on mélange sur une lame qu’on porte ensuite à la tem- pérature de 37°, du sang défibriné bien frais d'animal neuf, une trace de sérum préventif et les vibrions, combien les leucocvytes, même in vitro, englobent les microbes et se montrent souvent remplis de granulations arrondies. Onne peut guère, en présence de ces faits, se refuser à croire que le sérum agisse sur les leu- cocytes comme une « slimuline », comme un excitant de la phagocytose. Mais ce n’est pas là toute l’immunité que procure l’injec- tion du sérum préventif. Cette injection provoque l'apparition d’un pouvoir bactéricide très marqué vis-à-vis du vibrion cho- lérique, contre lequel le sérum est spécifiquement actif. Or, nous savons que la substance préventive, incapable par elle- même de faire périr le vibrion, rencontre, quand on la mêle au sérum neuf, une matière légèrement bactéricide, qui sous son influence acquiert des qualités antiseptiques nouvelles et énergiques. Cette malière était préformée dans le sérum neuf : elle ne s’y est pas produite, au moment du mélange avec le sérum préventif, par un mécanisme de sécrétion cellulajre, car la pré- sence dans le liquide de cellules, quelle que soit du reste leur nature, est tout à fait inutile à l'apparition de l’intense pouvoir bactéricide. Nous savons aussi que cette matière n’est point, pendant la vie, uniformément dissoute dans le plasma, mais qu’elle est au contraire cônfinée dans les leucocytes. Que se passe-t-il donc, lorsqu'on introduit le sérum préventif dans les tissus? Ses matières actives pénètrent dans les leucocytes, on le sait, car nous avons constaté, grâce au chimiotaxisme, que leleucocyte perçoit la présence du sérum. La matière préventive rencontre dans le leucocyte la malière bactéricide que celui-ci contient. Dès ce moment, le leucocyte dispose d’un pouvoir antiseptique à la fois puissant et spécifique. S'il englobe des vibrions, 1l les maîtrisera facilement. Si pour une cause quel- conque 1l souffre, il laissera diffuser autour de lui la matière bactéricide qu'il retenait fixée, et produira de la sorte, à distance, dans le liquide ambiant, la destruction ou l’affaiblissement du vibrion. Si l’on adopte cette manière de voir, justifiée, semble-t- il, par les faits, on doit admettre qu’à côté de la stimulation cellu- laire, un phénomène purement chimique, que lon peut reproduire in vitro, ioue un grand rôle dans ia production .de l’immunité LES at $ 506 « ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. le passive. C’est la rencontre de deux substances qui provoque dans l'organisme, comme dans un tube à réactif, l’énergique pouvoir bactéricide. L’immunité produite par une action de ce genre peut être très forte, et il n’a point fallu, pour la faire naître, de modification cellulaire profonde et persistante — qui en per- mette l’indéfinie transmissibilité. Elle est essentiellement fugace, on le sait, et les cellules n’en gardent pas longtemps le souvenir. Que là substance préventive s'élimine, les leucocvtes n'auront plus à leur disposition qu’un pouvoir bactéricide restreint, et l’état réfractaire, obtenu si rapidement, s’'évanouira avec la même facilité. VE Nous avons été, pendant toute la durée de ces recherches, constamment secondé par les conseils de M. le professeur Metchnikoff. Que notre cher et vénéré maître nous permette de lui exprimer ici notre reconnaissance pour les précieuses indi- cations qu'il nous a prodiguées, et pour l'entière bienveillance qu'il n’a cessé de nous témoigner. DES PROPRIETÉS CHOLERIGENES DES HUMEURS DE MALADES ATTEINTS DE CHOLÉRA ASIATIQUE (Contribution à l'Etude de l'Intoxication cholérique) Par Le Dr F.-J. BOSC Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Montpellier. Dès le début de l’étude bactériologique du choléra, on fut amené à mettre le tableau symptomatique de cette maladie sous la dépendance d’une intoxication générale de l'organisme. En 1884, Koch montrait que le bacille virgule pullule dans le contenu äntestinal sans qu'il soit possible de le retrouver ni dans les organes, ni dans le sang. Aussi supposait-il l'existence d’une toxine cholérique élaborée dans l'intestin, et qui, résorbée en ce point, donnait lieu à tous les symptômes du choléra. C'était là une déduction rationnelle des faits; faute d’un moyen de séparation des toxines microbiennes, ce savant ne put en faire la démonstration expérimentale directe. Après l'apparition de la méthode que M. Roux avait appliquée à la séparation des toxines diphtériques, plusieurs expérimen- taleurs tentèrent d'isoler la toxine cholérique des milieux de eulture. Petri, le premier, a su retirer des cultures du bacille de Koch en milieu liquide une substance toxique qui reproduit, chez les animaux, le tableau exact de la péritonite de R. Pfeilfer. Après une période d'incubation de deux à trois heures, on voit survenir une hypothermie progressive, puis l’animal s’affaisse, demeure abattu, les poils hérissés, le museau et la langue eyanosés.… On a, en un mot, tout le tableau du choléra cyanique. -Ce savant a montré en outre que le pouvoir toxique pouvait être notablement accru si l’on cultivait le bacille du choléra sur un milieu liquide riche en peptone. Les expériences de M. R. Pfeiffer, confirmatives de celles de Petri, permettent d'écarter une objection que l’on pourrait leur adresser, au sujet de la nécessité, pour le développement des 508 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. toxines, d’un milieu fortement peptonisé. M. Pfeiffer râcle des cultures faites sur gélose, les tue par dessiceation, et, après les avoir mélangées à un peu d’eau, les injecte à des animaux : il montre que la toxine se produit dans Le corps même des bacilles, et que sa production n’est pas sous la dépendance d’une altéra- tion quelconque du milieu nutrilif. Ces résultats, les recherches concordantes de plusieurs autres expérimentateurs, permettent de conclure que le bacille virgule sécrète une loxine, et que cette toxine est bien la cause du tableau symptomatique du choléra. Malheureusement, les cultures du bacille de Koch, même placées dans les conditions les plus favorables, ne développent qu’une très faible quantité de toxine, etil faut en injecter des doses assez considérables pour arriver à produire des elfets positifs chez les animaux. Aussi nous a-t-il paru intéressant d'utiliser d’autres procédés qui permettent de mettre en lumière, d'une façon directe, l’existence d'une intoxication ehez les malades atteints de choléra asiatique. Une preuve expérimentale de l'existence de poisons dans les humeurs des cholériques a été doanée en 1884 par M. Bouchard, pour les urines. L’injeclion, au lapin, des urines filtrées de l’homme cholérique, détermine une intoxication qui, absolument différente de l'empoisonnement par l'urine normale, reproduit les symplômes caractéristiques du choléra : cyanose des muqueuses et des oreilles, crampes se renouvelant chaque minute ou deux, pendant plus d’une demi-heure après l'injection, algidilé, diarrhée d’abord stercorale puis blanchâtre, grisâtre ou rougeâtre, constituée par l'épithélium intestinal desquamé, rétention de la bile dans la vésicule, albuminurie et enfin anurie, amenant la mort trois à quatre jours après l'injection (Les Micro- bes pathogènes, 1892). L'extrait alcoolique de ces urines de cholériques produit de la somnolence, de l’albuminurie, de la diarrhée et Ja mort en deux jours. Huppe a repris, plus récemment, l'étude des diverses humeurs des cholériques. [l a surtout étudié la toxicité des urines et celle du sang, et a obtenu des résultats variables. Cependant il est à remarquer qu'il conclut à la toxicité fréquente du sang des cho- lériques et il constate, dans chacune de ses expériences probantes, À + “ TOXICITÉ DES HUMEURS DE CHOLÉRIQUES. 509 l'existence d’une période d'incubation, de quelques heures, sem- blable à celle qui est rapportée par Petri à la suite de l'injection de toxines retirées des cultures. Je dois signaler, en passant, les expériences faites par A avec les liquides vomis par les cho- lériques, au début. El filtre ces liquides, les précipite par l’alcool à plusieurs reprises, et obtient une substance qui, injectée sous la peau de rats, de cobayes et de chiens, provoque de la parésie, puis de la paralysie, des contraclures et des phénomènes de collapsus (Deutsche med. Woch., n° 42, p. 954, 1892). Pendant l'épidémie de choléra qui a sévi à Montpellier, en juillet et août 1895, nous avons repris ces expériences ! sur la toxicité des humeurs et en particulier sur les propriétés toxiques du sérum du sang &e malades atteints de choléra à marche très rapide ou foudroyante, et dans les selles desquels le bacille de Koch pullulait pour ainsi dire à l’état de pureté. I. Urixes. — Nous n'insisterons pas sur les expériences que nous avons faites avec l'urine des cholériques. Leurs résultats ont en effet une valeur démonsirative bien moindre que ceux que nous fourniront tout à l'heure les injections de sérum sanguin. Nous nous sommes servis des urines recueillies chez des malades au moment de la période dite de réaction, et pendant une durée de 24 heures. Ces urines présentaient une densité légèrement supérieure à celle des urines de l’homme normal. Elles ont été injectées à des lapins de même résistance, dans la veine marginale de l'oreille, d’après un maouel opératoire qui nous a permis de faire des injections très régulières à ces ani- maux non attachés, et laissés en liberté complète sur la table. Ce dernier point a une certaine importance pour ce qui à trait à l'interprétation des phénomènes thermiques. Le coefficient urotoxique de ces urines a toujours exprimé un degré de toxicité supérieur à celui des urines normales. Parfois cette toxicité a été très considérable; dans plusieurs cas, elle a été deux fois plus élevée que celle des urines de l'homme san, si l'on admet comme exprimant le degré réel de toxicité de ces 4. Ce sont même les résultats fournis par ces recherches qui nous ont amené à traiter les malades atteints de formes graves de choléra par une saignée abon- dante suivie d’une injection rapide de sérum artificiel. Nous avons donné à cette méthode de traitement, dont les résultats ont été favorables, le nom de saignée- transfusion. (Semaine médicale, septembre 1593.) 1 10 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dernières le chiffre moyen de 67 c. c. par kilogramme de lapin. (Maires et Bosc, Archives de Physiologie, 1891.) L'augmentation dans la toxicité était toujours disproportionnée vis-à-vis de l'augmentation de la densité. Les qualités toxiques, et c’est sur ce point que je veux surtout insister, s’éloignent aussi très notablement de celles qui carac- térisent l'urine normale. Avec l'urine des cholériques, nous avons observé, chez le lapin, un #y0ss ordinairement peu marqué, une respiration rapidement et fortement atteinte, avec ralentissement coupé de phases d'accélération et une difficulté augmentant jusqu'à la mort: des battements cardiaques qui, accélérés au début, se ralen- tissent, tombent de 210 à 90 par minute; des mictions très tardives, rares, très peu abondantes; une diarrhée prononcée ; de l'hypothermie, plus précoce et bien plus prononcée qu'avec les urines normales. De plus, la température périphérique s’est abaïssée plus vite que la température centrale : tandis que celle- ci marquait encore un chiffre relativement peu abaiïssé, le lapin avait les oreilles glacées, la peau froide, les poils hérissés. Du côté du système nerveux, nous avons constaté des frissons généra- lisés avec horripilations, de la somnolence, de l’affaissement, des mouvements convulsifs, enfin de grandes attaques suivies de mort; la sensibilité est demeurée intacte. Les urines des cholériques renferment done des substances toxiques capables de développer chez l’animal des symptômes que l’on ne trouve pas à la suite d’injections d’urines normales, et qui rappellent l’intoxication cholérique. Malheureusement, dans les urines, les principes toxiques sont trop dilués; il faut injecter des doses trop considérables de liquide pour obtenir, chez les animaux, des effets relativement peu démonstratifs. EE. Sérum sANGuIN. — La preuve de l’existence d’un poison particulier dans les humeurs des cholériques, va devenir bien plus nette si nous reprenons ces expériences à l’aide du liquide qui est le véhicule direct du poison dans l’économie. Huppe avait déjà tenté de démontrer l'existence, dans le sang, d'une substance toxique cholérigène, mais nous avons vu qu'il n'avait pu tirer de conclusions fermes de ses expériences. Nous avons déjà indiqué brièvement dans quelles conditions nous avions repris cette étude. CARS LL St A - , d k # Ü es s sf ï 4 » TOXICITÉ DES HUMEURS DE CHOLÉRIQUES. st . La saignée était faite, en tant que méthode de traitement, chez des malades atteints de formes graves du choléra :. Le sang était reçu dans des vases stérilisés, et donnait, par le repos, un sérum toujours parfaitement limpide, de couleur jaune ou jaune verdâtre. Nous avons injecté ce sérum dans la veine marginale de l'oreille de lapins, très lentement, et en nous plaçant exactement dans les mêmes conditions pour chaque expérience. Ce qui nous parait rendre plus intéressants les résultats de ces recherches, c'estque nous possédionsun terme de comparaison qui manquait à nos devanciers : la détermination exacte du degré et des caractères de toxicité du sérum du sang de l’homme sain. (Muner et Bosc. C. R. de la Soc. de Biologie, 1893.) » Nous avons démontré que le sérum du sang de l’homme nor- mal produit la mort (lapin), à la dose moyenne de 15 c. c. par kilogr. du poids du corps. Îl détermine, comme effets toxiques, un #yosis très peu marqué, un ralentissement et une difficulté progressifs de la respiration, une accélération très nette des bat- tements du cœur, des mictüons hématuriques:il n'a pas d'action sur le tube digestif; 1l ne produit enfin, tout d'abord, aucun effet sur le système nerveux, mais, vérs la fin de l'injection, on voit apparaître de l'abattement, de la résolution, des attaques précé- dées de procursions énergiques et la mort. Ce sont là les effets produits par les injections du sérum du _ sang d'homme normal, à doses immédiatement mortelles. Il est plus intéressant encore, pour l’étude qui va suivre, de connaître les effets de doses non mortelles de ce même sérum normal. Voici deux expériences de cet ordre : EXPÉRIENCE [. — Un lapin de 2,050 grammes reçoit dans la veine margi- nale 10 c. c. de sérum du sang d'homme normal, soit 5 €. c. par kilogr., du poids du corps. (Normale : Temp. rect. 39°,8. Cœur 200; respir. 120.) Pendant l'injection : mwyosis très léger, accélération de la respiration, léger affaissement. Après l'injection, disparition rapide dumyosis, respi- ration un peu saccadée. 1. La saignée a été faite, pour beaucoup de ces malades atteints de formes foudroyantes du choléra, à un moment où la quantité totale du liquide sanguin ne pouvait pas avoir subi, du fait des évacuations stomacales et intestinales, une diminution bien marquée. Cela nous permet de ne pas tenir compte, dans nos expériences, du degré de concentration du sérum sanguin. D'ailleurs, à côté de la question du degré de toxicité, qui a son importance, les qualités toxiques du sérum sanguin des cholériques nous paraissent avoir une valeur bien plus consi- rable pour le but que nous poursuivons. < 512 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. . Quinze minules après l'injection, respiration plus difficile, 130-140 par minute; cœur fréquent, énergique; temp. rect. 40°,4 Trente minutes après, resp. 100, difficile; cœur 2! 10, pupilles normales. Temp. rect., 40°,6. Le lendemain, le lapin est bien portant et sa température est normale. EXPÉRIENCE IL. — Un lapin de 1,600 grammes reçoit dansla veine marginale, 12 c. c. de sérum du sang d'homme normal, soit 7 c. ce. de sérum par kil., du poids du corps. (Normale : Temp. rect. 38°,4. Resp. 150, cœur 190.) Pendant l'injection, rien à noter. Cinq minules après, léger myosis: respir. 150, un peu difficile; cœur 210, énergique; temp. rect. 390,3. Dix minutes après, état général normal. Resp. 90, ralentie, régulière: cœur 230, énergique, pupilles normales. Temp. rect. 390,6. Cinquante minutes après, aspect normal ; respiration ralentie à 85, mais régulière ; temp. rect. 40°. Une heure et demie après, miction légèrement sanglante. Trois heures après, temp. rect. 409,6. F Quatre heures après, temp. rect. 400,4 Le lendemain, le lapin est bien portant; il à une temp. cent. de 38°9. A ces doses faibles de 5 et 7 ec. c. par kilog. (doses auxquelles le sérum de cholériques va entraîner la mort), le sérum du sang de l’homme normal n’atteint pas, pour ainsi dire, l’état général du lapin, mais il produit, sur la respiration et la calori- fication surtout, des effets sur lesquels j'attire l’attention. Il donne lieu à une hyperthermie très prononcée qui persiste pen- dant au moins 4 à 6 heures, et qui peut dépasser la température normale de 2°,2 (de 389,4 à 40°,6): le lendemain, l'animal est com- plètement revenu à son état physiologique. Voici maintenant, prises au hasard sur mon cahier de notes, plusieurs expériences avant trait à l’injection de sérum du sang de cholériques dans les veines du lapin. EXPÉRIENCE TTL. — Un lapin, du poids de 2,500 grammes, reçoit dans la veine marginale 9 ec. c. du sérum d’un cholérique saigné à la période algo-cyanique d'un choléra très grave, soit 3ce,6, par kilogr. du poids du corps : mort. (Nor- male : temp. rect. 39°; resp. 150; cœur 180.) Pendant l'injection, léger myosis. Cinq minutes après, resp. 184. Temp. rect. 40°; affaissement léger. Une heure après, temp. rect., 40°; au contraire, refroidissement et cyanose très apparents des oreilles et du museau; diarrhée. Trois heures après, temp, rect., 40,2; refroidissement périphérique intense ; lapin immobile, en boule, les poils hérissés; diarrhée; affaissement. Douze heures après. lapin complètement refroidi, poils hérissés, ternes, æ TOXICITÉ DES HUMEURS CHOLÉRIQUES. 513 le regard morne, ne répond guère aux excitations, demeure immobile et se tient mal sur ses pattes. Temp. rect.. 36°. Vingt-deux heures après, temp. rect., 359,2. Anurie. Vingt-huit heures après, temp. rect., 330,4; roulé en boule, glacé, les oreilles et le museau livides; respiration très difficile ; diarrhée, affaissement complet. Il meurt en asphyxie bientôt après, avec quelques mouvements con- vulsifs. Autopsie immédiate, rigidité cadavérique intense, cyanose; à l’ouverture de l’abdomen, pas de liquide dans le péritoine; intestin grêle très conges tionné rempli de matières diarrhéiques; muqueuse légèrement dépolie; le” gros intleslin est moins vivement congestionné que l’iléon et contient d’abon- dantes matières liquides. Foie parsemé de taches jaunâtres ; reins fortement congestionnés; la vessie contient 2 à 3 c. c. d’un liquide sanguinolent ; poumons congestionnés, cœur droit dilaté et rempli de caiïllots. EXPERIENCE IV. — Un lapin, du poids de 1,700 grammes, reçoit dans la veine marginale 9 c. c. de sérum du sang d’un malade saigné en pleine période algocyanique d’un choléra très grave, soit 5 c. ec. par kil. : mort. (Normale : temp. rect., 382,8; resp., 155; cœur, 190). Cinq minutes après l'injection, cœur, 200; temp. rect., 3904. Dix minutes après, temp.rect., 39%; cœur, 120; respir. accélérée; myosis léger; refroidissement prononcé des oreilles ; état parétique du train pos- térieur. Vingt minutes après, temp. rect., 38°,5, refroidissement périphérique très considérable, poils hérissés, regard morne, somnolence, prostration, oreilles glacées. Par moments, le lapin laisse tomber sa tête sur la table. Resp., 96, ralentie, difficile. Une heure après, temp. rect.,38°,4; refroid. périph. intense; cyanose du museau et des oreilles qui sont glacés; affaissement très grand. Deux heures après, lapin roulé en boule, hérissé, complètement froid ; il finit par tomber en résolution, étendu sur la table, avec une resp. très difficile ; temp., rect. 38°. Douze heures après, le lapin s'est remis sur ses pattes, appuyé à la paroi de sa cage, absolument glacé, le museau, les oreilles, les ongles cyanosés ; temp. rect., 33°; diarrhée abondante. Il meurt en attaques toniques et cloniques, quinze heures après l'injection. Aulopsie, enraidissement intense; cyanose. Intestin rempli de matières diarrhéiques, congestionné ; la congestion est plus prononcée au niveau de l'intestin grêle. Foie exsangue, parsemé de taches grisâtres ; poumons vivement congestionnés aux bases; reins très congestionnés; la vessie rétractée contient 2 c. ce. d'urine sanguinolente. ExPÉRIENCE V. — Un lapin du poids de 2,000 grammes reçoit dans la veine marginale 10 c. c. du sérum du sang d'un cholérique, saigné au début de la période algocyanique d’un choléra grave. (Mort avec 5 c. c. par kil. du poids du corps.) Normale : temp. rect., 37,5; resp., 150; cœur, 175. Trois minutes après l'injection, resp. très accélérée, cœur ralenti à 90; temp. rect., 39°; diarrhée. 33 LA LE ? 14 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR # Huil minutes après, temp. rect., 39,9 : resp., 120, difficile; cœur plus fréquent: somnolence, diarrhée très abondante. anurie. Quinze minutes après, temp. reêt., 380,8: refroidissement périphérique très prononcé au museau, aux oreilles, aux pattes; somnolence, affaissement ; resp., 120, difficile; cœur très fréquent, mais faible. Une heure après, temp. rect., 380,5; lapin roulé en boule, hérissé, glacé; prostration, parésie du train postérieur. Û Deux heures après, temp. rect., 37° ; resp. lrès difficile. Trois heures après. refroidissement périphérique intense: temp. rect.. 369,5. Dans les heures qui suivent, le lapin se refroidit de plus en plus. présente une cyanose très accentuée du museau, des oreilles, des ongles, et il meurt douze heures après l'injection. ñ A l'aulopsie on trouve les mêmes lésions que pour les précédents. EXPÉRIENCE VI. — Un lapin de 1,800 grammes reçoit dans la veine marginale 8,5 c. c. de sérum du sang d'un cholérique arrivé à une phuse avancée de la période algocyanique d'un choléra particulièrement grave. La saignée a été difficile à cause de l’épaississement du sang. Mort à 4.5 c.c. par kil. du poids du corps. (Normale : temp. rect., 39,5.) Deux minutes après l'injection, inquiétude, respiration fréquente, cœur « accéléré. Quinze minutes après, temp. rect., 39°,2: affaissement très prononcé au niveau du train postérieur. Vingt minutes après, temp. rect., 380,8: refroidissement des oreilles et du museau; affaissement, respiration très difficile. Quarante minutes apres, mouvements convulsifs cloniques violents ; mort. A l'aulopsie immédiate : rien dans le péritoine, intestin vivement congestionné. rempli de matières diarrhéiques, dilatation gazeuse du gros intestin. Heins très congestionnés, cœur droit rempli de sang liquide; poumons légèrement congestionnés, sans trace de coagulation dans les ValssSEAUX. Nous pourrions rapporter d’autres expériences, mais elles ne seraient ni plus explicites ni plus probantes que celles-ci. Plusieurs faits se déduisent immédiatement de la compa- raison de ces expériences avec celles qui se rapportent à l’injec- tion du sérum de sang normal. En premier lieu, et même en tenant compte d’un léger degré de concentration possible du liquide sanguin chez nos malades, le sérum du sang des cholé- riques présente un degré de toxicité très éleré. Tandis qu'il faut en moyenne 15 c. ec. de sérum normal pour tuer 1 kilogramme de lapin, il a suffi de 3,6; 4,5: 5,5 c. c. de sérum de cholérique par kilogramme pour entrainer la mort, etmême la mort à bref délai (exp. VI). À ces doses, le sérum normal n’est jamais toxique. L'expérience VI mise à part, la mort des animaux ayant TOXICITÉ DES HUMEURS CHOLÉRIQUES. 19 reçu du sérum du sang de cholériques est survenue au bout de 12 à 16 heures, pendant lesquelles on voit se développer le tableau le plus saisissant de l’'empoisonnement cholérique. Le lapin, au bout d’un temps variable, présentait quelques troubles du côté de la respiration et du cœur, un peu d'abatte- ment. Puis l’animal se roulait en boule, dans un coin, les poils hérissés, avec un refroidissement de plus en plus sensible à la périphérie. L’affaissement augmentait de plus en plus, le regard devenait morne; on observait de la somnolence, de la prostration, de la diarrhée, de la cyanose du museau, des oreilles, en même “temps que le refroidissement périphérique devenait extrême, la respiration ralentie et très difficile. Le lapin tombait en résolu- tion et mourait dans une attaque convulsive après avoir présenté une anurie complète. On trouvait, à l'autopsie, dans la vessie rétractée, à peine 2 à 3 ce. c. d’une urine rougeàtre; l'intestin dilaté présentait une congestion intense avec desquamation épithéliale, et contenait des matières diarrhéiques abon- dantes. Je passe rapidement sur chacun de ces phénomènes, mais Je dois insister sur les troubles de la calorification qui ont reproduit, chez l'animal, ce qui s’observe chez l’homme malade. Dans certains cas, les températures centrale et périphérique ont suivi une marche parallèle, et l'intoxication s’est marquée par un abais- sement très considérable et rapide des deux courbes (exp. VI). Mais fréquemment ce parallélisme n'existait pas : tandis que la température centrale s'élevait, la température périphérique s'abaissait de plus en plus. On pourrait penser que, chez nos animaux, l’hyperthermie centrale du début est due, en partie, à l’action des principes ther- mogènes contenus dans le sérum : nous avons vu qu’une élévation parfois considérable de température suit l'injection de doses non mortelles de sérum de l’homme sain (exp. I et I). Cette action hyperthermisante physiologique du sérum pourrait s'exercer avec le sang des cholériques, dans le temps que les poisons cholérigènes que ce dernier liquide renferme mettent à imprégner l'organisme. Ce qui nous permet de penser à une semblable interprétation, c'est que lorsqu'on est en présence d'une intoxication foudroyante d’un animal par un sérum de cholérique très toxique (exp. VI), Uhyperthermie du début man- normes dn de Mans 916 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. , que complètement, et une hypothermie primitive se marque à la fois dans le rectum et à la périphérie. Quoi qu'il en soit, les animaux présentent, dans tous les cas, au bout d’un temps variable, le même tableau symptomatique et meurent dans un état de prostration extrême, de résolution, avec une température qui peut tomber, dans le rectum, à 33°. Nous pouvons donc dire que nous avons obtenu, en injectant quelques centimètres cubes de sérum de cholériques dans les veines de lapins, le tableau d’une intoxication générale aussi remarquable que celui qui suit l'injection de hautes doses de toxines relirées des milieux de culture. La période d’incubation signalée par Petri, par Hüppe, dans leurs expériences, a existé chez nos animaux : sa durée a été en rapport avec le pouvoir toxique du sérum. En général, au bout de 20 à 40 minutes, les symptômes devenaient très apparents. Nous croyons pouvoir conclure de nos expériences que les humeurs des cholériques, urines et sang en particulier, peuvent être très toxiques el reproduisent chez l'animal les symptômes du choléra mortel le plus lypique. Le sérum du sang des cholériques gravement atteints contient une énorme quantité d'une substance dont les effets sont identiques à ceux que Petri, Pfeiffer, etc., ont obtenus à l'aide des toxines sécrétées par le B. virgule en milieu de culture artificielle. I semble bien, en dernière analyse, que les symptômes du choléra humain sont entièrement sous la dépendance d'une intoxication par des poisons qui, sécrétés dans l'intestin. ont pénétré dans le courant sanguin *. 1. On pourrait encore objecter à cette dernière conclusion que les effets pro- duits, chez les lapins, par les injections intraveineuses de sérum de cholériques ne sont pas dus au sérum lui-même, mais bien au développement dans le sang des animaux de rares bacilles qui pouvaient exister dans ce sérum. Cette inter- prétation ne peut être admise. La durée de l’incubation est, en effet, en rapport avec la toxicité du sérum et devient à peu près nulle dans le cas de sérum très toxique. Nous avons, en outre, constaté l'absence de bacilles dans le sérum retiré de la veine des cholériques; largement ensemencé sur divers milieux nutritifs, il n’a jamais douné lieu à un développement de cultures. SUR L'ABSORPTION DE L'ABRINE PAR LES MUQUEUSES Par ce Dr RÉPIN (Travail du Laboratoire de M. Roux). Au cours de ses recherches sur l’abrine et la ricine, M. Ehr- lich ‘ a constaté que ces poisons, dont l’activité, lorsqu'ils sont injectés sous la peau, est telle qu'il suffit de 1/10 de milli- gramme d'abrine pour tuer un cobaye en deux ou trois jours, doivent être donnés à doses environ cent fois plus élevées pour amener la mort, lorsqu'on les fait avaler aux animaux. L'inges- tion à doses moyennes, plusieurs fois répétées, constitue au contraire un excellent procédé d'immunisation. Je me suis proposé de rechercher la cause de ce fait intéres- sant. J'ai d'abord constaté que l’abrine est une substance qui dialyse fort mal. J'ai fait dissoudre 25 milligrammes d’abrine dans cinq grammes d’eau distillée, et j'ai versé cette solution dans le récipient d’un dialyseur où elle atteignail une hauteur de deux millimètres; le vase extérieur de l'appareil contenait 60 grammes d’eau dislillée. Au bout de quarante-huit heures, toute l’eau du vase extérieur, ramenée à 15 €. c. par évaporation dans le vide, a été injectée sous la peau d’un cobaye du poids de 600 grammes. Le lendemain, le poids de l'animal est tombé à 550 grammes, le surlendemain à 540, en même temps que deux larges eschares se formaient aux deux points d'injection. Cepen- dant l'animal se rétablit. L’abrine dialyse donc, mais très faiblement, puisque, dans cette expérience, la quantité qui a franchi, en quarante-huit heures et dans des conditions favora- bles, la membrane du dialyseur, n’égalait pas la deux cent cinquantième partie du poids total. La toxicité de l’abrine pour les animaux peut être éprouvée par deux méthodes distinctes : par l'injection sous-cutanée ou 4. Deutsche med. Wochenschr., A891, D18 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. ‘ intraveineuse et par l'instillation sur la conjonctive. On sait en effet que la macération de jéquirity, à un degré de concentration suffisant, possède la propriété de déterminer une conjonctivite intense, qui peut entraîner l’opacification et même la nécrose de la cornée. Tous les expérimentateurs qui se sont occupés de l’abrine ont signalé le fait que la sensibilité du cobaye à l'égard de cette substance est soumise à des variations individuelles très étendues; il n’est pas rare, par exemple, de trouver des animaux résisiant à une dose double de la dose mortelle moyenne. Le lapin, relativement plus sensible, l’est aussi plus régulièrement; linstillation dans la conjonctive de cet animal surtout permet de reconnaître la présence de très petites quantités d'abrine, à la condition qu’elles soient diluées dans une faible quantité de liquide. Plutôt que d’avoir recours à l’abrine en nature, dont la toxicité est assez variable suivant le mode de préparation, je me suis servi pour mes expériences de la macération de jéquirity, qu'il est facile de préparer extemporanément de manière à lavoir toujours fraîche et exempte de toute altération. J'ai adopté la proportion de une graïne pour un centimètre cube d’eau, en ayant soin. d'opérer chaque fois sur un nombre de graines suffisant pour neutraliser les différences de poids indivi- duelles. Les graines, débarrassées de leur épisperme, étaient broyées finement et mises à macérer pendant douze heures au minimum. Deux gouttes de cette macération suffisent pour tuer sûrement un cobaye en 24 heures: à la dose de une et même de une demi-goutte, elle le tue dans un délai de deux à quatre Jours, et généralement un quart de goutte amène encore la mort de l’animal au bout de huit à dix jours, après avoir produit un amaisrissement considérable. J'ai constaté que la toxine est répartie dans toutes les parties de la graine et qu’elle n’est pas détruite par la germination. On la retrouve dans les cotylédons lorsque ces organes ont pris une belle teinte verte par suite du développement de la chlorophylle, et même plus tard lorsqu'ils sont complètement flétris et atro- phiés. Elle n'existe ni dans les feuilles, ni dans la tige, ni dans la racine de la jeune plante. Mes expériences ont porté sur l’absorption de l’abrine par le tube digestif et sur l'absorption par la muqueuse conjonctivale, Cal [2 ABSORPTION DE L’ABRINE PAR LES MUQUEUSES. SN A bsorptiôn par le tube digestif. — L'innocuité relative de l'abrine ingérée peut tenir à diverses causes : la substance peut être détruite par l'action des liquides digestifs, par celle des microbes qui habitent l'intestin: elle peut aussi être modifiée au passage par les éléments cellulaires de la muqueuse intestinale, ou bien encore par le foie; elle peut enfin n'être absorbée qu'en très faible proportion. Dans une première série d'expériences, j'ai étudié l’action des liquides digestifs sur l’abrine, soit in vitro, soit dans l'intestin, Les liquides expérimentés ont été la salive, le suc gastrique, le suc pancréatique, la bile, le suc intestinal. Je me suis procuré le suc gastrique et le suc intestinal en raclant la muqueuse de l'estomac ou de la première portion de l'intestin grêle d'animaux récemment tués (lapins, cobayes, chiens, moutons), et en faisant macérer cette muqueuse dans un peu d'eau. Le liquide obtenu par expression était additionné de la macération de jéquirity dans une proportion qui ne dépassait pas un dixième, et placé à l’étuve pendant 24 heures. La salive était soit de la salive humaine fraîchement excrétée, soit de la salive obtenue par macération de la glande sous-maxillaire ou de la parotide du chien, finement hachées. Le suc pancréatique à été également préparé de cette manière. Dans ces différentes expériences, il est essentiel de tenir grand compte de la réaction acide que peuvent prendre certains des liquides en question, notamment la salive, après quelques heures d'exposition à l'air. L'abrine est, en effet, altérée par l’ad- dition d’une simple trace d’un acide minéral ou organique : la solution prend immédiatement une coloration verdâtre, et son pouvoir toxique diminue considérablement. On sait que MM. Roux et Yersin ont observé un fait semblable pourlatoxine diphtérique. Cette cause d'erreur ayant été éliminée par l'emploi d’am- poules fermées, nous n'avons pu constater, dans les conditions décrites plus haut, aucune modification de la toxine nettement appréciable par l’observalion de son action sur les animaux. Le pouvoir toxique de l'abrine n’a été ni aboli ni sensiblement diminué par l’action des liquides digestifs in vitro; l’action locale sur la conjonctive n’a présenté que l’atténuation correspondante au degré de dilution de la toxine. Ce résultat a été confirmé par les expérienges faites sur Le 920 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tube digestif même de l’animal mort ou vivant. On sait que les cellules épithéliales de l’intestin conservent leur activité physiolo- gique pendant quatre heures au moins après la mort de l'animal. Ayant prélevé la première partie de l'intestin grêle d’un mouton au moment de la mort, je l'ai lavé au moyen d'un courant d’eau tiède et, après l’avoir divisé, par des ligatures. en plusieurs tronçons, j'ai injecté dans chacune de ces enclaves quelques centimètres cubes de la macéralion de jéquirity additionnée de dix fois son volume d’eau; puisle tout a été mis à l’étuve pendant un temps qui a varié de 4 à 24 heures. Constamment le diquide repris dans l'intestin possédait une toxicité en rapport avec sa teneur en abrine. Aucune modification, en remplaçant l’eau par une solution de peptone, capable de donner lieu à une digestion. Ayant laparotomisé des cobayes et des lapins, j'avais injecté la solution dans une enclave de l'estomac à vide et dans une enclave de l'intestin grèle entre deux ligatures. L'animal était encore vivant au bout de 24 heures. Il était sacrifié alors et j'injectais à des cobayes le liquide retrouvé dans l’enclave. Ce liquide, ramené au volume primitif, était toujours sensiblement aussi toxique. Déjà, après ces expériences, 1l était peu probable que les microbes du tube digestif exerçassent une action destructive marquée sur l’abrine. J'ai voulu, néanmoins, vérifier le fait par une expérience spéciale. J'ai ensemencé 2 c. c. de bouillon additionné de deux gouttes de la macération, avec le contenu de l'intestin grêle d’un lapin. Après 48 heures de séjour à l'étuve à 37° et une abondante culture, le liquide était encore mortel à la dose de 1 centimètre cube pour le cobaye. Pour compléter les expériences qui viennent d'être rapportées, j'ai cherché s’il était possible de retrouver dans les excréments l’abrine ingérée. J’ai fait avaler à un cobaye cinquante gouttes, puis le lendemain encore cent gouttes de la macération de jéquirity. Le troisième jour, ayant recueilli ses excréments, j'en ai déposé une parcelle sur la conjonctive d’un autre cobaye et sur celle d’un lapin : ces deux animaux ont présenté une conjonc- tivite typique. Les expériences qui précèdent ne permettent certainement pas d'affirmer que l’abrine n’est à aucun degré altérée ou détruite dans son passage à travers le tube digestif; comme je l'ai dit, ABSORPTION DE L’ABRINE PAR LES MUQUEUSES. 521 l'expérimentation surles animaux ne se prête pas à des recherches quantitatives précises. Mais il est certain, d’une part, qu'aucun des liquides digestifs ne possède de propriété destructive spécifique à l'égard de labrine. et, d'autre part, que cette substance reste pré- sente dans l’intestin pendant un lemps relativement long et en quantité considérable, sans causer la mort de l'animal. Il faut donc, ou bien qu'elle ne soit absorbée qu'en très faible propoa- tion, ou bien, si elle est absorbée d’une manière active, qu’elle soit détruite avant de parvenir dans la circulation générale. Cette destruction pourrait être l’œuvre, soit de la muqueuse intestinale, soit du foie. Pour contrôler la première de ces deux hypothèses, j'ai maintenu pendant plusieurs heures, à 370, une macéralion très étendue de jéquirity en présence de fragments finement hachés de la muqueuse stomacale et de la muqueuse de l'intestin grêle d'animaux récemment sacrifiés : je n'ai pu déceler aucune altération de La toxine. J'ai aussi répété les expériences consistant à enfermer une solution d’abrine dans un segment de l'intestin d'un animal vivant, en ÿ ajoutant de l'eau chloroformée, dans la pensée que le chloroforme pourrait peut-être suspendre l'intervention des cellules : le résultat a été négalif. Différents expérimentateurs ont attribué au foie une double action sur les poisons : les uns l’ont considéré comme arrêtant au passage les poisons charriés par le sang de la veine porte, les autres lui ont reconnu, vis-à-vis des poisons microbiens spécialement, une action antitoxique qui se manifeste lorsque l’on met ces poisons en présence de la substance hépatique réduite en bouillie. J’ai répété cette dernière expérience avec la macération de jéquirity; la toxine n’a pas été détruite. J’ai aussi injecté à des cobayes et à des lapins, dans un tronc des veines mésaraïques, une goutte de la même solution diluée dans 5 €. c. d’eau ; l'injection était poussée avec une extrême lenteuret faite en plusieurs fois. Les animaux sont morts dans l’espace de 24 heures environ, plus tôt que les témoins qui avaient reçu la mème dose dans une veine de l'oreille. A l’autopsie, j'ai trouvé les lésions caractéristiques de l’empoisonnement par l’abrine; le ventricule droit distendu par des caillots noirs, des suffusions hémorrhagiques de la muqueuse gastrique et intestinale. F6, AE , Gi % * + L 322 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR: à Absorption par la muqueuse conjonctivale. — Les instillations d’abrine dans la conjonctive, même copiéuses et renouvelées, n’amènent pas d'intoxication générale. [l est donc certain que la muqueuse conjonctivale n’absorbe pas l’abrinecommeelle absorbe les poisons cristallisables, tels que l’atropine. Elle se-comporte en cela de la même manière que la muqueuse du tube digestif. Ilétait donc intéressant de rechercher quelles seraient les consé- quences, au point de vue de l’absorption de l’abrine, de l’éner- vation de la eonjonclive, qui peut être réalisée facilement, comme on sait, par la section de la branche ophtalmique du trijameau. Bellarminoff' a montré qu'après cette section, la conjonctive cesse d’onposer aucune résistance active au passage des substances solubles. Par exemple, pour la fluorescéine, dont Bellarminoff s’est servi dans ses expériences, le coefficient d'absorption devient de 250 à 270 fois plus grand qu'à l’état normal. Après avoir sectionné la branche ophtalmique dans le crâne, par le procédé de CI. Bernard, chez des lapins et chez des cobayes, et constaté, plusieurs jours après l'opération, que la sensibilité de la conjonctive était définitivement abolie, j'ai fait des instillations d’abrine en ayant soin de maintenir les animaux immobiles pendant une ou deux heures, afin de prolonger le contact de la solution avec la muqueuse. La conjonctivite s’est développée comme d'habitude, mais les animaux n’ont pas présenté d'intoxication. Il semble donc démontré que l’imper- méabilité de la conjonctive pour l’abrine n'est pas sous la dépendance d’une propriété vitale de la muqueuse. C’est un phénomène d'ordre purement physique : l’abrine est arrêtée par la conjonctive comme elle le serait par toute autre membrane, même inerte, parce que c'est une substance qui dialyse mal. Il n’y a aucune raison de supposer qu'il en soit autrement pour la muqueuse digestive et d'attribuer à cette muqueuse la propriété de détruire, d’atténuer ou de modifier l’abrine d’une façon quelconque. Si l’abrine ingérée se montre très peu toxique, c’est qu'elle n’est absorbée qu’en très petite proportion; si les animaux acquièrent facilement l’immunité par cette méthode. c’est que la diffusion lente et continue de la toxine réalise en effet les conditions les plus favorables à l’immunisation. Au surplus, les accidents d'intoxication qui nt Pi à partir 1, Centralbl. f. med. Wiss., 1893; MT ad ABSORPTION DE L'ABRINE PAR LES MUQUEUSES. 323 d'une certaine dose, montrent que la quantité de substance qui traverse la muqueuse n’a point perdu son caractère toxique. L'abrinen’estpas la seule toxine qui se montre inoffensive lors- * qu’elle est donnée par la voie intestinale. Semblable constatation avait été faite antérieurement par MM. Roux et Yersin‘ pour la toxine diphtérique ; M. Calmette * a trouvé que le venin de ser- pent est également sans effet lorsqu'il est ingéré ou injecté dans le rectum. D’après M. Sanarelli, la toxine typhique introduite dans l'intestin produirait une immunisation locale dela muqueuse. J'ai reproduit avec la toxine diphtérique et le venin de cobra la plupart des expériences rapportées plus haut. Aucun des liquides digestifs ne possède vis-à-vis de ces toxines une action destructive marquée, soit in vitro, soit dans l'intestin. A la vérité, je n'ai pu retrouver la toxine diphtérique dans les excréments d'un lapin qui en avait avalé 10 c. c., ni le venin de cobra dans ceux d’un cobaye à qui i ‘en avais donné une solution contenant 20 milligrammes de venin sec, mais j'ai pu constater que ces substances, déposées dans un tronçon de l'intestin, entre deux ligatures chez les animaux vivants, s'y retrouvent encore en forte proportion après douze heures. Leur destruction, dans tous les cas, n’est donc pas assez rapide pour expliquer leur iunocuité. Comme ces substances, ainsi que MM. Roux et Yersin l'ont montré pour la toxine diphtérique et M. Calmette pour les venins, ne traversent que très difficilement la membrane du dialvseur, il est logique d'admettre que c’est à cette propriété sur- tout, sinon exclusivement, qu’elles doiventde n’être pas toxiques lorsqu'elles sont ingérées par la voie intestinale. 4. Roux et VeRrsiN. Deuxième mémoire sur la diphtérie. Annales de lfnstilut Pasteur, 1889, 2. Cazmerre. Etude expérimentale du venin de naja tripudians ou cobra capel. Annales de l'Institut Pasteur, 1892. LE ie 5 7er CNT BEN VACCINATIONS ANTIRABIQUES A L'INSTITUT PASTEUR EN 199 Par HENRI POTTEVIN Pendant l’année 1894, 1.392 personnes ont subi le traite- ment antirabique à l'Institut Pasteur : 12 sont mortes de la rage; chez 5 d’entre elles, les premiers symptômes rabiques se sont manifestés moins de quinze jours après la dernière inoculation. Elles doivent donc être distraites et du nombre des morts malgré le traitement subi, et du nombre des personnes traitées. Nous avons donc : Personnes traitées... .. 1,387 MONS TEL RARE EN UE il MORALE OP E PET AA 0.50 Dans le tableau suivant, ces chiffres ont été rapprochés de ceux fournis par les statistiques des années précédentes. Années. Personnes traitées. Morts, Mortalité 0/0. 1886 2, 67/1 F2) 0.94 1887 4.770 44 0.79 1888 1.692 9 0,55 1589 1.530 7 0.38 1890 1.540 D) 0.32 1591 1,509 4 0.25 1892 1,790 4 0.22 1893 1.648 6 0.36 1894 1.387 7l 0,50 Trois personnes ont été prises de rage au cours des inocula- tions; le traitement dans ces cas n'ayant pas été complet, nous ne pouvons les compter au nombre des cas traités. Il Les personnes traitées à l'Institut Pasteur sont divisées en trois catégories correspondant aux tableaux suivants : 4 + VACCINATIONS ANTIRABIQUES EN 1894. 529 Tableau A. — La rage de l’animal mordeur a été expérimen- talement constatée par le développement de la rage chez des animaux mordus par lui ou inoculés avec son bulbe. Tableau B. — La rage de l'animal mordeur à été constatée par examen vétérinaire. Tableau C. — L'animal mordeur est suspect de rage. Nous donnons ci-dessous les résultats détaillés pour 1894. Morsures à la tête, Morsures aux mains. Morsures aux membres. Totaux. a — TT EE Re — Traités Morts Mortalité Traités Morts Mortalité Traités Morts Mortalité Traités Morts Mortalité Tableau A 2200) Ü 000 0 78 I 1293 166 1 0.60 Tableau B- 86 4 116 424 À 0/23, 978 2 072 798 :% 050 Tableau C Ut) Dee 1900 OMS OT DE OE 493 9 (0,47 Motards CHU OL TC 60 AN UMA MES SU 01880 WASTE 7 000 Le tableau suivant contient les résultals acquis depuis l’ori- gine des vaccinations : Traités. Morts. Mortalité 0/0. Morsures à la têtes. .,...,.... 1.347 17 .26 Morsures aux mains......... SIDE 46 0.76 Morsures aux membres....... 5.748 16 0.28 Totaux + 43.817 73 0,50 III Au point de vue de leur nationalité, les 1,387 personnes traitées en 1894 se répartissent de la façon suivante : nPIELELTENS Eee 128 Hollande” tek... 2 belgique et cute 16 Indes anglaises......... 19 Heypiem. Lace I RUSSIe. AL PE CAR ESP l HSpaene nn Pr 26 lurquieiss 14082: 7 GECCE PR nn 26 Soit 226 étrangers et 1,161 Francais. Nous donnons ci-après la répartition par départements des 1,161 Français. Le tableau contient, en outre, Le nombre total des malades envoyés à l’Institut Pasteur par chaque département pendant les cinq dernières années. DÉPARTEMENTS Aléerk piemeteinte. ATUeCRe ARTE AE ANEVLDN LEA. ete Bouches-du-Rhône . HalvadnsE eee (CERN de TR OCINER RES Dordogne r 27.20 Doubs. 224 DrOMEN ACER UE ete eee ele Garonne (Haule-).... HORS AT CATONTE AVR RE AS Porto, de SON 1894 LS a —= OR de DONS NN © CHI en = …— = D © 1e Lo — ee Ji Cie in re AUS ONE NOR Marne (Haute-)...... Mayenrief” nn Meurthe-et-Moselle .…. Meuses em Cr Morbihan. ste Pas-de-Calais :.,.:.. Puy-de-Dôme ....... Pyrénées (Basses-)... Pyrénées (Hautes-).. Pyrénées-Orientales … Rhin (Haut-)........ Rhônem ess ee Saône (Haute-)...... Saône-et-Loire,..... SATLheREs Ce HEC SAVOIR ANT NE REA Savoie (Haute-)..... Dee: AS Me Pate Seine-et-Marne. ..... Seine-et-Oise........ Seine-Inférieure ..... SENLES DEUX) MERE SOMMES NN DANIEL ETAPE Tarn-et-Garonne .... LUNISIE NN Vaucluse ere Vendée Re #00 VIENNE TE ER Vienne (Haute-)..... Vosges mers ets Yonne tr 4e "al ‘ $ ch OL 11 " ss 526 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. D — _— rer LE D 19 & & Re . er CS OLÈÜERROSO Lg ee = | CE » * u » L . La ; è . STATISTIQUE? h - 327, ARET | - 2 , - , ; À INSTITUT PASTEUR D "4 . Personne morte de la rage avant la fin du traitement. LL + À STEWART, JOHNSON, 48 ans, de Glasgow, mordu le 8 mars, traité à l’Institut Pasteur depuis le 11 mars. Le 23 mars, Stewart, au sortir d’un bain chaud, monta sur l’impériale d’un omnibus et prit froid : le lendemain, il dut rester alité; les accidents rabiformes se montrèrent quelques jours après; il mourut le 1° avril. La morsure,unique mais profonde,siégait au tiers inférieur de la _ face antérieure de lavant-bras. Le chien mordeur avait été reconnu enragé à l’autopsie par un vétérinaire de Londres. ” '. s 4 ‘ + * L. n « 528 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. INSTITUT PASTEUR STATISTIQUE DU TRAITEMENT PRÉVENTIF DE LA RAGE JANVIER, FÉVRIER ET MARS 1895 A B | c ù pal | TE Morsures «à la tête ( simples... . »| 1} 2 |” 8) »| 4j et à la figure MUITIPIES ESP) EAN » [15\ 23|, D 3 Cautérisalions efficuces + «MN ) DE NES OUT ln ee — MES NCUCES OP EN RE Alt dr Se ARE | » Pas de cautérisation. . . . . . . .".".. Il à DE EIRE RS TON > : ; SMNDIES 1-0 » ; » |63) » [24 Morsures aux mains multiples … | | no (12 à 681131 $ 21146 Cautérisations efficaces. - LL. NN »[ » | » 2)» | » »| » | » — ineffica COS PS Er 41 » | » 56! » »y |928| » » Pas de cautérisation. . . . . . . . SIL TS | »y 118] » | » Morsures aux mem- simples... »| 4. 9 | » |28; 64 | ” 18/47 bres et au tronc multiples... .| »| 5 | » 136. »|29\ CauténisSaons efACACEs DEEE. enr lé rs | » »[» |» — inefficaces . . PAS 42!» l°» 132)» 010 PASSE ICOULEMS QUO ER RER ONE SION MIMOONS »y MS» | » Habils déchirés DE PRIS oi CM et SOS 91 » » 60! » » A45| » » MONSUTES IA EEENNTNE LE TR ES ARN »| » | » 4| » » 21 Morsures multiples en divers points du ) D » COUPS ET PCR FERRER ETC 21241106 |» MES RIM6 IIS CauterisahOnS Cf NCUCES EN EN CE AE RE 5 CE PS | LA LS — ine Ïf ficac CE SEE »[ » » ) » » {| » » Püs de cailérisatton "Len. OR RE ETUI LES »y | 4l» Hubits déchirés Meteo flo Mobistar yUe ll» » » » » »| » » MON SUNES OANNUr- Er CR El irie | »1 » | » | 6 | » » 2! » ln» | Français et Algériens. .| |15 180) 81; SERRES Etrangers 1.1.7" lr118 23] PE 17198 A B C MOTAIGENERAL RE RU CE CU 345 QU L Les animaux mordeurs ont été : Ane, 1 fois ; chats, 15 fois ; chiens, 329 fois. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire et Cie. Li D # : 9me ANNEE JUILLET 1895 NO: 7. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR * GANGRÈNE GAZEUSE PRODUITE PAR LE VIBRION SEPTIQUE Par M. MENEREUL Je crois devoir faire l'histoire rapide d’un cas de gangrène gazeuse, ayant son point de départ dans une ulcération intes- tinale, localisée à la face interne de la cuisse gauche du malade, et ayant abouti à une mort rapide. L’autopsie et les inoculations positives ont permis, comme on va le voir, d'y retrouver le vibrion septique de M. Pasteur. Le nommé H... (Jean-Marie), âgé de 35 ans, est entré à l’Asile des aliénés * de Quimper en 1890, atteint de manie chronique. Depuis l’époque de son internement, sa santé physique a été assez bonne; cependant il était sujet au dévoiement, et il a eu une attaque de choléra en novembre 1892. Le 17 octobre 1893, il entre à l’infirmerie avec fièvre, anorexie, diarrhée et légère oppression. A l'examen, on trouve du gargouillement dans la fosse iliaque droite, pas de météorisme; langue sèche et rouge; il n'a pas eu d’épistaxis. Pas de maux de tête ni de vomissements. À l’auscultation, on trouve un peu de congestion pulmonaire, plus manifeste à droite. J'apprends par un gardien que, deux jours auparavant, le malade, étant sorti un moment de la cour, a bu une certaine quantité du liquide qui s’écoulait d’un fumier. Le 18, pas de changement dans son état : la température est de 38° le matin, 380,5 le soir. Le 19, vers 11 heures du matin, on remarque à la face interne de la cuisse gauche une petite tache noirâtre ressemblant assez à une ecchymose. A ce niveau on ne peut découvrir aucune écorchure. Le malade ne peut donner aucun renseignement. Une heure après, cette tache s’est beaucoup étalée; la cuisse est œdématiée à sa face interne. — Le malade tombe brusquement dans le coma et meurt à midi 1/2. Au moment de l’autopsie, faite une demi-heure après la mort, la tache de la cuisse mesure 25 centimètres de long sur 23 de 34 530 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. large; la cuisse est œdématiée; on sent à la pression une fine crépilation gazeuse. Cetemphysème s'étend du genou à l’arcade de Falloppe: il est plus prononcé à la face interne, mais ou le retrouve aussi en dehors. La sérosité aspirée avec une pipette est un liquide rouge foncé, ressemblant au premier abord à du sang. Dans l’examen des organes, on relève de la congestion dans la dure-mère et dans la pie-mère, qui est adhérente à la substance cérébrale, avec nombreux corpuscules de Pacchioni. La sub- stance blanche présente un léger piqueté hémorragique. Un peu de congestion à la base du poumon. Le foie, la rate sont con- gestionnés. La muqueuse intestinale est aussi congestionnée par places : en plus, elle présente, dans l’iléon et surtout au niveau de la valvule iléo-cœcale, plusieurs grosses ulcérations, taillées à pie, avec fond noirâtre, entourées de capillaires dilâtés. Sur la face péritonéale de l'intestin, on trouve quelques petites granulations miliaires. Disons tout de suite que l’examen histologique montre une infiltration embryonnaire intense, une grande quantité de cellules géantes, des cellules épithélioïdes, et témoigne de la destruction des éléments anatomiques de l'intestin. Disons aussi que, par la méthode de Gram, on trouve des bacilles tuberculeux, à formes courtes, dans les tissus. Examen bactériologique. — Dans la sérosité recueillie au niveau de la plaque noirätre de la cuisse, on voit de longues bactéries isolées ou en courtes chaînes, gardant le Gram. Le sang du cœur contient aussi quelques bactéries qui paraissent de même espèce, mais sont plus courtes. L'ensemencement des deux liquides sur gélatine reste sans résultat. On dilue cette sérosité dans un peu d’eau, et on inocule quelques gouttes du mélange dans le péritoine d’un cobaye A, et dans le tissu cellulaire sous- cutané, à la naissance de la cuisse gauche (face externe), d'un second cobaye B. Le cobaye À meurt dans la nuit. Abdomen distendu; crépi- tations gazeuses; péritonite intense; sérosité sanguinolente ; fausses pe périhépatiques; congestion nérale des organes. La sérosité contient, à l’état de cultures pures, de longues formes du vibrion septique de Pasteur. Le sang du cœur ren- ferme des formes en bactéries. GRANGRÈNE SEPTIQUE. 531 Le cobaye B meurt le lendemain 19, à 10 heures du matin. Toute la cuisse inoculée est œdématiée, noirâtre, et on y sent nettement la crépitation. A l’autopsie, qui a été différée de 24 heures pour permettre aux vibrions de se généraliser, on trouve que la gangrène a envahi tout le côté gauche du corps (côté inoculé). La sérosité et le sang du cœur contiennent des vibrions. La sérosité de la cuisse de H... contenait donc du vibrion septique. Le jour mème de sa mort, on avait inoculé dans le péritoine d’un cobaye C le produit du grattage de la face profonde d'une ulcération intestinale. Le cobaye C meurt le len- demain avec les mêmes lésions que le cobaye A. Même résultat pour un cobaye D inoculé, dans le péritoine, avec le sang du cœur de H..., mis à l’étuve pendant 24 heures ; et pour un cobaye E inoculé de la même façon avec la sérosité pulmonaire, ayant subi aussi 24 heures d’étuve. Le malade a donc succombé à la septicémie, dont les germes ont été apportés dans l'intestin, avec une abondance exception- nelle, par le jus de fumier. Ces germes existent fréquemment dans l'intestin, comme on le sait, mais ils ne réussissent pas d'ordinaire à franchir cette barrière. Peut-être les ulcérations que portait le malade leur ont-elles ouvert la porte. Je me suis demandé si, en atfaiblissant artificiellement la résistance intes- ünale, on ne pourrait pas favoriser leur pénétration. Pour le savoir, je fais avaler, à l’aide d’une sonde œsopha- gienne, à deux lapins A et B, à 10 heures du matin, le 24 octobre, > grammes d’eau-de-vie allemande, et à 3 heures de l'après-midi, 10 grammes de la même eau-de-vie. Une heure après, on fait ingérer par l'œsophage, aulapin B et à un témoin C, 5 gouttes de sérosité septique délayées dans de l’eau. Le 25 octobre, A et B ont de la diarrhée, se tiennent mal sur leurs jambes et ne mangent pas, C se porte bien. Les lapins A et B se remettent assez vite, mais, le 29, À meurt avec congestion de l'intestin, de la muqueuse qui porte de petites ulcérations et un peu de péritonite. On trouve des vibrions dans la sérosité péritonéale et dans le sang du cœur. Les ulcérations de l’estomac, examinées dans la suite, montrent des formes courtes du vibrion, qui ont pénétré dans la sous-muqueuse et même entre les faisceaux musculaires. On recommence cette expérience le 18 février, avec la sérosité D32 ANNALES DE L'INSTITUT" PASTEUR. A péritonéale d'un cobaye F, mort de septicémie à la suite d'une inoculation intrapéritonéale d’une culture en bouillon, ensemen- ‘ cée avec la sérosité de la cuisse de H..., conservée en ampoules closes depuis le jour de l’autopsie. Ce qui a fait cette fois réussir la culture, c’est qu’on l’a faite à l'abri de l’air. Cette culture tue un cobaye en quelques heures, par inoculation intra-péritonéale. Deux lapins D et Erecoivent donc, par voie æœsophagienne, le 18 février, à 11 heures du matin, 15 grammes, et le 49, à 10 heures du matin, 5 grammes d'eau-de-vie allemande. Le mème jour, à 5 heures, on fait avaler 5 gouttes de sérosité du cobaye F, au lapin D et à un témoin F. Le lapin D meurt le 22 février au matin. À l’autopsie, on trouve dans le péritoine 20 à 25 c. c. de liquide séro-sangui- nolent qui ne contient pas de vibrions. La surface externe de l'estomac est ecchymosée; à l’intérieur, la muqueuse paraît des- quamée par places. — Au niveau de la partie postérieure de la grande courbure, large ulcération à fond noirâtre (ecchymose). L'intestin est congestionné, mais sans ulcérations. Tout le tube digestif, estomac et intestin, est rempli d’un liquide séreux très sanguinolent, qui est une culture pure de vibrion septique. Le lapin E, tué le 23 février, ne présente aucune lésion notable de l'intestin. Une desquamation ou une lésion intesti- nale peut donc permettre la généralisation du vibrion septique. On peut aussi y arriver par d’autres voies, comme le montre l'expérience suivante : Le lapin G recoit par l’æœsophage, en 2 fois, le 18 avril, 25 grammes d’eau-de-vie allemande, puis, quelques heures après, un demi-centimètre cube de sérosité péritonéale septique d’un cobaye. Le lendemain on lui fait un traumatisme de la jambe gauche. Il meurt 48 heures après, avec un léger emphysème au niveau de la contusion. La sérosité du péritoine contient des vibrions. On en trouve aussi dans le sang du cœur et la sérosité de la cuisse. L’estomac est dilaté, congestionné extérieurement. A l'intérieur, on trouve des ulcérations. Les deux parois, interne et externe, sont décollées, et réunies par un tissu sanguinolent et œdémaiié. s SUR LA TOXINE CHARBONNEUSE Par LOUIS MARMIER Ancien élève de l'Ecole normale supérieure, Boursier du Conseil général de la Seine à l'Institut Pasteur. Depuis que MM. Roux et Chamberland ' ont montré, d'une facon rigoureuse, que le sang des animaux charbonneux, soi- gneusement privé de tout organisme vivant, peut donner une immunité passagère à des moutons neufs, de nombreux essais ont été faits pour retirer du sang charbonneux cette substance immunisante. Mais ils n'ont encore abouti qu'à des résultats contradictoires et incertains. MM. Hankin”, Brieger et Fraenkel*, Sidney Martin *, Lando Landi*, J. de Christmas‘, Petermann ’, Hankin et Wesbrook*, qui se sont successivement occupés de ce sujet, ne sont d'accord ni sur la nature de la substance immu- nisante, ni sur les conditions de culture qui la fournissent en plus grande quantité. Des moyens d'extraction en apparence semblables ont abouti entre les mains d’expérimentateurs différents à des substances de propriétés fort diverses. Cela n’a rien d'étonnant si l’on remarque que le procédé de pré- paration de cette toxine repose sur un phénomène de coagu- lation au sein d'une masse liquide. Or, l’on sait combien ces 1. Roux er CaamBerLAND, Annales Institut Pasteur, 11, 1888, p. 405. 2. HaxxiN, On immunity produced by an Albumose isolated from Anthrax cultures. (British medical Journal, 12 octobre 1889, p. 810.) — In., On the conflict between the organism and the microbe. (Britishimedical Journal, 12 juillet 4890.) 3. BRIEGER ET FRAENKEL, Untersuchungen]uber Bacteriengifte. (Berl. klin. Wochens., 1890, n°11 et 12, p. 241 et 268.) 4. Sipxey Marrix, The chemical products of the growth of Bacillus anthracis and their physiological action. (Proceedings of the Royal society, 22 mai 1890, p. 78.) 5. Laxno Lan, Sur les substances toxiques produites par la bactéridie char- bonneuse. (Comptes rendus Société biologie, 1891, p. 632.) 6. J. pe Carisrmas, Sur les substances microbicides du sérum et des organes d'animaux à sang chaud. (Annales Institut Pasteur, NV, 25 août 1891, p. #87.) 7. PerErmanN, Recherches sur l'immunité contre le charbon au moyen des albumoses extraites des cultures. (Annales Institut Pasteur, 1892, VI, p. 32.) __ 8. E. Haxxix er F. Wessrook, Sur les albumoses et les toxalbumines sécrétées par le bacille charbonneux. (Annales Institut Pasteur, NT, p. 633-650.) D34 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. phénomènes de coagulation sont mal connus et présentent unhaut degré de contingence, se trouvant changés par l'intervention de causes très petites, dont on n’aurait pas pu & priori soupçonner l'importance. Telles sont : de faibles variations dela température, de très minimes différences dans la nature et dans la proportion des sels minéraux contenus dans la liqueur, dans le degré d’acidité ou d’alcalinité, etc. Il s'ensuit qu'un même expérimentateur, opérant avec des liquides qu’il croit identiques, peut ne pas toujours obtenir les mêmes résultats. En outre, dans le cas particulier d’une toxine microbienne, comme la toxine charbonneuse, s'ajoutent au phé- nomène d’autres raisons de complexité, résultant du développe- ment du microbe. Le milieu, la température à laquelle a été faite la culture, le temps pendant lequel elle a été abandonnée à elle- mème ‘sont des facteurs que l’on ne saurait négliger. On s’explique donc bien que tous les observateurs n'aient pas eu les mêmes résultats; mais il n’en est pas moins vrai que l’on peut encore se poser la question suivante : existe-t-il, dans les cultures de la bactéridie charbonneuse, une toxine à laquelle on puisse attri- buer quelques-uns des symptômes de la maladie, et jouant un rôle dans l’évolution de la maladie elle-même? A ce sujet, le der- nier travail cité, celui de MM. Hankin et Wesbrook aboutit à une conclusion singulière, en désaccord avec ce qu'on croit savoir pour d’autres maladies infectieuses : les animaux réfractaires au charbon sont les plus sensibles à la toxine du microbe qui produit la maladie; et inversement cette substance n'est aucu- nement un poison pour les animaux sensibles au charbon. De plus, d’après ces savants, en inoculant à ur animal une dose extrêmement faible de cette toxine, on obtiendrait une immunité immédiate contre le charbon. Les recherches faites sur d’autres toxines microbiennes n'ont pas jusqu’à présent conduit à des résultats analdgues. Les ani- maux sensibles aux maladies microbiennes ne sont pas en général réfractaires aux toxines produites par les microbes dans les milieux de culture. Sous ce rapport la bactéridie donnerait nais- sance à un produit n'ayant aucune analogie avec les autres pro- duits similaires. Il en serait de même pour la question de À. L. PEerpaix, Sur la transformation des matières azotées dans les cultures de bactéridie charbonneuse. (Annales Institul Pasteur, 1, 1888, p. 354.) SUR LA TOXINE CHARBONNEUSE. 939 l’immunisation. Quand ônù accoutume en effet peu à peu les animaux aux autres toxines microbiennes, on arrive à leur conférer l’immunité contre la maladie produite par les micro- bes; mais cette immunité, contrairement à celle donnée par les virus atténués, est longue et pénible à acquérir, et le plus souvent dure peu. La façon dont agirait la toxine charbon- neuse, d’après les recherches de M. Hankin, ressemblerait plus au mode d’action des antitoxines que des toxines elles- mêmes. Aussi était-il peut-être indiqué d'entreprendre de nouvelles expériences pour rechercher s’il ne serait pas possible, dans cer- taines conditions, d'extraire des cultures de la bactéridie char- bonneuse un corps ayant quelque analogie avec les toxines produites par d’autres microbes. C’est ce que j'ai tenté en culti- vant la bactéridie dans divers milieux et en comparant les propriétés toxiques ou immunisantes du milieu avant et après la culture. Dans ce travail, j'indiquerai d’abord la préparation du milieu de culture qui m’a permis de recueillir une substance toxique produite par la bactéridie charbonneuse, puis le mode d'isolement de ce produit. Je donnerai ensuite quelques-unes des réactions chimiques du corps ainsi obtenu, les effets physiologiques de son inoculation aux lapins el à diverses espèces animales; les différences que l’on observe dans ces effets suivant les condi- tions de production de la toxine ; les altérations que subit cette substance sous l’influence de certains agents physiques ou chi- miques; des essais d’immunisation des animaux contre la maladie microbienne au moyen de la toxine. J’exposerai ensuite les divers résultats que m'ont donnés d’autres milieux de culture au point de vue de la production de ce corps. Je chercherai enfin à quoi peut être due l’apparition de cette toxine dans les condi- tions où je l’ai obtenue. | Ces recherches ont été faites à l’Institut Pasteur sous la direction de M. le D'E. Roux. Que mon excellent maïître me permette de lui exprimer ici ma profonde reconnaissance pour les bienveïllants conseils qu’il n’a cessé de me prodiguer pendant l'exécution de ce travail. 536 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. CULTURE SUR PEPTONE Dans leur mémoire sur la toxine charbonneuse, MM. Hankin et Wesbrook ont retiré leur toxalbumose de cultures dans un milieu de peptone pure, préparée par un procédé long et pénible. Il m'a semblé plus simple de chercher à isoler de la peptone du commerce la peptone qu'elle peut contenir et qui s’y trouve mélangée à des quantités variables d’albumoses. Pour isoler ces albumoses de la peptone, je me suis servi du sulfate d’ammoniaque. Pour me débarrasser ensuite de ce sel, j'ai employé deux procédés différents. 1er procédé. — Une certaine quantité de peptone commerciale ayant été dissoute dans l’eau, j'ajoute à la solution du sulfate d'ammoniaque en quantité telle que la liqueur en soit certaine- ment saturée à 100°. Je fais bouillir et je filtre après quelque temps d’ébullition. Les albumoses se coagulent et le liquide filtré ne contient plus de matière précipitable par le sulfate d'ammo- niaque. On soumet ce liquide à la dialyse dans un courant d’eau pendant une quarantaine d'heures. J'obtiens ainsi une liqueur contenant assez peu de sulfate d'ammoniaque pour qu'il n'entrave pas le développement de la bactéridie. La solution de peptone ainsi préparée élait alcalinisée avec du carbonate de soude, étendue d'eau, ou concentrée par la chaleur, de façon à contenir environ 3 pour cent de peptone, répartie dans des ballons, et stérilisée à 1450. Ce milieu ainsi préparé n’est pas toxique pour les animaux; il n’a pas non plus de propriétés immunisantes. Les ballons, une fois stérilisés, ont été ensemencés avec du sang provenant d’un lapin mort du charbon en moins de trente heures. 2e procédé. — La dialyse a l'inconvénient de laisser perdre une grande quantité de peptone. De plus, il est très difficile d'éliminer complètement le sulfate d’ammoniaque de la solution. J'ai évité ces inconvénients en ajoutant à la liqueur la quantité d’hydrate de baryte nécessaire pour précipiter tout l'acide sulfurique qu’elle contient en combinaison. La réaction est facilitée et l’'ammoniaque chassée en portant le tout pendant plusieurs heures à une température voisine de l’ébullition. Le liquide est alors séparé du précipité de sulfate de baryte. Je le porte quelque temps à l’ébullition et j'y fais passer en même SUR LA TOXINE CHARBONNEUSE. 937 temps d’abord un courant d’air de façon à en éliminer l’ammo- niaque, puis uu courant d'acide carbonique destiné à précipiter la baryte qui peut avoir été mise en excès. Une fois toute la baryte précipitée, je filtre. J'obtiens ainsi une solution contenant toute la peptone qui se trouvait dans l’échantillon employé, et débarrassée de sulfate d'ammoniaque. La peptone commerciale, dont je me suis servi finalement, contenait 32,7 pour cent de cette peptone purifiée (séchée à 120°) avec 0,3 de cendres ‘. Avec la solution de peptone ainsi préparée, je fais le milieu suivant : DEN RE AN ER M CES AE LEE VAS 1.000 grammes. REDIONELA A SRE M EN AR To HARAS à 40 — SORA NE 2e RUE PRÉ ce cime Siooie 15% ÉDOSphate deSOUUe Per Cr AC ee Ogr,5 PROS DATE DOIASSE PRET ere Ogr,2 Glycémne DRM EPP ES en 40 grammes. La liqueur est filtrée, répartie dans des ballons Pasteur de 250 c. c., et finalement stérilisée à 1100. Ce milieu ainsi préparé n’est pas toxique pour les animaux, et je ne lui ai pas trouvé non plus de propriétés immunisantes contre le charbon. Les ballons ont été ensemencés avec du charbon virulent. La virulence du bacille dont je me suis servi avait été exaltée par une série de passages de lapin à lapin. Un tiers de c. ce. d’une culture en bouillon âgée de 24 heures, inoculé sous la peau d'un lapin, tuait dans la majorité des cas cet animal en moins de 30 heures. J'ai ainsi fait des cultures à diverses températures ; mais le mode d'extraction de ia toxine sèche ayant été toujours le même, quelles que soient les conditions extérieures de la cullure, je l’indiquerai d’abord une fois pour toutes. Mode d'extraction de la toxine sèche. — Une fois la culture de charbon suffisamment développée dans le milieu de peptone, le liquide était filtré et saturé de sulfate d’ammoniaque à la tempé- rature ordinaire. [Il se produit un précipité plus ou moins abon- dant suivant les cultures. Je laisse la coagulation se faire pendant une quinzaine d'heures, puis le liquide est filtré. Je lave le pré- 1. La peptone commerciale de cet essai était de la peptone spongieuse fournie par la maison Chassaing, de Paris. 538 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cipité laissé sur le filtre avec une solution saturée de sulfate d’äimmoniaque. 1e méthode. — Pour la suite des opérations, tant que j'ai em- ployé le premier procédé ci-dessus pour la préparation du milieu de culture, j'ai dissous dans l’eau le précipité resté sur le filtre ; éliminé autant que possible le sulfate d’ammoniaque dans un courant d’eau pendant une quinzaine d'heures. Le liquide du dialyseur était ensuite concentré dans le vide en présence de l'acide sulfurique, puis précipité par l'alcool fort. Le précipité était lavé à l’alcool absolu, puis séché. 2° méthode. — Quand le milieu de culture a été préparé par le deuxième procédé, j'ai séparé la plus grande partie du sulfate d’ammoniaque du précipité resté sur le filtre, en le traitant par de la glycérine en quantité aussi faible que possible. Après deux jours de contact, le liquide glycérique était décanté, puis je remettais un peu de glycérine pour laver les corps non dissous et je décantais de nouveau. Il se dissout bien ainsi un peu de sulfate d’ammoniaque, mais en quantité minime: et les doses qu'on en inoculerait ainsi aux animaux ne sont nullement toxiques par eiles-mêmes. On peut d’ailleurs diminuer encore cette quantité de sulfate en mettant la solution de glycérine pendant quelque temps dans un dialyseur. Ceci fait, la liqueur est mise au contact de 4 fois son volume d'alcool fort. Le pré- cipité ainsi obtenu est filtré, lavé à l’alcool absolu, puis à l’éther, et enfin desséché dans le vide. On peut recommencer plusieurs fois cette suite d'opérations en redissolvant le précipité dans un peu de glycérine. Cultures à 36°. — A cette température, la bactéridie pousse assez bien dans la solution de peptone. La culture y est aban- donnée à elle-même pendant une dizaine de jours, puis elle sert à l'extraction de la toxine sèche. J’ai finalement une poudre grisätre, assez soluble dans l’eau ; la solution aqueuse est neutre aux réactifs colorés. La solubilité dans l’eau de cette substance est beaucoup diminuée, si, lors de sa préparation, ce corps n’a pas été bien desséché par l'alcool, puis lavé à l’éther. On a alors une matière cornée assez adhérente au filtre et très peu soluble dans l’eau. Qu'elle soit préparée par la première ou la seconde méthode, SUR LA TOXINE CHARBONNEUSE. 539 4 la solution aqueuse de cette substance pulvérulénte, inoculée à des lapins, s’est montrée toxique à des doses supérieures à 80 milligramimes par kilogramme d'animal. Mais, en l’employant, je n’ai pas pu réussir à immuniser, complètement, des animaux contre le charbon. En faisant la culture dans des ballons Fernbach, j'ai obtenu des cultures plus abondantes. Celles-ci, traitées de la même manière au bout de 6 jours, donnaient une poudre d’aspect extérieur semblable à celui de l’autre substance, mais qui n’était pas toxique. Dans ce même milieu de culture, j'ai aussi fait pousser à cette température de la bactéridie asporogène préparée par la méthode de M. le D'E. Roux ‘, rendue très virulente par des passages successifs de lapin à lapin. Les ballons de culture étaient ense- mencés avec le sang d’un animal que cette bactéridie venait de tuer en une trentaine d'heures. La culture de la variété aspo- rogène se fait également assez bien dans ce milieu et à cette température de 36°. On retire de ces cultures un corps ayant des propriétés semblables à celles de la substance fournie par les cultures du charbon à spores. A cette température, la culture de la bactéridie, dans ce milieu, donne donc un produit ayant des propriétés Loxiques. Cette Loxicilé n'est toutefois pas bien grande, et les résullats que + j'ai obtenus ainsi ne m'ont pas semblé suffisamment nets. Cultures à 20°. — Les ballons, étant remplis au tiers de leur volume avec la solution de peptone, sont ensemencés de la même façon avec du sang d’un lapin mort du charbon en moins de trente heures. Puis ils sont mis pendant deux jours à l’étuve à 36° pour hâter le début du développement de la cuiture. Après ce temps, ils sont porlés dans une étuve dont la température est voisine de 20°. À cette température, la bactéridie pousse très lentement dans ce milieu, les cultures y sont toujours grèles, d'aspect chélif. Avec la bactéridie asporogène, les cultures y sont encore moins abondantes qu'avec le charbon à spores. Étant donné ce peu de rapidité du développement, j'aban- donnais la culture à elle-même environ quinze jours à cette 1.E. Roux, Bactéridie charbonneuse asporogène.(Annales Institut Pasteur, t.IV, 1890, p. 25.) D40 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. température. Puis le liquide de culture filtré était traité pour en extraire la toxine sèche. ” Finalement, on retire ainsi une substance amorphe pulvéru- lente, de couleur brun’ foncé. Elle renferme encore une petite quantité de sulfate d’ammo- niaque, mais les expériences que j'ai faites sur les animaux avec des quantités plus grandes de ce sel m'ont montré que la PrÉAUS de ce sulfate ne pouvait pas changer les résultats. Le sulfate d'ammoniaque étant mis à part, cette poudre ne laisse par caleination qu'une quantité de cendres insignifiante. correspondant à moins de 0,2 pour cent. Ainsi que cela à été fait pour des corps d’origine analogue, et pour ne rien préjuger sur la nature chimique de ce produit, je lui donnerai dans la suite de ce travail le nom de toxine, nom qui est en rapport avec ses propriétés physiologiques, comme on le verra ultérieurement. Cette toxine, bien desséchée par les opérations qui terminent sa préparation, est soluble dans l’eau. Elle est également soluble dans l’eau phéniquée à 1 0/0. Elle est insoluble dans le chlo- roforme. Sa solution aqueuse est neutre aux réactifs colorés. Elle ne présente aucune des réactions des matières albumi- noïdes, peptones, propeptones, alcaloïdes. Ce corps n’exerce aucune action saccharifiante sur l’empois d’amidon et le gly- cogène. [l'est sans action sur les solutions sucrées. Il ne liquéfie pas la gélatine. Par conséquent jusqu'ici nous nous trouvons en présence d’une substance qui ne possède aucune des propriétés chimiques que peuvent présenter les produits microbiens ana- logues. Mais les animaux auxquels on l’inocule réagissent, et à ce point de vue cette toxine agit comme les corps similaires. ACTION DE LA TOXINE SUR LES ANIMAUX . Ces expériences ont porté en grande partie sur des lapins. La toxine était dissoute dans de l’eau stérilisée et injectée sous la peau du dos de ces animaux. Pour une même dose de toxine, les réactions de l’animal n'ont pas loujours :a même intensité, certains lapins semblant être, à cet égard, plus résistants que d’autres. ' SUR ELA TOXINE CHARBONNEUSE. 41 Outre ces différences, dues aux animaux, il en existe d’autres tenant à la provenance de ia toxine employée : elles se mani- festent surtout dans les doses nécessaires pour amener la mort des animaux et aussi dans la rapidité avec laquelle survient cette mort pour une dose donnée. Mais les phénomènes produits étant semblables avec ces toxines d'espèces différentes, je n'en ferai qu’une seule descrip- tion. Je signalerai ultérieurement les différences d'activité de ces diverses toxines. L’inoculation de la toxine est généralement suivie d’une élé- vation de la température. Cette élévation n’est pas immédiate, elle ne commence guère à se manifester que quatre heures après l'inoculation. Elle est elle-même précédée d’un abaissement qui a atteint quelquefois près d’un degré. À ce moment, ni la respiration, ni le rythme cardiaque ne semblent altérés. Même en injectant des quantités de toxine égales à 100 milli- grammes par kilogramme d'animal, le sang du lapin reste coa- gulable. Les prises de sang ont été faites : 20 minutes, 40 minutes, { heure, 2 heures, 4 heures après l’inoculation de la toxine. Tou- jours il s’est formé un caillot et cela dans le temps normal. Le plus souvent, c’est le lendemain de l'inoculation qu'on a une élévation notable de la température. Cette élévation peut dépasser un degré et demi. La courbe des températures présente alors des oscillations assez grandes qui persistent jusqu'à la mort de l’animal quand celui-ei succombe. La mort se produit avec un abaissement considérable de la température, que j'ai vu tomber jusqu’à 8° au-dessous de la température normale de l’animal. Quand au contraire l’animal se rétablit, à la suite de l’injec- tion d’une dose trop minime de toxine, les oscillations de la courbe des températures vont en s’atténuant peu à peu. En même temps que ces phénomènes se manifestent du côté de la température, l’animal a ordinairement de la diarrhée. L’amaigrissement ne fait jamais défaut. L'animal se cachectise, et peu à peu, quand il survit une dizaine de jours à l’inoculation de la toxine, il peut arriver à perdre plus d’un tiers de son poids. Dans les derniers moments, outre le grand abaissement de la température, on chserve de la paraplégie. Lelapin semble être 042 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. , insensible à la douleur, du moins pour les membres postérieurs. La cage thoracique est animée de mouvements inspiratoires très notables ; 1l y a en outre par moments des spasmes des membres. Cet état peut, dans quelques cas, se prolonger plus de vingt-quatre heures. Bien que la respiration semble devenir peu à peu moins pénible, l'animal reste couché sur le flanc et peut à peine se soule- ver sur ses membres antérieurs. La pupille est dilatée et les paupières ne se ferment plus quand on touche la cornée. Le choc cardiaque devient de moins en moins distinct, le rythme du cœur est altéré. Puis la respiration ne se fait plus qu’à des inter- valles de plus en plus éloignés. Des contractions spasmodiques se produisent dans beaucoup de muscles; la tête se renverse en arrière, le tronc se met en opisthotonos, les membres sont en extension, les narines dilatées, et le lapin meurt en poussant plusieurs cris aigus. | Ces phénomènes sont ceux que l’on a dans la mort par infec- tion charbonneuse ; ils me semblent être identiques à ceux qu'on observe dans la mort par asphyxie. A l’autopsie, le foie ne paraît pas augmenté de volnme, la rate est petite, de couleur normale. La pulpe de rate, de foie, le sang du cœur étalés sur des lamelles et colorés soit au bleu de méthylène, soit par la méthode de Gram ne montrent pas de microbes. Les ensemencements faits avec ces pulpes et ce sang dans du bouillon et sur de la gélose nutritive ne donnent aucune culture. M. Roger ! a dosé le glycogène du foie des animaux succom- bant au charbon. La conclusion de ses recherches est que le glycogène a totalement disparu du foie de ces animaux. En sacri- fiant des lapins charbonneux un peu avant la mort et faisant le dosage du glycogène par la méthode de Landwehr *, je n’ai pas eu des résultats aussi nets. La quantité de glycogène a été nulle ou à peu près dans plusieurs cas, mais dans d’autres elle a été de 2, 5 et jusqu'à 60 milligrammes dans un cas. Il y a donc ou disparition ou diminution considérable du glycogène dans le foie des animaux charbonneux. : Par ce même procédé de Landwehr, j'ai également dosé, au moment de la mort, le glycogène contenu dans le foie de 1. Rocer, Archives de physiol. t. XXVI, 1894. 2. Lanpwenr, Zeïéschr. f. phys. Ghemie, VIII, p. 167. SUR LA TOXINE CHARBONNEUSE. 043 lapins succombant en moins de six jours à l’inoculation de la toxine. Les quantités trouvées ont été nulles ou à peu près dans quelques cas; dans la majorité des lapins intoxiqués, elles ont varié de 10 à 20 milligrammes pour s'élever une fois jusqu'à 15 milligrammes. Bien que ces nombres soient semblables à ceux que j'ai trouvés dans les mêmes conditions chez des lapins mourant du charbon, je ne tire, bien entendu, aucune conclu- sion sur l'identité possible des deux phénomènes. Tant de causes peuvent influencer la fonction glycogénique du foie qu'une telle induction serait peu justifiée. La quantité de sucre contenue dans le sang, évaluée en suivant la méthode indiquée par Claude Bernard, a varié chez ces animaux intoxiqués de 05,86 à 1<",8 par litre de sang. Je n'ai jamais trouvé d’albumine dans les urines. La mort chez les animaux survient plus ou moins longtemps après l’inoculation de la toxine. Cette survie plus ou moins grande dépend de la quantité de substance inoculée. Malheu- reusement, des quantités égales n’amènent pas chez tous des phénomènes identiques, et cela que l'égalité des doses ait lieu d’une façon absolue ou soit rapportée au kilogramme d'animal. Tous ne réagissent pas de la mème façon, et tel animal meurt en 2 jours à la suite de l’inoculation d’une dose de 30 milligrammes, alors que d’autres résistent à des doses de 120 milligrammes *. Mais, étant donné un animal, on peut toujours arriver à {rouver une dose de toxine pour le tuer, et cette dose n’a jamais dépassé 200 milligrammes de toxine, préparée par la première méthode, dans les expériences que j'ai faites. Ona là, chez les lapins, pour la toxine, des différences de sensibilité suivant les individus, analogues à celles que l’on a pour le microbe qui sécrète cette substance. Comme exemple des réactions du côté de la température et du poids, je citerai d’abord l'expérience suivante, où l’animal a survécu 19 jours à l’inoculation de la toxine. 1. CLaune BEerxarD, Lecons sur le diabète el la glycogénie animale. Paris, J.-B. Baiïllière, 1877, p. 198 à 205. 2. Voir plus loin, tableau II, page 051. D Oo PO NE D44 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Expérience 1. — Lapin de 1,810 grammes. Température 390,2. On lui inocule sous la peau 45 milligrammes de toxine, soit 25 milligrammes par kilogramme. 4 heure après l’inoculation........... 390 | 2 — — 38 09 3 — — 390 { ID | 4 — — 390 4 + D — , — 390 6 6 — — 3905 T — — 390 8 or — 39o 9 -{ 21 heures après l’inoculation........... 44° 1 2e jour. UP ET are ù à 27 — — (diarrhée)... 40°1 30 — BE lo éte Srore 40° 8 3e jour matin #106 soir 400 2 poids 1,600 4e jour matin 380 4 soir 4001 je jour matin 3908 soir 390 poids 1.450 6e jour matin 390 9 7e jour matin 4003 soir 400 2 poids 41,500 8e jour matin 390 2 soir 400 1 9e jour matin 4102 soir 4003 10e jour matin 400 6 soir 3905 poids 1,440 11e jour matin 3907 soir 4002 12e jour matin 3906 soir 4009 poids 1,300 13e jour matin 3909 soir 3902 14 jour matin 3907 soir 400 15e"jour matin 4106 soir 4101 poids 1,360 16e jour matin 400 soir 4102 17e jour matin 4009 soir 3907 poids 1,190 18e jour matin 3901 3h. 3702 >h. 3401 19e jour matin 3109 poids 1,000 Le lapin meurt ce 19e jour. ‘ L'autopsie montre une rate petite, de couleur normale. Le foie n’est pas augmenté de volume. Il n’y a pas d’épanchement dans la plèvre ni dans le péricarde. Le sang du cœur, étendu sur des lamelles, ne montre pas de microbe ni par les colorations ni par les ensemencements. — Dans l'expérience suivante, la mort est survenue en quatre jours; la température n’a été élevée que le lendemain de l’ino- culation. Expérience IL. -— Lapin de 1,620 gr. Température avant l’inoculation 390,9. er SUR LA TOXINE CHARBONNEUSE. D 45 On lui injecte sous la peau du dos 100 milligrammes de toxine, soit 61 milligrammes par kilogramme. | { heure après l'inoculation............ 390 8 Ler jour... ag } Cor D — —— 400 É = — 400 1 Et te — _ 200 5 2e Jour... 20 D # a 3e Jour. matin 3997 soir 398 poids 1,440 4 jour. matin 35° 4 Ce lapin meurt le 4e jour après l’inoculation. Au moment de la mort. le foie est plongé dans l’eau bouillante, légèrement alcaline, pour chercher la quantité de glycogène qu'il peut contenir. Je trouve un poids de glyco- gène égal à 27amilligrammes dans le foie de ce lapin. L'estomac était encore rempli d'aliments. La rate était petite, de couleur normale, et les tubes de gélose et de bouillon, ensemencés avec la pulpe de cette rate, sont restés stériles. La vessie était remplie d'urine, qui ne contenait ni sucre ni albumine. Je citerai enfin l'expérience suivante où l’animal a résisté à l’inoculation d’une première dose de toxine. Expérience IL. — Lapin de 1,920 grammes; température initiale 390,6, Ce lapin reçoit 96 milligrammes de toxine, soit 50 milligrarames par kilo- gramme. 15 heures après l'inoculation........... 40° 4 Lerjour…… ne - 40° 1 (ee _ 40° 2e jour matin 396 soir 3907 3e jour matin 39°9 soir 398 . poids 1,920 4 jour matin 4001 soir 40° 3 ÿe jour matin 39°8 soir 40°5 poids 4,815 6e jour matin 39°6 7e jour matin 40° 2 soir 40° poids 1,765 8e jour matin 40° 1 soir 39° 9 9e jour matin 398 soir 4004 poids 1,690 10e jour matin 39°6 soir 3909 11e jour matin 39° 7 poids 1,780 12e jour matin 39° 6° 13e jour matin 395 poids 1,870 Les jours suivants, la température continue à rester stationnaire et le poids à augmenter graduellement. 3) En LA HER à | CR RER CE ur, à L2 TS TES bai c e L é . “ J # 046 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Lorsque l'animal à résisté à l’inoculation d’une première #4 dose de toxine, l’inoculation d’une nouvelle dose produit des phénomènes de même ordre que ceux produits par la première. Leur intensité dépend de la quantité de toxine donnée cette seconde fois, elle dépend aussi du temps écoulé entre les deux inoculations. Voici par exemple la suite de l'expérience précé- dente : Expérience III (suite). — Deux mois après l’inoculation de la première dose de toxine, le lapin reçoit une nouvelle dose égale à la première. Avant l’inoculation, sa température était de 390,7, son poids était de 2,410 grammes. , 6 heures après l’inoculation 40°2 AVrOUL. 2: 32 — > 409 poids 2,40 2 jour matin 400 5 soir 40°3 ï 3e jour matin 4001 soir 40° 7 poids 2,030 4 jour matin 40°5 soir 3907 de jour matin 40°4 soir 40° poids 1,970 6e jour matin 40°1 soir 395 , 7e jour matin 398 soir 40° 1 poids 1,940 8e jour matin 39°9 9% jour matin 3907 poids 2,110 10e jour matin 39°8 poids 2,190 Le lapin continue à se rétablir les jours suivants. Dans l'expérience précédente, où il s’est écoulé un temps . assez long entre les deux inoculations, les réactions de l’animal ont été très marquées surtout du côté du poids, ce lapin ayant perdu près de 1/5 de son poids. On a de même des élévations de température et des pertes de poids analogues à celles de l’expérience précédente en donnant une nouvelle dose de toxine de beaucoup supérieure à la première, dès que l’animal est rétabli des suites de l’inocu- lation antérieure. , Tel est le cas de l'expérience : Expérience IV. — Lapin de 1,970 grammes, température 390,3. Inoculé avec 728,9 de toxine, soit 4 milligrammes par kilogramme. j 6 heures après l’inoculation 40° | 8 — — 40° 4 er jour malin 409 soir 40° 4 2e jour matin 40° soir 3907 poids 1,750 F1 SUR LA TOXINE CHARBONNEUSE. DAT 3e jour matin 40° 2 soir 3909 4 jour malin 39°9 soir 39° 4 poids 1,710 de jour matin 40°7 soir 399 6e jour matin 396 soir 400 poids 4,690 1e jour matin 395 soir 3903 8e jour matin 394 poids 1,820 Le soir de ce 8 jour, le lapin est inoculé de nouveau avec 30 milli- grammes de la même toxine, soit 16 milligrammes par kilogramme. 9e jour matin 40°5 soir 40°7 10e jour matin 41°4 soir 40°2 11e jour matin 40°5 soir 395 poids 1,640 12e jour matin 40° 7 soir 39° 2 13e jour matin 40° soir 393 poids 1,530 14 jour matin 39°9 soir 39° 1 15e jour matin 38°6 poids 1,360 Le lapin meurt le 15e jour en présentant les symptômes décrits précé- demment. Les milieux nutritifs ensemencés avec le sang, la pulpe de rate ne donnent pas de cultures. Le foie ne contenait pas de glycogène. — Si le temps écoulé entre le moment où l’animal commence à se rétablir et la seconde inoculation n’est pas trop considé- rable, si de plus la seconde dose de toxine n’est pas beaucoup supérieure à la première, les réactions sont moindres. D’après mes expériences, pour être à peu près certain que le lapin résis- tera à une seconde inoculation, il faut réunir plusieurs condi- tions : si l'animal a eu de la diarrhée, celle-ci doit avoir cessé depuis deux jours; le poids de l’animal doit être dans une période d'augmentation et pas trop inférieur à celui du début de l'expérience; la température doit être revenue à la température normale, et la nouvelle dose de toxine ne doit pas dépasser les 5/3 de la première quantité inoculée. C'est ce qui s’est passé dans l'expérience : Expérience V. — Lapin 1,880 grammes, température 39,9. Reçoit 381,7 de toxine. Soit 2 milligrammes par kilog. { 16 heures après l'inoculation 395 1e ]0ur 0. Ne ARS : 390 9 2e jour matin 40° 2 soir 40°1 poids 1,750 3e jour matin 40°1 soir 398 4e jour matin 39°8 soir 399 poids 1,770 5e jour malin 39°9 6e jour matin 40° poids 4,840 548 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le 6e jour inoculé 6 milligrammes de toxine. 7e jour matin 39°8 soir 40° 5 8e jour matin 40° soir 40° 4 poids 1,690 9e jour matin 39°9 soir 40° 3 10e jour matin #01 soir 398 poids 1,630 Ile jour matin 39°9 soir 40° 12e jour matin 39°8 poids 1,780 {3e jour matin 39°9 poids 1,850 L'inoculation de 10 milligrammes de toxine, le 14 jour. est suivie d'une élévation de température de 5 dixièmes de degré, le poids descend de nou- veau à 4,730 grammes le 16° jour, et remonte à 1.840 grammes le 1S° jour. Le 20° jour, ce même lapin reçoit 20 milligrammes de toxine. Cette inoculation élève la température de 9 dixièmes de degré, le poids tombe à 1,600 grammes le 25° jour, pour remonter à 1,660 grammes le 27° jour et à 1,820 grammes le 30° jour. ‘ Le 31° jour, l’inoculation de 30 milligrammes de toxine donne le lende- main une température de 40°,3 ; le 33° jour, le lapin pèse 1,780, et le 35° jour son poids est de 1,870 grammes. * On voit ainsi que les animaux peuvent acquérir pour la toxine, donnée à des intervalles de temps suffisamment éloignés, une certaine accoutumance. Celle-ci disparaît d’ailleurs peu à peu. Les expériences que j'ai faites à ce sujet ne sont pas assez concluantes pour que je puisse indiquer d'une façon précise le temps pendant lequel elle persiste. Maïs, toutefois, il m'a semblé que chez des lapins amenés peu à peu à recevoir 60 milli- grammes de toxine par kilog., cette accoutumance avait disparu ou au moins était très atténuée cinq à six semaines après l'ino- culation de la dernière dose de toxine. J'ai dit plus haut que, étant douné un animal qui a résisté à une première inoculation de toxine, on peut loujours trouver une dose suffisante pour le tuer. D’après ce qui précède, il est néces- saire, pour éviter d'employer à cet effet une dose trop grande, d'attendre un temps assez long entre les deux inoculations. Une quantité minime de toxine, 1 milligramme par exemple ou encore 2? milligrammes comme dans l'expérience V, n'amène pas de grandes variations dans la température, ni des pertes de poids bien considérables. Mais, en répétant quotidiennement l'inoculation de cette faible dose, on arrive à obtenir des réactions plus considérables, analogues à celles données par des quantités plus élevées de toxine. Dans le cas de ces inoculations quoti- SUR LA TOXINE CHARBONNEUSE. 49 diennes d’une dose faiblement active, il y a, non accoutumance, mais, en quelque sorte, superposilion des effets. Enfin, l’inoculation quotidienne de doses inférieures à 1/2 mil- ligramme ne produit presque aucune réaction de la part de l'animal. COMPARAISON DES ACTIVITÉS DE DIFFÉRENTES TOXINES PRÉPARÉES k DANS CE MILIEU Ainsi que je l'ai déjà dit, l’activité de la toxine retirée d’une culture de charbon n’est pas fixe. Elle dépend probablement d’un grand nombre de facteurs tels que : la température, la virulence du bacille employé pour la culture, la composition du milieu de culture, etc. Le mode opératoire que j'ai indiqué sous le titre de deuxième procédé est celui qui m'a donné à la fois, pour un certain volume d'un milieu de culture à 4 0/0 de peptone, le plus grand poids de toxine (déduction faite du poids des cendres et du sulfate d’ammoniaque) et en mème temps la toxine la plus active. De plus, les résultats de l’inoculation aux animaux de la substance ainsi préparée m'ont semblé plus constants. En suivant le premier procédé, on retire des cultures de charbon une toxine produisant bien sur les animaux les phéno- mènes décrits. Mais, le degré d’activité du produit ainsi obtenu est notablement inférieur à celui de la toxine préparée en employant la seconde méthode. Pour montrer les différences résultant de ce chef et aussi du fait de la variété de la bactéridie employée, je résumerai mes expériences dans les trois tableaux suivants. Les diverses toxines employées ont toutes été préparées en ensemençant dans les milieux de culture du charbon virulent‘. et les cultures ont été faites dans les conditions de température indiquées. Il ne s’agit ici que des cultures à 20°. Le poids de la toxine inscrit dans ces tableaux est celui obtenu en déduisant du poids brutinoculé le poids des cendres etle poids de sulfate d'ammoniaque contenus dans la quantité de l’échan- tillon de toxine employé. Toutes les expériences auxquelles se rapportent les chiffres de ces tableaux ont été faites sur des lapins. 4. Voir page 556, 550 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Les animaux qui ont résisté à la dose de toxine inoculée sont marqués d'un astérisque. » TABLEAU I Milieu de culture et toxine préparés suivant le premier pro- cédé. Milieu ensemencé avec du charbon à spores. ‘ « » DOSE PAR KILOG.| DOSE TOTALE DURÉE DE LA SURVIE en milligr. en milligr. 19 jours. (Expérience L.) résiste. 10 jours ete demi. résiste. 1 jour et demi. résiste. résiste. résiste. résiste. 15 jours et demi. 12 jours et demi. résiste. (Expérience IL.) résiste. résiste. 7 jours. 10 jours. résiste. 5 Jours. 14 jours. 2 jours et demi. 4 jours et demi. Les lapins qui ont été inoculés avec des doses inférieures à 25 milli- grammes par kilogramme ont résisté. MHZ + \ SUR LA TOXINE CHARBONNEUSE. 554 TABLEAU II : Milieu de culture et toxine préparés suivant le premier pro- cédé. Milieu ensemencé avec du charbon asporogène. DOSE PAR KILOG. | DOSE TOTALE DURÉE DE LA SURVIE en milligr. en milligr. 20 30 2 jours. *20 32 résiste. 20 33 16 jours et demi. *20 36 résiste. 20 37 10 jours et demi. *24 50 résiste. *30 42 résiste. 30 49 4 jours. *30 j1 résiste. 30 58 9 jours. a 40 D4 > jours et demi. *40 69 résiste. 40 71 3 jours et demi, 30 72 3 jours. *50 74 résiste. 50 90 D Jours. *60 97 résiste. 60 104 14 jours et demi. 60 107 7 jours. 60 109 4 jours. 61 100 4 jours. (Expérience IL.) 70 109 7 jours. #70 123 résiste. 70. 134 10 jours. 70 435 2 jours et demi. Les animaux ont résisté à des doses inférieures à 20 milligrammes par kilog. y. SG 19 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. TABLEAU III Milieu de culture et toxine préparés suivant le deuxième procédé. Milieu ensemencé avec de la bactéridie asporogène. DOSE PAR KILOG. DOSE TOTALE DURÉE DE LA SURVIE en milligr. en milligr. AS ne a USA IE +3 9,1 - résiste. 3 D,3 4 jours et demi. 3 9,7 12 jours. 3 D,9 6 jours. 7 3,8 D,9 10 jours. RE eu || 4 6 Î{ jour et demi. 4 6,6 11 jours. 4 6,9 2 jours et demi. 4 1.3 3 jours. *4 129 résiste. (Expérience IV.) 8 12 4 jours. +8 15,4 résiste. 10 18,4 > jours. —————————————_—_—_—— De CE 2 —— — 20 33,8 18 heures. 20 36,2 jours et demi. 30 43,9 22 heures. sn PS ne RE ES ER EPA 40 S4 24 heures. Les lapins qui ont été inoculés avec des doses inférieures à 3 milli- grammes par kilogramme ont résisté. A ——_—_._…—_…… "LÀ | | La comparaison des tableaux I et IL montre que le même milieu de peptone donne à 20° une toxine un peu plus active quand on l’a ensemencé avec de la bactéridie asporogène, au lieu dela bactéridie à spores. Il résulte des tableaux II et LI que la toxine provenant des cultures de la bactéridie asporogène est beaucoup plus active, si l’on emploie le second procédé pour la préparation du milieu de culture et de la toxine. SUR LA TOXINE CHARBONNEUSE. DD9 J'ai déjà indiqué les différences d'activité semblant provenir de la température à laquelle se fait la culture de la bactéridie. La substance préparée à l’étuve à 36° est beaucoup moins active que celle préparée à basse température. Un autre agent, intervenant sur la production de la toxine dans ce milieu, est l’air. La bactéridie se développe abondam- ment dans un milieu bien aéré. Si, faisant la culture en présence d'une grande quantité d'air dans un ballon Fernbach, on renou- velle fréquemment cet air, on obtient ainsi une plus belle récolte. Mais, le milieu, traité comme il a été dit pour la préparation de la toxine, donne une substance de très faible activité. Il est en effet nécessaire de dépasser des doses de 100 milligrammes par kilogramme {première méthode) pour tuer le lapin avecle produit de ces cultures ainsi aérées. TOXINE NON DISSOUTE DANS L'EAU Au lieu d’inoculer aux animaux la toxine préalablement dis- soute dans l’eau, on peut la leur donner à l’état solide de la facon suivante : prenant une quantité déterminée de toxine fine- ment pulvérisée, je l’agite avec de l'huile stérilisée de manière à la répartir à peu près également dans tout le liquide. Ce mé- lange est ensuite inoculé à un lapin sous la peau du ventre. En faisant ainsi l'expérience, on remarque que l’activité de la substance semble être considérablement diminuée. J'ai ainsi pu donner à trois lapins, 31, 42 et 44 milligrammes par kilogramme de la toxine du tableau IT, ce qui faisait pour chacun une dose totale de 60 milligrammes, sans obtenir de la part de l'animal de réaction bien nette. La plus grande diminution de poids que j'aie constatée dans ce cas a été de 80 grammes. Dans ces conditions, la toxine n’est absorbée que lentement; chez le premier de ces animaux, sacrifié dix jours après l’inocu- lation, j'ai encore retrouvé sous la peau des grains de toxine. Il en a été de même pour le second qui est mort en deux jours et demi d'une inoculation de charbon faite quinze jours après l’ino- culation de Ja toxine. L'expérience est probablement compa- rable à celle que l’on fait en inoculant chaque jour de très petites quantités de toxine. On obtient encore des résultats analogues, en enfermant la Do4 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. toxine dans un sac clos de collodion. Le sac est ensuite placé sous la peau du dos d’un lapin. On peut ainsi mettre dans ces sacs des quantités très grandes de toxine sans que l'animal s’en montre beaucoup incommodé. Decettefaçon, latoxinesediffuselentement et d’une manière continue à travers la membrane dialysante for- mée par la couche de collodion. On a ici évidemment le même effet que donnerait l'inoculation répétée de très petites doses de toxine. i ‘ Voici une de ces expériences : Expérience VIT. — Sous la peau du dos d’un lapin de 2,180 grammes, j'insère un sac de collodion contenant 600 milligrammes de toxine (4er pro- cédé, tableau Il). Les poids de ce lapin ont été successivement, les jours suivants : ferjour 2,160 2,190 2,110 2,100 2,080 6e jour 2,030 2,030 2,100 2,140 2,220 Ale jour 2,170 2,280 2,280 2,320 2,340 16e jour 2,450 Les poids ont continué les jours suivants à croître peu à peu. ACTION DE LA TOXINE SUR DIVERS ANIMAUX Cobayes. — Les cobayes, animaux plus sensibles au charbon que leslapins, paraissent cependant plus résistants à la substance que j'ai extraite des cultures. Pour tuer le cobaye, j'ai été obligé d'employer de fortes doses qui, dans certains cas, se sont élevées à 100 milligrammes par kilogramme d'animal. Tous les cobayes, auxquels j'ai inoculé une quantité de toxine inférieure à 30 milli- grammes par kilogramme de cobaye, ont résisté. Rats. — J'ai employé des rats blancs, jeunes et adultes, et des rats d’égout, également des jeunes et des adultes. Un certain nombre d'animaux de chaque sorte a été inoculé avec du char- bon virulent; tous les rats ainsi traités sont morts du charbon dans des temps qui ont varié entre 40 heures et 18 jours. Les autres rats recurent diverses doses de toxine, et il m'a semblé y avoir une certaine analogie entre la sensibilité de ces animaux à la toxine et leur sensibilité à Ia maladie microbienne. Pour les petits rats blancs, il suffit de 0,8 à 1 milligramme de toxine pour les tuer, ce qui donné une dose mortelle de 10 milli- grammes environ par kilogramme de rat. \ ER 1% SUR LA TOXINE CHARBONNEUSE. 555 Les rats blancs adultes sont beaucoup plus résistants; je ne les ai tués qu’en employant des doses de 20 et même de 40 milli- grammes par kilogramme d'animal. Aïnsi un rat blanc de 347 grammes est mort 41 jours après l’inoculation de 14 milli- grammes de toxine. Le poids du cadavre n’était plus que de 157 grammes. Les petits rats d’égout sont, le plus souvent, sensibles à 2 milligrammes de toxine, ce qui représente à peu près une dose de 25 milligrammes par kilogramme. _ Mais, pour lesrats d’égout adultes, il est nécessaire d’atteindre des doses de 30 milligrammes par kilogramme. J'en ai même eu qui n’ont été tués que par des doses de 60 milligrammes. Chez aucun de ces animaux, je r’ai observé de phénomène de paralysie ou d’incoordination desmouvements suivant immédia- tement l’inoculation de la toxine. La mort survient au bout d’un temps plus ou moins long suivant les doses et les individus, mais il n’y avait pas d'effet rapide et pour ainsi dire instantané sur ces animaux. Souris. — La souris est très sensible à la toxine; elle meurt à la suite de l’inoculation de doses de e à + de milligramme. Pigeons. — Pour tuer les pigeons, il est nécessaire de se ser- vir de quantités assez considérables de toxine. Ceci est paral- lèle à la résistance de ces animaux à la maladie microbienne. Ces oiseaux résistent généralement aux doses inférieures à 150 milligrammes par kilogramme. De même que les autres animaux dont j'ai déjà parlé, ils maigrissent beaucoup après l’ino- ‘ culation, et peuvent ainsi perdre plus de la moitié de leur poids. Poules. — On sait que les poules sont réfractaires au charbon. La toxine a une action semblable, car, même en grande quan!ité, elle a peu d'action sur les poules. Le cas où j’ai obtenu les plus grandes réactions a été le suivant : Experience VIT. — Poule de 1,470 grammes. Recoit 300 milligrammes de toxine ; son poids pris tous les deux jours a été successivement : 2e jour 1.430 1,420 1.310 1,380 10e jour 1,240 1,240 1,190 # 1,230 18e jour 1,150 1,080 1,100 1,020 26e jour 930 950 1.010 1,060 34e jour 1,130 1,120 1,200 etc. Li 96 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Grenouilles. Poisssons. Écrevisses. — Les grenouilles, les per- ches, les goujons et les écrevisses sont réfractaires à la toxine comme à la maladie microbienne. J’ai inoculé dans le sac lymphatique dorsal des grenouilles, dans le péritoine des perches et des goujons, dans la cavité du corps des écrevisses. de très grandes quantités de toxine sans qu'aucun de ces animaux ait semblé en être incommodé. Lapins immunisés. — Les lapins immunisés contre le charbon au moyen de virus atténués paraissent être plus résistants à la toxine que les lapins neufs. INFLUENCE DE DIVERS AGENTS PHYSIQUES OU CHIMIQUES SUR LA TOXINE DISSOUTE DANS L'EAU Action de la chaleur. — La toxine de la bactéridie charbon- neuse supporte un chauffage à 100° pendant une heure, ou encore un chauffage à 110° pendant quinze minutes et même un chauf- fase de 120° pendant cinq minutes, sans perdre compiètement ses propriétés nocives. Inoculée à des lapins après avoir été ainsi chauffée, elle produit chez ces animaux des réactions analogues à celles que cause la toxine non chauffée. La dimi- nution de poids des animaux inoculés est encore ici un phéno- mène constant. Cette diminution peut également devenir très grande. Dans la majorité des cas, la température subit aussi des variations. La mort arrive accompagnée des symptômes précé- demment décrits. De même qu'avec la toxine non chauffée, les animaux qui résistent à une première inoculation de toxine chauffée présen- tent des réactions moindres lors d’une deuxième inoculation. pourvu que celle-ci soit faite dans les conditions que j'ai indi- quées précédemment. Par le même procédé, on peut obtenir l’accoutumance à la toxine, chauffée ou non. Toutefois, si les phénomènes produits sont de même nature. le chauffage atfaiblit sûrement la toxine. Voici un tableau d’ex- périences faites avec la même toxine qui a servi pour les expé- riences du tableau IF. SUR LA TOXINE CHARBONNEUSE. 557 TagLeau I bis. Même toxine que celle du tableau Il, mais chauffée préalable- ment pendant 15 minutes à l’autoclave à 110° avant d’être ino- culée aux lapins. | DOSE PAR KILOG. | DOSE TOT PRSTe R DIRES DURÉE DE LA SURVIE en milligr. en milligr. 29 30 4 jours. #30 49 résiste. #30 54 | résiste. 30 DD 1 jour et demi. 10 52 il jour. 40 GS S jours. ER D0 76 IT jours et demi. )0 | 94 3 Jours. *60 | 97 | résiste. 60 106 | | jour. 60 | 114 | 3 Jours et demi. #70 | 102 résiste. #80) 149 résiste. #80 154 | résiste. +90 158 résiste. 100 167 12 jours. 110 204 17 jours et demi. Par la comparaison des tableaux IT et IT his, on constate une diminution de l’activité de la toxine à la suite du chauffage. Tous les lapins inoculés avec une dose de cette toxine chauflée infé- rieure à 50 milligrammes, c’est-à-dire à 29 milligrammes par kilogramme d'animal, ont résisté. Au contraire, il y a eu des lapins qui sont morts à la suite d’une inoculation de moins de 50 milli- grammes de toxine non chauffée. Sur 8 lapins qui ont reçu plus de 100 milligrammes de toxine non chauffée, un seul a résisté Le > = s* ê » 558 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. (tableau 11), tandis que 4 lapins sur 8 ont survécu à une dose supérieure à 100 milligrammes de toxine chauffée. Ainsi, la toxine charbonneuse, bien qu’affaiblie par la chaleur, n’est pas complètement détruite par cet agent. Sous ce rapport, elle est intermédiaire entre les toxines telles que le venin des serpents, la toxine diphtérique, la toxine tétanique, qui sont complètement détruites par la chaleur, et celles qui ne sont pas altérées par le chauffage, tuberculine, toxine cholérique. D’après ce que l'on sait sur les toxines d’autres microbes et sur les venins des serpents, ces substances perdent toute action nocive par l’action de la lumière au contact de l’air. Certains corps tels que les hypochlorites alcalins, certains chlorures ont pour effet de diminuer beaucoup l’action des autres toxines connues et des venins. Il était naturel de chercher égale- lement quelle pouvait être l’action de ces divers corps sur la toxine charbonneuse. * s Action du chlorure de chaux. — Ayant fait avec du chlorure de chaux une solution à 1/12, je l’étendais au moment de m'en servir de quatre fois son volume d’eau. La liqueur obtenue avait alors le titre de 0!,846 de chlore pour 1,600 c. c. D'après le tableau IIE, la dose de 50 milligrammes peut être considérée pour le lapin comme une dose mortelle. Mais il n’en est plus de même si, quinze minutes avant l’inoculation, on mélange cette dose à 2 c. c. de la solution de chlorure de chaux à 1/60. Cette expérience n’a été faite que sur 4 lapins, mais aucun d'eux n’est mort. Toutefois, il y a, dans les 8 jours qui suivent l’inoculation, une baisse de poids qui, pour l’un d’eux, a atteint 150 grammes. Voici une de ces expériences : Expérience IX. — Lapin de 1,880 grammes. Reçoit 50 milligrammes de toxine, mélangés 15 minutes auparavant à 2 c. c. d’une solution de chlorure de chaux à 1/60. L'inoculation est douloureuse. Les poids ont été successivement les jours suivants : ler jour 1,900 1,830 1,790 1,800 1,730 Ge jour 1,780 1,770 - 1,830 1,800 1,880 Ale jour 1,930 Les poids ont continué à augmenter peu à peu. L] SUR LA TOXINE CHARBONNEUSE. 539 Action des hypochlorites de soude et de potasse. — Une solution d’hypochlorite du commerce était étendue de deux fois son volume d’eau, donnant ainsi une liqueur contenant 4 à 5 litres de chlore pour 1,000 e. c. Je mélangeais 2 ec. c. de cette solution étendue à une dose mortelle de toxine. Après un quart d'heure de contact in vitro, le tout était inoculé à un lapin. Cette injection est extrèmement douloureuse pour l'animal. Les jours suivants on à une diminution de poids. Le maximum que j'ai eu a été de 80 grammes. Action du chlorure d'or. — Le chlorure d'or à 1/100 diminue également l’activité de la toxine. Ainsi, en mélangeant une dose de toxine égale à 50 milli- grammes avec { c. c. d’une solution de chlorure d’or à 1/100, on peut injecter au bout d’une demi-heure le mélange à un lapin Sans que celui-ci meure. Je citerai l'expérience : Expérience X. — Lapin de 1,680 grammes. Reçoit 50 milligrammes de toxine, mélangés 30 minutes avant l’inocu- lation à 1 c. c. d’une solution de chlorure d’or à 1/100. Les poids de ce lapin ont été successivement : 4er jour 1,750 1,700 1,590 1,680 1,610 6e jour 1,610 1,570 1,610 1,730 1,700 41e jour 1,810 1,780 1,860 etc. Action du chlorure de platine. — Le chlorure de platine agit sur la toxine moins rapidement que les corps précédents. Mais, si on le mélange avec une dose mortelle de toxine, 3 à 5 heures avant l’inoculation, l’activité de la toxine est beaucoup diminuée et les animaux résistent en général à l’inoculation. Je n'ai perdu qu’un seul lapin sur les six traités de cette façon. Voici par exemple : Expérience XI. — Lapin de 1,540 grammes. 50 milligrammes de toxine sont mélangés à 1 €. c. d’une solution de chlorure de platine à 1/100. 5 heures après le mélange, le tout est inoculé “au lapin, dont les poids ont été Les jours suivants : Aer jour 1,530 1,510 1.460 4.510 1,470 6e jour 1,480 1,410 1,520 #1,575 1,510 Le jour 1,560 1,665 1,640 1,680 Action de la solution de Gram. — La solution de Gram a une action analogue à celle des corps précédents, mais beaucoup 960 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. moins marquée. Généralement, en mélangeant une do$e mor- telle de toxine à 3 c. c. d’une solution de Gram un quart heure avant de l’inoculer à un lapin, celui-ci résiste; néanmoins l'animal maigrit beaucoup. Par conséquent les RTE ates alcalins, le chlorure d’or, le chlorure de platine et la solution de Gram produisent sur la toxine charbonneuse les mêmes effets que sur les toxines téta- nique et diphtérique et sur le venin des serpents. Il y a sous ce rapport la plus grande analogie entre ces divers poisons. ESSAIS D'IMMUNISATION D’après ce qu'on à vu, la substance retirée des cultures de char- bon dans le milieu de peptone a des propriétés toxiques mani- festes. Les dilférentes espèces animales ontune sensibilité à cette toxine à peu près en rapport avec leur sensibilité particulière à la maladie. De même que d’autres toxines, ce produit est influencé par la chaleur, par les hypochlorites alcalins, montrant ainsi une certaine analogie avec ces autres produits microbiens. Or, on sait qu'en général les toxines données d’une façon croissante et avec ménagement peuvent donner aux animaux sensibles à la maladie une immunité passagère. De plus, latoxine charbonneuse préparée par MM. Hankin et Wesbrook leur avait donné, dans certaines conditions, une immuuisation immédiate des animaux sur lesquels ils avaient expérimenté, fait qui rapprochait le mode d'action de leur toxine de celui des antitoxines. J'ai donc cherché si la substance que j'avais préparée avait quelque propriété immunisante contre le charbon, et de quelle façon il était possible de mettre ce caractère en évidence. Les expériences que j'ai faites à ce sujet ont porté sur des lapins, des souris et des rats blancs. J’ai indiqué précédemment comment on pouvait accoutumer peu à peu des lapins à recevoir des doses de toxine, qui primiti- vement auraient pu être mortelles pour ces animaux. Après avoir choisi des lapins bien portants, je leur donnais une pre- mière fois une dose de toxine très faible. Ces lapins étaient pesés très souvent. Dès qu’ils semblaient rétablis de leur pre- mière inoculation, une quantité plus considérable de toxine leur était donnée. Puis ces animaux recevaient une troisième dose quand les effets produits par la seconde avaient cessé. Bref, ils SUR LA TOXINE CHARBONNEUSE. 961 étaient traités de la façon que j'ai indiquée plus haut à propos de l'expérience V. Dans la moitié des cas, une dizaine de jours après l’inoculation de 15 milligrammes de toxine, ainsi que le montre l'expérience suivante, on peut inoculer au lapin du charbon virulent sans que l'animal succombe à la maladie. Voici l'expérience : Expérience XII. — Les quantités de toxine inoculées à chaque lapin sont indiquées en milligrammes dans la colonne « inoculations », la seconde de celles affectées à chaque animal. mo 4er LAPIN 2e LApIN" 3e LAPIN 48 LAPIN De LAPIN 6e LAPIN & nr CR le TR. MERS RL A = Inocu-Ÿ ,,,, |Inocu-l 4 |Inocu | , Inocu- , |[Inocu-l ,,, |Inocu- POIDS lations POIDS lations POIDS Jations POIDS lations POIDS lations POIDS lations 11 1370 3 1420 ) 4500 3 4510 3 1540 o) 1640 3 > | 1205 1280 1430 1460 1440 1610 ) | 1320 1340 1490 1540 P460 1630 6 » 6 » 6 » 6 ) 6 a 6 » 6 7 | 1200 1220 1420 1500 1350 1590 9 | 1480 1220 1360 1440 1530 1580 à 11 À 1230 1310 1480 4520 1430 1650 4 91 1360 | 45 À 1400 | 15 À 1530 | 45 À 4610 | 45 À 1490 | 15 [1670 | 15 . 15 | 4170 390 1340 1500 1410 4560 199 4040 | = À 1320 147 1520 1400 1620 23 | 1020 [charbon À 1450 | charbonf 4610 | charbon À 4640 | charbon À 2530 | charbon À 4740 | Mort en 20 Survil. Survit. Survit. Survit. Mort en 4 Fr heures. 4620 | charbon À AS10 | charbon 1740 | charbon f 1760 | charbon JOUE: Survit. Survit. Mort en 7 Survit. jours 1/2 EEE | Dans celte expérience, le 23° jour, les 6 lapins reçurent chacun 1/3 de c. c. d’une culture de charbon en bouillon âgée de 24 heures. Trois témoins furent inoculés en même temps avec la même quantité de cette culture. Les témoins moururent : le premier en 926 heures, le second en 28 heures; à ce moment le troisième était déjà très maiade, sa tempé- rature était de 35°2, et il était mort 33 heures après l’inoculation. | Des 6 lapins de l'expérience , XIT inoculés ce jour, le 4er est mort en 20 heures, le 6e est mort en 4 jours, les #4 autres ont survécu. Le 34e jour, les 4 lapins survivants furent inoculés de nouveau, chacun avec 1/3 c. c. d’une culture de charbon en bouillon âgée de 24 heures. Deux apins témoins reçurentla même dose. Le premier deceux-ci mourut en 28 heu- res, le second en 33 heures. Des lapins de l’expérience, le quatrième mourut 7 jours et demi après cette seconde inoculation, les 3 autres survécurent. Dans cette expérience, on remarquera que le premier lapin, d’après sa courbe de poids, paraissait être encore sous l'influence nocive de la toxine au moment où il a été inoculé avec du charbon ; le sixième lapin, qui n’a pas résisté non plus à cette première 30 .æ ee D 2) ’ LA ER Po PE 2] Age LA + — 262 ANNALES DE’ L'INSTITUT PASTEUR. inoculation de charbon, avait montré, d’après les poids, une certaine insensibilité à la toxine; il en est un peu de même du quatrième qui n’a pas résisté à la seconde inoculation. Peut-être est-il nécessaire que les animaux, pour être immunisés contre la maladie microbienne, aient eu une phase maladive dans la période de préparation. Aussi, dans l'expérience suivante, j'ai varié les doses suivant chaque animal, attendant, pour donner une nouvelle dose, que l’animal soit en voie de rétablissement. De mème, je n’ai inoculé le charbon à un lapin qu'après avoir trouvé une dose de toxine ayant exercé une certaine action sur l'animal en expérience, action se manifestant. par une perte de poids de plus de 100 grammes. L'expérience faite en tenant compte de ces deux remarques, a donné de meilleurs résultats que ceux de l'expérience XI. Dans cette expérience XIIE, les quantités de toxine inoculées à chaque lapin sont indiquées de la mêmé façon en milli- grammes dans la seconde colonne se rapportant à chaque animal. Expérience XIII Aer LAPIN 2e LAPIN 3€ LAPIN 4e LAPIN De LAPIN | 6e LAPIN 7e LAPIN a |__| "| | © | | "° — 2 & | INOCU- INOGU- À somme | INOCU- INOCU- INOGU- À orne À INOCU- . LINOCU- = | POS | Larioxs POS À ro | POS À canot F0DS ons À 00 row, | US | tros | PO | rtoxS 11176013,5 [181013,7 |184013,7 1186013,7 [188013,7 |196013,9 |196013,9 211740 A840 1740 1860 1750 1720 1990 | 5 [1620 1800 1730 1790 1770 1780 1970 71174016 4820 |8 181016 185017 18406 182016 1970 |10 911720 1820 1820 1800 1690 1760 1860 1111650 1800 1700 L |1720 1630 1720 1920125 1311580 1860120 |1760 1750 1780 840110 11760 1511610 1730 1840110 1860145 11900110 11680 "11630 1711660 1690 1810 1770 1750 1680 1660 1911770/10 [1520 1780 (1760! æ [1840 1800120 11740 9114710 1580 4820120 [1840130 lASSOl20 [1750 1910 |40 2611830120 |{S8S0/30 11670 1690 1600 1790 1520 98 [1780 1740 1759 1650 1660 1920135 + [1500 31 11790 1760 1800 1780 1820 1740 1540 39118401 charbon [1 S20 l'eharbon | 1870 charbon | 1 820 charbon 1850130 1660 1540 Survit. Meurt enfSurvit. Survil. 36 5 jours. 4870 1780 1910140 40 £. 1840 1930 | charbon | 1790 4412020 | charbon — 4940] charbon| 1860] charbon | 380! carbon} Survit. 1850 Survit. ro en [Survit. Survit. 48 — 3 jours. 2080! charbon | 1900 d0 — — 1880] charbon 5412200 | charbon — = 19101 charbon 1950] charbon Survit. 60 — — 19601 charbon 74|Survit. eee — Survit. Survit. Survil. Survit. ag SUR LA TOXINE CHARBONNEUSE. 063 Dans cette expérience, le charbon a été donné aux animaux à la dose de 1/3 c. c. d’une culture en bouillon âgée de 24 heures. Chaque fois, deux lapins témoins recevaient la même dose. Les 14 témoins sont tous morts entre 20 heures et 38 heures. Ainsi sur les 13 lapins des expériences XIE et XIII, 8 seule- ment ont survécu. Mais, avant de procéder comme dans la dernière expérience, j'avais fait de nombreux essais dont quelques-uns se rapprochaient des conditions de ces deux expé- riences. Les résultats n’en ont pas été aussi favorables, puisque; sur 16 lapins traités avec de la toxine de diverses façons et inoculés ensuite avec du charbon, j'ai eu : ÿ lapins morts entre A5 et 36 heures, c'est-à-dire dans des temps équivalents à ceux des témoins et même quelques-uns dans des temps moindres. Ces lapins avaient reçu en dernier lieu des doses de toxine un peu fortes (40 milligrammes) etils ont été inoculés avec du charbon entre le 2 et le 6° jour après l’in- jection de la toxine. 2 lapins morts en 2 jours et demi. L’un avait encore de la diarrhée au moment de l’inoculation du charbon; le second avait reçu 45,5 de toxine le premier jour et 10w:r le 8°, puis 1/3 c. c. de culture de charbon le 9° jour. 3 lapins morts en moins de 3 jours. Is avaient reçu tous trois : 12% de toxine le 1* jour, 30" le 6e jour et 50m4r Je 11€ jour, toxine préparée par la première méthode. Ils ont été inoculés avec du charbon : le 1% après 3 jours, le 2 après 5 jours, le 3° après 7 jours. L lapin mort en 3 jours et demi. Toxine : 45 le 4 jour, 4mer le 6°, 10% le 11°. Baisse de poids 90 grammes. 1 lapin mort en 5 jours. Toxine 1° méthode: 5 we le {er jour, 20%: le 6°, 50" le 12° jour. Charbon le 22 jour. 4 lapin mort en 9 jours. Toxine : 2%: le 4e jour, 5usr lé 1e jour, 10m le 12e jour, 155 le 15° jour, 25wer le 25e jour. Charbon le 50° jour. 3 lapins ont résisté à la première inoculation de charbon. Ces 3 lapins survivants recurent de nouveau, chacun 179, c. d’une culture de charbon de 24 heures, 14 jours après la première inoculation. Deux survécurent. J'ai faitles autopsies de ces 14 lapins ainsi que de ceux qui ont succombé dans les expériences XIL et XIIT; tous ces animaux l'E 64 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. étaient bien morts du charbon ; le sang contenait en général peu de microbes; la rate était augmentée de volume, noire, et conte- nait une assez grande quantité de bactéries. Le sang du cœur de plusieurs de ces animaux a été inoculé à des cobayes; ces cobayes moururent entre 36 et 60 heures. Quelques-uns des animaux, qui avaient résisté à l’inoculation d’une seule dose de toxine un peu considérable, furent inoculés avec du charbon dès qu'ils ont semblé remis des conséquences de l'injection de toxine. Ces animaux sont le 70-97 du tableau I, les 24-50, 50-51, 40-69, 60-97 du tableau IL. De ces 5 lapins ainsi traités, deux seulement ont survécu : le 30-51 et le 60-97 du tableau II. Ils n’ont résisté ni l’un ni l’autre à une nouvelle inoculation de charbon faite 20 jours après la première. J'ai aussi essayé d’immuniser des lapins contre la maladie microbienne avec de très faibles quantités de toxine, variant entre Omer,05 et O%ér,15 pour des lapins dont les poids étaient compris entre 1300 et 1600 grammes. Cette dose était donnée en une seule fois et l’animal était ensuite inoculé avec du char- bon. Le charbon était ainsi donné de 2? heures à 12 jours après l'inoculation de la toxine. Je n’ai pu constater dans ces condi- tions la moindre survie de l’animal. Le même essai a été tenté avec des souris en leur inoculant de 0"202 à Oer04 de toxine, et leur injectant, 6 heures après, 2 gouttes d’une culture virulente de charbon. Les souris témoins sont mortes en 22 heures, 25 heures, 27 heures, 32 heures. Les souris, préalablement inoculées avec la toxine, sont mortes en 24 heures, 25 heures, 27 heures, 27 heures et demie, 28 heures, 29 heures, 30 heures; la huitième était morte 43 heures après l'inoculation. Vos. Il ne peut y avoir eu de survie que pour cette dernière souris ; et ici les résultats ont été inférieurs à ce que m'a donné une expérience identique faite en inoculant à des souris, au lieu de ces doses de toxine, 4 c. c. d’une solution d'extrait de viande de Liebig à 5 0/0’. Voici l'expérience : 1. M. Kurt Muicer (Der Milzbrand der Ratten, in Fortschritte der Medicin ler juillet 4893) a donné à des rats, au moyen de l'extrait de viande de Liebig, une survie sur les témoins quand il les inoculait avec du charbon. | | | " SUR LA TOXINE CHARBONNEUSE. D6) Expérience. — 8 souris sont inoculées avec 2 gouttes d'une culture viru- lente de charbon, 4 heures après avoir reçu chacune 1c. c. d’une solution d'extrait de viande de Liebig à 5 0/0. Les souris témoins meurent en: 20 heures, 22 heures, 28 heures, 29 heures. Les souris traitées sont mortes en 24 heures, 31 heures, de 34 à 42 heures, 46 heures, 52 heures; 2 sont mortes entre la 57° et la 67° heure, la dernière meurt après 93 heures. Toutes ces souris sont bien mortes du charbon; un cobaye inoculé avec du sang de cellequi est morte en 93 heures, a succombé au bout de 60 heures, L'extrait de viande de Liebig, inoculé aux lapins en grande quantité quelque temps avant une dose mortelle de charbon, peut de même leur donner une survie, souvent considérable, sur les lapins témoins. J'ai encore fait des tentatives d’immunisation au moyen d’inoculations répétées de doses de toxine variant entre Omer, et Auer, Tous ces essais ont échoué. La méthode qui m'a réussi dans quelques cas pour immu- niser des animaux avec de la toxine préparée à basse température m'a donné, avec la toxine extraite des cultures faites à 36°, seulement quelques jours de survie (9 jours au plus) des animaux traités sur les animaux témoins. Peut-être les doses de cette toxine que j'ai employées étaient-elles trop faibles. De même, avec de la toxine préalablement chauffée à 110°, je ne suis pas arrivé à immuniser complètement un seul lapin contre le charbon. La conclusion de ces tentatives est qu’il est possible d’im- muniser des lapins contre le charbon au moyen de la toxine pro- duite parla bactéridie. Mais l’immunisation est toujours pénible | à obtenir. Elle nécessite l'emploi de doses de toxine convenable- | ment graduées et légèrement variables avec chaque cas parti- | culier: les animaux peu sensibles à la toxine devant en recevoir | Sr de plus grandes quantités. On s'arrêtera quand les animaux seront accoutumés à des doses de 20 à 30 milligrammes au moins (toxine 2 méthode, voir tableau IT). Les lapins ainsi préparés pourront généralement recevoir sans danger une dose mortelle de charbon à partir du 10° jour suivant la dernière inoculation de toxine. Il y a avantage à augmenter ce délai de 10 jours si la dernière dose de toxine a dépassé 25 à 30 milli- grammes. 566 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Essai sur les rats blancs. — Avec de la toxine extraite des cultures à 20°, j'ai tenté de rendre des rats blancs réfractaires au charbon: Les résultats obtenus n’ont pas été aussi favorables qu'avec les lapins. Voici l'expérience : Expérience. — 9 rats blancs recoivent chacun : Le 4er jour Oer,6 de toxine; 7e jour À milligramme de toxine ; 12e jour 45,6 de toxine: 18e jour 26°,5 de toxine: 24e jour 3 milligrammes de toxine; 29e jour 5 _ de toxine ; 36e jour 6 — de toxine à 4 rats seulement (4er lot); 40e jour 8 — de toxine à 4 autres rats (2e lot). Le 9, rat, inoculé le 36° jour avec du charbon, est mort presque en même temps qu'un rat témoin. Les 8 rats survivants (1% et 2° lots réunis) reçurent le 50€ jour chacun 1/4 c. c. d’une culture de charbon en bouillon âgée de 24 heures. La même quantité fut inoculée à 3 rats blancs témoins. Les témoins moururent en 45 heures, 48 heures et 69 heu- Les: Les rats du 2° lot sont morts l’un en 42 heures et les 3 autres entre la 50° et la 60° heure. Du 1* lot, il ne mourut que deux rats: l’un en 68 heures, l’autre en 90 heures. Le 59° jour, chacun des 2 rats survivants de ce premier lot recut 7 milligrammes de toxine. Le 70° jour, je leur inoeulai 1/4 c. c. d'une culture de char- bon, dose qui tua les témoins en ! jour et demi et 2 jours. Tous deux résistèrent. Ils survécurent également à une troisième inoculation de charbon qui leur fut faite le 81° jour. Le 88° jour, un des deux survivants reçut de nouveau 7 milli- grammes de toxine, puis tous deux furent inoculés le 100° jour avec une dose de charbon qui tua un témoin en 1 jour et demi. Seul le rat qui avait reçu une nouvelle dose de toxine le 88° jour résista, L'autre mourut en 2 jours et demi, £ ge à s sé der. + ki $ SUR LA TOXINE CHARBONNEUSE. 267 DIFFÉ RENCIATION DE LA TOXINE ET D'AUTRES SUBSTANCES ÉGALEMENT PRÉCIPITABLES PAR g4LE SULFATE D’AMMONIAQUE J'ai retiré des cultures de charbon, faites à basse température dans une solution de peptone, une matière dont les effets phy- ‘siologiques doivent être attribués au développement de la bacté- ridie dans ce milieu. On n’a pas, en effet, les mêmes résultats en inoculant à des animaux, d'une part la toxine, et d'autre part la solution de péptope avant toute culture. D’après ce qu’on a vu, les effets dus à cette toxine ont cer- taines ressemblances avec les nee produits par d’autres toxines. Îl y a aussi une certaine analogie avec ceux que donnent certains corps précipitables par le sulfate d'ammoniaque el qu’on désigne sous le nom de propeptones. Ges propeptones sont associées à la peptone dans le produit commercial de ce nom, et il est très difficile, d’après Kühne, de séparer complètement les peptones des propeptones : la précipitation par le sulfate d’ammo- niaque à chaud n’est en effet pas complètement suftisante pour éliminer toute trace des propeptones. On pouvait alors se deman- der si les effets observés lors de l’inoculation de la toxine ne tien- draient pas à de la propeptone non éliminée du milieu de culture, ou encore si la toxine elle-même ne serait pas cette substance faite aux dépens de la peptone par la bactéridie dans le milieu de cullure. Les animaux inoculés soit avec ces propeptones, soit avec la toxine que j'ai préparée, ont des oscillations de la température (toujours avec la propeptone et très souvent avec la toxine), et aussi un abaissement du poids amenant, pour des doses conve- nables, la mort de l'animal par cachexie. Pourles deux substances également, onala possibilité d’accou- ,tumer peu à peu les animaux à en recevoir de grandes doses. Le contact des hypochiorites diminue également l’activité de toutes deux. | Mais ce sont l#des propriétés communes à beaucoup d’autres corps, etilne me semble pas qu'on pourrait conclure de là l’iden- tité des propeptones et de cette toxine. Au contraire, la similitude des phénomènes est loin d’être parfaite. J'ai déjà montré combien les caractères chimiques sont différents pour les deux substances. De plus, les propeptones SE A tale ré LE ST « D68 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ont la propriété de rendre incoagulable le sang des animaux auxquels on les injecte en quantité suffisante ; or, je n’ai jamais observé ce fait avec la substance que j'ai préparée. Pour les lapins, les doses mortelles de ces propeptones sont très notablement supérieures aux doses mortelles de toxine charbonneuse extraite des cultures à basse température. On peut habituer peu à peu des lapins à recevoir de grandes quantités de propeptones; aucun des animaux ainsi préparés ne résiste au charbon. En outre, les lapins ayant l’immunité contre la toxine ne l'ont pas pour la propeptone; et inversement, des lapins, accou- tumés à des doses de propeptone atteignant 500 milligrammes, manifestent une sensibilité très marquée à des doses de toxine ne dépassant pas 10 milligrammes par kilogramme d'animal. Cette toxine est particulière à la bactéridie, elle est due exclu- sivement à la culture du charbon dans ce milieu. Pour le montrer, j'ai cherché si d’autres microbes pathogènes, se développant bien dans la solution de peptone et dans ces conditions, don- naient de même une substance identique à la toxine charbon- neuse. Parmi ceux que j'ai essayés, le streptocoque m'a donné une culture suffisante pour que je puisse tenter d’en retirer une toxine. Par le même procédé que pour les cultures de charbon, on retire de ces cultures une substance pulvérulente, toxique pour le lapin à la dose de 40 milligrammes, avec le streptocoque dont je me suis servi. Les animaux peuvent également acquérir l’accoutumance à cette nouvelle substance. Dans une expérience faite sur 6 lapins, j'ai donné à ceux-ci des doses croissantes de toxine du strepto- coque, en employant les précautions qui m’avaient réussi dans l'expérience XIIL Les animaux étant ainsi préparés, l’un reçut dans unex veine de l'oreille 4/10 c. c. d’une culture du streptocoque qui avait servi à ensemencer les ballons de peptone ; un lapin témoin reçut de la même façon une quantité identique de la culture de streptocoque. Le témoin mourut en 1 jour et demi, l’autre sur- vécut. Ce dernier fut inoculé avec du charbon 15 jours plusttard et mourut charbonneux en 20 heures. Des cinq autres lapins accoutumés à la toxine du streptocoque, 2 reçurent chacun 20 milligrammes par kilogramme de toxine de à SUR LA TOXINE CHARBONNEUSE. 269 charbonneuse et moururent l’un en 4 jours, l’autre en 11 jours et demi. Les 3 derniers furent inoculés avec du charbon et mou- rurent, l’un avant les 2 lapins témoins, les autres en même temps que les témoins. CULTURES DANS UN MILIEU DE SÉRUM LIQUIDE J'ai cherché si la bactéridie produisait également une toxine dans d’autres milieux de culture. Le sérum de sang de bœuf est un excellent milieu de culture pour la bactéridie. Mélangé avec deux parties d’eau et alcalinisé légèrement avec de la soude, il peut être stérilisé par un chauffage à 115° sans se coaguler. A cet état, inoculé aux animaux, il n’est nullement toxique, et quelles que soient les doses auxquelles je l'ai employé, il ne m’a jamais donné, pour les animaux en expé- rience, le moindre degré d'immunité.… Les ballons de sérum sont ensuite ensemencés avec du char- bon virulent . | La bactéridie se développe très rapidement dans ce milieu et à 36°, donnant une abondante culture. Quinze jours environ après l’ensemencement, cette culture était filtrée sur porcelaine et . inoculée à des lapins sous la peau du dos. Les doses inférieures à 10 ©. c. ne m'ont pas semblé avoir une grande influence ni sur le poids, ni sur la température de l'animal. Quand il y a eu une perte de poids, celle-ci n’a pas excédé 80 grammes, cette diminution de poids-a d’ailleurs été rare. L'élévation de la température pour ces petites doses à toujours été faible. Si l’on donne au lapin une dose de culture supérieure à 10 c.c., la réaction de l’animal se manifeste par de plus grandes variations de température et de poids, souvent de la diarrhée. Si on recommence quand il est rétabli, on peut l’amener peu à peu à recevoir sous la peau, plusieurs jours de suite, 25 c. c. de culture sans avoir de grandes élévations de température, et en ne subissant que de faibles pertes de poids. Aux doses où les inôculations ont été faites, il ne m'a pas semblé que ces cultures filtrées fussent bien toxiques, puisque, sur 35 animaux qui ont reçu diverses quantités de ce liquide, * 4. Voir la définition de cette virulence, page 536. + À 910 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. je n’en ai perdu que 3 : le premief en # jours à la suite de l’injec- tion de 11 c. c. de culture et sans que la température se soitt élevée beaucoup (39°, 3 à 40°,5); le deuxième est mort dans la nuit qui a suivi l’inoculation de 3 c. c. de culture, le troisième est mort 7 jours après l'injection de 20 e. c. Les 32 autres lapins ont résisté à des doses soit moindres, soit égales, soit supé- rieures. Ces lapins, ainsi traités préventivement, ont reçu, après des temps qui ont varié de deux jours à un mois, mais le plus géné- ralement du 6° au 15° jour suivant la dernière inoculation de culture filtrée, 1/3 c. ce. d'une culture de charbon virulent âgée de vingt-quatre heures. Tous sont mors, et cela à peu près dans lemêème temps que les lapins témoins. Une fois, j'ai eu une survie de quarante-huit heures; mais un second lapin, qui avait reçu les mêmes doses de culture, est mort au contraire très rapide- ment. En cultivant la bactéridie plus longtemps dans ce sérum avant de filtrer sur porcelaine, je n'ai pas obtenu de meilleurs résultats. En résumé, je n'ai pas réussi à mettre nettement en évidence dans ce milieu une sécrétion toxique ou immunisante du Ba- cillus Anthracis. TOXINE EXTRAITE DES MICROBES CULTIVÉES SUR MILIEU SOLIDE Seules, jusqu'ici, les cultures sur peptone m'ont donné de la toxine. Je n'ai pu réussir à mettre cette substance en évidence, ni dans les cultures sur sérum, ni dans les cultures faites dans une bouillie de viande de cheval; les cultures faites avec du bouillon de veau ne m'ont pas fourni de meilleurs résultats. Pourtant, dans chacun de ces derniers milieux, ies cultures obtenues étaient beaucoup plus belles que celles faites dans le milieu de peptone. | J'ai cherché également à extraire des bactéridies cultivées sur milieu solide une toxine analogue à celle que je retirais des cultures sur peptone. Pour cela, j'ai ensemencé soit sur des pommes de terre, soit sur de la gélose nutritive, du sang d’un lapin tué par du charbon asporogène, Deux jours plus tard, les microbes sont enlevés Ps | SUR LA TOXINE CHARBONNEUSE. DTA avec une spatule et mis à macérer dans de l’alcool à 200 addi- tionné de quelques gouttes d'éther. Après vingt-quatre heures au moins de contact, le liquide filtré était soumis à l’action de l'alcool fort. On obtient ainsi un coagulum plus ou moins abon- dant. Le précipité est séparé par filtration, lavé à l'alcool absolu, puis à l’éther; après quoi il est séché dans le vide en présence de l'acide sulfurique. Je recueille ainsi une substance pulvérulente, agissant de la même façon que la toxine retirée des cultures dans le milieu de peptone. Ces deux produits m'ont semblé avoir à peu près la mème activité. Inoculés aux animaux, ils produisent tous deux des phénomènes semblables ; pour une dose suffisante, les lapins meurent cachectiques en présentant les mêmes symptômes dans les deux cas. ORIGINE DE LA TOXINE Il résulte de ce qui précède que la toxine est primitivement contenue à l'intérieur des bacilles. Elle s’en échappe ensuite peu à peu par dialyse, quand les microbes se trouvent au contact de certains liquides comme l'alcool à 20° ou encore le milieu de peptone. : J'ai dit que le sérum du sang de bœuf n’acquérait pas de pro- priété toxique bien manifeste par la culture du charbon. La toxine ne se trouvant pas ici dans le liquide, je l’ai alors cherchée, pour les cultures de charbon asporogène, dans les bactéries qui avaient poussé dans ce sérum. Pour cela, une fois la culture bien développée, je la filtrais d’abord sur papier, puis sur une bougie Chamberland. J'ai donné les résultats fournis par le liquide filtré sur porcelaine. Le filtre de papier avait retenu une grande partie des microbes. Il était mis à macérer dans l'alcool à 20° pendant vingt-quatre heures au moins. Puis je filtrais etle liquide filtré était mis au contact de # fois son volume d'alcool fort. Le précipité qui se formait ainsi était séparé par filtration, lavé à l'alcool absolu, puis à l’éther et enfin séché dans le vide en présence de lacide sulfurique. Inoculée à des lapins, la substance ainsi préparée tuait ces animaux à des doses de 40 milligrammes par kilogramme. Les animaux maigrissont beaucoup et se cachectisent peu à peu. 572 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Voici, comme exemple de cette action, l'expérience : Expérience. — Lapin de 1,750 grammes, reçoit 70 milligrammes de cette substance. Les poids du lapin, pris le lendemain, puis tous les trois jours, ont été successivement : {er jour 1,760 1,680 1,600 1,670 15e jour 1,580 1,410 1,070 Ce lapin est mort le 20e jour et pesait 1020 grammes. A l’autopsie la rate n’était pas augmentée de volume; les ensemencements faits dans du bouilion et sur de la gélose nutritive avec du sang. de la pulpe de foie, de la pulpe de rate sont restés stériles. Pour les cultures dans le milieu de peptone, les résultats de l'inoculation aux animaux de la toxine extraite du milieu sont différents suivant que la culture a été faite à 36° ou à basse température. J’ai opéré avecles microbes de chacune de ces deux sortes de culture asporogène comme avec les bactéries qui avaient poussé sur sérum. La macération dans l'alcool faible, puis la précipitation par l'alcool fort m'ont donné de même deux nouvelles substances. Elles ont été inoculées à des lapins. Les expériences que ‘ai faites de cette façon sont trop peu nombreuses pour en tirer des conclusions bien formelles. J'ai constaté que l'extrait des bactéries qui ont cultivé à la température de 20°ne produit pas grand effet aux animaux. Le cas le plus favorable m’a donné, chez un lapin de 1,940 grammes, une perte de poids inférieure à 60 grammes pour l’inoculation d’une dose de ce produit égale à 210 milli- erammes, soit 108 milligrammes par kilogramme. Au contraire, la substance provenant des microbes dévelop- pés à 36° conserve une certaine activité qui s’est manifestée sur les animaux par de l’amaigrissement marqué. Sur quatre lapins inoculés, un est mort pour une dose de 80 milligrammes par kilog. Par conséquent, la comparaison de ces cultures faites dans le même milieu, à deux températures diflérentes, nous donne : pour la culture faite à 36°, un liquide faiblement toxique et des microbes ayant conservé à leur intérieur une notable quantité de toxine: pour la culture faite à 20°, un liquide contenant une grande quantité de toxine et des bacilles chez lesquels il m’a été impos- sible de révéler la moindre trace de toxine. A cette température de 20°, la bactéridie est certainement dans de mauvaises condi- SUR LA TOXINE CHARBONNEUSE. 573 tions d'existence. Probablement beaucoup d'individus meurent avant que les cultures soient traitées pour l'extraction de la toxine, laissant ainsi diffuser dans le liquide de culture la tota- lité des poisons qu'ils renfermaient. Ainsi, il existe dans le Bacillus anthracis une toxine; mais celle-ci reste contenue à l’intérieur du microbe dans le plus grand nombre des milieux où se développe la bactéridie. M. Duclaux pense que les toxines sont excrétées par les microbes quand ceux-ci se trouvent dans des conditions défavo- rables d’existence ‘. Il me semble que les expériences que je viens de rapporter pourraient être interprélées dans ce sens. A la température de 36°, la bactéridie donne dans le sérum de sang de bœuf de très belles cultures, mais le milieu ne contient pour ainsi dire pas de toxine. A la température de 20°, les cultures dans une solution de peptone se font lentement et sont maigres; par contre, on relire de cette solution une toxine active. Il en est de même pour les cultures faites dans le bouillon à la température de 36°. Ces cultures ne sont nullement toxiques et n’aménent pas la moindre perte de poids des animaux en expé- rience. | Le fait de la moindre toxicité du milieu de peptone, quand le développement de la bactéridie s’y fait en présence d’une grande quantité d’air fréquemment renouvelée, tient peut-être, non à de meilleures conditions de vie du microbe, mais à une oxydation delatoxine,oxydation quidiminueraitl’activité de cettesubstance. La toxine que j'ai préparée renfermant probablement beau- coup de matières étrangères entraînées mécaniquementlors de sa préparation, ilm’a semblé illusoire de chercher à quelle classe de corps elle pourrait appartenir au point de vue chimique. CONCLUSIONS En cultivant à basse température la bactéridie charbonneuse dans des solutions de peptone glycérinée, on peut extraire du milieu de culture une toxine particulière à la bactéridie. 1. M. A. FerNgac a déjà montré que pour l’Aspergillus niger, le passage de la sucrase à l’extérieur des cellules subit l'influence d’un état de souffrance de . ces cellules (ces Annales, t. IV). “574 ‘ ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Cette toxine n’a pas les réactions connues des matières albu- minoïdes ; en outre, elle ne transforme ni l’empois d’amidon, ni les solutions de sucre de canne, ni les solutions de glycogène. Inoculée aux animaux sensibles au charbon, elle amène, à certaines doses, la mort de l’animal par cachexie. Les animaux réfractaires à la maladie microbienne (poules, grenouilles, poissons) paraissent être presque indifférents à la toxine. Il semble en être de même des lapins immunisés contre le charbon par des virus atténués. Cette substance estatténuée, maisnon complètement détruite, par le chauffage à 110°, différant ainsi du venin des serpents, des toxines tétanique et diphtérique, et des diastases. Au contraire, de même que les toxines microbiennes précé- dentes, elle perd son action sur les animaux si on la met au contact des hypochlorites alcalins. L’insolation prolongée en présence de l’air amène le mème résultat. En employant des doses convenables et graduées de toxine charbonneuse, on peut arriver à immuniser des animaux contre le charbon, de même qu'avec les autres toxines on arrive à donner l’immunité contre les maladies correspondantes. Les cultures de charbon dans d’autres liquides tels que le sérum de sang de bœuf, les bouillons de viandes de cheval, de bœuf ou de veau ne contiennent pas de toxine d’une façon appré- ciable. Par contre, on peut extraire des cultures de charbon sur gélose nutritive une toxine, en faisant macérer dans de l’eau alcoolisée les microbes qui ont poussé sur ce milieu. L'apparition de la toxine charbontieuse dans un milieu dépend donc d’une manière très étroite des conditions d’exis- tence qui sout données à la bactéridie dans ce milieu. Quand ces conditions se trouvent réalisées, la toxine, contenue à l’intérieur des microbes, se diffuse à l’extérieur. k na | SUR LE DOSAGE DES ABCOOES ET DES ACIDES VOLATILS Par E. DUCLAUX DEUXIÈME MÉMOIRE SUR LE DOSAGE DES ALCOOLS Dans ce mémoire comme dans celui qui précède (v. p: 265), je n'ai fait que réunir el coordonner, en vue de la pratique, des résultats de mes recherches, dont quelques-uns ont déjà paru, disséminés dans divers recueils. Je tiens à dire cela en commen- çant, car on pourait m'accuser, Sur le vu de certaines parties de mon travail, de reprendre et de recommencer, en ce qui concerne l'alcool ordinaire et sur quelques autres points, le travail que M. J. Traube a publié 5} y a huit ans sur ce sujet‘, tandis qu’en réalité c’est M. Traube qui a recommencé le mien. Il l’a refait sans le connaître, bien entendu, car ilme reproche en 1887*° de n'avoir pas publié des tables qui avaient été imprimées deux fois, en 1870 et 1874, sous diverses rubriques, dans les Annales de physique et de chimie*. Les nombres de M. Traube sont pourtant un peu différents des miens. Cela doit tenir en partie à la différence des procédés opéra- toires. Le stalagmomètre de M. Traube est un peu différent demon compte-gouttes. Mais ce n’est pas le moment d’insister sur les légers écarts entre 110$ résultats. Nous les retrouverons tout à l'heure. Mon seul objet est d'indiquer une méthode pratique rapide et exacte pour le dosage des alcools de la série grasse. + Le principe de la méthode est celui-ci : les tensions superfi- cielles des divers mélanges d’eau et d’alcool vont en diminuant avec la richesse alcoolique, d’où la conclusion que le nombre de gouttes qu'an volume constant de ces divers mélanges fournira, |. Zeitschr. f. anal. Chemie, 1886. Ber. d. d. chem. Gesells. 1887. 2. Ber. d. d. chem. Gesells, A85T, P. 2895. 3. T. XXI, 4 série, 1870, p. 385, et t. II, 5e série, 1874, p. # du mémoire, 576 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. en passant au travers d’un même compte-gouttes, ira en augmen- . tant avec son degré alcoométrique. . C'est ici qu'intervient le choix du compte-gouttes. Celui dont j'ai proposé en 1871 l'emploi est une simple pipette de 5 c. c., munie d’un orifice tel que lorsqu'on opère avec de l’eau, les 5 ec. c. de ce liquide que la pipette contient jusqu'à son trait supérieur donnent exactement 100 gouttes à 15° C. Ces compte-gouttes existent dans le commerce; mais l’expé- rience m'a appris que les constructeurs trouvent quelques diffi- cultés à les fabriquer. C’est qu'ils ne se rendent pas compte du mécanisme de la formation des gouttes. En se renflant à l’extré- mité inférieure de l’appareil, la goutte s’entoure, par le jeu des forces capillaires, d’une membrane élastique et résistante, à la façon d’une surface decaoutchouc qui se tend et se brise lorsque sa tension atteint un niveau voulu, dépendant de la composition du liquide. Quand cette valeur est atteinte par suite de l’augmenta- üon graduelle da poids de la goutte qui gonfle le sac, la paroi cède le long du cercle de gorge de la goutte, cercle qui présente à très peu près le même diamètre que l’orifice au-dessous duquel la goutte se forme. Cette goutte tombe, et une autre se forme, grossit et tombe à son tour quand elle a le même poids et par conséquent Ja même grosseur que la première. Le poids des gouttes dépend donc uniquement du diamètre de la surface d’at- tache de la goutte à l’appareil, et ce diamètre à son tour est déterminé pratiquement par la condition que, lorsqu'on opère à 15°, avec l’eau distillée, chaque goutte pèse exactement 50 milli- grammes, ce qui donne 100 gouttes pour les 5 c. c. d’eau contenus dans la pipette. Le diamètre du cercle sur lequel se forment les gouttes est approximativement de 3,45 Ces gouttes à leur tour ne doivent pas se suivre trop vite : il faut que le liquide quiles forme y arrive sans vitesse; il convient de ne pas trop s'éloigner d’une seconde comme périodicité. Ceci dépend à son tour du diamètre et de la longueur du canal capil- laire dont est percé l’orifice d'écoulement. C’est le frottement sur la paroi du canal qui sert de frein, et ce frottement est d'autant plus retardateur que le canal est plus long pour un même diamètre, ou plus étroit pour une même longueur. Il est facile de disposer de l’une ou de l’autre de ces dimensions pour obtenir le résultat voulu. DOSAGE DES ALCOOLS. 011 - Ce bec doit en outre être entretenu bien propre, et n'être jamais touché avec les doigts. La plus petite trace de matière grasse à sa surface s'étend en voile invisible à la surface des gouttes d’eau qu'il porte, et en diminue la tension superlicielle, de sorte que le poids de la goutte est réduit et le dosage faussé. Une fois la pipette remplie par aspiration, on amène l’affleure- ment au trait, et on nettoie le pourtour de l’orifice d'écoulement avec uu fragment de papier buvard. C'est précisément cette facilité de nettoyage de la surface sur laquelle se forment les gouttes qui m'a fait préférer la méthode du compte-gouttes, proposée par MM. Le Berquier et Limousin, à la méthode des tubes capillaires, où c’est aussi la tension superficielle qui règle les hauteurs d'ascension des divers liquides, mais dont le nettoyage intérieur est aussi difficile que nécessaire. Pendant l'écoulement, on installe la pipette au moyen d'un bouchon sur un flacon à large goulot, en la mettant bien verticale. Puis on compte. La numération n’est pas aussi ennuyeuse qu'on pourrait le croire : elle devient bientôt tout à fait instinctive, et n’en est que plus sûre. Voyons maintenant comment, du nombre de gouttes fourni, on va tirer la nature et la quantité d'alcool contenu dans les 5 c. ce. de liquide. ; La méthode exige d’abord que la dissolution étudiée ne con- tienne que de l'alcool. C’est à quoi il est facile d'arriver par dis- tillation dans un liquide neutre, ou mème alcalin, de façon à retenir les aldéhydes qui se forment fréquemment dans les procès de fermentation, et dont la présence, comme nous le verrons plus bas, viendrait fausser le dosage. Nous supposerons donc que nous avons affaire à une simple dissolution alcoolique. Nous supposerons en outre, pour commencer, qu'il n’y ait qu'un seul alcool présent. Disons tout de suite que c’est le cas le plus général, et qu’autant il est fréquent de rencontrer plusieurs acides gras dans le même liquide fermenté, autant il est rare d'y trouver plus d’un alcool; quandil y en a deux, ou plus, les “autres sont en quantités très faibles. Quand on veut caractériser l’alcool contenu dans un liquide, on ne dispose guère, en dehors de quelques réactions qui le détruisent, que de sa façon de passer à la distillation et de sa den- sité. Mais, à ce point de vue, tous les alcools se comportent à peu près de même. Il y a bien, dans la façon dont leurs vapeurs se 37 518 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. condensent sur les parois froides du réfrigérant, dans la formé et le degré de mobilité des gouttelettes condensées, des différences ferceptibles, dont on pourrait faire des éléments d'appréciation. Mais, au point de vue des densités, tout est pareil, et des disso- lutions renfermant des volumes égaux de divers alcools ont la même densité à quelques dix-millièmes près, de sorte que les différences sont inappréciables par cette voie. Elles ont au contraire des tensions superficielles fort iné- gales, et donnent des nombres de gouttes très différents, qu’il est facile de déterminer à l’avance, en s'adressant à des alcools bien déterminés etpurs. Une fois ce travail fait, etles tables qu’on trouvera plus bas dressées, le problème devient facile ; chacun de ces alcools est caractérisé par sa densité et son nombre de gouttes. Le nombre de gouttes correspondant à une certaine densité donne le nom de l’alcool ; la densité mesurée soit à l’alcoomètre, soit de préférence par la méthode du flacon, donne la proportion centésimale en volumes. De sorte qu'une solution alcoolique inconnue étant donnée, onla passeaucompte-gouites, on cherche dans les tables celle où le nombre de gouttes trouvé correspond à la densité, et cette table donne, par une seule lecture, le nonr de alcool et la proportion dans le mélange. Cela posé, voici les tables correspondant aux divers alcools. Pour les premiers de la série, les plus solubles dans l’eau, je n'ai pas poussé plus haut que la proportion de 100/0 en volumes, parce que, au delà, le compte-gouttes perd de sa sensibilité, tandis qu’il est supérieur à toute autre méthode pour l'étude des solu- tions très étendues. On peut d’ailleurs ramener dans les limites des tables, par dilution, les liquides alcooliques plus concentrés. Pour les alcools peu solubles dans l’eau, et qui, dans les disülla- tions de liqueurs fermentées, viennent former des gouttelettes ou des couches continues à la surface du liquide distillé, j'ai poussé jusqu'à la limite de saturation. Seulement, commeils sont moins abondants que les autres, et qu'ils font varier beaucoup plus le . L 2 nombre de gouttes, j'ai davantage détaillé la table pour eux, de façon à permettre un dosage au millième. Les densités marquées sur le tableau sont exprimées en millièmes. Dans ces limites, elles peuvent être considérées comme identiques pour les divers alcools ramenés au même GLÈTÉ. LE . . DOSAGE DES ALCOOLS. D19 x ALCOOLS MÉTHYLIQUE, ÉTHYLIQUE ET PROPYLIQUE Alcool 0/0, Densités, NOMBRE DE GOUTTES en volumes. A. méthyl. A. éthyl. A. propyl. 1 998 104 107 112 2 997 107 113 122 3 996 110 118700 150 4 994 113 122.5 " 138.5 b) 993 116 126.5 146 6 992 118.5 130.5 152 fl 990 120.5 134 158 8 989 123 137.5 163 9 988 125 140.5 167.5 10 987 127 144 172 ALCOOLS BUTYLIQUE ET AMYLIQUE Alcool 0/0, Densités. NOMBRE DE GOUTTES en volumes, A. butylique. A. amylique. 0.2 1.000 107.5 120.5 . 0.4 999 115.5 137 0.6 999 123 150 0.8 999 429.5 161.5 1.0 998 135 171.5 1.2 998 140 | 181.5 1.4 998 145 189 1.6 998 148.5 199 1.8 997 153 207.5 2.0 997 197 215.5 2.5 996 168 235 3.0 996 177 254 3.5 995 185 | 274 4.0 994 193 291 D .0 993 209 » 6.0 992 224 » 7.0 990 239 » 8.0 989 259 » 9,0 988 270 » 10.0 987 286 » La figure 1 rassemble, dans un tableau synoptique, tous ces résultats, et donne en même temps un moyen, encore plus rapide que l'emploi des tables, pour trouver la nature et la proportion d'un alcool. Elle porte, en effet, à sa partie supérieure, une échelle des densités, mesurées par la méthode du flacon, à 18°. Une fois connue celle du liquide sur lequel on opère, et qu'on peut Le Pos 580 = ro « to ter 8 ES E Nombre de. gouttes 170 160 150 140 130 120 410 400 1 0 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 4e "| CHR Alcool p. 100 en Fig. 1 G vodrimes e 11000 «2 2 Es Densiles 8 Le] CR OS ù or: * DOSAGE DES ALCOOLS. 581 PRE ” . e< . . . déterminer, si on veut, dans une première approximation, et si on à assez de liquide, par une pesée soigneuse à l’alcoomètre, on n’a qu'à chercher, dans la colonne verticale marquée par la densité, quel est l’alcool qui fournit le même nombre de gouttes, REA FH AH HEIN sx Wornère de gouttes ITFE pa F2 mm HE ER HE si FA 100 nn EEE RER] 01 09 03 04 05 06 a1 08 ag do 14 A2 13 14 15 16. 17 18 19 La - Alcool P 100 ert valzirries Fig. 2 S. = et le problème est résolu. Si par exemple un liquide qui pèse 2a l’alcoomètre, ou qui, à une densité de 997, donne 157 gouttes à la pipette, il contient 2 0/0 d'alcool butylique. Comme l'indication de l’alcoomètre est toujours un peu différente, avec les alcools de degré supérieur, de la densité réelle, il faudra, si on veut de la précision, corroborer cette première indication par une mesure exacte de la densité. Mais les différences de nombres de * 582 ANNALES DE L’INSTHUT PASTEUR. gouttes entre des alcools au même degré sont telles que cela est souvent inutile. : | 7 Comme, avec l'alcool butylique et amylique, le nombre des gouttes varie très rapidement avec la richesse alcoolique, on à consacré à ces 2 alcools, fréquemment présents dans les liquides de fermentation, une figure spéciale à plus grande échelle pour les solutions étendues, et qui s'explique d'elle-même. La ligne supérieure des densités s’y réduit à une droite. (Fig. 2.) CORRECTIONS DE TEMPÉRATURE Toutes les déterminations qui précèdent sont censées faites à la température de 15°. Mais on peut ne pas s’astreindre à cette obligation. Il est facile, en se servant de tables bien connues, de passer de la densité déterminée à une température quelconque à ce que nous avons appelé la densité à 15°, c’est-à-dire au rapport entre les poids de volumes égaux de liquide alcoolique et d’eau distillée à cette température. Pour le nombre de gouttes, il existe aussi une table de corrections que l’on peut simplifier de la manière suivante : 50 100 150 200 98 99 100 101 108 109 110 111.5 118 118.5 120 122 127.5 128 130 132 136 138 140 149.5 143 147.5 : 450 152.5 155 457.5 160 163 165 167.5 170 173.5 174 177 180 183.5 184 187 190 193.5 194 197 200 203.5 205 207.5 210 213.5 215 217.5 290 2923 295 997.5 230 233 236 237.5 240 9243 246 218 250 252,5 Lorsqu'un alcool donne à 15° le nombre de gouttes indiqué dans la colonne correspondante du tableau, les nombres qu'il donne aux autres températures sont, pour des différences de +% 4 DOSAGE DES ALCOOLS. D83 5°, représentées approximativement par les chiffres ci-dessus. Les corrections étant très petites, à moins qu'on ne s'éloigne beaucoup de 15°, peuvent être faites approximativement et de tête, de sorte qu'il n’y a aucune difficulté. VÉRIFICATIONS Le procédé est tellement simple que je crois inutile de citer aucun exemple numérique; mais je voudrais profiter de l’occa- sion pour montrer que les nombres ci-dessus méritent créance, et que, bien qu'ils soient différents sur quelques points de ceux de M. J. Traube, ils permettent des dosages précis, à la condi- -_ tion qu’on ne change rien au procédé opératoire. Voici en effet un moyen d'éprouver. leur exactitude. On soumet à la distillation un volume connu d’une solution alcoo- lique étudiée au densimètre et au compte-gouttes, et dont la teneur en alcool est connue par les tables qui précèdent. On frac- tionne le produit de distillation en diverses parties dont chacune. est étudiée par la même méthode. Dans le fractionnement, les densités et les nombres de gouttes embrassent une échelle assez étendue, le long de laquelle s’étagent une série dé détermina- tions. On fait la somme des quantités d'alcool contenues dans les diverses prises. Si les nombres de l'échelle sont exacts, cette somme doit être très approximativement égale à la quantité totale d'alcool existant dans le liquide distillé. Or, c’est ce ‘que montrent les opérations ci-dessous, dans lesquelles on peut trouver aussi la loi de distribation de l'alcool dans les diverses prises recueillies depuis le commencement de la distillation. Les opérations se faisaient de la manière suivante. Le volume de la solution alcoolique distillée étant de 100 e.c., on prélevait des prises successives de 10 €. c. qu'on faisait passer au compte- gouttes, soit telles quelles, lorsqu'elles n'étaient pas trop con- centrées, soit après les avoir étendues d’eau, lorsque leur titre élait de ceux pour lesquels le compte-gouttes perd de sa sensi- bilité. On trouvera, dans Les tableaux suivants, le degré de dilu- tion auquel était amenée chaque prise, le nombre de gouttes de la solution diluée, la quantité d'alcool qu’elle contenait, mesurée d’après les tableaux ou les éourbes de ce mémoire, la somme de ces quantités d'alcool recueillies, et leur distribution en cen- -tièmes dans les diverses prises. & 384 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ALCOOL ORDINAIRE 2 c. c. étendus à 100. 1re prise de 10cc donne 159,5 et contient 1cc,48 soit 74 0/0 De rie A ee MSG RE À 0-36 = n9070 3e — —— — . 4106 — 0, 09 — 5 0/0 ,98 fe RE T | 00 01 40070 je = — — 100 — 0, 00 — » » » 10 €. c. étendus à 100. dre prise étendue à 50cc donne 1465,5 et contient 5cc,40 soit 54 0/0 2e — — 20 — A6 _ 3, 24 — 32 0/0 NE NE 10 ER 446 — 1,16 — #200{,, Le / { le — — » — 1125 — 0, 49 — 20/0 je —= — » — 102 — 0, 02 — » 245 | 6e — — » — 100 — » D — » }» On voit qu’en distillant au tiers un liquide alcoolique, comme on le fait d'ordinaire, on ne recueille pas tout l'alcool, et qu'il en reste des quantités sensibles et mesurables dans la cornue ou sur les parois du réfrigérant. On voit en outre que le procédé de dosage a une précision suffisante. Il en est de même pour les autres alcools. ALCOOL BUTYLIQUE 2 cac.,35, étendus & 100. Are prise étendue à 50 donne 198,5 et contient 2cc,22 soit 95 0/0 2e — 202.119 — 0, 10 — 5 0/0 3e æ ID SIDA A en vu 4e — » — 100 — » » — a ) Les 3 premières prises contenaient donc en tout 2ec,33 au lieu de 2ec,35. A0 c. c. étendus à 100. 4re prise étendue à 200 donne 18455 et contient 6cc,94 soit 70 0/0 2e à 104 2e æ 2, 81. — 98 0/0 3e — 10 — 141 — 0, 143 — 1 0/0 99 4e — D» _— 102,5 —— 0, O1 — » De — » — 401,5 — » D — )» 6e — » — 100 —— » D — » Les quatre premières prises contiennent done 9ec,89 au lieu de 40cec. Ce qu’on trouve après la troisième prise provient évidem- ment du lavage des parois de la comnue. L'alcool butylique dis- ülle donc plus rapidement que l'alcool ordinaire, à concentra- tion égale, lorsqu'il est pur. DOSAGE DES ALCOOLS. D85 ALCOOL AMYLIQUE 2 €. c. étendus à 100. 1re prise étendue à 100 donne 2095 et contient 1cc,85 soit 92 0/0 2e Je 10 01189 =” 0, {48 "7 0/0 3e = ee ur e 0, 0 40/0200 4e — » — 410 — » D — } D) Les 4 premières prises contiennent donc 2ec,01 au lieu de 2ec, 10 €. c. étendus à 100. re prise étendue à 250ce donne 226#r et contient 5ce,55 soit 33 0/0 2e — . 250 — 197 — 3, 90 — 39 0/0 3e — 90 — 176 — 0, 50 — 5 0/0 4e 1000-20 194 = 0, 03 — 102014, je — 10 — 119 — 0, 02 — » » Ge = 10 1140 = DAC EUR 7e — 10 — 108 — (CU ES 8e — 10 — 104 == » No D) Les six premières prises contiennent done 10cc,03 au lieu de 40ce, L'alcool amylique distille donc aussi plus vite que l'alcool ordinaire, lorsqu'il est à l’état de solution dans l’eau, comme c'était le cas pour la première distillation. Pour la seconde, c'était en réalité un mélange de deux liquides qui distillait, et la comparaison avec les expériences précédentes n’est plus possible. On voit pourtant que la distillation doit être poussée très loin, si on veut bien laver les parois et recueillir tout l'alcool amy- lique introduit. Cas d'un mélange de deux alcools. Jusqu'ici, nous avons supposé que nous n'avions affaire qu’à un seul alcool, de la série grasse. Lorsqu'il y en a deux ou plu- sieurs, le problème devient plus difficile à résoudre. Il faut pourtant distinguer tout de suite le cas où le second alcool n'intervient qu'à l’état d'impuretés, de celui où il est en propor- tions voisines de celles du premier. Dans le premier cas, on est averti du mélange parce que le nombre de gouttes n’est d'accord avec la densité pour aucun des alcools, mais s’en rapproche beaucoup pour l'un d’eux, se tenant au-dessous si l’impureté est due à un alcool de degré inférieur, au-dessus si c’est un alcool de degré supérieur. Dans un travail sur les vins, inséré en 1874 dans les Annales de Chimie et de Physique, j'ai montré en + 586 ANNALES: DE INSMTUT . PASTEU Les effet que l'alcool des vins, des bières, les alcools d'industrie avaient toujours un litre au compte-gouttes supérieur &leur titre alcoométrique, et M. J. Traube a, depuis, en 1887, confirmé toutes mes dennées. J'avais montré, en outre, que ces alcools de degré supérieur provenaient surtout des fermentations secon- daires ayant accompagné la fermentation alcoolique, Quand les corps mélangés à l'alcool principal de la fermen- tation sont en proportion très faible, aucun dosage au compte- EE L « , L L 3 : e e L) . . n gouttes n'en peut indiquer la nature. Mais quand. il n’y a que deux alcools mélangés, et que leurs proportions sont compa- rables, on peut trouver leurs poids respectifs avec une assez grande approximation, à l’aide du tour de main que voici : Amenons le mélange, par une distillation ou une affusion d'eau convenable, soit à marquer une certaine densité absolue, soit, ce qui est plus pratique, à marquer un même degré à. l’'alcoomètre. Il n’y aura plus, il est vrai, correspondance exacte entre le degré alcoométrique et la densité, car l’aleoomètre n’est gradué que pour l'alcool éthylique, et, plongé dans un autre alcool dont la tension superficielle pour une certaine densité est plus faible que pour l’alcool ordinaire, il se relèvera davantage à cause de la diminution dans l'effet du ménisque autour de la tige; donc, pour lui faire marquer le même degré que dans l'alcool ordinaire, il faudra rendre le liquide moins dense, c’est-à-dire y ajouter plus d'alcool. Il n’y a par suite plus de cofrespondance entre les densités des mélanges et leur degré alcoométrique, mais _- cela nous importe peu, du moment que nous ne cherchons. qu'un moyen empirique de dosage. Voici donc nos mélanges marquant le même de alcoomé- trique. On pourrait de même, si on voulait, les amener à avoir la même densité absolue, mais il faudrait plus de tâtonne- ments qu'avec l’alcoomètre, et la méthode est moins pratique. L'essentiel est que ces mélanges, amenés au même degré alcoo- métrique, vont fournir un uombre de gouttes variableæavec leur composition, de sorte que si on dresse d'avance une table indi- quant le nombre de gouttes de divers mélanges artificiels, amenés aussi à marquer le même litre alcoométrique, cette table donnera la composition du mélange i inconnu dont on connaîtra seulement le nombre de gouttes. Je n'ai pas cru devoir dresser d’avance toutes les tables dont LEE Aie DOSAGE* DES ALCOOUS. , 587 . F2 : s on peut avoir besoin, d’abord parce que ces tables peuvent varier suivant l'alcoomètre dont on se sert, la dimehñsion de sa tige et la façon de relever le niveau d’affleurement. Elles sont tellement faciles à construire, que chacun peut se faire celles qui conviennent à son instrument et à son mode de lecture. Mais les variations provenant de ce fait ont peu d'importance, et on peut, si on veut, se contenter des deux tables suivantes, qui se rapportent aux mélanges qu'on est exposé à rencontrer le plus souvent, ceux de l'alcool butylique et de l'alcool amylique avec l’alcool ordinaire. MÉLANGES D'ALCOOL BUTYLIQUE AVEC L'ALCOOL ÉTHYLIQUE AMENÉS A MARQUER D° A L'ALCOOMÈTRE G.-L. Nombre de gouttes Alcool ord. Ü/0. Alcool butyl. 0/0. du mélange, 126.5 D 0 L32 4, TD 0.3 159 4.5 0.6 151 4.0 125 162 3.0 1.9 174 3.0 2.6 FAR TRES 184 2,3 3.9 + 193 2.0 3-9 209 1.5 4.5 212 1,0 D 2 222 0» ».8 232 0 6.5 La table est dressée pour la température de 15°; elle à été faite avec de l'alcool butylique de fermentation. On voit que la dissolution de cet alcool qui marque 5° à l’alcoomètre contient en réalité 6,5 0/0 d'alcool. MÉLANGES D'ALCOOL AMYLIQUE AVEC L'ALCOOL ÉTHYLIQUE AMENÉS A MARQUER® 50 "A L'ALCOOMÈTRE Gr.-L. Nombre de gouttes Alcool ord. 0/0, Alcool amyl. 0/0. du mélange: 129 - 5 0.0 137.5 és 0.13 145 D 0.25 153 : 4.9 0.38 159 4.9 0.51 173 4.9 0,76 D88 ANNALES DE L’INSTHUT PASTEUR. 185 4.8 1.01 497 4.7 4.26 . 209 4.6 1.52 221 4.3 VOTE 232 3.9 2.03 244 3.6 2.28 259 3.2 2.53 On voit que de très petites quantités d'alcool amylique mélangées à l’alcool ordinaire augmentent beaucoup le nombre de gouttes sans rien changer non pas à la densité, mais à l’indi- cation alcoométrique. Le dernier chiffre obtenu correspond à peu près au maximum de solubilité de l'alcool amylique dans le mélange maintenu à 5° G. L. Reste à ne pas confondre l'alcool butylique et l’alcool amy- lique ; mais les différences d’odeur et de solubilité de ces deux alcools, (surtout quand, après avoir soumis le mélange à la dis- tillation, on éludie à ce point de vue les premières portions du liquide distillé), ces différences sont telles qu’il n’y a jamais de doute à avoir, à moins que l'un des alcools supérieurs ne soit en proportions très faibles, auquel cas il faudrait recourir aux réactions chimiques qui permettent de le caractériser. En somme, nous avons donc le moyen de doser un mélange d’alcools, et avec une approximation assez grande. La méthode serait même parfaite, à cause de sa sensibilité, si elle n'avait le grave défaut de ne s'appliquer qu'à un mélange de deux alcools. Sitôt qu'il y en a trois, on ne peut plus compter sur rien. Heureu- sement ces mélanges de trois alcools sont rares. Ceux de deux alcools ne sent même pas communs, et généralement l’un des deux est en faible proportion. C'est pour cela que, dans les tableaux qui précèdent, j'ai donné plus d'importance aux faibles doses des alcools supérieurs. PRESSE BU BON POULE DEUXIEME NOTE Par MM. YERSIN, CALMETTE Er BORREL (Travail du Laboratoire de M. Roux, à l’Institut Pasteur.) Dans une première note !, M, Yersin a donné la description du bacille de la peste et indiqué son action sur les animaux. Le microbe de la peste est un cocco-bacille que l’on trouve en grande quantité dans le bubon des pestiférés ; il peut de là s'étendre aux autres ganglions lymphatiques et finit par se généraliser. On ne le rencontre toutefois dans ie sang de l’homme qu'en très petite quantité et peu de temps avant la mort, Les épidémies de peste humaine sont précédées d’une grande mortalité chez les rats et les souris, À l’autopsie de ces animaux, on retrouve un bubon comme chez l’homme; il siège soit aux aisselles, soit dans l’aine, soit dans les ou ee mésentère, dans le cas d'infection par la voie ARR Dans ce bubon, on retrouve le même bacille que chez l’homme. Le microbe de la peste se cultive facilement sur gélose- peptone. Il est pathogène pour le rat, la souris, le cobaye le lapin, soit qu'on inocule ces animaux sous la peau, soit qu'on leur fasse ingérer le microbe. Cette dernière expérience de l'infection des animaux par voie digestive ne réussit qu'avec de la peste de provenance humaine, ou n’ayant fait que deux ou trois passages par les animaux. Si on fait des séries de passages, on arrive à obtenir des bacilles de virulence fixe pour l'espèce animale sur laquelle on opère. Ainsi on peut tuer régulièrement la souris en deux jours, le lapin en trois jours, le jeune cobaye en deux à trois jours. Le microbe tuant la souris en deux jours, lorsqu'on le transporte sur le lapin, demande, pendant les premiers passages, un temps assez long pour amener la mort de cet animal; au bout de quelques 1. Voir Annales de l'Institut Pasteur, année 1894, page 662. — Comptes rendus, 30 juillet 4894, — Congrès international de Buda-Pesth, septembre 1894, 290 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. passages, il finit par tuer régulièrement le lapin en trois jours ; mais alors il a perdu de sa virulence envers la souris, et il faut quelques passages de souris à souris pour la lui rendre. La présente note a pour but de démontrer la possibilité d'immuniser les animaux contre la peste, et de guérir ceux qui sont déjà atteints mortellement par cette maladie. | Les expériences ont été faites à l’Institut Pasteur, sous la direction de M. Roux, par MM. Borrel et Calmette, puis par: M. Versin, à son retour de Chine. Nous avons essayé d’abord de vacciner des lapins et des cobayes au moyen de la toxine; mais les cultures filtrées s’étant montrées sans action sur les animaux, nous avons été obligés de recourir à des injections de grandes quantités de cadavres de bacilles, ceux-ci élant tués par un chauffage d’une heure à 58°. Pour faire cette expérience, nous raclions des cultures sur gélose, nous les diluions dans très peu de bouillon, qu'on enfer- mait ensuite en tubes scellés et qu'on chauffait pendant une heure à 580. Si nous inoculons des lapins ou des cobayes avec ces cultures chauffées, nous pourrons tuer ces animaux en injectant des quantités suffisantes dans les veines ou dans le péritoine. L'ino- culation sous-cutanée provoque une induration étendue et longue à guérir. Une ou deux injections dans les veines ou dans le péritoine d’une quantité de culture chauffée suffisante pour rendre les animaux malades sans les tuer, vaccinent contre une inoculation ultérieure du microbe vivant et virulent, mais il faudra avoir soin d'attendre, pour pratiquer celle-ci, que l'animal soit parfai- tement rétabli. Les animaux vaccinés périraient plus vite que les témoins à l'épreuve virulente, si on négligeait cette pré- caution. On peut également vacciner par des. inoculations sous- cutanées répétées de bacilles chauffés. Ce procédé est plus sûr, mais plus long. En général, 3 à 4 injections, faites de quinze en quinze jours, suffisent à vacciner le lapin contre une inoculation sous-cutanée du bacille virulent. Le cobaye est beaucoup plus difficile à immuniser, et on réussit rarement à en préparer qui soient absolument réfractaires à la peste. L'inoculation intraveineuse de la peste est plus grave que ra PE de ni LA, PESTE BUBONIQUE. - 594 l'inoculation sous-cutanée; il faudra done n’employer cette épreuve que chez des animaux très solidement vaccinés. Nous avons essayé l’action préventive et curative du sérum de lapin immunisé contre la peste, et nous avons obtenu des résultats appréciables : 3 centimètres cubes du sérum d’un lapin vacciné suffisent à préserver un lapin neuf contre une inocula- tion sous-cutanée de peste virulente. Cette même quantité de sérum, injectée au lapin 12 heures après l’inoculation viru- lente, arrête la pullulation du microbe et guérit le lapin de la 2 Dinleree Aussitôt ces résultats encourageants obtenus, nous avons entrepris d'immuniser un cheval. Nous avons employé pour cela des cultures de peste tuant la souris en deux jours. Le microbe de la peste causant des indu- rations de longue durée, et souvent des escharres lorsqu'on l’injecte sous la peau, nous avons préféré inoculer notre cheval dans les veines ; nous avons injecté le microbe vivant et virulent, à peu près la valeur d’une culture sur gélose. La réaction fébrile a été rapide et intense; elle a duré une semaine, puis le cheval s’est . lentement remis. Nous avons attendu longtemps pour faire la deuxième injection (vingt jours), puis nous avons inoculé la même quantité de culture que la première fois. La réaction a été intense, mais de très courte durée. Dès lors, nous avons pu injecter des quantités plus grandes de cultures et à des intervalles plus rapprochés. Après 6 semaines de ce traitement, nous avons fait au cheval une saignée d'essai. Le sérum recueilli a été injecté à des lapins, à des.cobayes et à des souris à titre préventif et à titre thérapeutique. Il s’est montré actif dans Les deux cas. L'expérience réussit le mieux avec la souris, parce que nous avons immunisé notre cheval avec du virus de passage de souris. Nous avons réussi à donner l’'immunité à ces animaux en leur injectant 1/10 centimètre cube de ce sérum, 12 heures avant l’inoculation virulente, etàles guérir de la peste en leur injectant 15 centimètres cubes de sérum 12 heures après l’inoculation virulente, faite sous la peau de la cuisse avec un fil de platine chargé de culture. Si l’on compare ces résultats avec ceux que doune le sérum antidiphtérique provenant de chevaux traités seulement pendant æ 592 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. © 6 semaines, on peut être satisfait de l’activité acquisepar notre sérum antipesteux en si peu de temps, et il est permis d'espérer qu'après un traitement plus long, la valeur thérapeutique du sérum augmentera encore notablement. Nous avons essayé sur des animaux l'action thérapeutique de divers autres sérums qui sont : Le sérum normal de cheval; Le sérum antidiphtérique de M. Roux; Le sérum antiéryvsipélateux de M. Marmorek ; Le sérum antitétanique de MM. Roux et Vaillard : Le sérum antivenimeux de M. Calmette. Aucun de ces sérums, injectés à la dose de 5 à 10 centimètres cubes aux animaux, n’a pu les préserver ni les guérir de la peste. Ces expériences sur la sérothérapie de la peste méritent donc d’être poursuivies. Si ces résultats obtenus sur des animaux continuent à être satisfaisants, il y aura lieu de tenter d'appliquer la même méthode à la prévention et au traitement de la peste chez l'homme. LE STREPTOCOQUE ET LE NÉRUM ANTISTREPTOCOCCIQUE Par LE D' ALEXANDRE MARMOREK (Travail des laboratoires de MM. Metchnikoff et Roux à l'Institut Pasteur) * L'intérêt qui s'attache au streptocoque a été sans cesse gran- dissant, tant sont nombreuses les affections qu'il cause ou qu'il vient compliquer. Beaucoup de publications ont été faites sur les formes diverses qu'il peut revêtir, sur les ressemblances et les différences que l’on remarque entre elles, sur son action pathogène et les variations de sa virulence, et aussi sur l’immu- nisation des animaux. Mais, dans ces deraiers temps, où la séro- thérapie a pris un développement si considérable, une préoccu- pation a dominé toutes les autres, à savoir : la recherche d’un sérum curatif. C’est dans cette direction que j'ai conduit mon travail, et si J'ai réussi à obtenir un sérum anti-streptococcique véritablement actif, je Le dois à la large hospitalité de l'Institut Pasteur et aux conseils de mes maîtres, MM. Metchnikoff et Roux. Je leur exprime ici toute ma reconnaissance, ainsi qu'à . 4. Parmi les plus importantes, nous citerons : Doréris, La Fièvre puerpérale, Paris, 1880. Fenceisen, Unters. ueber Erysipel. (Deutsche Zeitschr. f. Chir., XNL.) Rosexsacn, Die Microorganismen bei den Wundinfectionskrantheiten, 1884 et 4886. Mercaxikorr, Vèrchow’s Archiv., 188%, et Leçons sur l’inflammation, Paris, 41892. Wivar, Etude sur l'infection puerpérale, Paris, 1889 Rocer, Action des pro- duits solubles du streptocoque de l’érysipèle. (Comptes rendus de la Soc. de-Biol., 1891); Modifications du sérum à la suite de lérvysipèle (/bëd.); Contribution à l'étude expérim. du streptocoque de l’érysipèle (Revue desMéd., 1899) ; Le strep- tocoque. (Comptes rendus de la Soc. de Biol., 1895, 26 février et 30 mars.) BEHRING, Untersuchungsergebnisse uber den Streptococcus. (Zeïfschr. f, Hyg., 1891, X.) LixGeLsHEIM, Exper. Unters. ueber morphol, ete. Eigensch. verschiedener Strepto- coccen. (Zeitschr. f. Hyg., 1891, X, et 1892, XIL.) Kurra, Ueber die Untersch. der Streptococcen, ete. (Arbeiten aus d. Kaiserl. Gesundheiïtsamt, 189, VIL.) Korn, Exper. Unters., etc. (Zeitschr. f. Hyg., 1893, XIHIL.) De Mareaix, Etude sur la virulence des streptocoques. La Cellule, 1892. Mme Sreser-Scaoumorr, Recherches sur les streptocoques pathogènes. (Arch. des scienc. biol., Saint-Pétersbourg, 4892.) AcHaLue, Sur l’érysipèle, Paris, 1893. Perruscaky, Ueber Infection mit pyogenen Kokken. (Zeitschr. f. Hyg., 1894, XVII.) Et surtout Ricuer et Hérrcourr, Sur un microbe pyogène et septique, et sur la vaccination contre ses effets. (POS RCRERS de l’Académie des Sciences, 188$, p. 690.) 30 ÿ + 294 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ! Ë + M. Nocard qui, à maintes reprises, m'a ouvert son service d’Alfort, avec une bienveillance que je ne puis oublier. ñ # I #, LE MICROBE Chacun sait combien le streptocoque est variable dans son aspect; les diverses formes que l’on rencontre chez l’homme appar- tiennent-elles à des espèces différentes, ou sont-elles des variétés d'un seul microbe? C'est là une question du plus haut intérêt pratique, car, s’il est bien établi que tous ces « chapelets de grains » (Pasteur) ne sont que des apparences d’un unique strep- tocoque, un même traitement sera applicable à tous. , . Des streptocoques qui ont le même aspect au microscope et dans les cultures, inoculés de la même façon à des animaux sensibles (souris, lapins), amèneront tantôt une infection géné- ralisée, rapidement mortelle, tantôt une lésion locale peu éten- due, ou même parfois se montreront inoffensifs. Bien plus, un streptocoque qui a fait périr un homme ne produit souvent chez l'animal qu'une maladie insignifiante. Aux difficultés résultant de la variabilité dans la forme se joignent donc celles qui pro- viennent de la variabilité dans la virulence. Cette perte de la virulence est surtout rapide dans les cultures en milieux artifi- ciels, et elle est un des obstacles Les plus sérieux auxquels se heurte tout d’abord l’expérimentateur. Aussi, il nous a semblé que le premier progrès à réaliser était de trouver un terrain de culture qui conserverait au streptocoque son activité. C’est aussi, la première condition à remplir pour avoir les grandes quantités de virus actif, nécessaires à la préparation du sérum anti-strep- tococcique. 1° Recherche d’un milieu de culture approprié. — L'homme est sans doute plus sensible à l’action du streptocoque que tous les animaux. En eflet, la moindre faute contre l’asepsie pendant une opération, la plus petite blessure, sont souvent l’occasion d’une infection streptococcique mortelle. Et cependant, combien peu nombreux sont les germes qui pénètrent ainsi dans l’orga- nisme ! Il est donc évident que le corps de l’homme est un ter- À? ” # STREPTOCOQUE ET SERUM ANTISTREPTOCOCCIQUE. 595 rain très favorable au streptocoque, que celui-ci y pullule facile- ment et y exalte sa virulence. Le milieu qui conviendra le mieux pour cultiver ce microbe en dehors de l'organisme, et le conser- ver actif, sera celui qui se rapproche le plus des humeurs denotre corps. D'où l’idée très naturelle de faire vivre le streptocoque dans du sérum humain. Mais, lorsqu'on l’'ensemence dans le sérum du sang ou dans le liquide de l’ascite, il se développe si mal que c’est à peine si, au microscope, on rencontre quelques grains épars dans le liquide. Tel qu'il sort de l’organisme, le sérum n’est donc pas le milieu favorable que nous avions sup- posé. Nous avons cherché à le modifier, en l’associant à de la gélose nutritive. Pour cela nous versions du sérum sur la surface inclinée de la gélose, et nous avons obtenu ainsi un milieu sur lequel le streptocoque pousse bien et reste virulent. La gélose n’a, par elle-même, aucune influence ; la modification utile est due au bouillon qui l’imprégne, et il est facile d'obtenir un liquide très propice à la croissance du streptocoque en mélan- geant du sérum. à du bouillon nutritif ordinaire. | Les proportions qui conviennent le mieux sont deux parties de sérum humain et une partie de bouillon de viande de bœuf, peptonisé à 1 0/0. On réalise ainsi un milieu qui présente tous les avantages d’un milieu liquide, et dans lequel le streptocoque reste virulent. Les cultures extraordinairement actives, dont nous avons parlé à la Société de Biologie ‘, et dont un cent milliar- dième de centimètre cube suffit à tuer un lapin, étaient faites dans le sérum humain mélangé à un tiers de bouillon. Lesérumhumain n’est pastoujours facile àse procurer; nousle retirons, le plus souvent, du sang qui s'écoule du placenta après la ligature du cordon, mais les quantités qu’on peut obtenir ainsi sont petites; aussi, avons-nous employé le liquide de l’ascite, qu'on recueille aisément avec pureté et en abondance. L'’expé- rience a montré que la proportion du bouillon à ajouter à la sérosité de l’ascite n’est pas la mème que celle trouvée pour le sérum du sang. Le mélange d’une partie de liquide d’aseite et de deux parties de bouillon est le plus convenable, et cependant il ne donne point des résultats aussi bons que ceux obtenus avec le sérum humain. Dans la même voie, il fallait rechercher si Le sérum d’autres 1. Séance du 26 DER EE , d 596 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. | . animaux ne serait pas aussi avantageux que celui de l’homme. : Nos essais ont porté sur les sérums de cheval, d’âne, de mulet, de bœuf, de mouton, de chèvre, de chien, de lapin, de cobaye, de rat, de souris, de* poule et de pigeon. Chacun a été mêlé à des proportions variées de bouillon, mais trois seulement ont été trouvés aptes à conserver læ virulence du streptocoque, ce sont les sérums d’âne, de mulet et de cheval. Aucun ne vaut le sérum humain : celui qui s’en rapproche lesnlus est le sérum d'âne. Quant aux sérums des autres animaux, ils ne nouê ont point satisfait, bien qu'ils fournissent des milieux de culture supérieurs à ceux qu’on emploie d'ordinaire. Nous classons donc nos liquides de culture au sérum dans l’ordre suivant : 1° Sérum du sang humain, 2 parties; bouillon, 1 partie; 20 Sérum de l’ascite ou de la pleurésie, 1 partie; bouil- Jon, 2 parties ; ' 3° Sérum d'âne ou de mulet, 2 parties; bouillon, 1 partie ; 49 Sérum de cheval, 2 parties; bouillon, 1 partie. Ces milieux sont excellents pour conserver à un streptocoque sa virulence, mais ils ne l’augmentent point. Des cultures succes- sives dans le liquide le plus favorable n’exaltent pas l’activité du microbe ; après plusieurs générations 1l agit sur les animaux comme il le faisait au début. C’est déjà un grand avantage sur nos milieux ordinaires, dans lesquels le streptocoques’affaiblit si rapidement. Les expériences comparatives suivantes mettent le fait en évidence. H Exp. — On ensemence, en même temps, le sang du cœur d'une souris, tuée par.le streplocoque, dans un tube de sérum-bouillon et dans un tube de bouillon ordinaire. Deux jours après, on inocule sous la peau d'une souris 0.95 e. c. de la culture en sérum-bouillon, et à une autre 0, %5 c. c. de la culture en bouillon. La première meurt en moins de 48 heures. La seconde reste vivante. . ù : M, © . + Exe. — Avec le sang du cœur d’une souris qui vient de mourir par le streptocoque, on ensemence un tube de sérum-bouillon et un tube de bouillon ordinaire. Cinq jours après, on inocule sous la peau d’une souris 0.1 €. c. de la culture de sérum-bouillon, et; sous la peau d’une deuxièm® 0,1 c. c. de la culture en bouillon. La première meurt en cinq jours, la seconde n’est pas malade. Ces exemples, que nous pourrions multiplier, montrent que : # LL nt à PE LE STREPTOCOQUE ET SÉRUM ANFISTREPTOCOCCIQUE. 597 | le streptocoque est resté actif dans le sérum-bouillon, alors qu’il était devenu inoffensif dans le bouillon ordinaire. Après un temps très long, la virulence reste entière dans le bouillon-sérum, même à la température de l’étuve. - d % ExP. — Un: lapin reçoit sous la peau, le 29 nov. 1894, 0,3 ‘ce. c. d'une cultüre en sérum-bouillôn, âgée de {! jour, il mêurt en 24 heures. La culture est maintenue à 35°, et le 10 déc. on en injecte 0, 2 e. c. sous la peau d’un # lapin qui succombe en 30 heures. Le 28 janvier 1895, la même culture, restée à l’étuve, ést inoculée, à la dose de 0, 2 c. c. sous la peau d'un lapin qui meurt en 36 HEUTESE Le mélangé de sérum humain et de bouillon convient si bien pour le développement du streptocoque, que des cultures très anciennes s’y rajeunissent facilement, tandis qu’elles ne poussent pas du tout sur les autres milieux. Ainsi, des cultures de strepto- coque sur gélose, vieilles de 6 à 8 mois, paraissent mortes si on les ensemence sur la gélose ou dans le bouillon ordinaire : elles se montrent encore vivantes et pullulent dans le bouillon-sérum. L'addition d’un peu de sérum humain au bouillon évitera désor- mais aux bactériolozistes qui cultivent le streptocoque des ennuis souvent éprouvés. Ce perfectionnement, bien simple en vérité, ya nous permettre de préparer un virus d’une activité inconnue jusqu'ici, et de franchir là première étape vers l'obtention d'un sérum thérapeutique. 29 Exaltation de la virulence du streptocoque. — An augmenter la, virulence d'un microbe, on l'inocule à un animal saules à dose assez forte pour amener la mort, puis on infecte un second animal, soit directement avec le sang ou la pulpe des organes du premier, soit après en avoir fait une culture; en continue ainsi un grand nombre de fois. C'est la méthode classique des passages, si souvent employés par Pasteur et ses élèves. Elle réussit très bien avec le streptocoque, qui, par des cultures successives, d’abord dans les souris, ensuite dans les lamns, s’accoutume à la vie parasitaire et prend une activitéde plus en plus redoutable. Pour la Jui conserver, il est nécessaire de con- tinuer sans cesse les passages, en injectant à un lapin neuf le sang de celui qui vient de mourir. Si, pour économiser des animaux, où pour se procurer une grande quantité de virus, on ensemence ce streptocoque exallté dans du bouillon, sa virulence baisse d’une façon extraordinaire, dès la première culture, et le 598 ANNALES DE L'INSUITUT PASTEUR. bénéfice de cette laborieuse série de passages est perdu. Il n’en est plus ainsi, si l’ensemencement est fait dans le bouillon-sérum, comme nous l’avons déjà montré. Notre méthode consiste donc à maintenir dans les cultures la virulence acquise par les passages à travers les animaux. Nous sommes partis d’un streptocoque retiré de la fausse- membrane d’une angine. Une culture en bouillon, âgée de 30 heures, tuait la souris à la dose de 0,5 c.c. en injection sous- * cutanée, et le lapin en trois jours, par injection intra-veineuse de 1 c. c. L’inoculation de la même quantité sous la peau amenait l’'amaigrissement et la mort tardive des lapins. Notre microbe avait donc une virulence moyenne. Le sang du cœur d’un premier lapin, tué par injection dans les veines, est ensemencé dans le mélange de sérum humain et de bouillon, et après 48 heures de séjour à l’étuve, la culture est inoculée sous la peau d’un second lapin qui périten 18 heures, bien qu'il n'ait reçu que 0,5 c. c. Une nouvelle culture faite avec le sang du lapin n° 2 tue un lapin n° 3 en 12 heures, à la dose de 0,2 c. c. Passant ainsi successivement dans le corps des lapins et dans le bouillon-sérum, le virus est devenu, en 2 mois, d'une activité si grande qu’un microbe unique, pour ainsi dire, introduit sous la peau d’un lapin, suffit à le faire périr. En effet, diluons une de ces cultures si meurtrières, elle tuera encore les animaux à la dose de un cent milliardième de c. c. Il va sans dire qu'il est extrêmement difficile de trouver, au microscope, un article du streptocoque sur les préparations faites avec cette dilution. Quand on l’inocule en même temps à 4 lapins, un ou deux meurent, tandis que les autres ne montrent aucun signe de maladie. Ceux qui succombent ont péri en 30 heures, ce qui prouve bien que notre dilution est si excessive qu'il n’y à pas toujours de microbe dans la quantité injectée. Ce chiffre de cent milliards, par lequel nous estimons la virulence de la culture, correspond, pour ainsi dire, à une « limite physique », car ens diluant davantage, nous n’aurions presque plus de chance d’ino- culer une unité microbienne. Un milliardième de c. c. tue presque tous les lapins qui le reçoivent : un cent millionième amène inévitablement la mort. Dans ces expériences, nous avons fait la dilution de telle sorte que la quantité de liquide injectée füt toujours de 0,1 c. c. STREPTOCOQUE ET SÉRUM ANTISTREPTOCOCCIQUE. 599 La maladie causée, chez les lapins, par ce streptocoque hypervirulent, est de très courte durée si la dose est un peu forte. Un dixième de c. c. sous la peau tue en 6 heures un lapin de 2 kilog. ; la même dose dans les veines ou dans le péritoine, le fait périr en moins de temps encore. A l’autopsie, on note un exsudat hémorragique considérable au point d’inoculation, un épanchement sanguinolent dans le péritoine etdans le péricarde. Tous les organes sont très conges- tionnés et contiennent une quantité extraordinaire de strepto- coques en longues chaîneltes ; les microbes sont moins nombreux dans le sang, et disposés en diplocoques et en courts chapelets de 4 à 6 grains. + IL DE L'IDENTITÉ DES DIVERS STREPTOCOQUES Lé On a cru tout d’abord quele streptocoque, trouvé par Fehleisen dans l’érysipèle, était seul capable de produire cette affection, et que les streptocoques recueillis dans d'autre manifestations morbides telles qu’abcès, angines, pyohémie, etc.,pouvaientbien causer des accidents généraux ou des infiltrations purulentes, mais non l’érysipèle véritable. D'où la distinction en sfreplococcus erysi- pelatis et en Streptococcus pyogenes. Elle n’a pas duré. Bientôtil fut démontré que le streptocoque de l’érysipèle peut être pyogène, et que le streptocoque du pus peut être érysipélateux. Chacun d’eux produit indifféremment toute la série des maladies strepto- cocciques ; les accidents qu'ils causent dépendent de la porte d'entrée et surtout de leur virulence. En effet, exaltez suffisam- ment l’activité d’un streptocoque qui ne faisait d’abord que des abcès, il donnera l’erysipèle, l'infection purulente et la septicémie à marche rapide’. Tous les streptocoques d'origine humaine, devenus suffisamment virulents, donnent aux animaux la même infection rapidement mortelle. Le milieu bouillon-sérum rend cette démonstration particulièrement facile. Des streplocoques venant d’un phlegmon, d’un érysipèle, et d'une angine, et d'activités très différentes, ont été renforcés par la méthode que 4. Widal, de Marbaix, Petruschky, 1. c. : ou in A # CPRARRONE Vi? À LA Ë - _ - . > : » _ . - ÉS L7 e. = D F3 CE CA e- 2 Se © 3 Fs a Se S: o. # ER Le) Te] Go + A V2 EL = EEE 5 ë SPEEÉE ET = î $ F- SSSSSS = = ' S HÉEPÉERLE ES . . = EI & re a = Eu En pes d SeBRE! À = TE 5 Î Si Ze : à HÉEREPrÉEE = E = = F Œ ÿ luorpoolureg = Î EE : à ï _- j =Ÿ = s = à ! = ani jme S ÉRÉREEAE F + E & ee ë = = = = æ 2 à - ER S E EEE = = LE CRTC ES : S F + Z = Æ 2 ei FE à = à El EE Ce vonlaer = I = - RER LE = == a: È S SI Et s à EE : = eu = # DZ: ++ = 1 1: nm t = = © i = GAL NN CITES NE i F FREE SES m è t — = SR 2 C7) GT = — F ee : > ES IOIGIRES ET + T 1 “ S ï = = : = = . è ET T ï De NOTES = . sus = (GE EPRDIRONTES Eu = nl : ï : ÉSnenese - — FE — Î 2e) = i = ET = | 255 Æ EEE To TT nonpoalar Jr. Il mi! - : RESEES 5 HE FE Æ RÉDSSSSOSEN : + Tr PE E Lenssss a RC munlror à SE = = - + SRE, Li = ET 0 0gT) uorpaet SRE = Elo) rome larg u CDR" ra & Fe + - L = + Ca = SERIE 1 = : CAC TETE E — ==" = en 22e 22) où ms LES nl È e É = = _ = = si = © S] = = 1 | Q = E . + BE! EC L'ojuolurg = | = = = EEE EEE S = — . EE 1 Q'ET DOME D Si (To) uote Æ =. SES S ES EN ©" CES EE Eù e ee EE LS 1 ca 2! un 2 UE = = RE DE Le = #7 S = Se == È nr = j ÿ M 1 T 1 ÿ œ! ZE S — EEE + 1 J RSI : RE 4 = EM 7 À É PISE Cao juorpooTar € à FT CRAN CUITE 1 É S eu T : Ë = ! T'ojuoneltre © Ce ES = + és + —_ œu oI mu Be s- & 1 ++ À + 7 FH à É ET à — t L Tü = = > = — = “4 - a en PAT LTILUTTES Il 2 ER: = nee + æ | nn CAC ALU = DT S i EE TJ ! ET à — 1 à 5 ee = RE ë t + = ph ÉEREEEE +1 fo'or juoglirg & Ù ] Ÿ | 1 EE ES 28 Re + = | L re SEE = n DER DE SEE Ex ie E 5 RE RE: è pa ent ri T - È ARTE . Ss= : = ui 3m 2" Pal Ze E | È + I E=sun LE 7 co'o) vomelurz TS : EE Coupe A == a: mms SES EE cm 2: TS EN LE 2 Ne ” EE = —— a ff À = : Es SES EEE +5 1 TS | = : n Si Le EEE Te GOUT = = Gone à] È SÉRERRÉEÉE RO = Ê . PRE + Ji EEE Én RS a - ù T “ u_"& SL ms — à HITLER LT EITT Ccl'oj 00m < = & , ce = => s- 2 Ti = & F & 5 Fr s a æ = e e 3 Ces) 13 e = = 2 #0 A 2 En ERAME Sons . C1 É 3 À ÉLÉERE » (10,0 ). injection S injection (0 injection 9 |10|11|12 CS = er 0) (2 3 5 |14|15 nr Cheval N°5 (Antidiphtérique) LA 26|\27|2 301\81|1 ds y} 13\14\15|16|1/7|16 29 D mu me ° Li + [=] 2 * STREPTOCOQUE ET SÉRUM ANTISTREPTOCOCCIQUE. 603 nous venons de décrire, passage par des animaux (souris d’abord, lapins ensuite), alternant avec des cultures en sérum-bouillon. Tous furent bientôt amenés à un degré de virulence tel qu'ils tuaient de la mêmé façon les animaux par une septicémie suraiguë, quelque füt leur origine. La différence d'action sur les animaux ne peut donc servir à établir des espèces variées de streptocoques; nos expériences confirment l'opinion de ceux qui regardent toutes les affections streptococciques de l’homme comme dues à un microbe unique. À défaut de caractères précis tirés de leur activité pathogène, on à voulu classer les streptocoques d’après l'aspect qu'ils présen- tent au microscope et dans les cultures. Les uns se disposent en longues chaînes formées de nombreux articles, les autres en chaînes courtes ne comptant que quelques grains. Les premiers ne troublent pas le bouillon et se déposent sur la paroi des vases: iis constituent l'espèce streptococcus longus où conglomeratus, plus virulent: les seconds donnent des cultures louches et forment l'espèce streptococcus brevis', peu nocif. Une expérience très simple fait voir que la longueur des chainettes n’est pas un caractère constant: Un de nos streptocoques, ayant passé par un grand nombre de lapins, est par conséquent très virulent: il: laisse le bouillon «parfaitement clair et se dispose en longues chaînettes. Après avoir été inoculé successivement à plusieurs souris, il trouble le bouillon, et se cultive en courtes chaînettes, sans cesser d’être très meurtrier. Un caractère plus stable, mais cependant labile aussi, est fourni par la grosseur des grains. Des streptocoques, recueillis chez l'homme, dans diverses formes d'infection, mon- traient au microscope des différences notables dans la dimen- sion de leurs articles. Les grains des uns étaient très fins, ceux des autres étaient trois ou quatre fois plus gros, et formés par la réunion de deux parties, comme une coque de noix avec ses deux moitiés. Ces différences d'aspect persistaient dans les cultures en bouillon, et on ne voyait point de formes de transition ten- dant à rapprocher les deux espèces l’une de l’autre. Le sang du cœur d’un lapin tué par un de ces streptocoques, A. Lingelsheim, Kurth, Knorr, 1, c RL Lis Trct 7 ou PET VOS TOUT IP L A F 60% ANNALES DE K'INSTIFUT RATER contenait des diplocoques et quelques NE de 4 Là 6 grains, finsget régulièrementarrondis. On l’ensemence dans un mélange de sérosité d’ascite et de bouillon, et aussi dans le milieu com- posé de deux volumes de sérum d’âne pour un volume de. bouillon. Dans le tube ascite-bouillon, il y a, le lendemain, des chapelets de 4 à 10 grains, de la mème forme que ceux du sang, c'est-à-dire petits et ronds; dans le tube sérum-bouillon les chaînes sont beaucoup tr ln avec des grains deux fois plus gros et divisés en deux moitiés juxtaposées. Il suffit donc d’un changement dans la composition du milieu de culture pour modifier la grosseur des articles d’un même streptocoque. Dans le mélange de sérum d’àne et de bouillon, nous aurons des grains plus volumineux si la proportion est de 3 de sérum pour 1 de bouillon, et plus petits Si elle est de 2 de sérum pour 1 de bouillon. Nous n’insisterons pas davantage sur ces particularités ; nous avors déjà dit que nous tenions pour l'unité du streptocoque dans les maladies humaines : nous trouverons, à l'appui de cette opinion, d'autres arguments dans la suite de ce travail ‘. EP, IT , MÉTHODES D'IMMUNISATION » . Plusieurs expérimentateurs, parmi lesquels il faut surtout citer MM. Roger, Behring, Lingelsheim, Mironoff, ont réussi à immuniser contre le streptocoque les animaux de laboratoire, souris et lapins. Les procédés qu'ils ont employés peuvent se ramener à déux : vaccination par cultures stérilisées, et vaccina- tion par cultures vivantes. Les cultures de streptocoque, en bouillon, et stérilisées, sont très inconstantes dans leurs effets; les unes sont presque inoffen- sives, les autres font périr la na des lapins avec un amai- grissemeut rapide, Ceux qui survivent tombent dans un état cachectique, pendant lequel ils sont plus sensibles que les lapins 1. Mn: Sieber-Shoumoff affirme que le streptocôque de l’érysipèle forme, aux dépens du sucre, un acide lactique actif, tandis que celui qu’élabore le streptocoque pyogène est optiquement inactif. Nous n'avons pas fait d'expériences sur ce point particulier. . + & LÀ STREPTOCOQUE ET SÉRUM ANTISTREPTOCOCCIQUE. ?605 La . neufs à l’action du streptocoque ‘. Il faut les laisser revenir à Ja santé avant de leur injecter de nouvelles doses ou de les éprouver par une culture vivante. Le streptocoque, qui n’a pas de spores résistantes, est tué par une température de 58°, prolongée pen- dant une heure, et*par une chaleur de 100° en quelques instants. De même, il périt en présence de petites doses d’antiseptiques, chloro*orme, thymol, etc. Les cultures stérilisées à 58°, ou par les vapeurs de chloroforme, ou mieux encore par la filtration sur une bougie Chamberland, sont les plus actives : il semble qu'une température de 100° modifie la toxine. D'ailleurs, avec les streptocoques que l’on a d'ordinaire dans les laboratoires, la toxine des cultures est toujours peu énergique, ce qui n’est pas étonnant, puisque le milieu dans lequel on fait vivre le microbe l’atténue de plus en plus. D’après M. Roger, le meilleur moyen de vacciner les lapins consiste à leur injecter, à diverses reprises, des cultures chauffées à 120 à l’autoclave. Cette température élevée modifierait les substances toxiques sans détruire celles qui vaccinent. ‘ Nous avons toujours vu, dans nos expériences, que lestani- maux qui ne reçoivent que des cultures chauffées n'’atteisnent jamais un degré d'immunisation comparable à celui qu'ils acquièrent au moÿen des cultures vivantes. s Lorsqu'on emploie les streptocoques vivants, on inocule d’abord aux lapins des cultures anciennes, ou des cultures viru- lentes à très petites doses, et on renouvelle ces injections à plu- sieurs reprises. Tous ces procédés réussissent, à condition d’agir avec ména- sement. Nous ne donnerons pas le récit de nos expériences sur l’immunisation des lapins, parce qu’elles ne diffèrent pas sensi- blement de celles de nos devanciers. Nous dirons seulement que nos animaux les mieux vaccinés ont toujours été ceux qui avaient reçu d'emblée, sous la peau de l'oreille, une culture assez virulente pour leur donner un érysipèle intense. Parmi les lapins inoculés ainsi, un certain nombre périssent, mais ceux qui survivent sont d'autant plus résistants qu’ils ont guéri d’une maladie plus sévère. C’est d’ailleurs une règle générale que l’état réfractaire est en proportion de l'intensité de l’inoculation vac- cinale. Cependant, l’immunité ainsi acquisewn'’est que relative ; 1. Couruont et Ropgr, Compt. rend. de la Soc. de Biol., 1891, és“ 606 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. elle est suffisante contre un virus d’une force donnée, mais elle ne résiste pas à un virus beaucoup plus nocif. Aucun de nos lapins, bien qu'ils aient supporté, à maintes reprises, sans souffrir, des streptocoques regardés ordinairement comme très actifs, n’a survécu à l’inoculation d’une trace de nos strepto- coques renforcés, qui tuent au cent-millionième de ç. c. Quant à leur sérum, il était efficace contre le microbe mortel qui avait servi à les éprouver eux-mêmes, mais il était tout à fait impuissant contre un microbe plus fort. De sorte que, si l’on veut avoir un sérum utile contre tous les streptocoques, il faut pousser l’immunisation des animaux à un degré tout à fait inconnu des expérimentateurs qui nous ont précédé. Chez l’homme, le streptocoque prend souvent une virulence excessive: il est évident que le sérum des animaux vaccinés contre les virus ordinaires échouera chez la plupart des malades, et juste- ment dans les cas où un remède héroïque serait nécessaire. Le sérum idéal sera donc celui des animaux immunisés contre un streptocoque infiniment plus virulent que tous ceux que l’on peut rencontrer dans la pratique. Comment aborder un problème qui se pose ainsi, si nous n'avions pas un milieu, qui, en main- tenant la virulence du streptocoque, permet de préparer, en aussi grande quantité que l’on veut, un virus d’une intensité formi- dable? Les lapins ne conviennent pas pour la préparation d’un semblable sérum, parce qu'ils ne supportent que très diffi- cilement ou tien de streptocoques vraiment énergiques. Nous avons eu recours aux grands animaux déjà utilisés pour la sérothérapie. Nos essais ont porté sur les moutons, les ânes et les chevaux. LM IMMUNISATION DES GRANDS ANIMAUX Le procédé d’immunisation consiste à injecter, sous la peau, d'abord des doses faibles de culture d’un streptocoque extrè- mement actif, et à répéter:les injections quand l'animal est L Qr STREPTOCOQUE ET SÉRUM ANTISTREPTOCOCCIQUE. 607 rétabli, en augmentant progressivement la quantité, de façon que chaque inoculation soit suivie d’une réaction énergique. Chez les animaux très sensibles, comme l'âne, il vaut mieux ne pas débuter par les cultures les plus virulentes. Cellés-ci sont faites de préférence dans le mélange de bouillon et de sérum humain : mais, lorsqu'il en faut de grandes quantités, nous employons le milieu ascite-bouillon ou le bouillon-sérum d'âne. Lorsqu’à défaut de sérum d’âne, nous avons utilisé celui de cheval, le streptocoque a aussitôt baissé de virulence, et donné des réactions moins fortes aux animaux. Une opinion commune est que les grands animaux sont peu sensibles à l’action du streptocoque; cela est vrai pour les streptocoques, même les plus actifs, que l’on trouve dans Îles laboratoires, mais non pour ceux que nous avons utilisés. Le lecteur verra, par les courbes de température que nous reproduisons, avec quelle prudence il faut employennos cultures hypervirulentes. Le mouton paraît mieux supporter les inoculations de strep- tocoque que le cheval et surtout que l’âne : sa température monte moins haut et revient plus vite à la normale. Cependant il éprouve à chaque injection un malaise plus prolongé, il mai- grit d’une façon notable; de sorte que, pour l’immuniser, il faut un temps très long. Après dix mois, un mouton qui avait reçu 1,300 c. c. de culture fournissait un sérum actif. Nous avons renoncé à préparer d'autres animaux de l’espèce ovine, parce qu'ils donnent peu de sérum, et que celui-ei, injecté à l’homme, est douloureux et cause souvent des érythèmes. 1° Immunisation de l'âne. — L'animal mis d’abord en expé- rience est une jeune ânesse pesant 110 kilogr. La première injection, faite à l’encolure, de 0,05 c. c. d’une culture tuant le lapin à la dose de 0,001 c. c., amena une réaction intense. La température atteignit 41°,4 en 12 heures ; un œdème dur et saillant déformait l’encolure et le membre antérieur; pendant deux jours, l’ânesse parut gravement malade. La température tomba le 5° jour, et l’œdème avait disparu après une semaine. Rendu prudent par ce premier essai, nous fimes encore deux injections avec 0,05 c. c. : l'ascension de la température fut moins forte et moins brusque, l’ædème moins étendu. À la sixième injection, qui fut de 0,3 c.c., un petit abcès se forma après CRZ LL ER À L d VX LL LA LL" 608 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. la disparition de lœdème. L'’ânesse supporta ensuite, sans réaction trop forte, des doses de 1 et 2 c. c. Mais l'inoculation de 3c. ©. d’un virus très fort fit monter la température à 400,2 La défervescence s'établit lentement, et le 4 jour il y eut une poussée nouvelle de fièvre. Lorsqu'on augmente les doses de virus ou qu’on donne un virus, plus fort, la fièvre se prolonge, et souvent le 8° jour elle s’atténue, comme dans uue fausse crise, pour reprendre ensuite. « En 5 mois, l’ânesse reçut à peine 120 c. c. de culture, en douze fois ; la violence des réactions exigeant des temps de repos entre chaque inoculation. À ce moment, le sérum était très efficace et donna de bons effets chez l’homme. 20 Immunisation des chevaux. — Le cheval supporte mieux que l'âne l'inoculation du streptocoque. La sensibilité des divers chevaux est assez variable ; un des animaux, parmi les plus résistants que nous ayons rencontrés, reçut, Sans grand malaise, des injections de 0,75 €. c. et même de 2 c. c. de culture, elles déterminèrent seulement un peu d'œdème. Avec 5 c. c., la tem- pérature monta au-dessus de 39°, pour descendre biéutôte Les réactions prolongées, avec fausses crises et redoublément de fièvre, apparurent lorsque les doses inoculées furent de 40 c. c. et au-dessus. '. Chez les chevaux sensibles, un seul centimètre cube élève la température à 40° et même au-dessus ;l'æœdème est plus étendu et l’inappétence plus prolongée. Pour obtenir un sérum efficace, il nous paraît nécessaire de provoquer ces réactions énergiques. Malgré la virulence extrême du streptocoque qui nous a servi dans ces expériences, il a fallu beaucoup de temps pour amener un cheval de grande taille au degré d’immunisation convenable à la production d’un bou sérum. Vers les6* mois, lorsque Pani-* mal a recu près de deux litres de culture, le sérum est efficace pour préserver les lapins contre nos cultures virulentes, mais nous eslimons qu’une année entière n'est pas de trop pour faire d'un cheval un excellent fournisseur de sérum thérapeutique. Au fur età mesure des injections, l'animal s’accoutume à l’action du streptocoque, car il réagit moins lorsqu'on injecte plusieurs . Avant de mettre un animal en expérience, nous lui rétirons du sang et nous recherchons si le sérum n’a pas quelque action préventive vis-à-vis du strep- tocoque. Sur 18 animaux, nous n’en avons trouvé aucun dont le sérum normal eût une influence quelconque sur l'injection strepteococique. L.2 ps STREPTOCOQUE ET SÉRUM ANTISTREPTOCOCCIQUE. 609 fois de suite la même dose de culture, Pour peu que l’on augmente celle-ci, l& ffèvre intense apparaît de nouveau, et c’est précisément parce qu'il est possible d’exciter, pour ainsi dire indéfiniment, la réaction de l'organisme, quenous avons l'espoir de produire des sérums beaucoup plus efficaces encore que ceux que nous possédons actuellement. Mais l'introduction, en un seul endroit, de centaines de c. c. de culture, peut causer des ædèmes énormes, lents à se résorber et se terminant par sup- puration. Celle-ci sera évitée en injectant cette grande masse de virus, en plusieurs piqûres, éloignées l’une de l’autre. Il est vrai ‘que l'injection intraveineuse permettrait de faire pénétrer d’un seul coup ce volume considérable de culture : nous n’avons pas encore osé l'essayer, de peur de provoquer une phlébite qui nous priverait d’une des jugulaires de l'animal. Le premier cheval qui nous ait fourni un sérum thérapeuti- que est une jument de pelite taille (poney) du poids de 240 kilog. Pour tâter sa sensibilité, on lui injecta d’abord. un millionième de centimètre cube, puis cinq millionièmes, et ainsi graduelle- ment jusqu'à ! c. c. et 1/2. La fièvre fut presque nulle. La teni- pérature dépassa 39°. Avec 5 c. c., elle atteignit 40°, avec redou- blement et réaction prolongée à la 12° inoeulation, qui fut de 65 ce. c. Le poney reçut ainsi, en cinq mois, 13 injeclions, soit en tout 195 c. c. de culture. Le sérum retiré alors donna des résul- tats satisfaisants. Aujourd’hui, cet animal est notre meilleur producteur de sérum, après avoir supporté 600 c. c. de virus. Dans leur mémoire sur la sérothérapie de la diphtérie, MM. Roux, Martin et Chaillou ont essayé chez des enfants qui avaient dans la gorge du streptocoque, en même temps que du bacille de Lüffler, l’action du sérum de lapins, vaccinés par M. Marchoux contre le streptocoque. Les essais n'ont pas donné de résultat concluant; mais il est tout indiqué de les reprendre, et il est probable qu'un sérum à la fois actif --contre le bacille diphtérique et contre le streptocoque serait d’un grand secours pour combattre cetle association si meurtrière des deux microbes. Un semblable sérum peut être obtenu par le mélange du sérum antidiphtérique et du sérum antistreptococ- cique. Mais on peut le préparer sur le même cheval, en immu- nisant celui-ci, à la fois contre les deux virus. C’est ce que nous avons fait sur. des.chevaux vaccinés contre la diphtérie, que 3) FÉES 610 ANNALES DE L'INSTITUT .PASTEUR. ” M. Roux a mis à notre disposition. Le premier fait qui ressort de ces expériences, c’est la remarquable tolérance des animaux immunisés contre la diphtérie vis-à-vis du streptocoque. 11 suffit, pour s’en convaincre, de regarder par comparaison le tracé des températures du cheval neuf n° 5 et du cheval n° 3 vacciné contre la diphtérie. Tous deux ont reçu le même virus. Les doses qui amènent, chez le cheval neuf, des réactions con- sidérables, n’émeuvent nullement le cheval antidiphtérique : sa température est à peine troublée. 100 c. c. de culture sont tolérés dès la cinquième injection, et provoquent une élévation de température à 390, tout à fait passagère. Nous ne voyons plus cette fièvre prolongée, à redoublements, que nous avons signalée chez les animaux neufs. L'expérience a été faite sur six chevaux immunisés contre la diphtérie, en même temps que sur six che- vaux témoins; le résultat a toujours été le même. L'intérêt de ces immunisations combinées n’échappera à personne : elles sont à l'étude à l’Institut Pasteur, et seront le sujet d’autres travaux. En même temps que cette immunisation par cultures vivantes, aussi virulentes que possible, nous avons essayé de rendre les animaux réfractaires en les accoutumant à la toxine streptococ- cique. Les études déjà si nombreuses sur la sérothérapie du tétanos et de la diphtérie ont fixé les règles de cette immunisa- tion; le sérum est d'autant plus efficace que les animaux qui le fournissent ont reçu une toxine plus forte et en plus grande quantité. L’excellence du sérum dépend donc de l’activité des toxines. S'il en est de même pour le streptocoque, comment espérer obte- nir un sérum énergique avec la toxine des cultures habituelles? Celles-ci, surtout lorsqu'elles ont été chauffées, sont pour ainsi dire sans action sur les grands animaux. Un mulet à qui l’on injecte dans les veines, en une seule fois, 30 c. ce. d’un liquide concentré, au bain-marie, représentant 300 c. c. de culture, n’a ancun mouvement fébrile. Avant de faire des tentatives dans cette: voie, nous avons voulu avoir une toxine streptococcique qui mérite vraiment le nom de « toxine ». Le microbe à virulence exaltée dont nous disposons, et le procédé de culture dans les mélanges de bouillon et de sérum humain constituaient évidem- ment des conditions bien supérieures à celles où on s'était trouvé jusqu'à présent. De plus, pour éloigner des bactéries … STREPTOCOQUE ET SÉRUM ANTISTREPTOCOCCIQUE. 611 vivantes, nous avons eu recours à la filtration sur bougie Cham- berland, parce que nous avons remarqué que le chauffage, même à 58°, diminue l’activité de la toxine. Malgré ces précautions, une culture, après trois mois de séjour à l’étuve, donne un liquide filtré bien moins nocif que celui des cultures de tétanos ou de diphtérie; il en faut 1 c. c. pour tuer sûrement un lapin de 2 kilogrammes en 3 à 4 jours. Un cheval de petite taille, d'un poids un peu supérieur (300 kilogrammes) à celui du poney dont nous avons rapporté l’histoire, reçut 1,260 c. c. de cette toxiné en 14 injections, dans l'intervalle de deux mois. Il fut très peu éprouvé par ce traitement : Ja réaction la plus forte ne dépassa pas 39°, et ne dura que deux jours, à la suite de l'introduction sous la peau de 215 c. c. de toxine. Son sérum, éprouvé sur les lapins, était très insuffisant, et ne pouvait être comparé avec celui du poney traité par les cultures vivantes. Aussi, nous n'avons point préparé d'animaux par cette mé- thode, nous ne considérons pas cependant qu'il faille l’aban- donnér : nous comptons même la reprendre à nouveau, mais seulement après que nous serons fixés sur la préparation d’une toxine active, semblable à celle que le streptocoque prépare chez l’homme, par exemple, dans certains cas d'infection avec intoxication manifeste '. y LE SÉRUM ANTISTREPTOCOCCIQUE Lorsqu'un animal est amené au degré d’immunisation voulu, il ne faut pas tirer le sang trop tôt après la dernière inoculation. Non seulement la fièvre doit être tombée, mais il est indispen- sable qu'il s'écoule trois à quatre semaines entre la disparition de celle-ci et la saignée. Pendant la période de réaction, le sang ensemencé ne donne pas de culture de streptocoque, mais il est toxique. Un lapin meurt cachectique en 8 jours, après l'injec- tion de 2 c. c. de sérum, recueilli en pleine période fébrile chez un cheval déjà bien immunisé. Le sérum d’un autre cheval, 4. Nous avons essayé d'extraire des organes (foie ou rate) des animaux vaccinés contre le streptocoque, une substance préventive, comme MM. Woolridge, Wright, Gramatschikoff l’ont fait pour d’autres maladies : les résultats sont des plus incertains. 612 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dans un état de vaccination moins avancé, retiré quinze jours après que la fièvre était tombée, à fait périr des lapins, de. 1,500 grammes, dans un délai de 5 à 10 jours, à la dose de 1/2 et 1 c. c. A partir de la troisième semaine, le sérum n'est plus toxique, mais nous posons comme règle qu'il ne doit èlre recueilli, pour l'usage, qu'après quatre semaines au moins ; à cette époque, non seulement il est inoffensif pour les lapins, mais il manifeste un pouvoir préventifet curatif très élevé. Le pouvoir préventif du sérum est mesuré par la quantité nécessaire pour rendre insensible, à l’action d'une dose dix fois mortelle, un lapin de 1,600 à 1,800 grammes, qui l’a reçue douze à dix-huit heures avant l'infection. Un exemple montrera la manière dont cette estimation est faite. Le 22 mai, à deux heures de l'après-midi, on injecte à quatre lapins de 1,500 grammes environ, des doses de sérum égales à 0°°,2 pour deux d’entre eux, et à 0,1 pour les deux autres. Le lendemain, à huit heures du matin, ils reçoivent, sous la peau, chacun un millionième de centimètre cube d'une culture, en même temps que deux lapins témoins sont inoculés avec un millionième et un dix-millionième de centimètre cube de la mème culture. Trente heures après, les témoins sont morts; les lapins qui n’ont reçu que 0,1 de sérum périssent le 10° et le 11° jour, sans que la culture puisse déceler l’existence du streptocoque dans le sang du cœur ni dans les organes. Quant à ceux auxquels on a donné 0,2 de sérum, ils restent bien portants, sans avoir pré- senté d'élévation de température. Dans ce cas, les animaux ont été préservés par une quantité de sérum égale à la 7000° partie de leur poids. Il va sans dire que cette proportion de sérum serait tout à fait insuffisante, si l’épreuve était faite avec une dose plus élevée de culture. Celle-ci est en effet si active, que si on en inocule au delà d’une certaine limite, la mort sera la règle, alors même que l’on aurait introduit dans le corps de l’animal beaucoup plus de sérum. Mais les lapins dont nous venous de parler auraient supporté des doses énormes de culture dustrep- tocoque d'ordinaire en usage dans les laboratoires. Un sérum, tel que celui que nous venons de définir, a donné des résultats assez satisfaisants chez l'homme dans les diverses affections à streptocoques : nous ne le considérons cependant pas Le. is STREPTOCOQUE ET SÉRUM ANTISTREPTOCOCCIQUE. 613 «comme le sérum définitif, il est désirable que sa puissance soit de beaucoup dépassée. : La guérison d’un animal déjà malade est beaucoup plus diffi- cile à obtenir que la préservation, surtout s’il a été infecté avec un peu d’une de nss cultures si rapidement mortelles. Dans ce cas, pour réussir, il faudra employer beaucoup plus de sérum, et intervenir pas trop longtemps après l'inoculation, sans quoi tous les traitements seront inutiles. Un centimètre cube de sérum sauve un lapin infecté depuis trois heures avec une dose dix fois mortelle ; 5 c. ©. guérissent un autre lapin inoculé depuis cinq heures. Des doses de 5 c. c. répétées à six heures d'intervalle. permettent de conserver des lapins qu'une seule injection théra- peutique n'aurait pas guéris. Mais, après le délai de six heures, toutes les tentatives ce curation ont échoué. Elles sont, au contraire, couronnées de succès quand elles sont pratiquées, même après 24 et 30 heures, sur des lapins inoculés avec des sireptocoques de virulence ordi- naire. Ce sérum, prévenlif et thérapeutique contre le microbe vivant, est-il antitoxique? Nous avons parlé plus haut de nos tentatives pour préparer une toxine streptococcique. Bien qu’elles ne nous aient pas satisfait, elles ont mis entre nos mains un liquide, dépourvu de microbes, qui tue sûrement les lapins à la dose de 1 c. c. La recherche du pouvoir antitoxique était donc facile. Un mélange de 1 c. c. de sérum préventif et de 1 c. c. de toxine fait mourir un lapin six heures après le témoin, qui a reçu 1 c. ce. de toxine mêlé à 1 c. c. de Sérum de cheval neuf. Le mélange de 1 c. c. de toxine et de 2 c. c. de sérum préventif tue le lapin avec deux jours de survie sur le témoin. Les mélanges de 1 c. c. de toxine avec 3 c. c. et 5 c. c. de sérum ne font pas périr les lapins, qui subissent cependant un fort amaigrissement. Be sérum a donc un pouvoir antitoxique, faible encore, qui s’accroîtra sans doute. Nous nous réservons de traiter ce point lorsque nous publierons nos recherches sur la toxine du strep- tocoque. 614 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. NI DE L'EMPLOI DU SÉRUM DANS DIVERSES MALADIES A STREPTOCOQUE CHEZ L'HOMME Le streptocoque joue un grand rôle dans la pathologie humaine; à lui seul, il cause des maladies, telles que l’érysipèle, certains phlegmons, des infections. graves post-opératoires ou post-puerpérales, des angines, des broncho-pneumonies souvent fatales. Associé à d’autres virus, il complique la diphtérie, La scarlatine, l’influenza, la broncho-pneumonie, la tuberculose, et en augmente singulièrement la gravité. Les résultats de la séro- thérapie, sur les animaux infectés par le streptocoque, autori- saient à l'essayer sur l’homme’. L’érysipèle est une maladie purement streptococcique ; elle convenait surtout pour cette tentative. Elles ont été pratiquées sous la direction de M. le D' Chan- temesse, dans son service du bastion 29, spécialaux érysipéla- teux. Il lui appartient de faire connaître, avec leurs détails, les observations recueillies sur ses malades. Avant d’en donner ici un court résumé, nous adressons à M. Chantemesse l'expression de notre profonde reconnaissance. L’érysipèle est une maladie peu meurtrière; presque tous les auteurs sont d'accord pour fixer à 5 0/0 la mortalité qu'elle entraine. L'efficacité d’un traitement contre l’érysipèle ne peut donc être établie que sur un très grand nombre d’observa- tions ; il faudra en ajouter bien d’autres à celles rassemblées jus- qu'ici. Du 26 février au 2 juillet 1895, le traitement a été pratiqué. #13 malades sont entrés au bastion 29, La mortalité totale est de16,soit de 3,87 0/0. C’est ce chiffre brut qu'il faut comparer à la mortalité ordinaire et à celle du service dansles années précédentes, Du 1° octobre 1894 jusqu’au 26 février 1895, période pen- dant laquelle on a fait le traitement‘habituel, les 312 malades entrés dans ce service ont donné 16 morts : soit 5,12 °/,. 1. Voir les premières communications à ce sujet, Comptes rendus de la Soc. de Biol., 1895, Marmorek, séance du 26 février. — M. Roger, mème séance, — Marmorek, séance du 30 mars. — M. Roger, mème séance. STREPTOCOQUE ET SÉRUM ANTISTREPTOCOCCIQUE. 615 De ces chiffres on ne peut tirer une conclusion ferme, parce que la différence entre 3,87 °/, et 5,12 °/, est trop petite et qu’elle est calculée sur un nombre de malades beaucoup trop faible. Mais sur les 413 malades, 2 sont morts qui n’avaient point d’érysipèle et qui n’ont pas reçu de sérum. E’un a succombé au tétanos, l’autre a une méningite purulente à pneumocoque. Il reste donc 111 malades avec 114 décès, soit 3,4°/0. 11 convient de répartir ces malades en deux catégories, sui- vant le sérum qu'ils ont recu. La première comprend 306 malades entrés dans les mois de mars, avril et mai avec 5 morts, soit 1,63 0/,. É De ces morts on doit en retrancher 3 : une femme de 16 ans', qui succomba, 10 heures après le début du traitement, à une pneumonie. L’examen bactériologique démontra l'existence du pneumocoque dans le foyer. Une seconde femme, entrée dans le service pour un phlegmon gangréneux de la face interne de la cuisse, était enceinte; elle contracta un érysipèle au niveau de sa plaie et fut traitée par le sérum. L’érysipèle était en voie de guérison au moment de l'accouchement. Le ” lendemain, la température s'élevait et, dans le pus de l’utérus, il y avait des streptocoques. Deux injections de sérum arrêtaient l'infection : la malade devint apyrétique, mais la gangrène s’étendit de plus en plus. Un état cachectique s'établit qui l’em- porta au bout de deux mois. Pendant son séjour à l'hôpital, elle reçut fréquemment de petites doses de sérum, qui atténuaient considérablement les accès de fièvre. Jamais l’urine ne renferma de l’albumine. La gangrène paraissait due à un bacille aérobie spécial, abondant dans les tissus sphacélés. Une troisième femme avait un abcès de a région temporale qui, le lendemain de son entrée à l’hôpital, pénétrait dans la cavité cranienne. Si on retranche ces cas, la mortalité tombe à 0,97 0/0 pour les 306 malades entrés, dont 141 n'ont pas été traités parce que leur érysipèle était bénin, 165 dont l’érysipèle était sérieux ont eu du sérum. Ce sont ceux qui ont fourni les 2 morts, soit 2,2 0/0 sur 165 cas d'érysipèle sévère. Et encore conviendrait-il de faire observer que, parmi les deux décès qui nous restent, il y avait 1. L'histoire de cette femme a été déjà mentionnée dans notre communication à la Société de Biologie du 30 mars 1895. - “+ 616 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR T°" = une femme atteinte d'insuffisance mitrale qui mourut subite ment, et une femme de 68 ans qui ne fut traitée que le troi- sième jour après son entrée. | Lesérumemployé pendantlapériode mars-juin était très énergi- que, ilavait été fourni par un âne et par un chevalbien immunisés. « Pendant le mois de juin, ce sérum vint à manquer. Il fut rem- placé par un autre bien inférieur, dont le pouvoir préventif était de 500, tandis que celui du premier était de 7,000. En juin 105 érysipélateux eutraient au bastion 29; 50 Jégère- ment atteints, et 55 qui furent soumis au sérum. La mortalité totale fut de 8, soit 7,69 0/0. Il faut corriger ce pourcentage en éliminant 3 décédés, d’abord un alcoolique qui se jeta par une fenêtre dans un accès de delirium tremens, 3 jours après la, disparition de l’érysipèle ; puis un second alcoolique qui mourut dans un aceès de délirium tremens si violent qu'il fallut Île maintenir dans la camisole; enfin un homme atteint d’épithé- lioma de cuir chevelu qui prit l’érysipèle à la suite d'une cautéri- sation. Sous l'influence du sérum, il guérit : une rougeur se mon- tra ensuite au bras; elle avait l'apparence d’un érythème, et pendant 6 jours on ne fit rien. Mais la température s’étant élevée, et l'examen du sang pris au niveau de la plaque ayant montré des streptocoques, on pratiqua une injection trop tardive, car le malade succomba 10 heures après. La mortalité est donc de 4,82 0/0. Ce résultat du mois de juin est infiniment moins satisfaisant que celui des trois mois précédents. Il montre que si le sérum n’est pas très-actif, la mortalité augmente aussitôt. La conviction que le sérum antistreptococcique est vraiment efficace dans l’érysipèle, découle moins pour nous de l'examen des chiffres que nous venons de citer que de l'observation suivie de quelques malades parmi les plus gravement atteints. En effet, déjà quelques heures après l'injection, une modification se mani- feste dans tous les symptômes. État général. — Lorsque la dose est suflisante, le malade éprouve un soulagement entre la cinquième et la douzième heure qui suit l'injection. Le mal de tête et la courbature diminuent, le- sommeil revient. LS Température. — L'abaissement de la température est plus ou moins rapide, suivant la gravité du cas. S'il ne survient pas en É2 = +, é STREPTOCUQUE ET SÉRUM ANTISTREPTOCOCCIQUE. 617 . 24 heures, il faut renouveler l'injection. Dans les 2 ou 3 heures qui suivent l'introduction du sérum, il y a une ascension thermique, mais le plus souvent la courbe descend rapidement, et dans les 24 heures elle atteint le chiffre normal. L’érysipèle paraît ainsi jugulé, par une seule injection, lorsque l'intervention est précoce. Quand la maladie est plus avancée, la fièvre disparaît moins vité, elle est surtout tenace dans l’érysipèle ambulant, qui néces- site des injections répétées. Pouls. — Le changement du pouls suit celui de la tempéra- ture. Parfcis, dans la convalescence, il se ralentit jusqu'à ne battre que 48 fois par minute, en même temps que la température s’abaisse vers 56° et même au-dessous, les patients n'éprouvant d’ailleurs aucun malaise pendant cette période hypothermique. Etat local. — I s'améliore plus ou moins vite suivant la gravité de l'infection, le moment de l'intervention et la quantité de sérum employé. Chez des malades, pris au début, nous avons vu la rougeur s’effacer, et la desquamation commencer, 3 heures après l'injection. Celle-ci est rapide et se fait par grands lam- beaux. Les suppurations au voisinage de l’érysipèle sont très rares. Nous n'avons observé qu’un seul cas chez‘un homme qui avait des ganglions tuberculeux près de la région érysipélateuse. Urine. — Une action très remarquable du sérum est celle qui s'exerce sur les reins. On sait que l’albuminurie est fréquente dans l’érysipèle. On ne l’observe pas chez les malades qui reçoi- vent le sérum au commencement de l’affection, et elle disparaît très vite (24 à 48 heures) chez ceux traités plus tardivement. Dose du sérum employé. — IT est impossible de dire quelle est la dose de sérum suffisante pour guérir un érysipèle. Cela dépend de la gravité de la maladie et du moment de l'intervention. Des cas qui s’annonçaient comme sévères ont été enrayés par une seule dose de 10c. c. Lorsque la situation est exceptionnellement grave, il vaut mieux donner d’emblée 20 c. c., et 24 heures après 10 autres, en se guidant sur la température, le pouls et l’état général. Il y a profit, pour les malades, à injecter d'abord une dose un peu forte. Chez cinq malades sujets aux rechutes, nous avons prévenu celles-ci en injectant 10 c. c. par semaine durant un mois. La plus grande quantité de sérum donnée a été de 120 c. ce. en.10 jours, la plus petite de 5 c. c. 618 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR: © Inconvénients du sérum.—L£Les chevaux producteurs du sérum ne | doivent êtresaignésau plustôtquequatresemaines après la dernière inoculation. En effet, le sérum est encore toxique dansladeuxième semaine qui suit la fièvre. Dans la troisième il ne l’est plus; mais, introduit sous la peau, il détermine un gonflement local douloureux. Le sérum recueilli dans la quatrième, semaine ne provoque plus qu'une gène insignifiante ; retiré plus tard encore, il est inoffensif de tous points. Au début, nous avons,saigné des, animaux trois semaines après la réaction fébrile; leur sérum a déterminé une douleur vive et un empâtement, terminé parfois par des abcès qui d’ailleurs ont bien guéri. Dans ces abcès, 1l à avait du streptocoque. Assurément, celui-ci ne provenait pas du sérum, car avant de l’employer, nous l’avions éprouvé par un séjour prolongé à l’étuve ei par des ensemencements dans le milieu sérum-bouillou. Nous croyons que les streptocoques de ces abcès sont introduits par les malades eux-mêmes, qui touchent sans cesse les points douloureux de la piqüre. Ce qui nous fait penser qu'il en est ainsi, c'est que les suppurations sont devenues très rares lorsqu'on a recouvert i&4 piqure par du collodion iodoformé. Peut-être, aussi, les streptocoques sont-ils apportés dans l’infiltation consé- cutive à l’injection par des leucocytes venant du foyer érysipé- lateux. Les streptocoques de ces abcès avaient la même viru- lence que ceux retirés de l’érysipèle lui-même. Depuis que nous avons protégé le point de pénétration de l'aiguille et que nous avons employé du sérum retiré au plus tôt 4 semaines après la fièvre, les infiltrations douloureuses et les abcès ont disparu Chez les personnestraitées, on observe quelquefois deuxsortes d'érythèmes. L'un, d'aspect ortié, avecélévation de température ; l’autre, rappelant le purpura, n’est pas accompagné de fièvre. Le sérum a été aussi essayé sur d’autres infections à strep- tocoques, dans les services de MM. Bar, Cuffer, Sevestre, Pozzi et de M. le professeur Dieulafoy. d'adresse ici à tous ces maîtres mes remerciements sincères. Fièvre puerpérale. Le séram NE est spécilique, il ne s’adresse qu'aux infections à streptocoque; il faut donc établir le diagnostic bactériologique de la maladie. Une malade infectée par le bactérium coli, par exemple, ne = SIREPTOCOQ UE ET SÉRUM ANTISTREPTOCOCCIQUE. 619 CE aciers pullement du sérum antistreptococcique. Les méde- cins doivent se pénétrer de la nécessité du diagnotic scientifique. C'est la condition expresse de l’emploi judicieux des sérums thérapeutiques. Le sérum agit d'autant mieux qu’on l'administre plus tôt ets que l'infection puerpérale est simple, c’est-à-dire causée par le streptocoque seul. L'association du bactérium coli est une com- plication fàcheuse qui n’est pas influencée par le sérum. Nous tenons pour nuisible toute intervention intra-utérine, telle que lavage, curetage, qui sont trop souvent l’occasion de nouvelles inoculations. Elles devront être réservées seulement aux cas de rétention de débris placentaires ou du pus, par cause mécanique. Seize femmes atteintes de fièvre puerpérale ontreçu du sérum. Une était infectée par le bactérium coli seul. Elle doit être éli- minée. Il reste quinze malades traitées qui se répartissent ainsi : Sept cas à streptocoques seuls, morts : Ü; Trois cas ou le streptocoque est associé au bactérium coli, morts : 3; Cinq cas où le 0 est associé au staphylocoque doré ou au staphylocoque blanc, morts : 2; Nous ne compterons pas plusieurs cas, traités avec succès par nos confrères de province, parce que nous n’avons pas pu les suivre ni établir le diagnostic bactériologique. Ce résumé montre nettement la différence d'action du sérum dans les infections puerpérales à association et les infections puerpérales à streptocoque pur. Parmi ces dernières, il en est dont les observations sont si instructives qu’elles mériteraient d’être citées en entier. Nous mentionnerons brièvement deux cas entrés dans le service de M. Cuffer. Le premier est celui d’une femme, infectée depuis 19 jours, qui avait, au moment de l’inter- vention, de l’endocardite, de la péricardite, de la congestion pulmonaire avec pleurésie, une arthrite, en même temps qu’une suppuration du col de l'utérus, riche en streptocoques. Dès les premières injections, l’état général s’améliora. L’albuminurie disparut, les lésions cardiaques et pulmonaires rétrocédèrent, et en un mois la malade se rétablit, elle avait reçu 280 grammes de sérum. Le second cas se rapporte à une affection aiguë. La malade 620 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. : + + + avait eu le premier frisson trois jours avant. L’utérus et le vagin sont tapissés de fausses membranes contenant des streptocoques purs. Le ligament large droit est infiltré, et forme une tumeur de la grosseur d’une tête d'homme. Température 40°,5. Urine chargée d’albumine. La femme a des hallucinations de l’ouïe et de la vue (folie puerpérale). Après une seule injection de 15c. c. tous les symptômes s’amendèrent. On employa en tout 45 ce. c. de sérum, et 15 jours plus tard, on putinciser la tumeur sans y trouver de pus. A la sortie de la malade, l’infiltration du ligament large, très réduite, était encore sensible. Phleygmons à streptocoques purs. — Dix cas de phlegmons, suite de piqûres ou de blessures des membres, ont été traités. Le gonflement, la lymphangite, l’engorgement des ganglions ont disparu très vite. Il en est ainsi, quandsl n’y a pas encore de pus collecté. S'il existe un foyer purulent, celui-ci persiste, mais lorsqu'il est ouvert, il se tarit avec une remarquable facilité. | Infection postopératoire. — M. Pozzi a rapporté à la séance du 10 juillet de la Société de chirurgie une observation d’une infection consécutive à une hystérectomie vaginale, qui a été arrêtée par le sérum. | S Angine. — Dans le service de M. Sevestre, M. Martin a appli- qué le sérum antistreptococcique à des angines pseudo-membra- neuses à streptocoques. La chute des fausses membranes s'est fait aussi vite que celle de l’exsudat diphtérique sous l'influence du sérum antidiphtérique. Les résultats ont été bons aussi dans quelques cas de scarlatine compliquée d’angine à streptocoques. Le sérum antistreptococcique associé au sérum antidiphté- rique a été donné dans des angines où les bacilles de Loeffler et le streptocoque étaient réunis. Ces essais très encourageants sont poursuivis à l'hôpital des Enfants-Malades. Nous n’ignorons pas combien la prudence est nécessaire quaud il s’agit de juger un remède nouveau. Nous nous garde- rons donc de toute conclusion hâtive. Nous avons exposé les faits en toute sincérité, ils donneront peut-être aux médecins Île désir d'employer le nouveau sérum. Celui-ci n’est pas encore arrivé au point d'efficacité auquel nous espérons le conduire. Que les praticiens n’oublient pas la nécessité du diagnostic bac- tériolagique sans lequel ils s’exposeraient à de graves méprises. LA __ r+ SR IMMUNISATION DES LAPINS CONTRE LE STREPTOCOQUE DE L'ÉRYSIPÈLE ET TRAITEMENT DES AFFECTIONS ÉRYSIPÉLATEUSES PAR LE SÉRUM DU SANG D'ANIMAL VACCINÉ Par M. Le Dr D. GROMAKOWSKY (Travail du laboratoire de médecine interne du professeur Pavlowsky, à Kiew.) J'ai commencé au printemps de 1893 à essayer d'immuniser des animaux contre le streplocoque de l’érysipèle, espérant, en : cas de succès, utiliser Je sérum de leur sang dans un but curatif. Les ressources dont nous disposons ici ne m'ont pas permis de m'adresser à de grands animaux; j'ai dû me borner au lapin. Mais cet animal m'a permis, comme on va le voir, de réaliser mon programme. La semence de streptocoque était prise directement sur un érysipélateux. Les premières cultures dans du bouillon étaient très virulentes et tuaient en moins de 3 jours, quelquefois en 24 heures, les lapins qui en avaient reçu de 3 à 5 c. c. dansle péritoine. Elles finissaient par s’atténuer,malgré des réensemen- cements tous les deux jours, mais on pouvait leur faire reprendre leur virulence en les faisant passer, à la dose toxique et mor- telle, par le péritoine du lapin. On pouvait même se contenter de les injecter dans l’oreille de cet animal. Pour l’immunisation, j injectais d’abord une culture ancienne chauffée à 100°, puis une culture ancienne non bouillie, puis . des cultures de plus en plus virulentes. Voici le résumé des expériences. de Lapin 1. — Reçoit le 5 avril, dans le péritoine, 5 c. c. d’une ancienne culture sur bouillon, chauffée à 100°; — le 20 avril, 5 c. e. d’une vieille culture non chauffée; — le 7 mai, 10 €. c. id.; — le 25 mai, 1 €. c. d'une cullure virulente, ayant passé par le péritoine du lapin; — le 98 juin, 5 e.c, de id.; — le 19 juillet, 10 c. c. de id.,; — le 15 septembre, 5 c. c, d’une 622 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. culture fraîche provenant d’un érysipèle. (Lapin témoin meurt en 20 heures après inoculation de 3 c. c. de id.); — le 1° octobre, 10 c. c. de id.; — le 20 octobre, 15 c. c. de id.; — le 5 mai, 30 ce. c. de culture fraiche. Lapins 2, 3, 4 et 5. — Même traitement, sauf qu'on débute par la culture ancienne non chauffée à 1000. — Le lapin 4 meurt le 15 mai avec des symptômes de péritonite chronique. Les autres supportent comme le précédent des injections intrapéritonéales qui tuent rapidement les témoins. Ainsi on peut immuniser des lapins par des injections intra- péritonéales de virus atténué. On peut arriver au même résultat par des injections de la culture virulente dans l'oreille. On voit alors survenir la première fois les phénomènes bien -connus.. Si, lorsqu'ils ont disparu, on inocule l’autre oreille, les manifos- tations locales sont moins intenses, et la température ne s'éltve pas si haut. À une troisième injection, la réaction est encore moins accusée. Mais les lapins ainsi immunisés ne supportent pas toujours l'injection d’une dose mortelle dans le péritoine. Voici le résumé des expériences Lapin 6. — Reçoit le 19 mai, sous la peau de l'oreille droite, quelques gouttes de culture virulente; — le 21 mai : temp. = 410,2; oreille pendante, chaude et tuméfiée; — 22 mai : temp. = 4{°,5; — 25 mai : temp. = 40; — 26 mai : temp. — 390,1; l'oreille est peu hypérémiée, mais reste épaisse, — 31 mai, injection dans l'oreille gauche de la même quantité de culture virulente; les jours suivants, les phénomènes locaux sont moins intenses, et la température ne dépasse pas 39,8; le 5 juin, l'oreille est redevenue nor- male; — le 8 juin, l'injection intrapéritonéale de 1 c. c. de culture virulente ne provoque qu'une élévation de température de quelques dixièmes de degré ; — le 21 juin, on injecte 6 c. c. de la même culture; — le 1° juillet, 10 €. c.; — le 14 juillet, 15 c. c. sans provoquer aucun trouble. sérieux, tandis que le témoin, qui reçoit 5 c. c. de la même culture, meurt en 24 heures. Lapins 7, 8 et 9. — Sont traités comme le n° 6. Le lapin 9 succombe à la première inoculation virulente, faite avec 5 €. c. Lapins 10, 11, 12 e£ 143. — Reçoivent 3 injections successives dans l'oreille, puis des injections virulentes de 3 et 5 c. c. dans le péritoine, espacées de 15 jours. Le lapin 11 succombe à cette dernière dose. L'immunisation par le tissu de l'oreille est donc beaucoup moins sûre que par le péritoine. æs Mes lapins ainsi immunisés, j'ai utilisé leur sérum pour le traitement du processus érysipélateux provoqué artificiellement sur l'oreille d’autres lapins. Ce sérum provenait du sang de la EL. IMMUNITÉ CONTRE L'ÉRYSIPÈLE. 623 carotide, abandonné 24 heures sur la glace dans des verres stérilisés, chaque lapin n’en fournissait que 10 c. c.-On le mé- langeait, pour l’usage, soit avec une solution phéniquée à 1 0/0, ou une solution d'acide borique à 2 0/0. Voici mes expériences. Le 12 juillet, 3 lapins A, B et C, pesant environ 1,500 grammes, reçoi- vent une injection sous la peau de l'oreille, qui développe les phénomènes Lo ordinaires ; — le43 juillet, temp. À = 400,7; B = 400,4; C — 40°,5. On injecte au lapin À, sous la peau, 2 c. c. du sérum du lapin 6, et { c. c. au lapin C; le lapin B sert de témoin, — le 14 juillet au matin, temp. À — 3%,5; B — 400,5; C — 39,8; on injecte encore à À 2 c. c. de sérum; — le 14 juil- let” au soir : temp. À — 39,2; B — 400,7, C — 40°,1. L'oreille de À n’est ni chaude ni enflée, elle est dressée, tandis que chez les autres lapins elle est pendante, rouge et épaissie ; — 15 juillet, temp. A = 390,3; B — 4,2; C — 40° ; A est bien portant, B et C sont encore malades. Une autre expérience, faite avec le sérum du lapin n°7, a conduit au même résultat. L'effet curatif du sérum injecté n’est donc pas douteux sur les phénomènes érysipélateux de l’oreille. Restait à voir com- ment il se comportait dans le cas d’une injection inlrapérito- néale. Deux lapins reçoivent sous la peau du ventre, 2° ec. c. de sérum du lapin n° 8, et le lendemain 6 c. c. de culture virulente dans le péritoine. Ils ont survécu, pendant que Le témoin, qui n'avait reçu que 5 c. c. de la même culture, succombait en 36 heures. Une expérience analogue, faite avec le sérum du lapin 12, n’a fait que retarder de 24 heures la mort de l’animal qu'on avait cherché à immuniser. Mais cet échec tient peut-être à ce que le lapin 12 était mal immunisé, n’ayant reçu que deux fois une injection virulente dans le péritoine. Une troisième expérience a été faite en injectant 5 c. c. de culture virulente dans le péritoine de deux lapins, dont l’un reçut, 3 heures après, # c. c. du sérum du lapin 7 sous la peau du ventre. Ce dernier résista, tandis que l’autre mourut. Ces résultats m'ont permis d'essayer l’action du sérum san- guin .sur l’homme. Ce sérum, retiré des lapins 1 et 13, s’est montré stérile à l’ensemencement. On l’a mélangé à son volume d’une solution d'acide borique à 2 0 0, et essayé sur deux malades. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR." (æp) LC red LA 5 Avec le premier, l'effet curatif se manifeste par l'arrêt immé- * diat de la propagation de la -rougeur érysipélateuse; la dispari- tion de l’infiltration morbide, la chute de la température, et la diminution du pouls; tout cela si rapide que l'influence du trai- tement ne ROUE ètre douteuse. Le malade n'avait pourtant reçu que 8 c. c. du sérum du lapin n° { en 2 injections. Le second a reçu 5 c. c. de sérum du lapin n° À, et 6 c. c. du sérum du lapin 13. La température est tombée en 2 heures de 400,2 à 390,6, et le pouls de 105 à 90. Mais l'effet ne fut pas aussi net que dans le premier cas, peut-être parce que le be 13 était mal immunisé. = On voit pourtant, en ane que les lapins peuvent être immunisés contre le streptocoque par l’injection de cultures atté- nuées dans le péritoine, et que leur sérum a des propriétés pré- ventives et curatives contre l’érysipèle provoqué chez le lapin, et contre l’érysipèle naturel de l’homme. Le Gérant : G. MAssox. Sceaux. — Imprimerie Charaire et Cie. Que ANNÉE AOÛT 1895 No 8. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR CONTRIBUTION À L'HNTOLOGE PATHOLOGIQUE DE LA RAGE Par MM. ces pocreurs E. GERMANO er J. CAPOBIANCO (Travail de l’Institut d'Histologie et de Physiologie générale de l'Université R. de Naples, dir par le professeur G. Paladino.) Nombreux et importants sont les travaux qui se sont succédé sur l’histo-pathologie du système nerveux dans la rage. Il reste pourtant encore de nombreux doutes, non seulement au sujet de la spécificité des lésions nerveuses rabiques, mais encore quant à leur existence, et Golgi cite à ce sujet l'opinion de Gavers qui à récemment dit « que les lésions de la rage sont insignifiantes ». Il ne nous paraît donc pas inutile de rapporter 1ei les résultats de nos recherches sur les dégénérescences anatomiques nerveuses qu'on rencontre dans la rage : si d’un côté ces recherches cou- firment les observations déjà faites, elles apportent de l’autre une contribution à l'étude de faits non encore mis en relief. Sans rappeler les travaux publiés depuis 1874 sur ce sujet, nous nous bornerons aux plus récents, qui nous donnent l’état actuel de la question. Un des plus soignés et des plus féconds a été celui de Golgi, qui a fait l’objet de plusieurs mémoires publiés dans les Atti dell Accademia chirurgica di Pavia. Dans une communication, faite l'année dernière au Congrès médical international de Rome, Golgi est revenu sur la question, et a résumé aussi ses observations antérieures. Il a trouvé des altérations cellulaires du nucléus, du protoplasma et des prolongements, des altérations des vaisseaux 10 # 626 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. « et des ganglions intervertébraux. D’après lui, si on ne peut parler d’altérations spécifiques des éléments, il y a pourtant quelque chose de caractéristique dans leur ensemble, leur mode de succession et leur enchaînement mutuel. Il existe, selon Golgi, une encéphalo-myélite parenchymateuse diffuse, puisque les détails anatomiques sont ceux qu'on décrit dans la phlogose des organes nerveux centraux. Gianturco ‘, en 1887, relate l’autopsie d’un jeune homme, qui était mort rabique 41 jours après avoir été mordu par un chien, et avait présenté des symptômes prédominants de paraplégie. L'auteur a observé une péri-épendymite étendue de la région lombaire au bulbe, avec une infiltration leucocytaire, à nodules miliaires, autour du canal central et des vaisseaux dans la corne antérieure. Les cellules de cette corne présentaient des degrés divers d’altérations atrophiques, allant jusqu’à la complète dispa- rition du noyau et du nucléole. Ces altérations étaient limitées à la corne antérieure, et s’arrêtaient à la substance réticulaire de Lehnossek. ” Deux ans plus tard, Schaffer ? a tenté de grouper les symp- itômes cliniques au sujet du mode de propagation du virus rabique, en regardant ce mode comme un facteur important du procès. Au point de vue anatomo-pathologique, il a trouvé une myélite aiguë, complète, intéressant tous les tissus, caractérisée par des formes de dégénérescence cellulaire, de latrophie pigmentaire, la formation de vacuoles, une dégénérescence granüleuse et hyaline. Les plus profondes lésions se trouvent dans les noyaux moteurs, et dans le segment en connexion nerveuse avec le siège de la morsure périphérique. Schaffer dit qu'avant lui on n'avait pas signalé de changements dans les éléments nerveux, oubliant les lésions cellulaires signalées deux ans auparavant par Gian- turco. : Babes * regarda comme caractéristioaes de la rage les nodules miliaires périvasculaires et péricellulaires, formés par une zone de cellules embryonnaires entourant une cellule nerveuse dégé- 1. Recherches histologiques sur la rage. (La Psichiatria, 1887.) 2. Nouvelle Contribution à la pathologie et à l’histo-pathologie de la rage humaine. (Ces Annates, 1889.) 5. Sur certains caractères des lésions histologiques de la rage. (Ges Annales, 1892.) + Li LÉSIONS NERVEUSES DE LA#RAGE. 627 nérée ou en prolifération. Le noyau serait aussi modifié, et présenterait des formes karyokinétiques. Les foyers miliaires prédominent dans la substance grise et dans les régions motrices, tandis. que les lésions de la substance médullaire sont peu pro- noncées. Du petit nombre de travaux que nous venons de rappeler, on peut conclure que cette question des lésions des centres nerveux dans la rage est aussi importante que controversée. Il faut, pour la résoudre, accumuler les recherches soigneuses. Il Les animaux sur lesquels nous avons fait nos recherches, lapins et chiens, provenant de l’Institut antirabique de Naples, * étaient tous morts de la rage des rues. Un des chiens fut porté vivant au laboratoire et mourut avec les symptômes rabiques les plus nets. Pour les autres, on a fait la diagnose expérimentale, en inoculant à des lapins, sous la dure-mère, quelques gouttes de l’émulsion du bulbe. * De ces lapins d'expérience, on n’a étudié les centres nerveux que lorsqu'ils mouraient avec des signes manifestes de rage. L'isolement des centres nerveux a été fait avec le plus grand soin, pour éviter de les entailler, de les comprimer et d'y pro- duire des lésions qu’on serait exposé ensuite à attribuer à la rage. Nos méthodes de technique ont été les plus variées, passant des colorations ordinaires aux plus spécifiques (Paladino, Golgi, Marchi, Weigert-Pal). Pour durcir nos préparations, nous nous sommes surlout servis des solutions chromiques ; ce n’est que dans quelques cas que nous avons cru ulile de dureir par le sublimé. Ces diverses méthodes nous ont permis un examen compa- ralf, rigoureux, permettant d'éliminer tout soupçon au sujet de l'influence des procédés opératoires sur les lésions observées. Cela était surtout nécessaire en présence des doutes que nous avons rappelés en commencant, sur la constance et la réalité des lésions nerveuses dans la rage, 628 ANNABES DE L'INSTITUT PASTEUR. YIT Les recherches résumées ici ne regardent encore que la moelle spinale. Les altérations dégénératives attaquent soit les éléments nerveux proprement dits, soit le tissu interstitiel et les vaisseaux. On note déjà à l’œil nu, quand on ouvre le canal vertébral, une hypérémie, plus ou moins prononcée suivant les cas, des méninges spinales, et, à la section, on trouve, soit à la substance grise, soit à l'enveloppe blanche, une couleur plus rosée qu'à l'ordinaire. Les vaisseaux sanguins, grands et petits, et jusqu'aux plus petits capillaires, sont remplis de sang. Les hémorragies sont aussi fréquentes, surtout dans la substance grise; on les rencontre aussi, mais pas très fréquem- . ment, dans la substance blanche. Elles sont ou limitées, c’est- à-dire que les globules remplissent seulement les espaces péri- vasculaires, ou diffuses dans la moelle, et amenant des désordres plus ou moins marqués dans la zone qui en est le siège. Quant au siège de ces hémorragies, elles sont uniformément distribuées sur toute la longueur de la moelle : 1à où les suffu sions sanguines sont {res abondantes sur certains segments de cette moelle, on les cherche en vain sur d'autres. Il y a des séries de préparations, où, d’une coupe à l’autre, on relève de légères différences ; d’autres où iln'y en a presque pas. Les parois vascu- laires peuvent donc être fortement lésées sur certains points, et peu ou pas du tout sur d’autres. À côté des suffusions sanguines, il faut citer l'intiltration des corpuscules blancs. La migration leucocylaire, souvent notée, est un des faits les plus fréquents et les plus précoces. Ces leuco- cytes se diffusent partout, dans les espaces périvasculaires, dans la tunique adventice des vaisseaux, autour des cellules nerveuses. Dans ces dernières, ilstse bornent parfois à pénétrer dans les espaces péricellulaires, parfois ils entrent dans le protoplasma cellulaire, contribuant puissamment à sa démolition. Quand le corps de l’élément nerveux est plus ou moins détruit, les éléments blancs du sang se réunissent en grand nombre dans la lacune qu'il laisse. Les parois vasculaires sont aussi manifestement altérées. LÉSIONS NERVEUSES DE LA RAGE. 629 Dans certains cas, l’endothélium est le siège d’une prolifération notable : ses éléments sont augmentés de volume et pénètrent évidemment dans la lumière du vaisseau, qu'ils rétrécissent plus ou moins. En outre, on observe quelquefois comme üne apparence hyaline de la paroi. Signalons en outre des lésions des cellules et des fibres ner- veuses, allant de la réduction du volume de l’élément jusqu'à sa complète désintégration. Pour les cellules nerveuses, on à décrit divers modes de dégénérescence, comme nous l’avons vu. En général, dans les stades initiaux, on note une atrophie de la cellule et des prolongements. Là où ceux-ci se font minces et courts, le corps de la cellule se rapetisse. Les formes de vacuo- lisation sont plus fréquentes. On observe une ou plusieurs vacuoles qui, en s'agrandissant, réduisent l'élément nerveux à une couche périphérique, qui se colore fortement et limite un système réticulaire de trabécules fines et pâles. Parfois les vacuoles laissent intact un résidu plus ou moins déformé, contenant le noyau qui montre lui-même des signes d’altération plus ou moins marqués. De cette destruction des groupes cellulaires de la corne grise antérieure résultent des lacunes, qui sont ou vides. ou contien- nent encore des résidus informes qui,ne rappellent plus que la place de l'élément primitif. Dans certains cas qui, d’ailleurs, sont des plus primordiaux, tandis que la cellule est encore intacte, mais plus pâle et transparente, l’espace péricellulaire est notablement dilaté, si bien que la disproportion des diamètres respectifs saute aux yeux. La dégénérescence granuleuse, bien que plus limitée, est aussi une des formes dégénératives de la cellule. Tout le monde n'accepte pas cette destruction cellulaire (Adler), mais Golgi, qui a été des derniers à s'occuper de ce sujet. bien qu’il n'ait pas observé d'exemples de complète disparition de la cellule, tenant pourtant compte de ces formes où on ne peul voir que des résidus de cellules nerveuses, résidus de l’état de dégénérescence adipeuse marquée, n'hésite pas à admettre que, surtout dans les cas à longue évolution, il peut se produire une destruction notable de cellules nerveuses. Ce fait, accepté ou contesté par nos prédécesseurs, est pleinement démontré par nos 640 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. recherches, faites avec soin en vue de cette question importante et controversée. | L’altération nucléaire précède ou suit celle du corps cellulaire. Dans les préparations faites par la méthode de Marchi, avec ou sans la modification de Vassale, dans des cellules conservant encore leur individualité, on note parfois des granules noirs plus ou moins abondants dans le protoplasma etles prolongements : le nucléus, assez fréquemment déplacé vers la périphérie de la cellule, apparaît comme un amas de granules fortement noireis, au milieu desquels il est impossible de différencier le nucléole. | Dans d’autres cas, il y a un rapetissement du nucléus in foto, avec conservation de sa constitution. La méthode de Marchi, que nous avons appliquée les premiers à l'étude du système nerveux dans la rage, nous a permis de sur- prendre non seulement de notables altérations cellulaires dans leurs premiers stades, mais aussi des altérations des fibres comme nous le dirons bientôt. La démolition cellulaire, progressive en degré et en exteu- sion, modifie profondément l'aspect de la substance grise, surtout dans les cornes antérieures. Les cellules de la corne postérieure sont plus épargnées. Elles conservent leur intégrité comme dans les stades initiaux du processus, ou suivent assez lentement les phases régressives qui marchent au contraire à grands pas dans l’autre corne. La figure 4 (pl. VIT représente, à un faible grossissement, presque toute une corne antérieure grise du segment lombaire de la moelle d’un lapin atteint de rage. La coupe a été traitée par la méthode de Weigert-Pal. Malgré le faible grossissement, on y voit les allérations cellu- laires diffuses et progressives. Du rapetissement pur et simple de la cellule nerveuse et de ses éléments, on va jusqu’à sa dispa- rition et à son remplacement soit par une lacune vide, soit par un résidu puncetiforme, déformé et pâli. Le dessin montre aussi une effusiomsanguine qui a détruit et écarté le tissu nerveux. La figure 2 donne, à un fort grossissement, deux de ces cellules dégénérées. En « le prolongement a disparu, le corps cellulaire est en grande partie détruit; il ne reste qu’une zone protoplasma- LEÉSIONS NERVEUSES DE LA RAGE. ©! 631 lique déformée, contenant le nucléus, déplacé vers la périphérie parla destruction cellulaire. En b, la destruction a frappé la cellule in toto. Le protoplasma a presque disparu. En outre du nucléus déformé, on ne trouve qu'un minime résidu pâle, peu reconnais- sable” dans lequel la structure est vaguement aréolaire. En un point, on voit un corpuscule blanc immigré. Cette dégénérescence profonde, diffuse, et nettement pro- gressive, explique comment on doit trouver sur les préparations des points où il ne reste de la cellule d'autre trace que la lacune qu'elle remplissait. Les fibres nerveuses sont aussi altérées dans la substance grisé et dans la substance blanche. Dans les sections longitudinales des cordons blancs médul- laires, surtout des antérieurs latéraux, on note des déformations du cylindre-axe, qui est tantôt uniformément gonflé dans toute sa longueur, et tantôt au contraire grossièrement variqueux. * Dans les points gonflés on voit fréquemment de petites vacuoles qui interrompent la continuité du cylindre. La figure 3 montre 2 cylindres-axes, nus, des cordons anté- rieurs de la moelle spinale du chien. On y voit l'aspect aréo- laire au niveau des gonflements (4). Dans l’autre (b), la cons- titulion normale du cylindre-axe est profondément modiliée, d'une façon impossible à décrire, mais que la figure rend très bien. La gaine myélinique est aussi atteinte. La méthode de Marchi permet de noter, dans les sections transversales, la très grande fréquence des fibres SHEÉDUEE, que rend évidentes la réaction spécifique. Dans les cordons antérieurs, et surtout dans les cordons laté- raux, il y a une abondante dissémination de disques noirs, plus ou moins incomplets et déformés, qui attestent la diffusion de la lésion signalée. La figure 4 reproduit à un faible grossissement un segment du cordon blanc antérieur, dans laquelle les points noirs indiquent, comme on sait, la section des fibres dégénérées. Nous considérons comme particulièrement importante l’obser- vation relative au squelette de la gaine médullaire. Le rapport intime de connexion entre le stroma myélinique et la névroglie inter-fibreuse, démontré par les récentes et impor- “#. ® tu € 632 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ” tantes études de notre illustre maître, le professeur Paladino *, est lumineusement démontrée par nos observations. Non seule- ment c'est le même mode de réaction chez l’un et chez l’autre. nais encore le premier prend un aspect qui en met en relief la haute valeur histologique. En observant, en effet, des coupes transversales des cordons spinaux d’où à disparu la myéline, les rameaux constituant le stroma, d'ordinaire rares et minces, apparaissent nombreux et épaissis. Il y a comme une hypertrophie, nous dirions aussi comme une hyperplasie de ces filaments, si bien que lespace circulaire, du cylindre central à la périphérie de la fibre ner- veuse, en est tout entier traversé. Dans certains cas, en outre, on note sur le périmètre de la fibre de petits corpuscules, de forme variée, de dimensions diverses, d’où irradient les ramuscules du stroma. Il ne peut y avoir de doute sur la signification de ces formes: et toutes les hypothèses s’évanouissent devant l'évidence des observations. On ne peut les regarder seulement comme des points nodaux du réseau squelettique, parce qu'ils n'en ont pas les caractères, ni y voir des fibres normales dégénérées, parce qu'on ne voit pas par quelles modifications celles-ci auraient pu passer. Ge ne sont pas des résidus de myéline restée dans le stroma et le long des fils. parce qu'elles se différencient nette- ment de ce qui, sur d'autres points, provient de cette origine. sans compter qu'elles sont réfractaires aux imprégnations qui attaquent les blocs de myéline, quel que soit le traitement anté- rieur. On peut affirmer que ces formations ne sont autre chose que des sections des corpuscules névrogliques, rencontrés dans le stroma, et évidents surtout dans le Trygon (Paladino). Le pro- cessus morbide qui a hypertrophié les éléments du tissu fibreux les a aussi gonflés de façon à les rendre évidents, même dans les animaux chez lesquels on ne les observe qu'avec une certaine difficulté. Qu'il y ait en effeten action une hyperplasie névroglique, c'est ce que montre ce fait que quasi partout, dans la névroglie inters- 1. PazaniNo. Continuation de la névroglie dans le squelette myélinique de la fibre nerveuse, et constitution pluricellulaire du cylindre-axe. (Rendic. d. R. Acc. di Napoli, 1892. Archiv. ital. de Biologie, t. XIX, p.26.) Des limites précises entre la névroglie et les éléments nerveux dans la moelle spinale. (Boll. d. R. Acc. di Roma, ann. XIX, fase. 2.) LÉSIONS NERVEUSES DE LA RAGE. 633 titielle, il y a augmentation notable des noyaux, épaississement des fils du réseau. Et cela est bien d'accord avec les formes nucléaires de mitose observées par Golgi, el que nous n'avons pas réussi à retrouver, soit parce que nous navons pas employé les mèmes méthodes de durcissement, soit parce que nous opérions dans d’autres conditions (virus des rues). Pour ne pas multiplier les dessins, nous nous sommes bornés à reproduire seulement 3 sections de fibres nerveuses, présentant ces altérations du stroma. En «ete, figure 5, il est impossible de ne pas voir le stroma interfibreux plus épais et à rameaux plus nombreux, remplissant quasi l’espace entre le cylindre-axe et la limite de la fibre. On remarque, en outre, la disproportion entre le diamètre du petit disque représentant le cylindre-axe en section et le périmètre de la fibre nerveuse. En h on voit, outre le cylindre-axe, deux formations corpusculaires, arrondies, en connexion avec les rameaux du stroma. : En excluant l'hypothèse facile à réfuter, que ce svient là des résidus myéliniques, l'exactitude de notre interprétation ne nous semble pas douteuse : elle se fonde aussi sur la solide base d’ob- servations assurées, faites déjà dans l’état physiologique. Ce fait que nous apportons, non encore relevé, autant que nous le sachions, nous semble très important tant au point de vue de l’anatomo-pathologie que de l’histologie normale. Quant au mode spécial de réaction de la névroglie intrafi- breuse, nous croyons possible qu'il ressemble à celui de la névro- gle interfibreuse. Mais nous nous réservons de revenir sur ce sujet. Le mode de réaction identique et simultané de la névroglie intrafibreuse et de la névroglie interstitielle au stimulus morbide confirme hautement les rapports relevés à l'état normal entre ces deux tissus. En outre; l'évidence acquise des corpuscules : névrogliques de la gaine myélinique, hypertrophiés dans la gaine malade, est un argument solide en faveur de leur présence à l’état physiologique, contre iaquelle Külliker a émis des doutes non justifiés. L'importance de notre observation augmente encore quand on pense à la part qu’aurait la névroglie dans les phlogoses aiguës du système nerveux central. Ce stimulus, qui tend alors à la destruction des fibres et des cellules nerveuses, favorise la pro- 634 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. duction de la névroglie, qui contribuerait peut-être, par la com- pression qui résulte de son augmentation de volume, au sphacèle des cellules et des fibres nerveuses. Les lésions décrites témoignent donc d’une phlogose du tissu nerveux de la moelle épinière, affectant les éléments nerveux, le tissu interstitiel et les vaisseaux. L'hypérémie marquée, l'infiltration leucocytaire progressive et diffuse, les altérations des parois vasculaires avec hémorragies consécutives, l’altération des éléments nerveux, allant du simple gonflement jusqu’à leur disparition complète, attestent évidem- ment l’existence d’une myélite. Au sujet de la spécificité de ces lésions, nous acceptons avec Golgi que sans être des lésions pathognomoniques, puisqu'elles se rencontrent dans d’autres affections des centres nerveux, elles sont pourtant, surtout en ce qui concerne la distribution des foyers, constantes dans leurs diverses manifestations, depuis l’hémorragie simple jusqu’à la destruction cellulaire et l'hyper- plasie névrogliqueaccentuée. Elles sont aussi constantes dansleur mode de succession et dans leur prédominance dans les régions motrices. Tout cet ensemble de faits peut être un guide efficace dans l'interprétation des divers cas. CONCLUSIONS 1° Dans la moelle épinière de chiens et de lapins rabiques, existent des altérations anatomiques constantes; 2° Ces altérations, attaquant tous les éléments du tissu ner- veux, ne sont pas uniformément distribuées dans les diverses sections de la moelle épinière, considérée anatomiquement et physiologiquement (foyers prévalents dans les régions motrices); 3° Des caractères des lésions, on conclut à une phlogose aiguë du tissu nerveux; leur ensemble, sans être décisif, peut, dans certaines limites, être considéré comme caractéristique ; 4° La dégénérescence des cellules nerveuses aboutit, à travers des formes variées, à la disparition complète de l’élément, sûre- ment constatée dans nos observations ; 5° Le rapport anatomique intime entre la névroglie intersti- tielle et le tissu du stroma myélinique apparaît aussi, à égalité de conditions, dans le mode identique et simultané de réaction Lee + SR md. LA 2% He: + l De Pietro del. : j- » V. Roussel Hithe &. np 4 Fefontane & Fils, Paris. LÉSIONS NERVEUSES DE LA RAGE, 635 au stimulus morbide. Il faut surtout noter la complication du stroma de la gaine médullaire ; 6° Le grossissement anormal, dû au stimulus pathologique, rend assez visibles les petits corpuscules névrogliques, peu visi- bles à l’état normal, ce qui explique les opinions discordantes à ce sujet; T° Dans la phlogose de la moelle épinière produite par la rage. le stimulus qui tend à détruire les éléments propres de la moelle (cellules et fibres) exerce une action favorable sur la névroglie, qui devient hypertrophique et hyperplasique; 8° L'hypertrophie et l’hyperplasie de la névroglie contribuent probablement, de leur côté, au sphacèle des cellules et des fibres nerveuses, EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE VII Fig. 1. Oc. 3. Obj. 4 Koritska. Corne antérieure du segment lombaire de la moelle d'un lapin mort de rage. Méthode de Weigert-Pal. On voit des altérations cellulaires diffuses et progressives : du rapetissement de la fibre nerveuse on va jusqu'à sa disparition. On voit en outre une suffusion san- guine qui a détruit et écarté le tissu nerveux. Fig. 2. Oc. 3. Obj. DD Zeiss. Deux cellules dégénérées, à un fort grossis- sement. En « : disparition du prolongement, destruction de la plus grande partie du corps cellulaire, réduit à une zone protoplasmique déformée ; dépla- cement du noyau à la périphérie. En b : désintégration complète de la cellule. Il ne reste du protoplasma qu’un mince fragment, pâle, où on voit comme une structure alvéolaire. Le nucléus est aussi altéré; sur un point de la même figure, on voit un corpuscule blanc immigré. Fig. 3. Oc. 3. Obj.F Zeiss. Cylindres-axes nus des cordons antérieurs de la moelle épinière d’un chien rabique. En a : aspect aréolaire au niveau du renflement. En b, l’altération est encore plus marquée. Fig. 4. Oc. 3. Obj. 4 Koritska. Cordon antérieur de la moelle épinière d’un lapin rabique. Méthode de Marchi. Abondante dissémination de disques noirs qui sont des sections d'autant de fibres dégénérées. Fig. 5. Oe. 3. Obj. DD. Zeiss. Fibres nerveuses en section transversale. En « et en c le stroma intrafibreux apparaît plus épais et à ramuscules plus nombreux. En # on voit, outre le cylindre-axe, deux formations corpuseu- laires, arrondies, en connexion avec les rameaux du stroma. SUR LA MIGRATION DE PHOSPHATE DE CHAUX DANS LES PLANTEN Par M. L.: VAUDIN [ Lorsque l’on analyse, à différentes époques de la végétation, les organes des plantes, on voit que les éléments minéraux contenus dans la tige et les parties foliacées sont, pour la plus grande partie, transportés au moment de la formation de la graine vers cette dernière; réciproquement, pendant la germi- nation, les matières minérales quittent la semence pour se diriger vers la plantule. La migration des principes minéraux et organiques dans les plantes a été l’objet, il y a déjà près de trente ans, de la part de différents chimistes, et notamment d'Isidore Pierre, d’études approfondies. Les travaux de ce dernier (Recherches expérimentales sur le développement du Blé, 1866) ont établi que. pendant 15 à 20 jours avant la moisson, l'épi emprunte aux différentes parties de la plante l’accroissement de poids qu'il éprouve. S'il est facile de s'expliquer le transport des corps solubles tels que les sucres, qui, ultérieurement, se transformeront en amidon dans le grain, iln’en est pas de même si l’on considère des sels tels que le phosphate tribasique de chaux, les phosphates de magnésie, de fer... Sous quelles influences ces combinaisons insolubles peuvent-elles cheminer à travers le végétal pour se déposer ensuite dans la graine? Ce problème présente un grand intérêt; j'ai été amené à entreprendre de le résoudre à la suite des recherches de chimie physiologique qui m'ont permis de déterminer les conditions dans lesquelles le phosphate de chaux du laiïtest dissousdans cette sécrétion. On sail maintenant que ce sel est maintenu en solution, grâce aux citrates alcalins et à la lactose : en outre, j'ai fait voir que les sels alcalins de certains acides organiques fixes peuvent, MIGRATION DU PHOSPHATE DE CHAUX. 637 en présence des sucres, jouer un rôle analogue’. Il m'a semblé que des faits du même ordre doivent se produire au moment du transport des matières minérales chez les végétaux; soit de la plaute vers la graine au moment de la formation de celte dernière, soit aussi du grain versla plantule au moment de la germination. Pour démontrer l'exactitude de cette assertion, j'ai institué quelques expériences dans le but de rechercher la nature des sels organiques alcalins qui existent à côté des sucres au moment où se fait la migration des éléments minéraux : en outre, au moment où chaque opération a été effectuée, on a déterminé, toutes les fois qu'il a été possible de le faire, la composition des produits solubles dans l’eau de la plante considérée. Il A. 1" EXPÉRIENCE SUR LE BLÉ. (15 juin 1894.) L'épi est formé, le grain est sucré, mais ne contient pas encore d'amidon. 3 kilos d’épis (renfermant 72 0/0 d'humidité) sont coupés en petits fragments, pilés au mortier et délayés dans de l’eau dis- tillée. Après quelques heures de contact, on recommence l'opé- ration, et on la renouvelle plusieurs fois, jusqu'à ce qu on ait obtenu 15 kilogrammes de liquide, soit un poids cinq fois plus fort que celui du blé mis en expérience. On ajoute au liquide un peu de kaolin et on filtre. Le liquide recueilli est légèrement acide : son acidité, déter- minée avec la phénol-phtaléine comme témoin, dans les condi- tions que j'ai indiquées pour le lait *. est égale à 2#",10, évaluée en acide phosphorique anhydre par kilog. de produit ; il aban- donne à 100° un poids d'extrait correspondant à 544,60 par kilog. de blé vert. Cet extrait se décompose ainsi qu'il suit : Par kilog. de plante verte. Par kilog. de plarte sèche. Sucre réducteur. . . . . 19.82 45.78 — cristallisable.. . . . 17.40 62.14 Cendres (à réaction alcaline). 8.20 29.98 Matières albuminoïdes et élé- ments non dosés. . . . 13.1S 47.07 Total. 06" 51.60 184.27 Acidité (en PhO5) rapportée à 1 kg de produit sec. . . . . 75: 50 1. Annales de l'Institut Pasteur, 1894, p. 850. 2, Bulletin Soc. chimique, 1892. 638 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Ces déterminations effectuées, il a été procédé à la recherche des acides organiques dans le reste du liquide dé la façon sui- vante. Le liquide est clarifié à chaud en présence d’une petite quantité d'acide acétique et de kaolin, puis filtré; la liqueur obtenue est traitée par l’acétate de plomb en excès, et le précipité obtenu est isolé et lavé par décantation à plusieurs reprises ; on le soumet ensuite à un courant prolongé d'hydrogène sulfuré. On filtre pour séparer le sulfure de plomb, et le liquide recueilli est évaporé dans le vide à consistance sirupeuse, puis traité à plusieurs reprises par un excès d'éther à 65°. Les liqueurs éthérées réunies sont évaporées, ‘elles abandonnent un liquide épais, acide, qui cristallise difficilement. Après quelque temps, on voit apparaître des boules composées de prismes radiés, des aiguilles brillantes, isolées ou groupées en rosettes, agissant sur la lumière polarisée. L'examen de ces cristaux nous a permis d'établir qu'ils sont constitués par de l'acide malique. B. 2 EXPÉRIENCE SUR LE BLÉ. (10 juillet 1894.) Les épis ont acquis leur grosseur normale, le grain est mou et laisse échapper, quand on l’écrase, un liquide épais lactescent, très-riche en amidon et légèrement sucré. On répète l'expérience faite le 15 juin en opérant dans les mêmes conditions. Le produit acide isolé par l’éther donne assez rapidement des cristaux; lorsque leur volume n’augmente plus, on les sépare mécaniquement du liquide sirupeux très acide qui les entoure, on les essore, et on les fait recristalliser dans l’eau distillée. Cés cristaux ne s’altèrent pas à l'air; chauflés, ils émettent des vapeurs vers 150°; ils deviennent mous à une température plus élevée, et fondent à 178°. Si on élève encore la température, ils se subliment en aiguilles et rhombes caractéristiques. Ces, propriétés appartiennent à l'acide succinique : la détermination de l'acidité, l’analyse et les caractères des sels font voir en effet que c’est bien cet acide qui a été retiré du blé. 100 grammes de l'acide trouvé équivalent à 81,92 d'acide sulfurique SO‘H: : 100 grammes d'acide succinique pur équi- valent à 834,05 d'acide sulfurique. üs.127 de l'acide sont transformés en sel argentique, le poids 3 MIGRATION DU PHOSPHATE DE CHAUX. 639 trouvé est de 04,389 : Le calcul pour un poids égal d'acide succini- que indique 05,403. L’acide trouvé donne avec le perchlorure de fer neutre un précipité gélatineux rouge brique. Dans le produit sirupeux d’où l’on a retiré l’acide succinique, * nous avons isolé en outre de l'acide mélique. C. — 3% EXPÉRIENCE SUR LE BLÉ. (Août 91 et Mars 95.) Du blé fraîchement récolté et battu aussitôt est soumis aux essais suIvants : 100 grammes de grain (contenant environ 30 0/0 d’eau) non séché sont pilés au mortier, traités par l’eau distillée à diverses reprises pour obtenir finalement 1 litre de liquide. L’acidité de ce dernier, calculée pour un kilog. de blé, est égale à 2 grammes d'acide phosphorique; il abandonne à l’évaporation un poids d'extrait égal à 395,80 qui se décompose ainsi qu'il suit : Par kilog. de plante verte. Par kilog. de plante sèche. SORT ANS aou order nb bo 41 gr. 24 16 gr. 06 Cendres (à réaction alcaline)... 6 gr. 50 9 gr. 28 Matières protéiques et éléments . NOINAOSÉS M DE ne LU 22 cr. 06 HANor. 25 Totale" 39"gr. 80 56 gr. 57 Acidité (en PhO) rapportée à 1 kilog. de produit sec. 2 gr. 86 Au mois de mars 1895, ontraite dans un appareil à lixiviation 1 à 8 kilos de ce blé concassé par un courant d’eau glacée ,'acidu- lée à &/1000 par l'acide acétique. Le liquide obtenu est traité par l’acétate de plomb, et soumis aux mêmes traitements que ceux indiqués dans les opérations précédentes. Lesliqueurs éthérées abandonnent un acide qui cristallise faci- . lement : les cristaux sont constitués par de l'acide succinique; les eaux mères d'où ils se sont séparés sont fort peu abondantes, nous ne pensons pas qu’elles renferment de l'acide malique, du reste, il ne nous à pas été possible d’en isoler. Ajoutons aussi que la quantité d'acide succinique retirée est très faible. Ii Quelles sont les conclusions à tirer des résultats énoncés ei-dessus ? Pour les déterminer, nous allons passer en revue les changements survenus pendant le processus de la végéta- 640 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tion, dans la nature et les proportions des éléments trouvés. Commençons par la graine; nous avons vu qu’elle renferme au moment de la récolte, pour 1,000 grammes de matière séchée à 100°. 56:",57 de produits solubles dans l'eau, dont 16:',06 de sucre, et 95',28 de cendres. On y trouve des traces d'acide succi- nique C*H°0*. Pendant la germination, des phénomènes d'oxydation el d'hydratation s’accomplissent, l'amidon se transforme en sucre, et l'acide succinique disparaît pour faire place à l'acide malique C:H°O': ce sont les sels de cet acide qui semblent seuls exister pendant la vie de la plante précédant la formation du grain. À cette dernière époque, les principes existant en solution ont beaucoup augmenté, les sucres notamment; c'est maintenant que les phénomènes de transport sont les plus apparents, ainsi que l'indique la teneur élevée en éléments minéraux dissous dans les liquides cellulaires; leur poids .est environ trois fois plus fort qu’il n’était dans la graine. Lorsque la maturation est commencée, et que le contenu du grain devenu lactescent indique la transformation du sucre en amidon, l'acide succinique apparait, vraisemblablement formé par réduction de l'acide malique, car on voit celui-ci dispa- raître en même temps que les malières sucrées ; finalement. lorsque la graine est mure el qu'on n'y trouve plus qu'une faible quantité de sucre, le seul acide organique qu'on peut y déceler avec certitude est l'acide succinique. Or, nous avons vu dans une précédente étude (loc. cit.) que les sucres en présence des malates peuvent maintenir en disso- lution le phosphate de chaux; j'ai constaté que les suceinates ne possédaient pas la même propriété. Les conditions dans les- quelles s'effectuent, dans le blé, la migration du phosphate de chaux et le dépôt de ce sel dans la graine, peuvent main- tenant s'expliquer très clairement. Les sucres, élaborés par les organes foliacés, en se dirigeant vers la graine, ainsi que les phosphates et malates alcalins, entraînent avec eux les phosphates insolubles ; au fur et à mesure de leur transformation en amiden, ils déposent du sel tribasique de chaux; en mème temps, les malates sont détruits en presque totalité, une partie seulement subit une destruction incomplète et persiste dans la graine à l'état de succinates. * 4 MIGRATION DU PHOSPHATE DE CHAUX. 641 Ces faits, que j'ai pu mettre en évidence dans le blé, se reproduisent également, sinon dans toute leur intégrité, du moins d’une façon analogue dans les plantes qui contiennent de l’amidon et des sucres pendant leur végétation, les acides peu- vent différer, mais le phénomène reste le même. Ce sont les malates qui sont le plus répandus dans le règne végétal; on a signalé leur existence dans les organes d’un grand nombre de plantes; divers acides, qui semblent être identiques avec l'acide malique, ont été extraits de plusieurs végétaux. Outre les expé- riences que j'ai faites sur le blé, j'ai recherché l'acide malique dans d’autres Graminées. Dans deux opérations faites sur le maïs, un mois environ après la semaille, et au moment de la for- mation de l’épi, j'ai pu isoler cet acide ; je l’ai également retiré de l'orge, et dans cette dernière graine sèche j'ai trouvé, comme dans le blé, de l'acide succinique. Dans d’autres familles, notamment dans les Légumineuses, on trouve des citrates; l'acide citrique existe aussi dans les betteraves : on peut en elfet le séparer facilement du dépôt calcaire qui se produit dans les appareils d'évaporation des sucreries. E. O. von Lippmann a isolé aussi de l'acide carballylique ‘ de betteraves qui avaient été maintenues quelque temps dans un endroit chaud. Notons que le rapport de cet acide, C°H*0°, à l'acide citrique, CSH*0”, est le même que celui de l’acide succinique C‘H°0" à l'acide malique, C‘H°0*. Après les tableaux montrant la composition des éléments qui entrent en solution dans l’eau, j'ai indiqué Pacidité rappor- tée à la plante verte et à la plante sèche. On remarque qu'avant la formation du grain, c’est-à-dire avant que les phénomènes de transport soient bien tangibles, les chiffres représentant cette acidité sont plus élevés ; si l’on était tenté de lui faire jouer un rôle dans la migration des phosphates terreux, cette constata- tion devrait à elle seule faire rejeter cette idée ; mais des consi- dérations d’un autre ordre tendent aussi à l’écarter. Nous savons que les solutions du phosphate de chaux dans les acides minéraux ou organiques tendent à précipiter du phos- phate bibasique; or ce n’est pas ce composé que l’on rencontre dans les végétaux, c’est le sel à 3 équivalents de chaux, et ce dernier ne peut se déposer, ainsi que je l’ai montré ailleurs (loc. 4. Deutche chemische Gesellschaft, t. XI, p. 707. 41 642 : ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cit.) que dans un milieu salin neutre ou fort peu acide. Il est, du reste, important de rappeler ici que c’est dans les années pluvieuses, où les liquides organiques végétaux sont le plus acides, que la maturité se fait mal et que le grain est plus petit et moins riche en éléments minéraux. De plus, j'ai fait voir le rôle joué par les matières protéiques quand on mesure l'acidité des liquides organiques animaux; ici, elles se comportent de la même façon, les volumes d’alcali em- ployés aux différentes époques de la végétation où l’on a effec- tué ces mesures sont partiellement absorbés par les substances albuminoïdes, et, s'ils varient d’une façon notable, c’est aussi bien aux changements survenus dans la constitution de ces dernières, qu'aux modifications des sels à acides organiques, qu'il convient d’attribuer ces variations. En résumé, dans mes études antérieures, et dans ce qui pré; cède, je crois avoir déterminé dans quelles conditions le phos- phate de chaux (et avec lui les phosphates de fer et de magnésie) sont transportés dans le blé, soit du grain vers la jeune pousse, soit des diverses parties de la plante vers l’épi; ce sont les sucres avec les malates alcalins qui sont les agents de cette migration. Des phénomènes semblables se produisent, sans aucun doute, chez toutes les plantes dont les graines renferment de l’amidon; les sucres, les sels à acides organiques fixes : malates, citrates, etc., qui concourent à ce transport peuvent varier, mais le fait reste le même et semble avoir un caractère général en physiologie végétale. ÉTUDE D'UN BACILLE FLUORESCENT PATHOGÈNE RECHERCHES SUR LA FONCTION FEUORESCIGÈNE DES MICROBES Par M. Cuarzes LEPIERRE (Travail du Laboratoire de Microbiologie de l’Université de Coimbra, Portugal.) En étudiant la composition microbienne des eaux d'une citerne de Coïmbra, j'ai eu Loccasion d'isoler un bacille fluores- cent pathogène non encore décrit; je joindrai à l’étude de ce baçille les expériences entreprises pour élucider les conditions du développement du pigment. Je tiens avant tout à témoigner ici ma reconnaissance à M. le D' Luiz Pereira da Costa, de l’Uni- versité de Coïmbra, pour les conseils et les encouragements qu’il n’a cessé de me prodiguer. Pour fixer le pouvoir pathogène de l’eau en question, j'avais eu recours à la méthode d’inoculation intrapéritonéale de M. Blachstein'. Au moment de l'inoculation, les cultures en bouillon de peptones étaient fluorescentes et dégageaient une odeur de choux pourris. Tous les cobayes inoculés moururent dans le délai de un à six jours, en présentant les mêmes symp- tômes : abcès blanchâtres localisés au foie et à la rate, péritonite avec exsudat abondant. Les abcès, caséeux, avaient jusqu’à 5 millimètres de diamètre; leur ensemencement fournit des cultures pures d’un bacille fluorescent; le liquide du péritoine fournit aussi en majeure partie cette espèce, retrouvée du reste, par les procédés classiques, dans l'eau examinée. Les cultures pures inoculées donnèrent les mêmes résultats. Cependant, comme le pouvoir pathogène de l'espèce présente différents points * intéressants, j'y reviendrai. Je ne désire, pour le moment, qu'in- diquer l’origine du microbe étudié. 4. Ann. de l’Inst. Pasteur, octobre 1893. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, ©) pS pS MORPHOLOGIE Le bacille observé mesure 2 à 3 4 de longueur et 0u.,5 de largeur; ses extrémités sont arrondies; en général il est droit, parfois légèrement incurvé; il atteint 4 à 6 y dans les milieux liquides. Il est presque immobile, même en goutte pendante; il accepte bien toutes les couleurs d’aniline; il ne résiste pas à la méthode de Gram. Il présente un cil à une des extrémités ; celui-ci est difficile à colorer, et encore tous les individus n’en sont-ils pas pourvus. _ CARACTÈRES DES CULTURES Bouillons. — L'espèce se développe très bien à 20° ou 30° dans les bouillons de viande ou de peptones; après 2 jours la fluorescence y est très manifeste; il se forme des voiles à la sur- face, qui tombent rapidement au fond; le liquide reste assez transparent. L'odeur des cultures jeunes est analogue à l’infu- sion de choux; l'odeur des vieilles cultures semblable à celle des choux pourris. Dans les peptones la fluorescence disparaît après quelques jours ; le liquide est rougeâtre: la fluorescence se con- serve longtemps dans le bouillon de viande. Les cultures âgées contiennent de grandes quantités d’une matière protéique analogue à la mucine. Gélatine. — Plaque. — Après 24 heures, les colonies pro- fondes sont rondes, jaune brun, le centre plus foncé ; les colo- nies superficielles sont hyalines; après 3 jours, la gélatine environnante est fluorescente; diamètre, 2 millimètres; à un faible grossissement on observe des bords nets, peu sinueux; la colonie est granuleuse, sans Sillons; vers le 5° jour, la colonie a une apparence humide, verte par transparence; le centre est devenu plus clair que la périphérie, quoique plus proéminent; les bords sont plus sinueux. La gélatine n'est jamais liquéfiée (un an). Strie. — Même apparence générale que sur plaque; bords sinueux arrondis ; grisâtre par réfraction; le centre est plus élevé ; la fluorescence vert pale se diffuse dans toute la gélatine. Piqüre. — Développement seulement superficiel de véritable aérobie; la colonie peut prendre un aspect humide et festonné ou radié; on observe quelquefois des dérivations rameuses per- pendiculaires à la ligne d'inoculation. RECHERCHES SUR LA FONCTION FLUORESCIGENE. 645 Gélose. — A30°, sur gélose peptonisée, le développement est très rapide; culture blanc sale; bords peu sinueux; après 2 jours la fluorescence se manifeste pour disparaître vers le 10° jour, la gélose sous-jacente prend une couleur jaune brun. Sur sérum à 30° ou 37°, pas de fluorescence, développement très abondant; culture grisätre analogue à celles sur gélose. Pomme de terre. — À 20° ou 30°, après 24 heures, enduit jaune brun humide, aux bords dentelés; la pomme de terre devient de plus en plus noirâtre autour de la colonie; jamais de fluorescence. OŒuf. — Développement rapide sur l’albumine coagulée ; enduit jaune, mélangé de vert; la couleur disparaît complète- ment après 6 jours. Lait. — Aucun phénomène appréciable après 5 jours; le lait pullule de bactéries ; après 10 jours le lait devient basique sans se coaguler; après 2 mois le lait est en partie coagulé, et le sérum surnageant est très basique. Jamais il ne se développe ni pig- ment ni fluorescence, même par l'addition de phosphates. Indol. — En bouillons de peptones pepsique ou pancréatique (purifiées de l’indol qu’elles renferment souvent) à 20°, 30°, 37°, Je bacille ne fournit pas d’indol, même après plusieurs semaines. Sucres. — Ce bacille ne fait fermenter aucun sucre en Cf ou C'?; la fluorescence est influencée par leur présence; nous y reviendrons. INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE Chauffé en tubes capillaires, le bacille est tué en une minute à 55°-60°; il se développe le mieux entre 20° et 50°; très peu à 10°; à 37° Le développement se fait sans production de pigment : à 42° les cultures ne peuvent se poursuivre. Cultivé à l'abri de l’air ou dans le vide, le bacille ne se déve- loppe pas. L'’odeur intense de choux déjà indiquée est surtout manifeste dans les bouillons de viande et de peptone, elle est presque nulle dans les liquides minéraux; cette odeur, différente de la triméthylamine, semble due à une substance basique. Le microbe décrit, quoique se rapprochant du B. fluorescens putridus de Flügge. en diffère cependant par quelques caractères importants : 19le B. de Flügge est très mobile; l'espèce décrite 646 ANNALES DE L'INSTITU# PASTEUR. 4 est pour ainsi dire immobile; 2° l'odeur des cultures est fort différente; 3° la fluorescence est différente aussi en couleur et en intensité, dans les mêmes conditions de culture; 4° le pouvoir pathogène n'est pas le même, le B. de Flügge étant considéré comme non virulent, ce que j'ai du reste vérifié. INOCULATIONS Ce bacille, d'origine hydrique, présentait au début (dé- cembre 1893) un pouvoir pathogène très marqué pour le cobaye et le lapin; j'ai indiqué plus haut la formation d’abcès caséeux et de péritonites généralisées ; la survie variait de 1 à 10 jours ; l'inoculation intraveineuse amenait la mort en 20 heures; l'in-” sestion de cultures n’a produit aucun trouble notable sur ces animaux. Le pouvoir pathogène de l'espèce s’atténuait avec les cultures successives. Après trois mois, les autopsies montraient que le B. fluorescent, inoculé en culture pure, s’y trouvait mé- langé à desespèces en général inoffensives; les abcès diminuaient de grosseur; les lésions se bornaient quelquefois à des péritonites ou à des pleurésies ; les parois intestinales présentaient souvent aussi de petits abcès ; la survie ne variait pas pour cela (5 jours). L'espèce avait donc perdu une partie de ses propriétés patho-" gènes et n’amenait plus la mort qu’en association microbienne. Toutefois elle conservait encore assez d'énergie pour modifier le milieu d'inoculation (généralement le péritoine), de façon à pro- voquer la sortie de bactéries de l'intestin, dont l'association provoquait l'issue fatale. | Vers le sixième mois, l'inoculation du B. fluorescent en culture pure ne produisait aucun désordre, et les animaux survivaient même avec des doses massives. J'ai alors songé à associer le B. fluorescent à différentes bactéries, par elles-mêmes inoffensives, pour imiter artificiellement la propriété qu'il possédait de se créer des associations. Les résultats ont été probants; je n'indiquerai que quelques résultats ; tous les animaux périrent dans un délu de 12 heures à 4 jours. LE — Bacille fluorescent et B. liquefaciens (nouvelle espèce) (a).— Cobaye de 450 Srammes ; 2 c.c. d’un mélange des cultures de 48 heures, en bouillon, en culture intrapéritonéale; la mort survient en 12 heures: pas d’abcès, exsudat péritonéal: les 2 espèces se retrouvent à l'analyse. , RECHERCHES SUR LA FONCTION FLUORESCIGENE. 647 (a)*Le B. iquefaciens est une espèce non pathogène, isolée par M. Poiares! de l'intestin d'un cobaye; c’est un saprophyte énergique, ferment des sucres, producteur d'indol et scatol, liquéfiant la gélatine. Il. — B. fluorescent et B. de Lisbonne (b).— Plusieurs cobayes et lapins inoculés avec un mélange des deux cultures moururent dans un délai de 15 à 45 heures ; l’autopsie donne des résultats identiques aux précédents. (b) Le bacille de Lisbonne a été isolé par MM. Camara, Pestana et Bettencourt comme agent pathogène de l'épidémie ultra bénigne de Lisbonne (avril 1894) ?. Nous avons cherché à démontrer, dans un travail postérieur, que l'espèce ne nous semblait pas avoir joué le rôle prépondé rant *. Tout’ récemment nous apportions de nouveaux arguments à cette thèse, à savoir que ce bacille, considéré d’abord comme une variété du v. de Koch, n'est qu'un simple saprophyte, incapable, même associé à des bactéries non pathogènes, de produire des désordres. Aussi la nouvelle réplique confuse de MM. Pestana et Bettencourt* ne saurait nous convaincre. Les expériences suivantes le prouvent mieux encore, tout en établissant le pouvoir pathogène du B. fluorescent associé. Nous avons vu en effet que le B. liquefaciens associé au B. fluores- cent amenait la mort; de même pour le B. de Lisbonne associé au même B. fluorescent. Mais le B. liquef. et le B. de Lisbonne a$sociés ne produisent aucune lésion : les cobayes n’ont jamais rien présenté d’anormal. Il en résulte : 1° que c’est bien au B. fluorescent qu’il faut attribuer le rôle principal dans ces associa- tions mortelles: 2° que le B. de MM. Pestana et Bettencourt n’a probablement pu jouer le rôle prépondérant dans l'épidémie. * IV, V. — Le B. fluorescent, associé au micrococcus Cinnabu- reus, ou à un B. pseudo-coli, amène la mort dans les mêmes con- ditions; les deux espèces associées, seules, sont absolument inoffensives. VI. — Le B. fluorescent, associé à un B. pseudodiphtérique, non virulent, isolé par nous d'une angine bénigne, ne produit rien par injeclion sous-cutanée; l'injection irtrapéritonéale amène de la diarrhée, un manque d’appétit, le tout disparaissant après quelques jours. Par voie stomacale, toutes les espèces précédentes associées au B. fluorescent ne produisent que de l’anorexie et un peu de diarrhée passagère. 4. Coimbra Medica (décembre 1894). 2. Centralblatt f. Bakt. (sept. 1894). — Revue de Medi. Cirurg. (Lisboa, 1894). 3. Presse Médicale, etc. (août 1894). 4. Centralbl. f. Bakt. (14895). G48 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. En résumé, au début, le B. fluorescent étaitpyogènie, lesabcès ne contenaient que cette espèce. Plus tard, il s'est trouvé associé à différentes bactéries de l'intestin de l’animal, dont il avait provoqué la sortie comme dans les expériences de MM. Mosny et Marcano; puis il est devenu impuissant à produire ce phéno- mène et n’amenait plus la mort; toutefois ce pouvoir'pathogène n’était qu'amoindri, car il suffisait de l’associer à certains microbes non pathogènes pour qu'il amenât l'issue fatale. Encore aujourd’hui le b. fluorescent conserve ce privilège ; toute propriété pathogène n’a donc pas disparu. Ces faits ont une réelle importance. et doivent rendre plus suspectes encore les eaux où l’on démontrera l'existence de bactéries fluorescigènes. M. Gessard, dans un mémoire impor- tant‘, a déjà insisté sur ce fait que ces espèces indiquent une souillure d’origine animale. MM. Ducamp et Planchon ont déve- loppé ces conclusions dans leur étude des eaux de Montpellier * où ils décrivent un bacille fluorescent également pathogène, mais différent du nôtre sous bien des rapports (liquéfaction de la gélatine, virulence, etc.). Les eaux renfermant des espèces identiques ou voisines de celle que je décris sont impropres à l'alimentation. Bien que nous ne possédions pas d'expériences sur le rôle que joueraient ces espèces ingérées par l’homme, les troubles digestifs observés chez les petits vertébrés, en dehors des phénomènes pathogènes décrits, leur association nuisible, etc., font que ces microbes doivent être tenus comme très suspects, surtout si l'intestin jouit d’une sensibilité spéciale naturelle, ou provenant d’une maladie précédente. Ges conclusions s’appliqueront d'autant mieux si l’eau examinée renferme aussi quelque espèce coliforme, viru- lente ou non. Je réserve pour un prochain travail un complément d'étude du pouvoir pathogène de ce microbe fluorescent, et je vais m'occuper maintenant des conditions de formation de la fluo- rescence. SUR LA FONCTION FLUORESCIGÈNE Il est fort intéressant au point de vue chimique de fixer les conditions de formation des pigments ; nos connaissances sur ce 4. Ann. Inst. Pasteur, 1899. 2. Nouv. Montp. Medical. É2 :s 4 ; + » RECHERCHES SUR LA FONCTION FLUORESCIGÈNE. 649 sujet sont très peu avancées. L'étude de la fluorescence pou- vait présenter quelque intérêt ici, étant données la rapidité de son apparition et ses propriétés nettes. M. Gessard a publié un fort intéressant mémoire sur cette queslion. Il pense que la fonction fluorescigène est intimement liée à la présence de phosphates dans les milieux de culture, que ceux-ci existent en nature ou résultent de dédoublements (lécithine); l'absence de phosphates impliquerait l'absence du pigment; leur présence en certaine quantité serait suffisante pour l'apparition de la fluorescence. M. Gessard, quoique s'étant arrèlé, au début, au rôle important de l’élément azoté, n'attribue qu'un rôle secondaire à l'aliment fourni, pourvu que le milieu renferme des -phosphates. Cette théorie, applicable au B. pyo- v C 4 Li # , Q x cyanique étudié par ce savant, ne peut s’appliquer à tous les microbes fluorescents. Je crois pouvoir conclure, au contraire, du nombre considérable d'expériences entreprises que, pour le bacille que j'ai étudié, la fonction fluorescigène est excessi- vement complexe; elle est intimement liée non seulement à la nature de l’élément azoté, mais aussi de l'élément carboné. De plus, l'augmentation dans la quantité de phosphate, au delà de la quantité nécessaire pour assurer la culture microbienne, n'exerce sur cette fonction presque aucune influence. Cultures dans les milieux minéraux. — Toutes mes expérien- ces ont été faites sur 100 c. c. environ de liquide dans des ballons où l'accès de l'air était facile. J'ai d’abord essayé les milieux connus. Dans le liquide de Colin (à base de tartrate d'ammonium), le B. fluorescent ne s'est jamais développé. quelles que soient la température et l'époque. Dans le liquide d'Escherich. trouble insignifiant, même après 15 jours; pas de fluorescence. Le tartrate d'ammonium additionné ou non d’un hydrate de carbone ne peut donc servir à l'alimentation de l’espèce. L'azote nitrique, sous forme de nitrate alcalin, additionné d'un hydrate de carbone, ne donne lieu à aucun dévelop- pement. Le microbe ne se développe pas non plus dans les milieux à base de sels ammoniacaux (acides minéraux) à la dose de 2 0/0 et 0,20/0, en présence d’hydrates de carbone (5 0/0), à l'excep- tion toutefois du phosphate d’ammonium additionné de glycé- # *, 4 * 690 ANNALES DE L’'INSHTUT PASTEUR. rine (vérifié avec le sulfate, le chlorure, le nitrate d’ammonium et la glycérine, le saccharose, l’amidon). Les sels ammoniacaux organiques du commerce étant sou- vent dissociés et faussant les résultats, j'ai préparé un grand nombre de ces sels purs, évitant leur stérilisation à 115° par des ébullitions répétées à 100° pendant quelques minutes à un jour d'intervalle, Ces sels. à la dose de 2 0/0, additionnés de phos- phate de potassium (0,5 0/0) sulfate de magnésiun (0,1 0/0) et chlorure de sodium (0,2 0/0), ensemencés et cultivés à des températures variant de 20° à 35°, ont donné les résultats sui- vants : 1° Milieux restés stériles. — Formiate, acétate, valérianate, butyrate, oxalate, tartrate, sulfocyanate, urate, hippurate, sali- cylate, benzoate, mésoxalate, fumarate, acrylate. | 20 Milieux qui peuvent servir d'aliments sans que cependant la fluorescence se produise. — Lactate, malonate, malate, tartronate, isosuccinate, pyrotartrate, éthylmalonate, glycérate, glycolate. Le microbe s’y développe bien et la culture s'y poursuit en série, sans jamais cependant produire de fluorescence. 39 Milieux où le microbe se dévéloppe bien, ainsi que la fluorescence. — Citrate, succinate, oxyglutarate, oxypyrotartrate, glutarate. Le citrate d’ammonium commercial m'avait fourni des résul- tats négatifs; il renfermait de grandes quantités de tartrate, sel néfaste à la fonction fluorescigène. Les cultures développées renfermaient toutes de la mucine, qu ‘elles soient ou non fluorescentes. Les résultats obtenus avec ces sels purs sont les mêmes, quelle que soit la dose de phosphates (0r,05 à 5 grammes pour 0/00). Les! milieux renfermant cerlaines variétés de sels sont absolument impropres au développement soit de l’espèce, soit de la fluorescence ; ces expériences ont été répétées plusieurs fois, espérant que par l'adaptation le microbe pourrait consommer des sels qu'ilne consommait pas auparavant, comme on l’observe pour le Penicillium glaucum et V Aspergillus niger. Nous pouvons chercher à tirer quelques conclusions de ces résultats par l’examen de la constitution chimique. Les sels, anmoniacaux des acides gras C'H*"0*, monobasiques, ne peu- vent servir d’aliment : de mème pour la série urique et aroma- RECHERCHES SUR LA FONCTION FLUORESCIGENE. 651 : ' - : ; : tique. Cependant les acides gras normaux substitués par des hydroxyles servent d’aliment, sans permettre la fluorescence. Leur constitution est semblable. Exemples : Acide lactique CH3. CH OH. CO? H. Acide glycolique CH? OH. CO? H. Acide glycérique CH? OH. CHOH. CO? H. Examinons la série des acides bibasiques (en présence de 1 = : 1 > p x o : . : l’'ammoniaque); on observe trois groupes : 1° le groupe que j'appellerai oxalique, qui ne permet aucun développement; 2°le groupe malonique, qui peut servir d’aliment, mais ne donne pas de fluorescence ; 3° le groupe succinique. excellent comme aliment et comme principe fluorescigène. L'examen des formules de constitution donne lieu à des remarques. Premier yroupe. Acide oxalique (C0®H)? Acide fumarique (CH.CO?H)? Acide mésoxalique CO(CO?H)? Acide tartrique (CHOH,CO?H)* Deuxième groupe. Acide malonique CH°(C0?H)? Acide isosuccinique CH3#CH(CO?H)? Acide tartronique CHOH(CO?H)? Acide ‘pyrotartrique CO?H .CH(CH3).CH?. COH Acide malique CO2H.CH?.CHOH.CO?H. Acide éthylmalonique C?H5.CH(CO?H)° Troisième groupe. Acide succinique CH?.CO?H)? Acide glutarique (CH?)#CO2H)? Acie oxyglutarique CO2H.CH2?.CH2.CHOH.CO2H Acide citrique C(OH)CO2H.(CH2CO#HR (‘). Acide oxypyrotartrique ord. CHOH(CH?.002H)2 Sans entrer dans de longs détails, on voit que, pour les sels ammoniacaux des acides organiques à poids moléculaire peu élevé; la fluorescence est intimement liée : 4° à la bibasicité de ces acides : 2 à l'existence dans la molécule d’au moins deux groupes CH?. Le développement de l'espèce diminue proportionnelle- ment à la suppression de ces groupes ou à la substitution de leur hydrogène par des hydroxyles ou des méthyles. On ne peut généraliser pour les séries supérieures, leur formule exacte de constitution étant peu connue. Azote organique. — 4° Des liquides nutritifs.à la base durée à la dose de 5 0/0, en présence des sels alcalins et alcalino- terreux, n’ont donné lieu à aucun développement à 20° ou 30°. De même dans un liquide de composition analogue à l'urine (2 0/0 urée: 0 25 phosphate de potassium, chlorure et sulfat) 1. Bibasique par rapport Az H® dans les conditions de la préparation. . 652 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. — Mèômes résultats en présence des hydrates de carbone. Les liquides à base d’asparagine (2 et 5 0/0) ont fourni un très bon milieu de culture, où la fluorescence s’est développée et main- tenue. Les sels d'aniline, dérivés des acides minéraux ou organi- ques, rigoureusement neutres et purs, ont fourni des milieux absolument stériles, c’est-à-dire où le microbe ne se développe pas.” Albumine de l'œuf.— L'albumine crue, mélangée aseptiquement à de l’eau stérilisée, ensemencée à 20° ou 30°, ne donne qu'un développement insignifiant, sans aucune fluorescence, même après plusieurs mois; par l'addition de doses variables de phos- phate de potassium (05,2 à 4 grammes par litre) on observe une fluorescence verdâtre excessivement faible, mais la cülture ne peut se continuer en série. Dans l’albumine cuite, à 25°, le microbe se développe bien; la fluorescence s’y manifeste et s’y conserve plusieurs mois; il se forme de la mucine et de petites quantités de peptones. Si on ajoute des phosphates alcalins (0,5 à 5 grammes par litre), les cultures, verdâtres au début, n'ont plus aucune fluorescence après une semaine, et le pigment n'y reparaît jamais. Ces résultats constants, en partie opposés à ceux fournis par l’albumine crue, démontrent la complexité de la fonction chromogène. La caséine du Jait se comporte comme le lait même, c’est-à-dire que le microbe peut s'y développer lentement sans former de fluores- cence. Dans les alcalialbumines et dans les protalbines, préparées avec l’albumine de l'œuf, en suivant exactement les indications de M. A. Gautier ', le microbe, ensemencé après neutralisation, s’est bien développé, mais sans aucune fluorescence. Les milieux ne renfermaient que ce groupe de corps. Le microbe cultivé dans les syntonines 1 de M. Péré*® y pousse bien, mais sans fluores- cence; mêmes résultats après addition de phosphates. Dans les syntonines 2 de M. Péré, une très petite partie est utilisable comme syntonine dissoute, la plus grande partie ne se dissolvant que dans un excès de soude rendant toute culture impossible; 5 grammes d’'albumine syntonisée ne peuvent être 1. Chimie biologique. 2. Ann. Inst. Pasteur, 1892, p. 316. .. RECHERCHES SUR LA FONCTION FLUORESCIGENE. 653 maintenus en dissolution dans 100 c. e., comme le dit M. Péré: ce liquide ne contient en outre que des syntonines, sans albu- moses, propeptones ou peptones. Cependant le microbe s’y développe ainsi que le pigment. Les syntonines 1 et 2 sont donc différentes. Peptones.— Je vais m'occuper maintenant du rôle des peptones sur la fonction fluorescigène. Établissons quelques définitions nécessaires à la compréhension de ce qui suit. L'action des ferments digestifs sur les matières albuminoïdes conduit à des corps solubles dans l’eau, appelés en général peptones. On peut les diviser en trois groupes dont je ferai usage pour plus de simplicité, tout en n’ignorant pas ce qu'a d’aléatoire une semblable classification, comme l’a démontré, dans ces Annales, M. Duclaux : 1° Les propeptones, solubles dans l’eau, précipitables par le sel marin et l'acide acétique; le précipité soluble à chaud repa- raît par le refroidissement; elles précipitent par le ferrocyanure acétique ; , 2° Les albumoses (de Kühne), voisines des vraies peptones, ne précipitent pas par le ferrocyanure ; elles précipitent par le sulfate d’ammonium ajouté en poudre et en excès; 3° Les vraies peptones (de Kühne et Gautier) ou simplement peplones, ne précipitent pas par le sulfate d’ammonium, mais précipitent par le chlorure mercurique, etc. Très souvent on réunit en un seul le 2° et le 3° groupe, que l’on appelle aussi peptones (Henninger). Le sulfate d’ammonium, employé toujours dans les mêmes conditions, constituant un réactif de groupe suflisant, j'adop- terai toujours la classification en trois groupes. Cependant, en partant d’un certain albuminoïde, chacun des groupes n'est pas homogène, mais il est formé de termes homologues, dont on peut tenter la séparation par l'alcool ou lacide phospho- tungstique. C’est l’ensemble de ces méthodes que j'ai mis en jeu pour fixer celui des constituants auquel il faut attribuer la faculté de développer la fonction tfluorescigène. Il m'a fallu étudier non seulement les peptones complexes du commerce, mais aussi peptoniser différents albuminoïdes et en faire l'étude chimique. Propeptones. — 1° J'ai obtenu des propeptones par digestion 654 * ANNALES DÊÉ L'INSTITUT PASTEUR. papaïque à 45° pendant cinq jours (25 grammes fibrine de porc pressée ; 150 grammes d’eau à 3/1000 HCI; 1 gramme papaiïne pure). Après neutralisation, le microbe ensemencé s'y développe as$ez bien, maïs sans jamais produire de fluorescence, à 25° ou 30°, et cela en présence de doses variables de phosphates, ou après que le bouillon'eut été conservé des temps variables dans le laboratoire. M. Gessard avait observé, en effet, que des peptones conservées quelque temps pouvaient produire de la fluorescence; je n’ai rien obtenu après 1, 2, 3, 4 semaines. Après deux mois, les cultures odorantes renferment encore des propeptones'et de la mucine. 20 La peptone Adamkiewicz, du commerce, est surtout formée de propeptones, ainsi que je l’ai vérifié; des bouillons à 2 0/0, plus ou moins phosphatés, ne donnent aucune fluorescence : le microbe s’y développe mal. Il en est de même des propeptones d'albumine d'œuf, que j’ai préparées en interrompant la digestion pepsique après quelques heures. On peut donc conciure que les propeptones, quoique four- nissant le carbone et l'azote nécessaires à l’espèce, ne réunissent pas les conditions nécessaires à la formation du pigment fluores- cent, indépendamment de toute question de phosphates. Du reste le bacille s’y développe mal, en général. Albumoses. — La plupart des peptones commerciales', ou celles préparées au laboratoire par digestion artificielle en employant la pepsine on la pancréatine, sont des mélanges d’albumoses et de vraies peptones. J'ai préparé les albumoses d'un côté, les vraies peptones de l’autre, par précipitation des albumoses par le sulfate d’ammonium, dialyse, évaporation dans le vide, ete., aussi bien pour le précipité que pour la partie dissoute (vraies peplones); j'ai eu recours aussi à la baryte pour l’éliminatiôn du sulfate ammoniacal; dans ce cas il faut restituer les phosphates précipités. Des nombreuses expériences faites je puis conclure que : Les albumoses (à 2 0/0) ne fournissent au microbe qu'un aliment assez peu propice, si on le compare aux bouillons de viande ou aux vraies peptones. Jamais la fluorescence ne s’y mäni- feste, quand la séparation des deux groupes est parfaite. J'ai vérifié ce qui précède avec des albumoses dérivées des 4. Celles de M. Chassaing en particulier. RECHERCHES SUR LA FONCTION FLUORESCIGENE. 655 fermentations pepsiques ou pancréaliques de la viande de bœuf, de d’albumine de l'œuf crue ou cuite, de la fibrine de porc, et en faisant varier la quantité de phosphates de 04,2 à 5 grammes par litre. Une peptone pure préparée suivant le procédé Henninger, et qui renfermait 85 0/0 d’albumoses et 15 0/0 de vraies peptones, a donné les mêmes résultats que les albumoses pures. Ces résul- tats confirment ceux obtenus avec les albumoses : bon dévelop- pement de l'espèce, mais pas de fluorescence. * L'emploi de l'alcool en précipitations fractionnées montre que les dernières fractions, ainsi que celles qui restent dissoutes dans l’alcool, donnent quelquefois de la fluorescence; ceci peut s'expliquer par l’existence de »raies peplones, éminemment propres à la fonction fluorescigène, ou par la présence d’albumoses vot- sines de celles-ci : il est fort probable en effet que la série soit continue de l’albumine primitive à l’albumose et à la peptone. Peptones vraiés. — Procédés de préparation précédemment indiqués. Ces corps sont éminemment propres au développement de l’espèce et à l'apparition de la fluorescence, quand ils dérivent des fermentations pepsiques; les peptones vraies d’origine pancréa- tique ne fournissent, au contraire, presque jamais de fluores- cence, quoique le microbe s'y développe énergiquement; dans ce dernier cas les bouillons deviennent rougeûtres. L'alcool employé pour faire des précipitations fractionnées des peptones pepsiques vraies donne des produits diffèrant très peu les uns des autres au point de vue de leur teneur en carbone et hydrogène, mais présentant l'allure de séries homologues : l’intensité de la fluorescence est aussi très différente avec les divers précipités; ce qui confirme donc l'analyse organique. Peptones complexes. — F'ai étudié la fonction fluorescigène sur ce que j'appellerai les peptones complexes, c’est-à-dire les mélanges obtenus par digestions artificielles, au laboratoire, ou pris dans le commerce. On comprend déjà que les résultats varieront sui- vant la proportion des albumoses et des peptones vraies, et selon que ces produits seront de digestion pepsique ou pancréa- tique. La peptone pepsique de M. Chassaing, dont M. Gessard a déjà publié le procédé de préparation, doit être considérée comme pure, au point de vue des corps de la classe des peptones; la » 656 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ? proportion d’albumoses et de vraies peptones est assez constante avec les divers échantillons. La moyenne d’une dizaine d’ana- lyses donne : propeptones, traces ; albumoses (vide), 30 à 34 0/0; vraies peptones (vide), 60 à 55 0/0; eau (dans le vide), 5 0/0: cendres, 5 à 6 0/0, renfermant 1,53 0/0 d'acide phosphorique, soit 3,75 0/0 de phosphate dipotassique *. Le bacille fluorescent cultivé dans ce Drodanit s’y développe très bien : la fluorescence apparait dès le second jour. Nous avons vu plus haut que les albumoses qu on extrait de ce produit ne donnent aucune fluorescence; les vraies peptones développent au contraire ttes bien le pigment. On peut faire abstraction de la classification en peptones et albumoses, et chercher à scinder le produit commercial par d’autres méthodes : précipitation fractionnée par l’alcool de plus en plus fort par exemple. J'ai traité ainsi 50 grammes de ce produit, et obtenu six précipités successifs représentant 60 0/0 de la peptone employée, et une solution non précipitable renfermant 40 0/0 de peptone. Ces précipités, dont le poids varie de l’un à l’autre, sont de plus en plus riches en peptones vraies et par conséquent de moins en moins riches en albumoses. Ensemencés dans les mêmes conditions, ces précipités donnent des milieux où la fluorescence présente les variations suivantes : PEPTONE TOTALE … COMPOSITION précipitée. des précipités CULTURES 0/0 AIb. Pept. vr. AMAICOOLMA 500 CR MEET EE. 5,3 \ 62 38... fluorescente pendant 2 mois. Be TN IE a be 12 | EYE id. id. C — TOO RÉEL ee enter à 32,5 43 57... fluorescence disparaissant après quelques jours. D — SUD ANT CE RTE TELE 6,0 / 59,6. 30 70... presque aucune fluorescence. E — Ton ae AR CO 2,0 | ETS TN ET F — BTOC reel 1170, 23 77.., fluorescence persistante. G — 90° (partie si dans l'alcool). 404 05075... id. id. La teneur en phosphates des différents précipités était presque la même. On voit que la fluorescence ne dépend pas tant de la quantité relative d’albumoses et de vraies peptones, que de leur qualité. Autres peptones pepsiques. — J'ai préparé un certain nombre de ces produits. Les résultats obtenus au point de vue de la fluo- rescence varient suivant la température de la digestion, le temps 4. Un bouillon à 2 0/0 de peptone Chassaing renferme donc O0gr,#% de phos phate par litre. # + RECHERCHES SUR LA FONCTION FLUORESCIGÈNE. 637 de celle-ci, en partant d'une même matière albuminoïde. La pep- tone totale de muscle de veau ou de bœuf est très favorable à la fonction chromogène. Si on épuise le muscle à Peau froide, puis tiède, la fibrine musculaire obtenue et peptonisée ne donne que des 'aces de fluorescence, même avec addition de phosphates en quantité variable. Les peptones provenant du sérum musculaire donnent au contraire de la fluorescence. La peptone de lait est très favorable au microbe et à son pigment. Les peptones d’albumine d'œuf, crue ou cuite, permettent la fluorescence : l'addition de phosphates la diminue; la fluorescence dans la dernière de ces peptones est toujours inférieure à la première. La peptone de fibrine de porc donne des résultats variables avec l'activité de la pepsine et le temps de digestion. L'acide phosphotungstique (Schützenberger) peut servir à scinder les peptones; une péptone de fibrine de pore qui avait fourni un peu de fluorescence ayant été précipitée par ce réactif, j'ai vérifié que la fluorescence se manifestait exclusivement avec la peptone restée dissoute. I est pourtant hasardeux de généraliser. Les peptones pancréatiques commerciales, ou celles que j'ai fabriquées avec un grand nombre d’albuminoïdes, ne fournissent que très peu de fluorescence et le plus souvent pas du tout. Le bacille s’y développe cependant très bien; les cultures sont rou- geñtres. Ces produits renferment cependant 10 0/0 de vraies peptones de plus que les peptones pepsiques de même origine. Cela vérifie à nouveau que c’est la qualité des vraies peptones qui influe. Ces différents résultats tiennent évidemment à la nature des composants : /es mélanges constituant les peptones pep- siques ne Sont pas les mêmes que ceur des peptones pancréatiques ; l'identité entre ces COTPS, Soulenue pendant un certain lemps, ne sau- rait donc être maintenue; l'étude de la [luorescence fournit un arqu- ment assez probant. Comme conclusion, et quoique les peptones complexes four- nissent des résultats différents au point de vue dela fluorescence, résultats inhérents à la nature de ces Corps, nous pouvons dire que les vraies peptones pepsiques paraissent en général favo- rables à la formation du pigment, à l'encontre de ce que l’on observe pour les albumoses pepsiques et pancréatiques, et les vraies peptones pancréatiques. Je ferai remarquer que la fonction fluorescigène est latente, 49 221 658 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dans le cas où iln’y a pas production de pigment : il suffit de réensemencer dans un milieu approprié pour qu’elle reparaisse. Passons à l’étude de milieux naturels ou artificiels plus com- plexes encore, où se manifeste la fluorescence : les bouillons de viande et l'urine. Bouillon de viande. — Le bouillon de viande dans la propor- tion de 1 kilogramme de musele pour 2,5 d’eau, est un excel- lentmilieu pour le développement du microbe etde safluorescence. L'analyse immédiate donne comme résultats par litre : extrait total (inclus 7 grammes de sel), 21“,5, formés de 12,1 de matières organiques et 9,4 de matières minérales. Les matières organiques sont formées de 5 à 6 grammes de gélatine; 1 à 1,2 de corps xan- thiques et créatinine ; glycogène, 1,5 à 1%,6; quelques déci- grammes d'acide lactique. Les cendres contiennent 7,5 de sel marin et 0,9 d'acide phosphorique, soit 2,2 de phosphate de potassium. Ce bouillon ne renferme que de très petites quantités d’albuminoïdes solubles. J'ai recherché, par de nombreuses expériences synthétiques, auquel de ces constituants il fallait attribuer le rôle principal dans la formation de la fluorescence. J’ai ainsi vérifié que ce rôle appartient exclusivement à l’extractif obtenu en éliminant les albuminoïdes du muscle, extractif surtout formé de leucomaines æanthiques el créatiniques, sans traces de peptones. Les bouillons à base de gélatine musculaire ou autre ne donnent aucune fluorescence. Ces leucomaïnes, mélangées à des liquides non aptes à la fluorescence, leur communiquent cette propriété. Les leucomaïnes xanthiques et créatiniques extraites des bouillons de viande sont donc favorables au développement de l'espèce et de sa fluorescence, et c’est à ces corps qu'il semble falloir attribuer la production de la fluorescence dans les bouil- lons ordinaires, c’est-à-dire ne renfermant que des traces d’albu- minoïdes solubles. Quoique les peptones de viande renferment de petites quan- tités de ces leucomaïnes, leur présence, comme je l’ai vérifié, ne saurait modifier en rien les conclusions générales au sujet du rôle des peptones. 4 Urine. — Nous avons vu que l’urée, dans les proportions où elle se trouve dans les urines normales, additionnée des sels alcalins normaux, ne peut servir au développement de l'espèce. «LT AU BE L RECHERCIHES SUR LA FONCTION FLUORESCIGÈNE. 659 En soumettant l'urine à l'analyse immédiate, j'ai vu que c’est à la classe. des corps nommés extractifs (4 à 5 grammes par litre) qu'il faut attribuer le principal rôle dans la formation de la fluorescence que l’on observe par culture dans ce milieu. Cet extractif, fort riche aussi en leucomaïnes plus ou moins com- plexes, jouit donc de propriétés semblables à celui du bouillon. Les acides urique et hippurique ne paraissent jouer aucun rôle. Dans les chapitres précédents, j'ai cherché à établir quels étaient, parmi les innombrables dérivés organiques, les corps ou classes de corps au sein desquels le microbe produit de la fluorescence. On voit que ces corps appartiennent aux séries les plus différentes. Je vais maintenant décrire l’action d'influences secondaires qui viennent à leur tour compliquer ces phénomènes en supprimant ou modifiant la fonction fluorescigène dans des milieux qui normalement la produisent. I. Influence des phosphates. — M. Gessard, dans son remar- quable travail, étudiant la fluorescence du bacille pyocyanique, a démontré le rôle prépondérant joué par les phosphates sur la fonctiôn fluorescigène. Ces conclusions ne peuvent s'appliquer à l'espèce que j'ai étudiée, car les pages précédentes démontrent l'influence de l'élément azoté et carboné : de plus, laddi- tion de phosphates aux milieux étudiés n’a jamais produit de fluorescence dans les milieux où elle ne se manifestait pas. Ces additions de phosphates (de sodium, potassium ou ammonium) avaient Loujours lieu après stérilisation des bouillons, alin d'évi- ter des précipitations faciles avec les protéides. Mais, en dehors de cette action jusqu’à un certain point nulle, j'ai observé souvent que l'addition de certaines doses de phosphates (maintenue cependant dans les limites des expériences microbiennes) pro- duisait une action néfaste ou tout au moins retardatrice de la fonction chromogène. Ces faits ont été observés avec des peptones fluorescigènes, en faisant varier le phosphate total de 0*,75 à 6 grammes par litre ; à partir de 2+r,5, la fluorescence qui s'était produite disparait après quelques jours ; 6 grammes de phosphate par litre empèê- chent la fluorescence, qui est remplacée par un pigment jaune rougeâtre. L'espèce s’y développe néanmoins énergiquement. Avec les bouillons de viande on observe, avec des doses de phosphate variant de 2 à 7 grammes, un ralentissement dans la 660 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. fonction chromogène ; celui-ci est d'autant plus grand que la quantité de phosphates est plus élevée. Ce n’est qu'aprèshuit jours que la fluorescence a la mème intensité dans les bouillons phos- phatés jusqu’à 5*,5 ; avec 6 ou 7 grammes de phosphates on n'observe pas de fluorescence. Ces résultats s'expliquent proba- blement par les changemenis dans les rapports du phosphore, de l’azote et du carbone. Les chiffres cités ne sont pas absolus et ne s'appliquent qu'aux milieux considérés, les milieux minéraux en effet suppor- tent mieux de grandes quantités de phosphates. IT. Influence des hydrates de carbone. — J'ai observé au cours de ce travail que les sucres, ia glycérine, etc., pouvaient diminuer ou supprimer la fonction fluoreseigène, quand on les addition- nait aux milieux de culture. En approfondissant la question j'ai observé ce qui suit : a. — Liquides minéraux (à base de succinate par exemple). —- Si on additionne ces liquides, avant ensemencement, de 3 à 5 0/0 d'un hydrate de carbone, on verra que ceux-ci agissent de diffé- rentes manières sur le développement de la fluorescence : quel- ques-uns (dextrine, glucose) entravent complètement la fonction fluorescigène. D’autres la retardent ou la diminuent sans empêcher cependant le développement de l’espèce ; ce sont par ordre croissant d'action : la glycérine, la mannite, la lactose, la salicine. Enfin quelques-uns, comme le saccharose ou l'amidon, n'ont presque pas d'influence. Les cultures distillées donnent des corps volatils produisant de l’iodoforme. Pour éviter l'acidité des milieux qui aurait pu se produire par dédoublement des sucres, acidité qui aurait décoloré le pigment fluorescent, on opérait en présence de la craie. b. — Peptones fluorescigènes. — On arrive aux conclusions sui- vantes:leglucose etlalactose à5 0/0 empêchenttoute fluorescence. La glycérine, le saccharose, la mannite l’empêchent en partie, c'est-à-dire que la fluorescence qui se forme au début disparaît vers le 5° jour. Le bouillon de viande est moins influencé par la présence des hydrates de carbone (sauf par la glycérine). La gélatine peptonisée additionnée de sucres subit exactement les mêmes phases que les peptones liquides. Les milieux onttoujours été maintenus neutres ou basiques. Dans ces expériences, la perte du pouvoir chromogène n’est que temporaire et peut s'expliquer RECHERCHES SUR LA FONCTION FLUORESCIGÈNE. 661 par les modifications entre les rapports du carbone, de l'hydro- gène, de l'azote et du phosphore. IL. Jnfluence de la température. — À 10° le développement de l'espèce et de la fluorescence est ralenti; entre 20° et 30° l'espèce et la fluorescence se développent très bien si le milieu est favo- rable; la fluorescence apparaît plus vite à 30° qu'à 20°. A 37° le bacille se développe bien, mais sans jamais produire de fluores- cence, quel que soit le milieu nutritif. À 42° aucune fluorescence et faible croissance. La culture à 37° peut se poursuivre longtemps, toujours sansfluorescence, quicependantse manifestera, quoique affaiblie, si on cultive à une température plus basse dans un milieu convenable. IV. Acidité ou basicité des milieux. — J'ai cultivé le microbe dans des bouillons de viande en présence de doses variables d’acides et de bases, à 20° et 30°. Les acides minéraux employés ontété:acideschlorhydrique, sulfurique, azotiqueetphosphorique aux doses de 5 0/00 à 0,2 0/00; les acides organiques (acétique, tartrique, oxalique, suceinique) aux doses de 10 0/00 à 1 0/00; mêmes doses pour le phénol, la potasse, la soude, l’aniline. L'examen des cultures montre que la stérilisation permanente du milieu s'obtient pour les acides minéraux à partir de la dose de 1 à 2 0/00; il faut atteindre 5 0/00 avec l'acide phosphorique, qui agit comme les acides organiques, sauf l'acide acétique qui agit à 4 0/00. IL faut dans les mêmes conditions 5 0/00 de potasse où d’aniline pour stériliser le bouillon, alors que 2 0/00 de soude ou d’ammoniaque suflisent. A des doses moindres, ces mêmes corps diminuentlafluorescenceoulasuppriment. Quelques bases (potasse et aniline), aux doses de 4 0/00, augmentent la fluorescence pendant les premiers jours. Sion compare les mêmes bouillons à 20° et 30°, on voit nettement que, pour les liquides additionnés de bases à la température de 30°, la fluorescence est moindre qu'à 20°. Avec les acides minéraux on n’observe pas de différence sensible. Au contraire, pour les acides organiques, Faugmentation de la température est favorable à la fluorescence et à la non stérilisation du milieu. V. Influence des hautes températures sur les milieux nutritifs. — Les températures répétées de 115° à 1250, nécessaires aux stérilisations, modifient certains milieux tels que les bouillons de peptone ou de viande. La fluorescence s'en ressent. Prenons en 662 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. effet une solution de peptone fluorescigène et mettons-la à l’autoclave à 120°-125° pendant un temps variable entre une demi-heure et une heure et demie. Si on ensemence ce produit, on observera constamment soit une diminution de la fluorescence, soit sa suppression absolue. La peptone n’a cependant fourni aucun précipité, et le résultat est le même après addition de phoss phates alcalins. Les peptones subissent donc une altération dans leurs constituants, les fractions fluorescigènes tendant à disparaître. On observe des phénomènes semblables avec les milieux à la gélatine peptone, et, quoique à un degré bien moindre, avec le bouillon de viande, indépendamment des additions de phosphates. VI. Influences du temps, etc. — M. Gessard à observé que certaines peplones qui ne donnaient pas de fluorescence en pro- duisaient après un certain temps d'exposition à l'air, et explique ce fait par des transformations successives de la lécithine qu'elles renfermeraient. Ce savant confirme son opinion par des expé- riences fort intéressantes, faites avec la lécithine pure‘. Avec le B. fluorescent que j'ai étudié, je n’ai jamais observé cette appa- rition de la fluorescence dans un milieu qui ne la produisait pas au début; j'ai opéré sur des peptones de provenances très diverses préparées au laboratoire ou du commerce, en conservant les flacons à l'obscurité ou à la lumière diffuse, et en faisant des cullüres à intervalles fixes pendant plusieurs mois; j'ai fait varier dans de grandes proportions les rapports entre la peptone et les phosphates, et je crois pouvoir conclure qu'une peptone qui par nalure ne fournit pas le pigment n’en donne jamais, quels que soient ces rapports et le temps d'observation. l'en a été de même en faisant barboter, dans des peptones non fluorescigènes, de l'air stérile et pur pendant 10 jours. Le temps ou l'air n'amènent pas la fluorescence dans les milieux sucrés qui ne la donnent pas au début. VIL. Etude du pigment. — J'ai cherché à isoler le pigment, sans toutefois y réussir mieux que les savants qui m’ont précédé. Eu opérantavec des milieux minéraux, bien définis, très fluorescents, en solution neutre, en alcaline, le pigment est insoluble dans les dissolvauts les plus importants, sauf dans l’eau: j'ai essayé le 4. Les peptones ne peuvent du reste renfermer que des traces de léchitine, celle-ci he résistant pas à l'action de la pepsine. RECHERCHES SUR LA FONCTION FLUORESCIGENE. 663 chloroforme, l'alcool éthylique, l'alcool butylique, Palcool amy- lique, éther, éther acétique, ligroïne, benzène, toluène, xylène, térébenthène, acétone, pétrole, sulfure de carbone, acétate d'amyle, seuls ou mélangés deux à deux ou trois à trois. Le corps incolore obtenu par acidulation légère des cultures fluores- centes et le pigment jaune rougeâtre qui succède à la fluores- cence sont tout aussi insolubles dans les dissolvants précédents. Cette insolubilité rapproche beaucoup le pigment des substances albuminoïdes (Hoffa). Au point de vue physique j'ai observé que la couleur dévelop- pée dans les cultures relevait à la fois du phénomène de fluores- cence et de celui de dichroïisme ; il suffit en effet de plonger des tubes de culture dans la partie ulira-violette d’un spectre solaire convenablement étalé pour observer que les tubes deviennent lumineux (chambre noire). On observe également le dichroïsme par l'examen en lumière polarisée. Ces indications étaient néces- saires, car on confond souvent la fluorescence avec le dichroïsme. Le pigment microbien présente enfiu un spectre d'absorption assez caractéristique : les rayons sont absorbés de la raie F à la raie H dans l’ultra-violet. Ce spectre est plus voisin de celui du cur- cuma que celui de la fluorescéine. Comme conclusions générales de ce travail sur la fluores- cence, il ressort que la fonction fluoreseigène est éminemment complexe et jusqu'à un certain point indépendante du dévelop- pement de l'espèce. Elle ne se manifeste que si les conditions générales du milieu nourricier (forme de l'aliment carboné ou azolé, température, elc., etc.) sont favorables. La fluorescence ne paraît pas être l’apanage exclusif d'une fonction ou d'un élément chimique; des groupements molécu- culaires très différents jouissent de la propriété de la mani- fester. Cette fonction est indépendante de l'existence et de la quantité relative des phosphates, en n'oubliantpastoutefois qu'une certaine quantité est nécessaire à la vie de l'espèce. Ce que je crois avoir démontré, c’est que l'addition de ces Sels n’entraine pas le développement de la fluorescence, dans un milieu qui au début ne la produisait pas. La théorie de M. Gessard ne peut s'appliquer à mon microbe et aux milieux que j'ai étudiés, et la fonction fluorescigène ne peut servir de réactif sûr des phosphates. PRATIQUE DEN COLORATIONS MICROBIENNES (Méthode de Gram modifiée et méthode directe) PAR M. NICOLLE Directeur du Laboratoire impérial de Bactériologie de Constantinople Les méthodes de coloration employées en bactériologie se rapportent tantôt aux microbes eux-mêmes, tantôt à leurs spores ou à leurs culs. Pour colorer les spores, le meilleur procédé, selon moi, est celui de M. Müller; pour colorer les cils on a le choix entre le procédé de Lüffler modifié par le D' Morax, et le procédé de M. van Ermengen. L Quant à la coloration proprement dite des microbes, elle nécessite les méthodes qui varient avec l'espèce envisagée. Deux organismes, celui de la tuberculose et celui de la lèpre!, se colorent, à l'exclusion de tous les autres, par le procédé de Ebrlich, rendu aujourd’hui simple et sûr, même pour les débu- tants, grâce à l'emploi du chlorhydrate d’aniline comme agent de différenciation. On trouvera l’exposé de cette méthode, due à Kuhne, dans le travail du D' Borrel, sur la tuberculose pulmonaire expéri- mentale *. Un certain nombre de bactéries offrent la propriété de se colorer par le procédé, bien connu, de Gram. Quoique cette méthode soit d’un usage courant, il m'a paru qu’elle était plus difficile à réussir qu’on ne le croit en général : aussi ai-je cherché à la perfectionner. Enfin beaucoup d'organismes ne se colorent ni par le procédé 4. J'y ajouterai, d’après mon expérience personnelle, le streptothrix du farcin du bœuf, et, d’après les recherches de mon frère, le microorganisme de la Verruga. 2. Ces Annales, t. VII, p. 593. À TECHNIQUE DES COLORATIONS. 665 d'Ehrlich ni par celui de Gram. On n'arrive à les mettre eh évi- dence que par les méthodes qu'on peut appeler directes: Parmi ces méthodes, je rappellerai celle que j'ai déjà publiée et qui repose sur l'emploi des bleus de méthylène et du tannin. Je vais en indiquer une nouvelle, encore plus simple et tout aussi sûre. La présente note comprendra donc deux parties : Exposé de la méthode de Gram modifiée, et exposé de la méthode directe. MODIFICATION DE LA MÉTHODE DE GRAM Réactifs nécessaires. — Pour pratiquer la méthode de Gram dans tous les cas où elle est indiquée, et avec les diverses asso- ciations de couleurs qu'elle peut comporter, on se servira des réactifs suivants : Violet de gentiane pheniqué : Solution saturée de violet dans l'alcool à 95°....... HO c:c. Mrtepiéniquee ad D/OLE SR LIN MR Er 7. 100 c.c. Eosine alcoolique au tiers : Solution saturée d’éosine à l’alcoo!l dans alcool! à 95°... 50 c.c. AOC AR OD ER PRE RO SO Le re 400 c.c. Fuchsine hydro-alcoolique : Solution saturée de fuchsine dans alcool à 95°...... DAC :C: HAE US CUITE PTE LT A ee DRE 100 c.c. Carmin de Orth alcoolisé : On ajoute un sixième d'alcool à 95° au carmin de Orth ordinaire. Cette addition a pour but de prévenir le décollement des coupes fixées sur la lame à l’aide de l’albumine glycérinée, décollement qui se produit fata- lement en présence de tout colorant alcalin. Alcool picriqué : Alcool à 95° additionné d’une trace d'acide picrique, de façon à obtenir une coloration jaune verdâtre très pâle. Liquide de Gram fort : TOUTE de OASSIUTOR RM... LL HS PNR. 2 — PEN CHE, ES RAT NANTERRE REP EEE 200 — “ La L L 666 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. A l6bol absolu additionné d'un tiers d'acétone. Alcool absolu addilionné d'un. sixième d'acélone. Alcool absolu, — alcool à 959, — alcool éther (äa). Xylol. Baume au xylol. a Coloration sur lamelles. — S'il s'agit d'une culture, l’étaler sur A la lamelle d’après les procédés ordinaires. Puis fixer à l’alcool- éther, verser du violet phéniqué, et laisser en contact 4 à 6 se- condes. Rejeter le violet et, sans laver, faire agir le liquide de Gram 4 à 6 secondes aussi, mais en le renouvelant une ou deux fois. Décolorer par l’alcool-acétone au tiers. Examiner dans l’eau ou monter dans le baume après dessiccation. Si l’on à affaire à un produit pathologique, on peut se com- porter comme précédemment, mais il est préférable de faire une double coloration. On y arrive aisément à l'aide de la solution d'éosine que l’on fait agir rapidement après la décoloration par l’alcool-acétone. Lorsqu'on se propose de colorer du sang d'oiseau (par exemple le sang d’un pigeon mort du rouget) on obtient de belles prépa- rations en laissant les noyaux des hématies colorés en, violet foncé, c’est-à-dire en décolorant incomplètement la préparation. Pour bien réussir cette décoloration incomplète, on substituera avec avantage l'alcool à 95° à l'alcool-acétone. Enfin, quand il se trouve dans un produit pathologique un organisme © prenant le Gr&m » et un organisme décoloré par cette méthode (par exemple du pus blennorrhagique avec des staphy- locoques) on emploiera, après la décoloration par l’alcool-acé- tone, la fuchsine hydro-alcoolique au lieu de l’éosine. ” En voici ia raison. L’éosine, couleur acide, ne donne que des fonds diffus, tandis que la fuchsine, couleur basique, colore avec élection, non seulement les éléments anatomiques, mais encore les microbes décolorés par le procédé de Gram (dans l'exemple présent les gonocoques). Coloration des coupes. — Nous supposerons que ces coupes ont été faites après inclusion dans la paraffine et collées sur les lames à l'aide de Falbumine-glycérinée de Mayer. C'est là la méthode que nous avons toujours émployée et que nous enseignons aux élèves. Le procédé de choix est la triple coloration, obtenue en com- binant l’action du carmin et de l'acide picrique à celle de la La LL F TECHNIQUE DES COLORATIONS. 667 méthode de Gram. On opère comme il suit : Débarrasser la coupe de la paraffine à l’aide du xylol; enlever le xylol par l’alcool absolu. Laisser un quart d'heure dans le carmin de Orth alcoolisé. Laver à l’eau. Faire agir le violet phéniqué # à G secondes et ensuite le liquide de Gram 4 à 6 secondes en Île renouvelant une ou deux fois. Décolorer par l’alcool-acétone au 1/3. Passer rapidement dans l'alcool picrique. Déshydrater par l'alcool absolu. Éclaircir par le xylol et monter dans le baume. Avantages de la méthode de Gram modifiée. — Le principal avantage consiste dans l'usage de l’alcool-acétone, comme déco- lorant. L’alcool-acétone décolore plus vite et plus sûrement que l'alcool absolu employé d’abord par Gram, et avec lequel on risque toujours de rester en deçà ou au delà du degré voulu. Cette considération a son importance, puisque la méthode de Gram comporte une signification diagnostique. La décoloration sur lamelle nécessite un mélange moins riche en acétone, parce qu'une préparation sur lamelle est toujours moins bien fixée qu’une coupe, et que, par conséquent, microbes et tissus y pren- nent moins facilement et y abandonnent plus aisément les ma- lières colorantes. Il est singulier que ce fait d'expérience courante ait échappé à la plupart des auteurs, qui recommandent, au contraire, de faire des colorations plus énergiques dans le cas des coupes. La colo- rabilité moins grande des préparations sur lamelles et leur déco loration plus facile tiennent aux deux causes suivantes : d'abord à la dessiceation préalable; ensuite et surtout à la pénétration des couleurs par une seule face de la préparation. On se convaincra facilement du rôle de cette dernière cause en comparant la colo- ralion d’une coupe collée sur lame avec celle d’une coupe non collée. Dans le second cas la teinte se produit plus rapidement et se montre toujours plus vive. L’alcool-acétone a sur l'huile d'aniline, préconisée par Weigert, l'avantage de ne pas s’altérer ; c’est donc uu réaclif qu'on peut conserver indéfiniment sans dommage; de plus, il fournit des préparations qui ne brunissent pas à la longue. Enfin la triple eoloration est presque impossible à obtenir avec la méthode de Weigert, à cause de la solubilité excessive de l'acide picrique dans l'huile d’aniline. # L} ; ” c A 668 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. , Les préparations à l’alcool-acétone ne se décolorent pas par la suite comme celles que donne l'essence de girofle, décolorant excellent, mais doué malheureusement de propriétés réductrices intenses. D'autres avantages de la méthode de Gram modifiée consis- tent dans l’usage du violet phéniqué, plus facile à préparer que le violet aniliné et absolument inaltérable, et dans l'emploi du liquide de Gram fort, qui communique aux bactéries une teinte plus foncée et une plus grande résistance à la décoloration. Nous signalerons enfin la façon dont nous faisons agir le carmin de l’acide picrique; elle fournit des résultats supérieurs à ceux de la technique ordinaire. MÉTHODE DIRECTE. La coloration directe des préparations sur lamelles et des coupes est applicable en réalité à tous les micro-organismes, mais il va de soi qu’on doit en réserver l’usage aux bactéries qui se décolorent par les méthodes indirectes (Gram et Ehrlich). Réactifs nécessaires. Thionine pheniquee : Solution saturée de thionine dans l'alcool à 50° ....... AOC 'C> Eau 'phéniqueeraMu0/0 ER EN OER OT (00 ce: Violet de gentiane phéniquee. Eosine alcoolique au tiers. A lcool-acélone au tiers, — alcool absolu. — alcool éther (da). Xylol. — Baume au xylol. € La thionine ou violet de Lauth est une couleur soufrée appar- tenant au mème groupe que les bleus de méthylène etde toluidine. Comme ces deux derniers et à l'inverse des dérivés basiques de la plupart des autres séries, elle ne surcolore pas. Étant donné son prix de revient commercialement élevé, elle constitue un produit de collection et non un colorant industriel. Nous avons fait nos premières recherches avec un échantillon qui nous a été obligeamment donné par le distingué chimiste M. Rosenstiehl. Nous avons ensuite étudié la thionine vendue par la maison Merck, de Darmstadt, qui donne des résultats excellents. Les avantages de la thionine sur les autres couleurs soufrées sont surtout appréciables dans la coloration des coupes. Grâce à son affinité pour les organismes et à sa faible solubilité dans TECHNIQUE DES COLORATIONS. 669 l'alcool absolu (surtout lorsqu'elle est fixée sur les bactéries), la thionine constitue le réactif colorant le plus énergique et le plus sûr des microbes qui ne prennent pas le Gram. Coloration sur lamelles. — Pour la coloration des cultures, nous donnons la préférence au violet phéniqué, qui teint énergi- quement et rapidement les microbes. Il suffit, en effet, de le faire agir (après fixation à l’alcool-éther) pendant quelques secondes, une demi-minute au plus, pour obtenir une coloration intense des bactéries. On lave ensuite à l’eau et on examine dans l’eau où dans le baume après dessiccation. S'il s’agit de produits pathologiques étalés sur lamelles, on choisira entre le violet et la thionine. Le violet colore très vite el très fortement, mais aux dépens de la netteté des préparations; la thionine, au contraire, définit admirablement les contours des organismes et des éléments cellulaires, sans jamais surcolorer. Suivant les cas, on s’adressera donc à l'un ou à l’autre de ces réactifs. La coloration par le violet demande quelques secondes, une demi-minute au maximum; la coloration par la thionine, une à deux minutes suivant l’espèce microbienne et suivant l’épais- seur du produit étalé sur la lamelle. Lorsqu'on a affaire à une préparation de sang d'abord, on peut obtenir de très belles colorations doubles en faisant agir l’éosine alcoolique au tiers pendant dix secondes, puis la thionine pen- dant quinze secondes. Enfin, par la méthode directe, on peut mettre facilement en évidence les capsules du pneumocoque et du pneumobacille. Pour cela on colore d’abord pendant # à 6 secondes avec le violet phéniqué, puis on passe rapidement à l’alcool-acétone au tiers. Ce procédé simple donne des préparations très démonstra- lives. Coloration des coupes. — Ici la thionine constitue le seul colo- rant à employer. La coupe est débarrassée de la paraffine à l’aide du xylol, puis traitée par l'alcool absolu. On fait alors agir la thionine une demi-minute à une minute, suivant le cas. Puis on lave à l'eau, on déshydrate par l'alcool absolu et on monte dans le baume après éclaircissement par le xylol. Cette méthode si simple donne toujours d'excellents résul- 670 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tats et permet, mieux que toute autre, de mettre en évidence les bactéries les plus réfractaires aux colorations habituelles. Tels sont les procédés que nous recommandons pour prati- quer la coloration directe et la coloration de Gram. Ils nous paraissent plus simples que les méthodes employées, ils n’exigent que peu de réactifs, tous d’une conservation facile; enfin, ils donnent des résultats absolument certains, même entre les mains de débutants, comme nous avons pu nous en con- vaincre en les faisant répéter depuis longtemps par un grand nombre d'élèves. Avant de terminer, nous signalerons un perfectionnement fort ingénieux et très pratique de la méthode de Gram, appli- quée aux doubles colorations sur lamelles. Ce perfectionne- ment, dû à M. Mérieux, préparateur à l’Institut Pasteur, consiste à faire agir du même coup le liquide de Gram et l'éosine. On fait alors une solution iodo-iodurée d'éosine, solution que nous préparons pour notre part comme il suit : DO CE te PA PE NM AS ANT ne LE PA RS ENTER PTADY { ot ladure"debotassidhiee "RENE LS re EN RER 2 — Solution saturée d’éosine à l’eau dans l'alcool à 96°..... 20 c.c. Faust ae RENTE RE NP OR SE NE AE 200 c.c. Cette éosine iodo-iodurée est versée sur la Prépas après coloration par le violet phéniqué. On la laisse agir 4 à 6 secondes en la renouvelant une à deux fois, puis on décolore pas l'alcool- acétone au sixième. Stamboul, juin 1895. ErRarum. — Dans l’article de MM, Yersin, Calmette et Borrel, p. 591. 5e ligne à partir du bas, lire : 14/5 de centimètre cube, au lieu de 15 centi- mèlres cubes. " REVUES ET ANALYSES TakoBAzb SMirx et VERANUS A.eMoore. — Nouvelles recherches sur les maladies infectieuses du porc, (Bureau of Animal Industry, bul- letin n° 6, 1894.) _ On trouvera réunis dans cette publication six travaux distincts se rapportant au hog choléra et à la swine plaque. Dans la première partie, Smith étudie à nouveau le bacille du og choléra au point de vue morphologique, biologique et pathogénique; dans les diverses épidémies étudiées bactériologiquement, il a trouvé 7 variétés de ce microbe. Il range également dans le Groupe des bacilles du hog choléra, le microbe de la swinpest danoise et 3 agents pathogènes d'une autre origine, à savoir : un bacille trouvé chez une jument après avortement, et décrit dans le Bulletin n° 3, le bacillus enteritidis de Gärtner et le bacillus typhi murium de Læffler. Tous ces microbes ont le même aspect lorsqu'on les examine directement dans le sang ou les organes, mais leur forme et leurs dimensions varient suivant le milieu de culture; sauf une des variétés du hog choléra (n), .tous sont plus ou moins mobiles. L'auteur distingue trois types diffé- rents par rapport aux culturessur plaques de gélatine, et fait remar- quer que, à une exception près, le développement des colonies à la surface est en raison inverse de la virulence. Les cultures en bouillon glucosé sont, d’après l’auteur, d’une importance capitale, et fournissent un moyen de diagnostic tout à fait sûr; tandis que le bacteriwm coli est. capable de décomposer dextrose, saccharose et glucose, les microbes du groupe du hog choléra ne dégagent des gaz (acide carbonique et hydrogène?) qu’en présence du glucose musculaire. L'action patho- gène varie dans d’assez vastes limites, mais, contrairement aux tra- vaux antérieurs, on n’attribue plus autant de valeur à la plus ou moins grande virulence du sang et des cultures. Smith relate deux nouvelles épidémies où les deux microbes de la swine plaque et du Log choléra étaient réunis. ï La partie la plus importante de la brochure est consacrée au compte-rendu d’expériences d'immunisation contre le hog choléra et la swine plaque. Pour le hog choléra les résultats ont été peu satisfai- sants: les lapins n’ont pu être vaccinés que dans quelques cas, au moyen d’injections de cultures atténuées par un séjour prolongé à 439,5. Les autres méthodes (cultures en bouillon ou sur gélose stéri- lisées par la chaleur, sang stérilisé d'animaux infectés et tués par la maladie, et sérum de lapins vaccinés) n’ont pas réussi. Les cobayes ont nn, 372 " ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. fourni un plus grand nombre de succès. Deux séries d'expériences faites sur des porcs (injection sous-cutanée d’émulsion stérilisée de cultures sur gélose) ont eu le résultat suivant : les 5 animaux*témoins sont morts en 3 et 4 jours, 3 des animaux traités en 4, 5 et 12 jours, et les deux autres ont résisté à l'inoculation d’épreuve. Les auteurs ont opéré avec des cultures tuant les lapins témoins en 4 et 6 jours : nous avons fait remarquer, dans notre travail(ces Annales, fév. 1895), que la vaccination n’était possible qu'avec un microbe très virulent. Veranus A. Moore à appliqué sans succès le procédé de Selan- der, qui nous à permis d'obtenir une augmentation de virulence très notable, après un très grand nombre de passages, il est vrai. Peut-être l’auteur n’a-t-il pas fait séjourner la rate assez longtemps à l’étuve avant de la réinjecter. Pour la swine plaque, les auteurs ont « pu confirmer les expériences de Selander et de Metchnikoff et, con- trairement à ce qu’ils ont observé pour le hog choléra, les lapins ont fourni de meilleurs résultats que les cobayes. Ils ont trouvé que le sérum d'animaux vaccinés contre la swine plaque avait un certain pouvoir bactéricide contre ce microbe; pour le hog choléra, il n’en serait,pas ainsi. Les auteurs ont recherché si des animaux immunisés contre l’un des microbes présentaient une certaine résistance vis-à- vis de l’autre, et concluent par la négative. Deux cobayes vaccinés contre la swine plaque ont résisté 1 ou 2 jours de plus que le témoin à l'injection de hog choléra. | ° Une autre partie du mémoire est consacrée à la variabilité des symptômes morbides et des lésions constatées à l’autopsie; ces lésions sont en raison inverse du degré de résistance de l’animal et de la’ virulence du microbe, fait que nous avons également relaté dans notre travail. Plusieurs cobayes et lapins ayant résisté quelques jours à l’in- Jection de hog choléra ont présenté des lésions rappelant une forme de pseudo-tuberculose. Les microbes décrits par Malassez et Vignal, Charrin et Roger, Grancher et Ledoux-Lebard, A. Pfeiffer, Zagari présentent une grande analogie avec le bacille du hog choléra. Les microbes du hog choléra et de la swine plague injectés en petite quantité sous la peau du porc peuvent rester virulents pendant plu- sieurs Jours au point d'inoculation; tandis que le premier se répand dans l’organisme, surtout dans les glandes lymphatiques, l’autre res- terait plutôt localisé. Smith signale, comme eonclusions pratiques, la possibilité de la propagation du og choléra, des microbes probablement identiques ayant été trouvés dans d’autres pays et chez d’autres animaux. Les résultats obtenus ne permettent pas encore la vaccination, et on en est réduit à des mesures prophylactiques. ‘ SILBERSCHMIDT. £ Le Gérant : G. Massox. Sceaux. — Imprimerie Charaire et Cr, , + - e ° x + gme ANNÉE SEPTEMBRE 1895 Ne 9. ANNALES L'INSTITUT PASTEUR DE LA STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE Par Le D' E, VAN ERMENGEM'! (Travail du Laboratoire d'Hygiéne et de Bactériologie de PUniversité de Gsnd.) Les propriétés oxydantes si puissantes de l'ozone n'ont reçu jusqu'ici, dans l’industrie, que des applications restreintes, bien que l’idée soit venue à maint inventeur de tirer parti des réactions extrêmement énergiques provoquées par Ce Corps. —— Malheureusement, jusque dans ces dernières années, Lous les efforts faits pour le préparer en grand n’ont abouti qu'à des résultats peu importants au point de vue technique. Il devait en être ainsi aussi longtemps qu'on à pris modèle, pour la construction des ozonisateurs, sur les petits appareils de verre servant dans les laboratoires à l’étude de l'ozone. Quelques résultats encourageants ont, cependant, été obtenus à l’aide de dispositifs de ce genre, entre autres au moyen des ozonisateurs Seguy, dont on s’est servi pour l'amélioration des alcools, etc. Des volumes, relativement considérables, d’ozone ont même été produits, en 1891, avec des appareils construits par Siemens et Halske, et l’on a pu songer, dans ces derniers temps, à appliquer l'ozone aux nombreux usages techniques auxquels il se prête. Je ne m’attarderai pas à décrire ces appareils; ils ont été présentés à la Société électro-technique de Berlin, par M. le 4 4, Extrait d’un Rapport présenté à M. le ministre de l'Agriculture, de l’In- dustrie, etce., de Belgique, le 50 juillet 4895. 43 674 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. D'Frühlich, le 26 mai 1891,et figurés dans diverses Revues t. J'y reviendrai, d’ailleurs, dans la 2° partie de ce Rapport. Leurs inventeurs avaient fondé de grandes espérances sur l'emploi de ces ozonisateurs. Ils citent, en toute première ligne, l'ÉPURATION DES EAUX DE RIVIÈRE DESTINÉES A L'ALIMENTATION, parmi les applications qu'on en pourrait faire. — Cette application de l’ozone a dû sembler surtout importante, puisque l'Office sanitaire impérial allemand à chargé un de ses collaborateurs, M. le D' Ohlmüller, de l’étude des propriétés germicides de l'ozone produit au moyen des appareils Siemens. Les résultats des recherches de ce savant ont été consignés dans un mémoire, publié en 1893, par le Recueil officiel de l'Office sanitaire 2. Les expériences de M. Ohlmüller ont définitivement établi le pouvoir microbicide très considérable de l'ozone, et démontré qu'on peut y recourir pour stériliser des eaux destinées à l’ali- mentation. Comme le remarquable travail de M. Ohlmüller n’a pas obtenu partout l'attention qu'il mérite, il ne nous paraît pas inutile d’en résumer les principales données. L'auteur s’est servi, pour ses expériences, d’un petit ozonisa- teur peu différent des tubes de Siemens. Il avait à sa disposition un moteur à gaz, de la force d’un cheval-vapeur, et une dynamo de 65 volts et 8 ampères. L'air, qu'il électrisait, n'était pas refroidi, mais desséché, au préalable, par son passage au tra- vers d’un flacon laveur contenant de l'acide sulfurique. La quantité d'ozone, ainsi obtenue, a varié notablement. Quand l'air s’écoulait lentement, avec une vitesse de 7 minutes par litre, l’état de concentration était de 36,2 milligrammes par litre. Avec une vitesse beaucoup plus grande, l’air contenait seule- ment 5,8 milligrammes par litre, la rapidité d'écoulement allant jusqu’à 10 litres en 42 secondes. Dès ses premiers essais, l’auteur s’aperçut des difficultés énormes qu'on rencontre quand on veut détruire les microbes répandus sous forme de poussières sèches sur les parois des murs, à la surface des objets. 1! conclut de ses expériences que l'ozone ne convient pas pour désinfecter les chambres, les objets divers. 1. Cf. Gesundheits ingenieur, n° 16, 15 août 1891 ; et Z/lectrotechnische Zeit- schrift, livr. 26, 1891. ’ 2. Arbeiten aus dem Kais, Gesundheitsamte. — Ueber die Einwirkung des Ozgons über Bakterien, vol. VIHI, p. 228 et suiv. 2 dé STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE. 675 Il songea alors à atteindre les microbes suspendus dans les liquides, en y faisant barboter de l’air chargé d'ozone, et il put se Convaincre aisément qu'à l'état humide leur destruction est assurée. Ainsi, dans une de ses expériences, il parvint à stériliser absolument de l’eau distillée contenant en suspension plusieurs millions de spores très résistantes du bacille du charbon par centimètre cube. En faisant passer pendant 10 minutes 5 litres d'air, contenant 15,2 milligrammes d'ozone par litre, dans de l'eau qui titrait 3,717,000 spores par c. c., le liquide était tout à fait débarrassé de ces germes. Des quantités bien moindres suffirent pour rendre stérile de l’eau distillée chargée d'innombrables germes de la fièvre typhoïde, du choléra, etc. M. Ohlmüller constata, au cours de ses essais de stérilisation de diverses eaux, un fait de la plus haute importance. De grands volumes d'ozone, mème après un contact prolomgé, se mon- trèrent incapables de stériliser des eaux chargées de faibles quantités de matières organiques, une dissolution de sérum (à 0,25 0/0) dans de l’eau distillée, par exemple. Le degré d'im- pureté des eaux, leur richesse en matières organiques dissoutes, jouent donc un grand rôle au point de vue des résultats de l’ozonisation. Ges matières, en eflet, sont attaquées en tout premier lieu par l'ozone, et leur présence, en quantité considérable, peut ainsi mettre obstacle à la destruction des microbes. En calculant la quantité de malières organiques dissoutes dans une eau, son degré d’oxydabilité d’après le permanganate réduit, on pourrait donc se rendre compte exactement de l’action stérilisatrice que l'ozone, à un certain degré de concentration, pourra exercer sur celte eau. Plus une eau èst souillée par des substances orga- niques, d'origine végétale ou animale, plus son titre en perman- ganate est élevé, et plus grande sera la quantité d’ozone néces- saire pour la stériliser. Au contraire, le nombre de microbes qu'elle renferme est pour ainsi dire sans influence aucune ‘, une eau pauvre en malières organiques dissoutes ne demandant pas plus d'ozone 1. Cf. Ducraux. (Le filtrage des eaux. — Revue critique. Annales de l'Institut Pasteur, p. #7, 1890.) M. Duclaux a démontré par un calcul très simple que le poids des microbes est toujours infiniment moindre que celui des matières orga- niques dissoutes dans les eaux de rivière souillées, alors même que ces eaux donnent plus de 100,000 col. p.e. c. . 676 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pour être stérilisée, quand elle contient plusieurs millions de microbes par c. c. que quand elle en renferme quelques centaines. Dans une des expériences de M. Ohlmüller, on voit, éntre autres, qu’une eau d’égoût fortement diluée, titrant 67,8 milli- grammes de permanganate au litre, après avoir été traitée pen- dant 10 minutes par de l’airélectrisé contenant 95,8 milligrammes d'ozone, est débarrassée seulement de 70,8 0/0 des bacilles typhiques qu’on y avait introduits. La même eau, encore plus diluée, ne titrant plus que 21,7 milligrammes est à peu près stérilisée : elle a perdu 99,9 0/0 des microbes cholériques qui l’infectaient, après avoir subi pendant 10 minutes l’action de 85,4 milligrammes d'ozone. Une dilution absorbant seulement 11,3 milligrammes de per- manganate est totalement débarrassée de ses microbes après traitement par 12,8 milligrammes d’ozone en 2 minutes. Enfin, une eau de rivière, de l’eau de la Sprée, titrant en permanganate 4,6 milligrammes, avait été addilionnée de bacilles typhiques, de telle manière qu’un c. c. de cette eau en contenait 9 millions; cette eau a été rendue stérile en 5 minutes au moyen de 40,6 milligrammes d’ozone. | M. Ohlmüller résume les résultats de ses intéressantes recherches en ces termes: « L’ozone à une action destructive puissante sur les bactéries suspendues dans une eau, pourvu que celle eau ne soit pas souillée par des substances organiques en trop grande quantité. Le résultat est le même lorsque la masse des matières organiques inertes est au préalable oxydée jusqu'à un certain point par l'ozone ‘. » Grâce à ce travail fondamental, de nouveaux horizons se sont ouverts pour les usages industriels de l’ozone, obtenu par l'élec- trisation de l'air, et il ne restait plus qu’à passer aux applications pratiques. La maison Siemens et Halske se mit à l’œuvre et annonça, il y a plus de quatre ans déjà, qu’elle était en mesure d'entreprendre des installations pour la fabrication industrielle de l’ozone. Jusqu'ici, cependant, il n’a plus été question dans la presse 4. CE. v’AnsonvaL. (G. À. de la Société de Biologie. — Juin 1895). Cet auteur conclut encore tout récemment à l’inefficacité de l'ozone, à titre de germicide, après avoir fait passer de l'air ozonisé dans des bouillons de cultures liquides très riches en matières oxydables. LE + ï STÉRILISATION LES EAUX PAR L'OZONF. 677 scientifique d'aucun pays, que nous sachions, d'appareils con- struits par Siemens et Halske, et l’on peut se demander si quelque obstacle, que les résultats des expériences, faites dans le laboratoire, ne permettaient pas de prévoir, n’est pas venu interrompre leur réalisation. Quoi qu'il en soit, dans l’entre-temps, d’autres électriciens ont repris la question et tenté de mettre en exécution le projet, dont M. Frühlich a eu le mérite de concevoir la praticabilité. La Ci° générale pour la fabrication de l'ozone, fondée en Hollande par M. le baron Tindal, est entrée la première dans la voie des essais en grand, et a érigé à Oudshoorn, près de Leyden, une usine laboratoire, où l’on s'occupe principale- ment de la construction d'appareils pour les usages techniques de l'ozone et la stérilisation de l’eau au moyen d’air ozonisé. C'est dans ce laboratoire, admirablement installé, d'Ouds- hoorn que j'ai pu faire l'étude d’une des principales applications pratiques qui aient été tentées jusqu'ici. Je me propose, dans le présent Rapport, d'examiner succes- sivéement : 41° Les résuliats du système d'épuration et de stérilisation appliqué à l'eau du Vieux-Rhin ; 20 Les procédés et appareils employés pour l'ozonisation de l'air et la stérilisation de l'eau ; Je tiens. avant d’entrer en matière, à remercier vivement M. le baron Tindal et ses collaborateurs de l’accueil qu'ils m'ont+ fait lors de mes visites à Oudshoorn. M. le D' Van der Sleen, de Haarlem, a des droits particuliers à ma reconnaissance pour les renseignements nombreux et variés qu'il a bien voulu me communiquer. Il Résultats du système d'épuration et de stérilisation appliqué à l’eau du Vieux-Rhin à Oudshoorn. I. — Eau BRUTE. L’eau que l’on veut rendre potable à Oudshoorn provient du Vieux-Rhin. Ce cours d’eau, d’un débit médiocre, est trans- formé, grâce à de nombreuses écluses, en un canal où se : Es GTS ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. déverse le surplus des eaux des Polders qui constituent l’ancien Haarlemmermeer. — Selon que l’eau des Polders se maintient au-dessus ou au-dessous d’un certain niveau, le Vieux-Rhin reçoit des eaux tourbeuses, très riches en matières végétales et très colorées, ou des eaux relativement pures. — La con- stitution de l’eau, soumise à épuration, est donc essentiellement variable. Les eaux.du Vieux-Rhin sont, en outre, exposées à toutes les contaminations auxquelles les eaux ouvertes, qui par- courent les lieux habités, sont sujettes. Elles servent de voie de communication très active et sont parcourues par.de nombreux bateaux; elles reçoivent les déchets des fabriques riveraines et les immondices de toute nature des villes et villages voisins. — La prise d’eau de Fusine est située en aval de l’agglomération. L'eau brute est donc très impure pendant une grande partie de l'année. — Non seulement elle est trouble, opaque, de coloration brune noirâtre, véhiculant des particules organiques et inor- ganiques de toute espèce, mais encore elle a une odeur répu- gnante. Même après clarification complète et filtration sur plusieurs doubles de papier Joseph, elle reste fortement colorée et présente la teinte jaune paille caractéristique des eaux tourbeuses. La composition chimique de cetle eau montre à l’évidence les souillures qu’elle a subies. Bien que cette composition varie "à divers moments de l’année, les chiffres suivants, pris comme moyennes de nombreuses analyses, permettent de s’en rendre comple. RÉéSIAU IX ES RS ER E AR RET 0,550 a 0200 er ep litres Pertes par calcination........ 0,070 à 0,030 — Permancanaten re mrree 0,070 à 0,015 — Ammoniaque libre....,.... ee 0,00010 à 0,00015 — Ammoniaque albuminoïde ., 0,0009 à 0,00025 == Nutrites SR ANR ER TEE traces à néant — NITALES PMR ER EE 0,0005 à néant — Chlorer: res Se Terres è 0,120 à 0,035 — Il résulte de ces chiffres que l’eau brute, utilisée à Ouds- hoorn, est 2énéralement très malpropre, et peut soutenir la comparaison avec l’eau des,rivières les plus souillées. Le tableau suivant (tab. [), qui indique la composition de plusieurs eaux dont la saleté est proverbiale, pour ainsi dire, suffit pour STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE. 679 montrer que l’eau du Vieux-Rhin l’emporte quelquefois. La Lys elle-même, à Gand, grâce à son mélange avec le liquide innommable véhiculé par le canal de l’Espierre, n’est pas beaucoup plus impure à certains moments. TABLEAU I A EAU EAU EAU EAT de la Lys, de la Sprée de la Tamise du Vieux-Rhin à Gand à Stralau à (le 3 mai 1895.)| (Moyennes de (Moyenne Londonbridge mai-juin 1895.)| de 1889-90). (1892). Résidu d’évaporation.... 0,466 0,680 0,235 à 0,149 0,408 Pertes au rouge... ..... » 0,062 » » Permanganate ee 0.063 0,050 0.039 à 0,017 0,038 Ammoniaque libre. ..... 0,0002% 0,00053 0,0002 0.0003 Ammon. albumin........ 0.00042 0,00052 » 0,0005 Nitrites.?.... 2m: 0 traces traces traces CRHIORUTES Re SL act 0,111 0.095 0.015 à 0,031| 0,060 Au point de vue bactériologique, il va sans dire qu'une eau aussi manifestement malpropre doit présenter une teneur en microbes très élevée. — Des analyses répétées ont montré que le nombre de colonies par c. c. dépasse généralement 10,000. L'état bactériologique de l’eau en question est, d’ailleurs variable, comme sa composition chimique; le nombre de germes oscille entre 100,000 et 5,000. el 20IMOVCAILE At Der RE 92, 830 col. p. c. c. LL © ro ee PERSO RER ER LES 6, 420 = = PelAuine 2% a PR CAL = 10, 802 a Les espèces trouvées dans l'eau du Vieux-Rhin sont celles qui constituent la flore microbienne habituelle des eaux ouvertes. Elles ont été étudiées avec grand soin par M. N. Van der Sleen dans son intéressant mémoire : Sur l'examen bactériologique quali- ficatif de l'eau (Extr. des Archives Tyler, t. I, 3° p., 1894). — Parmi elles, il importe de citer des formes offrant une grande résistance vitale, grâce aux spores qu'elles produisent, entre certains bacilles du groupe des Kartoffelbacillen, B. subtilis, B. mesentericus, B. ramosus, ete., bien connus desbactériologistes. - + + 680 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. A côté de ces espèces, d’ailleurs anodinés, on y rencontre régulièrement des bactéries qu'on pourrait, à bien des titres, considérer comme pathogènes. Selon toute vraisemblance, elles sont l'indice de souillures d’origine fécale. Ce sont les repré- sentants du groupe des Bacterium coli. Il n’est pas rare de compter jusqu’à 100 colonies et davantage de ces microbes dans un dixième de c. c. de l’eau brute. Des déjections humaines sont déversées constamment dans le Vieux-Rhin ; il n’est point douteux, dès lors, que l’eau ne puisse véhiculer des germes de maladies contagieuses tels que ceux de la fièvre typhoïde. On voit, d’après tout cela, que la Ci d'Oudshoorn a été bien inspirée lorsqu'elle a fait choix de l’eau du Vieux-Rhin pour démontrer l'efficacité de son procédé d'épuration et de stérili- sation. — On trouverait difficilement une eau présentant des impuretés d’origine aussi variée. Il faut encore ajouter que la coloration de cette eau par des malières tourbeuses, humiques, la rend particulièrement rebelle aux procédés d'épuration employés jusqu'ici. La filtration au sable la mieux faite est impuissante à décolorer une pareille eau, et je ne connais pas de procédé qui soit en état de lui enlever sa teinte jaunâtre. IT. — Eau FILTRÉE. L'eau brute, dont je viens de faire connaître les caractères organolepliques, chimiques et bactériologiques, avant de subir l’action de l'air ozonisé, est clarifiée par un passage sur des filtres au sable. La nécessité d’un dégrossissement préalable s’imposait : il est clair qu'on ne peut pas prétendre améliorer une eau tenant en suspension des particules solides en abondance et même des détrilus organiques volumineux et jusqu’à de petits poissons, etc. , par un conlactavec de l’ozone, quelque prolongé qu'il puisse être. De là cette première opération, qui ne constitue pas à proprement parler une épuration, mais une simple clarification. Il va de soi que la filtration au sable ne fait pas partie inté- grante du procédé et ne constitue une complication qu’au cas où l'on aurait affaire à des eaux louches, troubles, comme à Oudshoorn. STERILISATION DES EAUX PAR IZ0ZONE. 681 A l'usine d'Oudshoorn, l’eau brute est préalablement décantée dans un réservoir cimenté, situé dans le sous-sol. Ce réservoir sert, en même temps, à alimenter la chaudière à vapeur. De là, l'eau est pompée sur un filtre à sable régulièrement constitué ct ayant une superficie de 10 mètres carrés. L'eau est filtrée à la vitesse réglementaire de 100 millimètres de hauteur par heure. Après filtration, elle est devenue parfaitement claire, mais à conservé sa teinte jaune paille, Une filtration encore plus lente ne la rend pas incolore. Elle a, en outre, conservé son odeur et son goût marécageux. Au point de vue chimique, les modifications obtenues sont à peu près celles qu’on note après toute filtration bien conduite : diminution très minime de certaines matières minérales; disparition d’une partie, assez réduite, des matières organiques oxydables par le permariganate acide et de celles qui se décèlent par le procédé Wanklyn; mème teneur en chlorures, nitrates, etc. L'eau filtrée contient encore de l’'ammoniaque en petite quantité. Elle titre un nombre variable de microbes, d’après l’état des filtres. Comme le but poursuivi à l’usine d'Oudshoorn n’est aucunement de réaliser une stérilisation, même approximative, par la filtration au sable, le nombre des colonies dépasse habi- tuellement le chiffre réglementaire. Il oscille entre plusieurs centaines et quelques milliers de colonies par €. c. Le tableau suivant (tab. Il), qui renseigne sur les résultats d'analyses, faites le même jour, de l’eau prise à la rivière et sim- plement décantée, de la même eau après filtration et après 0z0- nisation, permet de se rendre compte des effets de ces deux dernières opérations au point de vue de la composition chimique de l’eau. Il résulte de ces analyses et d’autres, qui ont été faites par M. Van der Sleen à diverses époques, que l’eau filtrée du Vieux-. Rhin ne peut pas être admise comme une eau potable de bonne qualité. Ses propriétés organoleptiques ne permettent guère de la recommander pour les usages alimentaires, et sa teneur élevée en micro-organismes, d'origine suspecte, doit la faire considérer comme dangereuse pour la santé. pe mil 682 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. TABLEAU If ANALYSES DU 41 suiIN 1895 F £ EAU | EAU BRUTE | prise dans | EAU FILTRÉE | EAU*0Z0NISÉE la cave. Résidu d'évaporation.... 0,222 0,220 0,284 0,294 CHIOTS 0,035 0,046 0,049 0,049 Anmon, albumin.,,,.... 0,00027 0,00015 0,00009 0,00006 Ammon. libre,.... ne 0,00040 0,00010 0,0003 0 NID een CRU AIN 0 0 0 0 Ntiratese CR RE Re 0,0006 0,0008 0,001% 0,0012 : Permanganate.,.... AA 0,024 0,016 0,010 0.005 NiCrODESIPAr CRC re ee 10.802 48.991 385 0 COUlEUT RE SR Re jaune jaune jaune pâle incolore Odeur A Mer nt faible faible faible nulle GOUT ER Er Al ? 4 ? D ASDECD AE ET lens trouble trouble limpide limpide L IT. — Eau TRAITÉE PAR L'AIR 0Z0NISÉ Le traitement par l’air ozonisé, tel qu’on le met en action à Oudshoorn, poursuit un double but : enlever à l’eau les proprié- tés extérieures qui la rendent répugnante : odeur, saveur, colo- ration, et détruire tous les microbes, pathogènes ou non, qu'elle peut renfermer. Il nous reste à montrer comment ce résultat est atteint. Mais, aupara- vant, il ne me parait pas hors de propos d'indiquer sommairement les résultats auxquels on est arrivé jusqu'ici dans la stérilisation de grands volumes d’eau destinés à alimenter les agglomérations. Pour débarrasser une eau de tous les microbes qu'elle contient, un seul procédé industriel s’est montré suffisant jusqu'ici, croyons-nous : l'élévation à une température de 1009 et au-delà. Les appareils employés à cet effet, et parmi eux, il faut citer ceux de Siemens de Berlin, de Rouart-Geneste- Herscher de Paris, fournissent incontestablement une eau dont la stérilité est garantie. Mais, cette eau, privée de germes, n’est plus de l’eau naturelle, elle est notablement altérée dans sa composition chimique. Outre les pertes à STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE. 683 en gaz, en sels calcaires, etc. qu'elle a subies, elle est plate, lourde et de mauvais goût. Bref, c’est de l’eau bouillie, dont la saveur est généralement déplaisante. Au surplus, cette stérilisation ne peut être obtenue qu'au prix d'une dépense de combustible toujours considérable, dépense qui s'oppose à l'appli- cation en grand. En effet, le prix de revient du mètre cube sur place varie de 90 centimes à 35 centimes d’après les appareils, etc. Il va sans dire qu'on peut difficilement, dans ces conditions, songer à utiliser l’action de la chaleur pour stériliser l’eau d’une distribution de quelque importance. Quant à l’épuration chimique, ses résultats sont incertains et générale- ment incomplets. Il ne me parait pas qu’elle puisse s'adapter à une exploi- tation en grand. | Il ne reste plus, dès lors, comme méthode pratique, que la stérilisation relative à laquelle aboutissent les divers systèmes de filtres industriels. Or, quels que soient les perfectionnements apportés à la construction de ces appa- reils dans ces dernières années, et à la technique de la filtration, on peut affirmer qu'on n’a pas obtenu jusqu'ici, avec les filtres les plus parfaits, d'une manière régulière et constante, une eau absolument stérile. Les meilleurs, y compris ceux de Peters, de Breyer, etc., débitent une eau qui contient toujours un certain nombre de germes, quelques dizaines de colonies par €. €. Or, il est bien prouvé aujourd'hui qu'une partie de ces colonies est formée par des microbes provenant de l’eau non filtrée. Dès lors, ces appareils ne réalisent pas, du moins en théorie, ce desideratum de l'hygiène publique en vertu duquel l’eau d'alimentation doit être au-dessus de tout soupçon. Des espèces pathogènes, en petit nombre, peuvent, en effet, se trouver detemps en temps parmi celles que le filtre a laissé passer, et le danger d'une infection existe, quelque réduit qu'on le suppose d'ailleurs. Jusqu'ici on a considéré comme un idéal irréalisable, l’eau stérile; à tort peut-être, puisque la nature se charge de l’atteindre et qu'il ne tient qu'à nous de conserver aux eaux de source jaillissant du roc leur stérilité parfaite. Il n'en est pas moins incontestable que tout système qui se rapproche davantage de cet idéal constitue un progrès. Mais, dira-t-on, à quoi bon stériliser exactement une eau qui n’arrivera fatalement au consommateur qu'après s'être chargée de germes nombreux * dans la canalisation, les récipients, etce.? « Une eau ne doit-elle être con- sidérée comme bonne, c'est-à-dire comme ne présentant aucun danger au point de vue de la santé, que lorsqu'elle ne renferme plus un seul microbe, de quelque nature qu'il soit!? » Je suis le premier à convenir qu'en hygiène pratique, comme ailleurs, le « mieux est parfois l'ennemi du bien ». J'admets volontiers que le résul- tat bactériologique ne doit pas l'emporter sur le point de vue sanitaire, et qu'il est parfaitement indifférent d'ingérer quelques milliers de microbes ba- naux que les eaux véhiculent d'ordinaire. Mais, il importe de ne pas oublier 1. Guinochet. — Les eaux d’alimentation, 4894, p. 345. LA » L 2 “ 684 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. qu'il s’agit de l’épuration d'eaux ouvertes, exposées à charrier non seule- ment des bactéries anodines, mais des germes de maladies, qui, même à l'état d'unités, peuvent engendrer de graves épidémies. La conscience de l’hygiéniste ne sera pas satisfaite aussi longtemps que ces eaux suspectes n’auront pas été dûment désinfectées avant d'être livrées à la consommation. Or, si l’on veut être en droit d'affirmer avec certitude qu'une eau ne contient aucun microbe pathogène et peut être bue sans danger d'infection, le plus sûr et le plus simple paraît encore de pouvoir répondre en tout temps de la parfaite stérilité de cette eau. A ce point de vue, le système mis en œuvre à Oudshoorn occupe une place à part. C’est le seul jusqu'ici qui ait prétendu répondre à l'idéal poursuivi par l'hygiène moderne. Il ne vise pas seulement l'amélioration des propriétés physiques, chimiqueset bactériologiques des eaux, mais va jusqu’à vouloirles désinfecter, leurenlever toutélémentdangereux : microbe ou toxine. Il est clair qu'avant de pouvoir admettre des prétentions aussi hautes, il fallait soumettre le système à une étude appro- fondie et scruter de très près les résultats qu'il peut donner. Tel a été l’objet principal de nos recherches à l'usine d'Oudshoorn. A. — Le premier résultat, dont nous avions à nous assurer, concernait la stérilisation de l’eau du Vieux-Rhin. Nous avions à constater par des méthodes sûres : 19 Que le système, usité à Oudshoorn, est capable de tuer tous les microbes aquatiles qui se retrouvent habituellement dans les eaux de rivière ; | 20 Que la destruction des espèces pathogènes les plus résistantes peut s’effectuer dans les mêmes conditions, si elles venaient à se mêler à l’eau du Vieux-Rhin ; 3° Que cette stérilisation est obtenue d’une manière constante et régulière, au cours d'un fonctionnement prolongé des appareils. B. — Il convenait aussi d'examiner l'influence de l’ozoni- sation sur la composition chimique de l’eau. Il était intéressant, en tout cas, de s’assurer de l’action neutra- lisante de l'ozone sur les poisons d’origine micrabienne : diastases, toxalbumines, ptomaïnes, etc., qui peuvent exister dans des eaux très malpropres en proportions suffisantes peut-être pour les rendre dangereuses. C. — En outre, il fallait voir si les caractères organoleptiques de l’eau dn Vieux-Rhin étaient favorablement influencés et modifiés au point de rendre potable et même appétissante cette eau malpropre. STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE. 685 D. — Enfin, il n’était pas sans importance de constater dans quelles conditions ces résultat sont obtenus éventuellement. L'eau, après ozonisation, ne se charge-t-elle pas d'éléments nou- veaux, étrangers à la composition des bonnes eaux, peut-être même capables de la rendre impropre à l'alimentation? Nous allons successivement étudier les effets de l’ozonisation à ces différents points de vue. À. — ACTION STÉRILISANTE. Avant d'exposer les résullats des analyses bactériologiques nombreuses, par lesquelles nous avons voulu nous assurer du pouvoir germicide de l'air ozonisé dans le système usité à Oudshoorn, il convient de faire connaître la méthode de recherche à laquelle nous nous sommes arrêté après quelques tâtonne- ments. S'assurer qu'un échantillon d’eau est absolument privé de germes n’est pas aussi simple qu'il peut sembler à première vue à celui qui ne s’est pas essayé à ce genre de recherches. Il nous à paru que, dans le cas prescrit, il fallait opérer avec la même rigueur qu'ont mise dans leurs expériences les bactériologistes chargés de vérifier la stérilité d'une eau filtrée par de petits appareils tels que les bougies de Chamberland. Pour cela, il faut pouvoir exclure absolument les contaminations de l'échantillon d’eau purifiée et des cultures instituées avec lui, par des germes atmosphériques. On doit pouvoir affirmer avec certitude que toute végétation dans les milieux d'épreuve a pour point de départ indubitable un ou plusieurs microbes qui préexistaient dans l’eau avant son traitement par l'ozone. Nons avons dû renoncer aux mélhodes habituellement employées pour la prise des échantillons et l’ensemencement des cultures sur plaques, en boites Petri, etc., quelle que soit l'habileté de l'opérateur, ces procédés laissant toujours des doutes sur Forigine des colonies développées. Employés exclusivement avant notre première visite à Oudshoorn, nous n'avons pas eu de peine à convainere M. Van der Sleen et les témoins de nos analyses, des défectuosités des cultures sur plaque, etc. On avait cru pouvoir se contenter de ce procédé imparfait en se basant sur des observations dont je suis loin de contester l'exactitude. Lorsqu'on ensemence successivement avec la même eau une vingtaine de plaques, il arrive qu'un certain nombre, dix et parfois davantage, restent stériles. Les autres plaques montrent une à cinq colonies au plus. On en concluait que du moment où 50 0/0 et plus des échantillons ne donnaient aucune culture, ceux qui ne s'élaient pas montrés stériles devaient s'être contaminés accidentellement. En effet, on ne peut pas contester qu’un certain nombre CE D | 686 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de cultures ont dû résulter de germes extérieurs qui se sont introduits dans l'eau au moment de la prise d’échantillon, de l’ensemencement de la géla- tine, etc. Je n'ai pas cru, néanmoins, devoir admettre dans toute sa rigueur ce raisonnement @ posteriori. Malgré la fréquence inévitable des contaminations par des poussières aériennes, il n’était pas prouvé que toutes les colonies observées avaient cette origine. Une eau stérile, introduite dans des milieux convenables et avec des précautions suffisantes, doit laisser ces milieux parfaitement stériles. Aussi * longtemps que cette preuve directe ne pourra pas être obtenue à volonté et un nombre de fois illimité, le pouvoir stérilisateur du procédé usité à Oudshoorn, prêtera le flanc à la discussion. Higiu1 Mais, il ne suffisait pas d’un dispositif commode pour recueillir les échan- tillons et ensemencer les milieux à l'abri de toute contamination acciden- telle, il fallait encore affirmer que les germes véhiculés par l’eau étaient réellement tués par l’ozonisation. A cet effet, les procédés courants étaient encore une fois insuffisants. Des recherches nombreuses, faites dans notre laboratoire, nous ont con- vaincu, depuis des années, qu'on ne peut pas se fier à la culture sur plaque dans de la gélatine tenue à la température moyenne pour s'assurer de la steri- lite d'une eau. L'absence de toute colonisation, après un certain nombre de jours, dans une gélatine restée solide, entre 10° et 20°, n’est souvent que l'indice d'une stérilisation apparente. Il suffit de placer les boîtes Petri à d'incubateur, à 37°, pour y voir apparaître des végétations en 24 à 48 heures. Il s’agit, dans tous ces cas, de germes dont la vitalité est affaiblie, de spores parfois, qui rajeunissent difficilement à une température relativement basse et dans des milieux de consistance ferme. Or, on voit aisément l'inconvénient grave d’une épreuve faite dans les conditions ordinaires. 1l pourrait se faire que l’action de l'ozone soit insuffi- sante pour entamer la vitalité de certains micro-organismes très résistants, sans les tuer; des germes de fièvre typhoïde, par exemple, pourraient ainsi persister vivants dans une eau, dont un échantillon, ensémencé dans de la gélatine tenue à 200, n’en montrerait aucune colonie. STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE. 687 Après quelques essais, le dispositif définitivement adopté pour éviter ces causes d'erreur a été le suivant : L'eau, traitée par l'air ozonisé, avant de sortir des appareils, passe par un tube de verre étiré à son extrémité en un capillaire sur une longueur de dix à quinze centimètres, et recourbé horizontalement. (Voir Fig. 1.). Cette partie terminale, par laquelle l’eau s'écoule en un fort jet, quand on ouvre pleinement le robinet R, ou avec lenteur, goutte à goutte, quand on le règle convenablement, est entourée d’un manchon de verre M, qui permet d'opérer à l'abri des germes atmosphériques. Le manchon, avant chaque prise d’échantillon, est enlevé, le tube effilé est flambé, puis le manchon remis en place. L'eau est recueillie dans des flacons F de forme spéciale, figurés Fig. 1, dont nous nous servons depuis des années pour nos recherches sur les substänces germicides. La bourre d'ouate, préalablement flambée, est retirée avec une pince passée à la flamme, le tube effilé introduit dans le col du flacon, et l’eau reçue goutte à goutte dans 10 c. c. de gélatine liquéfiée à 200. On compte environ 16 — 18 gouttes pour un €. c Les tubes sont ensuite roulés et tenus en observation pen- dant une dizaine de jours à une température voisine de 200. Ceux restés stériles sont enfin éprouvés en les placant à l'incubateur à 370 pendant une huitaine de jours. Nous croyons que les contaminations par des germes étrangers sont réduites à un extrême minimum par cette manière de prendre les échan- tillons et d'’instituer les cultures. Ce qui le prouve, c’est le fait de séries continues de 20 à 25 échantillons restés tous stériles. D'autre part, la gélatine liquéfiée à 370 constitue un milieu très favorable au développement de beaucoup d'organismes de faible vitalité. ns. 1 ee æ 688 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. , Enfin, récemment, nous avons fait plusieurs séries d'essais avec un dispositif qui doit exclure, d'une manière absolue, toute introduction de germes élrangers à l'eau à analyser. Les appareils de culture sont munis à leur ouverture de deux bourres d’ouate : une première, A, retenue par un étranglement, et qu'on laisse en place, une deuxième qu’on enlève seule au moment de l’ensemencement. — Le tube capillaire en verre; qui laisses écouler l’eau, est remplacé par une aiguille en platine iridié. — Avant. de prendre les échantillons, on flambe cette aiguille et, la bourre supé- rieure étant retirée, on traverse avec l'aiguille Fautre bourre, de telle manière que son extrémité soit libre dans le récipient. (Voir Fig. 2.) Au moyen d'appareils de ce genre, on peut recueillir des quantités assez considérables d’eau en une fois : 20, 50, 100 c. c., par exemple, dans des ballons « ad hoc » contenant une quantité correspondante de bouillon, et qui sont ensuite placés à l’incubateur. “pre série. — Le 29 novembre dernier, nous avons fait un essai préliminaire au moyen d’un appareil expérimental très impar- fait, destiné surtout à montrer l’action décolorante de l’air 0z0- nisé sur l'eau du Vieux-Rhin. Cet appareil se compose de 6 grandes bouteilles, disposées en flacons laveurs, au travers desquels l’eau et l’air ozonisé circulent lentement. L'eau filtrée, au moment de l'expérience, contenait 862 germes par c. c. et titrait 58 milligrammes de permanganate au litre. L'air ozonisé, analysé à la fin de l’expérience, contenait 3,5 milligrammes d'ozone en moyenne par litre. 8 échantillons d’un c. c. ont été prélevés et ensemencés dans de la gélatine à 10 0/0. Les plaques roulées ont été tenues pen- dant 10 jours à la température de la chambre. Un seul échantillon a fourni deux colonies d'un bacille voisin du B. Ramosus, donnant des spores très résistantes. Les 7 autres sont restées stériles, même après HUE de la gélatine et mise à l’incubateur. LI série. — Le même appareil a ensuite servi à un essai de stérilisation d’une eau contenant des bactéries d’espèce déter- La minée, faciles à reconnaître à cause de leur pouvoir chromogène; le B. fluorescens liquefaciens. Une centaine de ec. c. d’une culture de ce bacille ont été pro- jetés dans le réservoir d’eau filtrée. L'eau, immédiatement avant de passer dans les flacons barboteurs, conténait par c. c. 3,893 bacilles-fluorescents. F ES STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE. 689 On a pris 10 échantillons à intervalles de 5 minutes environ et ensemencé avec un c. €. des cultures en forme de plaques roulées. Aucune de ces plaques, même après dir jours d'incubation, n'a montré de colonies de bacilles fluorescents. ITI° série. — Les grands stérilisateurs, qui n'étaient pas encore construits à l’époque de ces premiers essais, ayant été mis en train en avril dernier, nous nous sommes rendus de nou- veau à l’usine d'Oudshoorn, au commencement de mai. Les épreuves qui ont été faites par la suite ont toutes porté sur des échantillons d'eaux traitées dans des appareils ne ditré- rant pas, cette fois, de ceux qu'on se propose d'utiliser pour la pratique en grand. Le stérilisateur, de taille moyenne, employé daus la plupart de ces essais, a une capacité de 57 litres. Il se compose de 4 cylindres de grès ayant chacun 1",80 de hauteur sur une lar- seur de 10 centimètres. Cet appareil débitait 5.litres d’eau purifiée par minute, en moyenne. Îl était en marche continue depuis la veille. Des échantillons nombreux ont été prélevés à intervalles variables pendant les journées du 2, du 3 et du 4 mai, sans que la circulation d’air ozonisé et d’eau à stériliser ait été inter- rompue. Après la dernière prise de la journée, on a prélevé un échan- tillon d’eau pour l’analyse chimique (voir tab. IIT) et l’on a pro- cédé à un dosage des matières organiques (oxydabilité), et à une estimation du degré de concentration de l’ozone. 41 Sent ke: tr 690 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. TABLEAU III . Expérience du 2/V. Expérience du 3/V. Expérience du 4/V. oo Nombre de colonies par Nombre de colonies par INombre de colonies par c. ce dans l’eau fil] @c. c. dans l'eau fil-| ce. c. dans Peau fil fre RE OS 0 tree RL 0670 eE: 258 Pe rmanganate : 0,032. |Permanganate : 0 0318. ||Pe nd à 0,085. Concentrat. de l’oz.:4,82nsr) |Concentrat, del’oz.:4.32mer|/Concentrat.de l’o7.: 4,50mer) Durée du contact : # min.| Durée du contact. 4 min.|/Durée du contact : 4 min. RS AE DRE RE Te 25 jours. PRISES apcès 10 jourss après 4 jours. ) après 4 jours. après 10 jours. après 15 jours après 15 Jours. après 10 jours. | après 15 jours. [ares = Q 84 Pr (AE SR ele te il PARLER FE PAM A ten * Colonie de B. Ramosus. Les résultats de celte série d'essais n’ont pas été aussi satis- faisants qu'on l'avait espéré. Sur quarante-quatre échantillons, seize seulement ont été trouvés stériles après avoir été éprouvés à l’étuve à 3T° pendant huit jours. Les organismes qui ont résisté & l'action de l'ozone étaient tous des bacilles sporulés, genre B. Subtilis, B: Ramosus. Quelques colonies d'un petit bacille non classé, donnant des colonies blanchâtres, non liquéfiantes, ont été constatées.en outre. En même temps que ces cultures en tubes roulés étaient instituées, M. Van der Sleen a bien voulu, comme contrôle, faire une série de cultures sur plaques, en boîtes de Petri, d’après la méthode courante. Nous avons pu ainsi nous ie compte de la fréquence plus ou moins grande des impuretés dues à des poussières atmosphériques qui se mêlent à la gélatine au moment où on coule les plaques, etc. STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE. 691 A en juger d’après les résultats des analyses que M. Van der Sleen nous a communiqués. ces contaminations seraient, malgré l’habileté de l’opérateur, assez fréquentes. . Sur soixante-sept plaques ensemencées, vingt-huit ont montré une à quatre colonies bactériennes, après un mois d'exposition à une température moyenne. Chaque plaque Petri a, en outre, présenté au moins une colonie due à des moississures. M. Van der Sleen a trouvé sur ses plaques : 2 espèces de levures et 11 espèces différentes de bactéries, parmi lesquelles 2 sarcines, 3 staphylocoques, 4 bacilles chromogènes et, enfin, 2 bacilles voisins du B. Subtilis et B. Ramosus. La différence entre les résultats des essais de M. Van der Sleen et les nôtres, au point de vue quantitatif et qualitatif, s'explique aisément, si, comme je suis disposé à l’admettre, la plupart des colonies obtenues dans les cultures de M. Van der Sleen proviennent de germes atmosphériques. Il doit en être ainsi, car bon nombre de ces colonies étaient ‘tout à fait superficielles et formées par des espèces fréquentes dans les poussières aériennes IV® Série. — Les résultats incomplets obtenus dans l’expé- rience précédente peuvaient être attribués à UN coNTrACT TROP PEU PROLONGÉ DE L'AIR OZONISÉ AVEC L'EAU A STÉRILISER. L'expérience a été refaite dans des conditions à peu près identiques le 17 et Le 18 mai derniers, avec une durée de contact plus longue, à peu près double. Elle a fourni des résultats absolu- ment satisfaisants (tabl. IV). Sur dix-sept échantillons, seize se sont montrés parfaitement stériles; un seul donne une culture de B. Subtilis. Ve Série. — Un dernier essai de production d’eau stérile, dans des conditions tout à fait industrielles, a encore été insti- tué. L'appareil, qui a servi à cet essai, est du plus grand modèle construit jusqu'ici. — Son installation venait d’être achevée lors de ma dernière visite à Oudshoorn. Cet appareil se compose de 3 colonnes-cylindres en grès, ayant chacune 3 mètres de hauteur. Le diamètre des cylindres est de 70 centimètres. — Il peut débiter, en marche modérée, environ cinquante litres par minute. 692 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. TABLEAU IV | Appareil moyen : Capacité : 57 litres. Nombre de colonies par €. €. dans lFeau fillree : 13870. | Quantité de permanganale par litre : 0,0408r, Concentration de l'ozone :5,9%msr par litre. | Durée du contact : T à 8 minutes en moyenne. | | | | Débit de Fappareil : 2 litres en moyenne par minute. PRISES D'ÉCHANTILLON DE DIX, EN DIX MINUTES mm | après 15 Jours. | après 25 Jours | après 15 jours .| après 25 jours. | | CCR MERE LEA CT: el ENTA SEE — = [N° 10... | x a | | NG0 ee RER — — | NOTA —= — | NDS Re — _ Norte ee = = | HINONT E108 — 14E01 No 43. = = | Ne 5. | — = | N° 1% %, 22 | No. 2 se. | Ne 4ÿ +. LES nt Roi) | NOÉ — = | NOËL Eee == * ru | Nos es ee — — | NOT ARRETE | dE FF No). 1er —— — | ° BD. Ramosus. Le nombre de colonies par ec. ce. dans l’eau, avant stérilisa- lion, était de 1,130. L'eau réduisait par litre 0,040 grammes de permanganate, et l'air ozonisé litrait 3,4 milligrammes d'ozone par litre. La durée du contact a été assez variable, la moyenne de 30 minütes envi- ron. Sur vingt-quatre échantillons, pris pendant la journée, dix-sept ont donné aucune végétation après huit jours d'épreuve des milieux HE 70e Les essais avec ce grand appareil doivent être repris. — Son fonctionnement, en effet, dans l'expérience que nous venons de citer, a laissé à désirer à divers points de vue. — En outre, on n'avait pas encore pu déterminer exactement la durée de con- tact nécessaire. | L'expérience en question n’est donc citée qu’à titre d’exemple d’un essai en grand. Il ne nous à pas paru nécessaire de pousser plus loin nos STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE. 693 investigations sur le point de savoir si l'air chargé d'ozone, dans la proportion habituellement employée à Oudshoorn et avec un contact moyennement prolongé, est capable d'effectuer une stéri- lisation complète et toujours certaine d'une eau telle que celle du Vieux- Rhin. | Il résulte clairement de nos analyses que cette stérilisation peut être obtenue. Si elle n’a pas été réalisée dans loutes nos'expériences, il faut l’attribuer à la présence, dans l’eau d'Oudshoorn, à certains moments, de BACTÉRIES SPORULÉES douées Œune résistance vitale réel- lement extraordinaire. * Onsait depuis longtemps que les espèces du genre B. Subtilis, B. Ramosus ne sont pas tuées par un contact de plusieurs heures avec de la vapeur ou de l’eau à 100°. — Or, nous avons pu con- stater que des microbes aussi résistants ne sont pas rares dans les eaux marécageuses du Vieux-Rhin. L'air ozonisé peut-il opérer la stérilisation complète d’une eau contenant de grandes quantités de ces organismes à la période de sporulation ? I était facile de s’en assurer par un essai direct comme M. Ohlmüller l'avait déjà fait. VIe Série. — Deux expériences ont été exécutées avec un petit appareil de laboratoire dit « à colonnes ». Le fonctionne- ment de cet appareil a été irrégulier : 1l n’a pas été possible d'obtenir une circulation de l’air chargé d'ozone. Le 15 mai, on introduit dans de l’eau filtrée une grande quan- titée de spores du B. Ramosus. L'eau à stériliser donne 28,000 colonies par €. €. Le titre en permanganate est 0,0379 grammes par litre. Sur treize échantillons esowmis à ozonisalion el eraminés en tubes roulés, onze ont élé trouvés stériles. Deux ont donné une colonie de B. Ramosus et une autre colonie d’une espèce non liquéfiante. Dans un tube, une colonie de B. Subtilis. VIIe Série. — Les spores essayées ensuite provenaient de deux bacilles différents : un B. Subtilis et une variété de l’espèce étu- diée par Globig, et connue pour sa résistance exceptionnelle. Cette espèce, recueillie dans notre laboratoire et désignée par nous sous le nom .de B. Rubiginosus, a servi déjà à de nom- breuses expériences de stérilisation. Récemment, nous avons encore vérilié la résistance de ces microbes : B. Subhilis est tué 694 ANNALES DEt L'INSTITUT PASTEUR. après 18 jours d'action d’une solution phéniquée à 5 0/0. — B. Rubiginosus y résiste au delà de 40 jours. Un c. c. d’eau filtrée, additionnée de cuiture de ces microbes en sporulation, contient 32,000 colonies. Sur dix-huit échantillons, dix-sept se sont montrés parfaitement stériles après huit jours d'incubation à 37°. VIII Sirie. — Les expériences suivantes, qui avaient pour but d'établir qu’une eau malpropre, riche en matières organiques, contenant d'innombrables microbes pathogènes très résistants, peut être convertie en une eau potable inoffensive, ont une ne tance pratique très grande. Pour ces essais, nous avons fait choix d’un bacille qui existe dans beaucoup d'eaux souillées : le Bacterium Coli. Quoique, dans les conditions ordinaires, on ne puisse pas le considérer comme un microbe bien dangereux, on ne peut pas lui refuser absolu- ment un certain pouvoir pathogène. , s D'autre part, cet organisme offrail l'avantage de nous être parfaitement connu au point de vue de sa résistance aux actions germicides. — Des expériences, faites dans notre laboratoire, ont déterminé exactement l'action destructive de diverses substances désinfectantes sur cette espèce microbienne et nous ont permis de jauger, pour ainsi dire, sa vitalité. Grâce à nos essais comparatifs, nous pouvons affirmer que le Bacterium Coli mis en expérience est plus résistant que tous les microbes pathogènes NON SPORULÉS CONNUS Jusqu'ici. Une autre raison de la préférence donnée à cet organisme sur les espèces telles que le bacille de la fièvre typhoïde ou la spirille du choléra, c’est qu'il ne nous paraissait pas prudent, dans les conditions expérimentales où nous étions à Oudshoorn, d'in- fecter des volumes considérables d’eau avec des microbes capables de provoquer de graves épidémies. Nous croyons donc qu’en mettant à l'épreuve une eau chargée d'innombrables B. Coli, nous nous sommes placés dans les meilleures conditions pour apprécier la valeur du procédé de stérilisation au point de vue hygiénique. Les expériences ont été failes en double par Van der Sleen el par moi. L'eau du Vieux- Rhin, recueillie après filtration dans u un réser- voir de 200 litres environ. a été additionnée d'une ceutaine de c.c. STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE. 695 d’une émulsion obtenue en suspendant dans de l’eau distillée le produit de dix cultures bien développées de B. Coli sur gélose. Les appareils étaient en marche continue depuis la veille et rien n'a été changé à leur fonctionnement. On a déterminé le degré d'oxydabilité, etc., de l’eau avant addition des microbes et après. (V. tab. V.) TABLEAU V Appareil moyen : capacité 57 litres. Nombre de colonies de B. Colipar €. c. : 7,830,000. Quantité de permanganate par btre : Avant addition des cultures : 0,020:. Après addition des cultures : 0,027#, Concentration de l’ozone : 3,94er par litre. Durée du contact : 10 minutes environ. Débit de l'appareil: 2 litres par minute : apr. S j. de culture/ap. 10 j. de culturelap. 25 j. de culture à 100 à 200. à 990. Echantillon n° 1 129h005 — = == l — DO DAT 15 — — — f — non | 2h20 — — — —— n° #4 12 h. 25 — —— — noher 12 h. 30 — — B. subtilis — n° 6 12 h. 50 = — — = OT ENT SE — _ B. subtilis — nr 220:60 = = B. subtülis — n° 9 MOINE ss _ — Bacille ? — EU 1m 12 fi — — — note AMD 15 = e — — no? 1Nh°°20 = _ _ Après dix jours de culture dans de la gélatine solide à 18°, aucun développement dans les douze échantillons. — Tous paraissent fournis par une eau stérilisée. Soumis ensuite à Lépreuve de l'incubation, quatre tubes donnent. après 21heures, une culture. — DEs PLAQUES ENSEMENCÉES AVEC CES CUL- TURES FOURNISSENT, POUR TROIS ÉCHANTILLONS, DU B. Sugrilis. — UXE AUTRE DONNE ÉGALEMENT UN BACILLE SPORULÉ, FORMANT DES COLONIES BLANCHATRES PEU LIQUÉFIANTES. AUCUNE DE CES CULTURES N’A FOURNI UNE SEULE COLONIE D'UN MICROBE RESSEMBLANT AU B. Cour. Les essais, au nombre de onze, faits par M. Van der Sleen, concurremment avec les nôtres, ont donné des résultats iden- tiques. — Conservées quatre semaines à la température moyenne. les | d 696 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. plaques roulées n'ont montré aucune apparence de régétations bacté- l'iennes. B. — ACTION SUR LA COMPOSITION CHIMIQUE. Il était intéressant de rechercher les modifications chimiques que le passage d'un puissant agent d’oxydation, tel que l'ozone, imprime aux divers éléments dissous dans une eau. Cette question paraît, en outre, présenter une importance réelle au point de vue de la valeur hygiénique de l’eau. — Il est vraisemblable, en effet, que l’ozone peut neutraliser l’action nuisible de certains corps en dissolution dans une eau très impure. À priori, l'hydrogène sulfuré sera converti en sulfates, l’'ammoniaque en nitrates et nitrites, etc. Outre les oxydations de divers composés minéraux, il est à prévoir que l'ozone brü- lera une partie des matières organiques et peut-être des matières albuminoïdes d’origine animale ou végétale. Or, des hygiénistes de grande autorité se sont demandé si la présence dans des eaux très souillées, parmi.ces matières organiques, de PRODUITS D'ORIGINE MICROBIENNE, de poisons tels que les plomaïnes, les toxines, elc., ne pourrait pas cousliluer un danger, même aux proportions infinitésimales où ces produits doivent y exister. — Ils admettent que ces poisons peuvent agir à la longue, sinon directement, du moins d’une manière détournée, en créant un état de susceptibilité spéciale des organes digestifs, un catarrhe gastro-intestinal qui prédisposerait aux infections typhiques, cholériques, ete. (CF. Arvouzp, La stérilisation alimen- taire, 189%, p. 201.) Bien que, pour ma part, je considère ce danger comme tout à fait hypothétique, je vois un sérieux avantage dans cette éli- mipalion de matières organiques d'origine putride, etc., si elle existe en fait. Une eau, pour être potable et surtout appétissante, ne peut pas renfermer des produits de putréfaction, même en quantite infini- tésimale. Le tableau ci-dessous (tab. VI) montre l'influence exercée par l’ozonisation sur la teneur des principaux éléments qui inté ressent l'hygiène. STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE. 697 TABLEAU VI ANALYSES ANALYSES ANALYSES ANALYSES du 2 mai. du 3 mai. | du #4 mai. du 19 mai. M —— at | A | © —° << — avant après | avant | après | avant après avant après ozonisation.tozonisation. lozonisation. 'ozon sation. lozonisalion.lozonisation. |ozonisation. |0Z0nisation .| | | ——————_—__— | ————— ———————— ————— ———————_—œ— | ———…—. | ——— [ | Résidu fixe à 180°.10,468 10,454 10,466 Lo, 420 (10,471 10,414 10,554 (10,352 Perte au rouge, (0,067 (0,059 10,069 0,059 (0,069 |0,056 ) a) SAS 10,105 10,105 [0,141 (0,105 (0,405 |0, 105 » » | Amimon. album. 0,000#4 0, 00055 0, 00042 0, 00055 0, 000 450, 0005110,00031/0,00031 | Ammon. libre. .10,00036,0,00036/0, 00024%/0, 000250, 0002510, 000360, 00032 0, 00029 Nitrites û û () (] û Ô û pu FE Écran 0,0053 10,0057 |0,0054% |0,0058 10,050 |0,004%S |0,0024% |0,0026 Permanganate ,.10,062 10,032 0, 060 0,032 10,068 10,035 10,028 [0,015 | Chlorures | | | . Les analyses chimiques dont les résultats nous ont été com- muniqués et celles que nous avons failes nous-mêmes sont peu nombreuses. Il est clair que l’étude des modifications chimiques produites par l'ozonisalion demanderait à être plus approfondie et plus prolongée qu’elle ne la été jusqu'ici. Néanmoins, d'une manière générale, les résultats obtenus font entrevoir, comme conséquence de l’ozonisation, les modifi- cations suivantes : 1. Le poids des substances minérales, formant le résidu total d’évaporation, est peu modifié. Une certaine quantité de carbo- nate calcique est parfois précipitée. — Les chlorures, ete., ne sont pas influencés. 2. Les nitrates sont généralement un peu plus abondants dans l’eau ozonisée. Il ne se forme pas de nrtrites. 3. La teneur en matières organiques, exprimées en bloc par le chiffre du permanganate réduit, a toujours été moindre dans l’eau ozonisée. — ELLE DIMINUE DANS DE GRANDES PROPORTIONS, ATTEI- GNANT SOUVENT 50 À 60 0/0 DE LA QUANTITÉ PRIMITIVE. 4. L'ammoniaque dite albuminoïde. évaluée d’après le procédé de Wanklyn, est augmentée dans l’eau ozouisée, d’après les chiffres fournis par un certain nombre d'analyses. Elle est réduite, au contraire, dans des proportions assez nota bles dans celles du 11 juin, citées page 682, et M. Van der Sleen affirme que l'augmentation de l'ammoniaque albuminoïide est purement acci- 698 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR dentelle. Nous reviendrons sur ce fait qui devrait, d’ailleurs, être contrôlé par de plus nombreuses analyses. 5. L'anvnoniaque libre paraît également, dans les analyses du 3 et du 4 mai derniers, un peu plus abondante après ozonisation. D’après les observations de M. Van der Sleen, cette aug- mentation est loin d’être la règle. — L'ammoniaque libre est tou- jours diminuée et disparaît le plus souvent en totalité. Si l’on admet, avec Tiemann et Preusse, que les matières organiques les plus facilement oxydables en solution acide sont en même temps les plus complexes et les plus dangereuses, toutes choses égales, on peut dire que l'ozonisation à une action très heureuse au point de vue de l’épuration chimique des eaux souillées. : Ea effet, on doit ranger parmi lee substances organiques facilement oxydables les PRODUITS TOXIQUES DES MICROBES, les dias- tases ou toxines, toxalbumines qu'ils fabriquent. — C’est un fait bien établi que plusieurs de ces corps ne se conservent guère au contact de l'oxygène atmosphérique et de la lumière. Nous avons mis, d’ailleurs, à l'essai l’action de l’air ozonisé sur une dilution d'une toxine roma Une expérience de ce genre, pour laquelle M. Roux a eu l’extrème obligeance de nous prêter son concours, a été instituée avec une dilution de toxine tétanique au 1/50, tuant à coup sûr une souris à la dose de 1/2 c. ce. — Après avoir fait passer dans un litre de cette dilu- tion de l’air ozonisé, au taux habituellement employé pour la stérilisation de l’eau, pendant dix minutes, une souris a reçu 4 c. c. et une autre 2 c. c. Elles ont parfaitement survécu. — Nous croyons donc pouvoir admettre quel'ozonisation d’une eau * contenant des corps de la nature des toxines, même en quan- tité assez notable, aurait pour effet de la débarrasser tout d’abord d'une grande partie, sinon de la totalité, de ces poisons si éner- giques. Il semblerait que la disparition d'une quantité notable de matières organiques devrait se traduire par une diminution des substances albuminoïdes qui se dosent plus ou moins approxi- mativement par le procédé de Wanklyn. Mais, 1l ne faut pas perdre de vue que ce dosage de l’ammoniaque soi- -disant albu- minoïde décèle surtout la présence des produits résultant de la destruction la plus avancée des matières albuminoïdes, DE CES corps . * STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE. 699 AMIDÉS qui résistent particulièrement à l'oxydation en solution acide. De là, peut-être, le manque de concordance entre les résul- tats observés dans l’action de l’ozone sur les matières orga- niques dosées en bloc, et les matières albuminoïdes évaluées d’après le procédé de Wanklyn. | D'autre part, il est bien vraisemblable que l'ozone détruit incomplètement une partie des matières azotées et Les transforme en ces corps amidés résistants. C. — ACTION SUR LES PROPRIÉTÉS ORGANOLEPTIQUES. Ce qui prouve bien le pouvoir purificateur de l’ozone et nous permet d'affirmer son action puissante sur les produits complexes de la vie microbienne, c’est l'amélioration frappante de l'eau du Vieux-Rhin dans ses propriétés extérieures après stérilisation. L'eau, au sortir des appareils, n’est plus reconnaissable : elle s’est dépouillée de sa saveur particulière et de son odeur, qui la rendaient répugnante. Elle n’a plus aucun mauvais goût et est rendue parfaitement potable. En outre, sa coloration jaune paille a disparu entièrement. L'eau ozonisée est limpide, brillante, sans coloration. Vue dans un tube de verre, sous une épaisseur de 60 centimètres, elle à If teinte de l’eau distillée. Le système d'épuration adopté à l'usine d'Oudshoorn jouit ici de son plein triomphe. Nous croyons pouvoir affirmer que l’ozonisation constilue le moyen par excellence pour enlever aux eaux de rivière le mauvais goût et l'odeur marécageuse qu'elles présentent parfois, et pour les dépouiller des matières humiques auxquelles elles doivent leur coloration jaunâtre si persistante. — Il va sans dire que les eaux teintées par des précipités, à l’état naissant, de sels de fer, comme le sont beaucoup d'eaux souterraines et de rivière, se purifieront parfaitement par un traitement à l'ozone. # D. — PRÉSENCE DE SUBSTANCES ÉTRANGÈRES. Un dernier point méritait encore d’être examiné .avant d'admettre que les eaux stérilisées par le procédé usilé à Oudshoorn ont toutes les qualités requises, 100 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. ” L'ozonisation ne pouvait-elle pas avoir pour conséquence d'intro- duire dans l'eau des substances étrangères à sa composition normale, nuisibles à certaine dose ou, tout au moins, qui la rendent peu potable ? Cette question a été soulevée, et on en a même fait & priori une objection contre cette méthode de stérilisation. À première vue, on peut craindre que l’électrisation de l'air donne-naissance à des COMBINAISONS NITREUSES, dont la toxicité est réelle et qui se dissoudront dans l’eau ozonisée. En fait, les analyses chimiques répétées n’ont pas permis de reconnaître la présence de ces combinaisons en quantité appréciable. Les nitrites font défaut dans l’eau du Vieux-Rhin stérilisée, ou ne sy retrouvent qu'à l’état de traces infinitésimales. Une seule fois, nous en avons trouvé dans l’eau, après ozonisation, en quantité un peu plus grande que dans l’eau simplement filtrée. Jamais, en tout cas, les nitrites n'y ont existé en quantité pon- dérable. Nous attribuons l’absence presque totale de corps de ce genre aux soins pris pour l’électrisation de l’air. Grâce à l’absence d’étincelles, de décharges lumineuses, et surtout à la parfaite siccité du gaz atmosphérique, on à pu éviter la formation de combinaisons entre l'azote et ozone. D'autre part, il fallait se demander s’il ne se produisait pas, à côté de l'oxygène allotropique, d’autres COMBINAISONS OXYGÉNÉES VOISINES DE L'OzoxE. L'eau oxygénée, H,0,, ou antozone, qui prend naissance souvent dans les mêmes circonslances que l'ozone, pourrait exister dans l’eau stérilisée. [l'est clair qu'une eau chargée d'hydrogène suroxygéné, en quantité plus ou moins considérable, n’est pas potable. Il se forme du peroxyde d'hydrogène chaque fois que l'ozone se détruit par son contact avec de l’eau. Comme Muissner, Schünbein, Engler, Müller et d'autres encore, nous avons pu constater qu'au moment où l’air ozonisé vient en contact avec la solution iodurée, servant au titrage de l’ozone, il se produit des buées, formées d'H,0.. Mais, les quantités ainsi produites doivent, comme Engler la montré, être extrêmement minimes. En tout cas, nous nous sommes assurés directement de l'absence de peroxyde d'hydrogène dans l'eau stérilisée. STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE. 101 Quant à l'ozone lui-même, qui pourrait rester en dissolution dans l’eau, contrairement à ce qu'on est tenté de croire, à ny existe qu'en quantité infinitésimale. Les divers échantillons d’eau stérilisée, que nous avons examinés, n’en montraient pas de trace quand on les traitait par les réactifs les plus sensibles 12 à 24 heures après l’ozonisation. L'eau, au sortir même des appareils, n’a pas le goût, ni l'odeur particulière de l'ozone. TABLEAU VII 1 LÉ : = 2 ARE 3 O.£ | © E RÉSULTATS e TYPE M le = p JA - TRS = © © £: 2 ee a ES N © © | : Ses = =) Fu EAU mes [8 |So 5 Echantillons stériles < se = on | TE = de (= 2 = à a = —p— © © P. de Te) € 2 r » 4 24 = + 0 “ 4 F, stérilisateur. T EM S à en totalité. 0/0. = > = A [=] IE 29/X194|App. expérim.| Eau filtrée 862 » |0,058 7 sur 8 | 86,5 0/0 Il. |29/X194 id. Eau filtrée. 3.893] » |0,045 10 sur 10] 100 0/0 + B. fluorese IL. |2/V 95 | App. moyen | Eau filtrée 1.080 10. 03210, 042| 4 min. |5 sur 1#| 33 0/0 id. |3/N 95 il. id. 67010,032|0,042| 4 min. | 7 sur 12 | 58,4 0/0 | | | | id. |4/5 95 | id. id 258|0,035 0, Os) : min. | 6 sur 17 | 35,2 0/0 | | IV. |17et18V id. | id. 1.27010,040|0,039|7 à 8 min.|16 sur 17| 94,1 0/0 | V. |17/V 95 Grand app. id. » » » » » » VI |15/V 95) App. expérim.| Eau filtrée + 28.000! » » » 12sur 13| 92,3 0/0 B. Ramosus VIL. |15/V 95 id. Eau filtrée + 32.000! » » » [17 sur18| 94,4 0/0 B. Subtilis el B. Rubiginosus VILI |15/V 95| App. moyen | Eau filtrée + [7.830.000 |0,027/0,039/10 min.|12 sur 12] 100 0/0 B. Coii (HE TN en | Il ne nous reste plus, après avoir résumé dans le tableau VII les résultats du système d'épuration et de stérilisation appliqué à Oadshoorn à l’eau du Vieux-Rhin, qu'à formuler quelques con- clusions générales : a. — L'ozonisalion des eaux de rivière, souillées par d'abondantes sinatières organiques, d'origine végétale, el colorées par des matières humiques, donne des RÉSULTATS EXTRÊMEMENT SATISFAISANTS 4 point de vue de l'amélioration de leurs caractères physiques. Les propriétés organoleptiques de ces eaux deviennent par- faites après ce traitement. 8 # é 702 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. b. — L'action épuratrice de l'ozone, qui se traduit par des modi- licahions chimiques diverses, mis surtout par une réduction notable des substances réduisant le permanganate en solution acide, est CONSIDÉRABLE SUR LES TOXINES ET LES PRODUITS DIVERS DE LA VIE MICROBIENNE. À UNE EAU, SOUILLÉE PAR DES INFILTRATIONS DE FOSSES D’AISANCES, ETC. , DES PRODUITS DE PUTRÉFACTION, PEUT ÊTRE RENDUE INOFFENSIVE PAR UNE OZONISATION CONVENABLE. c. — Les eaux ouvertes, mêmelorsqu'elles contiennent des microbes nombreux et des espèces très résistantes, SONT SUREMENT STÉRILISÉES A CONDITION QUE LEUR TITRE EN PERMANGANATE NE DÉPASSE PAS CER- TAINES LIMITES. Le degré de concentration de l'ozone et la durée du contact de l’air ozonisé, nécessaires pour obtenir une stérilisation certaine, varient d’après les diverses eaux et d’après leur état de souillure. d. — Il n'est pas douteux qu'on puisse obtenir, au moyen du système employé à l'usine d'Oudshoorn, des VOLUMES CONSIDÉRABLES D'EAU PARFAITEMENT STÉRILISÉE. Nos observations nous permettent d'affirmer que la stérilisation est opérée d'une manière régulière et constante pendant une période de temps illimitée. Voyons maintenant dans ce qu’ils ont d’essentiel, le mode de fabrication de l’ozone et le traitement de l’eau par l’air ozonisé. IL 4 Procédés et appareils employés pour l'ozonisation de l'air et la stérilisation de l’eau. Je ne me suis pas proposé d’étudier à fond les divers appa- reils servant à l’électrisation de l’air atmosphérique ou de l’oxy- gène pur, en vue d'obtenir de l’ozone en plus ou moins grande quantité,pour les usages techniques. * Cette étude suppose une compétence spéciale en matière d'électricité, qui me fait défaut, et sans laquelle il serait difficile de donner un avis éclairé sur la valeur relative de ces appareils. Je me bornerai donc à décrire succinctement ceux installés à > s STÉRILISATION DES EAUX PAR'L’OZONE. | 703 Oudshoorn et à indiquer leur fonctionnement. S'il m'arrive de faire ressortir leurs avantages particuliers, je le ferai en me basant uniquement sur les renseignements qui me sont fournis par les inventeurs et sous leur entière responsabilité. La quantité d'oxygène, qu’on peut convertir en ozone au moyen de décharges électriques, varie dans de grandes propor- tions d° après le mode même d'’électrisalion. Fes décharges les plus favorables sont les moins chaudes ; ce sont celles désignées sous le nom de décharges obscures, effluves, ete. L’ozone, en effet, est détruit à une certaine température; déjà à un degré peu élevé, il ne s’en produit plus. Il en résulte que, pour obtenir des quantités notables, il faut opérer sur du gaz ou de l’air froid, et éviter l'élévation de température qui résulte du passage même des décharges électriques au travers de l'oxygène ou de l’air à électriser. on voit, par là, qu'il faut avant tout mettre un obstacle à la formation d’étincelles, de décharges lumineuses qui ne donnent pas d'ozone, mais, au contraire, le détruisent dans leur voisinage et provoquent, en outre, la production de gaz peroxyde d’azote. | La quantité d'ozone obtenue dépend encore d’autres cir- constances, déjà mises en lumière par les recherches de Babo, Houzeau, etc. Non seulement le degré d’ozonisation est sous l'influence directe de la température du gaz, mais les effets de la sécheresse plus ou moins grande de l’air ou de l'oxygène sont prépondérants. Il faut, pour obtenir des quantités notables d'ozone, agir sur des gaz absolument privés de vapeur d’eau et même d'acide carbonique et de poussières. Enfin, l'intensité du courant électrique, sa tension et l’éten- due, la densité du champ dans lequel se font les décharges, leur nombre, etc., influent encore, dans de grandes proportions, sur la quantité d'ozone produite. Le premier appareil industriel pour fabriquer de l’ozone, ou * du moins celui présenté comme tel par ses inventeurs, a été “décrit par M. Frühlich en 1891. Il ne diffère pas essentiellement de ceux connus jusqu'alors et n'est, à proprement parler, qu'une reproduction en grand des tubes ozonisateurs inventés par W. Siemens. Il se compose de trois tubes cylindriques emboîtés : un tube central métallique, fermé à ses deux bouts, mis en rapport avec 104 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. une circulation d’eau par des ajutages, un tube moyen, en matière isolante ou diélectrique, de préférence en celluloïde. et un tube extérieur, métallique, qui peut être remplacé par des feuilles d’étain, etc., collées sur le tube isolant. L'air est aspiré dans l’espace annulaire, autour du tube central, et est électrisé au fur et à mesure. En réunissant ainsi plusieurs tubes de grande taille, en batterie, les uns à côté des autres, et en les faisant traverser par de l’air soumis à des décharges obscures et par de l’eau qui maintient les appareils à une température peu élevée, MM. Frühlich et ses associés Erlwein, Howe et von Titzen-Hennig croyaient avoir résolu le problème de la fabrica- tion en grand de l'ozone. Is auraient, au dire de M. Ohlmüller, le mérite d’avoir conçu une forme d'appareil fournissant, grâce à ses dimensions consi- dérables et à la résistance spéciale des matières servant de dié- lectrique, de l’ozone en quantité bien supérieure à ce qu'on avait obtenu jusqu'alors, et fonctionnant d’une manière pratique. Des appareils de ce modèle, construits par MM. Siemens et Halske, de Berlin, ont donné 3 milligrammes d'ozone par seconde et par cheval-vapeur. D'après M. Ohlmiüller, d’autres appareils, en voie de construction au mounent où il publiait ses recher- ches, permettaient d'espérer un rendement de 9 milligrammes. Les essais, pratiqués avec ces appareils, ont servi, tout au moins, à mieux préciser les conditions les plus avantageuses pour obtenir un air très riche en ozone. M. Frühlich a constaté que la quantité d'ozone obtenue dans le même temps augmente notablement avec le nombre et la régularité des interruptions du courant. Des interruptions fréquentes et régulières, allant jusqu’à 600 par seconde, sont nécessaires. En ontre, la quan- tité croît rapidement avec la tension du courant. Il faut des courants de haut potentiel, dépassant 4,000 volts. Mais cette ten- sion a des limites qu'on ne peut pas dépasser sans risquer de voir les tubes se fracturer. En pratique, on est donc amené à faire choix d’une tension maxima qui reste bien en-dessous de celle qui est la plus favorable Quelle que soit la valeur des perfectionnements introduits dans la fabrication des ozonisateurs par Siemens et Halske, ils ne sont pas entrés dans la pratique. On leur reproche surtout de ne pas permettre d'éviter la à STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE. 105 production d’étincelles, de ne pas fournir, d'une manière régu- lière et non interrompue, les décharges obscures, qui seules assurent un haut rendement en ozone. En outre, employés avec des courants à potentiel très élevé, dépassant 4,000 volts, leurs couches diélectriques sont exposées à se rompre. Bref, ces appareils ne fonctionnent pas d’une manière pra- tique et ne peuvent réussir à obtenir dans des conditions écono- miques de grands volumes d'air très ozonisé. Pour parer à ces graves inconvénients, il fallait sortir des Voies battues. — Le premier, M. Schneller, électricien à Oudshoorn, a réalisé des ozonisateurs s’adaptant aux usages industriels. Il y est parvenu grâce à un artifice heureux. M. Schneller à imaginé d'interposer un dispositif, faisant office de régulateur, sur Je passage du courant électrique lui- mème, entre l'appareil ozonisateur et le générateur-transforma- teur du courant. Ce dispositif consiste tout simplement dans des corps résistants convenablement choisis, formés de préférence d’une couche de liquide plus ou moins épaisse, de glycérine, entre autres, ou même de corps solides, tels que la porcelaine. En plaçant ainsi une résistance, exactement calculée et inva- riable, entre la source d'électricité et les ozonisateurs, un autre progrès très considérable était accompli : la suppression de lout diélectrique entrextes pôles mêmes de l'appareil ozonisateur. On fait disparaître ainsi la résistance qu'ils présentent, la perte d'énergie qui en résulte. On évite aussi les chances de rupture, et on peut, sans danger de ce côté, recourir à des tensions qu'on n'avait pas osé utiliser auparavant. M. Schneller est allé bien au delà des 10,000 à 17,000 volts, dont M. Frühlich croyait qu'il fallait se contenter. À l’usine d'Oudshoorn, on se sert depuis deux ans de courants de 50,000 volts, et une machine fournissant 100,000 volts est préte à être mise en fonctionnement. Du même coup, la distance entre les électrodes a pu être por- tée de 2 à 3 millimètres, comme dans les tubes de Siémens, à 190 millimètres et même davantage, de manière à augmenter dans des limites inattendues le volume d’air soumis à l’électrisation. Mais, il ne suffisait pas de pouvoir préparer de l'ozone en grande quantité par des procédés pratiques et industriels, il fallait encore obtenir la plus grande concentration possible de l'ozone dans un volume d'air donné et avec la plus faible dépense d'énergie. 45 + 706 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. , D'après l'expérience ‘acquise au laboratoire d'Oudshoorf, pour obtenir une concentration élevée, il faut, indépendamment de la durée d’action des décharges électriques et de leur inten- sité entre des électrodes de dimensions données, refroidir l'air au fur et à mesure qu'il sort d'un ozonisateur pour passer dans un autre. Tels sont les principes qui ont servi de bases à la construc- tion des ozonisateurs employés à Oudshoorn. — Je n’ai plus qu'à indiquer comment ils ont été appliqués, et à décrire rapidement l'outillage de la fabrique-usine d'ozone. d Leservoir d'eau filtre Machine à glace dtertlisateurs La source d'électricité est une Brush ordinaire, à courants alter- natifs, destinée à l'éclairage électrique, de 100 volts et 250 am- pères (voir fig. 3). Elle donne 400 alternances du courant par seconde et a pour excitatrice (A), une petite dynamo de 100 volts et 14 ampères, faisant 175 tours par seconde. — Des dynamos, les courants alternatifs se rendent à deux {ransformateurs (T et T), construits sur les plans de M. Schneller et présentant cet avantage d’un isolement complet obtenu au moyen de l'air. Dans ces transformateurs, les courants de quantité sont con- vertis en courants de haute tension. Dans la bobine primaire, ils arrivent à 25,000 volts, dans la secondaire à 50,000. L'un des pôles, au sortir des transformateurs, étant relié avec le sol, 1l Keservoir d'eau slérilisée 4 STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE. 707 importe, afin d'éviter de graves accidents, d'isoler avec le plus grand soin le deuxième fil. On y est arrivé d’une manière simple. La nécessité de cet isolement peut être montrée d’une façon saisissante : il suffit de rapprocher le fil isolé d’un des murs pour voir apparaître des étincelles gigantesques, qui éclatent avec une intensité rappelant celles des décharges obtenues par M. Tesla. Le courañt de haute tension et fréquemment interrompu aboutit finalement aux ozonisateurs (O0). La construction de ces appareils, qui sont en quelque sorte l’âme du système, a été l’objet d’études et derecherches extrème- ment variées, et a finalement amené l'adoption d’un type que nous pouvons décrire sommairement de la manière suivante : L'électrode positive E (fig. 4), qui reçoit le courant par le fil isolé, est constituée par une série de pièces de fine toile métallique, de platine ou de cuivre, placées parallèlement, les unes à côté des autres. Le courant se distribue, du fil isolé à cette électrode, après avoir traversé dne résistance R, composée pour chaque toile d'une Ê : Fa + : 3 couche de glycérine, ayant environ 0",60 de hauteur, contenue dans un tube de verre. — L'électrode négative E’, reliée avec le sol, est tout bonnement He par les parois opposées de l’enve- Li 708 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. loppe métallique à l’intérieur de laquelle s'effectue l’électrisation de l’air. Cette boîte, de forme cuboïde, a des parois creuses, à l'in- térieur desquelles circule de l’eau glacée ou de l’air refroidi. L'air à ozoniser passe d’abord par un dessiccateur (D) au chlo- rure de calcium, barbote dans de l'acide sulfurique, et se débar- rasse de ses poussières sur un filtre d’ouate ou de feutre. Il va ensuite d’un ozonisateur à l’autre par des tubes étroits, placés dans les parois verticales et opposées des boîtes. Entre les dessiccateurs et les ozonisateurs, on peut encore intercaler un gazomètre (G) Les ozonisateurs peuvent être réunis en nombre indéfini. Généralement on en juxtapose cinq à six. Pour maintenir le gaz à une température assez basse, on a eu recours d’abord à une circulation d’eau glacée ; actuellement on fait passer l’air à électriser dans des caisses, où circule de l’aïr refroidi à — 25° au moyen d’une machine à évaporation d'ammo- niaque. Dans ces conditions les ozonisateurs eux-mêmes ont dû être enfermés dans une cage en verre où l'atmosphère ambiante est tenue en parfaite siccité. En effet, sous l'influence du. froid, la vapeur d’eau se condensait sur les appareils, s'y congelait et formait des courts circuits. Après avoir traversé les ozonisateurs, l’air chargé d’ozone est finalement, au moyen d’une pompe aspirante et foulante, améné daus les appareils dits stérilisateurs (S\. Ces appareils ont été jusqu'ici de deux modèles différents. Les premiers en date se composent de ‘cylindres en grès, en fonte avec intérieur de verre, etc., reliés au nombre de 3 ou # les uns aux autres, et dans lesquels l’eau à purifier circule avec une vitesse donnée. Le fond de ces cylindres est formé par une feuille de métal perforée de nombreux trous, par lesquels l'air ozonisé est injecté sous forme de bulles. La durée du contact de cet air avec l’eau peut être réglée à volonté, et doit varier d’après le degré de concentration de l'ozone et la quantité de matières organiques contenues dans l’eau. Elle varie donc nécessairement d’après la constitution chimique des diverses eaux, et doit être déterminée par des essais préalables dans chaque cas particu- lier. , Un autre modèle a été construit récemment : il consiste en une grande boîte dans laquelle on fait pénétrer de l’air ozonisé en STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE. 109 même temps qu’on y pulvérise ert pluie extrêmement fine l’eau à stériliser, | Chacun de ces modèles a ses avantages et ses inconvénients. Le dernier permet d'obtenir une stérilisation avec un contact très court à condition que l’atmosphère ozonisée soit au degré de concentration voulu, naturellement élevé. Le second exige un contact plus long, mais permet de travailler avec des concentra- tions moyennes. En pratique, il semble que le second modèle mérite la préfé- rence, parce qu'il est d'un fonctionnement plus économique. En effet, il coûte moins de faire cinq mètres cubes d'air ozonisé à 2 0/0, par exemple, que un mètre cube à 10 0/0. Au sortir des appareils, l'air ne s’est pas dépouillé de tout l’ozone qu'il contenait, Bien au contraire, une partie seulement, assez minime, est absorbée ou transformée. On a songé dans ces derniers temps à récupérer cet ozone inutilisé et on y est parvenu en le faisant passer dans un appa- reil refroidisseur, où l’air se contracte et perd son humidité en partie. De là, après refroidissement, il repasse aux ozonisateurs. C'est ici que nous aurions à examiner la valeur, au point de vue économique, du système de stérilisation des eaux par l'air ozonisé. Bien que l’hygiéniste ne puisse en aucune façon se désin- téresser de ce côté de la question, nous croyons qu'il appartient plutôt aux ingénieurs de l’établir au moyen de données exactes et d'observations suffisamment prolongées. RECHERCHES SUR LA PATHOGÉNE DE LA PÉRITONITR D'ORIGINE INTESTINALE ÉTUDE DE LA VIRULENCE DU COLIBACILLE . Par Le D' CHARLES DE KLECKI de Cracovie (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff.) La pathogénie de la péritonite a été dans ces dernières années l’objet de nombreuses recherches. La cavité péritonéale présente un terrain +très commode pour l'étude de beaucoup de questions d'ordre général, et comme d’autre part la chirurgie moderne doit une bonne partie de son éclat au succès des opérations intraabdominales, les recherches inaugurées par M. Wegner et M. Grawitz ont été continuées sur- tout par les médecins théoriciens el les chirurgiens. Parmi les différentes formes de la péritonite de l'homme, y compris la péritonite d’origine intestinale, la forme purulente est la plus fréquente. C’est pourquoi on a étudié surtout la suppuration péritonéale. Mais en même temps, grâce à celte étude, on est parvenu à établir quelques faits importants poùr la pathogénie de toute péritonite bactérienne, par conséquent pour la péritonite d’origine intestinale. Il résulte de tous ces travaux que l’action pathogène des microbes sur le péritoine est en général une action secondaire. Pour qu'une maladie Mo de cet organe se produise, il faut que l’action des microbes soit Sale par une autre action de nature chimique ou mécanique, qui rende le tissu péri- tonéal accessible à l’action du virus vivant. Si le virus n’est pas très actif et sa quantité très considérable, les éléments de défense de l'organisme s'emparent des microbes, qui, rendus inoffensifs, subissent la résorption. VIRULENCE DU BACILLUS COLI. | 711 L'étude de la pathogénie de la péritonite avait surtout mis en évidence les causes occasionnelles de la maladie et Pimpor- tance d'agents pathogènes de second ordre. n Mais quant à la causa prima, la cause microbienne de la péritonite d’origine intestinale, on trouve parmi les auteurs un désaccord complet. Pour l’étiologie de cette maladie, la ques- tion du colibacille est devenue la question principale. D’après les uns (pour ne citer que les dernières recherches, je nomme celle de M. Ziegler), le microbe de M. Escherich exerce une action pathogène dans la péritonite intestinale; d’après les autres, ainsi d’après MM. Tavel et Lanz, le coliba- cillé’ n’est qu'un microbe banal, dont la virulence est variable, et dont l'importance dans l’étiologie de La péritonite d’origine intestinale n'est pas supérieure à celle d’autres habitants du tube digestif. M. Barbacci, qui considérait il y a peu d'années le colibacille comme un agenk pathogène dans certaines formes de la maladie en question, ne lui accorde plus ce rôle dans un mémoire plus récent. Citons en résumé les faits relatifs au pouvoir pathogène et à la virulence du colibaciile et les opinions de quelques auteurs à ce sujet. M. Escherich, qui avait fait la découverte du colibacille, avait aussi démontré son action pathogène sur les petits ani- maux de laboratoire. Mais, retrouvé constamment dans le contenu intestinal d'individus sains, ce microbe a été considéré pendant un cerlain temps comme simple saprophyte. Seul M. Laruelle l'ayant trouvé en culture pure dans deux cas de péritonite par perforation et s’appuyant sur une longue série d'expériences, l’a reconnu comme l'agent patho- gène habituel de la péritonite par perforauon de l'intestin. L'observation de M. Laruelle fut confirmée par beaucoup d’au- teurs (Adenot, Barbacci, Fraenkel, Welch, ete.), qui ont retrouvé le microbe en question dans l’épanchement péritonéal, provoqué par la perforation d'ulcères typhiqueset par la pérityphlite; on Le retrouva aussi dans d’autres formes de péritonite d’origine intes- tinale, de sorte qu'en 1891 M. Malvoz déclara que le coli-bacille était l’agent spécifique non seulement de la péritonite par perfo- ration de l'intestin, mais de toute péritonite d’origine intestinale. 712 ANNALES DE L'INSTITUT ‘PASTEUR. En même temps on avait établi le rôle pathogène du coli- bacille dans différentes formes de diarrhées, surtout dans la diarrhée épidémique, qui atteint les enfants. Dans le cours des dernières années, on a très souveut signalé le colibacille comme agent pathogène de différentes maladies non intestinales, comme cholécystites, méningites, arthrites, cystites, thyroïdites, infections générales (la colibacillose de M. Gilbert) et d’autres, dont l’énumération complète serait beaucoup trop longue. Dans une partie de ces travaux, l'examen bactériologique a été fait au moment où l’envahissement postmortel de l'organisme, surtout des organes malades, par les microbes intestinaux était déjà survenu; malheureusement on ne tenait pas toujours compte de ce fait, dont l'importance a été élucidée par plusieurs travaux de date récente. Il y a cependant, dans ces travaux, des observations bactériologiques qui nous inspirent pleine Confiance, et qui démontrent que le colibacille, un microbe qui se trouve dans l'organisme normal à l’état de simple saprophyte, peut quelque- fois provoquer des maladies même mortelles, siégeant dans l'intestin même et ses annexes, ou d’autres organes éloignés du tube digestif. 11 paraît être établi que la virulence d’un colibacille, retiré d’un intestin malade, notamment des selles diarrhéiques, est supérieure à celle du même bacille, habitant un intestin normal. M. Dreyfuss, qui avait examiné à ce point dervue les selles de malades atteints de différentes espèces de diarrhées, est arrivé à conclure que la virulence du colibacille augmente en général dans ces maladies, et qu’elle croît proportionnellement au degré de l’inflammation de la paroi intestinale. Un fait très intéressant et très important pour mes recherches a été établi par M. Sanarelli; cet auteur a démontré que, dans la fièvre typhoïde expérimentale, le colibacille exalte sa propre virulence, et que cette exaltation est due à l’action de la toxine typhique. La virulence du colibacille change donc au cours de diffé- rentes maladies du tube digestif. En est-il de même pour la péritonite d’origine intestinale ? D’après M. Wurtz, le colibacille devient pathogène après son VIRULENCE DU BACILLUS COLI. 113 4 passage par la paroi intestinale. D'après d’autres auteurs, la virulence de ce microbe dans la péritonite intestinale est variable. Je tâcherai de démontrer, dans la suite du présent mémoire, qu’en réalité les choses ne se passent pas ainsi, que le colibacille joue par exaltation de sa virulence un rôle important dans l’étiologie de la péritonite intestinale; j'indi- querai de même quelques conditions pathologiques dans lesquelles se produit le Changement vital du microbe en question, et je tâcherai de donner une explication de ce fait si impor- tant pour la pathogénie de la maladie. La plupart des examens faits au sujet du rôle étiologique du colibacille dans la péritonite intestinale, l’ont été de la façon suivante : on retirait, d’un épanchement péritonéal naturel ou provoqué par un procédé artificiel, le colibacille, et on détermi- nait sa virulence pour le cobaye; on comparait ensuite cette virulence avec la virulence qu’on atlribuait au même microbe habitant un intestin sain. Il est vrai que ces examens peuvent nous fournir quelques renseignements sur les changements de la virulence du microbe en question, mais à condition que la virulence du colibacille saprophyte, avec laquëlle on compare la virulence du même bacille à l’état pathogène, soit d’abord bien établie, ce qui est impossible à cause de la grande variabilité de la virulence du colibacille, retiré d’un intestin sain; de plus, la méthode dé ces‘examens étant une méthode statistique, la quantité des observations devrait être très considérable, beaucoup plus grande qu’elle ne l’a été en effet, surtout si on considère qu'une grande partie de ces recherches a été faite sur des cadavres, et que par conséquent la valeur de leurs résultats n’est pas irréprochable. La différence des résultats obtenus par différents auteurs dans ces examens paraît être expliquée par l'insuffisance de la méthode de l'examen même. Comme le colibacilie est le saprophyte habituel de l'intestin sain, et comme ce microbe peut provoquer, dans des conditions inconnues pour la plupart, des maladies différentes, donc changer ses propriétés vitales, la seule méthode qui peut nous conduire à une opinion justifiée sur le rôle du colibacille dans la pathogénie de ia péritonite intestinale, est une méthode parfaitement . } # $ 714 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. * comparative, une néthode qui nous permettrait d'examiner le même colibacille dans différentes conditions normales et patholo- giques. ; Je crois que celle dont je me suis servi dans mes recherches était précisément une méthode permettant d'examiner toujours le même microbe retiré du même or ganisme animal dans différ ents états naturels. Avant d'aller plus loin, il me paraît intéressant de mentionner quelques faits étroitement liés avec mes expériences. Comme j'ai opéré sur des chiens, il fallait d’abord savoir quelle est la virulence du colibacille, retiré de différentes parties du tube e digestif d’un animal normal. Pour déterminer la virulence de ce microbe, je me servais ati cobayes, auxquels j’inoculais le virus dans la cavité péritonéale. La virulence du colibacille, retiré du contenu intestinal d’un chien normal, est en général assez variable. Quelquefois l’inoculation intra-péritonéale de 2—3 c*e. d’une culture de 24 heures en bouillon de ce colibacille était encore bien supportée par,des cobayes de moyenne taille. La dose mor- telle était rarement inférieure à 1 c. ec. de la même culture; le plus souvent le microbe était moins actif. Le colibacille retiré de la partie inférieure de l'iléon était plus virulent que le même bacille retiré du colon, et beaucoup plus virulent que celui qui avait été retiré chez le même animal de la partie supérieure du jéjunum ‘ Il est fort probable que ce fait est en rapport avec la réaction chimique du contenu intestinal, qui, dans l'intestin grêle, en s'éloignant de l’estomac, devient de moins en moins acide. Notons que d’ après M. Trzebicky l’actionpathogène du contenu de la partie supérieure de l'intestin grèle est plus faible que celle de la partie inférieure. Ensuite, il me parut intéressant de savoir si la virulence du colibacille ne subit pas de changements postmortels dans une anse intestinale normale. Des expériences relatives à ce sujet 1. Doses mortelles minima de culture en bouillon de 24 heures, tuant un cobaye en moins de 24 heures * DÉDORUE 2 4 LES VEN NMANNS) TPE CURE SU ® VIRULENCE DU BACILLUS COLI. 715 + 3. ont démontré que la virulence du colibacille, provenant de la même anse intestinale dans laquelle la circulation fécale avait < été supprimée, mais dont la paroi était restée normale, et retiré 24 heures avant la mort ou quelques heures après la mort de l'animal, ne changeait pas. Il y avait encore à savoir si une maladie locale d’une anse intestinale, suivie d’une péritonite généralisée, c’est-à-dire d’une maladie caractérisée par beaucoup de symptômes généraux, exerce une influence sur la virulence du colibacille contenu dans d’autres anses intestinales, non atteintes par la maladie pri- mitive. L'expérience a démontré que, dans les anses er la paroi et le contenu étaient restés à l’état à peu près normal, la virulence du colibacille ne changeait pas non plus. Dans les expériences faites pour étudier la virulence du coli- .bacille dans des conditions pathologiques, je suis parti des idées suivantes : Toute péritonite d’origine intestinale, excepté les formes spécifiques proprement dites, est due à l’action du contenu intestinal àn toto, ou à l’action des microbes intestinaux sur la séreuse péritonéale. La pathogénie de la péritonite par perfo- ration, surtout de la forme traumatique de cette maladie, est absolument différente det celle de linfection ,péritonéale par translation ou propagation indirecte des microbes intesli- naux. Dans la péritonite par perforation d’un intestin, il s’agit, dans la plupart des cas, de l’action subite d’une grande quantité de contenu intestinal sur la séreuse périlonéale ; les microbes qui y sont contenus sont entourés de particules de masses fécales, qui les protègent contre la phagocylose et la résorption. Quand l'ouverture produite dans la paroi inteslinale n’est pas assez petitè pour être tamponnée par un prolapsus de la muqueuse ou par un bouchon de mucus en peu de temps après la perfora- tion, de nouvelles portions de contenu intestinal ne cessent pas d’affluer dans la cavité périlonéale. Dans ces conditions, une étude comparative exacte de la virulence d'un microbe intestinal est presque impossible. | Les conditions sont complètement différentes dans la péri- tonite par translation ou propagation indirecte des microbes » 2 716 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. intestinaux dans la cavité péritonéale, comme on ia trouve dans les cas de hernies, d’étranglements, d’occlusious intestinales, etc. Le siège de la maladie est alors une anse pathologique, 4 dont la paroi est envahie par des microbes intestinaux qui passent à travers celte paroi dans la cavité péritonéale. Et ce n’est pas seulement la paroi de l’anse qui présente des changements ana- tomo-pathologiques, mais son contenu diffère également d’un contenu intestinal normal. La même cause pathologique qui produit le changement de la paroi intestinale produit de même le changement de son contenu et ce contenu reste local, d'abord par la cause mécanique de la maladie, ensuite à cause de l’état paralytique de l’anse intestinale. La dernière forme de la péritonite d’origine intestinale pré- sente des conditions favorables pour les recherches compara- tives. Dans ces recherches, j'ai examiné non seulement la virulence | du colibacille, mais j'ai tâäché de me rendre compte de toute la flore bactérienne en général dans les différentes conditions natu- relles. | Les expériences ont été combinées de la façon suivante : Comme je travaillais sans aide, il m'était impossible de me servir de l’anesthésie produite par la cocaïne, qui donne, d’après mes expériencesantérieures, de très bons résultats dans les opé- rations intraabdominales sur les chiens; j'étais donc obligé de narcotiser les animaux avec du chloroforme. La narcose faite, je procédais à la laparotomie; on sortait une anse d’intestin grèle et on retirait de son intérieur, avec une pipette effilée, un peu de son contenu: Pour procéder d’une façon sûre, on fermait par un point de suture de Czerny-Lembert la petite plaie oblique de la paroi intestinale, qui se ferme le plus souvent d'elle-même. k Ensuite on étranglait par un anneau en caoutchouc l’anse intestinale, dont on avait retiré un peu de contenu. L’étrangle- ment se trouvait toujours à une distance d'environ 10 centi- mètres de la petite ouverture, faite par la pipette, pour que la paroi de l’anse étranglée ne présente pas de lieu de moindre résistance. Enfin on replaçait l’anse étranglée dans la cavité péritonéale, et on suturait la paroi abdominale. Pansement : collodion VIRULENCE DU BACILLUS COEI. TA iodoformé, coton hydrophile, bande en toile, bande amylacée, croisée sur la poitrine de l'animal. Bien entendu les opérations étaient faites d’une facon parfai- tement aseptique; un antiseptique, le subliné 1 : 1000, ne servait que pour le lavage du ventre rasé de l'animal et des mains de l’expérimentateur. Des expériences de contrôle avaient démontré que le procédé était sûr au point de vue de l’asepsie. Avec un peu d'expérience, il est assez facile de régler l’étran- glement de facon à obtenir le degré voulu de changements pathologiques de l’anse opérée : hypérémie légère, stase vel- neuse plus forte ou complète avec desquamation de l’épithé- lium de la muqueuse, infiltration leucocytaire et hémorrhagique de la paroi intestinale, nécrose; si on ajoute à l’étranglement, qui comprend la paroi intestinale et les vaisseaux mésentériques, une ligature supplémentaire d’un ou de plusieurs de ces vais- seaux, on produit une anémie partielle ou complète de l’anse étranglée, que j'ai empruntée, du reste, à différentes parties de l'intestin grêle. Comme 1l s'agissait, dans ces expériences, de faire passer les microbes d’une anse déterminée à travers la paroi intestinale, il fallait tenir compte du fait, démontré par M. Reichel, que la péristaltique de l'intestin canin est extrêmement forte, c'est-à-dire qu'il fallait faire l’étranglement assez fort; autrement la stase du contenu de l’anse étranglée ne serait pas complète. On examinait le contenu intestinal, retiré pendani l'opération, au microscope, en préparations fraiches et colorées par différents procédés, et on l’ensemençait en gélatine (plaques conservées en culture aérobie à 22°), gélose avec sérum de cheval, pommes de terre avec le même sérum et pommes de terre avec bouillon glycériné (plaques conservées en culture anaérobie à 33°). Les chiens survivaient à l’opération 24—48 heures; aussitôt après la mort de l’animal, on procédait à l’autopsie; le plus souvent on tuait l'animal agonisant par le chloroforme, pour faire suivre immédiatement l’autopsie. Dans deux de mes dix expériences, dans lesquelles l’étran- glement de l'intestin fut accompagné de la ligature supplémen- taire des vaissaux mésentériques, on avait produit l’anémie de la paroi intestinale avec nécrose partielle de cette paroi, mais sans perforation. 718 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Dans le premier de ces deux cas, le contenu de l’anse patho- logique était très peu abondant, dans l’autre la quantité de ce contenu était plus forte (40-50 c. c. dans une anse de 25 centi- mètres de longueur). Dans les deux cas c'était un liquide épais, brunâtre, contenant des cristaux d'hémoglobine, des leucocytes et des microbes en quantité ont petite. Dans les 8 expériences suivantes, le péritoine présentait les signes d'une péritonite aiguë généralisée ; l’'épanchement péri- tonéal, qui ne manquait jamais, présentait le plus souvent un caractère hémorrhagique : il était cependant très épais et opaque, à cause de la grande quantité de fibrine et de pus qu'il contenait. On trouvait l’anse étranglée enveloppée par des adhérences péritonéales fraîches; les anses voisines y étant plus ou moins adhérentes, l’anse étranglée était englobée dans un paquet comprenant une partie L l'intestin ele. L’anse afférente et efférente présentaient les changements typiques. L’anse étranglée présentait une dilatation et un gonflement produit surtout par la grande quantité de contenu gazeux qu'elle renfermait. Ce gonflement gazeux, qui persistait pendant l’autopsie, prouvait qu'il n’y avait pas de perforation de l’anse en question; néanmoins on examinait les anses à cet égard par les procédés habituels, toujours avec un résultat négatif. La paroi des anses étranglées était colorée en rouge bleuâtre ou brunâtre, suivant le degré de la stase veineuse. A la surface séreuse de ces anses, on observait des hémor- rhagies miliaires ou de fortes sugillations. La muqueuse présen- tait les mêmes hémorrhagies., Sa surface présentait dans quelques cas l'aspect de velours frisé; dans d'autres cas, une grande partie des villosités étant disparu, la surface de la muqueuse était plutôt lisse. Au microscope, la paroi des anses étranglées présentait une desquamation plus ou moins complète de l'épithélium de la muqueuse, une dilatation des vaisseaux, des infiltrations leucocy- taires multiples de la muqueuse et de la sub-muqueuse, des ecchy- moses et des sugillations multiples. Les vaisseaux de la subsé- reuse étaient A dilatés, l’endothélium de la séreuse détaché en lambeaux. * Le contenu de ces anses était toujours abondant : dans une anse étranglée de 25-40 c. de longueur, on trouvait s VIRULENCE DU BACILLUS COLL. 719 150-200 c. c. d'un contênu liquide, qui se présentait sous deux "aspects différents. Dans les cas où la stase veineuse était moins forte, c'était un liquide jaunâtre ou brunâtre, opaque, très albumineux, renfer- mant des épithéliums desquamés en grande quantité, des leuco- cytes bourrés de microbes, des globules rouges et des microbes libres*en grande quantité; dans les autres cas où la stase était plus fôrte, on trouvait dans l’anse étranglée un liquide rou- . Seâtre, épais, d’une odeur pénétrante, contenant les mêmes éléments et en plus une grande quantité de cristaux d’hémo- globine. Dans les deux espèces de liquides, on observait à côté d'une phagocytose très prononcée des microbes libres en quantité énorme. Le contenu retiré à l’autopsie des anses étranglées et l’épan- chement péritonéal furent examinés au microscope etensemencés sur les mêmes milieux de culture que le contenu des mêmes anses à l’état normal. Les cultures furent conservées dans des conditions identiques. Les changements postmortels étant parfaitement exclus, les mêmes microbes intestinaux ont été surpris dans ces expé- riences en trois états différents : d’abord je les isolais du contenu d'une anse normale. En produisant un changement patholo- gique de la même anse d’une facon rapprochée de celle dont le procès pathologique se fait dans la nature, on changeait le milieu naturel des microbes, sans les retirer de l'organisme. Comme je n’ai jamais produit de perforation de l’anse étranglée, il était sûr que les microbes qu'on trouvait dans l’épanche- ment péritonéal étaient toujours les microbes de la même anse qui avaient traversé dans des conditions pathologiques sa paroi. Ce fait a été du reste constaté dans toutes les expériences par un examen bactériologique de la paroi de l’anse étranglée. En examinant ces microbes dans les trois états différents, dans le contenu intestinal normal, dans le même contenu pathologique et après leur passage dans la cavité péritonéale, mon attention fut attirée spécialement par le colibacille, dont j'ai déterminé la virulence pour chacun de ces états différents. Dans une étude comparative il est indispensable d'examiner des microbes identiques; les variétés du colibacille dans le con- tenu du même intestin étant très nombreuses, il faut choisir un # 0] 120 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. LA certain type de ce microbe bien déterminé. Les variations mor- phologiques ne sont pas constantes: la forme des microbes change. souvent dans la même culture. C’est pourquoi il a fallu isoler dans chaque expérience plu- sieurs cultures du colibacille et les ensemencer dans différents milieux nutritifs. Le milieu de choix dont je me suis servi, à côté des milieux de culture ordinaires, était un bouillon des bœuf non peptonisé, additionné de lactose et de teinture de tour- nesol. La variété typique du colibacilie rougit fortement ce liquide dans les 18—24 heures et en mème temps on y constate un développement de bulles gazeuses. Après avoir isolé du même contenu inteslüinal toute une série de colibacilles-et les avoir ensemencés en bouillon lactosé et coloré en violet par le tournesol, on voit au bout de 24 heures, parmices cultures, des tubes dont le contenu est coloré en rouge vif; d’autres pré- sentent un rouge ou rose plus pâle; on voit même quelquefois que le liquide violet n’a été que décoloré et que la coloration rose et ensuite rouge n'apparaît qu'après une agitation éner- gique du tube et un séjour prolongé à l'air. Pour déterminer la virulence du colibacille dans les trois états différents, je me suis servi exclusivement de la variété” type, cultivé en aérobie sur plaques de gélatine. Je choisissais, sur les trois espèces de-plaques de 48 heures ensemencées avec le contenu intestinal normal, avec le même contenu pathologique et l'épanchement péritonéal, des cultures superficielles dont les dimensions étaient à peu près égales. Ba moitié de la culture était ensemencée en bouillon de bœuf pepto- nisé; ces cultures servaient aux inoculations ; l’autre moitié était ensemencée d’autres milieux de cullure, y compris le bouillon lactosé. La qualité et la quantité du bouillon étant les mêmes dans les trois espèces de tubes, le dosage des cultures pouvait être suffi- samment exact pour une étude comparative de la virulence. Dans cette étude je me servais de cobayes, que j'inoculais par injection intrapéritonéale. - Voici le résultat de cet examen : Dans les deux cas où on avait produit une anémie de la paroi de l’anse étranglée, la virulence du colibacille retiré de l’anse normale, de l’anse pathologique et de l’épanchement péritonéal L] + | VIRULENCE DU BACILLUS COLL. + 124 était £ peu près la mêmes daus un de ces deux € cas, la virulence du microbe retiré de l’anse pathologique était un peu inférieure (dose mortelle minima 1,5. c. c.) à celle du même microbe, retiré de la même anse à d'état normal (1,256: c:). … Dans les autres huit cas, caractérisés par la stase veineuse et en même temps par un état inflammatoire de la paroi de l’anse étranglée, la virulence du colibacille, retiré de l’anse patholo- gique, présentait constamment un changement typique. La virulence du colibacille retiré de l’anse pathologique était tou- jours supérieure à celle du même bacille retiré dé lu même anse à l'état normal. Le même bacille retiré de l'épanchement péritonsal présentait également une exaltation de virulence: elle était cependant dans la plupart des cas inférieure à celle du colibacille, rebiré de l'anse patho- logique. Sans publier Lous les protocoles de mes expériences, je vais citer” quelques exemples de doses mortelles minima de cultures en bouillon de 24 heures pour des cobayes d’un poids très rap- proché dans chaque examen comparatif : Contenu intest. normal. Cont, int. pathol. Epanc h. périton. _ À = ns. 1) 4,25 c.€. + 18 heures. * 0,75 c. c. 418 heures. 1,00 €. c. +18 heures. 2) 2,00 € c. +11 jours. » 2,00 c. c. + 14 heures. 2,25. c,41k heures: 2) 1,00 c. c. +18 heures. 0,05 €. ce. + 18 heures." . 0,78 c. c. + 18 heures. 0,25 €. ce. +48 heures. 0,05 c. c. +24 heures. 0,25 c. c. 46 jours. 4) 4,95 c, c. + 17 heures. 0,05 c. c. + 19 heures. Le colibacille le plus virulent parmi ceux que j'avais isolés d’une anse étranglée tuait un cobaye de 350—400 grammes en moins de 24 heures, à la dose de 0,25 c.c. d’une culture en bouillon de 24 heures. : Zi Il résulte donc, de ces expériences, que dans une maladie de l'intestin qui est suivie d’une péritonite provoquée par le pas- sage des microbes à travers la paroi d'une anse pathologique, l'exaltation de la virulence du colibacille se produit dans la lumière de l’anse intestinale atteinte de la maladie: le passage du microbe virulent dûns la cavité péritonéale l'atténue. Le contenu de l'intestin grêle normal d’un chien qui n’est pas surpris en pleine Aecdlion intestinale est loujours très peu 46 = À EL 2.4 122 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. abondant. C'esi une masse muqueuse jaunâtre, renfermant en général des microbes en quantité relativement petite. Dans le contenu des anses intestinales étranglées, présentant les signes de l'hypérémie et de l’inflammation; on constate au contraire une pullulation énorme de microbes. J'ai pu constater ce fait dans toutes les expériences rien que par l'examen des prépara- tions microscopiques et par l'aspect des plaques de gélatine, coulées avec les deux masses. LUE Pour me former une opinion plus exacte sur la pullulation du colibacille dans les conditions susdites, j'ai choisi un cas où la consistance du contenu d'une anse intestinale à l’état normal et pathologique était à peu près la même, et j'ai compté les colonies du colibacille sur les deux plaques de seconde dilution. Sur la plaque coulée avec le contenu de l'anse normale, j'ai trouvé 11 colonies du colibacille; celle qui était coulée ayec le contenu de la mème anse étranglée comptait 230 colonies du même microbe. À Donc, à côté de l’exaltation de la virulence du colibacille dans les anses en question, on y constate en même temps wne pullulation considérable de ce microbe. On ne peut pas expliquer la pullulation de microbes intesti- naux dans les conditions données autrement que par le change- ment du milieu nutritif naturel, produit par l’état pathologique de l'intestin et de son contenu. - Les procès biologiques qui se produisent dans lalumière d’un intestin étranglé sont certainementtrès compliqués. Dans le con- tenu de ces anses, on trouve toujours une certaine quantité de sang extravasé, des leucocytes, des phagocytes et des débris cellulaires de différente provenance. Une grande partie de ce contenu n’est cependant autre chose qu'un épanchement, qu'une exsudation de la paroi intestinale ; au début du procès pathologique, ce liquide présente les caractères d’une simple transsudation, provoquée parla stase veineuse : plus tard, quand l’action des microbes intestinaux sur le tissu de la paroi intestinale et les changements inflammatoires de cette paroi sont survenus, le liquide se transforme en épanchement. Les liquides d’épanchement sont en général dés milieux nutritifs favorables au développement des microbes. Il est fort probable que la pullulation des microbes intestinaux dans les w" VIRULENCE DU BACILLUS COLI. 723 - anses étranglées est due à l’action favorable de cet agent. En est-il de même avec l’exaltation de la virulence du coli- acille dans les mêmes conditions? Il fallait répondre à cette question par l'expérimentation. Dans ce but, j'ai dû me procurer un épanchement typique, ne contenant ni microbes ni éléments cellulaires. Les épanchements péritonéaux étant souvent envahis par les microbes intestinaux, j'ai adopté le procédé suivant : parmi les différentes races du bacille diphtérique, il y a des espèces pro- duisant une toxine qui, injectée sous la peau d’un cobaye, pro- voque des épanchements pleurétiques très abondants. Je me suis servi d’une toxine diphtérique de provenance alle- mande qui exerçait cette action d'une façon très prononcée : il était facile de retirer des cavités pleurétiques d’un cobaye, tué par cette toxine, 5, même 10 c.*c. d’un épanchement limpide et aseptique. Pour débarrasser ce liquide de la petite quan- tité de leucocytes qu'il contenait, on le filtrait sur une petite bougie en porcelaine. Leliquidefiltréfutrecueilli dans des pipettes effilées qui, fermées à la lampe et ouvertes dans le temps voulu, servaient comme tubes de culture. Des tubes analogues furent remplis de la même quantité (0,5 c. ec.) de bouillon ordinaire. _ J’ensemençais une gouttelette de culture de 24 heures en bouillon, d'un colibacille déterminé, dans chacune des deux espèces de tubes, et je laissais les bacilles s’y développer pendant 2% ou 48 heures. Ensuite ie réensemençais une gouttelette de chacune de ces deux cultures en bouillon, et le lendemain je procédais à la détermination de la virulence des deux espèces de cultures. Pour que le dernier réensemencement soit exact, il fallait savoir quel était le développement du colibacille dans l’'épanchement comparé à celui qui se faisait dans le bouillon. Des numérations de colonies sur plaques de gélatine, cou- lées avec une gouttelette de chacune des deux cultures, ont démontré que le développement du colibacille dans l’épanche- ment pleurétique était à peu près 2 fois plus faible que celui dans le bouillon (147 et 282 cultures). On ensemençait donc les derniers tubes de bouillon avec une gouttelette de culture en bouillon et avec deux gouttelettes de culture en liquide d’épan- -chement. Le résullat de cet examen, répété plusieurs fois, était inat- 124 | ANNALES,;DE L'INSTITUT. PASTEUR. tendu : j'ai trouvé que la virulence du colibacille "ayant subi un passage par léliquide d'épanchement était toujours diminuée. = Citons quelques exemples de doses mortelles minima pour les cobayes, injectés avec le colibacille ayant subi un passage par l’épanchement : Culture du colibacille ayant été cultivé dans Culture de contrôle l'épanchement pleurétique, en bouillon. € LAN EAP CR Er PE EE + 18 heures. RON RES Ho ne + 18 heures. 2 RUE he er +18 h. 1595104 CR ERA 1012 L'OUTCMIG EE SE + 18 h. AFOD ICS CALE ET ee 0 2) AO CCC RIRE Re EM Cle AD PICCNT IS EME CE REES (Ù ARE en RME 1 ODA NCIS ET Eee Û 3) bic rase LAB LE TOI SAR AE D CE + 40 h LODPCM CET AR +96 h. ISODTCNC ALERTE TEE 0 DATDAC. CRE AR AE 0 DÉC Er PTT RE ( © O0 — ne tue pas. du Ce résultat, si inattendu qu'il fût, est cependant parfaitement d'accord avec le résultat de l'étude comparative de la virulence du colibacille dans les expériences précédentes : Le séjour dans un épanchement péritonéal diminue la virulence du colibacille, — une virulence exaltée dans la lumière de l’anse intestinale pathologique ; même action de l’épanchement pleurétique in vitro. D’après M. Metchnikoff, ce sont les substances extraites des leucocytes morts qui agissent dans les liquides organiques, atténuant la viruleuce des microbes. Je n'ai pas fait d'examen analogue de la virulence du colibacille cultivé dans un épanche- ment qui serait retiré d’un organisme vivant, parce que je n'ai jamais réussi à retirer de la plèvre d’un cobaye malade une quantité suffisante de liquide. Mais comme dans mes expériences le contenu intestinal des anses étranglées et l’épanchement péri- tonéal contenait toujours des débris leucocytaires, l’impor- tance de celle question pour mes recherches devient moins grande. 5 à De toutes ces recherches, il résulte que la virulence du, coli- bacille, dans certaines formes de la péritonite intestinale, n’a pas été localisée jusqu’à présent d’une façon exacte : ce n’est pas. dans la cavité péritonéale qu’il faut chercher la clef de la ques- tion, Le colibacille y entre ayant déjà subi des changements biologiques et ayant déjà souvent exercé son action nocive sur l'organisme. «+: 2 + VIRULENCE DU BACILLUS COLL, 125 N'ayant pas trouvé la solution du problème de l’exaltation de la virulence du colibacille dans les expériences décrites tout à l'heure, j'ai étudié la question à un autre point de vue. Le contenu intestinal, tel que nous le trouvons dans les anses pathologiques et qui présente les conditions favorables pour le passage de microbes à travers la paroi intestinale, est une substance qui n’est pas suffisamment étudiée. Dans les expériences failes pour élucider la pathogénie de la péritonite intestinale, on faisait le plus souvent agir sur le péritoine soit des matières fécales, soit le contenu d’un intestin normal, qu'on. perforail et qu’on replaçait après la perforation dans la cavité péritonéale. | Il est vrai que ces expériences présentent des conditions à peu près analogues à celles que nous trouvons dans les cas traumatiques ; mais le plus souvent, il s’agit d’un procès patho- logique naturel, localisé dans une partie du tube digestif, dont la paroi et le contenu changent d’une façon très pronon- . Cée. Dans le traité de MM. Duplay et Reclus, on trouve la descrip- tion suivante du contenu des anses intestinales étranglées : Le contenu de l’anse intestinale étranglée, si l’on s’en rapporte aux faits expérimentaux qui seuls peuvent nous ren- seigner, est constitué par un liquide muqueux, coloré en rouge ou noirälre, renfermant parfois des caillots, et qui n’est que rarement mélangé à des matières intestinales ; il est produit par l'exsudation qui se fait à la surface de la muqueuse. Dans les périodes avancées de l’étranglement, ils’y produit des altérations d’erdre microbiologique. » Il ressort de cette description ainsi que de la D Ôlre: combien le contenu d’une anse étranglée diffère du contenu de la même anse à l’état normal. D’autre part, je crois avoir démontré que la virulence. d’un microbe y change dans- certaines conditions ef “0 pathologiques. * Quelle est donc l’action de ce contenu intestinal pathologique sur l'organisme animal? Onsait, par denombreusesexpériences, qu'il faut quela quan- tité de malières fécales ou du contenu d’unintestin normal, intro- duit dans la cavité péritonéale, soit relativement considérable, pour que l’organisme succombe à l'infection. D'après une 726 ANNALES DE LANSTITET PASTEUR. bonne expression de M. Reichel, le péritoine supporte une cer- laine quantité de sepsis. En est-il de mème pour le contenu des anses étranglées ? Plusieurs expériences que j'ai faites ont démontré le contraire. Ces liquides pathologiques, injectés non seulement dans le péritoine, mais même sous la peau de cobayes en très petites doses, amenaient la mort de ces animaux en très peu de temps. Le plus actif contenu que j'ai retiré d’une anse étranglée tuait un cobaye de 400—500 grammes en 24 heures, à la dose de 1/16 c. c. en injection sous-cutanée. L'’autopsie et l’examen bactériologique des animaux tués avec le liquide avaient démontré qu'ils succombaient à un procès septique très aigu; leur sang retiré pendant la vie, 2—3 heures avant la mort des animaux de contrôle, contenait des microbes intestinaux en quantité très considérable. J'ai essayé d'isoler, de ce contenu intestinal pathologique fourmillant de microbes, une substance active. La stérilisation de ce liquide est très difficile : on ne peut pas. appliquer le chloroforme à cause de la coagulation presque immédiate du liquide, on ne peut pas le chauffer non plus pour la même raison; on ne peut pas le filtrer à cause de sa viscosité. Alors, je diluais le liquide avec de grandes quantités d’eau, je filtrais la dilution sur des bougies en porcelaine, et ensuite je La concentrais daus le vide. Je n'ai pas réussi d'obtenir par ce procédé une substance active; les cobayes supportaient bien une inject'on sous-cutanée d’un volume correspondant à 2 c. c. du liquide naturel débar- rassé de microbes, en ne réagissant que par une nécrose locale de la peau. Néanmoins, 1l résulte de mes expériences que le contenu d'un intestin étranglé est, à son état naturel, une substance extrémement nocive, beaucoup plus nocive que celui d’un intestin sain. * * *x Les expériences faites pour l’étude du colibacille retiré du même organisme dans des conditions différentes, ont en même temps servi à l'examen d’autres espèces microbiennes, retirées . à < VIRULENCE DU BACILLUS COLI. 127 * de l’anse intestinale normale, de la mème anse à l’état patho- logique, et après leur passage dans la cavité péritonéale. J'ai isolé et examinéces microbes en cultures aérobies et anaérobies, mentionnées dans la première partie du présent mémoire. J'ai retrouvé, parmi ces microbes, une grande quartité d'espèces, qui ont été décrites comme habitant l'intestin humain ou comme microbes des fèces et d’autres non signalées comme telles, par exemple des streptothrix et streptobacilles très carac- téristique par la longueur‘extraordinaire des chaiînettes qu'ils forment, mais surtout par la grandeur très considérable de leurs éléments. D’après la plupart des auteurs, les microbes intestinaux étant des anaérobies facultatifs, leur culture anaérobie ne présente nul avantage. Celte opinion, qui est juste pour la plupart des microbes intestinaux, ne l’est pas cependant pour toutes leurs espèces. D'abord, on voit souvent, dans les préparations microsco- piques, faites avec du contenu intestinalnormal ou pathologique, des espèces vibrionniennes, dont la culture artificielle n’a jamais réussi; donc, on ne sait pas s’ils sont aérobies ou anaé- robies. Ensuite, j'ai isolé plusieurs fois en cultures anaérobies des espèces de coccus, dont la culture aérobie ne réussissait pas ou réussissait très mal, tandis qu'en anaérobie ces coceus se déve- loppaient beaucoup mieux. Dans les recherches sur la pathogénie de la péritonite d’origine intestinale, il m'a paru intéressant de savoir si, dans le contenu d’un intestin étranglé, la pullulation démontrée pour le colibacille existait également pour les autres espèces microbiennes. L'examen des préparations microscopiques etla numération des colonies sur plaques de gélatine, quoique moins exactes que celles qui ont été faites pour le colibacille, me permettent d'affirmer d’une façon générale que, dans le contenu des intes- ns étranglés, il y avait une pullulation non seulement du colibacille, mais aussi d'autres espèces microbiennes. J'ai aussi examiné quelles étaient les espèces microbiennes qui, dans les conditions données, traversaient la paroi intes- tinale pour passer dans la cavité péritonéale. En me servant toujours de la même méthode, appliquée à & ve» Las *, 128 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. æ S : l'étude du cohbacille, j'ai pu consiater que, dans ce passage des microbes intestinaux, il n’y a aucun acte de choix; que les différentes espèces traversent la paroi intestinale et qu'il se pro- duit une polyinfection du péritoine. Le passage des microbes par la paroi intestinale n'étant qu'un état passif de ces êtres, il est évident que ce procès est commun pour les différentes espèces microbiennes. On ne retrouve pas toujours dans Dé péritonéal | absolument toutes les espèces microbiennes qu'on avait trouvées dans le contenu del’intestin pathologique; ilesthien probable que, dans le liquide d’épanchement lui-même, avec le développement de certaines espèces, les autres disparaissent. En tout cas, l’in- fection du péritoine était, dans mes expériences, une infection mixte, puisqu'on retrouvait dans la cavité péritonéale au moins la majorité des espèces microbiennes intestinales. è Comme il se produisait dans ces expériences une polyin- fection du péritoine, il était important dé savoir si, en dehors du colibacille, dontexalte la virulence dans les conditions patho- logiques, il existe, parmi les autres espèces microbiennes intes- tmales, des espèces pathogènes. | ti Parmi les nombreuses espèces que j'ai isolées, deux étaient pathogènes pour le cobaye. C’étaient tous les deux des bacilles à bouts arrondis, tiquéfant la gélatine. Une de ces ÈUES n'ayant été retirée qu une seule fois de l'intestin canin, je n’ai pu étudier d’une manière plus complète que l’autre espèce, que je rencontrais presque constamment dans le contenu intestinal et les épanchements péritonéaux des chiens OPÉTÉS. +: - + « ; = C’est ün bacille ayant 1,5—1,75 y de LB sur 0,5 y delar- geur, à bouts arrondis, disposé le plus souvent par S formant rarement, même dans-les vieilles cultures, des chaïînettes,qui ne dépassent alors jamais de 6—8 membres: il ne se colore pas par le procédé de Gram. Ce .microbe liquéfie la gélatine très rapidement ; mais ce. qui le rend très facile à reconnaitre, ensemencé par strie dans un tube ou même sur une plaque de gélose, il se répand à la surface du milieu nutritif avec une telle rapidité, qu’au bout de 18—24 heures toute la surface de la gélose est envahie. En couches épaisses, la culture sur %- c’est l'aspect caractéristique des cultures aérobies sur gélose : . VIRULEN CE DU BACILLUS COLI. 729 * gélose est d’un jaune gris peu caractéristique, en couches minces elle est d’un bleu verdâtre et transparente. L'aspect des colonies jeunes sur plaques en gélatine est assez caractéristique : les colonies de 18—24 heures sont des corps globuleux jaunâtres, dont la surface est couverte d’une très grande quantité de prolongements filamenteux, assez courts, ce qui leur donne un aspect hérissé. Ce microbe, après culture provenant d’un intestin normal ou étranglé, exerçait en injection intrapéritonéale une action patho- -£2ène sur les cobayes. Parfois il n'était pas moins virulent que le colibacille (en culture en bouillon de 24 heures) : "404,0 ©. ce. +18 h.; 21,0c, ce. L 40 h., 4,93e. e. +18h.:81,5 c. ce. +18 h., etc. __ A l’autopsie des animaux tués par ce microbe, on trouvait le tableau classique de la sepsis générale, très rapproché de celui que présentent les cobayes succombés à la suite d’une injec- tion intrapérilonéale d’un colibacille virulent : la péritonite ne manquait jamais ; l’épanchement était fibrino-purulent ou hémor- ragique, les anses de l'intestin grêle présentaient une hypé- rémie vive. Comme nous avons encore à parler de ce microbe, nommons- le bacillus largus, à cause de la grande facilité avec laquelle il se répand sur la surface des milieux de culture. N'ayant pas trouvé dans les expériences précédentes une expli- cation suffisante de l’exaltation de la virulence du colibacille dans les conditions pathologiques, etayant entre les mains un micro- organisme pathogène, souvent isolé d'un intestin malade et des épanchements péritonéaux, je me suis demandé si la maladie étudiée était due simplement à l’action simultanée de plusieurs espèces microbiennes, ou bien s’il existe en dehors d’une action - pareille une influence réciproque de différentes espèces micro- biennes, dont pourrait résulter une exaltation de leur virulence. C'était encore le colibacille qui m'intéressait en premier ‘ Héu: 2 = Plusieurs expériences ont démontré que l'injection simul- tanée du colibacille et du B. larqus était pour les cobayes plus nocive que l’action de chacune de ces deux espèces en par- ticulier : LS AP æ 25 130 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. BC BAT B. CG. + B. L. 1,25 c. c. + 18 h. 1,00 ec. c. + 40 h. 0,75 ce. ©. BC + 0,95 c. c. BL., +18 h. 1,95 ©. c.+ 18h. 0,5 c.c. BC 0,25 c. c. BL.. +418 h. DS ciCBC US ARC EC BL. ÆPASrh- Pour étudier les changements physiologiques que pourrait subir le colibacille cultivé en symbiose avec le B. larqus, je pro- cédais de la facon suivante : D'abord j'ensemençais par stries croisées les deux espèces microbiennes sur plaques de gélose en boîtes de Petri; 48 heures après l'ensemencement, je coulais des plaques de gélatine avec un peu de culture, prélevée au point de croisement des deux stries, et ensuite j'isolais un colibacille, qui avait vécu en sym- biose avec le B. larqus depuis #8 heures. Comme ce dernier bacille envahissait toute la surface de la plaque, de sorte que l'isolement direct d’un colibacille prélevé à distance de la strie n’était pas possible, j'ensemençais par strie, en même temps que la première plaque, le même coli- bacille sur une autre plaque de gélose, et pour que l’examen comparatif soit exact, on faisait ensuite le passage de ce microbe par la gélatine. Le microbe ayant vécu en symbiose avec le B. larqus s’est montré plus virulent que le même bacille cultivé sur les mêmes milieux nutritifs, mais en culture pure. Colibacille cultivé avec le B. largus. Colibacille de contrôie. AD RC CT ie IS NOUTES F0 C2 Cres er LE (D ADM NC; ane He RÉ A + 8 jours. PE RC RE RE AE TE + 56 jours. TETE RE Le . +24 heures. J'ai cependant abandonné cette méthode, parce qu'elle exigeait pour l'isolement du colibacille un procédé artificiel qui pouvait influencer la virulence de notre microbe d'une façon irrégulière. J'ai ensemencé plusieurs fois le colibacille sur une gélose en tubes, qui avait servi pendant quelques jours à la culture du B. largus et qu'on stérilisait ensuite par la chaleur. Le colibacille poussait très mal sur ce milieu de culture. La méthode qui m'a donné les meilleurs résultats était la suivante : on raclait une culture de quelques jours sur gélose VIRULENCE DU BACILLUS COLT. 131 du B. larqus avec une spatule en platine, et on tuait les microbes qui élaient restés dans le tube par le chloroforme. La stérilisation du milieu nutritif faite, on l’ensemençait par strie avec le coliba- cille. En même temps on ensemençait pour les expériences de contrôle un tube de gélose neuf avec le même colibacille. Le seul inconvénient de cette méthode est que le coli- bacille ne pousse pas sur la gélose ayant déjà servi au B. larqus aussi bien que sur une gélose neuve, de sorte que le dosage de la culture broyée en eau stérilisée devient difficile. Cependant, en me servant toujours de la même anse en platine et en examinant avec un graud soin l’opacité des liquides à injection, je crois avoir réglé le dosage d’uue façon approxi- mative, mais suffisante. Le résultat de ces expériences était toujours le même. Le colibacille cultivé sur une gélose ayant déjà servi à la culture du B. largus, et tmprégnée de ses produits, était toujours plus virulent que le même bacille cultivé sur une gélose neuve. Mêmes quantités de cultures broyées en 0,5—1,0 c. c. d’eau stérilisée, en injection intrapéritonéale; cobayes, comme dans tous les examens com- paratifs, d'un poids très rapproché ou identique : Colibacille caltivé sur gélose ayant servi Colibacille sur gélose neuve. à la culture du B. larqus. Se 1) AS NASA CU D Re F0 (Cachexie typique.) DR Re mt Loue SAS NEUTESS M RENTE PERS TE ETS + 42 heures. SJ PAR EE AR + 94 h. RP TT RNA Pc 0 D'analogues expériencesfaites avec des cultures symbiotiques du colibacille avec d’autres microbes intestinaux ont donné un résultat négatif. Une seule fois seulement j'ai obtenu une exaltation de la virulence du colibacille, cultivé en symbiose avec un bacille liquéfiant la gélatine, différent du B. larqus. - I résulte de ces expériences que la virulence du colibacille, qui nest que le résultat de différentes influences, subit aussi une influence naicrobienne. A-t-on le droit de tirer de ces expériences la conclusion que dans la pathogénie de la péritonite d’origine intestinale l’asso- ciation microbienne joue un rôle important? Puisqu’il y a les mêmes espèces microbiennes dans le con- tenu d’une anse intestinale normale et pathologique, l’action Agir 2 son DT mg, + = 132 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. D: réciproque des microbes devrait-rester la même dans les condis tions normales ét pathologiques. Et cependant, c’est l’opinion opposée qui parait être beau- coup mieux justifiée. D'abord la quantité de microbes dans le contenu d’un intes- tin grêle normal est beaucoup plus petite que celle du même intestin pathologique; ensuite, dans l'intestin maladeles microbes … sont répartis dans le contenu liquide d’une facon beaucoup plus” uniforme que dans le contenu de l’intestin sain, par conséquent leur contact devient plus proche. Le milieu qui renferme les microbes change: ilcontient en grande quantité des produitsbacté- riens qui s’y accumulent de plus en plus. Ce sont là des agents qui peuvent contribuer au moins à une exagération d'influences microbiennes réciproques, dont le résultat final peut se traduire comme exaltation de la virulence de l’une des espèces bacté- riennes. Je ne pense nullement que pr re avec le B. mr soit le seul agent auquel est due l’exaltation de la virulence du colibacille dans la péritonite d'origine intestinale. | Au contraire, je crois que, même en dehors de toute symbiose avec différents microbes intestinaux, d’autres agents peuvent exercer une influence sur la pathogénéité du colibacille. A mon avis, il ne ressort de ces expériences que le fait que, dans un procès pathologique de l'intestin aboutissant à la péritonite, c’est-à- dire dans un procès qui n'est nullement spécifique, it peut intervenir des influences réciproques de microbes intestinaux, comme elles interviennent. dans des procès spécifiques, tels que le chaire et la fièvre typhoïde. L’exaltation de la virulence du colibacille, qui se os dans les anses étranglées est-elle due à l’exaltation de la toxicité des produits de ce asile ? Je ne suis pas en _élat de répondre à cette question d’une façon exacte. > ps Dans les expériences que j'ai faites pour étudier d’une manière ‘comparative la toxicité des cultures stérilisées du même coli- bacille, retiré de l’organisme animal dans les trois élats différents, les mêmes que dans les expériences précédentes. il a fallu injecter de très fortes doses de ces cultures ; en surchargeant l'organisme des animaux réactifs avec de grandes quantités d’un corps étranger, on ne peut pas arriver à des résultats nets. _ VIRULENCE DU BACILLUS COL. 133 Mais les expériences faites sur des chiens ont prouvé que ces animaux succombaient à une intoxication : dans toutes les expériences, le sang du cœur, prélevé immédiatement après la mort et même avant celle-ci, était toujours stérile. Chez les cobayes et les lapins, injectés dans le péritoine avec le colibacille, je trouvais constamment dans le sang du cœur, prélevé en narcose pendant la vie, quelquefois même el ques heures avant la mort des animaux de contrôle, le colibacille en grande quantité ; le sang du cœur des chiens, dont l’épanche- ment péritonéal fourmillait de colibacilles, était toujours stérile. On voit, par ces expériences, combien Paction du colibacille diffère selon l'espèce animale, et avec quelle réserve il faut appliquer des résultats expérimentauxwen pathologie humaine. En résumé, voici les idées que je me suis faites sur la pathogénie de la péritonite intestinale, provoquée par le passage de microbes intestinaux non spécifiques dans la cavité périto- . néale : Cette forme de péritonite est en stétal une een due à l'invasion de différentes espèces microbiennes du con- tenu intestinal dans la cavité péritonéale. La plupart de ces microbes ne présentent pas de virulence propre, les autres sont virulents. La virulence du colibacille est acquise en conditions pathologiques, ‘et .elle est due au moins en partie à-la sym- biose avec d’autres espèces microbiennes, une symbiose qui devient très intime à cause de la pullulation énorme de bac- téries dans le contenu de l’intestin pathologique. Cette exaltation de virulence est donc acquise, non pas après le passage du microbe dans l’épanchement péritonéal, mais elle se produit dans la lumière de l'intestin même; par conséquent, c'est là qu’il faut chercher le principal agent pathogène. Le contenu d’une anse étranglée est une substance excessi- vement pathogène, et c'est à la résorption de ce contenu que sont dus les symptômes généraux dans les cas graves. ’ Par la résorption de ce contenu, le péritoine, prenant part à l'état GÉRÉE de l'organisme, est rendu moins résistant à l’ infec- tion qu’un péritoine normal. Comme il est possible de provoquer üne-péritonite par l’ac- tion de la toxine d’un colibacille virulent, péritonite qui n’est “is un symptôme de lintoxication générale, il se peut qu'à = = e 734 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. la suite de l’intoxication de l'organisme avec le contenu d’un intestin pathologique, il se produise une péritonite aseptique qui se transforme en péritonite infectieuse après le passage des bactéries intestinales dans Ja cavilé péritonéale. On trouve, dans le contenu d’un intestin étranglé, plusieurs espèces de microbes pathogènes : le colibacille n’est donc pas le seul agent pathogène de la maladie. On arrive au même résultat en comparant l’activité du contenu intestinal pathologique in toto à celle du colibacille ou à celle d’autres espèces microbiennes qu'il renferme le premier est toujours beaucoup plus patho- gène. La question posée au commencement de ce travail ne peut donc pas être tranchée au profit de l’une ou de l’autre opinion : les faits, que je crois avoir établis par mes expériences, nous forcent de tenir compte de l'action du colibacille dans la péritonite d’origine intestinale, sans en faire l'agent spécifique de la maladie. Quant au passage des microbes à travers la paroi d’une anse étranglée, j'ai constaté que ce passage a lieu d’une façon diffé rente selon l’état pathologique du tissu : quand la paroi intes- tinale est plus ou moins nécrosée, on voit des microbes intes- Uinaux dans toute l'épaisseur de la paroi : le tissu mort leur sert alors simplement comme milieu de culture envahi de plus en plus, au fur et à mesure de leur développement. Quand il n’y a qu'une stase veineuse prononcée, on voit les microbes dans la muqueuse, mais surtout dans la submuqueuse, où ils sont très nombreux dans les vaisseaux à l’état libre et à l'intérieur des cellules. Dans Je tissu de la tunique musculaire, on ne trouve que rare- ment des microbes ; on ne les rencontre que dans le tissu sub- séreux, où ils sont très nombreux à l’intérieur des vaisseaux. Le passage des microbes par la paroi intestinale n’a donc pas lieu dans ces conditions par une voie directe, mais ceux-ci font un détour par la voie vasculaire dans la paroi intestinale. Pour le passage direct et successif, c’est la tunique muscu- laire qui paraît être la couche la plus résistante. La quantité de microbes dans les tissus très vascularisés de la'submuqueuse et de la subséreuse, et en même temps dans la cavilé péritonéale, étant la plus grande, il faut conclure que, dans ces cas, l'infection du péritoine se produit par la voie vasculaire.” VIRULENCE DU BACILLUS COLI. 139 * Ce travail a été exécuté dans le laboratoire de M. le profes- seur Metchnikoff. Je suis très heureux de pouvoir adresser à cet illustre savant mes vifs remerciements pour l'intérêt qu'il a bien voulu témoigner pour mes recherches. NOTE SUR UN NOUVEAU MICROBE INTESTINAL Par LE D' Caarces DE KLECKI de Cracovie. Au cours d'une étude sur les microbes intestinaux, J'ai été frappé par la forme extraordinaire des colonies sur plaques en gélatine d'une espèce bactérienne, que j'avais isolée de l'intestin grêle du cobaye. C’est un bacile saprophyte à bouts arrondis, ayant 2 y de 736 ANNALES “DE L'INSTITUT PASTEUR. longueur sur 0,75 4 de largeur dans les cultures fraîches, plus ‘long dans les cultures anciennes, mobile, formant souvent des amas, rarement des courtes chaînettes, ne liquéfiant pas la géla- © tine, se colorant par le procédé de Gram. Ensemencé par strie sur gélose et cultivé à une températuré de 33°, il donne au bout de 24 heures une culture assez épaisse d’un gris jaunâtre; de chaque côté de la strie d'ensemencement + il pousse de fins prolongements ramifiés, comme on le voit sur, la figure, dessinée d’après une photographie de la culture. Les figures 1-5 de la même planche représentent les formes typiques des colonies de 3-4 jours de ce mierobe sur plaques en gélatine; j'ai reproduit ces formes plusieurs fois. + La forme astéroïde caractéristique de ces colonies, qui pré- sente une certaine ressemblance avec les étoiles de mer, n'étant pas une forme ordinaire, j'ai cru intéressant de signaler la dé- couverte de ce microbe astériforme. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire et Cie. Æ gme ANNÉE -OCTOBRE 1895 N° 10. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR HOMMAGE À M. PASTEUR | L'Institut Pasteur, en deuil, tient à apporter ici un dernier témoignage de respect et de recon- naissance au maitre qu'elle à perdu. Le nom de M. Pasteur est un des plus grands de la science. Les travaux qui le rendront immortel lui avaient - Es donné de son vivant la gloire et la popularité, Mais il était quelque chose de plus pour ceux qui avaient le bonheur de l’approcher et de vivre dans son rayonnement. Îl était, de très haut il est vrai, le conseiller et l’ami, le guide et le soutien; sévère pour les idées, 1l restait toujours bienveillant pour les personnes, et savait montrer, dans le commerce de tous les jours, qu’un homme grand peut aussi être un homme bon. Enfin, c'était le chef, blessé à dans la bataille, et nous éprouvons tous en ce moment un peu de la stupeur indignée de soldats DS qui voient tomber leur général. pi æ ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. La France par son gouvernement, et Paris par sa population, ont fait au savant de magnifiques funérailles dans lesquelles tout à été harmonieux. L’ampleur du cortège, la foule respectueuse _et recueillie sur tous les points du parcours; le service imposant dans l'église métropolitaine; puis, à la - sortie, en présence du catafalque dressé au milieu du parvis, le beau discours de M. le ministre de l'Instruction publique, le défilé des troupes devant celui qui fut à la fois un savant el un patriote: enfin ce spectacle imprévu des malades de l'Hôtel- Dieu, se pressant aux fenêtres ou empilés sur les toits, et représentant en quelque sorte l'hommage de l’humanité souffrante envers celui qui avait appris à soulager tant de souffrances, tout cela, sous la lumière diserète d’un ciel légèrement voilé, a constitué un ensemble inoubliable. Le maitre, après cette apothéose, reviendra habiter la maison qu'il à fondée, et qui sera fière de garder sa dépouille. Elle s’efforcera aussi de garder son esprit et de rester fidèle à sa méthode, Les disciples de Pasteur sont légion: 1l y en a sur tous les points du globe, mais l'École Pastorienne a eu un foyer que nous nous efforcerons de ne pas laisser éteindre, et toute notre ambition est de. n'être jamais jugés indignes de cette garde perma- nente autour d'un grand mort, l dé - es af | _ DISCOURS du Ministre de lInstruction publique aux funérailles de M. Pasteur. « Messieurs, € Il y a trois ans à peine, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, était célébrée cette inoubliable fête qu’on appela le Jubilé de Pasteur. Une foule innombrable, composée de savants, de professeurs, d'étudiants, d’admirateurs, était accourue de tous les coins du monde pour assister à cette solennité et pour bonorer l'illustre Français qui venait d'atteindre sa soixante- dixième année et qui, dans un corps à demi foudroyé par le mal, gardait la raison la plus vigoureuse, le cœur le plus chaud, le génie le plus vaillant. « Le gouvernement, les Académies, la science étrangère, le Conseil municipal de Paris, une longue suite de délégations enthousiastes apportaient à Pasteur l'éloquente expression de la reconnaissance universelle. « En remettant au maître la médaille commémorative de ce grand jour, le président de l'Académie des sciences lui disait : «Ou est bien embarrassé pour donner à l'éloge une forme « nouvelle; tous les mots ont été employés dans toutes les « langues et tout le monde s’en souvient. » « Aujourd'hui que la mort a brisé cette généreuse existence ebque nous portons le deuil de celui que nousacclamions naguère, aujourd’hui que nous éprouvons, si récente et si douloureuse, la sensation du vide immense que laisse derrière elle cette vie prodigieuse, il semble moins que jamais possible d'élever l'éloge à la hauteur de la réalité. « Si ceux que Pasteur a aimés, si cette noble veuve, si cette famille qu'entoure aujourd'hui la sympathie de tout le monde civilisé, n'avaient émis le vœu que le représentant du gouver- —a29 Uhr + # *”. 740 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ‘ nement prit seul ici la parole, il ne se serait pas trouvé un corps savant qui ne tint à honneur de donner à ce grand homme un suprème témoignage de gratitude. Et si le ministre qui est chargé d'adresser, au nom de tant d’admirations silencieuses, un dernier adieu à Louis Pasteur, voulait tenter de rendre à sa mémoire un hommage digne d'elle, il faudrait, hélas, qu'il essayât de mettre dans la forme imparfaite des mots, non seule- ment de ces choses que seule la science saurait exprimer, mais de ces choses, plus intimes et plus inexprimables encore, qui restent cachées et muettes dans l’âme populaire. « Les phrases les plus émues ne sont qu’uu éloge bien médiocre devant la pieuse douleur que cette perte irréparable aprovoquée dans la France entière et qui a rassemblé aujourd’hui, sur le passage de ce funèbre cortège, vieillesseet enfance, richesse et pauvreté, bonheur et infortune, toute une humanité respec- tueuse, unie dans l'égalité du regret. « La science ne se lassera point, messieurs, d'admirer dans le génie de Pasteur la force combinée d’une imagination créatrice et de la plus rigoureuse méthode expérimentale. - € Il a des inspirations subites qui le porteut vers des décou- vertes inattendues ; il a des instincts divinatoires qui le poussent dans des routes inexplorées ; il a de ces fougues de pensée qui devancent la constatation des vérités, la préparent, la font plus rapide et plus sûre. Mais, lorsque s’est posé devant lui, dans une de ces illuminations géniales, un problème scientifique, il ne le tient pour résolu qu'après avoir questionné la nature, après avoir groupé ou éliminé les faits, après les avoir définitivement condamnés à répondre. « Il se garde de faire peser sur la sincérité de ses observations le poids d’aucun préjugé philosophique. « La méthode expéri- « mentale, proclamait-il dans son discours de réception à l'Aca- « démie, doit êlre dégagée de toute spéculation métaphysique », et, après avoir revendiqué pour sa conseéience le droit d’af- firmer hautement ses convictions spirilualistes et religieuses, il réclamait, non moins énergiquement, pour la science toutes les prérogatives de la liberté, « Et c’est effectivement la libre curiosité de son esprit cher- cheur, aiguillonnée par cette puissance inventrice et secondée par cette scrupuleuse recherche des réalités objectives, qui l’a DISCOURS DU MINISTRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE. 741 guidé dans la longue et brillante évolution de ses travaux scientifiques. « Dans une affirmation du minéralogiste allemand Mitscher- lich, il pressent une erreur probable; sa raison brusquement éclairée refuse d'admettre qu'à des formes cristallines identiques puissent correspondre des actions optiques dissemblables; il interroge les groupements atomiques; il entame ses études sur la dissymétrie moléculaire; et voilà, dèsmaintenant, accomplis, au seuil même de cette vie de labeur, des découvertes qui auraient, à elles seules, largement suffi à la gloire d’un homme. «Il entrevoit, dans le champ sans cesse accru de sa vision interne, l'influence vraisemblable de la dissymétrie sur des faits d'ordre physiologique ; l’inconnu de vastes problèmes se déroule aussitôt devant lui; et, soutenu par un pouvoir supérieur, son génie s'attaque résolument à ce grand phénomène de la fermen- tation, qui restitue à l'air, au sol, à l’eau les substances momen- tanément empruntées par les êtres organisés, qui rend à la vie ce qui vient de la vie, qui entraine éternellement la matière dans'une sorte de mouvement circulaire et de tourbillon fécon- dant, et qui fait de la mort elle-même, dans le mystère de l'infini, une réserve de force et d'espérance. « À peine a-t-il pénétré dans l'obscurité de ces questions nouvelles, qu'il y projette un jour éclatant. Les théories de Liebig et de Berzélius s’effondrent; le caractère vital de la fer- mentalion si longtemps contesté est démontré jusqu'à l'évi- dence ; le monde des infiniment petits apparaît dans l’implacable lumière de la vérité scientifique; la fermentation se révèle comme l'œuvre diverse de ces êtres microscopiques, vibrions, bactéries, microbes, qui assistent aux mutations essentielles de la matière organique et sont comme les ouvriers secrets et les témoins invisibles des phénomènes les plus profonds de la nature. « Pasteur est désormais le maître de ces ferments jusqu'alors mal connus; il va les cultiver, les modifier à son gré, plier ceux du vin, de la bière, du vinaigre aux ordres de la science, aux besoins de l'industrie, aux exigences de la santé publique. « Mais ce n’est pas tout de les avoir étudiés et asservis. L'intelligence humaine demeure inquiète et troublée devant le « comment » de leur apparition ; elle se demande s’ils sont le # ” 142 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. produit d'une génération spontanée ou s’ils proviennent d’autres germes créateurs. C'est à la première explication que s'arrêtent les savants les plus illustres ; c’est elle que Pouchet croit avoir justifiée par des expériences décisives. Mais, cette fois encore, Pasteur éprouve au fond de lui-mème une sorte de révolte instinctive contre cette doctrine téméraiïre; il contrôle, en les recommençant, les expériences de son contradieteur, il en dé- couvre victorieusement le point faible, il montre la voie dissi- mulée par où, portés sur d'imperceptibles grains de poussière, se sont insinués les germes subtils qui ont échappé à l’obser= valeur, et il dissipe, par la seule magie d’une méthode impec- cable, une illusion que la science avait failli transformer hâtivement en une de ces hypothèses nécessaires dont elle est forcée d'éclairer par places les hésitations de sa marche progres- sive. Si é « Par un CAR tentent naturel, l'étude des ferments conduit Pasteur à celle des maladies. Il va maintenant poursuivre, jusque dans le corps humain, la série logique de ses récherches triomphantes. [l va prouver que, comme les férments, les virus” sont des êtres vivants. Il va révolutionner l'hygiène et la méde- cine; il va donner à la Chirurgie ces belles audaces et cette iualtérable sérénité qui lui ont facilité les opérations les plus mer- veilleuses, et qui ont indéfiniment élargi devant elle fes horizons du HEIITS La doctrine de la spontanéité des maladies viru- lentes estemportée avec la doctrine de la spontanéité des géné- rations microbiennes. Il suffira dorénavant, pour empècher la naissance el le développement des maladies infectieuses, de préserver l’organisation humaine de J’invasion des germes morbides. Dans des cas qui étaient hier désespérés, la science est mailresse de conjurer, par la méthode antiseptique, les plus funestes altérations et d’écarter la menace mortelle des êtres microscopiques. «Mais il faut aller plus loin, ilfaut au besoin leur disputer leur proie, il faut dompter les virus comme ont été domptésdes ferments. Et immédiatement, dans son génie infatigable, pi détermine, isole, gouverne chacun de ces parasites. « Il apprend non plus seulement à les éloigner, mais à les combattre. Il s'ingénie à entraver leur action destrucuÿe; et, après avoir indiqué le moyen d'éviter souvent la bataille, il DISCOURS DU MINISTRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE. 743 enseigne le moyen, si pourtant la bataille s'engage, de gagner encore la victoire. « De la vaccination, qui n’était d’abord qu'un heureux empi- risme, il fait une théorie raisonnée dont il multiplie les appli- cations. Ses études successives sur le charbon, sur le choléra dés poules, sur la rage — ces études que continuent avec tant d'éclat les savants disciples de Pasteur et qui ont récemment abouti à la cure de la diphtérie — marquent les sages, les pru- dentes, les glorieuses étapes d’une des conquêtes scientifiques les plus belles et les mieux conduites qu'il ait encore été donné à l’homme d’entreprendre et d'accomplir. L’atténuation des virulences, réalisable par des procédés artificiels, dans les mani- pulations du laboratoire, devient, contre les plus terribles ma- ladies, un gage d’immunité et un instrument de guérison. Le poison modifié n’est plus seulement inoffensif : il est l’antidote des poisons plus violents. Le virus affaibli paralyse le virus plus fort; et le mal, désarmé par la volonté de la science, est lui- même contraint à sauver le malade. «Mais, messieurs, la science n’est pas le tout de l’homme, et la teneur ininterrompue de cette existence de savant reçoit du caractère de Pasteur, de sa charité, de sa modestie, un surcroît de noblesse et de beauté. « Pasteur n’a jamais pensé que la science dérogeât en se mêlant à la vie et en se mariant à l’action. Il n’a pas dédaiené le) ’ comme des conséquences négligeables, les applications pratiques de ses découvertes; il les a lui-même cherchées, déduites, amé- liorées en vue du bien public. « Avec un désintéressement dont il n’admettait même pas qu'on le louât, il a, par ses études sur les ferments, sur la ma- _ladie*des vers à soie sur le charbon, relevé des industries défail- lantes, rassuré des milliers d'agriculteurs, semé la richesse ou arrêté la dévastation dans des provinces entières, prodigué sans compiler, autour-de lui, les trésors dus à son génie. « Et lorsque le cours de ses travaux l’eut amené à se pencher sur la douleur humaine, il ne sut plus se détacher d'elle et il ne se déshabitua plus de la soulager. «se livra à elle tout entier; il lui appartint sans réserve; il donna à sa science apitoyée Le frisson de l'amour et le charme de la bonté; il réalisa, par une sorte de multiplication de sa puis- Le | 744 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sance de dévouement, la loi qu'il s’était imposée : « En fail de bien à répandre, le devoir ne cesse que là où le pouvoir manque. » Et, reculant tous les jours l’étendue de son propre pouvoir, il se découvrit tous les jours plus de devoirs et n’eut d'autre ambition et d'autre joie que de les remplir. « Aussi, quand, pour mieux continuer ses recherches sur les maladies contagieuses, il projeta la création de cet Institut qui porte son nom et qui bientôt recevra ses cendres, n’eut-il qu'à faire appel à l'initiative de la générosité privée pour provoquer, dans le monde entier, des adhésions aussi touchantes que nom- breuses et empressées. C'était la reconnaissance du peuple, des pauvres, des humbles, qui montait déjà vers Pasteur vivant, telle qu’elle s'incline aujourd’hui, émue et attendrie, devant ses dépouilles mortelles, telle qu’elle survivra, éternelle et immuable, à travers les générations futures. « Heureux, disait Pasteur, heureux celui qui porte en lui un «idéal et qui lui obéit. » Il a obéi toute sa vie à l'idéal Le plus pur, à un idéal supérieur de science, de vertu, de charité. Toutes ses pensées et toutes ses actions se sont éclairées au reflet de celte lumière intérieure : il a été grand par le sentiment comme il a été grand par l'intelligence, et l’avenir le rangera dans la radieuse lignée des apôtres du bien et de la vérité. « Adieu, cher et illustre maître! La science, que vous avez si grandement servie, la science immortelle et souveraine, par . vous devenue plus souveraine encore, transmettra aux âges les plus lointains l’ineffaçable empreinte de votre génie. « La France, que vous avez tant aimée, gardera fièrement comme un bien national, comme une consolation, comme une espérance, votre souvenir vénéré. « L’humanité, que vous avez secourue, environnera. votre gloire d’un culte unanime et impérissable, où elle verra se fondre les rivalités nationales et où elle conservera, vivante et forte, la foi commune dans le progrès infini. » ECS PASTEUR Au moment où j'écris ces lignes, notre deuil est encore trop récent pour que je puisse songer à tracer de M. Pasteur un portrait digne du modèle. Il faut avoir l'esprit tout à fait libre et pouvoir surveiller de près sa plume quand on veut parler comme il convient d’un homme tel que lui. Tout ce qu’il m'est permis d'essayer, c’est de le montrer tel que je l'ai vu au cours de nos trente ans de relations de maître à élève, de maître affectueux à élève respectueux et reconnaissant. Lorsque je suis entré dans son laboratoire en 1862, il n'était pas encore célèbre. Ses travaux de cristallographie avaient mis son nom en vedette dans le monde des savants ; ses expériences sur les générations spontanées l'avaient un peu fait connaître du grand public. Mais il y avait loin de là aux acclamations qui ont retenti depuis, à la pompe du soixante-dixième anniversaire de sa naissance, au recueillement universel qui vient de saluer son cercueil. Ce sera faire de M. Pasteur un rare éloge que de dire qu'il est toujours resté le même, et que s’il a mis un légitime orgueil à voir ainsi grandir le nom qu'il tenait de ses aïeux, 1l n'en a jamais montré la moindre vanité. Jusqu'au Jour de sa mort, il est resté doux, simple et aimant. C’est qu'il a toujours regardé plus loin que lui, dans ses recherches et dans ses découvertes; c’est qu’il a été aussi imper- sonnel qu'on peut l'être dans des travaux auxquels on se livre tout entier. Ses parents avaient réussi à donner un idéal à sa vie. De ces parents, il a toujours parlé avec l’accent de la plus vive reconnaissance, et tout récemment encore, lors de la pose d'une pierre commémorative sur læ maison de Dôle où il était né, il ne pouvait retenir ses larmes en évoquant leur souvenir : 746 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. « 0 mon père et ma mère, s’écriait-il, à mes chers disparus, qui avez si modestement vécu dans cette petite maison, c’est à vous que je dois tout! » Ce n’était pas seulement son cœur qui parlait dans ce touchant hommage, ou plutôt, sans qu'il s’en. doutàt peut-être lui-même, son cœur avait raison, car c'était de ses parents qu’il tenait un des côtés les plussnobles de son caractère, la subordination de la personne à l’idée, l'oubli de soi AA un intérêt supérieur commande. Son père avait eu une carrière des plus modestes. I avaitété soldat dans les dernières années de l'Empire, et, décoré sur le » champ de bataille, licencié en 1815, il était devenu tanneur; petit tanneur, peu habile aux affaires, qui ne l’intéressaient pas,s mais rude travailleur dans un rude métier : c'était un opiniâtre. Ce soldat de 1815 conserva toute sa vie la foi et les ardeurs sénéreuses d’un volontaire de la République, avec cette dilfé- rence pourtant qu'il personnifiait dans l'Empereur la gloire de la patrie, et que le retour des Bourbons lui avait paru un écroule- ment. Dans une si modeste situation et avec de telles idées, il ne. pou être qu'un homme de sourde opposition. Mais l'impor- tant n’est pas ce qu'il fut, c’est la façon dont il le fut. £ L'idée de la patrie vaincue et humitiée, de son relèv emént nécessaire, des efforts à faire pour là remettre sur pied, du_ dévouement que iou$ étaient tenus d'apporter à celle erande tâche, voilà les premières impressions qu'ait reçues le. cerveau de Pasteur enfant; et comme le père les rarmenait cons- * lamment, sous toutes les formés, avec une obslinaüon toute pareille à celle qu'il mettait dans son labeur. journalier, comme sa vié out entière était d'accord avec sa parole, son influence a eu la puissance de pénétration d’une pluie de printemps. La vie de son fils en est restée imprégnée, et voilà pourquoi Pasteur n’a jamais vu dans ses premiers essais, dans son nom grandissant, dans sa gloire finale, autre Chose qu’une satisfaction de plus en plus complète donnée à Son patriotisme. « La sciènce n’a pas de patrie, disait-il dans un à Loast porté à » Milan, mais les savants en ont une » ; il ne l’a jamais oublié. II en avait fait sa souveraine, sa grande inspiratrice. C’est elle qu'il servait, sans aucune préoccupalion d'intérêt personnel, dans ses recherches sur les vins, dans les falivarites études sur la maladie des vers à soie, qui lui ont coûté sa santé. C’est pour elle qu’äu Te: + éé © + ” _ù 5 # LOUIS PASTEUR. 747 & lendemain de l’année terrible il se mettait à l'œuvre pour essayer d'enlever à l'Allemagne sa supériorité dans la fabrication de la bière, « J'ai la tête Hlethe des plus beaux projets de travaux, m'écrivait-il d’Arbois le 29 mars 1871. La guerre a mis mon cerveau en jachère. Je suis prêt pour de nouvelles productions... Pauvre France, chère patrie, que ne puis-je contribuer à te rele- ver de tes désastres! » On sait les satisfactions profondes que lui réservait sur ce point l'avenir. Il goûta le plaisir d'entendre dire par Huxley que ses travauxavaient plus rapporté à la France que © n'avait coûté l'indemnité de guerre; il savoura le bonheur plus grand d’avoir donné à son pays ses découvertes sur les virus, les vaccins et le traitement antirabique. * x * Mais le patriotisme ne suffit pas à donner du génie, ni même du talent : il les ennoblit quand il Les accompagne. De quels élé- ments était faite, chez Pasteur, cette perspicacité géniale dont il a donné tant de preuves? Assurément, rien n’est plus difficile que de dire en quoi con- siste le génie. D'où vient l'instinct qui arrêtait au niveau voulu le ciseau de Michel-Ange, qui faisait passer ici et non là le pinceau de Raphaël ou du grand Léonard? D’où part lintuition secrète, qui, dans un laboratoire, révèle au savant l’affleurement d'un filon généreux, et l'empêche d’user sans profit ses outils sut la roche? Il n’y a évidemment pas de formule unique pour des actes si divers; et lorsque Victor Hugo répondait à Pasteur, qui lui faisait une visite de candidat : « Que feriez-vous si je me "présentais à l'Académie des sciences? » il donnait une forme palpable et pressante à cette notion de pure arithmétique, que toutes les grandeurs ne sont pas comparables. J'ai peine à croire, du reste, que le poète ait jamaïs bien compris le savant, car “dans les sciences, le génie, lorsqu'il apparaît, me semble résul- ter bien plus d’une Sordéralion entre les facultés de l'esprit que du développement surabondant de l’une d’elles. Encore le mot de pondération n'est-il pas lé mot juste, parce que l'idée d'équilibre implique d'ordinaire lidée de repos. I faut chercher une image plus précise. Deux pierres qui tombent en même lémps dans une nappe d’eau tranquille 148 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. déterminent à la surface deux systèmes d'ondes circulaires qui se rejoignent bientôt et agissent les unes sur les autres là où elles se rencontrent. Sur les points où passent simultané- ment les dos de deux de ces petites vagties, l’eau se relève beau- coup plus qu’elle ne le ferait pour chacune d'elles; elle se creuse beaucoup plus là où les creux de deux de ces vagues viennent coïncider. Par contre, elle reste en parfait repos là où passent à la fois le creux d’une onde et le dos d’une autre onde pareille. C'est ce que les physiciens appellent une interférence. De même il me paraît que dans le cerveau du savant, il y a deux forces principales, toujours en aclion, qui doivent tantôt s’exalter mutuellement et tantôt se réduire à l'impuissance. Il faut que le savant ait de l'imagination et soit poète à de certaines heures. I faut qu'à de certaines autres il descende des hauteurs, qu’il prenne humblement la livrée de l'expérience et dise à son tour. Je m'appelle Ruy Blas, et ne suis qu’un valet. Dans les sciences expérimentales, l'imagination, qui s’ap- plique à l'étude de faits concrets, débute par un acte de foi, ou de défiance, ce qui est au fond la même chose. Brusquement parfois, sans aucun travail apparent de critique, tout un coin de la science semble se plonger dans l'ombre, ou, au contraire, se baigner d’une lumière imprévue. Certaines vérités acceptées semblent tout à coup contestables ; d’autres, méconnues, pro- testent confusément. L’imagination se met en branle. En rem- plaçant par des éléments qu’elle accepte comme vrais ceux dont elle suppose l’inexactitude, elle se fait une nouvelle représenta- tion des choses, en général plus simple que l’ancienne, et avec. laquelle elle satisfait momentanément ce désir de clarté qui est au fond de l’âme humaine. Une fois qu'elle a créé cette vision intérieure, son rôle est terminé. Il faut qu’elle disparaisse tout de suite de la scène, quelle remplirait de trompeuses lueurs. Le rôle du laboratoire commence. Il faut que le savant soumette à l'expérience cette idée lumineuse qui lui a traversé l'esprit, et qui parfois l’a ébloui, comme si elle lui venait de quelqu'un en qui il n'aurait aucune confiance. Il faut qu'il la traite en ennemie. Je ne saurais cacher que le pas est difficile. Beaucoup ne le franchissent pas » LOUIS PASTEUR. 149 et restent du côté du mirage, soit que leur imagination soit trop puissante, soit que leur éducation expérimentale soit sans verlu. Un des systèmes d'ondes de leur cerveau l'emporte, et rien ne peut en éteindre la vibration. Je n’ai aucun mérite à esquisser ainsi cette analyse de l'esprit d'invention, car je ne fais que résumer et synthétiser l'histoire de Pasteur dans la plupart de ses découvertes. Chez lui, l'imagination figuratrice était puissante, et toujours en éveil. Il semble avoir tenu cette faculté de sa mère, que je n'ai pas connue, mais qui, autant que j ai pu le voir par les souvenirs qu'elle à laissés autour d'elle et chez les siens, était promple à l'enthousiasme. Elle représentait un peu le rêve dans une famille où le père représentait la conviction solidement assise et la ténacité. Père et mère sont représentés dans l'œuvre du fils : il suffit pour s’en convaincre de deux ou trois exemples. * * Prenons pour cela le premier travail de M. Pasteur, celui quea porté sur les formes cristallines des tartrates. {1 y a sur des beaux sels, à côté des larges faces brillantes qui attirent l'attention, de petites facettes, parfois presque invisibles. M. de la Provostaye, qui avait éludié ces cristaux avant M. Pasteur et qui était un observateur soigneux, les avait certainement vues, notées, mais sans y attacher aucune importance, si bien qu'il ne leur avait fait aucune place dans la géométrie du cristal. Pasteur, au contraire, dès qu'il les a eu rencontrées à son tour, na plus vu quelles. Pourquoi? quel instinct secret l’avertissait qu’elles cachaient un mystère? C'est 1ci que se place l'acte de foi. Il avait eu à l'École normale un maitre, M. Delafosse, dont les brillantes idées sur la structure inté- rieure des cristaux s'étaient emparées de son imagination. Une fois mise en mouvement, cette imagination avait persuadé au jeune maître que ces facettes mystérieuses étaient un témoin extérieur de l'arrangement intérieur des molécules, et qu'il devait par conséquent y avoir une relation entre la place qu’elles occupaient sur le cristal et sa structure intime, traduite par la façon dont la lumière le traversait. En termes yechniques, Pasteur avait pressenti une relation entre la forme N 750 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cristalline et le pouvoir rotatoire. Restons fidèles à notre image en disant que son imagination avait créé un pont entre deux provinces de la science, déjà fertiles toutes deux, mais encore presque sans communications entre elles. Puis, une fois cetie vision conquise, c'était l'observateur défiant de tout, et Surtout de lui-même, qui avait reparu chez Pasteur. De l'acte de foi réfléchie qu'il venait d'accomplir,.il n'avait gardé que quelques conséquences directes, vérifiables par une expérience dont il avait tenu à préparer lui-même tous les éléments. C’est lui qui avait trié avec un soin méti- culeux les cristaux suivant la position de leurs facettes, el dosé d’une facon irréprochable les deux solutions dont l'examen comparatif devait lui dire si son idée était juste ou fausse. Mais aussi, lorsque, lexamen terminé, il sortait ivre de joie de son laboratoire et disait à un camarade, rencontré dans la rue d'Ulm : «Je viens de faire une grande découverte », il pouvait être sûr qu'il n'y avait niauto-suggestion ni erreur d'expérience dans son fait. L'homme de laboratoire valait, en lui l'homme d'imagination, et c'était des deux qu'était fait le savant. Dans l'exemple qui précède, le rôle de l'expérience était court et facile. C'était la représentation, la création intellec- tuelle du début qui était tout. En voici un autre, tout différent, dans lequel l’idée mère était relativement simple, n'avait en outre rien d'original, mais où la vérification expérimentale a amené la découverte. C’est l'histoire des recherches sur la maladie. des vers à.soie. pe Elle semble d’abord bien touffue, mais on peut la simplifier beaucoup en la réduisant à ses éléments essentiels. Dans les vers malades, dans les chrysalides, les papillons et les œufs de l’insecte, on avait observé au microscope de petits corpus-. cules brillants. Comme pour les facettes des tartrates, on les avait vus, étudiés, sans en comprendre l'importance. M. de Quatrefages ne leur avait accordé que quelques lignes dans un gros ouvrage CONSaCré à l'étude de la maladie, et pourtant, dès qu'ils lui furent révélés par la lecture de ces quelques lignes, et dès qu'il put les observer lui-même au microscope, Pasteur ne vit plus qu'eux. C'est que, différent en cela de ses prédécesseurs, il entrait dans la question, non plus avec des hypothèses vagues ou des vues obscures, mais avec une foi po EE LOUIS PASTEUR. 151 précise dont les éléments élaient puisés dans ses études anté- rieures. Pour lui, après ses recherches sur les ferments, sur les maladies des vins, la pénétration et le développement d’un être “microscopique chez un animal vivant devait se traduire par des ée changements visibles, qui ne pouvaient être que des désordres et devaient constituer une maladie. Pour éprouver la justesse de cette idée, de cette interprétation inductive des phénomènes, il y avait une chose à faire, en apparence bien facile: se procurer des graines saines, les préserver de la contagion pendant l'éducation, et voir si, oui ou non, elles succombe- -raient à la maladie régnante. L'idée était tellement simple qu’à ce moment déjà elle n'était plus neuve. L'expérience projetée avait été faite et n'avait pas réussi. Elle aurait dû pourtant réussir, et a réussi depuis des, . milliers de fois. Comment expliquer ce premier échec? C’est -ici que nous allons retrouver, même dans l'exécution de l'expérience, et à côté de l'habileté pratique, l'influence de la foi première, de l'idée directrice. Jusqu'à Pasteur, l'expérience topique, qui consiste à élever à l’abri de la contagion des œufs de papillons non corpusculeux, avait été faite distraite- ment, presque à l’aveuglette, parce qu'elle ne répondait qu'à x une hypothèse, à un cas possible, jugé « priori tout aussi - probable que les autres : il se pouvait que des œufs sains don- nent des yers sains, mais il se pouvait aussi, tout aussi bien, que des œufs sains donnent des vers malades. Quand on prend, pour se metire en route.dans la nuit, un falot à lueurs aussi incertaines, quand en outre on connaît mal les tournants et les difficultés du chemin, on est assuré de s’égarer, et c’est ce qui était arrivé à M. Cantoni. Pasteur, au contraire, avait une lumière intérieure; le monde des infiniment petits lui était déjà très familier, il sut.échapper aux pièges de la route, et dans ee cas, presque inverse de celui des tartrates, son mérite est d'avoir su “tirer d'une idée ancienne une conclusion nouvelle et féconde par le tour expérimental qu'il a su lui donner. RTE 152 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. + + * En résumé, imagination figuratrice, expérimentation créa- trice, actives et puissantes toutes deux, mais interférant et se” réduisant naturellement au repos sur leurs limites communes, de façon à ce que leurs domaines restent séparés, voilà ce qu’on trouverait dans tous les travaux de Pasteur. Mais, si j'ai intro- duit daus cet exposé les études du maître sur la maladie des vers à soie, ce n'est pas seulement pour ajouter un second exemple à celui des tartrales; c’est aussi parce qu’elles me permettent d'aborder une question nouvelle, la part du hasard dans une découverte scientifique. M. Pasteur a lancé la médecine et la chirurgie dans des voies nouvelles, sans savoir ce que c’est qu'un malade et sans avoir jamais donné seulement un coup de bistouri; il a donné de nou. veaux horizons à l’agriculture sans avoir jamais bien distingué un champ de colza d’un champ de navets. D'où lui vient cette bonne fortune d’avoir été un novateur partout où il a touché, et d'être devenu, sans le vouloir pour ainsi dire, et parfois sans le savoir aulrement que par le fait accompli, un des plus grands hommes que la terre ait portés! Il y a là des causes dont les unes viennent de l’homme, et que nous retrouverons tout à l'heure. Il y en a d’autres qui viennent de la rigueur avec laquelle © il maniait celte puissante méthode scientifique à laquelle il a su rester toujours fidèle. C’est ce dernier point que montrent bien ses recherches sur la maladie du ver à soie. Nous avons vu comment il avait résolu la question théorique : la maladie des corpuscules n’est jamais spontanée. Quand elle apparaît chez un ver ou chez un papillon, c’est qu'il y a eu péné- tration d’un germe. Ce germe peut ètre emprunté, par l’inter- médiaire de l'œuf, aux parents de l’insecte, et la maladie est alors héréditaire : il peut provenir d’un voisin contagionné, et la mala- die est alors contagieuse. Mais, si tout cela était bon et mème, ” comme nous allons le voir, nécessaire à connaître, ce n'était pas la solution du problème que M. Pasteur s’élait laissé poser au début de ses études : guérir la maladie. Il importait peu d'avoir démontré que des vers, nés sains du fait de leurs ascen- dants, devaient resler sains de ce chef et donner une bonne récolte de cocons, si, durant leur vie, ils devaient rester exposés VD: ri - 4 *, LOUIS PASTEUR" 753 à la contagion ambiante et périr par des corpuscules puisés à celte source, qu'il était impossible d’aveugler. C’est ici que s’est, en apparence, présentée la chance. Elle a voulu, et elle aurait pu vouloir autrement, que la durée de la vie de la larve fût de quelques jours inférieure au temps néces- saire au corpuscule pour envahir le ver à un degré suffisant pour l'empêcher de faire son cocon. Peu importait donc que le ver, né de parents sains, se contagionnât, même dès les premiers jours de sa naissance, au contact de ses VOISsins malades. Il ärrivait toujours à faire son cocon, c’est-à-dire à être utilisable industriellement. En revanche, il n’était pas capable de donner de la bonne graine, puisqu'il était infecté. Mais on n'avait qu'à ‘s'adresser, pour avoir des œufs saias, à des éducations de vers sains héréditairement, et préservés de la contagion depuis leur naissance. Le problème était donc résolu ; il ne l’eût plus été, du moins de cette façon, si la durée de l’évolution de la maladie eût été plus courte chez l'animal contagionné, et là-dessus, on peut être tenté de dire : Voyez le bonheur, voyez la chance! Mais il n'y a qu'uh mot à répondre : cette chance ne visite que ceux qui la méritent. À quoi eût servi à Pasteur la connaissance du fait qu'il a utilisé, s’il n'avait pas solidement établi, à l'avance, que la maladie n’était .pas spontanée, et qu'elle était vraiment due, quelle que fût son origine, hérédité où contagion, au seul corpuscule? C'est grâce à cette notion qu'il a pu utiliser cet'autre fait, découvert aussi par lui, de la différence de durée entre la vie du ver et l'évolution de la maladie. Si cette différence avait été de sens inverse, il eût cherché ailleurs, trouvé autre chose, et peut-être utilisé quelque autre loi tout aussi fortuite que celle à laquelle il s'estarrêté. Tout est hasard dans une recherche, ce qui veut dire qu’on se heurte constamment à des lois sur lesquelles on ne sait rien à l'avance. Elles ne sont ni favorables ni défavo- rables. Elles sont inexorables; l’habileté consiste à les décou- vrir et à les mettre en état de fonctionner. H n'y pas de bonheur ni de chance dans la découverte de M. Pasteur, il n’y a que de la ténacité et dela dextérité. + 754 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. . ” + * + + Nous venons de voir combien il importe pour le succès d’avoir une bonne méthode d'exploration qui ne laisse rien échapper, et maçonne sa’ fouille à mesure qu'elle avance. Mais beaucoup de savants ont cette méthode et ne laissent pourtant dans la science qu’une trace modeste. Celle de M. Pasteur est éclatante et le met hors de pair. C’est bien cette traînée lumi- neuse dont le félicitait Renan. D’où vient qu 1 a été grand parmi les grands? | C'est que le tempérament scientifique de ce maître avait une troisième face que nous n'avons pas encore mise en évi- dence. Nous venons de le voir donnant d’abord carrière à son imagination, puis la bridant pour explorer prudemment et patiemment le terrain nouveau sur lequel elle l'avait entraîné. Cette besogne bien faite, et l'expérience terminée, il semble qu'il n’y eût plus qu’à dresser procès-verbal de constat, à faire un état des lieux; avec Pasteur, c'était autre chose. Cet homme d'imagination était un audacieux; cet expérimentateur était un timoré. Je m'explique. pd La région dans laquelle son imagination l’avait emporté s’étendait bien au delà du point sur lequel il s'était posé et avait : fait ses premières investigations. Mais ce point n’était pas choisi au hasard. Par une intuition merveilleuse qui a peut-être été sa faculté maîtresse, il choisissait une question topique, un haut sommet d’où on dominait le pays environnant. Dèslors, l'asçen- sion faite, il pouvait jeter un regard autour de lui et y voir des choses qui, "pour d’autres que lui, même pour les préparateurs qu'il avait mêlés,à ses travaux, restaient noyées dans l'ombre. De là l'éclat inusité, le caractère magistral de ses commuica- tions, en particulier de celles qu'il faisait à l’Académie des sciences où à l'Académie de médecine. Sûr de ses résultats, fort de la vision intérieure qui les rattachait logiquement à des notions déjà acquises ou à des notions nouvelles dont il pressen- tait la vérité, raffermi par le sentiment plus ou moins net de la continuité et de la solidité de l’ensemble, M. Pasteur se permet- tait parfois de vaticiner, de dépasser dans ses prévisions les limites de lexpérience. * . Je ne donne pas l'exemple comme bon à suivre par tout le | LOUIS PASTEUR. 755 modhde. Les forts seuls peuvent avoir de pareilles audaces. M. Pasteur, qui se les permettait rarement, s’est quelquefois trompé. Mais en revanche que d'idées instructives 1l a émises, que de prévisions qui sont,devenues des réalités! Pour citer un fait précis, n’était-ce pas une héroïque imprudence que cette expérience de Pouilly-le-Fort, dans laquelle M. Pasteur avait en quelque sorte pris l’engagement, sur un lot de cinquante mou- tons dont vingt-cins seulement avaient subi un traitement préalable, de laisser vivants et bien portants ces moutons traités, et de tuer les vingt-cinq autres, en leur inoculant à tous la même dose du même virus! Promettre cela d'avance, lorsqu'on sait que tous les moutons d’un même lot ne se ressemblent pas, et que, quelque soin qu'on prenne, les virus ne sont et ne restent pas toujours identiques à eux-mêmes! Il aurait fallu répéter plusieurs fois l'expérience à l’avance pour être assuré de son succès, et ce succès était nécessaire, en présence d'un public défiant, sinon hostile, et qui se serait frotté les mains en pré- sence d’un échec! Ce n’est un secret pour personne que pendant la durée de l'expérience, et à mesure surtout qu'elle approchait de sa fin, M. Pasteur avait été terriblement inquiet. Mais il avait repris toute sa sérénité en arrivant au dernier moment sur le théâtre de l’épreuve. « Je fus frappé, disait tout récemment un rédacteur du Times dans l’article nécrologique qu’illui a consacré, de sa contenance sans ostentation et de sa possession de lui-même. Il semblait confus et quasi honteux des honneurs dont on l’entourait. » C’est que, dans sa modestie et sa simplicité, c'était à la méthode expérimentale qu'il rappor- tait ce nouveau triomphe, et, au lieu de se glorifier, il deman- dait peut-être intérieurement pardon à cette maîtresse impérieuse et jalouse d’avoir pris la parole pour elle et d’avoir devancé ses arrêts. En revanche, et quelque sûr qu’il fût de ses expériences, il n'hésitait jamais à croire qu'il pouvait s'être trompé, lorsqu'il rencontrait un contradicteur digne de lui. Ce n’était pas vis-à-vis * du premier venu qu'il s’arrêtait ainsi. Quand on ne lui oppo- sait que des arguments creux, des phrases, ou des expériences mal faites, il passait, en bousculant son adversaire avec une vivacité que les spectateurs et surtout l'intéressé trouvaient “parfois excessive. Il n'avait pourtant ancune rancœur contre + 756 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. les hommes; il était seulement animé, contre les idées faus$es, d'une sorte de haine qui n’était que le rêvers de son amour profond de la vérité. Mais lorsqu'il se trouvait face à face avec un expérimentaleur sérieux, comme il redevenait lui- même sérieux et attentif! Toute la vie courante du labo- ratoire cessait brusquement : on arrêtait, on oubliait momen- tanément les expériences en cours, on changeait l'outillage pour vérifier à nouveau les faits contestés, et pour examiner de près ceux qui semblaient les contredire. En fait, ce temps d'arrêt n'a jamais élé un temps perdu. De cé retour sur le passé, de cette revue plus soigneuse des faits contestés, M. Pasteur est toujours revenu avec une victoire nouvelle. De sa discussion avec Bastian, par exemple, il a fait sortir des notions qu'il n'avait pas auparavant, qu'il a constamment utilisées depuis jusqu'à la fin de sa carrière, et c'est ici que nous allons toucher du doigt la dernière des raisons qui ont donné une croissance si rapide et une si large frondaison à l'arbre qu'il a planté. De la non-existence des générations spontanées, de la non- spontanéité des ferments, des virus et des maladies, aux vacci- nations préventives, à la prophylaxie de la rage, quelle distance immense! Comment comprendre que cette œuvre n'ait pas encore atteint un âge d'homme? Il ne suffit pas de dire que M. Pasteur a dépensé sur elle quarante ans de labeursscon- tinus. Les longs efforts n’impliquent pas nécessairement les grands résultats. Il ne suffit pas non plus d’invoquer la fécondite de ce sol, encore vierge, de la microbiologie. Le mot fécondité résume l’histoire de ces quarante ans; il ne l'explique pas. Ce qui l'explique, dans la mesure où cela est possible, c'est cet ensemble de qualités sur lesquelles j'ai insisté, cette intuition nette du but à atteindre, ce mélange d’audace et de prudence dans la marche en avant et, par-dessus tout, cette sécurité à l'arrière, cette patience, cette persistance à revenir sur une position conquise pour bien s’y asseoir et y résister à tout assaut. C'est pour cela que Pasteur a pu aller si loin et si vite. Il n'y à pas d'autre exemple dans la science d’un savant qui ait vu autant s'étendre et se féconder le domaine qu'il avait découvert. Peut-être Lavoisier, dont le nom vient tout naturel- lement à l’esprit quand on parle de Pasteur, eût-il eu la joie de, LOUIS PASTEUR. 757 se voir aussi grand s'il avait pu arriver à la fin de sa carrière. La seule image adéquate est celle d’un Napoléon mourant triomphant au milieu d’une Europe pacifiée et définitivement conquise. Encore cette vision, si grandiose qu'elle soit, est-elle incomplète : Pasteur a conquis le monde, et sa gloire n’a pas coûté une larme. E. Ducraux. (Revue de Paris.) Æ% * SUR LES CONDITIONS DONT DÉPEND LA PRODUCTION DU POISUN DANS LES CULTURES DIPHTÉRIQUES » MOYEN SIMPLE DE PRÉPARER UNE TOXINE TRÈS ACTIVE Par LE D' C. H. H. SPRONCK Professeur à l’Université d'Utrecht. » € Depuis la découverte de la sérumthérapie, la préparation des toxines microbiennes a pris un intérêt scientifique et pra- tique tout particulier. Il y a quelque importance à chercher les causes qui peuvent empêcher les microbes de produire leurs toxines dans les milieux de culture. Ainsi, tous ceux qui s'occupent de la préparation de la toxine diphtérique savent combien les cultures du bacille de Lôüffler faites, en apparence, dans des conditions identiques sont loin d’être toujours également riches en toxine. Mème en s’entourant de toutes les précautions que l’expérience a reconnues favorables à la production de la toxine, en ayant soin de veiller à ce que le bacille soit très virulent, le bouillon exactement alcalinisé, l'aération des vases suffisante, on n'arrive guère à éliminer les surprises, les déceptions, les résultats contradictoires. Or, une série d'expériences faites dans mon laboratoire en collaboration avec M. le B' L. van Furenhout a permis de reconnaître que la condition peut-être la plus importante, c’est que le bouillon de viande ne contienne que des traces ou point de glucose. D’après ce que nous avons pu observer, il ne nous reste aucun doute à cet égard. Depuis plusieurs mois déjà, notre méthode a donné régulièrement des résultats tout à faït satisfaisants, et comme elle facilite à tous égards la production d'une toxine très active, je crois de quelque intérêt de donner un court aperçu de nos recherches et la description de la méthode qui en résulte. , ; ® Ces recherches furent entreprises par nécessité. Il s'agissait # POISON DANS LES CULTURES DIPHTÉRIQUES. 159 de préparer la quantigé de toxine diphtérique mécessaire pour .immuniser quelques chevaux, et maintenir leur immunité au - degré voulu. Or, par des circonstances imprévues, il n’y avait pas moyen de me procurer une chambre étuve ou uüne *étuve de dimensions assez grande pour opérer avec une couche de. bouillon de faible épaisseur, dont les avantages sont générale- . ment reconnues. D’après une communication personnelle de MM. le D' de Josselin de Jong, qui viént de visiter les labora- toires des fabriques de Schering, à Berlin, et de Meister, Lucius -etBrüning à Hôüchst-sur-le-Mein, les vases à fond plat, contenant une couche de bouillon de faible épaisseur, y sont également en usage. Quant à l’aération artificielle de MM. Roux et Yersin, dont M. Roux fait usage et qu est également employée avec succès par M. Funck, à Bruxelles, elle n'est pas pratiquée en Allemagne, où elle est considérée comme superflue. Il fallait donc bien trouver un autre moyen pour préparer la quantité de toxine nécessaire, et le succès ne s’est pas fait attendre. Depuis que nous avons éliminé la glucose, nous culti- vons maintenant le bacille dans de simples bouteillés à médica- ments dé 500 c. c., à goulot étroit, bouchées avec un tampôn d’ouate, la couche de bouillon ayant une épaisseur de 15 cen- timètres environ. Nous employons ces bouteilles, parce qu’elles sont beaucoup moins coûteuses que les matras et occupent moins de place à cause de leur forme cylindrique, qui permet de préparer aisément une vingtaine de litres de toxine dans une étuve de dimensions moyennes. MM. Roux et Martin : ont fait remarquer que tous les bacilles diphthériques, même lorsqu'ils paraissent également virulents pour les cobayés, ne donnent pas les mêmes quantités de toxine daus les cultures, de sorte que l'essai de bacilles de diverses provenances est nécessaire pour reconnaître ceux qui fabriqueñt la tokine la plus active. M. Funck *? estime que les bacilles, tels qu'on les tire en général de la gorge des malades, n'offrent pas une virulence suffisante pour qu’on puisse en attendre une production abon- dante de toxine, et donne, par conséquent, le conseil+d’exalter leur virulence par des passages à travers des cobayes. 4. Ces Annales, 189%. 2, Manuel de sérothérapie antidiphthérique, Bruxelles 1895. LI 760 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR... Notons, à cette effet, que les expériences qui vont suivre ont été faites avec’ deux exemplaires de bacilles diphthériques de diverses provenances. Ils étaient de virulence moyenne, c’est-à- dire que la culture dans du bouillon, âgée de 24 heures, à la dose de 0,2 c.c., tuait les cobaves de 250-300 grammes dans les 24 heures après l'injection sous-cutanée. Ensemencçcons un de ces bacilles dans une série de bouillons de viande de veau ou de bœuf, alcalinisés exactement avec du carbonate de soude et peptonisés à 2°/, (peptone Witte de Ros- tock), préparés d’une façon rigoureusement identique, mais tous de viandes de diverses provenances : servons-nous de bouteilles à médicaments cylindriques de mêmes dimensions, à goulot étroit, bouchées avec un tampon d’ouate, remplies au même niveau, la couche de bouillon ayant une épaisseur de 10 centimètres environ, et placons tous les bouillons au même étage de l’étuve à 36-37. Dans le cours du développement de ces cultures, il n’est pas rare d'observer, à la même époque, des. différences notables entre elles par rapport à l'aspect, la réaction, des cultures et l'activité des liquides obtenus par filtration sur porcelainé. En étudiant de plus près ces différences, on arrive facilement à dis- tinguer trois types bien caractéristiques que nous désignons par . A Bet C. * Type A. La réaction du bouillon devient bientôt acide. À mesure que l'acidité augmente, le développement des bacilles se trouve de plus en plue entravé. Les bacilles tombent au fond, la culture s’éelaircit, et à la surface nage tout au plus un voile mince. l'acidité persiste pendant plusieurs semaines, * même des mois. Tant que la réaction est acide, le liquide obtenu par filtration sur une bougie Chamberland n’est pour ainsi dire pas toxique pour le cobaye. L’injection de quelques centimètres cubes sous la peau détermine tout au plus un peu d'œdème, qui se dissipe bientôt. Il arrive quelquefois que dans ces cultures acides les bacilles meurent à la longue. Lorsque les bacilles sont morts, la réaction restera définitivement acide et le liquide n’ac- querra jamais une activité notable. Tant que les bacilles ont gardé leur vitalité, la réaction peut redevenir alcaline. Dans ce cas, le liquide deviendra plus ou moins toxique. Mais le bouillon type À expose singulièrement aux déceptions. D'abord ilfaut beaucoup detemps. etlorsqu’après POISON DANS LES CULTURES DIPHTÉRIQUES. 761 des mois, on examine le liquide de culture, celui-ci est dans la majorité des cas si peu toxique qu'on ne peut en faire usage pour la fabrication du sérum antidiphthérique. Type B. Le bouillon ne s’acidifie pas du tout. On a beau exa- miner d’ heure en heure, de jour en jour, la réaction de la culture, absolument pure, on la trouve toujours alcaline. Au même moment où la réaction acide du bouillon type À se prononce de plus en plus, l’on observe dans le bouillon type B uneaugmenta- tion graduelle de l’alcalinité. En outre, la culture est très riche. Quoiqu'il se forme sur le fond de la bouteille un fort dépôt, le bouillon reste trouble et se couvre d’un voile épais, blanchätre. Le dépôt augmente chaque jour; au moindre mouvement de la bouteille, des parcelles du voile se détachent et tombent sur le fond. Au bout de deux à trois semaines, le sédiment est très abondant et la surface est couverte d’un voile épais; le liquide iutermédiaire est devenu plus clair, mais il est encore loin d’être aussi clair que celui du type A. Le liquide obtenu par filtration, au bout de trois semaines, tue un cobaye de 500 grammes en 48 heures, à la dose de 1/10 dee.c. Type C. Au bout de peu de jours, la réaction alcaline du bouil- lon devient acide. En même temps, le développement des bacilles se trouve ostensiblement entravé, la culture s’éclaircit. Puis, quelques jours après, l'acidité diminue manifestement; la œul- ture redevient alcaline, trouble, et il se développe à sa surface un voile de plus en plus épais. Le liquide obtenu par filtration au bout de trois semaines, alors que la réaction alcaline est très prononcée, à la dose de 1/10 de c. c., donnera lieu chez le cobaye de 500 grammes à un œdème au point de l'injection, mais l'animal survit. Au bout de 1 à deux mois, le liquide tuera peut- être à la dose de 3/10 ou 2/10, mais rarement à celle de 1/10 de c.c Le type C se rencontre assez souvent, au moins dans mon laboratoire. Le type B est Le plus rare. L’explication des différences mentionnées est fort simple. Tantôt le boucher nous a fourni une viande (veau ou bœuf) toute fraîche et, par conséquent, riche en glucose : cette viande donne le Bo ilon type À..Tantôt il nous livre une viande qu'il a gardée- depuis quelques jours, contenant, par conséquent, moins sd glu cose; cette viande donne le bouillon type C. Enfin, si le boucher nous à fourni une viande gardée trop longtemps, ayant déjà une 762 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. légère odeur et ne contenant qu'un minimum de glucose, nous obtenons: le bouillon type b, le plus favorable pour la production d’une toxine active. ; L'exactitude de cette explication semble, d’après nos obser- vations, suffisamment établie. La même pièce de viande de veau où de bœuf, toute fraiche, nous fournitles trois types debouillon que nous venons de décrire. Une partie est utilisée d'emblée : elle donne le bouillon type A. Une seconde est gardée quelques jours : elle fournit le bouillon type C. Enfin, la troisième parte de là pièce est gardée si longtemps, que les premiers indices de décomposition apparaissent : elle nous procurele bouillon type B. D'autre part, en ajoutant au bouillon type B une certaine quantité de glucose, on arrive à le transformer en un bouillon type C ou À, selon la quantité de glucose qu'on ‘aura ajoutée. Dans une de nossexpériences, nous nous sommes servis, d'un bouillon de veau type B, alcalinisé et additionné de 2 070 de peptone Wütte, que le hasard avait mis dans nos mains. Toute unes série d'exemplaires de bacilles diphthériques avait été ensemencée dans ce bouillon, sans jamais produire trace d’aci- dité. Deux exemplaires que M. Paliauf, de Vienne, avait eu la bienveillance de m'envoyer se comportaient absolument comme les Sacilles diphtériques de la Hollande. L’addition de 0, 45 0/0 de glucose était suffisante pour transformer ce bouillon en un bouillon type C; de 0, 2 0/0 pour en faire un bouillon, qui, ensemencé avec le même bacille dipthérique, était encore acide au bout de 74 jours (type A). Dans ce même bouillon, additionné de 1 0/00 de glucose, on obtint une culture dont, au bout de trois jours, l’alcalinité était un peu diminuée. Mais la réaction resta alcaline et vers le cinquième jour elle s’accentua de nouveau pour dépasser bientôt l’alcalinité primitive. Il va sans dire que ces chiffres n’ont pas de valeur absolue, vu que le degré de l’alcalinité primitive du bouillon aura une grande influence sur la réaction qu'offrira la culture. Mais ils démontrent d’une façon évidente, combien il faut peu de chose. pour que la gulture du même bacille diphtérique produisetun liquide point, peu ou très aclif. u Pour obtenir des cultures riches en toxine, il faut donc éli- miner en premier lieu la glucose. À cette fin, il faudra faire usage d’une viande qu'on aura laissé vieillir autant que possible, e* + POISON DANS LES CULTURES DIPHTÉRIQUES. 763 Certes, on n'attendra pas trop longtemps. Mais même en laissant subir # la viande un commencement de décomposition, on obtiendra des résultats excellents. En outre, nous avons soin d'employer une peptone (2 0/0) qui ne contient pas de glucose, et pour toute sûreté, nous ajoutons au bouillon, après l'avoir exactement alcalinisé et additionné de 0,5 0/0 de chlorure de sodium, une petite quantité de carbonate de chaux. En ce qui concerne l'espèce de viande, nous employons du veau ou du bœuf, mais nous donnons la préférence au dernier. Nous ne nous servons jamais de viande de cheval. Dans une récente publication, M. Smirnow ‘, de Saint-Péters- bourg, a fait remarquer que le bacille diphtérique cultivé dans du bouillon de viande de cheval, produit, fort peu de poison. Cela s'explique d’après ce qui précède, par le fait que la viande de cheval contient beaucoup plus de glucose (Niebel°) que la viande de bœuf ou de veau. Grâce à ces précautions fort simples, le bacille diphtérique de virulence moyenne. fournit, au bout de 3 à 4 semaines, avec une régularité irréprochable, une toxine tuant à la dose de 0,2 c. c. un kilo de cobaye dans les 48 heures. Jusqu'à présent, j'ai expérimenté avec 4 bacilles de virulence moyenne et de diverses provenances. Cultivés dans notre bouillon en utilisant, comme il a été indiqué, des bouteilles à médicaments cylindriques, la couche ayant une épaisseur de 15 centimètres environ, ces baciiles ont tous produit un liquide très aclif. Reste encore à rechercher ce que rotre méthode est capable derproduire, si l’on employait un bacille spontanément très viru- lent, ou dont la virulence est exaltée par des passages à travers l'organisme des cobayes. Voici, à ce sujet, un premier essai. Le bacille diphtérique employé était fraichement obtenu de la gorge d’un enfant n’ayant présenté que des symptômes très légers. La culture dans du bouillon, âgée de 24 heures, à la dose de 0.2 c. c., tuait les Cobayes de 250-300 grammes seulement 2 à 3 jours après l'injection. Après trois passages à travers des cobayes, la culture dans du bouillon, également âgée de 24 heures, à la dose + 1. Ueber die Behandlung der Diphterie mit künstlich dargestellten Antitoxinnen. Berliner Klin. Wochenschr, 1895, n° 30. 2. Zeilschr. fe Fleisch-und Milch-Hygiene, 1892. * 76% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de 0,1 c. c. tuaitles cobayes du même poids dans les 24heures. Or, ce bacille à virulence peu exaliée, ensemencé dans notre bouillon, a déjà produit au bout dé 13 jours un liquide qui, à la dose de 1/10 de c. &. tuait le cobaye! de 500 gr. dans les 48 heures après l'injection. . Il semble donc probable qu'il ne sera pas difficile de se procurer, à l’aide de notre méthode, des cultures encore beau- coup plus riches en toxine que celles dont il a été question plus haut. | Y aurait-il quelque avantage à nous servir de wases à fond plat, de façon que la couche du bouillon de vieille viande ait une faible épaisseur, ou de faire usage de l’aération artificielle de MM. Roux et Yersin? Nous ne saurions donner une réponse satisfaisante à cette question. Dans une expérience comparative, faite avec le, même bacille diphthérique et le même bouillon type B, nous avons constaté qu’au bout de dix-sept jours le liquide obtenu par filtration dela culture non aérée artificiel- lement n'était pas moins toxique que celui de la culture faite dans la même étuve avec un large accès d'air. Au contraire, la culture non aérée était plus riche en toxine. Mais l'avenir devra démontrer quel procédé est le plus pratique et fournira la toxine la plus active. Il est certain que l'air n’est pas indispensable pour le déve- Joppement du bacille et la production de la toxine. MM. Roux et Yersin l'ont démontré déjà en 1889, et nous avons constaté nous- mêmes que les cultures faites à l’abri de l'air dans du bouillon type B, qui restent toujours alcalines, sont même assez riches en toxine. Mais la toxicité de ces cultures n’atteint pas le degré de celles faites dans ce bouillon à l'air, évidemment parce que les cultures à l'abri de l’air sont beaucoup moins riches. Si le développement du bacille était le même, la culture faite à l’abri de l'air serait peut-être plus riche en toxine que celle à l’air. Mais l’action favorable de l’air sur la production de la toxine est due non seulement à la richesse de la culture, maistsurtout à l'oxydation de la matière azotée du bouillon dans lequel prennent naissance des bases qui neutralisent les acides nuisibles. Comme ces derniers n’existent pas dans le bouillon type B, et que, d'autre part, l'air affaiblit la toxine, l’action défavorable de l’aération artificielle dans ce cas particulier semble explicable. L'accès de .: POISON DANS LES CULTURES DIPHTÉRIQUES. 165 l'air à travers le goulot étroit, et le bouchon d’ouate de nos bouteilles étant suffisant pour obtenir une riche croissance du bacille dans une couche de bouillon ayant une épaisseur de 0",15, l'accès abondant de l’air dans les vases de Fernbach pourrait bien affaiblir la toxine qui y a pris naissance. . Il me reste à dire quelques mots sur les bouillons d'extraits de viande. Nous avons étudié les extraits : Liebig (0,5 0/0), Kemmerich (0,5 0/0) et Cibils (2 0/0). Nos bouillons contenaient 2 0/0 de peptone Witte et furent alcalinisés avec du carbonate de soude. : Dans tous ces bouillons, le bacille diphthérique pullule plus ou moins abondamment, sans jamais produire trace d’acidité. Les bouillons d'extraits de viande se comportant à cet égard comme le bouillon de viande type B, on supposerait qu'ils seraient aussi également favorables à la production de la toxine. Mais l'expérience nous a appris que ces bouillons n’exposent pas moins à des déceptions que les bouillons de viande, si l’on ne tient pas compte du glucose que la viande contient. D’après ce que nous avons pu observer, ces déceptions sont dues à ce que les dits extraits sont loin d'être toujours les mêmes. Tantôt le hasard nous fournit par exemple un flacon d'extrait Cibils, donnant un bouillon très favorable à la production de la toxine diphthérique, tantôt un autre donnant un bouillon avec lequel nous échouämes complètement. Il parait que c’est la quantité plus ou moins grande de sels que contiennent ces extraits qui déterminent l'irrégularité des résultats. € Utrecht, 4er sept. 1895. LL 2 2 Nr D ESSAIS SUR ER POUVOIR RÉDUCTEUR DES IRURIS PURES MOYENS DE LE MESURER (Travail du laboratoire de microbiologie de l’Institut agronomique de Paris et de la R. Stazione di patologia vegetale de Rome). » On connaît depuis longtemps les phénomènes de réduction qui s’accomplissent dans un mue en fermentation : la #orma- tion d'hydrogène sulfuré (Nessler, Sonnino et Sostegni, de Rey- Pailhade), d'aldéhyde (Durin, Rœser); d’ acide sulfureux (Haas); la’ réduction du sulfate de cuivre (Rommier, Quantin, Chuard, Pichi), celle des nitrates (Laurent). La décomposition de l'acide malique (Chuard), la formation de l'acide succinique (Comboni), la production de mannite pouvaient être rattachés à cet ordre de phénomènes. Beaucoup de ces recherches ont été faites à l'abri de toute intervention bactérienne, et il semble bien que le pouvoir réduc- teur de la levure soit, comme son EU ferment, une propriété de son protoplasma. J'ai pourtant cru utile : 1° de constater à nouveau cette action réductrice ; 2° de la mesurem 3° de voir si elle était la même dans les différentes races de levures et marchait de pair avec leur pouvoir comme ferment. , Les moyens que j'ai employés pour constater le pouvoir réducteur sont un peu différents de ceux qui ont été jusqu'ici mis en œuvre. Je me servais d’une solution aqueuse de saccharose à 10 0/0, additionnée de 5 à 7 grammes par litre du mélänge suivant, dont la composition se rapproche de celle du mélange employé par M. Gastine. Phosphate bibasique LAMMONAMEM AE EPP TNT FR EC Tartrate neutre d'ammoniaque..*....... ee NC 25gr,50 Bitartrate de potasse........ FIRE MAR Ne à AR 435,60 ” Hydrate de chaux... .... HUE SE HO ER PER PA D. Po à 2,00 UMorurerde sodium ARC ENRERe eL CE RÉRAE 0sr,20 “ : | . # . : ‘ SUR LE POUVOIR RÉDUCTEUR DES LEVURES. . 767 # .« Comme substance à réduire, au lieu du sulfate de chaux, je mettais du sulfate de magnésie, dont j'appréciais le degré de réduction en ajouiant directement du sous-nitrate de bi$émuth au liquide à fermenter. Ce sel, proposé par MM. Gayon et Dupetit pour empêcher les fermentations secondaires, a été employé à ce titre dans la pré- paration de l’hydromel, et on a remarqué que le miel prend alors uné couleur chocolat, à cause de la formation d’un peu'de sulfure de bismuth (Gastine, Revue suisse et Apiculteur, 1892). J'ai vu, avec mon liquide nutritif et des levures pures, l’une de bière de Bruxelles, l’autre d’un vin de Portugal, qu'il n’y a formation de sulfure de bismuth, si la solution saccharine’ ne contient pas de soufre libre, qu'autant qu'il y a fermentation, et que, dans ce cas, elle augmente avec la quantité de sous-nitrate ajouté avant l'ensemencement. On l’aperçoit déjà dans les flacons qui ne contiennent que 0:',03 de sous-nitrate par litre. Si on le supprime, il n’y a plus aucun changement de tente, ce qui prouve que la teinte est faite d’un composé de ce métal. Quant au sulfate de magnésie, on peut pousser la proportion à 1 0/0, sans rien changer à la réaction, mais il faut qu'il y en ait des traces, car c’est lui qui fournit le soufre. : Dans üne expérience dans laquelle j'avais mis, en présence de 20 c. c. de liquide fermentescible sans bismuth, et ensemencé avec une levure pure de Portugal, 8, 20 et 100 milligrammes de sulfate de mag'ésie, je trouve, la fermentation à peu près ter- minée, et en dosant le sulfure avec une solution faible diode, qu'il y avait partout la même quantité de soufre oxydé, à savoir : Gmsr,16, correspondant à 0"#",6 de sulfate de magnésie réduit, c'est-à-dire à 7,3 0/0 de la dose mininum de ce sel mise en expérience. La coloration que prend le liquide quand on y ajoute un peu de sous-nitrate de bismuth permet de suivre de l’œil la réaction et même de faire un dosage approximatif. Dans dix matras conte- tenant 20 c. c. de liquide fermentescible et ensemencés avec dé la levure pure de champagne, mettons peu à peu, de façon à ne pas arrêter la fermentation, des quantités déterminées d’une solution stérilisée de sulfate de magnésie et de sous-nitrate de bismuth en suspension. Préparons ainsi cinq groupes de 2 matras, conte- nant respectivement 2,4, 6,8 et10 milligrammes de sous-nitrate, 168 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Nous verrons l'intensité du noircissement augmenter jusqu'aux matras qui contiennent 8 milligrammes et qui ne diff éreront pas: notablement de ceux qui en contiennent 10. C’est là la limite ou de la sensibilité du réactif ou de la puissance réductrice de la levure. ‘ | Avec ces flacons on peut faire une échelle du pouvoir réduc- teur des levures diverses. Prenons cinq levures pures (champagne, Portugal, bière haute de Bruxelles, Saccharomyces pastor ianus et apiculatus), etensemençons avec chacune d'elles 4 matras. Ajou- tons à chacun de ces matras des doses de 2 milligrammes de sul- fate de magnésie et 2 milligrammes de sous-nitrate pour 20 c. c.de liquide, en ayant la précaution de ne faire ces additions que lorsque le maximum de noireissement dû aux doses déjà ajoutées est à peu près atteint. Nous verrons d’abord que les matras ensemencés avec une même race de levures'se comportent à peu près de mème. Nous constaterons ensuite, en comparant le degré de noircissement obtenu avec la quantité d'alcool formé ou d'acide carbonique dégagé, qu'il n'y a aucun rapport entre les deux phénomènes, et que par conséquent l’activité réductrice du protoplasme ne marche pas de pair avec son pouvoir ferment. Nous constaterons enfin queles différ entes races de lev: ures n'ont pas la même activité réductrice. Le tableau suivant résume quelques expériences. À côté du nom de chaque race on trouvera le nombre de jours qu'a duré la fermentation, la quantité d'acide carbonique produit, et la dose de sous-nitrate qui a donné le noircissement maximum au bout . dece temps. Levures. Durée. Acide carbonique. Dose de sous-nitrate. Levure de Portugal. 14 jours. 0,63 grammes. 6 milligrammes Levure de champagne. 11 — 0,8% —— 8 — Idem. 19 — 0,99 — 8 == Levure de Bruxelles. 45 — 0,76 _. 9 ee Idem. 15 — 0,64 — 2 En Sacch. apiculatus. 15 — 0,46 — 2 — Sacch. pastorianus. AT — 1,06 == 4 LS En rapportant tout à la levure de champagne, qui a donnéle noircissementmaximum, on a doncle classementsuivant, obtenu en comparant les quantitée de sous-nitrate : Levuretde Champagne ter MER RETRO 1,00 — de Portugal... Re ART AD. 0,75 SUR LE POUVOIR RÉDUCTEUR DES LEVURES. 169 Sacch. pastorianus...........… see Re PRISES LEE 0,50 DÉTECTE ee ne sonne Va Mae «PEN pense 11029 Levure TORBTLR ETES" ET EX SR AOC RE 0,25 Cette méthode de comparaison est un peu pénible, et j’en ai imaginé une autre plus pratique. Dans un ballon de 500 c. c. de Capacité, on introduit un tube de verre fermé à sa partie infé- rieure parune baudruche, etd'une capacité d'environ 150 c.c. Dans le ballon et dans le tube on verse au même niveau une solution saccharine quelconque, additionnée de 1 0/0 de sulfate de magnésie, et 0,5 0/0 du mélange salin indiqué plus haut. Puis, dans le liquide du ballon on ajoute 2 0/0 de sous-nitrate de bismuth. Enfin on ensemence avec une levure pure le liquide du tube intérieur. C’est seulement dans ce tube qu'ilse produitune fermentation, et qu'on observe un dépôt de sulfure de bismuth, dû à la portion de sous-nitrate qui y a pénétré par diffusion, et qui, constamment réduite, n’est jamais en proportion suffisante pour gêner la fermentation. Au lieu de doser cesulfure de bismnth, on peut profiler de ce que le liquide dutube, aprèsfermentation, filtre limpide, mais avec une couleur jaune foncé, inaltérable à l'ébullition ou sous l’action de l’iode, et devenant verte quand on chauffe le liquide avec du prussiate jaune de potasse. Cette couleur ne traverse pas la membraner elle est évidemment due àune réaction entre le sulfure de bismuth et un nitrite de la liqueur, et augmente avec la quantité de sulfure de bismuth, de sorte que son intensité, évaluée au colorimètre Duboseq, est en rapport avec la quantilé de ce sulfure, c’est-à-dire avec la force réductrice de la levure employée. La présence de la membrane animale rend plusdifficilela sté- rilisation des vases, mais on peut se contenter de laver tout à l’eau bouillante, puis à l'alcool. On verse ensuite les liquides stérilisés et, à la surface de celui du ballon, on verse une petite couche d'huile fine pour éviter le développement des moisis- sures. Les nombres obtenus par cette méthode se rapprochent beaucoup de ceux que fournit la méthode précédente. Voici ceux que j'ai trouvés avec une solution à 10 0/0 de saccharose, après 6 jours de fermentation, la coloration avec la levure de cham- pagne étant prise pour unité : - à C2 * L 1 |. 110 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Levure de champagne............. Re AT RS 1,00 : Saccharomyces pastorianus..... de LEP DAS AE EN Re 0,83 Saccharomyces apiculatus...…............. HAE bn 20:39 NUE Levure de Bruxelles......... RP cie TE COS 0,24 Dans une autre expérience, après 15 jours de fermentation d’une solution saccharine à 15 0/0, j'ai trouvé pour la coloration et les quantités d’aicool produites les chiffres suivants : « Sacchar. pastorianus... 0,86 avec 2,42 0/0 d'alcool en vol. Levure de Portugal.... 0,65 — 7,32 — Levure de Bruxelles... 0,43 — 3,90 — Sacch. apiculatus. ..... 0,59 — 3,90 — On relève bien entre lés premiers de ces nombres des diffé- rences avec ceux qui ont été donnés plus haut, mais elles ne sont pas grandes. Quant aux derniers, les’ conditions ne sont pas comparables, la fermentation ayant été faite avec 15 0/0 de saccharose. Ils servent surtout à mettre de nouveau en relief l'indépendance du pouvoir réducteur et du pouvoir ferment. ANA STATISTIQUE DE L'INSTITUT ANTIRABIQUE MUNICIPAL DE TURIN “ Par M. BORDONI-UFFREDUZZI On trouvera, dans le tome V de ces Annales, la statistique des cinq premières années de fonctionnement de l'Institut anti- rabique de Turin, fondé en 1886. Après avoir subi les modi- fications rendues nécessaires par les renseignements reçus depuis, cette statistique se résume dans la première coupure du tableau suivant, où on a réparti les malades suivant les 3 caté- gories À, B et C, des statistiques de l’lustitut Pasteur, et où on a distingué les personnes traitées suivant le siège de la morsure. Les coupurés suivantes donnent de même les statistiques des annexes 1891, 1892, 1893 et 1894 ordonnées de la mème façon. ANNÉES 1886 4 _ 4890 1891 CATÉGORIES PERSONNES MORDUES à la tête. Sn traitées! mortes 1894 TOrAUS sur des parties découvertes. D {raitées| mortes 10 — 1262 14 PERSONNES MORDUES PERSONNES MORDUES sur, des parties Æouvertes. traitées! mortes TOTAUX traitées | mortes 90 8 514 } 94 — 146 2 72 == DUREE 2207 21 En | 1 t9 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. La mortalité moyenne, telle qu’elle ressort de ce tableau, est donc de 0,95 0/0. En 1894, elle a été nulle : aucun de nos 222 malades traités n’a succombé. Ce qui précède comprend la statistique de notre [Institut antirabique; voici maintenant quelques faits importants que j'ai pu observer, et qui ont leur intérêt scientifique et pratique. 1. — SUR LA RÉSISTANCE DU VIRUS RABIQUE» A L'ACTION DE L'ALCOOL ET DE LA CONGÉLATION. Par deux fois la moelle allongée d’un chien fut adressée au Laboratoire dans un flacon rempli d’alcool: une fois elle avait séjourné daus ce liquide pendant trois jours, et les lapins inoculés moururent avec les signes caractéristiques de la maladie après 75 jours; dans le deuxième cas, la moelle avait séjourné dans l'alcool pendant deux jours seulement, et les lapins inoculés moururent dans l’espace de 50 jours. Evidemment l’alcool pro- duit sur le virus rabique uné atténuation progressive, mais lente : de sorte que ce liquide pourrait servir, faute de glycérine, pour la conservation de la moelle des animaux suspects lorsque l'envoi n'en est pas fait à trop grande distance. Une autre fois il arriva qu’un chien mort, après avoir été enterré peu profondément pendant l'hiver, fut déterré et expédié au laboratoire dans un état de congélation complète. Les lapins inoculés avec l’émulsion de sa moelle allongée moururent au bout de 28 jours, c’est-à-dire avec un retard à peine sensible. La congélation ne détruit pas, mais conserve le virus rabique. 11. — De LA GUÉRISON SPONTANÉE DES FORMES DE « FAUSSE RAGE ? CHEZ LES PERSONNES SOUMISES AU TRAITEMENT PASTEUR. J'ai donné autrefois’ la description d'une forme morbide spéciale, qui se déclare parfois chez les personnes soumises au traitement Pasteur, et que j'ai considérée comme une forme de rage atténuée, se développant lorsque le traitement préventif n'a pu agir d’une manière complète. C’est sur cette forme morbide que M. le professeur Murri, de Bologne *, a essayé un traitement spécial par l'injection intra- 4. Gazsetta degli Ospitali 1892, n° 59. | 2, Bollettino della Sociéta med. chirurg. di Bologna, 15 avril 1892. . INSTITUT" ANTIRABIQUE DE TURIN. 113 veineuse du virus rabique atténué, croyant pouvoir attribuer à ces injections la guérison obtenue. Dès le premier cas publié par MM. Poppi et Novi, j'ai exprimé une opinion tontraire, donnant l’exemple d’un autre cas semblable que j'avais eu l’occasion d’observer, et dans lequel la guérison avait eu lieu sans aucune intervention thérapeutique. M. le professeur Murri' a publié depuis lors un nouveau cas tout à fait semblable aux précédents par la symptomatologie et e cours de la maladie, dans lequel il pratiqua de nouveau ses pjections intra-veineuses de virus rabique légèrement atténué, en obtenant une guérison que M. Murri tend également à attribuer à l’action des injections pratiquées. J'ai pu, dans le cours de cette année, observer un autre cas, que l’on peut appeler vraiment classique dans l'espèce, et qui a une importance exceptionnelle soit par la gravité de son cours, soit par l'issue heureuse qu’il eut aussi, sans intervention thérapeutique spéciale. Ce fait confirme encore la possibilité de la guérison spontanée de la rage chez les personnes soumises au traitement Pasteur. E. B., âgé de 14 ans, mordu le 16 novembre 1893 à la main, par un chien dont la rage a été reconnue expérimentalement par l’inoculation d’autres animaux, fut soumis au traitement Pasteur du 24 novembre au 6 décembre, jour où le traitement fut sus- pendu, à cause des premières manifestations de la maladie dont je parlerai ci-après. Je ferai observer, en attendant, que pendant tout le temps que dura le traitement, le malade reçut l'injection de la pre- mière série seulement des moelles atténuées, de celle du 14° jusqu’à celle du 3° jour, et qu’au commencement de la deuxième série, c’est-à-dire trois jours après avoir reçu l’injection de la moelle 14 plus virulente, le traitement fut suspendu parce que les symptômes de la maladie étaient déjà évidents. J'insiste sur ce fait, parce qu’il me semble qu'il sert à démon- (Ter, presque jusqu à l'évidence, que l’on ne.peut attribuer au traitement même aucune part dans l'apparition de la maladie qui eut lieu trois jours seulement après l'injection du virus moins atténué, et qui fut même précédée par une période prodro- mique de 2 ou 3 jours, pendant lesquels l'enfant commença à se 1. Zl Policlinico 1894, fase. 8. ee | * s . + * Le De 7174 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. plaindre de céphalée, de tristesse et de manque d’appétit. Le 7 décembre, ses parents, croyant qu'il s'agissait d'un dérangement gastrique, administrèrent un purgatif dont l’eflet violent fatigua beaucoup le malade. Le jour suivant il se mani- festa une céphalée intense, des douleurs à à la nuque et une insen- sibilité cutanée dans les membres inférieurs. Le médecin appelé soupçonna une méningite cérébro-spinale, quoiqu'il n’y eût pas de fièvre, qui fit défaut pendant tout le cours de la maladie. Dans la nuit du 9 au 10, des douleurs lancinantes aux jambes se manifestèrent, et le matin suivant survint une parésie nette, qui augmenta ensuite en peu de jours jusqu’à la paralysie complète. À ces symptômes s’ajoutèrent la paralysie de la vessie et du rectum, qui fut précédée par des coliques très fortes, et ensuite la paralysie des bras, précédée elle aussi par une période d’irrita- tion sous forme de douleurs lancinantes aiguës. La.sensibi- lité cutanée et musculaire parut diminuée, particulièrement aux membres inférieurs, mais d’une façon peu prononcée. Il y eut de la paralysie de la luette, mais pas de dysphagie. La voix était aphone, le pouls petit et très faible, la respiration normale, la céphalée intense et persistante, l'appétit très faible. À ces phénomènes il faut ajouter celui de la sécrétion abon- dante d’une salive dense et filante, et des accès furieux qui, au maximum d'intensité de la maladie, se répétaient fréquemment dans la journée, presque chaque demi-heure, et pendant lesquels l'enfant se débattait, voulait se jeter hors du lit, et essayait parfois de mordre. Le stade culminant de la paralysie et de l'agitation dura 3 à 4 jours seulement. Ensuite la paralysie vésico- -intesti- nale commença la première à disparaitre; vint ensuite celle des bras, et en dernier lieu celle des membres inférieurs, aidée par l'action du massage. Peu à peu l'appétit reparut, les accès de fureur devinrent plus calmes et plus rares, et la paralysie s’amé- liora jusqu’à permettre à l'enfant de se tenir sur ses jambes vers la fin du mois de ee suivant (1894). L'amélioration cependant ne fut complète qu'après quelques mois. Ce cas est vraiment intéressant, soit parce que © est le pre- mier exemple bien constaté de rage non seulement paralytique, mais encore furieuse, qui arriva à la guérison, après avoir atteint un degré aussi élevé de gravité, soit encore parce que, dans celui-ci, comme dans le premier cas que j'ai décrit, Ja guérison : : ? “ $ | x À "INSTITUT ANTIRABIQUE DE TURIN. 775 , fut spontanée, le malade s'étant cette fois refusé constamment à tout genre de médication. Je dois ajouter cependant que je n'aurais pas même su conseiller la méthode de traitement préconisée par M. le profes- seur Murri, parce que, en jugeant d’après ce que nous connaissons jusqu'ici de la manière dout l'immunité se produit, il n’y avait aucune raison de supposer que l'injection d'un virus atténué puisse produire l’immunité assez vite pour exercer une influence bienfaisante sur le processus morbide en cours. L’immunité, par des autres virus atténués, se manifeste au contraire avec une certaine lenteur, et non d'une manière prompte, comme on l’obtient par exemple avec le sang des animaux immunisés. * » ERRATA 1; 23e, 24e, 96e lignes (tableau) : ax lieu de : 0,05, lire 0,5. Page 124; 6e, Te lignes (tableau) ; au lien de : culture de contrôle en bouillon, lire culture du colibacille ayant été ‘cultivé dans l’épanchement pleurétique et au lieu de : culture du colibacille ayant élé cultive dans J’épanchement pleurétique, lire culture de contrôle en bouillon. Page 727 ; 8e, 9e lignes; au lieu de : caractéristique, lire caractéristiques. e REVUES ET ANALYSES SUR L'ORIGINE DES LEVURES ALCOOLIQUES Par M. A. JORGENSEN D'où viennent les levures qui servent depuis des siècles à la fabri- cation des boissons alcooliques usuelles, le vin, la bière, le cidre? Sont- elles, comme le veulent De Bary et Hansen, des espèces distinctes, se présentant toujours sous forme de cellules rondes ou ovales se repro- duisant par bourgeonnement ? Sont-elles au contraire, suivant l'opinion de Pasteur et de Brefeld, des formes de développement de mucédinées plus complexes, et capables, lorsqu’on les éloigne des liquides fermen- tescibles, de revêtir d’autres aspects qui les rendent méconnaissables ? C’est là une question qui est née le jour où M. Pasteur, poussé par son idée féconde, bien que discutable, que la fermentation est la vie sans air, a vu le mycélium immergé de certains mucors se diviser en cellules ron- des, ayant, à la grosseur près, des formes analogues à celles des levu- res, et capables de donner une fermentation alcoolique faible dans les milieux sucrés où on les ensemençait. Il y avait là, à côté de la transfor- mation physiologique d’un article du mycélium en une cellule ferment, une transformation morphologique d'un filament en une chaîne de cellules rondes ou ovales, qui-permettait de se poser, au sujet de l’ori- gine des levures, une question restée en l'air jusque-là. Ces cellules de mucors n’étaient en effet pas des levures. Elles n’en avaient pas le mode de prolifération par bourgeonnement. D’un autre côté, les études que M. Pasteur avait faites sur le vin lui avaient mon- tré que, quelques semaines avant la maturation du raisin, on ne trou- vait trace, ni sur le raisin, ni sur le bois du cep ou de la grappe, ni sur le sol de la vigne, des levures de vin qui y sont si abondantes au moment de la maturation, que le vigneron n’a presque jamais à s'occuper d'en introduire dans la vendange. D’où sont-elles venues? Quel est l’arro- soir mystérieux qui saupoudre de leurs germes les pellicules du fruit, au moment où elles doivent être utiles? N'est-il pas plus naturel de penser qu’elles proviennent de ces végétaux microscopiques, qui sont REVUES ET ANALYSES. 777 en toute saison répandus partout, et dont certaines parties, certains organes s’accommoderaient à devenir des levures en quelque sorte par une voie naturelle, et lorsque se trouveraient réalisées sur leur milieu de culture, par suite du procès de maturation, les conditions nécessaires à cette nouvelle forme de développement. Sous la pression de cette idée, M. Pasteur avait étudié les moisis- sures des raisins. Il en lavait la peau avec un pinceau, étudiait au mi- croscope les formes qui se détachaient, et les aspects qu’elles prenaient lorsqu'on les portait dans desmilieux sucrés naturels ou artificiels. Il n'avait pas tardé à découvrir une forme très fréquente, déjà étudiée par de Bary sous le nom de Dematium, et dont les articles mycéliens, d'ordinaire plus ou moins allongés, se garnissent, au voisinage de leurs Fig.1. points d’attache, d’une véritable collerette (fig. 1) de petites cellules ovales, douées de la faculté de se détacher, de proliférer à leur tour. C'étaient des levures, de la levure de Dematium. Les filaments mycé- iens allongés du végétal pouvaient être rapprochés de certaines levures allongées trouvées dans le vin, en particulier du Saccharomyces Pasto- rianus. Les cellules elliptiques de la collerette et leurs descendantes pouvaient être rapprochées des cellules de vin ordinaire. A la vérité, cette ressemblance n’impliquait pas l'identité, et lorsque plus tard, à la suite des travaux d’Engel et de Hansen, l'attention se fut portée sur les spores de la levure, il fut facile de voir que là où les levures de vin et de bière donnent facilement des spores, les levures de Dematium n’en donnent pas. Dans la-même voie, Brefeld avait accumulé d’autres arguments, mais sans arriver non plus à une conclusion ferme. Il avait vu des Urédinées et d’autres champignons supérieurs arriver, dans certaines conditions spéciales de culture, à fournir une suite indéfinie de généra- LA 7 L 178 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tions de cellules se reproduisant exclusivement par bourgeonnement, et la variété des modes de transformation observés chez les Nectria, les Dothidea, les Endomyces, les Ascoïdea, semblait témoigner qu’on se: trouvait en présence d'un fait général. Mais si Traube avait ainsi rendu probable la filiation entre les levures et certaines mucédinées, il n'avait pas démontré que ses cellules bourgeonnantes sont de vraies levures, et présentent d’abord la propriété de donner naissance À des spores endogènes, puis celle de fournir une fermentation active. C’est l'apparition de ce double caractère dans les formes cellulaires dérivées d’un végétal supérieur qui a été l’origine des progrès qu’a 6 | faits la question entre les mains de M. Jürgensen. Un des élèves de ce savant, M. John J. Juhler, étudiait à Copenhague le champignon bien connu, l’Asperqilus orizæ, qui sert de temps immémorial aux Japonais pour obtenir leur-boisson fermentée de riz. En cherchant à pousser à l'extrême le pouvoir diastasique de ce champignon, M. Juhler trouva, dans un flacon d’empois de riz saccha- rifié, une végélation abondante de cellules provenant du champignon, et produisant une fermentation alcoolique active. Les vérifications conduites par M. Jorgensen ont confirmé cette filiation, et montré que ce sont les conidies du champignon qui donnent des saccharomuyces typiques. Les hyphes qui portent les chaînes de conidies (A, fig. 2) et les stérigmes renflés du végétal se dissolvent à mesure que la végé- tation vieillit (B), les conidies se détachent, et on les voit en C bour- geonner à la façon des levures. En plus de la puissance comme fer- ment, elles ont aussi la faculté de donner des spores, et la figure 3 2 F7 £ rs : * “ Î j 0 * À . REVUES ET ANALYSES. 779 représente l’aspect d’une culture de levure d'Asperqillus orizæ conser- vée à l’état humide sur un bloc de plâtre. Sauf qu'il n'y a d'ordinaire que 2 spores, la ressemblance est complète avec deslevures authen- tiques sporulées. On avait donc sous les yeux le premier exemple formel et authen- tique de la transformation d'un végétal microscopique complexe en une levure véritable et industrielle. « C’est à la suite de cette observa- tion, dit M. Jorgensen, que je fus naturellement conduit à me deman- der si cette propriété de l'Aspergillus orizæ n’était pas une propriété générale, et s’il n’était pas possible de retrouver les formes primitives des divers types de levures alcooliques dans les mucédinées vivant autour de nous. » Cette filiation avait été, nous l’avons vu, soupçonnée par Pasteur ” et Brefeld, mais ces deux savants avaient opéré {ous les deux en culti- vant dans des milieux artificiels les germes pris à la surface du faisin. M. Jorgensen pensa, et c’est là une idée heureuse puisqu'elle a été féconde, qu’il était préférable, pour observer au laboratoire toutes les formes qu’une mucédinée est capable de fournir dans la nature, de ne pas la séparer de son milieu naturel. En conséquence, puisqu'on vou- lait étudier l’origine des levures dü vin, il fallait prendre des raisins avec la variété de germes qu'ils portent et, par une étude attentive, faire l'analyse de ces végétations diverses et des rapports qui peuvent exister entre elles. Dans cette étude faite sur des raisins frais ou secs de diverses pro- venances, et conservés dans des cristallisoirs humides, M. Jorgensen est tombé tout naturellement sur ces formes Dematium si fréquentes qui avæient attiré autrefois l'attention de de Bary et de Pasteur. Une, étude soigneuse lui à montré que, comme l'avait pensé ce dernier savant, ces Dematium donnent des levures vraies, mais la filiation « ç + . 3 # 780 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. n’est pas celle qu’avait acceptée Pasteur : les cellules de la collerette ne sont pas des levures, elles en sont seulement des ascendants; le procès de transformation en levure, est beaucoup plus compliqué et nous allons en décrire les divers stades. Fig. 4. La figure 1, que nous avons vue plus haut, donne l’aspect général de la végétation jeune des formes Dematium, à la température ordi- naire ou au voisinage de 20°, sur des raisins. Peu à peu on voitse pro- duire dans le mycélium une tendance à se diviser en articles, qui bourgeonnent en même temps que les bourgeons de la collerette, de sorte que la végétation prend l’aspect de la figure 4, analogue à celui des Chalara ou des Torula. C'est le stade auquel s’était arrêté Pasteur. Il se produit facilement aussi en culture sur gélatine alcaline, tandis que sur gélatine acide la végétation conserve plus longtemps l’aspect de la figure 1. Soumettons maintenant une culture sur raisins à une température de 30-350: le mycélium meurt très vite, pendant que les petites cellules de la collerette bourgeonnent avec activité, de façon à donner des paquets de 50 à 100 cellules provenant d’une même cellule mère (fig. 5). En reportant cette forme végétative sur de nouveaux raisins . REVUES ET ANALYSES. 781 à 350, on arrive en deux ou trois cultures à faire disparaitre totalement les articles mycéliens, et à donner à la plante la forme typique d’une Torula en germination (fig. 6). Rapportées dans du moût à 25°, ces cellules ont des sorts divers. Les unes reviennent aux formes mycéliennes allongées; d’autres gar- dent leur forme Torula. Il se produit en même temps une faible fer- mentation alcoolique, mais aucune des cellules de la culture ne peut donner des spores endogènes, dans quelques conditions que ce soit. Ce ne sont donc pas encore des levures. C’est ici que nous retrouvons l'importance de la méthode de recherches suivie par M. Jorgensen. Transportons, en effet, ces mêmes formes de Torula, non plus sur un moût sucré, mais sur des raisins entre 20 et 25°, et de préférence au voisinage de 20°. Pendant que les longs fils mycéliens disparaissent, on voit beaucoup des articles libres, spécialement les articles terminaux se développer et grossir (fig. 4, à droite). Les cellules se remplissent d’un protoplasma homogène ou fine- ment granuleux, très réfringent; de nouvelles cellules apparaissent, de préférence sur les articles terminaux, et leur ensemble donne des appa- rences analogues à l’appareil conidien d’un Botrytis. Dans les végéta- tions plus pauvres, il se forme parfois une seule rangée de cellules dont les inférieures, les plus anciennes, sont à 4 pans et en forme d’Oidium, tandis que les supérieures prennent des formes ovales. Très rarement ces cellules supérieures, en rapide développement, sont encore liées à des fils mycéliens mourants. Très exceptionnelle- ment aussi, on voit les articles d’un filament rester réunis, et quelques- uns d’entre eux se remplir de protoplasma, tandis que les autres sem- blent vides et en voie de disparaitre. Beaucoup de végétations restent dans l’état que nous venons de décrire ou ne passent que lentement au stade suivant, dont on peut LÉ A # PE + L & 782 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. x : | Etes < déterminer à volonté l’apparition rapide en maintenant le raisin tou- jours un peu humide dans des cloches un peu profondes, où l'air puisse se renouveler sans entrainer une dessiccation trop rapide. à En examinant alors les plus belles de ces végétations analogues * 4 : au Botrytis, au voisinage immédiat de la pellicule du grain, on voit ‘apparaître, en quelques semaines, des spores endogènes sur les cellules. du mycélium et sur leurs bourgeons latéraux, spécialement sur les bourgeons terminaux (fig. 7), ces cellules à spores se détachent facile- ment les unes des autres. Quelques-unes ont une frappante ressem- blance avec les levures ellipsoïdales de vin sporulées, mais la plupart en diffèrent par leur aspect, par le nombre des spores, qui ne dépasse guère deux, et parce que ces spores sont entourées d’une membrane ” épaisse et sont fortement réfringentes On sait que les spores de levure ont au contraire une paroi mince et un protoplasme qui ne se diffé- rencie guère de celui de la cellule de levure. ‘ Il y a un autre moyen d’arriver à ces cellules à spores. Portons une culture à l’état de Botrylis dans de l'eau pure ou légèrement sucrée, on voil mourir au bout de quelque temps les fils et quelques- + * + . Gars * ie REVUES ET ANALYSES. 183 uns des articles mycéliens : seules les cellules qui doivent dônner des spores résistent à ce traitement. En portant alors cette végétation dans les conditions favorables signalées tout à l’heure, on voit les articles mycéliens et les bourgeons latéraux donner des spores. Les articles de l’hyphe ou de la conidie sont donc également capables de déve- lopper des spores endogènes. Il faut seulement pour cela des circon- stances de végétation particulières, tandis que la forme mycélienne ou la forme de Torula sont indépendantes du substratum, et sont les formes ordinaires de développement du champignon. Nous n’avons pas fini. Une fois les spores endogènes formées, si on les porte sur les régions humides de la surface du grain, spécialement là où la pellicule est brisée ou plus simplement dans du moût, elles se mettent de suite à germer comme les spores de levure véritable. La spore gonfle, la paroi s’amincit, prend une forme ellipsoïdale, et se met à bourgeonner (fig. 8). Quand les cellules à spores étaient trop vieilles ou un peu desséchées, leur membrane s’épaissit; alors, à la germina- tion, au lieu de se résorber, elle s’entr’ouvre comme une coque, et la levure en sort (fig. 9). Quand elles sont trop desséchées, elles devien- nent incapables de germer. La levure produite est une levure typique ellipsoïdale (fig. 10), fournit sur gélatine des colonies analogues à celles des levures, des voiles superficiels sur les liquides sucrés; elle peut faire fermenter le moût de vin et de bière : M. Jürgensen ne dit pas si c’est activement. Enfin, sur des surfaces humides ou sur du plâtre, elle peut donner à nouveau des spores (fig. 11) plus petites que les spores dont elle provient elle-même. Il est très intéressant de remar- quer que les premières générations de ces Saccharomyces sur du raisin se souviennent un peu de leur forme originelle lorsqu’on les ramène à l’état de spores : quelques cellules n’en donnent que deux ou une, d'une grosseur anormale. Les générations ultérieures ne pré- sentent plus de ces formes de transition, se reproduisent indéfiniment à, l’état de levures, et aucun procédé n'a permis de les faire remonter er: 184 ANNALES DE L'INSTITUT PATEUR. , au Dematium originel. Elles sont fixées, et à une nouvelle fonction stable correspond une forme également stable. Tel est le fait important découvert par M. Jürgensen. Il éclaire, comme on le voit, d’une vivelumière la question de l’originedes levures, et permet de comprendre qu'il y ait de nombreuses espèces de levures descendant chacune d'un végétal particulier. Peut-être ces levures, qui sont seulement en puissance dans la vendange qu’on entonne, jouent- elles un rôle, non dans la fermentation principale, mais dans les fermentations secondaires, qui influent, comme on sait, sur la saveur des vins. Peut-être expliquent-elles les différences dans la qualité du produit d’une année à l’autre pour un même vignoble, ou d’une localité à l’autre pour une même année de vendanges. Ce n’est pas que je croie beaucoup à cette profonde influence de la levure sur les qualités d’un vin : elle existe, mais faible, et perceptible seulement aux palais déli- cats. Les grandes différences dans les vins me semblent bien plutôt Le cat eo See Pa 0 & dues à des différences dans ceux de leurs éléments constituants sur lesquels on ne sait encore rien. L’acide tartrique, l’acide malique exis- tent dans tous les vins, mais en proportions différentes. Quand on les a séparés, il reste encore des acides fixes, dont l'influence sur la saveur et la qualité n’est pas négligeable, et ces acides sont nombreux. J'y ai déjà trouvé de l'acide glucique, de l’acide pectique, de l’acide caprique, et je ne suis pas au bout. C’est du côté de ces éléments inconnus, plutôt que du côté des levures, qu’il faut chercher les différences entre les récoltes et les crus. Mais il n’en est pas moins vrai que les résultats de M. Jürgensen font poindre une foule de questions très impor tantes, et non encore abordées jusqu'ici. Il ne faut ni escompter les espérances qu’ils donnent, ni les dédaigner. Il faut attendre seulement, pour en parler, que ces espérances soient devenues des réalités. DucLaUx. Le Gérant : G. Masson. DH D A LA PIE EE PE Sceaux. — Imprimerie Charaire et Cie. 9me ANNÉE NOVEMBRE 1895 No ‘#1: ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR SÉRUM ANTICHARBONNEUX Par E. MARCHOUX Médecin des Colon es (Travail du laboratoire de M. Roux, à l’Institut Pasteur ) l IMMUNISATION DES ANIMAUX PRODUCTEURS DE SÉRUM. ” Au mois de janvier 1887, dans le premier numéro de ces Annales, M. Metchnikoff signalait ce fait que les cultures de bacilles charbonneux, faites dans du sang de moutons vaccinés, avaient perdu leur virulence, au point qu'un centimètre cube de ces cultures était incapable de donner la mort à un lapin. Était- ce que les bactéridies avaient été atténuées par contact avec le sérum, ou que ce sérum rendait l'animal insensible au charbon? La découverte des propriétés préventives du sérum des ani- maux immunisés, par MM. Richet et Héricourt, suivie de celle du pouvoir antitoxique par MM. Behring et Kitasato, permet aujourd'hui d'aborder ce problème. J'ai recherché si l’immu- nisation des animaux contre des cultures charbonneuses vivantes ettrès virulentes ne rendait pas leur sérum préventif et curatif. Mais avant d'entrer dans le détail de mes expériences, qu'il me soit ici permis d'exprimer toute ma reconnaissance à M. Roux, qui a bien voulu me guider dans ces recherches. La vaccination des petits animaux de laboratoire contre la maladie charbonneuse n’est pas très commode. Le cobaye, si . 50 186 ANNALES DE LINSTITUT PASTEUR. sensible au charbon, est très difficile à immuniser : le lapin lui- mème, plus résistant, doit être traité avec beaucoup de ména- gements pour ne point succomber pendant les pratiques de la vaccination. : MM. Roux et Chamberland ont, dans ces Annales, décrit un procédé qui permet d'arriver très rapidement à faire supporter à des lapins le charbon virulent ’. Cette méthode, que j’ai tout d'abord employée, nécessite l’em- ploi d’un premier vaccin très faible ; celui dont je disposais était d’une virulence un peu trop forte ; aussi ai-je renoncé à l'in- jecter d'emblée dans les veines, pour ne pas perdre trop d'animaux. Voici, du reste, comment j’ai opéré : à Je me suis servi des vaccins de l'Institut Pasteur employés pour les moutons. Ils étaient cultivés dans du bouillon de veau peptonisé, et utilisés après vingt-quatre heures seulement de séjour à l'étuve à 350, alors qu'ils contenaient encore peu de spores. J'inoculais aux lapins la dose maxima non mortelle, soit 1/2 c.c. dans la circonstance. Dès-le lendemain, la température s'élevait d’un degré, mais elle ne tardait point à redescendre pour atteindre la normale vers le 5° jour à peu près. Quelquefois, dans les jours suivants, il se produisait une deuxième poussée de lièvre, mais de moins longue durée. Le poids baissait à partir du 3° jour suivant une courbe rapi- dement déclive qui, au bout de peu de temps, se redressait légèrement et se transformait en une ligne horizontale. Les animaux présentaient fréquemment de la diarrhée; mais jamais d'œdème quand ils devaient résister. Au 12° jour on donnait une dose double du même virus, qui, de nouveau, faisait monter la température, mais n'avait aucune action sur le poids. Après une nouvelle période de 12 jours, j'inoculais le 2°vac- ‘cin, 4/4 c. c. d'une culture de 24 heures. À la suite de cette injection, la température montait encore, mais le poids n’était nullement influencé et, comme il avait en général repris une marche ascendante, il continuait à croître sans arrêt. à 1. Tome Ier, p. 518. Pa L x SÉRUM ANTICHARBONNEUX. 187 Au bout d’un intervalle de temps de même durée, l’inocu- lation du 2° vaccin était répétée, mais à dose double. Si tout restait dans l’ordre, j'éprouvais les animaux 8 jours après avec quelques gouttes de sang charbonneux injecté sous la peau. Si l'élévation de la température et la perte de poids n’indi- quaient pas uhe trop forte réaction, l’immunisation était com- plétée par des inoculations fréquentes de sang charbonneux et de cultures en bouillon âgées de 24 heures. Le charbon virulent qui me servait était une race de bactéridie tuant un lapin de 2 kilogrammes en 24 heures, à la dose de 1/4 e. c. (‘culture en bouillon de 2% heures). En opérant de la sorte, les lapins d’une première série d’expé- riences arrivèrent à supporter des doses quotidiennes de 4 c. c. de ce charbons ceux d’une deuxième série reçurent, sans en souffrir, tous les cinq jours, des doses progressives atteignant finalement 20 c. c. Après une période de repos, variable suivant les expériences, on pratiquait une saignée de la carotide ou de la fémorale, et on recueillait de 50 à 70 c. c. de sang suivant le poids du lapin. Pour faire des expériences en grand, il est beaucoup plus pratique d’immuniser des moutons, qui fournissent beaucoup plus de sang. Ces animaux, vaccinés d’abord suivant la méthode pastorienne, recevaient ensuite sous la peau des doses de charbon virulent de plus en plus fortes. Celles-ci étaient doublées tous les huit Jours, et se sont élevées jusqu’à 200, 250 et même 300 c. c. d’une culture très active, injectés en une seule fois. Avec ces doses véritablement énormes, les animaux présen- tent de très vives réactions, qui se manifestent par une dimi- nution de poids, et par une élévation de températuresqui parfois se maintient pendant huit jours. Aussi, pendant le cours de l'expérience, faut-il suivre la marche de la température et du poids, et interrompre les inoculations si les animaux en souf- frent trop. Les inoculations intraveineuses ne sont guère plus sévères que les inoculations sous-cutanées.quand on se sert de petites quantités de virus, mais elles deviennent beaucoup plus dange- reuses quand on opère avec de fortes doses. Un lapin qui avait déjà supporté 20 c. c. de charbon sous la 788 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. peau trois jours de suite, et qui, après une vive réaclion, était revenu à la santé, est mort après l'administration de la même dose dans les veines : température élevée; diarrhée profuse ; amaigrissement considérable. Pendant quelques jours, la dé- marche est mal assurée, puis l’animal reste paralysé du train postérieur, couché dans la cage, et poussant fréquemment de petits cris plaintifs. l'est mort le 8° jour. A l’autopsie, malgré de nombreuses recherches, on ne trouva pas de bactéridies dans les préparations colorées du sang et de la pulpe des divers organes. La rate donna une culture pure de charbon (deux colonies sur un tube de gélose largement ense- mencé). De même un mouton, qui avait reçu à deux reprises 100 c. c. de charbon sous la peau. et qui était rétabli d’une injection de 50 ce. c. faite huit jours auparavant dans la veine du jarre!, est mort après l'injection dans la jugulaire de 100 c. c. de culture en bouillon. Le lendemain, la température était de 39°, mais, au lieu de redescendre le 2° ou le 3° jour, elle resta stationnaire, puis s’éleva à partir du 4° pour atteindre 41°,9 le 5° jour. L’amaigrissement était extrême. L'animal restait couché dans uu coin de l'écurie, la tête appuyée par terre. Quand on le faisait lever, 1l y parvenait difficilement et marchait péniblement; il boitait de la patte droite de derrière. Le 6° jour au matin, il mourait. À l’autopsie, la rate présentait le volume normal et n'était pas altérée dans sa structure; tous les autres organes étaient également normaux. La vessie renfermait de l’urine claire. ARE Des préparalions de sang, de pulpes de foie et de rate, ne permirent de constater au microscope la présence d'aucune bactéridie, Cependant des ensemencements faits avec ces mêmes produits donnèrent des cultures de charbon. Un mouton vacciné à la façon ordinaire est tout à fait réfrac- taire au charbon inoculé même à dose notable; cependant le sérum qu’il fournit n’a que des propriétés préventives peu mar- , quées, et point du tout de pouvoir curatif. Pour développer celui-ci, il est nécessaire d’amener l’immunité de l animal à un degré véritablementexcessif, jusqu'à ce qu'il supporte des doses *.. ; L SÉRUM ANTICHARBONNEUX. 789 énormes de charbon qu'il faut renouveler de temps en temps. A quel moment, après l’inoculation, convient-il de faire la saignée pour obtenir un sérum efficace? Les expériences süi- vantes montrent que c’est au bout de 15 jours à 3 semaines que le pouvoir curatif du sérum est le plus marqué. Chez un lapin qui avait reçu 12 c. c. de culture charbon- neuse, la première prise de sang a été faite 4 jours après la der- nière inoculation, la 2 prise 15 jours après la 1", la 3° 30 jours après la 2°. » J'ai constaté que le sérum recueilli à la 1° saignée proté- geait un lapin de 2 kilog. à la dose de 9 c. ce. — Le 2° sérum était aclif à la dose de 7 c. c. Deux lapins de 2 kilog. environ ont été protégés par cette dose. — 12 c. c. du 3° n’ont pas empêché deux lapins de prendre le charbon. D’autre part, j'ai saigné un mouton 6 jours après une inocu- lation de 100 ç. c., toute réaction ayant disparu. L'animal avait reçu à ce moment 450 c. c. de culture charbonneuse, Le sérum recueilli n'était pas toxique, puisque j'ai pu en donner 14 c. c. à un lapin sans provoquer la moindre fièvre mais il n’avait pas un très grand pouvoir préventif. Une saignée antérieure avait révélé une activité préventive de 1/600, c'est-à-dire que 3 c. c. protégeaient un lapin de 2kilog. 4 c. c. cette fois-ci ont donné à un lapin une survie de 6 jours * sur le témoin, mais ne l’ont point empêché de mourir. Le même mouton, sans avoir été inoculé de nouveau, a été saigné 15 jours plus tard. Aîtce moment-là, son sérum était actif au 1000°, c'est-à-dire que 2c.c. protégeaienteun lapin de 2 kilog. Un mouton, qui avait reçu 1,400 c. c. de culture, me don- nait, au 1° octobre 1895, un sérum dont l’activité était de 2,000. Cet animal avait recu 300 c. c. de charbon virulent sous la peau le 26 août 1895. Sans avoir été inoculé de nouveau, il a été saigné le 30 octobre. Le pouvoir préventif de son*sérum avait à ce moment baissé des deux tiers. F En 30 jours, le sérum avait donc beaucoup diminué d'activité. Dans ces conditions, il ÿ a tout intérèt à recharger fréquem- ment les animaux producteurs de sérum, et à ne les laisser reposer que 3 semaines ou un mois au maximum avant d'opérer la saignée. . : 790 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Une fois recueilli, le sérum se conserve très bien avec tout son pouvoir. Un sérum au 1000°, au bout de deux mois, n'avait pas diminué d’activité. Il TRAITEMENT PRÉVENTIF. ” L'étude du sérum anticharbonneux a été faite en deux étapes, l'une où j'opérais avec le sérum de lapin, l'autre où j'ai employé le sérum de mouton. : Sérum de lapins. — Le charbon employé.pour inoculer les animaux d'expérience était un virus de passage qui, à la dose de 1/4 c.c., tuait un lapin de 2 kilogrammes entre 24el 72 heures. La dose inoculée était invariablement de 1/3 c. c. s Le 17 août 1894, à une première série de 4 lapins, j'ai donné des doses croissantes de sérum préventif, 24 heures avant l'inoculation charbonneuse. e , Le n° 1 qui avait reçu 2 c.c. de sérum est mort 24 h. après le témoin. — 2 — 4 — — 60 — — 3 = 6 — _ 6 jours — » — À = 9 — = a résisté. — D, témoin, est mort en 24 heures. Une deuxième série de 4 lapins a reçu 8, 10, 12, et 15 c. c. du même sérum. Tous ont résisté. Le témoin est mort en 26 heures. Le lapin qui avait fourni le sérum employé dans les deux expériences avait, au moment où je l'ai saigné, subi 12 inocula- tions de 1 c. e. de charbon virulent.# Plus tard, lorsque les lapins vaccinés, outre ces 12 c.e., eurent reçu pendant 15 jours de suite 1 c. c. par jour de charbon très virulent, la dose protectrice de sérum a été inférieure à 8 c. c. Trois lapins ont été traités. ” ù Le n° 4 qui avait reçu 5 c. c. de sérum est mort à jours après le témoin. — à — 6 — a résisté. — 6 — 8 — a résisté. . Aucun des lapins qui ont résisté n’a présenté de fièvre après linoculation charbonneuse, aucun na perdu de son poids; mais aucun d’entre eux n’a acquis l’immunité : inoculés 12 jours après la première expérience avec une dose semblable du même charbon, ils sont tous morts. . SÉRUM ANTICHARBONNEUX. 191 + Ainsi, le sérum, des lapins vaccinés acquiert rapidement le pouvoir préventif, puisque, dans cette expérience, celui-ci était manifesté après l'injection de 12 c. c. de culture charbonneuse virulente, faite en 12 fois. Ces petites doses fréquemment répétées ont été bien suppor- tées parles animaux traités: j'ai cependant renoncéà lescontinuer, pärce que j'ai remarqué que le pouvoir du sérum augmentait davantage, quand on donnait des doses de virus progressivement croissantes. C’est ainsi qu'un lapin, amené graduellement à supporter la dose énorme de 20 c. c. de charbon, m'a donné dans le même temps un sérum plus actif: 5 c. c. ont suffi à préserver un lapin de 2 kilogrammes. C’est pour la même raison que, dans le traitement des mou- tons, la méthode des doses croissantes a été adoptée. # Sérum de moutons. — Le premier mouton avait été saigné le 10 janvier, et son sérum,.essayé, n'avait aucune propriété pré- ventive. Deux lapins qui en avaient reçu l’un 12 c. c.. l’autre 20 c. c., sont morts en même temps que le témoin. Ce mouton a été de nouveau saigné le 28 mai 1895. Il était en traitement depuis le 18 janvier, et avait reçu à €e moment-là environ 200 c. c., de culture. La dernière inoculation avait eu lieu le 18 mai, et avait été de 100 c. c. Le 29 mai j'ai inoculé trois lapins : le premier avec 2 c. c. du sérum recueilli la veille, le deuxième avee 4 c. c., le troisième avec 8 c. c. du même sérum. Le lendemain chacun d’eux reçut, en même temps qu’un témoin, 1/3 de c. c. de culture de charbon virulent. Le témoin est mort en 24 heures: le lapin n° 1 en 18 jours, avec quelques rares bactéridies dans les organes, mais avec une quantité prodigieuse de bacilles au point d’inoculation. Les bâtonnéts étaient serrés les uns contre les autres, comme dans une culture, et n'étaient pas entourés de l’œdème caractéristique. Les lapins 2 et 3 résistèrent. J'ai répété cette expérience à plusieurs reprises avec des résultats presque identiques : la prévention a toujours été com- plète à partir de 3 c. c; mais plusieurs fois j'ai rencontré des lapins qui ont résisté avec 2 c. c. seulement. Le dose de 1 c. c. n'a jamais protégé. Un deuxième mouton, qui avait reçu 1.050 c. c. de charbon L 1020 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. , virulent, a fourni un sérum dont le pouvoir préventif n'était guère supérieur à celui du premier. La dose qui protégeait sûre- ment était descendue à 2 c. c.; 1 c. c. prévenait quelquefois la maladie charbonneuse. Enfin, quand le même mouton eut reçu la dose totale de 4,400 c. c. de cultures virulentes, le pouvoir préventif de son sérum atteint 1/2000 c’est-à-dire que 1 c. c. de sérum protégeait un lapin de 2 kilogrammes inoculé avec 1/4 de c. c. de charbon virulent. Telle est l’activité la plus forte que j'aie pu jusqu'ici donuer au sérum anticharbomieux. Mais j'espère l’amener plus tard à un degré d'énergie bien plus considérable, car les animaux en traitement réagissent toujours aux inoculations nouvelles. Je crois aussi qu'en se servant, au lieu de moutons, d'animaux plus grands et plus sensibles au charbon, comme l'âne ou le cheval, on obtiendrait encore de meilleurs résultats. Quoi qu'il en soit, le sérum de mouton, tel qu'il est aujour- d’hui, prévient très nettement le charbon; mais aucun des ani- maux traités par ce sérum n'était vacciné. Tous ont succombé à une inoculation ultérieure de charbon virulent. Dans les expériences précédentes j'ai fait les inoculations sous la peau du flanc; je donnais le sérum d’un côté et le char- bon de l’autre. Il est d’autant plus important de signaler ce mode opératoire, que les expériences ci-dessus ne sont vraies que dans ces conditionssL’inoculation est plus ou moins grave sui- vant les points du corps où elle est faite, et la présérvation exige alors plus ou moins de sérum. Pour garantir un lapin inoculé sous la peau de l’oreiïlle, il faut deux fois plus de sérum que lorsque l'injection est faite sous la peau du dos. Lorsque le sérum était au 14000°, il en fallait au moins 5 ©. ©. pour que la prévention füt efficace : quand il a été au 2000°, 3 c. c. suffisaient. . , Injectées dans le péritoine. les bactéridies se développent tou- jours si l’animal en expérience n’a pas reçu des doses considé- rables de sérum : au moins 15 c. c: d’un sérum au 2000°. Dans les veines, l'inoculation est tellement grave qu'il faut, pour la prévenir, se servir d’un sérum beaucoup plus actif, ou bien employer des doses encore plus fortes que celles qui ont été données. J'ai injecté dans le tissu cellulaire sous-cutané de % à 15 ©. c. de sérum au 2000° sans apporter un obstacle appré- 4 SÉRUM ANTICHARBONNEUX. 793 ciable à la marche de la maladie. Cependant, 20 c. c. ont donné, à un lapin, 3 jours de survie sur le témoin. A l’autopsie, il n’y avait aucun des signes caractéristiques du charbon; il n’a pas fallu faire moins de 10 préparations colorées de sang et de pulpe de rate pour rencontrer une seule bactéridie. Des tubes de gélose ensemencés largement ont donné de rares colonies de charbon. | Le sérum injecté préventivement dans le péritoine n’est pas plus actif que sous la peau, mais l’est autant. Au contraire, il perd beaucoup de son activité quand il est introduit dans les veines. #, 8, 10 c. c. d’un sérum qui, donné sous la peau, est préventif au 2000°, n’ont point empèché de mourir des lapins qui avaient recu sous la peau 1/4 c.c. de charbon virulent. Ils’ ont succombé cependant avec un retard de plus en plus accentué sur le témoin : depuis 72 heures jusqu’à 8 jours. J'ai fait sur les cobayes un certain nombre d’expériences qui ne m'ont donné aucun résultat positif. 1, 2, 4 c. c. de sérum au 1000° sous la peau, 6 c. c. dans le péritoine, n’ont point préservé contre 1/4 de c.c. de charbon virulent. . 10 c. c. du même sérum, inoculés dans le péritoine, ont ce- pendant donné à un cobaye 12 jours de survie sur le témoin. On n'avait iujecté que 1/10 de c. c. de culture virulente. Cette dernière expérience semble indiquer que, quelle que soit la sensibilité du cobaye au charbon, il n’est cependant pas impossible de le préserver; mais il est nécessaire d’avoir un sé- rum plus actif que celui que je possède, car on ne peut songer à inoculer dans le péritoine d’un si petit animal des doses supé- rieures à 10 c. c. C’est une étude que je me propose de reprendre plus tard. L III TRAITEMENT CURATIF. Je comprends sous cette rubrique les cas dans lesquels le trai- .tement a été institué dès le moment de l’inoculation charbonneuse, quoique à proprement parler ce ne soit point là un vrai traite- ment curatif. Mais chez des animaux qui peuvent succomber au charbon sans avoir présenté, jusqu'aux moments, qui précèdent 194 ANNALES DE L’ INSTIFUT PASTEUR. , tonte la mortsaucun symptôme de maladie, il est bieñ difficile de déterminer à quel moment commence réellement cure, à quel moment s'arrête la prévention. D'ailleurs, chaque fois que je parle de simultanéité dans l'application du virus et du sérum, il s’est écoulé ‘en réalité un quart d'heure ou 20 minutes entre l'administration du premier el celle du second. * Les expériences ont été faites en deux séries. La première DIAGRAMME N° 1. ” €7ez772 K RÉ TER [FA NE l 3 cc.s PEAÈS2 ditiié CE hi fl F fl F CTI comprend celles où l’on a employé le sérum de lapin, la deuxième celles faites avec le sérum de mouton. Sérum de lapin. — Sur 24 lapins, traités immédiätement après l’inoculation, 7 sont restés wivants. Ils avaient reçu de 7 à 17 c. c. de sérum, les uns en une seule fois, les autres à doses fractionnées. Eu général, chez les lapins qui ont survécu, on n’a observé aucan symptôme de maladie ; le plus souvent ceux qui ont eu, malgré l'injection du sérum, de l’œdème et une élévation de température bien accusée, ont succombé, alors même qu'on renouvelait les doses. Mais, dans tous les cas, les lapins traités ont eu une survie sur les témoins. Il va sans dire que la résistance individuelle des animaux entre en ligne de SÉRUM ANTICHARBONNEUX. 795 compte, et qu'une dose de sérum qui suffit à guérir'un animal est impuissante à sauver l’autre. | Les expériences représentées par les deux diagrammes 1 et 2 viennent à l’appui de ces diverses propositions. Le lapin qui a survécu (diagr. 1) n’a pas montré la moindre réaction fébrile ; le charbon introduit sous la peau a été détruit DrAGRAMME N° 2. ES Re Ÿ RS éTUYA -a7ts. 6lec. 7e vlus d'œdêmne # cc.ch. +6 ce. sérler ce daeinez Sce.s ere dim. “si vite qu'il n'a pas eu le temps d’influencer l'organisme : c’est là presque de la prévention. Le lapin qui est mort a survécu deux jours au témoin (mort en 57 heures); il a eu une réaction fébrile intense. Cependant il avait reçu, même à la première injection, plus de sérum que + celui qui a résisté. Dans l'expérience du diagr.2;le témoin est mort en 22 heures. De même que dans la précédente, le lapin qui a succombé a reçu plus de sérum que celui qui a survécu. Il a eu une réaction très vive; le second n'a présenté que des symptômes de maladie presque insignifiants : l’œdème, constaté chez lui au lendemain de l’inoculation, était peu accusé et a disparu très vite. Un lapin, traité 4 heures après l’inoculation charbonneuse, a guéri sans réaction, avec l'injection de 6 c.c. de sérum faite en À 196 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. trois fois. Son histoire est consignée dans le diagramme ci- dessous. Le témoin est mort en 25 heures. . DiaGRaAMME N° 3. non foi —— —— _ Enfin, dans l'expérience suivante, le traitement n’a été appli- qué au lapin n° 2 que 7 heures seulement après l'infection. Il est mort 108 heures après le témoin, malgré les doses nom- breuses de sérum qu'il a reçues. Son histoire est cependant inté- ressante : il a eu, au point d’inoculation, un œdème très accusé qui a fini par disparaître sous l'influence du traitement; mais, en même temps que l'’œdème rétrocédait, la température s’éle- vait de plus en plus jusqu’à la mort. A l’autopsie, on ne rencon- tra que quelques rares bactéridies dans les organes, mais les ganglions lymphatiques étaient augmentés de volume et bourrés de bacilles. Le sang et la rate contenaient un nombre prodigieux de cellules nn Le lapin n° 1 avaitété traité aussitôt après l’inoculation; il n’en apas moins succombé au charbon avec 48 heures de, retard sur le témoin qui est mort en 29 heures. (Diagr. 4.) Aucun des animaux guéris n'était vacciné; tous sont morts, en même temps que le témoin, à la suite de l’inoculation de 1/3 c. c. de charbon. Ces résultats, fortincomplets, sont dus à ce que le sérum employé n’avait pas un pouvoir suffisant, bien que quelques-uns des lapins qui l'ont fourni pussent Supporter, sans réagir, 20 c. c. de culture charbonneuse donnée en une fois. Sérum de mouton. — Les expériences, avec le sérum de mou- ton, ont été faites au moyen de sérums d’activité différente, variant de 600 à 2,000 ; c'est-à-dire qu’un tentimètre cube, injecté x + SÉRUM ANTICHARBONNEUX. 797 avant l infection, suffisait à préserver de 600 grammes à 2 kilo- grammes de lapin. Dans une première expérience, 4 lapins ont reçu des doses de 1,2,4,6 c. c. de sérum, une demi-heare après l’inoculation de 1/3 c. c. de charbon virulent: ce sérum avait une activité de 600. Le lapin témoin est mort en 48 heures. Celui qui a reçu 1 €. c. est mort en 72 heures. — PIC C- — — 144 — — 4 C. C. — — 48 E— : = 6'C. c. — — 168 —= Dans une deuxième expérience, faite avec le même sérum DIAGRAMME N° 4. donné 1 heures après le charbon virulent (1/3 c. c.), le lapin n°1, chez qui la dose de sérum inoculée était de 4 c. c. seule- ment, est mort 5 jours après le témoin ; le n° 2, qui avait recu T c.c., a survécu après avoir été très malade pendant quelques jours. Une inoculation ultérieure de charbon virulent a môntré qu'il était vacciné. Dans une troisième expérience, le même sérum a été injecté 27 heurés après le charbon virulent (1/3 c. c.). Les doses inoculées,. Ac. c., ec. c. et lL'c? c. n'ont point protégé. Le lapin Do le plus de sérum est celui qui est mort le plus vite. Le n° 2, qui avait été inoculé le premier jour avec 3 c. c. etle lendemain avec 2 c. c.. P) 198 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. est celui qui a survécu ie plus longtemps (2 jours de retard sur le témoin). 3 | + Lorsque le sérum de mouton a eu une efficacité préventive de 2,000, il est devenu curatif à la dose de 7 e. c. quand il était inoculé en même temps que le charbon, ou bien encore 7 heures. après; curatif à la dose de 10 c. c. quand il était injecté 24 heures après le Ÿirus, ainsi que le montrent les tableaux suivants : 1° Injection du sérum et du charbon faite en même temps. Le sérum est introduit sous-la peau du flanc gauche, le virus sous Ja peau du flanc droit. Le témoin, inoculé avec 1/4 c. c. DIAGRAMME N° 5. , . Juin (313 FRTEGTE Le ETS EM SR 2 RE RE de charbon virulent, meurt en 48 heures; sa température est montée à 41° (Diagr. 5); 20 Sérum injecté 7 heures après l'infection. Le témoin meurt en 48 heures (Diag. 6) ; 3° Sérum injecté 24 heures après l’infection. Le témoin meurt en 48 heures (Diagr. 7) : Lorsque l'injection d’une dose suffisante de sérum suit de près l’inoculation du virus, les lapins ne présentent aucun signe de maladie, comme si la bactéridie introduite sous la peau pe s'était pas développée. Ces animaux ne sont pas vaccinés : ino- culés plus tard, ils meurent du charbon en même temps que les témoins. Il n’en est plus de même lorsque l'intervention est plus tardive. Dans le cas où le sérum a été donné aux lapins 7 heures et 24 heures après l'infection, ceux-ci ont eu de la fièvre, et un commencement de maladie qui s’est arrêté, mais . s | | i A : ‘. à Là SÉRUM ANTICHARBONNEUX. 799 a qui à suffi pour leur donner une résistance solide au charbon, car, éprouvés 12 jours après, ils ont à peine réagi à l'inocula- tion virulente. ; DrAGRAMME N° 6. Fi in | Dsl Peau an au DIT ER MR UE — ———— D AIS EE AVE MM EE IS Lorsque l’ædème est déjà bien développé au moment de l'intervention, la guérison est très difficile, même quand on injecte des doses considérables de sérum, 15, 20 e. c. d’un sérum au 2000° sous la peau et dans le péritoine. Je n’ai pas sensible- ment prolongé l’existence de lapins ainsi tardivement traités. Ils mouraient à peine un jour plus tard que les témoins. DIAGRAMME N° 7. Cependant, j'ai pu constater chez quelques-uns, 12ou18heures après l'administration du sérum, soit une diminution notable, soit une disparition complète de l'œdème. Les animaux mou- + . prouve l’expérience suivante : . presque laiteux. ; : ‘e 800 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. | raient néanmoins avec de nombreuses bactéridies dans le sang. Mais ce résultat fait espérer que lorsque le sérum aura acquis un pouvoir plus conSidérable, la guérison sera encore possible à celte période de la maladie. : | on IV ACTION DU SÉRUM SUR LES ANIMAUX TRAITÉS. Comme tous les sérums d’ailleurs, le sérum anticharbonneux n'agit point du tout à la manière d’un vaccin. Son action pro- tectrice s'établit très vile, mais elle cesse de même, comme le # Huit lapins reçoivent la dose minima préventive de sérum (2 c. c.) lé 15 août 1895. ” Chacun d'eux reçoit ensuite 1/%c.c. de charbon virulent, mais après des intervalles de temps différents et chaque fois en même temps qu'un témoin nouveau. Le 1°" est inoculé au moment où il reçoit le sérum : meurt 48 heures après le témoin. Le 2 — 6 heures après le premier, résiste. Le 3 — 12 — — = HET ONE Re — — Le 5 — 248 — — — Le 6 — 3 jours — — — Let — "4 — — Meurt 50 heures après le témoin. . Le 8° — D — — Meurt en mème temps que le témoin. Si cette action du sérum n’est pas durable, elle est cependant très énergique, puisqu'elle permet à des lapins traités préventi- vement de détruire le charbon qu’on leur inocule, assez vite pour que l’organisme n’ait pas le temps d’être éprouvé, et pour que les cellules ne soient pas modifiées par les bactéridies introduites. Les animaux, en effet, ne sont jamais vaccihés. Quel est le mode d’action du sérum? C’est ce que nous cherchons à élucider par les expériences suivantes : Quand on injecte 5 c.c. de ce sérum dans le péritoine d'un lapin normal dont l’exsudat péritonéal est clair et transparent, on constate au bout de 24 heures que cet exsudat est d'une richesse inouïe en leucocytes. Il est très dense, blanchâtre, . Si, à ce moment, on introduit dans ce péritoine un centimètre cube de bouillon dans lequel on a délayé une anse de platine de charbon asporogène cultivé sur gélose,on constate que, 2 minutes . SÉRUM ANTICHARBONNEUX. 801 après l’inoculation, l'englobement du charbon par les leucocytes est déjà presque complet ; 10 minutes plus tard on ne rencontre plus de bactéridie libre. Les leucocytes sont réunis en amas au sein desquels on me voit plus les filaments ‘. Si l’on fait des ensemencements successifs avec cet exsudat péritonéal, on s'aperçoit que le nombre des colonies qui se développent dans les tubes diminue de plus en plus; au bout d’une heure les colonies deviennent très rares, mais elles sont virulentes. Après 12 heures tous les tubes qu'on sème restent stériles. Les mêmes phénomènes se passent chez le lapin vacciné, mais la phagocy- tose est moins rapide, à moins qu'on ne l'ait préparé la veille en lui injectant dans le péritoine quelques c. ce. de bouillon stérile. Le sérum semble donc exagérer considérablement l’activité des globules blancs. [1 augmente leur mobilité. En effet, déjà 1/4 d'heure après l’inoculation de charbon virulent à un lapin traité préventivement, on constate, sur des coupes de tissu, que tous les vaisseaux environnant le point d’ino- culation sont dilatés et bourrés de leucocytes, dont un grand nombre ont déjà traversé la paroi et se dirigent vers les bactéries. La phagocytose commence immédiatement et s'accélère de plus en plus. Au bout d’une heure toutes les bactéries sont englobées. On peut suivre ces phénomènes assez facilement en inoculant un animal sous la peau de l'oreille, et en faisant de temps en temps des prises d’exsudat avec une pipette stérilisée. Dès le premier quart d'heure il se développe au point d’ino- culation de la rougeur, et le thermomètre indique dans cette région une élévalion de température notable. L'exsudat, prélevé à ce moment, contient déjà beaucoup de leucocytes qui ont englobé quelques bactéridies. La majeure partie des bâtonnets est libre cependant, mais, an bout d’une demi-heure, la proportion change, les bactéridies libres sont en minorité. Au bout d’une heure, en général, la phagocytose est complète. Il est facile de s’en convaincre: sur une iame on dépose une gouttelette d’exsudat qu’on étend rapidement en une couche mince qui sèche aussitôt. On fixe à la flamme et on colore à la 1. Dans une série d'expériences faites sur des lapins très bien vaccinés, et sur -des lapins auxquels on venait d’injecter, dans le péritoine, du sérum préventif, je n’ai pas observé un changement de forme des bactéridies comparable à celui que M. Pfeiffer a décrit pour le vibrion cholérique. )1 e L . , 802 ANNABES DE L'INSTITUT: PASTEUR. ‘ + thionine (solution de Nicolle, Annales de l'Institut Pasteur, août 1895). En faisant la double coloration à l’éosine alcoolique et au bleu de méthylène à 3 0/0, on peut facilement, comme lont vu déjà MM. Metchnikoff pour le choléra, Cantacuzène pour le cibrio Metchnikovi, Mesnil dans la lymphe des Lézards inoculés du charbon, constater qu'une partie des bactéridies ne prend plus le bleu et se colore en rouge par l’éosine. È Déjà, une heure après l’inoculation, il y presque autant de microbes rouges que de microbes bleus; quelques-uns d’entre eux paraissent violets parce qu'ils prennent les deux colorations. On peut quelquefois observer ce phénomène à un stade plus avancé : les bactéridies rouges se segmentent et deviennent des granulations pseudo-éosinophiles. .; Pour faire ces différentes recherches, 1l est nécessaire de se servir de plusieurs lapins, car Le seul fait de léser Les tissus pour : prélever un peu d'exsudat suffit à modifier les résultats. Je l'ai constaté maintes fois. Les lapins auxquels ôn a fait des prises antérieures gardent plus longtemps des bactéridies libres dans l'exsudat. Plus on a fait de prises, moins l'animal réagit. Plusieurs lapins dont l'oreille avait été profondément lésée par la pipette où par des pressions exercées sur la partie œdématiée, ont fini par mourir avec une pullulation des bacilles charbonneux. Jls avaient reçu préventivement 5 c. c. dé sérum aa 1,000. Ainsi, quand il y a une entrave à l'absorption rapide du bacille charbonneux, l’animal ne résiste pas. J'ai répété souvent avec le même succès l’expériencesuivante : À deux lapins je donnais 5 c. c. de sérum, puis, le lendemain, je lesinoculais en même temps qu'un témoin; à l’un je donnais 1,4 c. c. de charbon sous la peau de l'oreille ; à l’autre j'injectais la même quantité, mais au sein d’une ecchymose que j'avais provoquéeenmartelant légèrement l'oreille. Le lapin n° 2 présentait déjà dès le lendemain une élévation, considérable de la température, qui restait normale chez le n° 1. Il se montrait souvent de l’æœdème de l'oreille qui, dans quelques cas mêmes, alteignait des dimensions monstrüeuses. Cette éléva- tion de température et cet œdème persistaient pendant les jours suivants, enfin l'animal finissait par mourir avec 5 ou 6 jours de retard sur le témoin. A l’autopsie on trouvait peu de bacté- ridies, mais on en rencontraiteadans tous les organes. + SÉRUM ANTICHARBONNEUX. 803 Le lapin n° 1 auquel on n'avait pas fait de lésion résistait. C'est que, dans cette expérience, faite à l'exemple de celles de MM. Roux et, Notard pour le charbon symptomatique, et de M. Vaillard pour le tétanos, l'introduction des bacilles dans un caillot a empêché l'intervention des” phagocytes pendant la période où agit le sérum. Préservées de la destruction, les bacté- ridies pullulent. C'est ainsi, sans doute, que les choses se passent quand on inocule du sang charbonneux. Eu effet, les doses de sérum qui suffisent pour préserver contre 1/4 de c. c. de culture, sont tout à fait impuissantes contre la même quantité de sang charbon- neux Bien plus, 20, 30 C. €: d’un sérum au 2,000°, n'ont point entravé l'infection causée par le sang. L'animal qui a reçu la première dôse a survécu un jour au témoin, celui à qui on a donné la 2° est mort cinq jours plus tard. ." 40 c.c. du même sérum ont protégé un lapin qui, après avoir été très malade, s’est remis définitivement. Tous ces animaux avaient recu environ 1/4 6. c. de sang charbonneux. Ceux qui sont morts présentaient au point d’inoculation un caillot formé par le sang inoculé. C'est peut-être cette circonstance qui rend la préservation si difficile, ear elle réalise des conditions semblables à celles que présentaient les animaux inoculés dans une ecchymose. Pour m'en assurer, j'ai essayé de supprimer ce caillot en délayant soigneusement 1/4 c. c. de sang charbonneux dans 9 ©. c. de bouillon stérile et en laissant reposer pendant quelque temps. Quand le liquide ne m'a plus paru contenir de gru- meaux en suspension, j'ai décanté la partie supérieure en la puisant délicatement avec une seringue armée de son aiguille. Je me suis assuré que celte liqueur, bien reposée, contenait encore beaucoup de bactéridies. Deux lapins, qui la veille avaient reçu 8 c. c. de sérum au 2000, ont reçu, l’un le sang délayé, l’autre 1/4 c. c. de Sang pur, ce dernier en même temps qu'un témoin. Le lapin n° 1 à survécu après avoir été assez gravement malade ; le n° 2 est mort 4 jours après le témoin. Les phagocytes étaient donc bien arrêtés par le caillot qui les empêchait d'assurer la protection de l'organisme. En faisant disparaître l'obstacle, on a rendu la prévention possible. 804 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Les spores charbonneuses sont munies d’une membrane d'enveloppe très résistante qui s'oppose à leur destruction rapide par les phagocytes. Aussi je n’ai jamais pu préserver un lapin contre une infection par des spores. J'ai injecté 5, 10, 12 ©. ç. de sérum préventif à des lapins qui recevaient ensuite 1/4 c. c. d’un bouillon contenant en sus- peusion un grand nombre de spores charbonneuses recueillies sur de vieilles cultures. Le n° 1 a eu # jours, les deux autres 5 jours de survie sur le témoin. sa J'ai pu prolonger pendant 12 jours la vie d’un lapin auquel je donnais tous les deux jours 5 c. c. de sérum pour maintenir son immunité. J’ai dù cesser ces inoculations par manque de sérum : l’animal est mort 4 jours plus tard. C'est parce que le charbon qui me sert d'ordinaire contient quelques spores (quoioue les cultures n’aient pas plus de 24 heures de séjour à l’étuve) que deux des animaux immunisés avec la dose minima préventive sont morts l’un après 18 jours, l’autre après 24 jours, avec une véritable culture au point d’ino- culation. Cet accident ne s’est jamais produit quand je me suis servi de charbon asporogène. La destruction de ces bactéridies fila- menteuses semble aussi plus commode pour les cellules, car, au moment où le sérum avait un pouvoir de 14/1000, 1 c.c. 5 a suffi pour protéger un lapin qui recevait le lendemain 1/4 e. c. d'une culture en bouillon de charbon asporogène. De même un autre lapin, grâce à une injection préventive de 3 c. c. seulement du même sérum, a résisté à 1/4 c. c. de charbon asporogène inoculé sous la peau de l'oreille. Les témoins avaient suecombé en 3 et 4 jours. Je ne sais encore à quelle influence attribuer un phénomène qui se produit souvent avec le sérum anticharbonneux prove- nant du mouton. Il se forme au point d’inoculation, même avec de très petites doses, un œdème riche en leucocytes polynu- cléaires qi se résorbe d’ailleurs en 24 heures. Je n'ai jamais observé cet ædème à la suite des injections de sérum de mouton normal; M. Marmorek qui, ‘dans ses recherches sur le sérum antistreptococcique, a employé le sérum. de mouton, n’a jamais non plus fait celte remarque. Fr SÉRUM ANTICHARBONNEUX. 805 Y DE L’IMMUNITÉ CHEZ LES ANIMAUX VACCINÉS. L'immunilé acquise par la vaccination ne ressemble pas du tout à celle que procure le sérum anticharbonneux. Elle est aussi profonde que celle-ci est superficielle, aussi durable que la seconde est fugace. Des animaux vaccinés ont pu recevoir des doses véritable- ment formidables de cultures virulentes; un lapin vacciné depuis un au, qui depuis 8 mois n'avait point reçu de charbon, a supporté d’un seul coup 5 c. c. de culture. Cependant les ino- culations antérieures n'avaient jamais dépassé 1 c. c. de cullure virulente à la fois. On peutinoculer. à l'oreille, un lapin vaceiné sans provoquer chez lui autre chose qu’un petit abcès si le charbon employé était en flocons. On peut faire une ecchymose et inoculer dans le caillot du charbon virulent sans amener chez le lapin vacciné une éléva- tion notable de la température. C’est à peine s'il y a un peu de chaleur locale, qui tient à la congestion des vaisseaux au tra- vers desquels se fait la diapédèse. Sans doute, chez cet animal, la toxine a déjà fait son œuvre, les cellules sont aguerries, et les phagocytes n’ont pas besoin de se hâter pour préserver l’or- ganisme. Le travail de destruction des bactéridies par les cellules va lentement, mais continuellement; elles n'ont pas de ces défaillances fatales que l’onobserve dans les essais de protection par le sérum, _ On peut également donner à un lapin vacciné du sang char- bonneux sans provoquer chez lui autre chose qu'une réaction proportionnelle à la dose injectée. La destruction dans ce cas s’opère plus lentement que lors- qu'on inocule une culture, en bouillon, de charbon non flocon- meux. Six heures après l'inoculation, il n’y & pas encore de phagocytose appréciable, même quand le sang est déposé sous la peau en couche très mince. Au bout de dix heures, en géné- ral, l’englobement est complet. Dans un cas, 24 heures après l’inoculation, presque tous les leucocyles contenus dans l’exudat. renfermaient une ou deux ‘ 806 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. bactéridies qui se coloraient entièrement par l’éosine. 30 heures après, il n'y avait plus que quelques cellules qui contenaient encore des bâtonnets rouges, la plupart ne renfermaient que des granulations éosinophiles ou plutôt pseudo-éosinophiles, dis- posées quelquefois suivant une ligne droite qui figurait encore le bâtonnet désagrégé. Au bout de 36 heures, on ne rencontrait plus qu’un très grand nombre de leucocytes bourrés de granulations éosinophiles. Beaucoup d’entre eux même avaient éclaté ou s'étaient détruits, et de nombreuses granulations paraissaient libres dans la pré- paration. Les leucocytes qui détruisent si facilement le sang charbon- neux n'ont pas la même activité vis-à-vis du charbon en flocons ou des spores. | Quand on inocule des flocous, la destruction ne peut s Fe. qu'à la périphérie, où les leucocytes s’amassent en quantités énormes. Les premiers arrivés englobent des filaments et les transforment, mais la cellule ne sort pas toujours intacte de cette lutte avec le microbe. Quand on retire un peu d'exsudat pris au milieu du poiut d'inoculation, on voit des globules blancs dont le protoplasma ne se colore plus du tout, dont le noyau écrasé, étalé, prend un peu l’éosine. Les granulations éosinophiles nom- breuses que contenait le leucocyte sont dispersées autour de lui. La cellule est visiblement morte. Mais, au pourtour, il existe une ceinture de leucocytes nou- vellement arrivés; ils sont arrêtés par la masse centrale qui augmente constamment. Au bouts d’un temps plus ou moins long, il s'est formé là un vrai petit abcès, dans lequel on trouve encore des bactéridies vivantes, et qui finit par se résorber quand tous les microbes sont détruits. C'est le même phénomène qui se passe uni on introduit sous la peau de l'oreille d’un lapin des spores en suspension dans du bouillon. Il se développe encore un abcès, mais la genèse en est différente. » Les spores ne sont pas réunies en masse compacte; elles sont séparées, aussi ne tardent-elles pas à être englobées. Les leucocytes qui arrivent se chargent rapidement de ces germes. J'en ai rencontré au bout d’une heure qui contenaient 12 et 14 spores dans leur intérieur. SÉRUM ANTICHARBONNEUX. 807 12 heures après l'inoculation, le phénomène avait un peu changé de naturé& Ces leucocytes, bourrés de spores, avaient éclaté ; on en voyait les débris, le noyau était en voie de destruc- tion et prenait l'éosine. Maïs d’autres leucocytes étaient arrivés. qui avaient fait autour de ces spores comme une barrière et les enfermaient dans une zone extérieure à l’animal, pour ainsi dire, au sein de laquelle elles étaient libres ou englobées. «24 heures après, cet embryon d° Hs s'était affirmé. Il était formé, au centre, de leucocytes détruits en majorité et de : quelques autres en bon état et remplis de spores, à la périphérie de phagocytes récemment immigrés. Les spores, dont la coque est sans doute difficile à entamer par les sécrétions des phagocytes, résistent longtemps. Quelques- unes sont cependant détruites à l’état de spores qui deviennent colorables par l’éosine; mais la majorité disparait suivant le procédé indiqué par Trapeznikoff dans ces Annales". Elles serment et deviennent alors de très courts bâtonnets colorables par le bleu de méthylène. Ces jeunes bactéridies, rapidement engobées, sont détruites alors par les cellules. Mais ces transformations se produisent très lentement 70 jours après l’inoculation, j’ai pu, au sein de l’abcès, recueillir un peu de pus qui m'a donné des cultures pures de charbon et qui a tué un cobaye en 48 heures. L'abcès est une forme de guérison par localisation de la ma- ladie, et la bactéridie charbônneuse, comme les autres microbes, est capable d'en produire. Si l’on ouvre ces abcès et qu'on évacue le pus formé, comme je l'ai fait chez un lapin, la petite plaie ne tarde pas à se cicatriser et l'animal ne présente aucune trace nouvelle d'infection locale ou générale. Les éléments cellulaires jouent done chez les lapins vaccinés contre le charbon un rôle très important. Ce sont les phagocytes qui empêchent la pullulation des bacilles et qui sont chargés de les détruire. J'ai essayé par divers moyens de mettre en défaut cette activité des phagocytes et de permettre à la bactéridie de se développer malgré l'immunité acquise. J'ai inoculé à un lapin vacciné du charbon une calture de streptocoque de l’érysipèle sous la peau de l'oreille, puis je lui ai donné une culture de charbon contenant des spores. L'animal 4, Tome Vip. 362. 808 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. a été très malade ; il a eu un érysipèle typique qui a envahi toute la tête, mais dont il a fini par guérir après avoir présenté des températures très élevées. Le témoin qui avait reçu du strepto- coque a guéri également après une longue maladie. Un lapin témoin, qui avait reçu 1/4 c. c. de la culture charbonneuse, est mort en 48 heures. J'ai répété la même expérience en inoculant dans les veines les deux virus. Les témoins sont morts, le lapin vacciné a résisté. J'ai essayé de donner à un autre animal des toxines pas vi nant d’une culture chauffée d’un B. coli récemment recueilli daus les matières fécales d’un enfant atteint de diarrhée. Il y a eu une réaction très vive, mais le charbon inoculé en même temps a été détruit néanmoins. u J'ai répété l'expérience sur un 4° lapin en donnant d’abord la toxine de B. coli, et en inoculant le charbon pendant la fièvre. Le succès n’a pas été plus grand. Un 5° lapin a reçu 6 c.c. de culture vivante de bacille de Kiel. Il s'est formé un vaste abcès au point d’inoculation, mais le charbon, donné en même temps, n’a pas pullulé. La macération de la levure de bière développe chez les animaux auxquels on l’injecte une fièvre ardente, mais de courte durée. J’ai essayé d'inoculer du charbon pendant cette période fébrile ; il a été détruit. J'ai inséré sous la peau d’un lapin des spores charbonneuses enrobées dans de la gélose. Elles sont restées en’place sans pro- voquer de réaction fébrile, et ont formé un nodule d’induration qui a persisté jusqu'àla mort de l'animal, survenue accidentelle- ment sans qu'on puisse trouver dans ses organes aucune trace de charbon. J'ai donué à un lapin vacciné 1/5 c. c. de toxine diphtérique. Le lendemain, la température étant très élevée, je lui ai inbculé Le.c. de charbon contenant des spores. Il est mort le surlen- demain. Tous les organes ensemencés n’ont donné aucune cul- ture de charbon. J'avais renoncé à vaincre cette immunité si tenace, quand sont arrivés les grands froids des mois de janvier et février 1895. Le 28 janvier, je donne 1 c. c. de charbon à un lapin qui avait déjà résisté à des doses répétées de charbon, et quisn'avait point % . SÉRUM ANTICHARBONNEUX. 809 été inoculé depuis 12 jours. Cet animal, resté exposé au froid vif de la nuit, du lendemain, de la nuit suivante, meurt le 31 janvier à midi. Ses organes contenaient des bactéridies et ont donné des cultures pures de charbon. J'ai, le 5 février, essayé de répéter l'expérience sur un autre animal vacciné qui est, après inoculation, resté exposé dehors pendant deux jours. Le 8 février, il a été tondu en partie. Il est mort le 10. Il y avait des bactéridies dans le sang et dans les organes. L Puis les froids ont cessé, je n'ai pas pu continuer. Je dois signaler pour finir qu'une lapine énergiquement vac- cinée, inoculée pendant la gestation avec 1/2 c. c. de charbon, est morte avec des bacilles dans tous les organes. Ces diverses expériences sont d’une interprétation facile. Dans le premier cas, le froid, comme dans l’expérience si con- nue de M. Pasteur sur Le charbon des poules, a agi sur l’ensem- ble des leucocytes, tandis que les procédés mis en œuvre aupa- ravant laissaient toujours indemnes un certain nombre de cel- lules qui suffisaient à la protection de l’animal. La gestation, comme le froid, diminue la résistance de tous les éléments cellulaires. Tous ces faits mettent encore en relief la différence entre limmunité pénible à acquérir, mais durable, donnée par les vac- cins charbonneux, et celle presque immédiate, mais fugace, qui suit l'injection du sérum anti-charbonneux. C'est grâce aux bienveillants conseils ae M. Metchnikoff que j'ai pu suivre de près les phénomènes de réaction phagocytaire. Je tiens à lui en témoigner ma reconnaissance. x CONCLUSIONS De l’ensemble de ce travail, je tirerai les conclusions sui- vantes : 1° Le sérum des animaux amenés progressivement à sup- porter de très fortes doses de cultures charbonneuses en bouillon acquiert une propriété spéciale; 2° Ce sérum possède des qualités préventives indiscutables ; 3° Il est curatif; « 810 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 4° Après l'injection du sérum, on observe une excitation passagère de la réaction phagocytaire, qui aboutit à la destruc- tion des bactéridies. % Chez les animaux vaccinés par les virus atténués, les bactéri- dies sont aussi détruites par les phagocytes, mais chez eux la ‘résistance phagocytaire est très durable. » SUR LA NUTRITION INTRA-CELLULAIRE Par EE. DUCLAUX. (TROISIÈME MÉMOIRE!) Je me suis surtout préoccupé, en étudiant la nutrition intra- cellulaire dans d'verses espèces microscopiques, d'en montrer toute la complexité, et de réagir DoDIRE les notions trop simplistes qui sont entrées dans la science à la suite des études faites sur la fermentation alcoolique. On ne saurait méconnaître, en effet, que l'étude de la levure de bière, qui devait ètre la première faite dès que M. Pasteur a eu clairement dévoilé le caractère vital des phénomènes de fermentation, n'ait donné de mauvaises habitudes d'esprit aux chimistes. Comme ferment, la levure de bière a des propriétés très par- ticulières, très spéciales, qu'on s’est trop hâté de généraliser. Elle ne consomme guère qu’une seule espèce d’aliment, les sucres, et encore seulement certains sucres. La transformation qu’elle leur fait'subir est toujours à peu près la même, les pro- duits de fermentation sont toujours a peu près identiques, quelles que soient les races de levures et les conditions de la fermenta- ton. C'est cette constance dans l’action qui a fait la fortune industrielle des levures, et, par une répercussion inévitable, c’est l’ imporlance industrielle des levures qui a attiré sur elles, dès l’origine, l’attention des savants. C'est pour des raisons analogues que la maladie charbon- neuse a été la première bien caractérisée et bicn étudiée parmi les maladies virulentes. La bactéridie charbonneuse est en quel- que sorte une dans ses manifestations, lorsqu'elle envahit un animal sensible à son action. Elle ne tient qu’un compte très relatif des différences de résistance individuelles ; elle domine la scène dès qu'elle y pénètre. Elle est simple, et c'est là ce qui a fait sa fortune, tant dans la science vétérinaire qu'au labora- toire. 4. Voir t. HI de ces Annales, p. 97 et 413. 812 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. La levure est de même simple quant à la nature de son ali-. ment et aux transformations qu’elle leur fait subir. Une fois la fermentation terminée, elle s’immobilise, reste à peu près inerte, et les modications que peut subir le liquide fermenté, vin, bière ou cidre, sont l’effet d’autres végétations cryptogamiques, vivant aux dépens des matériaux respectés par la levure, ou de ceux qu’elle mème a produits. J'ai essayé de réagir contre ces notions en montrant qu’elles n'avaient pas le caractère absolu qu’on leur attribuait. J'ai fait voir que la levure peut vivre aux dépens d’autres aliments que les sucres dits fermentescibles; qu’elle peut aussi devenir un agent de décomposition des matières albuminoïdes; que dans le lait, par exemple, elle peut sécréter une diastase rendant la caséine assimilable et capable de lui fournir l'azote. J’ai montré, d'un autre côté, que lorsqu'on laisse la levure au contact des corps qu'elle a produits dans l'acte de la fermentation, il y en a un au moins qu’elle ne respecte pas et qu’elle détruit peu à peu : la glycérine. Enlin, une série de travaux, pour la plupart sortis de mon laboratoire, a montré que lorsqu'on étudie de près des ferments moins fixés que les levures, on leur trouve des caractères très différents de ceux du ferment alcoolique. Leur action n'est pas univoque. Ils peuvent s'attaquer à des aliments très variés; avec le même aliment, ils ne donnent pas toujours les mêmes pro- duits. Il intervient, en dehors de l'influence déjà connue de l’aération, une influence de l’âge de la semence, de son éduca- tion antérieure et, par suite, de son origine, de la réaction du milieu. de la durée de la fermentalion, etc. Et ces influences, en apparence d’ordressecondaire, amènent dans la qualité et dans la quantité des produits de la réaction, des variations hors de toute proportion avec celles qu’on pourrait observer dans les mêmes conditions avec les levures”. 4. Ces Annales, t. IT, p. 415. 2, On n’a pu considérer comme certains les phénomènes de cet ordre que Île jour où on à pu être assuré de la pureté absolue du ferment mis en œuvre. Cest l'incertitude sur ce point qui rend douteux les résultats obtenus dans cet ordre d'idées avant les travaux de M. Pasteur, et même ceux de cet illustre savant sur la fermentation butyrique, ceux de Fitz sur divers bacilles, etc. Il faut en venir, pour avoir toute assurance à ce sujet, aux travaux de M. P. Frankland et ses collaborateurs, de M. Beverinck, et à ceux de MM. Fernbach, Gessard, Grimbert, Kayser, Perdrix, Péré, parus dans ces Annales. SUR LA NUTRITION INTRA-CELLULAIRE. 813 En un mot, la levure n’est pas le type général de la cellule ferment. C’est un type simplifié, dont les propriétés ont pris, sans doute à la suite d'une éducation séculaire dans des milieux toujours à peu près les mêmes, une stabilité très grande qu'il ne faut pas s'attendre à rencontrer, au moins au même degré, dans les cellules des autres ferments. Je voudrais aujourd'hui. aux exemples déjà fournis, en ajouter deux autres encore plus topiques, possédant à un très haut degré cette variabilité dans l’action et dans la fonction que je viens de signaler. Les ferments déjà connus sont ou bien des ferments des matières hydrocarbonées ou des ferments des matières azotées. Même les ferments lactiques de M. Kayser, qui, comme l’a montré ce savant, peuvent donner de l'acide lactique aux dépens des matières albuminoïdes, ne le font que péniblement. On voit qu'ils ne s’accommodent guère de cet aliment, et qu'ils Sont, de préférence, des ferments des sucres. Les deux microbes dont je vais parler, surtout le premier, sont au contraire, à peu près indifféremment, des ferments des matières hydrocarbonées ou des substances albuminoïdes, et fabriquent à leurs dépens les mêmes produits. Ils sont aérobies ou anaérobies, à volonté. De plus, avec la même substance, ils peuvent donner, suivant le cas, des fermentations si différentes qu'on peut légitimement se demander où sont leurs caractères spécifiques. On n’en trouve pas dans l’étude de leurs formes, car ils ressemblent à beaucoup d’autres bacilles ferments déjà étudiés. En somme, leur étude laisse tellement indistinete la notion d'espèce, qu'il faut être bien assuré d’avoir toujours affaire au même être pour ne pas croire - qu’on a affaire à des-espèces distinctes. Bref, en les rapprochant de leurs voisins déjà connus, on est amené à se poser une foule de problèmes de physiologie dont nous essaierons de résoudre quelques-uns. Mais exposons d’abord les faits : nous en tirerons ensuite les conséquences. [. — AMYLOBACTER BUTYLICUS. * Les deux bacilles dont j'ai à parler ont été rencontrés tous deux dans une macération stérilisée de fragments de pommes de terre, ensemencée avec une-parcelle de terre végétale. IL s’y était produit une fermentation très rapide ettrès régulière, et la 814 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ” culture examinée au microscope était, en apparence, très homo- : gène. Dans une série d’ensemencements successifs, on avait vu les mêmes phénomènes se reproduire et les produits de la fer- mentation de l’amidon avaient été les mêmes, à savoir : des acides acélique et butyrique, et en plus un alcool qui, par com- paraison entre le nombre de gouttes et la densité, par les pro- cédés que j'ai indiqués dans ces Annales (t. IX, p. 575) se rappro- chait de l'alcool propylique, mais sans se confondre avec lui. Ainsi dans un cas, j'ai relevé pour une densité de 0,9965 un nombre de gouttes égal à 143. Avec l’alcool propylique pur, ‘on eùt dû avoir 126 gouttes. Îl y avait donc un mélange. Une étude plus RO m'a montré que cet alcool, soumis à la distillation, laissait passer, dans les premières portions du liquide distillé, un alcool peu soluble dans l’eau et qui était de l’alcool butylique; à cet alcool butylique était mélangé de l'alcool ordi- naire et un peu d'aldéhyde. 1 Dès lors, il devenait possible, sinon probable, que, malgré son homogénéité apparente, la culture contenait deux bacilles diffé- rents, que les scultures successives dans, des milieux divers n'avaient pas réussi à séparer. Disons tout de suite que tel était le cas, et qu'il a suffi d’une culture en strie sur fragment de pomme de terre pour isoler l'amylobacter butylicus de F amylobcter ethylicus, que je décrirai plus loin. Ces deux bacilles sont, en effet, des ferments de l’amidon. Mis en contact avec des fragments de pomme de terre stérilisés dans de l'eau, ils les vident de leur amidon sans toucher à la paroi de la cellule. Les fragments de pomme de terre conservent leur forme, et leurs angles s'émoussent à+peire. Tout le tissu cellulaire est conservé intact. Ces deux bacilles sont donc tout différents de ceux qui, dans les mêmes conditions, sur des frag- ments de pomme de terre crue, détruisent la cellulose sans toucher à l'amidon, et qu'on pourrait appeler des cytobacters. J'ai rencontré plusieurs de ces “derniers dans mes expériences, et aucun n'a consenti à transformer de l’amidon cru, quelle que fût sa provenance. Par contre, les ferments de l’amidon ,que j'étudie dans ce travail respectent le ‘issu cellulaire, même cuit, mème choisi parmi les plus tendres, tels que celui de l’endive, du navet, du radis, ou de la jeune tige de chou. Tous ces êtres, cytobacters et amylobacters, se ressemblent » LL 1 LS] ” à SUR LA NUTRITION INTRA-CELLULAIRE. 815 tant par leurs formes que ce serait perdre son temps que de les décrire une fois de plus. Ce sont partout des bacilles dont la largeur et la longueur varient avec le milieu de culture, cylin- driques lorsqu'ils sont jeunes, se renflant plus ou moins quand ils vieillissent, en un point où apparait la spore. Chez la plupart d'entre eux, de même du reste qu'avec des bacilles qui ne con- . somment ni amidon ni cellulose, la formation de la spore est précédée d’une période où une partie du protoplasme du bacille se colore par l’iode*. * Si la forme ne donne aucun moyen de distinguer les espèces, et si, en outre, la fonction est variable, comme je l'ai dit plus haut, on pourra me demander pourquoi je considère comme dis- tinctes les espèces que je vais décrire, et aussi pourquoi je con- sidère chacune d’elles comme pure. Quelle peut être la caracté# ristique de l'espèce en dehors de la forme et de la fonction? C) . x Telle est, en effet, la question que nous aurons à nous poser en terminant. Méthodes d'analyse. Un mot d'abord sur les procédés que j'ai, employés pour l'étude des liquides fermentés. L'amylobacter butylicus donne, comme produits de fermentation, de l’alcool butylique*, de l’acide acétique et de l’acide butyrique; parfois, * mais pas toujours, de l'acide lactique, qui n'est jamais qu'en proportions très faibles. ‘L'alcool se sépare par distillation du liquide neutralisé, et se dose au compte-souttes, d’après la méthode que j'ai décrite (ces Annales, t. IX, p. 575). I faut dire tout de suite qu'il y a tou- jours des pertes d’alcool butylique dans le liquide en fermenta- Lion, à moins qu'on ne prenne des précautions spéciales. La vola- tilité de cet alcool, à la température de l’étuve, est plus grande que celléde l’alcoolordinaire : lévaporation oules gaz qui se déga- gent en entraînent des quantités sensibles. Le dosage de ce qui en reste ne donne donc qu'un chiffre approximatif. Mais un dosage , exact n'aurait d'importance que si on voulait établir une équation. Li 1. Beyerinck a propôsé, dans un teavail récent, d’appeler granulobacters, les ” bactéries jouissant de cette propriété. Je ne vois aucune raison pour donner un nom commun à des êtres ayant des fonctions aussi diverses que ces bacilles capas, bles de se colorer par l’iode au moment de la formation de la spore. * 2, Je laisse de côté la nature.de cet alcool qu m'a paru être, suivant la sub- stance aftaquée, tantôt l’a'cool normal, tantôt l’alcool isobutylique. Cest une question à reprendre. Cr 816 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de la fermentation, et nous verrons bientôt que cela est impos- sible. Pour les acides volatils, on les dose par les procédés de distillation fractionnée que j'ai fait connaître dans ces Annales, (LL IX, p. 265). Les exemples que je cite dans ce mémoire sont précisément empruntés au travail que je publie aujourd'hui, ce qui me dispense d'entrer dans aucun détail sur la méthode. Enfin, l'acide lactique est extrait par l'éther du résidu d'éva- poration des liquides volatils, préalablement évaporé à consis- tance sirupeuse. Il est bon, en prévision de la recherche de cet acide, de n’ajouter au liquide saturé, duquel on a retiré l’alcool par distillation, que la quantité d'acide sulfurique ou tartrique strictement nécessaire pour mettre en liberté Les acides de fer- mentation. à Action de l'A. butylicus sur l'amidon. Cela posé, examinons l’action de notre bacille sur l’amidon cuit. Il se développe très bien dans des empois d’amidon faits dans de l’eau de touraillons ou additionnés de bouillon Liebig. Il les liquéfie assez rapi- .dement, puis les acidifie et la fermentation s'arrête. Elle marche beaucoup plus vite et devient beaucoup plus complète quand on ajoute du carbonate de chaux. Mais elle ne se fait pas de même que sans craie. Les différences portent surtout 1° Sur la proportion de l'alcool produit à l’amidon disparu. Comme nous l'avons dit plus haut, le dosage de l'alcool estætou- jours incorrect, et, par conséquent, le rapport dont nous parlons n’est jamais exactement connu; mais on peut admettre, dans une première approximation, que pour des flacons égaux, con- tenant la même quantité de liquide, et placés pendant le même temps dans la même étuve, les pertes en alcool sont propor- tuonnelles, aux quantités produites, de sorte que sk a est la quantité d'alcool dans un liquide et k @ la quantité perdue, la quantité qui reste et qu'on mesure est a — k a = a (1 — k). étant constant, la quantité mesurée est proportionnelle à la quantité produite, et son rapport à la quantité d'amidon disparue est connue à un facteur constant près, qui est le même dans deux ou plusieurs expériences comparatives. 20 Ce qui diffère aussi, d’une fermentation avec craie à une fermentation sans craie, dans une mesure beaucoup plus large” que le rapport ci-dessus, c’est la proportion des acides volatils ET C2 # “ , LA “ d s : a % : # J ” - SUR LA NUTRITION INTRA-CELLULAIRE. 817 Pod, que nous évaluerons en acide acétique, pour plus de simplicité. 3° Enfin le rapport R de l'acide butyrique à l'acide acétique est aussi très variable, bien que toujours supérieur à l'unité. Pour donner une idée de ces variations, j'ai résumé, dans le tableau ci- dessous, l'étude de six fermentations faites avec l’amidon du riz, du tapioca et de la semoule, avec et sans . carbonate de chaux.+La première colonne de chiffres donne, en centimètres cubes, les quantités d'alcool produites par 100 grammes d’amidon disparu, au moment où la fermenta- tion est arrêtée. La seconde colonne de chilfres donne en grammes la quantité d'acides volatils produite dans les mêmes conditions, ces acides étant évalués en acide acétique. On trou- vera ensuite les diverses valeurs du rapport R tel que nous venons dele définir, et l’indication de la présence ou de l'absence de l’acide lactique. Alcool en Acide volatil, Rapport Ra Acide lactique. à CAC engr. = — » == dE ; MAVECICIAIBE AR ANNE 3 9,3 2,0 Das. : Riz ) c n S 2e $ I ; (-sans"craie.... M 6 9,3 4,8 un peu. Ù À (Navécicraie, 7," 12 5,0 4,0 pas. Tapioca é je ë Re RMS ANSNCTAIC EE EE 5] 9,3 »,0 un peu. * À ( avec (TT AC ) 10,0 1,0 pas. Semoule : ed ; , (MSATSACTALE NES traces 1,4 10,0 . pas. On relève bien daus ce tableausquelques faits concordants. Ainsi le rendement en acide est toujours plus grand avec craie que sans craie : c’est c# que M. Grimbert avait déjà observé : pour son Bacillus orthobutylicus. Il avait trouvé aussi le rende- ment en alcool butylique plus grand sans craie qu'avec craie. Lei | “c’est l'inverse. Mais ce qui ressort surtout de ce tableau, c'est non seulement que les divers amidons étudiés ne se comportent pas de même, mais encore que l’effet de l'absence ou de la présence du carbonate de chaux n’amène pas les mêmes variations dans le rapport R ou dans la présence ou l'absence de l’acide lactique. Il y a un autre fait à remarquer. Ces fermentations ont été arrêtées lorsqu'elles ont paru terminées. Même en tenant compte de ce que lesfermentations sans craie s'arrêtent alors qu'il reste encore beaucoup, non plus d’amidon, mais de dextrine, on voit * que le rendement est toujours faible, et que la somme de l'alcool 4. Ces Annales, t. NII, p. 353. ©c LO a : Y o 48 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. L et des acides volatils dépasse à peine 20 9/€ du poids de l’ami- don disparu. Avec le bacille de M. Grimbert, les rendements sont bien plus satisfaisants. | Actions sur les sucres. — Dans ces essais, l'amidon donne dela dextrine et un sucre, qui.est la substance fermentescible. Je n’ai pas cherché si c'est du glucose ou du maltose. Voyons si les phé- nomènes ne se simplifieraient pas en donnant au bâcille un sucre à attaquer. Pour simplifier encore plus, ne comparons que les fermentations de divers sucres faites en présence de craie. Elles sont très actives au début, se ralentissent ensuite à cause de la présence de l'alcool butylique produit, mais peuverit être com- plètes si la proportion originaire du sucre n'était pas trop forte. Celles qui suivent ont été faites avec environ 60/0 de sucre, et arrêlées aussitôt que le liquide s’est éclairci. Il restait encore un peu de sucre qu'on a dosé, et on a rapporté les résultats de l'analyse, comme précédemment, à 100 grammes de sucre. Alcool butylique Acide volatil Rapport R. en C:C. en gr. — SACChANOSEN PERTE 28 40 0,8 Maltose mie Re er . 40,5 t 7,2 0,9 Dactose "TER. 15 91 1,5 Les ‘différences entre les sucres sont à peu près du même ordre qu'entre les amidons. Il faut remarquer que le saccharose fermente sans être interverti. C'est une ressemblance avec le bacille de Grimbert. Il n’est pas probable que de pareilles différences soient dues à des différences de constitution entre les sucres. Il faut donc qu'elles tiennent aux bacilles, et, dès lors, on est amené à se demander si, durant toute la vie du microbe dans son milieu de culture, la formule de son action est la même. Si elle change avec le temps, avec les facilités plus ou moins grandes de con- tact avec l'oxygène, on comprend que ces fermentations de sucre ou d'amidon, qui marchent inégalement bien, qui s ‘accompa- gnent de dégagements 8 oazeux plus ou moins abondants, qui dureut plus ou mo'ns longtemps; puissent être en effet dilfé- rentes sous une apparente uniformité. , Pour nous renseigner sur ce sujet, il n’y. a qu à mettre en fermentation un.volume assez grand d’empois d'amidon pour qu'on puisse yprélever, de temps en temps, des prises suffisantes SUR LA NUTRITION INTRA-CELLULAIRE. 819 pour l analyse, en laissant le reste du liquide continuer sa trans- formation. * J'ai opéré sur deux fermentations parallèles, portant chacune sur 1200 c. c. de liquide contenant du bouillon Liebig et 1 0/0 de saccharose ; à l’une d’elles on avait ajouté 5 grammes de car- bonate de chaux. Le lendemain de l’ensemencemert, la fermen- tation était déjà active, surtout dans le ballon avec craie. A divers intervalles on a prélevé une portion duliquide pour en faire l'étudez Le tableau qui suit résume les résultats. Les chiffres de chaque dosage partiel ont été rapportés au volume total du liquide, de sorte que la marche de la fermentation se trouve écrite dans ce tableau. F'ermentation sans carbonate de chaux. Alcool butylique Acide acélique Acide butyrique * Rapport R. en CC. en gr. en gr. — AIDE CSA AOL RENE 0,22 0,27 0,97 219 — IS PRET A 4,10 9,39 0,81 1,4 NO EE QR. 6 Pre Ve 3.86 0,35 0,77 175 % Fermentalion avec carbonate de chaux Après = 5 jougs....: RE 0,40% 0:84 2,48 2,0 = APE LC RME UPS 1,06 0,81 5,94 5,0 —-5% 25 — :..... So 4,14 0.74 4,38 4,0 Étudions d’abord la fermentation sans craie. Nous voyons que pendant les quatre premiers jours, c’est surtout de l’acide butyrique qui prend naissance. Puis, du 4° au 13° jour, c’est presque exclusivement une fermentation butylique. À partir de ce moment, l’action se continue par une combustion partielle des acides volatils formés, l’acide butyrique étant brûlé un peu plus activement que l'acide acétique, ainsi oe témoigne dans l’ensemble la diminution du rapport R du 4° au 20° jour. Quant à l’alcool, la perte constatée peut être attribuée à l’évaporation, les deux ballons étant fermés par un tampon d’ouate. Dans la, fermentation en présence du carbonate de chaux, les phénomènes sont tout différents. La fermentation est sur- tout butyrique. La proportion d'alcool reste faible. Puis du 13° au 25° jour, nons voyons encore les deux acides se brüler, et, cette fois encore, l'acide butyrique plus vite que l’autre, ainsi qu’en témoigne la diminution de R du 13° au 25° jour. * Cette combustion produite par le microbe se manifeste par 820 ANNALES DE L'INSMTUT PASTEUR. l'apparition à la surface du liquide d’une couche craquelée, irrégulière, mince, "mais assez fésistante, et tobant par grandes plaques quand on agite ; c’est du carbonate de chaux. Voici donc un bacille qui est pour ainsi dire à volonté, avec les sucres, ferment butylique ou ferment butyrique, suivant que le liquide est acide ou neutre; qui est à la fois anaérgbie absolu, puisqu'il peut se développer dans le vide, et aérobie Kiur puis- qu’il peut devenir un agent de combustion, et même, comme le mycoderme du vinaigre, brûler les acides qu'il a fournis. Voyons si les choses marchent toujours de même. Cette fois je me suis servi de cristaux de sucre de premier jet, encore a rés, que j'ai fait simplement dissoudre dans l’eau, en proportion de 1,4 0/0, avec addition de carbonate de chaux. L'expérience est résumée dans le tableau suivant, construit comme ceux qui précèdeat. , Fermentation avec carbonate de’ chaux. Alcool butylique Acide acétique Acide butyrique Rapport R. en:C° :C: en gr. en gTs / . = Aprés VAS )OUrSe M 20e traces 0,29 550 10 37 DD LM ER CT AUTAS 2 1 » 2,03 4,55 $ D) DU ENTS 1,8 0,15 4,90 20 RUN ENUUÈLES OR RER EE 1, 0.0 . 4,40 c Ici la fermentation du début, jusqu’au 15° jour, a été presque exclusivement butyrique, etjusqu’à ce moment, le ferment pour- rait être identifié avec le ferment butyrique de Pasteur ou les les autres ferments butyriques décrits depuis. Il est vrai qu'il y à un peu d'acide acttique produit, en dehors de l'acide buty- rique ; mais j'ai démoutré! que tel était.le cas avec les ferments butyriques les plus usucis. . : Dans la seconde quinzaine de la fermentation, c est am con- traire, la fermentation butylique qui a prédominé, accompagnant une production plus abondante d'acide acétique. Quant à l'acide butyrique, il a peu varié, et le rapport R a, par suite, beaucoup diminué. Vers le 40° jour, il ne restait plus que dés traces de sucre, et, à partir de ce moment, l'action du bacille s’est sur- tout portée sur les produits formés pendant la première période. L’acide acétique a été brülé peu à peu, et si complètement, qu’il n’en reste plus trace au 100€ jour. L’acide butyrique, qui, cette 1. Annales de ch. et de DAYS TE NNITIEMGESSE | ; SUR LA NUTRITION INTRA-CELLULAIRE. 821 fois, a été brûlé beaucoup moiné vite que son congénère, reste tout à fait pur, si bien qu’on pourrait croire, en étudiant la fermentation à ce moment, qu'elle a été exclusivement buty- rique On voit pourtant par quelles transitions elle a passé. Revenons maintenant aux fermentations d’amidon, par les- quelles nous avons commencé, et voyons si elles se comportent de même. Deux fermentations, portant chacune sur 20 grammes d'amidon, amenés à 1200 grammes d'empois avec un peu de bouillon Liebig, et faites comparativement l’une en présence et l’autre en l’absencé de carbonate de chaux, ont donné les: résultats suivants : : à Amidon sans carbonate de chaux. Alcool butylique Acide acétique Acide butyrique. enter Cs en gr. en gr. ARTS NANIDURS 2. eee Mc 0,97 Pas. 1,09 DORA PE tuer RER 0,60 0,520 1,06 Amidon avec carbonate de chaux. ADO JOUE 2-2 0. bn. Pas. 0,45 1,65 ER EC RER 0,8 0,70 3,02 PO — DCR CE 0,16 0,23 3,03 Dans leur ensemble, ces résultats sont d'accord avec ceux qué nous ont donnés les sucres. Il y a plus d'alcool et moins d'acide butyrique produits lorsqu'il n'y a pas de craie, mais la dif- férence est moins grande qu'avec les sucres. On voit que les trois corps formés sont en proportions très variables, et nous nous expliquons bien que dans nos premières fermentations, qui, ayant marché très inégalement, avaient été interrompues à divers intervalles, nous ayons trouvé toutes les irrégularités apparentes que nous avons signalées. | Formule de la fermentation. — 11 est évident que s’il est déjà difficile d'établir une formule pour une fermentation aussi con- stante que la fermentation alcoolique, cela est impossible pour celle à laquelle préside notre.bacille, qui, d’un mème aliment, fait des produits si nombreux et si variés. Mais on peut se demander si l'acte physiologique de son prôtoplasma ne serait pas la superposition en proportions vartables de trois actes physiologiques principaux, aboutissant chacun à la production de l’un des corps : alcool butylique, acide acétique et acide buty- rique. Ces trois actes pourraient être régis par les trois formules 822 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. suivantes, écrites en prenant lé glucose comme point de départ (1) C6H1206 — C4H100 + 2C02 + H20 pour l'alcool butylique. (2) C6H1206 — 3C2H02 pour l'acide acétique. à (3j C6H1206 — C:HSO? +200? + 4H pour l'acide butyrique, + Ilest facile de comprendre, sans qu'il soit besoin d’insister, que l’un quelconque des résultats expérimentaux trouvés ci- dessus peut être théoriquement représenté par ure combinaison convenable des trois équations ci-dessus. Supposez, en effet, qu’on ait trouvé dans le liquide fermentép molécules d’alcool butylique, 3 g molécules d’acide acétique et r molécules d'acide, butyrique, on pourra représenter l'ensemble des résultats par l'équation suivante : (p + qg+r) (CSH1206) = pC#H100 + 3C2H402 +» CHH8O2+ (2p + 2r)CO2-E pH204 47H. Cette formule sera exacte si chacune des formules qui la composent est exacte, mais il importe de remarquer qu'on ne pourrait conclure inversement, de la vérification de l'équation complète. à celle de chacune de ses équations composantes, que si la vérification numérique avait porté sur tous les éléments, aussi bien les corps formés que les gaz produits. Il faudrait, par exemple, dans le cas précédent, que le nombre de molécules d'acide carbonique produit soit égal à deux fois le nombre total de molécules d'alcool butylique et d'acide butyrique trouvé; qu'il y ait quatre fois autant de molécules d'hydrogène que d'acide butyrique, “etc. Il existe, en effet, d’autres systèmes d'équations pouvant four- nir, pour une même quantité de sucre mis en action, des quan- tités de gaz ou d'acides différentes de celles des équations précé- dentes. Par exemple, la seconde, celle qui explique la formation d'acide acétique par ,un dédoublement du sucre, n’est pas a priori plus vraie que l’une des deux équations suivantes : (4) C6H1206 + 9H2 9C2H102 + 2C02 + SH. (5) CSH1205 + 4H C2 0 — O — CH402 + 4CU? + 16H. Et on pourrait de même trouver des équations impliquant une combustion partielle de l’acide butyrique aux dépens deséléments, soit de l’eau, s’il s'agit d’une culture anaérobie, soit de l'oxygène de Pair, s’il s’agit de culture aérobie. Dans les deux'cas, lafquantité + + SUR LA NUTRITION INTRA-CELLULAIRE. 823 d'acide volatil diminue, la quantité d'acide carbonique aug- mente. à Quelques unes de ces équations peuvent-être impossibles au point de vue de la thermochimie, c’est-à-dire qu’elles peuvent impliquer non pas une production, mais nne consommation de chaleur. Elles sont peut-être incapables de se réaliser à l’élat isolé, mais dans un ensemble physiologique comme celui que nous constatons dans notre bacille, une réaction faiblement exo- thermique ou même un peu endothermique peut très bien coexis- ter avec d’autres réactions exothermiques. C’est, en effet, par un artifice de l'esprit que nous les séparons : elles marchent ensemble et se soudent dans la réalité. . Au cas, par exemple, où la première des équations quiprécè- dent, qui implique la dislocation de 2 molécules d’eau, serait thermiquement impossible, on peut la souder à l'équation n°1, qui implique la formation d’une molécule d’eau dans la formation de l'alcool butylique ; on aurait alors l'équation résultante. 3C6H1206 — 2C4H100 + 2C2H402 + 6C0? + 8H. On n’a pas le droit d’exclure des réactions de cet ordre, et on voit, en revenant à notre point de départ, qu'il ne suffit,pas de constater de l'acide acélique dans les produits d’une fermentation pour pouvoir conclure à l'intervention de l’équation (2), qui implique un dédoublement du sucre. 1l se peut que l’action soit plus profonde, et nous m’e:: serons avertis que par l'étude com- parative des gaz dégagés et des produits formés,pendant la fer- mentation. Jusqu'ici nous n’avons pas fait celte étude à propos de notre bacille : voyons ce qu'elle donne. Études des gaz de la fermentation. — On peut faire cette étude en imposant au bacille une vie aérobie ou anaérobie; celte der- nière, qui supprime l'intervention de tout gaz extérieur, est évidemment la plus intéressante. On ensemence le bacille dans un liquide sur lequel on fait ensuite le vide au moyen d’une trompe à mercure, qui sert à recueillir les gaz formés à divers intervalles. Si, à chaque prise, on fait le vide à nouveau, de façon à évacuer tous les gaz produits (sauf la petite quantité d’acide carbonique qui donne du bicarbonate stable dans le vide, lors- qu'on a mis de la craie), on peut fractionner en autant de parties qu’on veut la fermentation totale. Il y a un léger inconvénient ‘ + . ++ 824. # ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. à opérer ainsi : on perd un peu d'alcool butylique, qui s’évapore dans le vide à la température de l’étuve, et va se condenser dans les parties froides de l’appareil, où il est difficile de le recueillir. Mais cela n’a pas grande Ha tant qu'on ne veut pas pousser l'étude dans le détail et qu’on se contente d'indications générales. n d » Remarquons, eneffet, que dansl’hypothëse oùles phénomènes seraient représentés par les 3 équations (1), (2) et (3), la forma- tion d’alcoolbutyliquen’entraine aucun dégagement d'hydrogène. Ce gaz est un témoin de la formation d'acide butyrique, et son volume est alors égal à celui de l’acide carbonique. Il ne peut que lui être inférieur sil y a production d'alcool. Si donc il le dépasse, c’est qu'il entre en jeu une transformation non écrite dans,ces formules, par exemple une transformation comme celle | que résume l'équation (4), où le volume de l'hydrogène dépasse celui de l'acide carbonique. Voyons ce que donne à ce sujet l’eXpérience. Emmême temps que je mettais en train les fermentations d’amidon dont j'ai parlé en dermierlieu (p. 821), je faisaisune fermentation anaérobie d’un peu du même liquide dans un pelit matras en relation avec une tromne, à mercure. Le surlendemain, 19 mai, la fermentation étant bien en train, j'ai fait le vide : les gaz recueillis avaient la composition suivante : y Hydrogène 54, 5 e. c. soit 29,4 0/0 , JL CABANE 31,3 »* — —#,0,6 — $ . Les 22 et 24 mai, on fait deux nouvelles prises, en poussant à chaque fois jusqu’au vide: 8 22 mai: 4 24 mai. Hydrogène 58,0 c. c. soit 48,9 0/0 47,5 c. c. soit 20,0 0/0 Ac. carbonique 62,0 — — 51,1 — 60,0 — — 80,0 — On voit que l'hydrogène, après avoir atteint, à l’origine, une fois et demie le volume du gaz carbonique, n’en est plus que Je quart à la fin. Ce fait est d'accord, dans ses traits généraux, avec celui que nous avons découvert plus haut, que la fermentation de l’empois d’amidon, en présence de craie, est surtout butyrique au début. Mais cela ne nous explique pas que l'hydrogène soit en excès sur l'acide carbonique. Dans l’ensemble, il y a eu un dégagement faitde “ SUR LA NUTRIMON INTRA-CELLULATRE. 825 Hydrogène æ 120 c.c. soit 48 0/0 Ac. carbonique 129,3 — — 52 — Mais une partie de cet acide carbonique provient du carbo- nate de chaux décomposé par les acides butyrique et acétique produits pendant la fermentation. On trouve, par les méthodes A indiquées, qu'il y a dans le liquide, en dehors de 0,008 c. c. d’alcoo] butylique, 0,021 grammes d’acideacétique et0,245 gram - mes d'acide butyrique, ayant dégagé environ 40 c. c. d'acide carbonique dans les cônditions de l'ex xpérience. En les retran- , chant on trouve : Hydrogène 120%c\c: Ac. carbonique 90 c.c, ‘ provenant exclusivement des matériaux du sucre, la fermenta- tion ayant été anaérobie du commencement à la de On voit que le volume d'hydrogène dépasse notablement celui de l'acide carbonique. » J'ai trouvé de même, dans une fermentation d’empois d’amidon avec un peu de bouillon Liebig, mais sans carbonate de chaux, que le volume d'hydrogène, après avoir été à l’origine une fois et demie celui de l’acide carbonique, n’en était plus que le quart à la fin, et que, dans l’ensemble, les gaz de la fermenta- tion avaient la composition suivante : Hydrogène 66,6 c. ce. soit 43,4 0/0 Ac. carbonique 849 — — 56.6 _ Ici le volume de l'hydrogène est encore inférieur à celui du gaz carbonique, mais en retranchant de ce dernier tout ce qui correspond à la formation des 0,06 ec. c: d'alcool butylique trouvé dans le liquide, en les supposant formés suivant l'équa- tion (1), on trouve encore que le volume de l'hydrogène dépasse d’une dizaine de c. c. le volume de l'acide carbonique. » Avec cet empois d’amidon, la fermentalion est incomplète, capricieuse. et ses résultats sônt difficiles à à interpréter. Voyons si nous ne trouverions pas mieux en faisant fermenter du suêre. Le jour même où ont été faites les expériencesrelatées p.819, j'ai mis dans les deux branches d’un tube Pasteur un liquide contenant 0,590 grammes de sucre candi avec un peu de bouillon Liepig. Dans l’une des branches, il y avait un peu de carbonate LÉ “ + Mar. 326 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. + L de chaux; dans l’autre, non. J’ensemence d’abord cette dernière et je fais le vide dans l'appareil. Le dégagement gazeux commence au bout de quelques heures. 3 jours après, il semble se ralentir ; j’extrais le gaz par le vide. Cinq jours après, la fermentation semblant être arrivée aussi loin qu’elle peut aller dans ces conditions, je fais le vide à nouveau. Les gaz dégagés avaient la composition suivante : : L ap. à jours. ap. ÿ jours. en tout. Hydrogène 25,2 c. c. ou 62,20/0 14,0 c. chou 18,20/0 262 c.c. Ac. carbonique 15,3 — 31,8 — 4,5 — 81,8 — 19,8 — Ici le volume de l'hydrogène dépasse notablement celui de l'acide carbonique, c’est que la transformation en est restée à ses premiers stades ; le sucre candi fermente difficilement dans ces conditions, On ne trouve, en effet, dans ce liquide que des traces indosables d'alcool butylique et d’acides volatils. La branche contenant la craie a été ensemencée avec la pre- mière, aussitôt que la fermentation y a été terminée; et loujours dans le vide. Le lendemain, le dégagement gazeux était en pleiné activité. Les gaz, retirés par le vide le lendemain de l'ensemen- cement, après 7 jours, et après 22 jours, avaient la composition suivante: | Après 1 jour Après 7 jours Après 22 jours (OR CC. M CC , — = . == Hydropéne "NT IER CRI Lo 31,1 15,0 13,5 Acidelcarbonique-crerr "ere OT 94,2 24,2 La proportion d'hydrogène va toujours en décroissant du commencement à la fin, ce qui est un fait général sur lequel nous reviendrons tout à Mheure. Dans l’ensemble, on a trouvé : Hydrogène...... AN MR NUE 59,8 €. c., soit 38,2 0/0. Acide carbonique..... nn ie os GS = Une partie de cet acide carbonique provient du carbonate de chaux. En en retranchant tout ce qui correspond aux 0%, 107 de chaux dissoute trouvés dans le liquide, on trouve qu'il reste 55 €. c. environ d'acide carbonique contre à9 ec. c* d'hydrogène, c’est-à-dire encore un petit excès d'hydrogène. Et nous ne comp- tons pas la quantité d’acide carbonique provenant de la petite quantité d'alcool butylique qui se forme, et dont il reste, toutes pertes par évaporation négligées, 0,008 dans le liquide. SUR LA NUTRITION INTRA-CEULULAIRE. 827 . En résumé, lorsque nous essayons de dégager, dans les pro- duits gazeux de fermentation produits par notre bacille, la part d'hydrogène et d'acide carbonique qui proviennent de la matière fermentescible, nous trouvons un excès du premier gaz que n'explique aucune des SGHIUomE classiques (1), (2) et (3). On ne peut expliquer cet excès qu’en admettant une décomposition de l’eau suivant des formules analogues aux formules (4) et (5) pour l'acide acétique. ; Débrouiller exactement ce qui se passe n'est pas facile, si ce microbe est capable dans sa” vie anaérobie, comme dans sa vie aérobie, de détruire les corps qu'il a formés. Son acide acétique peut tout aussi bien provenir du sucre que de l'acide butyrique ou même peut-être de l’alcool. Mais ce qui est important, et ce qui résulte de ce que nous venons de dire, c’est que cet acide acétique, ou peut-être aussi cet acide butyrique, résultent d’une combustion intérieure, c'est-à-dire faite aux SU En ens de l'oxygène déjà combiné dans l’eau. A vrai dire, cette conclusion n'a pas le droit de surprendre. On sait, en effet, que la fermentation alcoolique du saccharose exige la fixation préalable, sur le sucre, d'une molécule d'eau dont l'oxygène se retrouve en partie dans l'acide carbonique dégagé. Mais il y a, dans ce gas, intervention d’une diastase, dont les effets sont toujours un peu mystérieux. Avec l’acide quétique, ce n’est plus de l'eau déjà introduite dans la molécule, c’est de l’eau de dissolution du sucre qui est décomposée, et la produc- tion de cet acide, au lieu de résuller, comme on le croyait, d’un phénomène de dédoublement du sucre, résulte d'une transfor- mation plus profonde, tout à fait analogue à celle qui préside à la formation de l’alcool ou à celle de l’acide butyrique. Ensemble des produits d’une, fermentation anaérobie. — Toutes ces déductions, pour CNE nous trouverons bientôt d’autres arguments, reposent jusqu'ici sur l'hypothèse où notre bacille ne donnerait pas d’autres substances que celles que nous avons trouvées. Nos conclusions pérdraient, en effet, toute valeur s’il y avait formation d’une substance inconnue dérivant du sucre avec dégagement d'hydrogène. Il est facile de se convaincre qu'il ne se fait rien de pareil. Il n’y a que de l’alcool dans le liquide distillé. Le poids de l'extrait obtenu en évaporant le liquide fermenté correspond à peu près exactement à ce # “gi 828 ANNALÉS DE L'INSTITUT PASTEUR. # 5 qu'il contient de sel de chaux, et dans ce sel de chaux, il n'ya pas de traces sensibles d’un acide fixe lorsque la fermentation a été complète et s’est faite en présence de carbonate de chaux. Ainsi, dans une expérience, on a trouvé en tout, dans le liquide fermenté, 05,684 de chaux, à l’état de sels de chaux. Il est facile, d’un autre côté, de calculer que la quantité de chaux corres- pondantt à la quantité totale d’acides trouvés est de 0:",698. Si on songe que le liquide fermenté en présence du carbonate de chaux reste toujours un peu acide, on s’expliquera qu'on trouve un peu plus de chaux lorsqu'on l’évalue au moyen du titre acide que lorsqu'on la précipite par l’oxalate d’ammoniaque. I n’y a donc pas, en quantités sensibles, d’autres acides fixes ou volatils que les acides acétique et butyrique. Quant aux réndements, ils sont naturellement variables suivant les con- ditions de fermentation. Dans un cas où tout a été mesuré, j'ai trouvé que 3,5 de sucre, fermentant en présence du carbonate de chaux, avaient fourni : 0,025 grammes d'alcool butylique. 0,226 — d'acide acétique. 0,660 — d'acide butyrique, soit en tout ” 100 — de matériaux divers. C’est un rendement voisin de celui de la fermentation alcoolique. , Fermentation de la mannite, de la glycérine, du lactate de chaux. — L'amidon et les sucres ne sont pas les seules substances que notre bacille puisse transformer. Comme je l’ai dit, ii est remarquablement éclectique au point de vue de la nutrition. La mannite fermente avec un dégagement gazeux abondant, où l’hydrogène dépasse l’acide carbonique au début et diminue à la fin, comme cela se passe avec les sucres. Les produits de fer- mentation sont les mêmes qu'avec les sucres, et m'ont paru tout aussi variables avec les conditions de la fermentation. La glycérine est attaquée sans dégagement gazeux bien apparent, lorsque l’attaque a lieu dans un ballon rempli à moi- tué et fermé par un tampon de coton. A la surface du carbonate de chaux du fond du vase, on trouve une couche grisàtre formée de bacilles courts, un peu tordus. La fermentation terminée, on trouve, pour 10 grammes de glycérine d'sparue, environ 2 grammes d'acide butyrique et 2 c: c. d’alcool butylique. Peut- te it Ans" Le : LA æ SUR LA NUTRITION INTRA-CELLULAIRE. 829 être s’est-il formé temporairement de l'acide acétique qui a été ensuite brûlé, comme dans l'éxpérience de p. 820. En tout cas on voit que notre bacille est ici un ferment butyrique pur au regard de l’acide, de même qu'un -Fient butylique pur au regard de l'alcoo! ” Le lactate de chaux fermente avec dégagement gazeux, mais sans donner du tout d'alcool butylique. Il n'y a que des acides volatils que j'ai trouvés, dans une expérience, formés d'acide butyrique mélangé de 1/12 seulement d’acide acétique, c'est-à-direpresque pur. | : Ceci nous amène à traiter une question intéressante. La notion de ferment butyrique a été introduite dans la science par Pasteur. Elle était, à ce moment, parfaitement claire, et se rap- portait au bacille faisant fermenter le lactate de chaux en cul- ture anaérobie. Depuis, on a trouvé beaucoup de bacilles dont quelques-uns ne sont pas anaérobies, dont la plupart sont inca- pables de faire fermenter le lactate de chaux, mais qui tous ont pour caractère commun de donner de l’acide butyrique parmi les produits de la fermentation. On les a tous indistinctement appelés ferments butyriques, et plus ou moins confondus avec le ferment butyrique de Pasteur. Beaucoup de ces ferments butyriques nouveaux, ceux de Fitz, par exemple, étaient des mélanges d’espèces. Depuis la . . 5 Fe Fe 8 publication in extenso, danses Etudes sur la Bière, des expériences sur la fermentation du lactate de chaux, on s’est aperçu que le ferment butyrique de M. Pasteur n’était probablement pas non plus une espèce unique. Il faut arriver à l’époque où s'est vulga- risé l'emploi des cultures sur gélatine, pour avoir toutes garanties au sujet de la pureté des espèces étudiées. Malheureusement, depuis ce moment, on s’est surtout attaché à distinguer les espèces par les caractères divers qu'elles manifestent sur divers milieux solides. On s’est acharné à décrire par des mots la physionomie des cultures, et comme les mots sont moins nom- breux que les physionomies, la diagnose d’un microbe est devenue tout aussi compliquée et tout aussi incertaine qu’une diagnose psychologique ou une peinture d’élat d’âme. Comme je l'ai souvent dit, la véritable diagnose doit être physiologique, non morphologique. Les seuls travaux dans lesquelssun bacille ferment donnant de l'acide butyrique ait été assez étudié pour . "à % 83 ANNALES DE L’INSTLTUT PASTEUR. qu'il soit reconnaissable, sont ceux de M. Perdrix et de M. Grimbert ‘. Même M. Beyerinck, si on juge par l'extrait de son mémoire dans le Jahresbericht de A. Koch (t. IV) ne réussit pas malgré ses efforts à bien différencier entre eux les bacilles qu'il étudie, et en particulier son granulobacter butylitum du granulobacter saccharo-butylicum. Les différences dans la fonction qu'il signale ne sont pas caractéristiques de différences dans l'espèce, comme le prouve ce qui précède. [l faut s’abstraire des idées de constance dans l’action pour faire l'étude de ces bacilles. Le bacille que j'étudie dans ce mémoire diffère de ceux de M. Pasteur en ce qu'il supporte très bien la vie aérobie, et y est même agent de combustion, tandis que les espèces étudiées par M. Pasteur sont des anaérobies pures, que le contact de l'air paralyse- et tue. Il diffère, pour les mêmes raisons, des bacilles amylozymes de M. Perdrix. Il se distingue du Bacillus orthobuty- licus de M. Grimbert en ce qu'il fait fermenter le lactate de chaux. D'une manière générale, il se distingue du G. butylicum de Beye- rink en ce qu'il est facilement aérobie, du G. lactobutyricum en ce qu'il est de propriétés beaucoup plus stables, du G. polymyxa, en ce qu'il ne rend pas le liquide gélatineux èt donne toujours de l'hydrogène. Mais, malgré ces ditférences, il manifeste avec ces divers bacilles des ressemblances étroites sur lesquelles nous reviendrons tout à l'heure. Fermentation de tranches de pommes de terre. — C'est-dans un liquide formé d’une macération stérilisée de fragments de pomme de terre que le bacille prospère le mieux. Comme je lai dit, il nettoie de son amidon le contenu cellulaire, sans toucher en ap- parence à la paroi de la cellule, et en respectant la structure du fragment. Si on soumet à une fermentation nouvelle ces frag- ments, qu'on a lavés au préalable pour les débarrasser des pro- duits de la première fermentation, on obtient parfois une fermen- tation nouvelle, due, sans aucun doute, aux petites quantités de dextrine que le lavage n’a pas enlevées ; mais cette fermentation est pénible et courte, et aboutit encore à un résidu inattaquable, qu’on peut, sion veut, purifier par une lroisième fermentation, mais non faire disparaître. Ce microbe est donc incapable d’at- taquer la cellulose du tubercule. Il est également incapable, + comme jed’ai dit en débutant, d'attaquer d’autres celluloses de 1. Ces Annales, t. V p. 2%87ett. VII p. 353. 8 “ , SUR LA NUTRITION INTRA-CELLULAIRE. 831 légumes et de fruits comestibles. Il est de même incapable de faire fermenter la gomme arabique et la gomme de cerisier. Sur la pomme de terre, pourtant, il se comporte beaucoup. mieux que sur des empois d’amidon additionnés de bouillon Liebig ou d’eau de touraillons. C’estmême dans cessconditions qu'il donne le maximum d'alcool butylique, environ 25 à 30 0/0 de l’amidon.disparu. Evidemment, ce milieu-là est plus favo- rable que les autres milieux artificiels, et il y avait à se demander pourquoi. Fermentation des matières albuminoïdes.— En dehors de la cellu- lose ou äes matières gommeuses inattaquables, il n’y a, dans la pomme de terre, que des matières albuminoïdes, et il y avait à se demander si ce bacille n’était pas aussi un ferment des maté- riaux azotés. Jusqu'ici les diverses espèces microbiennes que nous connaissons sont, de préférence, ou des ferments des matières hydrocarbonées ou des ferments des albuminoïdes. A ? ses autres originalités, notre bacille joint celle d’ être à peu près indifféremment ferment des unes ou des autres. Voici qui le prouve. Je prépare deux ballons contenant 600 c. c. d’une décoction de touraillons destinée à fournir des sels elun peu de matière hy drocarbonée, et j'y ajoute dans l’un 10 grammes d'albumine sèche du commerce, dans l’autre 20 grammes de fibrine humide fraîche, correspondant à 4,44 de fibrine séchée à 100°. Le bacille ensemencé dans ces milieux se développe très bien, trouble le liquide et y forme, de plus, une pellicule superlicielle faite de bacilles entrelacés. IL y a, outre, un dépôt de fond où on voit un magma de masses amor- phes et de bacilles. Après 40 jours d’étuve, tout semble terminé. Les liquides s’éclaircissent et je les étudie. Le liquide contenant de l’albumine est devenu alcalin, et on y trouve, tant à l’état libre qu’en combinaison, 05,988 d’ammo- niaque. Il ne contient pas d'alcool butylique, mais on y trouve 0:',380 d'acide butyrique et 0,122 d'acide acétique. Il y a aussi * un peu d'acide suceinique. [l y reste encore un peu de matière albuminoïde non décomposée, mais ce n’est plus de l’albumine initiale, car le liquide neutralisé ne précipite plus à l’ébullition. Pour le liquide à fibrine, les résultats sont du même ordre. Il est encore alcalin et contient 0:',320 d’ ammoniaque tant libre que combinée. Cette fois, je ne trouve pas d'acide succinique; 4 ® “ * ve + Le e . 832 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. " il n’y a que le mélange ordinaire d'acides volatils, formé de 0£',020 d’acide acétique et de 05,250 d’acide arte I n’y a toujours pas d'alcool. $ Ainsi, des trois actions physiologiques qui semblaient carac- téristiques de notre bacille, il y en a une qui s’efface, au moins avec les deux matières albuminoïdes que nous âvons étudiées, et deux qui persistent. C’est comme dans le cas du lactate de. chaux. Mais on peut-aussi, comme nous l'avons vu, n’en voir persister qu'une, si on change la matière nutritive ou les condi- tions de fermentation, et comme l'acide butyrique peut à son tour être brûlé, ainsi que nous nous en sommes assurés, notre microbe, anaérobie et ferment, capable de se développer dans le vide, nous apparaîtrait alors comme un aérobie pur, exerçant des combustions aussi puissantes que les mucédinées. Voici en eflet un exemple de combustion, toute pareille, opérée par un penicilliun. Un malras, contenant environ 50 grämmes dé pomme de terre coupée en, tranches, a été envahi par un penicillium gris, tournant au noir, ayant formé, au bout de 6 mois passés à la température du laboratoire, une pellicule épaisse. Au bout de ce temps, je trouve les tranches de pommes de terre vidées de leur amidon; les cellules ne se colorent plus par l'iode, mais elles reprennent! cette propriété si on chauffe à l'avance le liquide qui les contient. C’est ce que M. Grimbert avait observé avec son Bacillus orthobutylicus, c'est ce que nous avons retrouvé avec le bacille que nous venons de décrire. C’est d’ailleurs le fait général avec les microbes qui consomment facilement l’amidon et s'arrêtent devant la cellulose. Les 8 à 10*grammes d’amidon de nos tranches de pos de terre ont donc été détruits. A leur place, on ue trouve qu'en* ‘viron 0,380 grammes de matière organique, dans laquelle il n’y a que des traces d'acides volatils et un peu d'alcool ordi- naire. ILs'est pourtant formé, à un moment de l’action, des sels de chaux dont l'acide était fourni par la matière organique, et la chaux par le carbonate de chaux introduit dans le liquide. La preuve, c’est que dans le mycélium du champignon, aussi bien que dans le dépôt du fond du matras, ou trouve des cristaux d’oxalate de chaux et de carbonate de chaux témoi- gnant d’un procès de combustion; mais tout où à peu près tout ce qui était acide organique a été brûlé. La combustion a même * # Lu SUR LA NUTRITION INTRA-CELLULAIRE. 833 atteint la matière azotée, car le liquide est alcalin et contient 0,062 grammes d’ammoniaque hbre. Ainsi ce penicillium, comme le bacille, attaque et dissout l’amidon cuit de la cellule sans tou- cher à la paroi, le transforme, brûle les acides qu’il a formés, et peut ensuite brüler la matière albuminoïde. Cette identité de fonction, au milieu d’une aussi grande dissemblance de forme, 12 montre que la forme n'est rien et que les enveloppes les plus diverses d'aspect peuvent contenir, non le même protoplasma, mais des protoplasmas que nous ne savons pas encore distin- guer par leurs réactions. Là est, en effet, si je ne me trompe, l’enseignement qui résulte dé ce travail. Au début des études microbiologiques, la forme a paru suffire pour établir les grandes divisions du continent nouvellement découvert. Puis on a constaté que la forme ne suffisait pas, et qu’il fallait faire aussi l’étude de la fonction. On admettait plus. ou moins explicitement, sur l'exemple de la levure, que cette fonction était constante, ou à peu près constante, dans un même être. Voici maintenant que nous découvrons que cette fonction est variable chez une même espèce : le bacille dont je viens de faire l'étude montre qu'aucune des grandes divisions ‘adoptées, aérobies ou anaérobies, ferments des matières albuminoïdes et des matières hydrocarbonées, n’a de raison d’être bien sérieuse, puisque notre bactille ne les connaît pas. Il y a plus: nous connaissons déjà au moins 6 bacilles capables de fournir de l'alcool butylique, de l’acide acétique et l'acide butyrique : ce sont le bacille amylozyme de M. Perdrix, Je Bacillus orthobutylicus de M. Grimbert, 3 au moins des. bacilles de M: Beyerinck, s'ils sont distincts, et l'amylobacter que nous venons de décrire‘. Par conséquent si nous trouvons des propriétés dissemblables chez le même être, nous trouvons en regard des propriétés semblables chez des êtres sûrement diffé- 1. Dans un travail intéressant inséré dans le Centralbt. f. Bakt. u. Parasiten- kunde (Ie partie, t. I, p. 609 et 657), M. W. Winckler s’est attaché à faire la diagnose sur milieux solides des diverses formes de Z'yrothrix que j'avais isolées et déc rites en 1879, à une époque ou on en était réduit aux cultures sur milieux liquides. Les espèces que j'avais distinguées ont bien résisté à cette épreuve nouvelle : mais dans chacune d’elles, M. Winckler a relevé des variétés plus ou moins actives comme ferments ou comme aérobies. Le présent travail confirme la possibilité de ces variations physiologiques, et les montre exagérées dans une même espèce. " | 53 * 18 # + 834 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. rents. Le cas semble embarrassant, car où chercher désormais la caractéristique de l'espèce? Les difficultés augmentent encôre quand on songe aux variations qui peuvent résulter de l'éduca- tion de la semence, ét de Ses antécédents plus ou moins hérédi- taires. On est tenté de croire et de dire qu'il n’y a plus désormais aucune sécurité à différencier ou à confondre deux êtres de 4 même forme extérieure, et que tous les travaux accumulés dans cette voie ont abouti à l'indécision et à l'obscurité. Cette conclusion serait à son tour inexacte. Bien qu'ils soient très voisins, nous savons pourtant différencier les bacilles connus comme producteurs d'alcool butylique, d'acide acétique et d'acide butyrique. Admettons que quelques-uns des caractères différentiels sur lesquels nous tablons en ce moment deviennent caducs, on confondra ces espèces si l'étude plus approndie qu’on en aura faite ne relève pas de différences nouvelles, et si on les sépare encore à ce momént, ce sera à l’aide d'un caractère différentiel encore plus délicat et plus profond, que l'expérience aura découvert. Dans tous les cas, on aura avancé davantage dans l'étude des propriétés du protoplasma ou de la vie cellulaire. Quant à savoir combien nous trouverons d'espèces, et si même nous trouverons des espèces au bout de cette étude, c’est chose très indifférente. Quand nous serons conduits à supprimer la, notion d'espèce, c’est que nous aurons appris les lois de leur transition, el il y aura bénéfice pour tout le monde. En attendant, le nom spécifique a juste la valeur d’une étiquette sur un colis : il faut toujours se préparer à la changer ou à la faire disparaître. L'étude de l'amylobacter ethylicus va confirmerces conclusions et nous en fournir d’autres. r4 Lt [l. — AMYLOBACTER ETHYLICUS Je serai très bref dans l’étude de ce bacille, car elle peut être Rte entièrement calquée sur celle qui précède. J'ai dit que j'avais longtemps cultivé ensemble ces deux bacilles sans arriver à les distinguer. Même forme, mêmes dimensions, ou à peu près, dans le bacille adulte et dans la spore. Les différences qui peuvent exister dans l'aspect des colonies sur divers milieux sont saisissables quand on a les pièces sous les yeux, mais k * SUR LA NUTRITION INTRA-CELLULAIRE. 835 exigeraient pour leur description un long morceau de liltérature inutile. À Les vraies différencesrésultent de l’étude des fonctions physio- logiques, mais elles n’apparaissent pas tout d’abord, car les deux bacilles semblent se comporter de même dansles divers milieux. Pônme de terre. — Dans une macération stérilisée de frag- ments de pomme de terre, par exemple, les phénomènes sont les mêmes. Comme son congénère, l'Amylobacter ethylicus vide les cellules dé leur amidon sans toucher à la paroi. Il se fait de la dextrine et un sucre qui fermente avec un dégagement gazeux abondant, formé d'hydrogène et d’acide carbonique, cù la pro- portion du premier gaz va en décroissant du commencement à la fin. Ce gaz est pourtant moins abondant qu'avec l'Amylobacter butylicus. Dans une fermentation de 20 grammes de pomme de terre en présence du carbonate de chaux, j'ai trouvé en tout environ 160 c. c. d'hydrogène et 400 c. c. d'acide carbonique, dont une très faible partie seulement provenait du carbonate de chaux. L'hydrogène fait donc moins du tiers du volume total. La présence de ce gaz semble au premier abord inexplicable, car on ne trouve dans le liquide fermenté que de l'alcool ordi- naire, de l’acide acétique et de l’acide lactique, tous corps dont la formation aux dépens du sucre ne comporte aucun dégage- ment d hydrogène, si on se rapporte aux formules adoptées. La difficulté cesse si on adopte l'interprétation que nous avons proposée au sujet de l’Amylobacter butylicus, qui fait dériver l'acide acétique et l'acide lactique d'une combustion interne du sucre au moyen de l'oxygène de l’eau. Il est difficile de serrer la question de plus près, et de mettre en relation la quantité d'hydrogène dégagé et la quantité d’acide acétique formé, parce qu'il y a deux formules de dérivation de cet acide aux dépens du sucre, précisément les formules (4) et (5) (p.822), et qu'on ne sait pas si elles ne fonctionnent pas toutes deûx à la fois. Sauf cette différence dans les produits de la fermentation, les deux bacilles se comportent de même. Ils peuvent donner une fermentation en l'absence de carbonate de chaux, mais plus lente et plus incomplète, aboutissant toutefois aux mêmes pro- duits. Ils préfèrent toujours les milieux maintenus neutres ou légèrement acides par la craie. L 836 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. L Pommes de terre el légumes crus. — J'ai eu occasion de faire avec l'A. ethylicys une expérience que je n'ai pas faite avec l’autre, celle de l’ensemencement sur des fragments de pommes de terre, de navets, de carottes et de bettéraves, fragments prélevés purement à l’état cru sur les racines, et introduits dans un bouillon nutritif. Là où il y avait du sucre, ce sucre, “diffu- sible, a fermenté à la façon ordinaire. Mais la paroi des cellules n’a pas été attaquée. Le seul effet visible a été celui d’une désintégration plus ou moins prononcée des cellules, comme si elles étaient maintenues adhérentes par une substance aggluti- nante qui se serait dissoute. Au moindre effort, ces nes disloquées se répandaient dans le liquide, chacune avec son contenu. Celles de la pomme de terre, par exemple, contenaient, au bout de quelques jours, leur amidon inaltéré, fortement colorable en bleu par l'iode. De plus, on voyait facilement, en mettant successivement au foyer les divers plans de l’épais- seur d’une cellule, que les bacilles de l'extérieur n’avaient pas pénétré dans l’intérieur de ce sac clos, qui était mtact. Avec le temps, la gélification et la dissolution de la paroi cellulaire a fait des progrès; des grains d’amidon, de plus en plus nombreux, sont devenus libres dans le liquide et ont présenté à leur tour un commencement de corrosion. Cette corrosion a été très irrégulière, donnant au globule d’amidon, primitivement rond ou ovale, des formes de navet, de gourde à deux rénflements, de virgule, etc.; la corrosion irrégulière du pourtour répondait évidemment à l'inégalité de résistance des couches, et l’ensemble du phénomène était plus d'accord avec la théorie qui voit dans le grain d’amidon le résultat de la super- position ou de la juxtaposition de couches successives, qu'avec celle de Nægeli qui y voit une série de sacs emboités. Il semble que dans cette dernière conception, le granule devrait être corrodé régulièrement sur tous les points de sa surface. ù Sucres. — Comme l'A. butylicus, VA. ethylicus n’intervertit pas le sucre de canne avant de le faire fermenter. Il s'arrête aussi assez vite dans son action quand on n'ajoute pas de carbonate de chaux. En présence de la craie, la fermentation est rapide, régulière; le liquide devient très visqueux, coule parfois comme une glaire ou une solution concentrée d’albumine. Il se fait des SUR LA NUTRITION,INTRA-CELLULAIRE. 837 quantités assez considérables d'alcool ordinaire qui peuvent dépasser le quart du poids du sucre disparu. Cet alcool est tou- jours accompagné d’ün peu d’aldéhyde. L’acide acétique est ensuite le plus abondant, puis vient l'acide lactique, qui, avec le glucose, est l’acide sarcolactique. Avec l’A. ethylicus, cet acide lactique est toujours plus abondant qu'avec l’autre. Je ne donne pas de chiffres plus précis, parce que les pro- portions des trois corps sont très variables, les acides produits au début de la fermentation étant détruits vers la fin, comme avec l'A. butylicus, et cela qu’ils soient libres ou en combinaison avec da chaux. C'est que ce bacille, que nous venons de voir capable de se développer dans le vide, est aussi un aérobie et peut agir comme comburant, si bien qu'après un long temps, une culture de ce bacille dans du sucre ou de l’amidon peut n'être presque plus acide. L’acide lactique persiste plus longtemps et est plus abondant avec l'A. ethylicus qu'avec l’autre. Peut-être faut-il mettre ce fait en relation avec cet autre que, contrairement à son congénère, l'A. ethylicus ne fait pas fermenter le lactate de chaux. Nous sommes en effet conduits à regarder les produits d’une fermen- tation comme des substances inattaquables ou lentement atta- quables par l’être-qui les produit. Elles apparaissent alors soit ‘comme produits définitifs, soit comme produits intérimaires, et il est naturel qu’il y ait davantage d’acide lactique produit avec . celui de nos deux bacilles qui ne l'attaque pas, ou du moins qui l'attaque moins facilement que l’autre. Cette propriété de ne pas faire fermenter le lactate de chaux, sépare l’A. ethylicus du Bacillus ethaceticus de P. Frankland, qui fouruit aussi, aux dépens des sucres et de diverses substances hydrocarbonées, de l’alcool et de l'acide acétique. Une nouvelle différenciation résulte de ce que l'A. ethylicus donne des spores, et qu’il ne fait pas fermenter la mannite. Il se distingue d'autre part, par sa forme, de l’actinobacter polymorphus, que J'ai décrit autrefois, et qui, aux dépens des sucres, donne de l'alcool et de l'acide acétique. Il se différencie de même du pneumo-bacille étudié par Frankland, et de celui qu'étudie M. Grimbert dans ce même numéro des Annales. Ces deux pneumo-bacilles sont en effet si voisins de mon actinobacter que rien ne permet encore de les distinguer, sauf leur origine. 838 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. e Et ici se présente un point s sur lequel je voudrais attirer l’atten- tion en terminant. . Voici au moins, étudiés dre ce travail, deux bacilles, diffi- ciles à distinguer l’un de l’autre, ayant la même forme, les mêmes dimensions, sécrétant les mêmes diastases, capables de vivre dans les mêmes milieux d’une façon anaérobie absolue et d’une facon aérobie, donnant des dégagements gazeux d’hy- drogène et d'acide carbonique. Partout où l’un d’eux donne de l'alcool ordinaire et de l'acide acétique, l’autre donne de l'alcool butylique et de l’acide butyrique. Au point de vue de ses propriétés générales, ce dernier a pu être rapproché d’autres bacilles qui lui ressemblent tellement, qu'il faut chercher profondément pour les distinguer. À son tour, l’A. ethylicus peut être placé à côté de divers autres bacilles très voisins de lui, et comme lui, producteurs d'alcool et d’acide acétique. On pourrait sûrement trouver dans la bibliographie d’autres bacilles voisins du premier, et d’autres bacilles analogues au second. On en trouvera plus sûrement encore si on cherche dans le laboratoire. Cette coïncidence qui fait apparaître l’acide acé- tique là où il y a de l’alcool ordinaire, de l'acide butyrique là où il y a de l'alcool butylique, n’est évidemment pas fortuite, et tient certainement à une propriété profonde du protoplasma, qui, dans la dislocation de l'aliment complexe qu'on lui donne, s'arrête plus volontiers à des chaînes à deux atomes de carbone pour l’A. ethylicus, à 4 atomes pour l’A. butylicus. Il est en effet impossible d'expliquer par un phénomène d’oxydation la formation de l’acide au moyen de l'alcool corres- pondant, car cette production concomitante d’alcool et, d'acide se fait en fermentation en présence du vide. Comme l'alcool, l'acide provient de la dislocation de la molécule initiale. Encore ce mot de dislocation est-il incorrect. On peut à la rigueur admettre que la chaîne d’atomes contenue dans une molécule d'acide butyriqueétait contenue, au moins en puissance, dans la chaîne plus longue de la molécule de sucre. Mais com- ment se donner la même illusion avec l’acide butyrique, chaîne à 4 atomes, provenant de la glycérine qui n'en a que trois. Il faut alors faire intervenir des soudures, c’est-à-dire des synthèses. Mieux vaut se dire que nos conceptionsss’appliquent encore mal æ SUR LA NUTRITION INTRA-CELLULAIRE. 839 à l'étude desactions protoplasmiques, dont je m'elforce de mon- ‘«trer toute la complexité. Toutes choses égales d’ailleurs, cette production des mêmes corps par des protoplasmas sûrement divers, et cette production de corps diflérents par des protoplasmas d'êtres que leurs autres propriétés rapprochent, est tout à fait analogue aux procédés de dislocation solaire, dans lesquels la même substance peut, sui- vant les cas, donner des produits différents, et des substances très variées fournir les mêmes produits. Les circonstances extérieures, dont dépend la nature de la dislocation solaire, sont parfois, en apparence au moins, d'ordre tout à fait secondaire : c’est par exemple le remplacement de la chaux par le baryte ou par la potasse. Si, comme cela est probable, les différences entre les protoplasmas sont du même ordre, on voit de quels détails de structure dépend la vie cellulaire, et la distinction des espèces * dans le monde des infiniment petits. LS 1 RECHERCHES SUR LE PNEUMOBACILEE DE FRIEDLANDER (Travail du laboratoire de M. Duclaux, à l’Institut Pasteur.) % PREMIER MÉMOIRE ÉTUDE DES FERMENTATIONS PROVOQUÉES PAR CET ORCANISME ——_———_ — En 1883, Brieger', étudiant l’action du pneumobacille de Friedländer sur des solutions de glucose et de sucre de canne, : obtint, comme principal produit de fermentation, de l'acide acélique accompagné d’un peu d'acide formique et d'alcool éthylique ; il en fut de même avec des solutions de lactate de chaux et de créatine. Brieger, dans son Mémoire se contenta de décrire sommairement ces réactions sans chercher à déter- miner les rapports existant entre les divers corps formés. A En 1891, MM. P. Frankland, A. Stanley et W. Frew*, repre- nant l'étude des fermentations produites par ce même pneumo- bacille, cherchèrent à établir les équations de ces fermentations par des analyses quantitatives. , Le pneumobacille qui servit à leurs expériences leur avait été fourni en 1886, par l'Institut d'hygiène de Berlin. Depuis ce temps, c'est-à-dire pendant une période de trois ans, il avait été continueliement ensemencé sur gélatine-peptone avant de : servir aux fermentations. Les milieux de culture avaient la composilion suivante : æ Sucre fermentescible........... FE ES 30 Peptone M SOURCES de LD EE RTE Re PE 3 Extrait de viande de Liebig........ Se ETS PRET UE 2 se Carbonate de chaux, ARE PA PNA RUE RS 10 LEE 7 RARES UE Et ENS Varna GR ee Le 0e 2 11000%c/"c F.. : : » . . - Ensemencés après stérilisation, ils étaient maintenus à l'étuve à 39° pendant un temps qui variait de 6 à 40 jours. 1. Zeitsch f. phys. Chem. 8-306 et 9-1. 2. Journal of chemical society, t. LIX, p. 253. he | PNEUMOBACILLE DE FRIEDLANDER. 841 De même que Brieger, P. Frankland et ses élèves trouvèrent, dans les produits de la fermentation du glucose, de l'acide acétique, de l’acide formique et de l’alcool éthylique, d’ailleurs en faible quantité ; c’est ainsi qu'une fermentation d’une durée de 6 jours, rapportée à 100 grammes de glucose, leur donna : Acide éthylique............... EE De AT 1 0,9828 Acide acétique........ NÉE CRT OU EL E 9,4085 Acide formique...... ART AE TER 08003 ACITeRSUCCINIQUE EE DC NP ET CE DC CR U,0460 é Dans une fermentation de mannite âgée de 36 jours et rapportée également à 100 grammes de substance, ils obtinrent : AlcoolNéthyliquens 171 r2 D RUE 6,766 Acides volatils calculés en acide acétique. 5,269 Les acides volatils étaient constitués en grande partie par un acide gras, de poids moléculaire plus élevé que l'acide acéti- que, probablement par de l'acide propionique. Les savants anglais étudient ensuite la nature des gaz dégagés pendant la fermentation, ainsi que l’action du bacille sur divers milieux, et arrivent aux conclusions suivantes : — 1° Le pneumocoque de Friedländer fait fermenter les solutions de dextrose, saccharose, lactose, maltose, raffinose, dextrine, mannite ; — 2° Il ne fait pas termenter la glycérine ni la dulcite ; — 3° Dans les fermentations de dextrose et de mannite, les produits principaux sont l'alcool éthylique et l’açide acétique, avec une petite proportion d’acide formique et des traces d’acide fixe, probablement d’acide succinique ; — 4° Les produits gazeux sont : l'hydrogène et l’acide car- bonique. | Ayant eu entre les mains un échantillon du pneumobacille de Friedländer provenant du laboratoire de M. Roux, j'ai eu l’occasion de constater qu'il faisait fermenter la glycérine, contrai- rement à l’opinion de M. P. Frankland. J'ai donc repris entière- ment l'étude des propriétés biologiques de cet organisme, et je puis dire déjà que les résultats que j'ai obtenus sont en contra- diction avec ceux des auteurs anglais. En effet : x L 842 _ ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. “4 4° Non seulement le pneumobacille de Friedländer, de l'Institut Pasteur, fait fermenter la dextrose, le saccharose, le maltose, le lactose, le raffinose, la dextrine et la mannite, "mais i attaque énergiquement la glycérine et la dulcite ; 20 Les produits de la fermentation varient avec la nature du sucreemployé. Ce sont l'alcool éthylique, l'acide acétique, l'acide lactique gauche et l’acide succinique. Mais avant d'entrer dans le détail des expériences, nous croyons devoir exposer succinçetement la marche générale que nous avons suivie pour déterminer et+analyser les produits de nos fermentations. + Nous commencerons d’abord par décrire le pneumobacille que nous avons employé ; nous parlerons ensuite de la compo- sition de nos milieux de culture et de leur mode d’ensemen- cement. MORPHOLOGIE ET CARACTÈRES BIOLOGIQUES DU PNEUMOBACILLE DE FRIEDLANDER # Le bacille de Friedländer qui nous a été remis par M. Roux présentait les caractères suivañts : 1° Au microscope : petits bacilles très courts souvent réunis par deux, entourés d’une auréole très nette môme dans les cultures sur gélose et sur bouillon. Ne se colorant pas par la méthode de Gram. Nous n’avons jamais observé dans nos cultures les formes décrites par* certains auteurs : « gros filaments enchevêtrés, ‘un peu plus gros que les filaments charbonneux, non segmentés, à côté desquels se voient de gros bâtonnets plus ou moins longs! : » 2° Sur gélose : trace épaisse et visqueuse. 3° Sur pommes de terre : trace blanchâtre, épaisse et crémeuse, avec çà et là quelques bulles de gaz; - 4° Sur gélatine en plaques : colonies rondes devenant opa- ques, blanches et surélevées, en forme de boutontrèssaillant. La gélatine n’est pas liquéfiée; 5° Sur gélatine en piqüre : culture dite en forme de clou ; 6° Sur peptone (solution de peptone à 30/0, neutralisée), pas d’indol, même au bout d’un mois. Ÿ à 4. Wur®, Précis de bactériologie clinique. (G. Masson, éditeur, 1895.) _ PNEUMOBACILLE DE FRIEDLANDER. 843 7° Sur peptone nitrée (formule de M. Metchnikoff) : trans- formation des nitrates en nitrites ; 8° Sur lé lait : coagulation lente. Le pneumobacille de Friedländer est un apaérobie facul- talif. "bee Il fait fermenter les substances suivantes : glucose, galactose, arabinose, mannite, dulcite, glycérine, saccharose, lactose, maltose, raffinose, dextrine, pommes de terre. Il est sans action sur l'érythrite. e MÉTHODES DE CULTURE, Nos milieux de culture avaient tous la composition sui- vante : SUCLEMETIMENTESCIDIE RE LOIR CIO IN 3 BEDIONEESCC OP Ci ce Men = LODEL À A TL 2 en A er tan own ID 0 Garbonatetde Chamx:e 10 CN NA EL NE. Q..S- Nous avons démontré dans un travail antérieur qu’il était souvent illusoire de vouloir établir Ja formule unique et simple d'une fermentation: aussi nous sommes-nous surtout attaché à déterminer les rapports existants entre les divers corps formés, sans chercher à lés relier par une équation au sucre générateur. Afin d'éviter toute influence résultant de’ l’âge ou de l’éduca- tion de la semence, nous avons toujours opéré de la manière suivante dans l’ensémencement de nos milieux : Une première culture sur plaque de gélatine nous ayant démontré la pureté de notre culture, une colonie prélevée servait à ensemencer un tube de bouillon simple, lequel à son tour servait "à préparer quelques tubes de gélose. Une trace de, cette dernière culture était portée au moment du besoin dans un tube de bouillon simple et, 24 heures après, quelques goutteside ce dernier servaient à ensemencer le ballon d'expérience. Nous avons opéré généralement sur 500 à 600 c. c. de solution, renfermés dans un ballon d'une contenance voisine d’un litre, de manière à ce que la solution sucrée offrit une large surface au contact de l'air. Après addition de carbonate de chaux pur, le 4. L. Grimserr, Fermentation anaérobie produite par le B. orthobutylicus. (Annales de l'Institut Pasteur, NIT, p. 353.) + 844 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ballon était fermé par un tampon de coton et stérilisé à l’auto- clavé à 120° pendant un quart d'heure environ. Après refroidissement, le ballon était ensemencé, puis porté à l’étuve à 360. Be lendemain, la fermentation était active et se traduisait par un abondant dégagement de gaz. - MARCHE GÉNÉRALE DE L'ANALYSE DES PRODUITS . DE LA FERMENTATION Pour déterminer qualitativement et quantitativement les pro- duits de la fermentation, nous avons suivi la marche générale que nous avons déjà décrite dans ces Annales à propos des fermentations produites par le Bacilius orthobutylicus *. Nous la résumerons en quelques mots : Le liquide est filtré au papier. Une petite portion mise à part sert à examiner la réaction du milieu, la réduction exercée sur la liqueur cupropotassique et à effectuer le dosage de la chaux en solution. Un volume déterminé de l’autre portion est distllé pour recueillir l’alcool formé. En général, nous avons opéré sur 400 c. c. Dans une pre- mière distillation, nous recucillions 100 c. c: d’un liquide qui offrait toujours une réaction légèrement alcaline. Ces 100 pre- miers ©. C., additionnés d'une trace d'acide tartrique pour neu- traliser l’alcalinité, étaient distillés de nouveau, et on recueillait 50 €. ce. Ceite dernière portion était soumise à l'épreuve du compte-gouttes, d’après la méthode de M. Duclaux ?, de l’alcoo- mètre et de la réaction de l’iodoforme. Aux 300 c. c., résidu de la distillation, on ajoutait 400 c. c. d’unê solution d’acide oxalique, de manière à rétablir le volume primitif et à mettre les acides en liberté en précipitant la chaux. On prélevait alors 110 «. c. du liquide filtré pour les sou- mettre aux distillations fractionnées, d’après la méthode de M. Duclaux :, dans le but de déterminer la nature et la propor- tion des acides volatils. 4. B. GrimBErT, loc. cit. 2, Ces Annales. avril 1895. , 3. Ces Annales, juillet 1895, CRIE | PNEUMOBACILLE DE FRIEDLANDER. 843 Le reste élait évaporé à consistance sirupeuse, puis agité avec de l’éther. d L’éther distillé laissait un résidu tantôt sirupeux, tantôt cristallisé, tantôt offrant un mélange de cristaux dans un liquide sirupeux. | Dans le cas d’un liquide sirupeux, il nous fut facile de nous assurer que nous étions en présence d'acide lactique gœuche, donnant des sels de zinc déviant à droite le plan de la lumière polarisée. Les cristaux étaient formés par de l’acidet succinique, carac- térisé par son point de fusion (180°), par sa sublimation et par l’action de son sel de soude sur le perchlorure de fer. Dans le troisième cas, il s'agissait d'un mélange d’acide lactique et d'acide succinique. CALCUL ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS | , Nous choisirons comme exemple de fermentation une fer- mentation de mannite âgée de 38 jours, parce que nous y ren- contrerons à la fois de l'alcool et de l'acide lactique, et que nous pourrons en comparer les résultats avec ceux donnés par Fran- kland pour une fermentation analogue. Une solution de mannite pure à 3 0/0 faite dans les condi- tions décrites plus haut est ensemencée le 25 mai 1895 et exa- minée le 2 juillet, soit 38 jours après. — Réaction : le liquide offre une réaction alcaline. I] ne réduit pas la liqueur cupropotassique. — Dosage de la chaux : 10 ©. c. sont traités à l’ébullition par un léger excès d'oxalate d’ammoniaque. Le lendemain, l'oxalate de chaux recueilli est transformé en chaux vive que l’on pèse. Pois de Ca0 : 0,049, soit pour 100 ce. e. : 0,490. — Dosage de l’alcool : 350 ec. c. sont distillés comme il a été dit plus haut, de manière à recueillir 50 €. c. Le liquide distillé donne la réaction de l’iodoforme : à l’alcoo- mètre, il marque 3°,5 à 19°, soit 3°,1 à 15°; au compte-souttes, il donne 120 gouttes à 21°, soit 3° à 15°. La concordance est donc parfaite. L’alcoo! obtenu est bien de l'alcool éthylique. Les 3 0/0 en volume représentent en poids (3 X 0,8) 25,40 0/0. C’est le titre des 50 c. c. distillés, par con- ts 846 ANNALES DE L’'INSTITUZ PASTEUR. séquent ces 50 c. c. renferment 1,200 d’ alcool fourni par la distillation de 350 c. c. la liqueur primitive. 100 c. c. de celle- ci renferment donc 1,20 : 350 = 0,342 d'alcool éthylique. Dosage des acides ais — La liqueur primitive débarrassée de l'alcool par distillation est ramenée au volume primitif par addition d’une solution d'acide oxalique. 110 c. c. du liquide filtré, dans-lequel les acides sont en liberté, sont distllés d’après la méthode de M. Duclaux. Nous résumerons dans le tableau suivant les résultats obtenus : | 2 Théorie ; 8 A pour C?2H30? 1 5,8 5,5 7,6 7,4 2 9,2 18,0 15,6 13,2 3 9,6 27,6 24,0 23,4 4 979 31,9 32,6 32,0 5 40,3 478 11,6 40,9 GS 14 58,8 D1,2 50,5 Fe 41,5 70,3 61,2 60,9 SE 12,8 83,1 72,3 71,9 | 9 14,4 97'5 81,9 S$4,4 + 10 17,5 114,8 100,0 100,0 Dans ce tableau nous rappellerons que la colonne « repré- sente pour chaque prise le nombre de centimètres cubes d’eau de chaux nécessaires pour saturer l’acide passé à la distillation. La colonne 8 M le total de l’eau de chaux employée danses 1, 2, 3... 8, 9, 10 premières prises. La ne A on le rapport, à la quantité d'acide passée à la distillation, des quantités d’acide passées dans les 10, 20, 30, 40, etc., etc., premiers centimètres cubes. Enfin, la dernière colonne contient les mêmes rapports déterminés pour l’acide acétique. Comme on le voit, l'accord entre les chiffres de cette dernière colonne et les chiffres corres- pondant de la colonne A est aussi parfait que possible. Il faut donc en tirer cette conclusion que l'acide volatil formé dans la fermentation de la mannite est l'acide acétique seul sans mélange d'autres acides volatils. Or, nous voyons. par l'inspection de la colonne $ qu'il nous a fallu 114,8 c. c. d'eau de chaux pour saturer les 100 c. c. d'acide acétique passés à la disullation. D’après le titre de notre eau de chaux, ces 114,8 c. c. corres- pondent à 0,280 d'acide acétique et, M. Duclaux ay ant démontré que la quantité d’acide acétique qui passe ainsi à la distil- 8 * PNEUMOBACILLE DE FRIEDLANDER 847 lation est égale aux 80 centièmes de la quantité totale contenue dans les 110 c. ©. introduits dans le vase à distiller, une simple proportion nous donnera la quantité réelle d’acide renfermée dans la liqueur primitive: on trouve ainsi que 100 c. c. de la liqueur primitive renferment 0,318 d'acide acétique. Dosage des acides fixes. — Le reste du liquide traité comme nous l'avons dit dans la marche générale, l’éther laisse un résidu sirupeux très acide dont la solution aqueuse dévie à gauche le plan de la lumière polarisée. On le transforme en sel de zinc. Celui-ci cristallise facilement. Une solution renfermant 6*,73 de sel sec pour 100 c. c. d’eau donne au polarimètre de Laurent une déviation à droite de + 0°,44 — 0°,733 pour un tube de 2 décimètres. ; 0 199 > 10 50,44 2 K 6,75 = A Le pneumobacille de Friedländer a donc transformé la mannite en alcool éthylique, acide acétique et acide lactique gauche. . Nous venons de voir que la quantité de chaux entrée en solutionsétait de 0,490 par 100 c. c. Les 0,318 d'acide acétique représentent 0,418 d’acétate de chaux, soit 0,148 de chaux Ca0. La différence 0,490 — 0,148 — 0,342 représentera la chaux du lactate de chaux formé et ce chiffre COS DQRde à 1,099 d’acide lactique. ‘ Nous voyons donc que 3 grammes de mannite en solution dans 100 c. c. de liquide-ont donné au bout de 38 jours: < Alcool éthylique DE AS SEE D Oo PA D Te 0 0,342 s ACIER CLIQUE RE RU Cu «emo AA NE 0,318 Acide lactique gauche........... NP RON SP NE 1,099 + Reportons c« ces chiffres à 100 grammes de mannite et compa- rons les à ceux obtenus par Fr ed * (Frankland) Durée de la fermentation. 38 jours. 36 jours. AICOOLÉPEYRUERr R Dati te. 11,40 6,766 ACIER A CÉLIQUE ARR RP ls A TE 10,60 5,269 Acide lactique gauche 36,63 0,000 “* , 58,63 12,035 848 "ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. d FERMENTATIONS DIVERSES e La même marche ayant été.suivie pour l'examen des autres fermentations, nous nous contenterons d’en énumérer ici les résultats : LU Ê I. Glucose. — La fermentation dure un mois. Réaction alca- line, pas de réduction de la liqueur de Fehling. Tout le sucre a été consommé. 100 grammes de glucose ont donné : AICOOLÉTRVIQUE SEE CSS MORE CALE OR NN Traces ACIER ACÉtIQUE. ee late RL EE NE LL Ter 11,06 Acide lactique gauche. He CRT A 58,49 Le lactate de zine en solution à 8,99 0/0 a un pouvoir rota- toire de [Lula = + 5°,81 IL. Galactose. — Durée de la fermentation : 10 jours. Réaction alcaline. Traces de réduction. 100 grammes de galactose ont donné : AICOOMÉYNADE EE PETER EEE ACIdeACÉQUE RP PCR TR MR Red AS Mr de 16,60 Acide lactique gauche Le lactate de zinc a un pouvoir rotatoire de [aa = + 59,04 * pour une concentration de 9,92 0/0. IIL. Arabinose. — Durée de la fermentation : 69 jours. Réaction alcaline, pas de réduction. Il n’y a pas trace d'alcool. 100 grammes d’arabinose donnent : Alcool éthylique............... ROLL A CE Re NOT NOCEMENENCTESEMG A OCT AE ES DR GE Mr 100: 10 Acide lactique gauche............ Us TOURS PR AR M LUE pe 86,06 IV.s Glycérine. — La fermentation est examinée au bout d’un mois. Réaction alcaline. Pas de réduction. Si l’on suppose que toute la glycérine a été consommée, nous toys pour 100 grammes : k fl LT + é » PNEUMOBACILLE DE FRIEDLANDER. 849 Alcool éthylique...®....... 1C..5 + Des RAR SAR 10,00 Aide acétique Se. al FORTS TRS. 11,82 AGITeMTAC AU ERA CREER PER CE MT M EE: 27,32 ‘ 49,14 Le lactate de zinc pour une concentration de 5, ), 15 0/0 donne un pouvoir rotatoire de [x] = + 59,82 V. Mannite. — Nous venons de voir que 100 grammes de mannite donnent au bout de 38 jours Alcool éthyliquer . .:..... RSS DUO DE DORE DE TE 11,40 AGidemacétique.... 2.174 SE na RS DURE CE #E 10,60. Acide lactique gauche.#. 4. ............... D Re 36,63 )S,63 et que le pouvoir rotatoire de lactate de zinc en solution à 6,73 0/0 était de : [+}1 =+-5°,44. Il est intéressant de rapprocher ces données de celles fournies par la fermentation de la dulcite, son isomère. VI. Dulcite. — Gomme la mannite, la duleite donne de l’al- cool éthylique et de l'acide acétique; mais, au lieu de donner de l'acide lactique gauche, elle donne de l’acide succinique. Notons en passant que, d’après Franklaud, la dulcite, de même que la glycérine, résiste à l’action du pneumocoque de Friedländer. Nous avons trouvé pour 100 grammes de dulcite : MICOO MER yIIQUE. RE PECR INT TES NL AT PRE Are 29.3 NCITORACÉ TIME se MR nr met ve AN TS 9,46 Acide succinique...... ec LÉ LOT RS DER MR bo AC 21.63 60,42 VIL Saccharose. — Durée de la fermentation: 2 mois. Tout le sucre est consommé. Un essai spécial nous a démontré que le saccharose n’est pas interverti dans le cours de la fer- mentation. Celle-ci ne nous donne que des traces d'alcool éthylique, de l'acide acétique, et un mélange d’acide lactique gauche et d'acide succinique, dans lequel nn. l’acide lactique. En présence de trois acides, les données nous manquent pour établir exacte- ment le poids des acides lactique et succinique. Nous nous con- tenterons d’en signaler l'existence et d’en exprimer le poids en acide lactique. Quant à l’acide acétique, il a été dosé par les méthodes que nous avons décrites. + ES te HE di 890 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. g L Dans ces conditions, nous trouvons pour 100 grammes de saccharose consommé : AICOOINÉ LYS PRET CPR O PERE EE SOA ANA -. HADraCeseS A'cidelacetique APCE AN EME ET PE. MO RE ANETEN 29,53 Acide lactique gauche. cépeseeeetessseneeeeee eh. ) 43,60 Caleulé en Acide suceinique........ ARNO AM MES ne nie Le) acide lactique. Le lactate de zinc a pu être préparé. Son pouvoir rotatoire pour une concentration de 1#,345 0/0 est de : [la 7 5°,8. VIIL. Lactose. — Dans la fermentation du lactose, nous trou- verons encore un mélange d'acide succinique et d'acide lactique. Mais ici c’est l’acide succinique qui domine. L’acide lactique n'existe qu’en très faible quantité. C’est encore de l'acide gauche. Nous avons fait 3 expériences de fermentation que nous désignerons par les lettres À, B, C.— Dans les deux premières, A et B, le lactose se trouvait en solution avec 20/0 de peptone comme les autres sucres; dans la 3° nous avons réduit la pro- portion de peptone à 0,25 0/0 en même temps que nous avons remplacé l’eau distillée par le liquide salin qui nous a servi à la culture du B. orthobutylicus ‘. Nous allons résumer les résultats obtenus dans le tableau suivant : , A° B C Durée de la fermentation. 24 jours. 13 jours. 16 jours. Alcool! éthylique. .....1,... 16,66 15,00 18,33 Acide acétique............... 30,66 19,53 21,36 ” Acide suCcinIque mm... 26,160 130,13 23,16 " Acide lactique gauche........ traces traces traces L'influence de la quantité de peptone peut pois être consi- dérée ici comme à peu près nulle. IX. Maltose. — Durée de la fermentation: 68 jours. Pas de réduction. On n'obtient que des traces d'alcool éthylique, et, en dehors de l'acide acétique, un mélange d'acide succinique et d'acide lactique. 100 grammes de maltose ont donné: Alcool éthylique........ AR EEE AE D CRE 2 PIE Et D HPMIraCes A'Cideracetique PAPE ENST RE ME MAS IAE FPS Acide lattique ........ DER PAR JS 'CARNICE Acide succinique......... AUS, AE RRRARRE Abe à + + X. Dextrine. — Fermentation de 12 jours. Lastransformation 1. L,. GrimBerT, (oc. cit, p. 359. + PA PNEUMOBACILLE DE FRIEDLANDER. 81 est incomplète. L'iode donne encore une coloration pourpre à da liqueur. Le dosage de l'alcool montre qu'on se trouve en présence d’un mélange d'alcool éthylique avec un autre alcool supérieur. Gar, tandis que le liquide distillé marque 0°,5 à l’alcoomètre, le compte-gouttes accuse 3°, mais la petite quantité dont on dis- pose ne permet pas de déterminer la nature du mélange. La dextrine ne nous a donné, comme acide fixe, que de l’acide succinique sans traces d’acide lactique. 100 grammes de dextrine au bout de 12 jours ont donné : CIO SEE PE PA See A : JAN D. LME Dee ? ROME ICE IQUER RAM AETL AUr) EAU | 10,13 ACHOSUECIDIQUE SN Er Dr RES 13,96 XL. Pommes de terre. — L'action du pneumobacille de Fried- länder sur l'empois d'amidon méritant une étude spéciale que llous réservons pour un prochain mémoire, nous nous sommes contentés d'examiner l’action de celui-ci sur des tranches de pommes de terre. Ces dernières étaient placées en mème temps que du carbo- nale de chaux dans un ballon rempli aux deux tiers d’eau ; le tout était stérilisé àl’autoclave à 120° pendant trois quarts d'heure, dé manière à obtenir eu même temps la cuisson des pommes de terre. Après refroidissement, le ballon était ensemencé à la manière ordinaire. La fermentation était bientôt active. Exa- minée au bout de 2 mois, elle nous a douné le résultat qualitatif suivant : A: AE. APCE ASC SRE 0 ACIHEAVO late EE 0 exclusivement formé d’acide acétique. AGIERIREN Late exclusivement formé d'acide succinique. LL Les cellules de la pomme de terre ne renfermaient plus d’amidon colorable en bleu par l’iode, mais de l’amylo-cellulose, capable de se transformer en amidon soluble quand on la chauffe vers 100° en présence de l’eau. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS EL 1° Les produits de la fermentation provoquée par le pneumo- bacille de Friedländer sont : 1° l'alcool éthylique: 2 l'acide acétique ; 3° l'acide lactique gauche ; 4° l'acide succinique ; Le +, * 89 2 É ANNALES DE L’INSMTUT PASTEUR L 20 Mais, tandis que la glucose, la galactose, l’arabinose, la mannite et la glycérine donnent de l'acide lactique gauche à l'exclusion de l'acide succinique, le saccharose, le lactose et le maltose donnent à la fois de l'acide succinique et de acide lac- tique gauche, et la dulcite, la dextrine et les pommes de terre ne produisent que de l'acide succinique sans traces d'acide lac- tique ; 3° L’acide acétique a été rencontré dans toutes les fermenta- tions à l'état pur, sans mélange d'acide formique ni d’acide propionique ; 4 L'alcool éthylique, moins abondant que les autres corps formés, fait quelquefois défaut comme dans les fermentations de pommes de terre ou d’arabinose, ou bien n’existe qu’à l’état de traces dans les fermentations &e glucose, de saccharose ou de maltose. | Dans les fermentalions de dextrine, il est mélangé à une petite quantité d’alcools supérieurs ; 5° Nous insisterons particulièment sur les produits de la fer- mentation de la mannite et de la dulcite. Le premier de ces deux isomères fournit de l’acide lactique gauche, tandis que la dulcite ne donne que de l'acide succinique. Nous avons donc devant les yeux l’exemple rare d’un ferment donnant des produits variables avec la nature du sucre qu'il détruit. : Nous pensons qu'il serait prématuré de chercher à établir un. rapprochement quelconque entre la fonction chimique ou la for- mule de constitution des hydrates de carbone employés dans nos recherches et les produits de leur fermentation ; toutefois nous ne pouvons nous+empêcher de faire remarquer que l'acide lactique gauche a été fourni exclusivement par les hydrates de carbone possédant une fonction alcool (à l'exception de la dul- cite), quel que soit le nombre de leurs atomes de carbone; queles . sucres en C*, les bioses de Scheibler, ont donné un mélange d'acide lactique et d'acide succinique, et que les hydrates de car- bone d'un poids moléculaire élevé, amidon, dextrine, qu, DITÉ seulement de l'acide succinique. De plus, si nous comparons nos résultats avec ceux des auteurs anglais, nous voyons que, tandis que le pneumocoque étudié par Frankland et ses élèves ne donne que de l'alcool * PNEUMOBACILLE DE FRIEDLANDER. 893 éthylique et de l’acide acétique, avec des traces d'acide formique et d'äcide supérieur, et encore en faible quantité, celui que nous avons eu entre les mains donne des quantités relativement considérables d’acide succinique ou d'acide lactique gauche sui- vant les circonstances. Tandis que le microbe de Frankland ne fait fermenter ni la glycérine, ni la dulcite, le nôtre les attaque avec énergie. Il faut donc en conclure qu'il existe au moins deux pneumo- bacilles de Friedländer, morphologiquement semblables, mais différant profondément entre eux par leurs actions fermenta- tiVes, à moins que la longue série de cultures sur gélatine-peptone (pendant 3 ans) subies par le pneumobacille dans le laboratoire de Frankland ait réussi à modifier ses propriétés en créant une race nouvelle. Quoi qu'il en soit, dorénavant, chaque fois que l’on rencon- trera une bactérie présentant tous les caractères du pneumo- bacille de Friedländer, il faudra vérifier son action sur la glycé- rine afin de l'identifier soit avee l'organisme de Frankland, soit avec celui que nous avons étudié. Le schema suivant résume l’ensemble de mes résultats. Alcool. Ac. agétique. Ac. lactique. Ac. succinique, " s— = — ne Glucose... ... ARC CE DER D Traces Li» les [ol» |» — inefficaces RE NC Pare 2» | 63| » » 129) | . Pas deCAUTÉMSANOTRE TEA Ee 26! » | » | 72] » | » 132] » | » |, Morsures aux mem- ( simples »| 6} » [27/8 »|251 5 sde . A . 1 é bres et au tronc multiples... .| »| 7 8 ». 185| 62 » 33(P8 “ Cautérisations efficaces . . . … . NBI EI MERS | » | »|» |» = inefficaces eme RAI LE » | » 36! » » Pastle cOULErISALLONE, à 0 Pa MT 6! » | » | 24, » | » 1225 Vo HODRISIUECRATES. ER OT EL 2, LEA 1)» |», | 44/ » » [OÙ » | » Morsures à nu. . | SPA ER RTE 2| » » 48| » » 8| » » Morsures multiples en divers points du PEN rl » » v CADDS ESRI ER Me » 25 | 2] » 0620 TEE Cautérisations e fficaces ARE LSS ma JR EMENET PE SE = IRON AUC ES ORAN ET ARTS 1 >.» | 4 » » »| » |» Pus de cautérisation. . . . .. mn fe Assez Reine » ‘| 4» l» FODIESNR ÉCRITES RP SE ER EE 1\ 5 > | » » » »| » » Maïsures ain? ee. il A LES RCE on EE RE PP SA | | | | | Français. et Algériens 46) 1172) 145 Totaux. | 4 1227 126 lFEfrangbEs = 22.2 ) : 2 (ee | 55 | 11 A B: C me ROTÉL'GÉNÉRA IS: D M A TES LE 401 ° 4 Les animaux mordeurs ont été : chats, 4 fois; chiens, 394 fois. — Deux personnes ont eu des écorchures aux mains souillées par la bave de malades atteints de la rage auxquels elles donnaient des soins. Une troisième s’est inoculée de la même façon en soignant une vache enragée. Le Gérant :"G. Masson. s« + > Sceaux. — Imprimerie (haraire ct Cie. Le + 9gme ANNÉE DÉCEMBRE 1895* N° 12. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR DE'LA CONTAGION PAR LE LIVRE Par MM. Là a | EX T DÜ CAZAL CATRIN Médecin principal de {re classe, Médecin-major de {re classe, professeur au Val-de-Grâce. Professeur agrégé au Val-de-Grâce. * Depuis un certain nombre d'années, les études hygiéniques ont, à juste titre, sollicité d'une façon toute spéciale l'attention du monde médical et celle du grand public. Cette importance croissante accordée à l'hygiène n'est pas due seulement à la nature des questions qui constituent son domaine, mais aussi, et surtout, croyons-nous, à la transformation de ses moyens d'étude. . L'hygiène prophylactique, basée avant tout sur l’étiologie, a profité plus peut-être qu'aucune autre branche des sciences médicales de la voie nouvelle ouverte aux sciences biologiques par les découvertes de Pasteur, et c'est surtout parce qu’elle est franchement entrée dans la voie expérimentale, qu’elle a conquis une autorité que quelques-uns taxeraient volontiers de tyran- nique. Ce prestige, d'une science jadis tombée un peu en discrédit, s'explique pourtant si l’on réfléchit quer’hygiène parlait autrefois au nom de théories absolument hypothétiques, alors qu’elle dicte aujourd'hui des lois au nom de faits expérimentaux positifs et, partant, indiscutables. Un des buts principaux que se propose l'hygiène, c’est préci- sément de s'opposer au développement des maladies conta- gieuses, et les règles qu’elle dictera pour atteindre ce but de- D) 866 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. L) vront évidemment avoir pour baseune connaissance aussi parfaite que possible des moyens par lesquels peut s’opérer la contagion. C'est précisément un des points particuliers de cette vaste question des modes de contage, qu’avec la collaboration de mon collègue et ami, M. Catrin, professeur agrégé au Val-de-Grâce, je me suis proposé d'étudier par l'expérience. k De tout temps on a admis que les maladies contagieuses pouvaient se transmettre d'individu malade à individu sain par le moyen de tout objet ayant été en Contact avec le malade. Âu nombre de ces objets figure le papier sous forme de livrés, de cahiers, de cartes de visite, de lettres, etc. Si les faits positifs de contagion par ce mode de transmission sont rares, en revanche les histoires abondent sur ee sujet, et, dans le monde, il n'est personne qui n’en ait, à l’occasion, quelqu'une à raconter. Richardson, pour ne citer que les médecins, accuse une lettre, venue d'une maison infectée, d'avoir transporté à plusieurs lieues une scarlatine mortelle. Murchison, sans citer du reste aucun faît probant à l'appui de son opinion, admet aussi la possibilité de la transmission de la scarlatine par lettre. , Petersen rapporte à la même cause la maladie d’une jeune fille. Fox et Sanné rapportent des faits semblables sur lesquels je vais revenir. Mais ces cas sont, en somme, assez rares et ce sont toujours les mêmes qui se répètent de livre en livre et d'article en article. La bibliographie elle-même est assez pauvre sur°ce sujet ', et presque tous les faits publiés se rapportent à des cas de transmission de la scarlatine par les déchets épidermiques de la desquamation : lels sont ie fait de Grasset? (de Riom) publié dans les Annales d'hygiène publique et de médecine légale du mois d'août 1895, et celui de Sanné rappelé ci-dessus. Dans le fait de Grasset, il s’agit d’une lettre, venant d'une localité distante d'environ quarante kilomètres, et dans laquelle des parents avaient enfermé, à titre d'échantillon d'un phéno- 4. TvoxskoLawsky, Des souillures microbiennes sur les feuilles d'observation et les registres hospitaliers (Th. de Saint-Pétersbourg, 1894). 2, Grasser, De la transmission de la scarlatine par l'intermédiaire d'une littre (Ann. d’'hyg. publ. et de méd. lég., 1895, 143). LA CONTAGION PAR LE LIVRE. 867 mène nouveau pour eux et qui les étonnait, trois fragments de peau provenant de la desquamation d'une fillette de neuf ans, convalescente de scarlatine. Dans le fait de Sanné, l'agent de la contagion à distance est encore une lettre écrite par une personne convalescente de scar- latine et dont la desquamation était telle que, pendant qu'elle écrivait, elle avait été obligée de secouer son papier à plusieurs reprises pour.le débarrasser des pellicules qui y tombaient avec profusion. Sur les autres maladies contagieuses, il n'existe rien ou du moins nous n'avons rien trouvé. M. Layet' enfin a communiqué, en 1883, à la Société d'hygiène publique de Bordeaux, un mémoire dans lequel il a consigné des observations qu'il a faites sur plusieurs personnes employées à la Faculté de médecine de cette ville et qui furent atteintes de courbature fébrile après avoir remanié, en quelques jours, tous les livres de la bibliothèque de la Faculté. Nous nous sommes proposés de résoudre les trois problèmes suivants : r 1° Les livres contiennent-ils des microbes et, en particulier, des microbes pathogènes ? 2° Un livré, souillé par des liquides morbides provenant de malades atteints de maladies contagieuses, peut-il transmettre la maladie ? | 5 Les livres peuvent-ils, en pratique, être facilement et complètement désinfectés? Dans toutes nos expériences nous avons suivi la même méthode; aussi paraît-il opportun, pour éviter des répétitions fastidieuses, de dire ici, une fois pour toutes, comment nous avons procédé. Après avoir souillé les pages d'un livre avec des produits morbides, nous le laissions sécher. Puis nous coupiôns des fragments d’un centimètre carré environ de la page ainsi souil- lée. Ces fragments étaient placés dans uñe capsule de platine stérilisée, el mis pendant un certain temps (une heure le plus souvent) en contact avec dix centimètres cubes de bouillon éga- lement stérilisé. Cela fait, nous injections un à deux centimètres cubes de ce 1. Layer, Gazette hebd. des se. méd. de Bordeaux, 1883, 444. ri e * dé | | M | # + % : 8038 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. bouillon, soit dans la veine de l’oreille, soit dans le péritoine,. "soit enfin sous la peau d'animaux FHAIDReS à la maladie à l'étude. A , & J'ajouterai que, dans toutes no$ expériences, nous avons cherché à nous rapprocher Île plus ‘possible de la réalité en employant, no pas des bouillons de culture, mais les pro- duits organiques mêmes, c'est-à- -dire les produits avec lesquels les livres peuvent être en contact pendant leurs stations plus ou moins prolongées entre les mains des malades : pus, crachats de tuberculeux, fausses membranes diphtéritiques, etc. £ * Premier problème : Les livres sont-ils dépourvus de germes? Portent-ils, contiennent-ils, au contraire, is microbes et, sur- ‘tout, des microbes pathogènes? Pour résoudre celte question, nous prenons un vieux livre qui traîne depuis longtemps dans les divers services de l'hôpital. A des places variées de ce livre, nous prélevons jdes frag- ments d'un centimètre carré. Sur une même page, nous 1. chons ces fragments en des points DURE coin du haut, coin du bas, milieu de la page. Le 11 mars 1895, ces fragments sont FRANS dans cinq tubes de bouillon ou de gélatine. Le 12, dès le lendemain, par conséquent, quatre de ces tubes sur cinq sont troubles. Le 12, le bouillon d'un de ces tubes est ensemencé sur gélose ou gélatine. : Le 14, des colonies se sont développées dans tous les tubes : on trouve du staphylocoque, du subtilis, des bacilles liquéfiants, développant, pour quelques- uns, une odeur fortement putride. IL s’est également développé un grand nombré de moisissures. Les colonies staphylococciennes sont cultivées en bouillon et celui*ti, après développement, est injecté à deux cobayes. Un premier animal en reçoit 4/2 c. c. et le second 4 c. c. Les deux injections sont faites ‘dans la cavité péritonéale. Ces animaux n’ont pas paru, le moins du monde, s’en trou- ver incommodés. Les ‘inoculations sont alors répétées, non plus avec les seules cultures staphylococciennes, mais avec le mélange des divers microbes obtenus par l’ensemencement du papier. LS LA CONTAGION PAR LE LIVRE. 869 Cette fois les animaux sont malades et souffrent bien mani- festement: ils sont essoufflés, sans appétit. Maïs 1ls se remettent facilement et, trois ou quatre jours après, paraissent complète- ment rétablis. Cette première expérience avait été purement qualitative nous la répétons dans le but de faire la numération des colonies. Nous obtenons : Dans une première expérience 15 colonies et 9 moisissures. " seconde sa 18 ECRREE — = troisième — 42 RU — — quatrième — 8 — 8 _ , — cinquième — ip — D 7 Dans ces expériences, il est à noter que les fragments empruntés au coin des pages ont toujours donné des colonies plus nombreuses que les fragments pris au milieu des,mêmes pages. Cette observation n’est pas sans importance si l’on veut bien réfléchir à l'habitude non seulement malpropre, mais encore dangereuse,, qu'ont beaucoup de gens, en lisant, de mouil- ler leur doigt, pour tourner les pages, en le portant à la _ bouche. Nous nous sommes alors demandé si un livre neuf serait aseptique; ou si, sans être aseptique dans le sens rigoureux du mot, il ne serait pas dépourvu de microbes, et en particulier de microbes pathogènes. L'un de nous alla choisir dans la réserve d’un honte: un livre neuf, qu’il eut soin d'aller chercher au milieu d’une pile de livres semblables, c’est-à-dire soustrait autant que possible à la poussière du magasin. Des fragments prélevés aux pages de ce livre, comme pour les expériences précédentes, et plongés dans du bouillon peptonisé et dans de la gélatine, donnèrent lieu au développement de quel- ques rares Hate microbiennes saprophytes, mais surtout à celui d’un grand nombre de moisissures. Il résulte de cette première série d'expériences qu’un livre, même absolument neuf, n’est pas aseptique, mais qu'il ne con- tienbpas de microbes pathogènes, tandis qu'on en trouve sur les vieux livres; cependant sur les pages d'un livre vieux et sale, trainant depuis longtemps entre les mains des malades CRT 810 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. d’un grand hôpital, nous n’avons pu .déceler la présence que d’un seul microbe pathogène : le staphylococcus pyogenes aureus. Deuxième problème : Un livre, souillé par des produits morbi- des provenant de malades atteints de maladies tt peut-ilktransmettre ces maladies? * k Nos expériences ont porté : 1° sur le streptocoque ; 2° sur de pneumocoque ; 3° sur la diphtérie ; 4° sur la tuberculose ; 59 sur la fièvre typhoïde. | 1° Streptocoque : Le 20 mai 1895, une page du livre neuf est souillée avec du pus à streptocoques provenant d’un empyème et renfermant de longues chaînettes en grande quantité. Puis les livre est mis à sécher dans une étuve à 37° C. Le 31 mai, 11 jours après par conséquent, des fragments de cette page sont mis à macérer pendant üne heure dans du bouillon stérilisé, et 1 c.c. de ce bouillon est injecté dans la veine marginale de l'oreille d’un lapin. : Dès le lendemain soir, 1% juin, l'animal paraît malade : il est affaissé, se remue difficilement, a les yeux chassieux; l'oreille, qui a été le siège de l'injection, est rouge, chaude et sensible. Le 2, l'état est le même. . Le. l'animal parait aller mieux, mais il meurt dans la nuit du 3 au 4. Le sang du cœur, receuilli aseptiquement et mis en cullure, donne du streptocoque. Cette expérience démontre donc, d'une façon bien nette, que le livre peut être le véhicule du streptocoque et que cet agent de la purulence ne perd rien de sa virulence en séjournant, même pendant plusieurs jours, dans un livre. 2° Pneumocoque : Le 1* juin, une page de notre livre est souillée avec les crachats d'un malade atteint de pneumonie fibrineuse arrivée au 5° jour, et dont les crachats contiennent du preumocoque en abondance. Le livre est ensuite, comme précédemment, mis à sécher à l’étuve. Le 5 juin, soit cinq jours plus tard, nous mettons des frag- ments de cette page dans 10 centimètres cubes de bouillon. Après une heure de contact, nous injectons cinq gouttes du liquide sous la peau d’une souris. Les jours suivants la souris LA CONTAGION PAR LE LIVRE. 871 parait souffrir; elle est en boule, mais elle ne meurt pas. Le 8 juin, nous lui injectons dix gouttes de ce même bouillon, qui a été, par conséquent, en contact pendant trois jours avec le fragment de papier contaminé. L'animal résiste cette fois encore et ne meurt pas. Le 8 juin, nous souillons une autre page avec du pus à pneumocoques provenant d’un empyème. Puis le livre est mis à sécher à l’étuve. Le 10 juin, deux jours après, nous prélevons un fragment de cette page que nous mettons, comme tout à l'heure, en con- tact, pendant une heure, avec dix centimètres cubes de bouillon, et nous introduisons deux gouttes de ce bouillon sous la peau d'une souris blanche. Le 11, l'animal parait bien malade et il succombe dans la nuit du 11 au 12. A l’autopsie, nous trouvons un abcès au point de l'ino- culation et une couche de pus verdâtre rayonnant, à partir de la plaie, enune couche membraniforme. La rate est grosse comme dans les maladies infectieuses. Des préparations de pulpe splénique y décèlent la présence de nombreux pneumocoques. Le sang du cœur, cultivé en bouillon, donne également du prneumocoque. Nos expériences ont donc eu un résultat positif avec le pus à pneumocoques, mais sont restées sans effet avec des crachats de pneumonie. 3° Dipthérie : Le 21 juillet une page de notre livre est souillée avec des fausses membranes diphtéritiques qu'a bien voulu nous procurer M. Martin, interne de M. Sevestre. Ces fausses membranes sont constituées par l'association du bacille de Lœæffler, grande forme, et du streptocoque. Le 24 juillet, nous mettons un centimètre carré de cette page dans du bouillon, et nous introduisons un centimètre cube de ce bouillôn sous la peau d'un cobaye. Le 26 l'animal ne paraît pas malade; mais il ne mange pas le 27 et il meurt le 28. Au point d’inoculation nous trouvons une fausse membrane days laquelle l'examen direct et les cultures en bouillon révèlent la présence du bacille de Lœæiffler et du streptocoque. Le 21 octobre, c’est-à-dire juste -trois mois plus tard 872 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. nous répétons cette expérience en inoculant deux cobayes avec 1 c. c. de bouillon, laissé, pour le premier, en contact pendant une heure, pour le second, pendant 6 heures, avec le papier contaminé. Aucun des deux animaux ne succombe. La virulence du bacille paraît donc ici s'être bien atténuée avec le temps. Mais on voit par notre première expérience que du papier, un livre sont parfai- tement susceptibles de transmettre la diphtérie. Il faut rapprocher ce fait de l'habitude qu'ont presque tous les enfants de mâcher du papier pour en faire des boulettes. 4° Tuberculose : Le 27 mai une page est mouillée avec des crachats provenant d'un malade atteint d’une tuberculose pulmonaire avancée et contenant de nombreuxt#bacilles de Koch. à Le 10 juin, 1% jours plus tard, nous inoculons dans le péri- toine de deux cobayes 1 et 2 c. c. de bouillon préparé comme dans les expériences précédentes. Après avoir maigri pendant quelques jours, les deux animaux se remettent FA EE Le 9 août nous répétons cette expérience, mais en la modi- fiant un peu. Au lieu de porter directement les crachats frais sur une page du livre, nous faisons sécher des crachats fourmil- lant de bacilles, puis nous les diluons dans de l’eau distillée et stérilisée, et, avec cette eau, nous imbibons une page de notre livre. Nous servant alors de cette page comme, dans toutes les expériences précédentes, nous infectons un bouillon dont nous injectons 1 c. c. dans le péritoine d'un cobaye. L'animal maigrit un peu pendant les premiers jours, mais dès le 4 octobre, il paraît très bien portant et a recouvré son poids primitif. Enfin, le 45 octobre, une autre page est consciencieusement mouillée avec des crachats fourmillant de bacilles el provenant d’un détenu porteur de cavernes étendues. . Le 20, nous introduisons dans le péritoine de deux cobayes { c. c. de bouilllon mis en contact, dans le premier cas, pendant une heure, dans le second, pendant 5 heures, avec des fragments de cette page. ’ . Le poids des animaux, au moment de l'expérience, est de 298 et 510 grammes. + eÀ 2 LA CONTAGION PAR LE LIVRE. - 813 Le 24, ils ont maigri et leur poids est, respectivement, de 262 et 440 grammes. ‘ : Le 26, PAR AS continue : les poids sont de 255 et 426 grammes. Le premier a donc perdu, depuis le jour de l'expérience. 43 grammes et le second 85 grammes. Mare dès ce jour, is reprennent rapidemement et, le 6 novembre, ils pèsent même plus qu'avant l'inoculation, soit 325 grammes au lieu de 298 pour le premier, et 512 grammes au lieu de 510 pour le second. Le 7 novembre nous les sacrifions, et l'examen microscopique le plus minutieux ne révèle nulle part la moindre trace de lésion tubérculeuse. Le péritoine, en particulier, est absolument sain. ; Comme on le voit, malgré l'espèce d'entètement que nous avons mis à répéter ces expériences, il nous a été impossible de réussir à transmettre la tuberculose à nos animaux avec du papier cependant chargé de bacilles de Koch. C’est là un résultat qui paraît en contradiction avec les idées actuelles, et de plus en plus répandues, sur la contagiosité de la tuberculose. Je le reconnais avec une bonne foi qui me coûte d'autant plus que je suis, pour ma part, en matière de tubercu- lose, absolument et presque exclusivement contagioniste et que depuis plusieurs années je me fais, dans mon enseignement clinique au Val-de-Grâce, l’ardent défenseur de ces idées, diffé- rant même en cela assez sensiblement de l’opinion de mon colla- borateur, M. Catrin, qui, sans nier la part de la contagion, la fait pourtant assez restreinte. * « Ces résultats négatifs sont à rapprocher de ceux qu'a publiés Seliz qui, dans une série d'expériences, n’a jamais pu, hon plus, donner la tuberculése aux animaux avec des vêtements souiliés par les crachats de malades tuberculeux. 5° Fièvre typhoïide : Une page du livre est souillée avec des matières fécales provenant d’un typhique à la période d'état. Le 28, nous introduisons dans la cavité péritonéale d'un cobaye 1 c. c. de bouillon traité comme nôus l’avons dit. Un tube de gélatine ensemencétavec uhe anse de ce bouillon se couvre, dès le lendemain, de colonies qui deviennent bientôt innombrables. LA ] + & C2 è + | 814 | ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Ps 4 Quant au cobaye, il parait malade pendant deux ou trois jours, puis il se rétablit. e Nous répétons l’expérience en introduisant dans le péritoine 2 c. c. de bouillon au lieu d’un. Le résultat est le même. En résumé, nos expériences nous ont donné des résultats positifs pour le streptocoque, le pneumocoque et la diphtérie. Elles sont restées, au contraire, sans résultat en ce qui concerne la tuberculose et la fièvre typhoïde. Troisième problème : Les livres peuvent-ils, en pratique, être facilement et complètement désinfectés ? La question de la désinfection des livres paraît avoir assez peu préoccupé jusqu'ici les hygiénistes, et aucune réglementation n’a été adoptée à cet égard. « Cette indifférence tient peut-être à ce que le danger de ce mode de contagion n'était pas assez démontré. Nous avons visilé en Suisse plusieurs sanatoriafconnus ; dans aucun on ne prend la moindre mesure de désinfection pour les livres mis à la disposition des pensionnaires. La clientèle de ces établissements est surtout composée de gens faibles ou atteints de tuberculose pulmonaire au début; or, nos expériences sur la tuberculose semblent donner raison à cette indifférence. Cependant, dans certaines localités d'Angleterre, on a pris à cet égard des mesures et même des mesures assez radicales : c'est ainsi qu'à Edimbourg les médecins envoient aux directeurs des bibliothèques tonte la liste des maladies contagieuses qu'ils observent, et les livres qui rèviennent des maisons où a régné la variole, par exemple, sonthrülés purementet simplement. Mêèmes errements sont suivis à Bradford. A Londres, rien n'est fait à cet égard, sans doute à cause de la#quasi-impossibilité d'une pareille surveillance. Le docteur Lowett, de Saint-Gills, fait appliquer dans son district les mêmes mesures qu'à Édimbourg, c’est-à-dire qu'on jette au feu les livres qui ont été entre les mains de vario- leux. Renwood, à Stokes-Newington, demande l'application des mêmes mesures dans le sien; il insiste sur la nécessité de mesures aussi radicales, à cause de la difficulté qu'il y a à désin- LA CONTAGION PAR LE LIVRE. 81 _ fecter les livrés, et demande par quels moyens on pourrait pro- | céder à cette désinfection? A çette question de Remwood deuxhygiénistes ont répondu : Lehmann’ et Miquel*. Tous deux ont conseillé la désinfection par les vapeurs d'aldéhyde formique. | Miquel conseille l’emplois d'une solution d'aldéhyde for- mique du commerce, d'une densité de 1,07 à 1,08, dans laquelle on fait dissoudre du chlorure du calcium cristallisé, de manière à avoir une solution d’une densité de 1,20. Nous avons soumis pendant 48 heures, dans une armoire ‘close, le livre qui a servi à nos expériences, aux vapeurs de ce composé qu'a bien voulu préparer pour nous notre collègue et mi, le professeur Burcker : la désinfection a été parfaite, sauf pour la page souillée par la matière fécale d’un typhique. Mais l'application de ce procédé en grand, pour la désin- * fection, par exemple, des livres de toute une bibliothèque, nous paraît devoir offrir de bien grandes difficultés: Nous avons soumis à l’action de l’étuve (autoclave) des livres qui avaient été re en lecture dans les salles de l'hôpital : ici la désinfection a été parfaite et complète. Dans cette opération les livres brochés n'ont subi aucune détérioration; des gravures coloriées ont été RARE respectées. Mais un livre cartonné a, au contraire beaucoup soulïert; le carton a été ramolli, la percaline a été plissée. Celte innocuité de l'étuvage pour le papier est du reste reconnue depuis longtemps, comme le prouve le fait suivant que j'emprunte à la Rerue.d'hygiène et de police sanitaire : « En 188#4, au Asylum Board Hospital de Kent, il y eut un millier de vario- ? leux traités sous la tente, et l'Administration des Postes de la localité se plaignit parce qu’un grand nombre de ses employés contractaient la petite vérole. Pour faire droit à ces réclama- tions, le conseil de l'hôpital décida que toutes les lettres écrites dans l'établissement seraient désinfectées à l’étuve avant d’être 4 1. Leumann, De la désinfection desvhabits, des objets en cuir, des laines, par la formaldéhyde (Murith. med. Woch., XXXII, 597). 2, Miquer, Contribution nouvelle à l'étude de la désinfection par les vapeurs d'aldéhyde formique (Ann. de méd., 1894, p. 588). + À 876 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. jetées à la boite. mi cette époque, toutes les* plaintes de la poste cessèrent. » 1; expérience prouve bien que le passage à l’étuve n’altère en rien ni l’encre des lettres, ni *Ja somme de l'enveloppe, ni les timbres-poste. L'étuve, comme le montrent nos expériences, n ’altère pas davantage le papier, l’encre ou les images, coloriées ou non, des livres. - Aussi est-ce à ce mode de désinfection que nous donnerions de beaucoup la préférence; il faudrait seulement n’avoir dans les bibliothèques publiques, mais surtout dans celles dès hôpi- taux, que des volumes brochés, à l'exclusion de volumes reliés EEE enqee ou cartonnés. , : CR _ CONTRIBUTION A L'ÉTUDE BACTÉRIOLOGIQUE DES ANGINES NON-DIPHTÉRIQUES " Pie G. H. LEMOINE Professeur agrégé au Val-de-Grâce,. L (Travail du Laboratoire de Bactériologiesdu Val-de-Grâce.) Les angines non diphtéritiques ont été l'objet, dans ces der- nières années, de nombreux travaux. Tous en reconnaissent la nature infectieuse et chacun s’est efforcé de décéler l'agent patho- gène, caüse de l'infection. C’est ainsi qu’on a décrit des angines à pneumocoque (Rendu, Netter, Gabbi); à staphylocoque (Cor- nil et Babès, Martin, Netter); à coccus (Roux et Yersin, Bourges et Würtz), dans la scarlatihe (Legendre æt Paul Claisse, Hanot, Raoult, etc.). M. Veillon, dans un mémoire d'ensemble, a noté la présence du streptocoque dans les 22 cas d’angines étudiés par lui, strep- tocoque qui existait seul ou associé au pneumocoque ou au sta- Phylocoque. Aussi, en face de ces résultats, Sallard a-t-il conclu à la pluralité des espèces microbiennes dans l’étiologie des angines. Dans toutes ces recherches, la technique suivie a con- sisté à ensemencer soit des parcelles de fausses membranes lorsqu'il s'agissait d’angines pseudo-membraneuses, soit du mucus amygdalien pris à la surface de l'organe enflammé. Aussi, dans la plupart des cas, a-t-on conclu à la nature de l'infection d’après la prédominance de tel ou tel agent pathogène daas les milieux de culture, ceux-ci donnant lieu à la production de colo- nies de différentes espèces. ‘ Parfois, cependant, on a obtenu des cultures pures et nous voyons alors figurer le streptocoque en première ligne de ces micro-organismes trouvés à l’état isolé. On comprend facilement que, malgré toutes les précautions prises pour ne retirer de l'exsudat que l’agent essentiel, les divers expérimentateurs se # “ » “ *# £ 878 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. : , 12 soient heurtés à ‘un obstacle : c'est que cet exsudat est cons- tamment en contact avec la salive, qui contient normalement, chez un grand nombre de sujets, du streptocoque. du pneumo- coque, du staphylocoque, etc., d’où la difficulté de savoir quelle part attribuer à ces agents dans l’origine du.processus morbide: Préoccupé de la même question, j'ai poursuivi depuis deux ans des recherches sur cet intéressant sujet, guidé par les con- seils de M. le professeur Vaillard, à qui je dois le nouveau pro- cédé d’étude qui m'a permis de serrer le problème de plus près, et de connaître d’une facon plus précise la nature des agents infectieux qui produisent les angines. La technique suivie dans ces recherches consiste essentielle- x ment à prélever de la matière virulente au sein même de l’'amygdale. k Après que le malade s’est gargarisé à l'eau stérilisée, on essuie la surface de l’amygdale avec un tampon de ouate stéri- lisée, puis on la câutérise avec l'extrémité d’une pipette éhauffée. Il se produit alors une eschare arrondie, blanchâtre, de la largeur d'une pelite lentille, el c’est au milieu de cette surface qu'on introduit l'extrémité d'une pipette terminée par un tube capil- laire. La matière recueillie est toujours très minime et se pré- sente le plus souvent sous forme d’une masse blanchâtre épaisse mêlée d’un peu de sang; parfois, cette masse est tout entière colorée eu rouge par le sang. Cette prise faite, on la projette dans un tube de bouillon sté-® rilisé; une partie de ce bouillon est répartie dans des tubes de gélose qui sont mis à l’étuve à 37°. Une autre partie est versée dans un tube de sérum liquide, pour la recherche du pneumo- coque. Enfin, on GnSemMEnte encore un tube de sérum solidifié. J'ai appliqué cè procédé soit seul, soit associé au procédé con- sistant à ensemencer comparativement exsudat étalé à la surface de l'organe. Dans ce dernier cas, j'ai opéré de deux manières, suivant qu'il s'agissait d’angines érythémateuses ou d' angines pseudo-membraneuses # Pour des angines sans fausses membranes, après avoir fait gargariser le malade et avoir essuyé à l’aide d’un tampon de ouate stériisée la surface de l’amygdale, on fait un prélèvement dans le fond d'une crypte amygdalienne. Pour les angines à fausses membranes, on prend des parcelles de ces membranes 4 F2 ANGINES NON DIPFTÉRIQUES. : 879 pour les mettre dans un tube d'eau stérile afin d'en laver la sur- face. Ce n’est qu'après cette opération qu'on badigeonne avec elles la surface d’un tube de gélose et celle d'un tube de sérum solidifié. Enfin, dans quelques cas, voulant comparer mes résultats à ceux précédemment obtenus, j'ai fait des prises à la surface de l’'amygdale en aÿant soin seulement de faire gargariser le malade avant le prélèvement. J'ai ainsi étudié au point de vue bactériologique 168 cas d’angines qui se répartissent de la façon suivante, relativement à leur nature : 112 chez des scarlatineux, Mont 714 pseudo-membraneuses, et 38 érythémateuses, ne présentant aucun exsudat à la surface des amygdales. 6 chez des rubéoleux au début de l'affection, chez lesquels on observait une légère tuméfaction avec rougeur du côté du pharynx. 3 chez des malades atteints d'oreillons qui, comme les rubéoleux, ne présentaient qu'une inflammation légère de la gorge. 29 angines pseudo- -membraneuses non diphtéritiques. 14 angines simples sans fausse membrane, mais ayaut donné lieu, comme les précédentes, à une vive réaction générale, cour- bature; fièvre de 39° et 40°, pendant 5 à 6 jours, et ayant été suivies d’un état de convalescence dans lequel les malades se trouvaient affaiblis sous l'influence de la mala: die infectieuse dont ils relevaient. Enfin, 3 cas d'amygdalite nn typique, avec hypertrophie notable des amygdales, ont pu être étudiés de la même façon. Un de ces malades, apyrétique pendant presque toute la durée de son séjour à l'hôpital, a présenté quelques poussées fébriles avec lurgescence des amygdales offrant des particularités intéressantes sur lesquelles nous aurons à revenir. ; Un abcès de l’amygdale termine la série de mes observations. Comme on peutle voir, je me suis adressé à un grand nombre d'espèces d’angines. On pourrait donc reprendre chacune de ces espèces nour les comparer entre elles et en faire une étude particulière. Les résultats obtenus permettent beaucoup plus de brièveté et de concision. * s vs 2 . 880 L ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. d ÿ En effet, toutes ces angines se confondent au point de vue de leur nature microbienne, à part cependant la série des amygda- lites chroniques qui semble bien faire un groupe à part, ayant toutefois certains points de contact avec les précédentes, comme nous le verrons tout à l'heure. ê En plaçant donc à part ces 3 dernières, il reste le chiffre de 165 angines dans lesquelles le streptocoque aété trouvé d'une manière constante, tantôt à l’état pur, tantôt à l’état associé à d’autres microbes. Le procédé employé a semblé jouer un rôle prépondérant sur les résultats obtenus, car d’une façon générale les cultures pures de streplocoque étaient obtenues chaque fois que pour l'ensemencement on ‘vai pris le liquide de ponction de l’amygdale. tandis quelles autres procédés employés, soit seuls, soit concur- remment avec la ponction, donnaient un plus ou moins grand nombre de colonies d’espèces microbiennes différentes. On en peut juger par les chiffres suivants : Sur ces 165 angines, 142 fois la matière d’ensemencement a élé empruntée au liquide de ponction de l’amygdale, et 23 fois seulement, j'ai eu recours à la prise de l’exsudat seul. Dans la première série (ponction), 128 fois le streptocoque a été trouvé à l’état pur; 11 fois le streptocoque était associé au staphylocoque ; 5 foisle"streptocoque était associé au B. coli. Ainsi donc, dans l’angine scarlatineuse pseudo-membra- neuse (55); dans l’angine scarlatineuse ue. (38) ; dans celles des rubéoleux (6); des oreillons (3); dans les angines pseudo-membraneuses non diphtéritiques (12) ; dans les anginés simples (13), nous retrouvons partout le streptocoque existant à l'état pur dans l'intérieur de l'amygdale. Quant aux microbes asso- ciés, ils ont été trouvés dans quelques- unes de ces angines; c’est ainsi que nous trouvons le streplocoque associé : Au staphylocoque 1 fois. Au B. coli 5 fois. Fait partie de cette dernière catégorie, le cas d’abcès de l’'amygdale. Quant à la seconde série composée des 23 cas dans lesquels nous avons praliqué nos ensemencements avec l’exsudat seul, ils nous ont donné 12 fois le streptocoque seul et 11 fois le strep- tocoque associé : au staphylocoque (6 fois); au B. coli (3 fois) ; au pneumocoque et au B. coli (2 fois). he oi ANGINES NON DIPHTÉRIQUES. 881 Ces derniers «chiffres indiquent, comme on peut le voir, une proportion de microorganismes associés, beaucoup plus consi- dérable que pour la première série. Cette influence du mode opératoire est encore plus évidente si on envisage le chiffre des associations microbiennes trouvé dans les cas où on a ensemencé lexsudat pharyngé en même temps que nous prélevions le liquide de ponction. Chez ceux-ci, au nombre de 78, on a relevé 59 fois la présence d'agents Microbiens associés au streptocoque et 19 fois seule- ment le streptocoque seul. Les microorganismes trouvés ont été le staphylocoque et le B. coli d’une facon prédominante, puis des coccus (Brisou), le pneumocoque, le bacterium termo, enfin ungros bacille liquéfiant la gélatine et se décolorant par le Gram. Comme on vient de le voir, la différence des méthodes de recherche entraîne donc des résultats absolument différents. Tandis que la mise en culture du liquide de ponction décèle la présence du streptocoque seul au sein deséléments anatomiques infectés, l’exsudat révèle, associés à ce streptocoque, des éléments microbiens divers, qui, comme le streptocoque, d’ail- leurs, existent à l’état constant dañs la salive. J' ajoute qu'ayant poussé plus loin l'étude d’un grand nombre de ces streplocoques d'origines diverses, , je me rallie à l'opinion des observateurs qui considèrent les streptocoques trouvés jusqu'ici soit dans la salive, soit dans les angines, comme identiques au streptocoque de l’érysipèle. Dansles 3 cas d’amygdalite chronique, qui forment une série à part, le liquide de ponction de l’amygdale donne lieu exclusi- vement à une culture pure de bacilles ayant des caractères se rapprochant du B. coli, peu mobiles, donnant sur gélatine et sur pomme de terre des cultures typiques, l’un faisant coaguler le. lait, mais ne donnant pas la réaction de l’indol comme dans l'espèce isolée par Barbier ; un autre donnant tous les caractères complets du B. coli, à part cependant la mobilité qui à toujours été très peu appréciable; enfin le troisième faisant seulement, rougir le lait teinté avec le tournesol, sans qu’au bout d’un mois le lait füt coagulé. Il semble donc que nous avons là une catégorie spéciale dont la nature à déjà fait l'objet d'une note de Lermoyez, Helme et D6 882 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Barbier : qui ont décélé aussi à la surface-de Bamyzdale la pré- sence d'un microorganisme semblable à l’un des nôtres. Les malades qui font l’objet de ces observations présentent d'autant plus d'intérêt que leur long séjour à l'hôpital nous a permis de faire sur eux plusieurs prélèvements de 8 à 12 jours d'intervalle; nous avons pu ainsi déceler la présence du B. coli jusqu’à 6 fois de suite chez le même individu. Le liquide de ponction a pu être aussi examiné à différentes d * reprises, et on y a constaté la présence d’un grand noftbre de ces bacilles inclus dans les nombreuses cellules lymphatiques qui forment la plus grande partie de cet exsudat. Un de ces malades a présenté en outre dans le cours de son séjour une poussée d’amygdalite aiguë, et cette fois seulement, est apparue uue double culture du B. coli et de streptocoque, tomme si la présence de cet organisme était indispensæble*pour la production d’une poussée inflammatoire du côté de ces organes. Il reste à examiner maintenant quelle a pu être l'influence des”associations"microbiennes sur la forme ou la gravité des angines dans lesquelles le liquide de ponction a donné lieu à des cultures d'organismes étrangers au streptocoque. Je n'ai point remarqué tout d'abord de grands changements dans «d’aspect clinique des maladies offrant une RE nt staphylococcienne. Lu. Toutes ont été graves, mais, d'autre part le streptocoque seul . peut causer des processus d’une gravité semblable. Il n'en est pas de même des associations avec le B. coli. L'un de ces cas a trait à une angine phlegmoneuse, les quatre autres à des angines pseudo-membraneuses. Deux d’entre elles ont présenté l'aspect clinique des angines diphtériques graves. : Expérimentalement, le streplocoque de ces angines qui n’avait donné, injecté sous la peau de l'oreille du lapin, qu’une rougeur * intense avec gonflement et chute de l'oreille, accidents qui Re . suivis de guérison, donna lieu, associé au B. coli relré de ces mêmes Hu à une infection rapidement mortelle (48 heures). ESS Ilyalieu de remarquer que si on doit considérer comme » grave l'association du 3. coli etdu streptocoque, on ne peut géné- raliser cette facon d'envisager les choses en face de la simple | +. poussée fébrile produite par l'association de ces deux micro- organismes chez le malade atteint d'amygdalite chronique. 1. Bulletin de la Société médicale des hôpitaux, 1894. + # 5 C3 RE - ANGINES- NON DIPHTÉRIQUES. 883 On peut cependant penser que, dañs ce dernier cas “la pré- sence constante antérieure du B. coli tu sein de l’amygdale avait déjà accoutumé cet organe à être impressionné par les produits toxiques élaborés depuis longtemps dans l’amygdale, et que, dans ces conditions, l'infection streptococcienne a trouvé un terrain insensible à l’un des deux agents infectieux. Mais trois autres - angines à association de B. coli n’ont pas présenté non plus toute la gravité des deux cas que nous avons rapportés plus haut.Aussi nous semble-t-il plus logique de penser que là, comme dans un srand nombre d'affections, comme dans la diphtérie à bacille de Læffler, il s’agit bien plutôt d'une différence, d’une variabilité de virulence des agents infectieux, ou d’une diminution plus ou “moins grande de résistanee du terrain où ces organismes sont venus s'implanter. LS xd , : G x r. : , 2 Un dernière question resterait à élucider. Dans les angines aiguës, le streptocoque, comme nous l'avons vu, est presque tou- jours à l’état isolé dans l’amygdale, c’est bien à son action seule, que semblent être dus les phénomènes inflammatoires el infec- tieux, tandis qu’à sa surface pullulent des éléments étrañgers. Ceux-ci ne sont-ils que de simples spectateurs, ou sont-ils, au contraire, des associés dans le vrai sens de ce mot? Contribuent- “ils pour leur part à l'infection streptocoecienne, ou ne les trouve- cbr onda que comme un- élément banal contenu par hasard dans * la salive déposée à la surface de l’amygdale? Enfin le strepto- coque lui-même présente- -bilune différence de virulence suivant qu'il est reliré du sein de l ’amygdale ou de sa surface? Pour chercher à éclaircir ce dernier point, j'ai inoculé nos bouillons de culturé sous la peau de l’oreille du lapin+ les résul- tats obtenus ont été trop variables pour permettre une conclusion. Dans 6 cas, le: streptocoque, provenant de l'intérieur de l’'amygdale, n’a produit qu'un léger érythème, tandis que le streptocoque puisé comparativement à la surface de l’amyg- dale des mêmes malades avait produit une rougeur étendue avec chaleur et œdème de l'oreille. Dans un°de ces cas, il se _ forma un petit abcès. Mais, dans une autre série de Lrois cas, je n’observai de virulence nà d’un côté ni de l’autre. Or, ei, il s’est agi, dans une observation, d’une angine streptococcienne qui avait emporté le malade en 48 heures. Cette variabilité de virulence du streptocoque pour l’animal «. 884 ANNABES DE L’INSTITUT-PASTEUR. , a d’ailleurs déjà été relevée par nombre d’expérimentateurs. Quart aux microorganismes étrangers trouvés à la surface de l’amygdale, mes observations ne m'ont pas permis de relever des différences cliniques assez notables, en relation avec la participation de tel ou tel de ces agents pathogènes, pour faire enser qu'il s’agisse là d’une véritable association. le] En résumé, le streptocoque se retrouve avec une constance remarquable dans les angines aiguës, érythémateuses, pultaçées, pseudomembraneuses et suppurées. Presque toujours, il existe à l’état isolé au sein de l'amygdale, aussi doit-on regarder les angines commeappartenant à la classe des streptococcies aumême ütre que l’érysipèle et la fièvre puerpérale. S1 l’angine chronique semble sortir de ce cadre, l’exemple rapporté plus haut fait voir que, même dans ces cas, la poussée inflammatoire est encore due au streptocoque. L'observation clinique, d'autre part, nous apprend que le strep- tocoque peut être la cause d’angines extrêmement graves, et qu'à côté de la diphtérie à bacille de Lœffler, il existe une diphté- rie à streptocoque, empruntant à la première son tableau symp- tomatique et ses dangers. De plus, eette infection streptococcienne, au cours de certaines maladies, au cours de la scarlatine notamment, est cause d’acci- dents secondaires, de complications (pleurésies Ê purulentes, néphrites, etc...) qui viennent assombrir beaucoup le pronostic de ces affections. | Cette notion de l’originestreptococcienne des angines présente une importance toute particulière, en face des résultats obtenus déjà par Roger et Marmorek dans d’autres infections de même nature. Grâce à leurs recherches, nous sommes aujourd’hui en possession d’une thérapeutique spécifique, analogue à celle en usage dans la diphtérie à bacille de Lœffler. Aussi le sérum antistreptococcique nous semble-t-il devoir entrer dans la pra- tique au même titre-que le sérum antidiphtéritique. SUR L'ÉVOLUTION DES CORPUSCULES DANS LUEUR DE VER À SOIE Par E. DUCLAUX * Onsait que les parasites de la pébrine, déposés par la femelle . dans Pœuf du ver à soie, n’y prennent un développement rapide que l’année qui suit la ponte, au moment où approche l’éclosion. Pendant la fin de l'été, l'automne et l'hiver, au moment où l’ac- tivité respiratoire de l’œufest faible et où, aucun travail d'orga- nisation ne s’accomplissant encore, son contenu reste liquide et homogène, les corpascules qu'il contient restent aussi inertes, ou du moins se multiplient peu: Leur développement ne devient actif que lorsque les tissus de l'embryon se forment dans l’œuf mis à l’incubation au printemps suivant. À quoi est due cette coïncidence entre l'évolution de l’em- bryon et celle du corpuscule? Est-ce que ce dernier a aussi besoin d’un sommeil hibernal? Ou bien est-ce que la matière de l'œuf est pour lui un mauvais milieu, qui ne devient bon que lorsque .cette matière, oxydée et transformée par le travail de respiration, s'organise sous forme d’embryon? Pour apprendre quelque chose sur ce sujet, il faut troubler cette coïncidence entre les deux phénomènes, accélérer l’un d'eux, et voir s’il entraine l’autre. On connaît par exemple plu- sieurs moyens de provoquer l'éclosion prématurée d’une graine. J'en ai découvert deux, l’action du froid et celle des. acides: M. V. Barca a montré de son côté qu’on pouvait accélérer le tra- vail de formation de l'embryon en brossant vivement et pendant ” * quelques minutes. les graines avec une brosse un peu rude M. Verson est arrivé au mème résultat en soumettant la graine pendant quelques minutes à une pluie d'électricité fournie par une machine de Holtz ou une bobine. On ne sait encore rien sur le mécanisme de l’action de ces moyens artificiels. Il est pour- tant bien peu probable qu'ils agissent de la même façon sur . l’œufet sur son parasite. Cela est d'autant moins probable que leur action sur l’œuf est limitée aux premiers jours après la + 886 7 ANNALES DE IAINSTITUT PASTEUR. e ponte. Ce n’est que lorsque Fœuf est très jeune qu ‘il < se laisse impressionner et détourner de sa route par l’action de la brosse, des acides et de /’ électricité. C'est aussi le montent où sa respi- ration, faible aussitôt après la ponte, s'exalte pour quelques ‘jours pour retomber rapidement au niveau qui caractérise le repos hibernal. L'état physiologique de BMERRE donc un rôle important dans le phénomène, et, autant qu'on peut le voir, c’est sur lui seul qu'agissent les niques physiques et chimiques 1 mis ne | en œuvre -Iy svaitépur He intérêt à savoir nues sé comportent des graines corpusculeuses soumises à une éclosion prématurée. L'évolution du corpuscule continue-t-elle à accom- pagner le travail de formation de l'embryon, auquel cas elle ne serait qu'un phénomène satellite, ou bien se refuse-t-elle à toute influence extérieure, auquel eas il n’y aurait pas plus de côérpuscules dans les œufs à l'éclosion qu'après la ponte? Pour le savoir, j'ai choisi, dans un lot infecté de corpuscules quelques femelles portant sur le duvet ces taches grises ou noires qui sont un indice assuré de la présence des corpuscules :&- dans les tissus. Après accouplement, ces femelles ont été dépo- sées sur des toiles sur lesquelles elles ont pondu leurs œufs. En les déplaçantpendant la ponte, je provoquais la formation de deux îlots de graines dont un seul était soumis à l’action de l’élec-» tricité. Pour cela, le carré de toile était placé sur un petit disque métallique en communication avec l’un quelconque des pôles de la machine de Holtz. L'autre pôle était mis en communication avec un pelit pinceau de fils métalliques, suspendu à l'extrémité d'un long fil, et animé d’un lent mouvement pendulaire à toute petite distance de l’ilot de graines à électriser. L'autre ilôt, placé à moins d'un centimètre, restait en dehors de l'action. Lorsqu'on fait cette électrisation le lendemain ou le surlendemain de la qu'on met ensuite les pontes dans une couveuse maintenue à bonne température, on voit cinq à six jours après que le travail histologique de formatiou de l’embryon est en bonne voie: l’éclosion commence de 12 à 15 jours après, suivant la tempé- rature de la couveuse, et"dure trois jours, exactement comme l'éclosion physiologique du printemps. * Quand on opère ainsi avec des graines déposées par des C3 so quand les œufs n’ont pas encore changé de couleur; et® - ” ee Æ ÉVOLUTION DES CORPUSCULES. = 897 femelles corpusculeuses, on voit que dans son ensemble la graine est moins résistante à l’action de l'électricité qu'une graine saine. Une minute à une minute et demie d’électrisation suffit à ; provoquer l’éclosion. II n’y a pas beaucoup d'inconvénient à dépasser un peu cette durée. Mais quand on la dépasse beaucoup, : on s'aperçoit que quelques œufs ont souffert. Ou bien ils ne se nn. ….…CQlorent-.pas,.ce.qui prouve.que le traitement les a tués, ou bien oi ils se creusent et se vident après qu'on les a mis à l’incubation, et on peut savoir à peu près quelle est la date de leur mort en cherchant si letravail de l'embryon est plus ôùumoimsavancé"On ne trouve aucune trace d’embryon dans l'œuf mort jeune. On le trouve entièrement formé et enroulé sur lui-même dans les œufs morts la veille du jour où ils auraient dù éclore. Quand on opère avec des œufs corpusculeux, il y en a beau- coùp plus que dans une graine saine qui se creusent et périssent . - æ-à la suite‘du traitement, En les étudiant individuellement au . microscope, on s’aperçoit que ces œufs morts sont plus corpus- culeux que les œufs restés turgescents. Il se fait donc une véri- table sélection, au début, par suite du traitement, Je prendrai comme exemple quatre pontes des 23 et 24 juin, …. soumises à 300 tours d’une machine de Holtz le lendemain du jour où s’est terminée la ponte. Le 29 juin, vers la fin de la pre- mière moitié de la période d’incubation, on a examiné compa- rativement les œufs séchés et un nombre égal d'œufs restés turgescents au voisinage des premiers. Le tableau suivant donne de , l'évaluation du nombre de corpuscules par champ dans l’exa- men de la femelle‘ qui a fourni la ponte, la proportion de cor- pusculeux dans les œufs morts et dans les œufs restés vivants. Œufs morts. Œufs vivants. Femelle A. 400 corp. par champ. 66 0/0 42 0/0 — B:-500 2» » 74 0/0 33 0/0 - —. D.400 » » 4x 0/0 5 0/0 CL, — E.200 » * me *- 30 0/0 « + 0 00 sé. … - = mt. Les chiffressont.approximatifs, J’examen. n'ayant porté que, « 1. Je rappelle que pour caractériser ie degré d’invasion d’un papillon, on note le nombre de corpuscules trouvés, au microscope ordinaire des magnaneries, dans un champ deslæ préparation obtenue en mettant sur une lame de verre une goutte de la bouillie provenant du broyage du papillon avec environ le quart de son volume d’eau. Cette méthode de numération, bien qu’un peu incertaine, est suffi- sante, 1,000 corpuscules par"champ représentent un papillon très envahi. Il y a , e des cas où on n’en voit que quelques-uns, d’autres où il faut examiner 4 à 5 champs pour en trouver un. Dans ce cas on écrit le chiffre 1/5, -388 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR sur un petit nombre de graines. Ainsi le chiffre 0 0/0 né signifie pas qu’il ne reste pas de corpusculeux parmi les œufs sains, mais seulement qu'ils sont peu nombreux. Mais la différence des chiffres des corpusculeux entre les œufs morts et les œufs restés vivants montre que les œufs morts étaient-déjà malades au moment du traitement et n’ont pas pu lui résister. Examinons maintenant comment s’est faite l’éclosion dans ces divers lots, qu’on a mis à la couveuse le 29 juin après leur avoir fait l'examen qui précède. Le lot B a commencé à éclore le premier, le 6 juillet. L'éclo- sion se poursuit les jours suivants; chaque jour on enlève les vers éclos et on les examine individuellement au microscope. Voici le tableau qui résume les résultats. Il donne pour chaque jour le nombre de vers éclos et la proportion de corpusculeux. + 6 juillet. 61 vers éclos. 36 0/0 .de corpusculeux. » 402 » » 39 0/0 » » 8 » 54 » » 4 4 84 0/0 » » OP 22 ) 96 0/0 » » On voit que le nombre des corpusculeux devient.plus grand dans les derniers vers éclos. Cela tient d’abord à ce que la mul- tiplication des corpuscules, très active au moment de la forma- tion du jeune ver, ne leur permet plus de passer inaperçus à l'examen microscopique : cela tient aussi à ce que le travail de formation de l'embryon est ralenti chez les œufs corpuseuleux, dont l’éclosion est par suite plus tardive. Ce qui prouve qu'il en est bien ainsi, c’est que les œufs non éclos de la ponte contiennent des vers tout formés, arrivés à la veille de leur sortie de l'œuf, et qui n'ont été arrêtés, pour la plupart, dans leur évolution, que par la quantité considérable de corpuscules qui les ont envahis. Pour qu’on puisse bien juger de leur différence à ce point de vue avec les vers nés les plus corpusculeux, je mets en regard, dans le tableau qui suit, les résultats de l'examen microscopique de 18 œufs non éclos, contenant des vers morts, et de 18 vers de la dernière éclo- sion, celle du 9 septembre, la plus corpusculeuse. Les chiffres donnent le nombre de corpuscules par champ dans le ver écrasé sous la lamelle et réduit en bouilliehomogène, de laquelle on a séparé la cuticule formant épiderme. LA + EVOLUTION DES CORPUSCULES. 889 & #4 Vers nôn éclos. = Vers éclos: 1 — 1,000 10 — 1,000 AD 10 — 50 2 — 1,000 A1 — 200 9 — 50 41 — 50 3 — 500 19 — 0 O0 1950 4 —0 13=400 4—\50 43 — 50 5 — 10 4% — 1,000 B—1400 44 —100 6 — 500 45 — 50 6 — 50 15 — 50 7 — 1,000 16 — 500 7— 50 46— 50 8 — 200 47 — 1,000 8 — 50 47 — 50 9 — 0 18 — 200 9— 0 18 — 50 On voit combien l'infection est plus profonde chezles vers qui n’ont pu sortir de l'œuf, alors même que le pourcentage est à peu près lé même que chez les vers éelos le dernier jour. L'œuf corpusculeux est donc moins résistant que l’autre. Il succombe plus facilement aux effets du traitement électrique. Il se met en relard à l'éclosion. De sorte, qu’en résumé, les premiers vers éclos sont des vers sélectionnés. -+ Ge sont les moins corpusculeux de ceux qui éclosent. Ils sont aussi moins corpusculeux que la moyenne des œufs au moment de la ponte, malgré la multiplication des corpuscules pendant l’incubation. Voici qui le prouve. J'ai dit plus haut qu'une partie de la ponte avait élé laissée.en dehors de l’effluve électrique, de sorte qu’elle n’a été le siège d'aucun travail et n’a pas donné d’éclosions, bien qu’elle ait été mise à la couveuse en même temps que la graine électrisée. L'étude de cette portion de graine est intéressante à deux-points de vue. D'abord, elle nous permettra de répondre à la question posée au début de cet article. Le nombre de graines corpusculeuses est-il le même, dans les deux lots, dans lesquels tout est pareil, sauf que. l’un à subi l’action de l’effluve? Dans ce cas, c'est que la formation de l’embryon n’a eu aucune influence sur la multi- plication. Le nombre des graines corpusculeuses est-il très différent dans les deux lots? C'est que, comme dans la nature et dans les conditions physiologiques, l’évolution de l'embryon entraine l'évolution des parasites. En plus de cette notion, nous pourrons savoir, par l'examen des graines non électrisées, si, après le développement lent de corpuscules qui s'y est produit, elles sont en moyenne plus ou moins corpusculeuses que les vers sélectionnés de la première éclosion, chez lesquelles ce développement a été au contraire rapide. Pour cette comparaison, le nombre de graines malades ne suffit pas. Il faut étudier leur degré d'infection. Voici donc le mir LE 890 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. di FR 7 PA é in sèns nombre de corpuscules par champ-pour trente graines non atteintes par l’effluve, et examinées le 10 juillet : 1—0 11 — 20 21 — 0 2—2 ” 12 — 0 22— | ol) a) DST EN 148— 0 24 — (0 5—10 45 — 90 95— 10 6 —5 16— 0 2620 2 ed 1 dé ga à sonate dune 2 LC cn and 8 — 20 ASS 989 920 19 — 0 99 0) 10-20 5 DES … 30 L Au point de vue du nombre, nous avons ici 57 0/0 de graines corpusculeuses. Les vers de la première éclosion en comp- taient 36. Il y a donc moins de corpusculeux non seulement que dans les vers éclos plus tard, mais encore que dans les graines a elles-mêmes. ao En second lieu, on voitque les graines non électrisées, bien qu’elles aïent été chauffées et traitées comme les autres, sont, au point de vue de la quantité et de la qualité de l'infection, à peu près ce qu'elles étaient au lendemain de la ponte. Le fait n’est pas particulier à cette ponte B. Voici, en effet, l'histoire abrégée des deux autres pontes : Ponte A. Éclosion du 7 juillet 33 0/0 corpusculeux. ss ts... Eclosion du 8 et 9 juillet....... 15 0/0 = OEufs”non électrisés,..........… 20 0/8 — = Ponte D. Éclosion du 7 et 8 juillet... 26 0/0 — Éclosion ATAABITAILE PERF ERERRE 30 0/0 — Éclosion du 10 et 11 juillet. 30 0/0 — nids Œufs morts avec le ver Re - 84.0/0 = hd Œufs non électrisés..........., 0 0/ ‘0 _ = On voit que les résultats sont les mêmes. On est donc auto- risé à tirer les conclusions suivantes : : Si dans l'œuf de ver à soie, le travail de formation de l’em- bryon et la multiplication des corpuscules sont deux faits conto- “mitants, c'est qu’ils sont liés l’un à l’autre. Le corpuscule reste inerte dans les liquides de l'œuf, et ne commence à pouvoigles utiliser que lorqu'ils sont devenus aptes aussi à l’évolution de ak embryon. C’est Le microbisme latent de M. Verneuil, mais revêtu d'un sens,très défini, ù en Sur les graines dont on a provoqué Dates on prématurée. il -se fait, par des voies naturelles, une sélection telle que.la pro- portion des vers sains, parmi les premiers éelos, est: plus à + ” ; ; ÉVOLUTION DES CORPUSCULES. 891 + grande que la proportion des œufs sains au jour de la ponte, et cela malgré la mulliplication des corpuscules pendant la période"d’incubation. | Il serait facile de citer un grand nonfbre de faits analogues dans les maladies humaines chez lesquelles existe, comme dans = "la maladie des corpuseules, l'hérédité des germes. On peut voir ..… …. en effet ici qu'il n'est pas question de contagion, au sens propre du mot. Mais j'ai voulu me borner à exposer des faits, laissant au lecteur le soin d’en tirer des conséquences. * . . L 3 e + € + & Ds ® # LA À > æ Æ « . æ. à: d nd E e PS « = ei . va à L sm Le 2 + e " + GUÉRISON D'UN CAS DE RAGE CHEZ L'HOMME Par Les D'S LEBELL Er VESESCO de l'Institut antirabique de Jassy. Nous communiquons ci-dessous un cas de rage atténuée et guérie, chez un enfant, par le traitement Pasteur, modifié par notre Directeur, M. le docteur E. Puscariu ‘. Ce cas présente un intérét particulier au double point de vue de la guérison de la rage chez l’homme, chose très rare, et de l'importance toute particulière de la marche et de la symptomatologie du mal. Petrea Ciornet”, àgé de 6 ans, de la commune de Zvorästea, district de Dorohoï, est amené par son père à l'Institut le 26 août 14894. Cet enfant avait été mordu par un chien suspect de rage; celte rage fut d'ailleurs bientôt après contrôlée et véri- - fiée à l'Institut même. L'enfant porlait deux traces de crocs à la région temporale droite; sur le dos de la main droite, quatre autres empreintes, dont deux profondes de toute d'épaisseur de la peau, plus trois autres vestiges de crocs sur la face externe de l’avant-bras” gauche; ces Fm imprimés pars dessus la chemise, l'avaient déchirée. s Du 26 août au 11 7 où l'enfant fut transféré de l'Institut à l'hôpital, on lui administra le traitement suivant : DATES QUANTITÉ MOELLE DE DATES QUANTITÉ "MOELLES DE 26 Août. 12,11,10,9jours.|| 3 Septembre. 7, 6 jours. es a 1876 —. |.4 — 3 -[8, 4 —() 28 — gd 6, 5, 4 — (1)| ) — a 3, 2 . — (2) DORE = ANSE) | CO = AUS 10) 30 — S Di — (1)|1.7 = a 8, 6 — D 31 .= Fe 150 — 1) 8 = 2 5, 4 æ— (2) Aer Septemb.| + 1241 = 9 — en 3, 2 — (2) D'RRS JS = 10 == 2, | à (2) 11 — TOUR E) 1. Les moelles de 4, 3, 2, 1 et 0 jours sont | 2. Emulsions chauffées à 800 C. En tout 42 gr. en émulsions chauffées à 800 -C. En tout 24 gr. d’émulsion. EE LEE EEE EDGE ER D PE PP EEE PENSER . Dr Puscariu, Annales de l'Institut Pasteur, 1894, page 446, et D's Puscariu et PERS mêmes Annales, 1895, page 210. 2. Cette observation a été publiée en roumain par le D' Vesesco. é é " a o D GUÉRISON D'UN CAS DE RAGE. 893 Le 11 septembre, le traitement doit être suspendu parce que l'enfant est.très gravement malade. En effet, dès le 9 septembre, apparaissent des symptômes inquiétants; à l’inoculation du soir, l’enfant a l’air pâle et très abattu. Le 10 septembre, l'abattement persiste, les yeux sont tristes et sans expression. Dans la nuit du 10 au 11 septembre, l'enfant est très agité, il a des convulsions; vers minuit, la température “s'élève # 39,4: pouls 80. Le 11, au matin, l’enfant est,pâle et affaibli ; il manque d’ap- pétit et boit l’eau avec difficulté. Le 11, à 5 heures du soir, pouls 78, arythmique et faible; respiration inégale, 42 par minute; hydrophobie et aérophobie prononcées; cyanose légère des lèvres. Extrémités froides. Il “est transporté à l'hôpital de Santa-Treime de Tatarasi. Le 11 septembre à 11 heures du soir, à la visite que nous faisons au patient à l’hôpital, nous Je trouvons en proie à des convulsions toniques et cloniques générales très violentes; les yeux Injectés sont à demi fermés, respiration très difficile et très fréquente, 56 par minute, pouls imperceptible, râle trachéal. Le 12 septembre, 9 heures du matin, état prononcé de pros- tration; plus de convulsions; pendant la muit il a vomi deux fois; pouls 72 par minute, avec de rares intermittences, plus sensible et plus perceptible; température 37,5, hydrophobie moins prononcée. 13 septembre, 9 heures du matin; en dehors d’une débilité générale, tous les symptômes alarmants se sont amendés ; l’en- fant se fortifie de jour en jour, à tel point que le 20 septembre, il est de retour à l’Institut, où l’on achève le traitement inter- rompu, savoir : + DATES QUANTITÉ | MOELLES DE DATES QUANTITÉ | MOELLES DE É | Îles ani 2 epiempe à 10, 9 jours. 26 Septemb. di 3 jours. . Les moelles admi- 22 À S, f = 27 — Ê D — nistrées du 24 au 29 23 — A 6,5 — 28 — E 2 — sept.sonttou).prépar. 24 — £ 5,4 — CO £ 2. — avee le virus fixe à8 00 Re 7 k — E C'estdoncencore2tgr. ES Au total, l’enfant'a donc recu, outre les moelles de l'échelle Pasteur, 87 grammes d’émulsion de virus fixe stérilisé à 80° C, CURE 3 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ni ce qui correspond à plus de 3/4 d'un cerveau de LA Le petit malade est rétabli et toujours bien portant... Le tableau clinique ci-dessus présente en effet tous les sy mp- tômes communs aux affections bulbo-cérébrales, savoir : cépha- lalgie, fièvre, convulsions, troubles de l'appart respiratoire et de L circulation, enfin vomissements. I est incontestable cependant que les symptômes manifestés pendant tout le. cours de la malad'e pradent en - faveur du. diagnostic de rage.* re € Ainsi, dès les premiers signes, ,T bd ophobie etl'aérophobie, | observées au début et Mere ensuite au. cours de la - maladie, l'aspect caraciéristique du visage (facies) du petit malade, aspect ‘qui ne trompe presque jamais ceux qui ont eu l’occasion d'observer de nombreux ca$ de rage; en CONCOMI- tance avec les symptômes ci-dessus, les graves et diverses: morsures à la face et aux mains, causées par un animal reconnu enragé à la suite d'expériences sur des lapins, le laps de temps : écoulé depuis la morsure jusqu'aux manifestations des symp- tômes, lequel coïncide avec la période d’incubation de la rage; la durée de la maladie, tout enfin plaide suffisamment en faveur du diagnostic de la rage. Le tableau clinique que nous fournit le petit RUE exclut l’idée de toute affection autre que larage, avec laquelle on l'aurait. confondue : ainsi l'existence de Fhydrophobieet de l’aérophobie, l'absence de douleurs et de contractions, de trouble dans la “ miction et la défécation, de pouls abdominal, d’excavation abdo- . minale, ainsi que la marche et la durée de la maladie, ne per- mettent pas de confondre le cas présent avec la méningite spinale. La méningite cérébrale est encore exclue par suite de lexis- tence de l'hydrophobie et de l’aérophobie ; par l’absence de délire, de contractions, de l’opisthotonos, de strabisme, de pouls abdo- minal, ainsi que par la marche même et la durée du mal. a La rage par autosuggestion serait admissible si nous avions affaire à quelque adulte névrosé, qui, au dire de certains obser- vateurs, présente quelquefois, après avoir été mordu par un chien supposé enragé, des symptômes de rage fonctionnelle: ce qu'on ne saurait admettre, lorsqu'il s’agit d’un enfant de 6 ans. La guérison de ce cas de rage doit êtré attribuée, croyons- nous, au traitement efficace que nous avons administré. En GUÉRISON D'UN CAS DE RAGE. 895 = - effet, la statistique a eu bien rarement à enregistrer des cas de guérison spontanée de la rage, encore ceux-ci présentaient-ils des symptômes très atténués et non suraigus, comme dans le présent Cas ; en outre, la statistique n’a pu démontrer jusqu'ici qu’on n’avait pas eu affaire à des cas de rage suggestive, qui se guérissent naturellement par l'application d’un traitement symptomatique. En ce qui concerne l’objection qu’on pourrait nous faire, que ce- Case que nous mentionnons serait une rage de laboratoire, nous renvoyons nos lecteurs en premier lieu au tableau clinique ci-dessus et, en second lieu, aux différentes observations faites sur de semblables cas de rage de laboratoire, dans lesquels on a observé la* forme pâralytique, sans hydrophobie, ni aéro- phobie, ni aucun des autres symptômes caractéristiques de -æ #]a rage. MER . ché . 4. Les cas de Bareggi de Milan et de F'erran de Barcelone. LÉ] ñ * REVUES ET ANALYSES NUTRITION SANS BACTÉRIES REVUE CRITIQUE PA J'ai publié en 1885, dans les Comptes Rendus (t. C, p. 68), une note « sur la germination dans un sol riche en matières organiques mais privé de microbes », dans laquelle je montrais que des fèves, des pois, des lupins, ensemencés dans un milieu contenant du lait, de l’amidon cuit, du sucre‘candi, poussaient sans amener aucune trans2 » formation visible dans ces subtances. Le sucre ne s’intervertissait pas, l’amidon ne donnait pas de sucre, la caséine du lait restait intacte et précipitable par les acides. Il y avait une perte de substance tenant à . ce qu'une partie du liquide passait dans les tissus de la jeune plante, emportant avec lui un peu de la matière qu'il contenait, lorsque cette matière pouvait subir l’endosmose. Mais en-constetant que *la jeune plante était incapable de sécréter à l'extérieur les diastases qui pré- sident à la transformation du sucre, de l’amidon ou de la caséine, ‘j'avais conclu que dans la nature, elle,n’est pas faite pour uliliser . ces aliments,.portés à un haut degré de complication par la vie végé- tale ou animale. Il lui faut des éléments plus simples. A quel niveau doit-on descendre pour entrer dans la région de la nutrition normale de la plante? Faut-il arriver jusqu’à l'acide carbonique et à l’eau, assimi- lés et transformés sous l’influence des rayons solaires ? La plante peut- elle utiliser des aliments plus complexes? C’est une question sur la- quelle on ne sait encore presque rien, toutes les expériences de nu- trition végétale en milieux solides ou liquides ayant été faites en pré- sence des bactéries, qui transforment la matière alimentaire offerte, et enlèvent toute sécurité. Il faudrait recommencer avec la glycérine,. les acides fixes et.volatils, les alcools, les expériences que j'ai faites avec le sucre, l’amidon ou le lait. Je n’ai pas voulu dire pourtant que des plantes que j'ai mises en œuvre ne puissent sécréter les diastases particulières à ces diverses matières alimentaires. Il est clair que, pour dissoudre l’amidon de la graine, Forge, le blé, le haricot, le pois, sécrètent de l’amylase, qui ap- parait au moment de la germination. De même la racine de betterave se LE «Æ- = REVUES ET ANALYSES. s 897 trouve fournie, au moment du développement de la hampe fructifère, de la sucrase nécessaire pour transformerle sucre candi,Jusque-làres- pecté dans la racine. C’est au commencement du printemps que se fait l'apparition de cette diastase. Tout cela témoigne qu'il y a des sucs digestifs qui se produisent dans la plante au moment où ils doi- vent servir, et que si, une fois germée et en possession de ses pre- mières feuilles, la plante prend un moded’existence qui ne fait dépendre sa nutrition que de l’action de la lumière, pendant sa germination, elle ne se comporte pas autrement qu’un animal, et consomme par les mêmes procédés que lui lesaliments préformés que lui fournit la graine. J'avais donc été surpris lorsqu’en présentant ma note, M. Pasteur avait ajouté quelques mots relatifs à l'intérêt qu'il y aurait à nourrir un jeune animal (lapin, cobaye, chien, poulet), dès sa naissance, avec des matières nutritives pures, c’est-à-dire privées artificiellement et complètement des microbes communs. Il pensait que. dans ces condi- tions, la vie deviendrait impossible. Bien que je croie que les bactéries jouentdans ladigestion un rôle qui n’est pas négligeable, ilneme parais- sait pas que leur présence fut une nécessité physiologique. L’organis- me d’un animal sécrète normalement les diastases nécessaires à la transformation de ses principaux aliments, et, sauf pour les celluloses, pour lesquelles le problème est encore à résoudre, on sait assez bien maintenant où sont sécrétées les diastases de l’amidon, du sucre, de la viande, etc. On sait aussi que ces diastases sont d'ordinaire assez abondantes, qu’elles donnent naissance à des matières immédiate- ment absorbables, et que par-conséquent la nature à pourvu normale- ment à l’utilisation d’une quantité convenable d’aliments appropriés. Envisagée à ce point de vue, la proposition deM. Pasteur était dis- cutable, M. Nencki la combattit ! par d’autres arguments. Les produits ordinaires de l’action des bactéries, dit-il, sont des acides aromatiques, gras, du phénol, du scatol, de l'indol, de l’'ammoniaque et des pro- duits gazeux ; tout cela n’a qu'une valeur nutritive nulle pour l’animal, lui est même plus nuisible qu'utile, de sorte qu’il se débarrasse de ces produits par tous ses émonctoires. Pourquoi, dès lors, vouloir donner aux bactéries un rôle dans la digestion ? L’argument de Nencki n’est pas convaincant, Avant d'arriver aux produits ultimes de régression que nous venons d’énumérer, les bac- téries fournissent des produits moins complexes, des peptones par exemple, ou des sucres assimilables : on sait même que leurs dias- tases sont identiques aux diastases digestives de l’organisme, que les bacilles du lait sécrètent, par exemple, une diastase tout à fait pareille à celle du pancréas. [ls collaborent avec l'organisme ; on peut discuter * 1. Archio. f. exp. Pathol. u. Pharmak., t. XX, p. 555. 1556. Re ee 898 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sur la question difficile de savoir jusqu'où va leur collaboration, mais son existence n'est pas discutable, et dès lors peu importe qu'ils réduisent à des résidus, peu Gu pas assimilables, les aliments qu'ils se sont préparés. Les cellules des divers tissus donnent naissance, par des mécanismes de nutrition analogues, à des résidus tout pareils, et tous ces résidus microbiens et organiques s’éliminent ensemble de organisme par la respiration, l’urine, les diverses excrétions et sécré- tions. » 142 di TES - be En somme, il n’y avait pas d’argument bien topique contre l’idée de Pasteur, et, quelque jugement qu’on portât sur son compte, elle venait de trop haut pour être condamnée sans preuves. Vu son peu de probabilité, les savants ne se sont pourtant guère sentis encouragés à la soumettre au contrôle nécessaire de l'expérience, et il faut d’autant plus remercier MM. Nuttall et Thierfelder ! de l’ayoir étudiée, qu’ils ont rencontré pour cela des difficultés nombreuses dont ils n’ont triom- phé qu’à force d’ingéniosité et de patience. M. Pasteur pensait que l’œuf de poule se préterait sans difficulté sérieuse à cette nature d’expériences. « Privé extérieurement, au préa- lable, de toute poussière vivante au moment.où le petit poulet va sor- tir, mis aussitôt dans un espace sans germes quelconques de microbes, espace où se renouvellerait un air pur, on fournirait facilement du dehors au jeune poulet des aliments purs (eau, lait, grains, etc.). » MM. Nuttall et Thierfelder ont renoncé à toute nouvelle tentative dans ce sens, après avoir constaté que la plupart des œufs contiennent dans leur intérieur des microbes. Peut-être y aurait-il lieu de recom- mencer ces essais, en utilisant les couveuses artificieiles, et en surveil- lant l'alimentation des poules pondeuses, de façon à éviter l'infection des œufs dans l’oviducte. Le petit poulet, une fois né, présente l’avan- tage de se tirer seul d'affaire, de consommer une pâtée qu'on peut lui fournir stérilisée d'avance, et de n'exiger aucun de €es soins perma- nents qui ont rendu l'expérience si fatigante pour MM. Nuttall et Thierfelder, dans learssessais sur le cochon d’fhde. . Le principe de ces essais était le suivant : L’animæl, extrait par une opération césarienne de l'utérus de la mère, était porté avec toutes les précautions aseptiques nécessaires, dans un espace clos, aseptisé aussi, dans lequel cireulait un air pur, débarrassé de germes, et d’où ses produits d'élimination, urine et excréments, étaient évacués de suite. On lui faisait parvenir de l'extérieur une nourriture absolument privée de germes micr obiens. Dans ces conditions, l'animal réussirait-il à grandir, sinon à l’égal de ses frères utérins, du moins en ne se lais- “sant pas trop distancer ? 1. Zeitschr. f. phys. Chemie, t. XXI, p. 109. 1895. € 86 à = #6 = D æ> LA N REVUES ET ANALYSES. 399 Il suffit dénoncer ce programme pour voir combien il est difficile à réaliser. L’opération césarienne n'était rien. On peut la faire main- tenant tout à fait aseptique, etune fois le cordon tordu, on peut intro- duire le jeune animal, avec une pince flambée, dans sa prison de verre, sans qu'il ÿy apporte aucuns germes. Il n’en a pas, comme on sait, dans son canal intestinal. Il n’amène donc aucun microbe avec lui; le difficile est de l'empêcher d’en recevoir de l'extérieur, MM. Nuttall et Thierfelder y sont arrivés par le dispositif suivant. Une cloche de verre était rattachée, au moyen d’une bande d'Esmarch, à un cristallisoir placé en dessous, et dans lequel on avait mis de l’eau, recouverte d'une couche d'huile pour en empêcher l'évaporation. Dans cette eau plongeait un trépied, solidement lesté pour être peu mobile, et soutenant à sa partie supérieure un plateau de toile métal- lique, qui formait-plancher pour le Jeune cobaye, et le soutenait à quel- ques centimètres au-dessus de l’huile et de l’eau. Au niveau qu’il occu- pait, la cloche portait deux ouvertures cylindriques, opposées l’une à l’autre. La plus grande était fermée par un disque de caoutchouc portant un gant de caoutchouc qui s’enfonçait à l’intérieur de la cloche, et un sac extérieur de caoutchoue dans lequel on mettait des boulettes d'ouate enveloppées de papier de soie. On devine l'utilité de ce dispo- sitif : il permettait de manipuler à l’intérieur de la cloche sans y intro- duire de germes. En introduisant dans le gant de caoutchouc la main saupoudrée de tale, pour qu’elle n’eùt aucune difficulté à en sortir, on pouvait déplacer le jeune animal, lui renouveler son lit d’ouate quand il l'avait sali, en prenant dans le sac de provisions, faire tomber l’ouate sale et Tes exeréments dans l’eau au moyen d'une spatule flambée introduite à l’avance, protéger.le caoutchouc contre la dent du petit animal en interposant aux points voulus des grillages tout préparés, enfin, ce qui était plus nécessaire encore, l’alimenter avec du lait débarrassé de microbes. . Uétait à cela que servait la seconde ouverture de la cloche, placée en face de Ja première, La plaque de caoutchouc qui la fermait portait en SOnscentre une tétine, reliée par un caoutchouc à un biberon exté- rieur, contenant du lait recueilli avec autant de pureté que possible au pis de la vache, et stérilisé par un chauffage d’une demi-heure à la vapeur à 100° pendant trois jours successifs. À coup sûr, le jeune cobaye aussi traité n'avait à invoquer aucun atavisme pour apprendre à se comporter: une opération césarienne, une cloche de verre, un biberon, tout devait lui paraître terriblement nouveau. Aussitôt introduit, il restait d’abord sur le flanc, puis se levait, se rémuait, se séchait, devenait le petit animal vif et propret Es # è ni ErA + 900 ANNALES DE [’INSTITUT PASTEUR . que tous les laboratoires connaissent. Il fallait lui donner à boire après 12 heures, puis d’heure en heure. Il y faisait d'abord quelques difficultés, mais s’habituait peu à peu, et au bout du 3° jour, il fallait seulement se préoccuper de protéger le biberon contre sa dent, quand il Pavait spontanément sucé. Pendant ce temps, on faisait passer dans la cloche de l’air pur, filtré d’abord sur de la ouate, débarrassé de son acide carbonique et de sa vapeur d'eau, et enfin chauffé au moyen d’un tube de platine courbé en spirale et porté au rouge au moyen d’un bec Bunsen. La santé du nourrisson est restée bonne dans ces conditions. Ses excréments ont toujours eu la couleur et la consistance normales. La nécessité de lui donner à boire toutes les heures jour et nuit rendait l'expérience difficile à continuer longtemps. On l’a interrompue au bout de 8 jours, au moment où le petit cobaye avait consommé 330 c. c. de lait. Il semblait normal, et ne paraissait pas notablement inférieur comme taille à ses frères utérins, nourris pendant le même temps avec du lait non stérilisé et respirant de l’air ordinaire. Un de ces petits, de mème grosseur apparente au début que le cobaye d'expé- rience, pesait 73 grammes 24 heures après sa naissance, et une semaine plus tard, 82 grammes 5. Le cobaye de la cloche pesait au même mo- ment 83 grammes. Il avait donc environ gagné 10 grammes en -8 jours en consommant environ 35 grammes de matière alimentaire. Son. coefficient d'utilisation était donc assez élevé. Ouvert avec toutes les précautions anñtiseptiques, il n’a présenté aucune bactérie dans son canal intestinal, dans des préparations colo- rées et non colorées. On a cherché par l'expérience les germes aérobies ou anaérobies. On a fait des cultures sur gélose, en tubes roulés, par piqûre, du contenu de Pintestin grêle et du gros intestin, du lait d'alimentation, et des excréments réunis sous la couche d'huile. Tous ces tubes restèrent stériles. Il semble donc bien démontré que les bactéries n’ont aucun rôle physiologique à jouer dans la nutrition du jeune animal, au moins tant que le nourriture est purement animale. MM. Nuttall et Thierfelder ajoutent avec raison qu'il faudrait de nouvelles expériences pour décider s’il en est dé même*pour les diverses nourriturés végé- tales, et maintenant qu'ils ont montré que ces expériences sont réali- sables et qu'ils ont appris aux savants à en éliminer les principales difficultés, il faut espérer qu'il se rencontrera quelqu'un pour les recommencer et pour les varier. Elles ont un intérêt physiologique considérable, en ce qui regarde la nutrition des animaux adultes aussi bien que celle des jeunes. Il serait très intéressant de comparer les produits d’un canal digestif - débarrassé de microbes avec ceux d’un animal du même âge dont + L + - Le o à » æ CE SE a "REVUES ET ANALYSES. 901 l'intestin serait peuplé. Je ne crois pas qu’on y trouve les différences qu’on suppose, et que la putrétaction intestinale soit la seule source des produits de la série aromatique qu’on rencontre dans l'urine et dans les excréments. Il y en a qui proviennent de la vie normale et physiologique des tissus. La tyrosine, par exempie, existe dans le suc pancréatique et dans d’autres sécrétions, parce que c'est un pro- duit très fréquent de l’activité cellulaire, et on en trouvera a encore dans un cahal intestinal débarrassé de microbes. Baumann a cherché à élucider ce sujet en comparant lurine d'un chien, avant et après y avoir interrompu la putréfaction intes- tinale par un jeùne de deux jours, et deux doses de 2 grammes de calomel. Dans l’uriñe émise après le jeûne, manquaient les acides sulfoconjugués et lacide hippurique qu'on y avait reconnus anté- rieurement. Les oxyacides (acide hydroparacoumarique, acide paraoxyphénylacétique) avaient seulement subi une petite diminu- tion. Baumann conclut que les premiers proviennent de la putré- faction intestinale, tandis que les derniers peuvent aussi provenir des tissus. On peut lui reprocher de ne s'être pas suffisamment assuré que les deux doses de calomel avaient suffi à débarrasser complètement de ses bactéries le canal intestinal de Panimal en expérience, et il est bien probable qu’en effet la désinfection n’était pas complète, de sorte qu’on est en droit de croire qu'il n’aurait plus retrouvé dans l'urine de produits aromatiques s’il avait supprimé toute action bactérienne. Je crois au contraire qu'on n’éliminera jamais complète- ment, de l'urine des animaux, les produits que l’on appelle à tort bactériens, parce que ces produits sont aussi ceux de l’activité des cellules normales. Je crois aussi que, à certains moments, les bactéries peuvent en fabriquer en quantités inusitées, ou bien que des bactéries anormales peuvent sécréter des produits anormaux, donnant naissance à des matières toxiques. C’est ce que montrent suffisamment toutes les expériences faites sur l'élimination par les urines des toxines du canal intestinal, sur ie M. Bouchard et ses élèves ont tant attiré l’attention. Mais pour fixer la Science sur ces questions controversées, rien ne vaudrait une expérience faite comme celle de MM. Nuttall et Thier- felder, prolongée assez longtemps pour que l’animal devienne adulte, ou du moins donne une quantité d’excréments ou d'urine suffisante pour la recherche. MM. Nuttall et Thierfelder annoncent qu'ils pour- suivent ces études, et qu'ils se proposent de voir si les herbivores, se comportent comme leur petit cobaye. On ne peut que les féliciter de leur persévérance, et leur souhaiter courage et succès. E. DucLaux. 902 ANNALES DE. L'INSTITUT PASTEUR. . INSTITUT PASTEUR “ rh. La STATISTIQUE DU TRAITEMENT PRÉVENTIF DE LA RAGE JUILLET, AOÛT ET SEPTEMBRE 1895 A B C 4 » me. | ee ee Morsures- à la tête ( simples... .-.. .|æ| 2] 2 | » |14) Ale et à la figure 1 multiples :.:. :| »|.» 1 » | 5 19! ,14 | Cautérisalions efficaces , =. "2: 1." lp | els | » | »| » |» — INCLACUOES SET. RL >» | 4 » » | 31 F5 Prise COUEMSAUON. SRE CEE à 2152) .218f8) > gs 18) rl Pa : SLMIplesses =. À »| 4! » [681 »|37! Morsures aux mains mil ples. T2 ts | l68136| 10066 Gautérisali®hs efficaces: : =, ts Tes ler. 20h = inefficaces sir an TI) 226 AE AIDES Pas de:cuutérisations "2: 1 2e "ir. ETES Li OO! 4» 144) 5 Lo Morsures aux mem- simples. , ., 12)!» 189 4 | 26/0 _ bres et au tronc multiples ....…, 4 \ 1 »-|36| » | 84 Cautérisations efficaces . . . : .. DORE RE 0 7 PE En EC De 2 inetfieaces: 3.009 ele ral Dali 07e >... |2| 20] ts Pas de caulériSAOn- RUN. 3» | 5 | A4 » | 25-132 2 | » Habits déchirés., ... .. HE Bill sel) PTE MOTSUTES ARE EL RETRACE 2F,:1 , 10 5 181500 Mersures multiples en divers points du en ED 1 A » COTE NN ss PIN SN Ent EE »1 21 21». | » »| » Cautérisations efficaces . . . .. ciel 2105.41 2e CSSS os —" PRO ROOTES ER ER, me CES D CS EE Pas de cautérisation. . . . . RTE NETE 21 a ot lo0lés Wim Habtisadéchirés NOEL ARE D 2 CES D ECS PT be ES MOT SURESNES RL ET PME 21» » » » » » | » » cs | comes | comme | mme | res | œuceceses | ces | cms ue | Français et Algériens. . 15) 218)9onlx 127427 RS fran ner PRE : » (28 12 (280 1011 ; À B C EE | TOTAL GENERATESS Fe Ve LE EE 382 Les animaux mordeurs ont été : chiens : 368 fois; chats 10 fois; vache 2 fois; àne 2 fois. À à << 2 ph ca FRS: * TABLE DES MATIÈRES Sur la désinfection des matières fécales normales et patho- logiques; étude de la valeur comparée des divers désin- . fectants chimiques actuels, par M. le D' Vincent . . . . Études sur la diphtérie, par M. le D'J. Barpacu. Sur la saccharification de l’amidon, Revue critique £ Contribution à l'étude de la swine-plague, du hog-choléra, DAS 8 et.de la pneumo-entérite des porcs, par M. le D' Sirser- SCHMIDT PU ct: PC 2 HT ER Myélites infectieuses ue E streptocoques, Re pDIM BE WVinALseC BEZANCON 5.77 7. .7 Les théories de la saccharification, Reœue critique. : . =... .. Les vibrions intestinaux et la pathogénie du choléra, par M. le D' Sanarezu. SPACE Ps Contribution à l'étude du ie septique, par A. le Dr A. Besson. +... mi dd 0 Dar aré GE U pu Étüde sur la pénétration Fe note Fo an dans la circulation générale es la vie, oi M. le DE SbE0 AE REP Das à Essais de vaccination He ave le virus RAT par la chaleur, par MM. les D" E. Puscariv et M. Vesesco. Amidons, dextrines et maltose, Revue critique. . 7... . . . .. Statistique de l’Institut Pasteur, octobre, novembre et dé- COPIES ANNE RS TE d'a rre oNe eoe Contribution à l'étude des venins, des toxines et des “sérums antitoxiques, par M.le D" A. Caruerre . . Recherches bactériologiques sur les déjections dans F fièvre typhoïde, par M. A. Warner. . ptits os Sur une variété du Bacterium Chauvei, par MM.: les à: 904 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. D'S G.-P. Praxa et B. Gazri- VALERIO. 3 Sur le dosage des alcools et des acides IE ke mé- moire, par M. Ducraux . . Les laits stérilisés, Revue critique . . . . . M RES EE OMS Sur les cellules éosinophiles, par M. J. Siawazco Sur le mode de résistance des vertébrés inférieurs aux invasions microbiennes artificielles : contribution à l'étude de l’immunité, par M. A. Mesxir . La digestibilité du lait stérilisé, Revue critique. .« . . . . . . .. Statistique de l'Institut Pasteur, octobre, novembre et dé- cembre 1894 . .. . .. RMS CRC Cr sn, C7 PAS TS ETC : Études sur limmunité, 6° mémoire; sur la destruction extra- cellulaire des bactéries dans a par M. E. METCHNIKOFF | Le . : Les deucocytes et les es aclives + sérum re le vaccinés, par M. le D' J. Borper , Sur les propriétés cholérigènes des humeurs ïe LL atteints de choléra asiatique, par M. le D'F.-J. Bosc. . Sur l'absorption de l’abrine par les muqueuses, par M. le D: RéPns . Les vaccinations enr à lin ié eure en ET Dar M HRSPOETENNAC PR TAN | Statistique de l’Institut Pasteur, janvier, février et mars 1895. . Gangrène. gazeuse produite par le vibrion septique, par M MMEREREUE ER RP e LÉRRRERe Sur la toxiue charbouneuse, par M L. Mae Me RE Sur le dosage des alcools et des acides volatils, 2° mé- moire par MBA Dire RS >. La peste bubonique, 2° note, par MM. be D a Car UMETTESCL DORRELE ES N- La eh ele LS ; Le streptocoque et le sérum neo par 6 ne DIAAL MARMOREUR + 49 ROBE RE Re Immunisation des lapins contre le Don de 1 érysi- pèle et traitement des affections érysipélateuses par le sérum d'animal vacciné, par M. le D' Gromakowsky . . Contribution à l'histologie pathologique de la rage, par MM... Grnmano et CAPDBIANCO. Le uen OPA Sur la migration du phosphate de chaux dans te lames TABLE DES MATIÈRES. Dar ME NADINE AVCRRRE RS EP NE . Étude d’un bacille Pr nor Re sur la fonction fluorescigène des microbes, par M. Cu. Le- PIERRE. Pratique des see ne ENT Fe Bee modifiée et méthode directe) par M. M. Nicozce. Nouvelles recherches sur les maladies infectieuses du porc, par MM. Tu. Smirn et VERANUS ALVA-MOORE De la stérilisation des eaux par l'ozone, par M. le D'E. VA ERMENGEM. : Se Recherches sur la D es la tonte d origine intestinale. Étude de la virulence du colibacille, par Mile DCE ne Kircki.. 5 Note sur un nouveau microbe intéstinäl, je eÎL le De CR. DE KLECkI . . . Hommage à M. Pasteur. : érn prononcé par M. le no de Nat dun, publique aux funérailles de M. Pasteur . . . . . .... Louis Pasteur, par M. Ducraux ; Ne Des conditions dont dépend la on de den dans - les cultures diphtériques, moyen simple de préparer une toxine très active, par M. le D' Spronek . . . . . .. Essais sur le pouvoir réducteur des levures pures, moyen de le mesurer, par M. Az. Nasrukorr. . . QE Statistique de l’Institut antirabique municipal de nt 7. M. Borponi-UrrrEDUuzz1 . . ne Sur l’origine des levures alcooliques, par M. JüRGENSEN Sérum anticharbonneux, par M. le D' Marcaoux . Sur la nutrition intra-cellulaire, 3° mémoire, par M. Du- CLAUX. : : Recherches sur 5 or a SUCER Lt par ML CR IMBER Tes. EN env. Sur l'élection des aliments organiques, par M. L. PFEFFER. . . . . Statistique de l'Institut Pasteur, avril, mai, juin 1895 De la contagion par le livre, par MM. les D' du Cazar et CARNET Contribution à l’étude ut de angines non diphtériques, par M. le D' Lemoine. 905 636 . rire mpipumalr 906 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. - Sur l'évolution des ns dans les œufs de ver à soie, par M-Ducraux te COS Guérison d'un cas de rage les honte: Der M. Ds: Leretu el VESESCO een RS 0 0) Sur la nutrition sans microbes, Revue critique. +... : : 896 — Statistique de l'Institut Pasteur, juillet, août et PR 1895. 902 * Table GÉSAMALIÉT ER: Se AIRE NU NE OR 903 ADI IDR DETQUES EP A sers AV # | » : nie 0 , EL 2 “ee = # |: s = + > - pl + PE. & L 2 # eË à = s 4 + + #8 st 46e = «+ - TABLE ALPHABÉTIQUE PAR NOMS D'AUTEURS BARDACH .æ #2. = BEco . BESSON BEZANCON. Borber (J.). BorDonI-UFFREDUZZI . BORREL . Bosc (F.-J.) CALMETTE (A.) . CAPOBIANCO (J.). Du CazaL et CATRIN DUCLAUX . . y pas “= 9 + » GALLI- VALERIO GERMANO et CAPOBIANCO. GRIMBERT . GROMAKOWSKY. . - KLEGKI (DE). Lesezz et VESESCO. LEMOINE. LEPIERRE . MARCHOUX. MARMIER MARMOREK. . MENEREUL. . MEsniz . MercaniKkorr NASTUKOFF . NiCOLLE Piana et GALLI- Vie RIO. POTTEVIN . . TE Puscariu et Veszsco. RÉPIN . . . 3 DANARELLLE.. . . @: MÉMOIRES ORIGINAUX Études sur la diphtérie . 5 Pénétration des microbes nn Vibrion septique . Voir WipaL. Leucocytes et sérum chez les vaccinés. Statistique de l’Institut antirabique de Turin. Voir YERSIN. Propriétés cholérigènes des humeurs. , Venins, toxines et sérums antitoxiques . Voir YERSIN. Voir GERMANO. Contagion par le livre Dosage des acides volatils. . . . . 4 # . Dosage des alcools . Louis Pasteur . . Sur la nutrition ll Pire . “Évolution des corpuscules. * Voir Prana. Histologie de la rage. Bacille de Friedlander. Immunisation contre l'érysipèle . Péritonite d’origine intestinale. Nouveau microbe intestinal. Guérison d'un cas de rage. Angines non diphtériques. fr Fonction fluorescigène des microbes. Sérum anticharbonneux . , . Sur la Loxine charbonneuse . Slreptocoque et sérum antistreplocoiqut Gangrène septique. : tésistance des vertébrés infé rieurs Destruction extracellulaire des Fe Pouvoir réducteur des levures pures. Méthode de Gram directe et modifiée . Variété de Bacterium Ghauvæi. Vaccinations antirabiques en 1894 Vaccinations antirabiques. Absorption de l’abrine par les muqueuses. Vibrions et pathogénie du choléra . 625 840 621 710 755 892 877 643 de = La 908 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. STAWGILLO ..".. :. :-4- :Suriles cellules éosinophiles :. . "22 289 SILBERSCHMIDT. . . . . . Swine-plague, hog-choléra et pneumoenté- « PRO à eus tie der DIE CUS Ce 65 DEBONCK 4 me tr Toxines diphtériques actives . . . . . .. .. 758 VAN ERMENGEN . . . .. Stérilisation des eaux par l'ozone . . . . .. 673 VAUDIN. +: .+, +... Migrations du phosphate de-chaux. . . . …. 636. VESESCO Nm ee Voir Puscariu et LEBELL. VANGENT UNE Le Désinfection des matières fécales . . . .. .. 1 WATHEL&T . . . .+. . . Déjections-dans la fièvre typhoïde."."# +. . : 252 Wipar et Besancon. . . Myélites infectieuses expérimentales . . . . . 104 YERSIN, CALMETTE et BorReL. Peste bubonique . . .. .. ....... D89 REVUES CRITIQUES Sr la SACChAPMICATION 2, LES EL PE RE RE CRE 56 Les Lhéories dela siccharification #1 CNE 120 Amidons/dextrinés-ét mallose 2.207008 Ne CO EEE 244 Les Hat IS TÉMINSCS ELA ee PR SEE ASS ONE RE ER RENE 281 La /disestibihtésduslaitestérilisé: 00 ET CU PER EC 392 Sur Ales maladies infectieusesdu, pOLC te. RME LPS 671 "Sur l'origine des levures alcooliquès .*. . . . . .. . . .: MORTE 776 Sur l'élection des aliments organiques . : . . .. . .:. .. . . . . 0. 894 Nüutrihon sans #microbess LES eat ty RU RER 896 STATISTIQUES DE L'INSTITUT PASTEUR Octobre, novembre et décembre 1894. . .. . . . . . . . . .. 224et 367 Janvier, février et mars 1895. =. 568 0e EN CORP 528 Aeniloralet On AS0b UT EME 2 6 NU CDN RE 863 Juillet, août et septembre 1895 A D Nic on 902 PLANCHES HORS TEXTE Portraitide M. Pasteur 2:10 tee rer ie ce Frontispice. Planches I ét IL . ..... Mémoire de MM. Wipaz et BEzANçoN . . 104 Planches [Tset IN: —_ ML SANARELERS 2. 2 6 re 129 HT RENE — M MRENILS ee à À se ec) OUI Planche Vlr. ere = _ M. METCHNIKOFF. . . . . . . 433 Planche VILA EE — MM. GErmaNo etCapoBrANcO. 635 Sceaux. — Imprimerie Charaire et Cie. Fe ï PER À ni: à dun :